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Full text of "Histoire naturelle des poissons"

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HISTOIRE 


NATURELLE 


DES POISSONS. 


STRASBOURG, IMPRIM. DE V.° BERGER-LEVRAULT. 


Division of Fishes, 


A H I & T O | BR E U, S, National noue 


NATURELLE 


DES POISSONS, 


PAR 


M. LE B.° CUVIER, 


Pair de France, Grand-Officier de la Légion d'honneur, Conseiller d'État et 
au Conseil royal de l’Instruction publique, l’un des quarante de l’Académie 
française, Associé libre de l'Académie des Belles-Lettres, Secrétaire per- 
pétuel de celle des Sciences, Membre des Sociétés et Académies royales de 
Londres, de Berlin, de Pétersbourg, de Stockholm, de Turin, de Geættingue, 
des Pays-Bas, de Munich, de Modène, etc.; 


ET PAR 


M. À. VALENCIENNES, 


Membre de l’Académie royale des sciences de l’Institut, Professeur de Zoologie 
au Muséum d'Histoire naturelle, Membre de l’Académie royale des sciences 
de Berlin, de la Société zoologique de Londres, de la Société impériale des 
naturalistes de Moscou, etc. 


Er 


TOME VINGT ET UNIÈME. 


A PARIS, ; 
Chez P. BERTRAND, éprreur, 


LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE, 


rue Saint-André-des-arcs, n.° 65. 


STRASBOURG, chez V.* Levrauzr, rue des Juifs, n.° 33, 


1848. 


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mi 


X g 4 : 


AVERTISSEMENT. 


Le volume qui va paraître comprend Fhis- 
toire des Anchois et des genres voisins de ce 
poisson, et je termine ainsi lexposé des carac- 
tères des différentes espèces de la famille des 
Clupéoides. 

J’essaie ensuite de montrer que le genre des 
Notoptères forme un groupe distinct de ceux 
auprès desquels il avait été placé. 

Enfin, je commence l’histoire naturelle de 
la famille des Saumons. Je Pai divisée en trois 
tribus, comme plusieurs ichthyologistes Pont 
déja tenté. Le lecteur verra que je me fonde 
sur des caractères différents de ceux employés 
avant moi. J’expose dans ce volume Phistoire 
des espèces et des genres de la premiere tribu. 
Je crois avoir trouvé, pour distinguer les truites 
et les saumons, des caractères qui avaient 
échappé à mes prédécesseurs, et qui sont de 


V] AVERTISSEMENT. 


même valeur que ceux qui ont été"le résultat 
de mes recherches sur les Clupéoides. Il ne me 
paraît pas nécessaire de les exposer dans ce 
préambule, parce que Je ne pourrais pas donner 
assez d’étendue à cette analyse sans entrer dans, 
d’inutiles répétitions. , 


Au Jardin des plantes, février 1848. 


TABLE 
DU VINCT ET UNIÈME VOLUME. 


SUITE DU LIVRE VINGT ET UNIÈME, 
ET DES CLUPÉOIÏDES. 
CHAPITRE XII. 


4 
Dugenre Ancnois (Ergraulis) : . . + 
L’Anchois vulgaire (Ængr. encrasicholus; Clupea 


Pages. Planch. 


crcrasicholuss Liane). 4.1.6. ie 7 607 
L'Anchois bäillant (Engr. ringens, Jen.). . . . 27 
L'Anchoiïs japonais (ÆEngr. japonicus, Temm. et 

DO Re ele et et bte eue Ne CR 
L'Anchois aux fortes dents (Engr. dentex ,nob.) 28 
L'Anchois athérinoïde (Engr. atherinoides, n.). 31 
L’Anchois de Forskal (Engr. Bœlama, nob.) . 35 
L’Anchois spinigère (Engr. spinifer, nob.). . . 39 
Le Piquitinga de Marcgrave (Ængr. Brownü,n.) 41 
L'Anchois argyrophane (Ængr. argyrophanus, 

LATINA ES 1) ARE MPR E EERRERR RE 49 
L'Anchois de Mitchill (Ængr. Müchilli, nob.) + 5o 
L'Anchois édenté (Engr. edentulus, Cuv.) . + 51 


L'Anchois au filet court (Ængr. brevifilis, nob.) 54 


L'Anchois telara (ÆEngr. telara, nob.). . . . . 56 608 
L'Anchois phasa (Engr. phasa, nob.). . . .. 59 
L'Anchoïs taty (Engr. taty, nob.) . . . . . . . 60 


L'Anchois à filets déliés (Engr. tenuifilis, nob.). * 62 


vii] TABLE. 


Pages. Tlanch. 


Le Myste à épaulettes (Ængr. malabaricus, nob.) 63 609 
Le Myste purava (Ængr. purava, nob.). . , . 65 
L’Anchois de Hamilton (Ængr. Hanulioni, nob.) 66 
L’Anchois porte-moustaches (Engr. mystax, n.) 67 
L'Anchois de Dussumier (Ængr. Dussumieri, n.) 69 
L'Anchois sétirostre (Ængr. setirostris, nob.) . 69 
L'Anchois myste (ÆEngr. mystus, nob.). . . . . 73 


CHAPITRE XIII. 


DÉSICOI MANS 0. LR lee CT ST 77 
Le Coïlia de Hamilton (Coika Hamiltoni, nob.) 79 
Le Coïlia de Reynaud (Coilia Reynaldi, nob.) 81 
Le Coïlia de Dussumier (Coilia Dussumieri, nob.) 81 610 
Le Coïlia aux quarante rayons (Coilia quadragesi- 
MIA DONS) fe 1e MTS ee CORRE EIRE 83 
Le Coïlia de Gray (Coilia Grayi, Richards.) . 84 
Le Coiïlia de Playfair (Coilia Playfairü, Rich.) 86 


CHAPITRE XIV. 


Du’genre OnonTOGNATRE, 0000 ER OU 87 
L'Odontognathe aiguillonné, Lac. (Gnathobolus 
mucrOntius, Schneid.) ARR Re 91 611 


CHAPITRE XV. 


Du genre CHarozsse (Chatoessus) . . . . . . . 94 
Le Chatoesse Cépédien (Chatoessus Cepedianus, 
FA SE RP NET RARES AU PA ERA €: 99 612 


Le Chatoesse nason (Chatoessus nasus, nob.) . 104 

Le Chatoesse d'Osbeck (Chatoessus Osbecki, n.) 106 

Le Chatoesse ponctué (Ckatoessus punctatus, 
Lemm.'et Schl}., Ie 107 


TABLE. 


Le Chatoesse tacheté (Chaioessus maculatus, 

Graphe ee OP TT Te. 108 
Le Chatoesse aqueux (Chat. aquosus, Richards.) 109 
Le Chatoesse chrysoptère (Chatoessus chrysop- 


terus, Richärds.) . . . . . . . . . . . . .. 110 
Le Chatoesse chacunda (Chatoessus chacunda, 
MODE Fee CAN, Meet ee tele 111 


Le Chatoesse manmina (Chatoessus manmina, n.) 114 
Le Chatoesse Cortius (Chatoessus Cortius, nob.) 118 
Le Chatoesse Chanpole (Chatoessus Chanpole, 
AR Te een aime ee eee sie see 116 
Le Chatoesse Tampo (Chatoessus Tampo, nob.) 117 


CHAPITRE XVI. 
Du genre Nororrëre (Wotopterus) . . . . . . 119 
Le Notoptère de Pallas (Votopierus Pallasü, n.) 130 
Le Notoptère de Bontius (Wotopt. Bontianus, n.) 147 
Le Notoptère de Buchanan (Wot. Buchanani, n.) 148 
LIVRE VINGT-DEUXIÈME. 


De la famille des SALMONOÏDES. . . . . . .. 153 


CHAPITRE PREMIER. 


Du genre Saumon (Salmo, nob.) . . . . . . . . 166 
Le Saumon commun (Salmo-Salmo, nob.) . . 169 
Le Bécard (Salmo hamatus, Cuv.) . . . . .. 2 
Le Salmone Huch (Salmo Hucho, nob.) . . . 226 
Le Saumon Ocla (Sa/mo ocla, nob.). . . . . 298 


L'Ombre chevalier (Salmo umblu, Linn.). . . . 233 
Le Saumon kundsha (Sa/mo leucomenis, Pall.) 243 


1x 


Pages. Planch 


613 


G14 
615 


X TABLE. 
Pages. Planch, 
Le Saumon des Couriles (Salmo curilus, Pall.) 244 


Le Saumon lisse (Salmo lævigatus, Pallas) . . 245 
Le Saumon salvelin (Salmo salvelinus, Linn.). 246 
Le Saumon roïe (Salmo alpinus, Linn.). . . . 249 
Le Saumon kulmuud (Salmo carbonarius, Asc.) 254 
Le Saumon d’'Ascanius (Salmo Æscanü, nob.) . 256 
Le Saumon automnal (Salmo autumnalis, Pall.) 258 
Le Saumon ventru (Salmo ventricosus, nob.) . 259 
Le Saumon Golez(Salmo callaris, Pall., fig. 352, 

Out 000 ME OR CRE ENENPRUE OUEN te 260 
Le Saumon blême (Salmo pallidus, Nis.). . . 261 
Le Saumon de Nilsson (Salmo rutilus, Nils.). . 262 
Le Saumon Desfontaines (Salmo rivalis, Fab.) 263 
Le Saumon de la Mana (Salmo gracilis, nob.) 265 
Le Saumon de Mitchill (Salmo fontinalis, Mitch.) 266 
Le Saumon de Hearn (Salmo Hearnü, Rich.) . 269 
Le Saumon à longues nageoires (Salmo alipes, 

Richardson}. RON MORE RE PeNUeR 270 
Le Saumon angmalook (Salmo nitidus, Rich.) . 271 
Le Saumon de Hood (Salmo Hoodiü, Rich.) . 272 


Le Saumon corégonoïde (S. coregonoïdes, Pall.) 272 


CHAPITRE IL 


Des Fonerrrs (Mario, nob.).!. 4.512402 «1 277 
La Forelle argentée (Fario argenteus, nob.). . 294 616 
La Forelle du lac Léman (Fario Lemanus, nob. ; 

Salmo Lemanus, Cumier).\ (Re eee 300 617 
La Forelle à ventre rouge (Fur. erytkrogaster, 

nob.; Salmo erythrogaster, Dekay). . . . . 308. 
La Forelle de Ross (Fario Rossü, nob.; Salmo 

Rossi, Richardson; S. penshinensis, Pallas) 310 


TABLE. x} 


Pages. Planch: 


CHAPITRE IIL 


Des ones (92/77 /n0D,)- AR eus, 314 
La Truite vulgaire (Salur Ausonü, nob.). . . 319 618 
La Truite féroce (Salar ferox, Jard.). . . . . 338 


La Truite élégante (Salar spectabilis, nob.). . 340 
La Truite de Gaimard (Salar Gaimardi, nob.) 341 
La Truite de Baïllon (Salar Bailloni, nob.). . 342 619 
La Truite de Schiefermuller (Salar Schiefermul- 
ADOBE) ete RASE ER ee 344 
La Truite de Scouler (Sal. Scouleri, nob.; Salmo 
Scoulera. Richardson)}4. au h ea oc 345 
La Truite Namagcush (Salar Namagcusk, nob. ; 
Salmo Namagcush, Pennant). . . . . . .. 348 


De quelques espèces douteuses. 


Le Salmone bâtard (Salmo spurius, Pallas) . . 351 
Le Salmonoïde bars (Salmo labrax, Pallas) . . 351 
Le Salmone truité (Sa/mo trutta, Pallas). . . . 352 
Le Salmone farion (Salmo fario, Pallas). . . . 353 
Le Salmone fluviatile (Salmo fluviatilis, Pallas) 354 
Le Salmone oriental (Salmo orientalis, Pallas) . 356 
Le Salmone Lycaodonte (Salno Lycaodon, Pal.) 357 
Le Salmone tête de lièvre (Salmo Lagocephalus, 

Balas) ee dre ns AN AL EURE 358 
Le Salmone pourpré (Szlmo purpuratus, Pall.) 358 
Le Salmone Protée (Salmo Proteus, Pallas) . 360 
Le Salmone sanguinolent (Salmo sanguinolentus, 

ic ERP tS ANS 10e SA PRIE SE EN ASE 362 
Le Salmone Japon (Salmo Japonensis, Pallas) . 363 
Le Salmone Tapdisma (Salmo Tapdisma,nob.). 364 


x i] TABLE. 


Le Salmone Arabatsch (Salmo Ærabatsch, nob.) 
Le Salmone nummifère (Salmo nummifer, nob.) 
Le Salmone mélamptère (Salmo melampterus, 
HORAIRES RENE ATEN 
Le Salmone au bec rouge (Salmo erythroryn- 
CONS mOi )A re) RS AN : 


CHAPITRE IV. 


Du genre ÉPERLAN (Osmerus, Cuvier). . . . . 
L'Éperlan de la Seine (Osmerus eperlanus, Cuv.) 
L'Éperlan aux petites dents (Osmerus microdon, 

noob: }ee deire aie 21e ROSE 
L'Éperlan des lacs (Osmerus spirinchus, Pallas) 
L'Éperlan de New-York (Osmerus viridescens, 

Ecsuenn) acte jasde tenais A LATE ES 


CHAPITRE V. 
Du genre Lonne (Maloitus). 5. LS 2 


Le Lodde capelan (Malottus villosus, Cuv.). . 
CHAPITRE VI. 


Des ArGENTINES (Argentina) . . . . . . . . . 
L'Argentine de Cuvier (Ærgentina Cuvieri, nob.) 
L'Argentine à langue lisse (4rg. leioglossa, nob.) 
L'Argentine de Yarrell (rg. arrelli, nob.). . 
L'Argentine sil (4rg. silus, Risberg). . . . . . 
CHAPITRE VIL 
Des Owenes (7 2yrmalis) "Ne NEeEEre 
L'Ombre d'Auvergne (TAym. vexillifer, Agassiz). 
L'Ombre à poitrine nue (7'4ym. gymnothorax, 


Pages. Planch. 
365 
365 


366 


1966 


371 620 


385 621 


TABLE. xii 


Pages. Planeck. 


L'Ombre à ventre nu (T'hym. gymnogaster, n.) 446 626 
L'Ombre d'Élien (Thym. Æliani, nob.) . . . . 447 
L'Ombre de Pallas (T’kym. Pallasü, nob.). . . 448 
L'Ombre de Back (Tym. signifer, Richardson) 450 
L'Ombre d'Ontario (Thym. ontariensis, nob.) . 452 
L'Ombre charius (TLym. Mertensiü, nob.). . . 453 


CHAPITRE VIII. 


Des Corécones (Coregonus, Cuv.) . . . . . . 454 
La Corégone Lavaret (Coreg. Lavarelus, nob.) 466 627 
La Féra (Coregonus fera, Jurme). . . . . .. 472 
La Palée (Coregonus Palea, Cuv.) . . . . .. 477 628 


La Gravenche (Coregonus hyemalis, Jurine) . 479 

La Marène (Coregonus maræna, nob.) . . . . 481 629 
La Marène de Pallas (Coregonus Pallasü, nob.) 83 

La Corégone à museau conique (Coregonus cono- 


NADCRUS ODA) UE NUS ARE ANS aa LUE 485 
La Corégone à petite bouche (Coregonus micro- 

DONNE LEE EN TA SN EE 488 
Le Houting (Coregonus oxyrhynchus, nob.). . 488 630 
Le Tschir (Coregonus nasutus, nob.). . . .. 493 


Le Muksun (Coregonus muksun, nob.) . . . . 494 
La Corégone de Reisinger (Coreg. Reisingeri, n.) 496 
La Corégone de Nilsson (Coreg. Nilssoni, nob.) 497 631 


LeSyrok (Corez A SYroks nobe). à 1... . 499 
Be RU(COreS AUS MOD.) TC 501 
Le Pollan (Coregonus Pollan, Thomps.) . . . 502 
Le Powan (Coreg. Cepedü, Parnell) . . . . . . 503 
Le Polcur (Coreg. Polcur, nob.) . . . . . .. 506 
Le Gwyniad (Coreg. Pennanti, nob.). . . . . 507 


La Corégone blanche (Coreg. albus, Les.) . . . 510 


XIV TABLE. 


La Corégone quadrilatérale (Coregonus quadri- 


Pages. Planch. 


daiereis MLACRE)S UT 1 RENE jus 
La Coregone otsego (Coreg. otsego, Dekay) . . 513 
La Vimbe (Coreg. vimba, nob.). . . . . . . . 514 
La Corégone sardinelle (Coreg. sardinella, nob.) 517 
Le Tughun (Coreg. Tugün, Pallas). . . . . . 519 
La Vemme (Coreg. albulu, nob.) . . . . . . . 520 


La Corégone clupéiforme (Coreg. clupeiformis, 
Mitch.; Coreg. Artedi, Les.; Coreg. lucidus, 
1 RETE 1) PNA RE EE RCA RT ANSE 
La Corégone tullibée (Coreg. tullibee, Rich.). 
La Corégone cyprinoïde (Coreg. cyprinoides 
Pallas Pare alien elantetse st eng 
L'Omul (Coreg. omul, Lepechm) . . . . . .. 
La Corégone rudolphienne (Coreg. rudolphianus, 
1410 CD ASANIROIER EN RARE APE ER RARE LOUE 
La Corégone hareng (Coreg. harengus, Rich.) 
La Corégone du Labrador (Coreg. Labradoricus, 
Riche) 070 NS SR ee 
Le Nelma (Coreg. leur en Pallas) . . . ., 


523 
526 


526 
528 


53x 
532 


533 
535 


632 


633 


AVIS AU RELIEUR 
POUR PLACER LES PLANCHES DU TOME XXI 


Planches. 
607. Engraulis enchrasicholus. vis-à-vis de la page 10 
608. Engraulis telara . : . 0 0. 56 
609. Engraulis malabaricus . . . . . ... . . . . . 64 
be Coha:Dussumiert: 240. 440 et LE 82 
611. Gnathobolus mucronatus . . . . . . . . . .. 92 
612. Chatoessus Cepedianus . . . . . . . . . . .. 100 
613. Wotopterus Bontianus . . . . . . . . . . .. 148 
Om Oo: SAONE NN RAT SENS ER TS 170 
M7 9S2lmo, Ramatnse ts VEUT RAA TA UNS 212 
6 Faroharsenteus ire en 4 à el nv deianiai an nt à Na 294 
ar 0 Lenianus 4 USE MR ROUES 300 
DAS ler ANSE ve) LE NO Sr. 320 
RO ER DGA te AR UE BU ne 09 et tee en) A 342 
620. Osmerus’ eperlanus. à... 2. le. 372 
Han OSmerus nicrodon.) 3522.83 aval ttae 386 
BAS Notus oillosus mas. is Ni A 304 

623. Mallotus villosus fœmina. . . . . ... . . .. 396 
M4 Argentina leaoglossa. vus "0 0e Le 2 418 
Re Thymalus eymnothoraæ 44. 4e, nu 444 
626. Thymalus gymnogaster. . . . . . . . . ... 446 
Me 7 Coreconus Layueretus 3.2.1. 466 

D Coreponus Pal@añr ter 0. 476 

B020. Coregonus maræna. . . . . . . . . . . + « . 482 

630. Coregonus oxyrhynchus HAUT AR Set die 488 

631. Coregonus Nilssoni. . . . . . . OA PÉEN ANE 498 

“632. Coregonus vimba. . . . . . .. Dre si ee UN DES 


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HISTOIRE 


NATURBELE 
DES POISSONS. 


SUITE DU LIVRE VINGE KT UNIÈME, 
ET DES CLUPÉOIÏDES. 


J'A1 traité dans le volume précédent des 
Clupées qui ont la mâchoire supérieure plus 
courte que l'inférieure. Il me reste à parler des 
espèces dont le museau est saillant et plus 
avancé que la mandibule. Cette saillie est due à 
lethmoïde. L'étude des genres de cette subdi- 
vision de la famille des Clupes est importante, 
car elle montre comment la nature peut mo- 
 difier les caractères les plus saillants dans la 
composition d’une famille naturelle. Celui que 
l'on tire de la saillie du museau n'a pas cepen- 
dant une aussi grande importance que je le 
soupconnais en commençant l'étude des Clu- 
péoïdes; car les deux genres Anchois et Coilia 
sont les seuls auxquels il s'applique. Les No- 
toptères sont d’une famille distincte, qui lie les 
Clupées aux Mormyres et aux autres familles 
détachées du grand groupe établi par M. Cuvier. 
he 1 


E. LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. 


CHAPITRE XII. 


Du genre Ancnois (ÆEngraulrs). 


Nous allons décrire dans ce chapitre l'his- 
toire naturelle de poissons qui offrent plu- 
sieurs traits caractéristiques de conformation 
‘ou de mœurs semblables à ceux des Harensgs, 
des Aloses et des Sardines. Ce sont les pois- 
sons connus sur presque toutes nos côtes 
d'Europe par le nom d’Anchois, ou par une 
dénomination semblable à celle-ci, et qui 
semble en dériver, ou en être une corruption. 
Le caractère remarquable de ce genre consiste 
dans la grandeur de la fente de la bouche et 
dans la saillie du museau. Cest l'ethmoïde qui 
s'avance au-devant des mâchoires. Les inter- 
maxillaires sont petits et cachés sous le museau : 
ils sont tellement réunis au maxillaire qu'ils se 
meuvent avec lui et qu'on ne les aperçoit que 
par la dissection. Les maxillaires sont grêles, 
couchés sur les côtés de la joue. Le vomer 
est étroit et a quelques petites dents à son 
extrémité. Les palatins et les ptérygoïdiens 
forment aussi des lamelles étroites et allon- 
gées, hérissées de petites dents qui, dans 


CHAP. XII. ANCHOIS. 3 


quelques espèces, ne sont que de simples 
âpretés. Ces dents de la voûte palatine de- 
viennent si petites dans l’'Anchois d'Europe 
que l’on peut discuter leur présence, mais 
dans la plupart des espèces étrangères, elles 
sont extrêmement visibles. La fente des ouïes 
paraît en quelque sorte proportionnée à la 
grandeur de celle de la bouche. Les anchois 
sont les poissons qui me paraissent avoir 
ces ouvertures les plus larges. La membrane 
branchiostège est étroite, cachée sous les 
branches de la mâchoire; elle est soutenue 
par des rayons courts dont. le nombre est 
variable suivant les espèces, et souvent même 
d'un côté à l'autre de la gorge. Nous avons 
des anchoiïis qui n’ont que neuf rayons, tan- 
dis que d'autres en ont jusqu'à quatorze. Ces 
poissons ont le corps en général arrondi, une 
petite dorsale et une caudale fourchue. Les 
pectorales sont insérées en bas et près de la 
fente de l'ouïe; les ventrales sont très-petites. 
Plusieurs espèces étrangères ont cependant le 
COrps comprimé et le ventre tranchant; leur 
tronc pourrait être comparé à une vue de 
couteau. Le canal intestinal est replié plusieurs 
fois sur lui-même; l'estomac est cylindrique, 
assez large, et muni d’un grand nombre de 
cœcums au pylore. J'ai trouvé à toutes les 


4 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


espèces une vessie aérienne communiquant 
avec l'extrémité cardiaque de l'œsophage par 
un canal pneumatique. Celle de lanchois vul- 
gaire m’a paru divisée par un faible étrangle- 
ment. 

Les caractères que je viens de signaler, et 
surtout la conformation de la mächoire supé- 
rieure, montrent les affinités des anchois avec 
les autres clupées. Le plus grand nombre des 
espèces de ce genre a le ventre dentelé en 
scie comme nos clupéoïdes, mais il y a quel- 
ques espèces qui font exception à cette dis- 
position générale; l'anchois commun, ainsi que 
plusieurs espèces étrangères n'ont aucune den- 
telure. 

Lorsque je préparais mon travail général 
sur les Clupées, j'ai été fort embarrassé de 
cette absence de dentelures à la carène du 
ventre. J'ai cherché si les espèces à ventre 
lisse ne m'offriraient pas un caractère qui les 
distinguerait de celles à carène dentelée. Quels 
que soient les efforts que j'aie faits à ce sujet, 
je n'en ai trouvé aucun. Ce serait même rom- 
pre les affinités naturelles que de les éloigner 
les unes des autres en les séparant des Clupées. 
Nos anchois en ont aussi les habitudes. Ils vi- 
vent dans les profondeurs de l'Océan, s'appro- 
chent des rivages en rideaux d’une immense 


CHAP. XII. ANCHOIS. 5 


étendue à l'époque du frai. Leur pêche devient 
très-profitable en quelques endroits, et donne 
lieu à des exportations considérables. 

M. Cuvier a essayé de séparer, sous le nom 
de Thrysses, les espèces à maxillaire prolongé 
sur les côtés de la bouche. Il est évident qu'un 
naturaliste qui examinera le Clupea mystax 
ou le CL. setirostris, saisirait avec facilité ce 
caractère distinctif, mais la difficulté devient 
grande, je dis même impossible à surmonter, 
quand il faut essayer d'appliquer cette dia- 
gnose aux Engraulis Brownii, E. Mitchilli et 
à quelques autres espèces voisines. En effet, 
les maxillaires se prolongent plus ou moins et 
successivement, de manière à ce quil soit 
impossible de fixer la limite des deux genres. 
D'ailleurs M. Cuvier laissait parmi ses Thrysses 
le Clupea mystus de Linné, dont M. de La- 
cépède avait déjà fait un genre sous la déno- 
mination de Myste, l'espèce ayant été appelée 
dans cette Ichthyologie le Myste clupéoïde. 
Si le genre Thrysse de M. Cuvier eùt du être 
conservé, il aurait fallu lui rendre la déno- 
mination que lui avait imposée M. de Lacé- 
pède. Mais on verra, dans la discussion que 
jai faite sur l'espèce de Linné, que le Clupea 
mystus est un assemblage de deux poissons 
différents. Ce genre Mystus de Lacépède a 


6 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 

été adopté par Buchanan, qui l'a singulière- 
ment composé, car les espèces indiennes d’an- 
chois, à maxillaire prolongé, ont été classées 
par lui dans ce qu'il a appelé les Clupea, et 
il a cité comme Mystes un Mystus ramcaratt 
qui est un Coiia, et deux autres qui appar- 
tiennent au genre Notoptère. Les Clupea de 
Buchanan sont des anchois; les vraies Clupées 
ont été décrites dans son ouvrage, sous le nom 
de Clupanodon. 

Cest ici le cas de faire remarquer que la 
nature a eu une tendance à prolonger en 
fillaments plus ou moins longs certaines pièces 
des anchoïs. Nous venons de citer la prolon- 
gation quelquefois filiforme des maxillaires ; 
dans d’autres espèces c'est le premier rayon 
de la pectorale qui devient quelquefois aussi 
long que le corps. Je connais plusieurs espèces 
qui se ressemblent par ce caractère, et par un 
autre assez singulier et consistant dans la 
troncature du lobe supérieur de la caudale. 
J'ai examiné avec attention si la prolongation 
de ce rayon ne pouvait pas servir à caracté- 
riser ce petit groupe et à le séparer des an- 
choiïs. Mais la première de nos espèces, lEn- 
sraulis brevifilis montre que cest par des 
nuances insensibles que l'on passe de lÆn- 
graulis Telara à plusieurs autres espèces qui 


CHAP. XII. ANCHOIS. vd 


ont le premier rayon de la pectorale un peu 
prolongé. Les mêmes raisons qui me font 
considérer Les Thrysses de M. Cuvier comme 
une simple division des anchois, me condui- 
sent à ne pas séparer les espèces dont le pre- 
mier rayon de la pectorale s'allonge en un 
long filament. 

Nous avons discuté la synonymie ancienne 
des anchois dans nos généralités sur les Clu- 
péoïdes. Nous avons fixé les noms d'£ncra- 
sicholus, d'Engraulis et de Lycostomus cités 
dans les ouvrages des anciens. Le second de 
ces noms a été adopté par M. Cuvier; nous 
l'appliquerons à cette longue série d'espèces 
que nous allons présenter en commençant 


par l’'Anchois d'Europe. 


L'ANCHOIS VULGAIRE. 


(Engraulis encrasicholus ; Clupea encrasicholus , 
Linné.) 


L'Anchois, dont je vais présenter l'histoire, 
est aussi répandu dans la Méditerranée, le 
long des côtes occidentales de l'Espagne ou 
de la France, que dans l'Océan septentrional 
ou dans la Baltique. Partout il se présente sur 
les côtes en troupes nombreuses; il y fournit 
des pêches abondantes, et cependant on peut 


8 LIVRE XXI CLUPÉOIDES. 


se permettre de dire que ce n'est pas à cause 
de cette abondance qu'il est connu de tout 
le monde. Il est recherché à cause de la sa- 
veur qu'il communique à nos divers aliments, 
quand le poisson a été salé. Mais le plus 
grand nombre des personnes, qui aiment son 
bon goût, n’ont jamais vu un anchoïs enter, 
parce que l'on a l'habitude de le débiter dans 
le commerce après qu'on lui a ôté la tête, et 
enlevé avec elle le foie et les viscères diges- 
üfs qui y adhèrent. Lorsqu'on a vu préparer 
les anchois, on est étonné de la dextérité 
avec laquelle les femmes coupent, avec l'ongle 
du pouce, la tête de l'animal pour enlever 
les viscères. IL faut que cette habitude soit 
très-ancienne, car il est probable que le nom 
d'Encrasicholus (qui a le fiel dans la tête) 
n'a été imposé au poisson que parce quon 
[ui arrachait le foie avec la tête. Les prépa- 
rations de l’'anchois sont aussi très-anciennes, 
puisque ce poisson entrait dans la fabrication 
de cértains garums estimés chez Les Grecs. Les 
différents naturalistes qui ont bien voulu aider 
notre travail par les nombreux envois qu'ils 
ont faits au Jardin du Roiï, nous ont procuré 
des anchois entiers dont nous allons donner 
la description. 


CHAP. XII ANCHOIS. 9 


L'anchois a le corps extrêmement allonge et ar- 
rondi. La hauteur du tronc est comprise sept fois 
et demie dans la longueur totale : elle n’est que les 
deux üers de la tête. Celle- c1 est d’ailleurs remar- 
quable par la grandeur de la fente de ses ouies; par 
la saillie de son museau et par l'énorme ouverture 
de la bouche. L'amplitude que peut prendre cette 
ouverture devient même si considérable, lorsque 
lon écarte toutes les pièces, que l'animal pourrait 
facilement engloutir, dans cette énorme gueule, un 
poisson plus gros que lui. L’œil est assez grand, car 
son diamètre mesure le quart de cette longue tête. 
Il y a un diamètre entre le bord antérieur de l’œil 
et le bout du museau. La peau ne fait pas de repli 
adipeux, constituant cette sorte de paupière si com- 
mune dans les clupéoïdes. Le dessus du cràne, entre 
les deux yeux, a la forme d’un losange très-allongé, 
dont l’arête longitudinale, élevée sur sa surface, ferait 
la plus grande diagonale. Au-devant de l’angle des 
frontaux et un peu au-dessus de l'œil, on voit ou 
lon sent avec une pointe fine le très-petit os du 
nez, au-dessous duquel on peut voir les deux ou- 
vertures de la narine tellement rapprochées l’une 
de l’autre, que pour les disuinguer il faut bien faire 
attenuon à la très-petite cloison membraneuse qui 
les sépare. J'insiste sur ce point, parce qu'il existe 
autour de l'œil des ouvertures de grands canaux 
muqueux, dont il est possible de reconnaître la 
nature en les insufflant; on voit par ce moyen ces 
canaux s'étendre le long des mâchoires et sur toute 
la surface des joues. Le premier sous-orbitaire est 


10 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


une lame excessivement mince, irès-allongée, qui 
se prolonge en arrière vers l'angle du préopercule 
qu'elle ne touche pas cependant. Les autres sous- 
orbitaires sont excessivement minces et cachés sous 
la peau épaisse qui est derrière l'œil, et que l’on 
pourrait facilement prendre pour une Pope adi- 
peuse. Ces osselets sont si minces que je n'ai pu 
les compter; je crois cependant qu'il n’y en a que 
quatre, ce qui ferait en tout cinq pièces pour le 
sous-orbitaire. J'ai dit tout à l'heure que la bouche 
était très-fendue ; le maxillaire se porte, en effet, 
si loin, que la fente va jusqu’à plus des trois quarts 
de la longueur de la tête; l'os lui-même en fait les 
deux tiers. Ce sont les deux maxillaires qui bordent 
la mâchoire supérieure : ils portent sur leur bord 
interne un os accessoire très-peut, grêle et telle- 
ment uni à lui, que les deux os paraissent confon- 
dus. On trouve cachés, sous la saillie du museau, 
deux intermaxillaires excessivement courts et telle- 
ment unis aux maxillaires, qu'on ne peut, à cause 
de cette union et de l'extrême petitesse, reconnaître 
la présence de ces os que par la dissection. Des dents 
fines, comme des cils, existent jusqu’à l'extrémité 
de l'os. La mâchoire inférieure a la symphyse très- 
pointue; les deux branches sont irès-rapprochées 
l'une de l’autre; les dents qu’elles portent sont im- 
plantées sur une petite bande étroite; celles du rang 
externe ont l’air d’être tout à fait extérieures. L’aru- 
culation répond à l'extrémité de la mâchoire supé- 
rieure. On conçoit, d’après cette disposition, la 
forme du préopercule dans ce poisson. Cet os est 


CHAP. XII ANCHOIS. 41 


arüculé assez loin derrière l'œil, à une distance 
égale à peu près au diamètre de l'orbite : il se porte 
alors obliquement en arrière et en bas; son angle 
est arrondi; son limbe est très-mince. Je vois der- 
rière lui un très-long opercule, dont l'angle supé- 
rieur remonte assez haut sur la nuque pour que le 
bord soit au-dessus de celui de Pœil et plus haut 
que la tête de l'os qui l’articule avec ce mastoïdien. 
Cet opercule est irès-étroit : 1l se porte, comme le 
préopercule, obliquement et vers le bas, de manière 
que son angle inférieur va presque toucher à la 
pectorale. Un très-petit sous-opercule est caché sous 
le bord inférieur de cet os; 1l faut faire attenuon 
de ne pas le confondre avec un rayon de la mem- 
brane branchiostège. L’interopercule est encore beau- 
coup plus peut. dt forme de l’opercule est en 
rapport avec la grandeur de la fente de louie, qui 
s'étend en avant le long des deux branches de la 
mâchoire jusque tout auprès de la symphyse. Il 
faut aussi indiquer avec soin qu’il n'existe pas de 
bord membraneux à l’opercule. La fente de l’ouie 
est donc encore agrandie par suite de cette dispo- 
sion. La membrane branchiosiège elle-même est 
très - basse, parce que les rayons sont très-courts : 
je lui en compte treize. Si nous examinons main- 
tenant l'intérieur de la bouche, nous trouvons une 
langue d’une telle brièveté, que c’est à peine si on 
peut donner ce nom au petit tubercule qui termine 
lappareil hyoïdien. Les râtelures des branchies sont 
très-longues, dirigées en peigne vers le devant, et 
les quatre arceaux en sont chacun garnis. Le vomer, 


12 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


avancé jusque sous la saillie ethmoïdale, ne porte 
pas de dents, mais les palatins et les ptérygoïidiens, 
qui sont gréles et allongés presque autant que les 
branches de la mâchoire supérieure, portent de 
très-fines scabrosités, dents rudimentaires plus fa- 
ciles à reconnaitre par le tact qu'à voir même avec 
la loupe. Je puis cependant assurer mes lecteurs 
que je les ai très-bien vues. 

La ceinture humérale est un grand arc étroit 
composé, comme à l'ordinaire, de scapulaires et 
d’huméraux assez grèles. Ces derniers se réunissent 
promptement vers le bas, sans se porter en avant 
à beaucoup près, aussi loin que cela a lieu chez la 
plupart des poissons. Aussi voit-on une très-longue 
languette, argentée et brillante, étendue sous les 
branchies, entre l'angle de la symphyse humérale 
et la queue de l’os hyoïde. La péctorale est articulée, 
tout à fait au bas, près du profil inférieur. Cette 
nageoire est triangulaire, peu étroite : elle a dans 
son aisselle une très-longue écaille membraneuse, 
triangulaire et pointue, que l’on prendrait très- 
facilement pour un des rayons de la nageoire. Les 
ventrales sont petites et insérées un peu en avant 
de la dorsale, dont le premier rayon est implanté 
sur le milieu de la longueur du corps en n’y com- 
prenant pas la caudale : elle est triangulaire. L’anale 
est de longueur médiocre et peu haute. La caudale 
est petite et fourchue. 


B.1482D. 17; À..16: C:21: PAT VEUT 


Les écailles sont aussi minces que des mem- 
branes. Les stries d’accroissement sont si fines et 


CHAP. XII ANCHOIS. 43 


si rapprochées qu’on ne les voit bien qu'au micros- 
cope. On peut reconnaître encore les rayons de 
l'éventail de la portion radicale, mais ils ne sont 
pas aussi réguliers que dans beaucoup d’autres pois- 
sons. Il y a environ quarante-huit à cinquante 
rangées d’écailles entre louie et la caudale. Sur 
chaque lobe de la caudale il y a une écaille ob- 
longue, relevée en carène, comme nous en avons 
déja observé sur la caudale des Chanos et des Al- 
bula. La couleur du poisson vivant est verdätre sur 
le dos. Cette teinte tranche assez fortement avec 
l'argenté du ventre. Après la mort, le poisson de- 
vient promptement bleuâtre, et il parait même quel- 
quefois si foncé qu'il semble être noir. 

J'ai pu examiner les viscères d’un anchoiïs fe- 
melle ; voici ce qu'ils m'ont offert de remarquable : 
un œsophage assez long, assez gros, d’une couleur 
noire très-prononcée; un estomac cylindrique, ob- 
tus, avec une branche montante assez grosse ; les 
parois de lestomac et de la branche montante re- 
prennent la couleur ordinaire à ces membranes. Le 
pylore est entouré de trente appendices cœcales 
assez longues; celles du rang externe, et que l’on 
aperçoit à l'ouverture de l'abdomen, sont noires 
comme l'intestin. Celui-ci descend à droite et en 
arrière des cœcums : arrivé au delà de l'estomac, il 
se replie, remonte jusque près de la branche mon- 
tante; 1l se courbe de nouveau, et redescend ensuite 
jusqu’à l'anus sans augmenter sensiblement de dia- 
mètre. Le foie est peut, placé entre le diaphragme 
et la masse des appendices pyloriques : 1l embrasse 


44 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


entre ses lobes une vésicule du fiel, globuleuse, grosse 
comme un petit pois. La vessie aérienne est étroite 
et allongée, pointue aux deux extrémités; sans qu'on 
puisse dire qu’elle soit divisée en deux comparti- 
ments, elle a cependant un étranglement très-no- 
table un peu au delà de la naissance de l'estomac. 
C’est aussi au commencement de ce viscère et à sa 
face dorsale que s’insère l'extrémité antérieure du 
conduit pneumatique : 1l est gros et noueux chez 
ce poisson, et il va donner dans la seconde partie 
de la vessie aérienne. Le péritoine est argenté, poin- 
tillé de noirâtre. Les œufs sont d’une extrême peti- 
tesse, 

Le crâne est petit, lisse, sans carènes sensibles. 
Je compte quarante-six vertèbres dont vingt et une 
sont abdominales. 

L’anchois que l’on distribue dans le commerce 
est ordinairement long de cinq à six pouces, mais 
jen ai reçu deux exemplaires longs de sept pouces. 
L’un d'eux a été pêché à Cayeux, peut port des 
côtes de Picardie. Il est donc certain que des indi- 
vidus de ce poisson s’avancent jusque dans la Manche. 
Mais on le trouve plus abondamment sur les côtes 
plus méridionales de l'Océan. Nous en avons de 
nombreux exemplaires de La Rochelle et des côtes 
d'Espagne. Nous l'avons reçu aussi en abondance 
des différents points de la Méditerranée. Ainsi M. 
Perandot nous l'a rapporté de Corse; MM. Savigny 
et Laurillard de Nice; M. Bibron de Messine. Les 
naturalistes de l’expédition scienufique de l'Algérie 
l'ont trouvé à Bone, et M. Nordmann nous en a 


int nids ts 


CHAP. XII. ANCHOIS. 45 


donné des exemplaires pris à Odessa. L'espèce entre 
donc dans la mer Noire. J'ai examiné avec soin un 
nombre considérable de ces petits poissons, depuis 
- des exemplaires longs de deux à trois pouces jus- 
qu'a ceux de cinq à six. Il m'a été facile de me 
convaincre que les individus peuvent, par altération 
de la couleur du ventre ou du dos, perdre facile- 
ment le brillant argenté près de la carène abdomi- 
nale, de manière à laisser une bandeleite plus ou 
moins large et souvent peu limitée tout le long 
des flancs. Ce sont des individus ainsi altérés qui 
ont donné lieu à l'établissement de l'espèce du Me- 
lette. M. Cuvier dit, dans le Règne animal, que 
l'anchois qu'il désigne sous ce nom a le RE de 
la tête plus convexe que l’anchois ordinaire, mais 
ce caractère n’est pas aussi sensible que M. Cuvier 
Va pensé. Il a été trompé par la description que 
Duhamel a faite de son Melet. 

L'anchois, très-abondant dans la Méditer- 
anée, a été très-bien connu par Belon' et 
Rondelet 2, qui ont laissé dans leurs ouvrages 
les figures reconnaissables de ce poisson, et 
ont le premier de ces auteurs disait que 
étaient les meilleurs poissons salés. Ce qu'il 
y a de remarquable, cest que Salviani ne 
parle pas d’un poisson si abondant dans la 
Méditerranée. IL est inutile de citer Gessner 


mers 


1. Belon, p. 168 et 169. 
2. Rond., De pise., Liv. 1, p. 211. 


16 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 

et Aldrovande, qui n'ont rien ajouté à ce 
que les auteurs précédents en avaient dit. 
Schœneveld' a donné aussi, sous le nom de 
Lycostomus ballicus, une figure très-recon- 
naissable de notre poisson, mais il lui donne 
l'épithète de balticus, parce qu'il le croyait 
différent de celui de Belon et de Rondelet. Il 
fondait ces différences sur ce que ces auteurs 
ont attribué à leur poisson un caractère qui 
nest que l'effet d’une mauvaise conservation, 
le manque d’écailles. Willughby * n'a parlé de 
notre poisson que d'après Schœæneveld ; il ap- 
prend très-peu de chose sur lanchois. Cest 
avec ces documents et ceux tirés d'Aristote, 
d’Athénée ou d'Élien, dont nous avons parlé 
dans la discussion sur la synonymie ancienne 
des clupéoïdes, que l'espèce a pris rang dans 
la Synonymie d’Artedi*, et que l'espèce a été 
désignée, dès la dixième édition du Systema 
naturæ, sous le nom de Clupea encrasi- 
cholus. Il n'y a eu aucun changement à cette 
espèce dans les éditions suivantes de ce grand 
ouvrage. Duhamel nous a laissé une figure 
assez médiocre et une description très-vague 


. Schôünev., t. V, fig. 2, p. 46. 

. Will, p. 225. 

. Art., Syn., p. 171, n.° 8. 

+ Dub. , Pêches, 2.° partie, S. 3, pl. 17, fig. 5. 


= ©) 12 


CHAP. XII. ANCHOIS. 17 


d’un poisson dont l'utilité aurait dù cepen- 
dant l’engager à Le faire mieux connaître dans 
un ouvrage écrit sur l’histoire naturelle des 
pêches. Nous trouvons, dans la grande Ich- 
thyologie de Bloch, une figure assez médiocre 
de notre poisson. Ce naturaliste n’a compté que 
douze rayons à la membrane branchiostège. Il 
a cité à tort au nombre des synonymes de cette 
espèce la figure de Sloane, qui représente, 
comme nous le dirons plus tard, notre Æn- 
graulis edentulus ; en concluait que l'Anchois 
de nos mers se trouve aussi à la Jamaïque, 
tandis que l'espèce américaine est tellement 
différente qu'on pourrait presque la séparer 
génériquement. L'article de M. de Lacépède?, 
sur l'anchois, n’a été évidemment composé 
qu'avec celui de Bloch. 

Si nous passons maintenant de ces auteurs 
généraux aux faunes particulières, nous sui- 
vrons notre poisson sur les différentes côtes 
de l'Europe. Il paraît qu'il habite jusque sur 
les latitudes boréales du Groenland. En effet, 
Othon Fabricius cite l'anchois dans le Fauna 
groenlandica ; il donne même son nom groen- 
landais Saviliursak*, ce qui prouve que le 


1. Bloch, t. XXX, fig. 2. 
2. Lacép., t. V, p. 455. 
8. Faun. Groent., p. 183, n.° 130. 


21. 2 


48 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


poisson est bien connu de ces peupies. Il l'a 
trouvé souvent dans l'estomac des Phoques, 
mais tellement détérioré qu'il n’a pas cru de- 
voir en faire une description détaillée, il pou- 
vait seulement les reconnaître. L'espèce doit 
être rare dans ces hautes latitudes, car M. 
Reinhardt ne cite pas l’anchois dans son Ich- 
thyologie du Groenland. Mobr et Faber ne le 
comptent pas non plus parmi les poissons is- 
landais. Linné ne l’a pas même inscrit dans le 
Fauna suecica. Cependant M. Retzius' la 
introduit dans l'édition qu'il a donnée de cet 
ouvrage, et donne, pournomsuédois, Ansjovis. 
Il le dit rare dans la Baltique, mais qu'il est 
plus commun sur les côtes occidentales. Cet 
auteur s'est trompé en affirmant que l'anchois 
des mers septentrionales est différent de ceux 
des côtes de France ou d'Espagne. Nous cite- 
rons encore pour preuve de la rareté de ce 
poisson, que Ekstrôm n’en parle pas dans son 
Histoire des poissons du Mérkoë. M. Nilsson? 
décrit l'Engraulis vulgaris dans son Ichthyo- 
logie scandinave. Il observe que les pêcheurs 
de la Baltique le prennent rarement dans 
leurs filets et toujours en petit nombre. On 


1. Retzius, Faun. suec., 1800, p. 354, n.° 106. 
2. Nilsson , Prod. icht. Scand., p. 25. 


CHAP. XII. ANCHOIS. 49 


lé trouve beaucoup plus souvent dans l’'es- 
tomac des grands Gades, d’où l’on pourrait 
conclüre que ce poisson ne quitte pas les 
profondeurs de la mer pour se porter en troupe 
sur les côtes. Le poisson paraît plus connu 
sur les côtes du Danemarck : cest le Bykling 
ou le Moderlüse des Danois suivant Müller.’ 
Je trouve même dans le catalogue que le prince 
royal de Danemarck a envoyé à M. Cuvier, 
que l'anchois est indiqué comme un poisson 
répandu dans l'Océan septentrional, depuis 
le Groenland jusqu'au Jutland, et plus rare 
dans la Baltique. Pennant* a décrit l'anchois 
dans la Zoologie britannique. Il observe qu'il 
na jamais vu lui-même ce poisson sur les 
côtes d'Angleterre, mais que les pêcheurs lui 
ont assuré qu'on le pêche dans les eaux sau- 
mâtres de la côte de Chester. 

La première bonne figure que nous ayons 
à citer de notre poisson est celle de Donovan”, 
et nous Le trouvons ensuite inscrit dans Tur- 
ton“, dans Flemming”, dans M. Yarrellf, qui: 
en a aussi une figure fort exacte, et dans 


. Müller, Prod. faun. dan., p. 50 , n.° 424. 
.- Pennant, Zool. dan., t. IL, p. 295. 

. Donovan, Brit. fish., vol. 3, pl. 50. 

- Turt., Brit. Faun., p. 101, n.° 114. 

+ Flemm., Brit. anim., p. 183, n.° 54. 

. Yarrell, Brit. fish. , vol. 2, p. 140. 


D AR © 19 


20 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


Jenyns'. On voit donc par ces citations que 
les auteurs qui ont parlé des poissons de 
l'Océan septentrional, ont presque tous connu 
l'anchois. 

Les auteurs des Faunes méditerranéennes 
nous ont également signalé l’anchois. Cest le 
Clupea encrasicholus de Brünnich”. Risso 
cite également l'anchois vulgaire sous le nom 
nicéen d'Amplova, en observant queles petits, 
à peine éclos, sont nommés Æmplovines, et 
que les individus d'âge intermédiaire sont 
appelés Æmplovetta. 

Cetti parle aussi, dans ses Pêches de la 
Sardaigne, de ce poisson, dont on ne tire, à 
la vérité, aucun parti. Les côtes de Catalogne 
et de Galice nourrissent aussi beaucoup d'an- 
chois. On ly nomme Roqueron ou Anchoa, 
selon Cornide. * 

L'unanimité de tous ces auteurs prouve 
donc que l'anchois est un poisson très-commun 
dans toutes les mers de l'Europe. On peut re- 
marquer que les individus pêchés dans l'Océan, 
sur les côtes de la Manche ou de Galice, sont 
plus gros que ceux de la Méditerranée; mais on 
prétend que ceux-ci sont plus délicats. On en 


1. Jen., Brit. anim., p. 439, n.° 123. 
2. Brünnich, Pisc. mass., p. 83, n.° 101. 


3. Cornide, Poiss. de Galice, p. 99. 


CHAP. XII. ANCHOIS. 21 
fait l'objet d'une pêche importante, particuliè- 
rement en France et en Espagne. Elle varie 
suivant que le poisson est plus ou moins abon- 
dant sur telle ou telle côte, ou selon les 
avantages que la sardine a fournis. On pêche 
peu d’anchois dans Les eaux de l'Archipel grec, 
ainsi que dans La mer Noire. Nordmann assure 
qu'on le prend rarement en grand nombre 
autour d'Odessa ou sur la côte de Crimée, où 
les pêcheurs le nomment Chamsa. 

Cependant Pallas' dit que pendant l'hiver 
et le printemps, surtout en mars, il émigre 
en troupes considérables sur le littoral de la 
Crimée, où les tempêtes en rejettent quel- 
quefois sur le rivage de quoi en faire des 
chargements, transportés par les charrois tar- 
tares ou grecs vers les différents points de 
la Méditerranée. Il ajoute quil est quel- 
quefois défendu de le vendre cru à Sébasto- 
pol, de peur que son abondance ne déve- 
loppe des fièvres dans la classe indigente à 
la suite des temps des abstinences. IL paraît 
que l'anchois se prend en plus grande quan- 
tité sur les côtes de Dalmatie; la pêche se 
fait aussi avec quelque régularité dans les 
environs de Raguse, mais elle y est moins 


Î. Pallas, Fauna ross., 1, II, p. 212, n.° 1538. 


22 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


suivie que celle de la sardine. Elle est aussi 
très-productive en Sicile, et les salaisons que 
lon en fait sont l'objet d’une exportation 
considérable. On pêche aussi beaucoup d’an- 
chois autour de Pile d'Elbe et des petites îles 
voisines. La Corse en fait aussi l'objet d'un 
commerce assez étendu. L’anchois abonde sur 
les côtes d'Antibes, de Fréjus, de Saint-Tropez. 
Les filets que l’on emploie sont le sardinale 
et la rissole des Provencçaux. Presque tous les 
bateaux montés pour la pêche de ce poisson 
portent des fanaux. 

Pour préparer les anchoiïs, on les jette dans 
de grands barils pleins de saumure. Des ou- 
vriers prennent les poissons un à un, et avec 
une grande adresse ils coupent avec l'ongle la 
tête de chaque poisson; ils les passent à d’au- : 
tres ouvriers qui, avec une égale dextérité, 
rangent les poissons dans des barils en faisant 
des couches alternatives de sel et de poisson. 
En peu de jours le poisson est suffisamment 
imprégné; on ferme le baril qui est prêt pour 
l'expédition. Les anchois des côtes de Provence, 
salés et préparés, sont généralement portés 
à la foire de Beaucaire, d’où ils se répan- 
dent dans lintérieur de la France et dans 
presque toute l'Europe. On porte aussi à 
cette foire le produit des pêches de Cata- 


CHAP. XII. ANCHOIS. 23 


logne. L’anchois n'étant pas aussi abondant 
dans la Manche, ne donne pas lieu à des 
pêches aussi régulières. IL est cependant pro- 
bable qu’elles ont été prises autrefois en con- 
sidération, puisqu'il en est question dans 
plusieurs actes du règne de Guillaume [EL et 
de Marie. Ce poisson est plus commun sur 
les côtes de la Zélande et de la Belgique : il 
entre quelquefois en grandes troupes dans les 
bras de l'Escaut ou de la Meuse, et il y a 
des années où le produit de cette pêche n'est 
pas à dédaigner par ces populations. Sur les 
côtes du Finistère et du Morbihan et à Belle- 
Ile, on prend aussi beaucoup d’anchois. Il 
parait même que les Bretons s'adonnaient au- 
trefois à cette pêche beaucoup plus que de 
nos jours. On préparait le poisson de la même 
manière que dans la Méditerranée, et on le 
transportait aux foires de Beaucaire, où ül 
était vendu pour anchois de Cannes et de 
Martigues. Il est curieux de remarquer que 
lon n’en prend dans cette rade que des indi- 
vidus isolés et en très-petit nombre. 

Le commerce des anchois à Vannes et à 
Quimper était à cette époque un objet assez 
considérable. Ces villes en expédiaient douze 
à quinze mille barils chacune. Nos pêcheurs 
des côtes de Bretagne croient toujours que 


24 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. 


la présence d’une trop grande quantité de ce 
poisson est d’un mauvais augure pour la pêche 
de la sardine. Cette clupée se trouve aussi 
en grande abondance à l'embouchure de la 
Seine : il remonte jusqu'à Quillebœuf. 
D'après ce que j'ai dit dans la description 
détaillée du poisson, il est facile de voir que 
je ne crois pas à la seconde espèce établie 
par M. Cuvier sous le nom d'Engraulis me- 
letta. Les individus observés par M. Cuvier 
sont encore conservés dans le Cabinet du 
Roi : ils me paraissent être des jeunes de 
l'anchois commun. Le poisson figuré par Du- 
hamel lui avait été envoyé de Corse sous le 
nom de Melet, accepté dans le Règne animal. 
On le lui avait donné comme étant si peu 
estimé, que le peuple seul en faisait usage. 
J'ai comparé entre eux dix exemplaires d’an- 
chois à bande argentée, envoyés au Cabinet 
du Roi par nos correspondants de La Rochelle 
et de diverses localités de la Méditerranée, 
telles que Toulon, Marseille, la Corse, Gênes 
et la Sicile. J'ai compté avec soin sur tous ces 
individus les rayons de lanale : ils sont en 
même nombre que ceux de nos anchois de 
localités différentes. J'en ai ouvert plusieurs; je 
leur ai constamment trouvé la vessie aérienne; 
mais comme elle est presque toujours vide, il 


CHAP. XII. ANCHOIS. 25 


est difficile de la voir : il faut y regarder avec 
attention, et pour massurer de sa présence, 
jai eu soin de la gonfler, en insufilant par l’œso- 
phage. Je ne puis donc croire à l'observation 
de Brünnich*, qui aurait trouvé dans la mer 
Adriatique un anchoïs à raie d'argent sans 
vessie aérienne. D'ailleurs en ce qui concerne 
l'article de cette petite Ichthyologie méditer- 
ranéenne, je ferai remarquer que le savant 
Danois n'a point donné de nom spécifique à 
cette clupée, et je ne crois pas me tromper en 
pensant quil y a erreur dans l'expression des 
nombres de rayons indiqués dans cet ouvrage. 
Je suppose que Brünnich a inscrit, par suite 
d'une confusion de notes, ceux donnés par 
Gronovius à l’article 152 de son Museum. 
On verra plus loin comment j'établis que la 
description de l'auteur hollandais appartient 
à lEngrauls atherinoides. Cest, d’ailleurs, 
aux naturalistes qui vivent sur les bords de 
l’'Adriatique à rectifier ce qu'il peut y avoir 
d'erroné dans mes suppositions. 

Cependant l'espèce de l'Engraulis meletta 
a été acceptée par le prince de Canino*. Ce 
savant zoologiste soupconne que l'Engraulis 


4. Brünn., Spola e mari adriatico reportata, p. 101, n.° 15. 
2. Cat, méth. des poissons d'Europe, p. 34, n.° 283. 


: 26 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. 


Desmaresti de Risso est de cette espèce. Je 
n'hésite pas à adopter cette opinion, tout en 
observant que la description de lichthyologie 
de Nice est certainement un composé de 
plusieurs traits caractéristiques de différents 
poissons que Risso rapprochait souvent de 
mémoire , de sorte que l'espèce d'Engraulis 
Desmaresti ne doit pas être conservée dans 
un ouvrage où l'on ne parle que d'espèces 
certaines. La bandelette dorée, signalée par 
cet auteur, ne peut servir de guide pour re- 
trouver l'espèce de Risso, attendu que M. Lau- 
rillard, dont on connaît la sévère exactitude, 
m'a rapporté de Nice un dessin colorié qui 
montre une belle raie longitudinale bleue 
tout le long des flancs et au-dessus des tons 
dorés, que l’on doit facilement voir sous cer- 
tains reflets, comme une bandelette. Ces cou- 
leurs doivent varier aux différentes époques 
de l’année. 

M. le prince de Canino a aussi admis l’'En- 
graulis amara de M. Risso. Je ne puis pas 
encore me prononcer sur cette prétendue es- 
pèce, mais j'ai peine à croire quelle soit dis- 
tincte de notre anchois ordinaire. La descrip- 
tion de M. Risso n'offre d’ailleurs aucun trait 
caractéristique. 


SCT S Pure 


CHAP. XII. ANCHOIS. 97 


L'ANCHOIS BAILLANT. 
(Engraulis ringens, Jen.) 


Je place ici un anchoiïs que je n'ai pas vu, 
mais qui a été décrit dans lIchthyologie du 
voyage du Beagle, par le R. Léonard Jenyns. 

L’épaisseur du corps est d'environ un sixième de 
la longueur totale. La dorsale est insérée au milieu 
de la longueur; les ventrales sont attachées sous 
l’aplomb du premier rayon de la dorsale. La tête 
est plus grosse et plus longue que celle de l’anchois 
commun, et égale le quart de la longueur totale. Le 
dos est bleu foncé; le ventre est argenté : ces deux 
couleurs sont nettement séparées. 


20 A ES a ge REC ee ROC LOS oi 

Tels sont les caractères principaux que je 
puis tirer de l'excellent travail de M. Jenyns, 
sur les poissons de l’expédition du Beagle. 
Cet ichthyologiste n’a vu que deux individus, 
entièrement semblables, rapportés d'Iquique, 
au Pérou, par M. Darwin. M. Jenyns dit que 
l'espèce ressemble entièrement à l'anchois com- 
mun de l’Europe, mais qu’elle en diffère prin- 
cipalement par sa grosse tête, et parce que 
les ventrales sont un 'peu plus reculées eu 
égard à la dorsale. 


28 LIVRE XXI CLUPÉOIÏDES. 


L'ANCHOIS JAPONAIS. 


(Engraulis japonicus, Temm. et Schl.) 


Il serait très-possible qu’on ne distinguàt 
pas de lespèce précédente celle décrite et 
figurée dans le Fauna japonica. Les natura- 
listes qui en ont parlé ne connaissaient que 
la figure et les notes descriptives faites au 
Japon par M. Burger. 

Cet anchoïs a la forme générale de l'espèce euro- 
péenne; le museau me paraîtrait un peu plus gros. 
Les nombres indiqués sont : 

B. 12; D. 14; A. 18; V. 7; P. 18; C. 20. 
Ce poisson a le dos mêlé de verdätre et de bleu- 


tre; du brun jaunâtre sur la tête. Les nageoires sont 
pales ; la caudale seule est rembrunie. 


C'est le Jetareiwas: des Japonais. Il ne 
parait pas dépasser trois ou quatre pouces. On 
le prend en abondance, surtout au printemps 
et en automne, à l'entrée des baïes de toute 
la côte S. O. du Japon, où il cherche un re- 
fuge contre les poursuites des baleines. On le 
mange séché et salé. 


L’'ANCHOIS AUX FORTES DENTS. 


(Engraulis dentex, nob.) 


Je reviens maintenant aux espèces étran- 


CHAP. XII. ANCHOIS. 29 


gères que jai vues, et qui sont plus différentes 
de celles de nos mers européennes. 

La rade de Rio de Janeiro nourrit en assez 
grande abondance un anchois qui se distingue 
de notre espèce et de toutes les autres de 
ce genre, 

par la grosseur des dents; celles de la mächoire 
inférieure sont en herse et beaucoup plus longues 
que celles des autres espèces. Les dents palatines 
et ptérygoidiennes sont également très-visibles, et 
on en aperçoit deux rangées de trois ou quatre 
seulement sur le vomer. Cet anchois a d’ailleurs le 
corps beaucoup plus haut et beaucoup plus com- 
primé que celui de nos mers. Je irouve la hauteur 
comprise cinq fois dans la longueur totale. La tête 
est un peu plus courte que le tronc n’est élevé. La 
dorsale est petite, insérée beaucoup en arrière des 
ventrales. Ces nageoires sont tellement avancées que 
l'extrémité de la pectorale touche à leur premier 
rayon. L’anale est longue et coupée en lame de 
faux; les rayons se cachent entre deux rangées 
d’écailles ; 1l y en a une très-longue dans l’aisselle 
de la pectorale. 


B. 13; D. 15; A. 24; C. 21; P. 15; V. 8. 


Les écailles sont minces, plus hautes que lon- 
gues, et marquées de quelques grosses stries pliées 
en chevron vers le milieu. J'en compte quarante 
rangées entre l’ouie et la caudale. La couleur me 
paraît avoir été un brillant argenté glacé de vert sur 
le dos. On aperçoit sous certains reflets une large 


30 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


bandelette longitudinale, mais l’'argenté du ventre 
ne paraît pas se détacher même par une longue 
macération dans l'alcool, de manière à laisser sur 
les flancs cette bande d'argent à laquelle je crois 
que les auteurs ont donné cependant une trop 
grande importance caractérisüque. Nous avons déjà 
fait une remarque presque semblable dans la des- 
cription de notre anchois d'Europe. 


Nos individus sont longs de sept à huit 
pouces. 

MM. Delalande, Gay et Ménétrier ont 
envoyé cette espèce de Rio, mais nous la 
voyons remonter au Nord jusqu'à Bahia, et 
descendre au Sud jusqu'à Buenos-Ayres, où 
M. d'Orbigny l'a pêchée. Il a fait un dessin 
du poisson frais sur lequel nous voyons le dos 
peint en vert sombre, le glacé du ventre; la 
dorsale est bleue avec une large bordure jaune. 
La caudale est bordée de noir; l'anale est 
bleuâtre ; les nageoires paires sont rougeûtres. 
Les observations qu'il a recueillies et quil a 
bien voulu nous communiquer nous disent 
que ce poisson se pêche dans la Plata, depuis 
le mois de septembre jusqu'à la fin de dé- 
cembre; quelle devient plus abondante vers 
l'arrière-saison. Elle se tient sur les fonds de 
sable, voyage en petites troupes. On la prend 
à la seine : c’est un excellent manger. Quand 


CHAP. XII. ANCHOIS. 31 


le poisson est salé, il a le goût des anchois 
de Provence. On le vend à Buenos-Ayres 
jusquà douze sous de notre monnaie. Les 
habitants lui ont transporté le nom européen 
de Sardina. 

J'ai aussi observé cette espèce dans le ca- 
binet de Berlin, où elle a été envoyée par 
M. Diepering. 


\ 


L’'ANCHOIS ATHÉRINOÏDE. 


(Engraulis atherinoides, nob.) 


Nous retrouvons dans l'espèce dont il va 
être question, une telle fixité de la couleur 
argentée le long de la bandelette latérale des 
flancs, que nous la voyons très-nettement 
dessinée sur tous les individus. Cette ligne a 
engagé Linné à comparer à une Athérine le 
poisson qui a paru pour la première fois 
dans la douzième édition du Systema natu- 
ræ, et qui venait, comme les nôtres, des 
côtes de la Guyane. Mais ce nest pas sur 
ce seul caractère de coloration que nous 
établirons les caractères spécifiques de notre 
poisson. 


Il diffère du précédent parce que les dents sont 
un peu plus peutes, qu’elles sont à peu près d’égale 


39 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. 


force aux deux mâchoires. Le palaun est couvert 
d'une plaque granuleuse beaucoup plus large, et 
les denis vomériennes sont extrêmement petites, 
difficiles à voir : elles sont réduites à deux ou trois 
petites granules. Le maxillaire me parait un peu 
plus court. L'anale est très - longue. La pectorale 
atteint presque à l'extrémité de la ventrale : elle est 
par conséquent plus longue que celle de l'espèce 
précédente. 


B::40; D'A25"A%81; C2; PS5 Ye: 


La membrane branchiostège n’a pas autant de 
rayons que celle des deux espèces précédentes. Nous 
les avons comptés sur plusieurs individus et nous n’en 
avons trouvé que dix. La carène du ventre est beau- 
coup plus aiguë, mais il n’y a aucune de ces écailles 
épineuses qui font, dans les clupées, ia dentelure en 
scie du ventre. Tous les poissons conservés dans 
l'alcool ont le dos et le bas du ventre roux. Le 
milieu des côtés est recouvert d’une bande d'argent 
très- brillante. Les nageoires sont incolores. 


Le plus grand individu a sept pouces et 
demi de long. | 

MM. Leschenault et Doumerc en ont en- 
voyé un assez bel exemplaire pris à Surinam. 
J'ai pu en acheter, pendant que j'étaisè Am- 
sterdam, des individus de même provenance. 
Les nombres des ravons de la dorsale et de 
l'anale sont tellement semblables à ceux de 
Linné, qu'il me paraît impossible de douter 


CHAP. XII. ANCHOIS. 33 


de cette détermination spécifique. Il n’y a 
aucune synonymie sous l'espèce du Clupea 
atherinoides, et cependant Linné aurait pu 
en mettre une, Cest celle quil a tirée des 
deux ouvrages de Gronovius; mais il l'a placée 
dans sa douzième édition d’une manière toute 
ficheuse, en l'inscrivant sous Argentina sphy- 
ræna. M. Cuvier a démontré, dans un mé- 
moire spécial, inséré dans le Recueil des 
mémoires du Muséum, que l'Argentine ap- 
partient à la famille des Truites. Le genre 
de Linné a été adopté dans le Museum 1ch- 
thyologicum , tome Ï, page 6, n. 24, avec 
le caractère d’avoir des dents aux mâchoires 
et sur la langue. Mais dans le second fascicule 
de son Museum, Gronovius' y associe une 
espèce qui aurait eu la bouche sans dents et 
la mâchoire supérieure conique, plus longue 
que l'inférieure. Ce caractère seul prouve que 
le poisson, décrit dans ce second article, ne 
pouvait pas être le même que celui du pre- 
mier fascicule, et la description détaillée qui 
suit la diagnose vient établir d’une manière 
positive la conclusion que lon peut déduire 
de la phrase spécifique. Le poisson venait de 
Surinam, et bien que l'auteur ne lui accorde 
1. Gronovius, t. Il, p. 4, n.° 152, 
RL 3 


34 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. 


que huit rayons aux branchies et vingt-quatre 
à l'anale, je ne doute pas un seul instant 
qu'il wait voulu désigner le Clupea atheri- 
noides de Linné. Or, nous trouvons cette 
citation dans le Systema naturæ, rapportée 
par Linné lui-même, à une Argentine qui na 
que dix rayons à l'anale. Gronovius a repris 
dans son Zoophylacium Vanchois décrit dans 
le second fascicule de son Muséum. On voit 
quil modifie le caractère du genre Argentine 
d'après des anchois qu'il avait sous les yeux, 
mais en conservant plusieurs traits diagnos- 
tiques pris au genre Argentine de Linné. 
Quant à l'espèce d'anchois si bien décrite, 
sauf le nombre de rayons, dans le second 
fascicule du Muséum, il la dénature complé- 
tement. En effet, l'espèce dont il parle et la 
_ synonymie tirée de Rondelet, de Ray ou de 
Gessner se rapporte à l'anchois commun. Ce 
nest plus une espèce américaine, puisqu'il la 
donne comme se trouvant communément, 
pendant l'automne, aux bouches de l'Escaut. 
Il ajoute seulement à tort, parmi sa syno- 
nymie, la véritable Argentine de Ray. Cette 
discussion sert à prouver que Gronovius a vu 
l'anchois athérinoïde de Surinam, mais qu'il 
l'a bientôt confondue avec l’espèce d'Europe. 
Bloch a eu dans sa collection le Clupea athe- 


CHAP. XII. ANCHOIS. 33 


rinoides de Linné, et il la figuré dans sa 
grande Ichthyologie; mais sa description et 
sa synonymie sont le résultat de la confusion 
de plusieurs espèces. Aïnsi il commence par 
citer Brünnich, qui ne parle que de l'anchois 
commun. [Il ajoute pour second synonyme 
la seconde espèce d'Argentine du Zoophyla- 
céum, qui se rapporte à l'espèce figurée par 
Brown dans l'histoire de la Jamaïque, sur le- 
quel repose l'Atherina menidia, ou, ce qui 
est la même chose, le Piquitingsa de Marc- 
grave. Enfin, il confond encore avec cet an- 
chois athérinoïde les individus reçus de la 
côte de Coromandel; or ceux-ci appartien- 
nent à ce Piquitinga : C'est là ce qui explique 
comment Bloch fait vivre cette espèce à la 
fois dans la Méditerranée, à Surinam et aux 
Indes orientales. 


L'Ancuoïs DE FoRrSKAL. 


(Engraulis Bæœlama, nob.) 


On trouve, dans la mer des Indes, un 
anchois qui a beaucoup d’aflinité avec notre 
Engrauls dentex, 


par la forme de l’anale, par la position de la dor- 
sale, par la longueur des pectorales et des ventrales ; 


36 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


mais il en diffère par plusieurs caractères impor- 
tants. Celui que je signalerai en première ligne re- 
pose sur les chevrons épineux qui embrassent Île 
ventre et qui rattachent ainsi les anchois aux autres 
clupéoides. Les dents maxillaires sont encore plus 
fines que celles de l’Engraulis atherinoïdes, mais 
les dents vomériennes sont plus grosses; les dents 
ptérygoidiennes sont petites ; la plaque palatine est 
très-large. 
B.. 11: D:15 e182; PA 18 5 VTT. 


Nous avons compté les rayons de la membrane 
branchiostège et nous en avons trouvé onze. Le 
maxillaire offre une particularité qui peut aider 
beaucoup à faire reconnaitre l'espèce : il est tron- 
qué, et cet élargissement est dû principalement à 
la dilatation du maxillaire supplémentaire en une 
sorte de petite palette. La surface de los parait 
granuleuse avec une forte loupe. Ce poisson a aussi 
un rudiment de bord membraneux à l’opercule; de 
nombreuses veinules sur les joues et sur le scapu- 
lire : elles sont dessinées par les ouvertures de 
pores très-nombreux ouverts sur la tête. 

Il n’y a que trente-six rangées d’écailles entre 
l’ouie et la caudale. 

M. Dussumier nous apprend que le poisson frais 
a le dos plombé; les flancs et le ventre argenté; 
les opercules noires. Une tache rouge-brique existe 
sur le scapulaire. La dorsale et la caudale sont un 
peu plus claires que la tache humérale. Le bout 
de la nageoire du dos est noire; les autres nageoires 
sont blanches. 


 CHAP. XII. ANCHOIS. 37 


Nos plus grands exemplaires ont cinq pouces. 
Ils viennent des Séchelles. L'espèce se trouve 
aussi à l'Ile-de-France; Péron et Lesueur l'en 
avaient rapportée et M. Julien Desjardins la 
aussi envoyée de cet endroit. Elle se porte 
aussi dans la mer Rouge : M. Ehrenberg y en 
a pris de nombreux individus, et a bien 
voulu en céder quelques-uns au Cabinet du 
Roi. Plus tard, M. Botta l'y a prise. Les 
observations de M. Ehrenberg ont fourni les 
moyens de retrouver dans cette espèce le 
Clupea Bœlama de Forskal. Cette épithète 
est la dénomination arabe de ce poisson. Les 
Abyssins de Massawah le nomment Bara. J'ai 
comparé avec soin les individus pêchés aux 
Séchelles par M. Dussumier, et ceux que m'a 
donnés M. Ehrenberg : je n’y ai trouvé aucune 
différence. Cependant sur le dessin que mon 
savant confrère de Berlin a eu la bienveillance 
de me donner, je vois que la tache humérale 
est dorée et que l'extrémité du museau est 
jaune et transparente comme de l'Ambre. M. 
Dussumier a recueilli des documents curieux 
sur les habitudes et sur la nature de cette 
espèce. Cest la Sardine des habitants de cet 
archipel. Elle se montre par grandes bandes 
pendant une partie de l'année, puis elle quitte 
ces rivages. Sa chair est venimeuse si on la 


. 38 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


prépare sans arracher la tête et les intestins. 
M. Dussumier assure qu'un seul de ces pois- 
sons peut faire mourir un homme. Les chiens 
et les volailles périssent s'ils en mangent. Mal- 
gré ces qualités malfaisantes, qui devraient 
fixer l'attention des habitants et la faire bien 
reconnaître, ils la confondent avec une espèce 
de sardine très-voisine de la nôtre, tout aussi 
inoffensive, quoique moins bonne, et que 
jai décrite dans le chapitre précédent sous 
le nom d'Alausa eduls. 

Nous en avons plusieurs individus qui nous 
sont venus d’Amboine. 

Ce poisson est, à n’en pas douter, celui de 
Forskal'. Broussonnet s'est trompé quand il 
a rapporté la description de son prédécesseur 
au Clupea setirostris qu'il tenait de Banks. 
La similitude dans les nombres des rayons 
l'aura probablement conduit à commettre 
cette erreur quil aurait certainement dü éviter, 
puisqu'il fait la remarque que Forskal ne fait 
aucune mention, dans son Clupea Bœlama, 
de la prolongation sétacée des maxillaires. 
Cétte erreur une fois commise, elle a été co- 
piée par Gmelin, par Bonnaterre dans l'En- 
cyclopédie méthodique, et ce qu'il ya même 


1. Forsk., Faun. arab., p. 13, n.° 107. 


DORE ns | © 


CHAP. XII. ANCHOIS. 39 


de plus curieux, par M. de Lacépède, qui 
établissait pour le Clupea mystus un genre 
où il devait nécessairement faire entrer le 
Clupea setirostris, s'il eùt seulement jeté les 
yeux sur la figure de Broussonnet. Mais mal- 
heureusement cet éloquent écrivain ne remon- 
tait pas toujours aux sources, il s'est contenté 
de copier la treizième édition du Systema 
naturæ. Nous rétablissons donc par cette dis- 
cussion une espèce mentionnée par Forskal 
et très-différente du poisson de Forster avec 
lequel les auteurs précédents la confondaient. 
Il est de notre devoir d'ajouter que nous 
suivons en cela la rectification que Bloch 
avait heureusement faite dans le Système post- 
hume, où le Clupea Bœlama est séparé du 
Clupea setirostris. 


L’ANCHOIS SPINIGÈRE. 
(Engraulis spinifer, nob.) 


Les mers d'Amérique ont un anchois qui a 


les denis encore plus petites que l'espèce précé- 
dente. Celles du maxillaire sont tellement fines 
qu'on pourrait leur donner le nom de cils; celles 
des palauns et des ptérygoïdiens sont aussi d’une 
extrême peutesse, ainsi que celles du vomer. L'oper- 
cule donne à son angle inférieur une petite épine 


40 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. 


triangulaire et plate qui devient un caractère facile 
pour reconnaitre cette espèce. La pectorale a les 
rayons prolongés en filaments très-courts; les ven- 
trales sont avancées entre les pointes de la nageoire 
thorachique. La dorsale est haute et pointue; lanale 
est étendue sous toute la queue, haute de l'avant 
et allant en diminuant jusque vers les derniers 
rayons. La caudale est fourchue. 
B: 14: D. 15; A. 88: 'C 215, P4425/V- 

Cette espèce a un rayon de plus à la membrane 
branchiostège que notre anchois commun : nous 
en avons trouvé quatorze. Les écailles sont très- 
joliment réticulées par l’entre-croisement de nom- 
breuses petites stries ou de canaux muqueux ; des- 
sinant tantôt des mailles hexagonales et tantôt des 
espèces de demi-cercles qui donnent aux compar- 
üments l'apparence de petites écailles imbriquées. La 
couleur paraît avoir été verdâtre sur le dos et argen- 
tée sur le reste du corps. La caudale, rouge, est 
bordée de noir ; les autres nageoires sont jaunâtres. 


Nos individus ont six pouces de long. 

Ils nous ont été envoyés de Cayenne, à 
deux reprises différentes, par les soins de M. 
Poiteau. 

Nous avons aussi retrouvé des individus 
de cette espèce dans une petite collection 
qui a été donnée au Muséum par M. Leconte, 
savant naturaliste des États-Unis. 


CHAP. XII. ANCHOIS. A 


Le PiquiriINGA DE MARCGRAVE. 


(Engraulis Brownii, nob.) 


Voici une de ces espèces qui présentent la 
condition assez rare en ichthyologie d'être ré- 
pandues dans toutes les mers. Aussi ce petit 
poisson a-t-1l été observé par presque tous 
les voyageurs, par presque tous les ichthyolo- 
gistes, qui lui ont chacun donné un nom sans 
s'occuper des travaux de leurs prédécesseurs. 
Il en résulte que la synonymie est très-com- 
plexe, mais avant de nous en occuper je vais 
commencer par donner les caractères de cet 
anchois. 


Il ressemble assez bien à celui de nos mers ; ceper- 
dant il est plus court et plus trapu. La tête fait le 
cinquième de la longueur totale. Les dents sont 
très-fines; cependant on aperçoit encore très-bien 
celles du vomer et des palatins. Le maxillaire com- 
mence à être assez long, car 1l atteint le bord posté- 
rieur de l’opercule, où, quand on ouvre la bouche, 
les deux pointes dépassent les branches de la mà- 
choire inférieure. Les pectorales sont courtes et 
atteignent pas la ventrale. La dorsale est triangu- 
laire; l’'anale répond à peu près au milieu de cette 
nageoire; la caudale est fourchue. 


BAT DOM ADI CE 91: P. 135 VAT. 


42 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


Les écailles sont caduques, de sorte qu’on n’exa- 
mine le plus souvent dans les collections que des 
exemplaires dépouillés de cette parue des tégu- 
ments. Mais M. Dussunnier, qui en a pris un à 
embouchure du Gange, et qui l'a conservé dans 
de l'alcool un peu concentré, la rapporté avec 
ioutes ses écailles : elles sont assez résistantes, un 
peu grenues, et elles s'étendent sur l’anale. J'ai été 
obligé de les détacher d’un côté pour compter les 
rayons de cette nageoire. À l’état frais, le corps 
était blanc, transparent, à reflet nacré; le dos, au- 
_dessus de la bande argentée, d’un beau vert chan- 
geant en bleu. La caudale, jaune, est bordée de noir. 
L’écaille de la pectorale n’est pas très-longue. Tout 
le corps est blanc, transparent, teinté de verdâtre 
sur le dos. Une bandelette argentée règne tout le 
long des flancs. Les nageoires sont blanches; la cau- 
dale est lisérée de noir. 


Tel est ce poisson, dont les nombreux 
exemplaires du Cabinet varient entre trois 
pouces et demi et quatre pouces. Les pre- 
miers que nous ayons reçus ont été rap- 
portés du Brésil par MM. Quoy et Gaimard 
à leur passage dans le port de Rio de Janéiro 
lorsqu'ils montaient la corvette l’'Uranie, sous 
les ordres de M. Freycinet. Ges exemplaires 
nous ont servi à reconnaitre le Piquitinga que 
Marcgrave y avait observé trois cents ans 
auparavant, et qui est resté pour ainsi dire 
inconnu jusqu'à notre travail. Nous avons en- 


CHAP. XII. ANCHOIS. 43 


suite recu cette espèce de la Vera-Cruz; de la 
Martinique, où on l'appelle la Pisquette, par 
MM. Achard et Plée ; de la Havane, par M. 
Poey. Ge naturaliste nous apprend que ce petit 
poisson est le Majua des habitants de la Ha- 
vane, quil est non-seulement très-agréable à 
voir, à cause de la bande argentée, ressem- 
blant à une feuille d'argent non polie, appli- 
quée sur ses flancs, mais que son goût est ce 
que l’on estime le plus en lui. Les individus 
de cette espèce vivent en société, et on les 
prend en très-grand nombre aux embouchures 
des rivières. Nous en avons recu de New-York 
par M. le comte de Castelnau. M. Lesueur l'a 
aussi observé à la Barbade et à Saint-Chris- 
tophe. Il nous en a envoyé une très-bonne 
description : c'est son Ængraulis fasciata. 

Ces différentes indications prouvent que ce 
poisson vit sur toute la côte américaine bai- 
guée par l'Atlantique, depuis Le 44° de latitude 
septentrionale jusqu'au 23° de latitude aus- 
trale. Mais nous avons aussi la preuve que 
cette espèce habite dans la mer des Indes; 
car M. Dussumier en a rapporté des exem- 
plaires pris à Bombay, et M. Leschenault l'a 
envoyé longtemps avant de Pondichéry. 

Cet observateur nous a donné pour nom 
malabare Teran-Kini, et il dit, comme M. Poey, 


44 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


que l'on pêche ce petit poisson en abon- 
dance à l'embouchure de la rivière d’Arian- 
Coupang, qui vient se jeter dans la rade. 
M. Regnaud l’a pris à Batavia, et les médecins 
de la dernière expédition de M. Dumont 
d'Urville, l'ont rapporté de la baie des îles 
à la Nouvelle-Zélande. Ces derniers exem- 
plaires ont le mérite de fixer nos conjectures 
sur l’Atherina australis de John White. 

La plus ancienne citation des auteurs qui 
ont mentionné ce poisson, est celle de Marc- 
grave, qui en a donné une figure plus recon- 
naissable par la bandelette argentée dessinée 
le long des flancs que par le dessin de la tête; 
mais le peu de mots qu'il dit dans sa descrip- 
tion supplée à ce qui manque à ses figures. 
Cette indication a été associée par Linné à 
une autre des Aménités académiques’, qui 
appartient à un poisson certainement diffé- 
rent, de sorte que l'Æ£sox hepsetus, composé 
de la réunion de deux animaux, est une 
espèce nominale, frappée de nullité au mo- 
ment même de son introduction dans le 
Systema naturæ. Brown” a donné ensuite, 
dans son Histoire de la Jamaïque, une nou- 


er oo 


1. Ameænitates acad., 1, p. 331. 
2. Brown, Jamaic., t. XLV, fig. 3. 


CHAP. XII. ANCHOIS. 45 


velle figure du poisson que nous traitons dans 
cet article. Celle-ci est parfaitement recon- 
naissable à la brièveté de son anale : c'est sur 
elle que Gronovius" a fondé, dans le Zoophy- 
lacium , sa seconde espèce d'Argentine. Linné, 
dans sa douzième édition, a cité Brown et 
Gronovius sous son Atherina menidia, qu'il 
recevait de Garden. 

Nous avons déjà établi, en parlant des athé- 
rines, que les citations de Brown et de Gro- 
novius se rapportent à un anchois. Nous avons 
d'ailleurs reconnu l’Atherina menidia*® de 
Linné aux vingt-quatre rayons de son anale. 
Toutefois nous ferons observer, qu'il y a un 
anchois à bande argentée sur les côtes de 
l'Amérique septentrionale, dont l'anale a vingt- 
quatre rayons, comme cette athérine. On 
l'appelle aussi Silver-fish. Les pêcheurs les 
confondent avec les athérines à raie d'argent, 
tout aussi bien que nos Provencaux réunissent 
les athérines et les melettes, à cause de leur 
bande argentée. Or, Garden ayant déterminé 
le S:lver-fish par le nom d'Argentina caro- 
lina, je ne serais pas étonné que ces diffé- 
rentes nomenclatures vulgaires n'aient donné 
lieu à plus de confusion encore que nous 


1. Gronovius, Zooph., p. 112, n.° 350. 
2. Hist. nat. des Poiss., t. X, p. 462. 


46 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 

n'avons jusquà présent osé le dire. Il ne se- 
rait pas impossible que l’#rgentina carolina 
que nous avons rapportée à l’Ælops saurus, 
d'après le caractère des vingt-huit rayons 
comptés par Linné à la membrane branchios- 
tège, n'ait été, dans la pensée de Garden, le 
petit anchois de la Caroline, et qu'alors l4- 
therina menidia ne serait aussi qu'un anchois. 
Cependant nous n'avons pas osé, par respect 
pour l'illustre auteur du Systema naturæ, 
supposer qu'il eût associé dans un même 
genre un poisson à deux dorsales ou une véri- 
table athérine, et un poisson à une seule 
dorsale et aussi éloigné d’une athérine que 
peut l'être un anchois. Cependant si nous fai- 
sions cette supposition, la citation de la figure 
de Brown faite par Linné sous son Æ4therina 
menidia, serait une excuse que les naturalistes 
accepteraient. D'ailleurs il faut bien recon- 
naître que la figure de Brown ne représente 
pas très-exactement l'anchois de l'Amérique 
septentrionale, parce que celui-ci a l'anale 
sensiblement plus longue.  : 

Gmelin a heureusement séparé l'4therina 
menidia des deux synonymies que Linné y 
ajoutait à tort, et il a établi pour ceux-ci un 
Atherina Brownuiti, qui habite, selon lui, dans 
l'Océan américain et dans l'Océan pacifique. 


TS PETER 


CHAP. XII. ANCHOIS. 47 


Toutefois, si l'Ætherina menidia appartient 
bien au genre des Athérines, Gmelin aurait 
dû en retirer cet Atherina Brownir. S'il avait 
ajouté Les nombres des rayons du poisson à 
sa description, il eût établi une bonne espèce; 
et il aurait complété cette utile réforme, sil 
n'avait pas fait un second emploi, en acceptant 
lAtherina japonica d'Houttuyn, qui ne me 
parait être qu'une description incomplète du 
poisson dont il s'agit dans cet article. 

_ Cet Atherina Brownii a été cité par Bloch 
dans son Système posthume, comme lanchois, 
et il ne sest pas prononcé sur l'Atherina ja- 
ponica. 

Commerson a trouvé l’'anchois dont nous 
parlons sur les côtes de l'Ile-de-France en 

1770. Ce poisson se pressait par myriades à 
lembouchure des ruisseaux. Le compagnon de 
Bougainville en a laissé une description dé- 
taillée, aussi exacte que toutes celles sorties de 
sa plumé. Un dessin fait au crayon par Jossigny, 
représente avec une grande fidélité les carac- 
ières de l'espèce. Ces matériaux furent em- 
‘ployés par M. de Lacépède, et, comme il lui 
est presque toujours arrivé, il en fit un double 
emploi. Le dessin servit à établir un genre 
particulier, celui des Stoléphores, et l'espèce 
fut dédiée au voyageur dont il la tirait, sous 


48 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


le nom de Stoléphore commersonien. À cause 
de la bande argentée qui règne le long des 
flancs, M. de Lacépède y adjoignit l'espèce non 
caractérisée de |’ 44. japonicad'Houttuyn ou de 
Gmelin. Mais en même temps il composa, avec 
la description de Commerson, sa Clupée raie 
d'argent. Shaw a, dans sa Zoologie générale, 
donné une copie du Stoléphore de Lacépède, 
en l'appelant l'Athérine de Commerson; mais 
il a oublié d'en faire mention dans le texte. 

Nous avons dit que c'était aussi l'Atherina 
australis de John White; M. de Lacépède, 
qui a cité plusieurs fois cet auteur, n'a pas 
fait mention de cette espèce. Nous la trouvons 
aussi dans Russell, qui en a donné une bonne 
figure, en indiquant que les Indiens de Vi- 
zigapatam l’appellent Vatoo ou Vettook. L'au- 
teur compte, à peu près comme nous, les 
rayons de l’anale; il le rapprochait, mais avec 
doute, du Clupea atherinoides de Linné. 

C'est aussi sous cette espèce que Bloch a 
confondu les individus d'Engraulis Brown 
envoyés de Tranquebar à Berlin par le mis- 
sionnaire John. 

Je trouve aussi cette espèce mentionnée 
par M. Richardson ”*, qui l'appelle £ngraulis 


1. Shaw, Gener. Zool., vol. V, part. 1, pl. 113, fig. 1. 
2. Rich., Ichthyol. des mers de Chine et du Japon, p. 809. 


CHAP. XII. ANCHOIS. 49 


Commersonianus. Sa synonymie est conforme 
à celle que M. Cuvier avait indiquée dans les 
notes du Règne animal; seulement il veut en 
exclure le Nattoo de Russell. On voit que je 
ne suis pas de son avis à cet égard; cet habile 
zoologiste croit que l'on pourrait aussi y rap- 
porter son Clupea flos-maris'. Les doutes 
d'un zoologiste aussi exact sur cette espèce, 
me font un devoir de renvoyer le lecteur à son 
excellent travail. 


L'ANCHOIS ARGYROPHANE. 


(Engraulis arg yrophanus, Kubhl et Hasselt.) 


Les naturalistes hollandais que nous avons 
si souvent cités dans cet ouvrage ont rapporté 
un nombre considérable d'exemplaires d'un 
anchois qui a quelque affinité avec le précé- 
dent, mais qui sen distingue par ses formes 
et par quelques autres caractères, 


Il a le corps plus long et plus allongé; la fente 
de louie plus oblique; la pectorale et l’anale beau- 
coup plus courtes; les dents d’une excessive petitesse. 

B. 11; D. 15; À. 171. 


il n'ya que onze rayons à la membrane branchios- 
tège. La couleur est bleue, plus foncée sur le dos 


14. Rich., L. cit., p. 306. 


PA 4 


50 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


que sous le ventre. Une bande argentée règne le 
long des flancs. 


Ces poissons ont près de quatre pouces. 
Kuhl et Van Hasselt Les ont pris dans l'océan 
Atlantique équatorial pendant leur traversée 
d'Europe à Batavia. 


L'Ancuoiïs DE MircuiLz. 


(Engraulis Michilli, nob.) 


Nous trouvons encore sur les côtes de 
l'Amérique septentrionale un petit anchois 


à bande latérale argentée, qui a le corps un peu 

plus large, moins arrondi; la tête plus courte que 

le Piquitinga avec lequel on pourrait très-bien le 

confondre. On le reconnaîtra à sa dorsalé moins 

avancée au delà de l’anale qui est plus longue. Le 

dos est bleu foncé; la ligne argentée est très-brillante. 
D. 15; A. 25, etc. 


Nous avons recu des exemplaires de cette 
espèce par MM. Milbert et Leconte, qui l'ont 
envoyée de New-York, et M. Lesueur en a 
donné de petits individus pêchés dans le lac 
Ponchartrain près de la Nouvelle-Orléans. 

J'ai dit dans l'article précédent que le nom- 
bre des rayons de son anale pourrait faire 
supposer que cet anchois a peut-être servi à 
l'Atherina menidia. Cest dans lui que nous 


CHAP. XII, ANCHOIS. b1 


retrouvons le Clupea vittata de Mitchill' et 
probablement aussi son Clupea cærulea. Ces 
deux espèces nominales sont inscrites dans la 
Faune de New-York par M. Dekay’, et dans 
les Poissons du Nord de l'Amérique par M. 
Storer *; mais ces deux auteurs pensent qu'on 
peut les considérer comme des variétés l'une 
de l’autre. M. Lesueur a eu aussi cette espèce 
quil a décrite et figurée sous le nom d'Zn- 
graulis Louisiana, d’après des individus qu'il 
avait observés dans le lac Ponchartrain, à la 
Nouvelle-Orléans. 


L'ANCHOIS ÉDENTÉ. 


(Engraulis edentulus, Cuv.) 


Après toutes ces espèces à mâchoire plus 
ou moins fortement dentée, nous arrivons à 
parler d’un anchois américain dont M. Cuvier 
a déjà signalé le caractère remarquable dans 
le Règne animal, en l'appelant Engraulis 
edentulus. 


C'est une espèce à corps raccourci et trapu. La 


bauteur surpasse un peu le quart de la longueur 
totale, La tête est assez grosse; l'œil est grand; le 


1. Mitch., Fish. of New-York, vol. I, p. 456. 
2. Dekay, New-York Faun., p. 254. 
3. Storer, Synops. of the fish. of North-America, p. 205. 


52 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


maxillaire ne dépasse pas l’aruculation de la mà- 
choire inférieure. La pectorale est courte et large; 
la ventrale répond à sa pointe; la dorsale est plus 
avancée que l’anale : celle-ci est de longueur mé- 
diocre, La caudale est fourchue. Les écailles, cou- 
chées le long de chaque lobe, sont très-prononcées. 
On ne voit n1 on ne sent aucune dent aux mâchoires 
m aux différentes pièces osseuses du palais. 


B. 7; D. 15; À. 26; P. 15; V. 7. 


La membrane branchiosiège est beaucoup plus 
large et ses rayons sont plus longs que ceux de 
toutes les espèces précédentes : nous n’en comptons 
que sept. Les écailles sont fermes et adhérentes, et 
au nombre de quarante-trois entre l’ouie et la cau- 
dale. Une d’elles, examinée à la loupe, montre les 
plus admirables réticulations, qui sont tout à fait 
disposées comme des écailles imbriquées. 

D'après un croquis envoyé du Brésil par M. Mé- 
nétrier, nous voyons que cette espèce, lorsqu'elle 
est fraîche, a le dos bleu plombé; le ventre argenté, 
la dorsale et la caudale jaunes ; les autres nageoires 
ont une légère teinte jaunâtre. Le poisson est dé- 
signé sous le nom de Sardinia ou de Boca torde, 
dénomination qui rappelle celle de la Havane et qui 
dérive du nom espagnol de l'anchois. 


Nos différents individus ont près de six 
pouces. Nous en avons recu un assez grand 
nombre de Rio de Janeiro par MM. Quoy et 
Gaimard, Lesson et Garnaud, Ménétrier et 
Gay. Mais l'espèce nous est venue en outre 


CHAP. XII. ANCHOIS. 53 


de Cuba par M. Desmarets, de la Guadeloupe 
par M. Riccord. M. d'Orbigny l'a retrouvée à 
Monte-Video. M. Poey nous l'a donnée de la 
Havane sous le nom de Bocon. Il dit qu'on 
prend cette espèce dans les rivières, et qu'elle, 
ne pèse jamais au delà d’une demi-livre. 

Il y a une figure fort reconnaissable de ce 
poisson dans le Voyage à la Jamaïque publié 
par M. Sloane; il l'a confondu avec le Sprat, 
disant même qu'il ne pouvait trouver aucune 
différence entre cette espèce américaine et 
celle des côtes d'Angleterre; ce qui prouve 
que cet habile naturaliste n'a pas comparé les 
deux espèces sur la nature, mais qu'il s'est fié 
à sa mémoire. D'ailleurs la figure de Sloane 
a été oubliée par nos prédécesseurs. 


Je trouve dans l’Inde un certain nombre 
d'anchois formant un petit groupe naturel 
caractérisé par le prolongement du premier 
rayon de la pectorale, donnant naissance à 
un filet plus ou moins long. C'est le seul ca- 
ractère que j'aie pu saisir, et comme je le vois 
se modifier d’une espèce à l’autre par des 
nuances insensibles, je n'ose donner à cette 
subdivision l'importance d’une coupe géné- 
rique. Les naturalistes qui croiront devoir le 


54 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


faire, pourraient leur donner le nom de Telara, 
qui a été imposé par Hamilton Buchanan à 
l'une de nos espèces. Tous ces poissons ont le 
museau prolongé et le maxillaire court des 
anchois; cet os ne dépasse pas l'articulation 
de la mâchoire inférieure. Les râtelures des 
branchies sont un peu plus fortes que celles 
des autres anchois, et chaque pointe porte 
des aspérités assez rudes qui doivent servir à 
retenir la proie. 


L'ANCHOIS AU FILET COURT. 


(Engraulis brevifilis, nob.) 


Je commence la description de ces espèces 
par celle dont le rayon de la pectorale est le 
moins prolongé; il n'atteint guère qu'au pre- 
mier rayon de l'anale. 


Ce poisson a le corps très-comprimé, car l’épais- 
seur est comprise quatre fois et demie dans la hau- 
teur, qui fait le quart de la longueur totale. Le 
ventre est tranchant et dentelé. Les pièces en che- 
vron sont recouvertes, pour la plus grande partie, 
par les écailles du ventre. Les épines ou branches 
montantes de ces chevrons sont rigides et dures 
presque comme des os. Les dents du vomer, des 
palauns et des ptérygoïdiens sont fines, mais assez 
résistantes. Le bord de l’opercule fait trois festons : 
celui qui répond au scapulaire est assez ouvert. La 


CHAP. XII. ANCHOIS. b) 


distance du bout du museau à la dorsale mesure 
à peu près les deux cinquièmes du corps. L’inser- 
tion de lanale se fait à une distance égale à parur 
de la saillie du museau. La première de ces deux 
nageoires est courte et deux fois et demie plus 
haute que longue. L’anale est prolongée sous toute 
l'étendue de la queue, de sorte que sa longueur 
égale la moitié de celle du corps en n’y compre- 
nant pas la caudale, Une série d’écailles embrasse 
la base des rayons, mais ceux-ci ne sont pas re- 
couverts et cachés, de sorte qu’on ne peut pas dire 
que la nageoire soit écailleuse. Celle de la queue 
est fourchue; le lobe supérieur est large et tron- 
qué; les rayons mitoyens sont courts; le lobe infé- 
rieur est pointu à son extrémité : son bord interne 
est assez convexe. La pectorale est insérée près de 
la carène du ventre, derrière la fente des ouies. Elle 
a dans son aisselle un appendice écailleux libre, 
large et peu pointu, et en dessous d’autres écailles 
complètent en quelque sorte la gaine dans laquelle 
elle se meut. Ces nageoires s'ouvrent en s’écartant 
horizontalement du corps, mais elles ne peuvent 
pas se coller contre le thorax. Les ventrales sont 
très - peites. 


