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Full text of "Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du roi"

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Stîf  i.  m.  Ml  îlibrarg 

Nnrtlf  (Ewcolxm  ^UU 


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Fred   S,    Barkalow 
trcciAt.  courcT^e^fc 

B79 
V.9 


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-MARCH   65 FORM   2 


HISTOIRE 


NATURELLE. 


Quadrup^d^»  Tome  VL 


^u^drupèdts,  Tom.  Vt.  k 


HISTOIRE 

NA  TURELLE, 

GÉNÉRALE 
ET    PARTICULIERE, 

f>AR  M.  LE  COMTE  DE  BUFFON^ 
Intendant  du  Jardin  du  Roi  ,  de 
l'Académie  Françoise  et  de  celle  des 
Sciences  >  &c. 

Quadrupèd&s^   Tcm,  FI, 


LM'- 


AUX    DEUX-PONTS, 
Chez  SANSON  &   Compagnie. 


M.  DCC  LXXXViî, 


Tom..^VT 


Pt.  I 


n  T^j^Po r  c  -Kptc.  2.  Autres  Poix -Epù> 
i5  ItA  focadoy.. 


HISTOIRE 

NA  T  U  R  ELLE. 
LE    P  O  R  C  -  ÉP  IC    ia\ 

Voye^  planche  I  ^  fi^.  i  &  i  de  ce  volume, 

XL  ne  faut  pas  que  le  nom  de  Porc-épineux 
qu'on  a  donné  à  cet  animal ,  dans  la  plupart 
des  langues  de  l'Europe ,  nous  induife  en  er- 
reur, &  faffe  imaginer  que  le  porc-épic  foit 
en  effet  un  cochon  chargé  d'épines:  car  il  ne 


(a)  Porc-épic  j  en  Grec  St  en  Latin,  Hyjirix  %  en 
Arabe,  T{ur-ban  ,  félon  le  Dofteur  Shaw;  en  Anglois , 
Porcupine  ;  en  Allemand  ,  Stachelfchwein  ;  en  Italien  , 
Porco/pino/o  ;  en  Efpagnol,  Puerco  efpino. 

Hljtrix.  Gefner,  Hi/i.  ^uatLfig.  pag.  J63.  Nota.  Quoi- 
que Gefner  dife  que  la  hgure  qu'il  donne  du  porc-épic 
a  été  faite  d'après  l'animal  vivant,  elle  pèche  ce  en'lant 
en  plufîeurs  chofesiôc  fiAgulièrement  par  les  dents.  Ls 

A  3 


6  Nijloin  nàturdlt 

relTemble  au  cochon  que  par  le  grognemenr  ; 
par  tout  le  refte^  il  en  diffère  autant  qu'au- 
cun autre  açimal ,  tant  pour  la  figure  que 
pour  la  conformation  intérieure  ;  au  lieu 
d'une  tête  alongée ,  furmontée  de  longues 
oreilles,  armée  de  défenfes  &  terminée  par 
un  boutoir,  au  lieu  d'un  pied  fourchu  & 
garni  de  fabots  comme  le  cochon,  le  pprc- 
épic  a  comme  le  caftor  la  tête  courte ,  deux 
grandes  dents  incifives  en  avant  de  chaque 
mâchoire  ^  nulles  défenfes  ou  dents  canines , 
le  mufeau  fendu  comme  le  lièvre ,  les  oreilles 
rondes  &  applaties,  &  les  pieds  armés  d'on- 
gles ;  au  lieu  d'un  grand  eftomac  avec  un 
appendice  en  forme  de  capuchon ^  qui,  dans 
le  cochon  j  femble  faire  la  nuance  entre  les 


porc  épie  n*a  qre  deux  dents  incifives  à  chaque  mâ- 
choire, &  point  de  dents  canines;  &  dans  la  figure  de 
Gefner,  il  a  huit  dents  incifiyes  ou  canines. 

Hyjîrix  y  thc  Pcrcupine.  R'^^y,  SyrJ.  quad,  pag.  2o6. 

Pcrc-éplc.  Mémoires  pour  ("ervir  à  l'hiftoire  des  Ani- 
maux, partie.  II  ^  page  3^  ,  jtg.  pi.  XLI. 

Hyftrix  Orhntalis  crijlata.  Séba  ,  vol.  I ,  page  79  ,  fig. 
I  ,  Tsb.  I.  Ncta.  i*'.  L'épithète  OrUnt^Us  eft  ici  ma! 
appliquée,  car  le  porc- épie  fe  trouve  en  Afrique  &  dans 
tous  les  pays  chauds  de  l'Europe  &  de  l'AÉe.  Nota* 
a*'.  La  figure  &  la  defcription  de  Séba  pèchent  en  c» 
qu'elles  n'indiquent  que  trois  ongles  aux  pieds  de  der- 
rière ,  tandis  que  cet  animal  en  a  cinq.  M.  Linnaeus  , 
qui  avoit  adopté  cette  erreur  dans  fes  premières  édi- 
tions, l'a  reconnue  &  corrigée  dans  les  dernières. 

Hyfirix  capiu   crijîato Hyftrix  ,  le  porc  -  épie. 

Brifibn  ,  Rcgn.  anim.  page  iif; 

Criftata.  Hyftrix  pahnis  utradaclylis ,  plantis  pentudac^ 
tylls  ,  cupite  criftato,  caudâ  ahbrtyiata».  Linn.  Syft,  nat, 
*dit.  X,  pifg.  j6. 


du  Porc^épic,  7 

futnînans  &  les  autres  animaux ,  le  porc-épîc 
n*a  qu*un  fimple  eftomac  &  un  grand  cœcum^ 
les  parties  de  la  génération  ne  font  point  ap» 
parentes  au  dehors  comme  dans  le  cochon 
mâle;  les  tefticules  du  porc-épic  font  recelés 
au  dedans  &  renfermés  fous  les  aines  ;  la  verge 
n'eft  point  apparente  ;  &  l'on  peut  dire  que 
par  tous  ces  rapports  aufli-bien  que  par  la 
queue  courte,  la  longue  mouftache^  la  lè- 
vre divifée  ,  il  approche  beaucoup  plus  du 
lièvre  ou  du  caltor  que  du  cochon.  Le  hé- 
riffon  qui  comme  le  porc-épic  eft  armé  de 
piquans  ,  reffembleroit  plus  au  cochon;  car 
il  a  le  mufeau  long  &  terminé  par  une  efpèce 
de  grouin  en  boutoir  ;  mais  toutes  ces  ref- 
lemblances  étant  fort  éloignées  ,  &  toutes 
les  différences  étant  préfentes  &  réelles  ,  il 
n'eft  pas  douteux  que  le  porc-épic  ne  foit 
d'une  efpèce  particulière  &  différente  de  celle 
du  hérifton,  du  caflor,  du  lièvre  ou  de  tout 
autre  animal  auquel  on  voudroit  le  com- 
parer. 

Il  ne  faut  pas  non  plus  ajouter  foi  à  ce 
que  difent  prefqu'unanimement  les  Voyageurs 
&  les  Naturalifies ,  qui  donnent  à  cet  animal 
la  faculté  de  lancer  fes  piquans  à  une  alTez 
grande  diftance  &  avec  affez  de  force  pour 
percer  &  bleffer  profondément ,  ni  s'imaginer 
2vec  eux  que  aes  piquans,  tout  féparés  qu'ils 
font  du  corps  de  l'anim.al ,  ont  la  propriété 
très  extraordinaire  &  toute  particulière  de 
pénétrer  d'eux-mêmes  &  par  leurs  propres 
forces  plus  avant  dans  les  chairs,  dès  que  la 
pointe  y  efî  une  fois  entrée  :  ce  dernier  fait 
«i^  purement  imaginaire  &  deftitué  de  tout 

A  4 


s  Hijloln  naturelle 

fondement ,  de  toute  raifon  ;  le  premier  eft 
auffi  faux  que  le  fécond,  mais  au  moins  l'er- 
reur paroît  fondée  fur  ce  que  l'animal ,  lorf- 
qu'il  eft  irrité  ou  feulement  agité,  redreiTe 
fes  piquans,  les  remue ,  &  que  comme  il 
y  a.  de  ces  piquans  qui  ne  tiennent  à  la  peau 
q«e  par  une  efpèce  de  filet  ou  de  pédicule 
délié  ,  ils  tombent  aifément.  Nous  avons  vu 
des  porcs-épics  vivans,  &  jamais  nous  ne  les 
avons  vus  ,  quoique  violemment  excités , 
darder  leurs  piquans  :  on  ne  peut  donc  trop 
3i'étonner  que  les  Auteurs  les  plus  graves  , 
tant  anciens  (  ^  )  que  modernes  (  c  )  ,  que  les 
Voyageurs  les  plus  fenfés  {d)  foient;  tous 


{h  )  AtîJL  Hifi.  anim.  Li.lX,  cap.  xxxix.  —  PVjï. 

Uiji.  Nat,  lib.  P'III,  cap.  LUI.  —  Qpian.  de  Venaticm, 
(c)  Mrs.  les  Aratomiftes  de  l'Académie  des  Sciences. 
Ceux  des  piquants ,  difent-ils,  qui  ctoient  les  pius  fcns  S' 
les  plus  courts  étaient  aifés  à  arracher  de  laptau. ,  ny  étant 
pas  attachés  fermement  comme  les  autres  ,  aujji  font-ce  csitx. 
que  ces  animaux  (  les  porcs-épics  )  ont  accoutumé  de  lanar 
contre  les  chaffeurs ,  en  fcccuant  leur  peau  comme  font  les 
chiens  lorfqu  ils  fartent  de  Peau.  Claudien  dît  également 
que  le  porc-épic  eft  Un-même  l'arc,  le  carquois  &  la 
ftéche  dont  il  fe  fert  contre  les  chaflTeurs.  Mémoires  pour 
fcryir  â  l'hijioire  des  Animaux,  tome  III ,  page  n^.  Nota. 
La  fable  eft  le  domaine  des  Poètes ,  &  il  n'y  a  point  de 
reproches  à  faire  à  Claudien  :  mais  les  Anatomiftes  de 
l'Académie  ont  eu  tort  d'adopter  cette  fable,  apparem- 
ment pour  citer  Claudien  j  car  on  voit,  par  leur  propre 
expofé ,  que  le  porc-épic  ne  lance  point  fes  piquants , 
&  que  feulement  ils  tombent  lorfque  l'animal  fe  fecoue. 
Wormius.  Muf.  Wormian.  page  255.  —  ^o/o/i ,  page 
56  —  Aldrov.  de  quad.  Digit.  page  475,  &  plufieurs 
mitres  Auteurs  célèbres  ont  adopté  cette  erreur. 
(^d)  Tavernier,  tomi  II,  pages  10  <$•  zi.  —  Kolbe, 


du    Porc-iplc*  9 

cl'accor<3  fur  un  fait  auffi  faux  :  qKfelques-uns 
d'entr'eux  difent  avoir  eux-mêmes  été  blef- 
Çès  de  cette  efpèce  de  jaculation  ,  d'autres 
affurent  qu'elle  fe  fait  avec  tant  de  roideur, 
que  le  dard  ou  piquant  peut  percer  une  plan- 
che (  c  )  à  quelques  pas  de  diftance.  Le  mer- 
veilleux, qui  n'eft  que  le  faux  qui  fait  plai- 
fir  à  croire ,  augmente  &  croît  à  mefure  qu'il 
paffe  par  un  plus  grand  nombre  de  têtes  ;  la 
vérité  perd  au  contraire  en  fail'ant  la  même 
route  ;  &  malgré  la  négation  pofitive  que 
je  viens  de  graver  au  bas  de  ces  deux  faits , 
je  fuis  perfuadé  qu'on  écrira  encore  mille  fois 
après  moi .,  comme  on  l'a  fait  mille  fois  au- 
paravant, que  le  porc-épic  darde  fes  piquans , 
&  que  ces  piquans  féparés  de  l'animal,  en- 
trent d'eux-mêmes  dans  les  corps  où  leur  pointe 
eil  engagée  (/). 


'tome  III,  page  46.  —  Barbot,  Hijioire  générale  des  Voyt^- 
giis ,  tome  IV  t  page  ajj. 

(  c  )  Lorfque  le  porc  épie  eft  en  furie,  il  s'élance  avec 
une  extrême  vîteffe,  ayant  fes  piquants  dreffés,  qui 
font  quelquefois  de  la  longueur  de  deux  empans,  fur  les 
hommes  &  far  les  bêtes,  5c  il  les  Jarde  avec  tant  de 
force,  qu'ils  poiirroient  percer  une  planche.  Voyage  ^n 
Guinée ,  par  Bofman.  Utrccht ,  tjoj  ,  page  zf^. 

(y)  .VoM.  i**.  11  faut  cependant  excepter  du  nombre 
de  ces  Voyageurs  crédules  le  Docteur  Shaw.  «»  De  tous 
les  porcs-épics,  dit  il,  que  j'ai  vus  en  grand  nombre 
en  Afriaue  ,  je  n'en  ai  rencontré  aucun  qui ,  quelque 
chofe  que  l'on  fît  pour  l'irriter,  dardât  aucune  de  fes 
pointes  ;  leur  manière  ordinaire  de  fe  défendre ,  eft  de 
fe  pencher  d*un  côté,  &  ,  lorfque  l'ennemi  s*eft  appro- 
ché d'affez  près,  de  fe  relever  fort  vite  &  de  le  piquer 
de  l'autre.  »♦  Voyage  de  Shaw  ,  traduit  de  l'Anglois ,  to'ute 
l  »  page  523.  Nota,  2<.  Le  P.  Vincent  -  Marie  ne  dit 


10  Hlfloln  naturdh 

Le  porc-épic ,  qiioiqu'originaire  des  climats 
les  plus  chauds  de  l'Afrique  &  des  Indes, 
peut  vivre  &  fe  multiplier  dans  des  pays 
moins  chauds ,  tels  que  la  Perfe ,  rEfpagne 
&  l'Italie.  Agricola  dit  que  Tefpèce  n'a  été 
tranfportée  en  Europe  que  dans  ces  derniers 
fiècles  ;  elle  fe  trouve  en  Efpagne  &  plus 
communément  en  Italie  ,  fur-tout  dans  les 
montagnes  de  TAppennin,  aux  environs  de' 
Rome  ;  c'eft  de-là  que  M.  Mauduit ,  qui  par 
fon  goût  pour  l'hiftoire  naturelle ,  a  bien  voulu 
fe  charger  de  quelques-unes  de  nos  commif- 
fions ,  nous  a  envoyé  celui  qui  a  fervî  à  M. 
Daubenton  pour  fa  defcription.  Nous  avons 
cru  devoir  donner  la  figure  de  ce  porc-épic 
d'ItaliCj  aulîi-bien  que  celle  du  porc-épic  des 
Indes;  les  petites  différences  qu'on  peut  re- 
marquer entre  les  deux  ,  font  de  légères  va- 
riétés indépendantes  du  climat,  ou  peut-être 


point  du  tout  que  le  porc-épic  lance  des  piquants,  il 
aiTure  feulement  que  qujrnd  il  rencontre  des  ferpens  , 
avec  lefquels  il  eft  tou)Ours  en  guerre,  il  fe  met  en 
boule,  cachnnt  fes  pieds  &  fa  tête,  &  fe  roule  fur  eux 
avec  ^^%  piquants  jufqu'à  leur  ôter  la  vie  fans  courir 
rifque  d'être  bleffé.  Il  ajoute  un  fait  que  nous  croyons 
très  vrai,  c'eft  qu'il  fe  forme  dans  l'eftomac  du  porc- 
epic  des  bézoards  de  différentes  fortes  ;  les  uns  ne  font 
que  des  amas  de  racines  enveloppées  d'une  croûte,  les 
autres  plus  petits  paroiflfcnt  être  pétris  de  petites  pail- 
les 6c  de  poudre  de  pierre  ^  &  les  plus  petits  de  tous, 
qui  ne  font  pas  plus  gros  qu'une  noix  ,  paroiffent  pé- 
trifiés en  entier;  ces  derniers  font  les  plus  eftimés. 
Nous  ne  doutons  pas  de  ces  fuits  ,  ayant  trouvé  nous- 
mêmes  un  bézoard  de  la  première  forte,  c*eft-à-dir« 
une  egagropile  dans  l'eftomac  du  porc-épic  qui  nous  3 
^té  envoyc  d'Italie, 


du  Porc-epic,  1 1 

même  ne  font  que  des  diiFérences  purement 
individuelles. 

Pline  &  tous  les  Naturajiftes  ont  dit ,  d'a- 
près Ariftote  ^  que  le  porc- épie  ^  comme  1  *ours , 
fe  cachoit  pendant  l'hiver ,  &  mettoit  bas  au 
bout  de  trente  jours  :  nous  n'avons  pu  véri- 
fier ces  faits;  &  il  eft  fingulier  qu'en  Ita- 
lie, où  cet  animai  eft  commun,  &  où  de 
tout  temps  il  y  a  eu  de  bons  Phyficiens  & 
d'excellens  Obfervateurs  ,  il  ne  fe  foit  trouvé 
perfonne  qui  en  ait  écrit  Thiftoire.  AIdrovande 
n'a  fait  fur  cet  article,  comme  fur  beaucoup 
d'autres ,  que  copier  Gefner  ;  &  Mrs.  de  l'A- 
cadémie des  Sciences ,  qui  ont  écrit  &  dif- 
féqué  huit  de  ces  animaux ,  ne  difent  pref- 
que  rien  de  ce  qui  a  rapport  à  leurs  habitu- 
des naturelles  :  nous  favons  feuleraient  par  le 
témoignage  des  Voyageurs  &  des  gens  qui 
en  ont  élevé  dans  des  ménageries ,  que  dans 
l'état  de  domefticité,  le  porc  épie  n'eft  ni  fé- 
roce ni  farouche ,  qu'il  n'eft  que  jaloux  de 
fa  liberté  ;  qu'à  l'aide  de  fes  dents  de  devant , 
qui  font  fortes  &  tranchantes  comme  celles 
du  caftor;  il  coupe  le  bois  &  perce  aifément 
la  porte  de  fa  loge  (  ^  ).  On  fait  aufli  qu'on 


(^)Nous  avons  en  Gainée  des  porcs-épics.  Ils  croif- 
fent  jufqu'à  la  hauteur  de  deux  pieds  ou  de  deux  riens 
&  demi ,  &  ils  ont  les  dents  fi  fortes  &  fi  affi'ées  ,  qu'au- 
cun bois  ne  peut  leur  réfifter  ;  )'»n  mis  une  fois  lui  cans 
un  tonneau,  m'imaginant  qu'il  feroit  bien  gardé  ,  môiî  , 
dans  l'efpace  d'une  nuit,  il  le  rongea  fi  bien,  qu'il  le 
perça  &  en  fortit ,  il  le  perça  même  dans  le  milieu, 
où  les  douves  font  les  plus  courbées  en  dehors,  Voytigti 
de  Bofman,  page  zj^. 


1 1  Hijîoin  ndtunlU 

le  nourrit  aîfément  avec  de  la  mîe  de  pain , 
du  fromage  &  des  fruits;  que  dans  l'état  de 
liberté ,  il  vit  de  racines  &  de  graines  fau- 
vages  ;  que  quand  il  peut  entrer  dans  un 
jardin,  il  y  fait  un  grand  dégât  &  mange  les 
légumes  avec  avidité;  qu'il  devient  gras, 
comme  la  plupart  des  autres  animaux,  vers 
la  fin  de  Tété  ;  &  que  fa  chair,  quoiqu'un  peu 
fade ,  n'eft  pas  mauyaife  à  manger. 

En  confidérant  la  forme  ,  la  fubftance  & 
Torganifation  des  piquans  du  porc- épie,  on 
reconnoît  aifément  que  ce  font  de  vrais  tuyaux 
de  plumes  auxquels  il  ne  manque  que  les 
barbes  pour  être  de  vraies  plumes  ;  '  par  ce 
rapport,  il  fait  la  nuance  entre  les  quadru- 
pèdes &  les  oifeaux;  ces  piquans,  fur- tout 
ceux  qui  font  voifms  de  la  queue  ,  fonnent 
les  uns  contre  les  autres  lorfque  l'animal 
marche  ;  il  peut  les  redreffer  par  la  contrac- 
tion du  mufcle  peaucier ,  &  les  relever  à- 
peu-près  comme  le  paon  on  le  coq  d'Inde 
relèvent  les  plumes  de  leur  queue  ;  ce  muf- 
cle de  la  peau  a  donc  la  même  force  ,  & 
eft  à-peu-près  conformé  de  la  même  façon 
dans  le  porc-épic  &  dans  certains  oifeaux.  Nous 
faififlons  ces  rapports ,  quoiqu'affez  fugitifs  ; 
c'eft  toujours  fixer  un  point  dans  la  Nature 
qui  nous  fuit  &  qui  femble  fe  jouer ,  par  la 
bizarrerie  de  fes  productions,  de  ceux  qui 
veulent  la  connoître. 


du  Cotndou,  13 


LE     COENDOU     [a]. 

Voyei  planche  /,  fi^rc  ^  de  ce  volume, 

Uans  chaque  article  que  nous  avons  à 
traiter  ,  il  fe  préfente  toujours  plus  d'erreurs 
à  détruire  que  de  vérités  à  expofer  :  cela 
vient  de  ce  que  Thiftoire  des  animaux  n'a , 


(a)  Coendout  nom  de  cet  animal  i  la  Guiane ,  & 
qu?  nous  avons  adopté.  Caandu  (  qui  fe  doit  prononcer 
Couandou  )  au  Bréfil  &  dans  quelques  autres  parties  de 
l'Amérique  méridionale  ,  Hoit^tUcuatiin  ou  Hourtlaquat- 
lin  par  les  Indiens  du  Mexique  &  de  la  nouvelle  Elpa- 
gne  ;  Ourieo-cacfuiro  par  les  Portugais  qui  habitent  «n 
Amérique.  .,.  .. 

Cocndou.  Miffion  du  P.  d'AbbeviUe  au  Maragnon. 
Paris ,   1614  y  feuillet  240,  yerfo.  ^    „  *  . 

Hoititlacuat[in ,  feu  TUcuatim ,  fplnofo  Hyjlrice  novx 
HÏfpanice.  Hernand.  Hift.  Mex.  fig.  pag.  311. 

Hoiiilaquat^in.  Nieremberg ,  fig.  pag.  154-  Nota.  La 
figure  dans  Nieremberg  eft  la  même  que  dans  Hernan- 
des ,  &  la  defcription  a  été  copiée  comme  la  figure. 

Cuandu  Brafilienjîbus.  Marcgrav.  Hifi.  nat.  Braf.  fig. 

^^%lldù.  Pifon  .  Hifi.  Braf  fig.  pag.  99-  Nota.  Là 
figure  de  cet  animal  dans  Pifon  cft  la  même  que  dans 
Marcgrave.  . 

Hyftrix  Amtricanus,  Cuandu  Brafilienfibus,  Marcgrav. 
Tlaquatiin  fpinofum.  Hernandès,  Ray ,  Synopf  qi^ad. 
pag.  208.  .  TT» 

Chat  épineux.  Voyage  de  Defmarchau,  tome  US* 


J4  Hijîolrc  narurcUfi 

dans  ces  derniers  temps,  été  traitée  que  par 
des  gens  à  préjugés,  à  méthodes,  &  qui 
prenoient  la  lifte  de  leurs  petits  fyftêmes 
pour  les  regiftres  de  la  Nature.  Il  n'exifte  en 
Amérique  aucun  des  animaux  du  climat  chaud 
de  l'ancien  continent ,  &  réciproquement  il 
ne  fe  trouve  fous  la  zone  brûlante  de  l'A- 
frique &  de  TAfie  aucun  de  ceux  de  l'Amé- 
rique méridionale.  Le  porc- épie  eft,  comme 
nous  l'avons  dit ,  originaire  des  pays  chauds  de 
l'ancien  monde;  &ne  l'ayant  pas  trouvé  dans 
le  nouveau ,  on  n'a  pas  laifTé  de  donner  (on 
nom  aux  animaux  qui. ont  paru  lui  refTem- 
bler  ,  &  particulièrement  à  celui  dont  il  eft 
ici  queftion.  D'autre  côté,  l'on  a  tranfporté 
le  coendou  d'Amérique  aux  Indes  orientales  ; 
&  Pifon ,  qui  vraifemblablement  ne  connoif- 
foit  point  le  porc-épic,  a  fait  graver  dans 
Bontius  (b)  qui  ne  parle  que  des  animaux 
du  midi  de  TAfie ,  le  coendou  d'Amérique  , 
fous  le  nom  &  la  defcription  du  vrai  porc- 
épic;  en  forte  qu'à  la  première  vue,  on  fe- 
roit  tenté  de  croire  que  cet  animal  exifte 
également  en  Amérique  &  en  Afie.  Cepen- 
dant il  eft  aifé  de  reconnoître  avec  un  peu 
d'attention,  que  Pifon  qui  n'eft  ici,  comme 
prefque  partout  ailleurs ,  que  le  plagiaire  de 
Marcgrave  ,  a  non-feulement  copié  ia  figure 
du  coendou,  pour  l'inférer  dans  fon  hiftoire 
du  Brefil ,  mais  qu'il  a  cru  devoir  la  copier 
encore  pour  la  tranfporter  dans  Touvrage  de 
Bontius ,  dont  il  a  été  le  rédadeur  &  l'édi- 


{b)  hc<  Bontii.  Biji.  India  Orient,  pag.  54. 


du    Coendou,  i  y 

feur;  ainfi,  quoiqu'on  trouve  dans  Bontius 
la  figure  du  coendou  ,  Ton  ne  doit  pas  en 
conclure  qu'il  exifte  à  Java  ou  dans  les  au- 
tres parties  de  l'Afie  méridionale,  ni  pren- 
dre cette  figure  pour  celle  du  porc-épic ,  au- 
quel en  effet  le  coendou  ne  reffemble  que 
parce  qu'il  a  comme  lui  des  piquans. 

C'eft  à  Ximénès  j  &  enfuite  à  Hernandès^ 
auxquels  on  doit  la  première  connoilTance 
de  cet  animal  :  ils  Tont  indiqué  fous  le  nom 
de  Hoh^lacuatiin  que  lui  donno.ient  les  Mexi- 
cains :  le  Slacuatiîn  eft  le  Sarigue  ,  &  HoititU" 
cuAt^in  doit  fe  traduire  par  Sarigue-épineux. 
Ce  nom  avoir  été  mal  appliqué,  car  ces  ani- 
maux fe  reffemblent  allez  peu;  auffi  Marc- 
grave  n'a  point  adopté  cette  dénomination 
Alexicaine ,  &  il  a  donné  cet  animal  fous  fon 
nom  Brafilien ,  Cuandu ,  qui  doit  fe  prononcer 
Couandow,  la  feule  chofe  qu'on  puifle  repro- 
cher à  Marcgrave ,  c'eft  de  n'avoir  pas  reconnu 
que  fon  cuandu  du  Brefil  étoit  le  même  ani- 
mal que  l'hoitztlacuatzin  du  Mexique ,  d'au- 
tant que  fa  defcription  &  fa  figure  s'accor- 
dent affez  avec  celles  de  Hernandès ,  &  que 
de  Laët  qui  a  été  l'éditeur  &  le  commenta- 
teur de  l'ouvrage  de  Marcgrave ,  dit  expref- 
fément(c)  que  le  tlacuatzin  épineux  de  Xi- 
ménès  &  le  cuandu  ,  ne  font  vraifemblable- 
ment  que  le  même  animal.  Il  paroît ,  en  raf- 
femblant  le  peu  de  notices  éparfes  que  nous 


(  c  )  VicUtiir  ejfe  idem  animal  aut  fahem  fimiU  quoi 
Fr,  Ximenès  defcnbit  fub  nomine  Tl^iquat^in  fpinofi.  De 
Laec,  annotatio  i»  cap,  ix ,  Ub^  FI*  Marcg,  p,  2-33* 


1 6  Hljîoin  naturelle 

ont  données  les  Voyageurs  iur  ces  animaux  , 
qu'il  y  en  a  deux  variétés  que  les  Narnia- 
liftes  ont,  d'après  Pifon  {d),  inférées  dans 
leurs  liftes  comme  deux  eipèces  d;?Térentes, 
le  grand  (c^  &  le  petit  cuandu;  n*ais  ce  qui 
prouve  d'abord  l'erreur  ou  la  négligence  da 
Pifon  ,  c'eft  que ,  quoiqu'il  donne  ces  coen- 
dous  dans  deux  articles  léparés  &  éloignés 
l'un  de  l'autre ,  &  qu'il  paroiffe  les  regarder 
comme  étant  de  deux  efpèces  différentes  , 
il  les  repréfente  cependant  tous  deux  par  la 
même  figure;  ainfi,  nous  nous  croyons  bien 
fondés  à  prononcer  que  ces  deux  n'en  font 
qu'Un.  11  y  a  aufli  des  Naturaliftes  qui  non- 
feulement  ont  fait  deux  efpèces  du  grand  &  du 
petit  coendou ,  mais  en  ont  encore  féparé 
rhoitztlacuatzin  en  les  donnant  tous  trois  pour 
des  animaux  difFérens ,  &  j'avoue  que  quoi- 
qu'il foit  très  vraifemblable  que  le  coendou 
&  l'hoitztlaouatzin  font  le  même  animal ,  cette 
identité  n'eft  pas  aufli  certaine  que  celle  du 
grand  &  du  petit  coendou. 


{d)  Cuandu  major,  Pifon,  Hijl.  araf.  page  314,  fig. 
pag.  315.  —  Cuandu  Jeu  Cuandu  minor,  Pifon.  Id,  page 
99 ,  fig.  ibld. 

{e)  Hifirix  longius  caudatus ,  hreviorïbus  aculeis.  Brg- 
rère,  Bifi.  nat.  de  la  Fr.  equ'mox.  Porc-épic,  page  155, 
....  Hifirix  minor.  Leucopheus.   Gouandou,  id.  ibid, 

Hifirix  caudâ  longijjîmâ  tenui ,  nudietate  extremâ  acu" 
Uvrum  experte.  Hyfirix  Americanus  major.  Le  grand  Porc- 

épic    d'Amérique.   Briff.  Regn,  anim.  pag,  130 

Hyfirix  caudâ  longijfimâ ,  tenui  medietate  extremâ  aculeo~ 
rum  experte.  Hyfirix  Americanus.  Le  Porc-épic  d'Améri- 
que, id.  pag.  129.  ,  .  ,  Hyfirix  aculeif  apparmtibus , 
caudâ  brevi  &  craffâ.  H\firix  novte  Hifpani»,  Le  Porc- 
épic  de  U  nouvtUe  Efpagne*  Id,  p.  117, 

Quoi 


du   Coendôu^  1 7 

Quoi  qu'il  en  foit ,  le  coendou  n*eft  point 
le  porc-épic  :  il  eft  de  beaucoup  plus  petit  ; 
il  a  la  tête  à  proportion  moins  longue  6i  le 
mufeau  plus  court;  il  n'a  point  de  panache 
fur  la  tête ,  ni  de  fente  à  la  lèvre  fupérieure  ; 
fes  piquans  font  trois  ou  quatre  fois  plus 
courts  &  beaucoup  plus  menus  ;  il  a  une  lon- 
gue queue  ,  &  celle  du  porc-épic  eft  tï-ès 
courte  ;  il  eft  carnafller  plutôt  que  fru- 
givore, &  cherche  à  furprendre  lesoifeaux, 
les  petits  animaux,  les  volailles  (/) ,  au  lieu 
que  le  porc-épic  ne  fe  nourrit  que  de  légu- 
mes ,  de  racines  &  de  fruits.  Il  dort  pendant 
le  jour  comme  le  hériiTon ,  &  court  pendant 
la  nuit;  il  monte  furies  arbres  (g')  &  fe  re- 
tient aux  branches  avec  fa  queue  ;  ce  que 
le  porc-épic  ne  fait  ni  ne  pourroit  faire  ;  fa 
chair  (  A  ) ,   difent  tous  les  Voyageurs  ,  eft 


(/)  Ce  fait  affuré  par  Marcgrave  &  Pifon  n*eft  pas 
certain ,  car  Hernandès  dit  au  contraire  que  l'hoitztla- 
«uatzin  fe  nourrit  de  fruits. 

(g)  Scandit  arbores  fed  tarda  grejfu  quid  potlice  caret , 
defccndens  autcm  caudam  circumvolvit  ne  lahatur  ^  admo"- 
dum  enim  metuit  lapfum ,  nec  falire  potcji.  Marcgr.  Hiji. 
nat.  Braf.  pag.  23J.  —  Nous  vimes  un  porc-^pîc  fur 
un  petit  arbre  que  nous  coupâmes  pour  avoir  le  plaiûc 
de  voir  tomber  cet  animal.  ...  Il  eft  fort  gras  &  on 
en  mange  la  chair.  Voyage  de  la  Hontan^  tome  /, 
page  82. 

(h)  Carnem  hahet  bonam  &  pirgratam  ;  nom  ajfatamftzph 
comcdi,  &  ah  incolis  valdè  ajiimatur.  Marcgrav.  pag.  233. 
—  Il  eft  bon  à  manger,  on  le  met  au  feu  pour  le  faire 
griller  comme  un  cochon  j  mais  auparavant  les  femmes 
fâuvages  en  arrachent  tous  les  poils  de  deffus  le  dos 
{  c'eft-à-dire,  tous  les  piquants  )  qui  font  les  plus  grands  , 
de  elles  en  font  de  beaux  ouvrages.  ,  .  .  Étant  brûlé  j 

B 


1 8  Hijîoîrc  namrtlU 

très  bonne  à  manger;  on  peut  rapprivoifer  j 
il  demeure  ordinairement  dans  Jes  lieux  éle- 
vés,  &  on  le  trouve  dans  toute  l'étendue 
de  l'Amérique,  depuis  le  Bréfil  &  la  Guiane 
jufqu'à  la  Louifiane  &  aux  parties  méridiona- 
les du  Canada;  au  lieu  que  le  porc- épie  ne 
fe  trouve  que  dans  les  pays  chauds  de  l'an- 
cien continent. 

En  tranfportant  le  nom  du  porc-épic  au 
coendou ,  on  lui  a  fuppofé  &  tranfmis  les 
mêmes  facultés,  celle  fur-tout  de  lancer  fes 
piquans  ;  il  eft  étonnant  que  les  Naturalif- 
tes  &  les  Voyageurs  s'accordent  fur  ce  fait , 
&  que  Pifon  qui  devoit  être  moins  fuperfti- 
tieux  qu'un  autre,  puifqu'il  étoit  Médecin, 
dile  gravement  que  les  piquans  du  coendou 
entrent  d'eux-mêmes  &  par  leur  propre  force 
dans  la  chair,  &  percent  le  corps  jufqu'aux 
vifcères  les  plus  intimes.  Ray  ett  le  feul  qui 
ait  nié  ces  faits,  quoiqu*ils  paroifTent  évidem- 
ment abfurdes.  Mais,  que  de  chofes  abfurdes 
ont  été  niées  par  des  gens  fenfés  ,  &  qui 
cependant  font  tous  les  jours  affirmées  par 
d'autres  gens  qui  fe  croient  encore  plus 
fenfés  ! 


bi^  rôti,  lavéSt  rois  à  la  broche,  i!  vaut  un  cochon  rfe 
lait,  il  eft  très  bon  bouilli,  mais  moins  bon  que  lôrf, 
Difcrjpùon  de  l'Amérique ,  par  Denyt,  Paris  f  hCjz^  tcvxt 
//,  page  $24. 


^ 


Tom..  VT 


PI.  2. 


I  L'urJ'on,    2a  Le  Taarcc.  5  I-eTèadrac 


■MteMriBiijaaB 


de  iUifon,  19 


L'URSON    [a]. 

Voyc:^  planche  II ,  fi^,  i  de  ce  Volume, 

v^ET  animal  n*a  Jamais  été  nommé  :  pîacé 
par  la  Nature  dans  les  terres  défertes  du  nord 
de  TAmérique  ,  il  exiftoit  indépendant  ^  éloi- 
gaé  de  l'homme  ,  &  ne  lui  appartenoit  pas 
même  par  le  nom ,  qui  eft  le  premier  figne 
de  fon  empire.  Hiidfon  ayant  découvert  la 
terre  où  il  fe  trouve,  nous  lui  donnerons  un 
nom  qui  rappelle  celui  de  fon  premier  maî- 
tre ,  &  qui  indique  en  mêrhe  temps  (a  nature 
poignante  &  hérifiee  i  d'ailleurs  il  étoit  né- 
cefîaire  de  le  nommer  poiu"ne  le  pas  confon- 
dre avec  le  porc-épic  ou  le  coendou  ,  auxquels- 
il  reflemble  par  quelques  caractères,  mais 
dont  cependant  il  difFère  afTez  à  tous  autres 
égards,  pour  qu'on  doive  le  regarder  comme 
une  erpéce  particulière  &  appartenante  au 


{a)  The  Pofcupine  fro'n  Hupfon^s  Say,  Ecivafifs» 
Jiiji.   of  Birds ,  ftg.   pjg,  52, 

Le-Porc  epi-j  ne  la  h.ite  -e  Hiîf1f:>n.  Voyage  à  la  baie  d^ 
Hudfun  .  far  Ellis  pjris ,  Tj^q    li^m.  1,  pa  :  j6  ■  fig.  p.  r^* 

Hijîrix  actle't s  f':b  p'dis  cccuhis ,    canna  h^.vi   &'  cra^fa, 

Hifir  X   Kuàfon'is.   Le   Pore-é'^       -^       '   Haie  «.t«f 

HuHfon.    SrifT.  U,iern    Anim.  p;.g?  liS. 

Dorfata.  Hljirix  palm's  ^^rr,  :.&:Jylis  ,  piantii  rintadac-»- 
tylis,  <.ufdâ  elongâtât  dcrfit  f^l&  f^nofô.  LXn<n.'Sy/i,  naf, 
s^it,  X,  pa§,  57, 


%0  Hijlolrc  naturclU 

dijnat  du  nord,  comme  les  autres  appartien- 
nent à  celui   du  midi. 

Mr--  Edwards,  Ellis  &  Catesby  ont  tous 
trois  parlé  de  cet  animal  ;  les  figures  don- 
nées par  ces  deux  premiers  Auteurs  s'accor- 
dent avec  la  nôtre ,  &  nous  ne  doutons  pas 
que  ce  ne  foit  le  même  animal  ;  nous  fem- 
mes même  très  portés  à  croire  que  celui  dont 
Seba  donne  la  figure  (  />  )  &  la  defcription 
fous  le  nom  àQ  Porc- épïcjinpii'ur  des  Indes  orien- 
iaUs  f  &  qu'enfuite  Mrs.  Klein  (c"),  Briflbn 
{  d  )  Se  Linnseus  {  e  )  ont  chacun  indiqué 
dans  leurs  liftes  par  des  cara£tères  tirés  de 
Séba,  pourroit  être  le  même  animal  que  ce- 
lui dont  il  eft  ici  queftion  :  ce  ne  feroit  pas , 
comme  on  Ta  vu ,  Tunique  &  première  fois 
que  Séba  auroit  donné  pour  Orientaux  des 
animaux  d'Amérique  ;  cependant  nous  n,e 
pouvons  pas  Taffurer  pour  celui-ci  comme 
nous  l'avons  fait  pour  plufieurs  autres  ani- 
maux ;  tout  ce  que  nous  pouvons  dire ,  c'eft 
que  les  reiTemblances  nous  paroiffent  gran- 
des j  &  les  différences  affez  légères  ,  &  que 
comme  l'on  a  peu  vu  de  ces  animaux ,  il  fe 


(h)  Porcns  acuUatus  fylvefirïs  Jîve  Hifirix  oùentalis 
fingularis.  Séba  ,  vol.  > ,  P'^ë'  ^4  >  "P^^-  l^*  fis-  '• 

(  c  )  Acanthlon  caudâ  prolongâ  acutis  pllis  horridâ  ,  la 
«xleu  quafi  panni^ulatâ.  Klein,  de  çuad.  pag.  67. 

{d)  Hijtrix  caudâ  longijjîmâ  aculUs  undique  ohfita ^  In 
extrcmo  pannknhtâ.  Hifirix  orientais.  Le  Porc-épic  des 
Indes.    Driff.  Regn.  an'm.  pag.  131. 

(  «  )  Marcrcura.  Hyfirix  pedibus  ptntadaclyus  ,  caudâ 
eiongcrâ ,   acuUis   clayaùs,    Linn.    oyji.    nat,   cdiî,    X  , 

pas-  57. 


di    CUrfon»  II 

ponrrolt  que  ces  mêmes  différences  ne  fuf- 
fent  qu^  des  variétés  d'individu  à  individu , 
ou  même  du  mâle  à  la  femelle. 

L'Urfon  auroit  pu  s'appeller  le  Caflor  épU 
mux ,  il  eft  du  même  pays ,  de  la  même  grandeur 
&  à-peu-près  de  la  même  forme  de  corps  ; 
il  a ,  comme  lui ,  à  l'extrémité  de  chaque 
mâchoire  ,  deux  dents  incifives  ,  longues  , 
fortes  &  tranchâmes  ;  indépendamment  de 
fes  piquans  qui  (ont  affez  courts  &  prefque 
cachés  dans  le  poil ,  l'urfon  a  comme  le  caf- 
tor,  une  double  fourrure,  la  première  de 
poils  longs  &  doux ,  &  la  féconde  d'un  du- 
vet ou  feutre  encore  plus  doux  &  plus  moller. 
Dans  les  jeunes,  les  piquans  font  à  proportion 
plus  grands ,  plus  apparens  &  les  poils  plus 
courts  &  plus  rares  que  dans  les  adultes  ou 
les  vieux. 

Cet  animal  fuit  l'eau  &  craint  de  fe  mouil- 
ler ,  il  fe  retire  &  fait  fa  bauge  fous  les  ra- 
cines des  arbres  creux  (/);  il  dort  beau- 
coup, &  fe  nourrit  principalement  d'écorce 
de  genièvre  ;  en  hiver,  la  neige  lui  fert  de 
boifîbn  ;  en  été  »  il  boit  de  l'eau  &  lappe 
comme  un  chien.  Les  Sauvages  mangent  fa 
chair,  &  fe  fervent  de  fa  fourrure,  après  en 
avoir  arraché  les  piquans  qu'ils  emploient  au 
lieu  d'épingles  &  d'éguilles. 


(/)  Voyez  la  lettre  de  M.   Alexandre   Lijght  à  M, 
Edwards.  Hifi,  of  Birds ,  pag.  jz. 


# 


22  Hijloirc  naturelle 

LE     T  A  N  R  E  C    [a] 
ET    LE    TENDRAC   (i>). 

Voye^  planche  II  y  figure  z  &  '^  de  ce  Volume  » 


X-(ES  Tarifées  OU  Tenracs  font  de  petits  ani- 
maux des  Indes  orientales  ,  qui  refTemblenc 
un  peu  à  notre  Hériilon  ,  mais  qui  cepen- 
dant en  diffèrent  afîez  pour  conllituer  des 
efpèces  différentes;  ce  qui  le. prouve,  indé- 
pendamment de  l'infpeÔion  &  de  la  compa- 
raifon  ,  c'efl  qu'ils  ne  fe  mettent  point  en 
boule  comme  le  hérifTon  ,  &  que  dans  les 
niê.Ties  endroits  où  fe  trouvent  les  tanrecs  , 
comme  à  Madagafcar ,  on  y  trouve  au lîi  des 
hériffons  de  la  même  efpèce  que  les  nôtres  , 


{a)  Tanrcc  &  Tendrac ,  noms  de  ces  animaux  ,  & 
que  nous  avons  adoptés. 

{b)  Erinaceus  Amerkanus  alhus.  Séba ,  vol,  /,  pa^ 
yS  ,  Tah.  Aç  .  Jig.  3-  Nota  Ce  HérifTon.  que  Siba.  oit 
lui  avoir  été  envoyé  de  Surinam,  reffemble  (i  fort  au 
Tendrac,  qu'on  ne  peut  pas  douter  que  ce  ne  foit  le 
même  animal;  &,  s'il  eft  natif  de  Madagafcar,  il  ne 
«loir  pas  fe  trouver  en  Amérique.  Cet  Auteur  Ta  mal 
indiqué  à  tous  égards,  car  il  n'eft  ni  Américain  ni  bUnc  , 
il  eft  feulemenî  un  peu  moins  brun  que  ncîre  Viériiîoa. 
sl'Ewrope, 


du  Tanne  6*  du  Tcndrac»        23 

qui  ne  portent  pas  le  nom  de  tanrec  ,  mais 
qui  s'appellent  Sora  (  c  ). 

Il  paroît  qu'il  y  a  des  tanrecs  de  deux  ef-* 
pèces  ,  ou  peut-être  de  deux  races  différen- 
tes ;  le  premier  qui  eft  à -peu -près  grand 
comme  notre  hériÀon  ,  a  le  mufeau  à  pro- 
portion plus  long  que  le  fécond  ;  il  a  aufîi 
les  oreilles  plus  apparentes  &  beaucoup  moins 
de  piquans  que  le.  fécond,  auquel  nous  avons 
donné  le  nom  de  tendrac  pour  le  diftinguer  du 
premier;  ce  tendrac  n'eft  que  de  la  grandeur 
d'un  gros  rat  ;  il  a  le  mufeau  &  les  oreil- 
les plus  courtes  que  le  tanrec;  celui  ci  eft 
couvert  de  piquans  plus  petits  ,  mais  auiîi 
nombreux  que  ceux  du  hériffon;  le  tendrac  au 
contraire  n'en  a  que  fur  la  tête,  le  cou  &  le 
garrot  ;  le  refte  de  fon  corps  ell  couver: 
d'un  poil  rude  affez  femblable  aux  foies  du 
cochon.  - 

Ces  petits  animaux  qui  ont  les  jambes  très 
courtes ,  ne  peuvent  marcher  que  fort  len- 
tement ;  ils  grognent  (  d)  comme  les  pour- 
ceaux, ils  fe  vautrent  comme  eux  dans  la 
fange,  ils  aiment  l'eau  &  y  féjournent  plus 
long-temps  que  fur  terre  :  on  les  prend  dans 
les  petits  canaux  d'eau  falée  (  ^  )  &  dans  les 
lagunes  de  la  mer;  ils  font  très  ardens  ea 


(  c  )  Voyage  à  Madagafcar ,  par  Flaccourt ,  pa^.  75-2, 

(<f)  Recueil  des  voyages  qui  ont  fervi  à  l'établifTe- 
ment  de  la  Compagnie  des  Indes  de  Hollande  ,pa^.  ^'2, 

{e)  Relation  de  F.  Gauche.  Paris,  iCfiy  pag.  tzj. — > 
Voyag-i  de  h  Compagnie  des  Indes  de  Hollande ,  _p<»|;« 


24  Hijîolre  naturelle 

amour  &  multiplient  beaucoup  (/),  ils  fe 
creufent  des  terriers ,  s'y  retirent  &  s'engour- 
^diffent  pendant  plufieurs  mois  ;  dans  cet  état 
de  torpeur ,  leur  poil  tombe  &  il  renaît  après 
leur  réveil;  ils  font  ordinairement  fort  gras, 
&  quoique  leur  chair  foit  fade  ,  longue  & 
mollaffe ,  les  Indiens  la  trouvent  de  leur  goût, 
&  en  font  même  fort  friands. 


(/)  Voyage  à  Madagafcar,  par  Flaccourt,  Paris, 
tôCr ,  iti"^'' ,  page  if2. 


La 


a  la  Oîraffz,  1^ 

LA    GIRAFFE    [^^j* 

Voye^  Tome  IX  ^  planche  XIII, 

i_jA  Girnfîe  eft  ua  des  prcrmiers  ,  des  plus 
"beaux,  des  plus  grands  animaux,  &  (fui, 
fans  erre  nuifible ,  e-ft  en  même  tesDps  l'un 


(  a  )  Giraffe ,  mot  dérivé  de  Girnaffa. ,  Siraphàh ,  Zur- 
mcia,  nom  de  cet  animal  en  langue  Arabe,  &  que  les 
Européens  ont  adopté  depuis  plus  de  deux  fiècles;  Cw 
melopardalh  ,  en  Grec  &  en  Latin.  Pline  donne  l'éty- 
mologie  de  ce  nom  comoofé;  Camelcrum ,  dit-il,  aliqua 
fsnt'ditudo  in  allui  transfcrtur  animal ,  Naijin  ,  jEthlopcs 
vacant ,  collu  (Imilem  eqiio ,  pedibus  &  crurîius  bovi ,  ca- 
mclo  capitc  ;  aibis  maculis  rutilxm  colorem  difilnguentibus  , 
unde  appcllata  Camelopardalis  :  diclatoris  Cxfaris  Circcn" 
fthus  Indis  primutn  v'ifa.  Romat  ;  ex  eo  fubinde  ccmitur , 
afpeclu  mag!!  quàm  feritate  confpicna  ;  quaic  edam  ovis 
fine,  normn  invenh.  Hift.  nat.  hb.  VIU  ,  cap.  xviii. 

Giraffe ,  que  les  Arabes  no  mment  Zurnapc  ,  &  que  les 
Grecs  &  les  Latins  nomment  Camelopardalis.  Bélon 
Obferv.  feuil.  llS»  fig.  Ihid.  verfo, 

Canrelopardalis ,  Camclop  arda  lin  facra.  lUterje  vocant 
Zamer,  Deuter.  i^-  Ubi  Chaldaïca  tranjlatîo  habet  Deba  ; 
Arabica,  Saraph.h;  Perjîca  ,  SsrTA\ihi\\  i  feptuaginia  Ca- 
melopardalin.  Hieronymus  Camzlcpardum.  Gs(nQr  ,  HlJÎ, 
quad.  147,  fi^.   pag-  149.    Ubi  legimr ,   Camdopardalis  , 

icon  ex  ch^rta  quadam  nupcr  imprcjfa  Norimberga. 

.Surnapa  nominc  ahitudine  ad  fummum  vcrticcm  /upra 
euinque  or^yas ,  comicuHs  duobus  ferrei  coloris  ,  pila  Uvi 
<5*  compofjo  pulchro;  diligenter  &  probe  depicium  Conjian' 
tinopoli  &  in  Germaniam  tranfmlffum  ,  an.  '5'/9. 

CamUopardalis.  Aldrov.  de  quad.  Bif»  pag.  qzj  ,  fj^, 
r.iç.  99'. 

Quadrupèdes  ,  Tome  VI.  C 


1^  Hijîoirc  natUTclh 

des  plu5  utiles  ;  la  difproportion  énorme  de 
fes  jambes ,  dont  celles  de  devant  ibnt  une  tois 
plus  longues   que   celles    de  derrière  ,   fait 
obftacle  à  l'exercice  de  fes  forces  ;  fon  corps 
n'a  point   d'alTiette ,  fa  démarche  eft   vacil- 
kinte  ,    fes    mouvemens   font   lents  &   con- 
traints; elle  ne  peut  ni  fuir  fes  ennemis  dans 
l'état  de   liberté ,  ni  fervir  fes  maîtres  dans 
celui  de  domefticité;  aulîi  Tefpèce  en  eft  peu 
nombreufe  &  a    toujours  été   confinée  dans 
les  déferts  de  l'Ethiopie  &  de  quelques  autres 
provinces  de  l'Afrique  méridionale  &  des  In- 
des. Comme  ces  contrées  étoient  inconnues 
des  Grecs ,  Ariftote  ne  fait  aucune  mention 
de  cet  animal;  mais  Pline  en  parle,  &  Op- 
pien  (  ^  )  le  décrit  d'une   manière  qui   n'eft 
point  équivoque.    Le  Camelopardalis ,  dit   cet 
Auteur ,  a  quelque  reflemblance  au  chameau  ; 
fa  peau  eft  titrée  comme  celle  de  la  panthère  , 
&  fon  cou   eft   long  comme  celui   du   cha- 
meau; il  a  la  tête  &  les    oreilles   petites, 
les  pieds  larges ,  les  jambes  longues ,  mais 
de   hauteur  fort  inégale,  celles   de  devant 
font   beaucoup   plus   élevées   que  celles    de 
derrière  qui  font   fort  courtes  &   femblent 
ramener  à  terre  la  croupe  de  l'animal  ;  fur 
la  têtg  près  des  oreilles,  il  y.  a  deux  émi- 


Cam-dopardalis.  }o\i^o:\  t  de  quai.  pag.  to'2,Jig.    Tah, 

Camdopcrddis.  Profper  Alpin.  h'iJî.  yEgyp.  vol,  II , 
pag.  2jO  ,  fr;.^  4  ,  Tab.  t^. 

CamelopiTTalis.  Cerpus  cornihis  fimpUciJfimls ,  pedibus 
cndcis  lona'rffimis,  Linn.  Syjî.  Nat.  edit.  X,  p.  66, 

(è)  Oppian,  de-  Vf^Jat.  Icb.  III, 


àt  la  Gir^ffc,  27 

nences  femblables  à  deux  petites  cornes  droi- 
tes ;   au   refte  ,  il   a  la   bouche  comme  un 
cerf,  les  dents  petites  &  blanches  ,  les  yeux 
brillans  ,  la  queue  courte  &  garnie  de  poils 
noirs  à  Ton  extrémité.  En  ajoutant  à  cette 
defcription  d'Oppien  celle  d'Héliodore  &  de 
Strabon,  l'on  aura  déjà  une  idée  affea  jufte 
de  la  GirafFe.  Les  Ambafladeurs  d'Ethiopie , 
dit  Héliodore,  amenèrent   un  animal   de  la 
grandeur  d'un  chameau ,  dont  la  peau  étoit 
marquée  de  taches  vives  &  de  couleurs  bril- 
lantes ,   &  dont  les  parties   pcftérieures   du 
corps  étoient  beaucoup  trop  baffes  ,  ou  les 
parties  antérieures  beaucoup   trop  élevées  • 
le   cou  étoit   menu,    quoique   partant    d'un 
corps  affez  épais;    la   tête   étoit    femblable 
pour  la  forme  à  celle  du  chameau,  &  pour 
la  grandeur  n'étoit  guère  que  du  double  de 
celle  de  l'autruche;  les  yeux  paroiflbient  teints 
de  différentes  couleurs;  la  démarche  de  cet  ani- 
mal étoit  différente  de  celle  de  tous  les  autres 
quadrupèdes  ,  qui  portent  en  marchant  leurs 
pieds   diagonalement  ,  c'eft-à-dire  ,  le   pied 
droit  de  devant  avec  le  pied  gauche  de  der- 
rière ;  au  lieu  que  la  giraffe  marche  l'amble 
naturellement  en  portant  les  deux  pieds  gau- 
ches ou   les  deux  droits  enfemble;  c'eft  un 
animal  fi  doux ,  qu'on  peut  le  conduire  par- 
tout où  l'on  veut,  avec  une   petite   corde 
paffée  autour   de    la  tête  (c),    II  y    a,  dit 
Strabon,  une  grande  bête  en  Ethiopie,  qu'on 
appelle  Camdopardalls ,  quoiqu'elle  ne  rcffem- 


{c)  Héliodore,  ilh,-X, 


i8  Hijloirc  naturdU 

Lie  en  rien  à  la  panthère;  car  fa  peau  n*e{l 
pas  marquée  de  même;  les  taches  de  la  pan- 
thère font  orbiculaires,  &  celles  de  cet  ani- 
mal font  longues  &  à-peu-près  femblables  à 
celles  d'un  faon  ou  jeune  cerf  qui  a  encore 
3a  livrée  :  il  a  les  parties  poftérieures  du  corps 
beaucoup   plus  baffes   que  les   antérieures  , 
en    forte    que  vers    la  croupe  il  n'eft    pas 
plus  haut  qu'un  bœuf  ,  &  vers  les  épaules 
il  a  plus  de  hauteur  que  le  chameau;  à  ju- 
ger de  fa  légèreté  par  cette  difproportion ,  il 
ne  doit  pas  courir  avec  bien  de  la  vîtelTe  ; 
au  refte ,   c'eft  un  animal   doux  qui  ne  fait 
aucun  mal ,  &  qui  ne  fe  nourrit  que  d'her- 
bes &  de  feuilles  (^).  Le  premier  des   mo- 
dernes qui  ait  enfuite  donné  une  bonne  def- 
criptlon  de  la  giraffe ,  eft  Bel  on.  «  J'ai  vu 
3)  (dit-il)  au  château  du  Caire  ,  l'animal  qu'ils 
«  noma-ent  vulgairement  Zumapa,  les  Latins 
3î  l'ont   anciennement  appelle    Canulopardalls 
3)  d'un  nom  compofé  de  léopard  &  chameau  > 
5>  car  il  eft  bigarré  des  taches  d'un  léopard ,  &c 
3>  a  le  cou  long  comme  un  chameau  ;  c  'eft  une 
j)  bête  moult-belle,  de  la  plus  douce  nature 
J5  qui  foit ,  quafi  comme  une  brebis  &  au- 
w  tant  amiable  que  nulle  autre  bête  fauvage  ; 
3>  elle  a  la  tête   prefque    femblable  à   celle 
j»  d'un  cerf,  hormis  la  grandeur,  mais  por- 
30  tant  des  petites  cornes  mouffes  de  fix  doigts 
3»  de  long,  couvertes  de  poil;  mais  en  tant 
:>  où  il  y  a  d:ftin6lion  de  mâle  à  la  femelle , 
3î  celles  des  mâles  font  plus  longues  ;  mais 


(i)  5trabon,  lih,  XVI  &  XVIL 


it  la  Gîraffc,  lO 

i>  ïiu  demeurant  en  tant  le  niâle  que  la  fe- 
»  melle  ont  les  oreilles  grandes  comme  d'uns 
»  vache ,  la  langue  d*un  bœuf  &  noire  ;  n  'ayant 
M  point  de  dents  deffus  la  mâchelière  ;  le  cou 
»  long;  droit  &  grêle;  les  crins  déliés  tz 
»  ronds ,  les  jambes  grêles  ,  hautes ,  &  fi  baffes 
I»  par  derrière,  qu'elle  femble  être  debout; 
»  les  pieds  font  Semblables  à  ceux  d'un  bœuf; 
«  fa  queue  lui  va  pendante  jufque  deffus  les 
«  jarrets,  ronde,  ayant  les  poils  plus  gro. 
»  trois  fois  que  n'eft  celui  d'un  cheval;  elle 
»  eft  fort  grêle  au  travers  du  corps  ;  fon 
j»  poil  efl  blanc  &  roux  ;  fa  manière  de  fuir 
î)  efi  fsmblable  à  celle  d'un  chameau  ;  quand 
j>  elle  court,  les  deux  pieds  de  devant  vonc 
3>  enfemble ,  elle  fe  couche  le  ventre  contre 
»  terre  &  a  une  dureté  à  la  poitrine  te 
»?  aux  cuiffes  comme  un  chameau  ;  elle  ne 
»  fauroit  paître  en  terre,  étant  debout ,  fans 
n  élargir  grandement  les  jambes  de  devant  , 
«  encore  eft-ce  avec  grande  difficulté;  par- 
tf  quoi  il  eft  aifé  à  croire  qu'elle  ne  vit  aux 
n  champs ,  fmon  des  branches  des  arbres  , 
»  ayant  le  cou  ainfi  long,  tellement  qu'elle 
»  pourroit  arriver  de  la  tête  à  la  hauteur  d'une 
»  demi- pique  (  e  )  a. 

La  delcription  de  Gillius  me  paroît  encore 
mieux  faite  que  celle  de  Bélon.  «  J'ai  vu  (  dit 
>»  Gillius,  chap.  IX  y  )  trois  giraffes  au  Caire, 
M  eàles  portent  au  deffus  du  front  deux  cor- 
I»  nés  de  fix  pouces  de  longueur ,  &  au  mi- 


{e)  Obfer valions   de   Bélon,  feuUUt    tiS^  rcHo  & 

G, 


30  Htjîoirt   natu  relit» 

rt  lieu  du  front  un  tubercule  élevé  d'envi- 

»  ron  deux  pouces,  &  qui  reflemble  à  une 

»/  troifieme  corne;  QQt  animal  a  feize  pieds 

»  de  hauteur  loriqu'il  lève  la  tête,  le  cou 

•n  feul.  a  fept  pieds ,  &  il  a  vingt-deux  pieds 

»  depuis   1  extrémité  de   la,y  queue   jufqu*au 

7>  bout  du  nez  ;  les  jambes  de  devant  &  de 

»  derrière  font  à- peu-près  d'égale  hauteur, 

rw  mais  les  cuifles  du  devant  font  fi  longues 

»>  en  comparaifon  de  celles  de  derrière ,  que 

,w  le  dos  de  l'animal  paroit  être  incliné  comme 

.»  un   toît  ;    tour   le    corps    eft   marqué    de 

»  grandes  taches  fauves  ,  de  figures  à-peu- 

n  près  carrées il  a  le  pied  rour- 

»)  chu  comme  le  bœuf,  la  lèvre  fupérieure 
»>  plus  avancée  que  l'inférieure,  la  queue  me- 
»  nue  avec  du  poil  à  l'extrémité  ;  il  rumine 
»  comme  le  bœuf,  &  mange  comme  lui  de 
»  l'herbe;  il  aune  crinière  comme  le  cheval, 
n  depuis  le  fommet  de  la  tête  jufque  fur  le 
i>  dos  ;  lorfqu'il  marche,  il  femble  qu'il  boite 
M  non- feulement  des  jambes ,  mais  des  flancs  , 
«  à  droite  &  à  gauche  alternativement  ;  & 
»  lorfqu'il  veut  paître  ou  boire  à  terre  ,  il 
»  faut  qu'il  écarte  prodigieufement  les  jambes 
V)  de  devant  «. 

Gefner  cite  Bélon ,  pour  avoir  dit  que  les 
cornes  tombent  à  la  girafFe  comme  au  daim 
(/).  J'avoue  que  je  n'ai  pu  trouver  ce  fait 
dans  Bélon;  on  voit  qu'il  dit  feulement  ici 
que  les  cornes  de  la  girafFe  font  couvertes 


(/)  Glrafîs  &  Ùam'iî  cornua  eaàunt  ^  Bdonius,  Gef- 
uer,  H^.^uud,  j-age  148. 


de  la  Girdffè,  3' 

de  poil  ;  &:  il  ne  parle  de  cet  animal  que 
dans  un  autre  endroit  (,^))  à  l'occafion  du 
daim  axis ,  où  il  dit  que  «  la  girafFe  a  le 
3)  champ  blanc ,  &  les  taches  phénicées ,  fe- 
»  mées  par-defl'us  ,  affez  larges  ,  mais  non 
»  pas  rouffes  comme  Taxis  ».  Cependant  ce 
fait,  que  je  n*ai  trouvé  nulle  part,  feroit 
un  des  plus  importans  pour  décider  de  la  na- 
ture de  la  girafFe  ;  car  fi  fes  cornes  tombent 
tous  les  ans,  elle  eft  du  genre  des  cerfs  ; 
&  au  contraire  ,  fi  fes  cornes  font  perma- 
nentes j  elle  eft  de  celui  des  bœufs  ou  des 
chèvres;  fans  cette  connoifTance  précife ,  on 
ne  peut  pas  afTurer ,  comme  l'ont  fait  nos 
Nomenclateurs  ,  que  la  girafFe  foit  du  genre 
des  cerfs  :  &  on  ne  fauroit  afTez  s'étonner 
qu'Haffelquift ,  qui  a  donné  nouvellement  une 
très  longue,  mais  très  îèche  defcription  de 
cet  anim.al ,  n'en  ait  pas  même  indiqué  la  na- 
ture; &  qu'après  avoir  entaffé  méthodique- 
ment, c'eft-à-dire,  en  écolier,  cent  petits 
caractères  inutiles  ,  il  ne  dife  pas  un  mot 
de  la  fubftance  des  cornes  ,  &  nous  laifTe 
ignorer  fi  elles  font  folides  ou  creufes,  fi  el- 
les tombent  ou  non  ;  fi  ce  font ,  en  un  mot , 
des  bois  ou  des  cornes.  Je  rapporte  ici  cette 
defcription  d'HafTelquift  (A),  non  pas  pour 


(g)  Obfervations  de  Bélon,  fkuilUt  tzo,  reclo. 
.  (  A  )  Cervus  camelopardaUs.  Caput  pr^minens  ,  lahivnt 
Jùperius  crajfum  ,  infcrius  tenue  ,  naus  eblongx  ,  amplx.  , 
piLi  rigldi  ,  fparfi  in  utroque  lahio  anterius  &  ai  latera. 
Sup^rciiia  rigida ^  difiinclijjima , ferie  una  c-'>mpofiti.  Ocn'd 
ad  latera  cap'tls ,  vertici  quant  roflro  ^  ut  &  frontl  quaià 
coUo  propions  Dcntssy  Ungua,  cornua  fimptic'^jfvnaf   cy- 

C  4^ 


3^  Wifloln  naiurllà 

l'utiKté,  mais  pour  la  fingularité ,  &  en  mcme 
temps  pour  engager  les  Voyageurs  à  fe  fervir 
de  leurs  lumières,  &  à  ne  pas  renoncer  à- 
leurs  yeux  pour  prendre  la  lunette  des  autres^ 
il  eft  néceffaire  de  les  prémunir  con-tre  l'ufage 
de  pareilles  méthodes,  avec  lefquelles  on  fe 
difpenfe  de  raifonner  ,  &  on  ie  croit  d'au;- 
tant  plus  favant  que  Ton  a  moins   d'efprit. 


Ilndrica,  hrevîffîma,  hajt  crajfa  In  vcrtice-  capitis  /tiay  pi^ 
lofa  bafi  pilis  longiffmis  rigidis  tecla ,  apice  pilif  lo.i^ic-^ 
ribus  ereàis  ngidrjimis  ,  apicsm.  loni;it:jdin€  fuperanûhv.s- 
cincîa.  ^pex  ccmuum  in  medio  horum  pi'orum  ohtufus  nu-- 
ûL's.  Erninentia  in  frontc ,  infra  cornua  ,  inferius  oblon^^jf 
humilier ,  fupcrius-  cUvatior  ^  Juhroninda  ,  pojiict  parum  dà^. 
prejf^ ,  inaq'^alis.  A^ricvla  ad  latera  caphis  infra  comn*- 
pone  illa  fofita.  Colhim  erecium ,  comprejfum  ,  l'o'^giJJ^mum,^ 
ytrfns  caput  an^ufiijfmum ,  ir.frius  latiiifculum.  Crura  cyr 
iyndrica  antcrioribus  plus  quant  dimidie  lunl^ioribus  ,  Tu^ 
hcrculum  crajfum^  dumm  in  genujUxum.  Ungues  bifulci , 
ungulati.  Pi/i  brevijUîmî  uniyerfum  corpus  ,  caput  &  pedcs 
tcgunt.  Linea,  pilis  rigidis  longioribus  per  iorfum  à-  capitt 
ad  cauiam  extenfa.  Cauda  teres  ■,  lumhorum  dimldia  io::- 
gitudine  ,  non  julata.  Color  talus  corpcris ,  capitis  ad 
pedum  ex  macu/is  fufcis  &  frrugineis  variegattim.  Af  j-. 
culx  palmari  lat'tudine,  J^gurâ  irregulari,  in  vivo  anlmali 
£X  lucidiori  6»  obfcuriorc  variantes,  Alagnitudo  cameFi 
minoris  y  longitude  totius  à  tabio  fuperiorc  ad  finem  dor^ 
fpith.  24.  Longitudo  capitis  fpith.  ^.  CoUi  Jpith-  Ç.  ad  /», 
pedum  anter.  fpith.  il  ad  IJ ,  po (ter.  fpith.  y  ad  8  ,  longit, 
cornuum  vix  fpithamalis .  Spatium  inter  cornua  fpith  l  , 
longit.  pilorum  in  dorfo  poil.  _J,  latitud.  capitis  juxta  tif 
hcrculum  vel  emintntiam  fpith,,  \  ,  prcpe  maxill*m  fpith* 
J-,  colli  utrinque  prope  caput  fpith.  i  ,  in  mcdio  fpi^.  ^i  , 
ad  bafin  fpith.  2  ad  ^  ^  latitud.  Lat.  ahd.  anterius  fpitfi». 
^,  pojlcr.  fpiih.  6  ad  y.  Craques  ptllis  utcoriicervi  vul~ 

garis Defcfiptio  antccedens  juxta  ptllcm  anUnaiit 

fzclam  ;  aninïal  pcro  nondum  vidi^  Voyage  d'HaiSejciuii^ 
"koilock,  1762, 


de  la  Giraffe,  55 

En  fommes  -  nous  en  effet  plus  avances  , 
après  nous  être  ennuyés  à  lire  cette  énu- 
mération  de  petits  caractères  équivoques  , 
inutiles  ?  ^t  les  defcriptions  des  Anciens  & 
des  Modernes  que  nous  avons  citées  ci- def- 
ius,  ne  donnent-elles  pas  de  l'animal  en  quef- 
tion  une  image  plus  fenfible  &  des  idées  plus 
nettes  ?  C'eft  aux  figures  à  fuppléer  à  tous 
ces  petits  caraâères,  &  le  dii'cours  doit  être 
réfervé  pour  les  grands  :  un  feul  coup-d'œtt 
fur  une  figure  en  apprendroit  plus  qu'une 
pareille  delcriptionqui  devient  d'autant  moins 
claire  qu'elle  eft  plusminutieufe,  fur-tout  n'é- 
tant point  accompagnée  de  la  figure ,  qui  feule 
peut  foutenir  l'idée  principale  de  l'objet  su 
milieu  de  tous  ces  traits  variables,  &  de  toutes 
ces  petites  images  qui  fervent  plutôt  à  i'obf- 
cureir  qu'à  le  repréienter. 

On  nous  a  envoyé  cette  année  (.1764  )  k 
l'Académie  des  Sciences  ,  un  deiîiît  &  une 
notice  de  la  giraffe  ,  par  laquelle  on  affure 
que  cet  animal  >  que  l'on  croyoit  particulier 
a  rÉthiopie  (i),  ie  trouve  ailH  dans  les  ter- 
res voifines  du  cap  de  Bonne-elpérancc;  nous 


(  i  )  La  Giraffe  ne  fe  trouve  point  ailleurs  i\v^Qn 
Erfiiopie.  J'en  ai  vu  deux  dans  Is  palais  du  Roi  qu'on  y 
«voit  apprivoifèes.  J'obî'ervai  que  lorfqu'ellej  vou'oiene 
boire,  &  qu'où  leur  préfentoit  de  l'eau  ou  du  lait  > 
pour  y  atteindre  il  falloit  qu'el'es  écartaffent  les  prn^ 
fîes,  autrement  comme  ces  bêtes  font  trop  hautes  de 
f!evr.nt,  elles  ne  oourroier.4  boire  quoiqu'elles  ayent  le 
cou  fort  looâ;.  J'ai  obfervé  de  mes  yeux  ce  que  je  rap» 
porte  ici.  B-elation  de  Thévcnct ,  pa^e  it>  de  ia  iefcrifii<^ 
4^.  Animaux  ^  &<;,  di  Co^mat  le  J'-jl.  taki* 


34  Nî/hin  naturtlU 

cuflîons  bien  defiré  que  le  deffin  eût  été  un 
peu  mieux  tracé,  mais  ce  n'eft  qu'un  croquis 
informe  &  dont  on  ne  peut  faire  aucun  ufage  ; 
à  regard  de  la  notice ,  comme  elle  contient 
une  efpèce  de  defcription  ,  nous  avons  cru 
devoir    la   copier   ici.   «.  Dans  un   voyage 
»  que  l'on  fit^  en  1762,  à  deux  cents  lieues 
»  dans  les  terres  au  nord  du  cap  de  Bonne-ef- 
w  pérance,on  trouva  le  Camelopardalis  dont 
»  le  deffin  eft  ci  joint;  il  a  le  corps  reflemblant 
«  à  un  bœuf,  &  la  tête  &le  cou  reflemblent 
»>  au  cheval.  Tous  ceux  qu'on  a  rencontrés 
w  font  blancs  avec  des   taches  brunes.  Il  a 
î>  deux  cornes  d'un  pied  de  long  fur  la  tête , 
j»  &  a  les  pattes  fendues.  Les  deux  qu'on  a 
»  tués ,  &  dont  la  peau   a  été  envoyée  en 
»  Europe ,  ont  été  mefurés ,  comme  il  fuit  : 
»  la  longueur  de  la  tête,  un  pied  huit  pou- 
î)  ces  ;  la  hauteur  depuis  l'extrémité  du  pied 
»  de  devant  jufqu'au  garrot,   dix  pieds;  & 
«  depuis  le  garrot  jufqu'au-defTus  de  la  tête , 
î)  fept  pieds ,  en  tout  dix-fept  pieds  de  hau- 
»  teur  ;  la  longueur  depuis  le  garrot  jusqu'aux 
»  reins  eft  de  cinq  pieds  fix  pouces  ;  celle 
»  depuis  les  reins  jufqu'à  la  queue  ,  d'un  pied 
»  fix  pouces  ;ainfi,  la  longueur  du  corps  en* 
»  tier   eft  de  fept  pieds  ;  la  hauteur  depuis 
»  les  pieds  de  derrière  jusqu'aux  reins ,  eft  de 
»  huit  pieds  cinq  pouces.  II  ne  paroît  pas 
»  que  cet  animal  puifFe  être  de  quelque  fet- 
j>  vice  ,  vu  la  difproportion  de  fa  hauteur  & 
»  de  fa  longueur;  il  fe  nourrit  de  feuilles  des 
"  plus  hauts  arbres;  &  quand  il  veut  boire 
"  ou  prendre  quelque  chofe  à  terre ,  il  faut 
»»  qu'il  fe  mette  à  genou  «. 


il  la  Gîraffi,  JJ 

Efi  recherchant  dans  les  Voyageurs  ce  qu'ils 
ont  dit  de  la  girafFe  ,  je  les  aï  trouvés  af- 
fez  d'accord  entr'eux  ;  ils  conviennent  tous 
qu'elle  peut  atteindre  avec  fa  tète  à  feize  ou 
ou  dix-fept  pieds  (  ^  )  de  hauteur  étant  dans 
fa  fituation  naturelle  ,  c'eft-à-dire  ,  pofée  fur 
fes  quatre  pieds  ;  &  que  les  jambes  du  de- 
vant font  une  fois  plus  hautes  que  celles 
de  derrière;  en  forte  que  quand  elle  eft  af- 
fife  fur, fa  croupe,  il  femble  qu'elle  foit  en- 
tièrement debout  (  /  )  :  ils  conviennent  aufli 


(A)  Profper  Alpin  eft  le  feul  qui  femble  donner  une 
autre  idée  de  la  grandeur  de  cet  animal ,  en  le  compa- 
rant à  un  petit  cheval.  Anno  i^Si  ,  Alexandrie  vidimus 
Camelûparèàlim  qium  Arabes  Tumap  &  nofln  Glraffam 
ûppcllant  i  h(zc  aquum  paryum  eligantijjlmumque  reprxfen- 
tare  videtur,  pag.  z^6.  Il  y  a  toute  apparence  que  cette 
girafFe,  vue  par  Profper  Alpin,  étoit  fort  jeune  &  n*a- 
voit  pas  encore  acquis  à  beaucoup  près  tout  fon  accroiï"- 
feraent  :  il  en  eft  de  même  de  celle  dont  Haffelquift  a 
décrit  la  peau ,  &  qu'il  compare  pour  la  grandeur  à  un 
petit  chameau. 

(/)  La  giraffe  a  les  pieds  de  devant  de  ihoitié  plus 
hauts  que  ceux  de  derrière,  puis  portant  le  corps  grêle, 
droit  &  long;  cela  la  rend  fort  haute  élevée j  elle  a  la 
tête  prefque  femblable  à  celle  du  cerf,  finon  que  fes 
petites  cornes  mouffes  n*ont  que  demi-pied  de  long  ; 
fes  oreilles  font  grandes  comme  celles  d'une  vache ,  Se 
n'a  point  de  dents  audeffus  delà  mâchelière  ;  les  crins 
font  ronds  6c  déliés,  fes  jambes  grêles  &  femblables  à 
celles  d'un  cerf  &  les  pieds  à  ceux  d'un  taureau  ;  elle  a 
le  corps  fort  grêle ,  &  la  couleur  de  fon  poil  reffemble 
à  celui  d'un  loup-cervier  ;  du  refte  fa  manière  de  faire 
«ft  fort  femblable  à  celle  du  chameau.  Voyage  de  Vil/a- 
mont. Lyon,  féao,  page  688.  —  J'ai  vu  deux  girafFes , 
au  château  du  Caire  ,  eiles  ont  le  cou  plus  grand  que 
ie  chameau,  deux  cornes  de  demi  pied  fur  la  tête,  une 


36  Hijîoîre   natunlU 

qii*à  caufe  de  cette  difprcportion  elle  ne  peut 
pas  courir  vite  ;  qu'elle  eft  d'un  naturel  très 
doux ,  &  que  par  cette  qualité  auffi-bien  que 
par  toutes  les  autres  habitudes  phyfiques , 
&  même  par  Ja  forme  du  corps ,  elle  ap- 
proche plus  de  la  figure  &  de  la  nature  du 
chameau  que  de  celle  d'aucun  autre  animai; 
qu'elle  eft  du  nombre  des  ruminans,  &  qu'elle 
manque  comme  eux  de  dents  incifives  à  la 
mâchoire  fupérieure;  &  l'on  voit  par  le  témoi- 
gnage de  quelques-uns,  qu'elle  fe  trouve  ca:is 
les  parties  méridionales  de  l'Afrique  (m)  auiiî- 
bien  que  dans  celles  de  l'Aue. 

11  eft  bien  clair,  par  tout  ce  que  nous  ve- 
nons d'expoferj  que  la  giraffe  eft  d'une  ef- 
pèce  unique  &  très  différente  de  toute  autre  ; 
inais  fi  on  vouloit  la  rapprocher  de  queîqu'au- 
trç,  animal  ,ce  feroit  plutôt  du  chameau  que 
du  cerf  ou  du  bœuf  :  il  eft  vrai  qu'elle  & 
deux  petites  cornes  &  que  le  chameau  n'en 

petite  au  front  j  les  deux  jambes  de  devant  grandes  & 
hautes ,  &  les  f'eiix  rie  derrière  courtes.  Cofmograpkic 
du  Levant t  par  Thzvtt.  Lyon,  1554  ,  fc^c /-jt. 

{m)  Dans  l'isle  de  Zanzibar,  aux  environs  de  Ma?'»- 
gafcsr,  il  y  a  une  certaine  efpèce  de  bête  qu*i!$  appel» 
icnt  Graffc  ou  Giraffe  t  qui  a  le  cou  fort  long,  conrae 
de  toJfe  &  demie,  ae  laquelle  les  jambes  de  devant  font 
be.iUcoup  plus  longues  que  celles  de  derrière  ;  elle  a 
petite  tête  &  de  diverfes  couleurs,  ainfi  que  le  corps: 
cette  bête  eft  fort  douce  &  privée,  ne  faifant  mal  à 
perfcnne.  Defcripticn  des  Indes  orientales  ■  par  Marc  Paul. 
paris,  15)6,  llv.  ///,  page  n6.  —  Giraffa  animal  aie* 
fylvaticum  ut  raro  videri  pc^it.  ,  .  .  homincs  vidcns  m 
f-igam  fcifur  tametfi  n-^n  fit  multjt  ydocitatis,  Lcon  A^iCc, 
DÏcrip.  4fric.  vol.  II,  p3g.  74J, 


dt  la  Gïraft,  37 

a  point  :  mais  elle  a  tant  d'autres  reflemblan- 
ces  avec  cet  animal ,  que  je  ne  fuis  pas  fur- 
pris  que  quelques  Voyageurs  lui  ayent  donné 
le  nom  de  Chame.zu  des  Indes.  D'ailleurs  l'on 
ignore  de  quelle  fubftance  font  les  cornes 
de  la  girafFe,  &  par  conféquent  ï\  par  cette 
panie  elle  approche  plus  des  cerfs  que  des 
bœufs;  &  peut-être  ne  font- elles  ni  du  bois 
comme  celles  des  cerfs ,  ni  des  cornes  creu- 
fes  comme  celles  des  bœufs  ou  des  chèvres. 
Qui  fait  fi  elles  ne  font  pas  compofées  de 
poils  réunis  comme  celles  des  rhinocéros  , 
ou  fi  elles  ne  font  pas  d'une  fubftance  & 
d'une  texture  particulière  ?  il  m'a  paru  que 
ce  qui  avoit  induit  les  Nomenclateurs  à  metr 
tre  la  giraffe  dans  le  genre  des  cerfs  ,  c'eft 
1^.  le  prétendu  paffage  de  Bèlon ,  cité  par 
Gefner  (^n),  qui  feroit  en  effet  décifif  s'il 
étoit  réel.  2*?.  Il  me  femble  que  Ton  a  mal 
interprété  les  Auteurs  ou  mal  entendu  ie$ 
Voyageurs  lorfqu'ils  ont  parlé  du  poil  de 
ces  cornes  ;  l'on  a  cru  qu'ils  avoient  voulu 
dire  que  les  cornes  de  la  giraffe  étoient  ve- 
lues comm^  le  refait  des  cerfs  ,  &  de-là  on 
a  conclu  qu'elles  étoient  de  même  nature  ; 
mais  l'on  voit  au  contraire  ,  par  les  notes 
citées  ci-deffus ,  que  ces  cornes  de  la  giraffe 
font  feulement  environnées  &  furmontées  de 
grands  poils  rudes  &  non  pas  revêtues  d'un 
duvet  ou  d'un  velours,  comme  le  refait  du 
cerf;  &  c'eft  ce  qui  pourroit  porter  à  croire 
qu'elles  font  compofées  de  poils  réunis,  à-peu- 


(«  )  Gefner , //(/?,  quad,  pag,  14S,  Unç»  antepenultima* 


)8  Hijlùin  naturdlc 

près  comme  celles  du  rhinocéros;  leur  ex- 
trémité qui  eft  moufle,  favorife  encore  cette 
idée  ;  &  fi  l'on  fait  attention  que  dans  tous  \t% 
animaux  qui  portent  des  bois  au  lieu  de  cor- 
nes ,  tels  que  les  élans ,  les  rennes ,  les  cerfs , 
les  daims   &   les  chevreuils  ,  ces  bois   font 
toujours  divifés  en  branches  ou  andouillers, 
&  qu'au  contraire  les  cornes  de  la  girafFe 
font  fimples  &  n*ont  qu'une  feule  tige;  on 
fe  perfuadera  aifément  qu'elles  ne  font  pas 
de  même  nature  ,  fans  quoi  l'analogie  feroit 
ici  entièrement  violée.  Le  tubercule  au  milieu 
de  la  tète ,  qui ,  félon  les  Voyageurs ,  paroît 
faire  une  troifième  corne,  vient  encore    à 
Tappui  de  cette  opinion  ;  les  deux  autres  qui 
ne  font  pas  pointues  ,  mais  moufles   à  leur 
extrémité,  ne  font  peut-être  que  des  tuber- 
cules femblables  au  premier  &  feulement  plus 
élevés;  les  femelles,  difent  tous  les  Voya- 
geurs ,  ont  des   cornes  comme   les   mâles  , 
mais  un  peu  plus  petites  :  fi  la  giraffe  étoit 
en  effet  du  genre  des  cerfs ,  l'analogie  fe  dé- 
mentiroit  encore  ici;  car  de  tous  les  animaux 
de  ce   genre,   il  n'y  a   que    la  femelle   du 
renne  qui  ait  un  bois,  toutes  les  autres  fe- 
melles  en  font  dénuées  ,  &  nous  en  avons 
donné  la  raifon.    D'autre    côté  ,  comme    la 
piraffe ,  à  caufe  de  l'excetïïve  hauteur  de  fes 
jambes  ,  ne  peut  paître  l'herbe  qu'avec  peine 
&  difficulté;  qu'elle  fe  nourrit  principalement 
&  prefqu'uniquement  de  feuilles  &  de  bou- 
tons d'arbres  ,  l'on  doit   préfumer    que    les 
cornes  qui  font  le  réfidu  le  plus  apparent  du 
fuperflu  de  la  nourriture  organique,  tiennent 
de  la  nature  de  cette  nourriture ,  &  font  par 


de  la  Giraffi.    "  39 

conféquent  d'une  fubftance  analogue  au  bois , 
&  femblable  à  celle  du  bois  de  cerf.  Le  temps 
confirmera  l'une  ou  l'autre  de  ces  conje£lu- 
res.  Un  mot  de  plus  dans  la  defcription  d'Hàf- 
felquift,  fi  minutieufe  d'ailleurs,  auroit  fixé 
ces  doutes  &  déterminé  nettement  le  genre 
de  cet  animal.  Mais  des  écoliers,  qui  n'ont 
que  la  gamme  de  leur  maître  dans  la  tête  , 
ou  plutôt  dans  leur  poche,  ne  peuvent  man- 
quer de  faire  des  fautes ,  des  bévues ,  des 
omiiTions  eflentieiles,  parce  qu'ils  renoncent 
à  Tefprit  qui  doit  guider  tout  Obfervateur , 
&  qu'ils  ne  voient  que  par  une  méthode 
arbitraire  &  fautive  ,  qui  ne  fert  qu'à  les 
empêcher  de  réfléchir  fur  la  nature  &  les 
rapports  des  objets  qu'ils  rencontrent ,  &  def- 
quels  ils  ne  font  que  calquer  la  defcription 
fur  un  mauvais  modèle.  Comme  dans  le  réel 
tout  eft  différent  l'un  de  l'autre ,  tout  doit  aulli 
être  traité  différemment;  un  feul  grand  cara- 
tère  bien  faifi,  décide  quelquefois,  &  fou- 
vent  fait  plus  pour  la  connoiffance  de  la 
chofe,  que  mille  autres  petits  indices  :  dès 
qu'ils  font  en  grand  nombre  ,  ils  deviennent 
néceffairement  équivoques  &  communs  ,  & 
dès-lors  ils  font  au  moins  fuperflus,  s'ils  ne 
font  pas  nuifibles  à  la  connoiffance  réelle  de 
ia Nature,  qui  fe  joue  des  formules^  échappe 
à  toute  méthode  ,  &  ne  peut  être  ap- 
perçue  que  par  la  vue  immédiate  de  l'ef- 
prit,  ni  jamais  faifje  que  par  le  coup-d'ceil 
du  génie. 


