Stîf i. m. Ml îlibrarg
Nnrtlf (Ewcolxm ^UU
This book was presented by
Fred S, Barkalow
trcciAt. courcT^e^fc
B79
V.9
This book must not be taken from
the Library building.
-MARCH 65 FORM 2
HISTOIRE
NATURELLE.
Quadrup^d^» Tome VL
^u^drupèdts, Tom. Vt. k
HISTOIRE
NA TURELLE,
GÉNÉRALE
ET PARTICULIERE,
f>AR M. LE COMTE DE BUFFON^
Intendant du Jardin du Roi , de
l'Académie Françoise et de celle des
Sciences > &c.
Quadrupèd&s^ Tcm, FI,
LM'-
AUX DEUX-PONTS,
Chez SANSON & Compagnie.
M. DCC LXXXViî,
Tom..^VT
Pt. I
n T^j^Po r c -Kptc. 2. Autres Poix -Epù>
i5 ItA focadoy..
HISTOIRE
NA T U R ELLE.
LE P O R C - ÉP IC ia\
Voye^ planche I ^ fi^. i & i de ce volume,
XL ne faut pas que le nom de Porc-épineux
qu'on a donné à cet animal , dans la plupart
des langues de l'Europe , nous induife en er-
reur, & faffe imaginer que le porc-épic foit
en effet un cochon chargé d'épines: car il ne
(a) Porc-épic j en Grec St en Latin, Hyjirix % en
Arabe, T{ur-ban , félon le Dofteur Shaw; en Anglois ,
Porcupine ; en Allemand , Stachelfchwein ; en Italien ,
Porco/pino/o ; en Efpagnol, Puerco efpino.
Hljtrix. Gefner, Hi/i. ^uatLfig. pag. J63. Nota. Quoi-
que Gefner dife que la hgure qu'il donne du porc-épic
a été faite d'après l'animal vivant, elle pèche ce en'lant
en plufîeurs chofesiôc fiAgulièrement par les dents. Ls
A 3
6 Nijloin nàturdlt
relTemble au cochon que par le grognemenr ;
par tout le refte^ il en diffère autant qu'au-
cun autre açimal , tant pour la figure que
pour la conformation intérieure ; au lieu
d'une tête alongée , furmontée de longues
oreilles, armée de défenfes & terminée par
un boutoir, au lieu d'un pied fourchu &
garni de fabots comme le cochon, le pprc-
épic a comme le caftor la tête courte , deux
grandes dents incifives en avant de chaque
mâchoire ^ nulles défenfes ou dents canines ,
le mufeau fendu comme le lièvre , les oreilles
rondes & applaties, & les pieds armés d'on-
gles ; au lieu d'un grand eftomac avec un
appendice en forme de capuchon ^ qui, dans
le cochon j femble faire la nuance entre les
porc épie n*a qre deux dents incifives à chaque mâ-
choire, & point de dents canines; & dans la figure de
Gefner, il a huit dents incifiyes ou canines.
Hyjîrix y thc Pcrcupine. R'^^y, SyrJ. quad, pag. 2o6.
Pcrc-éplc. Mémoires pour ("ervir à l'hiftoire des Ani-
maux, partie. II ^ page 3^ , jtg. pi. XLI.
Hyftrix Orhntalis crijlata. Séba , vol. I , page 79 , fig.
I , Tsb. I. Ncta. i*'. L'épithète OrUnt^Us eft ici ma!
appliquée, car le porc- épie fe trouve en Afrique & dans
tous les pays chauds de l'Europe & de l'AÉe. Nota*
a*'. La figure & la defcription de Séba pèchent en c»
qu'elles n'indiquent que trois ongles aux pieds de der-
rière , tandis que cet animal en a cinq. M. Linnaeus ,
qui avoit adopté cette erreur dans fes premières édi-
tions, l'a reconnue & corrigée dans les dernières.
Hyfirix capiu crijîato Hyftrix , le porc - épie.
Brifibn , Rcgn. anim. page iif;
Criftata. Hyftrix pahnis utradaclylis , plantis pentudac^
tylls , cupite criftato, caudâ ahbrtyiata». Linn. Syft, nat,
*dit. X, pifg. j6.
du Porc^épic, 7
futnînans & les autres animaux , le porc-épîc
n*a qu*un fimple eftomac & un grand cœcum^
les parties de la génération ne font point ap»
parentes au dehors comme dans le cochon
mâle; les tefticules du porc-épic font recelés
au dedans & renfermés fous les aines ; la verge
n'eft point apparente ; & l'on peut dire que
par tous ces rapports aufli-bien que par la
queue courte, la longue mouftache^ la lè-
vre divifée , il approche beaucoup plus du
lièvre ou du caltor que du cochon. Le hé-
riffon qui comme le porc-épic eft armé de
piquans , reffembleroit plus au cochon; car
il a le mufeau long & terminé par une efpèce
de grouin en boutoir ; mais toutes ces ref-
lemblances étant fort éloignées , & toutes
les différences étant préfentes & réelles , il
n'eft pas douteux que le porc-épic ne foit
d'une efpèce particulière & différente de celle
du hérifton, du caflor, du lièvre ou de tout
autre animal auquel on voudroit le com-
parer.
Il ne faut pas non plus ajouter foi à ce
que difent prefqu'unanimement les Voyageurs
& les Naturalifies , qui donnent à cet animal
la faculté de lancer fes piquans à une alTez
grande diftance & avec affez de force pour
percer & bleffer profondément , ni s'imaginer
2vec eux que aes piquans, tout féparés qu'ils
font du corps de l'anim.al , ont la propriété
très extraordinaire & toute particulière de
pénétrer d'eux-mêmes & par leurs propres
forces plus avant dans les chairs, dès que la
pointe y efî une fois entrée : ce dernier fait
«i^ purement imaginaire & deftitué de tout
A 4
s Hijloln naturelle
fondement , de toute raifon ; le premier eft
auffi faux que le fécond, mais au moins l'er-
reur paroît fondée fur ce que l'animal , lorf-
qu'il eft irrité ou feulement agité, redreiTe
fes piquans, les remue , & que comme il
y a. de ces piquans qui ne tiennent à la peau
q«e par une efpèce de filet ou de pédicule
délié , ils tombent aifément. Nous avons vu
des porcs-épics vivans, & jamais nous ne les
avons vus , quoique violemment excités ,
darder leurs piquans : on ne peut donc trop
3i'étonner que les Auteurs les plus graves ,
tant anciens ( ^ ) que modernes ( c ) , que les
Voyageurs les plus fenfés {d) foient; tous
{h ) AtîJL Hifi. anim. Li.lX, cap. xxxix. — PVjï.
Uiji. Nat, lib. P'III, cap. LUI. — Qpian. de Venaticm,
(c) Mrs. les Aratomiftes de l'Académie des Sciences.
Ceux des piquants , difent-ils, qui ctoient les pius fcns S'
les plus courts étaient aifés à arracher de laptau. , ny étant
pas attachés fermement comme les autres , aujji font-ce csitx.
que ces animaux ( les porcs-épics ) ont accoutumé de lanar
contre les chaffeurs , en fcccuant leur peau comme font les
chiens lorfqu ils fartent de Peau. Claudien dît également
que le porc-épic eft Un-même l'arc, le carquois & la
ftéche dont il fe fert contre les chaflTeurs. Mémoires pour
fcryir â l'hijioire des Animaux, tome III , page n^. Nota.
La fable eft le domaine des Poètes , & il n'y a point de
reproches à faire à Claudien : mais les Anatomiftes de
l'Académie ont eu tort d'adopter cette fable, apparem-
ment pour citer Claudien j car on voit, par leur propre
expofé , que le porc-épic ne lance point fes piquants ,
& que feulement ils tombent lorfque l'animal fe fecoue.
Wormius. Muf. Wormian. page 255. — ^o/o/i , page
56 — Aldrov. de quad. Digit. page 475, & plufieurs
mitres Auteurs célèbres ont adopté cette erreur.
(^d) Tavernier, tomi II, pages 10 <$• zi. — Kolbe,
du Porc-iplc* 9
cl'accor<3 fur un fait auffi faux : qKfelques-uns
d'entr'eux difent avoir eux-mêmes été blef-
Çès de cette efpèce de jaculation , d'autres
affurent qu'elle fe fait avec tant de roideur,
que le dard ou piquant peut percer une plan-
che ( c ) à quelques pas de diftance. Le mer-
veilleux, qui n'eft que le faux qui fait plai-
fir à croire , augmente & croît à mefure qu'il
paffe par un plus grand nombre de têtes ; la
vérité perd au contraire en fail'ant la même
route ; & malgré la négation pofitive que
je viens de graver au bas de ces deux faits ,
je fuis perfuadé qu'on écrira encore mille fois
après moi ., comme on l'a fait mille fois au-
paravant, que le porc-épic darde fes piquans ,
& que ces piquans féparés de l'animal, en-
trent d'eux-mêmes dans les corps où leur pointe
eil engagée (/).
'tome III, page 46. — Barbot, Hijioire générale des Voyt^-
giis , tome IV t page ajj.
( c ) Lorfque le porc épie eft en furie, il s'élance avec
une extrême vîteffe, ayant fes piquants dreffés, qui
font quelquefois de la longueur de deux empans, fur les
hommes & far les bêtes, 5c il les Jarde avec tant de
force, qu'ils poiirroient percer une planche. Voyage ^n
Guinée , par Bofman. Utrccht , tjoj , page zf^.
(y) .VoM. i**. 11 faut cependant excepter du nombre
de ces Voyageurs crédules le Docteur Shaw. «» De tous
les porcs-épics, dit il, que j'ai vus en grand nombre
en Afriaue , je n'en ai rencontré aucun qui , quelque
chofe que l'on fît pour l'irriter, dardât aucune de fes
pointes ; leur manière ordinaire de fe défendre , eft de
fe pencher d*un côté, & , lorfque l'ennemi s*eft appro-
ché d'affez près, de fe relever fort vite & de le piquer
de l'autre. »♦ Voyage de Shaw , traduit de l'Anglois , to'ute
l » page 523. Nota, 2<. Le P. Vincent - Marie ne dit
10 Hlfloln naturdh
Le porc-épic , qiioiqu'originaire des climats
les plus chauds de l'Afrique & des Indes,
peut vivre & fe multiplier dans des pays
moins chauds , tels que la Perfe , rEfpagne
& l'Italie. Agricola dit que Tefpèce n'a été
tranfportée en Europe que dans ces derniers
fiècles ; elle fe trouve en Efpagne & plus
communément en Italie , fur-tout dans les
montagnes de TAppennin, aux environs de'
Rome ; c'eft de-là que M. Mauduit , qui par
fon goût pour l'hiftoire naturelle , a bien voulu
fe charger de quelques-unes de nos commif-
fions , nous a envoyé celui qui a fervî à M.
Daubenton pour fa defcription. Nous avons
cru devoir donner la figure de ce porc-épic
d'ItaliCj aulîi-bien que celle du porc-épic des
Indes; les petites différences qu'on peut re-
marquer entre les deux , font de légères va-
riétés indépendantes du climat, ou peut-être
point du tout que le porc-épic lance des piquants, il
aiTure feulement que qujrnd il rencontre des ferpens ,
avec lefquels il eft tou)Ours en guerre, il fe met en
boule, cachnnt fes pieds & fa tête, & fe roule fur eux
avec ^^% piquants jufqu'à leur ôter la vie fans courir
rifque d'être bleffé. Il ajoute un fait que nous croyons
très vrai, c'eft qu'il fe forme dans l'eftomac du porc-
epic des bézoards de différentes fortes ; les uns ne font
que des amas de racines enveloppées d'une croûte, les
autres plus petits paroiflfcnt être pétris de petites pail-
les 6c de poudre de pierre ^ & les plus petits de tous,
qui ne font pas plus gros qu'une noix , paroiffent pé-
trifiés en entier; ces derniers font les plus eftimés.
Nous ne doutons pas de ces fuits , ayant trouvé nous-
mêmes un bézoard de la première forte, c*eft-à-dir«
une egagropile dans l'eftomac du porc-épic qui nous 3
^té envoyc d'Italie,
du Porc-epic, 1 1
même ne font que des diiFérences purement
individuelles.
Pline & tous les Naturajiftes ont dit , d'a-
près Ariftote ^ que le porc- épie ^ comme 1 *ours ,
fe cachoit pendant l'hiver , & mettoit bas au
bout de trente jours : nous n'avons pu véri-
fier ces faits; & il eft fingulier qu'en Ita-
lie, où cet animai eft commun, & où de
tout temps il y a eu de bons Phyficiens &
d'excellens Obfervateurs , il ne fe foit trouvé
perfonne qui en ait écrit Thiftoire. AIdrovande
n'a fait fur cet article, comme fur beaucoup
d'autres , que copier Gefner ; & Mrs. de l'A-
cadémie des Sciences , qui ont écrit & dif-
féqué huit de ces animaux , ne difent pref-
que rien de ce qui a rapport à leurs habitu-
des naturelles : nous favons feuleraient par le
témoignage des Voyageurs & des gens qui
en ont élevé dans des ménageries , que dans
l'état de domefticité, le porc épie n'eft ni fé-
roce ni farouche , qu'il n'eft que jaloux de
fa liberté ; qu'à l'aide de fes dents de devant ,
qui font fortes & tranchantes comme celles
du caftor; il coupe le bois & perce aifément
la porte de fa loge ( ^ ). On fait aufli qu'on
(^)Nous avons en Gainée des porcs-épics. Ils croif-
fent jufqu'à la hauteur de deux pieds ou de deux riens
& demi , & ils ont les dents fi fortes & fi affi'ées , qu'au-
cun bois ne peut leur réfifter ; )'»n mis une fois lui cans
un tonneau, m'imaginant qu'il feroit bien gardé , môiî ,
dans l'efpace d'une nuit, il le rongea fi bien, qu'il le
perça & en fortit , il le perça même dans le milieu,
où les douves font les plus courbées en dehors, Voytigti
de Bofman, page zj^.
1 1 Hijîoin ndtunlU
le nourrit aîfément avec de la mîe de pain ,
du fromage & des fruits; que dans l'état de
liberté , il vit de racines & de graines fau-
vages ; que quand il peut entrer dans un
jardin, il y fait un grand dégât & mange les
légumes avec avidité; qu'il devient gras,
comme la plupart des autres animaux, vers
la fin de Tété ; & que fa chair, quoiqu'un peu
fade , n'eft pas mauyaife à manger.
En confidérant la forme , la fubftance &
Torganifation des piquans du porc- épie, on
reconnoît aifément que ce font de vrais tuyaux
de plumes auxquels il ne manque que les
barbes pour être de vraies plumes ; ' par ce
rapport, il fait la nuance entre les quadru-
pèdes & les oifeaux; ces piquans, fur- tout
ceux qui font voifms de la queue , fonnent
les uns contre les autres lorfque l'animal
marche ; il peut les redreffer par la contrac-
tion du mufcle peaucier , & les relever à-
peu-près comme le paon on le coq d'Inde
relèvent les plumes de leur queue ; ce muf-
cle de la peau a donc la même force , &
eft à-peu-près conformé de la même façon
dans le porc-épic & dans certains oifeaux. Nous
faififlons ces rapports , quoiqu'affez fugitifs ;
c'eft toujours fixer un point dans la Nature
qui nous fuit & qui femble fe jouer , par la
bizarrerie de fes productions, de ceux qui
veulent la connoître.
du Cotndou, 13
LE COENDOU [a].
Voyei planche /, fi^rc ^ de ce volume,
Uans chaque article que nous avons à
traiter , il fe préfente toujours plus d'erreurs
à détruire que de vérités à expofer : cela
vient de ce que Thiftoire des animaux n'a ,
(a) Coendout nom de cet animal i la Guiane , &
qu? nous avons adopté. Caandu ( qui fe doit prononcer
Couandou ) au Bréfil & dans quelques autres parties de
l'Amérique méridionale , Hoit^tUcuatiin ou Hourtlaquat-
lin par les Indiens du Mexique & de la nouvelle Elpa-
gne ; Ourieo-cacfuiro par les Portugais qui habitent «n
Amérique. .,. ..
Cocndou. Miffion du P. d'AbbeviUe au Maragnon.
Paris , 1614 y feuillet 240, yerfo. ^ „ * .
Hoititlacuat[in , feu TUcuatim , fplnofo Hyjlrice novx
HÏfpanice. Hernand. Hift. Mex. fig. pag. 311.
Hoiiilaquat^in. Nieremberg , fig. pag. 154- Nota. La
figure dans Nieremberg eft la même que dans Hernan-
des , & la defcription a été copiée comme la figure.
Cuandu Brafilienjîbus. Marcgrav. Hifi. nat. Braf. fig.
^^%lldù. Pifon . Hifi. Braf fig. pag. 99- Nota. Là
figure de cet animal dans Pifon cft la même que dans
Marcgrave. .
Hyftrix Amtricanus, Cuandu Brafilienfibus, Marcgrav.
Tlaquatiin fpinofum. Hernandès, Ray , Synopf qi^ad.
pag. 208. . TT»
Chat épineux. Voyage de Defmarchau, tome US*
J4 Hijîolrc narurcUfi
dans ces derniers temps, été traitée que par
des gens à préjugés, à méthodes, & qui
prenoient la lifte de leurs petits fyftêmes
pour les regiftres de la Nature. Il n'exifte en
Amérique aucun des animaux du climat chaud
de l'ancien continent , & réciproquement il
ne fe trouve fous la zone brûlante de l'A-
frique & de TAfie aucun de ceux de l'Amé-
rique méridionale. Le porc- épie eft, comme
nous l'avons dit , originaire des pays chauds de
l'ancien monde; &ne l'ayant pas trouvé dans
le nouveau , on n'a pas laifTé de donner (on
nom aux animaux qui. ont paru lui refTem-
bler , & particulièrement à celui dont il eft
ici queftion. D'autre côté, l'on a tranfporté
le coendou d'Amérique aux Indes orientales ;
& Pifon , qui vraifemblablement ne connoif-
foit point le porc-épic, a fait graver dans
Bontius (b) qui ne parle que des animaux
du midi de TAfie , le coendou d'Amérique ,
fous le nom & la defcription du vrai porc-
épic; en forte qu'à la première vue, on fe-
roit tenté de croire que cet animal exifte
également en Amérique & en Afie. Cepen-
dant il eft aifé de reconnoître avec un peu
d'attention, que Pifon qui n'eft ici, comme
prefque partout ailleurs , que le plagiaire de
Marcgrave , a non-feulement copié ia figure
du coendou, pour l'inférer dans fon hiftoire
du Brefil , mais qu'il a cru devoir la copier
encore pour la tranfporter dans Touvrage de
Bontius , dont il a été le rédadeur & l'édi-
{b) hc< Bontii. Biji. India Orient, pag. 54.
du Coendou, i y
feur; ainfi, quoiqu'on trouve dans Bontius
la figure du coendou , Ton ne doit pas en
conclure qu'il exifte à Java ou dans les au-
tres parties de l'Afie méridionale, ni pren-
dre cette figure pour celle du porc-épic , au-
quel en effet le coendou ne reffemble que
parce qu'il a comme lui des piquans.
C'eft à Ximénès j & enfuite à Hernandès^
auxquels on doit la première connoilTance
de cet animal : ils Tont indiqué fous le nom
de Hoh^lacuatiin que lui donno.ient les Mexi-
cains : le Slacuatiîn eft le Sarigue , & HoititU"
cuAt^in doit fe traduire par Sarigue-épineux.
Ce nom avoir été mal appliqué, car ces ani-
maux fe reffemblent allez peu; auffi Marc-
grave n'a point adopté cette dénomination
Alexicaine , & il a donné cet animal fous fon
nom Brafilien , Cuandu , qui doit fe prononcer
Couandow, la feule chofe qu'on puifle repro-
cher à Marcgrave , c'eft de n'avoir pas reconnu
que fon cuandu du Brefil étoit le même ani-
mal que l'hoitztlacuatzin du Mexique , d'au-
tant que fa defcription & fa figure s'accor-
dent affez avec celles de Hernandès , & que
de Laët qui a été l'éditeur & le commenta-
teur de l'ouvrage de Marcgrave , dit expref-
fément(c) que le tlacuatzin épineux de Xi-
ménès & le cuandu , ne font vraifemblable-
ment que le même animal. Il paroît , en raf-
femblant le peu de notices éparfes que nous
( c ) VicUtiir ejfe idem animal aut fahem fimiU quoi
Fr, Ximenès defcnbit fub nomine Tl^iquat^in fpinofi. De
Laec, annotatio i» cap, ix , Ub^ FI* Marcg, p, 2-33*
1 6 Hljîoin naturelle
ont données les Voyageurs iur ces animaux ,
qu'il y en a deux variétés que les Narnia-
liftes ont, d'après Pifon {d), inférées dans
leurs liftes comme deux eipèces d;?Térentes,
le grand (c^ & le petit cuandu; n*ais ce qui
prouve d'abord l'erreur ou la négligence da
Pifon , c'eft que , quoiqu'il donne ces coen-
dous dans deux articles léparés & éloignés
l'un de l'autre , & qu'il paroiffe les regarder
comme étant de deux efpèces différentes ,
il les repréfente cependant tous deux par la
même figure; ainfi, nous nous croyons bien
fondés à prononcer que ces deux n'en font
qu'Un. 11 y a aufli des Naturaliftes qui non-
feulement ont fait deux efpèces du grand & du
petit coendou , mais en ont encore féparé
rhoitztlacuatzin en les donnant tous trois pour
des animaux difFérens , & j'avoue que quoi-
qu'il foit très vraifemblable que le coendou
& l'hoitztlaouatzin font le même animal , cette
identité n'eft pas aufli certaine que celle du
grand & du petit coendou.
{d) Cuandu major, Pifon, Hijl. araf. page 314, fig.
pag. 315. — Cuandu Jeu Cuandu minor, Pifon. Id, page
99 , fig. ibld.
{e) Hifirix longius caudatus , hreviorïbus aculeis. Brg-
rère, Bifi. nat. de la Fr. equ'mox. Porc-épic, page 155,
.... Hifirix minor. Leucopheus. Gouandou, id. ibid,
Hifirix caudâ longijjîmâ tenui , nudietate extremâ acu"
Uvrum experte. Hyfirix Americanus major. Le grand Porc-
épic d'Amérique. Briff. Regn, anim. pag, 130
Hyfirix caudâ longijfimâ , tenui medietate extremâ aculeo~
rum experte. Hyfirix Americanus. Le Porc-épic d'Améri-
que, id. pag. 129. , . , Hyfirix aculeif apparmtibus ,
caudâ brevi & craffâ. H\firix novte Hifpani», Le Porc-
épic de U nouvtUe Efpagne* Id, p. 117,
Quoi
du Coendôu^ 1 7
Quoi qu'il en foit , le coendou n*eft point
le porc-épic : il eft de beaucoup plus petit ;
il a la tête à proportion moins longue 6i le
mufeau plus court; il n'a point de panache
fur la tête , ni de fente à la lèvre fupérieure ;
fes piquans font trois ou quatre fois plus
courts & beaucoup plus menus ; il a une lon-
gue queue , & celle du porc-épic eft tï-ès
courte ; il eft carnafller plutôt que fru-
givore, & cherche à furprendre lesoifeaux,
les petits animaux, les volailles (/) , au lieu
que le porc-épic ne fe nourrit que de légu-
mes , de racines & de fruits. Il dort pendant
le jour comme le hériiTon , & court pendant
la nuit; il monte furies arbres (g') & fe re-
tient aux branches avec fa queue ; ce que
le porc-épic ne fait ni ne pourroit faire ; fa
chair ( A ) , difent tous les Voyageurs , eft
(/) Ce fait affuré par Marcgrave & Pifon n*eft pas
certain , car Hernandès dit au contraire que l'hoitztla-
«uatzin fe nourrit de fruits.
(g) Scandit arbores fed tarda grejfu quid potlice caret ,
defccndens autcm caudam circumvolvit ne lahatur ^ admo"-
dum enim metuit lapfum , nec falire potcji. Marcgr. Hiji.
nat. Braf. pag. 23J. — Nous vimes un porc-^pîc fur
un petit arbre que nous coupâmes pour avoir le plaiûc
de voir tomber cet animal. ... Il eft fort gras & on
en mange la chair. Voyage de la Hontan^ tome /,
page 82.
(h) Carnem hahet bonam & pirgratam ; nom ajfatamftzph
comcdi, & ah incolis valdè ajiimatur. Marcgrav. pag. 233.
— Il eft bon à manger, on le met au feu pour le faire
griller comme un cochon j mais auparavant les femmes
fâuvages en arrachent tous les poils de deffus le dos
{ c'eft-à-dire, tous les piquants ) qui font les plus grands ,
de elles en font de beaux ouvrages. , . . Étant brûlé j
B
1 8 Hijîoîrc namrtlU
très bonne à manger; on peut rapprivoifer j
il demeure ordinairement dans Jes lieux éle-
vés, & on le trouve dans toute l'étendue
de l'Amérique, depuis le Bréfil & la Guiane
jufqu'à la Louifiane & aux parties méridiona-
les du Canada; au lieu que le porc- épie ne
fe trouve que dans les pays chauds de l'an-
cien continent.
En tranfportant le nom du porc-épic au
coendou , on lui a fuppofé & tranfmis les
mêmes facultés, celle fur-tout de lancer fes
piquans ; il eft étonnant que les Naturalif-
tes & les Voyageurs s'accordent fur ce fait ,
& que Pifon qui devoit être moins fuperfti-
tieux qu'un autre, puifqu'il étoit Médecin,
dile gravement que les piquans du coendou
entrent d'eux-mêmes & par leur propre force
dans la chair, & percent le corps jufqu'aux
vifcères les plus intimes. Ray ett le feul qui
ait nié ces faits, quoiqu*ils paroifTent évidem-
ment abfurdes. Mais, que de chofes abfurdes
ont été niées par des gens fenfés , & qui
cependant font tous les jours affirmées par
d'autres gens qui fe croient encore plus
fenfés !
bi^ rôti, lavéSt rois à la broche, i! vaut un cochon rfe
lait, il eft très bon bouilli, mais moins bon que lôrf,
Difcrjpùon de l'Amérique , par Denyt, Paris f hCjz^ tcvxt
//, page $24.
^
Tom.. VT
PI. 2.
I L'urJ'on, 2a Le Taarcc. 5 I-eTèadrac
■MteMriBiijaaB
de iUifon, 19
L'URSON [a].
Voyc:^ planche II , fi^, i de ce Volume,
v^ET animal n*a Jamais été nommé : pîacé
par la Nature dans les terres défertes du nord
de TAmérique , il exiftoit indépendant ^ éloi-
gaé de l'homme , & ne lui appartenoit pas
même par le nom , qui eft le premier figne
de fon empire. Hiidfon ayant découvert la
terre où il fe trouve, nous lui donnerons un
nom qui rappelle celui de fon premier maî-
tre , & qui indique en mêrhe temps (a nature
poignante & hérifiee i d'ailleurs il étoit né-
cefîaire de le nommer poiu"ne le pas confon-
dre avec le porc-épic ou le coendou , auxquels-
il reflemble par quelques caractères, mais
dont cependant il difFère afTez à tous autres
égards, pour qu'on doive le regarder comme
une erpéce particulière & appartenante au
{a) The Pofcupine fro'n Hupfon^s Say, Ecivafifs»
Jiiji. of Birds , ftg. pjg, 52,
Le-Porc epi-j ne la h.ite -e Hiîf1f:>n. Voyage à la baie d^
Hudfun . far Ellis pjris , Tj^q li^m. 1, pa : j6 ■ fig. p. r^*
Hijîrix actle't s f':b p'dis cccuhis , canna h^.vi &' cra^fa,
Hifir X Kuàfon'is. Le Pore-é'^ -^ ' Haie «.t«f
HuHfon. SrifT. U,iern Anim. p;.g? liS.
Dorfata. Hljirix palm's ^^rr, :.&:Jylis , piantii rintadac-»-
tylis, <.ufdâ elongâtât dcrfit f^l& f^nofô. LXn<n.'Sy/i, naf,
s^it, X, pa§, 57,
%0 Hijlolrc naturclU
dijnat du nord, comme les autres appartien-
nent à celui du midi.
Mr-- Edwards, Ellis & Catesby ont tous
trois parlé de cet animal ; les figures don-
nées par ces deux premiers Auteurs s'accor-
dent avec la nôtre , & nous ne doutons pas
que ce ne foit le même animal ; nous fem-
mes même très portés à croire que celui dont
Seba donne la figure ( /> ) & la defcription
fous le nom àQ Porc- épïcjinpii'ur des Indes orien-
iaUs f & qu'enfuite Mrs. Klein (c"), Briflbn
{ d ) Se Linnseus { e ) ont chacun indiqué
dans leurs liftes par des cara£tères tirés de
Séba, pourroit être le même animal que ce-
lui dont il eft ici queftion : ce ne feroit pas ,
comme on Ta vu , Tunique & première fois
que Séba auroit donné pour Orientaux des
animaux d'Amérique ; cependant nous n,e
pouvons pas Taffurer pour celui-ci comme
nous l'avons fait pour plufieurs autres ani-
maux ; tout ce que nous pouvons dire , c'eft
que les reiTemblances nous paroiffent gran-
des j & les différences affez légères , & que
comme l'on a peu vu de ces animaux , il fe
(h) Porcns acuUatus fylvefirïs Jîve Hifirix oùentalis
fingularis. Séba , vol. > , P'^ë' ^4 > "P^^- l^* fis- '•
( c ) Acanthlon caudâ prolongâ acutis pllis horridâ , la
«xleu quafi panni^ulatâ. Klein, de çuad. pag. 67.
{d) Hijtrix caudâ longijjîmâ aculUs undique ohfita ^ In
extrcmo pannknhtâ. Hifirix orientais. Le Porc-épic des
Indes. Driff. Regn. an'm. pag. 131.
( « ) Marcrcura. Hyfirix pedibus ptntadaclyus , caudâ
eiongcrâ , acuUis clayaùs, Linn. oyji. nat, cdiî, X ,
pas- 57.
di CUrfon» II
ponrrolt que ces mêmes différences ne fuf-
fent qu^ des variétés d'individu à individu ,
ou même du mâle à la femelle.
L'Urfon auroit pu s'appeller le Caflor épU
mux , il eft du même pays , de la même grandeur
& à-peu-près de la même forme de corps ;
il a , comme lui , à l'extrémité de chaque
mâchoire , deux dents incifives , longues ,
fortes & tranchâmes ; indépendamment de
fes piquans qui (ont affez courts & prefque
cachés dans le poil , l'urfon a comme le caf-
tor, une double fourrure, la première de
poils longs & doux , & la féconde d'un du-
vet ou feutre encore plus doux & plus moller.
Dans les jeunes, les piquans font à proportion
plus grands , plus apparens & les poils plus
courts & plus rares que dans les adultes ou
les vieux.
Cet animal fuit l'eau & craint de fe mouil-
ler , il fe retire & fait fa bauge fous les ra-
cines des arbres creux (/); il dort beau-
coup, & fe nourrit principalement d'écorce
de genièvre ; en hiver, la neige lui fert de
boifîbn ; en été » il boit de l'eau & lappe
comme un chien. Les Sauvages mangent fa
chair, & fe fervent de fa fourrure, après en
avoir arraché les piquans qu'ils emploient au
lieu d'épingles & d'éguilles.
(/) Voyez la lettre de M. Alexandre Lijght à M,
Edwards. Hifi, of Birds , pag. jz.
#
22 Hijloirc naturelle
LE T A N R E C [a]
ET LE TENDRAC (i>).
Voye^ planche II y figure z & '^ de ce Volume »
X-(ES Tarifées OU Tenracs font de petits ani-
maux des Indes orientales , qui refTemblenc
un peu à notre Hériilon , mais qui cepen-
dant en diffèrent afîez pour conllituer des
efpèces différentes; ce qui le. prouve, indé-
pendamment de l'infpeÔion & de la compa-
raifon , c'efl qu'ils ne fe mettent point en
boule comme le hérifTon , & que dans les
niê.Ties endroits où fe trouvent les tanrecs ,
comme à Madagafcar , on y trouve au lîi des
hériffons de la même efpèce que les nôtres ,
{a) Tanrcc & Tendrac , noms de ces animaux , &
que nous avons adoptés.
{b) Erinaceus Amerkanus alhus. Séba , vol, /, pa^
yS , Tah. Aç . Jig. 3- Nota Ce HérifTon. que Siba. oit
lui avoir été envoyé de Surinam, reffemble (i fort au
Tendrac, qu'on ne peut pas douter que ce ne foit le
même animal; &, s'il eft natif de Madagafcar, il ne
«loir pas fe trouver en Amérique. Cet Auteur Ta mal
indiqué à tous égards, car il n'eft ni Américain ni bUnc ,
il eft feulemenî un peu moins brun que ncîre Viériiîoa.
sl'Ewrope,
du Tanne 6* du Tcndrac» 23
qui ne portent pas le nom de tanrec , mais
qui s'appellent Sora ( c ).
Il paroît qu'il y a des tanrecs de deux ef-*
pèces , ou peut-être de deux races différen-
tes ; le premier qui eft à -peu -près grand
comme notre hériÀon , a le mufeau à pro-
portion plus long que le fécond ; il a aufîi
les oreilles plus apparentes & beaucoup moins
de piquans que le. fécond, auquel nous avons
donné le nom de tendrac pour le diftinguer du
premier; ce tendrac n'eft que de la grandeur
d'un gros rat ; il a le mufeau & les oreil-
les plus courtes que le tanrec; celui ci eft
couvert de piquans plus petits , mais auiîi
nombreux que ceux du hériffon; le tendrac au
contraire n'en a que fur la tête, le cou & le
garrot ; le refte de fon corps ell couver:
d'un poil rude affez femblable aux foies du
cochon. -
Ces petits animaux qui ont les jambes très
courtes , ne peuvent marcher que fort len-
tement ; ils grognent ( d) comme les pour-
ceaux, ils fe vautrent comme eux dans la
fange, ils aiment l'eau & y féjournent plus
long-temps que fur terre : on les prend dans
les petits canaux d'eau falée ( ^ ) & dans les
lagunes de la mer; ils font très ardens ea
( c ) Voyage à Madagafcar , par Flaccourt , pa^. 75-2,
(<f) Recueil des voyages qui ont fervi à l'établifTe-
ment de la Compagnie des Indes de Hollande ,pa^. ^'2,
{e) Relation de F. Gauche. Paris, iCfiy pag. tzj. — >
Voyag-i de h Compagnie des Indes de Hollande , _p<»|;«
24 Hijîolre naturelle
amour & multiplient beaucoup (/), ils fe
creufent des terriers , s'y retirent & s'engour-
^diffent pendant plufieurs mois ; dans cet état
de torpeur , leur poil tombe & il renaît après
leur réveil; ils font ordinairement fort gras,
& quoique leur chair foit fade , longue &
mollaffe , les Indiens la trouvent de leur goût,
& en font même fort friands.
(/) Voyage à Madagafcar, par Flaccourt, Paris,
tôCr , iti"^'' , page if2.
La
a la Oîraffz, 1^
LA GIRAFFE [^^j*
Voye^ Tome IX ^ planche XIII,
i_jA Girnfîe eft ua des prcrmiers , des plus
"beaux, des plus grands animaux, & (fui,
fans erre nuifible , e-ft en même tesDps l'un
( a ) Giraffe , mot dérivé de Girnaffa. , Siraphàh , Zur-
mcia, nom de cet animal en langue Arabe, & que les
Européens ont adopté depuis plus de deux fiècles; Cw
melopardalh , en Grec & en Latin. Pline donne l'éty-
mologie de ce nom comoofé; Camelcrum , dit-il, aliqua
fsnt'ditudo in allui transfcrtur animal , Naijin , jEthlopcs
vacant , collu (Imilem eqiio , pedibus & crurîius bovi , ca-
mclo capitc ; aibis maculis rutilxm colorem difilnguentibus ,
unde appcllata Camelopardalis : diclatoris Cxfaris Circcn"
fthus Indis primutn v'ifa. Romat ; ex eo fubinde ccmitur ,
afpeclu mag!! quàm feritate confpicna ; quaic edam ovis
fine, normn invenh. Hift. nat. hb. VIU , cap. xviii.
Giraffe , que les Arabes no mment Zurnapc , & que les
Grecs & les Latins nomment Camelopardalis. Bélon
Obferv. feuil. llS» fig. Ihid. verfo,
Canrelopardalis , Camclop arda lin facra. lUterje vocant
Zamer, Deuter. i^- Ubi Chaldaïca tranjlatîo habet Deba ;
Arabica, Saraph.h; Perjîca , SsrTA\ihi\\ i feptuaginia Ca-
melopardalin. Hieronymus Camzlcpardum. Gs(nQr , HlJÎ,
quad. 147, fi^. pag- 149. Ubi legimr , Camdopardalis ,
icon ex ch^rta quadam nupcr imprcjfa Norimberga.
.Surnapa nominc ahitudine ad fummum vcrticcm /upra
euinque or^yas , comicuHs duobus ferrei coloris , pila Uvi
<5* compofjo pulchro; diligenter & probe depicium Conjian'
tinopoli & in Germaniam tranfmlffum , an. '5'/9.
CamUopardalis. Aldrov. de quad. Bif» pag. qzj , fj^,
r.iç. 99'.
Quadrupèdes , Tome VI. C
1^ Hijîoirc natUTclh
des plu5 utiles ; la difproportion énorme de
fes jambes , dont celles de devant ibnt une tois
plus longues que celles de derrière , fait
obftacle à l'exercice de fes forces ; fon corps
n'a point d'alTiette , fa démarche eft vacil-
kinte , fes mouvemens font lents & con-
traints; elle ne peut ni fuir fes ennemis dans
l'état de liberté , ni fervir fes maîtres dans
celui de domefticité; aulîi Tefpèce en eft peu
nombreufe & a toujours été confinée dans
les déferts de l'Ethiopie & de quelques autres
provinces de l'Afrique méridionale & des In-
des. Comme ces contrées étoient inconnues
des Grecs , Ariftote ne fait aucune mention
de cet animal; mais Pline en parle, & Op-
pien ( ^ ) le décrit d'une manière qui n'eft
point équivoque. Le Camelopardalis , dit cet
Auteur , a quelque reflemblance au chameau ;
fa peau eft titrée comme celle de la panthère ,
& fon cou eft long comme celui du cha-
meau; il a la tête & les oreilles petites,
les pieds larges , les jambes longues , mais
de hauteur fort inégale, celles de devant
font beaucoup plus élevées que celles de
derrière qui font fort courtes & femblent
ramener à terre la croupe de l'animal ; fur
la têtg près des oreilles, il y. a deux émi-
Cam-dopardalis. }o\i^o:\ t de quai. pag. to'2,Jig. Tah,
Camdopcrddis. Profper Alpin. h'iJî. yEgyp. vol, II ,
pag. 2jO , fr;.^ 4 , Tab. t^.
CamelopiTTalis. Cerpus cornihis fimpUciJfimls , pedibus
cndcis lona'rffimis, Linn. Syjî. Nat. edit. X, p. 66,
(è) Oppian, de- Vf^Jat. Icb. III,
àt la Gir^ffc, 27
nences femblables à deux petites cornes droi-
tes ; au refte , il a la bouche comme un
cerf, les dents petites & blanches , les yeux
brillans , la queue courte & garnie de poils
noirs à Ton extrémité. En ajoutant à cette
defcription d'Oppien celle d'Héliodore & de
Strabon, l'on aura déjà une idée affea jufte
de la GirafFe. Les Ambafladeurs d'Ethiopie ,
dit Héliodore, amenèrent un animal de la
grandeur d'un chameau , dont la peau étoit
marquée de taches vives & de couleurs bril-
lantes , & dont les parties pcftérieures du
corps étoient beaucoup trop baffes , ou les
parties antérieures beaucoup trop élevées •
le cou étoit menu, quoique partant d'un
corps affez épais; la tête étoit femblable
pour la forme à celle du chameau, & pour
la grandeur n'étoit guère que du double de
celle de l'autruche; les yeux paroiflbient teints
de différentes couleurs; la démarche de cet ani-
mal étoit différente de celle de tous les autres
quadrupèdes , qui portent en marchant leurs
pieds diagonalement , c'eft-à-dire , le pied
droit de devant avec le pied gauche de der-
rière ; au lieu que la giraffe marche l'amble
naturellement en portant les deux pieds gau-
ches ou les deux droits enfemble; c'eft un
animal fi doux , qu'on peut le conduire par-
tout où l'on veut, avec une petite corde
paffée autour de la tête (c), II y a, dit
Strabon, une grande bête en Ethiopie, qu'on
appelle Camdopardalls , quoiqu'elle ne rcffem-
{c) Héliodore, ilh,-X,
i8 Hijloirc naturdU
Lie en rien à la panthère; car fa peau n*e{l
pas marquée de même; les taches de la pan-
thère font orbiculaires, & celles de cet ani-
mal font longues & à-peu-près femblables à
celles d'un faon ou jeune cerf qui a encore
3a livrée : il a les parties poftérieures du corps
beaucoup plus baffes que les antérieures ,
en forte que vers la croupe il n'eft pas
plus haut qu'un bœuf , & vers les épaules
il a plus de hauteur que le chameau; à ju-
ger de fa légèreté par cette difproportion , il
ne doit pas courir avec bien de la vîtelTe ;
au refte , c'eft un animal doux qui ne fait
aucun mal , & qui ne fe nourrit que d'her-
bes & de feuilles (^). Le premier des mo-
dernes qui ait enfuite donné une bonne def-
criptlon de la giraffe , eft Bel on. « J'ai vu
3) (dit-il) au château du Caire , l'animal qu'ils
« noma-ent vulgairement Zumapa, les Latins
3î l'ont anciennement appelle Canulopardalls
3) d'un nom compofé de léopard & chameau >
5> car il eft bigarré des taches d'un léopard , &c
3> a le cou long comme un chameau ; c 'eft une
j) bête moult-belle, de la plus douce nature
J5 qui foit , quafi comme une brebis & au-
w tant amiable que nulle autre bête fauvage ;
3> elle a la tête prefque femblable à celle
j» d'un cerf, hormis la grandeur, mais por-
30 tant des petites cornes mouffes de fix doigts
3» de long, couvertes de poil; mais en tant
:> où il y a d:ftin6lion de mâle à la femelle ,
3î celles des mâles font plus longues ; mais
(i) 5trabon, lih, XVI & XVIL
it la Gîraffc, lO
i> ïiu demeurant en tant le niâle que la fe-
» melle ont les oreilles grandes comme d'uns
» vache , la langue d*un bœuf & noire ; n 'ayant
M point de dents deffus la mâchelière ; le cou
» long; droit & grêle; les crins déliés tz
» ronds , les jambes grêles , hautes , & fi baffes
I» par derrière, qu'elle femble être debout;
» les pieds font Semblables à ceux d'un bœuf;
« fa queue lui va pendante jufque deffus les
« jarrets, ronde, ayant les poils plus gro.
» trois fois que n'eft celui d'un cheval; elle
» eft fort grêle au travers du corps ; fon
j» poil efl blanc & roux ; fa manière de fuir
î) efi fsmblable à celle d'un chameau ; quand
j> elle court, les deux pieds de devant vonc
3> enfemble , elle fe couche le ventre contre
» terre & a une dureté à la poitrine te
»? aux cuiffes comme un chameau ; elle ne
» fauroit paître en terre, étant debout , fans
n élargir grandement les jambes de devant ,
« encore eft-ce avec grande difficulté; par-
tf quoi il eft aifé à croire qu'elle ne vit aux
n champs , fmon des branches des arbres ,
» ayant le cou ainfi long, tellement qu'elle
» pourroit arriver de la tête à la hauteur d'une
» demi- pique ( e ) a.
La delcription de Gillius me paroît encore
mieux faite que celle de Bélon. « J'ai vu ( dit
>» Gillius, chap. IX y ) trois giraffes au Caire,
M eàles portent au deffus du front deux cor-
I» nés de fix pouces de longueur , & au mi-
{e) Obfer valions de Bélon, feuUUt tiS^ rcHo &
G,
30 Htjîoirt natu relit»
rt lieu du front un tubercule élevé d'envi-
» ron deux pouces, & qui reflemble à une
»/ troifieme corne; QQt animal a feize pieds
» de hauteur loriqu'il lève la tête, le cou
•n feul. a fept pieds , & il a vingt-deux pieds
» depuis 1 extrémité de la,y queue jufqu*au
7> bout du nez ; les jambes de devant & de
» derrière font à- peu-près d'égale hauteur,
rw mais les cuifles du devant font fi longues
»> en comparaifon de celles de derrière , que
,w le dos de l'animal paroit être incliné comme
.» un toît ; tour le corps eft marqué de
» grandes taches fauves , de figures à-peu-
n près carrées il a le pied rour-
») chu comme le bœuf, la lèvre fupérieure
»> plus avancée que l'inférieure, la queue me-
» nue avec du poil à l'extrémité ; il rumine
» comme le bœuf, & mange comme lui de
» l'herbe; il aune crinière comme le cheval,
n depuis le fommet de la tête jufque fur le
i> dos ; lorfqu'il marche, il femble qu'il boite
M non- feulement des jambes , mais des flancs ,
« à droite & à gauche alternativement ; &
» lorfqu'il veut paître ou boire à terre , il
» faut qu'il écarte prodigieufement les jambes
V) de devant «.
Gefner cite Bélon , pour avoir dit que les
cornes tombent à la girafFe comme au daim
(/). J'avoue que je n'ai pu trouver ce fait
dans Bélon; on voit qu'il dit feulement ici
que les cornes de la girafFe font couvertes
(/) Glrafîs & Ùam'iî cornua eaàunt ^ Bdonius, Gef-
uer, H^.^uud, j-age 148.
de la Girdffè, 3'
de poil ; &: il ne parle de cet animal que
dans un autre endroit (,^)) à l'occafion du
daim axis , où il dit que « la girafFe a le
3) champ blanc , & les taches phénicées , fe-
» mées par-defl'us , affez larges , mais non
» pas rouffes comme Taxis ». Cependant ce
fait, que je n*ai trouvé nulle part, feroit
un des plus importans pour décider de la na-
ture de la girafFe ; car fi fes cornes tombent
tous les ans, elle eft du genre des cerfs ;
& au contraire , fi fes cornes font perma-
nentes j elle eft de celui des bœufs ou des
chèvres; fans cette connoifTance précife , on
ne peut pas afTurer , comme l'ont fait nos
Nomenclateurs , que la girafFe foit du genre
des cerfs : & on ne fauroit afTez s'étonner
qu'Haffelquift , qui a donné nouvellement une
très longue, mais très îèche defcription de
cet anim.al , n'en ait pas même indiqué la na-
ture; & qu'après avoir entaffé méthodique-
ment, c'eft-à-dire, en écolier, cent petits
caractères inutiles , il ne dife pas un mot
de la fubftance des cornes , & nous laifTe
ignorer fi elles font folides ou creufes, fi el-
les tombent ou non ; fi ce font , en un mot ,
des bois ou des cornes. Je rapporte ici cette
defcription d'HafTelquift (A), non pas pour
(g) Obfervations de Bélon, fkuilUt tzo, reclo.
. ( A ) Cervus camelopardaUs. Caput pr^minens , lahivnt
Jùperius crajfum , infcrius tenue , naus eblongx , amplx. ,
piLi rigldi , fparfi in utroque lahio anterius & ai latera.
Sup^rciiia rigida ^ difiinclijjima , ferie una c-'>mpofiti. Ocn'd
ad latera cap'tls , vertici quant roflro ^ ut & frontl quaià
coUo propions Dcntssy Ungua, cornua fimptic'^jfvnaf cy-
C 4^
3^ Wifloln naiurllà
l'utiKté, mais pour la fingularité , & en mcme
temps pour engager les Voyageurs à fe fervir
de leurs lumières, & à ne pas renoncer à-
leurs yeux pour prendre la lunette des autres^
il eft néceffaire de les prémunir con-tre l'ufage
de pareilles méthodes, avec lefquelles on fe
difpenfe de raifonner , & on ie croit d'au;-
tant plus favant que Ton a moins d'efprit.
Ilndrica, hrevîffîma, hajt crajfa In vcrtice- capitis /tiay pi^
lofa bafi pilis longiffmis rigidis tecla , apice pilif lo.i^ic-^
ribus ereàis ngidrjimis , apicsm. loni;it:jdin€ fuperanûhv.s-
cincîa. ^pex ccmuum in medio horum pi'orum ohtufus nu--
ûL's. Erninentia in frontc , infra cornua , inferius oblon^^jf
humilier , fupcrius- cUvatior ^ Juhroninda , pojiict parum dà^.
prejf^ , inaq'^alis. A^ricvla ad latera caphis infra comn*-
pone illa fofita. Colhim erecium , comprejfum , l'o'^giJJ^mum,^
ytrfns caput an^ufiijfmum , ir.frius latiiifculum. Crura cyr
iyndrica antcrioribus plus quant dimidie lunl^ioribus , Tu^
hcrculum crajfum^ dumm in genujUxum. Ungues bifulci ,
ungulati. Pi/i brevijUîmî uniyerfum corpus , caput & pedcs
tcgunt. Linea, pilis rigidis longioribus per iorfum à- capitt
ad cauiam extenfa. Cauda teres ■, lumhorum dimldia io::-
gitudine , non julata. Color talus corpcris , capitis ad
pedum ex macu/is fufcis & frrugineis variegattim. Af j-.
culx palmari lat'tudine, J^gurâ irregulari, in vivo anlmali
£X lucidiori 6» obfcuriorc variantes, Alagnitudo cameFi
minoris y longitude totius à tabio fuperiorc ad finem dor^
fpith. 24. Longitudo capitis fpith. ^. CoUi Jpith- Ç. ad /»,
pedum anter. fpith. il ad IJ , po (ter. fpith. y ad 8 , longit,
cornuum vix fpithamalis . Spatium inter cornua fpith l ,
longit. pilorum in dorfo poil. _J, latitud. capitis juxta tif
hcrculum vel emintntiam fpith,, \ , prcpe maxill*m fpith*
J-, colli utrinque prope caput fpith. i , in mcdio fpi^. ^i ,
ad bafin fpith. 2 ad ^ ^ latitud. Lat. ahd. anterius fpitfi».
^, pojlcr. fpiih. 6 ad y. Craques ptllis utcoriicervi vul~
garis Defcfiptio antccedens juxta ptllcm anUnaiit
fzclam ; aninïal pcro nondum vidi^ Voyage d'HaiSejciuii^
"koilock, 1762,
de la Giraffe, 55
En fommes - nous en effet plus avances ,
après nous être ennuyés à lire cette énu-
mération de petits caractères équivoques ,
inutiles ? ^t les defcriptions des Anciens &
des Modernes que nous avons citées ci- def-
ius, ne donnent-elles pas de l'animal en quef-
tion une image plus fenfible & des idées plus
nettes ? C'eft aux figures à fuppléer à tous
ces petits caraâères, & le dii'cours doit être
réfervé pour les grands : un feul coup-d'œtt
fur une figure en apprendroit plus qu'une
pareille delcriptionqui devient d'autant moins
claire qu'elle eft plusminutieufe, fur-tout n'é-
tant point accompagnée de la figure , qui feule
peut foutenir l'idée principale de l'objet su
milieu de tous ces traits variables, & de toutes
ces petites images qui fervent plutôt à i'obf-
cureir qu'à le repréienter.
On nous a envoyé cette année (.1764 ) k
l'Académie des Sciences , un deiîiît & une
notice de la giraffe , par laquelle on affure
que cet animal > que l'on croyoit particulier
a rÉthiopie (i), ie trouve ailH dans les ter-
res voifines du cap de Bonne-elpérancc; nous
( i ) La Giraffe ne fe trouve point ailleurs i\v^Qn
Erfiiopie. J'en ai vu deux dans Is palais du Roi qu'on y
«voit apprivoifèes. J'obî'ervai que lorfqu'ellej vou'oiene
boire, & qu'où leur préfentoit de l'eau ou du lait >
pour y atteindre il falloit qu'el'es écartaffent les prn^
fîes, autrement comme ces bêtes font trop hautes de
f!evr.nt, elles ne oourroier.4 boire quoiqu'elles ayent le
cou fort looâ;. J'ai obfervé de mes yeux ce que je rap»
porte ici. B-elation de Thévcnct , pa^e it> de ia iefcrifii<^
4^. Animaux ^ &<;, di Co^mat le J'-jl. taki*
34 Nî/hin naturtlU
cuflîons bien defiré que le deffin eût été un
peu mieux tracé, mais ce n'eft qu'un croquis
informe & dont on ne peut faire aucun ufage ;
à regard de la notice , comme elle contient
une efpèce de defcription , nous avons cru
devoir la copier ici. «. Dans un voyage
» que l'on fit^ en 1762, à deux cents lieues
» dans les terres au nord du cap de Bonne-ef-
w pérance,on trouva le Camelopardalis dont
» le deffin eft ci joint; il a le corps reflemblant
« à un bœuf, & la tête &le cou reflemblent
»> au cheval. Tous ceux qu'on a rencontrés
w font blancs avec des taches brunes. Il a
î> deux cornes d'un pied de long fur la tête ,
j» & a les pattes fendues. Les deux qu'on a
» tués , & dont la peau a été envoyée en
» Europe , ont été mefurés , comme il fuit :
» la longueur de la tête, un pied huit pou-
î) ces ; la hauteur depuis l'extrémité du pied
» de devant jufqu'au garrot, dix pieds; &
« depuis le garrot jufqu'au-defTus de la tête ,
î) fept pieds , en tout dix-fept pieds de hau-
» teur ; la longueur depuis le garrot jusqu'aux
» reins eft de cinq pieds fix pouces ; celle
» depuis les reins jufqu'à la queue , d'un pied
» fix pouces ;ainfi, la longueur du corps en*
» tier eft de fept pieds ; la hauteur depuis
» les pieds de derrière jusqu'aux reins , eft de
» huit pieds cinq pouces. II ne paroît pas
» que cet animal puifFe être de quelque fet-
j> vice , vu la difproportion de fa hauteur &
» de fa longueur; il fe nourrit de feuilles des
" plus hauts arbres; & quand il veut boire
" ou prendre quelque chofe à terre , il faut
»» qu'il fe mette à genou «.
il la Gîraffi, JJ
Efi recherchant dans les Voyageurs ce qu'ils
ont dit de la girafFe , je les aï trouvés af-
fez d'accord entr'eux ; ils conviennent tous
qu'elle peut atteindre avec fa tète à feize ou
ou dix-fept pieds ( ^ ) de hauteur étant dans
fa fituation naturelle , c'eft-à-dire , pofée fur
fes quatre pieds ; & que les jambes du de-
vant font une fois plus hautes que celles
de derrière; en forte que quand elle eft af-
fife fur, fa croupe, il femble qu'elle foit en-
tièrement debout ( / ) : ils conviennent aufli
(A) Profper Alpin eft le feul qui femble donner une
autre idée de la grandeur de cet animal , en le compa-
rant à un petit cheval. Anno i^Si , Alexandrie vidimus
Camelûparèàlim qium Arabes Tumap & nofln Glraffam
ûppcllant i h(zc aquum paryum eligantijjlmumque reprxfen-
tare videtur, pag. z^6. Il y a toute apparence que cette
girafFe, vue par Profper Alpin, étoit fort jeune & n*a-
voit pas encore acquis à beaucoup près tout fon accroiï"-
feraent : il en eft de même de celle dont Haffelquift a
décrit la peau , & qu'il compare pour la grandeur à un
petit chameau.
(/) La giraffe a les pieds de devant de ihoitié plus
hauts que ceux de derrière, puis portant le corps grêle,
droit & long; cela la rend fort haute élevée j elle a la
tête prefque femblable à celle du cerf, finon que fes
petites cornes mouffes n*ont que demi-pied de long ;
fes oreilles font grandes comme celles d'une vache , Se
n'a point de dents audeffus delà mâchelière ; les crins
font ronds 6c déliés, fes jambes grêles & femblables à
celles d'un cerf & les pieds à ceux d'un taureau ; elle a
le corps fort grêle , & la couleur de fon poil reffemble
à celui d'un loup-cervier ; du refte fa manière de faire
«ft fort femblable à celle du chameau. Voyage de Vil/a-
mont. Lyon, féao, page 688. — J'ai vu deux girafFes ,
au château du Caire , eiles ont le cou plus grand que
ie chameau, deux cornes de demi pied fur la tête, une
36 Hijîoîre natunlU
qii*à caufe de cette difprcportion elle ne peut
pas courir vite ; qu'elle eft d'un naturel très
doux , & que par cette qualité auffi-bien que
par toutes les autres habitudes phyfiques ,
& même par Ja forme du corps , elle ap-
proche plus de la figure & de la nature du
chameau que de celle d'aucun autre animai;
qu'elle eft du nombre des ruminans, & qu'elle
manque comme eux de dents incifives à la
mâchoire fupérieure; & l'on voit par le témoi-
gnage de quelques-uns, qu'elle fe trouve ca:is
les parties méridionales de l'Afrique (m) auiiî-
bien que dans celles de l'Aue.
11 eft bien clair, par tout ce que nous ve-
nons d'expoferj que la giraffe eft d'une ef-
pèce unique & très différente de toute autre ;
inais fi on vouloit la rapprocher de queîqu'au-
trç, animal ,ce feroit plutôt du chameau que
du cerf ou du bœuf : il eft vrai qu'elle &
deux petites cornes & que le chameau n'en
petite au front j les deux jambes de devant grandes &
hautes , & les f'eiix rie derrière courtes. Cofmograpkic
du Levant t par Thzvtt. Lyon, 1554 , fc^c /-jt.
{m) Dans l'isle de Zanzibar, aux environs de Ma?'»-
gafcsr, il y a une certaine efpèce de bête qu*i!$ appel»
icnt Graffc ou Giraffe t qui a le cou fort long, conrae
de toJfe & demie, ae laquelle les jambes de devant font
be.iUcoup plus longues que celles de derrière ; elle a
petite tête & de diverfes couleurs, ainfi que le corps:
cette bête eft fort douce & privée, ne faifant mal à
perfcnne. Defcripticn des Indes orientales ■ par Marc Paul.
paris, 15)6, llv. ///, page n6. — Giraffa animal aie*
fylvaticum ut raro videri pc^it. , . . homincs vidcns m
f-igam fcifur tametfi n-^n fit multjt ydocitatis, Lcon A^iCc,
DÏcrip. 4fric. vol. II, p3g. 74J,
dt la Gïraft, 37
a point : mais elle a tant d'autres reflemblan-
ces avec cet animal , que je ne fuis pas fur-
pris que quelques Voyageurs lui ayent donné
le nom de Chame.zu des Indes. D'ailleurs l'on
ignore de quelle fubftance font les cornes
de la girafFe, & par conféquent ï\ par cette
panie elle approche plus des cerfs que des
bœufs; & peut-être ne font- elles ni du bois
comme celles des cerfs , ni des cornes creu-
fes comme celles des bœufs ou des chèvres.
Qui fait fi elles ne font pas compofées de
poils réunis comme celles des rhinocéros ,
ou fi elles ne font pas d'une fubftance &
d'une texture particulière ? il m'a paru que
ce qui avoit induit les Nomenclateurs à metr
tre la giraffe dans le genre des cerfs , c'eft
1^. le prétendu paffage de Bèlon , cité par
Gefner (^n), qui feroit en effet décifif s'il
étoit réel. 2*?. Il me femble que Ton a mal
interprété les Auteurs ou mal entendu ie$
Voyageurs lorfqu'ils ont parlé du poil de
ces cornes ; l'on a cru qu'ils avoient voulu
dire que les cornes de la giraffe étoient ve-
lues comm^ le refait des cerfs , & de-là on
a conclu qu'elles étoient de même nature ;
mais l'on voit au contraire , par les notes
citées ci-deffus , que ces cornes de la giraffe
font feulement environnées & furmontées de
grands poils rudes & non pas revêtues d'un
duvet ou d'un velours, comme le refait du
cerf; & c'eft ce qui pourroit porter à croire
qu'elles font compofées de poils réunis, à-peu-
(« ) Gefner , //(/?, quad, pag, 14S, Unç» antepenultima*
)8 Hijlùin naturdlc
près comme celles du rhinocéros; leur ex-
trémité qui eft moufle, favorife encore cette
idée ; & fi l'on fait attention que dans tous \t%
animaux qui portent des bois au lieu de cor-
nes , tels que les élans , les rennes , les cerfs ,
les daims & les chevreuils , ces bois font
toujours divifés en branches ou andouillers,
& qu'au contraire les cornes de la girafFe
font fimples & n*ont qu'une feule tige; on
fe perfuadera aifément qu'elles ne font pas
de même nature , fans quoi l'analogie feroit
ici entièrement violée. Le tubercule au milieu
de la tète , qui , félon les Voyageurs , paroît
faire une troifième corne, vient encore à
Tappui de cette opinion ; les deux autres qui
ne font pas pointues , mais moufles à leur
extrémité, ne font peut-être que des tuber-
cules femblables au premier & feulement plus
élevés; les femelles, difent tous les Voya-
geurs , ont des cornes comme les mâles ,
mais un peu plus petites : fi la giraffe étoit
en effet du genre des cerfs , l'analogie fe dé-
mentiroit encore ici; car de tous les animaux
de ce genre, il n'y a que la femelle du
renne qui ait un bois, toutes les autres fe-
melles en font dénuées , & nous en avons
donné la raifon. D'autre côté , comme la
piraffe , à caufe de l'excetïïve hauteur de fes
jambes , ne peut paître l'herbe qu'avec peine
& difficulté; qu'elle fe nourrit principalement
& prefqu'uniquement de feuilles & de bou-
tons d'arbres , l'on doit préfumer que les
cornes qui font le réfidu le plus apparent du
fuperflu de la nourriture organique, tiennent
de la nature de cette nourriture , & font par
de la Giraffi. " 39
conféquent d'une fubftance analogue au bois ,
& femblable à celle du bois de cerf. Le temps
confirmera l'une ou l'autre de ces conje£lu-
res. Un mot de plus dans la defcription d'Hàf-
felquift, fi minutieufe d'ailleurs, auroit fixé
ces doutes & déterminé nettement le genre
de cet animal. Mais des écoliers, qui n'ont
que la gamme de leur maître dans la tête ,
ou plutôt dans leur poche, ne peuvent man-
quer de faire des fautes , des bévues , des
omiiTions eflentieiles, parce qu'ils renoncent
à Tefprit qui doit guider tout Obfervateur ,
& qu'ils ne voient que par une méthode
arbitraire & fautive , qui ne fert qu'à les
empêcher de réfléchir fur la nature & les
rapports des objets qu'ils rencontrent , & def-
quels ils ne font que calquer la defcription
fur un mauvais modèle. Comme dans le réel
tout eft différent l'un de l'autre , tout doit aulli
être traité différemment; un feul grand cara-
tère bien faifi, décide quelquefois, & fou-
vent fait plus pour la connoiffance de la
chofe, que mille autres petits indices : dès
qu'ils font en grand nombre , ils deviennent
néceffairement équivoques & communs , &
dès-lors ils font au moins fuperflus, s'ils ne
font pas nuifibles à la connoiffance réelle de
ia Nature, qui fe joue des formules^ échappe
à toute méthode , & ne peut être ap-
perçue que par la vue immédiate de l'ef-
prit, ni jamais faifje que par le coup-d'ceil
du génie.
