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Full text of "Histoire naturelle des oiseaux d'Afrique"

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HISTOTRE NSPEURELLE 


DES OISEAUX DAFRIQUE, 
PAR 


DÉANGOIS L'ENALIE PERSAN 
; | 


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FT 'OMNDE PIRE MTS EE 


APAPrAT RUES: 
_ Guez J. J. FUCHS, LIBRAIRE, RUE DES Matnuriss, 


HOTEL DE CLUMY. 


DE L'IMPRIMERIE DE H. L. PERRONNEAU, RUE DES GRANDS AUGUSTINS. 
AN VII pe ra R.F. (1799). 


ÉPITRE DÉDICATOIRE 


À J.-TEMMINCK. 


TRÉSORIER DE LA COMPAGNIE DES INDES, 


À AMSTERDAM, 


Mox ami, 


JE vous adresse mon Ornithologie , comme un foible #2- 
moignage de mon estime et de ma reconnoissance ; sé votre 


\ ÉPITRE DÉDICATOIRE. 


modestie s’en trouve offensée, vous pardonnerez au motif 
bien pur qui a dicté mon offre. 


Je vous salue, 


LEVAILLANT. 


PR É FA GÆ 


J'aurois voulu me dispenser de faire une préface à cette 
partie descriptive de mes voyages, à laquelle les relations que 
j'ai déja publiées servent naturellement d'introduction; j'ai tou- 
jours craint de donner à ce que j'ai fait trop d'importance, et 
ceux qui me connoissent savent assez quel prix J'attache à cette 
oloriole Bttéraire, dont tant d'hommes sont entichés anx dépens 
de leur repos, quelquefois même de leurs jours. Cependant j’au- 
rois bien quelques confidences à faire au public, et il seroit un 
peu long d’aller compter à chacun en particulier , les déplaisirs 
nombreux qui m'ont assailli depuis le moment où l’on m'a 
traîné sur cette scène littéraire : il faut donc qu’en une seule fois 
j'en dise une partie à tous, et de la même manière; ceux qui 
auroient désiré des ménagemens particuliers , ne doivent s’en 
prendre qu’à eux-mêmes d’en avoir manqué à mon égard, et je 
ne peux avoir deux facons de me plaindre, quand je n’en ai 
qu’une de sentir l’offense. 


Pour prix de mon dévouement aux progrès d’une science que 
je crois être encore à son enfance, je n'ai recu que des outra- 
ges, Je n’ai éprouvé que des injustices ; et l’insulte de ceux qui 
m'ont trompé porte un caractère de bassesse et de lâcheté, dont 


vi PRÉFACE 


nulle histoire privée n'offre d’exemple. Je ne suis pas le premier 
qui ait à se plaindre de l'envie et de la perfidie des hommes ; 
mais je serai sans doute le dernier, qui, forcé de se taire sur la 
plus lâche imposture et le vol le plus manifeste, se voie dans la 
dure nécessité de ne pouvoir se plaindre sans honte pour lui- 
mème et sans tache pour celui qui a cherché aussi publiquement 
à lui nuire. 


Des hommes puissans m’avoient attiré, caressé, flatté. Je ne 
m'en cache pas, j'avois compté sur leur reconnoiïssance; les mo- 
tifs qui sembloient la fonder étoient purs et vrais. Je me plai- 
gnois avec raison d’avoir sacrifié ma fortune et ma plus belle 
jeunesse aux progrès d’une science jusqu'alors toute en théorie 
et que peu d'expérience avoit fondée. Je conirariois, il est vrai, 
de brillans romanciers, de longues études de cabinet, que nul 
ne prétendoit avoir faites en pure perte; mais je venois les preu- 
ves à la main. J’ouvris aussi un cabinet d'histoire naturelle ; jy 
déposai les nombreux individus que j’avois été chercher à qua- 
tre mille lieues de Paris. Cette ville entière, et tout ce qu’elle 
renferme d'étrangers, fut à même de juger de mes travaux, et 
de comparer mes observations aux observations consacrées dès 
un long-tenis dans la collection de mes nombreux oiseaux. Plus 
de cinq cents individus nouveaux ou faussement décrits, dé- 
posoient contre l'ignorance ou le charlatanisme ; je soulevai 
Vun et l’autre contre moi. Depuis dix ans, ils ne m'ont point 
quitté. Je n’ai recueilli d'autre prix de mes fatigues, de mes 
efforts et de mes dépenses , que l'honneur de leur être constam- 


ment en butte ; et je n’ai pas manqué de les trouver dans mon 
chemin 


À P'APDMEMRECTE e 
chemin toutes les fois qu’ils ont pu me nuire, soit directement, 
soit indirectement. 


Cependant cette révolution qui, dit-on, remet chaque chose 
et chacun à sa place, n’étoit pas encore éclose, que le pouver- 
nement, par le seul moyen qui nous convint à tous deux, 
voulut me dédommager de mes dépenses. Il fut même déja 
convenu que mon cabinet seroit déposé au Muséum d'histoire 
naturelle , et qu’il me seroit payé 60 mille livres, outre une 
pension qui me seroit faite à titre d’indemnité. C’est dans cet 
instant que naquirent les premiers élans de la liberté; cédant 
avec transport aux efforts naissans de cette fille chérie de la na- 
ture, joubliai bientôt mon intérêt particulier pour ne plus son- 
ger qu'à l'intérêt général ; EL je reuuis à d'autres tems le soin de 
ma fortune entièrement négligée jusqu'alors. Lors de l’assem- 
blée constituante, le souvernement parut un moment vouloir 
remplir, à mon égard, les mêmes engagemens ; mais ayant une 
antipathie insurmontable pour les sollicitations, et n’ayant 
sur-tout point de ces puissans protecteurs , si nécessaires à ceux 
qui veulent réussir, je fus bientôt oublié. L'assemblée lésisla- 
tive vint à son tour, et fut sur le point de réparer les retards 
d’une équitable indemnité ; mais l’assemblée législative s’en- 
dormit également dans sa justice. Enfin, la convention natio- 
nale, plus puissante et plus expéditive, sembla se proposer de 
réparer les torts qu'on m’avoit fait éprouver jusqu'alors. La plus 
grande partie des membres du comité d'instruction publique 
virent mon cabinet; des commissaires furent nommés pour le 
visiter ; la commission temporaire des arts fut elle-même saisie 


Tome I. + 


z ORNE ACTE 

de cette affaire ; les citoyens Richard et Lamarck firent un rap- 
port à ce sujet; enfin, aucun moyen économique d'entrer em 
possession des seules richesses que je possédasse au monde ne fut 
néplivé. Mais des affaires plus intéressantes sans doute, firent 
oublier la mienne. Ayant écrit une lettre au comité pour la lui 
rappeler, on parla de faire faire l'estimation de mon cabinet. 
ESTIMER un à un les individus d’une collection ! qui m’avoit 
couté trente ans de iravail, dont cinq années de courses dans 
les déserts brûlans de l'Afrique, et pour laquelle je ne deman- 
dois pas la vingtième partie de la valeur ; puisque, malgré les 
progrès des tems et la différence des besoins, la somme offerte 
en 1709 étoit celle que je demandoïis encore au gouvernement 


en 1795. . - . . Enfin. cette somme, malgré sa modicité, est 
restée dans les trésors de la nation, et inon cabinet est toujours 


en mon pouvoir, et va probablement passer à l’étranger ou être 


dispersé, car ma fortune ne me permet plus de le garder. 


Un autre espoir m'occupe aujourd’hui entièrement, et me 
fera peut-être oublier d’aussi longues injustices. Livré tout en- 
tier aux soins que demande mon Ornitholosie, je me console 
de ne pas voir au rang des richesses nationales l’humble mais 
rare tribut que je venois offrir à ma patrie; je donnerai mes 
oiseaux à l’Europe entière : jen ai multiplié les portraits fidè- 
lement peints, et aussi fidèlement décrits; ils seront pour les 
amateurs et pour les savans une propriété plus précieuse; ils 
pourront les consulter, les visiter à toute heure; les originaux 
sortiroient en vain de France, nul événement ne peut plus leur 


porteraiteinte; tousles dessins de mon Ornithologie sont achevés. 


PRÉ T'ANCÉE ZT 

En publiant l'Histoire des ciseaux d'Afrique, j'ai cru que 
c’étoit rendre service à la science que de faire mention de tou- 
tes les espèces rares et non décrites que j'ai trouvées dans les 
différens cabinets de l’Europe. J’ai eu soin en même tems de 
désigner toujours la collection d’où je les ai tirées : je préviens 
les lecteurs que tous les oiseaux qui se trouvent sans cette indi- 
cation appartiennent à ma collection, et que les numéros qui 
sont placés en tête de chaque oiseau correspondent à la planche 


qui représente l'espèce dont Je donne la description. 


HISTOIRE NATURELLE 


DES OISEAUX D'AFRIQUE. 


OPSEAUX DENWPROTE: 


LE’ GT F FA D > Ne 


Lis proportions de toutes les parties du corps, fournissent aux 
naturalistes les meilleurs caractères qu’ils puissent employer 
pour désigner les différentes espèces d'animaux. Les formes dé- 
terminent souvent les facultés et les mœurs; tandis que les cou- 
leurs ne nous présentent quelquefois que des livrées accessoires, 
sur-tout dans la classe très - nombreuse des oiseaux de proie ; 
dont chaque âge nous offre autant de variétés de plumage. Les 
formes distinguent physiquement les divers genres d’animaux 
les uns des autres, et jettent des différences sans nombre dans 
les fonctions de la vie et des caractères moraux, qu'il est aussi 
essentiel de saisir dans l'étude de la nature que celles qu’on re- 
marque dans leur conformation. 


Tome I, À 


2 HISTOIRE NATURELLE 


L’aigle d'riqme, que j'ai nommé Griffard., se distingue 
parmi jee espèces de ce genre d’oiseaux, qui possèdent € éminem- 
ment le courage , la Lie et des armes sanguinaires : avec une 
taille égale à peu près à celle du grand aigle , ou aigle royal, 1l 
a les jambes plus longues, plus musculeuses et des serres plus 
fortes : caractères propres à faire reconnoître cet oiseau, non- 
seulement lorsqu’il est placé dans une collection à côté des autres 
aigles, mais encore quand il vole, les jambes pendantes, à la 
poursuite des quadrupèdes dont il fait sa pâture. 


Les diverses espèces de petites gazelles et les lièvres sont sa 
proie ordinaire : il fond sur les premières, les tue facilement et 
d’une manière qui démontre la force dont la nature l’a doué. 
Mais c'est sur-tout dans sa haine pour les autres grands oiseaux 
de rapine, qu’il fait admirer son courage : il les poursuit dès 
qu'il les apperçoit; font-ils résistance, il les combat impitoya- 
blement, les oblige à fuir, et n’en souffre aucun dans le canton 
qu'il a choisi pour son domaine et sa chasse. 


Il arrive souvent que des bandes de vautours et de corbeaux, 
se réunissant, cherchent à saisir le moment favorable pour s’em- 
parer de l’animal que vient d'abattre le Griffard; mais la conte- 
nance intrépide et fière de cet oiseau posé sur sa proie, suffit 
pour tenir à l'écart cette légion de carnivores. 


On trouve ordinairement le Griffard accompagné de sa femel- 
le; ils se séparent rarement, et ne s’écartent point du vaste arron- 
dissement où ils se sont fixés. C’est sur la cime des plus grands 
arbres ou entre les rochers escarpés et inaccessibles qu'ils éta- 
blissent leur aire : c’est ainsi que se nomme le nid des aigles, 
qui n’est jamais creux comme celui des autres oiseaux, mais plat, 
en manière de plancher. Celui du Griffard est si solide, qu'un 


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1. L'ebrecht Root? GE 


DOME FAT A RD: 3 


homme peut s’y tenir, sans craindre de l’enfoncer ; aussi lui 
sert-il nombre d’années. Il est composé d’abord de plusieurs for- 
tes perches, plus ou moins longues, suivant la distance des 
enfourchures des branches sur lesquelles elles doivent porter. 
Ces dernières traverses sont enlacées, en tous sens, par des 
branches flexibles qui les lient fortement ensemble et servent de 
fondement à cet édifice; qui est ensuite surmonté d’une grande 
quantité de menu bois, de mousse, de feuilles sèches, de bruyère, 
et même de feuilles de plantes liliacées ou de roseaux, s’il s’en 
trouve dans les environs. Ce second plancher est recouvert d’une 
couche de petits morceaux de bois sec; et c’est sur ce dernier lit, 
où il n'entre rien de douillet, que la femelle dépose ses œufs. 
Cet aire ou nid, ainsi construit, peut avoir quatre à cinq pieds 
de diamètre et deux pieds d'épaisseur ; sa forme est irrégulière. Il 
dure, comme je l’ai remarqué, nombre d'années, et peut-être 
même toute la vie du couple, quand aucun danger ne les oblige 
de s'éloigner d’un premier établissement, 


À la vétusté graduelle d’un amas considérable d’ossemens de 
difiérens quadrupèdes, que je trouvai au pied d’un très-grand 
arbre qui portoit un de ces nids , ainsi qu'aux diverses couches 
des débris de la surface extérieure du nid, mêlés à ceux des ani- 
maux, on auroit pu calculer son ancienneté, et compter com- 


bien de fois il avoit été réparé pour les besoins d’une famille 
naissante, | | 


Quand le local n'offre point d'arbre au Griffard, pour y cons- 
iruire son aire , il le place entre des rochers, et le façonne, 
comme le premier, à l’exception du fondement, qui devient 
inutile, puisque le lit de mousse est établi directement sur la 
pierre; mais c’est toujours sur des buchettes que les œufs sont 
déposés, et dans aucun cas sur des matières plus moëlleuses. 

À 2 


4 HISTOIRE NATURELLE 


J’ai observé que, de préférence, le Griffard choisit un arbre 
isolé pour son domicile ; parce qu’il est très-méfiant et qu'il 
aime à voir ce qui se passe autour de lui. Dans les rochers, sa 
couvée est plus exposée à devenir la proie de plusieurs espèces 
de petits quadrupèdes carnassiers ; qui, justement parce qu'ils 
sont plus petits, sont d'autant plus à redouter. C’est ainsi que, 
parmi les hommes, les ennemis foibles et pusillanimes sont sou- 
vent les plus dangereux. 


La femelle du Griffard pond deux œufs presque ronds, entiè- 
rement blancs, et de trois pouces quelques lignes de diamètre ; 
pendant qu’elle couve, le mâle veille aux besoins communs, 
lui apporte sa nourriture et chasse pour toute sa famille, 
jusqu’à ce que les petits puissent rester seuls dans laire sans 
courir de danger; car, devenus plus grands, ils exigent des 
provisions si considérables , que les vieux, suffisant à peine à 
leur voracité, sont alors obligés de chasser ensemble, afin de 
satisfaire un appétit aussi démesuré que l’est celui de deux ai- 
glons ; il est tel même, que des Hottentots m'ont assuré avoir 
vecu, pendant près de deux mois, de ce qu’ils déroboient cha- 
que jour à deux Griffards, dont le nid étoit dans leur voisinage. 
Je n’ai pas eu de peine à les croire, d’après ce que j'ai vu moi- 
même d’un de ces oiseaux que j’ai conservé quelque tems vivant, 
ne lui ayant cassé que le bout de l’aîle en le tirant : il fut trois 
jours entiers sans vouloir absolument manger, malgré tout ce 
que je pus lui offrir ; mais aussitôt qu’il fut habitué à prendre sa 
nourriture , nous ne pouvions plus le rassasier ; 1l devenoit fu- 
rieux à la vue d’un morceau de viande qu’on lui faisoit voir, en 
avaloit tout entier des tronçons de près d’une livre, et n’en re- 
fusoit jamais, quoique son jabot fut quelquefois si plein qu'il 
étoit forcé d’en dégorger une partie ; mais 1l ne tardoit jamais à 
reprendre ce qu'il avoit ainsi rendu. Toute chair quelconque 


D'OUMG ANNEE A "RD 5 


étoit de son goût, même celui d’autres oiseaux de proie ; et il 
s’'accommoda fort bien des débris d’un autre Griffard que j'avois 
dissequé. 


Lorsque ces oiseaux sont perchés, on les entend de très-loin 
pousser fréquemment de cris aigus et perçans, mêlés, de moment 
à autre, de tons rauques et lugubres. [ls volent à une si prodi- 
gieuse hauteur, que souvent on les entend sans qu’il soit possi- 
ble de les appercevoir. 


Le Griffard peut donc être comparé au grand aigle pour la 
taille ; mais il en diffère, comme nous l’avons fait remarquer, 
par les dimensions des jambes et des serres, et par la tête qu’il 
a aussi plus ronde, quoique son bec soit plus foible et moins 
renflé dans la partie de sa courbure. Îl est caractérisé : 10. par 
les plumes de l’occiput, qui, étant un peu plus longues que les 
autres, forment par derrière une espèce de petite huppe pen- 
dante. 20, La queue est carrée, c’est-à-dire, que toutes les pennes 
qui la composent sont également longues entre elles. Nous nous 
servirons toujours par la suite de la même dénomination pour 
exprimer cette forme de queue. 3°. Les jambes et les pieds sont 
couverts de plumes jusqu’à la naissance des doigts; celles des 
jambes (1) sont courtes et ne forment point ce que l’on désigne 
vulgairement en fauconnerie sous le nom de culotte. 4°. L'oiseau 
étant en repos, les aîles s'étendent jusqu’à l'extrémité de la 


(1) La jambe d’un oiseau est la partie qu’en général , on nomme la cuisse. Le pied, 
par conséquent, se trouve être celle qu’on appelle vulgairement jambe. Je suis fiché 
d’être obligé de me conformer à l’usage reçu des anatomistes, quoique plusieurs 
naturalistes, notamment Buffon, se soient servis indistinctement des mots cuisse et 
jambe , pour désigner la même partie dans un oiseau. Tout cela seroit assez indif- 
férent ; mais ce qui ne l’est pas, c’est de ne point s'entendre. Ainsi donc, il étoit 
nécessaire de prévenir les lecteurs. 


6 ENNSMORREN NAN UMERTLE 


queue. La femelle du Griffard a huitpiedssept pouces d'envergure 
et le mâle seulement sept pieds cinq pouces. 5°, Le jabot est proé- 
minent et couvert d’un fin duvet blanc très-lustré; le bec, bleuä- 
tre à son origine, est noir au bout ; les doigts, très-écailleux, 
sont d’une couleur jaunâtre ; les ongles approchent du noir; ils 
sont très-arqués et forment autant de demi-cercles presque par- 
faits : celui de derrière se trouve le plus grand ; ensuite celui du 
milieu, puis ceux du dedans; enfin, les deux plus petits, sont. 
les extérieurs de chaque côté. L’œil, qui est très-ouvert, s’en- 
fonce dans la tête et se recouvre par la partie supérieure de l’or- 
bite, qui déborde de trois lignes. L’iris est d’un beau brun noi- 
sette très-vif. 


Je n’ai remarqué d'autre différence entre le mâle et la femelle 
sinon que cette dernière étoit plus forte d’un quart à peu près 
dans tout son volume. Les couleurs étoient les mêmes à une 
légère teinte près, que le mâle avoit de plus foncé sur les aîles. 


On rencontre le Griffard dans le pays des Grands Namaquois. 
C'est vers le vinst-huitième degré de latitude sud et sur les bords 
de la Grande-rivière, que je vis le premier couple de ces oiseaux. 
J'étois à plus de trois lieues de ma tente, quand je les tuai tous 
deux , à peu de distance l’un de l’autre. Arrivé à mon camp, 
1 È f / . 2 . \ 
J'étois excédé de les avoir portés. Ils pesoient ensemble à peu 
près vingt - cinq à trente livres. En avançant vers le tropique, 
j'ai vu souvent des oiseaux de la même espèce ; et comme je ne 
les ai jamais rencontrés dans mon voyage à la Caffrerie, je crois 
pouvoir fixer leur demeure dans l’espace comprise entre le vingt- 
huitième degré de latitude sud et le tropique, et même jusqu’à 
la ligne, et peut-être sous toute la zone torride; enfin, dans la 

Dh P 9 ? 
partie de l'Afrique qui n’est point habitée par les Blancs. Il est 
même plus que probable qu’autrefois l'espèce étoit répandue 


DU GRIFFARD. - 


jusqu’au Cap de Bonne-Espérance; mais sans doute que les co- 
lons, à mesure qu'ils défrichèrent les terres et pénétrèrent dans le 
désert, contraignirent ces aigles à s’enfoncer encore plus avant 
dans le pays; comme l'ont fait tous les grands animaux de ces 
contrées, qui, ayant besoin eux-mêmes d’une vaste étendue 
de terrain pour fournir à leur subsistance, ont fui un plus 
, 9 , UTP, 
grand dévastateur qu'eux, l’homme en société, 


Une courte et succinte description des couleurs du Griffard 
suffira maintenant pour ne pas le faire confondre ni avec le 
grand aigle ni avec aucun des aigles qui ont été décrits jusqu’à 
ce jour. Il a le dessous du corps, depuis la gorge jusqu’à la 
queue, y compris les jambes et les tarses, d’un beau blanc. Le 
dessus de la tête, le derrière et les côtés du cou sont couverts 
de plumes blanches à leur origine et d’un gris brun vers la 
pointe ; le blanc s’appercoit autant que le brun vers les joues et 
dans quelques endroits du cou, ce qui forme une espèce de tigré 
fort agréable. Le dos et les couvertures de la queue, sont bru- 
nâtres ; tout le manteau est de cette dernière couleur, mais cha- 
que plume est bordée d’une teinte plus claire que le fond ; les 
grandes pennes de l’aîle sont noires ; les moyennes sont rayées 
transversalement d’un blanc sale et de noirâtre ; les dernières 
sont bordées de blanc à leur pointe ; la queue est rayée de même 
que les moyennes pennes de l’aîle. 


) HTISTOTRE, N'ANPUMREMRDIE 


ER HU P PAS D ON 7 


Marcné les grandes différences qui se trouvent entre les di- 
mensions du Huppard , comparées à celles de l'aigle dont nous 
venons de faire mention, il est évident que cet oiseau appar- 
tient au genre des aigles. Comme le griffard , il est courageux ; 
comme lui, il vit principalement de sa chasse et ne cherche 
les voieries, que longue tyrannisé par la faim , il n’a trouvé rien 
de mieux pour se repaitre et appaiser sa voracité : ce que font 
généralement tous les oiseaux de proie de quelque genre qu'ils 
soient. J’ai tant de fois été à même de vérifier cette observation, 
que, quoiqu’en disent tous nos historiens poëtes, et tous les 
écrivains qui les ont copiés , je soutiendrai et je répéterai, qu'il 
est faux que les aigles , quelqu’affamés qu'ils soient, ne se jet- 
tent jamais sur les cadavres. 


Comme le oriffard, le petit aigle, dont 1l est ici question, est 
caractérisé par une huppe, mais qui est beaucoup plus allongée ; 
ses pieds sont de même couverts d’un fin duvet, qui s'étend jus- 
qu’à la naissance des doigts ; son bec crochu , ses ongles forte- 
ment arqués et bien affilés, annoncent un oiseau de guerre et de 
destruction, quoique sa taille ne surpasse guère celle de nos plus 
fortes buses. N'ayant pas assez de force pour saisir et abattre 
les gazelles, le Huppard se contente du menu gibier, tels que 
lèvres, canards et perdrix, qu’il chasse avec dextérité. Ses lon- 
gues aîles, dont la pointe s'étend presqu'aussi loin que le bout 


de 


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de la queue, lui servent merveilleusement bien pour s’élancer 
avec promptitude et saisir avec succès des oiseaux dont le vol est 
‘AUSSI rapide que celui des perdrix d'Afrique, 


J’ai tiré la dénomination de cet aigle de l'espèce de huppe 
qui le caractérise si bien. Getïte touffe de plumes prend nais- 
sance sur l’occiput, se prolonge de cinq à six pouces par der- 
rière, et descend avec grâce, en se courbant un peu vers le 
corps ; elle est si flexible et si légère, que le plus petit vent ou 
le moindre mouvement de l'oiseau suffit pour la faire jouer en 
tout sens; ce qui lui prête une grâce toute particulière, en 
donnant à cette panache mille formes différentes , qui ajoutent 
encore à son agrément celui de varier à l’infini cet ornement de 
tête; parure que nos femmes ont si bien su imiter. 


La couleur générale de cet oiseau est d’un brun sombre, plus 
clair sur le cou et la poitrine, et plus foncé au venire, et sur 
tout le manteau. Les culottes, ou longues plumes des jambes ; 
sont mêlées de blanc ; le duvet qui tapisse le tarse dans toute sa 
longueur , jusqu’à la naissance des doists, est encore plus mêlé 
de cette dernière couleur. Les grandes pennes sont d’un noir rem- 
bruni, et on apperçoit du blanc dans une partie du milieu de 
leurs barbes extérieures ; toutes les autres pennes de l’aîle sont 
ondées d’un léger gris-brun et de blanc, ainsi que toutes cel- 
les de la queue, dont le bout est entièrement d’un brun-noir, 
Cette queue est tant soit peu arrondie. Les doigts sont jaunà- 
tres ; le bec est couleur de corne; l'iris est d’un jaune plus ou 
moins foncé suivant l’âge de De ; les ongles sont d’un noir 
liusant. 

Je n’ai rencontré cette espèce que dans le pays d'Auteniquoi 
et dans la Caffrerie, 

Tome I. B 


10 HISTOIRE NATURELLE 


Le Huppard construit son nid sur les arbres, et le garnit de 
plumes ou de laine en dedans. La femelle pond deux œufs, 
presque ronds, tachetés de brun-roux : elle est plus forte que 
son mâle ; sa couleur est moins foncée, et sa huppe moins lon- 
gue. Elle a aussi plus de blanc dans ses nes et sa tête porte 
quelques petites taches blanches vers les yeux et sur le sommet 


de la tête. 


On est sûr de trouver le mâle et la femelle ensemble et tou- 
jours dans le même canton. 


Le cri du Huppard ne produit qu’un son plaintif, que l’on 
entend fort rarement, à moins qu’il ne soit à la poursuite de 
quelques corheaux, niseanx anxquels il fait une guerre Opiniè- 
tre, quand ils s 'approchent trop près de son nid. C’est sur-tout 
à None que j'ai nommée corbivau, qu'il paroît le plus achar- 
né, parce que ceux-ci, mieux armés et plus entreprenans, osent 
souvent attaquer cet aigle pour se saisir de sa proie; en nom- 
bre, ils cherchent même à s'emparer de son aire , pour dévorer 
ses œufs ou ses petits. [l arrive même maintes fois que toute la 
couvée devient la proie de ces corbeaux voleurs ; mais ce n’est 
jamais qu’excédé par le grand nombre, et après une défense 
cpiniâtre, qui a coûté la vie à plus d’un corbivau, que le mal- 
heureux couple se voit réduit à laisser enlever et dévorer les 
membres épars et palpitans de ses chers aiglons, souvent trop 
foibles encore pour s'être défendu autrement que par les cris du 


désespoir. 


Les jeunes Huppards sont d’abord couverts d’un duvet gris- 
blanc, qui peu à peu est remplacé par des plumes brunâtres, 
bordées de roux. J’ai été à portée d'examiner trois nids de Hup- 
pard ; je n’y ai jamais trouvé que deux petits, dont toujours 


1) Ur AUU P PA F5 D: 21 
Pan étoit mâle et l’autre femelle : ce qui étoit facile à remar- 
quer à la différence de leur taille. Au sortir du nid, la huppe 
est déja apparente dans le mâle. 


12 HISTOIRE NATURELLE 


ME LANCUARD, N 4 


Si l'intrépidité et le courage sont les caractères moraux qui dis- 
tinguent les aigles des autres oiseaux de proie, sans contredit 
celui dont il est question ici est autant un aigle que celui dont 
nous avons parlé sous le nom de griffard ; car il est le tyran de 
tous les grands oiseaux qui habitent ses états ; c’est un vrai des- 
pote, qui, abusant de ses moyens, fait la guerre à tout ce qui 
Venvironne, et immole tout ce qui l'approche. Destiné à faire 
la chasse au peuple aîlé, la nature l’a doué d’une grande aisance 
dans son vol; une très-longue queue lui sert admirablement 
bien pour se diriger avec agilité, et parer aux reviremens fré- 
quens et prompts quiemplotent les oiseaux qui cherchent à évi- 
ter ses cruelles serres ; 5 écarts br HEqués qui ; PURE toujours 9 
les font échapper à tout autre oiseau de rapine, mais qui de- 
viennent inutiles avec celui dont nous parlons. 


C’est à la poursuite des ramiers que l’on peut admirer adresse 
du Blanchard ; il semble même de préférence chasser ces o1- 
seaux, dont le vol est le plus rapide et le plus varié ; et c’est 
sur-tout de l'espèce que jai décrite sous le nom de ramron dont 
il fait sa proie ordinaire. J’ai vu des faucons, des autours, des 
éperviers , des hobereaux, etc., poursuivre nos ramiers en Eu- 
rope; mais je les ai peu vu réussir dans cette chasse, même 
en se on dans des volées entières de ces oiseaux. Leurs moyens 
étoient, à la vérité, différens de ceux qu’emploie le Blanchard 


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avec tant de succès. Les oiseaux de haut vol poursuivent à tire 
d’aîle leur proie, et cherchent à l’aborder, soit par dessus, soit 
de côté, afin de s’en saisir; celui-ci, au contraire, mesure son 
vol, se domine et ne donne rien au hasard. Le ramron , comme 
on peut le voir dans sa description , s'élève au-dessus de grands 
arbres, et semble s'amuser d’une singulière manière detile 
qui n'appartient qu’à lui : c’est alors que le Blanchard part de 
l'endroit où il étoit en embuscade ; et s’il peut arriver sous le 
ramron avant que celui-ci ait eu le tems de se précipiter dans 
le bois, pour se cacher dans les broussailles, c'en est fait de 
lui: tous ses détours, tous ses mouvemens brusques et réitérés 
Jui deviennent inutiles ; son ennemi pare à tout, et semble 
chercher plutôt à le lasser qu'à le poursuivre. Toujours au-des- 
sous de lui, son unique soin est de l’empêcher de gagner les ar- 
bres ; et plutôt le ramron s’y précipite, plutôt il est pris; parce 
que le Blanchard, parcourant pendant le même tems la ligne la 
plus courte, se trouve toujours au passage , et saisit sa proie au 
moment où souvent elle croit lui échapper. Ge n’est que lorsque 
le ramron est forcé de gagner la plaine, que le Blanchard vole 
droit sur lui, et le prend en un instant, parce qu’alors il est 
déja très- - fatigué ; mais il est fort rare qu ] ose quitter le bois, 
vu que son unique ressource est d'arriver dans le plus épais des 
arbres, où les mouvemens du Blanchard se trouvant gênés, :l 
peut espérer d'échapper à la mort. 


Le Blanchard plume sa proie avant de la déchirer, et c’est 
toujours perché sur les branches basses d’un gros arbre, qu’il la 
dévore, ou sur le tronc d’un arbre renversé, ou sur un rocher, 
enfin sur un endroit élevé, mais jamais à terre, 


Le Blanchard ne fréquente que les forêts ; il se tient de pré- 
iérence dans les endroits où se trouvent les Dee srands re es; 


14 HISTOIRE NATURELLE 


et où 1] y en a le moins ; parce que, découvrant mieux tout cé 
qui lui paroît propre à faire sa nourriture , c’est de-là que, ta- 
pis derrière une grosse branche, il guette les ramrons et les per- 
drix de bois, qu'il saisit en se précipitant avec bruit de dessus 
Varbre sur la troupe. Il se nourrit aussi d’une très-petite espèce 
de gazelle, qui ne se trouve que dans les forêts; j'en ai parlé 
dans mes voyages sous son nom hottentot de zomeijes. 


J'ai eu long-ïems le plaisir d'observer un couple de Blan- 
chards, mâle et femelle, qui étoit établi près de mon camp 
dans les bois du charmant et délicieux pays d'Auteniquoi. Je les 
al examinés pendant plus de trois semaines avant de les tuer. As- 
sis au pied d’un arbre, je passois des matinées entières À obser- 
ver tous leurs iouvemens et tontes leurs ruses. Comme, dans 
ce tems, ils étoient occupés à couver, et que jamais le nid 
n'étoit vaquant, je me voyois sûr de les retrouver chaque jour 
dans les mêmes lieux. Quand lun d’eux s’étoit saisi d’une proie 
quelconque , tous les corbeaux des environs accouroient par 
troupes innombrables; criant autour de lui, et cherchant à 
avoir leur part du butin; mais Faigle paroïissoit mépriser ces 
oiseaux piaillards, qui, n’osant approcher de trop près, se con- 
tentoient de se jeter sur les débris qui tomboient de l'arbre où 
le Blanchard dévoroit paisiblement sa proie. Quand il se présen- 
toit dans l’arrondissement ux oiseau de rapine quelconque, Îe 
Blanchard mâle le poursuivoit à toute outrance jusqu’à ce qu'il 
fut hore de son domaine. Les plus petits oiseaux pouvoient tous 
impunément s'approcher jusque sur le nid même de cet aigle, 
qui ne leur faïsoit aucun mal; ils étoient même là en sûreté - 
contre les attaques dec oiseaux de proie d’un ordre inférieur, 


F* 


Les aîles du Blanchard ne paroiïssent point être d’une enver- 
gure aussi considérable que celles des autres aigles; parce que, 


DU BALAAIN CH AR D: 15 


ne s'étendant que jusqu’à la moitié de la longueur de la queue, 
elles semblent être plus courtes, proportionnellement à cette 
queue , qui est fort longue ; mais si l’on considère le volume de 
son corps, on trouve son envergure assez grande, 


Le Blanchard a le corps moins gros que nos aigles ; il est plus 
allongé et plus svelte de taille ; enfin, comme il convenoit qu'il 
fut construit pour la chasse aux oiseaux. Îl est, en un mot, à 
nos aigles ce que sont les levriers aux dogues, 


Le Blanchard.est caractérisé par une espèce de huppe qui 
prend naissance derrière l’occiput; mais elle est beaucoup moins 
apparente que dans l'espèce précédente. On l’appercçoit très-peu 
dans la femelle : celle-ci est d’un tiers plns forte que le mâle ; 
sa couleur est généralement plus lavée de brun fauve, sur le 
manteau et les couvertures des aîles; tous deux sont gantés ; 
c'est-à-dire, qu'ils ont des plumes sur les doigts. La queue est 
rayée transversalement de noir et de blanc; les grandes pennes 
sont brunâtres dans leurs barbes extérieures, et rayées dans 
toute la partie qui est couverte quand l’aîle est ployée. L'iris et 
les doigts sont d’un beau jaune; les griffes, qui sont très-fortes, 
ont une couleur plombée, ainsi que le bec. 


Toutes les plumes du Blanchard sont blanches, flambées de 
noir-brun sur le manteau; elles sont douces au toucher, et non 
rudes, comme celles des aigles en général. Son ramage est formé 
de plusieurs sons aigus répétés précipitamment, et qu’on peut 
- rendre par cri-qui-qui-qui-qui. Lorsqu'il est perché et repu, on 
l'entend pendant des heures entières répéter ces mêmes accens, 
qui paroïssent assez foibles pour un oiseau dont la taille égale, 
à un tiers près, celle du griffard. Le Blanchard bâtit son aire 
sur le sommet des grands arbres. Le mâle couve tour à tour avec 


16 HISTOIRE NAMUFELTCE 


sa femeile. Je n’ai trouvé que deux œufs dans le seul nid de 
Blanchard que j'aie vu : ils étoient blancs et de la grosseur de 
ceux d’une dinde, mais d’une forme plus ronde. 


Quand, obligé de quitter mon camp, je me décidai à tuer. 
le mâle et la femelle, les petits étoient déja couverts entière- 
ment d’un duvet blanc fauve. J’ai essayé d'élever ces deux ai- 
olons ; mais mes chiens les tuèrent avant qu'ils ne fussent 
couverts de toutes leurs plumes. À juger par celles qu’ils avoient 
déja, la première livrée du Blanchard approche beaucoup de 
celle de l’âge fait; à l’exception que le brun est plus lavé et 
que toutes les couvertures des aîles sont bordées de roussâtre, 
En général, j'ai remarqué dans beaucoup de jeunes oiseaux 
de proie, que la conleur fauve ou rousse borde toujours plus 
ou moins les plumes de tout le manteau. Je n'ai jamais rencon- 
iré le Blanchard que dans le pays d’Auteniquoi. 


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Vorcr, sans contredit, une des plus belles espèces d’aigles ; 
non-seulement distinguée par la beauté de son plumage, mais 
encore par l'élégance de sa forme et par sa taille, dont les di- 
mensions égalent celles de l’orfraie. Le Vocifer est remarquable 
par le blanc de la partie antérieure du corps et de la queue, et 
par le brun-roux mêle de noir qui en pare le reste; les plumes 
de la tête, du cou et des scapulaires, qui sont également blan- 
ches, montrent toutes leurs côtes brunes. Celles de la poitrine 
portent quelques taches rares, longitudinales , d’un noir-brun ; 
le reste du plumage est d’un brun ferrugineux, flambé d’un noir 
brûlé; les plus petites couvertures des aîles sont d’une teinte plus 
claire, approchant de la rouille ; les scapulaires qui les avoi- 
sinent sont mêlés de noir, et tranchent agréablement sous le 
blanc des autres, qui s'étendent sur le dos en pointe de mou- 
choir. Les pennes de l’aîle sont noires, et en partie comme 
finement marbrées de blanc et de roux à leurs barbes extérieu- 
res ; le bas du dos et les recouvremens du dessus de la queue 
sont d’un noir mêlé de blanc sale. Entre le bec et l'œil, la peau 
se montre, et cette partie est seulement couverte de poils rares: 
sa couleur est jaunâtre , aïnsi que la base du bec, les pieds et 
les doigts. L'iris est d’un brun-rouge; les plumes des jambes 
descendent d’un demi pouce sur le tarse par devant; les ongles 
et le bec sont d’un bleu de corne; le jabot, qu’on apperçoit um 
peu, est couvert d’un duvet long et frisé. La queue est légèrement 


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19 HISTOIRE NATURELLE 


arrondie ; c’est-à-dire, que les pennes extérieures sont les plus 
courtes, tandis que les autres s’allongent successivement jus- 

w’aux deux du milieu qui sont les plus longues et d’ailleurs 
égales entre elles. 


La femelle a beaucoup moins de noir dans son plumage ; son 
blanc est moins pur et son roux moins foncé. Elle est plus forte 
que le mâle. 


Les aîles ployées s'étendent jusqu’à l'extrémité de la queue, 
et leur envergure est de près de huit pieds. . 


Dans son jeune âge, le Vocifer, au lieu de blanc, porte du 
gris cendré , et sa queue est alors entièrement de cette dernière 
couleur; mais avec l’âge elle devient blanche. A la seconde 
mue , 1l a déja autant de blanc que de gris, et la queue est de 
même composée de quelques pennes absolument blanches, 
d’autres d’un gris-brun, et quelques-unes enfin mêlées de ces 
deux couleurs. Ce n’est donc qu’à la troisième année qe ces oi- 
seaux prennent leur élégante livrée, telle qu’on la voit dans la 
planche enluminée, qui so 1 femelle, 


On trouve le Vocifer sur les bords de la mer, et principale- 
ment à l'embouchure des grandes rivières, sur la côte est et 
ouest d'Afrique, dans toute la distance que j'ai parcourue de 
cette partie du monde. Je ne l'ai jamais vu dans l’intérieur des 
terres, parce que, faisant sa principale nourriture de poisson, 
il ne fréquente que les lieux jusqu'où remonte la marée; car la 
papa des rivières d'Afrique n'étant que des torrens qui des- 
cendent des montagnes, on sent bien que le poisson doit y être 
aussi rare qu l est abondant sur la côte et dans la partie des 
rivières qui avoisinent la mer. Dans l’intérieur des terres, j'ai 


DU VOCIFER. 19) 


seulement trouvé ces oiseaux le long du cours de la rivière 
d'Orange, ou Grande-Rivière, parce qu’elle est poissonneuse 
paï-iout. 


Le Vocifer, de même que l’orfraie et le balbusard , fond ra- 

pidement du haut des airs sur le poisson qu'il apperçoit. Jai eu 
souvent occasion de voir cet aigle s’abattre avec bruit sur l’eau, 
y plonger même entièrement son corps, et en sortir tenant un 
gros poisson dans ses serres. C’est sur des rochers voisins ou sur 
des troncs d’arbres que les eaux ont déracinés, chariés et amon- 
celés sur les bords des rivières, qu’il va dévorer sa proie et qu'il 
fait l'établissement de sa pêcherie d’une manière fixe et stable; 
car il mange habituellement sa pêche aux mêmes endroits, qu'il 
est facile de reconnoître aux monceaux de têtes et d’arêtes de 
poisson que lon y trouve. J’ai vu des ossemens de gazelles 
parmi ces restes; ce qui prouve qu'il chasse aussi ce gibier. I 
dédaigne apparemment de faire la guerre aux oiseaux ; car je 
n’en ai jamais trouvé des débris dans ceux dont j'ai parlé, mais 
bien ceux d’une espèce de grand lézard très-commun dans plu- 
sieurs rivières d'Afrique. : 


J’ai pris le nom de Vocifer, de l'habitude qu'ont ces aigles de 
jeter fréquemment de grands cris, différemment accentués, et 
de se répondre entre eux de fort loin, perchés sur les rochers 
qui bordent la mer, ou sur quelque tronc d’arbre renversé sur 
le sable des rivières. On les voit, pendant ces sortes de conver- 
sations bruyantes, faire de très-grands mouvemens du cou eë 
de la tête ; indice certain des efforts nécessaires à la production 
des accens variés de leur voix. Ces cris les décèlent toujours; 
mais il est néanmoiss fort difficile de les approcher d’assez près 
pour les tirer. J’ai été obligé, pour parvenir à en tuer un, de 
faire creuser une fosse , recouverte d’une natte sur laquell 


G 2 


20 HISTOIRE NATURELLE 


j'avois fait jeter de la terre: j'ai passé trois jours entiers dans 
cetté embuscade à portée d’un tronc d'arbre sur lequel un cou- 
ple de ces oïseaux venoient d'ordinaire dévorer leur proie. Ils 
n’y sont revenus que quand la terre dont j'étois recouvert n’a- 
voit plus une couleur fraiche et différente de celle qui est hâlée 
par l’'ardeur du soleil. À la fin du troisième jour, j'ai tué la 
femelle, qui encore, comme on a pu le voir dans la relation 
de mes voyages, m'a presque couté la vie, lorsque, pour l'aller 

chercher de l’autre côté du Queur-Boom où elle étoit tombée, 
je m'avisai de traverser cette rivière pendant la haute marée et 
manquai de m'y noyer. Sans la ruse dont je me suis servi, Jau- 
rois probablement quitté l'Afrique sans avoir pu jouir du plaisir 
de posséder un aussi bel oiseau. Le mâle en cherchant sa fe- 
melle, se fit tuer près du camp en dévorant les restes d’un 
buffle que j'avois fait jeter pour aitirer les oiseaux carnivores. 