40  Mlfioirt  naîuTtUt 

LE     LAMA    [a] 

£    T 
LE     PACO     {h). 

Voyei^  Tome  XI  ^  Planches  /3  6*  i^. 

Xl  y  a  exemple  dans  toutes  les  Langues  , 
^u'on   àonaQ  quelquefois  au    même   animai 


{a)  Lama  t  tJJiamd  ,  G^ama ,  nom  que  les  Efpagno^s 
«nt  donné  à  cet  animal  du  nouveau  Monde  ,  &  que  nous 
avons  adopté.  Ils  l'appellent  auffi  au  Pérou  Huanscust 
Guanaco  ,  Cornera  de  t'erra ,  Mouton  de  terre  ;  Guanapo  ^ 
félon  le  Gentil;  tome  /,  page  94;  Wianaque ,  félon 
"Wood,  Voyage  de  Dampier,  tome  K,  page  181  Autrefois 
îl  $*?.ppel!oit  au  Mexique ,  Félon  ichiatï  Oqu'uli  \  5t  au 
Chili ,  Hueque  Chilkhueque  ,  c*eft-à-dire,  Hueque  du  Chily  » 
car  les  prewiers  Voyageurs  de  l'Amérique  écrivoient 
CkilU  pour  Chily.  Les  Angiois  ont  dé'igné  le  Lama  par 
la  dénomination  àe  PernichcattU ,  c*eft-à-dire,  bétail  dii 
Pérou.  Mathiole  lui  a  donné  le  nom  compofé  A'EIapho- 
camelui y   Chameau-cerf. 

félon  ichiati  Oquitli^  ovîs  Peruana.  Hernand.  ////?. 
Mex.  pag.  660  ,  fig.  ibid. 

Ovis  Peruana.  Marcgrav.  Hïft,  nat,  Brafil,  pag.  243  , 
fig.  ibid. 

Lama.  Voyage  de  YtézÀ^t ,  pag,  i^S^Jîg.  ihid, 

Cameliis  pilis   brevfjfimis  vefiiUis Cairidus 

Piruanus  ,  le  Chameau  du  Pérou,  Briffon ,  Rcgn.  animât, 
pag.    56. 

Clama,  Camelus  dorfo  liZvi,  topho  pectorali.  Linn.  Syft» 
TsAt.^  edir.  X  ,  pag.  65. 

('j)  Pacot  Pacos,  nom  de  cet  animal  dans  fon  pay$ 
natal  su  Pérou,  &  que  r.ous  avons  adopté;  on  l'appelle 

deux 


du  Lama  &  du  Paca»  41 

deux  noms  différens ,  dont  l'un  fe  rapports 
à  fon  état  de  liberté  ,  &  l'autre  à  celui  de 
domefticité  :  le  fanglier  &  le  cochon  ne  font 
qu'un  animal  ;  &  ces  deux  noms  ne  font 
pas  relatifs  à  la  différence  de  la  nature ,  mais 
à  celle  de  la  condition  de  cette  efpèce  ,  dont 
une  partie  eft  fous  Tempire  de  l'homme  & 
l'autre  indépendante.  Il  en  eft  de  même  des 
Lamas  &  des  Pacos  qui  étoient  les  feuls  ani- 
maux domeftiques  (^c)  des  anciens  Américains. 
Ces  noms  font  ceux  de  leur  état  de  domefti- 
cité ;  le  lama  fauvage  s'appelle  huanacus  ou 
pianaco  ,  &  le  paco  fauvage  vicunna  ou  vigogne. 
J'ai  cru  cette  remarque  néeeflaire  pour  évi- 
ter la  confufion  des  noms.  Ces  animaux  ne 
fe  trouvent  pas  dans  l'ancien  continent ,  mais 
appartiennent  uniquement  au  nouveau  ;  ils 
affe61ent  même  de  certaines  terres,  hors  de 
l'étendue  defquelles  on  ne  les  trouve  plus  : 
ils  paroifTent  attachés  à  la  chaîne  des  moTita- 


ïufli  Vigogne ,  mot  dérivé  de  Vicuna  ,  autre  nom  de  c€t 
animal  dans  le  même  pays. 

Ovis  Peruana  alla  fpecies  ah  in€olis  Pacos  dicla,  Her- 
lîandès,  Hiji.  Mcx.  pag.  663. 

Ovis  Peruana,  Paco  dicta.  Marcgrav,  nifi,  nat;  Braj7^ 
page  24^  ,  fig,  ibid. 

Alpaqiie.  Voyage  de  Frézier ,  pttg^i  z^-. 

Camslus  piîis  proilxis  corpoT^  vefiitus ^  la  Vîgrtgne, 
BrifTon  ,  Refn.  anim,  pag.  57. 

Pacos.  Camelus  tophis  nullis- y  corport  lanato*  Lii>n, 
Syfi.  nat.  edit.  X  ,  pag.  66, 

(c)  Avant  l'arrivée  des  Efpagnoîs  ,  les  Indiens  da 
Pérou  ne  connoilToient  d'animaux  domefliqiies  ,  que  îeî 
Facos  &  lès  Huanacus;  mais  ils  tire  ent  parti- des  fau» 
vag«s,  qui  etoient  en  plus  ^rand  nomb.e  ,  par  de  «rande^- 
ehâ^Ies.  ui^QtTi  dis  Inçasj  pae,  ^65.. 


41  Hljîoln  naturelle 

gnes  qui  s*étend  depuis  la  nouvelle  Efpagne 
jufqu'aux  terres  Magellaniques;  ils  habitent 
les  régions  les  plus  élevées  du  globe  terref- 
tre  ,  &  fembîènt  avoir  befoin  pour  vivre  de 
rerpirer  un  air  plus  vif  &  plus  léger  que  celui 
de  nos  plus  hautes  montagnes. 

Il  eft  affez  fmgulier  que  quoique  le  lama 
&  le  paco  foient  domeftiques  au  Pérou ,  au 
Mexique,  au  Chily,  comme  les  chevaux  le 
font  en  Europe  ou  les  chameaux  en  Arabie , 
nous  les  connoiflions  à  peine ,  &  que  depuis 
plus  de  deux  fiècles  que  les  Efpagnols  régnent 
dans  ces  vaftes  contrées ,  aucun  de  leurs  Au- 
teurs ne  nous  ait  donné  l'hiftoire  détaillée  & 
la  defcription  exade  de  ces  animaux  dont  on 
fe  fert  tous  les  jours  :  ils  prétendent  ,  à  la 
vérité,  qu'on  ne  peut  les  tranfporter  en  Eu- 
rope ,  ni  même  les  defcendre  de  leurs  hau- 
teurs fans  les  perdre,  ou  du  moins  fans  rif- 
quer  de  les  voir  périr  au  bout  d'un  petit 
temps  :  mais  à  Quito ,  à  Lima  &  dans  beau- 
coup d'autres  villes  où  il  y  a  des  gens  let- 
trés ,  on  auroit  pu  les  deflîner ,  décrire  &. 
diffequer.  Herrera  ^d)  dit  peu  de  chofe  de  ces 
animaux ,-  Garcilaflb  (  e  )  n'en  parle  que  d'après 


(â)  On  trouve  dans  les  montagnes  du  Pérou  une 
cffȏce  de  chameau  dont  ils  fe  fervent  de  la  bine  pour 
faite  des  acouftremens.  Defcription  des  Indes  occiden- 
tales^ par  Herrera.  Amft.  162a  ,  page  Z4\. 

{e)  Le  P.  Blas  Vallera  dit  que  le  bétail  du  Pérou  eft 
fi  doux ,  que  les  enfans  en  font  ce  qu'ils  veulent  ;  il  y 
en  a  des  grands  &  àes  petits  ;  les  huanacus  privés  (  La- 
mas^  font  de  difféiens  poils,  ôt  les  fdi.ivjçes  font  tous 
fcai-bruns:  ces  aninwux  font  de  la  hai^eur  des  ceifs  & 


du  Lama  Sc  du  Paco,  43 

les  autres  ;  Acofta  &  Grégoire  de  Bolivar , 
font  ceux  qui  ont  raffemblé  le  plus  de  faits 
fur  l'utilité  &  les  fervices  qu'on  tire  des  la- 
mas &  fur  leur  naturel;  mais  on  ignore  en- 
core comment  ils  font  conformés  intérieure- 
ment, combien  de  temps  ils  portent  leurs  pe- 
tits; l'on  ignore  fi  ces  deux  efpèces  font 
abfolument  féparées  l'une  de  l'autre,  fi  elles 
ne  peuvent  fe  mêler  ,  s'il  n'y  a  point  entre 
elles  de  races  intermédiaires  ,  &  beaucoup 
d'autres  faits  qui  feroient  néceifaires  pour  ren- 
dre cette  hiftoire  complète. 

Quoiqu'on  prétende  qu'ils  périffent  lorf- 
qu'on  les  éloigne  de  leur  pays  natal ,  il  eft 
pourtant  certain  que  dans  les  premiers  temps 
après  la  conquête  du  Pérou  ,  &  même  encore 
long-temps  après,  l'on  a  tranfporté  quelques 
lamas  en  Europe.  L'animal  dont  Gefner  parle  > 
fous  le  nom  d'Allocamelus ,  &  dont  il  donne 
la  figure,  eft  un  lama  qui  fut  amené  vivant 
du  Pérou  en  Hollande  en  1558  (/*);  c'eft  le 


re semblent  aux  chameaux,  excepté  qu'ils  n*ont  point 
de  boffe,  leur  cou  eft  long  &  poli.  .....  Le  même 

bétail  qu'ils    appellent  PacolamA  (  Paco  ) ,  n'eft  pas   à 

beaucoup  près  tant  eftimé Ces  pacos,  plus  petits 

que  les  autres,  reffemblent  aux  vicunas  fauvages,  & 
font  fort  délicats  ,  ils  ont  peu  de  chair  6c  pea  de  laine 
extrêmement  fine.  Cet  animal  fert  de  plufieurs  façons 
à  !a  Médecine,  auiTi-bien  que  beaucoup  d'autres  ani- 
raf;ax  de  ce  pays,  comme  le  remarque  ie  P.  Acofta. 
lî'Jtoin  des  Iiicas ,  tome  II,  pa^e  z6o  jufqii'à  2.66. 

(  f)  AlLocamcLus  Scaligeri ,  apparu  ejfe  hoc  ipfum  ani- 
mal cujus  figurant  proponimus  ex  chanâ  quadam  typis 
i-^'t'":-^'^  mutuatl  cum  kac  dcfcriptiot\c.  Anno  donini  ij^8 , 
junii  die  ip  ,  animuf  hoc  minhllc  MUtcIhnroruv;  Stiandix, 

D    2 


if 4  Hijioïre  naturel^ 

même  dont  Matthiole  (^j  fait  mention  /bus^ 
le  nom  d'Ela/fhocamelus ,  &  la  defcription  qu'il 
en  donne  eft  faite  avec  foin.  On  a  tranfportè 
plus  d'une  fois  des  vigognes  ,  &  peut  -  être 
aufïï  des  lamas  en  Efpagne  pour  tâcher  de  les 
y  naturalifer  (h^'yon  devroitdonc  être  mieu\ 
iflftruit  qu'on  ne  l'efl  fur  la  nature  de  ces. 


edvecium  ejî' ,  antehac  à  princlplbus  Germaniis  nunquam- 
vlfiim ,  ncc  à  Plinio  atit  antiquis  aLi'is  fcriptorlhus  ccm- 
mcmoratum.  Ovem  indicam  effe  dicchant  è  Piro  (forte 
Peru  )  regione ,  ftxt'us  mille  millianbus  fèrè  Antuirpla 
dijlantc.  Altltudo  ejus  erat  pedutn  fex  ,  longitudo  qidii  • 
que  :  collum  cignco  colore  candidiffîmum.  Corpus  (  reli-- 
quum  )  rufinn  vel  punicewn.  Pedcs  ctu  flruthocamdl ,  cujus 
injlar  urinam  quoque  rétro  rcddit  hoc  animal  {erat  autera 
mas  annorum  tetatis  quatuor).,  Gefner ,  Hiji.  quairup-, 
çag.  149  &  i)0. 

ig)  Longitudo  totius  corporis  à  cervlce  ad  caudam  6 
pedum  erat:  altitudo  à  dorfo  ad  pedis  plantam  4  tantum. 
Capite ,  collo  ,  ore ,  fuperioris  prafertim  lahii  Jcijfurâ  ae- 
f^ittitali  camelum  fere  refcft;  ac  caput  oblongius  ejl  :  aures 
habet  cervinas ,  oculos  bubulos ,  quin  etlam  ut  ille  amc- 
rloribus  dentibus  in  fuperiore  maxUlâ  caret,  fed  molarcs 
Htrinque  habet  ;  ruminât,  dorfo  ejl  fenfim  prominentc ,  /ca~ 
pulls  prope  Collum  dèprcffis  ,  latcribus  tnmidis  ^  ventre  lato  y 
clunihus  altioribus  &  caudd  brevi  fpithainit  fere  longitu- 
dine  ;  quibus  omnibus  cervum  fere  refert ,  quçmadmodum. 
ttiam  cruribus  pr<zfertim  pojleriorihvs  ;  pedes  ilU  bijuUi 
funt'y  diducla  anteriori  p4rte  dirifura.  Ungues  habet  acumj- 
natos  qui  circa  pedis  ambitum  in  cutem  craJfti.Ti  aleunt , 
nam  pedis  planta ,  non  ungue  fed  ente ,  ut  m  multïfidii  & 
ipfo  camelo  conte^^itur  :  retromingit  hoc  animal  ut  camelus 
&  tejiis  fuhjiricios  habet  :  peclore  efi  amplo  fub  quo  uht 
thorax  ventri  conneHitur ,  extubcrat  globus  ut  in  camelo , 
■*'ûmica  fimiiis  e  quo  nefcio  quid  excrementi  fenfim  n.a.- 
nare  videtur.  P.  And.  Macthioli ,  Epift.  lib.  V. 

(  h  )  Le  Roi  (l'Erpagne  ordonna  qu'on  tranfportât  des. 
vigognes  en  Efpagne ,  afin  de  les  faire  peupler  fur  les, 
Ueux  i,  mais   ce    climat  fe  etouva  û  peu  propre  à  cet. 


êa  Lama  &  du  Faca,    -         4f 

animaux  qui  pourroïent  nous  devenir  utiles  ; 
car  il  eft  probable  qu'ils  réufliroient  aulîl-bieiî 
fur  nos  Pyrénées  &  fur  nos  Alpes  (i)  que 
fur  les  Cordillères. 

Le  Pérou,  félon  Grégoire  de  Kolivar,  eiî 
le  pays  natal ,  la  vraie  patrie  des  lamas  :  ca 
ks  conduit,  à  la  vérité,  dans  d'autres  pro- 
vinces ,  comme  à  la  nouvelle  Efpagne ,  mais 
c*eft  plutôt  pour  la  cuiiofité  que  pour  l'uti- 
îité;  au  lieu  que  dans  toute  Téten-due  du  Pé- 
rou ,  depuis  Potofi  jufqu^à  Caracas ,  ces  ani- 
maux font  en  très  grand  nombre  :  ils  font 
auffi  de  la  plus  grande  nécefTité;  ils  font  feuîs 
toute  la  richefle  des  Indiens  &  contrifbuenr 
beaucoup  à  celle  des  Efpagnols.  Leur  chair 
cft  bonne  à  manger ,  leur  poil  eft  une  laine 
fine  d'un  excellent  ufag'^ ,  &.  pendant  toure 
leur  vie,  ils  fervent  conflamment  à  traiifpcr- 
ter  toutes  les  denrées  du  pays;  leur  charge 
ordinaire  eft  de  cent  cinquante  livres ,  &  les 
plus  forts  en  portent  jufqu'à  deux  cents  cin- 
quante ;  ils  font  des  voyages  affez  longs  dans 
des  pays  impraticables  pour  tous  les  autres 
animaux;  il  marchent  allez  lentement,  &  ne 
font  que  quatre  ou  c>nq  lieues  par  jour  ;  leur 
démarche  eft  grave  &  ferme,  leur  pas  affuré; 
ils  delcendent  des  ravines  précipitées  ^  &  fur- 
montent  des  rochers  efcaroés ,  où  les  hem- 


animaux  ,  qu'ils  y  moururent  tous, //iyî    des  Avcnt.  FH" 
hufliers ,  par  OexmeLin  ,  tome  II  ^  page  -^ùj^ 

(i)  11  n'y  a  point  d'animal  '.[ui  marche  àuflî  f'*remer.t- 
q<ie  le  lama  dans  les  rochers,  parce  qu'il  s'accroch» 
par  i-.ne  efpèce  d'éperon  qu'il  a  natureilerr.wt  âa.  pieU» 
JTo^a^c  de  Corcal ,  tuïi,  î ,  pcg,  jj2,_ 


4^  Hljlolri  natunllt 

mes  même  ne  peuvent  les  accompagner;  o>f- 
dinairement  ils  marchent  quatre  ou  cinq  jours 
de  fuite ,  après  quoi  ils  veulent  du  repos ,  & 
prennent  d'eux-mêmes  un  féjour  de  vingt- 
quatre  ou  trente  heures ,  avant  de  fe  remet- 
tre en  marche.  On  les  occupe  beaucoup  au 
tranfport  des  riches  matières  que  l'on  tire 
des  mines  du  Potofi  ;  Bolivar  dit  que  ,  de 
fon  temps,  on  employoit  à  ce  travail  trois 
cent  mille  de  ces  animaux. 

Leur  accroiffement  eft  aflez  prompt  &  leur 
vie  n'eft  pas  bien  longue  ;  ils  font  en  état 
de  pfoduire  à  trois  ans ,  en  pleine  vigueur 
jufqu'à  douze ,  &  ils  commencent  enfuite  à 
dépérir,  en  forte  qu'à  quinze  ils  font  entière- 
ment ufés  ;  leur  naturel  parcMt  être  modelé 
fur  celui  des  Américains;  ils  font  doux  &: 
flegmatiques  j  &  font  tout  avec  poids  &  me- 
fure.  Lorfqu'ils  voyagent  &  qu'ils  veulent 
s'arrêter  pour  quelques  inftans ,  ils  plient  les 
genoux  avec  la  plus  grande  précaution,  & 
baiffent  le  corps  en  proportion  j  afin  d'empê- 
cher leur  charge  de  tomber  ou  de  fe  déran- 
ger ;  &  dès  qu'ils  entendent  le  coup  de  fif- 
flet  de  leur  condufteur,  ils  fe  relèvent  avec 
les  mêmes  précautions  &  fe  remettent  en 
marche  :  ils  broutent  chemin  faifant  &  par- 
tout où  ils  trouvent  de  l'herbe  ;  mais  jamais 
ils  ne  mangent  la  nuit,  quand  même  ils  au- 
roient  jeûné  pendant  le  jour  ,  ils  employent 
ce  temps  à  ruminer  :  ils  dorment  appuyés 
fur  la  poitrine ,  les  pieds  repliés  fous  le  ven- 
tre &  ruminent  aufli  dans  cette  fituation. 
Lorfqu'on  les  excède  de  travail  &  qu'ils  fuc- 
combent  une  fois  fous  îe  faix,  il  n'y  a  nul 


du  Lama  6*  du  Paco,  47 

moyen  de  les  faire  relever  ,  on  les  frappe 
inutilement  ;  la  dernière  reflburce  pour  les 
éguillonner  eft  de  leur  ferrer  les  tefticules , 
&  fouvent  cela  eft  inutile  ;  ils  s'obftinent  à 
demeurer  au  lieu  même  où  ils  font  tombés  ; 
&  fi  l'on  continue  de  les  maltraiter  ,  ils  fe 
défeipèrent  &  fe  tuent,  en  battant  la  terre  à 
droite  &  à  gauche  avec  leur  tête.  Ils  ne  fe 
défendent  ni  des  pieds  ni  des  dents,  &  n'ont , 
pour  ainfi  dire  ,  d'autres  armes  que  celles 
de  l'indignation  ;  ils  crachent  à  la  face  de 
ceux  qui  les  infultent  ,  &  l'on  prétend  que 
cette  falive  qu'ils  lancent  dans  la  colère  eft 
acre  &  mordicante  ,  au  point  de  faire  lever 
des  ampoules  fur  la  peau. 

Le  lama  eft  haut  d'environ  quatre  pieds  ; 
&  fon  corps ,  y  compris  le  cou  &  la  tête , 
en  a  cinq  ou  fix  de  longueur  ;  le  cou  fer.I 
a  près  de  trois  pieds  de  long.  Cet  animal  a 
la  tête  bien  faite ,  les  yeux  grands  ,  le  mufeau 
un  peu  alongé,  les  lèvres  épaiffeSjla  fupé- 
rieure  fendue  &  l'inférieure  un  peu  pendante  ; 
il  manque  de  dents  incifives  &  canines  à  la 
mâchoire  fupérieure.  Les  oreilles  font  lon- 
gues de  quatre  pouces  ;  il  les  porte  en  avant  , 
les  drefle  &  les  remue  avec  facilité.  La 
queue  n'a  guère  que  huit  pouces  de  long  ; 
elle  eft  droite ,  menue  &  un  peu  relevée.  Les 
pieds  font  fourchus  comme  ceux  du  bœuf, 
mais  ils  font  furmontés  d'un  éperon  en  ar- 
rière ,  qui  aide  à  l'animal  à  fe  retenir  & 
à  s'accrocher  dans  les  pas  difficiles  :  il  eft 
couvert  d'une  laine  courte  fur  le  dos  ,  la 
croupe  &  la  queue ,  mais  fort  longue  fur  les 
âancs  &  fous  le  ventre  :  du  refte  ,  les  lami»s 


4^  Hljioln  naturelle 

varient  par  les  couleurs;  il  y  en  a  de  bîancî, 
de  noirs  &  de  mêlés  (A).  Leur  RtntQ  refTem- 
ble  à  celle  des  chèvres  ;  le  mâle  a  le  mem- 
bre génital  menu  &  recourbé ,  en  forte  qu'il 
piffc  en  arrière.  C'eft  un  animal  très  lafcif 
(/),  &  qui  cependant  a  beaucoup  de  peirrs 


(  ^  )   Les  lamas  ont  la   tête  petite  à    proportion  iv\ 
corps,  femblable  en  quelque  chofe  à  celle  du  cheval  ^ 
du  mouton  ;  la  lèvre  fupérieure,  comme  celle  du  lièvre  ,, 
eft  fendue  au  milieu,  par-là  ils  crachent  à  dix  pas  loin 
contre  ceux  qui  les  inquiètent ,  &  fi  ce  crachat  tombe 
far  le  vifage,  il  fait  une   tache  rouffâtre  où  fe  forme 
fou  vent  une  galle  :  ils  ont  le   cou  long,   courbé  en  bas 
comme  les  chameaux  à  la  naiffance  du  corps  ,  &  ils  leur 
re/Tembleroient   affez  bien,  s'ils   avoient  une   boflfe  fur 
le  dos  ;  leur  hanteur  eft  d'environ  quatre  pieds  &  dem?^ 
i\s  marchent  la  tête  levée  &   d'un  pas  (i  réglé,  que  ]e% 
coups  même  ne  peuvent  les  hâter;  ils  ne  veulent  point 
marcher  la  nuit  avec  leur  charge,  on  les  débarraffe  tous 
tes  foirs  de  leurs    fardeaux   pour  les  laiflfer  paître  j   il* 
«langent  peu  ,  &   on  ne  leur  donne  jamais  à  boire;  ils 
ont  \e  pied  fourchu  comme  les   moutons  &  un  éperon 
au  deffus  qui  leur  rend  le  pied  fîir  dans  les  rochers  ;  leur 
iair.e  a  une  odeur  forte,  elle  eft  longue,  blanche,  grife 
&  rouffe  par  taches,  &  aflez  belle,,  quoique  beaucoup 
inférieure    à   celle   des    vigognes.    Voyage   de   Frey.€i  , 
fi^ge  tjS. 

(/)  Salaciffimutn  hoc  effe  animal  Id  mihi  conjecîuram- 
fach ,  qiiod  cum  fui  generis  fimellis  fit  dcflitutum  ,  mae»4 
tum  prurigint  capris  fe  commifceat ,  non  tamen  ereciis  nt 
éilias  caprtz  hirco  afcendcnte  foLent  ^  fcd  humi  ventre  accu- 
bantibus  ^  ita  cogente  animait  antenoribus  cruribus.  Itacne 
fiper  afcendens   coït  ,  ncn  autem  averfis   clunïbus.  Adeh 
ventre  vemali   autnmnalique  tempore  ,  fiimulatur  hoc  an'- 
mal  ut  illud   viderim   humile   quoddam   prcejlepiura    avena 
rejcrtum  ci;Tifccnd'£k ,  genitaleque  ilU  magno   cum  murmura 
tcmdiu  confricajfe  quo  ufque  Jemcn  riddent  y  plurimls  urâ 
hi  :â  replicutis  vicibus.  Non  tamcn  conccpcre  capra  huiufcc 
animalis  fcminc  r^fertx.  MalthioK  ¥^^\\i,  lib.  V,. 


du  Lama  &  du  Paco,  4^ 

a  s*acco.upkr«  La  femelle  a  Torifice  des  par- 
ties de  la  génération  très  petit  j  elle  fe  prof- 
terne  pour  attendre  le  mâle ,  &  l'invite  par 
fes  foiipirs  ;  mais  il  fe  paiTe  toujours  plufieiirs 
heures  &  quelquefois  un  jour  entier  av^nt 
qu'ils  puifTent  jouir  l'un  de  l'autre ,  &  tout 
ce  temps  fe    paflé  à  gémir  ,  à  gronder  ,  & 
iur-tout  à  fe  confpuer;  &  comme  ces  long» 
préludes  les  fatiguent  plus  que  ia  chofe  même  , 
on  leur   prête  la  main  pour  abréger  &   on 
les  aide  à  s*arrangen  Ils  ne  produifent  ordi- 
nairement qu'un  petit  &  très  rarement  deux. 
La  mère  n'a  auffi  que  deux  mamelles,  &  le 
petit  la  fuit  au  moment  qu'il  eft  né.  La  chair 
des  jeunes  eft  très  bonne  à  manger,   celle 
des  vieux  eft  sèche  &  trop  dure;  en  géné- 
ral ,  celle  des  lamas  domeftiques  eft  bien  meil- 
leure que  celle  des  lauvages ,  &  leur  laine  eil: 
auiîî  beaucoup  plus  douce.  Leur  peau    eft 
fiffez  ferme  ;  les  Indiens  en  faifoient  leur  chauf- 
iure ,  &  les  Efpagîiols  l'emploient  pour  faire 
des  harnois.  Ces  animaux  fi  utiles  &  même 
fi  nécelTaires  dans  le  pays  qu'ils  habitent ,  ne 
coûtent  ni  entretien  ni  nourriture  ;  comme 
ils  ontje  pied  fourchu ,  il  n'eft  pas  nécef- 
faire  de'  les  ferrer  ;  la  laine  épaiflé  dont  ils 
font  couverts  difpenfe  de  les  bâter;  ils  n'ont 
feefoin  ni  de  grain,  ni  d'avoine,  ni  de  foin; 
l'herbe  verte  qu'ils  broutent  eux-mêmes  leur 
fuffit,  &  ils  n'en  prennent  qu'yen  petite  quan- 
tité {m)  ;  ils  font  encore  plus  fobres  fur  la  boif- 


^m)  La  peau  des  huanacus  eft  dure  ;  les  Indiens  la 
preparoient  avec  du  furf  pour  Tadoucir,  &  en  faifoient 
Quadrupèdes*  Tom  VI^  E 


çô  îlijlôln  naturdli 

ion  :  ils  s'abreuvent  de  leur  falive ,  qui  dans 
cet  animal  eft  plus  abondante  que  dans  au- 
cun autre. 


les  femelles  de  leurs  fouliers  ;  mais  comme  ce  cuir  n'é- 
toit  point  corroyé ,  'Is  fe  déchauffoienf  en  temps  de 
pluie.  Les  Efpagnols  en  font  de  beaux  harnois  de  che- 
val :  ils  employent  ces  animaux,  comme  faifoient  les 
Indiens,  pour  le  tranfport  de  leurs  marchandifes.  Leuif 
voyage  le  plus  ordinaire  eft  depuis  Cozer  jufqu'à  Po- 
tofi  ,  d'où  l'on  compte  environ  deux  cents  lieues,  & 
leur  journée  de  trois  lieues,  car  ils  vont  lentement,  & 
{\  on  les  fait  aller  plus  vite  que  leur  pas  ordinaire,  ils 
fe  laiffent  tomber  fans  qu'il. foit  poffible  de  les  faire  re- 
lever, même  en  leur  ôtant  leur  charge  ,  de  façon  qu'on 

les  écorche  fur  la  place Quand  ils  marchent  en 

portant  des  marchandifes,  ils  vont  par  troupes,  &  l'on 
en  laiffe   foujours  quarante   ou  cinquante   à  vide  ,  afin 
de  les  charger  d'abord  qu'on  s'apperçoit  qu'il  y  en  a 
quelques-uns  de  fatigués.  ...  La  chair  de  cet  animal 

t'ft  parfaite,  car  elle  eft  faine  &  de  bon  goût,  fur-tout 
celle  des  jeunes  de  quatre  ou  cinq  mois  d'âge.  .  .  .  • 

Quoique  ces  animaux  foient  en  grand  nombre,  il  n'en 
coûte  prefque  rien  à  leur  maître  pour  leur  nourriture 
ou    pour   l'entretien  de  leur   équipage,   car,  après  la 
journée,  on  leur  ôte  leur  charge  pour  les  laiflfer  paître 
dans  la  campagne;  il  n'eft  pas  néceflaire  de  les  ferrer, 
car  ils  ont  le  pied  fourchu ,  ni  de  les  bâter ,  car  ils  ont 
fufHfamment  de  laine   pour  n'être  pas  incommodés  de 
leur  charge  que  le  Voiturier  prend  foin   de  placer  de 
façon  qu'elle  ne  porte  pas   fur  l'épine  du  dos,  ce  qui 
les  feroit  mourir Ceux  qui  les  conduifent  cam- 
pent fous  des  tentes  fans  entrer  dans  les  villes  pour  les 
laifier  pâturer;  ils  font  quatre  mois  entiers  pour  faire 
le  voyage  de  Cozer  à  Potofi ,  deux  pour  aller  &  deux 
pour  revenir.  .....  Les  meilleurs  lamas  fe  vendent 

à  Cozer  dix-huit  ducats  chacun  ,  &  les  ordinaires  douze 
ou  treize  ducats.  La  chair  des  huanacus  fauvages  eft 
bonne  ,  mais  cependant  elle  eft  inférieure  à  celle  des 
domeftiques,    Hifioire  des   Incas  f  tome   H ^  page  zCq  & 


du  Lama  &  da  Paco,  51 

Le  huanacus  ou  lama  dans  l'état  de  nature 
cft  plus  fort,  plus  vif  &  plus  léger  que  le 
lama  domeftique^il  court  comme  un  cerf  & 
grimpe    ccmme  le   chamois  fur   les  rochers 
les  plus  eicarpés  :  fa  laine  eft  moins  longue 
&  toute  de  couleur  fauve.  Quoiqu'en  pleine 
liberté,  ces  animaux  fe  ralTemblent  en  trou- 
pes ,  &  font  quelquefois  deux  ou  trois  cents 
enfemble  ;  lorfqu'ils  apperçoivent  quelqu'un  , 
ils  regardent  avec  étonnement  fans  marquer 
d'abord  ni  crainte  ni  plâifir  ;  enfuite  ils  fouf- 
flent   des   narines    &  hennifl'ent  à-peu-près 
comme  les  chevaux ,   &  enfin   ils   prennent 
la  fuite  tous  enfemble  vers  le   fommet  des 
montagnes  ;  ils  cherchent  de  préférence  le 
côté  du  nord  &  la  région  froide  ;  ils  grimpent 
&  féjournent  fouvent  au-defîtis  de  la  ligne, 
de  neige  :  voyageant   dans  les   glaces  ,    &^ 
couverts  de   frimats  ,  ils   fe  portent  mieux 
que  dans  la  région  tempérée;  autant  ils  font 
nombreux  &  vigoureux  dans  les  Sierras  ,  qui 
font  les  parties  élevées  des  Cordillères,  au- 
tant ils  font  rares  &  chétifs  dans  les   Lanos 
qui  font  au-delTous.  On  chalTe  ces  lamas  fau- 
vages   pour  en  avoir  la  toifon  ;  les   chiens 
ont  beaucoup  de  peine  à  les  (uivre;  &  fi  on 
leur  donne  le  temps  de  gagner  leurs  rochers  , 
le  chaiTeur  &  les  chiens  font  contraints   de 
les   abandonner.    Ils   paroiffent    craindre   la 
pefanteur  de  l'air  autant  que  la  chaleur;  on 
ne  les  trouve  jamais  dans  les  terres  bafîes  ; 
&  comme  la  chaîne  des  Cordillères  ,  qui  eft 
élevée  de  plus  de  trois  mille  toifes  au-defTus 
du  niveau  de  la  mer  au  Pérou  ,  fe   foutient 
à-peu-près  à  cette  mécie  élévation  au  Chily 

E  z 


>^l  Tîlfloln  naturtlît 

&  jurqii'aiîx  terres  Magellaniques .  on  y 
trouve  des  huanacus  ou  lamas  fauvages  en 
grand  nombre  {n);  au  lieu  que  du  côté  de 
la  nouvelle  Efpagne  où  cette  chaîiie  de  mon- 
tagnes fe  rabaifle  confidérablement,  on  n'en 
trouve  plus  ,  &  Ton  n'y  voit  q«e  les  lamas 
domeftiques  que  l'on  prend  la  peine  d'y  con- 
duire. 

Les  pacos  ou  vigognes  font  aux  lamas  une 
efpèce  fuccurfale ,  à-peu-près  comme  l'âne 
î'eft  au  cheval  ;  ils  font  plus  petits  &  moins 
propres  au  fervice,  mais  plus  utiles  par  leur 
dépouille;  la  longue  &  fine  laine  dont  ils 
font  couverts  eft  une  marchandife  de  luxe 
aufli  chère  ,  aufli  précieufe  que  la  foie  :  les 
pacos ,  que  l'on  appelle  aufli  alp.tques ,  &  qui 
font  les  vigognes  domeftiques,  font  fouvent 
toutes  noires  &  quelquefois  d'un  brun  mêlé 
de  fauve.  Les  vigognes  ou  pacos  fauvages 
font  de  couleur  de  rofe  sèche ,  &  cette  cou- 


(n)  Dans  les  terres  du  Port-defiré,  à  quelque  dif- 
tance  du  détroit  de  Magellan ,  il  y  avoit  bon  nombre  de 
ces  bêtes  faurages  ou  brebis  faevages,  que   les  Efpa- 

gnols  appellent    Wlanaqucs Quoiqu'elles  fuffent 

bien  alertes  &  fort  craintives,  nous  en  tuâmes  fept  pen- 
dant notre  féjour,  &.  l*on  peut  dire  que  leur  laine  eil 

la  plus  fine  qu'il  y  ait  au  monde Elles  vont  par 

troupes  de  fîx  ou  fept  cents,  &  dès  qu'elles  apperçoi- 
vent  quelqu'un,  elles  ronflent  avec  leurs  narines  &  hen- 
riflent  comme  des  chevaux.  Voyage  d:  Wood.  Suite  des 
Voyages  de  DampUr ,  tome  V,  page  iSi.  —  On  voit  au 
Tucuman  ,  province  voifine  du  Pétou,  de  groflTes  brebis 
qui  fervent  de  bêtes  de  fomme,  &  dont  la  laine  eft 
prefque  aufli  fine  que  de  la  foie,  V^'y^gc  de  îVooiu. 
fic^crs  %  Une  II  f  page  C^ 


du  Lama  &  du  PaCû*  ^\ 

!eur  naturelle  eft  fi  fixe ,  qu'elle  ne  s'altère 
point  fous  la  main  de  l'ouvrier  ;  on  fait  de 
très  beaux  gans,  de  très  bons  bas  avec  cette 
laine  de  vigogne,  l'on  en  fait  d'excellentes 
couvertures  &  des  tapis  d'un  très  grand  prix. 
Cette  denrée  feule  forme  une  branche  dans 
le  commerce  des  Indes  Efpagnoles  :  le  cailor 
du  Canada,  la  brebis  de  Calmouquie,  la  chè- 
vre de  Syrie  ne  fourniffent  pas  un  plus  beau 
poil;  celui  de  la  vigogne  eft  aulîî  cher  que 
la  foie.  Cet  animal  a  beaucoup  de  choies 
communes  avec  le  lama  ;  il  eft  du  même 
pays  ,  &  comme  lui  il  en  eft  exclufivement , 
car  on  ne  le  trouve  nulle  part  ailleurs  que 
iîir  les  Cordillères  ;  il  a  aufli  le  mêm.e  natu- 
rel &  à  peu  près  les  mêmes  mœurs,  le  même 
tempérament.  Cependant  comme  fa  laine  elt 
beaucoup  plus  longue  &  plus  touffue  que 
celle  du  lama ,  il  paroît  craindre  encore  moins 
le  froid ,  il  fe  tient  plus  volontiers  dans  la 
neige ,  fur  les  glaces  &  dans  les  contrées  les 
plus  froides  :  on  le  trouve  en  grande  quan- 
tité dans  les  terres  Magellaniques  (  o  ). 

Les  vigognes  reffemblent  aulîî  ,  par  la  fi- 
gure ,  aux  lamas  ;  mais  elles  font  plus  peti- 
tes ,  leurs  jambes  font  plus  courtes  &  leur 


(o)  La  partie  orientale  delà  côte  des  Patagons  pro- 
che la  rivière  de  la  Plata ,  eft  encore  peuplée  cie  vigo- 
gnes en  afTez  grand  nombre  ,  mais  cet  animal  eft  iî  de- 
vant &  fi  vite  à  la  courfe  ,  qu'il  eft  difficile  d'en  attraper. 
Voyage  de  George  An/on  ^  page  57, —  Les  animaux  ter- 
r£ftres  les  plus  communs  du  port  Saint- Julien  dans  les 
terres  Magellaniques ,  font  les  guanacos.  Hifloire  d» 
Paraguciif  par  U  P»  €harleyoix,  tonu  VI  yP<^g*  «o/. 

E3 


J4  Hlfiolre  naturelle 

fliuffle  plus  ramafTé  ;  elles  ont  la  laine  éa 
couleur  de  rofe  sèche  un  peu  claire  ;  elles 
n'ont  point  de  cornes  ;  elles  habitent  &  paf- 
iênt  dans  les  endroits  les  plus  élevés  des 
montagnes;  la  neige  &  la  glace  femblent 
plutôt  les  récréer  que  les  incommoder;  elles 
vont  en  troupes  &  courent  très  légèrement  ; 
elles  font  timides ,  &  dès  qu'elles  apperçoi- 
vent  quelqu'un ,  elles  s'enfuient  en  chaiTcnt 
leurs  petits  devant  elles.  Les  anciens  Rois 
du  Pérou  en  avoient  rigoureufement  défen  Ju 
la  chafTe  parce  qu'elles  ne  multiplient  pas 
beaucoup  ;  &  aujourd'hui  il  y  en  a  infinimeiit 
moins  que  dans  le  temps  de  l'arrivée  des 
Efpagnols.  La  chair  de  ces  animaux  n'eft  pas 
li  bonne  que  celle  des  huanacus  ;  on  ne  les 
recherche  que  pour  leur  toifon  &  pour  les 
bézoards  qu'ils  produifent.  La  manière  dont 
on  les  'prend  prouve  leur  extrême  timidité, 
ou  ,  fi  l'on  veut ,  leur  imbécillité.  Plufieurs 
hommes  s'afFemblent  pour  les  faire  fuir  &  les 
engager  dans  quelques  paffages  étroits  oii  l'on 
a  tendu  des  cordes  à  trois  ou  quatre  pieds 
de  haut ,  le  long  defquelles  on  laiiTe  pendre 
des  morceaux  de  linge  ou  de  drap  ;  les  vi- 
gognes qui  arrivent  à  ces  paffages  font  tel- 
iemef.f  intimidées  par  le  mouvement  de  ces 
lambeaux  agités  parle  vent,  qu'elles  n'ofent 
palfer  au-delà,  &  qu'elles  s'attroupent  & 
demeurent  en  foule,  en  forte  qu'il  eft  facile  de 
les  tuer  en  grand  nombre;  mais  s'il  fe  trouve 
dans  la  troupe  quelques  huanacus,  comme 
ils  font  plus  hauts  de  corps  &  moins  timi- 
des que  les  vigognes,  ils  fautent  par  deifus 
les  cordes,  &  dès  qu'ils  ont  donné  l'exem- 


du  Lama  &  du  Paco,  55 

pie ,  les  vigognes  fautent  de  même  &  échap* 
pent  aux  chafleurs  (/?). 

A  l'égard  des  vigognes  domeftiques  ou  pa- 
cos  ,  on  s'en  fert  comme  des  lamas  pour  por- 
ter des  fardeaux  ;  mais   indépendamment  de 
ce  qu'étant  plus  petits  ou  plus  foibles  ils  por- 
tent beaucoup  moins,   ils  forrt  encore  plus 
fujets  à  des  caprices  d'obftination  ;  lorfqu'une 
fois  ils  fe  couchent  avec  leur  charge  ^  ils  fe 
laifTeroient  plutôt  hacher  que  de  fe  relever. 
Les  Indiens   n'ont  jamais  fait  ufage  du  lait 
de  ces  animaux  ,  parce  qu'ils  n'en  ont  qu'au- 
tant quil  en   faut  pour  nourrir  leurs  petits. 
Le  grand  profit  que   l'on  tire  de  leur  laine 
avoit  engagé  les  Efpagnols   à  tâcher  de  les 
naturalifer  en  Europe  ;  ils  en  ont  trânfpcrt'é 
en  Efpagne  pour  les  faire  peupler,  mais  le 
climat  fe  trouva  fi  peu  convenable  ^  qu'ils  y 
périrent  tous  (  ^  )«  Cependant,  comme  je  l'ai 
déjà  dit,  je  fuis  perfuadé  que  ces  animaux  , 
plus  précieux  encore  que  les  lamas  ,  pour- 
roient  réuflir  dans  nos   montagnes ,  &    fur* 
tout  dans  les  Pyrénées  ;  ceux  qui  les  ont  tranf- 
portés  en  Efpagne ,  n'ont  pas  fait  attention 
qu'au   Pérou    même   elles  ne   fubfiftent   que 
dans  la  région  froide,  c'eft-à-dire^  dans  la 
partie  la  plus  élevée  des  montagnes  ;  ils  n'ont 
pas  fait  attention  qu'on  ne  les  trouve  jamais 
dans  les   terres  baffes  ,  &  qu'elles   meurent 
dans  les  pays  chauds;  qu'au  contraire  elles 
font  encore  aujourd'hui  très  nombreufes  dans 


(p)  Voyage  de  Fréfier,  page  t^g  &  ij^. 

(f)  Hiftoire  des  aventures  des  Flibuftrers , /r.  i^tf; 

£  4 


k6  H'ijîoîre  naturdU 

les  terres  voifines  du  détroit  de  Magellan  ; 
où  le  froid  eft  beaucoup  plus  grand  que  dans 
notre  Europe  méridionale ,  &  que  par  con- 
lequent  il  falloit  pour  les  conferver  les  dé- 
barquer, non  pas  en  Elpagne ,  mais  en  Écoffe 
ou  même  en  Norvège ,  &  plus  sûrement  en- 
core aux  pieds  des  Pyrénées  ,  des  Alpes  , 
&.C.  où  elles  euffent  pu  grimper  &  atteindre  la 
région  qui  leur  convient  :  )e  n'infifte  fur  cela 
que  parce  que  j'imagine  que  ces  animaux  fe- 
roient  une  excellente  acquifition  pour  l'Eu- 
rope,  &  produiroient  plus  de  biens  réels  que 
tout  le  métal  (  ;  ^  du  nouveau  monde  ,  qui  n^a 
fervi  qu'à  nous  charger  d'un  poids  inutile, 
puifqu'on  avoit  auparavant  pour  un  gros  d'or 
ou  d'argent  ce  qui  nous  coûte  une  once  de 
ces  mêmes  métaux. 

Les  animaux  qui  fe  nourriflent  d'herbes 
&  qui  habitent  les  hautes  memtagnes  de  l'A* 
fie  ,  &  même  de  l'Afrique  ,  donnent  les  bé- 
zoards  que  l'on  appelle  orientaux  ,  dont  les 
vertus  font  le  plus  exaltées;  ceux  des  mon- 
tagnes de  l'Europe ,  où  la  qualité  des  plantes 
Ôi  des  herbes  eft  plus  tempérée,  ne  produis 
fent  que  des  pelotes  fans  vertu ,  qu'on  ap- 
pelle égagropiks  :  &  dans  l'Amérique  méridio- 
nale ,  tous  les  animaux  qui  fréquentent  les 
montagnes   fous   la  zone   torride  y   donnent 


(  r  )  Nota.  Quel  bien  ont  produit  en  effet  ces  riches 
mines  du  Pérou?  il  a  péri  des  millions  d'hommes  dans 
les  entrailles  de  la  terre  pour  les  erxploiter  ;  &  leur  (-•■^'^ 
&  leurs  travaux  n'ont  Utvi  q_u'à  nous  charger  d'ua 
poids  incommode. 


du  lama  &  du  Paco»  57 

d'autres  bézoards  que  l'on  appelle  occidentaux , 
qui  font  encore  plus  folides  &  peut-être  aufli 
qualifiés  que  les  orientaux.  La  vigogne  fur- 
tout  en  fournit  en  grand  nombre  ,  le  huana- 
cus  en  donne  aufli,  &  l'on  en  tire  des  cerfs 
&  des  chevreuils  dans  les  montagnes  de  la 
nouvelle  Efpagne  (/).  Les  lamas  &  les  pa- 
cos  ne  donnent  de  beaux  bézoards  qu'autant 
qu'ils  font  huanacus&  vigognes,  c'eft-à-dire, 
dans  leur  état  de  liberté  ;  ceux  qu'ils  produi- 
fent  dans  leur  condition  ée.  fervitude  ,  font 
petits  ,  noirs  &  fans  vertu  ;  les  meilleurs 
font  ceux  qui  ont  une  couleur  de  vert  obf- 
cur,  &  ils  viennent  ordinairement  des  vi- 
gognes, fur- tout  de  celles  qui  habitent  les 
parties  les  plus  élevées  de  la  montagne ,  & 
qui  paiflent  habituellement  dans  les  neiges  ; 
de  ces  vigognes  montagnardes ,  les  femelles 
comme  les  mâles  produifent  des  bézoards , 
&  ces  bézoards  du  Pérou  tiennent  le  premier 
rang  après  les  bézoards  orientaux ,  &  font 
beaucoup  plus  eflimés  que  les  bézoards  de  la 
nouvelle  Efpagne,  qui  viennent  des  cerfs,  & 
font  les  moins  efficaces  de  tous. 


(/)  Nous  favons  qu'en  la  Neuve-Efpagne,  il  fe  trouve 
des  pierres  de  bézoards ,  combien  qu'il  n'y  ait  point  de 
vigognes  ni  de  guanacos ,  mais  feulement  des  cerfs,  en 
quelques-uns  defquels  en  trouve  cette  pierre.  Hifioire 
natunlU  des  Indes  tcciiiintalt's  t  par  Acofia  ,  pagt  20 j* 


>/„<• 


j8  Hijîolrt  naturelle 


L'  U    N   A   U     (a) 
ET    L'  A'i    (B). 

Voye:^  phfiche  ÎIJ ,  fig,  i ,  2  &  ^  de  ce  volume, 

JL'ON  a  donné  à  ces  deux  animaux  répithère 
de  Parcjfeux,  à  caufe  de  la  lenteur  de  leurs 
mouvemens  &  de  la  difficulté  qu'ils  ont  à^ 


(a)  VnaUy  nom  de  cet  animal  au  Mar agnon ,  &  que 
nous  avons  adopté.  Le  P.  d'Abbeville  diftingue  deux 
efpèces  d'Unaux  ,  le  plus  grand  qui  eft  celui  dont  il  eft 
ici  queftion  ,  qu'il  appelle  Unau  ouaffoiL\  &  le  plus  petit 
qu'il  nomme  fimplement  Unau,  qui  eft  le  même  animal 
que  VAï.  ♦<  Il  y  en  a  de  d«ux  fortes  ,  dit  il ,  aucuns  font 
gran'ls  environ  comme  les  lièvres,  les  autres  font  deux 
fois  prefque  plus  grands.  M^jjîonan  Maragnon,  page  zjz.  »» 
On  a  donné  quelquefois  à  l^Jnau  le  nom  de  Lèche-patte  f 
mais  ce  nom  qui  fembleroit  avoir  été  pris  de  l'habitude 
de  cet  animal,  n'eft  pas  fondé,  car  il  ne  lèche  pas  Ces 
pieds,  ni  même  aucune  autre  partie  de  fon  corps. 

Tardlgradus  Ceilonicus  Catulus.  Séba,  vol.  l  ,  pag.  <;4, 

Ta^.  33,fig.  4, Taràigraius  Q^Aqv{\cw%  famma. 

Idem,  ibid,    Tab.  ^4.  Ces  figures  font  affez  bonnes. 

Tàrdigradus  pedibus  anticis  didaBylis,  pojiicls  trldacly- 
lis.  Tàrdigradus  Ceilonicus.  Le  parejfeux  de  CeyUn.  BriiT, 
Reg.  anim,  pag.  3c. 

Didaclylus.  Bradypus  manibus  didaciylîs  cauda.  nullâ, 
Linn.   Syl'l.  nat.  edit.  X,  pag.  35. 

(i)  Aï,  nom  de  cet  animal  au  Bréfil,  &  que  nous 
avons  Adopté  :  ce  nom  vient  da  fon  pUintif  &  %iy  qu^i 


TTom.^VT:. 


FI.  3 


lULLaau..2à  LVl  ^àtcfte. 5  J tarte.  Al 


de  tUnau  &  de  tAu  59 

marther  ;  mais  nous  avons  cru  devoir  leur 
conferver  les  noms  qu'ils  portent  dans  leur 
pays  natal ,  d'abord  pour  ne  les  pas  confon- 
dre avec  d'autres  animaux  prefque  auffi  pa- 
reffeux  qu'eux,  &  encore  pour  les  diftinguer 


répète  fouvent.  Oualkaré  à  la  Guiane,  félon  Barrère  ; 
Hay  ,  <>lon  de  Léry  ;  Hmi  ou  Hauthl ,  félon  Thevet  ; 
Pcrillo  Lis,ero  ^  félon  Ovisdo  ;  Unau  ,  félon  le  Père  d'Ab- 
ieville;  Haut,  (e\on  Nieremberg. 

j^rcicpithecus.  Gefner ,  Icon.  anim  png.  9^,  fi^^.  Va\i» 
Nota.  Cette  dénomination  Arciopithecus  a  été  mal  ao- 
pHquée  par  Gefner  à  cet  animal,  qui  ne  tient  ni  de 
rOurs  ni  du  finge.  La  figure  eft  auffi  mauvaife  que  le 
om  ;  elle  repréfente  une  face  humaine,  ^^  n'a  de  vrai 
que  les  trois  ongles  à  tous  les  pieds;  ce^iendant  cette 
ir-anvaife  figure  a  été  copiée  par  Nieremberg,  Jonftofi 
&  plufieurs  autres. 

IgnavMs,  Cluf.  Exot.  pag.  iio ,  fig.  pag.  m  ,  idem,  pag, 
J72  ,  pag.  ^75.  Cette  féconde  figure,  donnée  par  Clu- 
fîus ,  eft  moins  mauvaife  que  la  première. 

Pigri/ia  five  Haut.  Euf.  Nieremberg,  Hiji.  nat.  pages 
163  ô'  164.  Nota.  De  trois  figures  que  Nieremberg 
donne  de  cet  animal,  il  n'y  en  a  aucune  qui  fait  ori- 
ginale, la  première  eft  copiée  de  Gefner,  les  deux  au- 
tres font  copiées  de  Clufius,  &  toutes  trois  font  man- 
vaifes  :  cenendant  la  troifièm.e,  qui  eft  la  féconde  de 
Clufius,  s'éloigne  un  peu  moins  de  la  nature  que  les 
deux  premières,  &  elle  a  été  répétée  non-feulement  par 
Nieremberg,  mais  par  beaucoup  d'autres. 

Unau.  Defcription  des  Indes  occidentales,  par  de  La'et , 
pages  Çj-ô  &  618  ,jig.  ihid.  Ces  figures  de  de  Laët  font 
les  mêmes  que  celles  de  Clufius, 

Aï  five  hnavus.  Marcgr.  ffifi.  nat.  Brafil.  pag.  221  , 
fig.  ibid.  Nota.  Cette  figure  e[\  encore  la  mêrne  que  !a 
troifième  de  Nieremberg,  c'eft-à  dire  ,  la  féconde  de 
Clufius. 

Aï  five  Ignavus.  Pifon,  Hifi.  Braf.  pag.  32/  &  ^22.  La 
ft^ure  y  page  jzz  y  eft  encore  la  même  que  cel^e  de  Clu- 
fius j  mais  il  y  a  de  plus  U  figure  d'un  petit  Ai  rampant 


6o  Hijloire  naturdlt 

nettement  Tun  de  l'autre  :  car,  quoiqu'ils  fe 
reffemblent  à  plufieurs  égards ,  -ils  diffèrent 
néanmoins  tant  à  l'extérieur  qu'à  Tintérieur, 
par  des  carâ6ières  fi  marqués ,  qu'il  n'eft  pas 
pofiible  ,  loriqu'on  les  a  examinés  ,  de  les 
prendre  l'un  pour  l'autre ,  ni  mêm^  de  dou- 
ter qu'ils  ne  ibient  de  deux  efpèces  très 
éloignées.  L'Unau  n'a  point  de  queue  &  n'a 
que  deux  ongles  aux  pieds  de  devant  ;  l'Aï 
porte  une  queue  courte  &  trois  ongles  à 
tous  les  pieds.  L'unau  a  le  mufeau  plus  long, 
le  front  plus  élevé ,  les  oreilles  plus  appa- 
rentes que  l'aï;  il  a  auflî  le  poil. tout  diffé- 
rent :  à  l'intérieur  ,  fes  vifcères  font  autre- 
ment fitués  &  conformés  différemment  dans 
quelques-unes  de  leurs  parties;  mais  le  carac- 
tère le  plus  diftiniSlif ,  &  en  même  temps  le 
plus  fingulier,  c'eft  que  l'unau  a  quarante- 


&  le  fqnelette  d'un  grand  Ai.  Oa  voit  audi  au  frontî'f- 
pice  de  foi  livre  une  figure  de  cet  animal,  grimpant 
fur  un  arbre. 

Ai  fa:  Tardi<^adus,  gracilis ,  Amcricanus.  Séba  ,  vâl.  /, 
eag.  Jî  ,  Tah.  ■^^ ,  fig-  2.  Cette  figure   eft  affez  bonne. 

Ignavus.  Marci^r.  Oua^karé ,  le  PareflTeux.  Barrère, 
Hiji-  nat,  de  la  France  équin-  pag.  if^. 

Igrnavnt  Anier'canus  nj'um  fletu  mifcens,  Ignavus  MarC" 
gravii.   Klein  ,  ie  quadrup.  pag.  4^, 

Tard'gradus  pcdlhus  anticis  &  pojlicis  tridactylls.  Tardl- 
gradus,  le  ParefTeux.  Briflbn,  Regn.  anim.  pag.   34. 

The  Sloth-,  le  PareflTeux.  Edwards  Glanures ,  pan.  II, 
pag.  po.  La  première  figure  n*eft  pas  mauvaife,  quoi- 
que faite  d'après  une  peau  bourrée. 

Tfydaclylis.  Bradypus  marùhirs  tridactylis  t  caudd  brevi 
Linn.  Syfi.  nat,  «dît,  X,  pag.  34. 


de  tUnau  &  de  lAt.  6l 

fix  côtes,  tandis  que  Taï  n'en  a  que  vingt- 
huit  :  cela  feul  fuppofe  deux  erpèces  très 
éloignées  l'une  de  l'autre;  &  ce  nombre  de 
quarante-fix  côtes  dans  un  animal  dont  le 
corps  eft  û  court,  eft  une  efpèce  d'excès  ou 
d'erreur  de  la  Nature  ;  car  de  tous  les  ani- 
maux ,  même  des  plus  grands  ,  &  de  ceux 
dont  le  corps  eft  le  plus  long ,  relativement 
à  leur  groffeur,  aucun  n'a  tant  de  chevrons 
à  fa  charpente.  L'éléphant  n'a  que  quarante 
côtes  ,  le  cheval  trente-fix  ,  le  blaireau 
trente ,  le  chien  vingt-fix  ,  l'homme  vingt-qua- 
tre ,  &c.  Cette  différence  dans  la  conftrudion 
de  l'unau  &  de  l'ai ,  fuppofe  plus  de  diftance 
entre  ces  deux  efpèces  qu'il  n'y  en  a  entre 
celle  du  chien  &  du  chat  qui  ont  le  même 
nombre  de  côtes  ;  car  les  différences  extérieu- 
res ne  font  rien  en  comparaifon  des  diffé- 
rences intérieures;  celles-ci  font,  pour  ainfi 
dire,  les  caufes  des  autres  qui  n'en  font  que 
les  effets.  L'intérieur  dans  les  êtres  vivans  eft 
le  fond  du  delfein  de  la  Nature ,  c'eft  la 
forme  conftituante ,  c'eft  la  vraie  figure  ;  l'ex- 
térieur n'en  eft  que  la  furface  ou  même  la 
draperie  ;  car ,  combien  n'avons  -  nous  pas 
vu ,  dans  l'examen  comparé  que  nous  avons 
fait  des  animaux,  que  cet  extérieur  fouvenc 
très  différent,  recouvre  un  intérieur  parfai- 
tement femblable  ;  &  qu'au  contraire  la 
moindre  différence  intérieure  en  produit  de 
très  grandes  à  l'extérieur  ,  6c  change  même 
les  habitudes  naturelles  ,  les  facultés  ,  les 
attributs  de  l'animal?  Combien  n'y  en  a-t-il 
pas  qui  font  armés,  couverts,  ornés  de  par- 
ties excédantes ,  &  qui  cependant ,  pour  l'or-. 


6t  Hiflolre  naturelle 

ganifation  intérieure ,  reflemblent  en  entier 
à^'autres  qui  en  iont  dénués?  Mais  ce  n'eft 
point  ici  le  lieu  de  nous  étendre  fur  ce  fujet, 
qui ,  pour  être  bien  traité,  fuppofe  non-feu- 
lement un'?  comparaifon  réfléchie ,  mais  im 
développement  fuivi  de  toutes  les  parties 
des  êtres  organifés.  Nous  dirons  feulement, 
pour  revenir  à  nos  deux  animaux  ,  qu'autant 
la  Nature  nous  à  paru  vive  ,  agiffante ,  exal- 
tée dans  les  finges ,  autant  elle  eft  lente, 
contrainte  &  reflerrée  dans  ces  parefTeux  ;  & 
c'eft  moins  parefTe  que  misère  :  c'eft  défaut, 
c'eft  dénuement,  c'eA  vice  dans  la  conforma- 
tion ;  point  de  c'ents  incifivesni  canines,  les 
yeux  obfcurs  &  couverts ,  la  mâchoire  aulïï 
lourde  qu'épaiffe ,  le  poil  plat  &  femblable 
à  de  l'herl  e  féchée ,  les  cuifTes  mal  emboî- 
tées &  pr'efqu2  hors  des  hanches ,  les  jam- 
bes trop  courtes ,  mal  tournées  ,  &  encore 
plus  iTial  terminées;  point  d'affiette  de  pied, 
point  de  pouces,  point  de  doigts  féparément 
mobiles  ,  mais  deux  ou  trois  ongles  excefîi- 
vement  longs ,  recourbés  en  deffous ,  qui  ne 
peuvent  fe  mouvoir  qu'en femble  &  nuifent 
plus  à  marcher  qu'ils  ne  fervent  à  grimper: 
la  lenteur  ,  la  Aupidité  ,  l'abandon  de  fon 
être,  &  même  la  douleur  habituelle,  réful- 
tans  de  cette  conformation  bizarre  &  négli- 
gée ;  point  d'armes  pour  attaquer  ou  fe  dé- 
fendre ;  nul  moyen  de  fécurité  ,  pas  même 
en  grattant  la  terre  ;  nulle  reffource  de  falut 
dans  la  fuite  :  confinés ,  je  ne  dis  pas  au  pays , 
mais  à  la  motte  de  terre ,  à  Tarbre  fous  le- 
quel ils  font  nés  ;  prifonniers  au  milieu  de 
l'efpace;  ne  pouvant  parcourir  qu'une  toife 


dt  CUnau  &  de  CAu  ^% 

en  une  heure  (  c  )  ;  grimpant  avec  peine ,  fe 
traînant  avec  douleur;  une  voix  plaintive  & 
par  accens  entrecoupés,  qu'ils  n'ofent  élever 
que  la  nuit  j  tout  annonce  leur  misère,  tout 


(c)  Perillo  ligeroy  five  canlcula  agills ^  animal  c fi om- 
ni^m  qU(Z  viderim  l^nav'ijjimum  ;  nam  adeb  lente  mcvetutt 
ut  ad  conficiendunt  iter  longum  dumtaxat  quinquaglnta  paf- 

fus ,  integro  die  ilLi  opus  fit In  cèdes  tranjlatum. 

natnrali  fiiâ  tarditate  mcvetur,  nec  à  clamatione  uUâ  avt 
impulfione  gradum  accélérât.  Oviedo  in  fummario  Ind, 
occid.  C2p.  XXIII,  traduit  de  l'EfpagnoI  en  Latin  par 
Clufius,  Exotic.  !ib.  V,  cap,  xvi.  Tanta  efi  ejus  tardltas 
vt  unius  diei  fpatio  vix  quinquaglnta  pajfus  penranfire  pof- 
fit.  Hernand.  Hifi.  Mex.  — -  Les  Portugais  ont  donné  le 
nom  de  Parejfie  à  un  animal  affez  extraordinaire,  il  eft 
de  la  grandeur  du  Cerigou  (^Sarigue).  ...  Le  derrière 
de  fa  tête  eft  couvert  d'une  groffe  crinière,  &  fon  ven- 
tre eft  fi  gros,  qu'il  en  balaie  la  terre  :  il  ne  fe  lève 
jamais  fur  pied  ,  &.  fe  traîne  fi  lentement  ,  que  ,  dans 
<ÏU!nze  jours,  à  peine  pourroit-il  faire  la  valeur  d'un  jet 
de  pierre.  Hifioire  des  Indes ,  par  Mûfé,  trad.  de  Dépure, 
page  ji,  —  L'animal  que  les  Portugais  ont  appelle  Pa- 

reffe,  fe  traîne funs  jamais  fe  lever  debout,  & 

eft  fi  tardif,  qu'il  n'avance  en  deux  femaines  pas  wn. 
jet  de  pierre'  Defcr.  des  Indes  occid.  par  Herrera.  Amft. 
i6i2.  pag.  2^2.  —  Tarn  lintus  efi  illius  grejfus  &  mem~ 
brorum  motus  ut  quindecim  ipfis  dlebus  ad  lapidis  icium 
continua  traHu  vix  prodeat.  Pifon  ,  Hifi.  Eraf.  pag.  522. 
Nuta.  Cette  affertion  de  Pifon,  empruntée  de  Maffé  & 
de  Herrera,  eft  très-exagérée. —  Il  n'y  a  ponit  d'ani- 
mal plus  parefieux  que  celui-ci  ;  il  ne  faut  point  de  lé- 
vriers pour  le  prendre  à  la  courfe,  une  tortue  fuffiroit. 
Defmarchais ,  tome III ,  page  50/.  Nota.  Ceci  eft  encore 
exagéré.  —  Il  leur  faut  huit  ou  neuf  minutes  pour  avan- 
cer un  pied  à  la  diftance  de  trois  pouces,  &  ils  ne  les 
remuent  que  l'un  après  l'autre  avec  la  même  lenteur  ; 
les  coups  ne  fervent  de  rien  pour  leur  faire  doubler  le 
pas,  j'en  ai  feffé  moi-même  qus!ques-nns  pour  voir  fi 
cela  les  animeroit,  mais  ils  paroiiToient  infeoubles,  &  on 


64  lï'ijloiri  rfJturelU 

nous  rappelle  ces  monftres  par  défaut,  ces 
ébauches  imparfaites  mille  fois  projetées  > 
exécutées  par  la  Nature  ,  qui ,  ayant  à  peine 
la  faculté  d'exifter,  n'ont  du  fubfifter  qu'un 
temps,  &  ont  été  depuis  effacées  de  la  lifte 
des  êtres;  &  en  effet,  fi  les  terres  qu'habi- 
tent &  l'unau  &  l'aï  n'étoient  pas  des  déferts , 
{\  les  hommes  &  les  animaux  puiffans  s'y 
fuffent  anciennement  multipliés  ,  ces  efpèces 
ne  feroient  pas  parvenues  jufqu'à  nous,  el- 
les euffent  été  détruites  par  les  autres ,  comme 
elles  le  feront  un  jour.  Nous  avons  dit  qu'il 
femble  que  tout  ce  qui  peut  être ,  eft  :  ceci 
paroît  en  être  un  4ndice  frappant;  ces  paref- 
îéux  font  le  dernier  terme  de  Texiftence  dans 
Tordre  des  animaux  qui  ont  de  la  chair  &  du 
fang  ;  une  défe6tuofité  de  plus  les  auroit  em- 
pêchés de  fubfifter.  Regarder  ces  ébauches 
comme  des  êtres  auffi  abfolus  que  les  autres; 
admettre  des  caufes  finales  pour  de  telles  dif- 
parates;  &  trouver  que  la  Nature  y  brille 
autant  que  dans  fes  beaux  ouvrages  ,  c*eft 


ne  fauroit  les  contraTndre  à  marcher  plus  vite.  Voyage 
de  Dampkr,  tome  IIJ ,  page  50J.  —  Le  pareffeux  ne 
fait  pas  cinquante  pas  en  un  jour  :  le  Chaffeur  qui  le 
veut  prendre  peut  bien  aller  faire  une  autre  chafTe,  il 
le  retrouvera  encore  à  fa  place,  ou  il  ne  fera  pas  bien 
éloigné.  Voyage  à  Cayenne,  par  Binet.  Paris,  1664,  page 

54/.  —  Perico  Ugero ,  Pierrot  Coureur On  lui 

iionne  l*épithète  de  Coureur ,  parce  quil  lui  faut  une 
grande  journée  pour  faire  un  quart  de  lieue.  Hlfioire 
de  VOrénoque  par  Gum'dla  ,  tc^me  JI ,  page  ;J.  Nota, 
Cet  Auteur  eft  le  feul  qui,  fur  le  fait  de  la  lenteur  de 
ces  animaux ,  me  paroiife  avoir  approché  de  U  vérité. 

ne 


de  rUnau  &  dt  CAL  ^J 

ne  la  voir  que  par  un  tube  étroit,  &  pren* 
dre  pour  fon  but  les  fins  de  notre  efprit. 

Pourquoi  n'y  auroit-il  pas  des  efpèces  d'a- 
niaiaux  créées  pour  la  misère  ,  puifque  dans 
refpèce  humaine  ,  le  plus  grand  nombre  y 
eft  voué  dès  la  naifîance  ?  le  mal ,  à  la  vé- 
rité, vient  plus  de  nous  que  de  la  Nature; 
pour  un  malheureux ,  qui  ne  Teft  que  parce 
qu'il  eft  né  foible  ,  impotent  ou  difforme  ^  que 
de  millions  d'hommes  le  font  par  la  feule  du- 
reté de  leurs  fembiables  !  Les  animaux  font 
en  général  plus  heureux ,  l'efpèce  n'a  rien  à 
redouter  de  fes  individus  ;  le  mal  n'a  pour 
eux  qu'une  fource;  ilen  a  deux  pour  l'homme: 
celle  du  mal  moral  qu'il  a  lui-même  ouverte, 
eft  un  torrent  qui  s'eil  accru  comme  une 
mer ,  dont  le  débordement  couvre  &  afflige 
la  face  entière  de  la  terre  ;  dans  le  phyfique 
au  contraire  ,  le  mal  eft  refferré  dans  des  bor- 
nes étroites:,  il  va  rarement  leul,  le  bien  ed 
fouvent  au-deffus ,  ou  du  moins  de  niveau  : 
peut- on  douter  du  bonheur  des  animaux  , 
s'ils  font  libres,  s'ils  ont  la  faculté  de  fe  pro- 
curer aifément  leur  fubfiftance ,  &  s'ils  man- 
quent moins  que  nous  de  la  fanté,  des  fens 
&  des  organes  nécefTaires  ou  relatifs  au  plai- 
lir  ?  Or  le  commun  des  animaux  eft  à  tous  ces 
égards  très  richement  doué;  &  les  efpèces 
difgraciées  de  l'unau  &  de  l'aï ,  font  peut-être 
les  feules  que  la  Nature  ait  maltraitées,  les 
feules  qui  nous  offrent  Timage  de  la  misère 
innée. 

Voyons-la  de  plus  près;  faute  de  dents, 
ces  pauvres  animaux  ne  peuvent  ni  faifir  une 
proie  j  ni  fe  nourrir  de  chair j,  ni  même  brou- 

F 


66  Hljlolrt  natunîlf» 

ter  l'herbe;  réduits  à  vivre  de  feuilles  &  de 
fruits  fauvages,  ils  confument  du  temps  à  fe 
traîner  au  pied  d'un  arbre  ,  il  leur  en  faut 
encore  beaucoup  (tf  )  pour  grimper  jufqu'aux 


(  i")  Aucuns  eflimant  cette  bête  vivre  feulement  de 
feuilles  d'un  certain  arbre  nomraé  en  leur  langue  Ama- 
hut  ;  cet  arbre  eft  haut  &  élevé  fur  tout  autre  de  ce 
pays,  Tes  feuilles  fort  petites  &  déliées,  &  pour  ce  que 
coûtumièrement  elle  efl:  en  cet  arbre  ,  ils  l'ont  appellée 
Haut.  S'in^ul.  de  la  France,  ant.  par  Thevet ^  page  too. — 
L'animal  Parejfe  ne  vit  que  de  feuilles  d*arbres  dont  les 
plus  hautes  branches  lui  fervent  de  retraite  ,  il  lui  faut 

«deux  jours  pour  y  monter Les  encouragemens, 

les  menaces  &  les  cours  même  n'ont  pas  la  force  de  lé 
faire  aller  plus  vite.  Hijloire  des  Indes,  par  Maffé ,  pagi 
yj.  Nota.  Herrera  dit  la  même  chofe,  &  dans  les  mê- 
mes termes,  paf^e  1^2,  —  Le  Slotk  ou  Parejfeux  n*eft 
pas  tout-à  fnit  fi  gros  que  l'ours  mangeur  de  fourmis 
(  Tamanoir)  ,  ni  fi  h-^riffé.  .  .  .  Il  fe  nourrit  de  feuilles 
....  Ces  animaux  font  beaucoup  de  mal  aux  arbres 
qu'ils  attaquent,  &  ils  font  fi  lents  à  fe  remuer  qu'après 
avoir  marge  toutes  les  feuilles  d'un  arbre,  ils  emploient 
cinq  ou  fix  jours  à  defcendre  de  celui-là  &  à  monter 
fur  un  autre,  quelque  proche  qu'il  foit,  &  ils  n'ont  que 
la  peau  ôr  les  os  avant  d'arriver  à  ce  fécond  gîte  ,  quoi- 
qu'ils fuffent  gras  &  dodus  à  leur  defcente  du  premier. 
ils  n'r-bandonnent  jamais  un  arbre  qu'ils  ne  Payent  tout 
mis  en  pièces,  &  qu'ils  ne  l'ayent  auflfi  dépouillé  qu'il 
pourroit  l'ê're  au  cœur  de  l'hiver.  Voyage  de  Dampîer, 
tome  III y  page  507. —  Il  monte  fur  les  arbres,  mais  il 
eft  fi  long-temps  à  y  monter  qu'on  a  tout  le  loifir  de 
l'y  prendre  :  quand  on  l'a  pris  ,  il  ne  fe  défend  point 
6c  ne  fonge  point  à  prendre  la  fuite  ;  fi  on  lui  préfente 
wne  longue  perche ,  il  fe  met  au(ïi-tôt  en  pofture  d'y 
monter,  ce  qu'il  fait  fi  lentement  que  cela  eft  ennu- 
veux;  quand  il  eft  au  bout,  il  s'y  tient  fans  fe  mettre 
en  peine  d'en  defcendre.  Voyage  de  Cayenncy  par  Binet, 
pagî  7,41.  —  Les  unaus  ont  quatre  jambes,  &  fi  ils  ne 
s'en  fervent  point,  fi  ce  ft'ell  pour  giimpgr,  &  quaml 


de  tUnau  &  de  l^Ju  67 

branches;  &  pendant  ce  lent  &  trifte  exer- 
cice ,  qui  dure  quelquefois  plufieurs  jours  , 
ils  Ibnt  obligés  de  fupporter  la  faim,  &  peut- 
être  de  fouffrir  le  plus  preffant  befoin;  arri- 
vés fur  leur  arbre ,  ils  n'en  defcendent  plus  , 
ils  s'accrochent  aux  branches,  ils  le  dépouil- 
lent par  parties ,  mangent  fuccelTivement  les 
feuilles  de  chaque  rameau ,  pafTent  ainfi  plu- 
fieurs femaines  fans  pouvoir  délayer  par  au- 
cune boiffon  cette  nourriture  aride;  &  lorf- 
qu'ils  ont  ruiné  leur  fonds,  &  que  l'arbre 
eft  entièrement  nu,  ils  y  reftent  encore  re- 
tenus par  rimpoffibilité  d'en  defcendre  ;  enfin  , 
quand  le  befoin  fe  fait  de  nouveau  fentir  , 
qu'il  preffe  &  qu*il  devient  plus  vif  que  la 
crainte  du  danger  de  la  mort,  ne  pouvant 
defcendre ,,  ils  fe  laifTent  tomber  &  tomûent 
très  lourdement  comme  un  bloc ,  une  maffe 
fans  refTort  :  car  leurs  jambes  roides  &  paref- 
feufes ,  n'ont  pas  le  temps  de  s'étendre  pour 
rompre  le  coup. 

A  terre ,  ils  font  livrés  à  tous  leurs  en- 
nemis :  comme  leur  chair  n'eft  pas  abfo- 
lument  mauvaife,  les  hommes  &  les  animaux 


ils  font  fut  rn  arbre,  ils  ne  s*en  retirent  aucunement 
jufqu'à  ce  qu'ils  ayent  mangé  toutes  les  feuilles,  lors 
il  defcend  &  fe  met  à  manger  de  la  terre  tant  qu'il 
remonte  à  un  autre  arbre  pour  y  manger  les  feuilles 
comme  au  précédent.  —  Nous  plaçâmes  cet  anim-.l  fur 
la  plus  baffe  voile  de  mifene,  il  fut  près  de  deu-<  heures 
à  monter  fur  la  hune  ,  ou  un  finge  auroit  grimpé  en 
moins  d'une  demi -minute,  vous  auriez  dit  qu'il  aUoie 
par  reffort  comme  une  pendule,  Voyage  de  Woodcs  R*^ 
gersy  tçmc  J,  page  5^3, 

F  2 


6S  Hijîoire  naturelle 

de  proie  les  cherchent  &  les  tuent;  il  paroît 
qu'ils  multiplient-peu,  ou  du  moins  que  s'ils 
produifent  fréquemment,  ce  n'eft  qu'en  pe- 
tit nombre;  car  ils  n*ont  qae  deux  mamelles  : 
tout  concourt  donc  à  les  détruire ,  &  il  eft 
bien  difficile  que  refpèce  fe  maintienne  ;  ii 
eft  vrai  que  quoiqu'ils  foient  lents  y  gauches 
&  prefqu'inhabiles  au  mouvement ,  ils  font 
durs,  forts  de  corps  &  vivaces,  qu'ils  peu- 
vent fupporter  long-temps  la  privation  (  e  ) 
de  toute  nourriture  ;  que  couverts  d'un  poil 
épais  &  fec  j  &  ne  pouvant  faire  d'exercice , 
ils  dilîipenr  peu  &  engraiffent  par  le  repos , 
quelque  maigres  que  foient  leurs  alimens  ; 
&  que ,  quoiqu'ils  n'ayent  ni  bois,  ni  cornes 
fur  la  tête,  ni  fabots  aux  pieds,  ni  dents  in- 
cifives  à  la  mâchoire  inférieure  ,  ils  font 
cependant  du  nombre  des  animaux  ruminans, 
&  ont,  comme  ewx  ,  plufieurs  eftomacs  ;  que 
par  conféquent  ils  peuvent  compenferce  qui 
manque  à  la  qualité  de  la  nourriture  par  la 
quantité  qu'ils  en  prennent  à  la  fols  ;  &  ce 
qui  eft  encore  extrêmement  fmguiier ,  c'eft 
qu'au  lieu  d'avoir,  comme  les  ruminans,  des 
inteftins  très  longs  ,  ils  les  ont  très  petits  & 
plus  courts  que  les  animaux  carnivores.  L'am- 
tiguité  de  la  Nature  paroît  à  découvert  par 
ee  contrafte;  Tunau  &  l'aï  font  certainement 
des  animaux  ruminans,  ils  ont  quatre  efto- 


(  /)  Il  me  fat  fait  préfent  d'un  haut  en  vie  ,  lequel  je 
garilai  bien  TsTpacô  de  vingt-fix  jours  ,  pendant  lefquels 
)2rvîais  il  ne  voulut  manger  ni  boire,  Singul,  de  U  Frtmçc 
■enr,  par  Thcvet ,  pcge  ^^, 


de  CUnau  &  de  VAL  6^ 

macs,  &  en  même  temps  ils  manquent  de  tous 
les  caraftères  tant  extérieurs  qu'intérieurs 
qui  appartiennent  généralement  à  tous  les  au- 
tres animaux  ruminans  :  encore  une  autre 
ambiguité:,  c'eft  qu'au  lieu  de  deux  ouvertu- 
res au  dehors,  l'une  pour  l'urine  &  l'autre 
pour  les  excrémens ,  au  lieu  d'un  orifice  ex- 
térieur &  diftinifr  pour  les  parties  de  la  gé- 
nération 3  ces  animaux  n'en  ont  qu'un  Teul , 
au  fond  duquel  eft  un  égoût  commun ,  un  cloa- 
que ,  comme  dans  les  oifeaux.  Mais  je  ne  fi- 
nirois  pas  fi  je  voulois  m'étendre  fur  toutes 
les  fingularités  que  préfente  la  conformation 
de  ces  animaux  :  on  pourra  les  voir  en  dé- 
tail dans  l'excellente  defcription  qu'en  a  faite 
M.  Daubenton  {f). 

Au  refte  ,  û  la  misère  qui  réfulte  du  défaut 
de  fentiment  n'eft  pas  la  plus  grande  de  tou- 
tes, celle  de  ces  animaux  ,  quoique  très  ap- 
parente, pourrolt  ne  pas  être  réelle  ;  car  ils- 
paroifTent  très  mal  ou  très  peu  fentir  :  leur 
air  morne ,  leur  regard  pefant ,  leur  réfiftance 
indolente  aux  coups  qu'ils  reçoivent  fans  s'é- 
mouvoir, annoncent  leur  infenfibilité  ;  &  ce 
qui  la  démontre  j  c'eft  qu'en  les  foumettant 
au  fcalpel ,  en  leur  arrachant  le  cœur  &  les 
vifcères,  ils  ne  meurent  pas  àl'inftant  :  {^), 


(/)  Voyez  le  tome  XXVI  de  l'édition  en  trente-un 
volumes. 

(g)    Secui  fcmdlam   vivam.  .....  hahentem  in  fe 

fatum  omnibus  modis  perfecium  cum  pilis ,  un{[uibus  & 
dcntibus  amnioni  more  c<zterorum  animalium  inclufum.  Cor 
motum  fîivm  valid'Jîtne  retinebat  pojiquam  exemptum  erat 
h  <orpQn  per  fsrni  horium  j  placenta  utcrina  confiât  multis 


yù  Hlfloîn  naturelle 

Pifon,  qui  a  fait  cette  dure  expérience,  dit 
que  le  cœur  féparé  du  corps  battoir  encore 
vivement  pendant  une  demi -heure,  &  que 
l'animal  remuoit  toujours  les  jambes  comme 
s'il  n'eût  été  qu'aflbupi  ;  par  ces  rapports , 
ce  quadrupède  fe  rapproche  non- feulement 
de  la  tortue  ,  dont  il  a  déjà  la  lenteur , 
mais  encore  des  autres  reptiles  &  de  tous 
ceux  qui  n'ont  pas  un  centre  de  fentiment 
unique  &  bien  diftintl.  Or  tous  ces  êtres 
font  miférables  fans  être  malheureux;  &  dans 
fes  produ6lions  les  plus  négligées ,  la  Nature 
paroît  toujours  plus  en  mère  qu'en  marâtre. 
Ces  deux  animaux  appartiennent  également 
l'un  &  l'autre  aux  terres  méridionales  du  nou- 
veau continent^  &  ne  fe  trouvent  nulle  part 
dans  l'ancien.  Nous  avons  déjà  dit  (  h)  que  l'É- 
diteur du  Cabinet  de  Séba  s'étoit  trompé,  en 
donnant  à  l'unau  le  nom  de  Pareffeux  de  Ceylan  : 
cette  erreur  adoptée  par  Mrs.  Klein ,  Linnasus 
&  BrifTon ,  eft  encore  plus  évidente  aujour- 
d'hui qu'elle  ne  l'étoit  alors;  M.  le  marquis 
de  Montmirail  a  un  unau  vivant  qui  lui  eft 


farticulis  carnets  injlar  fnhfiantix  renum',  rulicundls  ma" 
gnitudinis  varia,  infi^r  fkbarum  ,  in  illas  ati  te  m  parti  eu  las 
carneas  (tenuibus  membranulis  connexas)  fcr  rmiltos  ramw 
los  vafa  umblUcalia  i-nflar  funis  contorta ,  inferta  erant. 
Cor  fcmella  duas  kabehat  injtgncs  auriculas  cavas.  Exempta 
Corde  cceterifque  vifcerlbus .  muUo  pofi  fe  movebat  &  pedes 
lente  contrahehat  fient  dormituriens  fotet.  Mammillas  duas 
cum  totidem  papillis  in  peclore  fcmclla  &  fttus  gercbant^ 
pifon  ,  Hiji,  Braf.  page  322. 

{h)  Voyez  dans  le   Tome  III  de  cet  Ouvrage, /J^^g 
'/o^les  difcours  fur  les  Animaux  des  deux  Continensa 


di  Wnau&  de  ÎAu  71 

venu  de  Surinam  ;  ceux  que  nous  avons  au 
Cabinet  du  Roi  viennent  du  même  endroit 
&  de  la  Guiane  ,  &  je  fuis  perfuadé  qu'on 
trouve  l'unau ,  aufTi-bien  que  l'aï ,  dans  toute 
rétendue  des  déferts  de  l'Amérique  ,  depuis  le 
Brefil  (^i)  au  Mexique;  mais  que  ,  comme 
il  n'a  jamais  fréquenté  les  terres  du  nord , 
il  n'a  pu  pafTer  d'un  continent  à  l'autre  \  & 
fi  l'on  a  vu  quelques-uns  de  ces  animaux, 
foit  aux  Indes  orientales,  foit  aux  côtes  de 
l'Afrique ,  il  eft  sûr  qu'ils  y  avoient  été  tranf- 
portés.  Ils  ne  peuvent  îupporter  le  froid; 
ils  craignent  auffi  la  pluie  :  les  alternati- 
ves de  l'humidité  &  de  la  sèchereffe  altè- 
rent leur  fourrure  ,  qui  reffemble  plus  à  du 
chanvre  mal  ferancé ,  qu'à  de  la  laine  ou  du 
poil. 