40 Mlfioirt naîuTtUt
LE LAMA [a]
£ T
LE PACO {h).
Voyei^ Tome XI ^ Planches /3 6* i^.
Xl y a exemple dans toutes les Langues ,
^u'on àonaQ quelquefois au même animai
{a) Lama t tJJiamd , G^ama , nom que les Efpagno^s
«nt donné à cet animal du nouveau Monde , & que nous
avons adopté. Ils l'appellent auffi au Pérou Huanscust
Guanaco , Cornera de t'erra , Mouton de terre ; Guanapo ^
félon le Gentil; tome /, page 94; Wianaque , félon
"Wood, Voyage de Dampier, tome K, page 181 Autrefois
îl $*?.ppel!oit au Mexique , Félon ichiatï Oqu'uli \ 5t au
Chili , Hueque Chilkhueque , c*eft-à-dire, Hueque du Chily »
car les prewiers Voyageurs de l'Amérique écrivoient
CkilU pour Chily. Les Angiois ont dé'igné le Lama par
la dénomination àe PernichcattU , c*eft-à-dire, bétail dii
Pérou. Mathiole lui a donné le nom compofé A'EIapho-
camelui y Chameau-cerf.
félon ichiati Oquitli^ ovîs Peruana. Hernand. ////?.
Mex. pag. 660 , fig. ibid.
Ovis Peruana. Marcgrav. Hïft, nat, Brafil, pag. 243 ,
fig. ibid.
Lama. Voyage de YtézÀ^t , pag, i^S^Jîg. ihid,
Cameliis pilis brevfjfimis vefiiUis Cairidus
Piruanus , le Chameau du Pérou, Briffon , Rcgn. animât,
pag. 56.
Clama, Camelus dorfo liZvi, topho pectorali. Linn. Syft»
TsAt.^ edir. X , pag. 65.
('j) Pacot Pacos, nom de cet animal dans fon pay$
natal su Pérou, & que r.ous avons adopté; on l'appelle
deux
du Lama & du Paca» 41
deux noms différens , dont l'un fe rapports
à fon état de liberté , & l'autre à celui de
domefticité : le fanglier & le cochon ne font
qu'un animal ; & ces deux noms ne font
pas relatifs à la différence de la nature , mais
à celle de la condition de cette efpèce , dont
une partie eft fous Tempire de l'homme &
l'autre indépendante. Il en eft de même des
Lamas & des Pacos qui étoient les feuls ani-
maux domeftiques (^c) des anciens Américains.
Ces noms font ceux de leur état de domefti-
cité ; le lama fauvage s'appelle huanacus ou
pianaco , & le paco fauvage vicunna ou vigogne.
J'ai cru cette remarque néeeflaire pour évi-
ter la confufion des noms. Ces animaux ne
fe trouvent pas dans l'ancien continent , mais
appartiennent uniquement au nouveau ; ils
affe61ent même de certaines terres, hors de
l'étendue defquelles on ne les trouve plus :
ils paroifTent attachés à la chaîne des moTita-
ïufli Vigogne , mot dérivé de Vicuna , autre nom de c€t
animal dans le même pays.
Ovis Peruana alla fpecies ah in€olis Pacos dicla, Her-
lîandès, Hiji. Mcx. pag. 663.
Ovis Peruana, Paco dicta. Marcgrav, nifi, nat; Braj7^
page 24^ , fig, ibid.
Alpaqiie. Voyage de Frézier , pttg^i z^-.
Camslus piîis proilxis corpoT^ vefiitus ^ la Vîgrtgne,
BrifTon , Refn. anim, pag. 57.
Pacos. Camelus tophis nullis- y corport lanato* Lii>n,
Syfi. nat. edit. X , pag. 66,
(c) Avant l'arrivée des Efpagnoîs , les Indiens da
Pérou ne connoilToient d'animaux domefliqiies , que îeî
Facos & lès Huanacus; mais ils tire ent parti- des fau»
vag«s, qui etoient en plus ^rand nomb.e , par de «rande^-
ehâ^Ies. ui^QtTi dis Inçasj pae, ^65..
41 Hljîoln naturelle
gnes qui s*étend depuis la nouvelle Efpagne
jufqu'aux terres Magellaniques; ils habitent
les régions les plus élevées du globe terref-
tre , & fembîènt avoir befoin pour vivre de
rerpirer un air plus vif & plus léger que celui
de nos plus hautes montagnes.
Il eft affez fmgulier que quoique le lama
& le paco foient domeftiques au Pérou , au
Mexique, au Chily, comme les chevaux le
font en Europe ou les chameaux en Arabie ,
nous les connoiflions à peine , & que depuis
plus de deux fiècles que les Efpagnols régnent
dans ces vaftes contrées , aucun de leurs Au-
teurs ne nous ait donné l'hiftoire détaillée &
la defcription exade de ces animaux dont on
fe fert tous les jours : ils prétendent , à la
vérité, qu'on ne peut les tranfporter en Eu-
rope , ni même les defcendre de leurs hau-
teurs fans les perdre, ou du moins fans rif-
quer de les voir périr au bout d'un petit
temps : mais à Quito , à Lima & dans beau-
coup d'autres villes où il y a des gens let-
trés , on auroit pu les deflîner , décrire &.
diffequer. Herrera ^d) dit peu de chofe de ces
animaux ,- Garcilaflb ( e ) n'en parle que d'après
(â) On trouve dans les montagnes du Pérou une
cffȏce de chameau dont ils fe fervent de la bine pour
faite des acouftremens. Defcription des Indes occiden-
tales^ par Herrera. Amft. 162a , page Z4\.
{e) Le P. Blas Vallera dit que le bétail du Pérou eft
fi doux , que les enfans en font ce qu'ils veulent ; il y
en a des grands & àes petits ; les huanacus privés ( La-
mas^ font de difféiens poils, ôt les fdi.ivjçes font tous
fcai-bruns: ces aninwux font de la hai^eur des ceifs &
du Lama Sc du Paco, 43
les autres ; Acofta & Grégoire de Bolivar ,
font ceux qui ont raffemblé le plus de faits
fur l'utilité & les fervices qu'on tire des la-
mas & fur leur naturel; mais on ignore en-
core comment ils font conformés intérieure-
ment, combien de temps ils portent leurs pe-
tits; l'on ignore fi ces deux efpèces font
abfolument féparées l'une de l'autre, fi elles
ne peuvent fe mêler , s'il n'y a point entre
elles de races intermédiaires , & beaucoup
d'autres faits qui feroient néceifaires pour ren-
dre cette hiftoire complète.
Quoiqu'on prétende qu'ils périffent lorf-
qu'on les éloigne de leur pays natal , il eft
pourtant certain que dans les premiers temps
après la conquête du Pérou , & même encore
long-temps après, l'on a tranfporté quelques
lamas en Europe. L'animal dont Gefner parle >
fous le nom d'Allocamelus , & dont il donne
la figure, eft un lama qui fut amené vivant
du Pérou en Hollande en 1558 (/*); c'eft le
re semblent aux chameaux, excepté qu'ils n*ont point
de boffe, leur cou eft long & poli. ..... Le même
bétail qu'ils appellent PacolamA ( Paco ) , n'eft pas à
beaucoup près tant eftimé Ces pacos, plus petits
que les autres, reffemblent aux vicunas fauvages, &
font fort délicats , ils ont peu de chair 6c pea de laine
extrêmement fine. Cet animal fert de plufieurs façons
à !a Médecine, auiTi-bien que beaucoup d'autres ani-
raf;ax de ce pays, comme le remarque ie P. Acofta.
lî'Jtoin des Iiicas , tome II, pa^e z6o jufqii'à 2.66.
( f) AlLocamcLus Scaligeri , apparu ejfe hoc ipfum ani-
mal cujus figurant proponimus ex chanâ quadam typis
i-^'t'":-^'^ mutuatl cum kac dcfcriptiot\c. Anno donini ij^8 ,
junii die ip , animuf hoc minhllc MUtcIhnroruv; Stiandix,
D 2
if 4 Hijioïre naturel^
même dont Matthiole (^j fait mention /bus^
le nom d'Ela/fhocamelus , & la defcription qu'il
en donne eft faite avec foin. On a tranfportè
plus d'une fois des vigognes , & peut - être
aufïï des lamas en Efpagne pour tâcher de les
y naturalifer (h^'yon devroitdonc être mieu\
iflftruit qu'on ne l'efl fur la nature de ces.
edvecium ejî' , antehac à princlplbus Germaniis nunquam-
vlfiim , ncc à Plinio atit antiquis aLi'is fcriptorlhus ccm-
mcmoratum. Ovem indicam effe dicchant è Piro (forte
Peru ) regione , ftxt'us mille millianbus fèrè Antuirpla
dijlantc. Altltudo ejus erat pedutn fex , longitudo qidii •
que : collum cignco colore candidiffîmum. Corpus ( reli--
quum ) rufinn vel punicewn. Pedcs ctu flruthocamdl , cujus
injlar urinam quoque rétro rcddit hoc animal {erat autera
mas annorum tetatis quatuor)., Gefner , Hiji. quairup-,
çag. 149 & i)0.
ig) Longitudo totius corporis à cervlce ad caudam 6
pedum erat: altitudo à dorfo ad pedis plantam 4 tantum.
Capite , collo , ore , fuperioris prafertim lahii Jcijfurâ ae-
f^ittitali camelum fere refcft; ac caput oblongius ejl : aures
habet cervinas , oculos bubulos , quin etlam ut ille amc-
rloribus dentibus in fuperiore maxUlâ caret, fed molarcs
Htrinque habet ; ruminât, dorfo ejl fenfim prominentc , /ca~
pulls prope Collum dèprcffis , latcribus tnmidis ^ ventre lato y
clunihus altioribus & caudd brevi fpithainit fere longitu-
dine ; quibus omnibus cervum fere refert , quçmadmodum.
ttiam cruribus pr<zfertim pojleriorihvs ; pedes ilU bijuUi
funt'y diducla anteriori p4rte dirifura. Ungues habet acumj-
natos qui circa pedis ambitum in cutem craJfti.Ti aleunt ,
nam pedis planta , non ungue fed ente , ut m multïfidii &
ipfo camelo conte^^itur : retromingit hoc animal ut camelus
& tejiis fuhjiricios habet : peclore efi amplo fub quo uht
thorax ventri conneHitur , extubcrat globus ut in camelo ,
■*'ûmica fimiiis e quo nefcio quid excrementi fenfim n.a.-
nare videtur. P. And. Macthioli , Epift. lib. V.
( h ) Le Roi (l'Erpagne ordonna qu'on tranfportât des.
vigognes en Efpagne , afin de les faire peupler fur les,
Ueux i, mais ce climat fe etouva û peu propre à cet.
êa Lama & du Faca, - 4f
animaux qui pourroïent nous devenir utiles ;
car il eft probable qu'ils réufliroient aulîl-bieiî
fur nos Pyrénées & fur nos Alpes (i) que
fur les Cordillères.
Le Pérou, félon Grégoire de Kolivar, eiî
le pays natal , la vraie patrie des lamas : ca
ks conduit, à la vérité, dans d'autres pro-
vinces , comme à la nouvelle Efpagne , mais
c*eft plutôt pour la cuiiofité que pour l'uti-
îité; au lieu que dans toute Téten-due du Pé-
rou , depuis Potofi jufqu^à Caracas , ces ani-
maux font en très grand nombre : ils font
auffi de la plus grande nécefTité; ils font feuîs
toute la richefle des Indiens & contrifbuenr
beaucoup à celle des Efpagnols. Leur chair
cft bonne à manger , leur poil eft une laine
fine d'un excellent ufag'^ , &. pendant toure
leur vie, ils fervent conflamment à traiifpcr-
ter toutes les denrées du pays; leur charge
ordinaire eft de cent cinquante livres , & les
plus forts en portent jufqu'à deux cents cin-
quante ; ils font des voyages affez longs dans
des pays impraticables pour tous les autres
animaux; il marchent allez lentement, & ne
font que quatre ou c>nq lieues par jour ; leur
démarche eft grave & ferme, leur pas affuré;
ils delcendent des ravines précipitées ^ & fur-
montent des rochers efcaroés , où les hem-
animaux , qu'ils y moururent tous, //iyî des Avcnt. FH"
hufliers , par OexmeLin , tome II ^ page -^ùj^
(i) 11 n'y a point d'animal '.[ui marche àuflî f'*remer.t-
q<ie le lama dans les rochers, parce qu'il s'accroch»
par i-.ne efpèce d'éperon qu'il a natureilerr.wt âa. pieU»
JTo^a^c de Corcal , tuïi, î , pcg, jj2,_
4^ Hljlolri natunllt
mes même ne peuvent les accompagner; o>f-
dinairement ils marchent quatre ou cinq jours
de fuite , après quoi ils veulent du repos , &
prennent d'eux-mêmes un féjour de vingt-
quatre ou trente heures , avant de fe remet-
tre en marche. On les occupe beaucoup au
tranfport des riches matières que l'on tire
des mines du Potofi ; Bolivar dit que , de
fon temps, on employoit à ce travail trois
cent mille de ces animaux.
Leur accroiffement eft aflez prompt & leur
vie n'eft pas bien longue ; ils font en état
de pfoduire à trois ans , en pleine vigueur
jufqu'à douze , & ils commencent enfuite à
dépérir, en forte qu'à quinze ils font entière-
ment ufés ; leur naturel parcMt être modelé
fur celui des Américains; ils font doux &:
flegmatiques j & font tout avec poids & me-
fure. Lorfqu'ils voyagent & qu'ils veulent
s'arrêter pour quelques inftans , ils plient les
genoux avec la plus grande précaution, &
baiffent le corps en proportion j afin d'empê-
cher leur charge de tomber ou de fe déran-
ger ; & dès qu'ils entendent le coup de fif-
flet de leur condufteur, ils fe relèvent avec
les mêmes précautions & fe remettent en
marche : ils broutent chemin faifant & par-
tout où ils trouvent de l'herbe ; mais jamais
ils ne mangent la nuit, quand même ils au-
roient jeûné pendant le jour , ils employent
ce temps à ruminer : ils dorment appuyés
fur la poitrine , les pieds repliés fous le ven-
tre & ruminent aufli dans cette fituation.
Lorfqu'on les excède de travail & qu'ils fuc-
combent une fois fous îe faix, il n'y a nul
du Lama 6* du Paco, 47
moyen de les faire relever , on les frappe
inutilement ; la dernière reflburce pour les
éguillonner eft de leur ferrer les tefticules ,
& fouvent cela eft inutile ; ils s'obftinent à
demeurer au lieu même où ils font tombés ;
& fi l'on continue de les maltraiter , ils fe
défeipèrent & fe tuent, en battant la terre à
droite & à gauche avec leur tête. Ils ne fe
défendent ni des pieds ni des dents, & n'ont ,
pour ainfi dire , d'autres armes que celles
de l'indignation ; ils crachent à la face de
ceux qui les infultent , & l'on prétend que
cette falive qu'ils lancent dans la colère eft
acre & mordicante , au point de faire lever
des ampoules fur la peau.
Le lama eft haut d'environ quatre pieds ;
& fon corps , y compris le cou & la tête ,
en a cinq ou fix de longueur ; le cou fer.I
a près de trois pieds de long. Cet animal a
la tête bien faite , les yeux grands , le mufeau
un peu alongé, les lèvres épaiffeSjla fupé-
rieure fendue & l'inférieure un peu pendante ;
il manque de dents incifives & canines à la
mâchoire fupérieure. Les oreilles font lon-
gues de quatre pouces ; il les porte en avant ,
les drefle & les remue avec facilité. La
queue n'a guère que huit pouces de long ;
elle eft droite , menue & un peu relevée. Les
pieds font fourchus comme ceux du bœuf,
mais ils font furmontés d'un éperon en ar-
rière , qui aide à l'animal à fe retenir &
à s'accrocher dans les pas difficiles : il eft
couvert d'une laine courte fur le dos , la
croupe & la queue , mais fort longue fur les
âancs & fous le ventre : du refte , les lami»s
4^ Hljioln naturelle
varient par les couleurs; il y en a de bîancî,
de noirs & de mêlés (A). Leur RtntQ refTem-
ble à celle des chèvres ; le mâle a le mem-
bre génital menu & recourbé , en forte qu'il
piffc en arrière. C'eft un animal très lafcif
(/), & qui cependant a beaucoup de peirrs
( ^ ) Les lamas ont la tête petite à proportion iv\
corps, femblable en quelque chofe à celle du cheval ^
du mouton ; la lèvre fupérieure, comme celle du lièvre ,,
eft fendue au milieu, par-là ils crachent à dix pas loin
contre ceux qui les inquiètent , & fi ce crachat tombe
far le vifage, il fait une tache rouffâtre où fe forme
fou vent une galle : ils ont le cou long, courbé en bas
comme les chameaux à la naiffance du corps , & ils leur
re/Tembleroient affez bien, s'ils avoient une boflfe fur
le dos ; leur hanteur eft d'environ quatre pieds & dem?^
i\s marchent la tête levée & d'un pas (i réglé, que ]e%
coups même ne peuvent les hâter; ils ne veulent point
marcher la nuit avec leur charge, on les débarraffe tous
tes foirs de leurs fardeaux pour les laiflfer paître j il*
«langent peu , & on ne leur donne jamais à boire; ils
ont \e pied fourchu comme les moutons & un éperon
au deffus qui leur rend le pied fîir dans les rochers ; leur
iair.e a une odeur forte, elle eft longue, blanche, grife
& rouffe par taches, & aflez belle,, quoique beaucoup
inférieure à celle des vigognes. Voyage de Frey.€i ,
fi^ge tjS.
(/) Salaciffimutn hoc effe animal Id mihi conjecîuram-
fach , qiiod cum fui generis fimellis fit dcflitutum , mae»4
tum prurigint capris fe commifceat , non tamen ereciis nt
éilias caprtz hirco afcendcnte foLent ^ fcd humi ventre accu-
bantibus ^ ita cogente animait antenoribus cruribus. Itacne
fiper afcendens coït , ncn autem averfis clunïbus. Adeh
ventre vemali autnmnalique tempore , fiimulatur hoc an'-
mal ut illud viderim humile quoddam prcejlepiura avena
rejcrtum ci;Tifccnd'£k , genitaleque ilU magno cum murmura
tcmdiu confricajfe quo ufque Jemcn riddent y plurimls urâ
hi :â replicutis vicibus. Non tamcn conccpcre capra huiufcc
animalis fcminc r^fertx. MalthioK ¥^^\\i, lib. V,.
du Lama & du Paco, 4^
a s*acco.upkr« La femelle a Torifice des par-
ties de la génération très petit j elle fe prof-
terne pour attendre le mâle , & l'invite par
fes foiipirs ; mais il fe paiTe toujours plufieiirs
heures & quelquefois un jour entier av^nt
qu'ils puifTent jouir l'un de l'autre , & tout
ce temps fe paflé à gémir , à gronder , &
iur-tout à fe confpuer; & comme ces long»
préludes les fatiguent plus que ia chofe même ,
on leur prête la main pour abréger & on
les aide à s*arrangen Ils ne produifent ordi-
nairement qu'un petit & très rarement deux.
La mère n'a auffi que deux mamelles, & le
petit la fuit au moment qu'il eft né. La chair
des jeunes eft très bonne à manger, celle
des vieux eft sèche & trop dure; en géné-
ral , celle des lamas domeftiques eft bien meil-
leure que celle des lauvages , & leur laine eil:
auiîî beaucoup plus douce. Leur peau eft
fiffez ferme ; les Indiens en faifoient leur chauf-
iure , & les Efpagîiols l'emploient pour faire
des harnois. Ces animaux fi utiles & même
fi nécelTaires dans le pays qu'ils habitent , ne
coûtent ni entretien ni nourriture ; comme
ils ontje pied fourchu , il n'eft pas nécef-
faire de' les ferrer ; la laine épaiflé dont ils
font couverts difpenfe de les bâter; ils n'ont
feefoin ni de grain, ni d'avoine, ni de foin;
l'herbe verte qu'ils broutent eux-mêmes leur
fuffit, & ils n'en prennent qu'yen petite quan-
tité {m) ; ils font encore plus fobres fur la boif-
^m) La peau des huanacus eft dure ; les Indiens la
preparoient avec du furf pour Tadoucir, & en faifoient
Quadrupèdes* Tom VI^ E
çô îlijlôln naturdli
ion : ils s'abreuvent de leur falive , qui dans
cet animal eft plus abondante que dans au-
cun autre.
les femelles de leurs fouliers ; mais comme ce cuir n'é-
toit point corroyé , 'Is fe déchauffoienf en temps de
pluie. Les Efpagnols en font de beaux harnois de che-
val : ils employent ces animaux, comme faifoient les
Indiens, pour le tranfport de leurs marchandifes. Leuif
voyage le plus ordinaire eft depuis Cozer jufqu'à Po-
tofi , d'où l'on compte environ deux cents lieues, &
leur journée de trois lieues, car ils vont lentement, &
{\ on les fait aller plus vite que leur pas ordinaire, ils
fe laiffent tomber fans qu'il. foit poffible de les faire re-
lever, même en leur ôtant leur charge , de façon qu'on
les écorche fur la place Quand ils marchent en
portant des marchandifes, ils vont par troupes, & l'on
en laiffe foujours quarante ou cinquante à vide , afin
de les charger d'abord qu'on s'apperçoit qu'il y en a
quelques-uns de fatigués. ... La chair de cet animal
t'ft parfaite, car elle eft faine & de bon goût, fur-tout
celle des jeunes de quatre ou cinq mois d'âge. . . . •
Quoique ces animaux foient en grand nombre, il n'en
coûte prefque rien à leur maître pour leur nourriture
ou pour l'entretien de leur équipage, car, après la
journée, on leur ôte leur charge pour les laiflfer paître
dans la campagne; il n'eft pas néceflaire de les ferrer,
car ils ont le pied fourchu , ni de les bâter , car ils ont
fufHfamment de laine pour n'être pas incommodés de
leur charge que le Voiturier prend foin de placer de
façon qu'elle ne porte pas fur l'épine du dos, ce qui
les feroit mourir Ceux qui les conduifent cam-
pent fous des tentes fans entrer dans les villes pour les
laifier pâturer; ils font quatre mois entiers pour faire
le voyage de Cozer à Potofi , deux pour aller & deux
pour revenir. ..... Les meilleurs lamas fe vendent
à Cozer dix-huit ducats chacun , & les ordinaires douze
ou treize ducats. La chair des huanacus fauvages eft
bonne , mais cependant elle eft inférieure à celle des
domeftiques, Hifioire des Incas f tome H ^ page zCq &
du Lama & da Paco, 51
Le huanacus ou lama dans l'état de nature
cft plus fort, plus vif & plus léger que le
lama domeftique^il court comme un cerf &
grimpe ccmme le chamois fur les rochers
les plus eicarpés : fa laine eft moins longue
& toute de couleur fauve. Quoiqu'en pleine
liberté, ces animaux fe ralTemblent en trou-
pes , & font quelquefois deux ou trois cents
enfemble ; lorfqu'ils apperçoivent quelqu'un ,
ils regardent avec étonnement fans marquer
d'abord ni crainte ni plâifir ; enfuite ils fouf-
flent des narines & hennifl'ent à-peu-près
comme les chevaux , & enfin ils prennent
la fuite tous enfemble vers le fommet des
montagnes ; ils cherchent de préférence le
côté du nord & la région froide ; ils grimpent
& féjournent fouvent au-defîtis de la ligne,
de neige : voyageant dans les glaces , &^
couverts de frimats , ils fe portent mieux
que dans la région tempérée; autant ils font
nombreux & vigoureux dans les Sierras , qui
font les parties élevées des Cordillères, au-
tant ils font rares & chétifs dans les Lanos
qui font au-delTous. On chalTe ces lamas fau-
vages pour en avoir la toifon ; les chiens
ont beaucoup de peine à les (uivre; & fi on
leur donne le temps de gagner leurs rochers ,
le chaiTeur & les chiens font contraints de
les abandonner. Ils paroiffent craindre la
pefanteur de l'air autant que la chaleur; on
ne les trouve jamais dans les terres bafîes ;
& comme la chaîne des Cordillères , qui eft
élevée de plus de trois mille toifes au-defTus
du niveau de la mer au Pérou , fe foutient
à-peu-près à cette mécie élévation au Chily
E z
>^l Tîlfloln naturtlît
& jurqii'aiîx terres Magellaniques . on y
trouve des huanacus ou lamas fauvages en
grand nombre {n); au lieu que du côté de
la nouvelle Efpagne où cette chaîiie de mon-
tagnes fe rabaifle confidérablement, on n'en
trouve plus , & Ton n'y voit q«e les lamas
domeftiques que l'on prend la peine d'y con-
duire.
Les pacos ou vigognes font aux lamas une
efpèce fuccurfale , à-peu-près comme l'âne
î'eft au cheval ; ils font plus petits & moins
propres au fervice, mais plus utiles par leur
dépouille; la longue & fine laine dont ils
font couverts eft une marchandife de luxe
aufli chère , aufli précieufe que la foie : les
pacos , que l'on appelle aufli alp.tques , & qui
font les vigognes domeftiques, font fouvent
toutes noires & quelquefois d'un brun mêlé
de fauve. Les vigognes ou pacos fauvages
font de couleur de rofe sèche , & cette cou-
(n) Dans les terres du Port-defiré, à quelque dif-
tance du détroit de Magellan , il y avoit bon nombre de
ces bêtes faurages ou brebis faevages, que les Efpa-
gnols appellent Wlanaqucs Quoiqu'elles fuffent
bien alertes & fort craintives, nous en tuâmes fept pen-
dant notre féjour, &. l*on peut dire que leur laine eil
la plus fine qu'il y ait au monde Elles vont par
troupes de fîx ou fept cents, & dès qu'elles apperçoi-
vent quelqu'un, elles ronflent avec leurs narines & hen-
riflent comme des chevaux. Voyage d: Wood. Suite des
Voyages de DampUr , tome V, page iSi. — On voit au
Tucuman , province voifine du Pétou, de groflTes brebis
qui fervent de bêtes de fomme, & dont la laine eft
prefque aufli fine que de la foie, V^'y^gc de îVooiu.
fic^crs % Une II f page C^
du Lama & du PaCû* ^\
!eur naturelle eft fi fixe , qu'elle ne s'altère
point fous la main de l'ouvrier ; on fait de
très beaux gans, de très bons bas avec cette
laine de vigogne, l'on en fait d'excellentes
couvertures & des tapis d'un très grand prix.
Cette denrée feule forme une branche dans
le commerce des Indes Efpagnoles : le cailor
du Canada, la brebis de Calmouquie, la chè-
vre de Syrie ne fourniffent pas un plus beau
poil; celui de la vigogne eft aulîî cher que
la foie. Cet animal a beaucoup de choies
communes avec le lama ; il eft du même
pays , & comme lui il en eft exclufivement ,
car on ne le trouve nulle part ailleurs que
iîir les Cordillères ; il a aufli le mêm.e natu-
rel & à peu près les mêmes mœurs, le même
tempérament. Cependant comme fa laine elt
beaucoup plus longue & plus touffue que
celle du lama , il paroît craindre encore moins
le froid , il fe tient plus volontiers dans la
neige , fur les glaces & dans les contrées les
plus froides : on le trouve en grande quan-
tité dans les terres Magellaniques ( o ).
Les vigognes reffemblent aulîî , par la fi-
gure , aux lamas ; mais elles font plus peti-
tes , leurs jambes font plus courtes & leur
(o) La partie orientale delà côte des Patagons pro-
che la rivière de la Plata , eft encore peuplée cie vigo-
gnes en afTez grand nombre , mais cet animal eft iî de-
vant & fi vite à la courfe , qu'il eft difficile d'en attraper.
Voyage de George An/on ^ page 57, — Les animaux ter-
r£ftres les plus communs du port Saint- Julien dans les
terres Magellaniques , font les guanacos. Hifloire d»
Paraguciif par U P» €harleyoix, tonu VI yP<^g* «o/.
E3
J4 Hlfiolre naturelle
fliuffle plus ramafTé ; elles ont la laine éa
couleur de rofe sèche un peu claire ; elles
n'ont point de cornes ; elles habitent & paf-
iênt dans les endroits les plus élevés des
montagnes; la neige & la glace femblent
plutôt les récréer que les incommoder; elles
vont en troupes & courent très légèrement ;
elles font timides , & dès qu'elles apperçoi-
vent quelqu'un , elles s'enfuient en chaiTcnt
leurs petits devant elles. Les anciens Rois
du Pérou en avoient rigoureufement défen Ju
la chafTe parce qu'elles ne multiplient pas
beaucoup ; & aujourd'hui il y en a infinimeiit
moins que dans le temps de l'arrivée des
Efpagnols. La chair de ces animaux n'eft pas
li bonne que celle des huanacus ; on ne les
recherche que pour leur toifon & pour les
bézoards qu'ils produifent. La manière dont
on les 'prend prouve leur extrême timidité,
ou , fi l'on veut , leur imbécillité. Plufieurs
hommes s'afFemblent pour les faire fuir & les
engager dans quelques paffages étroits oii l'on
a tendu des cordes à trois ou quatre pieds
de haut , le long defquelles on laiiTe pendre
des morceaux de linge ou de drap ; les vi-
gognes qui arrivent à ces paffages font tel-
iemef.f intimidées par le mouvement de ces
lambeaux agités parle vent, qu'elles n'ofent
palfer au-delà, & qu'elles s'attroupent &
demeurent en foule, en forte qu'il eft facile de
les tuer en grand nombre; mais s'il fe trouve
dans la troupe quelques huanacus, comme
ils font plus hauts de corps & moins timi-
des que les vigognes, ils fautent par deifus
les cordes, & dès qu'ils ont donné l'exem-
du Lama & du Paco, 55
pie , les vigognes fautent de même & échap*
pent aux chafleurs (/?).
A l'égard des vigognes domeftiques ou pa-
cos , on s'en fert comme des lamas pour por-
ter des fardeaux ; mais indépendamment de
ce qu'étant plus petits ou plus foibles ils por-
tent beaucoup moins, ils forrt encore plus
fujets à des caprices d'obftination ; lorfqu'une
fois ils fe couchent avec leur charge ^ ils fe
laifTeroient plutôt hacher que de fe relever.
Les Indiens n'ont jamais fait ufage du lait
de ces animaux , parce qu'ils n'en ont qu'au-
tant quil en faut pour nourrir leurs petits.
Le grand profit que l'on tire de leur laine
avoit engagé les Efpagnols à tâcher de les
naturalifer en Europe ; ils en ont trânfpcrt'é
en Efpagne pour les faire peupler, mais le
climat fe trouva fi peu convenable ^ qu'ils y
périrent tous ( ^ )« Cependant, comme je l'ai
déjà dit, je fuis perfuadé que ces animaux ,
plus précieux encore que les lamas , pour-
roient réuflir dans nos montagnes , & fur*
tout dans les Pyrénées ; ceux qui les ont tranf-
portés en Efpagne , n'ont pas fait attention
qu'au Pérou même elles ne fubfiftent que
dans la région froide, c'eft-à-dire^ dans la
partie la plus élevée des montagnes ; ils n'ont
pas fait attention qu'on ne les trouve jamais
dans les terres baffes , & qu'elles meurent
dans les pays chauds; qu'au contraire elles
font encore aujourd'hui très nombreufes dans
(p) Voyage de Fréfier, page t^g & ij^.
(f) Hiftoire des aventures des Flibuftrers , /r. i^tf;
£ 4
k6 H'ijîoîre naturdU
les terres voifines du détroit de Magellan ;
où le froid eft beaucoup plus grand que dans
notre Europe méridionale , & que par con-
lequent il falloit pour les conferver les dé-
barquer, non pas en Elpagne , mais en Écoffe
ou même en Norvège , & plus sûrement en-
core aux pieds des Pyrénées , des Alpes ,
&.C. où elles euffent pu grimper & atteindre la
région qui leur convient : )e n'infifte fur cela
que parce que j'imagine que ces animaux fe-
roient une excellente acquifition pour l'Eu-
rope, & produiroient plus de biens réels que
tout le métal ( ; ^ du nouveau monde , qui n^a
fervi qu'à nous charger d'un poids inutile,
puifqu'on avoit auparavant pour un gros d'or
ou d'argent ce qui nous coûte une once de
ces mêmes métaux.
Les animaux qui fe nourriflent d'herbes
& qui habitent les hautes memtagnes de l'A*
fie , & même de l'Afrique , donnent les bé-
zoards que l'on appelle orientaux , dont les
vertus font le plus exaltées; ceux des mon-
tagnes de l'Europe , où la qualité des plantes
Ôi des herbes eft plus tempérée, ne produis
fent que des pelotes fans vertu , qu'on ap-
pelle égagropiks : & dans l'Amérique méridio-
nale , tous les animaux qui fréquentent les
montagnes fous la zone torride y donnent
( r ) Nota. Quel bien ont produit en effet ces riches
mines du Pérou? il a péri des millions d'hommes dans
les entrailles de la terre pour les erxploiter ; & leur (-•■^'^
& leurs travaux n'ont Utvi q_u'à nous charger d'ua
poids incommode.
du lama & du Paco» 57
d'autres bézoards que l'on appelle occidentaux ,
qui font encore plus folides & peut-être aufli
qualifiés que les orientaux. La vigogne fur-
tout en fournit en grand nombre , le huana-
cus en donne aufli, & l'on en tire des cerfs
& des chevreuils dans les montagnes de la
nouvelle Efpagne (/). Les lamas & les pa-
cos ne donnent de beaux bézoards qu'autant
qu'ils font huanacus& vigognes, c'eft-à-dire,
dans leur état de liberté ; ceux qu'ils produi-
fent dans leur condition ée. fervitude , font
petits , noirs & fans vertu ; les meilleurs
font ceux qui ont une couleur de vert obf-
cur, & ils viennent ordinairement des vi-
gognes, fur- tout de celles qui habitent les
parties les plus élevées de la montagne , &
qui paiflent habituellement dans les neiges ;
de ces vigognes montagnardes , les femelles
comme les mâles produifent des bézoards ,
& ces bézoards du Pérou tiennent le premier
rang après les bézoards orientaux , & font
beaucoup plus eflimés que les bézoards de la
nouvelle Efpagne, qui viennent des cerfs, &
font les moins efficaces de tous.
(/) Nous favons qu'en la Neuve-Efpagne, il fe trouve
des pierres de bézoards , combien qu'il n'y ait point de
vigognes ni de guanacos , mais feulement des cerfs, en
quelques-uns defquels en trouve cette pierre. Hifioire
natunlU des Indes tcciiiintalt's t par Acofia , pagt 20 j*
>/„<•
j8 Hijîolrt naturelle
L' U N A U (a)
ET L' A'i (B).
Voye:^ phfiche ÎIJ , fig, i , 2 & ^ de ce volume,
JL'ON a donné à ces deux animaux répithère
de Parcjfeux, à caufe de la lenteur de leurs
mouvemens & de la difficulté qu'ils ont à^
(a) VnaUy nom de cet animal au Mar agnon , & que
nous avons adopté. Le P. d'Abbeville diftingue deux
efpèces d'Unaux , le plus grand qui eft celui dont il eft
ici queftion , qu'il appelle Unau ouaffoiL\ & le plus petit
qu'il nomme fimplement Unau, qui eft le même animal
que VAï. ♦< Il y en a de d«ux fortes , dit il , aucuns font
gran'ls environ comme les lièvres, les autres font deux
fois prefque plus grands. M^jjîonan Maragnon, page zjz. »»
On a donné quelquefois à l^Jnau le nom de Lèche-patte f
mais ce nom qui fembleroit avoir été pris de l'habitude
de cet animal, n'eft pas fondé, car il ne lèche pas Ces
pieds, ni même aucune autre partie de fon corps.
Tardlgradus Ceilonicus Catulus. Séba, vol. l , pag. <;4,
Ta^. 33,fig. 4, Taràigraius Q^Aqv{\cw% famma.
Idem, ibid, Tab. ^4. Ces figures font affez bonnes.
Tàrdigradus pedibus anticis didaBylis, pojiicls trldacly-
lis. Tàrdigradus Ceilonicus. Le parejfeux de CeyUn. BriiT,
Reg. anim, pag. 3c.
Didaclylus. Bradypus manibus didaciylîs cauda. nullâ,
Linn. Syl'l. nat. edit. X, pag. 35.
(i) Aï, nom de cet animal au Bréfil, & que nous
avons Adopté : ce nom vient da fon pUintif & %iy qu^i
TTom.^VT:.
FI. 3
lULLaau..2à LVl ^àtcfte. 5 J tarte. Al
de tUnau & de tAu 59
marther ; mais nous avons cru devoir leur
conferver les noms qu'ils portent dans leur
pays natal , d'abord pour ne les pas confon-
dre avec d'autres animaux prefque auffi pa-
reffeux qu'eux, & encore pour les diftinguer
répète fouvent. Oualkaré à la Guiane, félon Barrère ;
Hay , <>lon de Léry ; Hmi ou Hauthl , félon Thevet ;
Pcrillo Lis,ero ^ félon Ovisdo ; Unau , félon le Père d'Ab-
ieville; Haut, (e\on Nieremberg.
j^rcicpithecus. Gefner , Icon. anim png. 9^, fi^^. Va\i»
Nota. Cette dénomination Arciopithecus a été mal ao-
pHquée par Gefner à cet animal, qui ne tient ni de
rOurs ni du finge. La figure eft auffi mauvaife que le
om ; elle repréfente une face humaine, ^^ n'a de vrai
que les trois ongles à tous les pieds; ce^iendant cette
ir-anvaife figure a été copiée par Nieremberg, Jonftofi
& plufieurs autres.
IgnavMs, Cluf. Exot. pag. iio , fig. pag. m , idem, pag,
J72 , pag. ^75. Cette féconde figure, donnée par Clu-
fîus , eft moins mauvaife que la première.
Pigri/ia five Haut. Euf. Nieremberg, Hiji. nat. pages
163 ô' 164. Nota. De trois figures que Nieremberg
donne de cet animal, il n'y en a aucune qui fait ori-
ginale, la première eft copiée de Gefner, les deux au-
tres font copiées de Clufius, & toutes trois font man-
vaifes : cenendant la troifièm.e, qui eft la féconde de
Clufius, s'éloigne un peu moins de la nature que les
deux premières, & elle a été répétée non-feulement par
Nieremberg, mais par beaucoup d'autres.
Unau. Defcription des Indes occidentales, par de La'et ,
pages Çj-ô & 618 ,jig. ihid. Ces figures de de Laët font
les mêmes que celles de Clufius,
Aï five hnavus. Marcgr. ffifi. nat. Brafil. pag. 221 ,
fig. ibid. Nota. Cette figure e[\ encore la mêrne que !a
troifième de Nieremberg, c'eft-à dire , la féconde de
Clufius.
Aï five Ignavus. Pifon, Hifi. Braf. pag. 32/ & ^22. La
ft^ure y page jzz y eft encore la même que cel^e de Clu-
fius j mais il y a de plus U figure d'un petit Ai rampant
6o Hijloire naturdlt
nettement Tun de l'autre : car, quoiqu'ils fe
reffemblent à plufieurs égards , -ils diffèrent
néanmoins tant à l'extérieur qu'à Tintérieur,
par des carâ6ières fi marqués , qu'il n'eft pas
pofiible , loriqu'on les a examinés , de les
prendre l'un pour l'autre , ni mêm^ de dou-
ter qu'ils ne ibient de deux efpèces très
éloignées. L'Unau n'a point de queue & n'a
que deux ongles aux pieds de devant ; l'Aï
porte une queue courte & trois ongles à
tous les pieds. L'unau a le mufeau plus long,
le front plus élevé , les oreilles plus appa-
rentes que l'aï; il a auflî le poil. tout diffé-
rent : à l'intérieur , fes vifcères font autre-
ment fitués & conformés différemment dans
quelques-unes de leurs parties; mais le carac-
tère le plus diftiniSlif , & en même temps le
plus fingulier, c'eft que l'unau a quarante-
& le fqnelette d'un grand Ai. Oa voit audi au frontî'f-
pice de foi livre une figure de cet animal, grimpant
fur un arbre.
Ai fa: Tardi<^adus, gracilis , Amcricanus. Séba , vâl. /,
eag. Jî , Tah. ■^^ , fig- 2. Cette figure eft affez bonne.
Ignavus. Marci^r. Oua^karé , le PareflTeux. Barrère,
Hiji- nat, de la France équin- pag. if^.
Igrnavnt Anier'canus nj'um fletu mifcens, Ignavus MarC"
gravii. Klein , ie quadrup. pag. 4^,
Tard'gradus pcdlhus anticis & pojlicis tridactylls. Tardl-
gradus, le ParefTeux. Briflbn, Regn. anim. pag. 34.
The Sloth-, le PareflTeux. Edwards Glanures , pan. II,
pag. po. La première figure n*eft pas mauvaife, quoi-
que faite d'après une peau bourrée.
Tfydaclylis. Bradypus marùhirs tridactylis t caudd brevi
Linn. Syfi. nat, «dît, X, pag. 34.
de tUnau & de lAt. 6l
fix côtes, tandis que Taï n'en a que vingt-
huit : cela feul fuppofe deux erpèces très
éloignées l'une de l'autre; & ce nombre de
quarante-fix côtes dans un animal dont le
corps eft û court, eft une efpèce d'excès ou
d'erreur de la Nature ; car de tous les ani-
maux , même des plus grands , & de ceux
dont le corps eft le plus long , relativement
à leur groffeur, aucun n'a tant de chevrons
à fa charpente. L'éléphant n'a que quarante
côtes , le cheval trente-fix , le blaireau
trente , le chien vingt-fix , l'homme vingt-qua-
tre , &c. Cette différence dans la conftrudion
de l'unau & de l'ai , fuppofe plus de diftance
entre ces deux efpèces qu'il n'y en a entre
celle du chien & du chat qui ont le même
nombre de côtes ; car les différences extérieu-
res ne font rien en comparaifon des diffé-
rences intérieures; celles-ci font, pour ainfi
dire, les caufes des autres qui n'en font que
les effets. L'intérieur dans les êtres vivans eft
le fond du delfein de la Nature , c'eft la
forme conftituante , c'eft la vraie figure ; l'ex-
térieur n'en eft que la furface ou même la
draperie ; car , combien n'avons - nous pas
vu , dans l'examen comparé que nous avons
fait des animaux, que cet extérieur fouvenc
très différent, recouvre un intérieur parfai-
tement femblable ; & qu'au contraire la
moindre différence intérieure en produit de
très grandes à l'extérieur , 6c change même
les habitudes naturelles , les facultés , les
attributs de l'animal? Combien n'y en a-t-il
pas qui font armés, couverts, ornés de par-
ties excédantes , & qui cependant , pour l'or-.
6t Hiflolre naturelle
ganifation intérieure , reflemblent en entier
à^'autres qui en iont dénués? Mais ce n'eft
point ici le lieu de nous étendre fur ce fujet,
qui , pour être bien traité, fuppofe non-feu-
lement un'? comparaifon réfléchie , mais im
développement fuivi de toutes les parties
des êtres organifés. Nous dirons feulement,
pour revenir à nos deux animaux , qu'autant
la Nature nous à paru vive , agiffante , exal-
tée dans les finges , autant elle eft lente,
contrainte & reflerrée dans ces parefTeux ; &
c'eft moins parefTe que misère : c'eft défaut,
c'eft dénuement, c'eA vice dans la conforma-
tion ; point de c'ents incifivesni canines, les
yeux obfcurs & couverts , la mâchoire aulïï
lourde qu'épaiffe , le poil plat & femblable
à de l'herl e féchée , les cuifTes mal emboî-
tées & pr'efqu2 hors des hanches , les jam-
bes trop courtes , mal tournées , & encore
plus iTial terminées; point d'affiette de pied,
point de pouces, point de doigts féparément
mobiles , mais deux ou trois ongles excefîi-
vement longs , recourbés en deffous , qui ne
peuvent fe mouvoir qu'en femble & nuifent
plus à marcher qu'ils ne fervent à grimper:
la lenteur , la Aupidité , l'abandon de fon
être, & même la douleur habituelle, réful-
tans de cette conformation bizarre & négli-
gée ; point d'armes pour attaquer ou fe dé-
fendre ; nul moyen de fécurité , pas même
en grattant la terre ; nulle reffource de falut
dans la fuite : confinés , je ne dis pas au pays ,
mais à la motte de terre , à Tarbre fous le-
quel ils font nés ; prifonniers au milieu de
l'efpace; ne pouvant parcourir qu'une toife
dt CUnau & de CAu ^%
en une heure ( c ) ; grimpant avec peine , fe
traînant avec douleur; une voix plaintive &
par accens entrecoupés, qu'ils n'ofent élever
que la nuit j tout annonce leur misère, tout
(c) Perillo ligeroy five canlcula agills ^ animal c fi om-
ni^m qU(Z viderim l^nav'ijjimum ; nam adeb lente mcvetutt
ut ad conficiendunt iter longum dumtaxat quinquaglnta paf-
fus , integro die ilLi opus fit In cèdes tranjlatum.
natnrali fiiâ tarditate mcvetur, nec à clamatione uUâ avt
impulfione gradum accélérât. Oviedo in fummario Ind,
occid. C2p. XXIII, traduit de l'EfpagnoI en Latin par
Clufius, Exotic. !ib. V, cap, xvi. Tanta efi ejus tardltas
vt unius diei fpatio vix quinquaglnta pajfus penranfire pof-
fit. Hernand. Hifi. Mex. — - Les Portugais ont donné le
nom de Parejfie à un animal affez extraordinaire, il eft
de la grandeur du Cerigou (^Sarigue). ... Le derrière
de fa tête eft couvert d'une groffe crinière, & fon ven-
tre eft fi gros, qu'il en balaie la terre : il ne fe lève
jamais fur pied , &. fe traîne fi lentement , que , dans
<ÏU!nze jours, à peine pourroit-il faire la valeur d'un jet
de pierre. Hifioire des Indes , par Mûfé, trad. de Dépure,
page ji, — L'animal que les Portugais ont appelle Pa-
reffe, fe traîne funs jamais fe lever debout, &
eft fi tardif, qu'il n'avance en deux femaines pas wn.
jet de pierre' Defcr. des Indes occid. par Herrera. Amft.
i6i2. pag. 2^2. — Tarn lintus efi illius grejfus & mem~
brorum motus ut quindecim ipfis dlebus ad lapidis icium
continua traHu vix prodeat. Pifon , Hifi. Eraf. pag. 522.
Nuta. Cette affertion de Pifon, empruntée de Maffé &
de Herrera, eft très-exagérée. — Il n'y a ponit d'ani-
mal plus parefieux que celui-ci ; il ne faut point de lé-
vriers pour le prendre à la courfe, une tortue fuffiroit.
Defmarchais , tome III , page 50/. Nota. Ceci eft encore
exagéré. — Il leur faut huit ou neuf minutes pour avan-
cer un pied à la diftance de trois pouces, & ils ne les
remuent que l'un après l'autre avec la même lenteur ;
les coups ne fervent de rien pour leur faire doubler le
pas, j'en ai feffé moi-même qus!ques-nns pour voir fi
cela les animeroit, mais ils paroiiToient infeoubles, & on
64 lï'ijloiri rfJturelU
nous rappelle ces monftres par défaut, ces
ébauches imparfaites mille fois projetées >
exécutées par la Nature , qui , ayant à peine
la faculté d'exifter, n'ont du fubfifter qu'un
temps, & ont été depuis effacées de la lifte
des êtres; & en effet, fi les terres qu'habi-
tent & l'unau & l'aï n'étoient pas des déferts ,
{\ les hommes & les animaux puiffans s'y
fuffent anciennement multipliés , ces efpèces
ne feroient pas parvenues jufqu'à nous, el-
les euffent été détruites par les autres , comme
elles le feront un jour. Nous avons dit qu'il
femble que tout ce qui peut être , eft : ceci
paroît en être un 4ndice frappant; ces paref-
îéux font le dernier terme de Texiftence dans
Tordre des animaux qui ont de la chair & du
fang ; une défe6tuofité de plus les auroit em-
pêchés de fubfifter. Regarder ces ébauches
comme des êtres auffi abfolus que les autres;
admettre des caufes finales pour de telles dif-
parates; & trouver que la Nature y brille
autant que dans fes beaux ouvrages , c*eft
ne fauroit les contraTndre à marcher plus vite. Voyage
de Dampkr, tome IIJ , page 50J. — Le pareffeux ne
fait pas cinquante pas en un jour : le Chaffeur qui le
veut prendre peut bien aller faire une autre chafTe, il
le retrouvera encore à fa place, ou il ne fera pas bien
éloigné. Voyage à Cayenne, par Binet. Paris, 1664, page
54/. — Perico Ugero , Pierrot Coureur On lui
iionne l*épithète de Coureur , parce quil lui faut une
grande journée pour faire un quart de lieue. Hlfioire
de VOrénoque par Gum'dla , tc^me JI , page ;J. Nota,
Cet Auteur eft le feul qui, fur le fait de la lenteur de
ces animaux , me paroiife avoir approché de U vérité.
ne
de rUnau & dt CAL ^J
ne la voir que par un tube étroit, & pren*
dre pour fon but les fins de notre efprit.
Pourquoi n'y auroit-il pas des efpèces d'a-
niaiaux créées pour la misère , puifque dans
refpèce humaine , le plus grand nombre y
eft voué dès la naifîance ? le mal , à la vé-
rité, vient plus de nous que de la Nature;
pour un malheureux , qui ne Teft que parce
qu'il eft né foible , impotent ou difforme ^ que
de millions d'hommes le font par la feule du-
reté de leurs fembiables ! Les animaux font
en général plus heureux , l'efpèce n'a rien à
redouter de fes individus ; le mal n'a pour
eux qu'une fource; ilen a deux pour l'homme:
celle du mal moral qu'il a lui-même ouverte,
eft un torrent qui s'eil accru comme une
mer , dont le débordement couvre & afflige
la face entière de la terre ; dans le phyfique
au contraire , le mal eft refferré dans des bor-
nes étroites:, il va rarement leul, le bien ed
fouvent au-deffus , ou du moins de niveau :
peut- on douter du bonheur des animaux ,
s'ils font libres, s'ils ont la faculté de fe pro-
curer aifément leur fubfiftance , & s'ils man-
quent moins que nous de la fanté, des fens
& des organes nécefTaires ou relatifs au plai-
lir ? Or le commun des animaux eft à tous ces
égards très richement doué; & les efpèces
difgraciées de l'unau & de l'aï , font peut-être
les feules que la Nature ait maltraitées, les
feules qui nous offrent Timage de la misère
innée.
Voyons-la de plus près; faute de dents,
ces pauvres animaux ne peuvent ni faifir une
proie j ni fe nourrir de chair j, ni même brou-
F
66 Hljlolrt natunîlf»
ter l'herbe; réduits à vivre de feuilles & de
fruits fauvages, ils confument du temps à fe
traîner au pied d'un arbre , il leur en faut
encore beaucoup (tf ) pour grimper jufqu'aux
( i") Aucuns eflimant cette bête vivre feulement de
feuilles d'un certain arbre nomraé en leur langue Ama-
hut ; cet arbre eft haut & élevé fur tout autre de ce
pays, Tes feuilles fort petites & déliées, & pour ce que
coûtumièrement elle efl: en cet arbre , ils l'ont appellée
Haut. S'in^ul. de la France, ant. par Thevet ^ page too. —
L'animal Parejfe ne vit que de feuilles d*arbres dont les
plus hautes branches lui fervent de retraite , il lui faut
«deux jours pour y monter Les encouragemens,
les menaces & les cours même n'ont pas la force de lé
faire aller plus vite. Hijloire des Indes, par Maffé , pagi
yj. Nota. Herrera dit la même chofe, & dans les mê-
mes termes, paf^e 1^2, — Le Slotk ou Parejfeux n*eft
pas tout-à fnit fi gros que l'ours mangeur de fourmis
( Tamanoir) , ni fi h-^riffé. . . . Il fe nourrit de feuilles
.... Ces animaux font beaucoup de mal aux arbres
qu'ils attaquent, & ils font fi lents à fe remuer qu'après
avoir marge toutes les feuilles d'un arbre, ils emploient
cinq ou fix jours à defcendre de celui-là & à monter
fur un autre, quelque proche qu'il foit, & ils n'ont que
la peau ôr les os avant d'arriver à ce fécond gîte , quoi-
qu'ils fuffent gras & dodus à leur defcente du premier.
ils n'r-bandonnent jamais un arbre qu'ils ne Payent tout
mis en pièces, & qu'ils ne l'ayent auflfi dépouillé qu'il
pourroit l'ê're au cœur de l'hiver. Voyage de Dampîer,
tome III y page 507. — Il monte fur les arbres, mais il
eft fi long-temps à y monter qu'on a tout le loifir de
l'y prendre : quand on l'a pris , il ne fe défend point
6c ne fonge point à prendre la fuite ; fi on lui préfente
wne longue perche , il fe met au(ïi-tôt en pofture d'y
monter, ce qu'il fait fi lentement que cela eft ennu-
veux; quand il eft au bout, il s'y tient fans fe mettre
en peine d'en defcendre. Voyage de Cayenncy par Binet,
pagî 7,41. — Les unaus ont quatre jambes, & fi ils ne
s'en fervent point, fi ce ft'ell pour giimpgr, & quaml
de tUnau & de l^Ju 67
branches; & pendant ce lent & trifte exer-
cice , qui dure quelquefois plufieurs jours ,
ils Ibnt obligés de fupporter la faim, & peut-
être de fouffrir le plus preffant befoin; arri-
vés fur leur arbre , ils n'en defcendent plus ,
ils s'accrochent aux branches, ils le dépouil-
lent par parties , mangent fuccelTivement les
feuilles de chaque rameau , pafTent ainfi plu-
fieurs femaines fans pouvoir délayer par au-
cune boiffon cette nourriture aride; & lorf-
qu'ils ont ruiné leur fonds, & que l'arbre
eft entièrement nu, ils y reftent encore re-
tenus par rimpoffibilité d'en defcendre ; enfin ,
quand le befoin fe fait de nouveau fentir ,
qu'il preffe & qu*il devient plus vif que la
crainte du danger de la mort, ne pouvant
defcendre ,, ils fe laifTent tomber & tomûent
très lourdement comme un bloc , une maffe
fans refTort : car leurs jambes roides & paref-
feufes , n'ont pas le temps de s'étendre pour
rompre le coup.
A terre , ils font livrés à tous leurs en-
nemis : comme leur chair n'eft pas abfo-
lument mauvaife, les hommes & les animaux
ils font fut rn arbre, ils ne s*en retirent aucunement
jufqu'à ce qu'ils ayent mangé toutes les feuilles, lors
il defcend & fe met à manger de la terre tant qu'il
remonte à un autre arbre pour y manger les feuilles
comme au précédent. — Nous plaçâmes cet anim-.l fur
la plus baffe voile de mifene, il fut près de deu-< heures
à monter fur la hune , ou un finge auroit grimpé en
moins d'une demi -minute, vous auriez dit qu'il aUoie
par reffort comme une pendule, Voyage de Woodcs R*^
gersy tçmc J, page 5^3,
F 2
6S Hijîoire naturelle
de proie les cherchent & les tuent; il paroît
qu'ils multiplient-peu, ou du moins que s'ils
produifent fréquemment, ce n'eft qu'en pe-
tit nombre; car ils n*ont qae deux mamelles :
tout concourt donc à les détruire , & il eft
bien difficile que refpèce fe maintienne ; ii
eft vrai que quoiqu'ils foient lents y gauches
& prefqu'inhabiles au mouvement , ils font
durs, forts de corps & vivaces, qu'ils peu-
vent fupporter long-temps la privation ( e )
de toute nourriture ; que couverts d'un poil
épais & fec j & ne pouvant faire d'exercice ,
ils dilîipenr peu & engraiffent par le repos ,
quelque maigres que foient leurs alimens ;
& que , quoiqu'ils n'ayent ni bois, ni cornes
fur la tête, ni fabots aux pieds, ni dents in-
cifives à la mâchoire inférieure , ils font
cependant du nombre des animaux ruminans,
& ont, comme ewx , plufieurs eftomacs ; que
par conféquent ils peuvent compenferce qui
manque à la qualité de la nourriture par la
quantité qu'ils en prennent à la fols ; & ce
qui eft encore extrêmement fmguiier , c'eft
qu'au lieu d'avoir, comme les ruminans, des
inteftins très longs , ils les ont très petits &
plus courts que les animaux carnivores. L'am-
tiguité de la Nature paroît à découvert par
ee contrafte; Tunau & l'aï font certainement
des animaux ruminans, ils ont quatre efto-
( /) Il me fat fait préfent d'un haut en vie , lequel je
garilai bien TsTpacô de vingt-fix jours , pendant lefquels
)2rvîais il ne voulut manger ni boire, Singul, de U Frtmçc
■enr, par Thcvet , pcge ^^,
de CUnau & de VAL 6^
macs, & en même temps ils manquent de tous
les caraftères tant extérieurs qu'intérieurs
qui appartiennent généralement à tous les au-
tres animaux ruminans : encore une autre
ambiguité:, c'eft qu'au lieu de deux ouvertu-
res au dehors, l'une pour l'urine & l'autre
pour les excrémens , au lieu d'un orifice ex-
térieur & diftinifr pour les parties de la gé-
nération 3 ces animaux n'en ont qu'un Teul ,
au fond duquel eft un égoût commun , un cloa-
que , comme dans les oifeaux. Mais je ne fi-
nirois pas fi je voulois m'étendre fur toutes
les fingularités que préfente la conformation
de ces animaux : on pourra les voir en dé-
tail dans l'excellente defcription qu'en a faite
M. Daubenton {f).
Au refte , û la misère qui réfulte du défaut
de fentiment n'eft pas la plus grande de tou-
tes, celle de ces animaux , quoique très ap-
parente, pourrolt ne pas être réelle ; car ils-
paroifTent très mal ou très peu fentir : leur
air morne , leur regard pefant , leur réfiftance
indolente aux coups qu'ils reçoivent fans s'é-
mouvoir, annoncent leur infenfibilité ; & ce
qui la démontre j c'eft qu'en les foumettant
au fcalpel , en leur arrachant le cœur & les
vifcères, ils ne meurent pas àl'inftant : {^),
(/) Voyez le tome XXVI de l'édition en trente-un
volumes.
(g) Secui fcmdlam vivam. ..... hahentem in fe
fatum omnibus modis perfecium cum pilis , un{[uibus &
dcntibus amnioni more c<zterorum animalium inclufum. Cor
motum fîivm valid'Jîtne retinebat pojiquam exemptum erat
h <orpQn per fsrni horium j placenta utcrina confiât multis
yù Hlfloîn naturelle
Pifon, qui a fait cette dure expérience, dit
que le cœur féparé du corps battoir encore
vivement pendant une demi -heure, & que
l'animal remuoit toujours les jambes comme
s'il n'eût été qu'aflbupi ; par ces rapports ,
ce quadrupède fe rapproche non- feulement
de la tortue , dont il a déjà la lenteur ,
mais encore des autres reptiles & de tous
ceux qui n'ont pas un centre de fentiment
unique & bien diftintl. Or tous ces êtres
font miférables fans être malheureux; & dans
fes produ6lions les plus négligées , la Nature
paroît toujours plus en mère qu'en marâtre.
Ces deux animaux appartiennent également
l'un & l'autre aux terres méridionales du nou-
veau continent^ & ne fe trouvent nulle part
dans l'ancien. Nous avons déjà dit ( h) que l'É-
diteur du Cabinet de Séba s'étoit trompé, en
donnant à l'unau le nom de Pareffeux de Ceylan :
cette erreur adoptée par Mrs. Klein , Linnasus
& BrifTon , eft encore plus évidente aujour-
d'hui qu'elle ne l'étoit alors; M. le marquis
de Montmirail a un unau vivant qui lui eft
farticulis carnets injlar fnhfiantix renum', rulicundls ma"
gnitudinis varia, infi^r fkbarum , in illas ati te m parti eu las
carneas (tenuibus membranulis connexas) fcr rmiltos ramw
los vafa umblUcalia i-nflar funis contorta , inferta erant.
Cor fcmella duas kabehat injtgncs auriculas cavas. Exempta
Corde cceterifque vifcerlbus . muUo pofi fe movebat & pedes
lente contrahehat fient dormituriens fotet. Mammillas duas
cum totidem papillis in peclore fcmclla & fttus gercbant^
pifon , Hiji, Braf. page 322.
{h) Voyez dans le Tome III de cet Ouvrage, /J^^g
'/o^les difcours fur les Animaux des deux Continensa
di Wnau& de ÎAu 71
venu de Surinam ; ceux que nous avons au
Cabinet du Roi viennent du même endroit
& de la Guiane , & je fuis perfuadé qu'on
trouve l'unau , aufTi-bien que l'aï , dans toute
rétendue des déferts de l'Amérique , depuis le
Brefil (^i) au Mexique; mais que , comme
il n'a jamais fréquenté les terres du nord ,
il n'a pu pafTer d'un continent à l'autre \ &
fi l'on a vu quelques-uns de ces animaux,
foit aux Indes orientales, foit aux côtes de
l'Afrique , il eft sûr qu'ils y avoient été tranf-
portés. Ils ne peuvent îupporter le froid;
ils craignent auffi la pluie : les alternati-
ves de l'humidité & de la sèchereffe altè-
rent leur fourrure , qui reffemble plus à du
chanvre mal ferancé , qu'à de la laine ou du
poil.
