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Full text of "Histoire naturelle"

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HISTOIRE 
HAEPRELLE ; 
QUADRUPÈDES, 


TOME ONZIÈME 


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HISTOIRE 
NATURELLE 


Pan BUFFON, 


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DÉDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, 
MEMBRE DE L'INSTITUT NATIONAL. 


QUADRUPEDES. 
TOME ONZIEME. 
Vu 


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RICHMOND 
COLLECTION. 


| NN # A. 
À PARIS 


Q Hional Muse CS 
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À LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE 
DE P. DIDOT L'AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N° 3, 
ET FiRMIN DIDOT, RUE DE THIONVILLE, N° 116, 


: r AN VIT — 1399. 


HISTOIRE 


DNA LU RE L LvE 


PENLA CIVETTE. 


M. de Ladebat a envoyé , en 1772, à 
M, Bertin , ministre et secrétaire d'état, 
une civette vivante. Cet animal avoit été 
donné par le gouverneur hollandois du 
fort de la Mine , sur la côte d'Afrique, 
au capitaine d’un des navires de M. de 
Ladebat père, en 1770. Elle fut débarquée 
à Bordeaux au mois de novembre 1772 : 
elle arriva très-foible ; mais , après quel- 
ques jours de repos, elle prit des forces, 
 etau bout de cinq à six mois elle a grandi 
d'environ quatre pouces. On l’a nourrie 


avec de la chair crue et cuite , du pois- 
1 


NP MALTE PTE ATEN 


6 HISTOIRE NATURELLE 
son , de la soupe, du lait. On a eu soin. 
de a tenir chaudement pendant l'hiver ; . 
car elle paroît beaucoup souffrir du froid, « 


et elle devient moins méchante lorsqu'elle “ 
y est exposée *. à 

* Lettre de M. de Ladebat à M. de Buffon. « 
Bordeaux, 3 novembre 1772. 4 


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DE LA GENETTE. 


Jar dit , à l’article de la genette:, 
que l'espèce n’en est pas fort répandue; 
qu'il n'y en a point en France ni dans au- 
. cune province de l’Europe, à l'exception 
de l'Espagne et de la Turquie. Je n’étois 
pas alors informé qu'il se trouve des ge- 
nettes dans nos provinces méridionales, 
et qu’elles sont assez communes en Poitou, 
où elles sont connues sous le nom de ge- 
nettes, même par les paysans, qui assu- 
xent qu’elles n’habitent que les endroits 
humides et le bord des ruisseaux °. 

M. l'abbé Roubaud, auteur de la 
Gazette d'agriculture et de plusieurs autres 
ouvrages utiles, est le premier qui ait 
. annoncé au public que cet animal exis- 
toit en France dans son état de liberté ; 
1l m'en a même envoyé une, cette année 


1 Tome III, page 3or: 
? Extrait des 4ffñches du Portou, du jeudi 10 
février 1774. | 


ô HISTOIRE NATURELLE 

1775, au mois d'avril, qui avoit été 
tuée à Civray en Poitou, et c’est bien le 
méme animal que la genette d'Espagne, 
à quelques variétés près dans les couleurs 
du poil. Il se trouve aussi des genettes 

dans les provinces voisines. + 


—— TES 
RE 


« Depuis trente ans que J'habite la pro- 
vince de Rouergue, m'écrit M. Delpèche, 
j'ai toujours vu les paysans apporter des 
genettes mortes, sur-{out en hiver, chez 
un marchand, qui m'a dit qu 1 y eu 
avoit peu, mais qu’elles habitoient aux 
environs de la ville de Villefranche, et 
qu'elles demeuroient pendant l'hiver dans 
des terriers , à peu près comme les lapins. 
Je pourrois en Mae as de mortes s’il 
étoit nécessaire ! 


Nous donnons ici la figure d'une ge- 
nette femelle , qui nous a paru différer 
assez de la femelle genette ? pour mériter 


1 Lettre de M. Delpèche, maïtre-ès-arts, à 
M. de Buffon. Villefranche de Rouergue, 6 août 


#77. 
3 Tome ILE, planche XV, page 299. 


DE LA GENETTE. 9 


d’être décrite et dessinée. On la montroit 
à la foire Saint - Germain en 1772 ; elle 
étoit farouche et cherchoïit à mordre. Son 
maître la tenoit dans une cage ronde et 
étroite ,-en sorte qu'il étoit assez difficile 
de la débeater On ne la nourrissoit que 
de viande. Elle avoit la physionomie et 
tous les principaux caractères de la ge- 
nette du tome IÎl, la tête longue et fine, 
le museau alongé et avancé sur la mûi- 
choire inférieure , l'œil grand, la pupille 
étroite , les oreilles rondes, le poil de la 
tête et du corps moucheté, la queue 
longue et velue. Elle étoit un peu plus 
grosse que celle du tome IT, quoiqu’elle 
füt encore jeune; car elle avoit grandi 
assez considérablement en trois ou quatre 
mois. Nous n’avons pu savoir de quel 
pays elle venoit ; son maître l’avoit ache- 
tée à Londres sept ou huit mois aupara- 
vant. C’est un animal vif et sans cesse en 
mouvement , et qui ne se repose qu’en 
dormant. 

Cette genette avoit vingt pouces de 
longueur sur sept pouces et demi de 
hauteur ; elle avoit le dessus du cou plus 


to HISTOIRE NATURELLE 
fourni de poil que l’autre genette ; celui 
de tout le corps est aussi plus long ; les k 
anneaux circulaires de la queue sont | 
moins distincts, et même il n’y a point | 
d’anneaux du tout au-delà du tiers de la 
queue ; les moustaches sont beaucoup. 
plus grandes, noires, longues de deux : 
pouces sept lignes , couchées sur les : 
joues, et non droites et saillantes comme 
dans les chats ou les tigres ; le nez noir, 
ct les narines très-arquées ; au-dessus du 
nez s'étend une raie noire qui se prolonge 
entre les yeux , laquelle est accompagnée 
de deux bandes blanchâtres ; il y a une 
tache blanche au-dessus de l'œil, et une 
bande blanche au-dessous ; les oreilles 
sont noires , mais plus alongées et moins. 
larges à la base que les oreilles de la pre- 
mière genette ; le poil du corps est d’un 
blanc gris, mélé de grands poils noirs 
dont le reflet paroît former des ondes 
noires ; le dessus du dos est rayé et mou- 
cheté de noir ; le reste du corps mou- 
cheté de même, mais d’un noir plus 
foible ; le dessous du ventre blanc ; les 
jambes et les cuisses noires; les pattes 


DE LA GENETTE. rt 


courtes; cinq doigts à chaque pied ; les 
ongles blancs et sa la queue longue 
de seize pouces , grosse fe deux pouces à 
l’origine : dans le premier tiers de sa lon- 
sueur , elle est de la couleur du corps, 
rayée de petits anneaux noirs assez mal 
terminés ; les deux autres tiers de la queue 
sont tout noirs jusqu’à l'extrémité. 

pieds. pouces. lignes. 
Longueur du bout du museau à 


lPangle extérieur de l’œil..... » E Ô 
Ouverture de Pangle à l’autre... » ni) Q 
Distance entre les angles exté- 

rieurs des, VEUX Lu. sie 2 2 IX 
Distance entre l’angle postérieur 

de l'œil à Poreille........,. » pis STÈE 
Longueur de loreille......... .» 5 
Larceur 3 has... 2 x > 


12 HISTOIRE NATURELLE ÿ 


À 


ADDITION A É ARTICLE 


DE Ére GENETTE. 


NL. Sonnerat , correspondant du Cabi- 

net, nous a envoyé le dessin d’un am- 
mal sous la dénomination de chat mus= 
qué du cap de Bonne-Æspérance, mais qui 
nous paroît être du genre des genettes , 
ct nous en donnons ici la figure. Par la 
comparaison que nous en avons faite avec 
celle de la genette de France , déja donnée 
dans ce volume, et avec la genétte d'Es- 
pagne * , elle nous paroît avoir plus de 
rapport avec celle-ci ; cependant cette 
senette du Cap en diffère par la couleur 
du Fe qu’elle a beaucoup plus blanc : 
elle n’a pas / comme Fautre , une tache 
blanche au-dessous des yeux, parce que 
sa tête est entièrement blauche, tandis 


* Tome IL, ple XV. 


me 


TO 2 . 


LL 2.Pag.22. 


À 


GENETTE DU CAP DE BONNE-ESPERANCE 


“ 
DE LA GENETTE, 15 
que la genette d'Espagne a lesjoues noires, 
ainsi que le dessus du museau. Les taches 
noires du ‘corps, dans cette genette du 
Cap, sont aussi différemment distribuées ; 
et comme les terres du cap de Bonne-Es- 
pérance sont fort éloignées de l'Espagne 
et de la France, où se trouvent ces deux 
premiers animaux , il nous paroît que 
ce troisième animal que l’on a rencontré 
à l'extrémité de l'Afrique, doit êtreregardé 
comme une espèce différente, plutôt que 
comme une variété de nos genettes d'Eu- 
rope. 


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ADDITION AUX ARTICLES 


D:E (LA FOUC SN 


ET DE LA ZIBELINE. 


DE LA FOUINE*. 


Nous donnons ici la figure d’un animal 
américain qui a été envoyé de la Guiane 
à M. Aubry , curé de Saint -Louis , et qui 
est en très - bon état, comme tout ce 
qu'on voit dans son cabinet. Quoique les” 
dents manquent à cet animal , il m'a 
paru , dans toutes ses autres parties, si 
semblable à nos fouines par la forme du 
corps, que J'ai pensé qu'on pouvoit le 
regarder comme une variété dans l’espèce 
de ia fouine , dont celle-ci ne diffère que 
par la couleur du poil jaspé de noir et de 
blanc , par les taches de la tête, et par 


* Tome If, page 219. 


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LA FOUINE DE LA GUYANE . 


[ D'auquet À. 


Zom z . CHE Pl 4. Lag 14. . 


