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44
HISTOIRE
NATURELLE
DES POISSONS.
STRASBOURG, IMPRIM. DE V.° BERGER-LEVRAULT.
Division of Fishes,
A H I & T O | BR E U, S, National noue
NATURELLE
DES POISSONS,
PAR
M. LE B.° CUVIER,
Pair de France, Grand-Officier de la Légion d'honneur, Conseiller d'État et
au Conseil royal de l’Instruction publique, l’un des quarante de l’Académie
française, Associé libre de l'Académie des Belles-Lettres, Secrétaire per-
pétuel de celle des Sciences, Membre des Sociétés et Académies royales de
Londres, de Berlin, de Pétersbourg, de Stockholm, de Turin, de Geættingue,
des Pays-Bas, de Munich, de Modène, etc.;
ET PAR
M. À. VALENCIENNES,
Membre de l’Académie royale des sciences de l’Institut, Professeur de Zoologie
au Muséum d'Histoire naturelle, Membre de l’Académie royale des sciences
de Berlin, de la Société zoologique de Londres, de la Société impériale des
naturalistes de Moscou, etc.
Er
TOME VINGT ET UNIÈME.
A PARIS, ;
Chez P. BERTRAND, éprreur,
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE,
rue Saint-André-des-arcs, n.° 65.
STRASBOURG, chez V.* Levrauzr, rue des Juifs, n.° 33,
1848.
Yi
mi
X g 4 :
AVERTISSEMENT.
Le volume qui va paraître comprend Fhis-
toire des Anchois et des genres voisins de ce
poisson, et je termine ainsi lexposé des carac-
tères des différentes espèces de la famille des
Clupéoides.
J’essaie ensuite de montrer que le genre des
Notoptères forme un groupe distinct de ceux
auprès desquels il avait été placé.
Enfin, je commence l’histoire naturelle de
la famille des Saumons. Je Pai divisée en trois
tribus, comme plusieurs ichthyologistes Pont
déja tenté. Le lecteur verra que je me fonde
sur des caractères différents de ceux employés
avant moi. J’expose dans ce volume Phistoire
des espèces et des genres de la premiere tribu.
Je crois avoir trouvé, pour distinguer les truites
et les saumons, des caractères qui avaient
échappé à mes prédécesseurs, et qui sont de
V] AVERTISSEMENT.
même valeur que ceux qui ont été"le résultat
de mes recherches sur les Clupéoides. Il ne me
paraît pas nécessaire de les exposer dans ce
préambule, parce que Je ne pourrais pas donner
assez d’étendue à cette analyse sans entrer dans,
d’inutiles répétitions. ,
Au Jardin des plantes, février 1848.
TABLE
DU VINCT ET UNIÈME VOLUME.
SUITE DU LIVRE VINGT ET UNIÈME,
ET DES CLUPÉOIÏDES.
CHAPITRE XII.
4
Dugenre Ancnois (Ergraulis) : . . +
L’Anchois vulgaire (Ængr. encrasicholus; Clupea
Pages. Planch.
crcrasicholuss Liane). 4.1.6. ie 7 607
L'Anchois bäillant (Engr. ringens, Jen.). . . . 27
L'Anchoiïs japonais (ÆEngr. japonicus, Temm. et
DO Re ele et et bte eue Ne CR
L'Anchois aux fortes dents (Engr. dentex ,nob.) 28
L'Anchois athérinoïde (Engr. atherinoides, n.). 31
L’Anchois de Forskal (Engr. Bœlama, nob.) . 35
L’Anchois spinigère (Engr. spinifer, nob.). . . 39
Le Piquitinga de Marcgrave (Ængr. Brownü,n.) 41
L'Anchois argyrophane (Ængr. argyrophanus,
LATINA ES 1) ARE MPR E EERRERR RE 49
L'Anchois de Mitchill (Ængr. Müchilli, nob.) + 5o
L'Anchois édenté (Engr. edentulus, Cuv.) . + 51
L'Anchois au filet court (Ængr. brevifilis, nob.) 54
L'Anchois telara (ÆEngr. telara, nob.). . . . . 56 608
L'Anchois phasa (Engr. phasa, nob.). . . .. 59
L'Anchoïs taty (Engr. taty, nob.) . . . . . . . 60
L'Anchois à filets déliés (Engr. tenuifilis, nob.). * 62
vii] TABLE.
Pages. Tlanch.
Le Myste à épaulettes (Ængr. malabaricus, nob.) 63 609
Le Myste purava (Ængr. purava, nob.). . , . 65
L’Anchois de Hamilton (Ængr. Hanulioni, nob.) 66
L’Anchois porte-moustaches (Engr. mystax, n.) 67
L'Anchois de Dussumier (Ængr. Dussumieri, n.) 69
L'Anchois sétirostre (Ængr. setirostris, nob.) . 69
L'Anchois myste (ÆEngr. mystus, nob.). . . . . 73
CHAPITRE XIII.
DÉSICOI MANS 0. LR lee CT ST 77
Le Coïlia de Hamilton (Coika Hamiltoni, nob.) 79
Le Coïlia de Reynaud (Coilia Reynaldi, nob.) 81
Le Coïlia de Dussumier (Coilia Dussumieri, nob.) 81 610
Le Coïlia aux quarante rayons (Coilia quadragesi-
MIA DONS) fe 1e MTS ee CORRE EIRE 83
Le Coïlia de Gray (Coilia Grayi, Richards.) . 84
Le Coiïlia de Playfair (Coilia Playfairü, Rich.) 86
CHAPITRE XIV.
Du’genre OnonTOGNATRE, 0000 ER OU 87
L'Odontognathe aiguillonné, Lac. (Gnathobolus
mucrOntius, Schneid.) ARR Re 91 611
CHAPITRE XV.
Du genre CHarozsse (Chatoessus) . . . . . . . 94
Le Chatoesse Cépédien (Chatoessus Cepedianus,
FA SE RP NET RARES AU PA ERA €: 99 612
Le Chatoesse nason (Chatoessus nasus, nob.) . 104
Le Chatoesse d'Osbeck (Chatoessus Osbecki, n.) 106
Le Chatoesse ponctué (Ckatoessus punctatus,
Lemm.'et Schl}., Ie 107
TABLE.
Le Chatoesse tacheté (Chaioessus maculatus,
Graphe ee OP TT Te. 108
Le Chatoesse aqueux (Chat. aquosus, Richards.) 109
Le Chatoesse chrysoptère (Chatoessus chrysop-
terus, Richärds.) . . . . . . . . . . . . .. 110
Le Chatoesse chacunda (Chatoessus chacunda,
MODE Fee CAN, Meet ee tele 111
Le Chatoesse manmina (Chatoessus manmina, n.) 114
Le Chatoesse Cortius (Chatoessus Cortius, nob.) 118
Le Chatoesse Chanpole (Chatoessus Chanpole,
AR Te een aime ee eee sie see 116
Le Chatoesse Tampo (Chatoessus Tampo, nob.) 117
CHAPITRE XVI.
Du genre Nororrëre (Wotopterus) . . . . . . 119
Le Notoptère de Pallas (Votopierus Pallasü, n.) 130
Le Notoptère de Bontius (Wotopt. Bontianus, n.) 147
Le Notoptère de Buchanan (Wot. Buchanani, n.) 148
LIVRE VINGT-DEUXIÈME.
De la famille des SALMONOÏDES. . . . . . .. 153
CHAPITRE PREMIER.
Du genre Saumon (Salmo, nob.) . . . . . . . . 166
Le Saumon commun (Salmo-Salmo, nob.) . . 169
Le Bécard (Salmo hamatus, Cuv.) . . . . .. 2
Le Salmone Huch (Salmo Hucho, nob.) . . . 226
Le Saumon Ocla (Sa/mo ocla, nob.). . . . . 298
L'Ombre chevalier (Salmo umblu, Linn.). . . . 233
Le Saumon kundsha (Sa/mo leucomenis, Pall.) 243
1x
Pages. Planch
613
G14
615
X TABLE.
Pages. Planch,
Le Saumon des Couriles (Salmo curilus, Pall.) 244
Le Saumon lisse (Salmo lævigatus, Pallas) . . 245
Le Saumon salvelin (Salmo salvelinus, Linn.). 246
Le Saumon roïe (Salmo alpinus, Linn.). . . . 249
Le Saumon kulmuud (Salmo carbonarius, Asc.) 254
Le Saumon d’'Ascanius (Salmo Æscanü, nob.) . 256
Le Saumon automnal (Salmo autumnalis, Pall.) 258
Le Saumon ventru (Salmo ventricosus, nob.) . 259
Le Saumon Golez(Salmo callaris, Pall., fig. 352,
Out 000 ME OR CRE ENENPRUE OUEN te 260
Le Saumon blême (Salmo pallidus, Nis.). . . 261
Le Saumon de Nilsson (Salmo rutilus, Nils.). . 262
Le Saumon Desfontaines (Salmo rivalis, Fab.) 263
Le Saumon de la Mana (Salmo gracilis, nob.) 265
Le Saumon de Mitchill (Salmo fontinalis, Mitch.) 266
Le Saumon de Hearn (Salmo Hearnü, Rich.) . 269
Le Saumon à longues nageoires (Salmo alipes,
Richardson}. RON MORE RE PeNUeR 270
Le Saumon angmalook (Salmo nitidus, Rich.) . 271
Le Saumon de Hood (Salmo Hoodiü, Rich.) . 272
Le Saumon corégonoïde (S. coregonoïdes, Pall.) 272
CHAPITRE IL
Des Fonerrrs (Mario, nob.).!. 4.512402 «1 277
La Forelle argentée (Fario argenteus, nob.). . 294 616
La Forelle du lac Léman (Fario Lemanus, nob. ;
Salmo Lemanus, Cumier).\ (Re eee 300 617
La Forelle à ventre rouge (Fur. erytkrogaster,
nob.; Salmo erythrogaster, Dekay). . . . . 308.
La Forelle de Ross (Fario Rossü, nob.; Salmo
Rossi, Richardson; S. penshinensis, Pallas) 310
TABLE. x}
Pages. Planch:
CHAPITRE IIL
Des ones (92/77 /n0D,)- AR eus, 314
La Truite vulgaire (Salur Ausonü, nob.). . . 319 618
La Truite féroce (Salar ferox, Jard.). . . . . 338
La Truite élégante (Salar spectabilis, nob.). . 340
La Truite de Gaimard (Salar Gaimardi, nob.) 341
La Truite de Baïllon (Salar Bailloni, nob.). . 342 619
La Truite de Schiefermuller (Salar Schiefermul-
ADOBE) ete RASE ER ee 344
La Truite de Scouler (Sal. Scouleri, nob.; Salmo
Scoulera. Richardson)}4. au h ea oc 345
La Truite Namagcush (Salar Namagcusk, nob. ;
Salmo Namagcush, Pennant). . . . . . .. 348
De quelques espèces douteuses.
Le Salmone bâtard (Salmo spurius, Pallas) . . 351
Le Salmonoïde bars (Salmo labrax, Pallas) . . 351
Le Salmone truité (Sa/mo trutta, Pallas). . . . 352
Le Salmone farion (Salmo fario, Pallas). . . . 353
Le Salmone fluviatile (Salmo fluviatilis, Pallas) 354
Le Salmone oriental (Salmo orientalis, Pallas) . 356
Le Salmone Lycaodonte (Salno Lycaodon, Pal.) 357
Le Salmone tête de lièvre (Salmo Lagocephalus,
Balas) ee dre ns AN AL EURE 358
Le Salmone pourpré (Szlmo purpuratus, Pall.) 358
Le Salmone Protée (Salmo Proteus, Pallas) . 360
Le Salmone sanguinolent (Salmo sanguinolentus,
ic ERP tS ANS 10e SA PRIE SE EN ASE 362
Le Salmone Japon (Salmo Japonensis, Pallas) . 363
Le Salmone Tapdisma (Salmo Tapdisma,nob.). 364
x i] TABLE.
Le Salmone Arabatsch (Salmo Ærabatsch, nob.)
Le Salmone nummifère (Salmo nummifer, nob.)
Le Salmone mélamptère (Salmo melampterus,
HORAIRES RENE ATEN
Le Salmone au bec rouge (Salmo erythroryn-
CONS mOi )A re) RS AN :
CHAPITRE IV.
Du genre ÉPERLAN (Osmerus, Cuvier). . . . .
L'Éperlan de la Seine (Osmerus eperlanus, Cuv.)
L'Éperlan aux petites dents (Osmerus microdon,
noob: }ee deire aie 21e ROSE
L'Éperlan des lacs (Osmerus spirinchus, Pallas)
L'Éperlan de New-York (Osmerus viridescens,
Ecsuenn) acte jasde tenais A LATE ES
CHAPITRE V.
Du genre Lonne (Maloitus). 5. LS 2
Le Lodde capelan (Malottus villosus, Cuv.). .
CHAPITRE VI.
Des ArGENTINES (Argentina) . . . . . . . . .
L'Argentine de Cuvier (Ærgentina Cuvieri, nob.)
L'Argentine à langue lisse (4rg. leioglossa, nob.)
L'Argentine de Yarrell (rg. arrelli, nob.). .
L'Argentine sil (4rg. silus, Risberg). . . . . .
CHAPITRE VIL
Des Owenes (7 2yrmalis) "Ne NEeEEre
L'Ombre d'Auvergne (TAym. vexillifer, Agassiz).
L'Ombre à poitrine nue (7'4ym. gymnothorax,
Pages. Planch.
365
365
366
1966
371 620
385 621
TABLE. xii
Pages. Planeck.
L'Ombre à ventre nu (T'hym. gymnogaster, n.) 446 626
L'Ombre d'Élien (Thym. Æliani, nob.) . . . . 447
L'Ombre de Pallas (T’kym. Pallasü, nob.). . . 448
L'Ombre de Back (Tym. signifer, Richardson) 450
L'Ombre d'Ontario (Thym. ontariensis, nob.) . 452
L'Ombre charius (TLym. Mertensiü, nob.). . . 453
CHAPITRE VIII.
Des Corécones (Coregonus, Cuv.) . . . . . . 454
La Corégone Lavaret (Coreg. Lavarelus, nob.) 466 627
La Féra (Coregonus fera, Jurme). . . . . .. 472
La Palée (Coregonus Palea, Cuv.) . . . . .. 477 628
La Gravenche (Coregonus hyemalis, Jurine) . 479
La Marène (Coregonus maræna, nob.) . . . . 481 629
La Marène de Pallas (Coregonus Pallasü, nob.) 83
La Corégone à museau conique (Coregonus cono-
NADCRUS ODA) UE NUS ARE ANS aa LUE 485
La Corégone à petite bouche (Coregonus micro-
DONNE LEE EN TA SN EE 488
Le Houting (Coregonus oxyrhynchus, nob.). . 488 630
Le Tschir (Coregonus nasutus, nob.). . . .. 493
Le Muksun (Coregonus muksun, nob.) . . . . 494
La Corégone de Reisinger (Coreg. Reisingeri, n.) 496
La Corégone de Nilsson (Coreg. Nilssoni, nob.) 497 631
LeSyrok (Corez A SYroks nobe). à 1... . 499
Be RU(COreS AUS MOD.) TC 501
Le Pollan (Coregonus Pollan, Thomps.) . . . 502
Le Powan (Coreg. Cepedü, Parnell) . . . . . . 503
Le Polcur (Coreg. Polcur, nob.) . . . . . .. 506
Le Gwyniad (Coreg. Pennanti, nob.). . . . . 507
La Corégone blanche (Coreg. albus, Les.) . . . 510
XIV TABLE.
La Corégone quadrilatérale (Coregonus quadri-
Pages. Planch.
daiereis MLACRE)S UT 1 RENE jus
La Coregone otsego (Coreg. otsego, Dekay) . . 513
La Vimbe (Coreg. vimba, nob.). . . . . . . . 514
La Corégone sardinelle (Coreg. sardinella, nob.) 517
Le Tughun (Coreg. Tugün, Pallas). . . . . . 519
La Vemme (Coreg. albulu, nob.) . . . . . . . 520
La Corégone clupéiforme (Coreg. clupeiformis,
Mitch.; Coreg. Artedi, Les.; Coreg. lucidus,
1 RETE 1) PNA RE EE RCA RT ANSE
La Corégone tullibée (Coreg. tullibee, Rich.).
La Corégone cyprinoïde (Coreg. cyprinoides
Pallas Pare alien elantetse st eng
L'Omul (Coreg. omul, Lepechm) . . . . . ..
La Corégone rudolphienne (Coreg. rudolphianus,
1410 CD ASANIROIER EN RARE APE ER RARE LOUE
La Corégone hareng (Coreg. harengus, Rich.)
La Corégone du Labrador (Coreg. Labradoricus,
Riche) 070 NS SR ee
Le Nelma (Coreg. leur en Pallas) . . . .,
523
526
526
528
53x
532
533
535
632
633
AVIS AU RELIEUR
POUR PLACER LES PLANCHES DU TOME XXI
Planches.
607. Engraulis enchrasicholus. vis-à-vis de la page 10
608. Engraulis telara . : . 0 0. 56
609. Engraulis malabaricus . . . . . ... . . . . . 64
be Coha:Dussumiert: 240. 440 et LE 82
611. Gnathobolus mucronatus . . . . . . . . . .. 92
612. Chatoessus Cepedianus . . . . . . . . . . .. 100
613. Wotopterus Bontianus . . . . . . . . . . .. 148
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620. Osmerus’ eperlanus. à... 2. le. 372
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623. Mallotus villosus fœmina. . . . . ... . . .. 396
M4 Argentina leaoglossa. vus "0 0e Le 2 418
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626. Thymalus gymnogaster. . . . . . . . . ... 446
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630. Coregonus oxyrhynchus HAUT AR Set die 488
631. Coregonus Nilssoni. . . . . . . OA PÉEN ANE 498
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HISTOIRE
NATURBELE
DES POISSONS.
SUITE DU LIVRE VINGE KT UNIÈME,
ET DES CLUPÉOIÏDES.
J'A1 traité dans le volume précédent des
Clupées qui ont la mâchoire supérieure plus
courte que l'inférieure. Il me reste à parler des
espèces dont le museau est saillant et plus
avancé que la mandibule. Cette saillie est due à
lethmoïde. L'étude des genres de cette subdi-
vision de la famille des Clupes est importante,
car elle montre comment la nature peut mo-
difier les caractères les plus saillants dans la
composition d’une famille naturelle. Celui que
l'on tire de la saillie du museau n'a pas cepen-
dant une aussi grande importance que je le
soupconnais en commençant l'étude des Clu-
péoïdes; car les deux genres Anchois et Coilia
sont les seuls auxquels il s'applique. Les No-
toptères sont d’une famille distincte, qui lie les
Clupées aux Mormyres et aux autres familles
détachées du grand groupe établi par M. Cuvier.
he 1
E. LIVRE XXI. CLUPÉOIDES.
CHAPITRE XII.
Du genre Ancnois (ÆEngraulrs).
Nous allons décrire dans ce chapitre l'his-
toire naturelle de poissons qui offrent plu-
sieurs traits caractéristiques de conformation
‘ou de mœurs semblables à ceux des Harensgs,
des Aloses et des Sardines. Ce sont les pois-
sons connus sur presque toutes nos côtes
d'Europe par le nom d’Anchois, ou par une
dénomination semblable à celle-ci, et qui
semble en dériver, ou en être une corruption.
Le caractère remarquable de ce genre consiste
dans la grandeur de la fente de la bouche et
dans la saillie du museau. Cest l'ethmoïde qui
s'avance au-devant des mâchoires. Les inter-
maxillaires sont petits et cachés sous le museau :
ils sont tellement réunis au maxillaire qu'ils se
meuvent avec lui et qu'on ne les aperçoit que
par la dissection. Les maxillaires sont grêles,
couchés sur les côtés de la joue. Le vomer
est étroit et a quelques petites dents à son
extrémité. Les palatins et les ptérygoïdiens
forment aussi des lamelles étroites et allon-
gées, hérissées de petites dents qui, dans
CHAP. XII. ANCHOIS. 3
quelques espèces, ne sont que de simples
âpretés. Ces dents de la voûte palatine de-
viennent si petites dans l’'Anchois d'Europe
que l’on peut discuter leur présence, mais
dans la plupart des espèces étrangères, elles
sont extrêmement visibles. La fente des ouïes
paraît en quelque sorte proportionnée à la
grandeur de celle de la bouche. Les anchois
sont les poissons qui me paraissent avoir
ces ouvertures les plus larges. La membrane
branchiostège est étroite, cachée sous les
branches de la mâchoire; elle est soutenue
par des rayons courts dont. le nombre est
variable suivant les espèces, et souvent même
d'un côté à l'autre de la gorge. Nous avons
des anchoiïis qui n’ont que neuf rayons, tan-
dis que d'autres en ont jusqu'à quatorze. Ces
poissons ont le corps en général arrondi, une
petite dorsale et une caudale fourchue. Les
pectorales sont insérées en bas et près de la
fente de l'ouïe; les ventrales sont très-petites.
Plusieurs espèces étrangères ont cependant le
COrps comprimé et le ventre tranchant; leur
tronc pourrait être comparé à une vue de
couteau. Le canal intestinal est replié plusieurs
fois sur lui-même; l'estomac est cylindrique,
assez large, et muni d’un grand nombre de
cœcums au pylore. J'ai trouvé à toutes les
4 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
espèces une vessie aérienne communiquant
avec l'extrémité cardiaque de l'œsophage par
un canal pneumatique. Celle de lanchois vul-
gaire m’a paru divisée par un faible étrangle-
ment.
Les caractères que je viens de signaler, et
surtout la conformation de la mächoire supé-
rieure, montrent les affinités des anchois avec
les autres clupées. Le plus grand nombre des
espèces de ce genre a le ventre dentelé en
scie comme nos clupéoïdes, mais il y a quel-
ques espèces qui font exception à cette dis-
position générale; l'anchois commun, ainsi que
plusieurs espèces étrangères n'ont aucune den-
telure.
Lorsque je préparais mon travail général
sur les Clupées, j'ai été fort embarrassé de
cette absence de dentelures à la carène du
ventre. J'ai cherché si les espèces à ventre
lisse ne m'offriraient pas un caractère qui les
distinguerait de celles à carène dentelée. Quels
que soient les efforts que j'aie faits à ce sujet,
je n'en ai trouvé aucun. Ce serait même rom-
pre les affinités naturelles que de les éloigner
les unes des autres en les séparant des Clupées.
Nos anchois en ont aussi les habitudes. Ils vi-
vent dans les profondeurs de l'Océan, s'appro-
chent des rivages en rideaux d’une immense
CHAP. XII. ANCHOIS. 5
étendue à l'époque du frai. Leur pêche devient
très-profitable en quelques endroits, et donne
lieu à des exportations considérables.
M. Cuvier a essayé de séparer, sous le nom
de Thrysses, les espèces à maxillaire prolongé
sur les côtés de la bouche. Il est évident qu'un
naturaliste qui examinera le Clupea mystax
ou le CL. setirostris, saisirait avec facilité ce
caractère distinctif, mais la difficulté devient
grande, je dis même impossible à surmonter,
quand il faut essayer d'appliquer cette dia-
gnose aux Engraulis Brownii, E. Mitchilli et
à quelques autres espèces voisines. En effet,
les maxillaires se prolongent plus ou moins et
successivement, de manière à ce quil soit
impossible de fixer la limite des deux genres.
D'ailleurs M. Cuvier laissait parmi ses Thrysses
le Clupea mystus de Linné, dont M. de La-
cépède avait déjà fait un genre sous la déno-
mination de Myste, l'espèce ayant été appelée
dans cette Ichthyologie le Myste clupéoïde.
Si le genre Thrysse de M. Cuvier eùt du être
conservé, il aurait fallu lui rendre la déno-
mination que lui avait imposée M. de Lacé-
pède. Mais on verra, dans la discussion que
jai faite sur l'espèce de Linné, que le Clupea
mystus est un assemblage de deux poissons
différents. Ce genre Mystus de Lacépède a
6 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
été adopté par Buchanan, qui l'a singulière-
ment composé, car les espèces indiennes d’an-
chois, à maxillaire prolongé, ont été classées
par lui dans ce qu'il a appelé les Clupea, et
il a cité comme Mystes un Mystus ramcaratt
qui est un Coiia, et deux autres qui appar-
tiennent au genre Notoptère. Les Clupea de
Buchanan sont des anchois; les vraies Clupées
ont été décrites dans son ouvrage, sous le nom
de Clupanodon.
Cest ici le cas de faire remarquer que la
nature a eu une tendance à prolonger en
fillaments plus ou moins longs certaines pièces
des anchoïs. Nous venons de citer la prolon-
gation quelquefois filiforme des maxillaires ;
dans d’autres espèces c'est le premier rayon
de la pectorale qui devient quelquefois aussi
long que le corps. Je connais plusieurs espèces
qui se ressemblent par ce caractère, et par un
autre assez singulier et consistant dans la
troncature du lobe supérieur de la caudale.
J'ai examiné avec attention si la prolongation
de ce rayon ne pouvait pas servir à caracté-
riser ce petit groupe et à le séparer des an-
choiïs. Mais la première de nos espèces, lEn-
sraulis brevifilis montre que cest par des
nuances insensibles que l'on passe de lÆn-
graulis Telara à plusieurs autres espèces qui
CHAP. XII. ANCHOIS. vd
ont le premier rayon de la pectorale un peu
prolongé. Les mêmes raisons qui me font
considérer Les Thrysses de M. Cuvier comme
une simple division des anchois, me condui-
sent à ne pas séparer les espèces dont le pre-
mier rayon de la pectorale s'allonge en un
long filament.
Nous avons discuté la synonymie ancienne
des anchois dans nos généralités sur les Clu-
péoïdes. Nous avons fixé les noms d'£ncra-
sicholus, d'Engraulis et de Lycostomus cités
dans les ouvrages des anciens. Le second de
ces noms a été adopté par M. Cuvier; nous
l'appliquerons à cette longue série d'espèces
que nous allons présenter en commençant
par l’'Anchois d'Europe.
L'ANCHOIS VULGAIRE.
(Engraulis encrasicholus ; Clupea encrasicholus ,
Linné.)
L'Anchois, dont je vais présenter l'histoire,
est aussi répandu dans la Méditerranée, le
long des côtes occidentales de l'Espagne ou
de la France, que dans l'Océan septentrional
ou dans la Baltique. Partout il se présente sur
les côtes en troupes nombreuses; il y fournit
des pêches abondantes, et cependant on peut
8 LIVRE XXI CLUPÉOIDES.
se permettre de dire que ce n'est pas à cause
de cette abondance qu'il est connu de tout
le monde. Il est recherché à cause de la sa-
veur qu'il communique à nos divers aliments,
quand le poisson a été salé. Mais le plus
grand nombre des personnes, qui aiment son
bon goût, n’ont jamais vu un anchoïs enter,
parce que l'on a l'habitude de le débiter dans
le commerce après qu'on lui a ôté la tête, et
enlevé avec elle le foie et les viscères diges-
üfs qui y adhèrent. Lorsqu'on a vu préparer
les anchois, on est étonné de la dextérité
avec laquelle les femmes coupent, avec l'ongle
du pouce, la tête de l'animal pour enlever
les viscères. IL faut que cette habitude soit
très-ancienne, car il est probable que le nom
d'Encrasicholus (qui a le fiel dans la tête)
n'a été imposé au poisson que parce quon
[ui arrachait le foie avec la tête. Les prépa-
rations de l’'anchois sont aussi très-anciennes,
puisque ce poisson entrait dans la fabrication
de cértains garums estimés chez Les Grecs. Les
différents naturalistes qui ont bien voulu aider
notre travail par les nombreux envois qu'ils
ont faits au Jardin du Roiï, nous ont procuré
des anchois entiers dont nous allons donner
la description.
CHAP. XII ANCHOIS. 9
L'anchois a le corps extrêmement allonge et ar-
rondi. La hauteur du tronc est comprise sept fois
et demie dans la longueur totale : elle n’est que les
deux üers de la tête. Celle- c1 est d’ailleurs remar-
quable par la grandeur de la fente de ses ouies; par
la saillie de son museau et par l'énorme ouverture
de la bouche. L'amplitude que peut prendre cette
ouverture devient même si considérable, lorsque
lon écarte toutes les pièces, que l'animal pourrait
facilement engloutir, dans cette énorme gueule, un
poisson plus gros que lui. L’œil est assez grand, car
son diamètre mesure le quart de cette longue tête.
Il y a un diamètre entre le bord antérieur de l’œil
et le bout du museau. La peau ne fait pas de repli
adipeux, constituant cette sorte de paupière si com-
mune dans les clupéoïdes. Le dessus du cràne, entre
les deux yeux, a la forme d’un losange très-allongé,
dont l’arête longitudinale, élevée sur sa surface, ferait
la plus grande diagonale. Au-devant de l’angle des
frontaux et un peu au-dessus de l'œil, on voit ou
lon sent avec une pointe fine le très-petit os du
nez, au-dessous duquel on peut voir les deux ou-
vertures de la narine tellement rapprochées l’une
de l’autre, que pour les disuinguer il faut bien faire
attenuon à la très-petite cloison membraneuse qui
les sépare. J'insiste sur ce point, parce qu'il existe
autour de l'œil des ouvertures de grands canaux
muqueux, dont il est possible de reconnaître la
nature en les insufflant; on voit par ce moyen ces
canaux s'étendre le long des mâchoires et sur toute
la surface des joues. Le premier sous-orbitaire est
10 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
une lame excessivement mince, irès-allongée, qui
se prolonge en arrière vers l'angle du préopercule
qu'elle ne touche pas cependant. Les autres sous-
orbitaires sont excessivement minces et cachés sous
la peau épaisse qui est derrière l'œil, et que l’on
pourrait facilement prendre pour une Pope adi-
peuse. Ces osselets sont si minces que je n'ai pu
les compter; je crois cependant qu'il n’y en a que
quatre, ce qui ferait en tout cinq pièces pour le
sous-orbitaire. J'ai dit tout à l'heure que la bouche
était très-fendue ; le maxillaire se porte, en effet,
si loin, que la fente va jusqu’à plus des trois quarts
de la longueur de la tête; l'os lui-même en fait les
deux tiers. Ce sont les deux maxillaires qui bordent
la mâchoire supérieure : ils portent sur leur bord
interne un os accessoire très-peut, grêle et telle-
ment uni à lui, que les deux os paraissent confon-
dus. On trouve cachés, sous la saillie du museau,
deux intermaxillaires excessivement courts et telle-
ment unis aux maxillaires, qu'on ne peut, à cause
de cette union et de l'extrême petitesse, reconnaître
la présence de ces os que par la dissection. Des dents
fines, comme des cils, existent jusqu’à l'extrémité
de l'os. La mâchoire inférieure a la symphyse très-
pointue; les deux branches sont irès-rapprochées
l'une de l’autre; les dents qu’elles portent sont im-
plantées sur une petite bande étroite; celles du rang
externe ont l’air d’être tout à fait extérieures. L’aru-
culation répond à l'extrémité de la mâchoire supé-
rieure. On conçoit, d’après cette disposition, la
forme du préopercule dans ce poisson. Cet os est
CHAP. XII ANCHOIS. 41
arüculé assez loin derrière l'œil, à une distance
égale à peu près au diamètre de l'orbite : il se porte
alors obliquement en arrière et en bas; son angle
est arrondi; son limbe est très-mince. Je vois der-
rière lui un très-long opercule, dont l'angle supé-
rieur remonte assez haut sur la nuque pour que le
bord soit au-dessus de celui de Pœil et plus haut
que la tête de l'os qui l’articule avec ce mastoïdien.
Cet opercule est irès-étroit : 1l se porte, comme le
préopercule, obliquement et vers le bas, de manière
que son angle inférieur va presque toucher à la
pectorale. Un très-petit sous-opercule est caché sous
le bord inférieur de cet os; 1l faut faire attenuon
de ne pas le confondre avec un rayon de la mem-
brane branchiostège. L’interopercule est encore beau-
coup plus peut. dt forme de l’opercule est en
rapport avec la grandeur de la fente de louie, qui
s'étend en avant le long des deux branches de la
mâchoire jusque tout auprès de la symphyse. Il
faut aussi indiquer avec soin qu’il n'existe pas de
bord membraneux à l’opercule. La fente de l’ouie
est donc encore agrandie par suite de cette dispo-
sion. La membrane branchiosiège elle-même est
très - basse, parce que les rayons sont très-courts :
je lui en compte treize. Si nous examinons main-
tenant l'intérieur de la bouche, nous trouvons une
langue d’une telle brièveté, que c’est à peine si on
peut donner ce nom au petit tubercule qui termine
lappareil hyoïdien. Les râtelures des branchies sont
très-longues, dirigées en peigne vers le devant, et
les quatre arceaux en sont chacun garnis. Le vomer,
12 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
avancé jusque sous la saillie ethmoïdale, ne porte
pas de dents, mais les palatins et les ptérygoïidiens,
qui sont gréles et allongés presque autant que les
branches de la mâchoire supérieure, portent de
très-fines scabrosités, dents rudimentaires plus fa-
ciles à reconnaitre par le tact qu'à voir même avec
la loupe. Je puis cependant assurer mes lecteurs
que je les ai très-bien vues.
La ceinture humérale est un grand arc étroit
composé, comme à l'ordinaire, de scapulaires et
d’huméraux assez grèles. Ces derniers se réunissent
promptement vers le bas, sans se porter en avant
à beaucoup près, aussi loin que cela a lieu chez la
plupart des poissons. Aussi voit-on une très-longue
languette, argentée et brillante, étendue sous les
branchies, entre l'angle de la symphyse humérale
et la queue de l’os hyoïde. La péctorale est articulée,
tout à fait au bas, près du profil inférieur. Cette
nageoire est triangulaire, peu étroite : elle a dans
son aisselle une très-longue écaille membraneuse,
triangulaire et pointue, que l’on prendrait très-
facilement pour un des rayons de la nageoire. Les
ventrales sont petites et insérées un peu en avant
de la dorsale, dont le premier rayon est implanté
sur le milieu de la longueur du corps en n’y com-
prenant pas la caudale : elle est triangulaire. L’anale
est de longueur médiocre et peu haute. La caudale
est petite et fourchue.
B.1482D. 17; À..16: C:21: PAT VEUT
Les écailles sont aussi minces que des mem-
branes. Les stries d’accroissement sont si fines et
CHAP. XII ANCHOIS. 43
si rapprochées qu’on ne les voit bien qu'au micros-
cope. On peut reconnaître encore les rayons de
l'éventail de la portion radicale, mais ils ne sont
pas aussi réguliers que dans beaucoup d’autres pois-
sons. Il y a environ quarante-huit à cinquante
rangées d’écailles entre louie et la caudale. Sur
chaque lobe de la caudale il y a une écaille ob-
longue, relevée en carène, comme nous en avons
déja observé sur la caudale des Chanos et des Al-
bula. La couleur du poisson vivant est verdätre sur
le dos. Cette teinte tranche assez fortement avec
l'argenté du ventre. Après la mort, le poisson de-
vient promptement bleuâtre, et il parait même quel-
quefois si foncé qu'il semble être noir.
J'ai pu examiner les viscères d’un anchoiïs fe-
melle ; voici ce qu'ils m'ont offert de remarquable :
un œsophage assez long, assez gros, d’une couleur
noire très-prononcée; un estomac cylindrique, ob-
tus, avec une branche montante assez grosse ; les
parois de lestomac et de la branche montante re-
prennent la couleur ordinaire à ces membranes. Le
pylore est entouré de trente appendices cœcales
assez longues; celles du rang externe, et que l’on
aperçoit à l'ouverture de l'abdomen, sont noires
comme l'intestin. Celui-ci descend à droite et en
arrière des cœcums : arrivé au delà de l'estomac, il
se replie, remonte jusque près de la branche mon-
tante; 1l se courbe de nouveau, et redescend ensuite
jusqu’à l'anus sans augmenter sensiblement de dia-
mètre. Le foie est peut, placé entre le diaphragme
et la masse des appendices pyloriques : 1l embrasse
44 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
entre ses lobes une vésicule du fiel, globuleuse, grosse
comme un petit pois. La vessie aérienne est étroite
et allongée, pointue aux deux extrémités; sans qu'on
puisse dire qu’elle soit divisée en deux comparti-
ments, elle a cependant un étranglement très-no-
table un peu au delà de la naissance de l'estomac.
C’est aussi au commencement de ce viscère et à sa
face dorsale que s’insère l'extrémité antérieure du
conduit pneumatique : 1l est gros et noueux chez
ce poisson, et il va donner dans la seconde partie
de la vessie aérienne. Le péritoine est argenté, poin-
tillé de noirâtre. Les œufs sont d’une extrême peti-
tesse,
Le crâne est petit, lisse, sans carènes sensibles.
Je compte quarante-six vertèbres dont vingt et une
sont abdominales.
L’anchois que l’on distribue dans le commerce
est ordinairement long de cinq à six pouces, mais
jen ai reçu deux exemplaires longs de sept pouces.
L’un d'eux a été pêché à Cayeux, peut port des
côtes de Picardie. Il est donc certain que des indi-
vidus de ce poisson s’avancent jusque dans la Manche.
Mais on le trouve plus abondamment sur les côtes
plus méridionales de l'Océan. Nous en avons de
nombreux exemplaires de La Rochelle et des côtes
d'Espagne. Nous l'avons reçu aussi en abondance
des différents points de la Méditerranée. Ainsi M.
Perandot nous l'a rapporté de Corse; MM. Savigny
et Laurillard de Nice; M. Bibron de Messine. Les
naturalistes de l’expédition scienufique de l'Algérie
l'ont trouvé à Bone, et M. Nordmann nous en a
int nids ts
CHAP. XII. ANCHOIS. 45
donné des exemplaires pris à Odessa. L'espèce entre
donc dans la mer Noire. J'ai examiné avec soin un
nombre considérable de ces petits poissons, depuis
- des exemplaires longs de deux à trois pouces jus-
qu'a ceux de cinq à six. Il m'a été facile de me
convaincre que les individus peuvent, par altération
de la couleur du ventre ou du dos, perdre facile-
ment le brillant argenté près de la carène abdomi-
nale, de manière à laisser une bandeleite plus ou
moins large et souvent peu limitée tout le long
des flancs. Ce sont des individus ainsi altérés qui
ont donné lieu à l'établissement de l'espèce du Me-
lette. M. Cuvier dit, dans le Règne animal, que
l'anchois qu'il désigne sous ce nom a le RE de
la tête plus convexe que l’anchois ordinaire, mais
ce caractère n’est pas aussi sensible que M. Cuvier
Va pensé. Il a été trompé par la description que
Duhamel a faite de son Melet.
L'anchois, très-abondant dans la Méditer-
anée, a été très-bien connu par Belon' et
Rondelet 2, qui ont laissé dans leurs ouvrages
les figures reconnaissables de ce poisson, et
ont le premier de ces auteurs disait que
étaient les meilleurs poissons salés. Ce qu'il
y a de remarquable, cest que Salviani ne
parle pas d’un poisson si abondant dans la
Méditerranée. IL est inutile de citer Gessner
mers
1. Belon, p. 168 et 169.
2. Rond., De pise., Liv. 1, p. 211.
16 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
et Aldrovande, qui n'ont rien ajouté à ce
que les auteurs précédents en avaient dit.
Schœneveld' a donné aussi, sous le nom de
Lycostomus ballicus, une figure très-recon-
naissable de notre poisson, mais il lui donne
l'épithète de balticus, parce qu'il le croyait
différent de celui de Belon et de Rondelet. Il
fondait ces différences sur ce que ces auteurs
ont attribué à leur poisson un caractère qui
nest que l'effet d’une mauvaise conservation,
le manque d’écailles. Willughby * n'a parlé de
notre poisson que d'après Schœæneveld ; il ap-
prend très-peu de chose sur lanchois. Cest
avec ces documents et ceux tirés d'Aristote,
d’Athénée ou d'Élien, dont nous avons parlé
dans la discussion sur la synonymie ancienne
des clupéoïdes, que l'espèce a pris rang dans
la Synonymie d’Artedi*, et que l'espèce a été
désignée, dès la dixième édition du Systema
naturæ, sous le nom de Clupea encrasi-
cholus. Il n'y a eu aucun changement à cette
espèce dans les éditions suivantes de ce grand
ouvrage. Duhamel nous a laissé une figure
assez médiocre et une description très-vague
. Schôünev., t. V, fig. 2, p. 46.
. Will, p. 225.
. Art., Syn., p. 171, n.° 8.
+ Dub. , Pêches, 2.° partie, S. 3, pl. 17, fig. 5.
= ©) 12
CHAP. XII. ANCHOIS. 17
d’un poisson dont l'utilité aurait dù cepen-
dant l’engager à Le faire mieux connaître dans
un ouvrage écrit sur l’histoire naturelle des
pêches. Nous trouvons, dans la grande Ich-
thyologie de Bloch, une figure assez médiocre
de notre poisson. Ce naturaliste n’a compté que
douze rayons à la membrane branchiostège. Il
a cité à tort au nombre des synonymes de cette
espèce la figure de Sloane, qui représente,
comme nous le dirons plus tard, notre Æn-
graulis edentulus ; en concluait que l'Anchois
de nos mers se trouve aussi à la Jamaïque,
tandis que l'espèce américaine est tellement
différente qu'on pourrait presque la séparer
génériquement. L'article de M. de Lacépède?,
sur l'anchois, n’a été évidemment composé
qu'avec celui de Bloch.
Si nous passons maintenant de ces auteurs
généraux aux faunes particulières, nous sui-
vrons notre poisson sur les différentes côtes
de l'Europe. Il paraît qu'il habite jusque sur
les latitudes boréales du Groenland. En effet,
Othon Fabricius cite l'anchois dans le Fauna
groenlandica ; il donne même son nom groen-
landais Saviliursak*, ce qui prouve que le
1. Bloch, t. XXX, fig. 2.
2. Lacép., t. V, p. 455.
8. Faun. Groent., p. 183, n.° 130.
21. 2
48 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
poisson est bien connu de ces peupies. Il l'a
trouvé souvent dans l'estomac des Phoques,
mais tellement détérioré qu'il n’a pas cru de-
voir en faire une description détaillée, il pou-
vait seulement les reconnaître. L'espèce doit
être rare dans ces hautes latitudes, car M.
Reinhardt ne cite pas l’anchois dans son Ich-
thyologie du Groenland. Mobr et Faber ne le
comptent pas non plus parmi les poissons is-
landais. Linné ne l’a pas même inscrit dans le
Fauna suecica. Cependant M. Retzius' la
introduit dans l'édition qu'il a donnée de cet
ouvrage, et donne, pournomsuédois, Ansjovis.
Il le dit rare dans la Baltique, mais qu'il est
plus commun sur les côtes occidentales. Cet
auteur s'est trompé en affirmant que l'anchois
des mers septentrionales est différent de ceux
des côtes de France ou d'Espagne. Nous cite-
rons encore pour preuve de la rareté de ce
poisson, que Ekstrôm n’en parle pas dans son
Histoire des poissons du Mérkoë. M. Nilsson?
décrit l'Engraulis vulgaris dans son Ichthyo-
logie scandinave. Il observe que les pêcheurs
de la Baltique le prennent rarement dans
leurs filets et toujours en petit nombre. On
1. Retzius, Faun. suec., 1800, p. 354, n.° 106.
2. Nilsson , Prod. icht. Scand., p. 25.
CHAP. XII. ANCHOIS. 49
lé trouve beaucoup plus souvent dans l’'es-
tomac des grands Gades, d’où l’on pourrait
conclüre que ce poisson ne quitte pas les
profondeurs de la mer pour se porter en troupe
sur les côtes. Le poisson paraît plus connu
sur les côtes du Danemarck : cest le Bykling
ou le Moderlüse des Danois suivant Müller.’
Je trouve même dans le catalogue que le prince
royal de Danemarck a envoyé à M. Cuvier,
que l'anchois est indiqué comme un poisson
répandu dans l'Océan septentrional, depuis
le Groenland jusqu'au Jutland, et plus rare
dans la Baltique. Pennant* a décrit l'anchois
dans la Zoologie britannique. Il observe qu'il
na jamais vu lui-même ce poisson sur les
côtes d'Angleterre, mais que les pêcheurs lui
ont assuré qu'on le pêche dans les eaux sau-
mâtres de la côte de Chester.
La première bonne figure que nous ayons
à citer de notre poisson est celle de Donovan”,
et nous Le trouvons ensuite inscrit dans Tur-
ton“, dans Flemming”, dans M. Yarrellf, qui:
en a aussi une figure fort exacte, et dans
. Müller, Prod. faun. dan., p. 50 , n.° 424.
.- Pennant, Zool. dan., t. IL, p. 295.
. Donovan, Brit. fish., vol. 3, pl. 50.
- Turt., Brit. Faun., p. 101, n.° 114.
+ Flemm., Brit. anim., p. 183, n.° 54.
. Yarrell, Brit. fish. , vol. 2, p. 140.
D AR © 19
20 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
Jenyns'. On voit donc par ces citations que
les auteurs qui ont parlé des poissons de
l'Océan septentrional, ont presque tous connu
l'anchois.
Les auteurs des Faunes méditerranéennes
nous ont également signalé l’anchois. Cest le
Clupea encrasicholus de Brünnich”. Risso
cite également l'anchois vulgaire sous le nom
nicéen d'Amplova, en observant queles petits,
à peine éclos, sont nommés Æmplovines, et
que les individus d'âge intermédiaire sont
appelés Æmplovetta.
Cetti parle aussi, dans ses Pêches de la
Sardaigne, de ce poisson, dont on ne tire, à
la vérité, aucun parti. Les côtes de Catalogne
et de Galice nourrissent aussi beaucoup d'an-
chois. On ly nomme Roqueron ou Anchoa,
selon Cornide. *
L'unanimité de tous ces auteurs prouve
donc que l'anchois est un poisson très-commun
dans toutes les mers de l'Europe. On peut re-
marquer que les individus pêchés dans l'Océan,
sur les côtes de la Manche ou de Galice, sont
plus gros que ceux de la Méditerranée; mais on
prétend que ceux-ci sont plus délicats. On en
1. Jen., Brit. anim., p. 439, n.° 123.
2. Brünnich, Pisc. mass., p. 83, n.° 101.
3. Cornide, Poiss. de Galice, p. 99.
CHAP. XII. ANCHOIS. 21
fait l'objet d'une pêche importante, particuliè-
rement en France et en Espagne. Elle varie
suivant que le poisson est plus ou moins abon-
dant sur telle ou telle côte, ou selon les
avantages que la sardine a fournis. On pêche
peu d’anchois dans Les eaux de l'Archipel grec,
ainsi que dans La mer Noire. Nordmann assure
qu'on le prend rarement en grand nombre
autour d'Odessa ou sur la côte de Crimée, où
les pêcheurs le nomment Chamsa.
Cependant Pallas' dit que pendant l'hiver
et le printemps, surtout en mars, il émigre
en troupes considérables sur le littoral de la
Crimée, où les tempêtes en rejettent quel-
quefois sur le rivage de quoi en faire des
chargements, transportés par les charrois tar-
tares ou grecs vers les différents points de
la Méditerranée. Il ajoute quil est quel-
quefois défendu de le vendre cru à Sébasto-
pol, de peur que son abondance ne déve-
loppe des fièvres dans la classe indigente à
la suite des temps des abstinences. IL paraît
que l'anchois se prend en plus grande quan-
tité sur les côtes de Dalmatie; la pêche se
fait aussi avec quelque régularité dans les
environs de Raguse, mais elle y est moins
Î. Pallas, Fauna ross., 1, II, p. 212, n.° 1538.
22 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
suivie que celle de la sardine. Elle est aussi
très-productive en Sicile, et les salaisons que
lon en fait sont l'objet d’une exportation
considérable. On pêche aussi beaucoup d’an-
chois autour de Pile d'Elbe et des petites îles
voisines. La Corse en fait aussi l'objet d'un
commerce assez étendu. L’anchois abonde sur
les côtes d'Antibes, de Fréjus, de Saint-Tropez.
Les filets que l’on emploie sont le sardinale
et la rissole des Provencçaux. Presque tous les
bateaux montés pour la pêche de ce poisson
portent des fanaux.
Pour préparer les anchoiïs, on les jette dans
de grands barils pleins de saumure. Des ou-
vriers prennent les poissons un à un, et avec
une grande adresse ils coupent avec l'ongle la
tête de chaque poisson; ils les passent à d’au- :
tres ouvriers qui, avec une égale dextérité,
rangent les poissons dans des barils en faisant
des couches alternatives de sel et de poisson.
En peu de jours le poisson est suffisamment
imprégné; on ferme le baril qui est prêt pour
l'expédition. Les anchois des côtes de Provence,
salés et préparés, sont généralement portés
à la foire de Beaucaire, d’où ils se répan-
dent dans lintérieur de la France et dans
presque toute l'Europe. On porte aussi à
cette foire le produit des pêches de Cata-
CHAP. XII. ANCHOIS. 23
logne. L’anchois n'étant pas aussi abondant
dans la Manche, ne donne pas lieu à des
pêches aussi régulières. IL est cependant pro-
bable qu’elles ont été prises autrefois en con-
sidération, puisqu'il en est question dans
plusieurs actes du règne de Guillaume [EL et
de Marie. Ce poisson est plus commun sur
les côtes de la Zélande et de la Belgique : il
entre quelquefois en grandes troupes dans les
bras de l'Escaut ou de la Meuse, et il y a
des années où le produit de cette pêche n'est
pas à dédaigner par ces populations. Sur les
côtes du Finistère et du Morbihan et à Belle-
Ile, on prend aussi beaucoup d’anchois. Il
parait même que les Bretons s'adonnaient au-
trefois à cette pêche beaucoup plus que de
nos jours. On préparait le poisson de la même
manière que dans la Méditerranée, et on le
transportait aux foires de Beaucaire, où ül
était vendu pour anchois de Cannes et de
Martigues. Il est curieux de remarquer que
lon n’en prend dans cette rade que des indi-
vidus isolés et en très-petit nombre.
Le commerce des anchois à Vannes et à
Quimper était à cette époque un objet assez
considérable. Ces villes en expédiaient douze
à quinze mille barils chacune. Nos pêcheurs
des côtes de Bretagne croient toujours que
24 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES.
la présence d’une trop grande quantité de ce
poisson est d’un mauvais augure pour la pêche
de la sardine. Cette clupée se trouve aussi
en grande abondance à l'embouchure de la
Seine : il remonte jusqu'à Quillebœuf.
D'après ce que j'ai dit dans la description
détaillée du poisson, il est facile de voir que
je ne crois pas à la seconde espèce établie
par M. Cuvier sous le nom d'Engraulis me-
letta. Les individus observés par M. Cuvier
sont encore conservés dans le Cabinet du
Roi : ils me paraissent être des jeunes de
l'anchois commun. Le poisson figuré par Du-
hamel lui avait été envoyé de Corse sous le
nom de Melet, accepté dans le Règne animal.
On le lui avait donné comme étant si peu
estimé, que le peuple seul en faisait usage.
J'ai comparé entre eux dix exemplaires d’an-
chois à bande argentée, envoyés au Cabinet
du Roi par nos correspondants de La Rochelle
et de diverses localités de la Méditerranée,
telles que Toulon, Marseille, la Corse, Gênes
et la Sicile. J'ai compté avec soin sur tous ces
individus les rayons de lanale : ils sont en
même nombre que ceux de nos anchois de
localités différentes. J'en ai ouvert plusieurs; je
leur ai constamment trouvé la vessie aérienne;
mais comme elle est presque toujours vide, il
CHAP. XII. ANCHOIS. 25
est difficile de la voir : il faut y regarder avec
attention, et pour massurer de sa présence,
jai eu soin de la gonfler, en insufilant par l’œso-
phage. Je ne puis donc croire à l'observation
de Brünnich*, qui aurait trouvé dans la mer
Adriatique un anchoïs à raie d'argent sans
vessie aérienne. D'ailleurs en ce qui concerne
l'article de cette petite Ichthyologie méditer-
ranéenne, je ferai remarquer que le savant
Danois n'a point donné de nom spécifique à
cette clupée, et je ne crois pas me tromper en
pensant quil y a erreur dans l'expression des
nombres de rayons indiqués dans cet ouvrage.
Je suppose que Brünnich a inscrit, par suite
d'une confusion de notes, ceux donnés par
Gronovius à l’article 152 de son Museum.
On verra plus loin comment j'établis que la
description de l'auteur hollandais appartient
à lEngrauls atherinoides. Cest, d’ailleurs,
aux naturalistes qui vivent sur les bords de
l’'Adriatique à rectifier ce qu'il peut y avoir
d'erroné dans mes suppositions.
Cependant l'espèce de l'Engraulis meletta
a été acceptée par le prince de Canino*. Ce
savant zoologiste soupconne que l'Engraulis
4. Brünn., Spola e mari adriatico reportata, p. 101, n.° 15.
2. Cat, méth. des poissons d'Europe, p. 34, n.° 283.
: 26 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES.
Desmaresti de Risso est de cette espèce. Je
n'hésite pas à adopter cette opinion, tout en
observant que la description de lichthyologie
de Nice est certainement un composé de
plusieurs traits caractéristiques de différents
poissons que Risso rapprochait souvent de
mémoire , de sorte que l'espèce d'Engraulis
Desmaresti ne doit pas être conservée dans
un ouvrage où l'on ne parle que d'espèces
certaines. La bandelette dorée, signalée par
cet auteur, ne peut servir de guide pour re-
trouver l'espèce de Risso, attendu que M. Lau-
rillard, dont on connaît la sévère exactitude,
m'a rapporté de Nice un dessin colorié qui
montre une belle raie longitudinale bleue
tout le long des flancs et au-dessus des tons
dorés, que l’on doit facilement voir sous cer-
tains reflets, comme une bandelette. Ces cou-
leurs doivent varier aux différentes époques
de l’année.
M. le prince de Canino a aussi admis l’'En-
graulis amara de M. Risso. Je ne puis pas
encore me prononcer sur cette prétendue es-
pèce, mais j'ai peine à croire quelle soit dis-
tincte de notre anchois ordinaire. La descrip-
tion de M. Risso n'offre d’ailleurs aucun trait
caractéristique.
SCT S Pure
CHAP. XII. ANCHOIS. 97
L'ANCHOIS BAILLANT.
(Engraulis ringens, Jen.)
Je place ici un anchoiïs que je n'ai pas vu,
mais qui a été décrit dans lIchthyologie du
voyage du Beagle, par le R. Léonard Jenyns.
L’épaisseur du corps est d'environ un sixième de
la longueur totale. La dorsale est insérée au milieu
de la longueur; les ventrales sont attachées sous
l’aplomb du premier rayon de la dorsale. La tête
est plus grosse et plus longue que celle de l’anchois
commun, et égale le quart de la longueur totale. Le
dos est bleu foncé; le ventre est argenté : ces deux
couleurs sont nettement séparées.
20 A ES a ge REC ee ROC LOS oi
Tels sont les caractères principaux que je
puis tirer de l'excellent travail de M. Jenyns,
sur les poissons de l’expédition du Beagle.
Cet ichthyologiste n’a vu que deux individus,
entièrement semblables, rapportés d'Iquique,
au Pérou, par M. Darwin. M. Jenyns dit que
l'espèce ressemble entièrement à l'anchois com-
mun de l’Europe, mais qu’elle en diffère prin-
cipalement par sa grosse tête, et parce que
les ventrales sont un 'peu plus reculées eu
égard à la dorsale.
28 LIVRE XXI CLUPÉOIÏDES.
L'ANCHOIS JAPONAIS.
(Engraulis japonicus, Temm. et Schl.)
Il serait très-possible qu’on ne distinguàt
pas de lespèce précédente celle décrite et
figurée dans le Fauna japonica. Les natura-
listes qui en ont parlé ne connaissaient que
la figure et les notes descriptives faites au
Japon par M. Burger.
Cet anchoïs a la forme générale de l'espèce euro-
péenne; le museau me paraîtrait un peu plus gros.
Les nombres indiqués sont :
B. 12; D. 14; A. 18; V. 7; P. 18; C. 20.
Ce poisson a le dos mêlé de verdätre et de bleu-
tre; du brun jaunâtre sur la tête. Les nageoires sont
pales ; la caudale seule est rembrunie.
C'est le Jetareiwas: des Japonais. Il ne
parait pas dépasser trois ou quatre pouces. On
le prend en abondance, surtout au printemps
et en automne, à l'entrée des baïes de toute
la côte S. O. du Japon, où il cherche un re-
fuge contre les poursuites des baleines. On le
mange séché et salé.
L’'ANCHOIS AUX FORTES DENTS.
(Engraulis dentex, nob.)
Je reviens maintenant aux espèces étran-
CHAP. XII. ANCHOIS. 29
gères que jai vues, et qui sont plus différentes
de celles de nos mers européennes.
La rade de Rio de Janeiro nourrit en assez
grande abondance un anchois qui se distingue
de notre espèce et de toutes les autres de
ce genre,
par la grosseur des dents; celles de la mächoire
inférieure sont en herse et beaucoup plus longues
que celles des autres espèces. Les dents palatines
et ptérygoidiennes sont également très-visibles, et
on en aperçoit deux rangées de trois ou quatre
seulement sur le vomer. Cet anchois a d’ailleurs le
corps beaucoup plus haut et beaucoup plus com-
primé que celui de nos mers. Je irouve la hauteur
comprise cinq fois dans la longueur totale. La tête
est un peu plus courte que le tronc n’est élevé. La
dorsale est petite, insérée beaucoup en arrière des
ventrales. Ces nageoires sont tellement avancées que
l'extrémité de la pectorale touche à leur premier
rayon. L’anale est longue et coupée en lame de
faux; les rayons se cachent entre deux rangées
d’écailles ; 1l y en a une très-longue dans l’aisselle
de la pectorale.
B. 13; D. 15; A. 24; C. 21; P. 15; V. 8.
Les écailles sont minces, plus hautes que lon-
gues, et marquées de quelques grosses stries pliées
en chevron vers le milieu. J'en compte quarante
rangées entre l’ouie et la caudale. La couleur me
paraît avoir été un brillant argenté glacé de vert sur
le dos. On aperçoit sous certains reflets une large
30 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
bandelette longitudinale, mais l’'argenté du ventre
ne paraît pas se détacher même par une longue
macération dans l'alcool, de manière à laisser sur
les flancs cette bande d'argent à laquelle je crois
que les auteurs ont donné cependant une trop
grande importance caractérisüque. Nous avons déjà
fait une remarque presque semblable dans la des-
cription de notre anchois d'Europe.
Nos individus sont longs de sept à huit
pouces.
MM. Delalande, Gay et Ménétrier ont
envoyé cette espèce de Rio, mais nous la
voyons remonter au Nord jusqu'à Bahia, et
descendre au Sud jusqu'à Buenos-Ayres, où
M. d'Orbigny l'a pêchée. Il a fait un dessin
du poisson frais sur lequel nous voyons le dos
peint en vert sombre, le glacé du ventre; la
dorsale est bleue avec une large bordure jaune.
La caudale est bordée de noir; l'anale est
bleuâtre ; les nageoires paires sont rougeûtres.
Les observations qu'il a recueillies et quil a
bien voulu nous communiquer nous disent
que ce poisson se pêche dans la Plata, depuis
le mois de septembre jusqu'à la fin de dé-
cembre; quelle devient plus abondante vers
l'arrière-saison. Elle se tient sur les fonds de
sable, voyage en petites troupes. On la prend
à la seine : c’est un excellent manger. Quand
CHAP. XII. ANCHOIS. 31
le poisson est salé, il a le goût des anchois
de Provence. On le vend à Buenos-Ayres
jusquà douze sous de notre monnaie. Les
habitants lui ont transporté le nom européen
de Sardina.
J'ai aussi observé cette espèce dans le ca-
binet de Berlin, où elle a été envoyée par
M. Diepering.
\
L’'ANCHOIS ATHÉRINOÏDE.
(Engraulis atherinoides, nob.)
Nous retrouvons dans l'espèce dont il va
être question, une telle fixité de la couleur
argentée le long de la bandelette latérale des
flancs, que nous la voyons très-nettement
dessinée sur tous les individus. Cette ligne a
engagé Linné à comparer à une Athérine le
poisson qui a paru pour la première fois
dans la douzième édition du Systema natu-
ræ, et qui venait, comme les nôtres, des
côtes de la Guyane. Mais ce nest pas sur
ce seul caractère de coloration que nous
établirons les caractères spécifiques de notre
poisson.
Il diffère du précédent parce que les dents sont
un peu plus peutes, qu’elles sont à peu près d’égale
39 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES.
force aux deux mâchoires. Le palaun est couvert
d'une plaque granuleuse beaucoup plus large, et
les denis vomériennes sont extrêmement petites,
difficiles à voir : elles sont réduites à deux ou trois
petites granules. Le maxillaire me parait un peu
plus court. L'anale est très - longue. La pectorale
atteint presque à l'extrémité de la ventrale : elle est
par conséquent plus longue que celle de l'espèce
précédente.
B::40; D'A25"A%81; C2; PS5 Ye:
La membrane branchiostège n’a pas autant de
rayons que celle des deux espèces précédentes. Nous
les avons comptés sur plusieurs individus et nous n’en
avons trouvé que dix. La carène du ventre est beau-
coup plus aiguë, mais il n’y a aucune de ces écailles
épineuses qui font, dans les clupées, ia dentelure en
scie du ventre. Tous les poissons conservés dans
l'alcool ont le dos et le bas du ventre roux. Le
milieu des côtés est recouvert d’une bande d'argent
très- brillante. Les nageoires sont incolores.
Le plus grand individu a sept pouces et
demi de long. |
MM. Leschenault et Doumerc en ont en-
voyé un assez bel exemplaire pris à Surinam.
J'ai pu en acheter, pendant que j'étaisè Am-
sterdam, des individus de même provenance.
Les nombres des ravons de la dorsale et de
l'anale sont tellement semblables à ceux de
Linné, qu'il me paraît impossible de douter
CHAP. XII. ANCHOIS. 33
de cette détermination spécifique. Il n’y a
aucune synonymie sous l'espèce du Clupea
atherinoides, et cependant Linné aurait pu
en mettre une, Cest celle quil a tirée des
deux ouvrages de Gronovius; mais il l'a placée
dans sa douzième édition d’une manière toute
ficheuse, en l'inscrivant sous Argentina sphy-
ræna. M. Cuvier a démontré, dans un mé-
moire spécial, inséré dans le Recueil des
mémoires du Muséum, que l'Argentine ap-
partient à la famille des Truites. Le genre
de Linné a été adopté dans le Museum 1ch-
thyologicum , tome Ï, page 6, n. 24, avec
le caractère d’avoir des dents aux mâchoires
et sur la langue. Mais dans le second fascicule
de son Museum, Gronovius' y associe une
espèce qui aurait eu la bouche sans dents et
la mâchoire supérieure conique, plus longue
que l'inférieure. Ce caractère seul prouve que
le poisson, décrit dans ce second article, ne
pouvait pas être le même que celui du pre-
mier fascicule, et la description détaillée qui
suit la diagnose vient établir d’une manière
positive la conclusion que lon peut déduire
de la phrase spécifique. Le poisson venait de
Surinam, et bien que l'auteur ne lui accorde
1. Gronovius, t. Il, p. 4, n.° 152,
RL 3
34 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES.
que huit rayons aux branchies et vingt-quatre
à l'anale, je ne doute pas un seul instant
qu'il wait voulu désigner le Clupea atheri-
noides de Linné. Or, nous trouvons cette
citation dans le Systema naturæ, rapportée
par Linné lui-même, à une Argentine qui na
que dix rayons à l'anale. Gronovius a repris
dans son Zoophylacium Vanchois décrit dans
le second fascicule de son Muséum. On voit
quil modifie le caractère du genre Argentine
d'après des anchois qu'il avait sous les yeux,
mais en conservant plusieurs traits diagnos-
tiques pris au genre Argentine de Linné.
Quant à l'espèce d'anchois si bien décrite,
sauf le nombre de rayons, dans le second
fascicule du Muséum, il la dénature complé-
tement. En effet, l'espèce dont il parle et la
_ synonymie tirée de Rondelet, de Ray ou de
Gessner se rapporte à l'anchois commun. Ce
nest plus une espèce américaine, puisqu'il la
donne comme se trouvant communément,
pendant l'automne, aux bouches de l'Escaut.
Il ajoute seulement à tort, parmi sa syno-
nymie, la véritable Argentine de Ray. Cette
discussion sert à prouver que Gronovius a vu
l'anchois athérinoïde de Surinam, mais qu'il
l'a bientôt confondue avec l’espèce d'Europe.
Bloch a eu dans sa collection le Clupea athe-
CHAP. XII. ANCHOIS. 33
rinoides de Linné, et il la figuré dans sa
grande Ichthyologie; mais sa description et
sa synonymie sont le résultat de la confusion
de plusieurs espèces. Aïnsi il commence par
citer Brünnich, qui ne parle que de l'anchois
commun. [Il ajoute pour second synonyme
la seconde espèce d'Argentine du Zoophyla-
céum, qui se rapporte à l'espèce figurée par
Brown dans l'histoire de la Jamaïque, sur le-
quel repose l'Atherina menidia, ou, ce qui
est la même chose, le Piquitingsa de Marc-
grave. Enfin, il confond encore avec cet an-
chois athérinoïde les individus reçus de la
côte de Coromandel; or ceux-ci appartien-
nent à ce Piquitinga : C'est là ce qui explique
comment Bloch fait vivre cette espèce à la
fois dans la Méditerranée, à Surinam et aux
Indes orientales.
L'Ancuoïs DE FoRrSKAL.
(Engraulis Bæœlama, nob.)
On trouve, dans la mer des Indes, un
anchois qui a beaucoup d’aflinité avec notre
Engrauls dentex,
par la forme de l’anale, par la position de la dor-
sale, par la longueur des pectorales et des ventrales ;
36 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
mais il en diffère par plusieurs caractères impor-
tants. Celui que je signalerai en première ligne re-
pose sur les chevrons épineux qui embrassent Île
ventre et qui rattachent ainsi les anchois aux autres
clupéoides. Les dents maxillaires sont encore plus
fines que celles de l’Engraulis atherinoïdes, mais
les dents vomériennes sont plus grosses; les dents
ptérygoidiennes sont petites ; la plaque palatine est
très-large.
B.. 11: D:15 e182; PA 18 5 VTT.
Nous avons compté les rayons de la membrane
branchiostège et nous en avons trouvé onze. Le
maxillaire offre une particularité qui peut aider
beaucoup à faire reconnaitre l'espèce : il est tron-
qué, et cet élargissement est dû principalement à
la dilatation du maxillaire supplémentaire en une
sorte de petite palette. La surface de los parait
granuleuse avec une forte loupe. Ce poisson a aussi
un rudiment de bord membraneux à l’opercule; de
nombreuses veinules sur les joues et sur le scapu-
lire : elles sont dessinées par les ouvertures de
pores très-nombreux ouverts sur la tête.
Il n’y a que trente-six rangées d’écailles entre
l’ouie et la caudale.
M. Dussumier nous apprend que le poisson frais
a le dos plombé; les flancs et le ventre argenté;
les opercules noires. Une tache rouge-brique existe
sur le scapulaire. La dorsale et la caudale sont un
peu plus claires que la tache humérale. Le bout
de la nageoire du dos est noire; les autres nageoires
sont blanches.
CHAP. XII. ANCHOIS. 37
Nos plus grands exemplaires ont cinq pouces.
Ils viennent des Séchelles. L'espèce se trouve
aussi à l'Ile-de-France; Péron et Lesueur l'en
avaient rapportée et M. Julien Desjardins la
aussi envoyée de cet endroit. Elle se porte
aussi dans la mer Rouge : M. Ehrenberg y en
a pris de nombreux individus, et a bien
voulu en céder quelques-uns au Cabinet du
Roi. Plus tard, M. Botta l'y a prise. Les
observations de M. Ehrenberg ont fourni les
moyens de retrouver dans cette espèce le
Clupea Bœlama de Forskal. Cette épithète
est la dénomination arabe de ce poisson. Les
Abyssins de Massawah le nomment Bara. J'ai
comparé avec soin les individus pêchés aux
Séchelles par M. Dussumier, et ceux que m'a
donnés M. Ehrenberg : je n’y ai trouvé aucune
différence. Cependant sur le dessin que mon
savant confrère de Berlin a eu la bienveillance
de me donner, je vois que la tache humérale
est dorée et que l'extrémité du museau est
jaune et transparente comme de l'Ambre. M.
Dussumier a recueilli des documents curieux
sur les habitudes et sur la nature de cette
espèce. Cest la Sardine des habitants de cet
archipel. Elle se montre par grandes bandes
pendant une partie de l'année, puis elle quitte
ces rivages. Sa chair est venimeuse si on la
. 38 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
prépare sans arracher la tête et les intestins.
M. Dussumier assure qu'un seul de ces pois-
sons peut faire mourir un homme. Les chiens
et les volailles périssent s'ils en mangent. Mal-
gré ces qualités malfaisantes, qui devraient
fixer l'attention des habitants et la faire bien
reconnaître, ils la confondent avec une espèce
de sardine très-voisine de la nôtre, tout aussi
inoffensive, quoique moins bonne, et que
jai décrite dans le chapitre précédent sous
le nom d'Alausa eduls.
Nous en avons plusieurs individus qui nous
sont venus d’Amboine.
Ce poisson est, à n’en pas douter, celui de
Forskal'. Broussonnet s'est trompé quand il
a rapporté la description de son prédécesseur
au Clupea setirostris qu'il tenait de Banks.
La similitude dans les nombres des rayons
l'aura probablement conduit à commettre
cette erreur quil aurait certainement dü éviter,
puisqu'il fait la remarque que Forskal ne fait
aucune mention, dans son Clupea Bœlama,
de la prolongation sétacée des maxillaires.
Cétte erreur une fois commise, elle a été co-
piée par Gmelin, par Bonnaterre dans l'En-
cyclopédie méthodique, et ce qu'il ya même
1. Forsk., Faun. arab., p. 13, n.° 107.
DORE ns | ©
CHAP. XII. ANCHOIS. 39
de plus curieux, par M. de Lacépède, qui
établissait pour le Clupea mystus un genre
où il devait nécessairement faire entrer le
Clupea setirostris, s'il eùt seulement jeté les
yeux sur la figure de Broussonnet. Mais mal-
heureusement cet éloquent écrivain ne remon-
tait pas toujours aux sources, il s'est contenté
de copier la treizième édition du Systema
naturæ. Nous rétablissons donc par cette dis-
cussion une espèce mentionnée par Forskal
et très-différente du poisson de Forster avec
lequel les auteurs précédents la confondaient.
Il est de notre devoir d'ajouter que nous
suivons en cela la rectification que Bloch
avait heureusement faite dans le Système post-
hume, où le Clupea Bœlama est séparé du
Clupea setirostris.
L’ANCHOIS SPINIGÈRE.
(Engraulis spinifer, nob.)
Les mers d'Amérique ont un anchois qui a
les denis encore plus petites que l'espèce précé-
dente. Celles du maxillaire sont tellement fines
qu'on pourrait leur donner le nom de cils; celles
des palauns et des ptérygoïdiens sont aussi d’une
extrême peutesse, ainsi que celles du vomer. L'oper-
cule donne à son angle inférieur une petite épine
40 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES.
triangulaire et plate qui devient un caractère facile
pour reconnaitre cette espèce. La pectorale a les
rayons prolongés en filaments très-courts; les ven-
trales sont avancées entre les pointes de la nageoire
thorachique. La dorsale est haute et pointue; lanale
est étendue sous toute la queue, haute de l'avant
et allant en diminuant jusque vers les derniers
rayons. La caudale est fourchue.
B: 14: D. 15; A. 88: 'C 215, P4425/V-
Cette espèce a un rayon de plus à la membrane
branchiostège que notre anchois commun : nous
en avons trouvé quatorze. Les écailles sont très-
joliment réticulées par l’entre-croisement de nom-
breuses petites stries ou de canaux muqueux ; des-
sinant tantôt des mailles hexagonales et tantôt des
espèces de demi-cercles qui donnent aux compar-
üments l'apparence de petites écailles imbriquées. La
couleur paraît avoir été verdâtre sur le dos et argen-
tée sur le reste du corps. La caudale, rouge, est
bordée de noir ; les autres nageoires sont jaunâtres.
Nos individus ont six pouces de long.
Ils nous ont été envoyés de Cayenne, à
deux reprises différentes, par les soins de M.
Poiteau.
Nous avons aussi retrouvé des individus
de cette espèce dans une petite collection
qui a été donnée au Muséum par M. Leconte,
savant naturaliste des États-Unis.
CHAP. XII. ANCHOIS. A
Le PiquiriINGA DE MARCGRAVE.
(Engraulis Brownii, nob.)
Voici une de ces espèces qui présentent la
condition assez rare en ichthyologie d'être ré-
pandues dans toutes les mers. Aussi ce petit
poisson a-t-1l été observé par presque tous
les voyageurs, par presque tous les ichthyolo-
gistes, qui lui ont chacun donné un nom sans
s'occuper des travaux de leurs prédécesseurs.
Il en résulte que la synonymie est très-com-
plexe, mais avant de nous en occuper je vais
commencer par donner les caractères de cet
anchois.
Il ressemble assez bien à celui de nos mers ; ceper-
dant il est plus court et plus trapu. La tête fait le
cinquième de la longueur totale. Les dents sont
très-fines; cependant on aperçoit encore très-bien
celles du vomer et des palatins. Le maxillaire com-
mence à être assez long, car 1l atteint le bord posté-
rieur de l’opercule, où, quand on ouvre la bouche,
les deux pointes dépassent les branches de la mà-
choire inférieure. Les pectorales sont courtes et
atteignent pas la ventrale. La dorsale est triangu-
laire; l’'anale répond à peu près au milieu de cette
nageoire; la caudale est fourchue.
BAT DOM ADI CE 91: P. 135 VAT.
42 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
Les écailles sont caduques, de sorte qu’on n’exa-
mine le plus souvent dans les collections que des
exemplaires dépouillés de cette parue des tégu-
ments. Mais M. Dussunnier, qui en a pris un à
embouchure du Gange, et qui l'a conservé dans
de l'alcool un peu concentré, la rapporté avec
ioutes ses écailles : elles sont assez résistantes, un
peu grenues, et elles s'étendent sur l’anale. J'ai été
obligé de les détacher d’un côté pour compter les
rayons de cette nageoire. À l’état frais, le corps
était blanc, transparent, à reflet nacré; le dos, au-
_dessus de la bande argentée, d’un beau vert chan-
geant en bleu. La caudale, jaune, est bordée de noir.
L’écaille de la pectorale n’est pas très-longue. Tout
le corps est blanc, transparent, teinté de verdâtre
sur le dos. Une bandelette argentée règne tout le
long des flancs. Les nageoires sont blanches; la cau-
dale est lisérée de noir.
Tel est ce poisson, dont les nombreux
exemplaires du Cabinet varient entre trois
pouces et demi et quatre pouces. Les pre-
miers que nous ayons reçus ont été rap-
portés du Brésil par MM. Quoy et Gaimard
à leur passage dans le port de Rio de Janéiro
lorsqu'ils montaient la corvette l’'Uranie, sous
les ordres de M. Freycinet. Ges exemplaires
nous ont servi à reconnaitre le Piquitinga que
Marcgrave y avait observé trois cents ans
auparavant, et qui est resté pour ainsi dire
inconnu jusqu'à notre travail. Nous avons en-
CHAP. XII. ANCHOIS. 43
suite recu cette espèce de la Vera-Cruz; de la
Martinique, où on l'appelle la Pisquette, par
MM. Achard et Plée ; de la Havane, par M.
Poey. Ge naturaliste nous apprend que ce petit
poisson est le Majua des habitants de la Ha-
vane, quil est non-seulement très-agréable à
voir, à cause de la bande argentée, ressem-
blant à une feuille d'argent non polie, appli-
quée sur ses flancs, mais que son goût est ce
que l’on estime le plus en lui. Les individus
de cette espèce vivent en société, et on les
prend en très-grand nombre aux embouchures
des rivières. Nous en avons recu de New-York
par M. le comte de Castelnau. M. Lesueur l'a
aussi observé à la Barbade et à Saint-Chris-
tophe. Il nous en a envoyé une très-bonne
description : c'est son Ængraulis fasciata.
Ces différentes indications prouvent que ce
poisson vit sur toute la côte américaine bai-
guée par l'Atlantique, depuis Le 44° de latitude
septentrionale jusqu'au 23° de latitude aus-
trale. Mais nous avons aussi la preuve que
cette espèce habite dans la mer des Indes;
car M. Dussumier en a rapporté des exem-
plaires pris à Bombay, et M. Leschenault l'a
envoyé longtemps avant de Pondichéry.
Cet observateur nous a donné pour nom
malabare Teran-Kini, et il dit, comme M. Poey,
44 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
que l'on pêche ce petit poisson en abon-
dance à l'embouchure de la rivière d’Arian-
Coupang, qui vient se jeter dans la rade.
M. Regnaud l’a pris à Batavia, et les médecins
de la dernière expédition de M. Dumont
d'Urville, l'ont rapporté de la baie des îles
à la Nouvelle-Zélande. Ces derniers exem-
plaires ont le mérite de fixer nos conjectures
sur l’Atherina australis de John White.
La plus ancienne citation des auteurs qui
ont mentionné ce poisson, est celle de Marc-
grave, qui en a donné une figure plus recon-
naissable par la bandelette argentée dessinée
le long des flancs que par le dessin de la tête;
mais le peu de mots qu'il dit dans sa descrip-
tion supplée à ce qui manque à ses figures.
Cette indication a été associée par Linné à
une autre des Aménités académiques’, qui
appartient à un poisson certainement diffé-
rent, de sorte que l'Æ£sox hepsetus, composé
de la réunion de deux animaux, est une
espèce nominale, frappée de nullité au mo-
ment même de son introduction dans le
Systema naturæ. Brown” a donné ensuite,
dans son Histoire de la Jamaïque, une nou-
er oo
1. Ameænitates acad., 1, p. 331.
2. Brown, Jamaic., t. XLV, fig. 3.
CHAP. XII. ANCHOIS. 45
velle figure du poisson que nous traitons dans
cet article. Celle-ci est parfaitement recon-
naissable à la brièveté de son anale : c'est sur
elle que Gronovius" a fondé, dans le Zoophy-
lacium , sa seconde espèce d'Argentine. Linné,
dans sa douzième édition, a cité Brown et
Gronovius sous son Atherina menidia, qu'il
recevait de Garden.
Nous avons déjà établi, en parlant des athé-
rines, que les citations de Brown et de Gro-
novius se rapportent à un anchois. Nous avons
d'ailleurs reconnu l’Atherina menidia*® de
Linné aux vingt-quatre rayons de son anale.
Toutefois nous ferons observer, qu'il y a un
anchois à bande argentée sur les côtes de
l'Amérique septentrionale, dont l'anale a vingt-
quatre rayons, comme cette athérine. On
l'appelle aussi Silver-fish. Les pêcheurs les
confondent avec les athérines à raie d'argent,
tout aussi bien que nos Provencaux réunissent
les athérines et les melettes, à cause de leur
bande argentée. Or, Garden ayant déterminé
le S:lver-fish par le nom d'Argentina caro-
lina, je ne serais pas étonné que ces diffé-
rentes nomenclatures vulgaires n'aient donné
lieu à plus de confusion encore que nous
1. Gronovius, Zooph., p. 112, n.° 350.
2. Hist. nat. des Poiss., t. X, p. 462.
46 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
n'avons jusquà présent osé le dire. Il ne se-
rait pas impossible que l’#rgentina carolina
que nous avons rapportée à l’Ælops saurus,
d'après le caractère des vingt-huit rayons
comptés par Linné à la membrane branchios-
tège, n'ait été, dans la pensée de Garden, le
petit anchois de la Caroline, et qu'alors l4-
therina menidia ne serait aussi qu'un anchois.
Cependant nous n'avons pas osé, par respect
pour l'illustre auteur du Systema naturæ,
supposer qu'il eût associé dans un même
genre un poisson à deux dorsales ou une véri-
table athérine, et un poisson à une seule
dorsale et aussi éloigné d’une athérine que
peut l'être un anchois. Cependant si nous fai-
sions cette supposition, la citation de la figure
de Brown faite par Linné sous son Æ4therina
menidia, serait une excuse que les naturalistes
accepteraient. D'ailleurs il faut bien recon-
naître que la figure de Brown ne représente
pas très-exactement l'anchois de l'Amérique
septentrionale, parce que celui-ci a l'anale
sensiblement plus longue. :
Gmelin a heureusement séparé l'4therina
menidia des deux synonymies que Linné y
ajoutait à tort, et il a établi pour ceux-ci un
Atherina Brownuiti, qui habite, selon lui, dans
l'Océan américain et dans l'Océan pacifique.
TS PETER
CHAP. XII. ANCHOIS. 47
Toutefois, si l'Ætherina menidia appartient
bien au genre des Athérines, Gmelin aurait
dû en retirer cet Atherina Brownir. S'il avait
ajouté Les nombres des rayons du poisson à
sa description, il eût établi une bonne espèce;
et il aurait complété cette utile réforme, sil
n'avait pas fait un second emploi, en acceptant
lAtherina japonica d'Houttuyn, qui ne me
parait être qu'une description incomplète du
poisson dont il s'agit dans cet article.
_ Cet Atherina Brownii a été cité par Bloch
dans son Système posthume, comme lanchois,
et il ne sest pas prononcé sur l'Atherina ja-
ponica.
Commerson a trouvé l’'anchois dont nous
parlons sur les côtes de l'Ile-de-France en
1770. Ce poisson se pressait par myriades à
lembouchure des ruisseaux. Le compagnon de
Bougainville en a laissé une description dé-
taillée, aussi exacte que toutes celles sorties de
sa plumé. Un dessin fait au crayon par Jossigny,
représente avec une grande fidélité les carac-
ières de l'espèce. Ces matériaux furent em-
‘ployés par M. de Lacépède, et, comme il lui
est presque toujours arrivé, il en fit un double
emploi. Le dessin servit à établir un genre
particulier, celui des Stoléphores, et l'espèce
fut dédiée au voyageur dont il la tirait, sous
48 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
le nom de Stoléphore commersonien. À cause
de la bande argentée qui règne le long des
flancs, M. de Lacépède y adjoignit l'espèce non
caractérisée de |’ 44. japonicad'Houttuyn ou de
Gmelin. Mais en même temps il composa, avec
la description de Commerson, sa Clupée raie
d'argent. Shaw a, dans sa Zoologie générale,
donné une copie du Stoléphore de Lacépède,
en l'appelant l'Athérine de Commerson; mais
il a oublié d'en faire mention dans le texte.
Nous avons dit que c'était aussi l'Atherina
australis de John White; M. de Lacépède,
qui a cité plusieurs fois cet auteur, n'a pas
fait mention de cette espèce. Nous la trouvons
aussi dans Russell, qui en a donné une bonne
figure, en indiquant que les Indiens de Vi-
zigapatam l’appellent Vatoo ou Vettook. L'au-
teur compte, à peu près comme nous, les
rayons de l’anale; il le rapprochait, mais avec
doute, du Clupea atherinoides de Linné.
C'est aussi sous cette espèce que Bloch a
confondu les individus d'Engraulis Brown
envoyés de Tranquebar à Berlin par le mis-
sionnaire John.
Je trouve aussi cette espèce mentionnée
par M. Richardson ”*, qui l'appelle £ngraulis
1. Shaw, Gener. Zool., vol. V, part. 1, pl. 113, fig. 1.
2. Rich., Ichthyol. des mers de Chine et du Japon, p. 809.
CHAP. XII. ANCHOIS. 49
Commersonianus. Sa synonymie est conforme
à celle que M. Cuvier avait indiquée dans les
notes du Règne animal; seulement il veut en
exclure le Nattoo de Russell. On voit que je
ne suis pas de son avis à cet égard; cet habile
zoologiste croit que l'on pourrait aussi y rap-
porter son Clupea flos-maris'. Les doutes
d'un zoologiste aussi exact sur cette espèce,
me font un devoir de renvoyer le lecteur à son
excellent travail.
L'ANCHOIS ARGYROPHANE.
(Engraulis arg yrophanus, Kubhl et Hasselt.)
Les naturalistes hollandais que nous avons
si souvent cités dans cet ouvrage ont rapporté
un nombre considérable d'exemplaires d'un
anchois qui a quelque affinité avec le précé-
dent, mais qui sen distingue par ses formes
et par quelques autres caractères,
Il a le corps plus long et plus allongé; la fente
de louie plus oblique; la pectorale et l’anale beau-
coup plus courtes; les dents d’une excessive petitesse.
B. 11; D. 15; À. 171.
il n'ya que onze rayons à la membrane branchios-
tège. La couleur est bleue, plus foncée sur le dos
14. Rich., L. cit., p. 306.
PA 4
50 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
que sous le ventre. Une bande argentée règne le
long des flancs.
Ces poissons ont près de quatre pouces.
Kuhl et Van Hasselt Les ont pris dans l'océan
Atlantique équatorial pendant leur traversée
d'Europe à Batavia.
L'Ancuoiïs DE MircuiLz.
(Engraulis Michilli, nob.)
Nous trouvons encore sur les côtes de
l'Amérique septentrionale un petit anchois
à bande latérale argentée, qui a le corps un peu
plus large, moins arrondi; la tête plus courte que
le Piquitinga avec lequel on pourrait très-bien le
confondre. On le reconnaîtra à sa dorsalé moins
avancée au delà de l’anale qui est plus longue. Le
dos est bleu foncé; la ligne argentée est très-brillante.
D. 15; A. 25, etc.
Nous avons recu des exemplaires de cette
espèce par MM. Milbert et Leconte, qui l'ont
envoyée de New-York, et M. Lesueur en a
donné de petits individus pêchés dans le lac
Ponchartrain près de la Nouvelle-Orléans.
J'ai dit dans l'article précédent que le nom-
bre des rayons de son anale pourrait faire
supposer que cet anchois a peut-être servi à
l'Atherina menidia. Cest dans lui que nous
CHAP. XII, ANCHOIS. b1
retrouvons le Clupea vittata de Mitchill' et
probablement aussi son Clupea cærulea. Ces
deux espèces nominales sont inscrites dans la
Faune de New-York par M. Dekay’, et dans
les Poissons du Nord de l'Amérique par M.
Storer *; mais ces deux auteurs pensent qu'on
peut les considérer comme des variétés l'une
de l’autre. M. Lesueur a eu aussi cette espèce
quil a décrite et figurée sous le nom d'Zn-
graulis Louisiana, d’après des individus qu'il
avait observés dans le lac Ponchartrain, à la
Nouvelle-Orléans.
L'ANCHOIS ÉDENTÉ.
(Engraulis edentulus, Cuv.)
Après toutes ces espèces à mâchoire plus
ou moins fortement dentée, nous arrivons à
parler d’un anchois américain dont M. Cuvier
a déjà signalé le caractère remarquable dans
le Règne animal, en l'appelant Engraulis
edentulus.
C'est une espèce à corps raccourci et trapu. La
bauteur surpasse un peu le quart de la longueur
totale, La tête est assez grosse; l'œil est grand; le
1. Mitch., Fish. of New-York, vol. I, p. 456.
2. Dekay, New-York Faun., p. 254.
3. Storer, Synops. of the fish. of North-America, p. 205.
52 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
maxillaire ne dépasse pas l’aruculation de la mà-
choire inférieure. La pectorale est courte et large;
la ventrale répond à sa pointe; la dorsale est plus
avancée que l’anale : celle-ci est de longueur mé-
diocre, La caudale est fourchue. Les écailles, cou-
chées le long de chaque lobe, sont très-prononcées.
On ne voit n1 on ne sent aucune dent aux mâchoires
m aux différentes pièces osseuses du palais.
B. 7; D. 15; À. 26; P. 15; V. 7.
La membrane branchiosiège est beaucoup plus
large et ses rayons sont plus longs que ceux de
toutes les espèces précédentes : nous n’en comptons
que sept. Les écailles sont fermes et adhérentes, et
au nombre de quarante-trois entre l’ouie et la cau-
dale. Une d’elles, examinée à la loupe, montre les
plus admirables réticulations, qui sont tout à fait
disposées comme des écailles imbriquées.
D'après un croquis envoyé du Brésil par M. Mé-
nétrier, nous voyons que cette espèce, lorsqu'elle
est fraîche, a le dos bleu plombé; le ventre argenté,
la dorsale et la caudale jaunes ; les autres nageoires
ont une légère teinte jaunâtre. Le poisson est dé-
signé sous le nom de Sardinia ou de Boca torde,
dénomination qui rappelle celle de la Havane et qui
dérive du nom espagnol de l'anchois.
Nos différents individus ont près de six
pouces. Nous en avons recu un assez grand
nombre de Rio de Janeiro par MM. Quoy et
Gaimard, Lesson et Garnaud, Ménétrier et
Gay. Mais l'espèce nous est venue en outre
CHAP. XII. ANCHOIS. 53
de Cuba par M. Desmarets, de la Guadeloupe
par M. Riccord. M. d'Orbigny l'a retrouvée à
Monte-Video. M. Poey nous l'a donnée de la
Havane sous le nom de Bocon. Il dit qu'on
prend cette espèce dans les rivières, et qu'elle,
ne pèse jamais au delà d’une demi-livre.
Il y a une figure fort reconnaissable de ce
poisson dans le Voyage à la Jamaïque publié
par M. Sloane; il l'a confondu avec le Sprat,
disant même qu'il ne pouvait trouver aucune
différence entre cette espèce américaine et
celle des côtes d'Angleterre; ce qui prouve
que cet habile naturaliste n'a pas comparé les
deux espèces sur la nature, mais qu'il s'est fié
à sa mémoire. D'ailleurs la figure de Sloane
a été oubliée par nos prédécesseurs.
Je trouve dans l’Inde un certain nombre
d'anchois formant un petit groupe naturel
caractérisé par le prolongement du premier
rayon de la pectorale, donnant naissance à
un filet plus ou moins long. C'est le seul ca-
ractère que j'aie pu saisir, et comme je le vois
se modifier d’une espèce à l’autre par des
nuances insensibles, je n'ose donner à cette
subdivision l'importance d’une coupe géné-
rique. Les naturalistes qui croiront devoir le
54 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
faire, pourraient leur donner le nom de Telara,
qui a été imposé par Hamilton Buchanan à
l'une de nos espèces. Tous ces poissons ont le
museau prolongé et le maxillaire court des
anchois; cet os ne dépasse pas l'articulation
de la mâchoire inférieure. Les râtelures des
branchies sont un peu plus fortes que celles
des autres anchois, et chaque pointe porte
des aspérités assez rudes qui doivent servir à
retenir la proie.
L'ANCHOIS AU FILET COURT.
(Engraulis brevifilis, nob.)
Je commence la description de ces espèces
par celle dont le rayon de la pectorale est le
moins prolongé; il n'atteint guère qu'au pre-
mier rayon de l'anale.
Ce poisson a le corps très-comprimé, car l’épais-
seur est comprise quatre fois et demie dans la hau-
teur, qui fait le quart de la longueur totale. Le
ventre est tranchant et dentelé. Les pièces en che-
vron sont recouvertes, pour la plus grande partie,
par les écailles du ventre. Les épines ou branches
montantes de ces chevrons sont rigides et dures
presque comme des os. Les dents du vomer, des
palauns et des ptérygoïdiens sont fines, mais assez
résistantes. Le bord de l’opercule fait trois festons :
celui qui répond au scapulaire est assez ouvert. La
CHAP. XII. ANCHOIS. b)
distance du bout du museau à la dorsale mesure
à peu près les deux cinquièmes du corps. L’inser-
tion de lanale se fait à une distance égale à parur
de la saillie du museau. La première de ces deux
nageoires est courte et deux fois et demie plus
haute que longue. L’anale est prolongée sous toute
l'étendue de la queue, de sorte que sa longueur
égale la moitié de celle du corps en n’y compre-
nant pas la caudale, Une série d’écailles embrasse
la base des rayons, mais ceux-ci ne sont pas re-
couverts et cachés, de sorte qu’on ne peut pas dire
que la nageoire soit écailleuse. Celle de la queue
est fourchue; le lobe supérieur est large et tron-
qué; les rayons mitoyens sont courts; le lobe infé-
rieur est pointu à son extrémité : son bord interne
est assez convexe. La pectorale est insérée près de
la carène du ventre, derrière la fente des ouies. Elle
a dans son aisselle un appendice écailleux libre,
large et peu pointu, et en dessous d’autres écailles
complètent en quelque sorte la gaine dans laquelle
elle se meut. Ces nageoires s'ouvrent en s’écartant
horizontalement du corps, mais elles ne peuvent
pas se coller contre le thorax. Les ventrales sont
très - peites.
BAM 48: D:18;: 4.153; P: 414; V, 7.