Je  ne  puis  mieux  terminer  cet  article  que 
par  des  obfervations  qui  m'ont  été  communi- 
quées par  M.  le  marquis  de  Montmirail  , 
fur  un  unau  qu'on  nourrit  depuis  trois  ans 
dans  fa  ménagerie,  u  Le  po  1  de  l'unau  eft 
j>  beaucoup  plus  doux  que  celui  de  l'ai.  .  .  . 
j>  il  eft  à  préi'umer  que  tout  ce  que  les  Voya- 
»  geurs  ont  dit  fur  la  lenteur  exceffive  des 
»  parelTeux  ne  fe  rapporte  qu'à  l'ai.  L'unau, 
»  quoique  très  pefant  &  d'une  allure  très  mal- 
î)  adroite  ,  monteroit  &  defcendroit  plufieurs 
»  fois  en  un  jour  de  l'arbre  le  plus  élevé. 
j>  C'eft  fur  le  déclin  du  jour  &  dans  la  nuit 


(  i)  L'.ï,  décrit  &  gravé  par  M.  E-^v/ards,  venoit  da 
pays  de  Honr'utas,  D.  Antonio  de  Ulloa  dit  qu'on  Cfl 
trouve  aux  environs  de  Portc-bsllo» 


71  H'ijloire  natiirdlt 

vt  qu'il  paroît  s'animer  davantage  ,  ce  qu^ 
»  pourroit  faire  foupçonner  qu'il  volt  très 
5»  malle  jour,  &  que  fa  vue  ne  peut  lui  fer- 
«  vir  que  dans  l'obfcurité.  Quand  j'achetai 
j>  cet  animal  à  Amfterdam  ,  on  le  nourriiToit 
ï)  avec  du  bifcuit  de  mer  ,  &  l'on  me  dit 
j)  que ,  dans  le  temps  de  la  verdure  ,  il  ne 
»  falloit  le  nourrir  qu'avec  des  feuilles  :  on 
M  a  effayé  en  effet  de  lui  en  donner  ,  il  en 
>»  mangeoit  volontiers  quand  elles  étoient 
»  encore  tendres;  mais  du  moment  où  elles 
»  commençoienr  à  fe  deffècher  &  à  être  pi- 
I)  quées  des  vers,  il  les  rejetoit.  Depuis  trois 
j>  ans  que  je  le  conferve  vivant  dans  ma  mé- 
»  nagerie  ,  fa  nourriture  ordinaire  a  été  du 
«  pain ,  quelquefois  des  pommes  &  des  raci- 
j>  nés  ,  6i  f a  boiffon  du  lait  :  il  faifit  toujours  , 
»  quoiqu'avec  peine  ,  dans  une  de  fes  pattes 
î)  de  devant,  ce  qu'il  veut  manger,  &  la 
i>  groffeur  du  morceau  augmente  la  difficulté 
ï)  qu'il  a  de  le  faifir  avec  fes  deux  ongles. 
»  Il  crie  rarement,  fon  cri  eft  bref  &  ne  le 
w  réj)ète  jamais  deux  fois  dans  le  même  temps: 
M  ce  cri ,  quoique  plaintif ,  ne  reffemble  point 
»  à  celui  de  l'aï ,  s'il  eft  vrai  que  ce  fon  ai 
j)  foit  celui  de  fa  voix.  La  fituation  la  plus 
»  naturelle  de  Tunau,  &  qu'il  paroît  préfé- 
îj  rer  à  toutes  les  autres  ,  eft  de  fe  fufpen- 
«  dre  à  une  branche  ,  le  corps  renverfé  en 
»  bas  ;  quelquefois  même  il  dort  dans  cette 
j)  pofition  ,  les  quatre  pattes  accrochées  fur 
»  un  même  point;  fon  corps  décrivant  un 
j>  arc  ;  la  force  de  fes  mulcles  eft  incroya- 
»  ble,  mais  elle  lui  devient  inutile  lorfqu'il 
»  marche  ,  car  fon  allure  n'en  eft  ni  moin» 

ï>  contrainte 


de  tUnau  5*  dt  l*  Aï,  p^ 

t>  contrainte  ni  moins  vacillante  :  cette  coii- 

w  formation  feule  me  p»roît  être  une  caufe 

«  de  la  pareffe  de  cet  animal ,  qui  n'a  d'ail- 

n  leurs  aucun  appétit  violent ,  &  ne  recon- 

n  noit  point  ceux  qui  le  foignent.  « 


<laadnq>tdts ,  Tom»  FI, 


G 


74  Hijloin  natunlU 


LE    SURIKATE. 

Voye:^  planche   JV ,  figure   i  de  ce   Volume, 


V^  ET  animal  a  été  acheté  en  Hollande,  fous 
le  nom  de  Surikate  ;  il  fe  trouve  à  Surinam 
&  dans  les  autres  provinces  de  l'Amérique 
méridionale  :  nous  l'avons  nourri  pendant 
quelque  temps,  &  enfuite  M.  de  Sève  ,  qui 
a  deffiné  avec  autant  de  foin  que  d'intelli- 
gence les  animaux  de  notre  ouvrage ,  ayant 
gardé  celui-ci  vivant  pendant  plufieurs  mois , 
m'a  communiqué  les  remarques  qu'il  a  faites 
fur  fes  habitudes  naturelles.  C'eft  un  joli 
animal,  très  vif  &  très  adroit,  marchant  quel- 
quefois debout ,  fe  tenant  fouvent  affis  avec 
le  corps  très  droit,  les  bras  pendans;  la  tête 
haute  &  mouvante  fur  le  cou  comme  fur  wn 
pivot  ;  il  prenoit  cette  attitude  toutes  les 
fois  qu'il  vouloit  fe  mettre  auprès  du  feu 
pour  fe  chauffer.  Il  n'eft  pas  fi  grand  qu'un 
lapin,  &  reffemble  afîçz  par  la  taille  &  par 
le  poil  à  la  Mangoufte  :  il  eft  feulement  un 
peu  plus  étoffé ,  &  a  la  queue  moins  lon- 
gue; mais  par  le  mufeau  dont  la  partie  fu- 
périeure  eft  proéminente  &  relevée ,  il  ap- 
proche plus  du  Coati  que  d'aucun  autre  ani- 
mal. Il  a  ajfii  un  caraftère  prefqu'unique , 
puifqu'il  n'appartient  qu'à  lui  &  ài'Hyxnej  ces 


TTom  a^t: 


n.4 


fS^^^^^^^^S^' 


Ib^sbbi 


du  SurikaU*  75 

deux  animaux  font  les  feuls  qui  ayent  éga* 
lement  quatre  doigts  à  tous  les  pieds. 

Nous  avions  nourri  ce  furikate  d^abord  avec 
du  lait,  parce  qu'il  étoit  fort  jeune  ;  mais  Ton 
goût  pour  la  chair  fe  déclara  bientôt;  il  man- 
geoit  avec  avidité  la  viande  crue,  &  fur-tout 
la  chair  de  poulet;  il  cherchoit  auiïi  à  furpren- 
dre  les  jeunes  animaux  :  un  petit  lapin  qu'on 
élevoit  dans  la  même  maifon  feroit  devenu 
fa  proie  fion  l'eût  laifTé  faire.  II  aimoit  aulH 
beaucoup  le  poifTon  &  encore  plus  les  œufs; 
on  l'a   vu  tirer  avec   fes   deux  pattes   réu- 
nies des   œufs  qu'on  venoit  de  mettre  dans 
l'eau    pour  cuire  :  il    refufoit  l'es    fruits  & 
inéme   le  pain,  à  moins  qu'on  ne  l'eût  mâ- 
ché ;  fes  partes  de  devaiit  lui  fervoient  comme 
à  l'écureuil  pour  porter  à  fa  gueule.  11  la- 
poit  en  buvant  comme  un  chien ,  &:  ne  bu- 
voit  point  d'eau  j  à  moins  qu'elle  ne  fût  tiède  : 
là  boiffon  ordinaire  étoit  fon  urine  ,  quoi- 
qu'elle eût   une  odeur  très   forte.    Il  jouoit 
avec  les  chats ,  &  toujours  innocemment  :  il 
ne  faifoit  aucun  mal  aux  enfans ,  &  ne  mor- 
doit  qui  que  ce  foit  que  le  maître  de  la  mai- 
fon qu'il  avoit  pris  en  averfion.  l\  ne  fe  fer- 
voit  pas  de  fes  dents  pour  ronger  ,  mais  il 
exerçoit  fouvent  fes  ongles  &  grattoitle  plâ- 
tre &  les  carreaux  jufqu'à  ce  qu'il  les  eût  dé- 
gradés; il  éfoit  fi  bien  apprivoifé  qu'il  enten- 
doit  fon  nom  ;  il  alloit  feul  par  toute  la  mai- 
fon &  revenoit  dès  qu'on  Tappelloit.  Il  avoit 
deux  fortes  de  voix,  l'aboiement  d'un  jeune 
ciiien  lorfqu'il  s*ennuyoit  d'être  feul  ou  qu'il 
entendoit   des  bruits  extraordinaires;  6i  au 
contraire  lorfqu'il  étoit  exciré  par  des  caref- 

G  2 


y 6  Tlijlo'irc  naturdlt 

ies ,  ou  qu*il  reflentoit  quelque  mouvement 
de  plaifir ,  il  faitoit  un  bruit  aufli  vif  &  aulli 
frappé  aue  celui  d'une  petite  creffelle  tour- 
née rapidement.  Cet  animal  étoit  femelle  » 
&  paroiffoit  fou  vent  être  en  chaleur  quoi- 
que dans  un  climat  trop  froid  ,  &:  qu'il  n'a 
pu  fupporter  que  pendant  un  hiver ,  quelque 
foin  que  l'on  ait  pris  pour  le  nourrir  Ôt  le 
chauffer. 


iu  Tarjîtr,  77 

îkXXKXXXXXXXXXXXXXXXKXXX* 

LE    TARSIER. 

Voy€{  flanche  îV^  )%.  2  de  ce  Volume* 

l^ous  avons  eu  cet  animal  par  hafard  & 
d'une  perfonne  qui  n'a  pu  nous  dire  ni  d'où 
il  venoit,  ni  comment  on  l'appelloit  :  cepen- 
dant il  eft  très  remarquable  par  la  longueur 
excefTive  de  fes  jambes  de  derrière  ;  les  os 
des  pieds,  &  fur-tout  ceux  qui  comporent 
la  partie  fupérieure  du  tarfe  ,  font  d'une  gran^ 
deur  démelurée,  &  c'eft  de  ce  caractère  très 
apparent  que  nous  avons  tiré  fon  nom.  Le 
Tarfier  n'eft  cependant  pas  le  feul  animal 
dont  les  jambes  de  derrière  foient  ainfi  con- 
formées; la  Gerboife  a  le  tarfe  encore  plus 
long  ;  ainfi,  ce  nom  Tarfier,  que  nous  don- 
nons aujourd'hui  à  cet  animal ,  ne  doit  être 
pris  que  pour  un  nom  précaire  qu'il  faudra 
changer  lorfqu'on  connoîtra  fon  vrai  nom , 
c'eft-à-dire,  le  nom  qu'il  porte  dans  le  pays 
qu'il  habite.  La  gerboife  fe  trouve  en  Egypte  , 
en  Barbarie  &  aux  Indes  orientales  :j'ai  d'a- 
bord imaginé  que  le  tarfier  pouvoit  être  c^ii 
même  continent  &  du  même  climat  ,  parce 
qu'au  premier  coup-d'œil  il  paroît  lui  reffem- 
bler  beaucoup  *  ;  ces  deux  animaux  font  ds 


*  Pour  avo'.r  une  idée  nette  ds  la  comparaifon  de  ces 
deux  animaux,  nous  prions  le  Icw^isur  de  jeter  les  yeux 

^    } 


78  Hijioirc  naturdh 

la  même  grandeur  ,  tous  deux  ne  font  pas 
plus  gros  qu'un  rat  de  moyenne  grolTeur  , 
tons  deux  ont  les  jambes  de  derrière  excef- 
fivement  longues  &  celles  de  devant  ex- 
trêmement courtes  ;  tous  deux  ont  la  queue 
prodigieufen^ent  alongèe  &  garnie  de  grands 
poils  à  fon  extrémité;  tous  deux  ont  de  très 
grands  yeux  ,  des  oreilles  droites ,  larges  &. 
ouvertes;  tous  deux  ont  également  la  partie 
inférieure  de  leurs  longues  jambes  dénuée 
de  poil ,  tandis  que  tout  le  refte  de  leur  corps 
en  eft  couvert  :  ces  animaux  ayant  de  com- 
mun ces  cara£^ères  très  fmguliers  &  qui  n'ap- 
partiennent qu'à  eux ,  il  femble  qu'on  devroit 
préfunier  qu'ils  font  d"'efpèces  voifmes  ou 
du  moins  d'efpèces  produites  par  le  même 
ciel  &  la  même  terre  ;  cependant  en  les  com- 
parant par  d'autres  parties  ,  l'on  doit  non 
feulement  en  douter ,  mais  même  préfumer 
le  contraire.  Le  tarfier  a  cinq  doigts  à  tous 
les  pieds  ;  il  a,  pour  ainfi  dire  ,  quatre  mains, 
car  ces  cinq  doigts  font  très  longs  &  bien 
féparés  ;  le  pouce  des  pieds  de  derrière  eft 
terminé  par  un  ongle  plat,  &  quoique  les  on- 
gles des  autres  doigts  foient  pointus ,  ils  font 
en  même  temps  fi  courts  &  fi  petits  qu'ils 
n'empêchent  pas  que  l'animal  ne  puiffe  fe  fer- 
vir  de  fes  quatre  pieds  comme  de  mains;  la 
gerboife  au  contraire  n'a  que  quatre  doigts 


i\.\x  la  figure  de  !a  Gerboife,  donnée  par  M.  Edwards^ 
ëans  fcs  Glannres,  pag'tf  j^,  &  de  la  comparer  à  celle  qi»ie 
nous  donnons  Ici  du  Tarfier;  ou  Voyez  Tom(^  -X/,,^^ 
\  à^  cçtu  cdidork ,  U  6^are  de  U  Gerboife* 


du   Tarjier,  79 

&  quatre  ongles  longs  &  courbés  aux  pieds 
dé  devant  ;   &  au  lieu  du  pouce  ,   il  n'y  a 
qu'un  tubercule  fans  ongle  ;  mais  ce  qui  l'é- 
loigné encore  plus  de  notre  tarfier,  c'eft  qu'elle 
n'a  que  trois  doigts  ou  trois  grands  ongles 
aux  pieds  de  derrière    :  cette  différence   eft 
trop  grande  pour  qu'on  puiiTe   regarder   ces 
animaux  comme  d'efpèces  voifmes ,  &  il  ne 
feroit  pas  impolTible  qu'ils  fuffent  auiîi    très 
éloignés  par   le  climat  ;  car  le  tarfier  avec 
la  petite  taille ,,  fes  quatre  mains  ,  fes  longs 
doigts ,  fes  petits  ongles  ,  fa  grande  queue  , 
fes  longs  pieds,  femble  fe  rapprocher  beau- 
coup de  laMarmofe,  du  Cayopollin  ,  &  d'un 
autre  petit  animal  de  l'Amérique  méridionale 
dont  nous  parlerons   dans  l'article  qui  fuit. 
L'on  voit  que  nous  ne  faifons  ici  qu'expofer 
nos  doutes,  &  l'on  doit  fentir  que  nous  au- 
rions obligation  à  ceux  qui  pourroient  les  fixer, 
en  nous  indiquant  le  climat  &  le  nom  de  ce 
petit  animal. 


G4 


8o  Hifîoire,  natunllc 


LE    P  H  -A  L  A  N  G  E  R. 

Voyeipïancée  JF^fig.  '^^^de  u  Volume^ 


v-<ES  animaux  3  qui  nous  ont  été  envoyés 
mâles  &  femelles  ^  fous  le  nom  de  Rats  dg 
Surinam ,  ont  beaucoup  moins  de  rapport 
avec  les  rats  qu'avec  les  animaux  du  même 
fiUmat  dont  nous  avons  donné  l'hiftoire  fous 
les  noms  de  Marmofe  &  de  Cayopolim,  On 
peut  voir ,  par  la  defcription  très  exafte  qu'ea 
a  faite  M.  Daubenton ,  combien  ils  font  éloi- 
gnés des  rats  ,  fur- tout  à  l'intérieur.  Nous 
^vons  donc  cru  devoir  rejeter  cette  déno- 
mination de  rats  d£  Sunnam  comme  compo^ 
fée  ,  &  de  plus  comme  mal  appliquée;  aucun 
Naturalifte  ,  aucun  Voyageur  n'ayant  nommé 
ni  indiqué  cet  animal ,  nous  avons  fait  fon 
nom  &  nous  l'avons  tiré  d'un  caradère  qui 
ne  fe  trouve  dans  aucun  autre  animal  ^  nous 
l'appelions  Pkalanger^  parce  qu'il  a  les  phalan- 
ges fingulièrement  conformées  ,  &  que  de 
quatre  doigts  qui  correfpondent  aux  cinq 
ongles  dont  fes  pieds  de  derrière  (ont  ar- 
més ,  le  premier  eft  fondé  avec  fon  voifm , 
en  forte  que  ce  double  doigt  fait  la  fourche 
&  ne  fe  fépare  qu'à  la  dernière  phalange  pour 
arriver  aux  deux  ongles.  Le  pouce  eft  léparé 
des  autres  doigts  &  n'a  point  d'ongle  à  fon 
extrémité  :  ce  dernier  caractère  ,  quoique  re.- 


du  Phalangir.  ^» 

marqiiable  ,  n'eft  point  unique  ;  le  Sarigue 
&  la  Marmofe  ont  le  pouce  de  même;  mais 
aucun  n'a  ,  comme  celui-ci ,  les  phalanges 
foudées. 

Il  paroit  que  ces  animaux  varient  entre 
eux  pour  les  couleurs  du  poil  ,  comme  on 
le  peut  voir  par  les  figures  du  mâle  &  de 
la  femelle.  Ils  font  de  la  taille  d'un  petit  la- 
pin ou  d'un  très  gros  rat ,  &  font  remarqua- 
bles par  rexceffive  longueur  de  leur  queue, 
Talongement  de  leur  mufeau  &  la  forme  de 
leurs  dents,  qui  feule  fufîiroit  pour  faire  dif- 
tinguer  le  phalanger  de  la  marmofe  ,  du  fa- 
rigue ,  des  rats ,  &  de  toutes  les  autres  ef- 
pèces  d'animaux  auxquek  on  voudroit  le 
rapporter.. 


it  Hijloire  naturelle 


LE    COQUALLÏN. 

Voyei^  planche  V,  fig,  2  de  ce  Volume» 


J'ai  reconnu  que  cet  animal  ,  qui  nous  a 
été  envoyé  d'Amérique ,  fous  le  nom  à^ Écureuil 
orangé^  étoit  le  même  que  Fernandès  (  <?  )  a 
indiqué  fous  celui  de  Quauhicallotquapachli  ou 
Co^^docotequallin  ;  mais ,  comme  ces  mots  de  la 
langue  Mexicaine  font  trop  difficiles  à  pro- 
noncer pour  nous,  j'ai  abrégé  le  dernier  & 
j'en  ai  fait  Coquallin ,  qui  fera  dorénavant  le 
nom  de  cet  animal.  Ce  n'eft  point  un  écu- 
reuil, quoiqu'il  lui  reffemble  affez  par  la  fi- 
gure &  par  le  panache  de  la  queue  ;  car  il 
en  diffère  non-feulement  par  plufieurs  carac- 
tères extérieurs  ,  mais  aum  par  le  naturel  & 
les  mœurs. 

Le  Coquallin  eft  beaucoup  plus  grand  que 
l'écureuil ,  ïn  duplam  fere  crefcit  magnitud'mem  , 
dit  Fernandès  ;  c'efl  un  joli  animal  &  très 
remarquable  par  fes  couleurs  ;  il  a  le  ven- 
tre d'un  beau  jaune ,  &  la  tête ,  auffi-bien 
que  le  corps  ,  variés  de  blanc  ,  de  noir ,  de 
brun  &  d'orangé  ;  il  fe  couvre  de  fa  queue 
comme  l'écureuil  ,   mais  il  n'a  pas  comme 


{a)  Fr.  Fernandès.  Hiflor.  anim,  Noy,  Hifpan,  cap» 
XXVI ,  pag.  8, 


du   Coquallin.  85 

lui  des  pinceaux  de  poil  à  l'extrémité  des 
oreilles  ;  il  ne  monte  pas  fur  les  arbres  ; 
il  habite  comme  l'écureuil  de  terre  (^^)  que 
nous  avons  appelle  le  Suijfe,  dans  des  trous 
&  fous  les  racines  des  arbres  ;  il  y  fait  fa 
bauge  ,  &  y  élève  fes  petits  ;  il  remplit  auiïi 
fon  domicile  de  grains  &  de  fruits  pour  s'en 
nourrir  pendant  l'hiver  ;  il  eft  défiant  & 
rufé,  &  même  affez  farouche  pour  ne  jamais 
s'apprivoifer. 

11  paroît  que  le  coquallin  ne  fe  trouve  que 
dans  les  parties  méridionales  de  l'Amérique: 
îesécureuilsblonds  ou  orangés  des  Indes  orien- 
tales font  bien  plus  petits ,  &  leurs  couleurs 
font  uniformes  ;  ce  font  de  vrais  écureuils 
qui  grimpent  fur  les  arbres  &  y  font  leurs 
petits,  au  lieu  que  le  coquallin  &  le  fuiffe 
d'Amérique  fe  tiennent  fous  terre  comme  les  , 
lapins ,  &  n'onr  d'autre  rapport  avec  l'écureuil 
que  de  lui  reffembler  par  la  figure. 


{h)  Voyez  le  volume  II  de  cette  Hifloire  Naturelle  , 
page  261)  ^  fuiv. 


$4  Hljloin  naturelle 

LE    HAMSTER    (a). 

Voye}^  planche  F,  ji^ure  3  de  ce  volume. 


X-»E  Hamfter  eft  un  rat  des  plus  fameux  & 
des  plus  nuifibles;  &,  fi  nous  n'avons  pas 
donné  fon  hifloire  avec  celle  des  autres  rats, 
c'eft  qu'alors  nous  ne  l'avions  pas  vu ,  &  que 
nous  n'avons  pu  nous  le  procurer  que  dans 
ces  derniers  temps  ;  encore  eft-ce  aux  atten- 
tions confiantes  de  M»  le  marquis  de  Mont- 


fa)  Le  Hamfler.  Cricetus  en  Latin  moderne.  Ce  nom, 
dit  Gefner  ,  paroît  dérivé  de  la  langue  ll'yrienne,  d.jns 
laquelle  cet  animal  s'appelle  Skt\cciieck.  Hamflcr  ou  Ha- 
tnejier  ex\  Allemand  ;  nom  que  nous  avons  adopté  comme 
étant  celui  de  l'animal  dans  fon  pays  natal. 

Chomih-Skr^ec{ek ,  en  Polonois ,  félon  Rzaczynski.  ,  , 
Auci.  Hijî.  Nat.  Polon.  pag.  326. 

Cricetus.  Gefner,  Hijt,  quad,  pag.  738,  du(zfi*ur(t  Cri» 
ceti ,  ibidem. 

^orcelLus  frumtntanus  Theiiotropheum  Sihjia%  à  Gafp» 
Scbwenckfeld ,  Lignîcii,  1603  ,  pag.  118  &  119. 

GUs  cinerco  ru  fus   in  dorfo  »  in  ventre  nlger ,   macuHs 

tribus  ad  iatera  albis M^rmota   Ar  ent:>ratenfis. 

La    Marmotte    de  Strasbourg.    BrifTon,  Rign.   animal, 
pag.  166. 

Cricetus,  mus  caudâfub  abbreviafa  ,  auficulis  rotundatls  , 
ccrpore  fubtus  nigro ,  lateribus  ruftfccntihus,  Linn.  Syjl, 
nat.  edit.  X,  pag.  60. 


du  Hamjlcr.  Sj 

tnirail  pour  tout  ce  qui  peut  contribuer  à 
l'avancement  de  l'Hiftoire  Naturelle ,  &  aux. 
bontés  de  M.  de  Waitz,  Miniftre  d'État  du 
Prince  Landgrave  de  HefTe-Caflel ,  que  nous 
fommes  redevables  de  la  connoiffance  pré- 
cife  &  exaôe  de  cet  animal.  Us  nous  en  ont 
envoyé  deux  vivans  avec  un  Mémoire  inf- 
truâif  (b)  fur  leurs  mœurs  &  leurs  habi- 
tudes naturelles.  Nous  avons  nourri  l'un  de 
ces  animaux   pendant   quelques    mois    pour 
Tobferver  ,  &  en  fuite  on  l'a  foumis  à  la  dif- 
fedion  pour  faire  la  defcription  &  la  com- 
paraifon  des  parties  intérieures  avec  celles 
des  autres  rats  ;  on  verra  que  par  ces  par- 
ties  intérieures    le    hamfter  reffemble   plus 
au  rat  d'eau  qu'à  aucun  autre  animal  ;  il  lui 
reflemble  encore   par  la  petitefle  des  yeux 
&  la  fineffe  du  poil  ;  mais  il  n'a  pas  la  queue 
longue  comme   le  rat  d*eau  ,  il  Ta  au  con- 
traire   très    courte  ,   plus    courte    que    le 
Campagnol ,  qui ,  comme  nous   l'avons  dit , 
reflemble  aufli   beaucoup  au   rat  d'eau  par 
la  conformation  intérieure.  Le  hamfter  nous 
paroit  être  à  l'égard  du  campagnol  ce  que  le 


{b)  Voici  un  Mémoire  affer  étendu  fur  Vefpèce  de 
mulot  que  l'on  appelle  HamJUr  dans  ce  pays;  il  m'a  été 
fourni  par  M.  de  "Waitz  ,  Miniftre  d'Etat  du  Landgrave 
de  Heffe  Caffel,  qui  joint  aux  qualités  les  olus  propres 
à  former  un  homme  d'État,  le  goût  le  plus  vif  pour  l'Hif* 
toire  Naturelle.  ....  il  m'a  envoyé  en  même  temps 
deux  de  ces  animaux  vivans,  que  je  voas  enverrai  par 
la  première  occafion.  Extrait  d'une  Lettre  de  M.  le  mar- 
quis de  Montmirail  à  M,  de  Buffoo  ,  datée  de  Krumtack , 
ji  juilUt  ijCz, 


86  Hijloirc  natunlU 

Surmulot  eft  à  l'égard  du  Mulot  ;  tous  ces  ani- 
maux vivent  fous  terre,  &  paroiflent  animés 
du  même  inftindl  ;  ils  ont  à-peu-près  les  mê- 
mes habitudes  j  &  fur-tout  celle  de  ramaffer 
des  grains  &  d'en  faire  de  gros  magafins  dans 
leurs  trous.  Nous  nous  étendrons  donc  beau- 
coup moins  fur  les  refîémblances  de  forme 
&  les  conformités  de  nature  ,  que  fur  les 
différences  relatives  &  les  difconvenances 
réelles  qui  féparent  le  hamfter  de  tous  les 
rats  :,  fouris  &  mulots  dont  nous  avons 
parlé. 

Agricola  (c)  eft  le  premier  Auteur  qui 
ait  donné  des  indications  précifes  &  détail- 
lées au  fujet  de  cet  animai  :  Fabricius  (  d) 


(  c  )  Hamfter  qucm  quidam  crUetum  nominant  txïftit  ira- 
cundus  &  mordax  adeo  ut  fi  cum  equus  incaute  per/equatur , 
Joleat  profilire  &  os  equi  appetere ,  &  fi  prehenderit  mordicus 
tenere.  In  terrx.  cavernis  habitat,  .  .  .  pedcs  habet  admo- 
dum  brèves  ;  pills  in  dorjo  color  eft  fere  Leporis  :  in  ventre 
niger,  in  laterihus  rutilus  ,fcd  utrumque  latus  maculis  albis 
tribus  numéro  diflinguitur.  Suprcma  capitis  pars  ut  etïant 
cervix  eumdem  ^ucm  dorfum  habet  colorcm.  Tempera  rutila 
funt'f  guttur  eft  candidum.  .  •  .  pili  autcm  fie  inhœrent  cuti 
ut  ex  ea  difficultcr  evelli  pojjînt.  .  .  .  atque  ob  hanc  eau- 
fam  &  varictatem  pelles  ejus  funt  pretlofa.  :  multa  fru- 
menti  grana  in  fpecum  congerit  6*  utrinque  dentibus  mandit. 
....  ag:r  Turingia.  eorum  animalium  plenus  ob  copiam 
&  bonitatem  frum£nti.  Georg.  Agricola,  <i«  animantibtis 
fuhterrancis.  Àpud  Gefner,  Hift.  quad.  pag.  738. 

(d)  Hamefter  animal  eft  agrefte  fub  terra  habitans.  .  .  . 
colore  vario ,  ventre  non  candidofed  potlùs  nigerrimo.  .  .  . 
Dentés  habet  in  anterioris  oris  ima  fuprcma que  pane  bines  t 
prominentes  6*  acutos ,  maUs  taxas  &  a>r.plas ,  ambas  ex- 
portando  imporiandoque  replet  :  amhahus  mandit.  .  .  .  cum 
UîTiim  effjdU,  primum   antcrloribus  pcdibus  (  quos   talpd 


du  Hamjler,  87 

y  a  ajouté  quelques  faits  ;  mais  Schwenckfeld 
(f)  a  plus  fait  que  tous  les  autres;  il  a  dif- 
féqué  le  hamfter ,  &  il  en  donne  une  defcrip- 
tion  qui  s'accorde  prefqu'en  tout  avec  la  nè- 


fimiUs  hahet  hrevitate  fcd  minus  latos  )  cam  rctrahlt^  lon- 
gius  pros;reJ[fus  f  on  exportât.  Cunlculos  ad  antrum  pLi:res 
apt  cuhiti  profunditatc  fed  admodum  angujiss.  .  .  .  antrum 

intus  extendit  ad  capienda  frument^ Mejfls  tcmpcre 

grana  omnis  generis  frumenti  importât .  .  ,  .  terra  ante  cu- 
niculos  erecla  non  tumuU  modo  affur^iit ,  ut  talpamm  tumu- 
li  ,  fed  ut  agger  dilatatur.  .  .  .  Vefcitur  hoc  animal  fru^ 
mento  omnis  generis  &  fi  domi  alatur  pane  ac  carnibus.  In 
agro  etiammures  venatur  :  cicum  cum  capit  in  pedes  priorcs 

erigitur quamvis  autem  corpore  exiguum  fit  naturâ 

tamen  efl  pugnix  6*  temerarium.  Lacejfitum  quidquid  ore 
geflat  piilfatis  utroque  pede  malis  fubitb  egerit ,  recia  hofl^em 
invadens ,  fpiritu  oris  &  ajfultu  protervum  ac  minax.  .  .  . 
Nec  tcrretur  facile  etiam  fi  viribus  impar  ei  fit  quem  petit. 
«...  vidi  ipfe ,  cum  equum  ajfultando  narihus  corripuijfee 

non  prius  morfum   dimijîjfe  quam  f&rro  occideretur 

Hamefiri  pellis  maxime  durahilis In  Turingiâ  & 

Mifniâ  hoc  animal  frequcns  non  omnibus  tamen  in  locis 
fed  in  uberrimis  &  fcnilijfimis.  In  Lnfaciâ  circa  Rade- 
burgum  t  è  fatis  panici  effoditur  ;  Mulbergi  ad  Albim  in 
vineiis  reperitur  i  nam  maturis  quoque  uvis  vefcitur.  Georg, 
Fabficius,  apud  Gefner,  Hifi,  quad.  pag.  739  &  740. 

(  e  )  Porcellus  frumcntarius ,  Hamfler  minor  paulo  cuni- 
ctilo.  Longitudo  dodrantalis  &  palmi  unius.  Pilus  in  dorfo 
ferc  lepcris  efi  colore.  Gula ,  venter  &  pedes  interiores  nigra 
funi.  Rubet  in  lateribus  &  circa  caud^m,  quoi  coloris  murinl 
très  diaitos  longa.  Maculée  albce  fub  auribus ,  juxta  rof- 
trum,  fupra  armos  &  coxam.  Pedes  admodum  brèves,  di- 
gitis  6*  unguicu.'is  albidis  quinis  utrinque.  In  pedum planta 
feu  parte  digitorum  infiriore  tubcrcula  veluti  calLi  uliqui 
eminent.  Oculi  fplcndidi  nigri  élégantes.  Dentés  habet  ut 
lepus  anteriores  &  latérales  Lingua  mollis  fpcngicfa.  E 
huccuUs  veficuliz  utrinque  amplot  membranccefuh  cutz  por- 
rigtmtur  qua  fenfima  gracHefccntes  dorfo  tcnui  limmento 
alUgantur.   Has  infiar  faui  mcffis  temporc  granis  tritici, 


88  Hiflolrt    naturtlU 

tre.  Cependant  à  peine  a-t-il  été  cité  par  les 
Naturaliftes  plus  récens ,  qui  tous  fe  font  con- 
tentés de  copier  ce  que  Gefner  en  a  dit  ; 
nous  croyons  donc  devoir  à  cet  Auteur  la 


fiUginis  &  aliis  <eu  folles  quofpiam  infarcit,  atque  in  fuos 
cuniculos  comeatum  in  futuram  hycmem  congcnt  ac  uponit, 

Pulmonihus  candi  dis  quatuor  funt  lobi. 

Cor  renibus  paulb  tnajus  mucrone  obtufiore.  Hepar  tri" 
pUcatum  apparu  unum  fuper  alterum  impojltum,  Inferior 
pars  dorfo  adjacens  duos  obtinet  lohulos.  Media  ,  qux  maxi- 
ma  intégra  abfquc  incifuris  integrum  abdomen  fecundum 
latitudinem  occupons  ventriculum  ex  parte  amplexatuf.  Su- 
perior  portio  divifa  aliis  incumbens  diaphragmati  proxitnc 
fubjacet.  Fel  nullum  confpicere  licuit. 

Ventriculus  et  duplex.  Unus  candidus  rotundiujculus  , 
eut  altcr  per  ifihmum  anneclitur  longiufculus  ,  finijîrum  hy» 
pochondrium  occupons ,  hinc  prope  ijthmum  a/ophagus  injï'^. 
ritur  altcri  fub  dextro  hypochondrio  inteftina  adhèrent.  In 
utroque  reperiebatur  chylus  candidus  pulticultt  farinace^ 
fimiUs  f  crajjïor  tamen  in  finiflro. 

Intejîlna  gracUia  flavent  ;  uhi  dejînunt ,  incipit  catum 
MnfraËluofum  amplum ,  hinc  crajjîora  ad  cxruleum  vergunt 
cclorem.  Excernit  pilulas  longiufcidas  injlar  murium.  Lien 
fctoris  fanguine  foleam  fcre  humanam  reprefentat. 

Renés  bini  phafeoU  magnitudine  &  figura.  Veficula  eatf 
dida  pifum  Italicum  aquat,  rotunda  lagenulx  inftar. 

Parit  quinque  fexve  ,  uno  partu. 

j[n  terra,  cavernis  habitat,  agri  vajlator  &•  Cereris  hoflis» 
Autumno  multa  frumenti  grana  in  jpecunt  eongerit ,  û» 
utrinque ,  dentibus  mandit, 

Admodum  pinguefcit  ;  oh  id  porcellis  Iniicis  non  inepte 
comparatur. 

In  cïbum  non  recipitur  ;  fed  pelles  confuuntur  ad  vejti- 
monta  ^ 

De  caycrnâ  fuâ  aquâ  ferymu  feu  frigidâ  copiofe  infufâ 
tXfieUitur, 

;\ïftice 


du  HamJIer,  ^9 

Juftice  de  citer  en  entier  fes  obfervations;  ôc 
en  y  ajoutant  celles  de  M.  de  Waitz,  nous 
aurons  tout  ce  qu'on  peut  defirer  au  fujet  de 
cet  animal. 

«  Les  établifîemens  des  hamfters  (dit  M. 
»)  de  Waitz)  font  d'une  conftru^lion  diffé- 
»  rente  félon  le  fexe  &  l'âge ,  &  auffi  fui- 
»  vant  la  qualité  du  terrein.  Le  domicile  du 
»  mâle  a  un  conduit  oblique,  à  l'ouverture 
3>  duquel  il  y  a  un  monceau  de  terre  exhauiTé  : 
»  à  une  diftance  de  cette  iffue  oblique  ,  il 
»  y  a  un  feul  trou  qui  defcend  perpendicu- 
'>  lairement  jufques  aux  chambres  ou  ca- 
»  veaux  du  domicile  :  il  ne  fe  trouve  point 
»  de  terre  exhaufîee  auprès  du  trou  ,  ce  qui 
5>  fait  préfumer  que  l'iffue  oblique  eft  creu- 
»  fée  en  commençant  par  le  dehors  ,  &  que 
»>  rifTue  perpendiculaire  eft  faite  de  dedans 
»  en  dehors ,  &  de  bas  en  haut. 

n  Le  domicile  de  la  femelle  a  auflî  «rt 
j)  conduit  oblique,  &  en  même  temps  deux, 
»  trois  &  jufqu'à  huit  trous  perpendicuîai- 
»  res ,  pour  donner  une  entrée  &  fortie  li- 
»  bres  à  fes  petits  ;  le  mâle  &  la  femelle  ont 
3)  chacun  leur  demeure  féparéej  la  femelle 
3?  fait  la  fienne  plus  profonde  que  le  mâle, 

n  A  côté  des  trous  perpendiculaires  ,  à 
n  un  ou  deux  pieds  de  diftance ,  les  hamflers 
«  des  deux  fexes  cr?u(ent  félon  leur  âge,. 
»?  &  à  proportion  de  leur  multiplication , 
»  un  ,  deux  ,  trois  &  quatjre  caveaux  particu- 
»  liers,  qui  font  en  forme  de  voûte,  tant  par- 
»  defîbus  que  par-deffus,  &  plus  ou  moins 
n  fpacieux  ,  fuivant  la  quantité  de  leurs  pro- 
»  viûons, 

H 


90  Hijîoïrc  natnnïte 

»  Le  trou  perpendiculaire  eft  le  pafTage 
n  ordinaire  du  hamfter  pour  entrer  &.  for- 
»  tir.  C'eft  par  le  trou  oblique  que  fe  fait  Tex- 
n  portation  de  la  terre  ;  il  paroît  auffi  que 
»  ce  conduit  qui  a  une  pente  plus  douce  dans 
»  un  des  caveaux  &  plus  rapide  dans  un  au- 
w  tre  de  ces  caveaux  >  iert  pour  la  circula- 
n  tion  de  l'air  dans  ce  domicile  fouterrain. 
jj  Le  caveau  où  la  femelle  tait  fes  petits , 
y>  ne  contient  point  de  provifion  de  grains ,, 
»  mais  un  nid  de  paille  ou  d'herbe.  La  pro- 
3^  fondeur  du  caveau  eft  très,  différente  ,  un 
»  jeune  hamfter  dans  la  première  année  ne 
i>  donne  qu'un  pied  de  profondeur  à  fon 
ï>  caveau;  un  vieux  hamfter  le  creufe  fou- 
»>  vent  jufqu'à  quatre  ou  cinq  pieds  :  le  do- 
»  micile  entier,  y  compris  toutes  les  com- 
»  munications  &  tous  les  caveaux,  a  quel- 
M  quefois  huit  ou  dix  pieds  de  diamètre. 

yy  Ces  animaux  approvifionnent  leurs  ma- 
3>  gafins  de  grains  fecs  &  nettoyés  ,  de  blé  en 
«  épis ,  de  pois  &  fèves  en  coffes  qu'ils  net- 
57  toient  enfuite  dans  leur  demeure  ,  &  ils 
5>  tranfportent  au  dehors  les  coffes  &  les  dé- 
7>  chets  des  épis  par  le  conduit  oblique.  Pour 
•n  apporter  leurs  provifions  ,  ils  fe  fervent 
»  de  leurs  abajoues  ,  dans  lesquelles  chacun 
y)  peut  porter  à  la  fois  plus  d'un  quart  de, 
»  chopine  de  grains  nettoyés. 

w  Le  hamfter  fait  ordinairement  fes  pro- 
»  vifions  de  grains  à  1j  fin  d'août  ;  lorfqu'il 
j;  a  rempli  {^s  magafins ,  il  les  couvre  &  en 
5j  bouche  foigneufement  les  avenues  avec  die 
3>  la  terre ,  ce  qui  fait  qu'on  ne  découvre  pas 
j;  aiféraent  fa  demeure;  on  ne  ia  reconnoît 


du  Wamjizr.  çt 

»  que  par  le  monceau  de  terre  qui  fe  trouve 
w  auorès  du  conduit  oblique  dont  nous  avons 
»  parlé  ;  il  faut  enfuite  chercher  les  trous 
»  perpendiculaires  &  découvr  r  par  là  fon  do- 
»  micile.  Le  moygn  le  plus  ufité  pour  pren- 
«  dre  ces  animaux  eft  de  les  déterrer,  quoi- 
»  que  ce  travail  loit  alTez  pénible  à  caufe 
«  de  la  profondeur  6«l  de  l'étendue  de  leurs 
î>  terriers.  Cependant  un  homme  exercé  à 
-j)  cetre  efpèce  de  chafTe ,  ne  laiiTe  pas  d'en 
«  tirer  de  l'utilité;  il  trouve  ordinairement  , 
•n  dans  la  bonne  faifon ,  c'eft- à-dire,  en  au- 
37  tornne,  deux  boiïïeaux  de  bons  grains  dans 
î>  chaque  domicile ,  &  il  profite  de  la  peau 
»  de  ces  animaux  dont  on  fait  des  fourrureSi, 
jî  Les  hamiîers  produifent  àt\\y.  ou  trois  fois- 
n  par  an ,  &  cinq  ou  fix  petits  à  chaque  fois  » 
»  &  fouvent  davantage  ;  il  y  a  des  années 
n  où  ils  paroifTent  en  quantité  innombrable  Sc 
n  d'autres  où  l'on  n'en  voit  prefque  plus  ; 
7>  les  années  humides  font  celles  où  ilsmul- 
n  tipîient  beaucoup,  &:  cette  nonibreufe  mul- 
57  tiplication  caufe  la  difette  par  la  dévaf-* 
T)  tation  générale  des  blés. 

»  \iiï  jeune  hamfter  ^  âgé  de  fix  femaines 
»  ou  deux  mois,  creufe  déjà  fon  terrier/ 
»  cependant  il  ne  s'accouple  ni  ne  produit 
>r  dans  la  première  année  de   fa  vie. 

3)  Les  fouines  poorfuivent  vivement  les 
r  haml^ers ,  &  en  détruifent  un  ^and  nom- 
3î  bré  ;  elles  entrent  aulîi  dans  leurs  terriers 
«  &  en  prennent  poiTelTion. 

w  Les  hamfters  ont  ordinairement  le  dos 
n  brun  &  le  ventre  noir.  Cependant  il  y  en 
»  a  qui  font  gris ,   5c  cette  différence  peuï 

H  1 


9^  H'ijloîn  naturctU 

»  provenir  de  leur  âge  plus  ou  moins  avancé. 
jy  il  s'en  trouve  aufli  quelques-uns  qui  font 
»  tout  noirs  w. 

Ces  animaux  s'entre-détruifent  mutuelle-' 
ment  comme  les  mulots  ;  de  deux  qui  étoient 
clans  la  même  cage  ,  la  femelle  dans  une 
nuit  étrangla  le  mâle  ,  &,  après  avoir  coupé 
les  mufcles  qui  attachent  les  mâchoires,  elle 
fe  fit  jour  dans  fon  corps  où  elle  dévora  une 
partie  des  vifcères.  Ils  font  plufieurs  portées 
par  an,  &  font  fi  nuifibles  que ,  dans  quelques 
États  d* Allemagne  ,  leur  tête  eft  à  prix  ;  ils 
y  font  (1  communs  que  leur  fourrure  eft  à 
très  bon  marché. 

Tous  ces  faits,  que  nous  avons  extraits 
du  Mémoire  de  M.  de  Waitz  &  des  obferva- 
îions  de  M.  de  Montmirail ,  nous  paroifTent 
certains,  &  s'^accordent  avec  ce  que  nous 
lavions  d'ailleurs  au  fujet  de  ces  animaux  > 
mais  il  n'eft  pas  également  certain ,  comme 
on  le  dit  dans  ce  même  Mémoire ,  qu'il  foient 
engourdis  &  même  deflechés  pendant  l'hiver, 
&:  qu'ils  ne  reprennent  du  mouvement  &  de 
k  vie  qu'au  printemps.  Le  hamfter  que  nous 
avons  eu  vivant,  a  paffé  l'hiver  dernier  1762,- 
63  dans  une  chambre  fans  feu ,  &  où  il  ge- 
îoi:  affez  fort  pour  glacer  l'eau;  cependant  il 
re  s'eft  point  engourdi  &  n'a  pas  ceiTé  de* 
fe  mouvoir  &  de  manger  à  fon  ordinaire,. 
au  lieu  que  nous  avons  nourri  des  Loirs  & 
des  Lerots  qui  fe  font  engourdis-  à  un  degré 
ce  fkOid  beaucoup  maindre  :  nous  ne  croyons 
donc  pas  que  le  hamfter  (e  rapproche  des 
loirs  ou  de  la  marmotte  par  ce  rapport,  & 
c'cii  mal-à-propos  que  quelques-uns  de  nos 


du  Hamficr,  95 

Naturalises  Vont  appelle  marmotte  de  Stras- 
bourg, puifqu'il  ne  dort  pas  comme  la  mar- 
motte 3  &  qu'il  ne  fe  trouve  pas  à  Straf- 
bourg. 


94  Hijloirt  natUTilU 

LE    B  O  B  A  K    [a] 

ET  LES  AUTRES  MARMOTTES, 

Voye:^  planche  F,  figure  i  de  ce  Volume, 

J_j'ON  a  donné  le  nom  de  Marmotte  de  Stras' 
bourg  au  Himfter,  &  celui  de  marmotte  de  Po- 
logne au  Bobak;  mais  autant  il  ert  certain: 
que  le  hamfter  n*eft  point  une  marmotte  , 
autant  il  eft  probable  que  le  bobak  en  eft  une  ; 
car  il  ne  diffère  de  la  marmotte  des  Alpes 
que  par  les  couleurs  du  poil  ;  il  eft  d'un 
gris  moins  brun  ou  d'un  jaune  plus  pâle;  il 
a  aulîi  une  efpèce  de  pouce  ,  ou  plutôt  un 
ongle  aux  pieds  de  devant  ,  au  lieu  que  la 
marmotte  n*a  que  quatre  doigts  à  Tes  pieds  ^ 
Si  que  le  pouce  lui  manque.  Du  refte,  elle 
lui  refTemble  en  tout,  ce  qui  peut  faire  pré- 
/vimer  que  ces  deux  animaux  ne  forment 
pas  deuK  efpèces  iftinâes  &  féparées.  Il  en 
eft  de  même  du  Monax  (  />  )  ou  Marmotte  de 


(a)  Bobak  y  nom  de  cet  animal  en  Pologne,  &  que 
nous  avons  adopté. 

B"bak  ,  ?<iac\ynshi ,  Hift.  Nat^  Polon.  page  zj"^  ,  idem. 
Auci.  p.-ig.  ?27. 

GUs  flcvlcàns  capite  rufcfccnte.  .  .  Marmota  Polonica. 
La  Marmotte  de  Pologne,  briif.  Rcg.  anim.  pa^.  165. 

{b)  Vo^ez  la  figure  &  la  defcription  du  Monax  daas 
rHiftoite  des  OiCeaux  à' Edwards  ^  pag.  104» 


T^ora  -AT:. 


Pi.  5: 


r  L  e  Bot> aie.  2.Le  CoaucuCirv.  5  TuiHaurtSter, 


du  Bobak.  9T 

Canada ,  que  quelques  Voyageurs  ont  ap- 
pelle Sifficur  ;  il  ne  paroît  différer  de  la  mar- 
motte  que  par  la  queue  ,  qu'il  a  plus  lon2;u«- 
&  plus  garnie  d-e  poils.  Le  monax  du  Ca- 
nada, le"  bobak  de  Pologne  &  la  marmotte 
des  Alpes  pourroient  donc  n'être  tous  trois 
que  le  même  animal  ,  qui ,  par  îa  difFérence 
des  climats  auroit  i'ubi  les  variétés  que  nous 
venons  d'indiquer.  Comme  cette  efpèce  ha- 
bite de  préférence  la  région  la  plus  haute 
&  la  plus  froide  des  montagnes  ;  comme 
on  la  trouve  en  Pologne  ,  en  Ruflie  &  dans 
les  autres  parties  du  nord  de  l'Europe  ,  il 
n'eft  pas  étonnant  qu'elle  fe  retrouve  au  Ca- 
nada oii  feulement  elle  efl  plus  petite  qu'en 
Europe  (c),&  cela  neluieft  pas  particulier , 
car  tous  les  aoimaux  qui  font  communs  aux 
deux  continens  ,  font  plus  petits  dans  le  nou- 
veau que  dans  l'ancien. 

L'animal  de  Sibérie  ,  que  les  Rufles  appel- 
lent Jevrajckka,  eft  une  efpèce  de  marmotte 
encore  plus  petite  que  le  monax  du  Canada  f 
cette  petite  marmotte  a  la  tète  ronde  &  le 
mufeau  écrafé;  on  ne  lui  voit  point  d'oreil- 
les ,  8i  l'on  ne  peut  même  découvrir  Tou- 
verture  du  conduit  auditif,  qu'en  détournant 
le  poil  qui  le  couvre;  la  longueur  du  corps> 
y  compris  la  tête  ,  eft  tout  au  plus  d'un  pied;, 


(f)  M>?*.  La  Martrottedes  Alpes  5t  ceire  He  Polo- 
gne (Bobak),  ont  un  pied  &  demi  depuis  l'extrémité 
du  mufeau  jurqu'à  l'origine  de  la  queue.  Le  Monax  oa 
Marmotte  de  Canada  n'a  que  quatorze  ou  quinze  pou- 
ces de  longueur. 


€)&  Hijîolre  naturelle 

la  queue  n*a  guère  que  trois  pouces  ,  elle 
eft  prefque  ronde  auprès  du  corps,  &  en- 
fuite  elle  s'aplatit ,  &  fon  extrémité  paroît 
tronquée.  Le  corps  de  cet  animal  eft  aflez 
épais ,  le  poil  eft  fauve  ,  mêlé  de  gris ,  & 
celui  de  l'extrémité  de  la  queue  eft  prefque 
noir.  Les  jambes  font  courtes  ,  celles  de  der- 
rière font  feulement  plus  longues  que  cel- 
les de  devant.  Les  pieds  de  derrière  ont  cinq 
doigts  &  cinq  ongles  noirs  &  un  peu  cour- 
bés, ceux  de  devant  n'en  ont  ^ue  quatre  i 
lorf  ju'on  irrite  ces  animaux  ,  ou  feulement 
qu'on  veut  les  prendre  ^  ils  mordent  violem- 
ment, font  un  cri  aigu  comme  la  marmotte; 
quand  on  leur  donne  à  manger ,  ils  fe  tien- 
nent allis  ,  &  portent  à  leur  gueule  avec  les 
pieds  de  devant  ;  ils  fe  recherchent  au  prin- 
temps &  produifent  en  été;  les  portées  or- 
dinaires font  de  cinq  ou  fix  ;  ils  fe  font 
des  terriers  où  ils  paiîent  l'hiver ,  &  où  la 
femelle  met  bas  &  allaite  fes  petits  :  quoi- 
qu'ils ayent  beaucoup  de  reffemblance  & 
d'habitudes  communes  avec  la  marmotte ,  il 
paroît  néanmoins  qu'ils  font  d'une  efpèce  réel- 
lement différente;  car  dans  les  mêmes  lieux, 
en  Sibérie  ,  il  fe  trouve  de  vraies  marmottes 
del'efpèce  de  celles  de  Pologne  ou  des  Al- 
peSj  &  que  les  Sibériens  appellent  Surok  {^d)y 


(d)  Voyage  ce  Gmdln  ,  tome  II y  page  444-  —^  Les 
Tartires,  ^\x  Ruhruquis ,  mt  force  marmottes  ou  lirons, 
qu'ils  appellent  Sogur,  qui  s*a.Ten->bîer.t  vingt  &  tr«»rte 
enfemble  dans  une  grande  fû(ïe  l'hiver,  où  ils  dorment 
fix  mois  durant  j  ils  ptenneat  force   de    ces  bêtes-'à. 


An  Bohak»  97 

SiVonn'apas  remarqué  que  ces  dewx  efpèces 
fe  mêlent  ni  qu'il  y  ait  entr*elles  aucune  race 
intermédiaire. 


Voyages  tn  TartarU  y  V^%l^  ^5  Nota.  Il  paroît  qu€  ce 
Sogur  de  Rubruquis  doit  être  le  même  animal  que  !« 
Jcyrafchka  tîe  Gmelin  ,  puifque  l'autre  marmotte  s'appeUt 
Sttrak',  ou  bien  l'Auteur  a  pris  Surok  pour  Soguu 


<iuadruvtdi4  ,  Toïïii  VL 


9^  Hljïolrt  naturelU 


LES    GERBOISES. 

VTerboise  eft  un  nom  générique ,  qne  nous 
employons  ici  pour  défigner  des  animaux  re- 
marquables par  la  très  grande  dirproportion 
qui  le  trouve  entre  les  jambes  de  derrière 
ésL  celles  de  devant,  celles-ci  n'étant  pas  fi 
grandes  que  les  mains  d'une  Taupe  ,  &  les 
autres  refiemblant  aux  pieds  d'un  oifeau.  Nous 
connoiffons  dans  ce  genre  quatre  efpèces  ou 
variétés  bien  diftinûes,  i®.  Le  Tarfier  dont 
nous  avons  fait  mention  ci-devant,  qui  eft 
certainement  d'une  efpèce  particulière^  parce 
qu'il  a  les  doigts  faits  comme  ceux  des  fm- 
ges,  &  qu'il  en  a  cinq  à  chaque  pied.  2?.  Le 
Gerbo(^)ou  gerboife proprement  dite  ^  qui 
a  les  pieds  faits  comme  les  autres  fiflipèdes , 


(û)  Gcrhoy  mot  dérivé  de  Jerhuah  ou  Jerboa,  nom  d^ 
cet  animal  en  Arabie,  &  que  nous  avons  adopté. 

Gerbo.    Voyages  d&   Corneille  U   Brun.  Paris,  17141 
psge  406,  fig.^page  410. 

Gerbo ife.  Voyage  de  Paul  Lucas  ,  tome  II ,  page  73  , 
fig.  page  74. 

Jerboa,  Voyage  de  Shaw ,  pag.  148 ,  fig,  pag.  249. 

Mui  jaculus  pedibtis  pojîuis  longiffimls   caudâ  cpctremi 
f'dlosâ.  Haflfelquift.  Itin.  cl.  /,  an.  vi. 

l>6  C^rtua.  Glîr^urcs  d'Edwwdj  t^,  18,  fig.  pi.  ji^. 


dis  Gcrhoijes»  ^^ 

«qnatre  doigts  aux  pieds  de  devant ,  &  trois 
à  ceux  de  derrière.  3^,  L'AIagtzga  (h  )  ,  dont 


{b)  A/agtaga,  nom  de  cet  animal  chez  les  Tartares» 

^ongous,  &  que  nous  avons  adopté.  M.  MeflTerfchmi/l 
.qni  a  tranfmis  ce  nom  ,  dit  qu'il  fignifie  animal  qin  ne 
^cut  marcher  i  cependant  le  mot  Magtaga  me  paroît  trèi: 
voifin  de  letaga,  qui,  dans  le  même  pays,  défigne  le 
polatouche  ou  écureuil-volant;  ainfi  ,  je  ferois  porté  à 
«roire  <{u'alcgtaga  comme  ktaga,  fent  plutôt  des  noms 
génériques  que  ("pécifiques  ,  ôc  qu'i:s  délignent  un  ani= 
mal  qui  vole,  d'autant  plus  que  Strahlenberg,  cité  par 
M.  Gmelin  ,  au  fujet  de  cet  animal ,  l'appelle  LUvre 
vofant. 

Cunkulus  feu  kpus  Inâlcus  ntîas  diclus.  Aldrov.  de 
.quad.  digit.  fig,  pag.  395.  Noti.  i^.  Mrs,  Linnaîus  & 
Edv/ards  ont  rapporté  au  Gerbo  cette  égure  donnée  par 
Aldrovande  ,  mais  elle  me  paroît  convenir  un  pew  mieux 
à  Talagtaga  ;  l'éperon  ou  quatrième  doigt  des  pieds  de 
■derrière  y  eft  bien  marqué  ,  &  c*eft  par  ce  caraéière  que 
l'alagtaga  diffère  du  Gerbo  ,  qui  n'a  que  trois  doigts  fans 
apparence  d'un  quatrième.  Nota,  t^ .  Aldrovaade  a  fait 
Mne  faute  en  appliquant  à  cet  animal  le  nom  d'Utias^ 
<e  mot  efl:  Américain  &  n*a  jamais  été  employé  que 
•poitr  défigner  im  petit  animal  qite  les  Efpagn ois  trouvè- 
rent à  Saint-Domingue  lorfqu'ils  y  arrivèrent;  &  de- 
puis q<ielques  Auteurs  l'-ont  appliqué  au  cochon  d'Inde  ^ 
Tt^ais  jamais  il  n'a  pu  défigner  ni  Talagtaga  ni  le  gerbo. 
Je  crois  que  ce  mot  utias ,  qu'on  doit  prononcer  outias ^ 
vient  de  coudas ,  nom  que  quelques  Auteirrs  donnent  à 
l^acouti  ou  agouti^  5c  que  par  canféquent  l'utias  ne 
défigne  pas  un  autre  animal  que  Tagouti ,  qui  étoit  & 
qui  eft  encore  naturel  à  l'ifle  de  Saint-Domingue,  ôc 
■qu'on  y  a  trouvé  lorfqu^on  en  fit  la  découverte.  Il  y 
a  eu  de  tout  temps  dans  les  Antilles  (dit  l'Auteur  de 
î'Hiôoire  des  Antilles)  quelques  bêtes  à  quatre  pieds; 
telles  que  î'oppoffum  (farigue),  le  javaris  (pécari),  le 
tatou  ,  l'acouti  &  le  rat  mu fqué  (pilori).  Hijl'  Nat.  de* 
Ifiis  Amitiés,  page  lai. 

CunicuLus  pumilioy  faliens ,  caudâ   longijjlmâ.   GmeKa; 
^09»  Com.^  Acad.  Petrop.  tome  V ,  tib,  xi  ,  fig.  I« 


tOO  Hijîoîrc  natiinlU 

les  jambes  font  conformées  comme  celles 
du  gerbo ,  mais  qui  a  cinq  doigts  aux  pieds 
de  devant  &  trois  à  ceux  de  derrière ,  avec 
un  éperon  qui  peut  paffer  pour  un  pouce  ou 
quatrième  doigt  beaucoup  plus  court  que  les 
autres.  4^.  Le  Daman  Ifraël  {^c)  ou  Agneau 
d'ifra'cl^  qui  a  quatre  doigts  aux  pieds  de  de- 
vant &  cinq  à  ceux  de  derrière  ,  qui  pour- 
roit  bien  être  le  même  animal  que  M.  Lin- 
naeus  a  défigné  par  la  dénomination  de  Mus 
lo'igîpes  (d). 

Le  gerbo  a  la  tèto.  faite  à-peu-près  comme 
celle  du  lapin ,  mais  il  a  les  yeux  plus  grands 
&  les  oreilles  plus  courtes,  quoique  hautes 
&  amples,  relativement  à  fa  taille;  il  a  le 
nez  couleur  de  chair  &  fans  poil,  le  mufeau 
court  &  épais;  l'ouverture  de  la  gueule  très 

retite ,  la  mâchoire  fupérieure  fort  ample  , 
'inférieure  étroite  &  courte  ;  les  dents  comme 
celles  du  lapin;  des  mouftaches  autour  de  la 
gueule  ,  compoiées  de  longs  poils  noirs  & 
blancs  ;  les  pieds  de  devant  font  très  courts 
&  ne  touchent  jamais  la  terre  ;  cet  animal 


(c)  Daman  Ifraèl,  agneau  d'If raël.  Voyage  de  Shaw , 
tome  II,  page  75. 

Animal  quoddam  pumile  cunîculo  non  diffîmile  ,  fcd  eu» 
nlculls  majus  auod  agnum  fîliorum  Ifraël  nuncupant  Pro^p, 
Alpin.  Firji.  JEgypt.  lib.  IV,  cap.  ix  ,  pag.  231. 

(d)  Longipes.  Mus  caudd  elongdtâ  vejîitd ,  palmis  te- 
-tradactylis ,  plantis  pentadactylls ,  fem^ûribus  longlffîmis, 
Linn.  Syfi.  nat.  cdit.  X  ,  pag.  6r.  Nota,  le  mot  femori" 
hiis  e{l  ici  mal  appliqué,  ce  ne  font  pas  \qs  cui^Tes  ni 
tnême  les  ]atnbes  ,  mais  les.  premiers  os  du  pied  »  les 
méutarfes  que  ces  animaux  ont  très  longs. 


des  Gerhoifeié  lôî 

ne  s*én  fert  que  comme  de  mains  pour  por<» 
ter  à  fa  gueule.  Ces  mains  portent  quatre 
doigts  munis  d'ongles  ^  &  le  rudiment  d'un 
cinquième  doigt  fans  ongle  :  les  pieds  de 
derrière  n'ont  que  trois  doigts  ,  dont  celui 
du  milieu  eft  un  peu  plus  long  que  les  deux 
autres  ,  &  tous  trois  garnis  d'ongles  :  la  queue 
eft  trois  fois  plus  longue  que  le  corps  j  elle 
eft  couverte  de  petits  poils  roides  ,  de  la 
même  couleur  que  ceux  du  dos  ,  &  au  bout 
elle  eft  garnie  de  poils  plus  longs,  plus  doux, 
plus  touîfîus  ,qui  forment  une  efpèce  de  houpe 
noire  au  commencement  &  blanche  à  l'ex- 
trémité. Les  jambes  font  nues  &  de  couleur 
de  chair  ,  aum-bien  que  le  nez  &  les  oreil- 
les :  le  deffus  de  la  tête  &  le  dos  font  cou- 
verts d'un  poil  rouflatre ,  les  flancs ,  le  def- 
fous  de  la  tête ,  la  gorge  ,  le  ventre  &  le 
dedans  des  cuilTes  font  blancs  ;  il  y  a  au  bas 
des  reins  &  près  de  la  queue  ,  une  grande 
bande  noire  tranfverfale  en  forme  de  croif- 
fant  (e\ 

L'alagtaga  eft  plus  petit  qu'un  lapin ,  iî  a  le 
corps  plus  court,  fes  oreilles  font  longues, 
larges  ,  nues  ,  minces  ,  tranfparentes  &  par- 
femée5  de  vaiffeaux  fanguins  très  apparens  ; 
la  mâchoire  fupérieure  eft  beaucoup  plus 
ample  que  l'inférieure,  mais  obtufe  6l  aflez 


(e)  Voici  les  dimenfions  de  cet  animal,  données  par 
Haffelqu'ft.  Magnitudo  corporis  ut  in  mure  domtftico  ma-, 
jore.  Menfuratio  capit.  poU.  J.  corp.  poU.  z  \.  catid.  fpUh, 
J  \.  pojl.  pÉd./pith.  i.  antcr,  infra  polUccm.  Myjl.  longiff» 
polL  j. 

I3 


lOlr  lîijtoïn  naturdh 

large  à  Pextrémité;  il  y  a  de  grandes  mouf^ 
Mches  autour  de  la  gueule;  les  dents  font 
comme  celles  des  rats  ;  les  yeux  grands  , 
li'iris  &  la  paupière  brunes  ;  le  corps  efi 
ctroit  en  avant ,  fort  large  &  prefque  rond 
«n  arrière  ,  la  queue  très  longue  &  moin» 
grofle  qu'un  petit  doigt,  elle  eft  couverte 
fur  plus  des  deux  tiers  de  fa  longueur,  de 
poils  courts  &  rudes  ;  fur  le  dernier  tiers, 
ils  font  plus  longs ,  &  encore  beaucoup  plus 
longs,  plus  touffus  &  plus  doux  vers  le  bout 
où  ils  forment  une  efpèee  de  touffe  noirç  au 
commencement  ,  &  blanche  à  l'extrémité. 
Les  pieds  de  devant  font  très  courts ,  il  ont 
cinq  doigts;  ceux  de  derrière,  qui  font  très- 
longs  ,  n'en  ont  que  quatre  ,  dont  trois  font 
iitués  en  avant  ,  &  le  quatrième  eft  à  un 
pouce  de  diftance  des  autres;  tous  ces  doigts. 
font  garnis  d'ongles  plus  courts  dans  cenx. 
de  devant,  &  un  peu  plus  longs  dans  ceux 
de  derrière.  Le  poil  de  cet  animal  eft  doux 
^  affez  long  ^  fauve  fur  le  dos  ,  blanc  fous 
ie  ventre  (/). 

L'on  voit  en  comparant  ces  deux  defcrip- 
tions  dont  la  première   eff  tirée  d'Edwards 


(/)  Voici  les  fîîmenfions  de  cet  animaî,  données  par 
Cmelin.  Longltudo  ab  extremo  rojiro  ad  initium  cauJ». 
foll.  6  ;  aà  oailos  poil.  I.  Auncularum  poli.  I  \  ;  caud.z 
goll.  S  l  ;  pedum  anteriorum  ah  humera  nd  extnmos  ufqnt 
dlgitos  poil,  l  \  ;  pedum  pojieriorum  à  fujjfraglnif'us  ad  i'ù^ 
tium  Jifque  calcanci  pclL  5  ;  à.  calcaneo  ad  exortum  d'ight 
■pojlerioris  poil,  I  ;  ad  extrêmes  ungues  poil-  2.  Latirido 
corporis  anttrioris  poil.  J  ^  ,  pojkriorirpoU.  j,  auricularum 
Foll.  i. 


des  GerhoiftS,  IÔ3 

&  d'Haflelquift ,  &  la  féconde  de  Gmeîin  , 
que  ces  animaux  fe  reffemblent  prefqu'autant 
qu'il  eft  pofTible;  le  gerbo  eft  feulement  plus 
petit  que  i'alagtaga,  &  n'a  que  quatre  doigts 
aux  pieds  de  devant,  &  trois  à  ceux  de  der-* 
rière  fans  éperon  ,  au  lieu  que  celui-ci  en 
a  cinq  aux  pieds  de  devant ,  &  quatre  ,  c'eft- 
à-dire  ,  trois  grands  &  un  éperon  à  ceux  de 
derrière;  mais  je  fuis  très  porté  à  croire  que 
cette  différence  n'eft  pas  contante  ,  car  le 
do61eur  Shaw  (g)  qui  a  donné  la  defcription 
&  la  figure  d'un  gerbo  de  Barbarie ,  le  repré- 
fente  avec  cet  éperon  ou  quatrième  doigt 
atix  pieds  de  derrière  ;  &  M.  Edwards  re- 
marque qu'il  a  foigneufement  obfervé  les  deti^ 
gerbos  qu'il  a  vus  en  Angleterre ,  &  qu'il  ns 
leur  a  pas  trouvé  cet  éperon;  ainfi,  ce  ca- 
ra6ière  qui  paroîtroit  diftinguer  fpécifiquement 
le  gerbo  &  Talagtaga  n'étant  pas  confiant  , 
devient  nul  &  marque  plutôt  l'identité  que 
la  diverfité  d'efpèce  ;  la  différence  de  gran- 
deur ne  prouve  pas  non  plus  que  ce  foient 
deux  efpèces  différentes  ,  il  fe  peut  que 
Mrs.  Edwards  &  Haffelquift  n'ayent  décrit 
que  de  jeunes  gerbos,  &  M.  Gmelin  un  vieux 
alagtaga  :  il  n'y  a  que  deux  chofes  qui  me 
îaiffent  quelque  doute ,  la  proportion  de  la 
queue  qui  eft  beaucoup  plus  grande  dans  le 
gerbo  que  dans  i'alagtaga,  &  la  différence 
du  climat  où  ils  fe  trouvent.  Le  gerbo   eft 


(g)  Voyage  du  Douleur  Shaw,  fa^cs  i^^S  &  ^4Çt 

I  4 


104  Hifioln  naturdîi 

commun  en  CircaCie  (A)>  en  Egypte  (i);. 
en  Barbarie  ,  en  Arabie  ,  &  l'alagtaga  en 
Tartarie ,  fur  le  Volga  &  Jufqu'en  Sibérie  v. 
il  eft  rare  que  le  même  animal  habite  des 
climats  aufîi  ditFérens  y  &  lorfque  cela  arrive  ,. 
refpèce  fubit  de  grandes  variétés,  c*eft  aufli 
ce  que  nous  prétumons  être  arrivé  à  celle 
du  gerbo,  dont  l'alagtaga,  malgré  ces  dif- 
férences ,  ne  nous  parok  être  qu'une  variétés 
Ces  petits  animaux  cachent  ordinairement 
leurs  mains  ou  pieds  de  devant  dans  leur 
poil ,  en  forte  qu'on  diroit  qu'ils  n'ont  d'au* 
très  pieds  que  ceux  de  derrière  ;  pour  fe 
tranfporter  d'un  lieu  à  un  autre,  ils  ne  mar* 
chent  pas  ,  c'eft-à  dire ,  qu'ils  n'avancent  pas 
les  pieds  l'un  après  l'autre;,  mais  ils  fautent 
très  légèrement  &.  très  vite,  à  trois  ou  qua- 
tre pieds  de  diftanee ,  &  toujours  debout  comme 
des  oifeaux  ;  en  repos,  ils  font  alîis  fur  leurs, 
genoux  ,  ils.  ne  dorment  que  le  jour  &  ja- 


(A)  On  trouve  en  Circafïîe ,  auflTi-bJen  qu'en  Perfe^ 
€n  Arabie  ôi  aux  environs  de  Bahylone,  une  efpèce  de 
mulot  appellée  Jerbuah  en  Arabe,  de  la  grandeur  &  col:- 

leur  à-peu-près  d'un  écureuil ».  .  Quand  il  faute,, 

il  s'élance  à  cinq   ou  fix  pieds  h.iut   de  terre.  .....  Il 

quitte  quelquefois  les  champs  &  fe  foutre  dans  les  mai- 
fons.    Voyage  d  Oléarius  ,.  ■pz^e  T^yj. 

(  i  )  En  Egypte,  je  vis  de  petits  animaux  qui  couroient 
très  fort  fur  leurs  deux  jambes  de  derrière  i  elles  étoîeat 
fi  longues  qu*ils  fembloient  montés  fur  des  échaffes.  Ces 
animaux  terrent  comme  les  lapins.  On  en  prit  fept  qvie- 
j'emportai  ;  il  m'en  eft  refté  deux  que  j'ai-  af>portés  e». 
France ,  où  ils  ont  vécu  à  la  Ménagerie  du  Roi  pen- 
dant ciîux  ans»  Voyage  de  Paul  Lucas ^  tom.  Il»  pag»  74a. 


âfs  Gerhùlfes,  lôÇ 

maïs  la  nuit;  ils  mangent  du  grain  &  des 
herbes  comme  les  lièvres;  ils  font  d*un  na- 
turel affez  doux  ,  &  néanmoins  ils  ne  s'ap- 
privoifent  que  Jufqu'à  un  certain  point ,  ils 
fe  creufent  des  terriers  comme  les  lapins, 
&  en  beaucoup  moins  de  temps  ;  ils  y  font 
un  magafin  d'herbes  fur  la  fin  de  l'été,  &  dans 
les  pays  froids  ils  y  paffent  l'hiver. 

Comme  nous  n'avons  pas  été  à  portée  de 
faire  la  difleÔion  de  cet  animal ,  &  que  \L 
Gmelin  eft  le  feul  qui  ait  parlé  de  la  confor- 
mation de  fes  panies  intérieures,  nous  don- 
nons ici  fes  observations  en  attendant  qu'on 
en  ait  de  plus  précifes  &  de  plus  étendues  (jt), 

A  l'égard  du  daman  ou  agneau  d'Ifraël ,  qui 
nous  paroît  être  du  genre  des  gerboifes ,  parce 
qu'il  a  comme  elles  les  jambes  de  devant 
très  courtes  en  comparaifon  de  celles  de  der- 
rière ,  nous   ne  pouvons  mieux  faire  ^  ne 

{k)  (S/ophagus ,  uti  in  Upore  6»  cuniculo ,  medio  ven-» 
trlculo  injeritup ,  intifiinum  c<ecum  hnve  admodum  fed  am~^ 
plum  eft  in  procejfum  vermiformem  ,  duos  polUces  lon^um 
abiens,  ChoUd^chus  mox  hfra-,  pylorum  inteji'mum  fuhit, 
Vefica  urinana  citrinâ  aquâ  pUna ,  lUiri  nuUa.  plane  dif' 
tinciio  ;  vagha  enim  canalis  inflar  fine  ulUs  arùfidis  in 
pubem  ujque  proten/<i  in  duo  mox  comua  divld:tur,  qux  uhc 
ovariis  appropinquant  multas  infiexiones  faciunt  &  in  ova» 
riis  terminantur.  Pencm  mafculus  hahct fatis  magnum,  eut 
firca  vefica  unnari(Z  collum  vificula  feminaUs  unciam  cum 
dimidio  (ongoi .  graciles  &  extrem'tatibus  intortx  adjsccnt„ 
Foramen  aut  fimis  qucfdjm  innr  anum  &pencm,  aut  inter 
anum  &  vutvam  nuH^modo  potui  difcern^re ,  Hcct  quafvis: 

in  indagatione   ijla   cautzlas   ailùhuinm Cunicult 

Americani  ^  porcdli  pilis.  &  voce.  Marcgrav.  labricd  in^ 
ternarum  panlum  ab  hoc  animali  non  multun  abludunt^ 
Gmtlin.  Nqv»  Corn,  ac^  Petrop,  tome  V*  art,  vii* 


lo6  Tlifioirt  naturelle 

l'ayant  jamais  vu,  que  de  citer  ce  qu'en  dit  Te 
dcfteur  Shaw  ,  qui  éroît  à  portée  de  le  com- 
parer avec  le  gerbo ,  &  qui  en  parle  comme  de 
deux  efpèces  différentes  :  «  le  ^aman  Ifraël  , 
j>  dit  cet  Auteur,  eft  aulTi  un  animal  du  mont 
ï>  Liban  ,  mais  également  commun  dans  la 
3>  Syrie  &  dans  la  Phénicie  ;  c'eft  une  bété 
»  innocente  qui  ne  fait  point  de  mal,  &  qui 
»  reffemble  pt>ur  la  taille  &  pour  la  figure 
y»  au  lapin  ordinaire  ,  fes  dents  de  devant 
»  étant  aufîî  difpofées  de  la  même  manière  ; 
3»  feulement  il  eft  plus  brun  &  a  les  yeux  plus 
»  petits  &  la  tête  plus  pointue  ;  fes  pieds 
jy  de  devant  font  courts  ,  &  ceux  de  der- 
»  rière  lon^s,  dans  la  même  proportion  que 
»  ceux  du  ^erboa  (  gerbo  ).  Quoiqu'il  fe  ca- 
»  che  quelquefois  dans  la  terre  ,  fa  retraite 
»  ordinaire  eft  dans  les  trous  &  fentes  de  ro- 
3>  chers,  ce  qui  me  fait  croire,  continue  M. 
-n  Shaw,  que  c'eft  cet  animal  plutôt  que  le 
î)  jerboa  (  gerbo  )  qu'on  doit  prendre  pour  le 
n  fnphan  de  l'Écriture,  perfonne  n'a  pu  me  dire 
3)  le  nom  moderne  de  daman  Ifrael,  qui  figni- 
»  fie  agneau  dlfra'él  "  (  /).  Profper  Alpin ,  qui 
avoit  indiqué  cet  animal  avant  le  dofteur 
Shaw,  dit  que  fa  chair  eft  excellente  à  man- 
ger ,  Se  qu'il  eft  plus  gros  que  notre  lapin 
d'Europe  ;  mais  ce  dernier  fait  paroît  dou- 
teux, car  le  do6^eur  Shaw  l'a  retranché  du 
paflage  de  Profper  Alpin ,  qu'il  cite  au  refte 
en  entier. 

(/)  Voyage  de  Shaw,  tomt,  Il^pagc-j^^ 


PI.  6] 


A^ 


4; 


L 


âi  la  MangGuJle,  107 


LA    MANGOUSTE  [ci]. 

Voye:^  planche  VI  ^  fig.  1  de  ce  volume, 

J_jA  Mangoufte    eft  domeftique  en  Egypte 
comme  le  chat  l'eft  en  Europe ,  &  elle  Teit 


{a)  Mangouftef^  mot  è.ér\vé  de  Mangutia,  nom  de  cet 
animal  aux  Indes. 

Ichmumon  en  Grec  &  en  Latin.  Te^tr  dta  en  Arabe  > 
félon  le  Do£teur  Sha^^r. 

Mungo  par  les  Portuo;3is,  &  Muncus  par  le<:  Hollar- 
^ois  de  l'Inde  »  fe'an  Kampfer.  QuU  ou  QjillfpeU  à 
Ceylan  ,  félon  Ganias  du  Jardin.  Chiri  au  Malabar  , 
ftlon  le  P.  Vincent  Mnrie. 

Ichnc-^mon  ,  Atiftoulis.  Hift.  anîiTL.  l'ib.  VI,  cap.  5j  , 
&  lih.  IX,  c^.p.  6. 

Ichr.iuTnoTiy  que  les  Egyptiens  aocnment  Rat  de  Pha- 
Taon.  Ohfervatfors  is  I>-iion.  Paris,  l'^'j';  ,  fiuilUi  97, 
fg.  ibid.  —  Le  rat  de  Pharaon.  Bélon,  de  la  nature  des 
folffcns.  Paris .  Î5  5  5  .  P^f^  ?;  .  /l"-  P^^e  37- 

Ichnciiman  fivc  Lutra  jE^yfti,  Aldrov.  dt  guad.  digït. 
page  198  ;  fi-z.  pag.  ;joi. 

Serpenticidct  five  Muncos.  Rumph,  Herb.  VIII ,  page 
Ép,  trb.  2,8,  f.g.  a  &  5.  ^ 

Viverra.  Mun^o.  KoeTijlfer,  Amxntt^  pag.  ^74. 

Ichneumon.  Mus  Pharaonix.  Profp.  Alpin.  ////?.  JS'gyp- 
ta ,  T)ag.  254  &  17;,  tab,  XIV,  fig.  ^. 

Ichneumon  ou  mf  i/c  Pharaon.  Maillet ,  Dvfcription  de 
i'EzyptCy  pag.  54  ,  ûg.  p^i.f. 

MnfitJa.  j^gyptiaca.  Ichneumon  ,  /i/  ç/?,  inviftigatcr. 
Mus  Pharaonis;  rn-js  yEgjptr  ;  D an  11  la  :  Donola;  muf- 
tela  j^gypti  fsculûils..  hutr.i  j^gypn.  Klein ,  dt  Quad. 
pag.  ^4: 


lo8  Htjïoln  naturelle 

de  même  à  prendre  les  fouris  &  les  raM  (l>')i 
mais  fon  goût  pour  la  proie  eft  encore  plus 
vif,  &  fon  inftinél  plus  étendu  que  eelui  du 
chat,  car  elle  chafTe  également  aux  oifeaux, 
aux  quadrupèdes,  aux  ferpens,  aux  lézards  , 
aux  infeftes ,  attaque  en  général  tout  ce  qui 
lui  paroît  vivant.  Si  fe  nourrit  de  toute  fubf* 
tance  animale;  fon  courage  eft  égala  la  véhé- 
mence de  fon  appétit  ;  elle  ne  s'effraye  ni 
de  la  colère  des  chiens,  ni  de  la  malice  des 
chats  ,  &.  ne  redoute  pas  même  la  morfure 
des  ferpens,  elle  les  pourfuit  avec  acharne- 
ment, les  faifit  &  les  tue  ,  quelque  veni- 
meux qu'ils  foient;  &  lorfqu'elle  commence 
à  reflentir  les  impreflions  de  leur  venin  , 
elle  va  chercher  des  antidotes  &  particulière- 
ment vne  racine   (c)  que    les  Indiens  ont 


Mêles  (  îchneumon  )  digitis  midiis  longiofihus ,  laterallhiis 
ii(}uaiibus  fuhun'iformibus.  Voyage  de  Hajfclquifi ^  art, 
IV,  page  191. 

The  Ind'ran  Ichneumon.  Edwards,  Hijî.  of  Birds ,  page 
fig.  IV,  pag.  299  I  H-'^'^^' 

MufieU  pilis  ex  albido  &  nigricante  varugatis  vefiita, 
Jchncumon  ,  mus  Pharaonis.  Ichneumon  ou  la  mangoufte  , 
vulgairement  le  rat  de  Pharaon.  BrilT.  Regn.  anim.  page 
a50. 

Ichneumon.  Vherra  cauàâ  c  bajî  încreffatâ  fenfim  atte» 
nuatâ.  Linn.  Syji.  nat.  edit.  X. 

{b)  Mihi  ichneumon  fuit  utilijfîmus  ad  mures  ex  meo 
tbhiculo  fugandûs.  .  .  .  unum  alui  à  quo  murium  damna 
plane  cejfarunt  fi  quidem  quotquot  offèndebat  intenmebat  , 
longeque  ad  hos  necandos  fugandofque  fêle  tfi  ichneumon 
utiïior.  Profp.  Alp.  Defcrip.  yEgypt.  lib.  IV  ,  pag.  25;. 

(  c  )  Primum  antiiotum.  .  .  .  radix  ift  plantct  malaict 
Hampaddu  Tanah,  id  ejl  ^  Fel  terrae  dicla  afapore  ama-» 
riffîmo*  •  I  ,  .  »  Lufitanis  ibidem  Raja  feu  radix  muo^o 


dt  la  Mangoujk»  109 

nommée  de  fon  nom  ,  &  qu*ils  difent  être 
un  des  plus  fûrs  &  des  plus  puiiïans  remèdes 
contre  la  morfure  de  la  vipère  ou  de  l'aspic; 
elle  mange  les  œufs  du  crocodile  comme  ceux 
des  poules  &  des  oifeaux ,  elle  tue  &  mange 
aufli   les  petits  crocodiles  (^')  ,   quoiqu'ils 


4(ppellata  à  vtujldâ  quidam  feu  vîverra  Indis  mungudia* 
.    .  .  appcUata  quA  radlcem  monfirajfc  &  ejus  ufum.  .  ,  ». 

frima.   .  .  .  prodidijjc  crcditur Indi  igitur.  .... 

pracipuè  qui  Sumatram  &  Javam  incolunt  fivt  ufum  à 
mufklâ  edocU  Jînt  five  cafu  quodam  invenerint  radiccm 
pro  expLorato  habene  antidoto,  Kœmpfer ,  Atmtnit.  page 
574.  —  Dans  l'Inde  ,  il  eft  une  racine  qui  ne  produit  ni 
tronc,  ni  branches,  t\t  feuilles,  qui  s'appelle  chtri ,  nom 
qu'elle  tire  d'un  animal  qui  fait  feul  la  reconnoîrre  & 
la  trouver.  Cet  animal  e(l  grand  comme  une  marte,  &. 
lui  refTemble  aiTez  par  la  forme,  excepté  qu'il  ed  un  peu 
plus  corfé  (^orpulento)  i  la  couleur  de  fon  poil  eft  obf- 
care,  qui  eft  dur,  tendu  &  hériffé  comme  celui  des 
fangliers,  mais  moins  long  i  fa  queue  eft  charnue,  lifle 
âc  unie  comme  celle  de  la  marte.  L'antipathie  que  cet 
animal  a  pour  les  ferpens  eft  extraordinaire  ,  &  il  ne 
femble  s'occuper  qu'à  leur  tendre  des  embûches.  .  .  . 
Les  chaff"eurs  ont  obfervé  qu'il  va  déterrer  la  racine 
dont  nous  venons  de  parler ,  foit  pour  fe  guérir ,  foit 
pour  fe  préferver  de  l'effet  du  venin.  .  .  on  la  regarde 
comme  le  meilleur  antidote  que  l'Inde  fourniffe.  Voyage 
du  P'crc  Vincent  Marie ,  tradu£lion  communiquée  par 
M.  le  marquis  de  Montmirail. 

(  d)  VIckneumon  ou  rat  de  Pharaon  ,  eft  une  efpèce  de 
petit  cochon  fauvage ,  joli  &  très  aifé  à  apprivoiftr, 
qui  a  le  poil  hériff'é  comme  un  porc-épic  ;  il  eft  ennemi 
àes  autres  rats ,  5c  fur-tout  des  crocodiles  ;  non-feule- 
ment il  dévore  leurs  œufs,  dont  il  fe  nourrit,  mais  il 
attaque  encore  avec  courage  les  petits  crocodiles,  dont 
il  fait  venir  à  bout,  en  les  prenant  par  le  cou,  au  dé 
faut  de  la  tète,  Defcription  d<  l^E^ypU,  par  MailUt  « 
nage  j^. 


I  lO  Hifloin  naturelle 

foient  déjà  très  forts  ,  peu  de  temps  après 
cju'ils  font  fortis  de  l'œuf;  &  comme  la  fa- 
ble eft  toujours  mife  par  les  hommes  à  la 
fuite  de  la  vérité ,  on  a  prétendu  qu'en  vertu 
<ie  cette  antipathie  pour  le  crocodile  ,  la 
mangoufte  «ntroit  dans  fon  corps  lorfqu'U 
'étoit  endormi ,  &  n'en  fortoit  qu'après  lui  avoir 
déchiré  les  vifceres^ 

Les  Naturalises  ont  cru  qu'il  y  avoit  pîa- 
Heurs  efpèces  de  mangouftes  ,  parce  qu'il  y  en 
a  de  plus  grandes  Ôl  de  plus  petites ,  &  de 
poils  diftérens  ;  mais  fi  l'on  fait  attention  qu'é- 
tant fou  vent  élevées  dans  les  maifons ,  elles 
ont  dû ,  comme  les  autres  animaux  domefti- 
ques  ,  fubir  des  variétés  ,  on  fe  perfuadera 
facilement  que  cette  diverfité  de  couleur 
&  cette  différence  de  grandeur  n'indiquent 
que  de  fimples  variétés ,  &  ne  fuffifent  pas 
pour  conftituer  des  efpèces  ,  d'autant  que 
dans  deux  mangoufles  que  j'ai  vues  vivan- 
tes, &  dans  plufieurs  autres  dont  les  peauK 
étoient  bourrées,  j'ai  reconnu  les  nuances 
intermédiaires  ,  tant  pour  la  grandeur  que 
pour  la  couleur ,  &  remarqué  que  pas  un6 
ne  différoit  de  toutes  les  autres  par  aucun 
caradère  évident  &  confiant  ;  il  paroît  feule- 
ment qu'en  Egypte  ,  où  les  mangouftes  font, 
pour  ainfi  dire,  domeftiques,  elles  font  plus 
grandes  qu'aux  Indes  où  elles  font  fauvages  (c). 