EP 


LA PETITE FOUINE DE LA GUYANE. 


ff auguet: F3 


#4 
HISTOIRE NATURELLE. 5 


la queue plus courte. Cette fouine de la 
Guiane a vingt pouces de longueur du 
bout du museau jusqu’à la naissance de 
la queue ; elle est plus grande par consé- 
quent que notre fouine, qui n’a que seize 
pouces et demi ou dix-sept pouces : mais 
la queue est bien plus courte à proportion 
du corps. Le museau semble un peu plus 
alongé que celui de nos fouines ; 1lest tout 
noir, et cenoir s'étend au-dessus des yeux, 
passe sous les oreilles le long du cou, et se 
perd dans Je poil brun des épaules. Il y a 
une grande tache blanche au - dessus des 
yeux qui s'étend sur tout le front, enve- 
loppe les oreilles, et forme le long du 
cou une bande blanche et étroite qui 
se perd au-delà du cou vers les épaules. 
Les oreilles sont tout-à-fait semblables à 
celles de nos fouines ; le dessus de la tête 
paroît gris et mêlé de poils blancs; le cou 
est brun , mêlé de gris cendré, et le corps 
est. couvert de- poils mêlés comme celui 
du lapin que l’on appelle riche, c’est-à- 
dire , de poil blanc et de poil noirâtre. Ces 
poils sont gris et cendrés à leur origine, 
ensuite bruns , noirs et blancs à leur 


16 HISTOIRE. NATURELLE. ( 


extrémité. Le dessous de la mâchoire est F 
d'un noir brun qui s'étend sous lecou, : 
et diminue de couleur sous le ventre, où 
il est d’un brun clair ou châtain. Les 
jambes et les pieds sont couverts d’un 
poil luisant d’un noir roussâtre , et les 
doigts des pieds ressemblent peut-être ” 
plus à ceux des écureuils et des rats qu'à … 
ceux de la fouine : le plus grand ongle | 
des pieds de devant a quatre lignes de 
Jong , et le plus grand ongle des pieds de 
derrière n’en a que deux. La queue est 
beaucoup plus fournie de poil à sa naïs- 
sance qu’à son extrémité : ce poilest châ- 
tain ou brun clair , mêlé de poils blancs. 
Un autre animal de Cayenne, qui a 
rapport avec le précédent, est celui dont 
nous donnons ici la figure. Il a été dessiné 
vivant à la foire Saint-Germain en 1768 ; 
il avoit quinze pouces de longueur dur. 
bout du nez à l’origine de la queue, la- 
quelle étoit longue de huit pouces, plus : 
large et plus fournie de poils à sa nais- 
sance qu'à son extrémité. Cet animal étoit 
bas de jambe comme nos fouines ou nos 
martes. La forme de la tête est fort 


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Tom mu. -: LUS Lag 17. 


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DELA FOUINE. 27 
approchante de celle de la fouine; à l’ex- 
ception des oreilles qui ne sont pas sem- 


blables. Le corps est couvert d’un poil 
laineux. Il y a cinq doigts à chaque pied, 


armés de petits ongles comme ceux de 


nos fouines. 


LA PETITE FOUINE DE MADAGASCAR. 


Iz y a plusieurs variétés dans l'espèce 
de la fouine. Nous donnons ici la descrip- 
tion d’une petite fouine qu’on trouve à 
Madagascar. = 


pieds. pouces, lignes. 
La longueur du corps, du bout 
du nez à l’origine de la queue, 
CASE OT EP T 2 4 


Elle a, comme toutes les fouines , les 
jambes courtes et le corps alongé ; sa tête 
est longue et menue ; les oreilles sont 
larges et courtes; la queue est couverte 


de longs poils. 


pieds. pouces. lignes. 


Le troncon de cette partie est de » 5 9 
a 


38 HISTOIRE NATURELLE 


nr pouces, lignes 1 


La longueur totale de Ja queue, | 
ÿ compris celle du poil, est de » re 
Les poils de l'exirérpité de la 


fuete OL: 2006008 ARE 
: si poils de Jia le de ont » » Lu 


Leur couleur est d’un brun roussâtre, 


ou musc foncé teint de fauve rouge; ce + 


qui est produit par le mélangé des poils, 
quisont d’un brun foncé dans la longueur, 
et d’un fauve rouge à la pointe : ce fauve 
foncé ou rougeâtre est le dominant aux 
faces latérales de la tête, sous le ventre et 
le cou. Cette petite fouine diffère de nos 
fouines par la couleur, qui est plus rou- 


geâtre , et par la queue, qui est touffue , 


Jongue , couverte de grands poils , large 
à son origine , et qui se termine en une 
pointe très-déliée. 


Ai va . 
: à 


» 2 ge 25 


P 
4 
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DE LA ZIBELINE.. x) 


DE LA ZIBELINE. 


Nous n’avons rien à ajouter à ce que 
nous avons dit de la zibeline*, que quel- 
ques faits rapportés par les voyageurs 
russes , et qui ont été insérés dans les 
derniers volumes de l'Histoire générale des 
#0yages. 


« Les zibelines vivent dans des trous ; 
leurs nids sont ou dans des creux d'arbres , 
ou dans leurs troncs couverts de mousse, 
ou sous leurs racines, ou sur des hau- 
teurs parsemées de rochers. Elles cons- 
truisent ces nids de mousse, de branches 
et de gazon. Elles restent dans leurs trous 
ou dans leurs nids pendant douzeheures, 
en hiver comme en été, et le reste du 
temps elles vont chercher leur nourriture. 
En attendant la plus belle saison, elles 
se nourrissent de belettes , d'hemhihes ! 
d’écureuils, et sur-tout de ae res mais, 
dans le temps des fruits , elles mangent 


* Tome VI, page 169. 


PROC EN US VACCINS 


r 


2 HISTOIRE Re 


des baies et plus volontiers le fruit du M 
sorbier. En hiver , elles attrapent des oi- «. 
seaux et des coqs de bois. Quand il fait \ 
de la neige, elles se retirent dans leurs 
trous , où elles restent quelquefois trois 

_ semaines. Elles s’accouplent au mois de 
janvier. Leurs amours durent un mois, 
et souvent excitent des combats sanglans 
entre les mâles. Après l’accouplement, 
elles gardent leurs nids environ quinze : 
jours. Elles mettent bas vers la fin de 
mars, et font depuis trois Jusqu'à cinq 
petits, qu’elles allaitent pendant quatre 
OU Six semaines. 

On ne les chasse qu’en hiver, et les 
chasseurs vont ensemble jusqu’au nombre 
de quarante à cette chasse ; ils y vont en 
canot, et prennent des provisions pour 
trois ou quatre mois. Ils ont un chef qui, 
arrivé au lieu du rendez-vous , ainsi que 
tous les chasseurs , assigne àchaque bande 
son quartier , et tous les chasseurs doivent 
lui obéir. On écarte la neige où l’on veut 
dresser des piéges ; chaque chasseur en 
dresse vingt par Jour. On choisit un petit 
espace auprès des arbres; on l'entoure, à 


è \ 
re < Ÿ 


DE LA ZIBELINE. 21 


une certaine hauteur , de pieux pointus ; 


on le couvre de petites planches, afin que 


la neige ne tombe pas dedans ; on y laisse 


une entrée fort étroite , au-dessus de la- 
quelle est placée une poutre qui n’est sus- 
pendue que par un léger morceau de 
bois; et sitôt que la zibeline y touche 
pour prendre le morceau de viande ou 
de poisson qu’on a mis pour amorce, ta 
bascule tombe et la tue.On porte toutes les 
zibelines au conducteur général, ou bien 
on les cache dans des trous d'arbres , de 
crainte que les Tunguses ou d’autres 
peuples sauvages ne viennent les enlever 
de force. Si les zibelines ne se prennent pas 
dans les piéges, on a recours aux filets. 
Quand le chasseur a trouvé la trace d’un 

de ces animaux, il la suit jusqu’à son ter- 
rier , et l’oblige d’en sortir au moyen de 
la fumée du feu qu'il allume ; il tend 
son filet autour de l'endroit où la trace 
finit, et sé tient deux ou trois jours de 
suite aux aguets avec son chien : ce filet a 
treize toises de long sur quatre ou cinq 
pieds de haut. Lorsque la zibeline sort de 
son terrier, elle manque rarement de so 


— 


3 


prendre ; et quand elle est bien embar: 
rassée dans le filet, les chiens l’étranglent. 


22 HISTOIRE NATURELLE. a 


1 


Si on les voit sur les arbres, on les tue à 


coups de flèches, dont la pomite est ob- 
tuse , pour ne point endommager la peau. 
La chasse étant finie, on regagne le 


rendez-vous général, et on se rembarque 


aussitôt que les rivières sont devenues 
navigables par le dégel *. 


* Histoire générale des y ages tome XIX, 
page 144 et suiv. 


‘ADDITION À L'ARTICLE 


DE LA BELETTE. 


© PR belette , appelée 7zoustelle dans 
le Vivarais, est naturellement sauvage 


et carnassière; la chair toute crue cest 


Le 


l'aliment qu’elle préfère : elle exhale une 
odeur forte , sur-tout lorsqu'elle est 
irritée. 

_ Les belettes qu’on prend très-Jeunes, 
perdent leur caractère sauvage etrevêche; 
ce caractère se change même en soumis- 
sion et fidélité envers le maître qui pour- 
voit à leur subsistance. 

Une belette que J'ai conservée dix mois, 
et qu'on avoit prise fort jeune, perdit une 
partie de son agilité naturelle lorsqu'elle 
fut réduite en captivité, et que je l’eus 
attachée à la chaîne. Elle mordoit furieu- 
sement lorsqu'elle avoit farm : on lui 
coupa les quatre dents canines très-ai- 
gués, qui déchiroient les mains jusqu’à 


\ 


547 
+ ee Fa 


l'os. Dépour vue de ses armes Sn de 
cn ayant plus que des. dents molaires 
Ou incisives , peu propres à déchirer, elle + 
devint moins féroce; et comine elle avoit 
sans cesse besoin se mes services pour 
manger ou dormir, elle commença à 
prendre de Patectitn pour moi, car 
manger et dormir sont les deux Hans 
besoins de cet animal. | 

Favois un petit fouet de fil qui pendoit 
près de son lit ; c’étoit l'instrument de 
punition lorsqu’ elle essayoit de mordre, 
ou qu'elle se mettoit en colère. Le fouiét 
domta tellement son ‘caractère colé- 
rique , qu elle trembloit, se couchoit 
ventre à terre , et Led la tête lors- 
qu’elle voyoit prendre cet instrument. 
Je n'ai Jamais vu. la: soumission exté- 
rieure mieux dépeinte dans aucun ani- 
mal; ce qui prouve bien que les châti- 
mens raisonnables employés à propos, 
accompagnés de soins, de caresses et de 
bienfaits, peuvent assujettir ét attacher 
à l’homme les animaux sauvages que 
nous croyons peu susceptibles d'éduca= 
tion et de reconnoissance. | 


2 à 


ne , AU "ON : 
0 . | Ne 


DE EX BELDETTE. 25 
Les belettes ont l’odorat exquis ; elles 
sentent de douze pas un petit morceau 


de viande gros comme un noyau de ce- 


rise et plié dans du papier. 

La belette est très-vorace; elle mange 
de Ja viande jusqu'à ce qu’elle en soit 
remplie. Elle rend' peu d’excrémens ; 
mais elle perd presque tout par la trans- 
pxaton et par les urines, quisont épaisses 
et puantes. | 

J'ai été singulièrement surpris de voir 
un Jour ma belette qui avoit faim, rompre 
sa chaîne de fl d’archal, sauter sur moi, 
entrer dans ma poche, déchirer le petit 
paquet , et dévorer en un instant la 
viande que j'y avois cachée. 