Nous comptons un rayon de plus à la membrane
branchiostège droite qu’à celle de gauche. Les écailles
sont grandes, assez adhérentes : elles n’offrent au-
cune strie remarquable; il y en a cinquante-sept
rangées le long des flancs. La couleur du poisson
me parait être un argenté brillant et uniforme; le
56 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES.
dos pouvait avoir quelques teintes verdatres. Les
nageoires sOnt incolores.
Nous ne possédons qu'un seul individu de
cette espèce, long de onze pouces et qui a été
envoyé du Bengale par M. Alfred Duvaucel.
Je ne vois pas que Buchanan ait connu cette
espèce, puisque les deux lobes de la caudale
ne sont pas également pointues. Elle est ce-
pendant la seule dont le nombre des rayons
de l'anale soit égal à celui du Clupea phasa
de Buchanan. Je trouve encore une autre
raison de l'en distinguer, dans la brièveté du
rayon de la pectorale, dont on ne pourrait
pas dire radio longissimo.
L'ANCHOIS TELARA.
(ÆEngraulis telara, nob.)
Une seconde espèce, voisine de la précé-
dente par la forme générale, me paraît avoir
le corps plus allongé; car la hauteur n’est que le
cinquième de la longueur totale. Le premier rayon
de l’anale est plus avancé que celui de la dorsale,
et la distance de cette nageoiïre au bout du museau
est moindre que dans l'espèce précédente. Le filet
de la pectorale dépasse la moitié de la longueur
de l’anale. Les ventrales sont plus cachées entre les
deux nageoires de la poitrine. L’échancrure du
bord de l’opercule est moins profonde.
CHAP. XII. ANCHOIS. 57
B. 44—13; D. 13; A. 70; P. 14; V. 7.
Quoique l’anale fasse plus de la moitié de la lon-
gueur du corps, la caudale non comprise, elle a
cependant cinq rayons de moins que celle de l’es-
pèce précédente. La caudale est tout à fait semblable
à celle de l'espèce précédente, c’est-à-dire, que le
lobe supérieur est tronqué. J'ai observé ce carac-
ière, qui n’avait point échappé à Buchanan, sur
une dizaine d'individus de différentes provenances,
conservés dans le Cabinet du Roi. Les écailles me
paraissent beaucoup moins adhérentes : il n’y en a
pas sur les nageoires. M. Dussumier, qui a vu ce
poisson frais, dit que le corps est argenté, bleu-
verdâtre sur le dos; la dorsale et la caudale sont
jaunes ; l’anale et les ventrales incolores et trans-
parentes ; les pectorales, d’un vert très-foncé, ont
le filet blanc.
Le Muséum possède un assez grand nombre
d'échantillons de ce poisson, dont la taille
varie de six à sept pouces. Outre ceux que
nous tenons du voyageur cité plus haut, nous
en avons recu par les soins de M. Duvaucel,
et d’autres se sont trouvés dans les collections
faites à l'embouchure du Gange par M. Rey-
naud. Ce professeur l'a entendu nommer Ga-
loua. Les couleurs qu'il nous a indiquées sont
assez semblables à celles que nous a indiquées
M. Dussumier, mais il dit que les nageoires
sont jaunes de soufre et que l'anale est bordée
58 LIVRE XII. CLUPÉOÏDES.
d’une ligne rouge. Je ne trouve pas de diffé-
rence dans les formes; il pourrait se faire ce-
pendant que la: variété de couleur, signalée
par deux observateurs aussi exacts, fût cons-
tante et un caractère distinctif entre deux
espèces voisines. Je laisse ceci à décider aux
naturalistes qui observent les poissons sur les
lieux.
Je n'observe pas non plus de différence sen-
sible entre ces individus pêchés dans le Gange
et ceux que le même officier de la marine
a pêchés dans lIrrawaddi, à Rangoon, dans
le pays des Birmans. Il l'a entendu nommer
Na-tarot. Les exemplaires que j'ai sous les
yeux ne sont pas en très-bon état. Ils me pa-
raissent avoir le dos un peu plus droit.
Ce poisson est, à n’en pas douter, de Îa
même espèce que le Clupea telara de Bucha-
nan’, qui observe que c'est un des poissons
que les Bengalis appellent Phasa, mais il a
adopté pour sa dénomination spécifique le
nom donné à ce poisson dans le district de
Dinajpur. Je ferai cependant observer que cet
auteur compte à lanale soixante - quatorze
rayons, nombre que nous ne trouvons pas
sur nos exemplaires; mais ce quil dit de son
1. Buchanan, Gang. fish., p. 241 et 382, pl. 2, fig. 72.
CHAP. XII. ANCHOIS. 59
Clupea phasa peut me faire supposer que le
nombre des rayons de l'anale varie dans ces
espèces.
L’'ANCHOIS PHASA.
(Engraulis phasa, nob.)
L'auteur de l'Ichthyologie du Gange a fait
précéder la description de l'espèce que nous
venons de rappeler, par celle d'un poisson
très-semblable, nommé Clupea phasa.
Il a le premier rayon de la pectorale très-long;
la forme du corps semblable à celle du précédent;
l’anale serait seulement un peu plus longue, puis-
qu’elle aurait de soixante-quinze à soixante-dix-huit
rayons, Son caractère disuncuf consiste dans la
forme de la caudale, qui a les deux lobes pointus
et en croissant.
D. 14; À. 75 — 78; C.? P. 13; V. 7.
Le bout du museau est transparent ; le dos est
brun olivâtre; les côtés et le ventre sont argentés;
toutes les nageoires sont transparentes; la caudale
seule est jaune, avec un liséré noir au lobe supérieur.
M. Buchanan dit que le nom de Phasa est
commun dans tout le Bengale, que ce poisson
est de la taille d’un petit hareng et d’une assez
grande beauté.
J'ai rapporté cette description de M. Bucha-
nan, telle que l’auteur l'a conservée, mais je
doute beaucoup de la réalité de cette espèce,
60 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
car il me semble que les notes de l'auteur
n'ont pas dù être prises sur ce poisson avec
une grande exactitude, puisqu'il indique pour
nombre des rayons branchiostèges Br. 3.? II
est bien clair qu'il avait mal écrit B. 13. L'es-
pèce que je décris plus loin, sous le nom
d'Engraulis tenuifilis a bien les deux lobes
de la caudale pointus, mais l'anale n'a que
cinquante-un rayons; on ne peut donc pas
Ja comparer à l'espèce actuelle. C'est à cause
de cette variation dans la forme de la nageoire
de la queue, que je n'ai pas osé rejeter ce
Clupea phasa, mais je ne doute presque pas
que les ichthyolosistes qui examineront de
nouveau les poissons du Bengale ne fassent
cette réforme.
L'ANCHOIS TATY.
(Engraulis taty, nob.)
L'espèce désignée sous ce nom malabare se
distingue de la précédente
par la brièveté de son anale entièrement écalleuse.
Le filet de la pectorale est aussi beaucoup plus long
que dans toutes les autres espèces; il atteint aux
deux tiers de l’anale, et il dépasse la moitié de la
longueur totale. L’anale ne fait guère que la moitié
du tronc, c’est-à-dire que, mesurée dans le corps
enter, elle y est comprise deux fois et un peu plus |
CHAP. XII. ANCHOIS. 61
des deux tiers. Son premier rayon répond au milieu
de la nageoïre du dos, tandis que dans les autres es-
pèces 1l est beaucoup en avant du premier rayon de
cette nageoire. La dorsale est couverte d’écailles
comme l'anale.
D. 13; A. 52, etc.
Ce poisson a le corps assez trapu. La hauteur est
trois fois et trois quarts dans la longueur totale.
Les écailles sont grandes, caduques, et sont réticu-
lées de stries hexagonales, élégamment disposées.
Ce poisson, argenté et très-brillant, a le dos vert.
M. Leschenault dit que les nageoires sont
rougeâtres, et M. Dussumier indique celles de
son exemplaire d'un jaune vif. La caudale est
bordée de noir. On pèche cette espèce pen-
dant toute l’année dans la rade de Pondichéry.
Elle est bonne à manger : on la porte au
marché sous le nom de 7aty pooroowa.
Nos individus ne dépassent pas six pouces.
Je crois que l'on pourrait rapprocher de cette
espèce un dessin envoyé de Malacca à la
Compagnie des Indes par le major Farqhuar.
Il représente le poisson avec son anale courte,
ses filets aussi longs. Le corps et les nageoires
sont colorés en jaune; il y a du bleu sur la
tête, une tache rouge et brillante derrière
l'opercule et une bande longitudinale rou-
geatre le long des flancs. Toutes les nageoires
sont bordées de noir. Le dessin porte pour
62 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
nom malais Eekan-Becans-Becang. Je n'ose
vraiment pas établir une espèce d'après ce seul
document, cependant jai eu plusieurs fois
l'occasion de vérifier l'exactitude de ces des-
sins. Il me parait donc assez probable qu'un
poisson venant de Malacca et peint de cou-
leurs si différentes deviendra le type d’une
espèce particulière.
L'ANCHOIS A FILETS DÉLIÉS.
(Engraulis tenuifilis, nob.)
J'ai encore à citer une espèce dont la forme
du corps est assez semblable à celle du pré-
cédent : elle a l'anale aussi courte, -
mais les rayons de la pectorale sont beaucoup plus
courts, puisqu'ils ne dépassent pas le quatrième
ou le cinquième rayon de la nageoire de l'anus. Le
filet est d’une grande ténuité.
D. 13; A. 51, etc.
Le poisson, verdâtre sur le dos, est argenté sur
tout le reste du corps. La caudale était bordée de
noirâtre.
Les deux exemplaires que M. Reynaud a
rapportés de Rangoon sont longs de quatre
pouces et demi.
J'arrive maintenant aux espèces que M. Cu-
CHAP. XII. ANCHOIS. 63
vier avait voulu réunir dans un genre parti-
culier sous le nom de Thrisse; mais j'ai fait
déjà sentir que le prolongement du maxillaire
ne fournissait qu'un caractère artificiel, et que
le genre sur lequel il repose ne serait nulle-
ment caractérisé : cest ce que les descriptions
suivantes vont encore mieux prouver.
Le MySTE A ÉPAULETTES.
(Engraulis malabaricus , nob.)
Pour justifier ce que je viens de dire, je
commence la description des espèces de ce
groupe par celle qui a les maxillaires les moins
prolongés.
C'est un poisson à corps assez court, mais plus
haut que tous les autres. La hauteur est trois fois et un
üers dans la longueur totale, Le tronc est très-com-
primé, car son épaisseur est comprise quatre fois et
demie dans la hauteur. La tête est petite et courte.
Le maxillaire dépasse de très-peu le bord de l’oper-
cule ; il n’atteint pas la pectorale. Cette nageoire est
petite et touche à peine à l'insertion de la ventrale.
L’anale commence au milieu de la longueur du corps.
B. 12; D. 13; A. 40; P. 133 C. 19; V. 7.
Ce poisson parait avoir été verdätre sur le dos,
argenté sur tout le reste du corps. Sur les côtés des
joues, des opercules et des maxillaires, il y a un fin
sablé de points pigmentaires rembrunis. Derrière
64 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
l'épaule, les premières écailles sont recouvertes d’une
plaque adipeuse, couverte de lignes brunes rappro-
chées. Quand on l’examine à la loupe, on voit que
ces lignes sont formées de points semblables à ceux
de la tête. Leur réunion constitue une tache rem-
brunie irès-caractéristique dans cette espèce. Les
pectorales et les ventrales sont noirâtres; mais les
rayons internes de cette dernière nageoïre ne sont
pas colorés. L’anale et la caudale ont une large bor-
dure noirâtre. La dorsale, qui est pointue, a son
premier rayon bordé d'un fin liséré noir. L’extré-
mité des derniers est aussi un peu rembrunie.
L’exemplaire que nous avons recu de Bom-
bay, par M. Roux, a six pouces de long.
Les proportions le font ressembler sous tous
les points au Clupea malabarica que Bloch
a représenté à la planche 432. Bloch, cepen-
dant, ne lui donne que trente-huit rayons à
l'anale, mais comme il ne compte que huit
rayons à la membrane branchiostège, nous
avons là une preuve qu'il ne faut pas lui de-
mander tant d’exactitude. Ce poisson, que le
missionnaire John avait envoyé à Berlin, a été
aussi observé par Russell, qui en a donné une
figure très-reconnaissable sous le n.° 194 de
ses poissons de Vizigapatam.
CHAP. XII. ANCHOIS. 6)
Le MYSrE PURAVA.
(Engraulis purava , nob.)
Cette seconde espèce
a le maxillaire un peu plus long, car son extrémité
touche à l’aisselle de la pectorale. Le corps est plus
allongé. Sa hauteur est quatre fois et un cinquième
dans la longueur totale. Les pectorales dépassent un
peu l'insertion des ventrales, et l’anale est insérée
un peu au delà de la moitié du corps.
B.:12; D. 13; À,°46: P:; 145 NV 7.
La couleur est, suivant M. Leschenault, qui l'a
observée fraiche, blanc, argenté sur tout le corps,
avec des teintes azurées sur le dos. La dorsale et la
caudale sont jaunes; les autres nageoires blanches.
La longueur des individus est de six à sept
pouces. M. Leschenault dit que l'espèce est
commune à lembouchure de la rivière d'Arian-
toupang, mais qu'elle est plus rare dans la rade.
Les pêcheurs de la côte de Coromandel le dé-
signent par le nom d’Atou-poorouva. Il est
bon à manger, quoique le corps soit rempli
d'arêtes. L'espèce a été observée longtemps
avant par Sonnerat, qui en avait rapporté
quelques peaux desséchées. Cest bien certai-
nement l'espèce que Russell’ a figurée sous le
nom de Peddah poorawah.
1. Russell, Corom. fish., pl. 190.
21. &
66 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
Des individus de dix pouces de long fai-
saient partie des collections de M. Belanger.
Mais il paraît que l'espèce devient encore
plus grande et c'est même pour cela, selon
M. Buchanan, quil a le nom indien cité par
Russell et qui veut dire grand Poorawah.
M. Buchanan' dit que le Purava atteint un
pied de long, quil meurt aussitôt quil est
sorti de l'eau.
L’'ANcHoïS DE HAMILTON.
(Engraulis Hamilton, nob.)
Nous retrouvons encore sur cette côte un
Myste
dont le maxillaire s’allonge encore plus que chez les
espèces précédentes; car son extrémité dépasse sen- .
siblement l'insertion de la pectorale. L'anale est
courte et commence au delà de la moitié du corps,
de sorte qu'elle parait plus reculée que la dorsale.
Le prolongement du maxillaire et ce rapport de po-
sition entre les nageoires font à l'instant reconnaître
cette espèce; elle a, d’ailleurs, la tête plus grosse et
plus longue; le corps un peu plus trapu.
D. 13; A. 37, etc.
M. Gray a figuré ce poisson à dos plombé, jau-
nâtre sur le reste du corps. La dorsale, les pecto-
4. Clupea purava. Mam. Buch., Gang. fish., p. 288 et 382.
CHAP. XII. ANCHOIS. 67
rales, les ventrales et la caudale sont jaunes; celle-ci
est bordée de noir; l’anale est bleuûtre.
Nos individus ont de huit à neuf pouces
de long. Nous en avons recu plusieurs pris à
Bombay par M. Roux. M. Leschenault l'a en-
voyé de Pondichéry, où on paraît le confon-
dre avec l'espèce précédente. M. Dussumier
l'a eu aussi à la côte malabare; enfin, j'en
vois un autre exemplaire provenant des col-
lections faites sur /& Zélée par M. Leguillon,
et un autre donné par M. Leclaucher, chirur-
gien à bord de la frégate la Reine Blanche,
sans autre indication de localité.
Je conserve à cette espèce le nom que M.
Gray‘ lui a imposé dans une récente publi-
cation, quoiqu'il ne soit pas le premier auteur
qui ait fait connaître ce poisson. Russell en
avait longtemps auparavant donné une figure,
accompagnée d'un dessin très-reconnaissable,
dans son Histoire des poissons de Vizigapatam.
C'est, selon lui, le Poorawah des Indiens.
L'ANCHOIS PORTE-MOUSTACHES.
(Engraulis mystax, nob.)
Il me paraît qu'il existe encore sur la côte
1. Gray, [ust. of Ind. zool., by maj. gen. Hardwicke, pl. 92,
fig. 3.
68 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES.
de la presqu'ile de l'Inde un autre Myste,
voisin des deux espèces précédentes.
Il a, en effet, le maxillaire prolongé, de manière à
dépasser l'inseruon du premier rayon de la pecto-
rale et sans avoir l’anale aussi longue que celle de
l’'Engraulis purava; elle est davantage que celle
de lEngraulis Hamiltoni. Enfin, ce qui est un ca-
ractère propre à l'espèce dont 1l s’agit, c’est que les
pectorales sont assez prolongées pour embrasser,
quand elles sont rapprochées du corps, les deux
peutes ventrales.
D. 18; A: 42; P. 13: NV. 1.
La couleur est verdâtre, mélée quelquefois de
fauve; le tout glacé d'argent. Toutes les nageoires
sont blanches, à l'exception de la caudale, qui est
jaune, bordée de noir.
Ce poisson atteint un pied, sa chair est de
bon goût, mais elle est remplie d’arêtes.
Cest sans aucun doute l'espèce qui a été
figurée par Bloch, dans son édition de Schnei-
der, où la longueur des maxillaires, celle des
pectorales et le facies général du poisson ont
été parfaitement représentés. Cependant Bloch,
dans son texte, ne donne que trente-qualre
rayons à l'anale, mais nous sommes habitués w
depuis longtemps aux erreurs de cet ichthyo-
logiste.
1. Bloch-Schn., p. 426, n.° 14, pl. 88.
CHAP. XII. ANCHOIS. 69
L'Awcuois DE DussuMrer.
(Engraulis Dussumieri , nob.)
M. Dussumier a encore rapporté une espèce
particulière d’Anchois de la division des
Thrisses,
dont les maxillaires s’allongent de manière à atteindre
près des deux tiers ou des trois quarts de la pecto-
rale. L’anale est courte; les ventrales sont petites et
ne sont pas cachées par les nageoires de la poitrine.
Le corps est trapu et haut de l'avant. La hauteur du
thorax est comprise quatre fois et quelque chose
dans la longueur totale.
D. 13; A. 35, etc.
Le poisson a le dos bleu verdâtre, et une large tache
bleue foncée, sur la nuque, le fait tout de suite recon-
naître, La caudale est jaune, bordée de noir.
Je ne vois pas de différence dans les autres
parties du corps.
Î}/ANCHOIS SÉTIROSTRE.
(Engraulis setirostris, nob.)
Dans les espèces que nous venons de dé-
crire, nous avons vu le maxillaire sallonger
successivement, commençant par dépasser la
mâchoire inférieure, puis le bord de l'oper-
cule ; il atteignait ensuite dans d’autres espèces
70 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
l'aisselle de la pectorale, dans une autre il l'a
dépassée. L'espèce que nous allons décrire est
caractérisée
par un allongement plus considérable encore de cet
oS; car son extrémité devient une sorte de filet grêle,
qui dépasse de beaucoup les ventrales et touche
presque à l’anale.
Ce poisson a un autre caractère remarquable : son
museau, court et obtus, dépasse à peine la mâchoire
inférieure, C'est vers le milieu du corps que l’on
trouve la plus grande hauteur du tronc; elle y est
comprise quatre fois et demie dans la longueur totale.
La tête y est tout près de six fois. Tous les caractères
de la dentuition sont ceux des Anchois. Le ventre
est dentelé. L’anale est courte.
B. 9; D. 13; A. 84; C. 19; P. 13; V. 7.
Je ne trouve que neuf rayons à la membrane bran-
chiostège.
La couleur de notre poisson paraît argentée, avec
une teinte verdâtre sur le dos. La caudale a conservé
quelques traces d’une bordure noire.
Telle est la description d'un poisson que
jai pu comparer au dessin conservé dans la
bibliothèque de Banks, et dont mon illustre
confrère, M. Robert Brown, m'a permis de
prendre une copie. Nous retrouvons, dans
la récente publication que M. Lichtenstein a
faite des manuscrits de Forster, la description
prise sur les lieux. Je crois que les différences
CHAP. XII. ANCHOIS. 71
que l'on peut observer entre le savant compa-
gnon de Banks et de Cook, et celles que je
viens de donner, peuvent tenir à la précipi-
tation qui pousse naturellement un voyageur.
Les dents de notre poisson sont petites; mais
on ne pourrait pas dire avec Forster, qu'elles
n'existent pas. Îl porte à onze ou à douze le
nombre des rayons de la membrane bran-
chiostège ; cette incertitude peut s'expliquer
par la difficulté qu'il a eue de voir cette mem-
brane dont il dit ax conspicua. Elle est en
effet cachée entre Les branches de la mâchoire;
mais quand on les écarte suffisamment , on
peut l'étendre assez bien pour compter les
rayons; il faut seulement faire attention de ne
pas comprendre avec eux le sous-opercule;
erreur quil est très-facile de commettre dans
toute cette famille.
Je crois que Forster se trompe également,
en disant que le palais est lisse, du moins il
ne faut pas entendre que les palatins, qui se
portent tout à fait sur le côté quand on ouvre
largement la gueule , n’ont pas d’aspérités.
D'ailleurs nous sommes éclairés sur ce sujet,
parce qu'un des exemplaires de Forster avait
été donné par Joseph Banks à Broussonnet.
Celui-ci l'a fait graver dans sa Décade ichthyo-
logique sous le nom de Clupea setirostris. La
72 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES.
figure qu'il en donne, convient sous tous les
points à notre poisson, et nous voyons dans
la description que lichthyologiste de Mont-
pellier a bien reconnu les dents des mächoires
et les scabrosités du palais. Il y a cependant
une légère différence entre sa description et
la nôtre, puisqu'il porte à dix le nombre des
rayons de la membrane branchiostège. Il est
probable qu'il aura compris parmi eux le
sous-opercule. [l n'avait certainement donné
qu'avec beaucoup de doute le Clupea Bœ-
lama de Forskal pour synonyme de son
poisson. Gmelin, qui a accepté ce Clupea
setirostris, à copié sans aucune hésitation ce
synonyme. Bonnaterre et Lacépède ont suivi
cette même erreur. C'est Bloch qui, dans son
Système posthume, a rétabli le Clupea Bœ-
lama, en laissant seul le Clupea setirostris.
Russell! a aussi observé ce Clupea setiros-
tris, que les naturels lui ont donné sous le
nom de Yka-poorawalh.
Les individus que j'ai sous les yeux vien-
nent de Pondichéry et de Suez: ils sont cer-
tainement identiques, et, autant que j'en puis
juger sur ces exemplaires conservés depuis
longtemps dans l'alcool, je leur trouve les
1. Russell, t. IL, p. 80, n.° 201.
CHAP. XII. ANCHOIS. 73
mêmes couleurs qu'aux autres mystes, et je
vois même des restes de bordures noires à la
caudale. Ce qui me paraît singulier, c'est que
M. Leschenault ait confondu, dans son Cata-
logue, ce poisson avec celui décrit plus haut
sous le nom d’Aton. Est-ce que les pêcheurs
réuniraient sous une même dénomination deux
poissons si différents ? Ces hommes de la na-
ture sont ordinairement plus habiles pour
distinguer les espèces beaucoup plus voisines
les unes des autres que celles-ci ne le sont.
Tous nos individus ont six pouces de long.
Î/ANCHOIS MYSTE.
(Engraulis mystus, nob.)
Il est évident qu'il faut placer à la suite de
ce genre le Clupea mystus de Linné dont la
première description a paru dans cette thèse
des Aménités académiques ’, sous le titre de
Chineusia Lagerstræmiana. Elle avait été
soutenue à Upsal en 1754 par Odhel. Il est
certain que le poisson a, comme nos anchois
de la division des Thrisses,
des dents au palais; les maxillaires prolongés. Les
pectorales sont assez longues pour attendre à la
1. Amœæn. acad., 1. IV, p. 252, n.° 31.
74 LIVRE XXI CLUPÉOIÏDES.
dorsale; mais ce qui distinguera l'espèce actuelle de
tous nos autres Thrysses, c’est que l’anale, très-longue,
est réunie à la caudale, et celle-ci est arrondie. Linné
dit que la membrane branchiostège a neuf rayons.
Je ferais seulement remarquer que, dans la figure
des Aménités académiques, la caudale et l’anale ne
sont pas complétement réunies; mais le texte est
trop explicite pour que l’on puisse douter de cette
réunion.
Linné compte les rayons de la manière suivante:
B. 9; D. 12; À. 84; C. 11; P. 17; V. 6.
Je n'ai pas eu occasion d'examiner ce pois-
son d'après nature, mais les beaux dessins
chinois que nous devons à la générosité de
M. Dussumier, qui ont été cités plusieurs fois
dans cet ouvrage et dont nous avons souvent
vérifié l'exactitude, nous donnent une repré-
sentation de cette espèce, de manière à nous
laisser désirer fort peu de chose. Il nous
montre un poisson
à corps très-allongé, car la hauteur n’est guère que
le septième de la longueur totale. Les maxillaires,
prolongés, dépassent un peu l'insertion de la pecto-
rale. Ces nageoires, terminées en pointe, atteignent
à la base de la dorsale. A la vérité, cette petite nageoire
est reportée tout à fait en avant sur le dos, au delà
du quari de la longueur totale. Le ventre est dentelé;
l’anale égale la moitié de la longueur du corps, en
n'en comprenant pas la caudale.
CHAP. XII. ANCHOIS. 75
La couleur est un verdâtre mêlé de quelques teintes
jaunes, glacées d’une couche d’argent des plus bril-
lantes, Les nageoires sont quelque peu jaunâtres; la
caudale, arrondie et lancéolée, est jaunâtre.
Voilà donc le poisson de Linné entière-
ment reconnu ; examinons maintenant com-
ment il a été placé dans le Systema naturæ.
Il est bien clair qu'il a été la première pen-
sée du Clupea mystus, mais en l'inscrivant
dans la dixième édition, Linné a tout de suite
gaté cette espèce en y associant le Clupea
mystus d'Osbeck, qui est un de nos Coilia.
Le Clupea mystus du Systema naturæ a donc
été frappé de nullité dès son apparition. Re-
produit dans la douzième et dans la treizième
édition, il est devenu dans M. de Lacépède
le type d'un genre appelé Myste (Mystus),
caractérisé d’une manière un peu vague par
la réunion de l’anale à la caudale, par la ca-
rène d’un ventre dentelé ou très-aigu et par
plus de trois rayons à la membrane bran-
chiostège. M. Cuvier a cité le Clupea mystus
comme une des espèces de son genre Thrysse,
mais comme contre son ordinaire, il n'est pas
remonté aux sources, il n'a point reconnu les
erreurs commises par Linné, et il a de plus
assOClé un poisson, qui à quatre-vingt-quatre
rayons à l’anale, avec le Pedda poorawalkh de
76 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
Russell, qui n'en a que quarante- cinq; d'où
l'on voit que si le genre Thrysse pouvait être
admis en ichthyologie, cette espèce viendrait
toujours en altérer la composition.
Pa
CHAP. XIII. COÏILIA.
«1
ER |
CHAPITRE XIII.
Des CoiïirrA.
Nous avons remarqué en signalant les carac-
ières généraux des espèces comprises dans les
diverses subdivisions des Anchois, la tendance
que la nature montre à prolonger quelques-
unes des parties de l'animal en filaments plus
ou moins longs. Elle semble avoir accru ces
prolongements filiformes dans le genre des
Coïlia.
Ce sont des poissons qui ont les caractères
généraux de nos Anchois. Ils ont comme eux
la gueule très-fendue, les ouïes très-ouvertes,
le museau saillant et soutenu par l'ethmoïde;
les maxillaires, libres sur les côtés de la bouche,
dépassent la fente de l'opercule et atteignent
même au delà de l'insertion de la pectorale
chez quelques espèces. La dorsale est placée
sur le devant du corps. Celui-ci est le plus
souvent prolongé en une queue très-grêle,
comprimée et satténuant en pointe jusquà
l'extrémité. L’anale réunie à la caudale, longue
et basse, ajoute encore à cette forme carac-
téristique, mais nous la voyons cependant se
modifier dans une espèce où la queue rac-
courcie, et la caudale élargie et arrondie,
78 LIVRE XXI CLUPÉOÏDES.
reviennent aux formes ordinaires des autres
poissons. Mais ce qui nous à paru devoir né-
cessiter cette coupe générique, cest que la.
pectorale porte au-dessus d'elle deux groupes
de filets partant d’une base commune, mais
tout aussi distincts des rayons de la nageoire
que le sont ceux des Trigles et des Polynèmes.
Je vois que quelques voyageurs ont cru à une
sorte de ressemblance entre ces Coïlia et les
Polymènes; mais il faut observer que dans
ceux-ci les rayons libres sont au-dessous de
la pectorale, tandis que dans le genre que
nous traitons ils sont insérés au-dessus. Les
connexions sont donc tout à fait différentes.
C'est un nouvel exemple de la variation in-
finie que la nature sait créer avec les mêmes
éléments.
La dentition de nos Coiïlia et la disposition .
des viscères sont semblables à celles de nos :
Anchois, et surtout à celles des espèces dont le
maxillaire prolongé constituait, dans les idées
de M. Cuvier, le groupe des Thrysses. On peut
seulement observer que les plaques pharyn-
DO RENE ET |
giennes antérieures sont un peu plus visibles «
et hérissées de petites dents assez visibles. Il
ne faut pas cependant donner trop d'impor- «
tance à ce caractère, car il tend à seffacer.4
Les Coïlia sont des espèces marines où des :
PRPAIROI
CHAP. XIII. COILIA. 79
eaux saumâtres des bouches du Gange, de
llrrawaddi et des grands fleuves de la pres-
qu'ile de l'Inde.
Le CoïziA DE HAMILTON.
(Coilia Hamiltoni, nob.)
Je commence à décrire les espèces de ce
genre par celle que je trouve figurée, d’une
manière très-reconnaissable, dans les Illustra-
tions du général Hardwicke. La saillie du mu-
seau, la grandeur de la fente de la bouche,
la longueur des maxillaires, ressemblent tout
à fait aux Anchois ; mais la forme du corps
est extrêmement différente,
parce qu'a partir de l’anale le poisson devient com-
primé, et tellement aigu à l'extrémité du corps, que
c'est tout au plus si lon peut mesurer la hauteur
de la queue à l'insertion de la nageoire terminale ;
elle serait au plus le dixième de la plus grande hau-
teur du tronc, qui est comprise cinq fois dans celle
du corps, et ne mesurant pas la caudale; celle-ci est
courte et pointue. La tête est comprise six fois dans
la distance sur laquelle nous avons porté la hau-
teur du tronc. La dorsale naît au quart antérieur de
la longueur du corps; la ventrale est insérée en
avant du premier rayon de la dorsale; l’anale l’est
un peu au delà de la nageoire du dos; la pectorale,
insérée tout près du profil du ventre, a l'air d’être
formée de deux nageoires, l’une composée de deux
80 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES.
rayons, divisés chacun en trois filets qui atteignent
au delà de la moitié de la longueur du corps; l'autre,
très-petite, arrondie, échapperait facilement à l’ob-
servation.
B. 10; D. 14; À. 100; C. 11; P. 6-6; V. 10.
Les dents sont excessivement fines; 1l y en a de
très-petites et qu'on n’aperçoit guère que par la dis-
section sur le chevron du vomer; puis il y a une
ligne longitudinale sur le bord externe du palatin
et peut-être en arrière sur le ptérygoïdien; car je
crois que ces deux os sont soudés ensemble. Entre
les arceaux branchiaux nous trouvons des ptérygoï-
diens supérieurs plus visibles que dans les Anchois
ordinaires, et qui sont garnis de petites dents. Ces
os forment une petite plaque oblongue très- facile
à observer dans cette espèce, à cause de sa dimension.
Les écailles sont assez résistantes et très-élégamment
recouvertes d’un réseau à mailles hexagonales, qui
rappellent ce que nous avons observé sur notre Æn-
graulis edentulus. On en compte soixante-huit ran-
gées le long du corps. Il y a sous le ventre une
carène dentelée, formée par seize chevrons très-aigus,
et dont les épines sont très-acérées.
La couleur est un bleu verdâtre sur le dos, jaune
sur tout le reste du corps. :
Nos plus longs exemplaires ont sept pouces
et demi. Nous avons recu ces poissons de la
rivière du Gange par les soins de MM. Rey-
naud et Belanger. Le premier de ces natura-
listes nous a indiqué pour dénomination du
CHAP. XIII. COÏLIA. S1
pays le nom de Teltabi. La figure publiée
par M. Gray’ convient parfaitement sous tous
les rapports.
Je ne doute pas que nous ne retrouvions
dans cette espèce, le Mystus Ramcarati de
Buchanan.°
Le CoïLrA DE REYNAUDL.
(Coilia Reynaldi , nob.)
Nous avons trouvé dans les collections de
ce même voyageur trois autres Coïlias,
qui ont l’anale encore plus longue que l'espèce pré-
cédente, La distance du bout du museau à cette na-
geokre est moindre que le uers de la longueur totale.
D. 14; À. 110, etc.
Ce poisson à la queue plus effilée ; le museau plus
pointu; l'œil plus petit.
Je n'en ai que trois exemplaires : le plus
grand a quatre pouces. Ils viennent de Ran-
soon sur lIrrawaddi.
Le CoïziA DE Dusumrer.
(Coilia Dussumieri, nob.)
M. Dussumier nous a rapporté un assez
1. Gray, [lust. of Ind. zool., by maj. gen. Hardwicke, pl. 10,
fig. 8, vol. 1.
2. Ham. Buch., Gang. fish., p. 283 et 382.
21. 6
82 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES.
grand nombre de coïlias, distincts des pré-
cédents
par la longueur et la largeur de leurs pectorales,
dont les rayons, libres, sont cependant un peu plus
courts. La dorsale me semble un peu moins pointue;
mais je ne vois pas d’autres différences dans les formes.
D'14:A2180: C2 115PU6 M0: UV 07:
Les denis sont plus fines que celles de l'espèce
précédente. Les plaques pharyngiennes sont telle-
ment peutes qu’elles sont comme perdues dans la
muqueuse de la bouche; il faut la distendre forte-
ment pour apercevoir le petit groupe de dents.
Il y a soixante-dix rangées d’écailles le long des
flancs. Les nervures de leur réseau sont un peu
plus lâches. Cest un beau poisson à corps jaune
doré très-brillant. Sur la moitié inférieure du corps
il y a deux ou trois rangées irrégulières de belles
taches nacrées qui rappellent tout à fait celles dont
la nature a orné un assez grand nombre de Lépi-
doptères.
Nos individus ne dépassent guère six
pouces. Les appendices du cœcum sont co-
lorées en noir, et mont paru presque aussi
nombreuses que celles de notre anchois. Le
péritoine brille comme de l'argent poli ; la
vessie nalatoire est simple, à parois épaisses,
fibreuses et nacrées. M. Dussumier en a pris
un assez grand nombre d'individus à Bombay,
et nous les a donnés comme un poisson bon
Feat
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(Ù
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K
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À
|
CHAP. XIII. COÏLIA. 83
à manger. Il dit que les Maures de Bombay
nomment ce poisson Mandely. Il est commun
et abondant pendant toute l’année, et on es-
time sa chair, parce qu'elle a peu d'arêtes. Il la
pris aussi à Mahé. M. Belanger l'a rapporté de
Pondichéry.
Le CoïLiA AUX QUARANTE RAYONS.
!
(Coilia quadragesimalis, nob.)
Nous voici arrivés à parler d’une espèce im-
portante, parce qu'elle nous sert à fixer nos
idées sur le Clupea mystus d'Osbeck, dont
M. Richardson avait déjà apprécié Les affinités.
Ce poisson diffère des précédents
par une queue beaucoup plus courte, terminée par
une caudale arrondie et large. La hauteur du tronçon
de la queue, mesurée à l'insertion de la nageoire, est
le tiers de la hauteur du tronc, qui est contenue
quatre fois et trois quarts dans la longueur totale.
La dorsale est placée sur le devant du corps, sur la
fin du tiers antérieur. La pectorale est petite, courte,
surmontée de ses deux rayons, divisés chacun en
trois filets, dont le plus long égale la moiué de la
longueur totale. L’anale commence à peine au-devant
du milieu de la longueur; elle est raccourcie comme
la queue; aussi n’a-t-elle plus que quarante -deux
rayons, lorsque nous en comptons de quatre-vingts
à cent dix dans les espèces précédentes. J'ai voulu
84 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES.
rappeler ce caractère dans le nom spécifique donné
à ce poisson.
B. 10; D. 15; À. 42; C. 25 et plus; P. 6 — 6; V. 8.
Ce poisson a le museau obtus; l'œil peut; le
maxillaire ne dépasse pas l'angle de la mächoire in-
férieure ; 1l est tronqué. Les denis sont fines; les
plaques vomériennes sont très-visibles. Les écailles
sont semblables à celles des espèces précédentes.
La couleur est argentée et dorée, avec des reflets
nacrés. Les nageoires sont jaunes, mêélées de verdàtre;
celle du dos a une bordure verte. Les pectorales et
leurs longs filets sont d’un très-beau jaune.
L'exemplaire du Cabinet du Roi a six
pouces de long : il a été pris dans le Gange
par M. Dussumier.
Le CoïiLiA DE Gray.
(Coilia Grayi, Richard.)
Le docteur Richardson a décrit et figuré
dans lIchthyologie du Sulfur' un Coilia rap-
porté des mers de Chine, et que ce naturaliste
aurait, sans aucun doute, beaucoup mieux fait
d'appeler le Coilia d'Osbeck; car c'est évidem- #
ment le Clupea mystus du Voyage en Chine. «
C'est un poisson qui a la queue encore très-allon-
gée, mais moins étroite à son extrémité que celle
1. Rich., Ichth. of Sulfur, pl. 54, fig. 1.
CHAP. XIII. COILIA. 85
du Coilia Dussumieri. a aussi la caudale plus
large. Ce qui le distingue des précédents, c’est que
les maxillaires dépassent de beaucoup l’opercule et
l'insertion de la pectorale; celle-ci est à peu près
aussi large que celle du C. Dussumieri. Les rayons
sétacés me paraissent un peu moins longs; l’anale a
aussi beaucoup moins de rayons.
m110:: D 12:À4. 86: 0:20: P..vn=10:.V. 1:
Les écailles sont grandes. La couleur est blanche.
Il est bien évident que c'est le Clupea mys-
tus d'Osbeck; car il est le seul de nos Coïlias
qui ait sept filets au-dessus de la pectorale.
M. Richardson a donc cité avec raison l'espèce
d'Osbeck sous son Coïlia de Canton; mais ce
que nous avons dit plus haut, à l'occasion du
Clupea mystus de Linné, prouve quil a eu
tort de joindre à cette synonymie celle des
Aménités académiques, et à plus forte raison,
celle de Lacépède.
Nous trouvons une excellente figure du
Coilia Grayi dans les poissons de Siebold,
publiés par MM. Temminck et Schlegel' : ces
naturalistes l'ont appelé Coïlia nasus. La des-
cription qu ils en ont donnée est, comme toutes
celles de ce bel ouvrage, remarquable par son
exactitude. Ils me pardonneront de ne pas
prendre pour nom spécifique de cette espèce
1. Faun. jap., Pisc., p. 248, pl. 109, fig. 4.
86 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
celui qu'ils ont imposé, puisque tous les Coïlia
mériteraient l'épithète de nasus.
Le CoïLtA DE PLAYFArr.
(Coilia Playfairü , Richard.)
Le naturaliste qui a fait connaître l'espèce
précédente, a aussi figuré et décrit, dans
lichthyologie de ce voyage, un second Coilia,
qu'il a appelé C Playfairu.
Cette espèce parait avoir la queue un peu plus
étroite que la précédente. Les rayons de la pectorale
plus courts; les maxillaires moins prolongés; le nez
un peu plus long, et ce qui le distingue de celui
d'Osbeck, c’est qu'il n’a que six rayons à la pecto-
rale. La largeur de la caudale le caractérise et em-
pêche de le confondre avec nos Coëlia du Gange.
D. 12; A. 86; C. 21; P. vr— 14; V. 7.
Cette espèce vient des mers de Chine. Des
individus sont conservés dans le British
Museum.
Les voyageurs qui l'ont rapportée, disent
que le brillant argenté des écailles est em-
ployé en Chine dans la fabrication des perles:
artificielles.
L'espèce se mange à Canton.
CHAP. XIV. ODONTOGNATHES. 87
CHAPITRE XIV.
Du genre ODONTOGNATHE.
Le genre Odontognathe a été établi par
Lacépède d’après un poisson, que le Muséum
d'histoire naturelle avait recu de Cayenne
par l’un de ses voyageurs-naturalistes, feu
Leblond. Les idées systématiques que cet
illustre naturaliste s'était faite sur les poissons,
l'ont empêché de saisir Les véritables rapports
de ce curieux poisson, qui méritait bien, en
effet, de devenir le type d'un genre particu-
lier, mais qui ne devait pas être rapproché,
il s'en faut, des anguilles. A la vérité, l'ordre
des apodes de M. de Lacépède est composé
de poissons si différents, si éloignés les uns
des autres, que celui-là pouvait bien aussi
y trouver place. Quoiqu'il ait décrit le pois-
son d'après nature et qu'il ait orné sa des-
cription de tous les charmes de son style, il
n'a pas nommé les pièces sur lesquelles il a
fait reposer ses caractères. La lame, longue,
large, recourbée et dentelée, placée de cha-
que côté de la mâchoire supérieure, entraînée
par tous les mouvements de la mâchoire de
dessous, n’est autre que le maxillaire. Si M.
de Lacépède ne se füt pas laissé dominer par
88 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
ses idées systématiques et qu'il eût consulté!
da nature, au lieu d'écrire son ouvrage d’après
le catalogue de Gmelin, il se serait fort aisé-
ment aperçu que ces lames ne diffèrent pas
des maxillaires des Mystes, genre qu'il éta-
blissait plus tard, et il n'aurait pas dit que
lOdontognathe avait un mécanisme particu-
hier de machoire dont on ne trouve d'exemple
dans aucun poisson connu. Schneider a été
plus près de la vérité que M. de Lacépède,
en reconnaissant dans ces lames une des pièces
de la mâchoire des poissons, mais il n'a pas
su distinguer si ces lames appartiennent à
lintermaxillaire ou au maxillaire; il est même
probable qu'il les à prises pour les intermaxil-
laires, de même quil considérait comme tels
les maxillaires des Clupées. D'ailleurs Schnei-
der, trompé par la figure singulièrement alté-
rée que Desène, fort mauvais dessinateur,
avait faite du poisson, a préféré composer un
nom nouveau au lieu d'accepter celui que
M. de Lacépède avait imaginé. La vérité est,
que ni l'un ni l'autre ne sont bons, mais
puisquils sont faits, il vaut mieux tout sim-
plement les accepter, en exposant en quoi
consistent les caractères de ce genre. Les
Odontognathes ont le corps très-comprimé;
le ventre tranchant et très-fortement dentelé
CHAP. XIV. ODONTOGNATHES. 89
depuis la gorge jusqu'à l'anus. Il ny a cer-
tainement point de ventrales. La dorsale est
si petite quon a peine à la trouver. L'anale
est très-longue, étendue sous toute la carène
de la queue, et se termine tout près de la
caudale qui est fourchue. Les pectorales sont
assez longues. La bouche est petite; la mä-
choire inférieure dépasse un peu la supé-
rieure : celle-ci, tronquée dans le milieu, est
formée de deux petits intermaxillaires placés
transversalement à l'extrémité du museau. Les
deux maxillaires articulés à la suite de ceux-
ci sont longs, très-mobiles, élargis un peu
avant leur extrémité; leur bord antérieur se
prolonge en une pointe assez aiguë, qui dé-
passe l'articulation de la mâchoire quand la
bouche est fermée, ou que lon voit libre et
comme détachée au-dessous des branches de
la mâchoire inférieure quand celle-ci est ou-
verte. De petites dents garnissent le bord des
deux mâchoires; il y en a aussi sur les pala-
üns, les ptérygoïdiens et sur la langue. Celles
des mâchoires sont inégales et coniques,
quoique petites; celles de l'intérieur de la
bouche sont en râpe très-fine : il n'y en a
pas sur le chevron du vomer.
Les Odontognathes ainsi caractérisés sont
donc des poissons offrant une réunion de
90 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES.
caractères pris à plusieurs genres de nos Clu-
péoïdes. Les maxillaires sont semblables à
ceux de nos Anchois de la division des !
Thrysses; les intermaxillaires et le système de
la dentition rappellent les caractères de nos.
Harengules et de nos Pellones. Enfin, les
Odontognathes sont apodes comme les Pris-
tigastres.
Je me suis déterminé à placer les Odonto-
gnathes à la suite des Anchoïs, à cause de la
disposition très-remarquable des maxillaires;
mais un naturaliste qui tiendrait compte en
première ligne de la saillie de la mâchoire
inférieure et de la troncature de la mâchoire
supérieure, qui est plus courte que l'autre,
pourrait très-bien rapprocher, comme l'a fait
M. Cuvier, les Odontognathes des Pristigastres.
Je n'attache pas à cette place une grande
importance , l'essentiel étant de présenter et.
de discuter les affinités de ce genre avec ceux
de la même famille.
Les viscères des Odontognathes ressemblent
assez bien à ceux de nos Anchois, et l'épais-
seur des parois de [a branche montante semble
montrer de légères affinités avec le gésier évi-
demment musculeux que nous verrons dans
les espèces du genre suivant. On ne connaît
encore qu'une seule espèce d'Odontognathe,
CHAP. XIV. ODONTOGNATHES. 91
que nous nommons d'après Lacépède et
Schneider.
L'ODONTOGNATHE AIGUILLONNÉ, Lac.
(Gnathobolus mucronatus , Schneïd.)
L'Odontognathe
a le corps très-comprimé et allongé, car l’épaisseur
ne fait que le cinquième de la hauteur, qui est com-
prise cinq fois et demie dans la longueur totale. La
tête égale ou est à peine plus courte que la hauteur
du tronc. L'oeil est assez grand. Les ouïes sont très-
fendues. La membrane branchiostège n’a que six
rayons. La bouche est petite; la mâchoire inférieure
est plus avancée que la supérieure. Les maxillaires
sont articulés à l'extrémité de peuts intermaxillaires,
armés de quelques petites dents. Les maxillaires sont
libres, élargis en palette et prolongés sur les côtés
de la bouche, de manière à ce que l’extrémité dé-
passe de beaucoup la branche de la mâchoire infé-
rieure quand la gueule est ouverte. C'est sous ce
rapport que ce poisson ressemble aux Anchois du
groupe des Thrysses. Les maxillaires ne dépassent pas
le bord de l’opercule; il a tout le bord hérissé de
petites dents inégales, alternativement plus petites
et plus grandes. Je ne crois pas qu'il y ait de dents
sur le chevron du vomer; mais on en voit sur le
palatin, sur le ptérygoidien et sur la langue. Elles
sont en râpe excessivement fines. La pectorale est
longue et assez pointue. L’anale commence aux deux
cinquièmes de la carène inférieure du corps; elle
92 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
s'étend jusque auprès de la caudale; elle est, par con-
séquent, très-longue, et égale, à peu de chose près,
la moitié de la longueur totale. La caudale est four-
chue ; le lobe inférieur est un peu plus long que le
supérieur. La dorsale est si petite qu’on ne l’aperçoit
qu'avec la plus grande attention. Les rayons sont
excessivement grèles; elle est reculée sur le dos et
vers la fin du second uers du corps.
B:/6:/D:42$/4:82: C0. 215; PH 1925 0200
La carène du ventre porte des écussons très-com-
primés, et dont la pointe, très-aiguë, en fait une vé-
ritable scie. On y compte vingt-quatre ou vingt-cinq
épines. Les écailles doivent être grandes et fines ;
mais elles tombent si facilement que tous nos exem-
plaires sont dénudés.
La couleur est un argenté brillant, verdätre sur
le dos. Le long des flancs il y a une bandelette lon-
gitudinale argentée, tracée depuis l'angle supérieur
de l’opercule jusque par le milieu de la caudale.
Le péritoine brille d’un bel éclat argenté, qu'on
l'aperçoit à travers les côtes. Il y a de nombreuses
appendices cœcales au pylore; une vessie aérienne
à parois très-minces, mais forufiée en dessous par
le repli argenté du péritoine.
La longueur de nos individus varie de six
pouces à six pouces et demi. Ce petit poisson,
sur les mœurs duquel nous n'avons aucun
renseignement, nous est venu de Cayenne
par M. Poiteau; de Surinam par Le Vaillant.
Nous conservons encore dans le Cabinet
CHAP. XIV. ODONTOGNATHES. 93
du Roi l'exemplaire qui a servi à M. de La-
cépède. Il est maintenant fort mal conservé,
et il me paraît probable, autant qu'on peut
en juger par le dessin de Desène, que le
poisson était déjà un peu altéré lorsque M. de
Lacépède l’a recu. Leblond l'avait envoyé sous
le nom vulgaire de Sardine.
94 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
CHAPITRE X V.
Du genre CnaTorsse (Chatoessus ).
Le genre que je vais décrire nous présente
un second exemple des variations des carac-
ières, qui semblent les plus nets et les plus
tranchés dans les familles considérées comme
naturelles. Tous les poissons qui composent
la famille des Clupes ont les intermaxillaires
petits, attachés à l'extrémité du museau et
recoivent sur leur extrémité la tête antérieure
du maxillaire mobile sur ceux-ci. Dans les
Chatoessus, la nature modifie tellement la
composition de l'arcade supérieure de la
bouche, que nous voyons se reproduire ici
ce que nous avons déjà trouvé dans les
Sclérognathes de la famille des Cyprinoïdes.
L'intermaxillaire est très-petit, placé à l'extré-
mité du museau. Une lèvre fibreuse semble
l'étendre et le continuer en se prolongeant
jusque vers l'extrémité du maxillaire. Cet os
est placé en arrière de J'intermaxillaire ; il s’ar-
üicule sur la tubérosité de l’ethmoïde. Les
poissons dont nous allons traiter n’ont donc
plus une véritable bouche de Clupées; ce-
pendant le maxillaire concourt, à cause de la
brièveté de l'autre os, à border la bouche. Il
MP = 2e
CHAP. XV. CHATOESSES. 95
y a donc là une tendance évidente de la na-
ture à reproduire une bouche de Cyprinoïde
de la même manière que nous pouvions dire
que les Sclérognathes n'avaient plus une bou-
che exactement conformée comme celle des
Cyprinoïdes.
Nous avons déjà vu au commencement de
cette disposition, dans le genre des Anchois,
chez lesquels le maxillaire Note plutôt sur
le bord postérieur de l'intermaxillaire qu'à son
extrémité. S1 la forme de la bouche semble
éloigner d'abord les Chatoesses des autres Clu-
pées, la nature les ramène dans cette famille
et les pat auprès des Anchois par la saillie
de l'ethmoïde, par la disposition de leurs vis-
cères remarquables à cause de leurs nombreux
cœcums. Îl n'est pas jusqu’à leur ventre caréné
et fortement dentelé qui ne les ramène aussi
aux Clupées, quoique nous ayons vu ce ca-
ractère manquer dans plusieurs de nos An-
chois. Ces considérations sont une nouvelle
preuve que l'on ne fait de bonnes familles
naturelles qu'en suivant la nature dans ses
variations et en ne s'arrêtant pas à un carac-
tère unique qui, par sa rigoureuse application,
établit tout de suite une méthode artificielle
avec tous ses défauts. Le genre Chatoessus
sera donc caractérisé par une bouche petite
96 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
et sans dents; sous un museau saillant, elle
est bordée supérieurement par de petits in-
à
{
1
4
termaxillaires attachés à son extrémité et pla-
cés un peu au-devant de la portion supérieure *
des maxillaires. Ceux-ci sont articulés derrière
les premiers et sur la tubérosité latérale de
lethmoïde. Une petite entaille se voit au mi-
lieu de la mâchoire ; il y correspond une pe-
tite tubérosité de la symphyse de la mâchoire
inférieure. Les deux mâchoires n'ont aucune
dent et nous n'en avons pas trouvé dans l'in-
térieur de la bouche sur aucune des parties
ordinairement dentées dans les genres précé-
dents. La disposition singulière des arcs et des
peignes branchiaux fournit un caractère sin-
gulier et très-commode pour caractériser le
genre. L'arc se plie en deux chevrons, dont
l'inférieur a la pointe tournée vers l'arrière et
le supérieur vers l'extrémité du museau. De
plus, une petite pièce cartilagineuse insérée
au-devant de la réunion des arcs supérieurs 1
et libre sous le palais porte une continuation
_des très-fines ratelures de la branchie et con-
stitue une pointe pennée, dont la longueur
est variable suivant les différentes espèces.
Elles ont en général le corps haut, ovale et
court; le ventre fortement dentelé; les pec-
torales et les ventrales petites et sans aucun
CHAP. XV. CHATOESSES. 97
rayon remarquable. Mais cette sorte de ten-
dance au prolongement de quelques parties,
qui nous à déjà frappé dans les genres précé-
dents, reparaît ici dans quelques espèces qui
ont le dernier rayon de la dorsale prolongé
en filament. Ce caractère à peu de valeur,
car nous Citons un presque aussi grand nom-
bre d'espèces à dorsale sans rayon prolongé.
La splanchnologie des Chatoesses n’est pas
moins remarquable que la singulière disposi-
tion de leur bouche. La branche montante
de l'estomac a ses parois épaisses et renflées
en un véritable petit gésier, et les appendices
pyloriques attachées sur une grande longueur
de l'intestin sont courtes, branchues, très-nom-
Preuses et réunies par un tissu cellulaire dense.
Elles forment ainsi une masse glanduliforme qui
remplit la plus grande partie de la cavité ab-
dominale. Les ovaires sont formés d’une lame
repliée sur elle-même, flottant librement dans
la cavité abdominale, de sorte que les œufs
ne sont point enfermés dans un sac ovarien,
mais tombent avant l’éclosion dans la cavité
générale du péritoine. Tels sont les caractères
génériques des poissons de ce genre. Les na-
turalistes qui ont examiné les espèces à rayons
de la dorsale filamenteux ne portèrent leur
attention que sur ce caractère artificiel, et
D (le g
98 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
décrivèrent ces espèces comme appartenant
aux Mégalops, c'est-à-dire dans notre manière
de voir aux Elops, qui ont le dernier rayon
de la dorsale prolongé. Or, rien nest plus
éloigné que les espèces rapprochées suivant
cette manière de voir. M. Cuvier le sentit
lorsqu'il publia la seconde édition du Règne
animal, mais n'ayant pas étudié tous les dé-
tails de l’organisation de ces poissons, il ca-
ractérisa le genre très-vaguement, puisqu'il
réunit des espèces qui ont les mâchoires égales
et le museau non-proéminent, d’autres qui
ont le museau plus saillant que les machoires.
Les premiers sont les seuls que l'on puisse
comparer aux harengs proprement dits; aussi
il compose un genre qui réunit des espèces
de genres fort différents, il n'associe pas même
convenablement dans ses notes les espèces
quil cite, puisqu'il réunit dans un même
groupe le Cailleu-Tassart des Antilles et le
Megalops cepedianus de Lesueur qui ne sap-
partiennent nullement, et quà côté de ces
deux espèces il met le Peddah Kome de
Russell, lequel n'est autre que le Xome du
même auteur ou que le Clup. nasus de Bloch,
qui aurait dù avoir incontestablement pour
associé le Hegalops cepedianus de Lacépède.
J'ai donc été obligé de réformer presque en-
CHAP. XV. CHATOESSES. 99
tièrement le genre du Règne animal, et si j'ai
conservé le nom de Chatoessus, il devient
maintenant employé dans une toute autre ac-
ception, et le genre dont je vais présenter
la liste des espèces est différent de celui fondé
sous cette dénomination. On peut faire dans
ce genre deux divisions: la première compren-
drait les espèces munies d’un filet dorsal et
la seconde sera composée des espèces qui en
manquent. -
Le CHATOESSE CÉPÉDIEN.
(Chatoessus Cepedianus , nob.)
Je commence la description des espèces de
ce genre par celle que M. Lesueur a dédiée à
M. de Lacépède.
C'est un poisson de forme ovale et régulière. La
hauteur est le tiers de la longueur totale. L'épaisseur
du tronc est un peu moins du quart de la hauteur.
La tête est petite, comprise cinq fois moins quelque
chose dans la longueur totale. L’œ1il est de grandeur
moyenne, à peu de distance d’un museau saillant,
gros et obtus. La saillie est encore due au prolon-
gement de l’ethmoïde. Les sous-orbitaires sont petits,
un peu caverneux et en partie cachés sous la pau-
pière adipeuse étendue sur l'œil. Le préopercule est
très-grand et à bord tout à fait arrondi, sans angles.
L'interopercule est étroit, mais long; 1l suit la courbe
à
109 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
de l'os précédent, et il remonte assez haut au-devant
de l’opercule; celui-ci est irrégulièrement quadrila-
tère, un peu sinueux en arrière. Le sous-opercule est
assez large et en demi-croissant. Ces os portent un
bord membraneux assez développé. La fente des ouïes
est large. Il y a six rayons à la membrane branch1os-
tège, dont les trois internes sont des stylets grêles,
et les trois externes des lames aplaties. Les branchies
portent des ratelures tellement fines et nombreuses
qu'on pourrait dire facilement que l'arc branchial
a une double série de lames pectinées. D’un autre
côté, cet arc branchial se replie dans ce poisson
deux fois sur lui-même. En effet, un premier arceau
se porte de la langue vers la fente de l’ouïe; puis une
seconde portion d’arc revient de ce point vers le
haut du palais, d’où il en naît une troisième qui
revient sous le crâne jusque sous l’aruiculation du
mastoïdien. L'arc branchial est donc plié en un double
chevron. Au second angle ou à l’angle supérieur et
palaun, est insérée une pièce cartilagineuse qui se
porte sous le palais vers l'ouverture de la bouche,
parallèlement à la langue; elle est garnie de chaque
côté de lamelles fines et pectinées, que lon voit
tout le long de l'arc branchial. C'est ce qui forme
sous le palais cette pointe pennée très-singulière,
mentionnée par M. Cuvier. L’opercule à sous sa face
interne une branchie supplémentaire très-développée.
Il n’y a, d'ailleurs, aucune dent sur la langue, sur
le palais, ni aux pharyngiens. La nature a fait ici une
nouvelle sorte de Lachnolayme. Il n’y a pas non plus
de dents aux mâchoires. La bouche est très-petite,
CHAP. XV. CHATOESSES. 401
fendue un peu en ogive; la mächoire supérieure
porte une légère échancrure, dans laquelle se place
un petit tubercule élevé sur la symphyse de la mà-
choire inférieure. L’arc de la mâchoire supérieure
est bordé par les intermaxillaires et un peu par les
maxillaires. L'intermaxillaire est petit, comprimé,
mobile, sans branche montante et articulé sur la
tubérosité ethmoïdale. Une lèvre un peu fibreuse
couvre ce petit os, et va rejoindre le maxillaire vers
l’angle de la bouche. Celui-ci est petit, aplati, articulé
librement derrière l'intermaxillaire; sa pièce acces-
soire est réduite à un très-petit stylet. Les deux ou-
vertures de la narine sont rapprochées l’une de l’autre
sur les côtés du museau. La ceinture humérale est
presque entièrement cachée sous le bord de loper-
cule, de sorte que la pectorale est insérée très-en
avant, elle a une large écaille dans son aisselle et
quelques autres, en dessous, complètent la gaine
dans laquelle elle se meut. Cette nageoire est en
ovale très-allongé quand elle est repliée, et elle
touche à la ventrale. Celle-ci est triangulaire, assez
large, et a une petite écaille au-dessus d'elle. La
dorsale, petite et pointue de avant, est attachée un
peu en arrière de l’aplomb de la ventrale, et par le
milieu de la longueur du corps, en n'y comprenant
pas la caudale. Le dernier rayon se prolonge en un
filet couché le long du dos, qui dépasse la moitié
de la distance entre la dorsale et la nageoire de la
queue; celle-ci est fourchue. L’anale est longue et
basse, à peu près comme une nageoire de Brême.
B.:.6: D: 12: A..33: G 19; P. 16: V..8.
102 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
Les écailles sont de grandeur médiocre. Je n’y
vois aucune strie remarquable. Nous en comptons
cinquante-huit rangées entre l’ouïe et la caudale. Le
véntre, comprimé et caréné, a, comme dans les
Clupées, trente chevrons, dont la carène, très-épaisse
ét terminée en pointe, constitue une scie à très-
petites dents.
La couleur rappelle celle de nos Cyprins, elle est
verdâtre sur le dos et argentée sur le bas des côtés.
J'ai fait l'anatomie de ce poisson, et ses viscères
digestifs offrent des particularités bien curieuses. Le
pharynx est assez étroit et s’ouvre au fond d’un ré-
trécissement très-marqué; il se continue en un œso-
phage étroit et cylindrique, accolé sous la vessie
natatoire. Arrivé à peu près au tiers de la cavité
abdominale, il se recourbe vers le bas et se dilate
bientôt en une petite poche qui est le commence
ment de l'estomac; mais les parois s’épaississent
promptement, de manière à constituer une sorte de
bulbe, qui rappelle, à quelques égards, l'estomac
des Muges. Cette portion de canal digestif remonte
presque jusque sous le diaphragme; elle serait, en
quelque sorte, analogue à la branche montante des
estomacs des poissons, qui s’épaississent ordinaire-
ment. Le pylore est à la partie antérieure, et le
duodénum qui y prend naissance se courbe derrière
le diaphragme, pour descendre jusqu’au fond de la
cavité abdominale. Il donne dans tout ce trajet nais-
sance à une immense quantité de petits cœcums ra-
mifiés, retenus par un üssu cellulaire très-dense; 1ls
sont plus longs à droite et à gauche de l'estomac,
CHAP. XV. CHATOESSES. 103
qu'ils n’embrassent que vers la fin du duodénum.
Cela forme une masse glanduleuse, à laquelle je ne
pourrais comparer que celle des Thons. L’intestin
est d’ailleurs assez long, car il fait sous l'estomac et
entre les cœcums trois replis en spirale assez courts;
puis il descend vers l'arrière de la cavité abdominale,
où il se plie trois ou quatre fois de nouveau par
des anses assez longues avant de se rendre à l'anus.
Le foie est peut et divisé en lobules trièdres, allongés,
et qui suivent les premières circonvolutions de l'in-
testin. Un péritoine noir très-foncé sépare cette
masse viscérale de la vessie aérienne, qui est très-
grande, unilobée, arrondie en avant, pointue en
arrière; elle communique par un canal court, avec
la crosse de l'œsophage. De peutes laitances blanches
se dessinaient sur le fond noir du péritoine. Je nai
rien trouvé dans l'estomac.
La longueur de nos individus est de treize
à quatorze pouces. Nous les avons recus en
assez grande quantité de New-York par M. Mil-
bert; de la Nouvelle-Orléans, par M. Despain-
ville ; de Philadelphie, du lac Ponchartrain,
par M. Lesueur, qui l'a vu remonter dans le
fleuve, et jusque dans le Wabash; il s’en est
mème procuré des individus en les retirant de
l'estomac de Cormorans, qu'il tuait sur la ri-
vière ou de grands Pimélodes qu'il prenait
dans le fleuve : c’est la Sardine sur le lac Pon-
chartrain.
4104 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
M. Lesueur à dédié cette espèce à notre
illustre ichthyologiste, M. de Lacépède, sous
le nom de Megalops Cepedianus.
Ce naturaliste nous en a envoyé des indi-
vidus beaucoup plus petits, qui n’ont guère
que cinq pouces et demi. Ceux-là étaient dé-
signés par lui sous le nom de Megalops bima-
culata; mais en examinant des individus de
taille intermédiaire, nous avons la preuve que
cette tache disparaît avec l’âge et qu'elle n’est
qu'une sorte de livrée.
Le CHATOESSE NASON.
(Chatoessus nasus, nob.)
Nous trouvons dans l'Inde une seconde
espèce de Chatoesse, qui se distingue au pre-
mier coup d'œil de celui de l'Amérique sep-
tentrionale
par son anale plus courte. Le dernier rayon de la
dorsale est plus long; car je le vois atteindre à la
caudale, non-seulement dans les individus que j'ai
sous les yeux, mais dans les différents dessins bien
fais que je puis consulter. Les épines de la carène
du ventre sont plus fortes et plus pointues. La pec-
torale est un peu plus allongée. Je retrouve d’ailleurs
dans cette espèce les autres caractères génériques de
l'espèce précédente.
D. 14; À. 20; C. 23; P. 165 V. 8.
Le
CHAP. XV. CHATOESSES. 105
La couleur est un argenté très- brillant; le dos
seul est bleuûtre. Les viscères de ce poisson ressem-
blent à ceux de l'espèce précédente; mais il y a moins
_de cœcums. Le péritoine est très-noir. Cette couleur
se remarque jusque sur la muqueuse de la bouche
et à la face interne de l’opercule, au-devant de la
branchie supplémentaire.
M. Leschenault nous a envoyé cette espèce
de la rade de Pondichéry. Ce poisson atteint
à un pied de longueur. On le trouve sur la
côte pendant toutes les saisons, et surtout à
l'embouchure de la rivière ; mais il n’est pas
très-abondant. Nous en avons trouvé une peau
desséchée et mal conservée dans les collec-
tions faites au même endroit par M. Sonnerat.
M. Roux nous l'a aussi rapporté de Bombay.
Russell à figuré cette espèce, en en faisant un
double emploi sous deux noms différents ;
une première fois sous le nom de Xome, et il
croit que c'est le Clupea thryssa de Linné.
IL y rapporte Le poisson figuré sous le mème
nom par Bloch à la planche 404; sil avait
comparé avec un peu plus de soin sa figure
et celle de lichthyologiste de Berlin, il se
serait bien vite aperçu qu'elles ne se ressem-
blent que par le filet de la dorsale. D'ailleurs,
nous avons établi sur des données positives,
que le Clupea thryssa de Bloch est le Cailleu-
106 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES.
Tassart et du genre de nos Melettes. Russell
a donné une seconde fois, sous le nom de
Peddah-Kome, l'espèce dont il s’agit ici, en la
rapportant cette fois, avec raison, au Ctibee
nasus de Bloch. Je crois aussi id faut rap-
porter le Chatoessus altus figuré par M. Gray",
qui a le dos plombé, le ventre argenté, la dor-
sale verte, la caudale orangée et les autres
nageoires jaunes. Malgré ces différences de
coloration, je n'ose maintenir la distinction
établie par le savant zoologiste que je viens
de citer.
Le CHATOESsE D'OSBECK.
(Chatoessus Osbeckit, nob.)
IL existe sur les côtes de la Chine plusieurs
espèces de Chatoessus. Le Muséum d'histoire
naturelle vient d'en recevoir une espèce
à corps un peu plus oblong, à museau beaucoup
plus court. Il a d’ailleurs l’anale courte du précédent.
D. 15; A. 24, etc.
Ce petit poisson nous parait plombé sur le dos
et argenté sur le reste du corps.
Nos exemplaires ont près de quatre pouces.
Ils nous ont été envoyés par M. Callery.
1. Gray, Lust. of Ind. zool., by maj. gen. Hardwicke, pl. 91,
Hg: 2
CHAP. XV. CHATOESSES. 107
Il me paraît hors de doute, à cause du
nombre des rayons de l’anale que j'ai sous Les
yeux, le Clupea thryssa d'Osbeck, que Linné
avait confondu avec le Cailleu-'Tassart des
Antilles et même avec le Chatoessus Cepe-
dianus des côtes de l'Amérique septentrio-
nale. Je crois aussi quil faut rapporter à ce
poisson le Chatoessus thriza du docteur Ri-
chardson, sans admettre, comme lui, que ce
soit le Cup. thriza des Aménités académiques.
Le CHATOESSE PONCTUÉ.
(Chatoessus punctatus , Temw. et Schl.)
Les savants auteurs du Fauna japonica'
ont décrit et figuré une espèce de Chatoesse
qui se rapproche du poisson de Bloch, tout
en s'en distinguant
par le nombre des rayons de la dorsale et de l’anale,
et par des formes un peu plus allongées. J'extrairai
de la description détaillée qu’en a faite mon ami
Schlegel les principaux traits.
Le corps est plus allongé que celui des espèces
précédentes.
Voici les nombres des rayons des nageoires :
D. 18; A. 21; C. 20; P. 16; V. 8.
Je ne transcris pas le nombre des rayons des bran-
1. Temm. et Schl., Faun. jap., Pisc., pl. 109, fig. 4.
108 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
chies parce que je crois qu'il y a une faute d'impres-
sion. À l’état frais, ce poisson, verdâtre, a des teintes
bleuâtres sur le dos, jaunâtres sur les flancs, et
blanches argentées sur le ventre. L’épaule est marquée
d’une tache noirûtre verticale. Il y a huit séries de
points longitudinaux marquées sur les écailles de la
partie supérieure. La dorsale et la caudale sont jaunà-
tres et rembrunies; les autres nageoires sont bleuâtres.
Ces naturalistes nous apprennent que ce
poisson, long de huit à dix pouces, est le Xo-
nosiro des Japonais. On le prend en abon-
dance pendant l'automne et l'hiver des côtes
sud-ouest du Japon. Il se retire principale-
ment dans le fond des baies : on le mange soit
salé soit séché.
Le CHATOESSE TACHETÉ.
(Chatoessus maculatus, Gray.)
M. Gray a ainsi nommé, dans la collection
du British Muséum, un chatoesse que nous ne
connaissons que par les figures qui sen trou-
vent dans les collections de dessins faits à la
Chine, et surtout aussi par la description dé-.
taillée que nous en a donnée mon ami le
docteur Richardson *. Tous les caractères géné-
riques sont faciles à saisir.
1. Rich., Ichthyol. des mers de Chine, p. 308.
CHAP. XV. CHATOESSES. 109
D. 16; A. 98.
La couleur est verdâtre sur le dos. Les taches sont
noires. Le ventre est argenté. La dorsale est rosée;
les autres nageoires sont pâles. La caudale, un peu
plus jaune, est bordée de gris noirâtre.
C'est la seule espèce dont les nombres de l'a-
nale se rapprochent de ceux du Clupeathryssa
des Aménités académiques. Je m'étonne que
l'auteur de cette description n'ait pas parlé du
prolongement filiforme du dernier rayon de
la dorsale; aussi n'aurais-je pas hésité à rap-
porter ce Clup. thriza à Vun de nos Chatoesses,
voisins du C. humeralis, si je n'avais trouvé
une trop grande différence dans les rayons de
l'anale. Je ne serais pas étonné, que la descrip-
tion des Aménités académiques, ne se rap-
portät à une espèce qui manque encore à nos
collections.
Le CHATOESSE AQUEUX.
(Chatoessus aquosus, Richard.)
Je parlerais encore, d'après le docteur Ri-
chardson , d’un Chatoesse qui lui a paru se
rapprocher du Clupea nasus de Bloch, sans
correspondre exactement à la figure de cet
auteur, ni à celle du Xome de Russell. Il a
aussi trouvé des différences
410 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
dans le nombre des rayons des nageoires.
Voici comme il les exprime :
D 148 :: A:98 :0CG 2293 P1045% V. 78.
La hauteur du corps est la plus grande au-devant
de la dorsale et des ventrales, nageoires opposées
l’une à l’autre; elle est contenue trois fois et trois
quarts dans la longueur totale. Il y a quarante-six
écailles longitudinales le long des flancs. La carène
du ventre porte vingt-huit épines, dont treize sont
derrière les ventrales; les dernières sont presque
effacées. Les parties supérieures sont vertes, à reflets
argentés ; les inférieures argentées ou gris de perle,
mêlé de laque et de bleuâtre. La caudale et l’anale
vert olivâtre; la dorsale et la ventrale plus pâles.
La première de ces deux nageoires est un peu lavée
de carmin. Les pectorales sont jaunes.
M. Richardson a vu, dans le British Mu-
séum un individu desséché, qui a été déposé
par M. Reves sous les noms chinois de Schwuy
hwa, Schwuy hwä, Schutz wat. 1 est long de
sept pouces trois quarts.
Le CHATOESSE CHRYSOPTÈRE.
(Chatoessus chrysopterus, Richard.)
Le savant ichthyologiste ‘ que je viens de
citer, a aussi distingué, sous le nom que je
lui conserve, un Chatoesse
4. Richardson, 1. cit., p. 308.
CHAP. XV. CHATOESSES. 411
qui a les mâchoires égales; la bouche petite, les
écailles argentées, vertes sur le dos et bleu-lilas sur
les côtés. Le sommet de la tête et les opercules sont
verts. Les nageoires d’un beau jaune.
Cette espèce est établie d'après l'inspection
d'une figure longue de neuf pouces.
Le CHATOESSE CHACUNDA.
(Chatoessus chacunda , nob.)
J'ai commencé la description des espèces
de ce genre par celles qui portent un filet à
la dorsale; mais je trouve dans les grandes
eaux de l'Inde d’autres Chatoessus sans filet.
L'étude assez difficile de l'ouvrage de Bu-
chanan me fait aussi penser que plusieurs
espèces de ce genre ont déjà été indiquées
par M. Hamilton Buchanan, qui les a con-
sidérées comme des espèces de Clupanodon,
genre où il a réuni les Aloses et peut-être
des Pellones, qui sont loin d’être des Clupées
sans dents. Je vais commencer la description
des Chatoesses sans filet, par celle dont j'ai
eu le plus grand nombre d'exemplaires sous
les yeux.
Elle a le corps ovale. La hauteur est deux fois et
deux tiers dans la longueur totale. La tête est courte,
elle est comprise quatre fois et deux tiers dans cette
112 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏI DES.
même longueur totale. Le museau est sallant et
conique. La bouche est tout à fait en dessous. Le
tubercule de la symphyse est saillant et reçu dans
une échancrure de la mâchoire supérieure. Les in-
termaxillaires sont larges et longs. Les maxillares
sont étroits et tout à fait rejetés derrière l’intermaxil-
laire. Les branchies sont entièrement conformées
comme celles des autres Chatoesses; mais, dans cette
espèce, la pointe pennée du palais devient très-courte.
I] y a de même une large branchie supplémentaire
sous l’opercule. La dorsale, écailleuse à sa base,
occupe la fin de la première moitié du corps. Ses
rayons antérieurs SOnt aussi hauts que la nageoire
est longue. La hauteur du dernier rayon mesure la
moitié de celle des premiers. La pectorale est petite
et ronde; la ventrale est insérée sous le milieu de
la dorsale. L’anale est basse et courte; la caudale est
profondément divisée en deux larges lobes, dont
le bord interne est arrondi en arc convexe. Ces deux
dernières nageoires sont toutes couvertes d’écailles.
D. 193 4220: 6.255 PT 718;
Les écailles sont fermes, adhérentes, et à bord
finement cihé; il y en a trente-cinq rangées. Quoique
le ventre ne soit pas aussi tranchant que celui des
espèces précédentes, il est dentelé par vingt-huit
chevrons épineux et peu saillants. Tout le corps de
ce poisson est argenté, un peu verdàtre sur le dos.
Le dessus de la tête est d’un beau jaune doré. Une
tache noire assez grande existe sur le haut de l’oper-
cule, et se conserve sur les exemplaires gardés depuis M
longtemps dans l’alcool. La caudale est jaune.
CHAP. XV. CHATOESSES. 1143
M. Dussumier en a rapporté un grand nom-
bre d'exemplaires : ils ont six pouces de long;
c'est la taille ordinaire des individus de cette
espèce.
Nous avons fait l'anatomie de ce poisson.
Les viscères sont semblables à ceux des autres
chatoesses; mais le nombre des cœcums est
beaucoup plus considérable et ils sont plus
longs. La vessie aérienne est moins grande. Ce
poisson, abondant sur la côte malabare, est
peu estimé à cause du grand nombre de ses
arêtes. On le retrouve dans la mer des Molu-
ques. MM. Kubl et Van Hasselt en ont envoyé
de Java, avec un très-beau dessin fait d’après
le vivant. Ces voyageurs ont confirmé l'iden-
tité spécifique par la ressemblance des formes
et des couleurs. Le major Farquhar a aussi
dessiné ce poisson dans le détroit de Malacca;
il avait inscrit pour nom malais Ækan-Troo-
bala.
Il me paraît hors de doute que fé Clupa-
nodon chacunda de Buchanan se rapporte à
l'espèce que je viens de décrire. Tout ce qu'il
dit de la forme générale du corps, de la bou-
che, des machoires, dont la supérieure est
entaillée et dont l'inférieure porte une petite
arête, semblable à celle que l’on voit dans les
espèces du genre Mugil, prouve que ce Clu-
2 1.
114 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. :
panodon chacunda est un Chatoessus. Comme
dans la description détaillée que l’auteur donne
des nageoires, il n'est pas fait mention que le
dernier rayon soit prolongé, et qu'en parlant
des couleurs, ce naturaliste signale la tache
noire de l'épaule, il me paraît que l'on ne
peut conserver aucun doute sur ce rappro-
chement; aussi ai-je peine à comprendre com-
ment M. Buchanan à trouvé une telle affinité
entre son poisson et le Kowal de Russell’, qu'il
ait pu se demander sils sont distincts. Le
Chacunda se trouve dans les eaux saumâtres
de l'embouchure du Gange; il atteint jusqu'à
- huit pouces de longueur et est peu estimé.
Le CHATOESSE MANMINA.
(Chatoessus manmina, nob.)
M. Buchanan a distingué un Clupanodon
manmina, qui me parait extrêmement sem-
blable au précédent. Je ne lui trouve d'autre
différence que dans un petit nombre de rayons
de plus à l'anale.
Voici l’expression des nombres comptés par M.
Buchanan :
D. 14; A. 2%; C. 19; P. 15; V. 8.
1. Russell, Corom. fish., pl. 186.
CHAP, XV. CHATOESSES. 145
L'espèce a d’ailleurs une tache noire sur chaque
épaule. ”
En se rappelant les différences que nous
avons trouvées dans le nombre des rayons de
l'anale de l'Alose commune et de beaucoup
d’autres Clupées, j'ai peine à croire que les na-
turalistes, qui reverront ces poissons vivants,
les distinguent l'un de l'autre. Ce Manmina
se trouve dans les eaux douces du Gange. Il
ne devient pas plus grand que le Chacunda,
mais il passe pour meilleur. Cela ne tient-il
pas à la différence de séjour des deux poissons ?
Je vois encore moins de facilité à distinguer
des précédents le Clupanodon chapra. Celui-ci
n'aurait que dix-sept rayons à la dorsale; il a
de même vingt-quatre rayons à l'anale et une
tache noire sur chaque épaule. Ce petit pois-
son a été trouvé dans les parties supérieures
du Gange. Il me parait que le Clupea chapra
de M. Gray n'est ni de la même espèce, ni
du même genre que le poisson désigné sous
le même nom par M. Buchanan.
Le Cuarossse Corrius.
(Chatoessus Cortius, nob.)
Le Clupanodon Cortius des poissons du
Gange est une espèce que l’auteur a regardée
41146 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES.
comme si semblable au Manmina, qu'il a cru
inutile d'en signaler autre chose que le carac-
tère spécifique.
Il consiste dans l’absence de tache à l'épaule. Il a
les mêmes nombres.
D. 15; A. 24, etc.
Ce poisson a été trouvé dans le Brahma-
putra, près de Goyalpara. Je ne m'étonnerais
pas que ce ne füt une simple variété des précé-
dents.
Le CHATOESsE CHANPOLE.
(Chatoessus Chanpole , nob.)
La seule inspection de la figure donnée
par Buchanan me fait croire que le poisson
décrit et figuré par cet auteur, sous le nom
de Clupanodon chanpole, appartient aussi à la
division des Chatoesses sans filet à la dorsale.
Cette espèce est facilement reconnaissable par la
série de taches que l’on voit le long des flancs;
mais comme il n’a vu que des individus de petite
taille, et qui ne dépassaient pas quatre pouces, je
ne suis pas très-sûr quil n'ait figuré un jeune
poisson.
En attendant d’autres renseignements, voici
l'extrait de la description :
C'est un poisson à museau un peu saillant, à
mâchoires presque égales. Le palais et la langue sont
CHAP. XV. CHATOESES. 117
lisses. Les écailles sont de grandeur moyenne, lisses,
et très-adhérentes.
B. 6; D. 15; A. 21; C. 19; P. 13; V. 8.
La couleur est verte sur le dos, argentée sur le
ventre, Il y a de trois à six taches noires, placées
en ligne droite sur le haut des flancs. Les nageoires
sont transparentes. La caudale est tachetée. On trouve
cette espèce dans les marais du Bengale; elle croit
à environ quatre pouces, et est très-peu estimée.
Je ne crois pas quil faille distinguer de ce
Clupanodon chanpole le Clupanodon gagius,
qui aurait vingt-trois rayons à l’anale et la
carène du dos plus aiguë. Je les considère
comme des adultes de l'espèce précédente,
puisqu'ils atteignent une taille double; leur
longueur ordinaire étant environ d'un empan.
M. Buchanan les a trouvés dans les rivières et
dans les marais du Behar septentrional.
Le CHATOESsE Tampo.
(Chatoessus Tampo, nob.)
Je crois pouvoir indiquer, d'après un beau
dessin du major Farquhar, une autre espèce
de Chatoesse sans filament dorsal,
qui a le corps beaucoup plus allongé. Les lobes de
la caudale beaucoup plus longs et plus aigus. Le
poisson, verdâtre sur le dos, lilas sur le ventre, à
118 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
toutes les nageoires jaunes. La caudale a son crois-
sant bordé de noir; mais je ne vois pas de tache
derrière l’opercule. ,
Le dessin est long de dix pouces. Il porte
pour nom malais Ækan-Tampo.
RÉ *,
CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 119
CHAPITRE XVL
Du genre Noroprire (Notopterus ).
Les premières notions du genre dont nous
allons traiter remontent au commencement
du dix-septième siècle, puisque cest dans
l'ouvrage de Bontius, dont les observations
datent de 1629, que l’on trouve la première
figure d'un poisson de ce genre. Il est facile
de reconnaître un Notoptère dans le 7inca
marina sive hippurus'. Cet auteur ne donne
aucun détail sur un poisson qu'il trouve très-
curieux, et dit seulement quil la appelé
Tanche marine, à cause de la lubricité de sa
peau. Il est beaucoup moins certain que Re-
nard ait représenté notre poisson; si cela est,
la figure ou les figures qu'il en donne seraient
très-mauvaises. Pallas a cru, d'après l'indica-
tion des noms malais, que le Pangay ou
Kapirat* représentait le Notoptère qu'il re-
cevait en effet de l’Inde sous le nom de Zkan-
pangayo. Cette figure de Renard est une
copie assez exacte de celle que nous trou-
vons dans le Recueil des figures originales,
laissées par lamiral Corneille de Vlaming.
14. Bontius, Hist. nat. Ind., p.18, ch. 25.
2. Ren., folio 16, n.° 90.
1420 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES.
Les deux filets dessinés verticalement à la
hauteur du premier rayon de l'anale et les
traits longitudinaux n'existent pas sur le dessin
de l'amiral. Dans cette figure le poisson est
coloré en vert sur le dos, en gris argenté sur le
ventre ; l'anale est un peu rembrunie. D'ailleurs
les deux traits, que l'on peut comparer aux
ventrales, sont plus gros et plus longs et un
peu moins avancés sous la gorge. L'amiral a
nommé son poisson Papirat. C'est à peu près
le même nom que celui de Renard, la seule
différence consiste dans la lettre initiale. A
côté de ce dessin, je trouve la représentation
d’un autre poisson que l'amiral a nommé Pa-
bia ou Carbauw. Celui-ci aurait deux barbil-
lons maxillaires, le premier rayon de la pec-
torale gros et prolongé, l'anale réunie à Ja
caudale, point de dorsale ni de ventrales. Ce
poisson, vert sur le dos, argenté ou doré sur
les flancs, porte sur l'anale et sur la caudale
des teintes jaunâtres. La reproduction de ce
dessin a lieu sous le même nom dans l'ouvrage
de Renard’. On pourrait croire que ce dessin
est une mauvaise figure de quelques-uns de
nos Siluroïdes; cependant l'absence de la ven-
trale et de la dorsale prouverait que la nature
1. Ren., fol. 16, n.° 91.
CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 424
a été copiée avec plus de négligence que dans
beaucoup d’autres figures. Je ne me suis d’ail-
leurs arrêté sur ces deux dessins que parce
que je les trouve aussi reproduits dans Valen-
tyn', qui appelle le poisson /kan-marate
(poisson marate), en disant que le premier,
le Pangay ou le Kapirat de Renard, est le
mâle, et le second ou le Pubia, est la femelle.
Si ces observations de Valentyn sont exactes,
cela démontrerait que ses deux figures défec-
tueuses appartiennent à une même espèce et
elles pourraient bien être une représentation
d'un Notoptère. Je ne fais ici cette observa-
tion que pour répondre à la note mise dans
le Règne animal, au bas de l'article des No-
optères. Elle peut faire croire que l'on devra
chercher dans un autre genre les poissons re-
présentés dans les figures dont je viens de dis-
cuter la valeur. Je crois qu'il sera préférable
de ne plus citer à l'avenir ces synonymes, à
cause de leur incertitude.
Nous n'avons donc jusqu'à présent à men-
tionner que la figure de Bontius. Pallas* a recu
un exemplaire desséché de ce poisson, et par
une vicieuse application des caractères lin-
1. Valent., Poissons d’Amboine, p. 506, n.° 512, et p. 507,
n.° 513.
2. Pallas, Spicil. zool., 1, p. 40, tab. 6, fig. 2.
122 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
néens, il a placé ce poisson dans le genre des
Gymnotes, et alors, critiquant le nom très-
exact imposé dans le Systema naturæ au
genre des Gymnotes, il a imaginé pour déno-
mination spécifique une très-forte antithèse,
et il a appelé son poisson Gymnotus notop-
terus. La description qu'il a faite de la seule
espèce quil possédait est, à quelques inexac-
titudes près, assez bonne. Pallas a cependant
commis une grave erreur, en ne voyant pas
les ventrales. Il ne donne que six rayons à la
membrane branchiostège, mais nous établirons
un peu plus loin que leur nombre est variable,
et d’ailleurs, quand il y en a huit, les deux
derniers sont difficiles à voir. La figure est
très-reconnaissable. Elle a été copiée par Bon-
naterre dans l'Encyclopédie. Cet auteur, qui
ne connaissait pas du tout les poissons, a
désigné l'espèce dans le texte de l’'Encyclo-
pédie sous le nom de Gymnotus kapirat.
D'un autre côté, Gmelin a emprunté à Pallas
un Gymnotus notopterus avec les citations
de Bontius et de Renard. M. de Lacépède,
qui a principalement travaillé avec ces deux
ouvrages, à accepté ce poisson comme un
apode, puisque ses prédécesseurs l'y avaient
placé. Il a de plus cité, sans aucune critique,
le Pangay ou le Kapirat de Renard, ce que
CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. ‘1 493
sa méthode aurait dû prévenir. Comme d’ail-
leurs il trouvait, dans Gmelin, une autre
espèce nominale, sous le nom de Gymnotus
asiaticus, pourvue d’une dorsale, il a cru pou-
voir réunir dans un même genre ces deux pois-
sons, et il a pris, pour dénomination, l'épithète
imaginée par Pallas': elle était admissible dans
les idées de ce grand naturaliste, qui voulait
l'opposer à la dénomination de Gymnotus,
mais elle est très-mauvaise pour nommer un
genre où il faisait entrer notre poisson, attendu
que la dorsale est ce qu'il y a de moins remar-
quable en lui. Pour désigner la première es-
pèce, il a associé à l'expression de Notoptère
l'épithète spécifique empruntée à Bonnaterre,
elle est certainement non moins mauvaise que
celle du genre, en supposant qu'elle ait le
mérite de l'exactitude.
Quant à la seconde espèce de ce genre No-
topière, tout ce que je puis dire, cest que le
poisson qu'elle représente est fort différent de
nos Notoptères, puisque c'est un poisson qui
aurait une dorsale étendue de la nuque à la
caudale, la tête lisse et déprimée, le tronc un
peu arrondi et la queue comprimée. Cette
espèce est tout à fait impossible à retrouver;
je pense quil faut la rayer des catalogues
ichthvologiques. On voit que j'en parle ici
424 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
uniquement pour réduire le genre de Lacé-
pède à une seule espèce.
Bloch", qui avait recu ce Notoptère de la
côte de Tranquebar et un autre des mers de
Chine, a mieux saisi les affinités de notre pois-
son que les auteurs cités précédemment. Il ne
dit pas pourquoi il n'a pas accepté le genre
Notoptère de Lacépède. Il a marqué dans sa
courte description quelques-uns des princi-
paux traits de l'espèce qu'il a nommée Clupea
cynura. Il a bien reconnu la double carène
dentelée de l'abdomen, la présence des pe-
ttes ventrales, Les huit rayons de la membrane
branchiostège, les dentelures des deux carènes
du limbe du préopercule et de la mâchoire
inférieure. L’exactitude de tous ces détails est
due à Schneider. M. Cuvier a repris dans le
Règne animal le genre Notoptère, en accep-
tant l'idée de Schneider pour le placer dans
le groupe de ses Clupes.
Il s'est glissé quelques inexactitudes dans
les caractères généraux. Ainsi, les interoper-
cules ne sont point dentelés, il n’a compté
qu'un seul rayon aux ouïes; mais malgré ces
fautes bien légères, la place du genre a été
fixée en ichthyologie. Cest pour cela que je
1. Bloch, p. 426.
CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 195
ne conçois pas ce qui a décidé M. Buchanan
à parler des Notoptères en leur appliquant le
nom de Mystus, dénomination qui a d’abord
paru en ichthyologie pour désigner des Silu-
roïdes, et que M. de Lacépède a ensuite appli-
quée à des poissons voisins des Anchois. De
plus, M. Buchanan a composé son genre Mys-
tus d'une espèce de Coïlia (c'est son Mystus
Ramcarati) du poisson de Pallas et d’une
nouvelle espèce de Notoptère, son Mystus
Clatala. M. Gray a adopté les idées de M.
Buchanan, en retirant la première espèce de
cet auteur pour en faire son genre Coïlia.
Bien que tant d'illustres naturalistes aient
déjà parlé des Notoptères, il est assez étonnant
de venir dire aujourdhui que ces poissons
n'ont été n1 étudiés ni complétement décrits,
et que leurs affinités ont été pressenties, mais
qu'elles n'ont pas encore été fixées. Les No-
toptères sont en eflet distincts de tous les
genres de Clupéoïdes à ventre dentelé, dont
jai parlé dans les chapitres précédents. Ils
ont de nombreuses affinités avec les familles
que jai tiréés du groupe des Clupéoïdes. Je
n'hésite pas à dire aujourdhui qu'ils consti-
tuent une famille distincte. Pour justifier cette
proposition, exposons d’abord les caractères
de ce genre.
126 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. y
Les Notoptères ont le corps très-comprimé,
üès-atténué près de la queue; le museau est
obtus, mais peu saillant; c'est à peine si l’eth-
moïde dépasse les os du nez. A l'extrémité
sont placés en travers deux petits intermaxil-
laires, qui portent les deux os maxillaires,
libres comme dans les Clupées, mais com-
posés d’une seule pièce. Ces os d’ailleurs se
retirent sous le sous-orbitaire et peuvent y
être cachés presque en entier. La mâchoire
inférieure est un peu plus courte que la su-
périeure; les branches sont larges, aplaties
en dessous, creusées d’une caverne oblongue
dont les deux bords sont tranchants et den-
telés. Les machoires ont des dents en petites
rapes rudes ; il y en a aussi une longue pla-
que sur les palatins, un très-petit groupe à
l'extrémité du vomer, une plaque ovale sur
le sphénoïde, et de très-longues et très-cro-
chues sur les deux bords d'une langue assez
libre. Les deux premières pièces sous-orbi-
taires sont dentelées. I] y a aussi des dente-
lures sur les deux bords d’une large caverne
qui occupe tout le limbe inférieur du préo-
percule. L'interopercule est lisse et entière-
ment caché sous cet os. L'opercule est grand,
écailleux, sans épine ni dentelure, et ce qui
est très-remarquable, c’est l'absence de sous-
CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 197
opercule. Que lon se laisse aller à donner de
l'importance à à un seul caractère exclusivement
à tous les autres, le naturaliste guidé par ce
principe se trouvera exposé à placer notre
poisson dans la famille des Silures. Outre les
cavernes de la mâchoire inférieure et du limbe
du préopercule, il y a aussi de grandes cavités
muqueuses sur le crane, qui se présentent
avec cinq crêtes longitudinales, l'une moyenne
ou interpariétale et deux latérales de chaque
côté. -Une autre caverne également muqueuse
couvre le surscapulaire. A pore dont le con-
duit traverse, sous la peau, l'os que je viens
de nommer, it es pores percés.sur le crâne
ou sur le limbe du préopercule, laissent suin-
ter des sécrétions muqueuses de ces organes
qui communiquent tous entre eux, car jai
pu remplir d'injections toutes ces cavités en
poussant par le pore surscapulaire. Il faut bien
insisier sur ce point, pour que lon n'en fasse
pas le méat d'une oreille externe.