^e)  Cet  icbneufnoin  (dit  Edwards)  venoît  des  Indes 
orientales  &  étoit  fort  petit  ;  j'en  ai  vti  un  autre  venu 
d'Egypte  qui  étoit  plus  du  double.  ...  La  feule  àii- 
férence  qu'il  y  avoit,  ouue  la  grandeur  ^  çatr-e  les  da«K 


'dt  la  Man^iijîe,  m 

Les  Nomenclateurs  ,  qui  ne  veulent  jamais 
qu'un  être  ne  foit  que  ce  qu'il  eft ,  c'eft-à- 
dire,  qu'il  foit  feul  de  Ton  genre,  ont  beau- 
coup varié  au  fujet  de  la  mangoufte.  M.  l.in- 
nsus  en  avoit  d'abord  fait  un  blaireau,  en- 
fuite  il  en  fait  un  furet;  Haffelquift ,  d'après 
les  premières  leçons  de  fon  maître ,  en  fait 
aulli  un  blaireau  ;  Mrs.  Klein  &  Briilbn  l'ont 
mife  dans  le  genre  des  belettes ,  d'autres  en 
ont  fait  unQ  loutre  ,  &  d'autres  un  rat  ;  je 
ne  cite  ces  idées  que  pour  faire  voir  le  peu 


khnaiimons ,  c'éft  que  celui  d'Egypte  avoit  une  petite 
touffe  de  poil  à  l'extrdmité  de  la  queue  ,  au  lieu  que  la 
queue  é^  celui  des  Indes  fe  terminoit  en  pointe,  &  je 
crois  que  cela  fait  deux  efpèces  diftinftes  &  féparées , 
parce  que  celui  des  Indes,  qui  étoit  fi  petit  en  compa- 
raifon  de  celui  d'Egypte ,  avoit  cependant  pris  fon  en- 
tier accroilTement.  Edwards,  page  199.  Nota.  Ces  dif- 
férences ne  m'ont  pas  paru  fuffifantes  pour  établir 
deux  efpèces,  attendu  qu'entre  les  plus  petites  &  les 
plus  grandes,  c'eft-à-dire,  entre  treize  &  vingt-deux 
pouces  de  longueur ,  il  s'en  trouve  d'intermédiaires , 
comme  de  quinze  &  dix-fept  pouces  de  grandeur.  Scha^ 
<iui  a  donné  la  figure  &  la  defcription  (  vol.  I ,  pag.  66  ^ 
tib.  XLl),  d'une  de  ces  petites  mangouftes  qu'il  avoit 
eu  vivante,  &  qui  lui  venoit  de  Ceylan,  dit  qu'elle  étoit 
très  mal-propre  Si  qu'on  n*avoit  pu  Tapprivoifer;  cette 
différence  de  naturel  pourroit  faire  penfer  que  cette 
petite  mangouffe  efl  d'une  efpèce  différente  des  autres: 
cependant  elle  reffemble  fi  fort  à  celle  dont  nous  avons 
parlé  ,  qu'on  ne  peut  dovtter  que  ce  ne  foit  le  même 
«nimal  j  &  d'ailleurs,  je  puis  afiurer  moi-même  avoir 
vu  une  de  ces  petites  mangouftes  qui  étoit  fi  privée, 
que  fcm  maître  (  M.  le  préfident  de  Robien)  qui  l'aimcit 
beaucoup,  la  por-toit  toujours  dans  fon  chapeau,  Sc 
faifoit  à  tout  le  monde  l'éloge  de  fa  gentilleffe  &  de 
{a.  propwté. 


111  HiJîoiTt  naturdh 

de  confiftance  qu'elles  ont  dans  la  tête  même 
de  ceux  qui  les  imaginent  ,  &  aulfi  pour 
mettre  en  garde  contre  ces  dénominations 
qu'ils  appellent  génériques,  &  qui,  prefque 
toutes ,  font  fauffes ,  ou  du  moins  arbitrai- 
res, vagues  &  équivoques  ('/). 


(/)  Haffeîquift  termine  fa  longue  &  fèche  (îefcrîp- 
tîon   de  la  matigoufte  par  ces  mots  :   Galli  in  JEgypté 
tonyerfanus  qui  omnibus   relus  quas  non  rognofcunt ,  faA 
imponunt  nomina  fiâa  appellarunt  hoc  animal  rat  de  Pha- 
raon,  Quod  fcquuti  qui  Latine  rdationcs  de  ^%ypto  dedc- 
Tant.  Alpin ,  Belon  ,  murent  Fhamonis  effinxerunt.  Si  cet 
homme  eût  feulement  lu  Bélon   &  Alpin,  qu'il  cite,  il 
auroit  vu  que  ce  ne  font  pas  les  François  qui  ont  donné 
3e   nom   de  rai  de  Pharaon  à  la   mangouAe  >   mais  les 
Egyptiens   mêmes  ,  &  il  fe  feroit    abftenu  de  prendre 
<le  là  occafîon  de  mal  parler  de  notre  nation; mais  Von 
ne  doit   pas  être    furpris  de  trouver  l'imputation  d'uit 
pédant  dans  l'ouvrage  d'un  écolier  :  en  effet,  cette  def- 
criprion  de  la  mangoufte,  ainfi  que  celle  de  la  giraffe  âc 
<΀  quelques  autres  animaux ,  données   par  ce  Nomen- 
clateur  ,  ne  pourront  jamais  fervir  qu'à    excéder   ceux 
qui  voudf oient  s'ennuyer  à  les  lire:  i^,  parce  qu'elles 
font    fans  figures ,  &  que  le   nombre  des  mots  ne  peut 
Suppléer  à  la  repréfentation,  un  coupd'œil  vaut  mieux 
dans  ce  genre  qu'un  long  détail  de  paroles  ;  a*.  Parce 
<}ue  ces  mots  ou  paroles  font  la  plupart  d'un  Latin  bar- 
ÎJare  ou  plutôt  ne  font  d'aucune  langue  :   5**,  Parce  que 
la  méthode  de  c^s  defcriptions  n'eft  qu'une  routine  que 
tout  homme  peut    fuivre,   ôt  qui  ne  fuppofe  ni  génie, 
ïii  même   d'intellig^ence  ;    4',  Parce  que  la  defcription 
«tant  trop  minutleufe,les  caraftères  remarquables^  fin- 
fjuliers  &  diftinftifs  de  l'être  qu'on  décrit,  y  font  con- 
fondus avec  les  fignes  les  plus  obfcurs ,  les  plus  indiffé- 
rens  &  les  pKis  équivoques  :  5°^  Enfin  parce  que  le  trop 
^rand  nombre    de   petits   rapports  &  de    combinaifons 
précaires    dont  on  eft  obligé  de    charger  fa  mémoire, 
««n(i€nt  le  travail  <iu  le^eur  plus  graad  que  celui  de 

La 


de  la  Mangoufle,  113 

La  Mangoufte  habite  volontiers  aux  bords 
des  eaux;  dans  les  inondations  ,  elle  gagne 
les  terres  élevées  ,  &  s'approche  fouvenc 
des  lieux  habités  pour  y  chercher  fa  proie, 
elle  marche  ians  faire  aucun  bruit ,  &  félon 
le  befoin  elle  varie  fa  démarche;  quelque- 
fois elle  porte  la  tête  haute ,  raccourcit  fou 
corps,  &  s'élèv*  fur  fes  jambes  ;  d'autres 
fois,  elle  a  l'air  de  ramper  &  de  s'alonger* 
comme  un  ferpent ,  fouvent  elle  s'alîied  fur 
fes  pieds  de  derrière  ,  &  plus  fouvent  encore 
elle  s'élance  comme  un  trait  fur  la  proie  qu'elle 
veut  faiftr ,  elle  a  les  yeux  vifs  &  pleins 
de  feu ,  la  phyfionomie  fine  ,  le  corps  très 


l'auteur ,  &  les  laiffe  tous  les  deux  aufli  ignorans  qu'ils 
l'étoient.  Une  preuve  qu'avec  cette  méthode  on  fe  diC- 
penfe  de  lire  &  de  s'inftruire,  c'eft  i*.  la  fauiTe  impu- 
tation que  l'Auteur  fait  aux  François  au  fujet  du  rat  de 
Pharaon;  c'eft,  iP ,  l'erreur  qu'il  commet  en  donnant  à 
cet  animal  le  nom  Arabe  Nems  ,  tandis  que  ce  mor 
Arabe  eft  le  nom  du  furet  6c  non  pas  celui  de  la  man-» 
gouile  ;  il  ne  faîloit  pas  même  favoir  l'Arabe  pour  évi- 
ter cette  faute  ,  il  auroit  fuffi  d'avoir  lu  les  Voyages 
de  ceux  qui  l'avoient  précédé  dans  le  même  pays.  3*^, 
L'omiilîon  qu'il  fait  des  chofes  elTentielles ,  en  même 
temps  qu'il  s'étend  fans  mefure  fur  les  indifférentes  ^ 
par  exemple,  il  décrit  la  giraffe  auiTi  minutieufement 
que  la  mangouftè^  &  ne  laiiTe  pas  que  de  manquer  le 
caraftère  euentiel ,  qui  eft  de  favoir  fi  les  cornes  font 
permanentes  ou  h  elles  tombent  tous  les  ans  '.  dans* 
vingt  fois  plus  de  paroles  qu'il  n'en  faut ,  Ton  ne  trouve 
pas  le  mot  néceflfaire.  Se  l'on  ne  peut  juger,  par  fa 
defcription  ,  fi  la  giraffe  eft  du  genre  des  cerfs  ou  de 
celui  des  bœufs.  Mais  c'eft  aftez  s'arrêter  fur  une  ctt- 
Tique  que  tout  homme  fenfé  ne  manquera  pas  de  faire 
lorfque  de  pareils  ouvrages  lui  tomberont  entre  le? 
nuins, 

K 


I T  4  Hijîoln  namnlh 

agile ,  les  jambes  courtes  ^  la  queue  greffe 
&  très  longue,  le  poil  rude  &  fouvent  hé- 
rifle;  le  maie  &  la  femelle  (^g)  ont  tons  deux, 
une  ouverture  remarquable  &  indépendante 
des  conduits  naturels  >  une  efpèee  de  poche 
dans  laquelle  fe  filrre  une  humeur  odorante  y 
on  prétend  que  la  mangoufte  ouvre  cette  po- 
che pour  fe  rafraîchir  lorfqu'elle  a  trop  chaud  ;. 
fon  mufeau  trop  pointu  &  fa  gueule  étroite. 
Fempêchent  de  faifir  &  de  mordre  les  chofes: 
un  peu  grofles>  mais  elle  fait  fuppléer  par 
agilité,  par  courage  >  aux  armes  &  à  la  force 
^qui  lui  manquent,  elle  étrangle  aifément  utk 
chat,  quoique  plus  gros  &  plus  fort  qu'elle, 
fouvent  elle  combat  les  chiens  ,  &  quel:jue 
grands  qu'ils  foient  >  elle  s'ea  fait  refpeéler. 


(g-)  Les  habitans  d''Alexandne  nourrinent  une  bêt« 
tiommée  ickncnmon,  ou»  eft  particulièrement  trouvée  en 
.Fgypte.  On  la  peut  apprivoifer  es  maifons  tout  ainft 
comme  an  chat  ou  un  chien.  Le  vulgaire  a  ceffé  de  la 
Jiommer  par  foa  nem  ancien  ,  car  ils  la  nomment  ^  tn 
hur  langage,  i  rat  de  Pharaon.  Or  nous  avons  vu  que 
fcs  payfans  en  apportoient  des  petits  au  marché  d'A- 
lexandrie y  OÙ  ils  font  bien  recueillis  pour  en  nourrir 
«s  maifons,  à  caufe  qu'ils  chaflfent  les  rats.  .  .  .  ,  les 
ferpens,&c.  Cet  animal  eft  cauteleux  en  épiant  fa  pâ- 
ture. ....  il  fe  nourrit  indifféremment  de  toutes  viandes 
vives,  comme  d*efcarbots,  lézards,,  chameléons  ,  &  gé- 
«éralemant  de  toutes  efpèces  de  ferpens^de  grenouilles»- 
rats  ôc  fouxis  j  il  eft  friand  des  oifeaux,  des  poules  & 
poulets-:  quand  il  efl  courroucé,  il  héri(ïê  fon  poil.  .  .  ,. 
il  a  une  particulière  marque,  c'cft  un  grand  pertuis  tout 
«ntouré  de  poil  hors  le  conduit  de  l'excrément ,  reffem— 
fclant  quafi  au  membre  honteux  des  femelles  ,  lequei 
conduit  il  ouvre  lorfc^u'il  a  ^raod  chaud,  jgc/cn,,  Q^_^ 


de  la  Man^'^ufle,  1 1  J 

Cet  animal  croît  promptement  &  ne  vit 
pas  long-temps  K^h) ,  il  fe  trouve  en  grand 
nombre  dans  toute  l'Afie  méridionale  (^i)y 
depuis  l'Egypte  julqu'à  Java  ,  &  il  paroîr 
qu'il  fe  trouve  aufn  en  Afrique  ,  julqu'au 
cap  de  Bonne  efpèrance  (^k)y  mais  on  ne 
peut  rélever  aifément ,  ni  le  garder  long- 
temps dans  nos  climats  tempérés,  quelque 
foin  qu'an  en  prenne  ,  le  vent  rinccmimode  y 
le  froid  le  fait  mourir  ;  pour  éviter  l'un  & 
l'autre,  &  conferver  fa  chaleur,  il  fe  mec 


(  A  )  TeUs  (y  ichneumon  tôt  numéro  pariant  quot  canes  -, 
vefcunturqiié  eifdem  ,  vivunt  cireitcr  annos  fcx„  Ariû.  Hlfi^ 
anim.  Hb,  Vl.cap.  35. 

(/)  Mun^os  clunt  Tura  ealentls  AJlce.  cmms,  tifaue  aâ 
Ganfem  ,  ctiam  in  lis  re^ionihus  in  aulhus  radîx  munfo- 
nunquam  germinavit.  Koemijf.  Amanit.  pag.  57^,  —  La- 
mangoulie  eft  un  petit  animal  très  ioli ,  tait  à-peu-près= 
comme  nos  belettes  de  France.  ,  .  .  mais  d'une  couleuf 
incomparablement  plus  heUe.  ,  .  .  Le  bîaiîc  &  le  roîf 
dominent  fur  channe  poi;^  êc  il  y  a  une  efpèce  de-roaige' 
qui  fait  la  nuance  entre  le  noir  &-  le  Hanc.  Sa  queutf 
eCi  couverte  d'un  poil  avec  les  mêmes^  nuances,  &  plus- 
Tong  que  ce'ui  du  corps.  Il  a  la  tète  couverte  d'an  p€titr 
poiî  ras  ;  fes  yeux  font  gros-  &  f<?s  oreilles  courtes  & 
arrondies  ;  cette  mangoufte  avoit  deux  pieds  &  demi' 
fie  long  depuis  la  tête  jufqn'à  Textrémité  de  ^a  queue,.,. 
elle  venoit  du  royaume  de  Calicuf ,  &  a  été  apporté  en 
France  dans  un  vailTeau  de. notre  efcadre;  elle  a  vécu' 
à  Paris  cinq  mois  :  elle  étoit  devenue  fort  fômilière,. 
Cuiiofit.  de  la  Nat.  &  deVAn.  Paris,  lyo^  ,p^ag.  zît. 

(A)  L^icneumon  eft  delà  grandeur  du  chat^  mais  i*' 
a  la  forme  d'une  mufaraigne.  ....  Tout  fon  corps  eft" 
couvert  de  poils  longs ,  roides  ,  rayes  &  tachetés  de- 
blanc  ,  de  noir  &  de  jaune.  Cet  animal,  qui  eft  trèp' 
commun  dans  les  campagnes  rfu  Cap,  eft  grand  deftmc^ 
teur  de  ferpens  &  d'oifeaux.  Dtfcrinion  du  cap  de  Bonni,^ 
tfpcrancSf  par  Kolbcy  tome  111,  chap.  5. 


1 1 6  Hïjloirt  naturdh 

en  rond  &  cache  fa  tête  entre  fès  cuîffes- 
Il  a  une  petite  voix  douce,  une  efpèce  de 
murmure  ,  &  fon  cri  ne  devient  aigre  que 
lorfqu^on  le  frappe  &  qu'on  l'irrite  :  au  refte  , 
la  mangoufte  étoit  en  vénération  chez  les  an- 
ciens Egyptiens ,  &  mériteroit  encore  bien 
aujourd'hui  d'être  multipliée  ,  ou  du  moins 
épargnée,  puifqu'elle  détruit  un  grand  nom- 
bre d'animaux  nuifibles,  &  fur  tout  les  cro- 
codiles dont  elle  fait  trouver  les  œuÉs ,  quoi- 
que cachés  dans  le  fable  ;  la  ponte  de  ces- 
animaux  cft  fi  nombreufe  (/),  qu'il  y  auroit 
tout  à  craindre  de  leur  multiplication ,  fi  la 
mangoufte  n'en  détruifoit  les  germes» 


(  /)  Le  pîu-s  grand  fervice  que  Hchneumon  rende  à 
l'Egypte  ,  eft  de  brifer  les  œufs  des  crocodiles  par-tout 
où  il  les  rencontre  ;  c'eft  pour  cela  que  les  aïKÎens. 
Egyptiens  lui  portoient  un  cuire  religieux.  Voyage  de 
Paul  Lucas  ,  tûme  III  y  page  205.  —  C'étoit  avec  juftice 
que  les  anciens  Egyptiens  révéroient  l'ichneumon  ou 
rat  de  Pharaon.  L'on  dit  que  de  quatre  cents  œufs  que 
le  crocodile  pond  à  la  fois,  pour  en  fauver  quelques- 
uns  de  la  fureur  de  cet  ennemi  mortel  de  fon  efpèce  , 
îl  eft  obligé  de  les  tranfporter  dans  quelques  petites 
>s!es,  lorfque  le  Nil  s'eft  retiré.  Difcription  del'Lgyg^f 
f.ir  MtdlUt^  t(jmi  IJj  page  izt^^ 


^ 


ie  la  Fojfane.  117 

LA     FOSSANE    (a) 

VoycT;^  planche  VI ,  fi^^  i  de,  ce  Volume>_ 

V^UELQUES  Voyageurs  ont  appelle  la  Fof- 
fane  ,  Genette  de  Aîjdagafcar  ,  parce  qu'elle 
reffemble  à  la  Genette  par  les  couleurs  du 
poil  ,  &  par  quelques  autres  rapports  :  ce- 
pendant elle  eft  conûamment  plus  petite  ;  & 
ce  qui  nous  fait  penfer  que  ce  n'eft  point  une 
genette  ,  c'eft  qu'elle  n'a  pas  la  poche  odo- 
riférente  qui ,  dans  cet  animal ,  eft  un  attri- 
but effentiel.  Comme  nous  étions  incertains 
de  ce  fait,  n'ayant  pu  nous  procurer  l'animal 
pour  le  diflequer,  nous  avons  confulté  par 
lettres  M.  Poivre  ,  qui  nous  en  a  envoyé  la 
peau  bourrée ,  &  il  a  eu  la  bonté  de  nous 
répondre  dans  les  termes  fuivans  :  Lyon  y  iq 
juillet  lyôi.  «  La  FofTane  que  j'ai  apportée  d'i 
»}  Madagafcar ,  eft  un  animal  qui  a  les  mœurs 
j>  de  notre  fouine  :  les  habitans  de  l'isle  m'ont 
»  affuré  que  la  foffane  mâle  étant  en  cha- 
»  leur ,  fes  parties  avoient  une  forte  odeur 
»  de  mufc.  Lorfque  j'ai  fait  empailler  celle 
»  qui  eft  au  Jardin  du  Roi ,  je  l'examinai  at- 
»  tentivementi  je  n'y  découvris  aucune  pi> 


(a  )  Feffa  ou  Foffane ,  nom  de  cet  animal  à  Madaga{> 
c^r»  &  c^ue  uolu  avous  adopté. 


11??  Tfijîolrc  naturdli 

rt  che ,  &  je  ne  lui   trouvai  aucune   odeur 

5>  de  parfum.  J'ai  élevé  un   animal    fembla* 

»  ble  à  la   Cochinchine  ,  &  un  autre  aux. 

y>  isles  Philippines;  l'un  &  l'autre  étoient  des 

»  mâles  'y  ils  étoient  devenus  un  peu  fami- 

n  liers  ,  je  les  a  vois  eus  très  petits  ,  &  je 

Yt  ne  les  ai  guère  gardé»  que  deux  ou  trois 

•n  mois;  je  n'y  ai  jamais  trouvé  de  poche  en- 

»  tre  les  parties  que   vous   m'indiquez  ,  je 

«  me  fuis  feulement  apperçu  que  leurs  ex.- 

»  crémens  avoient  l'odeur  de  ceux  de  notre 

-n  fouine.  Ils  mangeoient  de  la  viande  &  dos 

«  fruits,  mais  ils  préféroient   ces  derniers, 

3>  &  montroient  fur- tout  un  goût  plus  décidé 

»  pour  les  bananes  >  fur  lefquelles  ils  fe  je- 

»  toient  avec  voracité.  Cet  animal   efl  très^ 

«  fauvage,  fort  difncile  à  apprivoifer;  &  cuoi- 

n  qu'élevé  bien  jeune,  il  conferve  toujours 

»  un  air  &  un  cara6lère  de  férocité,  ce  qui 

»  m'aparu  extraordinaire  dans  un  animal  qui 

»  vit  volontiers  de  fruit.  L'œil  de  la  Foflane 

5>  ne  préfente  qu'un  globe  noir  fort  grand, 

5?  comparé  à  la  groffeur  de  fa  tête  ,  ce  qui 

w  donne  à  cet  animal  un  air  méchant  n. 

Nous  fômmes  très  aifes  d'avoir  cette  oc- 
cafîon  de  marquer  notre  reconnoiflance  à  M^ 
Poivre,  qui,  par  goût  pour  l'Hiftoire  Natu- 
relle ,  &  par  amitié  pour  ceux  qui  la  culti- 
vent, a  donné  au  Cabinet  un  aflTez  grand  nom- 
bre de  morceaux  rares  &  précieux  dans  tous 
les  genres. 

Il  nous  paroît  que  Panimal  appelle  Berht 
en  Guinée ,  eft  le  même  que  la  fofl'ane .,  6c 
que  par  conféquent  cette  efpèce  fe  trouve 
çn.  Afrique  comme  en  Afie,  «4  Le  berbé  y  di- 


àt  la.  Fojjane,  119 

»  fent  les  Voyageurs!^ è),  a  le  tmifeau  plus 
j>  pointu  &  le  corps  plus  petit  que  le  chat , 
»  il  eft  marqueté  comme  la  civette.  >>  Nous 
ne  connoiflbns  pas  d'animal  auquel  ces  indi- 
cations,  qui  font  afîez  précifes,  conviennent 
mieux  qu'à  la  folTane. 

———————  m  M 

{h)  Voyage  en  Guinée»  par  Bofman  ,pagt  ifC  ^  fig^ 


110  Hijîotn  naturelle 


LE    VANSIRE    [a]. 

yoyci  planche  Vl^fig»  3  de  ce  Volume, 


V><EUX  qui  ont  parlé  de  cet  animal  ,  l'ont 
pris  pour  un  furet,  auquel  en  effet  il  reffem- 
ble  à  beaucoup  d^égards  ,  cependant  il  en 
diffère  par  des  caraftères  qui  nous  paroifTent 
fulfifans  pour  en  faire  une  efpèce  diftin(5ie 
&  féparée.  Le  Vanfire  a  douze  dents  màche- 
lières  dans  la  mâchoire  fupérieure ,  au  lieu 
que  le  furet  n'en  a  que  huit  ;  &  les  mâche- 
lières  d'en  bas ,  quoiqu'en  égal  nombre  de 
dix  dans  ces  deux  animaux  ,  ne  fe  reffem- 
blent  ni  par  la  forme  ni  par  la  fituation  ref- 
peclive  :  d'ailleurs  le  vanfire  diffère  ,  par  la 
couleur  du  poil ,  de  tous  nos  furets  ,  quoi- 
oue  ceux-ci ,  comme  tous  les  animaux  que 
l'homme  prend  loin  d'élever  &  de  m.ultiplier, 
varient  beaucoup  enir'eux,  même  du  mâle 
à  la  femelle. 


{a)  Vanfire  y  mot  dérivé  de  Vohang-shira ,  nom  de 
cet  animal  à  Madagafcar,  La  province  de  Balta  ,  dans 
le  royaume  de  Congo,  cfFre  une  infinité  de  beaux  fa- 
. blés  (martres),  qui  portent  le  nom  A'Infirc.  Hijîoire  gi- 
néralc  dcj  Voyages,  tome  V,  page  87.  Nota.  Il  n'y  3 
point  de  fables  ou  de  martres  à  Congo ,  Ôî.  la  reflfem- 
bla.'i.e  du  nom  nous  fait  croire  que  l'ir.fire  de  Conga 
pourroit  bàea  être  le  vao&re  de  Mada^afcar, 

u 


du    Vûrijfîrt^  1 1 1 

n  nous  paroît  que  l'animal  indiqué  par  Séba 
(^)  fous  la  dénomination  d€  Edeite  de  Java^ 
5qu'il  dit  que  les  habitans  de  cette  isle  nom- 
snent  Koger-Angan ,  &  qu'enfuite  M.  Briflba 
{ c  )  a  nommé  Furet  de  Java  ,  pourroit  bien 
être  le  même  animal  que  le  vanfire;  c'eft  au 
moins ,  de  tous  les  animaux  connus ,  celui  du- 
quel il  approche  le  plus  ;  mais  ce  qui  nous 
empêche  de  prononcer  décilivement  ,  c'eft 
que  la  defcription  de  Séba  n'eftpas  alTez  com- 
plète pour  qu'on  puifle  établir  la  jufte  com- 
paraifon  qui  feroit  néceffaire  pour  juger  fans 
fcrupule.  Nous  la  mettons  fous  les  yeux  du  lec- 
teur {d)  3  pour  qu'il  puifle  lui-même  la  com- 
parer avec  la  nôtre. 


(h)  Mujlela  Javanlca.  Ah  incolis  /«ly*,  Koger-angan 
vocatar    -•  ba  ,  vol  1,  pag.  77,  n*.  4,  tab.  48,  fig.  4, 
V  c  )    Nlufiela  fupra   ntfa  ,   infra    diluU  flava  ,   cauitt 

Hfict    nigricante Viverra   Javanica.  Le  furet  de 

Java.  BriflT.  R^gn,  anim.  pag,  145, 

{i j  JivcKica  hac  muftcla ,  hic  rcprcfentata ,  eollo  & 
<ûrpcre  cfi.  hrtvlorihus  quant  fiofiras  ;  caput  teçentes  pili 
■cbjcure  fpadicei  funt ,  ruf.  qui  dorfum ,  diLuti  vero  flavl 
qui  vcntrem  vefliunt  ^  caudd  intérim  in  apiccm  ofiutnn  S^ 
ftig/ûantem  dcfninu,  Séba,  yoU  Ii  pag»  7^« 


^y»lu« 


^jJmspkdes,  Tame  VI, 


11^  Hijloirt  naturelle 


LES    MAKIS    [a] 


c 


OMME  Ton  a  donné  le  nom  de  Maki  à 
plufieurs  animaux  d'efpèces  différentes,  nous 
ne  pouvons  l'employer  que  comme  un  terme 
générique  ,  fous  lequel  nous  comprendrons 
trois  animaux  qui  le  reffemblent  âifez  pour 
étr3  du  même  genre ,  mais  qui  diffèrent  aufîi 
par  un  nombre  de  caraftères  futfifans  pour 
conïlituer  des  efpèces  évidemment  différentes- 
Ces  trois  animaux  ont  tous  une  longue  queue  , 
&  les  pieds  conformés  comme  les  finges  ;  mais 
leur  mufeau  eft  alongé  comme  celui  d'une 
fouine,  &  ils  ont  à  la  mâchoire  inférieure 
fix  dents  incifives,  au  lieu  que  tous  les  fm- 
ges  n'en  ont  que  quatre.  Le  premier  de  ces 
animaux  efl  le   Mocock  (  ^  )  ou  Mococo  , 


(  a  )  Noti?.  II  paroît  que  le  mot  Maki  a  été  dérivé 
de  mocok  ou  mancauc ,  qui  eft  le  nom  que  l'on  donne 
communément  à  ces  animaux  au  Mozambique  &  dans 
les  isles  voifines  de  Madagafcar ,  dont  ils  font  origi- 
raires. 

{b)  Mocok  ou  mococo ,  nom  de  cet  animal  fur  les 
côtes  orientales  de  l'Afrique  ,  &  que  nous  avons  adopté, 
%<■  L'isle  de  Johanna  ,  fur  la  côte  du  Mozambique,  pro- 
»♦  duit  une  efpèce  de  bêtes  qui  reffemblent  au  renard,  & 
»♦  qui  ont  l'œil  très  vif;  leur  poil  eft  laineux  &  couleur 
»♦  de  fouris  :  leur  queue  ,  qui  a  environ  trois  pieds  de 
»»  long,  eft  bariolée  avec  des  cercles  Yioirs,  à  un  pouce 
»  d^  di^ançe  :  \ç%  habîtans  les  appuient  mocoK  Quand 


Tom  ."vnc. 


PI-  7 


lX,e  ]\iococo.  ^  X^  e  TAorv^oujr.  5  L.  e  VUrc  . 


dts  Makis,  !!} 

(  Voye^  planche  VU ,  fig.  i  de  c£  vol.  )  que  i*on 
connoît  vulgairement  fous  le  nom  de  Makï 
à  queue  annelée.  Le  fécond  eft  le  Mongous 
(  Voye^  planche  VU ,  fig,  2.  de  ce  Vol,  )  (  c)  ap- 
pelle vulgairement  Mahi  hrua  ;  mais  <:ette 
dénomination  a  été  mal  appliquée^  ^rar,  dans 
cette  efpèce,  il  y  en  a  de  tout  bruns  (</), 
d'autres  qui  ont  les  joues  &  les  pieds  blancs 
(  g  ) ,  &  encore  d'autres  q^i  ont  les  joues  noi- 
res &  les  pieds  jaunes  (/).  Le  troifième  eft 


»«  on  les  prend  f&rt  jeunes,  on  ies  apprivôife  ?)ientot.  ♦♦ 
Voyage  de  Fr.  Henri  Groffi.  Londres,  1758,  ]p.a.gc  ^2, 
On  appelle  auffi  cet  animal  vary  à  Madagafcar.  «  Dans 
«  les  Ànipatres  &  M^afalles,  il  y  a  des  finges  blancs  en 
1»  quantité,  qu'ils  appellent  van^  qui  ont  la  queue  rayée 
vi  de  noir  &   de  blanc.   «    Voyage  de   Flaccoun ,  page 

Profimîa  <inerea^  caudA  cincla  annules  alicmatim  alhis 
^  nigris^  .  ...  Le  maki  à  queue  annelée.  BrilL  Rcgru 
Ardm.  pag.  222. 

The  maucauc-o,  Edvards  ,  Hifi.  of  Birds ,  page  197  ^ 
/g.  ibid. 

Catta  Lemarxaudd  annuLatâ^  Linn.  Syft,  aat.  edil.  X, 
page  30. 

(  c)  Mongous  ,  nom  de  cet  ,ani«ial  aux  Indes  orien- 
tales »  &  que  nous  avons  adopté. 

(d)  Simia  Jciurus  lannginofus  fufUis.  Petiver  Gaza- 
phy).  tab.  17,  fig.  5.  ^      '  _ 

(é)   Profimia  fufia.   Le   maki.   BriflTon  ,  Rcgn.  aniin 
page  aao.  Profimia  fufca,  nafo  ^  gutture  &  pecUbus  albts^ 
^  .  .  ,.   Le  maki   aux   pieds  blancs.  BrilT.   Rcgn.    anim» 
page  221. 

The  mongoo:^.  Le  mongous.  Glanures  ■,  Edwards  y  page 
12,  fig.  ibid. 

{  f)  Profimia  fufca  y  ru fo  admlxto  ,Jacic  nigra  ^  pedihus 
ffj/vis^  ....  Le  maki  aux  pieds  fauves.  Brifl".  Regn^ 
anim,  psge  221* 

L  2 


tl4  Hijîoin  naturelle 

Je  Va  ri  (  Voye^  planche  VII ,  figure  3  de  ce 
Volume)  (^)  ,  appelle  par  quelques-uns  ALzki' 
pie  ;  mais  cette  dénomination  a  été  mal  ap- 
pliquée ,  car,  dans  cette  efpèce,  outre  ceux 
qui  font  pies ,  c'efl  à- dire  ,  blancs  &  noirs  ,  il 
y  en  a  de  tout  blancs  &  de  tout  noirs  {h). 
Ces  quatre  animaux  font  tous  originaires 
des  parties  de  l'Afrique  orientale  ,  &  notam- 
ment de  Madagafcar  où  on  les  trouve  en  ^rand 
nombre. 

Le  mococo  eft  un  joli  animal ,  d'une  phy- 
fionomie  fine,  d'une  figure  élégante  &  fvelte, 
d'un  beau  poil  toujours  propre  &  luftré  ;  il 
eft  remarquable  par  la  grandeur  de  fes  yeux, 
par  la  hauteur  d^  fes  jambes  de  derrière  qui 
îbnt  beaucoup  plus  longues  que  celles  de 
devant ,  &  par  fa  belle  &  grande  queue  qui 
eft  toujours  relevée ,  toujours  en  mouve- 
ment, &  fur  laquelle  on  compte  jufqu'à  trente 
anneaux  alternativement  noirs  &  blancs , 
tous  bien  diftinfts  &  bien  féparés  les  uns  des 
autres  :  il  a  les  mœurs  douces,  &  quoiqu'il 
reffemble  en  beaucoup  de  chofes  aux  fmges  , 
il  n'en  a  ni  la  malice  ni  le  naturel.  Dans  fon 
état  de  liberté  «  il  vit  en  fociété^  &  on  le 


(s)  Vari  ou  Varieoffî,  nom  dt  cet  animal  à  Madi- 
galcar,  &  que  nous  avons  adopté.  ♦♦  Il  y  a  à  Madaçaf- 
H  car  de  grands  finges  blancs,  qui  ont  des  taches  noires 
»  fur  les  côtés  &  fur  la  tète,  &  qui  ont  le  mufeau  long 
M  comme  un  renard  ;  ils  les  nomment  à  Manghabey  va» 
u  rieoffi.  >»   Voyage  de  Flaccourt ,  page  155. 

(A)  The  hlak  maucaueo.  Le  maucauco  nQir*  Ck^ufê» 
(tEdwardf  t  page  ij,  âg.  iiid* 


dcS  Makis,  IIÇ 

trouve  à  Madagafcar  (  i  )  par  troupes  de 
trente  ou  quarante  ;  dans  celui  de  captivité  , 
il  n'eft  incommode  que  par  le  mouvement 
prodigieux  qu'il  Te  donne ,  c*eft  pour  cela  qu'on 
le  tient  ordinairement  à  la  chaîne  :  car  c^uoi- 
que  très  vif  &  très  éveillé,  il  n'eft  ni  mé- 
chant ni  fauvage,  il  s'apprivoiTe  affez  pour 
cu*on  puifTe  le  laiffer  aller  &  venir  fans  crain- 
dre qu'ils 'enfuie  i  fa  démarche  eft  oblique 
comme  celle  de  tous  les  animaux  qui  ont 
quatre  mains  au  lieu  de  quatre  pieds: il  faute 
<3e  meilleure  grâce  &  plus  légèrement  qu'il 
ne  marche  ;  il  eft  affez  filencieux  &  ne  fait 
entendre  fa  voix  que  par  un  cri  court  &  aigu  ; 
qu'il  laiffe,  pour  ainfi  dire,  échapper  lorf- 
qu'on  le  furprend  ou  qu'on  l'irrite.  11  dort 
affis  ,  le  mufeau  incliné  &  appuyé  fur  fa  poi- 
trine ;  il  n'a  pas  le  corps  plus  gros  qu'un 
chat  ,  mais  il  l'a  plus  long  ;  &  il  paroît  plus 
grand,  parce  qu'il  eft  plus  élevé  fur  fes  jam- 
bes :  Ton  poil ,  quoique  très  doux  au  tou- 
cher ,  n'eft  pas  couché  ,  Sd  fe  tient  affez 
fermement  droit  ;  le  mococo  a  les  parties 
de  Ja  génération  petites  &  cachées ,  au  lieu 
que  le  mongous  a  des  tefticules  prodigieux 
pour  fa  taille  ,  &  extrêmement  apparens. 

Le  mongous  eft  plus  petit  que  le  mococo; 
il  a  comme  lui  le  poil  foyeux  &  affez  court , 
mais  un  peu    frifé  :  il  a    aufti  le   nez   plus 


(  /■  )  Les  varis  qui  ont  la  queue  rayée  de  noir  &  de 
blanc,  marchent  en  troupes  de  trente,  quarante  ou 
cinquante.  Ils  reffembleat  aux  yaricoflls.  Voyage  de 
fUîioun  ^  page  1J4, 

L3 


ii6  Hifloln  namreîU 

gros  que  le  mococo ,  &  affez   fembîabîe  à 
celui  du  vari.  J'ai  eu  chez  moi  pendant  plu- 
fieurs  années  un  de  ces  mongous  qui  étoit 
tout  brun;  il  avoit  l'œil  jaune,  le  nez  noir 
&  les  oreilles  courtes  ;  il   s'amufoit  à  man- 
ger fa  queae,  ^  en  avoit  ainfi  détruit  les 
quatre   ou  cinq  dernières  vertèbres;  c'étoit 
un  animal  fort  fale  &  affez  incommode  ;  on 
étoit  obligé  de  le  tenir  à  la  chaîne  ;  &  quand 
il  pouvoit  s'échapper,  il  entroit  dans  les  bou- 
tiques du  voifinage  pour  chercher  des  fruits  , 
du  fucre  ,  &  fur-tout  des  confitures  dont  il 
ouvroit  les  boîtes  ;  on  avoit  bien  de  la  peine 
à  le  reprendre  ,  &  il   mordoit  cruellement 
alors  ceux  même  qu'il  connoiffoit  le  mieux  : 
il  avoit  un  petit  grognement  prefque  con- 
tinuel ;  &  lorfqu'il   s'ennuyoit  &   qu'on  le 
laiffol:  'euljil  fe  faifoit  entendre  de  fort  loin 
par  un  croaffement  tout  femblabîe  à  celui  de 
la  grenouille;  c'étoit  un  mâle,  &  il   avoit 
les  tefticules  extrêmement  gros  pour  fa  taille; 
il  cherchoit  les  chattes,  &  même  fe  fatis- 
faifoit  avec  elles,  mais  fans  accouplement  in- 
time &  (ans  produ^lion.  Il  craignoit  le  froid 
&  l'humidité,  ilne  s'éloignoit  jamais  du  feu, 
&  fe  tenoit  debout  pour  fe  chauffer  :  on  le 
nourriffoit  avec  du  pain  &  des    fruits  ;   fa 
langue  étoit  rude  comme  celle  d'un  char  ; 
&  fi  on  le   laiffoit  faire  ,  il  léchoit  la  main 
jufqu'à  la  faire   rougir ,  &  finiffoit  fouvent 
par  Tentam.er  avec  les  dents.  Le  froid  de  l'hi- 
ver, 1750,  le  fit  mourir  ,  quoiqu'il    ne  fût 
pas  forti  du  coin  du  feu  ;  il  étoit  très  bruf- 
que   dans  fes  mouvemens  ,  &  fort  pétulant 
par  inftan$  ;  cependant  il  dornM>it  fouvent  le 


des  Makis,  1%J 

Jour,  mais  (î*un  fommeil  léger  que  le  moindre 
bruit  interrompoit. 

11  y  a  dans  cette  efpèce  du  mongous  plu-» 
fieurs  variétés  ,  non-feulement  pour  le  poil , 
mais  pour  la  grandeur;  celui  dont  nous  ve- 
nons de  parler  étoit  tout  brun ,  &  de  la  taille 
d'un  chat  de  moyenne  grofîeur.  Nous  en 
connoifTons  de  plus  grands  &  de  bien  plus  pe- 
tits ;  nous  en  avons  vu  un  qui ,  quoiqu'adulte  , 
n'étoit  pas  plus  gros  qu'un  loirj  fi  ce  petit 
mongous  n'étoit  pas  reflemblant  en  tout  au 
grand,  il  feroit  fans  contredit  d'une  efpèce 
différente  ;  mais  la  relfemblance  entre  ces 
deux  in<iividus  nous  a  paru  fi  parfaite  ,  à 
l'exception  de  la  grandeur,  que  nous  avons 
cru  devoir  les  réduire  tous  deux  à  la  même 
efpèce  ,  fauf  à  les  diftinguer  dans  la  fuite 
par  un  nom  différent,  fi  l'on  vient  à  acqué- 
rir la  preuve  que  ces  deux  animaux  ne  fe 
mêlent  point  enfemble  ,  &  qu'ils  foient  auiîî 
difFérens  par  l'efpèce  qu'ils  le  font  par  la 
grandeur. 

Le  vari  (  ^  )  efl  plus  grand ,  plus  fort  & 
plus  fauvage  que  le  mococo  ,  il  efl  même 
d'une  méchanceté  farouche  dans  fon  état  de 
liberté.  Les  Voyageurs  difent  «  que  c&s  ani- 
»  maux  font  furieux  comme  des  tigres ,   & 


WH 


(^)  JVoM.  Flaccourt  ,  qui  appelle  le  mococo  yari^ 
donne  à  celui  ci  le  nom  de  varicojfy  ;  il  y  a  toute  ap- 
parence que  cojfy  eft  une  épithète  augmentative  pour 
la^  grandeur,  la  force  ou  la  férocité  de  cet  animal  ,  qui 
ilifFere  en  ejffét  du  mococo  par  ces  attributs  Se  parplu» 
fieurs  autres, 

L  4 


1 18  Hijloln   nazurelèt, 

n  qu'ils  font  un  tel  bruit  dans  les  bois ,  que^ 
SI  s'il  y  en  a  deux  ,  il  femble  qu'il  y  en 
»  ait  un  cent ,  &  qu'ils  font  ?rès  difficiles  à 
j»  apprivoifer  (/).  »  En  effet,  la  voix  du 
vari  tient  un  peu  du  rugiffement  du  lion, 
&  elle  eft  effrayante  lorfqu'on  l'entend  pour 
la  première  fois  ;  cette  force  étonnante  de 
voix  dans  un  animal ,.  qui  n'eft  que  de  mé- 
diocre grandeur,  dépend  d'une  flruélure  fin- 
gulière  dans  la  trachée-artère  ,  dont  les  deux 
branches  s  elargiffent  &  forment  une  large 
concavité,  avant  d'aboutir  aux  bronches  du 
poumon;  il  difiere  donc  beaucoup  du  mococo 
par  le  naturel ,  aufli-bien  que  par  la  confor- 
mation; il  a  en  général  le  poil  beaucoup 
plus  long ,  &  en  particulier  une  efpèce  de 
cravate  de  poils  encore  plus  longs  qui  lut 
environne  le  cou ,  &  qui  fait  un  caractère 
très  apparent,  par  lequel  il  eft  aifé  de  le 
reconnoître  ;  car  au  refte  il  varie  du  blanc 
au  noir  &  au  pie  par  la  couleur  du  poil  ^ 
qui ,  quoique  long  &  très  doux  ,  n'eft  pas 
couché  en  arrière,  mais  s'élève  prefque  per- 
pendiculairement fur  la  peau:  il  a  le  mufeai* 
plus  gros  &  plus  long  à  proportion  que  le 
mococo,  les  oreilles  beaucoup  plus  Gourte$ 
&  bordées  de  longs  poils ,  les  yeux  d'un  jaune^ 
orangé  fi  foncé  qu'ils  paroifTent  rougis. 


(/)  Voyage  de  Flaccourt ,  pages  tf-^  &  1^4.  Notai 
Lorfqae  cet  animal  eft  pris  jeune  ,  il  perd  apparemment 
toute  fa  férocité  ,  ô(  il  paroît  auifi  doux  que  le  mococo» 
M  C'eft,  dit  M.  Edwards,  un  animal  d'un  naturel  fo- 
n  ciable ,  doux  &  pacifique  ,  qui  n'a  rien  de  la  rufe  oi 
»  de  la  malice  du  fiivge.  >»  Gùtnurts^  page  tj. 


des  Makis,  129 

Les  mococos  ,  les  mongous  &  les  varis  font 
du  même  pays  &  paroiffent  être  confinés  à 
Madagafcar  ^m  )  ,  au  Mozambique  &  aux 
terres  voifmes  de  ces  isles  ;  il  ne  paroît ,  par 
aucun  témoignage  des  Voyageurs ,  qu'on  les 
art  trouvés  nulle  part  ailleurs  ;  il  femble 
qu'ils  foient  dans  l'ancien  continent ,  ce  que 
font  dans  le  nouveau  ,  les  marmofes  ,  les 
cayopollins  ,  les  phalangers  qui  ont  quatre 
mains  comme  les  makis,  &  qui,  comme  tous 
les  autres  animaux  du  nouveau  monde,  font 
fort  petits  en  comparaifon  de  ceux  de  l'an- 
cien ;  &  à  l'égard  de  la  forme  ,  les  makis 
femblent  faire  la  nuance  entre  les  finges 
à  longue  queue  &  les  animaux  filTipèdes ,  car 
ils  ont  quatre  mains  &  une  longue  queue 
comme  ces  fingcs ,  &.  en  même  temps  ils  ont 


(«)  La  province  de  Mclagaffe  à  Madagafcar  »  eft 
peuplée  d*un  grand  nombre  de  finges  de  plufieurs  ef- 
pèces  ;  on  en  voit  des  bruns  de  couleur  de  caftor  ,  ayant 
le  poil  cotonné,  la  queue  large  &  longue,  de  laquelle, 
étant  retroufTée  fur  le  dos,  ils  fe  couvrent  contre  U 
pluie  &  le  foleil ,  dormant  ainfi  cachés  fur  les  branches 
des  arbres  comme  l'écureuil.  Au  refle,  ils  ont  le  mu» 
feau  comme^  une  fouine  &  les  oreilles  rondes;  cette 
efpèce  eft  la  moins  nuifible  &  maligne  de  toutes.  Le* 
Antavarres  en  ont  de  même  poil  que  ceux-ci,  ayant 
une  forme  de  fraife  blanche  autour  du  cou  :  il  y  en  a 
de  tout  blancs  comme  neige,  de  la  groffeur  des  précé- 
dens,  aysnt  le  mufeau  long;  ils  gronder.t  comme  des 
cochons.  Relation  de  Madagafcar ,  par  F.  C«uthe  ,  page 
I7,j.  Nota.  Le  mongouï  ôc  le  vari  font  indiqués  par 
ce  paffage  d'une  manière  à  ne  pouvoir  s'y  méprendre; 
&  c'eft  fur  cette  autorité  que  j'ai  dit  qu'il  y  avoit  non- 
feulement  des  vacii  noie»  ôc  pies,  aaiis  encore  de  tout 
blancs* 


130  Hlflolre  naturel U 

le  mufeau  long  comme  les  renards  ou  les  foui- 
nes ;  cependant  ils  tienrrent  plus  des  finies 
par  les  habitudes  eflentielles  ',  car ,  quoiqu'ils 
mangent  quelquefois  de  Ta  chair  &  qu'ils  fe 
plaifent  aufli  à  épier  les  oifeaux  ,  ils  font  ce- 
pendant moins  carnafliers  que  frugivores  ,  & 
ils  préfèrent  même  dans  l'état  de  domefticité 
les  fruits,  les  racines  &.  le  pain,  à  la  chair  cuite 
ou  crue. 


Tora.^VT: 


PI.  8. 


F.'f  -  tu;  -  I^cutc  e^. 


M^M 


du   Loris,  1)1 

LE    LORIS    (a). 

Voye[  planche  VIII ,  figure  i  de  ce  volume. 

X-*E  Loris  eft  un  petit  animal  qui  fe  trouve 
à  Ceylan  ,  &  qui  eft  très  remarquable  par 
rélégance  de  fa  figure  &  la  fingularité  de  fa 
conformation  :  il  eft  peut-être  de  tous  les 
animaux  celui  qui  a  le  corps  le  plus  long 
relativement  à  la  grolTeur;  il  a  neuf  vertèbres 
lombaires  ,  au  lieu  que  tous  les  autres  ani- 
maux n'en  ont  que  cinq,fix  oufept,  &  c'eft 


(  û  )  Loris.  Loerisy  nom  que  les  HoUandois  ont  donné 
i  cet  animal,  &  que  nous  avons  adopté. 

Eles^antiJJimum  animal  mufei  D.  Charleton  ,  Tancred 
Robinfon  apud  Raium ,  Syn.  quad.  pag.  ï6i. 

Simia parva  ex  cinereo  f^fca  ,  nafo  producliore  ,  hrackiU , 
manibust  pedihufque  longis ,  tenuibus  y  Bêlais  een  Loris. 
Ex  Lidia  orientali,  Mufeum  Petropolit.  pag.  j^p. 

Animalculum  cynoccphalum  y  Ceylonicumt  Tardigradiim 
iicium  ,  fim'n  fpecies.  Séba  ,  vok  I,  tab.  jj,  jîg.  I  &  2. 
Nota.  L'Editeur  du  Cabinet  de  Séba  nous  paroît  avoir 
fait  ici  un  double  emploi ,  car  cet  animal  eft  le  même 
^ue  celui  qu'il  indique  fous  la  dénomination  de  Cercopi' 
thecus  Ccyionicus  feu  tardigradus ,  tab.  47  ,  fig.  I .  M, 
Briffon ,  d'après  Séba ,  a  fait  le  même  double  emploi 
fous  les  dénominations  de  Singe  de  Ceylan ,  Regn.  anim. 
fag.  t()0,  &  Singe  cynocéphale  de  Ceylan,  pag.  î^i. 

Tardigradus.  Lemur  ecaudatus.  Mnf.  ad  Fr.  » ,  pag.  j. 
Simia  ecaudata  unguibus  indlcis  fubulatis,  Syji,  nat.  5  » 
II*.  î,  Linn,  Syft.  nat.  edit.  X ,  page  zq. 


1 3  1  Hljioîh  natunlU 

delà  que  dépend  l'alongement  de  Ton  corps  ? 
qui  paroît  d'autant  plus  long  qu'il  n'eft  pa» 
terminé  par  une  queue  ;  fans  ce  défaut  de 
queue  &  cet  excès  de  vertèbres  ,  on  pour- 
roit  le  comprendre  dans  la  lifte  des  Makis, 
car  il  leur  reflemble  parles  mains  &  les  pieds 
qui  font  àpeu-près  conformés  de  même,  & 
auiîi  par  la  qualité  du  poil ,  par  le  nombre 
dés  dents ,  &  par  le  mufeau  pointu  ;  mais  , 
indépendamment  de  la  fmgularité  que  nous 
venons  d'indiquer ,  &  qui  l'éloigné  beaucoup 
des  makis  ,  il  a  encore  d'autres  attributs  par- 
ticuliers. Sa  tête  efttout-à-f  it  ronde  ,  &  fon 
mufeau  eft  prefque  perpendiculaire  fur  cette 
fphère  ;  fes  yeux  font  exceîîivement  gros  & 
très  vo.fms  l'un  de  l'autre  ;  fes  oreilles  larges 
&  arrondies  font  garnies  en  dedans  de  trois 
oreillons  en  forme  de  petite  conque  ;  mais 
ce  qui  eft  encore  plus  remarquable ,  &  peut- 
être  unique ,  c'eft  que  la  femelle  urine  par 
le  clitoris  ,  qui  eft  percé  comme  la  verge 
du  mâle ,  &  que  ces  deux  parties  fe  reffem- 
blent  parfaitement,  même  pour  la  grandeur 
&  la  groffeur. 

M.  Linnœus  a  donné  une  courte  defcrip- 
tion  de  cet  animal  (A),  qui  nous  a  paru  très 


{h)  Sutura  fciuri , fuhferrugînea  alinéa  dorfaU  fuhfufca  : 
plia  albidiore  Unea  longitudinalis  oculis  interjeta.  Faciès 
ucia  ,  auriculce.  urceolatx  ,  ir.tus  hifoliaut ,  ptdum  palmit 
plantsgue  nud<it ,  ungues  rotundati ,  indicum  piantarurji  ver» 
fubulati.  Cauda  fere  nulla  ,  mammx  2  in  peHore  ;  z  in 
ahdomine  verjus  peclus.  Animal  tardigradum ,  audieu  «jp- 
cellens  ,  monogamum,  Linn.  Syfi,  nat.  edit.  X,  pag.  50. 
Nota^  Cet  aaunal  a'ayant  point  da  tout  de  queu«  %  îk 


étt  Lonsl  nj 

conforme  à  la  Nature  ;  il  eft  aufli  fort  bien 
reprérentè  dans  l'ouvrage  de  Séba  ,  &  il  nous 
paroît  que  c'eft  le  même  animal^  dont  parle 
Thévenot  dans  les  termes  fuivans  :u  Je  vis, 
1)  au  Mogol ,  des  linges  dont  on  faifoit  grand 
M  cas ,  qu'un  homme  avoit  apportés  de  Cey- 
>»  lan ,  on  les  eftimoit  parce  qu'ils  n'étoient 
»  pas  plus  gros  que  le  poing ,  &  qu'ils  font 
I»  d'une  efpèce  différente  des  finges  ordinai- 
»  res;  ils  ont  le  front  plat,  les  yeux  ronds 
»  &  grands,  jaunes  &  clairs   comme  ceux 

V  de  certains  chats  :  leur  mufeau  eft  fort 
I)  pointu  &  le  dedans  des  oreilles  efl  jaune; 

t>  ils  n*ont  point  de  queue quand 

»  je  les  examinai ,   ils  fe  tenoient  fur   les 

V  pieds  de  derrière,  &  s'embraflbient  fou- 
t)  vent,  regardant  fixement  le   monde  i^1i$ 

V  s'efEaroucher  (  c  )  ». 


faut  retrancher  de  cette  defcriptîon  le  mot  de  fert.  Il 
ne  paroît  pas  non  plus ,  par  les  proportions  du  corps  & 
des  membres ,  qu'il  foit  lent  à  marcher  ou  à  fauter  ;  & 
je  crois  que  l'épithète  dé  tardlgradus  ne  lui  a  été  donnée 
par  Séba ,  qu«  parce  qu'il  s'eft  imaginé  lui  trourer 
quelque  reffemblance  avec  le  pareffeux. 

(c)  Yoyti  là  relation  de  Théveaot,  t9mc  III,  f^yc 
*I7* 


Mi 
^0- 


134  Mîjlolrt  naturdU 

LA    CHAUVE-  SOURIS 

FER' DE-LANCE    {a). 

f^oye^  planche  FJII ,  fig.  2  de  ce  Volume, 

JL/ANsle  gfand  nombre  d'efpèces  de  Chauve- 
iburis  qui  n'étoient  ni  nommées  ni  connues  , 
nous  en  avons  indiqué  quelques-unes  par  des 
noms  empruntés  des  Langues  étrangères  ,  & 

(a)  Vefpenilio  Americanus  viilgarif.  La  Chauve -fou- 
ris  commune  d'Amérique.'  Séba  ,  vol.  7,  pag.  90,  tah, 

Vefpenilio  murini  coloris ,  pedihus  anticis  tetradactylis , 

pojiicis  pentadaclylis  ,    nafo  crifiato VefpertilLo 

Americanus.  La  Chauve  fouris  d'Amérique.  Briflfon , 
B-egn.  anim.  page  228.  Nota.  M.  Briffon  s*e{l  trompé 
en  ne  donnant  à  cette  chauve^-fouris  que  quatre  doigts 
aux  ailes  i  c'eft  la  figure  donnée  par  Séba  qui  l'a  induit 
en  erreur,  elle  ne  préfente  en  effet  que  trois  doigts 
dans  la  membrane  de  l'aile,  &  un  quatrième  qui  fait  le 
pouce,  mais  c*eft  une  faute  du  Deffinateur.  M.  Ed- 
wards, qui  a  été  plus  exaft  dans  le  defTin  qu'il  a  faît 
de  cet  animal ,  y  a  marqué  les  cinq  doigts  qa'il  a  réel- 
lement comme  toutes  les  autres  chauve-fouris. 

VcfpertiUo  roflro  appendice  auricu/a  forma  donato.  Sloa- 
ne,  Hiji.  ûfjamaïc.  vol.  U ,  page  3^0. 

Bat  from  ]amaica.  Edwards,  of  Birds ,  page  20i  , 
tab.  ihid.   fig.  i. 

PerfpicHUtus  vefpcrtilio  ecaudatus ^  nafo  foliato  p^ano 
acuminato.  Syji.  nai.  7.  Muf.  ad  Fr.  /,  pag.  7.  LilMï, 
5>:/2.  nat,  edit,  X,  page  31. 


de  la  Chauve- fouris  Fer-de-Iance.  1-35 

ci*autres  par  des  dénominations  tirées  de  leur 
caractère  le  plus  frappant  ;  il  y  en  a  une 
que  nous  avons  appellée  le  Fer-à-chevali  parce 
qu'elle  porte  au-devant  de  fa  face  un  relief 
exaftement  femblable  à  la  forme  d'un  fer-à- 
cheval.  Nous  nommons  de  même  celle  dont 
il  eft  ici  queftion ,  le  Fer-de-  lance ,  parce  qu'elle 
préfente  une  crête  ou  membrane  en  forme 
de  trèfle  très  pointu ,  &  qui  refîemble  par- 
faitement à  un  fer-de-lance  garni  de  fes  oreil- 
lons. Quoique  ce  caraélère  fuffife  feul  pour 
la  faire  reconnoître  &  diftinguer  de  toutes 
les  autres  ,  on  peut  encore  ajouter  qu'elle 
n'a  prefque  point  de  queue ,  qu'elle  eft  à-peu- 
près  du  même  poil  &  de  la  même  groÔeur 
que  la  chauve-fouris  commune  ,  mais  qu'au 
lieu  d'avoir  comme  elle  &  comme  la  plupart 
des  autres  chauve-fouris,  ftx  dents  incifives 
à  la  mâchoire  inférieure  ,  elle  n'en  a  que 
quatre  :  au  refte  cette  efpèce ,  qui  eft  fort 
commune  en  Amérique,  ne  fe  trouve  point 
en  Europe. 

Il  y  a  au  Sénégal  une  autre  chauve-fouris , 
qui  a  auffi  une  membrane  fur  le  nez;  mais 
cette  membrane,  au  lieu  d'avoir  la  forme  d'un 
fer- de -lance  ou  d*un  fer-à- cheval  ,  comme 
dans  les  deux  chauve-fouris  dont  nous  ve- 
nons de  faire  mention  ,  a  une  figure  plus 
fimple  &  reffemble  à  une  feuille  ovale  ; 
ces  trois  chauve-fouris  ,  étant  de  difFérens 
climats  ,  ne  font  pas  de  fimples  variétés,  mais 
des  efpèces  diiiinétes  &  féparées.  M.  Dau- 
benton  a  donné  la  defcription  de  cette  chau- 
ve-Iburis  du  Sénégal  fous  le  nom  de  la  FmilU 


1^6  TfiJIoire  naturelle 

dans  les  Mémoires  de  V Académie  -des   Sciences  ^ 
année  f/^ç  ,  page  574. 

Les  chauve- Iburis,  qui  ont  déjà  de  grands 
rapports  avec  les  oifeaux  par  leur  vol ,  par 
leurs  aîles  &  par  la  force  des  mufcles  peÔo- 
raux  ,  paroifîent  s'en  approcher  encore  par 
ces  membranes  ou  crêtes  qu'elles  ont  fur  la 
face  ;  ces  parties  excédentes ,  qui  ne  fe  préfen- 
tent  d'abord  que  comme  des  difformités  fuper- 
flues,font  les  caraélères  réels  &  les  nuances 
vifibles  de  l'ambiguïté  de  la  Nature  entre  ces 
quadrupèdes  volans  &  les  oifeaux  -,  car  la  plu- 
part de  ceux-ci  ont  auffi  des  membranes  & 
des  crêtes  autour  du  bec  &  de  la  tête ,  qui 

?3roiffent  tout  auili  fuperôues  que  celles  des 
hauve-fouris. 


LE 


ToraVJ 


H. y 


T -L>e-    Ser-vaX.   2»>    JLooeXot    rrtauic.  5    X^a> 
Peraette  . 


du  Serxat,  IJ7 

LE    SERVAL    (a). 

Voye:^  planche   IX ,  fig,   i  de  ce  Volume, 

V^ET  animal ,  qui  a  vécu  pendant  quelques 
années  à  la  Ménagerie  du  Roi ,  fous  le  nom 
de  Cha t- tigre ,  nous  paroît  erre  le  même  que 
celui  qui  a  été  décrit  par  Mrs.  de  l'Acadé- 
mie ,  Ibus  le  nom  de  C/iat-pard;  &  nous  igno- 
rerions peut-être  encore  Ton  vrai  nom  fi  M. 
le  marquis  de  Montmirail  ne  l'eût  trouvé 
dans  un  Voyage  italien  (h)  ,  dont  il  a  fait 
la  tradudion  &  l'extrait,  a  Le  Maraputé,  que 
w  les  Portugais  de  l'Inde  appellent  Serval  ^ 
n  (  dit  le  P.  Vincent  Marie ,  J  eft  un  animal 
n  fauvage  &  féroce ,  plus  gros  que  le  chat 
n  fauvage  &  un  peu  plus  petit  que  la  civette  , 
w  de  laquelle  il  diffère  en  ce  que  fa  tête  eft 
»  plus  ronde  &  plus  groffe,  relativement  au 
n  volume  de  fon  corps  ,  &  que  fon  front  pa- 


(  <J  )  Scrvaly  nom  que  les  Portugais  habitués  dar» 
î'Inde  ,  ont  donné  à  cet  aninnal,  que  les  habitans  de  Ma- 
labar appellent  Maraputé. 

Chatpard.  Mémoires  pour  ferrir  à  l'hiftoire  Aes  Ani- 
maux,  part,  I,  page  to<), 

{h)  Voyage  du  Père  F.  Vincent  Marie  de  Sainfe- 
Cathsrine  de  Sienne.  Venije ,  i^S^  y  in-^^.  paf^e  4C><?  , 
article  traduit  par  M,  le  marquis  de  Montmiri^il. 

M 


138  Hijlolre  naturelle 

3>  roît  creufé  dans  le  milieu  ;  il  refTemble  à  la 
«  panthère  par  les  couleurs  du  poil  qui  eft 
>»  fauve  fur  la  tête ,  le  dos ,  les  flancs ,  & 
w  blanc  fous  le  ventre  ,  &  aufli  par  les 
»  taches  qui  font  diftinôes,  également  dif- 
»  tribuées  &  un  peu  plus  petites  que  celles 
«  de  la  panthère  ;  fes  yeux  font  très  bril- 
n  lans ,  fes  mouftaches  fournies  de  foies  lon- 
»  gués  &  roides  ;  il  a  la  queue  courte ,  les 
»  pieds  grands  &  armés  d'ongles  longs  & 
»  crochus.  On  le  trouve  dans  les  montagnes 
n  de  l'Inde;  on  le  voit  rarement  à  terre  ,  ii 
»  fe  tient  prefque  toujours  fur  les  arbres  , 
it  OÙ  il  fait  fon  nid  &  prend  les  oifeaux ,  def- 
V  quels  il  fe  nourrit;  il  faute  aufîi  légèrement 
»  qu'un  finge ,  d'un  arbre  à  l'autre ,  &  avec 
ï>  tant  d'adreffe  &  d'agilité  qu'en  un  infiant 
»  il  parcourt  un  grand  efpace,  &  qu'il  ne 
»  fait,  pour  ainfi  dire  ,  que  paroître  &  dif- 
»  paroître  ;  il  efl  d'un  naturel  féroce  ,  cepen- 
»  dant  il  fuit  à  l'afpeft  de  l'homcne  >  à  moins 
i»  qu'on  ne  l'irrite  ,  fur- tout  en  dérangeant 
»  fa  bauge;  car  alors  il  devient  furieux  ,  il 
w  s'élance ,  mord  &  déchire  à-peu-près  comme 
»  là  panthère  ». 

La  captivité,  les  bons  ou  les  mauvais  trai- 
temens ,  ne  peuvent  ni  dompter  ni  adoucir 
îa  férocité  de  cet  animal  ;  celui  que  nous 
avons  vu  à  la  Ménagerie  étoit  toujours  fur 
le  point  de  s'élancer  contre  ceux  qui  l'appro- 
choient  :  on  n'a  pu  le  deffiner  ni  le  décrire 
qu'à  travers  la  grille  de  fa  loge;  on  le  nour- 
rifToit  de  chair ,  comme  les  panthères  &  les 
léopards. 

Ce  ferval  ou  maraputé  de  Mahbar  ^  des 


du  Serval,  139 

Indes  (c),  nous  paroît  être  le  même  animal 
que  le  chat- tigre  du  Sénégal  &  du  cap  de 
Bonne-efpérance ,  qui ,  félon  le  témoignage 
des  Voyageurs  (  ^)  reflemble  au  chat  par  la 
figure ,  &  au  tigre  (  c*eft"à-dire  ,  à  la  pan- 
thère ou  au  léopard  )  par  les  taches  noires 
&  blanches  de  fon  poil  ;  «  cet  animal ,  di- 
«  fent'ils ,  eft  quatre  fois  plus  gros  qu*un 
»  chat,  il  eft  vorace  &  mange  les  fmges , 
j)  les  rats  &  les  autres  animaux  ». 

Par  la  comparai  fon  que  nous  avons  faite 
du  ferval  avec  le  chat-pard  décrit  par  Mrs, 
de  l'Académie  j  nous  n'y  avons  trouvé  d'au- 
tres différences  que  les  longues  taches  du 
dos  &  les  anneaux  de  la  queue  du  chat-pard , 
qui  ne  font  pas  dans  le  ferval  ;  il  a  feulement 
ces  taches  du  dos  placées  plus  près  que  cel- 
les des  autres  parties  du  corps  ;  mais  cette 
petite  difconvenance  fait  une  différence  trop 
légère ,  pour  qu'on  puiffe  douter  de  l'identité 
d'efpèce  de  ces  deux  animaux. 


(  tf  )  II  y  a  à  Sagori  (  îsie  fur  le  Gange  )  Aei  cîiats  tîgres 
qui  font  gros  comme  un  mouton.  Nouveau  Voyage  ,  psr 
h  fieur  LuillUr.  Rotterdam  ,  1726  ,  page  90, 

{d)  Voyage  de  Le  Maire  ,  page  ioo.  —  Le  cîiat  è^n 
bois  ou  le  chat-tigre,  eft  le  plus  gros  de  tous  les  chat« 
fauvages  du  Cap;  fon  habitation  eft  dans  les  bois,  &  il 
eft  tacheté  à-peu-près  comme  un  tigre.  La  peau  de  ces 
animaux  donne  d'excellentes  fourrures  pour  la  chaleur 
&  pour  l'ornement,  auflî  fe  vendent-elles  fort  bien  au 
Cap.  Defcripdon  du  cap,  de  Bonne- e/péranee  ,  par  Koike , 
tome  III  >  pag^e  ^o. 


M  t 


1 40  Hijloirc    namniU 

L'  O  C  E  L  O  T    [a]. 

Voye:^  flanche  IX ,  figure  2  &  '^  de  ce  Valumc 

J-j*OCELOT  eft  un  animal  d'Amérique  féroce 
fk  carnalîier  ,  que  l'on  doit  placer  à  côté  du 
Jaguar ,  du  Cougar ,  ou  immédiatement  après  ; 
car  il  en  approche  pour  la  grandeur  ,  &  leur 
reflemble  par  le  naturel  &  par  la  figure.  Le 
mâle  &  la  femelle  ont  été  apportés  vivans  à  Pa- 
ris par  M.  TEfcot^  &  on  les  a  vus  à  la  foire  Su 
Ovide  au  mois  de  Septembre  de  Tannée  1764* 
ils  venoient  des  terres  voifines  de  Cartagène, 
&  ils  avoient  été  enlevés  tout  petits  à  leur 
mère  au  mois  d'06tobre  1763  ;  à  trois  mois 
d'âge  5  ils  étoient  déjà  devenus  affez  forts  6c 


(a)  Ocelot ,  mot  que  nous  avons  tiré  par  abréviatio» 
fte  Tlalccelod ,  nom  de  cet  animal  dans  Ton  pays  natal 
au  Mexique. 

Tlacooilott ,  ttaloctlùtt.  Cams  parius  Mexicanuj.  Her- 
nandès,  Hijl.  Mex.  page  512,  fig.  ibid. 

Pardalis.  F  élis  eauàa  elongatJ ,  corpore  maadis  fuperio- 

iihus  virgatis ,    inferioribus    orbiculatis habitat    in 

Aimrica.  Magaitudo  mefis  ^  fi'P''^  fi^fi'"^^  »  fubtin  a/bicans  ^ 
linect  punclaque  nigra  pcr  toium  corpus  longitudinaliter 
fpc^rfa  ;  fed  pedes  &  abdomen  tantum  punclis ,  latera  lineis 
fatioribus  albis  &  fufcis  pinguuntitr.  Aures  brèves  margint 
hi^ce  abfoiie  peniciliis ,  pedes  j^-^  caudâ  verticdlato  v^- 
negatd  proportione  cati.  Myfiaces  4  ordlnum  ,  in  fingu^o 
ordins  Jeta.  ?,  y,  y  ,  albx  ,  bafi  nigm,  longitudlne  capitis» 
Limj.'-5^jî.  nat,  edit.  X  »  page  41» 


it  t  Ocelot,  141 

aflez  cruels  pour  tuer  &  dévorer  une  chienne 
qu'on  leur  avoir  donnée  pour  nourrice  ;  à  un 
an  d'âge ,  lorfque  nous  les  avons  vus  ,  ils 
avoient  envion  deux  pieds  de  longueur,  & 
il  eft  certain  qu'il  leur  reftoit  encore  à  croî- 
tre, &  que  probablement  ils  n'avoient  pris 
alors  que  la  moitié  ou  les  deux  tiers  de  leur 
entier  accroiffement.  On  les  montroit  fous 
le  nom  de  chut- û^re ,  msiis  nous  avons  rejeté 
cette  dénomination  précaire  &  composée  , 
avec  d'autant  plus  de  raifon  ,  qu'on  nous 
a  envoyé  fous  ce  même  nom  le  Jaguar,  le 
Serval  &  le  Margay  ,  qui  cependant  font 
tous  trois  différens  les  uns  des  autres ,  diffé- 
rens  auffi  de  celui  dont  il  eft  ici  quéftion. 

Le  premier  Auteur  qui  ait  fait  mention 
expreffe  de  cet  anima)  ,  &  d'une  manière  à 
le  faire  reconnoître  ,  eft  Fabri  ;  il  a  fait  gra- 
ver les  deflîns  qu'en  avoit  faits  Recchi  ,  & 
en  a  compofé  la  defcription  d'après  ces  mê- 
mes deflins  ,  qui  étoient  coloriés  ;  il  en  donne 
auffi  une^  efpèce  d'hiftoire  ,  d'après  ce  que 
Grégoire  de  Bolivar  en  avoit  écrit  &  lui  en 
avoit  racofité.  Je  fais  ces  remarques  dans  la 
vue  d'éclaircir  un  fait  qui  a  jeté  les  Naturaliftes 
dans  une  efpèce  d'erreur,  &  fur  lequel  j'a- 
voue que  je  m'étois  trompé  comme  eux  :  ce 
fait  eft  de  favoir  fi  les  deux  animaux  defîînés 
par  Recchi  ,  le  premier  avec  le  nom  de 
Tlathuhquiocelod ,  &  le  fécond  avec  celui  de 
Tlacoo{lod,  Tlahcelotl ,  &  enfuire  décrits  par 
Fabri ,  comme  étant  d'<èfpèces  diflférenres,  ne 
font  pas  le  même  animal.  On  étoit  fondé  à 
les  regarder ,  &  on  les  regardoit  en  effet 
comme  différens,  quoique  les  figures  foient 


141  Hipoire  naturelîc 

afTez  femblables,  parce  qu*il  ne  laifTe  pas  d*y 
avoir  des  différences  dans  les  noms,  &  même 
dans  les  defcriptions  ;  j'avois  donc  cru  que 
le  premier  pouvoir  être  le  même  que  le  ja- 
guar, en  forte  que,  dans  la  nomenclature  de 
cet  animal ,  j'y  ai  rapporté  le  nom  Mexi- 
cain Tlatlauhquïocelotl  :  or  ce  nom  Mexicain 
ne  lui  appartient  pas ,  &  depuis  que  nous 
avons  vu  les  animaux  mâle  &  femelle  dont 
nous  parlons  ici ,  je  me  fuis  perfuadé  que 
les  deux ,  qui  ont  été  décrits  par  Fabri ,  ne 
font  que  ce  même  animal  dont  le  premier 
eft  le  mâle  ,  &  le  fécond  la  femelle  ;  il  falloir 
un  hafard  comme  celui  que  nous  avons  eu, 
&  voir  enfemble  le  mâle  &  la  femelle  pour 
reconnoître  cette  petite  erreur.  De  tous  les 
animaux  à  peau  tîp-ée^  .l'ocelot  mâle  a  cer- 
tainement la  robe  la  plus  belle  &  la  plus 
élégamment  variée  (h);  celle  du  léopard 
même  n*en  approche  pas  pour  la  vivacité 
des  couleurs  &  fe  régularité  du  deffin  ;  &  celle 
du  jaguar  ,  de  la  panthère  ou  de  l'once  en 
approche  encore  moms  ;  mais ,  dans  l'ocelot 
femelle ,  les  couleurs  font  bien  plus  foibles , 
&  le  deiîin  moins  régulier,  &  c'eft  cette  dif- 


(b)  Univerfum  corpus  fulchro  Tofcoqut  fuirubct  colore , 
excepta  hferiore  ventre  qui  albicat  potius  ;  maculls  rofa- 
rum  effigie ,  nigricantlbus  omnibus  intra  fuave  rubentem 
eolorem ,  tvtum  ita  corpus ,  pedes  &  cauda  ordlne  quodam 
dijlin:untur  ut  eleganum  plane  huic  animali  acu  picium 
i^^petem  vel  perïpitafma  impofitum  credercs  ;  funt  aiitem 
macttla  hct  in  dorfo  &  capite  rctundior<.s  majore/que  ;  verfus 
ventrem  verb  pcdefque  ohlongiufculx  &  multo  minores.  Fabri 
0pud  Hernand,  ïiijf,  Mex,  page  498, 


di  C Ocelot.  143 

férence  très  apparente  qui  a  pu  tromper  Rec- 
chijFabri  (c)  &les  autres:  on  verra,  en  com- 
parant les  figures  &  les  defcriptions  de  l'un 
&  de  Tautre  ,  que  les  différences  ne  laiflent 
pas  d'être  confidérables  ,  &  qu'il  manque 
à  la  robe  de  la  femelle  beaucoup  de  fleurs 
&  d'ornemens  qui  fe  trouvent  fur  celle  du 
mâle. 

Lorfque  l'ocelot  a  pris  fon  entier  accroif- 
fement  ,  il  a  ,  félon  Grégoire  de  Bolivar, 
deux  pieds  &  demi  de  hauteur  fur  environ 
quatre  pieds  de  longueur;  la  queue  ,  quoi- 
qu'affez  longue,  ne  touche  cependant  pas 
la  terre  lorsqu'elle  efl  pendante ,  &  par  con- 
féquent  elle  n'a  guère  qu€  deux  pieds  ce 
longueur.  Cet  animal  eft  très  vorace ,  il  cil 
en  même  temps  timide  ;  il  attaque  rarement 
les  hommes,  il  craint  les  chiens  ;  &  dès  qu'il 
en  efl  pourfuivi,  il  gagne  les  bois  &  grimpe 
fur  un  arbre  ;  il  y  demeure  ,  &  même  y  fé- 
journe  pour  dormir  &  pour  épier  le  gibier  ou 
Ve  bétail ,  fur  lequel  il  s'élance  dès  qu'il  le 
voit  à  portée;  il  préfère  le  fang  à  la  chair, 
&  c'efl  par  cette  raifon  qu'il  détruit  un  grand 
nombre  d'animaux,  parce  qu'au   lieu  de   fe 


(  f  )  5i  animalls  jîguram  fpccîemus  cum  antécédente  non 
nîhil  ccrpoils  dsiineatio  congndt;  fi.  colorem  &  maculas 
fïiîhus  pinzitur ,  plurimum  difcrepat.  In  hoc  tctius  color 
corporis  non  ruhicundtis  fed  obfcurs  cinereus  apparet,  pne^ 
ter  ventrem  tamtn  qui  albicat.  Maculx  nec  ordinattz  adi0 
nec  ha  rotundce  rofeire  colons  &  fis.urx<  Jtd  oblonga ,  nigri' 
cantcs  omnes,  in  medio  vero  alhicantes  fpar^untur,  frurs^ 
non  ita  fomot  &c,  ibid,  page  51a, 


144  Hljîoln  natunlU 

rafîafier  en  les  dévorant  ,  il  ne  fait  que  (<t 
défaltérer  en  leur  fuçant  le  fang  {d). 

Dans  l'état  de  captivité ,  il  conlerve  fes 
mœurs,  rien  ne  peut  adoucir  fon  naturel  fé- 
roce ,  rien  ne  peut  calmer  fes  mouvemens 
inquiets,  on  eft  obligé  de  le  tenir  toujours 
en'cage  a  A  trois  mois  (dit  M.  l'Efcot  ) 
»  lorfque  ces  deux  petits  eurent  dévoré  leur 
»  nourrice ,  je  les  tins  en  cage ,  &  je  les  y 
»  ai  nourris  avec  de  la  viande  fraîche,  dont 
»  ils  mangent  fept  à  huit  livres  par  jour;  ils 
»  frayent  enfemble  mâle  &  femelle  comme 
»  nos  chats  domeftiques  ;  il  règne  entr'eux 
»  une  fupérioriré  fingulière  de  la  part  du 
>»  mâle  ;  quelque  appétit  qu'ayent  ces  deux 
»  animaux  ,  jamais  la  femelle  ne  s'avife  de 
w  rien  prendre  que  le  mâle  n'ait  fa  fatura- 
»  tion ,  &  qu'il  ne  lui  envoyé  les  morceaux 
»  dont  il  ne  veut  plus  ;  je  leur  ai  donné  plu* 


{d)  Nota.  Dampier  parle  de  ce  même  animal  fou» 
le  nom  de  Chat  tigre ,  &  voici  ce  qu'il  en  dit  :  «  Le  chat- 
>»  tigre  des  terres  de  la  baie  de  Campeche  eft  de  la  grof- 
>♦  feur  de  nos  chiens  qu'on  fait  battre  avec  les  taureaux  j 
»  il  a  les  jambes  courtes,  le  corps  ramafle  &.  à-peu-près 
»»  comme  celui  d'un  mâtin  j  mais  pour  tout  le  refte  ,  c'eft- 
»  à-dire  ,  la  tête,  le  poil,  &  la  manière  de  quêter  fa 
M  proie,  il  refTemble  fort  au  tigre  (jaguar^,  excepté 
»♦  qu'il  n'eft  pas  tout-à  fait  lî  gros;  il  y  en  a  ici  un« 
»♦  grande  quantité  ;  ils  dévorent  les  jeunes  veaux  ÔC  le 
»  gibier  qu'on  y  trouve  en  abondance,  auHî  font -ils 
«  moins  à  craindre  pour  cela  même  qu'ils  ne  manquent 
n  pas  de  pâtures.  ...  ils  ont  la  mine  altière  &  le  re- 
M  gard  farouche.  >»  Voyage  iç,  Darufitr»  tome  lll  »  pa&e 

n  fieurs 


êc  tOctht,  14^ 

m  âeurs  fois  des  chats  vivans,  ÎU  leur  fu- 
9>  cent  le  fang  jufqu*à  ce  que  mort  s'enfuive  , 
M  mais  jamais  iU  ne  les  mangent  ;  j'avois  em* 
»  barque  pour  leur  fubfiftance  deux  che- 
»>  vreaux  ;  ils  ne  mangent  d'aucune  viande 
I»  cuite  ni  falée  (  ^  )  w. 

Il  paroît ,  par  le  témoignage  de  Grégoire 
de  Bolivar,  que  ces  animaux  ne  produifent 
ordinairement  que  deux  petits  ,  &  celui  de 
M.  l'Efcot  femble  confirmer  ce  fait;  car  il 
dit  auflî  qu'on  avoit  tué  la  mère,  avant  de 
prendre  les  deux  petits  dont  nous  venons  de 
parler.  li  en  eft  de  Tocelot  comme  du  ja- 
guar ,  de  la  panthère ,  du  léc^ard ,  du  tigre 
&  du  lion  :  tous  ces  animaux  remarquables 
par  leur  grandeur,  ne  produifent  qu'en  pe- 
tit nombre  ,  au  lieu  que  les  chats ,  qu'on 
pourroit  aiTocier  à  cette  même  tribu ,  produi- 
fent en  affez  grand  nombre,  ce  qui  prouve 
que  le  plus  ou  le  moins  dans  la  produâion  , 
tient  beaucoup  plus  à  la  grandeur  qu'à  la 
forme. 


(«)  Lettre  de  M.  l'Efcot,  qui  a  amené  ces  anrmaujç 
du  continent  de  Cartagène ,  à  M.  de  Beoft,  Correfpon-. 
dant  de  l'Académie  des  Sciences ,  en  date  du  17  fep- 
tembre  vj(>4'  Nota.  M.  de  Beoft,  qui  a  bien  voulu  me 
communiquer  cette  lettre  ,  a  beaucoup  de  connoiflTancee 
en  Kiftoîre  Naturelle ,  &  ce  ne  fera  pas  la  feule  occa- 
fion  que  nous  auront  de  parler  des  chofes  'dont  il  soug 
«  fait  part. 


* 


^uaJrupfdcs  ,  Terne  P7,    -  N 


14^  Hijlo'ire  naturelle 

LE    MARGAY    [a] 

Foyei  planche  X  y  figure  /  de  ce  Volume, 

JLiE  Margay  eft  beaucoup  plus  petit  que  To- 
celot;  il  reflemble  au  chat  fauvage  par  la 
grandeur  &  la  figure  du  corps,  il  a  feule- 
îneïit  la  tête  plus  carrée  ,  le  mufeau  moins 
court,  les  oreilles  plus  arrondies  &  la  queue 
plus  longue;  Ton  poil  çft  aulTi  plus  court  que 
celui  du  chat  fauvage  ,  &  il  eft  marqué  dç 
bandes ,  de  r^ies  &  de  taches  noires  fur  un 
fond  de  couleur  fauve  ;  on  nous  Ta  envoyé 
de  Cayenne  fous  le  nom  de  Chat- tigre  ^  &  il 
tient  en  effet  de  la  nature  du  chat  &  de  celle 


(  û  )  Margay ,  mot  tité  de  Maragua  ou  Maragaia  ,  nom 
ëe  cet  animal  au  Brefil. 

Au  Maragnon,  il  y  a  des  animaux  qui  font  des  efpèce» 
de  chats  fauvages ,  que  les  Inciens  appellent  Margaia , 
oui  ont  la  peau  fort  belle,  étant  tavelée  de  toutes  parts. 
Miff.  du  P.  d'Ahbevilhy  page  i<^o. 

Tepe  Maxt^aten,  Fernand.  Hijl.  Nov-  fi'tfp.  pag.  9. 

Maraguao  firc  Maracaia.  Marcgrav.  Hijî.  Nat.  Braf, 
page  23?. 

Fêles  fera  tigrina  Malakaia.  Barrère ,  Hift.  de  la  Fr, 
iquin.   pgge  i-ç^. 

Felis  fylvefins  ùgrinus  ex  Hifpanlola.  Séba ,  vol.  /, 
fag.  77,  tah.  48, fig.  2. 

Felis  ex  grijeo  fiavcfcens  maculls  nigris  variegata.  .  .  , 
relis  fylvcjlris  tigrina,  Lç  chat  fauvage  tigré.  BriflT, 
Kegn,  anita,  pag.  26$, 


Torrv.^Vr 


Plia. 


iLeMar^j.  SlILc  duncke. .  5  Le    Cocuje, .  |  ' 


du  Margay.  9j^j 

cla  jaguar  ou  de  Tocelot,  qui  font  les  deux 
animaux  auxquels  on  a  donné  le  nom  de 
tigre  dans  le  nouveau  continent.  Selon  Fer- 
nandèSj  cet  animal,  lorfqu'il  a  pris  Ton  ac- 
croilTement  en  entier,  n'eft  pas  tout-à-fait  fi 
grand  que  la  civette  ;  &  félon  Marcgrave  , 
dont  la  comparaifon  nous  paroît  plus  jufte  , 
il  eft  de  la  grandeur  du  chat  fauvage  ,  auquel 
il  reffemble auffi  par  les  habitudes  naturelles, 
ne  vivant  que  de  petit  gibier,  de  volailles, 
&c.  mais  il  eft  très  difficile  à  apprivoiler,  & 
ne  perd  même  jamais  fon  naturel  féroce.  Il 
varie  beaucoup  pour  les  couleurs  ,  quoi- 
qu'ordinairement  il  foit  tel  que  nous  le  pré- 
fentons  ici  :  c'eft  un  animal  très  commun  à 
la  Guiane  ,  au  Brefil  &  dans  toutes  les  au- 
tres provinces  de  l'Amérique  méridionale. 
Il  y  a  apparence  que  c'eft  le  même  qu'à  la 
Louifiane  on  appelle  Plt/iou  (  ^  ) ,  mais  l'ef- 
pèce  en  eft  moins  commune  dans  les  pays 
tempérés  que  dans  les  climats  chauds. 

Si  nous  faifons  la  révifion  de  ces  animaux 
cruels ,  dont  la  robe  eft  û  belle  &  la  nature 
fi  perfide  ,  nous  trouverons  dans  l'ancien 
continent  le  tigre,  la  panthère,  le  léopard, 
l'once,  le  ferval  ;  &  dans  le  nouveau  le  ja- 
guar ,  l'ocelot  &  le  margay ,  qui  tous  trois 
ne  paroiffent  être  que  des  diminutifs  des  pre- 


(h)  Le  rithou  eft  une  efpèce  de  chat  pitois  auffi  haut 
qiie  le  tigre,  mais  moins  gros,  dont  la  peau  eft  aiTer 
belle,*  c'eft  un  grand  deftru£leur  de  volaille,  mais  pir 
bonheur  il  n'eft  pas  commun  à  la  Louifiane.  Hiftoirc  de 
la  Louifiane,  par  U  Page  du  Prafi,  tome  II,  pag.  ^2, 
fig.  page  67, 

N   2 


14S  Hîjloln  naturtllt 

miers  »  &  qui ,  n*en  ayant  ni  la  taille  ni  la 
force ,  font  aufli  timides  ,  auili  lâches  gue  les 
autres  font  intrépides  &  fiers. 