Je ne puis mieux terminer cet article que
par des obfervations qui m'ont été communi-
quées par M. le marquis de Montmirail ,
fur un unau qu'on nourrit depuis trois ans
dans fa ménagerie, u Le po 1 de l'unau eft
j> beaucoup plus doux que celui de l'ai. . . .
j> il eft à préi'umer que tout ce que les Voya-
» geurs ont dit fur la lenteur exceffive des
» parelTeux ne fe rapporte qu'à l'ai. L'unau,
» quoique très pefant & d'une allure très mal-
î) adroite , monteroit & defcendroit plufieurs
» fois en un jour de l'arbre le plus élevé.
j> C'eft fur le déclin du jour & dans la nuit
( i) L'.ï, décrit & gravé par M. E-^v/ards, venoit da
pays de Honr'utas, D. Antonio de Ulloa dit qu'on Cfl
trouve aux environs de Portc-bsllo»
71 H'ijloire natiirdlt
vt qu'il paroît s'animer davantage , ce qu^
» pourroit faire foupçonner qu'il volt très
5» malle jour, & que fa vue ne peut lui fer-
« vir que dans l'obfcurité. Quand j'achetai
j> cet animal à Amfterdam , on le nourriiToit
ï) avec du bifcuit de mer , & l'on me dit
j) que , dans le temps de la verdure , il ne
» falloit le nourrir qu'avec des feuilles : on
M a effayé en effet de lui en donner , il en
>» mangeoit volontiers quand elles étoient
» encore tendres; mais du moment où elles
» commençoienr à fe deffècher & à être pi-
I) quées des vers, il les rejetoit. Depuis trois
j> ans que je le conferve vivant dans ma mé-
» nagerie , fa nourriture ordinaire a été du
« pain , quelquefois des pommes & des raci-
j> nés , 6i f a boiffon du lait : il faifit toujours ,
» quoiqu'avec peine , dans une de fes pattes
î) de devant, ce qu'il veut manger, & la
i> groffeur du morceau augmente la difficulté
ï) qu'il a de le faifir avec fes deux ongles.
» Il crie rarement, fon cri eft bref & ne le
w réj)ète jamais deux fois dans le même temps:
M ce cri , quoique plaintif , ne reffemble point
» à celui de l'aï , s'il eft vrai que ce fon ai
j) foit celui de fa voix. La fituation la plus
» naturelle de Tunau, & qu'il paroît préfé-
îj rer à toutes les autres , eft de fe fufpen-
« dre à une branche , le corps renverfé en
» bas ; quelquefois même il dort dans cette
j) pofition , les quatre pattes accrochées fur
» un même point; fon corps décrivant un
j> arc ; la force de fes mulcles eft incroya-
» ble, mais elle lui devient inutile lorfqu'il
» marche , car fon allure n'en eft ni moin»
ï> contrainte
de tUnau 5* dt l* Aï, p^
t> contrainte ni moins vacillante : cette coii-
w formation feule me p»roît être une caufe
« de la pareffe de cet animal , qui n'a d'ail-
n leurs aucun appétit violent , & ne recon-
n noit point ceux qui le foignent. «
<laadnq>tdts , Tom» FI,
G
74 Hijloin natunlU
LE SURIKATE.
Voye:^ planche JV , figure i de ce Volume,
V^ ET animal a été acheté en Hollande, fous
le nom de Surikate ; il fe trouve à Surinam
& dans les autres provinces de l'Amérique
méridionale : nous l'avons nourri pendant
quelque temps, & enfuite M. de Sève , qui
a deffiné avec autant de foin que d'intelli-
gence les animaux de notre ouvrage , ayant
gardé celui-ci vivant pendant plufieurs mois ,
m'a communiqué les remarques qu'il a faites
fur fes habitudes naturelles. C'eft un joli
animal, très vif & très adroit, marchant quel-
quefois debout , fe tenant fouvent affis avec
le corps très droit, les bras pendans; la tête
haute & mouvante fur le cou comme fur wn
pivot ; il prenoit cette attitude toutes les
fois qu'il vouloit fe mettre auprès du feu
pour fe chauffer. Il n'eft pas fi grand qu'un
lapin, & reffemble afîçz par la taille & par
le poil à la Mangoufte : il eft feulement un
peu plus étoffé , & a la queue moins lon-
gue; mais par le mufeau dont la partie fu-
périeure eft proéminente & relevée , il ap-
proche plus du Coati que d'aucun autre ani-
mal. Il a ajfii un caraftère prefqu'unique ,
puifqu'il n'appartient qu'à lui & ài'Hyxnej ces
TTom a^t:
n.4
fS^^^^^^^^S^'
Ib^sbbi
du SurikaU* 75
deux animaux font les feuls qui ayent éga*
lement quatre doigts à tous les pieds.
Nous avions nourri ce furikate d^abord avec
du lait, parce qu'il étoit fort jeune ; mais Ton
goût pour la chair fe déclara bientôt; il man-
geoit avec avidité la viande crue, & fur-tout
la chair de poulet; il cherchoit auiïi à furpren-
dre les jeunes animaux : un petit lapin qu'on
élevoit dans la même maifon feroit devenu
fa proie fion l'eût laifTé faire. II aimoit aulH
beaucoup le poifTon & encore plus les œufs;
on l'a vu tirer avec fes deux pattes réu-
nies des œufs qu'on venoit de mettre dans
l'eau pour cuire : il refufoit l'es fruits &
inéme le pain, à moins qu'on ne l'eût mâ-
ché ; fes partes de devaiit lui fervoient comme
à l'écureuil pour porter à fa gueule. 11 la-
poit en buvant comme un chien , &: ne bu-
voit point d'eau j à moins qu'elle ne fût tiède :
là boiffon ordinaire étoit fon urine , quoi-
qu'elle eût une odeur très forte. Il jouoit
avec les chats , & toujours innocemment : il
ne faifoit aucun mal aux enfans , & ne mor-
doit qui que ce foit que le maître de la mai-
fon qu'il avoit pris en averfion. l\ ne fe fer-
voit pas de fes dents pour ronger , mais il
exerçoit fouvent fes ongles & grattoitle plâ-
tre & les carreaux jufqu'à ce qu'il les eût dé-
gradés; il éfoit fi bien apprivoifé qu'il enten-
doit fon nom ; il alloit feul par toute la mai-
fon & revenoit dès qu'on Tappelloit. Il avoit
deux fortes de voix, l'aboiement d'un jeune
ciiien lorfqu'il s*ennuyoit d'être feul ou qu'il
entendoit des bruits extraordinaires; 6i au
contraire lorfqu'il étoit exciré par des caref-
G 2
y 6 Tlijlo'irc naturdlt
ies , ou qu*il reflentoit quelque mouvement
de plaifir , il faitoit un bruit aufli vif & aulli
frappé aue celui d'une petite creffelle tour-
née rapidement. Cet animal étoit femelle »
& paroiffoit fou vent être en chaleur quoi-
que dans un climat trop froid , &: qu'il n'a
pu fupporter que pendant un hiver , quelque
foin que l'on ait pris pour le nourrir Ôt le
chauffer.
iu Tarjîtr, 77
îkXXKXXXXXXXXXXXXXXXKXXX*
LE TARSIER.
Voy€{ flanche îV^ )%. 2 de ce Volume*
l^ous avons eu cet animal par hafard &
d'une perfonne qui n'a pu nous dire ni d'où
il venoit, ni comment on l'appelloit : cepen-
dant il eft très remarquable par la longueur
excefTive de fes jambes de derrière ; les os
des pieds, & fur-tout ceux qui comporent
la partie fupérieure du tarfe , font d'une gran^
deur démelurée, & c'eft de ce caractère très
apparent que nous avons tiré fon nom. Le
Tarfier n'eft cependant pas le feul animal
dont les jambes de derrière foient ainfi con-
formées; la Gerboife a le tarfe encore plus
long ; ainfi, ce nom Tarfier, que nous don-
nons aujourd'hui à cet animal , ne doit être
pris que pour un nom précaire qu'il faudra
changer lorfqu'on connoîtra fon vrai nom ,
c'eft-à-dire, le nom qu'il porte dans le pays
qu'il habite. La gerboife fe trouve en Egypte ,
en Barbarie & aux Indes orientales :j'ai d'a-
bord imaginé que le tarfier pouvoit être c^ii
même continent & du même climat , parce
qu'au premier coup-d'œil il paroît lui reffem-
bler beaucoup * ; ces deux animaux font ds
* Pour avo'.r une idée nette ds la comparaifon de ces
deux animaux, nous prions le Icw^isur de jeter les yeux
^ }
78 Hijioirc naturdh
la même grandeur , tous deux ne font pas
plus gros qu'un rat de moyenne grolTeur ,
tons deux ont les jambes de derrière excef-
fivement longues & celles de devant ex-
trêmement courtes ; tous deux ont la queue
prodigieufen^ent alongèe & garnie de grands
poils à fon extrémité; tous deux ont de très
grands yeux , des oreilles droites , larges &.
ouvertes; tous deux ont également la partie
inférieure de leurs longues jambes dénuée
de poil , tandis que tout le refte de leur corps
en eft couvert : ces animaux ayant de com-
mun ces cara£^ères très fmguliers & qui n'ap-
partiennent qu'à eux , il femble qu'on devroit
préfunier qu'ils font d"'efpèces voifmes ou
du moins d'efpèces produites par le même
ciel & la même terre ; cependant en les com-
parant par d'autres parties , l'on doit non
feulement en douter , mais même préfumer
le contraire. Le tarfier a cinq doigts à tous
les pieds ; il a, pour ainfi dire , quatre mains,
car ces cinq doigts font très longs & bien
féparés ; le pouce des pieds de derrière eft
terminé par un ongle plat, & quoique les on-
gles des autres doigts foient pointus , ils font
en même temps fi courts & fi petits qu'ils
n'empêchent pas que l'animal ne puiffe fe fer-
vir de fes quatre pieds comme de mains; la
gerboife au contraire n'a que quatre doigts
i\.\x la figure de !a Gerboife, donnée par M. Edwards^
ëans fcs Glannres, pag'tf j^, & de la comparer à celle qi»ie
nous donnons Ici du Tarfier; ou Voyez Tom(^ -X/,,^^
\ à^ cçtu cdidork , U 6^are de U Gerboife*
du Tarjier, 79
& quatre ongles longs & courbés aux pieds
dé devant ; & au lieu du pouce , il n'y a
qu'un tubercule fans ongle ; mais ce qui l'é-
loigné encore plus de notre tarfier, c'eft qu'elle
n'a que trois doigts ou trois grands ongles
aux pieds de derrière : cette différence eft
trop grande pour qu'on puiiTe regarder ces
animaux comme d'efpèces voifmes , & il ne
feroit pas impolTible qu'ils fuffent auiîi très
éloignés par le climat ; car le tarfier avec
la petite taille ,, fes quatre mains , fes longs
doigts , fes petits ongles , fa grande queue ,
fes longs pieds, femble fe rapprocher beau-
coup de laMarmofe, du Cayopollin , & d'un
autre petit animal de l'Amérique méridionale
dont nous parlerons dans l'article qui fuit.
L'on voit que nous ne faifons ici qu'expofer
nos doutes, & l'on doit fentir que nous au-
rions obligation à ceux qui pourroient les fixer,
en nous indiquant le climat & le nom de ce
petit animal.
G4
8o Hifîoire, natunllc
LE P H -A L A N G E R.
Voyeipïancée JF^fig. '^^^de u Volume^
v-<ES animaux 3 qui nous ont été envoyés
mâles & femelles ^ fous le nom de Rats dg
Surinam , ont beaucoup moins de rapport
avec les rats qu'avec les animaux du même
fiUmat dont nous avons donné l'hiftoire fous
les noms de Marmofe & de Cayopolim, On
peut voir , par la defcription très exafte qu'ea
a faite M. Daubenton , combien ils font éloi-
gnés des rats , fur- tout à l'intérieur. Nous
^vons donc cru devoir rejeter cette déno-
mination de rats d£ Sunnam comme compo^
fée , & de plus comme mal appliquée; aucun
Naturalifte , aucun Voyageur n'ayant nommé
ni indiqué cet animal , nous avons fait fon
nom & nous l'avons tiré d'un caradère qui
ne fe trouve dans aucun autre animal ^ nous
l'appelions Pkalanger^ parce qu'il a les phalan-
ges fingulièrement conformées , & que de
quatre doigts qui correfpondent aux cinq
ongles dont fes pieds de derrière (ont ar-
més , le premier eft fondé avec fon voifm ,
en forte que ce double doigt fait la fourche
& ne fe fépare qu'à la dernière phalange pour
arriver aux deux ongles. Le pouce eft léparé
des autres doigts & n'a point d'ongle à fon
extrémité : ce dernier caractère , quoique re.-
du Phalangir. ^»
marqiiable , n'eft point unique ; le Sarigue
& la Marmofe ont le pouce de même; mais
aucun n'a , comme celui-ci , les phalanges
foudées.
Il paroit que ces animaux varient entre
eux pour les couleurs du poil , comme on
le peut voir par les figures du mâle & de
la femelle. Ils font de la taille d'un petit la-
pin ou d'un très gros rat , & font remarqua-
bles par rexceffive longueur de leur queue,
Talongement de leur mufeau & la forme de
leurs dents, qui feule fufîiroit pour faire dif-
tinguer le phalanger de la marmofe , du fa-
rigue , des rats , & de toutes les autres ef-
pèces d'animaux auxquek on voudroit le
rapporter..
it Hijloire naturelle
LE COQUALLÏN.
Voyei^ planche V, fig, 2 de ce Volume»
J'ai reconnu que cet animal , qui nous a
été envoyé d'Amérique , fous le nom à^ Écureuil
orangé^ étoit le même que Fernandès ( <? ) a
indiqué fous celui de Quauhicallotquapachli ou
Co^^docotequallin ; mais , comme ces mots de la
langue Mexicaine font trop difficiles à pro-
noncer pour nous, j'ai abrégé le dernier &
j'en ai fait Coquallin , qui fera dorénavant le
nom de cet animal. Ce n'eft point un écu-
reuil, quoiqu'il lui reffemble affez par la fi-
gure & par le panache de la queue ; car il
en diffère non-feulement par plufieurs carac-
tères extérieurs , mais aum par le naturel &
les mœurs.
Le Coquallin eft beaucoup plus grand que
l'écureuil , ïn duplam fere crefcit magnitud'mem ,
dit Fernandès ; c'efl un joli animal & très
remarquable par fes couleurs ; il a le ven-
tre d'un beau jaune , & la tête , auffi-bien
que le corps , variés de blanc , de noir , de
brun & d'orangé ; il fe couvre de fa queue
comme l'écureuil , mais il n'a pas comme
{a) Fr. Fernandès. Hiflor. anim, Noy, Hifpan, cap»
XXVI , pag. 8,
du Coquallin. 85
lui des pinceaux de poil à l'extrémité des
oreilles ; il ne monte pas fur les arbres ;
il habite comme l'écureuil de terre (^^) que
nous avons appelle le Suijfe, dans des trous
& fous les racines des arbres ; il y fait fa
bauge , & y élève fes petits ; il remplit auiïi
fon domicile de grains & de fruits pour s'en
nourrir pendant l'hiver ; il eft défiant &
rufé, & même affez farouche pour ne jamais
s'apprivoifer.
11 paroît que le coquallin ne fe trouve que
dans les parties méridionales de l'Amérique:
îesécureuilsblonds ou orangés des Indes orien-
tales font bien plus petits , & leurs couleurs
font uniformes ; ce font de vrais écureuils
qui grimpent fur les arbres & y font leurs
petits, au lieu que le coquallin & le fuiffe
d'Amérique fe tiennent fous terre comme les ,
lapins , & n'onr d'autre rapport avec l'écureuil
que de lui reffembler par la figure.
{h) Voyez le volume II de cette Hifloire Naturelle ,
page 261) ^ fuiv.
$4 Hljloin naturelle
LE HAMSTER (a).
Voye}^ planche F, ji^ure 3 de ce volume.
X-»E Hamfter eft un rat des plus fameux &
des plus nuifibles; &, fi nous n'avons pas
donné fon hifloire avec celle des autres rats,
c'eft qu'alors nous ne l'avions pas vu , & que
nous n'avons pu nous le procurer que dans
ces derniers temps ; encore eft-ce aux atten-
tions confiantes de M» le marquis de Mont-
fa) Le Hamfler. Cricetus en Latin moderne. Ce nom,
dit Gefner , paroît dérivé de la langue ll'yrienne, d.jns
laquelle cet animal s'appelle Skt\cciieck. Hamflcr ou Ha-
tnejier ex\ Allemand ; nom que nous avons adopté comme
étant celui de l'animal dans fon pays natal.
Chomih-Skr^ec{ek , en Polonois , félon Rzaczynski. , ,
Auci. Hijî. Nat. Polon. pag. 326.
Cricetus. Gefner, Hijt, quad, pag. 738, du(zfi*ur(t Cri»
ceti , ibidem.
^orcelLus frumtntanus Theiiotropheum Sihjia% à Gafp»
Scbwenckfeld , Lignîcii, 1603 , pag. 118 & 119.
GUs cinerco ru fus in dorfo » in ventre nlger , macuHs
tribus ad iatera albis M^rmota Ar ent:>ratenfis.
La Marmotte de Strasbourg. BrifTon, Rign. animal,
pag. 166.
Cricetus, mus caudâfub abbreviafa , auficulis rotundatls ,
ccrpore fubtus nigro , lateribus ruftfccntihus, Linn. Syjl,
nat. edit. X, pag. 60.
du Hamjlcr. Sj
tnirail pour tout ce qui peut contribuer à
l'avancement de l'Hiftoire Naturelle , & aux.
bontés de M. de Waitz, Miniftre d'État du
Prince Landgrave de HefTe-Caflel , que nous
fommes redevables de la connoiffance pré-
cife & exaôe de cet animal. Us nous en ont
envoyé deux vivans avec un Mémoire inf-
truâif (b) fur leurs mœurs & leurs habi-
tudes naturelles. Nous avons nourri l'un de
ces animaux pendant quelques mois pour
Tobferver , & en fuite on l'a foumis à la dif-
fedion pour faire la defcription & la com-
paraifon des parties intérieures avec celles
des autres rats ; on verra que par ces par-
ties intérieures le hamfter reffemble plus
au rat d'eau qu'à aucun autre animal ; il lui
reflemble encore par la petitefle des yeux
& la fineffe du poil ; mais il n'a pas la queue
longue comme le rat d*eau , il Ta au con-
traire très courte , plus courte que le
Campagnol , qui , comme nous l'avons dit ,
reflemble aufli beaucoup au rat d'eau par
la conformation intérieure. Le hamfter nous
paroit être à l'égard du campagnol ce que le
{b) Voici un Mémoire affer étendu fur Vefpèce de
mulot que l'on appelle HamJUr dans ce pays; il m'a été
fourni par M. de "Waitz , Miniftre d'Etat du Landgrave
de Heffe Caffel, qui joint aux qualités les olus propres
à former un homme d'État, le goût le plus vif pour l'Hif*
toire Naturelle. .... il m'a envoyé en même temps
deux de ces animaux vivans, que je voas enverrai par
la première occafion. Extrait d'une Lettre de M. le mar-
quis de Montmirail à M, de Buffoo , datée de Krumtack ,
ji juilUt ijCz,
86 Hijloirc natunlU
Surmulot eft à l'égard du Mulot ; tous ces ani-
maux vivent fous terre, & paroiflent animés
du même inftindl ; ils ont à-peu-près les mê-
mes habitudes j & fur-tout celle de ramaffer
des grains & d'en faire de gros magafins dans
leurs trous. Nous nous étendrons donc beau-
coup moins fur les refîémblances de forme
& les conformités de nature , que fur les
différences relatives & les difconvenances
réelles qui féparent le hamfter de tous les
rats :, fouris & mulots dont nous avons
parlé.
Agricola (c) eft le premier Auteur qui
ait donné des indications précifes & détail-
lées au fujet de cet animai : Fabricius ( d)
( c ) Hamfter qucm quidam crUetum nominant txïftit ira-
cundus & mordax adeo ut fi cum equus incaute per/equatur ,
Joleat profilire & os equi appetere , & fi prehenderit mordicus
tenere. In terrx. cavernis habitat, . . . pedcs habet admo-
dum brèves ; pills in dorjo color eft fere Leporis : in ventre
niger, in laterihus rutilus ,fcd utrumque latus maculis albis
tribus numéro diflinguitur. Suprcma capitis pars ut etïant
cervix eumdem ^ucm dorfum habet colorcm. Tempera rutila
funt'f guttur eft candidum. . • . pili autcm fie inhœrent cuti
ut ex ea difficultcr evelli pojjînt. . . . atque ob hanc eau-
fam & varictatem pelles ejus funt pretlofa. : multa fru-
menti grana in fpecum congerit 6* utrinque dentibus mandit.
.... ag:r Turingia. eorum animalium plenus ob copiam
& bonitatem frum£nti. Georg. Agricola, <i« animantibtis
fuhterrancis. Àpud Gefner, Hift. quad. pag. 738.
(d) Hamefter animal eft agrefte fub terra habitans. . . .
colore vario , ventre non candidofed potlùs nigerrimo. . . .
Dentés habet in anterioris oris ima fuprcma que pane bines t
prominentes 6* acutos , maUs taxas & a>r.plas , ambas ex-
portando imporiandoque replet : amhahus mandit. . . . cum
UîTiim effjdU, primum antcrloribus pcdibus ( quos talpd
du Hamjler, 87
y a ajouté quelques faits ; mais Schwenckfeld
(f) a plus fait que tous les autres; il a dif-
féqué le hamfter , & il en donne une defcrip-
tion qui s'accorde prefqu'en tout avec la nè-
fimiUs hahet hrevitate fcd minus latos ) cam rctrahlt^ lon-
gius pros;reJ[fus f on exportât. Cunlculos ad antrum pLi:res
apt cuhiti profunditatc fed admodum angujiss. . . . antrum
intus extendit ad capienda frument^ Mejfls tcmpcre
grana omnis generis frumenti importât . . , . terra ante cu-
niculos erecla non tumuU modo affur^iit , ut talpamm tumu-
li , fed ut agger dilatatur. . . . Vefcitur hoc animal fru^
mento omnis generis & fi domi alatur pane ac carnibus. In
agro etiammures venatur : cicum cum capit in pedes priorcs
erigitur quamvis autem corpore exiguum fit naturâ
tamen efl pugnix 6* temerarium. Lacejfitum quidquid ore
geflat piilfatis utroque pede malis fubitb egerit , recia hofl^em
invadens , fpiritu oris & ajfultu protervum ac minax. . . .
Nec tcrretur facile etiam fi viribus impar ei fit quem petit.
«... vidi ipfe , cum equum ajfultando narihus corripuijfee
non prius morfum dimijîjfe quam f&rro occideretur
Hamefiri pellis maxime durahilis In Turingiâ &
Mifniâ hoc animal frequcns non omnibus tamen in locis
fed in uberrimis & fcnilijfimis. In Lnfaciâ circa Rade-
burgum t è fatis panici effoditur ; Mulbergi ad Albim in
vineiis reperitur i nam maturis quoque uvis vefcitur. Georg,
Fabficius, apud Gefner, Hifi, quad. pag. 739 & 740.
( e ) Porcellus frumcntarius , Hamfler minor paulo cuni-
ctilo. Longitudo dodrantalis & palmi unius. Pilus in dorfo
ferc lepcris efi colore. Gula , venter & pedes interiores nigra
funi. Rubet in lateribus & circa caud^m, quoi coloris murinl
très diaitos longa. Maculée albce fub auribus , juxta rof-
trum, fupra armos & coxam. Pedes admodum brèves, di-
gitis 6* unguicu.'is albidis quinis utrinque. In pedum planta
feu parte digitorum infiriore tubcrcula veluti calLi uliqui
eminent. Oculi fplcndidi nigri élégantes. Dentés habet ut
lepus anteriores & latérales Lingua mollis fpcngicfa. E
huccuUs veficuliz utrinque amplot membranccefuh cutz por-
rigtmtur qua fenfima gracHefccntes dorfo tcnui limmento
alUgantur. Has infiar faui mcffis temporc granis tritici,
88 Hiflolrt naturtlU
tre. Cependant à peine a-t-il été cité par les
Naturaliftes plus récens , qui tous fe font con-
tentés de copier ce que Gefner en a dit ;
nous croyons donc devoir à cet Auteur la
fiUginis & aliis <eu folles quofpiam infarcit, atque in fuos
cuniculos comeatum in futuram hycmem congcnt ac uponit,
Pulmonihus candi dis quatuor funt lobi.
Cor renibus paulb tnajus mucrone obtufiore. Hepar tri"
pUcatum apparu unum fuper alterum impojltum, Inferior
pars dorfo adjacens duos obtinet lohulos. Media , qux maxi-
ma intégra abfquc incifuris integrum abdomen fecundum
latitudinem occupons ventriculum ex parte amplexatuf. Su-
perior portio divifa aliis incumbens diaphragmati proxitnc
fubjacet. Fel nullum confpicere licuit.
Ventriculus et duplex. Unus candidus rotundiujculus ,
eut altcr per ifihmum anneclitur longiufculus , finijîrum hy»
pochondrium occupons , hinc prope ijthmum a/ophagus injï'^.
ritur altcri fub dextro hypochondrio inteftina adhèrent. In
utroque reperiebatur chylus candidus pulticultt farinace^
fimiUs f crajjïor tamen in finiflro.
Intejîlna gracUia flavent ; uhi dejînunt , incipit catum
MnfraËluofum amplum , hinc crajjîora ad cxruleum vergunt
cclorem. Excernit pilulas longiufcidas injlar murium. Lien
fctoris fanguine foleam fcre humanam reprefentat.
Renés bini phafeoU magnitudine & figura. Veficula eatf
dida pifum Italicum aquat, rotunda lagenulx inftar.
Parit quinque fexve , uno partu.
j[n terra, cavernis habitat, agri vajlator &• Cereris hoflis»
Autumno multa frumenti grana in jpecunt eongerit , û»
utrinque , dentibus mandit,
Admodum pinguefcit ; oh id porcellis Iniicis non inepte
comparatur.
In cïbum non recipitur ; fed pelles confuuntur ad vejti-
monta ^
De caycrnâ fuâ aquâ ferymu feu frigidâ copiofe infufâ
tXfieUitur,
;\ïftice
du HamJIer, ^9
Juftice de citer en entier fes obfervations; ôc
en y ajoutant celles de M. de Waitz, nous
aurons tout ce qu'on peut defirer au fujet de
cet animal.
« Les établifîemens des hamfters (dit M.
») de Waitz) font d'une conftru^lion diffé-
» rente félon le fexe & l'âge , & auffi fui-
» vant la qualité du terrein. Le domicile du
» mâle a un conduit oblique, à l'ouverture
3> duquel il y a un monceau de terre exhauiTé :
» à une diftance de cette iffue oblique , il
» y a un feul trou qui defcend perpendicu-
'> lairement jufques aux chambres ou ca-
» veaux du domicile : il ne fe trouve point
» de terre exhaufîee auprès du trou , ce qui
5> fait préfumer que l'iffue oblique eft creu-
» fée en commençant par le dehors , & que
»> rifTue perpendiculaire eft faite de dedans
» en dehors , & de bas en haut.
n Le domicile de la femelle a auflî «rt
j) conduit oblique, & en même temps deux,
» trois & jufqu'à huit trous perpendicuîai-
» res , pour donner une entrée & fortie li-
» bres à fes petits ; le mâle & la femelle ont
3) chacun leur demeure féparéej la femelle
3? fait la fienne plus profonde que le mâle,
n A côté des trous perpendiculaires , à
n un ou deux pieds de diftance , les hamflers
« des deux fexes cr?u(ent félon leur âge,.
»? & à proportion de leur multiplication ,
» un , deux , trois & quatjre caveaux particu-
» liers, qui font en forme de voûte, tant par-
» defîbus que par-deffus, & plus ou moins
n fpacieux , fuivant la quantité de leurs pro-
» viûons,
H
90 Hijîoïrc natnnïte
» Le trou perpendiculaire eft le pafTage
n ordinaire du hamfter pour entrer &. for-
» tir. C'eft par le trou oblique que fe fait Tex-
n portation de la terre ; il paroît auffi que
» ce conduit qui a une pente plus douce dans
» un des caveaux & plus rapide dans un au-
w tre de ces caveaux > iert pour la circula-
n tion de l'air dans ce domicile fouterrain.
jj Le caveau où la femelle tait fes petits ,
y> ne contient point de provifion de grains ,,
» mais un nid de paille ou d'herbe. La pro-
3^ fondeur du caveau eft très, différente , un
» jeune hamfter dans la première année ne
i> donne qu'un pied de profondeur à fon
ï> caveau; un vieux hamfter le creufe fou-
»> vent jufqu'à quatre ou cinq pieds : le do-
» micile entier, y compris toutes les com-
» munications & tous les caveaux, a quel-
M quefois huit ou dix pieds de diamètre.
yy Ces animaux approvifionnent leurs ma-
3> gafins de grains fecs & nettoyés , de blé en
« épis , de pois & fèves en coffes qu'ils net-
57 toient enfuite dans leur demeure , & ils
5> tranfportent au dehors les coffes & les dé-
7> chets des épis par le conduit oblique. Pour
•n apporter leurs provifions , ils fe fervent
» de leurs abajoues , dans lesquelles chacun
y) peut porter à la fois plus d'un quart de,
» chopine de grains nettoyés.
w Le hamfter fait ordinairement fes pro-
» vifions de grains à 1j fin d'août ; lorfqu'il
j; a rempli {^s magafins , il les couvre & en
5j bouche foigneufement les avenues avec die
3> la terre , ce qui fait qu'on ne découvre pas
j; aiféraent fa demeure; on ne ia reconnoît
du Wamjizr. çt
» que par le monceau de terre qui fe trouve
w auorès du conduit oblique dont nous avons
» parlé ; il faut enfuite chercher les trous
» perpendiculaires & découvr r par là fon do-
» micile. Le moygn le plus ufité pour pren-
« dre ces animaux eft de les déterrer, quoi-
» que ce travail loit alTez pénible à caufe
« de la profondeur 6«l de l'étendue de leurs
î> terriers. Cependant un homme exercé à
-j) cetre efpèce de chafTe , ne laiiTe pas d'en
« tirer de l'utilité; il trouve ordinairement ,
•n dans la bonne faifon , c'eft- à-dire, en au-
37 tornne, deux boiïïeaux de bons grains dans
î> chaque domicile , & il profite de la peau
» de ces animaux dont on fait des fourrureSi,
jî Les hamiîers produifent àt\\y. ou trois fois-
n par an , & cinq ou fix petits à chaque fois »
» & fouvent davantage ; il y a des années
n où ils paroifTent en quantité innombrable Sc
n d'autres où l'on n'en voit prefque plus ;
7> les années humides font celles où ilsmul-
n tipîient beaucoup, &: cette nonibreufe mul-
57 tiplication caufe la difette par la dévaf-*
T) tation générale des blés.
» \iiï jeune hamfter ^ âgé de fix femaines
» ou deux mois, creufe déjà fon terrier/
» cependant il ne s'accouple ni ne produit
>r dans la première année de fa vie.
3) Les fouines poorfuivent vivement les
r haml^ers , & en détruifent un ^and nom-
3î bré ; elles entrent aulîi dans leurs terriers
« & en prennent poiTelTion.
w Les hamfters ont ordinairement le dos
n brun & le ventre noir. Cependant il y en
» a qui font gris , 5c cette différence peuï
H 1
9^ H'ijloîn naturctU
» provenir de leur âge plus ou moins avancé.
jy il s'en trouve aufli quelques-uns qui font
» tout noirs w.
Ces animaux s'entre-détruifent mutuelle-'
ment comme les mulots ; de deux qui étoient
clans la même cage , la femelle dans une
nuit étrangla le mâle , &, après avoir coupé
les mufcles qui attachent les mâchoires, elle
fe fit jour dans fon corps où elle dévora une
partie des vifcères. Ils font plufieurs portées
par an, & font fi nuifibles que , dans quelques
États d* Allemagne , leur tête eft à prix ; ils
y font (1 communs que leur fourrure eft à
très bon marché.
Tous ces faits, que nous avons extraits
du Mémoire de M. de Waitz & des obferva-
îions de M. de Montmirail , nous paroifTent
certains, & s'^accordent avec ce que nous
lavions d'ailleurs au fujet de ces animaux >
mais il n'eft pas également certain , comme
on le dit dans ce même Mémoire , qu'il foient
engourdis & même deflechés pendant l'hiver,
&: qu'ils ne reprennent du mouvement & de
k vie qu'au printemps. Le hamfter que nous
avons eu vivant, a paffé l'hiver dernier 1762,-
63 dans une chambre fans feu , & où il ge-
îoi: affez fort pour glacer l'eau; cependant il
re s'eft point engourdi & n'a pas ceiTé de*
fe mouvoir & de manger à fon ordinaire,.
au lieu que nous avons nourri des Loirs &
des Lerots qui fe font engourdis- à un degré
ce fkOid beaucoup maindre : nous ne croyons
donc pas que le hamfter (e rapproche des
loirs ou de la marmotte par ce rapport, &
c'cii mal-à-propos que quelques-uns de nos
du Hamficr, 95
Naturalises Vont appelle marmotte de Stras-
bourg, puifqu'il ne dort pas comme la mar-
motte 3 & qu'il ne fe trouve pas à Straf-
bourg.
94 Hijloirt natUTilU
LE B O B A K [a]
ET LES AUTRES MARMOTTES,
Voye:^ planche F, figure i de ce Volume,
J_j'ON a donné le nom de Marmotte de Stras'
bourg au Himfter, & celui de marmotte de Po-
logne au Bobak; mais autant il ert certain:
que le hamfter n*eft point une marmotte ,
autant il eft probable que le bobak en eft une ;
car il ne diffère de la marmotte des Alpes
que par les couleurs du poil ; il eft d'un
gris moins brun ou d'un jaune plus pâle; il
a aulîi une efpèce de pouce , ou plutôt un
ongle aux pieds de devant , au lieu que la
marmotte n*a que quatre doigts à Tes pieds ^
Si que le pouce lui manque. Du refte, elle
lui refTemble en tout, ce qui peut faire pré-
/vimer que ces deux animaux ne forment
pas deuK efpèces iftinâes & féparées. Il en
eft de même du Monax ( /> ) ou Marmotte de
(a) Bobak y nom de cet animal en Pologne, & que
nous avons adopté.
B"bak , ?<iac\ynshi , Hift. Nat^ Polon. page zj"^ , idem.
Auci. p.-ig. ?27.
GUs flcvlcàns capite rufcfccnte. . . Marmota Polonica.
La Marmotte de Pologne, briif. Rcg. anim. pa^. 165.
{b) Vo^ez la figure & la defcription du Monax daas
rHiftoite des OiCeaux à' Edwards ^ pag. 104»
T^ora -AT:.
Pi. 5:
r L e Bot> aie. 2.Le CoaucuCirv. 5 TuiHaurtSter,
du Bobak. 9T
Canada , que quelques Voyageurs ont ap-
pelle Sifficur ; il ne paroît différer de la mar-
motte que par la queue , qu'il a plus lon2;u«-
& plus garnie d-e poils. Le monax du Ca-
nada, le" bobak de Pologne & la marmotte
des Alpes pourroient donc n'être tous trois
que le même animal , qui , par îa difFérence
des climats auroit i'ubi les variétés que nous
venons d'indiquer. Comme cette efpèce ha-
bite de préférence la région la plus haute
& la plus froide des montagnes ; comme
on la trouve en Pologne , en Ruflie & dans
les autres parties du nord de l'Europe , il
n'eft pas étonnant qu'elle fe retrouve au Ca-
nada oii feulement elle efl plus petite qu'en
Europe (c),& cela neluieft pas particulier ,
car tous les aoimaux qui font communs aux
deux continens , font plus petits dans le nou-
veau que dans l'ancien.
L'animal de Sibérie , que les Rufles appel-
lent Jevrajckka, eft une efpèce de marmotte
encore plus petite que le monax du Canada f
cette petite marmotte a la tète ronde & le
mufeau écrafé; on ne lui voit point d'oreil-
les , 8i l'on ne peut même découvrir Tou-
verture du conduit auditif, qu'en détournant
le poil qui le couvre; la longueur du corps>
y compris la tête , eft tout au plus d'un pied;,
(f) M>?*. La Martrottedes Alpes 5t ceire He Polo-
gne (Bobak), ont un pied & demi depuis l'extrémité
du mufeau jurqu'à l'origine de la queue. Le Monax oa
Marmotte de Canada n'a que quatorze ou quinze pou-
ces de longueur.
€)& Hijîolre naturelle
la queue n*a guère que trois pouces , elle
eft prefque ronde auprès du corps, & en-
fuite elle s'aplatit , & fon extrémité paroît
tronquée. Le corps de cet animal eft aflez
épais , le poil eft fauve , mêlé de gris , &
celui de l'extrémité de la queue eft prefque
noir. Les jambes font courtes , celles de der-
rière font feulement plus longues que cel-
les de devant. Les pieds de derrière ont cinq
doigts & cinq ongles noirs & un peu cour-
bés, ceux de devant n'en ont ^ue quatre i
lorf ju'on irrite ces animaux , ou feulement
qu'on veut les prendre ^ ils mordent violem-
ment, font un cri aigu comme la marmotte;
quand on leur donne à manger , ils fe tien-
nent allis , & portent à leur gueule avec les
pieds de devant ; ils fe recherchent au prin-
temps & produifent en été; les portées or-
dinaires font de cinq ou fix ; ils fe font
des terriers où ils paiîent l'hiver , & où la
femelle met bas & allaite fes petits : quoi-
qu'ils ayent beaucoup de reffemblance &
d'habitudes communes avec la marmotte , il
paroît néanmoins qu'ils font d'une efpèce réel-
lement différente; car dans les mêmes lieux,
en Sibérie , il fe trouve de vraies marmottes
del'efpèce de celles de Pologne ou des Al-
peSj & que les Sibériens appellent Surok {^d)y
(d) Voyage ce Gmdln , tome II y page 444- —^ Les
Tartires, ^\x Ruhruquis , mt force marmottes ou lirons,
qu'ils appellent Sogur, qui s*a.Ten->bîer.t vingt & tr«»rte
enfemble dans une grande fû(ïe l'hiver, où ils dorment
fix mois durant j ils ptenneat force de ces bêtes-'à.
An Bohak» 97
SiVonn'apas remarqué que ces dewx efpèces
fe mêlent ni qu'il y ait entr*elles aucune race
intermédiaire.
Voyages tn TartarU y V^%l^ ^5 Nota. Il paroît qu€ ce
Sogur de Rubruquis doit être le même animal que !«
Jcyrafchka tîe Gmelin , puifque l'autre marmotte s'appeUt
Sttrak', ou bien l'Auteur a pris Surok pour Soguu
<iuadruvtdi4 , Toïïii VL
9^ Hljïolrt naturelU
LES GERBOISES.
VTerboise eft un nom générique , qne nous
employons ici pour défigner des animaux re-
marquables par la très grande dirproportion
qui le trouve entre les jambes de derrière
ésL celles de devant, celles-ci n'étant pas fi
grandes que les mains d'une Taupe , & les
autres refiemblant aux pieds d'un oifeau. Nous
connoiffons dans ce genre quatre efpèces ou
variétés bien diftinûes, i®. Le Tarfier dont
nous avons fait mention ci-devant, qui eft
certainement d'une efpèce particulière^ parce
qu'il a les doigts faits comme ceux des fm-
ges, & qu'il en a cinq à chaque pied. 2?. Le
Gerbo(^)ou gerboife proprement dite ^ qui
a les pieds faits comme les autres fiflipèdes ,
(û) Gcrhoy mot dérivé de Jerhuah ou Jerboa, nom d^
cet animal en Arabie, & que nous avons adopté.
Gerbo. Voyages d& Corneille U Brun. Paris, 17141
psge 406, fig.^page 410.
Gerbo ife. Voyage de Paul Lucas , tome II , page 73 ,
fig. page 74.
Jerboa, Voyage de Shaw , pag. 148 , fig, pag. 249.
Mui jaculus pedibtis pojîuis longiffimls caudâ cpctremi
f'dlosâ. Haflfelquift. Itin. cl. /, an. vi.
l>6 C^rtua. Glîr^urcs d'Edwwdj t^, 18, fig. pi. ji^.
dis Gcrhoijes» ^^
«qnatre doigts aux pieds de devant , & trois
à ceux de derrière. 3^, L'AIagtzga (h ) , dont
{b) A/agtaga, nom de cet animal chez les Tartares»
^ongous, & que nous avons adopté. M. MeflTerfchmi/l
.qni a tranfmis ce nom , dit qu'il fignifie animal qin ne
^cut marcher i cependant le mot Magtaga me paroît trèi:
voifin de letaga, qui, dans le même pays, défigne le
polatouche ou écureuil-volant; ainfi , je ferois porté à
«roire <{u'alcgtaga comme ktaga, fent plutôt des noms
génériques que ("pécifiques , ôc qu'i:s délignent un ani=
mal qui vole, d'autant plus que Strahlenberg, cité par
M. Gmelin , au fujet de cet animal , l'appelle LUvre
vofant.
Cunkulus feu kpus Inâlcus ntîas diclus. Aldrov. de
.quad. digit. fig, pag. 395. Noti. i^. Mrs, Linnaîus &
Edv/ards ont rapporté au Gerbo cette égure donnée par
Aldrovande , mais elle me paroît convenir un pew mieux
à Talagtaga ; l'éperon ou quatrième doigt des pieds de
■derrière y eft bien marqué , & c*eft par ce caraéière que
l'alagtaga diffère du Gerbo , qui n'a que trois doigts fans
apparence d'un quatrième. Nota, t^ . Aldrovaade a fait
Mne faute en appliquant à cet animal le nom d'Utias^
<e mot efl: Américain & n*a jamais été employé que
•poitr défigner im petit animal qite les Efpagn ois trouvè-
rent à Saint-Domingue lorfqu'ils y arrivèrent; & de-
puis q<ielques Auteurs l'-ont appliqué au cochon d'Inde ^
Tt^ais jamais il n'a pu défigner ni Talagtaga ni le gerbo.
Je crois que ce mot utias , qu'on doit prononcer outias ^
vient de coudas , nom que quelques Auteirrs donnent à
l^acouti ou agouti^ 5c que par canféquent l'utias ne
défigne pas un autre animal que Tagouti , qui étoit &
qui eft encore naturel à l'ifle de Saint-Domingue, ôc
■qu'on y a trouvé lorfqu^on en fit la découverte. Il y
a eu de tout temps dans les Antilles (dit l'Auteur de
î'Hiôoire des Antilles) quelques bêtes à quatre pieds;
telles que î'oppoffum (farigue), le javaris (pécari), le
tatou , l'acouti & le rat mu fqué (pilori). Hijl' Nat. de*
Ifiis Amitiés, page lai.
CunicuLus pumilioy faliens , caudâ longijjlmâ. GmeKa;
^09» Com.^ Acad. Petrop. tome V , tib, xi , fig. I«
tOO Hijîoîrc natiinlU
les jambes font conformées comme celles
du gerbo , mais qui a cinq doigts aux pieds
de devant & trois à ceux de derrière , avec
un éperon qui peut paffer pour un pouce ou
quatrième doigt beaucoup plus court que les
autres. 4^. Le Daman Ifraël {^c) ou Agneau
d'ifra'cl^ qui a quatre doigts aux pieds de de-
vant & cinq à ceux de derrière , qui pour-
roit bien être le même animal que M. Lin-
naeus a défigné par la dénomination de Mus
lo'igîpes (d).
Le gerbo a la tèto. faite à-peu-près comme
celle du lapin , mais il a les yeux plus grands
& les oreilles plus courtes, quoique hautes
& amples, relativement à fa taille; il a le
nez couleur de chair & fans poil, le mufeau
court & épais; l'ouverture de la gueule très
retite , la mâchoire fupérieure fort ample ,
'inférieure étroite & courte ; les dents comme
celles du lapin; des mouftaches autour de la
gueule , compoiées de longs poils noirs &
blancs ; les pieds de devant font très courts
& ne touchent jamais la terre ; cet animal
(c) Daman Ifraèl, agneau d'If raël. Voyage de Shaw ,
tome II, page 75.
Animal quoddam pumile cunîculo non diffîmile , fcd eu»
nlculls majus auod agnum fîliorum Ifraël nuncupant Pro^p,
Alpin. Firji. JEgypt. lib. IV, cap. ix , pag. 231.
(d) Longipes. Mus caudd elongdtâ vejîitd , palmis te-
-tradactylis , plantis pentadactylls , fem^ûribus longlffîmis,
Linn. Syfi. nat. cdit. X , pag. 6r. Nota, le mot femori"
hiis e{l ici mal appliqué, ce ne font pas \qs cui^Tes ni
tnême les ]atnbes , mais les. premiers os du pied » les
méutarfes que ces animaux ont très longs.
des Gerhoifeié lôî
ne s*én fert que comme de mains pour por<»
ter à fa gueule. Ces mains portent quatre
doigts munis d'ongles ^ & le rudiment d'un
cinquième doigt fans ongle : les pieds de
derrière n'ont que trois doigts , dont celui
du milieu eft un peu plus long que les deux
autres , & tous trois garnis d'ongles : la queue
eft trois fois plus longue que le corps j elle
eft couverte de petits poils roides , de la
même couleur que ceux du dos , & au bout
elle eft garnie de poils plus longs, plus doux,
plus touîfîus ,qui forment une efpèce de houpe
noire au commencement & blanche à l'ex-
trémité. Les jambes font nues & de couleur
de chair , aum-bien que le nez & les oreil-
les : le deffus de la tête & le dos font cou-
verts d'un poil rouflatre , les flancs , le def-
fous de la tête , la gorge , le ventre & le
dedans des cuilTes font blancs ; il y a au bas
des reins & près de la queue , une grande
bande noire tranfverfale en forme de croif-
fant (e\
L'alagtaga eft plus petit qu'un lapin , iî a le
corps plus court, fes oreilles font longues,
larges , nues , minces , tranfparentes & par-
femée5 de vaiffeaux fanguins très apparens ;
la mâchoire fupérieure eft beaucoup plus
ample que l'inférieure, mais obtufe 6l aflez
(e) Voici les dimenfions de cet animal, données par
Haffelqu'ft. Magnitudo corporis ut in mure domtftico ma-,
jore. Menfuratio capit. poU. J. corp. poU. z \. catid. fpUh,
J \. pojl. pÉd./pith. i. antcr, infra polUccm. Myjl. longiff»
polL j.
I3
lOlr lîijtoïn naturdh
large à Pextrémité; il y a de grandes mouf^
Mches autour de la gueule; les dents font
comme celles des rats ; les yeux grands ,
li'iris & la paupière brunes ; le corps efi
ctroit en avant , fort large & prefque rond
«n arrière , la queue très longue & moin»
grofle qu'un petit doigt, elle eft couverte
fur plus des deux tiers de fa longueur, de
poils courts & rudes ; fur le dernier tiers,
ils font plus longs , & encore beaucoup plus
longs, plus touffus & plus doux vers le bout
où ils forment une efpèee de touffe noirç au
commencement , & blanche à l'extrémité.
Les pieds de devant font très courts , il ont
cinq doigts; ceux de derrière, qui font très-
longs , n'en ont que quatre , dont trois font
iitués en avant , & le quatrième eft à un
pouce de diftance des autres; tous ces doigts.
font garnis d'ongles plus courts dans cenx.
de devant, & un peu plus longs dans ceux
de derrière. Le poil de cet animal eft doux
^ affez long ^ fauve fur le dos , blanc fous
ie ventre (/).
L'on voit en comparant ces deux defcrip-
tions dont la première eff tirée d'Edwards
(/) Voici les fîîmenfions de cet animaî, données par
Cmelin. Longltudo ab extremo rojiro ad initium cauJ».
foll. 6 ; aà oailos poil. I. Auncularum poli. I \ ; caud.z
goll. S l ; pedum anteriorum ah humera nd extnmos ufqnt
dlgitos poil, l \ ; pedum pojieriorum à fujjfraglnif'us ad i'ù^
tium Jifque calcanci pclL 5 ; à. calcaneo ad exortum d'ight
■pojlerioris poil, I ; ad extrêmes ungues poil- 2. Latirido
corporis anttrioris poil. J ^ , pojkriorirpoU. j, auricularum
Foll. i.
des GerhoiftS, IÔ3
& d'Haflelquift , & la féconde de Gmeîin ,
que ces animaux fe reffemblent prefqu'autant
qu'il eft pofTible; le gerbo eft feulement plus
petit que i'alagtaga, & n'a que quatre doigts
aux pieds de devant, & trois à ceux de der-*
rière fans éperon , au lieu que celui-ci en
a cinq aux pieds de devant , & quatre , c'eft-
à-dire , trois grands & un éperon à ceux de
derrière; mais je fuis très porté à croire que
cette différence n'eft pas contante , car le
do61eur Shaw (g) qui a donné la defcription
& la figure d'un gerbo de Barbarie , le repré-
fente avec cet éperon ou quatrième doigt
atix pieds de derrière ; & M. Edwards re-
marque qu'il a foigneufement obfervé les deti^
gerbos qu'il a vus en Angleterre , & qu'il ns
leur a pas trouvé cet éperon; ainfi, ce ca-
ra6ière qui paroîtroit diftinguer fpécifiquement
le gerbo & Talagtaga n'étant pas confiant ,
devient nul & marque plutôt l'identité que
la diverfité d'efpèce ; la différence de gran-
deur ne prouve pas non plus que ce foient
deux efpèces différentes , il fe peut que
Mrs. Edwards & Haffelquift n'ayent décrit
que de jeunes gerbos, & M. Gmelin un vieux
alagtaga : il n'y a que deux chofes qui me
îaiffent quelque doute , la proportion de la
queue qui eft beaucoup plus grande dans le
gerbo que dans i'alagtaga, & la différence
du climat où ils fe trouvent. Le gerbo eft
(g) Voyage du Douleur Shaw, fa^cs i^^S & ^4Çt
I 4
104 Hifioln naturdîi
commun en CircaCie (A)> en Egypte (i);.
en Barbarie , en Arabie , & l'alagtaga en
Tartarie , fur le Volga & Jufqu'en Sibérie v.
il eft rare que le même animal habite des
climats aufîi ditFérens y & lorfque cela arrive ,.
refpèce fubit de grandes variétés, c*eft aufli
ce que nous prétumons être arrivé à celle
du gerbo, dont l'alagtaga, malgré ces dif-
férences , ne nous parok être qu'une variétés
Ces petits animaux cachent ordinairement
leurs mains ou pieds de devant dans leur
poil , en forte qu'on diroit qu'ils n'ont d'au*
très pieds que ceux de derrière ; pour fe
tranfporter d'un lieu à un autre, ils ne mar*
chent pas , c'eft-à dire , qu'ils n'avancent pas
les pieds l'un après l'autre;, mais ils fautent
très légèrement &. très vite, à trois ou qua-
tre pieds de diftanee , & toujours debout comme
des oifeaux ; en repos, ils font alîis fur leurs,
genoux , ils. ne dorment que le jour & ja-
(A) On trouve en Circafïîe , auflTi-bJen qu'en Perfe^
€n Arabie ôi aux environs de Bahylone, une efpèce de
mulot appellée Jerbuah en Arabe, de la grandeur & col:-
leur à-peu-près d'un écureuil ». . Quand il faute,,
il s'élance à cinq ou fix pieds h.iut de terre. ..... Il
quitte quelquefois les champs & fe foutre dans les mai-
fons. Voyage d Oléarius ,. ■pz^e T^yj.
( i ) En Egypte, je vis de petits animaux qui couroient
très fort fur leurs deux jambes de derrière i elles étoîeat
fi longues qu*ils fembloient montés fur des échaffes. Ces
animaux terrent comme les lapins. On en prit fept qvie-
j'emportai ; il m'en eft refté deux que j'ai- af>portés e».
France , où ils ont vécu à la Ménagerie du Roi pen-
dant ciîux ans» Voyage de Paul Lucas ^ tom. Il» pag» 74a.
âfs Gerhùlfes, lôÇ
maïs la nuit; ils mangent du grain & des
herbes comme les lièvres; ils font d*un na-
turel affez doux , & néanmoins ils ne s'ap-
privoifent que Jufqu'à un certain point , ils
fe creufent des terriers comme les lapins,
& en beaucoup moins de temps ; ils y font
un magafin d'herbes fur la fin de l'été, & dans
les pays froids ils y paffent l'hiver.
Comme nous n'avons pas été à portée de
faire la difleÔion de cet animal , & que \L
Gmelin eft le feul qui ait parlé de la confor-
mation de fes panies intérieures, nous don-
nons ici fes observations en attendant qu'on
en ait de plus précifes & de plus étendues (jt),
A l'égard du daman ou agneau d'Ifraël , qui
nous paroît être du genre des gerboifes , parce
qu'il a comme elles les jambes de devant
très courtes en comparaifon de celles de der-
rière , nous ne pouvons mieux faire ^ ne
{k) (S/ophagus , uti in Upore 6» cuniculo , medio ven-»
trlculo injeritup , intifiinum c<ecum hnve admodum fed am~^
plum eft in procejfum vermiformem , duos polUces lon^um
abiens, ChoUd^chus mox hfra-, pylorum inteji'mum fuhit,
Vefica urinana citrinâ aquâ pUna , lUiri nuUa. plane dif'
tinciio ; vagha enim canalis inflar fine ulUs arùfidis in
pubem ujque proten/<i in duo mox comua divld:tur, qux uhc
ovariis appropinquant multas infiexiones faciunt & in ova»
riis terminantur. Pencm mafculus hahct fatis magnum, eut
firca vefica unnari(Z collum vificula feminaUs unciam cum
dimidio (ongoi . graciles & extrem'tatibus intortx adjsccnt„
Foramen aut fimis qucfdjm innr anum &pencm, aut inter
anum & vutvam nuH^modo potui difcern^re , Hcct quafvis:
in indagatione ijla cautzlas ailùhuinm Cunicult
Americani ^ porcdli pilis. & voce. Marcgrav. labricd in^
ternarum panlum ab hoc animali non multun abludunt^
Gmtlin. Nqv» Corn, ac^ Petrop, tome V* art, vii*
lo6 Tlifioirt naturelle
l'ayant jamais vu, que de citer ce qu'en dit Te
dcfteur Shaw , qui éroît à portée de le com-
parer avec le gerbo , & qui en parle comme de
deux efpèces différentes : « le ^aman Ifraël ,
j> dit cet Auteur, eft aulTi un animal du mont
ï> Liban , mais également commun dans la
3> Syrie & dans la Phénicie ; c'eft une bété
» innocente qui ne fait point de mal, & qui
» reffemble pt>ur la taille & pour la figure
y» au lapin ordinaire , fes dents de devant
» étant aufîî difpofées de la même manière ;
3» feulement il eft plus brun & a les yeux plus
» petits & la tête plus pointue ; fes pieds
jy de devant font courts , & ceux de der-
» rière lon^s, dans la même proportion que
» ceux du ^erboa ( gerbo ). Quoiqu'il fe ca-
» che quelquefois dans la terre , fa retraite
» ordinaire eft dans les trous & fentes de ro-
3> chers, ce qui me fait croire, continue M.
-n Shaw, que c'eft cet animal plutôt que le
î) jerboa ( gerbo ) qu'on doit prendre pour le
n fnphan de l'Écriture, perfonne n'a pu me dire
3) le nom moderne de daman Ifrael, qui figni-
» fie agneau dlfra'él " ( /). Profper Alpin , qui
avoit indiqué cet animal avant le dofteur
Shaw, dit que fa chair eft excellente à man-
ger , Se qu'il eft plus gros que notre lapin
d'Europe ; mais ce dernier fait paroît dou-
teux, car le do6^eur Shaw l'a retranché du
paflage de Profper Alpin , qu'il cite au refte
en entier.
(/) Voyage de Shaw, tomt, Il^pagc-j^^
PI. 6]
A^
4;
L
âi la MangGuJle, 107
LA MANGOUSTE [ci].
Voye:^ planche VI ^ fig. 1 de ce volume,
J_jA Mangoufte eft domeftique en Egypte
comme le chat l'eft en Europe , & elle Teit
{a) Mangouftef^ mot è.ér\vé de Mangutia, nom de cet
animal aux Indes.
Ichmumon en Grec & en Latin. Te^tr dta en Arabe >
félon le Do£teur Sha^^r.
Mungo par les Portuo;3is, & Muncus par le<: Hollar-
^ois de l'Inde » fe'an Kampfer. QuU ou QjillfpeU à
Ceylan , félon Ganias du Jardin. Chiri au Malabar ,
ftlon le P. Vincent Mnrie.
Ichnc-^mon , Atiftoulis. Hift. anîiTL. l'ib. VI, cap. 5j ,
& lih. IX, c^.p. 6.
Ichr.iuTnoTiy que les Egyptiens aocnment Rat de Pha-
Taon. Ohfervatfors is I>-iion. Paris, l'^'j'; , fiuilUi 97,
fg. ibid. — Le rat de Pharaon. Bélon, de la nature des
folffcns. Paris . Î5 5 5 . P^f^ ?; . /l"- P^^e 37-
Ichnciiman fivc Lutra jE^yfti, Aldrov. dt guad. digït.
page 198 ; fi-z. pag. ;joi.
Serpenticidct five Muncos. Rumph, Herb. VIII , page
Ép, trb. 2,8, f.g. a & 5. ^
Viverra. Mun^o. KoeTijlfer, Amxntt^ pag. ^74.
Ichneumon. Mus Pharaonix. Profp. Alpin. ////?. JS'gyp-
ta , T)ag. 254 & 17;, tab, XIV, fig. ^.
Ichneumon ou mf i/c Pharaon. Maillet , Dvfcription de
i'EzyptCy pag. 54 , ûg. p^i.f.
MnfitJa. j^gyptiaca. Ichneumon , /i/ ç/?, inviftigatcr.
Mus Pharaonis; rn-js yEgjptr ; D an 11 la : Donola; muf-
tela j^gypti fsculûils.. hutr.i j^gypn. Klein , dt Quad.
pag. ^4:
lo8 Htjïoln naturelle
de même à prendre les fouris & les raM (l>')i
mais fon goût pour la proie eft encore plus
vif, & fon inftinél plus étendu que eelui du
chat, car elle chafTe également aux oifeaux,
aux quadrupèdes, aux ferpens, aux lézards ,
aux infeftes , attaque en général tout ce qui
lui paroît vivant. Si fe nourrit de toute fubf*
tance animale; fon courage eft égala la véhé-
mence de fon appétit ; elle ne s'effraye ni
de la colère des chiens, ni de la malice des
chats , &. ne redoute pas même la morfure
des ferpens, elle les pourfuit avec acharne-
ment, les faifit & les tue , quelque veni-
meux qu'ils foient; & lorfqu'elle commence
à reflentir les impreflions de leur venin ,
elle va chercher des antidotes & particulière-
ment vne racine (c) que les Indiens ont
Mêles ( îchneumon ) digitis midiis longiofihus , laterallhiis
ii(}uaiibus fuhun'iformibus. Voyage de Hajfclquifi ^ art,
IV, page 191.
The Ind'ran Ichneumon. Edwards, Hijî. of Birds , page
fig. IV, pag. 299 I H-'^'^^'
MufieU pilis ex albido & nigricante varugatis vefiita,
Jchncumon , mus Pharaonis. Ichneumon ou la mangoufte ,
vulgairement le rat de Pharaon. BrilT. Regn. anim. page
a50.
Ichneumon. Vherra cauàâ c bajî încreffatâ fenfim atte»
nuatâ. Linn. Syji. nat. edit. X.
{b) Mihi ichneumon fuit utilijfîmus ad mures ex meo
tbhiculo fugandûs. . . . unum alui à quo murium damna
plane cejfarunt fi quidem quotquot offèndebat intenmebat ,
longeque ad hos necandos fugandofque fêle tfi ichneumon
utiïior. Profp. Alp. Defcrip. yEgypt. lib. IV , pag. 25;.
( c ) Primum antiiotum. . . . radix ift plantct malaict
Hampaddu Tanah, id ejl ^ Fel terrae dicla afapore ama-»
riffîmo* • I , . » Lufitanis ibidem Raja feu radix muo^o
dt la Mangoujk» 109
nommée de fon nom , & qu*ils difent être
un des plus fûrs & des plus puiiïans remèdes
contre la morfure de la vipère ou de l'aspic;
elle mange les œufs du crocodile comme ceux
des poules & des oifeaux , elle tue & mange
aufli les petits crocodiles (^') , quoiqu'ils
4(ppellata à vtujldâ quidam feu vîverra Indis mungudia*
. . . appcUata quA radlcem monfirajfc & ejus ufum. . , ».
frima. . . . prodidijjc crcditur Indi igitur. ....
pracipuè qui Sumatram & Javam incolunt fivt ufum à
mufklâ edocU Jînt five cafu quodam invenerint radiccm
pro expLorato habene antidoto, Kœmpfer , Atmtnit. page
574. — Dans l'Inde , il eft une racine qui ne produit ni
tronc, ni branches, t\t feuilles, qui s'appelle chtri , nom
qu'elle tire d'un animal qui fait feul la reconnoîrre &
la trouver. Cet animal e(l grand comme une marte, &.
lui refTemble aiTez par la forme, excepté qu'il ed un peu
plus corfé (^orpulento) i la couleur de fon poil eft obf-
care, qui eft dur, tendu & hériffé comme celui des
fangliers, mais moins long i fa queue eft charnue, lifle
âc unie comme celle de la marte. L'antipathie que cet
animal a pour les ferpens eft extraordinaire , & il ne
femble s'occuper qu'à leur tendre des embûches. . . .
Les chaff"eurs ont obfervé qu'il va déterrer la racine
dont nous venons de parler , foit pour fe guérir , foit
pour fe préferver de l'effet du venin. . . on la regarde
comme le meilleur antidote que l'Inde fourniffe. Voyage
du P'crc Vincent Marie , tradu£lion communiquée par
M. le marquis de Montmirail.
( d) VIckneumon ou rat de Pharaon , eft une efpèce de
petit cochon fauvage , joli & très aifé à apprivoiftr,
qui a le poil hériff'é comme un porc-épic ; il eft ennemi
àes autres rats , 5c fur-tout des crocodiles ; non-feule-
ment il dévore leurs œufs, dont il fe nourrit, mais il
attaque encore avec courage les petits crocodiles, dont
il fait venir à bout, en les prenant par le cou, au dé
faut de la tète, Defcription d< l^E^ypU, par MailUt «
nage j^.