Ce petit animal, qui nv'étoit si soumis , 
avoit conservé d’ailleurs son caractère 
pétulant, cruel et colérique pour tout 
autre que moi; il mordoit sans discré- 
tion tous ceux qui v@uloient badiner avec 
lui. Les chats, ennemis de sa race, furent 
toujours l’objet de sa haine : ilmordoit au 
nez les gros mâtins qui venoient le sentir 
lorsqu'il étoit dans mes mâins; alors il 
poussoit un cri de colère et exhaloit une 


L 


3 


Fa de ai KA 1 Lun # FAR LD 
26 HISTOIRE NATURELLE 


odeur fétide qui faisoit fuir tous les ani- 
maux, criant chi, chi, chi, chi. Vaa vu 
des brebis, des chèvres, des chevaux, 
reculer à cette odeur; et il est certain 
que quelques inaisons voisines où il ne 
manquoit pas de souris, ne furent plus 
incommodées de ces ana ai, tant que 
ma belette vécut. 

Les poussins, les rats et les oiseaux 
étoient sur-tout l’objet de sa cruauté. 
La belette observe leur allure, et s’élance 
ensuite prestement sur eux : elle se plaît 
à répandre le sang, dont elle se soule; 
et, sans être fatiguée du carnage, elle 
tue dix à douze poussins de suite, 
éloignant la mère par sou odeur forte 
et désagréable, qu’on sent à la distauce 
de deux pas. | 

Ma belette dormoit la moitié du Jour 
et toute la nuit : elle cherchoit dans 
mon cabinet un petit recoin à côté de 
moi ; mon mouchoir ou une poche étoient 
son lit. Elle se plaisoit à dormir dans le 
sein ; elle se replioit autour d’elle-même, 
dormoit d’un sommeil profond, et n’étoit 
pas plus grande dans cette attitude qu’une 


DE LA BELETTE. 27 
grosse noix du pays, de l'espèce des bom- 
bardes. | 

Lorsqu'elle étoit une fois endormie, 
je pouvois la déplier; tous ses muscles 
_ étoient alors relächés et sans aucune ten- 
_ Sion : en la suspendant par la tête, tout 
son corps étoit flasque, se plioit et pou- 
voit faire le jeu du pendule cinq à six 
fois de suite avant que la bête s'éveillât; 
ce qui prouve la grande flexibilité de 
l'épine du dos de cet animal. 

Ma belette avoit un goût décidé pour 
le badinage, les agaceries, les caresses 
et le chatouillement; elle s’étendoit alors 
sur le dos ou sur le ventre, se ruoit et mor- 
doit tout doucement comme les jeunes 
chiens qui badinent. Elle avoit même 
appris une sorte de danse; et lorsque je 
frappois avec les doigts sur une table, 
elle tournoit autour de la main, se levoit 
droite , alloit par sauts et par bonds, fai- 
sant entendre. quelques murmures de 
joie : mais, bientôt fatiguée, elle se lais- 
soit aller au sommeil dormi presque 
dans l'instant. mad 

La belette dort repliée autour d’elle- 


DS. a. OUR A VOUS Éd "+ 
23 HISTOIRE NATURELLE NE 


même comme un peloton, la tête entre 
les deux jambes de derrière : le museau 
sort alors un peu au dehors, ce qui facilite 
la respiration ; cependant, lorsqu'elle n’est 
pas couchée à son aise, elle dort dans 
une autre posture, la tête couchée SUE 
son lit de repos: mais elle se plaît et dort 
bien plus long-temps lorsqu'elle peut se. 
plier en peloton ; il faut pour cela qu'elle 
ait une place commode. Elle avoit pris 
l'habitude de se glisser sous mes draps, 
de chercher un des points du mattlas qui 
forme un enfoncement, et d’y dormir des 
six heures entières. ROUE | 

La belette est très-rusée : l'ayant fouet- 
tée pour avoir fait ses ordures sur mes 
papiers, contre son usage, elle vint 
dormir auprès de moi sur ma table ; la 
crainte l’éveilla souvent au moindre 
bruit : elle ne changea pas de place; 
mais elle observa, les yeux ouverts, ma 
démarche, faisant semblant de dormir. 
Elle connoissoitgparfaitement le ton. de 
caresse ou de MMace, et J'ai été souvent 
surpris de trouvéF tant d'intelligence dans 
uue bête si petite dans l’ordre des qua- 
-drupèdes. 


POP RA BELETTE  (, 
Les phénomènes que nous présente, la 
belette, sont parfaitement expliqués. La 
belette a l’épine du dos très-flexible, elle 
se fourre dans des trous de sept lignes 
de largeur, elle se plie et se replie en tout 
sens; son poil ou plutôt sa belle soie est 
très-fine et très-souple; une langue-très- 
large pour le corps saisit toutes les sur- 
faces plates , saillantes et rentrantes ; elle 
aime à lécher ; ses pattes sont larges ct 
poiut racornies, courtes : le sens du tou- 
cher étant ainsi répandu daus tout le 
corps de la bête, elle a appris à s’en ser- 
vir; ce qui motive le Jugement que nous 
portons de son intelligence. Ce sens est 
d’ailleurs très - bien servi par ceux de 
l’odorat et dé la vue. : 
Lorsque J'aubliois de lui donner à 
manger, elle se levoit de nuit, et se 
rendoit d’une maison à une autre à 
Antragues, où elle mangeoitchaque jour. 
Elle alloit par les cheinins les plus courts, 
descendant d’abord dans un balcon et 
dans la rue, descendant éncore et mon- 
tant plusieurs marches, entrant dans une | 


basse-cour, passant à travers des amas 
5. 


30 HISTOIRE NATURELLE 


de feuilles sèches de châtaigniers , dé 
trois pieds de hauteur, pour prendre le 
plus court chemin; ce qui fait vor que 
l’odorat guide cet animal. Elle passoit en- 
suite dans la cuisine, où elle mangeoit 
à l'aise, après avoir fait un chemin de. 
deux cents pas. | 

Le mâle est très-libertin : Je l'ai vu se 
satisfaire sur un autre mâle mort et em- 
paillé ; mille caresses et murmures de 
joie et de desir l’animoient : en sentant 
mes mains qui avoient touché ce cadavre, 
il reconnut une odeur qui lui plaisoit si 
fort, qu'il restoit immobile pour la sa-. 
vourer à son aise. | 

Ma belette bâilloit souvent; elle se lc- 
voit après avoir dormi en tiraillant ses 
membres et soulevant le dos en arc. 
Elle léchoit l’eau en buvant; sa langue 
étoit âpre et hérissée de pointes. Elle 
ronfloit quelquefois en dormant, et avoit 
communiqué son odeur forte et désa- 
gréable à une petite cage où elle avoit 
son lit; son petit matelas étoit aussi 
puant qu’elle-même dans l'état de 
colère. 


DE LA BELETTE, 3x 
Ma belctte souffroit impatiemment 
. d'être renfermée dans sa cage, et elle 
aimoit la compagnie et les caresses ; 
elle avoit rongé à différentes reprises 
quatre petits bâtons, pour se faire une 
issue pour sortir de sa prison. 

Cet animal aime extrêmement la pro- 
preté ; sa robe est toujours luisante. 

En faisant observer un certain régime 
à ces bêtes, on peut tempérer l’odeur 
forte qu’elles exhalent , et leur affreuse 
puanteur lorsqu'elles sont en colère. Le 
laitage adoucit beaucoup leurs humeurs, 
de même que le régime végétal. 

Les belettes ont les yeux étincelans et 
lumineux : mais cette lumière n’est point 
propre à cet animal, elle n’est point 
électrique et ne réside pas dans l'organe 
de la vue ; ce n’est qu’une simple réflexion 
de lumière qui à lieu toutes les fois que 
l’œil de l’observateur est placé entre la 
lumière et les yeux de la belette, on 
qu'une bougie se trouve entre les yeux 
de l'observateur et de l'animal. Ce phéno- 
mène est commun à un grand nombre 
de quadrupèdes et à quelques serpens, et 


32 HISTOIRE NATURELLE | 
cette cause est prouvée parles expériences | 
que J'ai lues, en 1780, à l'académie des 
sciences, sur les yeux des chats, etc. 

Les observations de M. de Buffon (t. IX), 
la description anatomique de M. Dauben- 
ton, la lettre de M. Giély (rapportée dans … 
ce ohms, et le présent détail, forment 
l'histoire complète de la ble M. de 
Buffon dit (tome Il, page 241) que ces 
animaux ne s'apprivoisent pas et de- 
meurent sauvages dans des cages de fer: 
Je sais par expérience que cela est vrai 
lorsque les belettes sont prises vieilles, où 
même à l’âge de trois ou quatre mois. 
Pour donner aux beleites léducation 
dont elles sont susceptibles, et leur faire 
goûter la domesticité, 1l faut les prendre 
jeunes et lorsqu'elles ne peuvent s'enfuir: 
on fut obligé de couper les quatre dents 
canines de celle qu’on m’apporta à An- 
tragues, et de la châtier souvent pour 
fléchir son caractère. 

On voit d’après tout ce que J'ai dit-sur 
cet anima. , que, quelque petit qu'il soit, 
c’est un de ceux que la Nature a le moins 
négligés. Dans l'état sauvage, c'est le 


LA UE. É 


\ 
DELLA BELETTEES 1. 5 
tigre des petits individus. Il se garantit 
par son agilité des quadrupèdes plus 
- grands que in il est bieu servi par l'o- 
reille et par la vue. Il est pourvu d'armes 
offensives dont il fait usage en peu de 
temps avec une sorte de discernement : 
1l aime le sang et.le carnage, et se plaît 
à la destruction sans qu’il ait même be- 
soin de-satisfaire son appétit. 
En état de domesticité, ses sens se per- 
fectionnent et ses mœurs s'adoucissent 
par le châtiment. La belette devient sus- 
ceptible d'amitié, de reconnoissance et 
de crainte ; elle s'attache à celui qui la 
nourrit, qu’elle reconnoît à l’odorat et à 
la simple vue. Elle est rusée et libertine 
à l'excès; elle aime les caresses, le repos 
et le sommeil; elle est gourmande et 
si vorace, qu'elle pèse jusqu’à un cin- 
quième de plus après ses repas. Sa vue 
est percante, son oreille bonue , l’odorat 
est exquis, le sens du toucher est répandu 
dans tout son corps, et la flexibilité de ce 
petit corps menu et long favorise infini- 
ment la bonté de ce sens en lui-même. 
Tous ces phémomènes tiennent à l'état 


34 HISTOIRE NATURELLE 


de ses sens qui sont achevés et pare 
faits *. : 


Ces observations sur les habitudes de 
la belette en domesticité s'accordent par- 
faitement avec celles que mademoiselle 
de Laistre a faites sur cet animal , et! 
qu'elle a bien voulu me communiquent 


par une lettre datée de Brienne , le 6 dé- 
cembre 1782, 


« Le hasard, dit mademoiselle de 
Laistre, m'a procuré une jeune belette 
de la piété espèce. Sollicitée par quel- 
qu'un à qui elle faisoit pitié, et sa foi- 
blesse m'en inspirant, je lüi donnai mes 
soins. Les deux premiers jours , je la 
nourris de lait chaud; mais, jugeant 
qu'il Jui falloit des alimens qui eussent 
plus de consistance, je lui présentai de 
la viande crue, qu’elle mangea avec plai- 
sir : depuis she a vécu de bœuf, de veau 
ou de mouton indifféremment, et s’est 


* Extrait d’une lettre adressée à M. le comte 
de Bufon, 


DE LA BELETTE, 35 
privée au point qu'il n’y a ral de chien 
plus familier. 