Il  y  a  encore  un  animal  de  ce  genre  qui 
femble  différer  de  tous  ceux  que  nous  venons 
dénommer, les  Fourreurs  l'appellent  Guépard; 
nous  en  avons  vu  plufieurs  peaux  ,  elles 
refTemblent  à  celles  du  linx  par  la  longueur 
du  poil, 'mais  les  oreilles  n'étant  pas  ter- 
minées par  un  pinceau  ,  le  guépard  n'eft 
Î>oinr  un  linx ,  il  n'eft  auffi  ni  panthère  ni 
éopard,  il  n'a  pas  le  poil  court  comme  ces 
animaux  ,  &  il  diffère  de  tous  par  une  efpèce 
de  crinière  ou  de  poil  long  de  quatre  ou  cinq 
pouces  qu'il  porte  fur  le  cou  &  entre  le* 
épaules  ;  il  a  aufli  le  poil  du  ventre  long 
de  trois  à  quatre  pouces ,  &  la  queue  à  pro- 
portion plus  courte  que  la  panthère ,  le  léo- 
pard ou  l'once;  il  eft  à-peu-près  de  la  taille 
de  ce  dernier  animal,  n'ayant  qu'environ 
trois  pieds  &  demi  de  longueur  de  corps  : 
au  refte  fa  robe ,  qui  eft  d*un  fauve  très 
pâle ,  eft  parfemée  ,  comme  celle  du  léopard , 
de  taches  noires  3  mais  plus  voifmes  les  unes 
des  autres  &  plus  petites ,  n'ayant  que  trois 
ou  quatre  lignes  de  diamètre. 

J'ai  penfé  que  cet  animal  devoit  être  le 
même  que  celui  qu'indique  Kolbe  fous  le 
nom  de  loup- tigre;  je  cite  ici  fa  defcription 
(  c  )  pour  qu'on  puiffe  la  comparer  avec  la 


(  c  )  Il  eft  de  la  taille  d'un  chien  ordinaire  &  quelque* 
Coij  plus  gros  :  fa  tête  eft  large  comme  celle  des  dogues 
^u»  l'on  Uii  hàtiti  «0  Angleterre  (ootie  les  taureaux  | 


dû  Margay,  149 

ftôtre  .*  c*eft  un  animal  commun  dans  les  ter- 
res voifmes  du  cap  de  Bonne  efpéran^e  ;  tout 
le  jour  ,  il  fe  tient  dans  des  fentes  de  rochers 
ou  dans  des  trous  qu'il  fe  creufe  en  terre; 
pendant  la  nuit ,  il  va  chercher  fa  proie  ; 
mais,  comme  il  hurle  en  chafiant  fon  gibier  , 
il  avertit  les  hommes  &  les  animaux ,  en  forte 
qu'il  eft  affez  aifé  de  Téviter  ou  de  le  tuer» 
Au  refte ,  il  paroît  que  le  mot  piépard  eft  dé- 
rivé de  lépard;  c'eft  ainfi  que  les  Allemands 
&  les  Hollandois  appellent  le  léopard  :  nous 
avons  aulîî  reconnu  qu'il  y  a  des  variétés 
dans  cette  efpèce  pour  le  fond  du  poil  & 
pour  la  couleur  des  taches  ;  mais  tous  les 
guépards  ont  le  caraftère  commun  des  longs 
poils  fous  ie  ventre ,  &  de  la  crinière  fur 
le  cou. 


il  a  les  mâchoires  groflfes  aulTi-bien  qwe  îe  mufeau  &  îes 
yeux,  fes  dents  font  fort  tranchantes,  fon  poil  eft  frifé 
comme  celui  d*an  chien  barbet ,  &  tacheté  comme  celui 
du  tigre  ;  il  a  les  pattes  larges  Se  armées  de  grofTes 
griffes,  qu'il  retire  quand  il  veut  comme  les  chats;  fa 
qvteue  eft  courte,  ,  ...  il  a  pour  mortels  ennemis  le 
lion,  le  tigre  &  le  léopard,  qui  lui  donnent  très-fon- 
vent  la  chaffe;  ils  le  pourfuivent  )ufque  dans  fa  tanière  , 
fe  jettent  fur  lui  &  le  mettent  en  pièces.  Defcription  du 
ca-p  de  Bonne-tfpérance  y  par  Kolbe ^  tome  III ,  pages  69 
ôc  70.  Nota.  L'animal  auquel  cet  auteur  donne  le  nom 
de  tigre ,  eft  celui  que  nous  avons  appelle  léopard ,  flc 
celui  qu'il  nomme  léopard  eft  la  panthère. 


•^ 


15©  Hlfioîn  nature Ik 

î»(XXXXXXXXXXX30CXXXXXXXXX* 

LE    CHACAL    [a] 

E    T 
L'   A    D    I    V    E. 

Voye:^  Tome  VIII  ^  planche  6» 


N 


ous  ne  forames  pas  afTurés  que  ces  deux 
noms  défignent  deux  animaux  d'efpèces  dif- 
férentes ;  nous  favons  feulement  que  le  Cha- 
cal eft  plus  grand,  plus  féroce,  plus  difficile 


{a)  Chacal,  Jachal j  nom  de  cet  animal  r'ans  le  Le- 
vant, &  que  nous  avcms  adopté;  AdUy  félon  Bélon  i 
Tulki  dans  quelques  provinces  du  Levant,  félon  Olea- 
rius,  Siacalle  ,  félon  Corneille  le  Brun  ;  Addibo,  en  Ita- 
lien, félon  le  P.  Vincent  Marie;  Chieal y  en  Turquie, 
lelon  Haflelquift;  Sicaly  félon  Pollux;  Squilachi  c-n  Grec, 
félon  Bé'on  ;  Zacalia  ,  félon  Spon  &  Weeler;  Siachal , 
Schachal y  Siechaal ,  Siacall ,  en  Perfe  ,  félon  Kœmpfer  ; 
Jacard,  félon  Delon;  Deeh,  en  Barbarie,  félon  Shaw| 
JaquepareLy  à  Bengale,  &  Nari y  au  Maduré^  félon  d^au- 
tres  Voyageurs. 

Ad'd,  bête  entre  loup  &  chien,  que  les  Grecs  nom- 
ment vv.lgairement  Spuilachi ,  &  croyons  être  le  Chry^ 
feos  ou  Lupus  aureus  des  anciens  Grecs.  Obf,  de  Bélon  , 
feuillet  i6^. 

.    Lupus  aureus.  Kœmpfer,  Âmeenit.  cxotlc.  p.  41 J,  fig, 
pag.  407,  fig,  3. 

Vulpes  Indicz  or'untalis.  Valentin,  Muf,  p.  452 ,  fig, 
Tab.  ibid. 

Canis  flavus,  lupus  aurcus.  ..••..  Le  loup  doré. 
BrifTon,  Regn.  anim.  psg,.  257. 

Aureus  canis  f  lupus  aurtus  diclus,  LinOt  Syfi,  nat,  eèxt» 
X,  pag.  40. 


du  Chacal  Ê*  dû  l'AdWe,         15! 

à  apprivoifer  que  l'Adive  (  ^  )  ,  mais  qu'au 
refte  ils  paroiflent  Te  refîembler  à  tous  égards. 
II  fe  pourroit  donc  que  Tadive  ne  fitt  que  le 
chacal  privé  dont  on  auroit  fait  une  race  do- 
meftique  plus  petite,  plus  foible  &  plus  douce 
que  la  race  fauvage  ;  car  l'adive  eft  au  cha- 
cal à- peu-près  ce  que  le  bichon  ou  petit  chien 
barbet  eft  au  chien   de   berger  ;  cependant 
comme  ce  fait  n'eft  indiqué  que  par  quelques 
exemples  particuliers ,  que  î'efpècé  du  cha- 
cal en  général  n'eft  point  domeftique  comme 
celle  du  chien  ,  que  d'ailleurs  il  fe  trouve 
rarement  d'aufli  grandes  différences  dans  une 
cfpèce  libre,  nous  fommes  très  portés  à  croire 
que  le  chacal  &  l'adive  lont  réellement  deux 
elpèces  diftirtftes.  Le  loup  ,  le  renard ,  le  cha- 
cal &  le  chien  forment  quatre  efpèces  ,  qui , 
quoique  très  voifines  les   unes  des   autres  , 
font   néanmoins    différentes    entr'elles  :  les 
variétés  dans  l'efpèce  du  chien  font  en  trèî 
grand  nombre  ;^  la  plupart  viennent  de  Tétât  de 
domefticité  auquel  il  paroît  avoir  été  réduit 
de  tous  les  temps.  L'homme  a  créé  des  ra- 
ces dans  cette  efpèce ,  en  choiftffant  &  met- 
tant enfemble  les  plus  grands  ou  les  plus  pe* 
tits  i  les   plus  jolis  ou  les  plus  laids  ,  les 
plus  velus  ou  les  plus  nus ,  &c.  mais  indé- 
pendamment de  ces  races  produites   par   la 
main  de  l'homme  ,   il  y  a  dans  l'efpèce   du 


{b)  Nota.  J'ai  lu  dans  quelques-unes  de  nos  Chro- 
niques de  France,  que,  du  temps  de  Charles  ÎX,  beau- 
coup de  femmes  à  la  Cour  avoient  des  adives  au  lieu 
de  petits  chiens. 

N4 


1^1  mpotn  namrclk 

chien  pMeurs  variétés  qtîi  femblent  ne  éé^ 
pendre  que  du  climar.  Le  dogue ,  le  danois  y 
répagneul ,  le  chien  turc,  celui  de  Sibérie, 
&c.  tirent  leur  nom  du  climat  d'où  ils  (ont 
originaires ,  &  ils  paroiffent  être  plus  diffè- 
rens  entr'eux  que  le  chacal  ne  l'eft  de  l'adive  ; 
îl  fe  pourroit  donc  que  ks  chacals  fous^ 
difFérens  climats  ,  euffent  fubi  de*  variétés 
diverfes  ,  &  cela  $*accorde  affei  avec  les 
faits  que  nous  avons  recueillis.  Il  paroît ,  par 
les  écrits  des  Voyageurs ,  qu'il  y  en  a  par- 
tout de  grands  &  de  petits;  qu'en  Arménie^ 
en  Cilicie  ,  en  Perfe  &  dans  toute  la  partie 
de  l'Afie  que  nous  appelions  U  Levant,  où 
cette  efpèce  eft  très  nombreufe  ,  très  incom- 
mode &  très  nuifible ,  ils  font  communément 
grands  comme  nos  renards  (  c  ) ,  qu'ils  ont 


ff )  Le  jacard  ou  adive  eft  grand  comine  un  chie* 
médiocre,  reffemblant  au  renard  par  la  queue  &  au  loup 
par  le  mufeau  ;  on  en  élève  dans  les  maifons,  mais  leur 
rature  eft  de  fe  cacher  dans  la  terre  pendant  le  jour^ 
«i'où  ils  ne  fortent  que  la  nuit  pour  chercher  à  manger  j 
ils  vont  par  troupes,  dévorent  les  enfans  &  fuyent  les 
hommes;  leurs  cris  font  plaintifs,  &  l'on  diroit  fouvent 
que  ce  font  ceux  de  plufieurs  enfans  de  divers  âge» 
mêles  enfemWe  ;  les  chiens  leur  font  la  guerre  &  lef 
éloignent  des  maifons.  Voyage  de  Delon  ^page  loç.  —  If 
fe  trouve  en  Perfe  une  efpèce  de  renard  appelle  Scha^ 
\al,  que  les  habitans  nomment  communément  Tw/ii,  qui 
y  font  en  très  grand  nombre  &  de  la  grandeur  à-peu- 
près  de  nos  renards  d'Europe,  le  dos  &  les  côtés  cou- 
verts d'une  efpèce  de  groffe  laine  avec  des  poils  longs 
&  roides,  le  ventre  blanc  comme  neige  ,  les  oreillea 
noires  comme  jai»  la  queue  plus  petite  que  celle  de  nof 
renards  ;  nous  les  entendions  la  nuit  rôder  autour  du 
village  où  nous  étions»  fort  ijnpoituaé&  d«  leuis.  cik 


iu  Chacal  &  dt  l^Adlvi.        15  J 

feulement  les  jambes  plus  courtes ,  &  ^'ils 
font  remarquables  par  la   couleur  de  leur 


htgubres ,  aflfez  fembfabfes  à  ceux  d'un  homme  qui  r« 
plaint ,  &  qu'ils  ne  ceffent  de  faire  entendre.  Toyagt 
i*OUarius  ,pag.  jj/. —  L'addibo  (adive)  reflemble  au 
}cup  par  la  figure ,  Ton  poil  S(  fa  queue ,  mais  il  e(l  plus 
petit  i  &  Ta  taille  e{l  même  au-delTous  de  celle  du  re- 
nard j  il  eft  très  vorace,mais  ftupide;  Il  voyage  ta  nuit 
&  refle  le  jour  dans  fa  tanière  ;  fur  la  brune  »  on  ne 
voit  autre  chofe  dans  la  campagne  ;  ces  animaux  s'ap- 
prochent des  Voysç^urs  &  s'arrêtent  pour  les  regarder 
fans  parottre  rien  craindre.  Ils  courent  dans  les  eelifes 
où  ils  déchirent  &  dévorent  tout  ce  qui  leur  convient; 
tout  ce  qui  eft  fait  avec  du  cuir  eft  leur  mets  favori. 
L'adive  glapit  comme  le  renard,  &  quand  un  crie,  tous 
les  autres  lui  répondent;  cet  inCiinft  de  crier  tous  en- 
femble  ne  paroît  point  volontaire ,  mais  de  pure  nécef- 
fité,  au  point  que  fi  l'un  de  ces  animaux  eft  entré  dans 
tine  maifon  pour  voler  &  qu'il  entende  fes  compagnons 
crier  au  loin,  il  ne  peut  s'empêcher  de  crier  aum ,  8t 
par-là  de  fe  déceler.  Voyage  du  Pcre  Fr.  Vincent  Marie  » 
thap.  xm ,  article  traduit  par  M.  le.  marquis  de  Mont- 
wtirail,  —  On  a  gardé,  pendant  plus  de  dix  mois,  un 
chacali  dans  une  maifon  où  j'ai  demeuré  quelque  temps  î 
c'eft  un  animal  fi  femblable  au  renard  en  grandeur  ,  en 
figure  &  en  couleur ,  que  la  plupart  des  étrangers  y 
font  prcfqae  toujours  trompés  lorfqu'ils  en  voient  quel- 
qu'un pour  la  première  fois;  la  plus  grande  différence 
qui  foit  entre  l'une  &  l'autre,  c'ed  dans  la  tête,  le  cha- 
cali l'ayant  faite  comme  un  chien  de  Berger  qui  auroit 
le  mufeau  long ,  &  dans  le  poil  qu'il  a  rude  comme  celui 
du  loup  ;  fa  couleur  eft  auffi  affez  femblable  à  celle  d'un 
loup,  &  il  pue  fi  extraordinairement  qu'il  ne   peut  fe 

coucher  un  moment  dans  un  endroit  fans  l'infefter 

Cet   animal  eft  extrêmement   vorace   &  hardi Il 

ne  craint  pas  d'entrer  dans  les  maifons. .  .  .  .  Lorfqu'il 
rencontre  un  homme,  au  lieu  de  fuir  d'abord  comme 
les  autres  bêtes ,  il  le  regarde  fièrement  comme  s'il 
Youloit  le  braver ,  &  prend  enfuite  fa  courfe.  Il  eft  d'un 
méchant  naturel,  ôc  toujours  prêt  à  mordre,  quelque 


154  Hijîoîn  naturelU 

•poil  3  qui  e{l  d*un  jaune  vif  &  brillant  ;ç'eft 
pour  cela  que  plusieurs  Auteurs  ont  appelle 
le  chacal  loup  doré.  En  Barbarie  ,  aux  Indes 
orientales,  au  cap  de  Bonne-efpérance;,  & 
dans  les  autres  provinces  de  l'Afrique  &  de 
l'Aile ,  cette  efpèce  paroît  avoir  fubi  piufieurs 
variétés;  ils  font  plus  grands ,  dans  ces  pays, 
plus  chauds,  &  leur  poil  eft  plutôt  d'un  brun- 
roux  que  d'un  beau  jaune ,  &  il  y  en  a  de 
couleurs  différentes  (^).  L'efpèce  du  chacal 
eft  donc  répandue  dans  toute  TAfie,  depuis 
l'Arménie  jufqu'au  Malabar  (  c  ) ,  &  fe  trouve 


foin  que  l'on  prenne  de  Radoucir  par  des  carefTes,  ou 
en  lui  donnant  à  manger,  ce  que  j'ai  pu  remarquer  en 
celui  t'ont  je  viens  de  parler,  qui  avoit  é'é  trouvé  fort 
jeune,  &  qu'on  avoi:  pris  plaiflr  à  é'ever  comme  un 
chien  qu'on  aimeroit  beaucoup  ;  cependant  il  ne  s'ap- 
privoifa  point  parfaitement  i  il  ne  pouvoit  fouffrir  les 
attouchemens  de  perfonne  ;  il  mordoit  tout  ie  monde , 
&  jamais  on  ne  put  parvenir  à  l'empêcher  de  moncer 
fur  la  table  &  d'y  enlever  tout  ce  qu'il  pouvoit  pren- 
dre. Toute  la  campagne  de  la  Natolie  eft  peuplée  de  ces 
chacalis  :  on  les  entend  toutes  les  nuits  faire  un  bruit 
fort  grand  autour  des  villes ,  non  pas  en  aboyant  comme 
les  chiens ,  mais  en  criant  d'un  certain  en  aigre  qui 
leur  eft  particulier.  Voyage  de  Dumont.  La  HaiCf  fCJpp, 
tome  IV ,  page  ig. 

(<f)  Le  jackal  que  les  fujets  du  roi  de  Comany  près 
d'Àcra  nous  apportèrent,  écoit  gros  comme  un  mouton, 
mais  il  avoit  les  pieds  plus  hauts  ;  fon  poil  étoit  court 
ÔC  tacheté,  fes  pattes,  à  proportion  de  fon  corps, 
étoient  prodieieufement  épaiflTes.  ...  11  avoit  la  tête 
auffi  fort  groffe  ,  plate  &  large,  avec  des  dents  chacune 
de  la  longueur  d'un  doigt  &  au-delà.  ....  Il  a  aux 
pieds  des  griffes  d'une  épouvantable  groffeur.  Voyage 
de  Bofman  ,  page  ^p. 

(ej  11  y  a  à  Bengale  des  chiens  fauvages  appellé« 


du  Chacal  &  de  FAdive,         if5 
aufli  en  Arabie  ,  en  Barbarie  (/)  ,  en  Mauri- 


Jaquepards  ou  Chiens  criards ,  dont  le  poîî  eft  ronge  } 
ils  viennent  en  troupe  toutes  les  nuits  aboyer  effroya- 
blement le  long  du  Gange,  leur  voix  &  leurs  cris  font 
fi  différées  &  fi  confus  qu'on  ne  peut  s'entendre  par- 
ler :  ils  ne  fe  détournent  point  quand  les  Maures  paf- 
i'ent  près  d'eux.  .  .  .  Ces  animaux  font  communs  pref- 
que  dans  toutes  les  Indes.  Voyage  (tlnnigo  de  Blerviilas  ^ 
première  partie,  page  i->8.  —  Il  y  a  au  Maduré  une  ef- 
pèce  de  chien  fau/age  qu'on  prenc^roit  plutôt  pour  un 
renard  ;  les  Indiens  l'appel'ent  Nari  &  les  Portugais 
Adiha.  .  .  .  Lorfque  ie  voyageois  !a  nuit,  j'entenôois 
ces  animaux  hurler  à  toute  heure,  htttres  édifiantef  • 
XIIc.  recueil,  page  0^- —  I'  fs  trouve  a  Guzaratts  une 
e(j>èce  de  chien  faavage  qu'ils  appellent  Jakcls.  RcU-^ 
tion  de  Mandc'fioi  fuite  d'0/éarius,  tome  II ,  page  2^^. 
— -  On  voit  un  grand  nombre  de  j'ckales  ou  iachaîs 
5u  pays  de  Malabar  ;  j'en  ai  vu  aulïï  dans  les  bois  de 
C-ylan  ,  ils  font  de  la  figure  du  renard  ,  particulière- 
ment par  la  queue.  ...  Ils  font  fort  friands  de  chair 
humaine.  ...  Ils  fuivoient  notre  arm4i  &  déterroieut 

nos  morts Nous  entendions  fouvent  la  nuit  les 

cris  effroyables  de  ces  animaux,  qui  reffemblent  affez 
à  ceux  des  chiens  irrités.  ....  Ils  crient  à  diverfes 
reprifes  comme  s'ils  fe  répcndoient.  Recueil  des  Voya- 
ges de  la  Compagnie  des  Indes  orientales  ,  tome  VI ,  page 
çSo.  Tout  le  pays  de  Calicut  eft  auffi  rempli  de  renards 
(  chacals  )  ,  qui  viennent  la  nuit  jufque  dans  la  ville  ,  8c 
chaffent  comme  font  ici  les  chiens,  &  on  n'entend  autre 
bruit  toutes  les  nuits  par  les  jardins  &  chemins.  Voyage 
de  Fr.  Pyrard,  tome  I ,  page  ^zj.  —  Le  fchecale  eft  une 
efpèce  de  chien  fauvage.  ...  Il  y  en  a  une  fi  grande 
quantité  aux  environs  de  Sourate,  que  nous  ne  pou- 
vions nous  entendre  parler  à  caufe  du  grand  bruit  qu'ils 
faifoient ,  criant  di^in6lement  oua,  oua  ^  oua,  qui  ap- 
proche de  l'aboi  du  chien  ;  cet  animal  eft  friand  des 
corps  morts.  ...  Il  y  en  a  aufli  en  quantité  dans  les 
déferts  d'Arabie  ,  le  long  du  Tigre,  del'Eufrate  &  dans 
l'Egypte.  Voyage  de  la  Boulayc-!e-Gov\',pa.gc  if^. 
{/)  Aux  royaaojes  de  Tunis  &  d'Alger ,  le  deab  ou 


ï  ^  6  Hipoîft    namrelU 

tanie,  en  Guinée  (,!'),&  dans  les  terres  dn 
Cap  ;  il  femble  qu'elle  ait  été  deftinée  à 
remplacer  celle    du  loup  {h),  qui  manque 


jackall  eft  d'une  couleur  plus  obfcure  que  le  renard^ 
&  à«peu-près  de  la  même  grandeur  ;  il  glapit  tous  les 
foirs  dans  les  villages  &  dans  les  jardins  ,  fe  nourrif- 
fant  comme  le  duhlah  ,  de  racines,  de  fruits  &  de  cha- 
rocnes.  Voyage  de  Shaw ,  tome  /,  page  ^io.  NoTj,  L< 
duhbah  dont  Shavt^  fait  ici  mention  ,  e^  l'hyasne. 

(f )  On  trouve  en  Guinée,  fit  plus  communément 
encore  dans  le  pays  d'Acra  &  dans  celui  d'Aquamboé , 
un  animal  très  cruel)  qtie  nos  gens  appellent  Jac^als,.,., 
Ils  viennent  la  nuit  jufque  fous  les  murailles  du  fort 
que  nous  avons  à  Âcra ,  pour  tâcher  d'enlever  des  Sta- 
bles les  pourceaux,  les  moutons,  ôcc.  Voyage  de  Bof- 
tfian,page  24<},  "Voyez  idem,  pages  ^"^i  Ct  |12.-—  Les 
chiens  fauvages  de  Congo,  qu'on  appelle  Mehbidy  font 
ennemis  mortels  de  tous  les  autres  quadrupèdes  ;  ils  ne 
diffèrent  pas  beaucoup  de  nos  chiens  courans  ;  on  les 
voit  courir  par  troupe  de  trente  &  de  quarante,  quel- 
quefois même  en  plus  grand  nombre.  ...  ils  attaquent 
toute  forte  d'animaux,  &  ordinairement  en  viennent  à 
bout  par  le  nombre  :  ils  n'attaquent  point  les  hommes. 
Voyage  du  P.  Zuchel  à  Congo  &  en  Ethiopie  ,  page  2p  j  , 
€itepar  Kolbe.  Le  chien  fauv^ge  du  cap  de  Bonne-efpé 
rance  refiemble  à  ceux  de  Congo  ,  décrit  par  le  P.  Zu- 
chel ,  &c.  Defcription  du  cap  de  Bonnc-ejpérance  ,  par 
Kolbe  y  part.  III,  page  a,8 11  y  a  au  cap  un  ani- 
mal dont  l'efpèce  approche  beaucoup  de  celle  du  renard; 
Gefner  &  d'autres  l'ont  appelle  Renard  croifi,  les  Eu- 
ropéens du  cap  lui  donnent  le  nom  de  Jachals ,  &  les 
Hottentots  celui  de  Zenlie  ou  Keniie.  Idem,  part.  III , 
page  6z. 

(A)  J'ai  obfervé  qu'il  n'y  a  guère  de  loups  en  Hir- 
canie,  ni  dans  les  autres  provinces  de  la  Perfe;  mais 
qu'il  s'y  trouve  par-tout  un  animal  dont  le  cri  eft  ef- 
froyable ,  qu'ils  appellent  Chacal.  Il  en  veut  particuliè- 
rement aux  corps  morts  qu'il  déterre.  Voyage  d*  Char» 
din ,  tome  II  f  page  2^, 


du  Chacal  &  de  tAdlve*  i^y 

ou  du  moins  qui  eft  très  rare  dans  tous  les 
pays  chauds. 

Cependant,  comme  Ton  trouve  des  cha- 
cals &  des  adives  dans  les  mêmes  terres  , 
comme  Tefpèce  n*a  pu  être  dénaturée  par 
une  longue  domefticité,  &  qu'il  y  a  conftam- 
ment  une  différence  confidérable  entre  ces 
animaux  pour  la  grandeur  &  même  pour  le 
naturel;  nous  les  regarderons  comme  deux 
cfpèces  diftinftes,  fauf  à  les  réunir  lorfqu'il 
fera  prouvé,  par  le  fait  ,  qu'ils  fe  mêlent  & 
produifent  enfemble.  Notre  préfomption  fur 
la  différence  de  ces  deux  efpèces  eft  d'autant 
mieux  fondée ,  qu'elle  paroît  s'accorder  avec 
l'opinion  des  Anciens.  Ariftote ,  après  avoir 

f>arlé  clairement  du  loup,  du  renard  &  de 
'hyaene ,  indique  affez  obfcurément  deux  au- 
tres animaux  du  même  genre,  l'un  fous  le 
nom  de  Pantkcr,  &  l'autre  fous  celui  de  Thos; 
les  Traduôeurs  d'Ariftote  ont  interprété 
panther  par  lupus  canarïus ,  &  thos  par  lupus  cet" 
varïus  y  loup  canier,  loup  cervier;  cette  in- 
terprétation indique  affez  qu'ils  regardoient 
le  panther  &  le  thos  comme  des  efpèces  de 
loups  ;  mais  j 'ai  fait  voir  à  l'article  du  lynx 
que  le  lupus  cervarius  des  Latins  n'efl  point 
is  thos  des  Grecs  :  ce  lupus  cervarius  eft  le 
même  que  le  chaus  de  Pline  ,  le  même  que 
notre  lynx  ou  loup  cervier,  dont  aucun  ca- 
raâère  ne  convient  au  thos.  Homère ,  en  pei- 
gnant la  vaillance  d'Ajax ,  qui  feul  fe  préci- 
pité fur  une  foule  de  Troyens,  au  milieu  def- 
quels  Ulyffe  bleffé  fe  trouvoit  engagé ,  fait 
la  comparaifon  d'un  lion ,  qui ,  fondant  tout- 
à-coup  far   des  thos  attroupés  autour  d'un 


t^S  Hijioin  naturtlU 

cerf  aux  abois  ,  les  difperfe  &  les  chafle 
comme  de  vils  animaux.  Le  fcholiafte  d'Ho- 
mère interprète  le  mot /,W  par  celui  de  pan- 
ther,  qu'il  dit  être  une  efpèce  de  loup  foi- 
ble  &  timide;  ainfi ,  le  thos  &  le  pa  ither 
ont  été  pris  pour  le  même  animal  par  quel- 
ques anciens  Grecs  :  mais  Ariftote  paroît  les 
diftinguer ,  fans  leur  donner  néanmoins  des 
caraftères  ou  des  attributs  difFérens.  «  Les 
w  thos,  dit-il,  ont  toutes  les  parties  internes 

»  femblables  (  i  )  à  celles  du  loup ils 

n  s'accouplent  (  ^  )  comme  les  chiens  ,  & 
i>  produifent  deux ,  trois  ou  quatre  petits , 
t>  qui  naiffent  les  yeux  fermés  :  le  thos  a 
j>  le  corps  &  la  queue  plus  longues  que  le 
i>  chien  ,  avec  moins  de  hauteur,  ik  quoiqu'il 
w  ait  les  jambes  plus  courtes  ,  il  ne  laiffe 
»  pas  d'avoir  autant  de  vîteffe  ,  parce  qu'é- 
n  tant  fouple  &  agile,   il   peut  fauter   plus 

»)  loin Le  lion  &  le  thos  font  ennemis 

»  (/),  parce  que  vivant  tous  deux  de  chair, 
w  ils  font  forcés  de  prendre  leur  nourriture 
w  fur  le  même  fonds  ,  &  par  conféquent  de 

M  fe  la  difputer Les  thos  (^m  )  aiment 

»  l'homme ,  ne  l'attaquent  point  &  ne  le  crai- 
»>  gnent  pas  beaucoup;  ils  fe  battent  contre 
w  les  chiens  &  avec  le  lion  ,  ce  qui  fait  que 
î>  dans  le  même  lieu  on  ne  trouve  guère  des 
n  lions  &  des  thos.  Les  meilleurs  thos  font 


(i)  Ariftote  ,  hifi.  anlm.  Uh.  U  ,  cap.  JiyJT, 
\k)  Idem,  iib.  VI,  cap.  XX xy, 
(  /)  llcm  >  lih.  IX ,  cap.  i. 
\m)  lUm,  Uh.  IX,  cap,  XHr. 


du  Chacal  6»  de  tAdivt»         15  g 

»  C€ux  qui  font  les  plus  petits  ;  il  y  en  a  de 
«  deux  eipèces ,  quelques-uns  même  en  font 
»>  trois,  >»  Voilà  tout  ce  qu'Ariftote  a  dit  au 
fujet  des  thos ,  &  il  en  dit  infiniment  moins 
fur  le  panther  ;  on  ne  trouve  qu'un  feul  paf- 
fage  dans  le  même  chapitre  trente-cinq  du 
fixième  livre  de  fon  Hiftcire  des  animaux, 
a  Le  panther,  dit-il,  produit  quatre  petits, 
j>  ils.  ont  les  yeux  fermés  comme  les  petits 
ï»  loups  lors  de  leur  naiflance.  »  En  compa- 
rant ces  paiTages  avec  celui  d'Homère  &  avec 
ceux  des  autres  auteurs  Grecs,  il  me  paroit 
prefque  certain  que  le  thos  d'Ariftote  eft  le 
grand  chacal ,  &  que  le  panther  eft  le  petit 
chacal  ou  l'adive;  on  voit  qu'il  admet  deux 
efpèces  de  thos ,  qu'il  ne  parle  du  panther  qu'une 
feule  fois  ,  &,  pour  ainfi  dire  ,à  Toccafion  du 
thos  ;  il  eft  donc  très  probable  que  ce  pan- 
ther eft  le  thos  de  la  petite  efpèce,  &  cette 
probabilité  femble  devenir  une  certitude  par 
le  témoignage  d'Oppien  (./i"),  qui  met  le  pan^ 
ther  au  nombre  des  petits  animaux  tels  que 
les  loirs  &  les  chats. 

Lé  thos  eil  donc  le  chacal,  &  le  panther 
eft  Tadive;  &  foit  qu'ils  forment  deux  efpè- 
ces  différentes  ou  qu'ils  n'en  fafîent  qu'une  ,  il 
eft  certain  que  tout  ce  que  les  Anciens  ont 
dit  du  thos  &  du  panther  convient  au  cha- 
cal &  à  l'adivej  &  ne  peut  s'appliquer  à  d'au- 
tres animaux  ;  &  fi  jufqu'à  ce  jour  la  vraie 
fignification  de  ces  noms  a  été  ignorée  ,  s'ils 
ont  toujours  été  mal  interprétés ,  c'eft  parce 


(  0  )   Opplac.  Àt  yjmatione  ,  lih.  II, 


l6o  Hlflolre  naturelle 

que  les  Tradu£leurs  ne  connoifToient  pas  les 
animaux 4  &  que  les  Naturalises  modernes» 
qui  les  connoiffoient  peu ,  n*ont  pu  les  ré- 
former. 

Quoique  l'efpèce  du  loup  foit  fort  voifme  de 
celle  du  chien ,  celle  du  chacal  ne  laifTe  pas 
de  trouver  place  entre  les  deux  ;  U  chacal  au 
^dîvc ,  comme  dit  Belon ,  ejl  bête  entre  loup  6» 
chien;  avec  la  férocité  du  loup,  il  a  en  effet 
un  peu  de  la  familiarité  du  chien  ;  fa  voix 
cft  un  hurlement  mêlé  d'aboiement  &  de  gé- 
miffemens  {  o  )  ;  il  eft  plus  criard  que  le  chien , 
jplus  vorace  que  le  loup  ;  il  ne  va  jamais 
Icul ,  mais  toujours  par  troupe  de  vingt  , 
trente  ou  quarante  ;  ils  fe  raffemblent  chaque 


(«)  Il  e(l  d'une  b«11e  couleur  jaune,  plus  petit  que 
le  loup  ,  marchant  toujours  en  troupe,  jappant  toutes  les 

nuits Vorace  &  voleur,  enforte  qu'il  emporte 

non* feuiement  ce  qui  eft  bon  à  manger,  mais  même  les 
chapeaux ,  les  fouliers ,  les  brides  des  chevaux  &  tout 
ce  qu'il  peut  attraper.  Ohfcrv.  de  Bélon ,  page  i6f.  — 
Jackal  penè  omnem  orUntcm  inhabitat  ;  bejiia  ajiuta  audétse 
S'  furaciiïîma  cfi,  .  .  .  Intcrdîu  circa  montes  iatet,  noSla 
penigil  o*  vagus  efi  ;  eatervatlm  pradatum  excurrit  in  rarm 

&  pages Ululatum  noâu  edunt  txtcTahiUm  ejula- 

tui  humano  non  diJJîmiUm ,  quem  interdum  vox  tat.antium. 
^uafi  <anum  interfinpit  ;  unique  inclamanti  omnes  accU.- 
mant ,  quotquot  vocem  i  longinquo  audiunt,  Kœmpfer  , 
Amanit.  exotic.  page  j^ij.  —  Vers  le  canal  rie  la  mer 
Koire,  il  y  a  beaucoup  de  fiacalles  ou  chiens  fauvages, 
qui  ne  reiTemblent  pas  mal  à  des  renards,  fur-tout  par 
le  mufeau.  On  croit  qu'ils  font  engendrés  des  loups  & 
des  chiens  j  ils  font  le  foir ,  &  quelquefois  bien  avant 
dans  la  nuit ,  des  hurlemens  effroyables.  ...  Ils  font 
fort  méchans  &  audi  dangereux  que  les  loups.  Voyage 
de  CQnuUU  k  Bruiitfol,  Paru»  '214»  p^g^  S^' 

jour 


du  Chacal  5»  âc  Û Adive*         l6l 

jour  pour  faire  la  guerre  &  la  chalTe  ;  ils  vi- 
vent de  petits  animaux ,  &  fe  font  redoutef 
des  plus  puiffans  par  le  nombre;  ils  attaquent 
toute  efpèce  de  bétail  ou  de  volailles  prefqu*à 
la  vue  des  hommes;  ils  entrent  infolemment, 
&  fans  marquer  de  crainte  ,  dans  les  berge- 
ries, les  établesjles  écuries,  & lorfqu'ils  n'y 
trouvent  pas  autre  chofe ,  ils  dévorent  lef 
cuir  des  harnois ,  des  bottes ,  des  fouliers  ^ 
&  emportent  les  lanières  qu'ils  n'ont  pas  l3 
temps  d'avaler.  Faute  de  proie  vivante,  ils 
déterrent  les  cadavres  des  animaux  &  de* 
hommes  ;  on  eft  obligé  de  battre  la  terre 
fur  les  fépuhures  ,  &  d'y  mêler  de  grofîes^ 
épines  pour  les  empêcher  de  la  gratter" 
&  fouir  \  car  une  épaifFeur  de  quelques  piedS' 
de  terre  ne  fuffit  pas  pour  les  rebuter  (/?)  ;^ 
ils  travaillent  plufieurs  enfemble ,  ils  accom- 
pagnent de  cris  lugubres  cette  exhumation  4 
&  lorfqu'ils  font  une  fois  accoutumés  aux 
cadavres  humains,  ils  ne   ceffent  de  eouriï 


(;r)  Lés  adrves  font  très  avicfes  dé  cadavfcs ,  parti-*^ 
Culièremenf  de  cadavres  humains.  Quand  les  Chrétien:» 
vont  enterrer  quelqu'un  à  la  campagne  ,  ils  font  une' 
/offe  très- profonde  j  &  qiù  n'eft  pas  fufR'Tante  pour  qu'il «= 
fie  déterrent  pas  les  corps ^  c'e^  pourquoi  l'on  a  cou- 
tume de  fouler  avec  les  pieds  la  terre  que  l"^on  jetttf 
dans  la  folTe  ,  &  d'y  joindre  d'es  pi^erfej  &  des  épines= 
qii/ ,  bletTant  ces  animau-x  ,  les  empêchent  d'e  fouiller' 
plus  avant.  Le  nom  adïvt  veut  dire  /oa^  en  langue  arabe  ^^ 
fa  figtfre ,  fon  poil  &  (a  Yoracité  font  bien  analogue^ 
à  ce  nom/  mais  fa  grandeur,  fa  familiarité  8»  fa  (lapi  - 
dite  en  donnent  une  idée  différente.  Voyage  du  P.  Fr,- 
Vincent  Marie,  ckaf.  jeijï y  artkle  traduit  par  M.  U 
»ar^nis  de  Montmirai/, 

0 


i6i  Hijloîre  naturelle 

les  cimetières  ,  de  fuivre  les  armées ,  cîe  s'at- 
tacher au  caravanes  :  ce  font  les  corbeaux 
des  quadrupèdes  ,  la  chair  la  plus  infefte 
ne  les  dégoûte  pas  j  leur  appétit  eft  ficonftant, 
fi  véhément ,  que  le  cuir  le  plus  fec  eft  en- 
core favoureux  ,  &  que  toute  peau,  toute 
grailTe ,  toute  ordure  animale  leur  eft  égale- 
ment bonne.  L'hysene  a  ce  même  goût  pour 
la  chair  pourrie  ;  elle  déterre  auffi  les  cada- 
vres, &  c'eft  fur  le  rapport  de  cette  habitude 
que  l'on  a  fouvent  confondu  ces  deux  ani» 
maux,  quoique  très  difFérens  l'un  de  l'au- 
tre. L'hyaene  eft  une  bêtefolitaire,  filencieufe^ 
très  fauvage,  &  qui  quoique  plus  forte  &  plus 
puifFante  que  le  chacal,  n'eft  pas  aufli  in- 
commode ,  &  fe  contente  de  dévorer  les  morts , 
fans  troubler  les  vivans,  au  lieu  que  tous 
les  Voyageurs  fe  plaignent  des  cris,  des  vols 
&  des  excès  du  chacal  (  ^  ) ,  qui  réunit  l'im- 


(  y  )  Jacl^alh  are  în  fo  great  plenty  ahout  the  gariens  , 
thaï  thiy  pajf  in  numhers  like  a  pack  of  hounds  in  fui  cry 
*ven  evenin^,  S^y^'^g  not  only  difiuriancc  by  thcir  noijc  , 
lut  making  free  with  the  poultry  and  other  provificns ,  if 
vcry  good  care  is  not  taken^  to  keep  them  ont  of  thcir  reach, 
The  Nat.  Hijî.  of  alepo  by  Alex.  Rujfd.  London  ^lj%&, 
—  Il  y  a  beaucoup  de  chacals  autour  du  mont  cau- 
cafe  ;  cet  animal  ne  reffemble  pas  mal  au  renard.  H 
déterre  les  morts,  &  dévore  les  animaux  &  les  cha- 
rognes. On  enterre  les  morts  en  Orient  fans  bière  & 
dans  leur  fuaire.  J*y  ai  vu  en  plufieurs  endroits  rouler 
«le  grofles  pierres  fur  les  fofles  ,  uniquement  à  caufe 
de  ces  bêtes  pour  les  empêcher  de  tes  ouvrir  Se  de 
dévorer  les  cadavres.  La  Mingrelre  eft  couverte  de  ces 
chacals;  ils  affiégent  quelquefois  les  maifons  ,  8c  font 
d€S  hutiemçns  épguvantaî/Ies^  le  pis  eil  (Qu'ils  font  U9 


du  Chacal  &  de  tAdlvc.         163 

pudence  du  chien  à  la  bafTefle  du  loup  ,  & 
qui ,  participant  de  la  nature  des  deux ,  fem- 
ble  n'être  qu'un  odieux  compofé  de  toutes  les 
mauvaifes  qualités  de  Tun  &  de  Tautre. 


grands  dégâts  dans  les  troupeaux  de  les  haras.  Voyage 
Ai  Chardin  i  page  y$. 


O    2 


1 64  Hijlo  ire  natUTtlU 


S 


L'  I  s  A  T  I  s    [a]. 

Voye:{^  Tome  VIII  ^  planche  6. 


1  le  nombre  des  reffemblances  en  généraî, 
il  la  parfaite  conformité  des  parties  intérieur 
yes  fiiiHfoient  pour  affurer  Tunité  des  efpè- 
ces  ,  le  Loup,  le  Renard  &  le  Chien  n'en 
fotmeroient  qu'une  feule ,  car  le  nombre  des 
reffemblances  eft  beaucoup  plus  grand  que 
celui  des  différences  ,  &  la  fimilitude  de» 
parties  internes  eft  entière;  cependant  ces 
trois  animaux  forment  trois  efpèces  non- feu- 
lement diftinâes ,  mais  encore  alTez  éloi- 
gnées pour  admettre  entr*eMes  d*autres  ef- 
pèces ;  &  comme  celle  du  chacal  eft  intermé^ 
diaire  entre  le  chien  &  le  loup,  Tefpèce  de 
llfatis  fe  trouve  placée  de  même  entre  le  re- 
nard &  le  chien.  Jufqu'^à  ce  jour.  Ton  n'avoir 
regardé  cet  animal  que  comme  une  variété 


(  a  )  Ifatis ,  nom  q«e  M.  Gmeliiv  a  dorinë  à  cet  ani- 
mal ,  8c  que  nous  avons  adopté..  Jonôon  indiqufr  auflî  ce 
»om>  De  quad.  digit^pzg.  1^5, 

^efii  j  en  langue  RufTe  y  félon  Gm«ltn ,  tom.  III, p  a/f. 

Vulpes  alha,  r  .  .  •  Vuipes  eruag&ra.  Aldrov.  die  quad^ 
digii.  pag«  221  8c  fuiv.  fig.  ibîd» 

Cànis  hieme  alBa ,  xfiate  ex  c'tncreo  ceeruUfcens, .  ,  .  Vtil-^ 
fes  alha.  le  Renard  blanc.  BriflT.  Regn.  anim,  pag.  -241, 

Lagopus.  Canis  eauda  recta ,  ûtrice  concoure.  Syji.  Nt^t» 
y.  .  .  .  Vulpes  alba.  Kalm.  Bahus,  2^6,  ....  Vulpe* 
tttruhfuns.  Faun,  Suce»  14.  »  ,  .  habitat  in  alpihus  Liff 

fonic:s ,  Sihiria pedes  denfiffime  pilofi  ut  In. 

UpsfTt,  Linix.  Syfi*  Nat,  edit.  Xj  pag,  40v 


dt  î  If  ans.  165 

dans  réfpèce  du  renard  \  mais  la  defcription 
qu*en  a  donnée  M.  Gmelin  (^)&  de  laquelle 
nous  ferons  ici  l'extrait ,  ne  permet  plus  de 
douter  que  ce  ne  foient  deux  efpèces  différentes. 


(  i  )  Novi  Comment.  Acad,  Petrop,  tom,   V»  ad  annos 
ijfjf  &  /7j;.  Petropoli,   1760. 


DIMENSIONS 
de   l'I  $  AT  I  s. 


De  rextrémite  du  mu- 

feau  à  l'origine  de 

la  queue 

S  Longueur  de  la  queue. 
Longueur  des  oreilles. 
Largeur  des  oreilles  à 

la  bafe 

Didance   des   oreilles 

entr*elles 

LoRgueur  du  bras.  .  . 
Longueur  de  l'avant- 

bras 

Longueur  du   carpe  , 

du  métacarpe  &  des 

doigts 

Longueur  des  ongles 

des  pieds  de  devant. 
Longueur  des  cui^Tes  , 

ci prefque 

Longueur  des  jambes, 

ci prefque 

Longueur  des  pieds  de 

derrière 

Longueur  des  ongles 

des  piedsde  derrière. 


L*   I 

S    A    T 

I 

Jl 

Maie, 

Femel/e.     j 

pied.  pou.  lig. 

pied 

pou.  li&J 

1  10 
I     0 

0    a 

0,'o 

0/0 
0 

I 
0 
0 

10 
II 

a 

0 
0 
0 

0    I 

O.'o 

e 

I 

0^ 

0    a 
0    4 

0  ; 

0 
0 

3 

0  l 

0    4 

0 1 

6 

3 

o| 

0    3 

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0 

3 

o| 

0    0 

ot 

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0    S 

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0    J 

• 

0 

4 

0  i 

0    4 

0  i 

0 

4 

<5i 

0    0 

ot 

0 

0 

^? 

l66  Hifloîrc  naturelle 

L'ifatis  (  dont  nous  donnons  ici  les  dimeii' 
fions  du  mâle  &  de  la  femelle  )  eft  très  com- 
mun dans  toutes  les  terres  du  nord,  voi- 
fines  de  la  mer  glaciale  ,  &  ne  fe  trouve 
guère  en-deçà  du  foixante-neuvième  degré  de 
latitude  :  il  eft  tout- à-fait  reffemblant  au  re- 
nard par  la  forme  du  corps  &  par  la  longueur 
de  la  queue  ,  mais  par  la  tête  il  reffemble 
plus  au  chien;  il  a  le  poil  plus  doux  que 
le  renard  commun  ,  &  (on  pelage  eft  blanc 
dans  un  temps,  &  bleu-cendré  dans  d'autres 
temps,  La  tête  eft  courte  à  proportion  du 
corps ,  elle  eft  large  auprès  du  cou  &  fe  ter- 
mine par  un  mufeau  auez  pointu  ;  les  oreil- 
les font  prefque  rondes  :  il  y  a  cinq  doigts 
&  cinq  ongles  aux  pieds  de  devant ,  &  feu- 
lement quatre  doigts  &  quatre  ongles  aux 
pieds  de  derrière  ;  dans  le  mâle  ,  la  verge 
eft  à  peine  groffe  comme  une  plume  à  écri- 
re ;  les  tefticules  font  gros  comme  des  aman- 
des, &  fi  fort  cachés  dans  le  poil  qu'on  a 
peine  à  les  trouver;  les  poils  dont  tout  le 
corps  eft  couvert,  font  longs  d'environ  deux 
pouces  ,  ils  font  lifles  ,  touffus  &  doux 
comme  de  la  laine  ;  les  narines  &  la  mâchoire 
inférieure  ne  font  pas  revêtus  de  poil  ,  la 
peau  eft  apparente ,  noire  &  nue  dans  ces 
parties. 

L'eftomac ,  les  inteftins  ,  les  vifcères  3  les 
vaifleaux  fpermatiques,  tant  du  mâle  que  de  la 
femelle  ,  font  femblables  à  ceux  du  chien  ;  il 
y  a  de  même  un  os  dans  la  verge,  &  le 
îquelette  entier  reffemble  à  celui  d'un  renard* 

La  voix  de  l'ifatis  tient  de  l'aboiement  du 
chien  &  du  glapifferaent  du  renard.  Les  ma«;- 


de  Û  If  ans.  167 

chands  qui  font  commerce  de  pelleteries,  dif- 
tinguent  deux  fortes  d'ifatis  ,  les  uns  blancs  & 
les  autres  bleus-cendrés,  ceux-ci  font  les  plus 
eftimés  ;  &  plus  ils  font  bleus  ou  bruns,  plus 
ils  font  chers.  Cette  différence  dans  la  couleur 
du  poil  ne  fait  pas  qu'ils  foient  d'efpèces  diffé- 
rentes ;  des  chaffeurs  expérimentés  ont  af- 
furé  à  M.  Gmelin ,  que ,  dans  la  même  por- 
tée ,  il  fe  trouvoit  des  petits  ifatis  blancs  & 
d'autres  cendrés  ;  ainfi  Tun  n'eft  qu'une  va- 
riété de  l'autre. 

Le  climat  des  ifatis  eft  le  nord,  &  les  ter- 
res qu'ils  habitent  de  préférence  font  celles 
des  bords  de  la  mer  glaciale  &  des  fleuves 
qui  y  tombent  ;  ils  aiment  les  lieux  décou- 
verts &  ne  demeurent  pas  dans  les  bois  ;  on 
les  trouve  dans  les  endroits  les  plus  froids, 
les  plus  montueux  &  les  plus  nus  de  la  Nor- 
vège ,  de  la  Lapponie  ,  de  la  Sibérie ,  &  même 
en  Ifîande  (  c  ).  Ces  animaux  s'accouplent  au 
mois  de  mars  ;  &  ayant  les  parties  de  la  gé- 
nération conformées  comme  les  chiens  ,  ils 
ne  peuvent  fe  féparer  dans  le  temps  de  l'ac- 
couplement; leur  chaleur  dure  quinze  jours 
ou  trois  femaines;  pendant  ce  temps,  ils  font 
toujours  à  l'air ,  mais  enfuite  ils  fe  retirent 


(c)  C'eft  vralfemb'ablement  en  voyageant  fur  des 
glaçons,  que  les  renards  fe  fort  gliifés  en  îftande  :  il 
s'en  trouve  en  grande  quantité  dans  cette  isle  ;  ils  ne 
font  point  roii<;eâtres,  ii  y  en  a  peu  de  noirs,  &  com- 
munément ils  font  gris  ou  bleuâtres  en  été  ,  &  bhncs 
en  hiver  ;  c'eft  dans  cette  dernière  faifon  que  leur  four- 
rure eft  fa  meilleure,  Hiji,  Nat,  <k  llfiande  ,  par  An^ 
dcfon  ,  tomi  1 1  P^S^  S^* 


\6S  Hîfiolre  natunlU 

dans  clés  terriers  qu'ils  ont  creufés  d'avancer 
ces  terriers  qui  font  étroits  &  fort  profonds 
ont  plufieurs  iffues;  ils  les  tiennent  propres, 
&>y  portent  de  la  moufle  pour  être  plus  à 
l'aife;  la  durée  de  la  geflation  eft ,  comme 
dans  les  chiennes ,  d'environ  neuf  femaines  ; 
les  femelles  mettent  bas  à  la  fin  de  mai  ou 
au  commencement  de  juin  ,  &  produifent  or- 
dinairement fix ,  fept  ou  huit  petits  (^f).  Lef 
ifaris ,  qui  doivent  être  blancs ,  font  jaunâtre* 
çn  nallîant ,  &  ceux  qui  doivent  être  bleu- 
cendrés  font  noirâtres,  &  leur  poil  à  tou* 
eft  alors  très  court  ;  la  mère  les  allaite  &  les 
garde  dans  le  terrier  pendant  cinq  ou  fix  fe- 
maines ,  après  quoi  elle  les  fait  fortir  & 
leur  apporte  à  manger.  Au  mois  de  feptem- 
bre  ,  leur  poil  a  déjà  plus  d'un  demi- pouce 
de  longueur;  les  ifatis  qui  doivent  devenir 
blancs  ,  le  font  déjà  fur  tout  le  corps ,  à 
l'exception  d'une  bande  longitudinale  fur  le 
dos  ,  &  d'une  autre  tranfverlale  fur  les  épau* 
les,  qui  font  brunes,  &  c'eft  alors  que  l'i- 
fatis  s'appelle  renard  croïfé  (e  )  ;  mais  cette 
croix  brune  difparoît  avant  l'hiver,  &  alors 
ils  font  entièrement  blancs,  &  leur  poil  a> 
plus  de  deux  pouces  de  longueur^  vers  le 


(</)  No'.a,  M.  Gmelîn  rfft,  d'après  îc  témoignage' 
<ïes  Chaffer.rs,  que  ces  animaux  produifent  quelquefoiis- 
vingt  ou  virgt-cinq  petits  d'une  feuî'e  portée.  7e  crois^ 
ce  fait  très  uifpeft  &  le  nombre  très  exagéré. 

(*)  Ncfa.  Cette  indicatioir  paroîf  aflez  précife  pour 
«fu'on  puiffe  croire  que  le  Vutpes  crucégera  de  Gefner^ 
/con,  Qxiad.  fg.  pag.  190;  6c  de  Rzaczynslci.  Hifi.  Nkr^ 
Pitl,  fags  2y  f  eft  le  même  anima)  f^  l'ifatis. 


de   tîfatîs»  169 

mois  de  mai ,  il  commence  à  tomber,  &  la 
mue  s'achève  en  entier  dans  le  mois  de 
juillet;  ainfi  la  fourrure  n*en  eft  bonne  qu'en 
biver. 

L*ifatis  vit  de  rats ,  de  lièvres  &  d'oifeaux , 
il  a  autant  de  fineffe  que  le  renard  pour  les 
attraper  ;  il  fe  jette  à  l'eau  &  traverfe  les 
lacs  pour  chercher  les  nids  des  canards  & 
des  oies,  il  en  mange  les  œufs  &  les  petits^, 
&  n'a  pour  ennemis  dans  ces  climats  deferts 
&  froids ,  que  le  glouton  qui  lui  dreffe  des 
embûches  &  l'attend  au  paflage. 

Comme  le  loup,  le  renard,  le  glouton  & 
les  autres  animaux  qui  habitent  les  parties 
du  nord  de  l'Europe  &  de  l'Afie  ,  ont  pafle 
d'un  continent  à  l'autre  ,  &  fe  retrouvent 
tous  en  Amérique,  l'ifatis  doit  s'y  trouver 
auiîl ,  &  je  préfume  que  le  renard  gris-argenté 
<ie  rAmèrique  feptentrionale ,  dont  Catesby 
( f)  a  donné  la  figure  ,  pourroit  bien  être 
l'ifatis  plutôt  qu'une  fimple  variété  de  l'efpècc 
du  renard. 


(  /)  Hift.  Nat.  de  la  Caroline  ,  par  Catesby ,  tom.  Il , 


i2,^::drî:pccfes ,  Tonit  VL 


lyo  Hijloîrt  naturclU 

LE     GLOUTON     [a]. 

Vpye^  Tome  IX  ^  planche  7. 

J-iE  Glouton ,  gros  de  corps  &  bas  des  jam- 
bes ,  eft  à-peu-près  de  la  forme  d*un  blaireau, 
mais  il  eft  une  fois  plus  épais  &  plus  grand  ; 
il  a  la  tête  courte  ,  les  yeux  petits  ,  les 
dents  très  fortes  ,  Je  corps  trapu ,  la  queue 


(a)  Glouton,  nom  que  l*on  a  donné  à  cet  animal, 
à  caure  de  fon  infatiable  voracité,  hrff,  en  S.iédois  ; 
Wie.lfra^\  en  Allemand;  RoomacÂ:,  en  EfcUvon;  Glutton , 
en  Anglois;  Carcajpv,  en  Canada;  Quincajou,  ea  é'iW'^ 
très  endroits  de  l'Amérique  feptentrionale. 

Jnter  omnia  tfnimalia  qu^t  irnmani  voracitate  credunmr 
infatiahilia  ,  gulo  ,  in  partibusoucciiz  feptentrionalh  prar- 
cipuum  fufcepit  nomcn  ,  ubi  patrio  fermpnt  jerff  dicitur  &• 
linguà  G'^rmanicâ  ,  wielfraU  ;  Sclavcnicc  ,  rofomaka  i 
muUâ  ccmtnefilone  ;  Latine  vero  nonniji  ficlitio  nomine 
gulo  ,  vidciicct  à  gulûfitau  appdlatur,  Olaï  Magni ,  HiJ}, 
de  Gent.  fept.  pag.  158. 

Gulo  à  voracitate  infatiabili»  thç  Glutton.  Charleton. 
Onom.  pag.  ij. 

Gulo ,  Gulofi.  Apollon,  Megabenî.  Hijl.  Gulonis^ 
ViennsAuftriae,  168  r. 

Rofomaka.  Eufeh.  Nieremb.  Hifi.  Nat.  Peregrin.  p.  188, 

Rofomaka.  Gulo.  Rzaczynski ,  Hifi.  Nat.  PoL.  page 
339^  ....  .  Gulo t  Olaï  Magni.  Crocuia,  Maji.  J?oo^ 
phagus ,  German^  yielfraff.  Polonice  ,  Rofomak.  U, 
auÀ.  page  '{it. 

Gulo  Wiclfraff  i  Boophagus .  Magnus  vorator,  Rofo- 
macka.   Klein  ,  de  quad.  pag.  83  ,  fig.  tab.  5. 

Gulo.  Mufiela  plantis  jjjjîs  corpore  rufofufco ,  média 
dorft  nigrot  Linn.  Sy/i,  nat.  edit,  X,  pag.  4/; 


du  Glouton^  lyt 

plutôt  courte  que  longue ,  &  bien  fournie  de 
poil  à  fon  extrémité  :  il  eft  noir  fur  le  dos, 
&  d'un  brun -roux  fur  les  ^ancs  ;  fa  fourrure 
ett  une  des  plus  belles  &  des  plus  recherchées; 
on  le  trouve  aïïez  communément  en  Lappo- 
flie  &  dans  toutes  les  terres  voifmes  de  la  mer 
du  nord,  tant  en  Europe  qu'en  Afie;  on  le 
retrouve  fous  le  nom  4e  Carcajvu  au  Canjada 
&  dans  les  autres  parties  de  l'Amérique'  la 
plus  feptentrionale;  il  y  a  même  toute  appa- 
rence que  ranimai  de  la  baie  de  Hudfon,  que 
M.  Edwards  a  donné  {b)  fous  le  nom  de 
i^uïck-Hatch  ou  Wolverenne  ,  petit  ours  ou 
louveteau  ,  félon  fon  tradudeur,  eft  le  même 
que  le  carcajou  de  Canada ,  le  même  que  le 
glouton  du  nord  de  l'Europe;  il  me  paroît  aufli 
que  l'animal  indiqué  par  Fernandès,  fous  le 
nom  de  Tepeyi^^cunli 0\x  Chien  de  montagne^  pour- 
roit  bien  être  le  glouton  dont  l'efpèce  s*eft 
peut-être  répandue  jufque  dans  les  montagnes 
défertes  de  la  nouvelle  Efpagne  (^c). 

Olaiis  Magnus  me  paroît  être  le  premier 
qui  ait  fait  mention  de  cet  animal;  il  dit,(^) 
qu'il  eft  de  la  groffieur  d'un  grand  chien,  qu'il 
a  les  oreilles  &  la  face  d'un  chat,  les  pieds 
&  les  ongles  très-forts ,  le  poil  brun  ,  long 
&L  touffu,  la  queue  fournie  comme  celle  du 


{i  )  Edwards,  Hiji   of  ^irAs^  p.  105,  fig,  ihid. 

(c)  Animal efl  paryi  can'is  magnitudinc  audacijfimumqus  ; 
aggredttur  cnim  ccrvos  6*  quandoquc  etiam  interjîcit  ;  corpus 
univcrfum  pigrum  ,  pc3us  ac  coUum  c^ndenf  s  pi/i  lun^i  6f 
'Cauda  lonca  &  c^ninum  ouocjue  caput ,  unde  nomen.  Fer- 
jjandès  .  HiJl.  anlm.  ncv.  Hifp.  P'g.  7^  cap.  zi, 

1^4)  Olai  Magni^  de  G&nt.fcpt.  p.   nS  &  fcq^ 

P    Z 


lyi  Hijioîn  natunlU 

renard ,  mais  plus  courte.  Selon  SchefFer  {e)  , 
îe  glouton  a  la  tête  ronde  ,  les  dents  fortes 
&   aiguës  ,  femblables   à  celles  du  loup ,  le 
poil  noir ,  le  corps  large  &  les  pieds  courts 
comme  ceux  de  la  loutre.  La  Hontan  (/)  , 
qui  a  parlé  le  premier  du  carcajou  de   TA- 
mérique  feptentrionale  ,   dit  «   figurez-vous 
i>  un  double  blaireau,  c'eft  l'image  la  plus  ref- 
3)  femblante  que  je   puiffe   vous   donner  de 
j>  cet  animal  jj.  Selon  Sarrazin  (g),  qui  pro- 
bablement n'en  avoit  vu  que  de  petits,  les 
carcajous   n'ont    guère  que   deux    pieds   de 
longueur  de  corps  &  huit  pouces  de  queue  ; 
et  ils  ont,  dit-il,   la  tête  fort  courte  &  fort 
»  grofle ,  les  yeux  petits  ,les  mâchoires  très 
3>  fortes ,  garnies  de  trente-deux  dents   bien 
3)  tranchantes.   »  Le   petit  ours    ou   louve- 
teau  d'Edwards   (h),  qui   me   paroît    être 
le  même  animal ,  étoit ,  dit  cet  Auteur  ,  une 
fois  auiîi  gros  qu'un  renard;  il  avoit  k  dos 
arqué,  la   tête  baffe,  les  jambes   courtes, 
le  ventre  prefque  traînant  à  terre,  la  queue 
d'une  longueur  médiocre  &  touffue  vers  l'ex- 
trémité. Tous   s'accordent  à  dire  qu'on   ne 
trouve  cet  animal  que   dans   les  parties  les 
plus  feptentrionales  de  l'Europe  ,  de  l'Afie 
&  de  l'Amérique  ;  M.  Gmelin  (  i  )  efl  le  feul 


(c)  Hiftoire  de  Lapponie  ,  par  J,  Scheffer.  Paris, 
fôjS  ,  page  p4' 

(/)  Voy.ige  Ae  la  Hontan,  tome  I,  page  qC 

(g)  Hiftoire  de  l'Académie  des  Sciences,  année  iji-j, 
page  14. 

(h)  Hiftoire  des  Oifeaux,  par  Edwards,/?,  /oj. 

(/}'Le  glouton  eftie  f(Bul  dont  on  puiffe  dire,  comme 


du  Glouton,  ty} 

qu\  femble  afîurer  qu'il  voyage  jufque  dans 
les  pays  chauds  j  mais  ce  fait  me  paroît  très 
fufped  ,  pour  ne  pas  dire  faux  v  Gmelin  , 
comme  quelques  autres  Naturaliftes  (  yt  )  ,  a 
peut-être  confondu  Thysene  du  midi  avec  le 
glouton  du  nord,  qui  le  refTemblent  en  ef- 
fet par  les  habitudes  naturelles  <  &  fur-tout 
par  la  voracité,  mais  qui  font,  à. tous  autres 
égards ,  des  animaux  très  différens. 

Le  glouton  n'a  pas  les  jambes  faites  pour 
courir,  il  ns  peut  même  marcher  que  d'un 
pas  lent;  mais  la  rufe  fupplée  à  la  légèreté 
qui  lui  manque,  ;  il  attend  les  animaux  au 
pafTage  ;  il  grimpe  fur  les  arbres  pour  fe 
lancer  dciTus  ,  &  les  faifir  avec  avantage  ;  il 
fe  jette  fur  les  élans  &  fur  les  rennes,  leur 
entame  le  corps ,  &  s'y  attache  fi  fort  avec 
les  griffes  &  les  dents ,  que  rien  ne  peut 
l'en  féparer  :  ces  pauvres  animaux  précipitent 
en  vain  leur  courfe  ;  en  vain  ils  fe  frottent 
contre  les  arbres  &  font  les  plus  grands  ef- 
forts pour  fe  délivrer  ;  l'ennemi ,  aflîs  fur 
leur  croupe  ou  fur  leur  cou  ,  continue  à 
leur  fucer  le  fang ,  à  creufer  leur  plaie  ,  à 
les  dévorer  en  détail  avec  le  même  acharne- 
ment, la  même  avidité  ,  jufqu'à  ce  qu'il  les  ait 
mis  à  mort  (^/)  ;  il  eft  ,  dit-on  ,  inconcevable 


de  l'homme,  qu'il  vit  aufli  bien  fous  la  Ligne  qu'au 
Po!e.  On  le  voit  par-tout,  il  court  du  midi  au  nord, 
&  du  nord  au  midi,  pourvu  qu'il  trouve  à  manger. 
Voyage  de  Gmelin ,  tome  III,  pag.  4()Z  O  fniv, 

(h  )  Briir.  Regn.  anim.  pag.  235   Ôc  236. 

(/)  Le  glouton  eft  un  animal  carnalfier  ,  un  pei» 
moins  grand  que  le  loup;  il  a  le  poil  rude,  long  &  d'ua 

P  3 


174  U'ifloin  natunîît 

combien  de  temps  le  glouton  peut  manger  <?€ 
fuite ,  &  combien  il  peut  dévorer  de  chair 
en  une  féale  fois. 

Ce  que  les  Voyageurs  en  rapportent  eft 
peut-être  exagéré;  mais,  en  rabattant  beau- 
coup de  leurs  récits ,  il  en  reile  encore  af- 
fez  (m)  pour  être  convaincu  que  le  glouton 
eft  beaucoup  plus  vorace  qu*aucun  de  no» 
animaux  de  proie  ,  auiîî  l'a-t-on  appelle  le 
Vautour  des  quadrupèdes;  plus  infatiable,  plus 
déprédateur  que  le  loup,  il  détruiroit  tous  les 
autres  animaux,  s*il  avoir  autant  d'agilité; 
mais  il  eft  réduit  à  fe  traîner  pefamment, 
&  le  feul  animal  qu^il  puiffe  prendre  à  la 
courfe  eft  le  caftor  ,  duquel  il  vient  très  ai- 


brun  qui  approche  du  noir»  fur-tout  fur  le  dos;  il  a  la 

rufe  de  grimper  fur  un  arbre  pour  y  guetter  le  gibier  j 
&,  lorfque  quelqu'^animal  paffe,  il  s'^élance  fur  fon  des  , 
&  fait  fi  bien  s'y  accrocher  par  le  moyen  de  (ti  grif- 
fes, qu'il  lui  en  mange  une  partie,  &  que  le  pauvre 
animal,  après  bien  d«s  efforts  inutiles  pour  fe  défaire 
d'un  hôte  fi  incommode ,  tombe  enfin  par  terre ,  & 
devient  la  proie  de  fon  ennemi.  Il  faut  au  moins  trois 
cîes  plus  forts  lévriers  pour  attaquer  cette  bête  ,  encore 
leur  donne-telle  bien  de  la  peine.  Les  Rufles  font 
grand  cas  de  la  peau  du  glouton,  ils  l'emploient  ordi* 
nairement  à  des  manchons  pour  les  hommc's  &  A^i  bor- 
dures de  bonnet5.  Relation  de  La  grande  TiViarU,  Amf- 
tgrdam^  '737»  P^ge  8. 

(n»)  Hoc  animal  vorac' ffimum  eji,  nperto  namqut  ea- 
davere  tantwn  vorat  ut  vioUnto  ciho  corpus  infiar  tym-^ 
fani  extendatur  i  invcntuqua  angujîia  inter  arhores  fe  firingii 
ut  violenùus  egerat  :  ficqut  extenuatum  revertimr  ad  cadet- 
ver  &  ad  fummum  ufque  repletur ,  iterumque  fi  ftringik 
mngufiiâ  priori,  &<,  OLi  Mëgni,  Jiiji,  ÎU  Ct.u.  fcgU 
pag,  13S. 


du  Glouton,  \y% 

ilment  à  bout ,  &  dont  il  attaque  quelque-» 
fois  les  cabanes  pour  le  dévorer  avec  Tes 
petits ,  lorsqu'ils  ne  peuvent  aflez  tôt  gagner 
Teau  (n),  car  le  caftor  le  devance  à  la 
nage ,  &  le  glouton  ,  qui  voit  échapper  fa 
proie  ,  fe  jette  fur  le  poiflbn;  &  lorfque  toute 
chair  vivante  vient  à  lui  manquer,  il  cher- 
che les  cadavres  ,  les  déterre ,  les  dépèce  6c 
les  dévore  jufqu'aux  os. 

Quoique  cet  animal  ait  de  lafinefîe  &  mette 
en  œuvre  des  rufes  réfléchies  pour  fe  faifir 
des  autres  animaux ,  il  femble  qu'il  n'ait  pas  de 
fentiment  di{lin6i:  pour  fa  confervation  ,  pas 
même  Tinftind  commun  pour  fon  faUit  ;  il 
vient  à  l'homme  ou  s'en  laifle  approcher  (o) 


(n)  Le  Carcajou,  quoique  petit,  eft  très  fort  &  très 
furieux;  &  quoique  carnaflier ,  il  efi  (i  lent  &  fi  pefant 
«l«*il  fe  traîne  fur  la  neige  plutôt  qu'il  n'y  marche.  II 
ne  peut  attraper  en  marchant  que  le  caftor ,  qui  eft  auflfi 
lent  que  lui,  &  il  faut  que  ce  foit  en  été  où  le  cador 
cft  hors  de  fa  cahane  ;  mais  en  hiver  il  ne  peut  q.ie 
brifer  &  démolir  la  cabane  &  y  prendre  le  caftor  ,  ce 
r^xx  ne  lui  rèufîit  que  très-rarement ,  parce  que  le  caftor 
a  fa  retraite  aflfurée  fous  la  glace.  Hijîoire  de  l'Académie 
royale  des  Sciences,  année  '7»^,  pag^  I4- 

(  0  )  Les  Ouvriers  apperçurent  de  loin  un  animal  qui 
marchoit  à  eux  gravement  &  à  pas  comptés,  que  quel- 
ques-uns prirent  pour  un  ours,  &  d'autres  pour  un 
glouton  :  ils  allèrent  au-devant  de  cet  animal ,  qu'ils 
reconnurent  à'ia  fin  pour  un  glouton,  &  ,  après  qu'ils 
lui  eurent  donné  quelques  bons  coups  de  per<;he ,  ils 
le  prirent  encore  en  vie  ;  ils  me  l'apportèrent  aulTi-tôt. 
....  D'après  les  rapports  que  les  chaiTeurs  de  Sibérie 
m'avoient  fait  depuis  plufieurs  années  fur  l'adreffe  de 
cet  animal,  foit  pour  tourner  les  autres  animaux,  & 
fuppléer  par  la  rafe  à  la  légèreté  que  la  Nature  lui  a 

P  4 


176  HîRoir€  natunlh 

fans  apparence  de  crainte.  Cette  indifférence 
qui  paroît  annoncer  llmbécillité,.  vient  peut- 


refufée,  foit  pour  éviter  les  embûches  des  hommes,  je 
fus  très  étonné  de  voir  artiver  celui-ci  de  propos  déli- 
béré au-devant  de  nous  pour  chercher  la  mort.  Isbrand- 
ides  l'appelle   un   animal    méchant    qui  ne  vit  que  de 
rapines  ;  *<  il  a  coutume,  dit  il ,  de  fe  tenir  fur  les  arbres 
tranquille ,  &  de  $*y  cacher  comme  le  lynx  jufqu'à  ce 
qu*il  paffe  un  cerf,  un  élan  ,  un  chevreuil,  un  lièvre, 
&c.  alors  il  s'élance  avec  toute  la  rapidité  d'une  flèche 
fur  l'animal,  lui  enfonce  fes  dents  dans  le  corps  &  le 
ronge  jufqu'à  ce  qu'il   expire,  après  quoi  il  le  dévore 
à  fon  aife  ôc  avale  jufqu'au  poil  ôc  à  la  peau.  Un  W;ii- 
vode   qui  gardoit  chez  lui  pour  fon  plaifir  un  glouton, 
le  fit  un  jour  jeter  dans  l'eau  &  lâcha  fur  lut  une  couple 
<H»  chiens;  mais  le  glouton  fe  jeta  auflî  tôt  fur  la  tê^e 
d'un  de  ces  chiens,  &  le  tint  fous  l'eau  jufqu'à  ce  qu'il 
l*eftt  fuffoqné  »♦.,..  L'adreffe  dont  fe  fert  le  glouton 
pour  furprendre  les   animaux  (continue   M.  Gmelin), 
eft  confirmée  par  tous  les  chafTeurs.  .  .  .   quoiqu'il  fe 
repairTe  de  tous  les  animaux   vivans  ou  morts,  il  aime 
de  préférence  le  renne.  ...  11  épie  les  gros  animavix. 
comme  un  voleur  de  grand  chemin,  ou  bien  il  les  fur- 
prend  quand   ils  dorment   au  gîte.  ....  il  recherche 
tous  les  pièges  qae  les  chafieur»  tendent  pour  prendre 
les  différentes  efpèces  d'animaux  ,  ôi  il  ne  s'y  laiffe  pas 
attraper.  .  ,  .  Les  chalTeurs  de  renards  bleus  &  blar.cft 
(ifatis),  qui   fe  tiennent  dans  le   voifinage  de  la  me^ 
glaciale  ,  fe  plaignent  beaucoup  du  tort  que  leur  fait  !é> 

glouton On  l'appelle   ainfi   avec  raifon,  parce 

qu'il  eft  incroyable  ce  qu'il  peut  manger;  je  n'ai  jamais 
entendu  dire,  quoique  je  l'aie  demandé  plufieurs  fois  à 
des  chafleurs  de  profeffion ,  que  cet  animal  fe  preiTe 
entre  deux  arbres  pour  vider  fon  corps,  &  y  faire  de  la. 
place  pour  fatisfaire  de  notiveau  &  plus  promptement  fon 
infatiable  voracité.  Cela  me  paroît  être  la  fable  d'un 
Naturalifle  ,  ou  la  fiflion  d'un  Peintre.  Voyageât  Gmt^ 
lin  y  tome  III ,  page  492.  Nota.  C'eft  OlaiVs  qui  le  premier 
a  écrit  cette  fable,  &  un  Deflinateur,  copié  dans  Gef» 
eer,  qui  Ta  mife  en  figure. 


du  Qlcuton,  f77 

être  d'une  caiife  très  différente;  il  eft  cer- 
tain que  le  glouton  n'eft  pas  ftupide ,  puif- 
qu'il  trouve  les  moyeas  de  fatisfaire  à  Ton 
appétit  toujours  preiTant  &  plus  qu'immo- 
déré; il  ne  manque  pas  de  courage,  puifqu'il 
attaque  indifféremment  tous  les  animaux  qu'il 
rencontre ,  &  qu'à  la  vue  de  l'homme  il  ne 
fuit  ni  ne  marque,  par  aucun  mouvement  > 
le  fentiment  de  la  peur  fpontanée  ;  s'il  man- 
que donc  d'attention  fur  lui-même,  ce  n'eft 
point  indifférence  pour  fa  confervation ,  ce  ^ 
n'eit  qu'habitude  d^  fécuriré  r  comme  il  ha*  ' 
bite  un  pays  prefque  déiert,  qu'il  y  rencon- 
tre très  rarement  des  hommes  ,  qu'il  n'y 
connoît  point  d'autres  ennemis  ,  que  toutes 
les  fois  qu'il  a  mefuré  fes  forces  avec  les 
animaux,  il  s'efl  trouvé  fupérieur  ,  il  mar- 
che avec  confiance  &  n*a  pas  le  germe,  de 
la  crainte ,  qui  fuppofe  quelqu'épreuve  mal- 
beureufe  ,  quelqu 'expérience  de  fa  foiblefTe  ; 
on  le  voit  par  l'exemple  du  lion  qui  ne  fe 
détourne  pas  de  l'homme  ^à  moins  qu'il  n*ai$ 
éprouvé  la  force  de  fes  armes  ;  &  le  glouton 
fe  traînant  fur  la  neige  dans  fon  climat  dé- 
fert ,  ne  laifTe  pas  d'y  marcher  en  toute  fé- 
curité ,  &  d'y  régner  en  lion,  moins  par  fa 
force  que  pa?  la  foiblefTe  de  ceux  qui  l'en- 
vironnent. 

L'ifatis  y  moins  fort  mais  beaucoup  plus  lé- 
ger que  le  glouton,  lui  fert  de  pourvoyeur.^ 
celui-ci  le  fuit  à  la  chafTe  ,  &  fouvent  lui 
enlève  fa  proie  avant  qu'il  ne  Tait  entamée , 
au  moins  il  la  partage;  car,  au  moment  que 
le  glouton  arrive  >  l'ifatis ,  pour  n'être  pas 
çiangé  lui-même,  abandonne  ce  qui  lui  reft« 


jyi  Hijïoîn  namreltt 

à  manger  ;  ces  deux  animaux  fe  creiifent 
également  des  terriers  ;  mais  leurs  autres  ha- 
bitudes font  différentes ,  l'ifatis  va  fouvent 
par  troupe  ,  le  glouton  marche  Teul  ,  ou 
quelquefois  avec  fa  femelle  ;  on  les  trouve 
ordinairement  enfemble  dans  leurs  terriers. 
Les  chiens  (;?),  même  les  plus  courageux, 
craignent  d'approcher  &  de  combattre  le 
glouton,  il  fe  défend  des  pieds  &  des  dents, 
&  leur  fait  des  bleflures  mortelles  ;  mais , 
comme  il  ne  peut  échapper  par  la  fuite ,  les 
hommes  en  viennent  aifément  à  bout. 

La  chair  du  glouton  (  ^  ) ,  comme  celle 
de  tous  les  animaux  voraces,  eft  très  mau- 
vaife  à  manger  :  on  ne  le  cherche  que  pour 
en  avoir  la  peau  ,  qui  fait  une  très  bonne 
(r)  &  magnifique  fourrure  j  on  ne  met  au- 


(p)  Via  vix  conceiitur  nt  à  eanilus  apprehendatur, 
eum  un^ulas ,  dentefque  adco  ocutos  habeat,  ut  ejus  coït" 
grejfum  formident  canes  qui  in  f'rocijjlmos  lupos  vircsfutu 
extendcre  foUnt.  OUi  Magni ,   Hifi.  de  Gent.  ftpt.  page 

139. 

(q)  Ciiro  hujns  anlmulis  omninh  inutilis  efi  ad humanam. 
tfcam  ,  fcdpdlis  multum  commoda  ac  pretiofa.  Candet  enim 
jufcata.  rJgudi^e  infiar  panni  damaj'c-ti  divcrfis  omatA 
ji(;"ns  atqve  pulchrior  in  afpeciu  rcdditur  quo  arv.ficum 
dili^cntia  G  ind'^Jîna  coluruni  confurmitau  in  quorum,]ue 
yejîium  génère  fiierlt  ccadunata.  Olaï  Magni ,  Hiji.  dt 
Cent.  f&pt.  pag.  139. 

(  r)  On  dit  qae  le  glouton  eft  un  animal  particulier 

au  pays  du  nord 11  eft  de  couleur  noirâtre;  le* 

poils  comme  le  renarr^,  pour  la  longueur  &  j'épaiffeur, 
mais  plus  fins  &  plus  doux  ,  ce  oui  fait  que  les  peaux 
en  font  plus  recherchées  &  fort  chères  ,  même  en  Suède. 
Article  extrait  &  traduit,  Appollon,  Megabeni ,  HiJloriA 
Gulonis,  Vienns-Âuftrix,  16S1. 


du  Glouton,  179 

deffiis  que  celle  de  la  zibeline  &  du  renard 
noir,  &  Ton  prétend  que,  quand  elle  eft 
bien  choifie  ,  bien  préparée  ,  elle  a  plus 
de  luftre  qu'aucune  autre  ,  &  que  fur  un 
fond  d'un  beau  noir  la  lumière  fe  réfléchit 
&  bril!e  par  parties  comme  fur  une  étoffe 
damaffée  (/). 


(/)  Les  goulus  forft  affet  communs  en  Lapponie « 

La  peau  en  eft  extrêmement  noire,  dont  le  poil  renvoie 
une  certaine  blancheur  luifante  comme  les  fatins  &  cla- 
mas à  fleurs.  Quelques  uns  la  comparent  à  la  peau  <^es 
ftiartes-zibelincs,  fi  ce  n'eft  que  celles-ci  ont  le  poil  plus 
doux  &  délicat.  Cette  bête  ne  demeure  pas  feulement 
fur  la  terre,  mais  encore  fous  l'eau  comme  les  loutres..,^ 
mais   le  goulu  eft  beaucoup  pîus   grand  &  plus   vorace 

que  la  loutre il   ne  pourfuit  pas    feulement  les 

bêtes  fsuvages,  mais  encore  les  domefliques  ,  &  même 
les  poiflbns.  Hiftoirt  dt  la  Lapponie ^  par  Scheffîr,  page 


i8o  H'ijîolre  naturdU 

LES   MOUFFETTES. 

Voye:^  planches  X  &  XI  de  ce  volume» 

il  eus  donnons  le  nom  générique  de  Mouf" 
fette  à  trois  ou  quatre  efpèces  d'animaux  , 
qui  renferment  &:  répandent  jlorfqu'ils  font 
inquiétés,  une  odeur  fj  forte  &  fi  mauvaife, 
qu'elle  {uffoque  comme  la  vapeur  fouterraine 
qu'on  appelle  mouffette.  Ces  animaux  fe  trou- 
vent dans  toute  l'étendue  de  l'Amérique  (  ^  ) 
méridionale  &  tempérée  ;  ils  ont  été  défignés 
indiftinâ:ement  par  les  Voyageurs,  fous  les 
noms  de  puans  ,  bêtes  puantes  ,  enfans  du  dia» 


(a)  Dans  tes  terres  voîfines  du  d^trait  de  Magellan  ^ 
TOUS  vîmes  un  autre  animal  à  qui  nous  donnâmes  le 
nom  de  Grondeur  ou  de  Souffieury  parce  qu'il  ne  voit 
pas  plutôt  quelqu'un ,  qu*il  gronde ,  fouffîe  &  gratte  la 
terre  avec  fes  pieds  de  devant ,  quoiqu'il  n'ait  pour 
toute  défenfe  que  fon  derrière  qu'il  tourne  d'abord  vers 
celui  qui  l'approche»  &  d'où  il  fait  fortir  des  excré- 
mens  d'une  odeur  la  plus  déteftable  qu'il  y  ait  au  monde^ 
Voyage  du  capitaine  Wood.  Suite  des  Voyages  de  Dam" 
pier^  tome  V,  page  iSi.  —  Il  y  a  au  Pc^ou  beaucoup 
de  petits  renards,  parmi  lefquels  il  faut  remarquer  ceux 
qui  rendent  une  odeur  infupportable  ;  ik  entrent  les 
nuits  dans  les  villes,  &  quelque  fermées  que  foient  les 
fenêtres ,  on  les  fent  de  plus  de  cent  pas  ;  heureufe» 
ment  que  le  nombre  en  eft  petit ,  car  ils  ampuan^iroier.î 
U  monde  entier.  Hifieire  des  Incas ,  tome  II ,  page  x6$i. 


des  Mouffettes,  i8i 

ïk ,  6*c.  {y\  ;  &  non  -  feulement  on  les  a  con- 
fondus entr'eux ,  mais  avec  d'autres  qui  font 
d'efpèces  très  éloignées.  Hernandés  (c)  a  in- 
cliqué alTez  clairement  trois  de  ces  animaux; 
il  appelle  le  premier  Yfquiepatl ,  nom  Mexi- 
<:ain  que  nous  lui  coniérverions,  s'il  étoit 
plus  aifé  de  le  prononcer;  il  en  donne  la  def- 
cription  &  la  figure,  &  c'eft  le  même  ani- 
mal dont  on  trouve  aufîl  la  figure  dans  l'ou- 
vrage de  Séba  (d)-,  nous  l'appellerons  Coafe 
(  Voye^  planche  X  ^  fi^.  j  de  ce  volume') ,  du  nom 
Squash  qu'il  porte  dans  la  nouvelle  Efpagne 
(  e  ).  Le  fécond  de  ces  animaux ,  que  Hernan- 


(i)  Une  forte  de  fouine  qu'on  a  nommée  Enfant  du 
diatie  ou  Bcte  puante,  parce  que  fon  urine  qu'elle  fâche 
quand  elle  eft  pourfuivie,  empefte  l'air  à  un  demi  quart 
êe  lieue  à  la  ronde,  eft  d'ailleurs  un  fort  joli  animal; 
«lie  eft  de  la  grandeur  d'un  petit  chat,  mais  plus  grode; 
d*un  poil  luifant  tirant  fur  le  gris  avec  deux  lignes 
blanches  qui  lui  forment  fur  le  dos  une  figure  ovale 
depuis  le  cou  jufqu'à  la  queue  ;  cette  queue  eft  touffue 
comme  celle  du  renard,  &  elle  la  redreffe  comme  fait 
i'écureuil.  Hifioire  de  la  nouvelle  France  ,  par  le  P.  Char- 
Icvûix ,  tome  III ,  page  j^j.  Nota.  Cet  animal  eft  le  même 
que  celui  que  nous  appellerons  ici  ConepatCy  du  nom 
^u'il  porte  au  Mexique. 

(c)  Yfquiepatl  feu  Vulpecula  qux  Mai\ium  torrtfacîum 
4imulatur  colore.  Genus  primum.  .  .  .  funt  &  alla  duo 
hujus  vulpecula.  gênera  eddem  forma  &  naturâ  quorum 
Ahcrum  Yfquiepatl  etiam  vocatum  frfcus  ntultis  candenù~ 
hus  diflinkuitur ,  alterum  verb  Conepatl  feu  vulpecula  puz' 
rilis  unie  à  tantum  utrlnque  ducla  perque  caudam  ipfam 
todem  modo  delatâ.  Hernand.  Hift,  Mex,  page  331, 
fig.   ibid. 

(<f)  Se'ba,  vol.  7,  pa%.  68,  Tah.  ^z,  fg.  i. 