I lO Hifloin naturelle
foient déjà très forts , peu de temps après
cju'ils font fortis de l'œuf; & comme la fa-
ble eft toujours mife par les hommes à la
fuite de la vérité , on a prétendu qu'en vertu
<ie cette antipathie pour le crocodile , la
mangoufte «ntroit dans fon corps lorfqu'U
'étoit endormi , & n'en fortoit qu'après lui avoir
déchiré les vifceres^
Les Naturalises ont cru qu'il y avoit pîa-
Heurs efpèces de mangouftes , parce qu'il y en
a de plus grandes Ôl de plus petites , & de
poils diftérens ; mais fi l'on fait attention qu'é-
tant fou vent élevées dans les maifons , elles
ont dû , comme les autres animaux domefti-
ques , fubir des variétés , on fe perfuadera
facilement que cette diverfité de couleur
& cette différence de grandeur n'indiquent
que de fimples variétés , & ne fuffifent pas
pour conftituer des efpèces , d'autant que
dans deux mangoufles que j'ai vues vivan-
tes, & dans plufieurs autres dont les peauK
étoient bourrées, j'ai reconnu les nuances
intermédiaires , tant pour la grandeur que
pour la couleur , & remarqué que pas un6
ne différoit de toutes les autres par aucun
caradère évident & confiant ; il paroît feule-
ment qu'en Egypte , où les mangouftes font,
pour ainfi dire, domeftiques, elles font plus
grandes qu'aux Indes où elles font fauvages (c).
^e) Cet icbneufnoin (dit Edwards) venoît des Indes
orientales & étoit fort petit ; j'en ai vti un autre venu
d'Egypte qui étoit plus du double. ... La feule àii-
férence qu'il y avoit, ouue la grandeur ^ çatr-e les da«K
'dt la Man^iijîe, m
Les Nomenclateurs , qui ne veulent jamais
qu'un être ne foit que ce qu'il eft , c'eft-à-
dire, qu'il foit feul de Ton genre, ont beau-
coup varié au fujet de la mangoufte. M. l.in-
nsus en avoit d'abord fait un blaireau, en-
fuite il en fait un furet; Haffelquift , d'après
les premières leçons de fon maître , en fait
aulli un blaireau ; Mrs. Klein & Briilbn l'ont
mife dans le genre des belettes , d'autres en
ont fait unQ loutre , & d'autres un rat ; je
ne cite ces idées que pour faire voir le peu
khnaiimons , c'éft que celui d'Egypte avoit une petite
touffe de poil à l'extrdmité de la queue , au lieu que la
queue é^ celui des Indes fe terminoit en pointe, & je
crois que cela fait deux efpèces diftinftes & féparées ,
parce que celui des Indes, qui étoit fi petit en compa-
raifon de celui d'Egypte , avoit cependant pris fon en-
tier accroilTement. Edwards, page 199. Nota. Ces dif-
férences ne m'ont pas paru fuffifantes pour établir
deux efpèces, attendu qu'entre les plus petites & les
plus grandes, c'eft-à-dire, entre treize & vingt-deux
pouces de longueur , il s'en trouve d'intermédiaires ,
comme de quinze & dix-fept pouces de grandeur. Scha^
<iui a donné la figure & la defcription ( vol. I , pag. 66 ^
tib. XLl), d'une de ces petites mangouftes qu'il avoit
eu vivante, & qui lui venoit de Ceylan, dit qu'elle étoit
très mal-propre Si qu'on n*avoit pu Tapprivoifer; cette
différence de naturel pourroit faire penfer que cette
petite mangouffe efl d'une efpèce différente des autres:
cependant elle reffemble fi fort à celle dont nous avons
parlé , qu'on ne peut dovtter que ce ne foit le même
«nimal j & d'ailleurs, je puis afiurer moi-même avoir
vu une de ces petites mangouftes qui étoit fi privée,
que fcm maître ( M. le préfident de Robien) qui l'aimcit
beaucoup, la por-toit toujours dans fon chapeau, Sc
faifoit à tout le monde l'éloge de fa gentilleffe & de
{a. propwté.
111 HiJîoiTt naturdh
de confiftance qu'elles ont dans la tête même
de ceux qui les imaginent , & aulfi pour
mettre en garde contre ces dénominations
qu'ils appellent génériques, & qui, prefque
toutes , font fauffes , ou du moins arbitrai-
res, vagues & équivoques ('/).
(/) Haffeîquift termine fa longue & fèche (îefcrîp-
tîon de la matigoufte par ces mots : Galli in JEgypté
tonyerfanus qui omnibus relus quas non rognofcunt , faA
imponunt nomina fiâa appellarunt hoc animal rat de Pha-
raon, Quod fcquuti qui Latine rdationcs de ^%ypto dedc-
Tant. Alpin , Belon , murent Fhamonis effinxerunt. Si cet
homme eût feulement lu Bélon & Alpin, qu'il cite, il
auroit vu que ce ne font pas les François qui ont donné
3e nom de rai de Pharaon à la mangouAe > mais les
Egyptiens mêmes , & il fe feroit abftenu de prendre
<le là occafîon de mal parler de notre nation; mais Von
ne doit pas être furpris de trouver l'imputation d'uit
pédant dans l'ouvrage d'un écolier : en effet, cette def-
criprion de la mangoufte, ainfi que celle de la giraffe âc
<΀ quelques autres animaux , données par ce Nomen-
clateur , ne pourront jamais fervir qu'à excéder ceux
qui voudf oient s'ennuyer à les lire: i^, parce qu'elles
font fans figures , & que le nombre des mots ne peut
Suppléer à la repréfentation, un coupd'œil vaut mieux
dans ce genre qu'un long détail de paroles ; a*. Parce
<}ue ces mots ou paroles font la plupart d'un Latin bar-
ÎJare ou plutôt ne font d'aucune langue : 5**, Parce que
la méthode de c^s defcriptions n'eft qu'une routine que
tout homme peut fuivre, ôt qui ne fuppofe ni génie,
ïii même d'intellig^ence ; 4', Parce que la defcription
«tant trop minutleufe,les caraftères remarquables^ fin-
fjuliers & diftinftifs de l'être qu'on décrit, y font con-
fondus avec les fignes les plus obfcurs , les plus indiffé-
rens & les pKis équivoques : 5°^ Enfin parce que le trop
^rand nombre de petits rapports & de combinaifons
précaires dont on eft obligé de charger fa mémoire,
««n(i€nt le travail <iu le^eur plus graad que celui de
La
de la Mangoufle, 113
La Mangoufte habite volontiers aux bords
des eaux; dans les inondations , elle gagne
les terres élevées , & s'approche fouvenc
des lieux habités pour y chercher fa proie,
elle marche ians faire aucun bruit , & félon
le befoin elle varie fa démarche; quelque-
fois elle porte la tête haute , raccourcit fou
corps, & s'élèv* fur fes jambes ; d'autres
fois, elle a l'air de ramper & de s'alonger*
comme un ferpent , fouvent elle s'alîied fur
fes pieds de derrière , & plus fouvent encore
elle s'élance comme un trait fur la proie qu'elle
veut faiftr , elle a les yeux vifs & pleins
de feu , la phyfionomie fine , le corps très
l'auteur , & les laiffe tous les deux aufli ignorans qu'ils
l'étoient. Une preuve qu'avec cette méthode on fe diC-
penfe de lire & de s'inftruire, c'eft i*. la fauiTe impu-
tation que l'Auteur fait aux François au fujet du rat de
Pharaon; c'eft, iP , l'erreur qu'il commet en donnant à
cet animal le nom Arabe Nems , tandis que ce mor
Arabe eft le nom du furet 6c non pas celui de la man-»
gouile ; il ne faîloit pas même favoir l'Arabe pour évi-
ter cette faute , il auroit fuffi d'avoir lu les Voyages
de ceux qui l'avoient précédé dans le même pays. 3*^,
L'omiilîon qu'il fait des chofes elTentielles , en même
temps qu'il s'étend fans mefure fur les indifférentes ^
par exemple, il décrit la giraffe auiTi minutieufement
que la mangouftè^ & ne laiiTe pas que de manquer le
caraftère euentiel , qui eft de favoir fi les cornes font
permanentes ou h elles tombent tous les ans '. dans*
vingt fois plus de paroles qu'il n'en faut , Ton ne trouve
pas le mot néceflfaire. Se l'on ne peut juger, par fa
defcription , fi la giraffe eft du genre des cerfs ou de
celui des bœufs. Mais c'eft aftez s'arrêter fur une ctt-
Tique que tout homme fenfé ne manquera pas de faire
lorfque de pareils ouvrages lui tomberont entre le?
nuins,
K
I T 4 Hijîoln namnlh
agile , les jambes courtes ^ la queue greffe
& très longue, le poil rude & fouvent hé-
rifle; le maie & la femelle (^g) ont tons deux,
une ouverture remarquable & indépendante
des conduits naturels > une efpèee de poche
dans laquelle fe filrre une humeur odorante y
on prétend que la mangoufte ouvre cette po-
che pour fe rafraîchir lorfqu'elle a trop chaud ;.
fon mufeau trop pointu & fa gueule étroite.
Fempêchent de faifir & de mordre les chofes:
un peu grofles> mais elle fait fuppléer par
agilité, par courage > aux armes & à la force
^qui lui manquent, elle étrangle aifément utk
chat, quoique plus gros & plus fort qu'elle,
fouvent elle combat les chiens , & quel:jue
grands qu'ils foient > elle s'ea fait refpeéler.
(g-) Les habitans d''Alexandne nourrinent une bêt«
tiommée ickncnmon, ou» eft particulièrement trouvée en
.Fgypte. On la peut apprivoifer es maifons tout ainft
comme an chat ou un chien. Le vulgaire a ceffé de la
Jiommer par foa nem ancien , car ils la nomment ^ tn
hur langage, i rat de Pharaon. Or nous avons vu que
fcs payfans en apportoient des petits au marché d'A-
lexandrie y OÙ ils font bien recueillis pour en nourrir
«s maifons, à caufe qu'ils chaflfent les rats. . . . , les
ferpens,&c. Cet animal eft cauteleux en épiant fa pâ-
ture. .... il fe nourrit indifféremment de toutes viandes
vives, comme d*efcarbots, lézards,, chameléons , & gé-
«éralemant de toutes efpèces de ferpens^de grenouilles»-
rats ôc fouxis j il eft friand des oifeaux, des poules &
poulets-: quand il efl courroucé, il héri(ïê fon poil. . . ,.
il a une particulière marque, c'cft un grand pertuis tout
«ntouré de poil hors le conduit de l'excrément , reffem—
fclant quafi au membre honteux des femelles , lequei
conduit il ouvre lorfc^u'il a ^raod chaud, jgc/cn,, Q^_^
de la Man^'^ufle, 1 1 J
Cet animal croît promptement & ne vit
pas long-temps K^h) , il fe trouve en grand
nombre dans toute l'Afie méridionale (^i)y
depuis l'Egypte julqu'à Java , & il paroîr
qu'il fe trouve aufn en Afrique , julqu'au
cap de Bonne efpèrance (^k)y mais on ne
peut rélever aifément , ni le garder long-
temps dans nos climats tempérés, quelque
foin qu'an en prenne , le vent rinccmimode y
le froid le fait mourir ; pour éviter l'un &
l'autre, & conferver fa chaleur, il fe mec
( A ) TeUs (y ichneumon tôt numéro pariant quot canes -,
vefcunturqiié eifdem , vivunt cireitcr annos fcx„ Ariû. Hlfi^
anim. Hb, Vl.cap. 35.
(/) Mun^os clunt Tura ealentls AJlce. cmms, tifaue aâ
Ganfem , ctiam in lis re^ionihus in aulhus radîx munfo-
nunquam germinavit. Koemijf. Amanit. pag. 57^, — La-
mangoulie eft un petit animal très ioli , tait à-peu-près=
comme nos belettes de France. , . . mais d'une couleuf
incomparablement plus heUe. , . . Le bîaiîc & le roîf
dominent fur channe poi;^ êc il y a une efpèce de-roaige'
qui fait la nuance entre le noir &- le Hanc. Sa queutf
eCi couverte d'un poil avec les mêmes^ nuances, & plus-
Tong que ce'ui du corps. Il a la tète couverte d'an p€titr
poiî ras ; fes yeux font gros- & f<?s oreilles courtes &
arrondies ; cette mangoufte avoit deux pieds & demi'
fie long depuis la tête jufqn'à Textrémité de ^a queue,.,.
elle venoit du royaume de Calicuf , & a été apporté en
France dans un vailTeau de. notre efcadre; elle a vécu'
à Paris cinq mois : elle étoit devenue fort fômilière,.
Cuiiofit. de la Nat. & deVAn. Paris, lyo^ ,p^ag. zît.
(A) L^icneumon eft delà grandeur du chat^ mais i*'
a la forme d'une mufaraigne. .... Tout fon corps eft"
couvert de poils longs , roides , rayes & tachetés de-
blanc , de noir & de jaune. Cet animal, qui eft trèp'
commun dans les campagnes rfu Cap, eft grand deftmc^
teur de ferpens & d'oifeaux. Dtfcrinion du cap de Bonni,^
tfpcrancSf par Kolbcy tome 111, chap. 5.
1 1 6 Hïjloirt naturdh
en rond & cache fa tête entre fès cuîffes-
Il a une petite voix douce, une efpèce de
murmure , & fon cri ne devient aigre que
lorfqu^on le frappe & qu'on l'irrite : au refte ,
la mangoufte étoit en vénération chez les an-
ciens Egyptiens , & mériteroit encore bien
aujourd'hui d'être multipliée , ou du moins
épargnée, puifqu'elle détruit un grand nom-
bre d'animaux nuifibles, & fur tout les cro-
codiles dont elle fait trouver les œuÉs , quoi-
que cachés dans le fable ; la ponte de ces-
animaux cft fi nombreufe (/), qu'il y auroit
tout à craindre de leur multiplication , fi la
mangoufte n'en détruifoit les germes»
( /) Le pîu-s grand fervice que Hchneumon rende à
l'Egypte , eft de brifer les œufs des crocodiles par-tout
où il les rencontre ; c'eft pour cela que les aïKÎens.
Egyptiens lui portoient un cuire religieux. Voyage de
Paul Lucas , tûme III y page 205. — C'étoit avec juftice
que les anciens Egyptiens révéroient l'ichneumon ou
rat de Pharaon. L'on dit que de quatre cents œufs que
le crocodile pond à la fois, pour en fauver quelques-
uns de la fureur de cet ennemi mortel de fon efpèce ,
îl eft obligé de les tranfporter dans quelques petites
>s!es, lorfque le Nil s'eft retiré. Difcription del'Lgyg^f
f.ir MtdlUt^ t(jmi IJj page izt^^
^
ie la Fojfane. 117
LA FOSSANE (a)
VoycT;^ planche VI , fi^^ i de, ce Volume>_
V^UELQUES Voyageurs ont appelle la Fof-
fane , Genette de Aîjdagafcar , parce qu'elle
reffemble à la Genette par les couleurs du
poil , & par quelques autres rapports : ce-
pendant elle eft conûamment plus petite ; &
ce qui nous fait penfer que ce n'eft point une
genette , c'eft qu'elle n'a pas la poche odo-
riférente qui , dans cet animal , eft un attri-
but effentiel. Comme nous étions incertains
de ce fait, n'ayant pu nous procurer l'animal
pour le diflequer, nous avons confulté par
lettres M. Poivre , qui nous en a envoyé la
peau bourrée , & il a eu la bonté de nous
répondre dans les termes fuivans : Lyon y iq
juillet lyôi. « La FofTane que j'ai apportée d'i
»} Madagafcar , eft un animal qui a les mœurs
j> de notre fouine : les habitans de l'isle m'ont
» affuré que la foffane mâle étant en cha-
» leur , fes parties avoient une forte odeur
» de mufc. Lorfque j'ai fait empailler celle
» qui eft au Jardin du Roi , je l'examinai at-
» tentivementi je n'y découvris aucune pi>
(a ) Feffa ou Foffane , nom de cet animal à Madaga{>
c^r» & c^ue uolu avous adopté.
11?? Tfijîolrc naturdli
rt che , & je ne lui trouvai aucune odeur
5> de parfum. J'ai élevé un animal fembla*
» ble à la Cochinchine , & un autre aux.
y> isles Philippines; l'un & l'autre étoient des
» mâles 'y ils étoient devenus un peu fami-
n liers , je les a vois eus très petits , & je
Yt ne les ai guère gardé» que deux ou trois
•n mois; je n'y ai jamais trouvé de poche en-
» tre les parties que vous m'indiquez , je
« me fuis feulement apperçu que leurs ex.-
» crémens avoient l'odeur de ceux de notre
-n fouine. Ils mangeoient de la viande & dos
« fruits, mais ils préféroient ces derniers,
3> & montroient fur- tout un goût plus décidé
» pour les bananes > fur lefquelles ils fe je-
» toient avec voracité. Cet animal efl très^
« fauvage, fort difncile à apprivoifer; & cuoi-
n qu'élevé bien jeune, il conferve toujours
» un air & un cara6lère de férocité, ce qui
» m'aparu extraordinaire dans un animal qui
» vit volontiers de fruit. L'œil de la Foflane
5> ne préfente qu'un globe noir fort grand,
5? comparé à la groffeur de fa tête , ce qui
w donne à cet animal un air méchant n.
Nous fômmes très aifes d'avoir cette oc-
cafîon de marquer notre reconnoiflance à M^
Poivre, qui, par goût pour l'Hiftoire Natu-
relle , & par amitié pour ceux qui la culti-
vent, a donné au Cabinet un aflTez grand nom-
bre de morceaux rares & précieux dans tous
les genres.
Il nous paroît que Panimal appelle Berht
en Guinée , eft le même que la fofl'ane ., 6c
que par conféquent cette efpèce fe trouve
çn. Afrique comme en Afie, «4 Le berbé y di-
àt la. Fojjane, 119
» fent les Voyageurs!^ è), a le tmifeau plus
j> pointu & le corps plus petit que le chat ,
» il eft marqueté comme la civette. >> Nous
ne connoiflbns pas d'animal auquel ces indi-
cations, qui font afîez précifes, conviennent
mieux qu'à la folTane.
——————— m M
{h) Voyage en Guinée» par Bofman ,pagt ifC ^ fig^
110 Hijîotn naturelle
LE VANSIRE [a].
yoyci planche Vl^fig» 3 de ce Volume,
V><EUX qui ont parlé de cet animal , l'ont
pris pour un furet, auquel en effet il reffem-
ble à beaucoup d^égards , cependant il en
diffère par des caraftères qui nous paroifTent
fulfifans pour en faire une efpèce diftin(5ie
& féparée. Le Vanfire a douze dents màche-
lières dans la mâchoire fupérieure , au lieu
que le furet n'en a que huit ; & les mâche-
lières d'en bas , quoiqu'en égal nombre de
dix dans ces deux animaux , ne fe reffem-
blent ni par la forme ni par la fituation ref-
peclive : d'ailleurs le vanfire diffère , par la
couleur du poil , de tous nos furets , quoi-
oue ceux-ci , comme tous les animaux que
l'homme prend loin d'élever & de m.ultiplier,
varient beaucoup enir'eux, même du mâle
à la femelle.
{a) Vanfire y mot dérivé de Vohang-shira , nom de
cet animal à Madagafcar, La province de Balta , dans
le royaume de Congo, cfFre une infinité de beaux fa-
. blés (martres), qui portent le nom A'Infirc. Hijîoire gi-
néralc dcj Voyages, tome V, page 87. Nota. Il n'y 3
point de fables ou de martres à Congo , Ôî. la reflfem-
bla.'i.e du nom nous fait croire que l'ir.fire de Conga
pourroit bàea être le vao&re de Mada^afcar,
u
du Vûrijfîrt^ 1 1 1
n nous paroît que l'animal indiqué par Séba
(^) fous la dénomination d€ Edeite de Java^
5qu'il dit que les habitans de cette isle nom-
snent Koger-Angan , & qu'enfuite M. Briflba
{ c ) a nommé Furet de Java , pourroit bien
être le même animal que le vanfire; c'eft au
moins , de tous les animaux connus , celui du-
quel il approche le plus ; mais ce qui nous
empêche de prononcer décilivement , c'eft
que la defcription de Séba n'eftpas alTez com-
plète pour qu'on puifle établir la jufte com-
paraifon qui feroit néceffaire pour juger fans
fcrupule. Nous la mettons fous les yeux du lec-
teur {d) 3 pour qu'il puifle lui-même la com-
parer avec la nôtre.
(h) Mujlela Javanlca. Ah incolis /«ly*, Koger-angan
vocatar -• ba , vol 1, pag. 77, n*. 4, tab. 48, fig. 4,
V c ) Nlufiela fupra ntfa , infra diluU flava , cauitt
Hfict nigricante Viverra Javanica. Le furet de
Java. BriflT. R^gn, anim. pag, 145,
{i j JivcKica hac muftcla , hic rcprcfentata , eollo &
<ûrpcre cfi. hrtvlorihus quant fiofiras ; caput teçentes pili
■cbjcure fpadicei funt , ruf. qui dorfum , diLuti vero flavl
qui vcntrem vefliunt ^ caudd intérim in apiccm ofiutnn S^
ftig/ûantem dcfninu, Séba, yoU Ii pag» 7^«
^y»lu«
^jJmspkdes, Tame VI,
11^ Hijloirt naturelle
LES MAKIS [a]
c
OMME Ton a donné le nom de Maki à
plufieurs animaux d'efpèces différentes, nous
ne pouvons l'employer que comme un terme
générique , fous lequel nous comprendrons
trois animaux qui le reffemblent âifez pour
étr3 du même genre , mais qui diffèrent aufîi
par un nombre de caraftères futfifans pour
conïlituer des efpèces évidemment différentes-
Ces trois animaux ont tous une longue queue ,
& les pieds conformés comme les finges ; mais
leur mufeau eft alongé comme celui d'une
fouine, & ils ont à la mâchoire inférieure
fix dents incifives, au lieu que tous les fm-
ges n'en ont que quatre. Le premier de ces
animaux efl le Mocock ( ^ ) ou Mococo ,
( a ) Noti?. II paroît que le mot Maki a été dérivé
de mocok ou mancauc , qui eft le nom que l'on donne
communément à ces animaux au Mozambique & dans
les isles voifines de Madagafcar , dont ils font origi-
raires.
{b) Mocok ou mococo , nom de cet animal fur les
côtes orientales de l'Afrique , & que nous avons adopté,
%<■ L'isle de Johanna , fur la côte du Mozambique, pro-
»♦ duit une efpèce de bêtes qui reffemblent au renard, &
»♦ qui ont l'œil très vif; leur poil eft laineux & couleur
»♦ de fouris : leur queue , qui a environ trois pieds de
»» long, eft bariolée avec des cercles Yioirs, à un pouce
» d^ di^ançe : \ç% habîtans les appuient mocoK Quand
Tom ."vnc.
PI- 7
lX,e ]\iococo. ^ X^ e TAorv^oujr. 5 L. e VUrc .
dts Makis, !!}
( Voye^ planche VU , fig. i de c£ vol. ) que i*on
connoît vulgairement fous le nom de Makï
à queue annelée. Le fécond eft le Mongous
( Voye^ planche VU , fig, 2. de ce Vol, ) ( c) ap-
pelle vulgairement Mahi hrua ; mais <:ette
dénomination a été mal appliquée^ ^rar, dans
cette efpèce, il y en a de tout bruns (</),
d'autres qui ont les joues & les pieds blancs
( g ) , & encore d'autres q^i ont les joues noi-
res & les pieds jaunes (/). Le troifième eft
»« on les prend f&rt jeunes, on ies apprivôife ?)ientot. ♦♦
Voyage de Fr. Henri Groffi. Londres, 1758, ]p.a.gc ^2,
On appelle auffi cet animal vary à Madagafcar. « Dans
« les Ànipatres & M^afalles, il y a des finges blancs en
1» quantité, qu'ils appellent van^ qui ont la queue rayée
vi de noir & de blanc. « Voyage de Flaccoun , page
Profimîa <inerea^ caudA cincla annules alicmatim alhis
^ nigris^ . ... Le maki à queue annelée. BrilL Rcgru
Ardm. pag. 222.
The maucauc-o, Edvards , Hifi. of Birds , page 197 ^
/g. ibid.
Catta Lemarxaudd annuLatâ^ Linn. Syft, aat. edil. X,
page 30.
( c) Mongous , nom de cet ,ani«ial aux Indes orien-
tales » & que nous avons adopté.
(d) Simia Jciurus lannginofus fufUis. Petiver Gaza-
phy). tab. 17, fig. 5. ^ ' _
(é) Profimia fufia. Le maki. BriflTon , Rcgn. aniin
page aao. Profimia fufca, nafo ^ gutture & pecUbus albts^
^ . . ,. Le maki aux pieds blancs. BrilT. Rcgn. anim»
page 221.
The mongoo:^. Le mongous. Glanures ■, Edwards y page
12, fig. ibid.
{ f) Profimia fufca y ru fo admlxto ,Jacic nigra ^ pedihus
ffj/vis^ .... Le maki aux pieds fauves. Brifl". Regn^
anim, psge 221*
L 2
tl4 Hijîoin naturelle
Je Va ri ( Voye^ planche VII , figure 3 de ce
Volume) (^) , appelle par quelques-uns ALzki'
pie ; mais cette dénomination a été mal ap-
pliquée , car, dans cette efpèce, outre ceux
qui font pies , c'efl à- dire , blancs & noirs , il
y en a de tout blancs & de tout noirs {h).
Ces quatre animaux font tous originaires
des parties de l'Afrique orientale , & notam-
ment de Madagafcar où on les trouve en ^rand
nombre.
Le mococo eft un joli animal , d'une phy-
fionomie fine, d'une figure élégante & fvelte,
d'un beau poil toujours propre & luftré ; il
eft remarquable par la grandeur de fes yeux,
par la hauteur d^ fes jambes de derrière qui
îbnt beaucoup plus longues que celles de
devant , & par fa belle & grande queue qui
eft toujours relevée , toujours en mouve-
ment, & fur laquelle on compte jufqu'à trente
anneaux alternativement noirs & blancs ,
tous bien diftinfts & bien féparés les uns des
autres : il a les mœurs douces, & quoiqu'il
reffemble en beaucoup de chofes aux fmges ,
il n'en a ni la malice ni le naturel. Dans fon
état de liberté « il vit en fociété^ & on le
(s) Vari ou Varieoffî, nom dt cet animal à Madi-
galcar, & que nous avons adopté. ♦♦ Il y a à Madaçaf-
H car de grands finges blancs, qui ont des taches noires
» fur les côtés & fur la tète, & qui ont le mufeau long
M comme un renard ; ils les nomment à Manghabey va»
u rieoffi. >» Voyage de Flaccourt , page 155.
(A) The hlak maucaueo. Le maucauco nQir* Ck^ufê»
(tEdwardf t page ij, âg. iiid*
dcS Makis, IIÇ
trouve à Madagafcar ( i ) par troupes de
trente ou quarante ; dans celui de captivité ,
il n'eft incommode que par le mouvement
prodigieux qu'il Te donne , c*eft pour cela qu'on
le tient ordinairement à la chaîne : car c^uoi-
que très vif & très éveillé, il n'eft ni mé-
chant ni fauvage, il s'apprivoiTe affez pour
cu*on puifTe le laiffer aller & venir fans crain-
dre qu'ils 'enfuie i fa démarche eft oblique
comme celle de tous les animaux qui ont
quatre mains au lieu de quatre pieds: il faute
<3e meilleure grâce & plus légèrement qu'il
ne marche ; il eft affez filencieux & ne fait
entendre fa voix que par un cri court & aigu ;
qu'il laiffe, pour ainfi dire, échapper lorf-
qu'on le furprend ou qu'on l'irrite. 11 dort
affis , le mufeau incliné & appuyé fur fa poi-
trine ; il n'a pas le corps plus gros qu'un
chat , mais il l'a plus long ; & il paroît plus
grand, parce qu'il eft plus élevé fur fes jam-
bes : Ton poil , quoique très doux au tou-
cher , n'eft pas couché , Sd fe tient affez
fermement droit ; le mococo a les parties
de Ja génération petites & cachées , au lieu
que le mongous a des tefticules prodigieux
pour fa taille , & extrêmement apparens.
Le mongous eft plus petit que le mococo;
il a comme lui le poil foyeux & affez court ,
mais un peu frifé : il a aufti le nez plus
( /■ ) Les varis qui ont la queue rayée de noir & de
blanc, marchent en troupes de trente, quarante ou
cinquante. Ils reffembleat aux yaricoflls. Voyage de
fUîioun ^ page 1J4,
L3
ii6 Hifloln namreîU
gros que le mococo , & affez fembîabîe à
celui du vari. J'ai eu chez moi pendant plu-
fieurs années un de ces mongous qui étoit
tout brun; il avoit l'œil jaune, le nez noir
& les oreilles courtes ; il s'amufoit à man-
ger fa queae, ^ en avoit ainfi détruit les
quatre ou cinq dernières vertèbres; c'étoit
un animal fort fale & affez incommode ; on
étoit obligé de le tenir à la chaîne ; & quand
il pouvoit s'échapper, il entroit dans les bou-
tiques du voifinage pour chercher des fruits ,
du fucre , & fur-tout des confitures dont il
ouvroit les boîtes ; on avoit bien de la peine
à le reprendre , & il mordoit cruellement
alors ceux même qu'il connoiffoit le mieux :
il avoit un petit grognement prefque con-
tinuel ; & lorfqu'il s'ennuyoit & qu'on le
laiffol: 'euljil fe faifoit entendre de fort loin
par un croaffement tout femblabîe à celui de
la grenouille; c'étoit un mâle, & il avoit
les tefticules extrêmement gros pour fa taille;
il cherchoit les chattes, & même fe fatis-
faifoit avec elles, mais fans accouplement in-
time & (ans produ^lion. Il craignoit le froid
& l'humidité, ilne s'éloignoit jamais du feu,
& fe tenoit debout pour fe chauffer : on le
nourriffoit avec du pain & des fruits ; fa
langue étoit rude comme celle d'un char ;
& fi on le laiffoit faire , il léchoit la main
jufqu'à la faire rougir , & finiffoit fouvent
par Tentam.er avec les dents. Le froid de l'hi-
ver, 1750, le fit mourir , quoiqu'il ne fût
pas forti du coin du feu ; il étoit très bruf-
que dans fes mouvemens , & fort pétulant
par inftan$ ; cependant il dornM>it fouvent le
des Makis, 1%J
Jour, mais (î*un fommeil léger que le moindre
bruit interrompoit.
11 y a dans cette efpèce du mongous plu-»
fieurs variétés , non-feulement pour le poil ,
mais pour la grandeur; celui dont nous ve-
nons de parler étoit tout brun , & de la taille
d'un chat de moyenne grofîeur. Nous en
connoifTons de plus grands & de bien plus pe-
tits ; nous en avons vu un qui , quoiqu'adulte ,
n'étoit pas plus gros qu'un loirj fi ce petit
mongous n'étoit pas reflemblant en tout au
grand, il feroit fans contredit d'une efpèce
différente ; mais la relfemblance entre ces
deux in<iividus nous a paru fi parfaite , à
l'exception de la grandeur, que nous avons
cru devoir les réduire tous deux à la même
efpèce , fauf à les diftinguer dans la fuite
par un nom différent, fi l'on vient à acqué-
rir la preuve que ces deux animaux ne fe
mêlent point enfemble , & qu'ils foient auiîî
difFérens par l'efpèce qu'ils le font par la
grandeur.
Le vari ( ^ ) efl plus grand , plus fort &
plus fauvage que le mococo , il efl même
d'une méchanceté farouche dans fon état de
liberté. Les Voyageurs difent « que c&s ani-
» maux font furieux comme des tigres , &
WH
(^) JVoM. Flaccourt , qui appelle le mococo yari^
donne à celui ci le nom de varicojfy ; il y a toute ap-
parence que cojfy eft une épithète augmentative pour
la^ grandeur, la force ou la férocité de cet animal , qui
ilifFere en ejffét du mococo par ces attributs Se parplu»
fieurs autres,
L 4
1 18 Hijloln nazurelèt,
n qu'ils font un tel bruit dans les bois , que^
SI s'il y en a deux , il femble qu'il y en
» ait un cent , & qu'ils font ?rès difficiles à
j» apprivoifer (/). » En effet, la voix du
vari tient un peu du rugiffement du lion,
& elle eft effrayante lorfqu'on l'entend pour
la première fois ; cette force étonnante de
voix dans un animal ,. qui n'eft que de mé-
diocre grandeur, dépend d'une flruélure fin-
gulière dans la trachée-artère , dont les deux
branches s elargiffent & forment une large
concavité, avant d'aboutir aux bronches du
poumon; il difiere donc beaucoup du mococo
par le naturel , aufli-bien que par la confor-
mation; il a en général le poil beaucoup
plus long , & en particulier une efpèce de
cravate de poils encore plus longs qui lut
environne le cou , & qui fait un caractère
très apparent, par lequel il eft aifé de le
reconnoître ; car au refte il varie du blanc
au noir & au pie par la couleur du poil ^
qui , quoique long & très doux , n'eft pas
couché en arrière, mais s'élève prefque per-
pendiculairement fur la peau: il a le mufeai*
plus gros & plus long à proportion que le
mococo, les oreilles beaucoup plus Gourte$
& bordées de longs poils , les yeux d'un jaune^
orangé fi foncé qu'ils paroifTent rougis.
(/) Voyage de Flaccourt , pages tf-^ & 1^4. Notai
Lorfqae cet animal eft pris jeune , il perd apparemment
toute fa férocité , ô( il paroît auifi doux que le mococo»
M C'eft, dit M. Edwards, un animal d'un naturel fo-
n ciable , doux & pacifique , qui n'a rien de la rufe oi
» de la malice du fiivge. >» Gùtnurts^ page tj.
des Makis, 129
Les mococos , les mongous & les varis font
du même pays & paroiffent être confinés à
Madagafcar ^m ) , au Mozambique & aux
terres voifmes de ces isles ; il ne paroît , par
aucun témoignage des Voyageurs , qu'on les
art trouvés nulle part ailleurs ; il femble
qu'ils foient dans l'ancien continent , ce que
font dans le nouveau , les marmofes , les
cayopollins , les phalangers qui ont quatre
mains comme les makis, & qui, comme tous
les autres animaux du nouveau monde, font
fort petits en comparaifon de ceux de l'an-
cien ; & à l'égard de la forme , les makis
femblent faire la nuance entre les finges
à longue queue & les animaux filTipèdes , car
ils ont quatre mains & une longue queue
comme ces fingcs , &. en même temps ils ont
(«) La province de Mclagaffe à Madagafcar » eft
peuplée d*un grand nombre de finges de plufieurs ef-
pèces ; on en voit des bruns de couleur de caftor , ayant
le poil cotonné, la queue large & longue, de laquelle,
étant retroufTée fur le dos, ils fe couvrent contre U
pluie & le foleil , dormant ainfi cachés fur les branches
des arbres comme l'écureuil. Au refle, ils ont le mu»
feau comme^ une fouine & les oreilles rondes; cette
efpèce eft la moins nuifible & maligne de toutes. Le*
Antavarres en ont de même poil que ceux-ci, ayant
une forme de fraife blanche autour du cou : il y en a
de tout blancs comme neige, de la groffeur des précé-
dens, aysnt le mufeau long; ils gronder.t comme des
cochons. Relation de Madagafcar , par F. C«uthe , page
I7,j. Nota. Le mongouï ôc le vari font indiqués par
ce paffage d'une manière à ne pouvoir s'y méprendre;
& c'eft fur cette autorité que j'ai dit qu'il y avoit non-
feulement des vacii noie» ôc pies, aaiis encore de tout
blancs*
130 Hlflolre naturel U
le mufeau long comme les renards ou les foui-
nes ; cependant ils tienrrent plus des finies
par les habitudes eflentielles ', car , quoiqu'ils
mangent quelquefois de Ta chair & qu'ils fe
plaifent aufli à épier les oifeaux , ils font ce-
pendant moins carnafliers que frugivores , &
ils préfèrent même dans l'état de domefticité
les fruits, les racines &. le pain, à la chair cuite
ou crue.
Tora.^VT:
PI. 8.
F.'f - tu; - I^cutc e^.
M^M
du Loris, 1)1
LE LORIS (a).
Voye[ planche VIII , figure i de ce volume.
X-*E Loris eft un petit animal qui fe trouve
à Ceylan , & qui eft très remarquable par
rélégance de fa figure & la fingularité de fa
conformation : il eft peut-être de tous les
animaux celui qui a le corps le plus long
relativement à la grolTeur; il a neuf vertèbres
lombaires , au lieu que tous les autres ani-
maux n'en ont que cinq,fix oufept, & c'eft
( û ) Loris. Loerisy nom que les HoUandois ont donné
i cet animal, & que nous avons adopté.
Eles^antiJJimum animal mufei D. Charleton , Tancred
Robinfon apud Raium , Syn. quad. pag. ï6i.
Simia parva ex cinereo f^fca , nafo producliore , hrackiU ,
manibust pedihufque longis , tenuibus y Bêlais een Loris.
Ex Lidia orientali, Mufeum Petropolit. pag. j^p.
Animalculum cynoccphalum y Ceylonicumt Tardigradiim
iicium , fim'n fpecies. Séba , vok I, tab. jj, jîg. I & 2.
Nota. L'Editeur du Cabinet de Séba nous paroît avoir
fait ici un double emploi , car cet animal eft le même
^ue celui qu'il indique fous la dénomination de Cercopi'
thecus Ccyionicus feu tardigradus , tab. 47 , fig. I . M,
Briffon , d'après Séba , a fait le même double emploi
fous les dénominations de Singe de Ceylan , Regn. anim.
fag. t()0, & Singe cynocéphale de Ceylan, pag. î^i.
Tardigradus. Lemur ecaudatus. Mnf. ad Fr. » , pag. j.
Simia ecaudata unguibus indlcis fubulatis, Syji, nat. 5 »
II*. î, Linn, Syft. nat. edit. X , page zq.
1 3 1 Hljioîh natunlU
delà que dépend l'alongement de Ton corps ?
qui paroît d'autant plus long qu'il n'eft pa»
terminé par une queue ; fans ce défaut de
queue & cet excès de vertèbres , on pour-
roit le comprendre dans la lifte des Makis,
car il leur reflemble parles mains & les pieds
qui font àpeu-près conformés de même, &
auiîi par la qualité du poil , par le nombre
dés dents , & par le mufeau pointu ; mais ,
indépendamment de la fmgularité que nous
venons d'indiquer , & qui l'éloigné beaucoup
des makis , il a encore d'autres attributs par-
ticuliers. Sa tête efttout-à-f it ronde , & fon
mufeau eft prefque perpendiculaire fur cette
fphère ; fes yeux font exceîîivement gros &
très vo.fms l'un de l'autre ; fes oreilles larges
& arrondies font garnies en dedans de trois
oreillons en forme de petite conque ; mais
ce qui eft encore plus remarquable , & peut-
être unique , c'eft que la femelle urine par
le clitoris , qui eft percé comme la verge
du mâle , & que ces deux parties fe reffem-
blent parfaitement, même pour la grandeur
& la groffeur.
M. Linnœus a donné une courte defcrip-
tion de cet animal (A), qui nous a paru très
{h) Sutura fciuri , fuhferrugînea alinéa dorfaU fuhfufca :
plia albidiore Unea longitudinalis oculis interjeta. Faciès
ucia , auriculce. urceolatx , ir.tus hifoliaut , ptdum palmit
plantsgue nud<it , ungues rotundati , indicum piantarurji ver»
fubulati. Cauda fere nulla , mammx 2 in peHore ; z in
ahdomine verjus peclus. Animal tardigradum , audieu «jp-
cellens , monogamum, Linn. Syfi, nat. edit. X, pag. 50.
Nota^ Cet aaunal a'ayant point da tout de queu« % îk
étt Lonsl nj
conforme à la Nature ; il eft aufli fort bien
reprérentè dans l'ouvrage de Séba , & il nous
paroît que c'eft le même animal^ dont parle
Thévenot dans les termes fuivans :u Je vis,
1) au Mogol , des linges dont on faifoit grand
M cas , qu'un homme avoit apportés de Cey-
>» lan , on les eftimoit parce qu'ils n'étoient
» pas plus gros que le poing , & qu'ils font
I» d'une efpèce différente des finges ordinai-
» res; ils ont le front plat, les yeux ronds
» & grands, jaunes & clairs comme ceux
V de certains chats : leur mufeau eft fort
I) pointu & le dedans des oreilles efl jaune;
t> ils n*ont point de queue quand
» je les examinai , ils fe tenoient fur les
V pieds de derrière, & s'embraflbient fou-
t) vent, regardant fixement le monde i^1i$
V s'efEaroucher ( c ) ».
faut retrancher de cette defcriptîon le mot de fert. Il
ne paroît pas non plus , par les proportions du corps &
des membres , qu'il foit lent à marcher ou à fauter ; &
je crois que l'épithète dé tardlgradus ne lui a été donnée
par Séba , qu« parce qu'il s'eft imaginé lui trourer
quelque reffemblance avec le pareffeux.
(c) Yoyti là relation de Théveaot, t9mc III, f^yc
*I7*
Mi
^0-
134 Mîjlolrt naturdU
LA CHAUVE- SOURIS
FER' DE-LANCE {a).
f^oye^ planche FJII , fig. 2 de ce Volume,
JL/ANsle gfand nombre d'efpèces de Chauve-
iburis qui n'étoient ni nommées ni connues ,
nous en avons indiqué quelques-unes par des
noms empruntés des Langues étrangères , &
(a) Vefpenilio Americanus viilgarif. La Chauve -fou-
ris commune d'Amérique.' Séba , vol. 7, pag. 90, tah,
Vefpenilio murini coloris , pedihus anticis tetradactylis ,
pojiicis pentadaclylis , nafo crifiato VefpertilLo
Americanus. La Chauve fouris d'Amérique. Briflfon ,
B-egn. anim. page 228. Nota. M. Briffon s*e{l trompé
en ne donnant à cette chauve^-fouris que quatre doigts
aux ailes i c'eft la figure donnée par Séba qui l'a induit
en erreur, elle ne préfente en effet que trois doigts
dans la membrane de l'aile, & un quatrième qui fait le
pouce, mais c*eft une faute du Deffinateur. M. Ed-
wards, qui a été plus exaft dans le defTin qu'il a faît
de cet animal , y a marqué les cinq doigts qa'il a réel-
lement comme toutes les autres chauve-fouris.
VcfpertiUo roflro appendice auricu/a forma donato. Sloa-
ne, Hiji. ûfjamaïc. vol. U , page 3^0.
Bat from ]amaica. Edwards, of Birds , page 20i ,
tab. ihid. fig. i.
PerfpicHUtus vefpcrtilio ecaudatus ^ nafo foliato p^ano
acuminato. Syji. nai. 7. Muf. ad Fr. /, pag. 7. LilMï,
5>:/2. nat, edit, X, page 31.
de la Chauve- fouris Fer-de-Iance. 1-35
ci*autres par des dénominations tirées de leur
caractère le plus frappant ; il y en a une
que nous avons appellée le Fer-à-chevali parce
qu'elle porte au-devant de fa face un relief
exaftement femblable à la forme d'un fer-à-
cheval. Nous nommons de même celle dont
il eft ici queftion , le Fer-de- lance , parce qu'elle
préfente une crête ou membrane en forme
de trèfle très pointu , & qui refîemble par-
faitement à un fer-de-lance garni de fes oreil-
lons. Quoique ce caraélère fuffife feul pour
la faire reconnoître & diftinguer de toutes
les autres , on peut encore ajouter qu'elle
n'a prefque point de queue , qu'elle eft à-peu-
près du même poil & de la même groÔeur
que la chauve-fouris commune , mais qu'au
lieu d'avoir comme elle & comme la plupart
des autres chauve-fouris, ftx dents incifives
à la mâchoire inférieure , elle n'en a que
quatre : au refte cette efpèce , qui eft fort
commune en Amérique, ne fe trouve point
en Europe.
Il y a au Sénégal une autre chauve-fouris ,
qui a auffi une membrane fur le nez; mais
cette membrane, au lieu d'avoir la forme d'un
fer- de -lance ou d*un fer-à- cheval , comme
dans les deux chauve-fouris dont nous ve-
nons de faire mention , a une figure plus
fimple & reffemble à une feuille ovale ;
ces trois chauve-fouris , étant de difFérens
climats , ne font pas de fimples variétés, mais
des efpèces diiiinétes & féparées. M. Dau-
benton a donné la defcription de cette chau-
ve-Iburis du Sénégal fous le nom de la FmilU
1^6 TfiJIoire naturelle
dans les Mémoires de V Académie -des Sciences ^
année f/^ç , page 574.
Les chauve- Iburis, qui ont déjà de grands
rapports avec les oifeaux par leur vol , par
leurs aîles & par la force des mufcles peÔo-
raux , paroifîent s'en approcher encore par
ces membranes ou crêtes qu'elles ont fur la
face ; ces parties excédentes , qui ne fe préfen-
tent d'abord que comme des difformités fuper-
flues,font les caraélères réels & les nuances
vifibles de l'ambiguïté de la Nature entre ces
quadrupèdes volans & les oifeaux -, car la plu-
part de ceux-ci ont auffi des membranes &
des crêtes autour du bec & de la tête , qui
?3roiffent tout auili fuperôues que celles des
hauve-fouris.
LE
ToraVJ
H. y
T -L>e- Ser-vaX. 2»> JLooeXot rrtauic. 5 X^a>
Peraette .
du Serxat, IJ7
LE SERVAL (a).
Voye:^ planche IX , fig, i de ce Volume,
V^ET animal , qui a vécu pendant quelques
années à la Ménagerie du Roi , fous le nom
de Cha t- tigre , nous paroît erre le même que
celui qui a été décrit par Mrs. de l'Acadé-
mie , Ibus le nom de C/iat-pard; & nous igno-
rerions peut-être encore Ton vrai nom fi M.
le marquis de Montmirail ne l'eût trouvé
dans un Voyage italien (h) , dont il a fait
la tradudion & l'extrait, a Le Maraputé, que
w les Portugais de l'Inde appellent Serval ^
n ( dit le P. Vincent Marie , J eft un animal
n fauvage & féroce , plus gros que le chat
n fauvage & un peu plus petit que la civette ,
w de laquelle il diffère en ce que fa tête eft
» plus ronde & plus groffe, relativement au
n volume de fon corps , & que fon front pa-
( <J ) Scrvaly nom que les Portugais habitués dar»
î'Inde , ont donné à cet aninnal, que les habitans de Ma-
labar appellent Maraputé.
Chatpard. Mémoires pour ferrir à l'hiftoire Aes Ani-
maux, part, I, page to<),
{h) Voyage du Père F. Vincent Marie de Sainfe-
Cathsrine de Sienne. Venije , i^S^ y in-^^. paf^e 4C><? ,
article traduit par M, le marquis de Montmiri^il.
M
138 Hijlolre naturelle
3> roît creufé dans le milieu ; il refTemble à la
« panthère par les couleurs du poil qui eft
>» fauve fur la tête , le dos , les flancs , &
w blanc fous le ventre , & aufli par les
» taches qui font diftinôes, également dif-
» tribuées & un peu plus petites que celles
« de la panthère ; fes yeux font très bril-
n lans , fes mouftaches fournies de foies lon-
» gués & roides ; il a la queue courte , les
» pieds grands & armés d'ongles longs &
» crochus. On le trouve dans les montagnes
n de l'Inde; on le voit rarement à terre , ii
» fe tient prefque toujours fur les arbres ,
it OÙ il fait fon nid & prend les oifeaux , def-
V quels il fe nourrit; il faute aufîi légèrement
» qu'un finge , d'un arbre à l'autre , & avec
ï> tant d'adreffe & d'agilité qu'en un infiant
» il parcourt un grand efpace, & qu'il ne
» fait, pour ainfi dire , que paroître & dif-
» paroître ; il efl d'un naturel féroce , cepen-
» dant il fuit à l'afpeft de l'homcne > à moins
i» qu'on ne l'irrite , fur- tout en dérangeant
» fa bauge; car alors il devient furieux , il
w s'élance , mord & déchire à-peu-près comme
» là panthère ».
La captivité, les bons ou les mauvais trai-
temens , ne peuvent ni dompter ni adoucir
îa férocité de cet animal ; celui que nous
avons vu à la Ménagerie étoit toujours fur
le point de s'élancer contre ceux qui l'appro-
choient : on n'a pu le deffiner ni le décrire
qu'à travers la grille de fa loge; on le nour-
rifToit de chair , comme les panthères & les
léopards.
Ce ferval ou maraputé de Mahbar ^ des
du Serval, 139
Indes (c), nous paroît être le même animal
que le chat- tigre du Sénégal & du cap de
Bonne-efpérance , qui , félon le témoignage
des Voyageurs ( ^) reflemble au chat par la
figure , & au tigre ( c*eft"à-dire , à la pan-
thère ou au léopard ) par les taches noires
& blanches de fon poil ; « cet animal , di-
« fent'ils , eft quatre fois plus gros qu*un
» chat, il eft vorace & mange les fmges ,
j) les rats & les autres animaux ».
Par la comparai fon que nous avons faite
du ferval avec le chat-pard décrit par Mrs,
de l'Académie j nous n'y avons trouvé d'au-
tres différences que les longues taches du
dos & les anneaux de la queue du chat-pard ,
qui ne font pas dans le ferval ; il a feulement
ces taches du dos placées plus près que cel-
les des autres parties du corps ; mais cette
petite difconvenance fait une différence trop
légère , pour qu'on puiffe douter de l'identité
d'efpèce de ces deux animaux.
( tf ) II y a à Sagori ( îsie fur le Gange ) Aei cîiats tîgres
qui font gros comme un mouton. Nouveau Voyage , psr
h fieur LuillUr. Rotterdam , 1726 , page 90,
{d) Voyage de Le Maire , page ioo. — Le cîiat è^n
bois ou le chat-tigre, eft le plus gros de tous les chat«
fauvages du Cap; fon habitation eft dans les bois, & il
eft tacheté à-peu-près comme un tigre. La peau de ces
animaux donne d'excellentes fourrures pour la chaleur
& pour l'ornement, auflî fe vendent-elles fort bien au
Cap. Defcripdon du cap, de Bonne- e/péranee , par Koike ,
tome III > pag^e ^o.
M t
1 40 Hijloirc namniU
L' O C E L O T [a].
Voye:^ flanche IX , figure 2 & '^ de ce Valumc
J-j*OCELOT eft un animal d'Amérique féroce
fk carnalîier , que l'on doit placer à côté du
Jaguar , du Cougar , ou immédiatement après ;
car il en approche pour la grandeur , & leur
reflemble par le naturel & par la figure. Le
mâle & la femelle ont été apportés vivans à Pa-
ris par M. TEfcot^ & on les a vus à la foire Su
Ovide au mois de Septembre de Tannée 1764*
ils venoient des terres voifines de Cartagène,
& ils avoient été enlevés tout petits à leur
mère au mois d'06tobre 1763 ; à trois mois
d'âge 5 ils étoient déjà devenus affez forts 6c
(a) Ocelot , mot que nous avons tiré par abréviatio»
fte Tlalccelod , nom de cet animal dans Ton pays natal
au Mexique.
Tlacooilott , ttaloctlùtt. Cams parius Mexicanuj. Her-
nandès, Hijl. Mex. page 512, fig. ibid.
Pardalis. F élis eauàa elongatJ , corpore maadis fuperio-
iihus virgatis , inferioribus orbiculatis habitat in
Aimrica. Magaitudo mefis ^ fi'P''^ fi^fi'"^^ » fubtin a/bicans ^
linect punclaque nigra pcr toium corpus longitudinaliter
fpc^rfa ; fed pedes & abdomen tantum punclis , latera lineis
fatioribus albis & fufcis pinguuntitr. Aures brèves margint
hi^ce abfoiie peniciliis , pedes j^-^ caudâ verticdlato v^-
negatd proportione cati. Myfiaces 4 ordlnum , in fingu^o
ordins Jeta. ?, y, y , albx , bafi nigm, longitudlne capitis»
Limj.'-5^jî. nat, edit. X » page 41»
it t Ocelot, 141
aflez cruels pour tuer & dévorer une chienne
qu'on leur avoir donnée pour nourrice ; à un
an d'âge , lorfque nous les avons vus , ils
avoient envion deux pieds de longueur, &
il eft certain qu'il leur reftoit encore à croî-
tre, & que probablement ils n'avoient pris
alors que la moitié ou les deux tiers de leur
entier accroiffement. On les montroit fous
le nom de chut- û^re , msiis nous avons rejeté
cette dénomination précaire & composée ,
avec d'autant plus de raifon , qu'on nous
a envoyé fous ce même nom le Jaguar, le
Serval & le Margay , qui cependant font
tous trois différens les uns des autres , diffé-
rens auffi de celui dont il eft ici quéftion.
Le premier Auteur qui ait fait mention
expreffe de cet anima) , & d'une manière à
le faire reconnoître , eft Fabri ; il a fait gra-
ver les deflîns qu'en avoit faits Recchi , &
en a compofé la defcription d'après ces mê-
mes deflins , qui étoient coloriés ; il en donne
auffi une^ efpèce d'hiftoire , d'après ce que
Grégoire de Bolivar en avoit écrit & lui en
avoit racofité. Je fais ces remarques dans la
vue d'éclaircir un fait qui a jeté les Naturaliftes
dans une efpèce d'erreur, & fur lequel j'a-
voue que je m'étois trompé comme eux : ce
fait eft de favoir fi les deux animaux defîînés
par Recchi , le premier avec le nom de
Tlathuhquiocelod , & le fécond avec celui de
Tlacoo{lod, Tlahcelotl , & enfuire décrits par
Fabri , comme étant d'<èfpèces diflférenres, ne
font pas le même animal. On étoit fondé à
les regarder , & on les regardoit en effet
comme différens, quoique les figures foient
141 Hipoire naturelîc
afTez femblables, parce qu*il ne laifTe pas d*y
avoir des différences dans les noms, & même
dans les defcriptions ; j'avois donc cru que
le premier pouvoir être le même que le ja-
guar, en forte que, dans la nomenclature de
cet animal , j'y ai rapporté le nom Mexi-
cain Tlatlauhquïocelotl : or ce nom Mexicain
ne lui appartient pas , & depuis que nous
avons vu les animaux mâle & femelle dont
nous parlons ici , je me fuis perfuadé que
les deux , qui ont été décrits par Fabri , ne
font que ce même animal dont le premier
eft le mâle , & le fécond la femelle ; il falloir
un hafard comme celui que nous avons eu,
& voir enfemble le mâle & la femelle pour
reconnoître cette petite erreur. De tous les
animaux à peau tîp-ée^ .l'ocelot mâle a cer-
tainement la robe la plus belle & la plus
élégamment variée (h); celle du léopard
même n*en approche pas pour la vivacité
des couleurs & fe régularité du deffin ; & celle
du jaguar , de la panthère ou de l'once en
approche encore moms ; mais , dans l'ocelot
femelle , les couleurs font bien plus foibles ,
& le deiîin moins régulier, & c'eft cette dif-
(b) Univerfum corpus fulchro Tofcoqut fuirubct colore ,
excepta hferiore ventre qui albicat potius ; maculls rofa-
rum effigie , nigricantlbus omnibus intra fuave rubentem
eolorem , tvtum ita corpus , pedes & cauda ordlne quodam
dijlin:untur ut eleganum plane huic animali acu picium
i^^petem vel perïpitafma impofitum credercs ; funt aiitem
macttla hct in dorfo & capite rctundior<.s majore/que ; verfus
ventrem verb pcdefque ohlongiufculx & multo minores. Fabri
0pud Hernand, ïiijf, Mex, page 498,
di C Ocelot. 143
férence très apparente qui a pu tromper Rec-
chijFabri (c) &les autres: on verra, en com-
parant les figures & les defcriptions de l'un
& de Tautre , que les différences ne laiflent
pas d'être confidérables , & qu'il manque
à la robe de la femelle beaucoup de fleurs
& d'ornemens qui fe trouvent fur celle du
mâle.
Lorfque l'ocelot a pris fon entier accroif-
fement , il a , félon Grégoire de Bolivar,
deux pieds & demi de hauteur fur environ
quatre pieds de longueur; la queue , quoi-
qu'affez longue, ne touche cependant pas
la terre lorsqu'elle efl pendante , & par con-
féquent elle n'a guère qu€ deux pieds ce
longueur. Cet animal eft très vorace , il cil
en même temps timide ; il attaque rarement
les hommes, il craint les chiens ; & dès qu'il
en efl pourfuivi, il gagne les bois & grimpe
fur un arbre ; il y demeure , & même y fé-
journe pour dormir & pour épier le gibier ou
Ve bétail , fur lequel il s'élance dès qu'il le
voit à portée; il préfère le fang à la chair,
& c'efl par cette raifon qu'il détruit un grand
nombre d'animaux, parce qu'au lieu de fe
( f ) 5i animalls jîguram fpccîemus cum antécédente non
nîhil ccrpoils dsiineatio congndt; fi. colorem & maculas
fïiîhus pinzitur , plurimum difcrepat. In hoc tctius color
corporis non ruhicundtis fed obfcurs cinereus apparet, pne^
ter ventrem tamtn qui albicat. Maculx nec ordinattz adi0
nec ha rotundce rofeire colons & fis.urx< Jtd oblonga , nigri'
cantcs omnes, in medio vero alhicantes fpar^untur, frurs^
non ita fomot &c, ibid, page 51a,
144 Hljîoln natunlU
rafîafier en les dévorant , il ne fait que (<t
défaltérer en leur fuçant le fang {d).
Dans l'état de captivité , il conlerve fes
mœurs, rien ne peut adoucir fon naturel fé-
roce , rien ne peut calmer fes mouvemens
inquiets, on eft obligé de le tenir toujours
en'cage a A trois mois (dit M. l'Efcot )
» lorfque ces deux petits eurent dévoré leur
» nourrice , je les tins en cage , & je les y
» ai nourris avec de la viande fraîche, dont
» ils mangent fept à huit livres par jour; ils
» frayent enfemble mâle & femelle comme
» nos chats domeftiques ; il règne entr'eux
» une fupérioriré fingulière de la part du
>» mâle ; quelque appétit qu'ayent ces deux
» animaux , jamais la femelle ne s'avife de
w rien prendre que le mâle n'ait fa fatura-
» tion , & qu'il ne lui envoyé les morceaux
» dont il ne veut plus ; je leur ai donné plu*
{d) Nota. Dampier parle de ce même animal fou»
le nom de Chat tigre , & voici ce qu'il en dit : « Le chat-
>» tigre des terres de la baie de Campeche eft de la grof-
>♦ feur de nos chiens qu'on fait battre avec les taureaux j
» il a les jambes courtes, le corps ramafle &. à-peu-près
»» comme celui d'un mâtin j mais pour tout le refte , c'eft-
» à-dire , la tête, le poil, & la manière de quêter fa
M proie, il refTemble fort au tigre (jaguar^, excepté
»♦ qu'il n'eft pas tout-à fait lî gros; il y en a ici un«
»♦ grande quantité ; ils dévorent les jeunes veaux ÔC le
» gibier qu'on y trouve en abondance, auHî font -ils
« moins à craindre pour cela même qu'ils ne manquent
n pas de pâtures. ... ils ont la mine altière & le re-
M gard farouche. >» Voyage iç, Darufitr» tome lll » pa&e
n fieurs
êc tOctht, 14^
m âeurs fois des chats vivans, ÎU leur fu-
9> cent le fang jufqu*à ce que mort s'enfuive ,
M mais jamais iU ne les mangent ; j'avois em*
» barque pour leur fubfiftance deux che-
»> vreaux ; ils ne mangent d'aucune viande
I» cuite ni falée ( ^ ) w.
Il paroît , par le témoignage de Grégoire
de Bolivar, que ces animaux ne produifent
ordinairement que deux petits , & celui de
M. l'Efcot femble confirmer ce fait; car il
dit auflî qu'on avoit tué la mère, avant de
prendre les deux petits dont nous venons de
parler. li en eft de Tocelot comme du ja-
guar , de la panthère , du léc^ard , du tigre
& du lion : tous ces animaux remarquables
par leur grandeur, ne produifent qu'en pe-
tit nombre , au lieu que les chats , qu'on
pourroit aiTocier à cette même tribu , produi-
fent en affez grand nombre, ce qui prouve
que le plus ou le moins dans la produâion ,
tient beaucoup plus à la grandeur qu'à la
forme.
(«) Lettre de M. l'Efcot, qui a amené ces anrmaujç
du continent de Cartagène , à M. de Beoft, Correfpon-.
dant de l'Académie des Sciences , en date du 17 fep-
tembre vj(>4' Nota. M. de Beoft, qui a bien voulu me
communiquer cette lettre , a beaucoup de connoiflTancee
en Kiftoîre Naturelle , & ce ne fera pas la feule occa-
fion que nous auront de parler des chofes 'dont il soug
« fait part.
*
^uaJrupfdcs , Terne P7, - N
14^ Hijlo'ire naturelle
LE MARGAY [a]
Foyei planche X y figure / de ce Volume,
JLiE Margay eft beaucoup plus petit que To-
celot; il reflemble au chat fauvage par la
grandeur & la figure du corps, il a feule-
îneïit la tête plus carrée , le mufeau moins
court, les oreilles plus arrondies & la queue
plus longue; Ton poil çft aulTi plus court que
celui du chat fauvage , & il eft marqué dç
bandes , de r^ies & de taches noires fur un
fond de couleur fauve ; on nous Ta envoyé
de Cayenne fous le nom de Chat- tigre ^ & il
tient en effet de la nature du chat & de celle
( û ) Margay , mot tité de Maragua ou Maragaia , nom
ëe cet animal au Brefil.
Au Maragnon, il y a des animaux qui font des efpèce»
de chats fauvages , que les Inciens appellent Margaia ,
oui ont la peau fort belle, étant tavelée de toutes parts.
Miff. du P. d'Ahbevilhy page i<^o.
Tepe Maxt^aten, Fernand. Hijl. Nov- fi'tfp. pag. 9.
Maraguao firc Maracaia. Marcgrav. Hijî. Nat. Braf,
page 23?.
Fêles fera tigrina Malakaia. Barrère , Hift. de la Fr,
iquin. pgge i-ç^.
Felis fylvefins ùgrinus ex Hifpanlola. Séba , vol. /,
fag. 77, tah. 48, fig. 2.
Felis ex grijeo fiavcfcens maculls nigris variegata. . . ,
relis fylvcjlris tigrina, Lç chat fauvage tigré. BriflT,
Kegn, anita, pag. 26$,
Torrv.^Vr
Plia.
iLeMar^j. SlILc duncke. . 5 Le Cocuje, . | '
du Margay. 9j^j
cla jaguar ou de Tocelot, qui font les deux
animaux auxquels on a donné le nom de
tigre dans le nouveau continent. Selon Fer-
nandèSj cet animal, lorfqu'il a pris Ton ac-
croilTement en entier, n'eft pas tout-à-fait fi
grand que la civette ; & félon Marcgrave ,
dont la comparaifon nous paroît plus jufte ,
il eft de la grandeur du chat fauvage , auquel
il reffemble auffi par les habitudes naturelles,
ne vivant que de petit gibier, de volailles,
&c. mais il eft très difficile à apprivoiler, &
ne perd même jamais fon naturel féroce. Il
varie beaucoup pour les couleurs , quoi-
qu'ordinairement il foit tel que nous le pré-
fentons ici : c'eft un animal très commun à
la Guiane , au Brefil & dans toutes les au-
tres provinces de l'Amérique méridionale.