Il n’y a qu'une très-petite dorsale; une très-
longue anale, réunie à une petite caudale; des
ventrales à peine perceptibles, réunies entre
elles ; un petit appendice génital derrière l'anus.
Le ventre est très-comprimé et armé d'une
double série de dentelures. De nombreuses et
petites écailles couvrent tout Le corps, les oper-
128 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
cules et une parue des joues. La ligne latérale
est droite et visible. Il faut joindre à ces carac-
tères extérieurs ceux que nous offre une re-
marquable splanchnologie. L’estomac est glo-
buleux, mais un peu comprimé. Le cardia et
le pylore sont en avant, l’un au-dessus de
l'autre; celui-ci, du côté gauche, n’a que deux
Je , .
cæcums. L'intestin remonte sous la vessie na-.
tatoire et embrasse comme dans un anneau
non fermé les viscères digestifs et ceux de la
génération. Les ovaires ne sont point renfer-
més dans un sac; les œufs tombent librement
dans la cavité abdominale. La vessie aérienne
est mululoculaire, étant divisée à l'intérieur
par plusieurs cloisons et même à l'extérieur
par des étranglements sensibles. Elle donne
en arrière deux longues cornes qui pénètrent
entre les muscles de la queue jusqu'au delà
des deux tiers de sa longueur; et en avant,
après s être attachée jusque sous le crâne, elle
donne deux petites cornes qui pénètrent dans
l'intérieur de cette cavité en passant sous le
sac auditif qui contient la pierre de loreille
et en avançant jusquau troisième tubercule
du cerveau, exemple unique d'introduction
de cornes de la vessie dans le crâne, et qui
n'a encore été cité par aucun des anatomistes
qui ont voulu jusquà présent faire commu-
niquer la vessie avec l'oreille.
RE éd
CHAP. XVI NOTOPTÈRES. 129
Tels sont les caractères généraux des No-
toptères. Qu'on les compare avec ceux déjà
observés dans les différentes familles d’une
classe aussi nombreuse que celle des poissons,
et l’on trouvera des répétitions de caractères
que la nature nous a déjà offertes dans les
familles les plus éloignées les unes des autres.
Ainsi les dentelures des sous- orbitaires, du
sous-opercule, de la mâchoire inférieure, et
les crêtes qui surmontent le crâne, sont em-
pruntées aux diverses familles des Acanthop-
térygiens. [l n’est pas jusqu'à la réunion des
très-petites ventrales qui ne reproduise un
des singuliers caractères de la famille des
Gobioïdes. La dentition, et surtout celle du
sphénoïde, nous ramène vers les Butyrins, en
même temps que le caractère de la langue nous
rapproche des Hyodons ou des Mormyres.
Les Notoptères ont encore avec ces poissons
une affinité notable par les grands trous laté-
raux du crâne. é
Ce résumé me paraît justifier ce que j'ai
dit tout à l'heure sur la nécessité de consi-
dérer les Notoptères comme une famille très-
distincte, qui aurait pour faible mais unique
caractère extérieur la double carène dentelée
du ventre. La critique que j'ai faite des déno-
minations spécifiques, m'engage à les changer,
21. o
130 LIVRE XXI CLUPÉOIÏDES.
quoiqu'’elles aient été adoptées presque géné-
ralement. Je dédierai à Pallas la première de
nos espèces, celle dont la connaissance lui est
due. Pour rappeler les premières recherches
de Bontius, mais sans vouloir indiquer que
ce naturaliste a connu notre seconde espèce,
je l'appellerai de son nom ÂVotopterus Bon-
tianus, et jappellerai la troisième, ou le
Mystus Chüitala, du nom de M. Buchanan :
ce sera mon /Votopterus Buchanani.
Le NoToPTÈRE DE PALLaASs.
(Noiopterus Pallasi, nob.)
Les observations que j'ai présentées sur le
nom de ÆXapirat, qui nest peut-être pas
exact, puisque, sil faut en croire le manus-
crit de l'amiral Corneille de Vlaming, on aurait
dù écrire Papirat, mont engagé à donner
à notre première espèce le nom du savant
et illustre naturaliste qui, le premier, l'a fait
connaître.
Le corps du Notoptère est d’une forme assez élé-
gante ; il est haut de l'avant, et s’amincit graduelle-
ment jusqu’à l’extrémité de la queue. La ligne du
profil supérieur, un peu concave à l’exitrémité du mu-
seau, se relève par une courbe convexe jusqu’au delà :
de la nuque. Cette ligne du dos se continue horizon- «
talement jusqu’à la dorsale; elle s’abaisse brusque-
CHAP. XVI NOTOPTÈRES. 134
ment en arrière de cette nageoire en se relevant un
peu vers la queue qui devient un peu concave. La
ligne du profil inférieur suit la direction d’un grand
arc régulier ou une courbure à grand rayon qui se
redresse graduellement depuis la ventrale jusqu’à
l'extrémité de la queue. L’anale et la caudale, unies
ensemble, suivent cette courbure, et comme le dos
est un peu arrondi et que le ventre est très-comprimé,
l'on peut dire que la forme générale ressemble à
ces lames tranchantes et à pointes redressées que
nous appelons sabre turc. La plus grande hauteur
du corps se mesure au commencement de l’anale,
elle fait, à très-peu de chose près, le quart de la
longueur iotale. L’épaisseur est le cinquième de la
hauteur. La tête est de médiocre grandeur; mesurée
depuis le bout du museau jusqu’au bord membra-
neux de l’opercule qu’on a eu soin de bien étendre,
elle est contenue cinq fois dans la longueur totale;
mais si l’on ne mesurait que jusqu'au bord osseux
de l’opercule, elle y serait comprise six fois. Le mu-
seau est gros et obtus; il fait une légère saillie à
l'extrémité. L’œil est éloigné du bout du museau
d’une distance égale à la longueur de son diamètre,
lequel est compris cinq fois et un tiers dans la lon-
gueur de la tête, en allant toujours jusqu’à l’extré-
mité libre du bord membraneux de l’opercule. Le
cercle de l'orbite est sur le haut de la tête, très-peu
au-dessous de la ligne du profil, qu'il n’entame point.
L'intervalle qui sépare les deux yeux est égal à leur
diamètre. Les deux tiers inférieurs de la circonfé-
rence de l'orbite sont formés par cinq osselets sous-
En
132 LIVRE XXL CLUPÉOÏDES.
orbitaires, tous caverneux; le premier et le second,
assezintimement réunis entre eux, semblent ne former
qu’une seule pièce; on ne les distingue bien que par
la dissection; leur bord inférieur est très-finement
dentelé. Le cinquième sous-orbitaire est très-petit.
Le préopercule est très-grand ; il couvre plus de la
moiué de la joue. Son bord postérieur est vertical,
mince et lisse, sans aucune dentelure. La portion
inférieure du limbe a une grande caverne oblongue,
qui communique avec une plus petite, creusée au-
dessus d’elle. Les deux bords de la caverne sont
finement dentelés comme le sous-orbitaire. L'oper-
cule est une assez grande plaque entièrement cachée
sous les écailles qui couvrent la plus grande partie
de la joue; il est irrégulièrement trapézoidal, l’angle
inférieur étant tout à fait arrondi. J'ai mis le plus
grand soin à rechercher, par la dissection, le sous-
opercule, et il m’a été impossible d’en apercevoir
la moindre trace. Je ferai remarquer qu’au-dessous
de lopercule et derrière l'angle du préopercule il
existe un petit groupe d’écailles. On pourrait aisé-
ment croire qu'il recouvre une des pièces de l'appareil 4
operculaire, ce serait le sous-opercule.
L’observauon de ce groupe d'écailles nra fait 4
chercher avec soin sil n'existait pas au-dessous un k
très-petit sous-opercule, et je n’en ai point trouvé.
C'est pour n'avoir pas pris toutes ces précautions «
que J'ai eu le tort de dire, dans la Zoologie du voyage #
aux Indes, que le sous-opercule était fortement
réuni à l’opercule, et qu'ils ne formaient ensemble“
qu’une plaque couverte d’écailles. Cette disposition
VS COPROCTTS. TONT 1 ETS
CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 133
est si fréquente dans les poissons acanthoptérygiens,
que j'ai cru à son existence dans cette espèce. L'in-
teropercule existe; il a la forme d’une écaille de
moyenne grandeur; sa portion postérieure est en
arc arrondi. Cet os est entièrement caché par le
large limbe du préopercule. L'appareil operculaire
n’est donc composé dans ce poisson que de trois
os, Organisation dont je n'avais eu encore d'exemple
que dans les silures. Le bord membraneux de l'oper-
cule est très-large; il s'étend jusqu’au delà de l'épaule,
et inférieurement il touche l’aisselle de la pectorale.
La narine est assez grande; elle occupe tout l’espace
compris entre le bord supérieur de l'orbite et l’ex-
trémité du museau. On reconnaît sa place au-des-
sous de la crête latérale de l’ethmoïde. L'ouverture
antérieure existe tout auprès de la lèvre supérieure,
au-devant et à la base d’une papille charnue assez
longue, que les auteurs ont figurée, et dont ils ont
parlé comme d’un petit barbillon nasal. L'ouverture
postérieure est assez loin, tout auprès du cercle de
l'orbite, sur le bord convexe du petit os du nez. La
bouche n’est pas très-grande. L’arcade supérieure
est entièrement faite sur le plan d’une bouche de
clupée, c’est-à-dire, que nous trouvons au milieu
deux très-peuits intermaxillaires, garnis de trois
rangées de petites dents coniques. À leur extrémité
est articulé un maxillaire composé d’une seule pièce,
ayant un petit bourrelet à la partie postérieure, et
qui se retire presque entièrement sous le sous-orbi-
taire quand la bouche est fermée; d’où il résulte
que lon n’aperçoit, dans l’état de rétraction des mà-
434 LIVRE XXL CLUPÉOIDES.
choires, que la lèvre très-mince et les très-petites
dents attachées sur le bord du maxillaire. La mà-
choire inférieure a ses branches courtes et assez
larges; elle est caverneuse, et les deux bords de
celte caverne qui suivent à peu près la direcuon de
celle que nous avons décrite sur le limbe du préo-
percule sont dentelées de la même manière. Quand
la mâchoire est relevée, elle est évidemment plus
courte que la supérieure ; mais quand elle est abaissée,
elle paraît au moins égale, si ce n’est plus longue.
Les dents sont sur une bande étroite et sur plusieurs
rangs. Les externes sont un peu plus grosses que
celles de l’intérieur. Il est facile d'observer ensuite
les plaques de dents palatines et ptérygoïdiennes ;
elles sont en râpe très-fine. Il y en a un très-peuit
groupe sur l'extrémité du vomer; elles m’avaient
échappé dans la première description que j'ai faite
F ce poisson. Il en existe un groupe très-prononcé M
r la base du sphénoïde; celles-ci correspondent
à une grande plaque de dents qui couvrent tout le
corps de l’hyoïde dans le fond. Ces dents s'étendent
jusque sur l'extrémité de la langue, qui en a cinq
ou six, longues et crochues, et beaucoup plus fortes
qu'aucune des autres dents, dont nous avons déjà
parlé, et que celles qui suivent sur chaque bord de
los lingual. Les ouïes sont très-largement ouvertes.
La membrane branchiostège est assez large; elle
est soutenue, dans l'individu que j'ai sous les yeux,
par sept rayons. Je ferai cependant observer que le
nombre est quelquefois de huit, que d’autres n’en
ont que six, et que ces nombres varient du côté
RM A ne Lie à US EM tr.
SE Te
CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 135
droit au côté gauche. Ainsi, j'en ai compté six du
côté gauche, et sept du côté droit sur un exemplaire ;
tandis qu’un autre en avait huit à gauche et six
seulement à droite : c’est ce qui explique les diffé-
rences que Pallas et Schneider ont trouvées. Les
branchies sont petites, ne forment, comme à l’or-
dinaire, qu’un seul chevron. Les râtelures sont
grosses et courtes. Je ne vois pas de dents pharyn-
giennes ni de branchies à la face interne de l’opercule.
Lorsqu'on soulève le bord membraneux de l’oper-
cule on voit une assez large ceinture de l'épaule,
composé d’un arc aplati qui est entièrement formé
par la branche montante de l’huméral. Le scapu-
laire est très-peut, car il dépasse à peine l’angle
supérieur de l’opercule. Ce scapulaire , très-court,
vient s’aruculer à l’extrémité du surscapulaire. Celui-
ci est assez long et creusé d’une caverne fermée,
de manière qu’il est entièrement fistuleux. La portion
postérieure de l'os se prolonge en arrière en une
sorte de cannelure ou de petit cuilleron recouvert
lui-même par une membrane; ce qui rend cette
partie de l'os très-lisse. On voit s'ouvrir à son extré-
mité un orifice oblong, qui est un des ports mu-
queux par lequel s’échappent les mucosités sécrétées
dans les grandes cavernes susmastoïdiennes, celles
de l'extrémité du museau, celles du sous-orbitaire,
du limbe, du préopercule, et enfin, de la branche
de la mâchoire inférieure. Toutes ces cavernes mu-
queuses communiquent entre elles. Je les ai toutes
injectées par le pore surscapulaire. Cette préparation
nva prouvé que si la grande caverne susmastoïdienne
136 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
recouvre le grand trou latéral du crâne ou le trou
mastoïidien, cela n’établit pas une communication
entre l'oreille du poisson et l'extérieur , et ne fait
pas de ce trou l'ouverture d’une oreille externe, ni
de la membrane une sorte de tympan.
La dorsale est très-courte, mais à peu près aussi
haute que la moitié du tronc, mesurée sans elle;
elle est placée au milieu de la longueur totale.
L’anale et la caudale sont si intimement unies qu’il
est difficile de distinguer ces deux nageoires. Cepen-
dant, si on admet que la caudale n’ait que onze ou
treize rayons, On pourra dire que la longueur de
l’anale répond à très-peu de chose près aux quatre
cinquièmes de la longueur totale. Cette nageoire a
une hauteur à peu près égale et constante dans toute
son étendue; elle est couverte de très-petites écailles
qui s'étendent aussi sur la caudale. Les pectorales
sont ovales, assez pointues, et touchent au premier
rayon de l’anale, Les ventrales sont excessivement
peutes, insérées tout près de l'anus, et paraissent se
confondre facilement avec l’appendice externe des
organes mâles qui forment une sorte de papille assez
longue et facile à voir. Ces deux nageoires, si petites,
sont réunies entre elles par leurs bords internes,
circonstance qui rappelle la disposition des ven-
trales des Gobies. Il y a à chaque nageoire deux
longs rayons bifides, et entre ces deux, un peu au-
dessus , il y en a trois autres excessivement grêles.
Cette singulière conformauon ne se voit bien que
par une dissection faite avec beaucoup de soin, à
cause de l'épaisseur de la peau qui embrasse ces petits
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PRET RS PS RE Re - PS le
r
CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 437
rayons. Cest pour n'avoir pas pris ce soin que je
n'ai vu que les deux grands rayons, lorsque j'ai fait,
il y a déjà longtemps, la description d’un notop-
tère pour la Zoologie du voyage de M. Belanger.
B. 7; D. 9; A. 100; C. 11 ou 13; P. 15; V. 5.
Le corps est couvert de petites écailles adhérentes,
plus longues que larges; une d’elles, examinée à
la loupe, montre des stries longitudinales et anas-
tomosées , très-analogues à ce que nous avons déjà
-observé chez les Mormyres. La carène du ventre
est très-comprimée;, elle est bordée de chaque côté
par une série d’épines saillantes, dirigées en arrière,
laissant entre elles un creux ou un petit sillon lon-
gitudinal. Ces pièces, qui offrent bien quelque ana-
logie avec les chevrons aiguillonnés que nous avons
observés dans les clupées, sont cependant autrement
faites par suite de leur disposition sur deux séries.
L'épine, très-aiguë, en a une autre petite, plus
courte au-dessus d’elle; celle-ci, cachée dans la
peau ou par les écailles, ne se voit bien que par
la dissecuon. Au-dessus de ces deux épines, 1l s'élève
une lamelle triangulaire, pointue, ayant à peu près
le septième de la hauteur du tronc. Cette partie,
plate et comprimée, est fortement retenue dans
l'épaisseur des muscles abdominaux. En même temps
une sorte de petite apophyse interne ou de branche
plus courte que l’épine, et mousse, se porte hori-
zontalement sur le côté, remplissant avec sa congé-
nère le fond du sillon, que les deux lignes dentelées
laissent entre elles. La couleur du Notoptère est un
138 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES.
vert bronzé sur tout le corps, avec des reflets ar-
gentés très-brillantes. L’anale est jaunâtre. À
Les viscères de ce curieux poisson sont tout à
aussi singuliers que son extérieur. La cavité abdo- M
minale est petite, à peu près circulaire, mais très-
comprimée. Son diamètre ne mesure guère que le
septième de la longueur totale, Le foie occupe le 4
côté droit; il ne donne aucun lobe dans le côté
gauche, seulement une petite pointe vient faire dl
saillie entre le diaphragme, au-devant de l'estomac.
Ce viscère est un grand sac arrondi, un peu com-
primé, qui remplit presque toute la cavité abdomi- à
nale. L’œsophage, qui est court, s'ouvre sur la partie |
supérieure de ce sac semblable à l’amande d’un *
abricot. De la partie antérieure et inférieure, on 4
voit naître l'intestin qui remonte à gauche de l’œso-
phage dans la cavité abdominale ; il revient, en se M
contournant, passer sous la vessie; 1l suit, en arrière, É
le contour de la cavité abdominale, et redescend vers M
le bas du ventre pour venir souvrir à l'anus, en M
faisant une légère sinuosité en $ peu fermée. L'in-
testin ne fait donc aucun repli ni circonvoluuon.
C’est une espèce de grand tonneau, ouvert par en bas,
et qui embrasse l'estomac et les organes génitaux. IL M
y a au pylore deux appendices cœcales, toutes deux M
dans lhypocondre gauche. La supérieure est un peu
plus longue que linférieure; elle suit la courbure M
de l’intesun. En arrière de l'estomac on aperçoit fa-
cilement les organes génitaux. Les laitances sont Î
comprimées, et l’ovaire présente un nombre assez M
considérable de plis, sur lesquels sont attachés des
CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 139
œufs assez gros, qui doivent tomber dans la cavité
abdominale au moment de la ponte. Au-dessus des
viscères digestifs et immédiatement derrière le dia-
phragme, on aperçoit, en enlevant un très- mince
repli du péritoine, le rein qui est gros, trièdre, se
termine en une pointe dont la carène interne s’engage
dans un repli extérieur de la vessie; il se porte un
peu sous la colonne vertébrale, le long des reins
elle donne naissance à un uretère long, qui se courbe
pour suivre la configuration de la cavité intérieure
de l'abdomen. Il ne me reste plus qu’à parler de la
vessie aérienne, qui est une ges plus curieuses que
j'aie encore examinées dans la classe des poissons.
Parlons d’abord de son exterieur : elle se présente
comme un grand sac aérien, à peu près cylindrique,
remplissant sous la colonne vertébrale le quart de
la cavité abdominale; elle s'infléchit un peu vers le
bas; puis elle donne deux très-longues cornes qui
embrassent de chaque côté les interépineux de l’anale
et s'étendent dans la cavité conique pratiquée entre
les muscles pour recevoir chaque corne jusque vers
la quarantième verièbre. Il existe sur la surface ex-
terne des cornes un organe singulier, comme glan-
duleux, divisé par un nombre considérable de filets
blanchätres, anastomosés entre eux en peuis lo-
bules, que l’on ne pourrait séparer par la dissection
qu'avec beaucoup de peine. Cet organe qui couvre
presque tout le bas de la corne, ne dépasse guère la
moitié de sa longueur. La partie antérieure de la
vessie présente d’autres particularités que je n’hésite
pas à dire plus curieuses. Jai dit qu’à Pendroit du
24
ES.
140 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
rein on aperçoit un vestige d’étranglement. À cet
endroit nait le canal de communication entre la
vessie et l’œsophage. Ce conduit pneumatique est
très-court. En avant, la vessie se porte vers la tête,
et arrivée sous la troisième vertèbre, un nouvel
étranglement la divise et sépare une petite cavité
sphérique qui s'avance jusque sous le crâne; de là
elle donne deux cornes qui s'engagent dans l'intérieur
de la boite cérébrale sous les mastoïdiens, en passant
entre l'os et le sac de l'oreille. Ces cornes s’avancent
dans l’intérieur de la boîte cérébrale jusque sur la
grande aile du sphénoïde, et atteignent la hauteur
de la scissure qui sépare le second tubercule, ou le
tubercule optique du cerveau, du troisième, derrière
lequel existe le cervelet. En pénétrant dans la boîte
cérébrale la vessie perd ses tuniques fibreuses, ou
plutôt c’est la seule tunique propre ou membraneuse
de la vessie qui s’avance ainsi dans la cavité du
crâne. On voit en dedans de la corne le sac qui
contient la pierre de l'oreille. Il y a donc ici com-
munication médiate entre la vessie et l'organe de
l'ouie; c’est le seul exemple que je connaisse d’une
communication aussi intime entre la vessie et l’or-
gane de l’ouie; car je n’hésite pas à répéter ici que
celle qui avait été annoncée dans l’Alose ou dans le
Hareng, et dans plusieurs autres poissons, n'existe
réellement pas. À l’intérieur, la vessie est non moins
remarquable par les nombreuses cloisons qui la
traversent. Il y en a une grande, longitudinale, qui
sépare en deux la grande cavité abdominale, Il y
a sous le rein une grande bride transversale; puis,
CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 4141
au-devant de cette bride, 1l y a une seconde cloi-
son, également longitudinale, qui va jusqu'à la base
du crâne; puis on trouve l’étranglement antérieur
marqué en dedans par une nouvelle demi-cloison
transversale, et enfin, comme la vessie embrasse
la crête assez élevée du basilaire, la portion qui
donne les cornes avancées dans le crâne est encore
divisée par une demi-cloison verticale. La tunique
propre de la vessie est une membrane excessivement
mince, l’externe, fibreuse et argentée, adhère forte-
ment aux côtes. On compte facilement dix ou douze
impressions de ces os sur cet organe.
€ette description me parait justifier ce que j'ai
dit, en commençant, de la remarquable organisation
de la vessie du notoptère.
L'étude du squelette du Notoptère nous
montre des particularités non moins curieuses
que celle de la splanchnologie.
La surface extérieure du crâne est creusée par de
larges fossettes que l’on peut désigner de la manière
suivante : quatre principales, oblongues, occupent
toute la parue antérieure de la tête; les deux mi-
toyennes s'étendent depuis la suture des frontaux
jusqu'a l'extrémité de l’ethmoïde, et on pourrait les
diviser chacune très-facilement en une fosse frontale
moyenne et en une fosse ethmoïdale. Les deux ex-
ternes s'étendent depuis la région mastoidienne jus-
qu'au-devant de l'orbite, en s’arrêtant à la fosse na-
sale. On peut encore désigner deux autres très-larges
fosses sur l'interpariétal, et celles-ci s’étendraient
142 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
jusque sur les occipitaux. Ces larges cavernes du M
crâne, recouvertes par la peau, sont remplies d'une
matière graisseuse ; elles sont chacune limitées par
des crêtes élevées sur les différents os de la voûte
supérieure du crâne. Les deux frontaux principaux
sont courts, et leur suture avec linterpariétal n’est
guère au delà du cercle de l'orbite. Une crête moyenne
s'étend depuis cette suture jusqu'à la crête de l’eth-
moide. Le frontal antérieur me paraît petit et situé
un peu vers le bas, entre l’ethmoïde et le frontal
principal, à peu près comme dans les Carpes. Le
frontal postérieur est plus grand, et 1l porte sur les
côtés une crête assez élevée, qui s'étend en arrière
jusqu'à la suture du mastoïdien, près de larticula-
tion du préopercule. Les pariétaux sont étroits et
relevés en une crête qui se porte un peu sur les
côtés et recouvre les grands trous latéraux du crâne,
en s’unissant aux crêtes des occipitaux latéraux. Ils
se réunissent sur le devant derrière le frontal prin-
cipal, et une crête transversale basse, mais très-
sensible, hmite en avant la fosse pariétale, qui est
la plus profonde de toutes. Entre les deux parié-
taux On distingue très-nettement l’interpariétal, dont
la crête triangulaire est très-haute et se porte en
arrière jusqu'au-dessus du trou occipital. Celui-ci
est formé comme à l'ordinaire par deux occipitaux
supérieurs, assez pelits et un peu creux. Au-dessous
d'eux existent les occipitaux latéraux, dont la sur-
face est très-caverneuse. Au-devant de ces denx os
et sous les pariétaux nous trouvons les mastoïdiens
qui portent une pete crête, dont on vont la suture
CHAP. XVI, NOTOPTÈRES. 443
avec le pariétal sous la crête de celui-ci. Ces mas-
toidiens ont en avant une très-profonde échancrure,
qui cerne près des deux tiers du grand trou pariéto-
mastoïdien, dont les côtés du crane sont percés.
Une échancrure du frontal postérieur contribue
aussi à former le cercle de ce trou. Ce grand trou,
analogue à celui que nous avons observé dans
VAlose ei dans plusieurs autres Clupées, mais beau-
coup plus semblable encore à ce qui existe dans le
Mormyre, est bouché par une couche peu épaisse
de cette mucosité graisseuse, qui remplit les cavernes
du crâne et sur laquelle passe la peau mince, nue
et sans écailles de la tête. Par ce trou on pénètre
largement dans l’intérieur de la cavité du crâne, et
Von voit presque sans dissection, après avoir toute-
fois enlevé toutes ses parties externes, les canaux
semi-circulaires supérieurs, leur ampoule commune
et une portion du sac qui content lotolithe. On
peut aussi arriver au second iubercule du cerveau.
Enfin, c’est sur le bord inférieur et interne de ce trou
que rentre l'extrémité de la corne de la vessie aérienne.
Je viens d'indiquer les occipitaux supérieurs et
latéraux du crâne. Le basilaire vient compléter le
plancher de cette partie de la tête. Cet os est creusé
d’une gouttière assez profonde. A partir du condyle
les deux bords s’écartent et viennent se perdre sur
la portion moyenne de cet os; elle est lisse, mais
très-renflée sur les côtés. Sa suture avec l’occipital
latéral et avec le mastoïdien se fait au fond d’un
creux ou d’une denu-ampoule osseuse, au-devant
de laquelle est un large trou qui communique avec
444 LIVRE XXI CLUPÉOÏDES.
l'intérieur du crâne. C’est dans ce canal que se trouve
logée la corne de la vessie qui pénètre dans le crâne.
La grande aile sphénoïdale s'articule par-une suture
droite avec le basilaire, et complète à ce point de
joncuon l'ouverture inférieure du crâne dont je viens
de parler. On retrouve, d’ailleurs, à leur place or-
dinaire, soit dans les mastoïdiens, soit dans la grande
aile, les trous pour la sortie des nerfs. Le sphénoïde,
armé de ses fortes dents, donne au delà de la petite
palette, sur laquelle elles sont implantées, une lame
triangulaire, qui s’aruicule avec le basilaire par une
espèce de suture écailleuse. La pointe de cet os
s'arrête dans le chevron de la goutuère du basilaire.
La lame par laquelle le sphénoïde vient se joindre
au vomer est assez large. Le jugal, le tympanal et
les autres pièces de larcade ptérygo-palatine ne m'ont
offert aucune particularité notable.
Je ne trouve que douze côtes abdominales. Les
apophyses horizontales de ces os sont assez longues.
Je compte quatorze vertèbres abdominales : les deux
premières ne me paraissent pas porter de côtes, et
le nombre total de la colonne épinière est de soixante-
dix-vertèbres. Les apophyses épineuses supérieures
sont longues et gréles; les inférieures sont un peu
plus courtes, et elles donnent toutes en avant une
lame osseuse et un peu caverneuse, qui semble réunir,
en dessous, presque toutes les vertèbres entre elles.
Les interépineux de l’anale sont d'autant plus courts
qu'ils apparuüennent aux derniers rayons de la na-
geoire, et comme les premiers font plus des deux
uers de la hauteur du corps, on conçoit aisément
CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 4145
comment ils donnent à la portion postérieure du
tronc cette forme de lame de sabre. La ceinture hu-
mérale est fortement unie sous la gorge; d’alleurs,
les os qui la composent ressemblent à ceux des autres
poissons. Les douze premières pièces épineuses de
la double carène du ventre embrassent dans leurs
chevrons les deux os de l’avant-bras. Les premières
vertèbres n’ont pas d’osselets de Weber.
Nous avons reçu un assez grand nombre
d'individus de ce curieux poisson par les dif-
férents naturalistes qui ont fait des collections
dans la presqu'ile de l'Inde pour le Muséum.
MM. Leschenault et Belanger l'ont envoyé de
Pondichéry ; M. Dussumier la rapporté des
étangs salés des environs de Calcutta; MM. Du-
vaucel et Victor Jacquemont des différentes
parties du Bengale.
Le premier de tous ces voyageurs nous a
dit que son nom malabare est Æri-vale. Sui-
vant lui le poisson parvient à trois pieds de
long, et M. Dussumier ajoute que les Indiens
seuls mangent de ce poisson. Il me paraît
probable que c'est l'espèce décrite et figurée
par Pallas' sous le nom de Gymnotus notop-
terus, qui a été accepté, sans aucune modi-
1. Pallas, Spec. zool., 1, p. 40, t. VI, fig. 2, copice dans
VEncycl. , fig. 83.
21. 10
446 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
fication, par Gmelin, mais dont M. de Lacé-
pède a fait son Notoptére Kapirat”. Bloch,
dans l'édition de Schneider®, a mieux Lis
connaître notre poisson, quoiquil l'ait placé
dans le genre des Clupées, sous le nom de
Clupea synura.
Jai fait une description de ce Motoptére
kapirat dans l'Ichthyologie du Voyage aux.
Indes orientales de M. Belanger *, et j'y ai joint
une figure; mais, à cette époque, je n'avais pas
encore acquis sur ces poissons tout ce que lé-
tude que je viens de faire m'a appris; je voulais
surtout distinguer l'ancienne. espèce de Pallas
d’une autre, que M. Belanger avait rapportée,
et que je croyais alors nouvelle. Enfin, on
tronve encore une assez bonne figure de ce
poisson dans lIchthyologie de la Zoologie in-
dienne du major-général Hardwicke par M.
Grav{:; mais il a conservé les noms donnés par
; P
Buchanan, de sorte que les espèces y paraissent
sous la dénomination générique fort impropre.
de Mystus kapirat.
4. Lac., t. IL, p. 190.
2. Bloch-Schn., p. 426.
3. Valenc. apud Belanger, Zool., voy. ind., p. 891, pl. 5,
fig. 1.
4. Gray, [ust. of Ind. zool., by maj. gen. Hardwicke, vol. 1,
pl. 94.
ee
CHAP, XVI. NOTOPTÈRES. 147
Cest, en effet, sous ce nom qu'elle a été dé-
crite par Buchanan, dans l'Histoire des pois-
sons du Gange : son nom bengalais est Phole.
Ii ne donne d’ailleurs aucun détail sur les
mœurs de ces poissons qui habitent les étangs
et les rivières de tout le Bengale, et dont la
chair est si remplie d’arêtes qu'on ne peut pas
la considérer comme une agréable nourriture.
Le NoTorrèÈRE DE BonTIus.
(Notopterus Bontianus , nob.)
Je crois devoir répéter ici, qu'en dédiant
cette espèce à la mémoire de Bontius, je ne
veux pas aflirmer que ce soit précisément ce
poisson qui ait été mentionné par ce voya-
geur-naturaliste; mais comme, parmi les exem-
plaires que nous possédons, l’un est originaire
de Java, jai tout lieu de penser quil est
très-possible que le naturaliste hollandais ait
vu cette espèce.
Elle se disuingue de la précédente, par ce que le
museau sallonge un peu et devient concave. La
tête est un peu plus longue; l'œil est plus grand;
le museau est un peu plus long. Les écailles du
préopercule sont sensiblement plus larges, et elles
le sont beaucouup plus que celles du corps. Les
fosses muqueuses temporales sont plus allongées. Les
dentelures de la mâchoire inférieure sont presque
4148 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES,
nulles; celles du préopercule sont beaucoup plus
fines. La pectorale est sensiblement plus allongée.
Je ne vois pas de différence notable dans la denui-
uon, si ce n’est que le peut groupe de dents placé
sur le chevron du voiner est assez distinct.
B. 8; D. 8; A. 110; C. 11; P. 14; V. 5.
Les épines de la carène du ventre sont beaucoup
plus petites. Les écailles le sont aussi davantage,
car nous en comptons deux cent quatre-vingts
entre l’ouie et la queue. La ligne latérale est bien
marquée. La couleur me paraît avoir été uniforme
et sans taches, verdâtre sur le dos, argentée sur le
reste du corps. L’anale était jaunâtre.
Tels sont les caractères de ce poisson, long
d'un pied au moins, qui est originaire de FPIr-
rawaddi. Il en a été rapporté par M. Reynaud
en 1929.
Parmi les collections faites à Java par MM.
Kubhl et Van Hasselt il y avait plusieurs exem-.
plaires de cette espèce, et M. Temminck, di-
recteur du Musée royal de Leyde, a bien,
voulu en céder un exemplaire pour les col-:
lections du Cabinet du Roi. Je ne trouve pas!
cette espèce mentionnée dans les auteurs.
Le NoTOPTÈRE DE BUCHANAN.
RS CE D Re ss ur
(Notopterus Buchanani, nob.)
La troisième et grande espèce de Notoptères
K
À
\
)
CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 149
a déjà été décrite par Buchanan sous le nom
très-impropre de Mystus chitala. Cet auteur
a exagéré, dans sa diagnose, la petitesse des
dentelures de la mâchoire inférieure. Ces ca-
rènes dentelées existent; on ne peut donc pas
dire, pour la séparer du Notopterus Pallasi,
que ses màächoires ne sont pas armées. Nous
avons d'ailleurs pour garant de la synonymie
présentée dans cet article, l'opinion de M.
Gray; car ce zoologiste a publié, dans la Zoo-
logie indienne, sous le nom de Mystus chi-
talà Buchananr, le Notoptère que nous allons
décrire avec détail.
Ce Notoptère est remarquable par la saillie de
son museau et par la convexité de son dos; cepen-
dant la hauteur du tronc n’est que le quart de la
longueur totale, ce qui dépend de ce que l’allonge-
ment du corps enter est dû à celui de la tête, qui
n’est comprise que quatre fois et un tiers dans la
longueur totale. Les fosses muqueuses surtemporales,
mastoidiennes et préoperculaires sont oblongues et
plus larges. L’angle du préopercule est beaucoup
plus arrondi. Deux bords de la fosse muqueuse et
celles de la mâchoire inférieure sont très-fins, à
peu peu près comme dans l'espèce précédente. Il
en est de même de la dentition. La pectorale est
arrondie et un peu plus courte que celle du Vo.
1. Buch., Gang. fish., p. 236 et 382.
4150 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
microlepis; elle ressemble davantage à la nageoire
de notre première espèce.
BESND: 9: A M0:C ASP MN A6:
Les écailles sont proportionnellement plus gran-
des : nous en comptons deux cent quarante le long
TS
des flancs. Le vert du dos descend par larges bandes
sur les flancs. Le reste du corps est argenté. Il ya
cinq taches noires rondes de chaque côté de la
queue, quelquefois un nombre plus considérable.
L'individu a près de quinze pouces.
J'ai trouvé un autre exemplaire de cette
espèce dans les collections du British Mu-
séum. Il a deux pieds et demi de longueur :
il a été rapporté de Calcutta par le major-gé-
néral Hardwicke, qui le tenait du docteur
George Finlayson, médecin de l'armée an-
glaise et naturaliste de l'expédition en Cochin-
chine et à Siam. Sur le dessin que j'ai examiné
à la compagnie des Indes, il y a de chaque”
côté de la queue neuf ocelles jaunes à centre
noir.
Nous en possédons un autre grand exem-
plaire qui a été envoyé du Bengale par M.
Belanger, et j'en ai un individu parfaitement
bien conservé, long de quatorze pouces, qui
faisait partie des collections de M. Alfr. Duvau-
cel. Ceux-ci ont, comme le poisson de M.:
41
Finlayson, huit ou neuf ocelles de chaque,
.
RS PET se
ARS D «2 2 D DE
SOS SS:
CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 151
côté de la queue ; mais, de plus, les flancs sont
couverts de gros points noirs épars et irrégu-
liers. Comme je n'ai pas vu sur ces exemplaires
des traces de bandes noires que M. Gray à
représentées sur son poisson, javals pensé
quil fallait distinguer spécifiquement cette
variété. Les études nouvelles que je viens de
faire me font changer d'opinion à cet égard.
La figure, publiée dans la Zoologie de M.
Belanger donne la forme exacte du corps;
mais on a eu tort de laisser indiquer des
écailles sur le bord membraneux de l'oper-
cule. J'avais nommé cette variété /Votopterus
maculatus.”
La figure du Mystus chitala, donnée par
M. Gray”, est excellente; elle n'a pas le corps
couvert de gros points, mais des bandes in-
terrompues descendent le long du dos pour
sévanouir au-dessus de la ligne latérale, et
d'autres, plus longues et plus étroites, pren-
nent naissance à cette ligne et s'évanouissent
au bas des flancs.
Buchanan a observé dans cette espèce quatre
rayons aux ventrales. Le nom indien sous le-
1. Valenciennes, apud Belanger, Voyage aux Indes : Poissons,
pl. 5, fig. 2.
2. Gray, [ust. of Ind. zool. by maj. gen. Hardwicke, vol. 1,
pl. 91; fig. 1.
152 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES.
quel on lui a donné ce poisson est Chitol. Il
dit qu'on le trouve dans tous les grands fleuves
du Bengale et du Behar; que sa taille est
d'environ deux pieds, mais que souvent il en
a vu des individus plus longs. Le ventre de
ces gros notoptières est très-savoureux, mais
leur dos contient trop d’arêtes. D'ailleurs, un
fort préjugé existe contre son usage comme
aliment, parce que les Indiens supposent que «
ce poisson recherche avec avidité les débris «
de corps humains.
RER Ge nn LPS
RS SP SR ET PS MP ES
PR re ere
CRT PS ue
LIVRE VINGT-DEUXIÈME.
DE LA FAMILLE DES SALMONOIDES.
La famille dont je vais écrire l'histoire se
compose d’un nombre assez considérable d’es-
pèces de poissons aussi utiles que recherchés,
célèbres par la qualité de leur chair, par la
richesse des produits économiques que l'abon-
dance de ces espèces sur certaines côtes peut
procurer à lhomme. Elle est pour le natura-
liste un sujet d'étude non moins varié et non
moins attrayant que celui de toutes les autres
familles dont nous nous sommes déjà occupés.
Ces différentes raisons ont appelé l'attention
sur ses nombreuses espèces qui nous entou-
rent; car les poissons de ce genre habitent
la mer, nos gsands fleuves, nos grands lacs,
nos rivières et jusqu à nos plus petits ruisseaux.
Nous les voyons s'élever dans nos montagnes
jusqu'à la région des neiges perpétuelles. Il
faut signaler l'abondance de ces espèces dans
tous les pays de l'Europe. Elle me paraît aussi
grande dans les régions froides et tempérées
de l'Amérique septentrionale, et dans toutes
454 LIVRE XXII.
les eaux douces de l'Asie boréale. Mais dans
les vastes régions de l'Amérique méridionale
la nature y a un peu modifié les formes de nos
Salmonoïdes d'Europe. Leur absence presque
complète, dans Les eaux de l'Inde et de l'Afri-
que, doit être remarquée par le physicien qui
soccupe de la distribution des espèces sur la
surface de notre globe. C'est à peine si nous
trouvons cette famille représentée dans le
Nil, dans l'Inde; on n'y trouve que ces espèces
de Saurus, associés aux Saumons, à cause de
leur nageoire adipeuse, mais qui me parais-
sent s'en distinguer complètement par la struc-
ture de leur mâchoire.
Nos Truites européennes ont été décrites
par la plupart des naturalistes qui ont traité
avant nous de l'ichthyologie; mais ils se pla-
aient à un point de vue si élevé, ou plutôt
les caractères assignés par ces savants étaient
si peu précis, que la plus grande difficulté
existait pour classer des poissuns qui se res-
semblent entre eux presque autant que le font
nos Cyprins ou nos Clupées. Il faut toujours
recourir aux premiers travaux d'Artedi pour
connaître de la classification des poissons.
Nous trouvons dans ce célèbre ichthyologiste
les trois genres des Corrégones, des Osmères
et des Szlmo, qui auraient composé une fa-
à DR
RL,
SALMONOÏDES. 455
mille naturelle au moment de leur création,
si les études de ce temps avaient dirigé lat-
tention des esprits vers l'établissement de ces
groupes, les seuls qui conduisent à une dis-
tribution philosophique des êtres. Ce qui
me paraît remarquable, c'est que cet auteur
ne fait aucune mention de la nageoire adi-
peuse de ces trois genres. Il caractérise les
Corrégones par le nombre des rayons de la
membrane branchiostège, quil fait varier de
sept à dix, par l'extrême petitesse des dents
et par la position de la dorsale, un peu plus
avancée que les ventrales. Ce genre comprend
des espèces voisines les unes des autres; car
les Ombres et les Lavarets de M. Cuvier dif-
fèrent très-peu. Le genre des Osmères n'aurait
que sept ou huit rayons branchiostèges, de
fortes dents aux mächoires, à la langue et au
palais ; la dorsale et la ventrale insérées au-
dessus l'une de l’autre à une même distance
de l'extrémité du museau. Son genre est mal
composé, car il y réunit l'Éperlan et le Sau-
rus. Je viens de dire tout à l'heure que cette
espèce est tellement différente des Éperlans,
qu'elle me paraît devoir sortir de la famille
des Salmonoïdes.
Enfin, les Saumons sont caractérisés par
une membrane branchiostège soutenue par
156 LIVRE XXII.
douze ou dix-neuf rayons, par des dents
semblables à celles des Osmères, par une dor-
sale insérée comme celle des Corrégones. Les
deux premières espèces qu'il ait réunies n’ont
que dix rayons branchiostèges. Outre ce dé-
faut dans la constitution du genre, toutes nos
Truites y sont associées. Il y avait toutefois
dans ce travail d’Artedi les éléments d'une
classification que Linné a un peu altérée, en
n'établissant qu'un seul genre Salmo, divisé
1. en Truites tachetées (TruTrÆ corpore
variegato); 2; en Osmères qui auraient la
dorsale opposée à l’anale; mais il est évident
qu'il y a ici une faute de copiste, que Linné
voulait, comme Artedi, parler des ventrales;
cela n'empêche pas que cette faute ait été
copiée et recopiée jusque dans la treizième
édition du Systema naturæ; 3° en Corré-
gones, troisième division, qui a les dents à
peine visibles; et 4.” enfin, en Characins, que
lon doit en partie à Gronovius, qui n'aurait
eu que quatre rayons à la membrane bran-
chiostège. M. de Lacépède n’a rien changé
à ces divisions, seulement il a repris Les noms
de genre d'Artedi, en constituant la division
des Characins comme un genre distinct, et
en établissant un cinquième genre, celui des
Serrasalmes, parce qu'il a tenu compte de la
RE DEN piiee
PU er +
SALMONOÏDES. 457
dentelure de la carène de leur ventre, ana-
logue à celle que l'on voit sur la partie infé-
rieure des Clupées. En empruntant cette es-
pèce à Pallas, M. de Lacépède n’a pas senti
les affinités plus grandes qui réunissent ce
genre aux espèces inscrites parmi ses Characins.
Ceux-ci forment une réunion générique tout
à fait artificielle que M. Cuvier a heureuse-
ment subdivisée dans un de ses plus beaux
mémoires sur lichthyologie. Il la inséré dans
le tome IV des publications du Muséum. Ce
mémoire, celui qu'il avait fait quelque temps
auparavant sur l'Argentine, ont préludé à la
distribution des nombreuses espèces déjà indi-
quées dans Linné ou dans Lacépède, et dont
il a formé la famille des Salmonoïdes. Cet illus-
tre savant l’a composée d’abord des premiers
genres d'Artedi en acceptant ses Salmo, ses
Corrégones, et en corrigeant le genre des Os-
mères, puisqu'il en retirait les Saurus; mais de
plus, il y replace les Argentines, dont Brunnich
avait très-bien vu l’adipeuse, quoique Linné
ne l'ait pas rangée parmi les Salmo. Puis vien-
nent dans cette première édition les Chara-
cins, qui auraient dü peut-être faire une
seconde famille distincte, facile à caractériser
par l'absence des dents linguales. Ces Chara-
cins comprennent les genres des Curimates et
458 LIVRE XXII.
des Anostomes, créés par M. Cuvier; des …
Serrasalmes, mieux caractérisés par leurs dents
tranchantes que ne le faisait M. de Lacépède,
et dont il a eu soin de retirer des espèces qui
y avaient été mal à propos associées; des
Piabuques, des Tétragonoptères, des Mylètes,
des Hydrocyns, des Citharines. Enfin vien-
LS Rs A +. A
nent les Saurus, les Scopèles, les Aulopes, les |
Serpes et les Sternoptyx.
Cette classification n’a subi que très-peu
de modifications dans la seconde édition du
Règne animal. Toutefois on peut voir que
mon illusire maître distingue un peu plus
nettement la famille des Characins, de ce
qu'il appelle le genre Salmo de Linné.
L'étude que j'ai faite de ces nombreuses
espèces me fait croire que les divisions de-
viendront plus nettes et plus claires, si lon
subdivise la famille des Salmonoïdes en plu-
sieurs autres. Je n'établirai pas leur caractère
essentiel sur la présence seule de l’adipeuse,
méthode qui nous conduirait à une classifi-
cation artificielle; mais en tenant compte des
différents caractères qu'Artedi ou M. Cuvier
avaient déjà indiqués, j'y ajouterai ceux qu'il
faut tirer de la forme et de la constitution
des mâchoires. Je vois, en effet, une famille
naturelle dans tous les poissons qui ont lar-
æ*
RS on pe db RS A SE
= DEEE
SALMONOÏDES. 159
cade de la mâchoire supérieure formée par les
maxillaires et les intermaxillaires, de nom-
breux rayons à la membrane branchiostège,
quelle que soit d’ailleurs la variation des
dents. Tous ces poissons ont une grande vessie
natatoire simple, sans étranglement. Ils réu-
nissent donc la plupart des caractères de nos
Clupées sans aucune dentelure à leur ventre
épais et arrondi. Les dents sont souvent nulles
ou très- petites; leur gueule en est souvent
hérissée sur tous les os; elles sont coniques
et sur un seul rang, et quand ils en ont aux
mâchoires et aux palatins, il y en a aussi sur
la langue. Les Characins feront une seconde
famille caractérisée par un petit nombre de
rayons à la membrane branchiostège; par une
bouche très-petite, garnie de dents très-va-
riées, presque toujours sur plusieurs rangs et
cependant nulles sur la langue. Leur vessie
natatoire est divisée comme celle des Cy-
prins, en deux lobes; leur arcade dentaire est
formée par les mêmes os que les Salmones.
Enfin, je ferai une troisième famille des genres
Saurus et de ceux que M. Cuvier y a associés
et qui ont la bouche bordée par lintermaxil-
laire, mais chez lesquels le maxillaire ne con-
court pas à la formation de l'arcade supé-
rieure de la bouche. Ces familles ne corres-
160 LIVRE XXII.
pondent pas, comme on le voit, à celles que
le prince Charles Bonaparte a indiquées dans
son Prodrome d'ichthyologie. La seconde
correspond davantage à celle que MM. Müller
et Troschel ont présentée dans leur tableau
des genres des Characins, en en retirant les
Érythrins et les Macrodons, ainsi que je l'ai
déjà fait dans un de mes précédents volumes.
Occupons-nous maintenant du premier de
ces groupes. J'ai dit tout à l'heure comment
M. Cuvier a composé son grand genre des
Saumons. Aux Argentines, aux Corrégones,
il a ajouté les Loddes, ce poisson si célèbre
pour la pêche de la morue, sous le nom de
Capelan. J'ai démontré qu'il faut y joindre
les Salanx, qui, dans le Règne animal, avaient
été placés dans la famille des Lucioïdes. Après
avoir retiré les espèces qui composent ces
différents genres, il restait les espèces les plus
communes, les plus grandes, désignées dans «
le monde sous le nom de Saumons et de
Truites. La distinction entre toutes ces es-"
pèces était extrêmement diflicile. En nrap-
pliquant à l'étude de leurs caractères pour
rechercher ceux qui doivent les as
je crois avoir été aussi heureux dans la re-
cherche des caractères de ces espèces quew
je l'ai été pour les Clupées. En effet, Wil-4
LEE sthutée MR LL LE te +
}
F
SALMONOÏDES. 161
lughby et Artedi avaient bien déjà observé
que le Saumon ou le Huch ont le milieu du
palais lisse, mais cette «observation avait aussi
peu frappé les naturalistes, et était restée tout
aussi inaperçcue que celle d'Artedi l'avait été
pour la langue et le palais dentelé des harengs.
Mon savant ami, le docteur J. Richardson, a
publié, en 1836, son bel ouvrage de la Faune
de l'Amérique septentrionale. L’ichthyologie
y a été traitée avec le plus grand soin, et
ce savant zoologiste a rendu à cette branche
de la zoologie un très-grand service par les
descriptions pleines d'exactitude qui nous
font connaître un grand nombre d'espèces
nouvelles. Dans son travail sur la famille des
Saumons, il a parfaitement saisi l'importance
des caractères que l'on doit tirer de la den-
ütion du vomer. Il à nettement distingué les
Truites, qui ont deux rangées de dents, de
celles qui n'en ont qu'une seule au vomer, et
il a également remarqué avec beaucoup de
sagacité que le Saumon a le milieu du palais
lisse. Mais il a suivi trop fidèlement la classi-
fication du Règne animal qui lui servait de
guide. N'ayant pas osé donner à ces caractères
de dentition une valeur générique, il a décrit
dans ce genre $Sa/mo les espèces à palais lisse,
mélées avec celles qui ont une ou deux ran-
DU 1
162 LIVRE XXII.
gées de dents; en un mot, il na donné au
caractère de la dentition qu'une valeur spé-
cifique. Je suis cependant heureux d’avoir
trouvé dans son ouvrage l'indication de tous
ces caractères, car elle vient confirmer com-
plétement les observations que je faisais de
mon côté, en mefforcant d'exposer avec quel-
que clarté une distribution de ces nombreux
Salmonoïdes. J'avais déjà acquis la certitude
de la netteté de ces divisions, lorsqu'en vou-
lant compléter la synonymie de ces espèces,
jai consulté l'ouvrage que je cite, et j'ai eu le
plaisir d'y trouver l'exposition de la dentition
vomérienne de nos différentes espèces.
La variation des dents sur le vomer avait
aussi frappé M. Nilsson, car il dit que cet os
porte des dents, tantôt dans toute sa lon-
gueur, tantôt sur sa partie antérieure seule-
ment, ce qui le conduit à faire deux divi-
sions du genre. L'une, sous le nom de 7ruttæ,
a des dents en série flexueuse sur toute la
longueur du vomer; et la seconde, ses Sa/-
velint, a la partie antérieure du vomer seu-
lement dentée, mais je ne crois pas qu'il ait
appliqué ces principes justes avec une sévère
exactitude, car il commence la liste de la pre-
mière division par le $. salar, qui a certaine-
ment le corps du vomer tout à fait lisse.
e
SALMONOÏDES. 163
En faisant attention à ce caractère, on peut
en déduire celui de deux autres groupes dont
l'un aura pour chef de file la petite Truite de
nos rivières, l'autre celle des grands lacs ou
la Truite argentée, et ces deux groupes qui
pourront constituer de véritables genres sont
eux-mêmes distincts d’un troisième qui aura
pour type le Saumon. Je ferai donc les trois
genres suivants : 1.” celui des Saumons (Sa/-
mo), dont le corps du vomer n’est hérissé
d'aucune dent, cet os n’en porte que sur son
chevron; de sorte que l'intervalle entre les
deux palatins est lisse et recouvert par une
muqueuse épaisse. 2. Je distingue un second
genre sous le nom de Forelles (Fario), carac-
térisé par une simple rangée de dents sur le
corps du vomer et au-delà de celles du che-
vron. 3. Le genre des Truites (Salar), armé
sur le vomer d'une double rangée de dents.
J'emploie ces dénominations dans le sens où
je les trouve dans Ausone, quoique Linné
les ait appliquées, comme il ne lui est arrivé
que trop souvent, d'une facon tout arbitraire
à des espèces différentes.
Ces trois divisions vont rendre facile la
distinction d'espèces qui avaient été jusqu'à
présent difficiles à caractériser, parce qu'elles
avaient été placées dans un genre beaucoup
.
464 LIVRE XXII.
trop grand et par conséquent mal limité.
Je ferai observer que je ne parle ici que
des poissons adultes, car des expériences in-
téressantes de M. M. John Shaw tendraient
à démontrer que le très-jeune Saumon a deux
rangs de dents vomériennes. Je ne suis pas
certain cependant quil ait bien déterminé
l'espèce qui a servi à ses curieuses expériences.
Mais ces variations de dentition n’étonneraient
pas les zoologistes. Les caractères des genres
et des familles ne doivent être assis que sur
des observations faites d'après des individus
adultes.
Il y a peu de recherches à faire pour éta-
blir la synonymie ancienne du Saumon, car
les Grecs ne nous ont laissé, dans leurs écrits,
aucun passage qui se rapporte aux espèces
de ce genre. Quant aux auteurs latins, Pline
emploie une seule fois la dénomination de
Salmo. Dans ce passage où il parle de la pré-
férence que l'on donne à certains poissons,
il dit que dans l'Aquitaine le SaZmo fluviatilis
est préféré à tous les poissons de mer. Mais
Ausone, dans son poëme sur la Moselle, de-
vient plus précis, car il désigne trois espèces
1. Plin., Hist. nat., liv. IX, ch. 18, p. 512, éd. d'Hardouin
ad us. Delphini. Paris, 1723.
SALMONOÏDES. 165
de Salmones par des épithètes qui en rendent
l'application assez facile. Comment douter du
poisson dont il parle sous le nom de Salar,
lorsqu'il dit’:
Purpureisque Salar stellatus tergora guttis.
Il est impossible de désigner plus claire-
ment les petites Truites tachetées de rouge
de nos rivières. Il entend certainement nom-
mer le Saumon dans ce vers”:
Nec te puniceo rutilantem viscere Salmo
Transierim.
Et plus loin il appelle du nom de Fario
ce que nous appelons, encore de nos jours,
la Truite saumonée, puisqu'il lui applique les
épithètes suivantes * :
T eque inter species gemunas , neutrumque ; et uirumque,
Qui necdum salmo, nec jam salar, ambiguusque
Amborum medio Fario intercepte sub ævo ?
Le mot de Trutta, qui a été employé aussi
par Linné, est de la basse latinité, et il me
parait inutile d'en chercher ici l’origine.
1. Aus., Mos., v. 88.
2. Ibid,, v. 91.
8. Ibid. , v. 128.
166 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
CHAPITRE PREMIER.
Du genre Saumon (Salmo, nob.)
Les observations que je viens de présenter
sur la dentition des différentes espèces de
salmonoïdes, nous ont donc conduit à diviser
en plusieurs groupes le genre des Saumons
que les observations de M. Cuvier avaient
déjà considérablement réduit. Je réserve donc
comme genre des Saumons proprement dits
les espèces qui ont quelques dents à l'extré-
mité du vomer, mais dont le corps de l'os est
lisse. Ce sont d’ailleurs des poissons qui ont
le corps en fuseau, une tête assez grosse, une
gueule bien armée, souvent assez fendue ;
armés de fortes dents sur la plupart des os
qui concourent à la constitution de la gueule.
Les deux intermaxillaires sont courts et plutôt
couchés sur les côtés du museau qu'à son
extrémité transversale. Les maxillaires sont
articulés à leur suite; ils ne sont composés
que d’un seul os. La mâchoire inférieure est
forte et terminée le plus souvent par un petit
tubercule prenant dans certaines espèces un
développement considérable. De fortes dents
coniques et sur un seul rang sont implantées
sur ces os. Outre le petit groupe de dents sur
CHAP. I. SAUMONS. 167
le chevron du vomer, il y en a aussi une seule
rangée sur les palatins, sur les ptérygoïdiens
et sur Ja langue : il y en a deux rangs. Les
nageoires, comme dans tous les salmonoïdes,
se composent d’une première dorsale, suivie à
une distance assez grande d'une adipeuse plus
ou moins épaisse. La caudale est large et
coupée carrément ou très-peu échancrée. Ces
poissons ont le corps couvert de petites écailles
minces et comme perdues dans l'épaisseur de
la peau ou du cuir lardacé de l'animal. Les
saumons ont un canal intestinal très-court.
On ne peut distinguer l'œsophage de l'estomac
proprement dit. A la suite de sa première
courbure, la branche montante à parois mus-
culeuses, assez épaisses, est entourée de nom-
breux et de longs cœcums. Le foie épais, mais
peu long, occupe la partie antérieure de Thy-
pocondre droit. La vésicule du fiel, attachée
aux viscères par un canal hépatocystique très-
court, repose sur la courbure du duodénum.
Le canal cholédoque est gros et court. L'in-
tesüin est étroit et descend à l'anus sans faire
aucune circonvolution. La rate est très-grande,
située vers l'arrière de l'abdomen au delà de
estomac. Les laitances occupent la partie
antérieure de la cavité; elles communiquent
avec le canal qui porte au dehors la sécrétion
%
168 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
prolifique de ces organes par de très-longs
canaux déférents; il est facile de suivre leur
marche par une simple insufflation. Les ovaires
sont composés de petits feuillets portant les,
germes ou les granules qui, en se développant,
deviennent les œufs. Ces feuillets flotient libre-
ment dans la cavité abdominale, de sorte que
les œufs détachés de l'ovaire tombent dans
cette cavité avant d'être pondus. On sait que
cette singulière disposition existe dans plu-
sieurs autres familles. Dans toutes les espèces
que jai disséquées, j'ai constamment trouvé
une vessie natatoire très-grande, simple, à
parois minces et comme fibreuses, et ouverte
à la partie antérieure du pharynx par une
communication presque directe et sans con-
duit pneumatique.
Tels sont les principaux traits de l'organi-
sation des saumons, et à l'exception de ce qui
tient à la dentition vomérienne, ils sont aussi
communs aux différentes espèces des deux
genres suivants.
Je vais exposer dans ce chapitre et dans
une suite de descriptions détaillées les carac-
tères des diverses espèces qui ont le corps
du vomer lisse et sans dents. Je tâcherai d'y
rapporter les synonymes les plus probables
que chaque espèce devra recevoir. Mais on
dite
RAT <a rs
CGAP. IL. SAUMONS. 169
concoit que ce travail laissera quelquefois une
incertitude regrettable.
Plusieurs de nos espèces d'Europe, confon-
dues arbitrairement sous le nom de Saumons
ou de Truites, viennent se placer dans ce
genre : ce sont le Saumon ordinaire, le Bécard
ou Salmo hamatus de Cuvier, le Huch ou
Salmo hucho, YOmbre chevalier ou Sal/mo
umbla, le Salmo salvelinus et quelques au-
tres espèces moins connues. Enfin, le Cabinet
du Roi en possède un autre des eaux douces
de l'Amérique septentrionale. Ce genre Sau-
mon est donc tout autrement constitué que
celui du Règne animal. Je n’ai pas cru cepen-
dant devoir employer une autre dénomina-
tion, afin de ne pas délaisser des noms passés
en quelque sorte dans notre langage ordi-
naire, quoiqu'il soit bien entendu que je vais
employer désormais dans une acception
toute différente de celle que lui a donnée
M. Cuvier, et par conséquent plus éloignée
encore de celle de Linné.
Le SAUMON coMMUN.
(Salmo-Salmo, nob.)
Je commence ces descriptions par celle du
Saumon ordinaire, à cause de la grande im-
1470 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
portance de ses produits. C'est l'espèce parfai-
tement caractérisée qui vient en abondance
pendant toute l'année approvisionner les :
grands marchés de Paris. Voici la description
détaillée que j'en ai faite après avoir comparés
entre eux un grand nombre d'individus qui,
ne m'ont offert aucune différence notable,
par conséquent aucune variété zoologique à
signaler.
Le Saumon a le corps en fuseau allongé : c’est le
profil du ventre qui est assez courbe, la ligne du
profil du dos étant presque droite. Sa plus g grande *
hauteur, au-dessous de la première dorsale, est un
peu moins de six fois dans la longueur totale, et
son épaisseur, au même endroit, est à peu près
3
dix fois et demi dans cette même longueur totale.M
La longueur de la tête est égale à Le hauteur du
corps, prise au-dessous de la dorsale; elle est en- à
tièrement nue, recouverte d'une peau lisse, sans“
écailles. Le museau est pointu; le dessus du crane
arrondi, lisse et recouvert par la peau, qui est nue ,
du museau fait les deux cinquièmes de la longueur
de la tête, et la hauteur verticale du centre de lœ1M
longueur de la tête. Il est rond, et son diamètre
égale le neuvième de la el de la tête. Le}
CHAP. I. SAUMONS. 471
vont en augmentant. L'intermaxillaire égale en lon-
gueur la distance du bout du museau au bord an-
térieur de l'œil. Il se réunit antérieurement un peu
en avant de la pointe postérieure du maxillaire. Le
premier quart de son bord supérieur est caché sous
la peau de la tête. Son second quart se retire quand
la bouche est fermée sous la première pièce du
sous-orbitaire; l’autre moiué est libre et se termine
par une pointe très-mousse. Il porte huit à neuf
dents, qui diminuent vers la commissure; les pre-
mières sont aussi grandes que les dernières du
maxillaire.
Le sous-orbitaire est composé de quatre pièces :
les deux premières sont égales entre elles, étroites
et un peu plus courtes que le maxillaire. La troi-
sième trapézoïde est située au-dessous et en arrière
de l'œil; elle est du double plus grande que l’une
des précédentes; la quatrième, plus large et plus
longue que la première, mais plus petite que la
troisième , est située en arrière et au-dessus de l’œil.
Ces quatre pièces, recouvertes par la peau, sont
difficiles à observer. Huit à neuf pores suivent la
courbure des pièces du sous-orbitaire.
Le préopercule est médiocre, à bord lisse, ayant
une légère échancrure un peu au-dessus de son
angle inférieur, qui est très-arrondi. L'opercule,
linteropercule et le subopercule sont tellement
réunis entre eux qu’on peut à peine les distinguer.
Ils forment à eux trois une pièce à bord postérieur,
lisse et arrondi, dont la plus grande largeur fait
à peu près le quart de la tête.
172 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Les branches de la mâchoire inférieure sont plus
grandes d’un douzième que la moitié de la longueur
de la tête. A la partie supérieure de leur symphyse
il y a un tubercule charnu, relevé en forme de petit
crochet; elles ont chacune quinze à seize dents, qui
diminuent de grandeur et de force en allant vers
la commissure. On compte cinq pores sous chacune
d'elles, et en dessous elles sont écartées l’une de
l'autre.
La langue est très-libre, arrondie à son extré-
mité, charnue, et porte trois à quatre dents de
chaque côté, aussi fortes que celles de la mâchoire
supérieure. Il y en a deux ou trois à l’extrémité an-
térieure du vomer ou sur le chevron de cet os;
mais il n’y en a aucune sur le corps de los. On
en compte seize à dix-sept sur chaque palatin; elles .
sont plus petites que celle que lon voit sur la partie
antérieure de l’intermaxillaire. L’os mastoïdien est
long, étroit, recouvert par la peau comme le crâne; w
il suit, dans sa courbure, le bord de l’opercule.
L'os de l'épaule, un peu plus haut que lui, est plus
large. Son bord postérieur donne, le long de la pec- «
torale, un angle aigu, en forme de pointe mousse,
qui sert à former le haut de laisselle de cette na-
geoire. Les deux ouvertures des narines sont l’une W
auprès de l’autre. L’épaisseur d’une seule membrane ê
les sépare. La distance du bout du museau, à bord
postérieur de la seconde, fait le quart de la lon-
gueur de la tête; celle-ci est du double plus large #
que lantérieure, qui est linéaire, et qui ne s’'aper- M
çoit pas au premier coup d'œil.
CHAP. L SAUMONS. 173
L'ouverture des ouies est très-grande. Leur mem-
brane est soutenue par onze rayons plats, imbri-
qués les uns sur les autres. Ils croissent en longueur
et en largeur depuis le premier jusqu'au dernier.
La partie antérieure de la première dorsale est
aux deux cinquièmes de la longueur totale. Sa lon-
gueur est égale au neuvième de la longueur totale,
et sa hauteur en fait à peu près le douzième; elle
est trapézoïdale. On y compte treize rayons mous,
dont le troisième atteint seulement l’extrémité de
sa hauteur. Les trois premiers sont simples ; les dix
autres sont branchus; ils vont tous en diminuant
de hauteur, dont le dernier est les deux cinquièmes
du troisième et quatrième.
La seconde dorsale ou ladipeuse est placée un
peu en arrière des quatre cinquièmes du corps ; elle
est deux fois plus haute que large. L'anus s'ouvre
aux deux tiers du corps. Tout près de lui com-
mence l’anale, qui se termine sous le milieu de
l’'adipeuse. On lui compte onze rayons mous, dont
les deux premiers sont simples et tous les autres
branchus. Le troisième est le plus long, et il est
triple du dernier. La longueur de la queue, depuis
l’adipeuse en dessus, et depuis l’anale en dessous
jusqu’à la racine de la caudale, est à peu près le
sixième de la longueur totale. Elle entame cette
caudale par trois lignes à peu près égales entre
elles, dont l’une, à l’extrémité, est perpendiculaire
à l'axe du corps, et les deux autres font avec celle-ci
deux angles obius, égaux entre eux. La caudale est
coupée en croissant; elle compte vingt rayons,
174 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
dont les deux externes, en dessus et en dessous,
sont simples. Il y en a, en avant d'eux, six en dessus
et cinq en dessous.
La pectorale est petite, étroite, allongée ; sa lon-
gueur est le dixième de la longueur totale, et sa
hauteur n’est que le tiers de sa longueur. On y
compte quatorze rayons, dont le premier est simple,
et les autres branchus. Son aisselle est lisse, sans
écailles, excepté au milieu, où il y a une saillante
ovale et molle; elle prend naissance dans l’échan-
crure inférieure de l'os de l'épaule, un peu en avant
du premier sixième de la longueur totale.
Les ventrales, situées un peu en avant de la pre-
mière moié de la longueur totale, et sous le milieu
de la dorsale, sont presque triangulaires; elles ont
dix rayons mous, dont le premier est simple. Une
épine molle, égale au üers de leur longueur, se voit
attachée à leur angle externe et antérieur.
Leurs écailles sont petites. On en compte plus
de cent trente dans la longueur, et plus de quarante
dans la hauteur ; elles sont presque rondes et striées
par des lignes concentriques.
La ligne latérale est un peu au-dessus du milieu
de la hauteur du corps; elle est droite et marquée
par un petit trait relevé sur chaque écaille.
La couleur est bleu d’ardoise sur le dos; elle
s'éteint sur les flancs, qui sont légèrement argentés,
et en dessous il est d’un blanc argenté tout nacré.
Le dessus de la tête est plus bleu que le dos; les
intermaxillaires et les joues sont argentés, et le
dessous de la gorge est d’un blanc mat. De gros
Le
CHAP, I. SAUMONS. 475
points noirs épars sont sur le dessus de la tête, au-
tour du bord supérieur de l’œil et sur l’opercule;
mais il n’y a pas sur le préopercule. Tout le dos
et les flancs sont marqués par des ocelles, dont les
bords inégaux en font, en quelque sorte, autant
d'étoiles noires. Il y en a à peu près cinq rangs
au- dessus de la ligne latérale, entre la tête et la
dorsale; près de celle-ci il n’y en a plus que trois
rangs au-dessus de la ligne latérale, et aucune tache
au-dessous d'elle, et vers l’adrpeuse jusqu’à la queue,
seulement deux rangs au-dessus de la ligne latérale.
La dorsale est grise, un peu teintée de noirâtre
vers son bord supérieur, et ayant entre la base de
chaque rayon une série de petites taches noirâtres.
La pectorale est noirâtre à sa partie supérieure et
en dessous à sa pointe, Cette teinte s'éteint par
degrés, de manière qu’elle est blanche sur sa moitié
antérieure et inférieure. Les ventrales sont noirâtres,
plus pâles que les pectorales sur leur première moitié
externe et supérieure; le reste et le dessous est tout
blanc, avec une teinte couleur de chair à leur base
inférieure. L’anale est grise à son bord libre. La
caudale est d’un gris foncé presque noir; elle n’a
aucunes taches.
Après cette description des parties exté-
rieures, nous allons parler de la splanchnologie.
À l'ouverture de l'abdomen on voit le lobe gauche
du foie occupant près de la moiué de la longueur
de la cavité. Il est oblong, sans divisions, et d’une
couleur rouge très-foncée. Le lobe droit n’est qu’une
176 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
petite partie transversale de ce viscère, attachée sous
le diaphragme. La vésicule du fiel est énorme, et
remplit tout l’espace compris entre cette traverse et
le premier pli de l'intesuin. Depuis la vésicule jus-
qu'au quart postérieur de l'abdomen on n’apercçoit
que les appendices cœcales, adhérant à la première
partie du duodénum. J'en compte soixante, unies
parallèlement les unes aux autres et dans une direc-
üon un peu oblique, par une cellulosité graisseuse
très-riche en vaisseaux sanguins. Leur grandeur est
fort inégale; les plus longues sont en général les
plus voisines du pylore. L’œsophage se prolonge
sans se dilater, et en ligne droite au-dessus du foie
jusque vers le tiers postérieur de la cavité abdomi-
nale. À cet endroit, l’œsophage et l’estomac, car
on ne peut les distinguer, se recourbent pour se
diriger en avant et constituer la branche montante;
celle-ci, arrivée à peu près au üers de la longueur
mesurée plus haut, éprouve un étranglement qui
marque le pylore, et aussitôt commencent les ap-
pendices. Le rang le plus voisin du pylore Satiache
en cercle autour de lintesun; mais les rangs sui-
vanis n’adhèrent qu'a la face inférieure du canal.
L'autre face est nue et a des parois aussi épaisses
que celles de l’estomac. Au delà des cœcums l'in-
testin se recourbe et se rend directement à l'anus.
Dans ce trajet, ses parois s’'amincissent; son diamètre
se rétrécit pendant un certain espace ; puis 1l augmente
un peu au dela de la peute valvule, analogue à celle
de Bauhin, pour former le rectum et pour marquer
ainsi les gros intesüns.
CHAP. I. SAUMONS. 477
La rate est de grandeur médiocre, suspendue der-
rière la courbure de l'estomac. La vessie aérienne
est longue, simple; elle occupe toute la longueur
de la cavité abdomunale. Les ovaires, situés en
avant, sont dans la moitié antérieure de l’abdomen.
Leur couleur est d’un bel orangé. Les reins occu-
pent toute la longueur de la cavité abdominale.
La longueur la plus ordinaire des saumons,
qui viennent sur nos marchés, est de deux
pieds et demi à trois pieds. Il nous arrive
cependant d'en voir de plus grands. Ceux de
cinq pieds sont très-rares.
Le mâle de cette espèce se reconnaît exté-
rieurement par le tubercule de la symphyse
de la mâchoire inférieure. Mais je n'ai jamais
vu ce tubercule se relever et devenir cette
espèce de crochet, si saillant, qui caractérise
l'espèce que nous avons appelée Sa/mo ha-
matus. J'ai observé plusieurs centaines de
saumons dans le but de vérifier ce caractère,
de m'assurer de sa constance, et je n'ai jamais
vu la plus légère variation dans ces nombreux
individus qui, je ne crains pas de le répéter,
abondent sur nos marchés, et nous sont par
conséquent si connus. Ces saumons nous vien-
nent de Dieppe, de Fécamp, d'Abbeville, et
en général des pêcheries établies sur les côtes
de la Manche et de la mer du Nord. Cest
5334 12
178 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
l'espèce que j'ai retrouvée en abondance sur
les marchés de la Belgique, de la Hollande,
d'Angleterre et de Berlin. Cest donc là l’es-
pèce de l'Océan septentrional.
Je me crois en mesure d'établir que le sau-
mon prend aussi des taches rouges et qu'il
change de couleur en même temps que le
bon goût de sa chair vient à s'altérer lors-
qu'après être remonté dans les rivières il est
en état de frayer. J'ai pris dans l'Autie, petite
rivière de Picardie qui se jette dans la baie
de la Somme auprès du Crotoi, un individu
de l'espèce du saumon pendant que j'exami-
nais avec mon ami, M. Baillon, les espèces de
ces côtes. Les pêcheurs nous ont donné ce
poisson sous le nom de Truite guilloise.
Cette femelle avait le dos et les flancs cou-
verts de grandes taches rouges irrégulières ;
on en voyait aussi sur les joues et sur la cau-
dale. La dorsale, grise, avait quelques taches
noiratres. L'adipeuse noire navait aucune
tache rouge. Les autres nageoires étaient blan-
ches et sans taches. Cette femelle avait le
ventre gros et saillant, rempli d'œufs prêts à
être pondus. La tête et le dos se couvrent de
tubercules que les pêcheurs désignent sous
le nom de galle, et qui disparaissent après
la ponte. J'ai conservé cet individu pour les
CHAP. I. SAUMONS. 179
collections du Cabinet du Roi; il a trente
pouces de long. Aujourd'hui quil est dessé-
ché et que par l'effet de la préparation les
taches rouges ont disparu, il est impossible de
distinguer ce poisson de nos autres saumons.
Cette similitude confirme la détermination
spécifique que lon peut en faire par l'appli-
cation du caractère tiré de l'absence de dents
sur le corps du vomer. D'ailleurs ces couleurs
sont passagères, car les pêcheurs nous ont
affirmé que le poisson, après avoir frayé, re-
tourne à la mer; quil perd ses taches rouges
après un court séjour dans l'eau salée, et quil
reprend sa couleur argentée. Sa chair rede-
vient aussi plus ferme et de meilleur goût.
Le frai rend quelquefois le saumon si ma-
lade, que l'on rencontre des individus cou-
verts de taches rouges, et flottant à la surface
de l’eau sans faire aucun mouvement. On
peut les prendre alors facilement à la main.
J'en ai rencontré plusieurs dans cet état sur
la Somme.
Les pêcheurs m'ont également affirmé que
les saumons remontent de toute la côte dans
les eaux douces qui s'y versent, depuis la fin
de mai ou le commencement de juin jusqu'à
la fin de septembre. On ne prend jamais
pendant ces mois aucun Bécard; ceux-ci n'en-
180 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
trent généralement dans les rivières que de-
puis octobre jusqu'à la fin de février.
. Quoique bien commun sur nos côtes et
dans toute la mer du Nord, et qu'on puisse,
sans aucun doute, dire que je parle bien ici
de ce quon peut nommer Sa/mo salar au-
torum , il n’en est pas moins très-difficile d’éta-
blir avec certitude la synonymie de cette
espèce, parce que celles qui lavoisinent ont
été confondues avec elle. Il est constant que
Bélon n’a pas représenté notre Saumon, et
je crois même quil na décrit que l'espèce
suivante. Rondelet' a consacré le chapitre II
de ses poissons fluviatiles aux saumons, dis-
ünguant le poisson désigné sous ce nom des
orandes Truites dont il a traité dans le livre
De piscibus lacustribus ; mais la figure placée
en tête de ce chapitre est tellement grossière,
que l'on ne peut véritablement y reconnaître
notre espèce avec quelque certitude. Il croit
que le Bécard, dont la mächoire inférieure
porte cette espèce de crochet remarquable,
est la femelle des saumons à mâchoire sans”
tubercule. Il observe, avec raison, que le
saumon vient de l'Océan, et que ceux-là se
trompent qui pensent que lon prend desw
1. Rondelet, De pisc. flus., p. 167, ch. 2.
CHAP. I. SAUMONS. 181
saumons dans le Rhône. Ce sont là les seules
observations que lon pourrait appliquer avec
quelque justesse au poisson dont nous écri-
vons l’histoire. La figure que Salviani' a don-
née du saumon est encore plus difficile à re-
connaître, et cependant c’est elle qui a été
copiée dans l'Encyclopédie, pl. 54, fig 3, pour
donner une idée de ce poisson. Gessner* a
laissé une figure originale du saumon, mais
également si grossière, qu'il est inutile d'en
parler longuement. Celle du folio 825 repré-
sente le Bécard.
Si nous arrivons maintenant à Willughby”,
nous trouvons des observations curieuses et
importantes sur les saumons; mais cependant
il est facile de voir qu'il n'avait pas une idée
nette de l'espèce dont il parlait; car, entre
autres il lui donne une queue fourchue.
En rappelant les assertions de Rondelet ou
de Bélon sur le crochet de la machoire infé-
rieure, attribuée uniquement à la femelle, il
rapporte, d'après des lettres manuscrites du
docteur Johnson, que le mâle seul du sau-
mon a la mâchoire assez relevée pour percer
l'extrémité du museau, et il ajoute, d’après
1. Salv., Aquat. hist., p. 100.
2. Gesn., De aquat., p. 824.
3. Will., p. 189, liv. 4, S. 10.
182 LIVRE XXII SALMONOIÏDES.
d’autres observations, que cette courbure de
la mâchoire n'arrive qu'au mâle épuisé par le
frai ; mais il observe de suite que ces auteurs
se trompent, cette conformation étant, sui-
vant lui, aussi commune chez les saumons
sains que sur ceux qui sont malades; d'ail-
leurs il ne reconnait déjà aucun usage à cette
singulière disposition de la mâchoire. Comme
cet auteur a copié la figure de Salviani, on
voit quil est assez difficile de fixer les carac-
ières de l'espèce dont il a voulu parler.
Je crois que tous ces naturalistes ont
donné à Artedi l'idée, que le saumon ordi-
naire avait souvent le museau proéminent sur
la mâchoire inférieure , de sorte que je n'ose
appliquer à aucune des deux espèces celle qui
commence le genre d'Artedi, ou ce qui est
la même chose, le Salmo salar de Linné.
D'ailleurs, en se reportant au Fauna suecica,
on voit que celui-ci confondait bien certai-
nement nos deux premiers saumons sous une
seule et même dénomination. Comme Bloch
a fait la même chose, et que la figure 20 de
sa grande Ichthyologie laisse beaucoup trop à
désirer, je crois justifier par là la dénomination
nouvelle que j'applique à notre espèce du
Saumon , au lieu d'employer celle de Sa/mo
salar.
CHAP, I. SAUMONS. 183
Si de ces auteurs généraux nous passons à
ceux qui ont écrit des faunes particulières,
nous trouverons aussi nos espèces confondues.
IL faut rapporter à notre Saumon la figure
donnée par Duhamel, ainsi que la descrip-
tion publiée dans le cad Traité des pêches.
Il l'appelle, dans sa description, le franc
Saumon, afin de le distinguer du Bécard,
sur lequel, comme nous le verrons plus loin,
il n'a pas une opinion suffisamment établie.
Comme le saumon remonte dans toutes les
rivières , il n'est pas étonnant de voir ce pois-
son cité dans la Faune du Maine-et-Loire par
M. Millet*, qui, cependant n'a pas distingué
le bécard du vrai saumon, et dans celle de
l'Auvergne par M. Delarbre.
Les auteurs suisses qui ont écrit sur les pois-
sons des eaux en communication avec le Rhin,
citent le saumon dans leurs travaux ichthyolo-
giques; mais il ne paraît pas dans le travail de
M. Jurine sur Les poissons du Léman, et nous
ne le voyons pas cité par les autres auteurs
riverains de la Méditerranée. Aïnsi, nous le
trouvons dans le Mémoire de. Nenning, sur
les poissons du lac de Constance et dans l'Ich-
1. Duh., Traité des pêches, 2.° partie, pl. 1, fig. 1.
2. Millet, Faune de Maine-et-Loire, t. II, p. 708.
3. Delarbre, Essai zool. sur l'Auvergne, p. 272.
184 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
thyologie helvétique de Hartmann. Je crois
aussi devoir rapporter à notre saumon la pl. IT
de l'Histoire des Salmones de M. Agassiz, qu'il
a donnée sous le nom de Saumon du Rhin,
femelle. Le poisson devait être encore jeune,
je le juge par les taches assez nombreuses qui
existent autour de la ligne latérale; les adultes
en ont beaucoup moins sur le dos et sur la
tête, et ils n'en ont plus qu'une ou deux sur
le blanc de la région pectorale. Le corps du
poisson me paraît aussi trop allongé, les pec-
torales trop noires. Je suis sûr que le célèbre
ichthyologiste à qui je me vois forcé d'adresser
cette légère observation reproduira, dans son
Histoire des poissons de l'Europe centrale, de
nouvelles planches de cette espèce, quand il
aura saisi les caractères de la dentition.
Ce poisson reparait dans toutes les Faunes
de l'Allemagne et de l'Angleterre; ainsi Scho-
nevelde', dans ses Poissons des duchés de
Schleswig et de Holstein ; Wulf?, dans les
Poissons de la Prusse; Siemssen *, dans son His-
toire des poissons du Mecklenbourg, citent
le Saumon. Celui-ci a cru que le mâle avait
la maächoire inférieure redressée, tandis que
1. Schon., De salmone, p. 64.
2. Wulf, Ichthyol., p. 34, n.° 42,
3. Siemssen, Fische Meckl., p. 51.
CHAP. I. SAUMONS. 185
dans les femelles, outre l'absence de ce cro-
chet, il a remarqué que le palais ne porte
qu’une seule paire de dents, ce qui me sem-
blerait faire croire que cet auteur avait déjà
fait attention à la dentition vomérienne de
ce poisson; mais la direction qu'il tenait de
Bloch, l'a empêché de faire des observations
plus complètes sur la nature: Si nous remon-
tons vers le Nord, nous trouvons le saumon
dans Müller’. Nous avons déjà aussi cité le
Fauna suecica ; nous retrouvons de même le
saumon dans le Fauna groenlandica?; mais
Fabricius* le donne comme un des poissons
les plus rares du Groenland: il dit qu'il ne l'a
jamais vu, mais qu'on lui a rapporté quil
paraissait auprès de. Gotthaab et dans quel-
ques autres golfes des parties méridionales du
Groenland. Il cite des voyageurs autour du
cercle arctique, comme Eggede, Anderson.
M. Reinhardt inscrit le saumon dans son Ich-
thyologie du Groenland; mais j'ai lieu de
croire quil repose sa citation sur les obser-
vations de son prédécesseur, Fabricius. M.
Nilsson * compte aussi le saumon dans son
. Müller, Prod. faun. dan., p. 48, n.° 405.
. Fauna groenl., p. 110, n.° 123.
. Fab., Faun. groenl., p. 110, n.° 123.
. Nilss., Prodr. Ichth. Scand., p. 2.
= ©) +19 >
186 LIVRE XXII. SALMONOIÏDES.
Ichthyologie scandinave, en le confondant
avec l'espèce suivante. Les expressions de sa
diagnose le confirment en même temps qu'il
passe sous silence notre seconde espèce. M.
Ekstrôm' a aussi écrit une histoire du Sau-
mon dans les Poissons du Môrk6. Le saumon
existe également en Islande ; il est déjà inscrit
dans l'Histoire naturelle de l'Islande par Mohr*
et par Olafsen*. M. Faber, dans l'ouvrage plus
récent sur les poissons de l'Islande, s'est éga-
lement étendu sur le Saumon; mais je vois
qu'il a suivi les errements de ses prédéces-
seurs, en ce qui concerne la distinction des
deux sexes. Pour terminer cette revue des
auteurs qui ont écrit sur le Saumon, il nous
reste à parler des Ichthyologistes anglais.
Ce poisson, si important dans ces contrées,
a été l'objet des recherches de Pennant, qui
s'est étendu beaucoup plus sur les habitudes
de l'espèce qu'il n’a essayé de bien en asseoir
les caractères, parce que, dit-il, le saumon est
un poisson si connu, qu'une très-courte des-
cription est suflisante. Je crois aussi devoir
rapporter au saumon la planche d’Albin * inti-
. Ekstr., Die Fische von Môrkô, p. 186.
. Mohr, Island, p. 14, n.° 133.
. Olafs., Island. Reise, p. 91 et 343.
4. Albin, Hist. of escul. fish. by Eleaz. Albin.
Q9 +9 =
CHAP. I. SAUMONS. 187
tulée: The salmon trout de Berwick, sur la
Tweed. Turton', Flemming* ont également
cité le saumon dans leurs ouvrages.
Je trouve aussi un Sa/mo salar dans le
Manuel de M. Jenyns, qui a profité des obser-
vations de M. Richardson, en inscrivant dans
sa diagnose que les dents sont insérées à
l'extrémité antérieure du vomer; mais qui a
suivi M. Agassiz, en croyant que le Salmo
hamatus de Cuvier est l'adulte, et que le
Salmo Gæœdeni est le jeune âge de cette es-
pèce. |
M. Yarell, dont je me plais toujours à citer
l'élégant ouvrage, a donné une fort longue et
très-intéressante histoire du Saumon; mais il
ne me semble pas que sa figure montre les ca-
ractères de notre espèce avec autant de netteté
que la plupart des autres planches de son ou-
vrage; elle a trop de taches, elle n’est pas assez
argentée, et elle me semblerait représenter
plutôt la seconde espèce qu'un véritable sau-
mon, si je ne faisais attention à la forme de
la caudale. Le saumon est encore cité par
Low, dans la Faune des Orcades.
Il faut ajouter à la liste de ces auteurs an-
1. Turt., Brit. Faun., p.103, n.° 91.
2. Flemm., Anim. Kingsd., p. 119, n.° 40.
188 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
me
glais la figure du saumon publiée par M.
Lee dans l'Histoire des poissons de la Grande-
Bretagne sous le nom de Saumon de la Severn.
Les couleurs soni fort exactes.
A cette liste, déjà si nombreuse des auteurs
qui ont décrit ou figuré le saumon, je dois
ajouter les magnifiques figures que sir Wil-
liam Jardine a publiées, et je les indique
comme étant, entre toutes, celles qui donne-
ront aux naturalistes l'idée la plus exacte de
l'espèce dont il s'agit dans ce chapitre.
Le saumon se trouve aussi en Espagne.
Cornide ‘ dit que cette espèce entre dans
toutes les rivières de la Galice.
Ces nombreuses citations nous montrent
le saumon comme l’une des espèces les plus
communes sur les côtes septentrionales de
l'Europe baignées par l'Océan. Il devient plus
rare dans les latitudes élevées du Groenland ;
mais ce séjour devait nous faire présumer que
l'espèce se trouve aussi sur les côtes de l'Amé-
rique septentrionale, et c'est ce que nous con-
firment les auteurs qui nous ont fait connaitre
les poissons de ces contrées. Dans la Zoologie
arctique, Pennant* dit que le saumon se pêche
1. Cornide, Ensayo de los peces de Galicia, p. 15.
2. Penn., Arct. zool., t. 1, p. 8392, n.° 165.
CHAP. IL. SAUMONS. 189
fréquemment dans toutes les parties septen-
trionales de l'Amérique; mais il devient plus
rare à mesure que l’on s'approche du sud. Il
ne croit pas qu'on les trouve au delà de New-
York; cependant Mitchill' le donne comme
un des poissons dont le marché de New-York
est fourni communément; ils viennent de la
rivière de Connecticut, et aussi ils sont ap-
portés de celle de Kennebec, dans l'État du
Maine, conservés dans la glace. Les Américains
appliqueraient la méthode qui aurait été
trouvée par M. Richardson de Perth. Il est le
premier, suivant Noël de la Morinière, qui
ait imaginé de transporter les saumons à de
grandes distances dans des caisses pleines de
glace. Ces observations sont confirmées dans
l'excellent ouvrage de M. Richardson?. On y
voit que le saumon abonde dans les rivières
du Labrador, du Canada, de Terre-Neuve,
de la Nouvelle-Écosse et de la Nouvelle-
Angleterre, et dans les eaux de New-York
qui tombent dans le Saint-Laurent; il croit
même qu'autrefois le saumon s'avancait sur
les côtes plus méridionales de l'Atlantique;
car il rapporte un passage de son célèbre et
4. Mitchill, Frsh. of New-York, p. 434.
2. Rich., Z ct., p. 145, n.° 61.
190 LIVRE XXI. SALMONOÏDES.
malheureux compatriote Hudson, qui avait
vu, au mois de septembre 1609, une grande
quantité de saumons dans la rivière qui porte
son nom. Les marchés de New-York sont
fournis de poissons originaires de Kennebec,
rivière de l'État du Maine : ils remontent le
Saint-Laurent et ses affluents jusque dans le
lac Ontario, où on les trouve dans toutes les
saisons et où ils atteignent une taille consi-
dérable. Les observations de M. Richardson
sont confirmées par celles de M. Dekay', dans
son Histoire des poissons de New-York, et
par M. Storer”, dans son Synopsis des poissons
de l'Amérique septentrionale.
Nous voyons le saumon s'avancer aussi vers
l'est de l'Europe; car M. Nordmann* le cite
dans la Faune de la Russie méridionale. Pal-
las*, avant lui, a aussi mentionné le saumon
dans son Zoographia rosso-asiatica. 1] a pré-
féré le nom de Salmo nobilis à celui du Sys-
tema naturæ. I dit que le poisson est abon-
dant dans la Baltique, l'Océan septentrional
et dans la mer Blanche, qu'il est plus rare dans
les fleuves qui versent leurs eaux dans la Cas-
4. Dekay, Fish. of New-York, p. 2A1, pl. 38, fig. 122.
2. Storer, Synopsis of fishes of North-America, p. 192.
3. Nordm., Faun. pontica, p. 515.
4. Pallas, Zoogr. ross. astat., t. NI, p. 342, n.° 244.
CHAP. I. SAUMONS. 191
pienne et dans la mer Noire, et qu'il a été à
peine observé en Sibérie. Le saumon remonte
de la Caspienne principalement dans le Terec
et le Cyrus, et de la mer Noire dans le Danube
pendant les mois d'hiver. Guldenstædt l'avait
déjà cité comme un des poissons de la Cas-
pienne. La rareté du saumon en Sibérie et le
silence que Pallas tient à l'égard du séjour de
notre espèce dans les mers du Kamtchatka,
me laissent quelque doute sur la présence du
saumon dont nous traitons ici dans les eaux
du Japon, de l'Asie boréale et du Kamtchatka.
Je suis fort tenté de croire que l’on aura pris
pour lui, quelques-unes des grandes truites
encore peu connues des naturalistes, qui abon-
dent dans ces rivières septentrionales.
Notre saumon est connu dans presque toute
l'Allemagne sous le nom de Lachs, dénomi-
nation à laquelle on ajoute quelques adjectifs
pour indiquer son état de maigreur ou d’em-
bonpoint, son temps de frai, et pour désigner
aussi les individus qui ont été pris dans la mer.
Ce nom allemand se conserve en Suède, en
Norwége, dans le Danemark, on l'écrit seule-
ment d’une manière un peu différente : Lax.
On dit aussi Sam, nom qui, comme celui de
France, d'Angleterre, dérive évidemment de
la dénomination latine. Les pécheurs de ces
492 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
différents pays ont aussi quelques dénomina-
tions particulières suivant l'âge; ‘ils disent
Smolt pour désigner les très-jeunes, et Grilse
pour les individus âgés d'un an. D'ailleurs
toutes ces dénominations changent beaucoup
dans les différentes contrées. On trouve en-
core dans Pallas une synonymie vulgaire du
saumon que je crois inutile de répéter ici,
parce qu'elle me semble s'appliquer plutôt à
ces animaux que le commerce transporte chez
ces peuplades qu'elle n'indiquerait un véri-
rable séjour de l'espèce dans ces pays.