Le Vocifer est très-méfiant et fort difficile à approcher; il 
part dès qu'il appercçoit le chasseur, et même de très-loin. Il 
s'élève à une hauteur prodigieuse ; son vol a une grâce toute 
particulière : on entend fréquemment le mâle, pendant cette 
fonction, pousser des sons que lon peut rendre par ca-hou- 
cou-cou. Ces syllabes étant prononcées lentement, la seconde 
chantée quelques tons plus haut que la première et les deux 
autres successivement d’un ton plus bas, on imitera parfaite- 
ment le ramage de plaisir de cet oiseau (1). Il est à remarquer 
que c’est toujours en l’air que le Vocifer fait entendre ce chant; 
non en planant, mais quand il accompagne son vol d’un 
mouvement d'ailes remarquable et comme avec une sorte de 


Ca-hou-cou-cou. 


D'UrNrO IC MERE 21 


21 


complaisance, en les ramenant par dessous son corps, au point 
de les faire toucher presqu'ensemble. Nous observerons dans ce 
mouvement, qui accompagne la voix pendant ie vol, une ana- 
logie avec ce que nous avons dit de celui qu'il forme en criant 
lorsqu'il est perché, et qui montre, à ce que je crois, la néces- 
sité d’un surcroît d'effort dans cet oiseau, dont la voix est ex- 
traordinaire et fort remarquable , en ce qu’elle est très-sonore, 
qu’on y trouve une certaine harmonie qui plaît, et qui flatte 
l'oreille, sans avoir enfin le désagréable ton perçant, aigre et 
plaintif de la plupart des oiseaux de proie. 


Le mâle et la femelle ne se quittent point, et partagent de 
la meilleure intelligence ce que lun ou l’autre a pêché ou pris à 
la chasse. Îls construisent leur aire sur le sommet des arbres ou 
sur les rochers; il est absolument fait comme celui du griffard, à 
l'exception qu’il est garni intérieurement de matières douilletes, 
telles que plumes, laine , etc. ; sur lesquelles sont déposés deux 
ou trois œufs entièrement blancs et de la forme de celui d’une 
dinde, mais plus gros. | 


Les colons du Cap de Bonne-Espérance nomment cet oïseau 

A à A 
grand pêcheur de poisson (groote-vis-vanger) , où pêcheur 
de poisson, blanc (wzfte-vis-vanser). 


Je n’ai jamais entendu le Vocifer qu’une seule fois dans les 
environs de la baie Falso; de sorte que cet oiseau paroît très- 
rare vers le Cap. Ce n’est guère qu’à soixante ou quatre-vingts 
lieues de là que j'ai commencé à le voir communément; mais 
Vendroit où il s’en trouve le plus, c’est vers la baie Lagoa. Il 
semble que le Vocifer se trouve aussi en Nésritie ; car c’est 
assurément à lui que l’on peut rapporter ce que Gaby raconte 
de l’aigle qu'il désigne sous le nom de nonette. Il a, dit-il, la 


22 HISTOIRE NATURELLE 


couleur de l’habit d’une carmélite, avec son scapulaire blanc. 
Cette courte description convient certainement plus au Voci- 
fer qu'à notre balbusard, à qui Buffon la rapporte très - mal 


à propos. 


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Le Blagre est en Afrique ce qu’est le balbusard en Europe. Mo- 
délé sur les mêmes proportions, il a aussi précisément les mê- 
mes mœurs. Il fait sa principale nourriture de poisson, qu’il fixe 
du haut des airs, et qu’il saisit en se plongeant même entière- 
ment dans l’eau. Perché sur un arbre, près d’une rivière ou d’un 
lac, ou sur quelque rocher qui borde la mer, il passe des mati- 
nées entières à y guetter les poissons qui se présentent à sa por- 
tée. On le trouve rarement dans l’intérieur des terres arides ; il 
ne fréquente que les bords de la mer et des rivières poissonneu- 
ses. Il vole à une prodigieuse hauteur, d’où on l’entend pousser 
des cris très-aigus. Ces oiseaux paroissent avoir l’œ1il perçant ; 
car je les ai vu descendre presque des nues tout droit sur des 
poissons qui nageoient à la surface de l’eau, et en emporter d’as- 
sez gros dans leurs serres. La chair du Blagre a un goût insipide 
de poisson, et sa graisse, qui est très-abondante, est si hui- 
leuse, qu’en écorchant l'oiseau, elle se répand sur toutes les 
plumes. Deux individus de cetie espèce, que j’avois préparés 
avec le plus grand soin, ont été totalement gâtés, parce que cette 
graisse, avec le tems, s’est répandue sur chacune des plumes de 
ces oiseaux ; de manière qu’elles s’en sont trouvées entièrement 
imbibées , comme si on avoit trempé la peau dans de l'huile. 


Le Blagre est de la taille de notre balbusard ; ses plumes ont 
la rudesse de celles des martins-pêcheurs, sur-tout celles du 


24 HISTOIRE NATURELLE 


ventre, dont les barbes sont très-serrées et fort unies entre elles. 
La tête, le cou, et tout le plumage antérieur, sont d’un blanc 
satiné. Sur la tête et le derrière du cou, la côte de chaque plu- 
me est brunâtre ; le manteau et les petites couvertures des aîles 
sont d’un léger gris-brun , ainsi que la queue, dont le bout est 
blanc. Les grandes pennes sont noirâtres ; les moyennes ont leurs 
barbes extérieures de la même couleur que le manteau ; le bec 
est brunâtre , les pieds sont jaunes, les ongles noirs et l'iris est 
d’un brun foncé. 


Les ornithologistes qui, comme Buffon, ne cherchent qu’à 
diminuer les espèces, ne manqueront pas de prendre le Blagre 
pour une variété de notre balbusard; mais moi, qui ne crois point 
à ces grandes variations produites par l’influence du climat, je le 
donne pour être certainement une seconde espèce dumême genre. 


Kolbe, dans son voyage au Cap, fait mention de plusieurs 
aigles qu'il a vus, dit-il; mais, en jetant les yeux sur la partie 
ornithologique de son livre, il est aisé de voir qu’il n’avoit pas 
la moindre connoissance dans cette partie. Le stront-vogel, qu'il 
donne pour un aigle, est un très-srand vautour du Cap, dont 
je parlerai. Je n’ai jamais vu au Cap l’orfraie, ni l’oiseau qu'il 
nomme l'aigle canardière , lequel s’élevant , suivant lui, à une 
prodisieuse hauteur, dévoroit en lair les canards. Il est absurde 
d'avancer un pareil fait, qui est parfaitement faux ; car jamais 
les oiseaux de rapine ne dépècent leur proie en volant. Buffon 
rapporte, je ne sais pourquoi, cet aigle canardière à son petit 
aigle : il n’y a pourtant pas un mot dans l’indication de Kolbe 
qui puisse l'avoir autorisé à ce rapprochement. Quant aux au- 
tres aigles que ce voyageur a vus en mer dévorant les poissons 
volant, ce n’étoit probablement que des frégates ou des alba- 
tros, dont il aura fait des aigles; comme de l’outarde du Cap 


1l 


D'U,-B LA GRE 25 


il a fait un paon; parce qu’en effet les colons nomment cet 
oiseau, paon sauvage. Îl seroit plus qu'étonnant, qu'ayant passé 
cinq ans au Cap À uniquement occupé à la te des o1- 
seaux, Je n’aie Jamais apperçu ces aigles dont parle Kolbe, et 
qu'il dit sur-tout être si communs. Je ne me serois jamais avisé 
de parler des oiseaux dont cet auteur fait mention, si Buffon ne 
s’étoit pas servi de ses indications pour faire des rapprochemens, 
et en tirer ensuite des conséquences souvent très-absurdes. 


Il n’y a point d’oiseau sur lequel on ait débité autant de fa- 
bles que sur les aigles, et principalement sur notre balbusard, 
qui a été très-anciennement connu ; si toutefois on peut se ser- 
vir du mot connu, pour désigner le erreurs grossières qui ont 
été débitées sur cet oiseau. Aiberr le Grand ayant écrit que le 
balbusard avoit un pied d’épervier, et l’autre pareil à celui 
d’une oie; Gesner, Aldrovande, Klein, et même Linnæus, 
l'ont répété d’après lui. Rien ne prouve mieux la manière dont 
observoient les anciens ornithologistes ; et malheureusement il 
n'y à aucun ouvrage nouveau qui ne soit entaché de toutes les 
erreurs et absurdités des écrivains anciens; et cela parce qu'il 
est plus court et plus facile, de compiler tranquillement un li- 
vre que de faire soi-même des observations; et c'est très-souvent 
d’après les exposés les plus absurdes et les plus hors de vrai- 
semblance qu’on tire des conséquences ; car les ornithologistes 
qui n'ont jamais étudié la nature que dans les écrits de leurs 
prédécesseurs, et voulant cependant nous donner aussi leurs 
propres idées, entassent de nouvelles réflexions absurdes sur 
d'anciennes erreurs ; ce qui ne nous donne que des résultats 
encore plus monstrueux. C’est ainsi que Buffon lui-même, con- 
fondant souvent trois et quatre espèces très-différentes et très- 
connues , pour n’en faire qu'autant de variétés de la même 
espèce, nous présente ensuite, pour une seconde espè ce du 


Tome I. : D 


26 HISTOIRE NATURELLE 


même genre, un oiseau dont il n’a d'autre indication qu’une 
description si imparfaite qu’il est impossible de débrouiller le 
genre auquel il appartient. 


Quant à moi, je trouve que ceux qui ont donné les variétés 
d'âge ou de sexe de la même espèce comme autant de différen- 
tes espèces, ont moins fait de mal que Buffon, qui s'élève si 
fort contre eux, lorsqu'il nous indique comme trois variétés de 
climat, trois oiseaux qui, non-seulement sont de différentes 
espèces, mais même de genres différens, comme je le prouverat 
en parlant des pie-grièches du Cap; et dans cent autres articles, 
je prouverai aussi que ce grand naturaliste, en écrivant son or- 
nithologie, n’a peut-être jamais vu l'oiseau dont il parloit, ou 
du moins qu’il ne la certainement pas examiné. D'ailleurs , il 
n’y a pas d'ouvrage sur les oiseaux à qui ce que je viens de dire 
ne puisse être appliqué. À quoi bon encore rappeler dans chaque 
nouvelle ornithologie, quantité d'espèces si superficiellement dé- 
crites, soit par des voyageurs, soit par les anciens, qu’il est même 
douteux que ces oiseaux aient jamais existé. Je pense qu'il vaut 
mieux de décrire bien exactement une espèce que l’on voit et dont 
on est certain de l’existence, que de se disputer sur l’analogie 
d’une autre, décrite depuis plusieurs siècles ; et certainement 
plus on sera indécis sur l’espèce à laquelle on peut rapporter un 
individu décrit, autant plus mal sera faite cette description. 
D'ailleurs, quand j'ouvre un livre pour m’instruire et que je 
vois un oiseau très-connu , le balbusard par exemple, à qui on 
donne un pied d'oiseau de proie et un de canard ; et qu'un au- 
tre me dise que cela est possible, puisqu'il sait qu'il existe des 
poules d’eau qui sont moitié palmipèdes et moitié fissipèdes ; 
tandis qu’un autre prétend encore du même oiseau , que le père 
et la mère tuent celui de leurs petits qui ne peut soutenir les 
rayons du soleil ; et d’autres encore, que les balbusards sont le 


D'UN E P'ANGULIE 27 


produit d’aigles de différentes espèces qui s’accouplent ensem- 
ble , et que ces balbusards produisent après des petits vautours, 
qui eux-mêmes produisent des grands vautours, etc. etc. : je dis 
qu’il ne faut jamais ouvrir ces livres pour s’instruire, et que ceux 
qui les ont écrits m’étoient rien moins qu'ornithologistes , et cer- 
tainement point observateurs. On ne peut donc ajouter foi à 
leurs écrits comme naturalistes. Buffon, qui a combattu ces ab- 
surdités, y tomhe cependant lui-même, au sujet de l’urubu et 
du stront-vogel du Gap, désignés par Kolbe. J’invite Le lecteur 
à lire d’un bout à l’autre dans Buffon, l’article de l’urubu, 
ouroua , aura ou marchand ; il verra là tout ce qu’il est possi- 
ble d’entasser d’absurde sur les rapprochemens. 


20 TS TOMRE IN ACTUNRMRENPMPE 


LUE C A FIF/RVE, None 


O+ peut regarder cet oiseau comme une espèce intermédiaire 
formant la nuance entre les aigles et les vautours. Il ressemble 
plus aux derniers par la forme de son bec, et par ses serres, qu'il 
a peu arquées et émoussées ; mais 1l n’a pas la tête dénuée de plu- 
mes ; caractère invariable que nos méthodistes ont assigné à ce 
genre d'oiseaux. Celles qui recouvrent le cou ne sont point non 
plus effilées et alongées comme elles le sont, en général, chez 
les vautours. C’est donc une de ces espèces qui contrarient encore 
nos divisions méthodiques, et qui se refusent aux classifications 
qu'ont adoptées plusieurs de nos nomenclateurs, mais que la na- 
ture désavoue. L'état actuel de l’histoire naturelle nous a montré 
tant de fois la nature se jouant des règles précises et rigoureuses 
de nos systèmes, que nous devons déja être accoutumés à ses 
écarts; de sorte que nous pouvons en conclure que nos méthodes 

deviendront toujours plus fautives à mesure que nos connois- 
sances s’étendront, et que nous découvrirons un plus srand nom- 
bre d'espèces ; qui, comme celle dont il est question, très-utile 
à l’arrangemeni d’une série naturelle, l’est en revanche très-peu 
à nos divisions tranchantes et systématiques. 


Le Caffre est de la taille de l'aigle royal ou grand aigle. Il à 
le bec plus fort, les ongles courts et moins arqués. Les aïîles 
ployées s'étendent, dans cette espèce, de huit pouces au-delà du 
bont de la queue, dont la pointe est usée et élimée, parce que, 


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l'oiseau se retirant dans les rochers et se posant plus souvent à 
terre que l'aigle, le frottement l’endommage un peu. Le tarse 
est couvert de plumes qui descendent jusque sur les doigts. La 
queue est arrondie, les plumes extérieures étant les plus courtes. 


Tout le plumage du Caffre est d’un noir mat, à l’exception 
de quelques reflets brunâtres dans les petites couvertures des 
aîles, vers les pennes de l'aile. L’œil, qui est très-srand, s’en- 
fonce profondément dans lorbite ; et l'iris est d’un brun maron. 
Le bec est bleuâtre à sa base, et jaunâtre dans toute la partie de 
sa courbure. Les ongles sont noirs et les doigts d’un jaune terne. 
Je n’ai rencontré ces oiseaux que dans le voisinage de la Caf- 
frerie, où ils sont même assez rares. Je n’ai vu en tout que cinq 
individus de cette espèce, du nombre desquels il ne m’a été pos- 
sible d’en tuer que deux, qui vinrent se précipiter sur les débris 
d’un buffle, que j’avois fait jeter à l'écart pour les attirer. En les 
écorchant, il s’exhala de leurs corps une odeur insupportable ; 
ce qui prouve qu'ils font leur principale nourriture des cadavres 
qu'ils rencontrent. Comme les vautours, ils sont obligés de mar- 
cher quelques pas avant de pouvoir s’enlever de terre ; mais ils 
ne volent point en grandes troupes, car je ne les ai jamais vu que 
deux ensemble, apparemment le male et la femelle. N'ayant tué 
que deux femelles, je ne puis indiquer la différence qui se trouve 
entre les deux sexes. Je n'ai pu rien apprendre de particulier sur 
leurs habitudes et leurs pontes ; les Sauvages nvont assuré seu- 
lement qu'ils nichent dans les rochers; qu'ils attaquent les 
agneaux , les dévorent sur la place, et que jamais ils n’empor- 
tent leur proie dans leurs griffes, même quand ils ont des petits. 
Nous savons que l'aigle porte, de cette manière, la sienne dans 
son aire, pour la déchirer et la partager ensuite à ses aiglons. 
Le vautour, au coniraire, n'apporte à ses petits leur nourriture 
que dans son jaboi, d’où il la désorse ensuite. Voilà du mous 


30 HISTOIRE NATURELLE 


une observation que j'ai faite plusieurs fois sur l’espèce que les 
colons du Cap nomment s/ont-vogel (oiseau de merde), ou 
aas-vogel (oiseau de charogne). Il y a même lieu de croire que 
c’est là généralement l'usage de tous les vautours; car leurs grif- 
fes ne sont pas propres à empoigner n1 à serrer fortement. 


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D: toutes les espèces d'oiseaux de proie connues jusqu’à ce jour, 
il n’en est aucune à laquelle on puisse comparer ni rapporter 
Voiseau dont 1l est ici question. Sa queue, extraordinairement 
courte, le distingue et le caractérise d’un manière particulière, 
car elle dépasse à peine les plimes dn craupion qui en recou- 
vrent plus de la moitié, et dans toute sa dimension, elle atteint 
au plus six pouces de longueur; ce qui prête à l’oiseau peu de 
orâce sur-tout en volant, et contraste mal avec ses grandes aî- 
les, dont l’envergure paroît encore plus ample à cause du peu 
détendue de cette queue. Quand je vis voler le Bateleur pour la 
première fois, je crus appercevoir un oiseau que quelqu’acci- 
dent avoit privé de sa queue ; et l’on seroit d'autant plus porté 
à le présumer, que, dans son vol, il a effectivement un mou- 
vement très-extraordinaire , et que j’attribuai d’abord au défaut 
de la queue, laquelle, tenant lieu de gouvernail, sert si bien 
aux oiseaux de proie pour se diriger avec agilité et grâce dans 
les plaines de l'air. Mes observations me prouvèrent, par la 
suite, que la queue écourtée de cet oiseau est un caractère cons- 
tant dans l’espèce, et sa manière de voler, un jeu dont il s'amuse 
en provoquant sa femelle, qui lui répond de la même manière. 


Le Bateleur plane en tournoyant en rond, et laisse échapper, 
de tems en tems, deux sons irès-rauques, dont l’un est chanté d’un 
octave plus haut que l’autre; souvent il rabat tout à coup son vol, 


32 HISTOIRE NATURELLE 


et descend à une certaine distance, en battant l'air de ses aîles, 
de manière que lon croiroit qu’il s’en est cassé une et qu'il va 
tomber jusqu'à terre. Sa femelle ne manque alors jamais de ré- 
péter le même jeu. On peut entendre ces coups d’aîles à une 
très-grande distance ; je ne puis mieux comparer le bruit qui en 
résulte, et qui n’est qu’un froissement dans l'air, qu'à celui 
que fait une voile dont un des coins s’est détaché, et qu'un 
grand vent agite violemment. 


J’ai tiré le nom de cet oiseau de sa manière de se jouer dans 
les airs : on diroit, en effet, un bateleur qui fait des tours de 
force pour amuser les spectateurs. Ces oiseaux sont très-com- 
muns dans tout le pays d’Anteniquoi et le long de la côte de 
Natal jusque dans la Caffrerie. Il ne s’est peut-être pas passé 
un seul jour nendant tout le tems que j’ai parcouru cette char- 
mante conirée, sans qu’il ne me soit arrivé d’en voir plusieurs 
couples. Le mâle et la femelle ne se quittent jamais, et rare- 
ment les appercoit-on l’un sans l’autre. 


Si la queue très-courte de cet oiseau le distingue des au« 
tres oiseaux de proie, ses couleurs très-marquées aideront en- 
core à ne pas le faire confondre avec d’autres espèces voisines. 
Le Bateleur est d’une grosseur mitoyenne entre l’orfraie et notre 
balbusard. Son bec et ses serres sont noires ; la base du bec est 
jaunâtre ; les pieds sont d’un brun jaunâtre, couverts de larges 
écailles ; la tête ; le cou, tout le devant et le dessous du corps 
sont d’un beau noir mat, sur lequel tranche fortement la cou- 
leur d’un roux foncé, qui est celle du dos et de la queue; les 
scapulaires sont d’un noir lavé, prenant, à certain jour, une 
teinte d’un gris bleuâtre ; toutes les petites couvertures des aîles 
sont d’un fauve isabelle ; toutes les pennes de l’aîle sont noires 


dans leurs harbes intérieures, et sont liserées extérieurement 
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d’un gris argentin; de manière que quand laîle est ployée, elle 
paroît en grande partie être de cette dernière couleur. L’œil est 
d’un brun foncé. La femelle est d’un quart plus forte que le 
mâle , et ses couleurs ont, en général, un ion plus foible. 


Le Bateleur bâtit son nid sur les arbres; la femelle pond trois 
ou quatre œufs, qui sont entièrement blancs : c’est du moins 
ce que m'ont assuré les colons des cantons qu’habitent ces oi- 
seaux ; Car je n’en ai jamais vu la ponte. Quant aux jeunes, j'en 
ai tué plusieurs : dans cet état, ils sont si différens des vieux par 
leurs couleurs, que, si je ne les avois pas tués pendant que le 
père et la mère leur donnoient encore à manger, quoiqu'ils fus- 
sent aussi forts qu'eux, et si, en les disséquant, je ne les avois 
reconnu pour être de jeunes oiseaux, 1l est certain ‘que je les 
aurois pris pour une seconde espèce du même genre. Lorsque je 
les apperçus, ils étoient au nombre de six, tous perchés sur un 
très-gros arbre, qui portoit l’aire où probablement les quatre 
petits étoient éclos. J’abattis d’abord le père et la mère, après 
quoi je par vins à tuer trois des jeunes, et ne pus joindre le qua- 
trième, qui s'étoit envolé trop loin dans le bois. Parmi ces trois 
jeunes, je reconnus, à la dissection, un mâle et deux femelles; 
et 1l est plus que probable que us qui m "échappa étoit un se- 
cond mâle. Les trois jeunes Bateleurs portoient exactement la 
même livrée, telle qu’on peut la voir dans la planche 8, où j'ai 
fait représenter l’une des jeunes femelles. J’ai tué, quelques mois 
après » d’autres ee oiseaux de la même espèce, mais ous 
avancés en äge: ils portoient LÈE beaucoup de plumes rousse 
sur le croupion ; ; sur toute la tête et le dessous du corps pous- 
soient aussi plusieurs plumes noires. Îl paroît donc que ce n’est 
qu'à la troisième mue que le Bateleur prend entièrement sa 
belle livrée , telle qu’on la voit dans notre planche enluminée, 
Ne. 

Tome I. E 


34 HS MO FREIN AT RUMPRERLUE 


Dans son jeune âge, la base du bec est bleuâtre, le bec cou- 
leur de corne et les pieds sont jaunâtres : la couleur générale 
du plumage est alors d’un brun uniforme, plus clair sur la tête 
et le cou, et plus foncé sur le réste du corps. Mais toutes les 
plumes sont en partie bordées d’une teinte plus claire et plus 
lavée. 


Le Bateleur se repaît, comme les vautours , de toutes sortes 
de charogne; cependant il attaque souvent les jeunes gazelles : 
1] rode dans les environs des habitations, où il cherche à sur- 
prendre les agneaux ou les moutons malades; les jeunes autru- 
ches, quand elles sont encore petites, deviennent aussi sa proie, 
sur-tout quand quelqu’accident les ont séparées de leurs père et 
mère. Les colons d’Auteniquoi nomment cet oiseau de proie 
bers-haan (coq de montagne ); c’est le nom qu’ils donnent, 
en général, à tous les grands oiseaux de rapine et particulière- 
ment aux aigles, 


Il suffit de jeter un conp-d’œil sur cet oiseau, pour être con- 
vaincu qu'il n’a point les caractères qu’on a donnés aux aigles ; 
car ses serres ne sont point aussi fortement arquées, et son bec 
est proportionnellement moins vigoureux. C’est encore une de 
ces espèces ambigues qui tiennent autant du vautour que de 
Vaigle, et qui doit occuper, à côté du caffre , une place entre les 
aigles et les vautours. 


Le canton où j'ai vu le plus communément le Bateleur est 
celui où j'étois campé sur les bords du Queur-Boom, proche la 
baie Lagoa. Ils ne volent point en troupe, et on n’en voit plu- 
sieurs ensemble que lorsqu'un concours d’autres oiseaux de 
proie a attiré tous ceux du canton sur quelques cadavres. Dans 
ce seul cas, on les trouve rassemblés; mais quand ils sont 


DU BINREMrE UE 35 


repus , chaque couple prend une route différente pour se rendre 
dans leurs retraites respectives, et s’enfoncer dans les monta- 
gnes voisines ou dans les différens quartiers de la forêt, où ils 
ont établi leur demeure. 


J’ai remarqué aussi que ces oiseaux emportent dans leurs ja- 
bots la nourriture qu'ils dégorgent ensuite à leurs petits, à qui 
ils paroissent très-attachés ; car je les ai vus constamment leur 
porter à manger quoiqu'ils fussent déja aussi forts qu'eux et 
bien capables de se pourvoir eux-mêmes de nourriture. 


DES VAUTOURS. 


ÉLORECOU. N° © 


Crrrr espèce, plus forte que nos plus grands vautours, a dix 
pieds passé d’envergure, et porte un de ces caractères tranchans 
qu'il est bon de saisir , pour en tirer les dénominations des ani- 
maux; c’est une membrane haute de quatre lignes qui environne 
V’oreille par devant et qui se prolonge ensuite en ligne droite 
sur le cou. Cette manière de conque relevée et de quatre à cinq 
pouces de long, doit sans doute augmenter les facultés de l’ouïe 
dans cette espèce. Toute la tête et la moitié du cou sont nus, 
et d’une couleur rouge de chair; cette couleur prend un ton 
bleu violâtre vers le bec et se blanchit près des oreilles : on re- 
marque seulement sur cette peau colorée quelques poils courts 
et rares. La gorge est noire et couverte de poils roides de la 
même couleur. Toutes les plumes du dessus du corps, les ailes 
et la queue sont d’un brun sombre, bordé d’une teinte plus 
claire; toutes celles qui recouvrent le cou par derrière sont con- 
tournées, et forment une espèce de cravatte frisée, dans laquelle 
l'oiseau , en faisant rentrer son cou, cache toute la partie qui 


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est désarnie de plumes : c’est sur-tout en digérant que ce vau- 
tour prend cette maussade aititude. Le jabot, qui est très- 
proéminent, est couvert d’un duvet fin, soyeux et lustré, qui 
n'imite pas mal le pélage d’un quadrupède ; depuis la poitrine 
jusqu’à la queue, tout le corps est recouvert de longues plumes 
étroites qui s’éloignent du corps à mesure qu’elles s’alongent. 
Elles sont arquées en lames de sabre; leur couleur est dun 
brun clair bordé de gris-blanc ; les jambes et la moitié du tarse 
sont couverts d’un duvet blanc très-fin, mêlé d’une légère 
nuance de fauve dans les parties qui avoisinent le talon; le 
même duvet tapisse tout le dessous du corps; on l’apperçoit 
aussi à travers les plumes sur la poitrine, et on le voit encore 
sur les côtés du cou. La queue est étagée; on la trouve toujours 
usée par le bout. La base du bec et la peau qui lentoure sont 
d’une couleur jaunâtre de corne; les pieds et les doigts très-oros 
sont renforcés de grandes écailles brunes; les ongles larges et très- 
peu arqués, sont, ainsi que le bout du bec, couleur de corne; 
Poil est entouré de longs cils noirs ; l'iris est d’un brun maron. 


Ce vautour est un oiseau de montagne, comme les autres 
espèces de ce genre; les abris que forment les couches pierreu- 
ses et les cavernes qui s’y rencontrent sont proprement l’habita- 
tion de ces oiseaux. Ils y passent la nuit et viennent s’y reposer 
pendant le jour, lorsqu'ils sont repus ; on les apperçoit en grand 
nombre, au lever du soleil, perchés sur les rochers à l'entrée de 
leur demeure, et quelquefois une chaîne entière de montagnes 
en est parsemée dans la majeure partie de toute son étendue. Le 
frottement des pierres dans les intervalles desquelles ils s’enfon- 
cent, ou sur lesquelles ils se jnchent ; élime les pennes de leurs 
queues ; pendant que les aigles, marchant plus rarement et se 
perchani aussi sur les arbres, les conservent plus entières; d’ail- 
leurs, les vautours l’usent encore contre le sol dans la plaine. 


28 HISTOIRE NATURELLE 


parce qu'ils ne prennent pas leur essor tout d’un COUP, mais 
seulement après une course de quelques pas, et une contraction 
forcée des membres. Le vol des vautours n’en a cependant pas 
moins de force et de hauteur ; ils s'élèvent prodisieusement 
baut, et disparoissent totalement à la vue. On ne conçoit pas 
comment ces oiseaux qu’on ne sauroit souvent distinguer dans 
les airs, peuvent eux-mêmes appercevoir ce qui se passe sur la 
terre, y découvrir les animaux qui leur servent de pâture, et 
fondre sur eux en grand nombre au moment que la mort leur 
livre cette proie. Si un chasseur tue quelque grosse pièce de 
gibier, qu’il ne peut emporter sur l’heure, s’il abandonne un 
instant, à son retour il ne la retrouve plus; mais à sa place, 
1l voit une bande de vautours, et cela dans un lieu où il n’y en 
avoit pas un seul un quart-d’heure auparavant. 


C’est ce que j'ai éprouvé moi-même plusieurs fois dans mes 
voyages de la part des vautours, soit de l'espèce de celui dont 
1l est question, soit des autres dont j'ai encore à parler; car 
tous ces voraces carnivores se réunissent et se mêlent dans cette 
circonstance. La première fois que je demeurai leur dupe, fut 


dans une occasion où j'éprouvois la disette de provisions; et. 


par conséquent la leçon qu’ils me donnèrent me fut assez sen- 
sible. J’avois tué trois zèbres ; satisfait de ma chasse, je re- 
tournai à mon camp, dont j'étois éloigné d’une lieue, et je 
commandai qu'on amenât un chariot pour les enlever. Mes 
Hottentots, plus instruits que moi, me dirent que ce voyage 
eur paroissoit inutile, parce que les zèbres seroient dévorés 
avant notre retour. Nous partimes cependant; mais à peine 
nous nous avançions que nous vimes de loin l'air rempli de 
vautours. En arrivant nous en trouvâmes la campagne parse- 
mée ; les zèbres étoient dévorés ; il n’en restoit que les grands 
os, et cependant les vautours arrivoient encore; et de tous 


DE OR ELONU: 39 
côtés, c’étoit un essaim étonnant et toujours mobile de ces 
animaux, dont on auroit pu compter plus de mille individus. 


Curieux d'observer comment pouvoit sitôt arriver un si 
grand nombre de vautours, je me cachai un jour dans un 
buisson, après avoir tué une grande gazelle , que je laissai sur 
la place ; dans un instant il vint des corbeaux qui voltisèrent 
au - dessus de l’animal en croassant beaucoup; en moins dun 
demi-quart-d’heure , il arriva des milans et des buses ; un ins- 
tant après, j'apperçus, en levant la tête, des oiseaux à une pro- 
digieuse hauteur, et qui descendoient toujours en tournoyant. 
Je ne tardai point à reconnoître les vautours: on eût dit qu'ils 
s'échappoient d’un antre dans le ciel. Les premiers ne tardèrent 
point à fondre sur la gazelle : je ne leur donnai pas le tems de 
la dépécer ; je sortis de ma cachette; ils reprirent lourdement 
leur vol , et rejoignirent leurs camarades, dont l’affluence aug- 
mentoit à vue d'œil, et qui sembloient se précipiter des nues 
pour partager la proie; mais ma présence les fit bientôt tous 
disparoître dans les airs. 


Voici donc eomment les vautours sont appelés à partager 
une proie quelconque : les premiers oiseaux carnivores qui dé- 
couvrent un cadavre donnent l'éveil aux autres qui se trouvent 
aux environs, tant par leurs cris que par leurs mouvemens. Si 
le vautour le plus à portée ne voit pas la proie, de la haute 
région de lair dans laquelle il nage au moyen de ses gran- 
des aîles, il voit du moins les oiseaux de proie subalternes 
et terrestres, pour ainsi dire, qui se préparent à en faire cu- 
rée; mais peut-être le vautour a-t-1l la vue assez bonne pour 
découvrir le gibier lui-même. Il descend donc à la hôte et en 
tournoyant ; sa chûte avertit les autres vautours qui le voient, 
et qui ont sans doute l'instinct exercé et l'instruction complète 


Âo HIS OTR EAN NP UPRSE NUE 


sur tout ce qui concerne la pâture. Il se fait done, dans le voi- 
sinage du cadavre, un concours d'oiseaux carnivores qui tom- 
Don des nues, et qui suffit certainement pour amener les 
vautours de toute la contrée , à peu près comme le mouvement 
de quelques hommes qui courent dans nos villes, amène tout 
le peuple après eux. 


On peut quelquefois ürer une notion utile de l’affluence des 
vautours vers le lieu qui recèle leur proie, et s'instruire du 


voisinage du lion, du tigre et de l’hienne. Lorsqu'un de ces 


animaux a tué quelque ne quadrupède, les vautours, qui 
V’ont appercu , arrivent aussitôt, et toujours avec une afiluence 
qui avertit le voyageur de se tenir sur ses gardes; mais ces o1- 
seaux , timides et Fo. ne se sentant pas le courage de dis- 
puier une proie , montrent, dans cette occasion , toute la 
bassesse de leur caracière; car, n’osant faire usage de leur 
force , de leurs armes, de la masse du corps et de l'avantage du 
vol, ni même de celui du nombre, moyen le plus stimulant 
pour les Tâches, on les voit se poser Does ues à quel- 
que distance de l'animal féroce, attendant qu'il ait fini son, 
repas et que sa faim contentée et sa retraite leur permettent de 
dévorer les restes qu’il leur abandonne. 


Les Hottentots et les colons du Cap de Bonne-Espérance, 
bien instruits, par l’expérience, de l’habileté des vautours à 
découvrir le gibier et de leur vorecité, n’abandonnent jamais 
une pièce de gibier qu'ils ont tuée et ue 11 leur est impossible 
d’emporter POLE le moment, sans avoir couvert et enterré; 
pour ainsi dire, l'animal sous un tas de branches et de feuil- 
lages ; ils laissent même sur le monceau ou leur mot uchoir où 


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leur veste; mais, malsr P 
% ? = Le 
vent de ne trouver à leur retour qu’un squelette; car les 
corbeaux ;, 


6 cette précaution, il leur arrive sou- 


D'ÉNP OR IE OÙ 4 


corbeaux, plus hardis, travaillent d’abord à découvrir lani- 
mal , et les vautours, se hasardant alors d'approcher, ont bien- 
tôt entièrement dévoré leur proie. 


Les colons hollandois des cantons où se trouve l’Oricou, lui 
donnent le nom de swar/e-aas-vosel (oïseau de charogne, 
noir). Îls désignent ce vautour par la couleur noire, pour le 
distinguer d’une autre espèce de vautours blonds, dont je parle- 
rai dans l’article suivant sous le nom de chasse-fiente, nom 
qu'il porte au Cap, où les habitans le désignent encore par ce- 
lui de séront-jaser : ceux de séront-vogel, stront-jager ou aas- 
vogel, sont les noms que généralement on donne au Cap à tous 
les vautours. 


Je n’ai jamais vu lOricou dans les environs du Cap; mais 
il est très-commun dans l’intérieur des terres, sur-tout vers le 
pays des Grands Namaquois , où on trouve aussi l’autre espèce. 


Il niche dans les cavernes des rochers. La femelle ne pord 
-que deux œufs blancs et très-rarement trois. C’est en octobre 
que ces vautours commencent à entrer en amour, et en janvier 
leurs petits sont tous éclos. Comme ils vivent en troupes formi- 
dables, une seule montagne recèle quelquefois autant de nids 
qu'il y a des endroits propres à en contenir. Îl est à remarquer 
que jamais les vautours ne nichent sur un arbre, du moins en 
Afrique ; et je serois bien trompé sil n’en étoit pas de même à 
l'égard des vautours du monde entier. Ils paroissent vivre en 
très-bonne intelligence entre eux; car j’ai vu dans la même ca- 
verne quelquefois jusqu’à trois nids l’un à côté de l’autre. 

Dans le tems de l’incubation, chaque mâle fait le guet sur la 
bouche de l’antre où couve sa femelle ; ce qui rend alors le nid 


ROZ EN F 


42 HISTOIRE NATURELLE 


facile à remarquer; mais en revanche il est presque toujours inac- 
cessible. J’ai cependant, à l’aide de mes Hotientots, quelque- 
fois franchi toutes les difficultés et risqué souvent ma vie pour 
examiner les œufs de ces oiseaux, dont le repaire est un vrai 
cloaque dégoûtant, et infecté par une odeur insupportable. Il 
est d'autant plus dangereux d'approcher de ces retraites obscu- 
res, que l’entrée en est couverte de fiente, toujours liquide par 
l'humidité produite par les eaux qui suintent sans cesse des ro- 
chers ; de sorte que l’on risque, en glissant sur ces pointes de 
rochers, de tomber dans des précipices affreux au-dessus des- 
quels ces oiseaux s’établissent de préférence. 


J’ai goûté les œufs de l'Oricou, ainsi que ceux du chasse- 
fiente, et je les ai trouvés assez bons pour en faire usage. 

Pn naissant, le jeune Oricou est couvert d’un duvet blan- 
châtre. Au sortir du nid, son plumage est d’un brun clair, et 
toutes ses plumes sont bordées d’une teinte roussâtre. Celles de 
la poitrine et du ventre ne sont point encore alors contournées en 
lames de sabre, et sa tête et son cou sont entièrement couverts 
d’un fin duvet très-touffu, et les conques de ses oreilles paroïssent 
à peine; ce qui pourroit induire en erreur, et, dans cet état, 
le faire prendre, par quelques naturalistes peu exercés, pour un 
aigle, ou bien pour un vautour d’une autre espèce ; car il est 
toujours facile de distinguer un vautour d’un aigle à la forme 
seule de serres : caractère bien plus certain que celui d’avoir la 
tête nue ; puisque tous les vautours , dans leur jeune âge, Pont 
couverte tout au moins d’un duvet: aussi qui pourra distraire 
des nombreux ouvrages sur les oiseaux, tous les jeunes vautours 
dont on a fait des aigles? malgré qu'il ny ait cependant rien 
de plus facile que de distinguer un jeune oiseau d’avec un 
vieux ; mais pour cela, je le répète, le premier coup-d’œil d’un 


D ETC OR LC OU. 43 
homme exercé vaut mieux, sans contredit, que la vérification 
scrupuleuse de tous ces nombreux caractères généraux , qui, la 
plupart du tems, n’existent que dans l'imagination de celui qui 
les a établis, et conviennent rarement à deux espèces du même 
genre. Les Grands Namaquois nomment l’Oricou, ghaiïp, en 
faisant précéder ce mot d’un fort clappement de langue. 


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Let à 4. 


11 HISTOIRE NATUREL 


LE CHASSE-FIENTE, N° 2. 


Îvotrevnammenr du grand vautour décrit dans l’article pré- 
cédent, on trouve encore dans toute la partie de l'Afrique que 
J'ai parcourue, un autre grand vautour qui diffère totalement 
du premier, tant par les couleurs que par plusieurs caractères 
qui le feront distinguer facilement de l’autre espèce. 


J’ai laissé à cet oiseau le nom de Chasse-fiente, qui est la tra- 
duction littérale du nom hollandois s#ontjager, par lequel les 
colons du Cap de Bonne-Espérance désignent, en général, tous 
les vautours, et particulièrement celui de cet article, parce qu'il 
est le plus connu; l’oricou ne se trouvant que sur les confins 
des plantations européennes, où, comme je lai dit, il est ap- 
pelé oiseau de charogne, noir (swarte-aas-vogel). 


Le Chasse-fiente est l'oiseau dont parle Kolbe, sous le même 
nom, et qu'il donne pour un aigle du Cap. On voit que Buf- 
fon , en rapportant ce prétendu aigle du Cap au genre des vau- 
tours, n’a pas été fondé cependant à le placer parmi Pespèce 
de lP’urubu de l'Amérique, et à conclure que l’urubu se trou- 
voit également en Amérique et en Afrique: conclusion d'autant 
plus hasardée, qu’il west encore rien moins que prouvé, qu’au- 
cun des vautours du nouveau monde se trouve aussi dans l’an- 
cien. Mais Buffon ne s’est pas contenté de cela seul; il a de 
plus voulu nous indiquer précisément le passage entre le Brésil 


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et la Guinée, où l’urubu a dû traverser la mer pour se rendre 
en Afrique. Si ce naturaliste s’étoit donné la peine de comparer 
Vurubu d'Amérique à la description de Kolbe, il se seroit faci- 
lement convaincu que le bec gros et crochu du stront-vogel ne 
pouvoit convenir à lPurubu, qui l’a, au contraire, long et si 
mince que les colons espagnols et portuguais lui ont donné le 
nom de gallinaco, gallinaca, et les Anglois celui de din- 
don-buse. L’urubu a, en effet, le bec plus ressemblant à celui 
d’un dindon qu’à celui d’un vautour. Dumarchais, qui avoit 
bien remarqué la forme particulière du bec de cet oiseau de 
proie, en conclut trop légèrement que c’est une espèce de din- 
don sauvage qui s’est habituée à manger des corps morts et de 
la charogne. Voyez l’ourigourap, planche 14 de ce volume. Cet 
oiseau, qui est aussi un vautour, a le bec fait à peu près comme 
celui de l’urubu, sinon qu’il est plus alongé. 