Il y a apparence que c'eft le même qu'à la
Louifiane on appelle Plt/iou ( ^ ) , mais l'ef-
pèce en eft moins commune dans les pays
tempérés que dans les climats chauds.
Si nous faifons la révifion de ces animaux
cruels , dont la robe eft û belle & la nature
fi perfide , nous trouverons dans l'ancien
continent le tigre, la panthère, le léopard,
l'once, le ferval ; & dans le nouveau le ja-
guar , l'ocelot & le margay , qui tous trois
ne paroiffent être que des diminutifs des pre-
(h) Le rithou eft une efpèce de chat pitois auffi haut
qiie le tigre, mais moins gros, dont la peau eft aiTer
belle,* c'eft un grand deftru£leur de volaille, mais pir
bonheur il n'eft pas commun à la Louifiane. Hiftoirc de
la Louifiane, par U Page du Prafi, tome II, pag. ^2,
fig. page 67,
N 2
14S Hîjloln naturtllt
miers » & qui , n*en ayant ni la taille ni la
force , font aufli timides , auili lâches gue les
autres font intrépides & fiers.
Il y a encore un animal de ce genre qui
femble différer de tous ceux que nous venons
dénommer, les Fourreurs l'appellent Guépard;
nous en avons vu plufieurs peaux , elles
refTemblent à celles du linx par la longueur
du poil, 'mais les oreilles n'étant pas ter-
minées par un pinceau , le guépard n'eft
Î>oinr un linx , il n'eft auffi ni panthère ni
éopard, il n'a pas le poil court comme ces
animaux , & il diffère de tous par une efpèce
de crinière ou de poil long de quatre ou cinq
pouces qu'il porte fur le cou & entre le*
épaules ; il a aufli le poil du ventre long
de trois à quatre pouces , & la queue à pro-
portion plus courte que la panthère , le léo-
pard ou l'once; il eft à-peu-près de la taille
de ce dernier animal, n'ayant qu'environ
trois pieds & demi de longueur de corps :
au refte fa robe , qui eft d*un fauve très
pâle , eft parfemée , comme celle du léopard ,
de taches noires 3 mais plus voifmes les unes
des autres & plus petites , n'ayant que trois
ou quatre lignes de diamètre.
J'ai penfé que cet animal devoit être le
même que celui qu'indique Kolbe fous le
nom de loup- tigre; je cite ici fa defcription
( c ) pour qu'on puiffe la comparer avec la
( c ) Il eft de la taille d'un chien ordinaire & quelque*
Coij plus gros : fa tête eft large comme celle des dogues
^u» l'on Uii hàtiti «0 Angleterre (ootie les taureaux |
dû Margay, 149
ftôtre .* c*eft un animal commun dans les ter-
res voifmes du cap de Bonne efpéran^e ; tout
le jour , il fe tient dans des fentes de rochers
ou dans des trous qu'il fe creufe en terre;
pendant la nuit , il va chercher fa proie ;
mais, comme il hurle en chafiant fon gibier ,
il avertit les hommes & les animaux , en forte
qu'il eft affez aifé de Téviter ou de le tuer»
Au refte , il paroît que le mot piépard eft dé-
rivé de lépard; c'eft ainfi que les Allemands
& les Hollandois appellent le léopard : nous
avons aulîî reconnu qu'il y a des variétés
dans cette efpèce pour le fond du poil &
pour la couleur des taches ; mais tous les
guépards ont le caraftère commun des longs
poils fous ie ventre , & de la crinière fur
le cou.
il a les mâchoires groflfes aulTi-bien qwe îe mufeau & îes
yeux, fes dents font fort tranchantes, fon poil eft frifé
comme celui d*an chien barbet , & tacheté comme celui
du tigre ; il a les pattes larges Se armées de grofTes
griffes, qu'il retire quand il veut comme les chats; fa
qvteue eft courte, , ... il a pour mortels ennemis le
lion, le tigre & le léopard, qui lui donnent très-fon-
vent la chaffe; ils le pourfuivent )ufque dans fa tanière ,
fe jettent fur lui & le mettent en pièces. Defcription du
ca-p de Bonne-tfpérance y par Kolbe ^ tome III , pages 69
ôc 70. Nota. L'animal auquel cet auteur donne le nom
de tigre , eft celui que nous avons appelle léopard , flc
celui qu'il nomme léopard eft la panthère.
•^
15© Hlfioîn nature Ik
î»(XXXXXXXXXXX30CXXXXXXXXX*
LE CHACAL [a]
E T
L' A D I V E.
Voye:^ Tome VIII ^ planche 6»
N
ous ne forames pas afTurés que ces deux
noms défignent deux animaux d'efpèces dif-
férentes ; nous favons feulement que le Cha-
cal eft plus grand, plus féroce, plus difficile
{a) Chacal, Jachal j nom de cet animal r'ans le Le-
vant, & que nous avcms adopté; AdUy félon Bélon i
Tulki dans quelques provinces du Levant, félon Olea-
rius, Siacalle , félon Corneille le Brun ; Addibo, en Ita-
lien, félon le P. Vincent Marie; Chieal y en Turquie,
lelon Haflelquift; Sicaly félon Pollux; Squilachi c-n Grec,
félon Bé'on ; Zacalia , félon Spon & Weeler; Siachal ,
Schachal y Siechaal , Siacall , en Perfe , félon Kœmpfer ;
Jacard, félon Delon; Deeh, en Barbarie, félon Shaw|
JaquepareLy à Bengale, & Nari y au Maduré^ félon d^au-
tres Voyageurs.
Ad'd, bête entre loup & chien, que les Grecs nom-
ment vv.lgairement Spuilachi , & croyons être le Chry^
feos ou Lupus aureus des anciens Grecs. Obf, de Bélon ,
feuillet i6^.
. Lupus aureus. Kœmpfer, Âmeenit. cxotlc. p. 41 J, fig,
pag. 407, fig, 3.
Vulpes Indicz or'untalis. Valentin, Muf, p. 452 , fig,
Tab. ibid.
Canis flavus, lupus aurcus. ..••.. Le loup doré.
BrifTon, Regn. anim. psg,. 257.
Aureus canis f lupus aurtus diclus, LinOt Syfi, nat, eèxt»
X, pag. 40.
du Chacal Ê* dû l'AdWe, 15!
à apprivoifer que l'Adive ( ^ ) , mais qu'au
refte ils paroiflent Te refîembler à tous égards.
II fe pourroit donc que Tadive ne fitt que le
chacal privé dont on auroit fait une race do-
meftique plus petite, plus foible & plus douce
que la race fauvage ; car l'adive eft au cha-
cal à- peu-près ce que le bichon ou petit chien
barbet eft au chien de berger ; cependant
comme ce fait n'eft indiqué que par quelques
exemples particuliers , que î'efpècé du cha-
cal en général n'eft point domeftique comme
celle du chien , que d'ailleurs il fe trouve
rarement d'aufli grandes différences dans une
cfpèce libre, nous fommes très portés à croire
que le chacal & l'adive lont réellement deux
elpèces diftirtftes. Le loup , le renard , le cha-
cal & le chien forment quatre efpèces , qui ,
quoique très voifines les unes des autres ,
font néanmoins différentes entr'elles : les
variétés dans l'efpèce du chien font en trèî
grand nombre ;^ la plupart viennent de Tétât de
domefticité auquel il paroît avoir été réduit
de tous les temps. L'homme a créé des ra-
ces dans cette efpèce , en choiftffant & met-
tant enfemble les plus grands ou les plus pe*
tits i les plus jolis ou les plus laids , les
plus velus ou les plus nus , &c. mais indé-
pendamment de ces races produites par la
main de l'homme , il y a dans l'efpèce du
{b) Nota. J'ai lu dans quelques-unes de nos Chro-
niques de France, que, du temps de Charles ÎX, beau-
coup de femmes à la Cour avoient des adives au lieu
de petits chiens.
N4
1^1 mpotn namrclk
chien pMeurs variétés qtîi femblent ne éé^
pendre que du climar. Le dogue , le danois y
répagneul , le chien turc, celui de Sibérie,
&c. tirent leur nom du climat d'où ils (ont
originaires , & ils paroiffent être plus diffè-
rens entr'eux que le chacal ne l'eft de l'adive ;
îl fe pourroit donc que ks chacals fous^
difFérens climats , euffent fubi de* variétés
diverfes , & cela $*accorde affei avec les
faits que nous avons recueillis. Il paroît , par
les écrits des Voyageurs , qu'il y en a par-
tout de grands & de petits; qu'en Arménie^
en Cilicie , en Perfe & dans toute la partie
de l'Afie que nous appelions U Levant, où
cette efpèce eft très nombreufe , très incom-
mode & très nuifible , ils font communément
grands comme nos renards ( c ) , qu'ils ont
ff ) Le jacard ou adive eft grand comine un chie*
médiocre, reffemblant au renard par la queue & au loup
par le mufeau ; on en élève dans les maifons, mais leur
rature eft de fe cacher dans la terre pendant le jour^
«i'où ils ne fortent que la nuit pour chercher à manger j
ils vont par troupes, dévorent les enfans & fuyent les
hommes; leurs cris font plaintifs, & l'on diroit fouvent
que ce font ceux de plufieurs enfans de divers âge»
mêles enfemWe ; les chiens leur font la guerre & lef
éloignent des maifons. Voyage de Delon ^page loç. — If
fe trouve en Perfe une efpèce de renard appelle Scha^
\al, que les habitans nomment communément Tw/ii, qui
y font en très grand nombre & de la grandeur à-peu-
près de nos renards d'Europe, le dos & les côtés cou-
verts d'une efpèce de groffe laine avec des poils longs
& roides, le ventre blanc comme neige , les oreillea
noires comme jai» la queue plus petite que celle de nof
renards ; nous les entendions la nuit rôder autour du
village où nous étions» fort ijnpoituaé& d« leuis. cik
iu Chacal & dt l^Adlvi. 15 J
feulement les jambes plus courtes , & ^'ils
font remarquables par la couleur de leur
htgubres , aflfez fembfabfes à ceux d'un homme qui r«
plaint , & qu'ils ne ceffent de faire entendre. Toyagt
i*OUarius ,pag. jj/. — L'addibo (adive) reflemble au
}cup par la figure , Ton poil S( fa queue , mais il e(l plus
petit i & Ta taille e{l même au-delTous de celle du re-
nard j il eft très vorace,mais ftupide; Il voyage ta nuit
& refle le jour dans fa tanière ; fur la brune » on ne
voit autre chofe dans la campagne ; ces animaux s'ap-
prochent des Voysç^urs & s'arrêtent pour les regarder
fans parottre rien craindre. Ils courent dans les eelifes
où ils déchirent & dévorent tout ce qui leur convient;
tout ce qui eft fait avec du cuir eft leur mets favori.
L'adive glapit comme le renard, & quand un crie, tous
les autres lui répondent; cet inCiinft de crier tous en-
femble ne paroît point volontaire , mais de pure nécef-
fité, au point que fi l'un de ces animaux eft entré dans
tine maifon pour voler & qu'il entende fes compagnons
crier au loin, il ne peut s'empêcher de crier aum , 8t
par-là de fe déceler. Voyage du Pcre Fr. Vincent Marie »
thap. xm , article traduit par M. le. marquis de Mont-
wtirail, — On a gardé, pendant plus de dix mois, un
chacali dans une maifon où j'ai demeuré quelque temps î
c'eft un animal fi femblable au renard en grandeur , en
figure & en couleur , que la plupart des étrangers y
font prcfqae toujours trompés lorfqu'ils en voient quel-
qu'un pour la première fois; la plus grande différence
qui foit entre l'une & l'autre, c'ed dans la tête, le cha-
cali l'ayant faite comme un chien de Berger qui auroit
le mufeau long , & dans le poil qu'il a rude comme celui
du loup ; fa couleur eft auffi affez femblable à celle d'un
loup, & il pue fi extraordinairement qu'il ne peut fe
coucher un moment dans un endroit fans l'infefter
Cet animal eft extrêmement vorace & hardi Il
ne craint pas d'entrer dans les maifons. . . . . Lorfqu'il
rencontre un homme, au lieu de fuir d'abord comme
les autres bêtes , il le regarde fièrement comme s'il
Youloit le braver , & prend enfuite fa courfe. Il eft d'un
méchant naturel, ôc toujours prêt à mordre, quelque
154 Hijîoîn naturelU
•poil 3 qui e{l d*un jaune vif & brillant ;ç'eft
pour cela que plusieurs Auteurs ont appelle
le chacal loup doré. En Barbarie , aux Indes
orientales, au cap de Bonne-efpérance;, &
dans les autres provinces de l'Afrique & de
l'Aile , cette efpèce paroît avoir fubi piufieurs
variétés; ils font plus grands , dans ces pays,
plus chauds, & leur poil eft plutôt d'un brun-
roux que d'un beau jaune , & il y en a de
couleurs différentes (^). L'efpèce du chacal
eft donc répandue dans toute TAfie, depuis
l'Arménie jufqu'au Malabar ( c ) , & fe trouve
foin que l'on prenne de Radoucir par des carefTes, ou
en lui donnant à manger, ce que j'ai pu remarquer en
celui t'ont je viens de parler, qui avoit é'é trouvé fort
jeune, & qu'on avoi: pris plaiflr à é'ever comme un
chien qu'on aimeroit beaucoup ; cependant il ne s'ap-
privoifa point parfaitement i il ne pouvoit fouffrir les
attouchemens de perfonne ; il mordoit tout ie monde ,
& jamais on ne put parvenir à l'empêcher de moncer
fur la table & d'y enlever tout ce qu'il pouvoit pren-
dre. Toute la campagne de la Natolie eft peuplée de ces
chacalis : on les entend toutes les nuits faire un bruit
fort grand autour des villes , non pas en aboyant comme
les chiens , mais en criant d'un certain en aigre qui
leur eft particulier. Voyage de Dumont. La HaiCf fCJpp,
tome IV , page ig.
(<f) Le jackal que les fujets du roi de Comany près
d'Àcra nous apportèrent, écoit gros comme un mouton,
mais il avoit les pieds plus hauts ; fon poil étoit court
ÔC tacheté, fes pattes, à proportion de fon corps,
étoient prodieieufement épaiflTes. ... 11 avoit la tête
auffi fort groffe , plate & large, avec des dents chacune
de la longueur d'un doigt & au-delà. .... Il a aux
pieds des griffes d'une épouvantable groffeur. Voyage
de Bofman , page ^p.
(ej 11 y a à Bengale des chiens fauvages appellé«
du Chacal & de FAdive, if5
aufli en Arabie , en Barbarie (/) , en Mauri-
Jaquepards ou Chiens criards , dont le poîî eft ronge }
ils viennent en troupe toutes les nuits aboyer effroya-
blement le long du Gange, leur voix & leurs cris font
fi différées & fi confus qu'on ne peut s'entendre par-
ler : ils ne fe détournent point quand les Maures paf-
i'ent près d'eux. . . . Ces animaux font communs pref-
que dans toutes les Indes. Voyage (tlnnigo de Blerviilas ^
première partie, page i->8. — Il y a au Maduré une ef-
pèce de chien fau/age qu'on prenc^roit plutôt pour un
renard ; les Indiens l'appel'ent Nari & les Portugais
Adiha. . . . Lorfque ie voyageois !a nuit, j'entenôois
ces animaux hurler à toute heure, htttres édifiantef •
XIIc. recueil, page 0^- — I' fs trouve a Guzaratts une
e(j>èce de chien faavage qu'ils appellent Jakcls. RcU-^
tion de Mandc'fioi fuite d'0/éarius, tome II , page 2^^.
— - On voit un grand nombre de j'ckales ou iachaîs
5u pays de Malabar ; j'en ai vu aulïï dans les bois de
C-ylan , ils font de la figure du renard , particulière-
ment par la queue. ... Ils font fort friands de chair
humaine. ... Ils fuivoient notre arm4i & déterroieut
nos morts Nous entendions fouvent la nuit les
cris effroyables de ces animaux, qui reffemblent affez
à ceux des chiens irrités. .... Ils crient à diverfes
reprifes comme s'ils fe répcndoient. Recueil des Voya-
ges de la Compagnie des Indes orientales , tome VI , page
çSo. Tout le pays de Calicut eft auffi rempli de renards
( chacals ) , qui viennent la nuit jufque dans la ville , 8c
chaffent comme font ici les chiens, & on n'entend autre
bruit toutes les nuits par les jardins & chemins. Voyage
de Fr. Pyrard, tome I , page ^zj. — Le fchecale eft une
efpèce de chien fauvage. ... Il y en a une fi grande
quantité aux environs de Sourate, que nous ne pou-
vions nous entendre parler à caufe du grand bruit qu'ils
faifoient , criant di^in6lement oua, oua ^ oua, qui ap-
proche de l'aboi du chien ; cet animal eft friand des
corps morts. ... Il y en a aufli en quantité dans les
déferts d'Arabie , le long du Tigre, del'Eufrate & dans
l'Egypte. Voyage de la Boulayc-!e-Gov\',pa.gc if^.
{/) Aux royaaojes de Tunis & d'Alger , le deab ou
ï ^ 6 Hipoîft namrelU
tanie, en Guinée (,!'),& dans les terres dn
Cap ; il femble qu'elle ait été deftinée à
remplacer celle du loup {h), qui manque
jackall eft d'une couleur plus obfcure que le renard^
& à«peu-près de la même grandeur ; il glapit tous les
foirs dans les villages & dans les jardins , fe nourrif-
fant comme le duhlah , de racines, de fruits & de cha-
rocnes. Voyage de Shaw , tome /, page ^io. NoTj, L<
duhbah dont Shavt^ fait ici mention , e^ l'hyasne.
(f ) On trouve en Guinée, fit plus communément
encore dans le pays d'Acra & dans celui d'Aquamboé ,
un animal très cruel) qtie nos gens appellent Jac^als,.,.,
Ils viennent la nuit jufque fous les murailles du fort
que nous avons à Âcra , pour tâcher d'enlever des Sta-
bles les pourceaux, les moutons, ôcc. Voyage de Bof-
tfian,page 24<}, "Voyez idem, pages ^"^i Ct |12.-— Les
chiens fauvages de Congo, qu'on appelle Mehbidy font
ennemis mortels de tous les autres quadrupèdes ; ils ne
diffèrent pas beaucoup de nos chiens courans ; on les
voit courir par troupe de trente & de quarante, quel-
quefois même en plus grand nombre. ... ils attaquent
toute forte d'animaux, & ordinairement en viennent à
bout par le nombre : ils n'attaquent point les hommes.
Voyage du P. Zuchel à Congo & en Ethiopie , page 2p j ,
€itepar Kolbe. Le chien fauv^ge du cap de Bonne-efpé
rance refiemble à ceux de Congo , décrit par le P. Zu-
chel , &c. Defcription du cap de Bonnc-ejpérance , par
Kolbe y part. III, page a,8 11 y a au cap un ani-
mal dont l'efpèce approche beaucoup de celle du renard;
Gefner & d'autres l'ont appelle Renard croifi, les Eu-
ropéens du cap lui donnent le nom de Jachals , & les
Hottentots celui de Zenlie ou Keniie. Idem, part. III ,
page 6z.
(A) J'ai obfervé qu'il n'y a guère de loups en Hir-
canie, ni dans les autres provinces de la Perfe; mais
qu'il s'y trouve par-tout un animal dont le cri eft ef-
froyable , qu'ils appellent Chacal. Il en veut particuliè-
rement aux corps morts qu'il déterre. Voyage d* Char»
din , tome II f page 2^,
du Chacal & de tAdlve* i^y
ou du moins qui eft très rare dans tous les
pays chauds.
Cependant, comme Ton trouve des cha-
cals & des adives dans les mêmes terres ,
comme Tefpèce n*a pu être dénaturée par
une longue domefticité, & qu'il y a conftam-
ment une différence confidérable entre ces
animaux pour la grandeur & même pour le
naturel; nous les regarderons comme deux
cfpèces diftinftes, fauf à les réunir lorfqu'il
fera prouvé, par le fait , qu'ils fe mêlent &
produifent enfemble. Notre préfomption fur
la différence de ces deux efpèces eft d'autant
mieux fondée , qu'elle paroît s'accorder avec
l'opinion des Anciens. Ariftote , après avoir
f>arlé clairement du loup, du renard & de
'hyaene , indique affez obfcurément deux au-
tres animaux du même genre, l'un fous le
nom de Pantkcr, & l'autre fous celui de Thos;
les Traduôeurs d'Ariftote ont interprété
panther par lupus canarïus , & thos par lupus cet"
varïus y loup canier, loup cervier; cette in-
terprétation indique affez qu'ils regardoient
le panther & le thos comme des efpèces de
loups ; mais j 'ai fait voir à l'article du lynx
que le lupus cervarius des Latins n'efl point
is thos des Grecs : ce lupus cervarius eft le
même que le chaus de Pline , le même que
notre lynx ou loup cervier, dont aucun ca-
raâère ne convient au thos. Homère , en pei-
gnant la vaillance d'Ajax , qui feul fe préci-
pité fur une foule de Troyens, au milieu def-
quels Ulyffe bleffé fe trouvoit engagé , fait
la comparaifon d'un lion , qui , fondant tout-
à-coup far des thos attroupés autour d'un
t^S Hijioin naturtlU
cerf aux abois , les difperfe & les chafle
comme de vils animaux. Le fcholiafte d'Ho-
mère interprète le mot /,W par celui de pan-
ther, qu'il dit être une efpèce de loup foi-
ble & timide; ainfi , le thos & le pa ither
ont été pris pour le même animal par quel-
ques anciens Grecs : mais Ariftote paroît les
diftinguer , fans leur donner néanmoins des
caraftères ou des attributs difFérens. « Les
w thos, dit-il, ont toutes les parties internes
» femblables ( i ) à celles du loup ils
n s'accouplent ( ^ ) comme les chiens , &
i> produifent deux , trois ou quatre petits ,
t> qui naiffent les yeux fermés : le thos a
j> le corps & la queue plus longues que le
i> chien , avec moins de hauteur, ik quoiqu'il
w ait les jambes plus courtes , il ne laiffe
» pas d'avoir autant de vîteffe , parce qu'é-
n tant fouple & agile, il peut fauter plus
») loin Le lion & le thos font ennemis
» (/), parce que vivant tous deux de chair,
w ils font forcés de prendre leur nourriture
w fur le même fonds , & par conféquent de
M fe la difputer Les thos (^m ) aiment
» l'homme , ne l'attaquent point & ne le crai-
»> gnent pas beaucoup; ils fe battent contre
w les chiens & avec le lion , ce qui fait que
î> dans le même lieu on ne trouve guère des
n lions & des thos. Les meilleurs thos font
(i) Ariftote , hifi. anlm. Uh. U , cap. JiyJT,
\k) Idem, iib. VI, cap. XX xy,
( /) llcm > lih. IX , cap. i.
\m) lUm, Uh. IX, cap, XHr.
du Chacal 6» de tAdivt» 15 g
» C€ux qui font les plus petits ; il y en a de
« deux eipèces , quelques-uns même en font
»> trois, >» Voilà tout ce qu'Ariftote a dit au
fujet des thos , & il en dit infiniment moins
fur le panther ; on ne trouve qu'un feul paf-
fage dans le même chapitre trente-cinq du
fixième livre de fon Hiftcire des animaux,
a Le panther, dit-il, produit quatre petits,
j> ils. ont les yeux fermés comme les petits
ï» loups lors de leur naiflance. » En compa-
rant ces paiTages avec celui d'Homère & avec
ceux des autres auteurs Grecs, il me paroit
prefque certain que le thos d'Ariftote eft le
grand chacal , & que le panther eft le petit
chacal ou l'adive; on voit qu'il admet deux
efpèces de thos , qu'il ne parle du panther qu'une
feule fois , &, pour ainfi dire ,à Toccafion du
thos ; il eft donc très probable que ce pan-
ther eft le thos de la petite efpèce, & cette
probabilité femble devenir une certitude par
le témoignage d'Oppien (./i"), qui met le pan^
ther au nombre des petits animaux tels que
les loirs & les chats.
Lé thos eil donc le chacal, & le panther
eft Tadive; & foit qu'ils forment deux efpè-
ces différentes ou qu'ils n'en fafîent qu'une , il
eft certain que tout ce que les Anciens ont
dit du thos & du panther convient au cha-
cal & à l'adivej & ne peut s'appliquer à d'au-
tres animaux ; & fi jufqu'à ce jour la vraie
fignification de ces noms a été ignorée , s'ils
ont toujours été mal interprétés , c'eft parce
( 0 ) Opplac. Àt yjmatione , lih. II,
l6o Hlflolre naturelle
que les Tradu£leurs ne connoifToient pas les
animaux 4 & que les Naturalises modernes»
qui les connoiffoient peu , n*ont pu les ré-
former.
Quoique l'efpèce du loup foit fort voifme de
celle du chien , celle du chacal ne laifTe pas
de trouver place entre les deux ; U chacal au
^dîvc , comme dit Belon , ejl bête entre loup 6»
chien; avec la férocité du loup, il a en effet
un peu de la familiarité du chien ; fa voix
cft un hurlement mêlé d'aboiement & de gé-
miffemens { o ) ; il eft plus criard que le chien ,
jplus vorace que le loup ; il ne va jamais
Icul , mais toujours par troupe de vingt ,
trente ou quarante ; ils fe raffemblent chaque
(«) Il e(l d'une b«11e couleur jaune, plus petit que
le loup , marchant toujours en troupe, jappant toutes les
nuits Vorace & voleur, enforte qu'il emporte
non* feuiement ce qui eft bon à manger, mais même les
chapeaux , les fouliers , les brides des chevaux & tout
ce qu'il peut attraper. Ohfcrv. de Bélon , page i6f. —
Jackal penè omnem orUntcm inhabitat ; bejiia ajiuta audétse
S' furaciiïîma cfi, . . . Intcrdîu circa montes iatet, noSla
penigil o* vagus efi ; eatervatlm pradatum excurrit in rarm
& pages Ululatum noâu edunt txtcTahiUm ejula-
tui humano non diJJîmiUm , quem interdum vox tat.antium.
^uafi <anum interfinpit ; unique inclamanti omnes accU.-
mant , quotquot vocem i longinquo audiunt, Kœmpfer ,
Amanit. exotic. page j^ij. — Vers le canal rie la mer
Koire, il y a beaucoup de fiacalles ou chiens fauvages,
qui ne reiTemblent pas mal à des renards, fur-tout par
le mufeau. On croit qu'ils font engendrés des loups &
des chiens j ils font le foir , & quelquefois bien avant
dans la nuit , des hurlemens effroyables. ... Ils font
fort méchans & audi dangereux que les loups. Voyage
de CQnuUU k Bruiitfol, Paru» '214» p^g^ S^'
jour
du Chacal 5» âc Û Adive* l6l
jour pour faire la guerre & la chalTe ; ils vi-
vent de petits animaux , & fe font redoutef
des plus puiffans par le nombre; ils attaquent
toute efpèce de bétail ou de volailles prefqu*à
la vue des hommes; ils entrent infolemment,
& fans marquer de crainte , dans les berge-
ries, les établesjles écuries, & lorfqu'ils n'y
trouvent pas autre chofe , ils dévorent lef
cuir des harnois , des bottes , des fouliers ^
& emportent les lanières qu'ils n'ont pas l3
temps d'avaler. Faute de proie vivante, ils
déterrent les cadavres des animaux & de*
hommes ; on eft obligé de battre la terre
fur les fépuhures , & d'y mêler de grofîes^
épines pour les empêcher de la gratter"
& fouir \ car une épaifFeur de quelques piedS'
de terre ne fuffit pas pour les rebuter (/?) ;^
ils travaillent plufieurs enfemble , ils accom-
pagnent de cris lugubres cette exhumation 4
& lorfqu'ils font une fois accoutumés aux
cadavres humains, ils ne ceffent de eouriï
(;r) Lés adrves font très avicfes dé cadavfcs , parti-*^
Culièremenf de cadavres humains. Quand les Chrétien:»
vont enterrer quelqu'un à la campagne , ils font une'
/offe très- profonde j & qiù n'eft pas fufR'Tante pour qu'il «=
fie déterrent pas les corps ^ c'e^ pourquoi l'on a cou-
tume de fouler avec les pieds la terre que l"^on jetttf
dans la folTe , & d'y joindre d'es pi^erfej & des épines=
qii/ , bletTant ces animau-x , les empêchent d'e fouiller'
plus avant. Le nom adïvt veut dire /oa^ en langue arabe ^^
fa figtfre , fon poil & (a Yoracité font bien analogue^
à ce nom/ mais fa grandeur, fa familiarité 8» fa (lapi -
dite en donnent une idée différente. Voyage du P. Fr,-
Vincent Marie, ckaf. jeijï y artkle traduit par M. U
»ar^nis de Montmirai/,
0
i6i Hijloîre naturelle
les cimetières , de fuivre les armées , cîe s'at-
tacher au caravanes : ce font les corbeaux
des quadrupèdes , la chair la plus infefte
ne les dégoûte pas j leur appétit eft ficonftant,
fi véhément , que le cuir le plus fec eft en-
core favoureux , & que toute peau, toute
grailTe , toute ordure animale leur eft égale-
ment bonne. L'hysene a ce même goût pour
la chair pourrie ; elle déterre auffi les cada-
vres, & c'eft fur le rapport de cette habitude
que l'on a fouvent confondu ces deux ani»
maux, quoique très difFérens l'un de l'au-
tre. L'hyaene eft une bêtefolitaire, filencieufe^
très fauvage, & qui quoique plus forte & plus
puifFante que le chacal, n'eft pas aufli in-
commode , & fe contente de dévorer les morts ,
fans troubler les vivans, au lieu que tous
les Voyageurs fe plaignent des cris, des vols
& des excès du chacal ( ^ ) , qui réunit l'im-
( y ) Jacl^alh are în fo great plenty ahout the gariens ,
thaï thiy pajf in numhers like a pack of hounds in fui cry
*ven evenin^, S^y^'^g not only difiuriancc by thcir noijc ,
lut making free with the poultry and other provificns , if
vcry good care is not taken^ to keep them ont of thcir reach,
The Nat. Hijî. of alepo by Alex. Rujfd. London ^lj%&,
— Il y a beaucoup de chacals autour du mont cau-
cafe ; cet animal ne reffemble pas mal au renard. H
déterre les morts, & dévore les animaux & les cha-
rognes. On enterre les morts en Orient fans bière &
dans leur fuaire. J*y ai vu en plufieurs endroits rouler
«le grofles pierres fur les fofles , uniquement à caufe
de ces bêtes pour les empêcher de tes ouvrir Se de
dévorer les cadavres. La Mingrelre eft couverte de ces
chacals; ils affiégent quelquefois les maifons , 8c font
d€S hutiemçns épguvantaî/Ies^ le pis eil (Qu'ils font U9
du Chacal & de tAdlvc. 163
pudence du chien à la bafTefle du loup , &
qui , participant de la nature des deux , fem-
ble n'être qu'un odieux compofé de toutes les
mauvaifes qualités de Tun & de Tautre.
grands dégâts dans les troupeaux de les haras. Voyage
Ai Chardin i page y$.
O 2
1 64 Hijlo ire natUTtlU
S
L' I s A T I s [a].
Voye:{^ Tome VIII ^ planche 6.
1 le nombre des reffemblances en généraî,
il la parfaite conformité des parties intérieur
yes fiiiHfoient pour affurer Tunité des efpè-
ces , le Loup, le Renard & le Chien n'en
fotmeroient qu'une feule , car le nombre des
reffemblances eft beaucoup plus grand que
celui des différences , & la fimilitude de»
parties internes eft entière; cependant ces
trois animaux forment trois efpèces non- feu-
lement diftinâes , mais encore alTez éloi-
gnées pour admettre entr*eMes d*autres ef-
pèces ; & comme celle du chacal eft intermé^
diaire entre le chien & le loup, Tefpèce de
llfatis fe trouve placée de même entre le re-
nard & le chien. Jufqu'^à ce jour. Ton n'avoir
regardé cet animal que comme une variété
( a ) Ifatis , nom q«e M. Gmeliiv a dorinë à cet ani-
mal , 8c que nous avons adopté.. Jonôon indiqufr auflî ce
»om> De quad. digit^pzg. 1^5,
^efii j en langue RufTe y félon Gm«ltn , tom. III, p a/f.
Vulpes alha, r . . • Vuipes eruag&ra. Aldrov. die quad^
digii. pag« 221 8c fuiv. fig. ibîd»
Cànis hieme alBa , xfiate ex c'tncreo ceeruUfcens, . , . Vtil-^
fes alha. le Renard blanc. BriflT. Regn. anim, pag. -241,
Lagopus. Canis eauda recta , ûtrice concoure. Syji. Nt^t»
y. . . . Vulpes alba. Kalm. Bahus, 2^6, .... Vulpe*
tttruhfuns. Faun, Suce» 14. » , . habitat in alpihus Liff
fonic:s , Sihiria pedes denfiffime pilofi ut In.
UpsfTt, Linix. Syfi* Nat, edit. Xj pag, 40v
dt î If ans. 165
dans réfpèce du renard \ mais la defcription
qu*en a donnée M. Gmelin (^)& de laquelle
nous ferons ici l'extrait , ne permet plus de
douter que ce ne foient deux efpèces différentes.
( i ) Novi Comment. Acad, Petrop, tom, V» ad annos
ijfjf & /7j;. Petropoli, 1760.
DIMENSIONS
de l'I $ AT I s.
De rextrémite du mu-
feau à l'origine de
la queue
S Longueur de la queue.
Longueur des oreilles.
Largeur des oreilles à
la bafe
Didance des oreilles
entr*elles
LoRgueur du bras. . .
Longueur de l'avant-
bras
Longueur du carpe ,
du métacarpe & des
doigts
Longueur des ongles
des pieds de devant.
Longueur des cui^Tes ,
ci prefque
Longueur des jambes,
ci prefque
Longueur des pieds de
derrière
Longueur des ongles
des piedsde derrière.
L* I
S A T
I
Jl
Maie,
Femel/e. j
pied. pou. lig.
pied
pou. li&J
1 10
I 0
0 a
0,'o
0/0
0
I
0
0
10
II
a
0
0
0
0 I
O.'o
e
I
0^
0 a
0 4
0 ;
0
0
3
0 l
0 4
0 1
6
3
o|
0 3
ot
0
3
o|
0 0
ot
0
0
ot
0 S
0
0
4
oi
0 J
•
0
4
0 i
0 4
0 i
0
4
<5i
0 0
ot
0
0
^?
l66 Hifloîrc naturelle
L'ifatis ( dont nous donnons ici les dimeii'
fions du mâle & de la femelle ) eft très com-
mun dans toutes les terres du nord, voi-
fines de la mer glaciale , & ne fe trouve
guère en-deçà du foixante-neuvième degré de
latitude : il eft tout- à-fait reffemblant au re-
nard par la forme du corps & par la longueur
de la queue , mais par la tête il reffemble
plus au chien; il a le poil plus doux que
le renard commun , & (on pelage eft blanc
dans un temps, & bleu-cendré dans d'autres
temps, La tête eft courte à proportion du
corps , elle eft large auprès du cou & fe ter-
mine par un mufeau auez pointu ; les oreil-
les font prefque rondes : il y a cinq doigts
& cinq ongles aux pieds de devant , & feu-
lement quatre doigts & quatre ongles aux
pieds de derrière ; dans le mâle , la verge
eft à peine groffe comme une plume à écri-
re ; les tefticules font gros comme des aman-
des, & fi fort cachés dans le poil qu'on a
peine à les trouver; les poils dont tout le
corps eft couvert, font longs d'environ deux
pouces , ils font lifles , touffus & doux
comme de la laine ; les narines & la mâchoire
inférieure ne font pas revêtus de poil , la
peau eft apparente , noire & nue dans ces
parties.
L'eftomac , les inteftins , les vifcères 3 les
vaifleaux fpermatiques, tant du mâle que de la
femelle , font femblables à ceux du chien ; il
y a de même un os dans la verge, & le
îquelette entier reffemble à celui d'un renard*
La voix de l'ifatis tient de l'aboiement du
chien & du glapifferaent du renard. Les ma«;-
de Û If ans. 167
chands qui font commerce de pelleteries, dif-
tinguent deux fortes d'ifatis , les uns blancs &
les autres bleus-cendrés, ceux-ci font les plus
eftimés ; & plus ils font bleus ou bruns, plus
ils font chers. Cette différence dans la couleur
du poil ne fait pas qu'ils foient d'efpèces diffé-
rentes ; des chaffeurs expérimentés ont af-
furé à M. Gmelin , que , dans la même por-
tée , il fe trouvoit des petits ifatis blancs &
d'autres cendrés ; ainfi Tun n'eft qu'une va-
riété de l'autre.
Le climat des ifatis eft le nord, & les ter-
res qu'ils habitent de préférence font celles
des bords de la mer glaciale & des fleuves
qui y tombent ; ils aiment les lieux décou-
verts & ne demeurent pas dans les bois ; on
les trouve dans les endroits les plus froids,
les plus montueux & les plus nus de la Nor-
vège , de la Lapponie , de la Sibérie , & même
en Ifîande ( c ). Ces animaux s'accouplent au
mois de mars ; & ayant les parties de la gé-
nération conformées comme les chiens , ils
ne peuvent fe féparer dans le temps de l'ac-
couplement; leur chaleur dure quinze jours
ou trois femaines; pendant ce temps, ils font
toujours à l'air , mais enfuite ils fe retirent
(c) C'eft vralfemb'ablement en voyageant fur des
glaçons, que les renards fe fort gliifés en îftande : il
s'en trouve en grande quantité dans cette isle ; ils ne
font point roii<;eâtres, ii y en a peu de noirs, & com-
munément ils font gris ou bleuâtres en été , & bhncs
en hiver ; c'eft dans cette dernière faifon que leur four-
rure eft fa meilleure, Hiji, Nat, <k llfiande , par An^
dcfon , tomi 1 1 P^S^ S^*
\6S Hîfiolre natunlU
dans clés terriers qu'ils ont creufés d'avancer
ces terriers qui font étroits & fort profonds
ont plufieurs iffues; ils les tiennent propres,
&>y portent de la moufle pour être plus à
l'aife; la durée de la geflation eft , comme
dans les chiennes , d'environ neuf femaines ;
les femelles mettent bas à la fin de mai ou
au commencement de juin , & produifent or-
dinairement fix , fept ou huit petits (^f). Lef
ifaris , qui doivent être blancs , font jaunâtre*
çn nallîant , & ceux qui doivent être bleu-
cendrés font noirâtres, & leur poil à tou*
eft alors très court ; la mère les allaite & les
garde dans le terrier pendant cinq ou fix fe-
maines , après quoi elle les fait fortir &
leur apporte à manger. Au mois de feptem-
bre , leur poil a déjà plus d'un demi- pouce
de longueur; les ifatis qui doivent devenir
blancs , le font déjà fur tout le corps , à
l'exception d'une bande longitudinale fur le
dos , & d'une autre tranfverlale fur les épau*
les, qui font brunes, & c'eft alors que l'i-
fatis s'appelle renard croïfé (e ) ; mais cette
croix brune difparoît avant l'hiver, & alors
ils font entièrement blancs, & leur poil a>
plus de deux pouces de longueur^ vers le
(</) No'.a, M. Gmelîn rfft, d'après îc témoignage'
<ïes Chaffer.rs, que ces animaux produifent quelquefoiis-
vingt ou virgt-cinq petits d'une feuî'e portée. 7e crois^
ce fait très uifpeft & le nombre très exagéré.
(*) Ncfa. Cette indicatioir paroîf aflez précife pour
«fu'on puiffe croire que le Vutpes crucégera de Gefner^
/con, Qxiad. fg. pag. 190; 6c de Rzaczynslci. Hifi. Nkr^
Pitl, fags 2y f eft le même anima) f^ l'ifatis.
de tîfatîs» 169
mois de mai , il commence à tomber, & la
mue s'achève en entier dans le mois de
juillet; ainfi la fourrure n*en eft bonne qu'en
biver.
L*ifatis vit de rats , de lièvres & d'oifeaux ,
il a autant de fineffe que le renard pour les
attraper ; il fe jette à l'eau & traverfe les
lacs pour chercher les nids des canards &
des oies, il en mange les œufs & les petits^,
& n'a pour ennemis dans ces climats deferts
& froids , que le glouton qui lui dreffe des
embûches & l'attend au paflage.
Comme le loup, le renard, le glouton &
les autres animaux qui habitent les parties
du nord de l'Europe & de l'Afie , ont pafle
d'un continent à l'autre , & fe retrouvent
tous en Amérique, l'ifatis doit s'y trouver
auiîl , & je préfume que le renard gris-argenté
<ie rAmèrique feptentrionale , dont Catesby
( f) a donné la figure , pourroit bien être
l'ifatis plutôt qu'une fimple variété de l'efpècc
du renard.
( /) Hift. Nat. de la Caroline , par Catesby , tom. Il ,
i2,^::drî:pccfes , Tonit VL
lyo Hijloîrt naturclU
LE GLOUTON [a].
Vpye^ Tome IX ^ planche 7.
J-iE Glouton , gros de corps & bas des jam-
bes , eft à-peu-près de la forme d*un blaireau,
mais il eft une fois plus épais & plus grand ;
il a la tête courte , les yeux petits , les
dents très fortes , Je corps trapu , la queue
(a) Glouton, nom que l*on a donné à cet animal,
à caure de fon infatiable voracité, hrff, en S.iédois ;
Wie.lfra^\ en Allemand; RoomacÂ:, en EfcUvon; Glutton ,
en Anglois; Carcajpv, en Canada; Quincajou, ea é'iW'^
très endroits de l'Amérique feptentrionale.
Jnter omnia tfnimalia qu^t irnmani voracitate credunmr
infatiahilia , gulo , in partibusoucciiz feptentrionalh prar-
cipuum fufcepit nomcn , ubi patrio fermpnt jerff dicitur &•
linguà G'^rmanicâ , wielfraU ; Sclavcnicc , rofomaka i
muUâ ccmtnefilone ; Latine vero nonniji ficlitio nomine
gulo , vidciicct à gulûfitau appdlatur, Olaï Magni , HiJ},
de Gent. fept. pag. 158.
Gulo à voracitate infatiabili» thç Glutton. Charleton.
Onom. pag. ij.
Gulo , Gulofi. Apollon, Megabenî. Hijl. Gulonis^
ViennsAuftriae, 168 r.
Rofomaka. Eufeh. Nieremb. Hifi. Nat. Peregrin. p. 188,
Rofomaka. Gulo. Rzaczynski , Hifi. Nat. PoL. page
339^ .... . Gulo t Olaï Magni. Crocuia, Maji. J?oo^
phagus , German^ yielfraff. Polonice , Rofomak. U,
auÀ. page '{it.
Gulo Wiclfraff i Boophagus . Magnus vorator, Rofo-
macka. Klein , de quad. pag. 83 , fig. tab. 5.
Gulo. Mufiela plantis jjjjîs corpore rufofufco , média
dorft nigrot Linn. Sy/i, nat. edit, X, pag. 4/;
du Glouton^ lyt
plutôt courte que longue , & bien fournie de
poil à fon extrémité : il eft noir fur le dos,
& d'un brun -roux fur les ^ancs ; fa fourrure
ett une des plus belles & des plus recherchées;
on le trouve aïïez communément en Lappo-
flie & dans toutes les terres voifmes de la mer
du nord, tant en Europe qu'en Afie; on le
retrouve fous le nom 4e Carcajvu au Canjada
& dans les autres parties de l'Amérique' la
plus feptentrionale; il y a même toute appa-
rence que ranimai de la baie de Hudfon, que
M. Edwards a donné {b) fous le nom de
i^uïck-Hatch ou Wolverenne , petit ours ou
louveteau , félon fon tradudeur, eft le même
que le carcajou de Canada , le même que le
glouton du nord de l'Europe; il me paroît aufli
que l'animal indiqué par Fernandès, fous le
nom de Tepeyi^^cunli 0\x Chien de montagne^ pour-
roit bien être le glouton dont l'efpèce s*eft
peut-être répandue jufque dans les montagnes
défertes de la nouvelle Efpagne (^c).
Olaiis Magnus me paroît être le premier
qui ait fait mention de cet animal; il dit,(^)
qu'il eft de la groffieur d'un grand chien, qu'il
a les oreilles & la face d'un chat, les pieds
& les ongles très-forts , le poil brun , long
&L touffu, la queue fournie comme celle du
{i ) Edwards, Hiji of ^irAs^ p. 105, fig, ihid.
(c) Animal efl paryi can'is magnitudinc audacijfimumqus ;
aggredttur cnim ccrvos 6* quandoquc etiam interjîcit ; corpus
univcrfum pigrum , pc3us ac coUum c^ndenf s pi/i lun^i 6f
'Cauda lonca & c^ninum ouocjue caput , unde nomen. Fer-
jjandès . HiJl. anlm. ncv. Hifp. P'g. 7^ cap. zi,
1^4) Olai Magni^ de G&nt.fcpt. p. nS & fcq^
P Z
lyi Hijioîn natunlU
renard , mais plus courte. Selon SchefFer {e) ,
îe glouton a la tête ronde , les dents fortes
& aiguës , femblables à celles du loup , le
poil noir , le corps large & les pieds courts
comme ceux de la loutre. La Hontan (/) ,
qui a parlé le premier du carcajou de TA-
mérique feptentrionale , dit « figurez-vous
i> un double blaireau, c'eft l'image la plus ref-
3) femblante que je puiffe vous donner de
j> cet animal jj. Selon Sarrazin (g), qui pro-
bablement n'en avoit vu que de petits, les
carcajous n'ont guère que deux pieds de
longueur de corps & huit pouces de queue ;
et ils ont, dit-il, la tête fort courte & fort
» grofle , les yeux petits ,les mâchoires très
3> fortes , garnies de trente-deux dents bien
3) tranchantes. » Le petit ours ou louve-
teau d'Edwards (h), qui me paroît être
le même animal , étoit , dit cet Auteur , une
fois auiîi gros qu'un renard; il avoit k dos
arqué, la tête baffe, les jambes courtes,
le ventre prefque traînant à terre, la queue
d'une longueur médiocre & touffue vers l'ex-
trémité. Tous s'accordent à dire qu'on ne
trouve cet animal que dans les parties les
plus feptentrionales de l'Europe , de l'Afie
& de l'Amérique ; M. Gmelin ( i ) efl le feul
(c) Hiftoire de Lapponie , par J, Scheffer. Paris,
fôjS , page p4'
(/) Voy.ige Ae la Hontan, tome I, page qC
(g) Hiftoire de l'Académie des Sciences, année iji-j,
page 14.
(h) Hiftoire des Oifeaux, par Edwards,/?, /oj.
(/}'Le glouton eftie f(Bul dont on puiffe dire, comme
du Glouton, ty}
qu\ femble afîurer qu'il voyage jufque dans
les pays chauds j mais ce fait me paroît très
fufped , pour ne pas dire faux v Gmelin ,
comme quelques autres Naturaliftes ( yt ) , a
peut-être confondu Thysene du midi avec le
glouton du nord, qui le refTemblent en ef-
fet par les habitudes naturelles < & fur-tout
par la voracité, mais qui font, à. tous autres
égards , des animaux très différens.
Le glouton n'a pas les jambes faites pour
courir, il ns peut même marcher que d'un
pas lent; mais la rufe fupplée à la légèreté
qui lui manque, ; il attend les animaux au
pafTage ; il grimpe fur les arbres pour fe
lancer dciTus , & les faifir avec avantage ; il
fe jette fur les élans & fur les rennes, leur
entame le corps , & s'y attache fi fort avec
les griffes & les dents , que rien ne peut
l'en féparer : ces pauvres animaux précipitent
en vain leur courfe ; en vain ils fe frottent
contre les arbres & font les plus grands ef-
forts pour fe délivrer ; l'ennemi , aflîs fur
leur croupe ou fur leur cou , continue à
leur fucer le fang , à creufer leur plaie , à
les dévorer en détail avec le même acharne-
ment, la même avidité , jufqu'à ce qu'il les ait
mis à mort (^/) ; il eft , dit-on , inconcevable
de l'homme, qu'il vit aufli bien fous la Ligne qu'au
Po!e. On le voit par-tout, il court du midi au nord,
& du nord au midi, pourvu qu'il trouve à manger.
Voyage de Gmelin , tome III, pag. 4()Z O fniv,
(h ) Briir. Regn. anim. pag. 235 Ôc 236.
(/) Le glouton eft un animal carnalfier , un pei»
moins grand que le loup; il a le poil rude, long & d'ua
P 3
174 U'ifloin natunîît
combien de temps le glouton peut manger <?€
fuite , & combien il peut dévorer de chair
en une féale fois.
Ce que les Voyageurs en rapportent eft
peut-être exagéré; mais, en rabattant beau-
coup de leurs récits , il en reile encore af-
fez (m) pour être convaincu que le glouton
eft beaucoup plus vorace qu*aucun de no»
animaux de proie , auiîî l'a-t-on appelle le
Vautour des quadrupèdes; plus infatiable, plus
déprédateur que le loup, il détruiroit tous les
autres animaux, s*il avoir autant d'agilité;
mais il eft réduit à fe traîner pefamment,
& le feul animal qu^il puiffe prendre à la
courfe eft le caftor , duquel il vient très ai-
brun qui approche du noir» fur-tout fur le dos; il a la
rufe de grimper fur un arbre pour y guetter le gibier j
&, lorfque quelqu'^animal paffe, il s'^élance fur fon des ,
& fait fi bien s'y accrocher par le moyen de (ti grif-
fes, qu'il lui en mange une partie, & que le pauvre
animal, après bien d«s efforts inutiles pour fe défaire
d'un hôte fi incommode , tombe enfin par terre , &
devient la proie de fon ennemi. Il faut au moins trois
cîes plus forts lévriers pour attaquer cette bête , encore
leur donne-telle bien de la peine. Les Rufles font
grand cas de la peau du glouton, ils l'emploient ordi*
nairement à des manchons pour les hommc's & A^i bor-
dures de bonnet5. Relation de La grande TiViarU, Amf-
tgrdam^ '737» P^ge 8.
(n») Hoc animal vorac' ffimum eji, nperto namqut ea-
davere tantwn vorat ut vioUnto ciho corpus infiar tym-^
fani extendatur i invcntuqua angujîia inter arhores fe firingii
ut violenùus egerat : ficqut extenuatum revertimr ad cadet-
ver & ad fummum ufque repletur , iterumque fi ftringik
mngufiiâ priori, &<, OLi Mëgni, Jiiji, ÎU Ct.u. fcgU
pag, 13S.
du Glouton, \y%
ilment à bout , & dont il attaque quelque-»
fois les cabanes pour le dévorer avec Tes
petits , lorsqu'ils ne peuvent aflez tôt gagner
Teau (n), car le caftor le devance à la
nage , & le glouton , qui voit échapper fa
proie , fe jette fur le poiflbn; & lorfque toute
chair vivante vient à lui manquer, il cher-
che les cadavres , les déterre , les dépèce 6c
les dévore jufqu'aux os.
Quoique cet animal ait de lafinefîe & mette
en œuvre des rufes réfléchies pour fe faifir
des autres animaux , il femble qu'il n'ait pas de
fentiment di{lin6i: pour fa confervation , pas
même Tinftind commun pour fon faUit ; il
vient à l'homme ou s'en laifle approcher (o)
(n) Le Carcajou, quoique petit, eft très fort & très
furieux; & quoique carnaflier , il efi (i lent & fi pefant
«l«*il fe traîne fur la neige plutôt qu'il n'y marche. II
ne peut attraper en marchant que le caftor , qui eft auflfi
lent que lui, & il faut que ce foit en été où le cador
cft hors de fa cahane ; mais en hiver il ne peut q.ie
brifer & démolir la cabane & y prendre le caftor , ce
r^xx ne lui rèufîit que très-rarement , parce que le caftor
a fa retraite aflfurée fous la glace. Hijîoire de l'Académie
royale des Sciences, année '7»^, pag^ I4-
( 0 ) Les Ouvriers apperçurent de loin un animal qui
marchoit à eux gravement & à pas comptés, que quel-
ques-uns prirent pour un ours, & d'autres pour un
glouton : ils allèrent au-devant de cet animal , qu'ils
reconnurent à'ia fin pour un glouton, & , après qu'ils
lui eurent donné quelques bons coups de per<;he , ils
le prirent encore en vie ; ils me l'apportèrent aulTi-tôt.
.... D'après les rapports que les chaiTeurs de Sibérie
m'avoient fait depuis plufieurs années fur l'adreffe de
cet animal, foit pour tourner les autres animaux, &
fuppléer par la rafe à la légèreté que la Nature lui a
P 4
176 HîRoir€ natunlh
fans apparence de crainte. Cette indifférence
qui paroît annoncer llmbécillité,. vient peut-
refufée, foit pour éviter les embûches des hommes, je
fus très étonné de voir artiver celui-ci de propos déli-
béré au-devant de nous pour chercher la mort. Isbrand-
ides l'appelle un animal méchant qui ne vit que de
rapines ; *< il a coutume, dit il , de fe tenir fur les arbres
tranquille , & de $*y cacher comme le lynx jufqu'à ce
qu*il paffe un cerf, un élan , un chevreuil, un lièvre,
&c. alors il s'élance avec toute la rapidité d'une flèche
fur l'animal, lui enfonce fes dents dans le corps & le
ronge jufqu'à ce qu'il expire, après quoi il le dévore
à fon aife ôc avale jufqu'au poil ôc à la peau. Un W;ii-
vode qui gardoit chez lui pour fon plaifir un glouton,
le fit un jour jeter dans l'eau & lâcha fur lut une couple
<H» chiens; mais le glouton fe jeta auflî tôt fur la tê^e
d'un de ces chiens, & le tint fous l'eau jufqu'à ce qu'il
l*eftt fuffoqné »♦.,.. L'adreffe dont fe fert le glouton
pour furprendre les animaux (continue M. Gmelin),
eft confirmée par tous les chafTeurs. . . . quoiqu'il fe
repairTe de tous les animaux vivans ou morts, il aime
de préférence le renne. ... 11 épie les gros animavix.
comme un voleur de grand chemin, ou bien il les fur-
prend quand ils dorment au gîte. .... il recherche
tous les pièges qae les chafieur» tendent pour prendre
les différentes efpèces d'animaux , ôi il ne s'y laiffe pas
attraper. . , . Les chalTeurs de renards bleus & blar.cft
(ifatis), qui fe tiennent dans le voifinage de la me^
glaciale , fe plaignent beaucoup du tort que leur fait !é>
glouton On l'appelle ainfi avec raifon, parce
qu'il eft incroyable ce qu'il peut manger; je n'ai jamais
entendu dire, quoique je l'aie demandé plufieurs fois à
des chafleurs de profeffion , que cet animal fe preiTe
entre deux arbres pour vider fon corps, & y faire de la.
place pour fatisfaire de notiveau & plus promptement fon
infatiable voracité. Cela me paroît être la fable d'un
Naturalifle , ou la fiflion d'un Peintre. Voyageât Gmt^
lin y tome III , page 492. Nota. C'eft OlaiVs qui le premier
a écrit cette fable, & un Deflinateur, copié dans Gef»
eer, qui Ta mife en figure.
du Qlcuton, f77
être d'une caiife très différente; il eft cer-
tain que le glouton n'eft pas ftupide , puif-
qu'il trouve les moyeas de fatisfaire à Ton
appétit toujours preiTant & plus qu'immo-
déré; il ne manque pas de courage, puifqu'il
attaque indifféremment tous les animaux qu'il
rencontre , & qu'à la vue de l'homme il ne
fuit ni ne marque, par aucun mouvement >
le fentiment de la peur fpontanée ; s'il man-
que donc d'attention fur lui-même, ce n'eft
point indifférence pour fa confervation , ce ^
n'eit qu'habitude d^ fécuriré r comme il ha* '
bite un pays prefque déiert, qu'il y rencon-
tre très rarement des hommes , qu'il n'y
connoît point d'autres ennemis , que toutes
les fois qu'il a mefuré fes forces avec les
animaux, il s'efl trouvé fupérieur , il mar-
che avec confiance & n*a pas le germe, de
la crainte , qui fuppofe quelqu'épreuve mal-
beureufe , quelqu 'expérience de fa foiblefTe ;
on le voit par l'exemple du lion qui ne fe
détourne pas de l'homme ^à moins qu'il n*ai$
éprouvé la force de fes armes ; & le glouton
fe traînant fur la neige dans fon climat dé-
fert , ne laifTe pas d'y marcher en toute fé-
curité , & d'y régner en lion, moins par fa
force que pa? la foiblefTe de ceux qui l'en-
vironnent.
L'ifatis y moins fort mais beaucoup plus lé-
ger que le glouton, lui fert de pourvoyeur.^
celui-ci le fuit à la chafTe , & fouvent lui
enlève fa proie avant qu'il ne Tait entamée ,
au moins il la partage; car, au moment que
le glouton arrive > l'ifatis , pour n'être pas
çiangé lui-même, abandonne ce qui lui reft«
jyi Hijïoîn namreltt
à manger ; ces deux animaux fe creiifent
également des terriers ; mais leurs autres ha-
bitudes font différentes , l'ifatis va fouvent
par troupe , le glouton marche Teul , ou
quelquefois avec fa femelle ; on les trouve
ordinairement enfemble dans leurs terriers.
Les chiens (;?), même les plus courageux,
craignent d'approcher & de combattre le
glouton, il fe défend des pieds & des dents,
& leur fait des bleflures mortelles ; mais ,
comme il ne peut échapper par la fuite , les
hommes en viennent aifément à bout.
La chair du glouton ( ^ ) , comme celle
de tous les animaux voraces, eft très mau-
vaife à manger : on ne le cherche que pour
en avoir la peau , qui fait une très bonne
(r) & magnifique fourrure j on ne met au-
(p) Via vix conceiitur nt à eanilus apprehendatur,
eum un^ulas , dentefque adco ocutos habeat, ut ejus coït"
grejfum formident canes qui in f'rocijjlmos lupos vircsfutu
extendcre foUnt. OUi Magni , Hifi. de Gent. ftpt. page
139.
(q) Ciiro hujns anlmulis omninh inutilis efi ad humanam.
tfcam , fcdpdlis multum commoda ac pretiofa. Candet enim
jufcata. rJgudi^e infiar panni damaj'c-ti divcrfis omatA
ji(;"ns atqve pulchrior in afpeciu rcdditur quo arv.ficum
dili^cntia G ind'^Jîna coluruni confurmitau in quorum,]ue
yejîium génère fiierlt ccadunata. Olaï Magni , Hiji. dt
Cent. f&pt. pag. 139.
( r) On dit qae le glouton eft un animal particulier
au pays du nord 11 eft de couleur noirâtre; le*
poils comme le renarr^, pour la longueur & j'épaiffeur,
mais plus fins & plus doux , ce oui fait que les peaux
en font plus recherchées & fort chères , même en Suède.
Article extrait & traduit, Appollon, Megabeni , HiJloriA
Gulonis, Vienns-Âuftrix, 16S1.
du Glouton, 179
deffiis que celle de la zibeline & du renard
noir, & Ton prétend que, quand elle eft
bien choifie , bien préparée , elle a plus
de luftre qu'aucune autre , & que fur un
fond d'un beau noir la lumière fe réfléchit
& bril!e par parties comme fur une étoffe
damaffée (/).
(/) Les goulus forft affet communs en Lapponie «
La peau en eft extrêmement noire, dont le poil renvoie
une certaine blancheur luifante comme les fatins & cla-
mas à fleurs. Quelques uns la comparent à la peau <^es
ftiartes-zibelincs, fi ce n'eft que celles-ci ont le poil plus
doux & délicat. Cette bête ne demeure pas feulement
fur la terre, mais encore fous l'eau comme les loutres..,^
mais le goulu eft beaucoup pîus grand & plus vorace
que la loutre il ne pourfuit pas feulement les
bêtes fsuvages, mais encore les domefliques , & même
les poiflbns. Hiftoirt dt la Lapponie ^ par Scheffîr, page
i8o H'ijîolre naturdU
LES MOUFFETTES.
Voye:^ planches X & XI de ce volume»
il eus donnons le nom générique de Mouf"
fette à trois ou quatre efpèces d'animaux ,
qui renferment &: répandent jlorfqu'ils font
inquiétés, une odeur fj forte & fi mauvaife,
qu'elle {uffoque comme la vapeur fouterraine
qu'on appelle mouffette. Ces animaux fe trou-
vent dans toute l'étendue de l'Amérique ( ^ )
méridionale & tempérée ; ils ont été défignés
indiftinâ:ement par les Voyageurs, fous les
noms de puans , bêtes puantes , enfans du dia»
(a) Dans tes terres voîfines du d^trait de Magellan ^
TOUS vîmes un autre animal à qui nous donnâmes le
nom de Grondeur ou de Souffieury parce qu'il ne voit
pas plutôt quelqu'un , qu*il gronde , fouffîe & gratte la
terre avec fes pieds de devant , quoiqu'il n'ait pour
toute défenfe que fon derrière qu'il tourne d'abord vers
celui qui l'approche» & d'où il fait fortir des excré-
mens d'une odeur la plus déteftable qu'il y ait au monde^
Voyage du capitaine Wood. Suite des Voyages de Dam"
pier^ tome V, page iSi. — Il y a au Pc^ou beaucoup
de petits renards, parmi lefquels il faut remarquer ceux
qui rendent une odeur infupportable ; ik entrent les
nuits dans les villes, & quelque fermées que foient les
fenêtres , on les fent de plus de cent pas ; heureufe»
ment que le nombre en eft petit , car ils ampuan^iroier.î
U monde entier. Hifieire des Incas , tome II , page x6$i.
des Mouffettes, i8i
ïk , 6*c. {y\ ; & non - feulement on les a con-
fondus entr'eux , mais avec d'autres qui font
d'efpèces très éloignées. Hernandés (c) a in-
cliqué alTez clairement trois de ces animaux;
il appelle le premier Yfquiepatl , nom Mexi-
<:ain que nous lui coniérverions, s'il étoit
plus aifé de le prononcer; il en donne la def-
cription & la figure, & c'eft le même ani-
mal dont on trouve aufîl la figure dans l'ou-
vrage de Séba (d)-, nous l'appellerons Coafe
( Voye^ planche X ^ fi^. j de ce volume') , du nom
Squash qu'il porte dans la nouvelle Efpagne
( e ). Le fécond de ces animaux , que Hernan-
(i) Une forte de fouine qu'on a nommée Enfant du
diatie ou Bcte puante, parce que fon urine qu'elle fâche
quand elle eft pourfuivie, empefte l'air à un demi quart
êe lieue à la ronde, eft d'ailleurs un fort joli animal;
«lie eft de la grandeur d'un petit chat, mais plus grode;
d*un poil luifant tirant fur le gris avec deux lignes
blanches qui lui forment fur le dos une figure ovale
depuis le cou jufqu'à la queue ; cette queue eft touffue
comme celle du renard, & elle la redreffe comme fait
i'écureuil. Hifioire de la nouvelle France , par le P. Char-
Icvûix , tome III , page j^j. Nota. Cet animal eft le même
que celui que nous appellerons ici ConepatCy du nom
^u'il porte au Mexique.