Le saumon est un poisson de mer qui re-
monte dans les rivières. On ne connaît pas les
retraites de ce poisson dans le fond de l'O-
céan. Il est remarquable que les pècheurs qui
vont au large, soit en traînant leurs filets,
soit en se laissant dériver avec eux, prennent
très-rarement des saumons. Ces animaux ne
mordent pas non plus aux appâts des lignes
de fond. Cependant on cite des observations
qui prouvent que ces poissons fréquentent les
bords de la mer, puisqu'on les prend quel-
quefois dans les mares que la mer forme en
se retirant, On en voit échoués sur le sable
après de gros temps; enfin on en trouve dans
les parcs tendus à la côte. Je ne m'étonnerais
pas que les habitudes des saumons naient
CHAP. I. SAUMONS. 193
quelque analogie avec celles des truites, et
qu'une fois entrés dans la mer, ces poissons
n'aiment à se retirer dans des grands trous
creusés le long de la côte, ainsi que nos truites
le font dans toutes les rivières. Cest au mo-
ment où le saumon remonte avec ardeur dans
les fleuves, pressé par le besoin d'y frayer, que
l'on en fait partout une pêche qui dans quel-
ques lieux est très-abondante. L'espèce affec-
tionne certaines côtes ou certaines eaux; ainsi
elle entre abondamment dans la Somme, tan-
dis qu'iln'en parait que desindividus isolés dans
la Seine. Comme ceux-ci ne sont pas arrêtés
à l'embouchure de ce fleuve par des filets, ils
y remontent assez haut. J'en ai pêché un, long
de trois pieds et demi, à Argenteuil près de
Paris. On en a vus beaucoup plus loin, car
il est certain qu'on en a pris dans la Seine à
la hauteur de Provins. Je trouve dans les
notes de Noël qu'on a pêché auprès de Cau-
debec un saumon du poids de quatre-vingts
livres. Le même naturaliste dit que le saumon
entre quelquefois dans la Marne. La Loire
nourrit un grand nombre de saumons. Ils se
distribuent dans les différents affluents de ce
grand fleuve. J'ai tout lieu de croire que l’on
désigne dans le centre de la France, sous le
nom de Tacon, de jeunes saumons qui ont
Due 13
494 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
encore la livrée de leur jeune âge. Au Pont-
de-Cé près d'Angers, il y a des pêches régu-
lières productives de cette espèce de poisson.
Il pénétrait autrefois dans toutes les petites
rivières qui viennent se rendre à la mer sur
les côtes de Bretagne, surtout dans le Blavet
et à Chateaulin. Dans le siècle dernier les pro-
duits de ces pêches étaient un revenu consi-
dérable pour le gouvernement de cette pro-
vince. Des barrages nécessités par certains
travaux hydrauliques ont fermé ces rivières,
et depuis, les stumons ont cessé de se pré-
senter sur les côtes en aussi grande abondance.
C'est une perte véritable pour le pays.
Cette migration instinctive des saumons
pour passer de la mer dans les fleuves, leur
fait franchir non-seulement les piéges quon
leur a tendus, mais des chutes d'eau assez
élevées. On cite le Saut du saumon dans le
comté de Pembroke, où la rivière du Zing
tombe perpendiculairement et de très-haut
dans la mer. Le voyageur s'arrête souvent
pour admirer la force et l'adresse avec laquelle
les saumons franchissent la cataracte pour
passer de la mer dans la rivière.
Il y a deux autres sauts très-renommés en
Irlande, l'un à Leixlif, l'autre à Bally Shannon.
Les pêches qu'on fait en cet endroit sont très-
CHAP. I. SAUMONS. 495
productives. On prétend même que si on les
interrompait, le nombre des poissons augmen-
terait sensiblement et quon en prendrait de
beaucoup plus grands. Twess observe que
pendant les guerres de 1641 la pêche du sau-
mon fut suspendue; elle ne recommenca qu’à
la paix et on prenait alors auprès de London-
derry des saumons qui n'avaient pas moins de
six pieds de long. On trouve dans le récit de
ce voyageur des détails curieux sur la manière
dont les saumons franchissent la chute du
Shannon. Il est difficile de se faire une idée
de la force employée par ces poissons pour
s'élancer à près de quatorze pieds hors de l'eau
ou décrire une courbe de vingt pieds au moins
pour atteindre le sommet de la chute. Leurs
premières tentatives restent ordinairement
sans succès, mais loin de perdre courage, ils
font de nouveaux efforts jusquà ce qu'ils aient
atteint la partie supérieure de l'eau; alors ils
disparaissent dans le fleuve. On voit auprès de
la chute, ajoute Twess, des Marsouins et autres
gros poissons bondir dans l'eau, et animer
beaucoup cette partie de la côte. Les Marsouins
y sont attirés par l'abondance de la proie
quils peuvent se procurer avec facilité. Le
nombre de ces mammifères marins y est si
considérable qu'il y aurait peut-être du profit
196 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
s 4
à établir une pêche régulière de ces petits
cétacés.
C’est vers le printemps que le poisson com-
mence à passer de la mer dans les fleuves; il
y reste jusque vers l'automne; il retourne pen-
dant l'hiver dans le fond des mers pour revenir
l'année suivante dans les eaux qu'il a quittées
l'automne précédent. Il paraitrait même, d'a-
près des expériences rapportées par Duhamel,
que le saumon saurait retrouver l'endroit où
il s'était établi. Cet auteur cite des essais
semblables à ceux que lon a faits sur les
hirondelles. Ces Salmones entrent dans l'eau
douce pour y frayer, et les femelles déposent
leurs œufs, soit dans les grands fleuves, soit
dans leurs affluents, et souvent très-loin
de la mer. Dans la Suède et autres contrées
septentrionales, il arrive quelquefois que les
rivières gèlent de bonne heure, et alors les
saumons passent très-bien lhiver dans l'eau
douce. On prétend encore que le bruit, ou
les différents corps flottant sur la surface de
l'eau, effraient le saumon et lui font souvent
abandonner la rivière dans laquelle il voulait
monter. Les femelles, au moment de frayer,
creusent des sillons dans le sable pour y dé-
poser leurs œufs; elles ont même l'instinct de
disposer des anfractuosités ou des sortes de
CHAP, IL. SAUMONS. 1957
nids au milieu des pierres, pour mettre à l'a-
bri les petits qui doivent en éclore. Les mâles
viennent alors dans ces endroits y abandon-
uer leur laitance. Les deux sexes paraissent
tellement épuisés par cette ponte, quils se
laissent en quelque sorte entrainer par le
courant pour retourner vers la mer. Tous
les auteurs s'accordent à dire que la chair
devient mauvaise après la ponte.
La pêche du saumon se fait sur quelques
fleuves dans des pêcheries sédentaires, mais
on emploie aussi très-souvent [a seine pour
les prendre. D'ailleurs, l'industrie des pêcheurs
fait un peu varier les moyens de poursuivre
ces poissons suivant la localité. Le saumon
est vorace, il croit avec rapidité. Sa nourri-
ture consiste en poissons, et lon dit quil
préfère lAmmodite ( Ammodytes tobianus).
Sir William Jardine regarde ce petit pois-
son comme un très-bon appat. Bloch a
recu du Wesel un saumon qui pesait qua-
rante livres. Pennant en cite du poids de
solxante-quatorze livres en Écosse. On en a
trouvé en Suède du poids de quatre-vingts
livres. La pêche du saumon est une branche
d'industrie considérable dans l'économie po-
litique de certains pays. Elle a surtout fixé
l'attention dans le Nord de l'Europe. Pennant
198 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
cite des rivières où lon prend quelquefois
sept cents saumons d'un seul coup de filet,
et l'on rapporte que dans la Ribble on en
prit une fois trois mille cinq cents. Quel-
ques pêcheries d'Angleterre fournissent, année
moyenne, plus de deux cent mille saumons.
La pêche est plus considérable en Écosse et
en Norwésge; il nest pas rare qu'on porte à
Berghem deux mille saumons frais en un jour.
Elle varie selon que le poisson entre dans
les fleuves à une époque plus ou moins hä-
tive, parce que la saison de la montée du
saumon change suivant la température des cli-
mats. Il n'entre pas dans les fleuves en bandes
nombreuses comme beaucoup d’autres, mais
en petites troupes, à la tête desquelles on
distingue les plus gros qui sont des femelles.
Elles sont suivies des mâles de la plus grande
taille, puis les petits saumons viennent en-
suite. La succession de ces troupes est cepen-
dant assez rapide pour que dans certaines
OCCasions On voie apparaître un très-grand
nombre d'individus.
La brise qui souflle de la mer est favorable
à cette montée; on l'appelle en quelques en-
droits vent du saumon. Fischer cite qu'après
une brise assez forte et soutenue pendant
plusieurs jours, il entra dans la Dwina un
CHAP. I. SAUMONS. 199
rideau si considérable de saumons qu'on en
prit par milliers pendant plusieurs semaines.
Les annales anciennes ont conservé le souve-
nir de saumons venus en abondance dans le
Rhin, dans l'Elbe, et de ce fleuve jusque dans
la Moldaw, où ces poissons lâchèrent une
immense quantité de frai On remarque en
Islande que vers la S. Jean, dans les grandes
marées de la pleine lune, il entre plus de
saumons dans les rivières de cette ile, lorsque
le vent soufile du sud, que par des vents
différents.
La pêche du saumon qui serait d'un grand
produit pour les Islandais, paraît cependant
presque nulle dans beaucoup d'endroits de
cette ile, parce que le manque de bras et
peut-être aussi la pauvreté des habitants ne
leur permet pas d'établir ces caisses percées de
trous avec lesquelles on arrête le saumon. Sour-
vent la rapidité du courant ou l’escarpement
des berges sont des obstacles. Dans d’autres
parties les paysans négligent la pêche du sau-
mon, parce que le fond des baies est infesté
par les Phoques. Ceite considération ne de-
vrait pas être un obstacle sérieux, car le pro-
duit de ces mammifères serait avantageux.
La pêche est exploitée avec plus de succès
dans la Laponie danoise; elle est en général
200 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
plus considérable dans la Laponie orientale
que dans les contrées occidentales de cette
terre. La pêche s'en fait avec des caisses
comme en Îslande, mais elle n'y est pas
suivie avec autant d’ardeur, que l'abondance
du poisson semblerait y engager les habitants,
parce qu'ils préfèrent pêcher le Dorsh. If paraît
que ce Gade donne des bénéfices plus consi-
dérables. En Norwége la pêche du saumon est
d'un produit remarquable. On se sert souvent
de filets sédentaires placés à embouchure des
fleuves; on leur fait décrire des lignes variées
où le poisson s'égare comme dans des ton-
nares. [Il y a des exemples où l'on en a pris
trois cents en une seule marée. C’est princi-
palement dans le district de Drontheim ou
de Christiansand que la pêche norwégtenne
est exploitée en grand; elle na pas autant
d'importance dans les parties septentrionales.
Outre la pêche faite sur le bord de la mer,
on prend aussi le saumon dans les fleuves
de lintérieur des terres. Elle est surtout
très-animée mais très-périlleuse dans celle
de Moudahl, auprès du fameux pont appelé
Bielands-Broë. On sait qu'il est posé sur
d'énormes fragments de rochers restés debout
en forme de piles et élevés de trente-six à
quarante pieds au-dessus du niveau ordi-
CHAP. I. SAUMONS. 201
naire. À la fonte des neiges l'eau s'élève quel-
quefois jusqu'au cintre des arches. Cest un
spectacle effrayant que de voir avec quelle
ardeur les pêcheurs se hasardent sur une
simple et frêle embarcation, en s'exposant à
tous les dangers de la chute de cette énorme
masse d'eau, s'échappant avec fracas du haut
du rocher et tombant en large cascade. Les
pêcheurs cherchent à profiter des contre-cou-
rants qui les portent sur de grands trous au
bas de la chute et où les saumons se rassem-
blent volontiers. Quand ils sont assez heureux
pour se maintenir, ils font souvent une cap-
ture considérable. Le Danemarck proprement
dit, le Jutland et le Holstein ne sont pas
aussi bien pourvus de saumons. Il y a cepen-
dant quelques golfes où on en pêche encore
une assez grande quantité, mais toutes les
côtes de la Baltique en sont extrêmement
riches. On prend cette espèce dans les eaux
douces ou salées du golfe de Finlande, et en
remontant au nord, dans celles de la Laponie
suédoise. Le golfe de Bothnie coupé par des
anses, des baies ou des embouchures de
_ fleuves assez nombreuses, est extrémement
favorable à cette pêche. Il y avait autrefois
des pêcheries considérables dans le Halland,
mais elles ont bien déchu de leur ancienne
202 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
prospérité, parce que beaucoup d'embou-
chures de rivières se sont ensablées; le sau-
mon trouvant les rivières ainsi barrées n'a pu
gagner les chutes des cascades, ni déposer son
frai sur les sables où il se réunissait aupara-
vant. Ce poisson est très-commun sur les côtes
méridionales de la Baltique, tant en Poméranie
qu'en Livonie. La Dwina est très-renommée
pour les pêches qu'on y fait presque toujours
au moyen d'enceintes fixes. Au fond du golfe
de Finlande, la quantité d'eau courante qui
s'y verse, y appelle le saumon; par la Newa
il pénètre dans le lac Ladoga. La moyenne
des pêches est assez variée. L’Elbe est de tous
les fleuves de la Basse-Allemagne celui qui a
le plus de saumons. Il y en a moins dans le
Weser et dans l’Ems. Toutes les rivières de
la Hollande jusqu'à l'Escaut sont abondam-
ment pourvues de ce Salmonoïde. La péche
a une grande importance à Schoonhaven sur
la Meuse; dans le Rhin, l’Vssel, le Wahl, le
Lech on le prend dans des clayonnages garnis
de filets. Mais le saumon est l'objet d’une
pêche bien plus considérable tant en Écosse
qu'en Irlande; elle sst moins productive en
Angleterre. Dans la Tweed elle commence en
Décembre et se soutient pendant neuf mois.
Beaucoup de pêcheries sont établies sur les
CHAP. I. SAUMONS. 203
deux rives jusqu’à quatorze milles de son em-
bouchure. Presque tous les produits s'empor-
tent à Berwick. Les pêches du Tay sont aussi
renommées. On regarde l'entrée précoce du
Bull-Trout (Fario argenteus, nob.) comme
le présage d’une bonne pêche. Il y a en Ir-
lande, dans la rivière de Ban, une pécherie
considérable. L’embouchure de la rivière re-
garde le nord et les filets sont placés au pied
des promontoires, de manière à ce que les
saumons sy engagent en filant le long de la
côte.
Les nappes ont souvent plusieurs centaines
de mètres d’étendue. On les met à l'eau jour
et nuit, pendant tout le temps de la saison
de pêche, qui dure environ quatre mois.
L'heure la plus favorable est celle de la marée
montante. On pêche moins de saumons dans
les eaux salées des côtes de France baignées
par la Manche ou par l'Océan. Il est rare
qu'ils sapprochent assez près du rivage pour
être pris dans les parcs, excepté sur les grèves
du mont Saint-Michel, où l'on peut tendre des
filets au reflux des marées de morte eau. A
l'embouchure de nos rivières ou le long de leur
cours on emploie presque toujours des nappes
sédentaires, mais aussi, suivant les localités,
on peut employer la seine ou le tramail.
204 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
Cette industrie n'a pas beaucoup d'importance
dans la Seine ni dans l'Orne, puisque ces
fleuves n'ont que très-peu de poissons. Dans
la Loire elle mérite une haute considération.
Le poisson remonte dans ce fleuve en assez
grande abondance vers les équinoxes. Les
pêcheurs de Belle-Ile trouvent donc du profit
à poursuivre cette espèce. Au-dessus de Nantes
on voit des pêcheries établies au Pont-de-Cé,
à Tours et à Saumur. Le saumon passant dans
la Vienne et l'Allier, y devient l'objet d'une
pêche assez considérable. Cette dernière ri-
vière est, dit-on, barrée dans toute sa largeur
au pont du Château par une digue haute de
plus de deux mètres au-dessus des moyennes
eaux. Je regarde ces procédés comme des
moyens de destruction plutôt que comme
une pêche aménagée avec une sage économie.
Le saumon entre aussi dans la Charente, la
Gironde et PAdour. On en prend une assez
grande quantité depuis Agen jusqu à Toulouse.
Dans l’Adour et dans les Gaves qui descendent
des Pyrénées occidentales, on distingue deux
montées de saumons; l'une commence en
janvier et dure jusquà la fin d'avril; la se-
conde s'opère en juillet et en août, mais on
dit que ceux-ci sont moins gros et moins bons
que ceux de la précédente montée. On a jus-
L
CHAP. I. SAUMONS. 205
qu'à présent essayé, mais inutilement, de
transporter le saumon vivant, ou même de le
conserver dans des viviers; mais en général
ces expériences ont très-mal réussi. L'ahon-
dance des individus a nécessairement obligé
d'employer des moyens conservateurs pour
utiliser cette grande quantité de poissons pris
à la fois. Ces moyens varient suivant les loca-
lités. On le sèche, on le fume, on le sale ou
on le marine. Dans l'Asie septentrionale on
le fait geler, et l’on peut, par ce moyen très-
simple, le transporter à des distances considé-
rables. Cette manière prompte et économique
nuit à la qualité de la chair. Pour les fumer
il faut choisir les individus de taille moyenne;
silssont maigres, ils éprouventune dessiccation
trop prompie; s'ils sont trop gras, l'abondance
de huile nuit au succès de la préparation.
Le saumon de la Baltique, qui tient le milieu
entre ces deux qualités, est fumé en Livonie.
Hambourg en recoit des cargaisons que le
commerce distribue, sous le nom de Sau-
mons de Hambourg, dans tout le monde.
Pour le fumer, on le saupoudre de sel après
l'avoir fendu pour en retirer les viscères et la
colonne vertébrale. Après être resté dans le
sel pendant environ trente-six heures, on
l'expose à la fumée que produit un feu entre-
206 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
tenu avec des brindilles de chêne, d’aune et
de genévrier. On préfère dans quelques en-
droits la fumée du piment royal (Myrica
gale). En Écosse, en Irlande et en Norwége
on sale presque tous les saumons. On peut
remarquer cependant que l'accroissement de
la pêche de la morue sur le banc de Ferre-
Neuve a dù donner une concurrence défavo-
rable à celle du saumon.
Je viens de présenter l'histoire du saumon
adulte, mais on peut se demander si l'animal
ne change pas d'aspect avec l’âge. M. Agassiz
a cru devoir établir que le Sa/mo Gædenii
de Bloch était le jeune âge de notre espèce.
Les poissons que jai recus d'Allemagne, sous
ce nom, ne confirment pas cette hypothèse.
On verra plus loin quils ont, comme le sau-
mon, le corps du vomer sans dents, mais
celles qui sont sur le chevron sont tout à fait
différentes. Je crois qu'il faut regarder comme
de jeunes saumons les poissons qui ont été
représentés dans le grand et bel ouvrage de
sir William Jardine, sous le nom de Salmo
albus ou de Herling de Solway. M. Fleming,
qui a admis cette espèce, l'appelle Sz/mo
Plinock, et dit que cest un poisson qui
atteint rarement un pied de long, que la
chair est rougeûtre, quil entre dans les ri-
CHAP. I. SAUMONS. 207
vières vers le mois de juillet : on le prend
rarement dans les filets tendus dans les eaux
saumâtres; les individus sont pourtant très-
nombreux dans les rivières quils fréquen-
tent pour frayer dans les mois d'aout et de
septembre. Tous ces traits me paraissent con-
venir parfaitement au saumon, et ce qui me
persuade encore plus, c'est que nous recevons
sur nos marchés de vrais saumons, tels que je
les caractérise, qui n’ont pas plus d'un pied à
quatorze pouces, et qui sont tout à fait sem-
blables à la figure que j'ai citée plus haut. Cette
espèce a été inscrite dans le British Fauna
de Turton, sous le nom de Salmo Phinock.
Fleming croit que c'est le Salmo albus de Pen-
nant, espèce nominale adoptée par M. de La-
cépède". Mais Fleming pense que ce peut être
aussi le Szlmone Cumnberland de Lacépède;les
notes de Noël de la Morinière prouvent que
cette description a été faite sur notre Forelle
ou Truite de mer (Furio argenteus, nob.).
MM. Jenyns et Yarrell n'admettent point
cette espèce qu'ils regardent comme un jeune
de première année de leur Truite de mer
(Sez Trout). La dentition peut seule décider
cette question, mais je n'hésite pas à répéter
1. Lacép., t. V, p. 695 et 696.
208 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
que la figure de Jardine me confirme dans
ma première détermination.
M. John Shaw a publié un mémoire fort
intéressant sur le développement et la crois-
sance du frai d’une espèce de salmonoïdes,
quil regarde comme des jeunes saumons. Il
a même eu la complaisance d'en envoyer au
Cabinet du Roi plusieurs exemplaires de
différents âges. Il a représenté l'animal au
moment où il sort de l'œuf, à peine âgé
d’un jour et ayant encore son vitellus attaché
sous l'abdomen. Il nous le montre à deux, à
quatre et à six mois. Tous ces individus ont
à cet âge le dos ponctué de noir, les flancs
traversés par des bandes ou de grosses taches
noirâtres, au nombre de douze ou quinze, et
le long de la ligne latérale; entre elles on voit
des points rouges. À un an les taches devien-
nent confluentes avec le brun du dos, et elles
ne forment plus que six à sept bandes noires
transversales qui tendent à se perdre ou à
s'effacer dans la couleur générale. Il y a en-
core des points rouges. À cet âge le poisson
est, selon M. Shaw, celui que les Anglais nom-
ment Parr. Les individus sont tout à fait sem-
blables à ceux que nous recevons du Rhin
sous le nom de Saumoneaux. Je ne saurais
les distinguer des petites Fruites que j'ai recues
CHAP. I. SAUMONS. 209
des différentes rivières de France. Mon con-
frère, M. Rayer, a eu la bonté de m'en faire
dessiner plusieurs d'après le vivant. Ces petits
poissons avaient été péchés dans une des pe-
tites rivières du Calvados, la Seule d’Anctoville,
qui se jette à la mer. J'en ai recu d'autres des
affluents de la Loire sous le nom de Tucon.
Mon ami, le docteur Bardinet, m'en a envoyés
des rivières du Limousin et du centre de la
France. J'en ai recu d'autres par les soins de
M. Bonafoux, conservateur du Musée de la
ville de Gueret. Ces individus se ressemblent
tellement, quil est impossible de les distin-
guer les uns des autres. Fous ces poissons
ont deux rangs de dents vomériennes. Si
M. Shaw a bien déterminé l'espèce dont il
a suivi le développement, et que les jeunes
qu'il a représentés soient ceux du saumon, on
sera obligé de reconnaître que les caractères
extérieurs que nous pouvons saisir entre les
adultes de ces différents Salmonoïdes n’exis-
tent pas dans Le jeune âge. Il reste maintenant
de s'assurer si les poissons décrits par le z00-
logiste anglais ont, comme ceux de nos rivières
de France, cités plus haut, une double rangée
de dents vomériennes : je ne puis croire qu'il
en soit ainsi. Le Parr ou le Saumoneau a, dans
tous les cas, donné lieu à l'établissement de
au. 14
2140 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
plusieurs espèces nominales, que l'on ne devra
point conserver.
Le Salmo salmulus de Turton, accepté
par MM. Yarrell et Jenyns, d'après les anciens
documents de Willughby, de Ray et de Pen-
nant, ne me paraît reposer que sur des jeunes
Salmonoïdes. La Sa/mone Rille de Lacépède
est établie d’après des notes, accompagnées
d’un dessin que Noël avait envoyé à cetillustre
savant. C'est évidemment une jeune Truite,
que l'on pêche en abondance dans la Rille
jusqu'à Pont-Audemer. En étudiant avec soin
les notes du correspondant de Lacépède, je
trouve quil regarde le Saumoneau du Rhin
et du Loiret comme semblable à celui de la
Fille. Il remarque que ce sont des petits pois-
sons nés dans les eaux douces, qui regagnent
la mer aussitôt que leurs forces leur permet-
tent d'entreprendre le voyage. Il en dit autant
du Saumoneau de la Semoy, rivière qui se jette
dans la Meuse au-dessus de Charleville. Quant
au saumon de la Rille, ce poisson paraît aimer
les eaux froides, comme la Truite; M. Noël as-
sure quon ne le prend facilement qu’en hiver.
Dans une auire partie de ses notes, Noël dit
que l'on retrouve des individus de cette pré-
tendue espèce dans les petites rivières de Cor-
nouailles ; qu'on les pêche dans toutes les eaux
CHAP. I. SAUMONS. 211
qui ne sont pas salées et infectées par le lavage
des mines d'étain, ces eaux-mères devenant
fatales à toute espèce de poisson. Il reconnaît
alors que sa Salmone Rüille est de la même
espèce que le Szlmlet de Pennant.
Pour revenir au mémoire de M. Shaw, cet
habile et patient observateur a aussi figuré le
Saumon à l'âge de dix-huit mois. Ce poisson
ressemble encore au Parr, mais il est déjà plus
grand; puis nous le voyons représenté à l’âge
de deux ans. Ce Parr est alors converti en
Smolt ou en jeune Saumon; il na plus de
bandes transversales, ni de taches rouges; il
a pris évidemment les couleurs du Saumon
adulte; il devient impossible de le distinguer,
sauf la taille, du Sa/mo albus, figuré par Wil-
liam Jardine. Ce qui me fait craindre que
l'habile naturaliste écossais n'ait pas bien dé-
terminé l'espèce sur laquelle il a expérimenté,
c'est que le Cabinet du Roi possède des jeunes
de l'espèce de la Truite de Baillon (Salar
Baillont, nob.) qui ressemblent tout à fait aux
figures citées plus haut. Les observations de
M. Shaw ont été consignées dans le Supplément
aux poissons d'Angleterre, que M. Yarrell a
donné en 1839; il admet que les jeunes du
1. Shaw, Transact. societ. Edimb., vol. 14, et Edimb. New-
philos. journ., juillet 1836 et janvier 1838.
212 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Saumon ont à un certain âge l'apparence des
Parr, mais il pense que les Szlmo Trutta et
S. eriox ressemblent aussi au Parr dans leur
premier âge. Ce naturaliste persiste à croire que
le Parr est une espèce distincte. Il discute lon-
guement les variations que peuvent offrir ces
jeunes de différents âges. La lecture des obser-
vations de ce très-judicieux naturaliste me fait
soupconner que ces espèces de Salmonoïdes
se ressemblent presque toutes dans le jeune
âge, ou, ce qui me parait plus probable, que
ces ichthyologistes n'ont pas pu distinguer ou
déterminer zoologiquement les poissons qu'ils
ont examinés. Tout en félicitant M. Shaw de
ses patientes et utiles observations, je lui de-
mande de vouloir bien consacrer quelque
temps encore pour éclairer, par de nouvelles
recherches ces questions importantes de l'his-
toire naturelle du Saumon et des Truites, et
jajouterai même de la physiologie générale
en ce qui concerne le développement des
poissons.
Le BÉcarn.
(Salmo hamatus, Cuv.)
M. Cuvier a introduit, dans la seconde
édition du Règne animal, d'après le travail
que nous avions commencé sur la famille des
CHAP. I. SAUMONS. 213
Truites, l'espèce du Bécard, qu'il a appelé
Salmo hamatus. Ce saumon est remarquable
par la grandeur de sa gueule, armée de fortes dents.
Cela dépend de la longueur des intermaxillaires et
d’un allongement correspondant des branches de la
mâchoire inférieure. Le vomer et les palatins sont
aussi plus saillants au-devant de l'orbite et sur l’ex-
trémilé du museau. Les intermaxillaires ont, en
effet, une longueur égale aux deux tiers de celle des
maxillaires. Ils sont couchés sur les côtés de la
bouche, séparés entre eux par uneamembrane lâche.
Le voile supérieur de la bouche est très-large, très-
grand, et réunit les deux os par leur face interne.
Au- devant, 1l existe un enfoncement considérable
qui reçoit le tubercule de la mâchoire inférieure.
Ces intermaxillaires portent sept ou huit grosses
denis. Les dents du maxillaire sont un peu plus
petites que les précédentes. La branche de l'os dé-
passe légèrement en arrière le bord postérieur de
l'orbite. Les palatins ont une seule rangée de dents
parallèles à celles du maxillaire. Il n’y a qu'une
seule dent sur le chevron du vomer. Nous l'avons
vérifiée sur plusieurs exemplaires, et le reste de l'os
est complétement lisse, et le palais est recouvert
d'une muqueuse extrêmement épaisse. La mâchoire
inférieure est très-longue, de sorte que l'ouverture
de la bouche égale souvent la moitié de la longueur
totale de la tête, ou en fait au moins les trois sep-
uèmes. Les os de la mâchoire sont élargis, rugueux
et un peu redressés auprès de la symphyse, qui
porte sur Île frais un tubercule fibro-carülagineux,
244 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
dur et résistant, et qui pénètre dans l’enfoncement
de la mâchoire supérieure décrit plus haut. Quand
la gueule est fermée et que le tubercule de la mà-
choire inférieure est rentré dans la cavité qui doit
le recevoir, on doit dire, pour faire connaître la
physionomie du poisson, que la mâchoire supérieure
dépasse l’inférieure; que le museau, large et arrondi,
est relevé en bosse, tandis qu'il y a un creux, si
la mâchoire inférieure est un peu abaissée. Le profil
du front devient concave au-dessus de la narine;
puis 1l se relève sensiblement jusque vers le dos.
Par la joncuüon de l'intermaxillaire et du maxillaire,
la mâchoire supérieure forme un arc très-élevé, qui
laisse toujours un vide très-grand entre elle et la
mâchoire inférieure, de sorte que, quand la gueule
est fermée, on aperçoit toujours la langue; celle-ci
correspond à l’échancrure de la valvule du palais et
à celle de la mächoire inférieure, qui est non moins
large. Cest donc un de ces poissons auxquels on
donnerait, avec raison, l’épithète d’AÆnadromus,
ou dont on pourrait dire ore hiante.
Le globe de l'œil est petit. Le diamètre de l'iris
est compris treize fois dans la longueur de la tête.
L’orbiie, beaucoup plus grand, est bordé par une
adipeuse fort épaisse, faisant un angle assez aigu sur
le devant de l'œil. Le bord de cette parüe ne touche
point le globe, et l'intervalle est rempli par une
duplicature de cette paupière adipeuse; ce qui forme
une membrane épaisse, analogue à celle que nous
avons observée dans les Aloses; mais celle-ci ne
cache pas le cercle coloré de l'iris. Les sous-orbi-
CHAP. I. SAUMONS. 215
taires sont étroits. Le premier ne dépasse pas lou-
verture postérieure de la narine, et il touche au
quart antérieur du maxillaire. Les quatre ou cinq
autres osselets sous-orbitaires sont très-minces et
cachés dans l'épaisseur de la peau. Au-dessus de
l'œil il existe un sourcilier, caché sous une peau
muqueuse extrêmement épaisse. Cette peau du crâne
recouvre aussi les petits nasaux et s'étend jusqu’à
l'extrémité du museau, en formant sur toute la tête
de l'animal un ussu fibreux, comme lardacé, d’une
très-grande épaisseur. La fente de louie est arrondie.
Le bord du préopercule descend presque droit aux
quatre cmquièmes de la longueur de la tête. L’oper-
cule, le sous-opercule et l'interopercule forment,
par derrière, une assez large plaque à bord très-
mince, de sorte que la suture qui sépare les os est
presque linéaire; elle est cependant facile à voir.
Le bord membraneux de l’opercule est si petit qu'il
n'y aurait pas beaucoup d’exagération à le dire nul.
La membrane branchiostège a tous ses rayons libres
et visibles à côté les uns des autres, sous l’isthme
de la gorge. Il y a onze rayons. La langue, qui est
charnue, arrondie et très-grosse, porte trois dents
de chaque côté. L'épaule ne se montre en dehors
que par un arc osseux, formé par l’huméral, le
scapulaire étant presque entièrement caché sous le
bord de l'opercule, et le surscapulaire étant perdu
pour la plus grande partie sous la peau muqueuse
de la tête. La pectorale, insérée dans une fossette
axillaire assez creuse, presque sous la ligne infé-
rieure du profil, est arrondie quand elle est étalée.
216 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
Quand elle est fermée et collée contre le corps,
sa plus grande longueur est égale à la moité de
celle de la tête. La ventrale, plus triangulaire et
un peu plus courte que la précédente, est insérée
sous le milieu de la longueur totale; elle porte
dans son aisselle un appendice fibro-cartilagineux,
à peu près de la longueur du uers de la nageoire,
sur lequel je n’aperçois pas d’écailles. La dorsale ré-
pond au milieu de la longueur du corps, en n’y
comprenant pas la caudale; elle est insérée au-devant
de la ventrale, ses cinq premiers rayons sont in-
sérés au-devant de l'attache de la ventrale. Le corps
en est coupé carrément. Le dernier rayon mesure
la moitié de la longueur des premières, qui sont à
peine plus longs que la base de la nageoire. L’adi-
peuse répond au dernier rayon de l’anale. Cette na-
geoire est très-épaisse, plus haute que les deux üers
de la hauteur du tronçon de la queue, mesurée
sans elle. L’anale est aux deux uers de la longueur
totale, Sa hauteur égale celle de la dorsale; elle est
plus courte qu’elle. Son bord est légèrement ar-
rondi. Le bord de la caudale est très-peu concave.
La longueur des rayons mitoyens mesure, à peu de
chose près, la moitié des rayons latéraux. Tous,
d’ailleurs, sont épais et enveloppés par cetle peau
muqueuse, et comme lardacée, que l’on observe sur
toutes les autres parties de l'animal.
B. 11; D. 140; À. 19; C. 8919; P. 14; V. 9.
Les écailles sont d’une grande minceur, presque
entièrement recouvertes par lépiderme mince, dont
les replis forment les bourses dans lesquelles sont
CHAP. I. SAUMONS. 217
cachées les écailles; car au-dessous d'elles la peau
du corps a une grande épaisseur. Nous en comptons
cent vingt-cinq rangées le long des flancs. La ligne
latérale est droite et très-fine.
Les couleurs sont constamment différentes de
celles du saumon ordinaire. Le dos n'est jamais
bleu, ni le ventre argenté, comme dans le saumon.
C'est un gris rougeâtre devenant plus vif sur les
parties inférieures des flancs, le ventre étant blanc
mat. Il y a des taches noires formées par la réunion
de plusieurs points au-dessus de la ligne latérale.
Sur le dos et sur les flancs seulement il y a de nom-
breuses et grandes taches ou marbrures rouges. Il ÿ
en a aussi sur l’opercule, sur le haut du préopercule;
on les voit même s'étendre sur le dessus de la tête;
mais elles y sont très-pâles. Il en est de même de
celles que nous observons sur la base de la dorsale
et sur la plus grande partie de la caudale, dont le
bord, noirâtre ou plutôt d’un brun rougeätre assez
foncé, porte encore des traces de taches ou de lignes
plus pâles sur l'extrémité des lobes. Le bord de la
dorsale est gris noirâtre et sans tache; celui de
l’anale est tout à fait noir. L’adipeuse est bordée de
noir ; le reste de sa surface est de la couleur du dos
et a des taches rouges pâles. La pectorale a les
rayons verdàtres en dessus, plus pàles en dessous.
Son bord est noirâtre. La ventrale est plus grise,
et le bord est plus foncé.
Les viscères du Bécard me paraissent différer très-
peu de ceux du saumon. Je trouve cependant plus
de cœcums. J'en compte soixante-sept. D'ailleurs,
218 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
l'estomac et l’œsophage me paraissent un peu plus
allongés et plus grèles que dans le saumon. Il n’y
avait dans le canal intestinal que deux ou trois petits
tænia, remarquables par leur brièveté; mais je n’en
ai trouvé aucun dans les cœcums. On sait que la
présence de ces vers dans les cœcums est, au con-
traire, très-ordinaire dans les Truites. J’ai disséqué
un mâle. Les laitances n’occupaient guère que la
moiué de la longueur de la cavité splanchnique. Il
m'a été facile d'insuffler par l’orifice commun des
organes de la génération les deux canaux déférents
qui viennent y abouur. On les voit former sur la
face dorsale du testicule des replis nombreux et
très-fins, une sorte d’épididyme; de sorte que l’or-
gane mâle ressemble tout à fait à celui des autres
poissons, tandis que celui de la femelle offre, comme
on sait, des différences très-notables.
Quant au squelette, 1l faut remarquer les rugo-
sités de la surface externe des frontaux. Elles forment
de grandes lacunes remplies par une graisse abon-
dante. Ces deux os se touchent sur la ligne médiane,
sans former de crête proprement dite. Le frontal
postérieur est fortement uni avec le principal sous
l'angle postérieur de l'orbite. La table du frontal le
recouvre presque entièrement. Cet os est très-épais,
celluleux, et s'appuie, par sa grande surface sutu-
rale, sur la grande aile sphénoïdale ; mais l'agran-
dissement du frontal principal est tel qu'il s'articule
avec le mastoïdien. L'angle postérieur et moyen des
frontaux se prolonge en une lame osseuse très-
mince, qui s’avance sur les pariétaux et les recouvre
CHAP. I. SAUMONS. 2149
presque en entier. Cette lame s’avance même sur
lintérpariétal. La matière graisseuse, qui pénètre tous
les os du crâne, et remplit la plus grande partie de
la boîte cérébrale, forme entre ces os une couche
assez épaisse et les sépare, de sorte qu'il y a sur
toute la voûte du crâne des intervalles entre les
os; mais, outre cela, nous avons sur les côtés,
entre les mastoïdiens, l’occipital latéral, les parié-
taux et le frontal principal, un large trou qui com-
munique directement dans l'intérieur de la boîte
cérébrale. Au-devant des deux frontaux principaux
je trouve une très-large plaque osseuse, formée par
une lame très-mince, relevée en bosse dans son mi-
heu et rugueuse sur les côtés. Cette lame occupe
tout l'intervalle compris entre les frontaux prin-
cipaux, les intermaxillaires et l'extrémité presque
toujours cartulagineuse en dessus du vomer; elle
contribue donc à la saillie du museau.
Je ne crois pas me tromper en la considérant
comme les deux frontaux antérieurs réunis sur la
ligne médiane. D'ailleurs, un cartilage assez épais
et une grande quantité de graisse condensée remplit
tout le large espace qui sépare ces os du crâne de
ceux de la voûte palatine. L’ethmoïde est gros,
celluleux, mais court; il ne contribue pas, par
conséquent, au prolongement du museau. Si nous
revenons maintenant à la partie postérieure du crâne,
nous ajouterons que la crête interpariétale est extré-
mement basse, qu'il n’y a pas de trou entre les occi-
pitaux ou les mastoïdiens. Les autres os ne me pa-
raissent présenter aucune particularité assez notable
920 LIVRE XXIT. SALMONOÏDES.
pour qu'il me paraisse nécessaire d’en donner une
description plus détaillée. Il y a cinquante-six ver-
tèbres, dont trente-quatre sont abdominales. Les
côtes sont grêles, longues; elles ne portent pas
d'apophyses horizontales comme il y en a dans les
Truites; mais on voit à la base des vingt-neuf pre-
mières apophyses épineuses une arête dirigée hori-
zontalement, qui rappelle les os observés dans les
clupées.
On trouve, d’ailleurs, une bonne figure de ce
squelette dans les tables ichthyotomiques de M. Ro-
senthal. 1
Cette description a été faite d'après un in-
dividu long de trente-deux pouces.
Nous avons recu de Strasbourg une truite
pêchée dans FIIl; elle avait été envoyée par
M. Hammer. C'était une femelle, à ventre
argenté, à flancs rosés, semés de quelques
taches irrégulières rouges. Le dos avait quel-
ques taches noires, telles qu'on les voit encore.
L'adipeuse était bordée de rouge ; toutes
les nageoires sont sans taches. Sa dentition
est celle d’un saumon. Ce Bécard porte deux
dents à l'extrémité du vomer, à côté l’une de
l'autre, et derrière celles-ci il en existe une
troisième. Sur le devant du museau, tout près
de la réunion des deux intermaxillaires, il
4. Rosenthal, Tab. 1chthyot., pl. 6.
CHAP. I. SAUMCNS. 224
existe une fossette assez profonde, dans la-
quelle. entrait évidemment le tubercule de
la mâchoire inférieure. Ces détails nous font
reconnaitre un jeune âge de notre espèce ac-
tuelle. Le poisson correspond parfaitement à
la figure donnée par M. Agassiz, sous le nom
de Sapmon femelle. D'où il resulte que cet
habile zoologiste, qui ne voulait pas admettre
le Salmo hamatus, à précisément représenté
les deux sexes du Bécard; mais il a mal déter-
miné l'espèce quil avait sous les yeux.
De même que nous voyons quelquefois sur
les marchés de Paris de petits saumons, on y
y voit aussi arriver de temps à autre de jeunes
Bécards. J'en ai trouvés qui n'avaient pas plus
de quatorze à quinze pouces. À cet âge ils ont
le corps beaucoup plus étroit, les flancs beau-
coup plus aplatis que les jeunes saumons. Il
est par conséquent beaucoup plus aisé de
distinguer alors les deux espèces. Ces petits
bécards ont la fossette de la mâchoire supé-
rieure et le crochet de linférieure déjà très-
prononcés. On les voit d'ailleurs sur des in-
dividus beaucoup plus petits, car dans la
basse Seine, où les pêcheurs connaissent bien
les deux espèces, ils distinguent déjà les
petits du Bécard à la protubérance naissante
du crochet.
292 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Il faut aussi remarquer quon ne prend
presque jamais dans la Touque que des bé-
cards ou de grosses truites, mais très-rarement
du véritable saumon. Dans la Rüille, les sau-
mons remontent les premiers, ils sont suivis
des bécards; quand ces deux espèces ont dis-
paru, on ne prend plus que des truites (Salar).
Il résulte de ces exemples, qui se répètent
très-probablement dans d'autres rivières de
l'Europe, que les deux espèces ne fréquentent
pas ensemble les mêmes eaux. Le saumon
précède le bécard au moins de quatre à cinq
mois, et la pêche du premier tire à sa fin
quand on prend les deux espèces. On n'a pas
craint de répéter que l'excroissance de la ma-
choire inférieure du saumon se développait
à la suite d'un séjour trop prolongé dans les
eaux douces. On n'a pas fait attention que l'on
prend des bécards au moment même où ils
quittent l’eau salée pour entrer dans la rivière;
qu'on en prend dans la mer beaucoup plus
fréquemment que de vrais saumons; que l'on
prend très-souvent dans certaines parties des
fleuves les plus voisines de leur source, la
première de nos espèces, tandis que le bé-
card ne remonte jamais aussi haut.
La chair du bécard est beaucoup moins
colorée que celle du saumon; elle est aussi
CHAP. I. SAUMONS. 9293
bien plus sèche; ce qui fait que ce poisson
est moins estimé que le précédent.
Ce saumon arrive sur nos marchés en très-
grande abondance au printemps, où on le
vend ordinairement sous le nom de Saumon
de la Loire, et aussi sous celui de Bécard;
mais il reparait encore vers la fin de la saison
dans le mois d'octobre et de novembre. Les
marchands le présentent comme de vieux
mâles de l'espèce du Saumon ordinaire, quoi-
qu'il y ait sur la place autant de femelles que
de mâles. Les individus des deux sexes ont
toujours le crochet saillant de la mâchoire infé-
ricure, et je ne crois pas même quon puisse
dire quil le soit davantage dans le mâle que
dans la femelle. Il ne faut pas oublier que les
femelles du saumon ordinaire portent un petit
tubercule comme les saumons mâles. Que lon
me pardonne ces répétitions; elles me parais-
sent nécessaires pour bien fixer les idées.
Comme on trouve en même temps des indi-
vidus de l'espèce précédente, que l’on peut
comparer immédiatement avec ceux de celle-
ci, On est très-promptement frappé des diffé-
rences qui existent entre ces deux poissons.
Nous ferons ici la remarque, qui a déjà été
faite pour l'espèce précédente, c'est qu'on n’en
voit pas de jeunes.
294 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
M. Agassiz a cru devoir établir dans une
note lue devant l'Association britannique, que
le Salmo hamatus n'était que le vieux mâle
du saumon, et son opinion a été adoptée par
les ichthyologistes récents d'Angleterre. Il a
reproduit cetie idée dans son Histoire des
Salmones, et c'est d'après elle qu'il a fait figu-
rer sur la planche [de son ouvrage le Sa/mo
hamatus sous le nom de Salmo salar ou de
Saumon du Rhin, mâle adulte.
Le trait de la figure est fort exact; il donne
bien une idée de l'espèce, mais la couleur ne
ressemble pas à celle des individus qui vien-
nent sur nos marchés : elle n’est vraie, ni pour
la force du corps ni pour la distribution des
taches rouges. On peut également dire que
ladipeuse est trop petite.
Avant M. Agassiz, Bloch avait énoncé la
même idée relativement au sexe du bécard;
il Va représenté dans sa grande Ichthyologie
à la planche 08; la figure est reconnaissable,
quoique mauvaise, parce que la caudale est
beaucoup trop échancrée et parce que les
couleurs sont absolument fausses. Bloch a
aussi regardé ce poisson comme le mäle du
saumon, et il se fonde sur ce que le conseiller
Güden, qui a une pêche considérable à Ru-
gen, dit que les gens qui ouvrent des milliers
CHAP. I. SAUMONS. 295
de ces poissons pour les fumer, n'ont jamais
trouvé une seule femelle qui eût un crochet,
ce qui est tout à fait inexact.
Les ichthyologistes du 16.° siècle avaient
fait connaître ce‘te espèce ; car Gessner' en
donne une figure un peu rude, comme toutes
ses planches exécutées sur bois, mais qui est
cependant une des meilleures que je connaisse
encore aujourd hui, et sil le présente comme
un vieux male, il faut bien remarquer que
Belon * en a représenté la tête avec non moins
d'inexactitude , mais en la donnant comme
celle d’un saumon femelle (Caput salmonis
fœminæ). Duhamel* en donne la figure sous
le nom de Bécard; mais elle est au-dessous de
toute critique. Cependant ce que cet auteur
dit dans le chapitre IT, où il traite du Bécard,
prouve qu'il a bien évidemment vu l'espèce
dont nous parlons ici; mais il a perdu les ob-
servations quil faisait sur la nature, au milieu
de toutes les notes plus ou moins confuses
qu'il recevait de ses différents correspondants.
1. Gessn., De aquat., liv. 4, p. 825.
2. Belon, De aquat., p. 279.
3. Duhamel, 2.° partie, S. 2, pl. 1, fig. 2, p. 192.
21. 15
226 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
Le Sazmowe Hucx.
(Salmo Hucho, nob.)
Ce saumon
a le corps pluslong et plus rond; la tête plus allongée
que le saumon. La hauteur du tronc est, en effet,
six fois et deux uers dans la longueur totale, et cette
mesure ne fait que les deux uers de celle de la tête.
Le dos est assez large et arrondi. Le dessus de la
tête est méplat. L’œil, placé sur le devant et sur le
haut de la joue, n’est pas très-grand. Son diamètre
est sept fois et deux tiers dans la longueur de la tête.
L'angle antérieur de l'orbite est assez avancé et dépasse
d’une manière notable le globe de l’œil lui-même ;
mais cet intervalle est rempli par une paupière adi-
peuse assez épaisse, et au-dessus de laquelle existe un
peut sourcilier qui ne dépasse pas l’angle antérieur
de l'orbite et n’atteint pas la narine. Le premier sous-
orbitaire est très-étroit au-dessous de l'œil; mais 1l"
s’élargit en une petite palette au-devant de l'organe“
et au-dessous de la narine. Les trois autres osseletss
sous-orbitaires sont cachés sous la peau muqueuses
qui recouvre toute la joue. Le bord du préoperculew
est reculé aux quatre cinquièmes de la longueur de“
la tête; il est mince et arrondi, avec CAP légères
MERE. NE L’opercule n'est pas très-grand ; on peut\
dire qu'il est triangulaire; mais son angle supérieur
serait tronqué ; l'inférieur est, au contraire, très
aigu. Le sous-opercule est un rectangle assez régu-h
FARONER ER MS =
lier ; li interoper cule est aussi quadrilatère, mais rétr éci. ;
en avant. Ces quatre os de l'appareil oper culaire sont
CHAP. I. SAUMONS. 297
bien visibles sur les côtés de la fente de l’ouie. Le
bord membraneux de l’opercule est très-petit. La
fente de l’ouie est très-grande. La branchie opercu-
laire est tout à fait rudimentaire. Les râtelures des
branchies ne m'ont rien offert de remarquable. Je
compte dix rayons à la membrane branchiosiège.
La fente de la gueule, assez grande, n’a pas cepen-
dant le uers de la longueur de la tête. Le maxillaire
n’a que de petites dents; il ÿ en a sept ou huit sur
l'intermaxillaire. Le nombre de ces denis est d’ailleurs
très-variable, car ces organes tombent facilement
comme dans tous. les autres saumons. Les dents pa-
latines sont assez fortes, en crochets et sur une seule
rangée. Il y en a trois ou quatre sur le chevron du
vomer; mais le corps de l'os est lisse et sans dents.
La mâchoire inférieure paraît dépasser la supérieure
quand elle est abaissée; mais quand la bouche est
fermée, on doit dire que les deux mâchoires sont
égales. La langue, grande, libre, cannelée, comme
celles des saumons, a de chaque côté une rangée
de sept ou huit dents. La dorsale est sur le milieu
de la longueur du corps. L’adipeuse est assez large.
Les ventrales sont implantées sous les derniers rayons
de la dorsale. L’anale est un peu pointue de l'avant,
ainsi que la pectorale. La caudale est fourchue.
Be 410:,D913:%4:12: 1029: P: 17: V 40.
Les écailles sont très-peutes, ellipuiques. J'en
compte deux cents rangées. Une d'elles, examinée
séparément, ne montre que des stries d’accroisse-
ment, parallèles aux bords. Il n’y en a point de
longitudinales ou de transversales.
228 LIVRÉ XXII. SALMONOÏDES.
La couleur du poisson adulte ou vieux est un
grisâtre urant au violet sur le dos. Les flancs et le.
ventre brillent d’un bel éclat argenté. La 1ête et les
nageoires dorsales ont des teintes verdâtres. La caudale
re un peu au jaunätre. Le bord de son croissant est
gris plus foncé. Les autres nageoires sont jaunâtres.
Au-dessus de la ligne latérale le dos est poinullé
de taches noires, qui deviennent de plus en plus
peultes, à mesure que le poisson grandit. Elles tendent
à s’effacer quand il est devenu adulte ou vieux.
M. Agassiz, qui a si bien représenté cette
espèce, a donné, dans son Histoire des Sal:
mones d'Europe, la figure d'un jeune Z/uchén;
elle montre que, dans le premier âge, le corps
est traversé par sept ou huit bandes verticales
arises ou violacées, qui disparaissent avec l'âge,
comme dans les autres Salmonoïdes, et qui,
plus tard, se changent en points. Quand l'ani-
mal a un pied de long , on voit encore des
points noirs sur le crâne et sur le haut de.
l'opercule, mais ils sont déjà entièrement ef-
facés sur un exemplaire de seize pouces de.
longueur. Je n’en vois non plus aucune trace”
sur un poisson long de deux pieds. Il ny en
a pas sur les nageoires de nos exemplaires ,4
et M. Agassiz n'en à indiquée aucune sur sa.
planche. La coloration que Bloch" a donnée 2 à.
son Salmo Hucho est donc tout à fait it iro
1. Bloch, pl. 100.
RER Res A PS TES
CHAP. L SAUMONS. 299
Les exemplaires sur lesquels j'ai fait les
observations consignées dans cet article, ont
tous été donnés au Cabinet du Roi par M. le
marquis de Bonnay, alors ambassadeur de
France près la cour impériale d'Autriche.
Ce n’est pas le seul service que ce diplo-
mate éclairé ait rendu aux sciences naturelles
quil cultivait avec passion, en remplissant
tous ses moments de loisir par l'étude pleine
de charmes de la botanique.
Nous lui devons d'autres exemplaires de
saumons Ou de truites du Danube et des lacs
d'Autriche ou de la Bavière. Je me fais un
devoir de lui exprimer ici le témoignage de
ma reconnaissance pour les services qu'il a
rendus à notre ouvrage.
Le nom de Huch est déjà cité dans Gessner",
et il en donne même une figure dans son
Traité de Piscibus, dessin qui lui avait été
envoyé de Vienne par un médecin de cette
ville. Quoique reconnaissable, elle n’est pas
parfaitement correcte, et lon ne peut pas dire
que l'on trouve déjà dans cet ouvrage cette
espèce bien établie. Aldrovande? en a repro-
duit une grossière copie; Willugbhy°, au lieu
1. Gessner, De aquat., p. 1015, ou Nomenclai. aquat., p. 313.
2. Aldr., p. 592.
3. Will, Hist. pisc., tab. n.° 1, fig. 6, p. 199.
2350 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
de donner une figure originale de ce poisson,
s'est contenté de copier celle de Gessner;
mais il le décrit d’après nature, et il signale
très-exactement les différences qui font distin-
guer notre espèce des autres truites.
Marsigli ne veut pas omettre ce poisson dans
son Histoire du Danube, et je trouve le Huch
représenté sous son nôm allemand à la pl. 28,
fig. 1. Mais bien que la figure soit reconnais-
sable, elle est Loin d'être bonne : [a mächoire
supérieure dépasse notablement l'inférieure ;
il y a de la négligence dans les autres parties
du trait. Cet auteur indique des taches sur
la dorsale et sur la caudale, comme Gessner
l'avait dit avant lui. Il l'indique comme une
des plus grandes truites, qui atteint jusqu'à
trente livres de poids. Il dit que la chair est
blanche, mais molle et moins agréable au goût
que celle des autres espèces. Le Huch fraie en
juin, le mâle et la femelle se tenant appariés,
et se cachant dans les cavités qu'ils se creusent .
dans les fonds pierreux, malgré leur dureté,
par la violence des mouvements de leur corps.
Ils évitent facilement les filets des pêcheurs, en.
se cachant dans les retraites où ils élèvent leurs «
petits, comme dans des sortes de nids. Ces ob-
servations se rapportent tout à fait à celles qui
sont consignées dans la récente Ichthyologie
CHAP. I. SAUMONS. 231
que J. Reisinger' nous a donnée de la Hongrie.
C'est avec les documents donnés par les
auteurs que nous venons de citer que Linné
a établi son espèce de Salmo Hucho.
M. Hartmann? fait remarquer, dans son Ich-
thyologie helvétique, que l'on a cité dans une
description du canton de Lucerne le Szlmo
Huch parmi les poissons du lac des Quatre-
cantons, mais que l’auteur aurait pris le Æütter
ou $. Umbla pour le Huch.
Suivant Cornide*® le Æucho se trouve en
Galice : 1l l'appelle Reo, et dit qu ïlentre dans
la rivière au mois de mai; qu'on le pêche en
juin et en juillet; que la ain est de bon goût,
mais un peu sèche.
Suivant le témoignage de Fleming, on
trouve encore le Salno Hucho dans les eaux
de l'Angleterre ; mais ce qui m'étonne, c'est
qu'il est le seul zoologiste moderne qui fasse
mention de cette espèce. Ni M. Yarrell, ni M.
Jenyns n’en font mention. Cette espèce doit
être rare dans les mers du Nord; car les au-
teurs des Faunes septentrionales ne le citent
pas. Pallas* cependant a un Sa/mo Hucho
1. Reisinger, Ichth. Hung., p. 88.
2. Hartmann, Ichthyol. hel., p. 118.
8. Cornide, £. crt., p. 82.
4, Pallas, p. 344.
232 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
qu'il dit très-commun dans les fleuves qui
versent leurs eaux dans la Baltique. Ce déli-
cieux poisson est conservé vivant dans tous les
viviers de Pétersbourg. L'auteur du célèbre
ouvrage, que je cite, Le donne comme plus rare
dans le fleuve Kama, et ajoute qu'on le ren-
contre dans la mer Caspienne. La description
détaillée qui suit ses remarques, se rapporte
assez bien à l'espèce dont nous parlons; mal-
heureusement l’auteur n’a pas désigné la place
des dents du vomer. Il avait recu de Samuel-
George Gmelin un Saumon de la Caspienne,
très-semblable au $. Æucho. Il à trouvé ce
poisson décrit sous le nom de Æucho dans
les manuscrits de Guldenstædt. Ge voyageur
le disait très- commun dans le lac Gokscha,
d'Arménie. Il faut observer cependant que
M. Nordmann' dit, que Pallas a dü se trom-
per et confondre le Hucho avec une autre
espèce de Saumon, attendu quil est, suivant
lui, notoire que le Salmo Hucho nhabite
pas les rivières qui se jettent dans la Baltique.
Ce très-habile zoologiste a observé sur le
Hucho un crustacé parasite attaché aux bran-
chies : il l'a décrit sous le nom de Basanistes
Huchonis.
1. Nordmann, Fauna pont., p. 311.
CtIAP. IL. SAUMONS. 233
Le Saumon Ocra.
(Salmo ocla, Nilsson.)
Je trouve, dans l'ouvrage de M. Nilsson,
l'établissement d'une espèce de Saumon que
ce zoologiste croit différer et du $. Æucho
de Bloch et de celui de Pallas, Il le donne
comme un poisson
ayant les yeux petits; l'iris blanchâtre. Le dos d’un
noir verdätre. Les côtés et les opercules argentés,
couverts de taches noires. Les écailles plus petites
et plus nombreuses que celles du saumon. La dor-
sale entièrement tachetée. A l’automne, la mâchoire
prendrait un crochet comme celle du Bécard; mais
le corps ne serait jamais orné de taches rouges.
Ce poisson sortirait de la mer Baltique
pour remonter dans le fleuve de Dalefven et
peut-être dans les autres. Il se présente en
Suède, à Elfkarlly, plus tard que le saumon
ordinaire. On le prend en plus grand nombre
au mois de juillet. Sa chair est blanche.
Cette description laisse encore beaucoup à
désirer; c'est donc avec doute que jindique
ici cette espèce.
L'OMBRE CHEVALIER.
(Salmo umbla, Linn.)
Un saumon commun dans l’est de la France,
234 LIVRE XXII. SALMONCIDES.
dans la Suisse, dans le Tyrol, est l'Ombre
chevalier. Ce poisson
a le corps beaucoup plus arrondi et plus trapu que
le Huch et mème que le Saumon. La tête me parait
un peu plus allongée que le corps n’est élevé, et à
peu près du cinquième de la longueur totale. Ces
proportions me paraissent cependant offrir quelques
variauons. Les deux mâchoires sont égales. Le bord
montant de l’opercule descend un peu obliquement.
Les trois autres pièces operculaires se montrent à
peu près comme dans le Hucho. I n’y a aussi que
dix rayons à la membrane branchiostège. Les inter-
maxillaires ont de fortes dents sur deux rangs 1rré-
guliers. 11 y a aussi un groupe de sept ou huit dents
crochues sur le chevron du vomer, et pour se faire
une idée juste de ces dents vomériennes, nous ren-
voyons à la figure donnée par M. Pichardson.!
Nous avons compté sur notre exemplaire deux
cent dix rangées d'écailles. La couleur de ce saumon
est un gris verdâtre sur le dos, tacheté de points
blancs pâles. Le ventre est jaunâtre. Les vieux mâles
ont les maxillaires, l’opercule et le ventre salis d'un
noir de charbon, qui les distingue tout de suite des
femelles adultes. Celles-ci paraissent avoir le dos
plus clair et moins tacheté. La dorsale est bleuûtre;
la caudale, de même teinte, a du jaune sur la base
des rayons mitoyens. Les nageoires inférieures sont
jaunes, avec les deux ou trois rayons externes
4. Richardson, Fauna bor. amer., pl. 92, fig. 5, a et b.
CHAP. I. SAUMONS. 2355
bleuâtres. Toutes ces teintes sont beaucoup plus
pâles dans les femelles. L’adipeuse n'a pas de taches.
Nous possédons, au Cabinet du Roi, un
bel exemplaire de ce saumon, long de deux
pieds et huit pouces, qui a été envoyé à
notre Muséum par les soins de notre illustre
confrère et ami, M. Decandolle.
La meilleure figure à citer de cette espèce
est celle que nous trouvons dans l'Histoire
naturelle des poissons d'eau douce de l'Europe
centrale. M. Agassiz a fait représenter le mâle
et la femelle adultes, puis il a donné la figure
d'une jeune femelle pêchée, avant la ponte,
dans le lac de Zurich au mois de novembre.
Il la représente avec le dos coloré en vert
olivatre très-foncé sans aucune tache; les
flancs sont noirâtres, couverts de petites ta-
ches plus pâles. Le ventre est d'un rouge
orangé sali. Les nageoires, à l'exception de la
dorsale, sont d’un rouge-brique; celle du dos
est terre d'ombre. Malgré ces différences très-
sensibles de coloration, il nest pas dificile
d'admettre que le poisson de la planche IX
et celui de la planche XI ne soient de la
même espèce, à cause de la ressemblance des
formes. Notre savant ami a encore représenté
un Omble plus jeune. Celui-ci paraît avoir
le corps plus allongé, le museau plus pointu
9236 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
et la tête proportionnellement plus longue. Le
fond de la couleur est comme dans l'adulte,
un vert noirâtre piqueté de blanc sur le dos
et de jaunâtre sur les parties inférieures. Mais
à cet àge les joues, les flancs et la dorsale sont
piquetées de points rouges qui, d'après ces
figures, disparaîtraient dans un âge plus avancé.
On voit quelques points blanchätres perdus
dans l'olivätre du dos.
Rondelet}? a plutôt indiqué qu'il wa véri-
tablement fait connaître lOmble. Mais le
Carpione de Salviani* en est une représenta-
tion beaucoup plus reconnaissable. On con-
coit en effet que l'ichthyologiste de Rome ait
mieux fait connaître un poisson qui est cé-
lèbre dans toute l'Ttalie à cause de la délica-
tesse de sa chair. Gessner ne fait que le copier.
La figure de Duhamel”, que l'on cite ordinai-
rement, me paraît tellement mauvaise qu'on
ne peut en quelque sorte reconnaître le pois-
son que par Son inscription.
Le poisson dont nous nous occupons est
le Charr des Anglais. Déjà Willughby# avait
associé au Charr du pays de Galles le Car-
. Rondelet, De Péscibus lacust., p. 160, ch. 158.
Salv., Aquat., p.99, pl. 25.
. Duh., Traité des pêches, 2.° part., S. 11, pl. 8; fig. 5.
Will, De'pise., 1p:196%"ch.126 ‘et 197, ch17
©) 19
qi CHAP. I. SAUMONS. 237
pione du lac de Garda; et il a même repro-
duit la figure de Salviani. La description qu'il
en donne est également fort exacte; il avait
aussi signalé l'absence de dents sur le milieu
du palais.
Si nous prenons maintenant Artedi, et Linné
qui l'a suivi, en publiant les œuvres de son
ann, nous trouvons des confusions dans l’éta-
blissement de cette espèce et des Saumons
voisins, tels que ie $. salvelinus, $. alpinus,
etc.; mais nous ne croyons pas cependant
devoir admettre l'opinion soutenue par M.
Agassiz à l'association britanuique, qui est de
considérer les S. alpinus, $. marinus, salve-
linus, umbla, comme différents états d’un
même poisson, et Ce qui me paraît surtout
étrange, c'est d'oublier dans cette liste le S.
carpio. L'espèce n.° 4 de la synonymie d’Ar-
tedi repose sur le Carpio de Salviani et le
Gilt-Charr de Willughby. Elle est devenue
dans la dixième et la douzième édition du
Systema naturæ le S. carpio. Mais comme
le Carpio de Salviani est l'Umbla de Rondelet
et de Gessner, il en résulte que les S. carpio
S. umbla représentent la même espèce.
Je ne vois pas FOmble cité dans Schœne-
velde, dans Siemsen et encore moins dans
les auteurs septentrionaux, puisqu'il n'est
238 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
pas dans le Fauna suecica. LOmble parait
aussi se trouver dans les eaux du Danemarck,
puisque nous le voyons cité dans le Fauna
danica, sous le nom de. carpio, et ilsavance
beaucoup plus loin vers le Nord; car Othon
Fabricius le compte aussi parmi les poissons
du Groenland. Il lui donne pour nom groen-
landais Ækalluk, Kevleriksok. W\ peut être
compté parmi les espèces les plus communes
au Groenland : il se tient dans les lacs, les
fleuves et à leur embouchure. Sa nourriture
consiste en Harengs, en Épinoches, en Mal-
lottes (Salmo arcticus), en petites Crevettes.
11 prend aussi les annélides ou les vers que
lon trouve dans la vase, et ne dédaigne pas
même les œufs de poissons. Mais il paraitrait
que ses habitudes dans ces contrées boréales
sont différentes de celles des individus vivant
dans les lacs de la Suisse. Fabricius dit que
ce poisson nage avec une grande vitesse, qu'il
saute avec force. Il s'approche du rivage avec
le flux de la mer et sen éloigne par le reflux;
il remonte également les fleuves quand ils
grossissent, et les descend quand l'eau dé-
croit. En automne, il est plus nombreux et
plus gros dans les fleuves où il vient frayer.
On le mange séché ou fumé avec le Zichen
rangiferinus. On fait de sa peau des bourses
CHAP. I. SAUMONS. 239
et plus rarement des voiles pour les bateaux.
Sa chair est délicate, et agréable même aux
étrangers. Comme lOmble chevalier est très-
commun dans le lac de Genève, nous devons
trouver dans les auteurs qui ont traité de
lIchthyolosie helvétique des documents sur
cette espèce. En effet, nous la voyons citée
dans Hartmann ‘ et dans Jurine*. Ces auteurs
remarquent que dans un Omble de huit à
dix livres de poids la queue est carrée à l’ex-
trémité, tandis que les jeunes ont la caudale
fourchue. Ces poissons nagent lentement :
quand ils sont pris, ils font peu d'efforts pour
s'échapper du filet; ils habitent pendant pres-
que toute l'année les grandes profondeurs du
lac; ils ne remontent pas comme les Truites
et les Saumons les rivières et les fleuves.
Pendant vingt-cinq ans on na pris qu'un
Omble dans les nasses du Rhône. L’Omble
fraie en janvier et en février; à cette époque
il Sapproche du rivage et dépose ses œufs
autour des rochers ou sur de petites places
garnies d'herbe. M. Jurine dit qu'autrefois on
prenait des Ombles de vingt-cinq à trente
livres dans le lac, mais il ajoute quil n’en a
4. Hartm., Ichihyol. heb., p. 130.
2. Jurine, Poiss. du Léman, p. 179, pl. 5.
\
240 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
pas vu d'un poids supérieur à douze livres.
La chair grasse et délicate de ce poisson est
préférée à celle de la Truite : elle est un peu
rougeälre, mais cependant moins que celle.
des Truites saumonées. Il à fait une obser-
vation curieuse en s'assurant de la vérité d’uné
remarque des pêcheurs. Ces hommes s'accor-
dent à dire que les Ombles conservés dans
des réservoirs devierinent promptement aveu-
gles. Il examina six Ombles de différente gros-
seur ; en ayant remarqué un qui avait les yeux
ternes, il chercha la cause de cette opacité
et il reconnut que le crystallin devenait par
places d'un blanc de lait. Il placa les autres.
dans un réservoir traversé par une eau vive
et courante. Au bout de huit jours l'un d'eux
était devenu aveugle, et au bout d’un mois
tous Les individus étaient affectés de cataracte.
Ayant fait part de cette observation au direc-
teur de la ferme du Rhône, celui-ci lui assura.
avoir fait la même remarque et avoir constaté
qu'après un plus long séjour dans un réser-
voir les yeux se flétrissaient dans leur orbite. »
L’Omble qui existe dans le lac des Quatre-
cantons et dans celui de Neuchâtel, ne paraît |
pas exister dans celui de Constance, car M.
Nenning n’en fait pas mention. Les citations «
que nous avons faites plus haut nous l'ont
bon ARE
CHAP. I. SAUMONS. DA
montré dans les lacs d'Italie. M. Reisinger le
compte aussi parmi ses poissons de Hongrie,
et 1l croit que le Salmo salvelinus et le Salmo
salmarinus indiquent aussi la même espèce.
Nous verrons dans l'article suivant sur quel
fondement nous croyons devoir les distinguer.
L’Omble, qui manque aux rivières de France
qui se jettent dans l'Océan, est commun dans
les grands lacs d'Angleterre et surtout du pays
de Galles. Outre le témoignage de Willughby
que nous avons déjà invoqué, nous devons
citer Pennant', qui traite dans son article du
Charr et. des différentes variétés désignées sous
les noms de Case-Charr, de ee de
Red-Charr, et Barren-Charr. I] rappelle aussi
le nom de Torgoch, qui lui est donné dans
le pays de Galles. Donovan a publié après
Pennant, mais sous le nom fautif de $. a/pinus
de Linné, une figure de l'Omble chevalier. IL
le représente bleu sur le dos, rose sous le
ventre, les nageoires paires sont roses, les au-
tres nageoires tirent plus ou moins au verdatre;
le corps est couvert de points pâles. C'est sur
ce document que Turton et Fleming ont fait
reposer leur Sa/mo alpinus. M. Yarrell? a dis-
tingué le $. umbla du $. salvelinus, et il a
4. Pennant, t. IL, p. 256.
2. Yarrell, Poiss. d’Angl., p. 65.
21. 10 -
242 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
donné du premier une figure fort reconnais-
sable sous le nom de Vothern-Charr, et est
entré dans de très-longs détails sur l'histoire
de ce poisson. Il dit qu'il atteint très-rarement
deux pieds de long. M. Jenyns a aussi distingué
le Charr, qu'il appelle également $. umbla. Cet
auteur observe que ce poisson varie beaucoup
de couleur. Il existe aussi dans le Recueil des
poissons de Madame Bowdich une brillante
représentation du Charr des contrées septen-
trionales de l'Angleterre.
Presque tous ces auteurs ont cru retrouver
dans leur Charr le Salmo alpinus de Linné,
mais je regarde cette synonymie comme fau-
ve, ainsi que je m'en vais le dire dans l'ar-
ticle suivant. Quant au $. a/pinus de Bloch,
je crois quil faut le rapporter au $. wmbla.
En effet, Bloch a donné un dessin quil avait
recu de Saint-Gall par le docteur Wartmann;
Bloch l'a fait graver, et très- probablement il
aura altéré ce dessin, comme il ne lui est
arrivé que trop souvent dans son Ichthyo-
logie : car j'ai dessiné à Berlin, en 1827, deux
individus de la collection de Blu, Ba con.
servé dans l'alcool et l’autre ionbe appelés
Salmo alpinus, et qui tous deux sont certaiss
nement le S. umbla. Ù
Je vois que M. Faber n’a établi dans son
CHAP. I. SAUMONS. 343
Ichthyologie d'Islande qu'un Sa/mo alpinus,
comprenant celui de Linné, de Fabricius et
de Mohr, mais renfermant aussi, comme une
variété marine, le $. carpio de Linné, du
Fauna groénlandica ou de l'Histoire natu-
relle de [Islande par Mohr. Ges citations me
font croire que l'Omble se trouve en Islande
comme au Groenland, qu'il y vit avec le S.
alpinus, mais que M. Faber n'a pas distingué
convenablement ces différentes espèces.
Le SAUMON KUNDSHA.
(Salmo leucomenis, Pallas.)
J'ai également dessiné et décrit à Berlin le
poisson que Pallas a appelé S. Zeucomenis.
Les formes le rapprochent de lOmble, mais
comme la langue, les palatins et le vomer
étaient enlevés sur l'individu préparé, je ne
puis placer cette espèce dans ce groupe que
d'après l'indication malheureusement un peu
vague laissée par Pallas sur la disposition des
dents. La couleur
est argentée, un peu bleuâtre, avec des taches orbi-
culaires blanches, devenant verdâtres près du dos.
La teinte générale se rembrunit d’ailleurs sur le haut
du corps; elle est très-blanche sous le ventre. Les pec-
torales sont blanchâtres. Les ventrales sont blanches.
1. Pallas, Fauna Rosso-asiat., NI, p. 356, n.° 254.
244 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
Pallas dit que la chair est plus rouge dans
les individus de la Sibérie boréale que dans
ceux de la Sibérie orientale. La forme des
taches, telle que je l'ai indiquée sur mon
dessin, me fait croire que ce poisson est dif-
férent de lOmble, bien qu'il en soit voisin.
Le SAuMon DES CoOURILES.
(Salmo curilus, Pallas.)
J'ai aussi dessiné à Berlin le $. curilus d’a-
près des exemplaires de Pallas’, et déjà, en
1826, je décrivais ce poisson, en disant
qu'ils portent cinq dents à l’intermaxillaire, dix-sept
aux maxillaires, vingt-six à la mâchoire inférieure
(treize de chaque côté), seize ou dix-huit aux pa-
launs, cinq sur le chevron du vomer, plus grandes
que les autres, et dix sur la langue. La couleur du
corps est noirâtre sur le dos; brune ou olivâtre surw
les flancs. Le ventre est blanc. Des taches nom-*
breuses, espacées en quinconce, fauves et päles au-*
dessous de la ligne latérale, plus rares et moins.
marquées au-dessus d’elle, couvrent les flancs. Les \
nageoires sont tachetées de brun. Les pectorales ont «
la base rougeñtre. |
Ce poisson, long d’un pied, a été observé:
P dns pe |
par Merck dans les ruisseaux des îles Couriles.
1. Pallas, Fauna Rosso-asiat., WA, p. 351, n.° 251.
UT PPT PORT
eo
CHAP. IL SAUMONS. _ 245
Ce Saumon est, comme on voit, très-Voisin
de lOmble et non du $. callaris, qui a des
couleurs très-différentes aux nageoires infé-
rieures.
Le SAUMON Lisst.
(Salmo lævigatus, Pallas.)
J'ai encore pu faire un dessin, d'après les
individus secs conservés au Musée de Berlin,
du $. lævigatus de Pallas. Je n'en connais pas
assez bien les dents pour le caractériser et pour
le joindre au $. umbla ou pour l'en distinguer.
L'espèce en est cependant voisine; car elle
n'a pas de dents sur le vomer, c'est confirmé
par l'expression de Pallas : Palati fornix ca-
eus inermis. Le poisson nest donc pas aussi
voisin du $. furio que ce grand zoologiste le
pensait. [l ajoute
que le corps est comprimé. Le museau court et
obtus; que les mâchoires sont presque égales quand
la bouche est fermée.
Les nombres sont :
Bir-12 DE MEAMO SC. 2 SPAS V0
Le corps, argenté et sans taches, a le dos bleuûtre.
Les nageoires inférieures paraissent avoir été rous-
sàtres.
Ce poisson vient des îles Couriles, d'où
1. Pallas, Fauna Rosso-asiat., II, p. 385, n.° 266.
246 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
il a été rapporté par Merck. Les deux indi-
vidus envoyés à Pallas sont longs de six pouces.
Le SAUMON SALVELIN.
(Salmo salkelinus, Linn.)
Les eaux douces de l'Europe nourrissent
une espèce de saumon que l'examen des dents
caractérise et fait par conséquent reconnaître
avec facilité. Il n’y a, en effet, dans cette espèce
que quatre ou cinq dents implantées sur une ligne
transversale à l'extrémité du chevron du vomer. C’est
d’ailleurs un poisson dont on peut dire que les deux
mâchoires sont égales. La supérieure parait cepen-
dant un peu plus courte. Le maxillaire est droit et la
distance de son extrémité au bout du museau égale
celle mesurée entre cette même extrémité et le bord
de l’opercule. Les dents du palais sont sur un seul
rang ; dentition différente de celle de lOmble cheva-
lier. La tête un peu plus petite que Le cinquième dela
longueur totale. Les écailles paraissent très-petites, et
cependant je n’en compte que deux cent vingt-sept
rangées dans la longueur. Le poisson frais est d’un vert
bleuâtre sur le dos, rouge très-foncé sur toutes les
parties inférieures. Les flancs sont couverts de taches l
rouges; mais celles-ci semblent disparaître suivant
les saisons ou suivant l’âge; car j'en ai un exe
plaire qui n’en porte aucune trace. La dorsale est#
verte. Les deux derniers rayons ont seulement un
peu de rouge. La caudale, un peu plus pâle, a des
CHAP. I. SAUMONS. 247
teintes rouges sur les rayons. Tout le ventre, ainsi
que les nageoires inférieures, sont d’une belle cou-
leur rouge. Le bord antérieur de l’anale et des deux
nageoires paires est blanc.
Je fais cette description sur de beaux exem-
plaires préparés pour notre Musée par les or-
dres de M. le conseiller aulique de Schreibers,
directeur du Musée impérial de Vienne, et sur
d'autres, de même taille, envoyés de cette
capitale par M. le marquis de Bonnay.
Le poisson que je viens de décrire se rap-
porte très bien à la figure de Bloch, et l'on
comprendra cette identité quand on saura que
Bloch avait reçu le sien d'Autriche, par con-
séquent du même lieu que nous. Il y a rap-
porté le Salmo salvelinus de Linné. Or, je
crois que celui-ci n'est pas le même que celui
de Bloch; car Linné a copié la phrase d’Ar-
tedi, qui donne pour caractère à son poisson
d'avoir la machoire supérieure un peu plus
longue que linférieure. D'ailleurs, je ferai
remarquer que toute la synonymie d’Artedi
repose sur les figures de Rondelet; car Gessner
et Willughby ne sont que des copistes de
lichthyologiste de Montpellier, et, sans aucun
doute, le Salmo alter Lemani lacus sive Umbla
allera' ne peut pas être la représentation de
1. Rondelet, De pisc. lacust., p. 160, ch. 14.
DAS LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
notre poisson. D'ailleurs, je suis convaincu
que Linné a fait une autre confusion, lors-
quil a donné pour le S. salvelinus d’Artedi
un poisson qui venait d'Autriche, auprès de
Lintz. Il est très-probable que l'auteur du
Systema naturæ aura mal déterminé son
espèce. Bloch cite encore le $. salmarinus «
de Linné, lequel, d’après Artedi, repose uni- .
quement sur la figure de Salviani’. Cette
figure me paraît indéterminable. Est-ce sur
elle qu'Artedi a composé la phrase caracté-
ristique appliquée au Salvelinus par Linné, :
ou sur les poissons de Norwége que j'ai sous
les yeux? Cette phrase a-t-elle été faite d'après
nature et transposée dans les papiers d’Artedi,
lorsque Linné les a publiés? C'est ce que je
n'ose décider. Mais, dans tous les cas, si je
conserve le nom de S,. salvelinus, 11 est bien
entendu que je le prends d'après la figure de
Bloch, et que j'exclus toute la synonymie li-
néenne que cet auteur a jointe à son espèce.
Notre poisson est aussi le Salbhings de Mar-
sigli*. Cest même la seule figure des trois
espèces voisines quil a données, qui soit faci-
lement reconnaissable; voilà pourquoi j'ai cru
1. Salviani, fol. 102.
2. Marsigli, t. XXIX, fig. 1.
CHAP. I. SAUMONS. 249
devoir me dispenser de citer les deux autres,
et surtout la première à l'article de lOmble.
Le SAUMON ROIE.
(Salmo alpinus, Linn.)
L'abondance des matériaux réunis dans le
Cabinet du Roi, m'a permis de distinguer des
espèces extrêmement voisines les unes des
autres, parce que j'ai pu faire une comparaison
immédiate de plusieurs individus de chacune
d'elles.
Nous possédons plusieurs Truites, rappor-
tées de Norwége par Noël de la Morinière,
ou de Suède et d'Islande par M. Gaimard, le
chef actif de l'expédition scientifique au Nord.
L'une de ces Truites me parait répondre par-
faitement à la figure d'Ascanius, et être son
véritable Roëdins. Comparée au Salvelinus du
Danube, on voit qu’elle s'en distingue
par une tête plus étroite, par un maxillaire plus
court et plus grêle, par des dents plus fines et plus
longues. Il y en a quatre sur une bande transversale
au chevron du vomer. Les deux mâchoires sont
égales. D'ailleurs, les écailles ne sont guère plus
grosses, La caudale est un peu fourchue.
Les nombres sont :
B115D713; À 10: C:22855P. 14: V9:
La couleur du poisson, conservé dans l'alcool,
250 LIVRE XXL SALMONOÏDES.
est devenue noirâtre, avec des points sur les flancs.
On voit encore que l'anale et la ventrale étaient
rougeûtres, et que le premier rayon de la nageoire
paire était blanc. Ascanius! le peint d’un rouge lie
de vin très-foncé sur le dos, devenant plus vif sur
les côtés et pâle sous le ventre. Il a la gorge blanche.
Les points des flancs se détachent en clair. La dor-
sale est grise; la caudale est d’un brun rougeâtre à
sa base, bordée de rouge pâle. La pectorale, du même
gris que la dorsale, est terminée par du rougeitre,
et n'a pas de bordure blanche. La ventrale est rouge,
avec le premier rayon blanc. L’anale, sans bordure,
est du même rouge que la ventrale.
Ascanius appelle ce poisson du nom de
Roie, et il Le croit le véritable $. alpinus de
Linné. Cest effectivement le seul de nos Om-
bles qui correspond parfaitement à la descrip-
üon du Fauna suecica*. Je ferai seulement
remarquer que toute la synonymie, prise dans
Artedi, serait mauvaise. Le Salmo alpinus se
trouve cité dans lIchthyologie scandinave de
M. Nilsson; mais il a eu tort, selon moi, dy
rapporter le S. salvelinus de Bloch, et je crois
aussi le S. erythreus de Pallas.
Nous avons pu faire un squelette de cette
espèce; nous lui avons compté soixante-sept
ee —
4. Ascanius, Îcon. rer. nat.,1. XVUHI.
2. Faun. suec., p. 117, n.° 310.
CHAP. I. SAUMONS. 251
vertèbres, dont trente-cinq sont abdominales.
Notre individu a près d’un pied de long.
Cette espèce habite dans les lacs alpins de
la Laponie les plus élevés, où elle est très-
abondante et presque le seul poisson. Linné
remarque, avec raison, quil est difficile de
concevoir comment ce poisson peut trouver
une nourriture suflisante dans des eaux gelées
pendant neuf à dix mois de l'année, et où on
ne trouve ni herbes ni vermisseaux. Ascanius
dit que sa nourriture consiste en larves de
moucherons. Le Roïe lui semble destiné, par
la nature, à subvenir aux principaux besoins
du Lapon des Alpes boréales. Comme ce pois-
son est agréable à voir à cause du brillant de
ses couleurs, et comme sa chair est d'un excel-
lent goût, on a su le transplanter et le con-
server dans des petits parcs d’eau de fontaine.
Pallas' à rapporté au $. alpinus d'Ascanius
un poisson, décrit par Georgi* sous le nom de
$. erythrinus. I] a seulement changé l'épithète
en disant $. erythreus. Ce poisson a le corps
allongé, épais; le dos et l'abdomen assez con-
vexes. La couleur est semblable à celle des
poissons figurés par Ascanius. Comme la ven-
trale seule est très-rouge, avec le bord blanc,
4. Pallas, Fauna Rosso-asiat., MI, p. 349, n.° 250.
2. Georgi, Iin., t. L, p. 186, tab. 1, fig. 1.
252 _ LIVRE XXI. SALMONOÏDES.
j'admets assez facilement la détermination de
Pallas en ce qui concerne Ascanius,maisnon pas
en ce qui concerne les citations deWillughby
et de Pennant, ainsi que celles de Bloch.
Georgi a trouvé ce poisson en grande abon-
dance dans le lac alpin de Frélicha, qui verse
ses eaux, par torrents, dans les côtes orien-
tales du lac Baïkal. Les Russes riverains
de ce lac l'appellent Xrasnaja-Ryba; mais
cette dénomination s'appliquerait, d'après les
observations de M. Mertens, à tous nos sau-
mons rouges.
Je trouve dans Fabricius' un $. alpinus,
qui, selon lui, différerait très-peu de l'Omble
chevalier; si bien que, pendant tout son séjour
au Groenland, il ne l'en distinguait pas. Mais,
de retour dans son pays, il a cru retrouver
dans cette variété le $. alpinus de Linné. La
description est un peu vague. On doit se
contenter de cette simple indication.
Cette espèce a été le sujet d'observations
curieuses publiées dans les Mémoires de Stock-
holm, et que mon savant confrère et ami
M. Rayer” n’a pas omis de rapporter dans son
beau travail sur les maladies des poissons.
1. P. 178, no 195.
2. Rayer, Arch. méd. coiwpar., n.”* 4 et 5, p. 266.
cha. I. SAUMONS. 253
Antoine Roland Martin’ dit qu'il a vu à Berg-
hen, dans l'automne de 1759, des poissons
lépreux. Il entendit affirmer que des lacs en-
tiers étaient pleins de ces poissons malades.
Il croit même que plusieurs autres espèces
de truites étaient affectées en même temps
que le Roëding; et il inclinait à admettre que
la lèpre était plus commune parmi les habi-
tants des bords de ces lacs, que dans ceux
des autres contrées. IL faudrait de nouvelles
observations plus étendues, mieux faites sur
ces maladies des poissons observées en général
par des hommes peu instruits, et qui em-
ploient pour désigner une affection quils ne
connaissent pas bien, des mots qui désignent
une maladie dont la nature est bien déter-
minée et nettement connue. Quand on parle
de saumons ladres, il ne faut pas admettre
que ces poissons ont la chair farcie de cysti-
cerques, comme les cochons ou l’homme souf-
frant de ladrerie. Nous ne connaissons pas
bien la maladie de nos saumons. Il en est de
même très-probablement de cette lèpre des
truites alpines de A. R. Martin. La lèpre est
malheureusement commune sur les côtes de
1. Anmerk. über die sogenannten aussätzigen Fische, von And.
Rol. Martin, Kôn. Ak. der Wissenschaften von Stockholm , 1160 ;
t. XXII, p. 301.
254 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Norwége, et les truites qui changent d'aspect,
ou qui meurent peut-être après la ponte, sont
dites lépreuses. Il faut espérer que les zoolo-
gistes ou les médecins habiles de Berghen
traiteront un Jour cette question curieuse et
importante pour la physiologie générale.
Le SAUMON KULMUND.
(Salmo carbonarius, Ascanius.)
Nous avons encore recu de Norwége, par
Noël de la Morinière, une autre Truite de
Norwése, dont Ascanius a donné une figure
arfaitement reconnaissable : c’est le Xulmund”
P
des Norwégiens, qui est devenu dans le travail
de Strômle $.carbonarius, et quenous voyons
adopté dans l'ouvrage de Nilsson. Ce poisson
est remarquable
par la longueur de ses maxillaires arqués. Sa mà-
choire supérieure dépasse évidemment l'inférieure. «
Les dents forment un peut groupe sur le chevron
du vomer; celles des mâchoires sont assez fortes."
La caudale est un peu fourchue.
B.. 10; D. 105 AT; C.1255 P. 12; V. 9.
La couleur du poisson, conservé dans l'eau-de-vie,
est noirâtre. Des taches paraissent sur le corps. Les
nageoires, pectorales et ventrales, ont un fin liséré
RAP NT OE, PE
CHAP. IL. SAUMONS. 255
blanchâtre. Ascanius', qui a vu le poisson frais,
peint le dos presque noirûtre, les flancs violets,
couverts de taches argentées; le ventre blanc; les
nageoires sont bleuâtres ; la base de la caudale tient
de la couleur du dos.
Ce Kulmund a été observé par Ascanius
dans le Randsfjord. La pêche de cette espèce
produit très-peu, parce que le poisson a une
chair blanche, molle et peu estimée. C'est aussi
l'opinion de M. Nilsson : suivant cet auteur, le
Kulmund se tient dans les lacs des régions
boisées de la Norwége occidentale, mais qu'il
ne s'élève jamais dans les eaux alpines; il ne
quitte Le fond des lacs qu'au moment du frai;
on le pêche dans l'été avec des lignes amorcées
d'une grenouille vivante.
Cette espèce est la seule qui convienne à
cette phrase de la synonymie d'Artedi : Salno
pedalis maxilla superiore longiore. Mais il
faut observer de suite, que les citations placées
dans cette synonymie sont fausses; car elles
se rapportent toutes à un poisson entièrement
différent. Si l'on sen tenait à la phrase d’Ar-
tedi, sur laquelle l'espèce a été établie, le S.
salvelinus de la 12. édition de Linné serait
la dénomination linéenne à donner à notre
4. Ascanius, Îcon. rer. nat., 1. XXXUIT.
256 LIVRE XXI. SALMONOÏDES.
poisson. Mais Linné fait une confusion, en
disant que son Salvelinus habite en Autriche,
à Laintz; car nous avons vu que ce poisson
du Danube a la mächoire supérieure plus
courte que l'inférieure. Voilà donc pourquoi
nous préférons laisser ces dénominations lin-+
néennes et que nous nous en tenons à celles
de Strôm et de Nilsson, et à la figure d’Asca-
nus.
Le SAUMON D'ASCANIUS.
(Salmo Ascanii, nob.)
Ascanius' nous a donné la figure d’une troi-
sième espèce, voisine des deux précédentes,
qui tient aussi du Salvelinus, mais qui me pa-
rait différer de toutes les trois : c'est celle de
l'espèce qu'il a également appelée le Roëding
ou Raætelet. Celui-ci diffère du Salvelinus,
auquel on peut le comparer, parce qu'il
a la bouche beaucoup moins fendue, car le maxillaire
dépasse à peine le bord antérieur de l'orbite. La tête «
est petite.
D. 12; À. 10; C. 18; P. 13; V. 8.
Cette espèce se trouve dans les lacs de
Christiandsandvis près de la eôte; on en a rap-#
4. Ascanius, t. XXXII.
CHAP. L SAUMONS. 257
porté une vingtaine à Ascanius pendant son
séjour à Stavanger. La couleur du poisson frais
est brune sur le dos, tachetée de points plus
pâles ; les flancs sont jaunâtres, le ventre est
rouge , les ventrales et l'anale sont rouges, bor-
dées de blanc, les pectorales sont rougeûtres;
les trois autres nageoires tiennent de la cou-
leur du dos. Je ne possède pas ce poisson
parmi les exemplaires qui nous sont venus
de ces contrées septentrionales ; mais comme
Jai vérifié l'exactitude des figures d’Ascanius
sur les S. alpinus et $. carbonarius, je n'ai
pas de raisons pour supposer que la figure de
ce Rôding soit moins fidèle. Or, la petitesse
de la bouche ne peut me faire admettre que
cette planche représente un poisson de la
même espèce que le $. salvelinus du Danube.
C'est cependant ce que M. Nilsson' a cru, en
donnant notre poisson comme le S. salvelinus
de Linné.
. Ascanius a vu que l'on conservait aussi ce
poisson dans des réservoirs ou dans des étangs,
parce que la pêche n'en est pas abondante et
qu'elle dure peu de temps.
1, Nilsson, Îchth. scand., p. 10, n.° 11.
21. 17
258 LIVRE XXIT. SALMONOÏDES.
Le SAUMON AUTOMNAL.
(Saimo autumnalis, Pallas.)
Le saumon que Pallas a inscrit sous le nom
de $. autumnalis est tellement voisin du pré-
cédent, que jai hésité à l'en distinguer. Cette
espèce a
la tête noirätre, le dos rembruni; il devient cendré
au-dessous de la ligne latérale; le ventre tacheté çà
et là de rouge, comme sanguinolent, sur un fond
blanchätre; la dorsale est brune; les pectorales sont
rouges, les ventrales et l’anale, de la même couleur,
sont bordées de blanc.
Pailas dit que ce poisson remonte en troupe
dans la Néwa au mois d'octobre. Ces Saumons
entrent dans le fleuve pour y frayer, quand
ils sont pleins de laite ou d'œufs. Leur chair
rouge est plus molle que celle du Huch.
Nous avons recu de bons exemplaires de
cette espèce par la générosité de S. A. I. la
grande duchesse Hélène de Russie. On pren-
drait ce Salmonoïde pour un jeune saumon.
Mais il en est distinct. |
J'ai aussi pour garant de ma détermination”
le dessin que j'ai pris à Berlin sur l'individus
desséché et original de Pallas. La petitesse dus
maxillaire se rapporte tout à fait à la confor#
GE
ES
AÉLEre
CHAP. IL SAUMONS. 259
mation du squelette de l'espèce précédente
que jai sous les yeux.
J'ai encore trouvé dans le même Musée un
saumon rapporté du Japon par M. Langsdorff;
le dessin de la tête, et surtout des màchoires,
ressemble tellement au précédent, que je ne
crois pas me tromper en les réunissant. L’œil
me parait cependant un peu plus petit.
Le SAUMON VENTRU.
(Salmo wventricosus, nob.)
Je vois encore dans la liste des Salvelini
de M. Nilsson un S. ventricosus, qui me parait
extrèmement voisin du $. Rædins d'Ascanius,
mais qui tient aussi du $. carbonarius de
Strôm. Cest un poisson
à ventre gros, nolrâtre, marqué de taches blanches:
sur les flancs. Le museau est court, tronqué obli-
quement. Les mâchoires sont presque égales. IL
ajoute que les yeux sont petits; que l'abdomen est
gris, l'iris jaune, et que l'intérieur de la bouche,
noire, est marbré d’orangé. Ce qui le distingue de
tous les autres, c’est que le bord des pectorales, des
ventrales et de l’anale est blanc.
Ce poisson, long d’un pied, lui a été dé-
signé par les Norwégiens de Sidgal, sous le
nom de Gantesfisk. On ne l'a encore trouvé
260 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
que dans ce lac, dont il habite les grandes
profondeurs.
Le SAumon GoLzErz.
(Salmo callaris, Pallas, fig. 352, n.° 252.)
Le $. callaris de Pallas diffère très-peu de
ce $. ventricosus de Nilsson, et je vois que ce
grand naturaliste a été fort incertain sur la
synonymie, et par conséquent, sur la déter-
mination de cette espèce.