Il est heureux que le dessinateur ait au moins vu l’urubu 
quand il l’a dessiné ; car il est passablement représenté dans les 
planches enluminées de Buffon, N°. 187, sous le nom de vau- 
tour du Brésil (1). On ne peut pas en dire autant de Buffon; car 
certainement 1l n’a pas même jeté un coup-d’œil sur la planche 
qui représente cet oiseau, sans quoi il n’auroit pas commis l’er- 
reur qu'il a faite. Mais malheureusement il est facile de se con- 
vaincre que tous ses rapprochemens ont été faits de la même 
manière, c’est-à-dire, sans avoir ni vu ni comparé les espèces. Il 
est encore bon de remarquer que le Chasse-fiente d'Afrique est 
plus de trois fois plus fort que l’urubu , étant seulement un peu 


— 


(1) On est toujours étonné de voir tous les oïseaux de Buffon, ou du moins 
presaue tous, porter, dans les planches enluminées, des noms différens que dars 


les descriptions : ceci prouve évidemment encore la manière dont cet ouvrage a 
été fait. 


46 HISTOIRE NATURELLE 


moins grand que l’oricou. Ses aîles ployées s'étendent presque 

jusqu'au bout de la queue. Ge caractère seul suffira pour le dis- 
Ô > k A / 

tinguer de l’oricou , dont les aîles dépassent la queue de plu- 

sieurs pouces. Îl n’a pas non plus la tête et le cou nus comme 

ce dernier, mais couverts, comme le percnoptère et le vautour 

du N°. 425 de Buffon, d’un duvet fin et cotonneux, 


Avant d’avoir comparé le Chasse-fiente avec ces deux oiseaux, 
je croyois devoir le rapporter à l’espèce du percnoptère ; mais 
la confrontation de ces trois oiseaux m'a fait voir que je m’étois 
trompé, et que le Chasse-fiente est une nouvelle espèce à ajou- 
ter à ces deux autres, qui, de tous les vautours décrits, ont le 


plus de ressemblance avec lui, 


On ne sauroit confondre le Chasse-fiente avec le percnop- 
ière; puisque le caractère de ce dernier, d’avoir les aîles plus 
courtes et la queue plus longue que les aigles, ne convient 
nullement au premier, dont les aîles, au contraire, sont plus 
longues et la queue plus courte : d’ailleurs, sa tête est d’un bleu 
clair, et son cou n’est point couvert d’un duvet blanc, maïs 
jaunâtre ; enfin, le Chasse-fiente n’a point la tache brune en 
forme de cœur, que le percnoptère porte sur la poitrine, et sa 
couleur est toute différente. Le Chasse-fiente ne peut pas non 
plus être considéré comme une variété du vautour du N°. 425 
de Buffon : la seule inspection des deux figures suflira pour en 
convaincre ceux qui prendront la peine de les comparer en- 
semble. 


La couleur générale du Chasse-fiente tire sur le fauve isa- 
belle, et approche de celle qu’on nomme café au lait. Quelques: 
unes des petites couvertures des aîles sont marquées d’une teinte 
plus foncée , et les grandes pennes sont noirâtres. Il a au bas du 


DUC PANNE EE NUE, 47 


cou, par derrière, une espèce de fraise de plumes longues et 
effilées , qui sont contournées par le frottement de la tête, que 
cet oiseau y cache en la rentrant dans ses épaules. Les plumes 
qui couvrent les jambes descendent un peu sur le tarse par de- 
vant. Les écailles larges qui couvrent les pieds et les doigts, 
sont brunâtres. Les ongles ont une couleur de corne noirâtre, 
ainsi que le bec. L’œil est d’un brun foncé. Le mâle et la femelle 
diffèrent peu l’un de l’autre; et je n’ai jamais vu qu’une très- 
peüte différence dans leurs tailles ; seulement le mâle est un peu 
moins fort; mais il s’en faut de beaucoup qu’il y ait cette grande 
disproportion qu’on remarque entre les deux sexes dans presque 
tous les autres oiseaux de proie. 


Le Chasse-fiente se retire dans les rochers sur les plus hautes 
montagnes. Toute cette chaîne de monts entassés qui couvrent 
la pointe de PAfrique, depuis la ville du Cap jusqu’à la baie 
Falso, en recèle une très-srande quantité. C’est de-là, qu'ils 
s’échappent pour se répandre sur toutes les habitations des en- 
virons , où ils trouvent en abondance de quoi satisfaire leur 
faim, parce que les terres du voisinage de la ville étant très- 
arides, sont peu propres à la nourriture des bestiaux, qui y 
périssent fort fréquemment faute de subsistance ; aussi rencon- 
tre-t-on toujours sur les routes plusieurs bœufs morts qu’on a 
abandonnés sur les chemins ; il est même fort heureux pour les 
habitans paresseux de ces contrées, que les vautours les délivrent 
de ces cadavres infects. J’ai vu ces oiseaux descendre jusqu'à 
l'entrée des boucheries, pour se repaître des têtes et des intestins 
des animaux qu’on y égorge, et qu’on a la mauvaise habitude de 
jeter devant la porte. Le Chasse-fiente fréquente aussi beaucoup 
les bords de la mer, où les habitans font porter toutes les vi- 
danges des maisons. Ils y sont attirés de même par tout ce qui se 
jette des vaisseaux qui sont en rade, ainsi que par les coquilles, 


48 HISTOIRE NATURELLE 


crabes et poissons morts que la mer vomit de son sein. C’est pro: 
bablement cette abondance de nourriture, qui a si fort multi- 
plié dans la colonie du Cap l’espèce du Chasse-fiente, qui y est 
beaucoup plus nombreuse que celle de Poricou. 


Je sais, par l'expérience que jen ai faite, que le Chasse-fiente 
peut vivre long-tems sans prendre de nourriture ; car ayant pris 
deux de ces oiseaux en vie, un jour qu’un grand vent de sud-est 
en avoit abattu plusieurs dans les rues du Cap, je voulus les 
jaisser mourir de faim, pour les faire maigrir ; parce qu'en gé- 
néral ces oiseaux sont excessivement gras. Je les fis mettre, à 
cet effet, dans une grande cage à poulets, sans leur donner au- 
cune nourriture. Au bout de quelque tems, j’en tuai un que je 
trouvai encore trop gras. Après cela, je laissai jeûner l’autre 
plusieurs jours; mais le voyant afloibli, et le croyant assez 
maigre, je le tuai: je fus fort étonné de lui trouver encore trop 
de graisse quand je le préparai, 


Ce que j'ai dit des mœurs de l’oricou convient parfaitement 
au Chasse-fiente, qui a les mêmes habitudes. Cette espèce est, 
comme je l'ai remarqué, infiniment plus multipliée que l’autre, 
quoique les femelles pondent le même nombre d'œufs ; ceux du 
Chasse-fiente sont d’un blanc bleuâtre. Ces oiseaux étant d’une 
couleur plus apparente que celle de l’oricou, on les distingue 
mieux quand ils sont perchés sur les rochers à l'entrée de leurs 
retraites, où on les apperçoit comme autant de taches blanches. 
C’est un fort joli coup-d’œil que de voir une troupe de ces oï- 
seaux qui couvrent entièrement toute une chaîne de montagnes; 
il suffit alors de leur tirer un coup de carabine à balle, pour les 
voir tous reprendre pesamment leur vol et tournoyer ensuite 


dans l’air. Dans les déserts, où les vautours ne trouvent pas. 


toujours des cadavres en abondance, ils se nourrissent de tout 
ce 


L 


DU FCÉLA SIS'E PAT ENTRE 49 
ce qu'ils peuvent rencontrer. J’en ai tué qui n’avoient dans le 
jabot que des morceaux d’écorce d'arbre ou de la terre glaise, 
souvent même que des os entiers sur lesquels il n’y avoit pas la 
moindre chair, et quelquefois aussi leur jabot n’est rempli que 
de fiente d'animaux. Les Sauvages m'ont assuré que quand les 
vautours sont pressés par le besoin, ils dévorent réciproquement 
leurs petits, et même les leurs propres ; mais je n’ai jamais été 
à même de vérifier ce fait, ainsi je ne l’assure pas. Les tortues 
de terre et les buccins terrestres du Cap, que ces oiseaux ava- 
lent tout entier, sont pour eux une proie fort délicate ; ils se 
jettent aussi sur ces nuées de sauterelles, dont j'ai parlé dans 
mes voyages. 


Tome I. G 


5o HISTOIRE NATURELLE 


LE CH AÏËG OU N,-N° « 


Jr laisse à ce vautour le nom indien qu’il porte au Bengal, 
d’où je lai recu. Il paroît probable que cette dénomination par- 
ticulière a quelque rapport, ou avec quelqu’une de ses habitu- 
des, ou avec ses couleurs ; car à cet égard les noms populaires 
sont toujours plus significatifs que ceux que, la plupart du 
tems, les savans appliquent aux divers animaux qu’ils veulent 
faire connoître : aussi me permettrai-je de laisser, autant que 
cela se pourra, aux animaux que je décrirai, les noms qu'on 
leur donne dans leur pays natal, ou du moins je les indiquera 
toujours quand je croirai pouvoir leur en substituer un autre 
qui me paroîira leur convenir autant dans notre langue. Je suis 
persuadé que cette méthode ne peut que faciliter beaucoup les 
progrès de l’histoire naturelle ; car sachant le nom que porte tel 
ou tel animal dans la contrée qu'il habite, il sera bien plus fa- 
_cile de se le procurer et d’en obtenir des détails intéressans que 
de le demander sous son nom scientifique et insignifiant. J’in- 
vite donc les voyageurs à nous conserver, autant que possible, 
les noms qu’on donne dans les pays étrangers, aux animaux 
qu'ils nous en rapporteront. Je me garderai bien de faire la 
même prière à certains savans, qui, je ne sais par quel amour- 
propre, mettent, au contraire, une gloire infinie à paroître 
ignorer ces noms dans leur propre langue , et ne veulent abso- 
lument connoître que les objets qu’on leur désigne par un mot 
grec ou latin. Cette manie est même poussée si loin, qu'on en a. 


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vu s’arroger avec morgue le droit de reprendre celui qui, pour 
se faire mieux comprendre , avoit osé employer un nom consa- 
cré par une tradition de plusieurs siècles, plutôt que de se servir 
d’un nom nouveau à peine connu depuis quelques années. 


Le Chaugoun est un vautour d’une grandeur moyenne et 
west guère plus gros que celui connu sous le nom de roi des 
vautours. Pour en donner une idée précise, je dirai qu'il est à 
peu près de la taille d’un dindon femelle. Son bec est presque 
entièrement d’un noir de corne ; la mandibule supérieure étant 
seulement jaunâtre dans la partie où elle se renfle. Les narines 
sont longues et placées en travers, elles occupent, pour ainsi 
dire , toute l'épaisseur de la base du bec, qui est entourée d’une 
peau noire. Le cou par devant est parsemé de quelques poils 
rares, qui laissent par-tout appercevoir la peau, qui m'a paru 
avoir été bleuâtre ; je dis m'a paru, car on sent combien il est 
difficile de savoir au juste, d’après une peau sechée, de quelle 
couleur elle étoit du vivant de l'animal. Le jabot, assez proémi- 
nent, est couvert de fines plumes soyeuses , d’un brun-noir, qui 
est la teinte générale de tout le plumage de cet oiseau. Cette cou- 
leur sombre et uniforme est un peu égayée par une ligne blanche 
longitudinale, qui marque le milieu juste de chacune des plu- 
mes qui couvrent tout le dessous de son corps. On remarque en- 
core une large tache blanche de chaque côté de la poitrine, sur 
les flancs, mais ces taches sont cachées quand l'oiseau a ses aîles 
dans l’état de repos. Les dedans des jambes sont couverts d'un 
duvet blanc qui garnit tout le dessous des plumes, et qui re- 
monte autour du jabot. La tête et le haut du cou par derrière, 
sont entièrement couverts d’une espèce de poils luisans d’un 
blanc sale. Plus bas c’est un duvet cotonneux plus blanc, qui va 
se joindre à un large collier de la même couleur. La queue et 
les grandes pennes des aîles sont noïrâtres, les moyennes sont 


G 2 


52 HIS T'OMRMEMNAMURELLE 


bordées extérieurement d’un brun-roux. Les aîles ployées ne 
s'étendent pas au-delà de la queue, qui étoit usée vers le 
bout. Les ongles sont noirs et les pieds couverts d’écailles d’un 
gris terreux. J'ignore quelle étoit la couleur des yeux, n’ayant 
reçu aucune indication ni à cet égard, ni relativement aux 
mœurs de ce vautour. Le doigt du milieu est près du double plus 
long que ceux des côtés. 


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Novs devons la connoissance de ce grand et rare vautour, à la 
bonté du citoyen Ameshof, si renommé par son goût pour lor- 
mnithologie et par la mapnifique inénaverie qu'il possède Asa 
maison de campagne près d'Amsterdam. Get amateur zélé s’est 
prêté avec toute la complaisance possible à ce que je prisse le 
dessin et la description de cet oiseau. Je lui fais ici mes sincè- 
res remercimens, pour la manière obligeante avec laquelle il a 
-eu l'attention de me montrer les objets les plus rares et les plus 


curieux de sa ménagerie , laquelle m'a paru digne d’une grande 
nation (1). 


N'ayant pu savoir le nom que porte cet oiseau dans son pays 


(1) La Hollande renferme , dans sa petite étendue, peut-être plus d'amateurs de 
curiosités en tous les genres , que le reste de l’Europe ensemble. En général, les 
Hollandoiïs ont tous une passion décidée pour les productions de la nature et de 
Vart : l’un a du goût pour les oiseaux, l’autre pour les coquilles, un troisième 
pour les fleurs, tandis qu’un quatrième amasse à grands fraix les anciennes por- 
celaines; il n’est pas même jusqu’au linge qui ne soit un objet de recherche pour 
les Hollandoiïs ; tout, en un mot, excite l’attention des curieux Bataves- Les mé- 
nageries sont très-communes en Hollande, et plus encore les cabinets d'histoire 
naturelle. Je ne parle point de ceux de tableaux et de belles gravures, parce qu'ils 
sont assez connus. Je reviens au genre qu ‘attache le plus, celui de l’histoire 
naturelle ; et je pense que c’est rendre à l’Europe entière un service que de lui 
donner quelques détails sur la ménagerie du citoyen Ameshof, ménagerie qui a 
causé mon admiration , autant par sa disposition générale que par les objets précieux 


54 HISTOIRE NATURELLE 


natal , qui est la Chine, à ce que m’a assuré le citoyen Ames- 
hof, je lui ai donné celui de Chincou; en attendant que nous 


qui l’enrichissent. Dans une très-grande enceinte entourée de treillages en fil de 
fer , et dans le milieu de laquelle il y a une longue pièce d’eau, se voit une pro- 
digieuse quantité d’oiseaux aquatiques de tous les pays , parmi lesquels on remar- 
que avec surprise de ces superbes sarcelles de la Chine, à éventail sur le dos (voyez 
Buffon , planche 805) ; le beau canard bronchu de la Louisiane ; le pélican ; etc. 
Ce qui m'a le plus surpris, c’est la bonne intelligence qui régnoit entre toutes ces 
espèces différentes, qui, pour la plupart , pulluloient I} comme dans leur pays 
natal ; et qui plus est, croisoient leurs races avec d’autres espèces. Ce bassin seul 
peut offrir des observations pour la vie d’un naturaliste. Dans un autre vaste ar- 
rondissement , sont pratiquées , les unes à côté des autres, de grandes volières à 
jour. Chacune de ces loges contient un ou plusieurs oiseaux de la même espèce. 
Dans l’une de ces loges je vis le Chincou dont il est question ; dans une autre , des 
hoccos-pierre ; dans une aütre encore , le hoccos ordinaire ; dans une quatrième , le 
hoccos du Pérou. Non-seulement le citoyen Ameshof étoit parvenu à obtenir des 
jeunes de ces troïs espèces d’oiseaux; mais il en avoit même fait croiser les races, 
et en avoit tiré des métis, qui étoient eux-mêmes féconds. Dans le même arron- 
dissement , j'apperçus le roi des vautours , des demoiselles de Numidie , la grue 
d'Amérique , et deux espèces de grues des Indes , le phénicoptère, des courlis 
rouges, des pigeons couronnés des Indes, le secrétaire , l’autruche mâle et fe- 
melle , qui ont pondu chez lui ; une très-belle espèce d’outarde d’Afrique , l’a- 
gami , l’éperonier de la Chine , etc. Le jardin très - spacieux de cette campagne, 
offre , de distance en distance , de petites volières de dix pieds en carré, fer- 
mées par un treillage; chacune avoit un petit bassin d’eau dans le milieu et une 
loge pour servir de retraite aux oiseaux. Ici, on voyoit le mâle et la femelle du 
jacana ; là, c’étoit un couple de porphirions ; enfin, les oiseaux les plus jolis et 
les plus rares. Dans une basse-cour immense, il y a des volailles de toutes les es- 
pèces et des variétés innombrables , produites par le mélange de tous les oiseaux 
du même genre. La faisanderie est aussi très-considérable , et contient toutes les 
espèces connues de faisans, avec tous les métis provenus de ces différentes races 
croisées , tant de la Chine que des autres pays. On y remarque le maraiïl , celui à 
tête blanche , l’oazin, etc. Parmi les pigeons , dont le nombre est exorbitant, j'ai 
admiré huit pigeons de Nicobar, au moins autant de pigeons verts de Ceilan, et 
plusieurs autres espèces très-rares des Indes. Dans des cages séparées étoient des 
perroquets et des perruches de toutes les espèces. Ensuite venoit la volière des 
petits oiseaux. Celle-ci étoit pratiquée près de la maison, et en faisoit même par- 
tie. C’étoit une pièce qui donnoit dans une salle par une grande croisée , d’où 
l’on pouvoit jouir de leur vue, et qui, en même tems, communiquoit dans une 
vaste volière en dehors. L'été tous les petits oiseaux sont lâchés dans cette volière 


DU CHINCOU. 55 


apprenions celui sous lequel les Chinois le désignent, et qu’on 
lui rendra si on le trouve meilleur que celui que j e lui applique 


qui se garnit d’arbrisseaux, où plusieurs d’entre ceux font leur petits, quoique dans 
un climat bien différent du leur. Pendant l’hiver les petits oiseaux restent renfer- 
més dans la pièce où il y a ur poële ; et tous les grands oïseaux rentrent dans 
des bâtimens faits exprès et chauffés à un degré convenable. Les fraïix immenses 
que doit occasionner ce goût si dispendieux, sont incalculables ; vu que le citoyen 
Ameshof n’épargne rien pour augmenter sa ménagerie ; et, outre l’achat des ani- 
maux , l’entretien seul doit en être exorbitant. 


J'ai parlé de la superbe volière du citoyen Temminck , trésorier de la Compa- 
gnie des Indes. J’ai vu chez cet amateur les choses les plus précieuses ; mais il 
n’aimoit que les petits oiseaux , dont il prenoït un soin si particulier , qu'il étoit 
aussi parvenu à faire faire des petits à beaucoup d’espèces ; entre autres , au car- 
dinal du Cap, à celui de Madagascar, au calfat, au grenadin, au sénégali, au 
bengali, etc. Ces deux amateurs, qui peut-être ont poussé le plus loin l’art d’éle- 
ver et de propager dans leur pays froid , les oiseaux des contrées les plus chau- 
des, m'ont assuré que ce n’étoit pas autant la chaleur qu’une nourriture convenable 
qu’il falloit chercher à procurer aux oïseaux pour les faire produire dans nos cli- 
mais. Et, en général , on doit rendre justice aux Hollandoïs à cet égard : aucune 
nation n’a poussé si loin l’art d’élever les oiseaux de basse-cour ; car nulle part on 
ne voit une aussi grande quantité des différentes volailles. Les jardins hollandoiïs, 
pour leurs productions , sont des chefs-d’œuvre ; et cependant il n’est peut-être pas 
de climat plus ingrat que celui de la Hollande pour la génération des animaux étran- 
gers et des plantes exotiques ; mais ses industrieux habitans ont su, avec beau- 
coup d’art, forcer, pour ainsi dire, la nature à être libérale envers eux. Aussi des 
hommes qui sont parvenus à enchaîner la mer, et à lui poser des bornes, ne pou- 
voient gémir long-tems sous le joug de l'esclavage. 


La ménagerie de la citoyenne Baker, près de la Haye , est de même digne de 
l'admiration des voyageurs. Outre une grande quantité d’oiseaux de toute espèce ; 
elle y entretient aussi beaucoup de différens quadrupèdes. Le citoyen Boers possède 
également à Hasserwoude , près de Leyde, une charmante volière, où j'ai vu 
vivant , outre beaucoup d’espèces rares, le jeai bleu de la Caroline, le mainatte , 
le cacatou bleu , le cacatou à huppe rouge, etc. Tout le monde a entendu parler 
de la superbe ménagerie de Blauw-Jan à Amsterdam , et de celle du prince d’O- 


à . » . Q 14 
range ; mais quand je vis cette dernière elle étoit fort dépeupiée. 


Les cabinets d’histoire naturelle qui tiennent le premier rang en Hollande sont 
d’abord , à la Haye, celui du prince d'Orange , où l’on remarque le squelette de 


56 HISTOIRES NMUREMEME 


ici. Ce vautour, de la taille à peu près de celui d'Afrique que 
jai nommé l’oricou , est caractérisé d’une manière particulière, 


la girafte , le superbe coquillier de Lionet ; à Amsterdam, ceux de Temminck et 
de Raye de Breukelervwaert : ces deux cabinets réunis formeroient la plus belle collec- 
tion de l’Europe. Outre les oiseaux, Raye possède une superbe collection de mi- 
néralogie; la plus belle suite et la plus nombreuse peut-être de l’Europe, en 
papillons et en insectes, une autre de coquilles et une autre enfin de madrepores. Il a 
aussi quelques quadrupèdes. À Amsterdam , on voit encore le cabinet très-nombreux 
d'oiseaux , du citoyen Holthuysen, qui possède aussi une grande et belle suite 
de papillons et d'insectes. Dans la même ville se trouve le cabinet de Meyer , en 
coquilles , et en animaux conservés dans de l’esprit de vin. Le cabinet de papil- 
lons et d’insectes de Stol; celui dans le même genre de Rhingers; enfin, le ca- 
binet de plantes et d'animaux à l’esprit de vin , de Burman , etc. etc. etc. 


On admire à Harlem, le cabinet de la société : annoncer que le citoyen Van 
Marum en est le directeur et le professeur, c’est assez faire l’éloge de ce cabinet, 
riche en tous les genres. 


A Leyde, la collection de l’université, où j'ai vu une jeune giraffe empaillée, 
et l’hippopotame. Il y a des objets assez rares dans ce cabinet; mais, en général, 
je n’y ai point remarqué l'esprit d’ordre, d’arrangement et sur-tout de propreté 
qui caractérise la nation batave, 


À Hasserwoude , près de Leyde, se voit la belle collection de Boers , baïlli du 
lieu. Outre un riche cabinet d'oiseaux , il possède une belle suite de quadrupè- 
des, où j'ai vu les animaux les plus extraordinaires et les plus rares. Sa collection 
contient aussi beaucoup de papillons et de coquilles. 


A Rotterdam, j'ai admiré la jolie collection des citoyens Gevers Arntz. Elle 
n’est pas très-nombreuse ; mais ce sont toutes des pièces choisies et des plus rares. 
Gny voit aussi une belle suite de papillons et d'insectes. L’un de ces deux amateurs 
possède le talent de peindre supérieurement bien les oiseaux : son porte - feuille - 
dans ce genre est admirable pour les attitudes gracieuses qu’il a su donner à cha- 
que oiseau et par le coloris qui est vraiment celui de la nature. J'ai les plus gran- 
des obligations à la plupart de ces amateurs, qui ont eu la bonté de me permettre 
de prendre des dessins et des descriptions des morceaux rares de leurs cabinets. Le 
public leur saura gré, sans doute, de leur complaisance , puisque c’est elle qui m'a 
mis à même de le faire jouir à mon tour de tous ces objets précieux. J’indiquerai tou- 
jours les cabinets dont j'ai tiré les pièces que je décrirai, et on peut être certairr 
qu’il n'en est point que je n’aie bien vu et bien examiné ; ainsi, leur existence ne 
sera pas douteuse. 


° qui 


DU CHINCOU. 57 


qui donnera beaucoup de facilité pour le distinguer de tous les 
vautours décrits jusqu’à ce jour. Sa tête est surmontée par der- 
rière d’une touife de duvet d’un gris-brun, dont la forme est 
précisément celle des houpes de cigne dont se servent nos da- 
mes à leur toilette. La tête, les joues et la gorge sont couvertes 
d’un fin duvet noir. L’œil est cerclé d’une paupière blanche. 
Le cou est entouré d’un collier de plumes longues eflilées et 
détachées entre elles. Toute la partie nue du cou, qui se trouve. 
comprise entre le collier et le duvet noir du visage, est d’un 
blanc mat; on diroit une cravatte blanche, garnie au bas d’une 
fraise. Par devant le reste du cou n’a point de plumes, et la 
couleur de cette peau, qui est toute plissée, est bleuâtre. Le 
jabot est très-proéminent : quand il est plein on le prendroit 
pour une vessie que l'oiseau porte au bas du cou; vidé il se 
ride et disparoît entièrement sous de longues plumes qui, par- 
tant de chaque côté du cou, sont ramenées naturellement par 
devant. Les pieds et les doigts sont blanchâtres; les ongles sont 
couleur de corne, ainsi que le bout du bec, dont la base est 
d’un blanc bleuâtre. Le bec est assez épais à son origine ; mais 
il diminue insensiblement de grosseur jusqu’à sa pointe. 


Quand cet oiseau est repu et qu'il digère , il rentre entière- 
ment sa tête entre ses épaules. Son bec pose alors, dans toute 
sa longueur, sur le jabot. Toutes les parties nues du cou ne 
paroissent plus; sa cravatte lui entoure la tête, où elle forme 
une espèce de soleil en rayons divergens ; et ses aîles, qui sont 
pendantes, lui cachent les pieds. Toutes ses plumes sont si 
hérissées que, dans cette attitude, on le prendroit plutôt pour 
une masse informe emplumée, que pour un oiseau. 


La couleur générale du Chincou est d’un brun uniforme, 
plus noirâtre sur les pennes des aîles et de la queue , ainsi qu'au 


Tome I. 


53 HISTOIRE NATURELLE 


ventre. On le nourrissoit de viande crue qu'il dévoroit avec 
avidité. J’aurois désiré pénétrer dans sa loge pour mesurer son 
envergure qui me sembloit excessive ; mais on me le décon- 
seilla. En revanche, nous le harcelâmes en passant nos cannes 
à travers le treillage de sa volière, après lequel il se crampon- 
noit alors, en étendant ses aîles dans toute leur longueur. À 
en juger par les dimensions du panneau sur lequel il les frap- 
poit, elles avoient au moins neuf pieds détendue. Tranquille 
et perché, jamais cet oiseau n’avoit ses aîles colées au corps, 
mais négligemment pendantes, comme il est représenté dans 
notre planche. 


Le citoyen Ameshof n’a pu rien m'apprendre de particulier 
42 4 E 

gré, je pense, de 

. Ne Hécie 

livrer à la curiosité des amateurs d'histoire naturelle. Le tems 

nous apprendra peut-être quelles sont ses habitudes et sa ma- 


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nière de vivre. 


sur les mœurs de cet oiseau , qu’on me saura 


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DU ROI DES VAUTOURS. 59 


LE ROI DES VAUTOURS, N°. :3. 


L’orsEau que j'ai fait représenter dans la planche 13 n’est 
qu'une variété d’âge ou de sexe du vautour connu sous le nom 
de Roi des vautours, décrit par Buffon, Brisson, Edwards, etc.; 
qui tous en ont donné une assez bonne représentation. L'indi- 
vidu dont nous parlons est arrivé de Cayenne avec une collec- 
tion très-considérable d’autres oiseaux du même pays. Il y avoit 
dans le même envoi un autre Roi des vautours de la même es- 
pèce et absolument semblable à celui déja connu et figuré dans 
les planches enluminées de Buffon, N°. 426, sous le faux nom 
d’urubu. Celui-ci étoit indiqué comme étantle mâle; quant à ’au- 
tre, celui dont il est question, il étoit désigné pour être la femelle, 
et étoit moins fort dans toutes ses dimensions. Je me garderai 
cependant bien d’assurer, d’après l'indication, que cet oiseau 
étoit réellement une femelle; mais très-certainement c’est tout au 
moins une variété d'âge de la même espèce ; et dans ce cas il est 
probable que, dans sa première jeunesse, le plumage du Roi 
des vautours est entièrement noirâtre , comme le sont les larges 
taches qu’on apperçoit sur les petites couvertures des aîles, sur 
les scapulaires et sur tout le manteau en général. Dans cet état, 
il n’est pas douteux que cet oiseau a été tué au moment où, 
prèt à prendre la livrée de l’âge fait, il porte encore quelques 
indices de celui de l’enfance, ainsi qu’on l’observe générale- 
ment à tous les oiseaux qui changent de couleur dans leurs dif- 
férens âges, comme cela arrive à presque tous les oiseaux 
2 


6o HISTOIRE NATURELLE 


carnivores ; soit aussi quant ils en changent plus régulièrement 
dans chaque saison, comme on peut le remarquer à toutes les 
espèces de sucriers, colibris, grimpereaux, veuves, etc. 


J'ai examiné très-attentivement cette variété du Roi des vau- 
tours, dont J'ai eu occasion de voir deux individus absolument 
pareils : l’un dans ma collection et l’autre dans le superbe cabi- 
net du citoyen Raye de Breukelerwaert, à Amsterdam. Leurs 
plumages à tous deux étoient absolument les mêmes pour les 
couleurs ; seulement les taches noires, plus ou moins grandes, 
étoient différemment distribuées. Gette irrégularité m'a con- 
vaincu encore davantage que ces oiseaux étoient dans leur jeune 
âge ; d’ailleurs, ils portoient aussi d’autres caractères qui in- 
diquoient leur jeunesse; ce qui, dans tous les oiseaux en gé- 
néral , est très-facile à reconnoître, soit par un duvet cotonneux 
très-abondant, et à une espèce de poussière qui poudre les plu- 
mes, soit encore à quelques brins chevelus qui, dans les envi- 
rons de la tête, s’hérissent par dessus les plumes et les débordent, 
soit enfin au peu de dureté des os. 


La méthode qu’avoit adoptée Buffon de rapporter toutes les 
espèces d'oiseaux dont il parloit, à celles dont les voyageurs ont 
fait mention, lui a fait croire, sans aucun fondement, que le 
cosquauhtli où aura des Mexicains, décrit par Fernandès , Nie- 
remberg et Delaet, étoit de la même espèce que son Roi des 
vautours. Cependant la description du cosquauhtli ne convient 
évidemment point à cet oiseau; de sorte qu’on ne conçoit pas 
comment Buffon a pu s'y méprendre, et nous rapporter encore 
cette description tout au long, comme s’il avoit voulu nous 
prouver d’une manière plus convaincante qu’il étoit dans ler- 
reur. Il est certain « qu’un oiseau de la taille d’une poule d’E- 
« gypte, et dont toutes les plumes sont noires, à l'exception du 


DU ROÏPDES MAUTOURS. Gi 


« cou et de la poitrine, où elles sont d’un noir rougissant, et 
« dont les aîles noires sont mêlées et cendrées de pourpre et de 
« fauve, qui a les yeux noirs, les prunelles fauves; le front 
« d’un rouge de sang rempli de rides, qu'il fronce et ouvre 
« comme le coq d'Inde, et où il y a quelques poils crepus comme 
« ceux des Nègres, etc. etc. » n’est point le Roi des vautours. 
Quant au bec, « semblable à celui des perroquets, aux ongles 
« crochus, aux narines ouvertes: » cela appartient non-seule- 
ment à tous les oiseaux de proie, mais encore à beaucoup 
d’autres. Je crois donc inutile d'analyser cette description du 
cosquauhtli, pour prouver au lecteur qu’elle ne convient abso- 
lument point au Roi des vautours, qui est d’abord au moins 
du double plus grand que la poule d'Egypte ; par conséquent, 
Buffon n’a pu raisonnablement être autorisé à confondre ces 
deux oïseaux. Ces rapprochemens, faits d’après les mauvaises 
indications de certains voyageurs, sont, quand on n’a pas vu 
les espèces dont ils parlent, plutôt propres à reculer nos con- 
noissances qu’à les avancer d’un seul pas. 


Cette variété d'âge, dont j'ai donné la figure, ne diffère du 
Roi des vautours adulte que par les taches d’un brun-noir qu'il 
porte sur tout le corps. Du reste, il a absolument les mêmes 
caractères et le plumage de la même couleur. Sa tête et une par- 


tie de son cou sont pareillement nues et peintes de riches cou- 
leurs. 


62 HISTOIRE NATURELLE 


EL OUR IG OUR AP: Noire 


Vorïc: un oiseau que je place à la suite des vautours, parce 
qu'il a infiniment plus d’analogie avec eux qu'avec tout autre 
genre, du moins par ses mœurs; car par la forme de son bec, 
il diffère beaucoup des vautours, et même de tous les oiseaux 
de proie en général. Il me paroît que nous devons faire une 
section dans le genre des vautours pour ceux qui, comme ce- 
lui-ci et l’urubu d'Amérique (1), ont le bec mince, foible et 
prolongé en avant. Quoique l’Ourigourap soit plus fort que 
Purubu , son bec est cependant moins gros, mais plus long que 
le sien. Ce bec, peu proportionné à la grandeur de lindividu, 
du moins par comparaison à la force de celui des autres vau- 
tours, est recouvert dans les deux tiers de sa longueur d’une 
peau nue de couleur orange; les narines sont placées en long 
dans le milieu de cet espace; le bout du bec se courbe sans 
aucun cran, et ce bout seul est d’une matière cornée comme 
celui de tous les autres oiseaux. Ouri-sourap est le nom que 


les Grands Namaquois donnent à cet oiseau ; dans la colonie 
du Cap, les Hottentots le nomment Aou-soop , et les colons 


européens wite-kraai; noms qui, dans les trois langues, si- 
gnifient corbeau blanc. 


Quoique cet oiseau ne soit réellement point un corbeau, il 


(1) Voyez les planches enluminées de Buffon, N°. 187, sous le nom de vautour 
du Brésil. 


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D'EL} O'UPRT GO U'RPANE: 63 


est très-certain qu'il en a cependant toutes les allures et tous 
les mouvemens. Il marche exactement comme lui ; son vol est 
aussi pareil au sien, et il vit de même de tout ce qu'il peut 
trouver. 


Dans les cantons qu'habite cette espèce, on ne rencontre 
pas une seule horde de Sauvages où il n’y ait une couple de 
ces oiseaux qui y sont fixés. [ls se perchent sur quelques buis- 
sons dans les environs, ou sur les haies qui bordent les parcs 
des bestiaux. Ils sont, pour ainsi dire, domiciliés dans l’en- 
droit, et sont peu farouches, les Sauvages ne leur faisant ja- 
mais aucun mal ; au contraire, ils les voient avec plaisir, parce 
qu’ils purgent leurs enceintes de toutes les immondices et or- 
dures qui sy trouvent toujours. 


Les Ourigourap ne vivent point en troupes , comme les vau- 
tours et les corbeaux. Cependant, quand ils sont aïtirés par 
quelques cadavres, on les trouve quelquefois au nombre de 
huit à dix réunis; maïs dans d’autres momens il est rare d’en 
voir plus de deux ensemble. Le mâle et la femelle ne se quittent 
jamais ; ils construisent leur nid dans les rochers. Les Hotten- 
tots m'ont assuré que la ponte étoit de trois et quelquefois de 
quatre œufs ; ce que je n’ai jamais pu vérifier. 


J’ai trouvé ces oiseaux dans les landes stériles du Karow et 
du Camdeboo; je les ai vu aussi dans le pays d’Auteniquoi, 
mais très-rarement, ainsi que dans les environs du Cap. En 
revanche, ils sont fort communs chez les Petits Namaquois, et 
en bien plus grand nombre encore sur les bords de la rivière 
d'Orange, et chez les Grands Namaquois. 


Ces oïseaux sont peu farouches, et se laissent facilement 


64 HISTOIRE NATURELLE 


approcher par le chasseur; mais il faut les tirer avec du très- 
gros plomb, pour les faire tomber sur le coup. J’étois presque 
toujours obligé de les faire suivre après les avoir blessés , parce 
qu'ils alloient mourir quelquefois fort loin du lieu où je les avois 
tirés. Je n'ai pas campé une seule fois chez les Namaquois que 
je n’aie été visité, tout le long du jour, par ces oiseaux. Il 
m'arrivoit de tirer plusieurs fois sur le même, et de le blesser 
vigoureusement, sans que cela le rebutât ; car il revenoit tou- 
jours à la charge, pour nous dérober la viande que nous fai- 
sions sécher ou fumer en plein air. Faute de chair, lOurigourap 
se nourrit de lésards et de petits serpens ; il ne rebute même pas 
les vers de terre et les insectes qui recherchent la fiente des bes- 
tiaux. Enfin, il s’'accommode de tout, et jé ne lui ai même 
quelquefois trouvé dans Le jabot que des excrémens de bœuf ou 
d’autres animaux. 


L'Ourigourap est plus fort que nos plus grandes buses. Sa 
queue est toujours usée par le bout; ce qui provient du frotte- 
ment qu'éprouve cette partie dans les différens mouvemens de 
l'oiseau, qui se pose souvent à terre, et se retire tous les soirs 
dans les rochers pour y passer la nuit. 


Il est indubitable que lOurigourap des Hottentots est le 
même oiseau que le petit vautour de Buffon (1), ou le vautour 
à tête blanche de Brisson. J’ai cru pouvoir changer ces deux 
noms, parce que premièrement celui de petit vautour ne lui 
convient point, puisqu'il y a des vautours encore plus petits. Ge- 
lui de vautour à tête blanche est très-impropre; car, en effet, 
sa tête n’est pas blanche, comme on peut le voir. Je crois faire 


RE 


(1) Voyez les planches enluminées, N°. 449, où cet oiseau est très-mal figuré, 


sous le nom de vautour de Norwège. it 
plaisir 


D'EATVORU ERA GOMRAPT 6 


plaisir en donnant une figure parfaite de l’Ourigourap, puis- 
que, dans les planches enluminées de Buffon, cet oiseau est 
très-mal rendu, tant pour sa forme que pour ses couleurs ; et 
il est encore à remarquer que la description de ce petit vau- 
tour dans Buffon ne s'accorde nullement avec la figure enlumi- 
née qu’il en donne ; ce qui est fort ordinaire chez lui, comme 
il est facile de le vérifier. 


Il doit paroître plus qu’étonnant que Buffon, en parlant de 
son petit vautour , ou vautour de Norwège, qui est l’Ourigou- 
rap des Hottentots , n’ait point fait mention de la forme singu- 
lière du bec de cet oiseau; et qu’ensuite, n’y reconnoissant point 
le sacre égyptien de Belon (1), qui est très-certainement encore 
le même oiseau, 1l nous dise que ce sacre égyptien est un oi- 
seau d’un autre genre, qu'il faut séparer des vautours. Com- 
ment Buffon, qui s’est apperçu, par la seule description de 
Belon, que cet oiseau appartenoit à un autre genre, n’a-t-il 
pas remarqué que son petit vautour et son urubu avoient abso- 
lument le même bec; qui est différent de celui de tous les autres 
vautours et même de tous les autres oiseaux de proie connus ? 
Je dois encore conclure de là qu’en parlant du petit vautour 
ou vautour de Norwège, Buffon ne l’a point examiné, et que 
peut-être il ne l’a même pas vu; quoique cet oiseau soit au 
Cabinet National, où je l'ai comparé avec grande attention à 
l’Ourigourap. Je suis donc convaincu que ce vautour de Nor- 
wège du Cabinet National, qui est le même individu qui a 
servi pour le dessin des planches enluminées, N°. 449, est de 
la même espèce que l’Ourigourap du Cap de Bonne-Espérance. 
S'il est par conséquent vrai que l’oiseau du Cabinet National 
ait été tué en Norwège, il est certain que lOurigourap se 


(1) Belon, Histoire des oiseaux, page 110. 


T'ome JL. | I 


65 _ HISTOIRE, NATURELLE 


trouve et en Afrique et dans quelques parties de l'Europe. Il 
habite probablement presque toute l'Afrique méridionale, puis- 
que je l’ai vu depuis le Cap jusque vers le tropique, où il étoit 
même infiniment plus commun qu'ailleurs. 


Si, comme le dit Buffon, l’achbobba , que le docteur Shaw 
a vu en Égypte, est le même oiseau que le sacre d'Egypte de 
Belon, ce que je ne déciderai pas, d’après la courte notice 
qu’en donne Shaw ; il me paroît au moins certain que les éper- 
viers que Paul Lucas a remarqués aussi en Egypte, ne sont pas, 
comme il le prétend encore, de la même espèce ; car, suivant 
Paul Lucas, ces éperviers sont de la taille d’un corbeau, et ont 
la tête d’un vautour, avec les plumes du faucon. Il suffit de jeter 
un coup-d’œil sur notre planche enluminée, N°. 14, pour voir 
que l'Ourigourap (qui, comme je l'ai dit, est le même oiseau 
que le sacre d'Egypte de Belon, le petit vautour décrit par Buf- 
fon, ou le vautour de Norwège de ses planches enluminées, et 
enfin le vautour à tête blanche de Brisson ) n’a aucune plume 
qui ait quelque rapport avec celles des faucons; et qu’en outre 
la taille de ces éperviers est encore très-différente ; car POuri- 
sourap est beaucoup plus fort qu’un corbeau, puisqu'il appro- 
che de la taille d’un dindon femelle. 