+ J’ose vous assurer que ce petit animal 
ne préfère pas la victuaille corrompue ; 
il ne se soucie pas même de celle qui est 
hâlée, c’est toujours la plus fraîche qu’il 
choisit : à la vérité, il mange avec avi- 
dité, et s'éloigne ; mais souvent aussi it 
mange dans ma main et sur mes genoux, 
il préfère mème de prendre les morceaux 
de ma main. Il aime beaucoup le lait : 
je lui en présente dans un vase, il se 
met auprès et me regarde; Je le lui verse. 
peu à peu dans ma main, il en boit beau- 
coup ; mais si Je n'ai pas cette complai- 
sance, à peine en goûte-t-1l. Lorsqu'il est 
rassasié , il va ordinairement dormir; 
mais il fait des repas plus légers qui ne 
troublent point ses plaisirs. Ma chambre 
_<st l'endroit qu'il habite. Par des parfums, 
J'ai trouvé moyen de chasser son odeur : 
c’est dans un: de mes matelas où il a 
trouvé moyen de s’introduire par. un 
défaut de la couverture, qu'il dort pen- 
dant le jour ; la nuit je le mets dans une 
boîte grillée; toujours 1l y entre avec 


PAOATS RTSROP 


3% HISTOIRE NATURELLE. | 
peine et emsort avec joie. Si on Jui dontie * 
la liberté avant que Je sois.levéé’, après W 
mille gentillesses qu’il fait sur môn lit," 
il y entre et vient dormir dans ma imaiti À 
ou sur mon sein. Suis-Je levée la pre: 
mière, pendant une grande démi-heure 
il me fait des caresses, se joué avec mes 
doigts comme un jeune chien, saute sut à 
ma tête, sur mon cou, tourne autour 
de mes bras, de mon corps, avec une 
légéreté et des agrémens que je n’aï vus 
à aucun quadrupède. Je lui présente les 
mains à plus de trois pieds, il saute de: 
dans sans jamais manquer. Il a beauçoup 
de finesse et singulièrement de ruses pour 
venir à ses fins, et semble ne vouloir faire 
ce qu’on lui défend que pour agacer: dès 
que vous ne le regardez plus , sa volonté 
cesse. Comme il ne semble jouer que pour 


$ 
CRT 
Pa. 


| 


RS 


plaire, seul il ne joue jamais; et à chaque 
saut qu'il fait, à chaque fois qu’il tourne, jN 
il regarde si vous lexaminez: si vous ces: 
sez, il va dormir. Dans le temps qu'il est 
le plus endormi, le réveillez-vous, ïl 
entre eu gaieté, agacewet joue avec autant 
de grace que si on ne l'eût pas éveillé : il 


de. Li 


IDÉ LA’ BELETTES 37 
ne montre d'humeur que lorsqu'on l’en- 
fermé ou qu'on le contrarie trop long- 
temps; et par de petits grognemens très- 
‘difiérens l’un de l’autre, il montre sa joie 
et son humeur. | 

Auñilieu de vingt personnes, ce petit 
animal distingue ma voix, cherche à me 
voir, et saute par-dessus serie le monde 
pour venir à moi; son jeu avéc moi est 
plus gai, $es caresses sont plus pressantes; 
avecses deux petites pattes, il me flatte 
le menton avec des graces et une joie qui 
peignent le plaisir. Je suis la seule qu’il 
caresse de cette manière; mille autres pe- 
tites préférences me prouvent qu’il m'est 
réellement attaché. Lorsqu'il me voit ha- 
biller pour sortir , il ne me quitte pas : 
quand avec peine je ‘m'en suis débar- 
rassée, J'ai un petit meuble près ma 
porte ; il va s’ycaächér; et lorsque je 
passe , il saute si âdroitement sur moi 
que souvent je ne n’en apperçois pas. 

Il semble beaucoup tenir de l’écureuil 
par la vivacité , la souplesse , la voix, 
le petit grognement. Pendant les nuits 
i’é il crioit en courant, et étoit en 


} : /, 
Quadrupides, XI, 4 


38 HISTOFRE NATURELLE, (A 
mouvement presque toute la nuit : : depuis d 


qu'il fait froid ; je ne l'ai point-entendu. 


Quelquefois le jour sur mon lit » lomsque AR 


fait soleil , 1l tourne , se retouxne , 6e 
culbute , et grogne pendant quelques ins- 


tans. Son penchant à boire dans ma main 


où je mets très-peu de lait à la fois, et ! 


qu'il boit toujours en prenant les petites 


gouttes et les bords où il y en a le moins, 

sembieroit aunoncer qu’il boit de la Si 
ste. Rarement 1l boit de l'eau, et-ce n’est 
qu'au grand besoin , et à défaut de lait : 


alors il ne fait que rafraîchir sa langue 


une fois ou deux ;1l paroît méme craindre 
l’eau. Pendant Le chaleurs , il s'épluchoit 
beaucoup : je hui fs pr Ps de l’eau 
daus une assicite, Je J'agacai pour ly 
faire entrer ; LS Je n'y pus réussir. Je 


fis mouiller un linge.et le mis près de lui; 


il se roula dedans avec une Joie extréme. 
Une singularité de ce charmant animal 
est sa curiosité ; Je ne puis Ouvrir une 


armoire , une boîte , regarder un papier, 


qu'il ne vienne regarder avec moi. Si, 
pour me contrarier, il s’écarte ou entre 
dans quelques endroits où Je crains de le 


= 
& 


== 


DE LA BELETTE. 39 
voir, je prends un papier où un livre 
que je regarde avec attention ; aussitôt 
il accourt sur ma main ;.ct parcourt ce 
que jetiens avec un air de satisfaire sa 
curiosité. J’observerai encore qu'il Joue 
avec un jeuûé chat et un jeñne chien, 
l’'uu et l’autre déja gros , se inet autour 
de leur cou , de leurs pattes, sur leur dos, 
sans qu’ils se fassent de mal, etc. » 


POLE é 


ADDITTON AUX ARTICLES" 


DE. à 8: ÿ “BRLETTE ET DE 
L'HERMINE, DU SURIKATE, 
DE. LA MANGOUSTE ET DU. 
. VANSIRE. | ea 


DE L’'HERMINE *. 


J x dois citer ici avec éloge et reconnois- 
sance une lettre qui m'a été écrite par 
madame la comtesse de Noyan, datée 
au château de la Mancelière en Bretagne, 
le 20 juillet 1771. 


« Vous êtes trop juste, Monsieur , pour 
ne pas faire réparation d'honneur à ceux 
que vous avez offensés. Vous avez fait un. 
outrage à la race de l’hermine , en l’an- 
noncant comme une bête que l’on ne 
pouvoit apprivoiser. J’en ai une depuis 
un mois que l’on à prise dans mon jar- 


* Tome II, page 245. 


À 


WEP 


HISTOIRE NATURELLE. 4 
din , qui, reconnoissante des soins que 
Je sant) d'elle , Vient m'embrasser , me 
lécher et Jouer avec moi, comme le 
pourroit faire un petit chien. Elle est à 
peu près de la taille d’une belette, rous- 
sâtre sur le dos, le ventre et les pattes 
blanches ; cinq belles petites grifies à ses 
jolies petites pattes'; sa bouche bien fen- 
due , et ses dents pointues comme des 
En lon: ; le tour des oreilles blanc; la 
barbe longue , blanche et noire ; et le 
bout de la queue d’un beau noir. Sa vi- 
yacité surpasse celle de l’écureuil....Cette 
jolie petite bête , jouissant de sa liberté 
jusqu’à l'heure que nous nous retirons , 
joue, vole nos sacs on et tout 
ce qu’elle peut emporter. 


J'avoue que je ne me suis peut-être 
pas assez occupé de l'éducation des be- 
lettes et des hermines que j'ai fait nour- 
rir ; car toutes m'ont paru également 
farouches. Je ne doute pas néanmoins de 
ce que me. marque madame de Noyan, 
et d'autant moins que voici un second 
exemple qui confirme le premier. 


43 HISTOIRE NATURELLE \ 
M. Giély , de Mornas dans le Comtat 
Venaissin , m'écrit dans lés termes sui- 
Vans : | ‘HA 


« Un homme ayant trouvé üne portée 
de jeunes belettes , résolut d'en éléver 
une , et le succès répondit p omptement 
à ses soins. Ce petit animal s'attacha à 
lui, et il s’amusa à l'exercér un jour de 
fête dans une promenade publique, où 
Ja Jeune belette le suivit constamment, 
ct sans prendre le change, péndant plus 
de six cents pas, et dans tous les dé- 
tours qu'il fit à travers les spectateurs. 
Cet homme donna ensuite ce joli animal 
à ma femme. La méthode de les appri- 
voiser est de les maniïer souvent en leur 
passant doucement la main sur le dos, 
mais aussi de les gronder ét méme de 
les battre si elles mordent. Eîle est, 
comme la belette ordinaïre et le rousse- 
lét, rousse supéricuremént et blanche 
inféricurement. Le fouet de la queue est 
dün poil brun approchant du noir. Elfe 
n'a que cinq semaines , etJ'ignore si, avec 
l'âge, ce poil du bout de la queué nedé= | 


DE L’HERMINE. 43 
Yiendra pas tout noir. Le tour dés oreilles 
n’est pas blanc comme au roussélet; mais 
cle a, comme lui, l'extrémité des deux 
pattes de devant blanche, les deux de 
derrière étant rousses méme par-dessous. 
Elle a une petite tache blanche sur le nez, 
ct deux petites taches rousses oblongues , 
_ isolées dans le blanc au-dessous des yeux, 
selon la longueur du museau. Elle n'ex- 
hale encore aucune mauvaise odeur, et 
ma femme, qui a élevé plusieurs de ces 
animaux , assure qu'elle n'a Jamais été 
incommodée de leur odeur , excepté les 
cas où quelqu’an les excédoit et les irri- 
toit. On la nourrit de lait, de viande 
bouillie et d’eau ; elle mange peu, et 
prend son repas en moins de quinze se- 
condes : à moins qu’elle n'ait bien faim, 
elle ne mange pas le miel qu'on lui pré- 
senté. Cet animal est propre; et s’il dort 
sur vous et que ses besoins l'éveillent , 
.1l vous gratte pour le mettre à terre. - 
Au surplus, cette belette est très-fami- 
lière et très-gaie : ce n’est pas contrainte ni 
tolérance , c’est plaisir, goût , attache- 
ment. Rechercher les caresses, provoquer 