La mâchoire inférieure est plus longue, plus ro-
buste, plus pointue que la supérieure. Les dents
sont égales et en petits crochets. Les pectorales, les
venirales et l’anale sont rouges, avec leur premier
rayon blanc. Mais ce qui le disungue du précédent,
c'est que le dos est brunâtre, semé de grandes taches
d'abord pâles, mais devenant ensuite rouge de
cinabre; l'abdomen est rouge.
Pailas observe que tous ces poissons man-
quent à la Russie et à la Sibérie; mais quils
entrent en troupes dans tous les fleuves qui
se jettent dans la mer orientale. Steller rap-
porte que, dans un lac du cap de Kronok
au Kamitschatka, il vit des variétés de ce
S. callaris qui avaient le ventre plus gros, «
qui étaient d'une couleur livide, sans reflets w
argentés, à ventre blanc, à pectorales jaunà-"
PRE ESS ES
CHAP. I. SAUMONS. 261
tres, à ventrales plus rouges, et à anale plus
rembrunie. Ge n'est peut-être effectivement
qu'une variété du précédent.
J'ai dessiné le $. callaris à Berlin, et l’en-
semble du trait et la forme du maxillaire
prouvent les aflinités de ce poisson avec les
espèces précédentes, et asseoient mon jugc-
ment.
Le SAUMON BLÈME.
(Salmo pallidus, Nilsson.)
Une autre espèce, également voisine du
Rœding
a le corps allongé; les mâchoires égales; la tête et
l'ouverture de la bouche plus petite; le maxillaire
moins prolongé et toutes les nageoires plus courtes
que celles du Rœding. Les côtés sont tachetés de
rouge. Toutes les parties inférieures sont blanches
argentées, et les nageoires inférieures, pâles, sont
teintées de jaunâtre.
M. Nilsson croit que ce poisson n'a été
trouvé nulle autre part jusquà présent que
dans le lac Wettern, où les riverains l'appellent
Ljusrôding, Blankroding, Grünrüding. Sa
chaïr, blanche, est maigre et peu estimée.
Les plus grands individus pèsent de huit à
neuf livres. On dit qu'ils fraient en octobre,
dans les fonds du lac, par trente ou quarante
brasses.
262 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. Ù
Il me parait que cest à côté de cette es-
pèce que viendra se placer, si elle ne lui est
complétement identique, le $. stagnalis de
Fabricius”. Sa description me paraît se rap-
porter assez bien, puisquil est d'un brun
noirâtre sur le dos, pale sur les côtés, et que
toutes les nageoires inférieures sont cendrées.
C'est une espèce très-rare au Groenland, qui
vit dans les eaux retirées sur les montagnes,
d'où elle ne descend jamais.
Le Saumon DE NiLssow.
(Salmo rutilus, Nilss.)
Enfin, je place encore une troisième espèce
que je n'ai pas vue, mais dont il est facile de
connaître les aflinités, puisque l'auteur les a
lui-même déterminées par les caractères si”
positifs tirés de la dentition.
C’est un saumon à mâchoire inférieure plus longue;
à museau court, pointu ; à tête petite. Les yeux sont \
grands. Le corps est grêle et allongé.
La couleur, roussâtre, mêlée de jaune, est semée
de taches plus pâles.
Ce poisson, long d'un pied, est, suivant
l'auteur, très- distinct de tous ceux quil a
1. Fabricius, Fauna groenl., p. 115, n.° 1926.
D st ce ES
CHAP. I. SAUMONS. 263
décrits. Ce Saumon a été pêché dans un lac
de Norwége, du territoire de Hadeland.
Le SAUMON DEsFONTAINES.
(Salmo rivalis, Fabr.)
M. Gaimard nous a rapporté, de l'expédi-
tion de la Recherche, un Saumon de petite
taille, remarquable par la grosseur de son
museau, par la brièveté de sa tête, la finesse
de ses dents, et qui se distingue du $. salve-
Enus, dont il se rapproche cependant le plus,
parce quil porte sur le chevron du vomer un
groupe de petites dents. Il se distingue aussi
de lOmble chevalier par la finesse de ses
dents. Ce poisson
a le corps couvert de petites écailles. Conservé dans
la liqueur, il est brun et couvert de petites taches
blanchâtres. À en juger par un croquis pris sur le
poisson frais, les couleurs seraient un noir doré
sur le dos, passant, par des nuances insensibles, au
rouge du ventre. La pectorale, noire sur la plus
grande partie de sa surface, est entourée d’une bor-
dure rouge, et liséré de blanc le long du côté ex-
terne. La ventrale a les rayons internes rouges, avec
du noir sur le devant et un large bord blanc. Les
nageoires impaires sont noirâtres et bordées de blanc.
L'indication de ces couleurs nous a été
donnée par M. Eugène Robert, qui a fait une
264 LIVRE XXIL. SALMONOÏDES.
assez jolie esquisse de ce poisson. Il vient d'un
lac d'Islande, et on l'a nommé au savant voya-
geur que je cite, Raüd ou Leikia-Silunsr.
Je dois faire remarquer que Mohr' cite aussi
ces noms dans son Histoire de l'Islande, en les
appliquant à des espèces nominales différentes.
Je rapporte à cette espèce un autre petit
poisson qui a une dentition parfaitement sem-
blable, mais qui parait cependant avoir le
corps un peu plus allongé. Il a été donné au
Cabinet du Roi par M. Beck. Il correspond
fort bien à la description du $. rivalis de
Fabricius. Cependant la grandeur de l'indi-
vidu me laisse aujourd'hui quelque doute sur
l'exactitude de ce rapprochement. Cest sous
ce nom que j'ai fait graver cette espèce dans
lIchthyologie du voyage en Islande et au
Groenland?. On trouve dans l'histoire des
poissons d'Islande de Faber un S. rivalis quil
croit semblable à celui du Fauna groenlan-
dica ; il ne le donne pas en effet plus grand.
J'ai aussi dessiné, à Berlin, deux exemplaires
originaires du Musée de Pallas et étiquetés
S. rivalis. Il n'y a pas d'espèce décrite sous
ce nom dans le Fauna rosso-asiatica. La
4. Mobr, Hist. nat. de l'Islande, p. 80 et 81.
2. Valenc., Poissons d'Isl. et du Groenl., pl. 15, fig. 6.
CHAP. IL SAUMONS. 265
forme de ces deux poissons, la grosseur de
la tête, s'accordent assez bien avec nos indi-
vidus, mais comme ils étaient jeunes, ils ont
encore la livrée des Saumons de cet âge.
Le SAUMON DE LA Mana.
(Salmo gracilis, nob.)
Nous possédons aussi dans le Cabinet du
Roi un Saumon remarquable
par son corps allongé et rond. Sa hauteur est com-
prise huit ou neuf fois dans sa longueur totale. Les
mâchoires, d’égale longueur, portent de petites
dents, assez semblables à celles de nos Truites, sur
les maxillaires, sur les palatins et sur le chevron du
vomer, Il y en a non-seulement sur le corps de la
langue deux rangées plus nombreuses chacune que
celles de nos Truites, car on en compte dix ou
douze de chaque côté, mais la queue de l'hyoïde
se trouve encore hérissée Ge petites dents. Ce carac-
ière le distingue de toutes les autres espèces dont
nous avons jusqu'a présent parlé.
B. 140; D. 12; À. 125 C 25; P. 12; V. 10.
Les couleurs sont évidemment distribuées par
bandes transversales sur le corps. On en compte
dix ou douze, Je ne vois point de trace de taches
sur le corps ni sur les nageoires.
Notre plus grand exemplaire, de huit
pouces et demi de longueur, a été envoyé de
266 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
la Mana par Madame Rivoire, sœur hospita-
lière établie sur les bords de ce fleuve, et
qu'un noble zèle de charité chrétienne a porté
au milieu de ces contrées encore peu civili-
sées. Elle y a fondé un établissement de
sœurs, et elle emploie ses moments de loisir
à la recherche des produits de ce pays. Elle a
fait plusieurs envois curieux au Muséum d'his-
toire naturelle, parmi lesquels se trouve ce
poisson, qui est, jusquà présent, la seule es-
pèce de ‘Fruite que j'aie observée dans les
+ ne
née tr pat PCT 0
régions équatoriales. J'ai plusieurs fois appelé
l'attention sur ce fait curieux, du manque de
Truites dans les hautes montagnes de l'Amé-
rique, et M. Heckel a aussi fait la même re-
marque ER'CE qui concerne les eaux douces «
des hautes montagnes de l'Inde.
Le SAuMon DE MiTcuiLi.
(Salmo fontinalis, Mitch.)
Nous trouvons dans les eaux douces de
Amérique septentrionale un Saumon qui ap-"
partient au groupe dont nous nous occupons. #
IL a le corps assez trapu. Le museau large et ar- ÿ
rondi, La mâchoire inférieure paraît un peu plus
longue que la supérieure quand la bouche est ou-m
verte, Les dents du chevron du vomer sont réunies {
CHAP. I. SAUMONS. 267
en un peut groupe composé de deux bandes, l’anté-
rieure ayant quatre dents et la postérieure deux
seulement. Tous les exemplaires, grands ou peus,
que je possède, ont la caudale tronquée ou du moins
très-fablement échancrée.
© B. 10; D. 9; A. 9; C. 27; P. 19; V. 6.
La peau est très-muqueuse. Les écailles sont très-
peutes. Les individus, décolorés par l'alcool, ont le
dos plus ou moins rembruni et le ventre pâle. Il
paraît avoir été rougeûtre, On voit des taches jau-
nâtres, entourées d'un cercle noirâtre, semées sur
le dos et sur les flancs. La dorsale est chargée de
grosses taches noires. Les pectorales, les ventrales
et l’anale ont le rayon externe pâle, le suivant noir,
et le reste de la nageoire pâle; mais 1l a été proba-
blement décoloré.
Je possède un assez grand nombre d’échan-
tillons de cette espèce, tous très-semblables
malgré leur différence de taille. Le plus grand
na que dix pouces. Ils ont été envoyés de
New-York par M. Milbert, mais ce zoologiste
Jes avait pris dans une course au lac de Sar-
ratOga.
Cest là le poisson décrit d’abord par Mit-
chill’ sous le nom que nous lui avons con-
servé, et qui à été adopté par les naturalistes
américains. Cette espèce se trouve ensuite
1. Mitch., New-York phil, transact. fish., 1. 1, p. 345.
268 LIVRE XXIL. SALMONOÏDES.
décrite avec détail et parfaitement figurée dans
l'Ichthyologie américaine de M. Richardson. *
Cette description prouve que ce poisson,
des lacs Georges et Sarratoga, se porte au
Nord jusque dans le lac Huron.
M. Dekay* l'a également décrit et figuré
dans la Faune de New-York. Il l'appelle le
Brook-Trout ; il indique les côtés bleuâtres,
mélés de blanc d'argent, tachetés de vermil-
lon, le premier rayon de la pectorale jaune-
pâle, le second noir, le reste de la nageoire
orangé. Le premier rayon des ventrales et de
l'anale est blanc, le second est noir, le reste
des nageoires est rougeûtre. Je ne sais pas
pourquoi M. Richardson a imprimé que M.
Cuvier pensait retrouver le Salmo Gœdenii |
de Bloch dans cette espèce. Je ne vois pas
dans le Règne animal, ni autre part, aucune
preuve imprimée de cette opinion. Il me
parait que ce Salmo fontinalis se retrouve
aussi dans les eaux de Terre-Neuve, du moins
je le juge d'après un dessin que M. Lapylaie 1
a fait d’une Truite de cette île.
4. Richardson, Faun. bor. amer., p. 116, pl. 83, fig. 1, et À
pl. 87, fig. 2.
2. Dekay, Nep-York Faun., p. 285, pl. 88, fig. 120.
Es
Le AL
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Se
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Cæ
Ce
"= +
Æ
ETES
RER RS REA TEE Ee
CHAP. I. SAUMONS. 269
Le SAUMON DE HEARN.
(Salmo Hearnii, Rich.)
A la suite de ces espèces, je trouve dans
l'ouvrage de M. Richardson ’ quelques espèces
de Saumons, que ses descriptions ouses figures
me font seulement connaître. Ce savant ich-
thyologiste a décrit dans le premier voyage
de Franklin, sous le nom que nous indiquons
ici, une espèce prise dans la rivière de la
Mine de cuivre, et qu'ils ont observée dans
les mers où ce fleuve verse ses eaux.
Ce Saumon a des denis pointues; une seule sur
l'intermaxillaire; un petit nombre sur la partie anté-
rieure du vomer, et de plus fortes sur la langue. Le
dos est vert olivâtre; les côtés sont pâles; le ventre
bleuâtre. Plusieurs rangées longitudinales de taches,
couleur de chair, se voient sur le dos et sur les
côtés.
La chair en était rouge, assez semblable à
celle du Saumon ordinaire, mais peut-être
moins ferme et plus huileuse.
1. Rich., Fr. Journ., p. 106, et Faun. bor. am., UT, p. 167.
270 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Le SAUMON À LONGUES NAGEOIRES.
(Salmo alipes, Rich.)
Cette espèce’ appartient aussi au groupe
dont nous traitons, ainsi que le remarque M.
Richardson, parce qu’elle a la partie posté-
rieure du vomer lisse et sans dents.
La couleur, autant qu'il en a pu juger d’après
un individu desséché, a été indiquée brune sur le
dos, plus pâle sur les côtés, avec des marbrures
jaunâtres, blanches ou jaunes sous le ventre. Les
nageoires inférieures de couleur orangée, avec des
raies plus foncées. Quand les ventrales sont cou-
chées le long du corps elles touchent presque à
l'anus.
B. 11 ou 12; D. 130; A. 11; C. 25; P. 453 V. 9:
Cette longueur lui a fait donner le nom
sous lequel M. Richardson a désigné ce sau-
mon. Les individus ont été pris dans un petit
lac qui se décharge dans l'ile du Prince ré-
gent, par un courant d'un mille et demi de
long. Plusieurs Brachielles adhéraient aux
côtés de la mâchoire inférieure.
4. Rich., Faun. bor. amer., WI, p. 169, pl. 81 et pl. 86,
fig. 1, et gusd. Hist. nat. app. Ross’s Voy., p. 51.
CHAP. IL. SAUMONS. 271
Le SAUMON ANGMALOOK.
(Salmo nitidus , Richardson.)
Un autre poisson, voisin du Charr des
Anglais, et, par conséquent du précédent,
par la disposition de ses dents sur le vomer,
est le $. rztidus de Richardson.
Il a le dos plus étroit; le corps plus épais et les
nageoires plus courtes que le $. alipes.
‘x . Les couleurs sont assez semblables à celles de ce
| poissôh.
Il a été pris daus ie même lac que le pré-
cédent. M. Richardson trouve tant de ressem-
blance entre les deux espèces, qu'il n’a, en
quelque sorte, décrit cette seconde que pour
mieux asseoir les caractères du S$. alpes.
Le SAuMoN DE Hoon.
(Salmo Hoodi, Rich.?)
Les dents sont plus petites que celles du
précédent; d’ailleurs, elles sont disposées de
la même manière.
2. L. cit., p. 171, pl. 82 et 86, fig. 2, et qusd. Hist. nat.
app. Ross’s Voy., p. 51.
2. Rich., Hist. nat. app. Ross's Voy., p. 58, et Faun. bor.
am. , M, p. 178, pl. 82, fig. 2, pl. 83, fig. 2, et pl. 87, fig. 1.
272 LIVRE XXIL. SALMONOÏDES.
Le corps est beaucoup plus étroit. L’orbite est
plus près de l'extrémité du museau. Les maxillaires
sont plus courts. Le dos et les côtés ont une teinte
intermédiaire entre le vert olive et un brun nuageux;
des taches d’un gris jaunâtre, grosses comme des pois.
Le ventre et le dessous de la gorge est blanc, poin-
ullé de gris bleuâtre; sur la dorsale et sur la caudale
de petites taches. Des individus de vingt-deux pouces.
de long avaient la chair rouge; mais leur frais était
peu is
sous le nom de Masamecoos. Cest un poisso .
vorace que l’on prend facilement à lhamecon.
Ceux que les compagnons du capitaine Fr anck-
lin trouvèrent au mois de juin, avaient leur
estomac plein de larves d'insectes. On croit
que, pendant l'été, le Masamacush se retire
dans les profondeurs du grand lac. Son poids
est d'environ huit livres; mais il fraie avant
d'avoir atteint cette taille.
Le SAUMON CORÉGONOÏDE.
(Salmo coregonoides, Pall.)
Je crois devoir placer à la suite des sau-
mons, mais tout à fait à part, une espèce de
Russie, qui semble appartenir aux ombres
+ DER
LES
Î
CHAP. I. SAUMONS. 973
( Thymalus), par la forme et par la petitesse
de sa bouche et aussi par celle des dents,
mais sa dorsale étroite et ses petites écailles
semblent l'en éloigrer, pour le rappeler aux
saumons. C'est un poisson qui offre des ca-
ractères tout à fait intermédiaires entre les
deux genres que je viens de citer.
Son museau est gros et arrondi; la mâchoire su-
périeure dépasse et recouvre l’inférieure. Les inter-
maxillaires sont peuts et situés en travers sur la
bouche; les maxillaires attachés sur les côtés, for-
ment deux petites palettes ovales. Il n’y a qu'une
rangée de peutes dents coniques aux mâchoires, sur
les palauns et sur le vomer; et quelques petites,
pointues, sur la langue, plus sensibles au doigt que
visibles.
La dorsale est courte, basse, trapézoïdale; c’est
évidemment celle d’une truite et non d’un thymalus.
L’adipeuse est très-large, basse et ponctuée. Les pec-
iorales et les ventrales sont peutes. La caudale est
échancrée.
B. 12; D. 143 A. 18; C. 29; P. 17; V. 10.
Les écailles sont très-petites, sans être cependant
perdues dans l'épaisseur de la peau, comme celles
des truites et des saumons. Elles n’ont point de
dentelures à la racine, on ne leur voit que des stries
concentriques. IL y en a par tout le corps, jusque
sous la gorge. Nous en comptons cent cinquante
rangées.
21. 15
274 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
La couleur est un bleu d'acier plombé sur le dos,
couvert de peuts points grisâtres plus ou moins effa-
cés. Au-dessous de la ligne latérale tout le corps est
blanc. Les nageoires me paraissent blanches ou jau-
nâtres; je n'y vois aucune tache.
Le seul exemplaire déposé dans le Cabinet
du Roi, est long de treize pouces. IL a été
envoyé par 5. À. L la grande-duchesse Hélène,
Le présent que le Muséum a recu de cette
grande princesse a, comme on le verra encore
dans les autres genres, considérablement accru
les collections de notre établissement, et nous
a été d'autant plus précieux qu'il nous a donné
les moyens de reconnaitre plusieurs espèces
fort importantes, décrites dans le grand et
trop rare ouvrage de Pallas.
Ce poisson est du nombre. En lisant la des-
cription de la Faune russe’, on y retrouve les
traits distinctifs de ce singulier saumon. Ce
doit être une des plus grandes espèces de ce
genre, puisque Pallas dit qu'on en prend dans
la Witima du poids de quatre-vinets livres.
Il n'atteint pas une taille aussi considérable
dans les autres fleuves, et cependant c’est
encore un poisson de soixante livres de poids.
Il abonde dans les rivières, les ruisseaux et
1. Pallas, Fauna rosso-asiat., t. NI, p. 362.
CHAP. IL. SAUMONS. 275
les torrents les plus rapides, qui descendent
sur les fonds rocailleux de l'Altaï, et affluent
à l'Obi, à lIrtisch et au Ténisséi, ainsi que
dans les tributaires de ces grands fleuves. On
le trouve aussi dans le Baïkal, dans le Selenga,
qui y verse ses eaux, et dans l'Angara, que
l'on peut appeler le Rhône de ce grand lac.
Ce saumon y entre à la fin de mars, avant
la fonte des glaces, et il y séjourne jusqu'à
l'automne. La Léna et ses affluents, le Witima
et le Kovyma, le nourrissent. Comme les
autres espèces Gu même genre, celle-ci re-
monte les fleuves pour y frayer. Un grand
nombre d'individus y établissent leur demeure.
et les jeunes surtout sont longtemps sans en
sortir. C'est pour cela qu'on prend cette espèce
en tout temps avec le $. fluviatilis, le S.
thymalus, le goujon, les loches et le Cyprinus
tschebak, les seuls hôtes de ces grands fleuves.
Les troupes de ces saumons se pressent sur-
tout aux cataractes. On les prend à l'hamecon.
Leur chair rougeâtre est de très-bon goût. On
fait du caviar avec les œufs, comme avec l’es-
turgeon. Le poisson ne se mange que frais,
parce quon ne peut ni le saler ni le sécher.
L'espèce ne se trouve pas au Kamischatka,
ni dans les mers orientales. Après ces obser-
.vations, Pallas en donne une description et
276 _ LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
une longue synonymie. Il établit que c'est le
Salmo Lenok de son voyage; par conséquent
celui de Gmelin et de Lacépède. Il se de-
mande, ce qui m'étonne, si ce n'est pas le
Salmo umbla de Linné. Puis il donne une
longue suite des différents noms de ce saumon.
Les Russes le nomment en Sibérie Lenok,
et dans les chaînes de l’Altaï et de Saganian
Kuskütsch. Je renvoie pour les autres noms
des différents dialectes tartares à l'ouvrage de
Pallas.
Quelques zoologistes feront peut-être de
cette espèce le type d'un genre intermédiaire
entre les saumons de notre ouvrage et les
Ombres de M. Cuvier. Je ne l'ai pas fait, cars
je crois que ce poisson pourrait plutôt servir
à démontrer l'inutilité de la coupe faite sous
le nom de Thymalus. :
CHAP. II. FORELLES. à à.
CHAPITRE IL
Des Forezces (Fario, nob.)
Ce que j'ai dit plus haut sur les caractères
de la dentition des Salmonoïdes, me conduit
à parler dans ce chapitre des espèces qui ap-
partiendront à un genre caractérisé par une
rangée unique de dents sur le corps du vomer.
D'ailleurs ces poissons ont tous les autres
caractères des Saumons; les rappeler ici ne
serait donc qu'une simple répétition.
Je n'ai vu que deux des espèces qui peu-
vent exister en Europe : l'une, abondante sur
nos marchés, y est bien connue sous la dé-
nomination de Truite de mer ou de Truite
argentée; l'autre, que le commerce apporte
aussi quelquefois à Paris, est la grande Truite
du lac de Genève que l’on désigne ordinai-
rement sous le nom de Truite saunnonée.
Rien nest plus vague que cette aeraière
dénomination; car la chair de iovtes les
Truites prend, à certaines époques de leur
vie, une couleur rouge plus ou moins intense,
dont la cause est fort difficile à déterminer.
Il est impossible le décider d'avance si les
muscles d’une :ruite seront rouges ou blancs
278 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
après la cuisson du poisson. Aucune marque
extérieure ne peut faire distinguer les truites
saumonées des autres. Duhamel” rapporte à
ce sujet les observations de M. de Courtivron,
qui avait essayé de présenter un grand nom-
bre de truites à des pêcheurs, prétendant les
distinguer parfaitement les unes des autres.
Ils se trompaient si fréquemment dans leurs
distinctions, qu'il était facile de voir qu'ils ne
Sy Connaissaient pas du tout.
J'ai examiné avec soin un grand nombre de
truites de nos rivières pour tâcher de trouver
la cause de ce changement de coloration. Plu-
sieurs naturalistes ont pensé que l'influence
de la saison du frai pouvait agir sur ces chan- :
gements de couleur, mais il nest personne
ayant un peu observé les truites, qui ne
sache que dans un même coup de filet on
tire à ia fois des truites à chair blanche et
des truites à chair rouge. Cette observation
empêche d'attribuer au développement des
organes génitaux ou à leur influence la colo-
ration de la chair de quelques individus.
La différence d'intensité de la coloration
des muscles est aussi très-remarquable sur
les divers individus pris à la même époque.
1. Duhamel, Traité des pêches, 2.° partie, p. 207.
CHAP. II. FORELLES. 279
Les uns ont la chair presque blanche, d'au-
tres sont fortement saumonés, mais on
trouve des individus qui établiront, par des
nuances insensibles, des passages entre ces
deux extrêmes. Cette observation, jointe à
celle que j'ai faite sur la nature des aliments
contenus dans l'estomac, me fait penser que
la coloration est passagère, qu'elle change sui-
vant la nourriture que l'animal aura prise avec
plus de prédilection pendant un certain temps.
Les recherches que j'ai faites sont parfai-
tement conformes à celles que l'on trouve
citées dans Duhamel, qui a fait un très-bon
article sur la coloration de la chair des truites.
M. Jurine' rapporte une observation intéres-
sante par sa liaison avec les idées que je viens
d'émettre. Il la tenait de S. A. R. le grand-duc
de Saxe-Weimar : je la reproduis ici textuel-
lement. . Le château de Kothberg appartenant
à la famille de Stein, à la distance de cinq
lieues de Weimar, est dans une position beau-
coup plus élevée et entouré d'un fossé plem
d’eau, qui peut être mis à sec à volonté. De-
puis bien des années on savait que les truites
blanches qu’on y jetait se changeaient en peu
de semaines en truites saumonées, c'est-à-dire
4. Jurine, Poissons du Léman, p. 165, année 1830.
280 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
que la chair en devenait rouge. On nettoya
ce fossé il y a près de dix ans. On enleva
toutes les plantes qui y croissaient, puis on
fit rentrer l’eau. Dès ce moment les truites
qu'on y mit ne se colorèrent plus, mais de-
puis trois ou quatre ans les mousses ayant
repoussé, les truites sy colorent de nouveau.
S. A. R. voulant remonter à la cause de ce fait
singulier, chargea M. Dœbereiner, professeur
de chimie à l’université de Léna, de faire une
analyse comparative de l’eau du ruisseau où
on péchait les truites et de celle du fossé où
on les mettait.” Je renvoie le lecteur au mé-
moire que j'ai cité, pour juger lui-même des
explications qui ont été proposées.
Cela étant bien établi, ainsi que les carac-
ières d’après lesquels je classe les Salmonoïdes_
dans leurs genres, on conçoit, je ne dis
pas la difficulté, mais presque l'impossibilité
de rapporter aux deux espèces que jai citées,
une synonymie exacte. On re peut pas
la trouver dans les auteurs les plus récents,
sans en excepter notre illustre maître. En
cherchant à établir, d’après le Règne animal,
la liste des Forelles d'Europe, il est bien clair
que la première des deux espèces est ce que
M. Cuvier a appelé la Truite de mer. Mais
je ne crois pas que ce soit là le Sa/mo Schie-
CHAP. IL. FORELLES. 281
fermulleri de Bloch. En effet, on verra dans
le chapitre suivant que lichthyologiste de
Berlin avait recu de Vienne, par les soins de
abbé Schiefermüller, le poisson qu'il lui a
dédié. Or, le Cabinet du Roi possède une truite
prise dans le Danube et envoyée de Vienne,
qui ressemble assez bien à la figure de Bloch,
mais elle est du genre Salar, à cause de sa
double rangée de dents vomériennes. D'un
autre côté, ce que M. Cuvier a appelé la
Truite saumonée, est de la même espèce que
ce quil entendait désigner sous le nom de
Truite de mer. Les nombreux individus réunis
dans le Cabinet du Roi, et les notes que nous
y avons placées, ainsi que les squelettes qu'il
avait fait préparer, ne me laissent aucun doute
à ce sujet. Cest peut-être le Salmo Trutta
de Bloch, mais ce n’est pas celui de Linné.
FHeureusement il a établi le Salmo Lemanus,
pour fixer la truite du lac de Genève.
En cherchant à m'éclairer sur les dénomi-
nations que M. Cuvier a inscrites dans le Règne
animal, je trouve aussi quelque incertitude
en ce qui concerne nos petites espèces; car
sa Truite pointillée (Szlmo punctatus), sa
Truite marbrée ($. marmoratus) et sa Truite
des Alpes (S. Æ/pinus), bien différente alors
de celle de Linné, ne sont que de simples
282 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
variétés de notre Truite commune, dont
M. Cuvier n'a pas eu le temps d'établir une
synonymie un peu certaine.
Je crois que je deviendrai plus clair et plus
précis en présentant une critique compara-
ve de la synonymie des nombreux auteurs
qui ont parlé des Truites appartenant ou au
genre É'ario ou au genre Salar. Cette réu- .
nion me parait nécessaire dans cette tête de
chapitre, parce que les auteurs ont presque
tous négligé le caractère essentiel qu'offre la
dentition vomérienne. J'ai pu distraire les Sau-
‘mons, parce que nous ayons vu que déjà
Willughby et plusieurs autres naturalistes
avaient signalé en partie l'absence de dents
le long du vomer.
Belon' à joint au Bécard deux articles sur
les poissons dont nous traitons. L'un se rap-
porte à la Truite saumonée, à laquelle il ap-
plique, d'après Ausone, le nom de Farto, et
l'autre à la petite Truite commune, que sa
_judicieuse érudition lui fait désigner sous le :
nom de Salar.
FRondelet® a ajouté deux figures aux deux
articles des chapitres XIV et XV de son Traité
-
1. Belon, De aquat., Liv. 1, p. 280.
2. Rondelet, De pisc. lacust., p. 160 et 161.
CHAP. II. FORELLES. 283
des poissons des lacs, et il n'a pas représenté
la Truite fluviatile, dont il a parlé au cha-
pitre IV des poissons fluviatiles”. Il est pro-
bable qu'il a figuré la grande Truite du lac
de Genève, en la désignant sous le nom de
seconde espèce d’'Omble ou de Saumon du
lac de Genève. Je ne saurais à quelle espèce
rapporter la figure qui est en tête du cha-
pitre des Truites. Le texte des trois articles
ne signale aucun caractère essentiel qui fasse
reconnaitre ces poissons.
Gesner a essayé de débrouiller l: synon y-
mie des Truites. On trouve à la page 1003 une
figure originale d'une grande Truite lacustre,
qu'il appelle Truite saumonée. Mais ce nest
pas la même que la grande Truite du lac de
Genève, représentée par Rondelet. La seconde
figure de la page 1007 représente avec fidélité
le Pars ou le Salmo Salmulus de Willughby.
Willughby, qui avait porté son attention
sur la dentition des Sauraons , Mais qui ce-
pendant n’a pas distingué dans ses descriptions
les espèces qui ont deux rangées Ge dents
palatines de celles qui n’en ont qu'une, a parlé
de la Truite des lacs d'après Gesner, en y
ajoutant quelques traits que lui fournissait
1. Rondelet, De pisc. fluv., p. 169.
284 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Paul Jove et Les observations de quelques-uns
de ses compatriotes. Il appelle cet habitant des
lacs, la Truite saumonée des Français ou le
Salmon-Trout, mais en même temps il donne,
d'après Johnson, une Truite saumonée qui
aurait pour noms anglais ceux de Bull-Trout
ou de Scurf, et qui est peut-être différente.
Elle n'est pas plus caractérisée que l'espèce
dont il parle dans le même chapitre au para-
graphe précédent sous le nom de Graia, et
qui aurait pour nom vulgaire anglais {he Grey.
Je dis la même chose de ses Truites fluvia-
tiles. Il se demande s'il y en a deux espèces
et il ne cherche à asseoir les caractères d'au-
cune d'elles.
Ce sont des documents aussi incertains
qu'Artedi n’a pas craint d'employer dans sa
synonymie, Ce qui a commencé à tout em-
brouiller dans ce genre. La seconde espèce de
la synonymie reposerait sur la description très- \
vague du Grey de Willughby, caractérisé par
cette phrase : Salmo maculis cinereis, cauda
extremo æqual. Cette espèce nominale est
devenue dans Linné le Salmo eriox; elle est
tout à fait indéterminable. On ne peut donc
pas en parler dans l'histoire positive de lIch-
thyologie, cependant plusieurs auteurs ont
cherché à la déterminer. On peut tout aussi
CHAP. II. FORELLES. 285
bien rapporter cette phrase à notre Sa/mo
hamatus qu'au Salar ferox de Jardime. La
neuvième espèce d'Artedi repose sur la 7ruite
de Gessner. Elle est devenue dans la dixième
édition du $ystema naturæ le Salmo lacus-
tris. On pourrait donc appliquer avec quel-
que probabilité cette dénomination à notre
fario argenteus, si Artedi avait compris
dans sa synonymie que le poisson du lac de
Constance; mais comme il y joint là Truite
lacustre du lac de Garda, d'après Aldrovande,
laquelle est l'Omble chevalier (Salmo umbla),
et quil y rapporte, quoiqu'avec doute, la
Truite du lac de Genève d'après Rondelet,
on voit que dès son origine le Sa/mo lacus-
tris serait mal établi. Il devient nécessaire de
le rayer des catalogues ichthyologiques, parce
qu'il est la source d'une confusion de plusieurs
espèces dans la douzième édition du $ystema
naturæ. En effet, Linné y ajoute le SzZmo,
décrit par Gronovius dans son Zoophyla-
cium, qui comprend la Truite de Borlase de
l'Histoire de Cornouailles : en recourant à la
figure de la planche 26 de cet ouvrage, on a
promptement la conviction que la Truite de
cet auteur est différente du Carpio de Sal-
viani. Je trouve d’ailleurs dans les descriptions
d'Artedi un Salmo nunor vulsari similis,
“TS
286 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
désigné en suédois sous le nom de Laxunge.
Cette description appartient ou à notre Forelle
de mer, ou peut tout aussi bien convenir à
notre Salar Bailloni. Elle na pas d’ailleurs
été employée par Ârtedi dans sa synonymie;
Linné n’en a pas fait mention. A la suite de
cette description, il en existe une troisième
beaucoup moins détaillée, qui se rapporte à
un Saumon large, marqué’ de taches noires
et rouges et à queue égale. Il est très-probable
qu'elle appartient à notre Sz/mo hamatus.
Celle-ci est devenue la cinquième espèce dans
la synonymie d’Artedi. Or, Linné a employé
cette espèce d'Artedi, dans le Fauna suecica, |
pour un poisson certainement différent, qui a
Le corps couvert de taches noires entourées d’un
cercle brun; cette truite porte par conséquent
des ocelles dont ne parle point Artedi. De
plus, pour augmenter la confusion, le Systema
naturæ y ajoute le Salmo latus n° 164 du
Museum ichthyologicum de Gronovius, dont
la description faite d'après une Truite prise
dans le Rhin, aupres de Bâle, par Jean-Conrad
Hammann, appartient à une autre espèce, ou.
tout au moins à une autre variété qui a le
corps couvert de grandes taches entourées
d'un cercle blanc. Cest sur cette association
que repose le Salmo Truita du Systema «
CHAP. II. FORELLES. 287
naturæ dès la dixième édition. Il me paraît
donc évident qu'il faut aussi laisser de côté ce
Salmo Trutta, qui, dans aucun cas n'appar-
tient à la Truite du lac de Genève. Dans la
première pensée d'Artedi, il devait être un
Bécard (Salmo hamatus, nob.), et il est
devenu dans Linné une association de plu-
sieurs espèces.
Ce que je viens de dire d'Artedi et de
Linné, va s'appliquer également à Bloch. Si
son Salmo trutta est notre Forelle de mer,
sa figure est mauvaise. Cependant je crois
quon doit la rapporter à cette espèce, parce
que Bloch l'a faite d'après un poisson de la
Baltique, venu du Frisch-Haff. Je ne doute
pas d'ailleurs que Bloch n'ait mal déter-
miné les différentes espèces de Truites qu'on
lui adressait, lorsque nous le voyons con-
fondre les Truites argentées ou les Sz/ber-
lachs de la Baltique. avec l'espèce différente
qu'il recevait du Danube et qui devenait son
Salmo Schiefermulleri. Dans une addition au
genre du Saumon, il a inséré l'extrait d’un
mémoire de Wartmann sur l'Ilanken du lac
de Constance. Il l'a rapporté sans aucune cri-
tique au Salmno lacustris de Linné. Quant à
la Truite de nos rivières, Bloch en a représenté
deux variétés à la planche 22 et 23 de sa
288 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
grande Ichthyologie. Je n'hésite pas à croire
que ce ne soit aussi un poisson de la même
espèce, figuré par Bloch sur la planche 102
sous le nom de $. Gæœdeni.
Après ce que je viens de dire de Linné et
de Bloch, on ne doit pas s'attendre que nous
trouvions dans Pennant les Truites mieux ca-
ractérisées. Son Grey et son Bull-Trout re-
posent uniquement sur la synonymie d’Artedi.
Donovan a, dans ses poissons d'Angleterre,
un Salmo cambricus, qu'il croit analogue au
Grey de Pennant. On peut admettre quil
représente notre Salar Bailloni, mais ce qui
me parait certain, cest quil ne peut pas être
le Grey de Pennant, quoique ces deux au-
teurs donnent ce poisson sous le nom vulgaire
de Sewin ou Shewin, d'après les observations
que Ray avait recues du docteur Johnson et
qu'il a consignées dans la publication de l'ou-
vrage de Willughby.
M. Richardson vient appuyer de son au-
torité ce jugement sur le Sewin, car la figure
2 À et B de la planche 92 de sa grande Ich-
thyologie américaine montre une double ran-
gée de dents divergentes.
Fleming n'asseoit pas mieux ses espèces
4. Richardson, Faun. bor. amer., I, p. 141.
4
|
N
y
À
K
#
CHAP. II. FORELLES. 289
que les auteurs précédents. Pour son SzZmo
Trutta il cite Linné ou Pennant. Il rapporte
au $. eritox le $. cambricus de Donovan. Son
S$. fario ne comprend que tous les vagues syno-
nymes de l'espèce de Linné.
J'ai également le regret de dire que M. Var-
rell nous a laissé dans les mêmes incertitudes
sur ses différentes Truites, quelles soient de
notre genre f'ario ou de celui des Saler. I]
représente en effet à la page 31, sous le nom
de Bull-trout, un poisson quil croit être le
S. eriox de Linné, et auquel il associe le
S. cambricus de Donovan. Il suffit de com-
parer les deux figures pour voir qu'elles n'ont
pas de ressemblance. Mais le dessin du poisson
de la planche 31 ressemble tellement à celui
de la page 56 que je suis tenté de les rapporter
à la même espèce. M. Yarrell donne à toutes
deux la caudale arrondie, les mâchoires bécar-
dées et la bouche très-largement fendue. Si cet
habile ichthyologiste possède encore les deux
exemplaires qui ont servi à ses dessins et que
l'examen de la dentition lui prouve qu'ils ont
été faits d'après des poissons d'espèces ou de
genres différents, je ne serais pas éloigné de
croire que celui de la page 31 est un Bécard
(Salmo hamatus, nob.), et que celui de la
page 56 appartient au $. ferox de Jardine.
21. 19
290 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
A la page 32, dans l'article du Bull-Trout,
M. Yarrell a donné une figure qui peut être
faite tout aussi bien d'après un jeune Sau-
mon que d'après une Truite argentée. Les
figures des pages 36 et 37 appartiennent-elles
sûrement à la même espèce? Cela me paraît
douteux, car la caudale n'est pas la même.
Sont-elles des Truites de mer, c'est-à-dire
du genre de nos Forelles ? on peut le croire
pour la figure de la page 36. Quant à notre
petite Truite ou au $. fario, jadmets diffi-
cilement que la figure de la page 51 repré-
sente un poisson de la même espèce que
celui de la page 57. Enfin, si l'auteur a bien
donné le $. ferox de Jardine, il faut avouer
que cette figure laisse beaucoup à désirer. Mais
je ne puis croire quelle représente un pois-
son de la même espèce que celui donné à la
page 13 du Supplément, publié récemment
par M. Yarrell. Cette grande Truite des lacs
me parait être mon f'ario argenteus.
Dans la même publicationle célèbre ichthyo-
logiste anglais donne la figure du $. cæcifer de
M. Parnell, synonyme du Salmo levenensis
de Walker. Je ne crois pas que les légères
différences doivent faire distinguer cette Truite
de notre Salar Ausomi. A la vérité, je n'ai
pas vu d'exemplaire des lacs de l'ile Loch-
CHAP. II. FORELLES. 291
leven, célèbre par son château encore rempli
des touchants souvenirs qu'y a laissés l'infor-
tunée reine Marie.
Nous avons déjà cité les magnifiques plan-
ches de Jardine pour déterminer l'espèce du
Saumon, et pour exposer nos doutes sur l'es-
pèce du Salmo albus. Nous trouverons une
représentation reconnaissable d'une de nos
espèces de Salar dans ce qu'il a appelé Salmo
ferox; mais je reste dans de plus grandes in-
certitudes en ce qui concerne les deux variétés
qu'il a données du $. fario. Ces deux Truites
de lacs n’ont point de taches rouges, leur cau-
dale est plus profondément échancrée qu'au-
cune de celles de nos Truites. Je crois qu'elles
appartiennent au genre Salar. Je ne serais pas
étonné qu'un observateur, qui les suivrait dans
tous leurs passages, ne vint à nous les montrer
comme des jeunes du Salmo ferox.
Si nous examinons maintenant les Faunes
particulières des différentes contrées de l’Alle-
magne, nous trouverons qu'en général la petite
Truite des rivières a été assez bien reconnue.
M. Agassiz en a donné plusieurs variétés qui
font parfaitement connaître cette espèce. Il a
représenté sur les planches 14 et 15 de sa belle
monographie des Salmonoïdes, un Saumon
argenté qu'il a nommé $, lacustris. Je regrette
292 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
qu'il n'ait pas alors connu la nécessité de figurer”
les dents vomériennes ou de les décrire. Il
aurait dissipé les incertitudes qui nous restentw
sur cette espèce. Îl regarde son Saumon argenté
comme de la même espèce que l'Ilanken de
Wartmann et de Bloch, et il a cru, avec cetw
auteur, reconnaître en lui le $. Zacustris de
Linné. Il n'est pas nécessaire de revenir sur
cette dénomination, mais en examinant law
planche qui représente le jeune äge, et env
comparant cette figure avec une petite Truite
argentée que jai reçue de Vienne, je ne serais
pas éloigné de considérer ces poissons comme
de l'espèce du $. Scliefermullert, et je serais
en cela du même avis que M. Agassiz. Si l'on
démontre que cette similitude n'existe pas,
je crois que lon considérera ce poisson dus
lac de Constance comme étant d'une espèce
toute particulière.
Relativement au poisson qu'il a appelé lew
S. trutta, les planches G et 7 représentent
notre grande Truite du lac de Genève, celles
que M. Cuvier a appelée $. Lemanus. Je citerai
ses figures comme type de l'espèce. La lon!
gueur des mächoires, leur crochet, la formes
de la caudale, la grandeur de ladipeuse con
viennent parfaitement à ce que jai observés
nombre de fois à Paris, mais les deux sexes.
CHAP. IL. FORELLES. 203
de cette espèce ont la même forme; j'ai vu
tout aussi souvent des femelles que des mâles.
Ce malheureux préjugé de croire que les truites
mâles deviennent seules bécardées a été cause
de nombreuses erreurs dans la détermination
des truites. Quant au poisson représenté pl 8,
je ne pense quil soit de la même espèce que
ceux des planches précédentes. Je ne serais
pas étonné quil n'ait eu une double rangée
de dents vomériennes, et je le prendrais alors
volontiers pour un $. Schzefermulleri.
M. Jurine a donné aussi une bonne repré-
sentation de notre $. Lemanus, planche 4,
mais je ne vois pas que cet habile ichthyolo-
giste ait distingué les différentes espèces qui
vivent dans les eaux qui l'environnaient. Je
crois quil a regardé le $. fario comme des
jeunes de là grande espèce du lac.
J'ai étudié avec tout le soin que je mets
à ce genre de recherches, les ouvrages pu-
bliés récemment sur les poissons du Nord;
car mes lecteurs comprennent qu'il est inutile
de discuter ceux qui ont été écrits un peu plus
anciennement après les travaux de Bloch et de
Linné. Je ne puis appliquer à aucune de nos
espèces les caractères que M. Nilsson attribue,
dans son excellent Traité sur l'ichthyologie
scandinave, à son S. trutta et à son S. truttula.
294 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Pour désigner le genre dont je vais traiter
dans ce chapitre, j'ai francisé le nom allemand
très-connu que lon donne aux truites. J'ai
adopté le nom de ForELLE, à cause de sa res-
semblance avec la dénomination laune usitée
par Ausone, et qui peut être appliquée avec
d'autant plus de raison au genre dont je parle,
que le poëte latin considéraitson Fario comme
une truite intermédiaire entre le saumon et le
salar, ce qui peut convenir parfaitement à nos
espèces, à cause de leur grande taille. Jai cité
plus haut les vers d'Ausone, je ne les répé-
terai pas 1CI.
Je vais commencer par décrire d'après na-
ture les deux espèces que je possède, et je
tächerai d'en rapprocher les descriptions des
autres Forelles queje pourrai reconnaître dans
les auteurs.
La FORELLE ARGENTÉE.
(Fario argenteus , nob.)
Ce poisson, qui me paraît habiter également «
les mers ou les grands lacs, et remonter de
ces eaux dans les rivières qui les alimentent,
a la forme du Saumon; il me semble, cependant,
proporüonnellement un peu plus court. Sa hauteur
est comprise quatre fois dans la longueur du corps,
sans la nageoire de la queue, ou quatre fois et demie
avec la caudale, Les deux mächoires sont à peu
CHAP. IL. FORELLES. 295
près égales. Il faut dire, cependant, que la supé-
rieure dépasse un peu l'inférieure. La longueur de
la tête est du cinquième de celle du corps entier.
Le globe de l'œil est un peu plus grand que le
huitième de la longueur de la tête. On lui voit, en
avant, ses deux paupières adipeuses. L’extrémité du
maxillaire n’atteint pas en arrière au delà de l'œil,
et il ne mesure que deux fois la longueur de l'in-
termaxillaire. Les dents sont de moyenne force
sur les deux mâchoires, sur les palauns, sur la
langue, et il n’y a qu'une seule rangée longitudi-
nale sur le corps du vomer; elle est composée de
quatre ou cinq dents. Il y a onze rayons à la mem-
brane branchiostèce. La dorsale est sur le milieu de
la longueur du corps, en n’y comprenant pas la
caudale; la ventrale est au nulieu de la longueur
totale ; l’anale est un peu au delà des deux uers de
cette même mesure.
5212:D. 15-205 44105023; P 19; V.1:
La ligne latérale est une série de petits traits
tracés un peu au-dessus de Ja moitié de la hauteur.
Il y a environ cent vingt-cinq rangées d'écailles le
long des flancs. Ces écailles sont petites, mais ne
sont pas aussi cachées dans la peau du corps que
celles du Saumon. La couleur est un verdâtre, légère-
ment gris de fer sur le dos. Les flancs et le ventre
brillent d’un bel éclat argenté. II n’y a que des taches
éparses noires au-dessus de la ligne latérale. On n’en
voit que deux ou trois sur la région pectorale, un
peu au-dessous de cette ligne. Le crâne et l’oper-
cule portent aussi quelques points noirs. On les
295 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
rencontre également sur la dorsale : c’est la seule
nageoire qui ait des taches. La caudale, très -faible-
ment échancrée dans le milieu, est olivâtre et bordée
de noirâtre. L’adipeuse est verdätre. L’anale et les
ventrales sont blanches. Du noiràtre semble salir la
couleur blanche de la pectorale, Il arrive quelque-
fois que les grands individus ont des taches rouges
sur l’opercule. Je crois que ces taches sont passa-
gères et qu’elles existent en plus grand nombre sur
les individus qui redescendent à la mer.
La Truite argentée, que j'ai disunguée, était une
femelle. Le foie est presque en entier dans le côté
droit de l'abdomen. La vésicule du fiel repose sur
Ja branche montante de l'estomac. Il n’y a qu’une
simple bande transversale sous l’œsophage; mais
aucune partie du foie ne passe à gauche de l'estomac.
Celui-ci, ainsi que l'œsophage, ressemble tout à fait
à ces viscères dans le Saumon; mais il y a un plus
grand nombre de cœcums autour de la branche
pylorique, puisque je compte soixante-dix appen-
dices cœcales autour de cette portion de l'intestin.
Le reste du canal intestinal n'offre rien de
remarquable. Le grand nombre de Tænia
dont l'intestin était rempli, est vraiment re-
marquable :1l y en avait un dans chacun des
cœcums. M. Rayer a fait de son côté la même
observation. Outre ces ænia il y avait aussi
quelques Filaria piscium retenus autour des
épiploons graisseux des appendices. Les ovaires
occupaient la moitié antérieure de la longueur
CHAP. IL. FORELLES. 297
de l'abdomen; les œufs sont assez gros; ils
tombent, comme c’est l'ordinaire chez les
truites, dans l'intérieur de la cavité abdomi-
nale.
Sur le squelette nous voyons les os du crâne
formant une voûte à peu près semblable à celle déja
décrite dans le $. kamatus. Ainsi, les deux frontaux
principaux recouvrent en parte les deux pariétaux ;
mais ils ne se touchent pas aussi complétement que
ceux de l'espèce que nous venons de citer; de sorte
qu'il y a un trou sur le crâne et deux trous latéraux
circonscrits par les occipitaux, les mastoïdiens, la
grande aile et le frontal principal. Les deux fron-
taux antérieurs forment une plaque assez orande sur
l'extrémité du museau. Les autres os ne présentent
pas des différences bien notables d'avec ceux du
grand $. £amatus. Nous comptons cinquante-quatre
vertèbres à cette espèce, dont trente-cinq sont ab-
dominales.
La taille des individus que l'on trouve sur
les marchés de Paris est quelquefois de deux
pieds et demi; mais il n’est pas rare cependant
d'en voir de deux pieds. C’est d'après l'un d'eux
que jai donné dans lIconographie du Règne
animal une figure un peu petite, à la vérité,
de la Truite de mer, en adoptant alors pour
sa dénomination latine celle que je trouvais
dans l'ouvrage dont nous voulions illustrer le
texte. Cette truite de mer est, sans aucun
298 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
doute, de la même espèce que Lacépède a
établie sous le nom de Salmone Cumberland.
Îl serait difficile de déterminer, dans l'ouvrage
que nous citons, le poisson que sonillustre au-
teur a inscrit dans ce supplément. Mais j'ai eu
le bonheur de retrouver dans les papiers que
M. de Lacépède m'a légués, les notes manus-
crites de Noël, et j'y vois une représentation de
la disposition des dents du palais; il ny en a,
sans aucun doute, qu'un seul rang sur le vo-
mer. Noël avait pris ses notes sur un individu
apporté à Kilvington en Westmoreland, et
qui avait été pêché dans un lac voisin du
Penryth. Cet ichthyologiste la désignait sous
le nom de Truite blanche et présumait qu’elle
était de la même espèce que celle des lacs
d'Écosse. Or, comme je trouve dans l'ouvrage
de Yarrell que son Salmon-trout, quil consi-
dère aussi comme la Truite de mer, est la
Truite blanche du Devonshire, du pays de
Galles et de l'Irlande, et qu'il rapporte une
observation de M. Maccullock, constatant que
la truite de mer d'Écosse vit dans un lac d’eau
douce de Lismore, l'une des Hébrides; que
ces truites ne peuvent sortir de ce lac pour
se rendre à la mer; je profite de ces obser-
vations pour admettre également que notre
espèce peut se trouver dans le lac de Con-
CHAP. II. FORELLES. 299
stance, passer de ce lac dans les nombreux
ruisseaux qui y afiluent, soit directement,
soit par le vieux Rhin, vivre dans les pro-
fondeurs du lac, et en sortir pour remonter
dans les rivières au temps du frai, d'où l'on
conclurait, avec M. de Lacépède, que les
grands lacs seraient, pour les individus qui
ne peuvent se rendre à la mer, ce que l'Océan
est aux espèces qui remontent dans les petites
rivières qui viennent y verser leurs eaux. Cest
ce que M. de Lacépède a dit, avec autant
d'élégance que de justesse dans l'article qu'il a
écrit, d'après Bloch, et par conséquent d'après
le docteur Wartmann, sur le Sz/no 1llanken.
Si l'on vient à lever ces incerutudes, il en résul-
terait que notre Forelle argentée serait, comme
il y a tout lieu de le croire d'après l'examen
des figures, très-bien représentée dans Agassiz,
sur les planches 14 et 15 de son ouvrage, et que
ce serait aussi l'Illanken (S. Zacustris) de Bloch.
L'illusitre continuateur de Buffon l'aurait re-
produite, une seconde fois, comme je viens de
le dire, sous le nom de Sa/mone Cumberland.
Le Salmo trutta de Bloch peut encore la re-
présenter; mais la figure et la synonymie de
cet auteur laissent de grandes incertitudes
pour cette détermination. Ce serait plus pro-
bablement le Salmo lacustris de Gesner.
500 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
En remontant à la discussion générale que
jai faite de toute cette synonymie on voit la
nécessité de donner à ce salmonoïde un nom
nouveau; Car presque tous ceux que je viens
de rapporter ont été appliquées par d’autres
auteurs à des espèces différentes. N'oublions
pas que les dénominations d’Artedi ou de
Linné embrassent, par leur synonymie, des
poissons différents les uns des autres.
Si le Salimon-trout de M. Yarrell est un
des noms de l'espèce actuelle, nous verrons
cette espèce abonder sur les marchés de
Londres comme sur ceux de Paris. Je n'aurais
aucun doute sur cette détermination, si le
docteur Richardson" s'était exprimé d'une ma-
nière plus nette sur la disposition des dents
du vomer. Je crois bien cependant quil ny
admet qu'une seule rangée.
La figure de la planche 91, n° 1, A et B,
de l'ouvrage de Richardson, ne peut laisser
aucun doute sur le genre auquel le poisson
qui a été dessiné pouvait appartenir; c'était
une Forelle argentée.
La Vorezce pu Lac Léman.
(Fario Lemanus ; nob.; Salmo Lemanus, Cuv.)
Nous recevons à Paris, sous le nom de
4. Faun. bor. amer., WI, p. 140.
CHAP. IL FORELLES. 301
Truite saumonée du lac de Genève, une des
espèces les plus grandes et les plus estimées
de ce genre.
C'est un poisson à corps épais, à dos arrondi, à
queue forte et raccourcie, à caudale peu développée,
proportions qui donnent à ce poisson une forme
beaucoup plus lourde que celle du Saumon. L'épais-
seur fait à peu près les deux uers de la hauteur,
qui est comprise environ cinq fois et demie dans
la longueur totale. La longueur de la tête n’y est
que quatre fois et demie: Le dessus du crâne est
plus large et à proportion plus arrondi. L'œil est
à la moitié de la longueur de la joue. Le préoper-
cule est arrondi; l’opercule a le bord inférieur ar-
rondi; il se loge dans le croissant du bord corres-
pondant du sous-opercule, lequel est une palette
assez large. L'interopercule est étroit et a le bord
échancré. L’intermaxillare est assez long; il fait un
peu plus du üers du maxillaire. Les dents de ces
deux os sont courtes et assez grosses; elles sont
beaucoup moins fortes que celles des palauins. J'en
trouve sur le vomer deux au chevron, et une bande
de quatre ou cinq le long du corps de l'os. A l’ex-
trémité de la mâchoire supérieure il existe une petite
fossette, dans laquelle pénètre un tubercule assez
haut de la mâchoire inférieure; mais 1l faut faire
bien attention que ce tubercuie n’a jamais la forme
ni la saillie de celui du $. hamatus. La pectorale
est plus courte et plus large que celle du Saumon,
Les ventrales sont plus éloïgnées, car elles corres-
pondent aux derniers rayons de la dorsale. Celle-ci
302 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
répond au milieu de la longueur totale. L'adipeuse
est très-haute, très-large; elle est à proportion beau-
coup plus grande que celle du $a/mo hamaius.
Le poisson, desséché, a les flancs plus tachetés
que le dos et le ventre. On voit des points suf la
joue, sur l’opercule et sur la dorsale. Il n’en reste
pas de traces sur les autres nageoires. Les écailles
sont petites et comme perdues dans la peau. Nous
en comptons cent trente rangées le long des côtés.
La pectorale est plus arrondie; la caudale coupée
carrément; l'anale aussi haute que longue.
B. 11::D. 13 — 0; À. 10:1G125 581 125049:
Nous conservons dans le Cabinet du Roi
deux grands individus empaillés, dont l'un a
trois pieds quatre pouces et demi de long;
nous avons aussi un squelette long de deux
pieds neuf pouces, qui avait été envoyé à M.
Cuvier par le sénat de la ville de Genève.
Outre ces exemplaires, j'en ai examiné un
grand nombre que le commerce apporte à
Paris, ce qui m'a rendue facile l'appréciation
des caractères généraux de cette espèce. M.
Pentland en a donné un petit exemplaire du
lac de Como, long d'un pied et deux pouces,
mais sur lequel nous retrouvons aussi très-
bien les caractères spécifiques de cette Truite.
Le squelette nous offre aussi certains carac-
ières qui servent à distinguer ce poisson des
espèces voisines.
CHAP. IL FORELLES. 303
Le crâne est plus rugueux. La crête moyenne
formée par la réunion des deux frontaux principaux,
est plus élevée, et comme elle se continue avec celle
des frontaux antérieurs, 1l en résulte une crête lon-
gitudinale, allant depuis les intermaxillaires jus-
qu'aux pariétaux. Sur les côtés de la crête moyenne
il y en a deux autres rugueuses; puis les rebords
des frontaux antérieurs se redressent un peu. Je ne
vois pas sur les côtés du crâne les grands trous la-
téraux de l’espècé précédente.
Je compte cinquante-six vertèbres, dont trente-
trois pour l'abdomen.
Cette espèce si célèbre n’a été figurée que
dans ces derniers temps. On en doit une pre-
mière et bonne représentation à M. Jurine’,
et plus récemment M. Agassiz en a donné de
très-élégantes figures dans sa belle monogra-
phie des Salmonoïdes. M. Jurine pense que
l'accroissement des Truites? d’une livre aug-
mente dans une année du quart de leur poids,
celles de trois livres d'un sixième, et que de
plus grosses gagnent à peine une livre dans le
même temps. Je ne suis pas très-sür que ces
observations se rapportent à la même espèce.
Cet auteur nous dit qu'il n'a pas vu prendre
1. Jurine, Poissons du lac Léman, pl. 4.
2. Il est bien entendu que, dans tout cet article, j'emploie le
nom de Truite, pour désigner , avec tout le monde, le poisson
appelé en ichthyologie par M. Cuvier Sa/mo Lemanus.
304 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
dans le lac des Truites de plus de trente-six
livres, que la plus grosse qui ait été prise
depuis quinze ans (1815) dans les nasses du
Rhône, au moment où il écrivait son mé-.
moire (1830), n’en pesait que trente-deux. Il
y a bien loin de ce poids à celui que lon
trouve cité dans les auteurs, et que M. Jurine
a pris soin de transcrire. Grégoire de Tours
parle de Truites d’un quintal, mais si cela
arrivait dans le sixième siècle, dit le conser-
vateur suisse cité par M. Jurine, il faut en
réduire au moins la moitié actuellement. La
plus grande Truite, dont les annalistes aient
conservé le souvenir, fut prise en 1663 : elle
pesait soixante-deux livres.
Les Forelles ou grandes Truites du lac,
réduites en captivité, finissent par manger
avec avidité les poissons qu'on leur donne,
et elles peuvent se conserver longtemps dans
une eau vive. Elles ont besoin de beaucoup
de nourriture et elles maigrissent rapide-
ment si on ne leur en donne pas une assez
abondante.
Les Truites quittent le lac à l'époque du
frai et remontent les rivières et les torrents
pour revenir dans les eaux d'où elles sont
sorties, après avoir déposé leurs œufs. Le pas-
sage des Truites Gu lac dans le Rhône, et leur
CHAP. II. FORELLES. 305
retour de ce fleuve dans le lac est connu à
Genève sous le nom de descente et de re-
monte. Les observations suivies depuis plu-
sieurs années montrent que les époques de
migration varient suivant les influences atmos-
phériques, comme nous en avons cité des
exemples pour les harengs et comme on sait
que cela a lieu dans les migrations des oiseaux.
Dès que la surface de l'eau commence à se
réchauffer, les Truites ne tardent pas à quit-
ter les profondeurs où elles ont passé l'hiver,
et dès le mois d'avril on en voit quelques-
unes descendre le Rhône. M. Jurine dit qu'à
cette époque la chair est grasse et très-déli-
cate et que les femelles sont beaucoup plus
savoureuses que les mâles. La descente est
annoncée par les petites Truites, après elles
viennent les moyennes; les grosses se mon-
trent les dernières. Les Truites que l'on
prend en juin et en juillet laissent déjà
couler leurs œufs. Le gouvernement de Ge-
nève a, par une heureuse prévoyance, forcé
la ferme de la pêche du Rhône, d'enlever
pendant six mois, à dater de la fin d'avril,
trois vannes du clayonnage disposé de ma-
nière à fermer le fleuve à sa naissance, afin
d'ouvrir un passage au poisson et d'assurer
par là sa reproduction. Mais comme le cours
21. À 20
506 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
du Rhône cache de nombreuses nasses pour
prendre les Truites à la descente, il arrive
encore que plusieurs y entrent et s'y prennent,
de sorte que l'on verrait diminuer bien sen-
siblement les Truites du lac sans le frai qui
lui est fourni par les autres rivières ou tor-
rents qui viennent y verser leurs eaux. Les
osrosses Truites semblent mesurer la quantité
d’eau d’une rivière avant de s'y engager. L'iné-
galité du lit de l'Arve empêche un grand
nombre d’entre elles d'y pénétrer, à moins
que les eaux ne soient abondantes. Le froid
glacial de ses eaux, ou leur défaut de trans-
parence, font peut-être aussi reculer le pois-
son. Îl parait préfcrer le Rhône et plusieurs
fraient à la naissance du fleuve au sortir de
Genève. Quand on se promène le long de ces
berges élevées, on découvre au fond du lit
de grandes places blanches formées par les
Truites; celles-ci y ont déposé leurs œufs.
Après le frai les Truites rentrent dans le lac,
mais alors elles sont très-maigres et comme
épuisées : on les a nommées fourreau.
La remonte a lieu vers la fin d'octobre.
Lorsque les Truites veulent de nouveau re-.
monter du Rhône dans le lac, elles sont obli-”
gées de pénétrer dans les nasses, parce que les
portes du clayonnage ont été fermées.
#
CHAP. If, FORELLES. 35307
Tels sont les documents tirés de l'excellent
mémoire de M. Jurine. Cet habile naturaliste
observe qu'il a vu souvent des Truites bos-
sues, mais il remarque que ces déviations exté-
rieures ne laissent aucune trace sur le sque-
lette. Nous avons fait la même observation
sur les Perches bossues d'Angleterre; M. Ju-
rine en a fait de semblables sur des Brochets
contrefaits. La cause de ces déviations n’est
pas due à une sorte de rachitisme analogue
à celui qui affecte plusieurs autres vertébrés.
Les Truites pourraient être transportées
dans nos lacs. L'on se souvient encore dans
le département de l'Isère, des essais faits par
Vabbé Garden, curé de la commune de Ve-
nose en Oysans; il avait empoissonné, en 1770,
le lac Loritel, l’un des plus élevés de ce pays.
Les Truites y ont frayé et prospéré pendant
longtemps : depuis, le défaut de soins a laissé
détruire ces poissons, parce qu'on en a fait la
pêche en tout temps. Le peu quil en reste
est difficile à prendre, parce que les Truites
résident dans les profondeurs du lac. Je dois
ces renseignements à M. Charvet, professeur
d'histoire naturelle à Grenoble, à qui Le bota-
niste Villars les avait communiqués.
Les expériences de M. Rusconi, de M. Agas-
siz, et celles qui se font en Allemagne sur la
508 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
fécondation artificielle, prouvent qu'avec un
peu de soin l’on peut transplanter les Truites.
Je saisirai cette occasion de rappeler qu'on
pourrait obtenir d'excellents résultats en ap-
pliquant cette méthode à beaucoup d’autres
espèces de poissons. Il est aussi à remarquer
que les Truites de rivières grandissent promp-
tement dans les lacs où on les place conve-
nablement. On ne prend jamais, dans les
cours d'eau, des individus aussi grands que
ceux tirés des lacs.
La FoRELLE A VENTRE ROUCE.
( Fario erythrogaster, nob.; Salmo erythrogaster,
Dekay.)
Il existe aussi des Forelles dans les grands
lacs de l'Amérique septentrionale. Richardson
en a signalé dans ses écrits. Le Cabinet du Roi
en possède une très-belle espèce, remarquable
par sa tête large et aplatie, par la grosseur de son
museau. Les dents sont coniques et très-fortes. On
en voit deux ou trois à l'extrémité du vomer, suivies
de deux, placées à la suite l’une de l’autre sur le
corps de los. Les postérieures sont plus grandes
que celles de devant. Le vomer est d'ailleurs assez
court. Les palauns sont armés de dents plus longues
que celles des mächoires. Je ne puis rien dire des
dents Jlinguales, la langue ayant été enlevée dans
er “gta t à
e
+
‘ CHAP. II. FORELLES. 309
l'individu préparé que j'ai sous les yeux. L'opercule
est un large triangle. Il s’'unit par une suture écail-
‘leuse au sous-opercule. Ces deux os portent de
nombreuses stries rayonnantes, naissant chacune de
l'articulation antérieure de l'os; d’où il résulte que
les stries qui se rendent au bord inférieur de l’oper-
cule croisent presque à angle droit celles du sous-
opercule. L'interopercule a aussi des stries, mais
elles sont moins marquées, et elles sont longitudi-
nales comme celles du sous-opercule. Le dos est
large et épais. La queue parait assez grêle et assez
longue. La dorsale est reculée sur le dos, et n’est pas
très-grande. L’adipeuse est petite. L’anale est étroite
et oblongue, La caudale est échancrée. Le lobe supé-
rieur parait plus long et plus aigu que l'inférieur.
Les nageoires paires sont étroites et pointues.
B. 10; D. 11— 0; À. 10; C. 31; P. 13; V. 10.
Les écailles sont petites, perdues dans l'épaisseur
du derme comme celles des Truites en général.
La couleur est d’un verdätre foncé sur le dos,
s'éclaircissant sur les flancs et sous le ventre. Les
écailles paraissent bordées de verdätre; ce qui doit
former, sur le poisson frais, un réseau fin, à très-
petites mailles.
Notre exemplaire, long de deux pieds et
demi, vient du lac Ontario : il a été envoyé
par M. Milbert.
Je crois retrouver dans cette espèce le Sal-
mo erythrogaster de M. Dekay '. La figure
1. Dekay, New-York Faun., p. 236, pl. 39, fig. 126.
310 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
nous représente assez bien sa tête large et
courte. Cependant il ne paraîtrait pas que
M. Dekay accorde à son espèce une taille.
aussi considérable que celle de l'exemplaire
dû aux soins de M. Milbert. Cette espèce a été
reproduite, d'après MM. Dekay et Dough-
thy, dans le Synopsis de M. Storer; mais ce
naturaliste n'ajoute aucun détail qui nous fasse
mieux connaître ce poisson. Les couleurs in-
diquées dans la Faune de New-York sont un
vert olivâtre foncé sur le dos, les côtés bronzés,
marbrés de rouge et semés de taches carmin.
Le ventre brille d'un bel orangé, avec une
ligne longitudinale moyenne d'un blanc de
perle. Les nageoires inférieures et la caudale
ont du rouge.
La ForELLE DE Ross.
(Fario Rossi, 'nob.; Salmo Rossi, Richardson ;
Salmo penshinensis, Pallas.)
M. Richardson a dédié à son célèbre ami
le capitaine James Clarke Ross, une espèce
quil a décrite avec soin et comparativement
au Saumon. Îl aurait pu cependant la trouver
déjà nommée dans le Fauna rosso-asiatica.
C'est un poisson de forme plus élancée, dont le
dos est plus droit, dont le museau et les mächoires
Fr
CHAP. II. FORELLES. 511
sont moins arquées, dont la tête est plus large. La
mâchoire inférieure a une longueur remarquable et
dépasse de beaucoup la supérieure. Les dents, courtes
et coniques, mais très-aiguës, existent à chaque pa-
laun, et quoique le vomer ait été cassé par la pré-
paration de l'individu, M. Richardson a pu en ob-
server deux sur l'extrémité antérieure et une seule
plus éloignée sur le corps de l'os. L'opercule est
rhomboïdal. Ses angles sont arrondis. Le bord infe-
rieur de l'interopercule est concave et comme échan-
cré. L’adipeuse est petite. La caudale est fourchue.
B. 12— 13; D. 13-—0; A. 11; C. 29; P. 14; V. 40.
Les écailles sont petites, particulièrement celles
du devant du dos. L'auteur en a compté cent trente-
quatre le long des flancs. Le dos, le sommet de la
tête, la dorsale et la caudale ont une couleur in-
termédiare entre le vert olive et le brun des che-
veux. Les côtés sont nacrés ou gris perlé, à reflets
argentés, irisés de bleu et de lilas. De nombreuses
taches de carmin sont le long de la ligne latérale.
La couleur du ventre varie dans les différents exem-
plaires d’un orangé päle à une belle couleur rouge.
Le courageux voyageur auquel nous em-
pruntons cette description l'a faite en partie
sur des peaux desséchées, et en partie d’après
les dessins qui lui avaient été communiqués
par sir John Ross. Il lui donne pour nom vul-
gaire, chez les Eskimaux, le mot Æekalook.
L'espèce est une des découvertes de leur ex-
pédition à l'ile du Régent. Cette Forelle est
312 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
si abondante dans la mer, à l'embouchure de
la rivière de Boothia-Félix, qu'un seul coup
d'une petite seine en a rapporté trois mille.
trois cent soixante-dix-huit individus. Leur
poids variait de deux à quatorze livres. La
couleur de la chair était quelquefois d’un rouge
foncé; d’autres individus l'avaient très-pale.
M. Richardson croit son $. Rossi voisin du
poisson signalé par Pennant sous le nom de
Malma ou de 'Golez des Russes, qui entre
de la mer dans les rivières du Kamtschatka.
Pallas a appliqué ce nom de Malma ou de
Golez au Salmo callaris, dont nous avons
déjà parlé page 248, et qui a les deux mä-
choires à peu près égales, car l'inférieure est
un peu plus courte, d'après la note de Pallas.
Je ne crois donc pas que la supposition de
M. Richardson doive être admise.
Ce qui d’ailleurs me confirme cette déter-
mination, cest que je retrouve notre espèce
dans un autre article de lillusire zoologiste
de Pétersbourg. J’ai dessiné à Berlin le Salmo
penshinensis de Pallas, et ce dessin, méclai-
rant sur la description du Fauna rosso-asia-
tica, me démontre que le Salmo Rossii n'est
autre que cette espèce. J'ai examiné l'individu
desséché, rapporté par Merk. Ce saumon
entre du golfe de Penshiné dans la rivière de
CHAP. II. FORELLES. 313
Worofskaya. Les naturalistes me pardonne-
* ront de conserver le nom du célèbre navi-
gateur, auquel Richardson l'a dédiée. Je ne
serais pas éloigné de croire que M. Mertens
aurait aussi dessiné cette espèce, car il ma
permis de calquer un de ses dessins repré-
sentant un Golez des Kamtschadales. Je n'au-
rais aucun doute à établir ce rapprochement,
si la mâchoire était un peu plus allongée.
Je trouve, dans les belles collections des
dessins du navigateur russe, un petit poisson
représenté sous le même nom de Golez, et
qui a le corps traversé par dix à onze bandes
verticales plus foncées que le fond verdätre
du dos. Tout le corps est semé de nombreuses
taches rouges. La caudale et la dorsale sont
verdätres, les autres nageoires rougetres. Je
crois quil représente un jeune âge de notre
espèce, ce qui peut faire supposer que les
saumons des rivières du Kamtschatka ont une
livrée comme ceux de l'Europe.
Il faut d’ailleurs faire attention que le nom
de Golez paraît être donné à plusieurs espèces,
et être en quelque sorte un nom générique
au Kamtschatka, comme l'est, chez nous, celui
de Truite.
314 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
CHAPITRE IIL.
Des Trurres (Salar, nob.).
Après avoir distingué les Saumons (Sz/mo)
avec le corps du vomer lisse et sans dents,
les Forelles (Fario) avec une seule rangée de
dents sur le corps du vomer, il nous reste
à parler des Truites proprement dites, dont
le corps du vomer est armé de deux rangées
de dents. Une autre disposition des dents
vomériennes distingue encore le genre Truite
des deux genres précédents : leurs espèces
ont un groupe de dents sur le chevron du
vomer. Les espèces de notre troisième genre
n'ont pas de dents remarquables et distinctes
sur le devant de l'os.
D'ailleurs leur anatomie, leur taille, leurs
habitudes, leur séjour, tantôt fluviatile, tantôt
de passage de la mer ou des profondeurs des
grands lacs intérieurs dans les rivières qui
viennent y verser leurs eaux, sont les mêmes
dans nos truites que dans les espèces des
deux autres genres.
La truite de nos ruisseaux a été si nette-
ment désignée dans ce vers tant de fois cité
du Poëme de la Moselle :
Purpureisque Sazar stellatus tergore guttis,
CHAP. II. TRUITES. 315
que je n'ai pas hésité à désigner le genre nou-
» veau établi dans ce chapitre par le nom de
SALAR, de même que j'ai trouvé dans ce poëte
les deux noms génériques précédents.
Je complète dans ce troisième article l'his-
toire d’un très-grand nombre d'espèces, qui
ont été toutes confondues par mes prédéces-
seurs sous le nom Linnéen de Salmo. I y a,
pour retrouver les espèces décrites dans leurs
ouvrages, Les difficultés signalées dans les deux
articles précédents, parce que les naturalistes
n'ont pas plus apprécié le caractère des truites
que celui des deux autres groupes.
Les auteurs admettent que les grandes
espèces de ce genre subissent les mêmes chan-
gements dans la forme des mächoires, que le
ferait le saumon ordinaire, si le S. hamatus
était de l'espèce du saumon vulgaire. Je crois
que ces conséquences sont le résultat d'ob-
servations inexactes, et que les naturalistes
futurs rectifieront les erreurs que je n’ai pu dé-
couvrir. L'examen des espèces des trois genres
prouve ce que j'ai dit plus haut; c'est que les
Salmonoïdes de la tribu des Truites abondent
dans les eaux circumpolaires. Je m'étonne que
le nombre immense de poissons excellents
- après qu'ils ont été fumés ou salés, n'aient
pas excité davantage les hommes qui spéculent
316 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
sur les profits de la grande pêche, à y aller
poursuivre les saumons qui fourniraient des
cargaisons tout aussi fortes que les morues de
Terre-Neuve et qui seraient d'une valeur plus
élevée.
Ce que l'on rapporte de l'abondance de
certaines espèces de truites dans les rivières
du Kamtschatka , et de la mortalité d'un si
grand nombre de poissons dans le lit resserré
de ces rivières, doit donner lieu à la réunion
de squelettes qui se conserveront dans Îles
alluvions de ces eaux douces, en y formant
des bancs analogues, par le nombre de cada-
vres entassés, aux couches stratifiées du monte
Bolca ou à ceux des argiles d'Aix remplies de
prétendues pœcilies. Que les géologues réilé-
chissent sur ces faits, et qu'ils se demandent
si des espèces qui sont marines pendant pres-
que tout le temps qu'a duré le développement
ou la croissance des individus, et qui devien-
nent fluviauiles pour un espace de temps très-
court, devront être désignées sous le nom de
poissons marins ou d'espèces fluviatiles.
Les Truites, répandues dans un si grand
nombre de ruisseaux, de rivières et même de
lacs des eaux douces de l'Europe, présentent
presque toutes ce caractère commun et re-
marquable d’avoir Le corps couvert de taches
CHAP. HIT. TRUITES. 317
d'un beau rouge de vermillon, qui devient
très-souvent le centre d'un ocelle gris, blan-
chätre ou brun. La couleur de ces points
résiste à la cuisson, et pendant très-longtemps
à l'action de Falkool. Avec ces taches rouges,
les parties supérieures du corps en ont d'autres
toujours beaucoup plus grosses, de couleur
brune. La tête et les opercules en sont char-
gés comme le tronc, la dorsale et l'adipeuse.
Si lon ne compare pas ensemble un grand
nombre de ces poissons, on peut, en sen
tenant à ces caractères généraux, croire que
rien ne serait plus facile que de déterminer
l'espèce de poisson que les naturalistes se con-
tentaient, jusqu'à nous, d'appeler Sa/mo fario.
Mais si l'on a le soin, comme je l'ai fait, de
réunir les différentes Truites non-seulement
de divers pays, mais même des petites rivières
les plus voisines les unes des autres, on ne
tarde pas à reconnaitre des variétés tellement
frappantes, que l'on devient fort embarrassé
d'appliquer très-souvent à l'individu que lon
a sous les yeux les caractères du Salmo fario
de Linné. Les diflicultés augmenteront très-
vite, si lon veut suivre avec quelque pré-
cision les caractères signalés dans les Traités
généraux Où dans les Faunes spéciales de dif
férents pays. Mon premier soin a été de re-
318 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
chercher sil y avait quelque différence cons-
tante dans les formes ou dans les proportions,
et si ces différences concordaient avec d’au-
tres que je pouvais observer dans le nombre
ou dans la disposition des taches. Après avoir
mesuré avec la plus grande attention les di-
verses parties du corps pour connaître leurs
diverses longueurs proportionnelles, et après
avoir mis ensemble les Truiies qui se ressem-
blent, j'ai trouvé qu'il y a dans toutes nos
nombreuses ‘Fruites d'Europe deux groupes
appartenant peut-être à deux espèces dis-
tinctes. Si on les réunit, comme je le fais, on
sera du moins forcé de les considérer comme
constituant deux races très-différentes et re-
connaissables à la longueur de la tête et au
nombre des taches qui couvrent l'opercule.
Je vois que les Truites, couvertes de taches
nombreuses sur la tête et sur le corps, ont
la tête constamment et sensiblement courte.
Au contraire un grand nombre d’autres in-
dividus qui ont peu de taches sur le corps
sont remarquables par la longueur de leur
tête. Ces deux distinctions sont faciles à saisir
à la première vue, lorsque létude vous a
familiarisé avec la physionomie de chacun
des groupes. IL y a d'ailleurs dans les Truites
à tête courte des variations dans la grandeur |
CHAP. II. TRUITES. 319
et dans le nombre des taches, variations qui
se reproduisent avec assez de constance pour
qu'il soit facile à un observateur exercé de
reconnaitre une Truite des rivières de Pro-
vence ou d'Italie, et pour la distinguer de
celles de nos ruisseaux de Normandie. Ces
différences, que l'étude finit par faire saisir,
sont cependant, je dois l'avouer, difliciles à
apprécier sans beaucoup d'exercice. Je n'exa-
gère pas en disant que jai été obligé de rap-
procher plus de cent exemplaires, et de les
étudier longtemps avant d'apprendre à les
bien connaitre. Mais je crois aussi quil y a
quelque certitude dans la distinction des deux
races, car maintenant que jai bien saisi les
différences, je les retrouve sans hésiter. J'ai
cru nécessaire d'entrer dans ces détails, afin
que le lecteur qui voudra appliquer ces prin-
cipes et vérifier l'exactitude de mes détermi-
nations ne se décide pas avec trop de préci-
titation. Les naturalistes devront se souvenir
qu'ils entreprennent une œuvre de patience.
Là TRUITE VULGAIRE.
(Salar Ausoni, nob.)
Je commence par décrire celle des deux
races, très-voisines l'une de l'autre, celle dont
320 LIVRE XXII. SALMONOIÏDES.
ee)
jai pu rassembler le plus grand nombre
d'exemplaires : c'est la Truite à tête courte.
Elle a le corps de forme régulière, assez élégante,
et, cependant, 1l est un peu trapu. L’épaisseur fait
à peu près la moiué de la hauteur, et celle-ci est,
à très-peu de chose près, le cinquième de la lon-
gueur totale. Les variations doivent dépendre de
l'état de plénitude et peut-être bien aussi du sexe
de l'individu. La tête a le front assez large; le mu-
seau gros et arrondi; l'extrémité, quoique obtuse,
fait une sorte de saillie. La longueur de la tête est
contenue quatre fois dans Ja longueur du corps; la
caudale non comprise. La plus grande longueur des
lobes de la caudale est à peu près la moitié de la
longueur de la tête. L'œil est assez gros. Son dia-
mètre est compris quatre fois et deux tiers dans la
longueur de la tête. Il est égal à la moitié de la
longueur du maxillaire; celui-ci dépasse à peine le
bord postérieur de l’orbite. Le bord de cette cavité
se porte assez en avant de l'œil, se rétrécit, et l’es-
pace compris entre son angle antérieur et la scléro-
tique est rempli par une adipeuse large et épaisse.
Les quatre osselets sous-orbitaires sont étroits. La
parue des deux premiers qui bordent le maxillaire
est presque linéaire. La distance de la partie posté-
rieure de l'œil au bord montant du préopercule est
égale à une fois et demie le diamètre. Le bord in-w
férieur de cet os descend un peu obliquement. L’oper-
cule est un trapèze rétréci vers le haut. Le bordu
inférieur est peu arqué. Le sous- opercule suit à peus
près la direcuon de ce bowd, et ter mine la portions
À
À
CHAP. III. TRUITES. 321
libre de l'appareil operculaire par un angle mousse
peu prolongé, appuyé sur los huméral. L’interoper-
cule est étroit. Comme dans tous les Saumons, la
fente de l’ouie est assez grande. Les rayons de la
membrane branchiostège sont gros, aplatis et presque
tous visibles à l'extérieur. On peut à peine donner
le nom de lèvre au repli qui borde la mâchoire
inférieure, Il n’y en a aucune trace sur la supé-
rieure. Son contour est une Ooive assez régulière,
arrondie plutôt qu'aiguë. Les deux intermaxillaires,
£ourts et terminant l'extrémité du museau, n’ont
guère que le quart de la longueur du maxillare.
Quand la bouche est fermée, la mâchoire inférieure
est plus courte que la supérieure. Ses branches sont
larges et se portent en arrière au delà du maxillaire
d’une longueur égale à celle du quart de la branche.
Les dents des mächoires sont petites et crochues,
sur un seul rang;
courtes que les autres; 1l en existe un seul rang sur
chaque palaun, et celles du vomer, disposées sur
deux rangs, sont divergentes, aussi grosses que
les palauns, souvent même plus fortes. Il y en a,
d’ailleurs, une petite rangée transversale au chevron
du vomer. La langue, grosse, charnue et creusée
en goutuère, a chaque bord armé de quatre
ou cinq dents. Il arrive presque toujours que le
bord gauche a une dent de plus que le droit. Les
nageoires des Truites ne sont pas très-grandes. La
dorsale est aussi longue que haute, et sa base a un
üers de plus que celle de l'anale. Les ventrales sont
insérées sous le milieu de la nageoire du dos; elles
celles des maxillaires sont plus
2 1. 24 |
322 LIVRE XXI. SALMONOÏDES.
ont à peu près les deux tiers de la longueur de la
pectorale, qui est contenue six fois et demie dans
la longueur totale. La caudale est peu échancrée.
BALTED: 18-00 MON C. 1273 PRAMENT 0!
Les écailles sont très-petites et comme perdues
sous la peau muqueuse qui les enveloppe; elles ne
montrent que des stries d'accroissement concentri-
ques, sans éventail n1 rayon à la portion radicale.
Il y en a cent vingt rangées le long du corps. La
couleur de ces Truites est un vert doré, devenant
plus jaune ou jaunâtre sous l'abdomen. La tête et
les operculss sont couverts de grosses taches rondes,
de grandeur diverse, noirûtres. 11 y en a quelquefois
une plus grosse sur la joue, entre l'œit et le bord
du préopercule, Le dessous de la gorge est jaunâtre.
La mâchoire inférieure est grise, mélée de jaunâtre.
Le bord des lèvres est noirâtre. On voit sur le dos
un grand nombre de taches brunes, qui descen-
dent au-dessous de la ligne latérale, principalement
sur la région de la poitrine. Le long de la ligne on
voit une série assez régulière de taches rouges, en-
tourées souvent d'un cercle plus pâle. Au-dessus
et au-dessous nous voyons des taches rouges épar-
pillées, plus ou moins nombreuses; rien ne varie
plus selon les différents individus. Le ventre n’a
jamais de taches. La dorsale, grise ou verdâtre, à
de nombreux points noirs et des taches rouges, plus
ou moins prononcées, Les premiers rayons sont
souvent noirâtres, bordés d’une teinte päle, qui
devient souvent assez blanche sur le poisson con-
servé depuis peu de temps dans l'alcool. L'adipeuse,
CHAP. III. TRUITES. 323
verdâtre comme le dos, a des taches rouges et
noires. La caudale, plus ou moins orangée, a quel-
quefois une bordure noire très-prononcée et des
taches rousses qui s’évanouissent facilement. Les na-
geoires inférieures, d’un vert plus ou moins sali de
noirâtre, Ont rarement des taches. Presque toujours
l’anale a une bordure noirâtre, lisérée de blanc. On
observe la même disposition à la ventrale, et la pec-
torale en offre quelquefois une légère apparence.
J'ai fait cette description de la Truite
d'après des exemplaires encore très-frais que
jai recus des différentes rivières de Norman-
die qui se jettent dans la mer auprès de
Dieppe et auprès de Caen. Mais d’ailleurs,
jai retrouvé cette même variété dans beau-
coup d'autres cours d'eau des environs de Paris
ou des différentes contrées de l'Europe : c’est
la variété qu'on observe dans l'Iton, auprès
d'Evreux; dans l'Eure, auprès de Louviers ;
je l'ai observée dans les petites rivières du
plateau du Vexin, dans l'Epte et ses affluents,
auprès de Gisors. La Rülle, qui coule à l’ex-
trémité nord-ouest du département de l'Eure,
nour it aussi 1 un assez grand nombre de truites
a m ême espèce. Il est curieux de remar-
onde desctruiies dans ces petites
rivières tributaires de la Seine, et leur ab-
sence dans ce fleuve. Il n'y a pas non plus de
truites dans la Marne, quoique cette grande
324 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
rivière recoive de nombreux affluents qui en
nourrissent. J'ai encore retrouvé la truite à tête
courte dans des envois faits par M. Mac Cul-
loch et par M." Bowdich, qui cherchaient à
nous procurer les truites des lacs de leur pays.
J'en ai rapporté de la petite rivière de la Bou-
vack, qui se jette dans la Somme auprès d'Ab-
béville. J'ai aussi trouvé cette espèce dans la
Meuse et dans les petits afiluents aux environs
de Namur et de Huy.
J'en ai rapporté des exemplaires pris à Franc-
fort; ils venaient de la Nidda, petite rivière
qui se jette dans le Mein. J'en ai vu un grand
nombre d'exemplaires qui tous variaient beau-
coup entre eux. Le fond de la couleur était
tantôt brun assez foncé, tantôtil était jaunâtre
avec des reflets plus ou moins dorés. Les indi-
vidus avaient des taches plus ou moins nom-
breuses, brunes ou rouges; celles-ci étaient
entourées d'un cercle blanc; mais souvent
aussi il n'y en avait point; d'autres exemplaires
avaient des ocelles à cercle noir. Tous avaient
Ja dorsale tachetée, l'adipeuse et la caudale
bordées de rouge, les pectorales jaunes. L’exa-
men des nombreux individus que j'ai fait dans
les bateaux des pêcheurs, ma convaincu de
leur identité spécifique avec ceux que je
venais de voir récemment sur le marché de
Ltd
CHAP. II. TRUITES. 329
Berlin. [ls m'ont également donné la convic-
tion que toutes ces variétés appartiennent à
une seule et même espèce. J'ai pu en acheter
à Freiberg.
M. Chevalier, préfet du Var, a eu la complai-
sance d'envoyer à M. Cuvier un assez grand
nombre de truites, qui arrivent à Draguignan.
La Soignes est le ruisseau qui les fournit; elles
sont toutes remarquables par leur tête courte,
couverte de taches noires très-petites et par
les nombreuses taches rouges de leur corps.
C'est un des poissons qui ressemblerait le plus
à la figure que Bloch a donnée sous le nom
de Salmo alpinus. Cette espèce nominale me
parait cependant indéterminable d'après les
observations que j'ai publiées plus haut.
Je rapporte encore à cette variété la Truite
que M. Pentland a prise pour nous au mont
Cenis, et celle du versant des Alpes, que
M. Laurillard a prise à Nice, que M. Major nous
a envoyée du lac Majeur et que M. Canali,
profes ca d'histoire naturelle à Perugia, nous
envoyée de ‘Colfionto. Enfin, M. Duvaucel
€ M Bibron « ‘ont aussi rapporté au Muséum
des rates : à tête courte, qu'ils avaient prises
dans les Pyrénées.
La seconde race, dont quelques naturalistes
feraient peut-être une espèce, si le hasard leur
326 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
faisait rapprocher dans une collection deux
individus pris parmi ces deux groupes, et dont
l'un aurait
la tête très-courte, et l’autre allongée, se caractérise,
en effet, par la longueur de sa tête. Portée sur
l'étendue du corps, je trouve certains exemplaires
qui ont la tête comprise quatre fois seulement dans
la distance entre le bout du museau et l’extrémité
des rayons mitoyens de la queue, c’est-à-dire,
qu’elle est, à très-peu de chose près, égale au quart
de la longueur totale. L'allongement dépend de ce
que, d’une part, le museau parait un peu plus
avancé, et de l’autre, que l’opercule, un peu plus
elliptique, couvre un peu plus l'épaule. Presque
tous ces individus ont peu de taches sur l’opercule.
Trois ou quatre gros points au plus, souvent un
seul, se voient sur l’ouie. Les taches du dos sont
plus rares, plus grosses et plus violacées. Les taches
rouges ocellées, sont tout aussi abondantes. Je vois,
dans plusieurs exemplaires, un plus grand nombre
de points rouges sur la dorsale. Du reste, tous les
autres caractères de la race précédente se retrou-
vent sur celle-ci.
J'ai observé des individus frais de cette
race, rapportés des rivières de Champagne
par un jeune naturaliste, M. Jules Remy, qui
s'est déjà fait connaître par ses travaux en
botanique. M. Rondeaux, de Rouen, a eu
aussi l'obligeance de nous en remettre de
CHAP. IT, TRUITES. 327
beaux exemplaires pêchés dans la Rille auprès
de la commune de Tibouville. Nous en avons
recu aussi des exemplaires pris dans le Rhin,
près Strasbourg, et qui ont été envoyés à M.
Cuvier avec des saumoneaux de ce fleuve, par
M." Levrault. J'ai vu cette variété à Francfort,
à Heidelberg; j'en ai rapporté des individus
pris sur le marché de Berlin. Je retrouve aussi
cette variété parmi les nombreux individus
envoyés du Var par M. Chevalier.
Les eaux douces de France et d'Italie nous
ont fourni une autre variété de Truite, que
M. Cuvier a indiquée dans le Règne animal
sous le nom de Salmo marmoratus. Celle-ci
a tous les caractères que fournit l'étude des
formes extérieures de la Truite. Il reste sur
leur corps peu de traces de points rouges;
mais des marbrures formées par des taches
oblongues et confluentes d'un gris violacé,
couvrent tout le corps, aussi bien l'abdomen
que le dos. M. Savigny nous a rapporté les
premiers exemplaires de cette variété, quil a
prise dans le Pô et dans le lac Majeur.
… La disposition générale des viscères de la
Fruite ressemble beaucoup à ce quon peut
observer dans le Saumon.
Le foie ne forme qu’un seul lobe placé à droite
de l'œsophage, assez épais en avant, mince et tron-
328 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
qué en arrière, avec une assez grosse vésicule du
fiel. La branche montante de l'estomac et la portion
recourbée du commencement de l'intestin porte
de nombreux cœcums. J'en ai compté trente-neuf
dans l'individu que j'ai disséqué. La rate est de
grosseur moyenne, située au dela du foie. Une
grande vessie natatoire, à parois membraneuses,
occupe tout le haut du dos et communique avec
Pœsophage. Les œufs sont très-gros, tombent dans
la cavité du ventre à cause de la disposition lamel-
laire de l'ovaire. Quant au squelette, les frontaux
principaux se rejoignent par une peute crêle moyenne,
de manière à couvrir toute la voûte du crâne. La
plaque des deux frontaux antérieurs est unie avec
celle des frontaux principaux beaucoup plus inti-
mement que dans le Saumon. En arrière, les mas-
toidiens et les temporaux se touchent, de sorte qu'il
n’y a point de grand trou latéral sur le crâne. Les
occipitaux, en arrière, ne sOnt pas non plus séparés.
Nous avons compté les vertèbres sur six squelettes,
faits avec des individus de localités assez éloignées.
Nous avons trouvé chez tous cinquante-sept ver-
tèbres. La constance de ce nombre ajoute encore
aux preuves que J'ai données plus haut pour con-
sidérer toutes ces variétés de truites comme appar-
tenant à une seule et même espèce.