Le front, le tour des yeux et les joues jusqu'aux oreilles, 
sont nus dans l’Ourigourap et d’une couleur safranée. Cette 
couleur est plus vive dans la partie du bec où sont placées les 
narines ; la gorge est couverte d’un fin duvet rare, qui laisse 
appercevoir la peau, qui est jaunâtre, ridée et capable d’une 
grande extension. Le haut de la tête et tout le cou sont cou- 
verts de plumes longues , eflilées et détachées entre elles en brins 
désunis, sur-tout par derrière et sur les côtés. La couleur géné- 
rale de cet oiseau est d’un blanc sali de fauve, principalement 


D Ed NONL AT GORE. 67 


sur la partie supérieure du corps, et sur les scapulaires ; les 
grandes pennes sont noires, les moyennes sont d’une couleur 
fauve dans leurs parties extérieures et noirâtres dans celles qui 
se trouvent cachées lorsque l’aîle est ployée. La queue est d’un 
blanc - roux ; elle est étagée, les plumes du milieu étant les 
plus longues et les autres devenant successivement plus cour- 
tes ; de sorte que la dernière de chaque côté est la plus courte 
de toutes. Le bout du bec et les ongles sont noirâtres ; les pieds 
ont une couleur brun-jaune ; le jabot proéminent, et qu’on ap- 
perçoit beaucoup quand il est plein, est nu, et d’une couleur 
jaune safrané. 


Dans cette espèce, la femelle diffère du mâle en ce qu’elle est 
un peu plus forte, et que la couleur de la base de son bec et de 
sa tête est moins rougeâtre et tire davantage sur le jaune. Dans 
son jeune âge, l'Ourigourap a toute la partie nue de la tête et 
de la gorge, couverte d’un duvet grisâtre ; et dans les mois de 
novembre, décembre et janvier, qui est le tems des amours, 
la couleur du bec du mâle est plus rouge que pendant le reste 
de l’année. 


Je soupçonne beaucoup que le vautour brun de Brisson, 
tome Î, page 455, ou le vautour de Malte de Buffon, planches 
enluminées, N°. 427, n’est qu’une variété de l’Ourigourap; je 
ne l’assurerai pourtant pas, n'ayant jamais vu cet oiseau en na- 
ture et ne le connoissant que par la description de Brisson et la 
figure coloriée que j'ai citée ci-dessus. 


68 HISTOIRE NATURELLE 


DES BUSES. 


LE BAC FT A NE IN us 


L'orsrav de proie que J'ai nommé Bacha ne fréquente que les 
hautes montagnes stériles et brûlées du pays le plus reculé des 
Grands Namaquois, et de là vers le tropique du capricorne, - 
seule partie de l'Afrique méridionale où je lai rencontré et où 
il est même peu commun. Cet oiseau, qui paroït un peu se 
rapprocher des buses, se perche toujours sur le sommet de quel- 
ques roches escarpées, d’où il peut guéter et découvrir le plus 
facilement un petit quadrupède très-abondant sur toutes les 
montagnes de ce pays aride, savoir, le Æ/p- das des colons 
du Cap (1); et, quoique d’autres oiseaux de proie chassent aussi 
ces animaux, 1l est certain que celui dont il est question en 
prend infiniment plus ; enfin, c’est sa chasse habituelle et sa 
nourriture de préférence. Il est vrai que les damans, qui sont 
très-subtils et toujours en garde contre un ennemi aussi cruel, 
quittent, dans ces circonstances, rarement le bord de leur antre 
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(1) Cet animal est une espèce de daman. 


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profond , où ils sont bientôt enfoncés dès qu'ils apperçoivent 
leur ennemi, et par-là forcent souvent l'oiseau de proie à chas- 
ser de plus petits individus ; trop heureux alors de se rabattre 
sur quelques lésards et sur des insectes, qu’il ne dédaigne même 
pas dans les cruels instans de disette. 


J’ai vu le Bacha, pour surprendre un daman , passer souvent 
trois heures de suite sur une pointe de roche, ayant la tête en- 
foncée dans ses épaules, et y rester si immobile qu’on lauroit 
pris facilement pour une partie même de la roche sur laquelle 
il étoit posé. C’est de cette embuscade que, saisissant un instant 
favorable , l'oiseau chasseur se plonge comme un trait sur l’ani- 
mal qu'il apperçoit au bas du rocher sur le bord de son trou. 
Quand il a manqué son coup , on le voit retourner tristement 
à la même place où il s'étoit mis aux aguets ; et Ià, comme sl 
étoit confus de sa mal-adresse , il laisse échapper plusieurs cris 
lamentables, qu'on peut rendre par Loui-hi— houi-hi-hi— 
hout-h1— houri-hi-hi. Ces tristes accens semblent peindre ses 
regrets et sa colère ; mais un instant après, quittant cette pre- 
mière embuscade, il va loin de là s'établir dans un autre poste, 
où il se fixe, avec la même patience et la même immobilité, 
jusqu’au moment où, plus heureux ou moins mal-adroit, il a 
réussi à se saisir d’un de ces animaux, qu’on entend à son tour 
faire des cris affreux, qui jettent tellement l’effroi parmi tous 
les damans du voisinage, qu’on les voit alors par-tout se pré- 
cipiter dans leurs vastes souterrains , pour n’en sortir de la 
journée. 


Etant quelquefois moi-même à la chasse du daman dans ces 
cantons stériles, où, manquant de vivres, nous étions obligés 
de les tuer pour nous en nourrir, si, par hasard, un Bacha se 
saisissoit d’un daman dans les environs de notre chasse , 1l étoit 


(13 


= HISTOIRE NATURELLE 


inutile de s'attendre, de plus de trois à quatre heures, à en voir 
venir un seul sur le bord de leurs demeures, tant les cris de 
celui qui avoit été saisi imprimoient de terreur à tous ceux du 
canton ; et pour en voir d’autres, il falloit absolument s’éloi- 
gner assez pour arriver dans les endroits où les cris du malheu- 
reux patient n’eussent point été entendus. 


Aussitôt que le daman est saisi, l'oiseau l'emporte vivant sur 
une plate-forme voisine, et là il semble jouir du plaisir de déchi- 
rer les flancs de cet animal, qui est déja à moitié dévoré qu’on 
entend encore ses cris douloureux. À voir cet oiseau de proie 
dépécer et déchirer le daman, on le croiroit plutôt animé par 
la colère et la vengeance que commandé par la faim. 


On peut remarquer sur les roches, teintes de sang, toutes les 
places où cet oiseau cruel et sanguinaire a immolé une victime; 
au reste, ce caractère féroce du Bacha est bien analogue au sol 
ingrat et stérile où la nature semble l'avoir fixé et condamné à 
vivre. Je ne l'ai jamais vu dans les cantons rians et fertiles que 
j'ai parcourus dans mon premier voyage. Des habitudes aussi 
sauvages annoncent un oiseau fait, comme l'aigle et tous les 
êtres cruels, pour vivre isolé ; aussi le Bacha vit toujours seul, 
jusqu’au moment où la nature semble commander si puissam- 
ment à tous les êtres, même les moins faits pour la société, de 
se réunir pour multiplier leur espèce. C'est donc dans ce seul 
tems , que le besoin de se reproduire force le mâle à rechercher 
une femelle, qu'il s'associe seulement pour passer ensemble la 
saison des amours, qui ne commence, pour ces oiseaux, qu'en 
décembre, et ne dure que le tems nécessaire au développement 
de deux ou trois petits, qui naissent dans une caverne profonde 
parmi les rochers, et n’ont eu pour berceau qu’un amas de 
branches sèches, surmontées d’un lit de mousse et de feuilles 


DUB SC ELA 71 


mortes, entassées sans aucun ordre et sans beaucoup d’arran- 
gement. 


Le Bacha est de la taille de notre buse d'Europe, oiseau au- 
quel il ressemble assez, quant à sa configuration générale; mais 
duquel il diffère beaucoup dans le détail, tant par ses caractè- 
res que par ses mœurs ; il est aussi plus leste, moins massif et 
plus alongé, taillé mieux, enfin , pour la chasse. Il se caracté- 
rise par une touffe de plumes longues qui dépassent par derrière 
les autres de la tête. L'oiseau étale cette espèce de huppe hori- 
sontalement, comme une queue arrondie. Le bout de chacune 
des plumes de cette huppe est noir, et du reste elles sont entiè- 
rement blanches. Le sommet de la tête est couvert de plumes 
noires à leurs pointes et blanches intérieurement; mais le blanc, 
qui s’apperçoit dans plusieurs endroits, égaie un peu le plu- 
mage monotone de cet oiseau , dont la couleur est généralement 
par-tout d’un brun terreux, plus foncé sur les aîles et la queue, 
et plus lavé dans les parties du dessous du corps. Depuis la poi- 
trine jusqu'aux jambes, toutes les plumes sont parsemées de 
plusieurs taches blanches, à peu près rondes; pareilles taches 
se voient sur l'épaule de laîle. Les recouvremens du dessous de 
la queue et le bas-ventre sont rayés de blanc et de brun, et les 
couvertures des aîles sont terminées de blanc: la queue porte 
une large bande d’un blanc fauve , et toutes ses pennes sont li- 
sérées de blanc à leurs pointes. Le bec est couleur de plomb; sa 
base est jaune, ainsi que la peau, presque nue, du tour de 
l'œil. Les pieds, les doigts et les serres, sont noirâtres; l'iris 
est d’un brun-rouge foncé. 


La femelle est plus forte que le mâle; ses taches blanches 
sont moins apparentes et plus salies de fauve. Je n’ai vu que 
sept individus de cette espèce ; des sept je n’ai pu parvenir à en 


72 ETS MONTE EP NENRUrRRE EME 


tuer que quatre, deux mâles et deux femelles. Il ne m'est jamais 
arrivé de trouver ces oiseaux dans la plaine ; et souvent je les ai 
entendu sans les appercevoir. Au reste, ils sont très-farouches 
et fort difficiles à approcher. 


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DU RO UN ORNE 73 


CR ON OUT RO UINT 16 


L Rounoir et le rougri sont, en Afrique, les représentans de 
notre buse; ainsi que le grenouillard et le parasite le sont du 
busard et du milan. Ces espèces étrangères, réellement dis- 
tinctes des nôtres, habitent cette partie du monde à leur ex- 
clusion et à leur défaut, et les y remplacent dans les fonctions 
que l’ordre général de a nature a départi à ces sortes d’oiseaux 
de proie. Le busards et les milans, libres et sauvages, vivant 
sur des terrains abandonnés aux eaux, et dans des cn affran- 
chis du domaine de l’homme, n’ont avec nous aucune relation 
d'utilité. Les buses, au contraire, sont amenées auprès de nos 
habitations et dans nos cultures, par l’appat des petits ani- 
maux qui se multiplient auprès de nous avec les végétaux que 
nous semons et recueillons pour notre usage; le service que les 
buses nous rendent, en détruisant les souris, les taupes, les 
rats et les autres quadrupèdes proscrits par l’agriculture, exige 
que nous accordions à ces oiseaux sauve-sarde et sûreté, seule 
reconnoissance que la liberté puisse admettre; nous devrions 
même les défendre contre l'intérêt particulier, et leur accorder 
la protection des loix. C’est ainsi que de nos jours on protège 
la cigogne en Espagne et en Hollande, le merle couleur de 
rose en Barbarie, et le martin dans l'Inde; mais il est impor- 
tant sur-tout d'accorder toute faveur aux animaux utiles, dans 
les lieux où les hommes commencent à établir des cultures so- 
ciales, sur des terres encore à demi-sauvages, et dans des 


Tome I. K 


7 À, HISTOIRE NATURELLE 


climats où la nature, encore vierge, se refuse à des semences 
inaccoutumées. 


C’est d’après ces principes que le Rounoir trouve toute sü- 
reté auprès des colons du Cap de Bonne-Espérance, par qui il 
est désigné sous le nom de yakals-vogsel (oiseau jacal), par 
rapport à son cri qui imite celui de ce renard d’Afrique : on lui 
donne aussi celui de roiie-vanser (preneur de rats). On trouve 
cette buse autour de presque toutes les habitations; elle y est 
familière, et, pour ainsi dire, domestique; elle passe le jour 
dans les terres labourées, où elle se tient perchée sur la motte 
la plus élevée ou sur quelque buisson, sil s’en trouve dans le 
champ ; et c’est de là qu’elle guette tous les petits quadrupèdes 
qui lui servent de pâture. Quand la nuit approche, elle revient 
se percher auprès de la maison, sur les arbres ou sur les haies 
qui entourent le parc où on enferme les bestiaux. C’est sur les 
arbres ou au milieu des buissons les plus épais qu’elle fait son 
nid, qui est composé de menu bois et de mousse, et qu’elle 
garnit très-douillettement de laine et de plumes. La ponte n’est 
que de trois œufs, rarement de quatre, quelquefois même de 
deux seulement ; et, comme on ne fait aucun mal à la michée, 
l'espèce de cet oiseau est très- multipliée , malgré sa foible 
ponte. 


Indépendamment des terres de la colonie, le Rounoir habite 
aussi toute la partie de l’Afrique que j'ai parcourue, et je Pai 
vu sur-tout dans le voisinage des hordes de Sauvages. 


Cet oiseau, qui se laisse facilement approcher par l’homme, 
est cependant d’un naturel foible et craintif, et si lâche que la 
pie-grièche que j'ai nommée le fiscal lui donne la chasse et le 
met en fuite. 


——_—. 


DU RO UN OR: 75 


Le Rounoir est de la taille de notre buse, quant à la gros- 
seur; mais elle est plus ramassée; sa queue est aussi moins 
longue. Ses aîles ployées s'étendent presque jusqu’au bout de la 
queue , qui est coupée carrément. 


Le nom que j'ai donné à cet oiseau peint ses principales cou- 
leurs, qui sont le roux et le noiïr-brun; cette dernière domine 
sur la tête, le cou et le manteau. La gorge est égayée par un 
mélange de blanc, qui prend une teinte roussâtre à mesure 

il 9 h d JL e e L OX 3 d’ ; 
qu 1l s approche de la poitrine, qui est entièrement da un roux 
ferrugineux, flambé de quelques traits noirâtres. Le dessous 
du corps est varié de noir et d’un blanc sale ; les couvertures 
du dessous de la queue sont noires , mêlées de roux. Les gran- 
des pennes de l’aîle sont noirâtres, avec des bandes d’une cou- 

P 9 
leur plus claire vers leur origine ; les barbes intérieures sont 
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anchâtres ; les autres pennes sont noirâtres par le bout, e 
blanchâtres ; 1 tres p t âtres par le bout, et 
comme marbrées dans leurs barbes extérieures, et dans toute 
a partie cachée quand l’aîle est en repos : elles sont de plus 
la partie cachée q P P 
rayées transversalement de blanc et de noirâtre. Toute la queue 
est en dessus d’un roux foncé, avec une tache noire vers le 
bout de chaque plume; les deux extérieures seules ont des ban- 

es noirâtres : en dessous, elle est d’un gris roussâtre. La base 
d at d , elle est d’un g tre. La b 
du bec, les pieds et les doigts sont d’un jaune terne ; le bec et 
les serres sont presque noires. L’œil, qui est très-grand, est 
d’un brun foncé. 


Le mâle et la femelle du Rounoir se trouvent presque tou- 
jours l’un avec l'autre et ne se quittent que très-rarement. Le 
soir, avant de venir se percher pour passer la nuit, on les voit 
tournoyer ensemble à peu d’élevation dans l’air : c’est dans ce 
moment sur-tout qu’ils font entendre ces cris aigus et rauques 
qui leur ont fait donner, par les habitans, le nom d’oiseau jacal. 

K 2 


76 HISTOIRE NATURELLE 


Dans cette espèce, le mäle est moins fort dans toutes ses 
dimensions que la femelle ; son noir est moins lavé, et le roux 
de sa poitrine plus foncé et plus mélangé de flammes noires. 


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Lis mêmes raisons qui m'ont engagé à nommer la buse pré- 
cédente rounoir, n’ont déterminé à donner à celle de cet arti- 
cle le nom de Rougri; parce qu'il nous peint d’un seul mot les 
deux principales couleurs du plumage de cet oiseau, qu’un 
roux ferrugineux, plus ou moins foncé , teint par-tout en gé- 
néral, à l’exception pourtant des grandes pennes de l’aîle, dont 
la couleur est noire, et des plumes du cou par devant, ainsi 
que celles de la poitrine et les couvertures du dessous de la 
queue qui sont d’un gris blanchâtre : la queue elle-même qui, 
en dessus , est entièrement rousse, porte, par dessous, cette 
même teinte de gris, rayée par quelques bandes transversales 
peu apparentes. Le roux du ventre est plus clair que celui du 
_ manteau; il est aussi flambé de quelques traits noirâtres. Le 
bec et les picds sont d’un beau jaunc citron; les ongles sont 
noires ; l'œil est d’une couleur rougeâtre. 


Cette buse est sédentaire comme la précédente ; on pourroit 
la regarder, en la comparant au rounoir, comme la buse sau- 
vage du Cap, et la première comme la buse domestique. Il est 
même probable que le Rougri, étant plus petit et moins fort 
que le rounoir, l’espèce aura été contrainte d'abandonner les 
terres cultivées de la colonie, dont se seront emparés ces der- 
mers, qui, par le puissant droit du plus fort, les en auront peu 
à peu chassés entièrement ; les Rougris, comme tous les êtres 


70 H I SDOTR EN 'APUMR EME 


qui tiennent de plus près à la nature , auront été contraints de 
faire, dans cette lutte, ce que font encore tous les jours les 
hommes sauvages de ces contrées, qui, pour éviter les cruautés 
des Blancs, et même de leurs concitoyens civihsés, se reculent 
de plus en plus dans les déserts, et diminuent leur population 
à mesure que celle de leurs persécuteurs semble s’augmenter. 
C’est par la même raison sans doute que le Rougri se trouve 
si rarement dans la colonie, où il ne fréquente même que les 
cantons arides et abandonnés. 


Quoique la ponte du Rougri soit aussi de trois et quelque- 
fois de quatre œufs , l’espèce en est cependant beaucoup plus 
rare et moins nombreuse que celle du rounoir. Cet oiseau vit 
de taupes , de rats, de souris et même d’insectes ; et son cri 
approche beaucoup de celui de notre buse d'Europe. 


En comparant le Rougri au rounoir, on le trouve plus alongé 
et moins trapu ; sa queue est aussi plus longue et son bec visi- 
blement plus foible. Moins accoutumé à la société de homme, 
il est plus craintif et se laisse difficilement approcher. Dans 
cette espèce, la femelle est un peu plus forte que son mâle, et 
lui ressemble d’aillenrs totalement, à l’exception de la teinte 
de son plumage, qui est d’un roux plus foible. Le mâle et la 
femelle ne se séparent que rarement ; et c’est dans les buissons 
qu’ils construisent leur nid, qui est composé des mêmes matiè- 
res que celui du rounoir. 


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DE LANBUSE GANTÉE 79 


LA BUSE CANTEE. N're 


Czrre buse porte un caractère facile à saisir, et qui la dis- 
tingue des autres buses africaines : elle est gantée, c’est-à-dire, 
que son tarse est entièrement couvert de plumes qui descendent 
jusque sur les doists. Ses culottes, très-amples, pendent si bas 
qu’elles touchent l’ongle postérieur et le dépassent même sou- 
vent. Cette espèce a tant de rapport avec un oiseau de proie du 
même genre, qui n’a point été décrit encore, et qui se rencon- 
tre pourtant assez communément dans la Lorraine, que je suis 
tenté de croire qu'ils ne font, l’un et l’autre, qu’une seule et 
même espèce; car ils ont effectivement les mêmes caractères, 
et diffèrent simplement par les couleurs plus ou moins nuancées 
de blanc ; différence qui n’est pas, à beaucoup près, suffisante 
pour les séparer ; d'autant plus que les buses varient générale- 
meñt beaucoup en Europe, et tellement même qu'il est très- 
difficile d’y en rencontrer deux dont le plumage soit entièrement 
semblable pour les couleurs. 


La Buse gantée fréquente, en Afrique, les pays couverts 
d'arbres; plus farouche que les autres espèces, elle a fui les 
cantons habités, et vit isolée. Ses mœurs sont plus sauvages 
que celles du rounoir et du rougri. Plus adonnée à la chasse, 
elle est aussi moins timide qu'eux, et ne se laisse pas chasser 
lâchement, ni par les pie-grièches, ni même par les corbeaux. 
Elle vole fort lestement, et attrape souvent des perdrix, qu’elle 


00 ENT S DO MR E NCAMIRU MERE EME 


guette de dessus les arbres, et les saisit lorsqu'elles passent près 
de son embuscade. | 


Cet oiseau habite les forêts d'Auteniquoi, seul canton de 
l'Afrique où je lai trouvé. Il se perche ordinairement sur le 
sommet des arbres, où il est très-difficile de l’'appercevoir; mais 
sil se trouve dans le canton qu’il fréquente quelques grands 
arbres morts, il ne manque pas de s’y retirer de préférence, 
sur-tout quand il est repu : et en s’y tenant aux aguets, il est 
alors facile de le tuer au moment de son arrivée. 


Cette buse est à peu près de la taille et de la forme de notre 
buse commune d'Europe; elle ressemble même tellement, pour 
son plumage, à plusieurs variétés de cette même espèce, qu'on 
la prendroit facilement, au premier coup-d’œil, pour être aussi 
une de ces variétés, si elle n’en étoit distinguée par le carac- 
tère du tarse, garni de plumes dans toute sa longueur, et par 
son bec plus délié et ses serres plus effilées ; sa queue est aussi 
plus longue; la base du bec et les doigts sont jaunes. Le bec est 
bleuâtre ; les ongles sont noirs et les yeux d’un brun noisette. 


Tout le plumage de la Buse gantée est varié plus ou moins 
de brun, sur un fond blanc roussâtre, plus pur cependant sur 
la poitrine et la queue. Sur le flanc de chaque côté, le brun est 
répandu plus largement, et forme deux grandes taches de cette 
couleur ; sur les culottes, les taches sont semi-circulaires et 
rangées symmétriquement dans la longueur des plumes. La 
queue est blanche en dessous, et porte vers son extrémité une 
bande noire ; en dessus, elle est blanche, jusqu’à la moitié de 
sa longueur, où elle prend une légère teinte roussâtre, qui de- 
vient plus foncée à mesure qu’elle approche du bout, où elle est 
d’un brun-noir , et finit enfin par une bande blanche, formée 


par 


DENLA MBIUSE GA N TE 81 


par une tache de cette couleur, qui termine chaque plume de 
la queue. Le manteau et les aîles sont d’un brun foncé, varié 
d’une teinte plus foible. L’aîle ployée s'étend jusqu’au bout de 
la queue, qui est tant soit peu étagée. 


Tome JL. L 


ca) HISTOIRE NATURELS 


PV PA CHAR D, Ne 


J'icxone absolument tout, jusqu’à la plus petite particula- 
rité , de ce qui peut avoir rapport aux mœurs de cet oiseau de 
proie, que j'ai nommé Tachard, parce qu'il est l’unique de son 
espèce que J'ai été à portée de voir dans mes voyages, et qu'en 
outre je ne l’ai pas tué moi-même; car c’est mon fidèle Klaas 
qui le tira au moment où il passoit au-dessus de sa tête, et qui 
me l’apporta avec cette satisfaction qu’il avoit toujours à me 
procurer quelques oiseaux nouveaux et rares. Nous étions alors 
campés sur les bords de la rivière des Lions, dans le pays des 
giraffes , et depuis nous n’avons jamais apperçu un autre indi- 
vidu de la même espèce. Plusieurs Kaminouquois qui étoient 
présens quand Klaas me le remit, ne purent le nommer, et 
paroissoient ne pas le connoître. Il est donc probable que les- 
pèce habite un canton plus reculé, et que l’oiseau qui venoit 
d’être tué étoit un individu égaré et éloigné de son pays natal. 


Le Tachard, par sa forme, approche beaucoup des autres 
buses africaines ; cette espèce a seulement la queue plus lon- 
gue qu'aucune des trois précédentes dont j'ai parlé, et elle est 
cependant la plus petite de toutes, quant à l’é épaisseur du corps. 
Son bec est aussi foible que celui du rougri ; mais en revanche 
ses serres sont plus 8 orandes et plus arquées; ce qui prouveroit 
qu’elle chasse mieux : d’ ro sa longue queue et ses aîles, 
dont la pointe s'étend jusqu’à son extrémité, doivent lui faciliter 


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les moyens de poursuivre sa proie avec succès. Cette quatrième 
espèce de buse d'Afrique se distingue facilement du rounoir et 
du rougri, non-seulement par le caractère de sa queue plus 
longue , son corps plus svelte et ses couleurs différemment dis- 
tribuées; mais encore parce que son tarse est couvert de plumes 
jusque passé le milieu de sa longueur: caractère qui suffira aussi 
pour la reconnoître d’avec la buse gantée, qui l’est entièrement 
jusque sur les doigts. Le Tachard est aussi moins culotté. Quant 
à ses couleurs, la tête est d’un brun-oris, égayé par quelques 
traits blancs de l’intérieur des plumes qui se montrent, et qui 
est la couleur générale du dessous de tout le plumage de cet 
oiseau. La gorge et la poitrine sont blanchâtres et parsemées de 
quelques taches brunes, répandues le long des plumes. Tout 
le dessous du corps, sur un fond blanc roussâtre, porte de 
larges taches brunes ; les scapulaires et les couvertures des aîles 
sont d’un brun foncé; mais chacune des plumes étant bordée 
d’une couleur plus foible, elles se détachent et se dessinent 
séparément sur le fond. La queue, en dessus, est d’un brun 
foncé, et porte de larges bandes noirâtres; en dessous, elle 
est d’un gris-blanc, ondé d’un léger gris-brun, et les bandes y 
sont aussi moins apparentes. La base du bec est jaunâtre, la 
mandibule supérieure noire, et l’inférieure presqu'entièrement 
jaune jusqu’à sa pointe, qui seulement est noire, La partie nue 
du tarse est jaunâtre , ainsi que les doigts. Les ongles sont d’un 
brun-canelle. L’œil étoit d’un brun foncé rougeâtre. La queue 
est termince carrément, c’est-à-dire, que toutes ses pennes 
sont d’une égale longueur. 


O4 HISTOIRE NATURELLE 


Pb BUSERAT, N°2 


Crrrr espèce de buse est très-rare, et n’a point encore été 
figurée, que je sache : je l'ai trouvée dans un envoi d’oiseaux 
venant de Cayenne; mais sans la plus légère indication, soit 
sur ses mœurs, soit sur ses habitudes naturelles. Elle est 
d’une petite espèce, et approche de la taille de notre busard 
de marais. Les aîles ployées s'étendent jusqu’au bout de la 
queue , dont toutes les pennes sont d’égale longueur. 


Cet oiseau n’est point culotté, et les plumes des jambes 
descendent un peu sur le tarse par devant. Le bec et les ongles 
sont noirs, et la base du bec nva paru bleuâtre. La tête, le 
cou et la poitrine sont d’un blanc-roux, marqué de brun; 
mais ce brun prend une teinte plus noire sur le sommet de 
la tête, et s'étend en larges coups de pinceau sur le derrière 
du bas du cou. Les grandes pennes de l’aîle sont noirâtres ; 
les moyennes, ainsi que les scapulaires et toutes les petites 
couvertures des aîles, sont d’un brun-roux, couleur de cha- 
taigne, plus ou moins taché ou rayé de noir-brun. La queue 
elle-même, sur un fond roux plus jaunâtre , porte des rayu- 
res noires en zigzag, et elle est d’un brun-noir à son extré- 
mité. Le ventre et les jambes sont d’un roux-clair, rayé 


transversalement de noir-brun. 


Le Buserai me paroit être le même oiseau que celui dont 


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DU BUSERAÏI. 09 


Mauduit a parlé, dans l'Encyclopédie méthodique; sous le 
nom de busard roux de Cayenne ; il est cependant facile de 
voir que cette espèce n’est point un busard, ses pieds étant 
beaucoup plus courts que ceux de cette sorte d'oiseaux de proie. 


06 HISTOIRE NATURELLE 


PENBUSO NN. NE 


Czrrr espèce nouvelle, que j'ai reçue de Cayenne, me paroît 
approcher de très-près du genre des buses ; oiseaux avec les- 
quels je lui trouve plus de ressemblance qu'avec tout autre oi- 
seau de proie. Je lui ai donné le nom de Buson, en attendant 
que nous connoiïssions celui qu’il porte dans son pays natal, ou 
que nous soyons instruits de ses habitudes et de sa manière de 
vivre, sur lesquelles je n’ai pu avoir aucun renseignement 
quelconque : instructions sans lesquelles, je le répète, il sera 
toujours très - difficile de rapporter les espèces à leur vraie 
place , à celle enfin qu’elles tiennent dans l’ordre de la nature. 


Le Buson est de la taille à peu près de notre petite buse; 
celle que Buffon a désignée par le nom de soubuse : il a les 
pieds et les griffes d’un noir de corne, ainsi que le bec, dont 
la base est jaune. La tête et le cou sont couverts de plumes 
noires à leurs extrémités et blanches dans la partie qui est ca- 
chée lorsqu'elles sont couchées naturellement les unes sur les 
autres. Les grandes pennes de l'aile sont noires dans leur plus 
grande étendue, et comme marbrées de blanc et de roux dans 
leurs barbes intérieures ; les suivantes sont d’un roux-canelle, 
flambé de noir, et toutes ont leurs extrémités d’un noir-brun. 
Le manteau, les scapulaires et les petits recouvremens des aîles, 
tant en dessus qu’en dessous, sont d’un noir-brun, plus ou 
moins mélangé et bordé de roux. Les pennes de la queue, qui 


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DU BUSON. 87 


toutes ont la même grandeur, sont noires, et portent chacune 
une bande transversale blanche vers le milieu de leur longueur; 
elles sont aussi terminées par un liséré blanc, et légèrement 
nuancées de roux dans la partie cachée par les recouvremens du 
dessous de la queue. Toutes les parties inférieures du corps, 
ainsi que les plumes des jambes, portent une rayure noire sur 
un fond roussâtre. Cet oiseau n’est pas culotté, et sa tête est pe- 
tite : deux caractères qui le distinguent de nos buses européen- 
nes. Les aîles ployées ne s'étendent pas plus loin que la moitié 
de la longueur de la queue. 


Les ressemblances dans les couleurs sont très-grandes entre 
cet oiseau et celui de l’article précédent; ce qui pourroit induire 
en erreur, et les faire prendre pour être de la même espèce, si 
on ne faisoit attention aux caractères que je vais indiquer, et 
qui les séparent certainement. Les aîles du buserai atteignent 
l'extrémité de la queue ; tandis que dans le Buson elles n’arri- 
vent que vers le milieu de sa longueur ; il a encore une partie 
du tarse couverte de plumes; ce que n’a pas le dernier. Enfin, 
le Buson a le tour des narines jaune, et son bec est plus large 
et moins long que celui du buseraï. 


00 HISTOIRE NATURELLE 


DES MILANS 


DE PAR AS IT PSN 2e 


Le milan se caractérise , parmi les races nombreuses et diffi- 
ciles à reconnoître des oiseaux de proie, par sa queue fourchue 
et par ses longues aîles, lesquelles atteignent l’extrémité de cette 
queue, qui elle-même est fort alongée. C’est d’après ces caractè- 
res réunis que je rapporte au genre du milan d'Europe, l’oiseau 
que j'ai fait représenter planche 22. L'ensemble des différens 
traits de la conformation des animaux, éclaire le travail qu’on 
fait pour les classer, et prévient l'erreur dans laquelle indui- 
roit souvent la considération d’un seul caractère : non-seulement 
ceux énoncés ci-dessus conviennent parfaitement au Parasite ; 
mais la forme totale du corps de cet oiseau, son port et ses 
habitudes , tout se rapporte pour le placer naturellement à 
côté de notre milan (1). Il en diffère par sa queue, beaucoup 
moins fourchue, et par sa taille, car le Parasite n’est pas plus 
fort que notre soubuse ; par son bec, qui est jaune au lieu d’être 


(1) Voyez les planches enluminées de Buffon, N°. 422. 
noirâtre 


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noirâtre comme dans notre milan; par la base du bec, bleuâtre 
au lieu de jaune. [ls ont de commun les pieds jaunâtres et les 
serres noires. Une courte description des couleurs du Parasite, 
jointe à un simple coup-d’œil de comparaison sur les figures qui 
représentent ces deux oiseaux, sufliront maintenant pour les 
faire distinguer l’un de l’autre. 


La partie supérieure de la tête, le cou, les scapulaires 
et tout le manteau en général, sont, dans le Parasite, d’une 
couleur brune de tan ; la tige de chacune des plumes de toutes 
ces parties a une teinte noirâtre ; et toutes sont lisérées d’une 
nuance moins foncée. Les plus grandes couvertures du dessus 
des aîles ont leurs bords encore plus lavés. Les grandes pennes 
de l’aîle sont noires, les moyennes moins foncées et les derniè- 
res brunes. Les joues et la gorge sont blanchâtres ; la poitrine 
est de la même couleur que le manteau. Le ventre, les jambes 
et les recouvremens du dessous de la queue, sont d’une belle 
couleur de canelle ou de bois d’acajou; et généralement toutes 
les plumes de cet oiseau ont une ligne noirâtre le long de leurs 
tiges. La queue est brune, elle est de plus rayée transversale- 
ment d’une couleur plus foncée ; et à l'exception des deux pre- 
mières de chaque côté, le bout de chacune des pennes qui la 
composent est d’un fauve léger ; Piris est d’un brun-noïsette. 


Dans cette espèce, la femelle est un peu plus forte que le 
mâle, et ses couleurs sont plus ternes. 


J'ai trouvé le Parasite répandu dans toute la partie de 
l'Afrique que j'ai visitée; je l'ai rencontré plus communément 
dans les cantons les plus fournis de menu gibier, et notamment 
chez les Caffres et dans le pays des Grands Namaquois. Dans 
la colonie du Cap, les habitans nomment cet oiseau £zyKer- 


Tome I. M 


90 HISMONRE NATURELLE 


dief, qui signifie voleur de poulets ; c’est le nom hollandois du 

milan, et non pas £uken-duf, comme l’a écrit Buffon d’après 

Aldrovande. Il n’est pas étonnant que les premiers Hollandois 

qui vinrent s'établir au Cap, ayant reconnu dans cet oiseau 

une espèce aussi analogue à leur milan, lui aient donné le 
A 

même nom. 


Le Parasite a, dans le caractère, plus de hardiesse que notre 
milan ; la vue des hommes ne l’empèche pas de fondre sur les 
jeunes oiseaux domestiques ; il n’y a point d'habitation où il 
ne paroisse, à certaine heure du jour, quelques-uns de ces oi- 
seaux voleurs. Dans mes voyages, lorsque j'étois campé, il ne 
manquoit jamais d'en arriver plusieurs, qui se posoient sur mes 
charriots , d’où ils nous enlevoient souvent quelques morceaux 
de viande. Chassés par mes Hottentots, ils revenoient à lins- 
tant avec une voracité et une hardiesse toujours incommodes ; 
les coups de fusils ne nous débarrassoient point de ces Parasi- 
tes ; ils reparoïissoient quoique blessés. Invinciblement attirés 
par la chair qu’ils nous voyoient préparer, et qu’ils nous arra- 
choient, pour ainsi dire, des mains, notre cuisine, à l'air et 
sous la voûte du ciel, les nourrissoit maloré nous. Sur les bords 
des rivières, jai vu ce milan s’abattre du haut des airs, et se 
plonger dans l’eau , comme le nôtre, pour en tirer un pois- 
son, nourriture dont il est très-friand. Îl chasse d’ailleurs tou- 
tes sortes de menu gibier. Les restes des grands quadrupèdes 
que je tuois pour mon usage et celui de mes gens, étoient fort 
de son goût. Il se rabat aussi sur les charognes, dont il dispu- 
toit même courageusement, et avec succès, les lambeaux aux 
corbeaux, ses mortels ennemis : ces oiseaux fuyoient en vain 
avec leur proie, le Parasite s’acharnoit à leur poursuite et les 
forçoit à la lui abandonner. Il se battoit courageusement aussi 
contre les buses et les autres oiseaux de proie, ou plus foibles 


DU AOP APR ANS  EMNE, 91 


ou plus poltrons ; et dans ces combats il étoit bien servi par 
l’habilité de son vol et la légéreté de ses mouvemens, qui l’élè- 
vent au besoin à des hauteurs prodisieuses, d’où on l’entend 
pousser un cri perçcant, mais rare. 


Quand une fois ces oiseaux avoient apperçu mon camp, 
j'étois persuadé de les voir revenir tous les jours à la même 
heure, et chaque visite en augmentoit le nombre, au point que 
quelquefois nous en étions obsédé d’une douzaine. J’en ai re- 
marqué un, étant campé à la rivière Gamtoos , où je suis resté 
fort long-tems , qui est venu fidèlement tous les jours me visi- 
ter, à onze heures du matin et à quatre heures de Paprès-midi : 
J'étois très-persuadé que c’étoit le même, car 1l lui manquoit, 
à une des aïîles, quatre ou cinq des moyennes pennes, que 
j'avois abattues d’un coup de fusil; ce qui produisoit un vide 
qu'il étoit facile de remarquer, et me le faisoit toujours recon- 
noître. Le passage de ces oiseaux dans les mêmes cantons, et 
toujours à peu près à la même heure, est une observation que 
j'ai généralement trouvée vraie durant tout le cours de mes 
voyages, il paroït même que c’est une habitude particulière de 
ces milans d'Afrique et de ceux d'Europe; car j'ai remarqué 
à ces derniers la même coutume de passer à certaines heures 
par les mêmes endroits, et jamais je n’ai manqué de tuer un 
milan dont j'avois envie, quand je l’attendois à l’heure et dans 
le lieu où je l’avois vu une fois roder. 


Le Parasite fait son nid sur les arbres ou dans les rochers ; 
mais sil se trouve quelque maraïs dans les environs du pays 
qu'il habite, il le fréquente de préférence, et place son nid sur 
quelque buisson entre les roseaux. La ponte est de quatre œufs, 
qui sont tachetés de roux. Dans le premier âge, le Parasite est 


couvert d’un duvet srisâtre. Au sortir du nid, ses couleurs sont 
ne 
M 2 


92 ENS OTRE  CN'AMTNOMCB IR IREE 


d’un brun plus sombre que par la suite. Sa queue est alors pres- 
que carrément coupée. Ce caractère d’avoir, dans son jeune 
âge, la queue moins fourchue, est conforme à celui du milan 
d'Europe. Le milan noir (1), dont les naturalistes ont fait une 
seconde espèce, n’est autre chose que le jeune milan d'Europe 
qui n’a point encore subi sa seconde mue. Ceci est un fait dont 
je suis très-certain , ayant élevé plusieurs de ces prétendus mi- 
lans noirs, que j'avois enlevés du nid après avoir tué le père 
et la mère, que je reconnoissois pour être de l’espèce du milan 
ordinaire ; tandis que ces mêmes petits étoient exactement con- 
formes aux descriptions du milan noir, qui, au reste, soit dit 
en passant, n’a pas un atôme de noir dans son plumage, com- 
me il est facile de s’en convaincre. Des gardes-chasse n’ont sou- 
vent apporté de ces mêmes prétendus milans noirs, que j'ai tou- 
jours reconnus , à la mollesse des os de leurs crânes, pour n’être 
que des jeunes oiseaux; et Buffon a eu d’ailleurs grande raison, 
comme on le voit, de ne considérer le milan royal et ce milan 
noir, que comme deux espèces très-voisines, puisqu'ils ne sont 
en effet qu’une seule et même espèce dans deux âges différens. 


Le Parasite est donc une seconde espèce de milan à ajouter 
à celui d'Europe. Quant au milan de la Caroline de Brisson (2), 
ou l’épervier à queue d’hirondelle de Catesby (3), il est certain 
que ce n’est que par rapport à sa queue fourchue, que cet o1- 
seau a été indiqué comme un milan; car par tous les autres 
caractères il s’en éloigne absolument. Il est indubitable que s1 
la forme du bec et des pieds sont les principaux caractères 


(:) Voyez les planches enluminées de Buffon , N°. 472. 
(2) Brisson, Ornithologie , tome T, page 418. 


(3) Histoire naturelle de la Caroline , par Catesby, planche IV, tome I. 


DIU NE AURA SIT UNE 93 


d’après lesquels ces méthodistes ont cherché à différencier les 
genres, l’oiseau dont il est question n’est point un milan, car 
sa mandibule supérieure est unie de chaque côté, et non cra- 
née comme celle de cet oiseau et comme l’ont généralement 
tous les oiseaux de proie. Si nous considérons maintenant la 
forme des pieds de ce prétendu milan de la Caroline, nous trou- 
verons qu'il a le tarse proportionnellement moitié aussi lon 
que notre milan, qui l’a déja plus court même que les buses, 
et par conséquent que les éperviers, qui, de tous les oiseaux 
de rapine, les ont les plus longs; ainsi le nom d’épervier à queue 
d’hirondelle , que lui donne Catesby, ne lui convient pas plus 
que celui de milan que lui a appliqué Brisson ; et si, en effet, 
cet oiseau a la queue fourchue, elle Pest, comme on peut le 
remarquer, bien différemment que celle du milan; car elle se 
trouve entièrement évidée, presque dès son origine ; tandis que 
l’enfourchure de la queue du milan ne commence que vers sa 
pointe. D'ailleurs, si nous voulions prendre pour caractère gé- 
nérique les formes de la queue, on seroit, d’un côté, obligé 
d'admettre, dans le même genre , quantité d’espèces qui n’ont 
nul rapport entre elles; et, d’un autre côté, d’en faire plusieurs 
de différentes espèces qui très - certainement sont du même 
genre, malgré les différentes formes de leur queue. La seule 
famille des gobes - mouches nous offre une variété étonnante 
dans la conformation de leurs queues. 