(c) Yfquiepatl feu Vulpecula qux Mai\ium torrtfacîum
4imulatur colore. Genus primum. . . . funt & alla duo
hujus vulpecula. gênera eddem forma & naturâ quorum
Ahcrum Yfquiepatl etiam vocatum frfcus ntultis candenù~
hus diflinkuitur , alterum verb Conepatl feu vulpecula puz'
rilis unie à tantum utrlnque ducla perque caudam ipfam
todem modo delatâ. Hernand. Hift, Mex, page 331,
fig. ibid.
(<f) Se'ba, vol. 7, pa%. 68, Tah. ^z, fg. i.
(^) Le Squashe eft un animal à quatre pieds, plus
cos qu'un chat, fa tçte lefTemble allez à celle du re-
1^2 Hljloirt naturtîit
dès nomme aufli V/quiepail, eft celui qui eft
ici repréfenté , & que nous apellerons Chïnche
( Voye:^ planche X , )%•. 2 de ce volume ^ , du
nom qu'il porte dans l'Amérique méridionale.
Le tfoifième, que Hernandès nomme Compati
^ Foye:^ planche XI y fig, 2 de ce volume ) , & au-
quel nous conferverons ce nom, eft le même
que celui qui a été^ donné par Catesbi (/)
ious la dénomination de Putois d'Amérique , &
par M. Briflbn fous celle de putois rayé ( g ).
Enfin , nous connoiflbns encore une quatrième
efpèce de mouffette à laquelle nous donne •
rons le nom de ZorilU ( voye^ planche X , fig,
4 de ce volume ) , qu'elle porte au Pérou &
dans quelques autres endroits des Indes ef-
pagnoles.
C'eft à M. Aubry, Curé de Saint Louis.,
que nous fommes redevables de la connoil-.
nard,' il a les oreilles courtes & des griffes aiguës, qui
lui fervent à efcalader les arbres tout comme un chat ;
il a U peau couverte d'un poil court , fin & jaunâtre ,
la chair en eft très bonne & fort faine. Voyage de Dam-
pur ^ tome } II, page ^02.
(/) Hiftoire naturelle de la Caroline, par Catesbi,
Londres ^ iy4j, tome JI^ page 6î,fig. ibid. Voici la def-
cription qu'en donne cet auteur, u. Cet animal par fa
taille n*eft pas fort différent du putois commun , fi ce
n'oft que fon nez eft un peu plus long ; tous ceux que j'aî
vus étoient noirs & blancs , quoiqu'ils ne fuffent pas
marqués de la même manière ; celui ci avoit une raie
Hanche qui s*étendoit depuis le derrière de la tête , tout
du long du milieu du dos jufqu'au croupion , avec quatre
autres raies de chaque côté qui étoient parallèles à la
premi-ère, >»
(g) Mt/Jkla nigra, tctniis in iorfo aibb. Putor'ius ftriAm
tus. Le putois rayé. Briff. Jùgn, anim, pag. 2.§o.
des Mouffctus, 18 5
fatice de deux de ces animaux ; fon goût &
tes 'lumières en Hiftoire naturelle , brillent
dans fon Cabinet, qui eft un des plus curieux
de la ville de Paris ; il a bien voulu nous com-
municuer fes richeffes toutes les fois que
nous en avons eu befoin; & ce ne fera pas
ici la feule occafion que nous aurons d*eii
marquer notre reconnoiflance. Ces animaux
que M. Aubry a bien voulu nous prêter
pour les faire delTmer & graver , font le
coafe , le chinche & le zorille; on peut re-
garder ces deux derniers comme nouveaux ,
car on n'en trouve la figure dans aucun Au-.
teur.
Le premier de ces animaux eft arrivé à M.
Aubry, fous Iç nom de Pékan ^ enfant du dia-
ble y ou chat fauvage de Virginie ; j'ai vu que
ce n*étoit pas le pékan, j'ai rejeté les déno-
minations d*enfant du diable & de chat fau-
vage comme faélices & compoléesî & j'ai
recoiinu que c'étoit le même animal que Her-
nandès a décrit fous le nom d'Y'Jquiepatl, &
que les Voyageurs ont indiqué fous celui de
fquask ; & c'eft de cette dernière dénomina-
tion que j'ai dérivé le nom coafe que je lui ai
donné : il a environ feize pouces de long,
y compris la tête & le corps , il a les jam-
bes courtes , îe mufeau mince , les oreilles
petites , le poil d'un brun foncé, les on^Jes
noirs & pointus; il habite dans des trous,
dans des fentes de rochers, où il élevé fes
petits. Il vit de fcarabées , de vermiffeaux ,
de petits oifeaux ; & lorfqu'ii peut entrer
<ians une baiTe-cour , il étrangle les volail-
les , deiquelles il ne mange que la cervelle ;
£^4 Hijloirc naturelle
lorfqu'il eft irrité ou effrayé, il rend une
odeur abominable : c'eft pour cet animal un
moyen iùr de défenfe ; ni les hommes ni les
chiens n'ofent en approcher: fon urine, qui
fe mêle apparemment avec cette vapeur em-
peftée, tache & infeéle d'une manière indé-
lébile; au refte , il paroît que cette mauvaife
odeur n'eft point une chofe habituelle. » On
fï m'a envoyé de Surinam cet animal vivant,
» dit Séba (A) , je l'ai conlérvé en vie pen-
î> dant tout un été dans mon jardin, où je
« le tenois attaché avec une petite chaîne ;
« il ne mordoit perfonne , & lorfqu'on lui
M donnoit à manger, on pouvoit le manier
j) comme un petit chien; il creufoit la terre
w avec Ton mufeau en s'aidant des deux pat-
f> tes de devant, dont les doigts font ar-
i> mes d'ongles longs & recourbés ; il fe ca-
« choit pendant le jour dans une efpèce de
« tanière qu'il avoit fait lui-même , il en for-
i> toit le foir , & après s'être nettoyé, il com-
« mençoit à courir ainfi toute la nuit à droite
« & à gauche aulfi loin que fa chaîne lui per-
9> mettoit d'aller; il furetoit par tout, portant
» le nez en terre ; on lui donnoit chaque foir à
:> manger, & il ne prenoit de nourriture que
8> ce qu'il lui en falloit , fans toucher au
( A ) Yfquiepatl , dont îa couleur reffemble à celle flu
tnaVs brûlé fa tête reflfemble à celle d'un petit
renard, & fon grouin e(ï è-peu-près comme celui du
cochon ; les Américains l'appellent Quasje. Séba, vol.
/j page 68. Nota. Cette autorité prouve encore que le
niot Squash ou Coafc eft le vrai nom de cet animai.
V refie;
des Mou fa US» l^ç
it reiîe; il n*aimoit ni la chair, ni le pain »
T> ni quantité d'autres nourritures , fes déli-
« ces étaient les panais jaunes , les chevret^
7i tes crues , les chenilles & les araignées. . , . •
» Surîa fin de l'automne, on le trouva mort
» dans fa tanière , il ne put fans doute fup-
» porter le froid. Il a le poil du dos d'un
» châtain foncé , de courtes oreilles , le de-
T> yant de la tête rond , d'une couleur un
» {>eu plus claire que le dos , & le ventre
w jaune. Sa queue eft d'une longueur mé-
» diocre, couverte d'un poil brun & courte
» on y remarque tout autour comme des
Tt anneaux jaunâtres ». Nous obferverons que
quoique la defcription & la figure données
par Séba, s'accordent très bien avec la def-
cription & la figure de Hernandès , on pour-
roit néanmoins douter encore que ce fût le
même animal , parce que Séba ne fait aucune
mention de fon odeur déteftable, & qu'il eft
difficile d'imaginer comment il a pu gaitîer
dans fon jardin, pendant tout un étéj une
béte auffi puante, & ne pas parler, en la
décrivant , de l'incommodité qu'elle a dû
caufer à ceux qui l'approchoient ; on pour-
roit donc croire que cet animal , donné par
Séba fous le nom àyfquïepatl , n'eft pas le
véritable , ou bien que la figure donnée par
Hernandès a été appliquée à l'yfquiepatl ^
tandis qu'elle appartenoit peut-être à un au-
tre animal; mais ce doute, qui d'abord pa-
roît fondé , ne fubnftera plus quand on faura
que cet animal ne rend cette odeur empeftée
que q^uand il eft irrité ou preiTé , & que plu^
Nfc.
iS6 Hifiolre natunlU
fieurs perfonnes en Amérique en ont élevé
& apprivoiré( i).
De ces quatre efpèces de mollettes , que
nous venons d'indiquer fous les noms de
coafe , conepate , ckinche & t^orïlk , les deux
dernières appartiennent aux climats les plus
chauds de rÀmérique méridionale, & pourr
roieot bien n'être que deux variétés & nori
pas deux efpèces différentes. Les deux pre-
mières font du climat tempéré de la nouvelle
Efpagne, de la Louifiane, des Illinois , de
la Caroline , &c. & me paroiiTent être deu^fi;
efpèces diftin6ïes & différentes des deux au-
tres y fur- tout le coafe qui aie cara6^ère par»
ticulier de ne porter que quatre ongles aux
pieds de devant, tandis que tous les autres en
ont cinq ^ niais au refte ces animaux ont
tous à-peu-près la même figure , le même
(i) Malgré Tincommode pfopriëté de ces ânîmaux >.
les Anglois, les François, les S^iédors & les Sauvage*
«le l'Amérique feptentrionale en apprlvoifent quelque-
fois; on dit cju'^alors ils fuivent comme les animaux <*©-
«leftiques, ôc qu'ils ne lâchent leur urine q\ie quand on
les preffe ou, qu^on les bat : lorfqtie les Sauvages en-
tuent quelques-uns, i's leur coupent la veflie, sfin que
la chair, qu'ils trouvent bonne à manger^ ne prenne
pas l'odeur de l'urine ; j'ai fouvent rencontré des An-
glois & des François qui na'ont d'if en avoir mangé 8t
î'avoir trouvée dun très bon gcfit , qai approchcit >,
£e1on eux,, vHe celui du cochon de lait;, les Européens
ne font aucun cas de fa peau à caufe de fon épaiiïeur
ôc de la longueur de fon poi' , mais les Sauvages fc
fervent de ces peaux pour faire des bourfes , &c.
Voyage de Kalm , vagi ^77, anitk traduit ^ar M» U mAf-^
des Mouffettes, 187
înftlnft, la même mauvaife odeur, & ne dif-
fèrent , pour ainfi dire , que par les couleurs &
la longueur du poil. Le coafe eft, comme on
vient de le voir^ d'une couleur brune aflez
uniforme, & n'a pas la queue touffue comme
les autres. Le conepate (^) a fur un fond
{k) Les Anglois appellent PoUcat, une efpèce d'ani-
mal que l'on trouve communément , non-feulement en
Penfilvanie , mais dans d'autres pays plus au nord & au
fud en Amérique, on l'appelle vulgairement Scunck ,
dans la nouvelle Yorck ; les Suédois qui font dans ce
pays , le nomment Fishatte. . . . Cet animal reflemble
beaucoup à la marte, il eft à-peu-près de la même
groffeur, & ordinairement d'une couleur noire, il a
cependant fur le dos une ligne blanche longitudinale ^
& une de chaque côté de Ta même couleur ôf de la
même longueur ; on en voit , mais rarement , qui font
prefque tous blancs. . . . Cet animal fait (es petits éga-
lement dans des creux d'arbres & des terriers, il ne
refte pas feulement fur terre , mais «1 monte fur les>
arbres. Il eft ennemi des oifeaux; il brife leurs œufs &
mange leurs petits; & quand il peut entrer dans un po»*
lailler, il y fait un grand ravage Quand il eft
chafle, foit par les chiens , foit par les hommes , it court
tant qu'il peut ou grimpe fur un arbre; Se lorfqu'il fe
trouve très preffé, il lance fon urine contre ceux c{\vÉ
le pourfuivent l'odeur en eft fi forte y (fu'elFe
fufFoque ; s'il tomboit une goutte de cette liqueur em-
peftée dans les yeux , on courroit rifque de perdre \ai
vue i 5c quand il en tombe fur les habits , elle leur im-
prime «ne odeur fi forte, qu'il eft très difHcile de \9
fnirs paffer; la plupart des chiens fe rebutent & s'en-
fuient dès qu'ils en font frappés ; i! faut plus d'un mois
pour enlever cette odeur d'une étoffe. . ^ . Dans !«$.
bois, on fent fouvent cette odeur de trèî loin. }in
X749, il vint un de ces animaux près de la ferme ou
je logeois , c'étoit en hiver & pendant la nuit , les chiens-
étoient éveillés & le pourfuivoient ; dans le moment ^
il fe répandit une odeui fi fétide, qu'étant dans moti Ik,,
i88 Hifloîrt naturtlU,
de poil noir cinq bandes blanches qui s'éten^"
dent longitudinalement de la tête à la queue.
Le chinche (^/^ eft blanc fur le dos & noir
je penfai être fufFoqué, les vaches beugloient de toutes
leurs forces. . . , Sur la fin de la même année, il s'en
gliffa un autre dans notre cave , mais il ne répandit pas
la plus légère odeur, parce qu'il ne la répand que quand
il eft chaffé ou preffé. Une femme qui l'aperçut la nuit
à Ces yeux étincelans, le tua, &, dans le moment, ii
remplit la cave d'une .telle odeur, que non-feulement
cette femme en fut malade pendant quelques jours , mais,
que le pain, la viande & les autres provisions qu'on con-
fervoit dans cette cave furent tellement infe£tés, qu'on
ne put en rien conferver, & qu'il fallut tout jeter de-
hors. Voyage de Kalm , page ^^i & fuivantes , artlcls.
traduit par M. le marquis de Montmirail.
( /) Cet animal eft appelle Chinche par les Naturels
du Bréfil; il eft de la groffeur d'un de nos chats, il a
la tête longue, fe rétréciiTant depuis fa partie amérieure
jufqu'à l'extrémité de la mâchoire fupérieure qui av nce
au-delà delà mâchoire inférieure, les deux formant une
gueule fendue jufqu'aux petits canthus ou angles exté-
rieurs des yeux j fes yeux font longs , & leur longueur
eft fort rétrécie , l'uvée eft noire, & tout le refte eft
blanc; fes oreilles font larges & prefque femblables à
celles d'un homme; les cartilages qui les compofent ,
ont leurs bords renverfcs en dedans ; leurs lobes ou par-
• ties inférieures pendent un peu en bas, & toute la dif-
pofition de ces oreilles marque que cet animal a le fens
de l'ouïe fort délicat j deux bandes blanches prenant
leur origine fur la tête, paffent au-deffus des oreiHes
i©n s'éloignant l'une de l'autre, & vont fe terminer en
arc aux côtés du ventre; fes pieds font courts, les
pattes divifées en cinq doigts, munis à leurs extrémités
de cinq ongles no'rrs, longs & pointus, qui lui fervent
à creufer fon terrier ; fon dos eft voûté , femblable à
celui d'un cochon; & le deffbus du ventre eft tout
plat ; fa queue , aufti longue que fon corps, ne diffère
pas de celle d'un renard; fon poil eft d'un gris obtcur
& long comme celuPde aos chats j il fait fâ de:neure
ies Mouffettes, iSg
Air les flancs 3 avec la tête toute noirs , ai
l'exception d^une bande blanche qui s'étend
depuis le chignon jufqirau chanfrein du nez;,
fa queue eft très touffue & fournie de très
longs poils blancs mêlés d'un peu de noir^
Le zorille (^/n), qui s'appelle auiTi mapur'ua.
(n)^ paroit être d'une efpèce plus petite ^
dans la terre somme nos lapins, mais fon terrier n'eft
pas fi profond ; j'eus une très grande peine à faire per-
dre à mes habits la mauvaife odeur dont ils étoient im-
bus , elle dura plus dtjuit jours , quoique je les euffe
iavés pKiueurs fois, iniRiillés, féchés au foleil , &c, Oa
me dit que la mauvaife odeur de cet animal ëtoit pro-
duite par fon urine, qu'il la répand fur fa queue, 8c
qu'il s'en fert comme de goupil on pour la difperfer §4
pour faire fuir fes ennemis par cette odeur horrible ;
qu'il urine de même à l'entrée de fon terrier pour les
empêcher d'y entrer ; qu'il eft fort friand n'oifeaux 84
de volailles , & que ce font ces animaux qui détruifent
principalement les oifeaux dans les campagnes de Bue—
nos-ayres. Journal du P. Fcuillée. Paris ^ '7'4i P^i^ 2.7?
& fuiv. Nota. Il me paroît que ce même animal eft in-
diqué par Acofta fous le nom de Chtnci/le, qui ne difïere
pas beaucoup du chinche, " Les chincilles, dit cet Au-
« teur, font petits animaux comme efcurieux, qui ont
«un poil merveilleufement doux & lifte. . . . & fe
» trouvent en la Sierre du Pérou, » Hijîoire. naturelle
des Indes occidentales .. pa^e /pp.
(m) Le Zorilia de la nouvelle Efpagne eft grand
comme un chat, d'un poil blanc & noir, avec une très
belle queue : lorfqu'il eft pourfuivi, il s'arrête pour pif-
fer, c'eft fadéfenfe; car la puanteur de cet excrément
eft fi forte , qu'elle empoifonne Pair à cent pas à la
ronde , & arrête ceux qui le pourfuivent j s'il en tom.-
boit fur un habit, il faudroit l'enfermer fous terre pour
en ôter la puanteur. Voyage de GemelU Careri , tome
yi , pa^es 2! 2 & 21^.
(«) Le Mapurita des bords ds l'Ûrénoque eft un
iço Hijloire naturelU
il a némmoins la queue toute aiiffî beîîe &
auflî fournie que le chinche , dont il diffère
par la dirpofition des taches de fa robe; elle
eft d'un fond noir, fur lequel s'étendent loa-
gitudinalement des bandes blanches depuis la
tête jufqu'au milieu du dos, & d'autres ef- ^
pèces de bandes blanches tranfverfalement
lur les reins , la croupe & l'origine de la
queue, qui eft noire jufqu'au milieu de fa
longueur, ^ blanche depuis le milieu juf-
qu'à l'extrémité, au lieu que celle du chin-
che eft par- tout de la même couleur. Tous
ces animaux ( c? ) font $j - peu - près de la
petit an-imal le plus beau & en même temps le plus àé"
teflable que l'on puiffe voir : les Blancs de rAmériqae
l'appelîent Mapurita^ & les Indiens Mafutiliquî\ il a Te
corps tout taché de blanc 8t de noir; fa qaeue eft garnie
d\in très beau poil : il eft vif, méchant & hardi. . . ,
Te fiant fur (es armes , dont j'ai éprouvé l'effet ait point
d'en être presque faffoqué. ... il lâch» des vents qur
empeftent, même de loin. . . . Les Indiens cependant
mangent fa chair & fe parent de fa peau, qui n'a au-
cune mauvaife odeur. Hiflohe natur&lk de POrénoque ^
par Giim'ilia , tome III. page 240.
(0) H y a à la Louiftane une efpèce d'animal aflea
joli , mais qui de plus d'une lieue empefte l'air de foa
«rin-e; c'eft ce qui le fait nomn^er la béte puante-, ell«
eft grofle comme un chat.* le mâle eft d'un très beau
noir , St la femelle aufli noire , eft bordée de blanc ; for»
ceil eft très vif elle eft à jufte titre nom-née
puante , car fon odeur infefte Un jour j'en tuai
une , mon chien fe jetta deffjs & revint à moi en la
fecouant ; une goutte de fon fang , & fans doute auftî
de fon urine , tomba fur mon habit, qui étoit de coutil
de chafte , & m'^empetta fi fort, que je fus contraint de
retourner chez moi au plus vîte changer de vêtement,
8tc. Hiftolft de U Louifiane ^j^ar le Page du Ff^^t^, tonm
des Moufettes', içi
même figure & de la même grandeur que le
putois d'Europe ,• ils lui reffemblent encore
par les habitudes naturelles ; & les réfultats
phyfiques de leur organifation font aulîi les
mêmes. Le putois eft de tous les animaux
de ce continent celui qui répand la plus
fnauvaife odeur, elle eft feulement plus exal-
tée dans les mouffettes, dont les efpèces ou
variétés (ont nombreufes en Amérique, au
II, pages 86 & Sj. Lorfqu'un rfe ces animaux etk
attaqué par un chien, PP"^ paroître plus terrible, iî
change fi fort fa figure *n h^riffant Ton poil & fe ra«
maffant tout le corps ^ c}u*il eft prefque tout rond, ce
qui le rend étrange & affreux en même temps; cepen-
dant cet air menaçant ne fufHfant pas pour épouvanter
fon ennemi, il emploie, pour le repoaffer, ttn moyen
beaucoup plus efficace, car il Te iette, de quelques con-
duits fecrets , une odeur fi empeftée, qu'il empoifonne
l'air fort loin autour de fui , fi bien que les hommes &
les animaux ont un grand emprefTement à s'en éloigner;
il y a des chiens à qui cette puanteur eft infupportable^
&. elle les oblige à laifTer échapper leur proie; il y eri
a d'autres qui, enfonçant leur nez daRs la terre, renou»
vellent leurs attaques )ufqu*à ce qu'ils aient tué le
putois; mais rarement dans la fuite fe foucient-rls de
pourfuivre un gibier fi défagréable, qui les fait fouffrir
pendant quatre ou cinq heures. Les Indiens cependant
en regardent la chah- com-me une délicatefîe. T'en at
tnangé & je l'ai trouvée de bon goût; j'en ai vu qu'on»
a apprivoifés quand ils étoient encore petits ; 9s font
devenus doux ÔC fort vifs, ôc ils n'exerçoient point
cet'e faculté, à laquelle la peur & l*intéret de leur pré—
fervation les forcent peut-être d*avoir recours. Les
putois fe cachent dans les creux des arbres & àes ro-
chers : on en trouve dans prefque tout le continent
feptentrional de l*Amérique; Ks fe nourriffent d'infec-
tes & de fruits fauvages, Hijîcirc natunlU de /a Car.Mr
Ak , /ar Catcîbii totni II, p«5« oa.
ICI 2 H'iflolrc naturdU
lieu que le putois efl feul de la {ienrie dain
'ancien continent; car je ne crois pas que
l'animal dont Kolbe parle fous le nom de
blaireau puant {p\, & qui me paroit être une vé-
ritable mouffette, exifte au cap de Bonne-ef-
pérance comme naturel au pays; il fe peut
qu'il y ait été tranfporté d'Amérique , &. il
fe peut auffi que Kolbe , qui n^eft point exa^ft
fur les faits , ait emprunté fa defcription du
P. Zuchel y qu'il cite comme ayant vu cet
animal au Brefil. Celui de la nouvelle Efpa-
gne , que Fernandès indique fous le nom de
Ortohua, me paroît être le même animal que
le zorilla du Pérou ; & le* Tepemaxtla du même
auteur {^q) pourroit bien être le conépate ,
qui doit fe trouver à la nouveîUe Efpagne
comme à la Louifiane & à la Caroline.
(p) Defcription du cap de Bonne- efpérance , par
Kolbe , tome III, pages 86 & 87.
(tj) Ortohala , magnitudlne très dodrantes vîx fuperas
nîgro candidoque vefilta. pilo fed guibufdam in partlhtts
fulvo. .... apud has gentes in dbi jamdiu venit ufum
guamvis crepitiis ventris fit illi fatiUJjimus : Occitucenfi"
tus vcrfatur agris. . , . eji altéra fpecies quam tepcrnaxi'
lam rocunt eàdim fere forma & naturâ fed nullâ in parte
fulva , & caudd nigris albifque fafcïis tranfverfim difcur^
rentibus varia qiix provenit quoqiie apud Occitucenfes*-
Fernand. Hijî. An. nov. Hifp, ips^. 6, cap. xvî.
LE
T?t)m?vrr.
PI. H-
rLe Vtfon. 2^1^*i< CoirepcCtc - 5 Le- PeJCaiv.
^ Xy outre (le CancuicL.
s&3ïâiÉaËdaaBiaoasi
du Ptkan & du Vifon. 195
LE PEKAN
ET
L E V I S O N.
Voye:^ plaMcfie XI , figure i & '^ de ce volums^,
JLl y a lorrg-temps que le nom de Pékan étok
en uTage dans le commerce de la pelleterie
du Canada (<2 ), fans que l'on en connût mieux
l'animal auquel il appartient en propre; on
î^e trouve ce nom dans aucun Naruralifte ,
& les Voyageurs l'ont employé indiftin<5le-
ment (^b^ pour défigner différens animaux ,
& fur-tout les mouffettes; d'autres ont ^^^
çq\\q renard oxk chat fauvage Vzmrn^l qui doit
porter le nom de pékan, 6i il n'étoit pas pof-
itble de tirer aucun connoifîan-ce précife des
notices courtes & fautives que tous en ont
données. 11 en eft du vlfen comme du pékan ,
(a ) Noms des peaux qu'on tire du Canada, arec leurs
▼àleurs en 1683, . . . Les pékans, chats fauvages ou
enfans du diable, valent i livre 15 fous la peau. Voyage
d: la. Hontan, tome II, page 39.
(&) Il Tépand'une puanteur infupportable. Les Fran-
çois lui donnent , dans le Canada , le nom à.' enfant du
diable ou hêti puante ; cependant quelqnes-uns l'appellent
p:kcno Voyage de Kabn^page ^J2, artick traduit par M,
h marquis de Montmiraii.
Quadrupèdes^ Tome VL R
194 Hlfloln natUTtllt
nous ignorons l'origine de ces deux noms;
& perfonne n'en fa voit autre chofe, finon
qu'ils appartiennent à deux animaux de TA-
mérique feptçntrionale. Nous les avons trou-
vés, ces deux animaux, dans le cabinet da
M. Aubry , Curé de Saint Louis , & il a
Jîien voulu nous les prêter pour les décrirç
& les faire deiîîner.
Le pékan refîemble fi fort à la marte , &
le vifon à la fouine , que nous croyons qu'on
peut les regarder comme des variétés dans
chacune de ces efpèces ( c- ) ; ils ont non-
feulement la même forme de corps , les mê-
mes proportions , les mêmes longueurs de
queue, la même qualité de poil, mais encore
le même nombre de dents & d'ongles , Iç
même inftinft , les mêmes habitudes natu-
relles. Ainfi, nous nous croyons fondés à
regarder le pékan comme une variété dans
l'eTpèce de la marte , & le vifon comm^
une variété dans celle de la fouine , ou du
moins comme des efpèces fi voifmes , qu'el-
les ne préfentent aucune <lifférence réelle i
le pékan & le vifon ont feulement le pcil
plus brun, plus luftré & plus foyeux que la
( c ) Je ferois alTez porté à croire que l'animal încîî»
que par Sagard Théodat , fous le nom de Oaay » pour-
roit être le même que le vifon. ♦« L'Ottay , dit ce Voya-
»♦ geur , eft grand comme un petit lapin ; il a le poil
»♦ très noir. Se û doux, poli ôc beau , qu'il femble de
>» la panne. Les Canadiens font grand cas de ces peaux ^
»♦ defquel'es ils font des robes. " Voyage au. pays des
Huions , pas,ç loS. Il n'y a au Canada aucun animal ai^»
ôuej ceits indication convienne mieux (|[u'au yifçn.
du Pckan & du Vlfon, 195
marte & la fouine ; mais cette différence ,
comme l'on fait, leur efl: commune avec le
caftof, la leurre & les autres animaux da
nord de TAmérique , dont la tburrure eft plus
belle que celle de ces mêmes animaux dans 1^
nord de l'Europe.
R 1
ï c) 6 "Hljloirt naturelU
LA ZIBELINE {a).
X RESQUE tous les Naturaliftes ont parlé de
la Zibeline fans la connoître autrement que
par fa fourrure. M. Gmelin eft le premier
qui en ait donné la figure & la defcription ;
il en vit deux vivantes ehez le Gouverneur
de Tobokk. « La Zibeline reffemble , dit-il,
» à la marte par la forme &. l'habitude du
>» corps , & à la belette par les dents ; elle a
« fijf dents incifives aflez longues & un peu
(a) Zibelîre, Marte zibeline; Zohel, en Allemand ;
Sohol, en Polonois j Sahbel ^ en Suédois, Sable j en
Anglois.
MuficU Sobella, Gefner , Hijî. quad. p. 768.
Mtiflda Zihellina , The Sable. Ray. Syn. quaimp,
page aoi.
MufieU Zibdlina , Arlftotelis , Satherlus , Nipho , Ce-
halus , Alciato , mus farmaticus 6* fcythicus. The cebal
or fable. Charleton , exercit. pag. ao.
Mujlda Sobella. Gefneri, Mu/lela Zibellîna Jon^oni ,
Mufiela fcythica , martes fcythica , iclis fcyth'ica ,fatheruis
AriJlAdis , mus farmaticus & fcythicus Alciatîs , &c*
Rzaczynski, au£V. pag. 317.
Xi^flcU ohfcure fulva , gutture cinereo Martes
Zibdlina. La marte zibeline. Briff. Reg. anîm. p. 24S.
Mufiela Zihdllna. Nov. Comm. Acad. Petrop. tom
V- Animalium CHorumdam quadr. defcriptio, auélore Georg»
ÇmsUn , art. t , fig, ibid, tab. 6.
dt la Zibeline^ 19^
» Coiarbées , avec deux longues dents canines
»> à la mâchoire inférieure, de petites dents très
« aiguës à la mâchoire fupérieure, de grandes
M mouftaches autour de la gueule ; les pieds
j» larges & tous armés de cinq ongles : ceâ
« caractères éroient communs à ces deux zi-
>j belines ; mais l'une étoit d'un brun noirà-
>? tre fur tout le corps , à l'exception des
» oreilles & du deffous du menton , où le
» poil étoit un peu fauve ; & l'autre , plus pe-
S) tite que la première , étoit fur tout le corps
ï> d'un brun jaunâtre , avec les oreilles & le
» defibus du menton d'une nuance plus pâle*
j> Ces couleurs font celles de l'hiver; car au
î> printemps elles changent par la mue du
» poil : la première zibeline , qui étoit d'urï
» brun noir, devint en été d'un jaune brun;
j) & la féconde , qui étoit d'un brun jaune ,
» devint d'un jaune pâle. J'ai admiré , con-
» tinue M. Gmehn , l'agilité de ces animaux;
» dès qu'ils voyoient un chat, ils fe dref-
j» foient fur les pieds de derrière comme pour
M fe préparer au combat; ils font très in-
« quiets & fort remuans pendant la nuit (^);
» pendantlejouraucontraire,&: fur-tout après
j> avoir mangé , ils dorment ordinairement
« une dem.i-heure ou une heure; on peut
» dans ce temps les prendre , les fecouer,
« les piquer fans qu'ils fe réveillent 77. Par
{b^ Nota. Cette inquiétude & ce mouvement pendant
la nuit n'eft pas particulier à la zibeline ; j*ai vu la
même chofe aux hermines que nous avons eu vivantes,
& que nous avons nourxies pendant pkiHeurs mois.
198 Hîjtoîrt naturtlk,
cette defcription de M. Gmelin, on voit que
îes zibelines ne font pas toutes de Ja même
couleur , & que par conséquent les Nomencla-
îeurs qui les ont dèfignées par les taches &
ks couleurs du poil ont employé un mauvais
caraélère , puifque non-feulement il change
d-ans les différentes faifons , mais qu'il va-
rie d'individu à individu , & de climat à
climat fc ).
Les zibelines habitent le bord des fleu-
ves, les lieux ombr gés & les bois les plus
épais ; elles fautent très agilement d'arbres
en arbres , & craignent fort le foleil , qui
cliange, dit-©n , en très peu de temps la
couleur de leur poil; on prétend {d) qu'el-
les fe cachent & qu'elles font engour-
dies pendant l'hiver: cependant c'eft dans ce
temps qu'on les chaffe & qu'on les cherche
de préférence, parce que leur fourrure eft
alors bien plus b-elle & bien meilleure qu*en
été; elles vivent de rats, de poiffon , de grai-
nes de pin & de fruits fauvages; elles font très
(c) Des deux zibelines ^ont parle M. Gmelin, fa
première venoit He la province de Tomskien , & la fé-
conde de celle de Berefowien ; on trouve auflî dans fa
relation de la Sibérie , que fur la montagne de Sopka-
Sinaia, il y a des zibelines noires à poil court, aix-
qiieUes il eft défendu de donner la chafTe : qu'une fem-
blabîe efpèce de zibeline fe trouve aufîi plus avant dans
les montagnes , de même chez les Calmouks Vrangai.
♦< J'ai vu, dit-il, quelques unes de ces peaux que des
♦♦ Calmouks avoient apportées; elles font connues fous
>% le nom de zibelines de Kangaraga, >♦ Voyais de Gf'ie»
lin, tome 7, page 2/7.
(<f) R^ac^nski^ aucl. pag. 31J,
di la Zibeline î îpç
afdentes en amour ; elles ont , penchant ce
temps de leur chaleur, une odeur très forte ,
& en tout temps leurs excrémens Tentent
mauvais : on les trouve principalement en
Sibérie, & il n'y en a que peu dans les fo-
rêts de la grande Rulîie , & encore moins en
Lapponie. Les zibelines les plus noires fonl
celles qui font les plus eftimées ; la différence
qu'il y a de cette fourrure à toutes les au-
tres ( e ) , c'eft qu'en quelque fens qu'on pouffs
le poil , il obéit également , au lieu que les
autres poils, pris à rebours, font fentir quel-
que roideur par leur réfiflance.
La chafle des zibelines fe fait par des cri»*
nùneis confinés en Sibérie , ou par des fol"
dats qu'on y envoie exprès , & qui y demeu-
rent ordinairemeut plufieurs années; les uns
& les autres font cblisîés de fournir une cer-
taine quantité de fourrures à laquelle ils font
taxés; ils ne tirent qu'a balle feule , pour
gâter j le moins qu'il ei\ polîibie , la peau de
ces animaux ; Ôt quelquefois , au lieu d'ar-
mes à feu , ils fe fervent d'arbalètes & de
( c ) La zibeline diffère de la marte en ce qu'elle eft
plos petite , & qu'elle a les poils plus fîns 6c plus longs :
les véritables zibelines font damaiTées de noir, & fe
prennent en Tarrarie ; il s'en tro.ive peu en Lapponie ;
plus U couleur du poil eft noire & plus elle eft recher-
chée , & vaudra quelquefois foixante écus, quoique la
p*3U n'ait que quatre doigts de largeur ; on en a vu
de blanches & de grifes. Regnard , tvmt I, page né.
Nota. Scheffer dit de même qu'i; fe trouve quelquefois
ces zibeliiies blanchss, HijU'm de U Lapponie , page pS»
R4
100 Hijîoin natuTtUe
îrès petites flèches. Comme le fuccés (îe
cette chaffe fuppofe de l'adreiTe , & encore
plus d afliduitè , on permet aux Officiers d'y
intéreffer leurs foidats , & de partager avec
«ux le furplus de ce qu'ils font obligés de
fournir par femaine, ce qui ne laiffepas de
leur faire un bénéfice très confidérable (/).
Quelques Naturalises ont foupçonné que
la zibeline étoit le Sathcrius d'Ariftote , Si je
crois leur conjedure bien fondée. La finsfîe
de la fourrure de la zibeline indique qu'elle
fe tient fou vent dans l'eau ;& quelques Voya-
geurs ( g^ difent qu'elle ne fe trouve en
grand nombre que dans de petites isles ,
où les chafTeurs vont la chercher ; d'autre
côté , Ariftote parle du fatherius comme d'un
animal d'eau , & il le joint à la loutre & au
caftor. On doit encore préfumer que , du
temps de la magnificence d'Athènes , ces
belles fourrures n'étoient pas inconnues dans
la Grèce , & que l'animal qui les fournit avoit
un nom ; or il n'y en a aucun qu*on puiffe
appliquer à la zibeline avec plus de raifon
que celui de fatherïus , fi en effet il eil vrai
(/) Un Colonel peut tirer de fes fept années de fer-
Yîce à la chafTe des zibelines^ environ qiutre mille écus
de profit, les fubalternes à proportion, &. chaque Sol-
dat fix ou f^pt cents écus. Voyage du P. Avril y paga
i6(). — Voyez aufli In relation de la Mofcovie, par la
Neuville. Paris, iC^S , pagt zij.
(g) Les Chaffeurs vont chercher les zibelines dass
de petites isjes où elles fe retirent, ils les tuent avec
une efpèce d'aibalète , &c. Voyage du P, Avril, partit
léS.
dt la Zibiline, 20 1
que îa zibeline mange du poifîbn (/5) & fe
tienne affez fouvent dans l'eau pour êtte
mife au nombre des amphibies.
(k) In umhrojis ftldbus verfatur femper ^ infidlatur
aviculis in efcam affumit mures , pifces , uvas rw
ksas. Rzacrynski » auci, Hifi. Nat, pol. pa^e p$.
iOi Hljîéîrc nacunlU
LE L E M i N G {a).
VxLAUS Magkus eft îe premier qui ait
fait mention du Leming ( ^ ) ; & tour ce qu'en
ont dit Gefner , Scaliger, Ziegler. Jonfton ,
&c. eft tiré de cet Auteur ; mais \Vormius ,
après des recherches plus exaftes , a fait
l'hiftoire de cet animal , & voici la defcrip-
tion qu'il en donne, a îl a , dit- il , la figure
» d'une fouris, mais la queue plus courte , le
« corps^ong d'environ cinq pouces, le poil fin
» & taché de di verfes couleurs , la partie anté-
» rieure de la tête noire , la partie fupérieure
» jaunârre, le cou &: les épaules noires , le
»> refte du corps roufsârre, marqué de quel-
n ques petites taches noires de différentes
» figures jufqu'à la queue , qui n'a qu'un demi-
(<i) Lemingf nom rie cet animal dans fon pays natal
en Norvège, &. que nous avons adopté. Mus Norvazi'
eus à Norvagis , Leming, Lemin^er, Lemender , Ltmmer
epptUatur. OJcns Magnus Lemmrr & Lemnus vocat. , . .
Zieekrtis Leem vel Lcmmer. iMufeum Wormianum , pa^c
322 , Jig. an'tmalis t & SccUton. p.-ge zzf.
Lenimus , Mus caudâ abbrevuuâ pccihus pentadi^\Iis,
Mus caudd ahrupta , corpori fuhû nigrcauz vario. Faur.
Suce. 26. Âci Stock. }j^o , page J26. Tab vi ,fig- -f 6*
j. Sy fient. Nat. /o, n°, z. Linn. Syfiem. Nat. edit. JC,
ib) OUÏ Magni, fiiji. Gent. fept, Ub. XViU, cap.
XX.
du Lemhg* %0^
police de longueur, & qui eft couverte
de poils jaunes noirâtres ; Tordre des taches ,
non plus que leur ligure & leur grandeur,
ne font pas les mêmes dans tous les indi-
vidus ; il y a autour de la gueule plufieurs
poils roides en forme de mouftaches, dont
il y en a fix de chaque côté beaucoup
plus longs & plus roides que les autres ;
l'ouverture de la giteule elt petite , la lèvre
fupérieure eft fendue comme dans les écu-
reuils ; il fort de la mâchoire fupérieure
deux dents longues incifives , aiguës, un
peu courbes , dont les racines pénètrent
jufqu'à l'orbite des yeux , deux dents fem-
blables dans la mâchoire inférieure , qui cor-
refpondent à celles du deffus , trois mâ-
chelières de chaque côté , éloignées des
dents incifives; la première des mâchelières
fort large & compofée de quatre lobes ,
la féconde de trois , la troifième plus peti-
te , chacune de ces trois dents ayant fon
alvéole féparée & toutes fituées dans l'in-
térieur du palais , à un intervalle afîez
grand; la langue afTez ample & s*étendant
jufqu'à l'extrémité des dents incifives ; des
débris d'herbe & de paille qui étoient dans
la gorge de cet animal , doivent faire pen-
fer qu'il rumine ; les yeux font petits &
& noirs , les oreilles couchées fur le dos ,
les jambes de devant très courtes , les
pieds couverts de poils & armés de cinq
ongles aigus & courbés , dont celui du
milieu eft très long, & dont le cinquième
eft comme un petit pouce ou comme un
ergot de coq, fi|ué quelquefois affei haut
204 * Hifo're naturelle»
« dans la jambe ; tout le ventre eft blanchâtre,"
j> tirant un peu fur le jaune, &c». Cet ani-
mal, dont le corps eft épais & les jambes
fort courtes^ ne laiffe pas de courir affez vke ;
il habite ordinairement les montagnes de Nor-
vège & de Lapponie ; mais il en defcend
quelquefois en fi grand nombre dans de cer-
taines années (c) & dans de certaines fai-
fons , qu'on regarde l'arrivée des lemings
(c) On a remarque que les Lemmers ne paroi(Tent
pa« régulièrement tous les ans, mais en certain temps
à l'improvifte & en Ç\ grande quantité , qu'ils fe répan-
dent par tout & cou^went toute la terre. .... Ce»
petites bêtes, bien loin d'avoir peur & ce s'enfuir quand
elles enten-^ent marcher les pafTans, font au contraire
hardies & courageufes, vont au devant de ceux qui le»
attaquent, crient & jappent prefque tout de même que
des petits chiens : fi on les veut battre, elles ne fe fou-
cient ni du bâton ni des hallebardes , fautant & s*élan»
çant contre ceux qui les frappent , s'attachant & mor-
dant en colère les îîâtons de ceux qui les veulent tuer.
Ces animaux ont ceci de particulier , qu'ils n'entrent
jamais dans les maifons ni dans les cabanes pour y
faire du dommage, ils fe tiennent toujours cachés dan»
les broffailles 5c le long des coteaux; quelquefois ils fe
font la guerre, fe partageant comme en deux armées
Fe long des lacs & des prés Les hermines & les
renards font leurs ennemis & en mangent beaucoup....,
l'herbe renaiffante fait mourir ces peïits animaux , i4
femble qu'ils fe falTent aufîî mourir eux-mêmes; on
en voit de pendus à des branches d'arbres , on peut
croire aufli qu'ils fe jettent dans l'eau par troupe»
comme les hirondelles. Hifioire de la Lapponie , par
Scheffir t paç^e 3^2. Nota. II y a bien plus d'apparence
que les leming? , comme tous les autres rats , fe man-
gent & s'entredétruifent dès que la pâture vient à leur
manquer, & que c'eft par cette raifon que leur delin**»
tioa efi auff; prompte que leur pulluUtion.
au Ltmlng, 20 Ç
comme un iléau terrible, & dont il eft im-
polTible de fe délivrer ', ils font un dégât
affreux dans les campagnes , dévaftent les jar-
dins, ruinent les moiflbns^&ne laifTent rien
que ce qui eft ferré dans les mailons , où
heureufement ils n'entrent pas. Us aboient
à peu-près comme des petits chiens ; lorfqu'on
les frappe avec un bâton , ils fe jettent deffus
& le tiennent fi fort avec les dents , qu'ils
fe laiffeat enlever & tranfporter à quelque
diftance , fans vouloir le quitter ; ils fe creu-
fent des trous fous terre , & vont , comme
les taupes, manger les racines; ils s'aifem-
blent dans de certains temps , & meurent,
pour ainfi dire , tous enfemble ; ils font très
courageuv & fe défendent contre les autres
animaux : on ne fait pas trop d'où ils vien-
nent; le peuple croit qu'ils tombent avec la
pluie {d) ; le mâle eft ordinairement plus grand
qt>e la femelle , & a aulTi les taches noires
(rf) Befiiolx quadritpcs , Lemmar vcl Lemmus diclx »
magnitudine foricis , felte varia per tempejîates & repenti-
nos imhres incompertum unie , an ex remotiorihus
infuUs & vento delata. an ex nuhibus ftcuientis natce
deferantur. Id tamen compertum eft Jlatim atque deciderint,
rcperiri in vifceribus herbu crudiz nonditm concocîtz. Ha
more locufiantm in maximo examine cadentes omnia vi~
rentia deftruunt & (juct morfu tantum attigerint emoriuntur
viriilcntiâ ; v'ivit hoc a^rmn donec mm gu/îaverit herbam
renatam. Conveniunt quoque gregadm quafi hirundines evo-
latum , fed flato tenpore aut moriitntur acsrvaiim cum lue
terrée ( ex quarutn corruptione aer fit pcfliUns & afîc-t in~
colas vertigine Cf i^iro) aut kis bcftiis diclis v:.l^ariter
Lekat vel Hermeltn confumuntur unde iidem Hermelint
^ingue/cunt. Olaiis Magnus , Biji, Gent.fept.^z^.i/^z,
%ù6 Hijiolre nantrellé
plus grandes; ils ineiireit infailliblement »u
renouvellement des herbes; iis vont aulfi
en grandes troupes fur l'eau dans le beau
temps, mais s'il vient un coup de \em^ ils
ibnt tous fubmeigés; le nombre de ces ani-
maux eft il prodigieux, que quand ils meu-
rent, l'air en eit infccré,& ceia occafionne
beaucoup de maladies; il femble même qu'ils
infeéle it les plantes qu'ils ont rongées , car
le pâturage fait alors mourir le bétail ; la chair
des lemings n'eft pas bonne à manger ; & leur
peau, quoique d'un beau poil , ne peut pas
iervir à faire des fourrures, parce qu'elle a
erop peu de confiflance.
de la. Sarlccviennc, 107
LA SARICOVIENNE [a].
« Lia Saricovienne, dit Thevet, fe trouve
» le long de la rivière de la Plata; elle eft
w d'une nature amphibie , demeurant plus
» dans l'eau que fur la terre ; cet animal eft
î> grand comme un chat, & fa peau, qui eft
« mêlée de gris & de noir, eft fine comms
w velours ; fes pieds font faits à la femblance
» de ceux d'un oifeau de rivière; au refte fa
w chair eft très délicate & très bonne à man-
s> ger ( ^ ) ". Je commence par citer ce paf-
fage, parce que les Naturalises ne connoif-
{bient pas cet animal fous ce nom , & qu'ils
ignoroient que le Cariguelbeju du Brefil , qui
(<j) Saricoviennè , nom de cet animal au pays de Ta
Plata , & que nous avons adooté. Ce mot jaricovienné
paroît être dérivé de Cariatteiheju , qui eft le non de
cet animal au Brefil, ôc qvu doit fe prononcer farigo*
piioui ce nom iignifie btte friande , félon Thevet.
Jiya , ijux & Carigueibeju app^Uamr à Brajîliinfilus*
Marcgr. Hifl. Nat, Braf. page 234, fig. ibid.
Lutra nigricans caudâ dçprejfâ ^ glabrs. Bitthte , HiJÎ,
de la Fr- Equin. pag. 155.
Luira atri coloris macula fuh gutturejlavâ. , , , /u/nj
Brajïiicr^fis. La loutre du BréfiT. Brifïon , Rcgn. anim,
pag. 178.
{h) Singularités de la France antarftique , par Aodci
Th«vet, Paris , ifjS, pages i07 ô* io$»
loS Hljloirt namrelU
eft le même ., eût des membranes entre les
doigts des pieds ; en effet Marcgrave , qui
en donne la defcription , ne parle pas de ce
caradère , qui cependant eft effentiel , puif-
qu'il rapproche , autant qu'il eft pofîible , cette
cfpèce de celle de la Loutre.
Je crois encore que Tanimal dont Gumilla
fait mention fous le nom de Guachl (^)»
pourroit bien être le même que la farico-
vienne , & que c'eft une efpèce de loutre
commune dans toute l'Amérique méridionale.
Parla defcription qu'en ont donnée Marcgrave
& Definarchais {d)^ il paroît que cet ani-
mal amphibie eft de la g andeur d'un chien
^e taille médiocre; qu'il a le haut de la tête
ronde comme le chat, le mufeau un peu
{c ) On trouve fur les rivières qiiî fe jettent danf
l'Orenoque une grande quantité de chiens d'eau , que
les Indiens appellent Guachl-, cet animal nsge avec beau-
coup de légèreté, & fe nourrit de poiffon ; il eft am-
phibie, mais il vient auflî chercher fa nourriture fut
terre i il creufe des foffes fur le rivage, dans lefquelles
k femelle met bas fes petits. Ils ne creufent point ces
fofTes à l'écart, mais dans les endroits où ils vivent en
commun & cù ils viennent fe divertir. J'ai vu & exa-
miné avec foin leurs tanières, l'on ne fauroit rien voir
de plus propre ; ils ne laiffent pas la moindre herbe aux
environs ; ils amoncellent à l'écart les arêtes des poif-
fons qu'ils mangent ; & à force de fauter , d'aller & de
venir, ils pratiquent des chemins très propres & très
commodes. Hifioirc de POrénoqut , par Gumilla , tome
Jll, pa^e 3(). Nota. Ces caraftères conviennent à la fa-
ricovienne; mais il nous paroît que le nom guachi a été
nal appliqué ici, & qu''i appartient à l'efpèce de mouf-
fette que nous avons appetlée coafe.
(rf ) Voyage de Deûnarchais, tovic III f page jo<f.
long
it id iaticOvlenné, %^^
îorîg commç celui du chien ; les dents &
les mouflaches conrme le chat ; les yeuié-
ronds, petits & noirs; les oreilles arrondies
& placées bas j cinq doigts à tous les pieds y
les pouces plus courts que les autres doigts ,
qui tous font armés d'ongles bruns & aigus; la
queue auffi longue que les jambes de der-
rière ; le poil allez court & fort doux , noir
fur tout le corps , brun fur la tête , avec
«ne tache blanche au gofier. Son cri eft à-
peu-près celui d'un jeune chien, & il l'en-
trecoupe quelquefois d'un autre cri fembla-
ble à la voix du fagoin; il vit de crabes &-
de poiffons, mais on peut aulTi le nourrir
avec de la farine de manioc , délayée dans-
de l'eau. Sa peau fait une bonne fourrure ,
& quoiqu'il mange beaucoup de poiffon , f*
chair n*a pas le goût de marais , elle eit ai*
contraire très faine & très bonne à manfes»-
H 1 o Hijlolrc naturelle
UNE
LOUTRE DE CANADA,
Voye^ planche II , fig, 4 de ce Volume»
ETTE Loutre, beaucoup plus grande que
notre loutre, & qui doit le trouver dans le
nord de l'Europe, comme elle fe trouve au
Canada, m'a fourni l'occafion de chercher
fi ce n'étoit pas le mêm€ animal qu'Ariftote
a indiqué fous le nom de Latax , qu'il dit
être plus grand & plus fort que la loutre ;
mais les notions qu'il en donne ne conve-
nant pas en entier à cette grande loutre , &
la trouvant d'ailleurs abfolument femblable
à la loutre commune , à la grandeur près ,
j'ai jugé que ce n'étoit point une efpèce
particulière, mais une fimple variété dans
celle dt; h loutre Et comme les Grecs , &
fur-tout Ariftote , ont eu grand foin de ne
donner des noms différens qu'à des animaux
réellement difFerens par l'efpèce , nous nous
focnnes convaincus que le latax eft un autre
animal ; d'ailleurs les loutres , comme les
caftors , font communément plus grandes &
ont le poil plus noir & plus beau en Amé-
rique (a) qu'en Europe. Cette loutre de
(û) Les loutres de i*Amérique feptenlrionalc diffè»
TomVT:
îUi
4< Jeun-e L cuncuitiru .
'J!unt Loutre de Canada, 1 1 1
Canada doit en effet être plus grande & plus
fioire que la loutre de France ; mais , en
cherchant ce que pouvoit être le L^itax d'A-
riftote , (^ chofe ignorée de tous les Natura-
lises ) , j'ai conjeâ:uré que c'étoit Tanimal
indiaué par Bélon fous le nom de loup ma*
rin, & j'ai cru devoir rapporter icj la notice
d'Ariftote fur le latax, & celle de Bélon fur
le loup marin , afin qu'on puilTe les com-
parer {b).
tent de c«11es de France en ce qu'elles font toutes com*
munément plus longues & plus noires; il s'en trouva
ui le font bien plus les unes que les autres, il y en a
'auflî noires que du jay ; celles-ci font fort recherchées
te fort chères. De/cription de V Amérique feptentronaU ,
par Denys , tome 11 ^ page 20
(h) Sunt inter quadrupèdes f^rafque ^ que, vicium eii
lacu & fluviis pétant f at vero à mari nullum , pr^zterquam
vituhis marinus. Sunt ctiam in hcc gînere jîber pttheriumt
fatyrium, lutris , Lat^x qua. latior lutre ejl, dentefque hw
bit rohufios , quippè qux noclu ple^umque egrediens , vir-
guàa proxima fuis dentihus ut ferro prxcidat ; lutris etiam
nominem mordet , nec defi/lt. ut jemnt y riifi ofjîs fracU
crtpitum fenferit. Lataci pilus durus , fnecic intir pilum
vituli marini 6* cervi. AfiU. Hifi anim lib. Vlli^ cap. v.
•— Le loup marin, *« D'autant que les Anglois n'ont
»» point de loups fur leur terre , nature îes a pourveus
M d'une bête au riva e He leur mer, fi fort ^approchante
» de notre loup , que fi ce n'éroit qu'il fe jette plutôt
»» fur les poifTons que fur les ouail'es , on le diroit i\\x
♦♦ tout femb'able à no're bête tant raviffante j confi-^éré
»» la corpulence, le poil, la têre ^qui toutefois eft fort
>» grande ) & la queue moult approchante au loup ter-
»♦ reftre ; nr»ais parce que ceUii-cy (comme dit eft) ne
»» vit que de poilTons, & n'a été aucunement connu
» des Anciens , il ne m'a femWlé moins nota'ole que iei
H animaux !^e double vie cy-deiTus allégués , pourqu-'i
vt j'en ai bien voulu mettre le pourtrait v. Bélon , d4 la
S %
1 1 1 Hijîoirt nantntlt
Ariftote fait mention dans ce paffage die
iix animaux amphibies ; & de ces fix ncu»
n'en connoiiTons que trois, le phoca, le caf-
tor & la loutre ; les trois autres , qui font
ÏQlatax^ \q /atherîon ÔL \eJatyrion^ font demeu-
rés inconnus, parce qu'ils ne font indiqués
que par leurs noms & fans aucune defcrip-
tion : dans ce cas, comme dans tous ceux:
eu l'on ne peut tirer aucune induftion direde
pour la connoifîance de la chofe , il faut
avoir recours à la voie d'exclufion j mais on
ne peut l'employer avec fuccès que quand
on connoîc à-peu-près tout : on peut alors-
conclure du pofitif au négatif, & ce négatif
devient , par ce moyen , une connoiffance
pofitive. Par exemple, je crois que , par
la longue étude que j'en ai faite, je connois-
à très peu près tous les animaux quadrupè-
des ; je fais qu'Ariûote ne pou voit avoir au»
cune connoiffance de ceux qui font particu*
liers au contijient de TAmérique ', je con-*
nois auflî parmi les quaîdrupèdes tous ceux qui
font amphibies , & j'en fépare d'abord les am-^
phibies d'Amérique , tels que le tapir , le
eabiai , l'ondata , &c. il me refte les amphi-
bies de notre continent , qui font Thippopc-^
tame , le morfc ou la vache marine , les pho*
ques ou veaux marins ; le loup marin de Bé*
Ion „ le cailor> la loutre , la zibeline , le rat
rature des poijfons, pa^e. i8. Nota. La figur» eô i I*
p-Jge !()., Ôt reiremble plus à l'hyaene qu'à aucun autre-
animal , mais ce ne peut être l'hyaene; car elle n'eft point»
amphibie , elle ne vit pas de poiffoo ^ &. d'aiîieuM e>U«.*
ik d'un climat iout diâférenfi-,.
^unt Loutn de Canaan, 2i|
cTeaa, le derman , la mufaTaigne d'eau , & '
fi Ton veut, l'ichneunion ou mangoufte, que
quelques-uns ont rep^ardée comme amphibie
& ont appeiiée loutrt d'Egypte. Je retranche
de ce nombre le morfe ou la vache marine ,.
qui ne fe trouvant que dans les mers du ÎS^ord^
n'étoit pas connue d'Ariftote ; j'en retran-
che encore Ihippoporame , le rat d'eau &
l'ichneumon , parce qu'il en parle ailleurs &
les défigne par leurs noms ; j'en retranche
enfin les phoques , le caftor & la loutre ,
qui font bien connus, & la mufaraigne d'eau ,
qui eft trop reffemblante à celle de terre
pour en avoir jamais été réparée par le
nom : il nous refte le loup marin de Bélon ^
la zibeline & le derman , pour le latax , le
fatherion&L ÏQ fatyrîon; de ces trais animaux,
il n'y avoir que le loap niarin de Bélon qui
foit plus gros que Ja loutre ; ainfi , c'eft le
feul qui piriflé repréfenter le latax, par con-
féquent la zibeline & le del'man repréfentent
le fatherion & le fatyrîon. L'on fent bien que
ces conje£lures , que j ? crois fondées , ne
font cependant pas du nombre de celles que
le temps puiffe éclaircir davantage, à moins-
qu'on ne découvrît quelques manuferits grecs-
jufqu'à préfent inconnus , où ces noms fe
trouveroient employés; c'eft-à-dire , expliqué*
par de nouvelles indications.
214 Hljîolrt namnlU
LES PHOQUES,
LES MORSES
IT LES LAMANTINS.
Foye:^ planche XII de ce Volume.
xxssEMBLONS , pouF un inftant , tous les
animaux quadrupèdes , faifons-en un groupe ,
ou plutôt formons -en une troupe dont les
intervalles & les rangs repréfentent à-peu-
près la proximité ou Téloignement qui fe
trouve entre chaque efpèce; plaçons au cen-
tre les genres les plus nombreux , & fur les
iîancs, fur les ailes ceux qui le font le
jnoins ; refferrons-Jes tous dans le plus petit
cfpace , afin de les mieux voir , & nous trou-
verons qu'il n'eft pas poffible d'arrondir cette
enceinte : que quoique tous les animaux qua-
drupèdes tiennent entr'eux de plus près qu'ils
ne tiennent aux autres êtres , il s'en trouve
néanmoins en grand nombre qui font des poin-
tes au dehors , & femblent s'élancer pour
atteindre à d'autres claiTes de la Nature ; les
finges tendent à s'approcher de l'homme <St
s'en approchent en effet de très près ; les
chauve fouris font les fmges des oifeaux
qu'elles imitent par leur vol;les porcs-épics,
les hériflbns , par les tuyaux dont ils font
couverts , femblent nous indiquer que les
dis Phoques^ &c, IT^
pîiimes pourroient appartenir à d'autres qu'aux
oifeaux ; les tatous, par leur teft écailleux ,
s'approchent de la tortue & des cruftacées, les
caftors , parles écailles de leur queue , ref-
femblent aux poifTons; les fourmiliers, par
leur efpèce de bec ou de trompe fans dents , &
f)ar leur longue langue, nous rappellent encore
es oifeaux ; enfin les Phoques , les Morfes
& les Lamantins font un petit corps à part
qui forme la pointe la plus faillante pour
arriver aux cétacées.
Ces mots phoque , morfe & lamantin , font
plutôt des dénominations génériques que
des noms tpéc'fiques : nous comprenons fous
celles de phoque , i^. le phoca des Anciens,
qui vraifemblablement eft celui que nous
avons fait repréfenrer ; 2^. le phoque commun
que nous appelions veau marin; 3^. le grand
phoque, dont M. Parfons a donné la deicrip-
tion & la figure dans les Tranfaftions philo-
fophiques, n^. 46c; 4^, le très grand pho-
que, que Ton appelle l'ion marin ^ & dont
rAureur du voyage d'Anfon adonné la def-
cripfion & les figures.
Par le nom de morfe ^ nous entendons les
"animaux que l'on connoît vulgairement fous
celui de vaches marines ou bêtes à la grande dent,
dont nous connoiffons deux efpèces , Tune
qui ne fe trouve que dans les mers du nord ,
& l'autre qui n'habite au contraire que les
me^-s du midi, à laquelle nous avons donné
le nom de Dugon, dont nous avons fait gra-
ver la xèxe. Enfin fous celui de lamantin 3
nous comprenons les animaux qu'on appelle
Manati i boeufs marins à St. Domingue , à
1 f 6 Hiflolrc naturdh
Cayenne & dans les autres parties de rAmé»^
ririque méridionale , auiîi - bien que le la-
mantin du Sénégal & des autres côtes de
l'Afrique , qui ne nous paroît être qu'une"
variété du lamantin de l'Amérique.
Les phoques & les morfes font encore plu*
près des quadrupèdes que des cétacées , parce
qu'ils ont quatre efpèces de pieds ; mais les
lamantins, qui n'ont que les deux de devant,,
font plus cétacées que quadrupèdes. Tous dif-
fèrent des autres animaux par un grand carac-
tère : ils font les feuls qui puiffent vivre éga-^
kment & dans l'air & dans l'eau , les feuls par
conféquent qu'on dût appeller ^m/^^i^iej-. Dans
l'homme & dans les animaux terreftres &
vivipares, le trou de la cloifon du cœur,
qui permet au fœtus de vivre fans refpirer ,
fe ferme au moment de la nailTance , & de-
meure fermé pendant toute la vie ; dans ees^
animaux , au contraire , il eft toujours ou-
vert , quoique la mère ne les mette bas fur
terre, qu'au moment de leur naiflance ; l'air
dilate leurs poumons , & la refpiration com-
mence &: s'opère comme dans tous les autres -
animaux. Au moyen de cette ouverture dans
la cloifon du cœur , toujours fubfrftante &
qui permet la communication du fang de la"
veine cave à l'aorte , ces animaux ont la-
vantage de refpirer quand il leur plaît, & de
fe pafter de refpirer quand il le faut. Cette-
propriété fmgulière leur eft commune à tous,,
mais chacun a d*autres facultés particulières
dont nous parlerons , en faifant, autant qu'il
eft en nous , l'hiftoire de toutes les efpèces de^
€66 animaux amphibieSi
des Phoques^ &c, i\j
LES PHOQUES {a).