(^)  Le  Squashe  eft  un  animal  à  quatre  pieds,  plus 
cos  qu'un  chat,  fa  tçte  lefTemble  allez  à  celle  du  re- 


1^2  Hljloirt  naturtîit 

dès  nomme  aufli  V/quiepail,  eft  celui  qui  eft 
ici  repréfenté ,  &  que  nous  apellerons  Chïnche 
(  Voye:^  planche  X ,  )%•.  2  de  ce  volume  ^  ,  du 
nom  qu'il  porte  dans  l'Amérique  méridionale. 
Le  tfoifième,  que  Hernandès  nomme  Compati 
^  Foye:^  planche  XI  y  fig,  2  de  ce  volume  ) ,  &  au- 
quel nous  conferverons  ce  nom,  eft  le  même 
que  celui  qui  a  été^  donné  par  Catesbi  (/) 
ious  la  dénomination  de  Putois  d'Amérique ,  & 
par  M.  Briflbn  fous  celle  de  putois  rayé  (  g  ). 
Enfin ,  nous  connoiflbns  encore  une  quatrième 
efpèce  de  mouffette  à  laquelle  nous  donne • 
rons  le  nom  de  ZorilU  (  voye^  planche  X ,  fig, 
4  de  ce  volume  )  ,  qu'elle  porte  au  Pérou  & 
dans  quelques  autres  endroits  des  Indes  ef- 
pagnoles. 

C'eft  à  M.  Aubry,  Curé  de  Saint  Louis., 
que  nous  fommes  redevables  de  la  connoil-. 


nard,'  il  a  les  oreilles  courtes  &  des  griffes  aiguës,  qui 
lui  fervent  à  efcalader  les  arbres  tout  comme  un  chat  ; 
il  a  U  peau  couverte  d'un  poil  court ,  fin  &  jaunâtre , 
la  chair  en  eft  très  bonne  &  fort  faine.  Voyage  de  Dam- 
pur  ^  tome  } II,  page  ^02. 

(/)  Hiftoire  naturelle  de  la  Caroline,  par  Catesbi, 
Londres ^  iy4j,  tome  JI^  page  6î,fig.  ibid.  Voici  la  def- 
cription  qu'en  donne  cet  auteur,  u.  Cet  animal  par  fa 
taille  n*eft  pas  fort  différent  du  putois  commun  ,  fi  ce 
n'oft  que  fon  nez  eft  un  peu  plus  long  ;  tous  ceux  que  j'aî 
vus  étoient  noirs  &  blancs ,  quoiqu'ils  ne  fuffent  pas 
marqués  de  la  même  manière  ;  celui  ci  avoit  une  raie 
Hanche  qui  s*étendoit  depuis  le  derrière  de  la  tête  ,  tout 
du  long  du  milieu  du  dos  jufqu'au  croupion  ,  avec  quatre 
autres  raies  de  chaque  côté  qui  étoient  parallèles  à  la 
premi-ère,  >» 

(g)  Mt/Jkla  nigra,  tctniis  in  iorfo  aibb.  Putor'ius ftriAm 
tus.  Le  putois  rayé.  Briff.  Jùgn,  anim,  pag.  2.§o. 


des  Mouffctus,  18  5 

fatice  de  deux  de  ces  animaux  ;  fon  goût  & 
tes  'lumières  en  Hiftoire  naturelle ,  brillent 
dans  fon  Cabinet,  qui  eft  un  des  plus  curieux 
de  la  ville  de  Paris  ;  il  a  bien  voulu  nous  com- 
municuer  fes  richeffes  toutes  les  fois  que 
nous  en  avons  eu  befoin;  &  ce  ne  fera  pas 
ici  la  feule  occafion  que  nous  aurons  d*eii 
marquer  notre  reconnoiflance.  Ces  animaux 
que  M.  Aubry  a  bien  voulu  nous  prêter 
pour  les  faire  delTmer  &  graver  ,  font  le 
coafe  ,  le  chinche  &  le  zorille;  on  peut  re- 
garder ces  deux  derniers  comme  nouveaux  , 
car  on  n'en  trouve  la  figure  dans  aucun  Au-. 
teur. 

Le  premier  de  ces  animaux  eft  arrivé  à  M. 
Aubry,  fous  Iç  nom  de  Pékan  ^  enfant  du  dia- 
ble  y  ou  chat  fauvage  de  Virginie  ;  j'ai  vu  que 
ce  n*étoit  pas  le  pékan,  j'ai  rejeté  les  déno- 
minations d*enfant  du  diable  &  de  chat  fau- 
vage comme  faélices  &  compoléesî  &  j'ai 
recoiinu  que  c'étoit  le  même  animal  que  Her- 
nandès  a  décrit  fous  le  nom  d'Y'Jquiepatl,  & 
que  les  Voyageurs  ont  indiqué  fous  celui  de 
fquask  ;  &  c'eft  de  cette  dernière  dénomina- 
tion que  j'ai  dérivé  le  nom  coafe  que  je  lui  ai 
donné  :  il  a  environ  feize  pouces  de  long, 
y  compris  la  tête  &  le  corps ,  il  a  les  jam- 
bes courtes  ,  îe  mufeau  mince  ,  les  oreilles 
petites  ,  le  poil  d'un  brun  foncé,  les  on^Jes 
noirs  &  pointus;  il  habite  dans  des  trous, 
dans  des  fentes  de  rochers,  où  il  élevé  fes 
petits.  Il  vit  de  fcarabées  ,  de  vermiffeaux , 
de  petits  oifeaux  ;  &  lorfqu'ii  peut  entrer 
<ians  une  baiTe-cour ,  il  étrangle  les  volail- 
les ,  deiquelles  il  ne  mange  que  la  cervelle  ; 


£^4  Hijloirc  naturelle 

lorfqu'il  eft  irrité  ou  effrayé,  il  rend  une 
odeur  abominable  :  c'eft  pour  cet  animal  un 
moyen  iùr  de  défenfe  ;  ni  les  hommes  ni  les 
chiens  n'ofent  en  approcher:  fon  urine,  qui 
fe  mêle  apparemment  avec  cette  vapeur  em- 
peftée,  tache  &  infeéle  d'une  manière  indé- 
lébile; au  refte ,  il  paroît  que  cette  mauvaife 
odeur  n'eft  point  une  chofe  habituelle.  »  On 
fï  m'a  envoyé  de  Surinam  cet  animal  vivant, 
»  dit  Séba  (A) ,  je  l'ai  conlérvé  en  vie  pen- 
î>  dant  tout  un  été  dans  mon  jardin,  où  je 
«  le  tenois  attaché  avec  une  petite  chaîne  ; 
«  il  ne  mordoit  perfonne ,  &  lorfqu'on  lui 
M  donnoit  à  manger,  on  pouvoit  le  manier 
j)  comme  un  petit  chien;  il  creufoit  la  terre 
w  avec  Ton  mufeau  en  s'aidant  des  deux  pat- 
f>  tes  de  devant,  dont  les  doigts  font  ar- 
i>  mes  d'ongles  longs  &  recourbés  ;  il  fe  ca- 
«  choit  pendant  le  jour  dans  une  efpèce  de 
«  tanière  qu'il  avoit  fait  lui-même ,  il  en  for- 
i>  toit  le  foir ,  &  après  s'être  nettoyé,  il  com- 
«  mençoit  à  courir  ainfi  toute  la  nuit  à  droite 
«  &  à  gauche  aulfi  loin  que  fa  chaîne  lui  per- 
9>  mettoit  d'aller; il  furetoit  par  tout,  portant 
»  le  nez  en  terre  ;  on  lui  donnoit  chaque  foir  à 
:>  manger,  &  il  ne  prenoit  de  nourriture  que 
8>  ce  qu'il  lui  en  falloit  ,  fans  toucher  au 


(  A  )  Yfquiepatl ,  dont  îa  couleur  reffemble  à  celle  flu 

tnaVs   brûlé fa   tête  reflfemble  à  celle  d'un  petit 

renard,  &  fon  grouin  e(ï  è-peu-près  comme  celui  du 
cochon  ;  les  Américains  l'appellent  Quasje.  Séba,  vol. 
/j  page  68.  Nota.  Cette  autorité  prouve  encore  que  le 
niot  Squash  ou  Coafc  eft  le  vrai  nom  de  cet  animai. 

V  refie; 


des  Mou  fa  US»  l^ç 

it  reiîe;  il  n*aimoit  ni  la  chair,  ni  le  pain  » 
T>  ni  quantité  d'autres  nourritures  ,  fes  déli- 
«  ces  étaient  les  panais  jaunes ,  les  chevret^ 
7i  tes  crues ,  les  chenilles  &  les  araignées. . , .  • 
»  Surîa  fin  de  l'automne,  on  le  trouva  mort 
»  dans  fa  tanière  ,  il  ne  put  fans  doute  fup- 
»  porter  le   froid.  Il  a  le  poil  du  dos  d'un 
»  châtain  foncé ,  de  courtes  oreilles ,  le  de- 
T>  yant  de  la  tête  rond ,   d'une  couleur  un 
»  {>eu  plus  claire  que  le  dos  ,  &  le   ventre 
w  jaune.  Sa  queue  eft   d'une  longueur  mé- 
»  diocre,  couverte  d'un  poil  brun  &  courte 
»  on  y   remarque   tout  autour  comme  des 
Tt  anneaux  jaunâtres  ».  Nous  obferverons  que 
quoique  la  defcription   &  la  figure  données 
par  Séba,  s'accordent  très  bien  avec  la  def- 
cription &  la  figure  de  Hernandès  ,  on  pour- 
roit  néanmoins  douter  encore  que  ce  fût  le 
même  animal ,  parce  que  Séba  ne  fait  aucune 
mention  de  fon  odeur  déteftable,  &  qu'il  eft 
difficile  d'imaginer  comment  il  a  pu   gaitîer 
dans  fon  jardin,  pendant  tout  un   étéj  une 
béte  auffi  puante,  &  ne  pas  parler,  en  la 
décrivant  ,   de  l'incommodité    qu'elle    a   dû 
caufer  à  ceux  qui  l'approchoient  ;  on  pour- 
roit  donc  croire  que  cet  animal  ,  donné  par 
Séba  fous  le  nom  àyfquïepatl ,  n'eft  pas   le 
véritable ,  ou  bien  que  la  figure  donnée  par 
Hernandès   a  été  appliquée  à  l'yfquiepatl  ^ 
tandis  qu'elle  appartenoit  peut-être  à  un  au- 
tre animal;  mais  ce  doute,  qui  d'abord  pa- 
roît  fondé ,  ne  fubnftera  plus  quand  on  faura 
que  cet  animal  ne  rend  cette  odeur  empeftée 
que  q^uand  il  eft  irrité  ou  preiTé ,  &  que  plu^ 

Nfc. 


iS6  Hifiolre  natunlU 

fieurs  perfonnes  en  Amérique  en  ont  élevé 
&  apprivoiré(  i). 

De  ces  quatre  efpèces  de  mollettes  ,  que 
nous  venons  d'indiquer  fous  les  noms  de 
coafe  ,  conepate ,  ckinche  &  t^orïlk  ,  les  deux 
dernières  appartiennent  aux  climats  les  plus 
chauds  de  rÀmérique  méridionale,  &  pourr 
roieot  bien  n'être  que  deux  variétés  &  nori 
pas  deux  efpèces  différentes.  Les  deux  pre- 
mières font  du  climat  tempéré  de  la  nouvelle 
Efpagne,  de  la  Louifiane,  des  Illinois  ,  de 
la  Caroline ,  &c.  &  me  paroiiTent  être  deu^fi; 
efpèces  diftin6ïes  &  différentes  des  deux  au- 
tres y  fur- tout  le  coafe  qui  aie  cara6^ère  par» 
ticulier  de  ne  porter  que  quatre  ongles  aux 
pieds  de  devant,  tandis  que  tous  les  autres  en 
ont  cinq  ^  niais  au  refte  ces  animaux  ont 
tous  à-peu-près  la  même    figure  ,  le   même 


(i)  Malgré  Tincommode  pfopriëté  de  ces  ânîmaux  >. 
les  Anglois,  les  François,  les  S^iédors  &  les  Sauvage* 
«le  l'Amérique  feptentrionale  en  apprlvoifent  quelque- 
fois; on  dit  cju'^alors  ils  fuivent  comme  les  animaux  <*©- 
«leftiques,  ôc  qu'ils  ne  lâchent  leur  urine  q\ie  quand  on 
les  preffe  ou,  qu^on  les  bat  :  lorfqtie  les  Sauvages  en- 
tuent  quelques-uns,  i's  leur  coupent  la  veflie,  sfin  que 
la  chair,  qu'ils  trouvent  bonne  à  manger^  ne  prenne 
pas  l'odeur  de  l'urine  ;  j'ai  fouvent  rencontré  des  An- 
glois  &  des  François  qui  na'ont  d'if  en  avoir  mangé  8t 
î'avoir  trouvée  dun  très  bon  gcfit ,  qai  approchcit  >, 
£e1on  eux,,  vHe  celui  du  cochon  de  lait;,  les  Européens 
ne  font  aucun  cas  de  fa  peau  à  caufe  de  fon  épaiiïeur 
ôc  de  la  longueur  de  fon  poi' ,  mais  les  Sauvages  fc 
fervent  de  ces  peaux  pour  faire  des  bourfes  ,  &c. 
Voyage  de  Kalm ,  vagi  ^77,  anitk  traduit  ^ar  M»  U  mAf-^ 


des  Mouffettes,  187 

înftlnft,  la  même  mauvaife  odeur,  &  ne  dif- 
fèrent ,  pour  ainfi  dire ,  que  par  les  couleurs  & 
la  longueur  du  poil.  Le  coafe  eft,  comme  on 
vient  de  le  voir^  d'une  couleur  brune  aflez 
uniforme,  &  n'a  pas  la  queue  touffue  comme 
les  autres.  Le  conepate  (^)  a  fur  un  fond 


{k)  Les  Anglois  appellent  PoUcat,  une  efpèce  d'ani- 
mal que  l'on  trouve  communément ,  non-feulement  en 
Penfilvanie  ,  mais  dans  d'autres  pays  plus  au  nord  &  au 
fud  en  Amérique,  on  l'appelle  vulgairement  Scunck , 
dans  la  nouvelle  Yorck  ;  les  Suédois  qui  font  dans  ce 
pays ,  le  nomment  Fishatte.  .  .  .  Cet  animal  reflemble 
beaucoup  à  la  marte,  il  eft  à-peu-près  de  la  même 
groffeur,  &  ordinairement  d'une  couleur  noire,  il  a 
cependant  fur  le  dos  une  ligne  blanche  longitudinale  ^ 
&  une  de  chaque  côté  de  Ta  même  couleur  ôf  de  la 
même  longueur  ;  on  en  voit ,  mais  rarement ,  qui  font 
prefque  tous  blancs.  .  .  .  Cet  animal  fait  (es  petits  éga- 
lement dans  des  creux  d'arbres  &  des  terriers,  il  ne 
refte  pas  feulement  fur  terre ,  mais  «1  monte  fur  les> 
arbres.  Il  eft  ennemi  des  oifeaux;  il  brife  leurs  œufs  & 
mange  leurs  petits;  &  quand  il  peut  entrer  dans  un  po»* 

lailler,  il  y  fait  un  grand  ravage Quand   il  eft 

chafle,  foit  par  les  chiens  ,  foit  par  les  hommes  ,  it  court 
tant  qu'il  peut  ou  grimpe  fur  un  arbre;  Se  lorfqu'il  fe 
trouve  très  preffé,  il  lance  fon  urine  contre  ceux  c{\vÉ 

le   pourfuivent l'odeur  en  eft  fi  forte  y  (fu'elFe 

fufFoque  ;  s'il  tomboit  une  goutte  de  cette  liqueur  em- 
peftée  dans  les  yeux  ,  on  courroit  rifque  de  perdre  \ai 
vue  i  5c  quand  il  en  tombe  fur  les  habits ,  elle  leur  im- 
prime «ne  odeur  fi  forte,  qu'il  eft  très  difHcile  de  \9 
fnirs  paffer;  la  plupart  des  chiens  fe  rebutent  &  s'en- 
fuient dès  qu'ils  en  font  frappés  ;  i!  faut  plus  d'un  mois 
pour  enlever  cette  odeur  d'une  étoffe.  .  ^  .  Dans  !«$. 
bois,  on  fent  fouvent  cette  odeur  de  trèî  loin.  }in 
X749,  il  vint  un  de  ces  animaux  près  de  la  ferme  ou 
je  logeois  ,  c'étoit  en  hiver  &  pendant  la  nuit ,  les  chiens- 
étoient  éveillés  &  le  pourfuivoient  ;  dans  le  moment  ^ 
il  fe  répandit  une  odeui  fi  fétide,  qu'étant  dans  moti  Ik,, 


i88  Hifloîrt    naturtlU, 

de  poil  noir  cinq  bandes  blanches  qui  s'éten^" 
dent  longitudinalement  de  la  tête  à  la  queue. 
Le  chinche  (^/^  eft  blanc  fur  le  dos  &  noir 


je  penfai  être  fufFoqué,  les  vaches  beugloient  de  toutes 
leurs  forces.  .  .  ,  Sur  la  fin  de  la  même  année,  il  s'en 
gliffa  un  autre  dans  notre  cave  ,  mais  il  ne  répandit  pas 
la  plus  légère  odeur,  parce  qu'il  ne  la  répand  que  quand 
il  eft  chaffé  ou  preffé.  Une  femme  qui  l'aperçut  la  nuit 
à  Ces  yeux  étincelans,  le  tua,  &,  dans  le  moment,  ii 
remplit  la  cave  d'une  .telle  odeur,  que  non-feulement 
cette  femme  en  fut  malade  pendant  quelques  jours ,  mais, 
que  le  pain,  la  viande  &  les  autres  provisions  qu'on  con- 
fervoit  dans  cette  cave  furent  tellement  infe£tés,  qu'on 
ne  put  en  rien  conferver,  &  qu'il  fallut  tout  jeter  de- 
hors. Voyage  de  Kalm  ,  page  ^^i  &  fuivantes ,  artlcls. 
traduit  par  M.  le  marquis  de  Montmirail. 

(  /)  Cet  animal  eft  appelle  Chinche  par  les  Naturels 
du  Bréfil;  il  eft  de  la  groffeur  d'un  de  nos  chats,  il  a 
la  tête  longue,  fe  rétréciiTant  depuis  fa  partie  amérieure 
jufqu'à  l'extrémité  de  la  mâchoire  fupérieure  qui  av  nce 
au-delà  delà  mâchoire  inférieure,  les  deux  formant  une 
gueule  fendue  jufqu'aux  petits  canthus  ou  angles  exté- 
rieurs des  yeux  j  fes  yeux  font  longs  ,  &  leur  longueur 
eft  fort  rétrécie  ,  l'uvée  eft  noire,  &  tout  le  refte  eft 
blanc;  fes  oreilles  font  larges  &  prefque  femblables  à 
celles  d'un  homme;  les  cartilages  qui  les  compofent , 
ont  leurs  bords  renverfcs  en  dedans  ;  leurs  lobes  ou  par- 
•  ties  inférieures  pendent  un  peu  en  bas,  &  toute  la  dif- 
pofition  de  ces  oreilles  marque  que  cet  animal  a  le  fens 
de  l'ouïe  fort  délicat  j  deux  bandes  blanches  prenant 
leur  origine  fur  la  tête,  paffent  au-deffus  des  oreiHes 
i©n  s'éloignant  l'une  de  l'autre,  &  vont  fe  terminer  en 
arc  aux  côtés  du  ventre;  fes  pieds  font  courts,  les 
pattes  divifées  en  cinq  doigts,  munis  à  leurs  extrémités 
de  cinq  ongles  no'rrs,  longs  &  pointus,  qui  lui  fervent 
à  creufer  fon  terrier  ;  fon  dos  eft  voûté  ,  femblable  à 
celui  d'un  cochon;  &  le  deffbus  du  ventre  eft  tout 
plat  ;  fa  queue  ,  aufti  longue  que  fon  corps,  ne  diffère 
pas  de  celle  d'un  renard;  fon  poil  eft  d'un  gris  obtcur 
&  long  comme  celuPde  aos  chats  j  il  fait  fâ  de:neure 


ies  Mouffettes,  iSg 

Air  les  flancs  3  avec  la  tête  toute  noirs  ,  ai 
l'exception  d^une  bande  blanche  qui  s'étend 
depuis  le  chignon  jufqirau  chanfrein  du  nez;, 
fa  queue  eft  très  touffue  &  fournie  de  très 
longs  poils  blancs  mêlés  d'un  peu  de  noir^ 
Le  zorille  (^/n),  qui  s'appelle  auiTi  mapur'ua. 
(n)^  paroit  être  d'une  efpèce  plus  petite  ^ 


dans  la  terre  somme  nos  lapins,  mais  fon  terrier  n'eft 
pas  fi  profond  ;  j'eus  une  très  grande  peine  à  faire  per- 
dre à  mes  habits  la  mauvaife  odeur  dont  ils  étoient  im- 
bus ,  elle  dura  plus  dtjuit  jours ,  quoique  je  les  euffe 
iavés  pKiueurs  fois,  iniRiillés,  féchés  au  foleil ,  &c,  Oa 
me  dit  que  la  mauvaife  odeur  de  cet  animal  ëtoit  pro- 
duite par  fon  urine,  qu'il  la  répand  fur  fa  queue,  8c 
qu'il  s'en  fert  comme  de  goupil  on  pour  la  difperfer  §4 
pour  faire  fuir  fes  ennemis  par  cette  odeur  horrible  ; 
qu'il  urine  de  même  à  l'entrée  de  fon  terrier  pour  les 
empêcher  d'y  entrer  ;  qu'il  eft  fort  friand  n'oifeaux  84 
de  volailles  ,  &  que  ce  font  ces  animaux  qui  détruifent 
principalement  les  oifeaux  dans  les  campagnes  de  Bue— 
nos-ayres.  Journal  du  P.  Fcuillée.  Paris ^  '7'4i  P^i^  2.7? 
&  fuiv.  Nota.  Il  me  paroît  que  ce  même  animal  eft  in- 
diqué par  Acofta  fous  le  nom  de  Chtnci/le,  qui  ne  difïere 
pas  beaucoup  du  chinche,  "  Les  chincilles,  dit  cet  Au- 
«  teur,  font  petits  animaux  comme  efcurieux,  qui  ont 
«un  poil  merveilleufement  doux  &  lifte.  .  .  .  &  fe 
»  trouvent  en  la  Sierre  du  Pérou,  »  Hijîoire.  naturelle 
des  Indes  occidentales ..  pa^e  /pp. 

(m)  Le  Zorilia  de  la  nouvelle  Efpagne  eft  grand 
comme  un  chat,  d'un  poil  blanc  &  noir,  avec  une  très 
belle  queue  :  lorfqu'il  eft  pourfuivi,  il  s'arrête  pour  pif- 
fer,  c'eft  fadéfenfe;  car  la  puanteur  de  cet  excrément 
eft  fi  forte  ,  qu'elle  empoifonne  Pair  à  cent  pas  à  la 
ronde ,  &  arrête  ceux  qui  le  pourfuivent  j  s'il  en  tom.- 
boit  fur  un  habit,  il  faudroit  l'enfermer  fous  terre  pour 
en  ôter  la  puanteur.  Voyage  de  GemelU  Careri ,  tome 
yi ,  pa^es  2! 2  &  21^. 

(«)   Le  Mapurita  des  bords   ds  l'Ûrénoque  eft  un 


iço  Hijloire  naturelU 

il  a  némmoins  la  queue  toute  aiiffî  beîîe  & 
auflî  fournie  que  le  chinche  ,  dont  il  diffère 
par  la  dirpofition  des  taches  de  fa  robe;  elle 
eft  d'un  fond  noir,  fur  lequel  s'étendent  loa- 
gitudinalement  des  bandes  blanches  depuis  la 
tête  jufqu'au  milieu  du  dos,  &  d'autres  ef-  ^ 
pèces  de  bandes  blanches  tranfverfalement 
lur  les  reins  ,  la  croupe  &  l'origine  de  la 
queue,  qui  eft  noire  jufqu'au  milieu  de  fa 
longueur,  ^  blanche  depuis  le  milieu  juf- 
qu'à  l'extrémité,  au  lieu  que  celle  du  chin- 
che eft  par- tout  de  la  même  couleur.  Tous 
ces  animaux  (  c?  )  font  $j  -  peu  -  près   de  la 


petit  an-imal  le  plus  beau  &  en  même  temps  le  plus  àé" 
teflable  que  l'on  puiffe  voir  :  les  Blancs  de  rAmériqae 
l'appelîent  Mapurita^  &  les  Indiens  Mafutiliquî\  il  a  Te 
corps  tout  taché  de  blanc  8t  de  noir;  fa  qaeue  eft  garnie 
d\in  très  beau  poil  :  il  eft  vif,  méchant  &  hardi.  .  .  , 
Te  fiant  fur  (es  armes  ,  dont  j'ai  éprouvé  l'effet  ait  point 
d'en  être  presque  faffoqué.  ...  il  lâch»  des  vents  qur 
empeftent,  même  de  loin.  .  .  .  Les  Indiens  cependant 
mangent  fa  chair  &  fe  parent  de  fa  peau,  qui  n'a  au- 
cune mauvaife  odeur.  Hiflohe  natur&lk  de  POrénoque ^ 
par  Giim'ilia ,  tome  III.  page  240. 

(0)  H  y  a  à  la  Louiftane  une  efpèce  d'animal  aflea 
joli ,  mais  qui  de  plus  d'une  lieue  empefte  l'air  de  foa 
«rin-e;  c'eft  ce  qui  le  fait  nomn^er  la  béte  puante-,  ell« 
eft  grofle  comme  un  chat.*  le  mâle  eft  d'un  très  beau 
noir  ,  St  la  femelle  aufli  noire  ,  eft  bordée  de  blanc  ;  for» 

ceil  eft  très  vif elle  eft  à  jufte  titre  nom-née 

puante ,  car  fon  odeur  infefte Un  jour  j'en  tuai 

une  ,  mon  chien  fe  jetta  deffjs  &  revint  à  moi  en  la 
fecouant  ;  une  goutte  de  fon  fang  ,  &  fans  doute  auftî 
de  fon  urine  ,  tomba  fur  mon  habit,  qui  étoit  de  coutil 
de  chafte  ,  &  m'^empetta  fi  fort,  que  je  fus  contraint  de 
retourner  chez  moi  au  plus  vîte  changer  de  vêtement, 
8tc.  Hiftolft  de  U  Louifiane  ^j^ar  le  Page  du  Ff^^t^,  tonm 


des  Moufettes',  içi 

même  figure  &  de  la  même  grandeur  que  le 
putois  d'Europe  ,•  ils  lui  reffemblent  encore 
par  les  habitudes  naturelles  ;  &  les  réfultats 
phyfiques  de  leur  organifation  font  aulîi  les 
mêmes.  Le  putois  eft  de  tous  les  animaux 
de  ce  continent  celui  qui  répand  la  plus 
fnauvaife  odeur,  elle  eft  feulement  plus  exal- 
tée dans  les  mouffettes,  dont  les  efpèces  ou 
variétés  (ont  nombreufes  en  Amérique,  au 


II,  pages  86  &  Sj.  Lorfqu'un   rfe  ces  animaux  etk 

attaqué  par  un  chien,  PP"^  paroître  plus  terrible,  iî 
change  fi  fort  fa  figure  *n  h^riffant  Ton  poil  &  fe  ra« 
maffant  tout  le  corps  ^  c}u*il  eft  prefque  tout  rond,  ce 
qui  le  rend  étrange  &  affreux  en  même  temps;  cepen- 
dant cet  air  menaçant  ne  fufHfant  pas  pour  épouvanter 
fon  ennemi,  il  emploie,  pour  le  repoaffer,  ttn  moyen 
beaucoup  plus  efficace,  car  il  Te  iette,  de  quelques  con- 
duits fecrets ,  une  odeur  fi  empeftée,  qu'il  empoifonne 
l'air  fort  loin  autour  de  fui ,  fi  bien  que  les  hommes  & 
les  animaux  ont  un  grand  emprefTement  à  s'en  éloigner; 
il  y  a  des  chiens  à  qui  cette  puanteur  eft  infupportable^ 
&.  elle  les  oblige  à  laifTer  échapper  leur  proie;  il  y  eri 
a  d'autres  qui,  enfonçant  leur  nez  daRs  la  terre,  renou» 
vellent  leurs  attaques  )ufqu*à  ce  qu'ils  aient  tué  le 
putois;  mais  rarement  dans  la  fuite  fe  foucient-rls  de 
pourfuivre  un  gibier  fi  défagréable,  qui  les  fait  fouffrir 
pendant  quatre  ou  cinq  heures.  Les  Indiens  cependant 
en  regardent  la  chah-  com-me  une  délicatefîe.  T'en  at 
tnangé  &  je  l'ai  trouvée  de  bon  goût;  j'en  ai  vu  qu'on» 
a  apprivoifés  quand  ils  étoient  encore  petits  ;  9s  font 
devenus  doux  ÔC  fort  vifs,  ôc  ils  n'exerçoient  point 
cet'e  faculté,  à  laquelle  la  peur  &  l*intéret  de  leur  pré— 
fervation  les  forcent  peut-être  d*avoir  recours.  Les 
putois  fe  cachent  dans  les  creux  des  arbres  &  àes  ro- 
chers :  on  en  trouve  dans  prefque  tout  le  continent 
feptentrional  de  l*Amérique;  Ks  fe  nourriffent  d'infec- 
tes &  de  fruits  fauvages,  Hijîcirc  natunlU  de  /a  Car.Mr 
Ak  ,  /ar  Catcîbii  totni  II,  p«5«  oa. 


ICI 2  H'iflolrc  naturdU 

lieu  que  le  putois  efl  feul  de  la  {ienrie  dain 
'ancien  continent;  car  je  ne  crois  pas  que 
l'animal  dont  Kolbe  parle  fous  le  nom  de 
blaireau  puant  {p\,  &  qui  me  paroit  être  une  vé- 
ritable mouffette,  exifte  au  cap  de  Bonne-ef- 
pérance  comme  naturel  au  pays;  il  fe  peut 
qu'il  y  ait  été  tranfporté  d'Amérique  ,  &.  il 
fe  peut  auffi  que  Kolbe ,  qui  n^eft  point  exa^ft 
fur  les  faits ,  ait  emprunté  fa  defcription  du 
P.  Zuchel  y  qu'il  cite  comme  ayant  vu  cet 
animal  au  Brefil.  Celui  de  la  nouvelle  Efpa- 
gne  ,  que  Fernandès  indique  fous  le  nom  de 
Ortohua,  me  paroît  être  le  même  animal  que 
le  zorilla  du  Pérou  ;  &  le*  Tepemaxtla  du  même 
auteur  {^q)  pourroit  bien  être  le  conépate , 
qui  doit  fe  trouver  à  la  nouveîUe  Efpagne 
comme  à  la  Louifiane  &  à  la  Caroline. 


(p)  Defcription  du  cap  de  Bonne- efpérance ,  par 
Kolbe ,  tome  III,  pages  86  &  87. 

(tj)  Ortohala  ,  magnitudlne  très  dodrantes  vîx  fuperas 
nîgro  candidoque  vefilta.  pilo  fed  guibufdam  in  partlhtts 
fulvo.  ....  apud  has  gentes  in  dbi  jamdiu  venit  ufum 
guamvis  crepitiis  ventris  fit  illi  fatiUJjimus  :  Occitucenfi" 
tus  vcrfatur  agris.  .  ,  .  eji  altéra  fpecies  quam  tepcrnaxi' 
lam  rocunt  eàdim  fere  forma  &  naturâ  fed  nullâ  in  parte 
fulva ,  &  caudd  nigris  albifque  fafcïis  tranfverfim  difcur^ 
rentibus  varia  qiix  provenit  quoqiie  apud  Occitucenfes*- 
Fernand.  Hijî.  An.  nov.  Hifp,  ips^.  6,  cap.  xvî. 


LE 


T?t)m?vrr. 


PI.  H- 


rLe  Vtfon.  2^1^*i<  CoirepcCtc  -    5     Le-  PeJCaiv. 
^  Xy outre  (le    CancuicL. 


s&3ïâiÉaËdaaBiaoasi 


du  Ptkan  &  du  Vifon.  195 


LE     PEKAN 

ET 

L  E     V  I  S  O  N. 

Voye:^  plaMcfie  XI ,  figure  i  &  '^  de  ce  volums^, 

JLl  y  a  lorrg-temps  que  le  nom  de  Pékan  étok 
en  uTage  dans  le  commerce  de  la  pelleterie 
du  Canada  (<2  ),  fans  que  l'on  en  connût  mieux 
l'animal  auquel  il  appartient  en  propre;  on 
î^e  trouve  ce  nom  dans  aucun  Naruralifte  , 
&  les  Voyageurs  l'ont  employé  indiftin<5le- 
ment  (^b^  pour  défigner  différens  animaux  , 
&  fur-tout  les  mouffettes;  d'autres  ont  ^^^ 
çq\\q  renard  oxk  chat  fauvage  Vzmrn^l  qui  doit 
porter  le  nom  de  pékan,  6i  il  n'étoit  pas  pof- 
itble  de  tirer  aucun  connoifîan-ce  précife  des 
notices  courtes  &  fautives  que  tous  en  ont 
données.  11  en  eft  du  vlfen  comme  du  pékan , 


(a  )  Noms  des  peaux  qu'on  tire  du  Canada,  arec  leurs 
▼àleurs  en  1683,  .  .  .  Les  pékans,  chats  fauvages  ou 
enfans  du  diable,  valent  i  livre  15  fous  la  peau.  Voyage 
d:  la.  Hontan,  tome  II,  page  39. 

(&)  Il  Tépand'une  puanteur  infupportable.  Les  Fran- 
çois lui  donnent ,  dans  le  Canada ,  le  nom  à.' enfant  du 
diable  ou  hêti  puante  ;  cependant  quelqnes-uns  l'appellent 
p:kcno  Voyage  de  Kabn^page  ^J2,  artick  traduit  par  M, 
h  marquis  de  Montmiraii. 

Quadrupèdes^  Tome  VL  R 


194  Hlfloln  natUTtllt 

nous  ignorons  l'origine  de  ces  deux  noms; 
&  perfonne  n'en  fa  voit  autre  chofe,  finon 
qu'ils  appartiennent  à  deux  animaux  de  TA- 
mérique  feptçntrionale.  Nous  les  avons  trou- 
vés, ces  deux  animaux,  dans  le  cabinet  da 
M.  Aubry  ,  Curé  de  Saint  Louis  ,  &  il  a 
Jîien  voulu  nous  les  prêter  pour  les  décrirç 
&  les  faire  deiîîner. 

Le  pékan  refîemble  fi  fort  à  la  marte ,  & 
le  vifon  à  la  fouine  ,  que  nous  croyons  qu'on 
peut  les  regarder  comme  des  variétés  dans 
chacune  de  ces  efpèces  (  c-  )  ;  ils  ont  non- 
feulement  la  même  forme  de  corps ,  les  mê- 
mes proportions  ,  les  mêmes  longueurs  de 
queue,  la  même  qualité  de  poil,  mais  encore 
le  même  nombre  de  dents  &  d'ongles  ,  Iç 
même  inftinft  ,  les  mêmes  habitudes  natu- 
relles. Ainfi,  nous  nous  croyons  fondés  à 
regarder  le  pékan  comme  une  variété  dans 
l'eTpèce  de  la  marte  ,  &  le  vifon  comm^ 
une  variété  dans  celle  de  la  fouine ,  ou  du 
moins  comme  des  efpèces  fi  voifmes  ,  qu'el- 
les ne  préfentent  aucune  <lifférence  réelle  i 
le  pékan  &  le  vifon  ont  feulement  le  pcil 
plus  brun,  plus  luftré  &  plus  foyeux  que  la 


(  c  )  Je  ferois  alTez  porté  à  croire  que  l'animal  încîî» 
que  par  Sagard  Théodat ,  fous  le  nom  de  Oaay  »  pour- 
roit  être  le  même  que  le  vifon.  ♦«  L'Ottay ,  dit  ce  Voya- 
»♦  geur  ,  eft  grand  comme  un  petit  lapin  ;  il  a  le  poil 
»♦  très  noir.  Se  û  doux,  poli  ôc  beau  ,  qu'il  femble  de 
>»  la  panne.  Les  Canadiens  font  grand  cas  de  ces  peaux  ^ 
»♦  defquel'es  ils  font  des  robes.  "  Voyage  au.  pays  des 
Huions  ,  pas,ç  loS.  Il  n'y  a  au  Canada  aucun  animal  ai^» 
ôuej  ceits  indication  convienne  mieux  (|[u'au  yifçn. 


du  Pckan  &  du  Vlfon,         195 

marte  &  la  fouine  ;  mais  cette  différence  , 
comme  l'on  fait,  leur  efl:  commune  avec  le 
caftof,  la  leurre  &  les  autres  animaux  da 
nord  de  TAmérique  ,  dont  la  tburrure  eft  plus 
belle  que  celle  de  ces  mêmes  animaux  dans  1^ 
nord  de  l'Europe. 


R  1 


ï  c)  6  "Hljloirt  naturelU 

LA    ZIBELINE  {a). 


X  RESQUE  tous  les  Naturaliftes  ont  parlé  de 
la  Zibeline  fans  la  connoître  autrement  que 
par  fa  fourrure.  M.  Gmelin  eft  le  premier 
qui  en  ait  donné  la  figure  &  la  defcription  ; 
il  en  vit  deux  vivantes  ehez  le  Gouverneur 
de  Tobokk.  «  La  Zibeline  reffemble  ,  dit-il, 
»  à  la  marte  par  la  forme  &.  l'habitude  du 
>»  corps ,  &  à  la  belette  par  les  dents  ;  elle  a 
«  fijf  dents  incifives  aflez  longues  &  un  peu 


(a)  Zibelîre,  Marte  zibeline;  Zohel,  en  Allemand  ; 
Sohol,  en  Polonois  j  Sahbel  ^  en  Suédois,  Sable  j  en 
Anglois. 

MuficU  Sobella,  Gefner  ,  Hijî.  quad.  p.  768. 

Mtiflda  Zihellina ,  The  Sable.  Ray.  Syn.  quaimp, 
page  aoi. 

MufieU  Zibdlina  ,  Arlftotelis ,  Satherlus  ,  Nipho  ,  Ce- 
halus  ,  Alciato  ,  mus  farmaticus  6*  fcythicus.  The  cebal 
or  fable.  Charleton ,  exercit.  pag.  ao. 

Mujlda  Sobella.  Gefneri,  Mu/lela  Zibellîna  Jon^oni , 
Mufiela  fcythica  ,  martes  fcythica  ,  iclis  fcyth'ica  ,fatheruis 
AriJlAdis  ,  mus  farmaticus  &  fcythicus  Alciatîs ,  &c* 
Rzaczynski,  au£V.  pag.  317. 

Xi^flcU  ohfcure  fulva  ,  gutture  cinereo Martes 

Zibdlina.  La  marte  zibeline.  Briff.  Reg.  anîm.  p.  24S. 

Mufiela  Zihdllna.  Nov.  Comm.  Acad.  Petrop.  tom 
V-  Animalium  CHorumdam quadr.  defcriptio,  auélore  Georg» 
ÇmsUn ,  art.  t ,  fig,  ibid,  tab.  6. 


dt  la  Zibeline^  19^ 

»  Coiarbées ,  avec  deux  longues  dents  canines 
»>  à  la  mâchoire  inférieure,  de  petites  dents  très 
«  aiguës  à  la  mâchoire  fupérieure,  de  grandes 
M  mouftaches  autour  de  la  gueule  ;  les  pieds 
j»  larges  &  tous  armés  de  cinq  ongles  :  ceâ 
«  caractères  éroient  communs  à  ces  deux  zi- 
>j  belines  ;  mais  l'une  étoit  d'un  brun  noirà- 
>?  tre  fur  tout  le  corps  ,  à  l'exception  des 
»  oreilles  &  du  deffous  du  menton  ,  où  le 
»  poil  étoit  un  peu  fauve  ;  &  l'autre  ,  plus  pe- 
S)  tite  que  la  première ,  étoit  fur  tout  le  corps 
ï>  d'un  brun  jaunâtre  ,  avec  les  oreilles  &  le 
»  defibus  du  menton  d'une  nuance  plus  pâle* 
j>  Ces  couleurs  font  celles  de  l'hiver;  car  au 
î>  printemps  elles  changent  par  la  mue  du 
»  poil  :  la  première  zibeline  ,  qui  étoit  d'urï 
»  brun  noir,  devint  en  été  d'un  jaune  brun; 
j)  &  la  féconde ,  qui  étoit  d'un  brun  jaune  , 
»  devint  d'un  jaune  pâle.  J'ai  admiré  ,  con- 
»  tinue  M.  Gmehn ,  l'agilité  de  ces  animaux; 
»  dès  qu'ils  voyoient  un  chat,  ils  fe  dref- 
j»  foient  fur  les  pieds  de  derrière  comme  pour 
M  fe  préparer  au  combat;  ils  font  très  in- 
«  quiets  &  fort  remuans  pendant  la  nuit  (^); 
»  pendantlejouraucontraire,&:  fur-tout  après 
j>  avoir  mangé  ,  ils  dorment  ordinairement 
«  une  dem.i-heure  ou  une  heure;  on  peut 
»  dans  ce  temps  les  prendre  ,  les  fecouer, 
«  les  piquer  fans  qu'ils  fe  réveillent  77.  Par 


{b^  Nota.  Cette  inquiétude  &  ce  mouvement  pendant 
la  nuit  n'eft  pas  particulier  à  la  zibeline  ;  j*ai  vu  la 
même  chofe  aux  hermines  que  nous  avons  eu  vivantes, 
&  que  nous  avons  nourxies  pendant  pkiHeurs  mois. 


198  Hîjtoîrt    naturtlk, 

cette  defcription  de  M.  Gmelin,  on  voit  que 
îes  zibelines  ne  font  pas  toutes  de  Ja  même 
couleur ,  &  que  par  conséquent  les  Nomencla- 
îeurs  qui  les  ont  dèfignées  par  les  taches  & 
ks  couleurs  du  poil  ont  employé  un  mauvais 
caraélère  ,  puifque  non-feulement  il  change 
d-ans  les  différentes  faifons ,  mais  qu'il  va- 
rie d'individu  à  individu  ,  &  de  climat  à 
climat  fc  ). 

Les  zibelines  habitent  le  bord  des  fleu- 
ves, les  lieux  ombr  gés  &  les  bois  les  plus 
épais  ;  elles  fautent  très  agilement  d'arbres 
en  arbres  ,  &  craignent  fort  le  foleil  ,  qui 
cliange,  dit-©n  ,  en  très  peu  de  temps  la 
couleur  de  leur  poil;  on  prétend  {d)  qu'el- 
les fe  cachent  &  qu'elles  font  engour- 
dies pendant  l'hiver:  cependant  c'eft  dans  ce 
temps  qu'on  les  chaffe  &  qu'on  les  cherche 
de  préférence,  parce  que  leur  fourrure  eft 
alors  bien  plus  b-elle  &  bien  meilleure  qu*en 
été;  elles  vivent  de  rats,  de  poiffon  ,  de  grai- 
nes de  pin  &  de  fruits  fauvages;  elles  font  très 


(c)  Des  deux  zibelines  ^ont  parle  M.  Gmelin,  fa 
première  venoit  He  la  province  de  Tomskien  ,  &  la  fé- 
conde de  celle  de  Berefowien  ;  on  trouve  auflî  dans  fa 
relation  de  la  Sibérie  ,  que  fur  la  montagne  de  Sopka- 
Sinaia,  il  y  a  des  zibelines  noires  à  poil  court,  aix- 
qiieUes  il  eft  défendu  de  donner  la  chafTe  :  qu'une  fem- 
blabîe  efpèce  de  zibeline  fe  trouve  aufîi  plus  avant  dans 
les  montagnes  ,  de  même  chez  les  Calmouks  Vrangai. 
♦<  J'ai  vu,  dit-il,  quelques  unes  de  ces  peaux  que  des 
♦♦  Calmouks  avoient  apportées;  elles  font  connues  fous 
>%  le  nom  de  zibelines  de  Kangaraga,  >♦  Voyais  de  Gf'ie» 
lin,  tome  7,  page  2/7. 

(<f)  R^ac^nski^  aucl.  pag.  31J, 


di  la  Zibeline î  îpç 

afdentes  en  amour  ;  elles  ont ,  penchant  ce 
temps  de  leur  chaleur,  une  odeur  très  forte  , 
&  en  tout  temps  leurs  excrémens  Tentent 
mauvais  :  on  les  trouve  principalement  en 
Sibérie,  &  il  n'y  en  a  que  peu  dans  les  fo- 
rêts de  la  grande  Rulîie ,  &  encore  moins  en 
Lapponie.  Les  zibelines  les  plus  noires  fonl 
celles  qui  font  les  plus  eftimées  ;  la  différence 
qu'il  y  a  de  cette  fourrure  à  toutes  les  au- 
tres (  e  ) ,  c'eft  qu'en  quelque  fens  qu'on  pouffs 
le  poil ,  il  obéit  également ,  au  lieu  que  les 
autres  poils,  pris  à  rebours,  font  fentir  quel- 
que roideur  par  leur  réfiflance. 

La  chafle  des  zibelines  fe  fait  par  des  cri»* 
nùneis  confinés  en  Sibérie ,  ou  par  des  fol" 
dats  qu'on  y  envoie  exprès ,  &  qui  y  demeu- 
rent ordinairemeut  plufieurs  années;  les  uns 
&  les  autres  font  cblisîés  de  fournir  une  cer- 
taine  quantité  de  fourrures  à  laquelle  ils  font 
taxés;  ils  ne  tirent  qu'a  balle  feule  ,  pour 
gâter  j  le  moins  qu'il  ei\  polîibie  ,  la  peau  de 
ces  animaux  ;  Ôt  quelquefois ,  au  lieu  d'ar- 
mes à  feu  ,  ils  fe  fervent  d'arbalètes  &  de 


(  c  )  La  zibeline  diffère  de  la  marte  en  ce  qu'elle  eft 
plos  petite ,  &  qu'elle  a  les  poils  plus  fîns  6c  plus  longs  : 
les  véritables  zibelines  font  damaiTées  de  noir,  &  fe 
prennent  en  Tarrarie  ;  il  s'en  tro.ive  peu  en  Lapponie  ; 
plus  U  couleur  du  poil  eft  noire  &  plus  elle  eft  recher- 
chée ,  &  vaudra  quelquefois  foixante  écus,  quoique  la 
p*3U  n'ait  que  quatre  doigts  de  largeur  ;  on  en  a  vu 
de  blanches  &  de  grifes.  Regnard ,  tvmt  I,  page  né. 
Nota.  Scheffer  dit  de  même  qu'i;  fe  trouve  quelquefois 
ces  zibeliiies  blanchss,  HijU'm  de  U  Lapponie ,  page  pS» 

R4 


100  Hijîoin  natuTtUe 

îrès  petites  flèches.  Comme  le  fuccés  (îe 
cette  chaffe  fuppofe  de  l'adreiTe ,  &  encore 
plus  d  afliduitè  ,  on  permet  aux  Officiers  d'y 
intéreffer  leurs  foidats ,  &  de  partager  avec 
«ux  le  furplus  de  ce  qu'ils  font  obligés  de 
fournir  par  femaine,  ce  qui  ne  laiffepas  de 
leur  faire  un  bénéfice  très  confidérable  (/). 

Quelques  Naturalises  ont  foupçonné  que 
la  zibeline  étoit  le  Sathcrius  d'Ariftote ,  Si  je 
crois  leur  conjedure  bien  fondée.  La  finsfîe 
de  la  fourrure  de  la  zibeline  indique  qu'elle 
fe  tient  fou  vent  dans  l'eau  ;&  quelques  Voya- 
geurs ( g^  difent  qu'elle  ne  fe  trouve  en 
grand  nombre  que  dans  de  petites  isles  , 
où  les  chafTeurs  vont  la  chercher  ;  d'autre 
côté ,  Ariftote  parle  du  fatherius  comme  d'un 
animal  d'eau ,  &  il  le  joint  à  la  loutre  &  au 
caftor.  On  doit  encore  préfumer  que ,  du 
temps  de  la  magnificence  d'Athènes  ,  ces 
belles  fourrures  n'étoient  pas  inconnues  dans 
la  Grèce ,  &  que  l'animal  qui  les  fournit  avoit 
un  nom  ;  or  il  n'y  en  a  aucun  qu*on  puiffe 
appliquer  à  la  zibeline  avec  plus  de  raifon 
que  celui  de  fatherïus ,  fi  en  effet  il  eil  vrai 


(/)  Un  Colonel  peut  tirer  de  fes  fept  années  de  fer- 
Yîce  à  la  chafTe  des  zibelines^  environ  qiutre  mille  écus 
de  profit,  les  fubalternes  à  proportion,  &.  chaque  Sol- 
dat fix  ou  f^pt  cents  écus.  Voyage  du  P.  Avril  y  paga 
i6().  —  Voyez  aufli  In  relation  de  la  Mofcovie,  par  la 
Neuville.  Paris,  iC^S ,  pagt  zij. 

(g)  Les  Chaffeurs  vont  chercher  les  zibelines  dass 
de  petites  isjes  où  elles  fe  retirent,  ils  les  tuent  avec 
une  efpèce  d'aibalète  ,  &c.  Voyage  du  P,  Avril,  partit 
léS. 


dt  la  Zibiline,  20 1 

que  îa  zibeline  mange  du  poifîbn  (/5)  &  fe 
tienne  affez  fouvent  dans  l'eau  pour  êtte 
mife  au  nombre  des  amphibies. 


(k)  In    umhrojis  ftldbus   verfatur  femper ^  infidlatur 

aviculis in  efcam  affumit  mures  ,  pifces  ,  uvas  rw 

ksas.  Rzacrynski  »  auci,  Hifi.  Nat,  pol.  pa^e  p$. 


iOi  Hljîéîrc  nacunlU 

LE    L  E  M  i  N  G    {a). 

VxLAUS  Magkus  eft  îe  premier  qui  ait 
fait  mention  du  Leming  (  ^  )  ;  &  tour  ce  qu'en 
ont  dit  Gefner  ,  Scaliger,  Ziegler.  Jonfton  , 
&c.  eft  tiré  de  cet  Auteur  ;  mais  \Vormius  , 
après  des  recherches  plus  exaftes  ,  a  fait 
l'hiftoire  de  cet  animal ,  &  voici  la  defcrip- 
tion  qu'il  en  donne,  a  îl  a ,  dit- il ,  la  figure 
»  d'une  fouris,  mais  la  queue  plus  courte  ,  le 
«  corps^ong  d'environ  cinq  pouces,  le  poil  fin 
»  &  taché  de  di  verfes  couleurs ,  la  partie  anté- 
»  rieure  de  la  tête  noire  ,  la  partie  fupérieure 
»  jaunârre,  le  cou  &:  les  épaules  noires  ,  le 
»>  refte  du  corps  roufsârre,  marqué  de  quel- 
n  ques  petites  taches  noires  de  différentes 
»  figures  jufqu'à  la  queue ,  qui  n'a  qu'un  demi- 


(<i)  Lemingf  nom  rie  cet  animal  dans  fon  pays  natal 
en  Norvège,  &.  que  nous  avons  adopté.  Mus  Norvazi' 
eus  à  Norvagis ,  Leming,  Lemin^er,  Lemender ,  Ltmmer 
epptUatur.  OJcns  Magnus  Lemmrr  &  Lemnus  vocat.  ,  .  . 
Zieekrtis  Leem  vel  Lcmmer.  iMufeum  Wormianum  ,  pa^c 
322 ,  Jig.  an'tmalis  t  &  SccUton.  p.-ge  zzf. 

Lenimus ,  Mus  caudâ  abbrevuuâ  pccihus  pentadi^\Iis, 
Mus  caudd  ahrupta ,  corpori  fuhû  nigrcauz  vario.  Faur. 
Suce.  26.  Âci  Stock.  }j^o  ,  page  J26.  Tab  vi ,fig-  -f  6* 
j.  Sy fient.  Nat.  /o,  n°,  z.  Linn.  Syfiem.  Nat.   edit.  JC, 

ib)  OUÏ  Magni,  fiiji.  Gent.  fept,  Ub.  XViU,  cap. 
XX. 


du   Lemhg*  %0^ 

police  de  longueur,  &  qui  eft  couverte 
de  poils  jaunes  noirâtres  ;  Tordre  des  taches , 
non  plus  que  leur  ligure  &  leur  grandeur, 
ne  font  pas  les  mêmes  dans  tous  les  indi- 
vidus ;  il  y  a  autour  de  la  gueule  plufieurs 
poils  roides  en  forme  de  mouftaches,  dont 
il  y  en  a  fix  de  chaque  côté  beaucoup 
plus  longs  &  plus  roides  que  les  autres  ; 
l'ouverture  de  la  giteule  elt  petite  ,  la  lèvre 
fupérieure  eft  fendue  comme  dans  les  écu- 
reuils ;  il  fort  de  la  mâchoire  fupérieure 
deux  dents  longues  incifives ,  aiguës,  un 
peu  courbes  ,  dont  les  racines  pénètrent 
jufqu'à  l'orbite  des  yeux ,  deux  dents  fem- 
blables  dans  la  mâchoire  inférieure ,  qui  cor- 
refpondent  à  celles  du  deffus ,  trois  mâ- 
chelières  de  chaque  côté  ,  éloignées  des 
dents  incifives; la  première  des  mâchelières 
fort  large  &  compofée  de  quatre  lobes , 
la  féconde  de  trois  ,  la  troifième  plus  peti- 
te ,  chacune  de  ces  trois  dents  ayant  fon 
alvéole  féparée  &  toutes  fituées  dans  l'in- 
térieur du  palais  ,  à  un  intervalle  afîez 
grand;  la  langue  afTez  ample  &  s*étendant 
jufqu'à  l'extrémité  des  dents  incifives  ;  des 
débris  d'herbe  &  de  paille  qui  étoient  dans 
la  gorge  de  cet  animal ,  doivent  faire  pen- 
fer  qu'il  rumine  ;  les  yeux  font  petits  & 
&  noirs ,  les  oreilles  couchées  fur  le  dos , 
les  jambes  de  devant  très  courtes ,  les 
pieds  couverts  de  poils  &  armés  de  cinq 
ongles  aigus  &  courbés  ,  dont  celui  du 
milieu  eft  très  long,  &  dont  le  cinquième 
eft  comme  un  petit  pouce  ou  comme  un 
ergot  de  coq,  fi|ué  quelquefois  affei  haut 


204         *     Hifo're     naturelle» 

«  dans  la  jambe  ;  tout  le  ventre  eft  blanchâtre," 
j>  tirant  un  peu  fur  le  jaune,  &c».  Cet  ani- 
mal,  dont  le  corps  eft  épais  &  les  jambes 
fort  courtes^  ne  laiffe  pas  de  courir  affez  vke  ; 
il  habite  ordinairement  les  montagnes  de  Nor- 
vège &  de  Lapponie  ;  mais  il  en  defcend 
quelquefois  en  fi  grand  nombre  dans  de  cer- 
taines années  (c)  &  dans  de  certaines  fai- 
fons ,  qu'on    regarde   l'arrivée   des   lemings 


(c)  On  a  remarque  que  les  Lemmers  ne  paroi(Tent 
pa«  régulièrement  tous  les  ans,  mais  en  certain  temps 
à  l'improvifte  &  en  Ç\  grande  quantité ,  qu'ils  fe  répan- 
dent par  tout  &  cou^went  toute  la  terre.  ....  Ce» 
petites  bêtes,  bien  loin  d'avoir  peur  &  ce  s'enfuir  quand 
elles  enten-^ent  marcher  les  pafTans,  font  au  contraire 
hardies  &  courageufes,  vont  au  devant  de  ceux  qui  le» 
attaquent,  crient  &  jappent  prefque  tout  de  même  que 
des  petits  chiens  :  fi  on  les  veut  battre,  elles  ne  fe  fou- 
cient  ni  du  bâton  ni  des  hallebardes ,  fautant  &  s*élan» 
çant  contre  ceux  qui  les  frappent  ,  s'attachant  &  mor- 
dant en  colère  les  îîâtons  de  ceux  qui  les  veulent  tuer. 
Ces  animaux  ont  ceci  de  particulier ,  qu'ils  n'entrent 
jamais  dans  les  maifons  ni  dans  les  cabanes  pour  y 
faire  du  dommage,  ils  fe  tiennent  toujours  cachés  dan» 
les  broffailles  5c  le  long  des  coteaux;  quelquefois  ils  fe 
font  la  guerre,  fe  partageant  comme  en   deux  armées 

Fe  long  des  lacs  &  des  prés Les  hermines  &  les 

renards  font  leurs  ennemis  &  en  mangent  beaucoup...., 
l'herbe  renaiffante  fait  mourir  ces  peïits  animaux ,  i4 
femble  qu'ils  fe  falTent  aufîî  mourir  eux-mêmes;  on 
en  voit  de  pendus  à  des  branches  d'arbres  ,  on  peut 
croire  aufli  qu'ils  fe  jettent  dans  l'eau  par  troupe» 
comme  les  hirondelles.  Hifioire  de  la  Lapponie ,  par 
Scheffir  t  paç^e  3^2.  Nota.  II  y  a  bien  plus  d'apparence 
que  les  leming? ,  comme  tous  les  autres  rats ,  fe  man- 
gent &  s'entredétruifent  dès  que  la  pâture  vient  à  leur 
manquer,  &  que  c'eft  par  cette  raifon  que  leur  delin**» 
tioa  efi  auff;  prompte  que  leur  pulluUtion. 


au   Ltmlng,  20 Ç 

comme  un  iléau  terrible,  &  dont  il  eft  im- 
polTible  de  fe  délivrer  ',  ils  font  un  dégât 
affreux  dans  les  campagnes ,  dévaftent  les  jar- 
dins, ruinent  les  moiflbns^&ne  laifTent  rien 
que  ce  qui  eft  ferré  dans  les  mailons  ,  où 
heureufement  ils  n'entrent  pas.  Us  aboient 
à  peu-près  comme  des  petits  chiens  ;  lorfqu'on 
les  frappe  avec  un  bâton ,  ils  fe  jettent  deffus 
&  le  tiennent  fi  fort  avec  les  dents  ,  qu'ils 
fe  laiffeat  enlever  &  tranfporter  à  quelque 
diftance ,  fans  vouloir  le  quitter  ;  ils  fe  creu- 
fent  des  trous  fous  terre  ,  &  vont ,  comme 
les  taupes,  manger  les  racines;  ils  s'aifem- 
blent  dans  de  certains  temps  ,  &  meurent, 
pour  ainfi  dire ,  tous  enfemble  ;  ils  font  très 
courageuv  &  fe  défendent  contre  les  autres 
animaux  :  on  ne  fait  pas  trop  d'où  ils  vien- 
nent; le  peuple  croit  qu'ils  tombent  avec  la 
pluie  {d)  ;  le  mâle  eft  ordinairement  plus  grand 
qt>e  la  femelle ,  &  a  aulTi  les  taches  noires 


(rf)  Befiiolx  quadritpcs ,  Lemmar  vcl  Lemmus  diclx  » 
magnitudine  foricis ,  felte  varia  per  tempejîates  &  repenti- 
nos  imhres incompertum  unie ,  an  ex  remotiorihus 

infuUs  &  vento  delata.  an  ex  nuhibus  ftcuientis  natce 
deferantur.  Id  tamen  compertum  eft  Jlatim  atque  deciderint, 
rcperiri  in  vifceribus  herbu  crudiz  nonditm  concocîtz.  Ha 
more  locufiantm  in  maximo  examine  cadentes  omnia  vi~ 
rentia  deftruunt  &  (juct  morfu  tantum  attigerint  emoriuntur 
viriilcntiâ  ;  v'ivit  hoc  a^rmn  donec  mm  gu/îaverit  herbam 
renatam.  Conveniunt  quoque  gregadm  quafi  hirundines  evo- 
latum  ,  fed  flato  tenpore  aut  moriitntur  acsrvaiim  cum  lue 
terrée  (  ex  quarutn  corruptione  aer  fit  pcfliUns  &  afîc-t  in~ 
colas  vertigine  Cf  i^iro)  aut  kis  bcftiis  diclis  v:.l^ariter 
Lekat  vel  Hermeltn  confumuntur  unde  iidem  Hermelint 
^ingue/cunt.  Olaiis  Magnus ,  Biji,  Gent.fept.^z^.i/^z, 


%ù6  Hijiolre  nantrellé 

plus  grandes;  ils  ineiireit  infailliblement  »u 
renouvellement  des  herbes;  iis  vont  aulfi 
en  grandes  troupes  fur  l'eau  dans  le  beau 
temps,  mais  s'il  vient  un  coup  de  \em^  ils 
ibnt  tous  fubmeigés;  le  nombre  de  ces  ani- 
maux eft  il  prodigieux,  que  quand  ils  meu- 
rent, l'air  en  eit  infccré,&  ceia  occafionne 
beaucoup  de  maladies;  il  femble  même  qu'ils 
infeéle  it  les  plantes  qu'ils  ont  rongées ,  car 
le  pâturage  fait  alors  mourir  le  bétail  ;  la  chair 
des  lemings  n'eft  pas  bonne  à  manger  ;  &  leur 
peau,  quoique  d'un  beau  poil ,  ne  peut  pas 
iervir  à  faire  des  fourrures,  parce  qu'elle  a 
erop  peu  de  confiflance. 


de  la.  Sarlccviennc,  107 

LA  SARICOVIENNE  [a]. 

«  Lia  Saricovienne,  dit  Thevet,  fe  trouve 
»  le  long  de  la  rivière  de  la  Plata;  elle  eft 
w  d'une  nature  amphibie  ,  demeurant  plus 
»  dans  l'eau  que  fur  la  terre  ;  cet  animal  eft 
î>  grand  comme  un  chat,  &  fa  peau,  qui  eft 
«  mêlée  de  gris  &  de  noir,  eft  fine  comms 
w  velours  ;  fes  pieds  font  faits  à  la  femblance 
»  de  ceux  d'un  oifeau  de  rivière;  au  refte  fa 
w  chair  eft  très  délicate  &  très  bonne  à  man- 
s>  ger  (  ^  )  ".  Je  commence  par  citer  ce  paf- 
fage,  parce  que  les  Naturalises  ne  connoif- 
{bient  pas  cet  animal  fous  ce  nom ,  &  qu'ils 
ignoroient  que  le  Cariguelbeju  du  Brefil ,  qui 


(<j)  Saricoviennè ,  nom  de  cet  animal  au  pays  de  Ta 
Plata  ,  &  que  nous  avons  adooté.  Ce  mot  jaricovienné 
paroît  être  dérivé  de  Cariatteiheju  ,  qui  eft  le  non  de 
cet  animal  au  Brefil,  ôc  qvu  doit  fe  prononcer  farigo* 
piioui  ce  nom  iignifie  btte  friande ,  félon  Thevet. 

Jiya  ,  ijux  &  Carigueibeju  app^Uamr  à  Brajîliinfilus* 
Marcgr.  Hifl.  Nat,  Braf.  page  234,  fig.  ibid. 

Lutra  nigricans  caudâ  dçprejfâ  ^  glabrs.  Bitthte ,  HiJÎ, 
de  la  Fr-  Equin.  pag.  155. 

Luira  atri  coloris  macula  fuh  gutturejlavâ.  ,  ,  ,  /u/nj 
Brajïiicr^fis.  La  loutre  du  BréfiT.  Brifïon ,  Rcgn.  anim, 
pag.  178. 

{h)  Singularités  de  la  France  antarftique ,  par  Aodci 
Th«vet,  Paris ,  ifjS,  pages  i07  ô*  io$» 


loS  Hljloirt  namrelU 

eft  le  même  .,  eût  des  membranes  entre  les 
doigts  des  pieds  ;  en  effet  Marcgrave  ,  qui 
en  donne  la  defcription ,  ne  parle  pas  de  ce 
caradère ,  qui  cependant  eft  effentiel ,  puif- 
qu'il  rapproche ,  autant  qu'il  eft  pofîible  ,  cette 
cfpèce  de  celle  de  la  Loutre. 

Je  crois  encore  que  Tanimal  dont  Gumilla 
fait  mention  fous  le  nom  de  Guachl  (^)» 
pourroit  bien  être  le  même  que  la  farico- 
vienne  ,  &  que  c'eft  une  efpèce  de  loutre 
commune  dans  toute  l'Amérique  méridionale. 
Parla  defcription  qu'en  ont  donnée  Marcgrave 
&  Definarchais  {d)^  il  paroît  que  cet  ani- 
mal amphibie  eft  de  la  g  andeur  d'un  chien 
^e  taille  médiocre;  qu'il  a  le  haut  de  la  tête 
ronde  comme   le   chat,  le  mufeau   un   peu 


{c  )  On  trouve  fur  les  rivières  qiiî  fe  jettent  danf 
l'Orenoque  une  grande  quantité  de  chiens  d'eau  ,  que 
les  Indiens  appellent  Guachl-,  cet  animal  nsge  avec  beau- 
coup de  légèreté,  &  fe  nourrit  de  poiffon  ;  il  eft  am- 
phibie, mais  il  vient  auflî  chercher  fa  nourriture  fut 
terre  i  il  creufe  des  foffes  fur  le  rivage,  dans  lefquelles 
k  femelle  met  bas  fes  petits.  Ils  ne  creufent  point  ces 
fofTes  à  l'écart,  mais  dans  les  endroits  où  ils  vivent  en 
commun  &  cù  ils  viennent  fe  divertir.  J'ai  vu  &  exa- 
miné avec  foin  leurs  tanières,  l'on  ne  fauroit  rien  voir 
de  plus  propre  ;  ils  ne  laiffent  pas  la  moindre  herbe  aux 
environs  ;  ils  amoncellent  à  l'écart  les  arêtes  des  poif- 
fons  qu'ils  mangent  ;  &  à  force  de  fauter ,  d'aller  &  de 
venir,  ils  pratiquent  des  chemins  très  propres  &  très 
commodes.  Hifioirc  de  POrénoqut ,  par  Gumilla ,  tome 
Jll,  pa^e  3().  Nota.  Ces  caraftères  conviennent  à  la  fa- 
ricovienne;  mais  il  nous  paroît  que  le  nom  guachi  a  été 
nal  appliqué  ici,  &  qu''i  appartient  à  l'efpèce  de  mouf- 
fette  que  nous  avons  appetlée  coafe. 

(rf )  Voyage  de  Deûnarchais,  tovic  III  f  page  jo<f. 

long 


it  id  iaticOvlenné,  %^^ 

îorîg  commç  celui  du  chien  ;  les  dents  & 
les  mouflaches  conrme  le  chat  ;  les  yeuié- 
ronds,  petits  &  noirs;  les  oreilles  arrondies 
&  placées  bas  j  cinq  doigts  à  tous  les  pieds  y 
les  pouces  plus  courts  que  les  autres  doigts , 
qui  tous  font  armés  d'ongles  bruns  &  aigus;  la 
queue  auffi  longue  que  les  jambes  de  der- 
rière ;  le  poil  allez  court  &  fort  doux ,  noir 
fur  tout  le  corps ,  brun  fur  la  tête  ,  avec 
«ne  tache  blanche  au  gofier.  Son  cri  eft  à- 
peu-près  celui  d'un  jeune  chien,  &  il  l'en- 
trecoupe quelquefois  d'un  autre  cri  fembla- 
ble  à  la  voix  du  fagoin;  il  vit  de  crabes  &- 
de  poiffons,  mais  on  peut  aulTi  le  nourrir 
avec  de  la  farine  de  manioc  ,  délayée  dans- 
de  l'eau.  Sa  peau  fait  une  bonne  fourrure , 
&  quoiqu'il  mange  beaucoup  de  poiffon ,  f* 
chair  n*a  pas  le  goût  de  marais  ,  elle  eit  ai* 
contraire  très  faine  &  très  bonne  à  manfes»- 


H 1  o  Hijlolrc    naturelle 

UNE 

LOUTRE  DE  CANADA, 

Voye^  planche  II ,  fig,  4  de  ce  Volume» 


ETTE  Loutre,  beaucoup  plus  grande  que 
notre  loutre,  &  qui  doit  le  trouver  dans  le 
nord  de  l'Europe,  comme  elle  fe  trouve  au 
Canada,  m'a  fourni  l'occafion  de  chercher 
fi  ce  n'étoit  pas  le  mêm€  animal  qu'Ariftote 
a  indiqué  fous  le  nom  de  Latax  ,  qu'il  dit 
être  plus  grand  &  plus  fort  que  la  loutre  ; 
mais  les  notions  qu'il  en  donne  ne  conve- 
nant pas  en  entier  à  cette  grande  loutre  ,  & 
la  trouvant  d'ailleurs  abfolument  femblable 
à  la  loutre  commune ,  à  la  grandeur  près  , 
j'ai  jugé  que  ce  n'étoit  point  une  efpèce 
particulière,  mais  une  fimple  variété  dans 
celle  dt;  h  loutre  Et  comme  les  Grecs  ,  & 
fur-tout  Ariftote ,  ont  eu  grand  foin  de  ne 
donner  des  noms  différens  qu'à  des  animaux 
réellement  difFerens  par  l'efpèce ,  nous  nous 
focnnes  convaincus  que  le  latax  eft  un  autre 
animal  ;  d'ailleurs  les  loutres  ,  comme  les 
caftors ,  font  communément  plus  grandes  & 
ont  le  poil  plus  noir  &  plus  beau  en  Amé- 
rique  (a)   qu'en  Europe.  Cette   loutre  de 


(û)  Les  loutres  de  i*Amérique  feptenlrionalc  diffè» 


TomVT: 


îUi 


4<  Jeun-e  L  cuncuitiru . 


'J!unt  Loutre  de  Canada,        1 1 1 

Canada  doit  en  effet  être  plus  grande  &  plus 
fioire  que  la  loutre  de  France  ;  mais  ,  en 
cherchant  ce  que  pouvoit  être  le  L^itax  d'A- 
riftote ,  (^  chofe  ignorée  de  tous  les  Natura- 
lises )  ,  j'ai  conjeâ:uré  que  c'étoit  Tanimal 
indiaué  par  Bélon  fous  le  nom  de  loup  ma* 
rin,  &  j'ai  cru  devoir  rapporter  icj  la  notice 
d'Ariftote  fur  le  latax,  &  celle  de  Bélon  fur 
le  loup  marin ,  afin  qu'on  puilTe  les  com- 
parer {b). 


tent  de  c«11es  de  France  en  ce  qu'elles  font  toutes  com* 
munément  plus  longues  &  plus  noires;  il  s'en  trouva 
ui  le  font  bien  plus  les  unes  que  les  autres,  il  y  en  a 
'auflî  noires  que  du  jay  ;  celles-ci  font  fort  recherchées 
te  fort  chères.  De/cription  de  V  Amérique  feptentronaU  , 
par  Denys  ,  tome  11 ^  page  20 

(h)  Sunt  inter  quadrupèdes  f^rafque  ^  que,  vicium  eii 
lacu  &  fluviis  pétant f  at  vero  à  mari  nullum  ,  pr^zterquam 
vituhis  marinus.  Sunt  ctiam  in  hcc  gînere  jîber  pttheriumt 
fatyrium,  lutris ,  Lat^x  qua.  latior  lutre  ejl,  dentefque  hw 
bit  rohufios ,  quippè  qux  noclu  ple^umque  egrediens ,  vir- 
guàa  proxima  fuis  dentihus  ut  ferro  prxcidat  ;  lutris  etiam 
nominem  mordet ,  nec  defi/lt.  ut  jemnt  y  riifi  ofjîs  fracU 
crtpitum  fenferit.  Lataci  pilus  durus ,  fnecic  intir  pilum 
vituli  marini  6*  cervi.  AfiU.  Hifi  anim  lib.  Vlli^  cap.  v. 
•—  Le  loup  marin,  *«  D'autant  que  les  Anglois  n'ont 
»»  point  de  loups  fur  leur  terre  ,  nature  îes  a  pourveus 
M  d'une  bête  au  riva  e  He  leur  mer,  fi  fort  ^approchante 
»  de  notre  loup  ,  que  fi  ce  n'éroit  qu'il  fe  jette  plutôt 
»»  fur  les  poifTons  que  fur  les  ouail'es ,  on  le  diroit  i\\x 
♦♦  tout  femb'able  à  no're  bête  tant  raviffante  j  confi-^éré 
»»  la  corpulence,  le  poil,  la  têre  ^qui  toutefois  eft  fort 
>»  grande  )  &  la  queue  moult  approchante  au  loup  ter- 
»♦  reftre  ;  nr»ais  parce  que  ceUii-cy  (comme  dit  eft)  ne 
»»  vit  que  de  poilTons,  &  n'a  été  aucunement  connu 
»  des  Anciens  ,  il  ne  m'a  femWlé  moins  nota'ole  que  iei 
H  animaux  !^e  double  vie  cy-deiTus  allégués  ,  pourqu-'i 
vt  j'en  ai  bien  voulu  mettre  le  pourtrait  v.  Bélon  ,  d4  la 

S  % 


1 1 1  Hijîoirt  nantntlt 

Ariftote  fait  mention  dans  ce  paffage  die 
iix  animaux  amphibies  ;  &  de  ces  fix  ncu» 
n'en  connoiiTons  que  trois,  le  phoca,  le  caf- 
tor  &  la  loutre  ;  les  trois  autres ,  qui  font 
ÏQlatax^  \q /atherîon  ÔL  \eJatyrion^  font  demeu- 
rés inconnus,  parce  qu'ils  ne  font  indiqués 
que  par  leurs  noms  &  fans  aucune  defcrip- 
tion  :  dans  ce  cas,  comme  dans  tous  ceux: 
eu  l'on  ne  peut  tirer  aucune  induftion  direde 
pour  la  connoifîance  de  la  chofe  ,  il  faut 
avoir  recours  à  la  voie  d'exclufion  j  mais  on 
ne  peut  l'employer  avec  fuccès  que  quand 
on  connoîc  à-peu-près  tout  :  on  peut  alors- 
conclure  du  pofitif  au  négatif,  &  ce  négatif 
devient  ,  par  ce  moyen  ,  une  connoiffance 
pofitive.  Par  exemple,  je  crois  que  ,  par 
la  longue  étude  que  j'en  ai  faite,  je  connois- 
à  très  peu  près  tous  les  animaux  quadrupè- 
des  ;  je  fais  qu'Ariûote  ne  pou  voit  avoir  au» 
cune  connoiffance  de  ceux  qui  font  particu* 
liers  au  contijient  de  TAmérique  ',  je  con-* 
nois  auflî  parmi  les  quaîdrupèdes  tous  ceux  qui 
font  amphibies  ,  &  j'en  fépare  d'abord  les  am-^ 
phibies  d'Amérique  ,  tels  que  le  tapir ,  le 
eabiai ,  l'ondata  ,  &c.  il  me  refte  les  amphi- 
bies de  notre  continent ,  qui  font  Thippopc-^ 
tame ,  le  morfc  ou  la  vache  marine  ,  les  pho* 
ques  ou  veaux  marins  ;  le  loup  marin  de  Bé* 
Ion  „  le  cailor>  la  loutre  ,  la  zibeline  ,  le  rat 


rature  des  poijfons,  pa^e.  i8.  Nota.  La  figur»  eô  i  I* 
p-Jge  !().,  Ôt  reiremble  plus  à  l'hyaene  qu'à  aucun  autre- 
animal  ,  mais  ce  ne  peut  être  l'hyaene;  car  elle  n'eft  point» 
amphibie  ,  elle  ne  vit  pas  de  poiffoo  ^  &.  d'aiîieuM  e>U«.* 
ik  d'un  climat  iout  diâférenfi-,. 


^unt  Loutn  de  Canaan,         2i| 

cTeaa,  le  derman  ,  la  mufaTaigne  d'eau ,  &  ' 
fi  Ton  veut,  l'ichneunion  ou  mangoufte,  que 
quelques-uns  ont  rep^ardée  comme  amphibie 
&  ont  appeiiée  loutrt  d'Egypte.  Je  retranche 
de  ce  nombre  le  morfe  ou  la  vache  marine ,. 
qui  ne  fe  trouvant  que  dans  les  mers  du  ÎS^ord^ 
n'étoit  pas  connue  d'Ariftote  ;  j'en  retran- 
che encore  Ihippoporame  ,  le  rat  d'eau  & 
l'ichneumon  ,  parce  qu'il  en  parle  ailleurs  & 
les  défigne  par  leurs  noms  ;  j'en  retranche 
enfin  les  phoques  ,  le  caftor  &  la  loutre  , 
qui  font  bien  connus,  &  la  mufaraigne  d'eau  , 
qui  eft  trop  reffemblante  à  celle  de  terre 
pour  en  avoir  jamais  été  réparée  par  le 
nom  :  il  nous  refte  le  loup  marin  de  Bélon  ^ 
la  zibeline  &  le  derman  ,  pour  le  latax  ,  le 
fatherion&L  ÏQ  fatyrîon;  de  ces  trais  animaux, 
il  n'y  avoir  que  le  loap  niarin  de  Bélon  qui 
foit  plus  gros  que  Ja  loutre  ;  ainfi ,  c'eft  le 
feul  qui  piriflé  repréfenter  le  latax,  par  con- 
féquent  la  zibeline  &  le  del'man  repréfentent 
le  fatherion  &  le  fatyrîon.  L'on  fent  bien  que 
ces  conje£lures  ,  que  j  ?  crois  fondées  ,  ne 
font  cependant  pas  du  nombre  de  celles  que 
le  temps  puiffe  éclaircir  davantage,  à  moins- 
qu'on  ne  découvrît  quelques  manuferits  grecs- 
jufqu'à  préfent  inconnus  ,  où  ces  noms  fe 
trouveroient  employés;  c'eft-à-dire ,  expliqué* 
par  de  nouvelles  indications. 


214  Hljîolrt  namnlU 

LES    PHOQUES, 

LES     MORSES 
IT    LES     LAMANTINS. 

Foye:^  planche  XII  de  ce  Volume. 

xxssEMBLONS  ,  pouF  un  inftant ,  tous  les 
animaux  quadrupèdes ,  faifons-en  un  groupe  , 
ou  plutôt  formons -en  une  troupe  dont  les 
intervalles  &  les  rangs  repréfentent  à-peu- 
près  la  proximité  ou  Téloignement  qui  fe 
trouve  entre  chaque  efpèce;  plaçons  au  cen- 
tre les  genres  les  plus  nombreux ,  &  fur  les 
iîancs,  fur  les  ailes  ceux  qui  le  font  le 
jnoins  ;  refferrons-Jes  tous  dans  le  plus  petit 
cfpace  ,  afin  de  les  mieux  voir ,  &  nous  trou- 
verons qu'il  n'eft  pas  poffible  d'arrondir  cette 
enceinte  :  que  quoique  tous  les  animaux  qua- 
drupèdes tiennent  entr'eux  de  plus  près  qu'ils 
ne  tiennent  aux  autres  êtres  ,  il  s'en  trouve 
néanmoins  en  grand  nombre  qui  font  des  poin- 
tes au  dehors  ,  &  femblent  s'élancer  pour 
atteindre  à  d'autres  claiTes  de  la  Nature  ;  les 
finges  tendent  à  s'approcher  de  l'homme  <St 
s'en  approchent  en  effet  de  très  près  ;  les 
chauve  fouris  font  les  fmges  des  oifeaux 
qu'elles  imitent  par  leur  vol;les  porcs-épics, 
les  hériflbns ,  par  les  tuyaux  dont  ils  font 
couverts ,  femblent  nous  indiquer  que  les 


dis  Phoques^  &c,  IT^ 

pîiimes  pourroient  appartenir  à  d'autres  qu'aux 
oifeaux  ;  les  tatous,  par  leur  teft  écailleux , 
s'approchent  de  la  tortue  &  des  cruftacées,  les 
caftors  ,  parles  écailles  de  leur  queue ,  ref- 
femblent  aux  poifTons;  les  fourmiliers,  par 
leur  efpèce  de  bec  ou  de  trompe  fans  dents  ,  & 

f)ar  leur  longue  langue,  nous  rappellent  encore 
es  oifeaux  ;  enfin  les  Phoques ,  les  Morfes 
&  les  Lamantins  font  un  petit  corps  à  part 
qui  forme  la  pointe  la  plus  faillante  pour 
arriver  aux  cétacées. 

Ces  mots  phoque ,  morfe  &  lamantin ,  font 
plutôt  des  dénominations  génériques  que 
des  noms  tpéc'fiques  :  nous  comprenons  fous 
celles  de  phoque  ,  i^.  le  phoca  des  Anciens, 
qui  vraifemblablement  eft  celui  que  nous 
avons  fait  repréfenrer  ;  2^.  le  phoque  commun 
que  nous  appelions  veau  marin;  3^.  le  grand 
phoque,  dont  M.  Parfons  a  donné  la  deicrip- 
tion  &  la  figure  dans  les  Tranfaftions  philo- 
fophiques,  n^.  46c;  4^,  le  très  grand  pho- 
que, que  Ton  appelle  l'ion  marin  ^  &  dont 
rAureur  du  voyage  d'Anfon  adonné  la  def- 
cripfion  &  les  figures. 

Par  le  nom  de  morfe  ^  nous  entendons  les 
"animaux  que  l'on  connoît  vulgairement  fous 
celui  de  vaches  marines  ou  bêtes  à  la  grande  dent, 
dont  nous  connoiffons  deux  efpèces  ,  Tune 
qui  ne  fe  trouve  que  dans  les  mers  du  nord , 
&  l'autre  qui  n'habite  au  contraire  que  les 
me^-s  du  midi,  à  laquelle  nous  avons  donné 
le  nom  de  Dugon,  dont  nous  avons  fait  gra- 
ver la  xèxe.  Enfin  fous  celui  de  lamantin  3 
nous  comprenons  les  animaux  qu'on  appelle 
Manati  i  boeufs  marins  à  St.  Domingue  ,  à 


1  f  6  Hiflolrc  naturdh 

Cayenne  &  dans  les  autres  parties  de  rAmé»^ 
ririque  méridionale ,  auiîi  -  bien  que  le  la- 
mantin du  Sénégal  &  des  autres  côtes  de 
l'Afrique  ,  qui  ne  nous  paroît  être  qu'une" 
variété  du  lamantin  de  l'Amérique. 

Les  phoques  &  les  morfes  font  encore  plu* 
près  des  quadrupèdes  que  des  cétacées  ,  parce 
qu'ils  ont  quatre  efpèces  de  pieds  ;  mais  les 
lamantins,  qui  n'ont  que  les  deux  de  devant,, 
font  plus  cétacées  que  quadrupèdes.  Tous  dif- 
fèrent des  autres  animaux  par  un  grand  carac- 
tère :  ils  font  les  feuls  qui  puiffent  vivre  éga-^ 
kment  &  dans  l'air  &  dans  l'eau ,  les  feuls  par 
conféquent  qu'on  dût  appeller  ^m/^^i^iej-.  Dans 
l'homme  &  dans  les  animaux  terreftres  & 
vivipares,  le  trou  de  la  cloifon  du  cœur, 
qui  permet  au  fœtus  de  vivre  fans  refpirer  , 
fe  ferme  au  moment  de  la  nailTance  ,  &  de- 
meure fermé  pendant  toute  la  vie  ;  dans  ees^ 
animaux ,  au  contraire  ,  il  eft  toujours  ou- 
vert ,  quoique  la  mère  ne  les  mette  bas  fur 
terre,  qu'au  moment  de  leur  naiflance  ;  l'air 
dilate  leurs  poumons  ,  &  la  refpiration  com- 
mence &:  s'opère  comme  dans  tous  les  autres  - 
animaux.  Au  moyen  de  cette  ouverture  dans 
la  cloifon  du  cœur ,  toujours  fubfrftante  & 
qui  permet  la  communication  du  fang  de  la" 
veine  cave  à  l'aorte ,  ces  animaux  ont  la- 
vantage  de  refpirer  quand  il  leur  plaît,  &  de 
fe  pafter  de  refpirer  quand  il  le  faut.  Cette- 
propriété  fmgulière  leur  eft  commune  à  tous,, 
mais  chacun  a  d*autres  facultés  particulières 
dont  nous  parlerons  ,  en  faifant,  autant  qu'il 
eft  en  nous ,  l'hiftoire  de  toutes  les  efpèces  de^ 
€66  animaux  amphibieSi 


des  Phoques^  &c,  i\j 

LES    PHOQUES    {a). 