Il se trouve au Sénégal un oiseau de proie auquel les Fran- 
cois ont donné le nom d’écouffe. Si, en effet, c’est un milan, 
il est probable qu'il est de la même espèce que le Parasite; 
puisque tout ce qu’en dit l’auteur qui en parle s’y rapporte par- 
faitement. « Toute nourriture convient, dit-il, à sa faim dé- 
« vorante ; 1l n’est point épouvanté des armes à feu; la chair 
« cuite ou crue le tente si vivement qu'il enlève aux matelots 


94 HISTOIRE NATURELLE 


« leurs morceaux dans le items qu'ils les portent à leurs bou- 
« ches. » Tout ceci revient bien à ce que j’ai dit de la voracité 
du Parasite. D'ailleurs, comme j'ai trouvé ces oiseaux en plus 
srande quantité chez les Grands Namaquois et vers le tropique 
que près du Cap, il n’y auroit rien d'étonnant que l’espèce se 
retrouvât dans les mêmes latitudes de l’autre côté de la ligne; 
et cela est même plus que probable. 


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DU GRENOUILLAR D. 95 


DES BUS A RES. 


BE GRENOUITLEARD, N,,:3. 


Car oiseau de proie, que j'ai nommé Grenouillard, nous pré- 
sente à peu près les mêmes dimensions, et précisément les 
mœurs de notre busard (1), à côté duquel il peut être placé. Il 
ressemble à cet oiseau par son corps svelte et par la longueur 
de ses tarses; il en diffère par le bec qu'il a plus alongé et * 
moins épais à sa base. On le distingue encore facilement par 
ses couleurs, qui en diffèrent totalement. Tout le dessus du 
corps est d’un brun de terre d’ombre lavé, du moins c’est la 
couleur des plumes dans leur partie visible ; celle qui est cachée 
est souvent blanche d’un seul côté, et pour l'ordinaire inégale- . 
ment des deux côtés de la tige. La sorge et les joues sont cou- 
vertes de plumes foibles à barbes désunies, d’une couleur blan- 
châtre , et portent une bande longitudinale brune; le dessous du 
corps est d’un brun clair, légérement varié de blanc sur la 
poitrine et le bas-ventre; sur les jambes, la couleur blanchätre 


(1) Voyez les planches enluminées de Buffon, No. 424. 


96 HIS TOTR PONMAUrRERP PE 


borde toutes les plumes, qui sont d’un roux ferrugineux, ainsi 
que le dessous de la queue. Les aîles sont brunes ; en dessous, 
elles portent des bandes transversales de blanc et de brun clair. 
La queue, qui est coupée carrément au bout, est de la même 
couleur que les pennes de laîle. Elle est rayée en travers d’un 
brun plus foncé, sur-tout dans le milieu de chaque plume, les 
bords étant d’une teinte plus claire. Le haut du cou et le poi- 
gnet de l’aîle sont parsemés de taches blanches. Les pieds et les 
doigts sont jaunâtres; la base du bec est d’un bleu pâle, le bout 
en est noir, ainsi que les serres. Les aîles ployées s'étendent aux 
deux tiers de la longueur de a queue. L’œil est d’un gris-brun. 


Les colons du Cap et les Hotientots, voyant continuelle- 
ment ce busard planer sur les marais et se percher sur les buis- 
sons ou sur les arbres qui les avoisinent, d’où il fond sur les 
grenouilles qu'il apperçoit et qu’il dévore dans l'épaisseur des 
roseaux, lui ont donné le nom de Æzkvors-vanser (attrapeur 
de grenouilles ), d’où j'ai tiré celui de Grenouillard. Get oiseau 
ne se contente pas seulement de la chasse des grenouilles, car 
il fait la guerre à tous les oiseaux aquatiques, particulièrement 
quand ils sont encore jeunes, 


C’est en planant avec grace et adresse au-dessus des ma- 
rais, que son œil, toujours attentif, guette sa proie, sur la- 
quelle il fond impétueusement. S'il sort des roseaux à lPinstant 
même qu'il sy est abattu, c’est une preuve qu'il a manqué 
son coup ; sinon il ne reparoît que quand il a mangé sa proie, 
qu’il dévore sur la place même où il l’a saisie. J'ai trouvé dans 
l'estomac de ce busard des débris de poisson; ainsi il pèche 
aussi bien qu’il chasse. C’est dans les marais et parmi les ro- 
seaux que le Grenouillard établit son nid, qu’il construit avec 


des tiges et des feuilles amoncelées de ces plantes aquatiques. 
J’ai 


DUVEHENOUTPLA IRD 97 


J'ai trouvé plusieurs fois leurs couvées, où j'ai vu trois ou qaua- 
P > OU] 
tre œufs entièrement blancs. 


Cet oiseau est généralement répandu dans toute l'Afrique , 
depuis le Cap des Aiguilles jusqu’à chez les Caffres, c’est-à- 
dire , le long de la côte est, où j'en ai tué plusieurs. Je n’assu- 
rerai point qu'il se trouve sur la côte opposée et notamment 
dans l’intérieur des terres, quoiqu'il me semble en avoir ap- 
perçu plusieurs voler au-dessus de quelques marais; mais comme 
il ne m'a point été possible d’en tuer un dans ces cantons, pour 
vérifier Le fait par la comparaison, je n’affimerai point qu'ils 
étoient de la même espèce. En tout cas, si c’est la même, elle 
y est au moins infiniment plus rare; et la raison en est simple, 
car dans l’intérieur des déserts, et le long de la côte ouest, les 
terres étant sablonneuses, sèches et arides, offrent peu de ma- 
rais; et ces oiseaux, les recherchant de préférence, doivent 
naturellement fréquenter les lieux les plus arrosés et les plus 
humides. C’est sur les bords du Duyven-Hock, du Gaurits, du 
Brak, et dans les marais d’Auteniquoi, où j’ai le plus rencontré 
le Grenouillard. La femelle, dans cette espèce, est plus forte 
que son mâle d’un quart tout au plus, et elle n’en diffère que 
par quelques légères teintes plus foibles dans son plumage. 


Etant campé dans les environs de la baie Lagoa, mon fidèle 
Klaas m’apporta un jour un busard qu'il venoit de tuer dans 
un marais situé près de nous, entre le Queur-Boom et le Witte- 
Dreeft. C'étoit dans le moment où je fus attaqué d’une forte 
dissenterie. Ma maladie m’ayant empêché de préparer cet oi- 
seau, et Klaas remarquant le plaisir qu'il m’avoit fait, ima- 
gina, n'étant point encore adroit à les écorcher à ma manière, 
de le faire tout au moins sécher avec sa chair; opération qui 


fut cause de sa destruction totale, et qui prive le public du 
Torre T. 


99 HISTOIRE NATURELLE 


portrait d’une espèce que je n’ai pu me procurer une seconde 
fois; mais j'y supplérai par la courte description que j'en ai 
faite d’après l’oiseau même, ce qui suflira pour l'indiquer. Il 
est de la même taille à peu près que le Grenouillard ; son plu- 
mage est en général par-tout d’un brun sombre, très-approchant 
de la couleur de notre busard d'Europe. La plus grande partie 
de sa tête et ses joues sont d’un blanc sali de roussâtre. Pres- 
que toutes les petites couvertures des aîles étoient de cette même 
couleur; les pieds et la base du bec avoient une teinte jaunâtre. 
Je nai pas beaucoup examiné cet oiseau ; par conséquent il 
est impossible de décider s’il est simplement une variété du 
Grenouillard , ou peut-être de notre busard européen, qui a 
aussi la tête blanchâtre ; mais ce dernier n’a pas, comme celui 
que j'ai indiqué, les petites couvertures des aîles de cette même 
teinte de blanc-roux. Je ne me rappelle point si la queue étoit 
étagée, ou carrément coupée, comme celle du Grenouillard : ce 
caractère seul m’auroit éclairci le doute; mais, comme je lai 
dit, mon attention n’a point été très-scrupuleuse sur l’individu: 
car il étoit naturel de supposer que je tuerois un autre oiseau 
de la même espèce. Ceci prouve combien il est essentiel de ne 
pas négliger les plus petites occasions d’observer ; car par fois 
nous en laissons échapper une qui ne se présente plus; aussi 
un voyageur ne doit point rebuter l’objet qui lui paroît le moins 
bien conservé ; puisque souvent on ne les retrouve pas une se- 
conde fois. Il m'est arrivé mainte fois , dans le commencement 
de mon voyage, de rejeter un oiseau parce qu'il étoit trop mu- 
tilé du coup de fusil, et de le regretter par la suite. Aussi faut-il 
conserver soigneusement, même les objets les plus défectueux, 
au moins jusqu’au moment où l’on se trouve à même de les rem- 
placer mieux. 


En passant dans le Lange - Kloof ou Vallée Longue, et 


DU GRENOUILLARD: 99 


longeant la rivière Krom , j'ai vu, à plusieurs reprises, planer 
au-dessus d’un marais, un oiseau de proie, qui, à toute son 
allure, m’a semblé aussi être une espèce de busard. Je lai vai- 
nement guetté tout un après-diner ; et l’ai malheureusement 
tiré d’un peu trop loin, dans un moment où il passoit à une 
certaine distance de moi; mais, ne l'ayant que légérement 
blessé , il s’en fut, et ne se montra plus après. Le plumage de 
celui-ci m'a paru être tout noir ; mais son croupion étoit entiè- 
rement blanc. 


100 HISTOIRE NATURELLE 


OISEAUX DE PROIE 


DONT NOUS NE CONNOISSONS POINT 
EN EUROPE LES ANALOGUES. 


LE TA CEHIMO,, N. 27 


C'ssr dans l'épaisseur des forêts maïestueuses de la partie la 
14 ) L L2 \ Di) L] 1 
plus reculée du pays d’Auteniquoi où j'ai, pour la première 


fois, rencontré l'oiseau de rapine que j'ai nommé Tachiro. 


C’est dans le silence de ces bois, à l’ombre de ces arbres anti- 
ques, vrais colosses de végétation, qu'ont vieilli plusieurs gé- 
nérations d'hommes, et qu’un être sensible n’approche jamais 
sans éprouver ce sentiment sublime que produit l'admiration ; 
c’est-là, dis-je, où, pour la première fois, parmi les chants 
harmonieux et tendres d’une multitude d'oiseaux différens, les 
cris pinchards et discordans du Tachiro frappèrent mon oreille. 
Cet oiseau de carnage, vrai fléau de tous les petits oiseaux de 


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son domaine, fait la guerre à tous indistinctement. Il est un 
peu inférieur, pour la taille, à notre autour. 


J'aurois rangé le Tachiro parmi les éperviers, si je ne lui 
avois trouvé le tarse plus court; et les aîles plus alongées et 
coupées différemment que celles de ces oiseaux. Les aïles en re- 
pos s'étendent au-delà de la moitié de la longueur de la queue, 
qui elle-même est à peu près aussi longue que le corps. La tête, 
ainsi que le cou, sont variés de blanc, de roux et tachés d’un 
brun-noir. La gorge est blanche, mêlée de roussâtre ; le man- 
teau est d’un brun sombre, ainsi que les couvertures des aîles, 
dont chaque plume est lisérée d’une teinte plus lavée. Toutes 
les pennes de l’aîle sont terminées de blanc. Le dessous de la 
queue est blanc et barré de larges bandes d’un noir lavé; en 
dessus elle est brune, et les bandes sont plus foncées. Tout le 
dessous du corps porte, sur un fond blanc nué de roussâtre, des 
taches brunes plus ou moins foncées ; ces taches sont rondes ou 
semi-circulaires, et sur les jambes elles ont précisément la forme 
d’un cœur. Le bec est bleuâtre ; les ongles sont noirs, et les 
pieds jaunes. L’iris est de la couleur d’une topase. Dans cette 
espèce, la femelle est aussi plus grosse que le mâle ; son plu- 
mage est généralement plus mêlé d’une teinte roussâtre ; le blanc 
est plus sali, et les taches moins bien dessinées. 


Ces oiseaux bâtissent leurs nids dans l’enfourchure des plus 
grands arbres ; ce sont de petites branches souples et de la 
mousse qui en forment l'extérieur ; en dedans ils sont fournis 
de beaucoup de plumes. Je n’ai trouvé qu’un seul de ces nids, 
dans lequel il y avoit trois petits entièrement couverts d’un 
duvet roussâtre : voulant les laisser élever par le père et la mère 
pour les prendre quand ils seroient assez forts, je les leurs aban- 
donnai. J’allois tous les trois ou quatre jours visiter ma nichée, à 


102 HITS ROTR EN AURA IPE 


qui mème j'apportois plusieurs oiseaux dont j’avois conservé la 
dépouille; je les posois sur le bord du nid, et les trouvois dévorés 
à la visite suivante; mais je crois que les vieux les mangeoient 
eux-mêmes; car je voyois, sur les branches et sur le nid même, 
une quantité prodigieuse d’aîles de mantes et de sauterelles ; 
insectes qui, je crois, faisoient la principale nourriture des pe- 
tits. J’entendois continuellement, pendant le jour, les vieux 
jeter des cris très-perçans, cr£-cri — cri-cri-cri— cri-cri; en 
approchant des jeunes, ils venoient tous les deux jusque sur 
l'arbre où j'étois , et m’approchoient de si près, pour les défen- 
dre , que j'aurois pu facilement les tuer avec un bâton. 


Ayant trop tardé de m’emparer de la couvée, un jour qu’à 
mon ordinaire Jj’allai la visiter, je ne trouvai plus que le nid: 
les vieux et les jeunes tout étoit disparu ; je leur sus très-mau- 
vais gré d’avoir été plus diligens que moi. À en juger par quel- 
ques débris des coquilles d'œufs que je vis encore dans le nid, 
ils étoient blancs et portoient quelques taches roussâtres. 


Je n’ai jamais apperçu le Tachiro dans la plaine, et ne lai 
vu que dans les énormes bois qui bordent le Queur-boom et 
dans les forêts d’Auteniquoi. 


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DU MANGEUR DE SERPENS, 103 


LE MANGEUR DE SERPENS, N°. 25. 


L défaut d'observations exactes, les rapports incertains des 
voyageurs, et bien plus encore l’inexpérience et le peu de con- 
noissance des auteurs qui ont parlé de cet oiseau , sous les dif- 
férentes dénominations de secrétaire, sagitaire ou messager, 
ont empêché, jusqu’à ce moment, les naturalistes de voir dans 
cette espèce un vrai oiseau de rapine , et non-seulement le des- 
tructeur des serpens, mais encore de tous les quadrupèdes ovi- 
pares ; enfin, un oiseau de combat vorace et intrépide ; en un 
mot, un véritable oiseau de proie, armé d’un bec épais et cro- 
chu , et dont le corps massif et robuste est de plus muni d’ailes 
meurtrières, qui lui servent à frapper et assommer sa proie, 
comme avec une massue, à défaut de serres aïigues et fortes 
dont il ne feroit point usage. 


Cet oiseau tient donc aux autres oiseaux de proie par la 
forme de son bec, par celle de son corps, et par ses mœurs 
sanguinaires et sauvages ; mais il est modifié comme devoit 
l'être un oiseau de rapine fait pour combattre les serpens et s’en 
nourrir. Une course continuelle et utile émousse ses ongles, et 
lui interdit un vol qui ne lui est pas nécessaire, et dont il fait 
en effet peu d'usage. Le Mangeur de serpens est enfin, dans 
tout son ensemble, ce que devoit être un oiseau de proie ter-. 
restre, destiné, par la nature, à purger les déserts d'Afrique 
des reptiles les plus dangereux; afin, sans doute, d'y maintenir 


104 HISTOIRE NATURELLE 


l'équilibre entre ces espèces redoutables et les autres animaux : 
équilibre si généralement nécessaire au grand ouvrage du Créa- 
teur , et sans lequel la terre ne seroit bientôt plus peuplée que 
d'êtres malfaisans. Triste exemple de ce qui se passe parmi les 
hommes, quand les méchans ont acquis par leur nombre, ou 
par la lâcheté des autres hommes, le droit de tout oser impu- 
nément. 


Le Mangeur de serpens a la jambe et le tarse très-longs ; ce 
qui élève son corps de terre et le garantit encore plus facilement 
de la morsure des reptiles venimeux qu'il combat. Ses doigts 
courts et ses ongles émoussés, ne lui servent point à presser et 
à enlever sa proie; ses pieds sont destinés et se bornent seule- 
ment à poursuivre les serpens avec plus de vitesse, ou à se dé- 
rober à leurs morsures envenimées, par des sauts et des bonds 
reitérés. La nature a suppléé, dans cette espèce, au défaut de 
serres, si utiles aux autres oiseaux de rapine ; elle a muni ses 
aîles de proéminences osseuses, qui, quoiqu'émoussées et ar- 
rondies , sont propres à cet usage. 


Armé de la sorte, il ose attaquer un ennemi aussi redoutable 
que le serpent ; fuit-il, l'oiseau le poursuit ; on diroit qu'il vole 
en rasant la terre ; il ne développe cependant point ses aïîles, 
pour s’aider dans sa course, comme on l’a dit de lautruche ; il 
les réserve pour le combat, et elles deviennent alors ses armes 
offensives et défensives. Le reptile surpris, s’il est loin de son 
trou, s'arrête, se redresse et cherche à intimider l’oiseau, par 
le sonflement extraordinaire de sa tête et par son sifflement 
aigu. C’est dans cet instant que l’oiseau de proie, développant 
l'une de ses aîles, la ramène devant lui, et en couvre, comme 


d’une épide, ses jambes, ainsi que la partie inférieure de son 


corps. Le serpent attaqué, s’élance ; l'oiseau bondit, frappe, 
recule, 


DU MANGEUR DE SERPENS. 105 


recule, se jette en arrière, saute en tous sens, d’une manière 
vraiment comique pour le spectateur, et revient au combat en 
présentant toujours à la dent venimeuse de son adversaire, le 
bout de son aîle défensive; et pendant que celui-ci épuise, sans 
succès, son venin à mordre ses pennes insensibles, 1l lui dé- 
tache, avec l’autre aîle, des coups vigoureux, dont énergie 
est puissamment augmentée par les proéminences et les dure- 
tés dont j'ai parlé plus haut. Enfin, le reptile étourdi d’un coup 
d’aïle, chancèle, roule dans la poussière, où il est saisi avec 
adresse, et lancé en l’air à plusieurs reprises, jusqu’au moment 
où , épuisé et sans force, l'oiseau lui brise le crâne à coups de 
bec, et l’avale tout entier, à moins qu’il ne soit trop gros; dans 
ce cas, il le dépèce en l’assujettissant sous ses doigts. Des pi- 
quans aigus, comme ceux du jacana ou du camichi, seroient 
sans effet sur la peau lisse et le corps arrondi des serpens ; des 
nœuds durs sont bien plus utiles à Poiseau dont nous parlons; 
leurs coups réitérés, donnés avec force, étourdissent le reptile, 
et lui cassent souvent l’épine vertébrale du premier coup qu'il 
yeçoit, 

Le Mangeur de serpens se nourrit également de lésards, 
moins dangereux à combattre; il ajoute à cette nourriture tout 
ce qu'il peut trouver de petites tortues, qu'il avale toutes en- 
üières, après leur avoir, ainsi qu'aux serpens et aux lésards, 
brisé le crâne. Il fait aussi un grand dégat d'insectes et de sau- 
terelles. 


Dans l’état de domesticité, cet oiseau se nourrit de toute es- 
pèce de viandes, crues ou cuites, et mange des poissons. Je l'ai 
vu mainte fois avaler des jeunes poulets et des petits oiseaux 
entiers, avec toutes leurs plumes ; mais jai remarqué que tou- 
jours il avoit soin de les faire entrer dans son bec la tête la 


Tome 1. O 


106 HISTOIRE NATURELLE 


première. Je ne crois pas que, dans l’état de nature, il atta- 
que les oiseaux ; du moins je n’en ai jamais vu d'exemple. 


L'un des Mangeurs de serpens que j'ai tués, et qui étoit un 
mâle, avoit dans son jabot vingt-une petites tortues entières, 
dont plusieurs avoient près de deux pouces de diamètre ; onze 
lésards de sept à huit pouces de long, et trois serpens de la 
longueur du bras et d’un pouce d'épaisseur. Outre ces animaux, 
J y trouvai encore une multitude de sauterelles et d’autres in- 
sectes, dont plusieurs étoient même si entières que je les plaçai 
dans ma suite de cette classe; les serpens, les lésards et les tortues 
avoient tous chacun un trou dans la tête. Je trouvai aussi dans 
l'estomac très-ample de cet oiseau, une pelote grosse comme un 
œuf d’oie: elle n’étoit composée que de vertèbres de serpens et de 
lésards, d’écailles de tortues, d’aîles et de pattes de sauterelles, 
et enfin d’élitres de plusieurs scarabées. Cet oiseau rejette, par 
le bec, toutes ces dépouilles, ainsi que le font plusieurs autres 
oiseaux de proie. 


Comme tant d’autres êtres puissans de la nature, le Man- 
seur de serpens abuse de sa force ; les moyens offensifs qui lui 
ont été donnés pour conserver son espèce , tournent souvent 
contre lui-même. L'amour excitant entre les mâles des combats 
longs et opiniâtres, ils se frappent mutuellement de leurs aîles, 
pour se disputer une femelle, qui se rend toujours au vainqueur, 
et c’est vers le mois de juillet qu’ils entrent en amour. Ces oi- 
seaux construisent un nid plat, en forme d’aire, comme celui de 
l'aigle, et le placent dans le buisson le plus haut et plus le touffu 
du canton, qu'ils se sont choisis pour leur domaine : ce nid est 
garni intérieurement de laine et de plumes ; sa dimension est 
au moins de trois pieds de diamètre; il est arrangé dans :e mi- 
lieu d’un buisson, dont ils ont l’art d’écarter si artistement les 


DU MANGEUR DE SERPENS. 107 


branches qu’elles servent de fondement à tout l’édifice ; ces mé- 
mes branches, poussant sur les côtés des jets qui montent après 
plus haut que le nid, forment tout autour une espèce de rem- 
part, qui le dérobe à la vue et le met à même de n’être décou- 
vert que très-difficilement. 


Au reste, cette manière de nicher sur les buissons est rela- 
tive au local ; on l’observe dans les environs du Cap, dans tou- 
tes les plaines arides et brûlées et généralement dépourvues de 
grands arbres: vers la côte de Natal, où l’on trouve encore ces oi- 
seaux, J'ai vu leur aire placé sur les arbres les plus élevés, où ils se 
retiroient aussi le soir pour se coucher. Le même nid sert long- 
tems au même couple, qui, comme chez les aigles, habite seul 
un domaine assez étendu. La ponte de cet oiseau est de deux 
et souvent de trois œufs ; ils sont entièrement blancs, ponctués 
de roussâtre , et de la grosseur de ceux d’une oïe, mais un peu 
moins alongés. Les petits sont long-tems hors d'état de prendre 
leur essor ; leurs longs pieds frèles , sur lesquels ils ont d’abord 
beaucoup de peine à se soutenir, sont la cause de ce retard ; et 
on les trouve encore dans le nid quoiqu’ils aient tout le déve- 
loppement et toute la grandeur propre à leur espèce. Ils ne peu- 
vent enfin bien courir qu’à l’âge de quatre ou cinq mois,et jusqu’à 
ce moment 1ls marchent sur le tarse en s'appuyant sur le talon; 
ce qui leur donne fort mauvaise grace. En revanche, dans l'état 
parfait, cet oiseau a la démarche aisée, le port noble et les 
mouvemens pleins de dignité ; tranquille, il marche avec une 
assurance lente et agréable; mais, au besoin, il court d’une 
vitesse extrême. Lorsqu'il se voit poursuivi, il préfère de fuir 
plutôt par la course que de prendre son vol; et, dans ce cas, il 
fait des pas d’une grandeur démesurée. Il faut, pour obliger cet 
oiseau à s'envoler, ou le surprendre d’une manière brusque et 
inopinée , ou le poursuivre à cheval au grand galop ; mais alors 


ls) 


E 


100 HISTOIRE NATURELLE 


il s'élève peu, et redescent aussitôt qu'il se voit hors de danger, 
pour se remettre à courir de plus belle. 


Le Mangeur de serpens est très-méfiant et singulièrement 
rusé ; on l’approche difficilement à la portée, pour le tirer avec 
succès : et comme on ne le rencontre guère que dans les plaines 
les plus arides et les plus découvertes, lieux que fréquentent de 
préférence les animaux dont il fait sa proie, il y est en sûreté, 
étant à même de voir tout ce qui se passe au loin. Aussi, le 
chasseur , une fois qu’il a été remarqué par lui, doit renoncer 
au projet de le joindre d’assez près pour être sûr de l’abattre ; 
mais il peut y suppléer par la ruse; car cet oiseau, revenant 
toujours dans les mêmes cantons, nee en aura observé 
un qu'il fréquente d'ordinaire , il faudra sy rendre avant le 
jour, se cacher dans un buisson bien touffu, et y rester jusqu’à 
ce qu'il se présente convenablement pour être tué. Il faut, dans 
cette chasse , s’armer de beaucoup de patience, ne pas faire le 
moindre mouvement, et le buisson dans lequel on se cachera 
doit même être tellement ombragé qu’on ne puisse voir le jour 
à travers ; sans quoi Poiseau, très-clairvoyant, y aura bientôt 
découvert le chasseur. Le canon du fusil, ainsi que les batte- 
ries, doivent aussi avoir été frotté avec du sang chaud de quel- 
que animal, afin qu'ils aient le moins d'éclat possible (1). Voilà 
la seule manière qui m’ait réussi pour parvenir à me procurer 
ces oiseaux, et encore n’en ai-je pu tuer que cinq pendant tout 
le séjour que j'ai fait en Afrique. 


Dans cette espèce, le mâle et la femelle se séparent rare- 


(1) C'est la méthode qu’emploient les colons du Cap pour ternir leurs fusils ; ce qui 
est infiniment préférable au bronzé d'Europe, et très-nécessaire pour approcher les 
gazelles d'Afrique. 


DU MANGEUR DE SERPENS. 109 


ment, et toujours on les trouve ensemble. Pris jeune, cet oiseau 
s'apprivoise facilement, et se nourrit aisément. Il s’habitue avec 
la volaille, et si on a soin de le bien nourrir, il ne lui fait au- 
cun mal; mais si, au contraire, on le laisse jeüner, les petits 
poulets et les jeunes canards deviennent bientôt sa proie : c’est 
donc le besoin seul qui l’invite à mal faire, si toutefois c’est un 
mal que de pourvoir à sa subsistance. Il n’est pas de son naturel 
d’être méchant ; au contraire , il semble aimer la paix; car sil 
y a quelque bataille parmi les animaux de la basse-cour, on 
le voit aussitôt accourir pour séparer les combattans. Beaucoup 
de personnes , au Cap de Bonne-Espérance, élèvent de ces oi- 
seaux dans leurs basse-cours ; autant pour y maintenir la paix 
que pour détruire les lésards, les serpens et les rats, qui sou- 
vent s’y introduisent pour dévorer la volaille et les œufs. 


Le Mangeur de serpens se trouve dans toutes les plaines ari- 
des des environs du Cap, et notamment dans le Swart-Land. 
Je lai vu très-fréquemment sur toute la côte de l’est, même 
jusque chez les Caffres, et dans l’intérieur des terres; mais à 
la côte de l’ouest, et sur-tout vers le pays des Namaquois, je 
ne l'ai pas, à beaucoup près, rencontré autant. 


Plusieurs naturalistes ont parlé de ce destructeur de serpens, 
et l'ont décrit; mais peu l’ont, à ce qu'il paroît, bien examiné. 
Buffon lui donne la dimension d’une grande grue ; il s’en faut 
pourtant de beaucoup qu’il ait la hauteur des grandes espèces 
de ce genre; il est même inférieur de taille à notre grue euro- 
péenne, et n’a enfin tout au plus que trois pieds deux à trois 
pouces de hauteur. Quand à ses longs pieds, que l’auteur com- 
pare à ceux des oiseaux de rivage, il n’est pas le seul oiseau de 
proie dont le tarse soit aussi long, car les éperviers, propor- 
tionnellement à leur taille, ont au moins de la même longueur; 


110 ÉTSTOTIE, N'ASRUPREEPIE 


et il est absolument faux que la jambe de cet oiseau soit dégar- 
nie de plumes un peu au-dessus du genou (1). Tout au con- 
traire , les plumes des jambes descendent un peu sur le devant 
du tarse. Au reste, cet oiseau est si mal fisuré dans les planches 
enluminées de Buffon, N°. 721, qu’il est impossible de le re- 
connoître dans ce portrait peu fidèle, tant pour ses couleurs 
que pour sa forme totale. La peau nue qui entoure son œil et 
la base du bec, n’est pas rouge, comme dans la figure que nous 
avons citée, mais d’un jaune, plus ou moins orangé ; il n’a pas 
non plus le cou de cigogne qu’on lui prête, et encore moins un 
bec de gallinacée; et ce n’est pas un vautour, comme le prétend 
Forster. I] n’a pas enfin la queue fourchue que lui donne Son- 
nerat, qui en a publié une figure vraiment grotesque dans son 
Voyage à la nouvelle Guinée , planche 50 ; on n’a pas oublié 
dans ce portrait, le caractère du bas de la jambe dégarni de 
plumes. 


Kolbe a confondu cet oiseau avec le pélican: le nom de 
slans-vreeter (mangeur de serpens ), qu'il applique au péli- 
can , est le nom que porte au Cap, dans toute la colonie et chez 
les Hottentots, l'oiseau dont nous parlons. Les Hollandois l'ont 
nommé ensuite secretaris (secrétaire), par comparaison avec 
leurs écrivains de bureau, qui généralement ont l'habitude de 
ficher leurs plumes dans leur perruque derrière loreille, et dont 


(1) Buffon nomme encore ici genou , la partie que , dans cent autres endroits, ïl 
désigne comme le talon ; et c'est très-certainement du talon dont il a voulu parler ; 
car jamais on n’apperçoit le genou des oiseaux, qui se trouve toujours caché par 
les plumes des flancs. D'ailleurs, le secrétaire ou Mangeur de serpens n’a la jambe 
dégarnie de plumes ni en haut ni en bas; et la preuve la plus convaincante que 
c’est du talon dont Buffon a voulu parler dans cette occasion, c’est qu’il reproche 
à son dessinateur de n’avoir point saisi les caractères qu’il donne à son secrétaire, 
et dont celui de la jambe dégarnie de plumes fait partie. Voyez dans Buffon la 
description du secrétaire, tome XIV, page 30 de l’édition 27-12. 


DU MANGEUR DE SERPENS. 111 


celles de la huppe de cet oiseau rappellent l’idée. Vosmaer la 
nommé sagitaire, et d’autres enfin messager, par rapport à la 
vitesse de sa course. Quant à moi, je lui conserverai son véri- 
table nom, qui lui convient mieux; car enfin ce n’est pas un 
secrétaire, ni un sagitaire, et encore moins un messager ; MAIS 
c’est un mangeur de serpens. 


Cet oiseau est caractérisé, par un bec crochu et fort comme 
celui des aigles; par un long tarse; par une touffe de plumes 
inégales , qui lui forme, sur le derrière du cou, une espèce de 
crinière pendante, qu'il peut hérisser à volonté ; et enfin par 
une queue très-étagée, dont les deux plumes du milieu sont du 
double plus longues que les deux suivantes, et traînent à terre 
pour peu que l'oiseau les tienne obliquement. L’œil est d’une 
couleur grisâtre ; il est très-ouvert et garni d’un sourcil de cils 
noirs. La bouche est grande et fendue jusque passé les yeux; la 
gorge, fort ample, est susceptible d’une très-grande extension, 
ainsi que la peau du cou. Le jabot est d’une ampleur considéra- 
ble, et contient une quantité prodigeuse de nourriture. 


Le plumage du Mangeur de serpens mâle, lorsqu'il est par- 
venu dans son état parfait, est, sur la tête, le cou, la poitrine 
et-pénéralement tout le manteau, d’une couleur gris bleuâtre, 
nuée plus ou moins d’une légère teinte de brun-roux sur les cou- 
vertures des aîles ; les grandes pennes sont noires. La gorge, 
ainsi que les plumes qui couvrent le sternum , sont blanches, et 
celles du dessous de la queue sont d’un blanc sali de roussâtre; le 
bas-ventre est noir, mêlé et comme rayé de roux ou de blanc; les 
jambes, enfin, sont couvertes de plumes d’un beau noir, rayé 
imperceptiblement de brun; vers le talon, cette rayure prend 
un ton plus blanchâtre. La base du bec et la peau nue des yeux 
sont d’une couleur jaune, plus orangée au-dessus de lœil. Le 


112 EHISOITRET NÉDURENESÉ 


bec est couleur de corne noirâtre, ainsi que les ongles, qui 
sont courts et émoussés. Les doigts, très-épais, sont, ainsi que 
le tarse, couverts de larges écailles d’un brun jaunâtre. La 
queue est, comme je l'ai dit, très-étagée; les pennes qui la com- 
posent sont, en partie, noires, et prennent toujours plus de 
gris à mesure qu’elles s’alongent ; elles sont de plus toutes ter- 
minées de blanc : les deux du milieu, qui dépassent de beau- 
coup toutes les autres, sont entièrement d’un gris-bleu, nuées 
de brun vers le bout, où elles portent une tache noire et sont 
aussi terminées de blanc; mais il arrive quelquefois que ce bout 
blanc disparoïit entièrement, par le frottement qu’elles éprou- 
vent en traînant souvent à terre. J’ai remarqué encore que ces 
deux longues plumes se rétrécissoient depuis le croupion jus- 
qu’au milieu de leur longueur , et que de-là elles prennent, au 
contraire , toujours plus de largeur jusqu’au bout. La huppe de 
cet oiseau est composée de dix plumes très-apparentes ; elles ne 
naissent point sans ordre, mais sont implantées deux à deux: 
les plus courtes étant placées sur le haut du cou et les longues 
plus bas; elles occupent ensemble un espace de plus de quatre 
pouces : les plus grandes sont noires, principalement à leurs 
extrémités extérieures ; d’autres sont mélangées de gris et de 
noir; toutes sont étroitement ébarbées à leur naissance, et 
s’élaroissent toujours davantage; enfin, elles ont absolument 
Ja forme d’une massue , et jouent au gré des vents et au moin- 
dre mouvement que fait l'oiseau, qui a aussi la faculté de les 
redresser à volonté, 


La femelle diffère du mâle par sa couleur grise, moins nuan- 

LA la " e à Fe ATP 1Qe 
cée de brun; par sa huppe moins longue et plus mêlée de gris; 
par son bas-ventre, qui est blanc, et par les plumes de ses jam- 
bes qui sont plus traversées de rayures brunes ou blanches, et 
enfin par les deux plumes moins longues du milieu de la queue. 


Dans 


DU MANGEUR DE SERPENS. 113 


Dans le premier âge, le gris est nuancé d’une forte teinte 
roussâtre ; chaque plume des jambes est terminée par un liséré 
blanc, et le bas-ventre est entièrement blanc. La huppe est non- 
seulement courte, mais tout à fait d’un gris roussâtre, et les 
deux plumes du milieu de la queue ne s'étendent pas plus loin 
que les autres. Les proéminences osseuses des aïles ne parois- 
sent pas du tout dans le jeune âge. Dans l'oiseau adulte, 1l faut 
soulever l’aîle pour les sentir, et elles ne sont absolument que 
des apophises du métacarpe. 


Tome E 


14 HISTOIRE NATURELLE 


D'É SA U'DOURS 


FX UTOUR H UMP D, N° æ 


Czr oiseau de Cayenne qui, par ses aîles courtes, sa grande 
queue et ses longues jambes, se rapproche beaucoup du genre 
de l’épervier et de l’autour, me paroît être un véritable autour 
d’une espèce nouvelle, à ajouter à celui que nous connoissions 
déja, et qui se trouve dans les différentes parties de l’Europe. 
Quant au prétendu petit autour de Cayenne, décrit par Buf- 
fon , et figuré dans ses planches enluminées, N°. 473, ce n’est 
certainement point un autour. Pour avoir également une idée 
exacte de la forme de notre autour d'Europe, il faut bien se 
garder de consulter les planches enluminées de Buffon, N°. 461 
et N°. 418, qui représentent fort mal Île port de cet oiseau. 
L’autour blond des naturalistes n’est rien autre que notre au- 
tour dans son enfance, nommé busard dans les planches de 
Buffon, N°. 423. Ce même autour, dans son jeune âge, est 
aussi décrit par Brisson, comme un gros busard : erreur dont 
Buffon s’est apperçu. Je ne connois absolument encore que deux 
espèces d’autours ; savoir, notre autour européen et celui de cet 


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article, que je donne dans les planches coloriées de cet ou- 
vrage , N°. 26. Celui-ci diffère de notre autour non-seulement 
par des couleurs totalement différentes, mais encore par sa 
taille, qui est d’un bon tiers plus forte. Il est caractérisé par 
une toufle de plumes inégales, qui prennent naissance sur l’oc- 
ciput et retombent sur le cou par derrière; ses tarses sont aussi 
entièrement emplumés: caractères bien suffisans pour distinguer 
ces deux espèces l’une de l’autre. Le dessus de la tête de cet 
autour américain est couvert de plumes noires, mais elles n’ont 
cette couleur que dans toute la partie qui se remarque quand 
elles sont naturellement couchées les unes sur les autres; car le 
dessous en est blanc, et souvent ce blanc s’apperçoit pour peu 
que les plumes se dérangent. La huppe est également noire et 
blanche. Tout le derrière du cou est d’un roux foncé, et le de- 
vant d’un blanc sali de roussâtre ; une ligne noire qui descend 
du coin de la bouche sur les côtés du cou, sépare le roux de la 
nuque et le blanc de la gorge. Toute la partie antérieure du 
corps, sur un fond blanc plus ou moins roussâtre, porte de lar- 
ges taches noires ; les jambes sont barrées transversalement de 
noir et de blanc ; sur le tarse cette rayure est plus fine. Les ai- 
les et le manteau, sur un fond brun sombre, sont nués d'une 
couleur noirâtre. Les petites couvertures du poignet de laîle se 
détachent l’une de l’autre par une bordure blanche, et la queue 
porte de larges bandes noires, disposées sur la couleur brune 
de ses pennes. Le bec est bleuâtre, les doigts jaunâtres et les 
serres d’un noir de corne. La base du bec m'a paru roussâtre. 


J’ai été à même de comparer cinq individus de cette espèce, 
dont l’un est au Cabinet National de Paris; un autre chez le 
citoyen Holthuysen, à Amsterdam ; jai vu le troisième dans 
le cabinet de feu Mauduit, qui l’a décrit pour un aigle; un au- 
tre chez le citoyen Gaillard, marchand d'histoire naturelle, et 


Pre 


116 HISTOTRE NATURELLE 


enfin le cinquième est dans ma collection : je n’ai pas remarqué 
de différence sensible dans aucun de ces cinq oiseaux. 


Les habitudes de cet autour ne nous sont pas connues; mais 
si nous pouvons en juger par son bec qui est très-fort, ainsi 
que par ses grandes serres, 1l doit être un terrible destructeur 
de gibier , et seroit certainement bien propre à figurer dans une 
fauconnerie. | 


On trouve dans l'Encyclopédie méthodique la description 
de deux oiseaux de proie nouveaux, donné chacun sous le nom 
d’autour ; je ne les ai jamais vu en nature, ainsi je ne puis en 
parler ; mais Mauduit, qui a donné celui de cet article pour 
un aigle, peut écalement s'être trompé à l'égard de ces préten- 
dus autours. Sonnerat a publié aussi la description d’un oiseau 
de proie de Madagascar, auquel il a très-mal à propos donné le 
nom d’autour. Dans le nombre des oiseaux carnivores que j'ai 
vu en Afrique, je n’en ai trouvé aucun qu’on puisse rapporter 
à ce genre d'oiseaux. 


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DÙU FAUCON CHANTEUR. 117 


DES, EE A U.C.0.N°S: 


LE FAUCON CHANTEUR, N°. 2. 


L>z jaune de la base du bec ainsi que des pieds, des couleurs 
élégantes, et un chant soutenu, caractérisent un des plus beaux 
oiseaux de proie d'Afrique, celui que j’ai nommé Faucon chan- 
teur. Un organe dont il paroït doué seul, exclusivement à tous 
les autres oiseanx de rapine, si nous en exceptons pourtant le 
vocifer (1), mérite bien de jouir d’une dénomination particu- 
lière, comme privilégié à cet égard ; puisqu’en dénommant les 
objets d'histoire naturelle, on doit, autant qu'il est possible, 
chercher à les peindre par leur nom; cependant ce nom ne porte 
pas sur la configuration seule; mais nous pensons aussi pouvoir 
nommer lesanimaux d’après leurs facultés, par la raison que l’his- 
toire naturelle ne consiste pas seulement dans la partie descrip- 
tive, mais dans la somme des formes, des mœurs et des facultés. 
L'étude de ces rapports réunis devant être le but de tout natu- 
raliste, 1l doit chercher à fixer les espèces par le trait le plus 


(2) Voyez la description de l’aigle que j'ai nommé vocifer, No. 4. 