En général, les phoques ont la tête ronde
comme l'homnie, le mufeau large comme
{a) Phoque. Pho^a t en Grec 5c en Latin, mot au-
quel de Laët & d'autres ont donné une terminaifoa
françoife, & que nous avons adopté comme terme gé-
nérique. Dans pluiieurs langues de l'Europe, on a in -
çiiqué ces animaux par les dénominations de Veaux de
mer , Chiens de met , Loups de mer , Veaux manns , Chiens
marins , Loups marins , Renards marins. Nous en con-
noiffons trois âc peut-être quatre efpèces ; i^. Le petit
phoque noir à poil ondoyant & long , que nous croyons
être le phoca des Anciens, c'eft- à-dire, le <p«x« d*Arif-
tote, & le vitulus marinus ou phoca de Pline ; & c'ed
probablement celui dont Bélon a donné la figure, &
qu'il a indiqué fous le nom de T'hoca, vitulus marinus ^
vecchio marino , veau ou. loup de mer. De 'a nature des
poijfons ^ page jô. i^. Le phoque de notre océan, qui
eft plus grand & d'un poil gris, qu'on appelle veau m a-
rtn , & auquel nous confervons cette dénomination ,
fatJte d'autre , 5c auffi pour ne pas tomber dans l'erreur
en adoptant un nom étranger qui pourroit être celui
d'une autre efpèce ,• nous croyons néanmoins que cet
animal eft celui que les Allemands appellent Rubhe ou
Sâll^ les Anglois SoUe, les Suédois Siâl , les Norvé-
i;iens Kaabe, 5c c'eft certainement le même que Mrs,
de l'Académie des Sciences ont iniiqué., comme nous,
fous le même nom de Veau marin, & dont ils ont donné
la figure 6c \z defcr; tîon, page i8c) & planche xxvii
de la partie Ire. de leurs Mémoires pour fervir à PHiJîoire
des animaux. Enfin , il nous paroît que c'eft encore le
même^ dont de Laët a donné la figure, & qu'il appelle
ehien marin ou phoque. Dcfcription des Indes occidentales ,
page 4fi. Je ne cite pas les autres auteurs, parce qu'ils
ont copié les figures de ceux-ci, ou qu'ils en ont donaé
de défeftueufes. j^. Le grand phoque, dont M, Par-
Quadrupkdes y Tom Vie» T
Ii8 HlJloWt naturelle
la loutre, les yeux grands & placés haut;
peu ou point d'oreilles externes, feulement
deux trous auditifs aux côtés de la tête , des
mouftaches autour de la gueule , des dents
affez femblables à celles du loup , la langue
fourchue ou plutôt échancrée à la pointe ,
le cou bien delîiné , le corps , les mains &
les pieds couverts d'un poil court & affez
rude , point de bras ni d'avant-bras appa-
rens; mais deux mains ou plutôt deux mem-
branes , deux peaux renfermant cinq doigts
& terminées par cinq ongles ; deux pieds
fans jambes tout pareils aux mains , feule-
ment plus larges & tournés en arrière comme
pour fe réunir à aine queue très courte
qu'ils accompagnent des deux côtés, le corps
alongé comme celui d'un poiffon , mais ren-
flé vers la poitrine , étroit à la partie du ven*
tre, fans hanches, fans croupe & fans cuif-
fes au dehors ; animal d'autant plus étrange
qu'il paroît fîètif , & qu'il eft le modèle fur
lequel l'imagination des Poètes enfanta les
Tritons , les Sirènes , & ces dieux de la msr
à tète humaine, à corps de quadrupèdes, à
queue de poiffon; &: le phoque règne en ef-
fet dans cet empire muet par fa voix , par fa
figure i par fon intelligence, parles faculté s,
en un mot, qui lui font communes avec les
habîtans de la terre, fi fupérieures à celles
fons a donné la defcription & la figure dans les Tran-
fa£\ions Philo fopliiques , n" . 46^, 4°. Le lion marin , do nt
on trouve la defcription &. la figure dans le voyage
d'Anfon , page loa, & qui pourroit bien être le mé m^
gue Iç grand phocjue décrit par M, Parfonj,
<^es Phoques , &c, %ii^
éQs poîffons, qu'ils femblent être non-feule*
ment d'un autre ordre, mais d'un monde dif-
férent; aufli cet ampiiibie , quoique d^une
nature très éloignée de celle de nos animaux:
domeftiques , ne laifTe pas d'être fufceptible
d'une forte d'éducation; on le nourrit en le
tenant fouvent dans l'eau , on lui apprend à
faluer de la tête & de la voix , il s'accou-
tume à celle de fon maître ^ il vient lorsqu'il
s'entend appeller, & donne plufieurs autres
lignes d'intelligence & de docilité {h).
Il a le cerveau & le cervelet proportion-
nellement plus grands que l'homme , les fens
aiiffi bons qu'aucun des quadrupèdes- , par
conféquent le fentiment aufïi vif, & rintelii-
gence auiîi prompte; l'un & l'autre fe mar-
quent par fa douceur, par fes habitudes com-
munes , par fes qualités fociales , par fon inf-
tin6t très vif pour fa femelle , & très atten-
tif pour fes petits , par fa voix (c) plus ex-
(h) Vituli marinî acclpiunt difc'ipUnam , voceqat parîter
& v'ifu popuhim falntant ; incondito fnmitu nomme vocati
rcfpondent. Plin. Hifi. nat. lib. IX, cap. xiii. — Un.
matelot Hollandois avoit tellement apprivoifé un veau
marin . qu'il lui faifoit fr.ire cent fortes de {in^eries.
yoyages de Mi£ûn , tome III , page ri:j.
(c) Nous entendions fouvent pendant la nuit, furies
côtes du Canada , la voix des loups marins, qii ref-
frmbloit prefq^ie à celle des diats-hiiants. H^fiJre dé
la ncHTelU France , p,ir VEfcarhot. Paris , 1611, pa-g. 600»
— Quand nous arrivâmes à l'isle de Juan Fernandès,
nous entendions crier les loups marins Jour & nuit, les
uns bêloient comme des agneaux, les autres aboyoient
comme dss chiens on hurloient comme des loup«. Voy^
gts de JF^oodcj Rogcrs , page zqC, • •
T 2
iio Hlftoîn naiurtîlt
preflive & plus modulée que celle des autres
animaux ; il a auffi de la force & des armes ,
fon corps eft ferme & grand , ies dents tran-
chantes, les ongles aigus; d'ailleurs il a des
avantages particuliers, uniques, fur tous ceux
qu'on voudroit lui comparer; il ne craint ni
le froid ni le chaud , il vit indifféremment
d'herbe , de chair ou de poiffon; il habite
également l'eau , la terre & la glace ; il eft
avec le morfe le feul des quadrupèdes qui
mérite le nom à'amphîbie , le feul qui ait le
trou ovale du cœur ouvert ( d) , le feul
|>ar conséquent qui puiffe fe paffer de ref-
pirer, & auquel l'élément de l'eau foit aufîi
convenable , auliî propre que celui de l'air;
la loutre &. le caftor ne font pas de vrais
amphibies , puifque leur élément efl l'air ;
& que, n'ayant pas cette ouverture dans la
cloifon du cœur , ils ne peuvent refter long-
temps fous l'eau , &. qu'ils font obligés d'en
fortir ou d'élever leur tête au-deffus pour
refpirer.
Mais ces avantages , qui font très grands ,
font balancés par des imperfedions qui font
{d) Comme les phocas font deftinés à être 1ong-temç$
ëans reau , & que le paffage du fang par le poumon ne
peut fe faire fans la refpiration, ils ont le trou ovalaire
tel qu'il eft dans le foetus , qui ne refpire pas non plus;
c'eft une ouverture placée au-deffous de la veine-cave,
& une communication du ventricule droit du cœur avec
le gauche, qui fait paffer direftement le fang de la cave
«ans l'aorte, & lui épargne le long chemin qu'il auroit
à prendre par le poumon. Hifioire de l'AcadénU des
Sciences, depuis iCC6, tçmç 7, page 8^»
des Phoques , &c, iflî
encore plus grandes. Le veau marin eft man-»
chot ou plutôt eftropié des quatre membres ^
fes bras , fes cuiiTes & Tes jambes font pref-
qu'entièrement enfermés dans fon corps; iî
ne fort au dehors que les mains & les pieds,
lefqueis font à la vérité tous divifés en cinq
doigts ; mais ces doigts ne font pas mobiles
féparément les uns des autres , étant réunis
par une forte membrane , & ces extrémités
font plutôt des nageoires que des mains &
des pieds > des efpèces d'inftrumens faits pouf
n^ger & non pour marcher; d'ailleurs les
pieds étant dirigés en arrière , comme la
queue , ne peuvent foutenir le corps de l'a-
nimal qui , quand il eft fur terre , eft obligé
de fe traîner comme un reptile i^e) 6<. par
un mouvement plus pénible ; car fon corps
ne pouvant fe plier en arc , comme celui
du ierpent, pour prendre fucceirivement dif-
(e) Les îoups marins, que quelques-uns appellent v^^w.*
marins des côtes du Canada, font gros comme des do-
g.ies , ils fe tiennent prefque toujours dans l'eau, ne
s'écartant jamais du rivage de la mer. Ces animaux ram-
pent plus qu'ils ne marchent , car -s'étant élevés de l'eau ,
ih ne font plus que gliffer fur le fable ou fur la vafe.....
Les femelles font leurs petits fur des rochers ou fur de
petites isles près de la mer. Ces animaux vivent de
poiiTons ; ils cherchent les pays froids. Voyage de la
Hontan, tome II , page ^j. — S*élevant par un bout à
la faveur de leurs nageoires , & tirant leur derrière
/ous eux, ils fe rebondiffent par manière de dire, &
jettent le corps en avant , tirant leur derrière aprèf
-eux , fe relevant enfuite & fautant encore du devant
alternativement, ils vont & viennent de cette manière
pendant qu'ils font à t&rre. Voyage de Dampicr ^ tomt
l,pagiuj,
T3
iil Hificin naturelle
férens points d'appui , & avancer sinfi par la
réaûion du terrein , le phoque demeiireroit gU-
l^nt au même lieu , fans fa gueule & les
mains qu il accroche à ce qu'il peut faiûr ,
& il s'en fert avec tant de dextérité qu'îl
monte afîez promptement fur un rivage élevé,
iur un rocher & même fur un glaçon , quoi-
que rapide & gliffant (/). Il marche aulfi
beaucoup plus vite qu'on ne pourroit l'ima-
giner > 6i fouvent, quoique blelTé, il échappe
par la fuite au chalTeur {§).
Les phoques vivent en fociété, ou du moins
€n grand nombre , dans les mêmes lieux ;
leur climat naturel eft le Nord , quoiqu'ils
puiffent vivre aulfi dans les Zones tempé-
rées , & même dans les climats chauds ; car
on en trouve, quelques-uns fur les rivages
<îe prefqu€ toutes les mers de l'Europe &
jufque dans la Méditerranée ; on en trouve
auiïï dans les mers méridionales de l'Afri-
(/■) Les veaux marins ont des dents très tranchante»
avec lefqueîles ils couperoient un bâton de la grofleur
^u bras -, quoiqu'ils paroiffent boiteux du train de der-
rière , ils grimpent fur les glaçons où ils dorment
Les veaux marins , qui habitent fur les rivages , font
plus gras & donnent be^nucoup plus d'huiie que ceux
<jui habitent fur les g'sces. .... L'on trouve quel-
quefois les veaux marins fur Ats glaçons fi élevés & fi
efcarpés, qu'il eft étonnant comment ils ont pu y mon-
ter, & on les y voit fouvent accrochés au nombre de
▼ingt ou trente. Dtfcnpîion de la pîchc âc Lt BaUîfii ,
.faT Zorgdra.gcr ^ pas;c ;9j.
{g) Je donnai plufieurs coups d'épée à un veau ma-
rin , qui ne l'ejn-péchèrent pas de courir plis vî-.e que
moi, & ce fe ierer dans Teau, d'où fe ne le vis plus
reifortir, Raut'ù du J'cy^^tt du N^rd, tome II yfag. «30*
dis Phoques , &C. 113
que & de l'Amérique (A); mais ils font infi-
niment plus communs , plus nombreux dans
les mers feptentrionales de l'Afie , de l'Eu-
rope (ï) & de l'Amérique, &. on les re-»
trouve en auflt grande quantité dans celles
qui font voifines de l'autre pôle au détroit
de Magellan , à l'isle de Juan Fernandès , &c»
(A) Il y a beaucoup de veaux marins dans les partie*
feptentrionales de l'Europe & de rAmérique, & dans
les parties méridionales de l'Afrique , comme aux en-
virons du cap de Bonne-efpérance & au détroit de Ma-
gellsn ; & quoique je n'en aye jamais vu dans les îndes
occidentales que dans la baye de Campêche, il y en a
néanmoins fur toute. la côte de la mer méridionale de
TAmérique , depuis la terre de Fuego iufqu'à la ligne
équinoxiale ; mais du côté du nord de la ligne, je nen
ai jamais vu q.i'à vingt-un degrés de latitude : je n'en
ai jamais vu non plus dans les Indes orientales. Voy^igt
it, Dcentpicry tonu I, page iiS,
{i) In mari Bothnlco O Tinnlco tnaxîmd vîtulorum
marinorum five phocarum multitado repentur. 01a i Magni,
de Geni. f^pt. page tC^. — On trouve dans le Groen-
land beaucoup de veaux marins fur la côte de l'oueft ,
on en trouve peu vers le Spitzberg Les plus
erands veaux marins ont ordinairement depuis cinq
jufqu'à huit pieds de long, & leur grsiJe fournir la
meilleure huile comme ils fe plaifent autant fur
la glace que fur terre, l'on en voit des troupeaux de
cent raffemblés fur un même glaçon L'endroit
où l'en prend les veaux marins eft principalement entre
le foixante- quatorzième & le foixante-dix-feptième
degré fur la lifière des glaces de l'oueft. On en prend
aufîi beaucoup annuellement d^ns le détroit de Davjs
& près de la Zem'':)!?. Dtfcnption de la plcht àt la Ba-
Itine , par CcrmilU Zor^drazer. Nuremb. 175 0 > volume
1er. iii-4*'. pa^e 1^2 i traduit dc V AiUmand , par M. U
marquis de MontmiraU,
T4
a 14 Hijîoire naturelle
( A ). Il paroît feulement qiie refpèce varie ;
& que , félon les difFérens climats , elle chan ^e
pour la grandeur, la couleur & même pour
la figure; nous avons vu quelques-uns de ce&
animaux vivans , & l'on nous a envoyé les
dépouilles de plufieurs autres ; dans le nom-
bre j nous en avons choifi deux pour les faire
defîiner. Le premier eft le phoque de notre
océan , dont il y a plufieurs variétés ^ nous-
en avons vu un » dont les proportions du corps
paroifîbient différentes , car il avoir le cou plus
court, le corps plus alongé & les ongles plus
grands que celui dont nous donnons la fi-
gure ; mais ces différences ne nous ont pas
paru afTez confidérables pour en faire une ef-
pèce diftinfle & féparée. Le fécond , qui eft
le phoque de la Méditerranée & des mers
^uMidi , & que nous préfumons être le phoca
des Anciens , paroit être d'une autre efpèce ,
car il diffère des autres par la qualité & la
couleur du poil , qui eu ondoyant & prefque
noir, tandis que le poil des premiers eft grift
& rude y il en diffère encore par la forme
des dents & par celle des oreilles , car il 3
une efpèce d'oreille externe , très petite à
la vérité , au lieu que les autres n'ont que
( Jt ) Au mois de Novembre , les chiens marins (PAo-
cas ) Te rendent fur l'îsle de Juan Fernandès pour y faire
leurs petits; ils font alors de fi mauvaife humeur,, que
bien loin de fe retirer à l'approche d*un homme , ils fe
jettent <^ur lui pour le mardre^ quoiqu'il foit armé d'ua
bâton Le rivage en eft quelquefois tout couvert
à p'us d*un demi- mille à la rwide. Voyage de WoQdià
livgcrs, tome /, pag^ xq6*
des Pkcques , &c, 12 f
ie trou auditif, fans apparence de conque j
jl a auffi les dents incifives terminées par deux
pointes , tandis que les deux autres ont ces
mêmes dents incifives unies & tranchantes
à droit fil comme celles du chien , du loup
ôi de tous les autres quadrupèdes; il a en*
core les bras fitués plus bas, c'éft-à-dire,
plus en arrière du corps que les autres, qui
les ont placés plus en avant; néanmoins ces
diiconvenances ne font peut- être que des
variétés dépendantes du climat , & non pas
deV différences fpécifiques , attendu que dans
les mêmes lieux, 8i furtout dans ceux où
ces animaux abondent, on en trouve de plus
grands, de plus petits , de plus gros , de plus
minces , & de couleur ou de poil différent,
fuivant le fexe & Tâge (/).
( / ) Canit'us ut homlnî 6- cquo fie quoque yîtulo mariné
âccidit, Olaï Magni , De Gcit. fept. p^g. tCj, — Les
veaux marins font couverts de poi!s courts & de diffé-
rentes couleurs; les uns font noirs & blancs , quelques-
vns îaunes , d'autres gris, & on en voit de rouges. Dep-
eription d( la pêche de la Bahtne , par Zi>rgdra^er, page
fc,}. -— Près de la baye Saint Mathias fur les terres
Magellanixjues , nous ôécouvrimes deux isles pleines de
loups marins, en fi grand nombre, qu'il n'auroit pas
fallu deux heures pour en remplir nos cinq vaiifeaux ;
ils font de la taille d'un veau & de diverfes couleurs,
fiifioire des Navigations aux terres Auftrales. Paris ,
1746. in 4**. tome ï, page izj. — Les veaux marins de
SpitzHerg n'ont pas la tète faite tous de la même f^çpn ,
les uns l'ont plus ronde, les autres plus longue & plus
décharnée audeffous du mufeau ils font auffi
de diverfes couleurs, & marquetés comme les tigres i
les uns font d'un noir tacheté de blanc , quelques-uns
jaunes, quelques-uns gris & d'autres rouges. , . . lU
2i6 Hijlolre naturclU
Ceft par une convenance qui d'abord pa-
roît aflex légère , & par quelques rapports
fugitifs , que nous avons jugé que ce fécond
phoque étoit X^^hoca des Anciens ; on nous a
afliiré que l'individu que nous avons vu ve-
noit des Indes, &,.il eft au moins très pro-
bable qu'il venoit des mers du Levant; il
étoit adulte, puisqu'il avoit toutes fes dents;
il étoit tl'un cinquième moins grand que les
phoques adultes de nos mers^, & des deux
tiers plus petit que ceux de la mer glaciale;
car , quoiqu'il eût toutes fes dents , il n'a-
voit que deux pieds trois pouces de lon-
gueur , tandis que celui que M. Parfons a
décrit & deffiné avoit fept pieds & demi
d'Angleterre , c'eft-à-dire , environ fept pieds
de Paris, quoiqu'il ne fût pas adulte, puis-
qu'il n'avoit encore que quelques dents : or
tous les caractères que les Anciens donnent
à leur phoca^ ne défignent pas un animal
aulïï grand , & conviennent à ce petit phoque
qu'ils comparent fouvent au caftor & à la
loutre, lefquels font de trop petite taille
pour être comparés avec ces grands phoques
n'ont pas tous la prunelle <lc l'œil d'une même couleur ;
les uns l'ont d'une cou'eur criftaline, les autres blan-
che, les autres jaunâtre & les autres rougeâtre. Recueil
des Voyages du Nord j tome II, page jiS & fuivantes. —
La peau de veau marin eft couverte d'un poil ras de
diverfes couleurs ; il y a de ces animaux qui font tout
blancs, & tous le font en naiffant, quelques-uns à me-
fure qu'ils croiflfent deviennent noirs, d'autres roux,
plufienrs ont toutes ces couleurs enfemble. Hl/îoire delà
Nowvdk Pjoncct fO't CkarUvoix^ totne HJ , page i^fj.
des Phoques , &c, llj
du nord ; & ce qui a achevé de nous per-
fuader que ce petit phoque eft le phoca des
Anciens , c'eft un rapport qui , quoique faux
dans fon objet , ne peut cependant avoir
été imaginé que d'après le petit phoque dont
il eft ici queftion , & n'a jamais pti , en au-
cune manière , avoir été attribué aux pho-
ques de nos côtes , ni aux grands phoques
du nord. Les Anciens, en parlant du phoca ^
difent que Ton poil eft ondoyant y Si que ,
par une fympathie naturelle ; il fuit les mou-
vemens de la mer ; qu'il fe couche en ar-
rière dans le temps que la mer baifTe , qu'il
fe relève en avant lorfque la marée monte
( m ), & que cet effet ôngulier fubfifte même
dans les peaux long-temps après qu'elles
ont été enlevées & féparées de l'animal ; or
l'on n'a pu imaginer ce rapport ni cette pro-
priété dans les phoques de nos côtes , ni
dans ceux du nord, puifque le poil & des
uns & des autres eft court & roide ; elle
convient au contraire, en quelque façon, à
ce petit phoque dont le poil eft ondoyant &
beaucoup plus foupJe & plus long que celui
des autres ; en général" les phoques des mers
(m) Pelles eonim ttiam detraciis corpori finfian tf<?«o-
rum retlnere tradunt femper a.ftu maris recedente inhorrejcere.
Plin. Hiji. nat. lib IX, cap. xni. — Severinus dit avoir
va ce miracle, mais il l'exprime avec tant d'exagéra-
tion, qu'il en eft moins croyable; il dit que, quand le
vent du feptentrion fouffle , les poils qui s'étoient élevés
au vent du mi-Hi , fe couchent tellement qu'ils fembîent
difnaroître. Mémoires pour Ccrvir à VHifioire des Animaux ^
partie I , pu^e /oj.
ai8 Hljîoire naturdU
méridionales ont le poil beaucoup plus fîrt
& plus doux {n) que ceux des mers fep-
tentrionales ; d'ailleurs. Cardan dit affirmati-
vement (o) que cette propriété, qui avoit
pafle pour fabuleufe , a été trouvée réelle
aux Tndes : fans donner à cette affertion de
Cardan plus de foi qu'il ne faut, elle indique
au moins que c'eft au phoque des Indes que
cet effet arrive ; il y a toute apparence que ,
dans le fond , ce n'eft autre chofe qu'un
Îihénomène éleârique , dont les Anciens &
es Modernes ignorant la caufe, ont attribué
TefFet au flux & au reflux de la mer. Qwoi
qu'il en foit , les ralfons que nous venons
o'expofer font fuflîfantes pour qu'on puifle
préfumer que ce petit phoque eft le phoca
des Anciens, & il y a auffi toute apparence
que c*eft celui que Rondelet ( P ) appelle
Phoca de la Méditerranée , lequel , lelon lui , a le
corps à proportion plus long & moins gros que
le phoque de l'océan. Le grand phoque , dont
M. Parfons a donné les dimenfions & la figure ,
& qui venoit vraifemblablement des mers
feptentrionales , paroît être d'une efpèce dif-
férente dfs deux autres , puifque n'ayant
encore prefque point de dents , & n'étant
pas adulte, il ne laiiToit pas d'être plus que
(n) Les veaux marins de l*isle de Juan Fernandès »
ont une fourrure fi fine & fi court>e,que je n*en ai vu
de pateille nulle part ailleurs. Voyage de Dampier, tosîê
J, page ii8.
(o) Cardan, de fuhtHitate ^ lib. X.
\p) Rondelet, de Pifcibus, Ub. XVI.
des Phoques , &c, 119
double en grandeur dans toutes fçs dimen-
fions , & qu'il avoit par conféquent dix fois
plus de volume & de malTe que les autres.
M. Parfons , ainfi que Ta très bien remar-
qué M. Klein ( </ ) , a dit beaucoup de cho-
ies en peu de mots au fujet de cet animal.
Comme Tes obfervations font en Anglois,
j'ai cru devoir en donner ici la traduction par
extrait (r).
{q) Klein, de quad. page 95.
( r ) Ce veau marin fe voyoît à Londres en Charlng
crcff, au mois de Février 1742—4^ Les figures
données par Aldrovande , Jonfton , & d'autres étant de
de profil , nous jettent dans deux erreurs; la première,
c'eft qu'elles font paroître le bras, qui ceoendant n'eft
pas vihble au dehors dans quelque pofition que foit
l'animal; la féconde , c'eft qu'elles repréfentent les pieds
comme deux nageoires, tandis que ce font deux vrais
pieds avec des membranes & cinq doigts & cinq on-
gles , & que les doigts font compofés de trois articula-
tions. Les ongles des pieds de devant font fort grands 6c
larges; ces pieds font aflfez femblables à ceux d'une
taupe ; ils paroiffent faits pour ramper fur la terre &
pour nager ; il y a une membrane étroite entre chaque
doigt ; mais les pieds de defrière ont des membranes
beaucoup plus larges , ôt ils ne fervent à l'animal que
pour ramer dans l'eau. . . . Cet animal étoit femelle,
6c mourut le feizième Février 1742--43. Il avoit autour
de la gueule de grands poils d'une fubftance tranfpa-
rente & cornée. Ses vifcères étoient comme il fuit; les
eftomacs , les inteftins, la veffie , les reins, les uretères,
le diaphragme, les poumons, les gros vaiffeaux du fang
& les parties extérieures de la génération étoient comme
dans la vache; la rate avoit deux pieds de long, quatre
pouces de large, & étoit fort mince-, le foie étoit cont»-
pofé de fix lobes, chacun de ces lobes étoit long &
mince comme la rate ; la véfieule du fiel étoit fore pe*
130 Tfijloln naturelle
Voilà donc trois efpèces de phoques qui
femblent être différentes les unes des autres.
Le petit phoque noir des Indes & du Levant,
le veau marin ou phoque de nos mers, & le
grand phoque des mers du Nord; & c'eft à la
première efpèce qu'il faut rapporter tout ce
que les Anciens ont écrit du p/ioca. Arîftote
connoiffoit afîez bien cet animal , lorfqu'il a
dit qu'il étoit d'une nature ambiguë & moyen-
ne entre les animaux aquatiques & terreftres;
que c'eft un quadrupède imparfait & man-
chot; qu'il n'a point d'oreilles externes, mais
feulement des trous très apparens pour en-
tendre; qu'il a la langue fourchue, des ma-
melles &du lait, & une petite queue comme
tite; le cœur étoit long & mou dans fa contexture,"
ayant un trou ovale fort l«rge, & les colonnes charnues
fort grandes. Dans l'eftomac le plus bas , il y avoit envi-
ron quatre livres pefant de petits cailloux tranchans &
anguleux , comme fi l'animal les avoit choifis pour ha-
cher fi nourriture Le corps de la matrice étoit
petit en comparaifon des deux cornes qui ëtoient très
grandes & très épaiffes ^ Les ovaires étoient
fort gros , & les cornes de la matrice étoient ouvertes
par un qrand trou du côté des ovaires. Je donne la
figure cie ces parties. . . . aufTi-bien que celle de l'anî-
nnal que j'ai defïiné moi-même avec le plus grand foin.
Cet animal eft vivipare, il allaite fes petits; fa chair eil
ferme & mufculeufe ; il étoit fort jeune, quoiqu'il eût
fept pieds ôc demi de longueur , car il n'avoit prefque
point de dents, & il n'avoit encore que quatre petits
trous régulièrement placés & formant un carré autour
nu nombril, c'ë.oit les veftiges des quatre m'amènes qui
dévoient paroître avec le temps. Travf, PhU. n'. 469 ,
puges ^8^ & 18 â.
des Phoques , &c» 13!
un cerf: mais il paroît qu*il s'eft trompé, en
alTurant que cet animal n'a point de fiel ; il
eft certain qu'il en a au moins la véficule :
M. Parfons dit , à la vérité , que la véficule
du fiel , dans le grand phoque qu'il a décrit,
étoit fort petite ; mais M. Daubenton a
trouvé dans notre phoque qu'il a dilTéqué ,
une véficule du fiel proportionnée à la gran-
deur du foie; & Mrs. de l'Académie des Scien-
ces , qui ont aufli trouvé cette véficule du
fiel dans le phoque qu'ils ont décrit , ne
difent pas qu'elle fût d'une petitefTe remar-
quable. ^
Au refte , Ariftote ne^'iîouvoit avoir au-
cune connoifîance des grands phoques des
mers glaciales, puifque , de fon temps, tout
le nord de l'Europe & de l'Afie étoit encore
inconnu; les Grecs, & même les Romains,
regardoient les Gaules & la Germanie comme
leur nord : les Grecs fur- tout connoifîbient
peu les animaux de ces pays; il y a donc toute
vraisemblance qu'Ariftote , qui parle du phoca
comme d'un animal commun , n'a entendu
par ce nom que le pkoca de la Méditerra-
née , & qu'il ne connoifToit pas plus les pho-
ques de notre Océan que les grands phoques
des mers du nord.
Ces trois animaux , quoique difFérens par
l'eTpèce, ont beaucoup de propriétés com-
munes , & doivent être regardés comme
d'une même nature. Les femelles mettent
bas en hiver; elles font leurs petits à terre
fur un banc de fable, fur un rocher ou dans
une petite isle, & à quelque diftance du con-
tinent; elles fe tiennent alfifes pour les al-
tjl Hljîoln naturetic
laiter (/*),& les nourriffent ainfi pendant
douze ou quinze jours dans l'endroit où ils
font nés; après quoi la mère emmène fes
petits avec elle à Ja mer , où elle leur ap-
prend à nager & à chercher à vivre ; elle
les prend lur fon àos lorfqu'ils font fati-
gués. Comme chaque portée n'eft que de
deux ou trois, Tes ibins ne font pas fort par-
tagés , & leur éducation eft bientôt achevée ;
d'ailleurs ces animaux ont naturellement af-
fez d'intelligence & beaucoup de fentiment ;
ils s'entendent , ils s'entre-aident & ie fe-
courent mutuell^ent; les petits reconnoif-
iént leur mère au milieu d'une troupe nom-
i)reufe;ils entendent fa voix, &. dès qu'elle
les appelle, ils arrivent à elle fans fe trom-
per (r). Nous ignorons combien de temps
dure la geftation ; mais, à en juger par ce-
lui de i'accroilTement , par la durée de la vie
& aufli par la grandeur de l'animal , il pa-
roît que ce temps doit être de plufieurs mois;
& l'accroiflement étant de quelques années ,
la durée de la vie doit être aflez longue ; je
fuis même très porté à croire que ces ani-
maux vivent beaucoup plus de temps qu'on
ii'a pu robferver, peut être cent ans & da-
vantage : car on fait que les cétacées en
(/) Qirand les veaux mar'ms font «n mer, leurs pieds
4e derrière kur fervent de queue pour nager, & à
terre de Tiége quand il-s donnent à têter il leurs petits.
Voyage de Dampier, tome 1 , pa^e iij.
(/) Voyage de Dampier, tome I , poge 119.
animaux
des Pkoqué$ ^ &Cé 155
Çcriéral virent bieii plus long-temps que le^
animau"^ quadrupèdes ; & comme le phoque
fait une nuance entre les uns & les autres ,
il doit participer de la nature des premiers >
& par conféquent vivre plus que les der-»;
niers.
La voix <iu phoque peut fe comparer à
Taboiement d'un chien enroué ; dans le pre*
mier âge , il fait entendre un cri plus clair*
à-peu-près comme le miaulement d'un chat 1,
les petits qu'on enlève à leur mère miaulent
continuellement^ & fe laiffenî quelquefois
mourir d'inanition plutôt que de prendre la
nourriture qu'on leur offre. Les vieux pho-
ques aboient contre ceux qui les frappent, &f
font tous leurs efforts pour mordre & fer
venger^ en général, ces animaux font pei*
craintifs ^ même ils font courageux. L'on af
remarqué que le feu des éclairs ou le hrui%
du tonnerre ;r loin de les épouvanter, fembl^
ks récréer; ils foftent de l'eau dans la tem-
pête ; ils quittent même alors leurs glaçon^
pour éviter le choc des vagues , & ils vonf
a terre s'amufer de l'orage & recevoir 1^
pluie, qui les réjouit be.ucoup. Us ont na-'
furellement une mauvaife odeur, & que l'on?
fent de fort loin lorfqu'ils font en grand nom--
fere : il arrive fouvent que , quîind on le9^
pourfuit y ils lâchent leurs excrémens , qu^
font jaunes & d'une odeur abominable- > il^
ent une quantité de fan g prodigieufe, &
comme ils ont aullî une grande furcharge de^
^raiffe , ils font, par cerr^ raifon^ d une na--
tufe lourde & pefante 3. ils dorment beau--
a- 3 4 Hijloîre namrdlt
coup & d'un fommeil profond (w'^; ils ai-
ment à dormir au foleil lur des glaçons , fur
lies rochers; & on peut les approcher fans
les éveiller , c'eft la manière la plus ordi-
naire de les prendre. On les tire rarement
avec des armes à feu , parce qu'ils ne meu-
rent pas tout de fuite, même d'une balle dans
la tète; ils fe jettent à la mer & font per-
dus pour le chaffeur ; mais comme l'on peut
les approcher de près lorfqu'ils font endor-
mis, ou même quand ils font éloignés de la
mer, parce qu'ils ne peuvent fuir que très
lentement; on les afîbmme à coups de bâton
& de perche : ils font très durs & très vi-
vaces; « ils ne meurent pas facilement, dit
» un témoin oculaire ; car quoiqu'ils foient
» mortellement blelTés, qu'ils perdent pref-
» que tout leur fang, & qu'ils foient même
3> écorchés , ils ne laiffent pas de vivre en-
» core , & c'eft quelque chofe d'affreux que
w de les voir fe rouler dans leur fang. C'eft
» ce que nous obfervames à l'égard de ce-
r> lui que nous tuâmes , & qui avoit huit
w pieds de long ; car , après l'avoir écorché
» & dépouillé même de la plus grande partie
» de fa graiiFe , cependant & malgré tous les
» coups qu'on lui avoit donnés fur la tête &
» fur le mufeau , il ne lailToit pas de vouloir
( u ) NuUum animal graviorc fomno prcmititr. Finni*
«tiibus in mari uiuntur^ humi quoqjje pedum vice ferpunt ^
furfum deorfumque- claiidicantium more fe moy^mcs. . . .
CapUur dormiens vitulus marinus pmfcrtim humano mU'
tronc quia profundijfiml dormit, OUÏ Ma^ni , de Ggnt,
J'cft. pag. iôj.
des Phoqîies , &c, 23 y
» mordre encore; il faifit même une demi-
« pique qu'on lui préfenta avec pre(qu'au-
j) tant de vigueur que s'il n'eût point été
» blefle; nous lui enfonçâmes après cela une
w demi-pique au travers du cœur & du foie,
» d'où il fortit encore autant de fang que
j> d'un jeune bœuf ". Recueil des Voyages du
Nord, tome II, page iiy & fuiv. Au refte , la
chaffe , ou fi l'on veut, la pêche de ces ani-
maux n'eft pas difficile & ne laiffe pas d'être
utile, car la chair n'en eft pas mauvaife à
manger («); la peau (y) fait une bonne
(ir) La féconde erpèce de loups marins {phoque) efl
bien plus petite que la première (ro/tnar ou vache ma-^
rine); ils font auflî leurs petits à terre dans ces isles
(du Tonfquet, Amérique feptentrionaîe) fut le fabie ,
fur les roches & par-tout où il fe trouve des an Ce.';
Les fauvages leur font la guerre ; leur chair eft bonne
à manger , ils en tirent de l'huile qui eft un ragoât à
tous leurs feftins. Ces loups marins s'échouent à terre
en toutes faifons , 8c ne s'écartent guère de la terre*
Dans un beau temps, on les trouve fur une côte de
fable, ou bien fur des rochers où ils dorment au foleii.
Il y a des endroits où il s'en échoue des deux ou trois
cents d'une bande Ils font faciles à tuer. . , . ,
Tout ce qu'ils peuvent rendre d'huile, c'eft environ plein
leur veftîe , dans laquelle les Sauvages la mettent après
l'avoir fait fondre j cette huile eft bonne à manger fraî-
che & pour fricaffsr du poiflbn ; elle eft encore excel-
lente à brûler , elle n'a ni odeur ni fumée, non-plus que
celle d'olive , & en barique elle ne laiffe ni ordure ni
lie au fo«nd. Defcripùon de l'Amérique feptencrlonalc, par
Denys , tome II , page 2^^.
{y) Le veau marin a, outre fa graifte , une peau qui
ie vend trois, quatre ou cinq fchelings, à proportion de
fa beauté & de fa grandeur. Defcription de la pêcks dt
ia Baleine, par Zorgdrager, page tq6. — On employoic
autrefois une grande quantité de peaux de loups m»-
y 2.
Z]6 Hifiom naîurtllt
foiirnre; les Américains s'en fervent pouf
faire des balions ( :^ ) qu'ils rempliflent d'air ,
&: dont ils fe fervent comme de radeaux ;
l'on tire de leur graiiTe une huile plus claire
& d'un moins mauvais goût que celle du
marfouin ou des autres cétacées.
Aux trois efpèces de phoques , dont nous
venons de parler, il faut peut-être, comme
nous l'avons dit , ajouter une quatrième
dont l'auteur du voyage d'Anfon a donné la
figure & la defcription fous le nom de lion
marin ; elle eft très nombreufe fur les côtes
des terres Magellaniques & à l'isle de Juan
Fernandès dans la mer du fud. Ces lions
marins reflemblent aux phoques ou veaux
marins , qui font fort communs dans ces
mêmes parages , mais ils font beaucoup plus
grands ; lorfqu'ils ont pris toute leur taille ,
ils peuvent avoir depuis onze jufqu'à dix-
huit pieds de long , & en circonférence de-
puis fept ou huit pieds jufqu'à onze. Ils font
rins à faire des manchons, la mode en eft pafTée , &
leur grand afsge aujourd'hui eft de couvrir les malles
fc les coffiBS : quand elles font tannées , elles ont pref-
<tue le même grain que le maroquin, elles font moins
fines , mais elles ne s'écorchent pas fi aifément, & elles
confervent plus long-temps toute leur fraîcheur i on ea
fait de très bons fouiiers & des bottines, qui ne pren-
nent point l*eau ; on en couvre auffi des fiéges, dont
le bois eft plutôt ufé que la couverture. Hiftoin de la
NoirveUc F rance y par le Pcre Ckarlevoixy tome UJ y page
(^) Leur peau fert à faire des ballocs ou ballons
pleins d'air, au lieu de bateaux. Voyage de Fr^ilcr,^
f-8^ 75-
des Phoques , &c. 137
fi gras, qu'après avoir percé & ouvert la
peau, qui eft épaifle d'un pouce, on trouve
au moins un pied de graiffe avant de par-
venir à la chair. On tire d'un feul de ces
animaux jurqu'à cinq cents pintes d'huile ,
mefure de Paris ; ils font en même-temps
fort fanguins ; lofqu'on les biefle profondé-
dément & en plufieurs endroits à la fois , on
voit par- tout jaillir le Tang avec beaucoup
de force. Un feul de ces animaux auquel
on coupa la gorge , & dont on recueillit
le Tang , en donna deux bariques , fans comp-
ter celui qui reftoit dans les vaifTeaux de
fon corps. Leur peau eft couverte d'un poil
court , d'une couleur tannée claire , mais
leur queue & leurs pieds font noirâtres;
leurs doigs font réunis par une membrane
qui ne s'étend pas jufqu'à leur extrémité , &
qui dans chacun eft terminée par un ongle»
Us diffèrent des autres phoques , non-feule-
ment par la grandeur & la grofleur , mais
encore par d'autres caraftères ; les lions ma-
rins mâles ont une efpèce de groffe crête
ou trompe qui leur pend du bout de la mâ-
choire fupérieure , de la longueur de cinq
ou fix pouces. Cette partie ne fe trouve pas
dans les femelles , ce qni fait qu'on les dif-
tingue des mâles au premier coup - d'œil »
outre qu'elles font beaucoup plus petites. Les
mâles les plus forts fe font un troupeau de
plufieurs femelles , dont ils empêchent les au-
tres mâles d'approcher. Ces animaux font
de vrais amphibies ', ils paifent tout l'été
dans la mer, & tout l'hiver à terre , & c'eli
dans cette iaifon que les femelles metteat
1)8 JTiJîoire naturdU
bas; elles ne produifent qu'un ou deux pe-
tits , qu'elles allaitent , & qui font en naif-
fant aulTi gros qu*un veau marin adulte.
Les lions marins , pendant tout le temps
qu*ils font à terre , vivent de Therbe qui
croît fur le bord des eaux courantes ; &
le temps qu'ils ne paiffent pas, ils l'emploient
à dormir dans la fange ; ils paroiffent d'un
naturel fort pefant , & font fort difficiles à
réveiller; mais ils ont la précaution de pla-
cer des mâles en fentinelle autour de l'en-
droit où ils dorment, & l'on dit que ces
fentinelles ont grand foin de les éveiller
dès qu'on approche. Leurs cris font fort
bruyans & de tons difFérens : tantôt ils gro-
gnent comme des cochons , & tantôt ils hen-
niffent comme des chevaux ; ils fe battent
foiîvent , fur-tout les mâles qui fe difputent
les femelles , & fe font de grandes bleffures
à coups de dents. La chair de ces animaux n'efl
pas mauvaife à manger; la langue fur-tout
eft aufîi bonne que celle du bœuf. Il eft très
facile de les tuer, car ils ne peuvent ni fe dé-
fendre ni s'enfuir ; ils font fi lourds qu'ils
ont peine à fe remuer , & encore plus à fe
retourner; il faut feulement prendre garde à
leurs dents , qui font très fortes, & dont ils
pourroient blefTer fi on les approchoit de
face & de trop près ( ^ ).
Par d'autres obfervations , comparées à
(a) Voyage autour du Monde , par Anfon , j^agc loa
45- fuivanus , où l'on voit aufS la figure du mâl« & de U
femelle.
des Phoques , &c, 23^
celles-ci , & par quelques rapports que nous
en déduirons , il nous paroît que ces lions
marins , qui fe trouvent à la pointe de l'A-
mérique méridionale, fe trouvent , à quel-
ques variétés près, fur les côtes feptentrio-
nales du même continent. Les grands pho-
ques des mers du Canada dont parle Denis,
fous le nom de loups marins , & qu'il diftin-
gue des petits veaux marins ordinaires ,
pourroient bien être de la même efpèce que
les lions marins des terres Magellaniques.
Leurs petits (dit cet Auteur, qui eft aflez
exaiSl: ) font en naiiïant plus gros que le plus
gros porc que l'on voie, & plus longs : or il
eft certain que les phoques ou veaux marins
de notre Océan ne font jamais de cette taille,
quand même ils font adultes ; celui de la
Méditerranée, c'eft-à-dire , \q phoca des An-
ciens , eft encore plus petit, & il n'y a
que le phoque décrit par M. Parfons , dont
la grandeur convienne à ceux de Denis (b),
M. Parfons ne dit pas de quelle mer venoit
ce grand phoque; mais foit qu'il vînt de la
mer feptentrionale de l'Europe ou de celle
de l'Amérique , il fe pourroit qu'il fût le
même que le loup marin de Denis , & le
même encore que le lion marin d'Anfon ;
car il eft de la même grandeur , puifque
(è) On peut encore aîouter au témoignage de Denis,
celui du Père Chrétien Leclerq . « il y a ( dit cet Auteur^
des loups marins fur les côtes de l'Amériq'je feptentrio-
nale , dont quelques-uns font auffi grands & auffi gros
que des chevaux & des bœufs. Ces louos marins s'ap-
pelleat Ouafpous ». Relation de la Gafpefic , pifgc 4^0,
140 Hljloîre naturelle,
n'étant pas encore adulte ni même à beâtî-
coup près , il avoit fept pieds de longueur ;
d'ailleurs la différence la plus apparente , après
celle de la grandeur, qu'il y ait entre le lion
marin & le veau marin , c'eft que dans l'ef-
pèce du lion marin , Je mâle a une grande
crête à la mâchoire fupérieure , mais la fe-
melle n'a pas cette crête. M. Parfons n'a pas
vu le mâle , & n'a décrit que la femelle ,
qui n'avoit en effet point de crête , & qui
reiTemble en tout à la femelle du lion marinf
d'Anfon. Ajoutez à toutes ces convenances
un rapport encore plus précis , c'eft que M,
Parfons dit que fon grand phoque avoit les
eftomacs & les inteftins comme uiae vache,
& en même temps l'Auteur du voyage d'An-
fon dit que le lion marin ne fe nourrit que
d'herbes pendant tout l'été ; il eft donc trèvS
probable que ces deux animaux font confor-
més de mêiïïe, ou plutôt que ce font les mê-
mes animaux , très différens des autres pho-
ques , qui n'ont qu'un eftomac y & qui fe nour-
riffent de poiifon.
Woodes Rogers avoit parlé, avsnt l'Au-
teur du voyage d'Anfon , de ces lions ma-
rins des terres Magelianiques , & il les dép-
érit un peu différemment. « Le lion marin-
» (dit -il) eft une créature fort étrange y
» d'une groffeur prodigieufe ; on en a vu
» de vingt pieds de long ou au delà, qui ne
» pouvoient guère moins pefer que quatre
» milliers; pour moi, j'en vis plufieurs de
» feize pieds qui pefoient peut-être deux
îj niilliers ; je m'étonne qu'avec tout cela-
» oa puiûe tirer tant d'huile du lard de ce&
«4 animaux-
» animaux, La forme de leur corps appro-
» che afl'ez de celle des veaux marins ; mais
« ils ont la peau plus épaifle que celle d'un
« bœuf, le poil court & rude, la tète beau-
57 coup plus grofîe à proportion , la gueule
w fort grande, les yeux d'une grofleur monf-
w trueufe , & le mufeau qui refTemble à ce-
n lui d'un lion, avec de terribles moufta*
w ches , dont le poil eft fi rude , qu'il pour-
» roit fervir ^ faire des curedents. Vers la
»> fin du mois de juin , ces animaux vont fur
M Tisle (de Juan Fernandès) pour y faire
n leurs petits , qu'ils dépofent à une portée
n de fufil du bord de la mer ; ils s'y arrêtent
w jufqu'à la fin de Septembre fans bouger
T> de la place & fans prendre aucune nour-
» riture , du moins on ne les voit pas man-
» ger ; j'en obfervai moi-même quelques-uns
M qui furent huit jours entiers dans leur
5> gîte , Ôc qui ne l'auroient pas abandonné
M fi nous ne les avions effrayés Nous
n vimes encore à l'isle de Lobos de la Mar^
w fur la côte du Pérou , dans la mer du Sud ,
»> quelques lions marins , & beaucoup plus
%i de veaux marins («:)".
Ces obfervations de Woodes Rogers , qui
s'accordent avec celles de l'Auteur du voyage
d'Anfon , femblent prouver encore que ces
animaux vivent d'herbes lorfqu'ils font à
terre ; car il eft peu probable qu'ils fe paf-
fent pendant trois mois de toute nourriture.
(r) Voyage autour du Monde, de Woodes Rogers,
torm /, pages ^07 & x:f^.
QundrupUcs. Tona VL X .
14 1 ^ijloln naturelli
fur-tout en allaitant leurs petits. L'on trouve
dans le recueil des Navigations aux terres
auftrales , beaucoup de chofes relatives à
ces animaux ; mais ni les defcriptions ni les
faits ne nous paroifTent exads; par exemple,
il y eft dit qu'à la côte du port des Renards ,
au détroit de Magellan ^<i), il y avoit des
loups marins fi gros , que leur cuir étendu
fe trouvoit de trente-fix pieds de large: cela
eft certainement exagéré. Il y eft dit que
fur les deux isles du port Defiré , aux terres
Magellaniques , ces animaux reffemblent à
des lions par la partie antérieure de leur
corps, ayant la tête, le cou & les épaules
garnies d'une très longue crinière bien four-
nie ( ^ ) , cela eft encore plus qu'exagéré ;
car ces animaux ont feulement autour du
cou un peu plus de poil que fur le refte du
corps i mais ce poil n'a pas plus d'un doigt
de long (/Y 11 y eft encore dit qu'il y a-
de ces animaux qui ont plus de dix-huit
pieds de long; que de ceux qui n'ont que
quatorze pieds , il y en a des milliers, mais
que les plus communs n'en ont que cinq
(^^) : cela pourroit induire à croire qu'il
y en auroit de deux efpèces j l'une beau-
coup plus grande que l'autre , parce que l'Au-
teur ne dit pas que cette différence vienne
(<f) Navigations aux terres Auftrales. Paris, tjj6,
iojne I , P'7çe XjS.
(c) ld:n; , Ibidem, page 2ZI.
(f) Hiîlûire du Paraguai, par le P. Charlevoix , tcmc
yi^ page i8i.
Ig) Navigations aux terres Auftrales, tome IJ^pag. /7.
dts Phoques , &c, i^'^
6e celle de l'âge , ce qui cependant éioit
néceflîiire à dire pour prévenir l'erreur.
u Ces animaux , dit Coréal (// ) » ouvrent tou-
V jours leur gueule : deux hommes ont afTez
« de peine à en tuer un avec un épieu , qui
j> eft la meilleure arme dont on puifi'e fe fer-
ï» vir. Une femelle allaite quatre ou cinq
» petits , & chafîe les autres petits qui s'ap-
» prochent d'elle, d'où je juge qu'elles ont
» quatre ou cinq petits d'une ventrée ik
Cette préfomption eft affez bien fondée , car
le grand phoque décrit par M. Parfons avoit
quatre mamelles fituées de manière qu'elles
formoient un quarré dont le nombril étoit
le centre. J'ai cru devoir recueillir & pré-
fenter ici tous les faits qui ont rapport à
ces animaux, qui font peu connus, & dont
il feroit à defirer que quelque Voyageur
habile nous donnât la defcription , fur-tout
celle des parties intérieures , de l'eftomac ,
des inteftins, &:c. car fi Ton s'en rapporte
aux témoignages des Voyageurs, onpour-
roit croire que les lions marins font de la clafTe
des animaux ruminans , qu'ils ont plufieurs
eftomacs , & que par conféquent ils font d'une
efpèce fort éloignée de celle des phoqut^s
ou veaux marins , qui certainement n'ont
qu'un eftomac , & doivent être mis au nom-
bre des animaux carnalîiers.
{.h) Voyage de Coréal, tome Il^jfage i8o^
X 2
t44 HïJîoLn naturelle
LE MORSE [/]
o u
LÀ VACHE MARINE.
Le nom de Vache marine , fous lequel le
morfe eft le plus généralement connu , a été
très mal appliqué {k ) , puifque l'animal qu'il
défigne ne refîemble en rien à la vache ter-
reftre ; le nom d'éléphant de mer, que d'autres
lui ont donné, eft mieux imaginé, parce qu'il
eft fondé fur un rapport unique , & fur un ca-
raélère très apparent. Le morfe a , comme
réléphant , deux grandes défenfes d'ivoire
( £ ) Morfe , Morjf, nom de cet animal en langue
RufTe , & que nous avons adopté ; vulgairement Vache
marine^ Bête à la grande dent ; Mors, en Anglois ; Wul'
roi on Walrus en Allemand & en Hoilandois ; Rofmarus ,
en Danemarck & en Iflande,
Walrus. Defcription des Indes occidentales , par d«
Laet , page 41, fig. ibid. Nota. Cette figure a été co-
piée par Wormius, Mus. W»rm. page iSf}.
Rofmaru^ verus. Jonfton , depifcibus, page tôo, Tah:
XLty.
Vache marine, Hiftoire d'IflarKle & du Groenland ,
tome II , page IÇ9, fig. page 168.
Rofmarus. Phoco dentibus lanlariis fuperloribus exfcrtis,
Linn. Syfl. Nat. edit. X, page $8.
(k) Nota. Ce nom vient peut-être, comme celui <'e
ve-^u marin , de ce qi.îe le morfe & le phoque ont que'-
cjuofois un cri qui imite le mutjiiTsment d'une vache ou
c'un veau. ïpjîs (dit Pline, en parlant des phoquci ) in
ftm^o viugitus f unde nomen. vituli, L.ib. IX, cap, xiii.
des Phoques , &c, 14^
qîîT fortient de la mâchoire fupéneufe ^ & il
a la tète conformée , ou plutôt déformée de
la même manière que l'éléphant , auquel il
reffembleroit en entier par cette partie ca-
pitale, s'il avoit une trompe; mais le morfe
eft non- feulement privé de cet inftrument
qui fert de bras & de main à l'éléphant, il
l'eft encore de Tufage des vrais bras & des
jambes; ces membres font, comme dans les
phoques, enfermés fous fa peau ; il ne fort
au dehors que les deux mains & les deux
pieds ; fon corps eft alongé , renflé par la
partie de l'avant , étroit vers celle de l'ar-
rière , par-tout couvert d'un poil court ; les
doigts des pieds & des mains font envelop-
pés dans une membrane , & terminés par
des ongles courts & pointus , de grofîes foies
en forme de mouftaches environnent la
gueule ; la langue eft échancrée ; il n'y a
point de conques aux oreilles , &c. en forte
qu'à l'exception des deux grandes défenfes qui
lui changent la forme de la lètQ^ & des dents
incifives qui lui manquent en haut & en
bas, le morfe reffemble pour tout le refte
au phoque ; il eft feulement beaucoup plus
grand, plus gros & plus fort : les plus grands
phoques n'ont tout au plus que fept ou huit
pieds ; le morfe en a communément douze ,
& il s'en trouve de feize pieds de longueur
& de huit ou neuf pieds de tour. Il a en-
core de commun avec les phoques d'habiter
les mêmes lieux , & on les trouve prefque
toujoiïTS enfemble ; ils ont beaucoup d'habi-
tudes communes, ils fe tiennent également
dans l'eau. , ils vont également à terre ; Us
X 3
14^ Hif,oîrt narurdh
montent de même far ks glanons; ifs aîfar-
tent & élèvent de même leurs petits/ ils fe
nourrirent des mêm-es alimens ; ils vivent
de même en fociété & voyagent en grand
nombre. Mais refpèce du morfe ne varie pas
autant que celle du phoque ; il paroît qu'iî
ne va pas î\ loin , qu'il eft plus attaché à
fon climat, & que Ton en trouve très ra-
rement ailleurs que dans les mers du Nord :
aufîi le phoque étoit connu des Anciens ,
& le morfe nt Tétoit pas.
La plupart des Voyageurs qui ont fréquenté
les mers feptentrionales de l'Afie (/), de
(/) On. trouve des dents de morfe aux environs de
la nouvelle Zemble & dans toufes les islss , jufqu'à
J*Obi ; on prétend qvi'il s'en trouve même jufqu'aux en-
virons de Jcnifel,. & qu'on en a vu autrefois )ufqu*aa
Pjanda : il s'en retrouve enfuite en quantité vers U
pointe de Schaîaginskoi chez les SchuktfchH, où el'es
font très grofles Il eil croyable que ces animaux
fe trouvent en grande quantité depuis cet endroit juf-
qu'au lîeuve Anadir , puifque toutes les dents qu'on ap-
porte p-our vendre à Jakutzk viennent d'Anariirskoi :
on en trouve auiTi au détroit de Hudfon, à l'isle Phe-
îi peaux , où elles ont une aune (de Rufiie) de long ôc
font groiTes comme le bras ; elles donnent d'aufTi boa
ivoire que les à.ii&x\^^% de Péléphant. ( Voyt\Us Voya-
ges du Nord, tome VI j page 7) « J'ai vu à
« jakutzk quelques-unes de ces dents de morfe qui avoient
»» cinq quarts d'aune de Rulïie, & d'autres une aunp
M & demie de longueur, communément elles font plus
« larges qu'épaiffes , elles ont jufqu'à quatre pouces de
»♦ large à la bafe. .... Je n'ai pas entendu dire
» qu'auprès d'Anad-trskoi , l'on ait jamais couru à la
>» chafTe ou pêche du morfe pour en avoir des dents ,
»♦ qui néanmoins en viennent en (i grande quantité ; on
w m'a afTuré au contraire que les h^bitans tiouvetit ces
des Phoques , &c, 74J
l'Europe & de l'Arnérique ( m Y, ont fai?
mention de cet animal; mais Zorgdrager (/z ^
»» dents détachées de l'animal fur la baffe côte de \ù.
j» mer , & que par conlequent on n'a pas befoin de tuer
î» auparavant les morfes. . . . Plufieurs perfonnes m'ont
ï> demandé fi les morfes d'Anadirskoi étoient une eTpè^e
« différente de ceux qui fe trouvent dans la mer du
>» nord & à l'entrée occidentale de la mer glaciale ,
» parce que les dents qui viennent de ce côté oriental,
♦> font beaucoup plus groffes que celles qui viennent de
>» l'occident. ... il femble que les morfej^ du Groen-
M land & ceux qui font à la partie occidentale de la mer
»i dacia'.e , n'ont aucun'î communication avec ceux qui
M îe trouvent à l'eft de Kollma , Se auprès de la pointô
»i de .Schalaginskoi , <?< plus loin , auprès d'Anadirskoi
»♦ Il en eft de même de ceux de la baie de Hudfon , i4
>» ne paroît pas qu'ils puiffent joindre ceux des Tfchuktl-
w chi. . . . cependant tout le m.onde eft d'accord que
»♦ les morfes d'Anadirskoi ne diffèrent nrpour la grof-
M feur ni pour la figure de ceux du Groenland , &.c. »♦
Voyage de Gmclin en Sibérie, tome III, page 1^8 &
fiiivantes. Nota. M, Gmelin ne réfout pas cette queftion
à laquelle néanmoins il me femble qu'on peut faire une
réponfe fatisfaifante ; c'eil que , comme il le dit lui-
même, on ne va point à la chaflTe de ces animaux à
Anadirskoi ni dans toute cette partie orientale de la
mer glaciale , & que par conféquent on n'en apporte
que des dents de ces animaux morts de mort naturelle ;
ainfi , il n'efl pas furprenant que ces dents , qui ont
pris tout leur accroifTement , foient plus grandes que
celles des morfes de Groenland que l'on tue fouvent
en bas âge.
(m ) Sur les côtes de l'Amérique feptentrionale , on
volt aufïi des vaches marines , autrement appellées
^êtes à la grande dent , parce qu'elles ont deux grandes
dents groifes & longues comme la moitié du bras. . . .
il n'y a point d'ivoire plus beau , on en trouva à
l'isle de Sable. Defcription de V Amérique feptemrionale^
par J)er)is , tome fl, page z'^j.