/ 
L 


“44 HISTOIRE NATURELLE 


+ 5: 
les agaceries , se coucher, sur le. dos , et 


répondre à la main qui la flatte , de mille 


petits coups de pattes et de dents très-ai- 
\ ir: 

gués , dont elle sait modérer et retenir 

l'impression au simple chatouillement , 


sans jamais s'oublier; me suivre par-tout, 


me grimper et parcourir tout le corps ; 
s'insinuer dans mes poches , dans ma 
manche, dans mon sein , et de là m'in- 
viter au badinage ; dormir sur moi; man- 
ser à table sur mon assiette, boire ‘dans 
mon gobetet, me baiser la bouche, et su- 
cer ma salive, qu’elle paroît aimer beau- 
coup (sa langue est rude comme celle 


du chat ): folâtrer sans cesse sur, mon 


bureau pendant que J'écris, et Jouer 
J ? J 

seule , et sans agacerie ni retour de ma 
part, avecimes mains et ma plume : voilà 
la mignarderie de ce petit animal... Sige 
ime prete à son. Jet , il le continuera deux 

eures de sui jusqu’à da lassi : 
heures d te , et Jusqu'à da lassitude * 


Par une seconde lettre de M. Giély de 
Mornas , du 15 août 1775 , 1l m'’informe 


* Lettre de M. Gily à M. de Buïfon. Mornas,s 
16 juin 1775, | 


:31DE L'HERMINE. QU. 
que sa. belette a été tuée par accident , et 
il ajoute les observations suivantes : 


«1°. Ses excrémens commencoient à 
empuantir le lieu où je la logeois ; il faut 
y apporter beaucoup de soins et de pro- 
preté, et la nourrir plus souvent d'œufs 
ou d’omelette aux herbes que de viande. 

2°. Il ne faut pas la toucher ni la pren- 
dre pendant qu’elle prend son repas; dans 
ce court intervalle, elle est intraitable. 

3°. Elle me saigna des poussins qu’on 
avoit TT ER à Sa portée par inadvertance: 
mais elle n’a jamais osé attaquer de front 
de gros poulets que J’engraissois en cage; 
ils la harceloient et la mettoient en fuite 
à coups de bec. Il étoit amusant d’obser- 
vér les ruses et les feintes qu’elle em- 
ployoit pour tâcher de les surprendre. 

4°. Quant à sa famiharité et aux graces 
de son badinage et même à son attache- 
ment,je n'ai rien avancé qui ne se soit 
soutenu Jusqu'à sa fin prématurée, Seu- 
lement elle s’oublioit par fois dans la 
chaleur de ses agaceries, et, comme par 
transports , elle serroit un peu trop les 


n ARE 2 LA VU UNS Ur AU AU 
TOUS DAME Ne 
| "1 } “Hi CHEN TEA, 


45 HISTOIRE NATURELLE 
dents; mais la correction opéroit d'abord 
l'amendement. I faut , lorsqu'on la cor- 
rige , la gronder, et + frapper posté- 
rieurement , et jamais vers la tete, ce 
qui les He 

5°. Elle n’avoit pas beaucoup grossi , ; et 
étoit probablement de la petite espèce ; 
car , lors de son accidént, c’est-à-dire , 
ayant plus de deux mois, tout son corps 
glissoit encore dans le même collier. » 

On trouve dans l’Astoire naturelle de 
la Norvége par Poutoppidan , les obser- 
vations suivantes : 


« En Norvége, di sa de- 
meure dans dés monceaux, de pierres. 
Cet animal pourroit bien être de l’espèce 
des belettes. Sa peau est blanche , à l’ex- 
ception du cou, qui est taché de noir. 
Celles de Norvége et de Lapponie con- 
servent leur blancheur mieux que celles 
de Moscovie, qui jaunissent plus facile- 
ment; et c'est par cette raison que Îles 
premières sont recherchées à Pétersbourg 
inème. L'hermine prend dés souris comme 


{ 


DE L’'HERMINE. 47 
les chats, et emporte sa proie quand cela 
Jui est possible. Eile aime particulière- 
ment les œufs ; et lorsque la mer est 
calme , elle passe à la nage dans les îles 
voisines des côtes de Norvége, où elle 
trouve une grande quantité d'oiseaux de 
mer. On prétend qu'une hermine venant 
à faire des petits sur une île, les ramène 
au continent sur un morceau de bois 
qu’elle dirige avec son museau. Quelque 
petit que soit cet animal , il fait périr 
les plus grands, tels que l'élan et l'ours ; 
il saute dans l’une de leurs oreilles pen- 
dant qu'ils dorment , et s’y accroche si 
fortement avec ses dents, qu'ils ne peu- 
vent s’en débarrasser. Il surprend de la 
méme manière les aigles et les coqs de 
bruyère, sur lesquels il s'attache , et ne 
les quitte pas mème lorsqu'ils s'envolent, 
que la peere de leur sang ne les fasse 
tomber *, : 


* Histoire naturelle de la: Norvëge, par Pon- 
toppidan. — Journal étranger, juin 1756. 


huun TA Y NERO 


LU 


48 HISTOIRE NATURELLE 


HET 
Le HAE 
Le 


LE GRISON. 


Vorcr une espèce voisine de celle de 


la belette et de l’hermine:, et que nous 


ne connoissions pas encore. C’est encore 


M. Allamand qui en a donné le ‘premier 
la description et la figure sous lé nom de 
£TisoR, dans Île quinzième volume de l’édi- 
tion de Hollande de mon ouvrage; et je 
ne puis mieux faire que de rapporter ici 
cette description en entier. 


« J'ai recu, dit-il, de Surinam le pe- 


tit, animal qui est représenté dans cette 
planche ; et dans la liste de ce que conte- 


noit la caisse où 1l étoit renfermé., il étoit 


nommé belerte grise, d'où j'ai tiré le nom 


de grison , parce que j'ignore celui qu'on 
lui donne dans le pays où il se trouve , 
et qu'il indique assez bien sa couleur. 


Toute la partie supérieure de son corps 


est couverte de poils d’un brun foncé ct 
dont la pointe est blanche , ce qui forme 


un gris où le brun domine : mais le dessus 


de la tête et du cou est d’un gris plus 


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DU GRISON. 49 
clair , parce que là les poils sont fort 
courts, et que ce qu’ils ont de blanc égale 
en longueur la partie brune. Le museau, 
tout le dessous du corps et les Jambes 
sont d'un, noir qui contraste singulière- 
ment avec cette couleur grise, dont il 
est séparé de la tête par une raie blanche 
qui prend son origine à une épaule et 
passe par-dessous les oreilles , au-dessus 
des yeux et du nez, et s'étend jusqu’à 
l’autre épaule. 

La tête de cet animal est fort grosse à 
proportion de son corps; ses oreilles, qui 
forment presque un demi-cercle , sont 
plus larges que hautes ; ses yeux sont 
grards ; sa gueule est armée de dents mâ- 
chelières et de dents canines fortes et 
pointues. Il y a six dents incisives dans 
chaquemächoire : mais il n’y a que celles 
des extiémités des deux rangées qui soient 
visibles ; les quatre intermédiairés sortent 
à peine de leurs alvéoles. Les pieds , tant 
ceux de devant que de derrière , sont 
partagés en cinq doigts, armés de forts 
ongles jaunâtres. La queue , qui est assez 
longue, se termiue en pointe. 

ve NR 


{ 


50 HISTOIRE NATURELLE 
La belette est celui de tous les animaux 
de notre continent auquel celui- -ci a le 
plus de rapport : ainsi je ne suis pas sur- 
pris qu'il avait été envoyé de Surinam 
sous le nom de belelte grise: Cependant ce 
n’est pas une belette, quoiqu'il lui res- 
semble par le nombre et ia forme de ses 
dents ; il n’a pas le corps aussi alongé , 
_et ses pieds sont beaucoup plus hauts. Je 
ne connois aucun auteur ni voyageur 
qui en ait parlé, et l'individu qui m'a 
été envoyé est le seul que J’aie vu. Je lai 
montré à diverses personnes qui avoient « 
séjourné long-temps à Surinam ; mais il 
leur étoit inconnu : ainsi il doit être rare F, 
dans les lieux où il est originaire , ou il | 
faut qu’il habite dans des endroits peu k. 
fréquentés. Celui qui me l’a envoyé, ne 
m'a marqué aucune particularité propre » 
à éclaircir son histoire naturelle ; c’est 
pourquoi je n'ai pu faire autre chose 
que de décrire sa figure. Voici ses dimen- 


SiONS : » 


pieds. pouces. lignes. 
Longueur du corps entier, me- 


suré en ligne droite, depuis le i 
bout du museau jusqu’à lanus » 7 D 


DU GRISON.: : 5x 


pieds. pouces. lignes. 


Hauteur du train de devant...  » 2 
Hauteur du train de derrière... » 14 


Longueur de la 1ête depuis le 
mt 


bout du museau jusqu’à l'occiput » 2 
Circoniérence du bout du mu- 
SEAU se ssesesssssssse D LA IT 
Circonférence du museau prise 
au-dessous des yeux........ > 3 9 
. Contour de l’ouveriure de la bou- 
0 OPA : 7 
Distance entre les deux naseaux. » » 3 


Distance eñtre le bout du mu- 
seau et l’angle antérieur de. 
Le EEE. ES >» » 8 

Distance entre l’angle postérieur 


one nt tr RU ie + » 6 
Longueur de l'œil d’un angle à 

NE Le 

A Na to >» 3 


Distance entre les angles anté- 
rieurs des yeux , mesurée en 
suivant la courbure du chane 
OM SRB RSS MATE » 10 

La nième distance mesurée en 
ligue re OP CA OIL Ut ES » Ô 

Circonférence de la tête prise 
entre les yeux et les oreriles. , 

Longueur des oreilles. ..,....:" » 


ÿ 
+ 
(SL 


LAMY ne \ : Sp Ag 22 ul. 
52 HISTOIRE NATURELLE | 


… pieds. pouces. ligness 
Largeur de 1 ut mesurée sur 
la courbure extérieure. ..... » » © 
Distance entre les deux oreilles, 
prise dans le bas en droite 


\ 


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Circonférence du -cou....,...4421 20 42002 14 
Circonférence du corps, prise 

derrière les jambes de devant » 4 3: 
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Circonférence prise devant les 

jambes de derrièrei.43..14124.tits ADMET 
Longueur du tronçon de la queue » x 1Q 


DU SURIKATE. 