BAM 48: D:18;: 4.153; P: 414; V, 7. 


Nous comptons un rayon de plus à la membrane 
branchiostège droite qu’à celle de gauche. Les écailles 
sont grandes, assez adhérentes : elles n’offrent au- 
cune strie remarquable; il y en a cinquante-sept 
rangées le long des flancs. La couleur du poisson 
me parait être un argenté brillant et uniforme; le 


56 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. 


dos pouvait avoir quelques teintes verdatres. Les 
nageoires sOnt incolores. 


Nous ne possédons qu'un seul individu de 
cette espèce, long de onze pouces et qui a été 
envoyé du Bengale par M. Alfred Duvaucel. 

Je ne vois pas que Buchanan ait connu cette 
espèce, puisque les deux lobes de la caudale 
ne sont pas également pointues. Elle est ce- 
pendant la seule dont le nombre des rayons 
de l'anale soit égal à celui du Clupea phasa 
de Buchanan. Je trouve encore une autre 
raison de l'en distinguer, dans la brièveté du 
rayon de la pectorale, dont on ne pourrait 
pas dire radio longissimo. 


L'ANCHOIS TELARA. 


(ÆEngraulis telara, nob.) 


Une seconde espèce, voisine de la précé- 
dente par la forme générale, me paraît avoir 


le corps plus allongé; car la hauteur n’est que le 
cinquième de la longueur totale. Le premier rayon 
de l’anale est plus avancé que celui de la dorsale, 
et la distance de cette nageoiïre au bout du museau 
est moindre que dans l'espèce précédente. Le filet 
de la pectorale dépasse la moitié de la longueur 
de l’anale. Les ventrales sont plus cachées entre les 
deux nageoires de la poitrine. L’échancrure du 
bord de l’opercule est moins profonde. 


CHAP. XII. ANCHOIS. 57 
B. 44—13; D. 13; A. 70; P. 14; V. 7. 


Quoique l’anale fasse plus de la moitié de la lon- 
gueur du corps, la caudale non comprise, elle a 
cependant cinq rayons de moins que celle de l’es- 
pèce précédente. La caudale est tout à fait semblable 
à celle de l'espèce précédente, c’est-à-dire, que le 
lobe supérieur est tronqué. J'ai observé ce carac- 
ière, qui n’avait point échappé à Buchanan, sur 
une dizaine d'individus de différentes provenances, 
conservés dans le Cabinet du Roi. Les écailles me 
paraissent beaucoup moins adhérentes : il n’y en a 
pas sur les nageoires. M. Dussumier, qui a vu ce 
poisson frais, dit que le corps est argenté, bleu- 
verdâtre sur le dos; la dorsale et la caudale sont 
jaunes ; l’anale et les ventrales incolores et trans- 
parentes ; les pectorales, d’un vert très-foncé, ont 


le filet blanc. 


Le Muséum possède un assez grand nombre 
d'échantillons de ce poisson, dont la taille 
varie de six à sept pouces. Outre ceux que 
nous tenons du voyageur cité plus haut, nous 
en avons recu par les soins de M. Duvaucel, 
et d’autres se sont trouvés dans les collections 
faites à l'embouchure du Gange par M. Rey- 
naud. Ce professeur l'a entendu nommer Ga- 
loua. Les couleurs qu'il nous a indiquées sont 
assez semblables à celles que nous a indiquées 
M. Dussumier, mais il dit que les nageoires 
sont jaunes de soufre et que l'anale est bordée 


58 LIVRE XII. CLUPÉOÏDES. 


d’une ligne rouge. Je ne trouve pas de diffé- 
rence dans les formes; il pourrait se faire ce- 
pendant que la: variété de couleur, signalée 
par deux observateurs aussi exacts, fût cons- 
tante et un caractère distinctif entre deux 
espèces voisines. Je laisse ceci à décider aux 
naturalistes qui observent les poissons sur les 
lieux. 

Je n'observe pas non plus de différence sen- 
sible entre ces individus pêchés dans le Gange 
et ceux que le même officier de la marine 
a pêchés dans lIrrawaddi, à Rangoon, dans 
le pays des Birmans. Il l'a entendu nommer 
Na-tarot. Les exemplaires que j'ai sous les 
yeux ne sont pas en très-bon état. Ils me pa- 
raissent avoir le dos un peu plus droit. 

Ce poisson est, à n’en pas douter, de Îa 
même espèce que le Clupea telara de Bucha- 
nan’, qui observe que c'est un des poissons 
que les Bengalis appellent Phasa, mais il a 
adopté pour sa dénomination spécifique le 
nom donné à ce poisson dans le district de 
Dinajpur. Je ferai cependant observer que cet 
auteur compte à lanale soixante - quatorze 
rayons, nombre que nous ne trouvons pas 
sur nos exemplaires; mais ce quil dit de son 


1. Buchanan, Gang. fish., p. 241 et 382, pl. 2, fig. 72. 


CHAP. XII. ANCHOIS. 59 


Clupea phasa peut me faire supposer que le 
nombre des rayons de l'anale varie dans ces 
espèces. 

L’'ANCHOIS PHASA. 


(Engraulis phasa, nob.) 


L'auteur de l'Ichthyologie du Gange a fait 
précéder la description de l'espèce que nous 
venons de rappeler, par celle d'un poisson 
très-semblable, nommé Clupea phasa. 


Il a le premier rayon de la pectorale très-long; 
la forme du corps semblable à celle du précédent; 
l’anale serait seulement un peu plus longue, puis- 
qu’elle aurait de soixante-quinze à soixante-dix-huit 
rayons, Son caractère disuncuf consiste dans la 
forme de la caudale, qui a les deux lobes pointus 
et en croissant. 

D. 14; À. 75 — 78; C.? P. 13; V. 7. 

Le bout du museau est transparent ; le dos est 
brun olivâtre; les côtés et le ventre sont argentés; 
toutes les nageoires sont transparentes; la caudale 
seule est jaune, avec un liséré noir au lobe supérieur. 


M. Buchanan dit que le nom de Phasa est 
commun dans tout le Bengale, que ce poisson 
est de la taille d’un petit hareng et d’une assez 
grande beauté. 

J'ai rapporté cette description de M. Bucha- 
nan, telle que l’auteur l'a conservée, mais je 
doute beaucoup de la réalité de cette espèce, 


60 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


car il me semble que les notes de l'auteur 
n'ont pas dù être prises sur ce poisson avec 
une grande exactitude, puisqu'il indique pour 
nombre des rayons branchiostèges Br. 3.? II 
est bien clair qu'il avait mal écrit B. 13. L'es- 
pèce que je décris plus loin, sous le nom 
d'Engraulis tenuifilis a bien les deux lobes 
de la caudale pointus, mais l'anale n'a que 
cinquante-un rayons; on ne peut donc pas 
Ja comparer à l'espèce actuelle. C'est à cause 
de cette variation dans la forme de la nageoire 
de la queue, que je n'ai pas osé rejeter ce 
Clupea phasa, mais je ne doute presque pas 
que les ichthyolosistes qui examineront de 
nouveau les poissons du Bengale ne fassent 
cette réforme. 


L'ANCHOIS TATY. 


(Engraulis taty, nob.) 


L'espèce désignée sous ce nom malabare se 
distingue de la précédente 


par la brièveté de son anale entièrement écalleuse. 
Le filet de la pectorale est aussi beaucoup plus long 
que dans toutes les autres espèces; il atteint aux 
deux tiers de l’anale, et il dépasse la moitié de la 
longueur totale. L’anale ne fait guère que la moitié 
du tronc, c’est-à-dire que, mesurée dans le corps 
enter, elle y est comprise deux fois et un peu plus | 


CHAP. XII. ANCHOIS. 61 


des deux tiers. Son premier rayon répond au milieu 
de la nageoïre du dos, tandis que dans les autres es- 
pèces 1l est beaucoup en avant du premier rayon de 
cette nageoire. La dorsale est couverte d’écailles 


comme l'anale. 
D. 13; A. 52, etc. 


Ce poisson a le corps assez trapu. La hauteur est 
trois fois et trois quarts dans la longueur totale. 
Les écailles sont grandes, caduques, et sont réticu- 
lées de stries hexagonales, élégamment disposées. 
Ce poisson, argenté et très-brillant, a le dos vert. 


M. Leschenault dit que les nageoires sont 
rougeâtres, et M. Dussumier indique celles de 
son exemplaire d'un jaune vif. La caudale est 
bordée de noir. On pèche cette espèce pen- 
dant toute l’année dans la rade de Pondichéry. 
Elle est bonne à manger : on la porte au 
marché sous le nom de 7aty pooroowa. 

Nos individus ne dépassent pas six pouces. 
Je crois que l'on pourrait rapprocher de cette 
espèce un dessin envoyé de Malacca à la 
Compagnie des Indes par le major Farqhuar. 
Il représente le poisson avec son anale courte, 
ses filets aussi longs. Le corps et les nageoires 
sont colorés en jaune; il y a du bleu sur la 
tête, une tache rouge et brillante derrière 
l'opercule et une bande longitudinale rou- 
geatre le long des flancs. Toutes les nageoires 
sont bordées de noir. Le dessin porte pour 


62 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


nom malais Eekan-Becans-Becang. Je n'ose 
vraiment pas établir une espèce d'après ce seul 
document, cependant jai eu plusieurs fois 
l'occasion de vérifier l'exactitude de ces des- 
sins. Il me parait donc assez probable qu'un 
poisson venant de Malacca et peint de cou- 
leurs si différentes deviendra le type d’une 
espèce particulière. 


L'ANCHOIS A FILETS DÉLIÉS. 


(Engraulis tenuifilis, nob.) 


J'ai encore à citer une espèce dont la forme 
du corps est assez semblable à celle du pré- 
cédent : elle a l'anale aussi courte, - 

mais les rayons de la pectorale sont beaucoup plus 

courts, puisqu'ils ne dépassent pas le quatrième 

ou le cinquième rayon de la nageoire de l'anus. Le 
filet est d’une grande ténuité. 


D. 13; A. 51, etc. 


Le poisson, verdâtre sur le dos, est argenté sur 
tout le reste du corps. La caudale était bordée de 
noirâtre. 


Les deux exemplaires que M. Reynaud a 
rapportés de Rangoon sont longs de quatre 
pouces et demi. 


J'arrive maintenant aux espèces que M. Cu- 


CHAP. XII. ANCHOIS. 63 


vier avait voulu réunir dans un genre parti- 
culier sous le nom de Thrisse; mais j'ai fait 
déjà sentir que le prolongement du maxillaire 
ne fournissait qu'un caractère artificiel, et que 
le genre sur lequel il repose ne serait nulle- 
ment caractérisé : cest ce que les descriptions 
suivantes vont encore mieux prouver. 


Le MySTE A ÉPAULETTES. 


(Engraulis malabaricus , nob.) 


Pour justifier ce que je viens de dire, je 
commence la description des espèces de ce 
groupe par celle qui a les maxillaires les moins 
prolongés. 


C'est un poisson à corps assez court, mais plus 
haut que tous les autres. La hauteur est trois fois et un 
üers dans la longueur totale, Le tronc est très-com- 
primé, car son épaisseur est comprise quatre fois et 
demie dans la hauteur. La tête est petite et courte. 
Le maxillaire dépasse de très-peu le bord de l’oper- 
cule ; il n’atteint pas la pectorale. Cette nageoire est 
petite et touche à peine à l'insertion de la ventrale. 
L’anale commence au milieu de la longueur du corps. 

B. 12; D. 13; A. 40; P. 133 C. 19; V. 7. 

Ce poisson parait avoir été verdätre sur le dos, 
argenté sur tout le reste du corps. Sur les côtés des 
joues, des opercules et des maxillaires, il y a un fin 
sablé de points pigmentaires rembrunis. Derrière 


64 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


l'épaule, les premières écailles sont recouvertes d’une 
plaque adipeuse, couverte de lignes brunes rappro- 
chées. Quand on l’examine à la loupe, on voit que 
ces lignes sont formées de points semblables à ceux 
de la tête. Leur réunion constitue une tache rem- 
brunie irès-caractéristique dans cette espèce. Les 
pectorales et les ventrales sont noirâtres; mais les 
rayons internes de cette dernière nageoïre ne sont 
pas colorés. L’anale et la caudale ont une large bor- 
dure noirâtre. La dorsale, qui est pointue, a son 
premier rayon bordé d'un fin liséré noir. L’extré- 
mité des derniers est aussi un peu rembrunie. 


L’exemplaire que nous avons recu de Bom- 
bay, par M. Roux, a six pouces de long. 
Les proportions le font ressembler sous tous 
les points au Clupea malabarica que Bloch 
a représenté à la planche 432. Bloch, cepen- 
dant, ne lui donne que trente-huit rayons à 
l'anale, mais comme il ne compte que huit 
rayons à la membrane branchiostège, nous 
avons là une preuve qu'il ne faut pas lui de- 
mander tant d’exactitude. Ce poisson, que le 
missionnaire John avait envoyé à Berlin, a été 
aussi observé par Russell, qui en a donné une 
figure très-reconnaissable sous le n.° 194 de 
ses poissons de Vizigapatam. 


CHAP. XII. ANCHOIS. 6) 


Le MYSrE PURAVA. 
(Engraulis purava , nob.) 


Cette seconde espèce 


a le maxillaire un peu plus long, car son extrémité 
touche à l’aisselle de la pectorale. Le corps est plus 
allongé. Sa hauteur est quatre fois et un cinquième 
dans la longueur totale. Les pectorales dépassent un 
peu l'insertion des ventrales, et l’anale est insérée 
un peu au delà de la moitié du corps. 

B.:12; D. 13; À,°46: P:; 145 NV 7. 

La couleur est, suivant M. Leschenault, qui l'a 
observée fraiche, blanc, argenté sur tout le corps, 
avec des teintes azurées sur le dos. La dorsale et la 
caudale sont jaunes; les autres nageoires blanches. 
La longueur des individus est de six à sept 

pouces. M. Leschenault dit que l'espèce est 
commune à lembouchure de la rivière d'Arian- 
toupang, mais qu'elle est plus rare dans la rade. 
Les pêcheurs de la côte de Coromandel le dé- 
signent par le nom d’Atou-poorouva. Il est 
bon à manger, quoique le corps soit rempli 
d'arêtes. L'espèce a été observée longtemps 
avant par Sonnerat, qui en avait rapporté 
quelques peaux desséchées. Cest bien certai- 
nement l'espèce que Russell’ a figurée sous le 
nom de Peddah poorawah. 


1. Russell, Corom. fish., pl. 190. 
21. & 


66 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


Des individus de dix pouces de long fai- 
saient partie des collections de M. Belanger. 
Mais il paraît que l'espèce devient encore 
plus grande et c'est même pour cela, selon 
M. Buchanan, quil a le nom indien cité par 
Russell et qui veut dire grand Poorawah. 
M. Buchanan' dit que le Purava atteint un 
pied de long, quil meurt aussitôt quil est 
sorti de l'eau. 


L’'ANcHoïS DE HAMILTON. 


(Engraulis Hamilton, nob.) 


Nous retrouvons encore sur cette côte un 


Myste 


dont le maxillaire s’allonge encore plus que chez les 


espèces précédentes; car son extrémité dépasse sen- . 


siblement l'insertion de la pectorale. L'anale est 
courte et commence au delà de la moitié du corps, 
de sorte qu'elle parait plus reculée que la dorsale. 
Le prolongement du maxillaire et ce rapport de po- 
sition entre les nageoires font à l'instant reconnaître 
cette espèce; elle a, d’ailleurs, la tête plus grosse et 
plus longue; le corps un peu plus trapu. 


D. 13; A. 37, etc. 


M. Gray a figuré ce poisson à dos plombé, jau- 
nâtre sur le reste du corps. La dorsale, les pecto- 


4. Clupea purava. Mam. Buch., Gang. fish., p. 288 et 382. 


CHAP. XII. ANCHOIS. 67 


rales, les ventrales et la caudale sont jaunes; celle-ci 

est bordée de noir; l’anale est bleuûtre. 

Nos individus ont de huit à neuf pouces 
de long. Nous en avons recu plusieurs pris à 
Bombay par M. Roux. M. Leschenault l'a en- 
voyé de Pondichéry, où on paraît le confon- 
dre avec l'espèce précédente. M. Dussumier 
l'a eu aussi à la côte malabare; enfin, j'en 
vois un autre exemplaire provenant des col- 
lections faites sur /& Zélée par M. Leguillon, 
et un autre donné par M. Leclaucher, chirur- 
gien à bord de la frégate la Reine Blanche, 
sans autre indication de localité. 

Je conserve à cette espèce le nom que M. 
Gray‘ lui a imposé dans une récente publi- 
cation, quoiqu'il ne soit pas le premier auteur 
qui ait fait connaître ce poisson. Russell en 
avait longtemps auparavant donné une figure, 
accompagnée d'un dessin très-reconnaissable, 
dans son Histoire des poissons de Vizigapatam. 
C'est, selon lui, le Poorawah des Indiens. 


L'ANCHOIS PORTE-MOUSTACHES. 


(Engraulis mystax, nob.) 


Il me paraît qu'il existe encore sur la côte 


1. Gray, [ust. of Ind. zool., by maj. gen. Hardwicke, pl. 92, 
fig. 3. 


68 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. 


de la presqu'ile de l'Inde un autre Myste, 
voisin des deux espèces précédentes. 

Il a, en effet, le maxillaire prolongé, de manière à 
dépasser l'inseruon du premier rayon de la pecto- 
rale et sans avoir l’anale aussi longue que celle de 
l’'Engraulis purava; elle est davantage que celle 
de lEngraulis Hamiltoni. Enfin, ce qui est un ca- 
ractère propre à l'espèce dont 1l s’agit, c’est que les 
pectorales sont assez prolongées pour embrasser, 
quand elles sont rapprochées du corps, les deux 
peutes ventrales. 

D. 18; A: 42; P. 13: NV. 1. 

La couleur est verdâtre, mélée quelquefois de 
fauve; le tout glacé d'argent. Toutes les nageoires 
sont blanches, à l'exception de la caudale, qui est 
jaune, bordée de noir. 


Ce poisson atteint un pied, sa chair est de 
bon goût, mais elle est remplie d’arêtes. 

Cest sans aucun doute l'espèce qui a été 
figurée par Bloch, dans son édition de Schnei- 
der, où la longueur des maxillaires, celle des 
pectorales et le facies général du poisson ont 
été parfaitement représentés. Cependant Bloch, 
dans son texte, ne donne que trente-qualre 
rayons à l'anale, mais nous sommes habitués w 
depuis longtemps aux erreurs de cet ichthyo- 
logiste. 


1. Bloch-Schn., p. 426, n.° 14, pl. 88. 


CHAP. XII. ANCHOIS. 69 


L'Awcuois DE DussuMrer. 
(Engraulis Dussumieri , nob.) 


M. Dussumier a encore rapporté une espèce 
particulière d’Anchois de la division des 
Thrisses, 

dont les maxillaires s’allongent de manière à atteindre 

près des deux tiers ou des trois quarts de la pecto- 

rale. L’anale est courte; les ventrales sont petites et 
ne sont pas cachées par les nageoires de la poitrine. 

Le corps est trapu et haut de l'avant. La hauteur du 

thorax est comprise quatre fois et quelque chose 

dans la longueur totale. 
D. 13; A. 35, etc. 
Le poisson a le dos bleu verdâtre, et une large tache 
bleue foncée, sur la nuque, le fait tout de suite recon- 
naître, La caudale est jaune, bordée de noir. 


Je ne vois pas de différence dans les autres 
parties du corps. 


Î}/ANCHOIS SÉTIROSTRE. 


(Engraulis setirostris, nob.) 


Dans les espèces que nous venons de dé- 
crire, nous avons vu le maxillaire sallonger 
successivement, commençant par dépasser la 
mâchoire inférieure, puis le bord de l'oper- 
cule ; il atteignait ensuite dans d’autres espèces 


70 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


l'aisselle de la pectorale, dans une autre il l'a 
dépassée. L'espèce que nous allons décrire est 
caractérisée 


par un allongement plus considérable encore de cet 
oS; car son extrémité devient une sorte de filet grêle, 
qui dépasse de beaucoup les ventrales et touche 
presque à l’anale. 

Ce poisson a un autre caractère remarquable : son 
museau, court et obtus, dépasse à peine la mâchoire 
inférieure, C'est vers le milieu du corps que l’on 
trouve la plus grande hauteur du tronc; elle y est 
comprise quatre fois et demie dans la longueur totale. 
La tête y est tout près de six fois. Tous les caractères 
de la dentuition sont ceux des Anchois. Le ventre 
est dentelé. L’anale est courte. 

B. 9; D. 13; A. 84; C. 19; P. 13; V. 7. 

Je ne trouve que neuf rayons à la membrane bran- 
chiostège. 

La couleur de notre poisson paraît argentée, avec 
une teinte verdâtre sur le dos. La caudale a conservé 
quelques traces d’une bordure noire. 


Telle est la description d'un poisson que 
jai pu comparer au dessin conservé dans la 
bibliothèque de Banks, et dont mon illustre 
confrère, M. Robert Brown, m'a permis de 
prendre une copie. Nous retrouvons, dans 
la récente publication que M. Lichtenstein a 
faite des manuscrits de Forster, la description 
prise sur les lieux. Je crois que les différences 


CHAP. XII. ANCHOIS. 71 


que l'on peut observer entre le savant compa- 
gnon de Banks et de Cook, et celles que je 
viens de donner, peuvent tenir à la précipi- 
tation qui pousse naturellement un voyageur. 
Les dents de notre poisson sont petites; mais 
on ne pourrait pas dire avec Forster, qu'elles 
n'existent pas. Îl porte à onze ou à douze le 
nombre des rayons de la membrane bran- 
chiostège ; cette incertitude peut s'expliquer 
par la difficulté qu'il a eue de voir cette mem- 
brane dont il dit ax conspicua. Elle est en 
effet cachée entre Les branches de la mâchoire; 
mais quand on les écarte suffisamment , on 
peut l'étendre assez bien pour compter les 
rayons; il faut seulement faire attention de ne 
pas comprendre avec eux le sous-opercule; 
erreur quil est très-facile de commettre dans 
toute cette famille. 

Je crois que Forster se trompe également, 
en disant que le palais est lisse, du moins il 
ne faut pas entendre que les palatins, qui se 
portent tout à fait sur le côté quand on ouvre 
largement la gueule , n’ont pas d’aspérités. 
D'ailleurs nous sommes éclairés sur ce sujet, 
parce qu'un des exemplaires de Forster avait 
été donné par Joseph Banks à Broussonnet. 
Celui-ci l'a fait graver dans sa Décade ichthyo- 
logique sous le nom de Clupea setirostris. La 


72 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. 


figure qu'il en donne, convient sous tous les 
points à notre poisson, et nous voyons dans 
la description que lichthyologiste de Mont- 
pellier a bien reconnu les dents des mächoires 
et les scabrosités du palais. Il y a cependant 
une légère différence entre sa description et 
la nôtre, puisqu'il porte à dix le nombre des 
rayons de la membrane branchiostège. Il est 
probable qu'il aura compris parmi eux le 
sous-opercule. [l n'avait certainement donné 
qu'avec beaucoup de doute le Clupea Bœ- 
lama de Forskal pour synonyme de son 
poisson. Gmelin, qui a accepté ce Clupea 
setirostris, à copié sans aucune hésitation ce 
synonyme. Bonnaterre et Lacépède ont suivi 
cette même erreur. C'est Bloch qui, dans son 
Système posthume, a rétabli le Clupea Bœ- 
lama, en laissant seul le Clupea setirostris. 

Russell! a aussi observé ce Clupea setiros- 
tris, que les naturels lui ont donné sous le 
nom de Yka-poorawalh. 

Les individus que j'ai sous les yeux vien- 
nent de Pondichéry et de Suez: ils sont cer- 
tainement identiques, et, autant que j'en puis 
juger sur ces exemplaires conservés depuis 
longtemps dans l'alcool, je leur trouve les 


1. Russell, t. IL, p. 80, n.° 201. 


CHAP. XII. ANCHOIS. 73 


mêmes couleurs qu'aux autres mystes, et je 
vois même des restes de bordures noires à la 
caudale. Ce qui me paraît singulier, c'est que 
M. Leschenault ait confondu, dans son Cata- 
logue, ce poisson avec celui décrit plus haut 
sous le nom d’Aton. Est-ce que les pêcheurs 
réuniraient sous une même dénomination deux 
poissons si différents ? Ces hommes de la na- 
ture sont ordinairement plus habiles pour 
distinguer les espèces beaucoup plus voisines 
les unes des autres que celles-ci ne le sont. 
Tous nos individus ont six pouces de long. 


Î/ANCHOIS MYSTE. 


(Engraulis mystus, nob.) 


Il est évident qu'il faut placer à la suite de 
ce genre le Clupea mystus de Linné dont la 
première description a paru dans cette thèse 
des Aménités académiques ’, sous le titre de 
Chineusia Lagerstræmiana. Elle avait été 
soutenue à Upsal en 1754 par Odhel. Il est 
certain que le poisson a, comme nos anchois 
de la division des Thrisses, 


des dents au palais; les maxillaires prolongés. Les 
pectorales sont assez longues pour attendre à la 


1. Amœæn. acad., 1. IV, p. 252, n.° 31. 


74 LIVRE XXI CLUPÉOIÏDES. 


dorsale; mais ce qui distinguera l'espèce actuelle de 
tous nos autres Thrysses, c’est que l’anale, très-longue, 
est réunie à la caudale, et celle-ci est arrondie. Linné 
dit que la membrane branchiostège a neuf rayons. 
Je ferais seulement remarquer que, dans la figure 
des Aménités académiques, la caudale et l’anale ne 
sont pas complétement réunies; mais le texte est 
trop explicite pour que l’on puisse douter de cette 
réunion. 

Linné compte les rayons de la manière suivante: 


B. 9; D. 12; À. 84; C. 11; P. 17; V. 6. 


Je n'ai pas eu occasion d'examiner ce pois- 
son d'après nature, mais les beaux dessins 
chinois que nous devons à la générosité de 
M. Dussumier, qui ont été cités plusieurs fois 
dans cet ouvrage et dont nous avons souvent 
vérifié l'exactitude, nous donnent une repré- 
sentation de cette espèce, de manière à nous 
laisser désirer fort peu de chose. Il nous 
montre un poisson 


à corps très-allongé, car la hauteur n’est guère que 
le septième de la longueur totale. Les maxillaires, 
prolongés, dépassent un peu l'insertion de la pecto- 
rale. Ces nageoires, terminées en pointe, atteignent 
à la base de la dorsale. A la vérité, cette petite nageoire 
est reportée tout à fait en avant sur le dos, au delà 
du quari de la longueur totale. Le ventre est dentelé; 
l’anale égale la moitié de la longueur du corps, en 
n'en comprenant pas la caudale. 


CHAP. XII. ANCHOIS. 75 


La couleur est un verdâtre mêlé de quelques teintes 
jaunes, glacées d’une couche d’argent des plus bril- 
lantes, Les nageoires sont quelque peu jaunâtres; la 
caudale, arrondie et lancéolée, est jaunâtre. 


Voilà donc le poisson de Linné entière- 
ment reconnu ; examinons maintenant com- 
ment il a été placé dans le Systema naturæ. 
Il est bien clair qu'il a été la première pen- 
sée du Clupea mystus, mais en l'inscrivant 
dans la dixième édition, Linné a tout de suite 
gaté cette espèce en y associant le Clupea 
mystus d'Osbeck, qui est un de nos Coilia. 
Le Clupea mystus du Systema naturæ a donc 
été frappé de nullité dès son apparition. Re- 
produit dans la douzième et dans la treizième 
édition, il est devenu dans M. de Lacépède 
le type d'un genre appelé Myste (Mystus), 
caractérisé d’une manière un peu vague par 
la réunion de l’anale à la caudale, par la ca- 
rène d’un ventre dentelé ou très-aigu et par 
plus de trois rayons à la membrane bran- 
chiostège. M. Cuvier a cité le Clupea mystus 
comme une des espèces de son genre Thrysse, 
mais comme contre son ordinaire, il n'est pas 
remonté aux sources, il n'a point reconnu les 
erreurs commises par Linné, et il a de plus 
assOClé un poisson, qui à quatre-vingt-quatre 
rayons à l’anale, avec le Pedda poorawalkh de 


76 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 

Russell, qui n'en a que quarante- cinq; d'où 
l'on voit que si le genre Thrysse pouvait être 
admis en ichthyologie, cette espèce viendrait 
toujours en altérer la composition. 


Pa 


CHAP. XIII. COÏILIA. 


«1 
ER | 


CHAPITRE XIII. 


Des CoiïirrA. 


Nous avons remarqué en signalant les carac- 
ières généraux des espèces comprises dans les 
diverses subdivisions des Anchois, la tendance 
que la nature montre à prolonger quelques- 
unes des parties de l'animal en filaments plus 
ou moins longs. Elle semble avoir accru ces 
prolongements filiformes dans le genre des 
Coïlia. 

Ce sont des poissons qui ont les caractères 
généraux de nos Anchois. Ils ont comme eux 
la gueule très-fendue, les ouïes très-ouvertes, 
le museau saillant et soutenu par l'ethmoïde; 
les maxillaires, libres sur les côtés de la bouche, 
dépassent la fente de l'opercule et atteignent 
même au delà de l'insertion de la pectorale 
chez quelques espèces. La dorsale est placée 
sur le devant du corps. Celui-ci est le plus 
souvent prolongé en une queue très-grêle, 
comprimée et satténuant en pointe jusquà 
l'extrémité. L’anale réunie à la caudale, longue 
et basse, ajoute encore à cette forme carac- 
téristique, mais nous la voyons cependant se 
modifier dans une espèce où la queue rac- 
courcie, et la caudale élargie et arrondie, 


78 LIVRE XXI CLUPÉOÏDES. 


reviennent aux formes ordinaires des autres 
poissons. Mais ce qui nous à paru devoir né- 


cessiter cette coupe générique, cest que la. 


pectorale porte au-dessus d'elle deux groupes 
de filets partant d’une base commune, mais 
tout aussi distincts des rayons de la nageoire 
que le sont ceux des Trigles et des Polynèmes. 
Je vois que quelques voyageurs ont cru à une 
sorte de ressemblance entre ces Coïlia et les 
Polymènes; mais il faut observer que dans 
ceux-ci les rayons libres sont au-dessous de 
la pectorale, tandis que dans le genre que 
nous traitons ils sont insérés au-dessus. Les 
connexions sont donc tout à fait différentes. 
C'est un nouvel exemple de la variation in- 
finie que la nature sait créer avec les mêmes 
éléments. 


La dentition de nos Coiïlia et la disposition . 
des viscères sont semblables à celles de nos : 


Anchois, et surtout à celles des espèces dont le 
maxillaire prolongé constituait, dans les idées 
de M. Cuvier, le groupe des Thrysses. On peut 


seulement observer que les plaques pharyn- 


DO RENE ET | 


giennes antérieures sont un peu plus visibles « 


et hérissées de petites dents assez visibles. Il 


ne faut pas cependant donner trop d'impor- « 


tance à ce caractère, car il tend à seffacer.4 


Les Coïlia sont des espèces marines où des : 


PRPAIROI 


CHAP. XIII. COILIA. 79 


eaux saumâtres des bouches du Gange, de 
llrrawaddi et des grands fleuves de la pres- 
qu'ile de l'Inde. 


Le CoïziA DE HAMILTON. 


(Coilia Hamiltoni, nob.) 


Je commence à décrire les espèces de ce 
genre par celle que je trouve figurée, d’une 
manière très-reconnaissable, dans les Illustra- 
tions du général Hardwicke. La saillie du mu- 
seau, la grandeur de la fente de la bouche, 
la longueur des maxillaires, ressemblent tout 
à fait aux Anchois ; mais la forme du corps 
est extrêmement différente, 


parce qu'a partir de l’anale le poisson devient com- 
primé, et tellement aigu à l'extrémité du corps, que 
c'est tout au plus si lon peut mesurer la hauteur 
de la queue à l'insertion de la nageoire terminale ; 
elle serait au plus le dixième de la plus grande hau- 
teur du tronc, qui est comprise cinq fois dans celle 
du corps, et ne mesurant pas la caudale; celle-ci est 
courte et pointue. La tête est comprise six fois dans 
la distance sur laquelle nous avons porté la hau- 
teur du tronc. La dorsale naît au quart antérieur de 
la longueur du corps; la ventrale est insérée en 
avant du premier rayon de la dorsale; l’anale l’est 
un peu au delà de la nageoire du dos; la pectorale, 
insérée tout près du profil du ventre, a l'air d’être 
formée de deux nageoires, l’une composée de deux 


80 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. 


rayons, divisés chacun en trois filets qui atteignent 
au delà de la moitié de la longueur du corps; l'autre, 
très-petite, arrondie, échapperait facilement à l’ob- 
servation. 

B. 10; D. 14; À. 100; C. 11; P. 6-6; V. 10. 

Les dents sont excessivement fines; 1l y en a de 
très-petites et qu'on n’aperçoit guère que par la dis- 
section sur le chevron du vomer; puis il y a une 
ligne longitudinale sur le bord externe du palatin 
et peut-être en arrière sur le ptérygoïdien; car je 
crois que ces deux os sont soudés ensemble. Entre 
les arceaux branchiaux nous trouvons des ptérygoï- 
diens supérieurs plus visibles que dans les Anchois 
ordinaires, et qui sont garnis de petites dents. Ces 
os forment une petite plaque oblongue très- facile 
à observer dans cette espèce, à cause de sa dimension. 
Les écailles sont assez résistantes et très-élégamment 
recouvertes d’un réseau à mailles hexagonales, qui 
rappellent ce que nous avons observé sur notre Æn- 
graulis edentulus. On en compte soixante-huit ran- 
gées le long du corps. Il y a sous le ventre une 
carène dentelée, formée par seize chevrons très-aigus, 
et dont les épines sont très-acérées. 

La couleur est un bleu verdâtre sur le dos, jaune 
sur tout le reste du corps. : 


Nos plus longs exemplaires ont sept pouces 
et demi. Nous avons recu ces poissons de la 
rivière du Gange par les soins de MM. Rey- 
naud et Belanger. Le premier de ces natura- 
listes nous a indiqué pour dénomination du 


CHAP. XIII. COÏLIA. S1 


pays le nom de Teltabi. La figure publiée 
par M. Gray’ convient parfaitement sous tous 
les rapports. 

Je ne doute pas que nous ne retrouvions 
dans cette espèce, le Mystus Ramcarati de 
Buchanan.° 


Le CoïLrA DE REYNAUDL. 
(Coilia Reynaldi , nob.) 


Nous avons trouvé dans les collections de 
ce même voyageur trois autres Coïlias, 

qui ont l’anale encore plus longue que l'espèce pré- 

cédente, La distance du bout du museau à cette na- 

geokre est moindre que le uers de la longueur totale. 


D. 14; À. 110, etc. 
Ce poisson à la queue plus effilée ; le museau plus 
pointu; l'œil plus petit. 
Je n'en ai que trois exemplaires : le plus 
grand a quatre pouces. Ils viennent de Ran- 
soon sur lIrrawaddi. 


Le CoïziA DE Dusumrer. 


(Coilia Dussumieri, nob.) 


M. Dussumier nous a rapporté un assez 


1. Gray, [lust. of Ind. zool., by maj. gen. Hardwicke, pl. 10, 
fig. 8, vol. 1. 
2. Ham. Buch., Gang. fish., p. 283 et 382. 


21. 6 


82 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. 


grand nombre de coïlias, distincts des pré- 
cédents 


par la longueur et la largeur de leurs pectorales, 
dont les rayons, libres, sont cependant un peu plus 
courts. La dorsale me semble un peu moins pointue; 
mais je ne vois pas d’autres différences dans les formes. 
D'14:A2180: C2 115PU6 M0: UV 07: 

Les denis sont plus fines que celles de l'espèce 
précédente. Les plaques pharyngiennes sont telle- 
ment peutes qu’elles sont comme perdues dans la 
muqueuse de la bouche; il faut la distendre forte- 
ment pour apercevoir le petit groupe de dents. 

Il y a soixante-dix rangées d’écailles le long des 
flancs. Les nervures de leur réseau sont un peu 
plus lâches. Cest un beau poisson à corps jaune 
doré très-brillant. Sur la moitié inférieure du corps 
il y a deux ou trois rangées irrégulières de belles 
taches nacrées qui rappellent tout à fait celles dont 
la nature a orné un assez grand nombre de Lépi- 
doptères. 


Nos individus ne dépassent guère six 
pouces. Les appendices du cœcum sont co- 
lorées en noir, et mont paru presque aussi 
nombreuses que celles de notre anchois. Le 
péritoine brille comme de l'argent poli ; la 
vessie nalatoire est simple, à parois épaisses, 
fibreuses et nacrées. M. Dussumier en a pris 
un assez grand nombre d'individus à Bombay, 
et nous les a donnés comme un poisson bon 


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CHAP. XIII. COÏLIA. 83 


à manger. Il dit que les Maures de Bombay 
nomment ce poisson Mandely. Il est commun 
et abondant pendant toute l’année, et on es- 
time sa chair, parce qu'elle a peu d'arêtes. Il la 
pris aussi à Mahé. M. Belanger l'a rapporté de 
Pondichéry. 


Le CoïLiA AUX QUARANTE RAYONS. 


! 


(Coilia quadragesimalis, nob.) 


Nous voici arrivés à parler d’une espèce im- 
portante, parce qu'elle nous sert à fixer nos 
idées sur le Clupea mystus d'Osbeck, dont 
M. Richardson avait déjà apprécié Les affinités. 

Ce poisson diffère des précédents 


par une queue beaucoup plus courte, terminée par 
une caudale arrondie et large. La hauteur du tronçon 
de la queue, mesurée à l'insertion de la nageoire, est 
le tiers de la hauteur du tronc, qui est contenue 
quatre fois et trois quarts dans la longueur totale. 
La dorsale est placée sur le devant du corps, sur la 
fin du tiers antérieur. La pectorale est petite, courte, 
surmontée de ses deux rayons, divisés chacun en 
trois filets, dont le plus long égale la moiué de la 
longueur totale. L’anale commence à peine au-devant 
du milieu de la longueur; elle est raccourcie comme 
la queue; aussi n’a-t-elle plus que quarante -deux 
rayons, lorsque nous en comptons de quatre-vingts 
à cent dix dans les espèces précédentes. J'ai voulu 


84 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. 
rappeler ce caractère dans le nom spécifique donné 
à ce poisson. 
B. 10; D. 15; À. 42; C. 25 et plus; P. 6 — 6; V. 8. 
Ce poisson a le museau obtus; l'œil peut; le 
maxillaire ne dépasse pas l'angle de la mächoire in- 
férieure ; 1l est tronqué. Les denis sont fines; les 
plaques vomériennes sont très-visibles. Les écailles 
sont semblables à celles des espèces précédentes. 
La couleur est argentée et dorée, avec des reflets 
nacrés. Les nageoires sont jaunes, mêélées de verdàtre; 
celle du dos a une bordure verte. Les pectorales et 
leurs longs filets sont d’un très-beau jaune. 


L'exemplaire du Cabinet du Roi a six 
pouces de long : il a été pris dans le Gange 
par M. Dussumier. 


Le CoïiLiA DE Gray. 
(Coilia Grayi, Richard.) 


Le docteur Richardson a décrit et figuré 
dans lIchthyologie du Sulfur' un Coilia rap- 
porté des mers de Chine, et que ce naturaliste 
aurait, sans aucun doute, beaucoup mieux fait 
d'appeler le Coilia d'Osbeck; car c'est évidem- # 
ment le Clupea mystus du Voyage en Chine. « 


C'est un poisson qui a la queue encore très-allon- 
gée, mais moins étroite à son extrémité que celle 


1. Rich., Ichth. of Sulfur, pl. 54, fig. 1. 


CHAP. XIII. COILIA. 85 
du Coilia Dussumieri. a aussi la caudale plus 
large. Ce qui le distingue des précédents, c’est que 
les maxillaires dépassent de beaucoup l’opercule et 
l'insertion de la pectorale; celle-ci est à peu près 
aussi large que celle du C. Dussumieri. Les rayons 
sétacés me paraissent un peu moins longs; l’anale a 
aussi beaucoup moins de rayons. 

m110:: D 12:À4. 86: 0:20: P..vn=10:.V. 1: 
Les écailles sont grandes. La couleur est blanche. 


Il est bien évident que c'est le Clupea mys- 
tus d'Osbeck; car il est le seul de nos Coïlias 
qui ait sept filets au-dessus de la pectorale. 
M. Richardson a donc cité avec raison l'espèce 
d'Osbeck sous son Coïlia de Canton; mais ce 
que nous avons dit plus haut, à l'occasion du 
Clupea mystus de Linné, prouve quil a eu 
tort de joindre à cette synonymie celle des 
Aménités académiques, et à plus forte raison, 
celle de Lacépède. 

Nous trouvons une excellente figure du 
Coilia Grayi dans les poissons de Siebold, 
publiés par MM. Temminck et Schlegel' : ces 
naturalistes l'ont appelé Coïlia nasus. La des- 
cription qu ils en ont donnée est, comme toutes 
celles de ce bel ouvrage, remarquable par son 
exactitude. Ils me pardonneront de ne pas 
prendre pour nom spécifique de cette espèce 


1. Faun. jap., Pisc., p. 248, pl. 109, fig. 4. 


86 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


celui qu'ils ont imposé, puisque tous les Coïlia 
mériteraient l'épithète de nasus. 


Le CoïLtA DE PLAYFArr. 


(Coilia Playfairü , Richard.) 


Le naturaliste qui a fait connaître l'espèce 
précédente, a aussi figuré et décrit, dans 
lichthyologie de ce voyage, un second Coilia, 
qu'il a appelé C Playfairu. 

Cette espèce parait avoir la queue un peu plus 
étroite que la précédente. Les rayons de la pectorale 


plus courts; les maxillaires moins prolongés; le nez 

un peu plus long, et ce qui le distingue de celui 

d'Osbeck, c’est qu'il n’a que six rayons à la pecto- 

rale. La largeur de la caudale le caractérise et em- 

pêche de le confondre avec nos Coëlia du Gange. 
D. 12; A. 86; C. 21; P. vr— 14; V. 7. 

Cette espèce vient des mers de Chine. Des 
individus sont conservés dans le British 
Museum. 

Les voyageurs qui l'ont rapportée, disent 
que le brillant argenté des écailles est em- 
ployé en Chine dans la fabrication des perles: 
artificielles. 

L'espèce se mange à Canton. 


CHAP. XIV. ODONTOGNATHES. 87 


CHAPITRE XIV. 


Du genre ODONTOGNATHE. 


Le genre Odontognathe a été établi par 
Lacépède d’après un poisson, que le Muséum 
d'histoire naturelle avait recu de Cayenne 
par l’un de ses voyageurs-naturalistes, feu 
Leblond. Les idées systématiques que cet 
illustre naturaliste s'était faite sur les poissons, 
l'ont empêché de saisir Les véritables rapports 
de ce curieux poisson, qui méritait bien, en 
effet, de devenir le type d'un genre particu- 
lier, mais qui ne devait pas être rapproché, 
il s'en faut, des anguilles. A la vérité, l'ordre 
des apodes de M. de Lacépède est composé 
de poissons si différents, si éloignés les uns 
des autres, que celui-là pouvait bien aussi 
y trouver place. Quoiqu'il ait décrit le pois- 
son d'après nature et qu'il ait orné sa des- 
cription de tous les charmes de son style, il 
n'a pas nommé les pièces sur lesquelles il a 
fait reposer ses caractères. La lame, longue, 
large, recourbée et dentelée, placée de cha- 
que côté de la mâchoire supérieure, entraînée 
par tous les mouvements de la mâchoire de 
dessous, n’est autre que le maxillaire. Si M. 
de Lacépède ne se füt pas laissé dominer par 


88 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


ses idées systématiques et qu'il eût consulté! 
da nature, au lieu d'écrire son ouvrage d’après 
le catalogue de Gmelin, il se serait fort aisé- 
ment aperçu que ces lames ne diffèrent pas 
des maxillaires des Mystes, genre qu'il éta- 
blissait plus tard, et il n'aurait pas dit que 
lOdontognathe avait un mécanisme particu- 
hier de machoire dont on ne trouve d'exemple 
dans aucun poisson connu. Schneider a été 
plus près de la vérité que M. de Lacépède, 
en reconnaissant dans ces lames une des pièces 
de la mâchoire des poissons, mais il n'a pas 
su distinguer si ces lames appartiennent à 
lintermaxillaire ou au maxillaire; il est même 
probable qu'il les à prises pour les intermaxil- 
laires, de même quil considérait comme tels 
les maxillaires des Clupées. D'ailleurs Schnei- 
der, trompé par la figure singulièrement alté- 
rée que Desène, fort mauvais dessinateur, 
avait faite du poisson, a préféré composer un 
nom nouveau au lieu d'accepter celui que 
M. de Lacépède avait imaginé. La vérité est, 
que ni l'un ni l'autre ne sont bons, mais 
puisquils sont faits, il vaut mieux tout sim- 
plement les accepter, en exposant en quoi 
consistent les caractères de ce genre. Les 
Odontognathes ont le corps très-comprimé; 
le ventre tranchant et très-fortement dentelé 


CHAP. XIV. ODONTOGNATHES. 89 
depuis la gorge jusqu'à l'anus. Il ny a cer- 
tainement point de ventrales. La dorsale est 
si petite quon a peine à la trouver. L'anale 
est très-longue, étendue sous toute la carène 
de la queue, et se termine tout près de la 
caudale qui est fourchue. Les pectorales sont 
assez longues. La bouche est petite; la mä- 
choire inférieure dépasse un peu la supé- 
rieure : celle-ci, tronquée dans le milieu, est 
formée de deux petits intermaxillaires placés 
transversalement à l'extrémité du museau. Les 
deux maxillaires articulés à la suite de ceux- 
ci sont longs, très-mobiles, élargis un peu 
avant leur extrémité; leur bord antérieur se 
prolonge en une pointe assez aiguë, qui dé- 
passe l'articulation de la mâchoire quand la 
bouche est fermée, ou que lon voit libre et 
comme détachée au-dessous des branches de 
la mâchoire inférieure quand celle-ci est ou- 
verte. De petites dents garnissent le bord des 
deux mâchoires; il y en a aussi sur les pala- 
üns, les ptérygoïdiens et sur la langue. Celles 
des mâchoires sont inégales et coniques, 
quoique petites; celles de l'intérieur de la 
bouche sont en râpe très-fine : il n'y en a 
pas sur le chevron du vomer. 

Les Odontognathes ainsi caractérisés sont 
donc des poissons offrant une réunion de 


90 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. 


caractères pris à plusieurs genres de nos Clu- 
péoïdes. Les maxillaires sont semblables à 


ceux de nos Anchois de la division des ! 


Thrysses; les intermaxillaires et le système de 


la dentition rappellent les caractères de nos. 


Harengules et de nos Pellones. Enfin, les 
Odontognathes sont apodes comme les Pris- 
tigastres. 

Je me suis déterminé à placer les Odonto- 
gnathes à la suite des Anchoïs, à cause de la 
disposition très-remarquable des maxillaires; 
mais un naturaliste qui tiendrait compte en 
première ligne de la saillie de la mâchoire 
inférieure et de la troncature de la mâchoire 
supérieure, qui est plus courte que l'autre, 
pourrait très-bien rapprocher, comme l'a fait 
M. Cuvier, les Odontognathes des Pristigastres. 
Je n'attache pas à cette place une grande 


importance , l'essentiel étant de présenter et. 


de discuter les affinités de ce genre avec ceux 
de la même famille. 

Les viscères des Odontognathes ressemblent 
assez bien à ceux de nos Anchois, et l'épais- 
seur des parois de [a branche montante semble 
montrer de légères affinités avec le gésier évi- 
demment musculeux que nous verrons dans 
les espèces du genre suivant. On ne connaît 
encore qu'une seule espèce d'Odontognathe, 


CHAP. XIV. ODONTOGNATHES. 91 


que nous nommons d'après Lacépède et 
Schneider. 


L'ODONTOGNATHE AIGUILLONNÉ, Lac. 


(Gnathobolus mucronatus , Schneïd.) 


L'Odontognathe 


a le corps très-comprimé et allongé, car l’épaisseur 
ne fait que le cinquième de la hauteur, qui est com- 
prise cinq fois et demie dans la longueur totale. La 
tête égale ou est à peine plus courte que la hauteur 
du tronc. L'oeil est assez grand. Les ouïes sont très- 
fendues. La membrane branchiostège n’a que six 
rayons. La bouche est petite; la mâchoire inférieure 
est plus avancée que la supérieure. Les maxillaires 
sont articulés à l'extrémité de peuts intermaxillaires, 
armés de quelques petites dents. Les maxillaires sont 
libres, élargis en palette et prolongés sur les côtés 
de la bouche, de manière à ce que l’extrémité dé- 
passe de beaucoup la branche de la mâchoire infé- 
rieure quand la gueule est ouverte. C'est sous ce 
rapport que ce poisson ressemble aux Anchois du 
groupe des Thrysses. Les maxillaires ne dépassent pas 
le bord de l’opercule; il a tout le bord hérissé de 
petites dents inégales, alternativement plus petites 
et plus grandes. Je ne crois pas qu'il y ait de dents 
sur le chevron du vomer; mais on en voit sur le 
palatin, sur le ptérygoidien et sur la langue. Elles 
sont en râpe excessivement fines. La pectorale est 
longue et assez pointue. L’anale commence aux deux 
cinquièmes de la carène inférieure du corps; elle 


92 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


s'étend jusque auprès de la caudale; elle est, par con- 
séquent, très-longue, et égale, à peu de chose près, 
la moitié de la longueur totale. La caudale est four- 
chue ; le lobe inférieur est un peu plus long que le 
supérieur. La dorsale est si petite qu’on ne l’aperçoit 
qu'avec la plus grande attention. Les rayons sont 
excessivement grèles; elle est reculée sur le dos et 
vers la fin du second uers du corps. 
B:/6:/D:42$/4:82: C0. 215; PH 1925 0200 

La carène du ventre porte des écussons très-com- 
primés, et dont la pointe, très-aiguë, en fait une vé- 
ritable scie. On y compte vingt-quatre ou vingt-cinq 
épines. Les écailles doivent être grandes et fines ; 
mais elles tombent si facilement que tous nos exem- 
plaires sont dénudés. 

La couleur est un argenté brillant, verdätre sur 
le dos. Le long des flancs il y a une bandelette lon- 
gitudinale argentée, tracée depuis l'angle supérieur 
de l’opercule jusque par le milieu de la caudale. 

Le péritoine brille d’un bel éclat argenté, qu'on 
l'aperçoit à travers les côtes. Il y a de nombreuses 
appendices cœcales au pylore; une vessie aérienne 
à parois très-minces, mais forufiée en dessous par 
le repli argenté du péritoine. 


La longueur de nos individus varie de six 
pouces à six pouces et demi. Ce petit poisson, 
sur les mœurs duquel nous n'avons aucun 
renseignement, nous est venu de Cayenne 
par M. Poiteau; de Surinam par Le Vaillant. 

Nous conservons encore dans le Cabinet 


CHAP. XIV. ODONTOGNATHES. 93 
du Roi l'exemplaire qui a servi à M. de La- 
cépède. Il est maintenant fort mal conservé, 
et il me paraît probable, autant qu'on peut 
en juger par le dessin de Desène, que le 
poisson était déjà un peu altéré lorsque M. de 
Lacépède l’a recu. Leblond l'avait envoyé sous 
le nom vulgaire de Sardine. 


94 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


CHAPITRE X V. 


Du genre CnaTorsse (Chatoessus ). 


Le genre que je vais décrire nous présente 
un second exemple des variations des carac- 
ières, qui semblent les plus nets et les plus 
tranchés dans les familles considérées comme 
naturelles. Tous les poissons qui composent 
la famille des Clupes ont les intermaxillaires 
petits, attachés à l'extrémité du museau et 
recoivent sur leur extrémité la tête antérieure 
du maxillaire mobile sur ceux-ci. Dans les 
Chatoessus, la nature modifie tellement la 
composition de l'arcade supérieure de la 
bouche, que nous voyons se reproduire ici 
ce que nous avons déjà trouvé dans les 
Sclérognathes de la famille des Cyprinoïdes. 
L'intermaxillaire est très-petit, placé à l'extré- 
mité du museau. Une lèvre fibreuse semble 
l'étendre et le continuer en se prolongeant 
jusque vers l'extrémité du maxillaire. Cet os 
est placé en arrière de J'intermaxillaire ; il s’ar- 
üicule sur la tubérosité de l’ethmoïde. Les 
poissons dont nous allons traiter n’ont donc 
plus une véritable bouche de Clupées; ce- 
pendant le maxillaire concourt, à cause de la 
brièveté de l'autre os, à border la bouche. Il 


MP = 2e 


CHAP. XV. CHATOESSES. 95 


y a donc là une tendance évidente de la na- 
ture à reproduire une bouche de Cyprinoïde 
de la même manière que nous pouvions dire 
que les Sclérognathes n'avaient plus une bou- 
che exactement conformée comme celle des 
Cyprinoïdes. 

Nous avons déjà vu au commencement de 
cette disposition, dans le genre des Anchois, 
chez lesquels le maxillaire Note plutôt sur 
le bord postérieur de l'intermaxillaire qu'à son 
extrémité. S1 la forme de la bouche semble 
éloigner d'abord les Chatoesses des autres Clu- 
pées, la nature les ramène dans cette famille 
et les pat auprès des Anchois par la saillie 
de l'ethmoïde, par la disposition de leurs vis- 
cères remarquables à cause de leurs nombreux 
cœcums. Îl n'est pas jusqu’à leur ventre caréné 
et fortement dentelé qui ne les ramène aussi 
aux Clupées, quoique nous ayons vu ce ca- 
ractère manquer dans plusieurs de nos An- 
chois. Ces considérations sont une nouvelle 
preuve que l'on ne fait de bonnes familles 
naturelles qu'en suivant la nature dans ses 
variations et en ne s'arrêtant pas à un carac- 
tère unique qui, par sa rigoureuse application, 
établit tout de suite une méthode artificielle 
avec tous ses défauts. Le genre Chatoessus 
sera donc caractérisé par une bouche petite 


96 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


et sans dents; sous un museau saillant, elle 
est bordée supérieurement par de petits in- 


à 
{ 
1 
4 


termaxillaires attachés à son extrémité et pla- 
cés un peu au-devant de la portion supérieure * 


des maxillaires. Ceux-ci sont articulés derrière 
les premiers et sur la tubérosité latérale de 
lethmoïde. Une petite entaille se voit au mi- 
lieu de la mâchoire ; il y correspond une pe- 
tite tubérosité de la symphyse de la mâchoire 
inférieure. Les deux mâchoires n'ont aucune 
dent et nous n'en avons pas trouvé dans l'in- 
térieur de la bouche sur aucune des parties 
ordinairement dentées dans les genres précé- 
dents. La disposition singulière des arcs et des 
peignes branchiaux fournit un caractère sin- 
gulier et très-commode pour caractériser le 


genre. L'arc se plie en deux chevrons, dont 


l'inférieur a la pointe tournée vers l'arrière et 
le supérieur vers l'extrémité du museau. De 
plus, une petite pièce cartilagineuse insérée 


au-devant de la réunion des arcs supérieurs 1 


et libre sous le palais porte une continuation 
_des très-fines ratelures de la branchie et con- 
stitue une pointe pennée, dont la longueur 


est variable suivant les différentes espèces. 


Elles ont en général le corps haut, ovale et 
court; le ventre fortement dentelé; les pec- 


torales et les ventrales petites et sans aucun 


CHAP. XV. CHATOESSES. 97 


rayon remarquable. Mais cette sorte de ten- 
dance au prolongement de quelques parties, 
qui nous à déjà frappé dans les genres précé- 
dents, reparaît ici dans quelques espèces qui 
ont le dernier rayon de la dorsale prolongé 
en filament. Ce caractère à peu de valeur, 
car nous Citons un presque aussi grand nom- 
bre d'espèces à dorsale sans rayon prolongé. 

La splanchnologie des Chatoesses n’est pas 
moins remarquable que la singulière disposi- 
tion de leur bouche. La branche montante 
de l'estomac a ses parois épaisses et renflées 
en un véritable petit gésier, et les appendices 
pyloriques attachées sur une grande longueur 
de l'intestin sont courtes, branchues, très-nom- 
Preuses et réunies par un tissu cellulaire dense. 
Elles forment ainsi une masse glanduliforme qui 
remplit la plus grande partie de la cavité ab- 
dominale. Les ovaires sont formés d’une lame 
repliée sur elle-même, flottant librement dans 
la cavité abdominale, de sorte que les œufs 
ne sont point enfermés dans un sac ovarien, 
mais tombent avant l’éclosion dans la cavité 
générale du péritoine. Tels sont les caractères 
génériques des poissons de ce genre. Les na- 
turalistes qui ont examiné les espèces à rayons 
de la dorsale filamenteux ne portèrent leur 
attention que sur ce caractère artificiel, et 


D (le g 


98 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


décrivèrent ces espèces comme appartenant 
aux Mégalops, c'est-à-dire dans notre manière 
de voir aux Elops, qui ont le dernier rayon 
de la dorsale prolongé. Or, rien nest plus 
éloigné que les espèces rapprochées suivant 
cette manière de voir. M. Cuvier le sentit 
lorsqu'il publia la seconde édition du Règne 
animal, mais n'ayant pas étudié tous les dé- 
tails de l’organisation de ces poissons, il ca- 
ractérisa le genre très-vaguement, puisqu'il 
réunit des espèces qui ont les mâchoires égales 
et le museau non-proéminent, d’autres qui 
ont le museau plus saillant que les machoires. 
Les premiers sont les seuls que l'on puisse 
comparer aux harengs proprement dits; aussi 
il compose un genre qui réunit des espèces 
de genres fort différents, il n'associe pas même 
convenablement dans ses notes les espèces 
quil cite, puisqu'il réunit dans un même 
groupe le Cailleu-Tassart des Antilles et le 
Megalops cepedianus de Lesueur qui ne sap- 
partiennent nullement, et quà côté de ces 
deux espèces il met le Peddah Kome de 
Russell, lequel n'est autre que le Xome du 
même auteur ou que le Clup. nasus de Bloch, 
qui aurait dù avoir incontestablement pour 
associé le Hegalops cepedianus de Lacépède. 
J'ai donc été obligé de réformer presque en- 


CHAP. XV. CHATOESSES. 99 


tièrement le genre du Règne animal, et si j'ai 
conservé le nom de Chatoessus, il devient 
maintenant employé dans une toute autre ac- 
ception, et le genre dont je vais présenter 
la liste des espèces est différent de celui fondé 
sous cette dénomination. On peut faire dans 
ce genre deux divisions: la première compren- 
drait les espèces munies d’un filet dorsal et 
la seconde sera composée des espèces qui en 
manquent. - 


Le CHATOESSE CÉPÉDIEN. 


(Chatoessus Cepedianus , nob.) 


Je commence la description des espèces de 
ce genre par celle que M. Lesueur a dédiée à 


M. de Lacépède. 


C'est un poisson de forme ovale et régulière. La 
hauteur est le tiers de la longueur totale. L'épaisseur 
du tronc est un peu moins du quart de la hauteur. 
La tête est petite, comprise cinq fois moins quelque 
chose dans la longueur totale. L’œ1il est de grandeur 
moyenne, à peu de distance d’un museau saillant, 
gros et obtus. La saillie est encore due au prolon- 
gement de l’ethmoïde. Les sous-orbitaires sont petits, 
un peu caverneux et en partie cachés sous la pau- 
pière adipeuse étendue sur l'œil. Le préopercule est 
très-grand et à bord tout à fait arrondi, sans angles. 
L'interopercule est étroit, mais long; 1l suit la courbe 


à 


109 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


de l'os précédent, et il remonte assez haut au-devant 
de l’opercule; celui-ci est irrégulièrement quadrila- 
tère, un peu sinueux en arrière. Le sous-opercule est 
assez large et en demi-croissant. Ces os portent un 
bord membraneux assez développé. La fente des ouïes 
est large. Il y a six rayons à la membrane branch1os- 
tège, dont les trois internes sont des stylets grêles, 
et les trois externes des lames aplaties. Les branchies 
portent des ratelures tellement fines et nombreuses 
qu'on pourrait dire facilement que l'arc branchial 
a une double série de lames pectinées. D’un autre 
côté, cet arc branchial se replie dans ce poisson 
deux fois sur lui-même. En effet, un premier arceau 
se porte de la langue vers la fente de l’ouïe; puis une 
seconde portion d’arc revient de ce point vers le 
haut du palais, d’où il en naît une troisième qui 
revient sous le crâne jusque sous l’aruiculation du 
mastoïdien. L'arc branchial est donc plié en un double 
chevron. Au second angle ou à l’angle supérieur et 
palaun, est insérée une pièce cartilagineuse qui se 
porte sous le palais vers l'ouverture de la bouche, 
parallèlement à la langue; elle est garnie de chaque 
côté de lamelles fines et pectinées, que lon voit 
tout le long de l'arc branchial. C'est ce qui forme 
sous le palais cette pointe pennée très-singulière, 
mentionnée par M. Cuvier. L’opercule à sous sa face 
interne une branchie supplémentaire très-développée. 
Il n’y a, d'ailleurs, aucune dent sur la langue, sur 
le palais, ni aux pharyngiens. La nature a fait ici une 
nouvelle sorte de Lachnolayme. Il n’y a pas non plus 
de dents aux mâchoires. La bouche est très-petite, 


CHAP. XV. CHATOESSES. 401 


fendue un peu en ogive; la mächoire supérieure 
porte une légère échancrure, dans laquelle se place 
un petit tubercule élevé sur la symphyse de la mà- 
choire inférieure. L’arc de la mâchoire supérieure 
est bordé par les intermaxillaires et un peu par les 
maxillaires. L'intermaxillaire est petit, comprimé, 
mobile, sans branche montante et articulé sur la 
tubérosité ethmoïdale. Une lèvre un peu fibreuse 
couvre ce petit os, et va rejoindre le maxillaire vers 
l’angle de la bouche. Celui-ci est petit, aplati, articulé 
librement derrière l'intermaxillaire; sa pièce acces- 
soire est réduite à un très-petit stylet. Les deux ou- 
vertures de la narine sont rapprochées l’une de l’autre 
sur les côtés du museau. La ceinture humérale est 
presque entièrement cachée sous le bord de loper- 
cule, de sorte que la pectorale est insérée très-en 
avant, elle a une large écaille dans son aisselle et 
quelques autres, en dessous, complètent la gaine 
dans laquelle elle se meut. Cette nageoire est en 
ovale très-allongé quand elle est repliée, et elle 
touche à la ventrale. Celle-ci est triangulaire, assez 
large, et a une petite écaille au-dessus d'elle. La 
dorsale, petite et pointue de avant, est attachée un 
peu en arrière de l’aplomb de la ventrale, et par le 
milieu de la longueur du corps, en n'y comprenant 
pas la caudale. Le dernier rayon se prolonge en un 
filet couché le long du dos, qui dépasse la moitié 
de la distance entre la dorsale et la nageoire de la 
queue; celle-ci est fourchue. L’anale est longue et 
basse, à peu près comme une nageoire de Brême. 
B.:.6: D: 12: A..33: G 19; P. 16: V..8. 


102 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


Les écailles sont de grandeur médiocre. Je n’y 
vois aucune strie remarquable. Nous en comptons 
cinquante-huit rangées entre l’ouïe et la caudale. Le 
véntre, comprimé et caréné, a, comme dans les 
Clupées, trente chevrons, dont la carène, très-épaisse 
ét terminée en pointe, constitue une scie à très- 
petites dents. 

La couleur rappelle celle de nos Cyprins, elle est 
verdâtre sur le dos et argentée sur le bas des côtés. 

J'ai fait l'anatomie de ce poisson, et ses viscères 
digestifs offrent des particularités bien curieuses. Le 
pharynx est assez étroit et s’ouvre au fond d’un ré- 
trécissement très-marqué; il se continue en un œso- 
phage étroit et cylindrique, accolé sous la vessie 
natatoire. Arrivé à peu près au tiers de la cavité 
abdominale, il se recourbe vers le bas et se dilate 
bientôt en une petite poche qui est le commence 
ment de l'estomac; mais les parois s’épaississent 
promptement, de manière à constituer une sorte de 
bulbe, qui rappelle, à quelques égards, l'estomac 
des Muges. Cette portion de canal digestif remonte 
presque jusque sous le diaphragme; elle serait, en 
quelque sorte, analogue à la branche montante des 
estomacs des poissons, qui s’épaississent ordinaire- 
ment. Le pylore est à la partie antérieure, et le 
duodénum qui y prend naissance se courbe derrière 
le diaphragme, pour descendre jusqu’au fond de la 
cavité abdominale. Il donne dans tout ce trajet nais- 
sance à une immense quantité de petits cœcums ra- 
mifiés, retenus par un üssu cellulaire très-dense; 1ls 
sont plus longs à droite et à gauche de l'estomac, 


CHAP. XV. CHATOESSES. 103 


qu'ils n’embrassent que vers la fin du duodénum. 
Cela forme une masse glanduleuse, à laquelle je ne 
pourrais comparer que celle des Thons. L’intestin 
est d’ailleurs assez long, car il fait sous l'estomac et 
entre les cœcums trois replis en spirale assez courts; 
puis il descend vers l'arrière de la cavité abdominale, 
où il se plie trois ou quatre fois de nouveau par 
des anses assez longues avant de se rendre à l'anus. 
Le foie est peut et divisé en lobules trièdres, allongés, 
et qui suivent les premières circonvolutions de l'in- 
testin. Un péritoine noir très-foncé sépare cette 
masse viscérale de la vessie aérienne, qui est très- 
grande, unilobée, arrondie en avant, pointue en 
arrière; elle communique par un canal court, avec 
la crosse de l'œsophage. De peutes laitances blanches 
se dessinaient sur le fond noir du péritoine. Je nai 
rien trouvé dans l'estomac. 


La longueur de nos individus est de treize 
à quatorze pouces. Nous les avons recus en 
assez grande quantité de New-York par M. Mil- 
bert; de la Nouvelle-Orléans, par M. Despain- 
ville ; de Philadelphie, du lac Ponchartrain, 
par M. Lesueur, qui l'a vu remonter dans le 
fleuve, et jusque dans le Wabash; il s’en est 
mème procuré des individus en les retirant de 
l'estomac de Cormorans, qu'il tuait sur la ri- 
vière ou de grands Pimélodes qu'il prenait 
dans le fleuve : c’est la Sardine sur le lac Pon- 
chartrain. 


4104 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


M. Lesueur à dédié cette espèce à notre 
illustre ichthyologiste, M. de Lacépède, sous 
le nom de Megalops Cepedianus. 

Ce naturaliste nous en a envoyé des indi- 
vidus beaucoup plus petits, qui n’ont guère 
que cinq pouces et demi. Ceux-là étaient dé- 
signés par lui sous le nom de Megalops bima- 
culata; mais en examinant des individus de 
taille intermédiaire, nous avons la preuve que 
cette tache disparaît avec l’âge et qu'elle n’est 
qu'une sorte de livrée. 


Le CHATOESSE NASON. 


(Chatoessus nasus, nob.) 


Nous trouvons dans l'Inde une seconde 
espèce de Chatoesse, qui se distingue au pre- 
mier coup d'œil de celui de l'Amérique sep- 
tentrionale 

par son anale plus courte. Le dernier rayon de la 

dorsale est plus long; car je le vois atteindre à la 

caudale, non-seulement dans les individus que j'ai 
sous les yeux, mais dans les différents dessins bien 
fais que je puis consulter. Les épines de la carène 
du ventre sont plus fortes et plus pointues. La pec- 
torale est un peu plus allongée. Je retrouve d’ailleurs 
dans cette espèce les autres caractères génériques de 
l'espèce précédente. 

D. 14; À. 20; C. 23; P. 165 V. 8. 


Le 


CHAP. XV. CHATOESSES. 105 


La couleur est un argenté très- brillant; le dos 
seul est bleuûtre. Les viscères de ce poisson ressem- 
blent à ceux de l'espèce précédente; mais il y a moins 
_de cœcums. Le péritoine est très-noir. Cette couleur 
se remarque jusque sur la muqueuse de la bouche 
et à la face interne de l’opercule, au-devant de la 
branchie supplémentaire. 


M. Leschenault nous a envoyé cette espèce 
de la rade de Pondichéry. Ce poisson atteint 
à un pied de longueur. On le trouve sur la 
côte pendant toutes les saisons, et surtout à 
l'embouchure de la rivière ; mais il n’est pas 
très-abondant. Nous en avons trouvé une peau 
desséchée et mal conservée dans les collec- 
tions faites au même endroit par M. Sonnerat. 
M. Roux nous l'a aussi rapporté de Bombay. 
Russell à figuré cette espèce, en en faisant un 
double emploi sous deux noms différents ; 
une première fois sous le nom de Xome, et il 
croit que c'est le Clupea thryssa de Linné. 
IL y rapporte Le poisson figuré sous le mème 
nom par Bloch à la planche 404; sil avait 
comparé avec un peu plus de soin sa figure 
et celle de lichthyologiste de Berlin, il se 
serait bien vite aperçu qu'elles ne se ressem- 
blent que par le filet de la dorsale. D'ailleurs, 
nous avons établi sur des données positives, 


que le Clupea thryssa de Bloch est le Cailleu- 


106 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. 


Tassart et du genre de nos Melettes. Russell 
a donné une seconde fois, sous le nom de 
Peddah-Kome, l'espèce dont il s’agit ici, en la 
rapportant cette fois, avec raison, au Ctibee 
nasus de Bloch. Je crois aussi id faut rap- 
porter le Chatoessus altus figuré par M. Gray", 
qui a le dos plombé, le ventre argenté, la dor- 
sale verte, la caudale orangée et les autres 
nageoires jaunes. Malgré ces différences de 
coloration, je n'ose maintenir la distinction 
établie par le savant zoologiste que je viens 
de citer. 
Le CHATOESsE D'OSBECK. 


(Chatoessus Osbeckit, nob.) 


IL existe sur les côtes de la Chine plusieurs 
espèces de Chatoessus. Le Muséum d'histoire 
naturelle vient d'en recevoir une espèce 

à corps un peu plus oblong, à museau beaucoup 

plus court. Il a d’ailleurs l’anale courte du précédent. 

D. 15; A. 24, etc. 


Ce petit poisson nous parait plombé sur le dos 
et argenté sur le reste du corps. 


Nos exemplaires ont près de quatre pouces. 
Ils nous ont été envoyés par M. Callery. 


1. Gray, Lust. of Ind. zool., by maj. gen. Hardwicke, pl. 91, 
Hg: 2 


CHAP. XV. CHATOESSES. 107 


Il me paraît hors de doute, à cause du 
nombre des rayons de l’anale que j'ai sous Les 
yeux, le Clupea thryssa d'Osbeck, que Linné 
avait confondu avec le Cailleu-'Tassart des 
Antilles et même avec le Chatoessus Cepe- 
dianus des côtes de l'Amérique septentrio- 
nale. Je crois aussi quil faut rapporter à ce 
poisson le Chatoessus thriza du docteur Ri- 
chardson, sans admettre, comme lui, que ce 
soit le Cup. thriza des Aménités académiques. 


Le CHATOESSE PONCTUÉ. 


(Chatoessus punctatus , Temw. et Schl.) 


Les savants auteurs du Fauna japonica' 
ont décrit et figuré une espèce de Chatoesse 
qui se rapproche du poisson de Bloch, tout 
en s'en distinguant 


par le nombre des rayons de la dorsale et de l’anale, 
et par des formes un peu plus allongées. J'extrairai 
de la description détaillée qu’en a faite mon ami 
Schlegel les principaux traits. 

Le corps est plus allongé que celui des espèces 
précédentes. 

Voici les nombres des rayons des nageoires : 

D. 18; A. 21; C. 20; P. 16; V. 8. 
Je ne transcris pas le nombre des rayons des bran- 


1. Temm. et Schl., Faun. jap., Pisc., pl. 109, fig. 4. 


108 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 
chies parce que je crois qu'il y a une faute d'impres- 
sion. À l’état frais, ce poisson, verdâtre, a des teintes 
bleuâtres sur le dos, jaunâtres sur les flancs, et 
blanches argentées sur le ventre. L’épaule est marquée 
d’une tache noirûtre verticale. Il y a huit séries de 
points longitudinaux marquées sur les écailles de la 
partie supérieure. La dorsale et la caudale sont jaunà- 
tres et rembrunies; les autres nageoires sont bleuâtres. 
Ces naturalistes nous apprennent que ce 
poisson, long de huit à dix pouces, est le Xo- 
nosiro des Japonais. On le prend en abon- 
dance pendant l'automne et l'hiver des côtes 
sud-ouest du Japon. Il se retire principale- 
ment dans le fond des baies : on le mange soit 
salé soit séché. 


Le CHATOESSE TACHETÉ. 


(Chatoessus maculatus, Gray.) 


M. Gray a ainsi nommé, dans la collection 
du British Muséum, un chatoesse que nous ne 
connaissons que par les figures qui sen trou- 
vent dans les collections de dessins faits à la 
Chine, et surtout aussi par la description dé-. 
taillée que nous en a donnée mon ami le 
docteur Richardson *. Tous les caractères géné- 
riques sont faciles à saisir. 


1. Rich., Ichthyol. des mers de Chine, p. 308. 


CHAP. XV. CHATOESSES. 109 
D. 16; A. 98. 


La couleur est verdâtre sur le dos. Les taches sont 
noires. Le ventre est argenté. La dorsale est rosée; 
les autres nageoires sont pâles. La caudale, un peu 
plus jaune, est bordée de gris noirâtre. 


C'est la seule espèce dont les nombres de l'a- 
nale se rapprochent de ceux du Clupeathryssa 
des Aménités académiques. Je m'étonne que 
l'auteur de cette description n'ait pas parlé du 
prolongement filiforme du dernier rayon de 
la dorsale; aussi n'aurais-je pas hésité à rap- 
porter ce Clup. thriza à Vun de nos Chatoesses, 
voisins du C. humeralis, si je n'avais trouvé 
une trop grande différence dans les rayons de 
l'anale. Je ne serais pas étonné, que la descrip- 
tion des Aménités académiques, ne se rap- 
portät à une espèce qui manque encore à nos 
collections. 


Le CHATOESSE AQUEUX. 


(Chatoessus aquosus, Richard.) 


Je parlerais encore, d'après le docteur Ri- 
chardson , d’un Chatoesse qui lui a paru se 
rapprocher du Clupea nasus de Bloch, sans 
correspondre exactement à la figure de cet 
auteur, ni à celle du Xome de Russell. Il a 
aussi trouvé des différences 


410 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


dans le nombre des rayons des nageoires. 

Voici comme il les exprime : 

D 148 :: A:98 :0CG 2293 P1045% V. 78. 

La hauteur du corps est la plus grande au-devant 
de la dorsale et des ventrales, nageoires opposées 
l’une à l’autre; elle est contenue trois fois et trois 
quarts dans la longueur totale. Il y a quarante-six 
écailles longitudinales le long des flancs. La carène 
du ventre porte vingt-huit épines, dont treize sont 
derrière les ventrales; les dernières sont presque 
effacées. Les parties supérieures sont vertes, à reflets 
argentés ; les inférieures argentées ou gris de perle, 
mêlé de laque et de bleuâtre. La caudale et l’anale 
vert olivâtre; la dorsale et la ventrale plus pâles. 
La première de ces deux nageoires est un peu lavée 
de carmin. Les pectorales sont jaunes. 


M. Richardson a vu, dans le British Mu- 
séum un individu desséché, qui a été déposé 
par M. Reves sous les noms chinois de Schwuy 
hwa, Schwuy hwä, Schutz wat. 1 est long de 
sept pouces trois quarts. 


Le CHATOESSE CHRYSOPTÈRE. 


(Chatoessus chrysopterus, Richard.) 


Le savant ichthyologiste ‘ que je viens de 
citer, a aussi distingué, sous le nom que je 
lui conserve, un Chatoesse 


4. Richardson, 1. cit., p. 308. 


CHAP. XV. CHATOESSES. 411 


qui a les mâchoires égales; la bouche petite, les 
écailles argentées, vertes sur le dos et bleu-lilas sur 
les côtés. Le sommet de la tête et les opercules sont 
verts. Les nageoires d’un beau jaune. 


Cette espèce est établie d'après l'inspection 
d'une figure longue de neuf pouces. 


Le CHATOESSE CHACUNDA. 


(Chatoessus chacunda , nob.) 


J'ai commencé la description des espèces 
de ce genre par celles qui portent un filet à 
la dorsale; mais je trouve dans les grandes 
eaux de l'Inde d’autres Chatoessus sans filet. 

L'étude assez difficile de l'ouvrage de Bu- 
chanan me fait aussi penser que plusieurs 
espèces de ce genre ont déjà été indiquées 
par M. Hamilton Buchanan, qui les a con- 
sidérées comme des espèces de Clupanodon, 
genre où il a réuni les Aloses et peut-être 
des Pellones, qui sont loin d’être des Clupées 
sans dents. Je vais commencer la description 
des Chatoesses sans filet, par celle dont j'ai 
eu le plus grand nombre d'exemplaires sous 
les yeux. 


Elle a le corps ovale. La hauteur est deux fois et 
deux tiers dans la longueur totale. La tête est courte, 
elle est comprise quatre fois et deux tiers dans cette 


112 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏI DES. 


même longueur totale. Le museau est sallant et 
conique. La bouche est tout à fait en dessous. Le 
tubercule de la symphyse est saillant et reçu dans 
une échancrure de la mâchoire supérieure. Les in- 
termaxillaires sont larges et longs. Les maxillares 
sont étroits et tout à fait rejetés derrière l’intermaxil- 
laire. Les branchies sont entièrement conformées 
comme celles des autres Chatoesses; mais, dans cette 
espèce, la pointe pennée du palais devient très-courte. 
I] y a de même une large branchie supplémentaire 
sous l’opercule. La dorsale, écailleuse à sa base, 
occupe la fin de la première moitié du corps. Ses 
rayons antérieurs SOnt aussi hauts que la nageoire 
est longue. La hauteur du dernier rayon mesure la 
moitié de celle des premiers. La pectorale est petite 
et ronde; la ventrale est insérée sous le milieu de 
la dorsale. L’anale est basse et courte; la caudale est 
profondément divisée en deux larges lobes, dont 
le bord interne est arrondi en arc convexe. Ces deux 
dernières nageoires sont toutes couvertes d’écailles. 
D. 193 4220: 6.255 PT 718; 

Les écailles sont fermes, adhérentes, et à bord 
finement cihé; il y en a trente-cinq rangées. Quoique 
le ventre ne soit pas aussi tranchant que celui des 
espèces précédentes, il est dentelé par vingt-huit 
chevrons épineux et peu saillants. Tout le corps de 
ce poisson est argenté, un peu verdàtre sur le dos. 
Le dessus de la tête est d’un beau jaune doré. Une 
tache noire assez grande existe sur le haut de l’oper- 
cule, et se conserve sur les exemplaires gardés depuis M 
longtemps dans l’alcool. La caudale est jaune. 


CHAP. XV. CHATOESSES. 1143 


M. Dussumier en a rapporté un grand nom- 
bre d'exemplaires : ils ont six pouces de long; 
c'est la taille ordinaire des individus de cette 
espèce. 

Nous avons fait l'anatomie de ce poisson. 
Les viscères sont semblables à ceux des autres 
chatoesses; mais le nombre des cœcums est 
beaucoup plus considérable et ils sont plus 
longs. La vessie aérienne est moins grande. Ce 
poisson, abondant sur la côte malabare, est 
peu estimé à cause du grand nombre de ses 
arêtes. On le retrouve dans la mer des Molu- 
ques. MM. Kubl et Van Hasselt en ont envoyé 
de Java, avec un très-beau dessin fait d’après 
le vivant. Ces voyageurs ont confirmé l'iden- 
tité spécifique par la ressemblance des formes 
et des couleurs. Le major Farquhar a aussi 
dessiné ce poisson dans le détroit de Malacca; 
il avait inscrit pour nom malais Ækan-Troo- 
bala. 

Il me paraît hors de doute que fé Clupa- 
nodon chacunda de Buchanan se rapporte à 
l'espèce que je viens de décrire. Tout ce qu'il 
dit de la forme générale du corps, de la bou- 
che, des machoires, dont la supérieure est 
entaillée et dont l'inférieure porte une petite 
arête, semblable à celle que l’on voit dans les 
espèces du genre Mugil, prouve que ce Clu- 


2 1. 


114 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. : 


panodon chacunda est un Chatoessus. Comme 
dans la description détaillée que l’auteur donne 
des nageoires, il n'est pas fait mention que le 
dernier rayon soit prolongé, et qu'en parlant 
des couleurs, ce naturaliste signale la tache 
noire de l'épaule, il me paraît que l'on ne 
peut conserver aucun doute sur ce rappro- 
chement; aussi ai-je peine à comprendre com- 
ment M. Buchanan à trouvé une telle affinité 
entre son poisson et le Kowal de Russell’, qu'il 
ait pu se demander sils sont distincts. Le 
Chacunda se trouve dans les eaux saumâtres 
de l'embouchure du Gange; il atteint jusqu'à 
- huit pouces de longueur et est peu estimé. 


Le CHATOESSE MANMINA. 


(Chatoessus manmina, nob.) 


M. Buchanan a distingué un Clupanodon 
manmina, qui me parait extrêmement sem- 
blable au précédent. Je ne lui trouve d'autre 
différence que dans un petit nombre de rayons 
de plus à l'anale. 

Voici l’expression des nombres comptés par M. 

Buchanan : 

D. 14; A. 2%; C. 19; P. 15; V. 8. 


1. Russell, Corom. fish., pl. 186. 


CHAP, XV. CHATOESSES. 145 


L'espèce a d’ailleurs une tache noire sur chaque 
épaule. ” 

En se rappelant les différences que nous 
avons trouvées dans le nombre des rayons de 
l'anale de l'Alose commune et de beaucoup 
d’autres Clupées, j'ai peine à croire que les na- 
turalistes, qui reverront ces poissons vivants, 
les distinguent l'un de l'autre. Ce Manmina 
se trouve dans les eaux douces du Gange. Il 
ne devient pas plus grand que le Chacunda, 
mais il passe pour meilleur. Cela ne tient-il 
pas à la différence de séjour des deux poissons ? 

Je vois encore moins de facilité à distinguer 
des précédents le Clupanodon chapra. Celui-ci 
n'aurait que dix-sept rayons à la dorsale; il a 
de même vingt-quatre rayons à l'anale et une 
tache noire sur chaque épaule. Ce petit pois- 
son a été trouvé dans les parties supérieures 
du Gange. Il me parait que le Clupea chapra 
de M. Gray n'est ni de la même espèce, ni 
du même genre que le poisson désigné sous 
le même nom par M. Buchanan. 


Le Cuarossse Corrius. 
(Chatoessus Cortius, nob.) 


Le Clupanodon Cortius des poissons du 
Gange est une espèce que l’auteur a regardée 


41146 LIVRE XXI. CLUPÉOIDES. 


comme si semblable au Manmina, qu'il a cru 
inutile d'en signaler autre chose que le carac- 
tère spécifique. 
Il consiste dans l’absence de tache à l'épaule. Il a 
les mêmes nombres. 


D. 15; A. 24, etc. 


Ce poisson a été trouvé dans le Brahma- 
putra, près de Goyalpara. Je ne m'étonnerais 
pas que ce ne füt une simple variété des précé- 
dents. 

Le CHATOESsE CHANPOLE. 


(Chatoessus Chanpole , nob.) 


La seule inspection de la figure donnée 
par Buchanan me fait croire que le poisson 
décrit et figuré par cet auteur, sous le nom 
de Clupanodon chanpole, appartient aussi à la 
division des Chatoesses sans filet à la dorsale. 

Cette espèce est facilement reconnaissable par la 
série de taches que l’on voit le long des flancs; 
mais comme il n’a vu que des individus de petite 
taille, et qui ne dépassaient pas quatre pouces, je 
ne suis pas très-sûr quil n'ait figuré un jeune 
poisson. 

En attendant d’autres renseignements, voici 
l'extrait de la description : 

C'est un poisson à museau un peu saillant, à 
mâchoires presque égales. Le palais et la langue sont 


CHAP. XV. CHATOESES. 117 


lisses. Les écailles sont de grandeur moyenne, lisses, 
et très-adhérentes. 


B. 6; D. 15; A. 21; C. 19; P. 13; V. 8. 


La couleur est verte sur le dos, argentée sur le 
ventre, Il y a de trois à six taches noires, placées 
en ligne droite sur le haut des flancs. Les nageoires 
sont transparentes. La caudale est tachetée. On trouve 
cette espèce dans les marais du Bengale; elle croit 
à environ quatre pouces, et est très-peu estimée. 


Je ne crois pas quil faille distinguer de ce 
Clupanodon chanpole le Clupanodon gagius, 
qui aurait vingt-trois rayons à l’anale et la 
carène du dos plus aiguë. Je les considère 
comme des adultes de l'espèce précédente, 
puisqu'ils atteignent une taille double; leur 
longueur ordinaire étant environ d'un empan. 
M. Buchanan les a trouvés dans les rivières et 
dans les marais du Behar septentrional. 


Le CHATOESsE Tampo. 


(Chatoessus Tampo, nob.) 


Je crois pouvoir indiquer, d'après un beau 
dessin du major Farquhar, une autre espèce 
de Chatoesse sans filament dorsal, 


qui a le corps beaucoup plus allongé. Les lobes de 
la caudale beaucoup plus longs et plus aigus. Le 
poisson, verdâtre sur le dos, lilas sur le ventre, à 


118 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


toutes les nageoires jaunes. La caudale a son crois- 
sant bordé de noir; mais je ne vois pas de tache 
derrière l’opercule. , 


Le dessin est long de dix pouces. Il porte 
pour nom malais Ækan-Tampo. 


RÉ *, 


CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 119 


CHAPITRE XVL 
Du genre Noroprire (Notopterus ). 


Les premières notions du genre dont nous 
allons traiter remontent au commencement 
du dix-septième siècle, puisque cest dans 
l'ouvrage de Bontius, dont les observations 
datent de 1629, que l’on trouve la première 
figure d'un poisson de ce genre. Il est facile 
de reconnaître un Notoptère dans le 7inca 
marina sive hippurus'. Cet auteur ne donne 
aucun détail sur un poisson qu'il trouve très- 
curieux, et dit seulement quil la appelé 
Tanche marine, à cause de la lubricité de sa 
peau. Il est beaucoup moins certain que Re- 
nard ait représenté notre poisson; si cela est, 
la figure ou les figures qu'il en donne seraient 
très-mauvaises. Pallas a cru, d'après l'indica- 
tion des noms malais, que le Pangay ou 
Kapirat* représentait le Notoptère qu'il re- 
cevait en effet de l’Inde sous le nom de Zkan- 
pangayo. Cette figure de Renard est une 
copie assez exacte de celle que nous trou- 
vons dans le Recueil des figures originales, 
laissées par lamiral Corneille de Vlaming. 


14. Bontius, Hist. nat. Ind., p.18, ch. 25. 
2. Ren., folio 16, n.° 90. 


1420 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. 


Les deux filets dessinés verticalement à la 
hauteur du premier rayon de l'anale et les 
traits longitudinaux n'existent pas sur le dessin 
de l'amiral. Dans cette figure le poisson est 
coloré en vert sur le dos, en gris argenté sur le 
ventre ; l'anale est un peu rembrunie. D'ailleurs 
les deux traits, que l'on peut comparer aux 
ventrales, sont plus gros et plus longs et un 
peu moins avancés sous la gorge. L'amiral a 
nommé son poisson Papirat. C'est à peu près 
le même nom que celui de Renard, la seule 
différence consiste dans la lettre initiale. A 
côté de ce dessin, je trouve la représentation 
d’un autre poisson que l'amiral a nommé Pa- 
bia ou Carbauw. Celui-ci aurait deux barbil- 
lons maxillaires, le premier rayon de la pec- 
torale gros et prolongé, l'anale réunie à Ja 
caudale, point de dorsale ni de ventrales. Ce 
poisson, vert sur le dos, argenté ou doré sur 
les flancs, porte sur l'anale et sur la caudale 
des teintes jaunâtres. La reproduction de ce 
dessin a lieu sous le même nom dans l'ouvrage 
de Renard’. On pourrait croire que ce dessin 
est une mauvaise figure de quelques-uns de 
nos Siluroïdes; cependant l'absence de la ven- 
trale et de la dorsale prouverait que la nature 


1. Ren., fol. 16, n.° 91. 


CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 424 


a été copiée avec plus de négligence que dans 
beaucoup d’autres figures. Je ne me suis d’ail- 
leurs arrêté sur ces deux dessins que parce 
que je les trouve aussi reproduits dans Valen- 
tyn', qui appelle le poisson /kan-marate 
(poisson marate), en disant que le premier, 
le Pangay ou le Kapirat de Renard, est le 
mâle, et le second ou le Pubia, est la femelle. 
Si ces observations de Valentyn sont exactes, 
cela démontrerait que ses deux figures défec- 
tueuses appartiennent à une même espèce et 
elles pourraient bien être une représentation 
d'un Notoptère. Je ne fais ici cette observa- 
tion que pour répondre à la note mise dans 
le Règne animal, au bas de l'article des No- 
optères. Elle peut faire croire que l'on devra 
chercher dans un autre genre les poissons re- 
présentés dans les figures dont je viens de dis- 
cuter la valeur. Je crois qu'il sera préférable 
de ne plus citer à l'avenir ces synonymes, à 
cause de leur incertitude. 

Nous n'avons donc jusqu'à présent à men- 
tionner que la figure de Bontius. Pallas* a recu 
un exemplaire desséché de ce poisson, et par 
une vicieuse application des caractères lin- 


1. Valent., Poissons d’Amboine, p. 506, n.° 512, et p. 507, 
n.° 513. 


2. Pallas, Spicil. zool., 1, p. 40, tab. 6, fig. 2. 


122 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


néens, il a placé ce poisson dans le genre des 
Gymnotes, et alors, critiquant le nom très- 
exact imposé dans le Systema naturæ au 
genre des Gymnotes, il a imaginé pour déno- 
mination spécifique une très-forte antithèse, 
et il a appelé son poisson Gymnotus notop- 
terus. La description qu'il a faite de la seule 
espèce quil possédait est, à quelques inexac- 
titudes près, assez bonne. Pallas a cependant 
commis une grave erreur, en ne voyant pas 
les ventrales. Il ne donne que six rayons à la 
membrane branchiostège, mais nous établirons 


un peu plus loin que leur nombre est variable, 


et d’ailleurs, quand il y en a huit, les deux 
derniers sont difficiles à voir. La figure est 
très-reconnaissable. Elle a été copiée par Bon- 
naterre dans l'Encyclopédie. Cet auteur, qui 
ne connaissait pas du tout les poissons, a 
désigné l'espèce dans le texte de l’'Encyclo- 
pédie sous le nom de Gymnotus kapirat. 
D'un autre côté, Gmelin a emprunté à Pallas 
un Gymnotus notopterus avec les citations 
de Bontius et de Renard. M. de Lacépède, 
qui a principalement travaillé avec ces deux 
ouvrages, à accepté ce poisson comme un 
apode, puisque ses prédécesseurs l'y avaient 
placé. Il a de plus cité, sans aucune critique, 
le Pangay ou le Kapirat de Renard, ce que 


CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. ‘1 493 


sa méthode aurait dû prévenir. Comme d’ail- 
leurs il trouvait, dans Gmelin, une autre 
espèce nominale, sous le nom de Gymnotus 
asiaticus, pourvue d’une dorsale, il a cru pou- 
voir réunir dans un même genre ces deux pois- 
sons, et il a pris, pour dénomination, l'épithète 
imaginée par Pallas': elle était admissible dans 
les idées de ce grand naturaliste, qui voulait 
l'opposer à la dénomination de Gymnotus, 
mais elle est très-mauvaise pour nommer un 
genre où il faisait entrer notre poisson, attendu 
que la dorsale est ce qu'il y a de moins remar- 
quable en lui. Pour désigner la première es- 
pèce, il a associé à l'expression de Notoptère 
l'épithète spécifique empruntée à Bonnaterre, 
elle est certainement non moins mauvaise que 
celle du genre, en supposant qu'elle ait le 
mérite de l'exactitude. 

Quant à la seconde espèce de ce genre No- 
topière, tout ce que je puis dire, cest que le 
poisson qu'elle représente est fort différent de 
nos Notoptères, puisque c'est un poisson qui 
aurait une dorsale étendue de la nuque à la 
caudale, la tête lisse et déprimée, le tronc un 
peu arrondi et la queue comprimée. Cette 
espèce est tout à fait impossible à retrouver; 
je pense quil faut la rayer des catalogues 
ichthvologiques. On voit que j'en parle ici 


424 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


uniquement pour réduire le genre de Lacé- 
pède à une seule espèce. 

Bloch", qui avait recu ce Notoptère de la 
côte de Tranquebar et un autre des mers de 
Chine, a mieux saisi les affinités de notre pois- 
son que les auteurs cités précédemment. Il ne 
dit pas pourquoi il n'a pas accepté le genre 
Notoptère de Lacépède. Il a marqué dans sa 
courte description quelques-uns des princi- 
paux traits de l'espèce qu'il a nommée Clupea 
cynura. Il a bien reconnu la double carène 
dentelée de l'abdomen, la présence des pe- 
ttes ventrales, Les huit rayons de la membrane 
branchiostège, les dentelures des deux carènes 
du limbe du préopercule et de la mâchoire 
inférieure. L’exactitude de tous ces détails est 
due à Schneider. M. Cuvier a repris dans le 
Règne animal le genre Notoptère, en accep- 
tant l'idée de Schneider pour le placer dans 
le groupe de ses Clupes. 

Il s'est glissé quelques inexactitudes dans 
les caractères généraux. Ainsi, les interoper- 
cules ne sont point dentelés, il n’a compté 
qu'un seul rayon aux ouïes; mais malgré ces 
fautes bien légères, la place du genre a été 
fixée en ichthyologie. Cest pour cela que je 


1. Bloch, p. 426. 


CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 195 


ne conçois pas ce qui a décidé M. Buchanan 
à parler des Notoptères en leur appliquant le 
nom de Mystus, dénomination qui a d’abord 
paru en ichthyologie pour désigner des Silu- 
roïdes, et que M. de Lacépède a ensuite appli- 
quée à des poissons voisins des Anchois. De 
plus, M. Buchanan a composé son genre Mys- 
tus d'une espèce de Coïlia (c'est son Mystus 
Ramcarati) du poisson de Pallas et d’une 
nouvelle espèce de Notoptère, son Mystus 
Clatala. M. Gray a adopté les idées de M. 
Buchanan, en retirant la première espèce de 
cet auteur pour en faire son genre Coïlia. 

Bien que tant d'illustres naturalistes aient 
déjà parlé des Notoptères, il est assez étonnant 
de venir dire aujourdhui que ces poissons 
n'ont été n1 étudiés ni complétement décrits, 
et que leurs affinités ont été pressenties, mais 
qu'elles n'ont pas encore été fixées. Les No- 
toptères sont en eflet distincts de tous les 
genres de Clupéoïdes à ventre dentelé, dont 
jai parlé dans les chapitres précédents. Ils 
ont de nombreuses affinités avec les familles 
que jai tiréés du groupe des Clupéoïdes. Je 
n'hésite pas à dire aujourdhui qu'ils consti- 
tuent une famille distincte. Pour justifier cette 
proposition, exposons d’abord les caractères 
de ce genre. 


126 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. y 


Les Notoptères ont le corps très-comprimé, 
üès-atténué près de la queue; le museau est 
obtus, mais peu saillant; c'est à peine si l’eth- 
moïde dépasse les os du nez. A l'extrémité 
sont placés en travers deux petits intermaxil- 
laires, qui portent les deux os maxillaires, 
libres comme dans les Clupées, mais com- 
posés d’une seule pièce. Ces os d’ailleurs se 
retirent sous le sous-orbitaire et peuvent y 
être cachés presque en entier. La mâchoire 
inférieure est un peu plus courte que la su- 
périeure; les branches sont larges, aplaties 
en dessous, creusées d’une caverne oblongue 
dont les deux bords sont tranchants et den- 
telés. Les machoires ont des dents en petites 
rapes rudes ; il y en a aussi une longue pla- 
que sur les palatins, un très-petit groupe à 
l'extrémité du vomer, une plaque ovale sur 
le sphénoïde, et de très-longues et très-cro- 
chues sur les deux bords d'une langue assez 
libre. Les deux premières pièces sous-orbi- 
taires sont dentelées. I] y a aussi des dente- 
lures sur les deux bords d’une large caverne 
qui occupe tout le limbe inférieur du préo- 
percule. L'interopercule est lisse et entière- 
ment caché sous cet os. L'opercule est grand, 
écailleux, sans épine ni dentelure, et ce qui 
est très-remarquable, c’est l'absence de sous- 


CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 197 


opercule. Que lon se laisse aller à donner de 
l'importance à à un seul caractère exclusivement 
à tous les autres, le naturaliste guidé par ce 
principe se trouvera exposé à placer notre 
poisson dans la famille des Silures. Outre les 
cavernes de la mâchoire inférieure et du limbe 
du préopercule, il y a aussi de grandes cavités 
muqueuses sur le crane, qui se présentent 
avec cinq crêtes longitudinales, l'une moyenne 
ou interpariétale et deux latérales de chaque 
côté. -Une autre caverne également muqueuse 
couvre le surscapulaire. A pore dont le con- 
duit traverse, sous la peau, l'os que je viens 
de nommer, it es pores percés.sur le crâne 
ou sur le limbe du préopercule, laissent suin- 
ter des sécrétions muqueuses de ces organes 
qui communiquent tous entre eux, car jai 
pu remplir d'injections toutes ces cavités en 
poussant par le pore surscapulaire. Il faut bien 
insisier sur ce point, pour que lon n'en fasse 
pas le méat d'une oreille externe. 