^n) Defcription de La prift d€ la haUlne & de la pèchf
X4
^4^ Tlifîcire nantrtîle
nous paroît être celui qui en parle Ttftt le
Çlus de connoifîance , & j'ai cru devoir pié-
ienter ici la traduâion & l'extrait de cet
article dé fon ouvrage qui m'a été com-
muniqué par M. le marquis de Montmirail.
a On trouvoit autrefois dans la baie d'Ho-
» rifont & dans celle de Klock, beaucoup
« de morfes & phoques , mais aujourd'hui
» il en refte fort peu Les uns & les
>» autres fe rendent, dans les grandes cha-
» leurs deTété, dans les plaines qui en font
» voifmes , & on en voit quelquefois des
»> troupeaux de quatre-vingt, cent & juf-
>» qu'à deux cents , particulièrement des mor-
» fes , qui peuvent y refter quelques jours
w de fuite , & jufqu'à ce que la faim les ra-
» mène à la mer. Ces animaux reffemblent
>î beaucoup à l'extérieur aux phoques , mais
ï» ils font plus forts & plus gros ; ils ont
w cinq doigts aux pattes comme les phoques,
9) mais leurs ongles font plus courts , & leur
» tête eft plus épaiile , plus ronde & plus
» forte; la peau du morfe , principalement
» vers le cou , eft épaifle d'un pouce , ridée
» & couverte d'un poil très court de diffé-
5> rentes couleurs : fa mâchoire fupérieure
*î eft armée de deux dents d'une demi-
» aune ou d'une aune de longueur; ces dé-
» fenfes , qui font creufes à la racine , de-
éu Groenland y &e. par Corneille Zorgdrager. Nuretn"
hcrg, i7fo , en Allemand. Nota. Cet ouvrage a d'abjrd
ét€ écrit en Holiandois ; & cet extrait n'eft fait que
fur la traduction AlletnandCi
des Phoques , è'C. 14j)
>» viennent encore plus grandes à mefure que
» l'animal vieillit ; on en voit quelquefois
» qui n'en ont qu'une , parce qu'ils ont
» perdu l'autre en fe battant, ou feulement
n en vieilliffant; cet ivoire eft ordinairement
» plus cher que celui de l'éléphant , parce
» qu'il eft plus compaéle & plus dur. La
» bouche du morfe reflemble à celle d'un
» bœuf; elle eft garnie en haut & en bas de
» poils creux, pointus & de l'épaiffeur d'un
» tuyau de paille ; au-deflus de la bouche ,
M il y a deux nafeaux , defquels ces animaux
» foufflent de l'eau comme la baleine, fans
» cependant faire beaucoup de bruit; leurs
» yeux font étincelans, rouges & enflammés
w pendant les chaleurs de l'été ; & comme
n ils ne peuvent foufFrir alors l'impreffion
w que l'eau fait fur les yeux , ils fe tiennent
» plus volontiers dans les plaines en été que
» dans tout autre temps. . . . On voit bsau-
» coup de morfes vers le Spltzberg on
» les tue fur terre avec des lances on
V les chafle pour le profit qu'on tire de leurs
»> dents & de leur graifîe; l'huile en eft
« prefqu'auffi éftimée que celle de la baleine ;
r leurs deux dents valent autant que toute
» leur graiffe , l'intérieur de ces dents a plus
» de valeur que l'ivoire , fur- tout dans les
ft grofles dents qui font d'une fubftance plus
i> compacte & plus dure que les petites. Si
>> l'on vend un florin la livre de l'ivoire
» des petites dents , celui des grofTes fe
« vend trois ol quatre, & fouvent cinq flo-
» rins ; une dent médiocre pèfe trois li-
» vres & un morfe ordinaire fournit
1^0 Nijloln naturtlh
» une demi tonne d'huile; ainfi, Tanîmaî crf-
» tier produit trente-fi,x florins, favoir, dix-
» huit pour fes dents à trois florins la livre ,
i> & autant pour fa graifle Autrefois
« on trouvoit de grands troupeaux de ces
j> animaux fur terre ; mais nos vaifl^eaux , qui
» vont tous les ans dans ce pays pour la
I» pêche de la baleine . les ont tellement
w épouvantés , qu'ils fe font retirés dans des
« lieux écartés , & que ceux qui y reftent
w ne vont plus fur la terre en troupes ,
» mais demeurent dans Teau ou difper-
w fés ( f? j ça & là fur les glaces ; lorfqu'on
w a joint un de ces animaux fur la glace oa
î> dans l'eau, on lui jette un harpon fort
« & fait exprès , & fouvent ce harpon glifl'e
» fur fa peau dure & épaifle ; mais lorfquM
w a pénétré, on tire l'animal avec un cable
(o) Nota, Il faut que lé nombre de ces animaux ''°ït
prodigieufement diminué , ou plutôt qu'ils fe foi^n*
prefque tous retirés vers des côtes encore inconnues »
puifqu'on trouve , dans les relations à^i Voyages au
Nord j qu'en J704, près de l'isle de Cherry , à foixante-
quinze degrés quarante-cinq minutes de latitude, l'équi-
page d'un bâtiment Anglois rencontra une prodigieufe
quantité de morfes tous couchés les uns auprès des
autres ,• que de plus de mille qui formbient ce troupeau,
les Ang'ois n'en tuèrent que quinze, mais qu'ayant trou-
vé une grande quantité de dents, ils en remplirent un
tonneau entier; — qu'avant le 13 juillet, ils tuèrent
encore cent de ces animaux, dont ils n'emportèrent
que les dents qu'en 1706, d'autres Anglois en
tuèrent fept ou huit cents dans (ix^eures; en 1708,
plus de neuf cai,ts dans fept heures ; en 1710 , huit cents
en plufieurs jours, & qu'un feul homme en tua qua-
rante avec une lance.
des Phoques , &c, j ^ i
» vers le timon de la chaloupe , & on le tue
» en le perçant avec une forte lance faite
» exprès; on l'amène enfuite fur la terre la
V plus voifine ou fur un glaçon plat ; il eft
» ordinairement plus pefant qu'un bœuf. On
yy commence par l'écorcher, & on jette fa
» peau , parce qu'elle n'eft bonne à rien {p);
« on fépare de la tête avec une hache les
î> deux dents , ou l'on coupe la tête pour
» ne pas endommager les dents , & on la
» fait bouillir dans une chaudière ; après
w cela, on coupe la graifle en longues tran-
V ches & on la porte au vailTeau Les
» morfes font aufli difficiles à fuivre à force
»> de rames que les baleines, & on lance fou-
» vent en vain le harpon, parce qu'outre
n que la baleine eft plus aifée à toucher ,
« le harpon ne eli{fe pas auffi facilement
3> deffus que fur le morfe On l'atteint
» fouvent par trois fois avec une lance forte
î» & bien aiguifée, avant de pouvoir per-
V cer fa peau dure & épaifle ; c'eft pour-
« quoi il eft nécefïaire de chercher à frap-
« per fur un endroit où la peau foit bien
îï tendue, parce que par- tout où elle prête ,
5) on la perceroit difficilement ; en confé-
j) quence ^ on vife avec la lance les yeux
ï> de l'animal , qui forcé par ce mouvement de
(p) Nota. Zorgdrager ignoroit apparemment qu'on
fait un très bon cuir de cette peau, /'en ai vu des fou-
pentes de caroflTe qui e'toient très liantes 3c très fermes,
Anderfon dit, d'après Other, qu'on en fait auflî des
fangles & des cordes de bateau. Hijioire naturelle du
Cfoenland i tome II , page léo»'
1^1 Hijloîrt naturelle
» tourner la ttie , fait tendre là peau vers
« la poitrine ou aux environs; alors on porte
» le coup dans cette partie & on retire la
« lance au plus vite , pour empêcher qu'il
» ne la prenne dans la gueqle , &i qu'il ne
» bleffe celui qui l'attaque, foit avec l'ex-
» trémité de fes dents , foit avec la lance
» même , comme cela eft arrivé quelque-
» fois. Cependant cette attaque fur un petit
» glaçon ne dure jamais long-temps , parce
« que le morfe , bleflé ou non , fe jette
« auflîtôt dans l'eau ; & par conféquent on
» préfère de l'attaquer fur terre Mais on
" ne trouve ces animaux que dans des en-
» droits peu fréquentés, comme dans Tisle
» de Moffen derrière le Worland, dans les
M terres qui environnent les baies d'Horifont
» & de Klock, & ailleurs dans les plaines
» fort écartées & fur des bancs de fable ,
n dont les vaifleaux n'approchent que rare-
» ment; ceux même qu'on y 'rencontre, inf-
v> truits par les perfécutions qu'ils ont ef-
» fuyées , font tellement fur leurs gardes,
» qu'ils fe tiennent tous affez près de l'eau
» pour pouvoir s'y précipiter promptemenr.
» J'en ai fait moi-même l'expérience fur le
» grand banc de fable de Rif , derrière le
» Worland , où je rencontrai une troupe de
« trente ou quarante de ces animaux; les
» uns étoient tout au bord de l'eau, les au-
« très n'en étoient que peu éloignés ; nous
" nous arrêtâmes quelques heures avant de
» mettre pied à terre , dans l'efpérance
» qu'ils s'engageroient un peu plus avant
» dans la plaine , & comptant nous en ap-
des Phoques y &c, 15^
» procher ; mais comme cela ne nous réuffit
w pas , les morfes s'étant toujours tenus fur
M leurs gardes, nous abordâmes avec deux
n chaloupes , en les dépaflant à droite & à
j> gauche; ils furent prefque tous dans l'eau
w au moment où nous arrivions à terre ; de
n forte que notre chafle fe réduifit à en bleffer
M quelques-uns, qui fe jettèrenr dans la mer,
» de même que ceux qui n'avoient pas été
» touchés, & nous n'eûmes que ceux que nous
« tirâmes de nouveau dans l'eau An-
j> ciennement & avant d'avoir été perfécu-
» tés , les morfes s'avançoient fort avant
« dans les terres , de forte que , dans les
V hautes marées , ils étoient allez loin de
» l'eau s & que , dans le temps de la bafle
3> mer , la diftance étant encore beaucoup
3» plus grande , on les abordoit aifément
» On marchoit de front vers ces animaux
j) pour leur couper la retraite du côté de la
j» mer, ils voyoient tous ces préparatifs fans
» aucune crainte ; & fouvent chaque chafleur
i) en tuoit un avant q^'il pût regagner l'eau.
» On faifoit une barrière de leurs cadavres ,
î) & on laiflbit quelques gens à TafFût pour
î> affommer ceux qui reftoient; on en tuoit
j» quelquefois trois ou quatre cents On
M voit, par la prodigieufe quantité d'offemens
« de ces animaux dont la terre eft jonchée ,
îj qu'ils ont été autrefois très nombreux
u Quand ils font blefles , ils devienneut fu-
j) rieux, frappant de côté & d'autre avec
» leurs dents ; ils brifent les armes ou les
5» font tomber des mains de ceux, qui les at-
» taquent, & à la fin, enragés de, colère,
2^4 Hijloirc naturelle
» ils mettent leur tête entre leurs pattes ou
r> nageoires & le laiffent ainfi rouler dans
» Peau Quand ils font en grand nom-
» bre y ils deviennent fi au<lacieux que , pour
» fe fecourir les uns les autres , ils entou-
w rent les chaloupes , cherchant à les per-
T) cer avec leurs dents , ou à les renverfer
» en frappant contre le bord Au refte ,
« cet éléphant de mer , avant de connoître
« les hommes, ne craignoit aucun ennemi,
» parce qu'il avoitfu dompter les ours cruels
» qui fe tiennent dans le Groenland , qu'on
î) peut mettre au nombre des voleurs de
V mer ».
En ajoutant à ces obfervations de M. Zorg-
drager, celles qui fe trouvent dans le Re-
cueil des Voyages du Nord C^'), & les au-
fa) Le cheral marin (Morfe )re{remble affez au veau
marin (Phoque), fi ce n'eft qu'il eft beaucoup plus gros,
puifqu'il eft de la groffeur d*im boeuf i fes pattes font
comme celles du veau marin, & celles du devant, auflfi-
bien que celles du derrière, ont cinq doigts ou griffes,
mais les ong'es en font plus courts; il a aulfi la tête plus
groffe , plus ronde ôc plus dure que le veau marin. Sa
peau a bien un pouce d'épaiffeur , fur-tout autour du
cou : les uns l'ont couverte d'un poil de couleur de fou-
ris , les autres ont très peu de poils : ils font ordinai-
xement pleins de galles & d*écorchures, de forte qu'on
diroit qu'on leur auroit enlevé la peau, fur tout autour
des jointures où elle eft fort ridée ^ ils ont a la mâ-
choire d'en haut deux grandes & longues dents qui
ont deux pieds de long & quelquefois davantage ; les
jeunes n'ont point ces défenfes, mais •Elles leur viennent
avec l'âge. . . . Ces deux dents font plus efti^mées 6c
plus chères que l'ivoire; elles font fo'ïHes en dedans,
inais la racine en eô creufe Ces animaux ont
des Phoques , &c. 15^
très qui font éparfes dans différentes rela-
tions , nous aurons une hiitoire allez com-
J'ouverîure de la gueule auffi large que celle d'un bœuf,
ôc au-deflTus & au-deffous des babines , ils ont plufieurs
foies qui font creufes en dedans & de la groffeur d'une
paille Ils ont au-deffus d« la barbe d'en haut
àeux nafeaux en forme de demi - cercle par où ils
rejettent l'eau comme les baleines , mais avec bien
moins de bruit ; leurs yeux font affez élevés au-deffus
du nez. Ces yeux font auffi rouges que du fang lorf-
que l'animal ne le» tourne pas , & je n'ai point ob-
fervé de différence lorfqu*il les tournoit : leurs oreilles
font peu éloignées de leurs yeux & refle nb'ent à cel-
les des veaux marins ; leur langue eft pour le moins
auiTi groffe que celle d'un bœuf Us ont le
cou fi épais , qu'ils ont delà peine à tourner la tête,
ce qui les oblige à tourner extrêmement les yeux ,• ils
ont la queue courte comme celle des veaux marins.
On ne peut point leur enlever la graifle comme l'on
fait aux veaux marins, parce qu'elle eft entrelardée
avec la chair Leur membre génital eft un
©s dur de la longueur d'environ deux pieds , qui va
en diminuant par le bout 8t qui eft un peu courbe par
le milieu : tout près du ventre , ce membre eft plat ,
mais hors de là il eft rond & tout couvert de
nerfs Il y a apparence que ces animaux vi-
vent d'herbes & de poiffon ; leur fiente reffemble à
celle du cheval Quand ils plongent , ils fe
Jettent la tête la première dans l'eau, comrue les veaux
marins; ils dorment & ronflent non-feulement fur la
glace, mais aufti dans l'eau, de forte qu'ils paroiffent
fouvent comme s'ils étoient morts ; ils font furieux
& courageux ; tant qu'ils font en vie , ils fe défendent
les uns les autres. ... Ils font tous leurs efforts pour
délivrer ceux qu'on a pris ; ils fe jettent à l'envi fur
la chaloupe , mordant & faifant des mugiffemens épou-
vantables ; & fi , par leur grand nombre, ils obligent les
hommes à prendre la fuite, ils pourfuivent fort bien la
chdoupe jufciu'à ce qu'ils la perdent de vue, . . . • .
1)6 Hijloîn naturelle
plète de cet animal. II paroît que refpèce
en étoit autrefois beaucoup plus répandue
qu'elle ne l'eft aujourd'hui , on la trouvoit
dans les mers des zones tempérées ; dans le
golfe du Canada ( r ) , fur les côtes de l'A-
cadie, &c. Mais elle eft maintenant confinée
dans les mers arftiques, on ne trouve des
morfes que dans cette zone froide, & même
il y en a peu dans les endroits fréquentés ,
peu dans la mer glaciale de l'Europe , & en-
core affez peu dans le lac du Groenland , du
détroit de Davis & des autres parties du nord
On ne les prend que pour les dents, mais entre cent
on n'en trouvera quelquefois qu'un qui ait les dents
bonnes, parce que les uns font encore trop jeunes, Sc
que les autres ont les dents gâtées. Recueil des Voyages
du Nord, tome II, page tij & fuivantes.
(r) A quarante-neuf degrés quarante minutes de
latitude, il y a trois petites isles dans le golfe de Saint-
Laurent, fur l'une defqaelles territ en très grand nom-
bre une certaine efpèce de Phoque, animal, comme je
crois , inconnu aux Anciens , appelle des Flamands
Walrus y & des Anglois , qui en ont pris le nom àçi
Kaflîens, Morjf. C'eft un animal amphibie & fort monf-
trueux , qui lurpaffe parfois les bœufs de Flandre en
groflTeur j il a le poil comme celui d'un phoque
Deux dents recourbées en bas, longues par fois d'une
coudée , qu'on emploie à même chofe que l'ivoire , &
qui font de même valeur. Defcription des Indes occident
taies ^ par de Laét , page ^i. — Sur les côtes de l'Amé-
rique fep'^entrionale, on voit des vaches marines, au-
trement appellées bêtes à la grande dent , parce qu'elles
ont deux grandes dents grolfes & longues comme la
moitié du bras, & les autres dents longues de qiatre
doigts ; il n'y a point d'ivoire p'us b;au. Ou trouve de
ces vaches marines à l'isle de Sable. Defcription de l'A^
mériçue ftftentricnale , par Denis , tome U , page 2/7.
de
des Phoques , &c, 257
de TAmérique , parce qu'à Poccafion de la pê-
che de la baleine, on les a depuis long temps
inquiétés & chaiTes. Dè^ la fin du feiziènie
fiècle , les habitans de Saint- Malo alloient
aux isles Ramées prendre des morfes , qui ,
dans ce temps ^ s'y trouvoient en grand nom-
bre (/); il n'y a pas cent ans que ceux du
Port-Royal , au Canada , envoyoient des bar-
ques au cap de Sable & au cap Fourcnu, à
la chafle de ces animaux (r), qui depuis fe
font éloignés da ces parages, auJaibien que
de ceux des mers de l'Europe; car on ne les
trouve en grand nombre que dans ia mer gla-
ciale de l'Afie, depuis l'embouchure de l'Oby
jufqu'à la pointe la, plus orientale de ce con-
tinent , dont les côtes font très peu fréqnen*
tées ; on en voit fort rarement dans les
mers tempérées : l'efpèce qui fe trouve fous
la zone torride & dans les mers des Indes ,
cft différente de nos morfes du nord 5 ceux ci
craignent vraifemblablement ou la chaleur ou
la falure des mers méridionales : & comme
ils ne les ont jamais traverfées , on ne les a
pas trouvés vers l'autre pôle , tandis qu'on
y voit les grands & les petits phoques de
notre nord , & que même ils y font plus
nombreux que dans nos terres ar£liques.
Cependant le morfe peut vivre , au moins
quelque temps , dans un climat tempéré i
(/) Defcription des Indes occidentales, paf 6e Laét*
page 42.
( t ) Defcrbtîon de TAméri^iue feptentrionale , p»r
Denis , tome l, page 6C,
Y
XfjS Hijîoire naturelle
Evrard Worft dit avoir vu en Angleterre un
de ces animaux vivant , & âgé de trois mois ,
que l'on ne mettoit dans l'eau que pendant
un petit efpace de temps chaque jour , &
qui fe traînoit & rampoit fur la terre; il aie
dit pas qu'il fût incommodé de la chaleur de
l'air ; il dit au contraire que lorfqu'on le
touchoit , il avoit la mine d'un animal fu-
rieux & robufte, & qu'il refpiroit très forte-
ment par les narines. Ce jeune morfe étoit
de la grandeur d'un veau , & afl'ez reffem-
blant à un phoque ; il avoit la tête ronde ,
les yeux gros , les narines plates & noires ,
qu'il ouvroit & fermoit à volonté ; il n'a-
voit point d'oreilles, mais feulement deux
trous pour entendre: l'ouverture de la gueule
étoit affez petite , la mâchoire fupérieure
étoit garnie d'une mouftache de poils car-
tilagineux, gros & rudes; la mâchoire infé-
rieure étoit triangulaire, la langue épaitie ,
courte , & le dedans de la gueule muni, de
côté & d'autre, de dents plates ; les pieds
de devant & ceux de derrière étoient lar-
ges, & l'arrière du corps reilembloit en en-
tier à celui d'un phoque; cette partie de der^-
rière rampoit plutôt qu'elle ne marchoit ,
les pieds de devant étoient tournés en avant ,
& ceux de derrière en arrière , ils étoient
tous divifés en cinq doigts, recouverts d'une
forte membrane la peau étoit épaiffe ,
dure & couverte d'un poil court & délié ,
de couleur cendrée ; cet animal grondoit
comme un fanglier , & quelquefois crioit d'unç
voix greffe & forte , on l'avoit apporté de
la nouvelle Zenible; il a'avoit point encore
déS' Phoques ^ &C* 1^9
lesgfandes dents ou défenfes, mais on voyoJ*
à Ja mâchoire fupérieure les boiTes d'où el-
les dévoient fortir; on le nourriiToit avec
de la bouillie d'avoine ou de mil ; il fuçoit
lentement plutôt qu'il ne mangeoit; il ap-
prochoit de fon maître avec grand effort &
en grondant ; cependant il le luivoit lorf-
qu'on lui préientoit à manger (u).
Cette obfervation , qui donne une idés
affez jufte du morle , fait voir en même temps
qu'il peut vivre dans un climat tempéré ^
néanmoins il ne paroît pas qu'il puilTe fup •
porter une grande chaleur , ni qu'il ait ja-
mais fréquenté les mers du midi pour paf»
fer d'un pôle à l'autre ; plufieurs Voyageurs
parlent de vaches marines qu'ils ont vues
dans les Indes, mais elles lont d'une autre
efpèce ; celle du morfe eft toujours aiiee à
reconnoître par fes longues défenfes ; l'élé-
phant eft le feul animal qui en ait de pareilles ;
cette proMu£lion eft un effet rare dans la
Nature , puifqûe de tous les animaux ter-
reftres & amphibies , l'éléphant & k morfe-,
auxquels elle appartient , font des eTpèces
ifolees> uniques dans leur genre, & qu'il
n'y a aucune autre efpèce d'animal qui porte"
ce caraûère.
On affure que les morfes ne s*accouplenf
pas à la manière des autres quadrupèdes ^
mais à rebours j il y a ^ comme dans les ba'-
îeines, un gros & grand os dans le membre-"
(,«). Defcrlption dcj Indes occidentales , par de Laët,
3,6o Hiftoin nantrcUi
du mâle ; la femelle met bas en hiver fur la
terre ou fur la glace, & ne produit ordinaire-
ment qu'un petit , qui eft , en naifTant , déjà
gros comme un cochon d*un an : nous ignorons
la durée de la geftation ; mais , à en juger par
celle de raccroiffement , & auffi par la gran-
deur de l'animal , elle doit être de plus de neuf
mois ; les morfes ne peuvent pas toujours
refter dans l'eau , ils font obligés d'aller à
terre, foit pour allaiter leurs petits, foitpour
d'autres befoins ; lorfqu'ils fe trouvent dans
la néceflité de grimper fur des rivages quel-
quefois-efcarpés , & fur des glaçons, ils fe fer-
vent de leurs défenfes (x) pour s'accrocher,
& de leurs mains pour faire avancer la lourde
malTe de leur corps. On prétend qu'ils fe
nourriffent de coquillages qui font attachés
au fond de la mer, & qu'ils fe fervent aufli
de leurs défenfes pour les arracher (y); d'autres
difent ( ^ ) qu'ils ne vivent que d'une certaine
herbe à larges feuilles qui croît dans la mer , &
qu'ils ne mangent ni chair ni poiflbn; mais je
crois ces opinions mal fendées, & il y a appa-
(x) Ces défenfes ne font pas tout-à-faît rondes nâ
1>ien unies, mMs plutôt aplaties & légèrement canelées;
fa droite eft ordinairement un peu plus longue & plus
forte que la gauche J'en ai eu deux dont cha-
cune avoit deux pieds un pouce de Paris de long 8c
huit pouces de circonférence par le bas. Hiflolre natu-
rellt au Groenland, par Anderfon , tome II,pag-'s i6z &
(y) Hiftoire naturelle du Groenland, page t6z.
{l) Defcrjptiçn des lnd« occid«ntale$ , par de Laët;
page 42.
dti Phoques^ &c, l6i
rence que le morfe vit de proie comme le
phoque, & fur- tout de harengs & d'autres
petits poiffons; car il ne mange pas lorfqu'il
eft fur la terre , & c'eft le befoin de nour-
riture qui le contraint de retourner à la
mer.
LE D U G O N [a].
Le Dugon eft un animal de la mer de VA-
frique-ôc des Indes orientales , duquel nous
n*avons vu que deux têtes décharnées ou
tronquées j & qui , par cette partie ^ reffem-
ble plus au morfe qu'à tout aiitre animal; fa
tête eft à-peu près déformée de la même ma-
nière par la profondeur des alvéoles, d'où
naiftentà la mâchoire fupérieure deux dents
longues d'un demi-pied ; ces dents font plu-
tôt de grandes incifives que des défenfes;
{a) Dugon, Dugungf nom (fe cet animal à l'îsle de
Lethy ou Leyte , l'une des Philippines , & que nous
avons adopté. Nota. J'ai trouvé ce nom dans le voyage
Hollapdois de Chriftcphe Barchewits aux Indes orien-
tales; ouvrage qui a été traduit en Allemand & imprimé
à Erfurt, en ly^i. L'Auteur dit que cet animal s'ap-
pelle à l'isle de Lethy , Degurg ou Jkan degung ; ÔC
«ju'on l'appelle aufîi Manate. Cette dernière dénomina-
tion fembleroit indiquer que ce dugon ou dugung eft un
manati ou Lamantin y mais, dans la de(cription de ce
Voyageur, il eftdirquele dugon a deux défenfes groffej
d*un pouce, & longues d'un empan: or ce caraftère
ne peut convenir au mânati, & convient au contraire
à l'animal dont il eft ici queftioR, de dont nous avons
la tête.
i6i Hlfloirc naturelle
elles ne s'étendent pas direftement hors d«
la gueule, comme celles du morie ; elles
font beaucoup plus courtes & plus minces ,
& d'ailleurs elles font fituées au-devant de
de la mâchoire , & tout près l'une de l'au-
tre , comme des dents incifives , au lieu que
les defenfes du morfe laifTent entr'elles un
intervalle confidérable , & ne font pas fuuées
à la pointe, mais à côté de la mâchoire fu-
périeure. Les dents mâchelières du dugon
diffèrent auffi, tant pour le nombre que pouf
la pcfition & la forme , des dents du morfe ;
ainfi , nous ne doutons pas que ce ne folt
un animal d'efpèce différente. Quelques Voya-
geurs qui en ont parlé l'ont confondu avec
le lion marin. Innigo de Biervillas dit qu'on
tua près du cap de Bonne-efpérance un lion
marin , qui avoit dix pieds de longueur &
quatre de grolîéur , ia tête comme celle d\m
veau d'un an, de gros yeux affreux ^ les oreil-
les courtes , avec une barbe hériffée , les pieds
fort larges, & les jambes fi courtes que le
ventre touchoit à terre , & il ajoute qu'on
emporta les deux défenfes qui fortoient d'un
demi-pied hors de la gueule l^'/» ) ; ce deTnier
cara6lère ne convient point au lion marin qui
n'a point de défenfes, mais des dents fembla-
bles à celles du phoque; & c'efl ce qui m'a farî
juger que ce n'étoit point un lion marin 5
mais l'animal auquel nous donnons le nom de
du^on'^ d'autres Voyageurs me paroi^ent l'a.-
■{b) Voyage d'innigo de Biervlllaî, farth I , pag^
37 ^ iS'
des Phoques , Sfc, i^j
voir indiqué fous la dénomination amours marin ;
Spilberg & Mandelflo rapportent « qu'à Tisle
>7 de Sainte Élifabeth , lur les côtes d'Afri-
j> que, il y a des animaux qu'il faudroit plu-
j> tôt appeller des ours marins que des loups
>i marins, parce que par leur poil, leur cou-
»> leur & leur réte , ils reffemblent beaucoup
w aux ours , &: qu'ils ont Teulement le mu-
j> feau plus aigu ; qu'ils reffemblent encore
j> aux ours par les mouvemens qu'ils font &
j) par la manière dont ils les font, à l'excep-
« tiondu mouvement des jambes de derrière
« qu'ils ne font que traîner; qu'au refte ces
j> amphibies ont l'air affreux, ne fuient point
M à l'afpeâ: de l'homme , &. mordent avec
3> afTez de force pour couper le fût d'une
« pertuifane , & que, quoique boiteux des
» jambes de derrière , ils ne laiiTent pas de
j) marcher affez vite pour qu'un homme qui
» court ait de la peine à les joindre » ( c ). Le
>î Guat dit avoir vu , près du cap de Bonne-
î> efpérance , une vache m.arine de couleur
» rouffàtre ; elle avoit le corps rond & épais ,
î) l'oeil gros, les dents ou défenfes longues,
» le mufle un peu retroulTé ; & il ajoute
î> qu'un iMatelot lui afTura que cet animal ,
» dont il ne pouvcit voir que le devant du
n corps, parce qu'il étoit dans l'eau , avoit
» des pieds (t/). » Cette vache marine de
Le Guat, l'ours marin de Spilberg & le lion
( c) Premier Voyage ôe ^pi'berg , une W,/>. -^^J-»»
Voyage de iViandelilo , terne H , page ^j/.
(<i) Voyags de Le Guai , tome I, pa^i $6» '
164 Tîifîoîrc namrttU
marin de Biervillas me paroifîent être tous
trois le même animal que le dugon , dont
la té:e nous a été envoyée de Tisle de France ,
& qui par conléquent , fe trouve dans les
mers méridionales depuis le cap de Bonne-
efpérance jufqu*aux isles Philippines ^e). Au
refte , nous ne pouvons pas afTurer que cet
animal , qui reffemble un peu au morfe par
la tête & les défenfes, ait comme lui qua-
tre pieds; nous ne le préfumons que par
(e ) Je pouvois de ma maifon , qui étoit (ituée fur un
rocher dans l'isle de Lcthy , Voir les tortues à quelqaej
toifes de profondeur dans Teau; je vis un jour deux
gros dugungs ou vaches marines ^ qui vinrent près du
rocher ôc de ma maifon ; je fis prompten^ent avertir mon
pécheur , à qui je montrai ces deux animaux , qui (e
promenoient & mangeoient d'une mouflTe verte qui croît
fur le rivage; il courut auffitôt chercher fes camarades
qui prirent deux bateaux & allèrent fur le rivage ; &c ,
pendant ce temps , le mâle vint pour chercher fa femelle ,
& ne voulant pas s'éloigner, fe laiffa tuer auffi. Chacun
de ces poiflbns prodigieux avoit plus de fix aunes de
long , le mâ!e étoit un peu plus gros que la femelle j
leurs têtes reffembloient à celle d'un bœuf, Us avoîent
deux grojfes dents d'un empan de long & d'un pouce d é-
paiff^ur , qui débordoient la mâchoire comme aux faM-
gliers : ces dents étoient phis blanches que le plus bel
ivoire; la femelle avoit deux mamelles comme une
femme ; Tes parties de la génération du mâle refTem-
bloient à celles de l'homme ; les inteftins relTembloicnt
à ceux d'un veau , & la chair en avoit le govit. Voyage
de Chrijhphe Barchewlt^, page -^St. Extrait traduit psr
M- le marquis de Montmirail. Nota, Toute cette ''eC-
cription convient affez au manati , à l'exception des
dents ; le manati n'a ni défenfes ni dents .incîfives , 6c
c'eft fur cela feul que j'ai préfumé que ce dugung n'é-
toit point le manati , mais l'animal dont nous avons les
têtes y & que nous avoi» fait repréleuter,
analogie ,
des Phoqius , &c, x6^
-analogie , &: par l'indication des Voyageurs
que nous avons cités ; mais ni l'analogie n'eft
aiTez grande, ni les témoignages des Voy.i-
geurs ailez pré<:is pour décider, & nous luf-
pendrons notre jugement à cet égard, jufqu'à
oe que nous ioyons mieux informés.
LE LAMANTIN [/].
Dans le règne animal , c'efl ici que iinilTent
les peuples de la terre , & que commencent
les peuplades de la mer ; le Lamantin , qui
n'eft plus quadrupède, n'eil pas entièremeeit
( /) Lamantin. On a prétendu que ce «©m venoit de
ce que cet animal faifoit Azs cris lamentables : c'eft une
fuble. Ce mot eft ime corruption du nom de cet ani-
mal dans la langue des Golibis, hsbitans de la Guiane,
& des Caribes ou Carribes, habitaos é^s Antilles; c'ed
le même peuple & la même langue, à quelques variétés
près : ils nomment le lamantin manaû , d'où les Nègres
éss islcs fra-nçoifes d'Amérique, qui eftropient tous le$
tnots , ont fait lamar^cd, en ajoutant l'article comrne
pour dire la bête mamiti ; de lamanati^ ils ont fait la-
tnannti, en fupprimantle troifièmea, & faifant fonnec
Vn ; Umanmi , lamentiy qu'on a écrit par un e, par ana-
logie prétendue avec lamcntari , ce qui a donné lieu à
l'analogie des cris lamentables fuppofés de la femelle
quand on lu' dérobe fon petit. X;ffrc de M. de la Con-
éiimine^ A M. de Btiffcn, du zS mai IJ64. Je cite cette
efpèce d'étymologie, de îaquelU M, de la Condamine ,
qui a demeuré dix ans dans les Indes occidentales, dort
€tre b'en informé ; cependant je dois obferver que le
mot manati , félon pluheurs autres Auteurs, eft efpa-
gnol & indique un animal.qui a ètî mains » & que pro-
bablement les Guiar.ois ou les Caraïbes, qui t'ont affee
Quadrupcd£S , Tom. VI, Z
:té6 Ffifloire naturdh.
céîacée: il retient des premiers deux pieds
ou plutôt deux mains i mais les jambes de
derrière qui, dans les phoques & les morfes,
ibnt prefqu'entièrement engagées dans le
corps, ôi raccourcies autant qu'il eft pcf-
fible , fe trouvent abrolument nulles 6i obli-
térées dans le lamantin ; au lieu de deux
pieds courts & d'une queue étroite encore
plus courte, que les morfes portent à leur
arrière dans une direction horizontale , les
lamantins n'ont pour tout cela qu'une grofî'e
queue qui s'élargit en éventail dans cette
même dire£î:ion,en fo-te qu'au premier coup-
d'œil il fembleroit que les premiers auroient
une queue divifée en trois, & que, dans les
derniers, ces trois parties fe feroient réunies
pour n'en former qu'une feule; mais par
une infpedion plus attentive , & fur-tout
par la dilTeftion , Ton voit qu'il ne s'eft point
fait de réunion , qu'il n'y a nul veftige des
os des cuiffes & des jambes, & que ceux
qui forment la queue des lamantins font de
fimples vertèbres ifolées & femblables à cel-
les des cétacées qui n'ont point de pieds ;
ainfi, ces animaux font cétacées par ces par-
ties de l'arrière de leur corps , & ne tien-
nent plus aux quadrupèdes que par les deux
éloignés les uns des autres, l'ont également enaprunté
des Erpagnol*.
Manaù , Pkoca. genus. 0\xCii exotlc. page 132, fig.
ihid. pag. 133.
Manctti. Hernand. Hijî. Mex. page. 325, fig. ibid*
Mi^natus. Le lamantin. BrilT. Reg. anim. p. 49»
;|lîeàs ou deux mains qui ïent en avant à
Xàié de leur poitrine. Oviédo me parcîr être
le premier Auteur qui ait donné une eipèce
d'hiftoire & de defcription du Lamantin.
'«< On le trouve affez fréquemment, dit-il^
» lur les cotes de Saint-Dommgue; c'eft un
-» très grès animal d'une -figure informe, qui
V a la tête plus groiTe que celle d'un bœut%
î7 les yeux petits , deux pieds ou deux mains
5) près de la tête qui lui lervent à nager; A
7) n'a point d'écaiiles , mais il eu. couvert
« d'une peau ou plutôt d'un cuir épaiSe
5> C'eft un animal fort doux; il remonte les
n fleuves, 6l mange I25 herbes du rivage,
» auxquelies il peut atteindre fans fortir de
^> r^au ; il nage à la furface ; pour le pren-
J3 dre , on tâche de s'en approcher fur une
jî nacelle ou un radeau, & on lui lance une
î7 groli'e flèche attachée à un très long cor-
« deau ; dès qu'il fe fent frappé , il s'enfuit
>ï & emporte avec lui la flèche & le cor-
« deau à l'extrémité duquel on a foin d'atta-
î) cher un gros morceau de liège ou de bois
» léger pour fervir de bouée '& de renfei-
n gnemenr. Lorfque l'animal a perdu, par
5) cette bleffure , fon fang & fes forces , il ga-
n gne la terre i, alors on reprend l'extréniué
» du cordeau , on le roule juiqu'à ce qu'il n'en
î> reûe plus que quelques brafles;&, à l'aide
« de la vague , on tire peu-à-peu l'animal
« vers le bord, ou bien on achève de le tuer
» dans l'eau à coups de lance. 11 eft û pefant ^
j> qu'il faut une voiture attelée de deux bœufs
» pour le tranfporter ; fa chair eft excellente j
») & , quand elle eft fraîche , on la man-
• Z 2
%6S Hijlolre naturelle
« geroit plutôt comme du bœuf que com-
« me du poiiTon ; en la découpant & la
>» faifant fécher & mariner , elle prend , avec
i> le temps, le goût de la chair du thon, ôc
>> elle eft encore meilleure. Il y a de ces
» animaux qui ont plus de quinze pieds de
« longueur , fur fix pieds d'épailîeur; la partie
3> de l'arrière du corps eft beaucoup plus me-
» nue 6i va toujours en diminuant jufqu'à la
V queue , qui enfuite s'élargit à fon extré-
>> mité. Comme les Efpagnols, ajoute Oviédo,
j) donnent le nom de mains aitx pieds de
n devant de tous les quadrupèdes, & comme
V cet animal n'a que des pieds de devant,
» ils lui ont donné la dénomination d'animal
5» à mains , Manatï ; il n'a point d'oreilles ex-
3> ternes , mais ieulerpent deux trous par lef-
3> quels il entend ; fa peau n'a que quel-
M ques poils alTez rares , elle eft d'un gris
î) cendré Ôi de l'épai^Teur d'un pouce; on en
j» tait des femelles de fouliers , des baudriers ,
» ôcC. La femelle a deux mamelles fur la
» poitrine, &elle produit ordinairement deux
>; petits qu'elle allaite (^r)"» Tous ces faits,
rapportés par Oviédo, font vrais, & il eft
fmgulier que Cieça {h) , &l plufieurs autres
après lui, ayent afî'uré que le lamantin fort
fou vent de l'eau pour aller paître fur la
terre; ils lui ont faufîement attribué cette
}iabitude naturelle, induits en erreur par i'a-
( g ) Ferdin, Ov jédo, Hiji. Ind, cccld, Ub. XUI j
f?p. X.
àtt Phoques , t-'C. t^§
!hàîôgie du ir.orfe & des phoques, qui fbf-*
tent en effet de l'eau & léjournent à terre }
mais il eft certain que lé lamantin ne quitte
jamais l'eau , & qu'il préfère le féjour des
«aux douces à celui de l'eau Talée.
Clufius dit avoir vu & mefuré la peau d*urt
de ces animaux, & l'avoir trouvée de feize
pieds & demi de longueur ^ & de fept pieds &
demi de largeur ; leS deux pieds ou les
deux mains étoient fort larges , avec des on-
gles courts^ Gomara {i ) affure qu'il s'ert
trouve quelquefois qui ont vingt pieds de
longueur , & il ajoute que ces animaux fré-
quentent auffi-bien les eaux des fleuves que
celles de la mer; il raconte qu'on en avoit
élevé & nourri un jeune dans un lac à Saint-
Domingue , pendant vingt fix ans, qu'il étoit
fi doux & fi privé qu'il prenoit doucemeni
la nourriture qu'on lui préfentoit, qu'il en-
tendoit fon nom, & que, quand on l'appel-
Joit, il fortoit de l'eau & fe traînoit en ram-
pant jufqu a la maifon pour y recevoir fâ
nourriture ; qu'il fembloit fe plaire à enten-
dre la voix humaine & le chant des enfans ^
qu'il n'en avoit nulle peur , qu'il les laif-
foit afleoir fur fon dos , & qu'il les paf-
foit d'un bord du lac à l'autre fans fe plon-
ger dans Teau, & fans leur faire aucun maL
Ce fait ne peut être vrai dans toutes fes
circonftances : il paroît accommodé à la fa-
ble du Dauphin des Anciens ; car le laman-
( i ) Fr. Lopes de Gomara. Hifi. gen. cap. xxxï.
z }
%yO Ni/Io'ir€ namrttlt
tin ne peut abfolument fe tramer l'ur râ>
terre.
Herrera dit peu de chofe de plus au iujet
de CQt animal; il affure feulement que, quoi-
qu'il Toit très gros , il nage Ti facilement
qu'il ne fait aucun bruit dans i'eau , & qu'il:
fe plonge dès qu'il entend quelque chofe de
loin {k).
Hernandès , qui a donné deux figures du
lamantin , l'une de profil & l'autre de face,
n'ajoute prefque rien à ce que les autres Au-
teurs Efpagnols en avoient écrit avant lui ;
il dit feulement que les deux océans, c'èft-à-
dire, la mer Atlantique & la mer Pacifi-
que, auiîi-bien que les lacs, nourrilTent une
bête informe appeîlée Manaù, de laquelle il
donne la defçription prefqu'entièrement tirée
d'Ovièdo; & tout ce qu'il y a de plus , c'eflr
que les mains de cet animal portent cinq on-
gles femblables à ceu:. de l'homme, qu'il a le-
nombril & l'anus larges, la vulve comme celle
d'une femme, la vergeiComme celle d'un che-
val, la chair & la graife comme celles d'un^
cochon gras, & enfin les côtes 6c les vifcè-
res comme un taureau ; qu'il s'accouple fuif'
terre à la manière humaine , la femelle ren-
verfée fur le dos , & qu'elle ne produit qu'un
petit , qui eft d'une grofieur monfirueufe en*
naiffant ( / ). L'accouplement de ces ani-
maux qe peut fe faire, fur terre , comme le;
(it) Defçription des Indes occidentales, par Hsrrey»»,
(/) Hernan4. H//1, Nkx. pag. 323 & 314,
déS' Phoques y &c. 9yt
é\î Mernandès , puifqu'ils n'y peuvent aller f
& il le fait dans Teau fur un bas- fond. Binet
{m) dit que le lamantin eft gro5 comme un
bœuf^& tout rond comme un tonneau, qu'il
a une petite tête & peu de queue; que fii
peau ei\ rude & épaiffe comme celle d'un
éléphant , qu'il y en a de fi gros , qu'on en
tire plus de fix cents livres de viande très
bonne à manger ; que fa graifie eft aufîi
douce que le beurre ; que cet animal fe
plaît dans les rivières proche de leur em-
bouchure à la mer , pour y brouter l'herbe
qui croît le long des rivages; qu'il y a de
certains endroits , à dix ou douze lieues de
Cayenne , où Ton en trouve un i\ gtand nom-
bre , que l'on peut dans un jour en remplir
une longue barque , pourvu q.u'on ait des gens
qui fe fervent bien du harpon. Le P. du Ter-
tre, qui décrit au long la chaffe ou la pèche^
du lamantin, s'accorde prefque en tout avec
les Auteurs que nous venons de citer; ce-
pendant il dit que cet animal n'a que quatre
doigts & quatre ongles à chaque main, & il
ajoute qu'il fe nourrit d'une petite herbe qui-
croît dans la mer , qu'il la broute comme le
bœuf fait celle des prés ; & qu'après s'être
rempli de cette pâture, il cherche les riviè-
res & les eaux douces, où il s'abreuve deux
fois par jour;, qu'après avoir bien bu & bien^
mangé, il s'endort le mufle à demi hors de
l'eau , ce qui le fait remarquer de loin ; que^^
(m) Voyage^ à Tlilc de Cayenne, par Antoine Bi=»
net, page J4U.
Z 4
Iji Hljlotre naturelle
la femelle fait deux petits qui la fuivenf par"--
tout ; & que fi on prend la mère , on eft af-
furé d'avoir les petits, qui ne l'abandonnent
pas, même après fa mort, & ne font que
tournoyer autour de la barque qui l'e nporte
(n). Ce dernier fait me paroît très fufpeci ,
il eft même contredit par d'autres Voya-
geurs ^ qui affurent que le lamantin ne pro-
duit qu'un petit: tous les gros animaux qua-
drupèdes ou cétacées ne produifent ordinai-
rement qu'un petit; la feule analogie fuiiit
pour qu'on fe refufe à croire que le la-
mantin en produife toujours deux j comme'
ValTiire le P. du Tertre. Oexmelin remarque
que le lamantin a la queue fituée comme les
cétacées , & non pas comme les poifîbns à
écailles qui Tont tous dans la direétion ver-
ticale du dos au ventre , au lieu que la ba-
leine & les autres cétacées ont la queue fi-
tuée tranfverfalement, c'eft-à-dire, d'un côté
à l'autre du corps ; il dit que le lamantin n'ïï
point de dents de devant > mais feulement
une callofité dure copime un os , avec la-
c[uelle il pince l'herbe ; qu'il a néanmoins
trente-deux dents molaires; qu'il ne voit pas
bien à caufe de la petiteffe de fes yeux , qui
n'ont que fort peu d*humeur & point d'iris ;,
qu'jl a peu de cervelle ; mais qu'au défaut de
bons yeux , il a l'oreille excellente ; qu'il
n'a point de langue ;que les parties de la gé-
nération font plus femblables à celles de.-
( n ) Hidaire générale des Antilles » par il P, du
Tertre,
des Phoques , &4, ^73
Thomme & de la femme , qu'à celles d'aucun
animal; ^v,q le lait des femelles, dont il af-
fure avoir goûré , eiï d'un très bon goût y
qu'elles ne produifent qu'un feul petit, qu'el-
les emb-aiTent & portent avec la main ; qu'el-
les l'allaitent pendant un an , après quoi il
eft en état de fe pourvoir lui-même & de
manger de l'herbe; que cet animal a, deputs
le cou jufqu'à la queue , cinquante deux
vertèbres; qu'il fe nourrit comme la tortue,
mais qu'il ne peut ni marcher ni ramper fur
la terre {o ). Tous {?es faits font affez exa6ls ,
& même celui des cinquante-deux vertèbres ,
car M. Daubenton a trouvé dans l'embryon
qu'il a difféqué , vingt- huit vertèbres dans
la queue , feize dans le dos , & fix , ou plutc/t
fept, dans le cou. Seulement , ce Voyageitr
fe trompe au fujet de la langue , elle ne man-
que point au lamantin ; mais il eft vrai qu'elle
eft attachée en deffous & prefque julqu^à
fon extrémité à la mâchoire inférieure. On
trouve dans le Voyage aux isîes de l'Amérî-
que, Paris y ij22 , une affez bonne defcrip-
tion du lamantin, & de la manière dont on:
le harponne ; TAuteur eft d'accord fur tous
les faits principaux avec ceux que nous a^•OiTS
avons cités; mais il obferve « que cet animal
M eft devenu affez rare aux Antilles , depiu's
» qne les bords de la mer font habités ; celui
li qu^il vit & qu'il mefura , avoit quatorze
» pieds neuf pouces, depuis le bout du mufle
yvM
(o) Hi(toire des Avanturters, par Oexinelin^ tamc
XÎl , ^a£e ri^ & fiùvantcs^
174 ffijleïre naturelle
7} jurqu'à la naifTance de la queue; il étoif
r tout rond jufqu'à cet endroit ; fa tête étoif
5> greffe , fa gueule laige avec de grandes
V babines & quelques poils longs & rudes
» au-delTus ; fes yeux étoient très-petits par
j> rapport à fa tête , & fes oreilles ne pa-
w roifîbient que comme deux pretits trous; le
» cou eft fort gros & fort court, & ians un
» petit mouvement qui le fait un peu plier,
» il ne fe*-ioit pas pclTible de diftinguer la
j> tête du refte du corps. Quelques Auteurs
» prétendent (ajoute- 1- il) que cet animal
» fe fert de les deux mains ou nageoires
» pour fe traîner fur terre j je me fuis loi-
» gneufement informé de ce fait; perfonne
w n'a vu cet animal à terre, & il ne lui eft
» pas poifible de marcher ni d'y ramper; fes
•il pieds de devant ou fes mains ne lui fervant
« que pour tenir fes petits pendant qu'il leur
M donne à téter; la femelle a deux mamelles
» rondes , je les mefurai , dit l'Auteur, elles
« avoient chacune fept pouces de diamètre
» fur environ ({uatre d'élévation; le mame-
» Ion étoit gros comme le pouce & fortoit
w d'un bon doigt au dehors; le corps avoit
» huit pieds deux pouces de circonférence;
» la queue étoit comme une large palette de
>♦ dix-neuf pouces de long, & de quinze pou»
>» ces dans fa plus grande largeur , & 1 e-
» paiffeur à l'extrémité étoit d'environ trois
» pouces ; la peau étoit épaiffe fur le dos
n prefque comme un double cuir de bœuf,
»> mais elle étoit beaucoup plus mince fous le
» ventre ; elle eft d'une couleur d'ardoife
». brune, d'un gros grain & rude, avec des
des fhoqms y &ff» 27^
» poils de même couleur, cîair-femés, gros>
« & allez longs. Ge lamantin pefoit enviroi^
» huit cents livres; on avoir pris le petit
» avec la mèrej.il avoirà-peu-près trois pi^us
î» de long; on fit rôtir à la broche le côté
^ de la queue , on trouva cette chair auifi
V bonne & auffi délicate que du veau..
» L'herbe dont ces animaux Te nourriiTent ,.
)> eft longue de huit à dix pouces , étroite,
)? pointue , tendre & d'un affez beau vert y
» on voit des endroits fur les bords & fur
M les bas-fonds de la mer, où cette herbe eft
r, fi abondante , que le tond parou être une
5> prairie; les tortues en mangent aulfi (/?),-
» &c.r) Le Père Magnin de Fribourg, dit que-
le lamantin man^e Therbe qu'il peut atteindre,.
fans cependant fortir de l'eau Qu*it
a les yeux petits & de la groffeur d*une noU
fette ; les oreilles fi fermées, qu'à peine il
y peut entrer une aiguille ; qu'au dedans.
des oreilles fe trouvent deux petits os per-
cés ; que les Indiens ont coutume de por-
ter ces petits os pendus au cou comme un
bijcu. . . & que fon cri reffemble à un petit
n-jugifTement ( ^ ).
Le P. Gumiila rapports qu'il y a une in-
finité de lamantins dans les grands lacs de
(/?) Nouveau Voysge aux blés de rAmérique, ton»c:
U , pa^c 206 & fuir,.
(^) Extrait d'un manufcrit du P. Magnin de Fri-
bourg, MlflTionnaire de Boi)», Correfpondant de TAca-
démie àçs Sciences, tradu<fiion de l'efpagnol, commu-
niquée par M. de. la. Condamiae*
iy6 tîîjîoire nàtunlU
î'O^rénoque : « Ces animaux, dît-il , péfenf
» chacun depuis cinq cents jufqu'à fept cents
» cinquante livres; ils fe nourriflent d'her-
» bes; ils ont les yeux forts petits, & leà
>» trous des oreilles encore plus petits ; ils
» viennent paître fur le rivage lorfque la ri-
ty vière eft baffe. La femelle met toujours
» bas deux petits , elle les porte à fes mamelles
») avec fes bras , & les ferre fi fort qu'ils ne
» s'en féparent jamais , quelque mouvement
*> qu'elle faffe ; les petits , lorfqu'ils viennent
» de nahre , ne laiffent pas de pefer cha-
» cun trente livres; le lait qu'ils tètent eft
>> très épais. Au-deffbus de la peau , qui eft
» bien plus épaiffs que celle d'un bœuf, on
yt trouve quatre enveloppes ou couches ,
» dont deux font de graiite , & les deux au-
» très d'une chair fort délicate & favoureufe ,
« qui, étant rôtie , a l'odeur du cochon Si
9> le goût du veau. Ces animaux , lorfqu'il
3) doit pleuvoir , bondiffent hors de l'eau à
» une hauteur affez confidérable (r) ; » H
paroît que le Père Gumilla fe trompe comme
le P. Qu Tertre , en difant que la femelle
produit deux perits; il eft prefque certain,
comme nous l'avons dit, qu'elle n'en pro-
duit qu'un.
Enfin M. de la Condamine , qui a bien
voulu nous donner un deffin qu'il a fait
lui-même du lamantin , fur la rivière des
Amazones, parie plus précifément & mi>eax
que teus les autres , des habitudes naturelles
(») Hiftoire de l*Orénoqae, par Gumilla,
des Phoques , &c, 177
<1e cet arrimai, a Sa chair, dit-il , & h graiffe
» ofit affez de rapport à celle du veau ;
» le Père d'Acuna rend fa reflemblance avec
»> le bœuf encore plus complète , en \\x\ don-
w nant des cornes dont la Nature ne Ta point
» pourvu ; il n'eft pas amphibie , à propre-
a ment parler , puifqu'il ne fort jamais de
» l'eau entièrement, & n'en peut fortir,
» n'ayant que deux nageoires vi^^j. près de
» la tête , plates & en forme d'ailerons , de
" quinze à feize pouces de long , qui lui
» tiennent lieu de bris & de mains ; il ne
w fait qu'avancer fa tête hors de l'eau pour
>» atteindre l'herbe fur le rivage. Celui que
f> je d ffinai ( ajoute -M de la Condamine )
î) étoit femelle , fa longueur étoit de fept pieds
w & demi de roi,& fa plus grande largeur de
" deux pieds. J'en ai vu depuis de plus
y> grands; les yeux de cet animal n ont au-
» cune proportion à la grandeur de fon corps ;
»> ils font ronds & n'ont que trois lignes de
w diamètre ; l'ouverture de fes oreilles eft
j» encore plus petite & ne paroît qu'un trou
ï> d'épingle. Le manati n'eft pas particulier
w à la rivière des Amazones^ il n'eft pas moins
« commun dans TOrénoquei il fe trouve
5) aufii , quoique moins fréquemment, dans
n rOyapoc & dans plufieurs autres rivières
»î des environs de Cayenne & des côtes de
j> la Guiane, & vrailémblablement ailleurs,
») C'eft le même qu'on nommoit autrefois
j> Manati, & qu'on nomme aujourd'hui La^
M mantin à Cayenne & dans les isles françoifes
w d'Amérique; mais je crois l'eTpèce un peu
f* di^éreme. Il ne ie reiiçontre pas çn h^ute
a 7 'S ffifioirt natuttlh
« mer, il eft méine rare près des etnbouchu^
i> res des rivières; mais on le trouve à plus
j> de mille Jieues de la mer dans la plupart
î> des grandes rivières qui defcendent dans
9> celle des Amazones , comme dans le Gual-
îî laga, le Paftaça, &c. Il n'eft arrêté , en re-
î> montant TAmazone, que par le Pongo ( ca-
« tarage ) de Borja , au-déffus duquel on n'en
9> trouve plus (^/) ».
Voilà le précis, à-peu-près, de tout ce que
l'on fait du lamantin ; il feroit à defirer que
nos habitans de Cayenne, parmi leiquels il
y a maintenant des perfonnes inftruites &
qui aiment l'Hiftoire Naturelle , obfervaiTent
cet animal &: iilïent la defcription de fes par-
ties intérieures, fur-tout de celles de la ref-
piration , de la digeftion & de la génération^
Il paroît , mais nous n'en fommes pas iiirs ,
qu'il a un grand os dans la verge , le trou
ovale du cœur ouvert, les poumons fmgu-
lièrement conformés , Teftomac divifé en
plufieurs portions , qui peut-être forment
plufieurs eftomacs difFérens^ comme dans les
animaux ruminans.
Au refte, l'efpèce du lamantin n'eft pas
■confinée aux mers & aux fleuves du nouveau
inonde , il paroît qu'elle exifte auiTi fur les
cotes & dans les rivières de l'Afrique. M.
Adanfon a vu des lamantins au Sénégal; il
€n a rapporté une tète qu'il nous a donnée ,
(/) Voyage fur la rivière des Amazones, par M. de
la Condamine, in-î° . pa;;e 154 & fuiv. Mémoire de
r Académie des Sciences , 474^ , p^ges 46^ & ^Cj,
c^cs Phoques y &c. ly^
'Qi en mé.ne temps il a bien voulu me com-
muniquer la defcription de cet animal, qu'il
a faite fur les lieux, &. je crois devoir la
rapporter en entier, u J'ai vu beaucoup de
3> ces animaux (dit M. Adanfon); les plus
V grands n*avoient que huit pieds de lon-
» gueur, & peioient environ huit cents li-
î) vres; une femelle de cinq pieds trois pouces
« de long ne pefoit que cent quatre-vingt-
V quator:ee livres ; leur couleur eft cen-
j> drée- noire ; les poils font très rares fur tout
» le corps , ils font en forme de foies lon-
?» gués de lîeuf lignes; la tête eft conique &
î> d'une gfofleur médiocre , relativement au
5) volume du corps ; les yeux font ronds & très
« petits.-l'iris eft d'un bleu foncé, & la prunelle
» noire; le mufeau eft prefque cylindrique,
» les deux mâclioires font à-peu près égale-
» ment larges, les lèvres font charnues &
M fort épaiiTes; il n'y a que des dents mo-
î> laires, tant à la mâchoire d'en haut qu'à
» celle d'en bas : la langue eft de forme
» ovale & attachée prefque , jufqu'à fon ex-
V trémiré, à la mâchoii^e inférieure ; il eft
s> fmgulier ( continue M. Adanfon ) que
i) preique tous les Auteurs ou Voyageurs
j> ayent donné des oreilles à cet animal: je
îï n'ai pu en trouver dans aucun, pas même
» un trou alTez ftn pour pouvoir y introduire
» un ftilet {t) ; il a deux bras ou nageoi-
(t) Nota II paroît néanmoinit certain q le cet animai
3 des trou? auditifs & externes. M. de \.\ Coidamine
vient de m'aiTurer qu'il les a vus & mefarés , Se qae
tSo Hijîoire naturelle
M res placés à l'origine de la tête , qui n'eft
» diftinguée du tronc par aucune efpèce de
M cou, ni par des épaules fenfibies; ces bras
n font à-peu-près cylindriques, compofés de
» trois articulations principales, dont Tante-
« rieure forme une efpèce d-e main aplatie,
w dans laquelle les doigts ne fe diftinguent
j> que par quatre ongles d'un rouge brun &
« luifant : la queue eft horizontale comme
w celle des baleines , & elle a la forme d'une
jj pelle à four. Les femelles ont deux ma-
r> mellesplus elliptiques que rondes, placées
î? près de l'ailTelle des bras ; la peau eft un
ty ciiir épais de fix lignes fous le ventre , de
» neuf lignes fur le dos , & d'un pouce &
î7 demi fur la tête. La graiife eft blanche &
j) épaiffe de deux ou trois pouces : la chair
i> eft d'un rouge-pâle , plus pâle & plus dé-
i> licate que celle du veau. Les Nègres Oua-
») lofes ou Jalofes appellent cet animal Ze-
» reju, 11 vit d'herbes & fe trouve à l'embou-
» chure du fleuve Niger ".
On voit par cette defcription , que le la-
mantin du Sénégal ne diffère , pour ainfi dire ,
en rien de celui de Cayenne ; & par une
comparaifon faite de la tête de ce lamantin
du Sénégal avec celle d'un foetus («) de la-
ces trous n'ont pas plus ri'une <Jemi-ligne de diamètre ;
& comme le lamantin a la faculté de les contrarier &
de les ferrer, il eft très pcflib'e qu'ils ayent échappé à
la vue de M. Adanfon, d'autant que ces trous font
très petits lors iréme que l'animal les tient ouverts.
{u ) Nota. M. ie chevalier Turgot, aftcellemenr gou-
verneur de la Guiane, Si. qui auparavant avoit î^\t don
. mantin
iîés Phoques , &c* iS t
fnantîn de Cayenne , M. Qaubentoii préfume
aiiffi qu'ils font de même cTpèce. Le témoi-
gnage des Voyageurs ( x) s'accorde avec
notre opinion; celui de Dampier fur- tout eii
au Cabinet du Roi , âe ce fœtus de lamantin, eft mifn*
tenant bien à portée de cultiver fon goût pour l'Hifioir^
naturelle, & de nous enrichir non-Teiilement de fes
dons, mais de fes lumiè e .
(x) Oexmelin rapporte qu'il y a des lamantins A:r
les côtes de l'Afrique, & qu'ils font plus communs f if
la côte du Sénéiial que dans la rivière de Gambie. H f^
taire des Avanturiers , tome II, page itf. — - Le Guat af-
fure en avoir vu beaucoup dans les mers de l'j-'e
Rodrigue. La tête du hmantin de cette isle refTemhla
beaucoup (dit ce Voyageur ) à celte du cochon , excepté
qu'elle n'a pas le groin û pointu. Les plus grands la-
lïiantins ont environ vingt pieds de long. .... Cet'
animal a le fang chiud, la peau noirâtre, fort rude &
fort dure, av?c quelques poils fi clair-femés qu'on ;i&
les apperçoit qu'a oeine ; les yeux petits, & deux trous
«ju'il ferre & qu'il ouvre, que Ton peut avec raifoi*
appeller fes orc'UUs ; comme il retire alTez foavent Irf
langue , qui n'eft pas fort grande , plufieurs ont dit qu'il
n'en avoit point; il a des deiits màcheliètes. .......
mais il n'a point de dei.f ; de devant & fes gencives
.font affez dures pour arracher & brouter l'herbe. . . ,
Je n'ai jamais vu qu'un petit avec la femelle, & j'ai dif
penchant à croire qu'e'le n'en produit qu'un â la foîs,..r
Nous trouvions quelquefois trois ou quatre cents de ce*
animaux enfemble qui paiiToient l'herbe au fond ce l'eau ^
ils étoient fi peu effarouchés, que foavent nous les ti-
ti«ns pour choifir le plus gras; nous leur pafTions une'
corde à la queue pour les tirer hors de l'eau ; nous né"
prenions pas les olu^ gros, parce qu'ils nous auroi«nlv
donné trop de peine, & que d'ailieurs lexir chair n'evV
pas fi délicate que celle des petits. . . . Nous n'avons-
pas remarqué que cet animal vienne îatr.ais à terre, ]ê
doute qu'il pût s'y traîner, & je ne crois pas qu'il <'oit-
ampbibi«. Voyage (U U Guat , t&mè I, page p? & fuiy^
^S 1 Hijloirc naiurdlt
pofitif , & les obfervations qu'il a faites fim
cet animal méritent de trouver place ici^
n Ce n'eft pas feulement dans la rivière de
5> Blewfîeld , qui prend fon origine entre les
» rivières de Nicarague & de Verague, que
îï j'ai vu des manates ( lamantins j; j'en ai
»> auffi vu dans la baie de Campèche , fur
« les côtes de Bocca del drago , & de Bocca
>ï del loro , dans la rivière de Darien & dans
j> les petites isles méridionales de Cuba; j'ai
w entendu dire qu'il s'en eft trouvé quelques-
î) uns au nord de la Jamaïque , & en grande
5> quantité dans la rivière de Surinam , qui
3> efl un pays fort bas : j'en ai vu aufli à
» Mindanao , qui eft une des isles Philippi-
» nés , & fur la côte de la nouvelle Hol-
j> lande Cet animal aime l'eau qui
» a un goût de fel , auffi fe tient- il com-
» munément dans les rivières voifines de Ja
it mer ;c'eft peut-être pour cette raifon qu'on
3) n'en voit point dans les mers du fud , où
5) la côte eft généralement haute , l'eau pro-
» fonde tout proche de terre , les vagues
w groffes j fi ce n'eft dans la baie de Panama ,
w où cependant il n'y en a point; mais les
S) Indes occidentales étant, pour ainfi dire,
s> une grande baie compofée de plufieurs pe-
3) tiHes , font ordinairement une terre baffe
3> où les eaux qui font peu profondes , four-
3> niflent une nourriture convenable au la»
» mantin ; on le trouve quelquefois dans
3> l'eau falée , quelquefois auffi dans l'eau
n douce , mais jamais fort avant en mer ;
n ceux qui font à la mer & dans des Keux
sî 0^ il n'y a ni rivières xm bras de. m^r
n
dôs Phoques y &c, lEy
n o\i i!s puiffent entrer, viennent néanmoins
3> en vingt-quatre heures, une fois ou deux»
» à l'embouchure de la rivière d'eau douce
« Ja plus voifine. ..... Ils ne viennent
3) jamais à terre ni dans une eau fi bafTe qu'ils
» ne puiiTent y nager ; leur chair eft faine
w & de très bon goût ; leur peau eft aufli
» d'une grande utilité. Les lamantins & les
3> tortues fe trouvent ordinairement dans les
M mêmes endroits , & fe nourriffent des mé-
« mes herbes, qui eroiflent fur les hauts -fonds
» de la mer, à quelques pieds de profondeur
» fous L'eau , & fur les rivages bas que cour
3> vre la (y) marée «.
(^ Voyage de Dampier , tome î , page ^C & fuly-,
FIN du fixumi F&lumei
A a X
TABLE
De ce qui eft contenu tians ce voiiime,
L
Jue
tE PoRc-Êpic.. Page 5^
Coendou, i y
L'Urfon. 1^
X^ Tanrec & le Tendrac, 22
Xj Girafe. 2Ç
Ze Z^/«.2 6' /e Paco* 40
Wnau & l'Ai ^S
Le Surïkate^ y4
Zf Tarjier. •yj
Le Phalan^zr. 8a
Le CcqùizlLïn^ g 2
Z^ HaTJijIir. 84
Ze Bobak 6* /d^ <ï«;rf^ Marmottes^ ^4
Z^i Gerbo'ifes. 08
Z<î Aiiingeujèe» 107
Z<î Fojfiine^ nj
Le Vanjîre. 1 20
Z^^ Aîakis» 122
Ze Loris. 1^1
Zj Chauve- fùur'is , Fer-de-Jafice, 134
Ze ServaL loy
L' Ocelot. 140
Ze Margay. 146
Zf Chacal & PAdlve^ 150
L'Ifatis. 164
Ztf Ghutoru 170
s TABLE.
Les Mouf.tles. ' \%d
Le Pékan 6» k Vifon^ 193
La Zibeline^ 196
Le Leming. 202
La Saricovïenne. 207
La Loutre de Canada, 210
Les Phoques , les Morfes & les Lamantins, 214,
Fin de la table du Tome V>L
^^it^\
^^r^ '
■■"i--*