110 US TOTRE, N'AMPUMRETMRE 


frappant de leur signalement physique ou moral, pendant que 
le nomenclateur ne s’attachera qu’à la description des couleurs; 
ce qui nous importe le moins de connoître avec autant de dé- 
tails; car il est rare que deux oiseaux du même genre, et qui 
se ressemblent le plus par leurs plumages, n’aient pas quelque 
caractère différent, qu’il soit aisé de saisir pour les distinguer 
Vun de Pautre ; et c’est à quoi le vrai naturaliste doit s'attacher 
le plus, pour éviter cette confusion qui ne règne déja que trop 
dans les différens ouvrages sur les oiseaux. 


Au premier coup-d’œil, le Faucon chanteur pourroit être 
pris pour une grande espèce d’épervier ; cependant on ne peut 
le ranger parmi ces oiseaux, car il a les aîles proportionnelle- 
ment plus longues, la queue plus courte et le corps plus épais; 
mais, comme eux, 1l a le tarse fort long, ce qui léloigne un 
peu des faucons. Sa queue est étagée, les plumes extérieures 
étant d’un tiers plus courtes que celles du milieu. La tête, le 
cou, la poitrine et tout le dessus du corps, sont d’un gris de 
perle, plus foncé sur le sommet de la tête, les joues et sur une 


partie des plumes scapulaires, où elles prennent un ton brunä- 
tre ; les couvertures du dessus de la queue sont blanches ; sur 
les côtés, elles sont rayées de gris-brun et ponctuées de la même 
couleur. Le ventre, sur un fond blanchâtre, est rayé très-fine- 
ment de gris-bleu clair; les rayures du reste du plumage sont 
plus séparées les uns des autres, et elles sont d’un joli gris-bleu 
sur les jambes. Les grandes pennes de l’aîle sont noires; cha- 
cune des plumes de la queue est terminée de blanc, celles du 
milieu sont noirâtres, les autres ajoutent à cette couleur de 
larges bandes blanches. L’iris est d’un rouge-brun foncé. Le bec 


et les ongles sont noirs. 


Cet oiseau est de la grosseur de notre faucon. La femelle 


DU FAUCON CHANTEUR. 119 


diffère du mâle par sa taille, qui est d’un tiers plus forte; la 
base de son bec et ses pieds sont d’un jaune plus foible encore, 
et c’est principalement dans le tems des amours que ces mêmes 
parties, dans le mâle, prennent une couleur plus vive ou plus 
orangée ; c’est alors aussi qu'il chante, ainsi que la plupart 
des autres espèces d'oiseaux chanteurs. Perché sur le sommet 
d’un arbre, auprès de sa femelle, qu'il ne quitte pas de toute 
l'année, ou bien dans le voisinage du nid où elle couve, il 
chante des heures entières, et d’une manière particulière ; 
comme notre rossignol, on l'entend le matin au lever du so- 
leil, le soir au déclin du jour, et quelquefois durant toute la 
nuit. C’est pendant le tems qu'il chante d’une voix forte qu’on 
peut facilement l’approcher pour le tirer; mais il faut que le 
chasseur, qui s’avance sur lui, s’arrête, demeure immobile, et 
ne fasse aucun mouvement dans l'instant où l'oiseau se tait pour 
reprendre haleine, parce que dans ces intervalles, 1l part et s’éloi- 
gne au moindre bruit; mais, comme tous les oiseaux chanteurs, 
il semble s’écouter avec une sorte de complaisance, et n’entend 
plus ce qui se passe autour de lui; toute sa sûreté étant alors con- 


fié à ses yeux, qui sont très-clairvoyans. Assez généralement 
cet oiseau se perche sur un arbre isolé, où il est impossible de 


approcher; dans ce cas, le mieux est de l’attendre à la pas- 
sade, dans un endroit où il soit accoutumé d’aller; car c'est 
envain que l’on tenteroit de le surprendre, puisqu'il part aussi- 
tôt qu'il voit le chasseur s’avancer vers lui. 


Le Faucon chanteur fait une guerre cruelle et sanglante aux 
lièvres, aux perdrix, aux cailles, et généralement à tout le 
menu gibier ; il prend aussi les taupes , les souris et les rats. La 
rapine et le carnage sont des fonctions nécessitées chez lui par 
le besoin de satisfaire un appétit démesuré : j'en ai élevé un 
jeune que nous ne pouvions rassasier que diflicilement. 


120 HISTOIRE NATMURELPRE 


La femelle construit son nid dans l’enfourchure des arbres 
ou dans les gros buissons touffus ; sa ponte est de quatre œufs 
entièrement blancs et presque ronds. Dans des voyages tels que 
ceux que j'ai faits, on goûte de tout; j'ai mangé ces œufs, fraiche- 
ment pondus, et je leur ai trouvé un petit goût de sauvaigne; 
cuits, le blanc conserve une grande transparence et une teinte 
bleuâtre ; le jaune est d’une belle couleur rouge de safran, et 
le dedans de la coquille d’une couleur verte. Dans son jeune 
âge, le plumage du Faucon chanteur est mélangé de beaucoup 
de roussûtre. 


Cette belle espèce d’oiseau se trouve dans la Caffrerie et dans 
tout le pays qui l’avoisine ; je l’ai rencontré aussi dans le Kar- 
row et le Camdeboo. La saison des amours est le seul tems où 
le mäle fasse entendre son chant, dont chaque phrase dure 
près d’une minute, Je n’ai jamais entendu chanter la femelle. 
Lorsque j’appercevois une Hu de ces oiseaux, s’il m’arrivoit 
de tuer le mâle le premier, j'étois certain d’avoir bientôt la fe- 
melle, qui, par attachement pour son mâle, et le cherchant 
par-tout, l’appeloit sans discontinner, d’une voix triste et la- 
mentable, dont les accens m’indiquoient à chaque instant les 
lieux par où elle passoit et repassoit sans cesse en vain, et où 
il suflisoit de lattendre; car, faisant peu d'attention à moi, 
elle sembloit s’offrir volontairement à la mort. Si, au con- 
traire, j’avois tué la femelle la première, le mâle n’en devenoit 
que plus méfiant ; il se retiroit sur le sommet des arbres les plus 
isolés, où il chantoit non-seulement tout le jour, mais pen- 
dant la nuit entière ; et si je cherchois à le poursuivre, il quit- 
toit tout à fait le canton et n’y rentroit plus. 


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DU FAUCON HUPPÉ. 121 


LE FAUCON HUPPEÉ, N°. 28. 


Cr oiseau me paroît approcher beaucoup de celui qu'Adan- 
son a rapporté du Sénégal, et que les Nègres de ces contrées 
nomment £anas ; il est également huppé et son plumage res- 
semble-infiniment aussi, tant par ses couleurs que par leurs 
distributions , à celui de notre faucon d'Europe; mais il dif- 
fère cependant du tanas par la grandeur, puisqu'on lui donne 
une taille un peu moindre seulement que celle du faucon, tan- 
dis que mon Faucon huppé est beaucoup plus petit. Ce dernier 
a encore un caractère très-remarquable , et dont Buffon ne fait 
pas mention dans la description du tanas: c’est la mandibule 
inférieure du bec, qui non-seulement est garnie, comme dans 
le tanas, d’un crochet très-apparent de chaque côté, mais de 
plus est tronquée net à son extrémité et coupé carrément. La 
figure que j'ai donnée indique très-bien ce caractère; qui, sil 
est le même dans l'oiseau du Sénépal, n’aura point été saisi ni 
par le dessinateur, ni par Buffon. La huppe, dont il est aussi 
question dans la description du tanas, manque absolument 
dans la figure qu’on en a donnée; et en tout, ce portrait ne se 
rapporte nullement à la description de cet oiseau, tandis qu’elle 
convient, au contraire, parfaitement à mon Faucon huppé, à 
la grandeur près ; mais nous savons qu'il arrive souvent que, 
dans le même pays, les oiseaux varient beaucoup dans leurs 
tailles, à plus forte raison la même chose peut avoir lieu dans 
deux contrées aussi éloignées l’une de l’autre, que le sont le 


J'ome Î. Q 


122 HISTOIRE. NATURELLE 
Sénégal et le Cap de Bonne -Espérance. Il est donc probable 


que le tanas, ou faucon pêcheur du Sénégal, est de la même 
espèce que le Faucon huppé du Cap; et que la figure des plan- 
ches enluminées de Buffon, N°. 478, qui est censée représenter 
le tanas, est celle d’un autre oiseau de proie. Nous allons voir 
encore que les mœurs du Faucon huppé sont aussi les mêmes 
que celles du tanas : raison qui vient à l'appui de mes soupcons 
sur l’unité d'espèce de ces deux oiseaux africains. Maïs comme 
la description du tanas n’est point assez détaillée, et que deux 
oiseaux peuvent bien se ressembler, et ressembler encore à un 
troisième , sans être cependant de la même espèce, nous remet- 
trons à prononcer plus affirmativement, jusqu’au moment où 
nous aurons vu en nature le tanas du Sénégal ; en attendant, 
nous laisserons à cet oiseau de proie du Cap le nom particulier 
que je lui ai donné. 


La huppe de ce petit faucon est très-apparente ; elle part du 
front et s'étend jusque passé le derrière de la tête, quand loi- 
seau la couche ; il la relève souvent, et particulièrement quand 
il est animé , soit par la colère , ou par un sentiment plus doux, 
celui de l'amour : c’est dans ce moment sur-tout qu'il l’épanouit 
et l’étale pour plaire à sa femelle , à laquelle il paroît très-atta- 
ché. Dans cette espèce, le mâle est de la grosseur d’un pigeon 
ordinaire ; sa femelle est d’un grand quart plus forte, et sa 
huppe est moins longue ; du reste, ils se ressemblent beaucoup 
pour la teinte et la distribution des couleurs, qui sont, sur tout 
le dessus du corps, d’un gris-bleu ardoisé ; la huppe est brunä- 
ire. La gorge, le cou et la poitrine sont d’un blanc sali; tout le 
dessous du corps, sur ce même fond , porte des bandes trans- 
versales ; la queue est ésalement rayée en travers. Les pieds et 
les doigts sont jaunes; la base du bec est bleuâtre et la pointe 
en est noire , ainsi que les griffes qui sont très-effilées et fortes. 


DU FAUCON HUPPÉ. 123 


De chaque côté de la bouche descend une balafre brune ; les aî- 
les ployées s'étendent au-delà du bout de la qe ; lol est 
d’un jaune orangé. 


Le Faucon huppé fréquente les lacs, les bords de la mer et 
les rivières poissonneuses ; il ne chasse point, mais pêche, et 
se nourrit de tous les petits poissons et crabes qu'il peut attra- 
per ; il s’accommode aussi d’oursins , de moules et d’autres co- 
quillages, dont il brise l’enveloppe avec son bec qui est très-fort, 
Je l'ai vu poursuivre, avec acharnement, les mouettes , les hi- 
rondelles de mer, et même les albatros et les pélicans, OISCaux 
dont la grosseur et la force auroient dû lui en imposer; mais 
tous le fuyoient également; les hirondelles de mer paroissoient 
même moins le redouter que ces grands et lâches palmipèdes. 
Quand ce Faucon huppé s’est adonné à vivre sur les bords de 
la mer, c’est sur les rochers qu'il fait alors son nid; dans les 
terres , il le construit sur les arbres qui bordent les rivières qu'il 
fréquente et qui lui procurent le plus abondamment sa nourri- 
ture. La ponte est de quatre œufs entièrement d’un blanc rous- 
sâtre. Le mâle partage les soins de l’incubation et ne quitte 
point sa femelle, dont il prend le plus grand soin, ayant l’at- 
tention de lui apporter amplement les fruits de sa pêche. Toute 
la petite famille vit long-tems ensemble, et les jeunes ne se sé- 
parent que pour donner eux-mêmes leurs soins à une nouvelle 
postérité. 


Les très-longues aîles du Faucon huppé paroîtroient devoir 
lui faciliter les moyens de chasser, car il a le vol très-rapide; 
mais jamais je ne l’ai vu prendre les oiseaux auxquels il donnoit 
la chasse ; ce qu'il auroit pu faire facilement, puisqu'il les abor- 
doit issez jee pour leur donner des coups de bec et les faire 
crier ; mais il n’a paru que c’étoit simplement pour les écarter 


Q 2 


124 HISTOIRE NATURELLE 
du canton qu’il s’étoit choisi et dont il s'éloignoit très-peu lui- 


même. 


Les jeunes diffèrent des vieux par une teinte fauve répandue 
sur tout leur plumage, et par le blanc sale de la gorge, du cou 
et de la poitrine qui est varié de roux et de gris-brun ; et leur 
huppe ne paroît aussi que quelques mois après qu'ils ont pris 
l'essor. 


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DU FAUCON A CULOTTE NOIRE. 125 


LE FAUCON A CULOTTE NOIRE, 
N°. 29. 


L”o1sEau dont il est question dans cet article est encore un 
faucon d'Afrique, dont la taille est intermédiaire entre celles 
des deux faucons précédens. Ses aîles, moins amples que celles 
du faucon huppé, ne s'étendent pas plus loin que les deux tiers 
de la longueur de la queue. Le dessus de la tête et les plumes 
des jambes sont d’un noir-brun; les pennes des aïles et celles 
de la queue ajoutent, à cette même teinte, une bordure blan- 
châtre À qui dessine les contours extérieurs, et les détachent les 
unes des autres. La gorge est blanche ; le manteau, ainsi que 
les couvertures des aîles, sont d’un gris-brun, et marquées de 
quelques traits plus foncés le long du milieu de chaque plume. 
Toute la partie antérieure du corps est d’un léger roussâtre, sur 
lequel sont répandues des taches brunes, formées en coups de 
pinceau. Le bas-ventre et les recouvremens du dessous de la 
queue sont de la même couleur et tachés de même ; mais les 
traits bruns qui s’y trouvent également sont plus déliés. Le bec, 
qui offre absolument les mêmes caractères que celui du faucon 
huppé, est jaune à sa base, et couleur de corne dans le reste. 
Les doigts, très-forts, portent des griffes noires ; ils sont jau- 
nes , ainsi que les tarses, qui se trouvent emplumés un peu au- 


dessous du talon. L’œil, très-vif, est d’un brun-noisette. La 
queue est un peu arrondie. 


126 HISTOIRE NATURELLE 


J'ai tué ce faucon dans le pays des Grands Namaquois ; 
lorsque je l’apperçus il étoit posé sur un rocher et en train de 
dévorer un jeune lièvre, qu'il venoit sans doute de prendre à 
l'instant même; ce que je jugeai à la chaleur du petit animal, 
dont les membres étoient encore palpitans. Très-occupé à son 
repas, l'oiseau se laissa approcher, et je le tuai sur sa proie. 
Mon coup de fusil fit partir, à quelque distance de là, un au- 
tre oiseau de rapine, qui me parut un peu plus #ros que celui 
que je venois d’abattre, et que je crus d'autant plus être sa fe- 
melle, que nous étions dans la saison où tous les oiseaux du 
canton étoient en amour, et que celui que j’avois tué étoit un 
mâle. Je guettai en vain cette femelle, que je vis passer et re- 
passer à plusieurs reprises, évitant toujours de m’approcher ; 
j'avois cependant laissé le levreau sur la place où le mâle 
s’étoit fait tuer, espérant qu’elle s’y abattroit aussi en lapper- 
cevant. Toutes mes ruses n’aboutirent à rien, ne voyant plus 
reparoître son mâle, elle disparut entièrement. Je n’ai pas vu 
depuis un autre individu de cette même espèce. 


Mon vienx gardien Swanepoel m'a assuré cependant que 
cet oiseau étoit assez commun sur les Szeeuw-bergen (Mon- 
tagnes de neige), et qu’on le nommoit, dans ce canton, £/yne- 
berg-haan (petit coq de montagne). Nous avons déja vu que 
ce nom de coq de montagne est celui que les colons du Cap 
donnent généralement à tous les oiseaux de proie un peu 
orands, et qu'ils ne regardent pas comme des vautours ( aas- 
voogel). Quant aux plus petits, ils les désignent généralement 
par le nom de va/k (faucon). 


Nous allons, après avoir parlé d’un petit faucon indien, 
me 

passer à des espèces plus petites d'oiseaux de proie d Afrique, 

lesquelles, n'étant pas si robustes que les faucons, semblent 


DU FAUCON A CULOTTE NOIRE. 127 


destinées à remplacer, dans ces contrées éloignées, nos éper- 
viers, nos cresserelles et nos hobereaux, enfin, tous ces oiseaux 
de proie de race moins noble, pour me servir de l’expression 
des fauconniers, 


%; 


128 MUIHISTOIRE NATURELLE 


ME (CGHICOUERA NS 


Voici un petit oiseau de proie dont la mandibule inférieure 
du bec est absolument de la même forme que celle des deux 
faucons des articles précédens ; il ressemble beaucoup au fau- 
con huppé par les couleurs générales du corps; mais il n’est 
pas huppé. Cette espèce, que je regarde aussi comme un véri- 
table faucon , n’a point encore été décrite ni fisurée dans aucun 
ouvrage sur les oiseaux. Je lai trouvée dans une collection que 
j'ai achetée, et que tout m’assure avoir été faite au Bengal. CArc- 
quera est le nom indien que cet oiseau portoit dans la note qui 
m'a été remise avec toute la collection : j'ignore ce qu'il signi- 
fie ; je sais seulement que c’est celui que les habitans de Chan- 
dernagor , où il a été tué, donnent à ce petit faucon, dont je 
nai vu que ce seul individu, qui a également servi à cette des- 
cription et de modèle à mon dessinateur, qui la parfaitement 
rendu de grandeur naturelle, et tel enfin que je le fais colorier 
ici dans les planches enluminées , N°. 30. 


La mandibule supérieure du bec porte, dans le Chicquera, 
deux crans très-marqués ; ses aîles, dans leur situation natu- 
relle, ne passent pas les deux tiers de la longueur de la queue, 
et cette queue est un peu étagée et arrondie. Ges trois caractères 
sont plus que suflisans pour ne pas faire prendre cet oiseau pour 
une varicié de celui dont nous avons parlé sous le nom de fau- 


con huppé. Il a le dessus de la tête et le derrière du cou d’un 
roux 


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DIU CAC TOME NAUE 129 
roux ferrugineux très-foncé. Une foible teinte de cette même 
couleur se trouve répandue sur le blanc de la gorge, aux en- 
virons du bec, sur le devant du cou et sur le poignet de l'aile. 
T'out le dessous du corps, sur un fond blanc, porte une légère 
rayüre gris-noir. Le manteau est d'un joli gris-bleu, dont la 
teinte forme aussi la base de la couleur de toutes les plumes 
des ailes et de la queue, qui sont de plus rayées transversale- 
ment. La queue est traversée, à son extrémité, d'une large 
bande noire, et elle se termine enfin par un blanc roussûtre. 
Le bec, si on en excepte sa pointe noirâtre, est du reste en- 
tièrement d'un jaune pâle. Les pieds et les yeux sont d’un beau 
jaune. 


La note dont jai parlé n'indiquoit absolument rien sur la 
manière de vivre de cet oiseau, et ne faisoit pas mention non 
plus de son sexe. 


Tome I. R 


136 HISTOIRE NATURELLE 


EN C O IE L: N°. one 


EL 'AcoLTr est un oiseau de proie qui peut tenir sa place à côté 
de l'oiseau saint-martin (1), avec lequel il a infiniment de rap- 
port : même taille, mêmes proportions, et les couleurs à peu 
près aussi les mêmes, feroient prendre cet oiseau pour n'étre 
qu'une variété de l'oiseau saint-martin; mais une particularité 
quiles distingue l’un de l’autre, c'est quel’Acoli a la base du bec 
d’un beau rouge, particulièrement dans le tems des amours, 
et qu'il a le ventre rayé. 

L'Acoli, comme l'oiseau saint-martin, a le corps alongé et 
svelte, les jambes et les tarses longs, ainsi que la queue : ca- 
ractères qui conviennent également aux éperviers. Ceux-ci n'ont 
point les ailes longues, comme les oiseaux du genre de l'Acoli; 
ils sont, au contraire, de tous les oiseaux de proie, ceux qui ont 
les pennes de l’aile les plus courtes, si nous en exceptons pour- 
tant les autours qui ont égalementles ailes très-petites, et qui se 
distinguent à leur tour des éperviers, par les tarses qui ne sont 
pas si longs que les leurs. 


La couleur principale de l'Acoli est un beau gris-bleu päle, 


(1) Voyez les planches enluminées de Buffon, N°. 459. 


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répandu sur la tête, le cou et le manteau. Cet oiseau est très- 
culotté; c'est-à-dire, que les plumes qui recouvrent les jambes 
descendent fort bas, quoique le tarse ne soit point emplumé 
par lui-même. Toute la partie inférieure du corps est blanchä- 
tre, et finement rayée, comme celle du faucon chanteur, avec 
lequel il ne faut point non plus le confondre. Ce dernier est 
beaucoup plus gros : d’ailleurs, sa queue étagée le distingue 
de l’autre. Il est encore à remarquer que dans les cantons où 
ces deux espèces se trouvent en même tems, jamais ils ne se 
mélent ensemble, et que l'Acoli n’a qu'un criaigre et ne chante 
point. 


Dans la Colonie, cet oiseau fréquente les terres labourées; 
dans les déserts, il habite les terres sablonneuses; et c’est sur 
une taupinière, une motte de terre ou sur une de ces voûtes 
que bâtissent les fourmis, qu'il se perche pour guetter les sou- 
ris, les mulots et les taupes, ainsi que tous les petits oiseaux, 
dont il fait également sa proie. Cet oiseau vole très-bien et 
avec une grande vitesse; mais son vol est toujours bas. Il est 
peu farouche, et se laisse assez facilement approcher. Il suit 
le chasseur et vient de lui-méme tourner autour de l'homme 
qu'il voit dans la plaine, afin de se jeter sur les alouettes qu'il 
fait lever sur son passage, ce qui facilite beaucoup le moyen de 
le tirer. Satisfait de sa chasse, l'Acoli se retire sur un buisson 
pour se reposer. 


On voit communément le mâle et la femelle ensemble. Ils 
construisent leur nid dans les buissons. La ponte est de quatre 
œufs, d’un blanc sale; ils sont ovales, tandis que ceux du fau- 
con chanteur sont presque ronds. C’est principalement dans 
le Swart-land, le Rooye-sand et les Vingt-quatre-rivières, que 


jai vu le plus communément l’Acoli : pays où je n'ai jamais 


R 2 


132 HISTOIRE NATURELLE 


trouvé le faucon chanteur. Dans l'intérieur des terres, ce n’est 
que vers les rivières de Swarte-kop et le Sondag où j'ai vu 
l'Acoli : à la vérité bien plus rarement que dans la Colonie, où 
il paroït que les défrichemens l'ont attiré. 


Les colons du Swart-land nomment l’Acoli Wäitte-valk (fau- 
con blanc); dans d’autres endroits, on le nommoit encore 
Leeusverk-vanger (attrapeur d’'alouettes). Il a le bec bleuûtre, 
et le tour du nez d’un beau rouge très-vif; les yeux sont d’un 
jaune orangé, qui est aussi la couleur des pieds. Les ongles 
sont noirs, ainsi que le bout du bec. La femelle est d'un bon 
tiers plus forte que le mâle, la base de son bec est d'un rouge 
plus terne que celui du mâle. 


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L'orseau nommé ainsi au Bengale, qui est son pays natal, est 
une seconde espèce étrangère d'oiseau saint-martin, dont 
ancun naturaliste n'a encore fait mention, et qui tiendra na- 
turellement sa place à côté de l'acoli d'Afrique. Il suffira de 
jeter un coup-d’œil sur la figure exacte que j'ai donnée de ce 
bel oiseau de proie, pour étre convaincu que je ne me suis 
pas trompé sur son genre. Il est absolument de la taille de 
notre oiseau saint-martin. Son bec est entièrement noir et fort 
luisant, particulièrement à sa base, d'où partent des poils roides 
de la même couleur, qui tous sont dirigés en avant et se re- 
courbent après en l'air, en recouvrant les narines; on remarque 
aussi des poils autour de la mandibule inférieure. Le Tchoug 
a la tête, le cou et tout le manteau d'un brun tres-foncé, que 
l'on pourroit même appeler noir tant il est sombre et approche 
de cette dernière couleur, qui cependant, sur les plus grandes 
scapulaires, s'éclaireit tout à fait en un brun ordinaire. Cette 
dernière teinte est aussi répandue sur une partie des recou- 
vremens des ailes, tandis que les autres sont d'un blanc-oris; 
plusieurs d’entre elles sont même à demi-blanches et brunes. 
Sur lé derrière de la tête, on remarque un espace où le noir, 
le blanc et le brun forment un mélange agréablement varié. Les 
grandes pennes des ailes sont noires, et les moyennes d'un joli 
gris de perle. Cette bigarrure de l'aile fait un effet vraiment 
flatteur à l'œil. Le croupion, ainsi que tout le dessous du corps 


194 ERS POP RNE INPAMRIONRORAEMEE 


y compris les plumes des jambes qui pendent fort bas, et les 
recouvremens du dessous de la queue, sont du blanc le plus 
pur. La queue, dont toutes les pennes sont d’égale longueur, 
est généralement par-tout d'un beau gris-blanc roussâtre; les 
deux seules plumes du milieu portent chacune à leur bout une 
tache brune formant un croissant. Les tarses, gréles et longs, 
de cet oiseau, sont d’un jaune pâle; les doigts ont la même 
couleur, et sont armés de griffes noires. Je ne connois pas la 
couleur des yeux; la note qui m'indiquoit le nom et le pays 
de cette charmante espèce n’apprenoit absolument rien de plus 
sur son compte. J'observerai pourtant, d’après les connoissan- 
ces que l'expérience m'a données sur les oiseaux, que je crois 
l'individu que je viens de décrire un oiseau encore dans son 
jeune âge, et dont la seconde mue n'’étoit point achevée. Je 
fonde mes soupçons : premièrement, sur cette bigarrure de lai- 
le, dont plusieurs des moyennes pennes et des recouvremens 
étoient mélangés d'autant de plumes brunes que de noires et 
de blanches ; secondement, les deux ailes ne portoient point 
absolument les mêmes distributions de couleurs : d’un côté il 
y avoit, par exemple, plus de plumes noires, tandis que de 
l'autre, 1l y en avoit, au contraire, davantage de blanches et 
de grises : indice bien certain d'un oiseau en mue. Il s'agit de 
savoir maintenant laquelle des deux couleurs, du gris de perle 
ou du noir-brun, est la couleur de l'oiseau lorsqu'il est parvenu 
dans son état parfait. Je hasarderai encore mon idée sur cet arti- 
cle : l'oiseau pendant sa mue, devant en même tems et perdre 
et refaire des plumes, quelles sont celles qui tombent en mue? 
T'outle monde sait que ce sont toujours les vieilles; c'est-à-dire, 
celles qui sont déja formées et dont le tuyau est par conséquent 
solide et dur. Or, toutes les pennes grises et les recouvremens 
blancs de l'aile étoient dans cet état, tandis que la plupart des 
noires et des brunes étoient, au contraire, des plumes qui 


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sortoient de leur tuyau, et dont une partie des barbes étoit 
encore enveloppée dans une petite pellicule blanchätre. Je 
crois donc pouvoir assurer que le Tchoug du Bengale, dans 
son état parfait, doit avoir la tête, le cou, le manteau et les 
ailes entièrement noirs et le reste blanc. Quelques voyageurs 
nous apprendront un jour si je me suis trompé dans ma con- 
jecture. 


Je suis bien porté à croire que cette espèce se trouve aussi 
au Cap de Bonne-Espérance, car je me rappelle avoir vu passer 
au-dessus de ma tête, pendant que nous étions en marche et 
que nous côtoyions la rivière Xrom, dans le Lange-kloof, un 
oiseau qui m'a paru absolument pareil à celui de cet article; 
du moins il lui ressembloit beaucoup. J'ai bien remarqué qu'il 
avoit le croupion et le ventre blancs; et toute la tête, le cou 
et les ailes noirs. Il vola très-près de moi, j'étois à cheval, et 
ne l'ayant anpercu qu'au moment où il me passoit, je ne pus 
assez vite débarrasser mon fusil, que je portois en bandoulière, 
ce qui fut cause qu'il m'échappa. Au reste, il n'y auroit rien 
d'étonnant que cet oiseau se trouvât également au Cap et au 
Bengale; car j'ai rapporté de cette partie du monde bien d’autres 
espèces qui sont, comme on le verra, communes à l'Afrique 
et à l'Inde. 


130 HISMOTRE N'APU REENLE 


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Le 


Nous avons, à l’article de l'oiseau de proie que j'ai nommé 
acoli, fait mention de sa ressemblance avec le faucon chanteur, 
et nous avons en même tems indiqué leurs caractères distinc- 
tifs. Voici maintenant une espèce d'épervier qui a le plumage 
encore plus ressemblant à celui du faucon chanteur, dont la 
taille égale, comme nous l'avons vu, celle de la soubuse, tandis 
que l a lui étoit inférieur: c’est le Gabar plus petitencore que 
ce dernier, à peu près de moitié, puisqu'il n’est pas plus fort 

que notre épervier d'Europe. Nous insistons sur cette échelle 
de grandeur, parce que cette différence très-marquée est celle 
qu'on peutassigner et saisir le plus facilement au premier coup- 
d'œil (1). On ne pourra donc confondre le Gabar ni avec le 
faucon chanteur, n1 avec l'accli. Un caractère très-distinctif 
de cet épervier africain, et qu'il a de commun avec nos éper- 
viers d'Europe, c'est d'avoir les ailes fort courtes; elles ne 
dépassent point les couvertures du dessus de la queue; tandis 


(1) On sent bien que ces comparaisons de grandeurs sont faites de mâle à mâle 
et de femelle à femelle ; sinon la femelle de l’acoli approcheroit, par sa force, du 
mâle du faucon chanteur ; et la femelle du Gabar du mâle de l’acoli. Ainsi quand je 
rapporte la taille d’un oiseau de proie d’Afrique à celle d’un oiseau de proïe d’Euro- 
pe, c’est toujours eu égard au même sexe dans les deux espèces que je compare l’une à 
l’autre , puisque dans l’ordre des oïseaux carnivores il y a généralement une différence 
très-considérable entre le mâle et la femelle, dans la même espèce. 


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D'AUTNIGTANDANANEET 137 
que dans les deux précédentes espèces elles ont assez de lon- 
gueur pour s'étendre par-delà le milieu de la queue. 


Le Gabar est vraiment un épervier qui remplace en Afrique 
l'espèce que nous trouvons répandue dans toute l'Europe, et 
qui ne se rencontre dans aucune des parties de l'Afrique où 
jai pénétré, quoique Kolbe nous assure l'avoir vu au Cap. Mais 
il est bien étonnant que, de tous les oiseaux de nos contrées 
que ce voyageur dit avoir trouvés au Cap de Bonne- Espérance, 
je n’en aie vu aucun; tandis qu'il ne dit, au contraire, pas un 
mot de tous ceux que J y ai trouvés et qui effectivement sont 
communs à l'Europe et à cette partie du monde, où ils n'ont 
pas subi la plus légère variation , ni dans leurs couleurs, ni dans 
leur manière de vivre. Je parlerai de tous ces oiseaux à mesure 
qu'il sera question des genres auxquels ils appartiennent. 


Après avoir donné la description de l'espèce d'épervier que 
j'ai nommée Gabar, il me restera à parler, dans l’article sui- 
vant, d'une seconde espèce très-petite, mais très-différente, 
d'éperviers. 


La taille du Gabar égale, comme je l'ai dit, celle de notre 
épervier; 1l est at moins alongé, parce que sa queue 
est un peu plus courte. Toute la partie supérieure du corps, la 
tête et les joues sont d'un gris-brun, plus foncé sur le manteau 
et à l’occiput. Les couvertures du dessus et du dessous de la 
queue sont blanches; les srandes pennes des ailes sont brunes 
dans toutes les parties qui se voient quand elles sont pliées; 
en dessous, elles ont toutes des bandes transversales; les moyen- 
nes sont terminées en blanc. La queue, carrément coupée, 
est en dessus barrée de brun foncé, sur un fond plus clair; en 
dessous, elle l’est de blanc et de noir lavé. La gorge ainsi que la 

Tome T. S 


138 HISTOIRE NATURELLE 


poitrine sont d’un gris bleuâtre. Tout le reste du corps et les 
jambes très-culottées, portent une fine rayure de brun-clair 
sur un fond blanchâtre. Les yeux sont d'un jaune vif. La base 
du bec et les’ pieds ontune belle couleur rouge. Les griffes et le 
bec sont noirs. 


La femelle du Gabar est d’un tiers plus forte que le mâle: 
elle a les pieds et la base du bec d'un rouge moins vif; dans la 
saison des pluies, le mâle perd aussi beaucoup de la vivacité 
de son rouge. J'ai trouvé en septembre le nid du Gabar : il 
étoit posé dans l'enfourchure d'un très-gros mimosa, et cons- 
truit en dehors, de racines, de petit bois flexible, et garni 
intérieurement de plumes. J'ai trouvé dans ce nid trois petits, 
aussi grands que le père et la mère : ils s’envolèrent à mon 
approche; mais après avoir tué les vieux, nous primes les trois 
petits, à qui je trouvai les pieds et la base du bec jaunes. Ils 
avoient aussi la poitrine et le manteau mélés de plumes brunes, 
d’autres entièrement bleuâtres, d’autres encore tout à fait rous- 
ses, et plusieurs portoient méme ces trois couleurs ensemble. 
Tout le dessous du corps étoit rayé de fauve sur un fond blanc, 
sali d'une légère teinte roussâtre. En visitant le nid, j y trouvai 
encore un œuf fort sale, mais en le lavant, il devint blanc, il 
est donc présumable que la ponte est ordinairement de quatre 
œufs, et qu'ils sont blancs; car je n'ai point apperçu la moindre 
tache sur celui qui étoit resté infécond, et qui étoit aussi gros 
que ceux de nos éperviers européens. Dans les trois petits il 
n'y avoit qu'un mâle. 


Je n'ai trouvé le Gabar que dans l’intérieur des terres, sur 
les bords des rivières Swarte-kop et Sondag; je l'ai pareïllement 
trouvé dans le Karow, le Camdeboo, et enfin presque généra- 
lement dans tout le pays que j'ai traversé en revenant des 


DU GABAR. 139 
montagnes de Neige au Bocke-Veld ; mais je ne l'ai jamais 
apperçu dans les environs du Gap. Il est cependant plus que 
probable qu'il doit avoir pénétré jusque là, vu que les oiseaux 
carnivores, s'isolant davantage que les autres, leurs espèces 
doivent s'étendre en raison de cet instinct naturel, qui porte 
chaque couple à se choisir un canton exclusif qui puisse fournir 
à ses besoins. La propagation chez les oiseaux de proie d'un 
ordre inférieur, étant bien plus considérable que celle des 
grandes espèces, il s'ensuit naturellement encore que chacune 

d'elles doit occuper un terrain proportionné au plus ou moins 
grand nombre d'individus qui la composent. 


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[Le] 


140 HISTOIRE NATUREIMEE 


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Ur trés-petit épervier d'Afrique, le moins grand sans doute 
de tous les oiseaux de proie de ce genre, bien inférieur encore 
à notre émerillon, est celui à qui j'ai donné le nom de Minulle. 
On reconnoit dans cette espèce les dimensions proportionnelles 
de l’épervier commun d'Europe, mais sur un bien plus petit 
modèle. La jambe et le tarse très-longs; l'extrémité des aîles 
dépassant à peine la naissance de la queue; la queue carrément 
coupée; la première penne de l'aile plus courte que la qua- 
trième : tous ces caractères conviennent également au Minulle 
et à notre épervier, et servent à le distinguer de l’'émerillon, 
auquel un appercu léger et vague pourroit induire à le rap- 
porter. 


Toutes les plumes qui recouvrent la partie supérieure du 
corps sont d'une couleur brune, du moins dans toute la partie 
qui se laisse voir lorsqu'elles sont couchées et appliquées l'une 
sur l'autre; mais intérieurement elles sont tachées de blanc. 
La gorge est blanche avec quelques petites taches brunes, sur 
le milieu de chaque plume; la poitrine est de cette même cou- 
leur, mais les taches qu'elle porte s’agrandissent à mesure 
qu'elles descendent plus bas, et sont de la forme d’une larme 
dont la pointe est en haut. On remarque sur le bas-ventre des 


taches plus ou moins rondes, sur un fond blanchâtre; sous la 


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queue, ces taches prennent la figure d’un cœur. Les flancs et 
les plumes des jambes sont régulièrement rayés de brun-clair. 
Les grandes pennes sont brunes extérieurement et rayées de 
blanc dans leurs barbes intérieures; les moyennes le sont dans 
le même genre, mais le blanc en est plus net et les bandes 
plus larges. Les petites couvertures du dessous des aïîles, sur 
un fond roux, portent des petites taches brunes. La queue est 
en-dessus d’un brun uniforme et imperceptiblement bandée 
d'une teinte plus sombre ; mais les barbes intérieures étant 
blanchâtres, ces bandes s’apperçoivent très-bien sur le dessous 
de la queue, où elles tranchent davantage. Cet oiseau a la base 
du bec et les pieds jaunes, l'iris d’un jaune orangé, le bec et 
les serres noirs. 


Malgré sa petite taille, le Minulle possède toute la hardiesse 
et l'intrépidité des oiseaux de son genre; il attaque générale- 
ment tous les petits oiseaux, et en fait sa proie. Mais comme 
avec moins de force, il fait souvent une chère plus commune, 
à défaut d'oiseaux, il vit d'insectes, et sur-tout de sauterelles 
et de manthes. Il ne souffre aucune pie-grièche dans son can- 
ton; plus fort qu’elles, il les chasse et les oblige à se fixer loin 
de son domaine. C’est bien malgré lui qu’il y voit d’autres 
oiseaux de proie plus grands; car il ose souvent poursuivre les 
milans et les buses, l'extrême rapidité de son vol le mettant 
toujours à même d'éviter ces oiseaux lorsqu'ils veulent revenir 
sur lui. Les corbeaux sont les ennemis après lesquels il paroît 
le plus s’acharner, sur-tout quand il a des œufs à défendre 
contre leur voracité. Le mâle les poursuit en criant à peu près 
comme notre cresserelle, cri-cri-cri—pri-pri-pri. Le mâle et la 
femelle ne se quittent que rarement; ils font la chasse en com- 
mun, et construisent un nid sur les arbres; la femelle y dépose 
cinq œufs tachés de brun vers les bouts. 


142 HISTOIRE NATURELLE 


C’est sur les rives verdoyantes du Gamtoos, que j'ai tué le 
premier couple de ces petits éperviers, dont le mâle est repré- 
senté de grandeur naturelle dans la planche ci-jointe. La femelle 
est presque du double plus volumineuse que le mâle: elle porte 
exactement la même livrée, à quelques teintes près, qui sont 
moins foncées sur son manteau, dans ses rayüres et sur les 
taches de sa poitrine. : 


J'ai tué, depuis le Gamtoos jusque chez les Caffres, sept 
individus de cette même espèce; je Les ai trouvés tous absolu- 


ment pareils, et n'ai remarqué aucune différence sensible dans 


leurs couleurs respectives. Je n'ai jamais vu cet oiseau dans son 
jeune Âge, etje n'ai été à même que d'examiner un seul de leurs 
nids, dans lequel j'ai trouvé cinq œufs. Ce nid, posé sur le som- 
met d’un mimosa, étoit travaillé avec des branches flexibles, 
entrelacées les unes dans les autres; de la mousse et des feuilles 
sèches en revêtissoient l'extérieur, tandis que le dedans étoit 
douilleitement garni de laine et de plumes. 


Le trait suivant, que je ne puis m'empêcher de rapporter, 
prouvera ce que j'ai dit de la hardiesse de ce petit oiseau de 
proie, dont la grandeur du mâle est à peu près celle de notre 
merle commun. Un jour que j'étois occupé, comme de cou- 
tume, à écorcher devant ma tente les oiseaux que j'avois tués, 
il passa au-dessus de ma tête un de ces éperviers, qui, ayant 
remarqué sur ma table plusieurs oiseaux, s'y abattit tout à coup, 
malgré ma présence, et m'en enleva un qui étoit deja préparé; 
il l'emporta dans ses serres, et fut bien étonné, après l'avoir 
plumé sur un arbre à trente pas de nous, de n'y trouver, au 
lieu de chair, que de la mousse et du coton; cela ne l'empécha 
pas, après avoir déchiré la peau en pièces, de manger le crâne 
tout entier, seule partie que je laisse dans mes oiseaux préparés. 


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DU NT IN UT EF 143 


Comme j'examinois avec plaisir cet oiseau arracher de dépit 
tout ce qui remplissoit la peau bourrée qu’il m’avoit dérobée, 
je le vis revenir planer au-dessus de moi à différentes reprises; 
mais il ne s’abbattit plus, quoique j'eusse laissé exprès quel- 
ques oiseaux à sa portée. Je suis persuadé, que si à sa première 
tentative, il avoit eu le bonheur de tomber sur un des oiseaux 
non préparés, il auroit infailliblement réitéré cette chasse, si 
facile et sicommode pour lui; mais ayant été attrapé, il ne daigna 
probablement pas recommencer une seconde fois. 


144 EPRSRO TRE NPA GMUMRNEMEUUME 


PE NMONTAGNARD ds 


S1 la manie de rapporter Îes oiseaux étrangers à ceux de nos 
climats fait envisager celui dont il est question comme n'étant 
que la cresserelle d'Europe, un peu variée par l'influence d’un 
climat plus chaud; je dirai que c'estune faute à Joe à toutes 
celles qui n'ont été commises que par cette même manie des 
réductions, qui a déja fait commettre tant d'erreurs grossier es 
à l’un de nos plus grands éc rivains. 


Je me contenterai d'indiquer les différences que j'ai remar- 
quées entre cet oiseau africain et notre cresserelle : différences 
qui me semblent assez considérables pour convaincre de 
méprise ceux qui seroient tentés de regarder ces deux oiseaux 
comme ne formant qu'une seule et même espèce. 