Il n’y a qu'une très-petite dorsale; une très- 
longue anale, réunie à une petite caudale; des 
ventrales à peine perceptibles, réunies entre 
elles ; un petit appendice génital derrière l'anus. 
Le ventre est très-comprimé et armé d'une 
double série de dentelures. De nombreuses et 
petites écailles couvrent tout Le corps, les oper- 


128 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


cules et une parue des joues. La ligne latérale 
est droite et visible. Il faut joindre à ces carac- 
tères extérieurs ceux que nous offre une re- 
marquable splanchnologie. L’estomac est glo- 
buleux, mais un peu comprimé. Le cardia et 
le pylore sont en avant, l’un au-dessus de 
l'autre; celui-ci, du côté gauche, n’a que deux 


Je , . 
cæcums. L'intestin remonte sous la vessie na-. 


tatoire et embrasse comme dans un anneau 
non fermé les viscères digestifs et ceux de la 
génération. Les ovaires ne sont point renfer- 
més dans un sac; les œufs tombent librement 
dans la cavité abdominale. La vessie aérienne 
est mululoculaire, étant divisée à l'intérieur 
par plusieurs cloisons et même à l'extérieur 
par des étranglements sensibles. Elle donne 
en arrière deux longues cornes qui pénètrent 
entre les muscles de la queue jusqu'au delà 
des deux tiers de sa longueur; et en avant, 
après s être attachée jusque sous le crâne, elle 
donne deux petites cornes qui pénètrent dans 
l'intérieur de cette cavité en passant sous le 
sac auditif qui contient la pierre de loreille 
et en avançant jusquau troisième tubercule 
du cerveau, exemple unique d'introduction 
de cornes de la vessie dans le crâne, et qui 
n'a encore été cité par aucun des anatomistes 
qui ont voulu jusquà présent faire commu- 
niquer la vessie avec l'oreille. 


RE éd 


CHAP. XVI NOTOPTÈRES. 129 


Tels sont les caractères généraux des No- 
toptères. Qu'on les compare avec ceux déjà 
observés dans les différentes familles d’une 
classe aussi nombreuse que celle des poissons, 
et l’on trouvera des répétitions de caractères 
que la nature nous a déjà offertes dans les 
familles les plus éloignées les unes des autres. 
Ainsi les dentelures des sous- orbitaires, du 
sous-opercule, de la mâchoire inférieure, et 
les crêtes qui surmontent le crâne, sont em- 
pruntées aux diverses familles des Acanthop- 
térygiens. [l n’est pas jusqu'à la réunion des 
très-petites ventrales qui ne reproduise un 
des singuliers caractères de la famille des 
Gobioïdes. La dentition, et surtout celle du 
sphénoïde, nous ramène vers les Butyrins, en 
même temps que le caractère de la langue nous 
rapproche des Hyodons ou des Mormyres. 
Les Notoptères ont encore avec ces poissons 
une affinité notable par les grands trous laté- 
raux du crâne. é 

Ce résumé me paraît justifier ce que j'ai 
dit tout à l'heure sur la nécessité de consi- 
dérer les Notoptères comme une famille très- 
distincte, qui aurait pour faible mais unique 
caractère extérieur la double carène dentelée 
du ventre. La critique que j'ai faite des déno- 
minations spécifiques, m'engage à les changer, 

21. o 


130 LIVRE XXI CLUPÉOIÏDES. 

quoiqu'’elles aient été adoptées presque géné- 
ralement. Je dédierai à Pallas la première de 
nos espèces, celle dont la connaissance lui est 
due. Pour rappeler les premières recherches 
de Bontius, mais sans vouloir indiquer que 
ce naturaliste a connu notre seconde espèce, 
je l'appellerai de son nom ÂVotopterus Bon- 
tianus, et jappellerai la troisième, ou le 
Mystus Chüitala, du nom de M. Buchanan : 


ce sera mon /Votopterus Buchanani. 


Le NoToPTÈRE DE PALLaASs. 


(Noiopterus Pallasi, nob.) 


Les observations que j'ai présentées sur le 
nom de ÆXapirat, qui nest peut-être pas 
exact, puisque, sil faut en croire le manus- 
crit de l'amiral Corneille de Vlaming, on aurait 
dù écrire Papirat, mont engagé à donner 
à notre première espèce le nom du savant 
et illustre naturaliste qui, le premier, l'a fait 
connaître. 

Le corps du Notoptère est d’une forme assez élé- 
gante ; il est haut de l'avant, et s’amincit graduelle- 
ment jusqu’à l’extrémité de la queue. La ligne du 
profil supérieur, un peu concave à l’exitrémité du mu- 
seau, se relève par une courbe convexe jusqu’au delà : 
de la nuque. Cette ligne du dos se continue horizon- « 
talement jusqu’à la dorsale; elle s’abaisse brusque- 


CHAP. XVI NOTOPTÈRES. 134 


ment en arrière de cette nageoire en se relevant un 
peu vers la queue qui devient un peu concave. La 
ligne du profil inférieur suit la direction d’un grand 
arc régulier ou une courbure à grand rayon qui se 
redresse graduellement depuis la ventrale jusqu’à 
l'extrémité de la queue. L’anale et la caudale, unies 
ensemble, suivent cette courbure, et comme le dos 
est un peu arrondi et que le ventre est très-comprimé, 
l'on peut dire que la forme générale ressemble à 
ces lames tranchantes et à pointes redressées que 
nous appelons sabre turc. La plus grande hauteur 
du corps se mesure au commencement de l’anale, 
elle fait, à très-peu de chose près, le quart de la 
longueur iotale. L’épaisseur est le cinquième de la 
hauteur. La tête est de médiocre grandeur; mesurée 
depuis le bout du museau jusqu’au bord membra- 
neux de l’opercule qu’on a eu soin de bien étendre, 
elle est contenue cinq fois dans la longueur totale; 
mais si l’on ne mesurait que jusqu'au bord osseux 
de l’opercule, elle y serait comprise six fois. Le mu- 
seau est gros et obtus; il fait une légère saillie à 
l'extrémité. L’œil est éloigné du bout du museau 
d’une distance égale à la longueur de son diamètre, 
lequel est compris cinq fois et un tiers dans la lon- 
gueur de la tête, en allant toujours jusqu’à l’extré- 
mité libre du bord membraneux de l’opercule. Le 
cercle de l'orbite est sur le haut de la tête, très-peu 
au-dessous de la ligne du profil, qu'il n’entame point. 
L'intervalle qui sépare les deux yeux est égal à leur 
diamètre. Les deux tiers inférieurs de la circonfé- 
rence de l'orbite sont formés par cinq osselets sous- 


En 


132 LIVRE XXL CLUPÉOÏDES. 


orbitaires, tous caverneux; le premier et le second, 
assezintimement réunis entre eux, semblent ne former 
qu’une seule pièce; on ne les distingue bien que par 
la dissection; leur bord inférieur est très-finement 
dentelé. Le cinquième sous-orbitaire est très-petit. 
Le préopercule est très-grand ; il couvre plus de la 
moiué de la joue. Son bord postérieur est vertical, 
mince et lisse, sans aucune dentelure. La portion 
inférieure du limbe a une grande caverne oblongue, 
qui communique avec une plus petite, creusée au- 
dessus d’elle. Les deux bords de la caverne sont 
finement dentelés comme le sous-orbitaire. L'oper- 
cule est une assez grande plaque entièrement cachée 
sous les écailles qui couvrent la plus grande partie 
de la joue; il est irrégulièrement trapézoidal, l’angle 
inférieur étant tout à fait arrondi. J'ai mis le plus 
grand soin à rechercher, par la dissection, le sous- 
opercule, et il m’a été impossible d’en apercevoir 
la moindre trace. Je ferai remarquer qu’au-dessous 
de lopercule et derrière l'angle du préopercule il 
existe un petit groupe d’écailles. On pourrait aisé- 
ment croire qu'il recouvre une des pièces de l'appareil 4 
operculaire, ce serait le sous-opercule. 

L’observauon de ce groupe d'écailles nra fait 4 
chercher avec soin sil n'existait pas au-dessous un k 
très-petit sous-opercule, et je n’en ai point trouvé. 
C'est pour n'avoir pas pris toutes ces précautions « 
que J'ai eu le tort de dire, dans la Zoologie du voyage # 
aux Indes, que le sous-opercule était fortement 
réuni à l’opercule, et qu'ils ne formaient ensemble“ 
qu’une plaque couverte d’écailles. Cette disposition 


VS COPROCTTS. TONT 1 ETS 


CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 133 


est si fréquente dans les poissons acanthoptérygiens, 
que j'ai cru à son existence dans cette espèce. L'in- 
teropercule existe; il a la forme d’une écaille de 
moyenne grandeur; sa portion postérieure est en 
arc arrondi. Cet os est entièrement caché par le 
large limbe du préopercule. L'appareil operculaire 
n’est donc composé dans ce poisson que de trois 
os, Organisation dont je n'avais eu encore d'exemple 
que dans les silures. Le bord membraneux de l'oper- 
cule est très-large; il s'étend jusqu’au delà de l'épaule, 
et inférieurement il touche l’aisselle de la pectorale. 
La narine est assez grande; elle occupe tout l’espace 
compris entre le bord supérieur de l'orbite et l’ex- 
trémité du museau. On reconnaît sa place au-des- 
sous de la crête latérale de l’ethmoïde. L'ouverture 
antérieure existe tout auprès de la lèvre supérieure, 
au-devant et à la base d’une papille charnue assez 
longue, que les auteurs ont figurée, et dont ils ont 
parlé comme d’un petit barbillon nasal. L'ouverture 
postérieure est assez loin, tout auprès du cercle de 
l'orbite, sur le bord convexe du petit os du nez. La 
bouche n’est pas très-grande. L’arcade supérieure 
est entièrement faite sur le plan d’une bouche de 
clupée, c’est-à-dire, que nous trouvons au milieu 
deux très-peuits intermaxillaires, garnis de trois 
rangées de petites dents coniques. À leur extrémité 
est articulé un maxillaire composé d’une seule pièce, 
ayant un petit bourrelet à la partie postérieure, et 
qui se retire presque entièrement sous le sous-orbi- 
taire quand la bouche est fermée; d’où il résulte 
que lon n’aperçoit, dans l’état de rétraction des mà- 


434 LIVRE XXL CLUPÉOIDES. 


choires, que la lèvre très-mince et les très-petites 
dents attachées sur le bord du maxillaire. La mà- 
choire inférieure a ses branches courtes et assez 
larges; elle est caverneuse, et les deux bords de 
celte caverne qui suivent à peu près la direcuon de 
celle que nous avons décrite sur le limbe du préo- 
percule sont dentelées de la même manière. Quand 
la mâchoire est relevée, elle est évidemment plus 
courte que la supérieure ; mais quand elle est abaissée, 
elle paraît au moins égale, si ce n’est plus longue. 
Les dents sont sur une bande étroite et sur plusieurs 
rangs. Les externes sont un peu plus grosses que 
celles de l’intérieur. Il est facile d'observer ensuite 
les plaques de dents palatines et ptérygoïdiennes ; 
elles sont en râpe très-fine. Il y en a un très-peuit 
groupe sur l'extrémité du vomer; elles m’avaient 
échappé dans la première description que j'ai faite 
F ce poisson. Il en existe un groupe très-prononcé M 

r la base du sphénoïde; celles-ci correspondent 
à une grande plaque de dents qui couvrent tout le 
corps de l’hyoïde dans le fond. Ces dents s'étendent 
jusque sur l'extrémité de la langue, qui en a cinq 
ou six, longues et crochues, et beaucoup plus fortes 
qu'aucune des autres dents, dont nous avons déjà 
parlé, et que celles qui suivent sur chaque bord de 
los lingual. Les ouïes sont très-largement ouvertes. 
La membrane branchiostège est assez large; elle 
est soutenue, dans l'individu que j'ai sous les yeux, 
par sept rayons. Je ferai cependant observer que le 
nombre est quelquefois de huit, que d’autres n’en 
ont que six, et que ces nombres varient du côté 


RM A ne Lie à US EM tr. 


SE Te 


CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 135 


droit au côté gauche. Ainsi, j'en ai compté six du 
côté gauche, et sept du côté droit sur un exemplaire ; 
tandis qu’un autre en avait huit à gauche et six 
seulement à droite : c’est ce qui explique les diffé- 
rences que Pallas et Schneider ont trouvées. Les 
branchies sont petites, ne forment, comme à l’or- 
dinaire, qu’un seul chevron. Les râtelures sont 
grosses et courtes. Je ne vois pas de dents pharyn- 
giennes ni de branchies à la face interne de l’opercule. 

Lorsqu'on soulève le bord membraneux de l’oper- 
cule on voit une assez large ceinture de l'épaule, 
composé d’un arc aplati qui est entièrement formé 
par la branche montante de l’huméral. Le scapu- 
laire est très-peut, car il dépasse à peine l’angle 
supérieur de l’opercule. Ce scapulaire , très-court, 
vient s’aruculer à l’extrémité du surscapulaire. Celui- 
ci est assez long et creusé d’une caverne fermée, 
de manière qu’il est entièrement fistuleux. La portion 
postérieure de l'os se prolonge en arrière en une 
sorte de cannelure ou de petit cuilleron recouvert 
lui-même par une membrane; ce qui rend cette 
partie de l'os très-lisse. On voit s'ouvrir à son extré- 
mité un orifice oblong, qui est un des ports mu- 
queux par lequel s’échappent les mucosités sécrétées 
dans les grandes cavernes susmastoïdiennes, celles 
de l'extrémité du museau, celles du sous-orbitaire, 
du limbe, du préopercule, et enfin, de la branche 
de la mâchoire inférieure. Toutes ces cavernes mu- 
queuses communiquent entre elles. Je les ai toutes 
injectées par le pore surscapulaire. Cette préparation 
nva prouvé que si la grande caverne susmastoïdienne 


136 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


recouvre le grand trou latéral du crâne ou le trou 
mastoïidien, cela n’établit pas une communication 
entre l'oreille du poisson et l'extérieur , et ne fait 
pas de ce trou l'ouverture d’une oreille externe, ni 
de la membrane une sorte de tympan. 

La dorsale est très-courte, mais à peu près aussi 
haute que la moitié du tronc, mesurée sans elle; 
elle est placée au milieu de la longueur totale. 
L’anale et la caudale sont si intimement unies qu’il 
est difficile de distinguer ces deux nageoires. Cepen- 
dant, si on admet que la caudale n’ait que onze ou 
treize rayons, On pourra dire que la longueur de 
l’anale répond à très-peu de chose près aux quatre 
cinquièmes de la longueur totale. Cette nageoire a 
une hauteur à peu près égale et constante dans toute 
son étendue; elle est couverte de très-petites écailles 
qui s'étendent aussi sur la caudale. Les pectorales 
sont ovales, assez pointues, et touchent au premier 
rayon de l’anale, Les ventrales sont excessivement 
peutes, insérées tout près de l'anus, et paraissent se 
confondre facilement avec l’appendice externe des 
organes mâles qui forment une sorte de papille assez 
longue et facile à voir. Ces deux nageoires, si petites, 
sont réunies entre elles par leurs bords internes, 
circonstance qui rappelle la disposition des ven- 


trales des Gobies. Il y a à chaque nageoire deux 


longs rayons bifides, et entre ces deux, un peu au- 
dessus , il y en a trois autres excessivement grêles. 
Cette singulière conformauon ne se voit bien que 
par une dissection faite avec beaucoup de soin, à 
cause de l'épaisseur de la peau qui embrasse ces petits 


+= LEA 


PRET RS PS RE Re - PS le 


r 


CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 437 
rayons. Cest pour n'avoir pas pris ce soin que je 
n'ai vu que les deux grands rayons, lorsque j'ai fait, 
il y a déjà longtemps, la description d’un notop- 
tère pour la Zoologie du voyage de M. Belanger. 


B. 7; D. 9; A. 100; C. 11 ou 13; P. 15; V. 5. 


Le corps est couvert de petites écailles adhérentes, 
plus longues que larges; une d’elles, examinée à 
la loupe, montre des stries longitudinales et anas- 
tomosées , très-analogues à ce que nous avons déjà 
-observé chez les Mormyres. La carène du ventre 
est très-comprimée;, elle est bordée de chaque côté 
par une série d’épines saillantes, dirigées en arrière, 
laissant entre elles un creux ou un petit sillon lon- 
gitudinal. Ces pièces, qui offrent bien quelque ana- 
logie avec les chevrons aiguillonnés que nous avons 
observés dans les clupées, sont cependant autrement 
faites par suite de leur disposition sur deux séries. 
L'épine, très-aiguë, en a une autre petite, plus 
courte au-dessus d’elle; celle-ci, cachée dans la 
peau ou par les écailles, ne se voit bien que par 
la dissecuon. Au-dessus de ces deux épines, 1l s'élève 
une lamelle triangulaire, pointue, ayant à peu près 
le septième de la hauteur du tronc. Cette partie, 
plate et comprimée, est fortement retenue dans 
l'épaisseur des muscles abdominaux. En même temps 
une sorte de petite apophyse interne ou de branche 
plus courte que l’épine, et mousse, se porte hori- 
zontalement sur le côté, remplissant avec sa congé- 
nère le fond du sillon, que les deux lignes dentelées 
laissent entre elles. La couleur du Notoptère est un 


138 LIVRE XXI. CLUPÉOIÏDES. 


vert bronzé sur tout le corps, avec des reflets ar- 
gentés très-brillantes. L’anale est jaunâtre. À 

Les viscères de ce curieux poisson sont tout à 
aussi singuliers que son extérieur. La cavité abdo- M 
minale est petite, à peu près circulaire, mais très- 
comprimée. Son diamètre ne mesure guère que le 
septième de la longueur totale, Le foie occupe le 4 
côté droit; il ne donne aucun lobe dans le côté 
gauche, seulement une petite pointe vient faire dl 
saillie entre le diaphragme, au-devant de l'estomac. 
Ce viscère est un grand sac arrondi, un peu com- 
primé, qui remplit presque toute la cavité abdomi- à 
nale. L’œsophage, qui est court, s'ouvre sur la partie | 
supérieure de ce sac semblable à l’amande d’un * 
abricot. De la partie antérieure et inférieure, on 4 
voit naître l'intestin qui remonte à gauche de l’œso- 
phage dans la cavité abdominale ; il revient, en se M 
contournant, passer sous la vessie; 1l suit, en arrière, É 
le contour de la cavité abdominale, et redescend vers M 
le bas du ventre pour venir souvrir à l'anus, en M 
faisant une légère sinuosité en $ peu fermée. L'in- 
testin ne fait donc aucun repli ni circonvoluuon. 
C’est une espèce de grand tonneau, ouvert par en bas, 
et qui embrasse l'estomac et les organes génitaux. IL M 
y a au pylore deux appendices cœcales, toutes deux M 
dans lhypocondre gauche. La supérieure est un peu 
plus longue que linférieure; elle suit la courbure M 
de l’intesun. En arrière de l'estomac on aperçoit fa- 
cilement les organes génitaux. Les laitances sont Î 
comprimées, et l’ovaire présente un nombre assez M 
considérable de plis, sur lesquels sont attachés des 


CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 139 


œufs assez gros, qui doivent tomber dans la cavité 
abdominale au moment de la ponte. Au-dessus des 
viscères digestifs et immédiatement derrière le dia- 
phragme, on aperçoit, en enlevant un très- mince 
repli du péritoine, le rein qui est gros, trièdre, se 
termine en une pointe dont la carène interne s’engage 
dans un repli extérieur de la vessie; il se porte un 
peu sous la colonne vertébrale, le long des reins 
elle donne naissance à un uretère long, qui se courbe 
pour suivre la configuration de la cavité intérieure 
de l'abdomen. Il ne me reste plus qu’à parler de la 
vessie aérienne, qui est une ges plus curieuses que 
j'aie encore examinées dans la classe des poissons. 
Parlons d’abord de son exterieur : elle se présente 
comme un grand sac aérien, à peu près cylindrique, 
remplissant sous la colonne vertébrale le quart de 
la cavité abdominale; elle s'infléchit un peu vers le 
bas; puis elle donne deux très-longues cornes qui 
embrassent de chaque côté les interépineux de l’anale 
et s'étendent dans la cavité conique pratiquée entre 
les muscles pour recevoir chaque corne jusque vers 
la quarantième verièbre. Il existe sur la surface ex- 
terne des cornes un organe singulier, comme glan- 
duleux, divisé par un nombre considérable de filets 
blanchätres, anastomosés entre eux en peuis lo- 
bules, que l’on ne pourrait séparer par la dissection 
qu'avec beaucoup de peine. Cet organe qui couvre 
presque tout le bas de la corne, ne dépasse guère la 
moitié de sa longueur. La partie antérieure de la 
vessie présente d’autres particularités que je n’hésite 
pas à dire plus curieuses. Jai dit qu’à Pendroit du 


24 
ES. 


140 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


rein on aperçoit un vestige d’étranglement. À cet 
endroit nait le canal de communication entre la 
vessie et l’œsophage. Ce conduit pneumatique est 
très-court. En avant, la vessie se porte vers la tête, 
et arrivée sous la troisième vertèbre, un nouvel 
étranglement la divise et sépare une petite cavité 
sphérique qui s'avance jusque sous le crâne; de là 
elle donne deux cornes qui s'engagent dans l'intérieur 
de la boite cérébrale sous les mastoïdiens, en passant 
entre l'os et le sac de l'oreille. Ces cornes s’avancent 
dans l’intérieur de la boîte cérébrale jusque sur la 
grande aile du sphénoïde, et atteignent la hauteur 
de la scissure qui sépare le second tubercule, ou le 
tubercule optique du cerveau, du troisième, derrière 
lequel existe le cervelet. En pénétrant dans la boîte 
cérébrale la vessie perd ses tuniques fibreuses, ou 
plutôt c’est la seule tunique propre ou membraneuse 
de la vessie qui s’avance ainsi dans la cavité du 
crâne. On voit en dedans de la corne le sac qui 
contient la pierre de l'oreille. Il y a donc ici com- 
munication médiate entre la vessie et l'organe de 
l'ouie; c’est le seul exemple que je connaisse d’une 
communication aussi intime entre la vessie et l’or- 
gane de l’ouie; car je n’hésite pas à répéter ici que 
celle qui avait été annoncée dans l’Alose ou dans le 
Hareng, et dans plusieurs autres poissons, n'existe 
réellement pas. À l’intérieur, la vessie est non moins 
remarquable par les nombreuses cloisons qui la 
traversent. Il y en a une grande, longitudinale, qui 
sépare en deux la grande cavité abdominale, Il y 
a sous le rein une grande bride transversale; puis, 


CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 4141 


au-devant de cette bride, 1l y a une seconde cloi- 
son, également longitudinale, qui va jusqu'à la base 
du crâne; puis on trouve l’étranglement antérieur 
marqué en dedans par une nouvelle demi-cloison 
transversale, et enfin, comme la vessie embrasse 
la crête assez élevée du basilaire, la portion qui 
donne les cornes avancées dans le crâne est encore 
divisée par une demi-cloison verticale. La tunique 
propre de la vessie est une membrane excessivement 
mince, l’externe, fibreuse et argentée, adhère forte- 
ment aux côtes. On compte facilement dix ou douze 
impressions de ces os sur cet organe. 

€ette description me parait justifier ce que j'ai 
dit, en commençant, de la remarquable organisation 
de la vessie du notoptère. 


L'étude du squelette du Notoptère nous 
montre des particularités non moins curieuses 
que celle de la splanchnologie. 


La surface extérieure du crâne est creusée par de 
larges fossettes que l’on peut désigner de la manière 
suivante : quatre principales, oblongues, occupent 
toute la parue antérieure de la tête; les deux mi- 
toyennes s'étendent depuis la suture des frontaux 
jusqu'a l'extrémité de l’ethmoïde, et on pourrait les 
diviser chacune très-facilement en une fosse frontale 
moyenne et en une fosse ethmoïdale. Les deux ex- 
ternes s'étendent depuis la région mastoidienne jus- 
qu'au-devant de l'orbite, en s’arrêtant à la fosse na- 
sale. On peut encore désigner deux autres très-larges 
fosses sur l'interpariétal, et celles-ci s’étendraient 


142 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


jusque sur les occipitaux. Ces larges cavernes du M 
crâne, recouvertes par la peau, sont remplies d'une 
matière graisseuse ; elles sont chacune limitées par 
des crêtes élevées sur les différents os de la voûte 
supérieure du crâne. Les deux frontaux principaux 
sont courts, et leur suture avec linterpariétal n’est 
guère au delà du cercle de l'orbite. Une crête moyenne 
s'étend depuis cette suture jusqu'à la crête de l’eth- 
moide. Le frontal antérieur me paraît petit et situé 
un peu vers le bas, entre l’ethmoïde et le frontal 
principal, à peu près comme dans les Carpes. Le 
frontal postérieur est plus grand, et 1l porte sur les 
côtés une crête assez élevée, qui s'étend en arrière 
jusqu'à la suture du mastoïdien, près de larticula- 
tion du préopercule. Les pariétaux sont étroits et 
relevés en une crête qui se porte un peu sur les 
côtés et recouvre les grands trous latéraux du crâne, 
en s’unissant aux crêtes des occipitaux latéraux. Ils 
se réunissent sur le devant derrière le frontal prin- 
cipal, et une crête transversale basse, mais très- 
sensible, hmite en avant la fosse pariétale, qui est 
la plus profonde de toutes. Entre les deux parié- 
taux On distingue très-nettement l’interpariétal, dont 
la crête triangulaire est très-haute et se porte en 
arrière jusqu'au-dessus du trou occipital. Celui-ci 
est formé comme à l'ordinaire par deux occipitaux 
supérieurs, assez pelits et un peu creux. Au-dessous 
d'eux existent les occipitaux latéraux, dont la sur- 
face est très-caverneuse. Au-devant de ces denx os 
et sous les pariétaux nous trouvons les mastoïdiens 
qui portent une pete crête, dont on vont la suture 


CHAP. XVI, NOTOPTÈRES. 443 


avec le pariétal sous la crête de celui-ci. Ces mas- 
toidiens ont en avant une très-profonde échancrure, 
qui cerne près des deux tiers du grand trou pariéto- 
mastoïdien, dont les côtés du crane sont percés. 
Une échancrure du frontal postérieur contribue 
aussi à former le cercle de ce trou. Ce grand trou, 
analogue à celui que nous avons observé dans 
VAlose ei dans plusieurs autres Clupées, mais beau- 
coup plus semblable encore à ce qui existe dans le 
Mormyre, est bouché par une couche peu épaisse 
de cette mucosité graisseuse, qui remplit les cavernes 
du crâne et sur laquelle passe la peau mince, nue 
et sans écailles de la tête. Par ce trou on pénètre 
largement dans l’intérieur de la cavité du crâne, et 
Von voit presque sans dissection, après avoir toute- 
fois enlevé toutes ses parties externes, les canaux 
semi-circulaires supérieurs, leur ampoule commune 
et une portion du sac qui content lotolithe. On 
peut aussi arriver au second iubercule du cerveau. 
Enfin, c’est sur le bord inférieur et interne de ce trou 
que rentre l'extrémité de la corne de la vessie aérienne. 

Je viens d'indiquer les occipitaux supérieurs et 
latéraux du crâne. Le basilaire vient compléter le 
plancher de cette partie de la tête. Cet os est creusé 
d’une gouttière assez profonde. A partir du condyle 
les deux bords s’écartent et viennent se perdre sur 
la portion moyenne de cet os; elle est lisse, mais 
très-renflée sur les côtés. Sa suture avec l’occipital 
latéral et avec le mastoïdien se fait au fond d’un 
creux ou d’une denu-ampoule osseuse, au-devant 
de laquelle est un large trou qui communique avec 


444 LIVRE XXI CLUPÉOÏDES. 


l'intérieur du crâne. C’est dans ce canal que se trouve 
logée la corne de la vessie qui pénètre dans le crâne. 
La grande aile sphénoïdale s'articule par-une suture 
droite avec le basilaire, et complète à ce point de 
joncuon l'ouverture inférieure du crâne dont je viens 
de parler. On retrouve, d’ailleurs, à leur place or- 
dinaire, soit dans les mastoïdiens, soit dans la grande 
aile, les trous pour la sortie des nerfs. Le sphénoïde, 
armé de ses fortes dents, donne au delà de la petite 
palette, sur laquelle elles sont implantées, une lame 
triangulaire, qui s’aruicule avec le basilaire par une 
espèce de suture écailleuse. La pointe de cet os 
s'arrête dans le chevron de la goutuère du basilaire. 
La lame par laquelle le sphénoïde vient se joindre 
au vomer est assez large. Le jugal, le tympanal et 
les autres pièces de larcade ptérygo-palatine ne m'ont 
offert aucune particularité notable. 

Je ne trouve que douze côtes abdominales. Les 
apophyses horizontales de ces os sont assez longues. 
Je compte quatorze vertèbres abdominales : les deux 
premières ne me paraissent pas porter de côtes, et 
le nombre total de la colonne épinière est de soixante- 
dix-vertèbres. Les apophyses épineuses supérieures 
sont longues et gréles; les inférieures sont un peu 
plus courtes, et elles donnent toutes en avant une 
lame osseuse et un peu caverneuse, qui semble réunir, 
en dessous, presque toutes les vertèbres entre elles. 
Les interépineux de l’anale sont d'autant plus courts 
qu'ils apparuüennent aux derniers rayons de la na- 
geoire, et comme les premiers font plus des deux 
uers de la hauteur du corps, on conçoit aisément 


CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 4145 


comment ils donnent à la portion postérieure du 
tronc cette forme de lame de sabre. La ceinture hu- 
mérale est fortement unie sous la gorge; d’alleurs, 
les os qui la composent ressemblent à ceux des autres 
poissons. Les douze premières pièces épineuses de 
la double carène du ventre embrassent dans leurs 
chevrons les deux os de l’avant-bras. Les premières 
vertèbres n’ont pas d’osselets de Weber. 


Nous avons reçu un assez grand nombre 
d'individus de ce curieux poisson par les dif- 
férents naturalistes qui ont fait des collections 
dans la presqu'ile de l'Inde pour le Muséum. 
MM. Leschenault et Belanger l'ont envoyé de 
Pondichéry ; M. Dussumier la rapporté des 
étangs salés des environs de Calcutta; MM. Du- 
vaucel et Victor Jacquemont des différentes 
parties du Bengale. 

Le premier de tous ces voyageurs nous a 
dit que son nom malabare est Æri-vale. Sui- 
vant lui le poisson parvient à trois pieds de 
long, et M. Dussumier ajoute que les Indiens 
seuls mangent de ce poisson. Il me paraît 
probable que c'est l'espèce décrite et figurée 
par Pallas' sous le nom de Gymnotus notop- 
terus, qui a été accepté, sans aucune modi- 


1. Pallas, Spec. zool., 1, p. 40, t. VI, fig. 2, copice dans 
VEncycl. , fig. 83. 


21. 10 


446 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


fication, par Gmelin, mais dont M. de Lacé- 
pède a fait son Notoptére Kapirat”. Bloch, 
dans l'édition de Schneider®, a mieux Lis 
connaître notre poisson, quoiquil l'ait placé 
dans le genre des Clupées, sous le nom de 
Clupea synura. 

Jai fait une description de ce Motoptére 


kapirat dans l'Ichthyologie du Voyage aux. 


Indes orientales de M. Belanger *, et j'y ai joint 
une figure; mais, à cette époque, je n'avais pas 
encore acquis sur ces poissons tout ce que lé- 
tude que je viens de faire m'a appris; je voulais 
surtout distinguer l'ancienne. espèce de Pallas 
d’une autre, que M. Belanger avait rapportée, 
et que je croyais alors nouvelle. Enfin, on 
tronve encore une assez bonne figure de ce 
poisson dans lIchthyologie de la Zoologie in- 
dienne du major-général Hardwicke par M. 


Grav{:; mais il a conservé les noms donnés par 
; P 


Buchanan, de sorte que les espèces y paraissent 


sous la dénomination générique fort impropre. 


de Mystus kapirat. 


4. Lac., t. IL, p. 190. 

2. Bloch-Schn., p. 426. 

3. Valenc. apud Belanger, Zool., voy. ind., p. 891, pl. 5, 
fig. 1. 

4. Gray, [ust. of Ind. zool., by maj. gen. Hardwicke, vol. 1, 
pl. 94. 


ee 


CHAP, XVI. NOTOPTÈRES. 147 


Cest, en effet, sous ce nom qu'elle a été dé- 
crite par Buchanan, dans l'Histoire des pois- 
sons du Gange : son nom bengalais est Phole. 
Ii ne donne d’ailleurs aucun détail sur les 
mœurs de ces poissons qui habitent les étangs 
et les rivières de tout le Bengale, et dont la 
chair est si remplie d’arêtes qu'on ne peut pas 
la considérer comme une agréable nourriture. 


Le NoTorrèÈRE DE BonTIus. 


(Notopterus Bontianus , nob.) 


Je crois devoir répéter ici, qu'en dédiant 
cette espèce à la mémoire de Bontius, je ne 
veux pas aflirmer que ce soit précisément ce 
poisson qui ait été mentionné par ce voya- 
geur-naturaliste; mais comme, parmi les exem- 
plaires que nous possédons, l’un est originaire 
de Java, jai tout lieu de penser quil est 
très-possible que le naturaliste hollandais ait 
vu cette espèce. 


Elle se disuingue de la précédente, par ce que le 
museau sallonge un peu et devient concave. La 
tête est un peu plus longue; l'œil est plus grand; 
le museau est un peu plus long. Les écailles du 
préopercule sont sensiblement plus larges, et elles 
le sont beaucouup plus que celles du corps. Les 
fosses muqueuses temporales sont plus allongées. Les 
dentelures de la mâchoire inférieure sont presque 


4148 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES, 


nulles; celles du préopercule sont beaucoup plus 
fines. La pectorale est sensiblement plus allongée. 
Je ne vois pas de différence notable dans la denui- 
uon, si ce n’est que le peut groupe de dents placé 
sur le chevron du voiner est assez distinct. 

B. 8; D. 8; A. 110; C. 11; P. 14; V. 5. 


Les épines de la carène du ventre sont beaucoup 
plus petites. Les écailles le sont aussi davantage, 
car nous en comptons deux cent quatre-vingts 
entre l’ouie et la queue. La ligne latérale est bien 
marquée. La couleur me paraît avoir été uniforme 
et sans taches, verdâtre sur le dos, argentée sur le 
reste du corps. L’anale était jaunâtre. 

Tels sont les caractères de ce poisson, long 
d'un pied au moins, qui est originaire de FPIr- 
rawaddi. Il en a été rapporté par M. Reynaud 
en 1929. 

Parmi les collections faites à Java par MM. 
Kubhl et Van Hasselt il y avait plusieurs exem-. 
plaires de cette espèce, et M. Temminck, di- 
recteur du Musée royal de Leyde, a bien, 
voulu en céder un exemplaire pour les col-: 
lections du Cabinet du Roi. Je ne trouve pas! 
cette espèce mentionnée dans les auteurs. 


Le NoTOPTÈRE DE BUCHANAN. 


RS CE D Re ss ur 


(Notopterus Buchanani, nob.) 


La troisième et grande espèce de Notoptères 


K 


À 
\ 


) 


CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 149 


a déjà été décrite par Buchanan sous le nom 
très-impropre de Mystus chitala. Cet auteur 
a exagéré, dans sa diagnose, la petitesse des 
dentelures de la mâchoire inférieure. Ces ca- 
rènes dentelées existent; on ne peut donc pas 
dire, pour la séparer du Notopterus Pallasi, 
que ses màächoires ne sont pas armées. Nous 
avons d'ailleurs pour garant de la synonymie 
présentée dans cet article, l'opinion de M. 
Gray; car ce zoologiste a publié, dans la Zoo- 
logie indienne, sous le nom de Mystus chi- 
talà Buchananr, le Notoptère que nous allons 
décrire avec détail. 

Ce Notoptère est remarquable par la saillie de 
son museau et par la convexité de son dos; cepen- 
dant la hauteur du tronc n’est que le quart de la 
longueur totale, ce qui dépend de ce que l’allonge- 
ment du corps enter est dû à celui de la tête, qui 
n’est comprise que quatre fois et un tiers dans la 
longueur totale. Les fosses muqueuses surtemporales, 
mastoidiennes et préoperculaires sont oblongues et 
plus larges. L’angle du préopercule est beaucoup 
plus arrondi. Deux bords de la fosse muqueuse et 
celles de la mâchoire inférieure sont très-fins, à 
peu peu près comme dans l'espèce précédente. Il 
en est de même de la dentition. La pectorale est 
arrondie et un peu plus courte que celle du Vo. 


1. Buch., Gang. fish., p. 236 et 382. 


4150 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


microlepis; elle ressemble davantage à la nageoire 
de notre première espèce. 


BESND: 9: A M0:C ASP MN A6: 


Les écailles sont proportionnellement plus gran- 
des : nous en comptons deux cent quarante le long 


TS 


des flancs. Le vert du dos descend par larges bandes 


sur les flancs. Le reste du corps est argenté. Il ya 
cinq taches noires rondes de chaque côté de la 
queue, quelquefois un nombre plus considérable. 


L'individu a près de quinze pouces. 

J'ai trouvé un autre exemplaire de cette 
espèce dans les collections du British Mu- 
séum. Il a deux pieds et demi de longueur : 
il a été rapporté de Calcutta par le major-gé- 
néral Hardwicke, qui le tenait du docteur 
George Finlayson, médecin de l'armée an- 
glaise et naturaliste de l'expédition en Cochin- 
chine et à Siam. Sur le dessin que j'ai examiné 


à la compagnie des Indes, il y a de chaque” 
côté de la queue neuf ocelles jaunes à centre 


noir. 


Nous en possédons un autre grand exem- 
plaire qui a été envoyé du Bengale par M. 
Belanger, et j'en ai un individu parfaitement 


bien conservé, long de quatorze pouces, qui 
faisait partie des collections de M. Alfr. Duvau- 


cel. Ceux-ci ont, comme le poisson de M.: 


41 


Finlayson, huit ou neuf ocelles de chaque, 


. 


RS PET se 


ARS D «2 2 D DE 


SOS SS: 


CHAP. XVI. NOTOPTÈRES. 151 


côté de la queue ; mais, de plus, les flancs sont 
couverts de gros points noirs épars et irrégu- 
liers. Comme je n'ai pas vu sur ces exemplaires 
des traces de bandes noires que M. Gray à 
représentées sur son poisson, javals pensé 
quil fallait distinguer spécifiquement cette 
variété. Les études nouvelles que je viens de 
faire me font changer d'opinion à cet égard. 

La figure, publiée dans la Zoologie de M. 
Belanger donne la forme exacte du corps; 
mais on a eu tort de laisser indiquer des 
écailles sur le bord membraneux de l'oper- 
cule. J'avais nommé cette variété /Votopterus 
maculatus.” 

La figure du Mystus chitala, donnée par 
M. Gray”, est excellente; elle n'a pas le corps 
couvert de gros points, mais des bandes in- 
terrompues descendent le long du dos pour 
sévanouir au-dessus de la ligne latérale, et 
d'autres, plus longues et plus étroites, pren- 
nent naissance à cette ligne et s'évanouissent 
au bas des flancs. 

Buchanan a observé dans cette espèce quatre 
rayons aux ventrales. Le nom indien sous le- 


1. Valenciennes, apud Belanger, Voyage aux Indes : Poissons, 
pl. 5, fig. 2. 

2. Gray, [ust. of Ind. zool. by maj. gen. Hardwicke, vol. 1, 
pl. 91; fig. 1. 


152 LIVRE XXI. CLUPÉOÏDES. 


quel on lui a donné ce poisson est Chitol. Il 
dit qu'on le trouve dans tous les grands fleuves 
du Bengale et du Behar; que sa taille est 
d'environ deux pieds, mais que souvent il en 
a vu des individus plus longs. Le ventre de 
ces gros notoptières est très-savoureux, mais 
leur dos contient trop d’arêtes. D'ailleurs, un 
fort préjugé existe contre son usage comme 
aliment, parce que les Indiens supposent que « 
ce poisson recherche avec avidité les débris « 
de corps humains. 


RER Ge nn LPS 


RS SP SR ET PS MP ES 


PR re ere 
CRT PS ue 


LIVRE VINGT-DEUXIÈME. 


DE LA FAMILLE DES SALMONOIDES. 


La famille dont je vais écrire l'histoire se 
compose d’un nombre assez considérable d’es- 
pèces de poissons aussi utiles que recherchés, 
célèbres par la qualité de leur chair, par la 
richesse des produits économiques que l'abon- 
dance de ces espèces sur certaines côtes peut 
procurer à lhomme. Elle est pour le natura- 
liste un sujet d'étude non moins varié et non 
moins attrayant que celui de toutes les autres 
familles dont nous nous sommes déjà occupés. 
Ces différentes raisons ont appelé l'attention 
sur ses nombreuses espèces qui nous entou- 
rent; car les poissons de ce genre habitent 
la mer, nos gsands fleuves, nos grands lacs, 
nos rivières et jusqu à nos plus petits ruisseaux. 
Nous les voyons s'élever dans nos montagnes 
jusqu'à la région des neiges perpétuelles. Il 
faut signaler l'abondance de ces espèces dans 
tous les pays de l'Europe. Elle me paraît aussi 
grande dans les régions froides et tempérées 
de l'Amérique septentrionale, et dans toutes 


454 LIVRE XXII. 


les eaux douces de l'Asie boréale. Mais dans 
les vastes régions de l'Amérique méridionale 
la nature y a un peu modifié les formes de nos 
Salmonoïdes d'Europe. Leur absence presque 
complète, dans Les eaux de l'Inde et de l'Afri- 
que, doit être remarquée par le physicien qui 
soccupe de la distribution des espèces sur la 
surface de notre globe. C'est à peine si nous 
trouvons cette famille représentée dans le 
Nil, dans l'Inde; on n'y trouve que ces espèces 
de Saurus, associés aux Saumons, à cause de 
leur nageoire adipeuse, mais qui me parais- 
sent s'en distinguer complètement par la struc- 
ture de leur mâchoire. 

Nos Truites européennes ont été décrites 
par la plupart des naturalistes qui ont traité 
avant nous de l'ichthyologie; mais ils se pla- 
aient à un point de vue si élevé, ou plutôt 
les caractères assignés par ces savants étaient 
si peu précis, que la plus grande difficulté 
existait pour classer des poissuns qui se res- 
semblent entre eux presque autant que le font 
nos Cyprins ou nos Clupées. Il faut toujours 
recourir aux premiers travaux d'Artedi pour 
connaître de la classification des poissons. 
Nous trouvons dans ce célèbre ichthyologiste 
les trois genres des Corrégones, des Osmères 
et des Szlmo, qui auraient composé une fa- 


à DR 
RL, 


SALMONOÏDES. 455 


mille naturelle au moment de leur création, 
si les études de ce temps avaient dirigé lat- 
tention des esprits vers l'établissement de ces 
groupes, les seuls qui conduisent à une dis- 
tribution philosophique des êtres. Ce qui 
me paraît remarquable, c'est que cet auteur 
ne fait aucune mention de la nageoire adi- 
peuse de ces trois genres. Il caractérise les 
Corrégones par le nombre des rayons de la 
membrane branchiostège, quil fait varier de 
sept à dix, par l'extrême petitesse des dents 
et par la position de la dorsale, un peu plus 
avancée que les ventrales. Ce genre comprend 
des espèces voisines les unes des autres; car 
les Ombres et les Lavarets de M. Cuvier dif- 
fèrent très-peu. Le genre des Osmères n'aurait 
que sept ou huit rayons branchiostèges, de 
fortes dents aux mächoires, à la langue et au 
palais ; la dorsale et la ventrale insérées au- 
dessus l'une de l’autre à une même distance 
de l'extrémité du museau. Son genre est mal 
composé, car il y réunit l'Éperlan et le Sau- 
rus. Je viens de dire tout à l'heure que cette 
espèce est tellement différente des Éperlans, 
qu'elle me paraît devoir sortir de la famille 
des Salmonoïdes. 

Enfin, les Saumons sont caractérisés par 
une membrane branchiostège soutenue par 


156 LIVRE XXII. 


douze ou dix-neuf rayons, par des dents 
semblables à celles des Osmères, par une dor- 
sale insérée comme celle des Corrégones. Les 
deux premières espèces qu'il ait réunies n’ont 
que dix rayons branchiostèges. Outre ce dé- 
faut dans la constitution du genre, toutes nos 
Truites y sont associées. Il y avait toutefois 
dans ce travail d’Artedi les éléments d'une 
classification que Linné a un peu altérée, en 
n'établissant qu'un seul genre Salmo, divisé 
1. en Truites tachetées (TruTrÆ corpore 
variegato); 2; en Osmères qui auraient la 
dorsale opposée à l’anale; mais il est évident 
qu'il y a ici une faute de copiste, que Linné 
voulait, comme Artedi, parler des ventrales; 
cela n'empêche pas que cette faute ait été 
copiée et recopiée jusque dans la treizième 
édition du Systema naturæ; 3° en Corré- 
gones, troisième division, qui a les dents à 
peine visibles; et 4.” enfin, en Characins, que 
lon doit en partie à Gronovius, qui n'aurait 
eu que quatre rayons à la membrane bran- 
chiostège. M. de Lacépède n’a rien changé 
à ces divisions, seulement il a repris Les noms 
de genre d'Artedi, en constituant la division 
des Characins comme un genre distinct, et 
en établissant un cinquième genre, celui des 
Serrasalmes, parce qu'il a tenu compte de la 


RE DEN piiee 


PU er + 


SALMONOÏDES. 457 


dentelure de la carène de leur ventre, ana- 
logue à celle que l'on voit sur la partie infé- 
rieure des Clupées. En empruntant cette es- 
pèce à Pallas, M. de Lacépède n’a pas senti 
les affinités plus grandes qui réunissent ce 
genre aux espèces inscrites parmi ses Characins. 
Ceux-ci forment une réunion générique tout 
à fait artificielle que M. Cuvier a heureuse- 
ment subdivisée dans un de ses plus beaux 
mémoires sur lichthyologie. Il la inséré dans 
le tome IV des publications du Muséum. Ce 
mémoire, celui qu'il avait fait quelque temps 
auparavant sur l'Argentine, ont préludé à la 
distribution des nombreuses espèces déjà indi- 
quées dans Linné ou dans Lacépède, et dont 
il a formé la famille des Salmonoïdes. Cet illus- 
tre savant l’a composée d’abord des premiers 
genres d'Artedi en acceptant ses Salmo, ses 
Corrégones, et en corrigeant le genre des Os- 
mères, puisqu'il en retirait les Saurus; mais de 
plus, il y replace les Argentines, dont Brunnich 
avait très-bien vu l’adipeuse, quoique Linné 
ne l'ait pas rangée parmi les Salmo. Puis vien- 
nent dans cette première édition les Chara- 
cins, qui auraient dü peut-être faire une 
seconde famille distincte, facile à caractériser 
par l'absence des dents linguales. Ces Chara- 
cins comprennent les genres des Curimates et 


458 LIVRE XXII. 


des Anostomes, créés par M. Cuvier; des … 


Serrasalmes, mieux caractérisés par leurs dents 
tranchantes que ne le faisait M. de Lacépède, 
et dont il a eu soin de retirer des espèces qui 
y avaient été mal à propos associées; des 
Piabuques, des Tétragonoptères, des Mylètes, 
des Hydrocyns, des Citharines. Enfin vien- 


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nent les Saurus, les Scopèles, les Aulopes, les | 


Serpes et les Sternoptyx. 

Cette classification n’a subi que très-peu 
de modifications dans la seconde édition du 
Règne animal. Toutefois on peut voir que 
mon illusire maître distingue un peu plus 
nettement la famille des Characins, de ce 
qu'il appelle le genre Salmo de Linné. 

L'étude que j'ai faite de ces nombreuses 
espèces me fait croire que les divisions de- 
viendront plus nettes et plus claires, si lon 
subdivise la famille des Salmonoïdes en plu- 
sieurs autres. Je n'établirai pas leur caractère 
essentiel sur la présence seule de l’adipeuse, 
méthode qui nous conduirait à une classifi- 
cation artificielle; mais en tenant compte des 
différents caractères qu'Artedi ou M. Cuvier 
avaient déjà indiqués, j'y ajouterai ceux qu'il 
faut tirer de la forme et de la constitution 
des mâchoires. Je vois, en effet, une famille 
naturelle dans tous les poissons qui ont lar- 


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SALMONOÏDES. 159 
cade de la mâchoire supérieure formée par les 
maxillaires et les intermaxillaires, de nom- 
breux rayons à la membrane branchiostège, 
quelle que soit d’ailleurs la variation des 
dents. Tous ces poissons ont une grande vessie 
natatoire simple, sans étranglement. Ils réu- 
nissent donc la plupart des caractères de nos 
Clupées sans aucune dentelure à leur ventre 
épais et arrondi. Les dents sont souvent nulles 
ou très- petites; leur gueule en est souvent 
hérissée sur tous les os; elles sont coniques 
et sur un seul rang, et quand ils en ont aux 
mâchoires et aux palatins, il y en a aussi sur 
la langue. Les Characins feront une seconde 
famille caractérisée par un petit nombre de 
rayons à la membrane branchiostège; par une 
bouche très-petite, garnie de dents très-va- 
riées, presque toujours sur plusieurs rangs et 
cependant nulles sur la langue. Leur vessie 
natatoire est divisée comme celle des Cy- 
prins, en deux lobes; leur arcade dentaire est 
formée par les mêmes os que les Salmones. 
Enfin, je ferai une troisième famille des genres 
Saurus et de ceux que M. Cuvier y a associés 
et qui ont la bouche bordée par lintermaxil- 
laire, mais chez lesquels le maxillaire ne con- 
court pas à la formation de l'arcade supé- 
rieure de la bouche. Ces familles ne corres- 


160 LIVRE XXII. 


pondent pas, comme on le voit, à celles que 
le prince Charles Bonaparte a indiquées dans 
son Prodrome d'ichthyologie. La seconde 
correspond davantage à celle que MM. Müller 
et Troschel ont présentée dans leur tableau 
des genres des Characins, en en retirant les 
Érythrins et les Macrodons, ainsi que je l'ai 
déjà fait dans un de mes précédents volumes. 

Occupons-nous maintenant du premier de 
ces groupes. J'ai dit tout à l'heure comment 
M. Cuvier a composé son grand genre des 
Saumons. Aux Argentines, aux Corrégones, 
il a ajouté les Loddes, ce poisson si célèbre 
pour la pêche de la morue, sous le nom de 
Capelan. J'ai démontré qu'il faut y joindre 
les Salanx, qui, dans le Règne animal, avaient 
été placés dans la famille des Lucioïdes. Après 
avoir retiré les espèces qui composent ces 
différents genres, il restait les espèces les plus 


communes, les plus grandes, désignées dans « 
le monde sous le nom de Saumons et de 
Truites. La distinction entre toutes ces es-" 


pèces était extrêmement diflicile. En nrap- 
pliquant à l'étude de leurs caractères pour 
rechercher ceux qui doivent les as 
je crois avoir été aussi heureux dans la re- 
cherche des caractères de ces espèces quew 
je l'ai été pour les Clupées. En effet, Wil-4 


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F 


SALMONOÏDES. 161 


lughby et Artedi avaient bien déjà observé 
que le Saumon ou le Huch ont le milieu du 
palais lisse, mais cette «observation avait aussi 
peu frappé les naturalistes, et était restée tout 
aussi inaperçcue que celle d'Artedi l'avait été 
pour la langue et le palais dentelé des harengs. 
Mon savant ami, le docteur J. Richardson, a 
publié, en 1836, son bel ouvrage de la Faune 
de l'Amérique septentrionale. L’ichthyologie 
y a été traitée avec le plus grand soin, et 
ce savant zoologiste a rendu à cette branche 
de la zoologie un très-grand service par les 
descriptions pleines d'exactitude qui nous 
font connaître un grand nombre d'espèces 
nouvelles. Dans son travail sur la famille des 
Saumons, il a parfaitement saisi l'importance 
des caractères que l'on doit tirer de la den- 
ütion du vomer. Il à nettement distingué les 
Truites, qui ont deux rangées de dents, de 
celles qui n'en ont qu'une seule au vomer, et 
il a également remarqué avec beaucoup de 
sagacité que le Saumon a le milieu du palais 
lisse. Mais il a suivi trop fidèlement la classi- 
fication du Règne animal qui lui servait de 
guide. N'ayant pas osé donner à ces caractères 
de dentition une valeur générique, il a décrit 
dans ce genre $Sa/mo les espèces à palais lisse, 
mélées avec celles qui ont une ou deux ran- 
DU 1 


162 LIVRE XXII. 


gées de dents; en un mot, il na donné au 
caractère de la dentition qu'une valeur spé- 
cifique. Je suis cependant heureux d’avoir 
trouvé dans son ouvrage l'indication de tous 
ces caractères, car elle vient confirmer com- 
plétement les observations que je faisais de 
mon côté, en mefforcant d'exposer avec quel- 
que clarté une distribution de ces nombreux 
Salmonoïdes. J'avais déjà acquis la certitude 
de la netteté de ces divisions, lorsqu'en vou- 
lant compléter la synonymie de ces espèces, 
jai consulté l'ouvrage que je cite, et j'ai eu le 
plaisir d'y trouver l'exposition de la dentition 
vomérienne de nos différentes espèces. 

La variation des dents sur le vomer avait 
aussi frappé M. Nilsson, car il dit que cet os 
porte des dents, tantôt dans toute sa lon- 
gueur, tantôt sur sa partie antérieure seule- 
ment, ce qui le conduit à faire deux divi- 
sions du genre. L'une, sous le nom de 7ruttæ, 
a des dents en série flexueuse sur toute la 
longueur du vomer; et la seconde, ses Sa/- 
velint, a la partie antérieure du vomer seu- 
lement dentée, mais je ne crois pas qu'il ait 
appliqué ces principes justes avec une sévère 
exactitude, car il commence la liste de la pre- 
mière division par le $. salar, qui a certaine- 
ment le corps du vomer tout à fait lisse. 


e 


SALMONOÏDES. 163 


En faisant attention à ce caractère, on peut 
en déduire celui de deux autres groupes dont 
l'un aura pour chef de file la petite Truite de 
nos rivières, l'autre celle des grands lacs ou 
la Truite argentée, et ces deux groupes qui 
pourront constituer de véritables genres sont 
eux-mêmes distincts d’un troisième qui aura 
pour type le Saumon. Je ferai donc les trois 
genres suivants : 1.” celui des Saumons (Sa/- 
mo), dont le corps du vomer n’est hérissé 
d'aucune dent, cet os n’en porte que sur son 
chevron; de sorte que l'intervalle entre les 
deux palatins est lisse et recouvert par une 
muqueuse épaisse. 2. Je distingue un second 
genre sous le nom de Forelles (Fario), carac- 
térisé par une simple rangée de dents sur le 
corps du vomer et au-delà de celles du che- 
vron. 3. Le genre des Truites (Salar), armé 
sur le vomer d'une double rangée de dents. 
J'emploie ces dénominations dans le sens où 
je les trouve dans Ausone, quoique Linné 
les ait appliquées, comme il ne lui est arrivé 
que trop souvent, d'une facon tout arbitraire 
à des espèces différentes. 

Ces trois divisions vont rendre facile la 
distinction d'espèces qui avaient été jusqu'à 
présent difficiles à caractériser, parce qu'elles 
avaient été placées dans un genre beaucoup 


. 


464 LIVRE XXII. 


trop grand et par conséquent mal limité. 

Je ferai observer que je ne parle ici que 
des poissons adultes, car des expériences in- 
téressantes de M. M. John Shaw tendraient 
à démontrer que le très-jeune Saumon a deux 
rangs de dents vomériennes. Je ne suis pas 
certain cependant quil ait bien déterminé 
l'espèce qui a servi à ses curieuses expériences. 
Mais ces variations de dentition n’étonneraient 
pas les zoologistes. Les caractères des genres 
et des familles ne doivent être assis que sur 
des observations faites d'après des individus 
adultes. 

Il y a peu de recherches à faire pour éta- 
blir la synonymie ancienne du Saumon, car 
les Grecs ne nous ont laissé, dans leurs écrits, 
aucun passage qui se rapporte aux espèces 
de ce genre. Quant aux auteurs latins, Pline 
emploie une seule fois la dénomination de 
 Salmo. Dans ce passage où il parle de la pré- 
férence que l'on donne à certains poissons, 
il dit que dans l'Aquitaine le SaZmo fluviatilis 
est préféré à tous les poissons de mer. Mais 
Ausone, dans son poëme sur la Moselle, de- 
vient plus précis, car il désigne trois espèces 


1. Plin., Hist. nat., liv. IX, ch. 18, p. 512, éd. d'Hardouin 
ad us. Delphini. Paris, 1723. 


SALMONOÏDES. 165 


de Salmones par des épithètes qui en rendent 
l'application assez facile. Comment douter du 
poisson dont il parle sous le nom de Salar, 
lorsqu'il dit’: 

Purpureisque Salar stellatus tergora guttis. 


Il est impossible de désigner plus claire- 
ment les petites Truites tachetées de rouge 
de nos rivières. Il entend certainement nom- 
mer le Saumon dans ce vers”: 


Nec te puniceo rutilantem viscere Salmo 
Transierim. 


Et plus loin il appelle du nom de Fario 
ce que nous appelons, encore de nos jours, 
la Truite saumonée, puisqu'il lui applique les 
épithètes suivantes * : 


T eque inter species gemunas , neutrumque ; et uirumque, 
Qui necdum salmo, nec jam salar, ambiguusque 
Amborum medio Fario intercepte sub ævo ? 


Le mot de Trutta, qui a été employé aussi 
par Linné, est de la basse latinité, et il me 
parait inutile d'en chercher ici l’origine. 


1. Aus., Mos., v. 88. 
2. Ibid,, v. 91. 
8. Ibid. , v. 128. 


166 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


CHAPITRE PREMIER. 
Du genre Saumon (Salmo, nob.) 


Les observations que je viens de présenter 
sur la dentition des différentes espèces de 
salmonoïdes, nous ont donc conduit à diviser 
en plusieurs groupes le genre des Saumons 
que les observations de M. Cuvier avaient 
déjà considérablement réduit. Je réserve donc 
comme genre des Saumons proprement dits 
les espèces qui ont quelques dents à l'extré- 
mité du vomer, mais dont le corps de l'os est 
lisse. Ce sont d’ailleurs des poissons qui ont 
le corps en fuseau, une tête assez grosse, une 
gueule bien armée, souvent assez fendue ; 
armés de fortes dents sur la plupart des os 
qui concourent à la constitution de la gueule. 
Les deux intermaxillaires sont courts et plutôt 
couchés sur les côtés du museau qu'à son 
extrémité transversale. Les maxillaires sont 
articulés à leur suite; ils ne sont composés 
que d’un seul os. La mâchoire inférieure est 
forte et terminée le plus souvent par un petit 
tubercule prenant dans certaines espèces un 
développement considérable. De fortes dents 
coniques et sur un seul rang sont implantées 
sur ces os. Outre le petit groupe de dents sur 


CHAP. I. SAUMONS. 167 


le chevron du vomer, il y en a aussi une seule 
rangée sur les palatins, sur les ptérygoïdiens 
et sur Ja langue : il y en a deux rangs. Les 
nageoires, comme dans tous les salmonoïdes, 
se composent d’une première dorsale, suivie à 
une distance assez grande d'une adipeuse plus 
ou moins épaisse. La caudale est large et 
coupée carrément ou très-peu échancrée. Ces 
poissons ont le corps couvert de petites écailles 
minces et comme perdues dans l'épaisseur de 
la peau ou du cuir lardacé de l'animal. Les 
saumons ont un canal intestinal très-court. 
On ne peut distinguer l'œsophage de l'estomac 
proprement dit. A la suite de sa première 
courbure, la branche montante à parois mus- 
culeuses, assez épaisses, est entourée de nom- 
breux et de longs cœcums. Le foie épais, mais 
peu long, occupe la partie antérieure de Thy- 
pocondre droit. La vésicule du fiel, attachée 
aux viscères par un canal hépatocystique très- 
court, repose sur la courbure du duodénum. 
Le canal cholédoque est gros et court. L'in- 
tesüin est étroit et descend à l'anus sans faire 
aucune circonvolution. La rate est très-grande, 
située vers l'arrière de l'abdomen au delà de 
estomac. Les laitances occupent la partie 
antérieure de la cavité; elles communiquent 
avec le canal qui porte au dehors la sécrétion 


% 


168 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


prolifique de ces organes par de très-longs 
canaux déférents; il est facile de suivre leur 
marche par une simple insufflation. Les ovaires 
sont composés de petits feuillets portant les, 
germes ou les granules qui, en se développant, 
deviennent les œufs. Ces feuillets flotient libre- 
ment dans la cavité abdominale, de sorte que 
les œufs détachés de l'ovaire tombent dans 
cette cavité avant d'être pondus. On sait que 
cette singulière disposition existe dans plu- 
sieurs autres familles. Dans toutes les espèces 
que jai disséquées, j'ai constamment trouvé 
une vessie natatoire très-grande, simple, à 
parois minces et comme fibreuses, et ouverte 
à la partie antérieure du pharynx par une 
communication presque directe et sans con- 
duit pneumatique. 

Tels sont les principaux traits de l'organi- 
sation des saumons, et à l'exception de ce qui 
tient à la dentition vomérienne, ils sont aussi 
communs aux différentes espèces des deux 
genres suivants. 

Je vais exposer dans ce chapitre et dans 
une suite de descriptions détaillées les carac- 
tères des diverses espèces qui ont le corps 
du vomer lisse et sans dents. Je tâcherai d'y 
rapporter les synonymes les plus probables 
que chaque espèce devra recevoir. Mais on 


dite 
RAT <a rs 


CGAP. IL. SAUMONS. 169 


concoit que ce travail laissera quelquefois une 
incertitude regrettable. 

Plusieurs de nos espèces d'Europe, confon- 
dues arbitrairement sous le nom de Saumons 
ou de Truites, viennent se placer dans ce 
genre : ce sont le Saumon ordinaire, le Bécard 
ou Salmo hamatus de Cuvier, le Huch ou 
Salmo hucho, YOmbre chevalier ou Sal/mo 
umbla, le Salmo salvelinus et quelques au- 
tres espèces moins connues. Enfin, le Cabinet 
du Roi en possède un autre des eaux douces 
de l'Amérique septentrionale. Ce genre Sau- 
mon est donc tout autrement constitué que 
celui du Règne animal. Je n’ai pas cru cepen- 
dant devoir employer une autre dénomina- 
tion, afin de ne pas délaisser des noms passés 
en quelque sorte dans notre langage ordi- 
naire, quoiqu'il soit bien entendu que je vais 
employer désormais dans une acception 
toute différente de celle que lui a donnée 
M. Cuvier, et par conséquent plus éloignée 
encore de celle de Linné. 


Le SAUMON coMMUN. 
(Salmo-Salmo, nob.) 


Je commence ces descriptions par celle du 
Saumon ordinaire, à cause de la grande im- 


1470 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


portance de ses produits. C'est l'espèce parfai- 

tement caractérisée qui vient en abondance 

pendant toute l'année approvisionner les : 
grands marchés de Paris. Voici la description 

détaillée que j'en ai faite après avoir comparés 

entre eux un grand nombre d'individus qui, 
ne m'ont offert aucune différence notable, 
par conséquent aucune variété zoologique à 

signaler. 

Le Saumon a le corps en fuseau allongé : c’est le 
profil du ventre qui est assez courbe, la ligne du 
profil du dos étant presque droite. Sa plus g grande * 
hauteur, au-dessous de la première dorsale, est un 
peu moins de six fois dans la longueur totale, et 
son épaisseur, au même endroit, est à peu près 


3 


dix fois et demi dans cette même longueur totale.M 
La longueur de la tête est égale à Le hauteur du 
corps, prise au-dessous de la dorsale; elle est en- à 
tièrement nue, recouverte d'une peau lisse, sans“ 
écailles. Le museau est pointu; le dessus du crane 


arrondi, lisse et recouvert par la peau, qui est nue , 


du museau fait les deux cinquièmes de la longueur 
de la tête, et la hauteur verticale du centre de lœ1M 


longueur de la tête. Il est rond, et son diamètre 
égale le neuvième de la el de la tête. Le} 


CHAP. I. SAUMONS. 471 


vont en augmentant. L'intermaxillaire égale en lon- 
gueur la distance du bout du museau au bord an- 
térieur de l'œil. Il se réunit antérieurement un peu 
en avant de la pointe postérieure du maxillaire. Le 
premier quart de son bord supérieur est caché sous 
la peau de la tête. Son second quart se retire quand 
la bouche est fermée sous la première pièce du 
sous-orbitaire; l’autre moiué est libre et se termine 
par une pointe très-mousse. Il porte huit à neuf 
dents, qui diminuent vers la commissure; les pre- 
mières sont aussi grandes que les dernières du 
maxillaire. 

Le sous-orbitaire est composé de quatre pièces : 
les deux premières sont égales entre elles, étroites 
et un peu plus courtes que le maxillaire. La troi- 
sième trapézoïde est située au-dessous et en arrière 
de l'œil; elle est du double plus grande que l’une 
des précédentes; la quatrième, plus large et plus 
longue que la première, mais plus petite que la 
troisième , est située en arrière et au-dessus de l’œil. 
Ces quatre pièces, recouvertes par la peau, sont 
difficiles à observer. Huit à neuf pores suivent la 
courbure des pièces du sous-orbitaire. 

Le préopercule est médiocre, à bord lisse, ayant 
une légère échancrure un peu au-dessus de son 
angle inférieur, qui est très-arrondi. L'opercule, 
linteropercule et le subopercule sont tellement 
réunis entre eux qu’on peut à peine les distinguer. 
Ils forment à eux trois une pièce à bord postérieur, 
lisse et arrondi, dont la plus grande largeur fait 
à peu près le quart de la tête. 


172 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Les branches de la mâchoire inférieure sont plus 
grandes d’un douzième que la moitié de la longueur 
de la tête. A la partie supérieure de leur symphyse 
il y a un tubercule charnu, relevé en forme de petit 
crochet; elles ont chacune quinze à seize dents, qui 
diminuent de grandeur et de force en allant vers 
la commissure. On compte cinq pores sous chacune 
d'elles, et en dessous elles sont écartées l’une de 
l'autre. 

La langue est très-libre, arrondie à son extré- 
mité, charnue, et porte trois à quatre dents de 
chaque côté, aussi fortes que celles de la mâchoire 
supérieure. Il y en a deux ou trois à l’extrémité an- 
térieure du vomer ou sur le chevron de cet os; 
mais il n’y en a aucune sur le corps de los. On 
en compte seize à dix-sept sur chaque palatin; elles . 
sont plus petites que celle que lon voit sur la partie 
antérieure de l’intermaxillaire. L’os mastoïdien est 
long, étroit, recouvert par la peau comme le crâne; w 
il suit, dans sa courbure, le bord de l’opercule. 
L'os de l'épaule, un peu plus haut que lui, est plus 
large. Son bord postérieur donne, le long de la pec- « 
torale, un angle aigu, en forme de pointe mousse, 
qui sert à former le haut de laisselle de cette na- 
geoire. Les deux ouvertures des narines sont l’une W 
auprès de l’autre. L’épaisseur d’une seule membrane ê 
les sépare. La distance du bout du museau, à bord 
postérieur de la seconde, fait le quart de la lon- 
gueur de la tête; celle-ci est du double plus large # 
que lantérieure, qui est linéaire, et qui ne s’'aper- M 
çoit pas au premier coup d'œil. 


CHAP. L SAUMONS. 173 


L'ouverture des ouies est très-grande. Leur mem- 
brane est soutenue par onze rayons plats, imbri- 
qués les uns sur les autres. Ils croissent en longueur 
et en largeur depuis le premier jusqu'au dernier. 

La partie antérieure de la première dorsale est 
aux deux cinquièmes de la longueur totale. Sa lon- 
gueur est égale au neuvième de la longueur totale, 
et sa hauteur en fait à peu près le douzième; elle 
est trapézoïdale. On y compte treize rayons mous, 
dont le troisième atteint seulement l’extrémité de 
sa hauteur. Les trois premiers sont simples ; les dix 
autres sont branchus; ils vont tous en diminuant 
de hauteur, dont le dernier est les deux cinquièmes 
du troisième et quatrième. 

La seconde dorsale ou ladipeuse est placée un 
peu en arrière des quatre cinquièmes du corps ; elle 
est deux fois plus haute que large. L'anus s'ouvre 
aux deux tiers du corps. Tout près de lui com- 
mence l’anale, qui se termine sous le milieu de 
l’'adipeuse. On lui compte onze rayons mous, dont 
les deux premiers sont simples et tous les autres 
branchus. Le troisième est le plus long, et il est 
triple du dernier. La longueur de la queue, depuis 
l’adipeuse en dessus, et depuis l’anale en dessous 
jusqu’à la racine de la caudale, est à peu près le 
sixième de la longueur totale. Elle entame cette 
caudale par trois lignes à peu près égales entre 
elles, dont l’une, à l’extrémité, est perpendiculaire 
à l'axe du corps, et les deux autres font avec celle-ci 
deux angles obius, égaux entre eux. La caudale est 
coupée en croissant; elle compte vingt rayons, 


174 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


dont les deux externes, en dessus et en dessous, 
sont simples. Il y en a, en avant d'eux, six en dessus 
et cinq en dessous. 

La pectorale est petite, étroite, allongée ; sa lon- 
gueur est le dixième de la longueur totale, et sa 
hauteur n’est que le tiers de sa longueur. On y 
compte quatorze rayons, dont le premier est simple, 
et les autres branchus. Son aisselle est lisse, sans 
écailles, excepté au milieu, où il y a une saillante 
ovale et molle; elle prend naissance dans l’échan- 
crure inférieure de l'os de l'épaule, un peu en avant 
du premier sixième de la longueur totale. 

Les ventrales, situées un peu en avant de la pre- 
mière moié de la longueur totale, et sous le milieu 
de la dorsale, sont presque triangulaires; elles ont 
dix rayons mous, dont le premier est simple. Une 
épine molle, égale au üers de leur longueur, se voit 
attachée à leur angle externe et antérieur. 

Leurs écailles sont petites. On en compte plus 
de cent trente dans la longueur, et plus de quarante 
dans la hauteur ; elles sont presque rondes et striées 
par des lignes concentriques. 

La ligne latérale est un peu au-dessus du milieu 
de la hauteur du corps; elle est droite et marquée 
par un petit trait relevé sur chaque écaille. 

La couleur est bleu d’ardoise sur le dos; elle 
s'éteint sur les flancs, qui sont légèrement argentés, 
et en dessous il est d’un blanc argenté tout nacré. 
Le dessus de la tête est plus bleu que le dos; les 
intermaxillaires et les joues sont argentés, et le 
dessous de la gorge est d’un blanc mat. De gros 


Le 


CHAP, I. SAUMONS. 475 


points noirs épars sont sur le dessus de la tête, au- 
tour du bord supérieur de l’œil et sur l’opercule; 
mais il n’y a pas sur le préopercule. Tout le dos 
et les flancs sont marqués par des ocelles, dont les 
bords inégaux en font, en quelque sorte, autant 
d'étoiles noires. Il y en a à peu près cinq rangs 
au- dessus de la ligne latérale, entre la tête et la 
dorsale; près de celle-ci il n’y en a plus que trois 
rangs au-dessus de la ligne latérale, et aucune tache 
au-dessous d'elle, et vers l’adrpeuse jusqu’à la queue, 
seulement deux rangs au-dessus de la ligne latérale. 

La dorsale est grise, un peu teintée de noirâtre 
vers son bord supérieur, et ayant entre la base de 
chaque rayon une série de petites taches noirâtres. 

La pectorale est noirâtre à sa partie supérieure et 
en dessous à sa pointe, Cette teinte s'éteint par 
degrés, de manière qu’elle est blanche sur sa moitié 
antérieure et inférieure. Les ventrales sont noirâtres, 
plus pâles que les pectorales sur leur première moitié 
externe et supérieure; le reste et le dessous est tout 
blanc, avec une teinte couleur de chair à leur base 
inférieure. L’anale est grise à son bord libre. La 
caudale est d’un gris foncé presque noir; elle n’a 
aucunes taches. 


Après cette description des parties exté- 
rieures, nous allons parler de la splanchnologie. 


À l'ouverture de l'abdomen on voit le lobe gauche 
du foie occupant près de la moiué de la longueur 
de la cavité. Il est oblong, sans divisions, et d’une 
couleur rouge très-foncée. Le lobe droit n’est qu’une 


176 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


petite partie transversale de ce viscère, attachée sous 
le diaphragme. La vésicule du fiel est énorme, et 
remplit tout l’espace compris entre cette traverse et 
le premier pli de l'intesuin. Depuis la vésicule jus- 
qu'au quart postérieur de l'abdomen on n’apercçoit 
que les appendices cœcales, adhérant à la première 
partie du duodénum. J'en compte soixante, unies 
parallèlement les unes aux autres et dans une direc- 
üon un peu oblique, par une cellulosité graisseuse 
très-riche en vaisseaux sanguins. Leur grandeur est 
fort inégale; les plus longues sont en général les 
plus voisines du pylore. L’œsophage se prolonge 
sans se dilater, et en ligne droite au-dessus du foie 
jusque vers le tiers postérieur de la cavité abdomi- 
nale. À cet endroit, l’œsophage et l’estomac, car 
on ne peut les distinguer, se recourbent pour se 
diriger en avant et constituer la branche montante; 
celle-ci, arrivée à peu près au üers de la longueur 
mesurée plus haut, éprouve un étranglement qui 
marque le pylore, et aussitôt commencent les ap- 
pendices. Le rang le plus voisin du pylore Satiache 
en cercle autour de lintesun; mais les rangs sui- 
vanis n’adhèrent qu'a la face inférieure du canal. 
L'autre face est nue et a des parois aussi épaisses 
que celles de l’estomac. Au delà des cœcums l'in- 
testin se recourbe et se rend directement à l'anus. 
Dans ce trajet, ses parois s’'amincissent; son diamètre 
se rétrécit pendant un certain espace ; puis 1l augmente 
un peu au dela de la peute valvule, analogue à celle 
de Bauhin, pour former le rectum et pour marquer 
ainsi les gros intesüns. 


CHAP. I. SAUMONS. 477 


La rate est de grandeur médiocre, suspendue der- 
rière la courbure de l'estomac. La vessie aérienne 
est longue, simple; elle occupe toute la longueur 
de la cavité abdomunale. Les ovaires, situés en 
avant, sont dans la moitié antérieure de l’abdomen. 
Leur couleur est d’un bel orangé. Les reins occu- 
pent toute la longueur de la cavité abdominale. 


La longueur la plus ordinaire des saumons, 
qui viennent sur nos marchés, est de deux 
pieds et demi à trois pieds. Il nous arrive 
cependant d'en voir de plus grands. Ceux de 
cinq pieds sont très-rares. 

Le mâle de cette espèce se reconnaît exté- 
rieurement par le tubercule de la symphyse 
de la mâchoire inférieure. Mais je n'ai jamais 
vu ce tubercule se relever et devenir cette 
espèce de crochet, si saillant, qui caractérise 
l'espèce que nous avons appelée Sa/mo ha- 
matus. J'ai observé plusieurs centaines de 
saumons dans le but de vérifier ce caractère, 
de m'assurer de sa constance, et je n'ai jamais 
vu la plus légère variation dans ces nombreux 
individus qui, je ne crains pas de le répéter, 
abondent sur nos marchés, et nous sont par 
conséquent si connus. Ces saumons nous vien- 
nent de Dieppe, de Fécamp, d'Abbeville, et 
en général des pêcheries établies sur les côtes 
de la Manche et de la mer du Nord. Cest 


5334 12 


178 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


l'espèce que j'ai retrouvée en abondance sur 
les marchés de la Belgique, de la Hollande, 
d'Angleterre et de Berlin. Cest donc là l’es- 
pèce de l'Océan septentrional. 

Je me crois en mesure d'établir que le sau- 
mon prend aussi des taches rouges et qu'il 
change de couleur en même temps que le 
bon goût de sa chair vient à s'altérer lors- 
qu'après être remonté dans les rivières il est 
en état de frayer. J'ai pris dans l'Autie, petite 
rivière de Picardie qui se jette dans la baie 
de la Somme auprès du Crotoi, un individu 
de l'espèce du saumon pendant que j'exami- 
nais avec mon ami, M. Baillon, les espèces de 
ces côtes. Les pêcheurs nous ont donné ce 
poisson sous le nom de Truite guilloise. 
Cette femelle avait le dos et les flancs cou- 
verts de grandes taches rouges irrégulières ; 
on en voyait aussi sur les joues et sur la cau- 
dale. La dorsale, grise, avait quelques taches 
noiratres. L'adipeuse noire navait aucune 
tache rouge. Les autres nageoires étaient blan- 
ches et sans taches. Cette femelle avait le 
ventre gros et saillant, rempli d'œufs prêts à 
être pondus. La tête et le dos se couvrent de 
tubercules que les pêcheurs désignent sous 
le nom de galle, et qui disparaissent après 
la ponte. J'ai conservé cet individu pour les 


CHAP. I. SAUMONS. 179 


collections du Cabinet du Roi; il a trente 
pouces de long. Aujourd'hui quil est dessé- 
ché et que par l'effet de la préparation les 
taches rouges ont disparu, il est impossible de 
distinguer ce poisson de nos autres saumons. 
Cette similitude confirme la détermination 
spécifique que lon peut en faire par l'appli- 
cation du caractère tiré de l'absence de dents 
sur le corps du vomer. D'ailleurs ces couleurs 
sont passagères, car les pêcheurs nous ont 
affirmé que le poisson, après avoir frayé, re- 
tourne à la mer; quil perd ses taches rouges 
après un court séjour dans l'eau salée, et quil 
reprend sa couleur argentée. Sa chair rede- 
vient aussi plus ferme et de meilleur goût. 

Le frai rend quelquefois le saumon si ma- 
lade, que l'on rencontre des individus cou- 
verts de taches rouges, et flottant à la surface 
de l’eau sans faire aucun mouvement. On 
peut les prendre alors facilement à la main. 
J'en ai rencontré plusieurs dans cet état sur 
la Somme. 

Les pêcheurs m'ont également affirmé que 
les saumons remontent de toute la côte dans 
les eaux douces qui s'y versent, depuis la fin 
de mai ou le commencement de juin jusqu'à 
la fin de septembre. On ne prend jamais 
pendant ces mois aucun Bécard; ceux-ci n'en- 


180 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


trent généralement dans les rivières que de- 
puis octobre jusqu'à la fin de février. 

. Quoique bien commun sur nos côtes et 
dans toute la mer du Nord, et qu'on puisse, 
sans aucun doute, dire que je parle bien ici 
de ce quon peut nommer Sa/mo salar au- 
torum , il n’en est pas moins très-difficile d’éta- 
blir avec certitude la synonymie de cette 
espèce, parce que celles qui lavoisinent ont 
été confondues avec elle. Il est constant que 
Bélon n’a pas représenté notre Saumon, et 
je crois même quil na décrit que l'espèce 
suivante. Rondelet' a consacré le chapitre II 
de ses poissons fluviatiles aux saumons, dis- 
ünguant le poisson désigné sous ce nom des 
orandes Truites dont il a traité dans le livre 
De piscibus lacustribus ; mais la figure placée 
en tête de ce chapitre est tellement grossière, 


que l'on ne peut véritablement y reconnaître 


notre espèce avec quelque certitude. Il croit 
que le Bécard, dont la mächoire inférieure 
porte cette espèce de crochet remarquable, 


est la femelle des saumons à mâchoire sans” 
tubercule. Il observe, avec raison, que le 
saumon vient de l'Océan, et que ceux-là se 
trompent qui pensent que lon prend desw 


1. Rondelet, De pisc. flus., p. 167, ch. 2. 


CHAP. I. SAUMONS. 181 


saumons dans le Rhône. Ce sont là les seules 
observations que lon pourrait appliquer avec 
quelque justesse au poisson dont nous écri- 
vons l’histoire. La figure que Salviani' a don- 
née du saumon est encore plus difficile à re- 
connaître, et cependant c’est elle qui a été 
copiée dans l'Encyclopédie, pl. 54, fig 3, pour 
donner une idée de ce poisson. Gessner* a 
laissé une figure originale du saumon, mais 
également si grossière, qu'il est inutile d'en 
parler longuement. Celle du folio 825 repré- 
sente le Bécard. 

Si nous arrivons maintenant à Willughby”, 
nous trouvons des observations curieuses et 
importantes sur les saumons; mais cependant 
il est facile de voir qu'il n'avait pas une idée 
nette de l'espèce dont il parlait; car, entre 
autres il lui donne une queue fourchue. 

En rappelant les assertions de Rondelet ou 
de Bélon sur le crochet de la machoire infé- 
rieure, attribuée uniquement à la femelle, il 
rapporte, d'après des lettres manuscrites du 
docteur Johnson, que le mâle seul du sau- 
mon a la mâchoire assez relevée pour percer 
l'extrémité du museau, et il ajoute, d’après 


1. Salv., Aquat. hist., p. 100. 
2. Gesn., De aquat., p. 824. 
3. Will., p. 189, liv. 4, S. 10. 


182 LIVRE XXII SALMONOIÏDES. 


d’autres observations, que cette courbure de 
la mâchoire n'arrive qu'au mâle épuisé par le 
frai ; mais il observe de suite que ces auteurs 
se trompent, cette conformation étant, sui- 
vant lui, aussi commune chez les saumons 
sains que sur ceux qui sont malades; d'ail- 
leurs il ne reconnait déjà aucun usage à cette 
singulière disposition de la mâchoire. Comme 
cet auteur a copié la figure de Salviani, on 
voit quil est assez difficile de fixer les carac- 
ières de l'espèce dont il a voulu parler. 

Je crois que tous ces naturalistes ont 
donné à Artedi l'idée, que le saumon ordi- 
naire avait souvent le museau proéminent sur 
la mâchoire inférieure , de sorte que je n'ose 
appliquer à aucune des deux espèces celle qui 
commence le genre d'Artedi, ou ce qui est 
la même chose, le Salmo salar de Linné. 
D'ailleurs, en se reportant au Fauna suecica, 
on voit que celui-ci confondait bien certai- 
nement nos deux premiers saumons sous une 
seule et même dénomination. Comme Bloch 
a fait la même chose, et que la figure 20 de 
sa grande Ichthyologie laisse beaucoup trop à 
désirer, je crois justifier par là la dénomination 
nouvelle que j'applique à notre espèce du 
Saumon , au lieu d'employer celle de Sa/mo 
salar. 


CHAP, I. SAUMONS. 183 


Si de ces auteurs généraux nous passons à 
ceux qui ont écrit des faunes particulières, 
nous trouverons aussi nos espèces confondues. 
IL faut rapporter à notre Saumon la figure 
donnée par Duhamel, ainsi que la descrip- 
tion publiée dans le cad Traité des pêches. 
Il l'appelle, dans sa description, le franc 
Saumon, afin de le distinguer du Bécard, 
sur lequel, comme nous le verrons plus loin, 
il n'a pas une opinion suffisamment établie. 
Comme le saumon remonte dans toutes les 
rivières , il n'est pas étonnant de voir ce pois- 
son cité dans la Faune du Maine-et-Loire par 
M. Millet*, qui, cependant n'a pas distingué 
le bécard du vrai saumon, et dans celle de 
l'Auvergne par M. Delarbre. 

Les auteurs suisses qui ont écrit sur les pois- 
sons des eaux en communication avec le Rhin, 
citent le saumon dans leurs travaux ichthyolo- 
giques; mais il ne paraît pas dans le travail de 
M. Jurine sur Les poissons du Léman, et nous 
ne le voyons pas cité par les autres auteurs 
riverains de la Méditerranée. Aïnsi, nous le 
trouvons dans le Mémoire de. Nenning, sur 
les poissons du lac de Constance et dans l'Ich- 


1. Duh., Traité des pêches, 2.° partie, pl. 1, fig. 1. 
2. Millet, Faune de Maine-et-Loire, t. II, p. 708. 
3. Delarbre, Essai zool. sur l'Auvergne, p. 272. 


184 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


thyologie helvétique de Hartmann. Je crois 
aussi devoir rapporter à notre saumon la pl. IT 
de l'Histoire des Salmones de M. Agassiz, qu'il 
a donnée sous le nom de Saumon du Rhin, 
femelle. Le poisson devait être encore jeune, 
je le juge par les taches assez nombreuses qui 
existent autour de la ligne latérale; les adultes 
en ont beaucoup moins sur le dos et sur la 
tête, et ils n'en ont plus qu'une ou deux sur 
le blanc de la région pectorale. Le corps du 
poisson me paraît aussi trop allongé, les pec- 
torales trop noires. Je suis sûr que le célèbre 
ichthyologiste à qui je me vois forcé d'adresser 
cette légère observation reproduira, dans son 
Histoire des poissons de l'Europe centrale, de 
nouvelles planches de cette espèce, quand il 
aura saisi les caractères de la dentition. 

Ce poisson reparait dans toutes les Faunes 
de l'Allemagne et de l'Angleterre; ainsi Scho- 
nevelde', dans ses Poissons des duchés de 
Schleswig et de Holstein ; Wulf?, dans les 
Poissons de la Prusse; Siemssen *, dans son His- 
toire des poissons du Mecklenbourg, citent 
le Saumon. Celui-ci a cru que le mâle avait 
la maächoire inférieure redressée, tandis que 


1. Schon., De salmone, p. 64. 
2. Wulf, Ichthyol., p. 34, n.° 42, 
3. Siemssen, Fische Meckl., p. 51. 


CHAP. I. SAUMONS. 185 


dans les femelles, outre l'absence de ce cro- 
chet, il a remarqué que le palais ne porte 
qu’une seule paire de dents, ce qui me sem- 
blerait faire croire que cet auteur avait déjà 
fait attention à la dentition vomérienne de 
ce poisson; mais la direction qu'il tenait de 
Bloch, l'a empêché de faire des observations 
plus complètes sur la nature: Si nous remon- 
tons vers le Nord, nous trouvons le saumon 
dans Müller’. Nous avons déjà aussi cité le 
Fauna suecica ; nous retrouvons de même le 
saumon dans le Fauna groenlandica?; mais 
Fabricius* le donne comme un des poissons 
les plus rares du Groenland: il dit qu'il ne l'a 
jamais vu, mais qu'on lui a rapporté quil 
paraissait auprès de. Gotthaab et dans quel- 
ques autres golfes des parties méridionales du 
Groenland. Il cite des voyageurs autour du 
cercle arctique, comme Eggede, Anderson. 
M. Reinhardt inscrit le saumon dans son Ich- 
thyologie du Groenland; mais j'ai lieu de 
croire quil repose sa citation sur les obser- 
vations de son prédécesseur, Fabricius. M. 
Nilsson * compte aussi le saumon dans son 


. Müller, Prod. faun. dan., p. 48, n.° 405. 
. Fauna groenl., p. 110, n.° 123. 

. Fab., Faun. groenl., p. 110, n.° 123. 

. Nilss., Prodr. Ichth. Scand., p. 2. 


= ©) +19 > 


186 LIVRE XXII. SALMONOIÏDES. 


Ichthyologie scandinave, en le confondant 
avec l'espèce suivante. Les expressions de sa 
diagnose le confirment en même temps qu'il 
passe sous silence notre seconde espèce. M. 
Ekstrôm' a aussi écrit une histoire du Sau- 
mon dans les Poissons du Môrk6. Le saumon 
existe également en Islande ; il est déjà inscrit 
dans l'Histoire naturelle de l'Islande par Mohr* 
et par Olafsen*. M. Faber, dans l'ouvrage plus 
récent sur les poissons de l'Islande, s'est éga- 
lement étendu sur le Saumon; mais je vois 
qu'il a suivi les errements de ses prédéces- 
seurs, en ce qui concerne la distinction des 
deux sexes. Pour terminer cette revue des 
auteurs qui ont écrit sur le Saumon, il nous 
reste à parler des Ichthyologistes anglais. 

Ce poisson, si important dans ces contrées, 
a été l'objet des recherches de Pennant, qui 
s'est étendu beaucoup plus sur les habitudes 
de l'espèce qu'il n’a essayé de bien en asseoir 
les caractères, parce que, dit-il, le saumon est 
un poisson si connu, qu'une très-courte des- 
cription est suflisante. Je crois aussi devoir 
rapporter au saumon la planche d’Albin * inti- 


. Ekstr., Die Fische von Môrkô, p. 186. 

. Mohr, Island, p. 14, n.° 133. 

. Olafs., Island. Reise, p. 91 et 343. 

4. Albin, Hist. of escul. fish. by Eleaz. Albin. 


Q9 +9 = 


CHAP. I. SAUMONS. 187 


tulée: The salmon trout de Berwick, sur la 
Tweed. Turton', Flemming* ont également 
cité le saumon dans leurs ouvrages. 

Je trouve aussi un Sa/mo salar dans le 
Manuel de M. Jenyns, qui a profité des obser- 
vations de M. Richardson, en inscrivant dans 
sa diagnose que les dents sont insérées à 
l'extrémité antérieure du vomer; mais qui a 
suivi M. Agassiz, en croyant que le Salmo 
hamatus de Cuvier est l'adulte, et que le 
Salmo Gæœdeni est le jeune âge de cette es- 
pèce. | 

M. Yarell, dont je me plais toujours à citer 
l'élégant ouvrage, a donné une fort longue et 
très-intéressante histoire du Saumon; mais il 
ne me semble pas que sa figure montre les ca- 
ractères de notre espèce avec autant de netteté 
que la plupart des autres planches de son ou- 
vrage; elle a trop de taches, elle n’est pas assez 
argentée, et elle me semblerait représenter 
plutôt la seconde espèce qu'un véritable sau- 
mon, si je ne faisais attention à la forme de 
la caudale. Le saumon est encore cité par 
Low, dans la Faune des Orcades. 

Il faut ajouter à la liste de ces auteurs an- 


1. Turt., Brit. Faun., p.103, n.° 91. 
2. Flemm., Anim. Kingsd., p. 119, n.° 40. 


188 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


me 


glais la figure du saumon publiée par M. 
Lee dans l'Histoire des poissons de la Grande- 
Bretagne sous le nom de Saumon de la Severn. 
Les couleurs soni fort exactes. 

A cette liste, déjà si nombreuse des auteurs 
qui ont décrit ou figuré le saumon, je dois 
ajouter les magnifiques figures que sir Wil- 
liam Jardine a publiées, et je les indique 
comme étant, entre toutes, celles qui donne- 
ront aux naturalistes l'idée la plus exacte de 
l'espèce dont il s'agit dans ce chapitre. 

Le saumon se trouve aussi en Espagne. 
Cornide ‘ dit que cette espèce entre dans 
toutes les rivières de la Galice. 

Ces nombreuses citations nous montrent 
le saumon comme l’une des espèces les plus 
communes sur les côtes septentrionales de 
l'Europe baignées par l'Océan. Il devient plus 
rare dans les latitudes élevées du Groenland ; 
mais ce séjour devait nous faire présumer que 
l'espèce se trouve aussi sur les côtes de l'Amé- 
rique septentrionale, et c'est ce que nous con- 
firment les auteurs qui nous ont fait connaitre 
les poissons de ces contrées. Dans la Zoologie 
arctique, Pennant* dit que le saumon se pêche 


1. Cornide, Ensayo de los peces de Galicia, p. 15. 
2. Penn., Arct. zool., t. 1, p. 8392, n.° 165. 


CHAP. IL. SAUMONS. 189 


fréquemment dans toutes les parties septen- 
trionales de l'Amérique; mais il devient plus 
rare à mesure que l’on s'approche du sud. Il 
ne croit pas qu'on les trouve au delà de New- 
York; cependant Mitchill' le donne comme 
un des poissons dont le marché de New-York 
est fourni communément; ils viennent de la 
rivière de Connecticut, et aussi ils sont ap- 
portés de celle de Kennebec, dans l'État du 
Maine, conservés dans la glace. Les Américains 
appliqueraient la méthode qui aurait été 
trouvée par M. Richardson de Perth. Il est le 
premier, suivant Noël de la Morinière, qui 
ait imaginé de transporter les saumons à de 
grandes distances dans des caisses pleines de 
glace. Ces observations sont confirmées dans 
l'excellent ouvrage de M. Richardson?. On y 
voit que le saumon abonde dans les rivières 
du Labrador, du Canada, de Terre-Neuve, 
de la Nouvelle-Écosse et de la Nouvelle- 
Angleterre, et dans les eaux de New-York 
qui tombent dans le Saint-Laurent; il croit 
même qu'autrefois le saumon s'avancait sur 
les côtes plus méridionales de l'Atlantique; 
car il rapporte un passage de son célèbre et 


4. Mitchill, Frsh. of New-York, p. 434. 
2. Rich., Z ct., p. 145, n.° 61. 


190 LIVRE XXI. SALMONOÏDES. 


malheureux compatriote Hudson, qui avait 
vu, au mois de septembre 1609, une grande 
quantité de saumons dans la rivière qui porte 
son nom. Les marchés de New-York sont 
fournis de poissons originaires de Kennebec, 
rivière de l'État du Maine : ils remontent le 
Saint-Laurent et ses affluents jusque dans le 
lac Ontario, où on les trouve dans toutes les 
saisons et où ils atteignent une taille consi- 
dérable. Les observations de M. Richardson 
sont confirmées par celles de M. Dekay', dans 
son Histoire des poissons de New-York, et 
par M. Storer”, dans son Synopsis des poissons 
de l'Amérique septentrionale. 

Nous voyons le saumon s'avancer aussi vers 
l'est de l'Europe; car M. Nordmann* le cite 
dans la Faune de la Russie méridionale. Pal- 
las*, avant lui, a aussi mentionné le saumon 
dans son Zoographia rosso-asiatica. 1] a pré- 
féré le nom de Salmo nobilis à celui du Sys- 
tema naturæ. I dit que le poisson est abon- 
dant dans la Baltique, l'Océan septentrional 
et dans la mer Blanche, qu'il est plus rare dans 
les fleuves qui versent leurs eaux dans la Cas- 


4. Dekay, Fish. of New-York, p. 2A1, pl. 38, fig. 122. 
2. Storer, Synopsis of fishes of North-America, p. 192. 
3. Nordm., Faun. pontica, p. 515. 

4. Pallas, Zoogr. ross. astat., t. NI, p. 342, n.° 244. 


CHAP. I. SAUMONS. 191 
pienne et dans la mer Noire, et qu'il a été à 
peine observé en Sibérie. Le saumon remonte 
de la Caspienne principalement dans le Terec 
et le Cyrus, et de la mer Noire dans le Danube 
pendant les mois d'hiver. Guldenstædt l'avait 
déjà cité comme un des poissons de la Cas- 
pienne. La rareté du saumon en Sibérie et le 
silence que Pallas tient à l'égard du séjour de 
notre espèce dans les mers du Kamtchatka, 
me laissent quelque doute sur la présence du 
saumon dont nous traitons ici dans les eaux 
du Japon, de l'Asie boréale et du Kamtchatka. 
Je suis fort tenté de croire que l’on aura pris 
pour lui, quelques-unes des grandes truites 
encore peu connues des naturalistes, qui abon- 
dent dans ces rivières septentrionales. 

Notre saumon est connu dans presque toute 
l'Allemagne sous le nom de Lachs, dénomi- 
nation à laquelle on ajoute quelques adjectifs 
pour indiquer son état de maigreur ou d’em- 
bonpoint, son temps de frai, et pour désigner 
aussi les individus qui ont été pris dans la mer. 
Ce nom allemand se conserve en Suède, en 
Norwége, dans le Danemark, on l'écrit seule- 
ment d’une manière un peu différente : Lax. 
On dit aussi Sam, nom qui, comme celui de 
France, d'Angleterre, dérive évidemment de 
la dénomination latine. Les pécheurs de ces 


492 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


différents pays ont aussi quelques dénomina- 
tions particulières suivant l'âge; ‘ils disent 
Smolt pour désigner les très-jeunes, et Grilse 
pour les individus âgés d'un an. D'ailleurs 
toutes ces dénominations changent beaucoup 
dans les différentes contrées. On trouve en- 
core dans Pallas une synonymie vulgaire du 
saumon que je crois inutile de répéter ici, 
parce qu'elle me semble s'appliquer plutôt à 
ces animaux que le commerce transporte chez 
ces peuplades qu'elle n'indiquerait un véri- 
rable séjour de l'espèce dans ces pays. 