Li
La grandeur ordinaire des truites de toutes
nos rivières de Normandie, varie de dix à
quatorze pouces. Mais on en prend quelque-
fois de plus grosses. Ainsi, jen ai recu de
CHAP. III. TRUITES. 329
‘Jfton une qui avait seize pouces de long. Nous
en avons, au Cabinet du Roi, un individu
péché dans la Rille, qui a dix-huit pouces.
Cette truite commune me parait rester dans
des dimensions toujours plus petites quand
on sélève dans les montagnes.
Les truites du Mont-Cenis, celles des hautes
Pyrénées, les exemplaires assez nombreux que
j'ai vus à Freiberg, n'ont en général que cmq
ou six pouces de longueur. Dans les Vosges
et dans le Ridoustole, rivière qui coule dans
les montagnes des Ardennes, les truites ne
pèsent guère que deux à trois onces. Les plus
grosses ne dépassent pas trois livres de poids
dans la Vesle, rivière de Champagne.
J'ai aussi retrouvé, dans les papiers de M.
de Eacépède, les notes de Noël de la Mori-
nière, d'après lesquelles l'illustre continuateur
de Buffon a constitué son Sa/mone gadoïde.
Ce doit être la variété à longue tête de notre
truite commune. Les exemplaires de M. Ron-
deaux nous aident pour arriver à reconnaitre
a description de M. Noël.
es On Sait que les truites aiment les eaux
et” courantes, qu'elles nagent presque
toujours contre le courant; aussi quand on
pêche des truites à la ligne faut-il, en don-
nant plus ou moins de fond, faire remonter
350 LIVRE XXIT. SALMONOÏDES.
le courant à l'appât qu'on présente au poisson
pour l'exciter à sortir de ses retraites; il se
jette alors avec impétuosité sur l’amorce, et
presque toujours il avale avec elle l'hamecon
qui la tient. La truite aime beaucoup aussi
les phryganes et les autres mouches qui volent
au-dessus de la surface de l'eau. IL est même
fort aisé de tromper la truite avec des mou-
ches factices, cela donne lieu à un genre de
pêche souvent très-productive.
Enfin nos truites, comme toutes les espèces
du genre Saumon, aiment à s'établir dans les
trous sur les berges du fleuve, et elles s'y tien-
nent tellement tranquilles que les pêcheurs
qui connaissent depuis longtemps leurs re-
traites, vont les y prendre à la main, souvent
en plongeant. Il ne faut pas oublier que ces
habitudes de se cacher dans des trous ne
sont pas uniquement propres à la truite, car
on peut prendre de la même manière des bro-
chets et des carpes. La truite qui fraie dans
nos rivières, y croit assez vite pour atteindre
une taille moyenne de sept à huit pouces,
mais il parait qu'ensuite la rapidité de sa
croissance diminue, et les pêcheurs affirment
que les truites de dix-huit à vingt pouces sont
vieilles. Les truites, comme le saumon, dé- .
posent leurs œufs dans des espèces de nids
CHAP. II. TRUITES. 331
qu'elles font sur le sable, en se tournant et en
se frottant plusieurs fois sur le gravier. Elles ne
pondent pas tous leurs œufs à la même place,
et elles lâchent leur frai en plusieurs fois et à
huit à dix jours de distance. On sait que les
petits qui en naissent ont des bandes trans-
versales qui se perdent avec l'âge. Sur certains
ruisseaux de la Normandie les paysans leur
donnent le nom de Malins. Mon confrère et
ami, M. Rayer, a eu la bonté de men donner
pour le Cabinet du Roi un assez grand nombre
d'exemplaires. Ces bandes se conservent sur des
truites qui ont déjà six pouces de longueur.
Cependant j'en vois des individus même un
peu plus petits, sur lesquels elles sont totale-
ment effacées. Je crois que la conservation de
ces bandes dépend souvent de la nature des
eaux dans lesquelles vit le poisson. Leur séjour
influe beaucoup aussi sur leur taille; on peut
remarquer que les truites des ruisseaux les
plus élevés restent toujours plus petites que
celles des ruisseaux de la plaine. Cependant
1 pres trop étendre cette observation
générale. M. Ramond dit qu'il a vu pêcher,
| es eaux profondes, des truites de quatre
livres, et une fois il en a vu tirer une de qua-
rante pouces d'un gouffre du Garve, situé à
environ trois cents toises au-dessus du niveau
332 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
de la mer. Il observe que la truite commune
se pêche en abondance dans tous les lacs jus-
qu'à la limite d'environ 1170 toises. Le lac
d'Onsay, au pic du Midi, n’en contient point;
son élévation est de 1197 toises, et cependant
on y trouve en abondance des salamandres
aquatiques et des grenouilles. M. Ramond croit
que, ces lacs étant couverts d'une glace épaisse
pendant six mois de l'année, les poissons se-
raient privés, pendant un temps si long, de
l'air nécessaire à leur respiration. Cest à cette
asphyxie qu'il faut attribuer la disparition du
poisson dans ces lacs, beaucoup plus qu'à l'in-
tensité du froid que le poisson pourrait res-
sentir. Un fait rapporté par Lacépède et qui
avait été recueilli par Lemonnier, montre la
présence des truites à trois cents toises en-
viron au-dessous du sommet du Canigou,
cest-à-dire, à 1140 toises au-dessus de la mer.
Ce qui est très-curieux, c'est que ce lac, plein
d'eau en été, et sec vers l'équinoxe d'au-
tomne, est peuplé de truites durant la saison
où il se remplit. Elles disparaissent quand il
se dessèche, et elles se montrent de nouveau
quand fleau vient remplir le bassin. Cela
prouve que le lac est en communication par
des canaux souterrains avec d’autres cours
d'eau ou avec des réservoirs intérieurs où le
ES ET D 6 nm
CHAP, II. TRUITES. 535
poisson peut se réfugier. Si lon compare les
observations faites par Linné sur le Salmo
alpinus des montagnes de la Norwége, on ne
doit pas attribuer à la congélation des lacs
dans les Pyrénées la disparition des truites,
car les lacs septentrionaux sont congelés pen-
dant autant de temps au moins que ceux des
hautes Pyrénées, et cependant ils sont con-
stamment remplis de poissons. Je pense que
la hauteur au-dessus du niveau de la mer fixe
le point où les truites peuvent cesser de vivre
dans les montagnes; c'est un phénomène de
la même nature que celui qui fixe l'élévation
de telle espèce végétale sur les versants alpins.
Ces hauteurs varient suivant les différentes
espèces. Si l'on se rappelle les observations
que nous avons faites sur des siluroïdes de
Cusco et surtout sur les Orestias, nous voyons
ces cyprinoïdes s'élever dans le grand lac de
Titicaca, à 4500 mètres au-dessus de la mer,
sans qu'aucun des nombreux salmonoïdes, de
la tribu des Characins, qui abondent dans
| tre une espèce particulière de petit
saumon des eaux douces de Cayenne. La
nature a donc reproduit les formes de nos
truites dans ces contrées, sans donner à aucune
334% LIVRE XXII SALMONOÏDES.
espèce l'habitude instinctive de s'élever dans
les montagnes. J'ai dit qu'en général les truites
du mont Genis, des hautes Pyrénées, celles
même que l'on peut observer sur le sommet
des chaines moins élevées de l'Allemagne ou
de la France, restent en général dans des di-
mensions plus petites. Cette petitesse indivi-
duelle est un signe caractéristique de plusieurs
espèces de mollusques alpins. Que l'on com-
pare l'Æelix arbustorum pris sur les hautes
cimes des Alpes avec ceux qui vivent dans
nos plaines, on sera frappé de voir que les
premiers sont constamment moitié plus petits
que les seconds. On peut observer ces exem-
plaires dans la collection du Jardin des plan-
tes, et jai réuni dans le même but d'obser-
vation des Ombrettes, Jelix putris, et quel-
ques autres espèces encore. J'en ai rassemblé
de nombreux individus recueillis dans les con-
trées septentrionales de l'Europe, et je trouve,
à mesure que nous avancons vers le pôle, une
décroissance analogue à celle que nous obser-
vons quand nous les recueillons sur les mon-
tagnes. L’Æelix arbustorum, rapporté d’Ar-
changel, a les mêmes proportions que ceux
rapportés du Saint-Gothard.
La truite est une des espèces de poisson
dont on peut observer le plus fréquemment
CHAP. II. TRUITES. 532
des individus monstrueux. Une des déforma-
tions les plus communes rappelle tout à fait
celle que j'ai décrite avec détail sur la carpe.
M. Yarrell a figuré une de ces déviations
dans la vignette de son Histoire du Sa/no
fario. Le Muséum en possède deux exem-
plaires, et tous deux sont adultes. Lun a
plus de huit pouces de longueur. Il est diffi-
cile de concevoir comment cet individu pou-
vait vivre, car les intermaxillaires sont repliés
sous le palais, de manière que les dents tou-
ent à celle d'en haut. La mâchoire inférieure
passe . en entier toute la supérieure 3 elle
“he touche : à aucune partie de la mandibule
opposée; je ne comprends comment les dents
pouvaient retenir la proie.
On rencontre aussi très-souvent, mais sur-
tout dans les produits des œufs fécondés arui-
ficiellement, des monstruosités par réunion,
de manière à former des truites à deux têtes
sur un corps formé comme à l'ordinaire; d’au-
tres ont le ventre commun et paraissent comme
leux,truites, ordinaires placées l'une auprès
ss À en a Vu qui avaient deux corps
_ distincts sur une queue commune. Ces mon-
struosités sont du même ordre, ou, comme
la dit M. Geoffroy Saint-Hilaire, du même
genre que celles décrites par ce savant dans
les mammifères. |
336 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Il faut remarquer que ces monstres ne vi-
vent pas au delà de six semaines, c'est-à-dire
LL 7 . e Là
qu'ils cessent d'exister quand ils ont absorbé
le vitellus rentré dans l'intérieur de l'abdomen
après leur éclosion.
Avant de terminer l'histoire naturelle des
Truites d'Europe, 1l me reste à ajouter quel-
ques mots sur un travail fort important, pu-
plié par MM. Acassiz et Vost. Je veux parler
blié par MM. Apgassiz et Vost. Je veux parl
de Panatomie' et de l'embryologie? des sal-
monoïdes. Les recherches, qui avaient pour.
pour objet le développement du fœtus, ont
été faites sur la Palée (Coregonus Palæa, Cuw.).
Le travail anatomique est le résultat des ob-
servations sur les Truites, Les Corégones et les
Thymales. IL est facile de voir, en ce qui con-
cerne les premiers de ces poissons, que les
auteurs ont disséqué ordinairement le Salar
Ausonit, Val, ou leur Salmo fario. Ils se
sont aidés de la grande Forelle du lac (Fario
Lemanus, Val), quand ils avaient besoin
1. Agassiz et Vogt, Anat. des salmones; Extr. du HL.® vol. de
la Société des sciences naturelles ; Neufchatel, 1845, in-4.°, avec
15 planches in-fol.
2. Histoire naturelle des poissons d’eau douce de l'Europe cen-
trale, Embryologie, par Vogt; Neufchatel, 1842, in-8.°, avec
7 planches double in-fol.
CHAP. TI. TRUITES. 337
d'exemplaires plus commodes, à cause de leur
taille. Les naturalistes qui voudront compléter
ce que nous avons fait sur l'anatomie géné-
rale des poissons, dans le premier volume
du présent ouvrage, où nous avons pris la
perche (perca fluviatilis) pour terme de com-
paraison, devront étudier le Mémoire des deux
savants de Neufchatel. Ce beau traité prendra
place à côté des éminents tr#vaux de M. Jean
Muller, sur des poissons de familles très-di-
verses. Mais, en ce qui concerne l'histoire des
truites, je suis obligé de faire remarquer que
les deux collaborateurs n'ont pas toujours
distingué zoologiquement les deux poissons
qu'ils ont disséqués. Ils ne pouvaient pas le
faire à l'époque où ils ont écrit. D'ailleurs,
une détermination zoologique très- précise
n'était pas nécessaire entre deux espèces si
voisines, que l'anatomie de l'une peut très-
bien compléter celle de l'autre. C'est ce qui
ma engagé à ne pas faire paraître une dis-
sertation critique sur un aussi beau travail.
Elle naurait porté que sur quelques noms
spécifiques quelquefois mal appliqués.
Il faut que j'ajoute, pour dire toute la
vérité, que je n’ai pas pu déterminer, pour
tous les cas, lequel des deux poissons, du
Salar Ausonit ou du F'ario Lemanus, a servi
D'1. 293
338 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
à l'observation. Cette minutieuse distinction
est inutile dans un travail excellent pour l'ana-
tomie comparée, mais qui na pas été entre-
pris sous le point de vue zoologique. J'ai cru
devoir présenter ces observations pour n'être
pas accusé d'avoir oublié un travail où jai,
puisé beaucoup pour mon instruction.
La TRUITE FÉROCE.
(Salar ferox , Jardine.)
Je crois qu'il faut considérer comme d’une
espèce distincte une assez grande Truite bien
caractérisée comme espèce du genre par son
double rang de dents vomériennes, et qui
est remarquable
par la grandeur de sa gueule; par ses larges inter-
maxillaires; par la grosseur et la courbure des
branches de sa mâchoire inférieure. On pourrait
l'appeler une Truite bécardée. Je lui trouve aussi
une adipeuse beaucoup plus longue et beaucoup
plus grande que celles d'aucune de nos Truites.
Le Cabinet du Roi en a recu des eaux du
Foretz quatre exemplaires : un de cinq pouces,
un autre de dix et deux autres longs de dix-
neuf pouces. Ce qui me fait croire que j'ai
sous les yeux une espèce distincte, c'est qu'en
CHAP. IN. TRUITES. 339
comparant l'individu de cinq pouces à ceux
de Truites de même grandeur, je trouve la
gueule de ce petit plus grande, les maxillaires
plus longs, de sorte qu'ils ne rentrent dans
aucune des formes de nos petites Truites
communes. La couleur de nos poissons est
un vert rembruni devenant grisâtre sous le
ventre. Tout le corps est couvert de taches
ou de points noirs; il ny avait pas de taches
rouges. Îls ressemblent parfaitement à la figure
publiée par sir William Jardine, sous le nom
de Salmo ferox ou de grande Truite des
jacs du comté de Sutherland, dans les lochs
du Laygthal. Je ne crois pas me tromper
en disant que cette espèce de Truite est à la
Truite commune ce que le Bécard est au
Saumon.
Je ne doute pas quil ne faille rapporter à
cette espèce un exemplaire long de dix-sept
pouces, qui à cté rapporté d'Islande par M.
Gaimard. Les taches de la joue, c'est-à-dire
celles qui couvrent le maxillaire, le préo-
percule, l'opercule et le sous-opercule, sont
de gros points noirs et ronds, beaucoup plus
nettement limités que les taches des autres
individus.
340 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
La TRUITE ÉLÉGANTE.
(Salar spectabilis, nob.)
Son Altesse Impériale la grande-duchesse
Hélène de Russie a donné au Cabinet du
Roi une très-jolie espèce de Truite, que l'on
prendrait facilement pour un Saumon, si l'on
n’en examinait la dentition. Sa double rangée
de dents vomériennes la différencie suflisam-
ment comme genre et comme espèce de ce
poisson.
Elle se distingue de toutes nos Truites par son
corps fusiforme, plus régulièrement elliptique. Sa
tête est environ du cinquième de la longueur 10-
tale. Sa gueule est médiocrement fendue, un peu
moins que le uers de la longueur de la tête. Le mu-
seau est pointu. Les deux mâchoires sont égales,
Le préopercule est régulièrement arrondi. L’œil est
petit. Son diamètre est six fois et demi dans la
longueur de la tête. Les nageoires sont petites. Les
écailles sont plus apparentes, ou, si l’on aime mieux,
moins perdues dans la mucosité de la peau. Il y en
a cent trente rangées le long des flancs. La couleur
est un bleu d'acier sur le dos, s’éclaircissant en
argenté sur les flancs. Le dessous du ventre et de
la gorge est blanc mat. Les côtés et la joue sont
parsemés de taches noires. Le plus grand des trois
exemplaires du Cabinet est long de seize pouces.
Cest probablement l'une des espèces dé-
CHAP. IL. TRUITES. SA1
crites par Pallas; mais quelle qu'ait été l’assi-
duité de mes recherches, je n'ai pu la retrou-
ver dans ses nombreuses descriptions.
La TRUITE DE (GAIMARD.
_(Salar Gaimardi, nob.)
Nous avons recu d'Islande une autre Truite
assez semblable par sa forme générale, par
l'ensemble de ses couleurs et par son aspect
brillant à l'espèce précédente;
mais son museau me parait plus arrondi, Son œil,
un peu plus grand, est plus rapproché de l'extré-
mité, et sa dorsale et son anale sont un peu plus
longues; car elles ont trois rayons de plus.
B. 115 D. 1; A! 12: C. 28; P. 145 Vi 9.
Les écailles sont, au contraire, un peu plus
peutes que celles du Saumon, et se rapprochent de
celles de l’espèce précédente.
Les couleurs sont plombées, avec des taches
noires plus ou moins nombreuses sur l’opercule,
sur la dorsale, sur la caudale et sur le corps.
Nos individus ont quinze pouces; ils fai-
saient partie des collections recueillies à bord
de 4 Recherche par M. Gaimard.
Cest l'espèce dont jai donné une figure
dans le Voyage en Islande et au Groenland,
planche 15, figure A, sous le nom de Salmo
342 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
trulta. Elle ressemble assez, en effet, par sa
taille et par ses taches, au poisson que l’on
désignait alors sous ce nom, pour que l'on
me pardonne d'avoir commis cette erreur et
cette confusion.
Je pense que le Salmo Lepechini de Gme-
lin est très-voisin de cette espèce. Je ferai
cependant observer qu’il existe dans le cabinet
de Berlin, sous ce même nom de Salmo Le-
peclunt,
une Truite à taches brunes au-dessus de la ligne
Jatérale, à ventre blanc, sans taches ; la tête courte;
les dents peutes, et sur lequel j'ai aussi compté les
nombres :
D. 11; A. 11; C. 19; P. 43; V. 9.
L'individu a onze pouces de long. Il ne me
parait pas être de l'espèce figurée par Lepe-
chini et inscrite sous ce nom dans le Systema
naîuræ.
La TruITE DE BAILLON.
(Salar Bailloni, nob.)
Je me suis procuré au marché d'Abbeville
une Truite pêchée dans la Somme, que je
prenais à l'extérieur pour un jeune Saumon,
mais le pêcheur qui me la vendait n'assurait
que c'était un poisson tout différent, et quils
CHAP. I. TRUITES. 543
ne deviendrait jamais un Saumon. Aujour-
d'hui que les caractères de la dentition vien-
nent asseoir mon jugement, je reconnais l'exac-
titude des observations empiriques de cet
homme habitué à observer les poissons vivants.
L'espèce que je décris
a la tête comprise quatre fois et demie dans la lon-
gueur totale. Le front large; les deux mächoires
égales; le museau assez pointu; les dents fines et
serrées sur les deux mâchoires, les palatins et sur
le vomer, celles-ci, sur deux rangées, sont beau-
coup plus petites qu'aucune de celles de nos Truites
communes. Le dos, plombé, à reflets violacés et
couvert de taches, assez grosses, empourprées. On
voit de petites taches brunes sur la dorsale. Les
pectorales et l’anale sont jaunâtres. La ventrale est
blanche. La caudale, un peu fourchue, est grise,
sans aucune tache. Tout le poisson est argenté.
Be 9:2DN13:"A010;"C. 25"; P712 V9.
Cette espèce a aussi un caractère remarquable;
car je ne trouve que neuf rayons à la membrane
branchiostège.
Elle doit être rare, car M. Baillon, qui
connait si bien les poissons de la Somme,
croit n'en avoir vu que deux ou trois indi-
vidus. L’exemplaire du Cabinet du Roi est
long de treize pouces et demi.
J'ai dédié cette espèce à mon ami M. Bail-
lon, qui a rendu tant de services à lIchthyo-
344 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
logie. Ce poisson me parait venir des contrées
septentrionales et descendre des mers du Nord
vers nos côtes en compagnie des autres Sau-
mons, Car jai retrouvé deux exemplaires de
cette espèce, tous deux reconnaissables non-
seulement par leur forme générale, mais par
le caractère positif des neuf rayons de la
membrane branchiostège dans les poissons
rapportés de Norwége par M. Noël de la
Morinière.
Ce zélé ichthyologiste avait observé beau-
coup de Truites dans ses différents voyages
en Écosse. Je crois qu'il faut rapporter à cette
espèce plusieurs des observations quil a trans-
mises à M. de Lacépède, mais le défaut de
précision dans les diagnoses empêchent de
fixer la synonymie de ces espèces.
La TRUITE DE SCHIEFERMULLER,
(Salar Schiefermulleri, nob.)
Le Cabinet du Roi a recu de Vienne, par
les soins de M. Fitzinger, une Truite que l’on
confondrait très-facilement avec nos Truites
de mer, sans le caractère de la dentition. Ce
poisson ressemble assez à l'espèce précédente.
Il parait cependant avoir la tête un peu plus
courte; la caudale plus fourchue; et il s'en distingue
CHAP. III. TRUITES. 345
par un caractère plus facile à retrouver. Il a douze
rayons à la membrane branchiostège. Les dents
sont fines comme dans l'espèce précédente. La cou-
leur, plombée sur le dos, blanche sur le ventre,
et à reflets argentés, est semée de taches noires
nombreuses sur le dos, sur les flancs et sur la dor-
sale, Les nageoires inférieures sont un peu grises.
La caudale est noirûtre.
B: F2} DAT APM ON 28 SP EP: V0" 0:
L'individu est long de dix pouces. Comme
il vient du Danube, il y a tout lieu de penser
que nous possédons l'espèce dédiée par Bloch
à abbé Schiefermüller, qui le lui avait en-
voyc.
La TRUITE DE ScoOULER.
(Salar Scouleri, nob.; Salmo Scouleri, Richards.)
Après ces espèces que j'ai vues et qui sont
toutes décrites d'après nature, je puis encore
placer avec quelque certitude les trois espèces
suivantes, qui ont été décrites et suffisamment
caractérisées dans l'excellent travail du doc-
teur Richardson. La première espèce est celle
qu'il a dédiée au docteur Scouler.
C'est un poisson
qui a le profil très-arqué entre la nuque et la dor-
sale, et le corps atténué vers la caudale. La tête est
convexe entre les yeux, creuse au-devant des narines,
soutenue vers l'extrémité du museau, qui est crochu
546 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
, parce que les intermaxillaires sont longs, arqués et
disposés de manière à avoir une très-grande ressem-
blance avec notre $a/mo hamatus. Les maxillaires
sont étroits, allongés. La mâchoire inférieure est un
peu redressée vers l'extrémité; elle est élargie et
armée à cet endroit de très-fortes dents. Les dents
vomériennes sont implantées sur un double rang.
Il n’y en a point au chevron du vomer. Les os de
l'opercule sont fortement striés, et, en général, tous
les os de la tête ont une structure fibreuse. La caudale
est échancrée. L'adipeuse est assez grande et reculée
jusqu’au troisième avant-dernier rayon de l'anale.
B. 12 — 13; D. 440; A: 173 P. 46; V. 11.
Les écailles sont très-peutes. Il ÿ en a cent soixante-
dix le long de la ligne latérale.
M. Richardson croit que ce poisson du
grand fleuve de Columbia a été décrit par
Lewis et Clarke, sous le nom de Saumon
commun où de Read-Charr ou de Salmon-
Trout. Cest une espèce qui remonte de la
mer dans les rivières de la côte nord-ouest
de l'Amérique. La chair est tantôt orange et
tantôt blanche. Les naturels estiment beau-
coup les ovaires séchés au soleil, et ils les
gardent longtemps. Les œufs sont de la taille
d’un petit pois, presque transparents, d'un
jaune rougeûtre. L’individu que Richardson
a décrit et figuré a été pris à Observatory
[nlet, au mois d'août, sur la côte nord-ouest
CHAP. III. TRUITES. 347
de l'Amérique. Ce poisson fréquente ce bras
de mer par myriades; ils sont en si grand
nombre qu'une pierre ne saurait toucher le
fond sans frapper plusieurs individus, dont
abondance surpasse tout ce que l'imagination
peut concevoir. Le cours d'un petit ruisseau
où le poisson se pressait en remontant pour
frayer, en était tellement rempli, que dans
l'espace de deux heures ils en prirent plus
de soixante avec une pique du bord. Le doc-
teur Scouler pense, d'après les recherches que
mon ami Richardson Jui a engagé de faire,
que ce poisson doit avoir la plus grande aff-
nité avec le Gorbuscha du Kamtschatka; mais
je dois faire observer qu'il est très-dificile de
déterminer lespèce décrite dans la Zoologie
arctique de Pennant, parce que les notes que
jai recueillies, soit sur les poissons originaux
de Pallas, soit sur les dessins faits par M. Mer-
tens pendant la grande expédition russe de
l'amiral Eutke, prouvent que ce nom russe
est donné à plusieurs Saumons qui ressem-
blent autant au Bécard que celui-ci. On peut
lire dans l'ouvrage de Richardson les procédés
singuliers que les naturels emploient pour la
préparation des œufs. Il a extrait ces docu-
ments des notes du journal de Mackensie.
ous ces observateurs s'accordent à dire que
548 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
la chair de ces poissons est excellente et tout
à fait d'aussi bonne qualité que celle de nos
Saumons d'Europe.
La Teuire NamaAccusx
(Salar Namagcush, nob.; Salmo Namagcush,
Pennant)
Est une grande et magnifique espèce de
Truite, qui égale et surpasse même la taille
du Saumon commun. Le Namagcush vit dans
tous les grands lacs entre les États-Unis et
l'Océan arctique, mais le docteur Richardson
croit pouvoir aflirmer quil ne peut exister
dans aucune eau saumâtre. Suivant le rapport
des pêcheurs du lac Huron, son poids moyen
est de dix-sept livres, mais ils en prennent
quelquefois des individus pesant jusqu'à soi-
xante livres, et Mitchill a établi quil était
bien reconnu à Michilimackinac, que ce pois-
son atteignait le poids énorme de 120 livres.
Ce Namagcush ressemble au Saumon ordinaire.
Les mâchoires sont très-fortes. Il y a un double
rang de dents vomériennes. Richardson les a comp-
tées. Je répète ce caractère générique pour bien
établir que la taille, pas plus que la forme du mu-
seau dans l'espèce précédente, ne peuvent nous
servir de guide pour déterminer les poissons de la
famille des Salmones. On ne peut se fier qu’à l'examen
CHAP. IIL TRUITES. 549
des dents. La forme de la mâchoire inférieure avec
son grand crochet prouve que la tête de ce poisson,
comme celle de lespèce précédente, ressemble plu-
tôt sous ce rapport, à notre $. hamatus qu'à toute
autre espèce. Les écailles sont peutes, flexibles.
POESIE D. TE 0: AS MAS CNE "P.'14 : V9:
La couleur est un verdâtre cendré, plus ou moins
foncé, avec des taches d’un gris jaunâtre. Le ventre
est blanc, à reflets bleuîtres.
Telle est l'espèce qui sort à certaines sai-
sons du lac Huron pour frayer. La chair res-
semble à celle des autres Saumons. Mitchill
l'a décrite sous le nom de Salmo amethystus,
et cette dénomination a été acceptée par les
naturalistes américains, qui ont eu le tort de
laisser de côté le nom de la Zoologie arctique
de Pennant. M. Dekay en a donné une excel-
lente figure ; il dit que ce poisson a été observé
jusqu'au 68. degré de latitude boréale.
Je crois devoir rapporter à cette espèce le
dessin d'un Saumon fait au Kamtschatka par
M. Mertens et qui est intitulé Toklezz; il
me paraît probable que c'en serait une espèce
très-voisine, si elle n’est pas la même, comme
je le crois. Le poisson était peint en plombé
verdatre, blanc sous le ventre et tout couvert
sur le dos et les flancs de petites taches ron-
des, serrées et fauves.
350 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Ici je termine l'examen des Saumons et des
Truites que j'ai pu déterminer, soit par des
descriptions faites sur nature, soit en extrayant
des auteurs que j'ai consultés, les caractères qui
me permettaient de rapporter ces espèces à
l'un des trois genres que je viens d'établir.
Mais je dois dire quil en reste encore un
assez grand nombre mentionnées dans Pallas;
j'ai le regret d'être réduit à les indiquer seule-
ment, à cause de l'incertitude que ce grand
naturaliste a laissée dans des descriptions faites
pour satisfaire aux besoins de l'histoire natu-
relle de son époque. Comme ses espèces sont
décrites dans un ouvrage rare, je vais en
rapporter ici, d'une manière très-abrégée, les
principaux traits des caractères mentionnés
par Pallas.
Afin d'éviter toute confusion, je les dési-
gnerai par le nom linnéen que Pallas a donné
à ces poissons, et je ne les désignerai en fran-
çais que par le nom de la tribu des Saumons,
dans la grande famille des Salmonoïdes. Le
nom de Salmone aura à peu près la même”
valeur que dans l'ichthyologie de Lacépède.n
CHAP, IT. TRUITES. 3551
Le SALMONE BATARD
(Salmo spurius, Pallas')
a le corps tacheté de brun. La queue presque carrée.
Le museau est prolongé. Chaque mâchoire est cro-
chue; la supérieure est obtuse; l'inférieure est plus
aiguë.
C'est, suivant Pallas, le Loch ou Lochowina
des Russes. Il le croit le Sa/mo eriox de
Linné ou le Grey de Willughby. Ce pourrait
être une espèce voisine de notre Sz/mo ha-
matus, si elle en est différente. Les pêcheurs
sur les différents fleuves de la Russie les dis-
tinguent très-bien du Saumon ordigaire. Ils
croient qu'ils remontent le Terek avant cette
espèce.
Le SALMONE BARS
(Salmo labrazx, Pallas?)
serait une espèce à corps argenté et sans tache, à
museau conique, à mächoires égales, La dorsale est
seule chargée de points noirs.
Pallas se demande si ce n’est pas le Szlmo
albus de Pennant. On prend cette espèce à
Sévastopol et sur les autres points de la mer
4. Faun. rosso-asiat., 11, p. 343.
2. Loc. cit., A, p. 846.
552 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Noire. C'est un délicieux poisson à chair rouge.
! 8
Pallas lui a donné le nom de Salmo labrax,
qui rappelle la couleur argentée de notre Bars.
Le SALMONE TRUITÉ
(Salmo trutta de Pallas')
est une espèce du littoral de la Crimée qui
n'a jamais été observée dans les eaux de la
Russie ni de la Sibérie. Malgré la synonymie
que Pallas a donnée à cette espèce, je crois
ce poisson voisin des Truites de nos ruisseaux
et par conséquent du genre Salar.
Le corps est couvert de points noirs ei rouges
subocellés. La dorsale est poinullée de noir. La mà-
choire supérieure est plus longue que l'inférieure.
NÉ
Il ya des dents au palais et dans un sillon sous le
vomer ; mais comme 1l ne dit pas si celte rangée est
simple ou double, il est difficile de rien préciser
de plus.
J'ai trouvé dans le Cabinet de Berlin une
assez grande espèce de Truite, considérée
comme le Salmo trutta de Pallas. Le dessin
que jen ai fait et la courte description que*
jen ai prise, ne s'accordent point avec celle
du Fauna rosso-asiatica.
1. Loc. cit., AIT, p. 347.
Ta ARS
CHAP. III. TRUITES. 3h35
Ce poisson brun a le dos et le ventre semé de
nombreux points plus foncés. Voici les nombres
que j'ai comptés sur cet individu :
D2122,A.15; C. 2552418; NV. 10.
Il portait le n° 89 dans les collections de
l'Université. Comme je n'ai pas décrit les
dents vomériennes, je ne puis en parler avec
lus de précision.
P P 1
Le SALMONE FARION.
(Salmo fario, Pallas.')
Je lis dans le même ouvrage la description
d'un Salmo fario
qui aurait le corps ponctué de noir et de rouge.
Le museau conique et les deux mâchoires Dar
La dorsale ponctuée de rouge.
Après en avoir donné une longue synony-
mie dans les différents dialectes de l'empire
de Russie, Pallas dit que ce poisson vit dans
tous les petits ruisseaux à fond pierreux et
olaiseux, qui descendent des montagnes de la
Russie, du Caucase, de presque toute l'Asie
centrale, et même dans les torrents des îles
Aleutiennes. Mais il observe que ce poisson
manque aux eaux de la Sibérie, comme la
4. Loc. cit., TL, p. 348.
2 1. 2x
JAI
'
554 LIVRE XXIT. SALMONOÏDES.
Brême et l'Écrevisse. Il est très-possible que
ce soit en effet la Truite commune.
Le SALMONE FLUVIATILE.
(Salmo fluviatilis , Pallas.')
Pallas a décrit sous ce nom une grande et
belle espèce qui appartient très-probablement
à notre genre Fario. Il l'avait citée dans ses
voyages sous le nom de Salmo Taymen, et
u u A 1
cest d'après ce document qu'elle a paru dans
Gmelin et dans M. de Lacépède.
Ce poisson, long de deux pieds, et du poids
d'environ six livres, a la tête longue, conique,
épaisse, La bouche grande; les mächoires presque
égales. Le corps épais; le dos arrondi; le ventre
saillant; le corps tacheté de noir. L’anale et la cau-
dale sont rouges. Le dos est rembruni; le ventre
est blanc; les côtés sont argentés.
La description des dents jette de l'incerti-
tude sur le genre auquel peut appartenir cette
espèce, mais elle montre quil ne s’agit pas ici
d'un Saumon, tel que nous les caractérisons.
J'ai trouvé dans le Musée de Berlin deux
exemplaires de Saumon ou de Truite ainsi
nommés : l’une, sous le n.° 84, a de nom-
1. Loc. cit., IL, p. 359.
CHAP. III. TRUITES. 355
breuses taches sur tout le corps, l'autre est
indiqué comme une variété sans taches. En
comparant les deux dessins que j'en ai faits,
je crois que ces deux poissons sont d'espèces
différentes et quil faut les distinguer de celui
que Pallas a décrit. Les maxillaires du premier
et la troncature du museau me semblent ra-
mener ce poisson vers le genre des Thymales,
tandis que le second est certainement une
Truite.
Le Salmo fluviatilis abonde dans tous les
fleuves des contrées transourales, qui se dé-
chargent dans FObi, l'Irtish et Ténisei, la Léna
et leurs affluents. Espèce essentiellement d’eau
douce, elle ne paraît pas remonter de la mer
dans les eaux où on la prend. Elle atteint une
taille considérable, car les individus varient
ordinairement entre vingt et trente livres de
poids, et on en a vu qui atteignaient jusqu'à
quatre-vingts livres. Elle entre dans les nôm-
breux affluents des fleuves que nous venons
de citer, mais on ne la trouve point au delà
de la Léna, ni vers l'Océan oriental; on ne
la trouve pas non plus au Kamischatka. La
chair, qui est molle et malsaine pendant l'été,
prend des qualités opposées pendant l'hiver.
356 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Le SALMONE ORIENTAL.
(Salmo orientalis, Pallas.)
J'ai vu à Berlin plusieurs exemplaires con-
servés en peau de cette espèce de Saumon.
Il a le corps plus large et plus trapu que le
Saumon ordinaire, Les mâchoires un peu courbées.
Pallas dit qu'elles sont presque égales; la supérieure
m'a cependant paru un peu plus longue. Le profil
du dos et du ventre est assez convexe. La couleur
argentée, d’un bleuâtre rembruni sur le dos, devient
blanche sur le ventre.
Ce poisson, rapporté par Merk, passe de
l'Océan oriental dans les fleuves qui sy ver-
sent. On le prend en abondance au Kamt-
schatka à la fin de juin.
M. Mertens en a rapporté un dessin fait
au Kamtschatka d'après une femelle. Il a écrit.
T'schewitscka pour nom kamtschadale, ce qui
se rapporte assez bien à ceux indiqués par
Pallas. Son beau dessin était peint des cou-
leurs suivantes:
Le fond, cendré bleuâtre, était plus foncé vers lew
dos; les flancs et le ventre, plus päles, prenaient
une teinte rosée. De nombreux traits noirs, en crois-
sant, forment des taches au-dessus de la ligne laté-\
1. Loc. ci,, ME, p. 861. 5
CHAP, III. TRUITES. 357
rale. Le bord antérieur des nageoires paires, ainsi
que celui de l’anale, est rosé.
M. Mertens observe que les mâles ont les
“opercules un peu plus longs que les femelles,
Le SALMONE LYcAODONTE
(Salmo Lycaodon, Pallas!')
est une autre espèce qui remonte de la mer
d'Okotsk et du Kamtschatka au mois de mai,
qui a trois rangs de dents sur le palais, et qui aurait
tantôt les mâchoires droites et pointues, mais chez
lesquels les mächoires se courberaient en un crochet
remarquable.
Le poisson, de couleur argentée très-pure,
me paraît sous beaucoup de rapports ressem-
bler au Salmno Scouler: de Richardson.
Les Russes du Kamischatka lappellent Xras-
naja ryba, ce qui, d'après Pallas, veut dire
poisson rouge. Je trouve une figure de ce
poisson sous ce même nom dans les dessins
faits au Kamtschatka par M. Mertens. Il est en
effet d'un rouge carmin assez brillant. La tête,
les pectorales et le bord de la caudale sont
bleuâtres ou verdâtres. M. Mertens dit quil
l'a dessiné au temps de l'amour.
4. Loc. ait., II, p. 370.
358 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
Le SALMONE TÊTE DE LIÈVRE
(Salmo Lagocephalus , Pallas')
est une autre espèce de la mer orientale,
à corps argenté, à museau obtus, qui remonte dans
les eaux du Kamtschatka après le #, lycacdon et
le S. ortentalis. Lorsqu'ils arrivent de la mer ils
brillent d’un bel éclat d'argent; mais les côtés sem-"
blent tachés de sang après l'agitation que leur cause”
le séjour de l’eau douce.
Cette espèce a été observée par Steller.
M. Mertens l'a également vue et en a fait
un dessin que l'on peut facilement rapporter
à la description de Pallas, à cause de la gros-
seur de son museau, formé par des mächoôires"
armées de fortes dents, ce naturaliste l'a in-«
üitulée Chourka.
Le SALMONE POURPRÉ
(Salmo purpuratus ; Pallas?) :
est une petite truite d’un pied et demi, à tête assez
en suite un peu carenée. Les yeux sont grands. Les“
dents petites et serrées sur le bord des mâchoires
4. Loc. cit., II, p. 372.
2. Loc. ct., UL, p. 314.
CHAP. II. TRUITES. 329
Le corps, tacheté de brunâtre, a une bande rouge
le long des côtés. La dorsale est bleuûtre; l’anale
rougeâtre; l’une et l'autre variée de taches brunes.
Il y en a aussi sur ladipeuse, qui est olivâtre.
C'est encore une espèce observée par Steller,
et qui remonte du golfe de Penschiné dans les
fleuves qui s'y versent. Elle est très-vorace,
très-grasse ; sa chair est blanche; c'est une des
meilleures truites de ces contrées. Elle se
nourrit non-seulement d'œufs de poissons,
de petits poissons, de phryganes, de potamo-
getons, mais encore des rats qui traversent le
fleuve dans leurs migrations. Lorsqu'elle aper-
coit des branches du sorbier nain pendantes
sous le poids de leurs baies rouges, elle s’élance,
par de grands sauts, hors de l'eau et en saisit
les fruits. Aussi, au contraire des autres Sal-
monoiïdes, elle ne maigrit pas par suite des
pertes de la ponte, mais elle reste grasse et
bien nourrie.
J'ai trouvé dans le Cabinet de Berlin deux
peaux desséchées, étiquetées toutes deux par
Pallas Salino purpuratus; Vune sous le n.° 82
et l'autre sous le n.° 83. Elles n'appartiennent
pas à la même espèce; car le poisson du n.° 82
a la tête beaucoup plus courte que celui du
n.” 83. Le premier a la bouche moins fendue
que l'autre ; il est couvert de taches au-dessus
360 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
de la ligne latérale, mais le ventre est blanc.
Le n.° 83 a de nombreuses taches noires étoi-
lées répandues sur tout le corps, au-dessous
comme au-dessus de la ligne latérale. Je laisse
aux Zoologistes, qui étudieront ces poissons,
le soin d'établir par ces remarques les deux
espèces.
J'en trouve aussi un dessin fait par M. Mer-
tens, reconnaissable à la belle bande cramoisie
des flancs et à l'ensemble de ses formes. Le
nom kamtschadale que Pallas a écrit Mykk,
est changé sur le dessin du compagnon de
Lutkee en celui de Mykysha. Dans le Fauna
rosso-asiaticæ On à transcrit Mykyss.
Le SALMONE PROTÉE
(Salmo Proteus, Pallas'}
L
est un Saumon qui, au sortir de la mer, res-
semble à nos Truites ou au $. ercox de cet
auteur,
ayant tantôt le museau conique et les mâchoires à
peine courbées, mais aussi prenant, après quelques
jours, des formes toutes différentes; car les mà-
choires se recourbent en crochets opposés et s’allon-
sent plus que dans aucung autre espèce de Saumon.
Les dents se développent et croissent en même
1. Loc. ait., UI, p. 376.
j
Ÿ
j
)
}
4
CHAP. III. TRUITES. 361
temps; tandis qu'à la mer, le Saumon paraissait n’en
avoir que de simples germes. En même temps le
dos, principalement cliez les mäles, se courbe en
une bosse très-élevée, qui augmente dans l’eau
douce jusqu’à la mort de l'animal. La couleur qui
brillit dans la mer d’un éclat d'argent, commence
à devenir, à l'entrée dans l’eau douce, livide, passe
ensuite à des teintes de rouille, et change encore,
comme si le poisson, devenu malade, était sali par
du sang épanché.
Au moment où il entre dans l'eau douce
ce Saumon est très-gras, de très-bon goût et
très-agile. Le séjour dans les fleuves lui fait
perdre toutes ces qualités. La description de
Pallas prouve que cette espèce est une de ces
Truites à mâchoire recourbée, probablement
voisine du $. Scoulert. Pour en fixer la place,
il faudrait que Pallas eût décrit les dents du
vomer. Ce poisson remonte dans les fleuves
de la Sibérie et du Kamitschatka de la mer
d'Okotsk en même temps que les S. collaris
et $. Zagocephalus. Environ à la mi-juillet, ils
arrivent en troupes si nombreuses qu'ils sou-
lèvent dans le fleuve un véritable reflux, et
on peut les prendre à la main. Le séjour dans
l'eau douce, allonge la mâchoire à ce point
quils ne peuvent plus fermer la bouche ni
prendre de nourriture. Aussi, après avoir sa-
tisfait aux conditions du frai, ces poissons
362 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
périssent tous dans les fleuves au mois d'août,
jonchant les fonds et les rives de leurs ca-
davres qui, seuls retournent à la mer: aucun
individu n’y rentre vivant. Les Russes des rives
de l'Océan oriental l’'appellent Gorbucha que
Pallas traduit par Gibberulus. Cette espèce a
été mentionnée par Van Couver; j'en ai re-
trouvé de très-jolis dessins qui m'ont été com-
muniqués par M. Mertens au retour de son
expédition.
Le SALMONE SANGUINOLENT
(Salmo sanguinolentus , Pallas!)
est une espèce que Pallas a proposée, mais
avec quelque doute d’après les renseignements
de Steller. Il entre dans les fleuves vers le
milieu d'août.
Sa couleur est alors blanche et brille de l'argent le
mieux poli; mais, après un séjour de six à sept
semaines dans le fleuve ou dans les lacs, ils sont
tout à fait amaigris, et leurs côtés deviennent rouges.
Pallas en indique plusieurs variétés. Cette espèce
est encore une de celles à mâchoire supérieure,
allongée et crochue, à pectorales bleuâtres, à dor-
sale brune, à dos verdâtre et à flancs rougeûtres.
Je crois l'espèce de Steller bonne à con-
4. Loc. cit., UX, p. 319.
CHAP. III. TRUITES. 363
server, et je crois en avoir retrouvé une figure
dans les dessins de M. Mertens.
Le SALMONE JAPON.
(Salmo Japonensis, Pallas.i)
Pallas a indiqué sous ce nom une espèce
qui ne me paraît pas suflisamment bien dé-
terminée. C'est encore une de celles dont je
recommande lexamen aux naturalistes qui
voudront entreprendre ce travail. Pallas dit
de son Saumon qu'il
a le corps argenté et sans tache; la mâchoire infé-
rieure plus longue; la tête courte pour une Truite
saumonée; les yeux près du museau. Il a le dos
brun ; il est argenté au-dessous de la ligne latérale.
Voici les nombres que j'ai comptés à Berlin :
D. 18; A. 18; C. 493 P. 19; V. 40.
Ce poisson remonte de FOcéan oriental
dans le fleuve Amour.
J'ai vu à Berlin les deux exemplaires rap-
portés des îles Couriles par Merk; l'un, sous
le n.° 76, me paraît correspondre parfaitement
à la description de Pallas, mais l'autre, n.° 75,
également nommé Sa/mo japonensis sur l'éu-
quette mise par la main de Pallas, comme
1. Loc. at., MI, p. 382.
364 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
M. Rudolphi me la appris, est d'une espèce
différente, distincte par ses petites écailles,
par sa bouche plus fendue , par sa mâchoire
supérieure plus longue, redressée, crochue,
comme celle d'un $. Scouleri ou d’un Gor-
bucha.
Je crois enfin pouvoir placer à la suite de
cette longue énumération de Salmones, des
ae que je ne connais qu'imparfaitement
ar les dessins du savant zoologiste, compa-
onon de l'amiral Lutkee. Ce on des in-
Danube pour les naturalistes que la baie
porte vers les iles aleutiennes et le cercle
du Kamtschatka.
Le SALMONE TAPDISMA.
(Salmo Tapdisma, nob.)
J'ai trouvé, dans les dessins de M. Mertens,
un Salmonoïde du Kamitschatka, très-voisin
de ces espèces.
Il a Ja tête courte; l'œil très-peuit; la mâchoire
supérieure un peu plus longue que l'inférieure; le
dos relevé en bosse; le dessus verdàtre, avec les w
flancs et le ventre argentés, et les nageoires brunes.
Ce poisson vient du Kamitschatka.
"4
CHAP. IL TRUITES. 365
Le SALMONE ARABATSCH.
(Salmo Arabatsch, nob.)
a les mêmes formes que le précédent; mais le mu-
seau est beaucoup moins gros. La couleur est cen-
drée, devenant noirâtre sur le dos et plus blanche
sous le ventre.
M. Mertens dit que quelques pêcheurs
kamtschadales le prenaient pour une variété
du Xrasnaja ryba. U faudrait de grandes alté-
rations dans les formes pour quil en fût ainsi.
Le SALMONE NUMMIFÈRE.
Salmo nummifer, nob.)
/
Nous avons vu que le nom russe de Âras-
naja ryba sappliquait à plusieurs espèces
assez différentes les unes des autres. J'en dis
autant du nom de Kunsha; car j'ai sous les
yeux deux dessins de M. Mertens qui portent
ce nom, et qui représentent des poissons cer-
tainement différents des espèces précédentes.
Celui-ci a la bouche très-peu fendue. La mâchoire
inférieure plus longue que la supérieure ; les dents
petites et égales; le dos est vert noirâtre; les flancs
gris, à reflets roussâtres ; le ventre blanc, teinté de
rougetre, Des taches, rondes et blanches, ou rous-
satres, très-serrées, d'inégales grandeurs, couvrent
366 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
tout le corps. Le bord de la caudale est vert assez
foncé. L’adipeuse est rougeâtre. Les autres nageoires
sont grises ou verdâtres. La dorsale est un peu
rougetre. Les nombres sont :
DU'T2: ATV: /C0 280 P 980 VE 0)
Cette jolie espèce rappelle à certains égards
notre Salmo fontinalis. M. Mertens l'a donnée
comme un poisson du Kamtschatka.
Le SALMONE MÉLAMPTÈRE.
(Salmo melampterus, nob.)
J'ai encore trouvé, dans les dessins de cet
infatigable naturaliste, la figure d’un autre
saumon que jappelle Salmo melampterus,
parce que ses deux nageoires, sa pectorale et sa
caudale, sont noïirâtres; que les ventrales et l’anale
sont grises, plus ou moins foncées. Le bleu violet
très-foncé du dos s’éclaircit sur les flancs pour se
fondre dans le blanc argenté du ventre. Le dessin
représente des mâchoires égales, non crochues ; une
tête courte; l'œil de médiocre grandeur.
L'espèce vient du Kamtschatka.
Le SALMONE AU BEC ROUGE.
(Salmo erythrorynchos , nob.)
Je n'ai pas osé placer à la suite de notre
Salmo alpinus cette espèce, qui y prendra
CHAP. IT. TRUITES. 367
probablement place lorsqu'elle sera mieux
connue.
C’est un Saumon à peute tête; à bouche peu fendue,
qui est vert sur le dos, rouge sous le ventre. Tout
le corps est semé de points fauves. Les deux dor-
sales et la caudale sont noirâtres, sans aucune tache.
La pectorale, la ventrale et l’anale ont leur premier
rayon blanc et les autres rouges. Le bout du mu-
seau est également peint en rouge.
On voit que cette espèce doit être très-
voisine de notre Salmo alpinus si elle en est
différente. Le dessin, fait au Kamitschatka,
porte pour dénomination en langue de ces
peuples, Kamenoilgoletz.
y
368 LIVRE XXII. SALMONOIDES.
CHAPITRE IV.
Du genre Épertan (Osmerus, Cuv.)
La dentition caractérise trés-bien le genre
des Éperlans. Les dents intermaxillaires sont
petites et crochues; celles des maxillaires sont
beaucoup plus petites; celles du vomer sont
grosses, coniques et si avancées, qu'on les
croirait implantées sur les mâchoires. Il y en
a une rangée sur :e bord externe du palaun
et une autre sur le bord interne du ptéry-
goïdien : on en voit aussi de grosses sur la
langue. Du reste, ces poissons ressemblent aux
autres Salmonoïdes par leur petite adipeuse;
les ventrales répondent au bord antérieur de
la première dorsale; les ouïes sont largement
fendues; les parois de la vessie natatoire sont
minces et argentées : cet organe communique
avec le haut de l'œsophage. Les Éperlans res-
semblent donc, dans leur constitution géné-"
rale, à nos truites; ils vivent, comme elles ,:
dans la mer ou à l'embouchure des fleuves.“
L'espèce, que l'on peut appeler marine, ne
remonte pas au delà de l'endroit où arrivent
les plus fortes marées. On connaituneseconde,
plus petite, qui se tient dans les grands lacs
d'où elle passe dans les rivières.
CHAP. IV. ÉPERLANS. 369
Nous désignons ce genre par la dénomina-
tion employée par Artedi; elle vient d'éoueens,
odorant. Ainsi caractérisé, ce genre ne com-
prend plus les mêmes espèces que cet auteur
y avait réunies; en effet, il la composé de
notre Éperlan et du Saurus.
Notre Éperlan a été asse/ mal représenté
dans Rondelet', qui le reconnaît très-bien
pour une espèce vivant à l'embouchure des
fleuves tributaires de l'Océan, très-commune
à Rouen et à Anvers. Cet auteur croit que
le nom d'Éperlan vient de la couleur argentée
et brillante, qui rappelle celle des perles.
La figure de Belon est sensiblement meil-
leure que celle de Rondelet; la description
qu'il en donne, prouve que cette espèce était
bien mieux connue d’un ichthyologiste né en
Normandie. Il le distingue d’ailleurs très-bien,
sous le nom d'Éperlan de mer de l'Éperlan
de Seine, appelé aussi par les Rouennais
elle; c'est le Leuciscus punctatus.
Gesner, qui na point copié les figures de
l'Éperlan de mer de Belon ou de Rondelet,
ne donne que celle de l'Able que je viens
de désigner.
Schænevelde a latinisé le nom de la Basse-
4. Rond., De pisc. fluv., p. 196, ch. 21.
PA 24
370 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
Allemagne en l'appelant Spirinchus, il a imité
ce que Rondelet avait fait du mot éperlan.
Willughby ‘ a donné une description assez
exacte de ce poisson, qui lui était fort connu,
à cause de son abondance dans les eaux de
la Tamise.
Linné qui avait adopté, dans le Fauna
suecica le genre Osmerus, a confondu l'es-
pèce dans son genre Salmo, lorsqu'il rédigea
la dixième édition du Systema naturæ, mais
en laissant subsister, comme une division,
le nom d'Osmerus, et en rangeant auprès
l'un de Fautre l'Éperlan et le Saurus. Il n’y
changea rien dans la douzième édition, qui
fut copiée sous ce rapport dans la treizième. .
M. de Lacépède reprit le genre Osmère, en
le composant des deux espèces d'Artedi, en
y ajoutant trois autres saurus quil trouvait
dans Linné, dans Bloch ou dans les peintures
de Plumier, et en y plaçant aussi le Sa/mo
falcatus de Bloch, qui est un Hydrocyon.
Le genre primitif d'Artedi, déjà mal com-
posé, fut donc gâté plutôt que corrigé,
jusqu'à ce que M. Cuvier l'ait réduit dès la
première édition du Règne animal à la seule
espèce qui pouvait alors former un genre na-
4. Will, p. 202.
ER ETRE
CHAP. IV. ÉPERLANS. 371
turel; ce qui n'a pas empêché MM. Nilsson et
Faber d'associer dans un même genre l'Éper-
lan et le Salmo arcticus ou le Capelan.
Depuis la publication du Règne animal, les
naturalistes ont découvert d'autres espèces que
nous allons successivement décrire.
L'ÉPERLAN DE LA SEINE.
(Osmerus eperlanus , Cuv.)
Cette espèce, qui abonde sur les marchés
de Paris et de Rouen, et qui est surtout cé-
lèbre dans cette dernière ville, est un pois-
son qui remonte de la mer dans les rivières.
On la trouve assez abondamment dans toute
la mer du Nord ou à l'embouchure des fleuves
qui viennent y verser leurs eaux. Je crois de-
voir la distinguer du petit Éperlan que jai
observé dans les grands lacs de la Prusse.
L'éperlan
a le dos et le ventre arrondis et les flancs un peu
comprimés. La hauteur mesure un peu moins que
le sixième de la longueur totale. La longueur de la
tête est comprise quatre fois et trois quarts dans la
longueur totale. Le dessus de la tête est large et
arrondi. La mâchoire inférieure dépasse la supé-
rieure; ses branches sont larges et arquées, et elles
contribuent à rendre l'extrémité du museau grosse
et obtuse. L'œil est de grandeur moyenne ; son dia-
372 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
mètre est un peu plus court que le sixième de Îa
1
Jongueur de la tête; 1l est éloigné du bout du mu-
seau de deux fois la longueur du diamètre ; l’inter-
valle qui sépare les deux yeux est aussi long, le
cercle de l'orbite n’entame pas la ligne du profil. Les
deux ouvertures de la narine ne sont séparées l’une
de l’autre que par la simple épaisseur de la mem-
brane qui leur sert de cloison; elles sont au milieu
de la distance entre l'extrémité de Ja mâchoire su-
périeure et le bord de l'œil. Les deux intermaxil-
laires sont courts, étroits; l'angle externe atteint un
peu au delà du maxillaire, lequel se prolonge de
chaque côté de la branche; son extrémité ne dépasse
pas le bord postérieur de l'orbite. Ces deux os por-
tent des dents crochues sur un seul rang, les dents
maxillaires sont excessivement petites; le vomer est
très-court, assez large; 1l a à son extrémité deux ou
quatre grosses dents coniques, implantées tout près «
des intermaxillaires. Comme le corps du vomer est.
très-court et que l'os est un peu mobile au-dessous
de l’ethmoïde cartilagineux, on pourrait aisément «
S ,
prendre ces grosses dents, comme appartenant aux
intermaxillaires. La plus grande partie de l'axe du
palais est soutenue par les corps du sphénoïde qui.
est remarquablement allongé et dilaté dans ce pois-
son. La largeur du palais est encore accrue par la
dilatation des ptérygoïdens qui recouvrent une parte
des palatins. Ces deux os sont cependant comme à
l'ordinaire très-disunets ; ils portent chacun une ran-.
gée de dents coniques beaucoup plus grosses que M
celles des mâchoires, maïs plus petites que les vomé-"
ANS to RE
C2
RSS ET RE
CHAP. IV. ÉPERLANS. 373
riennes. Les dents palatines sont implantées sur le
bord externe de l'os et les ptérygoïdiennes sur le
bord interne. Les dents de la mâchoire inférieure
sont plus grandes auprès de la commissure que vers
la symphyse. On en voit manifestement deux ran-
gées dont l’extérieure est formée de plus petites. La
langue porte des dents sur plusieurs rangs dans toute
sa longueur; les trois ou quatre qui sont à l’extré-
milé dépassent de beaucoup les autres. Les osselets
sous-orbitaires sont peus, étroits et cependant un
peu caverneux. Le préopercule a son angle arrondi,
l’opercule est trapézoïde, le sousopercule en demi-
arc, l'interopercule remonte assez haut entre les deux
premiers os nommés de l'appareil operculaire, Les
ouies sont très-largement fendues. 1 n’y a pas de
branchie supplémentaire au dedans de l’opercule. Les
râtelures des branchies sont assez grandes. Il y a
huit rayons à la membrane branchiostège. Les pec-
torales sont pointues, les ventrales insérées sous Île
commencement de la dorsale. Celle-ci est assez poin-
tue. L’adipeuse est petite ; l’'anale est trapézoïdale, la
caudale est fourchue.
BB DAS 16%" CG; '25: "V8 ME
Les écailles sont d’une excessive minceur, cadu-
ques. On en compte environ soixante le long des
côtés,
Ce poisson légèrement teinté de verdâtre sur le
dos, brille du plus bel éclat d'argent poli. 1 y a un
peu de noirâtre à l'extrémité de la dorsale et au bord
de la caudale. Le péritoine est non moins brillant
que l'extérieur du corps au-dessous de la vessie na-
37 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
tatoire, mais tout le repli qui tapisse les reins est
noirâtre par la quanuté de points pigmentaires qui
y sont serrés.
À l'ouverture de l'abdomen on voit le foie situé
derrière le diaphragme et occupant un peu moins
du quart de la longueur de la cavité abdominale.
Le lobe gauche est beaucoup plus grand que le
droit, qui n’est en quelque sorte qu'un petit appen-
dice court et obtus de celui-ci. La couleur est d’un
rouge très-päle. La vésicule du fiel est peute. L'es-
tomac et les intestins sont recouverts par des épi-
ploons graisseux, très-épais. La branche montante de
l'estomac revient à g gauche sous le foie; le pylore
est étroit; j'ai compté six appendices ps cour-
tes et Et Les ovaires sont petits, la vessie nata-
toire est grande, à parois peu épaisses ; elle commu-
nique avec l’œsophage par un canal court, ainsi que
cela a lieu dans les saumons.
Le squelette de l'Éperlan ressemble à plusieurs
égards à celui des saumons. Ainsi les frontaux sont
séparés sur lc devant et laissent entre eux un petit
trou oblong. Il y a sur les côtés du crâne deux grands
trous mastoïidiens. Les surscapulaires sont grèles et
arqués, et s'unissent aux scapulaires sous l'angle su-
périeur de l’opercule. Je compte soixante vertèbres
à la colonne épinière, trente-cinq premières sont ab-
dominales; elles portent des côtes gréles et nom-
breuses. Celles-ci ont au-dessus d’elles des arêtes
transversales, grêles, courtes, qui s’attachent sur la
base de l'apophyse épineuse de chaque vertèbre.
Nous avons des éperlans de dix pouces de
CHAP. IV. ÉPERLANS. 3735
long. Les individus de cette taille sont cepen-
dant rares; ordinairement ils ont six à sept
pouces; on en vend aussi de plus petits. Outre
les exemplaires que l'on pêche en si grande
abondance à l'embouchure de la Seine, nous
en avons encore dans le Cabinet du Roi qui
viennent de l'embouchure de la Somme. Nous
en possédons encore de grands individus qui
ont été rapportés du Cap Nord par Noël de
la Morinière. Ces exemplaires sont importants
à étudier, parce qu'ils nous font connaitre
avec certitude l'espèce d'Artedi. Je rapporte
encore à ce poisson les éperlans qui ont été
envoyés de Pétersbourg à M. Cuvier par S.
A. L la grande duchesse Hélène de Russie.
Ceux-là auront le mérite de nous fixer sur le
Salmo eperlanus de Pallas.
On pêche l’éperlan en abondance dans la
Seine vers son embouchure ; il remonte ce
fleuve jusqu'aux environs de Rouen. On en
prend quelquefois du côté de Pont-de-l'Arche;
mais la pêche la plus abondante se fait à Vil-
lequier, non-seulement pour le vendre, mais
parce que les pêcheurs regardent ce poisson
comme l'un des meilleurs appâts pour la pêche
de l'anguille. Après l'homme, l'ennemi le plus
redoutable de l'éperlan, est laiguillat ou le
chien de mer (squalus acanthias). Quand ce
376 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
squale s'établit à l'embouchure de la rivière, ®
il y cause de grands ravages. L'éperlan est”
aussi très-commun, non-seulement dans la
Tamise, mais dans plusieurs autres rivières,
d'Angleterre. Ainsi, on le trouve dans le Mer-"
sey, et presque dans toutes les rivières d'É-W
cosse. [1 remonte deux fois par an la Tamise,!
en mars et en août. Au printemps il s'élève
volontiers jusqu'à Richmond; à la seconde“
époque il ne dépasse guère Blackwall ou
Greenwich. Pendant l'hiver on pêche l'éper-
lan dans le Tay, où l'eau est moins salée qu'à
Dundee. On les prend dans des guideaux,
de la même manière qu'à l'embouchure de
la Seine. Le flot les y pousse avec la marée, :
et on va retirer les éperlans du filet à chaque :
basse-mer. Les pêcheurs d'Erskine, comté de
Renfrew, en prennent aussi dans le Clyde,
et ceux d'Alloa dans le Forth. On trouve aussi
dans le Dee, à Birth, où il est connu sous
les deux noms, de Sterling et de Doubreck.
À Londres, et dans presque toute l'Angleterre
on l'appelle Smelt. On pêche aussi léperlan
en Livonie, dans le Stint-see, lac auquel le
poisson a vraisemblablement donné son nom.
On le prend aussi en abondance près de
Bernau.
Je crois qu'il faut rapporter à l'espèce dont
CHAP. IV. ÉPERLANS. 377
nous nous occupons les figures de Rondelet
et de Gesner; celles de Duhamel’; car la
srosseur des dents de l'individu, n° 2, ainsi
que la forme de la dorsale, me fait croire que
ce naturaliste n’a observé que des animaux
de même espèce, mais de taille différente.
Bloch avait désigné notre espèce sous le nom
de Salmo Eperlanus marinus, et il Ya figurée,
PEU2G ne à
On trouve dans le Fauna suecica? que les
pêcheurs suédois distinguent l'espèce décrite
dans cet article sous le nom de S/om.
L'Éperlan ne me paraît pas se porter plus
au nord; car je ne le vois pas cité dans l'Histoire
des poissons d'Islande, ni dans les Faunes du
Groenland. M. Nilsson® donne les deux es-
pèces comme simples variétés l'une de l'autre,
malgré les distinctions qu'en font les pê-
cheurs suédois. Il dit qu'on le trouve prin-
cipalement dans la Suède centrale, mais ja-
mais en Scanie. Notre Osmère est aussi décrit
avec beaucoup de détail dans les Poissons du
Môrkô de M. Crepling; cet auteur ne croit
pas non plus à la distinction de nos deux es-
pèces. Müller a aussi cité ce poisson dans le
1. Dub., Tr. des pêches, part. II, $. 11, pl. 4.
2. Pag- 116 ,n" 811.
8.Prodr.whtiscand., p: 12, 0.° 2.
378 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Fauna suecica. Cest, suivant lui, le Smelt
des Danois; mais le Lodde des Norwégiens,
qui distinguent encore, comme les Suédois,
la grande espèce de la petite par un nom par:
üculier. Ils appellent celle que nous traitons
Quarre, Gern-Lodde, où Slomme.
On concoit que l'Iperlan, si commun dans
les eaux de l'Angleterre, ait été cité par les
successeurs de Ray ou de Willughby. On
le trouve dans Pennant, qui ajoute au nom
anglais de Synelt celui de Spirling, usité dans
le pays de Galles et dans le nord de l'Angle-
terre, et qui dérive de la dénomination fran-
caise de ce poisson. Donovan' peut être cité
comme l'auteur qui ait donné la meilleure
figure connue de ce poisson. Je le vois aussi
dans Turton, Jenyns et Fleming; celui-ci a
réduit à cette seule espèce son genre Osmerus.
M. Yarrell® a aussi représenté notre Éperlan.
Pallas a aussi décrit l'Éperlan, qui est très-
commun dans la Néwa; mais il croit avoir re.
trouvé la même espèce dans la mer d'Okotsk
et du Kamtschatka où, à cause de son odeur,
on dédaigne le poisson : la plupart du temps
on le donne à manger aux animaux carnas-
1. Donovan, Brit. fish., pl. 48.
2. Yarrell, Brit. fish., p. 75.
CHAP. IV. ÉPERLANS. 379
siers domestiques. Il ne croit pas qu'on l'ait
trouvé dans les autres fleuves de la Sibérie,
excepté peut-être dans l'Oby. Ge naturaliste
en donne une synonymie vulgaire fort éten-
due. Le nom russe Xorrucha, paraît corrompu
de Kurva, il est tiré de l'odeur du poisson.
Je renvoie à la Faune russe pour tous les
autres noms vulgaires peu connus.
M. Noël de la Morinière * a publié une His-
toire naturelle. de l'Éperlan dont nous allons
extraire les observations suivantes :
L'Éperlan, comme nous venons de le dire,
habite plus particulièrement les eaux sau-
matres, puisque nous ne le voyons plus re-
monter dans les rivières au delà des lieux où
la marée se fait encore sentir. On croit même
quil y est poussé avec la mer; car dans les
grandes marées de l’'équinoxe on prend dans
la Seine des éperlans un peu plus haut que
dans les marées ordinaires. Pennant* observe
que dans la Mersay l’éperlan ne remonte
jamais qu'après l'écoulement des eaux prove-
nant de la fonte des neiges. Il paraît que ces
poissons remontent à la file, et que leurs ra-
deaux n'occupent jamais une grande largeur.
1. Noël, Hist. nat. de l'Éperlan de la Seine inférieure.
2. Pennant, Zoo!. brit., WI, p. 314.
580 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
Les pècheurs des bords de la Seine, à Oissel,
254
a TRE
à Freneuse, croient que la largeur de la co-#
lonne est si petite, qu'en quelques endroits
elle n'est que de quatre à cinq pieds. Aussi,
quand ils sont assez heureux pour placer uné
de leurs nasses sur le trajet de la colonne, les
poissons s’y amoncèlent de manière à la rem-
plir tout entière. Il arrive souvent qu'il y a au-
tour de celte nasse une vingtaine d'autres filets
de même forme dans lesquels il n'est pas entré
un seul poisson. Quelques pêcheurs préten-
dent que l'étroitesse de ces bandes dépend
de la division de grandes troupes qui senga-
gent dans les RTE dont le lit de la qui se
trouve souvent creusé par suite de l'inégalité #
des falaises de craie sur lesquelles coule ce
fleuve. Les pêcheurs croient aussi que léper- M
lan, à son entrée dans la Seine, n'a pas la
qualité ni la grosseur qu'il acquiert lorsqu'il M
a demeuré longtemps dans l'eau douce. Il ya
une grande différence entre l'éperlan pris au
Hoc ou à Berville, et celui qu'on pêche dans
les environs de Caudebec ou de Jumiège. Dem
grandes troupes de ces poissons paraissent faire
leur résidence sur les bancs de Quillebœuf et
de Tancarville, très-probablement à cause de
la nature saumâtre de ces eaux. Dans léqui-
noxe du printemps ces troupes se divisent par
4
1
re EE Se
Fe
ee
TE ts LES
CHAP. IV. ÉPERLANS. 581
bandes, dont la montée se fait en une di-
zaine de jours. Une seconde montée à lieu à
l'équinoxe d'automne. A Duclair on regarde
l'éperlan de la seconde montaison comme
plus gros que ceux de la première; mais les
pêcheurs d'Orival ou de Cléon disent le con-
traire. On croit que l'éperlan dépose ses œufs
au fond de Peau dans le creux des rochers,
sortes de petits réservoirs où l'eau est tran-
quille. Un certain nombre de ces points con-
nas des pêcheurs de la Seine, s'appelle le
grand passage. À l'époque du frai, l'éperlan
exhale une très-forte odeur, souvent insup-
portable à un grand nombre de personnes,
et que les uns comparent à l'odeur du thym,
d’autres à celle de la violette, d'autres encore
à celle du fumier. Je crois cette odeur très-
remarquable propre à tous les individus de
l'espèce; car il me semble que les petits ont
autant d’odeur que les grands. Il paraît qu’en
‘cosse les éperlans se rassemblent en bandes
plus nombreuses que dans la Seine; car les
pêcheurs de la Mersay, du Tay, du Lamon,
et d'autres rivières encore, disent que leur
apparition donne une teinte grise aux eaux de
la rivière. Shyrley ! rapporte, dans son Traité
4, Shyrl., angl. Mus., p. 106. Hawkins Compt. angl., p. 186.
382 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
des pêches, qu'au mois d'août de l'année 1720,
il en entra une si grande quantité dans la Fa-
mise, que les femmes et les enfants, au nom-
bre de plus de deux mille, en péchèrent pen-
dant plusieurs jours un nombre incroyable,
depuis Londonbridge jusqu'à Greenwich. On
a conservé aussi le souvenir de pêches ex-
traordinaires aux embouchures de la Vistule,
de l'Elbe, de l'Ems, de l'Escaut; elles se sont
renouvelées quelquefois aux embouchures de
la Seine, sur les fonds de Freneuse, de Du-
clair ou de la Mailleraie ; le produit de la
pêche était tel qu'on vendait les éperlans par
charretées. Il est souvent arrivé de prendre
jusqu'à vingt mille de ces poissons avec vingt
brasses de seine.
J'out en citant ces mouvements extraordi-
naires des éperlans, il ne faut pas croire quil
n'y ait pas des individus sédentaires dans les
eaux de la Seine ; au contraire, à quelque
époque qu'on y pêche, on y trouve toujours
de ces poissons, tantôt pleins, tantôt vides,
d’autres commençant à développer leur rogue.
On peut donc assurer, que ces grands ra-
deaux ou lits d’éperlans, sont toujours com-
posés de poissons fonciers mélés aux individus
de remonte. Quand le jeune frai est assez fort
pour venir sessayer à la surface de l’eau, on
CHAP. IV. ÉPERLANS. 383
le remarque facilement à la couleur lésère-
ment brunâtre de sa caudale. Les hommes
qui, vers la fin du printemps, sont obligés
d'entrer dans l'eau jusqu'à la ceinture pour
l'exécution de certains travaux, assurent qu'ils
sentent très-souvent leurs jambes chätouillées
par les myriades d'éperlans qui passent au-
tour de leurs membres, et ils remarquent que
de grands individus ne sont jamais mêlés à ces
petits, ce qui leur fait croire que les individus
adultes sont déjà redescendus vers la mer.
La couleur des éperlans varie suivant les
fonds. Noël de la Morinière a déjà indiqué
ces variétés de couleur dans son petit Fraité
sur l'Éperlan. Les pécheurs distinguent l'Éper-
Jan blanc et le vert. On pêche des blancs à
Villequier, et plus bas, vers la mer, au Hoc
ou à Berville on prend des verts. La chair de
ceux-ci est maigre et de mauvais goût; cepen-
dant, l'Éperlan vert du Pont-de-l'Arche est
d'une excellente qualité.
Dans la basse Seine la pêche de l'éperlan
se fait avec des filets sédentaires ou avec des
filets mobiles, tels que la seine , le tramail,
etc. Les bas parcs employés sur quelques
points, tel qu'à l'embouchure de l'Orne, ne
sont pas plus destinés à retenir l'éperlan que
. beaucoup d'autres poissons. On prend rare-
384 LIVRE XXIL SALMONOIDES.
ment l'éperlan à la ligne. La pêche est, dit-or
meilleure par les vents doux d'est ou sud-ouest,
que par ceux de la partie nord; cela doit tenir
surtout à ce que ces derniers agitent beau-
coup trop fortement la surface de l'eau. Les
pêcheurs de Tancarville préfèrent pêcher pen-
dant la nuit, et ils aiment, en général, ce
quils appellent une eau blonde, c'est-à-dire
une eau légèrement troublée ; cependant, à
mesure que l'on remonte dans la Seine, on
voit donner la préférence aux eaux claires.
On regarde, comme le meilieur éperlan,
celui qui se prend depuis Caudebec jusqu'au
Pont-de-l'Arche, et on assure que le poisson
de ces eaux est préférable à ceux de même es-
pèce qui habitent la Loire, l'Escaut ou l'Orne.
C'est à ce titre que, sur nos marchés, on dit
éperlan de Caudebec, de la même manière
qu'on dit hareng de Fécamp, ou truite des
Andelys, etc ,
La pêche de ce poisson a été de tout temps
une source de richesses pour Caudebec; aussi
cette ville porte trois éperlans dans l'écusson
de ses armes, comme Enkhuysen, dans la
Nord-Hollande, a trois harengs dans le sien,
et Anstruther, en Ecosse, un saumon. Il faut
cependant remarquer que l'espèce est consi-
dérablement diminuée sur ces points, surtout :
L
CHAP. IV. ÉPERLANS. 58)
“depuis Fétablissement des nombreuses fabri-
ques de toute espèce qui, versant leurs eaux
dans le fleuve, nuisent au frai. Les guideaux
- sédentaires établis dans la basse Seine, nuisent
aussi, suivant Noël de la Morinière, au déve-
loppement du jeune poisson qui vient périr
dans ces filets, où chaque marée l’entraïne au
flux comme au reflux. L’oubli des règlements
les a tellement multipliés, que l'embouchure
du fleuve en est comme obstruée.
On consomme chez nous l'éperlan frais;
mais dans quelques points de l'Angleterre et
de l'Allemagne on a essayé de le saler et de le
sécher. Il ne parait pas que ces essais aient
réussis.
L'ÉPERLAN AUX PETITES DENTS.
(Osmerus microdon , nob.)
Nous avons recu du Musée de Bergen
une très-johe espèce d'Éperlan, que la peti-
tesse de ses dents fait distinguer à la première
vue de la précédente.
Elle ne parait pas même en avoir de grandes sur
la langue. J'en vois cependant une rangée de très-
petites sur les palatines et les ptérygoïdiens, de sorte
qu'il ne peut y avoir de doute sur le genre dans
lequel il faut faire entrer ce poisson. Il se disungue
21. 25
386 LIVRE XXIL SALMONOÏDES.
aussi du précédent par son œil beaucoup plus grand,
car ce diamètre mesure le üers de la longueur de
la tête. Celle-ci est comprise quatre fois et demne
dans la longueur totale. La mâchoire inférieure dé-
passe un peu la supérieure. Le maxillaire finit sous
le milieu de l'œil. Le dessus du crâne est étroit et
le profil est concave. Les ventrales correspondent à
la dorsale, l’anale est basse et longue. La caudale
est fourchue.
D°,15% "45 485 "°C /25% "F0 LR UNS
Les écailles sont petites. La couleur est un ar-
genté très-brillant devenant verdätre sur le dos.
Je ne possède qu'un seul exemplaire de
cette espèce. L'individu, long de six pouces,
a été envoyé au Cabinet du Roi par M.
Lôwen.
Je ne vois pas que cette espèce ait été dé-
crite par les ichthyologistes; cependant il ne
me parait pas impossible d'admettre que ce
serait elle qui aurait été signalée à Pennant'
par Daines Barrington, qui la distingue de
l'éperlan commun par la petitesse des dents; il
ajoute même qu'il ny en a pas à la mâchoire
inférieure.
1. Daines Barrington apud Pennant ; rit. Zool., 1169, vol. 3,
p. 266.
CHAP. IV. ÉPERLANS. 387
L'ÉPERLAN DES LACS.
(Osmerus spirinchus, Pallas.)
J'ai rapporté du lac de Harlem, en 1824,
un petit éperlan que jai retrouvé en très-
grande abondance dans le lac de Tegel, lors-
que javais le bonheur d'habiter dans la fa-
mille de Humboldt.
Ce peut poisson me parait avoir le corps un peu
plus court et les nageoires plus hautes que l'Éper-
lan ordinaire. Il a l'œil plus grand et plus rappro-
ché du bout du museau. Le cercle de l'orbite entame
la ligne du profil, et il n’y a qu’un diamètre entre
l'œil et l'extrémité de la mâchoire inférieure. Les
dents des mâchoires sont beaucoup plus peutes,
celles de la langue sont longues et fortes.
2:95 AMM6-6.25:P.14:V:8:
Les écailles sont de grandeur moyenne. Le pois-
son est de couleur argentée et semé de nombreux
petits points noirs. J'ai vu des centaines d'individus
de cette espèce. Les plus grands avaient trois pouces
et denn de long.
Il me parait évident que c'est là le poisson
dont Bloch a donné une figure, planche 58,
figure 1, et qu'il a rapporté à l'Osmerus eper-
lanus d'Artedi. Cest lui que les Suédois dé-
signent sous le nom de ÂVors, et que les Nor-
4. Linné, Fauna suecica, L. c.
388 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
wésiens , suivant Müller’ appellent Arokle,
Sild-Lodde, ou en ajoutant encore d'autres
épithètes à cette dernière dénomination. MM.
Nilsson et Crepling l'ont confondu avec l'es-
pèce précédente. Pallas Fa aussi observé dans
les lacs et les fleuves de la Russie, de l'Ingrie
et de la Livonie. On les apporte en quantité
à Moscou du lac Blanc de la Russie centrale,
appelé Bjlosero. Le lac Paypus, en Livonie,
en fournit abondamment. Ce célèbre zoolo-
giste dit que cette espèce abonde aussi dans
les fleuves du Kamtschatka, où on la prend
avec des sacs au moment de la rupture des
glaces , tant est grand le nombre des indivi-
dus. Pallas observe, avec beaucoup de raison,
que cette espèce a été confondue avec Île
Salmo eperlanus par tous les ichthyologistes,
sans en excepter Linné et Artedi.
2
L'EPEerLAN DE NEew-YorKx.
L"
(Osmerus viridescens, Lesueur.)
Cette espèce se distingue
par un museau plus pointu, un corps plus long et »
plus grèle, et par les dents de l'intérieur de la bou- #
che plus longues et plus fortes. La hauteur est en
effet près de neuf fois dans la longueur. La tête est
4. Muller, Fauna dan., L. c.
CHAP. IV. ÉPÉRLANS. 389
comprise cinq fois et demie dans la longueur totale.
L'œil est éloigné du bout du museau d’une fois et
demie son diamètre, qui est compris cinq fois dans
la longueur de la tête.
D;:ALS A:16:,P/1225 408.
Il est verdàtre sur le dos, argenté sur le reste
du corps.
Nous en avons recu un grand nombre
d'exemplaires du marché de New-York par
les soins de M. Milbert; mais l'espèce se
porte beaucoup plus haut vers le Nord; car
M. Lapylaie parait lavoir dessinée à Terre-
Neuve. j
Mitchill l'a confondue avec l'Éperlan d'Eu-
rope sous le nom de Salmo eperlanus ou de
Smelt ; mais on conçoit que M. Lesueur, né
au Haävre, par conséquent à l'embouchure de
la Seine, ait facilement distingué à la première
vue, un poisson quil connaissait depuis l'en-
fance.
La couleur verte et olivätre de cette espèce
a frappé ce naturaliste, qui l'a décrite et figu-
rée dans Le Journal de l'Académie des sciences
de Philadelphie” sous le nom d'Osmerus vi-
ridescens.
M. Dekay* a aussi compté ce poisson dans
1. Lesueur, Journ. acad. sc. Phil, vol. I, p. 230.
2. Dekay, New-York Fauna, four. 3, p. 243, pl. 39, fig. 124.
390 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
sa Faune de New-York, où il en a publié une
description détaillée et une très-élégante fi-
gure. Îl dit que ce poisson leur vient du Nord
en novembre et en décembre, et quil est si
abondant dans les eaux saumätres, qu'on le
vend à la mesure sur les marchés. On le trouve
aussi dans les petits cours d’eau de Long-Is-
land, de Hackensack et de Passau, deux ri-
vières du New-Jersey. Cet auteur vHéetie déjà
qu'il remonte tout le long de la côte, depuis
l'embouchure de l'Hudson jusqu’à la côte du
Labrador. J'ai établi, dans la description de
l'espèce les raisons qui me la font distinguer de
notre Éperlan. M. Richardson, s'en rapportant
aux notes écrites dans le Règne animal de M.
Cuvier, a cru que l’on ne devait pas conserver
l'espèce nommée par M. Lesueur, de sorte qu'il
a donné, dans sa Faune de l'Amérique boréale, .
une très-bonne description de notre espèce
sous le nom de Szlmo eperlanus. M. Richard-
son en a recu plusieurs dessins; mais il ne
paraît pas avoir trouvé le poisson.
CHAP. V. LODDES. 39
CHAPITRE V.
Du genre Lonne (Mallotus).
Le genre des Loddes, établi par M. Cu-
vier, a fixé la place d’un poisson qui avait
été rangé alternativement par ses prédéces-
seurs dans les Clupées ou les Saumons. Les
caractères de ce genre consistent dans une
bouche un peu moins fendue que celle des
Éperlans, armée de très-petites dents fines et.
coniques , et sur un seul rang aux mâchoires.
Celles du palatin et du vomer sont un peu
plus nombreuses; il y en a aussi de petits sur
la langue. Il y a huit rayons aux ouïes. Les
viscères sont semblables à ceux des Truites.
Ce que l'espèce de nos mers Arctiques pré-
sente de remarquable, est la différence des
deux sexes. J'ai accepté, pour désigner ce
genre, la dénomination employée par M. Cu-
vier, quoique je regrette que cet illustre na-
turaliste n'ait pas adopté celle qui ect usitée
par nos pêcheurs de morue et qui n'est appli-
quée qu'à ce poisson. Tous les Terreneuviers,
en effet, connaïssent le Capelan; c'est pour eux
l'objet d'une pêche active, parce qu'il est un
des meilleurs appats pour la morue, et en
général pour les grands gades.
392 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Le nom de Lodde, inscrit par M. Cuvier,
sapplique non-seulement, dans le langage de
Suède ou de Norwége au Capelan, mais aussi
à l'Éperlan. L'espèce la plus connue, et qui
est peut-être l'unique de ce genre, abonde sur
les côtes de Norwége, de Laponie, d'Islande,
du Groenland, de Terre-Neuve, et peut-être
aussi dans les mers du Kamtschatka, si, comme
le suppose M. Richardson, le S. catervarius
de Steller est le même que notre Capelan.
Cet ichthyologiste croit avoir une seconde
espèce de Mallotus de la côte nord-ouest
d'Amérique ; mais il ne rapporte ce poisson
de l'Océan pacifique qu'avec doute à ce genre,
Je’ crois quil a parfaitement raison, puisqu'il
dit positivement que le bord de la machoire
supérieure est entièrement formé par les in-
termaxillaires, qui ont un petit nombre de
soies grêles en place de dents. La mächoire
inférieure , le vomer et les palatins n’ont point
de dents, mais la langue et rude. Je crois
qu'il faudra parler de cette espèce, lorsque je
traiterai des poissons voisins des saurus.
Le LoDDE CAPELAN.
(Malottus villosus, Cuv.)
Le poisson célèbre et recherché des pé-
CHAP. V. LODDES. 393
cheurs de morues, qui abonde dans les mers
septentrionales de Terre-Neuve sous le nom
de Capelan, et à la pêche duquel de nom-
breuses embarcations sont constamment em-
ployées, afin de fournir les amorces néces-
saires pour prendre le grand gade, est un
des Salmonoïdes les plus singuliers. Il faut
d'abord remarquer que le mâle et la femelle
offrent des différences assez grandes pour
que, sans un examen attentif, on les décrive
comme d'espèces distinctes ; aussi sommes-
nous obligés d'appeler l'attention des natura-
listes sur les caractères particuliers à chacun
des sexes. Nous allons d’abord parler du male.
En voici la description détaillée
C’est un poisson à corps allongé, arrondi. La hau-
teur est comprise sept fois et quelque chose dans la
longueur totale. La plus grande épaisseur mesurée
entre les flancs surpasse un peu les deux tiers de
la hauteur. La longueur de la tête est à peu de chose
près du cinquième de la longueur totale. Elle est
étroite et comprimée vers le bas, tellement que l’é-
paisseur de l'isthme n’est guère que la moitié de
l'intervalle qui sépare les deux yeux. Cette distance
égale le diamètre de l'œil qui est lui-même contenu
quatre fois dans la longueur totale. Le sous-orbi-
taire est étroit, allongé et même presque comme
membraneux. Les autres osselets se perdent sous la
ie tau muqueuse qui recouvre toute Ja joue. L'oœil
"7
94 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
est libre, c'est-à-dire qu'il n’est pas recouvert par
une paupière adipeuse. Les deux ouvertures de la
narine sont rapprochées l’une de l'autre et plus près
de l'extrémité du museau que du cercle de lorbite.
Le préopercule est très-mince, cependant 1l est un
peu plus résistant que les autres pièces de l'appareil
operculaire. Je ne vois pas de branchie à la face in-
terne. Quant aux os, 1ls sont minces et mous com-
me de véritables membranes; ils ne résistent pas plus
que le bord membraneux de l’opercule. Les ouies
sont largement fendues; les râtelures des branchies
sont assez longues. La ceinture humérale a un peu
plus de dureté que les os de l’opercule. Les nageot-
res paires sont attachées tout à fait vers le bas; elles
sont très-grandes, arrondies et se dirigent horizon-
talement de chaque côté du corps quand les rayons
sont écartés. Les ventrales, quoique un peu plus
petites, ont à peu près la même forme, les rayons
internes sont un peu plus long que les autres; ils
sont d’ailleurs subdivisés en branches nombreuses,
tandis que ceux de la pectorale n’ont que deux gran-
des divisions principales. La dorsale est reculée au-w
- dessus des ventrales; elle est lee. trapézoïdale, puis |
au-dessus des qoces rayons de l’anale, il y a unew
nageoire adipeuse, basse et oblongue, très-mincem
Quant à l’anale, la structure de cette nageoire estm
tout à fait remarquable. Elle est attachée sur une“
sorte de pédoncule élevé garni d’écalles, le bord
en est arqué, il est assez élevé pour que la haui]
teur du tronc ou de la queue, mesurée au-dessus
de cette anale, soit un peu plus élevée que la haux
CHAP. V. LODDES. 595
teur du tronc. Quand l’anale est étalée, elle parait
longue et arquée. Les premiers rayons paraissent sim-
ples, tant ils sont peu profondément divisés et tant
la réunion des branches est grande. Ces rayons ré-
sistent sous le doigt comme de véritables épines; il
n’est cependant pas difficile de reconnaitre les arti-
culations qui les divisent. Les neuf premiers rayons
peuvent s’écarter beaucoup les uns des autres quand
ils se redressent, parce que la membrane qui les
réunit est assez large. Ils sont suivis de cinq autres
tellement réunis et serrés, que cela forme une na-
geoire sans aucune flexibilité. Le poisson ne peut
pas abaisser ou fermer son anale, ainsi que tous les
autres poissons le font de leurs nageoires. Mais les
les rayons qui suivent, quoique peu écartés les uns
des autres, sont tout à fait mous : ceux-ci sont au
nombre de neuf. La caudale a tous ses rayons mous
et flexibles; elle est fourchue.
B. 8; D. 440; À. 22; C. 273 P.19; V. 8.
Le museau de ce poisson est assez aigu ; la mà-
choire inférieure dépasse un peu la supérieure; ses
branches sont larges et un peu arrondies. Quand la
bouche est fermée les deux branches se touchent
en-dessous; elles se séparent d’ailleurs facilement
l'une de l’autre auprès de la symphyse, ce qui arrive
si fréquemment qu’on doit y faire attention pour ne
pas prendre cette disposition comme un caractère
de ces espèces de poissons. Les intermaxillaires sont
assez petits : placés à l'extrémité du museau et ils
s'étendent en une pointe courte le long du bord
inférieur du maxillaire. Cet os est libre dans pres-
396 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
que toute sa longueur; mais il s’'arucule avec les inter-
maxillaires de la même manière que dans les Éper-
lans, au lieu d’avoir une artuiculauüon semblable à
celle des truites. Les os sont minces, mais résistants.
Leurs dents sont excessivement fines, serrées et poin-
tues sur un seul rang. Je ne crois pas qu'on puisse
leur donner le nom de dents en velours. Il y a aussi
une rangée de petites dents coniques, situées en
travers sur le chevron du vomer; il y en a d’autres
un peu plus petites sur l'extrémité du palaun et une
rangée sur le bord interne du ptérygoïdien. La langue
est armée de dents un peu plus longues, coniques,
disposées sur une plaque ellipuüque qui porte en
outre une ou deux rangées longitudinales et inté-
rieures. On voit donc que la dentiion des cape-
lans offre une disposiion très-voisine de celle des
éperlans. Les écailles sont très-petites, très-molles ;
celles du dos et des flancs sont semblables, ainsi que
celles de la partie moyenne et inférieure du ventre;
mais 1l y a le long de la ligne latérale et le long d’une
carène, qui va de la pointe de la pectorale à linser-
uon de la ventrale, une suite d’écuilles oblongues,
très-molles, étroites, qui semblent à cause de la li-
berté de leur partie nue, former une espèce de villo-
sité le long de.ces deux lignes. Les écailles qui cou-
vrent le pédoncule de l'anale, sont plus grandes que
celles du tronc, et elles sont disposées sur des ban-
delettes un peu différentes. Nous avons compté deux
cents rangées transversales le long des flancs. La
couleur de certains individus est tellement rembrunie 4
au-dessus des villosités des flancs que le dos paraît |
CHAP. V. LODDES. 397
quelquefois noïrâtre, lorsqu'ils ont été longtemps
conservés dans l'alcool. Lorsqu'ils sont frais, le dos
est d’un vert cuivré, rembruni; la tête est cendrée.
Les opercules sont noirs. Au-dessous de ces villo-
sités, le corps brille d’une couche argentée éclatante
comme ce métal le mieux poli. Les nageoires paires
ont le bord foncé, le reste est verdàtre.
La femelle me paraît avoir la mâchoire inférieure
un peu plus longue. L’anale, qui est basse et courte,
a tous ses rayons semblables, grèles, mous et bran-
chus. Elle n’a point d’écailles prolongées et formant
les villosités si singulières du mäle; elle me paraît
d'ailleurs beaucoup plus petite.
Les viscères de ce poisson ressemblent en général
à ceux des autres saumons. L’estomac est un long
cul-de-sac avec une branche montante, assez épaisse;
les appendices cœcales sont très-courtes. L’intesun,
qui est assez large, se rend sans faire de repli à la
papille de l'anus. La vessie natatoire communique
avec l'œsophage; elle est simple, ses parois sont ar-
gentées. Il y a deux laitances chez le mâle, mais
l'ovaire est unique chez la femelle. Les œufs tombent
dans la cavité abdominale de la même manière que
dans nos autres salmonoïdes.
Les mâles sont beaucoup plus grands que les fe-
melles ; nous en avons qui ont plus de sept pouces
de longueur, tandis que nos femelles n’en ont géné-
ralement que six. Nous comptons soixante-huit ver-
tèbres dont quarante-trois sont abdominales.
Les côtes sont excessivement fines; chaque apo-
physe épineuse a aussi sa peute arête horizontale,
1774
398 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Les interépineux de la dorsale sont très-grèles; ceux
de l’anale sont au contraire gros et élevés; ils con-
tribuent par leur longueur à donner à cette partie
postérieure du tronc, la hauteur que nous avons
signalée dans la description extérieure. Le dessus du
crâne est lisse; 1l devient creusé de goutuères ca-
verneuses entre les yeux; il y a sur les côtes des
peus trous mastoïdiens.
Nous avons recu de nombreux exemplaires
de cette espèce par M. Despréaux, comman-
dant à Terre-Neuve en 1829. M. Peut nous
en a aussi donné plusieurs. Nous en avons un
exemplaire venant du Groenland, que M. le
professeur Reinhart a bien voulu nous envoyer.
Notre collègue, M. Alex. Brongniart, en a
rapporté des exemplaires lors de son voyage
en Norwége : enfin, M. d'Orbigny, de La Ro-
chelle, et M. Baillon, d’Abbéville, s'étaient
procurés des Capelans par les pêcheurs terre-
neuviens de ces ports, quils ont bien voulu
aussi donner à la collection du Jardin du Roi.
Cette espèce a commencé à paraître dans -
le Prodrome du Æauna danica sous le nom
de Clupea villosa. Olaüs', dans son Voyage.
en Islande, en a donné une figure sous le nom :
de daté TFrès-peu de temps après, Othon
1. Olaüs, Reise, 858 , tab. 28.
à
Fabricius jugea beaucoup mieux des aflinités M
À
CHAP. V. LODDES. 399
de cette espèce, en la décrivant dans le Fauna
groenlandica sous le nom de Salmo arcticus.