En  général,  les  phoques  ont  la  tête  ronde 
comme  l'homnie,  le   mufeau  large  comme 


{a)  Phoque.  Pho^a  t  en  Grec  5c  en  Latin,  mot  au- 
quel de  Laët  &  d'autres  ont  donné  une  terminaifoa 
françoife,  &  que  nous  avons  adopté  comme  terme  gé- 
nérique. Dans  pluiieurs  langues  de  l'Europe,  on  a  in - 
çiiqué  ces  animaux  par  les  dénominations  de  Veaux  de 
mer ,  Chiens  de  met ,  Loups  de  mer ,  Veaux  manns  ,  Chiens 
marins  ,  Loups  marins ,  Renards  marins.  Nous  en  con- 
noiffons  trois  âc  peut-être  quatre  efpèces  ;  i^.  Le  petit 
phoque  noir  à  poil  ondoyant  &  long  ,  que  nous  croyons 
être  le  phoca  des  Anciens,  c'eft- à-dire,  le  <p«x«  d*Arif- 
tote,  &  le  vitulus  marinus  ou  phoca  de  Pline  ;  &  c'ed 
probablement  celui  dont  Bélon  a  donné  la  figure,  & 
qu'il  a  indiqué  fous  le  nom  de  T'hoca,  vitulus  marinus  ^ 
vecchio  marino ,  veau  ou.  loup  de  mer.  De  'a  nature  des 
poijfons ^  page  jô.  i^.  Le  phoque  de  notre  océan,  qui 
eft  plus  grand  &  d'un  poil  gris,  qu'on  appelle  veau  m  a- 
rtn ,  &  auquel  nous  confervons  cette  dénomination  , 
fatJte  d'autre  ,  5c  auffi  pour  ne  pas  tomber  dans  l'erreur 
en  adoptant  un  nom  étranger  qui  pourroit  être  celui 
d'une  autre  efpèce  ,•  nous  croyons  néanmoins  que  cet 
animal  eft  celui  que  les  Allemands  appellent  Rubhe  ou 
Sâll^  les  Anglois  SoUe,  les  Suédois  Siâl ,  les  Norvé- 
i;iens  Kaabe,  5c  c'eft  certainement  le  même  que  Mrs, 
de  l'Académie  des  Sciences  ont  iniiqué.,  comme  nous, 
fous  le  même  nom  de  Veau  marin,  &  dont  ils  ont  donné 
la  figure  6c  \z  defcr;  tîon,  page  i8c)  &  planche  xxvii 
de  la  partie  Ire.  de  leurs  Mémoires  pour  fervir  à  PHiJîoire 
des  animaux.  Enfin ,  il  nous  paroît  que  c'eft  encore  le 
même^  dont  de  Laët  a  donné  la  figure,  &  qu'il  appelle 
ehien  marin  ou  phoque.  Dcfcription  des  Indes  occidentales  , 
page  4fi.  Je  ne  cite  pas  les  autres  auteurs,  parce  qu'ils 
ont  copié  les  figures  de  ceux-ci,  ou  qu'ils  en  ont  donaé 
de  défeftueufes.  j^.  Le  grand  phoque,  dont  M,  Par- 
Quadrupkdes  y   Tom    Vie»  T 


Ii8  HlJloWt  naturelle 

la  loutre,  les  yeux  grands  &  placés  haut; 
peu  ou  point  d'oreilles  externes,  feulement 
deux  trous  auditifs  aux  côtés  de  la  tête ,  des 
mouftaches  autour  de  la  gueule  ,  des  dents 
affez  femblables  à  celles  du  loup  ,  la  langue 
fourchue  ou  plutôt  échancrée  à  la  pointe  , 
le  cou  bien  delîiné ,  le  corps  ,  les  mains   & 
les  pieds  couverts  d'un  poil  court  &  affez 
rude  ,  point  de  bras  ni  d'avant-bras  appa- 
rens;  mais  deux  mains  ou  plutôt  deux  mem- 
branes ,  deux  peaux  renfermant  cinq  doigts 
&  terminées   par  cinq  ongles  ;   deux  pieds 
fans  jambes  tout  pareils  aux  mains  ,  feule- 
ment plus  larges  &  tournés  en  arrière  comme 
pour    fe   réunir  à  aine    queue    très    courte 
qu'ils  accompagnent  des  deux  côtés,  le  corps 
alongé  comme  celui  d'un  poiffon  ,  mais  ren- 
flé vers  la  poitrine ,  étroit  à  la  partie  du  ven* 
tre,  fans  hanches,  fans  croupe  &  fans  cuif- 
fes  au  dehors  ;  animal  d'autant  plus  étrange 
qu'il  paroît  fîètif ,   &  qu'il  eft  le  modèle  fur 
lequel  l'imagination  des  Poètes  enfanta  les 
Tritons  ,  les  Sirènes ,  &  ces  dieux  de  la  msr 
à  tète  humaine,  à  corps  de  quadrupèdes,  à 
queue  de  poiffon;  &:  le  phoque  règne  en  ef- 
fet dans  cet  empire  muet  par  fa  voix ,  par  fa 
figure i par fon  intelligence,  parles  faculté  s, 
en  un  mot,  qui  lui  font  communes  avec  les 
habîtans  de  la  terre,  fi  fupérieures  à  celles 


fons  a  donné  la  defcription  &  la  figure  dans  les  Tran- 
fa£\ions  Philo fopliiques  ,  n" .  46^,  4°.  Le  lion  marin ,  do  nt 
on  trouve  la  defcription  &.  la  figure  dans  le  voyage 
d'Anfon  ,  page  loa,  &  qui  pourroit  bien  être  le  mé  m^ 
gue  Iç  grand  phocjue  décrit  par  M,  Parfonj, 


<^es  Phoques  ,  &c,  %ii^ 

éQs  poîffons,  qu'ils  femblent  être  non-feule* 
ment  d'un  autre  ordre,  mais  d'un  monde  dif- 
férent; aufli  cet  ampiiibie  ,  quoique  d^une 
nature  très  éloignée  de  celle  de  nos  animaux: 
domeftiques ,  ne  laifTe  pas  d'être  fufceptible 
d'une  forte  d'éducation;  on  le  nourrit  en  le 
tenant  fouvent  dans  l'eau  ,  on  lui  apprend  à 
faluer  de  la  tête  &  de  la  voix ,  il  s'accou- 
tume à  celle  de  fon  maître  ^  il  vient  lorsqu'il 
s'entend  appeller,  &  donne  plufieurs  autres 
lignes  d'intelligence  &  de  docilité  {h). 

Il  a  le  cerveau  &  le  cervelet  proportion- 
nellement plus  grands  que  l'homme  ,  les  fens 
aiiffi  bons  qu'aucun  des  quadrupèdes- ,  par 
conféquent  le  fentiment  aufïi  vif,  &  rintelii- 
gence  auiîi  prompte;  l'un  &  l'autre  fe  mar- 
quent par  fa  douceur,  par  fes  habitudes  com- 
munes ,  par  fes  qualités  fociales  ,  par  fon  inf- 
tin6t  très  vif  pour  fa  femelle ,  &  très  atten- 
tif pour  fes  petits  ,  par  fa  voix  (c)  plus  ex- 


(h)  Vituli  marinî  acclpiunt  difc'ipUnam  ,  voceqat  parîter 
&  v'ifu  popuhim  falntant  ;  incondito  fnmitu  nomme  vocati 
rcfpondent.  Plin.  Hifi.  nat.  lib.  IX,  cap.  xiii. —  Un. 
matelot  Hollandois  avoit  tellement  apprivoifé  un  veau 
marin  .  qu'il  lui  faifoit  fr.ire  cent  fortes  de  {in^eries. 
yoyages  de  Mi£ûn ,  tome  III ,  page  ri:j. 

(c)  Nous  entendions  fouvent  pendant  la  nuit,  furies 
côtes  du  Canada ,  la  voix  des  loups  marins,  qii  ref- 
frmbloit  prefq^ie  à  celle  des  diats-hiiants.  H^fiJre  dé 
la  ncHTelU  France  ,  p,ir  VEfcarhot.  Paris  ,  1611,  pa-g.  600» 
—  Quand  nous  arrivâmes  à  l'isle  de  Juan  Fernandès, 
nous  entendions  crier  les  loups  marins  Jour  &  nuit,  les 
uns  bêloient  comme  des  agneaux,  les  autres  aboyoient 
comme  dss  chiens  on  hurloient  comme  des  loup«.  Voy^ 
gts  de  JF^oodcj  Rogcrs ,  page  zqC,  •  • 

T  2 


iio  Hlftoîn  naiurtîlt 

preflive  &  plus  modulée  que  celle  des  autres 
animaux  ;  il  a  auffi  de  la  force  &  des  armes , 
fon  corps  eft  ferme  &  grand ,  ies  dents  tran- 
chantes, les  ongles  aigus;  d'ailleurs  il  a  des 
avantages  particuliers,  uniques,  fur  tous  ceux 
qu'on  voudroit  lui  comparer;  il  ne  craint  ni 
le  froid  ni  le  chaud  ,  il  vit  indifféremment 
d'herbe  ,  de  chair  ou  de  poiffon;  il  habite 
également  l'eau  ,  la  terre  &  la  glace  ;  il  eft 
avec  le  morfe  le  feul  des  quadrupèdes  qui 
mérite  le  nom  à'amphîbie ,  le  feul  qui  ait  le 
trou  ovale  du  cœur  ouvert  (  d)  ,  le  feul 
|>ar  conséquent  qui  puiffe  fe  paffer  de  ref- 
pirer,  &  auquel  l'élément  de  l'eau  foit  aufîi 
convenable ,  auliî  propre  que  celui  de  l'air; 
la  loutre  &.  le  caftor  ne  font  pas  de  vrais 
amphibies  ,  puifque  leur  élément  efl  l'air  ; 
&  que,  n'ayant  pas  cette  ouverture  dans  la 
cloifon  du  cœur ,  ils  ne  peuvent  refter  long- 
temps fous  l'eau ,  &.  qu'ils  font  obligés  d'en 
fortir  ou  d'élever  leur  tête  au-deffus  pour 
refpirer. 

Mais  ces  avantages ,  qui  font  très  grands , 
font  balancés  par  des  imperfedions  qui  font 


{d)  Comme  les  phocas  font  deftinés  à  être  1ong-temç$ 
ëans  reau ,  &  que  le  paffage  du  fang  par  le  poumon  ne 
peut  fe  faire  fans  la  refpiration,  ils  ont  le  trou  ovalaire 
tel  qu'il  eft  dans  le  foetus ,  qui  ne  refpire  pas  non  plus; 
c'eft  une  ouverture  placée  au-deffous  de  la  veine-cave, 
&  une  communication  du  ventricule  droit  du  cœur  avec 
le  gauche,  qui  fait  paffer  direftement  le  fang  de  la  cave 
«ans  l'aorte,  &  lui  épargne  le  long  chemin  qu'il  auroit 
à  prendre  par  le  poumon.  Hifioire  de  l'AcadénU  des 
Sciences,  depuis  iCC6,  tçmç  7,  page  8^» 


des  Phoques  ,  &c,  iflî 

encore  plus  grandes.  Le  veau  marin  eft  man-» 
chot  ou  plutôt  eftropié  des  quatre  membres  ^ 
fes  bras ,  fes  cuiiTes  &  Tes  jambes  font  pref- 
qu'entièrement  enfermés  dans  fon  corps;  iî 
ne  fort  au  dehors  que  les  mains  &  les  pieds, 
lefqueis  font  à  la  vérité  tous  divifés  en  cinq 
doigts  ;  mais  ces  doigts  ne  font  pas  mobiles 
féparément  les  uns  des  autres  ,  étant  réunis 
par  une  forte  membrane  ,  &  ces  extrémités 
font  plutôt  des  nageoires  que  des  mains  & 
des  pieds >  des  efpèces  d'inftrumens  faits  pouf 
n^ger  &  non  pour  marcher;  d'ailleurs  les 
pieds  étant  dirigés  en  arrière  ,  comme  la 
queue ,  ne  peuvent  foutenir  le  corps  de  l'a- 
nimal qui ,  quand  il  eft  fur  terre ,  eft  obligé 
de  fe  traîner  comme  un  reptile  i^e)  6<.  par 
un  mouvement  plus  pénible  ;  car  fon  corps 
ne  pouvant  fe  plier  en  arc  ,  comme  celui 
du  ierpent,  pour  prendre  fucceirivement  dif- 


(e)  Les  îoups  marins,  que  quelques-uns  appellent  v^^w.* 
marins  des  côtes  du  Canada,  font  gros  comme  des  do- 
g.ies  ,  ils  fe  tiennent  prefque  toujours  dans  l'eau,  ne 
s'écartant  jamais  du  rivage  de  la  mer.  Ces  animaux  ram- 
pent plus  qu'ils  ne  marchent ,  car  -s'étant  élevés  de  l'eau  , 
ih  ne  font  plus  que  gliffer  fur  le  fable  ou  fur  la  vafe..... 
Les  femelles  font  leurs  petits  fur  des  rochers  ou  fur  de 
petites  isles  près  de  la  mer.  Ces  animaux  vivent  de 
poiiTons  ;  ils  cherchent  les  pays  froids.  Voyage  de  la 
Hontan,  tome  II ,  page  ^j.  —  S*élevant  par  un  bout  à 
la  faveur  de  leurs  nageoires  ,  &  tirant  leur  derrière 
/ous  eux,  ils  fe  rebondiffent  par  manière  de  dire,  & 
jettent  le  corps  en  avant ,  tirant  leur  derrière  aprèf 
-eux  ,  fe  relevant  enfuite  &  fautant  encore  du  devant 
alternativement,  ils  vont  &  viennent  de  cette  manière 
pendant  qu'ils  font  à  t&rre.  Voyage  de  Dampicr  ^  tomt 
l,pagiuj, 

T3 


iil  Hificin  naturelle 

férens  points  d'appui ,  &  avancer  sinfi  par  la 
réaûion  du  terrein  ,  le  phoque  demeiireroit  gU- 
l^nt  au  même  lieu ,  fans  fa  gueule  &  les 
mains  qu  il  accroche  à  ce  qu'il  peut  faiûr  , 
&  il  s'en  fert  avec  tant  de  dextérité  qu'îl 
monte  afîez  promptement  fur  un  rivage  élevé, 
iur  un  rocher  &  même  fur  un  glaçon ,  quoi- 
que rapide  &  gliffant  (/).  Il  marche  aulfi 
beaucoup  plus  vite  qu'on  ne  pourroit  l'ima- 
giner >  6i  fouvent,  quoique  blelTé,  il  échappe 
par  la  fuite  au  chalTeur  {§). 

Les  phoques  vivent  en  fociété,  ou  du  moins 
€n  grand  nombre  ,  dans  les  mêmes  lieux  ; 
leur  climat  naturel  eft  le  Nord  ,  quoiqu'ils 
puiffent  vivre  aulfi  dans  les  Zones  tempé- 
rées ,  &  même  dans  les  climats  chauds  ;  car 
on  en  trouve,  quelques-uns  fur  les  rivages 
<îe  prefqu€  toutes  les  mers  de  l'Europe  & 
jufque  dans  la  Méditerranée  ;  on  en  trouve 
auiïï  dans   les  mers  méridionales  de  l'Afri- 


(/■)  Les  veaux  marins  ont  des  dents  très  tranchante» 
avec  lefqueîles  ils  couperoient  un  bâton  de  la  grofleur 
^u  bras  -,  quoiqu'ils  paroiffent  boiteux  du  train  de  der- 
rière ,  ils  grimpent  fur  les  glaçons  où  ils  dorment 

Les  veaux  marins ,  qui  habitent  fur  les  rivages  ,  font 
plus  gras  &  donnent  be^nucoup  plus  d'huiie  que  ceux 
<jui  habitent  fur  les  g'sces.  ....  L'on  trouve  quel- 
quefois les  veaux  marins  fur  Ats  glaçons  fi  élevés  &  fi 
efcarpés,  qu'il  eft  étonnant  comment  ils  ont  pu  y  mon- 
ter, &  on  les  y  voit  fouvent  accrochés  au  nombre  de 
▼ingt  ou  trente.  Dtfcnpîion  de  la  pîchc  âc  Lt  BaUîfii , 
.faT  Zorgdra.gcr ^  pas;c  ;9j. 

{g)  Je  donnai  plufieurs  coups  d'épée  à  un  veau  ma- 
rin ,  qui  ne  l'ejn-péchèrent  pas  de  courir  plis  vî-.e  que 
moi,  &  ce  fe  ierer  dans  Teau,  d'où  fe  ne  le  vis  plus 
reifortir,  Raut'ù  du  J'cy^^tt  du  N^rd,  tome  II  yfag.  «30* 


dis   Phoques  ,   &C.  113 

que  &  de  l'Amérique  (A);  mais  ils  font  infi- 
niment plus  communs ,  plus  nombreux  dans 
les  mers  feptentrionales  de  l'Afie  ,  de  l'Eu- 
rope (ï)  &  de  l'Amérique,  &.  on  les  re-» 
trouve  en  auflt  grande  quantité  dans  celles 
qui  font  voifines  de  l'autre  pôle  au  détroit 
de  Magellan ,  à  l'isle  de  Juan  Fernandès ,  &c» 


(A)  Il  y  a  beaucoup  de  veaux  marins  dans  les  partie* 
feptentrionales  de  l'Europe  &  de  rAmérique,  &  dans 
les  parties  méridionales  de  l'Afrique  ,  comme  aux  en- 
virons du  cap  de  Bonne-efpérance  &  au  détroit  de  Ma- 
gellsn  ;  &  quoique  je  n'en  aye  jamais  vu  dans  les  îndes 
occidentales  que  dans  la  baye  de  Campêche,  il  y  en  a 
néanmoins  fur  toute.  la  côte  de  la  mer  méridionale  de 
TAmérique  ,  depuis  la  terre  de  Fuego  iufqu'à  la  ligne 
équinoxiale  ;  mais  du  côté  du  nord  de  la  ligne,  je  nen 
ai  jamais  vu  q.i'à  vingt-un  degrés  de  latitude  :  je  n'en 
ai  jamais  vu  non  plus  dans  les  Indes  orientales.  Voy^igt 
it,  Dcentpicry  tonu  I,  page  iiS, 

{i)  In  mari  Bothnlco  O  Tinnlco  tnaxîmd  vîtulorum 
marinorum  five  phocarum  multitado  repentur.  01a i  Magni, 
de  Geni.  f^pt.  page  tC^.  —  On  trouve  dans  le  Groen- 
land beaucoup  de  veaux  marins  fur  la  côte  de  l'oueft , 

on   en   trouve  peu  vers  le  Spitzberg Les  plus 

erands  veaux  marins  ont  ordinairement  depuis  cinq 
jufqu'à  huit  pieds  de  long,  &  leur    grsiJe   fournir  la 

meilleure  huile comme  ils  fe  plaifent  autant  fur 

la  glace  que  fur  terre,  l'on  en  voit  des  troupeaux  de 

cent  raffemblés  fur  un  même  glaçon L'endroit 

où  l'en  prend  les  veaux  marins  eft  principalement  entre 
le  foixante- quatorzième  &  le  foixante-dix-feptième 
degré  fur  la  lifière  des  glaces  de  l'oueft.  On  en  prend 
aufîi  beaucoup  annuellement  d^ns  le  détroit  de  Davjs 
&  près  de  la  Zem'':)!?.  Dtfcnption  de  la  plcht  àt  la  Ba- 
Itine  ,  par  CcrmilU  Zor^drazer.  Nuremb.  175 0  >  volume 
1er.  iii-4*'.  pa^e  1^2  i  traduit  dc  V AiUmand ,  par  M.  U 
marquis  de  MontmiraU, 

T4 


a  14  Hijîoire  naturelle 

(  A  ).  Il  paroît  feulement  qiie  refpèce  varie  ; 
&  que ,  félon  les  difFérens  climats ,  elle  chan  ^e 
pour  la  grandeur,  la  couleur  &  même  pour 
la  figure;  nous  avons  vu  quelques-uns  de  ce& 
animaux  vivans ,  &  l'on  nous  a  envoyé  les 
dépouilles  de  plufieurs  autres  ;  dans  le  nom- 
bre j  nous  en  avons  choifi  deux  pour  les  faire 
defîiner.  Le  premier  eft  le  phoque  de  notre 
océan ,  dont  il  y  a  plufieurs  variétés  ^  nous- 
en  avons  vu  un  »  dont  les  proportions  du  corps 
paroifîbient  différentes ,  car  il  avoir  le  cou  plus 
court,  le  corps  plus  alongé  &  les  ongles  plus 
grands  que  celui  dont  nous  donnons  la  fi- 
gure ;  mais  ces  différences  ne  nous  ont  pas 
paru  afTez  confidérables  pour  en  faire  une  ef- 
pèce  diftinfle  &  féparée.  Le  fécond ,  qui  eft 
le  phoque  de  la   Méditerranée  &  des  mers 
^uMidi ,  &  que  nous  préfumons  être  le  phoca 
des  Anciens  ,  paroit  être  d'une  autre  efpèce  , 
car  il  diffère  des  autres  par  la  qualité  &  la 
couleur  du  poil ,  qui  eu  ondoyant  &  prefque 
noir,  tandis  que  le  poil  des  premiers  eft  grift 
&  rude  y  il  en  diffère  encore  par  la   forme 
des  dents  &  par  celle  des  oreilles  ,  car  il  3 
une  efpèce  d'oreille   externe ,  très  petite   à 
la  vérité ,  au  lieu  que  les  autres  n'ont  que 


(  Jt  )  Au  mois  de  Novembre  ,  les  chiens  marins  (PAo- 
cas  )  Te  rendent  fur  l'îsle  de  Juan  Fernandès  pour  y  faire 
leurs  petits;  ils  font  alors  de  fi  mauvaife  humeur,,  que 
bien  loin  de  fe  retirer  à  l'approche  d*un  homme ,  ils  fe 
jettent  <^ur  lui  pour  le  mardre^  quoiqu'il  foit  armé  d'ua 

bâton Le  rivage  en  eft  quelquefois  tout  couvert 

à  p'us  d*un  demi- mille  à  la  rwide.    Voyage  de  WoQdià 
livgcrs,  tome  /,  pag^  xq6* 


des  Pkcques  ,   &c,  12  f 

ie  trou  auditif,  fans  apparence  de  conque j 
jl  a  auffi  les  dents  incifives  terminées  par  deux 
pointes  ,  tandis  que  les  deux  autres  ont  ces 
mêmes  dents  incifives  unies  &  tranchantes 
à  droit  fil  comme  celles  du  chien ,  du  loup 
ôi  de  tous  les  autres  quadrupèdes;  il  a  en* 
core  les  bras  fitués  plus  bas,  c'éft-à-dire, 
plus  en  arrière  du  corps  que  les  autres,  qui 
les  ont  placés  plus  en  avant;  néanmoins  ces 
diiconvenances  ne  font  peut- être  que  des 
variétés  dépendantes  du  climat ,  &  non  pas 
deV  différences  fpécifiques  ,  attendu  que  dans 
les  mêmes  lieux,  8i  furtout  dans  ceux  où 
ces  animaux  abondent,  on  en  trouve  de  plus 
grands,  de  plus  petits ,  de  plus  gros  ,  de  plus 
minces  ,  &  de  couleur  ou  de  poil  différent, 
fuivant  le  fexe  &  Tâge  (/). 


(  / )  Canit'us  ut  homlnî  6-  cquo  fie  quoque  yîtulo  mariné 
âccidit,  Olaï  Magni ,  De  Gcit.  fept.  p^g.  tCj,  —  Les 
veaux  marins  font  couverts  de  poi!s  courts  &  de  diffé- 
rentes couleurs;  les  uns  font  noirs  &  blancs ,  quelques- 
vns  îaunes ,  d'autres  gris,  &  on  en  voit  de  rouges.  Dep- 
eription  d(  la  pêche  de  la  Bahtne ,  par  Zi>rgdra^er,  page 
fc,}.  -—  Près  de  la  baye  Saint  Mathias  fur  les  terres 
Magellanixjues ,  nous  ôécouvrimes  deux  isles  pleines  de 
loups  marins,  en  fi  grand  nombre,  qu'il  n'auroit  pas 
fallu  deux  heures  pour  en  remplir  nos  cinq  vaiifeaux  ; 
ils  font  de  la  taille  d'un  veau  &  de  diverfes  couleurs, 
fiifioire  des  Navigations  aux  terres  Auftrales.  Paris  , 
1746.  in  4**.  tome  ï,  page  izj.  —  Les  veaux  marins  de 
SpitzHerg  n'ont  pas  la  tète  faite  tous  de  la  même  f^çpn  , 
les  uns  l'ont  plus  ronde,  les  autres  plus  longue  &  plus 

décharnée  audeffous  du  mufeau ils  font  auffi 

de  diverfes  couleurs,  &  marquetés  comme  les  tigres i 
les  uns  font  d'un  noir  tacheté  de  blanc  ,  quelques-uns 
jaunes,  quelques-uns  gris  &  d'autres  rouges.  ,  .  .  lU 


2i6  Hijlolre  naturclU 

Ceft  par  une  convenance  qui  d'abord  pa- 
roît  aflex  légère ,  &  par  quelques  rapports 
fugitifs ,  que  nous  avons  jugé  que  ce  fécond 
phoque  étoit  X^^hoca  des  Anciens  ;  on  nous  a 
afliiré  que  l'individu  que  nous  avons  vu  ve- 
noit  des  Indes,  &,.il  eft  au  moins  très  pro- 
bable qu'il  venoit  des  mers  du  Levant;  il 
étoit  adulte,  puisqu'il  avoit  toutes  fes  dents; 
il  étoit  tl'un  cinquième  moins  grand  que  les 
phoques  adultes  de  nos  mers^,  &  des  deux 
tiers  plus  petit  que  ceux  de  la  mer  glaciale; 
car ,  quoiqu'il  eût  toutes  fes  dents  ,  il  n'a- 
voit  que  deux  pieds  trois  pouces  de  lon- 
gueur ,  tandis  que  celui  que  M.  Parfons  a 
décrit  &  deffiné  avoit  fept  pieds  &  demi 
d'Angleterre ,  c'eft-à-dire ,  environ  fept  pieds 
de  Paris,  quoiqu'il  ne  fût  pas  adulte,  puis- 
qu'il n'avoit  encore  que  quelques  dents  :  or 
tous  les  caractères  que  les  Anciens  donnent 
à  leur  phoca^  ne  défignent  pas  un  animal 
aulïï  grand ,  &  conviennent  à  ce  petit  phoque 
qu'ils  comparent  fouvent  au  caftor  &  à  la 
loutre,  lefquels  font  de  trop  petite  taille 
pour  être  comparés  avec  ces  grands  phoques 


n'ont  pas  tous  la  prunelle  <lc  l'œil  d'une  même  couleur  ; 
les  uns  l'ont  d'une  cou'eur  criftaline,  les  autres  blan- 
che, les  autres  jaunâtre  &  les  autres  rougeâtre.  Recueil 
des  Voyages  du  Nord  j  tome  II,  page  jiS  &  fuivantes.  — 
La  peau  de  veau  marin  eft  couverte  d'un  poil  ras  de 
diverfes  couleurs  ;  il  y  a  de  ces  animaux  qui  font  tout 
blancs,  &  tous  le  font  en  naiffant,  quelques-uns  à  me- 
fure  qu'ils  croiflfent  deviennent  noirs,  d'autres  roux, 
plufienrs  ont  toutes  ces  couleurs  enfemble.  Hl/îoire  delà 
Nowvdk  Pjoncct  fO't  CkarUvoix^  totne  HJ ,  page  i^fj. 


des  Phoques  ,  &c,  llj 

du  nord  ;  &  ce  qui  a  achevé  de  nous  per- 
fuader  que  ce  petit  phoque  eft  le  phoca  des 
Anciens ,  c'eft  un  rapport  qui ,  quoique  faux 
dans  fon  objet ,  ne  peut  cependant  avoir 
été  imaginé  que  d'après  le  petit  phoque  dont 
il  eft  ici  queftion ,  &  n'a  jamais  pti ,  en  au- 
cune manière  ,  avoir  été  attribué  aux  pho- 
ques de  nos  côtes  ,  ni  aux  grands  phoques 
du  nord.  Les  Anciens,  en  parlant  du  phoca ^ 
difent  que  Ton  poil  eft  ondoyant  y  Si  que  , 
par  une  fympathie  naturelle  ;  il  fuit  les  mou- 
vemens  de  la  mer  ;  qu'il  fe  couche  en  ar- 
rière dans  le  temps  que  la  mer  baifTe  ,  qu'il 
fe  relève  en  avant  lorfque  la  marée  monte 
( m  ),  &  que  cet  effet  ôngulier  fubfifte  même 
dans  les  peaux  long-temps  après  qu'elles 
ont  été  enlevées  &  féparées  de  l'animal  ;  or 
l'on  n'a  pu  imaginer  ce  rapport  ni  cette  pro- 
priété dans  les  phoques  de  nos  côtes ,  ni 
dans  ceux  du  nord,  puifque  le  poil  &  des 
uns  &  des  autres  eft  court  &  roide  ;  elle 
convient  au  contraire,  en  quelque  façon,  à 
ce  petit  phoque  dont  le  poil  eft  ondoyant  & 
beaucoup  plus  foupJe  &  plus  long  que  celui 
des  autres  ;  en  général"  les  phoques  des  mers 


(m)  Pelles  eonim  ttiam  detraciis  corpori  finfian  tf<?«o- 
rum  retlnere  tradunt  femper  a.ftu  maris  recedente  inhorrejcere. 
Plin.  Hiji.  nat.  lib  IX,  cap.  xni.  —  Severinus  dit  avoir 
va  ce  miracle,  mais  il  l'exprime  avec  tant  d'exagéra- 
tion, qu'il  en  eft  moins  croyable;  il  dit  que,  quand  le 
vent  du  feptentrion  fouffle  ,  les  poils  qui  s'étoient  élevés 
au  vent  du  mi-Hi ,  fe  couchent  tellement  qu'ils  fembîent 
difnaroître.  Mémoires  pour  Ccrvir  à  VHifioire  des  Animaux ^ 
partie  I ,  pu^e  /oj. 


ai8  Hljîoire  naturdU 

méridionales  ont  le  poil  beaucoup  plus  fîrt 
&  plus  doux  {n)  que  ceux  des  mers  fep- 
tentrionales  ;  d'ailleurs.  Cardan  dit  affirmati- 
vement (o)  que  cette  propriété,  qui  avoit 
pafle  pour  fabuleufe  ,  a  été  trouvée  réelle 
aux  Tndes  :  fans  donner  à  cette  affertion  de 
Cardan  plus  de  foi  qu'il  ne  faut,  elle  indique 
au  moins  que  c'eft  au  phoque  des  Indes  que 
cet  effet  arrive  ;  il  y  a  toute  apparence  que , 
dans  le  fond  ,  ce  n'eft   autre   chofe    qu'un 

Îihénomène  éleârique  ,  dont  les  Anciens  & 
es  Modernes  ignorant  la  caufe,  ont  attribué 
TefFet  au  flux  &  au  reflux  de  la  mer.  Qwoi 
qu'il  en  foit  ,  les  ralfons  que  nous  venons 
o'expofer  font  fuflîfantes  pour  qu'on  puifle 
préfumer  que  ce  petit  phoque  eft  le  phoca 
des  Anciens,  &  il  y  a  auffi  toute  apparence 
que  c*eft  celui  que  Rondelet  (  P  )  appelle 
Phoca  de  la  Méditerranée ,  lequel ,  lelon  lui ,  a  le 
corps  à  proportion  plus  long  &  moins  gros  que 
le  phoque  de  l'océan.  Le  grand  phoque  ,  dont 
M.  Parfons  a  donné  les  dimenfions  &  la  figure  , 
&  qui  venoit  vraifemblablement  des  mers 
feptentrionales ,  paroît  être  d'une  efpèce  dif- 
férente dfs  deux  autres ,  puifque  n'ayant 
encore  prefque  point  de  dents ,  &  n'étant 
pas  adulte,  il  ne  laiiToit  pas  d'être  plus  que 


(n)  Les  veaux  marins  de  l*isle  de  Juan  Fernandès  » 
ont  une  fourrure  fi  fine  &  fi  court>e,que  je  n*en  ai  vu 
de  pateille  nulle  part  ailleurs.  Voyage  de  Dampier,  tosîê 
J,  page  ii8. 

(o)  Cardan,  de fuhtHitate ^  lib.  X. 
\p)  Rondelet,  de  Pifcibus,  Ub.  XVI. 


des   Phoques  ,  &c,  119 

double  en  grandeur  dans  toutes  fçs  dimen- 
fions  ,  &  qu'il  avoit  par  conféquent  dix  fois 
plus  de  volume  &  de  malTe  que  les  autres. 
M.  Parfons ,  ainfi  que  Ta  très  bien  remar- 
qué M.  Klein  (  </  ) ,  a  dit  beaucoup  de  cho- 
ies en  peu  de  mots  au  fujet  de  cet  animal. 
Comme  Tes  obfervations  font  en  Anglois, 
j'ai  cru  devoir  en  donner  ici  la  traduction  par 
extrait  (r). 


{q)  Klein,  de  quad.  page  95. 

(  r  )  Ce  veau  marin  fe  voyoît  à  Londres  en  Charlng 

crcff,  au  mois  de  Février  1742—4^ Les  figures 

données  par  Aldrovande ,  Jonfton  ,  &  d'autres  étant  de 
de  profil ,  nous  jettent  dans  deux  erreurs;  la  première, 
c'eft  qu'elles  font  paroître  le  bras,  qui  ceoendant  n'eft 
pas  vihble  au  dehors  dans  quelque  pofition  que  foit 
l'animal;  la  féconde  ,  c'eft  qu'elles  repréfentent  les  pieds 
comme  deux  nageoires,  tandis  que  ce  font  deux  vrais 
pieds  avec  des  membranes  &  cinq  doigts  &  cinq  on- 
gles ,  &  que  les  doigts  font  compofés  de  trois  articula- 
tions. Les  ongles  des  pieds  de  devant  font  fort  grands  6c 
larges;  ces  pieds  font  aflfez  femblables  à  ceux  d'une 
taupe  ;  ils  paroiffent  faits  pour  ramper  fur  la  terre  & 
pour  nager  ;  il  y  a  une  membrane  étroite  entre  chaque 
doigt  ;  mais  les  pieds  de  defrière  ont  des  membranes 
beaucoup  plus  larges ,  ôt  ils  ne  fervent  à  l'animal  que 
pour  ramer  dans  l'eau.  .  .  .  Cet  animal  étoit  femelle, 
6c  mourut  le  feizième  Février  1742--43.  Il  avoit  autour 
de  la  gueule  de  grands  poils  d'une  fubftance  tranfpa- 
rente  &  cornée.  Ses  vifcères  étoient  comme  il  fuit;  les 
eftomacs  ,  les  inteftins,  la  veffie  ,  les  reins,  les  uretères, 
le  diaphragme,  les  poumons,  les  gros  vaiffeaux  du  fang 
&  les  parties  extérieures  de  la  génération  étoient  comme 
dans  la  vache;  la  rate  avoit  deux  pieds  de  long,  quatre 
pouces  de  large,  &  étoit  fort  mince-,  le  foie  étoit  cont»- 
pofé  de  fix  lobes,  chacun  de  ces  lobes  étoit  long  & 
mince  comme  la  rate  ;  la  véfieule  du  fiel  étoit  fore  pe* 


130  Tfijloln  naturelle 

Voilà  donc  trois  efpèces  de  phoques  qui 
femblent  être  différentes  les  unes  des  autres. 
Le  petit  phoque  noir  des  Indes  &  du  Levant, 
le  veau  marin  ou  phoque  de  nos  mers,  &  le 
grand  phoque  des  mers  du  Nord;  &  c'eft  à  la 
première  efpèce  qu'il  faut  rapporter  tout  ce 
que  les  Anciens  ont  écrit  du  p/ioca.  Arîftote 
connoiffoit  afîez  bien  cet  animal ,  lorfqu'il  a 
dit  qu'il  étoit  d'une  nature  ambiguë  &  moyen- 
ne entre  les  animaux  aquatiques  &  terreftres; 
que  c'eft  un  quadrupède  imparfait  &  man- 
chot; qu'il  n'a  point  d'oreilles  externes,  mais 
feulement  des  trous  très  apparens  pour  en- 
tendre; qu'il  a  la  langue  fourchue,  des  ma- 
melles &du  lait,  &  une  petite  queue  comme 


tite;  le  cœur  étoit  long  &  mou  dans  fa  contexture," 
ayant  un  trou  ovale  fort  l«rge,  &  les  colonnes  charnues 
fort  grandes.  Dans  l'eftomac  le  plus  bas ,  il  y  avoit  envi- 
ron quatre  livres  pefant  de  petits  cailloux  tranchans  & 
anguleux ,  comme  fi  l'animal  les  avoit  choifis  pour  ha- 
cher fi  nourriture Le  corps  de  la  matrice  étoit 

petit  en  comparaifon  des  deux  cornes  qui  ëtoient  très 

grandes  &    très  épaiffes ^  Les   ovaires    étoient 

fort  gros  ,  &  les  cornes  de  la  matrice  étoient  ouvertes 
par  un  qrand  trou  du  côté  des  ovaires.  Je  donne  la 
figure  cie  ces  parties.  .  .  .  aufTi-bien  que  celle  de  l'anî- 
nnal  que  j'ai  defïiné  moi-même  avec  le  plus  grand  foin. 
Cet  animal  eft  vivipare,  il  allaite  fes  petits;  fa  chair  eil 
ferme  &  mufculeufe  ;  il  étoit  fort  jeune,  quoiqu'il  eût 
fept  pieds  ôc  demi  de  longueur  ,  car  il  n'avoit  prefque 
point  de  dents,  &  il  n'avoit  encore  que  quatre  petits 
trous  régulièrement  placés  &  formant  un  carré  autour 
nu  nombril,  c'ë.oit  les  veftiges  des  quatre  m'amènes  qui 
dévoient  paroître  avec  le  temps.  Travf,  PhU.  n'.  469  , 
puges  ^8^  &  18 â. 


des  Phoques  ,  &c»  13! 

un  cerf:  mais  il  paroît  qu*il  s'eft  trompé,  en 
alTurant  que  cet  animal  n'a  point  de  fiel  ;  il 
eft  certain  qu'il  en  a  au  moins  la  véficule  : 
M.  Parfons  dit ,  à  la  vérité ,  que  la  véficule 
du  fiel ,  dans  le  grand  phoque  qu'il  a  décrit, 
étoit  fort  petite  ;  mais  M.  Daubenton  a 
trouvé  dans  notre  phoque  qu'il  a  dilTéqué  , 
une  véficule  du  fiel  proportionnée  à  la  gran- 
deur du  foie;  &  Mrs.  de  l'Académie  des  Scien- 
ces ,  qui  ont  aufli  trouvé  cette  véficule  du 
fiel  dans  le  phoque  qu'ils  ont  décrit  ,  ne 
difent  pas  qu'elle  fût  d'une  petitefTe  remar- 
quable. ^ 

Au  refte ,  Ariftote  ne^'iîouvoit  avoir  au- 
cune connoifîance  des  grands  phoques  des 
mers  glaciales,  puifque ,  de  fon  temps,  tout 
le  nord  de  l'Europe  &  de  l'Afie  étoit  encore 
inconnu;  les  Grecs,  &  même  les  Romains, 
regardoient  les  Gaules  &  la  Germanie  comme 
leur  nord  :  les  Grecs  fur- tout  connoifîbient 
peu  les  animaux  de  ces  pays;  il  y  a  donc  toute 
vraisemblance  qu'Ariftote ,  qui  parle  du  phoca 
comme  d'un  animal  commun  ,  n'a  entendu 
par  ce  nom  que  le  pkoca  de  la  Méditerra- 
née ,  &  qu'il  ne  connoifToit  pas  plus  les  pho- 
ques de  notre  Océan  que  les  grands  phoques 
des  mers  du  nord. 

Ces  trois  animaux ,  quoique  difFérens  par 
l'eTpèce,  ont  beaucoup  de  propriétés  com- 
munes ,  &  doivent  être  regardés  comme 
d'une  même  nature.  Les  femelles  mettent 
bas  en  hiver;  elles  font  leurs  petits  à  terre 
fur  un  banc  de  fable,  fur  un  rocher  ou  dans 
une  petite  isle,  &  à  quelque  diftance  du  con- 
tinent; elles  fe  tiennent  alfifes  pour  les  al- 


tjl  Hljîoln  naturetic 

laiter  (/*),&  les  nourriffent  ainfi  pendant 
douze  ou  quinze  jours  dans  l'endroit  où  ils 
font  nés;  après  quoi  la  mère  emmène  fes 
petits  avec  elle  à  Ja  mer ,  où  elle  leur  ap- 
prend à  nager  &  à  chercher  à  vivre  ;  elle 
les  prend  lur  fon  àos  lorfqu'ils  font  fati- 
gués. Comme  chaque  portée  n'eft  que  de 
deux  ou  trois,  Tes  ibins  ne  font  pas  fort  par- 
tagés ,  &  leur  éducation  eft  bientôt  achevée  ; 
d'ailleurs  ces  animaux  ont  naturellement  af- 
fez  d'intelligence  &  beaucoup  de  fentiment  ; 
ils  s'entendent ,  ils  s'entre-aident  &  ie  fe- 
courent  mutuell^ent;  les  petits  reconnoif- 
iént  leur  mère  au  milieu  d'une  troupe  nom- 
i)reufe;ils  entendent  fa  voix,  &.  dès  qu'elle 
les  appelle,  ils  arrivent  à  elle  fans  fe  trom- 
per (r).  Nous  ignorons  combien  de  temps 
dure  la  geftation  ;  mais,  à  en  juger  par  ce- 
lui de  i'accroilTement ,  par  la  durée  de  la  vie 
&  aufli  par  la  grandeur  de  l'animal ,  il  pa- 
roît  que  ce  temps  doit  être  de  plufieurs  mois; 
&  l'accroiflement  étant  de  quelques  années , 
la  durée  de  la  vie  doit  être  aflez  longue  ;  je 
fuis  même  très  porté  à  croire  que  ces  ani- 
maux vivent  beaucoup  plus  de  temps  qu'on 
ii'a  pu  robferver,  peut  être  cent  ans  &  da- 
vantage :  car   on  fait  que  les   cétacées   en 


(/)  Qirand  les  veaux  mar'ms  font  «n  mer,  leurs  pieds 
4e  derrière  kur  fervent  de  queue  pour  nager,  &  à 
terre  de  Tiége  quand  il-s  donnent  à  têter  il  leurs  petits. 
Voyage  de  Dampier,  tome  1 ,  pa^e  iij. 

(/)  Voyage  de  Dampier,  tome  I ,  poge  119. 

animaux 


des  Pkoqué$  ^  &Cé  155 

Çcriéral  virent  bieii  plus  long-temps  que  le^ 
animau"^  quadrupèdes  ;  &  comme  le  phoque 
fait  une  nuance  entre  les  uns  &  les  autres  , 
il  doit  participer  de  la  nature  des  premiers  > 
&  par  conféquent  vivre  plus  que  les  der-»; 
niers. 

La  voix  <iu  phoque  peut  fe  comparer  à 
Taboiement  d'un  chien  enroué  ;  dans  le  pre* 
mier  âge  ,  il  fait  entendre  un  cri  plus  clair* 
à-peu-près  comme  le  miaulement  d'un  chat  1, 
les  petits  qu'on  enlève  à  leur  mère  miaulent 
continuellement^  &  fe  laiffenî  quelquefois 
mourir  d'inanition  plutôt  que  de  prendre  la 
nourriture  qu'on  leur  offre.  Les  vieux  pho- 
ques aboient  contre  ceux  qui  les  frappent,  &f 
font  tous  leurs  efforts  pour  mordre  &  fer 
venger^  en  général,  ces  animaux  font  pei* 
craintifs  ^  même  ils  font  courageux.  L'on  af 
remarqué  que  le  feu  des  éclairs  ou  le  hrui% 
du  tonnerre  ;r  loin  de  les  épouvanter,  fembl^ 
ks  récréer;  ils  foftent  de  l'eau  dans  la  tem- 
pête ;  ils  quittent  même  alors  leurs  glaçon^ 
pour  éviter  le  choc  des  vagues ,  &  ils  vonf 
a  terre  s'amufer  de  l'orage  &  recevoir  1^ 
pluie,  qui  les  réjouit  be.ucoup.  Us  ont  na-' 
furellement  une  mauvaife  odeur,  &  que  l'on? 
fent  de  fort  loin  lorfqu'ils  font  en  grand  nom-- 
fere  :  il  arrive  fouvent  que  ,  quîind  on  le9^ 
pourfuit  y  ils  lâchent  leurs  excrémens  ,  qu^ 
font  jaunes  &  d'une  odeur  abominable-  >  il^ 
ent  une  quantité  de  fan  g  prodigieufe,  & 
comme  ils  ont  aullî  une  grande  furcharge  de^ 
^raiffe  ,  ils  font,  par  cerr^  raifon^  d  une  na-- 
tufe  lourde  &  pefante  3.  ils  dorment  beau-- 


a-  3  4  Hijloîre  namrdlt 

coup  &  d'un  fommeil  profond  (w'^;  ils  ai- 
ment à  dormir  au  foleil  lur  des  glaçons  ,  fur 
lies  rochers;  &  on  peut  les  approcher  fans 
les  éveiller  ,  c'eft  la  manière  la  plus  ordi- 
naire de  les  prendre.  On  les  tire  rarement 
avec  des  armes  à  feu ,  parce  qu'ils  ne  meu- 
rent pas  tout  de  fuite,  même  d'une  balle  dans 
la  tète;  ils  fe  jettent  à  la  mer  &  font  per- 
dus pour  le  chaffeur  ;  mais  comme  l'on  peut 
les  approcher  de  près  lorfqu'ils  font  endor- 
mis, ou  même  quand  ils  font  éloignés  de  la 
mer,  parce  qu'ils  ne  peuvent  fuir  que  très 
lentement;  on  les  afîbmme  à  coups  de  bâton 
&  de  perche  :  ils  font  très  durs  &  très  vi- 
vaces;  «  ils  ne  meurent  pas  facilement,  dit 
»  un  témoin  oculaire  ;  car  quoiqu'ils  foient 
»  mortellement  blelTés,  qu'ils  perdent  pref- 
»  que  tout  leur  fang,  &  qu'ils  foient  même 
3>  écorchés ,  ils  ne  laiffent  pas  de  vivre  en- 
»  core ,  &  c'eft  quelque  chofe  d'affreux  que 
w  de  les  voir  fe  rouler  dans  leur  fang.  C'eft 
»  ce  que  nous  obfervames  à  l'égard  de  ce- 
r>  lui  que  nous  tuâmes ,  &  qui  avoit  huit 
w  pieds  de  long  ;  car ,  après  l'avoir  écorché 
»  &  dépouillé  même  de  la  plus  grande  partie 
»  de  fa  graiiFe ,  cependant  &  malgré  tous  les 
»  coups  qu'on  lui  avoit  donnés  fur  la  tête  & 
»  fur  le  mufeau ,  il  ne  lailToit  pas  de  vouloir 


(  u  )  NuUum  animal  graviorc  fomno  prcmititr.  Finni* 
«tiibus  in  mari  uiuntur^  humi  quoqjje  pedum  vice  ferpunt  ^ 
furfum  deorfumque-  claiidicantium  more  fe  moy^mcs.  .  .  . 
CapUur  dormiens  vitulus  marinus  pmfcrtim  humano  mU' 
tronc  quia  profundijfiml  dormit,  OUÏ  Ma^ni ,  de  Ggnt, 
J'cft.  pag.  iôj. 


des  Phoqîies  ,  &c,  23  y 

»  mordre  encore;  il  faifit  même  une  demi- 
«  pique  qu'on  lui  préfenta  avec  pre(qu'au- 
j)  tant  de  vigueur  que  s'il  n'eût  point  été 
»  blefle;  nous  lui  enfonçâmes  après  cela  une 
w  demi-pique  au  travers  du  cœur  &  du  foie, 
»  d'où  il  fortit  encore  autant  de  fang  que 
j>  d'un  jeune  bœuf  ".  Recueil  des  Voyages  du 
Nord,  tome  II,  page  iiy  &  fuiv.  Au  refte  ,  la 
chaffe  ,  ou  fi  l'on  veut,  la  pêche  de  ces  ani- 
maux n'eft  pas  difficile  &  ne  laiffe  pas  d'être 
utile,  car  la  chair  n'en  eft  pas  mauvaife  à 
manger  («);  la  peau  (y)  fait  une  bonne 


(ir)  La  féconde  erpèce  de  loups  marins  {phoque)  efl 
bien  plus  petite  que  la  première  (ro/tnar  ou  vache  ma-^ 
rine);  ils  font  auflî  leurs  petits  à  terre  dans  ces  isles 
(du  Tonfquet,  Amérique  feptentrionaîe)  fut  le  fabie , 

fur  les  roches  &  par-tout  où  il  fe  trouve  des  an  Ce.'; 

Les  fauvages  leur  font  la  guerre  ;  leur  chair  eft  bonne 
à  manger  ,  ils  en  tirent  de  l'huile  qui  eft  un  ragoât  à 
tous  leurs  feftins.  Ces  loups  marins  s'échouent  à  terre 
en  toutes  faifons ,  8c  ne  s'écartent  guère  de  la  terre* 
Dans  un  beau  temps,  on  les  trouve  fur  une  côte  de 
fable,  ou  bien  fur  des  rochers  où  ils  dorment  au  foleii. 
Il  y  a  des  endroits  où  il  s'en  échoue  des  deux  ou  trois 

cents  d'une  bande Ils  font  faciles  à  tuer.  .  ,  .   , 

Tout  ce  qu'ils  peuvent  rendre  d'huile,  c'eft  environ  plein 
leur  veftîe ,  dans  laquelle  les  Sauvages  la  mettent  après 
l'avoir  fait  fondre  j  cette  huile  eft  bonne  à  manger  fraî- 
che &  pour  fricaffsr  du  poiflbn  ;  elle  eft  encore  excel- 
lente à  brûler  ,  elle  n'a  ni  odeur  ni  fumée,  non-plus  que 
celle  d'olive ,  &  en  barique  elle  ne  laiffe  ni  ordure  ni 
lie  au  fo«nd.  Defcripùon  de  l'Amérique  feptencrlonalc, par 
Denys ,  tome  II ,  page  2^^. 

{y)  Le  veau  marin  a,  outre  fa  graifte  ,  une  peau  qui 
ie  vend  trois,  quatre  ou  cinq  fchelings,  à  proportion  de 
fa  beauté  &  de  fa  grandeur.  Defcription  de  la  pêcks  dt 
ia  Baleine,  par  Zorgdrager,  page  tq6.  —  On  employoic 
autrefois  une  grande  quantité  de  peaux  de  loups  m»- 

y  2. 


Z]6  Hifiom  naîurtllt 

foiirnre;  les  Américains  s'en  fervent  pouf 
faire  des  balions  (  :^  )  qu'ils  rempliflent  d'air  , 
&:  dont  ils  fe  fervent  comme  de  radeaux  ; 
l'on  tire  de  leur  graiiTe  une  huile  plus  claire 
&  d'un  moins  mauvais  goût  que  celle  du 
marfouin  ou  des  autres  cétacées. 

Aux  trois  efpèces  de  phoques ,  dont  nous 
venons  de  parler,  il  faut  peut-être,  comme 
nous  l'avons  dit  ,  ajouter  une  quatrième 
dont  l'auteur  du  voyage  d'Anfon  a  donné  la 
figure  &  la  defcription  fous  le  nom  de  lion 
marin  ;  elle  eft  très  nombreufe  fur  les  côtes 
des  terres  Magellaniques  &  à  l'isle  de  Juan 
Fernandès  dans  la  mer  du  fud.  Ces  lions 
marins  reflemblent  aux  phoques  ou  veaux 
marins  ,  qui  font  fort  communs  dans  ces 
mêmes  parages ,  mais  ils  font  beaucoup  plus 
grands  ;  lorfqu'ils  ont  pris  toute  leur  taille  , 
ils  peuvent  avoir  depuis  onze  jufqu'à  dix- 
huit  pieds  de  long ,  &  en  circonférence  de- 
puis fept  ou  huit  pieds  jufqu'à  onze.  Ils  font 


rins  à  faire  des  manchons,  la  mode  en  eft  pafTée ,  & 
leur  grand  afsge  aujourd'hui  eft  de  couvrir  les  malles 
fc  les  coffiBS  :  quand  elles  font  tannées ,  elles  ont  pref- 
<tue  le  même  grain  que  le  maroquin,  elles  font  moins 
fines  ,  mais  elles  ne  s'écorchent  pas  fi  aifément,  &  elles 
confervent  plus  long-temps  toute  leur  fraîcheur  i  on  ea 
fait  de  très  bons  fouiiers  &  des  bottines,  qui  ne  pren- 
nent point  l*eau  ;  on  en  couvre  auffi  des  fiéges,  dont 
le  bois  eft  plutôt  ufé  que  la  couverture.  Hiftoin  de  la 
NoirveUc  F rance  y  par  le  Pcre  Ckarlevoixy  tome  UJ  y  page 

(^)  Leur  peau  fert  à  faire  des  ballocs  ou  ballons 
pleins  d'air,  au  lieu  de  bateaux.  Voyage  de  Fr^ilcr,^ 
f-8^  75- 


des   Phoques  ,  &c.  137 

fi  gras,  qu'après  avoir  percé  &  ouvert  la 
peau,  qui  eft  épaifle  d'un  pouce,  on  trouve 
au  moins  un  pied  de  graiffe  avant  de  par- 
venir à  la  chair.  On  tire  d'un  feul  de  ces 
animaux  jurqu'à  cinq  cents  pintes  d'huile  , 
mefure  de  Paris  ;  ils  font  en  même-temps 
fort  fanguins  ;  lofqu'on  les  biefle  profondé- 
dément  &  en  plufieurs  endroits  à  la  fois ,  on 
voit  par- tout  jaillir  le  Tang  avec  beaucoup 
de  force.  Un  feul  de  ces  animaux  auquel 
on  coupa  la  gorge  ,  &  dont  on  recueillit 
le  Tang  ,  en  donna  deux  bariques  ,  fans  comp- 
ter celui  qui  reftoit  dans  les  vaifTeaux  de 
fon  corps.  Leur  peau  eft  couverte  d'un  poil 
court ,  d'une  couleur  tannée  claire  ,  mais 
leur  queue  &  leurs  pieds  font  noirâtres; 
leurs  doigs  font  réunis  par  une  membrane 
qui  ne  s'étend  pas  jufqu'à  leur  extrémité  ,  & 
qui  dans  chacun  eft  terminée  par  un  ongle» 
Us  diffèrent  des  autres  phoques ,  non-feule- 
ment par  la  grandeur  &  la  grofleur  ,  mais 
encore  par  d'autres  caraftères  ;  les  lions  ma- 
rins mâles  ont  une  efpèce  de  groffe  crête 
ou  trompe  qui  leur  pend  du  bout  de  la  mâ- 
choire fupérieure ,  de  la  longueur  de  cinq 
ou  fix  pouces.  Cette  partie  ne  fe  trouve  pas 
dans  les  femelles ,  ce  qni  fait  qu'on  les  dif- 
tingue  des  mâles  au  premier  coup  -  d'œil  » 
outre  qu'elles  font  beaucoup  plus  petites.  Les 
mâles  les  plus  forts  fe  font  un  troupeau  de 
plufieurs  femelles  ,  dont  ils  empêchent  les  au- 
tres mâles  d'approcher.  Ces  animaux  font 
de  vrais  amphibies  ',  ils  paifent  tout  l'été 
dans  la  mer,  &  tout  l'hiver  à  terre ,  &  c'eli 
dans  cette  iaifon  que  les  femelles   metteat 


1)8  JTiJîoire  naturdU 

bas;  elles  ne  produifent  qu'un  ou  deux  pe- 
tits ,  qu'elles  allaitent  ,  &  qui  font  en  naif- 
fant  aulTi  gros  qu*un  veau  marin  adulte. 

Les  lions  marins ,  pendant  tout  le  temps 
qu*ils  font  à  terre  ,  vivent  de  Therbe  qui 
croît  fur  le  bord  des  eaux  courantes  ;  & 
le  temps  qu'ils  ne  paiffent  pas,  ils  l'emploient 
à  dormir  dans  la  fange  ;  ils  paroiffent  d'un 
naturel  fort  pefant ,  &  font  fort  difficiles  à 
réveiller;  mais  ils  ont  la  précaution  de  pla- 
cer des  mâles  en  fentinelle  autour  de  l'en- 
droit où  ils  dorment,  &  l'on  dit  que  ces 
fentinelles  ont  grand  foin  de  les  éveiller 
dès  qu'on  approche.  Leurs  cris  font  fort 
bruyans  &  de  tons  difFérens  :  tantôt  ils  gro- 
gnent comme  des  cochons ,  &  tantôt  ils  hen- 
niffent  comme  des  chevaux  ;  ils  fe  battent 
foiîvent ,  fur-tout  les  mâles  qui  fe  difputent 
les  femelles ,  &  fe  font  de  grandes  bleffures 
à  coups  de  dents.  La  chair  de  ces  animaux  n'efl 
pas  mauvaife  à  manger;  la  langue  fur-tout 
eft  aufîi  bonne  que  celle  du  bœuf.  Il  eft  très 
facile  de  les  tuer,  car  ils  ne  peuvent  ni  fe  dé- 
fendre ni  s'enfuir  ;  ils  font  fi  lourds  qu'ils 
ont  peine  à  fe  remuer  ,  &  encore  plus  à  fe 
retourner;  il  faut  feulement  prendre  garde  à 
leurs  dents  ,  qui  font  très  fortes,  &  dont  ils 
pourroient  blefTer  fi  on  les  approchoit  de 
face  &  de  trop  près  (  ^  ). 

Par   d'autres   obfervations ,   comparées  à 


(a)  Voyage  autour  du  Monde  ,  par  Anfon  ,  j^agc  loa 
45-  fuivanus ,  où  l'on  voit  aufS  la  figure  du  mâl«  &  de  U 
femelle. 


des  Phoques  ,   &c,  23^ 

celles-ci ,  &  par  quelques  rapports  que  nous 
en  déduirons ,  il  nous  paroît  que  ces  lions 
marins  ,  qui  fe  trouvent  à  la  pointe  de  l'A- 
mérique méridionale,  fe  trouvent  ,  à  quel- 
ques variétés  près,  fur  les  côtes  feptentrio- 
nales  du  même  continent.  Les  grands  pho- 
ques des  mers  du  Canada  dont  parle  Denis, 
fous  le  nom  de  loups  marins ,  &  qu'il  diftin- 
gue  des  petits  veaux  marins  ordinaires  , 
pourroient  bien  être  de  la  même  efpèce  que 
les  lions  marins  des  terres  Magellaniques. 
Leurs  petits  (dit  cet  Auteur,  qui  eft  aflez 
exaiSl:  )  font  en  naiiïant  plus  gros  que  le  plus 
gros  porc  que  l'on  voie,  &  plus  longs  :  or  il 
eft  certain  que  les  phoques  ou  veaux  marins 
de  notre  Océan  ne  font  jamais  de  cette  taille, 
quand  même  ils  font  adultes  ;  celui  de  la 
Méditerranée,  c'eft-à-dire  ,  \q  phoca  des  An- 
ciens ,  eft  encore  plus  petit,  &  il  n'y  a 
que  le  phoque  décrit  par  M.  Parfons ,  dont 
la  grandeur  convienne  à  ceux  de  Denis  (b), 
M.  Parfons  ne  dit  pas  de  quelle  mer  venoit 
ce  grand  phoque;  mais  foit  qu'il  vînt  de  la 
mer  feptentrionale  de  l'Europe  ou  de  celle 
de  l'Amérique  ,  il  fe  pourroit  qu'il  fût  le 
même  que  le  loup  marin  de  Denis ,  &  le 
même  encore  que  le  lion  marin  d'Anfon  ; 
car   il   eft  de  la  même  grandeur  ,   puifque 


(è)  On  peut  encore  aîouter  au  témoignage  de  Denis, 
celui  du  Père  Chrétien  Leclerq .  «  il  y  a  (  dit  cet  Auteur^ 
des  loups  marins  fur  les  côtes  de  l'Amériq'je  feptentrio- 
nale ,  dont  quelques-uns  font  auffi  grands  &  auffi  gros 
que  des  chevaux  &  des  bœufs.  Ces  louos  marins  s'ap- 
pelleat  Ouafpous  ».  Relation  de  la  Gafpefic ,  pifgc  4^0, 


140  Hljloîre    naturelle, 

n'étant  pas  encore  adulte  ni  même  à  beâtî- 
coup  près ,  il  avoit  fept  pieds  de  longueur  ; 
d'ailleurs  la  différence  la  plus  apparente ,  après 
celle  de  la  grandeur,  qu'il  y  ait  entre  le  lion 
marin  &  le  veau  marin ,  c'eft  que  dans  l'ef- 
pèce  du  lion  marin ,  Je  mâle  a  une  grande 
crête  à  la  mâchoire  fupérieure  ,  mais  la  fe- 
melle n'a  pas  cette  crête.  M.  Parfons  n'a  pas 
vu  le  mâle  ,  &  n'a  décrit  que  la  femelle  , 
qui  n'avoit  en  effet  point  de  crête  ,  &  qui 
reiTemble  en  tout  à  la  femelle  du  lion  marinf 
d'Anfon.  Ajoutez  à  toutes  ces  convenances 
un  rapport  encore  plus  précis  ,  c'eft  que  M, 
Parfons  dit  que  fon  grand  phoque  avoit  les 
eftomacs  &  les  inteftins  comme  uiae  vache, 
&  en  même  temps  l'Auteur  du  voyage  d'An- 
fon dit  que  le  lion  marin  ne  fe  nourrit  que 
d'herbes  pendant  tout  l'été  ;  il  eft  donc  trèvS 
probable  que  ces  deux  animaux  font  confor- 
més de  mêiïïe,  ou  plutôt  que  ce  font  les  mê- 
mes animaux ,  très  différens  des  autres  pho- 
ques ,  qui  n'ont  qu'un  eftomac  y  &  qui  fe  nour- 
riffent  de  poiifon. 

Woodes  Rogers  avoit  parlé,  avsnt  l'Au- 
teur du  voyage  d'Anfon  ,  de  ces  lions  ma- 
rins des  terres  Magelianiques  ,  &  il  les  dép- 
érit un  peu  différemment.  «  Le  lion  marin- 
»  (dit -il)  eft  une  créature  fort  étrange  y 
»  d'une  groffeur  prodigieufe  ;  on  en  a  vu 
»  de  vingt  pieds  de  long  ou  au  delà,  qui  ne 
»  pouvoient  guère  moins  pefer  que  quatre 
»  milliers;  pour  moi,  j'en  vis  plufieurs  de 
»  feize  pieds  qui  pefoient  peut-être  deux 
îj  niilliers  ;  je  m'étonne  qu'avec  tout  cela- 
»  oa  puiûe  tirer  tant  d'huile  du  lard  de  ce& 

«4  animaux- 


»  animaux,  La  forme  de  leur  corps  appro- 
»  che  afl'ez  de  celle  des  veaux  marins  ;  mais 
«  ils  ont  la  peau  plus  épaifle  que  celle  d'un 
«  bœuf,  le  poil  court  &  rude,  la  tète  beau- 
57  coup  plus  grofîe  à  proportion  ,  la  gueule 
w  fort  grande,  les  yeux  d'une  grofleur  monf- 
w  trueufe  ,  &  le  mufeau  qui  refTemble  à  ce- 
n  lui  d'un  lion,  avec  de  terribles  moufta* 
w  ches ,  dont  le  poil  eft  fi  rude ,  qu'il  pour- 
»  roit  fervir  ^  faire  des  curedents.  Vers  la 
»>  fin  du  mois  de  juin ,  ces  animaux  vont  fur 
M  Tisle  (de  Juan  Fernandès)  pour  y  faire 
n  leurs  petits  ,  qu'ils  dépofent  à  une  portée 
n  de  fufil  du  bord  de  la  mer  ;  ils  s'y  arrêtent 
w  jufqu'à  la  fin  de  Septembre  fans  bouger 
T>  de  la  place  &  fans  prendre  aucune  nour- 
»  riture  ,  du  moins  on  ne  les  voit  pas  man- 
»  ger  ;  j'en  obfervai  moi-même  quelques-uns 
M  qui  furent  huit  jours  entiers  dans  leur 
5>  gîte ,  Ôc  qui  ne  l'auroient  pas  abandonné 

M  fi  nous  ne  les  avions  effrayés Nous 

n  vimes  encore  à  l'isle  de  Lobos  de  la  Mar^ 
w  fur  la  côte  du  Pérou  ,  dans  la  mer  du  Sud  , 
»>  quelques  lions  marins  ,  &  beaucoup  plus 
%i  de  veaux  marins  («:)". 

Ces  obfervations  de  Woodes  Rogers ,  qui 
s'accordent  avec  celles  de  l'Auteur  du  voyage 
d'Anfon ,  femblent  prouver  encore  que  ces 
animaux  vivent  d'herbes  lorfqu'ils  font  à 
terre  ;  car  il  eft  peu  probable  qu'ils  fe  paf- 
fent  pendant  trois  mois  de  toute  nourriture. 


(r)  Voyage  autour  du  Monde,  de  Woodes  Rogers, 
torm  /,  pages  ^07  &  x:f^. 

QundrupUcs.  Tona  VL  X  . 


14 1  ^ijloln  naturelli 

fur-tout  en  allaitant  leurs  petits.  L'on  trouve 
dans  le  recueil  des  Navigations  aux  terres 
auftrales  ,  beaucoup  de  chofes  relatives  à 
ces  animaux  ;  mais  ni  les  defcriptions  ni  les 
faits  ne  nous  paroifTent  exads;  par  exemple, 
il  y  eft  dit  qu'à  la  côte  du  port  des  Renards  , 
au  détroit  de  Magellan  ^<i),  il  y  avoit  des 
loups  marins  fi  gros ,  que  leur  cuir  étendu 
fe  trouvoit  de  trente-fix  pieds  de  large:  cela 
eft  certainement  exagéré.  Il  y  eft  dit  que 
fur  les  deux  isles  du  port  Defiré  ,  aux  terres 
Magellaniques ,  ces  animaux  reffemblent  à 
des  lions  par  la  partie  antérieure  de  leur 
corps,  ayant  la  tête,  le  cou  &  les  épaules 
garnies  d'une  très  longue  crinière  bien  four- 
nie (  ^  )  ,  cela  eft  encore  plus  qu'exagéré  ; 
car  ces  animaux  ont  feulement  autour  du 
cou  un  peu  plus  de  poil  que  fur  le  refte  du 
corps  i  mais  ce  poil  n'a  pas  plus  d'un  doigt 
de  long  (/Y  11  y  eft  encore  dit  qu'il  y  a- 
de  ces  animaux  qui  ont  plus  de  dix-huit 
pieds  de  long;  que  de  ceux  qui  n'ont  que 
quatorze  pieds  ,  il  y  en  a  des  milliers,  mais 
que  les  plus  communs  n'en  ont  que  cinq 
(^^)  :  cela  pourroit  induire  à  croire  qu'il 
y  en  auroit  de  deux  efpèces  j  l'une  beau- 
coup plus  grande  que  l'autre ,  parce  que  l'Au- 
teur ne  dit  pas  que  cette  différence  vienne 


(<f)  Navigations  aux  terres  Auftrales.  Paris,  tjj6, 
iojne  I ,  P'7çe  XjS. 

(c)  ld:n; ,  Ibidem,  page  2ZI. 

(f)  Hiîlûire  du  Paraguai,  par  le  P.  Charlevoix  ,  tcmc 
yi^  page  i8i. 

Ig)  Navigations  aux  terres  Auftrales,  tome  IJ^pag.  /7. 


dts   Phoques  ,  &c,  i^'^ 

6e  celle  de  l'âge  ,  ce  qui  cependant  éioit 
néceflîiire  à  dire  pour  prévenir  l'erreur. 
u  Ces  animaux ,  dit  Coréal  (//  )  »  ouvrent  tou- 
V  jours  leur  gueule  :  deux  hommes  ont  afTez 
«  de  peine  à  en  tuer  un  avec  un  épieu ,  qui 
j>  eft  la  meilleure  arme  dont  on  puifi'e  fe  fer- 
ï»  vir.  Une  femelle  allaite  quatre  ou  cinq 
»  petits  ,  &  chafîe  les  autres  petits  qui  s'ap- 
»  prochent  d'elle,  d'où  je  juge  qu'elles  ont 
»  quatre  ou  cinq  petits  d'une  ventrée  ik 
Cette  préfomption  eft  affez  bien  fondée ,  car 
le  grand  phoque  décrit  par  M.  Parfons  avoit 
quatre  mamelles  fituées  de  manière  qu'elles 
formoient  un  quarré  dont  le  nombril  étoit 
le  centre.  J'ai  cru  devoir  recueillir  &  pré- 
fenter  ici  tous  les  faits  qui  ont  rapport  à 
ces  animaux,  qui  font  peu  connus,  &  dont 
il  feroit  à  defirer  que  quelque  Voyageur 
habile  nous  donnât  la  defcription ,  fur-tout 
celle  des  parties  intérieures  ,  de  l'eftomac , 
des  inteftins,  &:c.  car  fi  Ton  s'en  rapporte 
aux  témoignages  des  Voyageurs,  onpour- 
roit  croire  que  les  lions  marins  font  de  la  clafTe 
des  animaux  ruminans ,  qu'ils  ont  plufieurs 
eftomacs  ,  &  que  par  conféquent  ils  font  d'une 
efpèce  fort  éloignée  de  celle  des  phoqut^s 
ou  veaux  marins  ,  qui  certainement  n'ont 
qu'un  eftomac ,  &  doivent  être  mis  au  nom- 
bre des  animaux  carnalîiers. 


{.h)  Voyage  de  Coréal,  tome  Il^jfage  i8o^ 

X   2 


t44  HïJîoLn  naturelle 

LE    MORSE    [/] 

o  u 
LÀ    VACHE    MARINE. 

Le  nom  de  Vache  marine ,  fous  lequel  le 
morfe  eft  le  plus  généralement  connu ,  a  été 
très  mal  appliqué  {k  ) ,  puifque  l'animal  qu'il 
défigne  ne  refîemble  en  rien  à  la  vache  ter- 
reftre  ;  le  nom  d'éléphant  de  mer,  que  d'autres 
lui  ont  donné,  eft  mieux  imaginé,  parce  qu'il 
eft  fondé  fur  un  rapport  unique  ,  &  fur  un  ca- 
raélère  très  apparent.  Le  morfe  a  ,  comme 
réléphant ,  deux  grandes   défenfes  d'ivoire 


(  £  )  Morfe  ,  Morjf,  nom  de  cet  animal  en  langue 
RufTe  ,  &  que  nous  avons  adopté  ;  vulgairement  Vache 
marine^  Bête  à  la  grande  dent  ;  Mors,  en  Anglois  ;  Wul' 
roi  on  Walrus  en  Allemand  &  en  Hoilandois  ;  Rofmarus  , 
en  Danemarck  &  en  Iflande, 

Walrus.  Defcription  des  Indes  occidentales  ,  par  d« 
Laet ,  page  41,  fig.  ibid.  Nota.  Cette  figure  a  été  co- 
piée par  Wormius,  Mus.  W»rm.  page  iSf}. 

Rofmaru^  verus.  Jonfton ,  depifcibus,  page  tôo,  Tah: 
XLty. 

Vache  marine,  Hiftoire  d'IflarKle  &  du  Groenland  , 
tome  II ,  page  IÇ9,  fig.  page  168. 

Rofmarus.  Phoco  dentibus  lanlariis  fuperloribus  exfcrtis, 
Linn.  Syfl.  Nat.  edit.  X,  page  $8. 

(k)  Nota.  Ce  nom  vient  peut-être,  comme  celui  <'e 
ve-^u  marin  ,  de  ce  qi.îe  le  morfe  &  le  phoque  ont  que'- 
cjuofois  un  cri  qui  imite  le  mutjiiTsment  d'une  vache  ou 
c'un  veau.  ïpjîs  (dit  Pline,  en  parlant  des  phoquci  )  in 
ftm^o  viugitus  f  unde  nomen.  vituli,  L.ib.  IX,  cap,  xiii. 


des  Phoques  ,   &c,  14^ 

qîîT  fortient  de  la  mâchoire  fupéneufe  ^  &  il 
a  la  tète  conformée  ,  ou  plutôt  déformée  de 
la  même   manière  que  l'éléphant  ,  auquel  il 
reffembleroit  en  entier  par  cette  partie  ca- 
pitale, s'il  avoit  une  trompe;  mais  le  morfe 
eft  non- feulement  privé  de   cet    inftrument 
qui  fert  de   bras  &  de  main  à  l'éléphant,  il 
l'eft  encore  de  Tufage  des  vrais  bras  &  des 
jambes;  ces  membres  font,  comme  dans  les 
phoques,  enfermés  fous  fa  peau  ;  il  ne  fort 
au  dehors  que  les  deux   mains   &  les   deux 
pieds  ;  fon  corps  eft   alongé ,  renflé   par   la 
partie  de  l'avant ,  étroit  vers  celle  de  l'ar- 
rière ,  par-tout  couvert  d'un  poil  court  ;  les 
doigts  des  pieds  &  des  mains  font  envelop- 
pés  dans   une  membrane  ,  &    terminés   par 
des  ongles  courts  &  pointus  ,  de  grofîes  foies 
en    forme    de    mouftaches    environnent    la 
gueule  ;  la  langue  eft  échancrée  ;   il  n'y  a 
point  de  conques  aux  oreilles  ,  &c.  en  forte 
qu'à  l'exception  des  deux  grandes  défenfes  qui 
lui  changent  la  forme  de  la  lètQ^  &  des  dents 
incifives  qui    lui  manquent  en  haut  &   en 
bas,   le  morfe  reffemble  pour  tout  le  refte 
au  phoque  ;  il  eft  feulement  beaucoup  plus 
grand,  plus  gros  &  plus  fort  :  les  plus  grands 
phoques  n'ont  tout  au  plus  que  fept  ou  huit 
pieds  ;  le  morfe  en  a  communément  douze  , 
&  il  s'en  trouve  de  feize  pieds  de  longueur 
&  de  huit  ou  neuf  pieds  de  tour.  Il  a  en- 
core de  commun  avec  les  phoques  d'habiter 
les  mêmes  lieux  ,  &  on  les  trouve  prefque 
toujoiïTS  enfemble  ;  ils  ont  beaucoup  d'habi- 
tudes communes,  ils   fe  tiennent  également 
dans  l'eau. ,  ils  vont  également  à   terre  ;  Us 

X  3 


14^  Hif,oîrt  narurdh 

montent  de  même  far  ks  glanons;  ifs  aîfar- 
tent  &  élèvent  de  même  leurs  petits/ ils  fe 
nourrirent  des  mêm-es  alimens  ;  ils  vivent 
de  même  en  fociété  &  voyagent  en  grand 
nombre.  Mais  refpèce  du  morfe  ne  varie  pas 
autant  que  celle  du  phoque  ;  il  paroît  qu'iî 
ne  va  pas  î\  loin ,  qu'il  eft  plus  attaché  à 
fon  climat,  &  que  Ton  en  trouve  très  ra- 
rement ailleurs  que  dans  les  mers  du  Nord  : 
aufîi  le  phoque  étoit  connu  des  Anciens , 
&  le  morfe  nt  Tétoit  pas. 

La  plupart  des  Voyageurs  qui  ont  fréquenté 
les  mers    feptentrionales  de   l'Afie  (/),  de 


(/)  On. trouve  des  dents  de  morfe  aux  environs  de 

la  nouvelle  Zemble  &  dans  toufes  les  islss ,  jufqu'à 
J*Obi  ;  on  prétend  qvi'il  s'en  trouve  même  jufqu'aux  en- 
virons de  Jcnifel,.  &  qu'on  en  a  vu  autrefois  )ufqu*aa 
Pjanda  :  il  s'en  retrouve  enfuite  en  quantité  vers  U 
pointe  de  Schaîaginskoi  chez  les  SchuktfchH,  où  el'es 

font  très  grofles Il  eil  croyable  que  ces  animaux 

fe  trouvent  en  grande  quantité  depuis  cet  endroit  juf- 
qu'au  lîeuve  Anadir  ,  puifque  toutes  les  dents  qu'on  ap- 
porte p-our  vendre  à  Jakutzk  viennent  d'Anariirskoi  : 
on  en  trouve  auiTi  au  détroit  de  Hudfon,  à  l'isle  Phe- 
îi peaux  ,  où  elles  ont  une  aune  (de  Rufiie)  de  long  ôc 
font  groiTes  comme  le  bras  ;  elles  donnent  d'aufTi  boa 
ivoire  que  les  à.ii&x\^^%  de  Péléphant.  (  Voyt\Us  Voya- 
ges du  Nord,  tome    VI j   page  7) «  J'ai  vu   à 

«  jakutzk  quelques-unes  de  ces  dents  de  morfe  qui  avoient 
»»  cinq  quarts  d'aune  de  Rulïie,  &  d'autres  une  aunp 
M  &  demie  de  longueur,  communément  elles  font  plus 
«  larges  qu'épaiffes ,  elles  ont  jufqu'à  quatre  pouces  de 
»♦  large  à  la  bafe.  ....  Je  n'ai  pas  entendu  dire 
»  qu'auprès  d'Anad-trskoi ,  l'on  ait  jamais  couru  à  la 
>»  chafTe  ou  pêche  du  morfe  pour  en  avoir  des  dents , 
»♦  qui  néanmoins  en  viennent  en  (i  grande  quantité  ;  on 
w  m'a  afTuré  au  contraire  que  les  h^bitans  tiouvetit  ces 


des  Phoques  ,  &c,  74J 

l'Europe   &  de   l'Arnérique  (  m  Y,   ont    fai? 
mention  de  cet  animal;  mais  Zorgdrager  (/z  ^ 


»»  dents  détachées  de  l'animal  fur  la  baffe  côte  de  \ù. 
j»  mer  ,  &  que  par  conlequent  on  n'a  pas  befoin  de  tuer 
î»  auparavant  les  morfes.  .  .  .  Plufieurs  perfonnes  m'ont 
ï>  demandé  fi  les  morfes  d'Anadirskoi  étoient  une  eTpè^e 
«  différente  de  ceux  qui  fe  trouvent  dans  la  mer  du 
>»  nord  &  à  l'entrée  occidentale  de  la  mer  glaciale  , 
»  parce  que  les  dents  qui  viennent  de  ce  côté  oriental, 
♦>  font  beaucoup  plus  groffes  que  celles  qui  viennent  de 
>»  l'occident.  ...  il  femble  que  les  morfej^  du  Groen- 
M  land  &  ceux  qui  font  à  la  partie  occidentale  de  la  mer 
»i  dacia'.e  ,  n'ont  aucun'î  communication  avec  ceux  qui 
M  îe  trouvent  à  l'eft  de  Kollma ,  Se  auprès  de  la  pointô 

»i  de  .Schalaginskoi ,  <?<  plus  loin  ,  auprès  d'Anadirskoi 

»♦  Il  en  eft  de  même  de  ceux  de  la  baie  de  Hudfon  ,  i4 
>»  ne  paroît  pas  qu'ils  puiffent  joindre  ceux  des  Tfchuktl- 
w  chi.  .  .  .  cependant  tout  le  m.onde  eft  d'accord  que 
»♦  les  morfes  d'Anadirskoi  ne  diffèrent  nrpour  la  grof- 
M  feur  ni  pour  la  figure  de  ceux  du  Groenland ,  &.c.  »♦ 
Voyage  de  Gmclin  en  Sibérie,  tome  III,  page  1^8  & 
fiiivantes.  Nota.  M,  Gmelin  ne  réfout  pas  cette  queftion 
à  laquelle  néanmoins  il  me  femble  qu'on  peut  faire  une 
réponfe  fatisfaifante  ;  c'eil  que  ,  comme  il  le  dit  lui- 
même,  on  ne  va  point  à  la  chaflTe  de  ces  animaux  à 
Anadirskoi  ni  dans  toute  cette  partie  orientale  de  la 
mer  glaciale  ,  &  que  par  conféquent  on  n'en  apporte 
que  des  dents  de  ces  animaux  morts  de  mort  naturelle  ; 
ainfi  ,  il  n'efl  pas  furprenant  que  ces  dents  ,  qui  ont 
pris  tout  leur  accroifTement  ,  foient  plus  grandes  que 
celles  des  morfes  de  Groenland  que  l'on  tue  fouvent 
en  bas  âge. 

(m  )  Sur  les  côtes  de  l'Amérique  feptentrionale  ,  on 
volt  aufïi  des  vaches  marines  ,  autrement  appellées 
^êtes  à  la  grande  dent ,  parce  qu'elles  ont  deux  grandes 
dents  groifes  &  longues  comme  la  moitié  du  bras.  .  .  . 
il  n'y  a  point  d'ivoire  plus  beau ,  on  en  trouva  à 
l'isle  de  Sable.  Defcription  de  V Amérique  feptemrionale^ 
par  J)er)is  ,  tome  fl,  page  z'^j. 