Le saumon est un poisson de mer qui re- 
monte dans les rivières. On ne connaît pas les 
retraites de ce poisson dans le fond de l'O- 
céan. Il est remarquable que les pècheurs qui 
vont au large, soit en traînant leurs filets, 
soit en se laissant dériver avec eux, prennent 
très-rarement des saumons. Ces animaux ne 
mordent pas non plus aux appâts des lignes 
de fond. Cependant on cite des observations 
qui prouvent que ces poissons fréquentent les 
bords de la mer, puisqu'on les prend quel- 
quefois dans les mares que la mer forme en 
se retirant, On en voit échoués sur le sable 
après de gros temps; enfin on en trouve dans 
les parcs tendus à la côte. Je ne m'étonnerais 
pas que les habitudes des saumons naient 


CHAP. I. SAUMONS. 193 


quelque analogie avec celles des truites, et 
qu'une fois entrés dans la mer, ces poissons 
n'aiment à se retirer dans des grands trous 
creusés le long de la côte, ainsi que nos truites 
le font dans toutes les rivières. Cest au mo- 
ment où le saumon remonte avec ardeur dans 
les fleuves, pressé par le besoin d'y frayer, que 
l'on en fait partout une pêche qui dans quel- 
ques lieux est très-abondante. L'espèce affec- 
tionne certaines côtes ou certaines eaux; ainsi 
elle entre abondamment dans la Somme, tan- 
dis qu'iln'en parait que desindividus isolés dans 
la Seine. Comme ceux-ci ne sont pas arrêtés 
à l'embouchure de ce fleuve par des filets, ils 
y remontent assez haut. J'en ai pêché un, long 
de trois pieds et demi, à Argenteuil près de 
Paris. On en a vus beaucoup plus loin, car 
il est certain qu'on en a pris dans la Seine à 
la hauteur de Provins. Je trouve dans les 
notes de Noël qu'on a pêché auprès de Cau- 
debec un saumon du poids de quatre-vingts 
livres. Le même naturaliste dit que le saumon 
entre quelquefois dans la Marne. La Loire 
nourrit un grand nombre de saumons. Ils se 
distribuent dans les différents affluents de ce 
grand fleuve. J'ai tout lieu de croire que l’on 
désigne dans le centre de la France, sous le 
nom de Tacon, de jeunes saumons qui ont 
Due 13 


494 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


encore la livrée de leur jeune âge. Au Pont- 
de-Cé près d'Angers, il y a des pêches régu- 
lières productives de cette espèce de poisson. 
Il pénétrait autrefois dans toutes les petites 
rivières qui viennent se rendre à la mer sur 
les côtes de Bretagne, surtout dans le Blavet 
et à Chateaulin. Dans le siècle dernier les pro- 
duits de ces pêches étaient un revenu consi- 
dérable pour le gouvernement de cette pro- 
vince. Des barrages nécessités par certains 
travaux hydrauliques ont fermé ces rivières, 
et depuis, les stumons ont cessé de se pré- 
senter sur les côtes en aussi grande abondance. 
C'est une perte véritable pour le pays. 

Cette migration instinctive des saumons 
pour passer de la mer dans les fleuves, leur 
fait franchir non-seulement les piéges quon 
leur a tendus, mais des chutes d'eau assez 
élevées. On cite le Saut du saumon dans le 
comté de Pembroke, où la rivière du Zing 
tombe perpendiculairement et de très-haut 
dans la mer. Le voyageur s'arrête souvent 
pour admirer la force et l'adresse avec laquelle 
les saumons franchissent la cataracte pour 
passer de la mer dans la rivière. 

Il y a deux autres sauts très-renommés en 
Irlande, l'un à Leixlif, l'autre à Bally Shannon. 
Les pêches qu'on fait en cet endroit sont très- 


CHAP. I. SAUMONS. 495 


productives. On prétend même que si on les 
interrompait, le nombre des poissons augmen- 
terait sensiblement et quon en prendrait de 
beaucoup plus grands. Twess observe que 
pendant les guerres de 1641 la pêche du sau- 
mon fut suspendue; elle ne recommenca qu’à 
la paix et on prenait alors auprès de London- 
derry des saumons qui n'avaient pas moins de 
six pieds de long. On trouve dans le récit de 
ce voyageur des détails curieux sur la manière 
dont les saumons franchissent la chute du 
Shannon. Il est difficile de se faire une idée 
de la force employée par ces poissons pour 
s'élancer à près de quatorze pieds hors de l'eau 
ou décrire une courbe de vingt pieds au moins 
pour atteindre le sommet de la chute. Leurs 
premières tentatives restent ordinairement 
sans succès, mais loin de perdre courage, ils 
font de nouveaux efforts jusquà ce qu'ils aient 
atteint la partie supérieure de l'eau; alors ils 
disparaissent dans le fleuve. On voit auprès de 
la chute, ajoute Twess, des Marsouins et autres 
gros poissons bondir dans l'eau, et animer 
beaucoup cette partie de la côte. Les Marsouins 
y sont attirés par l'abondance de la proie 
quils peuvent se procurer avec facilité. Le 
nombre de ces mammifères marins y est si 
considérable qu'il y aurait peut-être du profit 


196 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


s 4 


à établir une pêche régulière de ces petits 
cétacés. 

C’est vers le printemps que le poisson com- 
mence à passer de la mer dans les fleuves; il 
y reste jusque vers l'automne; il retourne pen- 
dant l'hiver dans le fond des mers pour revenir 
l'année suivante dans les eaux qu'il a quittées 
l'automne précédent. Il paraitrait même, d'a- 
près des expériences rapportées par Duhamel, 
que le saumon saurait retrouver l'endroit où 
il s'était établi. Cet auteur cite des essais 
semblables à ceux que lon a faits sur les 
hirondelles. Ces Salmones entrent dans l'eau 
douce pour y frayer, et les femelles déposent 
leurs œufs, soit dans les grands fleuves, soit 
dans leurs affluents, et souvent très-loin 
de la mer. Dans la Suède et autres contrées 
septentrionales, il arrive quelquefois que les 
rivières gèlent de bonne heure, et alors les 
saumons passent très-bien lhiver dans l'eau 
douce. On prétend encore que le bruit, ou 
les différents corps flottant sur la surface de 
l'eau, effraient le saumon et lui font souvent 
abandonner la rivière dans laquelle il voulait 
monter. Les femelles, au moment de frayer, 
creusent des sillons dans le sable pour y dé- 
poser leurs œufs; elles ont même l'instinct de 
disposer des anfractuosités ou des sortes de 


CHAP, IL. SAUMONS. 1957 


nids au milieu des pierres, pour mettre à l'a- 
bri les petits qui doivent en éclore. Les mâles 
viennent alors dans ces endroits y abandon- 
uer leur laitance. Les deux sexes paraissent 
tellement épuisés par cette ponte, quils se 
laissent en quelque sorte entrainer par le 
courant pour retourner vers la mer. Tous 
les auteurs s'accordent à dire que la chair 
devient mauvaise après la ponte. 

La pêche du saumon se fait sur quelques 
fleuves dans des pêcheries sédentaires, mais 
on emploie aussi très-souvent [a seine pour 
les prendre. D'ailleurs, l'industrie des pêcheurs 
fait un peu varier les moyens de poursuivre 
ces poissons suivant la localité. Le saumon 
est vorace, il croit avec rapidité. Sa nourri- 
ture consiste en poissons, et lon dit quil 
préfère lAmmodite ( Ammodytes tobianus). 
Sir William Jardine regarde ce petit pois- 
son comme un très-bon appat. Bloch a 
recu du Wesel un saumon qui pesait qua- 
rante livres. Pennant en cite du poids de 
solxante-quatorze livres en Écosse. On en a 
trouvé en Suède du poids de quatre-vingts 
livres. La pêche du saumon est une branche 
d'industrie considérable dans l'économie po- 
litique de certains pays. Elle a surtout fixé 
l'attention dans le Nord de l'Europe. Pennant 


198 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 
cite des rivières où lon prend quelquefois 
sept cents saumons d'un seul coup de filet, 
et l'on rapporte que dans la Ribble on en 
prit une fois trois mille cinq cents. Quel- 
ques pêcheries d'Angleterre fournissent, année 
moyenne, plus de deux cent mille saumons. 
La pêche est plus considérable en Écosse et 
en Norwésge; il nest pas rare qu'on porte à 
Berghem deux mille saumons frais en un jour. 

Elle varie selon que le poisson entre dans 
les fleuves à une époque plus ou moins hä- 
tive, parce que la saison de la montée du 
saumon change suivant la température des cli- 
mats. Il n'entre pas dans les fleuves en bandes 
nombreuses comme beaucoup d’autres, mais 
en petites troupes, à la tête desquelles on 
distingue les plus gros qui sont des femelles. 
Elles sont suivies des mâles de la plus grande 
taille, puis les petits saumons viennent en- 
suite. La succession de ces troupes est cepen- 
dant assez rapide pour que dans certaines 
OCCasions On voie apparaître un très-grand 
nombre d'individus. 

La brise qui souflle de la mer est favorable 
à cette montée; on l'appelle en quelques en- 
droits vent du saumon. Fischer cite qu'après 
une brise assez forte et soutenue pendant 
plusieurs jours, il entra dans la Dwina un 


CHAP. I. SAUMONS. 199 


rideau si considérable de saumons qu'on en 
prit par milliers pendant plusieurs semaines. 
Les annales anciennes ont conservé le souve- 
nir de saumons venus en abondance dans le 
Rhin, dans l'Elbe, et de ce fleuve jusque dans 
la Moldaw, où ces poissons lâchèrent une 
immense quantité de frai On remarque en 
Islande que vers la S. Jean, dans les grandes 
marées de la pleine lune, il entre plus de 
saumons dans les rivières de cette ile, lorsque 
le vent soufile du sud, que par des vents 
différents. 

La pêche du saumon qui serait d'un grand 
produit pour les Islandais, paraît cependant 
presque nulle dans beaucoup d'endroits de 
cette ile, parce que le manque de bras et 
peut-être aussi la pauvreté des habitants ne 
leur permet pas d'établir ces caisses percées de 
trous avec lesquelles on arrête le saumon. Sour- 
vent la rapidité du courant ou l’escarpement 
des berges sont des obstacles. Dans d’autres 
parties les paysans négligent la pêche du sau- 
mon, parce que le fond des baies est infesté 
par les Phoques. Ceite considération ne de- 
vrait pas être un obstacle sérieux, car le pro- 
duit de ces mammifères serait avantageux. 

La pêche est exploitée avec plus de succès 
dans la Laponie danoise; elle est en général 


200 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


plus considérable dans la Laponie orientale 
que dans les contrées occidentales de cette 
terre. La pêche s'en fait avec des caisses 
comme en Îslande, mais elle n'y est pas 
suivie avec autant d’ardeur, que l'abondance 
du poisson semblerait y engager les habitants, 
parce qu'ils préfèrent pêcher le Dorsh. If paraît 
que ce Gade donne des bénéfices plus consi- 
dérables. En Norwége la pêche du saumon est 
d'un produit remarquable. On se sert souvent 
de filets sédentaires placés à embouchure des 
fleuves; on leur fait décrire des lignes variées 
où le poisson s'égare comme dans des ton- 
nares. [Il y a des exemples où l'on en a pris 
trois cents en une seule marée. C’est princi- 
palement dans le district de Drontheim ou 
de Christiansand que la pêche norwégtenne 
est exploitée en grand; elle na pas autant 
d'importance dans les parties septentrionales. 
Outre la pêche faite sur le bord de la mer, 
on prend aussi le saumon dans les fleuves 
de lintérieur des terres. Elle est surtout 
très-animée mais très-périlleuse dans celle 
de Moudahl, auprès du fameux pont appelé 
Bielands-Broë. On sait qu'il est posé sur 
d'énormes fragments de rochers restés debout 
en forme de piles et élevés de trente-six à 
quarante pieds au-dessus du niveau ordi- 


CHAP. I. SAUMONS. 201 


naire. À la fonte des neiges l'eau s'élève quel- 
quefois jusqu'au cintre des arches. Cest un 
spectacle effrayant que de voir avec quelle 
ardeur les pêcheurs se hasardent sur une 
simple et frêle embarcation, en s'exposant à 
tous les dangers de la chute de cette énorme 
masse d'eau, s'échappant avec fracas du haut 
du rocher et tombant en large cascade. Les 
pêcheurs cherchent à profiter des contre-cou- 
rants qui les portent sur de grands trous au 
bas de la chute et où les saumons se rassem- 
blent volontiers. Quand ils sont assez heureux 
pour se maintenir, ils font souvent une cap- 
ture considérable. Le Danemarck proprement 
dit, le Jutland et le Holstein ne sont pas 
aussi bien pourvus de saumons. Il y a cepen- 
dant quelques golfes où on en pêche encore 
une assez grande quantité, mais toutes les 
côtes de la Baltique en sont extrêmement 
riches. On prend cette espèce dans les eaux 
douces ou salées du golfe de Finlande, et en 
remontant au nord, dans celles de la Laponie 
suédoise. Le golfe de Bothnie coupé par des 
anses, des baies ou des embouchures de 
_ fleuves assez nombreuses, est extrémement 
favorable à cette pêche. Il y avait autrefois 
des pêcheries considérables dans le Halland, 
mais elles ont bien déchu de leur ancienne 


202 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 

prospérité, parce que beaucoup d'embou- 
chures de rivières se sont ensablées; le sau- 
mon trouvant les rivières ainsi barrées n'a pu 
gagner les chutes des cascades, ni déposer son 
frai sur les sables où il se réunissait aupara- 
vant. Ce poisson est très-commun sur les côtes 
méridionales de la Baltique, tant en Poméranie 
qu'en Livonie. La Dwina est très-renommée 
pour les pêches qu'on y fait presque toujours 
au moyen d'enceintes fixes. Au fond du golfe 
de Finlande, la quantité d'eau courante qui 
s'y verse, y appelle le saumon; par la Newa 
il pénètre dans le lac Ladoga. La moyenne 
des pêches est assez variée. L’Elbe est de tous 
les fleuves de la Basse-Allemagne celui qui a 
le plus de saumons. Il y en a moins dans le 
Weser et dans l’Ems. Toutes les rivières de 
la Hollande jusqu'à l'Escaut sont abondam- 
ment pourvues de ce Salmonoïde. La péche 
a une grande importance à Schoonhaven sur 
la Meuse; dans le Rhin, l’Vssel, le Wahl, le 
Lech on le prend dans des clayonnages garnis 
de filets. Mais le saumon est l'objet d’une 
pêche bien plus considérable tant en Écosse 
qu'en Irlande; elle sst moins productive en 
Angleterre. Dans la Tweed elle commence en 
Décembre et se soutient pendant neuf mois. 
Beaucoup de pêcheries sont établies sur les 


CHAP. I. SAUMONS. 203 


deux rives jusqu’à quatorze milles de son em- 
bouchure. Presque tous les produits s'empor- 
tent à Berwick. Les pêches du Tay sont aussi 
renommées. On regarde l'entrée précoce du 
Bull-Trout (Fario argenteus, nob.) comme 
le présage d’une bonne pêche. Il y a en Ir- 
lande, dans la rivière de Ban, une pécherie 
considérable. L’embouchure de la rivière re- 
garde le nord et les filets sont placés au pied 
des promontoires, de manière à ce que les 
saumons sy engagent en filant le long de la 
côte. 

Les nappes ont souvent plusieurs centaines 
de mètres d’étendue. On les met à l'eau jour 
et nuit, pendant tout le temps de la saison 
de pêche, qui dure environ quatre mois. 
L'heure la plus favorable est celle de la marée 
montante. On pêche moins de saumons dans 
les eaux salées des côtes de France baignées 
par la Manche ou par l'Océan. Il est rare 
qu'ils sapprochent assez près du rivage pour 
être pris dans les parcs, excepté sur les grèves 
du mont Saint-Michel, où l'on peut tendre des 
filets au reflux des marées de morte eau. A 
l'embouchure de nos rivières ou le long de leur 
cours on emploie presque toujours des nappes 
sédentaires, mais aussi, suivant les localités, 
on peut employer la seine ou le tramail. 


204 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


Cette industrie n'a pas beaucoup d'importance 
dans la Seine ni dans l'Orne, puisque ces 
fleuves n'ont que très-peu de poissons. Dans 
la Loire elle mérite une haute considération. 
Le poisson remonte dans ce fleuve en assez 
grande abondance vers les équinoxes. Les 
pêcheurs de Belle-Ile trouvent donc du profit 
à poursuivre cette espèce. Au-dessus de Nantes 
on voit des pêcheries établies au Pont-de-Cé, 
à Tours et à Saumur. Le saumon passant dans 
la Vienne et l'Allier, y devient l'objet d'une 
pêche assez considérable. Cette dernière ri- 
vière est, dit-on, barrée dans toute sa largeur 
au pont du Château par une digue haute de 
plus de deux mètres au-dessus des moyennes 
eaux. Je regarde ces procédés comme des 
moyens de destruction plutôt que comme 
une pêche aménagée avec une sage économie. 
Le saumon entre aussi dans la Charente, la 
Gironde et PAdour. On en prend une assez 
grande quantité depuis Agen jusqu à Toulouse. 
Dans l’Adour et dans les Gaves qui descendent 
des Pyrénées occidentales, on distingue deux 
montées de saumons; l'une commence en 
janvier et dure jusquà la fin d'avril; la se- 
conde s'opère en juillet et en août, mais on 
dit que ceux-ci sont moins gros et moins bons 
que ceux de la précédente montée. On a jus- 


L 


CHAP. I. SAUMONS. 205 


qu'à présent essayé, mais inutilement, de 
transporter le saumon vivant, ou même de le 
conserver dans des viviers; mais en général 
ces expériences ont très-mal réussi. L'ahon- 
dance des individus a nécessairement obligé 
d'employer des moyens conservateurs pour 
utiliser cette grande quantité de poissons pris 
à la fois. Ces moyens varient suivant les loca- 
lités. On le sèche, on le fume, on le sale ou 
on le marine. Dans l'Asie septentrionale on 
le fait geler, et l’on peut, par ce moyen très- 
simple, le transporter à des distances considé- 
rables. Cette manière prompte et économique 
nuit à la qualité de la chair. Pour les fumer 
il faut choisir les individus de taille moyenne; 
silssont maigres, ils éprouventune dessiccation 
trop prompie; s'ils sont trop gras, l'abondance 
de huile nuit au succès de la préparation. 
Le saumon de la Baltique, qui tient le milieu 
entre ces deux qualités, est fumé en Livonie. 
Hambourg en recoit des cargaisons que le 
commerce distribue, sous le nom de Sau- 
mons de Hambourg, dans tout le monde. 
Pour le fumer, on le saupoudre de sel après 
l'avoir fendu pour en retirer les viscères et la 
colonne vertébrale. Après être resté dans le 
sel pendant environ trente-six heures, on 
l'expose à la fumée que produit un feu entre- 


206 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


tenu avec des brindilles de chêne, d’aune et 
de genévrier. On préfère dans quelques en- 
droits la fumée du piment royal (Myrica 
gale). En Écosse, en Irlande et en Norwége 
on sale presque tous les saumons. On peut 
remarquer cependant que l'accroissement de 
la pêche de la morue sur le banc de Ferre- 
Neuve a dù donner une concurrence défavo- 
rable à celle du saumon. 

Je viens de présenter l'histoire du saumon 
adulte, mais on peut se demander si l'animal 
ne change pas d'aspect avec l’âge. M. Agassiz 
a cru devoir établir que le Sa/mo Gædenii 
de Bloch était le jeune âge de notre espèce. 
Les poissons que jai recus d'Allemagne, sous 
ce nom, ne confirment pas cette hypothèse. 
On verra plus loin quils ont, comme le sau- 
mon, le corps du vomer sans dents, mais 
celles qui sont sur le chevron sont tout à fait 
différentes. Je crois qu'il faut regarder comme 
de jeunes saumons les poissons qui ont été 
représentés dans le grand et bel ouvrage de 
sir William Jardine, sous le nom de Salmo 
albus ou de Herling de Solway. M. Fleming, 
qui a admis cette espèce, l'appelle Sz/mo 
Plinock, et dit que cest un poisson qui 
atteint rarement un pied de long, que la 
chair est rougeûtre, quil entre dans les ri- 


CHAP. I. SAUMONS. 207 


vières vers le mois de juillet : on le prend 
rarement dans les filets tendus dans les eaux 
saumâtres; les individus sont pourtant très- 
nombreux dans les rivières quils fréquen- 
tent pour frayer dans les mois d'aout et de 
septembre. Tous ces traits me paraissent con- 
venir parfaitement au saumon, et ce qui me 
persuade encore plus, c'est que nous recevons 
sur nos marchés de vrais saumons, tels que je 
les caractérise, qui n’ont pas plus d'un pied à 
quatorze pouces, et qui sont tout à fait sem- 
blables à la figure que j'ai citée plus haut. Cette 
espèce a été inscrite dans le British Fauna 
de Turton, sous le nom de Salmo Phinock. 
Fleming croit que c'est le Salmo albus de Pen- 
nant, espèce nominale adoptée par M. de La- 
cépède". Mais Fleming pense que ce peut être 
aussi le Szlmone Cumnberland de Lacépède;les 
notes de Noël de la Morinière prouvent que 
cette description a été faite sur notre Forelle 
ou Truite de mer (Furio argenteus, nob.). 
MM. Jenyns et Yarrell n'admettent point 
cette espèce qu'ils regardent comme un jeune 
de première année de leur Truite de mer 
(Sez Trout). La dentition peut seule décider 
cette question, mais je n'hésite pas à répéter 


1. Lacép., t. V, p. 695 et 696. 


208 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


que la figure de Jardine me confirme dans 
ma première détermination. 

M. John Shaw a publié un mémoire fort 
intéressant sur le développement et la crois- 
sance du frai d’une espèce de salmonoïdes, 
quil regarde comme des jeunes saumons. Il 
a même eu la complaisance d'en envoyer au 
Cabinet du Roi plusieurs exemplaires de 
différents âges. Il a représenté l'animal au 
moment où il sort de l'œuf, à peine âgé 
d’un jour et ayant encore son vitellus attaché 
sous l'abdomen. Il nous le montre à deux, à 
quatre et à six mois. Tous ces individus ont 
à cet âge le dos ponctué de noir, les flancs 
traversés par des bandes ou de grosses taches 
noirâtres, au nombre de douze ou quinze, et 
le long de la ligne latérale; entre elles on voit 
des points rouges. À un an les taches devien- 
nent confluentes avec le brun du dos, et elles 
ne forment plus que six à sept bandes noires 
transversales qui tendent à se perdre ou à 
s'effacer dans la couleur générale. Il y a en- 
core des points rouges. À cet âge le poisson 
est, selon M. Shaw, celui que les Anglais nom- 
ment Parr. Les individus sont tout à fait sem- 
blables à ceux que nous recevons du Rhin 
sous le nom de Saumoneaux. Je ne saurais 
les distinguer des petites Fruites que j'ai recues 


CHAP. I. SAUMONS. 209 


des différentes rivières de France. Mon con- 
frère, M. Rayer, a eu la bonté de m'en faire 
dessiner plusieurs d'après le vivant. Ces petits 
poissons avaient été péchés dans une des pe- 
tites rivières du Calvados, la Seule d’Anctoville, 
qui se jette à la mer. J'en ai recu d'autres des 
affluents de la Loire sous le nom de Tucon. 
Mon ami, le docteur Bardinet, m'en a envoyés 
des rivières du Limousin et du centre de la 
France. J'en ai recu d'autres par les soins de 
M. Bonafoux, conservateur du Musée de la 
ville de Gueret. Ces individus se ressemblent 
tellement, quil est impossible de les distin- 
guer les uns des autres. Fous ces poissons 
ont deux rangs de dents vomériennes. Si 
M. Shaw a bien déterminé l'espèce dont il 
a suivi le développement, et que les jeunes 
qu'il a représentés soient ceux du saumon, on 
sera obligé de reconnaître que les caractères 
extérieurs que nous pouvons saisir entre les 
adultes de ces différents Salmonoïdes n’exis- 
tent pas dans Le jeune âge. Il reste maintenant 
de s'assurer si les poissons décrits par le z00- 
logiste anglais ont, comme ceux de nos rivières 
de France, cités plus haut, une double rangée 
de dents vomériennes : je ne puis croire qu'il 
en soit ainsi. Le Parr ou le Saumoneau a, dans 
tous les cas, donné lieu à l'établissement de 


au. 14 


2140 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


plusieurs espèces nominales, que l'on ne devra 
point conserver. 

Le Salmo salmulus de Turton, accepté 
par MM. Yarrell et Jenyns, d'après les anciens 
documents de Willughby, de Ray et de Pen- 
nant, ne me paraît reposer que sur des jeunes 
Salmonoïdes. La Sa/mone Rille de Lacépède 
est établie d’après des notes, accompagnées 
d’un dessin que Noël avait envoyé à cetillustre 
savant. C'est évidemment une jeune Truite, 
que l'on pêche en abondance dans la Rille 
jusqu'à Pont-Audemer. En étudiant avec soin 
les notes du correspondant de Lacépède, je 
trouve quil regarde le Saumoneau du Rhin 
et du Loiret comme semblable à celui de la 
Fille. Il remarque que ce sont des petits pois- 
sons nés dans les eaux douces, qui regagnent 
la mer aussitôt que leurs forces leur permet- 
tent d'entreprendre le voyage. Il en dit autant 
du Saumoneau de la Semoy, rivière qui se jette 
dans la Meuse au-dessus de Charleville. Quant 
au saumon de la Rille, ce poisson paraît aimer 
les eaux froides, comme la Truite; M. Noël as- 
sure quon ne le prend facilement qu’en hiver. 
Dans une auire partie de ses notes, Noël dit 
que l'on retrouve des individus de cette pré- 
tendue espèce dans les petites rivières de Cor- 
nouailles ; qu'on les pêche dans toutes les eaux 


CHAP. I. SAUMONS. 211 


qui ne sont pas salées et infectées par le lavage 
des mines d'étain, ces eaux-mères devenant 
fatales à toute espèce de poisson. Il reconnaît 
alors que sa Salmone Rüille est de la même 
espèce que le Szlmlet de Pennant. 

Pour revenir au mémoire de M. Shaw, cet 
habile et patient observateur a aussi figuré le 
Saumon à l'âge de dix-huit mois. Ce poisson 
ressemble encore au Parr, mais il est déjà plus 
grand; puis nous le voyons représenté à l’âge 
de deux ans. Ce Parr est alors converti en 
Smolt ou en jeune Saumon; il na plus de 
bandes transversales, ni de taches rouges; il 
a pris évidemment les couleurs du Saumon 
adulte; il devient impossible de le distinguer, 
sauf la taille, du Sa/mo albus, figuré par Wil- 
liam Jardine. Ce qui me fait craindre que 
l'habile naturaliste écossais n'ait pas bien dé- 
terminé l'espèce sur laquelle il a expérimenté, 
c'est que le Cabinet du Roi possède des jeunes 
de l'espèce de la Truite de Baillon (Salar 
Baillont, nob.) qui ressemblent tout à fait aux 
figures citées plus haut. Les observations de 
M. Shaw ont été consignées dans le Supplément 
aux poissons d'Angleterre, que M. Yarrell a 
donné en 1839; il admet que les jeunes du 


1. Shaw, Transact. societ. Edimb., vol. 14, et Edimb. New- 
philos. journ., juillet 1836 et janvier 1838. 


212 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Saumon ont à un certain âge l'apparence des 
Parr, mais il pense que les Szlmo Trutta et 
S. eriox ressemblent aussi au Parr dans leur 
premier âge. Ce naturaliste persiste à croire que 
le Parr est une espèce distincte. Il discute lon- 
guement les variations que peuvent offrir ces 
jeunes de différents âges. La lecture des obser- 
vations de ce très-judicieux naturaliste me fait 
soupconner que ces espèces de Salmonoïdes 
se ressemblent presque toutes dans le jeune 
âge, ou, ce qui me parait plus probable, que 
ces ichthyologistes n'ont pas pu distinguer ou 
déterminer zoologiquement les poissons qu'ils 
ont examinés. Tout en félicitant M. Shaw de 
ses patientes et utiles observations, je lui de- 
mande de vouloir bien consacrer quelque 
temps encore pour éclairer, par de nouvelles 
recherches ces questions importantes de l'his- 
toire naturelle du Saumon et des Truites, et 
jajouterai même de la physiologie générale 
en ce qui concerne le développement des 


poissons. 
Le BÉcarn. 


(Salmo hamatus, Cuv.) 


M. Cuvier a introduit, dans la seconde 
édition du Règne animal, d'après le travail 
que nous avions commencé sur la famille des 


CHAP. I. SAUMONS. 213 


Truites, l'espèce du Bécard, qu'il a appelé 
Salmo hamatus. Ce saumon est remarquable 


par la grandeur de sa gueule, armée de fortes dents. 
Cela dépend de la longueur des intermaxillaires et 
d’un allongement correspondant des branches de la 
mâchoire inférieure. Le vomer et les palatins sont 
aussi plus saillants au-devant de l'orbite et sur l’ex- 
trémilé du museau. Les intermaxillaires ont, en 
effet, une longueur égale aux deux tiers de celle des 
maxillaires. Ils sont couchés sur les côtés de la 
bouche, séparés entre eux par uneamembrane lâche. 
Le voile supérieur de la bouche est très-large, très- 
grand, et réunit les deux os par leur face interne. 
Au- devant, 1l existe un enfoncement considérable 
qui reçoit le tubercule de la mâchoire inférieure. 
Ces intermaxillaires portent sept ou huit grosses 
denis. Les dents du maxillaire sont un peu plus 
petites que les précédentes. La branche de l'os dé- 
passe légèrement en arrière le bord postérieur de 
l'orbite. Les palatins ont une seule rangée de dents 
parallèles à celles du maxillaire. Il n’y a qu'une 
seule dent sur le chevron du vomer. Nous l'avons 
vérifiée sur plusieurs exemplaires, et le reste de l'os 
est complétement lisse, et le palais est recouvert 
d'une muqueuse extrêmement épaisse. La mâchoire 
inférieure est très-longue, de sorte que l'ouverture 
de la bouche égale souvent la moitié de la longueur 
totale de la tête, ou en fait au moins les trois sep- 
uèmes. Les os de la mâchoire sont élargis, rugueux 
et un peu redressés auprès de la symphyse, qui 
porte sur Île frais un tubercule fibro-carülagineux, 


244 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


dur et résistant, et qui pénètre dans l’enfoncement 
de la mâchoire supérieure décrit plus haut. Quand 
la gueule est fermée et que le tubercule de la mà- 
choire inférieure est rentré dans la cavité qui doit 
le recevoir, on doit dire, pour faire connaître la 
physionomie du poisson, que la mâchoire supérieure 
dépasse l’inférieure; que le museau, large et arrondi, 
est relevé en bosse, tandis qu'il y a un creux, si 
la mâchoire inférieure est un peu abaissée. Le profil 
du front devient concave au-dessus de la narine; 
puis 1l se relève sensiblement jusque vers le dos. 
Par la joncuüon de l'intermaxillaire et du maxillaire, 
la mâchoire supérieure forme un arc très-élevé, qui 
laisse toujours un vide très-grand entre elle et la 
mâchoire inférieure, de sorte que, quand la gueule 
est fermée, on aperçoit toujours la langue; celle-ci 
correspond à l’échancrure de la valvule du palais et 
à celle de la mächoire inférieure, qui est non moins 
large. Cest donc un de ces poissons auxquels on 
donnerait, avec raison, l’épithète d’AÆnadromus, 
ou dont on pourrait dire ore hiante. 

Le globe de l'œil est petit. Le diamètre de l'iris 
est compris treize fois dans la longueur de la tête. 
L’orbiie, beaucoup plus grand, est bordé par une 
adipeuse fort épaisse, faisant un angle assez aigu sur 
le devant de l'œil. Le bord de cette parüe ne touche 
point le globe, et l'intervalle est rempli par une 
duplicature de cette paupière adipeuse; ce qui forme 
une membrane épaisse, analogue à celle que nous 
avons observée dans les Aloses; mais celle-ci ne 
cache pas le cercle coloré de l'iris. Les sous-orbi- 


CHAP. I. SAUMONS. 215 


taires sont étroits. Le premier ne dépasse pas lou- 
verture postérieure de la narine, et il touche au 
quart antérieur du maxillaire. Les quatre ou cinq 
autres osselets sous-orbitaires sont très-minces et 
cachés dans l'épaisseur de la peau. Au-dessus de 
l'œil il existe un sourcilier, caché sous une peau 
muqueuse extrêmement épaisse. Cette peau du crâne 
recouvre aussi les petits nasaux et s'étend jusqu’à 
l'extrémité du museau, en formant sur toute la tête 
de l'animal un ussu fibreux, comme lardacé, d’une 
très-grande épaisseur. La fente de louie est arrondie. 
Le bord du préopercule descend presque droit aux 
quatre cmquièmes de la longueur de la tête. L’oper- 
cule, le sous-opercule et l'interopercule forment, 
par derrière, une assez large plaque à bord très- 
mince, de sorte que la suture qui sépare les os est 
presque linéaire; elle est cependant facile à voir. 
Le bord membraneux de l’opercule est si petit qu'il 
n'y aurait pas beaucoup d’exagération à le dire nul. 
La membrane branchiostège a tous ses rayons libres 
et visibles à côté les uns des autres, sous l’isthme 
de la gorge. Il y a onze rayons. La langue, qui est 
charnue, arrondie et très-grosse, porte trois dents 
de chaque côté. L'épaule ne se montre en dehors 
que par un arc osseux, formé par l’huméral, le 
scapulaire étant presque entièrement caché sous le 
bord de l'opercule, et le surscapulaire étant perdu 
pour la plus grande partie sous la peau muqueuse 
de la tête. La pectorale, insérée dans une fossette 
axillaire assez creuse, presque sous la ligne infé- 
rieure du profil, est arrondie quand elle est étalée. 


216 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


Quand elle est fermée et collée contre le corps, 
sa plus grande longueur est égale à la moité de 
celle de la tête. La ventrale, plus triangulaire et 
un peu plus courte que la précédente, est insérée 
sous le milieu de la longueur totale; elle porte 
dans son aisselle un appendice fibro-cartilagineux, 
à peu près de la longueur du uers de la nageoire, 
sur lequel je n’aperçois pas d’écailles. La dorsale ré- 
pond au milieu de la longueur du corps, en n’y 
comprenant pas la caudale; elle est insérée au-devant 
de la ventrale, ses cinq premiers rayons sont in- 
sérés au-devant de l'attache de la ventrale. Le corps 
en est coupé carrément. Le dernier rayon mesure 
la moitié de la longueur des premières, qui sont à 
peine plus longs que la base de la nageoire. L’adi- 
peuse répond au dernier rayon de l’anale. Cette na- 
geoire est très-épaisse, plus haute que les deux üers 
de la hauteur du tronçon de la queue, mesurée 
sans elle. L’anale est aux deux uers de la longueur 
totale, Sa hauteur égale celle de la dorsale; elle est 
plus courte qu’elle. Son bord est légèrement ar- 
rondi. Le bord de la caudale est très-peu concave. 
La longueur des rayons mitoyens mesure, à peu de 
chose près, la moitié des rayons latéraux. Tous, 
d’ailleurs, sont épais et enveloppés par cetle peau 
muqueuse, et comme lardacée, que l’on observe sur 
toutes les autres parties de l'animal. 


B. 11; D. 140; À. 19; C. 8919; P. 14; V. 9. 
Les écailles sont d’une grande minceur, presque 


entièrement recouvertes par lépiderme mince, dont 
les replis forment les bourses dans lesquelles sont 


CHAP. I. SAUMONS. 217 


cachées les écailles; car au-dessous d'elles la peau 
du corps a une grande épaisseur. Nous en comptons 
cent vingt-cinq rangées le long des flancs. La ligne 
latérale est droite et très-fine. 

Les couleurs sont constamment différentes de 
celles du saumon ordinaire. Le dos n'est jamais 
bleu, ni le ventre argenté, comme dans le saumon. 
C'est un gris rougeâtre devenant plus vif sur les 
parties inférieures des flancs, le ventre étant blanc 
mat. Il y a des taches noires formées par la réunion 
de plusieurs points au-dessus de la ligne latérale. 
Sur le dos et sur les flancs seulement il y a de nom- 
breuses et grandes taches ou marbrures rouges. Il ÿ 
en a aussi sur l’opercule, sur le haut du préopercule; 
on les voit même s'étendre sur le dessus de la tête; 
mais elles y sont très-pâles. Il en est de même de 
celles que nous observons sur la base de la dorsale 
et sur la plus grande partie de la caudale, dont le 
bord, noirâtre ou plutôt d’un brun rougeätre assez 
foncé, porte encore des traces de taches ou de lignes 
plus pâles sur l'extrémité des lobes. Le bord de la 
dorsale est gris noirâtre et sans tache; celui de 
l’anale est tout à fait noir. L’adipeuse est bordée de 
noir ; le reste de sa surface est de la couleur du dos 
et a des taches rouges pâles. La pectorale a les 
rayons verdàtres en dessus, plus pàles en dessous. 
Son bord est noirâtre. La ventrale est plus grise, 
et le bord est plus foncé. 

Les viscères du Bécard me paraissent différer très- 
peu de ceux du saumon. Je trouve cependant plus 
de cœcums. J'en compte soixante-sept. D'ailleurs, 


218 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


l'estomac et l’œsophage me paraissent un peu plus 
allongés et plus grèles que dans le saumon. Il n’y 
avait dans le canal intestinal que deux ou trois petits 
tænia, remarquables par leur brièveté; mais je n’en 
ai trouvé aucun dans les cœcums. On sait que la 
présence de ces vers dans les cœcums est, au con- 
traire, très-ordinaire dans les Truites. J’ai disséqué 
un mâle. Les laitances n’occupaient guère que la 
moiué de la longueur de la cavité splanchnique. Il 
m'a été facile d'insuffler par l’orifice commun des 
organes de la génération les deux canaux déférents 
qui viennent y abouur. On les voit former sur la 
face dorsale du testicule des replis nombreux et 
très-fins, une sorte d’épididyme; de sorte que l’or- 
gane mâle ressemble tout à fait à celui des autres 
poissons, tandis que celui de la femelle offre, comme 
on sait, des différences très-notables. 

Quant au squelette, 1l faut remarquer les rugo- 
sités de la surface externe des frontaux. Elles forment 
de grandes lacunes remplies par une graisse abon- 
dante. Ces deux os se touchent sur la ligne médiane, 
sans former de crête proprement dite. Le frontal 
postérieur est fortement uni avec le principal sous 
l'angle postérieur de l'orbite. La table du frontal le 
recouvre presque entièrement. Cet os est très-épais, 
celluleux, et s'appuie, par sa grande surface sutu- 
rale, sur la grande aile sphénoïdale ; mais l'agran- 
dissement du frontal principal est tel qu'il s'articule 
avec le mastoïdien. L'angle postérieur et moyen des 
frontaux se prolonge en une lame osseuse très- 
mince, qui s’avance sur les pariétaux et les recouvre 


CHAP. I. SAUMONS. 2149 


presque en entier. Cette lame s’avance même sur 
lintérpariétal. La matière graisseuse, qui pénètre tous 
les os du crâne, et remplit la plus grande partie de 
la boîte cérébrale, forme entre ces os une couche 
assez épaisse et les sépare, de sorte qu'il y a sur 
toute la voûte du crâne des intervalles entre les 
os; mais, outre cela, nous avons sur les côtés, 
entre les mastoïdiens, l’occipital latéral, les parié- 
taux et le frontal principal, un large trou qui com- 
munique directement dans l'intérieur de la boîte 
cérébrale. Au-devant des deux frontaux principaux 
je trouve une très-large plaque osseuse, formée par 
une lame très-mince, relevée en bosse dans son mi- 
heu et rugueuse sur les côtés. Cette lame occupe 
tout l'intervalle compris entre les frontaux prin- 
cipaux, les intermaxillaires et l'extrémité presque 
toujours cartulagineuse en dessus du vomer; elle 
contribue donc à la saillie du museau. 

Je ne crois pas me tromper en la considérant 
comme les deux frontaux antérieurs réunis sur la 
ligne médiane. D'ailleurs, un cartilage assez épais 
et une grande quantité de graisse condensée remplit 
tout le large espace qui sépare ces os du crâne de 
ceux de la voûte palatine. L’ethmoïde est gros, 
celluleux, mais court; il ne contribue pas, par 
conséquent, au prolongement du museau. Si nous 
revenons maintenant à la partie postérieure du crâne, 
nous ajouterons que la crête interpariétale est extré- 
mement basse, qu'il n’y a pas de trou entre les occi- 
pitaux ou les mastoïdiens. Les autres os ne me pa- 
raissent présenter aucune particularité assez notable 


920 LIVRE XXIT. SALMONOÏDES. 

pour qu'il me paraisse nécessaire d’en donner une 
description plus détaillée. Il y a cinquante-six ver- 
tèbres, dont trente-quatre sont abdominales. Les 
côtes sont grêles, longues; elles ne portent pas 
d'apophyses horizontales comme il y en a dans les 
Truites; mais on voit à la base des vingt-neuf pre- 
mières apophyses épineuses une arête dirigée hori- 
zontalement, qui rappelle les os observés dans les 
clupées. 

On trouve, d’ailleurs, une bonne figure de ce 
squelette dans les tables ichthyotomiques de M. Ro- 
senthal. 1 


Cette description a été faite d'après un in- 
dividu long de trente-deux pouces. 

Nous avons recu de Strasbourg une truite 
pêchée dans FIIl; elle avait été envoyée par 
M. Hammer. C'était une femelle, à ventre 
argenté, à flancs rosés, semés de quelques 
taches irrégulières rouges. Le dos avait quel- 
ques taches noires, telles qu'on les voit encore. 
L'adipeuse était bordée de rouge ; toutes 
les nageoires sont sans taches. Sa dentition 
est celle d’un saumon. Ce Bécard porte deux 
dents à l'extrémité du vomer, à côté l’une de 
l'autre, et derrière celles-ci il en existe une 
troisième. Sur le devant du museau, tout près 
de la réunion des deux intermaxillaires, il 


4. Rosenthal, Tab. 1chthyot., pl. 6. 


CHAP. I. SAUMCNS. 224 


existe une fossette assez profonde, dans la- 
quelle. entrait évidemment le tubercule de 
la mâchoire inférieure. Ces détails nous font 
reconnaitre un jeune âge de notre espèce ac- 
tuelle. Le poisson correspond parfaitement à 
la figure donnée par M. Agassiz, sous le nom 
de Sapmon femelle. D'où il resulte que cet 
habile zoologiste, qui ne voulait pas admettre 
le Salmo hamatus, à précisément représenté 
les deux sexes du Bécard; mais il a mal déter- 
miné l'espèce quil avait sous les yeux. 

De même que nous voyons quelquefois sur 
les marchés de Paris de petits saumons, on y 
y voit aussi arriver de temps à autre de jeunes 
Bécards. J'en ai trouvés qui n'avaient pas plus 
de quatorze à quinze pouces. À cet âge ils ont 
le corps beaucoup plus étroit, les flancs beau- 
coup plus aplatis que les jeunes saumons. Il 
est par conséquent beaucoup plus aisé de 
distinguer alors les deux espèces. Ces petits 
bécards ont la fossette de la mâchoire supé- 
rieure et le crochet de linférieure déjà très- 
prononcés. On les voit d'ailleurs sur des in- 
dividus beaucoup plus petits, car dans la 
basse Seine, où les pêcheurs connaissent bien 
les deux espèces, ils distinguent déjà les 
petits du Bécard à la protubérance naissante 
du crochet. 


292 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Il faut aussi remarquer quon ne prend 
presque jamais dans la Touque que des bé- 
cards ou de grosses truites, mais très-rarement 
du véritable saumon. Dans la Rüille, les sau- 
mons remontent les premiers, ils sont suivis 
des bécards; quand ces deux espèces ont dis- 
paru, on ne prend plus que des truites (Salar). 
Il résulte de ces exemples, qui se répètent 
très-probablement dans d'autres rivières de 
l'Europe, que les deux espèces ne fréquentent 
pas ensemble les mêmes eaux. Le saumon 
précède le bécard au moins de quatre à cinq 
mois, et la pêche du premier tire à sa fin 
quand on prend les deux espèces. On n'a pas 
craint de répéter que l'excroissance de la ma- 
choire inférieure du saumon se développait 
à la suite d'un séjour trop prolongé dans les 
eaux douces. On n'a pas fait attention que l'on 
prend des bécards au moment même où ils 
quittent l’eau salée pour entrer dans la rivière; 
qu'on en prend dans la mer beaucoup plus 
fréquemment que de vrais saumons; que l'on 
prend très-souvent dans certaines parties des 
fleuves les plus voisines de leur source, la 
première de nos espèces, tandis que le bé- 
card ne remonte jamais aussi haut. 

La chair du bécard est beaucoup moins 
colorée que celle du saumon; elle est aussi 


CHAP. I. SAUMONS. 9293 
bien plus sèche; ce qui fait que ce poisson 
est moins estimé que le précédent. 

Ce saumon arrive sur nos marchés en très- 
grande abondance au printemps, où on le 
vend ordinairement sous le nom de Saumon 
de la Loire, et aussi sous celui de Bécard; 
mais il reparait encore vers la fin de la saison 
dans le mois d'octobre et de novembre. Les 
marchands le présentent comme de vieux 
mâles de l'espèce du Saumon ordinaire, quoi- 
qu'il y ait sur la place autant de femelles que 
de mâles. Les individus des deux sexes ont 
toujours le crochet saillant de la mâchoire infé- 
ricure, et je ne crois pas même quon puisse 
dire quil le soit davantage dans le mâle que 
dans la femelle. Il ne faut pas oublier que les 
femelles du saumon ordinaire portent un petit 
tubercule comme les saumons mâles. Que lon 
me pardonne ces répétitions; elles me parais- 
sent nécessaires pour bien fixer les idées. 
Comme on trouve en même temps des indi- 
vidus de l'espèce précédente, que l’on peut 
comparer immédiatement avec ceux de celle- 
ci, On est très-promptement frappé des diffé- 
rences qui existent entre ces deux poissons. 
Nous ferons ici la remarque, qui a déjà été 
faite pour l'espèce précédente, c'est qu'on n’en 
voit pas de jeunes. 


294 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


M. Agassiz a cru devoir établir dans une 
note lue devant l'Association britannique, que 
le Salmo hamatus n'était que le vieux mâle 
du saumon, et son opinion a été adoptée par 
les ichthyologistes récents d'Angleterre. Il a 
reproduit cetie idée dans son Histoire des 
Salmones, et c'est d'après elle qu'il a fait figu- 
rer sur la planche [de son ouvrage le Sa/mo 
hamatus sous le nom de Salmo salar ou de 
Saumon du Rhin, mâle adulte. 

Le trait de la figure est fort exact; il donne 
bien une idée de l'espèce, mais la couleur ne 
ressemble pas à celle des individus qui vien- 
nent sur nos marchés : elle n’est vraie, ni pour 
la force du corps ni pour la distribution des 
taches rouges. On peut également dire que 
ladipeuse est trop petite. 

Avant M. Agassiz, Bloch avait énoncé la 
même idée relativement au sexe du bécard; 
il Va représenté dans sa grande Ichthyologie 
à la planche 08; la figure est reconnaissable, 
quoique mauvaise, parce que la caudale est 
beaucoup trop échancrée et parce que les 
couleurs sont absolument fausses. Bloch a 
aussi regardé ce poisson comme le mäle du 
saumon, et il se fonde sur ce que le conseiller 
Güden, qui a une pêche considérable à Ru- 
gen, dit que les gens qui ouvrent des milliers 


CHAP. I. SAUMONS. 295 


de ces poissons pour les fumer, n'ont jamais 
trouvé une seule femelle qui eût un crochet, 
ce qui est tout à fait inexact. 

Les ichthyologistes du 16.° siècle avaient 
fait connaître ce‘te espèce ; car Gessner' en 
donne une figure un peu rude, comme toutes 
ses planches exécutées sur bois, mais qui est 
cependant une des meilleures que je connaisse 
encore aujourd hui, et sil le présente comme 
un vieux male, il faut bien remarquer que 
Belon * en a représenté la tête avec non moins 
d'inexactitude , mais en la donnant comme 
celle d’un saumon femelle (Caput salmonis 
fœminæ). Duhamel* en donne la figure sous 
le nom de Bécard; mais elle est au-dessous de 
toute critique. Cependant ce que cet auteur 
dit dans le chapitre IT, où il traite du Bécard, 
prouve qu'il a bien évidemment vu l'espèce 
dont nous parlons ici; mais il a perdu les ob- 
servations quil faisait sur la nature, au milieu 
de toutes les notes plus ou moins confuses 
qu'il recevait de ses différents correspondants. 


1. Gessn., De aquat., liv. 4, p. 825. 
2. Belon, De aquat., p. 279. 
3. Duhamel, 2.° partie, S. 2, pl. 1, fig. 2, p. 192. 


21. 15 


226 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


Le Sazmowe Hucx. 
(Salmo Hucho, nob.) 


Ce saumon 

a le corps pluslong et plus rond; la tête plus allongée 
que le saumon. La hauteur du tronc est, en effet, 
six fois et deux uers dans la longueur totale, et cette 
mesure ne fait que les deux uers de celle de la tête. 
Le dos est assez large et arrondi. Le dessus de la 
tête est méplat. L’œil, placé sur le devant et sur le 
haut de la joue, n’est pas très-grand. Son diamètre 
est sept fois et deux tiers dans la longueur de la tête. 
L'angle antérieur de l'orbite est assez avancé et dépasse 
d’une manière notable le globe de l’œil lui-même ; 
mais cet intervalle est rempli par une paupière adi- 
peuse assez épaisse, et au-dessus de laquelle existe un 
peut sourcilier qui ne dépasse pas l’angle antérieur 
de l'orbite et n’atteint pas la narine. Le premier sous- 
orbitaire est très-étroit au-dessous de l'œil; mais 1l" 
s’élargit en une petite palette au-devant de l'organe“ 
et au-dessous de la narine. Les trois autres osseletss 
sous-orbitaires sont cachés sous la peau muqueuses 
qui recouvre toute la joue. Le bord du préoperculew 
est reculé aux quatre cinquièmes de la longueur de“ 
la tête; il est mince et arrondi, avec CAP légères 
MERE. NE L’opercule n'est pas très-grand ; on peut\ 
dire qu'il est triangulaire; mais son angle supérieur 
serait tronqué ; l'inférieur est, au contraire, très 
aigu. Le sous-opercule est un rectangle assez régu-h 


FARONER ER MS = 


lier ; li interoper cule est aussi quadrilatère, mais rétr éci. ; 
en avant. Ces quatre os de l'appareil oper culaire sont 


CHAP. I. SAUMONS. 297 


bien visibles sur les côtés de la fente de l’ouie. Le 
bord membraneux de l’opercule est très-petit. La 
fente de l’ouie est très-grande. La branchie opercu- 
laire est tout à fait rudimentaire. Les râtelures des 
branchies ne m'ont rien offert de remarquable. Je 
compte dix rayons à la membrane branchiosiège. 
La fente de la gueule, assez grande, n’a pas cepen- 
dant le uers de la longueur de la tête. Le maxillaire 
n’a que de petites dents; il ÿ en a sept ou huit sur 
l'intermaxillaire. Le nombre de ces denis est d’ailleurs 
très-variable, car ces organes tombent facilement 
comme dans tous. les autres saumons. Les dents pa- 
latines sont assez fortes, en crochets et sur une seule 
rangée. Il y en a trois ou quatre sur le chevron du 
vomer; mais le corps de l'os est lisse et sans dents. 
La mâchoire inférieure paraît dépasser la supérieure 
quand elle est abaissée; mais quand la bouche est 
fermée, on doit dire que les deux mâchoires sont 
égales. La langue, grande, libre, cannelée, comme 
celles des saumons, a de chaque côté une rangée 
de sept ou huit dents. La dorsale est sur le milieu 
de la longueur du corps. L’adipeuse est assez large. 
Les ventrales sont implantées sous les derniers rayons 
de la dorsale. L’anale est un peu pointue de l'avant, 
ainsi que la pectorale. La caudale est fourchue. 


Be 410:,D913:%4:12: 1029: P: 17: V 40. 


Les écailles sont très-peutes, ellipuiques. J'en 
compte deux cents rangées. Une d'elles, examinée 
séparément, ne montre que des stries d’accroisse- 
ment, parallèles aux bords. Il n’y en a point de 
longitudinales ou de transversales. 


228 LIVRÉ XXII. SALMONOÏDES. 


La couleur du poisson adulte ou vieux est un 


grisâtre urant au violet sur le dos. Les flancs et le. 


ventre brillent d’un bel éclat argenté. La 1ête et les 
nageoires dorsales ont des teintes verdâtres. La caudale 
re un peu au jaunätre. Le bord de son croissant est 
gris plus foncé. Les autres nageoires sont jaunâtres. 
Au-dessus de la ligne latérale le dos est poinullé 
de taches noires, qui deviennent de plus en plus 
peultes, à mesure que le poisson grandit. Elles tendent 

à s’effacer quand il est devenu adulte ou vieux. 
M. Agassiz, qui a si bien représenté cette 
espèce, a donné, dans son Histoire des Sal: 
mones d'Europe, la figure d'un jeune Z/uchén; 
elle montre que, dans le premier âge, le corps 
est traversé par sept ou huit bandes verticales 
arises ou violacées, qui disparaissent avec l'âge, 
comme dans les autres Salmonoïdes, et qui, 
plus tard, se changent en points. Quand l'ani- 
mal a un pied de long , on voit encore des 


points noirs sur le crâne et sur le haut de. 


l'opercule, mais ils sont déjà entièrement ef- 


facés sur un exemplaire de seize pouces de. 
longueur. Je n’en vois non plus aucune trace” 
sur un poisson long de deux pieds. Il ny en 
a pas sur les nageoires de nos exemplaires ,4 


et M. Agassiz n'en à indiquée aucune sur sa. 
planche. La coloration que Bloch" a donnée 2 à. 


son Salmo Hucho est donc tout à fait it iro 


1. Bloch, pl. 100. 


RER Res A PS TES 


CHAP. L SAUMONS. 299 


Les exemplaires sur lesquels j'ai fait les 
observations consignées dans cet article, ont 
tous été donnés au Cabinet du Roi par M. le 
marquis de Bonnay, alors ambassadeur de 
France près la cour impériale d'Autriche. 

Ce n’est pas le seul service que ce diplo- 
mate éclairé ait rendu aux sciences naturelles 
quil cultivait avec passion, en remplissant 
tous ses moments de loisir par l'étude pleine 
de charmes de la botanique. 

Nous lui devons d'autres exemplaires de 
saumons Ou de truites du Danube et des lacs 
d'Autriche ou de la Bavière. Je me fais un 
devoir de lui exprimer ici le témoignage de 
ma reconnaissance pour les services qu'il a 
rendus à notre ouvrage. 

Le nom de Huch est déjà cité dans Gessner", 
et il en donne même une figure dans son 
Traité de Piscibus, dessin qui lui avait été 
envoyé de Vienne par un médecin de cette 
ville. Quoique reconnaissable, elle n’est pas 
parfaitement correcte, et lon ne peut pas dire 
que l'on trouve déjà dans cet ouvrage cette 
espèce bien établie. Aldrovande? en a repro- 
duit une grossière copie; Willugbhy°, au lieu 


1. Gessner, De aquat., p. 1015, ou Nomenclai. aquat., p. 313. 
2. Aldr., p. 592. 


3. Will, Hist. pisc., tab. n.° 1, fig. 6, p. 199. 


2350 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


de donner une figure originale de ce poisson, 
s'est contenté de copier celle de Gessner; 
mais il le décrit d’après nature, et il signale 
très-exactement les différences qui font distin- 
guer notre espèce des autres truites. 

Marsigli ne veut pas omettre ce poisson dans 
son Histoire du Danube, et je trouve le Huch 
représenté sous son nôm allemand à la pl. 28, 
fig. 1. Mais bien que la figure soit reconnais- 
sable, elle est Loin d'être bonne : [a mächoire 
supérieure dépasse notablement l'inférieure ; 
il y a de la négligence dans les autres parties 
du trait. Cet auteur indique des taches sur 
la dorsale et sur la caudale, comme Gessner 
l'avait dit avant lui. Il l'indique comme une 
des plus grandes truites, qui atteint jusqu'à 
trente livres de poids. Il dit que la chair est 
blanche, mais molle et moins agréable au goût 
que celle des autres espèces. Le Huch fraie en 
juin, le mâle et la femelle se tenant appariés, 
et se cachant dans les cavités qu'ils se creusent . 
dans les fonds pierreux, malgré leur dureté, 
par la violence des mouvements de leur corps. 
Ils évitent facilement les filets des pêcheurs, en. 
se cachant dans les retraites où ils élèvent leurs « 
petits, comme dans des sortes de nids. Ces ob- 
servations se rapportent tout à fait à celles qui 
sont consignées dans la récente Ichthyologie 


CHAP. I. SAUMONS. 231 


que J. Reisinger' nous a donnée de la Hongrie. 

C'est avec les documents donnés par les 
auteurs que nous venons de citer que Linné 
a établi son espèce de Salmo Hucho. 

M. Hartmann? fait remarquer, dans son Ich- 
thyologie helvétique, que l'on a cité dans une 
description du canton de Lucerne le Szlmo 
Huch parmi les poissons du lac des Quatre- 
cantons, mais que l’auteur aurait pris le Æütter 
ou $. Umbla pour le Huch. 

Suivant Cornide*® le Æucho se trouve en 
Galice : 1l l'appelle Reo, et dit qu ïlentre dans 
la rivière au mois de mai; qu'on le pêche en 
juin et en juillet; que la ain est de bon goût, 
mais un peu sèche. 

Suivant le témoignage de Fleming, on 
trouve encore le Salno Hucho dans les eaux 
de l'Angleterre ; mais ce qui m'étonne, c'est 
qu'il est le seul zoologiste moderne qui fasse 
mention de cette espèce. Ni M. Yarrell, ni M. 
Jenyns n’en font mention. Cette espèce doit 
être rare dans les mers du Nord; car les au- 
teurs des Faunes septentrionales ne le citent 
pas. Pallas* cependant a un Sa/mo Hucho 


1. Reisinger, Ichth. Hung., p. 88. 

2. Hartmann, Ichthyol. hel., p. 118. 
8. Cornide, £. crt., p. 82. 

4, Pallas, p. 344. 


232 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


qu'il dit très-commun dans les fleuves qui 
versent leurs eaux dans la Baltique. Ce déli- 
cieux poisson est conservé vivant dans tous les 
viviers de Pétersbourg. L'auteur du célèbre 
ouvrage, que je cite, Le donne comme plus rare 
dans le fleuve Kama, et ajoute qu'on le ren- 
contre dans la mer Caspienne. La description 
détaillée qui suit ses remarques, se rapporte 
assez bien à l'espèce dont nous parlons; mal- 
heureusement l’auteur n’a pas désigné la place 
des dents du vomer. Il avait recu de Samuel- 
George Gmelin un Saumon de la Caspienne, 
très-semblable au $. Æucho. Il à trouvé ce 
poisson décrit sous le nom de Æucho dans 
les manuscrits de Guldenstædt. Ge voyageur 
le disait très- commun dans le lac Gokscha, 
d'Arménie. Il faut observer cependant que 
M. Nordmann' dit, que Pallas a dü se trom- 
per et confondre le Hucho avec une autre 
espèce de Saumon, attendu quil est, suivant 
lui, notoire que le Salmo Hucho nhabite 
pas les rivières qui se jettent dans la Baltique. 
Ce très-habile zoologiste a observé sur le 
Hucho un crustacé parasite attaché aux bran- 
chies : il l'a décrit sous le nom de Basanistes 
Huchonis. 


1. Nordmann, Fauna pont., p. 311. 


CtIAP. IL. SAUMONS. 233 


Le Saumon Ocra. 


(Salmo ocla, Nilsson.) 


Je trouve, dans l'ouvrage de M. Nilsson, 
l'établissement d'une espèce de Saumon que 
ce zoologiste croit différer et du $. Æucho 
de Bloch et de celui de Pallas, Il le donne 
comme un poisson 

ayant les yeux petits; l'iris blanchâtre. Le dos d’un 
noir verdätre. Les côtés et les opercules argentés, 
couverts de taches noires. Les écailles plus petites 
et plus nombreuses que celles du saumon. La dor- 
sale entièrement tachetée. A l’automne, la mâchoire 
prendrait un crochet comme celle du Bécard; mais 
le corps ne serait jamais orné de taches rouges. 

Ce poisson sortirait de la mer Baltique 
pour remonter dans le fleuve de Dalefven et 
peut-être dans les autres. Il se présente en 
Suède, à Elfkarlly, plus tard que le saumon 
ordinaire. On le prend en plus grand nombre 
au mois de juillet. Sa chair est blanche. 

Cette description laisse encore beaucoup à 
désirer; c'est donc avec doute que jindique 
ici cette espèce. 


L'OMBRE CHEVALIER. 
(Salmo umbla, Linn.) 


Un saumon commun dans l’est de la France, 


234 LIVRE XXII. SALMONCIDES. 


dans la Suisse, dans le Tyrol, est l'Ombre 
chevalier. Ce poisson 


a le corps beaucoup plus arrondi et plus trapu que 
le Huch et mème que le Saumon. La tête me parait 
un peu plus allongée que le corps n’est élevé, et à 
peu près du cinquième de la longueur totale. Ces 
proportions me paraissent cependant offrir quelques 
variauons. Les deux mâchoires sont égales. Le bord 
montant de l’opercule descend un peu obliquement. 
Les trois autres pièces operculaires se montrent à 
peu près comme dans le Hucho. I n’y a aussi que 
dix rayons à la membrane branchiostège. Les inter- 
maxillaires ont de fortes dents sur deux rangs 1rré- 
guliers. 11 y a aussi un groupe de sept ou huit dents 
crochues sur le chevron du vomer, et pour se faire 
une idée juste de ces dents vomériennes, nous ren- 
voyons à la figure donnée par M. Pichardson.! 
Nous avons compté sur notre exemplaire deux 
cent dix rangées d'écailles. La couleur de ce saumon 
est un gris verdâtre sur le dos, tacheté de points 
blancs pâles. Le ventre est jaunâtre. Les vieux mâles 
ont les maxillaires, l’opercule et le ventre salis d'un 
noir de charbon, qui les distingue tout de suite des 
femelles adultes. Celles-ci paraissent avoir le dos 
plus clair et moins tacheté. La dorsale est bleuûtre; 
la caudale, de même teinte, a du jaune sur la base 
des rayons mitoyens. Les nageoires inférieures sont 
jaunes, avec les deux ou trois rayons externes 


4. Richardson, Fauna bor. amer., pl. 92, fig. 5, a et b. 


CHAP. I. SAUMONS. 2355 


bleuâtres. Toutes ces teintes sont beaucoup plus 
pâles dans les femelles. L’adipeuse n'a pas de taches. 


Nous possédons, au Cabinet du Roi, un 
bel exemplaire de ce saumon, long de deux 
pieds et huit pouces, qui a été envoyé à 
notre Muséum par les soins de notre illustre 
confrère et ami, M. Decandolle. 

La meilleure figure à citer de cette espèce 
est celle que nous trouvons dans l'Histoire 
naturelle des poissons d'eau douce de l'Europe 
centrale. M. Agassiz a fait représenter le mâle 
et la femelle adultes, puis il a donné la figure 
d'une jeune femelle pêchée, avant la ponte, 
dans le lac de Zurich au mois de novembre. 
Il la représente avec le dos coloré en vert 
olivatre très-foncé sans aucune tache; les 
flancs sont noirâtres, couverts de petites ta- 
ches plus pâles. Le ventre est d'un rouge 
orangé sali. Les nageoires, à l'exception de la 
dorsale, sont d’un rouge-brique; celle du dos 
est terre d'ombre. Malgré ces différences très- 
sensibles de coloration, il nest pas dificile 
d'admettre que le poisson de la planche IX 
et celui de la planche XI ne soient de la 
même espèce, à cause de la ressemblance des 
formes. Notre savant ami a encore représenté 
un Omble plus jeune. Celui-ci paraît avoir 
le corps plus allongé, le museau plus pointu 


9236 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


et la tête proportionnellement plus longue. Le 
fond de la couleur est comme dans l'adulte, 
un vert noirâtre piqueté de blanc sur le dos 
et de jaunâtre sur les parties inférieures. Mais 
à cet àge les joues, les flancs et la dorsale sont 
piquetées de points rouges qui, d'après ces 
figures, disparaîtraient dans un âge plus avancé. 
On voit quelques points blanchätres perdus 
dans l'olivätre du dos. 

Rondelet}? a plutôt indiqué qu'il wa véri- 
tablement fait connaître lOmble. Mais le 
Carpione de Salviani* en est une représenta- 
tion beaucoup plus reconnaissable. On con- 
coit en effet que l'ichthyologiste de Rome ait 
mieux fait connaître un poisson qui est cé- 
lèbre dans toute l'Ttalie à cause de la délica- 
tesse de sa chair. Gessner ne fait que le copier. 
La figure de Duhamel”, que l'on cite ordinai- 
rement, me paraît tellement mauvaise qu'on 
ne peut en quelque sorte reconnaître le pois- 
son que par Son inscription. 

Le poisson dont nous nous occupons est 
le Charr des Anglais. Déjà Willughby# avait 
associé au Charr du pays de Galles le Car- 


. Rondelet, De Péscibus lacust., p. 160, ch. 158. 

 Salv., Aquat., p.99, pl. 25. 

. Duh., Traité des pêches, 2.° part., S. 11, pl. 8; fig. 5. 
Will, De'pise., 1p:196%"ch.126 ‘et 197, ch17 


©) 19 


qi CHAP. I. SAUMONS. 237 
pione du lac de Garda; et il a même repro- 
duit la figure de Salviani. La description qu'il 
en donne est également fort exacte; il avait 
aussi signalé l'absence de dents sur le milieu 
du palais. 

Si nous prenons maintenant Artedi, et Linné 
qui l'a suivi, en publiant les œuvres de son 
ann, nous trouvons des confusions dans l’éta- 
blissement de cette espèce et des Saumons 
voisins, tels que ie $. salvelinus, $. alpinus, 
etc.; mais nous ne croyons pas cependant 
devoir admettre l'opinion soutenue par M. 
Agassiz à l'association britanuique, qui est de 
considérer les S. alpinus, $. marinus, salve- 
linus, umbla, comme différents états d’un 
même poisson, et Ce qui me paraît surtout 
étrange, c'est d'oublier dans cette liste le S. 
carpio. L'espèce n.° 4 de la synonymie d’Ar- 
tedi repose sur le Carpio de Salviani et le 
Gilt-Charr de Willughby. Elle est devenue 
dans la dixième et la douzième édition du 
Systema naturæ le S. carpio. Mais comme 
le Carpio de Salviani est l'Umbla de Rondelet 
et de Gessner, il en résulte que les S. carpio 
S. umbla représentent la même espèce. 

Je ne vois pas FOmble cité dans Schœne- 
velde, dans Siemsen et encore moins dans 
les auteurs septentrionaux, puisqu'il n'est 


238 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


pas dans le Fauna suecica. LOmble parait 
aussi se trouver dans les eaux du Danemarck, 
puisque nous le voyons cité dans le Fauna 
danica, sous le nom de. carpio, et ilsavance 
beaucoup plus loin vers le Nord; car Othon 
Fabricius le compte aussi parmi les poissons 
du Groenland. Il lui donne pour nom groen- 
landais Ækalluk, Kevleriksok. W\ peut être 
compté parmi les espèces les plus communes 
au Groenland : il se tient dans les lacs, les 
fleuves et à leur embouchure. Sa nourriture 
consiste en Harengs, en Épinoches, en Mal- 
lottes (Salmo arcticus), en petites Crevettes. 
11 prend aussi les annélides ou les vers que 
lon trouve dans la vase, et ne dédaigne pas 
même les œufs de poissons. Mais il paraitrait 
que ses habitudes dans ces contrées boréales 
sont différentes de celles des individus vivant 
dans les lacs de la Suisse. Fabricius dit que 
ce poisson nage avec une grande vitesse, qu'il 
saute avec force. Il s'approche du rivage avec 
le flux de la mer et sen éloigne par le reflux; 
il remonte également les fleuves quand ils 
grossissent, et les descend quand l'eau dé- 
croit. En automne, il est plus nombreux et 
plus gros dans les fleuves où il vient frayer. 
On le mange séché ou fumé avec le Zichen 
rangiferinus. On fait de sa peau des bourses 


CHAP. I. SAUMONS. 239 


et plus rarement des voiles pour les bateaux. 
Sa chair est délicate, et agréable même aux 
étrangers. Comme lOmble chevalier est très- 
commun dans le lac de Genève, nous devons 
trouver dans les auteurs qui ont traité de 
lIchthyolosie helvétique des documents sur 
cette espèce. En effet, nous la voyons citée 
dans Hartmann ‘ et dans Jurine*. Ces auteurs 
remarquent que dans un Omble de huit à 
dix livres de poids la queue est carrée à l’ex- 
trémité, tandis que les jeunes ont la caudale 
fourchue. Ces poissons nagent lentement : 
quand ils sont pris, ils font peu d'efforts pour 
s'échapper du filet; ils habitent pendant pres- 
que toute l'année les grandes profondeurs du 
lac; ils ne remontent pas comme les Truites 
et les Saumons les rivières et les fleuves. 
Pendant vingt-cinq ans on na pris qu'un 
Omble dans les nasses du Rhône. L’Omble 
fraie en janvier et en février; à cette époque 
il Sapproche du rivage et dépose ses œufs 
autour des rochers ou sur de petites places 
garnies d'herbe. M. Jurine dit qu'autrefois on 
prenait des Ombles de vingt-cinq à trente 
livres dans le lac, mais il ajoute quil n’en a 


4. Hartm., Ichihyol. heb., p. 130. 
2. Jurine, Poiss. du Léman, p. 179, pl. 5. 


\ 


240 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


pas vu d'un poids supérieur à douze livres. 
La chair grasse et délicate de ce poisson est 
préférée à celle de la Truite : elle est un peu 


rougeälre, mais cependant moins que celle. 


des Truites saumonées. Il à fait une obser- 
vation curieuse en s'assurant de la vérité d’uné 
remarque des pêcheurs. Ces hommes s'accor- 
dent à dire que les Ombles conservés dans 
des réservoirs devierinent promptement aveu- 
gles. Il examina six Ombles de différente gros- 
seur ; en ayant remarqué un qui avait les yeux 
ternes, il chercha la cause de cette opacité 
et il reconnut que le crystallin devenait par 


places d'un blanc de lait. Il placa les autres. 


dans un réservoir traversé par une eau vive 
et courante. Au bout de huit jours l'un d'eux 
était devenu aveugle, et au bout d’un mois 
tous Les individus étaient affectés de cataracte. 
Ayant fait part de cette observation au direc- 


teur de la ferme du Rhône, celui-ci lui assura. 


avoir fait la même remarque et avoir constaté 
qu'après un plus long séjour dans un réser- 


voir les yeux se flétrissaient dans leur orbite. » 


L’Omble qui existe dans le lac des Quatre- 


cantons et dans celui de Neuchâtel, ne paraît | 


pas exister dans celui de Constance, car M. 


Nenning n’en fait pas mention. Les citations « 
que nous avons faites plus haut nous l'ont 


bon ARE 


CHAP. I. SAUMONS. DA 


montré dans les lacs d'Italie. M. Reisinger le 
compte aussi parmi ses poissons de Hongrie, 
et 1l croit que le Salmo salvelinus et le Salmo 
salmarinus indiquent aussi la même espèce. 
Nous verrons dans l'article suivant sur quel 
fondement nous croyons devoir les distinguer. 
L’Omble, qui manque aux rivières de France 
qui se jettent dans l'Océan, est commun dans 
les grands lacs d'Angleterre et surtout du pays 
de Galles. Outre le témoignage de Willughby 
que nous avons déjà invoqué, nous devons 
citer Pennant', qui traite dans son article du 
Charr et. des différentes variétés désignées sous 
les noms de Case-Charr, de ee de 
Red-Charr, et Barren-Charr. I] rappelle aussi 
le nom de Torgoch, qui lui est donné dans 
le pays de Galles. Donovan a publié après 
Pennant, mais sous le nom fautif de $. a/pinus 
de Linné, une figure de l'Omble chevalier. IL 
le représente bleu sur le dos, rose sous le 
ventre, les nageoires paires sont roses, les au- 
tres nageoires tirent plus ou moins au verdatre; 
le corps est couvert de points pâles. C'est sur 
ce document que Turton et Fleming ont fait 
reposer leur Sa/mo alpinus. M. Yarrell? a dis- 
tingué le $. umbla du $. salvelinus, et il a 


4. Pennant, t. IL, p. 256. 
2. Yarrell, Poiss. d’Angl., p. 65. 


21. 10 - 


242 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


donné du premier une figure fort reconnais- 
sable sous le nom de Vothern-Charr, et est 
entré dans de très-longs détails sur l'histoire 
de ce poisson. Il dit qu'il atteint très-rarement 
deux pieds de long. M. Jenyns a aussi distingué 
le Charr, qu'il appelle également $. umbla. Cet 
auteur observe que ce poisson varie beaucoup 
de couleur. Il existe aussi dans le Recueil des 
poissons de Madame Bowdich une brillante 
représentation du Charr des contrées septen- 
trionales de l'Angleterre. 

Presque tous ces auteurs ont cru retrouver 
dans leur Charr le Salmo alpinus de Linné, 
mais je regarde cette synonymie comme fau- 
ve, ainsi que je m'en vais le dire dans l'ar- 
ticle suivant. Quant au $. a/pinus de Bloch, 
je crois quil faut le rapporter au $. wmbla. 
En effet, Bloch a donné un dessin quil avait 
recu de Saint-Gall par le docteur Wartmann; 
Bloch l'a fait graver, et très- probablement il 
aura altéré ce dessin, comme il ne lui est 
arrivé que trop souvent dans son Ichthyo- 
logie : car j'ai dessiné à Berlin, en 1827, deux 
individus de la collection de Blu, Ba con. 
servé dans l'alcool et l’autre ionbe appelés 
Salmo alpinus, et qui tous deux sont certaiss 
nement le S. umbla. Ù 

Je vois que M. Faber n’a établi dans son 


CHAP. I. SAUMONS. 343 


Ichthyologie d'Islande qu'un Sa/mo alpinus, 
comprenant celui de Linné, de Fabricius et 
de Mohr, mais renfermant aussi, comme une 
variété marine, le $. carpio de Linné, du 
Fauna groénlandica ou de l'Histoire natu- 
relle de [Islande par Mohr. Ges citations me 
font croire que l'Omble se trouve en Islande 
comme au Groenland, qu'il y vit avec le S. 
alpinus, mais que M. Faber n'a pas distingué 
convenablement ces différentes espèces. 


Le SAUMON KUNDSHA. 


(Salmo leucomenis, Pallas.) 


J'ai également dessiné et décrit à Berlin le 
poisson que Pallas a appelé S. Zeucomenis. 
Les formes le rapprochent de lOmble, mais 
comme la langue, les palatins et le vomer 
étaient enlevés sur l'individu préparé, je ne 
puis placer cette espèce dans ce groupe que 
d'après l'indication malheureusement un peu 
vague laissée par Pallas sur la disposition des 
dents. La couleur 


est argentée, un peu bleuâtre, avec des taches orbi- 
culaires blanches, devenant verdâtres près du dos. 
La teinte générale se rembrunit d’ailleurs sur le haut 
du corps; elle est très-blanche sous le ventre. Les pec- 
torales sont blanchâtres. Les ventrales sont blanches. 


1. Pallas, Fauna Rosso-asiat., NI, p. 356, n.° 254. 


244 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


Pallas dit que la chair est plus rouge dans 
les individus de la Sibérie boréale que dans 
ceux de la Sibérie orientale. La forme des 
taches, telle que je l'ai indiquée sur mon 
dessin, me fait croire que ce poisson est dif- 
férent de lOmble, bien qu'il en soit voisin. 


Le SAuMon DES CoOURILES. 


(Salmo curilus, Pallas.) 


J'ai aussi dessiné à Berlin le $. curilus d’a- 
près des exemplaires de Pallas’, et déjà, en 
1826, je décrivais ce poisson, en disant 


qu'ils portent cinq dents à l’intermaxillaire, dix-sept 
aux maxillaires, vingt-six à la mâchoire inférieure 
(treize de chaque côté), seize ou dix-huit aux pa- 
launs, cinq sur le chevron du vomer, plus grandes 
que les autres, et dix sur la langue. La couleur du 
corps est noirâtre sur le dos; brune ou olivâtre surw 
les flancs. Le ventre est blanc. Des taches nom-* 
breuses, espacées en quinconce, fauves et päles au-* 
dessous de la ligne latérale, plus rares et moins. 
marquées au-dessus d’elle, couvrent les flancs. Les \ 
nageoires sont tachetées de brun. Les pectorales ont « 
la base rougeñtre. | 


Ce poisson, long d’un pied, a été observé: 
P dns pe | 
par Merck dans les ruisseaux des îles Couriles. 


1. Pallas, Fauna Rosso-asiat., WA, p. 351, n.° 251. 


UT PPT PORT 


eo 


CHAP. IL SAUMONS. _ 245 


Ce Saumon est, comme on voit, très-Voisin 
de lOmble et non du $. callaris, qui a des 
couleurs très-différentes aux nageoires infé- 
rieures. 

Le SAUMON Lisst. 


(Salmo lævigatus, Pallas.) 


J'ai encore pu faire un dessin, d'après les 
individus secs conservés au Musée de Berlin, 
du $. lævigatus de Pallas. Je n'en connais pas 
assez bien les dents pour le caractériser et pour 
le joindre au $. umbla ou pour l'en distinguer. 
L'espèce en est cependant voisine; car elle 
n'a pas de dents sur le vomer, c'est confirmé 
par l'expression de Pallas : Palati fornix ca- 
eus inermis. Le poisson nest donc pas aussi 
voisin du $. furio que ce grand zoologiste le 
pensait. [l ajoute 

que le corps est comprimé. Le museau court et 

obtus; que les mâchoires sont presque égales quand 

la bouche est fermée. 
Les nombres sont : 
Bir-12 DE MEAMO SC. 2 SPAS V0 
Le corps, argenté et sans taches, a le dos bleuûtre. 

Les nageoires inférieures paraissent avoir été rous- 

sàtres. 


Ce poisson vient des îles Couriles, d'où 


1. Pallas, Fauna Rosso-asiat., II, p. 385, n.° 266. 


246 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 
il a été rapporté par Merck. Les deux indi- 
vidus envoyés à Pallas sont longs de six pouces. 


Le SAUMON SALVELIN. 


(Salmo salkelinus, Linn.) 


Les eaux douces de l'Europe nourrissent 
une espèce de saumon que l'examen des dents 
caractérise et fait par conséquent reconnaître 
avec facilité. Il n’y a, en effet, dans cette espèce 


que quatre ou cinq dents implantées sur une ligne 
transversale à l'extrémité du chevron du vomer. C’est 
d’ailleurs un poisson dont on peut dire que les deux 
mâchoires sont égales. La supérieure parait cepen- 
dant un peu plus courte. Le maxillaire est droit et la 
distance de son extrémité au bout du museau égale 
celle mesurée entre cette même extrémité et le bord 
de l’opercule. Les dents du palais sont sur un seul 
rang ; dentition différente de celle de lOmble cheva- 
lier. La tête un peu plus petite que Le cinquième dela 
longueur totale. Les écailles paraissent très-petites, et 
cependant je n’en compte que deux cent vingt-sept 
rangées dans la longueur. Le poisson frais est d’un vert 
bleuâtre sur le dos, rouge très-foncé sur toutes les 
parties inférieures. Les flancs sont couverts de taches l 
rouges; mais celles-ci semblent disparaître suivant 
les saisons ou suivant l’âge; car j'en ai un exe 
plaire qui n’en porte aucune trace. La dorsale est# 
verte. Les deux derniers rayons ont seulement un 
peu de rouge. La caudale, un peu plus pâle, a des 


CHAP. I. SAUMONS. 247 


teintes rouges sur les rayons. Tout le ventre, ainsi 

que les nageoires inférieures, sont d’une belle cou- 

leur rouge. Le bord antérieur de l’anale et des deux 
nageoires paires est blanc. 

Je fais cette description sur de beaux exem- 
plaires préparés pour notre Musée par les or- 
dres de M. le conseiller aulique de Schreibers, 
directeur du Musée impérial de Vienne, et sur 
d'autres, de même taille, envoyés de cette 
capitale par M. le marquis de Bonnay. 

Le poisson que je viens de décrire se rap- 
porte très bien à la figure de Bloch, et l'on 
comprendra cette identité quand on saura que 
Bloch avait reçu le sien d'Autriche, par con- 
séquent du même lieu que nous. Il y a rap- 
porté le Salmo salvelinus de Linné. Or, je 
crois que celui-ci n'est pas le même que celui 
de Bloch; car Linné a copié la phrase d’Ar- 
tedi, qui donne pour caractère à son poisson 
d'avoir la machoire supérieure un peu plus 
longue que linférieure. D'ailleurs, je ferai 
remarquer que toute la synonymie d’Artedi 
repose sur les figures de Rondelet; car Gessner 
et Willughby ne sont que des copistes de 
lichthyologiste de Montpellier, et, sans aucun 
doute, le Salmo alter Lemani lacus sive Umbla 
allera' ne peut pas être la représentation de 


1. Rondelet, De pisc. lacust., p. 160, ch. 14. 


DAS LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


notre poisson. D'ailleurs, je suis convaincu 
que Linné a fait une autre confusion, lors- 
quil a donné pour le S. salvelinus d’Artedi 
un poisson qui venait d'Autriche, auprès de 
Lintz. Il est très-probable que l'auteur du 
Systema naturæ aura mal déterminé son 
espèce. Bloch cite encore le $. salmarinus « 
de Linné, lequel, d’après Artedi, repose uni- . 
quement sur la figure de Salviani’. Cette 
figure me paraît indéterminable. Est-ce sur 
elle qu'Artedi a composé la phrase caracté- 
ristique appliquée au Salvelinus par Linné, : 
ou sur les poissons de Norwége que j'ai sous 
les yeux? Cette phrase a-t-elle été faite d'après 
nature et transposée dans les papiers d’Artedi, 
lorsque Linné les a publiés? C'est ce que je 
n'ose décider. Mais, dans tous les cas, si je 
conserve le nom de S,. salvelinus, 11 est bien 
entendu que je le prends d'après la figure de 
Bloch, et que j'exclus toute la synonymie li- 
néenne que cet auteur a jointe à son espèce. 
Notre poisson est aussi le Salbhings de Mar- 
sigli*. Cest même la seule figure des trois 
espèces voisines quil a données, qui soit faci- 
lement reconnaissable; voilà pourquoi j'ai cru 


1. Salviani, fol. 102. 
2. Marsigli, t. XXIX, fig. 1. 


CHAP. I. SAUMONS. 249 


devoir me dispenser de citer les deux autres, 
et surtout la première à l'article de lOmble. 


Le SAUMON ROIE. 
(Salmo alpinus, Linn.) 


L'abondance des matériaux réunis dans le 
Cabinet du Roi, m'a permis de distinguer des 
espèces extrêmement voisines les unes des 
autres, parce que j'ai pu faire une comparaison 
immédiate de plusieurs individus de chacune 
d'elles. 

Nous possédons plusieurs Truites, rappor- 
tées de Norwége par Noël de la Morinière, 
ou de Suède et d'Islande par M. Gaimard, le 
chef actif de l'expédition scientifique au Nord. 
L'une de ces Truites me parait répondre par- 
faitement à la figure d'Ascanius, et être son 
véritable Roëdins. Comparée au Salvelinus du 
Danube, on voit qu’elle s'en distingue 

par une tête plus étroite, par un maxillaire plus 

court et plus grêle, par des dents plus fines et plus 

longues. Il y en a quatre sur une bande transversale 
au chevron du vomer. Les deux mâchoires sont 
égales. D'ailleurs, les écailles ne sont guère plus 
grosses, La caudale est un peu fourchue. 

Les nombres sont : 


B115D713; À 10: C:22855P. 14: V9: 
La couleur du poisson, conservé dans l'alcool, 


250 LIVRE XXL SALMONOÏDES. 


est devenue noirâtre, avec des points sur les flancs. 
On voit encore que l'anale et la ventrale étaient 
rougeûtres, et que le premier rayon de la nageoire 
paire était blanc. Ascanius! le peint d’un rouge lie 
de vin très-foncé sur le dos, devenant plus vif sur 
les côtés et pâle sous le ventre. Il a la gorge blanche. 
Les points des flancs se détachent en clair. La dor- 
sale est grise; la caudale est d’un brun rougeâtre à 
sa base, bordée de rouge pâle. La pectorale, du même 
gris que la dorsale, est terminée par du rougeitre, 
et n'a pas de bordure blanche. La ventrale est rouge, 
avec le premier rayon blanc. L’anale, sans bordure, 
est du même rouge que la ventrale. 


Ascanius appelle ce poisson du nom de 
Roie, et il Le croit le véritable $. alpinus de 
Linné. Cest effectivement le seul de nos Om- 
bles qui correspond parfaitement à la descrip- 
üon du Fauna suecica*. Je ferai seulement 
remarquer que toute la synonymie, prise dans 
Artedi, serait mauvaise. Le Salmo alpinus se 
trouve cité dans lIchthyologie scandinave de 
M. Nilsson; mais il a eu tort, selon moi, dy 
rapporter le S. salvelinus de Bloch, et je crois 
aussi le S. erythreus de Pallas. 

Nous avons pu faire un squelette de cette 
espèce; nous lui avons compté soixante-sept 


ee — 


4. Ascanius, Îcon. rer. nat.,1. XVUHI. 
2. Faun. suec., p. 117, n.° 310. 


CHAP. I. SAUMONS. 251 


vertèbres, dont trente-cinq sont abdominales. 
Notre individu a près d’un pied de long. 
Cette espèce habite dans les lacs alpins de 
la Laponie les plus élevés, où elle est très- 
abondante et presque le seul poisson. Linné 
remarque, avec raison, quil est difficile de 
concevoir comment ce poisson peut trouver 
une nourriture suflisante dans des eaux gelées 
pendant neuf à dix mois de l'année, et où on 
ne trouve ni herbes ni vermisseaux. Ascanius 
dit que sa nourriture consiste en larves de 
moucherons. Le Roïe lui semble destiné, par 
la nature, à subvenir aux principaux besoins 
du Lapon des Alpes boréales. Comme ce pois- 
son est agréable à voir à cause du brillant de 
ses couleurs, et comme sa chair est d'un excel- 
lent goût, on a su le transplanter et le con- 
server dans des petits parcs d’eau de fontaine. 
Pallas' à rapporté au $. alpinus d'Ascanius 
un poisson, décrit par Georgi* sous le nom de 
$. erythrinus. I] a seulement changé l'épithète 
en disant $. erythreus. Ce poisson a le corps 
allongé, épais; le dos et l'abdomen assez con- 
vexes. La couleur est semblable à celle des 
poissons figurés par Ascanius. Comme la ven- 
trale seule est très-rouge, avec le bord blanc, 


4. Pallas, Fauna Rosso-asiat., MI, p. 349, n.° 250. 
2. Georgi, Iin., t. L, p. 186, tab. 1, fig. 1. 


252 _ LIVRE XXI. SALMONOÏDES. 


j'admets assez facilement la détermination de 
Pallas en ce qui concerne Ascanius,maisnon pas 
en ce qui concerne les citations deWillughby 
et de Pennant, ainsi que celles de Bloch. 
Georgi a trouvé ce poisson en grande abon- 
dance dans le lac alpin de Frélicha, qui verse 
ses eaux, par torrents, dans les côtes orien- 
tales du lac Baïkal. Les Russes riverains 
de ce lac l'appellent Xrasnaja-Ryba; mais 
cette dénomination s'appliquerait, d'après les 
observations de M. Mertens, à tous nos sau- 
mons rouges. 

Je trouve dans Fabricius' un $. alpinus, 
qui, selon lui, différerait très-peu de l'Omble 
chevalier; si bien que, pendant tout son séjour 
au Groenland, il ne l'en distinguait pas. Mais, 
de retour dans son pays, il a cru retrouver 
dans cette variété le $. alpinus de Linné. La 
description est un peu vague. On doit se 
contenter de cette simple indication. 

Cette espèce a été le sujet d'observations 
curieuses publiées dans les Mémoires de Stock- 
holm, et que mon savant confrère et ami 
M. Rayer” n’a pas omis de rapporter dans son 
beau travail sur les maladies des poissons. 


1. P. 178, no 195. 


2. Rayer, Arch. méd. coiwpar., n.”* 4 et 5, p. 266. 


cha. I. SAUMONS. 253 


Antoine Roland Martin’ dit qu'il a vu à Berg- 
hen, dans l'automne de 1759, des poissons 
lépreux. Il entendit affirmer que des lacs en- 
tiers étaient pleins de ces poissons malades. 
Il croit même que plusieurs autres espèces 
de truites étaient affectées en même temps 
que le Roëding; et il inclinait à admettre que 
la lèpre était plus commune parmi les habi- 
tants des bords de ces lacs, que dans ceux 
des autres contrées. IL faudrait de nouvelles 
observations plus étendues, mieux faites sur 
ces maladies des poissons observées en général 
par des hommes peu instruits, et qui em- 
ploient pour désigner une affection quils ne 
connaissent pas bien, des mots qui désignent 
une maladie dont la nature est bien déter- 
minée et nettement connue. Quand on parle 
de saumons ladres, il ne faut pas admettre 
que ces poissons ont la chair farcie de cysti- 
cerques, comme les cochons ou l’homme souf- 
frant de ladrerie. Nous ne connaissons pas 
bien la maladie de nos saumons. Il en est de 
même très-probablement de cette lèpre des 
truites alpines de A. R. Martin. La lèpre est 
malheureusement commune sur les côtes de 


1. Anmerk. über die sogenannten aussätzigen Fische, von And. 
Rol. Martin, Kôn. Ak. der Wissenschaften von Stockholm , 1160 ; 
t. XXII, p. 301. 


254 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Norwége, et les truites qui changent d'aspect, 
ou qui meurent peut-être après la ponte, sont 
dites lépreuses. Il faut espérer que les zoolo- 
gistes ou les médecins habiles de Berghen 
traiteront un Jour cette question curieuse et 
importante pour la physiologie générale. 


Le SAUMON KULMUND. 


(Salmo carbonarius, Ascanius.) 


Nous avons encore recu de Norwége, par 
Noël de la Morinière, une autre Truite de 
Norwése, dont Ascanius a donné une figure 


arfaitement reconnaissable : c’est le Xulmund” 
P 


des Norwégiens, qui est devenu dans le travail 
de Strômle $.carbonarius, et quenous voyons 
adopté dans l'ouvrage de Nilsson. Ce poisson 
est remarquable 


par la longueur de ses maxillaires arqués. Sa mà- 


choire supérieure dépasse évidemment l'inférieure. « 
Les dents forment un peut groupe sur le chevron 
du vomer; celles des mâchoires sont assez fortes." 


La caudale est un peu fourchue. 
B.. 10; D. 105 AT; C.1255 P. 12; V. 9. 


La couleur du poisson, conservé dans l'eau-de-vie, 


est noirâtre. Des taches paraissent sur le corps. Les 


nageoires, pectorales et ventrales, ont un fin liséré 


RAP NT OE, PE 


CHAP. IL. SAUMONS. 255 


blanchâtre. Ascanius', qui a vu le poisson frais, 
peint le dos presque noirûtre, les flancs violets, 
couverts de taches argentées; le ventre blanc; les 
nageoires sont bleuâtres ; la base de la caudale tient 
de la couleur du dos. 


Ce Kulmund a été observé par Ascanius 
dans le Randsfjord. La pêche de cette espèce 
produit très-peu, parce que le poisson a une 
chair blanche, molle et peu estimée. C'est aussi 
l'opinion de M. Nilsson : suivant cet auteur, le 
Kulmund se tient dans les lacs des régions 
boisées de la Norwége occidentale, mais qu'il 
ne s'élève jamais dans les eaux alpines; il ne 
quitte Le fond des lacs qu'au moment du frai; 
on le pêche dans l'été avec des lignes amorcées 
d'une grenouille vivante. 

Cette espèce est la seule qui convienne à 
cette phrase de la synonymie d'Artedi : Salno 
pedalis maxilla superiore longiore. Mais il 
faut observer de suite, que les citations placées 
dans cette synonymie sont fausses; car elles 
se rapportent toutes à un poisson entièrement 
différent. Si l'on sen tenait à la phrase d’Ar- 
tedi, sur laquelle l'espèce a été établie, le S. 
salvelinus de la 12. édition de Linné serait 
la dénomination linéenne à donner à notre 


4. Ascanius, Îcon. rer. nat., 1. XXXUIT. 


256 LIVRE XXI. SALMONOÏDES. 


poisson. Mais Linné fait une confusion, en 
disant que son Salvelinus habite en Autriche, 
à Laintz; car nous avons vu que ce poisson 
du Danube a la mächoire supérieure plus 
courte que l'inférieure. Voilà donc pourquoi 
nous préférons laisser ces dénominations lin-+ 
néennes et que nous nous en tenons à celles 
de Strôm et de Nilsson, et à la figure d’Asca- 
nus. 


Le SAUMON D'ASCANIUS. 


(Salmo Ascanii, nob.) 


Ascanius' nous a donné la figure d’une troi- 
sième espèce, voisine des deux précédentes, 
qui tient aussi du Salvelinus, mais qui me pa- 
rait différer de toutes les trois : c'est celle de 
l'espèce qu'il a également appelée le Roëding 


ou Raætelet. Celui-ci diffère du Salvelinus, 


auquel on peut le comparer, parce qu'il 


a la bouche beaucoup moins fendue, car le maxillaire 
dépasse à peine le bord antérieur de l'orbite. La tête « 


est petite. 
D. 12; À. 10; C. 18; P. 13; V. 8. 


Cette espèce se trouve dans les lacs de 


Christiandsandvis près de la eôte; on en a rap-# 


4. Ascanius, t. XXXII. 


CHAP. L SAUMONS. 257 


porté une vingtaine à Ascanius pendant son 
séjour à Stavanger. La couleur du poisson frais 
est brune sur le dos, tachetée de points plus 
pâles ; les flancs sont jaunâtres, le ventre est 
rouge , les ventrales et l'anale sont rouges, bor- 
dées de blanc, les pectorales sont rougeûtres; 
les trois autres nageoires tiennent de la cou- 
leur du dos. Je ne possède pas ce poisson 
parmi les exemplaires qui nous sont venus 
de ces contrées septentrionales ; mais comme 
Jai vérifié l'exactitude des figures d’Ascanius 
sur les S. alpinus et $. carbonarius, je n'ai 
pas de raisons pour supposer que la figure de 
ce Rôding soit moins fidèle. Or, la petitesse 
de la bouche ne peut me faire admettre que 
cette planche représente un poisson de la 
même espèce que le $. salvelinus du Danube. 
C'est cependant ce que M. Nilsson' a cru, en 
donnant notre poisson comme le S. salvelinus 
de Linné. 

. Ascanius a vu que l'on conservait aussi ce 
poisson dans des réservoirs ou dans des étangs, 
parce que la pêche n'en est pas abondante et 
qu'elle dure peu de temps. 


1, Nilsson, Îchth. scand., p. 10, n.° 11. 


21. 17 


258 LIVRE XXIT. SALMONOÏDES. 


Le SAUMON AUTOMNAL. 


(Saimo autumnalis, Pallas.) 


Le saumon que Pallas a inscrit sous le nom 
de $. autumnalis est tellement voisin du pré- 
cédent, que jai hésité à l'en distinguer. Cette 
espèce a 

la tête noirätre, le dos rembruni; il devient cendré 

au-dessous de la ligne latérale; le ventre tacheté çà 

et là de rouge, comme sanguinolent, sur un fond 
blanchätre; la dorsale est brune; les pectorales sont 


rouges, les ventrales et l’anale, de la même couleur, 
sont bordées de blanc. 


Pailas dit que ce poisson remonte en troupe 
dans la Néwa au mois d'octobre. Ces Saumons 
entrent dans le fleuve pour y frayer, quand 
ils sont pleins de laite ou d'œufs. Leur chair 
rouge est plus molle que celle du Huch. 

Nous avons recu de bons exemplaires de 
cette espèce par la générosité de S. A. I. la 
grande duchesse Hélène de Russie. On pren- 
drait ce Salmonoïde pour un jeune saumon. 
Mais il en est distinct. | 

J'ai aussi pour garant de ma détermination” 
le dessin que j'ai pris à Berlin sur l'individus 
desséché et original de Pallas. La petitesse dus 
maxillaire se rapporte tout à fait à la confor# 


GE 


ES 


AÉLEre 


CHAP. IL SAUMONS. 259 


mation du squelette de l'espèce précédente 
que jai sous les yeux. 

J'ai encore trouvé dans le même Musée un 
saumon rapporté du Japon par M. Langsdorff; 
le dessin de la tête, et surtout des màchoires, 
ressemble tellement au précédent, que je ne 
crois pas me tromper en les réunissant. L’œil 
me parait cependant un peu plus petit. 


Le SAUMON VENTRU. 


(Salmo wventricosus, nob.) 


Je vois encore dans la liste des Salvelini 
de M. Nilsson un S. ventricosus, qui me parait 
extrèmement voisin du $. Rædins d'Ascanius, 
mais qui tient aussi du $. carbonarius de 
Strôm. Cest un poisson 


à ventre gros, nolrâtre, marqué de taches blanches: 
sur les flancs. Le museau est court, tronqué obli- 
quement. Les mâchoires sont presque égales. IL 
ajoute que les yeux sont petits; que l'abdomen est 
gris, l'iris jaune, et que l'intérieur de la bouche, 
noire, est marbré d’orangé. Ce qui le distingue de 
tous les autres, c’est que le bord des pectorales, des 
ventrales et de l’anale est blanc. 