Cet habile zoologiste a soin de citer les dif-
férents voyageurs vers le cercle polaire qui
ont parlé du Capelan. Ainsi Egedde, Pontoppi-
dan, Strôm, Anderson sont mentionnés dans la
synonymie très-exacte donnée par Fabricius.
Cet auteur appelle l'attention sur les espèces
de cirrhes mous des flancs, et qui caractérisent
en général le mâle de cette espèce; mais ül
ne reconnait pas dans ces singuliers organes
une excroissance ou un prolongement des
rangées d'écailles voisines de la ligne latérale
ou cle la carène des flancs. Il observe d’ail-
leurs que l'on présente, mais très-rarement,
des mäles qui manquent de ces villosités.
Les Groenlandais les désignent sous un
nom particulier différent de celui qu'ils don-
nent au mâle velu. Ce nom, suivant Fabricius,
est Sennersulik pour le mâle, à villosités, et
Sennersuitsut pour les males lisses. Fabricius
observe encore que ce poisson, au moment
où on le tire de l'eau, a une odeur forte de
concombre, ce qui indique quelque affinité
avec l'Éperlan. Suivant ce voyageur la chair
est blanche, grasse et d’un bon goût. Il croit
que certains auteurs ont attribué à tort à ce
poisson des propriétés nuisibles : il le man-
/739
0€ \
400 LIVRE XXU. SALMONOÏDES.
geait souvent et avec plaisir pendant son
séjour au Groenland. Il a vu un marchand de
cette colonie nourrir des chèvres, et lui-
même en faisait manger à ses brebis lorsque
le foin lui manquait. Les animaux le man-
geaient avec plaisir, et ils restaient gras, et
leur chair conservait son bon goût. Cepen-
dant Pontoppidan assure que la chair de ce
bétail prend un goût huileux et désagréable.
L’exactitude de cette description faisait con-
naître ce poisson qui avait échappé à Artedi
et à Linné. Gmelin lindroduisit dans la trei-
zième édition du Systema naturæ, mais en
suivant les errements de Müller et en le pia-
cant par conséquent dans le genre des Clu-
pées. Il est probable d'ailleurs qu'il a préféré
le nom de Clupea willosa à celui de Salmo
arcticus, parce quil empruntait à Pallas, sous
cette dénomination, l'établissement d’une es-
pèce voisine des Thymales, et que le célèbre
voyageur, dans les contrées septentrionales
ou orientales de la Russie, a effecüvement
donné dans la Faune russe comme une sim-
ple variété du Salmo thymalus. Peu de temps.
après, Bloch donna une figure de ce poisson «
sous le nom de Salmo groenlandicus, en
adoptant pour dénomination française le nom «
CHAP. V. LODDES. A01
de Lodde, quoique Duhamel’ et Pennant*°
aient déjà fixé celui de Capelan. Le premier
de ces deux ichthyologistes* l’a figuré comme
un poisson de l'Amérique septentrionale, à
cause de son usage dans la pêche de la morue.
C'est à la suite du long article écrit sur ce
gade, que l’on trouve la mention de notre
Capelan.
La figure donnée par cet auteur serait
excellente, si elle était un peu moins molle;
les caractères de la bouche n'ont pas été sufli-
samment exprimés par le dessinateur; elle est
cependant supérieure à celle de Bloch.
Wahl avait préparé, pour le IV. volume
du Fauna danica, quelques matériaux qui
ont paru en 1806 par les soins d'Abildgaard,
de Holten et de Rathke. La planche 160 est
la dernière que ce naturaliste ait laissée : elle
représente le Salmo villosus.
Le genre des Loddes n'ayant été établi que
dans la seconde édition du Règne animal, M.
. Faber a inscrit, dans son Histoire des pois-
sons d'Islande, le Salmo villosus comme une
espèce de la seconde famille, désignée sous le
1. Duhamel, Pêches, 2.° partie, pl. 26.
2. Penn., art. Zool., II, p. 24 n.° 176.
3. Duh. ; Pêches, 2.° partie, 2.° sect.; p. 149, ch. 9, pl. 26.
4. Bloch, 381.
21. 20
492 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
nom d'Osmerus. Cet auteur en donne une
description très- détaillée.
Quoique le Prodrome d'Ichthyologie scan-
dinave soit postérieur à la seconde édition
du Règne animal, M. Nilsson a réuni le Cape-
lan et l'Éperlan dans le même genre.
Dans ces derniers temps, M. Richardson’
a inscrit le Mallotus villosus dans la Zoologie
du North America. La description a été faite
sur un mâle pris à l'ile de Bathurst par le
67 degré de latitude nord. Il a trouvé de
légères différences avec des individus plus
frais qui lui venaient de Terre-Neuve. En
examinant avec soin ces légères variations,
on voit que M. Richardson a eu raison de
considérer le poisson de Bathurst comme le
véritable Capelan.
Tel est le poisson, de la grandeur d'une
sardine, qui vient couvrir vers le quinze juin
les plages de Saint-Pierre de Miquelon et
de la partie sud de Terre-Neuve. Son appa-
riion est à peu près régulière; 1l ne pré-.
cède presque jamais cette époque, et il ne
retarde guère que de huit à dix jours. La
morue a coutume de le suivre, et elle disparaît
souvent lors de la retraite du capelan. Sa
4. Rich., Fauna bor. amer. , 1, III, p. 187.
CHAP. V. LODDES. 403
chair, très-délicate, peut être comparée à
celle du goujon; mais elle a un goût par-
üculier et très-distinct. Les bancs de ce
poisson se jettent à la côte pour s'y repro-
duire. Les femelles déposent les premières
leur rogue; il en périt une quantité con-
sidérable, parce qu’elles sont poussées sur le
rivage par la vague qui s'y brise. Les capelans
males arrivent en troupes après les femelles
pour féconder les œufs que celles-ci ont aban-
donnés : ils ont souvent le même sort qu'elles.
Les pécheurs ont soin de remarquer l'abon-
dance des cadavres des poissons de ce sexe;
car on a reconnu que, s'il y a peu de femelles,
l'année suivante est pauvre en capelans; sil
arrive, au contraire, quelles soient en plus
grand nombre que les mâles, la saison sui-
vante sera riche. On examine aussi les capelans
morts pour s'assurer si les femelles ont déposé
leurs œufs, attendu, qu'après la ponte, cette
espèce ne tarde pas à quitter la côte. IL est fort
aisé de connaître si la ponte a eu lieu, parce
que le ventre, qui était rond pendant la ges-
tr ,:n, devient aussi plat que celui du mäle.
zh moment du frai, les yeux, la caudale et
le pourtour de l'anus prennent une teinte
rouge assez vive dans les deux sexes.
Pour conserver le capelan, il faut le saler
404 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
assez promptement. Les pêcheurs lui cou-
pent la tête, et ils Ôôtent les intestins : puis,
après un court séjour dans le sel, on le lave
à l'eau de mer, et on le laisse égoutter ou
sécher au soleil; quand il.est sec, on le ren-
ferme dans de petits barils, et on le trans-
porte ainsi en France; car, lorsque le poisson
a été salé, la chair na pas assez de fermeté
pour tenir à l'hamecon et n'est plus un appät
avantageux pour la pêche de la morue. Les
Anglais et les Américains se servent du ca-
pelan salé pour attirer la morue, en le jettant
autour de leurs navires; mais ils amorcent
la ligne avec des morceaux de flétans (pleu-
ronectes hypoglossus), ou avec des coques
(Cardium edule), des moules et autres mol-
lusques que l'on trouve ordinairement dans
l'estomac de ce grand gade. Les capelans qui
ont deux ou trois soleils, sont assez secs»
pour être déposés dans des paniers d’osier,
que lon charge de pierres quand ils sont
parfaitement remplis : c'est afin de faire sortir
l'huile que la chair du poisson peut contenir.
Le capelan de la première saison, celui qui
arrive le premier à la côte, est toujours 18
gros, plus gras que celui de la seconde; la#
morue en est alors très-avide. Les pêcheurs
ne le conservent pas, parce que sa graisse les #
“
r
AE
ps
CHAP. V. LODDES. 495
en empêche. On choisit pour être gardé celui
de la dernière saison, parce qu'il devient mai-
gre après le frai. À cette époque il ne peut
plus servir d'amorce; la morue n'en veut plus,
soit parce que la chair change de nature ou,
ce qui me paraît plus probable, parce qu'elle
se jette sur l'Encornet (Onychotheutis pisca-
torum) qui succède d'ordinaire au Capelan.
Les pêcheurs croient avoir observé qu'à
cette époque , une morue qui aurait l'estomac
vide , refuse les capelans, même lorsqu'ils sont
encore très-frais. Les pêcheurs disent, que ce
poisson agit si fortement sur la chair dé moO-
rues, qu'une seule gorgée de capelans a l'air
d'avoir l'abdomen Réquit à la peau et aux os,
tant elle est maigre. Quoique gorgée de cape-
lans, on la voit se jeter sur l’hamecon comme
si elle était affamée. La morue nourrie de ca-
pelans s'échauffe bien plus vite que l'autre,
mais, pour se servir de Fexpression des Dé
cheurs, elle a des fores superbes, c'est-à-dire
que le foie est beaucoup plus gros; aussi elle
donne beaucoup plus d'huile. Il faut cin-
€ Ante-cinq quintaux de morues pour faire
uñ® barique d'huile avec la morue de cape-
lans. [l est nécessaire d'employer moitié plus
environ, pour obtenir la même quantité d'huile
avec celle que l'on prend avec les coques.
406 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Le Capelan n'entre jamais dans les eaux
douces; il paraît même éviter l'embouchure
des fleuves. On le trouve en Groenland, en
Islande, tantôt en troupes à la surface de l'eau,
tantôt se tenant à une profondeur considé-
rable. Les Groenlandais se servent, pour le
prendre, de petits filets tissus avec les filaments
tendineux des phoques ou de petites cardes de
boyaux. Ce salmonoïde se nourrit de petites
crevettes, d'algues et d'œufs de différents pois-
sons, sans épargner les siens propres, ainsi que
Fabricius l’a observé dans les baies du Groen-
land. Il a pour ennemis tous les grands Gades,
ainsi que les grands Pleuronectes, comme les
Flétans; les Marsouins, le Balénoptère lui
donnent aussi la chasse. Lorsque le Lodde se
presse dans les baïes, les oiseaux de mer en
détruisent un grand nombre. Le Capelan pond
en mai, juin et juillet. Les mâles, en lâchant
leur laitance pour féconder les œufs, rendent
eau de la mer trouble et comme laiteuse :
il arrive alors ce que nous avons déjà signalé
pour le hareng.
Sur les côtes de Laponie, les pêcheurs qui
montent au Nordland pour se livrer à la pâsae
du Dorsh peuvent, quand le vent et la ma-
rée sont favorables, charger leur barque de
loddes deux fois par jour. On le sale comme
CHAP. V. LODDES. 467
en Islande. Au Groenland la préparation con-
siste à le faire sécher en lexposant au grand
air sur des rocs élevés. Pour le conserver, les
peuples déposent les sacs où ils enferment le
poisson sec dans des grottes ou sous de gros
quartiers de rochers. Si la saison pendant la
pêche est très-humide, les Groenlandais sont
exposés à perdre une grande partie de leur
poisson. Les pluies par trop abondantes causent
donc de grandes pertes parmi ces populations
maritimes ; mais, si la pêche se fait par un
beau temps et par un air sec, les ressources
que le Capelan apporte aux Groenlandais,
sont considérables, puisque ce poisson sert à
nourrir, non-seulement l'homme, mais encore
ses troupeaux. La pêche du Lodde est donc
une véritable richesse pour ces régions déso-
lées sous de si hautes latitudes. Cette pêche
n'entraine avec elle ni dépenses ni dangers; elle
peut se faire par le plus pauvre comme par le
plus riche; les femmes et les enfants peuvent
sen occuper avec succès; chaque jour apporte
son tribut. Ce poisson est non moins utile aux
J-ècheurs européens, que les spéculations com-
*erciales envoient sur Le banc de Terre-Neuve
à la poursuite des Morues. Cette espèce de
salmonoïde est donc, malgré sa petitesse, une
des plus importantes de cette famille.
408 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Les cadavres des capelans qui se pressent
sur la plage où la mer les rejette, sont sou-
vent enveloppés de terre glaiseuse, où ils se
conservent assez bien en se fossilisant promp-
tement. On retrouve ensuite ces rognons ré-
cents sur toute la côte de la mer Blanche et
de la mer Glaciale. En les fendant, on voit
le squelette du poisson parfaitement conservé.
Il se passe donc de nos jours un phénomène
tout à fait comparable à celui qui a donné
lieu à ces nombreux rognons des schistes cui-
vreux du Hartz, et qui contiennent des pa-
læoniscus.
MA"
"CHAP. VI. ARGENTINES. 409
CHAPITRE VI
Des ARGENTINES (Argentina).
L'Argentine est un poisson abondant sur
les marchés de Rome; il y est très-connu
par l'usage que l’on fait en Italie de la vessie
aérienne. Elle est le type d'un genre dont nous
connaissons aujourd'hui plusieurs espèces ignO-
rées avant nous. Bien qu'on la trouve die
sous ce nom dans le Systema naturæ, les
caractères n'en ontété véritablement fixés que
par M. Cuvier', qui a publié, dans les Mé-
moires du Muséum, une histoire de ce pois-
son. Ce travail l'a conduit à réduire le genre
à la seule espèce qui en eût les caractères;
car Linné et Gmelin y avaient associé des
poissons très-différents.
Les Argentines sont de véritables Salmo-
noïdes ; elles ont une nageoire adipeuse, et
arcade de la mâchoire supérieure formée
par de très-courts intermaxillaires, et sur
les, Lôtés, par les maxillaires. Leur bouche
est petite, et les mâchoires ne portent pas
1. Cuv., Mém. du Mus., t. I, p. 228, pl. 11.
410 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
de dents. Derrière la supérieure on voit un
arc, ou une bandelette arquée de petites
dents en velours, implantées sur le chevron
du vomer. La bande est allongée de chaque
côté par un petit groupe de dents contiguës à
celles du vomer, adhérentes à chaque palatin.
La langue a aussi des dents, mais de gran-
deur variable, selon les espèces, de sorte
qu'il ne faut pas dire de ces poissons, comme
on peut le faire pour les Truites, que leur
langue est armée de fortes dents. Les ouïes
sont largement fendues ; la membrane bran-
chiostège porte six rayons; l'estomac est assez
grand et en cul-de-sac; le pylore est en-
touré d'appendices cœcales nombreuses, mais
courtes; l'intestin ne fait qu'un repli; l'ovaire
est composé de feuillets, flottant dans la ca-
vité abdominale et y laissant tomber les œufs,
comme dans les autres Salmonoïdes.
On voit que, sous ce zapport la splanch-
nologie des Argentines ressemble beaucoup à
celle des espèces dont nous avons déjà traité;
mais leur vessie natatoire, en général assez
grande, l'est cependant beaucoup moins que
celle des Truites. Elle en diffère aussipar,
l'épaisseur de ses parois fibreuses et argentées à
chargées de cette substance brillante qui sev
divise par le lavage, d'abord en paillettes
}
RE TEE
CHAP. VI, ARGENTINES. AA
puis par la précipitation, avec lammoniaque,
en une poussière argentée, si abondante dans
un grand nombre de poissons, mais que l’on
n'extrait dans le commerce que de deux ou
trois espèces, afin de s'en servir pour la fabri-
cation des fausses perles.
La vessie natatoire de l'Argentine a un autre
caractère anatomique et physiologique fort in-
téressant pour nos études; elle ne commu-
nique pas avec le canal digestif; je n'ai pu
du moins trouver de conduit pneumatique
dans les trois individus d'espèces différentes
que j'ai disséqués et dont les viscères étaient
cependant parfaitement conservés.
Le péritoine est d’un brun roussètre, uürant
au chocolat sur toute sa face interne: mais
l'externe, où celle qui tapisse les muscles, a
le même éclat que la vessie natatoire. On aper-
coit son éclat métallique à travers la couche
peu épaisse des muscles abdominaux ; aussi
éprouve-t-on quelque surprise, quand on ne
connaît pas la coloration des deux faces de
celte séreuse, à trouver tout l'intérieur de
l'abdomen si rembruni lorsquon fend ces
pasis, qui paraissaient à l'extérieur brillantes
de l'éclat de l'argent.
Tels sont les caractères d’un genre dont
nous possédons dans le Cabinet du Roi quatre
412 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
espèces : deux nous viennent de la Méditer-
ranée ou des côtes méridionales de l'Europe
baignées par l'Océan; deux autres nous ont
été envoyées des mers de Norwége. L'une
d'elles , remarquable par sa taille et par la
grandeur de ses yeux, est un poisson fort
rare , tiré des grandes profondeurs de cet
Océan septentrional.
Il est assez curieux, qu'un poisson si connu
en Italie, puisquil sert à un commerce qui
a tant de célébrité, nait pas été indiqué
par Salviani, par Belon ou par Paul Jove.
Rondelet' ne paraît pas avoir oublié cette
espèce. On doit admettre, avec M. Cuvier,
que c'est la petite sphyrène de cet auteur;
cependant il a oublié de faire représenter
l'adipeuse. Gesner et Aldrovande, selon la
méthode suivie dans leurs traités, se bornè-
rent à copier Rondelet. Ces auteurs ne parlent
pas encore de l'emploi de la vessie dans la
fabrication des fausses perles; mais du temps
de Willughby et de Ray l'usage en était géné-
ralement connu à Rome, où ces naturalistes
revirent ce poisson. Willughby ajoute quel-
ques détails à ceux que Rondelet avait Éé;n
donnés sur ce poisson, qui prouvent que ce
1. Rond., De piscibus, p. 227.
+
CHAP. VI. ARGENTINÉS. 413
naturaliste avait sous les yeux l'Argentine ;
mais comme il sen est rapporté à Rondelet
pour la figure , il a oublié la nageoire adipeuse,
dont il ne fait également aucune mention dans
son texte qui, cependant n'est pas copié sur
celui de lIchthyologie de Montpellier.
L'ARGENTINE DE CUVIER.
(Argentina Cwieri, nob.)
Je commence par décrire dans ce genre
dont M. Cuvier, comme nous venons de l'éta-
blir, ne connaissait qu'une espèce, celle que
ce célèbre savant a figurée dans les Mémoires
du Muséum, t. X[, pl I, fig. 1. Comme je
fais ma description d'après l’exemplaire qui a
servi au mémoire de mon très-1llustre maitre,
on ne pourra douter de l'identité spécifique.
D'ailleurs j'en ai plusieurs autres exemplaires
qui présentent les mêmes caractères.
Ce poisson a le corps arrondi, un peu méplat sur
les flancs, allongé, car la hauteur n’est que le huitième
de la longueur totale. Ta tête est longue; portée sur
le corps, elle y est contenue quatre fois et un uers.
Le museau est étroit et déprimé; la bouche est peute
et peu fendue. L’œil est grand; son diamètre mesure
#* peu près le tiers de la longueur de la tête. L'in-
tervalle qui sépare les deux yeux, ne fait guère que
Ja moiué de ce diamètre; mesuré entre les mastoi-
44% LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
diens, l'occiput a la même largeur que l'œil. On ne
trouve aussi qu'une longueur du diamètre de l'œil
entre le bord antérieur de cet organe et l'extrémité
du museau. Il y a une paupière adipeuse très-mar-
quée, qui recouvre presque entièrement le cercle de
la pupille. La paupière postérieure est beaucoup
moins large. Le sous-orbitaire est une pièce trian-
gulaire, assez large, couchée derrière le maxillaire
sans le recouvrir, et 1l est placé tellement au de-
vant de l'œil, qu'on ne peut véritablement dire qu'il
contribue à former par en bas la poruon antérieure
du cercle de l'orbite; il en est éloigné par une très-
large adipeuse. Le second sous-orbitaire est étroit
et allongé; il commence tout près de la terminaison
du maxillaire, par conséquent bien au devant de
l'œil; il n’atteint pas en arrière la moitié du globe.
Celui-ci est suivi d’un troisième, qui est également
une petite pièce oblongue; puis, vient le quatrième
sous-orbitaire, qui est quadrilatère et forme une
petite plaque au-dessous du cercle de l'orbite auquel
il ne touche que très-peu. Le cinquième sous-orbi1-
taire remonte derrière l'orbite presque jusqu’au haut
de l'œil ; sa parue inférieure est élargie en une sorte
de petite palette; cependant une sixième pièce très-
étroite et pointue, courbée en arc, complète le cercle
de l'orbite sous le bord des frontaux. Tous ces os
sont un peu caverneux. Il résulte de là que l’en-
semble du sous-orbitaire forme une sorte de plaque, »
que l’on pourrait comparer à un triangle rectangle,
dont l’angle droit est au-dessous et derrière l'œil, #
et l'hypothénuse serait tracée de l'angle externe du
NÉE Da
CHAP. VI. ARGENTINES. 415
frontal postérieur vers le bout du museau, Cette forme
générale de los a été indiquée plutôt qu’étudiée dans
la figure des Mémoires du Muséum. Les deux bords
du préopercule sont parallèles à ceux de la plaque
sous-orbitaire. La limbe inférieure de cet os est ca-
verneuse, L'opercule est très-mince; le bord posté-
rieur a une faible échancrure; son angle inférieur est
peu profond. Le sous-opercule est étroit et placé
obliquement le long du bord de la pièce précédente.
L'interopercule est un petit os en arc très-mince,
presque entièrement caché sous le bord horizon-
tal du préopercule; on ne le voit qu’en écartant la
membrane branchiostége, et on le prendrait, si l'on
n’examinalt pas avec attention, pour un rayon de
cette membrane, Ceux-ci sont longs, grèles, parce
que la forme des ouïes est très-largement ouverte.
I y a six rayons à la membrane branchiostège, IL
n'y a pas de branchie supplémentaire à la face in-
terne de l’opercule. Nous avons déja indiqué la
peutesse de la bouche. Les intermaxillaires sont très-
courts, très-orèles, placés un peu au-devant des
maxillaires qui cependant bordent presque en entier
l'arc supérieur de la fente. Les branches de la mà-
choire inférieure sont hautes, mais courtes. Ces os
n'ont pas de dents, mais la lèvre supérieure a de
peutes papilles, que l'on prendrait facilement pour
des dents. Le chevron du vomer et l'extrémité des
palatins en ont de peutes en velours, qui forment
derrière les mâchoires un arc parallèle au leur. La
langue en a cmq ou six qui sont crochues et lon-
gues, méritant, comme l'a très-bien dit M. Cuvier,
AG LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
d'être comparée avec celles des truites. Los de la
ceinture humérale, quoique très-mince, est assez
large et a son bord festonné. On les voit se réunir
tous deux surla gorge et former une grande plaque
en losange, à laquelle sont attachées les pectorales,
de sorte que ces deux nageoires sont insérées tout à
fait sur la ligne du profil à la même hauteur que les
ventrales, et elles s'étendent horizontalement quand
le poisson les écarte du corps. La ventrale est in-
sérée à peu près au milieu de la longueur du corps
en n’y comprenant pas la caudale. La dorsale dépasse
de plus de la moité de sa longueur ces nageoires.
L'anale est basse, peu longue; la caudale est fourchue.
Br 65 D. 10:20 A.47;CG.299: V,-10; D:12;
Les écailles sont plutôt grandes que peutes; elles
se détachent si facilement qu’elles ne sont conservées
sur aucun des trois exemplaires qui font parue de
notre collection. La couleur est verdâtre sur le dos;
une bandelette argentée, placée à la hauteur de la
ligne latérale, va se "perdre sur le verdâtre du bas
des flancs; le dessous du ventre est d’un blanc d’ar-
gent mat. L'iris de l'œil est aussi brillant; il en est
de même des opercules et de toute la peau qui passe
sous l'isthme. On aperçoit à travers la minceur des
téguments du ventre, le brillant argenté de la vessie
épaisse et fibreuse, si remarquable dans cette espèce.
L'estomac est très-peuit et très-faible; il est de cou-!
leur noirâtre , ou plutôt c’est le péritoine qui paraîts
lui donner cette teinte. L'intesun est replié deux fois;
il y a une douzaine de cœcums. La vessie natatoire
a ses deux extrémités coniques et pointues. Elle est
Er
fon
A le
nl 2 eme en Some On EEE ES
CHAP. VI. ARGENTINES. 417
assez renflée dans le milieu; ses tuniques sont très-
épaisses et brillent du plus bel éclat argenté. Elle n'a
assurément aucune communication avec le canal di-
gestif. Les œufs tombent dans l'abdomen comme
dans les autres salmonoides. Je crois n'avoir vu qu’un
seul ovaire.
Le plus long de nos exemplaires a près de
sept pouces : il vient de Malte. Nous en pos-
sédons un autre, originaire de Malaga. Celui
que M. Cuvier a décrit, avait été rapporté des
îles Baléares par M. de la Roche.
Cette espèce d'Argentine a été très-proba-
blement confondue avec les autres du genre,
de sorte quil est impossible de s'étendre plus
longuement sur sa synonymie. :
L/ARGENTINE A LANGUE LISSE.
(Argentina leioglossa, nob.)
J'ai une seconde espèce d'Argentine, qui
ressemble par ses formes extérieures à celle
décrite dans l’article précédent, mais qui s'en
distingue par un caractère facile à saisir. Le
poisson n'a pas de dents sur la langue. Je me
suis demandé, si ce caractère ne devait pas
le faire séparer des autres Argentines. Les
espèces décrites plus loin montreront que les
dents sur la langue deviennent très-petites,
21. 27
AAS LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
et que ce caractère ne peut pas être considéré
comme d'une assez haute valeur pour devenir
générique.
Notre Argentine léioglosse à le corps un peu plus
court que l'espèce précédente ; car la hauteur ne me-
sure que le septième de la longueur totale. La tête
est proportionnellement beaucoup plus longue; elle
n'est contenue que trois fois et demie dans cette
même longueur totale. Le museau est plus aigu.
L'œil est aussi grand. Les dents palatines et vomé-
riennes sont plus fines.
Et asndt ets DD VOTES
Les écailles sont tout aussi caduques que dans
l'espèce précédente, et les couleurs me paraissent
semblables. La vessie natatoire de cette espèce est
petite et ses parois sont peu épaisses.
Les exemplaires qui ont servi à cette des-
cription sont longs de quatre pouces et quel-
que chose. Ils ont été rapportés de la côte
d'Afrique par M. Guichenot, l'un des prépa-
rateurs du Muséum, et qui a pris ces poissons
dans la rade d'Alger pendant l'expédition
scienufique de l'Algérie.
L'ARGENTINE DE YARRELL.
(Argentina Farrelli, nob.)
Nous avons déjà eu occasion de signaler
plusieurs fois la ressemblance qui existe entre
CHAP. VI, ARGENTINES. 419
certains animaux des mers septentrionales et
ceux de la Méditerranée. Nous trouvons une
nouvelle preuve de cette affinité de la Faune
des deux mers dans les deux belles espèces
d'Argentine trouvées sur les côtes de Norwége.
L'une d’elles a d’ailleurs le corps presque tétraèdre,
tant le méplat des flancs est prononcé. La hauteur
est contenue à peu de chose près huit fois dans la
longueur totale. La longueur de la tête y est quatre
fois et un cinquième. L’œil est plus petit; son dia-
mètre est du quart de la longueur de la tête; 1l
est éloigné du bout du museau d’une fois et un
üers le diamètre. La tête a la nuque plus large; le
museau déprimé est un peu moins pointu. Les deux
mâchoires sont à peu près égales. L'arcade des
dents palatines et vomériennes est composée de très-
fines aspérités qui semblent placées sur deux rangs.
Je vois sur la langue deux rangées de dents cro-
chues, plus petites que dans l'espèce de la Méditer-
ranée, même lorsqu'on les a entièrement dégagées
de la muqueuse épaisse, qui les cache en partie. La
dorsale est haute de l'avant, ses derniers rayons
sont très-bas. L’anale est courte et basse; la caudale
est fourchue.
DM A AT :-TP 4147" V0 41.
Les écailles sont grandes, assez résistantes, peu
adhérentes; cependant elles sont restées sur les
exemplaires du Cabinet du Roi. Elles sont beaucoup
plus hautes que longues; leur bord radical n’a que
de fines stries concentriquès, sans rayons à la racine.
420 LIVRE XXIT. SALMONOÏDES.
Les stries sont plus rares sur la partie nue, qui est
hérissée de petites pointes visibles à l'œil nu. Je
compte quarante-huit rangées d’écailles le long des
flancs. Une bande argentée, brillante, assez large,
en couvre la partie inférieure. Le dos et le bas du
corps paraissent dans esprit de vin d’une couleur
ambrée avec quelques reflets argentés. Une plaque
d'argent très- vif est étendue sous l'isthme. Les vis-
cères sont semblables à ceux du poisson de la Médi-
terranée. La vessie natatoire se détache par son bel
éclat d'argent sur le fond très-noir du péritoine; sa
parue antérieure est plus courte et plus obtuse que
celle de l'Argentina Cuvieri.
Le Cabinet du Roi possède deux exem-
plaires de ce curieux poisson : le plus grand
est long de sept pouces; ils y ont été donnés
par M. le professeur Nilsson de Stockholm.
Cette espèce est figurée dans le supplément
du second volume de lIchthyologie anglaise
de M. Yarrell; la description de cet habile
observateur confirme cette détermination.
M. Yarrell a recu ce poisson d’un de ses
correspondants, M. William Euing, de Glas-
gow, qui le tenait lui-même d’un pêcheur de
la baie de Rothsay : il avait été pris à deux
cents toises de la côte par douze brasses de
profondeur. Le pêcheur disait que c'était un
poisson rare. Plus tard, M. Yarrell en a recu
un second exemplaire des mêmes lieux, plus”
|
CHAP. VI. ARGENTINES. .. 49%
grand que le précédent et long de huit pouces.
Ce naturaliste a publié l'espèce, en la classant
dans le genre des Éperlans, sous le nom d'Os-
merus hebridicus. On voit quil n'avait pas
bien saisi les différences génériques qui peu-
vent séparer les Argentines des Éperlans ; car
il a donné une nouvelle figure de l'Osmnerus
eperlanus de la Tamise, dans une vignette
placée à la fin du nouvel article, destiné à
faire connaître cet Osmerus hebridicus. Or,
la différence des formes dans les mâchoires,
l'absence de dents et la position avancée de
la dorsale auraient dù lui montrer qu'il avait
sous les yeux deux poissons de genres diffé-
rents; néanmoins , ce naturaliste nous ayant
mis sur la voie de déterminer notre poisson
par l'excellente figure qu'il en a publiée, je me
suis fait un vrai plaisir de lui donner une
nouvelle preuve de la haute estime que je
joins aux sentiments d'amitié que j'ai pour
lui, en lui dédiant cette argentine.
L'ARGENTINE SIL.
. (Argentina silus, Risberg.)
La srande et belle espèce d’Arsentine que
5 P 5
je vais décrire.est remarquable par la dimen-
sion de son œil, Le Pomatome télescope ou
422 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
les Priacanthes sont Îles seuls poissons que
l'on pourrait lui comparer pour la grandeur
de cet organe.
La forme générale du corps est semblable à celle
de nos petites espèces. Le dos est large et arrondi;
les flancs sont méplats; ils sont séparés par une
carène obtuse du dessous du ventre qui est égale-
ment aplau. La hauteur est six fois et demie dans
la longueur totale. Celle de la tête en mesure le quart.
Le diamètre de l’œil n’est que deux fois et demie
dans la longueur de la tête. La distance du bord
antérieur à l'extrémité du museau n’est guère que de
la moitié du diamètre. Une paupière épaisse et adi-
peuse le couvre en partie; elle s'étend en arrière
jusque sur l’opercule; elle cache également la plu-
part des pièces sous-orbitaires, qui ne diffèrent pas
beaucoup de celles de nos petites espèces. Elle re-
monte aussi sur la nuque et se confond avec la peau
épaisse qui recouvre tout le dessus du crâne. Cette
peau est traversée par de nombreuses veinules, ra-
mifiées et anastomosées, depuis la nuque jusqu’au-
devant des yeux. Les dents palaunes et vomériennes
forment une bandelette arquée, plus large au centre
qu'aux extrémités. Les dents de la langue sont pe-
utes, nombreuses. La dorsale est haute et pointue;
les rayons antérieurs égalent la hauteur du tronc;
les derniers n’ont guère que le cinquième de la hau-
teur des premiers. Les pectorales sont petites; la
ventrale est reculée sous le dernier rayon.
B. 6; D. 11 0;'A. 15; C. 27; P. 17; V. 12.
La caudale est fourchue; l'adipeuse est petite. Les
TE en
CHAP. VI. ARGENTINES. 4935
écailles sont semblables à celles de l'espèce précé-
dente. La ligne latérale est fortement marquée; l'é-
chancrure de ces écailles est profonde. La couleur
me parait aussi avoir été argentée comme celle des
autres argentines. Les viscères offrent très-peu de
différences. La vessie natatoire me paraît un peu plus
étroite et un peu plus courte ; ses extrémités coniques
sont plus aiguës; elle est d’ailleurs composée de ce
même tissu fibreux et argenté, que l’on emploie avec
tant d'avantage en Italie pour l'orientation des perles.
Le Cabinet du Roi a recu un très-bel exem-
plaire de cette espèce par les soins des con-
servateurs du Musée de Bergen. Il est long
d'un peu plus d'un pied. J'ai lieu de croire
que cet individu a été tiré des grandes pro-
fondeurs, car son estomac était renversé.
Nous trouvons une très-belle figure de
cette espèce dans Ascanius *. Cet auteur nous
apprend que c'est le SZ ou le Fal-Sil des
environs de Bergen. Il dit que sa grandeur
varie d'un à deux pieds; que le Sil est la seule
espèce du genre Saumon qui soit vraiment
pélagique, c'est-à-dire, qu'on ne le prend qua
la haute mer, parce qu'il ne s'approche jamais
des côtes. Ce poisson, très-gros, a une chair
très-blanche, quoique rempli de petites arêtes
comme le Lavaret. Sans l'examen du poisson
1. Asc., con rerum nat., (ab. 24.
424 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
il était difficile de déterminer, d’après linspec-
tion seule de la figure, le genre auquel il ap-
partent, quoique rien ne devienne plus aisé
quand on possède des individus de l'espèce.
Aussi, M. Cuvier, qui n’a jamais vu le poisson,
a-t-il placé l'espèce, d'après Ascanius, comme
une Corégone. Il faut s'étonner davantage
que M. Nilsson ait commis la même faute en
nadmettant pas, dans son Prodrome d'ich-
thyologie, le genre des Argentines. Ce natu-
raliste d'ailleurs ajoute, sur ce Coregonus
silus, plusieurs observations qu'on ne trouve
point dans Ascanius. Son nom norwégien de
Pal-Sil se traduirait par Clupea asperaÿ ce
qui convient très-bien à ce poisson, ainsi que
la description peut le prouver. Il dit aussi
que le Sil se pêche pendant l'été sur la côte
occidentale de Norwége par une profondeur
de cent à cent cinquante brasses avec le Se-
bastes ROrwWegICUS. Dans l'automne, on le
prend à la seine avec le Gadus virens. Au
nom norwégien cité plus haut, il ajoute ceux
de Brhesten ou de Gullax. ue le premier
de ces noms, Strôm' en a donné une figure ;
mais ce poisson a été ramené à son véritable
genre dans une dissertation inaugurale, sou-
1. Str., Naturschrift, 1. IL, 2.° partie, p. 12; t. L, fig. 1.
CHAP. VI. ARGENTINES. 4925
tenue, sous la présidence de M. Nilsson, par
Gustave Risberg ’, de Gothembourg. Ce jeune
naturaliste, qui a publié des observations in-
téressantes sur lIchthyologie septentrionale,
a donné une description fort détaillée, zoolo-
logique et anatomique de cette belle espèce,
sous le nom d'Argentina silus. Il dit qu'en
Norwége on le nomme, à Bergen, Gullax;
à Sondmôr, Blankesten, et à Christiania,
Strômsild. En plaçant ainsi cette Argentine
dans d'excellentes conditions ichthyologiques,
il détruit le genre Szlus, que M. Reinhardt
voulait établir pour cette espèce, en la dési-
gnant sous le nom de Silus Ascanti. J'ai trouvé,
comme lui, dans l'estomac de l'individu que
jai observé, des débris de F'ucus.
1. Risb., Observ. ichthyol.. Lond., 1835, p. 8.
426 LIVRE XXIL ‘ SALMONOIÏDES.
CHAPITRE VIL
Des Oueres (Tymalus).
On doit à M. Cuvier l'établissement du genre
Thymale. I] l'a caractérisé par la petitesse de
la bouche, fendue en travers sous le museau;
des petites dents coniques et sur un seul rang,
existent aux mâchoires, sur le chevron du
vomer et sur le devant des palatias : les vis-
cères ressemblent à ceux des Truites. J'ai été
frappé de la grandeur de la vessie natatoire
qui communique avec l'œsophage par un très-
petit conduit.
La forme du corps est élégante; la hauteur
et la longueur de la dorsale, très-agréablement
variées, ajoutent encore à l'élégance de ces
poissons. C'est une des plus jolies espèces de
Salmonoïdes européens qu'on aime à voir
nager dans les eaux limpides qu'il préfère.
M. Cuvier, et tous les ichthyologistes qui
l'ont précédé, n’ont reconnu qu'une seule es-
pèce dans ce genre, et cependant il est facile
d'en distinguer au moins trois en Europe, en
faisant attention au caractère singulier de la
distribution des écailles sous les parties infé-
rieures de la gorge et de l'abdomen. L'espèce
qui se trouve dans le midi ou dans l’est de la
CHAP. VII. OMBRES. 4927
France, dans le lac de Genève, dans le lac
Majeur, a tout le corps couvert de petites
écailles ; c'est avec peine que l'on trouve une
trace de nu au-dessous des nageoires pecto-
rales, tandis qu'une autre espèce, que jai
rencontrée fréquemment sur le marché de
Berlin, a sous la gorge une plaque entière-
ment nue. Nous en avons recu une troisième
des eaux douces de la Russie qui a le ventre
nu dans toute sa longueur. Enfin, l'on peut en
distinguer d’autres encore, à cause de la hau-
teur de la dorsale.
Les eaux douces de l'Amérique septentrio-
nale en nourrissent aussi des espèces diffé-
rentes de celles d'Europe; car j'en ai recu une
du lac Ontario, que je ne vois pas signalée
dans l'ouvrage de M. Dekay, ni dans celui
de M. Storer, et qui est fort différente du très-
joli poisson décrit et figuré par le docteur
Richardson sous le nom de Thymalus sionifer.
C'est au moyen des matériaux de la collection
du Muséum d'histoire naturelle que je suis
arrivé à ces déterminations.
Il est assez curieux, que le caractère remar-
quable qu'offre le nu des parties inférieures,
ait échappé à mes prédécesseurs. Enfin, je
placerai à la suite du genre un singulier pois-
son de la Russie qui me paraît ressembler
428 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
sans aucun doute aux Thymales par la forme
de sa bouche, mais qui n’en a point, il faut
bien le dire, ni la dorsale ni les écailles. En
examinant les caractères que le Thymalus
sigrifer de Richardson nous offre et ceux de
ce singulier poisson de la Russie, les zoolo-
gistes se convaincront que les deux genres des
Thymales et des Truites sont beaucoup moins
distincts qu'on ne le croirait par l'examen ou
par le seule comparaison d'un Thymale or-
dinaire à une de nos Truites. En France, ces
poissons sont connus sous le nom d’'Ombres.
Les Anglais les appellent Grayling, tiré très-
probablement de sa couleur grise ou cendrée,
qui lui a valu son nom le plus commun en
Allemagne, celui de 4sch ou de Æsche, plus
ou moins modifié dans les différentes pro-
vinces.. Comme tous ces auteurs ont cru re-
trouver dans le poisson qu'ils décrivaient,
l'espèce indiquée par Linné ou par Bloch,
comme aucun d'eux n’a signalé le caractère
sur lequel je fonde les divisions spécifiques,
il me paraît impossible d'établir, pour des
espèces si voisines les unes des autres, une
synonymie. Je crois donc qu'il est préférable
de donner, dans les considérations générales!
sur le genre, des observations sur la synonymies
de ces espèces, en signalant les rapports ques
CHAP. VII. OMBRES. 429
je puis trouver entre ces différents poissons
et les articles où on les aurait mentionnés.
Il est assez curieux que le Thymale, si corinu
en Italie, et qu'on trouve dans la Meurthe,
dans la Moselle et dans d’autres rivières de
France, n'ait pas été mentionné dans Pline.
On est assez d'accord pour lui rapporter
lUrmbra d'Ausone', que ce poëte a signalé
dans ce vers :
Effugiensque oculos celeri levis Umbra natatu.
Il n’y a pas lieu de discuter longuement sur
cette synonymie, car cette célérité du nager
peut être appliquée à beaucoup d’autres pois-
sons; mais, puisque nous voyons que le nom
d'Ombre est conservé encore dans plusieurs
provinces de la France, on peut admettre
celte interprétation.
Elien* parle du Thymale en termes si pré-
cis, quon ne peut hésiter à reconnaître notre
poisson. Ce qu'il en dit au chapitre XXIT du
livre XIV, convient non-seulement aux carac-
tères spécifiques, mais parfaitement aux habi-
tudes de l'espèce.
« Le @ipæAros tient, dans sa forme générale,
1. Ausone, Mosella, v. 90.
2. Elien, De nat. anim. edente J. G. Schneider. Leipz. 1184,
p- 495.
430 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
du Labrax et du Céphale. Or, la dépression
du museau et l'ouverture de la bouche, jus-
tiffent très-bien la comparaison avec le Muge.
Ce Thymale, poisson du Tessin, est remar-
quable par son odeur de thym. On le prend
à la mouche; c'est le seul appât qui lui con-
vienne, parce qu'il fait sa nourriture habi-
tuelle des cousins (xéveW), petits insectes fort
incommodes à l'homme par leurs morsures et
par leur bourdonnement.” Il est impossible
de se méprendre sur cet article d'Élien, parce
que le poisson que l'on trouve en abondance
dans le PGô et dans ses affluents, est encore
nommé aujourd'hui par les riverains de ces
fleuves, Temelo, Temalo ou Temola, qui a
bien, comme l'expression grecque, la même
origine. Toutes ces dénominations sont tirées
de lodeur du thym qu'exhale le poisson.
Cependant je n'ai pas remarqué ce parfum
du thym sur les individus que jai vus vi-
vants.
Si des auteurs anciens nous arrivons à ceux
de la renaissance, nous trouvons dans Belon!
une figure un peu grossière du 7hymalus. I
y en a aussi une dans Salviani*; celle-ci, pluss
4. Belon, De aquat., p. 184.
2. Salviani, De aquat., fol. 81, pl. 16.
CHAP. VII. OMBRES. 431
élégante que celle de Belon, me paraît tout
à fait convenir à notre quatrième espèce,
celle que M. Savigny nous a rapportée du P6;
je la regarde donc comme différente de celle
de Bloch. Rondelet a aussi donné une figure
du Thymale et en a dit quelques mots; mais
il est difficile de se prononcer sur les aflinités
de ce dessin. Gesner' a donné deux figures
originales assez élégantes du Thymale. Les
détails fort étendus qu'il ajoute sur le séjour
et les habitudes de ce poisson, dans les diffé-
rentes parties de l'Allemagne , commencent
déjà à établir son histoire.
On devait naturellement trouver dans Wil-
lughby une description de Ombre, qui est
nommé en anglais Grayling, puisque cest
un poisson commun dans toutes les eaux
qui descendent des contrées montueuses de
l'Angleterre. Cet auteur donne quelques dé-
tails anatomiques, aussi vrais que Curieux,
sur l'organisation de ce poisson. Il signale
très-bien les dents palatines, la disposition
du canal intestinal, le grand nombre des ccϾ-
cums, la largeur de la vessie aérienne, si peu
adhérente au péritoine. Il faut cependant ajou-
ter que tous ces traits, fort exacts, convien-
1. Gesner, 979.
432 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
nent en général à presque toutes nos espèces.
Tels sont les documents d’après lesquels Ar-
tedi a établi la synonymie de son troisième
Corégone, auquel il assigne pour caractère,
d'avoir la mâchoire supérieure plus longue que
linférieure et vingt-trois rayons à la dorsale.
Cette espèce a été introduite, d’après cela,
dans le Systema naturæ, et est devenue dès
la dixième édition le Salmo Thymalus; car
Linné n'accepta pas, en composant cet ou-
vrage, le genre Coreponus d'Artedi.
Comme les Thymales sont fort répandus
dans toute l'Europe, on les retrouve dans
presque tous les auteurs qui se sont occupés
de la Faune ichthyologique de nos diverses
contrées. Linné le donne pour un des pois-
sons communs en Laponie; mais il paraîtrait
plus rare en Norwége, puisque Pontoppidan
n'en parle pas. Ekstrôm ne le cite pas non plus
dans ses Poissons du Môrkô. Il n'existe pas
dans les Faunes d'Islande ni dans celles du
Groenland. Il monte au nord jusque dans les
Orcades, puisque Lowe’ donne le Grayling
comme une espèce que l’on y trouve très-fré-
quemment. On en prend des individus qui
ont jusqu à dix pouces de long.
1. Lowe, Fauna Orcad., p. 224.
CHAP. VII. OMBRES. 433
M. Nilsson a un Thymalus vulsaris des
fleuves de Nordland et de Laponie; il indi-
que le mois de mai pour la saison du frai, et
dit qu'alors le poisson remonte des grands
lacs dans les fleuves. Wulf le compte parmi
les poissons de Prusse. J'ai lieu de supposer
que cet ichthyologiste a vu l'espèce de Ber-
lin, ou mon Thymalus gymnothorax. n'a
pas cependant indiqué le caractère que jy ai
observé.
Les auteurs qui ont traité des poissons de
la Suisse, parlent tous du Thymale : Nenning,
dans ses Poissons du lac de Constance; Hart-
mann, dans lIchthyologie helvétique, et M.
Jurine', dans son Mémoire sur les poissons
du lac de Genève.
En France, ce poisson est surtout connu
sous le nom d'Ombre d'Auvergne; aussi le
trouve-t-on dans la Faune de ce pays, écrite
par M. Delarbre; et avant lui Duhamel en
avait laissé, sous ce même nom, une figure
où les caractères génériques sont seuls recon-
naissables.
M. de Selys-Longchamps, dans sa Faune
belge, a donné le Thymale sous le nom qu'A-
gassiz a imposé à ce Salmonoïde : c'est bien
1. Jurine, pl. 6.
21. 28
AGA £ ï
194 LIVRE XXII. SALMONOIDES.
l'Ombre de France, mais non pas l'Ombre
chevalier, comme le croit M. de Selys. Il suit
ce poisson dans les petites rivières ou les
torrents des Ardennes, où il est assez com-
mun. Il dit qu'il est très-rare dans la Meuse;
jai cependant été assez heureux pour le voir
vivant à Liége. Il fait remarquer que l'espèce
a considérablement diminué depuis qu'on a
chaulé les terres d'une grande partie de l'Ar-
denne et du Condroz avec de Parsenic.
Nous avons déjà signalé Willughby comme
le premier des auteurs anglais qui ait indiqué
cette espèce sous le nom de Grayling.
Pennant' ne l'a pas négligée dans la Zoologie
britannique. Ce zoologiste n’a jamais pu trou-
ver dans ce poisson l'odeur particulière, d'où
ses noms de Thymus ou de Th malus sont
tirés. Le plus g crand Grayling qu'il ait vu, avait
été pris près de Ludlow : il était ous d'un
pied et demi environ, et pesait quatre livres
six onces; mais les exemplaires de cette taillew
sont très-rares.
Donovan * nous a donné une très-jolie figuren
de Thymale, sur laquelle il indique un grand ÿ
nombre de points noirs.
RE
1. Pennant, Zoo! brit., t. III, p. 262.
2. Donovan, Brit. fish., pl. 88.
\ CHAP. VII OMBRES. 435
On doit s'attendre à trouver le Grayling
dans la Faune de Turton', dans Fleming?
comme Coregonus thymalus, dans M. Jenyns”°
et enfin dans M. Yarrell{ qui en a donné aussi
une très-bonne histoire.
Toutefois, en ce qui concerne les habitudes
de ce poisson d'Angleterre, M. Yarrell a été
précédé par le célèbre Humphrey Davy. On
trouve, dans le Sa/montia de cet illustre chi-
miste, des détails curieux sur l'introduction
du Grayling dans le Tay, rivière coulant dans
le Hampshire, où on l'avait apporté des eaux
de l'Avon. Il remarque, qu'au contraire de la
plupart des autres Salmonoïdes, le Grayling
fraie au commencement d'avril ou de mai,
tandis que les autres préfèrent la fin de l'an-
née, et généralement les eaux très-froides.
Quoique Donovan ait considéré ce poisson
comme remontant, ainsi que les autres Sal-
monoïdes, de la mer dans les eaux douces,
Davy établit que le Grayling d'Angleterre ne
peut supporter l'eau légèrement saumatre sans
pénir. Cependant Bloch assure que le Thymale
descend à la Baltique vers l'automne.
1. Turt., p. 104, n.e 100.
2. Flem., Brit. anim., p. 181, n.° 49.
3. Jen., Man. brit. anim., p. 430, n.° 112.
4; Yarrel, t. Il, p. 19.
436 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
La nourriture du Grayling consiste prin-
cipalement en larves de phryganes, d'éphé-
mères et de hibellules; mais M. Yarrell a aussi
trouvé, dans l'estomac, des physes et le neri-
ina fluviatilis; ce qui prouve que ses aliments
sont assez variés, puisque jy ai observé des
crevettes.
Le Thymale existe aussi dans l'est de l'Eu-
rope : cest un poisson commun dans le Da-
nube ; il est très-bien figuré dans Marsigli'; il
ne prendrait, suivant lui, le nom allemand
d'Asch que lorsqu'il est tout à fait adulte. Les
pêcheurs qui lapportent à Vienne le nom-
meraient, dans la première année, Sprensling;
depuis le mois de mai jusquà la S. Jean,
Mayling, et jusqu'à la seconde année, Vier-
tigerfisch. Cest en mars quil fraie dans ce
grand fleuve.
M. Reisinger l'a inscrit aussi dans son Ich-
thyologie LE Hongrie sous les noms de To=
molezko ou de RÉ
Pallas à aussi un Sa/mo thymalus, et on
peut juger par la phrase de cet illustre z0010-
giste, ainsi que par les réflexions qui précèdent,
sa description, qu'il n'a pas suflisamment dis
tingué les espèces qu'il a observées. Il avoue
1: Mars. Danub..it. I, p. 15, pl. 25, fig. 2 {
CHAP. VII. OMBRES. 137
que la distance entre ces différentes variétés
Jui avait fait faire trois figures qui nous au-
raient beaucoup éclairé, si nous avions pu les
consulter. J'ai examiné et dessiné à Berlin un
de ses exemplaires. La hauteur des rayons de
la dorsale ne me laisse aucun doute sur ce
prétendu Salmo thymalus : il appartient évi-
demment à notre quatrième espèce.
Je trouve aussi dans les dessins faits au
Kamtschatka par M. Mertens, un Thymale
qui y est désigné par le nom russe de cette
espèce (Charius). Je crois que ce poisson
offre quelque caractère distinctif, si le des-
sinateur les a rigoureusement observés. Ce
que nous pouvons conclure des observations
de Pallas, cest que les Thymales existent
dans toute la Sibérie, dans la Tartarie, chez
les Samoyèdes, au Kamtschatka et au Japon.
Cet illustre zoologiste a présenté, sous le nom
de Salmo arcticus, qu'il faut bien se garder
de confondre avec l'espèce décrite sous ce
même nom par Othon Fabricius, des Thy-
males de l'Oural.
Enfin, pour terminer cette revue des au-
teurs qui ont parlé des Thymales, il ne me
reste plus qu'à ajouter que M. Nordmann a
cité, dans sa Faune pontique, qu'on ne prend
ce poisson qu'un à un dans les rivières de la
nouvelle Russie.
438 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
On ne fait subir aux Ombres aucune des
préparations conservatrices, qui en rendraient
le transport facile pour d’autres pays. Cela tient
à ce que l'espèce n'est pas assez abondante
pour être séchée, ni salée, ni marinée; il n’est
pas d'ailleurs certain que la chair pourrait
supporter ces apprêts. Dans la Sibérie et dans
la Laponie, ainsi que dans les montagnes de
la Hongrie et de la Transylvanie, l'Ombre
procure un aliment recherché. Linné dit, dans
son f'auna suecica, que les Lapons se servent
des entrailles de ce poisson, au lieu de pres-
sure, pour faire cailler le lait de leurs rennes
et Gbients ainsi leur fromage.
D'après ce que j'ai fait remarquer en cOm-
mençant ce chapitre, nous allons, à la suite
de cette revue critique, donner les descrip-
tions des espèces, faites d'après nature.
L'OnBRE D'AUVERGNE.
(Thymalus vexillifer , Agassiz.)
Les nombreux individus de cette espèce
réunis dans le Cabinet du Roi, nous viennent
des rivières de France et des différents lacs
de la Suisse; jai donc lieu de croire que j'ais
sous les yeux le poisson figuré par M. Agassiz, w
planches 16 et 17 de son Histoire des pois-w
UT SÉPRN ES CE EL
CAP. VII. OMPRES. 439
sons d'eau douce de l'Europe centrale. Il me
semble que le dessinateur a indiqué quelques
écailles au-dessous des pectorales ; il est évi-
dent cependant que ce caractère n'a pas été
nettement rendu sur la figure, parce que l'au-
teur n'avait pas son attention éveillée sur cette
particularité. Je crois aussi devoir rapporter
à notre espèce la figure du Thymale donnée
par M. Jurine, qui a représenté peut-être trop
fortement les écailles abdominales.
Le Thymale est un élégant Salmonoïde, qui a la
tête peute, le profil du dos convexe jusqu'au pre-
mier rayon de la dorsale; cette ligne s’abaisse en-
suite d’une manière régulière jusqu’à la queue. Le
profil inférieur est à peu près droit ; il remonte ce-
pendant par une courbe insensible depuis les ven-
trales jusqu’à l'extrémité de la queue. La plus grande
hauteur se mesure en avant de la nageoire du dos,
et elle est le cinquième de la longueur totale. Les
flancs sont méplats; l'épaisseur du tronc est à peu
près moitié de la hauteur. La tête est pete; elle
mesure à peu de chose près le sixième de la lon-
gueur totale. Le profil, depuis le bout du museau
jusqu’à la nuque, est convexe ainsi que l'arc trans-
versal qui passe entre les deux yeux et qui est égal
à une fois et demie le diamètre longitudinal de l'oeil,
lequel d’ailleurs est sensiblement plus grand que le
diamètre vertical; car celui-ci mesure le cinquième
de la longueur de la tête, tandis que l'autre n’est
compris que quatre fois et un tiers dans cette même
440 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
mesure. Nous trouvons cinq osselets sous-orbitaires:
l'antérieur est couché tout à fait au-devant de l'oeil ;
il est à peu près triangulaire; le second et le trot-
sième sont plus étroits; le quatrième et le cinquième
sont trapézoïdes et tout à fait relevés derrière le bord
de l'orbite. Le préopercule a un très-large limbe ar-
rondi; l'opercule est petit, mais situé sur le haut de
la joue ; le sous-opercule est assez large et arqué ;
l'interopercule, qui forme une langue étroite sur le
bord intérieur du préopercule, s'étend entre cet os
et le sous-opercule en une palette triangulaire assez
large. Le bord membraneux de l’opercule est extrè-
mement étroit, mais l’ouie est très-largement fendue.
Nous avons dix rayons à la membrane branchiostège.
La partie supérieure du museau est convexe et l'ex-
trémité charnue s’avance au delà de la mâchoire in-
férieure qui est tout à fait aplatie. Sa branche se
porte en arrière jusqu’à l’aplomb du bord postérieur
de l'orbite; elle a peu de mobilité, et à cause de la
petitesse des intermaxillaires et des maxillaires l’ou-
verture de la bouche est 1rès-peute. Les intermaxil- M
laires sont placés en travers, et l'articulation du ma-
xillaire se fait à leur extrémité externe; ils n’ont
presque pas de mouvement. Les maxillaires forment
deux petites palettes mobiles sur les côtés de la bou-
che en dehors de l’angulaire de la mâchoire infé-
rieure, qui est assez élevée. Ces deux mächoires ont
de petites dents coniques très-courtes et sur un seul
rang. Il ÿ en a un tout petit groupe sur le chevron
du vomer et à l'extrémité des palauns; mais celles
du vomer me paraissent caduques, car sur ‘un grand
CHAP. VIT. OMBRES. AAA
individu rapporté de la Moselle, le vomer n’a plus
de dents. Le reste de la bouche, ainsi que la langue,
est enuèrement lisse. La ceinture humérale est assez
forte, mais en partie cachée avec les écailles. La
pectorale est insérée tout à fait vers le bas et tout
près de la fente de l’ouie. Cette nageoire est pointue
et sa longueur est comprise six fois et demie dans
la longueur totale. La ventrale, qui est triangulaire
et beaucoup plus large que la pectorale, est un peu
plus courte. Elle a dans son aisselle une assez forte
écaille. Elle est insérée en avant sur la première
moitié du corps. La dorsale est longue, haute;
son premier rayon est plus avancé que le tiers de
la longueur, La nageoire est à peu près deux fois
aussi longue que haute; ses rayons les plus longs
mesurent la moitié du tronc sous eux. L’adipeuse
est haute et assez grande. L’anale est petite; la cau-
dale est profondément échancrée,
B, 10; D. A— 0; À. 11; C. 27; P. 153 V. 10.
Les écailles sont disposées en séries longitudi-
nales régulières, dont on compte facilement seize
rangées dans la hauteur. Celles de la ligne latérale
sont sensiblement plus peutes. Une d'elles, isolée,
montre que la surface radicale est beaucoup plus
large que celle restant externe. Il n’y a que de fines
stries d’accroissement, mais point de stries rayon-
nant du centre vers la base radicale ; mais il y a
deux ou trois dentelures sur le bord, qui corres-
pondent évidemment aux rayons de l'éventail. Tout
le dessous du ventre, depuis la gorge jusqu'aux na-
geoires paires, est couvert d'écailles ; il y a cepen-
442 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
dant une petite place nue sur le devant de la cein-
ture thoracique, cachée par la membrane bran-
chiostège. Il y a aussi du nu auprès de l'insertion
de la pectorale. On che quatre-vingl-sept “ele
depuis les ouies jusqu’à la caudale.
La couleur de nos poissons, conservés dans l’es-
prit de vin, est un argenté plus ou moins pur. Nous
avons beaucoup d'individus sans aucune tache,
mais nous en avons un aussi grand nombre qui ont
le corps rayé de lignes grises longitudinales comme
les écailles. Les membranes des nageoires varient
de couleur suivant les saisons. À l’époque du frai,
les pectorales ont une teinte rougeâtre; les ven-
trales et l’anale sont plus colorées; la caudale et
ladipeuse ont une teinte bleu de lavande; la dorsale
est rayée de taches carrées, nuancées de rouge, de
violet et de brun. Plusieurs ont des taches noires,
de figure inégale, situées obliquement entre deux
rangées d’écailles. Il y en a davantage au-dessous
de la ligne latérale. M. Jurine a compté trente-deux
points sur un individu de huit pouces de longueur.
Il ajoute qu'on prétend que les ombres ponctués 4
ont la chair plus savoureuse que les autres. k
À l'ouverture de l'abdomen, le foie se fait remar-
quer par sa peutesse. L’œsophage descend sous la
vessie natatoire; arrivé un peu au dela du uers de |
la cavité abdominale, il se courbe et remonte sur
le diaphragme,en se dilatant un peu et en s’épaissis- 4
sant, mais sans former de cul-de-sac. Revenu sous
le diaphragme, on voit l'intestin se recourber pour
descendre droit à l'anus. Nous avons compté vingt- ÿ
+4
|
CHAP. VII. OMBRES. 443
deux appendices cœcales autour du duodénum. Les
ovaires de l'individu que j'ai disséqué formaient deux
peuts rubans plissés à la parte antérieure, flottant
librement dans la cavité abdominale où les œufs
tombent librement comme dans les autres salmo-
noides. La vessie natatoire est d’une grandeur re-
marquable. Elle occupe plus de la moiué de la ca-
vité abdominale, car elle est étendue depuis le
diaphragme jusqu'à l'anus; elle est irès-large, et
arrondie aux deux extrémités. Elle communique avec
l'intestin dans le haut de l’œsophage par un conduit
pneumatique remarquablement petit.
Le squelette de cette espèce ressemble dans ses
principaux traits à celui des autres salmonoïdes. J'y
trouve deux grands trous mastoïdiens latéraux. J'ai
compté cinquante-huit vertèbres, trente-trois côtes,
dont les dix à douze premières ont à leur articu-
lation, près de la vertèbre, une apophyse styloïde
horizontale, et les vingt-cinq premières vertèbres
ont en outre à la base de l’apophyse épineuse un
autre osselet horizontal. C’est là ce qui explique le
grand nombre d’arêtes que l’on trouve dans ces
poissons, car on voit que ce squelette rappelle à
beaucoup d’égards celui des clupées. La longueur
de nos différents individus varie entre douze et dix-
sept pouces,
Nous avons recu plusieurs exemplaires du
Thymale écailleux : ils nous sont venus de
Nancy par les soins de M. Kiener; du Doubs,
auprès de Montbéliard, par les soins du pas-
444 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
teur Berger. M. de Candolle et M. Major nous
l'ont envoyé du lac de Genève. On le trouve
aussi dans le lac Majeur et dans le PÔ; car
M. Savigny en a rapporté de ces localités.
Enfin, cette espèce se trouve aussi dans le
Danube; M. le conseiller aulique Schreibers
en a envoyé de Vienne au Cabinet du Roi.
Les Thymales paraissent dans le Rhône dès
le mois de novembre; en décembre il y en a
davantage ; à la fin de l'hiver le poisson re-
monte les torrents, et principalement celui
que l'on nomme Alondon. Aussi le connaît-
t-on à Genève sous le nom d'Ombre de l’Alon-
don. Les Ombres remontent le Rhône en
troupes, en S'élançcant fréquemment hors de
leau pour attraper les gphémères et les phry-
ganes. M. Jurine dit que c'est un spectacle assez
amusant à voir. Îl croit, que le peu d'Ombres
pris dans les nasses de Genève, dépend du
passage que trouvent ces poissons dans les
interstices du clayonnage. Lorsqu'ils ont passé
dans le lac, ils ne tardent pas à remonter les
rivières qui sy jettent, et même le Rhône
en Valais; car on en prend jusque dans le
torrent de Pissevache, au delà de Saint-
Maurice.
La chair de Ombre est préférable à celle de
la Féra : elle est blanche, ferme et de bon goût.
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}
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kr
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1}
(LI
PL
CHAP. VII. OMBRES. 445
Ce poisson n’a pas la vie dure; car il meurt
1 SSUA ? . 9 .
presque aussitôt qu'on le tire de l’eau, et il
ne se développe que dans les eaux vives et
rapides. On ne peut pas le faire prospérer
dans les eaux tranquilles.
L'OMBRE A POITRINE NUE.
(Thymalus gymnothorax, nob.)
J'ai rencontré fréquemment sur le marché
de Berlin un Thymalé, qui a été, sans aucun
doute , confondu avec l'espèce précédente; il
offre cependant un caractère qui le rend très-
facile à reconnaître. Tous les individus que
que j'ai achetés
ont le dessous de la gorge nu, sans écailles. On en
trouve seulement un peut groupe au-devant de l'in-
sertion de la pectorale. Le nu ne dépasse pas la
longueur de cette nageoire, c’est-à-dire que le reste
du dessous du ventre, jusqu'aux nageoires ventrales,
se trouve recouvert d’écailles qui augmentent sen-
siblement à mesure qu’elles s’en approchent, pour
devenir aussi grandes que celles des flancs. On les
voit commencer sous la ligne médiane, à peu près
au milieu de la longueur de la pectorale. Il y a donc
une pointe avancée d’écailles sous le milieu du ventre
qui limite de chaque côté les deux profondes échan-
crures du nu de la gorge. Je compte de soixante-
dix à soixante-quinze rangées d’écailles le long
446 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
des flancs ; il y en a donc moins que dans l'espèce
précédente. Le museau me paraît moins avancé. Les
dents palatines et vomériennes sont plus fortes. La
dorsale me parait un peu moins grande. La couleur
est semblable à celle de l'espèce précédente.
Les viscères ne m'ont pas offert de différences
notables.
Je trouve d’autres exemplaires de cette es-
pèce parmi les poissons envoyés de Russie par
S. A. I. la Grande-Duchesse, à qui nous avons
déjà adressé plusieurs fois nos remerciments.
Il est probable que Bloch a fait dessiner
des individus de cette espèce pour représenter
son Salmo thymalus; mais sa planche est
tout à fait incorrecte.
L'OMBRE A VENTRE NU.
( Thymalus gymnogaster, nob.)
Le Thymale que j'ai recu de la Néwa est
encore différent des deux précédents. Les
trois exemplaires conservés dans le Cabinet
du Roi
ont le dessous du ventre nu, beaucoup au delà de
la pectorale. L’échancrure de ce nu atteint jus-
qu'aux deux tiers du dessous du ventre. Ces pois-
sons ont le museau plus arrondi; la mâchoire supé-
rieure plus saillante; la dorsale beaucoup plus basse,
les écailles sensiblement plus peutes, puisque nous
CHAP. VII. OMBRES. 447
en comptons au moins cent rangées le long des
flancs. L'examen des viscères nous confirme dans la
disuncuon spécifique que nous venons d’étabhr;
car nous trouvons le canal intestinal proportion-
nellement beaucoup plus gros. Les cœcums sont
plus forts, mais moins nombreux; 1l n’y en a que
dix-sept. L'animal avait pris des crevettes et des
larves de phryganes.
Nos individus sont longs de treize pouces.
Ils ont été donnés par S. A. I. la grande du-
chesse Hélène.
ILest possible que Pallas ait vu ce poisson,
puisqu'il parait commun dans la Néwa : c'est
peut-être le Charius des Russes de Péters-
bourg. : |
L’'OmsrE D'ELIEN.
(Thymalus Æliani, nob.)
J'ai observé, dans les collections faites en
Italie par M. Savigny, un Thymale du lac
Majeur, différent de ceux du lac de Genève
et des espèces des contrées septentrionales
1 .) , . . ,
de l'Europe, que j'ai décrites, quoiqu elle pa-
raisse se rapprocher de celles-ci par quelques
caractères.
Cet Ombre
a le corps allongé, étroit; sa hauteur est cependant
du cinquième de la longueur totale. Sa tête n’en me-
sure que le sixième. La dorsale est beaucoup plus
448 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
courte et beaucoup plus basse; les pectorales sont
peu pointues, égales, en longueur, aux ventrales.
B. 8; D. 17; A. 12; C. 21; P. 45; V. 9
Les écailles sont peutes, et cependant il n’y en a
que quatre-vingt-quatre rangées le long des flancs.
Il y a du nu sous la gorge et le long de la pecto-
rale; mais cependant les écailles de la ligne moyenne
s’avancent en une bandelette encore assez large jus-
qu'auprès de la ceinture humérale. Les couleurs sont
d'un gris argenté, mêlé de bleu sur Le dos ; la dor-
sal® a quelques points rouges.
J'ai sous les yeux trois individus parfaite-
ment semblables, longs de neuf pouces. Je ne
doute pas que ce poisson ne soit encore une
espèce particulière de ce genre ; ilne ressemble
à aucun de ceux déjà décrits.
J'ai donné à cette espèce le nom du natu-
raliste grec qui a fait connaître le Thymale
comme un des poissons originaires des fleuves
de cette partie de l'Italie. Que l’on ne croie
pas cependant que je sois très-sür de retrou-
ver ici l'espèce décrite par Élien.
L'OmMBRrE DE PALLAS.
(Thymalus Pallasit, nob.)
Nous avons recu des eaux douces de lai
Russie par les soins de S. A. I. la grande du-"
ns.
?
PE PE A TL
Rs
CHAP. VII. OMBRES. 449
chesse Hélène un Thymale, qui se distingue
par la plus grande élévation de sa dorsale ;
car les rayons sont aussi hauts que le tronc mesuré
au-dessous d’eux. Je trouve aussi que ce poisson
a l'adipeuse un peu plus peute, les ventrales plus
larges, la pectorale moins aiguë. Il y a quelques
strieés rayonnantes sur l’opercule que l’on n’observe
pas dans l'espèce précédente. Les maxillaires sont
un peu plus longs et un peu plus étroits. Ces dif-
férences, quoique légères, jointes au plus grand
nombre de rayons à la dorsale, me prouvent.que
nous avons là une espèce particulière de Thymale.
Ces différences nous paraissent d'autant plus
remarquables, que nous avons recu le véri-
table Salmo thymalus décrit dans l'article
précédent dans le même envoi que ces pois-
sons. Nos plus grands exemplaires ont près de
quinze pouces.
Je publie cette espèce sous le nom de ce
grand naturaliste, parce que je l'ai trouvée
dans le Cabinet de Berlin; elle faisait partie
des belles collections données à l’université
de cette ville par M. Rudolphi. Je l'ai dessi-
née, et la hauteur des rayons de la dorsale
ne me laisse aucun doute sur cette détermi-
nation.
5 ù Ve 20)
150 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
L'Ou8rE DE BACK.
( Thymalus signifer, Richardson.)
Il faut placer à côté de l'espèce de Pallas,
celle que le docteur Richardson’ a publiée,
d'abord dans lappendice zoologique du
voyage du capitaine Franklin, et quil a re-
produite ensuite dans sa Faune de l'Amérique
boréale? sous le même nom de 7'hymalus s1-
gnifer. A1 l'a dédiée à son ami, le capitaine
Back, midshipman de l'expédition du célèbre
J. Franklin. Il l'avait prise d'abord dans le lac
Winter; il l'a retrouvée ensuite dans le lac
du grand Ours (Great Bear lac); mais les
exemplaires du second lac ont des teintes un
peu différentes de ceux du premier, proba-
blement parce que ces derniers avaient été
pris au moment du frai. Il a vu ce poisson
s'étendre jusqu'au 62° latitude nord, entre la
rivière Mackensie et Welcome. Ce Thymale
a le corps comprimé, la tête peute, les intermaxil-
laires plus longs et plus étroits que ceux des Coré-
gones; de petites dents pointues sur les mâchoires;
deux rangs sur les os palatins, et six ou sept à
l'extrémité antérieure du vomer. La langue est lisse.
1. Richardson, Francklin's Journal, p. 111, pl. 26.
2. Fauna borealis-amer. , t. I, p. 190, pl. 88.
L
CHAP. VII. OMBRES. A51
Les écailles sont au nombre de quatre-vingt-sept
entre l’ouie et la caudale. Le dos est foncé, les côtés
ont une teinte de lavande purpurine, mêlée de gris-
bleuätre. Le ventre est grisâtre; il y a des points
blancs parsemés sur les flancs et de grosses taches
blanches le long du ventre. La dorsale bleue a de
nombreuses taches bleu de Prusse plus foncées et
une bordure rosée. On retrouve cette teinte sur les
autres nageoires.
LE CN» Hp LS ul val 6 pie Lo ci dou 5 té a
M. Richardson a donné des détails sur l'ana-
tomie de ce poisson, et il a comparé les di-
mensions de ses individus à celles des mêmes
parties mesurées sur le Grayling d'Angleterre.
Le poisson avait dix-sept pouces anglais de
longueur : c'est le Zewlook-powak des Esqui-
maux, ou le poisson bleu des voyageurs ca-
nadiens.
Ce Thymale a été inséré dans le Synopsis
de M. Storer, d’après Richardson.
On trouve dans le même grand ouvrage de
ce courageux explorateur des contrées sep-
tentrionales l'indication d’une seconde espèce
d'Ombre sous le nom de Thymalus thyma-
loides.
Il y a quelque différence dans les nombres
des rayons de l’anale et dans les couleurs ;
mais comme les individus étaient petits, M.
Richardson pense qu'il n'a eu probablement
452 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
à sa disposition que des jeunes de l'espèce
précédente.
B. 8; D. 23; A. 10; C. 27; P. 17; V. 9.
Ce petit Grayling, long seulement de huit
pouces , a été pris dans la rivière Winter, par
conséquent dans la même contrée que le pré-
cédent.
L'OmBRE D'ONTARIO.
(Thymalus ontariensis, nob.)
Nous avons recu du lac Ontario un Thy-
male très-voisin de celui du lac de Genève.
Il a cependant plus de nu sous la gorge, quoiqu'il
n’en ait pas autant que notre Thymale de Berlin ou
Thymalus gymnothorax. La tête est évidemment
plus pointue; le corps plus allongé; la dorsale un
peu plus longue. Les dentelures des écailles sont
assez prononcées. Les couleurs doivent à peine dif-
férer de celles de notre Thymale, car nos exem-
plaires sont verdätres, avec une douzaine de lignes
grises le long des flancs. La dorsale a quatre Ou cinq
rayures longitudinales rouges.
Nos exemplaires ont un pied de long: ils
ont été envoyés par M. Milbert.
Je ne trouve pas cette espèce dans le Sy-
nopsis de M. Storer, ni dans les autres Ich-”
thyologies américaines, et cependant l'examen :
des individus que j'ai décrits et la certitude «
CHAP. VII. OMBRES. 453
de leur origine, ne me laissent aucun doute
sur l'établissement de cette espèce.
L'OMBRE CHARIUS.
(Thymalus Mertensiü, nob.)
Je trouve parmi les dessins faits au Kamt-
schatka par M. Mertens, une figure d'Ombre
qui doit avoir beaucoup d'aflinités avec nos
espèces européennes, mais qui me semble
devoir en être distinguée à cause
de la petitesse de sa tête, et de la brièveté de l’anale
et de la pectorale. Le corps est gris avec des lignes
longitudinales cendrées et foncées. Le dessus de la
tête est de la même couleur que le dos; la gorge
et la poitrine blanches, couvertes de taches noires.
Il y a aussi du noir entre les lignes cendrées. La
dorsale est rayée de noir; le fond de sa couleur,
ainsi que celui de ladipeuse, de la caudale, de
lanale et de la pectorale, est un cendré foncé. La
ventrale porte des bandes noirâtres sur un fond
fauve-clair.
Le dessin est intitulé Charius ; or, je trouve
dans Pallas que ce nom désigne les Ombres
en langue russe.
‘
454 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
CHAPITRE VIIL
Des Corécones (Coresonus.)
Le genre des Corégones a été établi par
_Artedi pour les espèces de Salmonoïdes qui
avaient de sept à dix rayons à la membrane
branchiostège, des dents si petites, quon ne
les apercevait plus dans quelques espèces; la
dorsale devait être plus avancée que la ven-
trale. Il avait fait entrer la dentition dans le
caractère générique, parce qu'il mélait à des
espèces sans dents, Ombre (Sa/mo thymalus).
M. Cuvier a précisé le caractère de ce groupe,
en établissant le genre des Ombres. Ce qu'il a
fait de mieux ensuite, c'est de déterminer les
différentes espèces d'Europe, et surtout des
lacs de Suisse, qui ont été méconnues par
tous ses prédécesseurs. Le défaut de la déter-
mination de ces espèces a conduit les diffé-
rents naturalistes, qui ont traité de nos pois-
sons d'Europe, à une telle confusion que, pour
arriver à quelque chose de certain, je suis
obligé de commencer par exposer une revue
critique de tous ces travaux, avant d'appli-
quer à chacune des espèces en particulier les
noms que nous allons essayer de leur donner,
en en publiant une description comparative et
faite d'après nature.
CHAP. VIII. CORÉGONES. 455
Les espèces de ce genre naturel sont toutes
si voisines les unes des autres, que je ne puis
espérer de les avoir caractérisées avec plus de
certitude qu'on ne peut le faire pour les espèces
du genre des Ables. Les différentes Corégones
représentent par leur similitude, et cependant
par leur variété spécifique, les mêmes formes
dans le genre des Saumons, que les Ables dans
la famille des Cyprinoïdes. Cest en quelque
sorte là ce qui me justifie de n’avoir pas suivi
l'exemple de plusieurs ichthyologistes qui ont
cru devoir séparer les Cyprinoïdes à mâchoire
dentée de nos Cyprins sans dents.
Le genre des Corégones est nombreux en
espèces : le caractère repose sur la position
des intermaxillaires et des maxillaires, et non,
comme la dénomination d’'Artedi semblerait
l'indiquer, sur l'espèce d'angle que formerait
en avant la pupille de ces poissons. Si plu-
sieurs espèces appartiennent à l'Europe cen-
irale, il faut bien remarquer que le plus grand
nombre, et que celles qui sont l'objet d’une
pêche importante, sont confinées avec les
autres Salmonoïdes dans les mers ou dans les
eaux circumpolaires. On doit donc conclure
de cette monographie et de celles qui ont
précédé, que la tribu des Saumons dans la fa-
mille des Salmonoïdes, est peut-être plus ca-
456 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
ractéristique d’une forme ichthyologique des
régions polaires, que les Gades ou toute autre
famille.
Quoique Belon' n'ait pas suffisamment dis-
tingué les espèces des lacs de la Suisse, il me
parait cependant avoir donné quelques-uns
des traits du Lavaret; mais la figure est si
mauvaise quil est impossible de reconnaitre
le poisson dont il parle. Il a soin néanmoins de
faire remarquer que le Lavaret appartient aux
Truites par la saveur comme par les formes
génériques ; quon lapporte communément
des lacs du Bourget, d'Aix et de Genève; que
ce poisson, très-commun, ressemblerait tout à
fait à l'Ombre, s'il n'avait pas le museau si tron-
qué et sil ne manquait pas entièrement de
dents. Il se rapproche encore plus du Bezola;
mais le Lavaret ne dépasse jamais un pied, et
ne devient pas aussi large que celui-ci, qui a
quelquefois plus d'un empan. Sa tête est ob-
longue, ses écailles sont blanches et petites;
enfin, les autres observations qu'il a faïtes sur
son anatomie ou sur ses habitudes, convien-
nent assez bien à notre espèce. Mais les ich-
thyologistes de notre temps nous assurent
4. Belon, De aquai., p. 284.
CHAP. VIII. CORÉGONES. 457
que le Lavaret n'existe pas dans le lac de
Genève.
Rondelet', qu'il faut citer en même temps
que Belon, traite dans les deux chapitres, XVI
et XVII, du Lavaret et du Bezola. Il établit
très-bien le Lavaret dans le lac du Bourget et
la Bezole dans le lac Léman. Il reconnait à
celle-ci un museau plus pointu, une tête plus
petite, un ventre plus large et plus saillant,
une couleur moins blanche et plus bleuätre :
cest un poisson propre au lac de Genève. Le
Lavaret, quil croit essentiel aux lacs de la
Savoie ou du Dauphiné, tels que le lac du
Bourget et celui d’Aigucbelle, est un poisson
toujours blanc et brillant. Rondelet tire même
de cette qualité l'étymologie du nom de La-
varet. On doit conclure de ces deux descrip-
tions, que l’'habile ichthyologiste de Mont-
pellier a connu notre première Corégone,
et qu'il l'a distinguée des espèces du lac de
Genève; mais les figures qu'il a données de
ces poissons, sont loin d’être aussi satisfai-
santes que celles de beaucoup de ce livre
original. Celle du chapitre X VI me paraïtrait
plutôt appartenir à la Féra ; et quant à celle
1. Rondelet, De pisc. lacust., Liv. ch. XVI et XVII, p. 162
et 163.
458 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
du chapitre X VIT, elle est tout à fait indéter-
minable.
_ Gesner' a commencé par donner aussi le
Lavaret du lac du Bourget d'après Rondelet.
Sa figure n’en est pas cependant une repro-
duction exacte. Puis il a repris l'article de
Belon sur le même sujet; mais, ne trouvant
pas assez fidèle la figure du Bezola, il a publié,
à la page 30, le dessin d’un Bezola du lac de
Genève, qui lui avait été envoyé par un de ses
amis. Ce ne peut être, ni la Féra, ni la Palée;
et il me paraît bien douteux que ce soit la
Gravenche. Je crois cependant quil convien-
drait mieux de la rapporter à cette espèce
qu'aux deux autres. Un peu plus loin, dans le
même chapitre, Gesner donne une figure
de l’Albelle du lac de Zurich, sous le nom
d'Albula parva.
Nous avons recu l'Albelle ou l'Elbel de
Strasbourg par les soins de M. le D." Reisseisen.
Il nous a donné la facilité de reconnaitre dans
ce poisson le Lavaret du lac du Bourget et
de déterminer en même temps l'Elbel de
Baldner, dont la figure manuscrite est conser-
vée dans la bibliothèque de Strasbourg. Mais
la figure de Gesner n’est pas plus caractérisée
4. Gesner. De adbis pisc., fol. 29.
CHAP. VIII. CORÉGONES. 459
que celle des différents auteurs dont nous
avons déjà parlé. Il n'est pas possible de dé-
terminer son Ælbula minima du lac de Lu-
cerne, où il est connu sous le nom de Vacht-
fisch. Les pêcheurs de Fribourg l'appellent
Pjæren, et ceux de Zurich Jægel ou Hæzg-
ling. Ces noms, ainsi que les habitudes quil
rapporte, me font croire quil s'agit là de
jeunes féras, poisson que l'on prend princi-
palement pendant la nuit, et dont on fait,
dans les différents lacs de la Suisse, des pé-
ches abondantes semblables à celles des ha-
rengs : toutefois ces dénominations sont toutes
très- vagues. Sans en avoir donné de figure,
Gesner a placé, dans le corollaire du Lavaret
un Albula nobilis, qui serait l'Adelfisch ou
le 7Veisser-Blawling du lac de Constance. Il
donne encore d’autres noms provinciaux de
ces différents poissons. II me paraît difficile
de les appliquer avec queique précision, puis-
qu'il est bien évident que cet auteur n'a pas
commencé par distinguer suffisamment les es-
pèces, et que l'on sait d'ailleurs combien ces
noms de localités varient d’un lieu à l'autre.
Aldrovande* a reproduit Rondelet et Ges-
ner dans les figures du Layaret, du Bezola et
4. Aïldr., De pisc., p. 651, 658, 659, 660 et 663.
460 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
de l’'Albula parva vel minima. Nous voyons,
page 663, une Féra ou un Fala du lac de
Genève, mais qui, loin d'être un de nos Sal-
monoïdes, est plutôt un Vangeron ou quelque
autre able du lac.
Schônevelde! a aussi son Ælbula nobils ;
sa figure excellente est facile à déterminer;
cest le Jautins ou le Salmo oxyrynchus de
Linné. Elle est copiée dans Willughb y. ?
Tels sont les documents qu'Artedi a réunis
pour former sa première et sa seconde espèce
de Corégone. La première est devenue le
Salmo albula de Linné; il se reconnait à sa
mâchoire inférieure plus longue ; mais toutes
les citations d’Artedi qui reposent sur la figure
de Gesner uniquement, puisque Aldrovande
et Willugbhy sont copistes de ce dernier, sont
certainement mauvaises. La seconde espèce de
Corégone, qui a servi à l'établissement du
Salmo lavaretus du Systema nature, est tout
aussi mal établie; car il a réuni, sous la phrase
caractéristique, cinq variétés : La première,
ou æ, pourrait être rapportée à notre Lavaret;
la seconde, 8, reposant sur l'4Zbula nobilis de
Gesner, auquel il associe Schônevelde, ce
1. Schônev., p. 82, t. I.
2: Walk, Dés, Al fe 6
o
CHAP. VIIL CORÉGONES. 461
qui montre deux espèces fort distinctes con-
fondues en une seule; la troisième, y, ap-
partiendrait à la Bézola du lac de Genève,
c'est-à-dire, à la Féra et aux espèces voisines.
La variété d est l'{/bula parva de Gesner
ou l'Elbel de Zurich, qui devrait rentrer, si
nos conjectures sont vraies, dans la variété «.
Enfin, la cinquième ou la variété &, réunit et
la Féra de Rondelet, et celle de Gesner et
celle d'Aldrovande.
Linné, en publiant l'ouvrage de son ami,
a bien fait quelques observations sur ces dif-
férentes variétés, mais elles n’avancent en rien
la question, et on voit quil ne connaissait
pas mieux qu Artedi les différentes Corégones
européerines, d'où il résulte que son Szlmo
lavaretus est fondé sur une réunion faite sans
critique d'espèces toutes différentes. Le Szlmo
oxyrynchus du Systema naturæ est bien
établi par le caractère de sa mächoire supé-
rieure longue et conique. Il n’y aurait même
rien à y reprendre, si Artedi avait rapporté
à cette espèce l4/bula nobilis de Schônevelde.
Ces trois espèces, inscrites dans la dixième
édition, reparaissent dans la douzième sans
aucun changement.
Il me parait inutile de parler ici du F'auna
suecica; Car la première Corégone, qui est
462 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
une de nos espèces d'Ascanius, est confondue
avec le Lavaret du lac du Bourget. La seconde
est confondue avec l4/b. minima de Gesner.
Nous possédons ces espèces : elles seront dé-
crites dans ce chapitre.
Bloch est loin d’avoir éclairei la confusion
que Linné et Artedi avaient faite entre ces
différents poissons. Son Salmo lavaretus est
évidemment le Salmo oxyrynchus de Linné,
cela est facile à reconnaître. Mais pourquoi
y associe-t-il alors celui de Wulf' et celui
de Duhamel, qui nappartiennent certaine-
ment pas à son poisson, et qui ne sont pro-
bablement pas tous deux de la même espèce.
En effet, Duhamel®? à une figure assez bien
faite, sous le nom de Lavaret, sorte de sau-
mon, d'un poisson qu'il avait recu du lac du
Bourget, et qu'il a fait dessiner de grandeur
naturelle. La figure de Duhamel me parait
ressembler beaucoup plus à la Féra qu’à tout
autre poisson, cependant on croit générale-
ment que cette espèce ne se trouve pas dans
ce lac. Cest aux naturalistes qui résideront
assez longtemps auprès de ces lacs, à résoudre
1. Wulf, p. 36, n.° 46.
2. Duhamel, Pêche, 2.° partie, $. 4, pl. 14.
CHAP. VIIL CORÉGONES. 463
ces questions; mais pour ne pas quitter l'au-
teur qui nous occupe, il est évident que
Bloch a fait une grande confusion en don-
nant l'Oxyrynque sous le nom de Sa/mo la-
varetus. Ce même ichthyologiste recevait du
docteur Wartmann, l'un de ses correspondants
établi dans le pays de Saint-Gall, une Coré-
gone de la Suisse, qu’il a figurée sous le nom
de Salmo FVartmannt, planche 105. Que l'on
examine cette figure, on verra qu’elle est une
des plus inexactes que Bloch ait insérées dans
son Îchthyologie. Cependant le dessin que
jai pris à Berlin d'après les individus de
Bloch, me fait croire quil a plutôt examiné
le Lavaret que toute autre espèce suisse, et
cependant il ne devrait pas alors lui donner
le nom d'Ombre bleu, cette dénomination
convient mieux à la Féra.
M. de Lacépède a accepté le genre des
Corégones et y a inscrit dix-neuf espèces. Il
accepte les espèces de Bloch et de Linné, il y
ajoute celles de Pallas, sans apporter, comme
à son ordinaire, à l'examen des différents
synonymes ou des matériaux quil emploie, la
moindre critique. Son Corégone Muller est
une Scopèle; son Corégone rouge est un Sau-
rus. Le Coregonus umbra est une mauvaise
répétiuon du Thymale, et il reprend, d’après
464 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Linné, un Coregonus oxyrynchus, qui a
donné lieu aussi à un second double emploi,
puisquil l'a répété comme un genre distinct
sous le nom de 7Zripteronote.
Ces difficultés ont laissé beaucoup d'incer-
tüitude dans les descriptions que les auteurs
les plus récents nous ont données des pois-
sons de la Suisse. Ainsi M. Nening, dans la
description des poissons du lac de Constance,
a cherché à retrouver le SzZmo maræna. I
a une autre espèce, Salmo maræna media,
et enfin un Salmo FVartmanni; mais javoue
que je nose rapporter ces déterminations à
aucune de nos Corégones.
M. Hartmann ne me paraît pas avoir pu
distinguer le Lavaret et les différentes autres
espèces des lacs de son pays. Il confond avec
la grosse Marène de Suisse la Palée des lacs
de Neufchâtel et de Morat, et la Féra du lac
de Genève. Sous le nom de Salmo maræna
media il désigne le Xzlchen ou le Kirchfisch
du lac de Constance, et il y rapporte le Butz
ou le ZZusen du lac supérieur de Zurich, ou.
le Aalbken du lac des Quatre-cantons. Puis il «
a un Sa/mo marænula pour comprendre le «
Gang-fisch ou le #Veissoang-fisch du lac de
Constance, l'Albule du lac de Zurich, des.
Quatre-cantons et de plusieurs autres lacs de #
l
fl
CHAP. VII CORÉGONES. 465
Suisse, et 1l croit que la Bezole ou la Gra-
venche de la Suisse française, est le même
poisson que la petite Marène des Allemands.
Puis vient un Sa/mo albula qui serait, selon
lui, le Zægling du lac de Brientz et le VNacht-
Jisch de celui de Lucerne. Or, il n’y a pas en
Suisse un seul Salmonoïde qui ait la mâchoire
inférieure plus longue que la supérieure. Enfin
il croit que le Blaufelchen de Wartmann, de-
venu $Salmo FWartmanni dans Bloch, est l'a-
dulte d’un poisson que les Suisses du lac de
Constance appellent, dans sa première année,
Seelen où Heuerling, et encore Meidel ou
Midelfisch; dans la seconde, Stüben; dans la
troisième, Gang-fisch ou grüner Gang-fisch;
dans la quatrième, Renken; dans la cinquième,
Halbfelch; dans la sixième, Dreyer; dans la
septième et dans les années suivantes, Felchen
ou Blaufelchen. 11 donne encore d’autres
noms des provinces voisines des lacs de Thun,
des Quatre-cantons, etc., et enfin il croit que
la Palée des lacs de Genève et de Neufchâtel
n'est autre que ce poisson. Beaucoup de ces
noms ont été pris dans Gesner; il est fâcheux
qu'un naturaliste, établi dans ce pays, et qui
a fait de si bons travaux sur l'ichthyologie de
la Suisse, n'ait pas mieux déterminé les espèces
de son pays.
DS 20
466 LIVRE XXII, SALMONOÏDES.
Cette revue générale nous permet mainte-
nant de chercher à rapporter à quelques-unes
de nos espèces les différentes citations ou les
principaux traits de mœurs que nous trou-
verons dans les ouvrages de nos devanciers.
La CoRÉGONE LAVARET.
(Coregonus Lavaretus, Cu.)
Le poisson, bien connu on Suisse sous le
nom de Lavaret, et que les habitants de nos
provinces de l'Est désignent plus spécialement
sous le nom de Lavaret du lac de Bourget,
est un poisson qui a la forme générale de nos
Ables, mais son adipeuse l'en distingue.
Le corps est régulièrement et élégamment allongé.
Le profil du ventre est un peu plus convexe que
celui du dos. C’est surtout entre les ventrales et les
pectorales que la saillie abdorumale est la plus grande.
La hauteur du tronc est comprise cinq fois et quel-
que chose dans la longueur totale. La tête est un
peu plus courte, d’un neuvième ou d’un dixième
de cette hauteur. Le museau est gros, arrondi,
tronqué. Il ne fait point saillie à l'extrémité au-
devant de la mâchoire inférieure. Les intermaxillaires
sont petits et assez hauts : ils sont assez fortement
unis par des ligaments fibreux aux maxillaires, qui
passent un peu derrière eux. Ceux-ci sont courbés,
couchés sur les côtés de la joue; un petit osselet
CHAP. VIII. CORÉGONES. A4G7
supplémentaire élargit l'extrémité inférieure de l'os,
et monte derrière lui en une petite apophyse courte
et pointue. La mâchoire inférieure s’abaisse sous la
supérieure, en faisant faire un mouvement de bas-
cule aux os de la supérieure, mais dans ce mouve-
ment l'ouverture de la bouche reste toujours petite.