^n)  Defcription  de  La  prift  d€  la  haUlne  &  de  la pèchf 

X4 


^4^  Tlifîcire  nantrtîle 

nous  paroît  être  celui  qui  en  parle  Ttftt  le 
Çlus  de  connoifîance  ,  &  j'ai  cru  devoir  pié- 
ienter  ici  la  traduâion  &  l'extrait  de  cet 
article  dé  fon  ouvrage  qui  m'a  été  com- 
muniqué par  M.  le  marquis  de  Montmirail. 
a  On  trouvoit  autrefois  dans  la  baie  d'Ho- 
»  rifont  &  dans  celle  de  Klock,  beaucoup 
«  de    morfes  &   phoques  ,  mais  aujourd'hui 

»  il  en  refte  fort  peu Les  uns  &  les 

>»  autres  fe  rendent,  dans  les  grandes  cha- 
»  leurs  deTété,  dans  les  plaines  qui  en  font 
»  voifmes ,  &  on  en  voit  quelquefois  des 
»>  troupeaux  de  quatre-vingt,  cent  &  juf- 
>»  qu'à  deux  cents ,  particulièrement  des  mor- 
»  fes ,  qui  peuvent  y  refter  quelques  jours 
w  de  fuite ,  &  jufqu'à  ce  que  la  faim  les  ra- 
»  mène  à  la  mer.  Ces  animaux  reffemblent 
>î  beaucoup  à  l'extérieur  aux  phoques ,  mais 
ï»  ils  font  plus  forts  &  plus  gros  ;  ils  ont 
w  cinq  doigts  aux  pattes  comme  les  phoques, 
9)  mais  leurs  ongles  font  plus  courts  ,  &  leur 
»  tête  eft  plus  épaiile ,  plus  ronde  &  plus 
»  forte;  la  peau  du  morfe  ,  principalement 
»  vers  le  cou ,  eft  épaifle  d'un  pouce ,  ridée 
»  &  couverte  d'un  poil  très  court  de  diffé- 
5>  rentes  couleurs  :  fa  mâchoire  fupérieure 
*î  eft  armée  de  deux  dents  d'une  demi- 
»  aune  ou  d'une  aune  de  longueur;  ces  dé- 
»  fenfes ,  qui  font  creufes  à  la  racine ,  de- 


éu  Groenland  y  &e.  par  Corneille  Zorgdrager.  Nuretn" 
hcrg,  i7fo ,  en  Allemand.  Nota.  Cet  ouvrage  a  d'abjrd 
ét€  écrit  en  Holiandois  ;  &  cet  extrait  n'eft  fait  que 
fur  la  traduction  AlletnandCi 


des  Phoques  ,  è'C.  14j) 

>»  viennent  encore  plus  grandes  à  mefure  que 
»  l'animal  vieillit  ;  on  en  voit  quelquefois 
»  qui  n'en  ont  qu'une  ,  parce  qu'ils  ont 
»  perdu  l'autre  en  fe  battant,  ou  feulement 
n  en  vieilliffant;  cet  ivoire  eft  ordinairement 
»  plus  cher  que  celui  de  l'éléphant  ,  parce 
»  qu'il  eft  plus  compaéle  &  plus  dur.  La 
»  bouche  du  morfe  reflemble  à  celle  d'un 
»  bœuf;  elle  eft  garnie  en  haut  &  en  bas  de 
»  poils  creux,  pointus  &  de  l'épaiffeur  d'un 
»  tuyau  de  paille  ;  au-deflus  de  la  bouche  , 
M  il  y  a  deux  nafeaux ,  defquels  ces  animaux 
»  foufflent  de  l'eau  comme  la  baleine,  fans 
»  cependant  faire  beaucoup  de  bruit;  leurs 
»  yeux  font  étincelans,  rouges  &  enflammés 
w  pendant  les  chaleurs  de  l'été  ;  &  comme 
n  ils  ne  peuvent  foufFrir  alors  l'impreffion 
w  que  l'eau  fait  fur  les  yeux ,  ils  fe  tiennent 
»  plus  volontiers  dans  les  plaines  en  été  que 
»  dans  tout  autre  temps.  . . .  On  voit  bsau- 

»  coup  de  morfes  vers  le  Spltzberg on 

»  les  tue  fur  terre  avec  des  lances on 

V  les  chafle  pour  le  profit  qu'on  tire  de  leurs 
»>  dents  &  de  leur  graifîe;  l'huile  en  eft 
«  prefqu'auffi  éftimée  que  celle  de  la  baleine  ; 
r  leurs  deux  dents  valent  autant  que  toute 
»  leur  graiffe  ,  l'intérieur  de  ces  dents  a  plus 
»  de  valeur  que  l'ivoire ,  fur- tout  dans  les 
ft  grofles  dents  qui  font  d'une  fubftance  plus 
i>  compacte  &  plus  dure  que  les  petites.  Si 
>>  l'on  vend  un  florin  la  livre  de  l'ivoire 
»  des  petites  dents  ,  celui  des  grofTes  fe 
«  vend  trois  ol  quatre,  &  fouvent  cinq  flo- 
»  rins  ;  une  dent  médiocre  pèfe  trois  li- 
»  vres &  un    morfe   ordinaire    fournit 


1^0  Nijloln   naturtlh 

»  une  demi  tonne  d'huile;  ainfi,  Tanîmaî  crf- 

»  tier  produit  trente-fi,x  florins,  favoir,  dix- 

»  huit  pour  fes  dents  à  trois  florins  la  livre , 

i>  &   autant  pour  fa  graifle Autrefois 

«  on   trouvoit  de  grands   troupeaux  de  ces 

j>  animaux  fur  terre  ;  mais  nos  vaifl^eaux  ,  qui 

»  vont  tous    les  ans  dans  ce  pays  pour  la 

I»  pêche   de   la  baleine  .   les   ont   tellement 

w  épouvantés ,  qu'ils  fe  font  retirés  dans  des 

«  lieux  écartés ,  &  que   ceux  qui  y  reftent 

w  ne    vont   plus    fur   la  terre   en   troupes , 

»  mais    demeurent    dans    Teau    ou    difper- 

w  fés  (  f?  j  ça  &  là  fur  les  glaces  ;  lorfqu'on 

w  a  joint  un  de  ces  animaux  fur  la  glace  oa 

î>  dans  l'eau,  on  lui  jette  un    harpon   fort 

«  &  fait  exprès ,  &  fouvent  ce  harpon  glifl'e 

»  fur  fa  peau  dure  &  épaifle  ;  mais  lorfquM 

w  a  pénétré,  on  tire  l'animal  avec  un  cable 


(o)  Nota,  Il  faut  que  lé  nombre  de  ces  animaux  ''°ït 
prodigieufement  diminué  ,  ou  plutôt  qu'ils  fe  foi^n* 
prefque  tous  retirés  vers  des  côtes  encore  inconnues  » 
puifqu'on  trouve  ,  dans  les  relations  à^i  Voyages  au 
Nord  j  qu'en  J704,  près  de  l'isle  de  Cherry  ,  à  foixante- 
quinze  degrés  quarante-cinq  minutes  de  latitude,  l'équi- 
page d'un  bâtiment  Anglois  rencontra  une  prodigieufe 
quantité  de  morfes  tous  couchés  les  uns  auprès  des 
autres  ,•  que  de  plus  de  mille  qui  formbient  ce  troupeau, 
les  Ang'ois  n'en  tuèrent  que  quinze,  mais  qu'ayant  trou- 
vé une  grande  quantité  de  dents,  ils  en  remplirent  un 
tonneau  entier;  —  qu'avant  le  13  juillet,  ils  tuèrent 
encore   cent  de  ces    animaux,  dont   ils   n'emportèrent 

que  les  dents qu'en  1706,  d'autres  Anglois   en 

tuèrent  fept  ou  huit  cents  dans  (ix^eures;  en  1708, 
plus  de  neuf  cai,ts  dans  fept  heures  ;  en  1710 ,  huit  cents 
en  plufieurs  jours,  &  qu'un  feul  homme  en  tua  qua- 
rante avec  une  lance. 


des  Phoques  ,   &c,  j  ^  i 

»  vers  le  timon  de  la  chaloupe  ,  &  on  le  tue 
»  en  le  perçant  avec  une  forte  lance  faite 
»  exprès;  on  l'amène  enfuite  fur  la  terre  la 

V  plus  voifine  ou  fur  un  glaçon  plat  ;  il  eft 
»  ordinairement  plus  pefant  qu'un  bœuf.  On 
yy  commence  par  l'écorcher,  &  on  jette  fa 
»  peau  ,  parce  qu'elle  n'eft  bonne  à  rien  {p); 
«  on  fépare  de  la  tête  avec  une  hache  les 
î>  deux  dents ,  ou  l'on  coupe  la  tête  pour 
»  ne  pas  endommager  les  dents ,  &  on  la 
»  fait  bouillir  dans  une  chaudière  ;  après 
w  cela,  on  coupe  la  graifle  en  longues  tran- 

V  ches  &  on  la  porte  au  vailTeau Les 

»  morfes  font  aufli  difficiles  à  fuivre  à  force 
»>  de  rames  que  les  baleines,  &  on  lance  fou- 
»  vent  en  vain  le  harpon,  parce  qu'outre 
n  que  la  baleine  eft  plus  aifée  à  toucher  , 
«  le    harpon   ne   eli{fe  pas   auffi   facilement 

3>  deffus  que  fur  le   morfe On  l'atteint 

»  fouvent  par  trois  fois  avec  une  lance  forte 
î»  &  bien  aiguifée,  avant  de  pouvoir   per- 

V  cer  fa  peau  dure  &  épaifle  ;  c'eft  pour- 
«  quoi  il  eft  nécefïaire  de  chercher  à  frap- 
«  per  fur  un  endroit  où  la  peau  foit  bien 
îï  tendue,  parce  que  par- tout  où  elle  prête  , 
5)  on  la  perceroit  difficilement  ;  en  confé- 
j)  quence  ^  on  vife  avec  la  lance  les  yeux 
ï>  de  l'animal ,  qui  forcé  par  ce  mouvement  de 


(p)  Nota.  Zorgdrager  ignoroit  apparemment  qu'on 
fait  un  très  bon  cuir  de  cette  peau,  /'en  ai  vu  des  fou- 
pentes  de  caroflTe  qui  e'toient  très  liantes  3c  très  fermes, 
Anderfon  dit,  d'après  Other,  qu'on  en  fait  auflî  des 
fangles  &  des  cordes  de  bateau.  Hijioire  naturelle  du 
Cfoenland i  tome  II ,  page  léo»' 


1^1  Hijloîrt  naturelle 

»  tourner  la  ttie ,  fait  tendre  là  peau  vers 
«  la  poitrine  ou  aux  environs; alors  on  porte 
»  le  coup  dans  cette  partie  &  on  retire  la 
«  lance  au  plus  vite  ,  pour  empêcher  qu'il 
»  ne  la  prenne  dans  la  gueqle ,  &i  qu'il  ne 
»  bleffe  celui  qui  l'attaque,  foit  avec  l'ex- 
»  trémité  de  fes  dents ,  foit  avec  la  lance 
»  même  ,  comme  cela  eft  arrivé  quelque- 
»  fois.  Cependant  cette  attaque  fur  un  petit 
»  glaçon  ne  dure  jamais  long-temps  ,  parce 
«  que  le  morfe  ,  bleflé  ou  non  ,  fe  jette 
«  auflîtôt  dans  l'eau  ;  &  par  conféquent  on 

»  préfère  de  l'attaquer  fur  terre Mais  on 

"  ne  trouve  ces  animaux  que  dans  des  en- 
»  droits  peu  fréquentés,  comme  dans  Tisle 
»  de  Moffen  derrière  le  Worland,  dans  les 
M  terres  qui  environnent  les  baies  d'Horifont 
»  &  de  Klock,  &  ailleurs  dans  les  plaines 
»  fort  écartées  &  fur  des  bancs  de  fable , 
n  dont  les  vaifleaux  n'approchent  que  rare- 
»  ment;  ceux  même  qu'on  y 'rencontre,  inf- 
v>  truits  par  les  perfécutions  qu'ils  ont  ef- 
»  fuyées  ,  font  tellement  fur  leurs  gardes, 
»  qu'ils  fe  tiennent  tous  affez  près  de  l'eau 
»  pour  pouvoir  s'y  précipiter  promptemenr. 
»  J'en  ai  fait  moi-même  l'expérience  fur  le 
»  grand  banc  de  fable  de  Rif ,  derrière  le 
»  Worland ,  où  je  rencontrai  une  troupe  de 
«  trente  ou  quarante  de  ces  animaux;  les 
»  uns  étoient  tout  au  bord  de  l'eau,  les  au- 
«  très  n'en  étoient  que  peu  éloignés  ;  nous 
"  nous  arrêtâmes  quelques  heures  avant  de 
»  mettre  pied  à  terre  ,  dans  l'efpérance 
»  qu'ils  s'engageroient  un  peu  plus  avant 
»  dans  la  plaine ,  &  comptant  nous  en  ap- 


des  Phoques  y  &c,  15^ 

»  procher  ;  mais  comme  cela  ne  nous  réuffit 
w  pas  ,  les  morfes  s'étant  toujours  tenus  fur 
M  leurs  gardes,  nous  abordâmes  avec  deux 
n  chaloupes ,  en  les  dépaflant  à  droite  &  à 
j>  gauche;  ils  furent prefque  tous  dans  l'eau 
w  au  moment  où  nous  arrivions  à  terre  ;  de 
n  forte  que  notre  chafle  fe  réduifit  à  en  bleffer 
M  quelques-uns,  qui  fe  jettèrenr  dans  la  mer, 
»  de  même  que  ceux  qui  n'avoient  pas  été 
»  touchés,  &  nous  n'eûmes  que  ceux  que  nous 

«  tirâmes  de  nouveau  dans  l'eau An- 

j>  ciennement  &  avant  d'avoir  été  perfécu- 
»  tés  ,  les  morfes  s'avançoient  fort  avant 
«  dans  les  terres ,  de  forte  que  ,  dans  les 
V  hautes  marées ,  ils  étoient  allez  loin  de 
»  l'eau  s  &  que ,  dans  le  temps  de  la  bafle 
3>  mer  ,  la  diftance  étant  encore    beaucoup 

3»  plus  grande ,  on  les  abordoit  aifément 

»  On  marchoit  de  front  vers  ces  animaux 
j)  pour  leur  couper  la  retraite  du  côté  de  la 
j»  mer,  ils  voyoient  tous  ces  préparatifs  fans 
»  aucune  crainte  ;  &  fouvent  chaque  chafleur 
i)  en  tuoit  un  avant  q^'il  pût  regagner  l'eau. 
»  On  faifoit  une  barrière  de  leurs  cadavres , 
î)  &  on  laiflbit  quelques  gens  à  TafFût  pour 
î>  affommer  ceux  qui  reftoient;  on  en  tuoit 

j»  quelquefois  trois  ou  quatre  cents On 

M  voit,  par  la  prodigieufe  quantité  d'offemens 
«  de  ces  animaux  dont  la  terre  eft  jonchée , 

îj  qu'ils  ont  été  autrefois  très  nombreux 

u  Quand  ils  font  blefles  ,  ils  devienneut  fu- 
j)  rieux,  frappant  de  côté  &  d'autre  avec 
»  leurs  dents  ;  ils  brifent  les  armes  ou  les 
5»  font  tomber  des  mains  de  ceux,  qui  les  at- 
»  taquent,  &  à  la  fin,  enragés  de,  colère, 


2^4  Hijloirc  naturelle 

»  ils  mettent  leur  tête  entre  leurs  pattes  ou 
r>  nageoires  &  le  laiffent   ainfi  rouler  dans 

»  Peau Quand  ils  font  en  grand  nom- 

»  bre  y  ils  deviennent  fi  au<lacieux  que ,  pour 
»  fe  fecourir  les  uns  les  autres ,  ils  entou- 
w  rent  les  chaloupes ,  cherchant  à  les  per- 
T)  cer  avec  leurs  dents ,  ou  à  les  renverfer 

»  en  frappant  contre  le  bord Au  refte , 

«  cet  éléphant  de  mer ,  avant  de  connoître 
«  les  hommes,  ne  craignoit  aucun  ennemi, 
»  parce  qu'il  avoitfu  dompter  les  ours  cruels 
»  qui  fe  tiennent  dans  le  Groenland ,  qu'on 
î)  peut  mettre  au  nombre  des  voleurs  de 
V  mer  ». 

En  ajoutant  à  ces  obfervations  de  M.  Zorg- 
drager,  celles  qui  fe  trouvent  dans  le  Re- 
cueil des  Voyages  du  Nord  C^'),  &  les  au- 


fa)  Le  cheral  marin  (Morfe  )re{remble  affez  au  veau 
marin  (Phoque),  fi  ce  n'eft  qu'il  eft  beaucoup  plus  gros, 
puifqu'il  eft  de  la  groffeur  d*im  boeuf  i  fes  pattes  font 
comme  celles  du  veau  marin,  &  celles  du  devant,  auflfi- 
bien  que  celles  du  derrière,  ont  cinq  doigts  ou  griffes, 
mais  les  ong'es  en  font  plus  courts;  il  a  aulfi  la  tête  plus 
groffe  ,  plus  ronde  ôc  plus  dure  que  le  veau  marin.  Sa 
peau  a  bien  un  pouce  d'épaiffeur ,  fur-tout  autour  du 
cou  :  les  uns  l'ont  couverte  d'un  poil  de  couleur  de  fou- 
ris  ,  les  autres  ont  très  peu  de  poils  :  ils  font  ordinai- 
xement  pleins  de  galles  &  d*écorchures,  de  forte  qu'on 
diroit  qu'on  leur  auroit  enlevé  la  peau,  fur  tout  autour 
des  jointures  où  elle  eft  fort  ridée  ^  ils  ont  a  la  mâ- 
choire d'en  haut  deux  grandes  &  longues  dents  qui 
ont  deux  pieds  de  long  &  quelquefois  davantage  ;  les 
jeunes  n'ont  point  ces  défenfes,  mais  •Elles  leur  viennent 
avec  l'âge.  .  .  .  Ces  deux  dents  font  plus  efti^mées  6c 
plus  chères  que  l'ivoire;  elles  font  fo'ïHes  en  dedans, 
inais  la  racine  en  eô  creufe Ces  animaux  ont 


des  Phoques  ,  &c.  15^ 

très  qui  font  éparfes  dans   différentes  rela- 
tions ,  nous  aurons  une  hiitoire  allez  com- 


J'ouverîure  de  la  gueule  auffi  large  que  celle  d'un  bœuf, 
ôc  au-deflTus  &  au-deffous  des  babines  ,  ils  ont  plufieurs 
foies  qui  font  creufes  en  dedans  &  de  la  groffeur  d'une 

paille Ils   ont  au-deffus   d«  la  barbe    d'en    haut 

àeux  nafeaux  en  forme  de  demi  -  cercle  par  où  ils 
rejettent  l'eau  comme  les  baleines  ,  mais  avec  bien 
moins  de  bruit  ;  leurs  yeux  font  affez  élevés  au-deffus 
du  nez.  Ces  yeux  font  auffi  rouges  que  du  fang  lorf- 
que  l'animal  ne  le»  tourne  pas  ,  &  je  n'ai  point  ob- 
fervé  de  différence  lorfqu*il  les  tournoit  :  leurs  oreilles 
font  peu  éloignées  de  leurs  yeux  &  refle  nb'ent  à  cel- 
les des  veaux  marins  ;  leur    langue   eft  pour  le    moins 

auiTi   groffe    que    celle  d'un   bœuf Us    ont   le 

cou  fi  épais  ,  qu'ils  ont  delà  peine  à  tourner  la  tête, 
ce  qui  les  oblige  à  tourner  extrêmement  les  yeux  ,•  ils 
ont  la  queue  courte  comme  celle  des  veaux  marins. 
On  ne  peut  point  leur  enlever  la  graifle  comme  l'on 
fait  aux  veaux   marins,   parce    qu'elle    eft    entrelardée 

avec    la    chair Leur  membre  génital    eft    un 

©s  dur  de  la  longueur  d'environ  deux  pieds  ,  qui  va 
en  diminuant  par  le  bout  8t  qui  eft  un  peu  courbe  par 
le  milieu  :  tout  près  du  ventre ,  ce  membre  eft  plat , 
mais  hors  de  là  il  eft  rond  &  tout  couvert  de 
nerfs Il  y  a  apparence  que  ces  animaux  vi- 
vent d'herbes  &  de  poiffon  ;    leur  fiente   reffemble   à 

celle  du  cheval Quand  ils  plongent ,   ils  fe 

Jettent  la  tête  la  première  dans  l'eau,  comrue  les  veaux 
marins;  ils  dorment  &  ronflent  non-feulement  fur  la 
glace,  mais  aufti  dans  l'eau,  de  forte  qu'ils  paroiffent 
fouvent  comme  s'ils  étoient  morts  ;  ils  font  furieux 
&  courageux  ;  tant  qu'ils  font  en  vie ,  ils  fe  défendent 
les  uns  les  autres.  ...  Ils  font  tous  leurs  efforts  pour 
délivrer  ceux  qu'on  a  pris  ;  ils  fe  jettent  à  l'envi  fur 
la  chaloupe ,  mordant  &  faifant  des  mugiffemens  épou- 
vantables ;  &  fi  ,  par  leur  grand  nombre,  ils  obligent  les 
hommes  à  prendre  la  fuite,  ils  pourfuivent  fort  bien  la 
chdoupe  jufciu'à  ce  qu'ils  la  perdent  de  vue,  .  .  .  •  . 


1)6  Hijloîn  naturelle 

plète  de  cet  animal.  II  paroît  que  refpèce 
en  étoit  autrefois  beaucoup  plus  répandue 
qu'elle  ne  l'eft  aujourd'hui ,  on  la  trouvoit 
dans  les  mers  des  zones  tempérées  ;  dans  le 
golfe  du  Canada  (  r  )  ,  fur  les  côtes  de  l'A- 
cadie,  &c.  Mais  elle  eft  maintenant  confinée 
dans  les  mers  arftiques,  on  ne  trouve  des 
morfes  que  dans  cette  zone  froide,  &  même 
il  y  en  a  peu  dans  les  endroits  fréquentés  , 
peu  dans  la  mer  glaciale  de  l'Europe ,  &  en- 
core affez  peu  dans  le  lac  du  Groenland ,  du 
détroit  de  Davis  &  des  autres  parties  du  nord 


On  ne  les  prend  que  pour  les  dents,  mais  entre  cent 
on  n'en  trouvera  quelquefois  qu'un  qui  ait  les  dents 
bonnes,  parce  que  les  uns  font  encore  trop  jeunes,  Sc 
que  les  autres  ont  les  dents  gâtées.  Recueil  des  Voyages 
du  Nord,  tome  II,  page  tij  &  fuivantes. 

(r)  A  quarante-neuf  degrés  quarante  minutes  de 
latitude,  il  y  a  trois  petites  isles  dans  le  golfe  de  Saint- 
Laurent,  fur  l'une  defqaelles  territ  en  très  grand  nom- 
bre une  certaine  efpèce  de  Phoque,  animal,  comme  je 
crois  ,  inconnu  aux  Anciens  ,  appelle  des  Flamands 
Walrus  y  &  des  Anglois ,  qui  en  ont  pris  le  nom  àçi 
Kaflîens,  Morjf.  C'eft  un  animal  amphibie  &  fort  monf- 
trueux  ,  qui    lurpaffe  parfois  les    bœufs  de  Flandre  en 

groflTeur  j  il  a  le  poil  comme  celui  d'un  phoque 

Deux  dents  recourbées  en  bas,  longues  par  fois  d'une 
coudée  ,  qu'on  emploie  à  même  chofe  que  l'ivoire  ,  & 
qui  font  de  même  valeur.  Defcription  des  Indes  occident 
taies  ^  par  de  Laét ,  page  ^i.  —  Sur  les  côtes  de  l'Amé- 
rique fep'^entrionale,  on  voit  des  vaches  marines,  au- 
trement appellées  bêtes  à  la  grande  dent ,  parce  qu'elles 
ont  deux  grandes  dents  grolfes  &  longues  comme  la 
moitié  du  bras,  &  les  autres  dents  longues  de  qiatre 
doigts  ;  il  n'y  a  point  d'ivoire  p'us  b;au.  Ou  trouve  de 
ces  vaches  marines  à  l'isle  de  Sable.  Defcription  de  l'A^ 
mériçue  ftftentricnale  ,  par  Denis ,  tome  U ,  page  2/7. 

de 


des  Phoques  ,  &c,  257 

de  TAmérique ,  parce  qu'à  Poccafion  de  la  pê- 
che de  la  baleine,  on  les  a  depuis  long  temps 
inquiétés  &  chaiTes.  Dè^  la  fin  du  feiziènie 
fiècle ,  les  habitans  de  Saint- Malo  alloient 
aux  isles  Ramées  prendre  des  morfes ,  qui , 
dans  ce  temps  ^  s'y  trouvoient  en  grand  nom- 
bre (/);  il  n'y  a  pas  cent  ans  que  ceux  du 
Port-Royal ,  au  Canada ,  envoyoient  des  bar- 
ques au  cap  de  Sable  &  au  cap  Fourcnu,  à 
la  chafle  de  ces  animaux  (r),  qui  depuis  fe 
font  éloignés  da  ces  parages,  auJaibien  que 
de  ceux  des  mers  de  l'Europe;  car  on  ne  les 
trouve  en  grand  nombre  que  dans  ia  mer  gla- 
ciale de  l'Afie,  depuis  l'embouchure  de  l'Oby 
jufqu'à  la  pointe  la,  plus  orientale  de  ce  con- 
tinent ,  dont  les  côtes  font  très  peu  fréqnen* 
tées  ;  on  en  voit  fort  rarement  dans  les 
mers  tempérées  :  l'efpèce  qui  fe  trouve  fous 
la  zone  torride  &  dans  les  mers  des  Indes  , 
cft  différente  de  nos  morfes  du  nord  5  ceux  ci 
craignent  vraifemblablement  ou  la  chaleur  ou 
la  falure  des  mers  méridionales  :  &  comme 
ils  ne  les  ont  jamais  traverfées  ,  on  ne  les  a 
pas  trouvés  vers  l'autre  pôle  ,  tandis  qu'on 
y  voit  les  grands  &  les  petits  phoques  de 
notre  nord  ,  &  que  même  ils  y  font  plus 
nombreux  que  dans  nos  terres  ar£liques. 

Cependant  le  morfe  peut  vivre  ,  au  moins 
quelque  temps ,   dans   un  climat  tempéré  i 


(/)  Defcription  des  Indes  occidentales,  paf  6e  Laét* 
page   42. 

(  t  )  Defcrbtîon  de  TAméri^iue  feptentrionale  ,  p»r 
Denis  ,  tome  l,  page  6C, 

Y 


XfjS  Hijîoire  naturelle 

Evrard  Worft  dit  avoir  vu  en  Angleterre  un 
de  ces  animaux  vivant ,  &  âgé  de  trois  mois  , 
que  l'on  ne  mettoit  dans   l'eau  que  pendant 
un  petit  efpace   de  temps  chaque   jour  ,   & 
qui  fe  traînoit  &  rampoit  fur  la  terre;  il  aie 
dit  pas  qu'il  fût  incommodé  de  la  chaleur  de 
l'air  ;  il   dit   au  contraire    que  lorfqu'on  le 
touchoit ,  il  avoit    la   mine   d'un  animal  fu- 
rieux &  robufte,  &  qu'il  refpiroit  très  forte- 
ment par  les  narines.  Ce  jeune  morfe  étoit 
de  la  grandeur    d'un  veau  ,  &  afl'ez  reffem- 
blant  à  un  phoque  ;   il  avoit  la  tête  ronde  , 
les  yeux  gros  ,  les  narines  plates  &  noires  , 
qu'il  ouvroit  &   fermoit  à  volonté  ;  il   n'a- 
voit   point  d'oreilles,  mais   feulement  deux 
trous  pour  entendre:  l'ouverture  de  la  gueule 
étoit   affez  petite  ,   la   mâchoire    fupérieure 
étoit  garnie   d'une    mouftache  de  poils   car- 
tilagineux, gros  &  rudes;  la  mâchoire  infé- 
rieure étoit  triangulaire,   la  langue  épaitie , 
courte  ,  &  le  dedans  de  la  gueule  muni,   de 
côté  &  d'autre,  de  dents   plates  ;  les   pieds 
de  devant  &  ceux  de  derrière  étoient  lar- 
ges, &  l'arrière  du  corps  reilembloit  en  en- 
tier à  celui  d'un  phoque;  cette  partie  de  der^- 
rière  rampoit  plutôt   qu'elle  ne    marchoit  , 
les  pieds  de  devant  étoient  tournés  en  avant , 
&  ceux  de  derrière  en  arrière  ,  ils  étoient 
tous  divifés  en  cinq  doigts,  recouverts  d'une 

forte  membrane la  peau  étoit  épaiffe  , 

dure  &  couverte  d'un  poil  court  &  délié  , 
de  couleur  cendrée  ;  cet  animal  grondoit 
comme  un  fanglier ,  &  quelquefois  crioit  d'unç 
voix  greffe  &  forte  ,  on  l'avoit  apporté  de 
la  nouvelle  Zenible;  il  a'avoit  point  encore 


déS'  Phoques  ^  &C*  1^9 

lesgfandes  dents  ou défenfes,  mais  on  voyoJ* 
à  Ja  mâchoire  fupérieure  les  boiTes  d'où  el- 
les dévoient  fortir;  on  le  nourriiToit  avec 
de  la  bouillie  d'avoine  ou  de  mil  ;  il  fuçoit 
lentement  plutôt  qu'il  ne  mangeoit;  il  ap- 
prochoit  de  fon  maître  avec  grand  effort  & 
en  grondant  ;  cependant  il  le  luivoit  lorf- 
qu'on  lui  préientoit  à  manger  (u). 

Cette  obfervation  ,  qui  donne  une  idés 
affez  jufte  du  morle  ,  fait  voir  en  même  temps 
qu'il  peut  vivre  dans  un  climat  tempéré  ^ 
néanmoins  il  ne  paroît  pas  qu'il  puilTe  fup  • 
porter  une  grande  chaleur  ,  ni  qu'il  ait  ja- 
mais fréquenté  les  mers  du  midi  pour  paf» 
fer  d'un  pôle  à  l'autre  ;  plufieurs  Voyageurs 
parlent  de  vaches  marines  qu'ils  ont  vues 
dans  les  Indes,  mais  elles  lont  d'une  autre 
efpèce  ;  celle  du  morfe  eft  toujours  aiiee  à 
reconnoître  par  fes  longues  défenfes  ;  l'élé- 
phant eft  le  feul  animal  qui  en  ait  de  pareilles  ; 
cette  proMu£lion  eft  un  effet  rare  dans  la 
Nature  ,  puifqûe  de  tous  les  animaux  ter- 
reftres  &  amphibies ,  l'éléphant  &  k  morfe-, 
auxquels  elle  appartient ,  font  des  eTpèces 
ifolees>  uniques  dans  leur  genre,  &  qu'il 
n'y  a  aucune  autre  efpèce  d'animal  qui  porte" 
ce  caraûère. 

On  affure  que  les  morfes  ne  s*accouplenf 
pas  à  la  manière  des  autres  quadrupèdes  ^ 
mais  à  rebours  j  il  y  a  ^  comme  dans  les  ba'- 
îeines,  un  gros  &  grand  os  dans  le  membre-" 


(,«).  Defcrlption  dcj  Indes  occidentales ,  par  de  Laët, 


3,6o  Hiftoin  nantrcUi 

du  mâle  ;  la  femelle  met  bas  en  hiver  fur  la 
terre  ou  fur  la  glace,  &  ne  produit  ordinaire- 
ment qu'un  petit ,  qui  eft  ,  en  naifTant ,  déjà 
gros  comme  un  cochon  d*un  an  :  nous  ignorons 
la  durée  de  la  geftation  ;  mais ,  à  en  juger  par 
celle  de  raccroiffement ,  &  auffi  par  la  gran- 
deur de  l'animal ,  elle  doit  être  de  plus  de  neuf 
mois  ;  les  morfes  ne  peuvent  pas  toujours 
refter  dans  l'eau  ,  ils  font  obligés  d'aller  à 
terre, foit pour  allaiter  leurs  petits,  foitpour 
d'autres  befoins  ;  lorfqu'ils  fe  trouvent  dans 
la  néceflité  de  grimper  fur  des  rivages  quel- 
quefois-efcarpés  ,  &  fur  des  glaçons,  ils  fe  fer- 
vent de  leurs  défenfes  (x)  pour  s'accrocher, 
&  de  leurs  mains  pour  faire  avancer  la  lourde 
malTe  de  leur  corps.  On  prétend  qu'ils  fe 
nourriffent  de  coquillages  qui  font  attachés 
au  fond  de  la  mer,  &  qu'ils  fe  fervent  aufli 
de  leurs  défenfes  pour  les  arracher  (y);  d'autres 
difent  (  ^  )  qu'ils  ne  vivent  que  d'une  certaine 
herbe  à  larges  feuilles  qui  croît  dans  la  mer ,  & 
qu'ils  ne  mangent  ni  chair  ni  poiflbn;  mais  je 
crois  ces  opinions  mal  fendées,  &  il  y  a  appa- 


(x)  Ces  défenfes  ne  font  pas  tout-à-faît  rondes  nâ 
1>ien  unies,  mMs  plutôt  aplaties  &  légèrement  canelées; 
fa  droite  eft  ordinairement  un  peu  plus  longue  &  plus 
forte  que  la  gauche J'en  ai  eu  deux  dont  cha- 
cune avoit  deux  pieds  un  pouce  de  Paris  de  long  8c 
huit  pouces  de  circonférence  par  le  bas.  Hiflolre  natu- 
rellt  au  Groenland,  par  Anderfon  ,  tome  II,pag-'s  i6z  & 

(y)  Hiftoire  naturelle  du  Groenland,  page  t6z. 

{l)  Defcrjptiçn  des  lnd«  occid«ntale$ ,  par  de  Laët; 
page  42. 


dti  Phoques^  &c,  l6i 

rence  que  le  morfe  vit  de  proie  comme  le 
phoque,  &  fur- tout  de  harengs  &  d'autres 
petits  poiffons;  car  il  ne  mange  pas  lorfqu'il 
eft  fur  la  terre ,  &  c'eft  le  befoin  de  nour- 
riture qui  le  contraint  de  retourner  à  la 
mer. 

LE    D  U  G  O  N    [a]. 

Le  Dugon  eft  un  animal  de  la  mer  de  VA- 
frique-ôc  des  Indes  orientales  ,  duquel  nous 
n*avons  vu  que  deux  têtes  décharnées  ou 
tronquées  j  &  qui ,  par  cette  partie  ^  reffem- 
ble  plus  au  morfe  qu'à  tout  aiitre  animal;  fa 
tête  eft  à-peu  près  déformée  de  la  même  ma- 
nière par  la  profondeur  des  alvéoles,  d'où 
naiftentà  la  mâchoire  fupérieure  deux  dents 
longues  d'un  demi-pied  ;  ces  dents  font  plu- 
tôt de  grandes  incifives  que   des  défenfes; 


{a)  Dugon,  Dugungf  nom  (fe  cet  animal  à  l'îsle  de 
Lethy  ou  Leyte ,  l'une  des  Philippines ,  &  que  nous 
avons  adopté.  Nota.  J'ai  trouvé  ce  nom  dans  le  voyage 
Hollapdois  de  Chriftcphe  Barchewits  aux  Indes  orien- 
tales; ouvrage  qui  a  été  traduit  en  Allemand  &  imprimé 
à  Erfurt,  en  ly^i.  L'Auteur  dit  que  cet  animal  s'ap- 
pelle à  l'isle  de  Lethy  ,  Degurg  ou  Jkan  degung  ;  ÔC 
«ju'on  l'appelle  aufîi  Manate.  Cette  dernière  dénomina- 
tion fembleroit  indiquer  que  ce  dugon  ou  dugung  eft  un 
manati  ou  Lamantin  y  mais,  dans  la  de(cription  de  ce 
Voyageur,  il  eftdirquele  dugon  a  deux  défenfes  groffej 
d*un  pouce,  &  longues  d'un  empan:  or  ce  caraftère 
ne  peut  convenir  au  mânati,  &  convient  au  contraire 
à  l'animal  dont  il  eft  ici  queftioR,  de  dont  nous  avons 
la  tête. 


i6i  Hlfloirc  naturelle 

elles  ne  s'étendent  pas  direftement  hors  d« 
la  gueule,  comme  celles  du  morie  ;  elles 
font  beaucoup  plus  courtes  &  plus  minces , 
&  d'ailleurs  elles  font  fituées  au-devant  de 
de  la  mâchoire  ,  &  tout  près  l'une  de  l'au- 
tre ,  comme  des  dents  incifives  ,  au  lieu  que 
les  defenfes  du  morfe  laifTent  entr'elles  un 
intervalle  confidérable ,  &  ne  font  pas  fuuées 
à  la  pointe,  mais  à  côté  de  la  mâchoire  fu- 
périeure.  Les  dents  mâchelières  du  dugon 
diffèrent  auffi,  tant  pour  le  nombre  que  pouf 
la  pcfition  &  la  forme  ,  des  dents  du  morfe  ; 
ainfi ,  nous  ne  doutons  pas  que  ce  ne  folt 
un  animal  d'efpèce  différente.  Quelques  Voya- 
geurs qui  en  ont  parlé  l'ont  confondu  avec 
le  lion  marin.  Innigo  de  Biervillas  dit  qu'on 
tua  près  du  cap  de  Bonne-efpérance  un  lion 
marin  ,  qui  avoit  dix  pieds  de  longueur  & 
quatre  de  grolîéur ,  ia  tête  comme  celle  d\m 
veau  d'un  an,  de  gros  yeux  affreux ^  les  oreil- 
les courtes ,  avec  une  barbe  hériffée ,  les  pieds 
fort  larges,  &  les  jambes  fi  courtes  que  le 
ventre  touchoit  à  terre  ,  &  il  ajoute  qu'on 
emporta  les  deux  défenfes  qui  fortoient  d'un 
demi-pied  hors  de  la  gueule  l^'/»  )  ;  ce  deTnier 
cara6lère  ne  convient  point  au  lion  marin  qui 
n'a  point  de  défenfes,  mais  des  dents  fembla- 
bles  à  celles  du  phoque;  &  c'efl  ce  qui  m'a  farî 
juger  que  ce  n'étoit  point  un  lion  marin  5 
mais  l'animal  auquel  nous  donnons  le  nom  de 
du^on'^  d'autres  Voyageurs  me  paroi^ent  l'a.- 


■{b)   Voyage  d'innigo  de  Biervlllaî,  farth  I ,  pag^ 
37  ^  iS' 


des  Phoques  ,  Sfc,  i^j 

voir  indiqué  fous  la  dénomination  amours  marin  ; 
Spilberg  &  Mandelflo  rapportent  «  qu'à  Tisle 
>7  de  Sainte  Élifabeth  ,  lur  les  côtes  d'Afri- 
j>  que,  il  y  a  des  animaux  qu'il  faudroit  plu- 
j>  tôt  appeller  des  ours  marins  que  des  loups 
>i  marins,  parce  que  par  leur  poil,  leur  cou- 
»>  leur  &  leur  réte  ,  ils  reffemblent  beaucoup 
w  aux  ours  ,  &:  qu'ils  ont  Teulement  le  mu- 
j>  feau  plus  aigu  ;  qu'ils  reffemblent  encore 
j>  aux  ours  par  les  mouvemens  qu'ils  font  & 
j)  par  la  manière  dont  ils  les  font,  à  l'excep- 
«  tiondu  mouvement  des  jambes  de  derrière 
«  qu'ils  ne  font  que  traîner;  qu'au  refte  ces 
j>  amphibies  ont  l'air  affreux,  ne  fuient  point 
M  à  l'afpeâ:  de  l'homme  ,  &.  mordent  avec 
3>  afTez  de  force  pour  couper  le  fût  d'une 
«  pertuifane ,  &  que,  quoique  boiteux  des 
»  jambes  de  derrière  ,  ils  ne  laiiTent  pas  de 
j)  marcher  affez  vite  pour  qu'un  homme  qui 
»  court  ait  de  la  peine  à  les  joindre  »  (  c  ).  Le 
>î  Guat  dit  avoir  vu ,  près  du  cap  de  Bonne- 
î>  efpérance ,  une  vache  m.arine  de  couleur 
»  rouffàtre  ;  elle  avoit  le  corps  rond  &  épais  , 
î)  l'oeil  gros,  les  dents  ou  défenfes  longues, 
»  le  mufle  un  peu  retroulTé  ;  &  il  ajoute 
î>  qu'un  iMatelot  lui  afTura  que  cet  animal  , 
»  dont  il  ne  pouvcit  voir  que  le  devant  du 
n  corps,  parce  qu'il  étoit  dans  l'eau  ,  avoit 
»  des  pieds  (t/).  »  Cette  vache  marine  de 
Le  Guat,  l'ours  marin  de  Spilberg  &  le  lion 


(  c)  Premier  Voyage  ôe  ^pi'berg  ,  une  W,/>.  -^^J-»» 
Voyage  de  iViandelilo  ,  terne  H  ,  page  ^j/. 

(<i)  Voyags  de  Le  Guai ,  tome  I,  pa^i  $6»  ' 


164  Tîifîoîrc    namrttU 

marin  de  Biervillas  me  paroifîent  être  tous 
trois  le  même  animal  que  le  dugon  ,  dont 
la  té:e  nous  a  été  envoyée  de  Tisle  de  France  , 
&  qui  par  conléquent  ,  fe  trouve  dans  les 
mers  méridionales  depuis  le  cap  de  Bonne- 
efpérance  jufqu*aux  isles  Philippines  ^e).  Au 
refte  ,  nous  ne  pouvons  pas  afTurer  que  cet 
animal ,  qui  reffemble  un  peu  au  morfe  par 
la  tête  &  les  défenfes,  ait  comme  lui  qua- 
tre pieds;  nous  ne   le  préfumons   que   par 


(e  )  Je  pouvois  de  ma  maifon  ,  qui  étoit  (ituée  fur  un 
rocher  dans  l'isle  de  Lcthy  ,  Voir  les  tortues  à  quelqaej 
toifes  de  profondeur  dans  Teau;  je  vis  un  jour  deux 
gros  dugungs  ou  vaches  marines  ^  qui  vinrent  près  du 
rocher  ôc  de  ma  maifon  ;  je  fis  prompten^ent  avertir  mon 
pécheur ,  à  qui  je  montrai  ces  deux  animaux ,  qui  (e 
promenoient  &  mangeoient  d'une  mouflTe  verte  qui  croît 
fur  le  rivage;  il  courut  auffitôt  chercher  fes  camarades 
qui  prirent  deux  bateaux  &  allèrent  fur  le  rivage  ;  &c , 
pendant  ce  temps ,  le  mâle  vint  pour  chercher  fa  femelle  , 
&  ne  voulant  pas  s'éloigner,  fe  laiffa  tuer  auffi.  Chacun 
de  ces  poiflbns  prodigieux  avoit  plus  de  fix  aunes  de 
long ,  le  mâ!e  étoit  un  peu  plus  gros  que  la  femelle  j 
leurs  têtes  reffembloient  à  celle  d'un  bœuf,  Us  avoîent 
deux  grojfes  dents  d'un  empan  de  long  &  d'un  pouce  d  é- 
paiff^ur ,  qui  débordoient  la  mâchoire  comme  aux  faM- 
gliers  :  ces  dents  étoient  phis  blanches  que  le  plus  bel 
ivoire;  la  femelle  avoit  deux  mamelles  comme  une 
femme  ;  Tes  parties  de  la  génération  du  mâle  refTem- 
bloient  à  celles  de  l'homme  ;  les  inteftins  relTembloicnt 
à  ceux  d'un  veau ,  &  la  chair  en  avoit  le  govit.  Voyage 
de  Chrijhphe  Barchewlt^,  page  -^St.  Extrait  traduit  psr 
M-  le  marquis  de  Montmirail.  Nota,  Toute  cette  ''eC- 
cription  convient  affez  au  manati ,  à  l'exception  des 
dents  ;  le  manati  n'a  ni  défenfes  ni  dents  .incîfives ,  6c 
c'eft  fur  cela  feul  que  j'ai  préfumé  que  ce  dugung  n'é- 
toit  point  le  manati ,  mais  l'animal  dont  nous  avons  les 
têtes  y  &  que  nous  avoi»  fait  repréleuter, 

analogie  , 


des  Phoqius  ,  &c,  x6^ 

-analogie ,  &:  par  l'indication  des  Voyageurs 
que  nous  avons  cités  ;  mais  ni  l'analogie  n'eft 
aiTez  grande,  ni  les  témoignages  des  Voy.i- 
geurs  ailez  pré<:is  pour  décider,  &  nous  luf- 
pendrons  notre  jugement  à  cet  égard,  jufqu'à 
oe  que  nous  ioyons  mieux  informés. 

LE    LAMANTIN    [/]. 

Dans  le  règne  animal ,  c'efl  ici  que  iinilTent 
les  peuples  de  la  terre ,  &  que  commencent 
les  peuplades  de  la  mer  ;  le  Lamantin  ,  qui 
n'eft  plus  quadrupède,  n'eil  pas  entièremeeit 


(  /)  Lamantin.  On  a  prétendu  que  ce  «©m  venoit  de 
ce  que  cet  animal  faifoit  Azs  cris  lamentables  :  c'eft  une 
fuble.  Ce  mot  eft  ime  corruption  du  nom  de  cet  ani- 
mal dans  la  langue  des  Golibis,  hsbitans  de  la  Guiane, 
&  des  Caribes  ou  Carribes,  habitaos  é^s  Antilles;  c'ed 
le  même  peuple  &  la  même  langue,  à  quelques  variétés 
près  :  ils  nomment  le  lamantin  manaû  ,  d'où  les  Nègres 
éss  islcs  fra-nçoifes  d'Amérique,  qui  eftropient  tous  le$ 
tnots ,  ont  fait  lamar^cd,  en  ajoutant  l'article  comrne 
pour  dire  la  bête  mamiti  ;  de  lamanati^  ils  ont  fait  la- 
tnannti,  en  fupprimantle  troifièmea,  &  faifant  fonnec 
Vn  ;  Umanmi ,  lamentiy  qu'on  a  écrit  par  un  e,  par  ana- 
logie prétendue  avec  lamcntari ,  ce  qui  a  donné  lieu  à 
l'analogie  des  cris  lamentables  fuppofés  de  la  femelle 
quand  on  lu'  dérobe  fon  petit.  X;ffrc  de  M.  de  la  Con- 
éiimine^  A  M.  de  Btiffcn,  du  zS  mai  IJ64.  Je  cite  cette 
efpèce  d'étymologie,  de  îaquelU  M,  de  la  Condamine  , 
qui  a  demeuré  dix  ans  dans  les  Indes  occidentales,  dort 
€tre  b'en  informé  ;  cependant  je  dois  obferver  que  le 
mot  manati ,  félon  pluheurs  autres  Auteurs,  eft  efpa- 
gnol  &  indique  un  animal.qui  a  ètî  mains  »  &  que  pro- 
bablement les  Guiar.ois  ou  les  Caraïbes,  qui  t'ont  affee 
Quadrupcd£S  ,   Tom.    VI,  Z 


:té6  Ffifloire  naturdh. 

céîacée:  il  retient  des  premiers  deux  pieds 
ou  plutôt  deux  mains  i  mais  les  jambes  de 
derrière  qui,  dans  les  phoques  &  les  morfes, 
ibnt  prefqu'entièrement  engagées  dans  le 
corps,  ôi  raccourcies  autant  qu'il  eft  pcf- 
fible ,  fe  trouvent  abrolument  nulles  6i  obli- 
térées dans  le  lamantin  ;  au  lieu  de  deux 
pieds  courts  &  d'une  queue  étroite  encore 
plus  courte,  que  les  morfes  portent  à  leur 
arrière  dans  une  direction  horizontale  ,  les 
lamantins  n'ont  pour  tout  cela  qu'une  grofî'e 
queue  qui  s'élargit  en  éventail  dans  cette 
même  dire£î:ion,en  fo-te  qu'au  premier  coup- 
d'œil  il  fembleroit  que  les  premiers  auroient 
une  queue  divifée  en  trois,  &  que,  dans  les 
derniers,  ces  trois  parties  fe  feroient  réunies 
pour  n'en  former  qu'une  feule;  mais  par 
une  infpedion  plus  attentive  ,  &  fur-tout 
par  la  dilTeftion  ,  Ton  voit  qu'il  ne  s'eft  point 
fait  de  réunion  ,  qu'il  n'y  a  nul  veftige  des 
os  des  cuiffes  &  des  jambes,  &  que  ceux 
qui  forment  la  queue  des  lamantins  font  de 
fimples  vertèbres  ifolées  &  femblables  à  cel- 
les des  cétacées  qui  n'ont  point  de  pieds  ; 
ainfi,  ces  animaux  font  cétacées  par  ces  par- 
ties de  l'arrière  de  leur  corps ,  &  ne  tien- 
nent plus  aux  quadrupèdes  que  par  les  deux 


éloignés  les  uns  des  autres,  l'ont  également  enaprunté 

des  Erpagnol*. 

Manaù ,   Pkoca.  genus.  0\xCii  exotlc.   page   132,  fig. 

ihid.  pag.   133. 

Manctti.  Hernand.  Hijî.  Mex.  page.  325,  fig.  ibid* 
Mi^natus.  Le  lamantin.  BrilT.  Reg.  anim.  p.  49» 


;|lîeàs  ou  deux  mains  qui  ïent  en  avant  à 
Xàié  de  leur  poitrine.  Oviédo  me  parcîr  être 
le  premier  Auteur  qui  ait  donné  une  eipèce 
d'hiftoire  &  de  defcription  du  Lamantin. 
'«<  On  le  trouve  affez  fréquemment,  dit-il^ 
»  lur  les  cotes  de  Saint-Dommgue;  c'eft  un 
-»  très  grès  animal  d'une  -figure  informe,  qui 
V  a  la  tête  plus  groiTe  que  celle  d'un  bœut% 
î7  les  yeux  petits  ,  deux  pieds  ou  deux  mains 
5)  près  de  la  tête  qui  lui  lervent  à  nager;  A 
7)  n'a  point  d'écaiiles  ,  mais  il  eu.  couvert 
«  d'une  peau  ou  plutôt  d'un  cuir  épaiSe 
5>  C'eft  un  animal  fort  doux;  il  remonte  les 
n  fleuves,  6l  mange  I25  herbes  du  rivage, 
»  auxquelies  il  peut  atteindre  fans  fortir  de 
^>  r^au  ;  il  nage  à  la  furface  ;  pour  le  pren- 
J3  dre  ,  on  tâche  de  s'en  approcher  fur  une 
jî  nacelle  ou  un  radeau,  &  on  lui  lance  une 
î7  groli'e  flèche  attachée  à  un  très  long  cor- 
«  deau  ;  dès  qu'il  fe  fent  frappé ,  il  s'enfuit 
>ï  &  emporte  avec  lui  la  flèche  &  le  cor- 
«  deau  à  l'extrémité  duquel  on  a  foin  d'atta- 
î)  cher  un  gros  morceau  de  liège  ou  de  bois 
»  léger  pour  fervir  de  bouée '&  de  renfei- 
n  gnemenr.  Lorfque  l'animal  a  perdu,  par 
5)  cette  bleffure ,  fon  fang  &  fes  forces ,  il  ga- 
n  gne  la  terre  i,  alors  on  reprend  l'extréniué 
»  du  cordeau ,  on  le  roule  juiqu'à  ce  qu'il  n'en 
î>  reûe  plus  que  quelques  brafles;&,  à  l'aide 
«  de  la  vague  ,  on  tire  peu-à-peu  l'animal 
«  vers  le  bord,  ou  bien  on  achève  de  le  tuer 
»  dans  l'eau  à  coups  de  lance.  11  eft  û  pefant  ^ 
j>  qu'il  faut  une  voiture  attelée  de  deux  bœufs 
»  pour  le  tranfporter  ;  fa  chair  eft  excellente  j 
»)  & ,    quand   elle   eft  fraîche  ,  on  la  man- 

•     Z  2 


%6S  Hijlolre  naturelle 

«  geroit  plutôt  comme  du  bœuf  que  com- 
«  me  du  poiiTon  ;  en  la  découpant  &  la 
>»  faifant  fécher  &  mariner ,  elle  prend  ,  avec 
i>  le  temps,  le  goût  de  la  chair  du  thon,  ôc 
>>  elle  eft  encore  meilleure.  Il  y  a  de  ces 
»  animaux  qui  ont  plus  de  quinze  pieds  de 
«  longueur ,  fur  fix  pieds  d'épailîeur;  la  partie 
3>  de  l'arrière  du  corps  eft  beaucoup  plus  me- 
»  nue  6i  va  toujours  en  diminuant  jufqu'à  la 

V  queue  ,  qui  enfuite  s'élargit  à  fon  extré- 
>>  mité.  Comme  les  Efpagnols,  ajoute  Oviédo, 
j)  donnent  le  nom  de  mains  aitx  pieds  de 
n  devant  de  tous  les  quadrupèdes,  &  comme 

V  cet  animal  n'a  que  des  pieds  de  devant, 
»  ils  lui  ont  donné  la  dénomination  d'animal 
5»  à  mains  ,  Manatï  ;  il  n'a  point  d'oreilles  ex- 
3>  ternes ,  mais  ieulerpent  deux  trous  par  lef- 
3>  quels  il  entend  ;  fa  peau  n'a  que  quel- 
M  ques  poils  alTez  rares  ,  elle  eft  d'un  gris 
î)  cendré  Ôi  de  l'épai^Teur  d'un  pouce;  on  en 
j»  tait  des  femelles  de  fouliers  ,  des  baudriers  , 
»  ôcC.  La  femelle  a  deux  mamelles  fur  la 
»  poitrine,  &elle  produit  ordinairement  deux 
>;  petits  qu'elle  allaite  (^r)"»  Tous  ces  faits, 
rapportés  par  Oviédo,  font  vrais,  &  il  eft 
fmgulier  que  Cieça  {h) ,  &l  plufieurs  autres 
après  lui,  ayent  afî'uré  que  le  lamantin  fort 
fou  vent  de  l'eau  pour  aller  paître  fur  la 
terre;  ils  lui  ont  faufîement  attribué  cette 
}iabitude  naturelle,  induits  en  erreur  par  i'a- 


(  g  )   Ferdin,  Ov jédo,    Hiji.   Ind,  cccld,  Ub.  XUI  j 

f?p.    X. 


àtt  Phoques  ,  t-'C.  t^§ 

!hàîôgie  du  ir.orfe  &  des  phoques,  qui  fbf-* 
tent  en  effet  de  l'eau  &  léjournent  à  terre } 
mais  il  eft  certain  que  lé  lamantin  ne  quitte 
jamais  l'eau ,  &  qu'il  préfère  le  féjour  des 
«aux  douces  à  celui  de  l'eau  Talée. 

Clufius  dit  avoir  vu  &  mefuré  la  peau  d*urt 
de  ces  animaux,  &  l'avoir  trouvée  de  feize 
pieds  &  demi  de  longueur  ^  &  de  fept  pieds  & 
demi  de  largeur  ;  leS  deux  pieds  ou  les 
deux  mains  étoient  fort  larges  ,  avec  des  on- 
gles courts^  Gomara  {i  )  affure  qu'il  s'ert 
trouve  quelquefois  qui  ont  vingt  pieds  de 
longueur  ,  &  il  ajoute  que  ces  animaux  fré- 
quentent  auffi-bien  les  eaux  des  fleuves  que 
celles  de  la  mer;  il  raconte  qu'on  en  avoit 
élevé  &  nourri  un  jeune  dans  un  lac  à  Saint- 
Domingue  ,  pendant  vingt  fix  ans,  qu'il  étoit 
fi  doux  &  fi  privé  qu'il  prenoit  doucemeni 
la  nourriture  qu'on  lui  préfentoit,  qu'il  en- 
tendoit  fon  nom,  &  que,  quand  on  l'appel- 
Joit,  il  fortoit  de  l'eau  &  fe  traînoit  en  ram- 
pant jufqu  a  la  maifon  pour  y  recevoir  fâ 
nourriture  ;  qu'il  fembloit  fe  plaire  à  enten- 
dre la  voix  humaine  &  le  chant  des  enfans  ^ 
qu'il  n'en  avoit  nulle  peur  ,  qu'il  les  laif- 
foit  afleoir  fur  fon  dos  ,  &  qu'il  les  paf- 
foit  d'un  bord  du  lac  à  l'autre  fans  fe  plon- 
ger dans  Teau,  &  fans  leur  faire  aucun  maL 
Ce  fait  ne  peut  être  vrai  dans  toutes  fes 
circonftances  :  il  paroît  accommodé  à  la  fa- 
ble du  Dauphin  des  Anciens  ;  car  le  laman- 


(  i  )  Fr.  Lopes  de  Gomara.  Hifi.  gen.  cap.  xxxï. 

z  } 


%yO  Ni/Io'ir€  namrttlt 

tin  ne  peut   abfolument   fe    tramer   l'ur   râ> 
terre. 

Herrera  dit  peu  de  chofe  de  plus  au  iujet 
de  CQt  animal;  il  affure  feulement  que,  quoi- 
qu'il Toit  très  gros  ,  il  nage  Ti  facilement 
qu'il  ne  fait  aucun  bruit  dans  i'eau ,  &  qu'il: 
fe  plonge  dès  qu'il  entend  quelque  chofe  de 
loin  {k). 

Hernandès  ,  qui  a  donné  deux  figures   du 
lamantin  ,  l'une  de  profil  &  l'autre  de  face, 
n'ajoute  prefque  rien  à  ce  que  les  autres  Au- 
teurs Efpagnols  en  avoient  écrit  avant  lui  ; 
il  dit  feulement  que  les  deux  océans,  c'èft-à- 
dire,  la   mer  Atlantique   &   la   mer  Pacifi- 
que, auiîi-bien  que  les  lacs,  nourrilTent  une 
bête  informe  appeîlée  Manaù,  de  laquelle  il 
donne  la  defçription  prefqu'entièrement  tirée 
d'Ovièdo;  &  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  ,  c'eflr 
que  les  mains  de  cet  animal  portent  cinq  on- 
gles femblables  à  ceu:.  de  l'homme,  qu'il  a  le- 
nombril  &  l'anus  larges,  la  vulve  comme  celle 
d'une  femme,  la  vergeiComme  celle  d'un  che- 
val,  la  chair  &  la  graife  comme  celles  d'un^ 
cochon  gras,  &  enfin  les  côtes  6c  les  vifcè- 
res  comme  un  taureau  ;  qu'il  s'accouple  fuif' 
terre  à  la  manière  humaine ,  la  femelle  ren- 
verfée  fur  le  dos  ,  &  qu'elle  ne  produit  qu'un 
petit ,  qui  eft  d'une  grofieur  monfirueufe  en* 
naiffant  (  /  ).    L'accouplement   de   ces  ani- 
maux qe  peut  fe  faire,  fur  terre ,  comme  le; 


(it)  Defçription  des  Indes  occidentales,  par  Hsrrey»», 
(/)  Hernan4.  H//1,  Nkx.  pag.  323  &  314, 


déS' Phoques  y   &c.  9yt 

é\î  Mernandès  ,  puifqu'ils  n'y  peuvent  aller  f 
&  il  le  fait  dans  Teau  fur  un  bas- fond.  Binet 
{m)  dit  que  le  lamantin  eft  gro5  comme  un 
bœuf^&  tout  rond  comme  un  tonneau,  qu'il 
a  une  petite  tête  &  peu  de  queue;  que  fii 
peau  ei\  rude  &  épaiffe  comme  celle  d'un 
éléphant ,  qu'il  y  en  a  de  fi  gros  ,  qu'on  en 
tire  plus  de  fix  cents  livres  de  viande  très 
bonne  à  manger  ;  que  fa  graifie  eft  aufîi 
douce  que  le  beurre  ;  que  cet  animal  fe 
plaît  dans  les  rivières  proche  de  leur  em- 
bouchure à  la  mer ,  pour  y  brouter  l'herbe 
qui  croît  le  long  des  rivages;  qu'il  y  a  de 
certains  endroits ,  à  dix  ou  douze  lieues  de 
Cayenne  ,  où  Ton  en  trouve  un  i\  gtand  nom- 
bre ,  que  l'on  peut  dans  un  jour  en  remplir 
une  longue  barque ,  pourvu  q.u'on  ait  des  gens 
qui  fe  fervent  bien  du  harpon.  Le  P.  du  Ter- 
tre, qui  décrit  au  long  la  chaffe  ou  la  pèche^ 
du  lamantin,  s'accorde  prefque  en  tout  avec 
les  Auteurs  que  nous  venons  de  citer;  ce- 
pendant il  dit  que  cet  animal  n'a  que  quatre 
doigts  &  quatre  ongles  à  chaque  main,  &  il 
ajoute  qu'il  fe  nourrit  d'une  petite  herbe  qui- 
croît  dans  la  mer ,  qu'il  la  broute  comme  le 
bœuf  fait  celle  des  prés  ;  &  qu'après  s'être 
rempli  de  cette  pâture,  il  cherche  les  riviè- 
res &  les  eaux  douces,  où  il  s'abreuve  deux 
fois  par  jour;,  qu'après  avoir  bien  bu  &  bien^ 
mangé,  il  s'endort  le  mufle  à  demi  hors  de 
l'eau ,  ce  qui  le  fait  remarquer  de  loin  ;  que^^ 


(m)  Voyage^  à  Tlilc  de  Cayenne,  par  Antoine  Bi=» 
net,  page  J4U. 

Z  4 


Iji  Hljlotre  naturelle 

la  femelle  fait  deux  petits  qui  la  fuivenf  par"-- 
tout  ;  &  que  fi  on  prend  la  mère  ,  on  eft  af- 
furé  d'avoir  les  petits,  qui  ne  l'abandonnent 
pas,  même  après  fa  mort,  &  ne  font  que 
tournoyer  autour  de  la  barque  qui  l'e  nporte 
(n).  Ce  dernier  fait  me  paroît  très  fufpeci  , 
il  eft  même  contredit  par  d'autres  Voya- 
geurs ^  qui  affurent  que  le  lamantin  ne  pro- 
duit qu'un  petit: tous  les  gros  animaux  qua- 
drupèdes ou  cétacées  ne  produifent  ordinai- 
rement qu'un  petit;  la  feule  analogie  fuiiit 
pour  qu'on  fe  refufe  à  croire  que  le  la- 
mantin en  produife  toujours  deux  j  comme' 
ValTiire  le  P.  du  Tertre.  Oexmelin  remarque 
que  le  lamantin  a  la  queue  fituée  comme  les 
cétacées ,  &  non  pas  comme  les  poifîbns  à 
écailles  qui  Tont  tous  dans  la  direétion  ver- 
ticale du  dos  au  ventre  ,  au  lieu  que  la  ba- 
leine &  les  autres  cétacées  ont  la  queue  fi- 
tuée tranfverfalement,  c'eft-à-dire,  d'un  côté 
à  l'autre  du  corps  ;  il  dit  que  le  lamantin  n'ïï 
point  de  dents  de  devant  >  mais  feulement 
une  callofité  dure  copime  un  os  ,  avec  la- 
c[uelle  il  pince  l'herbe  ;  qu'il  a  néanmoins 
trente-deux  dents  molaires;  qu'il  ne  voit  pas 
bien  à  caufe  de  la  petiteffe  de  fes  yeux ,  qui 
n'ont  que  fort  peu  d*humeur  &  point  d'iris  ;, 
qu'jl  a  peu  de  cervelle  ;  mais  qu'au  défaut  de 
bons  yeux  ,  il  a  l'oreille  excellente  ;  qu'il 
n'a  point  de  langue  ;que  les  parties  de  la  gé- 
nération  font  plus   femblables  à   celles  de.- 


(  n  )  Hidaire  générale   des  Antilles  »  par  il  P,   du 
Tertre, 


des  Phoques  ,   &4,  ^73 

Thomme  &  de  la  femme  ,  qu'à  celles  d'aucun 
animal;  ^v,q  le  lait  des  femelles,  dont  il  af- 
fure  avoir  goûré ,  eiï  d'un  très  bon  goût  y 
qu'elles  ne  produifent  qu'un  feul  petit,  qu'el- 
les emb-aiTent  &  portent  avec  la  main  ;  qu'el- 
les l'allaitent  pendant  un  an  ,  après  quoi  il 
eft  en  état  de  fe  pourvoir  lui-même  &  de 
manger  de  l'herbe;  que  cet  animal  a,  deputs 
le  cou  jufqu'à  la  queue  ,  cinquante  deux 
vertèbres;  qu'il  fe  nourrit  comme  la  tortue, 
mais  qu'il  ne  peut  ni  marcher  ni  ramper  fur 
la  terre  {o ). Tous  {?es  faits  font  affez  exa6ls  , 
&  même  celui  des  cinquante-deux  vertèbres  , 
car  M.  Daubenton  a  trouvé  dans  l'embryon 
qu'il  a  difféqué  ,  vingt- huit  vertèbres  dans 
la  queue  ,  feize  dans  le  dos  ,  &  fix ,  ou  plutc/t 
fept,  dans  le  cou.  Seulement  ,  ce  Voyageitr 
fe  trompe  au  fujet  de  la  langue  ,  elle  ne  man- 
que point  au  lamantin  ;  mais  il  eft  vrai  qu'elle 
eft  attachée  en  deffous  &  prefque  julqu^à 
fon  extrémité  à  la  mâchoire  inférieure.  On 
trouve  dans  le  Voyage  aux  isîes  de  l'Amérî- 
que,  Paris  y  ij22 ,  une  affez  bonne  defcrip- 
tion  du  lamantin,  &  de  la  manière  dont  on: 
le  harponne  ;  TAuteur  eft  d'accord  fur  tous 
les  faits  principaux  avec  ceux  que  nous  a^•OiTS 
avons  cités;  mais  il  obferve  «  que  cet  animal 
M  eft  devenu  affez  rare  aux  Antilles ,  depiu's 
»  qne  les  bords  de  la  mer  font  habités  ;  celui 
li  qu^il  vit  &  qu'il  mefura ,  avoit  quatorze 
»  pieds  neuf  pouces,  depuis  le  bout  du  mufle 


yvM 


(o)  Hi(toire  des   Avanturters,  par  Oexinelin^  tamc 
XÎl ,  ^a£e  ri^  &  fiùvantcs^ 


174  ffijleïre  naturelle 

7}  jurqu'à  la  naifTance  de  la  queue;  il  étoif 
r  tout  rond  jufqu'à  cet  endroit  ;  fa  tête  étoif 
5>  greffe  ,  fa  gueule  laige  avec  de  grandes 
V  babines  &  quelques  poils  longs  &  rudes 
»  au-delTus  ;  fes  yeux  étoient  très-petits  par 
j>  rapport  à  fa  tête ,  &  fes  oreilles  ne  pa- 
w  roifîbient  que  comme  deux  pretits  trous; le 
»  cou  eft  fort  gros  &  fort  court,  &  ians  un 
»  petit  mouvement  qui  le  fait  un  peu  plier, 
»  il  ne  fe*-ioit  pas  pclTible  de  diftinguer  la 
j>  tête  du  refte  du  corps.  Quelques  Auteurs 
»  prétendent  (ajoute- 1- il)  que  cet  animal 
»  fe  fert  de  les  deux  mains  ou  nageoires 
»  pour  fe  traîner  fur  terre  j  je  me  fuis  loi- 
»  gneufement  informé  de  ce  fait;  perfonne 
w  n'a  vu  cet  animal  à  terre,  &  il  ne  lui  eft 
»  pas  poifible  de  marcher  ni  d'y  ramper;  fes 
•il  pieds  de  devant  ou  fes  mains  ne  lui  fervant 
«  que  pour  tenir  fes  petits  pendant  qu'il  leur 
M  donne  à  téter;  la  femelle  a  deux  mamelles 
»  rondes  ,  je  les  mefurai ,  dit  l'Auteur,  elles 
«  avoient  chacune  fept  pouces  de  diamètre 
»  fur  environ  ({uatre  d'élévation;  le  mame- 
»  Ion  étoit  gros  comme  le  pouce  &  fortoit 
w  d'un  bon  doigt  au  dehors;  le  corps  avoit 
»  huit  pieds  deux  pouces  de  circonférence; 
»  la  queue  étoit  comme  une  large  palette  de 
>♦  dix-neuf  pouces  de  long,  &  de  quinze  pou» 
>»  ces  dans  fa  plus  grande  largeur  ,  &  1  e- 
»  paiffeur  à  l'extrémité  étoit  d'environ  trois 
»  pouces  ;  la  peau  étoit  épaiffe  fur  le  dos 
n  prefque  comme  un  double  cuir  de  bœuf, 
»>  mais  elle  étoit  beaucoup  plus  mince  fous  le 
»  ventre  ;  elle  eft  d'une  couleur  d'ardoife 
».  brune,  d'un  gros  grain  &  rude,  avec  des 


des  fhoqms  y  &ff»  27^ 

»  poils  de  même  couleur,  cîair-femés,  gros> 
«  &  allez  longs.  Ge  lamantin  pefoit  enviroi^ 
»  huit  cents  livres;  on  avoir  pris  le  petit 
»  avec  la  mèrej.il  avoirà-peu-près  trois  pi^us 
î»  de  long;  on  fit  rôtir  à  la  broche  le  côté 
^  de  la  queue  ,  on  trouva  cette  chair  auifi 
V  bonne  &  auffi  délicate  que  du  veau.. 
»  L'herbe  dont  ces  animaux  Te  nourriiTent  ,. 
)>  eft  longue  de  huit  à  dix  pouces  ,  étroite, 
)?  pointue  ,  tendre  &  d'un  affez  beau  vert  y 
»  on  voit  des  endroits  fur  les  bords  &  fur 
M  les  bas-fonds  de  la  mer,  où  cette  herbe  eft 
r,  fi  abondante  ,  que  le  tond  parou  être  une 
5>  prairie;  les  tortues  en  mangent  aulfi  (/?),- 
»  &c.r)  Le  Père  Magnin  de  Fribourg,  dit  que- 
le lamantin  man^e  Therbe  qu'il  peut  atteindre,. 

fans  cependant  fortir  de  l'eau Qu*it 

a  les  yeux  petits  &  de  la  groffeur  d*une  noU 
fette  ;  les  oreilles  fi  fermées,  qu'à  peine  il 
y  peut  entrer  une  aiguille  ;  qu'au  dedans. 
des  oreilles  fe  trouvent  deux  petits  os  per- 
cés ;  que  les  Indiens  ont  coutume  de  por- 
ter ces  petits  os  pendus  au  cou  comme  un 
bijcu.  .  .  &  que  fon  cri  reffemble  à  un  petit 
n-jugifTement  (  ^  ). 

Le  P.  Gumiila  rapports  qu'il  y  a  une  in- 
finité de  lamantins  dans  les  grands   lacs  de 


(/?)  Nouveau  Voysge  aux  blés  de  rAmérique,  ton»c: 
U  ,  pa^c  206  &  fuir,. 

(^)  Extrait  d'un  manufcrit  du  P.  Magnin  de  Fri- 
bourg, MlflTionnaire  de  Boi)»,  Correfpondant  de  TAca- 
démie  àçs  Sciences,  tradu<fiion  de  l'efpagnol,  commu- 
niquée par  M.  de.  la.  Condamiae* 


iy6  tîîjîoire  nàtunlU 

î'O^rénoque  :  «  Ces  animaux,  dît-il  ,  péfenf 
»  chacun  depuis  cinq  cents  jufqu'à  fept  cents 
»  cinquante  livres;  ils  fe  nourriflent  d'her- 
»  bes;  ils  ont  les  yeux  forts  petits,  &  leà 
>»  trous  des  oreilles  encore  plus  petits  ;  ils 
»  viennent  paître  fur  le  rivage  lorfque  la  ri- 
ty  vière  eft  baffe.  La  femelle  met  toujours 
»  bas  deux  petits ,  elle  les  porte  à  fes  mamelles 
»)  avec  fes  bras ,  &  les  ferre  fi  fort  qu'ils  ne 
»  s'en  féparent  jamais ,  quelque  mouvement 
*>  qu'elle  faffe  ;  les  petits  ,  lorfqu'ils  viennent 
»  de  nahre ,  ne  laiffent  pas  de  pefer  cha- 
»  cun  trente  livres;  le  lait  qu'ils  tètent  eft 
>>  très  épais.  Au-deffbus  de  la  peau  ,  qui  eft 
»  bien  plus  épaiffs  que  celle  d'un  bœuf,  on 
yt  trouve  quatre  enveloppes  ou  couches  , 
»  dont  deux  font  de  graiite  ,  &  les  deux  au- 
»  très  d'une  chair  fort  délicate  &  favoureufe  , 
«  qui,  étant  rôtie  ,  a  l'odeur  du  cochon  Si 
9>  le  goût  du  veau.  Ces  animaux  ,  lorfqu'il 
3)  doit  pleuvoir ,  bondiffent  hors  de  l'eau  à 
»  une  hauteur  affez  confidérable  (r)  ;  »  H 
paroît  que  le  Père  Gumilla  fe  trompe  comme 
le  P.  Qu  Tertre  ,  en  difant  que  la  femelle 
produit  deux  perits;  il  eft  prefque  certain, 
comme  nous  l'avons  dit,  qu'elle  n'en  pro- 
duit qu'un. 

Enfin  M.  de  la  Condamine  ,  qui  a  bien 
voulu  nous  donner  un  deffin  qu'il  a  fait 
lui-même  du  lamantin  ,  fur  la  rivière  des 
Amazones,  parie  plus  précifément  &  mi>eax 
que  teus  les  autres ,  des  habitudes  naturelles 


(»)  Hiftoire  de  l*Orénoqae,  par  Gumilla, 


des  Phoques  ,  &c,  177 

<1e  cet  arrimai,  a  Sa  chair,  dit-il ,  &  h  graiffe 
»  ofit  affez  de  rapport  à  celle  du  veau  ; 
»  le  Père  d'Acuna  rend  fa  reflemblance  avec 
»>  le  bœuf  encore  plus  complète ,  en  \\x\  don- 
w  nant  des  cornes  dont  la  Nature  ne  Ta  point 
»  pourvu  ;  il  n'eft  pas  amphibie  ,  à  propre- 
a  ment  parler ,  puifqu'il  ne  fort  jamais  de 
»  l'eau  entièrement,  &  n'en  peut  fortir, 
»  n'ayant  que  deux  nageoires  vi^^j.  près  de 
»  la  tête ,  plates  &  en  forme  d'ailerons ,  de 
"  quinze  à  feize  pouces  de  long  ,  qui  lui 
»  tiennent  lieu  de  bris  &  de  mains  ;  il  ne 
w  fait  qu'avancer  fa  tête  hors  de  l'eau  pour 
>»  atteindre  l'herbe  fur  le  rivage.  Celui  que 
f>  je  d  ffinai  (  ajoute -M  de  la  Condamine  ) 
î)  étoit  femelle  ,  fa  longueur  étoit  de  fept  pieds 
w  &  demi  de  roi,&  fa  plus  grande  largeur  de 
"  deux  pieds.  J'en  ai  vu  depuis  de  plus 
y>  grands;  les  yeux  de  cet  animal  n  ont  au- 
»  cune  proportion  à  la  grandeur  de  fon  corps  ; 
»>  ils  font  ronds  &  n'ont  que  trois  lignes  de 
w  diamètre  ;  l'ouverture  de  fes  oreilles  eft 
j»  encore  plus  petite  &  ne  paroît  qu'un  trou 
ï>  d'épingle.  Le  manati  n'eft  pas  particulier 
w  à  la  rivière  des  Amazones^  il  n'eft  pas  moins 
«  commun  dans  TOrénoquei  il  fe  trouve 
5)  aufii ,  quoique  moins  fréquemment,  dans 
n  rOyapoc  &  dans  plufieurs  autres  rivières 
»î  des  environs  de  Cayenne  &  des  côtes  de 
j>  la  Guiane,  &  vrailémblablement  ailleurs, 
»)  C'eft  le  même  qu'on  nommoit  autrefois 
j>  Manati,  &  qu'on  nomme  aujourd'hui  La^ 
M  mantin  à  Cayenne  &  dans  les  isles  françoifes 
w  d'Amérique;  mais  je  crois  l'eTpèce  un  peu 
f*  di^éreme.  Il  ne  ie  reiiçontre  pas  çn  h^ute 


a  7 'S  ffifioirt  natuttlh 

«  mer,  il  eft  méine  rare  près  des  etnbouchu^ 
i>  res  des  rivières;  mais  on  le  trouve  à  plus 
j>  de  mille  Jieues  de  la  mer  dans  la  plupart 
î>  des  grandes  rivières  qui  defcendent  dans 
9>  celle  des  Amazones ,  comme  dans  le  Gual- 
îî  laga,  le  Paftaça,  &c.  Il  n'eft  arrêté ,  en  re- 
î>  montant  TAmazone,  que  par  le  Pongo  (  ca- 
«  tarage  )  de  Borja ,  au-déffus  duquel  on  n'en 
9>  trouve  plus  (^/)  ». 

Voilà  le  précis,  à-peu-près,  de  tout  ce  que 
l'on  fait  du  lamantin  ;  il  feroit  à  defirer  que 
nos  habitans  de  Cayenne,  parmi  leiquels  il 
y  a  maintenant  des  perfonnes  inftruites  & 
qui  aiment  l'Hiftoire  Naturelle ,  obfervaiTent 
cet  animal  &:  iilïent  la  defcription  de  fes  par- 
ties intérieures,  fur-tout  de  celles  de  la  ref- 
piration ,  de  la  digeftion  &  de  la  génération^ 
Il  paroît ,  mais  nous  n'en  fommes  pas  iiirs , 
qu'il  a  un  grand  os  dans  la  verge ,  le  trou 
ovale  du  cœur  ouvert,  les  poumons  fmgu- 
lièrement  conformés  ,  Teftomac  divifé  en 
plufieurs  portions  ,  qui  peut-être  forment 
plufieurs  eftomacs  difFérens^  comme  dans  les 
animaux  ruminans. 

Au  refte,  l'efpèce  du  lamantin  n'eft  pas 
■confinée  aux  mers  &  aux  fleuves  du  nouveau 
inonde  ,  il  paroît  qu'elle  exifte  auiTi  fur  les 
cotes  &  dans  les  rivières  de  l'Afrique.  M. 
Adanfon  a  vu  des  lamantins  au  Sénégal;  il 
€n  a  rapporté  une  tète  qu'il  nous  a  donnée , 


(/)  Voyage  fur  la  rivière  des  Amazones,  par  M.  de 
la  Condamine,  in-î° .  pa;;e  154  &  fuiv.  Mémoire  de 
r Académie  des  Sciences  ,  474^  ,  p^ges  46^  &  ^Cj, 


c^cs  Phoques  y   &c.  ly^ 

'Qi  en  mé.ne  temps  il  a  bien  voulu  me  com- 
muniquer la  defcription  de  cet  animal,  qu'il 
a  faite  fur  les  lieux,  &.  je  crois  devoir  la 
rapporter  en  entier,  u  J'ai  vu  beaucoup  de 
3>  ces  animaux  (dit  M.  Adanfon);  les  plus 

V  grands  n*avoient  que  huit  pieds  de  lon- 
»  gueur,  &  peioient  environ  huit  cents  li- 
î)  vres;  une  femelle  de  cinq  pieds  trois  pouces 
«  de  long  ne  pefoit   que  cent  quatre-vingt- 

V  quator:ee  livres  ;  leur  couleur  eft  cen- 
j>  drée- noire  ;  les  poils  font  très  rares  fur  tout 
»  le  corps ,  ils  font  en  forme  de  foies  lon- 
?»  gués  de  lîeuf  lignes;  la  tête  eft  conique  & 
î>  d'une  gfofleur  médiocre ,  relativement  au 
5)  volume  du  corps  ;  les  yeux  font  ronds  &  très 
«  petits.-l'iris  eft  d'un  bleu  foncé,  &  la  prunelle 
»  noire;  le  mufeau  eft  prefque  cylindrique, 
»  les  deux  mâclioires  font  à-peu  près  égale- 
»  ment  larges,  les  lèvres  font  charnues  & 
M  fort  épaiiTes;  il  n'y  a  que  des  dents  mo- 
î>  laires,  tant  à  la  mâchoire  d'en  haut  qu'à 
»  celle  d'en  bas  :  la  langue  eft  de  forme 
»  ovale  &  attachée  prefque ,  jufqu'à  fon  ex- 

V  trémiré,  à  la  mâchoii^e  inférieure  ;  il  eft 
s>  fmgulier  (  continue  M.  Adanfon  )  que 
i)  preique  tous  les  Auteurs  ou  Voyageurs 
j>  ayent  donné  des  oreilles  à  cet  animal: je 
îï  n'ai  pu  en  trouver  dans  aucun,  pas  même 
»  un  trou  alTez  ftn  pour  pouvoir  y  introduire 
»  un  ftilet  {t)  ;  il   a  deux  bras  ou  nageoi- 


(t)  Nota  II  paroît  néanmoinit  certain  q  le  cet  animai 
3  des  trou?  auditifs  &  externes.  M.  de  \.\  Coidamine 
vient  de  m'aiTurer  qu'il  les  a  vus  &  mefarés ,  Se  qae 


tSo  Hijîoire  naturelle 

M  res  placés  à  l'origine  de  la  tête  ,  qui  n'eft 
»  diftinguée  du  tronc  par  aucune  efpèce  de 
M  cou,  ni  par  des  épaules  fenfibies;  ces  bras 
n  font  à-peu-près  cylindriques,  compofés  de 
»  trois  articulations  principales,  dont  Tante- 
«  rieure  forme  une  efpèce  d-e  main  aplatie, 
w  dans  laquelle  les  doigts  ne  fe  diftinguent 
j>  que  par  quatre  ongles  d'un  rouge  brun  & 
«  luifant  :  la  queue  eft  horizontale  comme 
w  celle  des  baleines  ,  &  elle  a  la  forme  d'une 
jj  pelle  à  four.  Les  femelles  ont  deux  ma- 
r>  mellesplus  elliptiques  que  rondes,  placées 
î?  près  de  l'ailTelle  des  bras  ;  la  peau  eft  un 
ty  ciiir  épais  de  fix  lignes  fous  le  ventre ,  de 
»  neuf  lignes  fur  le  dos ,  &  d'un  pouce  & 
î7  demi  fur  la  tête.  La  graiife  eft  blanche  & 
j)  épaiffe  de  deux  ou  trois  pouces  :  la  chair 
i>  eft  d'un  rouge-pâle ,  plus  pâle  &  plus  dé- 
i>  licate  que  celle  du  veau.  Les  Nègres  Oua- 
»)  lofes  ou  Jalofes  appellent  cet  animal  Ze- 
»  reju,  11  vit  d'herbes  &  fe  trouve  à  l'embou- 
»  chure  du  fleuve  Niger  ". 

On  voit  par  cette  defcription  ,  que  le  la- 
mantin du  Sénégal  ne  diffère ,  pour  ainfi  dire , 
en  rien  de  celui  de  Cayenne  ;  &  par  une 
comparaifon  faite  de  la  tête  de  ce  lamantin 
du  Sénégal  avec  celle  d'un  foetus  («)  de  la- 


ces trous  n'ont  pas  plus  ri'une  <Jemi-ligne  de  diamètre  ; 
&  comme  le  lamantin  a  la  faculté  de  les  contrarier  & 
de  les  ferrer,  il  eft  très  pcflib'e  qu'ils  ayent  échappé  à 
la  vue  de  M.  Adanfon,  d'autant  que  ces  trous  font 
très  petits  lors  iréme  que  l'animal  les  tient  ouverts. 

{u  )  Nota.  M.  ie  chevalier  Turgot,  aftcellemenr  gou- 
verneur de  la  Guiane,  Si.  qui  auparavant  avoit  î^\t  don 

.    mantin 


iîés  Phoques  ,  &c*  iS  t 

fnantîn  de  Cayenne ,  M.  Qaubentoii  préfume 
aiiffi  qu'ils  font  de  même  cTpèce.  Le  témoi- 
gnage des  Voyageurs  (  x)  s'accorde  avec 
notre  opinion;  celui  de  Dampier  fur- tout  eii 


au  Cabinet  du  Roi  ,  âe  ce  fœtus  de  lamantin,   eft  mifn* 
tenant  bien  à  portée  de  cultiver  fon  goût  pour  l'Hifioir^ 
naturelle,   &   de  nous   enrichir   non-Teiilement   de    fes 
dons,  mais  de  fes  lumiè  e  . 

(x)  Oexmelin   rapporte   qu'il  y  a  des  lamantins   A:r 
les   côtes  de  l'Afrique,  &  qu'ils  font  plus  communs  f  if 
la  côte  du  Sénéiial  que  dans  la  rivière  de  Gambie.  H  f^ 
taire  des  Avanturiers ,  tome  II,  page  itf.  — -  Le  Guat  af- 
fure   en    avoir    vu   beaucoup    dans    les    mers    de    l'j-'e 
Rodrigue.  La  tête  du  hmantin  de  cette   isle   refTemhla 
beaucoup  (dit  ce  Voyageur  )  à  celte  du  cochon  ,  excepté 
qu'elle  n'a  pas  le  groin  û  pointu.   Les  plus  grands  la- 
lïiantins  ont  environ  vingt  pieds  de  long.  ....    Cet' 

animal  a  le  fang  chiud,  la  peau  noirâtre,  fort  rude  & 
fort  dure,  av?c  quelques    poils   fi  clair-femés  qu'on  ;i& 
les  apperçoit  qu'a  oeine  ;  les  yeux  petits,  &  deux  trous 
«ju'il    ferre  &  qu'il  ouvre,  que   Ton    peut   avec  raifoi* 
appeller  fes   orc'UUs  ;  comme  il  retire   alTez  foavent    Irf 
langue  ,  qui  n'eft  pas  fort  grande  ,  plufieurs  ont  dit  qu'il 
n'en  avoit  point;  il  a  des  deiits  màcheliètes.  ....... 

mais  il  n'a  point  de   dei.f  ;   de   devant   &  fes  gencives 
.font  affez  dures  pour  arracher  &  brouter  l'herbe.  .  .   , 
Je  n'ai  jamais  vu  qu'un  petit  avec  la  femelle,   &  j'ai  dif 
penchant  à  croire  qu'e'le  n'en  produit  qu'un  â  la  foîs,..r 
Nous  trouvions  quelquefois  trois  ou  quatre  cents  de  ce* 
animaux  enfemble  qui  paiiToient  l'herbe  au  fond  ce  l'eau  ^ 
ils  étoient  fi  peu  effarouchés,  que  foavent  nous  les  ti- 
ti«ns  pour  choifir  le  plus  gras;  nous  leur    pafTions  une' 
corde  à  la  queue  pour  les  tirer  hors  de  l'eau  ;  nous  né" 
prenions  pas  les  olu^  gros,  parce   qu'ils   nous  auroi«nlv 
donné  trop  de  peine,   &  que  d'ailieurs   lexir  chair  n'evV 
pas  fi  délicate  que  celle  des  petits.  .  .  .  Nous  n'avons- 

pas  remarqué  que  cet  animal  vienne  îatr.ais  à  terre,  ]ê 
doute  qu'il  pût  s'y  traîner,  &  je  ne  crois  pas  qu'il  <'oit- 
ampbibi«.  Voyage  (U  U  Guat ,  t&mè  I,  page  p?  &  fuiy^ 


^S  1  Hijloirc  naiurdlt 

pofitif ,  &  les  obfervations  qu'il  a  faites  fim 
cet    animal  méritent   de    trouver  place    ici^ 

n  Ce  n'eft  pas  feulement  dans  la  rivière  de 

5>  Blewfîeld ,  qui  prend  fon  origine  entre  les 

»  rivières  de  Nicarague  &  de  Verague,  que 

îï  j'ai  vu  des  manates   (  lamantins  j;  j'en   ai 

»>  auffi  vu  dans  la   baie  de    Campèche  ,   fur 

«  les  côtes  de  Bocca  del  drago  ,  &  de  Bocca 

>ï  del  loro ,  dans  la  rivière  de  Darien  &  dans 

j>  les  petites  isles  méridionales  de  Cuba;  j'ai 

w  entendu  dire  qu'il  s'en  eft  trouvé  quelques- 

î)  uns  au  nord  de  la  Jamaïque  ,  &  en  grande 

5>  quantité  dans  la  rivière  de  Surinam ,   qui 

3>  efl  un  pays  fort  bas  :  j'en  ai  vu  aufli   à 

»  Mindanao ,  qui  eft  une  des  isles  Philippi- 

»  nés  ,   &  fur  la  côte  de  la  nouvelle  Hol- 

j>  lande Cet  animal  aime   l'eau  qui 

»  a  un  goût  de  fel  ,  auffi  fe  tient- il   com- 

»  munément  dans  les  rivières  voifines  de  Ja 

it  mer  ;c'eft  peut-être  pour  cette  raifon  qu'on 

3)  n'en  voit  point  dans  les  mers  du  fud  ,  où 

5)  la  côte  eft  généralement  haute ,  l'eau  pro- 

»  fonde  tout   proche  de  terre  ,   les  vagues 

w  groffes  j  fi  ce  n'eft  dans  la  baie  de  Panama  , 

w  où  cependant  il  n'y  en  a  point;  mais  les 

S)  Indes  occidentales  étant,  pour  ainfi  dire, 

s>  une  grande  baie  compofée  de  plufieurs  pe- 

3)  tiHes ,  font  ordinairement  une  terre   baffe 

3>  où  les  eaux  qui  font  peu  profondes ,  four- 

3>  niflent  une  nourriture  convenable  au  la» 

»  mantin  ;  on  le  trouve    quelquefois  dans 

3>  l'eau   falée ,  quelquefois    auffi  dans   l'eau 

n  douce ,  mais  jamais   fort  avant  en   mer  ; 

n  ceux  qui  font  à  la  mer  &  dans  des  Keux 

sî  0^  il  n'y  a  ni    rivières  xm  bras  de.  m^r 


n 


dôs  Phoques  y  &c,  lEy 

n  o\i  i!s  puiffent  entrer,  viennent  néanmoins 
3>  en  vingt-quatre  heures,  une  fois  ou  deux» 
»  à  l'embouchure  de  la  rivière  d'eau  douce 
«  Ja  plus  voifine.  .....  Ils   ne    viennent 

3)  jamais  à  terre  ni  dans  une  eau  fi  bafTe  qu'ils 
»  ne  puiiTent  y  nager  ;  leur  chair  eft  faine 
w  &  de  très  bon  goût  ;  leur  peau  eft  aufli 
»  d'une  grande  utilité.  Les  lamantins  &  les 
3>  tortues  fe  trouvent  ordinairement  dans  les 
M  mêmes  endroits ,  &  fe  nourriffent  des  mé- 
«  mes  herbes,  qui  eroiflent  fur  les  hauts -fonds 
»  de  la  mer,  à  quelques  pieds  de  profondeur 
»  fous  L'eau  ,  &  fur  les  rivages  bas  que  cour 
3>  vre  la  (y)  marée  «. 


(^  Voyage  de  Dampier  ,  tome  î  ,  page  ^C  &  fuly-, 

FIN  du  fixumi  F&lumei 


A  a  X 


TABLE 

De  ce  qui  eft  contenu  tians  ce  voiiime, 

L 


Jue 


tE  PoRc-Êpic..  Page   5^ 

Coendou,  i  y 

L'Urfon.  1^ 

X^  Tanrec  &  le  Tendrac,  22 

Xj  Girafe.  2Ç 

Ze  Z^/«.2  6'  /e  Paco*  40 

Wnau  &  l'Ai  ^S 

Le  Surïkate^  y4 

Zf    Tarjier.  •yj 

Le  Phalan^zr.  8a 

Le   CcqùizlLïn^  g 2 

Z^   HaTJijIir.  84 

Ze  Bobak  6*  /d^  <ï«;rf^  Marmottes^  ^4 

Z^i   Gerbo'ifes.  08 

Z<î  Aiiingeujèe»  107 

Z<î  Fojfiine^  nj 

Le   Vanjîre.  1 20 

Z^^  Aîakis»  122 

Ze  Loris.  1^1 

Zj  Chauve- fùur'is ,  Fer-de-Jafice,  134 

Ze  ServaL  loy 

L' Ocelot.  140 

Ze  Margay.  146 

Zf  Chacal  &  PAdlve^  150 

L'Ifatis.  164 

Ztf  Ghutoru  170 


s  TABLE. 

Les  Mouf.tles.             '  \%d 

Le  Pékan  6»  k  Vifon^  193 

La  Zibeline^  196 

Le  Leming.  202 

La  Saricovïenne.  207 

La  Loutre  de  Canada,  210 

Les  Phoques  ,  les  Morfes  &  les  Lamantins,     214, 


Fin  de  la  table  du  Tome  V>L 


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