Nous avons dit * que le surikate ne 
faisoit aucun mal aux enfans , qu'il ne 
mordoit que quelques personnes adultes, 
et, entre autres , le maître de la maison, 
qu'il avoit pris en aversion. J’ai appris de- 
puis , qu’en effet il ne mordoit ni la femme 
ni les enfans de cette maison , mais qu’il 
a mordu nombre d’autres personnes des 


* Tome VI, page 78. 


DU SURIKATE,. 53 


deux sexes. M. de Sève a observé que 
c'étoit par l’odorat qu'il étoit induit à 
mordre. Lorsque quelqu'un le prenoit , 
le cartilage du bout du nez se plioit pen- 
dant qu'il flairoit , et, suivant l’odeur 
qu'il recevoit de Lx personne, 1l mordoit 
ou ne mordoit pas. Cela s’est trouvé cons- 
tamment sur un assez grand nombre de 
gens qui ont risqué l’épreuve ; et ce qu'il 
y a de singulier , c’est que quand il avoit 
mordu une fois quelqu'un , il le mordoit 
toujours , en sorte qu’on ne pouvoit pas 
dire que ce fût par humeur ou par ca- 
price. Il y avoit des gens qui lui déplai- 
soient si fort, qu’il cherchoit à s'échapper 
pour les mordre; et quand il ne pouvoit 
pas attraper les jambes, il se Jetoit sur les 
souliers et sur les jupons, qu’il déchiroit; 
il emploÿoit même quelquefois la ruse 
pour approcher les personnes qu'il vou- 
loit mordre. 

M. Vosmaër, dans une note, page 7, 
de sa description d’un écureuil volant, 
fait une remarque qui m’a paru juste, 
et dont Je dois témoigner ici ma recon- 
noissance. 


5 


54 HISTOIRE NATURÉLLE 

« M. de Buffon, dit M. Vosmaër, 2 
vraisémblablement été tromipésurlénomt w 
de szrikate et sux lé lieu del origine de 
cet animal , qui a été envoyé l'été der- 
hier par M. Tulbagh à S. A. S. Monsci- 
_gneur le prince d'Orange. Il n’äppartient 

point à l'Amérique ; mais bien à PAfrique. 
Ce petit animal , dont on m’avoit adressé 
deux de sexe différent , maïs dont la fe- 
inellé est morté pendant le voyagé , n’a 
pas été connu de Kolbe , qui du moins 
n’en fait aucune mention ; et il paroît 
qu'il ne se trouve que fort avant dans 
les terres , ce qu'on peut inférer dé la 
lettre de M. le gouverneur ; que Je récus 
en même temps ,; ét Où il est dit : 

« J'ai encore rémis audit capitaine deux 
« petits animaux vivans , mâle et femelle, 
« auxquels nous ne ponson cependant 
< donner de non, ni les rapporter à au- 
« cune autre espèce, attendu qu’on me 
« les à envoyés pour la première fois , 
«et de bien loïn, des déserts et mon- 
« tagnes de pierres de cette vaste contrée. 
« Ils. sont fort doux , gentils , et mangent 
« de la viande fraiche, cuite ou crue, des 


“ 


DU SURIKATE. 55 
« œufs cruds et des fourmis, quand ils 
« peuvent en attraper. Je souhaite que 
« ces petits animaux arrivent en vie, puis- 
« que je me crois pas qu’on en ait encore 
« vu en Europe de pareils. » 


Ce témoignage de M. Tulbagh est posi- 
tif, et ce que dit auparavant M. Vos- 
 maër est juste : J’y souséris avec plaisir ; 
car , quoique j'aie eu cet animal vivant 
pendant long-temps, et que jé l’aie dé- 
_crit et fait représenter *', Je n’étois assuré 
ni de son nom , ni de son climat origi- 
naire, que par le rapport d’un marchand 
d'animaux qui me dit l'avoir acheté en 
Hollande sous le nom de swrikate, et 
qu'il venoit de Surinam. Ainsi nous di- 
rons maïntenant qu'il ne se trouve point 
à Surinam ni dans les autres provinces 
de FAmérique méridionale , mais en 
Afrique , dans les terres montagneuses, 
au-dessus du cap de Bonne-Espérance. Et 
à l'égard du nom, il ne fait rien à la 
chose , et nous changerons volontiers 


* Tome VI, pl. VIII. 


56 HISTOIRE NATURELLE 


celui de surikate lorsque nous serons 


mieux informés. . Lou f: 


DE LA MANGOUSTE. 


Nous donnons ici la figure dune ) 


grande mangouste qui nous paroît for- 
mer une variété dans l'espèce des man- 
goustes ; elle a le museau plus gros et 


un peu moins long, le poil plus hérissé. 


et plus long, les ongles aussi plus longs, 
la queue Lis héri issée , et aussi plus 
longue à proportion du corps. 


L 


DU VANSIRE. 


LE vansire est, comme nous l’avons 
dit , un animal de Madagascar et de l’in- 
térieur de l'Afrique, qui ressemble beau- 
coup au furet, à l'exception du nombre 
et de la forme des dents, et de la lon- 
sueur de la queue, qui est beaucoüpplus 
grande dans le vansire que dans notre 
furet. Nous donnons ici la figure d’un 
‘animal qui nous a été envoyé de la par- 


tie orientale de l'Afrique , sous le nom de 


LA GRANDE MANGOUSTE . 


1 Pau qu P 


1 Fugue M 0 


LLE. lag 57 


LA 


DU VANSIRE. 57 


neipse. Par sa forme , aussi-bien que par 
cette dénomiuation , j’ai- reconnu que 
c’étoit une espèce de furet; car zems ou 
nins est le nom du furet en langue arabe, 
et ces furets d'Arabie ou ces zemns res- 
semblent beaucoup plus au vansire qu’à 
nos furets d'Europe. Voici la description 
qu'en a faite M. de Sève. 


._ « Le zems est un vrai furet, à le consi- 
dérer dans le détail de sa forme et de sa 
souplesse: Quand il marche, il s’alonge 
et paroît bas de jambe. Il a beaucoup de 
conformité avec nos furets. Celui-ci étoit 
mâle, et avoit treize pouces dix lignes de 
longueur du museau à l'anus , le troncon : 
de la queue un pied ; la hauteur du train 
de devant est de cinq pouces six lignes , 

celle du train de derrière six pouces six 
lignes ; l'oreille est sans poil et de la 
même forme que celle du furet commun. 
Sou œil est vif, et l'iris d’un fauve foncé; 
son museau, qui est très-fin , ne m'a pas 
paru avoir de moustaches. Tout le corps 
est couvert d’un poil long, jaspé d’un 
brun foncé , mélé d’un blanc sale qui a 


LAON LE 
#) 


58 HISTOIRE NATURELLE. 
dix lignes de longueur ; ce qui fait que : 
par ses rayures , il ressemble au lapin . 
riche. Le ventre est couvert d'un poil … 
fauve clair sans mélange; le fond du poil 
de la tête, autour de l'œil, est d’une cou- 
leur jaunâtre claire, et sur lé nez, les 
joues, les autres parties de la face où le 
poil est court, un ton fauve plus ou moins fl 
brun par endroits règne par - tout sans j 
mélange, se continue et se perd en dimi- 
muant dans les parties de la tété au-dessus 
des yeux ; ses Jambes sont couvertes d’un 
‘poil ras fauve foncé ; les pattes ont quatre 
doigts, et un petit doigt par derrière; les 
ongles sont petits et noirs ; la queue, qui 
est au moins du double plus longue que 
celle de nos furets, est très-grosse au 
commencement du troncon , et très-me- 
nue au bout, qui finit en pointe; de 
grands poils jaspés comme sur le corps, 
couvrent cette Are Cet animal ne boit 
point, à ce qu'a dit avoir observé le gar- 
con qui en à Soin, 


NOUVELLE ADDITION À L'ARTICLE 


DUPNANSIRE 


M. Forster a bien voulu m'envoyer les 
remarques suivantes au sujet de cet ani- 
mal. 


« J'ai vu, dit-il, à la ménagerie du 
cap de Bonue-Espérance , un animal du 
genre des mangoustes , qui venoit de 
l'ile de Madagascar, et qui répondoit 
exactement à la description du vansire 
donné par M. de Buffon *. 11 se plaisoit 
beaucoup à être dans un baquet rempli 
d’eau , d’où il sortoit de temps en temps. 
Le garde qui prenoit soin de la ménage- 
rie, nous assura que lorsqu'on tenoit cet 
animal pendant quelque temps à sec et 
hors de l’eau , il s’y replongeoit avec 
empressement dès qu’on lui en laissoit 
la liberté. La figure qu’en a donnée 


* Tome VI, page 122, 


7: 


vu ot il NAT AU a 


6o HISTOIRE NATURELLE. 5 
_ M. de Buffon*, est assez exacte; mais elle Ne 
paroît un peu tr op alongée, parce qu'elle … 
a été donnée sur une peau bourrée de cet 
animal, et d’ailleurs le poil est plus court « 
que celui du vansire de la ménagerie du 
Cap. Ce dernier étoit à peu près de la taille « 
de la marte ordinairé ; sa queue égaloit ! 
eu longueur celle du corps jusqu’à la à 
tête ; son poil étoit de couleur brune « 
noirâtre; il y avoit cinq doigts à chaque 4 
pied, bien divisés et sans imcinbrames. 
Les dents incisives étoient au nombre de 
six , tant en haut qu’en bas; il y avoit. 
huit mâchelières à chaque machoire, \ 
c'est-à-dire, quatre de chaque côté, et + 
les canines étoient isolées ;:ce qui fait enr 
tout trente-deux dents. L'aniinal mar- 
choit comme les mangoustes, en ap- 
puyant sur le talon. » 


* Tome VI, pl. XIV. 


ZOrrr.zz, 


D) 
Ç A0) 


\ 


A GRANDE MARTE DE LA GUYANNE 


2.LE TOUAN . 


À Paquet. p 


DE LA GRANDE MARTE 


DE LA GUIAN_E. 