Le Montagnard est très-commun dans toute la Colonie du 
Cap de Bonne-Espérance, où les habitans lui donnent le nom 
de Rooye-valk (faucon rouge), ou Steen-valk (faucon de pier- 
res). Il se trouve presque dans toute la partie de l'Afrique où 
j'ai voyagé; il fréquente les montagnes, particulièrement celles 
qui sont Les plus couvertes de rochers; il y vit toute l’année, et 
ne quitte guère le canton qui l’a vu naître. Tous les petits qua- 
drupèdes, les lésards et les insectes qui pullulent parmi les 
rochers deviennent sa proie. C’est aussi parmi les roches les 


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plus escarpées qu’il pose son nid à plat sans être abrité du haut. 
Ce nid, composé de brins de bois et d'herbes, est assez négli- 
gemment fait; on y trouve communément six, sept et même 
jusqu'à huit œufs entièrement du même roux foncé que son 
plumage. 


Cet oiseau, que j'ainommé Montagnard, par rapport au lieu 
qu’il habite préférablement à tout autre, a le cri aigre et per- 
çant; il fait entendre son ramage, que l'on peut rendre par cr 
CrI-Cri—cri-Cri-Cri—Cri-Cri-Crt, TÉpété précipitamment et d'une 
manière très-remarquable, toutes les fois qu'un homme ou 
qu'un animal quelconque approche de l'endroit où il se tient 
habituellement. Quand ils ont des œufs ou des petits, ils sont 
très-hardis et poursuivent à outrance tout ce qui approche des 
environs du nid. 


Le Montagnard est un peu plus fort de taille que notre cres- 
serelle d'Europe; sa queue n’est point aussi étagée que la sienne, 
etses ailes ne s'étendent pas plus loin que le milieu de la queue; 
tandis que dans la cresserelle elles passent au-delà de son ex- 
trémité. La cresserelle mâle a la tête bleuâtre, et sa queue est 
de cette même couleur, terminée de blanc et d’une large bande 
noire; on ne trouve point cette couleur ni sur la tête ni sur la 
queue du Montagnard du Der La femelle de notre cresserelle 
a ces mêmes parties roussâtres, et ressemble par-là davantage 
à notre oiseau africain; mais elle a la queue rayée de beaucoup 
de petites bandes peu séparées les unes des autres, et le bout 
de sa queue est d'un blanc roussâtre, et se termine en dessus, 
comme celle du mâle, par une large barre noire. La queue du 
Montagnard est entièrement d'un roux clair, traversée seu- 
lement de quelques larges bandes brunätres; elle n’est point 
barrée de noir et n’est pas non plus terminée de blanc ou d'un 


Tome I. a 


146 HISTOIRE NATURELLE 


blanc roussätre. Le reste de la couleur du Montagnard se rap- 
porte assez à celle de la cresserelle; cependant en comparant 
les portraits de ces oiseaux, on y trouvera encore assez de 
différence pour ne pas les confondre (1). 


Je remarquerai en passant que la cresserelle se trouve égale- 
ment en Espagne et en Pologne : or, dans ces climats si différens 
elle n'a point varié; ainsi il n'est pas présumable qu'elle ait 
subi au Cap une telle variation; d'autant plus que la tempéra- 
ture du Cap approche de celle d'Espagne. 


Le Montagnard a les ongles et le bec noirs, la base du bec 
et les pieds jaunes, la gorge blanchâtre, les joues et le derrière 
de la tête d’un léger roussâtre, nué de brun; tout le manteau 
est d’un roux foncé, sur lequel sontrépandues des taches noires 
d’une forme triangulaire. La queue, d’un roux clair, porte des 
bandes brunes ; le ventre et les jambes sont d'un gris-brun, 
avec une ligne noirûtre le long de chaque plume. La poitrine 
et les flancs, dont la couleur est d’un roux moins foncé que le 
dos, sont parsemés de taches longitudinales. Les pennes de 
l'aile sont noires dans toute la partie visible, quand Paiïle est 
pliée; en dessous, elles sont rayées de blanc, et toutes les 
petites couvertures du dessous de laile sont tachetées de noirâ- 
tre, sur un fond blanc plus ou moins sali de roux. 


La femelle est un peu plus forte que le mâle; son roux est 
moins foncé et les taches noires du manteau sont moins nom- 
breuses. | 


:() Voyez les planches enluminées de Buffon, N°. 4o1 et 471, qui sont celles de 
la cresserelle mâle et femelle. 


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Sr, comme je l’airemarqué nombre de fois, plusieurs caractères 
réunis de la conformation d’un oiseau facilitent les moyens de 
reconnoitre la place qu'il occupe dans l’ordre que nos nomen- 
clateurs méthodistes ont établi à leur gré; combien aussi ne se 
trouve-t-on point embarrassé quand ces caractères extérieurs 
ne s'accordent plus avec les habitudes et l’ensemble total de 
l'individu, que l’on cherche à ranger dans un genre connu? 
Füien ne prouve d'une manière plus évidente combien les 
méthodes générales seront peu satisfaisantes avant que nous 
_n’ayons une connoissance plus parfaite de toutes les espèces, 
et notamment des mœurs de chacune d'elles en particulier. Le 
défaut d'observations exactes sur cette partie des mœurs, la 
plus essentielle sans doute pour bien connoître la vraie place 
que tient chaque espèce dans l'ordre de la nature, a été totale- 
ment négligée jusqu'à ce moment; de-latoutes ces classifications 
adoptées par les uns, rejetées par les autres, et sans cesse con- 
trariées et démenties par les ouvrages mêmes de ceux qui les 
ont établies. J'ai mainte et mainte fois remarqué par moi-méme 
combien le premier coup-d’œil sur l'ensemble général d'un 
oiseau, quand on est habitué à les voir et à les examiner dans 
leur état de nature, étoit décisif, plus certain et moins sujet à 
erreur, pour le rapporter à son genre, que la vérification dé- 
taillée des caractères génériques qu'ila plu à nos nomenclateurs 


9 
4 


146 HISTOIRE NATURELLE 
d'établir, et cela souvent d’après l'examen d’un seul individu 
mutilé, dont ils n’ont jamais vu que la peau mal rembourrée, 
et ignorant absolument jusqu à la plus petite particularité de 
la manière de vivre de l'espèce dont ils parloient. 


C’est non-seulement d’après ce coup-d’œil, et que j'ose dire 
trés-exercé, que je me refuse de rapporter le Blac au genre du 
milan; mais encore par ses habitudes et sa facon de vivre, qui 
diffèrent totalement de celles de cet oiseau, avec lequel il tient 
cependant par sa queue fourchue et par ses longues ailes. Je lui 
trouve beaucoup plus d’analogieavec l'oiseau décritparBrisson, 
sous le nom de milan de la Caroline (1). Comme lui, ila le 
tarse proportionnellement plus court que le milan, et sa mandi- 
bule supérieure manque aussi du crochet des côtés. Je rangerai 
donc le Blac à côté de ce prétendu milan dela Caroline; d'autant 
plus que leurs mœurs sont les mêmes, d'après ceque dit Catesby, 
qui parle de cet oiseau américain sous le nom d’épervier à queue 
d'hirondelle (2). 


La queue du Blac est très-peu fourchue; car la plus longue 
plume de chaque côté n'excède que d’un pouce celles du milieu, 
qui sont les plus courtes; ainsi, par ce caractère, il sera facile à 
distinguer du milan de la Caroline de Brisson, dont les deux 
plus grandes plumes de la queue sont de huit pouces plus lon- 
gues que celles du milieu. 


Le Blac mâle, que j'ai fait représenter dans la planche colo- 
riée, N°. 36, est de la taille de notre cresserelle femelle. Cet 


() Nous avons déja vu, à l’article du milan du Cap, que j'ai nommé parasite, 
que cet oiseau n’étoit point un milan. 
(2) Histoire naturelle de la Caroline, par Catesby, planche IF. 


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oiseau est facile à reconnoitre par le noir de toutes les couver- 
tures de ses aîles, le blanc de la partie antérieure de son corps, 
le gris roussâtre de son manteau, de sa tête et de son cou par 
derrière. Les pennes des ailes sont d’une couleur cendrée plus 
ou moins foncée, et toutes sont terminées de blanc; les scapu- 
laires le sont d’une ligne roussâtre fauve. La queue est blanche 
en dessous, et d’un gris nué de roussâtre par-dessus; les deux 
plumes du milieu, plus entièrement de cette couleur, sont, 
ainsi que toutes les autres, terminées de blanc. Du noir cou- 
ronne l'œil, qui est d’un orangé vif. Le même noir ombrage 
l'espace compris entre les narines et l'œil. Les serres sont noi- 
res, ainsi que la mandibule supérieure; l'inférieure l’est seule- 
ment au bout; sa base est jaune, ainsi que les doigts et le tarse, 
dont'une partie du haut est emplumée et se trouve couverte 
par les culottes très-ampies de cet oiseau. L’aile pliée s’étend 
plus loin que le bout de la queue. 


La femelle diffère du mâle par sa taille, qui est un peu plus 
forte; son manteau est aussi d'une teinte plus bleuâtre; le noir 
de ses ailes est moins foncé, et son blanc est légèrement sali. 
Ces oiseaux nichent dans l’enfourchure des arbres : le nid, assez 
spacieux, est très-évasé; de la mousse et des plumes en garnis- 
sent l'intérieur. La ponte est de quatre ou cinq œufs blancs. 


. En naissant, les jeunes de cette espèce sont d’abord couverts 
d’un duvet gris roussâtre, qui se remplace par des plumes, qui, 
sur le manteau, la tête et le derrière du cou, prennent une forte 
teinte roussâtre. Toute la poitrine est alors d’un beau roux 
ferrugineux, et le reste du blanc est teint légèrement de cette 
même couleur. Voyez la planche 37. 


J'ai trouvé le Blac répandu sur toute la côte est d'Afrique, 


150 HISTOIRE NATURELLE 

depuis le Duyven-Hoek, où je l’ai vu la première fois, jusque 
chez les Caffres, où il est moins commun qu’en-decà; je l'ai vu 
aussi dans l’intérieur des terres, dans le Camdeboo et sur les 
bords du Swarte-Kop et du Sondag. Il est toujours perché sur 
le sommet des arbres ou des plus hauts buissons, d’où on peut 
l'appercevoir de très-loin , par son blanc très-brillant au soleil. 
Son cri est des plus perçans, et il se plait même à le répéter 
souvent, et plus particulièrement lorsqu'il vole : ce qui le dé- 
cèle et avertit de sa présence. Je n’ai jamais vu le Blac faire de 
mal aux petits oiseaux, quoique souvent il poursuive les pie- 
grièches, seulement pour les éloigner du lieu de sa chasse, qui 
se réduit à celle des insectes, des sauterelles, et des manthes 
sur-tout, dont il fait un grand dégat. Il est hardi et courageux. 
Je l'ai vu s'’acharner à poursuivre les corbeaux, les milans et 
obliger ces oiseaux, beaucoup plus forts que lui, à déguerpir 
des lieux qu'il s’est choisis, et où on le voit continuellement. 
Il est très-farouche et singulièrement difficile à approcher. La 
nature de ses alimens produit sans doute l'odeur de muse dont : 
ses excrémens et son corps sont éminemment parfumés. Les 
dépouilles de ces oiseaux conservent toujours cette odeur dans 
mon cabinet, malgré celle des préparations dont je fais usage 
pour préserver les animaux de la voracité des insectes destruc- 


teurs. 


Il paroït que le Blac habite une grande partie de l'Afrique; 
car j'ai vu, chez le citoyen Desfontaines un individu de cette 
espèce qu il avoit tüé en Barbare; j en ai vu aussi un dans un 
envoi d'oiseaux venant directement des Indes; il reste à savoir 
si cet oiseau n'y avoit point été envoyé d'ailleurs. 


Planche 38. 


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OISEAUX DE PROIE NOCTURNES. 


1° CH O0 UC Ou nr 


LS parlant des oiseaux de proie d'Afrique, nous avons, par 
un enchaînement naturel, parcouru toutes les grandes espèces, 
depuis l'aigle que j'ai nommé griffard jusqu'aux plus petits 
oiseaux de cet ordre. Nous allons maintenant faire connoître 
les oiseaux de proie nocturnes de ces contrées lointaines, les- 
quels semblent tenir à ceux de jour par une espèce que j'ai 
nommée-Choucou. Cet oiseau participant également et des 
oiseaux de proie de jour et des chouettes, est bien propre à 
remplir l'intervalle qui paroissoit les séparer. Edwards est le 
premier qui nous a donné la description et la figure d'une 
espèce de ce genre intermédiaire, sous le nom de caparacochx 
de la baie de Hudson ou de hawk-owl, chouette épervier (1). 
Buffon nous a donné aussi une espèce absolument du même 
genre, sous le nom de chouette à longue queue de Sibérie : 


(1) Edwards, tome Il, page 62, planche LXII. 


192 EN SMMRO NEC E EN PASMUNRNEMENRRE 
espèce qui paroît encore plus se rapprocher de notre Choucou 
africain que le caparacochx. 


Le Choucou, par sa forme alongée, approche encore plus 
des oiseaux de proie de jour que le caparacochx. Il a la gorge, 
le cou par devant, la poitr ine et génér alement tout le dessous 
du corps, depuis le bec jusque sous la queue, y compris le 
dessous des aîles, les jambes, le tarse et les doigts, couverts de 
plumes soyeuses d’un blanc éblouissant. Celles qui recouvrent 
les jambes sont fort longues et descendent si bas qu’elles cou- 
vrent entièrement les pieds, dont on n'apperçoit absolument 
que les ongles; ceux-ci sont noirs, ainsi que le bec qu on re- 
marque à peine, tant il est enyironné, jusqu'aux narines, de 
plumes fines qui ressemblent à des poils. Les yeux ont une cou- 
leur orangée très-vive. Le dessus de la tête, le derrière du cou 
et le manteau sont d'un gris-brun roussâtre ; les couvertures 
des aîles ajoutent à cette même teinte des taches blanches ; 
toutes les pennes des aîles sont lisérées de blanc à leurs poin- 
tes. La queue est composée de douze pennes, dont les deux 
du milieu sont entièrement du même gris-brun que les ailes; 
les autres, sur ce même fond, portent, dans leurs barbes exté- 
rieures, des bandes transversales d’un beau blanc; les barbes 
intérieures de la queue étant blanches sans aucune rayüre, elle 
est en dessous absolument de cette couleur. 


Le Choucou a le corps mince, fluet et alongé; sa tête est 
ronde, son bec très-petit et ses tarses fort courts. Il a tous les 
gestes et les mouvemens de tête de la chevèche et des chouettes 
en général, sans en avoir la stupidité. L’aîle pliée s'étend jus- 
qu'au milieu de la queue, qui est étagée comme celle du coucou 
d'Europe, oiseau auquel il ressemble par sa forme alongée et 


par ses pieds courts : il n'a cependant qu'un doigt denriars et 
trois 


DUC OU C'O UT: 1 
trois par devant; mais j'ai observé que le doigt extérieur se 
tourne quelquefois en avant, quand l'oiseau est perché; ce qui 
joint à sa forme, pourroit le faire prendre pour un oiseau du 
genre des coucous. Nous remarquons la même particularité 
dans la chevèche et le scops, oiseaux de nuit qui tous deux se 
perchent souvent de cette même manière. J'ai remarqué égale- 
ment dans quelques autres oiseaux, dont le caractère des pieds 
est d'avoir les doigts placés deux à deux, qu’ils ramènent, au 
contraire quelquefois en avant leurs doigts extérieurs de der- 
rière ; telle est l'habitude du touraco, dont souvent les doigts 
d'un des pieds sont posés d'une facon, pendant que ceux de 
l’autre le sont d'une manière différente. 


J 


Ce caractère de la conformation des doigts du Choucou 
appartient sans doute aussi au hawk-owl d'Edwards ; mais ce 
naturaliste ne l'aura point saisi, parce qu'il n'a vu apparemment 
que la peau rembourrée de cet oiseau ; sans quoi cette obser- 
vation ne lui seroit certainement point échappée. 


Les colons du pays d'Auteniquoi nomment le Choucou nazt- 
valk (faucon de nuit); au Cap on donne en général, comme je 
l'ai dit, àtous les petits oiseaux de proie le nom de va/k (faucon). 


Le Choucou ne paroît qu'après le crépuscule ; et déja les 
oiseaux nocturnes se sont fait entendre de toutes parts, que 
celui-ci est encore dans sa cachette;ilne se montre enfin qu'au 
moment où l'on commence à ne plus distinguer bien nette- 
ment les objets. On l'entrevoit voler avec une si grande rapidité, 
en rasant la terre ou les arbres à la lisière d'un bois, que l'œil le 
plus attentif ne peut suivre ses mouvemens. J'ai vainement 
tenté d'en tuer un; et, quoique la grande habitude de la chasse 


©) 


m'ait rendu assez adroit dans cet exercice, j'avouerai pourtant 
Tome I. V 


154 HISTOIRE NATURELLE 

n'avoir pu parvenir à l'abattre à coups de fusil; parce qu'il est 
impossible de le suivre assez de tems pour le viser dans l’obscu- 
rité : et sans le plus heureux des hasards, j'aurois probablement 
quitté l'Afrique sans avoir pu me procurer cette charmante 
espèce. J'étois campé dans le pays d’Auteniquoi; mes tentes 
étoient placées à l'entrée de la forét, et régulièrement tous les 
soirs nous voyons voler près de nous deux oiseaux auxquels 
j avois en vain tiré au hasard plus de trois cents coups de fusil 
pendant l'espace d’un mois. Nous étions parvenus précisément 
dans cet instant où les pluies continuelles nous ayant inondés 
et mouillés de toutes parts, nous saisimes un jour de soleil pour 
faire sécher tous nos effets moisis par l'humidité; j'avois de même 
fait étendre à terre un filet de caïlles pour le préserver; heureu- 
sement que, par la négligence de mes Hottentots, ce filet resta 
tendu toute la nuit, de sorte que le matin, en passant auprès 
pour aller chasser, j'appercus mes deux oiseaux qui s’y étoient 
empètrés, soit en rasant la terre, comme je leur avois vu faire 
pour attraper les insectes dont ils se nourrissent, soit peut-être 
en voulant saisir ceux qui s’y étoient eux-mêmes engagés. Je 
les débarrassai du filet, bien content d’avoir en ma possession 
ces deux jolis oiseaux, que je me doutai bien étre ceux qui 
m'avoient déja tant coûté de poudre et de plomb siinutilement. 
Je les fis mettre dans une cage, où ils moururent au bout de 
trois jours, ayant constamment refusé de prendre aucune 
nourriture. J'étois certain que ces deux oiseaux étoient préci- 
sément les mêmes que j'avois en vain guettés si long-tems; car 
depuis cet instant il n'en reparut pas d'autres. 


Quelques tems après, étant campé à Pampoen-kraal, j'ap- 
percus un autre couple de ces mêmes oiseaux, que j'attrappai 
de la même manière, en laissant mon filet tendu toute la nuit. 


Mais comme les deux premiers s étoient beaucoup salis dans 


D'USAC'E OU 'C' OU: 159 
la cage, je tuai et préparai aussitôt ces deux derniers. J’ai donné 
le portrait du mâle, de grandeur naturelle, dans la planche 
N°. 38. La femelle, un peu plus petite, ne différoit de son 
mâle que par le blanc moins pur du dessous du corps. Je n'ai 
trouvé dans leur estomac que des débris d'insectes et des os 
d’une espèce de petite grenouille très-commune, qui se tient 
sur les arbres et les buissons. Dans aucun tems, je n'ai vu ni 
entendu ces oiseaux que la nuit. Edyrards nous apprend que le 
hawk-owl chasse et vole en plein jour; ce que ne fait absolument 
point l'espèce que j'ai décrite. J'assure même ne l'avoir jamais 
rencontrée ni apperÇçue pendant le jour, malgré toutes les re- 
cherches que j'en ai faites. Mais il m'arrivoit très-souvent de 
faire lever tous les autres oiseaux de nuit : preuve certaine du 
soin avec lequel se cache celui dont nous parlons. Cela me 
porte assez à croire que cette espèce se retire dans des trous 
. d'arbres. Il est probable qu’elle y pond aussi, comme me l'ont 
certifié tous mes Hottentots, qui m'ont même dit que leurs 
œufs étoient blancs. Je ne l’assurerai pas, ne les y ayant point 
vus; mais à une odeur trés-particulière qu'ont en général tous 
les oiseaux qui se retirent dans des trous d'arbres, et que J'ai 
remarquée à ceux-ci, J'ai tout lieu de présumer qu'en effet ils 
ont la même habitude (1). 


(1)Il n’est pas douteux quelesoiseauxquinichentetse retirentdans des trous d’arbres, 
ont une odeur particulière qu’on ne trouve absolument pas dans les autres oiseaux. 
En mettant sous son nez un de nos pics et en mème tems un autre oiseau, on se 
convaincra facilement de la vérité de mon observation. Les oiseaux de mer exhalent 
aussi une mauvaise odeur huileuse très-distinctive; pendant que les sucriers et les 
guépiers sont, au contraire, parfumés d’une manière fort agréable, et que les 
martins-pêcheurs sentent le poisson cru. J’observerai que ceci n’a lieu que pour les 
oiseaux vivans ou nouvellement tués; car dans nos cabinets on conçoit bien que 
le camphre et les drogues qui servent à leur préparation doivent avoir détérioré et 
changé les odeurs naturelles de chaque espèce. 

V2 


156 HISTOIRE NATURELLE 


Je n’a trouvé le Choucou que dans le pays d'Auteniquoi. 
J'ai aussi appercu mainte fois, vers le Sondag et le Swarte-kop, 
ainsi que dans l’intérieur des terres, pendant le retour de mon 
premier voyage, plusieurs oiseaux voler le soir précisément de 
la même manière et avec la méme vitesse que le Choucou; mais 
ceux-ci m'ont paru être au moins le double plus grands. N'ayant 
pu parvenir à tuer, m à preudre un individu de cette espèce, 
quoique j'aie tendu mon filet exprès, comme par le passé, je 
ne puis en dire rien de plus. Îl est à présumer cependant que 
ces oiseaux de nuit appartiennent aussi à la même famille, et 
qu'ils formeront une quatrième espèce à ajouter au caparacochx 
de la baie de Hudson, au Choucou d'Auteniquoi et à la chouette 
à longue queue de Sibérie. 


Ce que j'ai dit de la rapidité du vol de ces oiseaux, appercus 
vers le Sondag et le Swarte-kop, prouve qu'on ne peut raison- 
nablement les soupconner d'étre une espèce d’engoulevent. 
Ces derniers ayant le vol bien moins rapide et plus analogue 
enfin à celui des chouettes. 


Pendant l’action du vol, le Choucou est très-criard. On l’en- 
tend sans cesse répéter, d'une voix pincharde, les syllabes cri- 
cri-Cri—cri-cri-Cri—cri-cri-cri, qu'il précipite d'une manière 
remarquable lors squ il passe près de l’homme ou d’un animal 
quelconque. Ces oiseaux sont peu farouches; ils m'approchoïent 
de si près en volant, que je sentois, sur mon visage, le vent de 
leurs aîles. Les deux premiers Choucous, que j'ai gardés vivans 
l'espace de trois jours , restoient très-tranquilles pendant la 
journée; mais en revanche ils étoient en mouvement toute la 
nuit, La grande lumière paroissoit les gêner beaucoup, et lors- 
qu'il m'arrivoit de les placer au soleil, je les voyois tout aussitôt 
fermer leurs yeux et cacher leur tête. 


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DU CHOUCOUHOU. 157 


LE CHOUCOUHOU, N°:%. 


Czrre chouette africaine est bien propre encore à remplir 
le très-petit intervalle qui paroissoit séparer le choucou des 
chouettes ; sa queue, plus longue qu'elle ne l'est ordinairement 
dans les oiseaux de ce genre, est à peu près aussi étagée que 
dans le choucou. Sa tête est également moins grosse; son bec 
est de même d’une petite structure et se trouve presque entiè- 
rement caché dans les plumes poileuses qui environnentsa base 
et couvrent absolument les narines. Son corps, moins ramassé 
et plus svelte que celui des chouettes, est encore un caractère 
qui, joint à ceux dont nous venons de faire mention, font tenir 
à cet oiseau le milieu entre l'espèce précédente et les autres 
chouettes dont nous avons encore à parler. 


Le Choucouhou est à peu près de la grosseur de notre moyen- 
duc; mais il est cependant plus alongé, et ses pieds sont aussi 
plus longs. Ses aïîles pliées s'étendent aux trois quarts de la 
longueur de la queue; les tarses et les doigts sont couverts de 
plumes soyeuses très-déliées ; le bec et les ongles sont d’un 
brun-noir et les yeux d'un jaune de topase foncé. La gorge est 
ornée d’une espèce de collier ou plaque blanche. Le reste du 
plumage est agréablement varié en dessus de brun de diffé- 
rentes teintes, lequel, ense dégradant insensiblement du ton le 
plus foncé au ton le plus clair, se trouve plus ou moins varié 


158 HISTOIRE NATURELLE 


de blanc. La poitrine et le dessous du corps portent les mêmes 
couleurs; mais elles sont plus régulièrement distribuées en une 
rayüre festonnée, dont le fond blanchit à mesure qu'il s'appro- 
che du ventre et des jambes. Les plumes soyeuses qui couvrent 
les tarses et les doigts jusque sur les ongles, sont d’un gris blan- 
châtre. La queue est en dessous rayée de brun-noir et de blanc 
rouss1; en dessus Île blanc est plus pur et le brun moins foncé. 
Je renvoie mon lecteur à la figure que j'ai publiée de cet oiseau. 
Elle lui donnera une idée plus parfaite de ses couleurs et de 
leurs distributions, qu'une énumération exacte des différentes 
nuances de son plumage, dont un long détail seroit d'autant 
plus ennuyeux à lire que l'oiseau seroit plus exactement décrit. 


Je n'ai rencontré le Choucouhou que dans le voisinage de la 
rivière d'Orange et chez les Grands Namaquois, pays où je l'ai 
vu très-fréquemment. Quoique cette espècé de chouette ne se 
montre que durant la nuit, je l'ai apperçue plusieurs fois étant 
à la chasse dans le bois, et j'ai remarqué même qu'elle voloit 
très-bien en.plein jour et pendant la clarté du soleil; mais pour 
l'appercevoir il falloit, ou qu'un coup de fusil l'eut fait lever, 
ou qu'on s'approchât de l’arbre sur lequel elle étoit perchée. Je 
doute cependant que cette chouette chasse dans d’autres mo- 
mens que le soir ou au point du jour.Car lorsqu'il m'arrivoit d'en 
rencontrer une en plein midi, tous les petits oiseaux l'entou- 
roient et se jetoient sur elle, en la poursuivant jusqu'à ce qu'elle 
se fut cachée de nouveau: et elle ne leur faisoit aucun mal. 
Elle paroissoit, au contraire, fuir à leur approche, et s'éloigner 
d'eux sans chercher même à leur faire la moindre résistance; 
seulement, de tems à autre, elle laissoit échapper un cri plain-. 
tif, à peu près le même que celui que fait entendre notre effraie 
lorsqu'elle vole le soir. Elle faisoit aussi un craquement de bec 
fort particulier et qu’on entendoit d'assez loin. 


D'UMUCNER OUR CLONU*E ONU: 159 
Je n’ai pu rien apprendre de positif ni sur la ponte, ni sur la 
manière dont cet oiseau construit son nid. La femelle est un peu 
plus forte que le mâle; mais elle en diffère d’ailleurs très-peu 
par son plumage, qui est seulement moins flambé de blanc. Ses 
yeux m'ont aussi paru d'un jaune un peu moins foncé. Lorsque 
nous étions campés, et que nos feux du soir étoient allumés, 
ces oiseaux venoient voler au-dessus de notre camp, et quel- 
quefois leurs cris lugubres nous empéchoient de dormir; mais 
nous les tuions facilement à la clarté du feu ou de la lune, 


160 HISTOIRE NATURELLE 


LE GRAN D-DU@NN#. 


Le Grand-duc du Cap de Bonne-Espérance me paroît absolu- 
ment n'être qu'une variété de l'espèce que nous trouvons en 
Europe; il a précisément les mêmes caractères et à peu près les 
mêmes couleurs; il m'a semblé seulement un peu plus petit et 
plus ramassé. [l porte aussi deux espèces d'oreilles, formées 
par deux longues touffes de plumes qui s'élèvent de chaque 
côté du front, précisément au-dessus des yeux, et que l'oiseau 
a la faculté de relever quand il lui plaît, mais qui la plupart du 
tems restent appliquées contre la téte. Ces espèces d'oreilles, 
sont le seul caractère distinctif par lequei on reconnoît des autres 
oiseaux nocturnes, ceux auxquels les nomenclateurs ont donné 
le nom de duc. Nous connoissons en France trois espèces dif- 
férentes de ces oiseaux à plumes relevées sur la tête : savoir, le 
grand-duc, le moyen-duc et le petit-duc ou scops. Non-seule- 
ment ces trois espèces se trouvent aussi en Afrique, mais elles 
paroissent généralement répandues dans tout l'ancien conti- 
nent, où l'influence du climat a peu changé leurs couleurs ; 
car la différence la plus remarquable de leur plumage est d'étre 
simplement plus ou moins foncé de brun ou taché de noir; 
variations que nous observons également dans les différens 
individus tués dans le même pays. 


Quant au Grand-duc de Virginie, décrit par Edwards, Buffon 
s’est 


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DU GRAND-DUC. 161 


s’est mépris en le regardant aussi comme une simple variété de 
notre Grand-duc; j'ai examiné cinq de ces oiseaux du nouveau 
continent, et je leur ai trouvé des caractères tres-distinctifs de 
ceux de l’ancien. Premièrement les oreilles ouaigrettes, comme 
l'a très-bien remarqué Edwards, partent de la base du bec dans 
le Grand-duc de Virginie ou de la baie de Hudson; tandis qu’elles 
sortent directement au-dessus des yeux dans les autres. De plus 
il y a aussi une différence marquée dans la construction des ailes 
de ces oiseaux et dans la longueur de leur queue : caractère que 
le climat ne change jamais. Nous remarquerons encore que le 
plumage du Grand-duc d'Amérique est rayé transversalement 
d'une manière très-régulière, tandis que dans notre Grand-duc 
il est taché suivant la longueur des plumes. J'ai examiné trente- 
deux Grands-ducs d'Europe, et je n’en ai vu aucun dans ce nom- 
bre dont les aigrettes partissent de la base du bec. Il se peut que 
dans la figure qu'Aldrovande a donnée du Grand-due, le peintre 
ait placé les aigrettes sur le nez; mais ce n’est point d'après une 
mauvaise figure que l’on doit établir les caracteres d’un animal; 
et Buffon a eu tort, d’après l'inspection de cette seule figure, 
de conclure que cette variété se trouvoit également en Europe. 
Au reste, ce n'est pas la première fois que nos ornithologistes 
ont donné aux oiseaux des caractères pris au hasard, soit d’après 
des dessins peu corrects, soit d’après les imperfections d'un in- 
dividu mutilé, qu’ils n'avoient jamais vu que dans un cabinet. 

C’est sur les bords de la rivière des Fléphans que J'aitrouvé, 
en Afrique, le Grand-duc. Il est un peu plus petit que ceux que 
jai vus en Europe; il a généralement aussi plus de noir dans le 
plumage du dos et des aîles. Les yeux, le bec et les ongles sont 
absolument de la même couleur. La ponte est de trois œufs; 
et c'est dans les rochers que la femelle les dépose, sur un tas 
de petites branches, méêlées de mousse et de feuilles sèches. 


Tome I. Ke 


102 HISTOIRE NATURELLE 


BE MO" E N°D'/U\C: 


Notre Moyen-duc se trouve dans presque toute la Colonie du 
Cap de Bonne-Espérance; il se retire et pond également dans 
les rochers, et on le rencontre souvent en plaine pendant le 
jour. Cette espèce a encore moins varié, dans le climat de 
l'Afrique, que celle du grand-duc. 


LE SCOPS 


C’est dans le Camdeboo que j'ai trouvé le Scops ou Petit-duc. 
Ce charmant petit oiseau de nuit n’a absolument point varié en 
Afrique, ni pour la taille, ni pour les couleurs : il est parfaite- 
ment semblable à ceux que j'ai tués dans les environs de Paris. 


J'ai également recu de Cayenne un très-petit-duc qui m'a 
paru être de la même espèce que celui d'Europe et d'Afrique; 
ses couleurs étoient simplement plus roussâtres sur les aïles et 
le dos. Mais cet oiseau étant en Europe plus roux dans son jeune 
âge que lorsqu'il est adulte, il est probable que celui d'Améri- 
que, que j'ai vu, n’avoit pas encore quitté la livrée de l'enfance 
qui, comme je l'ai déja fait observer, est généralement chez 
tous les oiseaux carnivores, mélée de beaucoup de roux dans 
les premières plumes : cette couleur dominant même pendant 
toute la première année. 


DEV A RCE OU EMIUTIE: 103 


EPA CE ONU, E TEE" Co 


Norre Chouette ou grande chevèche, comme l'a nommé 
Buffon (1) d'après Belon, se retrouve au Cap de Bonne-Espé- 
rance, où elle est tout aussi commune qu'en France. Cette 
espèce est encore une de celles que l’on voit également répan- 
due, non-seulement dans toutes les différentes contrées de 
l'Europe, mais qui se rencontre aussi dans les autres parties du 
monde, où elle n'a pas varié d’une manière fort sensible. Les 
colons du Cap donnent généralement le nom hollandois de wy£ 
à toutes les espèces de Chouettes indistinctement. Celle-ci est 
fort commune sur les montagnes, et particulièrement sur celles 
qui sont garnies de rochers; elle couve et élève ses petits dans 
leurs cavernes et s’y retire pendant le jour. 


J'ai recu de Cayenne une Chouette absolument pareille à 
celle du Cap et d'Europe. 


J'ai oui parler souvent aux colons du Cap d’une très-petite 
espèce de Chouette, sans oreilles ou aigrettes, que je n'ai Jamais 
tuée, ni même appercue. C'est probablement la chevèche (2) 


(*) Je ne donne point la figure de cette Chouette, parce qu’elle ressemble absolu- 
ment à celle que nous trouvons en France. 
(4) Voyez les planches enluminées de Buffon, N°. 438. 


(2) Idem, No. 439. 
X 2 


164 ES O TIR ET IN ATINURRSEMPNPE. 

qu'ils vouloient m'indiquer. Il est même plus que probable que 
cet oiseau se trouve aussi en Afrique, puisque toutes nos autres 
espèces de Chouettes s'y trouvent également. Cependant je n'as 
surerai pas que la hulotte ou le chat-huant (1) habite cette partie 
du monde, ne l'y ayant jamais vue, et n’ayant pas même en- 
tendu dire qu'elle se trouvât dans aucun canton de la Colonie. 


D'ÉCOLE RAP RUAMIeES 


L'Effraie ou Fressaie (2) est très-commune au Cap deBonne- 
Espérance, où elle a moins varié encore que les espèces dont 
j'ai fait mention dans les articles précédens; car non-seulement 
elle y est absolument la même, mais on trouve qu’elle subit en 
Afrique les mêmes variations que dans nos climats glacés : je 
l'y ai vue avec tout le dessous du corps, ainsi que toute la face, 
d'une couleur roussâtre uniforme, qui est la livrée du mâle dans 
son jeune âge. Quelquefois le roux des parties inférieures se 
trouve parsemé de traits noirs; telle est la femelle dans son en- 
fance. Adulte, le mâle a le dessous du corps d’un beau blane, et 
la femelle porte des taches longuettes noires. Enfin, l'Effraie ou 
Fressaie est au Cap de Bonne-Espérance absolument le même 
oiseau qu'en Europe; mais comme dans ce pays peu habité il 
n’y a ni vieux Châteaux, ni vieilles tours, elle se tient dans les 
cavernes des rochers, où elle pond, sur un amas de branches 
et de feuilles sèches, sept à huit œufs blancs. On l’apperçoit 
rarement pendant le jour; mais le soir elle se répand par-tout, 


(1) Voyez les planches enluminées de Buffon, N°. 437 et 441. Ila fait très-gra- 
tuitement deux espèces de la hulotte et du chat-huant; tandis que très-certainement 
son chat-huant n’est que la hulotte, dans son jeune âge, observation dont je suis 
très-certain, ayant élevé plus de dix nichées de ces oiseaux. On voit que Frisch a 
eu grande raison de regarder l’un de ces oiseaux comme une simple variété de l’autre, 
malgré ces prétendus caractères par lesquels Buffon prétend les distinguer. 

(2) Idem , N°. 440. 


D EPAIAMENS EE: DRNANTOE 165 


et même dans la ville et sur les habitations à portée des rochers 
où elle se retire. Les colons, qui ont rapporté dans cette partie 
du monde les préjugés populaires de l'Europe, voient dans l'Ef- 
fraie le messager de la mort, et lui donne le nom de dood-vogel 
(oiseau de la mort). Ils nomment les autres chouettes uylen, 
nom hollandois de tous les oiseaux nocturnes en général. 


Tout ce que nous venons de voir sur le peu de variations 
qu'ont subi les mêmes espèces de chouettes en Europe et en 
Afrique, prouve assez que les différens climats ne changent pas 
autant les couleurs que Buffon paroît l'avoir cru. D'ailleurs, 
nous verrons, dans tous les genres, beaucoup d’autres oiseaux 
d'Europe lesquels se trouvent aussi en Afrique, et qui sont restés 
les mêmes sans avoir subi aucune altération, ni dans leurs cou- 
leurs, ni dans leurs caractères. 


Jusqu ici nous avons vu le grand-duc, le moyen-duc, le scops, 
la chouette et l'Effraie; tous oiseaux qui n'étant certainement 
point voyageurs, habitent probablement l'Afrique depuis la 
création du monde. Voilà donc déja cinq espèces bien cons- 
tatées qui sont restées sans altération, depuis les glaces du 
nord de l'Europe, jusque dans les climats de la zone torride. 
Ces espèces ne sont pas seulement confinées au Cap même, 
mais se trouvent répandues dans l'intérieur de l'Afrique, et 
sans doute jusque sous la ligne. 

J'ai tué des Effraies au Cap même, j'en ai tué chez les Grands 
Namaquois, j'en ai reçu du Sénégal, de l'Amérique méridio- 
nale, de la Chine, et enfin une de Russie; et je puis assurer 
n'avoir remarqué dans tous ces individus, quoiqu'ils aient ha- 
bité des climats bien opposés, aucune différence sensible. Si 
en effet, la nourriture et la température influoient si fort sur la 


166 HISTOIRE NATURELLE 


couleur des oiseaux, comme le prétend Buffon à chaque page 
de son ornithologie, pourquoi trouveroit-on sous la ligne des 
oiseaux dont le plumage est aussi terne et aussi simple que celui 
de nos oiseaux d'Europe? Non-seulement ceci a lieu, mais il 
est à remarquer même que toutes les femelles des espèces les 
plus brillantes, tels que les colibris, les oiseaux mouches et les 
sucriers, ont des couleurs sombres et uniformes; tandis que 
leurs males sont si vivement colorés qu'il semble que leurs plu- 
mes soient autant de pierres précieuses. Cependant ces femelles 
prennent certainement la même nourriture et habitent cons- 
tamment et immédiatement la mème température que leurs 
mâles. D'ailleurs, quoique nos oiseaux ne soient générale- 
ment point aussi brillans que certains oiseaux des pays brü- 
lans, on voit cependant sur le plumage de beaucoup d'espèces 
des couleurs tout aussi vives que les leurs. Le rouge de nos pics 
et de notre chardonneret; le bleu de notre martin-pécheur et 
du rolier; le jaune du loriot; l'éclat de notre étourneau et de la 
queue de la pie, ne le cèdent en rien à ces mêmes couleurs dans 
les oiseaux de l'Amérique ou de l'Inde; et de plus, le paon, le 
faisan doré de la Chine et tant d’autres oiseaux des indes ou 
d'Amérique, que nous sommes parvenus à acclimater chez 
nous, n y sont pas dégénérés encore pour le brillant et l'éclat 
de leurs couleurs; cependant il en est quelques-uns dont la 
transplantation date de plusieurs siècles. Aussi Buffon ne man- 
que-t-il pas de paroitre croire que notre martin-pécheur s'est 
échappé de ces climats : «où le soleil, dit-il, verse avec les flots 


d’une lumière plus pure, tous les trésors des plus riches cou- 


leurs. » 


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DU HUHUL. 167 


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Cerre charmante et nouvelle espèce de chouette appartient 
au nouveau continent de l'Amérique méridionale, et se trouve 
à Cayenne, d'où je l'ai reçue. Elle portoit au pied une petite 
notice ou étiquette, sur laquelle se lisoit Chouette de jour : ce 
qui prouve qu’elle vole et chasse en plein jour. À considérer 
la forme totale de cet oiseau, on remarque qu'elle paroït encore 
plus se rapprocher des oiseaux de proie de jour que la chouette 
africaine que j'ai nommée choucouhou. Sa queue arrondie est 
fort longue, pour appartenir à une chouette. Sa tête n’est pas 
très-crosse non plus, en même tems que le bec est plus appa- 
rent que dans les chouettes ordinaires, puisque les narines sont 
entièrement découvertes, et seulement ombragées par quel- 
ques poils dirigés en avant. Tous ces caractères réunis, très- 
faciles à saisir, sont autant de marques distinctives qui placent 
naturellement le Huhul à côté du choucouhou d'Afrique, et 
même entre lui et le choucou, puisqu'il chasse en plein jour, 
et que son bec saillit plus en avant et ressemble davantage à 
celui des oiseaux de proie diurnes. Dans cette espèce, les ailes 
pliées s'étendent un peu plus loin que le milieu de la queue, 
dont la dimension surpasse les deux tiers de la longueur totale de 
l'oiseau, qui approche de la taille de notre chouette d'Europe. 
Le Huhul a le bec, les doigts et les serres d'un beau jaune. Tout 
son plumage, sur un fond noirâtre, est richement coupé par 


168 HISTOIRE NATURELLE 


des écailles blanches, plus larges dans les parties inférieures et 
tout le dessous du corps que sur le cou et sur le dos. Le som- 
met de la tête est seulement ponctué de blanc. Les tarses sont 
couverts dans toute leur longueur de petites plumes noires, 
parsemées de taches blanches. Ces plumes, se terminant à la 
naissance des doigts de chaque côté, et se prolongeant ensuite 
sur celui du milieu, forment à cet oiseau des espèces de mitaï- 
nes, telles qu’en portoient autrefois nos dames. Les aîles sont 
d'un brun de café brülé; les grandes pennes ont absolument la 
même couleur, et les moyennes se terminent, ainsi que toutes 
les petites couvertures des ailes, par une bordure blanche. La 
queue, d’un brun noirètre plus foncé que les aîles, est, comme 
je l'ai dit, étagée : toutes les pennes qui la composent sont ter- 
minées de blanc et rayées transversalement de trois bandes 
blanches; mais ces bandes, ne correspondant point l’une à 
l'autre, donnent à cette queue l'air d’être un beau marbre noir 
veiné largement de lignes blanches. N'ayant pas vu cet oiseau 
vivant, nous ignorons absolument quelle est la couleur de ses 
yeux : je les ai supposés jaunes, en attendant que nous en sa- 
chions davantage. Je n'ai jamais vu que trois individus de cette 
espèce, qui tous trois avoient été envoyés de Cayenne; mais il 
est probable qu'ils habitent très-avant dans l'intérieur du pays. 
Il n'y a que quatre ou cinq ans qu'ils nous ont été apportés 
pour la première fois, et il y a déja long-tems que nous con- 
noissons toutes les espèces des environs de cette colonie. 