Ce poisson, long d’un pied, lui a été dé- 
signé par les Norwégiens de Sidgal, sous le 
nom de Gantesfisk. On ne l'a encore trouvé 


260 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


que dans ce lac, dont il habite les grandes 
profondeurs. 


Le SAumon GoLzErz. 


(Salmo callaris, Pallas, fig. 352, n.° 252.) 


Le $. callaris de Pallas diffère très-peu de 
ce $. ventricosus de Nilsson, et je vois que ce 
grand naturaliste a été fort incertain sur la 
synonymie, et par conséquent, sur la déter- 


mination de cette espèce. 


La mâchoire inférieure est plus longue, plus ro- 
buste, plus pointue que la supérieure. Les dents 
sont égales et en petits crochets. Les pectorales, les 
venirales et l’anale sont rouges, avec leur premier 
rayon blanc. Mais ce qui le disungue du précédent, 
c'est que le dos est brunâtre, semé de grandes taches 
d'abord pâles, mais devenant ensuite rouge de 
cinabre; l'abdomen est rouge. 


Pailas observe que tous ces poissons man- 
quent à la Russie et à la Sibérie; mais quils 
entrent en troupes dans tous les fleuves qui 
se jettent dans la mer orientale. Steller rap- 
porte que, dans un lac du cap de Kronok 
au Kamitschatka, il vit des variétés de ce 


S. callaris qui avaient le ventre plus gros, « 
qui étaient d'une couleur livide, sans reflets w 
argentés, à ventre blanc, à pectorales jaunà-" 


PRE ESS ES 


CHAP. I. SAUMONS. 261 


tres, à ventrales plus rouges, et à anale plus 
rembrunie. Ge n'est peut-être effectivement 
qu'une variété du précédent. 

J'ai dessiné le $. callaris à Berlin, et l’en- 
semble du trait et la forme du maxillaire 
prouvent les aflinités de ce poisson avec les 
espèces précédentes, et asseoient mon jugc- 
ment. 

Le SAUMON BLÈME. 


(Salmo pallidus, Nilsson.) 


Une autre espèce, également voisine du 
Rœding 

a le corps allongé; les mâchoires égales; la tête et 
l'ouverture de la bouche plus petite; le maxillaire 
moins prolongé et toutes les nageoires plus courtes 
que celles du Rœding. Les côtés sont tachetés de 
rouge. Toutes les parties inférieures sont blanches 
argentées, et les nageoires inférieures, pâles, sont 
teintées de jaunâtre. 

M. Nilsson croit que ce poisson n'a été 
trouvé nulle autre part jusquà présent que 
dans le lac Wettern, où les riverains l'appellent 
Ljusrôding, Blankroding, Grünrüding. Sa 
chaïr, blanche, est maigre et peu estimée. 
Les plus grands individus pèsent de huit à 
neuf livres. On dit qu'ils fraient en octobre, 
dans les fonds du lac, par trente ou quarante 
brasses. 


262 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. Ù 

Il me parait que cest à côté de cette es- 
pèce que viendra se placer, si elle ne lui est 
complétement identique, le $. stagnalis de 
Fabricius”. Sa description me paraît se rap- 
porter assez bien, puisquil est d'un brun 
noirâtre sur le dos, pale sur les côtés, et que 
toutes les nageoires inférieures sont cendrées. 
C'est une espèce très-rare au Groenland, qui 
vit dans les eaux retirées sur les montagnes, 
d'où elle ne descend jamais. 


Le Saumon DE NiLssow. 
(Salmo rutilus, Nilss.) 
Enfin, je place encore une troisième espèce 


que je n'ai pas vue, mais dont il est facile de 
connaître les aflinités, puisque l'auteur les a 


lui-même déterminées par les caractères si” 


positifs tirés de la dentition. 


C’est un saumon à mâchoire inférieure plus longue; 


à museau court, pointu ; à tête petite. Les yeux sont \ 


grands. Le corps est grêle et allongé. 
La couleur, roussâtre, mêlée de jaune, est semée 
de taches plus pâles. 
Ce poisson, long d'un pied, est, suivant 
l'auteur, très- distinct de tous ceux quil a 


1. Fabricius, Fauna groenl., p. 115, n.° 1926. 


D st ce ES 


CHAP. I. SAUMONS. 263 


décrits. Ce Saumon a été pêché dans un lac 
de Norwége, du territoire de Hadeland. 


Le SAUMON DEsFONTAINES. 
(Salmo rivalis, Fabr.) 


M. Gaimard nous a rapporté, de l'expédi- 
tion de la Recherche, un Saumon de petite 
taille, remarquable par la grosseur de son 
museau, par la brièveté de sa tête, la finesse 
de ses dents, et qui se distingue du $. salve- 
Enus, dont il se rapproche cependant le plus, 
parce quil porte sur le chevron du vomer un 
groupe de petites dents. Il se distingue aussi 
de lOmble chevalier par la finesse de ses 
dents. Ce poisson 

a le corps couvert de petites écailles. Conservé dans 

la liqueur, il est brun et couvert de petites taches 

blanchâtres. À en juger par un croquis pris sur le 
poisson frais, les couleurs seraient un noir doré 
sur le dos, passant, par des nuances insensibles, au 
rouge du ventre. La pectorale, noire sur la plus 
grande partie de sa surface, est entourée d’une bor- 
dure rouge, et liséré de blanc le long du côté ex- 
terne. La ventrale a les rayons internes rouges, avec 
du noir sur le devant et un large bord blanc. Les 
nageoires impaires sont noirâtres et bordées de blanc. 

L'indication de ces couleurs nous a été 

donnée par M. Eugène Robert, qui a fait une 


264 LIVRE XXIL. SALMONOÏDES. 


assez jolie esquisse de ce poisson. Il vient d'un 
lac d'Islande, et on l'a nommé au savant voya- 
geur que je cite, Raüd ou Leikia-Silunsr. 
Je dois faire remarquer que Mohr' cite aussi 
ces noms dans son Histoire de l'Islande, en les 
appliquant à des espèces nominales différentes. 

Je rapporte à cette espèce un autre petit 
poisson qui a une dentition parfaitement sem- 
blable, mais qui parait cependant avoir le 
corps un peu plus allongé. Il a été donné au 
Cabinet du Roi par M. Beck. Il correspond 
fort bien à la description du $. rivalis de 
Fabricius. Cependant la grandeur de l'indi- 
vidu me laisse aujourd'hui quelque doute sur 
l'exactitude de ce rapprochement. Cest sous 
ce nom que j'ai fait graver cette espèce dans 
lIchthyologie du voyage en Islande et au 
Groenland?. On trouve dans l'histoire des 
poissons d'Islande de Faber un S. rivalis quil 
croit semblable à celui du Fauna groenlan- 
dica ; il ne le donne pas en effet plus grand. 
J'ai aussi dessiné, à Berlin, deux exemplaires 
originaires du Musée de Pallas et étiquetés 
S. rivalis. Il n'y a pas d'espèce décrite sous 
ce nom dans le Fauna rosso-asiatica. La 


4. Mobr, Hist. nat. de l'Islande, p. 80 et 81. 
2. Valenc., Poissons d'Isl. et du Groenl., pl. 15, fig. 6. 


CHAP. IL SAUMONS. 265 


forme de ces deux poissons, la grosseur de 
la tête, s'accordent assez bien avec nos indi- 
vidus, mais comme ils étaient jeunes, ils ont 
encore la livrée des Saumons de cet âge. 


Le SAUMON DE LA Mana. 


(Salmo gracilis, nob.) 


Nous possédons aussi dans le Cabinet du 
Roi un Saumon remarquable 


par son corps allongé et rond. Sa hauteur est com- 
prise huit ou neuf fois dans sa longueur totale. Les 
mâchoires, d’égale longueur, portent de petites 
dents, assez semblables à celles de nos Truites, sur 
les maxillaires, sur les palatins et sur le chevron du 
vomer, Il y en a non-seulement sur le corps de la 
langue deux rangées plus nombreuses chacune que 
celles de nos Truites, car on en compte dix ou 
douze de chaque côté, mais la queue de l'hyoïde 
se trouve encore hérissée Ge petites dents. Ce carac- 
ière le distingue de toutes les autres espèces dont 
nous avons jusqu'a présent parlé. 
B. 140; D. 12; À. 125 C 25; P. 12; V. 10. 

Les couleurs sont évidemment distribuées par 
bandes transversales sur le corps. On en compte 
dix ou douze, Je ne vois point de trace de taches 
sur le corps ni sur les nageoires. 


Notre plus grand exemplaire, de huit 
pouces et demi de longueur, a été envoyé de 


266 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


la Mana par Madame Rivoire, sœur hospita- 
lière établie sur les bords de ce fleuve, et 
qu'un noble zèle de charité chrétienne a porté 
au milieu de ces contrées encore peu civili- 
sées. Elle y a fondé un établissement de 
sœurs, et elle emploie ses moments de loisir 
à la recherche des produits de ce pays. Elle a 
fait plusieurs envois curieux au Muséum d'his- 
toire naturelle, parmi lesquels se trouve ce 
poisson, qui est, jusquà présent, la seule es- 
pèce de ‘Fruite que j'aie observée dans les 


+ ne 


née tr pat PCT 0 


régions équatoriales. J'ai plusieurs fois appelé 


l'attention sur ce fait curieux, du manque de 
Truites dans les hautes montagnes de l'Amé- 
rique, et M. Heckel a aussi fait la même re- 


marque ER'CE qui concerne les eaux douces « 


des hautes montagnes de l'Inde. 


Le SAuMon DE MiTcuiLi. 


(Salmo fontinalis, Mitch.) 


Nous trouvons dans les eaux douces de 
Amérique septentrionale un Saumon qui ap-" 
partient au groupe dont nous nous occupons. # 

IL a le corps assez trapu. Le museau large et ar- ÿ 
rondi, La mâchoire inférieure paraît un peu plus 
longue que la supérieure quand la bouche est ou-m 
verte, Les dents du chevron du vomer sont réunies { 


CHAP. I. SAUMONS. 267 


en un peut groupe composé de deux bandes, l’anté- 
rieure ayant quatre dents et la postérieure deux 
seulement. Tous les exemplaires, grands ou peus, 
que je possède, ont la caudale tronquée ou du moins 
très-fablement échancrée. 

© B. 10; D. 9; A. 9; C. 27; P. 19; V. 6. 

La peau est très-muqueuse. Les écailles sont très- 
peutes. Les individus, décolorés par l'alcool, ont le 
dos plus ou moins rembruni et le ventre pâle. Il 
paraît avoir été rougeûtre, On voit des taches jau- 
nâtres, entourées d'un cercle noirâtre, semées sur 
le dos et sur les flancs. La dorsale est chargée de 
grosses taches noires. Les pectorales, les ventrales 
et l’anale ont le rayon externe pâle, le suivant noir, 
et le reste de la nageoire pâle; mais 1l a été proba- 
blement décoloré. 


Je possède un assez grand nombre d’échan- 
tillons de cette espèce, tous très-semblables 
malgré leur différence de taille. Le plus grand 
na que dix pouces. Ils ont été envoyés de 
New-York par M. Milbert, mais ce zoologiste 
Jes avait pris dans une course au lac de Sar- 


ratOga. 


Cest là le poisson décrit d’abord par Mit- 
chill’ sous le nom que nous lui avons con- 
servé, et qui à été adopté par les naturalistes 
américains. Cette espèce se trouve ensuite 


1. Mitch., New-York phil, transact. fish., 1. 1, p. 345. 


268 LIVRE XXIL. SALMONOÏDES. 


décrite avec détail et parfaitement figurée dans 
l'Ichthyologie américaine de M. Richardson. * 

Cette description prouve que ce poisson, 
des lacs Georges et Sarratoga, se porte au 
Nord jusque dans le lac Huron. 

M. Dekay* l'a également décrit et figuré 
dans la Faune de New-York. Il l'appelle le 
Brook-Trout ; il indique les côtés bleuâtres, 
mélés de blanc d'argent, tachetés de vermil- 
lon, le premier rayon de la pectorale jaune- 
pâle, le second noir, le reste de la nageoire 
orangé. Le premier rayon des ventrales et de 
l'anale est blanc, le second est noir, le reste 
des nageoires est rougeûtre. Je ne sais pas 
pourquoi M. Richardson a imprimé que M. 


Cuvier pensait retrouver le Salmo Gœdenii | 
de Bloch dans cette espèce. Je ne vois pas 


dans le Règne animal, ni autre part, aucune 
preuve imprimée de cette opinion. Il me 
parait que ce Salmo fontinalis se retrouve 
aussi dans les eaux de Terre-Neuve, du moins 


je le juge d'après un dessin que M. Lapylaie 1 


a fait d’une Truite de cette île. 


4. Richardson, Faun. bor. amer., p. 116, pl. 83, fig. 1, et À 


pl. 87, fig. 2. 
2. Dekay, Nep-York Faun., p. 285, pl. 88, fig. 120. 


Es 


Le AL 


Ten 
Se 


Lam 
Cæ 


Ce 


"= + 


Æ 


ETES 


RER RS REA TEE Ee 


CHAP. I. SAUMONS. 269 


Le SAUMON DE HEARN. 


(Salmo Hearnii, Rich.) 


A la suite de ces espèces, je trouve dans 
l'ouvrage de M. Richardson ’ quelques espèces 
de Saumons, que ses descriptions ouses figures 
me font seulement connaître. Ce savant ich- 
thyologiste a décrit dans le premier voyage 
de Franklin, sous le nom que nous indiquons 
ici, une espèce prise dans la rivière de la 
Mine de cuivre, et qu'ils ont observée dans 
les mers où ce fleuve verse ses eaux. 


Ce Saumon a des denis pointues; une seule sur 
l'intermaxillaire; un petit nombre sur la partie anté- 
rieure du vomer, et de plus fortes sur la langue. Le 
dos est vert olivâtre; les côtés sont pâles; le ventre 
bleuâtre. Plusieurs rangées longitudinales de taches, 
couleur de chair, se voient sur le dos et sur les 
côtés. 


La chair en était rouge, assez semblable à 
celle du Saumon ordinaire, mais peut-être 
moins ferme et plus huileuse. 


1. Rich., Fr. Journ., p. 106, et Faun. bor. am., UT, p. 167. 


270 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Le SAUMON À LONGUES NAGEOIRES. 


(Salmo alipes, Rich.) 


Cette espèce’ appartient aussi au groupe 
dont nous traitons, ainsi que le remarque M. 
Richardson, parce qu’elle a la partie posté- 
rieure du vomer lisse et sans dents. 


La couleur, autant qu'il en a pu juger d’après 
un individu desséché, a été indiquée brune sur le 
dos, plus pâle sur les côtés, avec des marbrures 
jaunâtres, blanches ou jaunes sous le ventre. Les 
nageoires inférieures de couleur orangée, avec des 
raies plus foncées. Quand les ventrales sont cou- 
chées le long du corps elles touchent presque à 
l'anus. 


B. 11 ou 12; D. 130; A. 11; C. 25; P. 453 V. 9: 


Cette longueur lui a fait donner le nom 
sous lequel M. Richardson a désigné ce sau- 
mon. Les individus ont été pris dans un petit 
lac qui se décharge dans l'ile du Prince ré- 
gent, par un courant d'un mille et demi de 
long. Plusieurs Brachielles adhéraient aux 
côtés de la mâchoire inférieure. 


4. Rich., Faun. bor. amer., WI, p. 169, pl. 81 et pl. 86, 
fig. 1, et gusd. Hist. nat. app. Ross’s Voy., p. 51. 


CHAP. IL. SAUMONS. 271 


Le SAUMON ANGMALOOK. 


(Salmo nitidus , Richardson.) 


Un autre poisson, voisin du Charr des 
Anglais, et, par conséquent du précédent, 
par la disposition de ses dents sur le vomer, 
est le $. rztidus de Richardson. 


Il a le dos plus étroit; le corps plus épais et les 
nageoires plus courtes que le $. alipes. 
‘x . Les couleurs sont assez semblables à celles de ce 
| poissôh. 
Il a été pris daus ie même lac que le pré- 
cédent. M. Richardson trouve tant de ressem- 
blance entre les deux espèces, qu'il n’a, en 
quelque sorte, décrit cette seconde que pour 
mieux asseoir les caractères du S$. alpes. 


Le SAuMoN DE Hoon. 


(Salmo Hoodi, Rich.?) 


Les dents sont plus petites que celles du 
précédent; d’ailleurs, elles sont disposées de 
la même manière. 


2. L. cit., p. 171, pl. 82 et 86, fig. 2, et qusd. Hist. nat. 
app. Ross’s Voy., p. 51. 

2. Rich., Hist. nat. app. Ross's Voy., p. 58, et Faun. bor. 
am. , M, p. 178, pl. 82, fig. 2, pl. 83, fig. 2, et pl. 87, fig. 1. 


272 LIVRE XXIL. SALMONOÏDES. 


Le corps est beaucoup plus étroit. L’orbite est 
plus près de l'extrémité du museau. Les maxillaires 
sont plus courts. Le dos et les côtés ont une teinte 
intermédiaire entre le vert olive et un brun nuageux; 
des taches d’un gris jaunâtre, grosses comme des pois. 
Le ventre et le dessous de la gorge est blanc, poin- 
ullé de gris bleuâtre; sur la dorsale et sur la caudale 


de petites taches. Des individus de vingt-deux pouces. 
de long avaient la chair rouge; mais leur frais était 


peu is 


sous le nom de Masamecoos. Cest un poisso . 
vorace que l’on prend facilement à lhamecon. 


Ceux que les compagnons du capitaine Fr anck- 
lin trouvèrent au mois de juin, avaient leur 
estomac plein de larves d'insectes. On croit 
que, pendant l'été, le Masamacush se retire 
dans les profondeurs du grand lac. Son poids 
est d'environ huit livres; mais il fraie avant 
d'avoir atteint cette taille. 


Le SAUMON CORÉGONOÏDE. 


(Salmo coregonoides, Pall.) 


Je crois devoir placer à la suite des sau- 
mons, mais tout à fait à part, une espèce de 
Russie, qui semble appartenir aux ombres 


+ DER 
LES 


Î 


CHAP. I. SAUMONS. 973 


( Thymalus), par la forme et par la petitesse 
de sa bouche et aussi par celle des dents, 
mais sa dorsale étroite et ses petites écailles 
semblent l'en éloigrer, pour le rappeler aux 
saumons. C'est un poisson qui offre des ca- 


ractères tout à fait intermédiaires entre les 


deux genres que je viens de citer. 


Son museau est gros et arrondi; la mâchoire su- 
périeure dépasse et recouvre l’inférieure. Les inter- 
maxillaires sont peuts et situés en travers sur la 
bouche; les maxillaires attachés sur les côtés, for- 
ment deux petites palettes ovales. Il n’y a qu'une 
rangée de peutes dents coniques aux mâchoires, sur 
les palauns et sur le vomer; et quelques petites, 
pointues, sur la langue, plus sensibles au doigt que 
visibles. 

La dorsale est courte, basse, trapézoïdale; c’est 
évidemment celle d’une truite et non d’un thymalus. 
L’adipeuse est très-large, basse et ponctuée. Les pec- 
iorales et les ventrales sont peutes. La caudale est 
échancrée. 


B. 12; D. 143 A. 18; C. 29; P. 17; V. 10. 


Les écailles sont très-petites, sans être cependant 
perdues dans l'épaisseur de la peau, comme celles 
des truites et des saumons. Elles n’ont point de 
dentelures à la racine, on ne leur voit que des stries 
concentriques. IL y en a par tout le corps, jusque 
sous la gorge. Nous en comptons cent cinquante 
rangées. 

21. 15 


274 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


La couleur est un bleu d'acier plombé sur le dos, 
couvert de peuts points grisâtres plus ou moins effa- 
cés. Au-dessous de la ligne latérale tout le corps est 
blanc. Les nageoires me paraissent blanches ou jau- 
nâtres; je n'y vois aucune tache. 


Le seul exemplaire déposé dans le Cabinet 
du Roi, est long de treize pouces. IL a été 
envoyé par 5. À. L la grande-duchesse Hélène, 
Le présent que le Muséum a recu de cette 
grande princesse a, comme on le verra encore 
dans les autres genres, considérablement accru 
les collections de notre établissement, et nous 
a été d'autant plus précieux qu'il nous a donné 
les moyens de reconnaitre plusieurs espèces 
fort importantes, décrites dans le grand et 
trop rare ouvrage de Pallas. 

Ce poisson est du nombre. En lisant la des- 
cription de la Faune russe’, on y retrouve les 
traits distinctifs de ce singulier saumon. Ce 
doit être une des plus grandes espèces de ce 
genre, puisque Pallas dit qu'on en prend dans 
la Witima du poids de quatre-vinets livres. 
Il n'atteint pas une taille aussi considérable 
dans les autres fleuves, et cependant c’est 
encore un poisson de soixante livres de poids. 

Il abonde dans les rivières, les ruisseaux et 


1. Pallas, Fauna rosso-asiat., t. NI, p. 362. 


CHAP. IL. SAUMONS. 275 


les torrents les plus rapides, qui descendent 
sur les fonds rocailleux de l'Altaï, et affluent 
à l'Obi, à lIrtisch et au Ténisséi, ainsi que 
dans les tributaires de ces grands fleuves. On 
le trouve aussi dans le Baïkal, dans le Selenga, 
qui y verse ses eaux, et dans l'Angara, que 
l'on peut appeler le Rhône de ce grand lac. 
Ce saumon y entre à la fin de mars, avant 
la fonte des glaces, et il y séjourne jusqu'à 
l'automne. La Léna et ses affluents, le Witima 
et le Kovyma, le nourrissent. Comme les 
autres espèces Gu même genre, celle-ci re- 
monte les fleuves pour y frayer. Un grand 
nombre d'individus y établissent leur demeure. 
et les jeunes surtout sont longtemps sans en 
sortir. C'est pour cela qu'on prend cette espèce 
en tout temps avec le $. fluviatilis, le S. 
thymalus, le goujon, les loches et le Cyprinus 
tschebak, les seuls hôtes de ces grands fleuves. 
Les troupes de ces saumons se pressent sur- 
tout aux cataractes. On les prend à l'hamecon. 
Leur chair rougeâtre est de très-bon goût. On 
fait du caviar avec les œufs, comme avec l’es- 
turgeon. Le poisson ne se mange que frais, 
parce quon ne peut ni le saler ni le sécher. 
L'espèce ne se trouve pas au Kamischatka, 
ni dans les mers orientales. Après ces obser- 
.vations, Pallas en donne une description et 


276 _ LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


une longue synonymie. Il établit que c'est le 
Salmo Lenok de son voyage; par conséquent 
celui de Gmelin et de Lacépède. Il se de- 
mande, ce qui m'étonne, si ce n'est pas le 
Salmo umbla de Linné. Puis il donne une 
longue suite des différents noms de ce saumon. 
Les Russes le nomment en Sibérie Lenok, 
et dans les chaînes de l’Altaï et de Saganian 
Kuskütsch. Je renvoie pour les autres noms 
des différents dialectes tartares à l'ouvrage de 
Pallas. 

Quelques zoologistes feront peut-être de 
cette espèce le type d'un genre intermédiaire 
entre les saumons de notre ouvrage et les 
Ombres de M. Cuvier. Je ne l'ai pas fait, cars 
je crois que ce poisson pourrait plutôt servir 
à démontrer l'inutilité de la coupe faite sous 
le nom de Thymalus. : 


CHAP. II. FORELLES. à à. 


CHAPITRE IL 
Des Forezces (Fario, nob.) 


Ce que j'ai dit plus haut sur les caractères 
de la dentition des Salmonoïdes, me conduit 
à parler dans ce chapitre des espèces qui ap- 
partiendront à un genre caractérisé par une 
rangée unique de dents sur le corps du vomer. 
D'ailleurs ces poissons ont tous les autres 
caractères des Saumons; les rappeler ici ne 
serait donc qu'une simple répétition. 

Je n'ai vu que deux des espèces qui peu- 
vent exister en Europe : l'une, abondante sur 
nos marchés, y est bien connue sous la dé- 
nomination de Truite de mer ou de Truite 
argentée; l'autre, que le commerce apporte 
aussi quelquefois à Paris, est la grande Truite 
du lac de Genève que l’on désigne ordinai- 
rement sous le nom de Truite saunnonée. 

Rien nest plus vague que cette aeraière 
dénomination; car la chair de iovtes les 
Truites prend, à certaines époques de leur 
vie, une couleur rouge plus ou moins intense, 
dont la cause est fort difficile à déterminer. 
Il est impossible le décider d'avance si les 
muscles d’une :ruite seront rouges ou blancs 


278 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


après la cuisson du poisson. Aucune marque 
extérieure ne peut faire distinguer les truites 
saumonées des autres. Duhamel” rapporte à 
ce sujet les observations de M. de Courtivron, 
qui avait essayé de présenter un grand nom- 
bre de truites à des pêcheurs, prétendant les 
distinguer parfaitement les unes des autres. 
Ils se trompaient si fréquemment dans leurs 
distinctions, qu'il était facile de voir qu'ils ne 
Sy Connaissaient pas du tout. 

J'ai examiné avec soin un grand nombre de 
truites de nos rivières pour tâcher de trouver 
la cause de ce changement de coloration. Plu- 
sieurs naturalistes ont pensé que l'influence 


de la saison du frai pouvait agir sur ces chan- : 


gements de couleur, mais il nest personne 
ayant un peu observé les truites, qui ne 
sache que dans un même coup de filet on 
tire à ia fois des truites à chair blanche et 
des truites à chair rouge. Cette observation 
empêche d'attribuer au développement des 
organes génitaux ou à leur influence la colo- 
ration de la chair de quelques individus. 

La différence d'intensité de la coloration 
des muscles est aussi très-remarquable sur 
les divers individus pris à la même époque. 


1. Duhamel, Traité des pêches, 2.° partie, p. 207. 


CHAP. II. FORELLES. 279 


Les uns ont la chair presque blanche, d'au- 
tres sont fortement saumonés, mais on 
trouve des individus qui établiront, par des 
nuances insensibles, des passages entre ces 
deux extrêmes. Cette observation, jointe à 
celle que j'ai faite sur la nature des aliments 
contenus dans l'estomac, me fait penser que 
la coloration est passagère, qu'elle change sui- 
vant la nourriture que l'animal aura prise avec 
plus de prédilection pendant un certain temps. 

Les recherches que j'ai faites sont parfai- 
tement conformes à celles que l'on trouve 
citées dans Duhamel, qui a fait un très-bon 
article sur la coloration de la chair des truites. 
M. Jurine' rapporte une observation intéres- 
sante par sa liaison avec les idées que je viens 
d'émettre. Il la tenait de S. A. R. le grand-duc 
de Saxe-Weimar : je la reproduis ici textuel- 
lement. . Le château de Kothberg appartenant 
à la famille de Stein, à la distance de cinq 
lieues de Weimar, est dans une position beau- 
coup plus élevée et entouré d'un fossé plem 
d’eau, qui peut être mis à sec à volonté. De- 
puis bien des années on savait que les truites 
blanches qu’on y jetait se changeaient en peu 
de semaines en truites saumonées, c'est-à-dire 


4. Jurine, Poissons du Léman, p. 165, année 1830. 


280 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


que la chair en devenait rouge. On nettoya 
ce fossé il y a près de dix ans. On enleva 
toutes les plantes qui y croissaient, puis on 
fit rentrer l’eau. Dès ce moment les truites 
qu'on y mit ne se colorèrent plus, mais de- 
puis trois ou quatre ans les mousses ayant 
repoussé, les truites sy colorent de nouveau. 
S. A. R. voulant remonter à la cause de ce fait 
singulier, chargea M. Dœbereiner, professeur 
de chimie à l’université de Léna, de faire une 
analyse comparative de l’eau du ruisseau où 
on péchait les truites et de celle du fossé où 
on les mettait.” Je renvoie le lecteur au mé- 
moire que j'ai cité, pour juger lui-même des 
explications qui ont été proposées. 

Cela étant bien établi, ainsi que les carac- 


ières d’après lesquels je classe les Salmonoïdes_ 


dans leurs genres, on conçoit, je ne dis 
pas la difficulté, mais presque l'impossibilité 
de rapporter aux deux espèces que jai citées, 
une synonymie exacte. On re peut pas 
la trouver dans les auteurs les plus récents, 
sans en excepter notre illustre maître. En 
cherchant à établir, d’après le Règne animal, 
la liste des Forelles d'Europe, il est bien clair 
que la première des deux espèces est ce que 
M. Cuvier a appelé la Truite de mer. Mais 
je ne crois pas que ce soit là le Sa/mo Schie- 


CHAP. IL. FORELLES. 281 


fermulleri de Bloch. En effet, on verra dans 
le chapitre suivant que lichthyologiste de 
Berlin avait recu de Vienne, par les soins de 
abbé Schiefermüller, le poisson qu'il lui a 
dédié. Or, le Cabinet du Roi possède une truite 
prise dans le Danube et envoyée de Vienne, 
qui ressemble assez bien à la figure de Bloch, 
mais elle est du genre Salar, à cause de sa 
double rangée de dents vomériennes. D'un 
autre côté, ce que M. Cuvier a appelé la 
Truite saumonée, est de la même espèce que 
ce quil entendait désigner sous le nom de 
Truite de mer. Les nombreux individus réunis 
dans le Cabinet du Roi, et les notes que nous 
y avons placées, ainsi que les squelettes qu'il 
avait fait préparer, ne me laissent aucun doute 
à ce sujet. Cest peut-être le Salmo Trutta 
de Bloch, mais ce n’est pas celui de Linné. 
FHeureusement il a établi le Salmo Lemanus, 
pour fixer la truite du lac de Genève. 

En cherchant à m'éclairer sur les dénomi- 
nations que M. Cuvier a inscrites dans le Règne 
animal, je trouve aussi quelque incertitude 
en ce qui concerne nos petites espèces; car 
sa Truite pointillée (Szlmo punctatus), sa 
Truite marbrée ($. marmoratus) et sa Truite 
des Alpes (S. Æ/pinus), bien différente alors 
de celle de Linné, ne sont que de simples 


282 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


variétés de notre Truite commune, dont 
M. Cuvier n'a pas eu le temps d'établir une 
synonymie un peu certaine. 


Je crois que je deviendrai plus clair et plus 


précis en présentant une critique compara- 
ve de la synonymie des nombreux auteurs 
qui ont parlé des Truites appartenant ou au 


genre É'ario ou au genre Salar. Cette réu- . 


nion me parait nécessaire dans cette tête de 
chapitre, parce que les auteurs ont presque 
tous négligé le caractère essentiel qu'offre la 
dentition vomérienne. J'ai pu distraire les Sau- 
‘mons, parce que nous ayons vu que déjà 
Willughby et plusieurs autres naturalistes 
avaient signalé en partie l'absence de dents 
le long du vomer. 

Belon' à joint au Bécard deux articles sur 
les poissons dont nous traitons. L'un se rap- 
porte à la Truite saumonée, à laquelle il ap- 
plique, d'après Ausone, le nom de Farto, et 
l'autre à la petite Truite commune, que sa 


_judicieuse érudition lui fait désigner sous le : 


nom de Salar. 
FRondelet® a ajouté deux figures aux deux 
articles des chapitres XIV et XV de son Traité 


- 


1. Belon, De aquat., Liv. 1, p. 280. 
2. Rondelet, De pisc. lacust., p. 160 et 161. 


CHAP. II. FORELLES. 283 


des poissons des lacs, et il n'a pas représenté 
la Truite fluviatile, dont il a parlé au cha- 
pitre IV des poissons fluviatiles”. Il est pro- 
bable qu'il a figuré la grande Truite du lac 
de Genève, en la désignant sous le nom de 
seconde espèce d’'Omble ou de Saumon du 
lac de Genève. Je ne saurais à quelle espèce 
rapporter la figure qui est en tête du cha- 
pitre des Truites. Le texte des trois articles 
ne signale aucun caractère essentiel qui fasse 
reconnaitre ces poissons. 

Gesner a essayé de débrouiller l: synon y- 
mie des Truites. On trouve à la page 1003 une 
figure originale d'une grande Truite lacustre, 
qu'il appelle Truite saumonée. Mais ce nest 
pas la même que la grande Truite du lac de 
Genève, représentée par Rondelet. La seconde 
figure de la page 1007 représente avec fidélité 
le Pars ou le Salmo Salmulus de Willughby. 

Willughby, qui avait porté son attention 
sur la dentition des Sauraons , Mais qui ce- 
pendant n’a pas distingué dans ses descriptions 
les espèces qui ont deux rangées Ge dents 
palatines de celles qui n’en ont qu'une, a parlé 
de la Truite des lacs d'après Gesner, en y 
ajoutant quelques traits que lui fournissait 


1. Rondelet, De pisc. fluv., p. 169. 


284 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Paul Jove et Les observations de quelques-uns 
de ses compatriotes. Il appelle cet habitant des 
lacs, la Truite saumonée des Français ou le 
Salmon-Trout, mais en même temps il donne, 
d'après Johnson, une Truite saumonée qui 
aurait pour noms anglais ceux de Bull-Trout 
ou de Scurf, et qui est peut-être différente. 
Elle n'est pas plus caractérisée que l'espèce 
dont il parle dans le même chapitre au para- 
graphe précédent sous le nom de Graia, et 
qui aurait pour nom vulgaire anglais {he Grey. 
Je dis la même chose de ses Truites fluvia- 
tiles. Il se demande s'il y en a deux espèces 
et il ne cherche à asseoir les caractères d'au- 
cune d'elles. 

Ce sont des documents aussi incertains 
qu'Artedi n’a pas craint d'employer dans sa 
synonymie, Ce qui a commencé à tout em- 
brouiller dans ce genre. La seconde espèce de 
la synonymie reposerait sur la description très- \ 
vague du Grey de Willughby, caractérisé par 
cette phrase : Salmo maculis cinereis, cauda 
extremo æqual. Cette espèce nominale est 
devenue dans Linné le Salmo eriox; elle est 
tout à fait indéterminable. On ne peut donc 
pas en parler dans l'histoire positive de lIch- 
thyologie, cependant plusieurs auteurs ont 
cherché à la déterminer. On peut tout aussi 


CHAP. II. FORELLES. 285 


bien rapporter cette phrase à notre Sa/mo 
hamatus qu'au Salar ferox de Jardime. La 
neuvième espèce d'Artedi repose sur la 7ruite 
de Gessner. Elle est devenue dans la dixième 
édition du $ystema naturæ le Salmo lacus- 
tris. On pourrait donc appliquer avec quel- 
que probabilité cette dénomination à notre 
fario argenteus, si Artedi avait compris 
dans sa synonymie que le poisson du lac de 
Constance; mais comme il y joint là Truite 
lacustre du lac de Garda, d'après Aldrovande, 
laquelle est l'Omble chevalier (Salmo umbla), 
et quil y rapporte, quoiqu'avec doute, la 
Truite du lac de Genève d'après Rondelet, 
on voit que dès son origine le Sa/mo lacus- 
tris serait mal établi. Il devient nécessaire de 
le rayer des catalogues ichthyologiques, parce 
qu'il est la source d'une confusion de plusieurs 
espèces dans la douzième édition du $ystema 
naturæ. En effet, Linné y ajoute le SzZmo, 
décrit par Gronovius dans son Zoophyla- 
cium, qui comprend la Truite de Borlase de 
l'Histoire de Cornouailles : en recourant à la 
figure de la planche 26 de cet ouvrage, on a 
promptement la conviction que la Truite de 
cet auteur est différente du Carpio de Sal- 
viani. Je trouve d’ailleurs dans les descriptions 
d'Artedi un Salmo nunor vulsari similis, 


“TS 


286 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


désigné en suédois sous le nom de Laxunge. 
Cette description appartient ou à notre Forelle 
de mer, ou peut tout aussi bien convenir à 
notre Salar Bailloni. Elle na pas d’ailleurs 
été employée par Ârtedi dans sa synonymie; 
Linné n’en a pas fait mention. A la suite de 
cette description, il en existe une troisième 
beaucoup moins détaillée, qui se rapporte à 
un Saumon large, marqué’ de taches noires 
et rouges et à queue égale. Il est très-probable 
qu'elle appartient à notre Sz/mo hamatus. 
Celle-ci est devenue la cinquième espèce dans 
la synonymie d’Artedi. Or, Linné a employé 
cette espèce d'Artedi, dans le Fauna suecica, | 
pour un poisson certainement différent, qui a 
Le corps couvert de taches noires entourées d’un 
cercle brun; cette truite porte par conséquent 
des ocelles dont ne parle point Artedi. De 
plus, pour augmenter la confusion, le Systema 
naturæ y ajoute le Salmo latus n° 164 du 
Museum ichthyologicum de Gronovius, dont 
la description faite d'après une Truite prise 
dans le Rhin, aupres de Bâle, par Jean-Conrad 
Hammann, appartient à une autre espèce, ou. 
tout au moins à une autre variété qui a le 
corps couvert de grandes taches entourées 
d'un cercle blanc. Cest sur cette association 
que repose le Salmo Truita du Systema « 


CHAP. II. FORELLES. 287 


naturæ dès la dixième édition. Il me paraît 
donc évident qu'il faut aussi laisser de côté ce 
Salmo Trutta, qui, dans aucun cas n'appar- 
tient à la Truite du lac de Genève. Dans la 
première pensée d'Artedi, il devait être un 
Bécard (Salmo hamatus, nob.), et il est 
devenu dans Linné une association de plu- 
sieurs espèces. 

Ce que je viens de dire d'Artedi et de 
Linné, va s'appliquer également à Bloch. Si 
son Salmo trutta est notre Forelle de mer, 
sa figure est mauvaise. Cependant je crois 
quon doit la rapporter à cette espèce, parce 
que Bloch l'a faite d'après un poisson de la 
Baltique, venu du Frisch-Haff. Je ne doute 
pas d'ailleurs que Bloch n'ait mal déter- 
miné les différentes espèces de Truites qu'on 
lui adressait, lorsque nous le voyons con- 
fondre les Truites argentées ou les Sz/ber- 
lachs de la Baltique. avec l'espèce différente 
qu'il recevait du Danube et qui devenait son 
Salmo Schiefermulleri. Dans une addition au 
genre du Saumon, il a inséré l'extrait d’un 
mémoire de Wartmann sur l'Ilanken du lac 
de Constance. Il l'a rapporté sans aucune cri- 
tique au Salmno lacustris de Linné. Quant à 
la Truite de nos rivières, Bloch en a représenté 
deux variétés à la planche 22 et 23 de sa 


288 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


grande Ichthyologie. Je n'hésite pas à croire 
que ce ne soit aussi un poisson de la même 
espèce, figuré par Bloch sur la planche 102 
sous le nom de $. Gæœdeni. 

Après ce que je viens de dire de Linné et 
de Bloch, on ne doit pas s'attendre que nous 
trouvions dans Pennant les Truites mieux ca- 
ractérisées. Son Grey et son Bull-Trout re- 
posent uniquement sur la synonymie d’Artedi. 
Donovan a, dans ses poissons d'Angleterre, 
un Salmo cambricus, qu'il croit analogue au 
Grey de Pennant. On peut admettre quil 
représente notre Salar Bailloni, mais ce qui 
me parait certain, cest quil ne peut pas être 
le Grey de Pennant, quoique ces deux au- 
teurs donnent ce poisson sous le nom vulgaire 
de Sewin ou Shewin, d'après les observations 
que Ray avait recues du docteur Johnson et 
qu'il a consignées dans la publication de l'ou- 
vrage de Willughby. 

M. Richardson vient appuyer de son au- 
torité ce jugement sur le Sewin, car la figure 
2 À et B de la planche 92 de sa grande Ich- 
thyologie américaine montre une double ran- 
gée de dents divergentes. 

Fleming n'asseoit pas mieux ses espèces 


4. Richardson, Faun. bor. amer., I, p. 141. 


4 


| 
N 
y 
À 
K 


# 


CHAP. II. FORELLES. 289 


que les auteurs précédents. Pour son SzZmo 
Trutta il cite Linné ou Pennant. Il rapporte 
au $. eritox le $. cambricus de Donovan. Son 
S$. fario ne comprend que tous les vagues syno- 
nymes de l'espèce de Linné. 

J'ai également le regret de dire que M. Var- 
rell nous a laissé dans les mêmes incertitudes 
sur ses différentes Truites, quelles soient de 
notre genre f'ario ou de celui des Saler. I] 
représente en effet à la page 31, sous le nom 
de Bull-trout, un poisson quil croit être le 
S. eriox de Linné, et auquel il associe le 
S. cambricus de Donovan. Il suffit de com- 
parer les deux figures pour voir qu'elles n'ont 
pas de ressemblance. Mais le dessin du poisson 
de la planche 31 ressemble tellement à celui 
de la page 56 que je suis tenté de les rapporter 
à la même espèce. M. Yarrell donne à toutes 
deux la caudale arrondie, les mâchoires bécar- 
dées et la bouche très-largement fendue. Si cet 
habile ichthyologiste possède encore les deux 
exemplaires qui ont servi à ses dessins et que 
l'examen de la dentition lui prouve qu'ils ont 
été faits d'après des poissons d'espèces ou de 
genres différents, je ne serais pas éloigné de 
croire que celui de la page 31 est un Bécard 
(Salmo hamatus, nob.), et que celui de la 
page 56 appartient au $. ferox de Jardine. 

21. 19 


290 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


A la page 32, dans l'article du Bull-Trout, 
M. Yarrell a donné une figure qui peut être 
faite tout aussi bien d'après un jeune Sau- 
mon que d'après une Truite argentée. Les 
figures des pages 36 et 37 appartiennent-elles 
sûrement à la même espèce? Cela me paraît 
douteux, car la caudale n'est pas la même. 
Sont-elles des Truites de mer, c'est-à-dire 
du genre de nos Forelles ? on peut le croire 
pour la figure de la page 36. Quant à notre 
petite Truite ou au $. fario, jadmets diffi- 
cilement que la figure de la page 51 repré- 
sente un poisson de la même espèce que 
celui de la page 57. Enfin, si l'auteur a bien 
donné le $. ferox de Jardine, il faut avouer 
que cette figure laisse beaucoup à désirer. Mais 
je ne puis croire quelle représente un pois- 
son de la même espèce que celui donné à la 
page 13 du Supplément, publié récemment 
par M. Yarrell. Cette grande Truite des lacs 
me parait être mon f'ario argenteus. 

Dans la même publicationle célèbre ichthyo- 
logiste anglais donne la figure du $. cæcifer de 
M. Parnell, synonyme du Salmo levenensis 
de Walker. Je ne crois pas que les légères 
différences doivent faire distinguer cette Truite 
de notre Salar Ausomi. A la vérité, je n'ai 
pas vu d'exemplaire des lacs de l'ile Loch- 


CHAP. II. FORELLES. 291 


leven, célèbre par son château encore rempli 
des touchants souvenirs qu'y a laissés l'infor- 
tunée reine Marie. 

Nous avons déjà cité les magnifiques plan- 
ches de Jardine pour déterminer l'espèce du 
Saumon, et pour exposer nos doutes sur l'es- 
pèce du Salmo albus. Nous trouverons une 
représentation reconnaissable d'une de nos 
espèces de Salar dans ce qu'il a appelé Salmo 
ferox; mais je reste dans de plus grandes in- 
certitudes en ce qui concerne les deux variétés 
qu'il a données du $. fario. Ces deux Truites 
de lacs n’ont point de taches rouges, leur cau- 
dale est plus profondément échancrée qu'au- 
cune de celles de nos Truites. Je crois qu'elles 
appartiennent au genre Salar. Je ne serais pas 
étonné qu'un observateur, qui les suivrait dans 
tous leurs passages, ne vint à nous les montrer 
comme des jeunes du Salmo ferox. 

Si nous examinons maintenant les Faunes 
particulières des différentes contrées de l’Alle- 
magne, nous trouverons qu'en général la petite 
Truite des rivières a été assez bien reconnue. 
M. Agassiz en a donné plusieurs variétés qui 
font parfaitement connaître cette espèce. Il a 
représenté sur les planches 14 et 15 de sa belle 
monographie des Salmonoïdes, un Saumon 
argenté qu'il a nommé $, lacustris. Je regrette 


292 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


qu'il n'ait pas alors connu la nécessité de figurer” 
les dents vomériennes ou de les décrire. Il 
aurait dissipé les incertitudes qui nous restentw 
sur cette espèce. Îl regarde son Saumon argenté 
comme de la même espèce que l'Ilanken de 
Wartmann et de Bloch, et il a cru, avec cetw 
auteur, reconnaître en lui le $. Zacustris de 
Linné. Il n'est pas nécessaire de revenir sur 
cette dénomination, mais en examinant law 
planche qui représente le jeune äge, et env 
comparant cette figure avec une petite Truite 
argentée que jai reçue de Vienne, je ne serais 
pas éloigné de considérer ces poissons comme 
de l'espèce du $. Scliefermullert, et je serais 
en cela du même avis que M. Agassiz. Si l'on 
démontre que cette similitude n'existe pas, 
je crois que lon considérera ce poisson dus 
lac de Constance comme étant d'une espèce 
toute particulière. 
Relativement au poisson qu'il a appelé lew 
S. trutta, les planches G et 7 représentent 
notre grande Truite du lac de Genève, celles 
que M. Cuvier a appelée $. Lemanus. Je citerai 
ses figures comme type de l'espèce. La lon! 
gueur des mächoires, leur crochet, la formes 
de la caudale, la grandeur de ladipeuse con 
viennent parfaitement à ce que jai observés 
nombre de fois à Paris, mais les deux sexes. 


CHAP. IL. FORELLES. 203 


de cette espèce ont la même forme; j'ai vu 
tout aussi souvent des femelles que des mâles. 
Ce malheureux préjugé de croire que les truites 
mâles deviennent seules bécardées a été cause 
de nombreuses erreurs dans la détermination 
des truites. Quant au poisson représenté pl 8, 
je ne pense quil soit de la même espèce que 
ceux des planches précédentes. Je ne serais 
pas étonné quil n'ait eu une double rangée 
de dents vomériennes, et je le prendrais alors 
volontiers pour un $. Schzefermulleri. 

M. Jurine a donné aussi une bonne repré- 
sentation de notre $. Lemanus, planche 4, 
mais je ne vois pas que cet habile ichthyolo- 
giste ait distingué les différentes espèces qui 
vivent dans les eaux qui l'environnaient. Je 
crois quil a regardé le $. fario comme des 
jeunes de là grande espèce du lac. 

J'ai étudié avec tout le soin que je mets 
à ce genre de recherches, les ouvrages pu- 
bliés récemment sur les poissons du Nord; 
car mes lecteurs comprennent qu'il est inutile 
de discuter ceux qui ont été écrits un peu plus 
anciennement après les travaux de Bloch et de 
Linné. Je ne puis appliquer à aucune de nos 
espèces les caractères que M. Nilsson attribue, 
dans son excellent Traité sur l'ichthyologie 
scandinave, à son S. trutta et à son S. truttula. 


294 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Pour désigner le genre dont je vais traiter 
dans ce chapitre, j'ai francisé le nom allemand 
très-connu que lon donne aux truites. J'ai 
adopté le nom de ForELLE, à cause de sa res- 
semblance avec la dénomination laune usitée 
par Ausone, et qui peut être appliquée avec 
d'autant plus de raison au genre dont je parle, 
que le poëte latin considéraitson Fario comme 
une truite intermédiaire entre le saumon et le 
salar, ce qui peut convenir parfaitement à nos 
espèces, à cause de leur grande taille. Jai cité 
plus haut les vers d'Ausone, je ne les répé- 
terai pas 1CI. 

Je vais commencer par décrire d'après na- 
ture les deux espèces que je possède, et je 
tächerai d'en rapprocher les descriptions des 
autres Forelles queje pourrai reconnaître dans 
les auteurs. 


La FORELLE ARGENTÉE. 
(Fario argenteus , nob.) 


Ce poisson, qui me paraît habiter également « 
les mers ou les grands lacs, et remonter de 
ces eaux dans les rivières qui les alimentent, 

a la forme du Saumon; il me semble, cependant, 

proporüonnellement un peu plus court. Sa hauteur 

est comprise quatre fois dans la longueur du corps, 
sans la nageoire de la queue, ou quatre fois et demie 
avec la caudale, Les deux mächoires sont à peu 


CHAP. IL. FORELLES. 295 


près égales. Il faut dire, cependant, que la supé- 
rieure dépasse un peu l'inférieure. La longueur de 
la tête est du cinquième de celle du corps entier. 
Le globe de l'œil est un peu plus grand que le 
huitième de la longueur de la tête. On lui voit, en 
avant, ses deux paupières adipeuses. L’extrémité du 
maxillaire n’atteint pas en arrière au delà de l'œil, 
et il ne mesure que deux fois la longueur de l'in- 
termaxillaire. Les dents sont de moyenne force 
sur les deux mâchoires, sur les palauns, sur la 
langue, et il n’y a qu'une seule rangée longitudi- 
nale sur le corps du vomer; elle est composée de 
quatre ou cinq dents. Il y a onze rayons à la mem- 
brane branchiostèce. La dorsale est sur le milieu de 
la longueur du corps, en n’y comprenant pas la 
caudale; la ventrale est au nulieu de la longueur 
totale ; l’anale est un peu au delà des deux uers de 
cette même mesure. 


5212:D. 15-205 44105023; P 19; V.1: 

La ligne latérale est une série de petits traits 
tracés un peu au-dessus de Ja moitié de la hauteur. 
Il y a environ cent vingt-cinq rangées d'écailles le 
long des flancs. Ces écailles sont petites, mais ne 
sont pas aussi cachées dans la peau du corps que 
celles du Saumon. La couleur est un verdâtre, légère- 
ment gris de fer sur le dos. Les flancs et le ventre 
brillent d’un bel éclat argenté. II n’y a que des taches 
éparses noires au-dessus de la ligne latérale. On n’en 
voit que deux ou trois sur la région pectorale, un 
peu au-dessous de cette ligne. Le crâne et l’oper- 
cule portent aussi quelques points noirs. On les 


295 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


rencontre également sur la dorsale : c’est la seule 
nageoire qui ait des taches. La caudale, très -faible- 
ment échancrée dans le milieu, est olivâtre et bordée 
de noirâtre. L’adipeuse est verdätre. L’anale et les 
ventrales sont blanches. Du noiràtre semble salir la 
couleur blanche de la pectorale, Il arrive quelque- 
fois que les grands individus ont des taches rouges 
sur l’opercule. Je crois que ces taches sont passa- 
gères et qu’elles existent en plus grand nombre sur 
les individus qui redescendent à la mer. 

La Truite argentée, que j'ai disunguée, était une 
femelle. Le foie est presque en entier dans le côté 
droit de l'abdomen. La vésicule du fiel repose sur 
Ja branche montante de l'estomac. Il n’y a qu’une 
simple bande transversale sous l’œsophage; mais 
aucune partie du foie ne passe à gauche de l'estomac. 
Celui-ci, ainsi que l'œsophage, ressemble tout à fait 
à ces viscères dans le Saumon; mais il y a un plus 
grand nombre de cœcums autour de la branche 
pylorique, puisque je compte soixante-dix appen- 
dices cœcales autour de cette portion de l'intestin. 
Le reste du canal intestinal n'offre rien de 

remarquable. Le grand nombre de Tænia 
dont l'intestin était rempli, est vraiment re- 
marquable :1l y en avait un dans chacun des 
cœcums. M. Rayer a fait de son côté la même 
observation. Outre ces ænia il y avait aussi 
quelques Filaria piscium retenus autour des 
épiploons graisseux des appendices. Les ovaires 
occupaient la moitié antérieure de la longueur 


CHAP. IL. FORELLES. 297 


de l'abdomen; les œufs sont assez gros; ils 
tombent, comme c’est l'ordinaire chez les 
truites, dans l'intérieur de la cavité abdomi- 
nale. 


Sur le squelette nous voyons les os du crâne 
formant une voûte à peu près semblable à celle déja 
décrite dans le $. kamatus. Ainsi, les deux frontaux 
principaux recouvrent en parte les deux pariétaux ; 
mais ils ne se touchent pas aussi complétement que 
ceux de l'espèce que nous venons de citer; de sorte 
qu'il y a un trou sur le crâne et deux trous latéraux 
circonscrits par les occipitaux, les mastoïdiens, la 
grande aile et le frontal principal. Les deux fron- 
taux antérieurs forment une plaque assez orande sur 
l'extrémité du museau. Les autres os ne présentent 
pas des différences bien notables d'avec ceux du 
grand $. £amatus. Nous comptons cinquante-quatre 
vertèbres à cette espèce, dont trente-cinq sont ab- 
dominales. 


La taille des individus que l'on trouve sur 
les marchés de Paris est quelquefois de deux 
pieds et demi; mais il n’est pas rare cependant 
d'en voir de deux pieds. C’est d'après l'un d'eux 
que jai donné dans lIconographie du Règne 
animal une figure un peu petite, à la vérité, 
de la Truite de mer, en adoptant alors pour 
sa dénomination latine celle que je trouvais 
dans l'ouvrage dont nous voulions illustrer le 
texte. Cette truite de mer est, sans aucun 


298 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


doute, de la même espèce que Lacépède a 
établie sous le nom de Salmone Cumberland. 
Îl serait difficile de déterminer, dans l'ouvrage 
que nous citons, le poisson que sonillustre au- 
teur a inscrit dans ce supplément. Mais j'ai eu 
le bonheur de retrouver dans les papiers que 
M. de Lacépède m'a légués, les notes manus- 
crites de Noël, et j'y vois une représentation de 
la disposition des dents du palais; il ny en a, 
sans aucun doute, qu'un seul rang sur le vo- 
mer. Noël avait pris ses notes sur un individu 
apporté à Kilvington en Westmoreland, et 
qui avait été pêché dans un lac voisin du 
Penryth. Cet ichthyologiste la désignait sous 

le nom de Truite blanche et présumait qu’elle 
était de la même espèce que celle des lacs 
d'Écosse. Or, comme je trouve dans l'ouvrage 
de Yarrell que son Salmon-trout, quil consi- 
dère aussi comme la Truite de mer, est la 
Truite blanche du Devonshire, du pays de 
Galles et de l'Irlande, et qu'il rapporte une 
observation de M. Maccullock, constatant que 
la truite de mer d'Écosse vit dans un lac d’eau 
douce de Lismore, l'une des Hébrides; que 
ces truites ne peuvent sortir de ce lac pour 
se rendre à la mer; je profite de ces obser- 
vations pour admettre également que notre 
espèce peut se trouver dans le lac de Con- 


CHAP. II. FORELLES. 299 


stance, passer de ce lac dans les nombreux 
ruisseaux qui y afiluent, soit directement, 
soit par le vieux Rhin, vivre dans les pro- 
fondeurs du lac, et en sortir pour remonter 
dans les rivières au temps du frai, d'où l'on 
conclurait, avec M. de Lacépède, que les 
grands lacs seraient, pour les individus qui 
ne peuvent se rendre à la mer, ce que l'Océan 
est aux espèces qui remontent dans les petites 
rivières qui viennent y verser leurs eaux. Cest 
ce que M. de Lacépède a dit, avec autant 
d'élégance que de justesse dans l'article qu'il a 
écrit, d'après Bloch, et par conséquent d'après 
le docteur Wartmann, sur le Sz/no 1llanken. 
Si l'on vient à lever ces incerutudes, il en résul- 
terait que notre Forelle argentée serait, comme 
il y a tout lieu de le croire d'après l'examen 
des figures, très-bien représentée dans Agassiz, 
sur les planches 14 et 15 de son ouvrage, et que 
ce serait aussi l'Illanken (S. Zacustris) de Bloch. 
L'illusitre continuateur de Buffon l'aurait re- 
produite, une seconde fois, comme je viens de 
le dire, sous le nom de Sa/mone Cumberland. 
Le Salmo trutta de Bloch peut encore la re- 
présenter; mais la figure et la synonymie de 
cet auteur laissent de grandes incertitudes 
pour cette détermination. Ce serait plus pro- 
bablement le Salmo lacustris de Gesner. 


500 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


En remontant à la discussion générale que 
jai faite de toute cette synonymie on voit la 
nécessité de donner à ce salmonoïde un nom 
nouveau; Car presque tous ceux que je viens 
de rapporter ont été appliquées par d’autres 
auteurs à des espèces différentes. N'oublions 
pas que les dénominations d’Artedi ou de 
Linné embrassent, par leur synonymie, des 
poissons différents les uns des autres. 

Si le Salimon-trout de M. Yarrell est un 
des noms de l'espèce actuelle, nous verrons 
cette espèce abonder sur les marchés de 
Londres comme sur ceux de Paris. Je n'aurais 
aucun doute sur cette détermination, si le 
docteur Richardson" s'était exprimé d'une ma- 
nière plus nette sur la disposition des dents 
du vomer. Je crois bien cependant quil ny 
admet qu'une seule rangée. 

La figure de la planche 91, n° 1, A et B, 
de l'ouvrage de Richardson, ne peut laisser 
aucun doute sur le genre auquel le poisson 
qui a été dessiné pouvait appartenir; c'était 
une Forelle argentée. 


La Vorezce pu Lac Léman. 
(Fario Lemanus ; nob.; Salmo Lemanus, Cuv.) 


Nous recevons à Paris, sous le nom de 


4. Faun. bor. amer., WI, p. 140. 


CHAP. IL FORELLES. 301 


Truite saumonée du lac de Genève, une des 
espèces les plus grandes et les plus estimées 
de ce genre. 

C'est un poisson à corps épais, à dos arrondi, à 
queue forte et raccourcie, à caudale peu développée, 
proportions qui donnent à ce poisson une forme 
beaucoup plus lourde que celle du Saumon. L'épais- 
seur fait à peu près les deux uers de la hauteur, 
qui est comprise environ cinq fois et demie dans 
la longueur totale. La longueur de la tête n’y est 
que quatre fois et demie: Le dessus du crâne est 
plus large et à proportion plus arrondi. L'œil est 
à la moitié de la longueur de la joue. Le préoper- 
cule est arrondi; l’opercule a le bord inférieur ar- 
rondi; il se loge dans le croissant du bord corres- 
pondant du sous-opercule, lequel est une palette 
assez large. L'interopercule est étroit et a le bord 
échancré. L’intermaxillare est assez long; il fait un 
peu plus du üers du maxillaire. Les dents de ces 
deux os sont courtes et assez grosses; elles sont 
beaucoup moins fortes que celles des palauins. J'en 
trouve sur le vomer deux au chevron, et une bande 
de quatre ou cinq le long du corps de l'os. A l’ex- 
trémité de la mâchoire supérieure il existe une petite 
fossette, dans laquelle pénètre un tubercule assez 
haut de la mâchoire inférieure; mais 1l faut faire 
bien attention que ce tubercuie n’a jamais la forme 
ni la saillie de celui du $. hamatus. La pectorale 
est plus courte et plus large que celle du Saumon, 
Les ventrales sont plus éloïgnées, car elles corres- 
pondent aux derniers rayons de la dorsale. Celle-ci 


302 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 
répond au milieu de la longueur totale. L'adipeuse 
est très-haute, très-large; elle est à proportion beau- 
coup plus grande que celle du $a/mo hamaius. 
Le poisson, desséché, a les flancs plus tachetés 
que le dos et le ventre. On voit des points suf la 
joue, sur l’opercule et sur la dorsale. Il n’en reste 
pas de traces sur les autres nageoires. Les écailles 
sont petites et comme perdues dans la peau. Nous 
en comptons cent trente rangées le long des côtés. 
La pectorale est plus arrondie; la caudale coupée 
carrément; l'anale aussi haute que longue. 
B. 11::D. 13 — 0; À. 10:1G125 581 125049: 
Nous conservons dans le Cabinet du Roi 
deux grands individus empaillés, dont l'un a 
trois pieds quatre pouces et demi de long; 
nous avons aussi un squelette long de deux 
pieds neuf pouces, qui avait été envoyé à M. 
Cuvier par le sénat de la ville de Genève. 
Outre ces exemplaires, j'en ai examiné un 
grand nombre que le commerce apporte à 
Paris, ce qui m'a rendue facile l'appréciation 
des caractères généraux de cette espèce. M. 
Pentland en a donné un petit exemplaire du 
lac de Como, long d'un pied et deux pouces, 
mais sur lequel nous retrouvons aussi très- 
bien les caractères spécifiques de cette Truite. 
Le squelette nous offre aussi certains carac- 
ières qui servent à distinguer ce poisson des 
espèces voisines. 


CHAP. IL FORELLES. 303 


Le crâne est plus rugueux. La crête moyenne 
formée par la réunion des deux frontaux principaux, 
est plus élevée, et comme elle se continue avec celle 
des frontaux antérieurs, 1l en résulte une crête lon- 
gitudinale, allant depuis les intermaxillaires jus- 
qu'aux pariétaux. Sur les côtés de la crête moyenne 
il y en a deux autres rugueuses; puis les rebords 
des frontaux antérieurs se redressent un peu. Je ne 
vois pas sur les côtés du crâne les grands trous la- 
téraux de l’espècé précédente. 

Je compte cinquante-six vertèbres, dont trente- 
trois pour l'abdomen. 


Cette espèce si célèbre n’a été figurée que 
dans ces derniers temps. On en doit une pre- 
mière et bonne représentation à M. Jurine’, 
et plus récemment M. Agassiz en a donné de 
très-élégantes figures dans sa belle monogra- 
phie des Salmonoïdes. M. Jurine pense que 
l'accroissement des Truites? d’une livre aug- 
mente dans une année du quart de leur poids, 
celles de trois livres d'un sixième, et que de 
plus grosses gagnent à peine une livre dans le 
même temps. Je ne suis pas très-sür que ces 
observations se rapportent à la même espèce. 
Cet auteur nous dit qu'il n'a pas vu prendre 


1. Jurine, Poissons du lac Léman, pl. 4. 

2. Il est bien entendu que, dans tout cet article, j'emploie le 
nom de Truite, pour désigner , avec tout le monde, le poisson 
appelé en ichthyologie par M. Cuvier Sa/mo Lemanus. 


304 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


dans le lac des Truites de plus de trente-six 
livres, que la plus grosse qui ait été prise 
depuis quinze ans (1815) dans les nasses du 
Rhône, au moment où il écrivait son mé-. 
moire (1830), n’en pesait que trente-deux. Il 
y a bien loin de ce poids à celui que lon 
trouve cité dans les auteurs, et que M. Jurine 
a pris soin de transcrire. Grégoire de Tours 
parle de Truites d’un quintal, mais si cela 
arrivait dans le sixième siècle, dit le conser- 
vateur suisse cité par M. Jurine, il faut en 
réduire au moins la moitié actuellement. La 
plus grande Truite, dont les annalistes aient 
conservé le souvenir, fut prise en 1663 : elle 
pesait soixante-deux livres. 

Les Forelles ou grandes Truites du lac, 
réduites en captivité, finissent par manger 
avec avidité les poissons qu'on leur donne, 
et elles peuvent se conserver longtemps dans 
une eau vive. Elles ont besoin de beaucoup 
de nourriture et elles maigrissent rapide- 
ment si on ne leur en donne pas une assez 
abondante. 

Les Truites quittent le lac à l'époque du 
frai et remontent les rivières et les torrents 
pour revenir dans les eaux d'où elles sont 
sorties, après avoir déposé leurs œufs. Le pas- 
sage des Truites Gu lac dans le Rhône, et leur 


CHAP. II. FORELLES. 305 


retour de ce fleuve dans le lac est connu à 
Genève sous le nom de descente et de re- 
monte. Les observations suivies depuis plu- 
sieurs années montrent que les époques de 
migration varient suivant les influences atmos- 
phériques, comme nous en avons cité des 
exemples pour les harengs et comme on sait 
que cela a lieu dans les migrations des oiseaux. 
Dès que la surface de l'eau commence à se 
réchauffer, les Truites ne tardent pas à quit- 
ter les profondeurs où elles ont passé l'hiver, 
et dès le mois d'avril on en voit quelques- 
unes descendre le Rhône. M. Jurine dit qu'à 
cette époque la chair est grasse et très-déli- 
cate et que les femelles sont beaucoup plus 
savoureuses que les mâles. La descente est 
annoncée par les petites Truites, après elles 
viennent les moyennes; les grosses se mon- 
trent les dernières. Les Truites que l'on 
prend en juin et en juillet laissent déjà 
couler leurs œufs. Le gouvernement de Ge- 
nève a, par une heureuse prévoyance, forcé 
la ferme de la pêche du Rhône, d'enlever 
pendant six mois, à dater de la fin d'avril, 
trois vannes du clayonnage disposé de ma- 
nière à fermer le fleuve à sa naissance, afin 
d'ouvrir un passage au poisson et d'assurer 
par là sa reproduction. Mais comme le cours 
21. À 20 


506 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


du Rhône cache de nombreuses nasses pour 
prendre les Truites à la descente, il arrive 
encore que plusieurs y entrent et s'y prennent, 
de sorte que l'on verrait diminuer bien sen- 
siblement les Truites du lac sans le frai qui 
lui est fourni par les autres rivières ou tor- 
rents qui viennent y verser leurs eaux. Les 
osrosses Truites semblent mesurer la quantité 
d’eau d’une rivière avant de s'y engager. L'iné- 
galité du lit de l'Arve empêche un grand 
nombre d’entre elles d'y pénétrer, à moins 
que les eaux ne soient abondantes. Le froid 
glacial de ses eaux, ou leur défaut de trans- 
parence, font peut-être aussi reculer le pois- 
son. Îl parait préfcrer le Rhône et plusieurs 
fraient à la naissance du fleuve au sortir de 
Genève. Quand on se promène le long de ces 
berges élevées, on découvre au fond du lit 
de grandes places blanches formées par les 
Truites; celles-ci y ont déposé leurs œufs. 
Après le frai les Truites rentrent dans le lac, 
mais alors elles sont très-maigres et comme 
épuisées : on les a nommées fourreau. 

La remonte a lieu vers la fin d'octobre. 


Lorsque les Truites veulent de nouveau re-. 
monter du Rhône dans le lac, elles sont obli-” 


gées de pénétrer dans les nasses, parce que les 


portes du clayonnage ont été fermées. 


# 


CHAP. If, FORELLES. 35307 


Tels sont les documents tirés de l'excellent 
mémoire de M. Jurine. Cet habile naturaliste 
observe qu'il a vu souvent des Truites bos- 
sues, mais il remarque que ces déviations exté- 
rieures ne laissent aucune trace sur le sque- 
lette. Nous avons fait la même observation 
sur les Perches bossues d'Angleterre; M. Ju- 
rine en a fait de semblables sur des Brochets 
contrefaits. La cause de ces déviations n’est 
pas due à une sorte de rachitisme analogue 
à celui qui affecte plusieurs autres vertébrés. 

Les Truites pourraient être transportées 
dans nos lacs. L'on se souvient encore dans 
le département de l'Isère, des essais faits par 
Vabbé Garden, curé de la commune de Ve- 
nose en Oysans; il avait empoissonné, en 1770, 
le lac Loritel, l’un des plus élevés de ce pays. 
Les Truites y ont frayé et prospéré pendant 
longtemps : depuis, le défaut de soins a laissé 
détruire ces poissons, parce qu'on en a fait la 
pêche en tout temps. Le peu quil en reste 
est difficile à prendre, parce que les Truites 
résident dans les profondeurs du lac. Je dois 
ces renseignements à M. Charvet, professeur 
d'histoire naturelle à Grenoble, à qui Le bota- 
niste Villars les avait communiqués. 

Les expériences de M. Rusconi, de M. Agas- 


siz, et celles qui se font en Allemagne sur la 


508 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


fécondation artificielle, prouvent qu'avec un 
peu de soin l’on peut transplanter les Truites. 
Je saisirai cette occasion de rappeler qu'on 
pourrait obtenir d'excellents résultats en ap- 
pliquant cette méthode à beaucoup d’autres 
espèces de poissons. Il est aussi à remarquer 
que les Truites de rivières grandissent promp- 
tement dans les lacs où on les place conve- 
nablement. On ne prend jamais, dans les 
cours d'eau, des individus aussi grands que 
ceux tirés des lacs. 


La FoRELLE A VENTRE ROUCE. 


( Fario erythrogaster, nob.; Salmo erythrogaster, 
Dekay.) 


Il existe aussi des Forelles dans les grands 
lacs de l'Amérique septentrionale. Richardson 
en a signalé dans ses écrits. Le Cabinet du Roi 
en possède une très-belle espèce, remarquable 


par sa tête large et aplatie, par la grosseur de son 
museau. Les dents sont coniques et très-fortes. On 
en voit deux ou trois à l'extrémité du vomer, suivies 
de deux, placées à la suite l’une de l’autre sur le 
corps de los. Les postérieures sont plus grandes 
que celles de devant. Le vomer est d'ailleurs assez 
court. Les palauns sont armés de dents plus longues 
que celles des mächoires. Je ne puis rien dire des 
dents Jlinguales, la langue ayant été enlevée dans 


er “gta t à 


e 
+ 


‘ CHAP. II. FORELLES. 309 


l'individu préparé que j'ai sous les yeux. L'opercule 
est un large triangle. Il s’'unit par une suture écail- 
‘leuse au sous-opercule. Ces deux os portent de 
nombreuses stries rayonnantes, naissant chacune de 
l'articulation antérieure de l'os; d’où il résulte que 
les stries qui se rendent au bord inférieur de l’oper- 
cule croisent presque à angle droit celles du sous- 
opercule. L'interopercule a aussi des stries, mais 
elles sont moins marquées, et elles sont longitudi- 
nales comme celles du sous-opercule. Le dos est 
large et épais. La queue parait assez grêle et assez 
longue. La dorsale est reculée sur le dos, et n’est pas 
très-grande. L’adipeuse est petite. L’anale est étroite 
et oblongue, La caudale est échancrée. Le lobe supé- 
rieur parait plus long et plus aigu que l'inférieur. 
Les nageoires paires sont étroites et pointues. 

B. 10; D. 11— 0; À. 10; C. 31; P. 13; V. 10. 

Les écailles sont petites, perdues dans l'épaisseur 
du derme comme celles des Truites en général. 

La couleur est d’un verdätre foncé sur le dos, 
s'éclaircissant sur les flancs et sous le ventre. Les 
écailles paraissent bordées de verdätre; ce qui doit 
former, sur le poisson frais, un réseau fin, à très- 
petites mailles. 


Notre exemplaire, long de deux pieds et 
demi, vient du lac Ontario : il a été envoyé 


par M. Milbert. 


Je crois retrouver dans cette espèce le Sal- 


mo erythrogaster de M. Dekay '. La figure 


1. Dekay, New-York Faun., p. 236, pl. 39, fig. 126. 


310 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


nous représente assez bien sa tête large et 
courte. Cependant il ne paraîtrait pas que 
M. Dekay accorde à son espèce une taille. 
aussi considérable que celle de l'exemplaire 
dû aux soins de M. Milbert. Cette espèce a été 
reproduite, d'après MM. Dekay et Dough- 
thy, dans le Synopsis de M. Storer; mais ce 
naturaliste n'ajoute aucun détail qui nous fasse 
mieux connaître ce poisson. Les couleurs in- 
diquées dans la Faune de New-York sont un 
vert olivâtre foncé sur le dos, les côtés bronzés, 
marbrés de rouge et semés de taches carmin. 
Le ventre brille d'un bel orangé, avec une 
ligne longitudinale moyenne d'un blanc de 
perle. Les nageoires inférieures et la caudale 
ont du rouge. 


La ForELLE DE Ross. 


(Fario Rossi, 'nob.; Salmo Rossi, Richardson ; 
Salmo penshinensis, Pallas.) 


M. Richardson a dédié à son célèbre ami 
le capitaine James Clarke Ross, une espèce 
quil a décrite avec soin et comparativement 
au Saumon. Îl aurait pu cependant la trouver 
déjà nommée dans le Fauna rosso-asiatica. 

C'est un poisson de forme plus élancée, dont le 
dos est plus droit, dont le museau et les mächoires 


Fr 


 CHAP. II. FORELLES. 511 


sont moins arquées, dont la tête est plus large. La 
mâchoire inférieure a une longueur remarquable et 
dépasse de beaucoup la supérieure. Les dents, courtes 
et coniques, mais très-aiguës, existent à chaque pa- 
laun, et quoique le vomer ait été cassé par la pré- 
paration de l'individu, M. Richardson a pu en ob- 
server deux sur l'extrémité antérieure et une seule 
plus éloignée sur le corps de l'os. L'opercule est 
rhomboïdal. Ses angles sont arrondis. Le bord infe- 
rieur de l'interopercule est concave et comme échan- 
cré. L’adipeuse est petite. La caudale est fourchue. 
B. 12— 13; D. 13-—0; A. 11; C. 29; P. 14; V. 40. 
Les écailles sont petites, particulièrement celles 
du devant du dos. L'auteur en a compté cent trente- 
quatre le long des flancs. Le dos, le sommet de la 
tête, la dorsale et la caudale ont une couleur in- 
termédiare entre le vert olive et le brun des che- 
veux. Les côtés sont nacrés ou gris perlé, à reflets 
argentés, irisés de bleu et de lilas. De nombreuses 
taches de carmin sont le long de la ligne latérale. 
La couleur du ventre varie dans les différents exem- 
plaires d’un orangé päle à une belle couleur rouge. 


Le courageux voyageur auquel nous em- 
pruntons cette description l'a faite en partie 
sur des peaux desséchées, et en partie d’après 
les dessins qui lui avaient été communiqués 
par sir John Ross. Il lui donne pour nom vul- 
gaire, chez les Eskimaux, le mot Æekalook. 
L'espèce est une des découvertes de leur ex- 
pédition à l'ile du Régent. Cette Forelle est 


312 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


si abondante dans la mer, à l'embouchure de 
la rivière de Boothia-Félix, qu'un seul coup 
d'une petite seine en a rapporté trois mille. 
trois cent soixante-dix-huit individus. Leur 
poids variait de deux à quatorze livres. La 
couleur de la chair était quelquefois d’un rouge 
foncé; d’autres individus l'avaient très-pale. 
M. Richardson croit son $. Rossi voisin du 
poisson signalé par Pennant sous le nom de 
Malma ou de 'Golez des Russes, qui entre 
de la mer dans les rivières du Kamtschatka. 

Pallas a appliqué ce nom de Malma ou de 
Golez au Salmo callaris, dont nous avons 
déjà parlé page 248, et qui a les deux mä- 
choires à peu près égales, car l'inférieure est 
un peu plus courte, d'après la note de Pallas. 
Je ne crois donc pas que la supposition de 
M. Richardson doive être admise. 

Ce qui d’ailleurs me confirme cette déter- 
mination, cest que je retrouve notre espèce 
dans un autre article de lillusire zoologiste 
de Pétersbourg. J’ai dessiné à Berlin le Salmo 
penshinensis de Pallas, et ce dessin, méclai- 
rant sur la description du Fauna rosso-asia- 
tica, me démontre que le Salmo Rossii n'est 
autre que cette espèce. J'ai examiné l'individu 
desséché, rapporté par Merk. Ce saumon 
entre du golfe de Penshiné dans la rivière de 


CHAP. II. FORELLES. 313 


Worofskaya. Les naturalistes me pardonne- 
* ront de conserver le nom du célèbre navi- 
gateur, auquel Richardson l'a dédiée. Je ne 
serais pas éloigné de croire que M. Mertens 
aurait aussi dessiné cette espèce, car il ma 
permis de calquer un de ses dessins repré- 
sentant un Golez des Kamtschadales. Je n'au- 
rais aucun doute à établir ce rapprochement, 
si la mâchoire était un peu plus allongée. 

Je trouve, dans les belles collections des 
dessins du navigateur russe, un petit poisson 
représenté sous le même nom de Golez, et 
qui a le corps traversé par dix à onze bandes 
verticales plus foncées que le fond verdätre 
du dos. Tout le corps est semé de nombreuses 
taches rouges. La caudale et la dorsale sont 
verdätres, les autres nageoires rougetres. Je 
crois quil représente un jeune âge de notre 
espèce, ce qui peut faire supposer que les 
saumons des rivières du Kamtschatka ont une 
livrée comme ceux de l'Europe. 

Il faut d’ailleurs faire attention que le nom 
de Golez paraît être donné à plusieurs espèces, 
et être en quelque sorte un nom générique 
au Kamtschatka, comme l'est, chez nous, celui 
de Truite. 


314 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


CHAPITRE IIL. 
Des Trurres (Salar, nob.). 


Après avoir distingué les Saumons (Sz/mo) 
avec le corps du vomer lisse et sans dents, 
les Forelles (Fario) avec une seule rangée de 
dents sur le corps du vomer, il nous reste 
à parler des Truites proprement dites, dont 
le corps du vomer est armé de deux rangées 
de dents. Une autre disposition des dents 
vomériennes distingue encore le genre Truite 
des deux genres précédents : leurs espèces 
ont un groupe de dents sur le chevron du 
vomer. Les espèces de notre troisième genre 
n'ont pas de dents remarquables et distinctes 
sur le devant de l'os. 

D'ailleurs leur anatomie, leur taille, leurs 
habitudes, leur séjour, tantôt fluviatile, tantôt 
de passage de la mer ou des profondeurs des 
grands lacs intérieurs dans les rivières qui 
viennent y verser leurs eaux, sont les mêmes 
dans nos truites que dans les espèces des 
deux autres genres. 

La truite de nos ruisseaux a été si nette- 
ment désignée dans ce vers tant de fois cité 
du Poëme de la Moselle : 


Purpureisque Sazar stellatus tergore guttis, 


CHAP. II. TRUITES. 315 

que je n'ai pas hésité à désigner le genre nou- 

» veau établi dans ce chapitre par le nom de 

SALAR, de même que j'ai trouvé dans ce poëte 
les deux noms génériques précédents. 

Je complète dans ce troisième article l'his- 
toire d’un très-grand nombre d'espèces, qui 
ont été toutes confondues par mes prédéces- 
seurs sous le nom Linnéen de Salmo. I y a, 
pour retrouver les espèces décrites dans leurs 
ouvrages, Les difficultés signalées dans les deux 
articles précédents, parce que les naturalistes 
n'ont pas plus apprécié le caractère des truites 
que celui des deux autres groupes. 

Les auteurs admettent que les grandes 
espèces de ce genre subissent les mêmes chan- 
gements dans la forme des mächoires, que le 
ferait le saumon ordinaire, si le S. hamatus 
était de l'espèce du saumon vulgaire. Je crois 
que ces conséquences sont le résultat d'ob- 
servations inexactes, et que les naturalistes 
futurs rectifieront les erreurs que je n’ai pu dé- 
couvrir. L'examen des espèces des trois genres 
prouve ce que j'ai dit plus haut; c'est que les 
Salmonoïdes de la tribu des Truites abondent 
dans les eaux circumpolaires. Je m'étonne que 
le nombre immense de poissons excellents 

- après qu'ils ont été fumés ou salés, n'aient 
pas excité davantage les hommes qui spéculent 


316 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


sur les profits de la grande pêche, à y aller 
poursuivre les saumons qui fourniraient des 
cargaisons tout aussi fortes que les morues de 
Terre-Neuve et qui seraient d'une valeur plus 
élevée. 

Ce que l'on rapporte de l'abondance de 
certaines espèces de truites dans les rivières 
du Kamtschatka , et de la mortalité d'un si 
grand nombre de poissons dans le lit resserré 
de ces rivières, doit donner lieu à la réunion 
de squelettes qui se conserveront dans Îles 
alluvions de ces eaux douces, en y formant 
des bancs analogues, par le nombre de cada- 
vres entassés, aux couches stratifiées du monte 
Bolca ou à ceux des argiles d'Aix remplies de 
prétendues pœcilies. Que les géologues réilé- 
chissent sur ces faits, et qu'ils se demandent 
si des espèces qui sont marines pendant pres- 
que tout le temps qu'a duré le développement 
ou la croissance des individus, et qui devien- 
nent fluviauiles pour un espace de temps très- 
court, devront être désignées sous le nom de 
poissons marins ou d'espèces fluviatiles. 

Les Truites, répandues dans un si grand 
nombre de ruisseaux, de rivières et même de 
lacs des eaux douces de l'Europe, présentent 
presque toutes ce caractère commun et re- 
marquable d’avoir Le corps couvert de taches 


CHAP. HIT. TRUITES. 317 


d'un beau rouge de vermillon, qui devient 
très-souvent le centre d'un ocelle gris, blan- 
chätre ou brun. La couleur de ces points 
résiste à la cuisson, et pendant très-longtemps 
à l'action de Falkool. Avec ces taches rouges, 
les parties supérieures du corps en ont d'autres 
toujours beaucoup plus grosses, de couleur 
brune. La tête et les opercules en sont char- 
gés comme le tronc, la dorsale et l'adipeuse. 
Si lon ne compare pas ensemble un grand 
nombre de ces poissons, on peut, en sen 
tenant à ces caractères généraux, croire que 
rien ne serait plus facile que de déterminer 
l'espèce de poisson que les naturalistes se con- 
tentaient, jusqu'à nous, d'appeler Sa/mo fario. 
Mais si l'on a le soin, comme je l'ai fait, de 
réunir les différentes Truites non-seulement 
de divers pays, mais même des petites rivières 
les plus voisines les unes des autres, on ne 
tarde pas à reconnaitre des variétés tellement 
frappantes, que l'on devient fort embarrassé 
d'appliquer très-souvent à l'individu que lon 
a sous les yeux les caractères du Salmo fario 
de Linné. Les diflicultés augmenteront très- 
vite, si lon veut suivre avec quelque pré- 
cision les caractères signalés dans les Traités 
généraux Où dans les Faunes spéciales de dif 
férents pays. Mon premier soin a été de re- 


318 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


chercher sil y avait quelque différence cons- 
tante dans les formes ou dans les proportions, 
et si ces différences concordaient avec d’au- 
tres que je pouvais observer dans le nombre 
ou dans la disposition des taches. Après avoir 
mesuré avec la plus grande attention les di- 
verses parties du corps pour connaître leurs 
diverses longueurs proportionnelles, et après 
avoir mis ensemble les Truiies qui se ressem- 
blent, j'ai trouvé qu'il y a dans toutes nos 
nombreuses ‘Fruites d'Europe deux groupes 
appartenant peut-être à deux espèces dis- 
tinctes. Si on les réunit, comme je le fais, on 
sera du moins forcé de les considérer comme 
constituant deux races très-différentes et re- 
connaissables à la longueur de la tête et au 
nombre des taches qui couvrent l'opercule. 
Je vois que les Truites, couvertes de taches 
nombreuses sur la tête et sur le corps, ont 
la tête constamment et sensiblement courte. 
Au contraire un grand nombre d’autres in- 
dividus qui ont peu de taches sur le corps 
sont remarquables par la longueur de leur 
tête. Ces deux distinctions sont faciles à saisir 
à la première vue, lorsque létude vous a 
familiarisé avec la physionomie de chacun 
des groupes. IL y a d'ailleurs dans les Truites 
à tête courte des variations dans la grandeur | 


CHAP. II. TRUITES. 319 


et dans le nombre des taches, variations qui 
se reproduisent avec assez de constance pour 
qu'il soit facile à un observateur exercé de 
reconnaitre une Truite des rivières de Pro- 
vence ou d'Italie, et pour la distinguer de 
celles de nos ruisseaux de Normandie. Ces 
différences, que l'étude finit par faire saisir, 
sont cependant, je dois l'avouer, difliciles à 
apprécier sans beaucoup d'exercice. Je n'exa- 
gère pas en disant que jai été obligé de rap- 
procher plus de cent exemplaires, et de les 
étudier longtemps avant d'apprendre à les 
bien connaitre. Mais je crois aussi quil y a 
quelque certitude dans la distinction des deux 
races, car maintenant que jai bien saisi les 
différences, je les retrouve sans hésiter. J'ai 
cru nécessaire d'entrer dans ces détails, afin 
que le lecteur qui voudra appliquer ces prin- 
cipes et vérifier l'exactitude de mes détermi- 
nations ne se décide pas avec trop de préci- 
titation. Les naturalistes devront se souvenir 
qu'ils entreprennent une œuvre de patience. 


Là TRUITE VULGAIRE. 


(Salar Ausoni, nob.) 


Je commence par décrire celle des deux 
races, très-voisines l'une de l'autre, celle dont 


320 LIVRE XXII. SALMONOIÏDES. 


ee) 
jai pu rassembler le plus grand nombre 
d'exemplaires : c'est la Truite à tête courte. 


Elle a le corps de forme régulière, assez élégante, 
et, cependant, 1l est un peu trapu. L’épaisseur fait 
à peu près la moiué de la hauteur, et celle-ci est, 
à très-peu de chose près, le cinquième de la lon- 
gueur totale. Les variations doivent dépendre de 
l'état de plénitude et peut-être bien aussi du sexe 
de l'individu. La tête a le front assez large; le mu- 
seau gros et arrondi; l'extrémité, quoique obtuse, 
fait une sorte de saillie. La longueur de la tête est 
contenue quatre fois dans Ja longueur du corps; la 
caudale non comprise. La plus grande longueur des 
lobes de la caudale est à peu près la moitié de la 
longueur de la tête. L'œil est assez gros. Son dia- 
mètre est compris quatre fois et deux tiers dans la 
longueur de la tête. Il est égal à la moitié de la 
longueur du maxillaire; celui-ci dépasse à peine le 
bord postérieur de l’orbite. Le bord de cette cavité 
se porte assez en avant de l'œil, se rétrécit, et l’es- 
pace compris entre son angle antérieur et la scléro- 
tique est rempli par une adipeuse large et épaisse. 
Les quatre osselets sous-orbitaires sont étroits. La 
parue des deux premiers qui bordent le maxillaire 
est presque linéaire. La distance de la partie posté- 
rieure de l'œil au bord montant du préopercule est 
égale à une fois et demie le diamètre. Le bord in-w 
férieur de cet os descend un peu obliquement. L’oper- 
cule est un trapèze rétréci vers le haut. Le bordu 
inférieur est peu arqué. Le sous- opercule suit à peus 
près la direcuon de ce bowd, et ter mine la portions 


À 
À 


CHAP. III. TRUITES. 321 


libre de l'appareil operculaire par un angle mousse 
peu prolongé, appuyé sur los huméral. L’interoper- 
cule est étroit. Comme dans tous les Saumons, la 
fente de l’ouie est assez grande. Les rayons de la 
membrane branchiostège sont gros, aplatis et presque 
tous visibles à l'extérieur. On peut à peine donner 
le nom de lèvre au repli qui borde la mâchoire 
inférieure, Il n’y en a aucune trace sur la supé- 
rieure. Son contour est une Ooive assez régulière, 
arrondie plutôt qu'aiguë. Les deux intermaxillaires, 
£ourts et terminant l'extrémité du museau, n’ont 
guère que le quart de la longueur du maxillare. 
Quand la bouche est fermée, la mâchoire inférieure 
est plus courte que la supérieure. Ses branches sont 
larges et se portent en arrière au delà du maxillaire 
d’une longueur égale à celle du quart de la branche. 
Les dents des mächoires sont petites et crochues, 
sur un seul rang; 
courtes que les autres; 1l en existe un seul rang sur 
chaque palaun, et celles du vomer, disposées sur 
deux rangs, sont divergentes, aussi grosses que 
les palauns, souvent même plus fortes. Il y en a, 
d’ailleurs, une petite rangée transversale au chevron 
du vomer. La langue, grosse, charnue et creusée 
en goutuère, a chaque bord armé de quatre 
ou cinq dents. Il arrive presque toujours que le 
bord gauche a une dent de plus que le droit. Les 
nageoires des Truites ne sont pas très-grandes. La 
dorsale est aussi longue que haute, et sa base a un 
üers de plus que celle de l'anale. Les ventrales sont 
insérées sous le milieu de la nageoire du dos; elles 


celles des maxillaires sont plus 


2 1. 24 | 


322 LIVRE XXI. SALMONOÏDES. 


ont à peu près les deux tiers de la longueur de la 

pectorale, qui est contenue six fois et demie dans 

la longueur totale. La caudale est peu échancrée. 
BALTED: 18-00 MON C. 1273 PRAMENT 0! 

Les écailles sont très-petites et comme perdues 
sous la peau muqueuse qui les enveloppe; elles ne 
montrent que des stries d'accroissement concentri- 
ques, sans éventail n1 rayon à la portion radicale. 
Il y en a cent vingt rangées le long du corps. La 
couleur de ces Truites est un vert doré, devenant 
plus jaune ou jaunâtre sous l'abdomen. La tête et 
les operculss sont couverts de grosses taches rondes, 
de grandeur diverse, noirûtres. 11 y en a quelquefois 
une plus grosse sur la joue, entre l'œit et le bord 
du préopercule, Le dessous de la gorge est jaunâtre. 
La mâchoire inférieure est grise, mélée de jaunâtre. 
Le bord des lèvres est noirâtre. On voit sur le dos 
un grand nombre de taches brunes, qui descen- 
dent au-dessous de la ligne latérale, principalement 
sur la région de la poitrine. Le long de la ligne on 
voit une série assez régulière de taches rouges, en- 
tourées souvent d'un cercle plus pâle. Au-dessus 
et au-dessous nous voyons des taches rouges épar- 
pillées, plus ou moins nombreuses; rien ne varie 
plus selon les différents individus. Le ventre n’a 
jamais de taches. La dorsale, grise ou verdâtre, à 
de nombreux points noirs et des taches rouges, plus 
ou moins prononcées, Les premiers rayons sont 
souvent noirâtres, bordés d’une teinte päle, qui 
devient souvent assez blanche sur le poisson con- 
servé depuis peu de temps dans l'alcool. L'adipeuse, 


CHAP. III. TRUITES. 323 


verdâtre comme le dos, a des taches rouges et 
noires. La caudale, plus ou moins orangée, a quel- 
quefois une bordure noire très-prononcée et des 
taches rousses qui s’évanouissent facilement. Les na- 
geoires inférieures, d’un vert plus ou moins sali de 
noirâtre, Ont rarement des taches. Presque toujours 
l’anale a une bordure noirâtre, lisérée de blanc. On 
observe la même disposition à la ventrale, et la pec- 
torale en offre quelquefois une légère apparence. 
J'ai fait cette description de la Truite 
d'après des exemplaires encore très-frais que 
jai recus des différentes rivières de Norman- 
die qui se jettent dans la mer auprès de 
Dieppe et auprès de Caen. Mais d’ailleurs, 
jai retrouvé cette même variété dans beau- 
coup d'autres cours d'eau des environs de Paris 
ou des différentes contrées de l'Europe : c’est 
la variété qu'on observe dans l'Iton, auprès 
d'Evreux; dans l'Eure, auprès de Louviers ; 
je l'ai observée dans les petites rivières du 
plateau du Vexin, dans l'Epte et ses affluents, 
auprès de Gisors. La Rülle, qui coule à l’ex- 
trémité nord-ouest du département de l'Eure, 
nour it aussi 1 un assez grand nombre de truites 
a m ême espèce. Il est curieux de remar- 
onde desctruiies dans ces petites 
rivières tributaires de la Seine, et leur ab- 
sence dans ce fleuve. Il n'y a pas non plus de 
truites dans la Marne, quoique cette grande 


324 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


rivière recoive de nombreux affluents qui en 
nourrissent. J'ai encore retrouvé la truite à tête 
courte dans des envois faits par M. Mac Cul- 
loch et par M." Bowdich, qui cherchaient à 
nous procurer les truites des lacs de leur pays. 
J'en ai rapporté de la petite rivière de la Bou- 
vack, qui se jette dans la Somme auprès d'Ab- 
béville. J'ai aussi trouvé cette espèce dans la 
Meuse et dans les petits afiluents aux environs 
de Namur et de Huy. 

J'en ai rapporté des exemplaires pris à Franc- 
fort; ils venaient de la Nidda, petite rivière 
qui se jette dans le Mein. J'en ai vu un grand 
nombre d'exemplaires qui tous variaient beau- 
coup entre eux. Le fond de la couleur était 
tantôt brun assez foncé, tantôtil était jaunâtre 
avec des reflets plus ou moins dorés. Les indi- 
vidus avaient des taches plus ou moins nom- 
breuses, brunes ou rouges; celles-ci étaient 
entourées d'un cercle blanc; mais souvent 
aussi il n'y en avait point; d'autres exemplaires 
avaient des ocelles à cercle noir. Tous avaient 
Ja dorsale tachetée, l'adipeuse et la caudale 
bordées de rouge, les pectorales jaunes. L’exa- 
men des nombreux individus que j'ai fait dans 
les bateaux des pêcheurs, ma convaincu de 
leur identité spécifique avec ceux que je 
venais de voir récemment sur le marché de 


Ltd 


CHAP. II. TRUITES. 329 


Berlin. [ls m'ont également donné la convic- 
tion que toutes ces variétés appartiennent à 
une seule et même espèce. J'ai pu en acheter 
à Freiberg. 

M. Chevalier, préfet du Var, a eu la complai- 
sance d'envoyer à M. Cuvier un assez grand 
nombre de truites, qui arrivent à Draguignan. 
La Soignes est le ruisseau qui les fournit; elles 
sont toutes remarquables par leur tête courte, 
couverte de taches noires très-petites et par 
les nombreuses taches rouges de leur corps. 
C'est un des poissons qui ressemblerait le plus 
à la figure que Bloch a donnée sous le nom 
de Salmo alpinus. Cette espèce nominale me 
parait cependant indéterminable d'après les 
observations que j'ai publiées plus haut. 

Je rapporte encore à cette variété la Truite 
que M. Pentland a prise pour nous au mont 
Cenis, et celle du versant des Alpes, que 
M. Laurillard a prise à Nice, que M. Major nous 
a envoyée du lac Majeur et que M. Canali, 
profes ca d'histoire naturelle à Perugia, nous 

envoyée de ‘Colfionto. Enfin, M. Duvaucel 
€ M Bibron « ‘ont aussi rapporté au Muséum 
des rates : à tête courte, qu'ils avaient prises 
dans les Pyrénées. 

La seconde race, dont quelques naturalistes 
feraient peut-être une espèce, si le hasard leur 


326 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


faisait rapprocher dans une collection deux 
individus pris parmi ces deux groupes, et dont 
l'un aurait 


la tête très-courte, et l’autre allongée, se caractérise, 
en effet, par la longueur de sa tête. Portée sur 
l'étendue du corps, je trouve certains exemplaires 
qui ont la tête comprise quatre fois seulement dans 
la distance entre le bout du museau et l’extrémité 
des rayons mitoyens de la queue, c’est-à-dire, 
qu’elle est, à très-peu de chose près, égale au quart 
de la longueur totale. L'allongement dépend de ce 
que, d’une part, le museau parait un peu plus 
avancé, et de l’autre, que l’opercule, un peu plus 
elliptique, couvre un peu plus l'épaule. Presque 
tous ces individus ont peu de taches sur l’opercule. 
Trois ou quatre gros points au plus, souvent un 
seul, se voient sur l’ouie. Les taches du dos sont 
plus rares, plus grosses et plus violacées. Les taches 
rouges ocellées, sont tout aussi abondantes. Je vois, 
dans plusieurs exemplaires, un plus grand nombre 
de points rouges sur la dorsale. Du reste, tous les 
autres caractères de la race précédente se retrou- 
vent sur celle-ci. 


J'ai observé des individus frais de cette 
race, rapportés des rivières de Champagne 
par un jeune naturaliste, M. Jules Remy, qui 
s'est déjà fait connaître par ses travaux en 
botanique. M. Rondeaux, de Rouen, a eu 
aussi l'obligeance de nous en remettre de 


CHAP. IT, TRUITES. 327 


beaux exemplaires pêchés dans la Rille auprès 
de la commune de Tibouville. Nous en avons 
recu aussi des exemplaires pris dans le Rhin, 
près Strasbourg, et qui ont été envoyés à M. 
Cuvier avec des saumoneaux de ce fleuve, par 
M." Levrault. J'ai vu cette variété à Francfort, 
à Heidelberg; j'en ai rapporté des individus 
pris sur le marché de Berlin. Je retrouve aussi 
cette variété parmi les nombreux individus 
envoyés du Var par M. Chevalier. 

Les eaux douces de France et d'Italie nous 
ont fourni une autre variété de Truite, que 
M. Cuvier a indiquée dans le Règne animal 
sous le nom de Salmo marmoratus. Celle-ci 
a tous les caractères que fournit l'étude des 
formes extérieures de la Truite. Il reste sur 
leur corps peu de traces de points rouges; 
mais des marbrures formées par des taches 
oblongues et confluentes d'un gris violacé, 
couvrent tout le corps, aussi bien l'abdomen 
que le dos. M. Savigny nous a rapporté les 
premiers exemplaires de cette variété, quil a 
prise dans le Pô et dans le lac Majeur. 

… La disposition générale des viscères de la 
Fruite ressemble beaucoup à ce quon peut 
observer dans le Saumon. 


Le foie ne forme qu’un seul lobe placé à droite 
de l'œsophage, assez épais en avant, mince et tron- 


328 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


qué en arrière, avec une assez grosse vésicule du 
fiel. La branche montante de l'estomac et la portion 
recourbée du commencement de l'intestin porte 
de nombreux cœcums. J'en ai compté trente-neuf 
dans l'individu que j'ai disséqué. La rate est de 
grosseur moyenne, située au dela du foie. Une 
grande vessie natatoire, à parois membraneuses, 
occupe tout le haut du dos et communique avec 
Pœsophage. Les œufs sont très-gros, tombent dans 
la cavité du ventre à cause de la disposition lamel- 
laire de l'ovaire. Quant au squelette, les frontaux 
principaux se rejoignent par une peute crêle moyenne, 
de manière à couvrir toute la voûte du crâne. La 
plaque des deux frontaux antérieurs est unie avec 
celle des frontaux principaux beaucoup plus inti- 
mement que dans le Saumon. En arrière, les mas- 
toidiens et les temporaux se touchent, de sorte qu'il 
n’y a point de grand trou latéral sur le crâne. Les 
occipitaux, en arrière, ne sOnt pas non plus séparés. 
Nous avons compté les vertèbres sur six squelettes, 
faits avec des individus de localités assez éloignées. 
Nous avons trouvé chez tous cinquante-sept ver- 
tèbres. La constance de ce nombre ajoute encore 
aux preuves que J'ai données plus haut pour con- 
sidérer toutes ces variétés de truites comme appar- 
tenant à une seule et même espèce. 