Cgr animal , Qui nous a été envoyé de 
Cayenne , et dont nous donnons ici la 
figure , est plus grand que notre marte 
de France ; il a deux pieds de longueur 
depuis le bout du nez jusqu’à l’origine de 
la queue. Son poil est noir , à l'exception 
de celui de la tête et du cou jusqu'aux 
épaules , qui est grisâtre; le bout du nez 
et les naseaux sont noirs ; le tour des 
yeux et des mâchoires, ainsi que Île des- 
sus du nez , sont d’un brun roussatre. Il 
y a douze dents incisives, six en haut et 
six en bas; ces dernières sont les plus 
petites ; les canines sont très-fortes , et 
nous n’avons pu compter les mâchelières. 
Il ya, comme dans la fouine et la marte 
de France , de longs poils en forme de 
moustaches de chaque côté du museau; 
les oreilles sont larges et presque rondes 
6 


—n 


62 HISTOIRE NATURELLE — 


comme celles de nos fouines A 20 on voit 


sur le cou une grande tache d’un blanc 
jaune qui descend en s’élargissant sur la 
poitrine. Tous les pieds ont cinq: doigts , 


avec des ongles blanchâtres courbés en 
gouttière ; les ongles des pieds de devant 


ont six lignes de longueur, et ceux de 
derrière cinq seulement. 

La queue, qui a dix-huit pouces de 
long , et dont l’extrémité fimit en pointe, 


est couverte de poils noirs comme celui 


du corps, mais longs de deux ou trois 
pouces. Cette queue est plus longue à 
proportion que celle de notre marte ; car 
elle est des trois quarts de la longueur 
du corps, tandis que, dans cette der- 
nière , elle n’est que de la moitié. 

.s 


«196 ua 


oh, ÆO U,.A N. 


Nous donnons ici la figure d’un petit 
animal qui nous a été envoyé de Cayenne 
par M. de la Borde, sous le nom de 
fouan, et dont nous né pouvons rappor- 
ter l’espèce qu’au genre de la belette. Dans 
la courte notice que M. de la Borde nous 
a laissée de cet animal, il c$t dit seule- 
ment qu’ étoit adulte, qu'il se tient 
dans des troncs d’arbres , et qu'il se nour- 
rit de vers et d'insectes. La femelle pro- 
duit deux petits qu’elle porte sur le dos. 
Ce touan adulte n’a que cinq pouces 
neuf lignes de longueur , depuis le bout 
du museau jusqu’à l’origine de la queue ; 
il est plus petit que la belette d'Europe, 
qui a communémentsix pouces six lignes 
de long : mais il lui ressemble par la 
forme de la tête et par celle de son corps 
alongé sur de petites Jambes, et il en 
diffère par les couleurs du poil. La tête 
n’a qu'un pouce de longueur ; la queue 


" LAMPE dia k 
Ra | ie L 
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k ‘te 


A À 
Wal 1 Pas 


64 HISTOIRE NATURELLE. 
a deux pouces trois lignes, au lieu que 
la queue de notre belette d'Europe n’est 
longue que de quinze lignes, et n’est 
pas, comme celle du touan, grosse et 
épaisse à sa naissance, et très-mince à 


7 


son extrémité. Le touan a cinq doigts 


armés d’ongles à chaque pied ; le dessus 
du museau , de la tête et du corps jus- 
qu'auprès de la queue , est couvert d’un 


poil noirâtre ; les flancs du corps sont 


d'un roux vif; le dessous du cou et du 


corps entier d’un beau blanc ; les côtés : 


de la tête, ainsi que le dessus des quatre 
jambes , sont d’un roux moins vif que 
celui des flancs ; la queue est couverte, 
depuis son origine jusqu’à un tiers de sa 


longueur, d’un,.poil semblable à celui 


qui couvre les jambes , et dans le reste 
de la longueur , elle est sans poil; l'in- 
térieur des Jambes est blanc comme le 
dessous du corps. Tout le poil de ce petit 
animal est doux au toucher. 


« 


LE MONAX. 


/Fauquet- F 


KL 


ADDITION AUX ARTICLES 


* DE LA MARMOTTE eT DU 

HPASTOR, DES RATS ET 
SOURIS, DU RAT DE BLÉ 
ou HAMSTER. 


DE LA MARMOTTE *. 


Nous donnons ici la figure de l’ani- 
mal que nous avons indiqué sous le nom 
de monax, marmotte de Canada*. Le dessin 
nous en a été envoyé par M. Coliinson, 
_ mais sans aucune description. Cette espèce 
de marmotte me paroît différer des autres 
marmottes, en ce qu’elle n’a que quatre 
doigts aux pieds de devant, tandis que 
la marmotte des Alpes et le bobak ou 
marmotte de Pologne en ont cinq ,coinme 
aux pieds de derrière. Il y a aussi quelque 
difference dans la forme de la téte, qui 


* Tome TIT, page 6. 


4 s! «Ah 2 EN dv," KA ON 'Y AANDE RE 


66 HISTOIRE NATURELLE 


est beaucoup moins couverte de poil. La: 


queue est plus longue et moins fournie 
dans le monax que dans notre marmotte, 
en sorte qu’on doit regarder cet animal 
du Canada comime une espèce voisine, 
plutôt que commé une simple variété de 
la marmotte des Alpes. Fe présume qu’on 
peut rapporter à cette espèce l’animal 
dont parle le baron de la Hontan*, et 
qu'il nomme s/ffeur. Il dit qu'il se trouve 
dans les pays septentrionaux du Canada; 
qu'il approche du lièvre pour la grosseur, | 
mais qu'il ést plus court de corps; que 
la peau en ést fort estimée , et qu'on ne 
recherche cet animal que pour cela, 
parce que la chair n’en est pas bonne à 
manger. [l ajoute que les Canadiens ap- 
pélléent cés animaux siffeurs , païcé qu'ils 
silent en effet à l'entrée dé leurs tanières 
lorsque le temps est beau. Il dit avoir 
entendu lui-méème ce sifflet à diverses re- 
prises. On sait que nos marmottes des 
Alpes siflent de même et d’un ton très- 
aigu. | 

* Voyage. du baron de la Hontan, tome [°, 

page g9. 
| é 


X 


DE LA MARMOTTE. 67 
MARMOTTE DE KAMTSCHATKA. 


LEs voyageurs russes ont trouvé dans 
les terres du Kamtschatka un animal 
qu'ils ont appelé marmotte, mais dont 
ils ne donnent qu’une très-lésère indica- 
tion : ils disent seulement que sa peau 
ressemble de loin, par ses bigarrures , au 
plumage varié d’un bel oiseau ; que cet 
animal se sert, comme l’écureuil, de ses 
pattes de devant pour manger, et qu'il se 
nourrit de racines, de baies et de noix 
de cèdre *. Je dois observer que cette 
expression, noix de cèdre, présente une 
fausse idée ; car le vrai cèdre porte des 
cônes , et les autres arbres qu’on a dési- 
snés par le même nom de cèdres, portent 
des baies. 


* Histoire générale des voyages, tome XIX, 
page 293. 


68. HISTOIRE NATURELLE 


DE LA MARMOTTE DU{CAP DE 
BONNE-ESPÉRANCE. 


C'Es Tr encore à M. Allamand, savant 
naturaliste et professeur à Leyde, que 
nous devons la première connoissance de 
cet animal. M. Pallas la indiqué sous le 
nom de cavia capensis, et ensuite M. Vos- 
maër sous la dénomination de #armotte 
bétarde d'Afrique. Tous deux en donnent 
la même figure tirée sur la même plan- 
che, dont M. Allamand nous avoit en- 
voyé une gravure. Il marquoit à ce sujet 
à M. Daubenton: 


« Je vous envoie la figure d’une espèce 
de cabiai ( Je ne sais par quel autre nom 
le désigner ) que j'ai recue du cap de 
Bonne-Espérance. Il n’est pas tout-à-fait 
aussi bien représenté que je le desirerois ; 
mais comme J'ai cet animal empaiklé dans 
mon cabinet, je vous l’enverrai par la 
première occasion, si vous souhaitez de 
le voir. 


LA MARMOTE DU CAP. 


LP au Pi a à 
! 


Lib 
MENT UNE 


f 


DE LA MARMOTTE. 69 


Nous n'avons pas profité de cette offre 
très-obligeante de M. Allamaud , parce 
que nous avons été informés peu de temps 
après qu'il étoit arrivé en Hollande un ou 
deux de ces animaux vivans, et que nous 
cspérions que quelque naturaliste en fe- 
roit une bonne description. En effet, 
MM. Pallas et Vosmaër ont tous deux 
décrit cet animal, et je vais donner ici 
l'extrait de leurs observations. 


.« Cet animal, dit M. Vosmaër, est 
connu au cap de Bonne-Espérance sous le 
nom de blaireau des rochers, vraisembla- 
blement parce qu'il fait son séjour entre 
les rochers et dans la terre, comme le 
blaireau , auquel néanmoins il ne res- 
semble point ; il ressemble plus à la mar- 
motte, et cependant il en diffère... C’est 
Kolbe qui le premier a parlé de cet ani- 
mal, et a dit qu’il ressemble mieux à 
une marmotte qu'à un blaireau., » 


Nous adopterons donc la dénomination 
de marmotte du Cap, et nous la préfére- 
.rons à celle de cavia du Cap, parce que 


y 


sè HISTOIRE NATURÉÉLE 
Pantumal dont 1l est ici question, est Le Li 
différent du cavia ou éabiai : 1°. par le 
climat, le cavia étant de l'Amérique mé- 
fidionale , tandis sud celui-cinesetrouvé . 
qu’en Atritqad ; ; 2°. parce que le nom dé 
casia est un mot brasilien, qui ne doit 

point être transporté en Afrique, puis- 
qu’il appartient au cavia, qui est le vrai 
eabiai, et au cavia-cobaïa , qui est le 
cochon d'Inde; 3°. enfin parce que le 

cabiai est un animal qui n’habite que le 

bord des eaux , qui a des membranes 

éntre les doigts des pieds, tandis que fa 

marmotte du Cap n’habite que les rochers 
ét les terres les plus sèches qu’elle peut 

creuser avec ses ongles * 


« Le premier animal de cetté espèce , - 
dit M. Vosmaër, qui ait paru én Europe, 
â été envoyé à M. le prince d'Orange par 
M. ‘Tulbagh , et on en conserve la dé- 
pouille dans le cabinet de ce prmce. La 
couleur de.ce premier animal diffère 
beaucoup de celle d’un autre qui est 


_ 


* Voyez la figure 


(DELA MARMOTTE:: mx 
arrivé depuis ; il étoit aussi fort jeune et 
très-petit. Celui que je vais décrire étoit 
un male, et il r'a été envoyé par M. Berg- 
meyer , :d'Amsterdam. . ... Le genre de 
vie de ces animaux , suivant les infor+ 
matious qui m'en ont été données, est 
fort triste, dormant souvent pendant la 
journée, Leur mouvement est lent, et 
s'exécute par bonds ; mais , dans leur état 
de nature, peut-être est-il aussi vif que 
celui des lapins. Ils poussent fréquein- 
ment des cris de courte durée, mais 
aigus et perçans. » 


_ Je remarquerai en passant que ce carac- 
tère rapproche encore cet animal de la 
marmotte ; car on sait que nos mar- 
mottes des Alpes font souvent entendre 
un sifllet fort aigu. 