Aucune parue de la bouche n’a de dents. La mu-
queuse de la langue est couverte, de villosités fines,
mobiles, et les papilles recouvrent aussi les pha-
ryngiens et l'artère de l'œsophage. L’œil est éloigné
du bout du museau d’une longueur égale à son
diamètre, lequel mesure le quart de la longueur de
la tête. L'intervalle qui sépare les deux yeux égale
une fois et demie ce diamètre. Un sourcilier peu
mobile recouvre cet organe, dont la pupille à en
avant ce rétrécissement anguleux dont Artedi a tiré
le nom de ce genre. Les osselets sous-orbitaires
sont nombreux dans les Corégones. En effet, nous
en trouvons un premier étroit, allongé, un peu
anguleux du côté de la narine; cette pièce est cou-
chée au-dessus du maxillaire : elle est suivie d’un
second petit osselet à peu près rectangulaire, et qui
atteint, sous l'œil, à l’aplomb du centre de la pupille;
et au delà de ces deux os commence l'arc formé
par les autres sous-orbitaires au nombre de huit,
mais disposés sur deux rangs. C'est le seul exemple
que je connaisse d’une double rangée de sous-orbi-
taires dans les poissons, Ceux de l’arcade inférieure
sont plus grands que les supérieurs. La joue se trouve
presque entièrement cuirassée par cette double ran-
gée d'os qui s'appuie jusque sur le limbe du préo-
468 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
percule. Celui-ci est un peu caverneux et a son
bord arrondi. Nous voyons derrière lui un opereule
trapézoïde qui porte dans son milieu un peut sillon
oblique qui semble diviser en deux pièces cet oper-
cule. La suture du bord inférieur est très-fortement
marquée avec la réunion du sous-opercule, qui est
large et arqué, et enfin un assez grand interoper-
cule forme entre celui-ci et le préopercule une
grande pièce triangulaire, en même temps que le
corps principal de ce quatrième os operculaire s’en-
gage et se cache presque entièrement sous le bord
inférieur du limbe. Les ouïes sont très-largement
fendues; le bord membraneux est étroit. Il y a huit
rayons à la membrane branchiostège. La dorsale est
à peu près au milieu de la longueur du corps, en
exceptant la caudale. Elle est pointue, haute de
l'avant. L’adipeuse est couchée sur le dos de la
queue : elle a quelques petites écailles à sa racine.
Les ventrales sont très-larges et répondent à peu
près à la moité de la dorsale. Les pectorales sont
un peu plus étroites, mais elles sont plus longues
que les nageoires abdominales. L’anale est peute,
échancrée; la caudale est fourchue.
B. 8; D. 16 — 0; À. 15; C. 31; P. 16; V. 12.
Tout le corps est couvert d’écailles régulièrement
disposées jusque sur le pourtour de la ceinture
humérale, mais au-devant toute la partie de la peau.
qui va se Joindre à l'isthme, et qui est recouverte.
par la membrane branchiostège quand les ouïes sont
fermées, est nue. Ces écailles sont petites et leur.
parte radicale est moins grande que la poruüon
CHAP. VIII. CORÉGONES. 463
nue. Je n’y vois que des stries concentriques rap-
prochées. La ligne latérale est marquée par une
série de petits traits à peu près par le milieu de la
hauteur, et sur des écailles qui ne diffèrent pas
beaucoup des autres.
La couleur de ce poisson, conservé dans l'alcool,
est un gris perlé à reflets argentés au-dessus de la
ligne latérale. Le ventre est blanc avec quelques
lignes de reflet, le tout est glacé d'argent. Les na-
geoires, grises, ont leur extrémité noirâtre.
Les viscères ressemblent beaucoup à ceux des
Ombres. Le foie est très-petit : ce n’est qu'un petit
lobe arrondi, situé presque en entier dans le côté
gauche sous le diaphragme. La vésicule du fiel est
grosse, arrondie, assez adhérente au foie et située
tout à fait en avant. L’œsophage commence par être
assez musculeux : il se rétrécit et ses parois s’amin-
cissent au-dessus de la courbure de l'estomac ou de
la branche montante, qui devient épaisse et charnue.
L'intestin fait une seule courbure, conserve un dia-
mètre assez large et se rend droit à l'anus. A son
origine , le duodénum est entouré d'un nombre
considérable de cœcums gros et courts. La rate est
allongée, mais étroite. La vessie natatoire est aussi
grande que dans les Thymales; elle occupe plus
de la moitié de la cavité abdominale; elle commu-
nique avec l'intestin, dans le haut de l’œsophage,
par un large canal.
Le squelette montre que ce poisson n’a pas au-
tant d’arêtes que le Thymale, car celles qui sont
insérées à la base des apophyses montantes des ver-
470 LIVRE XXII. SALMONOIÏDES.
tèbres sont plus courtes, et je n’en vois pas au-
dessus des côtes. La colonne vertébrale est composée
de soixante vertèbres, dont trente-cinq portent des
côtes. Le crâne se rapporte à celui des autres Sal-
monoides par ses grands trous sous-masioidiens. Il
y a une longue carène sur la ligne médiane et deux
autres de chaque côté sur les frontaux principaux.
L'exemplaire qui a servi à ma description
est long de quatorze pouces et demi. IL a été
rapporté de Genève. Nous en avons recu
d'autres, du lac de Bourget, par M. de Can-
dolle. M. Mayor nous en a envoyé du lac de
ZLug, M. le D. Reisseissen de Strasbourg. Ce
poisson avait été pris dans le Rhin, aux envi-
rons de cette forteresse. M. Coulon nous en a
aussi adressé un petit exemplaire du lac de
Neufchâtel.
Si je ne craignais d'introduire de nouveaux
noms, jaurais pu appeler cette espèce Core-
gonus Rondeletit, parce que cest elle que
cet auteur’ et Belon ont très-probablement
désignée dans leur chapitre sur le Lavaret,
mais en laissant toutefois de côté les figures.
C'est là le poisson que Cuvier a indiqué dans
le Règne animal sous le nom de Lavaret, et
je l'appelle Sa/mo FVartmanni, Cuvier, parce
4. Rondelet, De pisc. lacust., liv. ch. XVI et XVII, p. 162
et 163.
CHAP. VIII. CORÉGONES. A7A
que notre illustre maître a donné au nom de
Bloch une signification spécifique précise que
l'auteur allemand n'avait pas su atteindre,
puisque sa figure et sa synonymie sont très-
mauvaises.
M. Jurine a comparé avec soin le Lavaret
à la Féra, et il distingue le premier par sa
tête plus petite et plus cunéiforme. Le Lavaret
a le nez mieux prononcé, les tubérosités na-
sales plus apparentes, et la lèvre supérieure
coupée plus carrément; le cou est plus effilé;
les nageoires sont moins grandes; les écailles
sont plus petites et en plus grand nombre.
Les deux poissons ne fraient pas à la même
époque. Le Lavaret dépose ses œufs sur les
bords du lac, et la Féra dans sa profondeur.
Le goût de la chair est aussi différent. M. Ju-
rine dit que les Lavarets meurent si promp-
tement, quon a essayé vainement d'en trans-
porter du lac de Bourget dans celui d'Annecy;
ils périssaient avant d'y arriver, quoiqu'on eût
l'attention de renouveler l'eau du tonneau qui
les contenait. Il croit que le Lavaret se trouve
dans le lac de Constance, mais non dans celui
de Zurich. L’adulte est le Blaufelchen de la
Suisse allemande, et le jeune âge sy nomme
Gang-fisch. I regarde la Palée blanche du lac
de Neufchätel comme identique au Lavaret,
472 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
et les exemplaires de M. Coulon confirment
cette observation.
La FÉRa.
(Coregonus fera, Jurine.)
La Féra, qui séjourne pendant toute l'an-
née dans le lac de Genève et dont M. Jurine'
nous a donné une très-bonne figure, est une
espèce voisine du Lavaret, mais elle s'en dis-
tingue
par un corps plus élevé; car la hauteur n’est que
quatre fois et un tiers dans la longueur totale. La
tête de la Féra est plus petite que celle du Lavaret.
L'intervalle qui sépare les yeux est un peu plus
bombé. La dorsale est moins haute; les ventrales
sont plus courtes. Les écailles paraissent un peu
plus grandes.
B. 8: D, 15:54:16: C:31: Pl, 17:45,
Les couleurs des poissons conservés dans l’eau-
de-vie ne paraissent pas différer beaucoup. M. Jurine
dit que le. dos est d’un gris brun à reflets jaunes
mêlés de verdâtre ou de bleuâtre sur les côtés; que
les écailles, argentées, sont encadrées d’un léger
poinullé noirâtre. Les nageoires prennent, à l’époque
du frai, une teinte rose. Le dessus de la tête est
jaune verdätre, poinullé d’un olivâtre que l'âge
1. Jurine, Poissons du lac de Genève, pl. 7.
CHAP. VIILL CORÉGONES. 473
colore de plus en plus. Il faut remarquer que la
troncature du nez est la même dans la Féra que dans
le Lavaret.
Les viscères de la Féra diffèrent très-peu de ceux
du Lavaret, et il en est de même du squelette; car
j'y trouve le même nombre de vertèbres, la même
absence d’apophyses horizontales aux côtes. Le crâne
est cependant un peu différent; la crête moyenne
est un peu moins forte et il n’y en a que deux
de chaque côté.
La description a été faite d'après des Féras
longues de quatorze à quinze pouces, qui ont
été envoyés de Genève au Cabinet du Roi
par M. de Candolle. R
On pêche ce poisson à peu près pendant
toute l'année, mais surtout en été. Il se tient
ordinairement entre Sécheron et Vézenar, sur
un banc de glaise recouvert de cailloux, s’éten-
dant un peu du côté de Genève, et appelé
le banc de Travers. Les Corégones qu'on y
pêche sont les plus estimées, et aussi les
nomme-t-on Féras de Travers.
On en prend aussi beaucoup à Évian. Il
y à souvent quatre-vingts barques réunies
vers les neuf heures du soir pour les pêcher
pendant la nuit, sans lune, car s'il fait clair,
la Féra voit le filet et saute par dessus. Ces
barques sont montées par quatre hommes vi-
goureux, qui doivent avec adresse retirer la
474 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
nappe très-promptement. Une barque peut,
dans une bonne pêche, prendre jusqu'à deux
cents livres de Féras. On les porte dans toutes
les villes, situées sur le lac, dès le matin, car
on n’estime dans ces endroits que ce quon
appelle les Féras de nuit.
C'est un poisson blanc qui ne pèse guère
plus de deux à quatre livres; sa chair est
délicate, mais si facile à se corrompre, quelle
ne peut supporter le transport. On la mange
fraiche et on ne la sale point.
A ces détails, qui nous ont été communi-
qués par M. de Candolle, M. Jurine en ajoute
d’autres dans l'excellente histoire qu'il a donnée
de ce poisson. Il a fait voir que les nombres
des rayons varient considérablement dans
presque tous les individus, puisqu'il trouve
des pectorales qui ont tantôt douze et tantôt
dix-huit rayons; les ventrales onze et treize.
11 démontre que la Féra appartient essentiel-
lement aux eaux du lac, puisqu'il croit qu'elle
nest pas connue dans le Valais et qu'on n'en
prend pas dans les nasses de Genève. Cela
me fait penser que le poisson figuré par Du-
hamel n'est pas, comme je le suppose, une
Féra; ce serait alors une mauvaise figure du
Lavaret. Cependant je ne puis croire quune
erreur d'un dessinateur ait conduit à donner.
CHAP. VIIf. CORÉGONES. 475
un trait si semblable à celui d'un poisson quil
n'aurait pas eu sous les yeux. Quand la Féra
est retirée dans les profondeurs du lac, sa
chair est moins bonne. Elle commence à frayer
sur Les bas-fonds vers le 12 ou le 15 février.
Au commencement de juillet les Féras quittent
le banc de Travers pour remonter les deux
rives du lac; elles alimentent alors la pêche
sous Coppet, Morges, Meillerie, etc. Elles sont
si délicates qu'on peut à peine les garder un
jour en réservoir. Déjà, au bout de quelques
heures, leurs yeux commencent à blanchir.
Outre la Féra du Travers, on distingue encore
le poisson des bas-fonds sous le nom de Féra
blanche; celle qui se tient à la surface pour
se nourrir de moucherons, sous le nom de
Féra verte. Quand les Féras dépassent le poids
ordinaire que nous avons indiqué plus haut,
qu'elles ont atteint dix-huit pouces de lon-
gueur et un poids de six livres, on dit qu'elles
rivalisent avec les meilleurs poissons du lac
pour la saveur et la délicatesse de la chair.
M. Jurine a fait connaître une maladie sin-
gulière de ces Féras, qui consiste dans un
développement de tumeurs plus ou moins
grosses et irrégulièrement disséminées sous la
peau. En disséquant avec précaution, on met
à découvert un sac mince et blanc, rempli
476 LIVRE XXII, SALMONOÏDES.
d'un liquide semblable à de la crême et qui
na ni goût ni odeur. Les chairs environnantes
sont violettes et décomposées; les os sont
complétement mis à nu. M. Jurine a compté
jusquà treize tumeurs sur le corps d'un de
ces poissons; les plus grosses étaient du volume
d'une noix. Je m'étonne que le médecin dis-
tingué à qui nous devons ces observations,
n'ait pas trouvé dans ces tumeurs des hel-
minthes. Ce que j'ai observé des tubercules
vermineux, si fréquents dans les épiploons du
cheval et dans d’autres mammifères, ressemble
tellement à la description que M. Jurine a
donnée de ces tumeurs, que j'ai tout lieu de
croire que de nouvelles recherches feront dé-
couvrir un Strongle ou plusieurs Spiroptères,
voisins sans doute du Spiroptera sanguino-
lenta.
M. Jurine a essayé de distinguer les diffe-
rents poissons des lacs de Suisse qui ressem-
blent à la Féra, et dont la nomenclature est
encore fort incertaine. Nous avons rapporté
plus haut les caractères qu'il assigne au La-
varet. [l dit que la Féra se nomme à Constance
WVeissfelchen, et à Zurich Blauling ou Brat-
Jisch.
CHAP. VII CORÉGONES. À77
La PAL*ÉE.
(Coregonus Palea, Cuv.)
Nous devons aux soins de lillustre bota-
niste que nous avons cité plus haut, les Palées
du lac de Neufchatel. Les poissons que nous
avons reçus sous ce nom, ont une forme assez
différente des Féras du lac de Genève.
Toute la partie du dos comprise entre la nuque
et la dorsale est beaucoup plus soutenue, beaucoup
plus arquée que dans la Féra. La partie du tronc
qui suit la dorsale est plus allongée, d’où il résulte
que malgré la plus grande courbure de la portion
antérieure du dos, la hauteur n’est comprise que
quatre fois et un tiers dans la longueur totale, comme
dans la Féra.
La tête de la Palée est sensiblement plus petite,
du sixième de la longueur totale. Le bord du préo-
percule descend plus droit; l'interopercule a son
angle postérieur plus aigu. L’extrémité du museau
est un peu plus saillante. Les écailles sont plus
nombreuses et disposées sur les flancs par séries
longitudinales plus disunctes.
B. 8; D. 16 — 0; A. 15; C. 31; P. 16; V. 13.
Nous comptons de quatre-vingt-cinq à quatre-
vingt-dix rangées d’écailles le long des flancs. Enfin
les teintes sont beaucoup plus rembrunies. Les ven-
trales et l’anale sont presque noires.
Les individus que nous devons à M. de
A7S LIVRE XXII SALMONOÏDES.
Candolle sont longs de quinze à seize pouces.
Il dit que cette espèce paraît dans le lac de
Neufchätel en janvier et en février.
Elle a beaucoup d’'analogie avec la Féra et
la Gravenche, car ses formes approchent de
la première espèce, et ses mœurs ressemblent
davantage à celles de la seconde. En effet,
elle habite le fond du lac pendant dix ou onze
mois de l’année, mais au mois de novembre
elle s'approche des bords, et alors on en prend
un grand nombre. Elle aime les fonds caillou-
teux. On la mange fraîche, et on en fait aussi
des salaisons qu'on expédie en Suisse et même
à l'étranger. M. de Lacépède, qui n'a connu
ce poisson que par des notes de Noël de la
Morinière, la confondu avec le Lavaret. Le
beau travail publié par M. Vost sur l'embryo-
logie des Salmones, est le résultat d'observa-
tions faites sur les œufs et l'embryon de la
Palée. M. Agassiz a observé que l’on peut en
conserver les œufs dans des vases remplis
d’eau, si on a soin d'agiter de temps en temps
cette eau avec de petites verges. Ce mouve-
ment empêche les œufs de se couvrir d'une
petite mucédinée blanche, dont le dévelop-
pement les fait bientôt périr.
CHAP. VIILL CORÉGONES. 479
La GRAVENCHE.
(Coregonus hyemalis, Jurine.')
Le lac de Genève nourrit encore une autre
espèce de Corégone voisine des précédentes,
mais que les pêcheurs et les gens du pays
savent très-bien distinguer sous le nom de
Gravenche.
Le poisson me paraît plus arqué que les préceé-
dents, parce qu'il a tout le dos régulièrement con-
vexe. Les nageoires pectorales et ventrales sont plus
larges que dans les précédents; le museau est un
peu plus saillant au-devant de la mâchoire infé-
rieure. Du reste ce sont les mêmes formes; une res-
semblance assez frappante existe entre les viscères.
Les petites écailles me paraissent ressembler plus à
celles du Lavaret qu'a celles de la Féra. C'est sur-
tout la pectorale qui est proportionnellement plus
grande que celle de la Féra.
B. 8; D. 15— 0; À. 13; C. 34; P. 16; V. 12.
Nous avons examiné six exemplaires de
cette espèce qui nous ont été envoyés de
Genève par M. de Candolle.
Le Cabinet du Roi en a recu aussi un
exemplaire par M. Temminck, qui l'a donné
à M. Cuvier en revenant de Genève.
1. Jurine, Poissons du lac de Genève, pl. 8.
4806 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Nos exemplaires sont longs de neuf à dix
pouces.
Suivant M. Jurine, les individus peuvent
atteindre jusqu'à un pied. Il ne me paraît pas
très- certain que cet auteur ait suflisamment
caractérisé sa Gravenche; je ne serais pas
étonné, d'après quelques mots de sa descrip-
tion, sil avait confondu des Palées avec des
poissons de l'espèce actuelle. Comme la Gra-
venche ne se montre dans le lac que pendant
le mois de décembre, et qu'elle disparait après
un court séjour qu'elle a employé pour frayer
sur les fonds graveleux du rivage, M. Jurine
a donné à cette espèce le nom de Coregonus
hyemals, pour la distinguer de la Féra, qui
se tient pendant beaucoup plus de temps près
de la surface du lac. Cet habile observateur
dit que cette saison ne dure pas au delà d’une
vingtaine de jours. Les couleurs pâles de la
Gravenche lui ont fait donner le nom de Féra
blanche, parce que les écailles latérales sont
plus argentines que celles des Féras. Les ven-
trales donnent, quand le poisson est vivant,
des reflets irisés très-beaux. Enfin, M. Jurine
observe que les rayons de la dorsale se redres-
sent presque perpendiculairement, tandis que
ceux de la Féra restent toujours inclinés.
Les Gravenches marchent en troupes, et
CHAP. VIII. CORÉGONES. 481
on les entend de loin au bruit qu'elles font
en ouvrant et en fermant la bouche à fleur
d'eau. Elles imitent dans ce mouvement des
mâchoires le barbottement des canards. On
les attire par la lueur de feux allumés sur le
rivage. Lorsqu'on les retire du filet avec pré-
caution, on peut les mettre en réservoir où
elles vivent deux mois, si on a soin de renou-
veler l'eau fréquemment et de la tenir toujours
très-claire. Au delà de ce temps les poissons
deviennent rougeûtres et ne tardent pas à
périr. Elles diffèrent donc beaucoup des La-
varets et des Féras, que l'on ne peut pas
garder aussi longtemps en captivité. Leur es-
tomac est rempli de coquillages et de débris
de plantes aquatiques. Ilest assez, curieux
que des animaux à canal intestinal aussi court
soient herbivores. La chair est plus ferme et
moins fade que celle de la Féra.
La MaARrÈNE.
(Coregonus maræna, nob.)
Le poisson, très-célèbre à Berlin sous le
nom de Madui- Marène, parce qu'il arrive
dans cette ville du lac Madui, dans la basse
Poméranie, à trois lieues de Stettin, est une
Corégone d’une espèce particulière.
21. 51
482 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Son corps est allongé. Le profil du dos est plus
droit que celui du ventre, surtout au delà des ven-
trales. La hauteur du tronc est comprise quatre
fois et quatre cinquièmes dans la longueur totale,
et celle de la tête y est environ cinq fois et demie.
Le museau est assez saillant au-devant de la bouche :
il y a une fois et demie le diamètre de lœil entre
son extrémité et le bord antérieur du globe. Les
maxillaires sont plus longs et moins courbés que
ceux du Lavaret. Le bord du préopercule descend
verticalement. L’interopercule est plus étroit, son
angle plus arrondi. La pectorale est courte : elle n’é-
gale pas tout à fait la ventrale, qui est très-large. La
dorsale est à peine plus haute que la pectorale n’est
longue. La caudale est fourchue. Les écailles sont
plus grandes que celles des espèces précédentes. J'en
compte quatre-vingt-quatre entre l’ouie et la caudale.
B. 9; D. 15; A. 15; C. 31; P. 144 V. 12.
La couleur est grise, nuancée de bleu ou de lilas
sur le dos et perdue sous l’argenté brillant qui re-
couvre tout le corps du poisson. La dorsale, l'anale
et les ventrales sont rembrunies, les autres nageoires
sont grises.
La longueur de a que le Cabinet
du Roi doit à la générosité de M. de Hum-
boldt, est de dix-sept pouces.
L'origine de ce poisson nous donnait déjà
la certitude que nous avions sous les yeux
le véritable Salmo maræna de Bloch". J'ai
1. Bloch, Ichth., tab. 27, t. I, p. 180.
CHAP. VIII. CORÉGONES. 483
encore une autre preuve de cette détermina-
tion, parce que j'ai examiné les individus de
Bloch dans la collection de Berlin. La figure
de cet auteur n’est cependant pas d'une rigou-
reuse exactitude. La troncature des lèvres, la
saillie du museau et la position des maxillaires
ne sont pas très-bien rendues. Bloch a eu
raison de regarder cette espèce comme entiè-
rement distincte des Lavarets quil tenait de
Suisse.
Je n'ai pas besoin de répéter à cet article
que les ichthyologistes, comme Hartmann,
qui ont cru retrouver en Suisse le Sa/mo
maræna, se sont trompés.
Outre le lac que nous venons de citer, il
dit qu'on trouve aussi cette Marène dans les
lacs d'Hitzdorfer et Callifer.
Il paraît que ce poisson fraie en novembre.
La pêche est assez profitable à cette époque.
On envoie ces Marènes fort loin, en les enfer-
mant dans de petites boîtes remplies de neige.
Quoique ce poisson meure promptement hors
de l’eau, on a réussi cependant à le transporter
et à le faire vivre dans les étangs voisins.
La MaARÈNE DE PALLASs.
(Coregonus Pallasii, nob.)
Nous avons recu des eaux douces de la
484 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Russie, soit par les soins de M. Gaimard ou
par la générosité de S. A. [. la grande duchesse
Hélène, une Marène très-voisine de la précé-
dente, mais qui sen distingue
parce qu’elle a la pectorale plus pointue, les ven-
trales plus larges, insérées moins en arrière; l’anale
également plus avancée. Je trouve aussi à ce poisson
L tête moins pointue ; le museau plus court. Les
écailles me paraissent aussi plus petites.
D. 15—0; A. 16; C. 31; P. 14; V. 13.
Je compte cent rangées d’écailles le long des
flancs.
Le dos est bleu d'acier; le ventre est argenté, et
tout le corps est beaucoup plus foncé que celui
de la Marène.
Toutes les nageoires sont remarquables par la
teinte noire prononcée dont elles sont rembrunies.
Les exemplaires qui nous sont venus de
Pétersbourg ont seize pouces.
J'ai retrouvé, dans la collection de Berlin,
une Corégone desséchée et qui a été donnée
par Rudolphi. Elle provenait des poissons de
Pallas. La figure que jen ai faite et que je
compare au poisson que je viens de décrire
d'après nature, me paraît se rapporter tout
à fait à notre espèce, Mais ce poisson na
pas de nom. En cherchant dans le Fauna
rossica, je crois que l'on doit rapporter la
description du Salmo lavaretus de Pallas à
CHAP. VIIL CORÉGONES. 485
l'espèce dont nous nous occupons ici. Si cela
esl, on voit que la synonymie donnée par cet
auteur serait établie tout à fait arbitrairement.
Ne trouvant pas dans les auteurs d'autre indi-
cation de cette espèce de la Russie, je la dé-
signerai sous le nom de Coregonus Pallasi,
par respect pour la mémoire de ce grand
naturaliste.
La CORÉGONE A MUSEAU CONIQUE.
(Coregonus conorhynchus, nob.)
Nous avons recu de Russie une Corégone
à museau plus saillant que l'espèce précédente
et que la Marène des lacs de Poméranie, de
sorte que
la mâchoire inférieure est beaucoup plus recouverte
encore par la supérieure que celle des espèces pré-
cédentes. Ce poisson a la tête courte : elle est con-
tenue six fois dans la longueur totale. Le dos est
arrondi et la ligne du profil assez soutenue. Cette
Corégone est à la précédente ce que la Gravenche
est à la Féra. La dorsale est pointue; la pectorale
est courte et arrondie; la ventrale est large. Les
écailles sont nombreuses : il y en a quatre-vingt-huit
rangées le long des flancs.
D. 14— 0; A. 14; C. 31; P. 13; V. 13.
Des lignes dorées sont assez bien conservées sur
le dos bleu d'acier de ce poisson. La dorsale est
486 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
jaune, bordée de noir. L’anale et les pectorales ont
aussi un peu de noirâtre. Les ventrales sont blanches.
Notre exemplaire est long de seize pouces
et demi. Il a été donné au Cabinet du Roi
par S. A. I. la grande-duchesse Hélène.
L'étude que j'ai faite des figures de Bloch,
me fait croire que le Salmo thymalus latus,
planche 26, représente l'espèce actuelle. S'il
en était ainsi, on serait bien obligé de con-
venir que cette figure serait encore plus mau-
vaise que ne le sont un grand nombre des
planches de cette grande ichthyologie. Je n'ose
vraiment présenter ce rapprochement qu'avec
la plus grande incertitude.
M. Cuvier a pensé que ce S. thymalus latus
de Bloch pouvait être une variété du S. oxy-
rhynchus de Linné au temps du frai. La forme
de la tête me paraît tellement différer de
celle de notre Oxyrhynque que je n'ose croire
à cette supposition. Mais il ny a nul doute
que l'espèce dont nous nous occupons ici ne
nous conduise au Salmo oxyrhynchus.
Je n'hésite pas à reconnaitre dans ce pois-
son le Salmo oxyrhynchus de Pallas. La des-
cription des couleurs et surtout des ventrales
blanches et des pectorales cendrées lui con-
vient parfaitement. Si notre détermination est
juste, ce poisson, très-savoureux, à chair
CHAP. VIIL CORÉGONES. 487
ferme, blanche, est très-abondant dans les
eaux inférieures du [eniséi et de tous ses
affluents, surtout à Angora. Il l'est aussi dans
le lac Madschar des monts saganiens, et aussi
dans le grand lac Baïkal. On le voit encore
dans la Léna, dans les lacs des plages arcti-
ques, mais point dans l'Océan ni au delà de
l'Obi. A l’époque du frai, qui a lieu près du
Baïkal vers le mois d'août, tout le corps se
couvre d'exanthèmes blancs comme plusieurs
de nos cyprins. On trouve cette corégone dans
tous les fleuves, les torrents et les ruisseaux
de la Daourie, et elle reste pendant toute
l'année dans Les profondeurs du fleuve Bargu-
sin. Elle atteint, dans le Baïkal, jusqu'à quinze
livres ; on en prend communément du poids
de cinq à six. Pallas a trouvé dans un de ces
poissons des cas d'hermaphroditisme.
On ne peut pas conserver à cette espèce
le nom d'Oxyrhynchus, puisque Linné l'avait
donné à une des Corégones, commune dans la
Baltique et dans la mer du Nord. C'est pour
cela que nous changeons ce nom en celui
que nous adoptons, et qui reproduit assez
bien l'idée de Pallas.
À8S LIVRE XXII SALMONOÏDES.
La CORÉGONE A PETITE BOUCHE.
(Coregonus microstomus , Pallas.)
Pallas' a indiqué, par une très-courte des-
cription, cette espèce remarquable par la pe-
titesse de sa bouche et dont les nageoires
inférieures sont rougeâtres. Il l’a trouvée très-
semblable d’ailleurs à son Salmo oxyrhyn-
chus; elle en différait, non-seulement
par sa bouche plus pette, mais par un museäiu
moins prolongé et par un corps plus arrondi. Les
écailles sont plus grandes. La dorsale et l’anale ont
dix rayons. La couleur, pâle, a de beaux reflets
d'argent.
Cette espèce remonte de la mer dans les
fleuves qui se rendent dans la Léna vers
l'Orient, et seulement au-dessous de Pembou-
chure du Kiringa. Elle est aussi commune
dans les eaux du Kamtschatka. Les Russes de
la Sibérie orientale l'appellent /7alok, à cause
de son corps cylindrique. Pallas indique d’au-
tres noms encore.
Le Hourinc
(Coregonus oxyrhynchus, nob.)
est une espèce de Corégone qui se distingue
de la Marène et des espèces voisines
1. Faun. rosso-asiat., p. 405, n.° 271.
CHAP. VIII. CORÉGONES. 489
par le prolongement de son museau conique, ter-
miné en une pointe assez aiguë et qui dépasse de
beaucoup l'ouverture de la bouche. L’os complé-
mentaire du maxillaire forme un petit triangle plus
large que ceux des espèces précédentes. La tête est
petite, étroite et un peu plus courte que la hauteur
du tronc, laquelle est comprise quatre fois et un
peu plus de deux tiers dans la longueur totale. La
dorsale est de grandeur moyenne. La pectorale est
courte et pointue; la ventrale est courte, maïs assez
large ; la caudale est fourchue.
D:.14-- 0; A. 14; C.:31; P. 16: V. 13.
Les écailles sont de grandeur ordinaire : on en
compte soixante-seize le long des flancs. La cour-
bure du ventre est un peu plus soutenue que celle
du dos. La couleur, un peu verdätre, devient blan-
che sur Les flancs et sur toutes les parties inférieures.
Il y a un peu de noirâtre aux nageoires, excepté
aux pectorales.
Tel est ce poisson, commun dans les mers
du Nord, mais qui ne s'avance pas jusque dans
la Manche. Il entre dans la Meuse, dans le
Waal, dans le Rhin et sur les grands affluents
septentrionaux de la mer du Nord. On le
prend quelquefois en assez grande abondance
à Rotterdam, pour que les individus achetés
pour la nourriture des passagers sur les ba-
teaux à vapeur entre Rotterdam et les villes
du littoral de la France, soient laissés sur ces
490 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
places et apportés de temps à autre par les
courriers sur les marchés de Paris. J'en ai
acheté des exemplaires longs de quatorze
pouces : j'ai pu en faire l'anatomie. La splanch-
nologie ne diffère pas de celle des autres ma-
rènes. On ne voit sur le squelette aucune trace
de la saillie du museau ; les côtes et les apo-
physes horizontales des vertèbres ressemblent
à celles des marènes; les trous susmastoïdiens
sont très-petits; le dessus du crâne a cinq ca-
rènes, dont les deux externes ne forment plus
qu'une légère crête au-dessus de l'orbite. Je
compte à la colonne vertébrale cinquante-
quatre vertèbres, dont les deux tiers portent
des côtes.
Outre ces exemplaires, le Cabinet du Roi
en possède d'autres qui nous ont été donnés
par M. Temminck, directeur du Musée royal
de Leyde. L'espèce entre aussi dans le lac de
Harlem. Je m'en suis procuré un, originaire
de ces eaux, pendant mon séjour à Amsterdam
en 1824.
Ce nom de auting ou de Houting est très-
probablement une corruption du mot Wi-
ting que les pêcheurs donnent à tous les pois-
sons blancs de mer ou d’eau douce.
Artedi, et avant lui Rondelet, ont connu
ce poisson sous sa dénomination vulgaire. Le
CHAP. VIII. CORÉGONES. 491
peu de mots que Rondelet dit sur la forme
du museau, sur la couleur noirâtre et sur la
petitesse des écailles, me prouvent qu'il avait
vu ce poisson quil dit commun à Anvers, et
très-connu sous le nom de Æautin; mais il
ajoute quil a trois nageoires sur le dos, éloi-
gnées l'une de l'autre à des intervalles inégaux.
Je ne sais comment expliquer cette singulière
erreur; est-ce, comme le suppose M. Cuvier,
parce que l'ichthyologiste de Montpellier au-
rait recu une mauvaise figure de ce poisson ?
Est-ce, parce que l’auteur aurait vu un indi-
vidu monstrueux ? Il est difficile aujourd’hui
de le décider; mais ce dont on ne peut
douter quand on a observé la nature, c'est
que Rondelet n'a examiné le poisson dont
nous parlons.
Sa figure a été reproduite par Gesner, par
Willughhby, et tous ces auteurs l'ont donnée
comme lOxyrhynque de Rondelet, qui ne
pensait pas retrouver dans ce poisson Les Oxy-
rhynques des anciens.
M. de Lacépède n’a pas moins tiré de ce
chapitre l'article de son genre Triptéronote,
qui doit être évidemment réformé, et en
même temps il reproduisait la même espèce
parmi ses Corégones, en employant les docu-
ments de Linné.
492 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
Nous avons déjà dit que Schônevelde avait
appliqué à ce poisson le nom d'ÆZbula nobilis,
donné par Gesner à une autre Corégone.
Artedi, employant différemment ces deux ma-
tériaux semblables, quoique puisés dans deux
auteurs, a mentionné, dans sa Synonymie,
deux fois le Jouting; une première, d'après
Schônevelde, comme une variété du Lavaret,
et une seconde fois, d'après Rondelet, pour
former sa quatrième espèce de Corégone, qui
est devenue, à la dixième édition du Sys-
tema naturæ, le Salmo oxyrhynchus.
Bloch a donné une très-mauvaise figure de
cette espèce, en la confondant de la manière
la plus étrange avec le Salmo lavaretus, fort
mal déterminé avant M. Cuvier, et en mettant
sous elle une synonymie composée des êtres
les plus divers. Son histoire est un mélange
d'emprunts faits aux différents auteurs qui
ont traité, soit du Szlmo oxyrhynchus, soit
d’autres Corégones.
Je vois que cette espèce se porte assez haut
vers le Nord, puisqu'elle est citée dans le
Prodrome de lIchthyologie scandinave de M.
Nilsson'. On en prend deux variétés; l’une,
noirâtre, à museau plus court, vient du lac
4. Nilsson , Prod. icht. Scand., p. 14.
CHAP. VIII. CORÉGONES. 493
Mälarn, et se vend en abondance sur Les mar-
chés de Holm, dans les mois d'octobre et de
novembre; l'autre, plus pale, à museau plus
long, vient du lac Wenern : on l'appelle V&bb-
s1k. Celle-ci fraie au mois d'octobre.
Le Tscurr.
(Coregonus nasutus, nob.)
M. Ebrenberg nous a donné un des exem-
plaires de la Marène, qu'il a prise dans l'Ir-
tisch, pendant le voyage où il a accompagné
M. de Humboldt.
C'est de toutes les espèces, celle dont la mâchoire
supérieure, quoique tronquée, est la moins épaisse.
Le maxillaire est étroit; sa pièce supplémentaire est
assez haute et assez libre. Les deux mâchoires sont
égales. Le corps est plus haut qu'aucune des autres
espèces. La hauteur du ironc, mesurée sur la dor-
sale, égale ou surpasse le quart de la longueur totale.
La tête est courte : elle ne mesure que les deux uers
de cette hauteur. La pectorale est arrondie et moins
longue que celle de la précédente. La dorsale et
l’anale ont leurs derniers rayons plus bas.
D. 143 A. 17; C. 31; P. 15; V. 12.
Les écailles sont beaucoup plus grandes que dans
l'espèce précédente. Le dos est d’un bleu grisâtre; le
ventre est argenté; il y a des lignes grises longitu-
dinales qui se voient par reflets. Je vois du noir
aux ventrales et à l’anale; du noirâtre à l'extrémité
494 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
de la dorsale. Les pectorales et la caudale me pa-
raissent aussi pales que celles de la Marène.
Le Salmo nasutus de Pallas me paraît res-
sembler plus que toute autre à la corégone
que je viens de décrire. Cet auteur indique
que ce poisson de la Sibérie est très-commun
dans PObi et dans ses affluents; mais on lui a
2
rapporté que, dans les golfes et dans les lacs
voisins des rivages de l'Océan arctique, l'espèce
existe en beaucoup plus grande abondance.
Pallas donne les différents noms de ce poisson
dans le dialecte de ces peuples septentrionaux.
Lepechin a donné une figure de cette espèce
SRG Le o no
qui nous aide dans cette détermination; il l'a
publiée sous le nom de Tschir.
Le Muxsux.
(Coregonus muksun , nob.)
Après ces espèces, qui avoisinent plus ou
moins le Lavaret, nous en trouvons une dans
les eaux douces de la Russie qui s'en dintingue
par son corps plus arrondi, plus allongé; par sa
longue tête; par la grandeur de son œil. La hauteur
est cinq fois et demie dans la longueur totale; l’é-
paisseur surpasse la moitié de cette hauteur. La tête
est un peu plus longue que le cinquième du corps
enter. L'oeil est gros et saïllant; le diamètre de l’or-
bite entame la ligne du profil : il est le quart de la
CHAP. VIII. CORÉGONES. 495
longueur de la tête. La longueur du museau au-
devant de l'œil égale ce diamètre; il en est de même
de l'intervalle qui sépare les deux yeux. La pectorale
est pointue. La dorsale est petite; l’anale l’est davan-
tage; la caudale est fourchue.
D,,13% À 14. € 531%P MTS, 12.
Les écailles sont petites et imbriquées de manière
à avoir la forme de petites losanges placées à la suite
l'une de l’autre comme des mosaïques. Je compte
quatre-vingt- quinze écailles dans la longueur. La
ligne latérale est très-fortement marquée par de
petits tubercules relevés et obliques sur les écailles.
Tout le dos, bleu d'acier, est très-rembruni vers le
haut. Au-dessous de la ligne latérale un argenté
bleuàtre colore les flancs; le ventre est tout blanc.
La dorsale et la caudale sont grises; les autres na-
geoires sont blanchâires.
La longueur de nos individus est de qua-
torze pouces. Ils faisaient partie de la belle
collection qui a été envoyée par la grande-
duchesse Hélène,
Ces espèces commencent à nous conduire
à celles qui ont la mâchoire inférieure plus
avancée que la supérieure; car, déjà dans ce
poisson cette mâchoire parait plus longue lors-
qu'elle est abaissée.
Il ne serait pas impossible que nous n'ayons
sous les yeux le Sa/mo Muksun de Pallas; car
c'est une espèce qui, avec les formes que nous
496 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
venons de décrire, a le dos rembruni sous une
teinte générale argentée. Si cela est, ce Muk-
sun de la Sibérie, que les Samoyèdes et les
Tartares désignent aussi sous les noms rap-
portés par Pallas, manque au Jéniséï, mais on
le transporte de l'Obi pendant l'hiver, après
l'avoir durci dans la glace. Cette corégone
remonte à l'automne en grandes troupes de
la mer glaciale dans tous les fleuves de la
Sibérie; on la croit aussi des fleuves qui se
jettent dans la mer Blanche; mais elle ne
parait pas exister dans la mer Baltique.
La CORÉGONE DE REISINGER.
(Coregonus Reisingeri, nob.)
Nous avons recu de Vienne une Corégone
du Danube voisine de cette espèce, mais qui
en est cependant différent.
Ce poisson, très-bien préparé, a le corps assez
arrondi. La hauteur est cinq fois et quelque chose
dans la longueur totale. La rête est plus courte que
cette hauteur. Il se distingue encore du précédent
par la brièveté de la pectorale et en général de
toutes ses nageoires. |
D. 14; À. 12; C. 31; P. 16; V. 15.
Les écailles sont à peu près aussi pelites que
celles de l'espèce précédente, puisque j'en compte
quatre-vingt-douze le long des côtés.
CHAP. VIII. CORÉGONES. 497
La couleur est plombée sur le dos; bianche, ar-
. gentée sous le ventre. Toutes les nageoires sont
noiratres. \
Cet individu est long de dix pouces : ila
été envoyé du Danube par M. Schreibers,
C'est peut-être là l'espèce que M. Reisinger
a indiquée dans son Ichthyologie, en la con-
sidérant comme le Salmo maræna de Gmelin
ou de Bloch. Son poisson a en effet les na-
geoires bleues, bordées de noir; l'adipeuse noi-
ratre ; les écailles à reflets argentés, rembruni
sur le dos, d'un bleu jaunûâtre sur les côtés et
blanc en dessous. Cette Corégone, originaire
des lacs profonds de la Hongrie, fraie en
novembre. |
Je ne suis pas très-sur de l'exactitude de
ma détermination ; mais ce qui me parait cer-
tain, c'est que l'auteur que je cite n’a pas dé-
crit le Sa/nmo maræna de Bloch.
La CoRÉGONE DE NiLsson.
(Coregonus Nilssoni, nob.)
Nous avons recu de Suède et de Norwége
une petite Corégone propre aux contrées sep-
ientrionales de l'Europe qui est voisine des
précédentes, mais qui s'en distingue
par son corps plus comprimé; par sa tête pointue;
2
21. | 3a
498 © LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
le museau est trônqué ; un peu moins obtus que
celui du Lavaret, mais plus haut que celui de l’es-
pèce précédente. La tête, étroite et allongée, est
comprise cinq fois et demie dans la longueur totale.
La dorsale et l’anale sont basses; les Dép ae sont
pointues; les ventrales sont moins développées que
celles des précédentes. Sans l’adipeuse, on prendrait
ce poisson pour un hareng, quoique la bouche
soit faite tout différemment.
D. 15; A. 15; C. 31; V. 19; P. 44.
Le dos est bleu d'acier; les chtés argentés. Il ya
du noirâtre aux ventrales, à l'anale et à la caudale.
La dorsale est grise, les pectorales sont blanches.
M. de Mertens nous a donné une collection
assez complète des individus de cette espèce,
en réunissant les trois âges de cette corégone,
et en nous faisant connaître les noms qu’elle
recoit en Suède à ces trois époques de la vie.
Les individus de quatre à cinq pouces sont
appelés Seolen où Gang-fische; ceux de sept
‘ pouces Renken, et ceux de neuf à dix Blau-
felchen.
Nous devons aussi à M. Nilsson la posses-
sion d'individus adultes de cette espèce; cela
nous à fait reconnaître le Coreponus lavaretus :
dé cet auteur qu'il avait, avec assez de raison,
comparé au Salmo MWartmanni de Bloch.
L'ichthyologiste suédois dit qu’on ne trouve
ces salmonoïdes que dans le lac Bolmen au
CHAP. VIII. CORÉGONES. 499
mois de décembre; mais il y en a des variétés
plus petites dans des lacs de Smalande, où
lespèce ne fraie qu'au mois d'octobre.
Je crois avoir observé dans le Cabinet de
Berlin un poisson de cette espèce; car le
dessin que j'en ai fait, ressemble parfaitement
aux individus que j'ai sous les yeux. Bloch
l'avait confondu avec son Salmo Vartmanni :
il était ainsi étiqueté par lui.
‘Le Syrok.
(Coregonus Syrok, nob.)
L'espèce que je désigne ici d'après Pallas,
doit ètre voisine de la précédente, si elle n'est
pas la même. Voici ce que l'on Leu extraire
de la description du célèbre ouvrage sur la
Fauné de la Russie. E
Le Syrok est un poisson qui a la forme d’un
Cyprin; la bouche plus ouverte que celle du Sz/mo
polcur; la mächoire inférieure plus courte que la
supérieure quand la bouche est fermée, mais elle
est un. peu plus longue si la bouche est ouverte.
Les écailles sont un peu plus peutes que celles du
Lavaret de Pallas ; la couleur, argentée, est bleuâtre
au-dessous de la ligne latérale et rembrunie vers le
dos. Les nageoires sont brunes ; la dorsale et la
ventrale, un peu plus foncées, F ÉURALENE presque
noires.
500 s LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
- Ces poissons ont un pied de long. Pallas a
cru qu'il avait sous les yeux le Salmo vimba
de Linné; mais celui-ci > d'après le témoignage
de M. Nue appartient à un autre groupe;
car dans l'espèce de Linné la mâchoire infé-
rieure est plus longue que la supérieure et
remonte au-devant d'elle: voilà pourquoi je
n'ai pas adopté la dénomination sous laquelle
cette espèce a été décrite dans la Faune russe.
Paillas dit que c'est le Syrok des Russes établis
en Sibérie. Il donne aussi des noms dans les
dialectes tongous et samoyèdes. |
Ce Syrok se trouve dans l'Obi et dans les
autres fleuves de la Sibérie orientale qui se
rendent à l'Océan arctique. Il est également
commun à Petchora et dans les lacs de la plage
arctique; on dit même quil remonte jusqu au
lac Baïkal.
Le Six.
(Coregonus sikus, nob.)
Nous avons reçu par les soins des natura-
listes de l'expédition de la Recherche une Co-
résone, que l'on prendrait, sans un examen
attentif, pour la même espèce que la Corégone
de Nilsson,
mais elle s'en distingue par une tête beaucoup plus
petite, comprise cinq fois et demie dans la longueur
PR CHAP. VII. CORÉGONES. 501
totale, parce qu'elle a le corps beaucoup plus rac-
courci. Un autre caractère, qui sert aussi à la faire
reconnaître, consiste dans la largeur du sous-oper-
cule. Il faut avouer d’ailleurs que ces deux poissons
sont aussi voisins l'un de l’autre que plusieurs es-
pèces d’Ables; il faut donc beaucoup d'attention
‘pour arriver à les reconnaitre. Celle dont je m'oc-
cupe dans cet article a la pectorale plus courte; le
museau plus épais et tronqué plus obliquement. IL
y à à peu pa les mêmes différences entre ces deux
poissons, qu'entre le Lavaret du lac du Bourget et
la Féra du lac de Genève.
Nous avons trouvé aussi des exemplaires
de cette espèce dans les collections faites au
cap Nord, par M. Noël de la Morinière. Les
exemplaires que nous devons à ce collecteur
‘sont plus grands que les précédents : ils ont
de douze à quatorze pouces de long.
_ Cette espèce a été figurée par Ascanius,
tab. 30; il a cru que c'était la même que le
Lavaret du lac du Bourget, et il la cru aussi
de la même espèce que les Corégones d'An-
gleterre. Ce sont toutes ces confusions qui ont
empêché de déterminer ces diverses espèces.
Celle-ci, des lacs alpins de la Norwége, y est
connue sous le nom de Sz4 ou de Æelt. On la
voit aussi descendre les fleuves jusqu'à leurs
embouchures. On la trouve dans le Nid, près
d'Arendahl. Elle fraie dans les trois derniers
502 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. À
mois de l'année, et alors le mâle a les écailles
hérissées de tubercules pointus, qui disparais-
sent ensuite; il paraîtrait même qu'il y aurait
une sorte d'accouplement entre les deux sexes
de ce poisson. Non-seulement Ascanius a con-
fondu son espèce avec le Lavaret de France
où le Gwyniad, qui sont des poissons du
même genre, mais encore avec la Vandoise,
qui est un Cyprin. Il est possible que cette
espèce ait été prise par M. Nilsson pour le
Coregonus fera. J'avoue cependant que cette
détermination me paraît aussi incertaine que
celle du Coregonus lavaretus de cet auteur.
Le Pozrax.
(Coregonus sde Thompson.)
M. Thompson ma envoyé de Loug-Neagh,
en-irlande, li Corégone pollan. C’est une es-
pèce très-voisine de celle d'Ascanius.
Elle a cependant la tête encore plus peute; les
deux mâchoires beaucoup plus égales; la troncature
du nez moins haute; les pectorales et les ventrales
courtes, arrondies; la dorsale basse et à peu près
ronde; les écailles sont de grandeur médiocre: on
en compte quatre-vingts le long des flancs.
D. 14 — 0; À. 114; C: 31; P.1414; V. 14.
Le dos est plombé; le ventre est blanc. Je ne
vois pas de noirâtre aux nageoires.
CHAP. VII. CORÉGONES. 505
J'avoue que j'ai quelque peine à reconnaître
ce poisson dans la figure du Pollan, mise par
M. Yarrell en tête de sa description. Mais,
puisque je dois à M. Thompson, de Belfath,
un individu étiqueté de sa main, je dois re-
garder ma détermination comme exacte.
Les ichthyologistes anglais sont d'accord
pour distinguer ce poisson du Gwyniad. M.
Thompson a reconnu, que la première men-
tion de ce poisson est. faite dans l'Histoire
du comté de Down, par Harris, publiée en
1744. On le voit s'approcher du rivage en
grandes bandes pendant le printemps, l'été
et même une partie de l'automne. Vers le
mois de septembre on le prend par bandes
innombrables, puisque des coups de filet ont
amené plus de dix-sept mille individus. On
lui compte cinquante-neuf vertèbres.
Y
Le Powax.
(Coregonus Cepedii, Parnell:)
Le docteur Parnell, qui s’est beaucoup oc-
cupé de l'Ichthyologie de l'Écosse, a distin-
gué, sous le nom de Coregonus Cepedii,
ce poisson, du lac Lhomond, l’un des plus grands
et des plus pittoresques lacs de l’ouest de l'Écosse.
En le croyant différent des espèces des Jacs du nord
504 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
de l'Angleterre, de l'Écosse ou de l'Irlande, les ich-
thyologistes anglais ont pensé qu'il pouvait exister
dans les lacs de Scandinavie, mais cependant ils
n’ont rien déterminé de précis à cet égard. L'espèce
décrite par le docteur Parnell a la tête longue et
étroite; la couleur du dos et des côtés est d’un bleu
foncé avec un assez grand nombre de points sur
le bord de chaque écaille. La portion inférieure de
la dorsale, ainsi que les nageoires paires et l’anale, :
sont d'un gris bleuâtre assez rembruni. L'auteur
ajoute-qu'il y a des dents à la màchoire supérieure,
et qu'il y en a de plus courtes et de plus nombreuses
sur la langue. Mais je me demande s'il n’a pas pris les
papilles de ces organes pour des dents; car la figure
que M. Yarrell a donné de ce Povan me parait le
rapprocher de toutes ces Corégones sans dents, et
je ne vois pas que cet habile ichthyologiste les ait
fait dessiner dans les vignettes qui représentent la
bouche de grandeur naturelle. Les yeux sont grands;
les écailles tombent facilement.
Ce poisson atteint communément une lon-
gueur de seize pouces. On les pêche en grand
nombre dans le loch Lhomond, où on les ap-
pelle Powan ou harengs d'eau douce, Fresh
FVater Herring.
J'ai retrouvé, dans les papiers de M. de
Lacépède, fa description originale que Noël
de la Morinière lui communiqua, et d'après
laquelle cet illustre zoologiste a établi sa Co-
régone clupéoïde. Noël, qui a connu le Fresh
CHAP. VIIT. CORÉGONES. 505
Water Herring, écrit aussi, pour nom vul-
gaire, $pan ou Pollock. Il s'était rendu au
loch Lhomond pour y connaître ces pré-
tendus harengs de mer, naturalisés dans l'eau
douce. La description qu'il a faite est un peu
vague, comme celles de son époque, et sur-
tout quand l’auteur ne connaissait pas l'anato-
mie ou l'ostéologie des poissons. Mais, comme
il dit très- - positivement que la bouche est
dépourvue de dents, je crois, jusqu'à plus
amples renseignements, devoir laisser le Po-
wan de Parnell dans le genre des Corégones,
et ce Powan serait bien, en effet, la Corégone
clupéoïde de M. de Lacépède'. Comme cet
ichthyologiste n’a pas eu connaissance du Sal-
mo clupeoides de Pallas, qui est aussi une
Corégone, il n'y a pas double emploi spéci-
fique; mais nous ne pouvons quapprouver
l'auteur anglais d'avoir fixé davantage le nom
de cette espèce, en la dédiant à l'un de nos
illustres maîtres.
Ce Powan se nourrit de petits entomos-
tracés, de larves d'insectes et de petits coléop-
tères, ainsi que de larves de phrÿgane.
Les espèces de Scandinavie que j'ai exami-
nées me font penser que ce Coregonus Cepe-
dit n’a pas encore été observé sur le continent.
1. Lacép., Suppl, t. V, p. 698.
506 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Le Porcur.
(Coregonus Polcur, nob.) :
Enfin, nous avons encore à décrire une es-:
pèce de Russie, remarquable par la saillie de
son museau.
«
Il est beaucoup plus allongé que celui de la Ma-
*rène de Berlin, de sorte que la bouche est fendue
autant en dessous que celle du Hauun. Ce beau
poisson a la tête presque aussi longue que le corps
est haut : elle est contenue cinq fois dans la longueur
totale; Poil est éloigné du bout du museau d’une
fois et demie le diamètre. La pectorale est petite et
courte; la ventrale est large; l’anale basse; la caudale
fourchue. FA |
D. 42; A. 15; C. 31; P. 153 V. 11.
Il y a quatre-vingt-neuf rangées d’écailles le long
des flancs. Je vois du noir aux ventrales et à l’anale;
les trois autres nageoires sont grises.
Nous avons recu trois beaux exemplaires
de cette espèce, de quinze à seize pouces de
long, dans cette collection de la grande-du-
chesse Hélène, que nous nous sommes fait un
devoir de citer déjà tant de fois.
Cette espèce a assez de rapports avec le Sa
mo polcur de Pallas, pour que nous croyions
retrouver ici le poisson des voyageurs russes.
Il a été cité dans lAppendice du troisième
CHAP. VIII. CORÉGONES. 507
voyage de Pallas sous le nom de Pydshjan,
d'où il a passé dans la treizième édition du
Systema naturæ et aussi dans M. de Lacépède.
Cette Corégone, très-voisine des précédentes,
remonte de la mer Glaciale dans l'Obi.
Le Gwywrap.
(Coregonus Pennantii, nob. sa
Si j'ai été assez heureux pour voir le Pollan
des lacs d'Irlande, je n'ai pas eu les mêmes faci-
lités pour déterminer le Gwyniad du pays de
Galles dont a parlé Willughby, et que Pennant
a considéré comme la Féra du lac de Genève.
Il suffit de jeter les yeux sur la figure de Pen-
nant et sur celle publiée récemment par M.
Yarreli' pour se convaincre que Les deux pois-
sons sont bien d’ espèce voisine, mais qu'ils
sont cependant tout à fait didiets
Ce Gwyniad à la tête triangulaire; le museau tron-
qué; les mächoires presque égales. Il ressemble sous
ce rapport plutôt au Lavaret qu’à la Féra. M. Yarrell
- lui donne de très-petites dents sur la langue, quoi-
que Pennant dise que la bouche, petite, est sans
dents. N'a-t-on pas pris, comme pour l’autre espèce,
les papilles de la muqueuse pour des dents? Les
parues supérieures de la tête et du dos sont bleu
ne
1. Yarrell, Brit. fish., t. IL, p, 85.
508 LIVRE XXII SALMONOÏDES.
foncé : elles s’éclaireissent sur les côtés en prenant
une teinte jaunâtre. Les nageoires sont plus ou
moins teintées de bleu foncé, particulièrement sur
leurs bords. Ce poisson me paraît différer de la Féra
par les teintes des nageoires, par la brièveté de la
pectorale; par une têle moins pointue et par un
museau plus court.
Je m'étonne que Pennant ait cb andé ce
poisson avec le Lavaret, et surtout avec la
Féra, puisqu'il dit quil avait rapporté une
Féra de quinze pouces, prise en Suisse. Mais
à cette époque on ne regardait pas avec assez
de détail ces espèces voisines les unes des
autres, soit dans le groupe des Cyprins, soit
dans un grand nombre d’autres genres des
diverses classes. Pennant' confondait avec ces
poissons le Pollan de Lough Neagh; Donovan
na point figuré cette espèce parmi ses Pois-
sons d'Angleterre ; Turton *, en copiant la Zoo-
logie britannique, en a fait un Salino lava-
retus; mais son espèce est d'ailleurs très-mal
établie, puisqu'il a ajouté à la citation de Pen-
nant celle de la Zoologie générale de G: Shaw”,
l'une des plus mauvaises compilations zoolo-
—
1. Pennant, Brit. Zool., t. II, p. 267, édit. in-8.°, 1769,
pl. 16.
2. Turt., Brit. Faun., p. 104, n.° 101.
3. Sh., Gener. Zool., vol. V, part. À, pisces, p. 88, pl. Rues
fig. ?
CHAP. VIII. CORÉGONES. 509
{
giques. Cet auteur, qui aurait dù mieux con-
naître un des poissons communs dans son
pays, a copié, pour représenter le Gwyniad,
la très-médiocre figure du Lavaret de Bloch,
cest-à-dire le Sa/mo oxyrhynchus de Linné.
Cela explique les incertitudes de la phrase du
British Fauna, et il faut conclure de là que
l'espèce de M. Turton doit être rayée de la
liste d'une synonymie rigoureuse.
M. Jenyns' a aussi suivi toutes ces incerti-
tudes, en exprimant cependant des doutes sur
l'identité de ces poissons avec le Lavaret du
continent.
Je vois dans M. Yarrell que c'est le Shelly
du Cumberland, si toutefois on n'a pas con-
fondu encore une espèce voisine, de même
qu'on y réunissait le Powan ou le Pollan, que
lon a distingué depuis avec raison.
Le Gwyniad du pays de Galles était très-
abondant à ce lac de Fer, dans le Llyd-Thid,
jusqu à l'époque de 1803 où les brochets s'é-
tant multipliés dans le lac, ont diminué le
nombre de ces corégones.
1. Jenyns, Brit. vert., p. 432, n.° 113.
519 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
La COoRÉGONE BLANCHE.
(Coregonus albus, Lesueur.)
Les eaux douces de l'Amérique septentrio-
nale nourrissent une Corégone qui a une res-
semblance très-grande avec notre Marène. Il
faut une comparaison directe pour la distin-
guer. Je suis convaincu que les naturalistes,
placés dans l'heureuse position où se trouve
M. Agassiz, distingueront, dans ces grands
lacs, plus d'espèces que nous n'en connais-
sons aujourd'hui.
Celle que nous avons reçue a le museau tronqué,
arrondi, saillant, et coupé si obliquement que la
fente transversale de la bouche est tout à fait sous
le museau. La courbure du dos, en arrière de la
* dorsale, est assez sensible. La nageoire est moins
pointue que celle de nos espèces d'Europe. L’anale
est assez haute de l'avant, ce sont de grandes ven-
irales et une pectorale assez pointue. Il ya quelque
variété dans les proportions de ces parties.
B:'9 3: D9 185 A:1413: :C)845 PL '1655VE 14.
Nous comptons quatr e-vingt-trois écailles le long
des flancs : elles n'offrent que deux stries concen-
iques. La couleur est un argenté blanchâtre sur
tout le corps. Les nageoires sont päles.
Nos individus ont’ quinze pouces de long;
la tête en a trois. Ils nous ont été envoyés du
;
|
Le
CHAP. VIII. CORÉGONES. 5414
lac Ontario par M. Milbert. On le trouve aussi
dans les lacs Érié, Champlain, et dans tous
les lacs intérieurs dé l'Amérique SeIEROr
nale jusqu à 72 ° latitude nord.
Mitchill n'a pas mentionné cette espèce, dé-
crite pour la première fois par M. Lesueur',
‘qui lui a donné pour épithète la traduction
du nom vulgaire sous lequel on le connait
dans toute l'Amérique : c'est le Whitefish.
Quoique Mitchill n'en ait pas fait mention,
cette corégone avait été indiquée longtemps
avant lui par Pennant', qui la confondait avec
le Gwyniad, et la regardait comme le Sa/mo
lavaretus. M: Richardson* a publié sur cette
espèce remarquable un très-long article, ac-
compagné dun très-bonne figure, en lui
conservant son nom canadien de Attihawmeg
et celui de Lesueur. Après lui, M. Dekay*
a aussi inscrit le Coregonus albus dans la
Faune de New-York. M. Thompson, dans
l'Histoire de l'État de Vermont, la donné
sous le nom d’Alose des lacs (Lake shad).
On trouve aussi ce poisson inscrit dans le
Synopsis de M. Storer.
1. Journ. de l’acad. des sc. de Philadelphie; vol. I, p. 231.
2. Penn., Arct. zool.
3. Faun. bor. amer., p. 195, n.° 75, pl. 89, fig. 2.
4. Dekay, t. IX, p. 247, pl. 16, fig. 240.
512 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
La CorÉGONE QUADRILATÉRALE.
(Coregonus quadrilateralis, Richardson.)
J'ai pu dessiner, srâce à la complaisance
DEC > l
de mon ami, M. Richardson, son Coregonus
quadrilaterals.
C'est une espèce à museau tronqué; à mâchoire
inférieure plus courte que la supérieure; à bouche
remarquablement petite et à couverture quadran-
gulaire, Les nageoires sont petites ; les écailles sont
de grandeur médiocre : celles de la ligne latérale,
triangulaires, sont beaucoup plus petites que les
autres : elles étaient toutes entourées d’un bord foncé
presque noirâtre. Le dos est brun jaunâtre; les côtés
sont plus pâles; le ventre est blanc de perle.
D. 15; A. 48; CG. 19 —7—7; P.A45; V. 11 ou 13.
J'ai compté dix-neuf rangées d’écailles entre la
dorsale et la ventrale, et quatre-vingt-treize le long
des flancs.
M. Richardson, en nous envoyant ce pois-
son, l'avait étiqueté Roundfish: c'est le Katheh
des Indiens ou le Okengnak des Esquimaux.
La description a été faite d’après un individu
pêché dans le lac de l'Ours. Cette Corégone
existe aussi dans les mers polaires, souvent
aux embouthures des rivières de la Mine de
cuivre et de Mackensie. Elle avait été indiquée
déjà dans le Journal de Franklin. Je ne la“
CHAP. VIII. CORÉGONES. 513
vois pas citée dans les Faunes particulières des
Etats de New-York, et M. Storer ne la inscrit:
dans son Synopsis que d’après Richardson.
La CORÉGONE OTSEGo.
(Coregonus otsego, Dekay.)
J'ai encore à placer dans cette première
division des Corégones une espèce de l'Amé-
rique septentrionale, décrite d’abord par M.
Clinton’, et qui est reproduite ensuite dans
la Faune de New-York par M. Dekay”. Je mai
pas vu ce poisson.
TER IE corps allongé et comprimé de très-petites
_ écailles. La couleur brune jusque au-dessus de la ligne
latérale est argentée en dessous, et des raies latérales
foncées rappellent les couleurs du Labrax lineatus.
Ces auteurs croient que ce poisson ne se
trouve que dans le lac Otsego, et qu'il devient
plus rare de jour en jour. Il mord peu à lha-
mecon, mais des coups de seines heureux en
ont ramené quelquefois plus de mille indivi-
dus. M. Storer a cité ce poisson dans son S$y-
nopsis , et il montre, avec raison, que l'espèce
n'est pas encore bien établie, car les nombres
4. Clinton, Med. and phil. reg., vol. WT, p. 388.
2. New-York Fauna, y: 248.
2 1. J
514 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
des rayons ne sont pas suffisamment indiqués,
et l’on ne concoit pas assez ce que les auteurs
ont voulu dire par une lèvre protubérante et
bifi de.
Les différentes espèces de Corégones déjà
décrites, sont toutes réunies par le caractère
remarquable du prolongement de la mâchoire
supérieure. Je vais traiter maintenant, dans
cette seconde section, des espèces qui ont la
mâchoire inférieure plus longue que l'autre.
Nous en possédons plusieurs en Europe. J'ai
pu en voir quelques-unes, les autres ne me
sont connues que par les descriptions de Pallas
et des ichthyologistes récents. Il en existe aussi
dans les eaux douces de Amérique septentrio-
nale : le Cabinet du Roï a recu du lac Ontario
une de ces corégones, remarquable par sa
grandeur et par son abondance, qui la rend
l'objet d’une pêche importante sur les lacs.
La CORÉGONE VIMBE.
(Coregonus vimba, nob.)
Je vais commencer par décrire la plus grande:
de nos espèces. Elle a été connue de Linné;
mais non d'Artedi; elle ressemble plus, au
premier aspect, au hareng qu'à un saumon. “
CHAP, VIII. CORÉGONES. 515
Son ventre est arqué et saillant. La hauteur est
près de cinq fois dans la longueur totale. La tête
est petite, du sixième de cette même longueur. L’œil
est assez grand. La pectorale, pointue, est courte;
là ventrale n’est pas wès-grande. La caudalè est
fourchue.
D: 315 À. 16; C. S1; P. 133 V. 10.
Les écailles sont de grandeur moyenne; le dos
est bleu; les flancs et le ventre très-argentés.
. J'ai trouvé un exemplaire de cette espèce à
l'embouchure de l'Escaut en 1824 : il est long.
de sept pouces. M. de Humboldt nous en a
donné un autre exemplaire venant de Péters-
bourg. Il y en a un troisième dans le Cabinet
du Roi, plus petit et dont j'ignore la patrie:
c'est le Coregonus wimba de M. Nilsson ; les
proportions sont exactement les mêmes. On
le prend dans le lac d'Animmen, de la pro-
vince de Dalécarlie, d’où Le poisson est trans-
porté en Suède sous nom d'Anims-FPimba.
Comme les autres espèces de ce genre, il fraie
au commencement de novembre : sa chair est
excellente.
La détermination de M. Nilsson nous ap-
prend à ‘reconnaître le Salmo wimba de
Linné, indiqué très-brièvement dans le Sys-
lema naturcæ.
Il me parait, que le poisson figuré dans les
516 LIVRE XXIL. SALMONOÏDES.
Mémoires’ de l'Académie impériale de Saint-
Pétersbourg par M. Ozeretskovsky, appartient
à cette espèce. Ce naturaliste russe a présenté
des pbservations sur un poisson, nommé im-
proprement Hareng, et il a même proposé de
nommer cette Corégone Pseudo-hareng. I a
reconnu, en effet, que Son poisson n'appartient
pas plus à ce genre que les Pollans d'Écosse,
désignés également sous le nom de, Harengs
d'eau douce. Nous äpprenons, dañs cette ob-
servation, que ces corégones sont apportées
à Moscou du grand lac Péreslaw Zaleski, si
célèbre dans l'Histoire de la Russie par les
premiers exercices de Pierre-le-Grand dans
l'art de la navigation. Le Corésonus wimba
y vient, tantôt gelé, tantôt enfumé, mais ja-
mais salé comme les harenos : les habitudes
de la vimbe sont celles des corégones. Elle
fraie au mois de novembre; les œufs sont
rougeäLres et petits. Hors de l'eau elle meurt
bien vite. Les vimbes se tiennent dans le
fond du lac, et ne montent pas dans la rivière
de Troubège qui y entre, ou ne descendent
pas dans la Weksa qui en sort. Comme on.
prétend que cette corégone ne se trouve dans
1. TU, p. 916, pl. 21.
GHAP. VIII. CORÉGONES. 517
aucun autre lac de la Russie, la ville de Pe-
reslaw a placé ce poisson dans ses armes.
En cherchant avec soin dans les descriptions
de Pallas', je crois retrouver notre poisson
dans son Sälmo albula, out en admettant que
: Pallas a confondu avec elle la petite corégone.
£a CoRÉGONE SARDINELLE.
(Coregonus sardinella, nob.) :
Nous devons aussi à l'illustre auteur des
recherches sur l'Asie centrale, une autre espèce
de Marène prise dans lfrüsch : c'est le Sa/mo
clupeoides de Pallas.
Cette espèce a la mâchoire inférieure beaucoup
plus saillante que la précédente. L'œil est plus près
du bout du museau. Le maxillaire est plus long. La
pectorale est courte et pointue; la ventrale, petite,
est arrondie. La dorsale est peu élevée.
D. 13; A. 16; C. 31; P. 15; V. 11.
Les écailles sont très-petites. Les couleurs ressem-
blent à celles de l'espèce précédente; c’est du bleu
violacé sur le dos et de argenté sous le ventre.
Nos individus sont longs de six à sept pouces.
M. Ehrenberg a donné un exemplaire de ce
poisson au Cabinet du Roi.
1.'Pallas, Faun. rosso-asiat., p. 413, n.° 283.
518 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
J'ai dessiné à Berlin, d'après les individus de
la collection donnée par Rudolphi, le Sa/mo
clupeoides de Pallas; je suis par conséquent
sûr de la détermination énoncée au commen-
cement de cet article. Mais, comme M. de
Lacépède a publié une Corégone . clupéoïde
différente de celle-ci, 1l devient nécessaire de
changer le nom de Pallas, et pour rappeler
la comparaison que cet illustre zoologiste avait
faite, jemprunte à la Sardine étymologie du
nom spécifique nouveau de ce poisson. Les
Fungouses et les Russes riverains du Covyma
l'abbé Seldetkan.
Pallas avait recu sôn espèce du Kovyma,
dans lequel les Seldetkans entrent des rivages
de l'Océan arctique en troupes AAUAE ab les
pendant le mois d'août. Ils remontent à plus
de six cents mètres au-dessus des quartiers
d'hiver établis sur le Kovyma; mais quand le
fleuve commence à charrier, ces corégones
redescendent à la mer avec les autres espèces
anadromes. On les prend aussi dans les lacs
qui sont au-dessous de ces lieux avec le Sa/mo
leucichthys et YOmul. Les œufs, écrasés et
cuits avec du lait, sont mangés comme une, ,
espèce de bouillie,
CHAP. VIII CORÉGONES. b19
Le Tucuux.
(Coregonus tugün, Pallas.) :
Pallas a donné, sous le nom de Salmo tu-
gün, la description du Tughun des-Russes du
Iéniséï. :
Cette petite Corégone, rarement plus longue que
le doigt, mais qui atteint -quelquefois cmq à six
pouces, est assez semblable par sa forme et par sa
couleur à notre Vandoise (Cyprinus leuciscus).
Elle a le dos moins convexe que le Coregonus al-
bula, mas plus:droit que la ligne du profil de
l'abdomen; la tête plus comprimée que le corps et
carénée depuis l’extrémité du museau jusqu'a la
nuque. Les écailles sont minces, argentées; le dos
est rembruni; le ventre blanc; les nageoires sont
grisätres. La caudale est profondément fourchue.
DM 14:10 5 P. L45 V. 10,
Cette espèce, très-différente du Coregonus
albula, est prise en très-grande abondance
dans la partie boréale du Iéniséi, dans la
Léna, le Tungunska jusqu'à Rybinskoi. Les
Ostiaques se nourrissent de ce poisson qu'ils
estiment beaucoup. A Sichek, en Sibérie, on
les vend sous le nom de Tuguni Jeniseiskye,
et on les sert, conservés dans le sel, pour
exciter à boire. Po
Comme cette espèce me parait un peu plus
’
520 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
grande dans le pays des Samoyèdes, je ne m’é-
ionnerais pas qu'une Corégone, dessinée au
Kamtschatka par M. Mertens, ne füt «encore
de la même espèce ; car les formes sont sem-
blables, le dos est gris-roussatre, les dorsales
sont cendrées. Je trouve cependant une diffé-
rence dans la caudale, qui n'est pas aussi pro-
fondément fourchue que le dit Pallas.
La CorRÉGONE VEMME.
(Coregonus albula, nob.)
Une espèce de Corégone à mächoire infé-
rieure prolongée se distingue des précédentes,
parce que
Ja saillie de la symphyse est beaucoup moins grande.
Elle a aussi des écailles plus grandes. Sous ce rap-
port notre poisson ressemblerait à notre première,
mais elle a le corps beaucoup plus allongé et plus
étroit; car la hauteur est plus courte que la tête,
et elle est comprise six fois dans la longueur totale.
D. 11; A. 13; C. 313 P. 15; V. 11.
Ce sont d’ailleurs les mêmes couleurs.
Nous avons recu ce poisson des lacs d'Écosse
par M. Mac-Cullock. Notre exemplaire a près
de sept pouces de longueur.
Je le crois de la même espèce que le Bütka
de Dalécarlie que M. Marklin, adjoint, à la
CHAP, VIII. CORÉGONES. 5924.
Société des sciences d'Upsal , a donné au Ca-
binet du Roi. Ce poisson vient du lac Siljan,
dans la province Dalarne en Suède, et il nous
la remis comme étant le véritable Salmo al-
bula de Linné. Ces exemplaires ont de quatre
à cinq pouces. |
Nous trouvons, en effet, la dénomination
vulgaire, citée plus haut dans Aftedi' et das
le l'auna suecica*. Cest donc à le Salmo,
albula de Linné qui s’est conservé dans la
treizième édition, ainsi que dans Lacépède.
Cest également l'espèce de Bloch; car il a lui-
même reconnu, dans son édition posthume,
que son Per marænula® est de la même
espèce. Mais Gmelin ayant adopté la première
dénomination de Bloch, a conservé un SaZmo
marænula, que M. de Lacépède n’a pas man-
qué de copier dans le même chapitre où il
placait le Salmo albula. Q
Le Salmo albula est assez bien représenté
dans Ascanius* sous le nom de Vemme. A
cause de la ressemblance de ce poisson avec
‘le hareng, on lui donne communément le nom
de Land sild sur les bords du lac Mics, près
, Arte SYnt, 118; n:2}4}
. Faun. suec., p. 119, n.° 313.
. Bloch, pl. 28, fig. 3.
4. Ascanius , Îc. rer. nat., t. XXIX.
9 19 >
522 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
de l'embouchure de la rivière-de Loven. M.
Nilsson* l'a cité dans son Prodrome des Pois-
sons de Scandinavie. L’exemplaire que nous
avons recu de M. Mac-Cullock nous a prouvé
que ce poisson se trouve dans les eaux de la
Grande-Bretagne. Les auteurs plus récents,
comme MM. Jardine et Yarrell, n'ont pas re-
c@nu dans ce poisson l'espèce de Linné. Le
premier de ces deux ichthyologistes a pubhé de
ce poisson, connu sous le nom de Yendace où
de F’endis, une très-bonne figure d’après des
exemplaires de Castle Loch Lochmaben, dans
le comté de Dumfries. On croit que ce lac est
la seule localité où l'on connaisse ce poisson,
et suivant les traditions du pays il y aurait été
introduit par la reine Marie d'Écosse. Il l'a
appelé Coregonus Willughbei. Cette dénomi-
tion a été do da par M. Yarrell?; mais je
vois que M. Jenyns* est revenu à la dénomi-
nation linnéenne. Suivant Bloch, ces petites
marènes se trouvent dans la Silésie, la Marche,
la Poméranie, le Mecklenbourg, sur les ai
de sable ou de glaise. [ls Siéiehet les endroits
couverts d'herbe pour y déposer leurs œufs,
qui sont très-petits. Dans plusieurs endroits
1. Nilsson, Coregonus albula, p. nie n.° 6.
2. Yarrell, p. 89.
8. Jenyns, p. 432, n° 115.
CHAP. VIII. CORÉGONES. 523
on fume ces marènes, ou on les encaque dans
des tonneaux, comme les harengs, pour les
répandre dans le pays. “Oo
Je trouve dans les dessins que M. Mertens
a faits au Kamtschatka, la représentation d'un
poisson
qui a le dos verdâtre; les flancs teintés de bleu; le
_ventre argenté et toutes les nageoires grises. La tête
est courte : elle est comprise près de huit fois dans
la longueur totale. La caudale est peu fourchue. On
a indiqué :
D. 20; À. 14.
Ce poisson a beaucoup de ressemblance
avec le Coregonus albula, et cependant je
n'ose aflirmer qu'il soit de la même espèce >.
c'est une indication que je laisse aux soins des
D |
La.CoRÉGONE CLUPÉIFORME.
(Coregonus clupeiformis, : Mitch.: ; Coregonus Artedi,
Lesueur ; Coregonus RE on dson.)
Les eaux douces de l'Amérique septentrio-
nale ont aussi leùr Marène à mâchoire -infé-
rieure plus longue que la supérieure. Il faut
cependant bien remarquer que la saillie de
cette mâchoire est beaucoup moins forte que
celle des autres espèces.
524 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
La forme dn corps est allongée et plus régulière
que celle de notre marænula , parce que ral cour-
bure du dos est plus semblable à celle du ventre.
La hauteur est comprise cinq fois et deux tiers dans
la longueur totale. La tête est un peu plus allongée;
l'œil est grand; le maxillaire atteint jusqu’au cercle
- de la pupille. La dorsale est basse; la pectorale
petite et pointue; la ventrale assez grande; la cau-
dale fourchue.
D. 13; A. 43; C. 31; P. 16; V. 11.
Les écailles sont plus grandes que dans aucune
autre espèce. Le dos est bleu d'acier; le ventre
blanc; la dorsale et la caudale grises et foncées. Les
autres nageoires sont blanches.
Nos exemplaires, longs de dix à douze
pouces, ont été envoyés du lac Ontario par
M. Milbert.
Cette éspèce, très-commune en Amérique,
a recu, comme la plupart des poissons qui
sont observés successivement par plusieurs na-
turalistes, plusieurs noms. Elle à d'abord été
décrite par Mitchill sous le nom que nous lui
conservons. Cette dénomination est, selon
moi, parfaitement fixée, attendu qu'elle a été
adoptée avec raison par M. Dekay”, qui a
donné dans sa Faune de New-York une très-
bonne figure : c'est le Shad Salmon des lacs.
À |
1. Dekay, New-York Fauna, p. M8, pl. 60, fig. 198.
CHAP. VIT. CORÉGONES. 525
M. Lesueur, qui na pas déterminé l'espèce
de Mitchill, a donné une figure de ce même
poisson, avec une courte description dans le
Journal de l'Académie des sciences de Phila-
delphie; croyant l’espèce nouvelle, il l'a dédiée
à Artedi et cette dénomination a été acceptée
par M. Richardson, dans sa Faune de l'Ameé-
rique septentrionale. Mais, en même temps
qu'il acceptait cette espèce de Lesueur, sans
parler du Salmo clupeifornus de Mitchill, :l
reproduisait la même espèce un peu plus loin,
en la décrivant alors comme nouvelle, sous le
nom de Coresonus lucidus.
J'ai pour garant de cette détermination les
individus de M. Richardson, qu'il m'a permis
de comparer aux nôtres : ce double emploi a
été répété dans le Synopsis de M. Storer.
Le Coregonus lucidus a été décrit d'après un
individu pêché dans le Jac de lOurs, qui va
du 65° au 67° latitude nord, et qui est traversé
par le grand courant de la rivière Mackensie.
L'auteur remarque que la rapidité de la chute
n'empêche aucun poisson de remonter de la
mer arctique dans le lac. Les riverains du lac
lappellent Æerring- Salmon. On voit, par
conséquent , que les pêcheurs des différentes
contrées du globe ont tous été frappés de la
ressemblance qui existe entre-ce poisson et le
:
526 LIVRE XXIL. SALMONOÏDES. ,
hareng, non-seulement dans hu formes M
mais dans les habitudes de se réunir en bandes
considérables.
La CoRÉGONE TULLIBÉE.
(Coregonus tullibee, Richardson}
J'ai encore à placer dans cette deuxième
division des Corégones une espèce de üi-
chardson", que je n'ai pas vue. Cette espèce,
des contrées arctiques , est le Tullibée des
chasseurs canadiens qui font le commerce de
pelleteries. Les Indiens l'appellent Ottonee-
bees. Elle est plus dispersée dans les eaux de
ces contrées que le Coregonus albus, mais on
ne la prend pas en aussi grand nombre. La
description a été faite sur des individus pris
à Cumberland-House, dans les lacs de l'ile des
Pins. Cest un poisson d'un gris verdatre sur
le dos, argenté sous le ventre; le dessus de la
tête est plus bleu.
La CORÉGONE CYPRINOÏDE.
(Coregonus cyprinoides , Pallas.)
‘J'ai vu à Berlin, dans la collection de Pallas,
un poisson qui ressemble beaucoup à la des-
1. Fauna bor. amer. , p. 201.
.
CHAP. VIILL CORÉGONES. ET: 4
cription quil a donnée de son Salmo cypri- .
noides. En effet, sans la dorsale on le prendrait
pour un able, voisin de la rosse (Cyprinus
| ASSUME RES M
Le corps est ovale; la hauteur est le tiers de la
longueur totale. La mâchoire inférieure dépasse la
supérieure. ‘Celle-ci a très-peu d’épaisseur et n’est
pas tronquée. La tête est courte; la pectorale petite;
l'anale assez haute et à peu près ‘semblable : à la dor-
sale. Jai compté:
D. 14; A 15; C. 81; P.18; V. 13.
J'ai trouvé quatre-vingt-dix écailles entre l’ouie
et la caudale. .
Pallas dit que la couleur est celle du lava-
ret, auquel il ressemble, mais que sa forme
est plus large. Ce poisson a été communiqué
à Pallas par Merk, sous le nom de Munduthan.
L'individu du Cabinet de Berlin est long d'un
pied : il porte dans la collection le n° 71.
Ce poisson me paraît ressembler beaucoup
à la figure que Lepechin' a donnée de son
Salmo peled. La différence la plus sensible
que jy trouve, consiste dans les points mar-
qués sur le corps, sur la tête et dans les rayures
brunes de la dorsale. Ce Peled des Russes
d'Archangel et de Mängaséa a été observé à
1. Lepechin, Reisen, WI, pl. 12.
528 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
Pethschora. Pallas ajoute que l'espèce abonde:
pendant toute l'année dans le lit du Iéniséï et
dans les lacs voisins. Elle se montre au prin-
temps en plus grande quantité. Les nombres
sont très-semblables : à ceux de l'espèce précé-
dente.
D. 11; À. 45.
Je crois que cette description de Lepechin
se rapporte -au poisson décrit dans cet article.
Si l'observation faite sur la nature montrait
qu'il s'agit ici d'une espèce distincte, elle pren-
drait rang dans le genre sous le nom de Core-
gonus peled.
L'Onu.
> (Coregonus omul, Lepechin.)
L'Omul de Lepechin ressemble par la forme
réoulière de son corps ovale à un Cyprin, ou
si lon veut, aussi à une Alose.
La tête est petite, conique, convexe, et la mâchoire
inférieure est plus longue. Le corps est assez épais,
comprimé et presque caréné sur le dos. Les écailles
sont grandes, surtout au-dessous de la ligne latérale.
b''S48, Cr Pt
La couleur est un blanc argenté, passant au bleu
au-dessus de la ligne latérale, et devenant tout à
fait rembrumie sur le dos et sur lé vertex. La dor-
sale est brune. L'adipeuse et les autres nageoires
sont blanches.
CHAP. VII. CORÉGONES. 529
Telle est la description d'un poisson qui
remonte en troupes immenses de la mer Gla-
ciale à la fin de l'automne dans les fleuves du
Petschora, du Téniséi, de la Léna et du Ko-
vyma. L’Omul parvient ensuite dans les lacs
alpins du Madschar par la Tuba, et par la
Tungusca et l'Angara, dans le Baïkal, où il se
multiplie en telle abondance, que des migra-
tions régulières ont lieu de ces lacs vers ces
fleuves. Il ne paraît pas cependant que l'espèce
se porte sur les rives occidentales du Baïkal,
mais la pêche s'en fait sur les sables des côtes
méridionales en août, ou quelquefois en juil-
let, et elle continue pendant l'automne jus-
qu'à l'époque de la congélation des fleuves.
On prend lespèce par myriades, tellement
qu'elle sert à la nourriture des tribus trans-
baïkales pendant le carême des Russes. On
la vend à si bas prix, que les habitants con-
servent ce salmone salé dans de grands ton-
neaux, à la porte de leur maison comme une
sorte de don de la nature. Le froid fait ren-
trer les individus dans les profondeurs des
lacs. Quand les poissons sont salés récemment,
ils sont assez agréables à manger, surtout grillés;
mais ils se gâtent facilement; ceux qui sont
pris plus tard sont conservés par la congéla-
ton. Les œufs, conservés dans un peu de sel,
21. 34
530 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
sont un condiment agréable. Les Russes, en
Sibérie, disent proverbialement : Celui qui a
goûté aux œufs de l’'Omul ne reverra pas la
Russte.
La pêche de cette Corégone occupe un
grand nombre de bras des différents points
de la Sibérie; il n'est pas rare qu'un coup de
filet ramène deux à trois mille de ces pois-
sons, dé manière à en remplir sept à huit
grands tonneaux. On connaît la présence de
ce poisson quand les pélicans ou les mouettes
poursuivent activement ces troupes de coré-
gones; les pélicans surtout en remplissent en
nageant la grande poche qui leur pend sous
la mandibule inférieure.
Pallas avait d'abord désigné ce poisson, dans
_ses voyages, sous le nom de $ac/mo autumna-
Es, épithète qu'il a ensuite donnée à une autre
espèce, ainsi que nous l'avons vu plus haut. Il
a ensuite reconnu que Greorgi avait désigné
la même espèce sous le nom de Sa/mo mi-
gratorius. Gmelin, n'ayant pas saisi l'identité
de ces deux espèces nominales, les a intro-
duites dans le Systema naturæ, d'où elles
ont passé dans l'Histoire naturelle de M. de
Lacépède.
CHAP. VIIIL CORÉGONES. * 531
La COoRÉGONE RUDOLPHIENNE.
(Coregonus Rudolphianus, nob.)
Je dédierai à la mémoire de mon célèbre
ami Rudolphi l'espèce que j'ai trouvée éti-
quetée dans la collection de Pallas, sous le
faux nom de Salino peled.
C'est un poisson qui a le corps allongé. Le profil
est un peu plus soutenu vers la nuque qu’à la dor-
sale. La hauteur à cet endroit est un peu plus grande
que la tête, et est comprise cinq fois et trois quarts
dans la longueur totale. Celle du tronçon de la
queue derrière l'adipeuse, surpasse un peu la moitié
de cette hauteur. La tête est étroite et a le museau
pointu; la mâchoire inférieure plus longue. Les
écailles sont de moyenne grandeur : il y en a quatre-
vingts le Iong des flancs, et dix-neuf dans la hau-
teur, Jai trouvé pour nombres :
DAS ANTE: CG. 19525 155 NV 28
Le corps m'a paru. avoir été verdâtre sur le dos,
blanc sous le ventre et à reflets argentins. Les na-
geoires avaient encore une teinte rougeàtre.
Ce poisson, remarquable par son corps trapu
et Sa tête allongée, est étiquetée, dans la col-
lection de Pallas, sous le nom de Salmo peled;
mais, en lisant la description de la Faune russe,
il est impossible d'admettre cette détermina-
tion; Car il est bien évident que Pallas a établi
52 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
son espèce d'après Lepechin, qui nous a fait
connaître par une figure la physionomie de
son poisson. Puisque M. Rudolphi a généreu-
sement donné au Cabinet de Berlin toutes les
espèces de lillustre naturaliste de Pétersbourg,
on comprendra pourquoi j'ai dédié à ce savant
anatomiste le poisson dont il s’agit ici.
La CORÉGONE HARENG.
(Coregonus harengus, Richards.)
Le naturaliste anglais, que j'ai tant de plaisir
à citer, a décrit un poisson du lac Huron que
je n'ai pas vu, mais dont il a donné une figure
montrant que cette Corégone est extrème-
ment voisine de la précédente. Elle s’en dis-
unguerait cependant beaucoup si, comme le
dit M. Richardson,
la langue est véritablement recouverte de trois ran-
gées de petites dents visibles à la loupe. Le poisson
est d’un vert olive sur le dos, argenté sur les côtés
et sur le ventre.
Je ne puis placer qu'avec doute cette espèce
à la suite de ce genre; car j'ai tout lieu de
croire que le curieux caractère signalé par
M. Richardson entraînera la séparation géné-
1. Rich., Faun. bor. amer., p. 210; pl. 90, fig. 2.
CHAP. VIII CORÉGONES. 533
rique de cette espèce, et que l'on devrait y
réunir une autre Coxégone décrite dans cette
même Faune.
La CorÉGoNE DU LABRADOR.
(Coregonus Labradoricus, Richardson.')
Je ne connais aussi ce poisson que d'après
M. Richardson. Il se rapproche du précédent
par ses mächoires et son palais sans dents, et
par les quatre rangées qui sont sur la langue.
Il en diffère, parce que le museau est tronqué et
que la mâchoire supérieure me paraît plus longue
que l'inférieure. Les écailles sont orbiculaires et
disposées par rangs. L'espèce ressemble en général
au Coregonus quadrilateralis. Les nombres sont :
D. 15; À. 15; C. 35; P. 15; V. 11 ou 12.
Ce poisson vient de la rivière Musguaw, qui
se jette dans le golfe Saint-Taurent, près de
l'ile Mingan.
Lorsque nous connaîtrons mieux cette ‘es-
pèce et la précédente, si les naturalistes les
réunissent pour en former un genre particu-
lier, nous retrouverons en lui les deux sections
que nous avons signalées dans nos Corégones.
Parmi les dessins que j'ai faits des poissons
que nous a communiqués M. Richardson,
4. Rich., L cit, t. IL, p. 206, n.° 719.
534 LIVRE XXIL. :SALMONOÏDES.
jen trouve un aussi remarquable par la peutesse
de sa tête que par la singulière disposiion de sa
bouche. La longueur de la tête est du sixième de
la longueur totale, tandis que la hauteur du tronc
n'y est comprise que cinq fois et quelque chose. La
hauteur de la tête, prise à la nuque, mesure la
moitié de sa longueur,ret l'ouverture de la bouche
est du tiers de cette mème tête. La pectorale est
longue et pointue : elle atteint presque jusqu’à la
ventrale. L'anale est presque aussi haute que la dor-
sale. Les écailles sont de moyenne grandeur : il ÿ en
a cinquante-cinq dans la longueur et quinze dans la
hauteur. Chacune d'elles est ciselée de huit à dix
stries fines et rayonnantes.
D. 10; A. 10; C. 19; P. 16; V. 8.
Ce poisson est appelé par les naturels Vat-
Chee-Gœs. 11 a été pêché dans la rivière de
Saskatehewan. L'individu est long d’un pied.
C'est un curieux poisson que je ne retrouve
pas cité dans l'ouvrage de M. Richardson. Je
n'ose donner de nom à ce Salmonoïde, parce
que je ne puis pas assez préciser la forme des
dents, des mâchoires, et par conséquent fixer
d'une manière assez certaine le genre. Ma pre-
mière impression avait été cependant den
faire une Corégone, puisque j'avais placé ce
dessin à côté des autres espèces du même
genre. On pourrait l'appeler Coregonus an-
gusticeps ?
CHAP. VIII. CORÉGONES. 53»
Le NELMA.
(Coregonus leucichthys, Pallas.)
L'une des plus grandes espèces de Coré-
gones décrites, doit être le Salmo nelma de
Pallas et de Lepechin, décrit aussi par Gul-
denstædt, sous le nom de Zeucichthys.
Ce poisson a la tête longue, plus étroite que le
corps, allongée vers le museau en un cône convexe;
elle est comprimée ou un peu aplatie aux opercules.
Le museau est obtus et un peu tétraèdre. La mà-
choire supérieure est plus courte; l'inférieure est
arrondie, Les mâchoires sont tout à fait sans dents,
mais ce serait une de ces espèces voisines de celles
observées par M. Richardson ; elle aurait sur la langue
une double série de dents si petites qu’elles seraïent
seulement sensibles au tact. 11 y en a aussi un arc
sur le devant du palais. Le corps a de grandes
écailles, est oblong, lancéolé, très-épais, très-gros.
La convexité du ventre et du dos sont pareilles.
D. 15: À. A4; C. 1; P/165 #11.
La couleur du dos est d’un brun bleuâtre passant
au blanc de lait sous l'abdomen. Les flancs sont
argentés. La dorsale est de la couleur du dos; la
caudale, fourchue, un peu plus brune; la pectorale,
blanchâtre, a le bord cendré.
Les plus grands exemplaires ont de trois
à quatre pieds de long et atteignent de trente
à quarante livres de poids. Cette espèce, in-
536 LIVRE XXII. SALMONOÏDES.
connue aux eaux de l'Europe, au lnbtietà
ses affluents, que l’on ne voit pas dans le lac
Baïkal, remonte, surtout pendant l'hiver, en
très-grande abondance de la mer Caspienne
dans le Wolga, le Jaïk et le Kama. Cest dans
ce dernier fleuve qu'on prend le plus grand
nombre d'individus. Le Nelma remonte aussi
de l'Océan dans l'Obi, la Léna, le Kovyma
et lIndiguirka.
La figure que Lepechin a-donnée de son
Salmo nelma, et surtout celle de la splanch-
nologie , me fait croire qu'il a effectivement
décrit une Corégone. Cependant, si la langue
et le palais portent de petites dents, il faudra
bien admettre que le poisson appartient à un
autre genre. Serait-1l congénère des espèces
américaines que jai rappelées tout à l'heure ?
Il faut aussi se demander si Pallas n'a pas
confondu plusieurs espèces. Il me paraît assez
difficile de croire, qu'un poisson de la mer
Caspienne se retrouve dans la mer Glaciale :
cest donc encore ici une espèce incertaine.
FIN DU TOME VINGT ET UNIÈME.
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