Li 


La grandeur ordinaire des truites de toutes 
nos rivières de Normandie, varie de dix à 
quatorze pouces. Mais on en prend quelque- 
fois de plus grosses. Ainsi, jen ai recu de 


CHAP. III. TRUITES. 329 


‘Jfton une qui avait seize pouces de long. Nous 

en avons, au Cabinet du Roi, un individu 
péché dans la Rille, qui a dix-huit pouces. 
Cette truite commune me parait rester dans 
des dimensions toujours plus petites quand 
on sélève dans les montagnes. 

Les truites du Mont-Cenis, celles des hautes 
Pyrénées, les exemplaires assez nombreux que 
j'ai vus à Freiberg, n'ont en général que cmq 
ou six pouces de longueur. Dans les Vosges 
et dans le Ridoustole, rivière qui coule dans 
les montagnes des Ardennes, les truites ne 
pèsent guère que deux à trois onces. Les plus 
grosses ne dépassent pas trois livres de poids 
dans la Vesle, rivière de Champagne. 

J'ai aussi retrouvé, dans les papiers de M. 
de Eacépède, les notes de Noël de la Mori- 
nière, d'après lesquelles l'illustre continuateur 
de Buffon a constitué son Sa/mone gadoïde. 
Ce doit être la variété à longue tête de notre 
truite commune. Les exemplaires de M. Ron- 
deaux nous aident pour arriver à reconnaitre 
a description de M. Noël. 
es On Sait que les truites aiment les eaux 
et” courantes, qu'elles nagent presque 
toujours contre le courant; aussi quand on 
pêche des truites à la ligne faut-il, en don- 
nant plus ou moins de fond, faire remonter 


350 LIVRE XXIT. SALMONOÏDES. 

le courant à l'appât qu'on présente au poisson 
pour l'exciter à sortir de ses retraites; il se 
jette alors avec impétuosité sur l’amorce, et 
presque toujours il avale avec elle l'hamecon 
qui la tient. La truite aime beaucoup aussi 
les phryganes et les autres mouches qui volent 
au-dessus de la surface de l'eau. IL est même 
fort aisé de tromper la truite avec des mou- 
ches factices, cela donne lieu à un genre de 
pêche souvent très-productive. 

Enfin nos truites, comme toutes les espèces 
du genre Saumon, aiment à s'établir dans les 
trous sur les berges du fleuve, et elles s'y tien- 
nent tellement tranquilles que les pêcheurs 
qui connaissent depuis longtemps leurs re- 
traites, vont les y prendre à la main, souvent 
en plongeant. Il ne faut pas oublier que ces 
habitudes de se cacher dans des trous ne 
sont pas uniquement propres à la truite, car 
on peut prendre de la même manière des bro- 
chets et des carpes. La truite qui fraie dans 
nos rivières, y croit assez vite pour atteindre 
une taille moyenne de sept à huit pouces, 
mais il parait qu'ensuite la rapidité de sa 
croissance diminue, et les pêcheurs affirment 
que les truites de dix-huit à vingt pouces sont 
vieilles. Les truites, comme le saumon, dé- . 
posent leurs œufs dans des espèces de nids 


CHAP. II. TRUITES. 331 


qu'elles font sur le sable, en se tournant et en 
se frottant plusieurs fois sur le gravier. Elles ne 
pondent pas tous leurs œufs à la même place, 
et elles lâchent leur frai en plusieurs fois et à 
huit à dix jours de distance. On sait que les 
petits qui en naissent ont des bandes trans- 
versales qui se perdent avec l'âge. Sur certains 
ruisseaux de la Normandie les paysans leur 
donnent le nom de Malins. Mon confrère et 
ami, M. Rayer, a eu la bonté de men donner 
pour le Cabinet du Roi un assez grand nombre 
d'exemplaires. Ces bandes se conservent sur des 
truites qui ont déjà six pouces de longueur. 
Cependant j'en vois des individus même un 
peu plus petits, sur lesquels elles sont totale- 
ment effacées. Je crois que la conservation de 
ces bandes dépend souvent de la nature des 
eaux dans lesquelles vit le poisson. Leur séjour 
influe beaucoup aussi sur leur taille; on peut 
remarquer que les truites des ruisseaux les 
plus élevés restent toujours plus petites que 
celles des ruisseaux de la plaine. Cependant 
1 pres trop étendre cette observation 
générale. M. Ramond dit qu'il a vu pêcher, 
| es eaux profondes, des truites de quatre 
livres, et une fois il en a vu tirer une de qua- 
rante pouces d'un gouffre du Garve, situé à 
environ trois cents toises au-dessus du niveau 


332 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


de la mer. Il observe que la truite commune 
se pêche en abondance dans tous les lacs jus- 
qu'à la limite d'environ 1170 toises. Le lac 
d'Onsay, au pic du Midi, n’en contient point; 
son élévation est de 1197 toises, et cependant 
on y trouve en abondance des salamandres 
aquatiques et des grenouilles. M. Ramond croit 
que, ces lacs étant couverts d'une glace épaisse 
pendant six mois de l'année, les poissons se- 
raient privés, pendant un temps si long, de 
l'air nécessaire à leur respiration. Cest à cette 
asphyxie qu'il faut attribuer la disparition du 
poisson dans ces lacs, beaucoup plus qu'à l'in- 
tensité du froid que le poisson pourrait res- 
sentir. Un fait rapporté par Lacépède et qui 
avait été recueilli par Lemonnier, montre la 
présence des truites à trois cents toises en- 
viron au-dessous du sommet du Canigou, 
cest-à-dire, à 1140 toises au-dessus de la mer. 
Ce qui est très-curieux, c'est que ce lac, plein 
d'eau en été, et sec vers l'équinoxe d'au- 
tomne, est peuplé de truites durant la saison 
où il se remplit. Elles disparaissent quand il 
se dessèche, et elles se montrent de nouveau 
quand fleau vient remplir le bassin. Cela 
prouve que le lac est en communication par 
des canaux souterrains avec d’autres cours 
d'eau ou avec des réservoirs intérieurs où le 


ES ET D 6 nm 


CHAP, II. TRUITES. 535 
poisson peut se réfugier. Si lon compare les 
observations faites par Linné sur le Salmo 
alpinus des montagnes de la Norwége, on ne 
doit pas attribuer à la congélation des lacs 
dans les Pyrénées la disparition des truites, 
car les lacs septentrionaux sont congelés pen- 
dant autant de temps au moins que ceux des 
hautes Pyrénées, et cependant ils sont con- 
stamment remplis de poissons. Je pense que 
la hauteur au-dessus du niveau de la mer fixe 
le point où les truites peuvent cesser de vivre 
dans les montagnes; c'est un phénomène de 
la même nature que celui qui fixe l'élévation 
de telle espèce végétale sur les versants alpins. 
Ces hauteurs varient suivant les différentes 
espèces. Si l'on se rappelle les observations 
que nous avons faites sur des siluroïdes de 
Cusco et surtout sur les Orestias, nous voyons 
ces cyprinoïdes s'élever dans le grand lac de 
Titicaca, à 4500 mètres au-dessus de la mer, 
sans qu'aucun des nombreux salmonoïdes, de 
la tribu des Characins, qui abondent dans 


| tre une espèce particulière de petit 
saumon des eaux douces de Cayenne. La 
nature a donc reproduit les formes de nos 
truites dans ces contrées, sans donner à aucune 


334% LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


espèce l'habitude instinctive de s'élever dans 
les montagnes. J'ai dit qu'en général les truites 
du mont Genis, des hautes Pyrénées, celles 
même que l'on peut observer sur le sommet 
des chaines moins élevées de l'Allemagne ou 
de la France, restent en général dans des di- 
mensions plus petites. Cette petitesse indivi- 
duelle est un signe caractéristique de plusieurs 
espèces de mollusques alpins. Que l'on com- 
pare l'Æelix arbustorum pris sur les hautes 
cimes des Alpes avec ceux qui vivent dans 
nos plaines, on sera frappé de voir que les 
premiers sont constamment moitié plus petits 
que les seconds. On peut observer ces exem- 
plaires dans la collection du Jardin des plan- 
tes, et jai réuni dans le même but d'obser- 
vation des Ombrettes, Jelix putris, et quel- 
ques autres espèces encore. J'en ai rassemblé 
de nombreux individus recueillis dans les con- 
trées septentrionales de l'Europe, et je trouve, 
à mesure que nous avancons vers le pôle, une 
décroissance analogue à celle que nous obser- 
vons quand nous les recueillons sur les mon- 
tagnes. L’Æelix arbustorum, rapporté d’Ar- 
changel, a les mêmes proportions que ceux 
rapportés du Saint-Gothard. 

La truite est une des espèces de poisson 
dont on peut observer le plus fréquemment 


CHAP. II. TRUITES. 532 


des individus monstrueux. Une des déforma- 
tions les plus communes rappelle tout à fait 
celle que j'ai décrite avec détail sur la carpe. 

M. Yarrell a figuré une de ces déviations 
dans la vignette de son Histoire du Sa/no 
fario. Le Muséum en possède deux exem- 
plaires, et tous deux sont adultes. Lun a 
plus de huit pouces de longueur. Il est diffi- 
cile de concevoir comment cet individu pou- 
vait vivre, car les intermaxillaires sont repliés 
sous le palais, de manière que les dents tou- 
ent à celle d'en haut. La mâchoire inférieure 
passe . en entier toute la supérieure 3 elle 
“he touche : à aucune partie de la mandibule 
opposée; je ne comprends comment les dents 
pouvaient retenir la proie. 

On rencontre aussi très-souvent, mais sur- 
tout dans les produits des œufs fécondés arui- 
ficiellement, des monstruosités par réunion, 
de manière à former des truites à deux têtes 
sur un corps formé comme à l'ordinaire; d’au- 
tres ont le ventre commun et paraissent comme 
leux,truites, ordinaires placées l'une auprès 

ss À en a Vu qui avaient deux corps 
_ distincts sur une queue commune. Ces mon- 
struosités sont du même ordre, ou, comme 
la dit M. Geoffroy Saint-Hilaire, du même 
genre que celles décrites par ce savant dans 
les mammifères. | 


336 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Il faut remarquer que ces monstres ne vi- 
vent pas au delà de six semaines, c'est-à-dire 

LL 7 . e Là 
qu'ils cessent d'exister quand ils ont absorbé 
le vitellus rentré dans l'intérieur de l'abdomen 
après leur éclosion. 


Avant de terminer l'histoire naturelle des 
Truites d'Europe, 1l me reste à ajouter quel- 
ques mots sur un travail fort important, pu- 
plié par MM. Acassiz et Vost. Je veux parler 
blié par MM. Apgassiz et Vost. Je veux parl 
de Panatomie' et de l'embryologie? des sal- 


monoïdes. Les recherches, qui avaient pour. 


pour objet le développement du fœtus, ont 
été faites sur la Palée (Coregonus Palæa, Cuw.). 
Le travail anatomique est le résultat des ob- 
servations sur les Truites, Les Corégones et les 
Thymales. IL est facile de voir, en ce qui con- 
cerne les premiers de ces poissons, que les 
auteurs ont disséqué ordinairement le Salar 
Ausonit, Val, ou leur Salmo fario. Ils se 
sont aidés de la grande Forelle du lac (Fario 
Lemanus, Val), quand ils avaient besoin 


1. Agassiz et Vogt, Anat. des salmones; Extr. du HL.® vol. de 


la Société des sciences naturelles ; Neufchatel, 1845, in-4.°, avec 
15 planches in-fol. 

2. Histoire naturelle des poissons d’eau douce de l'Europe cen- 
trale, Embryologie, par Vogt; Neufchatel, 1842, in-8.°, avec 
7 planches double in-fol. 


CHAP. TI. TRUITES. 337 


d'exemplaires plus commodes, à cause de leur 
taille. Les naturalistes qui voudront compléter 
ce que nous avons fait sur l'anatomie géné- 
rale des poissons, dans le premier volume 
du présent ouvrage, où nous avons pris la 
perche (perca fluviatilis) pour terme de com- 
paraison, devront étudier le Mémoire des deux 
savants de Neufchatel. Ce beau traité prendra 
place à côté des éminents tr#vaux de M. Jean 
Muller, sur des poissons de familles très-di- 
verses. Mais, en ce qui concerne l'histoire des 
truites, je suis obligé de faire remarquer que 
les deux collaborateurs n'ont pas toujours 
distingué zoologiquement les deux poissons 
qu'ils ont disséqués. Ils ne pouvaient pas le 
faire à l'époque où ils ont écrit. D'ailleurs, 
une détermination zoologique très- précise 
n'était pas nécessaire entre deux espèces si 
voisines, que l'anatomie de l'une peut très- 
bien compléter celle de l'autre. C'est ce qui 
ma engagé à ne pas faire paraître une dis- 
sertation critique sur un aussi beau travail. 
Elle naurait porté que sur quelques noms 
spécifiques quelquefois mal appliqués. 

Il faut que j'ajoute, pour dire toute la 
vérité, que je n’ai pas pu déterminer, pour 
tous les cas, lequel des deux poissons, du 
Salar Ausonit ou du F'ario Lemanus, a servi 


D'1. 293 


338 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


à l'observation. Cette minutieuse distinction 
est inutile dans un travail excellent pour l'ana- 
tomie comparée, mais qui na pas été entre- 
pris sous le point de vue zoologique. J'ai cru 
devoir présenter ces observations pour n'être 
pas accusé d'avoir oublié un travail où jai, 
puisé beaucoup pour mon instruction. 


La TRUITE FÉROCE. 


(Salar ferox , Jardine.) 


Je crois qu'il faut considérer comme d’une 
espèce distincte une assez grande Truite bien 
caractérisée comme espèce du genre par son 
double rang de dents vomériennes, et qui 
est remarquable 


par la grandeur de sa gueule; par ses larges inter- 
maxillaires; par la grosseur et la courbure des 
branches de sa mâchoire inférieure. On pourrait 
l'appeler une Truite bécardée. Je lui trouve aussi 
une adipeuse beaucoup plus longue et beaucoup 
plus grande que celles d'aucune de nos Truites. 


Le Cabinet du Roi en a recu des eaux du 
Foretz quatre exemplaires : un de cinq pouces, 
un autre de dix et deux autres longs de dix- 
neuf pouces. Ce qui me fait croire que j'ai 
sous les yeux une espèce distincte, c'est qu'en 


CHAP. IN. TRUITES. 339 


comparant l'individu de cinq pouces à ceux 
de Truites de même grandeur, je trouve la 
gueule de ce petit plus grande, les maxillaires 
plus longs, de sorte qu'ils ne rentrent dans 
aucune des formes de nos petites Truites 
communes. La couleur de nos poissons est 
un vert rembruni devenant grisâtre sous le 
ventre. Tout le corps est couvert de taches 
ou de points noirs; il ny avait pas de taches 
rouges. Îls ressemblent parfaitement à la figure 
publiée par sir William Jardine, sous le nom 
de Salmo ferox ou de grande Truite des 
jacs du comté de Sutherland, dans les lochs 
du Laygthal. Je ne crois pas me tromper 
en disant que cette espèce de Truite est à la 
Truite commune ce que le Bécard est au 
Saumon. 

Je ne doute pas quil ne faille rapporter à 
cette espèce un exemplaire long de dix-sept 
pouces, qui à cté rapporté d'Islande par M. 
Gaimard. Les taches de la joue, c'est-à-dire 
celles qui couvrent le maxillaire, le préo- 
percule, l'opercule et le sous-opercule, sont 
de gros points noirs et ronds, beaucoup plus 
nettement limités que les taches des autres 
individus. 


340 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


La TRUITE ÉLÉGANTE. 


(Salar spectabilis, nob.) 


Son Altesse Impériale la grande-duchesse 
Hélène de Russie a donné au Cabinet du 
Roi une très-jolie espèce de Truite, que l'on 
prendrait facilement pour un Saumon, si l'on 
n’en examinait la dentition. Sa double rangée 
de dents vomériennes la différencie suflisam- 
ment comme genre et comme espèce de ce 
poisson. 


Elle se distingue de toutes nos Truites par son 
corps fusiforme, plus régulièrement elliptique. Sa 
tête est environ du cinquième de la longueur 10- 
tale. Sa gueule est médiocrement fendue, un peu 
moins que le uers de la longueur de la tête. Le mu- 
seau est pointu. Les deux mâchoires sont égales, 
Le préopercule est régulièrement arrondi. L’œil est 
petit. Son diamètre est six fois et demi dans la 
longueur de la tête. Les nageoires sont petites. Les 
écailles sont plus apparentes, ou, si l’on aime mieux, 
moins perdues dans la mucosité de la peau. Il y en 
a cent trente rangées le long des flancs. La couleur 
est un bleu d'acier sur le dos, s’éclaircissant en 
argenté sur les flancs. Le dessous du ventre et de 
la gorge est blanc mat. Les côtés et la joue sont 
parsemés de taches noires. Le plus grand des trois 
exemplaires du Cabinet est long de seize pouces. 


Cest probablement l'une des espèces dé- 


CHAP. IL. TRUITES. SA1 
crites par Pallas; mais quelle qu'ait été l’assi- 
duité de mes recherches, je n'ai pu la retrou- 
ver dans ses nombreuses descriptions. 


La TRUITE DE (GAIMARD. 


_(Salar Gaimardi, nob.) 


Nous avons recu d'Islande une autre Truite 
assez semblable par sa forme générale, par 
l'ensemble de ses couleurs et par son aspect 
brillant à l'espèce précédente; 

mais son museau me parait plus arrondi, Son œil, 

un peu plus grand, est plus rapproché de l'extré- 


mité, et sa dorsale et son anale sont un peu plus 
longues; car elles ont trois rayons de plus. 


B. 115 D. 1; A! 12: C. 28; P. 145 Vi 9. 


Les écailles sont, au contraire, un peu plus 
peutes que celles du Saumon, et se rapprochent de 
celles de l’espèce précédente. 

Les couleurs sont plombées, avec des taches 
noires plus ou moins nombreuses sur l’opercule, 
sur la dorsale, sur la caudale et sur le corps. 


Nos individus ont quinze pouces; ils fai- 
saient partie des collections recueillies à bord 
de 4 Recherche par M. Gaimard. 

Cest l'espèce dont jai donné une figure 
dans le Voyage en Islande et au Groenland, 
planche 15, figure A, sous le nom de Salmo 


342 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


trulta. Elle ressemble assez, en effet, par sa 
taille et par ses taches, au poisson que l’on 
désignait alors sous ce nom, pour que l'on 
me pardonne d'avoir commis cette erreur et 
cette confusion. 

Je pense que le Salmo Lepechini de Gme- 
lin est très-voisin de cette espèce. Je ferai 
cependant observer qu’il existe dans le cabinet 
de Berlin, sous ce même nom de Salmo Le- 
peclunt, 

une Truite à taches brunes au-dessus de la ligne 

Jatérale, à ventre blanc, sans taches ; la tête courte; 


les dents peutes, et sur lequel j'ai aussi compté les 
nombres : 


D. 11; A. 11; C. 19; P. 43; V. 9. 


L'individu a onze pouces de long. Il ne me 
parait pas être de l'espèce figurée par Lepe- 
chini et inscrite sous ce nom dans le Systema 
naîuræ. 


La TruITE DE BAILLON. 


(Salar Bailloni, nob.) 


Je me suis procuré au marché d'Abbeville 
une Truite pêchée dans la Somme, que je 
prenais à l'extérieur pour un jeune Saumon, 
mais le pêcheur qui me la vendait n'assurait 
que c'était un poisson tout différent, et quils 


CHAP. I. TRUITES. 543 


ne deviendrait jamais un Saumon. Aujour- 
d'hui que les caractères de la dentition vien- 
nent asseoir mon jugement, je reconnais l'exac- 
titude des observations empiriques de cet 
homme habitué à observer les poissons vivants. 

L'espèce que je décris 

a la tête comprise quatre fois et demie dans la lon- 

gueur totale. Le front large; les deux mächoires 

égales; le museau assez pointu; les dents fines et 
serrées sur les deux mâchoires, les palatins et sur 
le vomer, celles-ci, sur deux rangées, sont beau- 
coup plus petites qu'aucune de celles de nos Truites 
communes. Le dos, plombé, à reflets violacés et 
couvert de taches, assez grosses, empourprées. On 
voit de petites taches brunes sur la dorsale. Les 
pectorales et l’anale sont jaunâtres. La ventrale est 
blanche. La caudale, un peu fourchue, est grise, 
sans aucune tache. Tout le poisson est argenté. 

Be 9:2DN13:"A010;"C. 25"; P712 V9. 

Cette espèce a aussi un caractère remarquable; 
car je ne trouve que neuf rayons à la membrane 
branchiostège. 

Elle doit être rare, car M. Baillon, qui 
connait si bien les poissons de la Somme, 
croit n'en avoir vu que deux ou trois indi- 
vidus. L’exemplaire du Cabinet du Roi est 
long de treize pouces et demi. 

J'ai dédié cette espèce à mon ami M. Bail- 
lon, qui a rendu tant de services à lIchthyo- 


344 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


logie. Ce poisson me parait venir des contrées 
septentrionales et descendre des mers du Nord 
vers nos côtes en compagnie des autres Sau- 
mons, Car jai retrouvé deux exemplaires de 
cette espèce, tous deux reconnaissables non- 
seulement par leur forme générale, mais par 
le caractère positif des neuf rayons de la 
membrane branchiostège dans les poissons 
rapportés de Norwége par M. Noël de la 
Morinière. 

Ce zélé ichthyologiste avait observé beau- 
coup de Truites dans ses différents voyages 
en Écosse. Je crois qu'il faut rapporter à cette 
espèce plusieurs des observations quil a trans- 
mises à M. de Lacépède, mais le défaut de 
précision dans les diagnoses empêchent de 
fixer la synonymie de ces espèces. 


La TRUITE DE SCHIEFERMULLER, 


(Salar Schiefermulleri, nob.) 


Le Cabinet du Roi a recu de Vienne, par 
les soins de M. Fitzinger, une Truite que l’on 
confondrait très-facilement avec nos Truites 
de mer, sans le caractère de la dentition. Ce 
poisson ressemble assez à l'espèce précédente. 

Il parait cependant avoir la tête un peu plus 
courte; la caudale plus fourchue; et il s'en distingue 


CHAP. III. TRUITES. 345 


par un caractère plus facile à retrouver. Il a douze 

rayons à la membrane branchiostège. Les dents 

sont fines comme dans l'espèce précédente. La cou- 

leur, plombée sur le dos, blanche sur le ventre, 

et à reflets argentés, est semée de taches noires 

nombreuses sur le dos, sur les flancs et sur la dor- 

sale, Les nageoires inférieures sont un peu grises. 

La caudale est noirûtre. 

B: F2} DAT APM ON 28 SP EP: V0" 0: 

L'individu est long de dix pouces. Comme 
il vient du Danube, il y a tout lieu de penser 
que nous possédons l'espèce dédiée par Bloch 
à abbé Schiefermüller, qui le lui avait en- 
voyc. 

La TRUITE DE ScoOULER. 


(Salar Scouleri, nob.; Salmo Scouleri, Richards.) 


Après ces espèces que j'ai vues et qui sont 
toutes décrites d'après nature, je puis encore 
placer avec quelque certitude les trois espèces 
suivantes, qui ont été décrites et suffisamment 
caractérisées dans l'excellent travail du doc- 
teur Richardson. La première espèce est celle 
qu'il a dédiée au docteur Scouler. 

C'est un poisson 

qui a le profil très-arqué entre la nuque et la dor- 

sale, et le corps atténué vers la caudale. La tête est 

convexe entre les yeux, creuse au-devant des narines, 
soutenue vers l'extrémité du museau, qui est crochu 


546 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 

, parce que les intermaxillaires sont longs, arqués et 
disposés de manière à avoir une très-grande ressem- 
blance avec notre $a/mo hamatus. Les maxillaires 
sont étroits, allongés. La mâchoire inférieure est un 
peu redressée vers l'extrémité; elle est élargie et 
armée à cet endroit de très-fortes dents. Les dents 
vomériennes sont implantées sur un double rang. 
Il n’y en a point au chevron du vomer. Les os de 
l'opercule sont fortement striés, et, en général, tous 
les os de la tête ont une structure fibreuse. La caudale 
est échancrée. L'adipeuse est assez grande et reculée 
jusqu’au troisième avant-dernier rayon de l'anale. 

B. 12 — 13; D. 440; A: 173 P. 46; V. 11. 
Les écailles sont très-peutes. Il ÿ en a cent soixante- 
dix le long de la ligne latérale. 


M. Richardson croit que ce poisson du 
grand fleuve de Columbia a été décrit par 
Lewis et Clarke, sous le nom de Saumon 
commun où de Read-Charr ou de Salmon- 
Trout. Cest une espèce qui remonte de la 
mer dans les rivières de la côte nord-ouest 
de l'Amérique. La chair est tantôt orange et 
tantôt blanche. Les naturels estiment beau- 
coup les ovaires séchés au soleil, et ils les 
gardent longtemps. Les œufs sont de la taille 
d’un petit pois, presque transparents, d'un 
jaune rougeûtre. L’individu que Richardson 
a décrit et figuré a été pris à Observatory 
[nlet, au mois d'août, sur la côte nord-ouest 


CHAP. III. TRUITES. 347 


de l'Amérique. Ce poisson fréquente ce bras 
de mer par myriades; ils sont en si grand 
nombre qu'une pierre ne saurait toucher le 
fond sans frapper plusieurs individus, dont 
abondance surpasse tout ce que l'imagination 
peut concevoir. Le cours d'un petit ruisseau 
où le poisson se pressait en remontant pour 
frayer, en était tellement rempli, que dans 
l'espace de deux heures ils en prirent plus 
de soixante avec une pique du bord. Le doc- 
teur Scouler pense, d'après les recherches que 
mon ami Richardson Jui a engagé de faire, 
que ce poisson doit avoir la plus grande aff- 
nité avec le Gorbuscha du Kamtschatka; mais 
je dois faire observer qu'il est très-dificile de 
déterminer lespèce décrite dans la Zoologie 
arctique de Pennant, parce que les notes que 
jai recueillies, soit sur les poissons originaux 
de Pallas, soit sur les dessins faits par M. Mer- 
tens pendant la grande expédition russe de 
l'amiral Eutke, prouvent que ce nom russe 
est donné à plusieurs Saumons qui ressem- 
blent autant au Bécard que celui-ci. On peut 
lire dans l'ouvrage de Richardson les procédés 
singuliers que les naturels emploient pour la 
préparation des œufs. Il a extrait ces docu- 
ments des notes du journal de Mackensie. 
ous ces observateurs s'accordent à dire que 


548 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


la chair de ces poissons est excellente et tout 
à fait d'aussi bonne qualité que celle de nos 
Saumons d'Europe. 


La Teuire NamaAccusx 


(Salar Namagcush, nob.; Salmo Namagcush, 
Pennant) 


Est une grande et magnifique espèce de 
Truite, qui égale et surpasse même la taille 
du Saumon commun. Le Namagcush vit dans 
tous les grands lacs entre les États-Unis et 
l'Océan arctique, mais le docteur Richardson 
croit pouvoir aflirmer quil ne peut exister 
dans aucune eau saumâtre. Suivant le rapport 
des pêcheurs du lac Huron, son poids moyen 
est de dix-sept livres, mais ils en prennent 
quelquefois des individus pesant jusqu'à soi- 
xante livres, et Mitchill a établi quil était 
bien reconnu à Michilimackinac, que ce pois- 
son atteignait le poids énorme de 120 livres. 

Ce Namagcush ressemble au Saumon ordinaire. 
Les mâchoires sont très-fortes. Il y a un double 
rang de dents vomériennes. Richardson les a comp- 
tées. Je répète ce caractère générique pour bien 
établir que la taille, pas plus que la forme du mu- 
seau dans l'espèce précédente, ne peuvent nous 
servir de guide pour déterminer les poissons de la 
famille des Salmones. On ne peut se fier qu’à l'examen 


CHAP. IIL TRUITES. 549 


des dents. La forme de la mâchoire inférieure avec 
son grand crochet prouve que la tête de ce poisson, 

comme celle de lespèce précédente, ressemble plu- 
tôt sous ce rapport, à notre $. hamatus qu'à toute 
autre espèce. Les écailles sont peutes, flexibles. 

POESIE D. TE 0: AS MAS CNE "P.'14 : V9: 

La couleur est un verdâtre cendré, plus ou moins 
foncé, avec des taches d’un gris jaunâtre. Le ventre 
est blanc, à reflets bleuîtres. 


Telle est l'espèce qui sort à certaines sai- 
sons du lac Huron pour frayer. La chair res- 
semble à celle des autres Saumons. Mitchill 
l'a décrite sous le nom de Salmo amethystus, 
et cette dénomination a été acceptée par les 
naturalistes américains, qui ont eu le tort de 
laisser de côté le nom de la Zoologie arctique 
de Pennant. M. Dekay en a donné une excel- 
lente figure ; il dit que ce poisson a été observé 
jusqu'au 68. degré de latitude boréale. 

Je crois devoir rapporter à cette espèce le 
dessin d'un Saumon fait au Kamtschatka par 
M. Mertens et qui est intitulé Toklezz; il 
me paraît probable que c'en serait une espèce 
très-voisine, si elle n’est pas la même, comme 
je le crois. Le poisson était peint en plombé 
verdatre, blanc sous le ventre et tout couvert 
sur le dos et les flancs de petites taches ron- 
des, serrées et fauves. 


350 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Ici je termine l'examen des Saumons et des 
Truites que j'ai pu déterminer, soit par des 
descriptions faites sur nature, soit en extrayant 
des auteurs que j'ai consultés, les caractères qui 
me permettaient de rapporter ces espèces à 
l'un des trois genres que je viens d'établir. 
Mais je dois dire quil en reste encore un 
assez grand nombre mentionnées dans Pallas; 
j'ai le regret d'être réduit à les indiquer seule- 
ment, à cause de l'incertitude que ce grand 
naturaliste a laissée dans des descriptions faites 
pour satisfaire aux besoins de l'histoire natu- 
relle de son époque. Comme ses espèces sont 
décrites dans un ouvrage rare, je vais en 
rapporter ici, d'une manière très-abrégée, les 
principaux traits des caractères mentionnés 
par Pallas. 

Afin d'éviter toute confusion, je les dési- 
gnerai par le nom linnéen que Pallas a donné 
à ces poissons, et je ne les désignerai en fran- 
çais que par le nom de la tribu des Saumons, 
dans la grande famille des Salmonoïdes. Le 
nom de Salmone aura à peu près la même” 
valeur que dans l'ichthyologie de Lacépède.n 


CHAP, IT. TRUITES. 3551 


Le SALMONE BATARD 
(Salmo spurius, Pallas') 


a le corps tacheté de brun. La queue presque carrée. 

Le museau est prolongé. Chaque mâchoire est cro- 

chue; la supérieure est obtuse; l'inférieure est plus 

aiguë. 

C'est, suivant Pallas, le Loch ou Lochowina 
des Russes. Il le croit le Sa/mo eriox de 
Linné ou le Grey de Willughby. Ce pourrait 
être une espèce voisine de notre Sz/mo ha- 
matus, si elle en est différente. Les pêcheurs 
sur les différents fleuves de la Russie les dis- 
tinguent très-bien du Saumon ordigaire. Ils 
croient qu'ils remontent le Terek avant cette 
espèce. 

Le SALMONE BARS 


(Salmo labrazx, Pallas?) 


serait une espèce à corps argenté et sans tache, à 
museau conique, à mächoires égales, La dorsale est 
seule chargée de points noirs. 


Pallas se demande si ce n’est pas le Szlmo 
albus de Pennant. On prend cette espèce à 
Sévastopol et sur les autres points de la mer 


4. Faun. rosso-asiat., 11, p. 343. 
2. Loc. cit., A, p. 846. 


552 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Noire. C'est un délicieux poisson à chair rouge. 
! 8 

Pallas lui a donné le nom de Salmo labrax, 

qui rappelle la couleur argentée de notre Bars. 


Le SALMONE TRUITÉ 


(Salmo trutta de Pallas') 


est une espèce du littoral de la Crimée qui 
n'a jamais été observée dans les eaux de la 
Russie ni de la Sibérie. Malgré la synonymie 
que Pallas a donnée à cette espèce, je crois 
ce poisson voisin des Truites de nos ruisseaux 
et par conséquent du genre Salar. 

Le corps est couvert de points noirs ei rouges 


subocellés. La dorsale est poinullée de noir. La mà- 
choire supérieure est plus longue que l'inférieure. 


NÉ 


Il ya des dents au palais et dans un sillon sous le 


vomer ; mais comme 1l ne dit pas si celte rangée est 


simple ou double, il est difficile de rien préciser 


de plus. 


J'ai trouvé dans le Cabinet de Berlin une 
assez grande espèce de Truite, considérée 
comme le Salmo trutta de Pallas. Le dessin 


que jen ai fait et la courte description que* 
jen ai prise, ne s'accordent point avec celle 


du Fauna rosso-asiatica. 


1. Loc. cit., AIT, p. 347. 


Ta ARS 


CHAP. III. TRUITES. 3h35 


Ce poisson brun a le dos et le ventre semé de 
nombreux points plus foncés. Voici les nombres 
que j'ai comptés sur cet individu : 


D2122,A.15; C. 2552418; NV. 10. 

Il portait le n° 89 dans les collections de 
l'Université. Comme je n'ai pas décrit les 
dents vomériennes, je ne puis en parler avec 

lus de précision. 
P P 1 


Le SALMONE FARION. 


(Salmo fario, Pallas.') 


Je lis dans le même ouvrage la description 
d'un Salmo fario 
qui aurait le corps ponctué de noir et de rouge. 


Le museau conique et les deux mâchoires Dar 
La dorsale ponctuée de rouge. 


Après en avoir donné une longue synony- 
mie dans les différents dialectes de l'empire 
de Russie, Pallas dit que ce poisson vit dans 
tous les petits ruisseaux à fond pierreux et 
olaiseux, qui descendent des montagnes de la 
Russie, du Caucase, de presque toute l'Asie 
centrale, et même dans les torrents des îles 
Aleutiennes. Mais il observe que ce poisson 
manque aux eaux de la Sibérie, comme la 


4. Loc. cit., TL, p. 348. 
2 1. 2x 


JAI 


' 


554 LIVRE XXIT. SALMONOÏDES. 


Brême et l'Écrevisse. Il est très-possible que 
ce soit en effet la Truite commune. 


Le SALMONE FLUVIATILE. 


(Salmo fluviatilis , Pallas.') 


Pallas a décrit sous ce nom une grande et 
belle espèce qui appartient très-probablement 
à notre genre Fario. Il l'avait citée dans ses 
voyages sous le nom de Salmo Taymen, et 

u u A 1 
cest d'après ce document qu'elle a paru dans 
Gmelin et dans M. de Lacépède. 


Ce poisson, long de deux pieds, et du poids 
d'environ six livres, a la tête longue, conique, 
épaisse, La bouche grande; les mächoires presque 
égales. Le corps épais; le dos arrondi; le ventre 
saillant; le corps tacheté de noir. L’anale et la cau- 
dale sont rouges. Le dos est rembruni; le ventre 
est blanc; les côtés sont argentés. 


La description des dents jette de l'incerti- 
tude sur le genre auquel peut appartenir cette 
espèce, mais elle montre quil ne s’agit pas ici 
d'un Saumon, tel que nous les caractérisons. 

J'ai trouvé dans le Musée de Berlin deux 
exemplaires de Saumon ou de Truite ainsi 
nommés : l’une, sous le n.° 84, a de nom- 


1. Loc. cit., IL, p. 359. 


CHAP. III. TRUITES. 355 


breuses taches sur tout le corps, l'autre est 
indiqué comme une variété sans taches. En 
comparant les deux dessins que j'en ai faits, 
je crois que ces deux poissons sont d'espèces 
différentes et quil faut les distinguer de celui 
que Pallas a décrit. Les maxillaires du premier 
et la troncature du museau me semblent ra- 
mener ce poisson vers le genre des Thymales, 
tandis que le second est certainement une 
Truite. 

Le Salmo fluviatilis abonde dans tous les 
fleuves des contrées transourales, qui se dé- 
chargent dans FObi, l'Irtish et Ténisei, la Léna 
et leurs affluents. Espèce essentiellement d’eau 
douce, elle ne paraît pas remonter de la mer 
dans les eaux où on la prend. Elle atteint une 
taille considérable, car les individus varient 
ordinairement entre vingt et trente livres de 
poids, et on en a vu qui atteignaient jusqu'à 
quatre-vingts livres. Elle entre dans les nôm- 
breux affluents des fleuves que nous venons 
de citer, mais on ne la trouve point au delà 
de la Léna, ni vers l'Océan oriental; on ne 
la trouve pas non plus au Kamischatka. La 
chair, qui est molle et malsaine pendant l'été, 
prend des qualités opposées pendant l'hiver. 


356 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Le SALMONE ORIENTAL. 


(Salmo orientalis, Pallas.) 


J'ai vu à Berlin plusieurs exemplaires con- 
servés en peau de cette espèce de Saumon. 

Il a le corps plus large et plus trapu que le 
Saumon ordinaire, Les mâchoires un peu courbées. 
Pallas dit qu'elles sont presque égales; la supérieure 
m'a cependant paru un peu plus longue. Le profil 
du dos et du ventre est assez convexe. La couleur 
argentée, d’un bleuâtre rembruni sur le dos, devient 
blanche sur le ventre. 


Ce poisson, rapporté par Merk, passe de 
l'Océan oriental dans les fleuves qui sy ver- 
sent. On le prend en abondance au Kamt- 
schatka à la fin de juin. 

M. Mertens en a rapporté un dessin fait 
au Kamtschatka d'après une femelle. Il a écrit. 
T'schewitscka pour nom kamtschadale, ce qui 
se rapporte assez bien à ceux indiqués par 
Pallas. Son beau dessin était peint des cou- 
leurs suivantes: 

Le fond, cendré bleuâtre, était plus foncé vers lew 
dos; les flancs et le ventre, plus päles, prenaient 
une teinte rosée. De nombreux traits noirs, en crois- 
sant, forment des taches au-dessus de la ligne laté-\ 


1. Loc. ci,, ME, p. 861. 5 


CHAP, III. TRUITES. 357 
rale. Le bord antérieur des nageoires paires, ainsi 
que celui de l’anale, est rosé. 

M. Mertens observe que les mâles ont les 
“opercules un peu plus longs que les femelles, 


Le SALMONE LYcAODONTE 


(Salmo Lycaodon, Pallas!') 


est une autre espèce qui remonte de la mer 

d'Okotsk et du Kamtschatka au mois de mai, 
qui a trois rangs de dents sur le palais, et qui aurait 
tantôt les mâchoires droites et pointues, mais chez 
lesquels les mächoires se courberaient en un crochet 
remarquable. 

Le poisson, de couleur argentée très-pure, 
me paraît sous beaucoup de rapports ressem- 
bler au Salmno Scouler: de Richardson. 

Les Russes du Kamischatka lappellent Xras- 
naja ryba, ce qui, d'après Pallas, veut dire 
poisson rouge. Je trouve une figure de ce 
poisson sous ce même nom dans les dessins 
faits au Kamtschatka par M. Mertens. Il est en 
effet d'un rouge carmin assez brillant. La tête, 
les pectorales et le bord de la caudale sont 
bleuâtres ou verdâtres. M. Mertens dit quil 
l'a dessiné au temps de l'amour. 


4. Loc. ait., II, p. 370. 


358 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


Le SALMONE TÊTE DE LIÈVRE 


(Salmo Lagocephalus , Pallas') 


est une autre espèce de la mer orientale, 


à corps argenté, à museau obtus, qui remonte dans 
les eaux du Kamtschatka après le #, lycacdon et 
le S. ortentalis. Lorsqu'ils arrivent de la mer ils 
brillent d’un bel éclat d'argent; mais les côtés sem-" 
blent tachés de sang après l'agitation que leur cause” 
le séjour de l’eau douce. 


Cette espèce a été observée par Steller. 

M. Mertens l'a également vue et en a fait 
un dessin que l'on peut facilement rapporter 
à la description de Pallas, à cause de la gros- 
seur de son museau, formé par des mächoôires" 
armées de fortes dents, ce naturaliste l'a in-« 
üitulée Chourka. 


Le SALMONE POURPRÉ 


(Salmo purpuratus ; Pallas?) : 


est une petite truite d’un pied et demi, à tête assez 


en suite un peu carenée. Les yeux sont grands. Les“ 
dents petites et serrées sur le bord des mâchoires 


4. Loc. cit., II, p. 372. 
2. Loc. ct., UL, p. 314. 


CHAP. II. TRUITES. 329 


Le corps, tacheté de brunâtre, a une bande rouge 
le long des côtés. La dorsale est bleuûtre; l’anale 
rougeâtre; l’une et l'autre variée de taches brunes. 
Il y en a aussi sur ladipeuse, qui est olivâtre. 


C'est encore une espèce observée par Steller, 
et qui remonte du golfe de Penschiné dans les 
fleuves qui s'y versent. Elle est très-vorace, 
très-grasse ; sa chair est blanche; c'est une des 
meilleures truites de ces contrées. Elle se 
nourrit non-seulement d'œufs de poissons, 
de petits poissons, de phryganes, de potamo- 
getons, mais encore des rats qui traversent le 
fleuve dans leurs migrations. Lorsqu'elle aper- 
coit des branches du sorbier nain pendantes 
sous le poids de leurs baies rouges, elle s’élance, 
par de grands sauts, hors de l'eau et en saisit 
les fruits. Aussi, au contraire des autres Sal- 
monoiïdes, elle ne maigrit pas par suite des 
pertes de la ponte, mais elle reste grasse et 
bien nourrie. 

J'ai trouvé dans le Cabinet de Berlin deux 
peaux desséchées, étiquetées toutes deux par 
Pallas Salino purpuratus; Vune sous le n.° 82 
et l'autre sous le n.° 83. Elles n'appartiennent 
pas à la même espèce; car le poisson du n.° 82 
a la tête beaucoup plus courte que celui du 
n.” 83. Le premier a la bouche moins fendue 
que l'autre ; il est couvert de taches au-dessus 


360 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


de la ligne latérale, mais le ventre est blanc. 
Le n.° 83 a de nombreuses taches noires étoi- 
lées répandues sur tout le corps, au-dessous 
comme au-dessus de la ligne latérale. Je laisse 
aux Zoologistes, qui étudieront ces poissons, 
le soin d'établir par ces remarques les deux 
espèces. 

J'en trouve aussi un dessin fait par M. Mer- 
tens, reconnaissable à la belle bande cramoisie 
des flancs et à l'ensemble de ses formes. Le 
nom kamtschadale que Pallas a écrit Mykk, 
est changé sur le dessin du compagnon de 
Lutkee en celui de Mykysha. Dans le Fauna 
rosso-asiaticæ On à transcrit Mykyss. 


Le SALMONE PROTÉE 


(Salmo Proteus, Pallas'} 
L 


est un Saumon qui, au sortir de la mer, res- 

semble à nos Truites ou au $. ercox de cet 

auteur, 
ayant tantôt le museau conique et les mâchoires à 
peine courbées, mais aussi prenant, après quelques 
jours, des formes toutes différentes; car les mà- 
choires se recourbent en crochets opposés et s’allon- 
sent plus que dans aucung autre espèce de Saumon. 
Les dents se développent et croissent en même 


1. Loc. ait., UI, p. 376. 


j 
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j 
) 
} 
4 


CHAP. III. TRUITES. 361 
temps; tandis qu'à la mer, le Saumon paraissait n’en 
avoir que de simples germes. En même temps le 
dos, principalement cliez les mäles, se courbe en 
une bosse très-élevée, qui augmente dans l’eau 
douce jusqu’à la mort de l'animal. La couleur qui 
brillit dans la mer d’un éclat d'argent, commence 
à devenir, à l'entrée dans l’eau douce, livide, passe 
ensuite à des teintes de rouille, et change encore, 
comme si le poisson, devenu malade, était sali par 
du sang épanché. 

Au moment où il entre dans l'eau douce 
ce Saumon est très-gras, de très-bon goût et 
très-agile. Le séjour dans les fleuves lui fait 
perdre toutes ces qualités. La description de 
Pallas prouve que cette espèce est une de ces 
Truites à mâchoire recourbée, probablement 
voisine du $. Scoulert. Pour en fixer la place, 
il faudrait que Pallas eût décrit les dents du 
vomer. Ce poisson remonte dans les fleuves 
de la Sibérie et du Kamitschatka de la mer 
d'Okotsk en même temps que les S. collaris 
et $. Zagocephalus. Environ à la mi-juillet, ils 
arrivent en troupes si nombreuses qu'ils sou- 
lèvent dans le fleuve un véritable reflux, et 
on peut les prendre à la main. Le séjour dans 
l'eau douce, allonge la mâchoire à ce point 
quils ne peuvent plus fermer la bouche ni 
prendre de nourriture. Aussi, après avoir sa- 
tisfait aux conditions du frai, ces poissons 


362 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


périssent tous dans les fleuves au mois d'août, 
jonchant les fonds et les rives de leurs ca- 
davres qui, seuls retournent à la mer: aucun 
individu n’y rentre vivant. Les Russes des rives 
de l'Océan oriental l’'appellent Gorbucha que 
Pallas traduit par Gibberulus. Cette espèce a 
été mentionnée par Van Couver; j'en ai re- 
trouvé de très-jolis dessins qui m'ont été com- 
muniqués par M. Mertens au retour de son 
expédition. 


Le SALMONE SANGUINOLENT 


(Salmo sanguinolentus , Pallas!) 


est une espèce que Pallas a proposée, mais 
avec quelque doute d’après les renseignements 
de Steller. Il entre dans les fleuves vers le 
milieu d'août. 


Sa couleur est alors blanche et brille de l'argent le 
mieux poli; mais, après un séjour de six à sept 
semaines dans le fleuve ou dans les lacs, ils sont 
tout à fait amaigris, et leurs côtés deviennent rouges. 
Pallas en indique plusieurs variétés. Cette espèce 
est encore une de celles à mâchoire supérieure, 
allongée et crochue, à pectorales bleuâtres, à dor- 
sale brune, à dos verdâtre et à flancs rougeûtres. 


Je crois l'espèce de Steller bonne à con- 


4. Loc. cit., UX, p. 319. 


CHAP. III. TRUITES. 363 
server, et je crois en avoir retrouvé une figure 
dans les dessins de M. Mertens. 


Le SALMONE JAPON. 


(Salmo Japonensis, Pallas.i) 


Pallas a indiqué sous ce nom une espèce 
qui ne me paraît pas suflisamment bien dé- 
terminée. C'est encore une de celles dont je 
recommande lexamen aux naturalistes qui 
voudront entreprendre ce travail. Pallas dit 
de son Saumon qu'il 

a le corps argenté et sans tache; la mâchoire infé- 

rieure plus longue; la tête courte pour une Truite 

saumonée; les yeux près du museau. Il a le dos 
brun ; il est argenté au-dessous de la ligne latérale. 
Voici les nombres que j'ai comptés à Berlin : 
D. 18; A. 18; C. 493 P. 19; V. 40. 

Ce poisson remonte de FOcéan oriental 
dans le fleuve Amour. 

J'ai vu à Berlin les deux exemplaires rap- 
portés des îles Couriles par Merk; l'un, sous 
le n.° 76, me paraît correspondre parfaitement 
à la description de Pallas, mais l'autre, n.° 75, 
également nommé Sa/mo japonensis sur l'éu- 
quette mise par la main de Pallas, comme 


1. Loc. at., MI, p. 382. 


364 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 

M. Rudolphi me la appris, est d'une espèce 
différente, distincte par ses petites écailles, 
par sa bouche plus fendue , par sa mâchoire 
supérieure plus longue, redressée, crochue, 
comme celle d'un $. Scouleri ou d’un Gor- 
bucha. 


Je crois enfin pouvoir placer à la suite de 
cette longue énumération de Salmones, des 
ae que je ne connais qu'imparfaitement 

ar les dessins du savant zoologiste, compa- 
onon de l'amiral Lutkee. Ce on des in- 
Danube pour les naturalistes que la baie 
porte vers les iles aleutiennes et le cercle 
du Kamtschatka. 


Le SALMONE TAPDISMA. 


(Salmo Tapdisma, nob.) 


J'ai trouvé, dans les dessins de M. Mertens, 
un Salmonoïde du Kamitschatka, très-voisin 
de ces espèces. 

Il a Ja tête courte; l'œil très-peuit; la mâchoire 
supérieure un peu plus longue que l'inférieure; le 
dos relevé en bosse; le dessus verdàtre, avec les w 
flancs et le ventre argentés, et les nageoires brunes. 


Ce poisson vient du Kamitschatka. 


"4 


CHAP. IL TRUITES. 365 


Le SALMONE ARABATSCH. 


(Salmo Arabatsch, nob.) 


a les mêmes formes que le précédent; mais le mu- 
seau est beaucoup moins gros. La couleur est cen- 
drée, devenant noirâtre sur le dos et plus blanche 
sous le ventre. 


M. Mertens dit que quelques pêcheurs 
kamtschadales le prenaient pour une variété 
du Xrasnaja ryba. U faudrait de grandes alté- 
rations dans les formes pour quil en fût ainsi. 


Le SALMONE NUMMIFÈRE. 


Salmo nummifer, nob.) 
/ 


Nous avons vu que le nom russe de Âras- 
naja ryba sappliquait à plusieurs espèces 
assez différentes les unes des autres. J'en dis 
autant du nom de Kunsha; car j'ai sous les 
yeux deux dessins de M. Mertens qui portent 
ce nom, et qui représentent des poissons cer- 
tainement différents des espèces précédentes. 

Celui-ci a la bouche très-peu fendue. La mâchoire 
inférieure plus longue que la supérieure ; les dents 
petites et égales; le dos est vert noirâtre; les flancs 
gris, à reflets roussâtres ; le ventre blanc, teinté de 
rougetre, Des taches, rondes et blanches, ou rous- 
satres, très-serrées, d'inégales grandeurs, couvrent 


366 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


tout le corps. Le bord de la caudale est vert assez 
foncé. L’adipeuse est rougeâtre. Les autres nageoires 
sont grises ou verdâtres. La dorsale est un peu 
rougetre. Les nombres sont : 
DU'T2: ATV: /C0 280 P 980 VE 0) 
Cette jolie espèce rappelle à certains égards 
notre Salmo fontinalis. M. Mertens l'a donnée 
comme un poisson du Kamtschatka. 


Le SALMONE MÉLAMPTÈRE. 


(Salmo melampterus, nob.) 


J'ai encore trouvé, dans les dessins de cet 
infatigable naturaliste, la figure d’un autre 
saumon que jappelle Salmo melampterus, 

parce que ses deux nageoires, sa pectorale et sa 
caudale, sont noïirâtres; que les ventrales et l’anale 
sont grises, plus ou moins foncées. Le bleu violet 
très-foncé du dos s’éclaircit sur les flancs pour se 
fondre dans le blanc argenté du ventre. Le dessin 
représente des mâchoires égales, non crochues ; une 
tête courte; l'œil de médiocre grandeur. 


L'espèce vient du Kamtschatka. 
Le SALMONE AU BEC ROUGE. 
(Salmo erythrorynchos , nob.) 


Je n'ai pas osé placer à la suite de notre 
Salmo alpinus cette espèce, qui y prendra 


CHAP. IT. TRUITES. 367 


probablement place lorsqu'elle sera mieux 
connue. 

C’est un Saumon à peute tête; à bouche peu fendue, 
qui est vert sur le dos, rouge sous le ventre. Tout 
le corps est semé de points fauves. Les deux dor- 
sales et la caudale sont noirâtres, sans aucune tache. 
La pectorale, la ventrale et l’anale ont leur premier 
rayon blanc et les autres rouges. Le bout du mu- 
seau est également peint en rouge. 


On voit que cette espèce doit être très- 
voisine de notre Salmo alpinus si elle en est 
différente. Le dessin, fait au Kamitschatka, 
porte pour dénomination en langue de ces 
peuples, Kamenoilgoletz. 


y 


368 LIVRE XXII. SALMONOIDES. 


CHAPITRE IV. 
Du genre Épertan (Osmerus, Cuv.) 


La dentition caractérise trés-bien le genre 
des Éperlans. Les dents intermaxillaires sont 
petites et crochues; celles des maxillaires sont 
beaucoup plus petites; celles du vomer sont 
grosses, coniques et si avancées, qu'on les 
croirait implantées sur les mâchoires. Il y en 
a une rangée sur :e bord externe du palaun 
et une autre sur le bord interne du ptéry- 
goïdien : on en voit aussi de grosses sur la 
langue. Du reste, ces poissons ressemblent aux 
autres Salmonoïdes par leur petite adipeuse; 
les ventrales répondent au bord antérieur de 
la première dorsale; les ouïes sont largement 
fendues; les parois de la vessie natatoire sont 
minces et argentées : cet organe communique 
avec le haut de l'œsophage. Les Éperlans res- 


semblent donc, dans leur constitution géné-" 


rale, à nos truites; ils vivent, comme elles ,: 
dans la mer ou à l'embouchure des fleuves.“ 


L'espèce, que l'on peut appeler marine, ne 
remonte pas au delà de l'endroit où arrivent 
les plus fortes marées. On connaituneseconde, 


plus petite, qui se tient dans les grands lacs 


d'où elle passe dans les rivières. 


CHAP. IV. ÉPERLANS. 369 


Nous désignons ce genre par la dénomina- 
tion employée par Artedi; elle vient d'éoueens, 
odorant. Ainsi caractérisé, ce genre ne com- 
prend plus les mêmes espèces que cet auteur 
y avait réunies; en effet, il la composé de 
notre Éperlan et du Saurus. 

Notre Éperlan a été asse/ mal représenté 
dans Rondelet', qui le reconnaît très-bien 
pour une espèce vivant à l'embouchure des 
fleuves tributaires de l'Océan, très-commune 
à Rouen et à Anvers. Cet auteur croit que 
le nom d'Éperlan vient de la couleur argentée 
et brillante, qui rappelle celle des perles. 

La figure de Belon est sensiblement meil- 
leure que celle de Rondelet; la description 
qu'il en donne, prouve que cette espèce était 
bien mieux connue d’un ichthyologiste né en 
Normandie. Il le distingue d’ailleurs très-bien, 
sous le nom d'Éperlan de mer de l'Éperlan 
de Seine, appelé aussi par les Rouennais 
elle; c'est le Leuciscus punctatus. 

Gesner, qui na point copié les figures de 
l'Éperlan de mer de Belon ou de Rondelet, 
ne donne que celle de l'Able que je viens 
de désigner. 

Schænevelde a latinisé le nom de la Basse- 


4. Rond., De pisc. fluv., p. 196, ch. 21. 
PA 24 


370 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


Allemagne en l'appelant Spirinchus, il a imité 
ce que Rondelet avait fait du mot éperlan. 

Willughby ‘ a donné une description assez 
exacte de ce poisson, qui lui était fort connu, 
à cause de son abondance dans les eaux de 
la Tamise. 

Linné qui avait adopté, dans le Fauna 
suecica le genre Osmerus, a confondu l'es- 
pèce dans son genre Salmo, lorsqu'il rédigea 
la dixième édition du Systema naturæ, mais 
en laissant subsister, comme une division, 
le nom d'Osmerus, et en rangeant auprès 
l'un de Fautre l'Éperlan et le Saurus. Il n’y 
changea rien dans la douzième édition, qui 


fut copiée sous ce rapport dans la treizième. . 


M. de Lacépède reprit le genre Osmère, en 
le composant des deux espèces d'Artedi, en 
y ajoutant trois autres saurus quil trouvait 
dans Linné, dans Bloch ou dans les peintures 
de Plumier, et en y plaçant aussi le Sa/mo 
falcatus de Bloch, qui est un Hydrocyon. 
Le genre primitif d'Artedi, déjà mal com- 


posé, fut donc gâté plutôt que corrigé, 


jusqu'à ce que M. Cuvier l'ait réduit dès la 
première édition du Règne animal à la seule 
espèce qui pouvait alors former un genre na- 


4. Will, p. 202. 


ER ETRE 


CHAP. IV. ÉPERLANS. 371 


turel; ce qui n'a pas empêché MM. Nilsson et 
Faber d'associer dans un même genre l'Éper- 
lan et le Salmo arcticus ou le Capelan. 
Depuis la publication du Règne animal, les 
naturalistes ont découvert d'autres espèces que 
nous allons successivement décrire. 


L'ÉPERLAN DE LA SEINE. 


(Osmerus eperlanus , Cuv.) 


Cette espèce, qui abonde sur les marchés 
de Paris et de Rouen, et qui est surtout cé- 
lèbre dans cette dernière ville, est un pois- 
son qui remonte de la mer dans les rivières. 
On la trouve assez abondamment dans toute 
la mer du Nord ou à l'embouchure des fleuves 
qui viennent y verser leurs eaux. Je crois de- 
voir la distinguer du petit Éperlan que jai 
observé dans les grands lacs de la Prusse. 

L'éperlan 

a le dos et le ventre arrondis et les flancs un peu 

comprimés. La hauteur mesure un peu moins que 

le sixième de la longueur totale. La longueur de la 
tête est comprise quatre fois et trois quarts dans la 
longueur totale. Le dessus de la tête est large et 
arrondi. La mâchoire inférieure dépasse la supé- 
rieure; ses branches sont larges et arquées, et elles 
contribuent à rendre l'extrémité du museau grosse 
et obtuse. L'œil est de grandeur moyenne ; son dia- 


372 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


mètre est un peu plus court que le sixième de Îa 


1 


Jongueur de la tête; 1l est éloigné du bout du mu- 


seau de deux fois la longueur du diamètre ; l’inter- 
valle qui sépare les deux yeux est aussi long, le 
cercle de l'orbite n’entame pas la ligne du profil. Les 
deux ouvertures de la narine ne sont séparées l’une 
de l’autre que par la simple épaisseur de la mem- 
brane qui leur sert de cloison; elles sont au milieu 
de la distance entre l'extrémité de Ja mâchoire su- 
périeure et le bord de l'œil. Les deux intermaxil- 
laires sont courts, étroits; l'angle externe atteint un 
peu au delà du maxillaire, lequel se prolonge de 
chaque côté de la branche; son extrémité ne dépasse 


pas le bord postérieur de l'orbite. Ces deux os por- 
tent des dents crochues sur un seul rang, les dents 


maxillaires sont excessivement petites; le vomer est 
très-court, assez large; 1l a à son extrémité deux ou 


quatre grosses dents coniques, implantées tout près « 
des intermaxillaires. Comme le corps du vomer est. 


très-court et que l'os est un peu mobile au-dessous 


de l’ethmoïde cartilagineux, on pourrait aisément « 
S , 


prendre ces grosses dents, comme appartenant aux 
intermaxillaires. La plus grande partie de l'axe du 


palais est soutenue par les corps du sphénoïde qui. 


est remarquablement allongé et dilaté dans ce pois- 
son. La largeur du palais est encore accrue par la 
dilatation des ptérygoïdens qui recouvrent une parte 


des palatins. Ces deux os sont cependant comme à 
l'ordinaire très-disunets ; ils portent chacun une ran-. 
gée de dents coniques beaucoup plus grosses que M 
celles des mâchoires, maïs plus petites que les vomé-" 


ANS to RE 


C2 


RSS ET RE 


CHAP. IV. ÉPERLANS. 373 


riennes. Les dents palatines sont implantées sur le 
bord externe de l'os et les ptérygoïdiennes sur le 
bord interne. Les dents de la mâchoire inférieure 
sont plus grandes auprès de la commissure que vers 
la symphyse. On en voit manifestement deux ran- 
gées dont l’extérieure est formée de plus petites. La 
langue porte des dents sur plusieurs rangs dans toute 
sa longueur; les trois ou quatre qui sont à l’extré- 
milé dépassent de beaucoup les autres. Les osselets 
sous-orbitaires sont peus, étroits et cependant un 
peu caverneux. Le préopercule a son angle arrondi, 
l’opercule est trapézoïde, le sousopercule en demi- 
arc, l'interopercule remonte assez haut entre les deux 
premiers os nommés de l'appareil operculaire, Les 
ouies sont très-largement fendues. 1 n’y a pas de 
branchie supplémentaire au dedans de l’opercule. Les 
râtelures des branchies sont assez grandes. Il y a 
huit rayons à la membrane branchiostège. Les pec- 
torales sont pointues, les ventrales insérées sous Île 
commencement de la dorsale. Celle-ci est assez poin- 
tue. L’adipeuse est petite ; l’'anale est trapézoïdale, la 
caudale est fourchue. 
BB DAS 16%" CG; '25: "V8 ME 

Les écailles sont d’une excessive minceur, cadu- 
ques. On en compte environ soixante le long des 
côtés, 

Ce poisson légèrement teinté de verdâtre sur le 
dos, brille du plus bel éclat d'argent poli. 1 y a un 
peu de noirâtre à l'extrémité de la dorsale et au bord 
de la caudale. Le péritoine est non moins brillant 
que l'extérieur du corps au-dessous de la vessie na- 


37 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


tatoire, mais tout le repli qui tapisse les reins est 
noirâtre par la quanuté de points pigmentaires qui 
y sont serrés. 

À l'ouverture de l'abdomen on voit le foie situé 
derrière le diaphragme et occupant un peu moins 
du quart de la longueur de la cavité abdominale. 
Le lobe gauche est beaucoup plus grand que le 
droit, qui n’est en quelque sorte qu'un petit appen- 
dice court et obtus de celui-ci. La couleur est d’un 
rouge très-päle. La vésicule du fiel est peute. L'es- 
tomac et les intestins sont recouverts par des épi- 
ploons graisseux, très-épais. La branche montante de 
l'estomac revient à g gauche sous le foie; le pylore 
est étroit; j'ai compté six appendices ps cour- 
tes et Et Les ovaires sont petits, la vessie nata- 
toire est grande, à parois peu épaisses ; elle commu- 
nique avec l’œsophage par un canal court, ainsi que 
cela a lieu dans les saumons. 

Le squelette de l'Éperlan ressemble à plusieurs 
égards à celui des saumons. Ainsi les frontaux sont 
séparés sur lc devant et laissent entre eux un petit 
trou oblong. Il y a sur les côtés du crâne deux grands 
trous mastoïidiens. Les surscapulaires sont grèles et 
arqués, et s'unissent aux scapulaires sous l'angle su- 
périeur de l’opercule. Je compte soixante vertèbres 
à la colonne épinière, trente-cinq premières sont ab- 
dominales; elles portent des côtes gréles et nom- 
breuses. Celles-ci ont au-dessus d’elles des arêtes 
transversales, grêles, courtes, qui s’attachent sur la 
base de l'apophyse épineuse de chaque vertèbre. 


Nous avons des éperlans de dix pouces de 


CHAP. IV. ÉPERLANS. 3735 


long. Les individus de cette taille sont cepen- 
dant rares; ordinairement ils ont six à sept 
pouces; on en vend aussi de plus petits. Outre 
les exemplaires que l'on pêche en si grande 
abondance à l'embouchure de la Seine, nous 
en avons encore dans le Cabinet du Roi qui 
viennent de l'embouchure de la Somme. Nous 
en possédons encore de grands individus qui 
ont été rapportés du Cap Nord par Noël de 
la Morinière. Ces exemplaires sont importants 
à étudier, parce qu'ils nous font connaitre 
avec certitude l'espèce d'Artedi. Je rapporte 
encore à ce poisson les éperlans qui ont été 
envoyés de Pétersbourg à M. Cuvier par S. 
A. L la grande duchesse Hélène de Russie. 
Ceux-là auront le mérite de nous fixer sur le 
Salmo eperlanus de Pallas. 

On pêche l’éperlan en abondance dans la 
Seine vers son embouchure ; il remonte ce 
fleuve jusqu'aux environs de Rouen. On en 
prend quelquefois du côté de Pont-de-l'Arche; 
mais la pêche la plus abondante se fait à Vil- 
lequier, non-seulement pour le vendre, mais 
parce que les pêcheurs regardent ce poisson 
comme l'un des meilleurs appâts pour la pêche 
de l'anguille. Après l'homme, l'ennemi le plus 
redoutable de l'éperlan, est laiguillat ou le 
chien de mer (squalus acanthias). Quand ce 


376 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


squale s'établit à l'embouchure de la rivière, ® 
il y cause de grands ravages. L'éperlan est” 
aussi très-commun, non-seulement dans la 
Tamise, mais dans plusieurs autres rivières, 
d'Angleterre. Ainsi, on le trouve dans le Mer-" 
sey, et presque dans toutes les rivières d'É-W 
cosse. [1 remonte deux fois par an la Tamise,! 
en mars et en août. Au printemps il s'élève 
volontiers jusqu'à Richmond; à la seconde“ 
époque il ne dépasse guère Blackwall ou 
Greenwich. Pendant l'hiver on pêche l'éper- 
lan dans le Tay, où l'eau est moins salée qu'à 
Dundee. On les prend dans des guideaux, 
de la même manière qu'à l'embouchure de 
la Seine. Le flot les y pousse avec la marée, : 
et on va retirer les éperlans du filet à chaque : 
basse-mer. Les pêcheurs d'Erskine, comté de 
Renfrew, en prennent aussi dans le Clyde, 
et ceux d'Alloa dans le Forth. On trouve aussi 
dans le Dee, à Birth, où il est connu sous 
les deux noms, de Sterling et de Doubreck. 
À Londres, et dans presque toute l'Angleterre 
on l'appelle Smelt. On pêche aussi léperlan 
en Livonie, dans le Stint-see, lac auquel le 
poisson a vraisemblablement donné son nom. 
On le prend aussi en abondance près de 
Bernau. 

Je crois qu'il faut rapporter à l'espèce dont 


CHAP. IV. ÉPERLANS. 377 


nous nous occupons les figures de Rondelet 
et de Gesner; celles de Duhamel’; car la 
srosseur des dents de l'individu, n° 2, ainsi 
que la forme de la dorsale, me fait croire que 
ce naturaliste n’a observé que des animaux 
de même espèce, mais de taille différente. 
Bloch avait désigné notre espèce sous le nom 
de Salmo Eperlanus marinus, et il Ya figurée, 
PEU2G ne à 
On trouve dans le Fauna suecica? que les 
pêcheurs suédois distinguent l'espèce décrite 
dans cet article sous le nom de S/om. 
L'Éperlan ne me paraît pas se porter plus 
au nord; car je ne le vois pas cité dans l'Histoire 
des poissons d'Islande, ni dans les Faunes du 
Groenland. M. Nilsson® donne les deux es- 
pèces comme simples variétés l'une de l'autre, 
malgré les distinctions qu'en font les pê- 
cheurs suédois. Il dit qu'on le trouve prin- 
cipalement dans la Suède centrale, mais ja- 
mais en Scanie. Notre Osmère est aussi décrit 
avec beaucoup de détail dans les Poissons du 
Môrkô de M. Crepling; cet auteur ne croit 
pas non plus à la distinction de nos deux es- 
pèces. Müller a aussi cité ce poisson dans le 


1. Dub., Tr. des pêches, part. II, $. 11, pl. 4. 
2. Pag- 116 ,n" 811. 
8.Prodr.whtiscand., p: 12, 0.° 2. 


378 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Fauna suecica. Cest, suivant lui, le Smelt 
des Danois; mais le Lodde des Norwégiens, 
qui distinguent encore, comme les Suédois, 
la grande espèce de la petite par un nom par: 
üculier. Ils appellent celle que nous traitons 
Quarre, Gern-Lodde, où Slomme. 

On concoit que l'Iperlan, si commun dans 
les eaux de l'Angleterre, ait été cité par les 
successeurs de Ray ou de Willughby. On 
le trouve dans Pennant, qui ajoute au nom 
anglais de Synelt celui de Spirling, usité dans 
le pays de Galles et dans le nord de l'Angle- 
terre, et qui dérive de la dénomination fran- 
caise de ce poisson. Donovan' peut être cité 
comme l'auteur qui ait donné la meilleure 
figure connue de ce poisson. Je le vois aussi 
dans Turton, Jenyns et Fleming; celui-ci a 
réduit à cette seule espèce son genre Osmerus. 
M. Yarrell® a aussi représenté notre Éperlan. 

Pallas a aussi décrit l'Éperlan, qui est très- 
commun dans la Néwa; mais il croit avoir re. 
trouvé la même espèce dans la mer d'Okotsk 
et du Kamtschatka où, à cause de son odeur, 
on dédaigne le poisson : la plupart du temps 
on le donne à manger aux animaux carnas- 


1. Donovan, Brit. fish., pl. 48. 
2. Yarrell, Brit. fish., p. 75. 


CHAP. IV. ÉPERLANS. 379 


siers domestiques. Il ne croit pas qu'on l'ait 
trouvé dans les autres fleuves de la Sibérie, 
excepté peut-être dans l'Oby. Ge naturaliste 
en donne une synonymie vulgaire fort éten- 
due. Le nom russe Xorrucha, paraît corrompu 
de Kurva, il est tiré de l'odeur du poisson. 
Je renvoie à la Faune russe pour tous les 
autres noms vulgaires peu connus. 

M. Noël de la Morinière * a publié une His- 
toire naturelle. de l'Éperlan dont nous allons 
extraire les observations suivantes : 

L'Éperlan, comme nous venons de le dire, 
habite plus particulièrement les eaux sau- 
matres, puisque nous ne le voyons plus re- 
monter dans les rivières au delà des lieux où 
la marée se fait encore sentir. On croit même 
quil y est poussé avec la mer; car dans les 
grandes marées de l’'équinoxe on prend dans 
la Seine des éperlans un peu plus haut que 
dans les marées ordinaires. Pennant* observe 
que dans la Mersay l’éperlan ne remonte 
jamais qu'après l'écoulement des eaux prove- 
nant de la fonte des neiges. Il paraît que ces 
poissons remontent à la file, et que leurs ra- 
deaux n'occupent jamais une grande largeur. 


1. Noël, Hist. nat. de l'Éperlan de la Seine inférieure. 
2. Pennant, Zoo!. brit., WI, p. 314. 


580 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


Les pècheurs des bords de la Seine, à Oissel, 


254 
a TRE 


à Freneuse, croient que la largeur de la co-# 


lonne est si petite, qu'en quelques endroits 
elle n'est que de quatre à cinq pieds. Aussi, 
quand ils sont assez heureux pour placer uné 
de leurs nasses sur le trajet de la colonne, les 
poissons s’y amoncèlent de manière à la rem- 
plir tout entière. Il arrive souvent qu'il y a au- 
tour de celte nasse une vingtaine d'autres filets 
de même forme dans lesquels il n'est pas entré 
un seul poisson. Quelques pêcheurs préten- 
dent que l'étroitesse de ces bandes dépend 
de la division de grandes troupes qui senga- 
gent dans les RTE dont le lit de la qui se 


trouve souvent creusé par suite de l'inégalité # 
des falaises de craie sur lesquelles coule ce 
fleuve. Les pêcheurs croient aussi que léper- M 
lan, à son entrée dans la Seine, n'a pas la 
qualité ni la grosseur qu'il acquiert lorsqu'il M 
a demeuré longtemps dans l'eau douce. Il ya 
une grande différence entre l'éperlan pris au 
Hoc ou à Berville, et celui qu'on pêche dans 
les environs de Caudebec ou de Jumiège. Dem 
grandes troupes de ces poissons paraissent faire 


leur résidence sur les bancs de Quillebœuf et 
de Tancarville, très-probablement à cause de 
la nature saumâtre de ces eaux. Dans léqui- 
noxe du printemps ces troupes se divisent par 


4 


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CHAP. IV. ÉPERLANS. 581 


bandes, dont la montée se fait en une di- 
zaine de jours. Une seconde montée à lieu à 
l'équinoxe d'automne. A Duclair on regarde 
l'éperlan de la seconde montaison comme 
plus gros que ceux de la première; mais les 
pêcheurs d'Orival ou de Cléon disent le con- 
traire. On croit que l'éperlan dépose ses œufs 
au fond de Peau dans le creux des rochers, 
sortes de petits réservoirs où l'eau est tran- 
quille. Un certain nombre de ces points con- 
nas des pêcheurs de la Seine, s'appelle le 
grand passage. À l'époque du frai, l'éperlan 
exhale une très-forte odeur, souvent insup- 
portable à un grand nombre de personnes, 
et que les uns comparent à l'odeur du thym, 
d’autres à celle de la violette, d'autres encore 
à celle du fumier. Je crois cette odeur très- 
remarquable propre à tous les individus de 
l'espèce; car il me semble que les petits ont 
autant d’odeur que les grands. Il paraît qu’en 
‘cosse les éperlans se rassemblent en bandes 
plus nombreuses que dans la Seine; car les 
pêcheurs de la Mersay, du Tay, du Lamon, 
et d'autres rivières encore, disent que leur 
apparition donne une teinte grise aux eaux de 
la rivière. Shyrley ! rapporte, dans son Traité 


4, Shyrl., angl. Mus., p. 106. Hawkins Compt. angl., p. 186. 


382 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


des pêches, qu'au mois d'août de l'année 1720, 
il en entra une si grande quantité dans la Fa- 
mise, que les femmes et les enfants, au nom- 
bre de plus de deux mille, en péchèrent pen- 
dant plusieurs jours un nombre incroyable, 
depuis Londonbridge jusqu'à Greenwich. On 
a conservé aussi le souvenir de pêches ex- 
traordinaires aux embouchures de la Vistule, 
de l'Elbe, de l'Ems, de l'Escaut; elles se sont 
renouvelées quelquefois aux embouchures de 
la Seine, sur les fonds de Freneuse, de Du- 
clair ou de la Mailleraie ; le produit de la 
pêche était tel qu'on vendait les éperlans par 
charretées. Il est souvent arrivé de prendre 
jusqu'à vingt mille de ces poissons avec vingt 
brasses de seine. 

J'out en citant ces mouvements extraordi- 
naires des éperlans, il ne faut pas croire quil 
n'y ait pas des individus sédentaires dans les 
eaux de la Seine ; au contraire, à quelque 
époque qu'on y pêche, on y trouve toujours 
de ces poissons, tantôt pleins, tantôt vides, 
d’autres commençant à développer leur rogue. 
On peut donc assurer, que ces grands ra- 
deaux ou lits d’éperlans, sont toujours com- 
posés de poissons fonciers mélés aux individus 
de remonte. Quand le jeune frai est assez fort 
pour venir sessayer à la surface de l’eau, on 


CHAP. IV. ÉPERLANS. 383 


le remarque facilement à la couleur lésère- 
ment brunâtre de sa caudale. Les hommes 
qui, vers la fin du printemps, sont obligés 
d'entrer dans l'eau jusqu'à la ceinture pour 
l'exécution de certains travaux, assurent qu'ils 
sentent très-souvent leurs jambes chätouillées 
par les myriades d'éperlans qui passent au- 
tour de leurs membres, et ils remarquent que 
de grands individus ne sont jamais mêlés à ces 
petits, ce qui leur fait croire que les individus 
adultes sont déjà redescendus vers la mer. 

La couleur des éperlans varie suivant les 
fonds. Noël de la Morinière a déjà indiqué 
ces variétés de couleur dans son petit Fraité 
sur l'Éperlan. Les pécheurs distinguent l'Éper- 
Jan blanc et le vert. On pêche des blancs à 
Villequier, et plus bas, vers la mer, au Hoc 
ou à Berville on prend des verts. La chair de 
ceux-ci est maigre et de mauvais goût; cepen- 
dant, l'Éperlan vert du Pont-de-l'Arche est 
d'une excellente qualité. 

Dans la basse Seine la pêche de l'éperlan 
se fait avec des filets sédentaires ou avec des 
filets mobiles, tels que la seine , le tramail, 
etc. Les bas parcs employés sur quelques 
points, tel qu'à l'embouchure de l'Orne, ne 
sont pas plus destinés à retenir l'éperlan que 
. beaucoup d'autres poissons. On prend rare- 


384 LIVRE XXIL SALMONOIDES. 

ment l'éperlan à la ligne. La pêche est, dit-or 
meilleure par les vents doux d'est ou sud-ouest, 
que par ceux de la partie nord; cela doit tenir 
surtout à ce que ces derniers agitent beau- 
coup trop fortement la surface de l'eau. Les 
pêcheurs de Tancarville préfèrent pêcher pen- 
dant la nuit, et ils aiment, en général, ce 
quils appellent une eau blonde, c'est-à-dire 
une eau légèrement troublée ; cependant, à 
mesure que l'on remonte dans la Seine, on 
voit donner la préférence aux eaux claires. 

On regarde, comme le meilieur éperlan, 
celui qui se prend depuis Caudebec jusqu'au 
Pont-de-l'Arche, et on assure que le poisson 
de ces eaux est préférable à ceux de même es- 
pèce qui habitent la Loire, l'Escaut ou l'Orne. 
C'est à ce titre que, sur nos marchés, on dit 
éperlan de Caudebec, de la même manière 
qu'on dit hareng de Fécamp, ou truite des 
Andelys, etc , 

La pêche de ce poisson a été de tout temps 
une source de richesses pour Caudebec; aussi 
cette ville porte trois éperlans dans l'écusson 
de ses armes, comme Enkhuysen, dans la 
Nord-Hollande, a trois harengs dans le sien, 
et Anstruther, en Ecosse, un saumon. Il faut 
cependant remarquer que l'espèce est consi- 
dérablement diminuée sur ces points, surtout : 


L 


CHAP. IV. ÉPERLANS. 58) 


“depuis Fétablissement des nombreuses fabri- 
ques de toute espèce qui, versant leurs eaux 
dans le fleuve, nuisent au frai. Les guideaux 

- sédentaires établis dans la basse Seine, nuisent 
aussi, suivant Noël de la Morinière, au déve- 
loppement du jeune poisson qui vient périr 
dans ces filets, où chaque marée l’entraïne au 
flux comme au reflux. L’oubli des règlements 
les a tellement multipliés, que l'embouchure 
du fleuve en est comme obstruée. 

On consomme chez nous l'éperlan frais; 
mais dans quelques points de l'Angleterre et 
de l'Allemagne on a essayé de le saler et de le 
sécher. Il ne parait pas que ces essais aient 
réussis. 


L'ÉPERLAN AUX PETITES DENTS. 


(Osmerus microdon , nob.) 


Nous avons recu du Musée de Bergen 
une très-johe espèce d'Éperlan, que la peti- 
tesse de ses dents fait distinguer à la première 
vue de la précédente. 


Elle ne parait pas même en avoir de grandes sur 
la langue. J'en vois cependant une rangée de très- 
petites sur les palatines et les ptérygoïdiens, de sorte 
qu'il ne peut y avoir de doute sur le genre dans 
lequel il faut faire entrer ce poisson. Il se disungue 

21. 25 


386 LIVRE XXIL SALMONOÏDES. 


aussi du précédent par son œil beaucoup plus grand, 
car ce diamètre mesure le üers de la longueur de 
la tête. Celle-ci est comprise quatre fois et demne 
dans la longueur totale. La mâchoire inférieure dé- 
passe un peu la supérieure. Le maxillaire finit sous 
le milieu de l'œil. Le dessus du crâne est étroit et 
le profil est concave. Les ventrales correspondent à 
la dorsale, l’anale est basse et longue. La caudale 
est fourchue. 
D°,15% "45 485 "°C /25% "F0 LR UNS 

Les écailles sont petites. La couleur est un ar- 

genté très-brillant devenant verdätre sur le dos. 


Je ne possède qu'un seul exemplaire de 
cette espèce. L'individu, long de six pouces, 
a été envoyé au Cabinet du Roi par M. 
Lôwen. 

Je ne vois pas que cette espèce ait été dé- 
crite par les ichthyologistes; cependant il ne 
me parait pas impossible d'admettre que ce 
serait elle qui aurait été signalée à Pennant' 
par Daines Barrington, qui la distingue de 
l'éperlan commun par la petitesse des dents; il 
ajoute même qu'il ny en a pas à la mâchoire 
inférieure. 


1. Daines Barrington apud Pennant ; rit. Zool., 1169, vol. 3, 


p. 266. 


CHAP. IV. ÉPERLANS. 387 


L'ÉPERLAN DES LACS. 


(Osmerus spirinchus, Pallas.) 


J'ai rapporté du lac de Harlem, en 1824, 
un petit éperlan que jai retrouvé en très- 
grande abondance dans le lac de Tegel, lors- 
que javais le bonheur d'habiter dans la fa- 


mille de Humboldt. 


Ce peut poisson me parait avoir le corps un peu 
plus court et les nageoires plus hautes que l'Éper- 
lan ordinaire. Il a l'œil plus grand et plus rappro- 
ché du bout du museau. Le cercle de l'orbite entame 
la ligne du profil, et il n’y a qu’un diamètre entre 
l'œil et l'extrémité de la mâchoire inférieure. Les 
dents des mâchoires sont beaucoup plus peutes, 
celles de la langue sont longues et fortes. 

2:95 AMM6-6.25:P.14:V:8: 

Les écailles sont de grandeur moyenne. Le pois- 
son est de couleur argentée et semé de nombreux 
petits points noirs. J'ai vu des centaines d'individus 
de cette espèce. Les plus grands avaient trois pouces 
et denn de long. 


Il me parait évident que c'est là le poisson 
dont Bloch a donné une figure, planche 58, 
figure 1, et qu'il a rapporté à l'Osmerus eper- 
lanus d'Artedi. Cest lui que les Suédois dé- 
signent sous le nom de ÂVors, et que les Nor- 


4. Linné, Fauna suecica, L. c. 


388 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


wésiens , suivant Müller’ appellent Arokle, 
Sild-Lodde, ou en ajoutant encore d'autres 
épithètes à cette dernière dénomination. MM. 
Nilsson et Crepling l'ont confondu avec l'es- 
pèce précédente. Pallas Fa aussi observé dans 
les lacs et les fleuves de la Russie, de l'Ingrie 
et de la Livonie. On les apporte en quantité 
à Moscou du lac Blanc de la Russie centrale, 
appelé Bjlosero. Le lac Paypus, en Livonie, 
en fournit abondamment. Ce célèbre zoolo- 
giste dit que cette espèce abonde aussi dans 
les fleuves du Kamtschatka, où on la prend 
avec des sacs au moment de la rupture des 
glaces , tant est grand le nombre des indivi- 
dus. Pallas observe, avec beaucoup de raison, 
que cette espèce a été confondue avec Île 
Salmo eperlanus par tous les ichthyologistes, 
sans en excepter Linné et Artedi. 


2 
L'EPEerLAN DE NEew-YorKx. 
L" 


(Osmerus viridescens, Lesueur.) 


Cette espèce se distingue 


par un museau plus pointu, un corps plus long et » 
plus grèle, et par les dents de l'intérieur de la bou- # 


che plus longues et plus fortes. La hauteur est en 
effet près de neuf fois dans la longueur. La tête est 


4. Muller, Fauna dan., L. c. 


CHAP. IV. ÉPÉRLANS. 389 


comprise cinq fois et demie dans la longueur totale. 

L'œil est éloigné du bout du museau d’une fois et 

demie son diamètre, qui est compris cinq fois dans 

la longueur de la tête. 
D;:ALS A:16:,P/1225 408. 
Il est verdàtre sur le dos, argenté sur le reste 
du corps. 

Nous en avons recu un grand nombre 
d'exemplaires du marché de New-York par 
les soins de M. Milbert; mais l'espèce se 
porte beaucoup plus haut vers le Nord; car 
M. Lapylaie parait lavoir dessinée à Terre- 
Neuve. j 

Mitchill l'a confondue avec l'Éperlan d'Eu- 
rope sous le nom de Salmo eperlanus ou de 
Smelt ; mais on conçoit que M. Lesueur, né 
au Haävre, par conséquent à l'embouchure de 
la Seine, ait facilement distingué à la première 
vue, un poisson quil connaissait depuis l'en- 
fance. 

La couleur verte et olivätre de cette espèce 
a frappé ce naturaliste, qui l'a décrite et figu- 
rée dans Le Journal de l'Académie des sciences 
de Philadelphie” sous le nom d'Osmerus vi- 
ridescens. 

M. Dekay* a aussi compté ce poisson dans 


1. Lesueur, Journ. acad. sc. Phil, vol. I, p. 230. 
2. Dekay, New-York Fauna, four. 3, p. 243, pl. 39, fig. 124. 


390 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


sa Faune de New-York, où il en a publié une 
description détaillée et une très-élégante fi- 
gure. Îl dit que ce poisson leur vient du Nord 
en novembre et en décembre, et quil est si 
abondant dans les eaux saumätres, qu'on le 
vend à la mesure sur les marchés. On le trouve 
aussi dans les petits cours d’eau de Long-Is- 
land, de Hackensack et de Passau, deux ri- 
vières du New-Jersey. Cet auteur vHéetie déjà 
qu'il remonte tout le long de la côte, depuis 
l'embouchure de l'Hudson jusqu’à la côte du 
Labrador. J'ai établi, dans la description de 
l'espèce les raisons qui me la font distinguer de 
notre Éperlan. M. Richardson, s'en rapportant 
aux notes écrites dans le Règne animal de M. 
Cuvier, a cru que l’on ne devait pas conserver 
l'espèce nommée par M. Lesueur, de sorte qu'il 
a donné, dans sa Faune de l'Amérique boréale, . 
une très-bonne description de notre espèce 
sous le nom de Szlmo eperlanus. M. Richard- 
son en a recu plusieurs dessins; mais il ne 
paraît pas avoir trouvé le poisson. 


CHAP. V. LODDES. 39 


CHAPITRE V. 
Du genre Lonne (Mallotus). 


Le genre des Loddes, établi par M. Cu- 
vier, a fixé la place d’un poisson qui avait 
été rangé alternativement par ses prédéces- 
seurs dans les Clupées ou les Saumons. Les 
caractères de ce genre consistent dans une 
bouche un peu moins fendue que celle des 
Éperlans, armée de très-petites dents fines et. 
coniques , et sur un seul rang aux mâchoires. 
Celles du palatin et du vomer sont un peu 
plus nombreuses; il y en a aussi de petits sur 
la langue. Il y a huit rayons aux ouïes. Les 
viscères sont semblables à ceux des Truites. 

Ce que l'espèce de nos mers Arctiques pré- 
sente de remarquable, est la différence des 
deux sexes. J'ai accepté, pour désigner ce 
genre, la dénomination employée par M. Cu- 
vier, quoique je regrette que cet illustre na- 
turaliste n'ait pas adopté celle qui ect usitée 
par nos pêcheurs de morue et qui n'est appli- 
quée qu'à ce poisson. Tous les Terreneuviers, 
en effet, connaïssent le Capelan; c'est pour eux 
l'objet d'une pêche active, parce qu'il est un 
des meilleurs appats pour la morue, et en 
général pour les grands gades. 


392 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Le nom de Lodde, inscrit par M. Cuvier, 
sapplique non-seulement, dans le langage de 
Suède ou de Norwége au Capelan, mais aussi 
à l'Éperlan. L'espèce la plus connue, et qui 
est peut-être l'unique de ce genre, abonde sur 
les côtes de Norwége, de Laponie, d'Islande, 
du Groenland, de Terre-Neuve, et peut-être 
aussi dans les mers du Kamtschatka, si, comme 
le suppose M. Richardson, le S. catervarius 
de Steller est le même que notre Capelan. 

Cet ichthyologiste croit avoir une seconde 
espèce de Mallotus de la côte nord-ouest 
d'Amérique ; mais il ne rapporte ce poisson 
de l'Océan pacifique qu'avec doute à ce genre, 
Je’ crois quil a parfaitement raison, puisqu'il 
dit positivement que le bord de la machoire 
supérieure est entièrement formé par les in- 
termaxillaires, qui ont un petit nombre de 
soies grêles en place de dents. La mächoire 
inférieure , le vomer et les palatins n’ont point 
de dents, mais la langue et rude. Je crois 
qu'il faudra parler de cette espèce, lorsque je 
traiterai des poissons voisins des saurus. 


Le LoDDE CAPELAN. 


(Malottus villosus, Cuv.) 


Le poisson célèbre et recherché des pé- 


CHAP. V. LODDES. 393 


cheurs de morues, qui abonde dans les mers 
septentrionales de Terre-Neuve sous le nom 
de Capelan, et à la pêche duquel de nom- 
breuses embarcations sont constamment em- 
ployées, afin de fournir les amorces néces- 
saires pour prendre le grand gade, est un 
des Salmonoïdes les plus singuliers. Il faut 
d'abord remarquer que le mâle et la femelle 
offrent des différences assez grandes pour 
que, sans un examen attentif, on les décrive 
comme d'espèces distinctes ; aussi sommes- 
nous obligés d'appeler l'attention des natura- 
listes sur les caractères particuliers à chacun 
des sexes. Nous allons d’abord parler du male. 
En voici la description détaillée 


C’est un poisson à corps allongé, arrondi. La hau- 
teur est comprise sept fois et quelque chose dans la 
longueur totale. La plus grande épaisseur mesurée 
entre les flancs surpasse un peu les deux tiers de 
la hauteur. La longueur de la tête est à peu de chose 
près du cinquième de la longueur totale. Elle est 
étroite et comprimée vers le bas, tellement que l’é- 
paisseur de l'isthme n’est guère que la moitié de 
l'intervalle qui sépare les deux yeux. Cette distance 
égale le diamètre de l'œil qui est lui-même contenu 
quatre fois dans la longueur totale. Le sous-orbi- 
taire est étroit, allongé et même presque comme 
membraneux. Les autres osselets se perdent sous la 


ie tau muqueuse qui recouvre toute Ja joue. L'oœil 


"7 


94 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


est libre, c'est-à-dire qu'il n’est pas recouvert par 
une paupière adipeuse. Les deux ouvertures de la 
narine sont rapprochées l’une de l'autre et plus près 
de l'extrémité du museau que du cercle de lorbite. 
Le préopercule est très-mince, cependant 1l est un 
peu plus résistant que les autres pièces de l'appareil 
operculaire. Je ne vois pas de branchie à la face in- 
terne. Quant aux os, 1ls sont minces et mous com- 
me de véritables membranes; ils ne résistent pas plus 
que le bord membraneux de l’opercule. Les ouies 
sont largement fendues; les râtelures des branchies 
sont assez longues. La ceinture humérale a un peu 
plus de dureté que les os de l’opercule. Les nageot- 
res paires sont attachées tout à fait vers le bas; elles 
sont très-grandes, arrondies et se dirigent horizon- 
talement de chaque côté du corps quand les rayons 
sont écartés. Les ventrales, quoique un peu plus 
petites, ont à peu près la même forme, les rayons 
internes sont un peu plus long que les autres; ils 
sont d’ailleurs subdivisés en branches nombreuses, 
tandis que ceux de la pectorale n’ont que deux gran- 
des divisions principales. La dorsale est reculée au-w 


- dessus des ventrales; elle est lee. trapézoïdale, puis | 


au-dessus des qoces rayons de l’anale, il y a unew 
nageoire adipeuse, basse et oblongue, très-mincem 
Quant à l’anale, la structure de cette nageoire estm 
tout à fait remarquable. Elle est attachée sur une“ 
sorte de pédoncule élevé garni d’écalles, le bord 
en est arqué, il est assez élevé pour que la haui] 
teur du tronc ou de la queue, mesurée au-dessus 
de cette anale, soit un peu plus élevée que la haux 


CHAP. V. LODDES. 595 


teur du tronc. Quand l’anale est étalée, elle parait 
longue et arquée. Les premiers rayons paraissent sim- 
ples, tant ils sont peu profondément divisés et tant 
la réunion des branches est grande. Ces rayons ré- 
sistent sous le doigt comme de véritables épines; il 
n’est cependant pas difficile de reconnaitre les arti- 
culations qui les divisent. Les neuf premiers rayons 
peuvent s’écarter beaucoup les uns des autres quand 
ils se redressent, parce que la membrane qui les 
réunit est assez large. Ils sont suivis de cinq autres 
tellement réunis et serrés, que cela forme une na- 
geoire sans aucune flexibilité. Le poisson ne peut 
pas abaisser ou fermer son anale, ainsi que tous les 
autres poissons le font de leurs nageoires. Mais les 
les rayons qui suivent, quoique peu écartés les uns 
des autres, sont tout à fait mous : ceux-ci sont au 
nombre de neuf. La caudale a tous ses rayons mous 
et flexibles; elle est fourchue. 
B. 8; D. 440; À. 22; C. 273 P.19; V. 8. 

Le museau de ce poisson est assez aigu ; la mà- 
choire inférieure dépasse un peu la supérieure; ses 
branches sont larges et un peu arrondies. Quand la 
bouche est fermée les deux branches se touchent 
en-dessous; elles se séparent d’ailleurs facilement 
l'une de l’autre auprès de la symphyse, ce qui arrive 
si fréquemment qu’on doit y faire attention pour ne 
pas prendre cette disposition comme un caractère 
de ces espèces de poissons. Les intermaxillaires sont 
assez petits : placés à l'extrémité du museau et ils 
s'étendent en une pointe courte le long du bord 
inférieur du maxillaire. Cet os est libre dans pres- 


396 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


que toute sa longueur; mais il s’'arucule avec les inter- 
maxillaires de la même manière que dans les Éper- 
lans, au lieu d’avoir une artuiculauüon semblable à 
celle des truites. Les os sont minces, mais résistants. 
Leurs dents sont excessivement fines, serrées et poin- 
tues sur un seul rang. Je ne crois pas qu'on puisse 
leur donner le nom de dents en velours. Il y a aussi 
une rangée de petites dents coniques, situées en 
travers sur le chevron du vomer; il y en a d’autres 
un peu plus petites sur l'extrémité du palaun et une 
rangée sur le bord interne du ptérygoïdien. La langue 
est armée de dents un peu plus longues, coniques, 
disposées sur une plaque ellipuüque qui porte en 
outre une ou deux rangées longitudinales et inté- 
rieures. On voit donc que la dentiion des cape- 
lans offre une disposiion très-voisine de celle des 
éperlans. Les écailles sont très-petites, très-molles ; 
celles du dos et des flancs sont semblables, ainsi que 
celles de la partie moyenne et inférieure du ventre; 
mais 1l y a le long de la ligne latérale et le long d’une 
carène, qui va de la pointe de la pectorale à linser- 
uon de la ventrale, une suite d’écuilles oblongues, 
très-molles, étroites, qui semblent à cause de la li- 
berté de leur partie nue, former une espèce de villo- 
sité le long de.ces deux lignes. Les écailles qui cou- 
vrent le pédoncule de l'anale, sont plus grandes que 
celles du tronc, et elles sont disposées sur des ban- 
delettes un peu différentes. Nous avons compté deux 
cents rangées transversales le long des flancs. La 
couleur de certains individus est tellement rembrunie 4 
au-dessus des villosités des flancs que le dos paraît | 


CHAP. V. LODDES. 397 


quelquefois noïrâtre, lorsqu'ils ont été longtemps 
conservés dans l'alcool. Lorsqu'ils sont frais, le dos 
est d’un vert cuivré, rembruni; la tête est cendrée. 
Les opercules sont noirs. Au-dessous de ces villo- 
sités, le corps brille d’une couche argentée éclatante 
comme ce métal le mieux poli. Les nageoires paires 
ont le bord foncé, le reste est verdàtre. 

La femelle me paraît avoir la mâchoire inférieure 
un peu plus longue. L’anale, qui est basse et courte, 
a tous ses rayons semblables, grèles, mous et bran- 
chus. Elle n’a point d’écailles prolongées et formant 
les villosités si singulières du mäle; elle me paraît 
d'ailleurs beaucoup plus petite. 

Les viscères de ce poisson ressemblent en général 
à ceux des autres saumons. L’estomac est un long 
cul-de-sac avec une branche montante, assez épaisse; 
les appendices cœcales sont très-courtes. L’intesun, 
qui est assez large, se rend sans faire de repli à la 
papille de l'anus. La vessie natatoire communique 
avec l'œsophage; elle est simple, ses parois sont ar- 
gentées. Il y a deux laitances chez le mâle, mais 
l'ovaire est unique chez la femelle. Les œufs tombent 
dans la cavité abdominale de la même manière que 
dans nos autres salmonoïdes. 

Les mâles sont beaucoup plus grands que les fe- 
melles ; nous en avons qui ont plus de sept pouces 
de longueur, tandis que nos femelles n’en ont géné- 
ralement que six. Nous comptons soixante-huit ver- 
tèbres dont quarante-trois sont abdominales. 

Les côtes sont excessivement fines; chaque apo- 
physe épineuse a aussi sa peute arête horizontale, 


1774 


398 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Les interépineux de la dorsale sont très-grèles; ceux 
de l’anale sont au contraire gros et élevés; ils con- 
tribuent par leur longueur à donner à cette partie 
postérieure du tronc, la hauteur que nous avons 
signalée dans la description extérieure. Le dessus du 
crâne est lisse; 1l devient creusé de goutuères ca- 
verneuses entre les yeux; il y a sur les côtes des 
peus trous mastoïdiens. 