On voit cet oiseau dans la superbe collection de M. Raye, à 
Amsterdam; j en ai un dans mon cabinet, et j'ai vu le troisième 
chez le citoyen Desmoulins, peintre. 


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DE LA CHOUETTE À COLLIER. L 


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LA CHOUETTE À COLLIER, N°. # 


Vorcr encore une chouette américaine d’une espèce rare et 
peu connue, et dont je n’ai jamais vu qu'un seul individu. Ce 
bel oiseau, l'un des plus grands dans son genre, tient, pour la 
taille, le milieu entre notre grand-duc et la hulotte; il est re- 
marquable par deux larges sourcils blancs qui couronnent ses 
yeux et tranchent sur le fond brun chocolat de sa face. Cette 
couleur foncée est également celle du derrière du cou, du man- 
teau et du dessus de la queue, dont les pennes sont toutes ter- 
minées par une bordure blanche, et portent des rayüres de la 
même couleur qui les traversent. La poitrine est ceinte d'un 
Jarge collier où hausse-col brun; la gorge, le devant du cou, 
ainsi que les flancs et les recouvremens du dessous de la queue, 
sont blancs; les tarses et les doigts sont entièrement couverts 
de plumes soyeuses d’un blanc très-lustré. La queue est en 
dessous d'un gris blanchâtre rayé de brun foncé. Les couver- 
tures des aîles et les scapulaires sont la plupart rayés de blanc- 
gris. Le bec est jaune à sa pointe et bleuâtre à sa base; les griffes 
sont noires. 


T'outce que jaipu apprendre au sujet de cette belle chouette, 


c'est qu'elle avoit été tuée sur une plantation dans les environs 
de Surinam. 


Tome I. | va 


170 HISTOIRE NATURELLE 


LA CHOUETTE A AIGRETTE BLANCHE, 
N°. 43: 


Quoreus la chouette de cet article porte des aigrettes, j'ai cru 
devoir la séparer des espèces auxquelles les Domena a ont 
donné le nom de duc; parce que ses aigrettes sont absolument 
placées différemment et ne se redressent point de chaque côté 
du front en forme de deux oreilles relevées, comme dans le 
grand-duc, mais retombent, au contraire, le long du cou. Ces 
aigrettes prennent naissance à la base du bec, couronnent les 
yeux, en se détachant un peu en dehors, et retombent jusqu'au 
bas du cou; les plumes qui les composent sont longues, flexi- 
bles et d'un blanc éblouissant ; les premières sont les plus 
courtes et les dernières les plus longues. Cet oiseau, très-rare 
encore dans nos cabinets d'histoire naturelle, habite laGuyanne, 
d’où j'ai recu directement celui dont je donne ici la figure. 
Il est de la taille de notre moyen-duc; son bec est jaune, ses 
ongles sont bruns. Les ailes en repos atteignent le milieu de la 
queue, qui est arrondie par le bout, étant un peu étagée; les 
tarses sont entièrement emplumés jusqu'aux premières articu- 
lations des doigts, dont la couleur esthrunâtre. Tout le dessous 
du corps de cette chouette, depuis sa gorge jusqu'aux recou- 
vremens du dessous de la queue, porte une fine rayüre brune 
sur un fond blanchâtre, sali de roux-clair sur les côtés du cou, 


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DE LA CHOUETTE A AIGRETTE BLANCHE. 1 71 
sur la poitrine et sur les culottes. Le dessus de la tête, le der- 
rière du cou, les scapulaires, le manteau, les pennes des aïles 
et de la queue sont généralement d’un brun-roux plus ou moins 
foncé, imperceptiblement rayè d’un brun plus sombre. Des 
taches blanches répandues sur quelques-unes des couvertures 
des ailes, des scapulaires, sur les barbes extérieures des pre- 
mières grandes pennes de l'aile, ainsi que sur celles de la queue, 
tranchent agréablement sur le brun monotone et sombre de cet 
oiseau. Nous ignorons la couleur des yeux. 


Je n'ai vu que trois individus de cette espèce, dont un est 
dans le cabinét du GC. Gigot-Dorci; le second étoit dans la belle 
collection de feu Mauduit, qui a été achetée par le duc de 
Deux-Ponts, et le troisième se trouve dans la mienne. 


2 
Y 2 


172 HISTOIRE NATURELLE 


LA CHOUETTE À MASQUE NOIR, N°.44 


Crrre chouctte est trop bien caractérisée par sa face entière- 
ment noire pour ne pas lui laisser le nom que je lui ai donné; 
car elle paroît avoir réellement la figure couverte d’un masque 
noir, ce qui fait un effet d'autant plus remarquable, que tout le 
reste de son plumage par devant consiste en un duvet cotonneux 
d’un beau blanc. Le derrière de la tête, du cou et les scapulaires 
sont également blancs, et ne portent absolument aucune tache 
quelconque. Les aïles et la queue sont brunâtres : on remarque 
sur quelques-uns des scapulaires et des recouvremens des aîles 
plusieurs taches blanches etd’autres noires. Les pieds sont entiè- 
rement empiumés, de même que les doigts; le bec est noirâtre, 
ainsi que les griffes ; la queue est très-courte dans cette espèce, 
et les aîles pliées ne la dépassent point. Cette rare chouette est 
tirée du cabinet du C. Gigot-Dorci, seule collection où je l'aie 
vue. 


J'observerai que j'ai cru remarquer, au plumage de cet oiseau, 
qu'il avoit été tué, non-seulement au moment de la mue, mais 
que l'individu étoit encore dans son jeune âge. Il est donc pos- 
sible que, plus âgée, cette espèce porte des couleurs différentes. 
Il n'est guère présumable que, dans cet état , l'oiseau dont Je 
parle soit un jeune de quelques-unes des espèces de chouettes 
d'Amérique dont nous avons fait mention dans les articles pré- 


2! 
Si . (D? : 
Couwe 1° Jlauche 41. 


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Aie PRE Raul) °° Ars 7 RP 24 


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La Chotelle à ON cIsoque nor. 


7, 24 
CAHAPPEUMELLCE. de Lauglots 


DE LA CHOUETTE À MASQUE NOIR. 173 


cédens. Cependant le C. Dorci m'a assuré que celui-ci lui avoit 
été vendu pour un oiseau de Cayenne. Mais nous savons qu'en 
général les marchands en imposent souvent sur le nom des pays 
d’où viennent les objets d'histoire naturelle qu'ils nous vendent: 
non pas, à la vérité, pour nous induire simplement en erreur, 
mais pour donner plus de prix à leurs marchandises. Aussi com- 
bien de simples variétés d’une espèce trèscommune, n'ontelles 
pas été payées fort chèrement parce qu'on les faisoit passer pour 
être arrivées ou de la Chine ou des iles de la mer du Sud? noms 
favoris des marchands; parce que nous connoissons peu l'his- 
ioire naturelle de ces pays lointains! Au reste, si l'individu dont 
nous venons deparleresteffectivementarrivé de Cayenne, et s'il 
est seulement le jeune âge d'une des espèces dont nous avons fait 
mention, nous pensons que ce sera probablement de celle que 
nous avonsnommée huhul, plutôtque d'aucune des autres. Mais 
jincline fort à le croire le jeune âge d’une chouette particulière 
et distincte dontnous ne connoiïissons point encore l espèce dans 
son état parfait. Ceci nous prouve combien il seroit essentiel 
que les voyageurs s'attachassent à nous donner l'histoire suivie 
de chaque oiseau en particulier, depuis son enfance jusqu'à 
l’âge fait. La connoissance parfaite, ne füt-elle que d’une seule 
espèce, bien étudiée dans les divers états par où elle passe suc- 
cessivement, depuis le premier âge jusqu'au moment où elle a 
acquis tout le développement qui lui est propre , seroit bien 
plus utiie, pour no e par la suite une histoire générale des 
oiseaux, que ces nombreuses collections formées debe eaucoup 
d'individus isolés, sur lesquels on ne nous apprend absolument 
rien de particulier. 


174 HISTOIRE NATURELLE 


LA CHOUETTE BLANCHE, N° # 


J'ar vu cette belle chouette dans la magnifique collection d’oi- 
seaux de M. Raye de Breukelerward, à Amsterdam. Il ne faut 
pas confondre cette espèce, n1 avec le grand-duc blanc de Si- 
bérie, dont plusieurs auteurs font mention, et qui, suivant eux, 
n'est qu'une variété de notre grand-duc; ni avec le harfang : 
voyez les planches enluminées de Buffon, N°. 458. La Chouette 
blanche, dont il est question, n’est point cette variété du grand- 
duc, devenu blanc par l'influence d’un climat froid; car elle ne 
porte point d’aigrettes relevées sur la tête, comme les ducs. 
D'ailleurs, les aîles du grand-duc n'atteignent que le bout de la 
queue; et dans notre Chouette blanche, elles le dépassent de 
plusieurs pouces : caractère bien remarquable, et qui la distin- 
gue encore du harfang, qui a la queue beaucoup plus longue et 
dont les ailes ne vont pas au-delà de la moitié de son étendue. 
Le harfang a la tête petite, et notre Chouette blanche la, au 
contraire, fort grosse. Enfin, le harfang est plus grand que notre 
Chouette blanche, qui, quoique aussi grosse que notre grand- 
duc, est cependant plus courte et plus trapue encore que lui. 
Voilà les caractères distinctifs de ces trois chouettes bien éta- 
blis; ainsi je crois que nous pouvons conclure, avec certitude, 
que cette Chouette blanche est une espèce particulière et dif- 
férente de celles avec lesquelles nous l'avons comparée. On ne 
sera donc pas tenté, je pense, de Les confondre ensemble. 


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On ne peut donner un nom plus convenable à cette chouette 
que celui par lequel je l'ai désignée; car tout son plumage est 
entièrement d'un blanc de neige, sur lequel se remarquent seu- 
lement quelques petites taches noires très-rares, répandues sur 
quelques couvertures des aîles et sur deux des grandes pennes. 
Les plumes soyeuses qui couvrent les tarses et Les pieds sont si 
touffues qu'on n’apperçoit absolument aucun des doigts; on 
voit seulement le bout de toutes les griffes, qui sont noires; le 
bec est aussi de cette couleur. J'ignore le pays d'où vient cet 
oiseau, mais il est probable qu'il habite quelque climat froid. 


176 EPISTOTRE CNAMRURRCE TUE 


LA CIE VECHETTE,N.# 


Vorcr sans contredit, la plus petite de toutes les espèces de 
chouettes connues, puisqu'elle est d’une taille inférieure à notre 
scops ou petit-duc, et par conséquent bien plus petite encore 
que notre chevèche, à qui elle ressemble pourtant beaucoup 
par la couleur du plumage. La figure que j'ai donnée de cet 
oiseau le représente de grandeur naturelle; il a le bec jaune et 
les griffes d’un brun-noir; les ailes ne dépassent pas l'origine 
de la queue. Des poils longs et roides partent de la base du bec 
et de la gorge en se dirigeant en avant. La queue de cette che- 
vèche est assez longue, vu la petitesse de l'oiseau. Ce dernier 
caractère le distingue parfaitement de notre chevèche, qui a la 
queue très-courte et dont les ailes atteignent le bout. La Che- 
vechette a le plumage d'un brun sombre sur la tête, les aîles et 
la queue. Cette couleur est égayée, dans ces mêmes parties, par 
plusieurs taches blanches, qui sont en très-grand nombre et 
très-petites sur le front et sur les joues. Sur les ailes les taches 
sont bien plus sensibles. La queue est traversée de quatre ban- 
des blanches. La gorge et le cou par devant sont d'un blanc varié 
de brun-clair, ainsi que le ventre et les recouvremens du dessous 
de la queue. La poitrine et le sternum sont couverts de plumes 
brunes, variées d’un blanc sali. Les tarses et Les doigts sont en- 
tiérement emplumés. | 


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Je ne connois pas le pays de cette jolie petite chevèche, qui 

se trouve aussi dans le cabinet de M. Raye, à Amsterdam. Celle 

que je possède me vient du citoyen Dufréne, aide-naturaliste 
du Muséum National d'histoire naturelle. 


Tome T.). 7 


175 HISROIRE NATURELLE 


EN GOUME VENS. 


MÉNCOULEVENT À OUELE 
FOURCHUE, N°. #48. 


Nous avons cru devoir placer ce genre d'oiseaux directement 
après les chouettes: carils sont. en effet, des oiseaux nocturnes, 
et peut-étre même le sont-ils réellement plus que beaucoup de 
chouettes dont plusieurs espèces, comme nous le savons, volent 
et chassent en plein jour. Ceux dont nous parlons, se tenant au 
contraire, trés-cachés pendant que le soleil est sur l'horison, ne 
commencent à se montrer qu'avec le crépuscule, et rodent pen- 
dant toute la nuit pour faire la chasse aux insectes, dont ils font 
leur unique nourriture. Nous aurions donc plus naturellement 
dû commencer l'histoire des oiseaux nocturnes par le genre des 
engoulevens, crapauds-volans ou tette-chèvres, pour me servir 
des noms vulgaires les plus généralement adoptés depuis plu- 
sieurs siècles, et que Buffon a rejetés dans ses descriptions (à), 


() Quoique Buffon ait adopté le nom d’engoulevent , en parlant de ce genre 
d'oiseaux, toutes les planches qui les représentent portent dans son ouvrage les 
noms mêmes qu’il a rejetés. 


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DE L'ENGOULEVENT À QUEUE FOURCHUE. 179 
pour y substituer celui d’engoulevent, que nous adopterons 
aussi, pour ne pas faire encore un nouveau changement. Nous 
nous permettrons pourtant d'observer, quoi qu'il puisse étre 
vrai que ces oiseaux volent quelquefois la bouche ouverte en 
poursuivant les insectes dont ils se nourrissent, qu'il est très- 
certain qu'ils n’engoulent pas plus de ventque les poissons et Les 
oiseaux plongeurs n’avalent d’eau lorsqu'ils poursuivent leur 
proie dans les rivières; et quand même il seroit encore vrai que 
ces oiseaux avalassent plus ou moins de vent, leur but ne ten- 
dant réellement qu’à attraper des insectes, qu'ils engoulent en 
effet tout entiers, sans les mâcher, le nom d’engoule-insectes 
leur conviendroit mieux que celui d'engoulevent. 


Il est encore très-vrai que l'ancien nom de crapaud-volant n’a 
été donné à l'espèce de ces oiseaux qu’on trouve en France, que 
par rapport à son cri, lequel imite, à s'y méprendre, un des sons 
que fait entendre le crapaud dans les soirées d’été. Il n’est donc 
pas étonnant que le peuple, voyant ou entendant voler, pendant 
la nuit, un animal dont le cri est le même que celui du crapaud, 
Jui ait appliqué le nom de crapaud-volant ; comme il a donné 
celui de chauve-souris ou souris-volante à d’autres petits ani- 
maux, dont les cris approchent de même beaucoup de ceux 
des souris. La large bouche et la tête platie de cet oiseau doi- 
vent aussi avoir contribué à son nom de crapaud. Le nom de 
tette-chèvre dérive encore de certaines habitudes de notre en- 
goulevent, que beaucoup de naturalistes de cabinet ignorent 
probablement. Mais, en revanche, il n'y a pas un naturaliste 
chasseur, ni aucun berger habitué à par quer les moutons et les 
chèvres, qui ne sache que l engoulevent fréquente les parcs de 
ces animaux : non pas à la vérité pour tetter les brebis ou les 
chèvres, mais pour prendre les insectes que les crottins et l'urine 
aturent en grand nombre dansces lieux infects. Les bergers, les 

22 


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# 
7 


100 ADSTOTRE NAMEUREMAIPE 


enfans et beaucoup d’autres personnes sans doute, voyant 
Habituellement ces oiseaux s'abattre parmi les moutons et les 
chèvres, comme ils le font en effet à tout moment, et ignorant 
d'ailleurs ce qu'ils y faisoient, auront naturellement présumé 
qu'ils tettoient les mères : de-là est venu le nom populaire de 
tette-chèvre, qui est celui de cet oiseau dans beaucoup de pays. 
En Hollande, il est connu sous la méme dénomination; car, 
en Hollandois, gyte-melker et gyte-zuyger signifient également 
tette-chèvre. 


Je n'ai trouvé dans l’intérieur de l'Afrique que deux espèces 
d'engoulevens, et qui toutes deux sont nouvelles. L'un de ces 
oiseaux est très-grand : c'est celui de cet article, celui enfin 
que j'ai désigné par sa queue fourchue, caractere qui, jusqu'à 
ce moment, est unique dans ce genre. De toutes les différentes 
espèces dont les nomenclateurs ont fait mention, celui-ci esten 
eftet le seul dont la queue soit de cette forme; ainsi on ne pourra 
pas le confondre avec le grand crapaud-volant des planches en- 
luminées de Buffon, N°. 325, ni avec le grand engoulevent de 
ses descriptions. L'Engoulevent à queue fourchue est encore 
plus grand que ce dernier, à qui Buffon donne vingt-un pouces 
de longueur; celui dont nous parlons en a vingt-six, depuis le 
bout du bec jusqu’à l'extrémité de la plus longue plume de la 
queue, laquelle est la dernière latérale de chaque côté; puisque 
la queue est fourchue, comme je l'ai fait observer plus haut. Le 
bec :le ce grand Engoulevent est d’une largeur étonnante, et se 
termine par un petit croc, qui ressemble plutôt à une griffe qu'au 
bout d'un bec d'oiseau. Ce qui prouve combien peu la nature a 
voulu que ces oiseaux engoulassent tant de vent, en poursuivant 
les insectes, c'est qu'il n’en est point dont la bouche se ferme 
mieux. En effet, la construction de son bec est.si bien combinée, 
que la mandibule inférieure recouvre au coin de la bouche, par 


DE L'ENGOULEVENT A QUEUE FOURCHUE. 181: 


un petit rebord saillant, la supérieure, qui, par un recouvre- 
ment, emboîte l'inférieure, laquelle s’y enclave jusqu’à un cran 
trés-prononcé qu'on voit à celle d'en haut. Après ce cran celle-ci 
se rétrécittout à coup pour s emboiter ensuite elle-même dans 
l'extrémité de la mandibule inférieure, qui à son tour la recou- 
vre de nouveau en la débordant, et se trouve ensuite surmontée 
par le bout supérieur qui l’arrète fortement en se courbant par 
dessus en forme de croc. Il résulte de cette parfaite union des 
deux mandibules que, lorsque la bouche est fermée, l'oiseau 
paroît avoir un très-petit bec. Au reste, ceux qui s'imaginent 
que ces oiseaux volent toujours la bouche ouverte, se trompent, 
je crois, très-lourdement; car ils se posent souvent à terre pour 
y ramasser les insectes; et s'il leur arrive d'en prendre en volant, 
il est fort inutile qu'ils l’aient pour cela continuellement bail- 
lante. Nous voyons les guëpiers , les martinets, et toutes les 
espèces d'hirondelles, prendre les insectes en volant, et nous 
ne leur voyons ouvrir le bec qu'au moment où ils sont assez près 
: d'eux pour les happer. Il est donc probable que l'engoulevent 
en fait de méme; or, la nature, qui ne se trompe jamais, et ne 
fait rien en vain, auroit-elle construit le bec de cet oiseau avec 
tant de soin, l’auroit-elle fermé aussi hermétiquement, s'il de- 
voittoujours l'avoir ouvert pour se procurer sa nourriture? Nous 
avons fait représenter de grandeur naturelle le bec ouvert et 
fermé de ce grand Engoulevent, pour qu'on puisse mieux saisir 
sa construction particulière. 


Les méthodistes ont cru remarquer beaucoup d'analogie 
entre les hirondelles et ces oiseaux de nuit; de manière même 
que plusieurs d’entre eux leur ont donné le nom d'hirondelle à 
queue carrée. Si ces mêmes savans avoient connu l'espèce dont 
nous parlons, ils auroient encore été bien plus confirmés dans 
leur opinion, puisque, comme beaucoup d'hirondelles, elle 


182 HISTOIRE NATURELLE 


a effectivement la queue fourchue, et même d’une manière très- 
remarquable : les deux plumes les plus courtes du milieu de la 
queue étant de moitié moins longues que les deux dernières 
latérales. 


Quoique cet Engoulevent africain ait vingt-six pouces de 
longueur, son corps n’est pas plus gros ni plus long que celui 
de notre chouette ordinaire, le cou et la queue occupant plus 
des deux tiers de la longueur totale de l'oiseau. Les narines sont 
placées directement contre la base du croc supérieur du bec; 
elles sont cachées chacune par un petit faisceau de plumes poi- 
lues qui les débordent en se dirigeant en avant. Lorsque le bec 
est fermé, elles se trouvent encore recouvertes par les rebords 
saillans du bout de la mandibule inférieure. Les yeux sont très- 
grands et d’un brun sombre; ils sont environnés, par dessus 
seulement, d’un rang de cils fins et peu apparens. Les tarses 
sont si courts dans cet oiseau, qu'ils ne paroissent presque point; 
il n'ont enfin tout au plus que trois à quatre lignes de longueur. 
La plante du pied est très-large, les trois doigts de devant étant 
réunis jusqu'aux premières articulations par une membrane. 
Le doigt de derrière est également très-épaté, et ne peut abso- 
lument pas se tourner en avant, comme on le dit de plusieurs 
autres espèces du même genre. Nous avons donné aussi la figure 
du pied de cet oiseau, vu par dessous. Les ongles et le bec sont 
brunâtres, et les doigts jaunes par dessous et d’un brun terreux 
en dessus. Les aïles pliées s'étendent aussi loin que les plumes 
de la queue; elles ont ensemble quarante pouces d'eïvergure. 
Quant aux couleurs de cet oiseau, elles approchent beaucoup 
de celles des autres espèces connues d’engoulevens : c’est du 
brun plus ou moins foncé, agréablement varié de noir, de roux 
et de blanc. Je remarquerai seulement que le blanc est sur-tout 
répandu sur le ventre, sur la queue et sur les grands recouvre- 


DE L'ENGOULEVENT A QUEUE FOURCHUE. 183 


mens des aîles, ainsi que sur les scapulaires et les couvertures 
du dessous de la queue. Le noir occupe sur la poitrine plus de 
place, les taches y étant plus larges que par-tout ailleurs. Les 
pennes des ailes sont brunes, et portent une espèce de marbrure 
plus apparente sur les barbes extérieures ; et c’est principalement 
sur la queue où cette marbrure fine est le plus agréablement 
variée. La gorge est roussâtre et barrée en travers de lignes 
noires. Les plumes dans cette partie, sont à barbes rares et 
désunies entre elles; plus bas, sur le devant du cou, elles se 
terminent toutes par un long poil noir. Les petites couvertures 
des aîles sont d'un brun-maron rayé de noir. Au reste, je ren- 
voie mon lecteur à la figure que j'ai publiée de cet oiseau, qui 
lui en fournira une idée bien plus parfaite que la description la 
plus détaillée que je pourrois en donner, et qui seroit aussi 
ennuyeuse à faire qu à bre. 


J'ai trouvé l’'Engoulevent à queue fourchue sur les bords de 
Ja rivière des Lions, dans le pays des Grands Namaquois. C'est 
mème par le plus grand hasard que je me suis procuré le mâle 
et la femelle de cette espèce. Un jour que je chassois sur les 
bords de cette rivière, accompagné de mon Klaas, nous fûmes 
assaillis par un orage et une pluie affreuse, qui nous contrai- 
gnirent de nous retirer sous de très-grands mimosas qui la bor- 
doient. En jetant les yeux de côté et d'autre, nous appercümes 
un fort gros arbre mort dont la tige, presqu entièrement creuse, 
contenoit un vaste trou qui communiquoit dans tout le corps 
de son tronc vermoulu. Espérant trouver quelques insectes sous 
l'écorce de cet arbre, nous nous en approchâmes; mais à notre 
arrivée nous entendimes, dans son intérieur, une espèce de 
bourdonnement sourd. Ne sachant ce que ce pouvoit être, nous 
primes quelques précautions pour nous assurer à quel animal 
nous avions à faire, craignant, avec raison, que ce ne füt une 


184 HISTOIRE NATURELLE 


nichée de serpens; et nous ne flimes pas peu surpris quand nous 
vimes que c’étoient deux très-gros oiseaux, que nous tirâmes 
l’un apres l’autre du trou, très-contens de notre bonne fortune. 
Je les ai conservé vivans pendant une couple de jours. La clarté 
du soleil paroissoit les offusquer tellement qu'ils ne cherchoient 
point à s'enfuir pendant le jour; mais en revanche quand la nuit 
étoit venue ils faisoient un vacarme affreux dans un très-srand 
panier où je les avois renfermés. 


Je n’ai pas revu, depuis ce moment, d'autres oiseaux de la 
même espece. Ils faisoient entendre, durant la nuit seulement, 
une espèce dechevrottement guttural,gher-rrrrrr —gher-rrrrrr, 
qu'ils exprimoient en ouvrant la bouche, de manière qu'on y 
auroit introduit une grosse pomme. La langue de cet oiseau 
est très-petite et se trouve placée à l'entrée de la gorge. 


Il paroit que cette espèce n’est point, à beaucoup prés, aussi 
communeque celle dont nous allons parler dans l’article suivant. 
Dans ces deux oiseaux, pris vivans, il y avoit un mâle et une 
femelle. Cette dernière étoit un peu plus grosse; mais du reste 
ils ne différoient l’un de l’autre que par une teinte plus forte et 
sur-tout plus mélangée de noir sur la poitrine et sur les pennes 
de la queue du mâle, où la marbrure en zigzag est distribuée 
par bandes alternatives, l'une brune marbrée de noir, et l’autre 
blanche marbréede noir; de manière qu'ilenrésulte absolument 
lemémetravail et les mêmes nuances que celles qu'on remarque 
dans les ailes d'une grande partie de nos phalèenes, notamment 
de celle nommée le zigzag. La femelle n’auroit probablement 
pas tardé à pondre, car dans sa grappe d'œufs il y avoit déja 
plusieurs jaunes de la grosseur d’une petite noisette. Les testi- 
cules du mâle,très-petits pour unoiïiseau aussi fort, étoient d’une 
couleur noire bleuâtre. Cette particularité d’avoir les testicules 

noirs 


DE L’'ENGOULEVENT A QUEUE FOURCHUE. 185 
noirs est fortrare chez les oiseaux; car dans plus de douze cents 
espèces que j'ai examinées, je nen ai trouvé que deux chez 
lesquelles elle eût lieu. Comme je n’ai été à même d'observer 
qu'un seul mâle de l'espèce de ce grand Engoulevent à queue 
fourchue, je ne puis assurer que mon observation convienne à 
tous les mâles de la même espèce; mais quant à l’autre oiseau, 
comme il est très-commun dans l'intérieur de l'Afrique, je l'ai 
vérifiée dans plus de cent individus mâles. 


Tome I. A a 


106 EMSIRO MCE NAPONPCE TER 


L'ENGOULEVENT À COLLIER, N°. 49. 


O N remarque dans cette petite espèce d'Engoulevent africain 
plusieurs des principaux caractères de celui de l’article pré- 
cédent, méme forme de tête et de bec, de grands yeux, la 
bouche fort ample et le bout du bec très-petit; voilà quels 
sont les caractères d’analogie. Voici maintenant ceux qui les di£ 
férencient : dans la petite espèce, la bouche ne ferme point aussi 
hermétiquement; la queue est coupée carrément au lieu d'être 
fourchue ; les mandibules sont bordées de très-longs poils 
roides et plats, qui, étant dirigés en avant, garnissent et 
ferment l'ouverture de la bouche par les côtés ; de sorte que 
quand l'oiseau l'ouvre pour se saisir de sa proie en volant, ces 
poils empêchent les insectes de s'échapper par les côtés, une 
fois qu'ils sont engagés dans la grande ouverture que présente 
cette bouche lorsqu'elle est béante. Les ailes ne s'étendent 
qu'aux trois quarts de la longueur de la queue, et les tarses 
sont aussi beaucoup plus longs. 


L'Engoulevent à collier est à peu près de la taille de notre 
engoulevent d'Europe. Il est distingué par un large collier 
blanc qui couvre sa gorge, et ce collier s'étend en s’élargissant 
sur les côtés, où il prend une belle couleur orangée, variée de 
noir; un trait blanc qui part du coin du dessous de œil, se 
prolonge jusque sur le collier. Les premières pennes de l'aile 


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portent chacune une petite tache blanche vers leur milieu; 
celles de la queue sont également tachetées de blanc; mais ces 
taches sont beaucoup plus grandes principalement sur Îles 
premières pennes latérales. Tout le plumage est agréablement 
varié de brun, de noir et de blanc, sur un fond plus ou moins 
grisätre. La femelle diffère du mâle d’abord par la taille, car 
elle est un peu plus petite; son collier est d'un blanc roussâtre, 

_et elle n’a point ces plumes orangées que porte le mâle au bas 
de son collier; les taches du bout de la queue sont chez elle 
absolument salies de roux au lieu d’être blanches. Les yeux 
sont bruns chez tous les deux. 


C'est en septembre que ces oiseaux entrent en amour. Pen- 
dant ce tems le mâle chante d’une manière très-particulière, 
et d’une voix si forte que lorsque j'avois le malheur d'être campé 
dans le voisinage de la demeure d’un de ces oiseaux, il m'étoit 
impossible de dormir, C’est principalement une heure après 
que le soleil est couché, et quelques heures avant son lever, 
qu'ils commencent à se faire entendre ; et dans les belles nuits 
ils chantent sans discontinuer jusqu’au point du jour. J'ai essayé 
nombre de fois de noter ce ramage, mais il m'étoit plus facile 
d'en contrefaire quelques passages que de l'exprimer par l’écri- 
ture; cependant à force de le recommencer et d'en avoir sépa- 
rément répétéses différentes phrases, je crois l'avoir saisi autant 
bien qu'il soit possible de le faire. Je transeris ici d'après mon 
journal, celui qui n'a paru le plus approcher de la vérité : 
Cra-cra, ga, gha-sha-gha ; harouï, houï, houï-houï; glio-shé , 
ghordo-ghordo; ga, ha-gach; hara-ga-gach, ah-hag, ha-hag, 
harioo-g0-2och, ghoïo-goio-soio. J'ai observé que les finales en 
ghordo étoient toujours chantées d’un ton plaintiftrès-bas, et 
sembloient absolument partir de la gorge, tandis qu'au contraire 
celles en &, et sur-tout les terminaisons en ach, avoient un éclat 

Aa 2 


88 HISTOTRE NATURELTIE 


inconcevable,etmontoientsuccessivementchacunedequelques 
tons plus haut que celle qui la précédoit. La mesure du nombre 
de ces finales en ach, étoit subordonnée, à ce qu’il paroïit, au 
besoin qu'avoit l'oiseau dereprendre haleine; car lorsqu'il s’étoit 
dominé dès le commencement de la phrase, il en exprimoit 
quatorze de suite, dont le dernier montoit au moins de quatre 
octaves plus haut que le premier, et de là retombant tout à 
coup en ghordo d'un ton vraiment mélodieux, la phrase se 
terminoit en goio-goio. Les sons harouï, houï-houï, étoient 
remarquables par une sorte de chevrottement qui les accompa- 
gnoit toujours, et qui n’étoit dù qu'aux battemens d’aîles qui 
très-certainement les accompagnotent. 


S'il étoit possible d'apprécier le langage des oiseaux d’après 
les tons plus ou moins expressifs qu'ils donnent aux différens 
sons qu'ils font entendre, j'oserois assurer que c'est par cette 
phraseharouï, houuï-houur, que celui-ciexprime à sa compagne 
les sentimens tendres qu'elle lui inspire. Du moins, dans les 
momens de silence quiséparoiïent les phrases entières du chant, 
je n’entendois plus que ces mêmes accens entremêlés d'un 
certain frémissement d’aise qui sembloit annoncer l'instant du 
plaisir et précéder celui de la jouissance. 


Cet oiseau chante pendant l'espace de trois mois à peu près. 
La saison des amours passée, on ne l'entend plus, et il ne con- 
serve le reste de l’année qu'un cri très-analogue à celui de 
notre engoulevent. Comme lui, on ne l'appercoit pendant le 
jour que lorsqu'en passant près de sa retraite on le force à se 
lever; en partant il n'a cependant point l'air de ne pas voir clair, 
car il se dirige très-bien à travers les arbres. 


La femelle pond deux œufs qui, comme je l'ai dit, sont 


DE L'ENGOULEVENT A COLLIER. 489 
blancs ; elle les dépose à terre sans aucune précaution, et 
presque toujours dans le milieu d’un sentier. Le méle couve 
tout aussi bien que sa femelle; et quand ils sont occupés à cette 
fonction, ils ne se dérangent que lorsqu'on est prêt à mettre le 
pied sur eux; pour peu même qu’ on ait l'air de passer à côté, 
ils ne bougent pas, aussi n'ai-je jamais manqué de tuer d’un 
coup de M l'engoulevent dont j'avois découvert les œufs: 
il me suffisoit pour cela de prendre ma direction de manière à 
passer seulement à deux pieds d'eux, et de bien ajuster l'oiseau 
en passant. Quand je ne touchois pas aux œufs, je les retrouvois 
toujours à la méme place, mais s'il m'arrivoit de les manier, 
l'oiseau les transportoit ailleurs, et jamais il ne m'est arrivé de 
retrouver dans les mêmes environs ceux qui avoient été déran- 
gés de place. Curieux d'observer la manière dont ces oiseaux 
s y prenoient pour faire ce déplacement, je montai un jour sur 
un arbre à portée de deux œufs que je venois de découvrir dans 
le milieu d’un sentier très-étroit, et que je maniai exprès. L’oi- 
seau qui le premier revint pour se mettre dessus, et que je 
reconnus pour être la femelle, se posa d'abord à terre à quelque 
distance des œufs dont elle s’approcha en avancant de quelques 
pas; mais s'étant apperçue qu'ils avoient été touchés, elle en 
fit plusieurs fois le tour, ayant la tête appuyée le plus près qu'il 
étoit possible des œufs; de manière qu’elle marchoit de côté. 
Lorsque cette opération fut faite, elle fit plusieurs cris en battant 
des aîles et de la queue, en même tems qu'elle avoit la poitrine 
appuyée sur la terre. À ces accens le mâle arriva aussitôt, se 
posa à côté de sa femelle, et se mit à répéter les mêmes cris et 
les mêmes mouvemens. Après quoi tournant l'un et l’autre à 
plusieurs reprises autour des œufs, ils s’en saisirent chacun 
d'un qu’ils prirent dans leur bouche, et disparurent tous deux. 
J'espérois retrouver la couvée à quelque distance sur le même 
sentier, mais malgré toutes mes recherches, et quoique j'eusse 


190 EL IS OMR EN AMPURMENEE 

suivi le sentier à travers la forêt entière, je ne retrouvai ni les 
oiseaux, n1 les œufs que j'aurois certainement reconnus, ayant 
bien examiné l’un d'eux sur lequel il y avoit une petite tache 
de sang fort remarquable. 


Les œufs de cet oiseau sont entièrement blancs et d'une 
fragilité étonnante; leur coquille est même si mince qu’on les 
casse pour peu qu'on les manie sans précaution. Je n'ai jamais 
vu ceux de notre engoulevent d'Europe, mais s'ils sont aussi 
fragiles que ceux du petit engoulevent d'Afrique, je doute 
beaucoup que ce soit seulement en les poussant du bec,comme 
on le dit, que chez nous ces oiseaux les changent de place 
quand on les a dérangés dans leur ponte. 


Je n’ai point vu l'Engoulevent à collier dans les environs du 
Cap. En revanche il est très-connu sur les bords du Gamtoos, 
dans le pays d'Auteniquoi et notamment vers la baie Lagoa ou 
Blettenberg. J'en ai tué en deux soirées neuf, tant mâles que 
femelles, autour du parc des moutons d'une habitation du 
colon Critsinger, que j'ai trouvé établi près de cette baie, sur 
les bords du Witte-Drift. J'ai revu encore la même espèce sur 
les rives du Swarte-Kop, du Sondag, et dans les bois de mimosas 
du Camdeboo.Dansce dernier canton les habitans lui donnoient 
le nom de Nagt-uylije (petite chouette de nuit). Ces oiseaux 
ne se nourrissent absolument que d'insectes, et notamment de 
ceux du genre des bouziers; et j'ai très-bien remarqué qu'ils se 
posoient à terre pour s'en saisir. Îl se peut, et il est même 
probable qu'ils en attrappent aussi en volant, mais j'ose assurer 
qu'ils en prennent beaucoup moins de cette manière. Les 
insectes dont ils se saisissent en volant sont la plupart très-petits, 
et restent empêtrés dans une salive épaisse, gluante et fort 


abondante, qui les retient à mesure qu'ils sont pris. Il paroît 


D'ÉTL'ENGOUTLEVMENT AGO ELTER 101 
même que ce n’est que lorsqu'il y en a un certain nombre d’en- 
glués qu'ils sont avalés en masse; car je n'ai point tué de ces 
oiseaux que je n'aie trouvé contre tous les parois de leur palais 
beaucoup de très-petits insectes, dont souvent les plus apparens 
n étoient pas plus gros qu'un puceron ou une puce. Ceci prouve 
d'une manière incontestable l'excellence de la vue de ces 
oiseaux, puisque dans l'obscurité ils peuvent voir d'aussi petits 
objets, qui échapperoient, en plein jour, à la meilleure vue 
d'homme. Les gros insectes sont avalés aussitôt qu'ils sont pris, 
et même entiers et tout en vie. 


La conformation des pieds courts de cet oiseau, jointe à ce 
qu'il a de très-petits doigts, l'oblige à se poser préférablement 
àterre plutôt que sur les arbres: cependant lorsqu'il s’y perche, 
c’est toujours sur les branches basses et les plus hôrisontales, 
parce qu'il y trouve le même à-plomb, et comme il aime à avoir 
la queue appuyée, lorsque la branche ne lui présente pas une 
surface assez grande dans sa largeur, il se pose suivant sa lon- 
gueur. Îl est probable que cette habitude est commune à toutes 
les espèces de ce genre. Au reste, les engoulevens ne sont pas 
les seuls oiseaux à qui cela arrive; les perroquets et beaucoup 
d’autres oiseaux ont la même habitude, notamment les oiseaux 
de proie qui quelquefois se reposent de même. On voit encore 
très-souvent les tourterelles marcher sur une des grosses 
branches basses d'un arbre, etlasuivre dans toute salongueur, 
pour peu qu’elle soit inclinée. 


TAB I4e 


DES OISEAUX CONTENUS DANS CE VOLUME. 


Épitre dédicatoire, | page Ÿ 
Préface, vij 
OLSE À UX D'E BPIRONE | 
Le Griffard , l 
Le Huppard, 8 
Le Blanchard, 12 
Le Vocifer, 17 
Le Blagre, ; 23 
Le Caffre , : 8 
Le Bateleur, 31 
L'Oricou, 36 
Le Chasse-fente, 44 
Le Chaugoun, 50 
Le Chincou, | 53 
Le Roi des Vautours, 59 
L'Ourisourap , 62 
Le Bacha, | +460 
Le Rounoir, 70 
Le Rougri, 79 
La Buse gantée, 79 


Ai 0: Dei ME End 


Le Tachard, 

Le Buserai, 

Le Buson, 

Le Parasite, 

Le Grenouillard , 

Le Tachiro, 

Le Mangeur de serpens, 
L’Autour huppé, 

Le Faucon chanteur, 
Le Faucon huppé, 

Le Faucon à culoite noire, 
Le Chicquera, 

L’'Acol, 

Le Tchouz, 

Le Gabar, 

Le Minulle, 

Le Montagnard , 

Le Blac, 


OISEAUX DE PROIE NOCTURNES. 


Le Choucou , 

Le Choucouhou, 

Le Grand Duc, 

Le Moyen Duc, 

Le Scops, 

La Chouette, 

L’Effraie, 

Le Huhul, 
Tome F. 


Bb 


page 


104 TAB LÉ 
La Chouette à collier, e 
La Chouette à aigrette blanche, 

La Chouette à masque noir, 

La Chouette blanche, 

La Chevechette, 


E N'G*0 U L'E,V-ENSS. 


L'Engoulevent à queue fourchue, 
L'Engoulevent a collier, 


FIN DU TOME PREMLER, 


page 169 


170 
172 
174 
176 


176 
186 


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