Nous avons recu de nombreux exemplaires 
de cette espèce par M. Despréaux, comman- 
dant à Terre-Neuve en 1829. M. Peut nous 
en a aussi donné plusieurs. Nous en avons un 
exemplaire venant du Groenland, que M. le 
professeur Reinhart a bien voulu nous envoyer. 
Notre collègue, M. Alex. Brongniart, en a 
rapporté des exemplaires lors de son voyage 
en Norwége : enfin, M. d'Orbigny, de La Ro- 
chelle, et M. Baillon, d’Abbéville, s'étaient 
procurés des Capelans par les pêcheurs terre- 
neuviens de ces ports, quils ont bien voulu 
aussi donner à la collection du Jardin du Roi. 


Cette espèce a commencé à paraître dans - 
le Prodrome du Æauna danica sous le nom 


de Clupea villosa. Olaüs', dans son Voyage. 


en Islande, en a donné une figure sous le nom : 


de daté TFrès-peu de temps après, Othon 


1. Olaüs, Reise, 858 , tab. 28. 


à 


Fabricius jugea beaucoup mieux des aflinités M 


À 


CHAP. V. LODDES. 399 


de cette espèce, en la décrivant dans le Fauna 
groenlandica sous le nom de Salmo arcticus. 
Cet habile zoologiste a soin de citer les dif- 
férents voyageurs vers le cercle polaire qui 
ont parlé du Capelan. Ainsi Egedde, Pontoppi- 
dan, Strôm, Anderson sont mentionnés dans la 
synonymie très-exacte donnée par Fabricius. 
Cet auteur appelle l'attention sur les espèces 
de cirrhes mous des flancs, et qui caractérisent 
en général le mâle de cette espèce; mais ül 
ne reconnait pas dans ces singuliers organes 
une excroissance ou un prolongement des 
rangées d'écailles voisines de la ligne latérale 
ou cle la carène des flancs. Il observe d’ail- 
leurs que l'on présente, mais très-rarement, 
des mäles qui manquent de ces villosités. 
Les Groenlandais les désignent sous un 
nom particulier différent de celui qu'ils don- 
nent au mâle velu. Ce nom, suivant Fabricius, 
est Sennersulik pour le mâle, à villosités, et 
Sennersuitsut pour les males lisses. Fabricius 
observe encore que ce poisson, au moment 
où on le tire de l'eau, a une odeur forte de 
concombre, ce qui indique quelque affinité 
avec l'Éperlan. Suivant ce voyageur la chair 
est blanche, grasse et d’un bon goût. Il croit 
que certains auteurs ont attribué à tort à ce 
poisson des propriétés nuisibles : il le man- 


/739 


0€ \ 


400 LIVRE XXU. SALMONOÏDES. 


geait souvent et avec plaisir pendant son 
séjour au Groenland. Il a vu un marchand de 
cette colonie nourrir des chèvres, et lui- 
même en faisait manger à ses brebis lorsque 
le foin lui manquait. Les animaux le man- 
geaient avec plaisir, et ils restaient gras, et 
leur chair conservait son bon goût. Cepen- 
dant Pontoppidan assure que la chair de ce 
bétail prend un goût huileux et désagréable. 
L’exactitude de cette description faisait con- 
naître ce poisson qui avait échappé à Artedi 
et à Linné. Gmelin lindroduisit dans la trei- 
zième édition du Systema naturæ, mais en 
suivant les errements de Müller et en le pia- 
cant par conséquent dans le genre des Clu- 
pées. Il est probable d'ailleurs qu'il a préféré 
le nom de Clupea willosa à celui de Salmo 
arcticus, parce quil empruntait à Pallas, sous 
cette dénomination, l'établissement d’une es- 
pèce voisine des Thymales, et que le célèbre 
voyageur, dans les contrées septentrionales 
ou orientales de la Russie, a effecüvement 
donné dans la Faune russe comme une sim- 


ple variété du Salmo thymalus. Peu de temps. 
après, Bloch donna une figure de ce poisson « 
sous le nom de Salmo groenlandicus, en 


adoptant pour dénomination française le nom « 


CHAP. V. LODDES. A01 


de Lodde, quoique Duhamel’ et Pennant*° 
aient déjà fixé celui de Capelan. Le premier 
de ces deux ichthyologistes* l’a figuré comme 
un poisson de l'Amérique septentrionale, à 
cause de son usage dans la pêche de la morue. 
C'est à la suite du long article écrit sur ce 
gade, que l’on trouve la mention de notre 
Capelan. 

La figure donnée par cet auteur serait 
excellente, si elle était un peu moins molle; 
les caractères de la bouche n'ont pas été sufli- 
samment exprimés par le dessinateur; elle est 
cependant supérieure à celle de Bloch. 

Wahl avait préparé, pour le IV. volume 
du Fauna danica, quelques matériaux qui 
ont paru en 1806 par les soins d'Abildgaard, 
de Holten et de Rathke. La planche 160 est 
la dernière que ce naturaliste ait laissée : elle 
représente le Salmo villosus. 

Le genre des Loddes n'ayant été établi que 
dans la seconde édition du Règne animal, M. 
. Faber a inscrit, dans son Histoire des pois- 
sons d'Islande, le Salmo villosus comme une 
espèce de la seconde famille, désignée sous le 


1. Duhamel, Pêches, 2.° partie, pl. 26. 

2. Penn., art. Zool., II, p. 24 n.° 176. 

3. Duh. ; Pêches, 2.° partie, 2.° sect.; p. 149, ch. 9, pl. 26. 
4. Bloch, 381. 


21. 20 


492 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


nom d'Osmerus. Cet auteur en donne une 
description très- détaillée. 

Quoique le Prodrome d'Ichthyologie scan- 
dinave soit postérieur à la seconde édition 
du Règne animal, M. Nilsson a réuni le Cape- 
lan et l'Éperlan dans le même genre. 

Dans ces derniers temps, M. Richardson’ 
a inscrit le Mallotus villosus dans la Zoologie 
du North America. La description a été faite 
sur un mâle pris à l'ile de Bathurst par le 
67 degré de latitude nord. Il a trouvé de 
légères différences avec des individus plus 
frais qui lui venaient de Terre-Neuve. En 
examinant avec soin ces légères variations, 
on voit que M. Richardson a eu raison de 
considérer le poisson de Bathurst comme le 
véritable Capelan. 

Tel est le poisson, de la grandeur d'une 
sardine, qui vient couvrir vers le quinze juin 
les plages de Saint-Pierre de Miquelon et 
de la partie sud de Terre-Neuve. Son appa- 
riion est à peu près régulière; 1l ne pré-. 
cède presque jamais cette époque, et il ne 
retarde guère que de huit à dix jours. La 
morue a coutume de le suivre, et elle disparaît 
souvent lors de la retraite du capelan. Sa 


4. Rich., Fauna bor. amer. , 1, III, p. 187. 


CHAP. V. LODDES. 403 


chair, très-délicate, peut être comparée à 
celle du goujon; mais elle a un goût par- 
üculier et très-distinct. Les bancs de ce 
poisson se jettent à la côte pour s'y repro- 
duire. Les femelles déposent les premières 
leur rogue; il en périt une quantité con- 
sidérable, parce qu’elles sont poussées sur le 
rivage par la vague qui s'y brise. Les capelans 
males arrivent en troupes après les femelles 
pour féconder les œufs que celles-ci ont aban- 
donnés : ils ont souvent le même sort qu'elles. 
Les pécheurs ont soin de remarquer l'abon- 
dance des cadavres des poissons de ce sexe; 
car on a reconnu que, s'il y a peu de femelles, 
l'année suivante est pauvre en capelans; sil 
arrive, au contraire, quelles soient en plus 
grand nombre que les mâles, la saison sui- 
vante sera riche. On examine aussi les capelans 
morts pour s'assurer si les femelles ont déposé 
leurs œufs, attendu, qu'après la ponte, cette 
espèce ne tarde pas à quitter la côte. IL est fort 
aisé de connaître si la ponte a eu lieu, parce 
que le ventre, qui était rond pendant la ges- 
tr ,:n, devient aussi plat que celui du mäle. 
zh moment du frai, les yeux, la caudale et 
le pourtour de l'anus prennent une teinte 
rouge assez vive dans les deux sexes. 

Pour conserver le capelan, il faut le saler 


404 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


assez promptement. Les pêcheurs lui cou- 
pent la tête, et ils Ôôtent les intestins : puis, 
après un court séjour dans le sel, on le lave 
à l'eau de mer, et on le laisse égoutter ou 
sécher au soleil; quand il.est sec, on le ren- 
ferme dans de petits barils, et on le trans- 
porte ainsi en France; car, lorsque le poisson 
a été salé, la chair na pas assez de fermeté 
pour tenir à l'hamecon et n'est plus un appät 
avantageux pour la pêche de la morue. Les 
Anglais et les Américains se servent du ca- 
pelan salé pour attirer la morue, en le jettant 
autour de leurs navires; mais ils amorcent 
la ligne avec des morceaux de flétans (pleu- 
ronectes hypoglossus), ou avec des coques 
(Cardium edule), des moules et autres mol- 
lusques que l'on trouve ordinairement dans 
l'estomac de ce grand gade. Les capelans qui 


ont deux ou trois soleils, sont assez secs» 


pour être déposés dans des paniers d’osier, 
que lon charge de pierres quand ils sont 
parfaitement remplis : c'est afin de faire sortir 
l'huile que la chair du poisson peut contenir. 
Le capelan de la première saison, celui qui 


arrive le premier à la côte, est toujours 18 
gros, plus gras que celui de la seconde; la# 


morue en est alors très-avide. Les pêcheurs 


ne le conservent pas, parce que sa graisse les # 


“ 


r 
AE 


ps 


CHAP. V. LODDES. 495 


en empêche. On choisit pour être gardé celui 
de la dernière saison, parce qu'il devient mai- 
gre après le frai. À cette époque il ne peut 
plus servir d'amorce; la morue n'en veut plus, 
soit parce que la chair change de nature ou, 
ce qui me paraît plus probable, parce qu'elle 
se jette sur l'Encornet (Onychotheutis pisca- 
torum) qui succède d'ordinaire au Capelan. 
Les pêcheurs croient avoir observé qu'à 
cette époque , une morue qui aurait l'estomac 
vide , refuse les capelans, même lorsqu'ils sont 
encore très-frais. Les pêcheurs disent, que ce 
poisson agit si fortement sur la chair dé moO- 
rues, qu'une seule gorgée de capelans a l'air 
d'avoir l'abdomen Réquit à la peau et aux os, 
tant elle est maigre. Quoique gorgée de cape- 
lans, on la voit se jeter sur l’hamecon comme 
si elle était affamée. La morue nourrie de ca- 
pelans s'échauffe bien plus vite que l'autre, 
mais, pour se servir de Fexpression des Dé 
cheurs, elle a des fores superbes, c'est-à-dire 
que le foie est beaucoup plus gros; aussi elle 
donne beaucoup plus d'huile. Il faut cin- 
€ Ante-cinq quintaux de morues pour faire 
uñ® barique d'huile avec la morue de cape- 
lans. [l est nécessaire d'employer moitié plus 
environ, pour obtenir la même quantité d'huile 
avec celle que l'on prend avec les coques. 


406 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Le Capelan n'entre jamais dans les eaux 
douces; il paraît même éviter l'embouchure 
des fleuves. On le trouve en Groenland, en 
Islande, tantôt en troupes à la surface de l'eau, 
tantôt se tenant à une profondeur considé- 
rable. Les Groenlandais se servent, pour le 
prendre, de petits filets tissus avec les filaments 
tendineux des phoques ou de petites cardes de 
boyaux. Ce salmonoïde se nourrit de petites 
crevettes, d'algues et d'œufs de différents pois- 
sons, sans épargner les siens propres, ainsi que 
Fabricius l’a observé dans les baies du Groen- 
land. Il a pour ennemis tous les grands Gades, 
ainsi que les grands Pleuronectes, comme les 
Flétans; les Marsouins, le Balénoptère lui 
donnent aussi la chasse. Lorsque le Lodde se 
presse dans les baïes, les oiseaux de mer en 
détruisent un grand nombre. Le Capelan pond 
en mai, juin et juillet. Les mâles, en lâchant 
leur laitance pour féconder les œufs, rendent 
eau de la mer trouble et comme laiteuse : 
il arrive alors ce que nous avons déjà signalé 
pour le hareng. 

Sur les côtes de Laponie, les pêcheurs qui 
montent au Nordland pour se livrer à la pâsae 
du Dorsh peuvent, quand le vent et la ma- 
rée sont favorables, charger leur barque de 
loddes deux fois par jour. On le sale comme 


CHAP. V. LODDES. 467 


en Islande. Au Groenland la préparation con- 
siste à le faire sécher en lexposant au grand 
air sur des rocs élevés. Pour le conserver, les 
peuples déposent les sacs où ils enferment le 
poisson sec dans des grottes ou sous de gros 
quartiers de rochers. Si la saison pendant la 
pêche est très-humide, les Groenlandais sont 
exposés à perdre une grande partie de leur 
poisson. Les pluies par trop abondantes causent 
donc de grandes pertes parmi ces populations 
maritimes ; mais, si la pêche se fait par un 
beau temps et par un air sec, les ressources 
que le Capelan apporte aux Groenlandais, 
sont considérables, puisque ce poisson sert à 
nourrir, non-seulement l'homme, mais encore 
ses troupeaux. La pêche du Lodde est donc 
une véritable richesse pour ces régions déso- 
lées sous de si hautes latitudes. Cette pêche 
n'entraine avec elle ni dépenses ni dangers; elle 
peut se faire par le plus pauvre comme par le 
plus riche; les femmes et les enfants peuvent 
sen occuper avec succès; chaque jour apporte 
son tribut. Ce poisson est non moins utile aux 
J-ècheurs européens, que les spéculations com- 
*erciales envoient sur Le banc de Terre-Neuve 
à la poursuite des Morues. Cette espèce de 
salmonoïde est donc, malgré sa petitesse, une 
des plus importantes de cette famille. 


408 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Les cadavres des capelans qui se pressent 
sur la plage où la mer les rejette, sont sou- 
vent enveloppés de terre glaiseuse, où ils se 
conservent assez bien en se fossilisant promp- 
tement. On retrouve ensuite ces rognons ré- 
cents sur toute la côte de la mer Blanche et 
de la mer Glaciale. En les fendant, on voit 
le squelette du poisson parfaitement conservé. 
Il se passe donc de nos jours un phénomène 
tout à fait comparable à celui qui a donné 
lieu à ces nombreux rognons des schistes cui- 
vreux du Hartz, et qui contiennent des pa- 
læoniscus. 


MA" 


"CHAP. VI. ARGENTINES. 409 


CHAPITRE VI 


Des ARGENTINES (Argentina). 


L'Argentine est un poisson abondant sur 
les marchés de Rome; il y est très-connu 
par l'usage que l’on fait en Italie de la vessie 
aérienne. Elle est le type d'un genre dont nous 
connaissons aujourd'hui plusieurs espèces ignO- 
rées avant nous. Bien qu'on la trouve die 
sous ce nom dans le Systema naturæ, les 
caractères n'en ontété véritablement fixés que 
par M. Cuvier', qui a publié, dans les Mé- 
moires du Muséum, une histoire de ce pois- 
son. Ce travail l'a conduit à réduire le genre 
à la seule espèce qui en eût les caractères; 
car Linné et Gmelin y avaient associé des 
poissons très-différents. 

Les Argentines sont de véritables Salmo- 
noïdes ; elles ont une nageoire adipeuse, et 
arcade de la mâchoire supérieure formée 
par de très-courts intermaxillaires, et sur 
les, Lôtés, par les maxillaires. Leur bouche 
est petite, et les mâchoires ne portent pas 


1. Cuv., Mém. du Mus., t. I, p. 228, pl. 11. 


410 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


de dents. Derrière la supérieure on voit un 
arc, ou une bandelette arquée de petites 
dents en velours, implantées sur le chevron 
du vomer. La bande est allongée de chaque 
côté par un petit groupe de dents contiguës à 
celles du vomer, adhérentes à chaque palatin. 
La langue a aussi des dents, mais de gran- 
deur variable, selon les espèces, de sorte 
qu'il ne faut pas dire de ces poissons, comme 
on peut le faire pour les Truites, que leur 
langue est armée de fortes dents. Les ouïes 
sont largement fendues ; la membrane bran- 
chiostège porte six rayons; l'estomac est assez 
grand et en cul-de-sac; le pylore est en- 
touré d'appendices cœcales nombreuses, mais 
courtes; l'intestin ne fait qu'un repli; l'ovaire 
est composé de feuillets, flottant dans la ca- 
vité abdominale et y laissant tomber les œufs, 
comme dans les autres Salmonoïdes. 

On voit que, sous ce zapport la splanch- 
nologie des Argentines ressemble beaucoup à 
celle des espèces dont nous avons déjà traité; 
mais leur vessie natatoire, en général assez 
grande, l'est cependant beaucoup moins que 
celle des Truites. Elle en diffère aussipar, 
l'épaisseur de ses parois fibreuses et argentées à 
chargées de cette substance brillante qui sev 
divise par le lavage, d'abord en paillettes 


} 


RE TEE 


CHAP. VI, ARGENTINES. AA 


puis par la précipitation, avec lammoniaque, 
en une poussière argentée, si abondante dans 
un grand nombre de poissons, mais que l’on 
n'extrait dans le commerce que de deux ou 
trois espèces, afin de s'en servir pour la fabri- 
cation des fausses perles. 

La vessie natatoire de l'Argentine a un autre 
caractère anatomique et physiologique fort in- 
téressant pour nos études; elle ne commu- 
nique pas avec le canal digestif; je n'ai pu 
du moins trouver de conduit pneumatique 
dans les trois individus d'espèces différentes 
que j'ai disséqués et dont les viscères étaient 
cependant parfaitement conservés. 

Le péritoine est d’un brun roussètre, uürant 
au chocolat sur toute sa face interne: mais 
l'externe, où celle qui tapisse les muscles, a 
le même éclat que la vessie natatoire. On aper- 
coit son éclat métallique à travers la couche 
peu épaisse des muscles abdominaux ; aussi 
éprouve-t-on quelque surprise, quand on ne 
connaît pas la coloration des deux faces de 
celte séreuse, à trouver tout l'intérieur de 
l'abdomen si rembruni lorsquon fend ces 
pasis, qui paraissaient à l'extérieur brillantes 
de l'éclat de l'argent. 

Tels sont les caractères d’un genre dont 
nous possédons dans le Cabinet du Roi quatre 


412 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


espèces : deux nous viennent de la Méditer- 
ranée ou des côtes méridionales de l'Europe 
baignées par l'Océan; deux autres nous ont 
été envoyées des mers de Norwége. L'une 
d'elles , remarquable par sa taille et par la 
grandeur de ses yeux, est un poisson fort 
rare , tiré des grandes profondeurs de cet 
Océan septentrional. 

Il est assez curieux, qu'un poisson si connu 
en Italie, puisquil sert à un commerce qui 
a tant de célébrité, nait pas été indiqué 
par Salviani, par Belon ou par Paul Jove. 
Rondelet' ne paraît pas avoir oublié cette 
espèce. On doit admettre, avec M. Cuvier, 
que c'est la petite sphyrène de cet auteur; 
cependant il a oublié de faire représenter 
l'adipeuse. Gesner et Aldrovande, selon la 
méthode suivie dans leurs traités, se bornè- 
rent à copier Rondelet. Ces auteurs ne parlent 
pas encore de l'emploi de la vessie dans la 
fabrication des fausses perles; mais du temps 
de Willughby et de Ray l'usage en était géné- 
ralement connu à Rome, où ces naturalistes 
revirent ce poisson. Willughby ajoute quel- 
ques détails à ceux que Rondelet avait Éé;n 
donnés sur ce poisson, qui prouvent que ce 


1. Rond., De piscibus, p. 227. 


+ 


CHAP. VI. ARGENTINÉS. 413 


naturaliste avait sous les yeux l'Argentine ; 
mais comme il sen est rapporté à Rondelet 
pour la figure , il a oublié la nageoire adipeuse, 
dont il ne fait également aucune mention dans 
son texte qui, cependant n'est pas copié sur 
celui de lIchthyologie de Montpellier. 


L'ARGENTINE DE CUVIER. 
(Argentina Cwieri, nob.) 


Je commence par décrire dans ce genre 
dont M. Cuvier, comme nous venons de l'éta- 
blir, ne connaissait qu'une espèce, celle que 
ce célèbre savant a figurée dans les Mémoires 
du Muséum, t. X[, pl I, fig. 1. Comme je 
fais ma description d'après l’exemplaire qui a 
servi au mémoire de mon très-1llustre maitre, 
on ne pourra douter de l'identité spécifique. 
D'ailleurs j'en ai plusieurs autres exemplaires 
qui présentent les mêmes caractères. 

Ce poisson a le corps arrondi, un peu méplat sur 
les flancs, allongé, car la hauteur n’est que le huitième 
de la longueur totale. Ta tête est longue; portée sur 
le corps, elle y est contenue quatre fois et un uers. 
Le museau est étroit et déprimé; la bouche est peute 
et peu fendue. L’œil est grand; son diamètre mesure 
#* peu près le tiers de la longueur de la tête. L'in- 
tervalle qui sépare les deux yeux, ne fait guère que 
Ja moiué de ce diamètre; mesuré entre les mastoi- 


44% LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


diens, l'occiput a la même largeur que l'œil. On ne 
trouve aussi qu'une longueur du diamètre de l'œil 
entre le bord antérieur de cet organe et l'extrémité 
du museau. Il y a une paupière adipeuse très-mar- 
quée, qui recouvre presque entièrement le cercle de 
la pupille. La paupière postérieure est beaucoup 
moins large. Le sous-orbitaire est une pièce trian- 
gulaire, assez large, couchée derrière le maxillaire 
sans le recouvrir, et 1l est placé tellement au de- 
vant de l'œil, qu'on ne peut véritablement dire qu'il 
contribue à former par en bas la poruon antérieure 
du cercle de l'orbite; il en est éloigné par une très- 
large adipeuse. Le second sous-orbitaire est étroit 
et allongé; il commence tout près de la terminaison 
du maxillaire, par conséquent bien au devant de 
l'œil; il n’atteint pas en arrière la moitié du globe. 
Celui-ci est suivi d’un troisième, qui est également 
une petite pièce oblongue; puis, vient le quatrième 
sous-orbitaire, qui est quadrilatère et forme une 
petite plaque au-dessous du cercle de l'orbite auquel 
il ne touche que très-peu. Le cinquième sous-orbi1- 
taire remonte derrière l'orbite presque jusqu’au haut 
de l'œil ; sa parue inférieure est élargie en une sorte 
de petite palette; cependant une sixième pièce très- 
étroite et pointue, courbée en arc, complète le cercle 
de l'orbite sous le bord des frontaux. Tous ces os 
sont un peu caverneux. Il résulte de là que l’en- 
semble du sous-orbitaire forme une sorte de plaque, » 
que l’on pourrait comparer à un triangle rectangle, 
dont l’angle droit est au-dessous et derrière l'œil, # 
et l'hypothénuse serait tracée de l'angle externe du 


NÉE Da 


CHAP. VI. ARGENTINES. 415 


frontal postérieur vers le bout du museau, Cette forme 
générale de los a été indiquée plutôt qu’étudiée dans 
la figure des Mémoires du Muséum. Les deux bords 
du préopercule sont parallèles à ceux de la plaque 
sous-orbitaire. La limbe inférieure de cet os est ca- 
verneuse, L'opercule est très-mince; le bord posté- 
rieur a une faible échancrure; son angle inférieur est 
peu profond. Le sous-opercule est étroit et placé 
obliquement le long du bord de la pièce précédente. 
L'interopercule est un petit os en arc très-mince, 
presque entièrement caché sous le bord horizon- 
tal du préopercule; on ne le voit qu’en écartant la 
membrane branchiostége, et on le prendrait, si l'on 
n’examinalt pas avec attention, pour un rayon de 
cette membrane, Ceux-ci sont longs, grèles, parce 
que la forme des ouïes est très-largement ouverte. 
I y a six rayons à la membrane branchiostège, IL 
n'y a pas de branchie supplémentaire à la face in- 
terne de l’opercule. Nous avons déja indiqué la 
peutesse de la bouche. Les intermaxillaires sont très- 
courts, très-orèles, placés un peu au-devant des 
maxillaires qui cependant bordent presque en entier 
l'arc supérieur de la fente. Les branches de la mà- 
choire inférieure sont hautes, mais courtes. Ces os 
n'ont pas de dents, mais la lèvre supérieure a de 
peutes papilles, que l'on prendrait facilement pour 
des dents. Le chevron du vomer et l'extrémité des 
palatins en ont de peutes en velours, qui forment 
derrière les mâchoires un arc parallèle au leur. La 
langue en a cmq ou six qui sont crochues et lon- 
gues, méritant, comme l'a très-bien dit M. Cuvier, 


AG LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


d'être comparée avec celles des truites. Los de la 
ceinture humérale, quoique très-mince, est assez 
large et a son bord festonné. On les voit se réunir 
tous deux surla gorge et former une grande plaque 
en losange, à laquelle sont attachées les pectorales, 
de sorte que ces deux nageoires sont insérées tout à 
fait sur la ligne du profil à la même hauteur que les 
ventrales, et elles s'étendent horizontalement quand 
le poisson les écarte du corps. La ventrale est in- 
sérée à peu près au milieu de la longueur du corps 
en n’y comprenant pas la caudale. La dorsale dépasse 
de plus de la moité de sa longueur ces nageoires. 
L'anale est basse, peu longue; la caudale est fourchue. 
Br 65 D. 10:20 A.47;CG.299: V,-10; D:12; 

Les écailles sont plutôt grandes que peutes; elles 
se détachent si facilement qu’elles ne sont conservées 
sur aucun des trois exemplaires qui font parue de 
notre collection. La couleur est verdâtre sur le dos; 
une bandelette argentée, placée à la hauteur de la 
ligne latérale, va se "perdre sur le verdâtre du bas 
des flancs; le dessous du ventre est d’un blanc d’ar- 
gent mat. L'iris de l'œil est aussi brillant; il en est 
de même des opercules et de toute la peau qui passe 
sous l'isthme. On aperçoit à travers la minceur des 
téguments du ventre, le brillant argenté de la vessie 
épaisse et fibreuse, si remarquable dans cette espèce. 
L'estomac est très-peuit et très-faible; il est de cou-! 
leur noirâtre , ou plutôt c’est le péritoine qui paraîts 
lui donner cette teinte. L'intesun est replié deux fois; 
il y a une douzaine de cœcums. La vessie natatoire 
a ses deux extrémités coniques et pointues. Elle est 


Er 


fon 


A le 


nl 2 eme en Some On EEE ES 


CHAP. VI. ARGENTINES. 417 


assez renflée dans le milieu; ses tuniques sont très- 
épaisses et brillent du plus bel éclat argenté. Elle n'a 
assurément aucune communication avec le canal di- 
gestif. Les œufs tombent dans l'abdomen comme 
dans les autres salmonoides. Je crois n'avoir vu qu’un 
seul ovaire. 


Le plus long de nos exemplaires a près de 
sept pouces : il vient de Malte. Nous en pos- 
sédons un autre, originaire de Malaga. Celui 
que M. Cuvier a décrit, avait été rapporté des 
îles Baléares par M. de la Roche. 

Cette espèce d'Argentine a été très-proba- 
blement confondue avec les autres du genre, 
de sorte quil est impossible de s'étendre plus 
longuement sur sa synonymie. : 


L/ARGENTINE A LANGUE LISSE. 


(Argentina leioglossa, nob.) 


J'ai une seconde espèce d'Argentine, qui 
ressemble par ses formes extérieures à celle 
décrite dans l’article précédent, mais qui s'en 
distingue par un caractère facile à saisir. Le 
poisson n'a pas de dents sur la langue. Je me 
suis demandé, si ce caractère ne devait pas 
le faire séparer des autres Argentines. Les 
espèces décrites plus loin montreront que les 
dents sur la langue deviennent très-petites, 

21. 27 


AAS LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 

et que ce caractère ne peut pas être considéré 
comme d'une assez haute valeur pour devenir 
générique. 

Notre Argentine léioglosse à le corps un peu plus 
court que l'espèce précédente ; car la hauteur ne me- 
sure que le septième de la longueur totale. La tête 
est proportionnellement beaucoup plus longue; elle 
n'est contenue que trois fois et demie dans cette 
même longueur totale. Le museau est plus aigu. 
L'œil est aussi grand. Les dents palatines et vomé- 
riennes sont plus fines. 

Et asndt ets DD VOTES 

Les écailles sont tout aussi caduques que dans 
l'espèce précédente, et les couleurs me paraissent 
semblables. La vessie natatoire de cette espèce est 
petite et ses parois sont peu épaisses. 

Les exemplaires qui ont servi à cette des- 
cription sont longs de quatre pouces et quel- 
que chose. Ils ont été rapportés de la côte 
d'Afrique par M. Guichenot, l'un des prépa- 
rateurs du Muséum, et qui a pris ces poissons 
dans la rade d'Alger pendant l'expédition 
scienufique de l'Algérie. 


L'ARGENTINE DE YARRELL. 
(Argentina Farrelli, nob.) 


Nous avons déjà eu occasion de signaler 
plusieurs fois la ressemblance qui existe entre 


CHAP. VI, ARGENTINES. 419 


certains animaux des mers septentrionales et 
ceux de la Méditerranée. Nous trouvons une 
nouvelle preuve de cette affinité de la Faune 
des deux mers dans les deux belles espèces 
d'Argentine trouvées sur les côtes de Norwége. 


L'une d’elles a d’ailleurs le corps presque tétraèdre, 
tant le méplat des flancs est prononcé. La hauteur 
est contenue à peu de chose près huit fois dans la 
longueur totale. La longueur de la tête y est quatre 
fois et un cinquième. L’œil est plus petit; son dia- 
mètre est du quart de la longueur de la tête; 1l 
est éloigné du bout du museau d’une fois et un 
üers le diamètre. La tête a la nuque plus large; le 
museau déprimé est un peu moins pointu. Les deux 
mâchoires sont à peu près égales. L'arcade des 
dents palatines et vomériennes est composée de très- 
fines aspérités qui semblent placées sur deux rangs. 
Je vois sur la langue deux rangées de dents cro- 
chues, plus petites que dans l'espèce de la Méditer- 
ranée, même lorsqu'on les a entièrement dégagées 
de la muqueuse épaisse, qui les cache en partie. La 
dorsale est haute de l'avant, ses derniers rayons 
sont très-bas. L’anale est courte et basse; la caudale 
est fourchue. 

DM A AT :-TP 4147" V0 41. 

Les écailles sont grandes, assez résistantes, peu 
adhérentes; cependant elles sont restées sur les 
exemplaires du Cabinet du Roi. Elles sont beaucoup 
plus hautes que longues; leur bord radical n’a que 
de fines stries concentriquès, sans rayons à la racine. 


420 LIVRE XXIT. SALMONOÏDES. 

Les stries sont plus rares sur la partie nue, qui est 
hérissée de petites pointes visibles à l'œil nu. Je 
compte quarante-huit rangées d’écailles le long des 
flancs. Une bande argentée, brillante, assez large, 
en couvre la partie inférieure. Le dos et le bas du 
corps paraissent dans esprit de vin d’une couleur 
ambrée avec quelques reflets argentés. Une plaque 
d'argent très- vif est étendue sous l'isthme. Les vis- 
cères sont semblables à ceux du poisson de la Médi- 
terranée. La vessie natatoire se détache par son bel 
éclat d'argent sur le fond très-noir du péritoine; sa 
parue antérieure est plus courte et plus obtuse que 
celle de l'Argentina Cuvieri. 


Le Cabinet du Roi possède deux exem- 
plaires de ce curieux poisson : le plus grand 
est long de sept pouces; ils y ont été donnés 
par M. le professeur Nilsson de Stockholm. 
Cette espèce est figurée dans le supplément 
du second volume de lIchthyologie anglaise 
de M. Yarrell; la description de cet habile 
observateur confirme cette détermination. 

M. Yarrell a recu ce poisson d’un de ses 
correspondants, M. William Euing, de Glas- 
gow, qui le tenait lui-même d’un pêcheur de 
la baie de Rothsay : il avait été pris à deux 
cents toises de la côte par douze brasses de 


profondeur. Le pêcheur disait que c'était un 
poisson rare. Plus tard, M. Yarrell en a recu 


un second exemplaire des mêmes lieux, plus” 


| 


CHAP. VI. ARGENTINES. .. 49% 


grand que le précédent et long de huit pouces. 
Ce naturaliste a publié l'espèce, en la classant 
dans le genre des Éperlans, sous le nom d'Os- 
merus hebridicus. On voit quil n'avait pas 
bien saisi les différences génériques qui peu- 
vent séparer les Argentines des Éperlans ; car 
il a donné une nouvelle figure de l'Osmnerus 
eperlanus de la Tamise, dans une vignette 
placée à la fin du nouvel article, destiné à 
faire connaître cet Osmerus hebridicus. Or, 
la différence des formes dans les mâchoires, 
l'absence de dents et la position avancée de 
la dorsale auraient dù lui montrer qu'il avait 
sous les yeux deux poissons de genres diffé- 
rents; néanmoins , ce naturaliste nous ayant 
mis sur la voie de déterminer notre poisson 
par l'excellente figure qu'il en a publiée, je me 
suis fait un vrai plaisir de lui donner une 
nouvelle preuve de la haute estime que je 
joins aux sentiments d'amitié que j'ai pour 
lui, en lui dédiant cette argentine. 


L'ARGENTINE SIL. 


. (Argentina silus, Risberg.) 


La srande et belle espèce d’Arsentine que 
5 P 5 

je vais décrire.est remarquable par la dimen- 
sion de son œil, Le Pomatome télescope ou 


422 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


les Priacanthes sont Îles seuls poissons que 
l'on pourrait lui comparer pour la grandeur 
de cet organe. 

La forme générale du corps est semblable à celle 
de nos petites espèces. Le dos est large et arrondi; 
les flancs sont méplats; ils sont séparés par une 
carène obtuse du dessous du ventre qui est égale- 
ment aplau. La hauteur est six fois et demie dans 
la longueur totale. Celle de la tête en mesure le quart. 
Le diamètre de l’œil n’est que deux fois et demie 
dans la longueur de la tête. La distance du bord 
antérieur à l'extrémité du museau n’est guère que de 
la moitié du diamètre. Une paupière épaisse et adi- 
peuse le couvre en partie; elle s'étend en arrière 
jusque sur l’opercule; elle cache également la plu- 
part des pièces sous-orbitaires, qui ne diffèrent pas 
beaucoup de celles de nos petites espèces. Elle re- 
monte aussi sur la nuque et se confond avec la peau 
épaisse qui recouvre tout le dessus du crâne. Cette 
peau est traversée par de nombreuses veinules, ra- 
mifiées et anastomosées, depuis la nuque jusqu’au- 
devant des yeux. Les dents palaunes et vomériennes 
forment une bandelette arquée, plus large au centre 
qu'aux extrémités. Les dents de la langue sont pe- 
utes, nombreuses. La dorsale est haute et pointue; 
les rayons antérieurs égalent la hauteur du tronc; 
les derniers n’ont guère que le cinquième de la hau- 
teur des premiers. Les pectorales sont petites; la 
ventrale est reculée sous le dernier rayon. 


B. 6; D. 11 0;'A. 15; C. 27; P. 17; V. 12. 
La caudale est fourchue; l'adipeuse est petite. Les 


TE en 


CHAP. VI. ARGENTINES. 4935 


écailles sont semblables à celles de l'espèce précé- 
dente. La ligne latérale est fortement marquée; l'é- 
chancrure de ces écailles est profonde. La couleur 
me parait aussi avoir été argentée comme celle des 
autres argentines. Les viscères offrent très-peu de 
différences. La vessie natatoire me paraît un peu plus 
étroite et un peu plus courte ; ses extrémités coniques 
sont plus aiguës; elle est d’ailleurs composée de ce 
même tissu fibreux et argenté, que l’on emploie avec 
tant d'avantage en Italie pour l'orientation des perles. 


Le Cabinet du Roi a recu un très-bel exem- 
plaire de cette espèce par les soins des con- 
servateurs du Musée de Bergen. Il est long 
d'un peu plus d'un pied. J'ai lieu de croire 
que cet individu a été tiré des grandes pro- 
fondeurs, car son estomac était renversé. 

Nous trouvons une très-belle figure de 
cette espèce dans Ascanius *. Cet auteur nous 
apprend que c'est le SZ ou le Fal-Sil des 
environs de Bergen. Il dit que sa grandeur 
varie d'un à deux pieds; que le Sil est la seule 
espèce du genre Saumon qui soit vraiment 
pélagique, c'est-à-dire, qu'on ne le prend qua 
la haute mer, parce qu'il ne s'approche jamais 
des côtes. Ce poisson, très-gros, a une chair 
très-blanche, quoique rempli de petites arêtes 
comme le Lavaret. Sans l'examen du poisson 


1. Asc., con rerum nat., (ab. 24. 


424 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 

il était difficile de déterminer, d’après linspec- 
tion seule de la figure, le genre auquel il ap- 
partent, quoique rien ne devienne plus aisé 
quand on possède des individus de l'espèce. 
Aussi, M. Cuvier, qui n’a jamais vu le poisson, 
a-t-il placé l'espèce, d'après Ascanius, comme 
une Corégone. Il faut s'étonner davantage 
que M. Nilsson ait commis la même faute en 
nadmettant pas, dans son Prodrome d'ich- 
thyologie, le genre des Argentines. Ce natu- 
raliste d'ailleurs ajoute, sur ce Coregonus 
silus, plusieurs observations qu'on ne trouve 
point dans Ascanius. Son nom norwégien de 
Pal-Sil se traduirait par Clupea asperaÿ ce 
qui convient très-bien à ce poisson, ainsi que 
la description peut le prouver. Il dit aussi 
que le Sil se pêche pendant l'été sur la côte 
occidentale de Norwége par une profondeur 
de cent à cent cinquante brasses avec le Se- 
bastes ROrwWegICUS. Dans l'automne, on le 
prend à la seine avec le Gadus virens. Au 
nom norwégien cité plus haut, il ajoute ceux 
de Brhesten ou de Gullax. ue le premier 
de ces noms, Strôm' en a donné une figure ; 
mais ce poisson a été ramené à son véritable 
genre dans une dissertation inaugurale, sou- 


1. Str., Naturschrift, 1. IL, 2.° partie, p. 12; t. L, fig. 1. 


CHAP. VI. ARGENTINES. 4925 


tenue, sous la présidence de M. Nilsson, par 
Gustave Risberg ’, de Gothembourg. Ce jeune 
naturaliste, qui a publié des observations in- 
téressantes sur lIchthyologie septentrionale, 
a donné une description fort détaillée, zoolo- 
logique et anatomique de cette belle espèce, 
sous le nom d'Argentina silus. Il dit qu'en 
Norwége on le nomme, à Bergen, Gullax; 
à Sondmôr, Blankesten, et à Christiania, 
Strômsild. En plaçant ainsi cette Argentine 
dans d'excellentes conditions ichthyologiques, 
il détruit le genre Szlus, que M. Reinhardt 
voulait établir pour cette espèce, en la dési- 
gnant sous le nom de Silus Ascanti. J'ai trouvé, 
comme lui, dans l'estomac de l'individu que 
jai observé, des débris de F'ucus. 


1. Risb., Observ. ichthyol.. Lond., 1835, p. 8. 


426 LIVRE XXIL ‘ SALMONOIÏDES. 


CHAPITRE VIL 
Des Oueres (Tymalus). 


On doit à M. Cuvier l'établissement du genre 
Thymale. I] l'a caractérisé par la petitesse de 
la bouche, fendue en travers sous le museau; 
des petites dents coniques et sur un seul rang, 
existent aux mâchoires, sur le chevron du 
vomer et sur le devant des palatias : les vis- 
cères ressemblent à ceux des Truites. J'ai été 
frappé de la grandeur de la vessie natatoire 
qui communique avec l'œsophage par un très- 
petit conduit. 

La forme du corps est élégante; la hauteur 
et la longueur de la dorsale, très-agréablement 
variées, ajoutent encore à l'élégance de ces 
poissons. C'est une des plus jolies espèces de 
Salmonoïdes européens qu'on aime à voir 

nager dans les eaux limpides qu'il préfère. 

M. Cuvier, et tous les ichthyologistes qui 
l'ont précédé, n’ont reconnu qu'une seule es- 
pèce dans ce genre, et cependant il est facile 
d'en distinguer au moins trois en Europe, en 
faisant attention au caractère singulier de la 
distribution des écailles sous les parties infé- 
rieures de la gorge et de l'abdomen. L'espèce 
qui se trouve dans le midi ou dans l’est de la 


CHAP. VII. OMBRES. 4927 


France, dans le lac de Genève, dans le lac 
Majeur, a tout le corps couvert de petites 
écailles ; c'est avec peine que l'on trouve une 
trace de nu au-dessous des nageoires pecto- 
rales, tandis qu'une autre espèce, que jai 
rencontrée fréquemment sur le marché de 
Berlin, a sous la gorge une plaque entière- 
ment nue. Nous en avons recu une troisième 
des eaux douces de la Russie qui a le ventre 
nu dans toute sa longueur. Enfin, l'on peut en 
distinguer d’autres encore, à cause de la hau- 
teur de la dorsale. 

Les eaux douces de l'Amérique septentrio- 
nale en nourrissent aussi des espèces diffé- 
rentes de celles d'Europe; car j'en ai recu une 
du lac Ontario, que je ne vois pas signalée 
dans l'ouvrage de M. Dekay, ni dans celui 
de M. Storer, et qui est fort différente du très- 
joli poisson décrit et figuré par le docteur 
Richardson sous le nom de Thymalus sionifer. 
C'est au moyen des matériaux de la collection 
du Muséum d'histoire naturelle que je suis 
arrivé à ces déterminations. 

Il est assez curieux, que le caractère remar- 
quable qu'offre le nu des parties inférieures, 
ait échappé à mes prédécesseurs. Enfin, je 
placerai à la suite du genre un singulier pois- 
son de la Russie qui me paraît ressembler 


428 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


sans aucun doute aux Thymales par la forme 
de sa bouche, mais qui n’en a point, il faut 
bien le dire, ni la dorsale ni les écailles. En 
examinant les caractères que le Thymalus 
sigrifer de Richardson nous offre et ceux de 
ce singulier poisson de la Russie, les zoolo- 
gistes se convaincront que les deux genres des 
Thymales et des Truites sont beaucoup moins 
distincts qu'on ne le croirait par l'examen ou 
par le seule comparaison d'un Thymale or- 
dinaire à une de nos Truites. En France, ces 
poissons sont connus sous le nom d’'Ombres. 
Les Anglais les appellent Grayling, tiré très- 
probablement de sa couleur grise ou cendrée, 
qui lui a valu son nom le plus commun en 
Allemagne, celui de 4sch ou de Æsche, plus 
ou moins modifié dans les différentes pro- 
vinces.. Comme tous ces auteurs ont cru re- 
trouver dans le poisson qu'ils décrivaient, 
l'espèce indiquée par Linné ou par Bloch, 
comme aucun d'eux n’a signalé le caractère 
sur lequel je fonde les divisions spécifiques, 
il me paraît impossible d'établir, pour des 
espèces si voisines les unes des autres, une 
synonymie. Je crois donc qu'il est préférable 
de donner, dans les considérations générales! 
sur le genre, des observations sur la synonymies 
de ces espèces, en signalant les rapports ques 


CHAP. VII. OMBRES. 429 
je puis trouver entre ces différents poissons 
et les articles où on les aurait mentionnés. 

Il est assez curieux que le Thymale, si corinu 
en Italie, et qu'on trouve dans la Meurthe, 
dans la Moselle et dans d’autres rivières de 
France, n'ait pas été mentionné dans Pline. 
On est assez d'accord pour lui rapporter 
lUrmbra d'Ausone', que ce poëte a signalé 
dans ce vers : 


Effugiensque oculos celeri levis Umbra natatu. 


Il n’y a pas lieu de discuter longuement sur 
cette synonymie, car cette célérité du nager 
peut être appliquée à beaucoup d’autres pois- 
sons; mais, puisque nous voyons que le nom 
d'Ombre est conservé encore dans plusieurs 
provinces de la France, on peut admettre 
celte interprétation. 

Elien* parle du Thymale en termes si pré- 
cis, quon ne peut hésiter à reconnaître notre 
poisson. Ce qu'il en dit au chapitre XXIT du 
livre XIV, convient non-seulement aux carac- 
tères spécifiques, mais parfaitement aux habi- 
tudes de l'espèce. 

« Le @ipæAros tient, dans sa forme générale, 


1. Ausone, Mosella, v. 90. 
2. Elien, De nat. anim. edente J. G. Schneider. Leipz. 1184, 
p- 495. 


430 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


du Labrax et du Céphale. Or, la dépression 
du museau et l'ouverture de la bouche, jus- 
tiffent très-bien la comparaison avec le Muge. 
Ce Thymale, poisson du Tessin, est remar- 
quable par son odeur de thym. On le prend 
à la mouche; c'est le seul appât qui lui con- 
vienne, parce qu'il fait sa nourriture habi- 
tuelle des cousins (xéveW), petits insectes fort 
incommodes à l'homme par leurs morsures et 
par leur bourdonnement.” Il est impossible 
de se méprendre sur cet article d'Élien, parce 
que le poisson que l'on trouve en abondance 
dans le PGô et dans ses affluents, est encore 
nommé aujourd'hui par les riverains de ces 
fleuves, Temelo, Temalo ou Temola, qui a 
bien, comme l'expression grecque, la même 
origine. Toutes ces dénominations sont tirées 
de lodeur du thym qu'exhale le poisson. 
Cependant je n'ai pas remarqué ce parfum 
du thym sur les individus que jai vus vi- 
vants. 

Si des auteurs anciens nous arrivons à ceux 
de la renaissance, nous trouvons dans Belon! 
une figure un peu grossière du 7hymalus. I 
y en a aussi une dans Salviani*; celle-ci, pluss 


4. Belon, De aquat., p. 184. 
2. Salviani, De aquat., fol. 81, pl. 16. 


CHAP. VII. OMBRES. 431 


élégante que celle de Belon, me paraît tout 
à fait convenir à notre quatrième espèce, 
celle que M. Savigny nous a rapportée du P6; 
je la regarde donc comme différente de celle 
de Bloch. Rondelet a aussi donné une figure 
du Thymale et en a dit quelques mots; mais 
il est difficile de se prononcer sur les aflinités 
de ce dessin. Gesner' a donné deux figures 
originales assez élégantes du Thymale. Les 
détails fort étendus qu'il ajoute sur le séjour 
et les habitudes de ce poisson, dans les diffé- 
rentes parties de l'Allemagne , commencent 
déjà à établir son histoire. 

On devait naturellement trouver dans Wil- 
lughby une description de Ombre, qui est 
nommé en anglais Grayling, puisque cest 
un poisson commun dans toutes les eaux 
qui descendent des contrées montueuses de 
l'Angleterre. Cet auteur donne quelques dé- 
tails anatomiques, aussi vrais que Curieux, 
sur l'organisation de ce poisson. Il signale 
très-bien les dents palatines, la disposition 
du canal intestinal, le grand nombre des ccϾ- 
cums, la largeur de la vessie aérienne, si peu 
adhérente au péritoine. Il faut cependant ajou- 
ter que tous ces traits, fort exacts, convien- 


1. Gesner, 979. 


432 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


nent en général à presque toutes nos espèces. 

Tels sont les documents d’après lesquels Ar- 
tedi a établi la synonymie de son troisième 
Corégone, auquel il assigne pour caractère, 
d'avoir la mâchoire supérieure plus longue que 
linférieure et vingt-trois rayons à la dorsale. 
Cette espèce a été introduite, d’après cela, 
dans le Systema naturæ, et est devenue dès 
la dixième édition le Salmo Thymalus; car 
Linné n'accepta pas, en composant cet ou- 
vrage, le genre Coreponus d'Artedi. 

Comme les Thymales sont fort répandus 
dans toute l'Europe, on les retrouve dans 
presque tous les auteurs qui se sont occupés 
de la Faune ichthyologique de nos diverses 
contrées. Linné le donne pour un des pois- 
sons communs en Laponie; mais il paraîtrait 
plus rare en Norwége, puisque Pontoppidan 
n'en parle pas. Ekstrôm ne le cite pas non plus 
dans ses Poissons du Môrkô. Il n'existe pas 
dans les Faunes d'Islande ni dans celles du 
Groenland. Il monte au nord jusque dans les 
Orcades, puisque Lowe’ donne le Grayling 
comme une espèce que l’on y trouve très-fré- 
quemment. On en prend des individus qui 
ont jusqu à dix pouces de long. 


1. Lowe, Fauna Orcad., p. 224. 


CHAP. VII. OMBRES. 433 


M. Nilsson a un Thymalus vulsaris des 
fleuves de Nordland et de Laponie; il indi- 
que le mois de mai pour la saison du frai, et 
dit qu'alors le poisson remonte des grands 
lacs dans les fleuves. Wulf le compte parmi 
les poissons de Prusse. J'ai lieu de supposer 
que cet ichthyologiste a vu l'espèce de Ber- 
lin, ou mon Thymalus gymnothorax. n'a 
pas cependant indiqué le caractère que jy ai 
observé. 

Les auteurs qui ont traité des poissons de 
la Suisse, parlent tous du Thymale : Nenning, 
dans ses Poissons du lac de Constance; Hart- 
mann, dans lIchthyologie helvétique, et M. 
Jurine', dans son Mémoire sur les poissons 
du lac de Genève. 

En France, ce poisson est surtout connu 
sous le nom d'Ombre d'Auvergne; aussi le 
trouve-t-on dans la Faune de ce pays, écrite 
par M. Delarbre; et avant lui Duhamel en 
avait laissé, sous ce même nom, une figure 
où les caractères génériques sont seuls recon- 
naissables. 

M. de Selys-Longchamps, dans sa Faune 
belge, a donné le Thymale sous le nom qu'A- 
gassiz a imposé à ce Salmonoïde : c'est bien 


1. Jurine, pl. 6. 
21. 28 


AGA £ ï 
194 LIVRE XXII. SALMONOIDES. 


l'Ombre de France, mais non pas l'Ombre 
chevalier, comme le croit M. de Selys. Il suit 
ce poisson dans les petites rivières ou les 
torrents des Ardennes, où il est assez com- 
mun. Il dit qu'il est très-rare dans la Meuse; 
jai cependant été assez heureux pour le voir 
vivant à Liége. Il fait remarquer que l'espèce 
a considérablement diminué depuis qu'on a 
chaulé les terres d'une grande partie de l'Ar- 
denne et du Condroz avec de Parsenic. 

Nous avons déjà signalé Willughby comme 
le premier des auteurs anglais qui ait indiqué 
cette espèce sous le nom de Grayling. 

Pennant' ne l'a pas négligée dans la Zoologie 
britannique. Ce zoologiste n’a jamais pu trou- 
ver dans ce poisson l'odeur particulière, d'où 
ses noms de Thymus ou de Th malus sont 
tirés. Le plus g crand Grayling qu'il ait vu, avait 
été pris près de Ludlow : il était ous d'un 
pied et demi environ, et pesait quatre livres 
six onces; mais les exemplaires de cette taillew 
sont très-rares. 

Donovan * nous a donné une très-jolie figuren 
de Thymale, sur laquelle il indique un grand ÿ 
nombre de points noirs. 


RE 


1. Pennant, Zoo! brit., t. III, p. 262. 
2. Donovan, Brit. fish., pl. 88. 


\ CHAP. VII OMBRES. 435 


On doit s'attendre à trouver le Grayling 
dans la Faune de Turton', dans Fleming? 
comme Coregonus thymalus, dans M. Jenyns”° 
et enfin dans M. Yarrell{ qui en a donné aussi 
une très-bonne histoire. 

Toutefois, en ce qui concerne les habitudes 
de ce poisson d'Angleterre, M. Yarrell a été 
précédé par le célèbre Humphrey Davy. On 
trouve, dans le Sa/montia de cet illustre chi- 
miste, des détails curieux sur l'introduction 
du Grayling dans le Tay, rivière coulant dans 
le Hampshire, où on l'avait apporté des eaux 
de l'Avon. Il remarque, qu'au contraire de la 
plupart des autres Salmonoïdes, le Grayling 
fraie au commencement d'avril ou de mai, 
tandis que les autres préfèrent la fin de l'an- 
née, et généralement les eaux très-froides. 
Quoique Donovan ait considéré ce poisson 
comme remontant, ainsi que les autres Sal- 
monoïdes, de la mer dans les eaux douces, 
Davy établit que le Grayling d'Angleterre ne 
peut supporter l'eau légèrement saumatre sans 
pénir. Cependant Bloch assure que le Thymale 
descend à la Baltique vers l'automne. 


1. Turt., p. 104, n.e 100. 

2. Flem., Brit. anim., p. 181, n.° 49. 

3. Jen., Man. brit. anim., p. 430, n.° 112. 
4; Yarrel, t. Il, p. 19. 


436 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


La nourriture du Grayling consiste prin- 
cipalement en larves de phryganes, d'éphé- 
mères et de hibellules; mais M. Yarrell a aussi 
trouvé, dans l'estomac, des physes et le neri- 
ina fluviatilis; ce qui prouve que ses aliments 
sont assez variés, puisque jy ai observé des 
crevettes. 

Le Thymale existe aussi dans l'est de l'Eu- 
rope : cest un poisson commun dans le Da- 
nube ; il est très-bien figuré dans Marsigli'; il 
ne prendrait, suivant lui, le nom allemand 
d'Asch que lorsqu'il est tout à fait adulte. Les 
pêcheurs qui lapportent à Vienne le nom- 
meraient, dans la première année, Sprensling; 
depuis le mois de mai jusquà la S. Jean, 
Mayling, et jusqu'à la seconde année, Vier- 
tigerfisch. Cest en mars quil fraie dans ce 
grand fleuve. 

M. Reisinger l'a inscrit aussi dans son Ich- 
thyologie LE Hongrie sous les noms de To= 
molezko ou de RÉ 

Pallas à aussi un Sa/mo thymalus, et on 
peut juger par la phrase de cet illustre z0010- 
giste, ainsi que par les réflexions qui précèdent, 
sa description, qu'il n'a pas suflisamment dis 
tingué les espèces qu'il a observées. Il avoue 


1: Mars. Danub..it. I, p. 15, pl. 25, fig. 2 { 


CHAP. VII. OMBRES. 137 


que la distance entre ces différentes variétés 
Jui avait fait faire trois figures qui nous au- 
raient beaucoup éclairé, si nous avions pu les 
consulter. J'ai examiné et dessiné à Berlin un 
de ses exemplaires. La hauteur des rayons de 
la dorsale ne me laisse aucun doute sur ce 
prétendu Salmo thymalus : il appartient évi- 
demment à notre quatrième espèce. 

Je trouve aussi dans les dessins faits au 
Kamtschatka par M. Mertens, un Thymale 
qui y est désigné par le nom russe de cette 
espèce (Charius). Je crois que ce poisson 
offre quelque caractère distinctif, si le des- 
sinateur les a rigoureusement observés. Ce 
que nous pouvons conclure des observations 
de Pallas, cest que les Thymales existent 
dans toute la Sibérie, dans la Tartarie, chez 
les Samoyèdes, au Kamtschatka et au Japon. 
Cet illustre zoologiste a présenté, sous le nom 
de Salmo arcticus, qu'il faut bien se garder 
de confondre avec l'espèce décrite sous ce 
même nom par Othon Fabricius, des Thy- 
males de l'Oural. 

Enfin, pour terminer cette revue des au- 
teurs qui ont parlé des Thymales, il ne me 
reste plus qu'à ajouter que M. Nordmann a 
cité, dans sa Faune pontique, qu'on ne prend 
ce poisson qu'un à un dans les rivières de la 
nouvelle Russie. 


438 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


On ne fait subir aux Ombres aucune des 
préparations conservatrices, qui en rendraient 
le transport facile pour d’autres pays. Cela tient 
à ce que l'espèce n'est pas assez abondante 
pour être séchée, ni salée, ni marinée; il n’est 
pas d'ailleurs certain que la chair pourrait 
supporter ces apprêts. Dans la Sibérie et dans 
la Laponie, ainsi que dans les montagnes de 
la Hongrie et de la Transylvanie, l'Ombre 
procure un aliment recherché. Linné dit, dans 
son f'auna suecica, que les Lapons se servent 
des entrailles de ce poisson, au lieu de pres- 
sure, pour faire cailler le lait de leurs rennes 
et Gbients ainsi leur fromage. 

D'après ce que j'ai fait remarquer en cOm- 
mençant ce chapitre, nous allons, à la suite 
de cette revue critique, donner les descrip- 
tions des espèces, faites d'après nature. 


L'OnBRE D'AUVERGNE. 


(Thymalus vexillifer , Agassiz.) 


Les nombreux individus de cette espèce 
réunis dans le Cabinet du Roi, nous viennent 
des rivières de France et des différents lacs 


de la Suisse; jai donc lieu de croire que j'ais 
sous les yeux le poisson figuré par M. Agassiz, w 
planches 16 et 17 de son Histoire des pois-w 


UT SÉPRN ES CE EL 


CAP. VII. OMPRES. 439 


sons d'eau douce de l'Europe centrale. Il me 
semble que le dessinateur a indiqué quelques 
écailles au-dessous des pectorales ; il est évi- 
dent cependant que ce caractère n'a pas été 
nettement rendu sur la figure, parce que l'au- 
teur n'avait pas son attention éveillée sur cette 
particularité. Je crois aussi devoir rapporter 
à notre espèce la figure du Thymale donnée 
par M. Jurine, qui a représenté peut-être trop 
fortement les écailles abdominales. 

Le Thymale est un élégant Salmonoïde, qui a la 
tête peute, le profil du dos convexe jusqu'au pre- 
mier rayon de la dorsale; cette ligne s’abaisse en- 
suite d’une manière régulière jusqu’à la queue. Le 
profil inférieur est à peu près droit ; il remonte ce- 
pendant par une courbe insensible depuis les ven- 
trales jusqu’à l'extrémité de la queue. La plus grande 
hauteur se mesure en avant de la nageoire du dos, 
et elle est le cinquième de la longueur totale. Les 
flancs sont méplats; l'épaisseur du tronc est à peu 
près moitié de la hauteur. La tête est pete; elle 
mesure à peu de chose près le sixième de la lon- 
gueur totale. Le profil, depuis le bout du museau 
jusqu’à la nuque, est convexe ainsi que l'arc trans- 
versal qui passe entre les deux yeux et qui est égal 
à une fois et demie le diamètre longitudinal de l'oeil, 
lequel d’ailleurs est sensiblement plus grand que le 
diamètre vertical; car celui-ci mesure le cinquième 
de la longueur de la tête, tandis que l'autre n’est 
compris que quatre fois et un tiers dans cette même 


440 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


mesure. Nous trouvons cinq osselets sous-orbitaires: 
l'antérieur est couché tout à fait au-devant de l'oeil ; 
il est à peu près triangulaire; le second et le trot- 
sième sont plus étroits; le quatrième et le cinquième 
sont trapézoïdes et tout à fait relevés derrière le bord 
de l'orbite. Le préopercule a un très-large limbe ar- 
rondi; l'opercule est petit, mais situé sur le haut de 
la joue ; le sous-opercule est assez large et arqué ; 
l'interopercule, qui forme une langue étroite sur le 
bord intérieur du préopercule, s'étend entre cet os 
et le sous-opercule en une palette triangulaire assez 
large. Le bord membraneux de l’opercule est extrè- 
mement étroit, mais l’ouie est très-largement fendue. 
Nous avons dix rayons à la membrane branchiostège. 
La partie supérieure du museau est convexe et l'ex- 
trémité charnue s’avance au delà de la mâchoire in- 
férieure qui est tout à fait aplatie. Sa branche se 
porte en arrière jusqu’à l’aplomb du bord postérieur 
de l'orbite; elle a peu de mobilité, et à cause de la 
petitesse des intermaxillaires et des maxillaires l’ou- 
verture de la bouche est 1rès-peute. Les intermaxil- M 
laires sont placés en travers, et l'articulation du ma- 
xillaire se fait à leur extrémité externe; ils n’ont 
presque pas de mouvement. Les maxillaires forment 
deux petites palettes mobiles sur les côtés de la bou- 
che en dehors de l’angulaire de la mâchoire infé- 
rieure, qui est assez élevée. Ces deux mächoires ont 
de petites dents coniques très-courtes et sur un seul 
rang. Il ÿ en a un tout petit groupe sur le chevron 
du vomer et à l'extrémité des palauns; mais celles 
du vomer me paraissent caduques, car sur ‘un grand 


CHAP. VIT. OMBRES. AAA 


individu rapporté de la Moselle, le vomer n’a plus 
de dents. Le reste de la bouche, ainsi que la langue, 
est enuèrement lisse. La ceinture humérale est assez 
forte, mais en partie cachée avec les écailles. La 
pectorale est insérée tout à fait vers le bas et tout 
près de la fente de l’ouie. Cette nageoire est pointue 
et sa longueur est comprise six fois et demie dans 
la longueur totale. La ventrale, qui est triangulaire 
et beaucoup plus large que la pectorale, est un peu 
plus courte. Elle a dans son aisselle une assez forte 
écaille. Elle est insérée en avant sur la première 
moitié du corps. La dorsale est longue, haute; 
son premier rayon est plus avancé que le tiers de 
la longueur, La nageoire est à peu près deux fois 
aussi longue que haute; ses rayons les plus longs 
mesurent la moitié du tronc sous eux. L’adipeuse 
est haute et assez grande. L’anale est petite; la cau- 
dale est profondément échancrée, 
B, 10; D. A— 0; À. 11; C. 27; P. 153 V. 10. 

Les écailles sont disposées en séries longitudi- 
nales régulières, dont on compte facilement seize 
rangées dans la hauteur. Celles de la ligne latérale 
sont sensiblement plus peutes. Une d'elles, isolée, 
montre que la surface radicale est beaucoup plus 
large que celle restant externe. Il n’y a que de fines 
stries d’accroissement, mais point de stries rayon- 
nant du centre vers la base radicale ; mais il y a 
deux ou trois dentelures sur le bord, qui corres- 
pondent évidemment aux rayons de l'éventail. Tout 
le dessous du ventre, depuis la gorge jusqu'aux na- 
geoires paires, est couvert d'écailles ; il y a cepen- 


442 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


dant une petite place nue sur le devant de la cein- 
ture thoracique, cachée par la membrane bran- 
chiostège. Il y a aussi du nu auprès de l'insertion 
de la pectorale. On che quatre-vingl-sept “ele 
depuis les ouies jusqu’à la caudale. 

La couleur de nos poissons, conservés dans l’es- 
prit de vin, est un argenté plus ou moins pur. Nous 
avons beaucoup d'individus sans aucune tache, 
mais nous en avons un aussi grand nombre qui ont 
le corps rayé de lignes grises longitudinales comme 
les écailles. Les membranes des nageoires varient 
de couleur suivant les saisons. À l’époque du frai, 
les pectorales ont une teinte rougeâtre; les ven- 
trales et l’anale sont plus colorées; la caudale et 
ladipeuse ont une teinte bleu de lavande; la dorsale 
est rayée de taches carrées, nuancées de rouge, de 
violet et de brun. Plusieurs ont des taches noires, 
de figure inégale, situées obliquement entre deux 
rangées d’écailles. Il y en a davantage au-dessous 
de la ligne latérale. M. Jurine a compté trente-deux 
points sur un individu de huit pouces de longueur. 
Il ajoute qu'on prétend que les ombres ponctués 4 
ont la chair plus savoureuse que les autres. k 

À l'ouverture de l'abdomen, le foie se fait remar- 
quer par sa peutesse. L’œsophage descend sous la 
vessie natatoire; arrivé un peu au dela du uers de | 
la cavité abdominale, il se courbe et remonte sur 
le diaphragme,en se dilatant un peu et en s’épaissis- 4 
sant, mais sans former de cul-de-sac. Revenu sous 
le diaphragme, on voit l'intestin se recourber pour 
descendre droit à l'anus. Nous avons compté vingt- ÿ 


+4 
| 


CHAP. VII. OMBRES. 443 


deux appendices cœcales autour du duodénum. Les 
ovaires de l'individu que j'ai disséqué formaient deux 
peuts rubans plissés à la parte antérieure, flottant 
librement dans la cavité abdominale où les œufs 
tombent librement comme dans les autres salmo- 
noides. La vessie natatoire est d’une grandeur re- 
marquable. Elle occupe plus de la moiué de la ca- 
vité abdominale, car elle est étendue depuis le 
diaphragme jusqu'à l'anus; elle est irès-large, et 
arrondie aux deux extrémités. Elle communique avec 
l'intestin dans le haut de l’œsophage par un conduit 
pneumatique remarquablement petit. 

Le squelette de cette espèce ressemble dans ses 
principaux traits à celui des autres salmonoïdes. J'y 
trouve deux grands trous mastoïdiens latéraux. J'ai 
compté cinquante-huit vertèbres, trente-trois côtes, 
dont les dix à douze premières ont à leur articu- 
lation, près de la vertèbre, une apophyse styloïde 
horizontale, et les vingt-cinq premières vertèbres 
ont en outre à la base de l’apophyse épineuse un 
autre osselet horizontal. C’est là ce qui explique le 
grand nombre d’arêtes que l’on trouve dans ces 
poissons, car on voit que ce squelette rappelle à 
beaucoup d’égards celui des clupées. La longueur 
de nos différents individus varie entre douze et dix- 
sept pouces, 


Nous avons recu plusieurs exemplaires du 
Thymale écailleux : ils nous sont venus de 
Nancy par les soins de M. Kiener; du Doubs, 
auprès de Montbéliard, par les soins du pas- 


444 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


teur Berger. M. de Candolle et M. Major nous 
l'ont envoyé du lac de Genève. On le trouve 
aussi dans le lac Majeur et dans le PÔ; car 
M. Savigny en a rapporté de ces localités. 
Enfin, cette espèce se trouve aussi dans le 
Danube; M. le conseiller aulique Schreibers 
en a envoyé de Vienne au Cabinet du Roi. 

Les Thymales paraissent dans le Rhône dès 
le mois de novembre; en décembre il y en a 
davantage ; à la fin de l'hiver le poisson re- 
monte les torrents, et principalement celui 
que l'on nomme Alondon. Aussi le connaît- 
t-on à Genève sous le nom d'Ombre de l’Alon- 
don. Les Ombres remontent le Rhône en 
troupes, en S'élançcant fréquemment hors de 
leau pour attraper les gphémères et les phry- 
ganes. M. Jurine dit que c'est un spectacle assez 
amusant à voir. Îl croit, que le peu d'Ombres 
pris dans les nasses de Genève, dépend du 
passage que trouvent ces poissons dans les 
interstices du clayonnage. Lorsqu'ils ont passé 
dans le lac, ils ne tardent pas à remonter les 
rivières qui sy jettent, et même le Rhône 
en Valais; car on en prend jusque dans le 
torrent de Pissevache, au delà de Saint- 
Maurice. 

La chair de Ombre est préférable à celle de 
la Féra : elle est blanche, ferme et de bon goût. 


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PL 


CHAP. VII. OMBRES. 445 


Ce poisson n’a pas la vie dure; car il meurt 

1 SSUA ? . 9 . 
presque aussitôt qu'on le tire de l’eau, et il 
ne se développe que dans les eaux vives et 
rapides. On ne peut pas le faire prospérer 
dans les eaux tranquilles. 


L'OMBRE A POITRINE NUE. 


(Thymalus gymnothorax, nob.) 


J'ai rencontré fréquemment sur le marché 
de Berlin un Thymalé, qui a été, sans aucun 
doute , confondu avec l'espèce précédente; il 
offre cependant un caractère qui le rend très- 
facile à reconnaître. Tous les individus que 
que j'ai achetés 


ont le dessous de la gorge nu, sans écailles. On en 
trouve seulement un peut groupe au-devant de l'in- 
sertion de la pectorale. Le nu ne dépasse pas la 
longueur de cette nageoire, c’est-à-dire que le reste 
du dessous du ventre, jusqu'aux nageoires ventrales, 
se trouve recouvert d’écailles qui augmentent sen- 
siblement à mesure qu’elles s’en approchent, pour 
devenir aussi grandes que celles des flancs. On les 
voit commencer sous la ligne médiane, à peu près 
au milieu de la longueur de la pectorale. Il y a donc 
une pointe avancée d’écailles sous le milieu du ventre 
qui limite de chaque côté les deux profondes échan- 
crures du nu de la gorge. Je compte de soixante- 
dix à soixante-quinze rangées d’écailles le long 


446 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


des flancs ; il y en a donc moins que dans l'espèce 

précédente. Le museau me paraît moins avancé. Les 

dents palatines et vomériennes sont plus fortes. La 
dorsale me parait un peu moins grande. La couleur 
est semblable à celle de l'espèce précédente. 

Les viscères ne m'ont pas offert de différences 
notables. 

Je trouve d’autres exemplaires de cette es- 
pèce parmi les poissons envoyés de Russie par 
S. A. I. la Grande-Duchesse, à qui nous avons 
déjà adressé plusieurs fois nos remerciments. 

Il est probable que Bloch a fait dessiner 
des individus de cette espèce pour représenter 
son Salmo thymalus; mais sa planche est 
tout à fait incorrecte. 


L'OMBRE A VENTRE NU. 


( Thymalus gymnogaster, nob.) 


Le Thymale que j'ai recu de la Néwa est 
encore différent des deux précédents. Les 
trois exemplaires conservés dans le Cabinet 


du Roi 


ont le dessous du ventre nu, beaucoup au delà de 
la pectorale. L’échancrure de ce nu atteint jus- 
qu'aux deux tiers du dessous du ventre. Ces pois- 
sons ont le museau plus arrondi; la mâchoire supé- 
rieure plus saillante; la dorsale beaucoup plus basse, 
les écailles sensiblement plus peutes, puisque nous 


CHAP. VII. OMBRES. 447 


en comptons au moins cent rangées le long des 
flancs. L'examen des viscères nous confirme dans la 
disuncuon spécifique que nous venons d’étabhr; 
car nous trouvons le canal intestinal proportion- 
nellement beaucoup plus gros. Les cœcums sont 
plus forts, mais moins nombreux; 1l n’y en a que 
dix-sept. L'animal avait pris des crevettes et des 
larves de phryganes. 

Nos individus sont longs de treize pouces. 
Ils ont été donnés par S. A. I. la grande du- 
chesse Hélène. 

ILest possible que Pallas ait vu ce poisson, 
puisqu'il parait commun dans la Néwa : c'est 
peut-être le Charius des Russes de Péters- 
bourg. : | 

L’'OmsrE D'ELIEN. 


(Thymalus Æliani, nob.) 


J'ai observé, dans les collections faites en 
Italie par M. Savigny, un Thymale du lac 
Majeur, différent de ceux du lac de Genève 
et des espèces des contrées septentrionales 

1 .) , . . , 
de l'Europe, que j'ai décrites, quoiqu elle pa- 
raisse se rapprocher de celles-ci par quelques 
caractères. 


Cet Ombre 


a le corps allongé, étroit; sa hauteur est cependant 
du cinquième de la longueur totale. Sa tête n’en me- 
sure que le sixième. La dorsale est beaucoup plus 


448 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


courte et beaucoup plus basse; les pectorales sont 
peu pointues, égales, en longueur, aux ventrales. 
B. 8; D. 17; A. 12; C. 21; P. 45; V. 9 


Les écailles sont peutes, et cependant il n’y en a 
que quatre-vingt-quatre rangées le long des flancs. 
Il y a du nu sous la gorge et le long de la pecto- 
rale; mais cependant les écailles de la ligne moyenne 
s’avancent en une bandelette encore assez large jus- 
qu'auprès de la ceinture humérale. Les couleurs sont 
d'un gris argenté, mêlé de bleu sur Le dos ; la dor- 
sal® a quelques points rouges. 


J'ai sous les yeux trois individus parfaite- 
ment semblables, longs de neuf pouces. Je ne 
doute pas que ce poisson ne soit encore une 
espèce particulière de ce genre ; ilne ressemble 
à aucun de ceux déjà décrits. 

J'ai donné à cette espèce le nom du natu- 
raliste grec qui a fait connaître le Thymale 
comme un des poissons originaires des fleuves 
de cette partie de l'Italie. Que l’on ne croie 
pas cependant que je sois très-sür de retrou- 
ver ici l'espèce décrite par Élien. 


L'OmMBRrE DE PALLAS. 


(Thymalus Pallasit, nob.) 


Nous avons recu des eaux douces de lai 


Russie par les soins de S. A. I. la grande du-" 


ns. 


? 


PE PE A TL 


Rs 


CHAP. VII. OMBRES. 449 


chesse Hélène un Thymale, qui se distingue 

par la plus grande élévation de sa dorsale ; 
car les rayons sont aussi hauts que le tronc mesuré 
au-dessous d’eux. Je trouve aussi que ce poisson 
a l'adipeuse un peu plus peute, les ventrales plus 
larges, la pectorale moins aiguë. Il y a quelques 
strieés rayonnantes sur l’opercule que l’on n’observe 
pas dans l'espèce précédente. Les maxillaires sont 
un peu plus longs et un peu plus étroits. Ces dif- 
férences, quoique légères, jointes au plus grand 
nombre de rayons à la dorsale, me prouvent.que 
nous avons là une espèce particulière de Thymale. 


Ces différences nous paraissent d'autant plus 
remarquables, que nous avons recu le véri- 
table Salmo thymalus décrit dans l'article 
précédent dans le même envoi que ces pois- 
sons. Nos plus grands exemplaires ont près de 
quinze pouces. 

Je publie cette espèce sous le nom de ce 
grand naturaliste, parce que je l'ai trouvée 
dans le Cabinet de Berlin; elle faisait partie 
des belles collections données à l’université 
de cette ville par M. Rudolphi. Je l'ai dessi- 
née, et la hauteur des rayons de la dorsale 
ne me laisse aucun doute sur cette détermi- 
nation. 


5 ù Ve 20) 


150 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


L'Ou8rE DE BACK. 


( Thymalus signifer, Richardson.) 


Il faut placer à côté de l'espèce de Pallas, 
celle que le docteur Richardson’ a publiée, 
d'abord dans lappendice zoologique du 
voyage du capitaine Franklin, et quil a re- 
produite ensuite dans sa Faune de l'Amérique 
boréale? sous le même nom de 7'hymalus s1- 
gnifer. A1 l'a dédiée à son ami, le capitaine 
Back, midshipman de l'expédition du célèbre 
J. Franklin. Il l'avait prise d'abord dans le lac 
Winter; il l'a retrouvée ensuite dans le lac 
du grand Ours (Great Bear lac); mais les 
exemplaires du second lac ont des teintes un 
peu différentes de ceux du premier, proba- 
blement parce que ces derniers avaient été 
pris au moment du frai. Il a vu ce poisson 
s'étendre jusqu'au 62° latitude nord, entre la 
rivière Mackensie et Welcome. Ce Thymale 

a le corps comprimé, la tête peute, les intermaxil- 

laires plus longs et plus étroits que ceux des Coré- 

gones; de petites dents pointues sur les mâchoires; 


deux rangs sur les os palatins, et six ou sept à 
l'extrémité antérieure du vomer. La langue est lisse. 


1. Richardson, Francklin's Journal, p. 111, pl. 26. 
2. Fauna borealis-amer. , t. I, p. 190, pl. 88. 


L 


CHAP. VII. OMBRES. A51 


Les écailles sont au nombre de quatre-vingt-sept 
entre l’ouie et la caudale. Le dos est foncé, les côtés 
ont une teinte de lavande purpurine, mêlée de gris- 
bleuätre. Le ventre est grisâtre; il y a des points 
blancs parsemés sur les flancs et de grosses taches 
blanches le long du ventre. La dorsale bleue a de 
nombreuses taches bleu de Prusse plus foncées et 
une bordure rosée. On retrouve cette teinte sur les 
autres nageoires. 


LE CN» Hp LS ul val 6 pie Lo ci dou 5 té a 

M. Richardson a donné des détails sur l'ana- 
tomie de ce poisson, et il a comparé les di- 
mensions de ses individus à celles des mêmes 
parties mesurées sur le Grayling d'Angleterre. 
Le poisson avait dix-sept pouces anglais de 
longueur : c'est le Zewlook-powak des Esqui- 
maux, ou le poisson bleu des voyageurs ca- 
nadiens. 

Ce Thymale a été inséré dans le Synopsis 
de M. Storer, d’après Richardson. 

On trouve dans le même grand ouvrage de 
ce courageux explorateur des contrées sep- 
tentrionales l'indication d’une seconde espèce 
d'Ombre sous le nom de Thymalus thyma- 
loides. 

Il y a quelque différence dans les nombres 
des rayons de l’anale et dans les couleurs ; 
mais comme les individus étaient petits, M. 
Richardson pense qu'il n'a eu probablement 


452 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 
à sa disposition que des jeunes de l'espèce 
précédente. 

B. 8; D. 23; A. 10; C. 27; P. 17; V. 9. 

Ce petit Grayling, long seulement de huit 
pouces , a été pris dans la rivière Winter, par 
conséquent dans la même contrée que le pré- 
cédent. 

L'OmBRE D'ONTARIO. 


(Thymalus ontariensis, nob.) 


Nous avons recu du lac Ontario un Thy- 
male très-voisin de celui du lac de Genève. 


Il a cependant plus de nu sous la gorge, quoiqu'il 
n’en ait pas autant que notre Thymale de Berlin ou 
Thymalus gymnothorax. La tête est évidemment 
plus pointue; le corps plus allongé; la dorsale un 
peu plus longue. Les dentelures des écailles sont 
assez prononcées. Les couleurs doivent à peine dif- 
férer de celles de notre Thymale, car nos exem- 
plaires sont verdätres, avec une douzaine de lignes 
grises le long des flancs. La dorsale a quatre Ou cinq 
rayures longitudinales rouges. 


Nos exemplaires ont un pied de long: ils 
ont été envoyés par M. Milbert. 

Je ne trouve pas cette espèce dans le Sy- 
nopsis de M. Storer, ni dans les autres Ich-” 
thyologies américaines, et cependant l'examen : 
des individus que j'ai décrits et la certitude « 


CHAP. VII. OMBRES. 453 


de leur origine, ne me laissent aucun doute 
sur l'établissement de cette espèce. 


L'OMBRE CHARIUS. 


(Thymalus Mertensiü, nob.) 


Je trouve parmi les dessins faits au Kamt- 
schatka par M. Mertens, une figure d'Ombre 
qui doit avoir beaucoup d'aflinités avec nos 
espèces européennes, mais qui me semble 
devoir en être distinguée à cause 


de la petitesse de sa tête, et de la brièveté de l’anale 
et de la pectorale. Le corps est gris avec des lignes 
longitudinales cendrées et foncées. Le dessus de la 
tête est de la même couleur que le dos; la gorge 
et la poitrine blanches, couvertes de taches noires. 
Il y a aussi du noir entre les lignes cendrées. La 
dorsale est rayée de noir; le fond de sa couleur, 
ainsi que celui de ladipeuse, de la caudale, de 
lanale et de la pectorale, est un cendré foncé. La 
ventrale porte des bandes noirâtres sur un fond 
fauve-clair. 


Le dessin est intitulé Charius ; or, je trouve 


dans Pallas que ce nom désigne les Ombres 
en langue russe. 


‘ 


454 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


CHAPITRE VIIL 
Des Corécones (Coresonus.) 


Le genre des Corégones a été établi par 
_Artedi pour les espèces de Salmonoïdes qui 
avaient de sept à dix rayons à la membrane 
branchiostège, des dents si petites, quon ne 
les apercevait plus dans quelques espèces; la 
dorsale devait être plus avancée que la ven- 
trale. Il avait fait entrer la dentition dans le 
caractère générique, parce qu'il mélait à des 
espèces sans dents, Ombre (Sa/mo thymalus). 

M. Cuvier a précisé le caractère de ce groupe, 
en établissant le genre des Ombres. Ce qu'il a 
fait de mieux ensuite, c'est de déterminer les 
différentes espèces d'Europe, et surtout des 
lacs de Suisse, qui ont été méconnues par 
tous ses prédécesseurs. Le défaut de la déter- 
mination de ces espèces a conduit les diffé- 
rents naturalistes, qui ont traité de nos pois- 
sons d'Europe, à une telle confusion que, pour 
arriver à quelque chose de certain, je suis 
obligé de commencer par exposer une revue 
critique de tous ces travaux, avant d'appli- 
quer à chacune des espèces en particulier les 
noms que nous allons essayer de leur donner, 
en en publiant une description comparative et 
faite d'après nature. 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 455 


Les espèces de ce genre naturel sont toutes 
si voisines les unes des autres, que je ne puis 
espérer de les avoir caractérisées avec plus de 
certitude qu'on ne peut le faire pour les espèces 
du genre des Ables. Les différentes Corégones 
représentent par leur similitude, et cependant 
par leur variété spécifique, les mêmes formes 
dans le genre des Saumons, que les Ables dans 
la famille des Cyprinoïdes. Cest en quelque 
sorte là ce qui me justifie de n’avoir pas suivi 
l'exemple de plusieurs ichthyologistes qui ont 
cru devoir séparer les Cyprinoïdes à mâchoire 
dentée de nos Cyprins sans dents. 

Le genre des Corégones est nombreux en 
espèces : le caractère repose sur la position 
des intermaxillaires et des maxillaires, et non, 
comme la dénomination d’'Artedi semblerait 
l'indiquer, sur l'espèce d'angle que formerait 
en avant la pupille de ces poissons. Si plu- 
sieurs espèces appartiennent à l'Europe cen- 
irale, il faut bien remarquer que le plus grand 
nombre, et que celles qui sont l'objet d’une 
pêche importante, sont confinées avec les 
autres Salmonoïdes dans les mers ou dans les 
eaux circumpolaires. On doit donc conclure 
de cette monographie et de celles qui ont 
précédé, que la tribu des Saumons dans la fa- 
mille des Salmonoïdes, est peut-être plus ca- 


456 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


ractéristique d’une forme ichthyologique des 
régions polaires, que les Gades ou toute autre 
famille. 

Quoique Belon' n'ait pas suffisamment dis- 
tingué les espèces des lacs de la Suisse, il me 
parait cependant avoir donné quelques-uns 
des traits du Lavaret; mais la figure est si 
mauvaise quil est impossible de reconnaitre 
le poisson dont il parle. Il a soin néanmoins de 
faire remarquer que le Lavaret appartient aux 
Truites par la saveur comme par les formes 
génériques ; quon lapporte communément 
des lacs du Bourget, d'Aix et de Genève; que 
ce poisson, très-commun, ressemblerait tout à 
fait à l'Ombre, s'il n'avait pas le museau si tron- 
qué et sil ne manquait pas entièrement de 
dents. Il se rapproche encore plus du Bezola; 
mais le Lavaret ne dépasse jamais un pied, et 
ne devient pas aussi large que celui-ci, qui a 
quelquefois plus d'un empan. Sa tête est ob- 
longue, ses écailles sont blanches et petites; 
enfin, les autres observations qu'il a faïtes sur 
son anatomie ou sur ses habitudes, convien- 
nent assez bien à notre espèce. Mais les ich- 
thyologistes de notre temps nous assurent 


4. Belon, De aquai., p. 284. 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 457 


que le Lavaret n'existe pas dans le lac de 
Genève. 

Rondelet', qu'il faut citer en même temps 
que Belon, traite dans les deux chapitres, XVI 
et XVII, du Lavaret et du Bezola. Il établit 
très-bien le Lavaret dans le lac du Bourget et 
la Bezole dans le lac Léman. Il reconnait à 
celle-ci un museau plus pointu, une tête plus 
petite, un ventre plus large et plus saillant, 
une couleur moins blanche et plus bleuätre : 
cest un poisson propre au lac de Genève. Le 
Lavaret, quil croit essentiel aux lacs de la 
Savoie ou du Dauphiné, tels que le lac du 
Bourget et celui d’Aigucbelle, est un poisson 
toujours blanc et brillant. Rondelet tire même 
de cette qualité l'étymologie du nom de La- 
varet. On doit conclure de ces deux descrip- 
tions, que l’'habile ichthyologiste de Mont- 
pellier a connu notre première Corégone, 
et qu'il l'a distinguée des espèces du lac de 
Genève; mais les figures qu'il a données de 
ces poissons, sont loin d’être aussi satisfai- 
santes que celles de beaucoup de ce livre 
original. Celle du chapitre X VI me paraïtrait 
plutôt appartenir à la Féra ; et quant à celle 


1. Rondelet, De pisc. lacust., Liv. ch. XVI et XVII, p. 162 
et 163. 


458 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


du chapitre X VIT, elle est tout à fait indéter- 
minable. 
_ Gesner' a commencé par donner aussi le 
Lavaret du lac du Bourget d'après Rondelet. 
Sa figure n’en est pas cependant une repro- 
duction exacte. Puis il a repris l'article de 
Belon sur le même sujet; mais, ne trouvant 
pas assez fidèle la figure du Bezola, il a publié, 
à la page 30, le dessin d’un Bezola du lac de 
Genève, qui lui avait été envoyé par un de ses 
amis. Ce ne peut être, ni la Féra, ni la Palée; 
et il me paraît bien douteux que ce soit la 
Gravenche. Je crois cependant quil convien- 
drait mieux de la rapporter à cette espèce 
qu'aux deux autres. Un peu plus loin, dans le 
même chapitre, Gesner donne une figure 
de l’Albelle du lac de Zurich, sous le nom 
d'Albula parva. 

Nous avons recu l'Albelle ou l'Elbel de 
Strasbourg par les soins de M. le D." Reisseisen. 
Il nous a donné la facilité de reconnaitre dans 
ce poisson le Lavaret du lac du Bourget et 
de déterminer en même temps l'Elbel de 
Baldner, dont la figure manuscrite est conser- 
vée dans la bibliothèque de Strasbourg. Mais 
la figure de Gesner n’est pas plus caractérisée 


4. Gesner. De adbis pisc., fol. 29. 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 459 


que celle des différents auteurs dont nous 
avons déjà parlé. Il n'est pas possible de dé- 
terminer son Ælbula minima du lac de Lu- 
cerne, où il est connu sous le nom de Vacht- 
fisch. Les pêcheurs de Fribourg l'appellent 
Pjæren, et ceux de Zurich Jægel ou Hæzg- 
ling. Ces noms, ainsi que les habitudes quil 
rapporte, me font croire quil s'agit là de 
jeunes féras, poisson que l'on prend princi- 
palement pendant la nuit, et dont on fait, 
dans les différents lacs de la Suisse, des pé- 
ches abondantes semblables à celles des ha- 
rengs : toutefois ces dénominations sont toutes 
très- vagues. Sans en avoir donné de figure, 
Gesner a placé, dans le corollaire du Lavaret 
un Albula nobilis, qui serait l'Adelfisch ou 
le 7Veisser-Blawling du lac de Constance. Il 
donne encore d’autres noms provinciaux de 
ces différents poissons. II me paraît difficile 
de les appliquer avec queique précision, puis- 
qu'il est bien évident que cet auteur n'a pas 
commencé par distinguer suffisamment les es- 
pèces, et que l'on sait d'ailleurs combien ces 
noms de localités varient d’un lieu à l'autre. 
Aldrovande* a reproduit Rondelet et Ges- 
ner dans les figures du Layaret, du Bezola et 


4. Aïldr., De pisc., p. 651, 658, 659, 660 et 663. 


460 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


de l’'Albula parva vel minima. Nous voyons, 
page 663, une Féra ou un Fala du lac de 
Genève, mais qui, loin d'être un de nos Sal- 
monoïdes, est plutôt un Vangeron ou quelque 
autre able du lac. 

Schônevelde! a aussi son Ælbula nobils ; 
sa figure excellente est facile à déterminer; 
cest le Jautins ou le Salmo oxyrynchus de 
Linné. Elle est copiée dans Willughb y. ? 

Tels sont les documents qu'Artedi a réunis 
pour former sa première et sa seconde espèce 
de Corégone. La première est devenue le 
Salmo albula de Linné; il se reconnait à sa 
mâchoire inférieure plus longue ; mais toutes 
les citations d’Artedi qui reposent sur la figure 
de Gesner uniquement, puisque Aldrovande 
et Willugbhy sont copistes de ce dernier, sont 
certainement mauvaises. La seconde espèce de 
Corégone, qui a servi à l'établissement du 
Salmo lavaretus du Systema nature, est tout 
aussi mal établie; car il a réuni, sous la phrase 
caractéristique, cinq variétés : La première, 
ou æ, pourrait être rapportée à notre Lavaret; 
la seconde, 8, reposant sur l'4Zbula nobilis de 
Gesner, auquel il associe Schônevelde, ce 


1. Schônev., p. 82, t. I. 
2: Walk, Dés, Al fe 6 


o 


CHAP. VIIL CORÉGONES. 461 


qui montre deux espèces fort distinctes con- 
fondues en une seule; la troisième, y, ap- 
partiendrait à la Bézola du lac de Genève, 
c'est-à-dire, à la Féra et aux espèces voisines. 
La variété d est l'{/bula parva de Gesner 
ou l'Elbel de Zurich, qui devrait rentrer, si 
nos conjectures sont vraies, dans la variété «. 
Enfin, la cinquième ou la variété &, réunit et 
la Féra de Rondelet, et celle de Gesner et 
celle d'Aldrovande. 

Linné, en publiant l'ouvrage de son ami, 
a bien fait quelques observations sur ces dif- 
férentes variétés, mais elles n’avancent en rien 
la question, et on voit quil ne connaissait 
pas mieux qu Artedi les différentes Corégones 
européerines, d'où il résulte que son Szlmo 
lavaretus est fondé sur une réunion faite sans 
critique d'espèces toutes différentes. Le Szlmo 
oxyrynchus du Systema naturæ est bien 
établi par le caractère de sa mächoire supé- 
rieure longue et conique. Il n’y aurait même 
rien à y reprendre, si Artedi avait rapporté 
à cette espèce l4/bula nobilis de Schônevelde. 
Ces trois espèces, inscrites dans la dixième 
édition, reparaissent dans la douzième sans 
aucun changement. 

Il me parait inutile de parler ici du F'auna 
suecica; Car la première Corégone, qui est 


462 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


une de nos espèces d'Ascanius, est confondue 
avec le Lavaret du lac du Bourget. La seconde 
est confondue avec l4/b. minima de Gesner. 
Nous possédons ces espèces : elles seront dé- 
crites dans ce chapitre. 

Bloch est loin d’avoir éclairei la confusion 
que Linné et Artedi avaient faite entre ces 
différents poissons. Son Salmo lavaretus est 
évidemment le Salmo oxyrynchus de Linné, 
cela est facile à reconnaître. Mais pourquoi 
y associe-t-il alors celui de Wulf' et celui 
de Duhamel, qui nappartiennent certaine- 
ment pas à son poisson, et qui ne sont pro- 
bablement pas tous deux de la même espèce. 
En effet, Duhamel®? à une figure assez bien 
faite, sous le nom de Lavaret, sorte de sau- 
mon, d'un poisson qu'il avait recu du lac du 
Bourget, et qu'il a fait dessiner de grandeur 
naturelle. La figure de Duhamel me parait 
ressembler beaucoup plus à la Féra qu’à tout 
autre poisson, cependant on croit générale- 
ment que cette espèce ne se trouve pas dans 
ce lac. Cest aux naturalistes qui résideront 
assez longtemps auprès de ces lacs, à résoudre 


1. Wulf, p. 36, n.° 46. 
2. Duhamel, Pêche, 2.° partie, $. 4, pl. 14. 


CHAP. VIIL CORÉGONES. 463 


ces questions; mais pour ne pas quitter l'au- 
teur qui nous occupe, il est évident que 
Bloch a fait une grande confusion en don- 
nant l'Oxyrynque sous le nom de Sa/mo la- 
varetus. Ce même ichthyologiste recevait du 
docteur Wartmann, l'un de ses correspondants 
établi dans le pays de Saint-Gall, une Coré- 
gone de la Suisse, qu’il a figurée sous le nom 
de Salmo FVartmannt, planche 105. Que l'on 
examine cette figure, on verra qu’elle est une 
des plus inexactes que Bloch ait insérées dans 
son Îchthyologie. Cependant le dessin que 
jai pris à Berlin d'après les individus de 
Bloch, me fait croire quil a plutôt examiné 
le Lavaret que toute autre espèce suisse, et 
cependant il ne devrait pas alors lui donner 
le nom d'Ombre bleu, cette dénomination 
convient mieux à la Féra. 

M. de Lacépède a accepté le genre des 
Corégones et y a inscrit dix-neuf espèces. Il 
accepte les espèces de Bloch et de Linné, il y 
ajoute celles de Pallas, sans apporter, comme 
à son ordinaire, à l'examen des différents 
synonymes ou des matériaux quil emploie, la 
moindre critique. Son Corégone Muller est 
une Scopèle; son Corégone rouge est un Sau- 
rus. Le Coregonus umbra est une mauvaise 
répétiuon du Thymale, et il reprend, d’après 


464 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Linné, un Coregonus oxyrynchus, qui a 
donné lieu aussi à un second double emploi, 
puisquil l'a répété comme un genre distinct 
sous le nom de 7Zripteronote. 

Ces difficultés ont laissé beaucoup d'incer- 
tüitude dans les descriptions que les auteurs 
les plus récents nous ont données des pois- 
sons de la Suisse. Ainsi M. Nening, dans la 
description des poissons du lac de Constance, 
a cherché à retrouver le SzZmo maræna. I 
a une autre espèce, Salmo maræna media, 
et enfin un Salmo FVartmanni; mais javoue 
que je nose rapporter ces déterminations à 
aucune de nos Corégones. 

M. Hartmann ne me paraît pas avoir pu 
distinguer le Lavaret et les différentes autres 
espèces des lacs de son pays. Il confond avec 
la grosse Marène de Suisse la Palée des lacs 
de Neufchâtel et de Morat, et la Féra du lac 
de Genève. Sous le nom de Salmo maræna 
media il désigne le Xzlchen ou le Kirchfisch 
du lac de Constance, et il y rapporte le Butz 


ou le ZZusen du lac supérieur de Zurich, ou. 
le Aalbken du lac des Quatre-cantons. Puis il « 


a un Sa/mo marænula pour comprendre le « 


Gang-fisch ou le #Veissoang-fisch du lac de 


Constance, l'Albule du lac de Zurich, des. 
Quatre-cantons et de plusieurs autres lacs de # 


l 


fl 


CHAP. VII CORÉGONES. 465 


Suisse, et 1l croit que la Bezole ou la Gra- 
venche de la Suisse française, est le même 
poisson que la petite Marène des Allemands. 
Puis vient un Sa/mo albula qui serait, selon 
lui, le Zægling du lac de Brientz et le VNacht- 
Jisch de celui de Lucerne. Or, il n’y a pas en 
Suisse un seul Salmonoïde qui ait la mâchoire 
inférieure plus longue que la supérieure. Enfin 
il croit que le Blaufelchen de Wartmann, de- 
venu $Salmo FWartmanni dans Bloch, est l'a- 
dulte d’un poisson que les Suisses du lac de 
Constance appellent, dans sa première année, 
Seelen où Heuerling, et encore Meidel ou 
Midelfisch; dans la seconde, Stüben; dans la 
troisième, Gang-fisch ou grüner Gang-fisch; 
dans la quatrième, Renken; dans la cinquième, 
Halbfelch; dans la sixième, Dreyer; dans la 
septième et dans les années suivantes, Felchen 
ou Blaufelchen. 11 donne encore d’autres 
noms des provinces voisines des lacs de Thun, 
des Quatre-cantons, etc., et enfin il croit que 
la Palée des lacs de Genève et de Neufchâtel 
n'est autre que ce poisson. Beaucoup de ces 
noms ont été pris dans Gesner; il est fâcheux 
qu'un naturaliste, établi dans ce pays, et qui 
a fait de si bons travaux sur l'ichthyologie de 
la Suisse, n'ait pas mieux déterminé les espèces 
de son pays. 
DS 20 


466 LIVRE XXII, SALMONOÏDES. 


Cette revue générale nous permet mainte- 
nant de chercher à rapporter à quelques-unes 
de nos espèces les différentes citations ou les 
principaux traits de mœurs que nous trou- 
verons dans les ouvrages de nos devanciers. 


La CoRÉGONE LAVARET. 


(Coregonus Lavaretus, Cu.) 


Le poisson, bien connu on Suisse sous le 
nom de Lavaret, et que les habitants de nos 
provinces de l'Est désignent plus spécialement 
sous le nom de Lavaret du lac de Bourget, 
est un poisson qui a la forme générale de nos 
Ables, mais son adipeuse l'en distingue. 


Le corps est régulièrement et élégamment allongé. 
Le profil du ventre est un peu plus convexe que 
celui du dos. C’est surtout entre les ventrales et les 
pectorales que la saillie abdorumale est la plus grande. 
La hauteur du tronc est comprise cinq fois et quel- 
que chose dans la longueur totale. La tête est un 
peu plus courte, d’un neuvième ou d’un dixième 
de cette hauteur. Le museau est gros, arrondi, 
tronqué. Il ne fait point saillie à l'extrémité au- 
devant de la mâchoire inférieure. Les intermaxillaires 
sont petits et assez hauts : ils sont assez fortement 
unis par des ligaments fibreux aux maxillaires, qui 
passent un peu derrière eux. Ceux-ci sont courbés, 
couchés sur les côtés de la joue; un petit osselet 


CHAP. VIII. CORÉGONES. A4G7 
supplémentaire élargit l'extrémité inférieure de l'os, 
et monte derrière lui en une petite apophyse courte 
et pointue. La mâchoire inférieure s’abaisse sous la 
supérieure, en faisant faire un mouvement de bas- 
cule aux os de la supérieure, mais dans ce mouve- 
ment l'ouverture de la bouche reste toujours petite. 
Aucune parue de la bouche n’a de dents. La mu- 
queuse de la langue est couverte, de villosités fines, 
mobiles, et les papilles recouvrent aussi les pha- 
ryngiens et l'artère de l'œsophage. L’œil est éloigné 
du bout du museau d’une longueur égale à son 
diamètre, lequel mesure le quart de la longueur de 
la tête. L'intervalle qui sépare les deux yeux égale 
une fois et demie ce diamètre. Un sourcilier peu 
mobile recouvre cet organe, dont la pupille à en 
avant ce rétrécissement anguleux dont Artedi a tiré 
le nom de ce genre. Les osselets sous-orbitaires 
sont nombreux dans les Corégones. En effet, nous 
en trouvons un premier étroit, allongé, un peu 
anguleux du côté de la narine; cette pièce est cou- 
chée au-dessus du maxillaire : elle est suivie d’un 
second petit osselet à peu près rectangulaire, et qui 
atteint, sous l'œil, à l’aplomb du centre de la pupille; 
et au delà de ces deux os commence l'arc formé 
par les autres sous-orbitaires au nombre de huit, 
mais disposés sur deux rangs. C'est le seul exemple 
que je connaisse d’une double rangée de sous-orbi- 
taires dans les poissons, Ceux de l’arcade inférieure 
sont plus grands que les supérieurs. La joue se trouve 
presque entièrement cuirassée par cette double ran- 
gée d'os qui s'appuie jusque sur le limbe du préo- 


468 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


percule. Celui-ci est un peu caverneux et a son 
bord arrondi. Nous voyons derrière lui un opereule 
trapézoïde qui porte dans son milieu un peut sillon 
oblique qui semble diviser en deux pièces cet oper- 
cule. La suture du bord inférieur est très-fortement 
marquée avec la réunion du sous-opercule, qui est 
large et arqué, et enfin un assez grand interoper- 
cule forme entre celui-ci et le préopercule une 

grande pièce triangulaire, en même temps que le 
corps principal de ce quatrième os operculaire s’en- 
gage et se cache presque entièrement sous le bord 
inférieur du limbe. Les ouïes sont très-largement 
fendues; le bord membraneux est étroit. Il y a huit 
rayons à la membrane branchiostège. La dorsale est 
à peu près au milieu de la longueur du corps, en 
exceptant la caudale. Elle est pointue, haute de 
l'avant. L’adipeuse est couchée sur le dos de la 
queue : elle a quelques petites écailles à sa racine. 
Les ventrales sont très-larges et répondent à peu 
près à la moité de la dorsale. Les pectorales sont 
un peu plus étroites, mais elles sont plus longues 
que les nageoires abdominales. L’anale est peute, 
échancrée; la caudale est fourchue. 


B. 8; D. 16 — 0; À. 15; C. 31; P. 16; V. 12. 


Tout le corps est couvert d’écailles régulièrement 
disposées jusque sur le pourtour de la ceinture 
humérale, mais au-devant toute la partie de la peau. 
qui va se Joindre à l'isthme, et qui est recouverte. 
par la membrane branchiostège quand les ouïes sont 
fermées, est nue. Ces écailles sont petites et leur. 
parte radicale est moins grande que la poruüon 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 463 


nue. Je n’y vois que des stries concentriques rap- 
prochées. La ligne latérale est marquée par une 
série de petits traits à peu près par le milieu de la 
hauteur, et sur des écailles qui ne diffèrent pas 
beaucoup des autres. 

La couleur de ce poisson, conservé dans l'alcool, 
est un gris perlé à reflets argentés au-dessus de la 
ligne latérale. Le ventre est blanc avec quelques 
lignes de reflet, le tout est glacé d'argent. Les na- 
geoires, grises, ont leur extrémité noirâtre. 

Les viscères ressemblent beaucoup à ceux des 
Ombres. Le foie est très-petit : ce n’est qu'un petit 
lobe arrondi, situé presque en entier dans le côté 
gauche sous le diaphragme. La vésicule du fiel est 
grosse, arrondie, assez adhérente au foie et située 
tout à fait en avant. L’œsophage commence par être 
assez musculeux : il se rétrécit et ses parois s’amin- 
cissent au-dessus de la courbure de l'estomac ou de 
la branche montante, qui devient épaisse et charnue. 
L'intestin fait une seule courbure, conserve un dia- 
mètre assez large et se rend droit à l'anus. A son 
origine , le duodénum est entouré d'un nombre 
considérable de cœcums gros et courts. La rate est 
allongée, mais étroite. La vessie natatoire est aussi 
grande que dans les Thymales; elle occupe plus 
de la moitié de la cavité abdominale; elle commu- 
nique avec l'intestin, dans le haut de l’œsophage, 
par un large canal. 

Le squelette montre que ce poisson n’a pas au- 
tant d’arêtes que le Thymale, car celles qui sont 
insérées à la base des apophyses montantes des ver- 


470 LIVRE XXII. SALMONOIÏDES. 


tèbres sont plus courtes, et je n’en vois pas au- 
dessus des côtes. La colonne vertébrale est composée 
de soixante vertèbres, dont trente-cinq portent des 
côtes. Le crâne se rapporte à celui des autres Sal- 
monoides par ses grands trous sous-masioidiens. Il 
y a une longue carène sur la ligne médiane et deux 
autres de chaque côté sur les frontaux principaux. 


L'exemplaire qui a servi à ma description 
est long de quatorze pouces et demi. IL a été 
rapporté de Genève. Nous en avons recu 
d'autres, du lac de Bourget, par M. de Can- 
dolle. M. Mayor nous en a envoyé du lac de 
ZLug, M. le D. Reisseissen de Strasbourg. Ce 
poisson avait été pris dans le Rhin, aux envi- 
rons de cette forteresse. M. Coulon nous en a 
aussi adressé un petit exemplaire du lac de 
Neufchâtel. 

Si je ne craignais d'introduire de nouveaux 
noms, jaurais pu appeler cette espèce Core- 
gonus Rondeletit, parce que cest elle que 
cet auteur’ et Belon ont très-probablement 
désignée dans leur chapitre sur le Lavaret, 
mais en laissant toutefois de côté les figures. 
C'est là le poisson que Cuvier a indiqué dans 
le Règne animal sous le nom de Lavaret, et 
je l'appelle Sa/mo FVartmanni, Cuvier, parce 


4. Rondelet, De pisc. lacust., liv. ch. XVI et XVII, p. 162 
et 163. 


CHAP. VIII. CORÉGONES. A7A 


que notre illustre maître a donné au nom de 
Bloch une signification spécifique précise que 
l'auteur allemand n'avait pas su atteindre, 
puisque sa figure et sa synonymie sont très- 
mauvaises. 

M. Jurine a comparé avec soin le Lavaret 
à la Féra, et il distingue le premier par sa 
tête plus petite et plus cunéiforme. Le Lavaret 
a le nez mieux prononcé, les tubérosités na- 
sales plus apparentes, et la lèvre supérieure 
coupée plus carrément; le cou est plus effilé; 
les nageoires sont moins grandes; les écailles 
sont plus petites et en plus grand nombre. 
Les deux poissons ne fraient pas à la même 
époque. Le Lavaret dépose ses œufs sur les 
bords du lac, et la Féra dans sa profondeur. 
Le goût de la chair est aussi différent. M. Ju- 
rine dit que les Lavarets meurent si promp- 
tement, quon a essayé vainement d'en trans- 
porter du lac de Bourget dans celui d'Annecy; 
ils périssaient avant d'y arriver, quoiqu'on eût 
l'attention de renouveler l'eau du tonneau qui 
les contenait. Il croit que le Lavaret se trouve 
dans le lac de Constance, mais non dans celui 
de Zurich. L’adulte est le Blaufelchen de la 
Suisse allemande, et le jeune âge sy nomme 
Gang-fisch. I regarde la Palée blanche du lac 


de Neufchätel comme identique au Lavaret, 


472 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


et les exemplaires de M. Coulon confirment 
cette observation. 


La FÉRa. 
(Coregonus fera, Jurine.) 


La Féra, qui séjourne pendant toute l'an- 
née dans le lac de Genève et dont M. Jurine' 
nous a donné une très-bonne figure, est une 
espèce voisine du Lavaret, mais elle s'en dis- 
tingue 


par un corps plus élevé; car la hauteur n’est que 
quatre fois et un tiers dans la longueur totale. La 
tête de la Féra est plus petite que celle du Lavaret. 
L'intervalle qui sépare les yeux est un peu plus 
bombé. La dorsale est moins haute; les ventrales 
sont plus courtes. Les écailles paraissent un peu 
plus grandes. 
B. 8: D, 15:54:16: C:31: Pl, 17:45, 

Les couleurs des poissons conservés dans l’eau- 
de-vie ne paraissent pas différer beaucoup. M. Jurine 
dit que le. dos est d’un gris brun à reflets jaunes 
mêlés de verdâtre ou de bleuâtre sur les côtés; que 
les écailles, argentées, sont encadrées d’un léger 
poinullé noirâtre. Les nageoires prennent, à l’époque 
du frai, une teinte rose. Le dessus de la tête est 
jaune verdätre, poinullé d’un olivâtre que l'âge 


1. Jurine, Poissons du lac de Genève, pl. 7. 


CHAP. VIILL CORÉGONES. 473 
colore de plus en plus. Il faut remarquer que la 
troncature du nez est la même dans la Féra que dans 
le Lavaret. 

Les viscères de la Féra diffèrent très-peu de ceux 
du Lavaret, et il en est de même du squelette; car 
j'y trouve le même nombre de vertèbres, la même 
absence d’apophyses horizontales aux côtes. Le crâne 
est cependant un peu différent; la crête moyenne 
est un peu moins forte et il n’y en a que deux 
de chaque côté. 

La description a été faite d'après des Féras 
longues de quatorze à quinze pouces, qui ont 
été envoyés de Genève au Cabinet du Roi 
par M. de Candolle. R 

On pêche ce poisson à peu près pendant 
toute l'année, mais surtout en été. Il se tient 
ordinairement entre Sécheron et Vézenar, sur 
un banc de glaise recouvert de cailloux, s’éten- 
dant un peu du côté de Genève, et appelé 
le banc de Travers. Les Corégones qu'on y 
pêche sont les plus estimées, et aussi les 
nomme-t-on Féras de Travers. 

On en prend aussi beaucoup à Évian. Il 
y à souvent quatre-vingts barques réunies 
vers les neuf heures du soir pour les pêcher 
pendant la nuit, sans lune, car s'il fait clair, 
la Féra voit le filet et saute par dessus. Ces 
barques sont montées par quatre hommes vi- 
goureux, qui doivent avec adresse retirer la 


474 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


nappe très-promptement. Une barque peut, 
dans une bonne pêche, prendre jusqu'à deux 
cents livres de Féras. On les porte dans toutes 
les villes, situées sur le lac, dès le matin, car 
on n’estime dans ces endroits que ce quon 
appelle les Féras de nuit. 

C'est un poisson blanc qui ne pèse guère 
plus de deux à quatre livres; sa chair est 
délicate, mais si facile à se corrompre, quelle 
ne peut supporter le transport. On la mange 
fraiche et on ne la sale point. 

A ces détails, qui nous ont été communi- 
qués par M. de Candolle, M. Jurine en ajoute 
d’autres dans l'excellente histoire qu'il a donnée 
de ce poisson. Il a fait voir que les nombres 
des rayons varient considérablement dans 
presque tous les individus, puisqu'il trouve 
des pectorales qui ont tantôt douze et tantôt 
dix-huit rayons; les ventrales onze et treize. 
11 démontre que la Féra appartient essentiel- 
lement aux eaux du lac, puisqu'il croit qu'elle 
nest pas connue dans le Valais et qu'on n'en 
prend pas dans les nasses de Genève. Cela 
me fait penser que le poisson figuré par Du- 
hamel n'est pas, comme je le suppose, une 
Féra; ce serait alors une mauvaise figure du 
Lavaret. Cependant je ne puis croire quune 
erreur d'un dessinateur ait conduit à donner. 


CHAP. VIIf. CORÉGONES. 475 


un trait si semblable à celui d'un poisson quil 
n'aurait pas eu sous les yeux. Quand la Féra 
est retirée dans les profondeurs du lac, sa 
chair est moins bonne. Elle commence à frayer 
sur Les bas-fonds vers le 12 ou le 15 février. 
Au commencement de juillet les Féras quittent 
le banc de Travers pour remonter les deux 
rives du lac; elles alimentent alors la pêche 
sous Coppet, Morges, Meillerie, etc. Elles sont 
si délicates qu'on peut à peine les garder un 
jour en réservoir. Déjà, au bout de quelques 
heures, leurs yeux commencent à blanchir. 
Outre la Féra du Travers, on distingue encore 
le poisson des bas-fonds sous le nom de Féra 
blanche; celle qui se tient à la surface pour 
se nourrir de moucherons, sous le nom de 
Féra verte. Quand les Féras dépassent le poids 
ordinaire que nous avons indiqué plus haut, 
qu'elles ont atteint dix-huit pouces de lon- 
gueur et un poids de six livres, on dit qu'elles 
rivalisent avec les meilleurs poissons du lac 
pour la saveur et la délicatesse de la chair. 
M. Jurine a fait connaître une maladie sin- 
gulière de ces Féras, qui consiste dans un 
développement de tumeurs plus ou moins 
grosses et irrégulièrement disséminées sous la 
peau. En disséquant avec précaution, on met 
à découvert un sac mince et blanc, rempli 


476 LIVRE XXII, SALMONOÏDES. 


d'un liquide semblable à de la crême et qui 
na ni goût ni odeur. Les chairs environnantes 
sont violettes et décomposées; les os sont 
complétement mis à nu. M. Jurine a compté 
jusquà treize tumeurs sur le corps d'un de 
ces poissons; les plus grosses étaient du volume 
d'une noix. Je m'étonne que le médecin dis- 
tingué à qui nous devons ces observations, 
n'ait pas trouvé dans ces tumeurs des hel- 
minthes. Ce que j'ai observé des tubercules 
vermineux, si fréquents dans les épiploons du 
cheval et dans d’autres mammifères, ressemble 
tellement à la description que M. Jurine a 
donnée de ces tumeurs, que j'ai tout lieu de 
croire que de nouvelles recherches feront dé- 
couvrir un Strongle ou plusieurs Spiroptères, 
voisins sans doute du Spiroptera sanguino- 
lenta. 

M. Jurine a essayé de distinguer les diffe- 
rents poissons des lacs de Suisse qui ressem- 
blent à la Féra, et dont la nomenclature est 
encore fort incertaine. Nous avons rapporté 
plus haut les caractères qu'il assigne au La- 
varet. [l dit que la Féra se nomme à Constance 
WVeissfelchen, et à Zurich Blauling ou Brat- 


Jisch. 


CHAP. VII CORÉGONES. À77 


La PAL*ÉE. 


(Coregonus Palea, Cuv.) 


Nous devons aux soins de lillustre bota- 
niste que nous avons cité plus haut, les Palées 
du lac de Neufchatel. Les poissons que nous 
avons reçus sous ce nom, ont une forme assez 
différente des Féras du lac de Genève. 


Toute la partie du dos comprise entre la nuque 
et la dorsale est beaucoup plus soutenue, beaucoup 
plus arquée que dans la Féra. La partie du tronc 
qui suit la dorsale est plus allongée, d’où il résulte 
que malgré la plus grande courbure de la portion 
antérieure du dos, la hauteur n’est comprise que 
quatre fois et un tiers dans la longueur totale, comme 
dans la Féra. 

La tête de la Palée est sensiblement plus petite, 
du sixième de la longueur totale. Le bord du préo- 
percule descend plus droit; l'interopercule a son 
angle postérieur plus aigu. L’extrémité du museau 
est un peu plus saillante. Les écailles sont plus 
nombreuses et disposées sur les flancs par séries 
longitudinales plus disunctes. 

B. 8; D. 16 — 0; A. 15; C. 31; P. 16; V. 13. 

Nous comptons de quatre-vingt-cinq à quatre- 
vingt-dix rangées d’écailles le long des flancs. Enfin 
les teintes sont beaucoup plus rembrunies. Les ven- 
trales et l’anale sont presque noires. 


Les individus que nous devons à M. de 


A7S LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


Candolle sont longs de quinze à seize pouces. 
Il dit que cette espèce paraît dans le lac de 
Neufchätel en janvier et en février. 

Elle a beaucoup d’'analogie avec la Féra et 
la Gravenche, car ses formes approchent de 
la première espèce, et ses mœurs ressemblent 
davantage à celles de la seconde. En effet, 
elle habite le fond du lac pendant dix ou onze 
mois de l’année, mais au mois de novembre 
elle s'approche des bords, et alors on en prend 
un grand nombre. Elle aime les fonds caillou- 
teux. On la mange fraîche, et on en fait aussi 
des salaisons qu'on expédie en Suisse et même 
à l'étranger. M. de Lacépède, qui n'a connu 
ce poisson que par des notes de Noël de la 
Morinière, la confondu avec le Lavaret. Le 
beau travail publié par M. Vost sur l'embryo- 
logie des Salmones, est le résultat d'observa- 
tions faites sur les œufs et l'embryon de la 
Palée. M. Agassiz a observé que l’on peut en 
conserver les œufs dans des vases remplis 
d’eau, si on a soin d'agiter de temps en temps 
cette eau avec de petites verges. Ce mouve- 
ment empêche les œufs de se couvrir d'une 
petite mucédinée blanche, dont le dévelop- 
pement les fait bientôt périr. 


CHAP. VIILL CORÉGONES. 479 


La GRAVENCHE. 


(Coregonus hyemalis, Jurine.') 


Le lac de Genève nourrit encore une autre 
espèce de Corégone voisine des précédentes, 
mais que les pêcheurs et les gens du pays 
savent très-bien distinguer sous le nom de 
Gravenche. 

Le poisson me paraît plus arqué que les préceé- 
dents, parce qu'il a tout le dos régulièrement con- 
vexe. Les nageoires pectorales et ventrales sont plus 
larges que dans les précédents; le museau est un 
peu plus saillant au-devant de la mâchoire infé- 
rieure. Du reste ce sont les mêmes formes; une res- 
semblance assez frappante existe entre les viscères. 
Les petites écailles me paraissent ressembler plus à 
celles du Lavaret qu'a celles de la Féra. C'est sur- 
tout la pectorale qui est proportionnellement plus 
grande que celle de la Féra. 

B. 8; D. 15— 0; À. 13; C. 34; P. 16; V. 12. 

Nous avons examiné six exemplaires de 
cette espèce qui nous ont été envoyés de 
Genève par M. de Candolle. 

Le Cabinet du Roi en a recu aussi un 
exemplaire par M. Temminck, qui l'a donné 
à M. Cuvier en revenant de Genève. 


1. Jurine, Poissons du lac de Genève, pl. 8. 


4806 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Nos exemplaires sont longs de neuf à dix 
pouces. 

Suivant M. Jurine, les individus peuvent 
atteindre jusqu'à un pied. Il ne me paraît pas 
très- certain que cet auteur ait suflisamment 
caractérisé sa Gravenche; je ne serais pas 
étonné, d'après quelques mots de sa descrip- 
tion, sil avait confondu des Palées avec des 
poissons de l'espèce actuelle. Comme la Gra- 
venche ne se montre dans le lac que pendant 
le mois de décembre, et qu'elle disparait après 
un court séjour qu'elle a employé pour frayer 
sur les fonds graveleux du rivage, M. Jurine 
a donné à cette espèce le nom de Coregonus 
hyemals, pour la distinguer de la Féra, qui 
se tient pendant beaucoup plus de temps près 
de la surface du lac. Cet habile observateur 
dit que cette saison ne dure pas au delà d’une 
vingtaine de jours. Les couleurs pâles de la 
Gravenche lui ont fait donner le nom de Féra 
blanche, parce que les écailles latérales sont 
plus argentines que celles des Féras. Les ven- 
trales donnent, quand le poisson est vivant, 
des reflets irisés très-beaux. Enfin, M. Jurine 
observe que les rayons de la dorsale se redres- 
sent presque perpendiculairement, tandis que 
ceux de la Féra restent toujours inclinés. 

Les Gravenches marchent en troupes, et 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 481 


on les entend de loin au bruit qu'elles font 
en ouvrant et en fermant la bouche à fleur 
d'eau. Elles imitent dans ce mouvement des 
mâchoires le barbottement des canards. On 
les attire par la lueur de feux allumés sur le 
rivage. Lorsqu'on les retire du filet avec pré- 
caution, on peut les mettre en réservoir où 
elles vivent deux mois, si on a soin de renou- 
veler l'eau fréquemment et de la tenir toujours 
très-claire. Au delà de ce temps les poissons 
deviennent rougeûtres et ne tardent pas à 
périr. Elles diffèrent donc beaucoup des La- 
varets et des Féras, que l'on ne peut pas 
garder aussi longtemps en captivité. Leur es- 
tomac est rempli de coquillages et de débris 
de plantes aquatiques. Ilest assez, curieux 
que des animaux à canal intestinal aussi court 
soient herbivores. La chair est plus ferme et 
moins fade que celle de la Féra. 


La MaARrÈNE. 


(Coregonus maræna, nob.) 


Le poisson, très-célèbre à Berlin sous le 
nom de Madui- Marène, parce qu'il arrive 
dans cette ville du lac Madui, dans la basse 
Poméranie, à trois lieues de Stettin, est une 
 Corégone d’une espèce particulière. 

21. 51 


482 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Son corps est allongé. Le profil du dos est plus 
droit que celui du ventre, surtout au delà des ven- 
trales. La hauteur du tronc est comprise quatre 
fois et quatre cinquièmes dans la longueur totale, 
et celle de la tête y est environ cinq fois et demie. 
Le museau est assez saillant au-devant de la bouche : 
il y a une fois et demie le diamètre de lœil entre 
son extrémité et le bord antérieur du globe. Les 
maxillaires sont plus longs et moins courbés que 
ceux du Lavaret. Le bord du préopercule descend 
verticalement. L’interopercule est plus étroit, son 
angle plus arrondi. La pectorale est courte : elle n’é- 
gale pas tout à fait la ventrale, qui est très-large. La 
dorsale est à peine plus haute que la pectorale n’est 
longue. La caudale est fourchue. Les écailles sont 
plus grandes que celles des espèces précédentes. J'en 
compte quatre-vingt-quatre entre l’ouie et la caudale. 

B. 9; D. 15; A. 15; C. 31; P. 144 V. 12. 

La couleur est grise, nuancée de bleu ou de lilas 
sur le dos et perdue sous l’argenté brillant qui re- 
couvre tout le corps du poisson. La dorsale, l'anale 
et les ventrales sont rembrunies, les autres nageoires 
sont grises. 

La longueur de a que le Cabinet 
du Roi doit à la générosité de M. de Hum- 
boldt, est de dix-sept pouces. 

L'origine de ce poisson nous donnait déjà 
la certitude que nous avions sous les yeux 
le véritable Salmo maræna de Bloch". J'ai 


1. Bloch, Ichth., tab. 27, t. I, p. 180. 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 483 


encore une autre preuve de cette détermina- 
tion, parce que j'ai examiné les individus de 
Bloch dans la collection de Berlin. La figure 
de cet auteur n’est cependant pas d'une rigou- 
reuse exactitude. La troncature des lèvres, la 
saillie du museau et la position des maxillaires 
ne sont pas très-bien rendues. Bloch a eu 
raison de regarder cette espèce comme entiè- 
rement distincte des Lavarets quil tenait de 
Suisse. 

Je n'ai pas besoin de répéter à cet article 
que les ichthyologistes, comme Hartmann, 
qui ont cru retrouver en Suisse le Sa/mo 
maræna, se sont trompés. 

Outre le lac que nous venons de citer, il 
dit qu'on trouve aussi cette Marène dans les 
lacs d'Hitzdorfer et Callifer. 

Il paraît que ce poisson fraie en novembre. 
La pêche est assez profitable à cette époque. 
On envoie ces Marènes fort loin, en les enfer- 
mant dans de petites boîtes remplies de neige. 
Quoique ce poisson meure promptement hors 
de l’eau, on a réussi cependant à le transporter 
et à le faire vivre dans les étangs voisins. 


La MaARÈNE DE PALLASs. 
(Coregonus Pallasii, nob.) 


Nous avons recu des eaux douces de la 


484 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Russie, soit par les soins de M. Gaimard ou 
par la générosité de S. A. [. la grande duchesse 
Hélène, une Marène très-voisine de la précé- 
dente, mais qui sen distingue 
parce qu’elle a la pectorale plus pointue, les ven- 
trales plus larges, insérées moins en arrière; l’anale 
également plus avancée. Je trouve aussi à ce poisson 
L tête moins pointue ; le museau plus court. Les 
écailles me paraissent aussi plus petites. 
D. 15—0; A. 16; C. 31; P. 14; V. 13. 
Je compte cent rangées d’écailles le long des 


flancs. 
Le dos est bleu d'acier; le ventre est argenté, et 


tout le corps est beaucoup plus foncé que celui 

de la Marène. 

Toutes les nageoires sont remarquables par la 
teinte noire prononcée dont elles sont rembrunies. 
Les exemplaires qui nous sont venus de 

Pétersbourg ont seize pouces. 

J'ai retrouvé, dans la collection de Berlin, 
une Corégone desséchée et qui a été donnée 
par Rudolphi. Elle provenait des poissons de 
Pallas. La figure que jen ai faite et que je 
compare au poisson que je viens de décrire 
d'après nature, me paraît se rapporter tout 
à fait à notre espèce, Mais ce poisson na 
pas de nom. En cherchant dans le Fauna 
rossica, je crois que l'on doit rapporter la 
description du Salmo lavaretus de Pallas à 


CHAP. VIIL CORÉGONES. 485 


l'espèce dont nous nous occupons ici. Si cela 
esl, on voit que la synonymie donnée par cet 
auteur serait établie tout à fait arbitrairement. 
Ne trouvant pas dans les auteurs d'autre indi- 
cation de cette espèce de la Russie, je la dé- 
signerai sous le nom de Coregonus Pallasi, 
par respect pour la mémoire de ce grand 
naturaliste. 


La CORÉGONE A MUSEAU CONIQUE. 


(Coregonus conorhynchus, nob.) 


Nous avons recu de Russie une Corégone 
à museau plus saillant que l'espèce précédente 
et que la Marène des lacs de Poméranie, de 
sorte que 


la mâchoire inférieure est beaucoup plus recouverte 
encore par la supérieure que celle des espèces pré- 
cédentes. Ce poisson a la tête courte : elle est con- 
tenue six fois dans la longueur totale. Le dos est 
arrondi et la ligne du profil assez soutenue. Cette 
Corégone est à la précédente ce que la Gravenche 
est à la Féra. La dorsale est pointue; la pectorale 
est courte et arrondie; la ventrale est large. Les 
écailles sont nombreuses : il y en a quatre-vingt-huit 
rangées le long des flancs. 


D. 14— 0; A. 14; C. 31; P. 13; V. 13. 


Des lignes dorées sont assez bien conservées sur 
le dos bleu d'acier de ce poisson. La dorsale est 


486 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


jaune, bordée de noir. L’anale et les pectorales ont 

aussi un peu de noirâtre. Les ventrales sont blanches. 

Notre exemplaire est long de seize pouces 
et demi. Il a été donné au Cabinet du Roi 
par S. A. I. la grande-duchesse Hélène. 

L'étude que j'ai faite des figures de Bloch, 
me fait croire que le Salmo thymalus latus, 
planche 26, représente l'espèce actuelle. S'il 
en était ainsi, on serait bien obligé de con- 
venir que cette figure serait encore plus mau- 
vaise que ne le sont un grand nombre des 
planches de cette grande ichthyologie. Je n'ose 
vraiment présenter ce rapprochement qu'avec 
la plus grande incertitude. 

M. Cuvier a pensé que ce S. thymalus latus 
de Bloch pouvait être une variété du S. oxy- 
rhynchus de Linné au temps du frai. La forme 
de la tête me paraît tellement différer de 
celle de notre Oxyrhynque que je n'ose croire 
à cette supposition. Mais il ny a nul doute 
que l'espèce dont nous nous occupons ici ne 
nous conduise au Salmo oxyrhynchus. 

Je n'hésite pas à reconnaitre dans ce pois- 
son le Salmo oxyrhynchus de Pallas. La des- 
cription des couleurs et surtout des ventrales 
blanches et des pectorales cendrées lui con- 
vient parfaitement. Si notre détermination est 
juste, ce poisson, très-savoureux, à chair 


CHAP. VIIL CORÉGONES. 487 


ferme, blanche, est très-abondant dans les 
eaux inférieures du [eniséi et de tous ses 
affluents, surtout à Angora. Il l'est aussi dans 
le lac Madschar des monts saganiens, et aussi 
dans le grand lac Baïkal. On le voit encore 
dans la Léna, dans les lacs des plages arcti- 
ques, mais point dans l'Océan ni au delà de 
l'Obi. A l’époque du frai, qui a lieu près du 
Baïkal vers le mois d'août, tout le corps se 
couvre d'exanthèmes blancs comme plusieurs 
de nos cyprins. On trouve cette corégone dans 
tous les fleuves, les torrents et les ruisseaux 
de la Daourie, et elle reste pendant toute 
l'année dans Les profondeurs du fleuve Bargu- 
sin. Elle atteint, dans le Baïkal, jusqu'à quinze 
livres ; on en prend communément du poids 
de cinq à six. Pallas a trouvé dans un de ces 
poissons des cas d'hermaphroditisme. 

On ne peut pas conserver à cette espèce 
le nom d'Oxyrhynchus, puisque Linné l'avait 
donné à une des Corégones, commune dans la 
Baltique et dans la mer du Nord. C'est pour 
cela que nous changeons ce nom en celui 
que nous adoptons, et qui reproduit assez 


bien l'idée de Pallas. 


À8S LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


La CORÉGONE A PETITE BOUCHE. 


(Coregonus microstomus , Pallas.) 


Pallas' a indiqué, par une très-courte des- 
cription, cette espèce remarquable par la pe- 
titesse de sa bouche et dont les nageoires 
inférieures sont rougeâtres. Il l’a trouvée très- 
semblable d’ailleurs à son Salmo oxyrhyn- 
chus; elle en différait, non-seulement 

par sa bouche plus pette, mais par un museäiu 

moins prolongé et par un corps plus arrondi. Les 

écailles sont plus grandes. La dorsale et l’anale ont 

dix rayons. La couleur, pâle, a de beaux reflets 

d'argent. 

Cette espèce remonte de la mer dans les 
fleuves qui se rendent dans la Léna vers 
l'Orient, et seulement au-dessous de Pembou- 
chure du Kiringa. Elle est aussi commune 
dans les eaux du Kamtschatka. Les Russes de 
la Sibérie orientale l'appellent /7alok, à cause 
de son corps cylindrique. Pallas indique d’au- 
tres noms encore. 


Le Hourinc 
(Coregonus oxyrhynchus, nob.) 


est une espèce de Corégone qui se distingue 
de la Marène et des espèces voisines 


1. Faun. rosso-asiat., p. 405, n.° 271. 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 489 


par le prolongement de son museau conique, ter- 
miné en une pointe assez aiguë et qui dépasse de 
beaucoup l'ouverture de la bouche. L’os complé- 
mentaire du maxillaire forme un petit triangle plus 
large que ceux des espèces précédentes. La tête est 
petite, étroite et un peu plus courte que la hauteur 
du tronc, laquelle est comprise quatre fois et un 
peu plus de deux tiers dans la longueur totale. La 
dorsale est de grandeur moyenne. La pectorale est 
courte et pointue; la ventrale est courte, maïs assez 
large ; la caudale est fourchue. 


D:.14-- 0; A. 14; C.:31; P. 16: V. 13. 


Les écailles sont de grandeur ordinaire : on en 
compte soixante-seize le long des flancs. La cour- 
bure du ventre est un peu plus soutenue que celle 
du dos. La couleur, un peu verdätre, devient blan- 
che sur Les flancs et sur toutes les parties inférieures. 
Il y a un peu de noirâtre aux nageoires, excepté 
aux pectorales. 


Tel est ce poisson, commun dans les mers 
du Nord, mais qui ne s'avance pas jusque dans 
la Manche. Il entre dans la Meuse, dans le 
Waal, dans le Rhin et sur les grands affluents 
septentrionaux de la mer du Nord. On le 
prend quelquefois en assez grande abondance 
à Rotterdam, pour que les individus achetés 
pour la nourriture des passagers sur les ba- 
teaux à vapeur entre Rotterdam et les villes 
du littoral de la France, soient laissés sur ces 


490 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


places et apportés de temps à autre par les 
courriers sur les marchés de Paris. J'en ai 
acheté des exemplaires longs de quatorze 
pouces : j'ai pu en faire l'anatomie. La splanch- 
nologie ne diffère pas de celle des autres ma- 
rènes. On ne voit sur le squelette aucune trace 
de la saillie du museau ; les côtes et les apo- 
physes horizontales des vertèbres ressemblent 
à celles des marènes; les trous susmastoïdiens 
sont très-petits; le dessus du crâne a cinq ca- 
rènes, dont les deux externes ne forment plus 
qu'une légère crête au-dessus de l'orbite. Je 
compte à la colonne vertébrale cinquante- 
quatre vertèbres, dont les deux tiers portent 
des côtes. 

Outre ces exemplaires, le Cabinet du Roi 
en possède d'autres qui nous ont été donnés 
par M. Temminck, directeur du Musée royal 
de Leyde. L'espèce entre aussi dans le lac de 
Harlem. Je m'en suis procuré un, originaire 
de ces eaux, pendant mon séjour à Amsterdam 
en 1824. 

Ce nom de auting ou de Houting est très- 
probablement une corruption du mot Wi- 
ting que les pêcheurs donnent à tous les pois- 
sons blancs de mer ou d’eau douce. 

Artedi, et avant lui Rondelet, ont connu 
ce poisson sous sa dénomination vulgaire. Le 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 491 


peu de mots que Rondelet dit sur la forme 
du museau, sur la couleur noirâtre et sur la 
petitesse des écailles, me prouvent qu'il avait 
vu ce poisson quil dit commun à Anvers, et 
très-connu sous le nom de Æautin; mais il 
ajoute quil a trois nageoires sur le dos, éloi- 
gnées l'une de l'autre à des intervalles inégaux. 
Je ne sais comment expliquer cette singulière 
erreur; est-ce, comme le suppose M. Cuvier, 
parce que l'ichthyologiste de Montpellier au- 
rait recu une mauvaise figure de ce poisson ? 
Est-ce, parce que l’auteur aurait vu un indi- 
vidu monstrueux ? Il est difficile aujourd’hui 
de le décider; mais ce dont on ne peut 
douter quand on a observé la nature, c'est 
que Rondelet n'a examiné le poisson dont 
nous parlons. 

Sa figure a été reproduite par Gesner, par 
Willughhby, et tous ces auteurs l'ont donnée 
comme lOxyrhynque de Rondelet, qui ne 
pensait pas retrouver dans ce poisson Les Oxy- 
rhynques des anciens. 

M. de Lacépède n’a pas moins tiré de ce 
chapitre l'article de son genre Triptéronote, 
qui doit être évidemment réformé, et en 
même temps il reproduisait la même espèce 
parmi ses Corégones, en employant les docu- 
ments de Linné. 


492 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


Nous avons déjà dit que Schônevelde avait 
appliqué à ce poisson le nom d'ÆZbula nobilis, 
donné par Gesner à une autre Corégone. 
Artedi, employant différemment ces deux ma- 
tériaux semblables, quoique puisés dans deux 
auteurs, a mentionné, dans sa Synonymie, 
deux fois le Jouting; une première, d'après 
Schônevelde, comme une variété du Lavaret, 
et une seconde fois, d'après Rondelet, pour 
former sa quatrième espèce de Corégone, qui 
est devenue, à la dixième édition du Sys- 
tema naturæ, le Salmo oxyrhynchus. 

Bloch a donné une très-mauvaise figure de 
cette espèce, en la confondant de la manière 
la plus étrange avec le Salmo lavaretus, fort 
mal déterminé avant M. Cuvier, et en mettant 
sous elle une synonymie composée des êtres 
les plus divers. Son histoire est un mélange 
d'emprunts faits aux différents auteurs qui 
ont traité, soit du Szlmo oxyrhynchus, soit 
d’autres Corégones. 

Je vois que cette espèce se porte assez haut 
vers le Nord, puisqu'elle est citée dans le 
Prodrome de lIchthyologie scandinave de M. 
Nilsson'. On en prend deux variétés; l’une, 
noirâtre, à museau plus court, vient du lac 


4. Nilsson , Prod. icht. Scand., p. 14. 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 493 


Mälarn, et se vend en abondance sur Les mar- 
chés de Holm, dans les mois d'octobre et de 
novembre; l'autre, plus pale, à museau plus 
long, vient du lac Wenern : on l'appelle V&bb- 
s1k. Celle-ci fraie au mois d'octobre. 


Le Tscurr. 
(Coregonus nasutus, nob.) 


M. Ebrenberg nous a donné un des exem- 
plaires de la Marène, qu'il a prise dans l'Ir- 
tisch, pendant le voyage où il a accompagné 


M. de Humboldt. 


C'est de toutes les espèces, celle dont la mâchoire 
supérieure, quoique tronquée, est la moins épaisse. 
Le maxillaire est étroit; sa pièce supplémentaire est 
assez haute et assez libre. Les deux mâchoires sont 
égales. Le corps est plus haut qu'aucune des autres 
espèces. La hauteur du ironc, mesurée sur la dor- 
sale, égale ou surpasse le quart de la longueur totale. 
La tête est courte : elle ne mesure que les deux uers 
de cette hauteur. La pectorale est arrondie et moins 
longue que celle de la précédente. La dorsale et 
l’anale ont leurs derniers rayons plus bas. 

D. 143 A. 17; C. 31; P. 15; V. 12. 

Les écailles sont beaucoup plus grandes que dans 
l'espèce précédente. Le dos est d’un bleu grisâtre; le 
ventre est argenté; il y a des lignes grises longitu- 
dinales qui se voient par reflets. Je vois du noir 
aux ventrales et à l’anale; du noirâtre à l'extrémité 


494 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


de la dorsale. Les pectorales et la caudale me pa- 

raissent aussi pales que celles de la Marène. 

Le Salmo nasutus de Pallas me paraît res- 
sembler plus que toute autre à la corégone 
que je viens de décrire. Cet auteur indique 
que ce poisson de la Sibérie est très-commun 
dans PObi et dans ses affluents; mais on lui a 

2 
rapporté que, dans les golfes et dans les lacs 
voisins des rivages de l'Océan arctique, l'espèce 
existe en beaucoup plus grande abondance. 
Pallas donne les différents noms de ce poisson 
dans le dialecte de ces peuples septentrionaux. 

Lepechin a donné une figure de cette espèce 

SRG Le o no 
qui nous aide dans cette détermination; il l'a 
publiée sous le nom de Tschir. 


Le Muxsux. 


(Coregonus muksun , nob.) 


Après ces espèces, qui avoisinent plus ou 
moins le Lavaret, nous en trouvons une dans 
les eaux douces de la Russie qui s'en dintingue 


par son corps plus arrondi, plus allongé; par sa 
longue tête; par la grandeur de son œil. La hauteur 
est cinq fois et demie dans la longueur totale; l’é- 
paisseur surpasse la moitié de cette hauteur. La tête 
est un peu plus longue que le cinquième du corps 
enter. L'oeil est gros et saïllant; le diamètre de l’or- 
bite entame la ligne du profil : il est le quart de la 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 495 
longueur de la tête. La longueur du museau au- 
devant de l'œil égale ce diamètre; il en est de même 
de l'intervalle qui sépare les deux yeux. La pectorale 
est pointue. La dorsale est petite; l’anale l’est davan- 
tage; la caudale est fourchue. 


D,,13% À 14. € 531%P MTS, 12. 


Les écailles sont petites et imbriquées de manière 
à avoir la forme de petites losanges placées à la suite 
l'une de l’autre comme des mosaïques. Je compte 
quatre-vingt- quinze écailles dans la longueur. La 
ligne latérale est très-fortement marquée par de 
petits tubercules relevés et obliques sur les écailles. 
Tout le dos, bleu d'acier, est très-rembruni vers le 
haut. Au-dessous de la ligne latérale un argenté 
bleuàtre colore les flancs; le ventre est tout blanc. 
La dorsale et la caudale sont grises; les autres na- 
geoires sont blanchâires. 


La longueur de nos individus est de qua- 
torze pouces. Ils faisaient partie de la belle 
collection qui a été envoyée par la grande- 
duchesse Hélène, 

Ces espèces commencent à nous conduire 
à celles qui ont la mâchoire inférieure plus 
avancée que la supérieure; car, déjà dans ce 
poisson cette mâchoire parait plus longue lors- 
qu'elle est abaissée. 

Il ne serait pas impossible que nous n'ayons 
sous les yeux le Sa/mo Muksun de Pallas; car 
c'est une espèce qui, avec les formes que nous 


496 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


venons de décrire, a le dos rembruni sous une 
teinte générale argentée. Si cela est, ce Muk- 
sun de la Sibérie, que les Samoyèdes et les 
Tartares désignent aussi sous les noms rap- 
portés par Pallas, manque au Jéniséï, mais on 
le transporte de l'Obi pendant l'hiver, après 
l'avoir durci dans la glace. Cette corégone 
remonte à l'automne en grandes troupes de 
la mer glaciale dans tous les fleuves de la 
Sibérie; on la croit aussi des fleuves qui se 
jettent dans la mer Blanche; mais elle ne 
parait pas exister dans la mer Baltique. 


La CORÉGONE DE REISINGER. 
(Coregonus Reisingeri, nob.) 


Nous avons recu de Vienne une Corégone 
du Danube voisine de cette espèce, mais qui 
en est cependant différent. 

Ce poisson, très-bien préparé, a le corps assez 
arrondi. La hauteur est cinq fois et quelque chose 
dans la longueur totale. La rête est plus courte que 
cette hauteur. Il se distingue encore du précédent 
par la brièveté de la pectorale et en général de 
toutes ses nageoires. | 

D. 14; À. 12; C. 31; P. 16; V. 15. 

Les écailles sont à peu près aussi pelites que 
celles de l'espèce précédente, puisque j'en compte 
quatre-vingt-douze le long des côtés. 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 497 


La couleur est plombée sur le dos; bianche, ar- 

. gentée sous le ventre. Toutes les nageoires sont 

noiratres. \ 

Cet individu est long de dix pouces : ila 
été envoyé du Danube par M. Schreibers, 

C'est peut-être là l'espèce que M. Reisinger 
a indiquée dans son Ichthyologie, en la con- 
sidérant comme le Salmo maræna de Gmelin 
ou de Bloch. Son poisson a en effet les na- 
geoires bleues, bordées de noir; l'adipeuse noi- 
ratre ; les écailles à reflets argentés, rembruni 
sur le dos, d'un bleu jaunûâtre sur les côtés et 
blanc en dessous. Cette Corégone, originaire 
des lacs profonds de la Hongrie, fraie en 
novembre. | 

Je ne suis pas très-sur de l'exactitude de 
ma détermination ; mais ce qui me parait cer- 
tain, c'est que l'auteur que je cite n’a pas dé- 
crit le Sa/nmo maræna de Bloch. 


La CoRÉGONE DE NiLsson. 


(Coregonus Nilssoni, nob.) 


Nous avons recu de Suède et de Norwége 
une petite Corégone propre aux contrées sep- 
ientrionales de l'Europe qui est voisine des 
précédentes, mais qui s'en distingue 

par son corps plus comprimé; par sa tête pointue; 

2 
21. | 3a 


498 © LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


le museau est trônqué ; un peu moins obtus que 
celui du Lavaret, mais plus haut que celui de l’es- 
pèce précédente. La tête, étroite et allongée, est 
comprise cinq fois et demie dans la longueur totale. 
La dorsale et l’anale sont basses; les Dép ae sont 
pointues; les ventrales sont moins développées que 
celles des précédentes. Sans l’adipeuse, on prendrait 
ce poisson pour un hareng, quoique la bouche 
soit faite tout différemment. 
D. 15; A. 15; C. 31; V. 19; P. 44. 

Le dos est bleu d'acier; les chtés argentés. Il ya 
du noirâtre aux ventrales, à l'anale et à la caudale. 
La dorsale est grise, les pectorales sont blanches. 


M. de Mertens nous a donné une collection 
assez complète des individus de cette espèce, 
en réunissant les trois âges de cette corégone, 
et en nous faisant connaître les noms qu’elle 
recoit en Suède à ces trois époques de la vie. 
Les individus de quatre à cinq pouces sont 
appelés Seolen où Gang-fische; ceux de sept 
‘ pouces Renken, et ceux de neuf à dix Blau- 
felchen. 

Nous devons aussi à M. Nilsson la posses- 
sion d'individus adultes de cette espèce; cela 
nous à fait reconnaître le Coreponus lavaretus : 
dé cet auteur qu'il avait, avec assez de raison, 
comparé au Salmo MWartmanni de Bloch. 
L'ichthyologiste suédois dit qu’on ne trouve 
ces salmonoïdes que dans le lac Bolmen au 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 499 
mois de décembre; mais il y en a des variétés 
plus petites dans des lacs de Smalande, où 
lespèce ne fraie qu'au mois d'octobre. 

Je crois avoir observé dans le Cabinet de 
Berlin un poisson de cette espèce; car le 
dessin que j'en ai fait, ressemble parfaitement 
aux individus que j'ai sous les yeux. Bloch 
l'avait confondu avec son Salmo Vartmanni : 
il était ainsi étiqueté par lui. 


‘Le Syrok. 


(Coregonus Syrok, nob.) 


L'espèce que je désigne ici d'après Pallas, 
doit ètre voisine de la précédente, si elle n'est 
pas la même. Voici ce que l'on Leu extraire 
de la description du célèbre ouvrage sur la 
Fauné de la Russie. E 


Le Syrok est un poisson qui a la forme d’un 
Cyprin; la bouche plus ouverte que celle du Sz/mo 
polcur; la mächoire inférieure plus courte que la 
supérieure quand la bouche est fermée, mais elle 
est un. peu plus longue si la bouche est ouverte. 
Les écailles sont un peu plus peutes que celles du 
Lavaret de Pallas ; la couleur, argentée, est bleuâtre 
au-dessous de la ligne latérale et rembrunie vers le 
dos. Les nageoires sont brunes ; la dorsale et la 
ventrale, un peu plus foncées, F ÉURALENE presque 
noires. 


500 s LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


- Ces poissons ont un pied de long. Pallas a 
cru qu'il avait sous les yeux le Salmo vimba 
de Linné; mais celui-ci > d'après le témoignage 
de M. Nue appartient à un autre groupe; 
car dans l'espèce de Linné la mâchoire infé- 
rieure est plus longue que la supérieure et 
remonte au-devant d'elle: voilà pourquoi je 
n'ai pas adopté la dénomination sous laquelle 
cette espèce a été décrite dans la Faune russe. 
Paillas dit que c'est le Syrok des Russes établis 
en Sibérie. Il donne aussi des noms dans les 
dialectes tongous et samoyèdes. | 

Ce Syrok se trouve dans l'Obi et dans les 
autres fleuves de la Sibérie orientale qui se 
rendent à l'Océan arctique. Il est également 
commun à Petchora et dans les lacs de la plage 
arctique; on dit même quil remonte jusqu au 
lac Baïkal. 

Le Six. 


(Coregonus sikus, nob.) 


Nous avons reçu par les soins des natura- 
listes de l'expédition de la Recherche une Co- 
résone, que l'on prendrait, sans un examen 
attentif, pour la même espèce que la Corégone 


de Nilsson, 


mais elle s'en distingue par une tête beaucoup plus 
petite, comprise cinq fois et demie dans la longueur 


PR CHAP. VII. CORÉGONES. 501 
totale, parce qu'elle a le corps beaucoup plus rac- 
courci. Un autre caractère, qui sert aussi à la faire 
reconnaître, consiste dans la largeur du sous-oper- 
cule. Il faut avouer d’ailleurs que ces deux poissons 
sont aussi voisins l'un de l’autre que plusieurs es- 
pèces d’Ables; il faut donc beaucoup d'attention 
‘pour arriver à les reconnaitre. Celle dont je m'oc- 
cupe dans cet article a la pectorale plus courte; le 
museau plus épais et tronqué plus obliquement. IL 
y à à peu pa les mêmes différences entre ces deux 
poissons, qu'entre le Lavaret du lac du Bourget et 
la Féra du lac de Genève. 


Nous avons trouvé aussi des exemplaires 
de cette espèce dans les collections faites au 
cap Nord, par M. Noël de la Morinière. Les 
exemplaires que nous devons à ce collecteur 
‘sont plus grands que les précédents : ils ont 
de douze à quatorze pouces de long. 

_ Cette espèce a été figurée par Ascanius, 
tab. 30; il a cru que c'était la même que le 
Lavaret du lac du Bourget, et il la cru aussi 
de la même espèce que les Corégones d'An- 
gleterre. Ce sont toutes ces confusions qui ont 
empêché de déterminer ces diverses espèces. 
Celle-ci, des lacs alpins de la Norwége, y est 
connue sous le nom de Sz4 ou de Æelt. On la 
voit aussi descendre les fleuves jusqu'à leurs 
embouchures. On la trouve dans le Nid, près 
d'Arendahl. Elle fraie dans les trois derniers 


502 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. À 


mois de l'année, et alors le mâle a les écailles 
hérissées de tubercules pointus, qui disparais- 
sent ensuite; il paraîtrait même qu'il y aurait 
une sorte d'accouplement entre les deux sexes 
de ce poisson. Non-seulement Ascanius a con- 
fondu son espèce avec le Lavaret de France 
où le Gwyniad, qui sont des poissons du 
même genre, mais encore avec la Vandoise, 
qui est un Cyprin. Il est possible que cette 
espèce ait été prise par M. Nilsson pour le 
Coregonus fera. J'avoue cependant que cette 
détermination me paraît aussi incertaine que 
celle du Coregonus lavaretus de cet auteur. 


Le Pozrax. 


(Coregonus sde Thompson.) 
M. Thompson ma envoyé de Loug-Neagh, 


en-irlande, li Corégone pollan. C’est une es- 
pèce très-voisine de celle d'Ascanius. 


Elle a cependant la tête encore plus peute; les 
deux mâchoires beaucoup plus égales; la troncature 
du nez moins haute; les pectorales et les ventrales 
courtes, arrondies; la dorsale basse et à peu près 
ronde; les écailles sont de grandeur médiocre: on 
en compte quatre-vingts le long des flancs. 

D. 14 — 0; À. 114; C: 31; P.1414; V. 14. 

Le dos est plombé; le ventre est blanc. Je ne 

vois pas de noirâtre aux nageoires. 


CHAP. VII. CORÉGONES. 505 

J'avoue que j'ai quelque peine à reconnaître 
ce poisson dans la figure du Pollan, mise par 
M. Yarrell en tête de sa description. Mais, 
puisque je dois à M. Thompson, de Belfath, 
un individu étiqueté de sa main, je dois re- 
garder ma détermination comme exacte. 

Les ichthyologistes anglais sont d'accord 
pour distinguer ce poisson du Gwyniad. M. 
Thompson a reconnu, que la première men- 
tion de ce poisson est. faite dans l'Histoire 
du comté de Down, par Harris, publiée en 
1744. On le voit s'approcher du rivage en 
grandes bandes pendant le printemps, l'été 
et même une partie de l'automne. Vers le 
mois de septembre on le prend par bandes 
innombrables, puisque des coups de filet ont 
amené plus de dix-sept mille individus. On 
lui compte cinquante-neuf vertèbres. 


Y 


Le Powax. 


(Coregonus Cepedii, Parnell:) 


Le docteur Parnell, qui s’est beaucoup oc- 
cupé de l'Ichthyologie de l'Écosse, a distin- 
gué, sous le nom de Coregonus Cepedii, 

ce poisson, du lac Lhomond, l’un des plus grands 


et des plus pittoresques lacs de l’ouest de l'Écosse. 
En le croyant différent des espèces des Jacs du nord 


504 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


de l'Angleterre, de l'Écosse ou de l'Irlande, les ich- 
thyologistes anglais ont pensé qu'il pouvait exister 
dans les lacs de Scandinavie, mais cependant ils 
n’ont rien déterminé de précis à cet égard. L'espèce 
décrite par le docteur Parnell a la tête longue et 
étroite; la couleur du dos et des côtés est d’un bleu 
foncé avec un assez grand nombre de points sur 
le bord de chaque écaille. La portion inférieure de 
la dorsale, ainsi que les nageoires paires et l’anale, : 
sont d'un gris bleuâtre assez rembruni. L'auteur 
ajoute-qu'il y a des dents à la màchoire supérieure, 
et qu'il y en a de plus courtes et de plus nombreuses 
sur la langue. Mais je me demande s'il n’a pas pris les 
papilles de ces organes pour des dents; car la figure 
que M. Yarrell a donné de ce Povan me parait le 
rapprocher de toutes ces Corégones sans dents, et 
je ne vois pas que cet habile ichthyologiste les ait 
fait dessiner dans les vignettes qui représentent la 
bouche de grandeur naturelle. Les yeux sont grands; 
les écailles tombent facilement. 

Ce poisson atteint communément une lon- 
gueur de seize pouces. On les pêche en grand 
nombre dans le loch Lhomond, où on les ap- 
pelle Powan ou harengs d'eau douce, Fresh 
FVater Herring. 

J'ai retrouvé, dans les papiers de M. de 
Lacépède, fa description originale que Noël 
de la Morinière lui communiqua, et d'après 
laquelle cet illustre zoologiste a établi sa Co- 
régone clupéoïde. Noël, qui a connu le Fresh 


CHAP. VIIT. CORÉGONES. 505 


Water Herring, écrit aussi, pour nom vul- 
gaire, $pan ou Pollock. Il s'était rendu au 
loch Lhomond pour y connaître ces pré- 
tendus harengs de mer, naturalisés dans l'eau 
douce. La description qu'il a faite est un peu 
vague, comme celles de son époque, et sur- 
tout quand l’auteur ne connaissait pas l'anato- 
mie ou l'ostéologie des poissons. Mais, comme 
il dit très- - positivement que la bouche est 
dépourvue de dents, je crois, jusqu'à plus 
amples renseignements, devoir laisser le Po- 
wan de Parnell dans le genre des Corégones, 
et ce Powan serait bien, en effet, la Corégone 
clupéoïde de M. de Lacépède'. Comme cet 
ichthyologiste n’a pas eu connaissance du Sal- 
mo clupeoides de Pallas, qui est aussi une 
Corégone, il n'y a pas double emploi spéci- 
fique; mais nous ne pouvons quapprouver 
l'auteur anglais d'avoir fixé davantage le nom 
de cette espèce, en la dédiant à l'un de nos 
illustres maîtres. 

Ce Powan se nourrit de petits entomos- 
tracés, de larves d'insectes et de petits coléop- 
tères, ainsi que de larves de phrÿgane. 

Les espèces de Scandinavie que j'ai exami- 
nées me font penser que ce Coregonus Cepe- 
dit n’a pas encore été observé sur le continent. 


1. Lacép., Suppl, t. V, p. 698. 


506 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Le Porcur. 


(Coregonus Polcur, nob.) : 


Enfin, nous avons encore à décrire une es-: 
pèce de Russie, remarquable par la saillie de 
son museau. 


« 


Il est beaucoup plus allongé que celui de la Ma- 
*rène de Berlin, de sorte que la bouche est fendue 
autant en dessous que celle du Hauun. Ce beau 
poisson a la tête presque aussi longue que le corps 
est haut : elle est contenue cinq fois dans la longueur 
totale; Poil est éloigné du bout du museau d’une 
fois et demie le diamètre. La pectorale est petite et 
courte; la ventrale est large; l’anale basse; la caudale 
fourchue. FA | 
D. 42; A. 15; C. 31; P. 153 V. 11. 

Il y a quatre-vingt-neuf rangées d’écailles le long 
des flancs. Je vois du noir aux ventrales et à l’anale; 
les trois autres nageoires sont grises. 

Nous avons recu trois beaux exemplaires 
de cette espèce, de quinze à seize pouces de 
long, dans cette collection de la grande-du- 
chesse Hélène, que nous nous sommes fait un 
devoir de citer déjà tant de fois. 

Cette espèce a assez de rapports avec le Sa 
mo polcur de Pallas, pour que nous croyions 
retrouver ici le poisson des voyageurs russes. 
Il a été cité dans lAppendice du troisième 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 507 


voyage de Pallas sous le nom de Pydshjan, 
d'où il a passé dans la treizième édition du 
Systema naturæ et aussi dans M. de Lacépède. 
Cette Corégone, très-voisine des précédentes, 
remonte de la mer Glaciale dans l'Obi. 


Le Gwywrap. 


(Coregonus Pennantii, nob. sa 


Si j'ai été assez heureux pour voir le Pollan 
des lacs d'Irlande, je n'ai pas eu les mêmes faci- 
lités pour déterminer le Gwyniad du pays de 
Galles dont a parlé Willughby, et que Pennant 
a considéré comme la Féra du lac de Genève. 
Il suffit de jeter les yeux sur la figure de Pen- 
nant et sur celle publiée récemment par M. 
Yarreli' pour se convaincre que Les deux pois- 
sons sont bien d’ espèce voisine, mais qu'ils 

sont cependant tout à fait didiets 


Ce Gwyniad à la tête triangulaire; le museau tron- 
qué; les mächoires presque égales. Il ressemble sous 
ce rapport plutôt au Lavaret qu’à la Féra. M. Yarrell 

- lui donne de très-petites dents sur la langue, quoi- 
que Pennant dise que la bouche, petite, est sans 
dents. N'a-t-on pas pris, comme pour l’autre espèce, 
les papilles de la muqueuse pour des dents? Les 
parues supérieures de la tête et du dos sont bleu 


ne 


1. Yarrell, Brit. fish., t. IL, p, 85. 


508 LIVRE XXII SALMONOÏDES. 


foncé : elles s’éclaireissent sur les côtés en prenant 
une teinte jaunâtre. Les nageoires sont plus ou 
moins teintées de bleu foncé, particulièrement sur 
leurs bords. Ce poisson me paraît différer de la Féra 
par les teintes des nageoires, par la brièveté de la 
pectorale; par une têle moins pointue et par un 
museau plus court. 

Je m'étonne que Pennant ait cb andé ce 
poisson avec le Lavaret, et surtout avec la 
Féra, puisqu'il dit quil avait rapporté une 
Féra de quinze pouces, prise en Suisse. Mais 
à cette époque on ne regardait pas avec assez 
de détail ces espèces voisines les unes des 
autres, soit dans le groupe des Cyprins, soit 
dans un grand nombre d’autres genres des 
diverses classes. Pennant' confondait avec ces 
poissons le Pollan de Lough Neagh; Donovan 
na point figuré cette espèce parmi ses Pois- 
sons d'Angleterre ; Turton *, en copiant la Zoo- 
logie britannique, en a fait un Salino lava- 
retus; mais son espèce est d'ailleurs très-mal 
établie, puisqu'il a ajouté à la citation de Pen- 
nant celle de la Zoologie générale de G: Shaw”, 
l'une des plus mauvaises compilations zoolo- 


— 


1. Pennant, Brit. Zool., t. II, p. 267, édit. in-8.°, 1769, 
pl. 16. 

2. Turt., Brit. Faun., p. 104, n.° 101. 

3. Sh., Gener. Zool., vol. V, part. À, pisces, p. 88, pl. Rues 
fig. ? 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 509 


{ 
giques. Cet auteur, qui aurait dù mieux con- 


naître un des poissons communs dans son 
pays, a copié, pour représenter le Gwyniad, 
la très-médiocre figure du Lavaret de Bloch, 
cest-à-dire le Sa/mo oxyrhynchus de Linné. 
Cela explique les incertitudes de la phrase du 
British Fauna, et il faut conclure de là que 
l'espèce de M. Turton doit être rayée de la 
liste d'une synonymie rigoureuse. 

M. Jenyns' a aussi suivi toutes ces incerti- 
tudes, en exprimant cependant des doutes sur 
l'identité de ces poissons avec le Lavaret du 
continent. 

Je vois dans M. Yarrell que c'est le Shelly 
du Cumberland, si toutefois on n'a pas con- 
fondu encore une espèce voisine, de même 
qu'on y réunissait le Powan ou le Pollan, que 
lon a distingué depuis avec raison. 

Le Gwyniad du pays de Galles était très- 
abondant à ce lac de Fer, dans le Llyd-Thid, 
jusqu à l'époque de 1803 où les brochets s'é- 
tant multipliés dans le lac, ont diminué le 
nombre de ces corégones. 


1. Jenyns, Brit. vert., p. 432, n.° 113. 


519 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


La COoRÉGONE BLANCHE. 


(Coregonus albus, Lesueur.) 


Les eaux douces de l'Amérique septentrio- 
nale nourrissent une Corégone qui a une res- 
semblance très-grande avec notre Marène. Il 
faut une comparaison directe pour la distin- 
guer. Je suis convaincu que les naturalistes, 
placés dans l'heureuse position où se trouve 
M. Agassiz, distingueront, dans ces grands 
lacs, plus d'espèces que nous n'en connais- 
sons aujourd'hui. 


Celle que nous avons reçue a le museau tronqué, 
arrondi, saillant, et coupé si obliquement que la 
fente transversale de la bouche est tout à fait sous 

le museau. La courbure du dos, en arrière de la 

* dorsale, est assez sensible. La nageoire est moins 

pointue que celle de nos espèces d'Europe. L’anale 

est assez haute de l'avant, ce sont de grandes ven- 

irales et une pectorale assez pointue. Il ya quelque 
variété dans les proportions de ces parties. 
B:'9 3: D9 185 A:1413: :C)845 PL '1655VE 14. 

Nous comptons quatr e-vingt-trois écailles le long 
des flancs : elles n'offrent que deux stries concen- 
iques. La couleur est un argenté blanchâtre sur 
tout le corps. Les nageoires sont päles. 


Nos individus ont’ quinze pouces de long; 
la tête en a trois. Ils nous ont été envoyés du 


; 
| 


Le 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 5414 


lac Ontario par M. Milbert. On le trouve aussi 
dans les lacs Érié, Champlain, et dans tous 
les lacs intérieurs dé l'Amérique SeIEROr 
nale jusqu à 72 ° latitude nord. 

Mitchill n'a pas mentionné cette espèce, dé- 
crite pour la première fois par M. Lesueur', 
‘qui lui a donné pour épithète la traduction 
du nom vulgaire sous lequel on le connait 
dans toute l'Amérique : c'est le Whitefish. 
Quoique Mitchill n'en ait pas fait mention, 
cette corégone avait été indiquée longtemps 
avant lui par Pennant', qui la confondait avec 
le Gwyniad, et la regardait comme le Sa/mo 
lavaretus. M: Richardson* a publié sur cette 
espèce remarquable un très-long article, ac- 
compagné dun très-bonne figure, en lui 
conservant son nom canadien de Attihawmeg 
et celui de Lesueur. Après lui, M. Dekay* 
a aussi inscrit le Coregonus albus dans la 
Faune de New-York. M. Thompson, dans 
l'Histoire de l'État de Vermont, la donné 
sous le nom d’Alose des lacs (Lake shad). 
On trouve aussi ce poisson inscrit dans le 


Synopsis de M. Storer. 


1. Journ. de l’acad. des sc. de Philadelphie; vol. I, p. 231. 
2. Penn., Arct. zool. 

3. Faun. bor. amer., p. 195, n.° 75, pl. 89, fig. 2. 

4. Dekay, t. IX, p. 247, pl. 16, fig. 240. 


512 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


La CorÉGONE QUADRILATÉRALE. 


(Coregonus quadrilateralis, Richardson.) 


J'ai pu dessiner, srâce à la complaisance 
DEC > l 
de mon ami, M. Richardson, son Coregonus 
quadrilaterals. 


C'est une espèce à museau tronqué; à mâchoire 
inférieure plus courte que la supérieure; à bouche 
remarquablement petite et à couverture quadran- 
gulaire, Les nageoires sont petites ; les écailles sont 
de grandeur médiocre : celles de la ligne latérale, 
triangulaires, sont beaucoup plus petites que les 
autres : elles étaient toutes entourées d’un bord foncé 
presque noirâtre. Le dos est brun jaunâtre; les côtés 
sont plus pâles; le ventre est blanc de perle. 

D. 15; A. 48; CG. 19 —7—7; P.A45; V. 11 ou 13. 

J'ai compté dix-neuf rangées d’écailles entre la 
dorsale et la ventrale, et quatre-vingt-treize le long 
des flancs. 


M. Richardson, en nous envoyant ce pois- 
son, l'avait étiqueté Roundfish: c'est le Katheh 
des Indiens ou le Okengnak des Esquimaux. 
La description a été faite d’après un individu 
pêché dans le lac de l'Ours. Cette Corégone 
existe aussi dans les mers polaires, souvent 
aux embouthures des rivières de la Mine de 
cuivre et de Mackensie. Elle avait été indiquée 
déjà dans le Journal de Franklin. Je ne la“ 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 513 


vois pas citée dans les Faunes particulières des 
Etats de New-York, et M. Storer ne la inscrit: 
dans son Synopsis que d’après Richardson. 


La CORÉGONE OTSEGo. 
(Coregonus otsego, Dekay.) 


J'ai encore à placer dans cette première 
division des Corégones une espèce de l'Amé- 
rique septentrionale, décrite d’abord par M. 
Clinton’, et qui est reproduite ensuite dans 
la Faune de New-York par M. Dekay”. Je mai 
pas vu ce poisson. 

TER IE corps allongé et comprimé de très-petites 
_ écailles. La couleur brune jusque au-dessus de la ligne 


latérale est argentée en dessous, et des raies latérales 
foncées rappellent les couleurs du Labrax lineatus. 


Ces auteurs croient que ce poisson ne se 
trouve que dans le lac Otsego, et qu'il devient 
plus rare de jour en jour. Il mord peu à lha- 
mecon, mais des coups de seines heureux en 
ont ramené quelquefois plus de mille indivi- 
dus. M. Storer a cité ce poisson dans son S$y- 
nopsis , et il montre, avec raison, que l'espèce 
n'est pas encore bien établie, car les nombres 


4. Clinton, Med. and phil. reg., vol. WT, p. 388. 
2. New-York Fauna, y: 248. 


2 1. J 


514 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


des rayons ne sont pas suffisamment indiqués, 
et l’on ne concoit pas assez ce que les auteurs 
ont voulu dire par une lèvre protubérante et 


bifi de. 


Les différentes espèces de Corégones déjà 
décrites, sont toutes réunies par le caractère 
remarquable du prolongement de la mâchoire 
supérieure. Je vais traiter maintenant, dans 
cette seconde section, des espèces qui ont la 
mâchoire inférieure plus longue que l'autre. 
Nous en possédons plusieurs en Europe. J'ai 
pu en voir quelques-unes, les autres ne me 
sont connues que par les descriptions de Pallas 
et des ichthyologistes récents. Il en existe aussi 
dans les eaux douces de Amérique septentrio- 
nale : le Cabinet du Roï a recu du lac Ontario 
une de ces corégones, remarquable par sa 
grandeur et par son abondance, qui la rend 
l'objet d’une pêche importante sur les lacs. 


La CORÉGONE VIMBE. 


(Coregonus vimba, nob.) 


Je vais commencer par décrire la plus grande: 
de nos espèces. Elle a été connue de Linné; 
mais non d'Artedi; elle ressemble plus, au 
premier aspect, au hareng qu'à un saumon. “ 


CHAP, VIII. CORÉGONES. 515 


Son ventre est arqué et saillant. La hauteur est 
près de cinq fois dans la longueur totale. La tête 
est petite, du sixième de cette même longueur. L’œil 
est assez grand. La pectorale, pointue, est courte; 
là ventrale n’est pas wès-grande. La caudalè est 
fourchue. 

D: 315 À. 16; C. S1; P. 133 V. 10. 


Les écailles sont de grandeur moyenne; le dos 
est bleu; les flancs et le ventre très-argentés. 


. J'ai trouvé un exemplaire de cette espèce à 
l'embouchure de l'Escaut en 1824 : il est long. 
de sept pouces. M. de Humboldt nous en a 
donné un autre exemplaire venant de Péters- 
bourg. Il y en a un troisième dans le Cabinet 
du Roi, plus petit et dont j'ignore la patrie: 
c'est le Coregonus wimba de M. Nilsson ; les 
proportions sont exactement les mêmes. On 
le prend dans le lac d'Animmen, de la pro- 
vince de Dalécarlie, d’où Le poisson est trans- 
porté en Suède sous nom d'Anims-FPimba. 
Comme les autres espèces de ce genre, il fraie 
au commencement de novembre : sa chair est 
excellente. 

La détermination de M. Nilsson nous ap- 
prend à ‘reconnaître le Salmo wimba de 
Linné, indiqué très-brièvement dans le Sys- 
lema naturcæ. 

Il me parait, que le poisson figuré dans les 


516 LIVRE XXIL. SALMONOÏDES. 

Mémoires’ de l'Académie impériale de Saint- 
Pétersbourg par M. Ozeretskovsky, appartient 
à cette espèce. Ce naturaliste russe a présenté 
des pbservations sur un poisson, nommé im- 
proprement Hareng, et il a même proposé de 
nommer cette Corégone Pseudo-hareng. I a 
reconnu, en effet, que Son poisson n'appartient 
pas plus à ce genre que les Pollans d'Écosse, 
désignés également sous le nom de, Harengs 
d'eau douce. Nous äpprenons, dañs cette ob- 
servation, que ces corégones sont apportées 
à Moscou du grand lac Péreslaw Zaleski, si 
célèbre dans l'Histoire de la Russie par les 
premiers exercices de Pierre-le-Grand dans 
l'art de la navigation. Le Corésonus wimba 
y vient, tantôt gelé, tantôt enfumé, mais ja- 
mais salé comme les harenos : les habitudes 
de la vimbe sont celles des corégones. Elle 
fraie au mois de novembre; les œufs sont 
rougeäLres et petits. Hors de l'eau elle meurt 
bien vite. Les vimbes se tiennent dans le 
fond du lac, et ne montent pas dans la rivière 
de Troubège qui y entre, ou ne descendent 
pas dans la Weksa qui en sort. Comme on. 
prétend que cette corégone ne se trouve dans 


1. TU, p. 916, pl. 21. 


GHAP. VIII. CORÉGONES. 517 


aucun autre lac de la Russie, la ville de Pe- 
reslaw a placé ce poisson dans ses armes. 
En cherchant avec soin dans les descriptions 
de Pallas', je crois retrouver notre poisson 
dans son Sälmo albula, out en admettant que 
: Pallas a confondu avec elle la petite corégone. 


£a CoRÉGONE SARDINELLE. 


(Coregonus sardinella, nob.) : 


Nous devons aussi à l'illustre auteur des 
recherches sur l'Asie centrale, une autre espèce 
de Marène prise dans lfrüsch : c'est le Sa/mo 
clupeoides de Pallas. 

Cette espèce a la mâchoire inférieure beaucoup 
plus saillante que la précédente. L'œil est plus près 
du bout du museau. Le maxillaire est plus long. La 
pectorale est courte et pointue; la ventrale, petite, 
est arrondie. La dorsale est peu élevée. 

D. 13; A. 16; C. 31; P. 15; V. 11. 

Les écailles sont très-petites. Les couleurs ressem- 
blent à celles de l'espèce précédente; c’est du bleu 
violacé sur le dos et de argenté sous le ventre. 


Nos individus sont longs de six à sept pouces. 
M. Ehrenberg a donné un exemplaire de ce 
poisson au Cabinet du Roi. 


1.'Pallas, Faun. rosso-asiat., p. 413, n.° 283. 


518 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 

J'ai dessiné à Berlin, d'après les individus de 
la collection donnée par Rudolphi, le Sa/mo 
clupeoides de Pallas; je suis par conséquent 
sûr de la détermination énoncée au commen- 
cement de cet article. Mais, comme M. de 
Lacépède a publié une Corégone . clupéoïde 
différente de celle-ci, 1l devient nécessaire de 
changer le nom de Pallas, et pour rappeler 
la comparaison que cet illustre zoologiste avait 
faite, jemprunte à la Sardine étymologie du 
nom spécifique nouveau de ce poisson. Les 
Fungouses et les Russes riverains du Covyma 
l'abbé Seldetkan. 

Pallas avait recu sôn espèce du Kovyma, 
dans lequel les Seldetkans entrent des rivages 
de l'Océan arctique en troupes AAUAE ab les 
pendant le mois d'août. Ils remontent à plus 
de six cents mètres au-dessus des quartiers 
d'hiver établis sur le Kovyma; mais quand le 
fleuve commence à charrier, ces corégones 
redescendent à la mer avec les autres espèces 
anadromes. On les prend aussi dans les lacs 
qui sont au-dessous de ces lieux avec le Sa/mo 
leucichthys et YOmul. Les œufs, écrasés et 
cuits avec du lait, sont mangés comme une, , 
espèce de bouillie, 


CHAP. VIII CORÉGONES. b19 


Le Tucuux. 


(Coregonus tugün, Pallas.) : 


Pallas a donné, sous le nom de Salmo tu- 
gün, la description du Tughun des-Russes du 
Iéniséï. : 

Cette petite Corégone, rarement plus longue que 
le doigt, mais qui atteint -quelquefois cmq à six 
pouces, est assez semblable par sa forme et par sa 
couleur à notre Vandoise (Cyprinus leuciscus). 
Elle a le dos moins convexe que le Coregonus al- 
bula, mas plus:droit que la ligne du profil de 
l'abdomen; la tête plus comprimée que le corps et 
carénée depuis l’extrémité du museau jusqu'a la 
nuque. Les écailles sont minces, argentées; le dos 
est rembruni; le ventre blanc; les nageoires sont 
grisätres. La caudale est profondément fourchue. 

DM 14:10 5 P. L45 V. 10, 


Cette espèce, très-différente du Coregonus 
albula, est prise en très-grande abondance 
dans la partie boréale du Iéniséi, dans la 
Léna, le Tungunska jusqu'à Rybinskoi. Les 
Ostiaques se nourrissent de ce poisson qu'ils 
estiment beaucoup. A Sichek, en Sibérie, on 
les vend sous le nom de Tuguni Jeniseiskye, 
et on les sert, conservés dans le sel, pour 
exciter à boire. Po 

Comme cette espèce me parait un peu plus 


’ 


520 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


grande dans le pays des Samoyèdes, je ne m’é- 
ionnerais pas qu'une Corégone, dessinée au 
Kamtschatka par M. Mertens, ne füt «encore 
de la même espèce ; car les formes sont sem- 
blables, le dos est gris-roussatre, les dorsales 
sont cendrées. Je trouve cependant une diffé- 
rence dans la caudale, qui n'est pas aussi pro- 


fondément fourchue que le dit Pallas. 


La CorRÉGONE VEMME. 


(Coregonus albula, nob.) 


Une espèce de Corégone à mächoire infé- 
rieure prolongée se distingue des précédentes, 
parce que 

Ja saillie de la symphyse est beaucoup moins grande. 

Elle a aussi des écailles plus grandes. Sous ce rap- 

port notre poisson ressemblerait à notre première, 

mais elle a le corps beaucoup plus allongé et plus 

étroit; car la hauteur est plus courte que la tête, 

et elle est comprise six fois dans la longueur totale. 
D. 11; A. 13; C. 313 P. 15; V. 11. 


Ce sont d’ailleurs les mêmes couleurs. 


Nous avons recu ce poisson des lacs d'Écosse 
par M. Mac-Cullock. Notre exemplaire a près 
de sept pouces de longueur. 

Je le crois de la même espèce que le Bütka 
de Dalécarlie que M. Marklin, adjoint, à la 


CHAP, VIII. CORÉGONES. 5924. 


Société des sciences d'Upsal , a donné au Ca- 
binet du Roi. Ce poisson vient du lac Siljan, 
dans la province Dalarne en Suède, et il nous 
la remis comme étant le véritable Salmo al- 
bula de Linné. Ces exemplaires ont de quatre 
à cinq pouces. | 

Nous trouvons, en effet, la dénomination 
vulgaire, citée plus haut dans Aftedi' et das 
le l'auna suecica*. Cest donc à le Salmo, 
albula de Linné qui s’est conservé dans la 
treizième édition, ainsi que dans Lacépède. 
Cest également l'espèce de Bloch; car il a lui- 
même reconnu, dans son édition posthume, 
que son Per marænula® est de la même 
espèce. Mais Gmelin ayant adopté la première 
dénomination de Bloch, a conservé un SaZmo 
marænula, que M. de Lacépède n’a pas man- 
qué de copier dans le même chapitre où il 
placait le Salmo albula. Q 

Le Salmo albula est assez bien représenté 
dans Ascanius* sous le nom de Vemme. A 
cause de la ressemblance de ce poisson avec 
‘le hareng, on lui donne communément le nom 


de Land sild sur les bords du lac Mics, près 


, Arte SYnt, 118; n:2}4} 

. Faun. suec., p. 119, n.° 313. 

. Bloch, pl. 28, fig. 3. 

4. Ascanius , Îc. rer. nat., t. XXIX. 


9 19 > 


522 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


de l'embouchure de la rivière-de Loven. M. 
Nilsson* l'a cité dans son Prodrome des Pois- 
sons de Scandinavie. L’exemplaire que nous 
avons recu de M. Mac-Cullock nous a prouvé 
que ce poisson se trouve dans les eaux de la 
Grande-Bretagne. Les auteurs plus récents, 
comme MM. Jardine et Yarrell, n'ont pas re- 
c@nu dans ce poisson l'espèce de Linné. Le 
premier de ces deux ichthyologistes a pubhé de 
ce poisson, connu sous le nom de Yendace où 
de F’endis, une très-bonne figure d’après des 
exemplaires de Castle Loch Lochmaben, dans 
le comté de Dumfries. On croit que ce lac est 
la seule localité où l'on connaisse ce poisson, 
et suivant les traditions du pays il y aurait été 
introduit par la reine Marie d'Écosse. Il l'a 
appelé Coregonus Willughbei. Cette dénomi- 
tion a été do da par M. Yarrell?; mais je 
vois que M. Jenyns* est revenu à la dénomi- 
nation linnéenne. Suivant Bloch, ces petites 
marènes se trouvent dans la Silésie, la Marche, 
la Poméranie, le Mecklenbourg, sur les ai 
de sable ou de glaise. [ls Siéiehet les endroits 
couverts d'herbe pour y déposer leurs œufs, 
qui sont très-petits. Dans plusieurs endroits 


1. Nilsson, Coregonus albula, p. nie n.° 6. 
2. Yarrell, p. 89. 
8. Jenyns, p. 432, n° 115. 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 523 


on fume ces marènes, ou on les encaque dans 
des tonneaux, comme les harengs, pour les 
répandre dans le pays. “Oo 

Je trouve dans les dessins que M. Mertens 
a faits au Kamtschatka, la représentation d'un 
poisson 


qui a le dos verdâtre; les flancs teintés de bleu; le 
_ventre argenté et toutes les nageoires grises. La tête 
est courte : elle est comprise près de huit fois dans 
la longueur totale. La caudale est peu fourchue. On 
a indiqué : 
D. 20; À. 14. 

Ce poisson a beaucoup de ressemblance 
avec le Coregonus albula, et cependant je 
n'ose aflirmer qu'il soit de la même espèce >. 
c'est une indication que je laisse aux soins des 
D | 


La.CoRÉGONE CLUPÉIFORME. 


(Coregonus clupeiformis, : Mitch.: ; Coregonus Artedi, 
Lesueur ; Coregonus RE on dson.) 


Les eaux douces de l'Amérique septentrio- 
nale ont aussi leùr Marène à mâchoire -infé- 
rieure plus longue que la supérieure. Il faut 
cependant bien remarquer que la saillie de 
cette mâchoire est beaucoup moins forte que 
celle des autres espèces. 


524 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


La forme dn corps est allongée et plus régulière 
que celle de notre marænula , parce que ral cour- 
bure du dos est plus semblable à celle du ventre. 
La hauteur est comprise cinq fois et deux tiers dans 
la longueur totale. La tête est un peu plus allongée; 
l'œil est grand; le maxillaire atteint jusqu’au cercle 

- de la pupille. La dorsale est basse; la pectorale 
petite et pointue; la ventrale assez grande; la cau- 
dale fourchue. 

D. 13; A. 43; C. 31; P. 16; V. 11. 

Les écailles sont plus grandes que dans aucune 

autre espèce. Le dos est bleu d'acier; le ventre 


blanc; la dorsale et la caudale grises et foncées. Les 


autres nageoires sont blanches. 

Nos exemplaires, longs de dix à douze 
pouces, ont été envoyés du lac Ontario par 
M. Milbert. 

Cette éspèce, très-commune en Amérique, 
a recu, comme la plupart des poissons qui 
sont observés successivement par plusieurs na- 
turalistes, plusieurs noms. Elle à d'abord été 
décrite par Mitchill sous le nom que nous lui 
conservons. Cette dénomination est, selon 
moi, parfaitement fixée, attendu qu'elle a été 
adoptée avec raison par M. Dekay”, qui a 
donné dans sa Faune de New-York une très- 
bonne figure : c'est le Shad Salmon des lacs. 


À | 


1. Dekay, New-York Fauna, p. M8, pl. 60, fig. 198. 


CHAP. VIT. CORÉGONES. 525 


M. Lesueur, qui na pas déterminé l'espèce 
de Mitchill, a donné une figure de ce même 
poisson, avec une courte description dans le 
Journal de l'Académie des sciences de Phila- 
delphie; croyant l’espèce nouvelle, il l'a dédiée 
à Artedi et cette dénomination a été acceptée 
par M. Richardson, dans sa Faune de l'Ameé- 
rique septentrionale. Mais, en même temps 
qu'il acceptait cette espèce de Lesueur, sans 
parler du Salmo clupeifornus de Mitchill, :l 
reproduisait la même espèce un peu plus loin, 
en la décrivant alors comme nouvelle, sous le 
nom de Coresonus lucidus. 

J'ai pour garant de cette détermination les 
individus de M. Richardson, qu'il m'a permis 
de comparer aux nôtres : ce double emploi a 
été répété dans le Synopsis de M. Storer. 
Le Coregonus lucidus a été décrit d'après un 
individu pêché dans le Jac de lOurs, qui va 
du 65° au 67° latitude nord, et qui est traversé 
par le grand courant de la rivière Mackensie. 
L'auteur remarque que la rapidité de la chute 
n'empêche aucun poisson de remonter de la 
mer arctique dans le lac. Les riverains du lac 
lappellent Æerring- Salmon. On voit, par 
conséquent , que les pêcheurs des différentes 
contrées du globe ont tous été frappés de la 


ressemblance qui existe entre-ce poisson et le 
: 


526 LIVRE XXIL. SALMONOÏDES. , 


hareng, non-seulement dans hu formes M 
mais dans les habitudes de se réunir en bandes 
considérables. 


La CoRÉGONE TULLIBÉE. 


(Coregonus tullibee, Richardson} 


J'ai encore à placer dans cette deuxième 
division des Corégones une espèce de üi- 
chardson", que je n'ai pas vue. Cette espèce, 
des contrées arctiques , est le Tullibée des 
chasseurs canadiens qui font le commerce de 
pelleteries. Les Indiens l'appellent Ottonee- 
bees. Elle est plus dispersée dans les eaux de 
ces contrées que le Coregonus albus, mais on 
ne la prend pas en aussi grand nombre. La 
description a été faite sur des individus pris 
à Cumberland-House, dans les lacs de l'ile des 
Pins. Cest un poisson d'un gris verdatre sur 
le dos, argenté sous le ventre; le dessus de la 
tête est plus bleu. 


La CORÉGONE CYPRINOÏDE. 
(Coregonus cyprinoides , Pallas.) 


‘J'ai vu à Berlin, dans la collection de Pallas, 
un poisson qui ressemble beaucoup à la des- 


1. Fauna bor. amer. , p. 201. 


. 


CHAP. VIILL CORÉGONES. ET: 4 


cription quil a donnée de son Salmo cypri- . 
noides. En effet, sans la dorsale on le prendrait 
pour un able, voisin de la rosse (Cyprinus 
| ASSUME RES M 
Le corps est ovale; la hauteur est le tiers de la 
longueur totale. La mâchoire inférieure dépasse la 
supérieure. ‘Celle-ci a très-peu d’épaisseur et n’est 
pas tronquée. La tête est courte; la pectorale petite; 
l'anale assez haute et à peu près ‘semblable : à la dor- 
sale. Jai compté: 
D. 14; A 15; C. 81; P.18; V. 13. 
J'ai trouvé quatre-vingt-dix écailles entre l’ouie 

et la caudale. . 

Pallas dit que la couleur est celle du lava- 
ret, auquel il ressemble, mais que sa forme 
est plus large. Ce poisson a été communiqué 
à Pallas par Merk, sous le nom de Munduthan. 
L'individu du Cabinet de Berlin est long d'un 
pied : il porte dans la collection le n° 71. 

Ce poisson me paraît ressembler beaucoup 
à la figure que Lepechin' a donnée de son 
Salmo peled. La différence la plus sensible 
que jy trouve, consiste dans les points mar- 
qués sur le corps, sur la tête et dans les rayures 
brunes de la dorsale. Ce Peled des Russes 
d'Archangel et de Mängaséa a été observé à 


1. Lepechin, Reisen, WI, pl. 12. 


528 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


Pethschora. Pallas ajoute que l'espèce abonde: 
pendant toute l'année dans le lit du Iéniséï et 
dans les lacs voisins. Elle se montre au prin- 
temps en plus grande quantité. Les nombres 
sont très-semblables : à ceux de l'espèce précé- 
dente. 

D. 11; À. 45. 

Je crois que cette description de Lepechin 
se rapporte -au poisson décrit dans cet article. 
Si l'observation faite sur la nature montrait 
qu'il s'agit ici d'une espèce distincte, elle pren- 
drait rang dans le genre sous le nom de Core- 


gonus peled. 
L'Onu. 


> (Coregonus omul, Lepechin.) 


L'Omul de Lepechin ressemble par la forme 
réoulière de son corps ovale à un Cyprin, ou 
si lon veut, aussi à une Alose. 

La tête est petite, conique, convexe, et la mâchoire 
inférieure est plus longue. Le corps est assez épais, 
comprimé et presque caréné sur le dos. Les écailles 
sont grandes, surtout au-dessous de la ligne latérale. 

b''S48, Cr Pt 

La couleur est un blanc argenté, passant au bleu 
au-dessus de la ligne latérale, et devenant tout à 
fait rembrumie sur le dos et sur lé vertex. La dor- 
sale est brune. L'adipeuse et les autres nageoires 
sont blanches. 


CHAP. VII. CORÉGONES. 529 


Telle est la description d'un poisson qui 
remonte en troupes immenses de la mer Gla- 
ciale à la fin de l'automne dans les fleuves du 
Petschora, du Téniséi, de la Léna et du Ko- 
vyma. L’Omul parvient ensuite dans les lacs 
alpins du Madschar par la Tuba, et par la 
Tungusca et l'Angara, dans le Baïkal, où il se 
multiplie en telle abondance, que des migra- 
tions régulières ont lieu de ces lacs vers ces 
fleuves. Il ne paraît pas cependant que l'espèce 
se porte sur les rives occidentales du Baïkal, 
mais la pêche s'en fait sur les sables des côtes 
méridionales en août, ou quelquefois en juil- 
let, et elle continue pendant l'automne jus- 
qu'à l'époque de la congélation des fleuves. 
On prend lespèce par myriades, tellement 
qu'elle sert à la nourriture des tribus trans- 
baïkales pendant le carême des Russes. On 
la vend à si bas prix, que les habitants con- 
servent ce salmone salé dans de grands ton- 
neaux, à la porte de leur maison comme une 
sorte de don de la nature. Le froid fait ren- 
trer les individus dans les profondeurs des 
lacs. Quand les poissons sont salés récemment, 
ils sont assez agréables à manger, surtout grillés; 
mais ils se gâtent facilement; ceux qui sont 
pris plus tard sont conservés par la congéla- 
ton. Les œufs, conservés dans un peu de sel, 


21. 34 


530 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


sont un condiment agréable. Les Russes, en 
Sibérie, disent proverbialement : Celui qui a 
goûté aux œufs de l’'Omul ne reverra pas la 
Russte. 

La pêche de cette Corégone occupe un 
grand nombre de bras des différents points 
de la Sibérie; il n'est pas rare qu'un coup de 
filet ramène deux à trois mille de ces pois- 
sons, dé manière à en remplir sept à huit 
grands tonneaux. On connaît la présence de 
ce poisson quand les pélicans ou les mouettes 
poursuivent activement ces troupes de coré- 
gones; les pélicans surtout en remplissent en 
nageant la grande poche qui leur pend sous 
la mandibule inférieure. 

Pallas avait d'abord désigné ce poisson, dans 
_ses voyages, sous le nom de $ac/mo autumna- 
Es, épithète qu'il a ensuite donnée à une autre 
espèce, ainsi que nous l'avons vu plus haut. Il 
a ensuite reconnu que Greorgi avait désigné 
la même espèce sous le nom de Sa/mo mi- 
gratorius. Gmelin, n'ayant pas saisi l'identité 
de ces deux espèces nominales, les a intro- 
duites dans le Systema naturæ, d'où elles 
ont passé dans l'Histoire naturelle de M. de 
Lacépède. 


CHAP. VIIIL CORÉGONES. * 531 


La COoRÉGONE RUDOLPHIENNE. 


(Coregonus Rudolphianus, nob.) 


Je dédierai à la mémoire de mon célèbre 
ami Rudolphi l'espèce que j'ai trouvée éti- 
quetée dans la collection de Pallas, sous le 
faux nom de Salino peled. 

C'est un poisson qui a le corps allongé. Le profil 
est un peu plus soutenu vers la nuque qu’à la dor- 
sale. La hauteur à cet endroit est un peu plus grande 
que la tête, et est comprise cinq fois et trois quarts 
dans la longueur totale. Celle du tronçon de la 
queue derrière l'adipeuse, surpasse un peu la moitié 
de cette hauteur. La tête est étroite et a le museau 
pointu; la mâchoire inférieure plus longue. Les 
écailles sont de moyenne grandeur : il y en a quatre- 
vingts le Iong des flancs, et dix-neuf dans la hau- 
teur, Jai trouvé pour nombres : 

DAS ANTE: CG. 19525 155 NV 28 

Le corps m'a paru. avoir été verdâtre sur le dos, 
blanc sous le ventre et à reflets argentins. Les na- 

geoires avaient encore une teinte rougeàtre. 


Ce poisson, remarquable par son corps trapu 
et Sa tête allongée, est étiquetée, dans la col- 
lection de Pallas, sous le nom de Salmo peled; 
mais, en lisant la description de la Faune russe, 
il est impossible d'admettre cette détermina- 
tion; Car il est bien évident que Pallas a établi 


52 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


son espèce d'après Lepechin, qui nous a fait 
connaître par une figure la physionomie de 
son poisson. Puisque M. Rudolphi a généreu- 
sement donné au Cabinet de Berlin toutes les 
espèces de lillustre naturaliste de Pétersbourg, 
on comprendra pourquoi j'ai dédié à ce savant 
anatomiste le poisson dont il s’agit ici. 


La CORÉGONE HARENG. 


(Coregonus harengus, Richards.) 


Le naturaliste anglais, que j'ai tant de plaisir 
à citer, a décrit un poisson du lac Huron que 
je n'ai pas vu, mais dont il a donné une figure 
montrant que cette Corégone est extrème- 
ment voisine de la précédente. Elle s’en dis- 
unguerait cependant beaucoup si, comme le 


dit M. Richardson, 


la langue est véritablement recouverte de trois ran- 
gées de petites dents visibles à la loupe. Le poisson 
est d’un vert olive sur le dos, argenté sur les côtés 
et sur le ventre. 


Je ne puis placer qu'avec doute cette espèce 
à la suite de ce genre; car j'ai tout lieu de 
croire que le curieux caractère signalé par 
M. Richardson entraînera la séparation géné- 


1. Rich., Faun. bor. amer., p. 210; pl. 90, fig. 2. 


CHAP. VIII CORÉGONES. 533 


rique de cette espèce, et que l'on devrait y 
réunir une autre Coxégone décrite dans cette 
même Faune. 


La CorÉGoNE DU LABRADOR. 


(Coregonus Labradoricus, Richardson.') 


Je ne connais aussi ce poisson que d'après 
M. Richardson. Il se rapproche du précédent 
par ses mächoires et son palais sans dents, et 
par les quatre rangées qui sont sur la langue. 

Il en diffère, parce que le museau est tronqué et 
que la mâchoire supérieure me paraît plus longue 
que l'inférieure. Les écailles sont orbiculaires et 
disposées par rangs. L'espèce ressemble en général 
au Coregonus quadrilateralis. Les nombres sont : 

D. 15; À. 15; C. 35; P. 15; V. 11 ou 12. 

Ce poisson vient de la rivière Musguaw, qui 
se jette dans le golfe Saint-Taurent, près de 
l'ile Mingan. 

Lorsque nous connaîtrons mieux cette ‘es- 
pèce et la précédente, si les naturalistes les 
réunissent pour en former un genre particu- 
lier, nous retrouverons en lui les deux sections 
que nous avons signalées dans nos Corégones. 

Parmi les dessins que j'ai faits des poissons 
que nous a communiqués M. Richardson, 


4. Rich., L cit, t. IL, p. 206, n.° 719. 


534 LIVRE XXIL. :SALMONOÏDES. 

jen trouve un aussi remarquable par la peutesse 
de sa tête que par la singulière disposiion de sa 
bouche. La longueur de la tête est du sixième de 
la longueur totale, tandis que la hauteur du tronc 
n'y est comprise que cinq fois et quelque chose. La 
hauteur de la tête, prise à la nuque, mesure la 
moitié de sa longueur,ret l'ouverture de la bouche 
est du tiers de cette mème tête. La pectorale est 
longue et pointue : elle atteint presque jusqu’à la 
ventrale. L'anale est presque aussi haute que la dor- 
sale. Les écailles sont de moyenne grandeur : il ÿ en 
a cinquante-cinq dans la longueur et quinze dans la 
hauteur. Chacune d'elles est ciselée de huit à dix 
stries fines et rayonnantes. 


D. 10; A. 10; C. 19; P. 16; V. 8. 


Ce poisson est appelé par les naturels Vat- 
Chee-Gœs. 11 a été pêché dans la rivière de 
Saskatehewan. L'individu est long d’un pied. 

C'est un curieux poisson que je ne retrouve 
pas cité dans l'ouvrage de M. Richardson. Je 
n'ose donner de nom à ce Salmonoïde, parce 
que je ne puis pas assez préciser la forme des 
dents, des mâchoires, et par conséquent fixer 
d'une manière assez certaine le genre. Ma pre- 
mière impression avait été cependant den 
faire une Corégone, puisque j'avais placé ce 
dessin à côté des autres espèces du même 
genre. On pourrait l'appeler Coregonus an- 
gusticeps ? 


CHAP. VIII. CORÉGONES. 53» 


Le NELMA. 


(Coregonus leucichthys, Pallas.) 


L'une des plus grandes espèces de Coré- 
gones décrites, doit être le Salmo nelma de 
Pallas et de Lepechin, décrit aussi par Gul- 
denstædt, sous le nom de Zeucichthys. 


Ce poisson a la tête longue, plus étroite que le 
corps, allongée vers le museau en un cône convexe; 
elle est comprimée ou un peu aplatie aux opercules. 
Le museau est obtus et un peu tétraèdre. La mà- 
choire supérieure est plus courte; l'inférieure est 
arrondie, Les mâchoires sont tout à fait sans dents, 
mais ce serait une de ces espèces voisines de celles 
observées par M. Richardson ; elle aurait sur la langue 
une double série de dents si petites qu’elles seraïent 
seulement sensibles au tact. 11 y en a aussi un arc 
sur le devant du palais. Le corps a de grandes 
écailles, est oblong, lancéolé, très-épais, très-gros. 
La convexité du ventre et du dos sont pareilles. 

D. 15: À. A4; C. 1; P/165 #11. 

La couleur du dos est d’un brun bleuâtre passant 
au blanc de lait sous l'abdomen. Les flancs sont 
argentés. La dorsale est de la couleur du dos; la 
caudale, fourchue, un peu plus brune; la pectorale, 
blanchâtre, a le bord cendré. 


Les plus grands exemplaires ont de trois 
à quatre pieds de long et atteignent de trente 
à quarante livres de poids. Cette espèce, in- 


536 LIVRE XXII. SALMONOÏDES. 


connue aux eaux de l'Europe, au lnbtietà 
ses affluents, que l’on ne voit pas dans le lac 
Baïkal, remonte, surtout pendant l'hiver, en 
très-grande abondance de la mer Caspienne 
dans le Wolga, le Jaïk et le Kama. Cest dans 
ce dernier fleuve qu'on prend le plus grand 
nombre d'individus. Le Nelma remonte aussi 
de l'Océan dans l'Obi, la Léna, le Kovyma 
et lIndiguirka. 

La figure que Lepechin a-donnée de son 
Salmo nelma, et surtout celle de la splanch- 
nologie , me fait croire qu'il a effectivement 
décrit une Corégone. Cependant, si la langue 
et le palais portent de petites dents, il faudra 
bien admettre que le poisson appartient à un 
autre genre. Serait-1l congénère des espèces 
américaines que jai rappelées tout à l'heure ? 
Il faut aussi se demander si Pallas n'a pas 
confondu plusieurs espèces. Il me paraît assez 
difficile de croire, qu'un poisson de la mer 
Caspienne se retrouve dans la mer Glaciale : 
cest donc encore ici une espèce incertaine. 


FIN DU TOME VINGT ET UNIÈME. 


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