« On nourrissoit en Hollande cette espèce 
de marmotte du Cap, continue M. Vos- 
maër , avec du pain et diverses sortes d'her- 
bes potagères. li est fort vraisemblable que 
ces animaux ne portent pas long-temps 
leurs petits, qu'ils mettent bas souvent et 


72 HISTOIRE NATURELLE à ; 


en grand nombre. La-forme de leurs pieds 
paroît aussi dénoter qu’ ils sont propres a 
fouir la terre. Cet animal étant mort à 
Amsterdam, je le donuai à M. Pallas 
pour le hisser 

Il ressemble beaucoup pour la taille au 
lapin commun ; mais il est plus gros et 
plus ramassé : le ventre est sur-tout fort 
gros. Les ÿeux sont beaux et médiocre- 
nent grands ; les paupières ont en des- 
sous et eu dessus quelques petits poils 
courts et noirs , au-dessus desquels on en 
voit cinq ou six noirs, mais longs, qui 
sortent à peu près du coin de la paupière 
alitérieure ,. et retournent en arrière vers 
la tête; il y a de pareilles moustaches sur 
la ièvre supérieure , vers le milieu‘ du 
museau. | 

Le nez est sans poil, noir, et comme 
divisé par une fine couture qui descend. 
jusque sur la lèvre ; les narines paroissent 
comme un cordon rompu au milieu ; sous 
1e museau, vers le gosier et sur les joues, 
on voit quelques longs poils noirs plus 
ou moins longs , et tous plus roides que 
l’autre poil; des poils de même espèce 


A 


DE LA MARMOTTE- M. 193 


2 

sont semiés de distance en distance sur 
tout le corps..... Le palais de la bouche 
a huit cannelures ou sillons profonds ; 
la langue est fort épaisse, passablement 
longue , gaïnie de petits mamelons , et 
ovale à son extrémité. La mâchoire supé- 
rieure a deux dents fort longues , sail- 
läntes au-devant du museau , et écartées 
- l'une de l’âäutre; eîles ont la forme d’un 
_ triangle alongé et applati : les dents de la 
mâchoire inférieure sont poséesau-devant 
du museau ; elles sont coupantes, fort 
serrées, et au nombre de quatre; elles 
sont assez longues , plates et larges... Les 
dents molaires sont assez grosses, quatre 
en haut et quatre en bas de chaque côté ; 
on en pourroit compter une cinquième, 
plus petite que les autres. .... Cet ani- 
mal a les jambes de devant fort courtes, 
et cachées à moitié sous la peau du corps: 
les pieds sontnuds et ne présentent qu'une 
peau noire; ceux de devant ont quatre 
doigts, dont trois très-apparens, et celui 
du miheu le plus long ; le quatrième , qu: 
est au côté extérieur , est beaucoup plus 
court que les autres , et comme adhérent 
Quedrupèdes, XI, 7 


ET 


74 HISTOIRE NATURELLE " 


au troisième : le bout de ces doigts est 
armé d'onglets courts et ronds, attachés 
à la peau, de la même facon que nos 
ongles. Les à de détriète ont trois 
doigts, dont il n’y a que celui du milieu 
qui ait un ongle courbe; le doigt exté- 
rieur est un peu plus court que les autres. 
L'animal saute sur ses pieds de derrière 
comme le lapin....... 11 n’y a pasle 
moindre indice de queue ; l'anus se 
montre fort long, et le prépuce, en bout- 
relet rond, découvre un peu la verge. La 

couleur du poil est lé gris ou de brun 
fauve, comme le poil des lièvres ou des 
lapins de sarenne ; il est plus foncé sur la 
tête et sur le dos , et il est blanchâtre sur 
la poitrine et le ventre. 11 y a aussi une 
bande blanchâtre sur le cou, tout près 
des épaules : cette bande ne fait pomt un 
collier , maïs se termine à la hauteur des 
jambes de devant; et en général le poil 
est doux et laimeux. » KES 


Nous ne donnerons pas ici la descrip- 
tion des parties intérieures de cet animal; 
onlatrouvera dans l'ouvrage de M. Pallas, 


DE LA MARMOTTE. 75 
qui a pour titre , Spicilegia zoologica. Cet 
habile lite l'a faite avec beaucoup 
de soin , et il faudroit la copier en entier 
pour ne rien perdre de ses observations. 


Addition et corrections à l'article de la 
marmotte du cap de Bonne-Espérance. 


Nous avions donné à cet animal le 
nor de marmotte du Cap, d’après Kolbe 
et M. Vosmaër, parce qu’en effet il a 
quelque ressemblance avec la marmotte. 
Cependant il n’est point du genre des 

marmottes, et n’en a pas les habitudes; 
mais M. Allamand nous a informés qu’on 
appeloit £li;pdas ce même animal, auquel 
on donnoit aussi le nom de blaireau des 
rochers. Nous l'avons fait dessiner de 
nouveau, d’après la figure qui nous a 
été envoyée par ce célèbre naturaliste, 
et nous avons adopté le nom de {/ipdas, 
parce qu’en effet il n’est ni du genre des 
marmottes ni de celui des blaireaux. 

M. le comte de Mellin , que nous avons 
déja eu occasion de citer avec éloge, 
m'a envoyé la gravure faite d’après le 


RUN qi M FAU MORE MURS YOU SUPER AMC NE AOC 


TE HUGTL ENT ANEMINURSS 
76 HISTOIRE NATURELLE 
dessin qu'il a fait lui-même de cet ani- 
mal vivant, et il a eu la bonté d'y ajou- 
ter D enEe observations intéressantes 
sur ses habitudes naturelles. Voici l’ex- 


trait de la lettre qu'il na écrite à ce 
sujet. | 


« M. le comte a donné (dans ce volume, 
page 68) l'histoire d’un petit animal 
auquel il donne le nom de ”armotte du 
- cap de Bonne-Espérance. Permettez-moi, 
M. le comte , de vous dire que cet ani- 
mal n’a dans ses mœurs aucune ressem- 
blance avec la marmotte. J'en ai recu 
une femelle du cap de Bonne - Espé- 
rance qui vit encore, et que j'ai donnée 
à ma sœur, la comtesse Borke, qui la 
présentement depuis quatre ans. Je l'ai 
peinte d’après nature , et J'ai l'honneur 
de vous envoyer une gravure faite d’a- 
près cette peinture, et qui représente 
ce petit animal très au naturel. Celle qui 
est dans votre ouvrage, copiée de cellé 
qui se trouve dans le Spicilegia zoologica 
de M. Pallas, est absolument manquée, 


DE LA MARMOTTE ‘ 99 
Le genre de vie de ces petits animaux 
n'est pas aussi triste que le prétend 
M. Vosmaër ; tout au contraire, il ‘est 
d’un naturel gai et dispos : cela dépend 
de la manière dont on le tient. Pendant 
les premières semaines que Je l’avois!, Je 
le tins toujours attaché avec üné ficelle 
à sa petite loge, et il passa la plus grande 
partie des Jours et des nuits à dormir 
blotti dans sa loge : et que pouvoit - il 
faire de mieux pour supporter l’ènnui 
de l'esclavage ? Mais depuis ‘qu'on lui 
permet de courir en liberté’par les cham- 
bres , ‘il se montre tout autre; il est non 
seulement très-apprivoisé , mais même 
susceptible d’attachement. Il $se.plaît' à 
êtré sur les genoux de sa maîtresse ; il la 
distingue des autres au point que , quand 
il est enfermé dans une chambre et qu’il 
l'entend venir , il reconnoît sa marche, 
il s'approche de la porte, se-met aux 
. écoutes ; et si elle s’en retourne sans en- 
trer chez lui, il s’en retourne tristement 
ct à pas lents. Quand on l'appelle, il 
répond par un petit cri point désagréable, 
et vient promptement chez la personne 

7 


- Ltd 


TPM À A x, DL! nd "r Th: ie ri do HA Li. 
LRO UE Far f 
ÿ ‘ 


58 HISTOIRE NATURELLE 
qui le: demande. Il saute très- légèr ement 
et.avec. beauco up de précision. IL est fri- 


leux, et, cherche de préférence à se eou- 


cher. tout au haut du poêle ,:sur lequel il 
‘saute. em deux sauts. Il ne grimpe pas; 


mais il saute aussi légèrement que de È 


chats, sans jamais rien renverser. Il aime 
à être tout à côté du feu;.et comme le 
poële de la chambre est ce que nous 
nommons ui #irdofen qu'on chauffe par 
une espèce de cheminée pratiquée dans 
le poêle, et qu'on ferme d’une porte de 
fer , 1l.est déja arrivé qu'il s'est glissé 
dans: le poêle pendant que le-bois y brû- 
loit ;:et comme on avoit fermé la porte 
sur lui, ne sachant pas qu'il y étoit, àl 
souffrit une chaleur bien violente pen- 
dant quelques minutes, jusqu'à ce.qu'il 
mit le nez à la petite porte.de fer qui est 
pratiquée dans la grande porte, et qu’on 
avoit laissée ouverte pour y faire entrer 
l'air; sur quoi on le fit sortir prompte- 
ment. Quoiqu'il se fât brûlé le poil des 
deux côtés, cet accident ne l’a pas rendu 
plus prévoyant , et il recherche encore 
toujours à être bien près du feu. Ce petit 


DE LA MARMOTTE.N 
animal éstextremement propre, au point 
qu’on la accoutumé à sé servir d'uupot 
pour y faire ses ordures et y lâcher son 
eau: Onremarqua que, pour se vider, il 
lui falloit un lieu commode et urie atti- 
tude particulière; car alors 4l se dresse 
sur les pattes de derrière:, en les ap- 
puyatit contre un mur ou dde chose 
de stable. qui ne recule pas sous lui, et 
il pose:les pieds de devant sur un 
bâton ou quelque chose d’éleyé ; en lé- 
chant sa bouche avec sa -languüe. peén- 
dant tout le temps que l'opération dure, 
On diroit qu'il se décharge avec peine; 
et pour profiter de l’inclination qu'il a 
pour la propreté | où lui à préparé un 
lieu commodé , une espèce. de chaise 
percée dont il se sert toujours. | 

Il se nourrit d'herbes , de fruits, de 
patates , qu'il aime beaucoup crues et 
cuites , et même il mange du bœuf fu- 
mé ; mais ilne mange que de cette viande, 
et jamais de la cruc ni d’autres ee 
Apparemment que, pendant son trans- 
port par mer, on lui a fait connoître 
eette nourriture, qui doit cependant être 


& HISTOIRE NATURELLE 
souvent variée; car 1l 2e ‘lasse bientôt , 
et perd lappétit lorsqu’ on lui donne tà- 
même pendant plusieurs jours: alors il 
passe une Journée entière sans manger; 
mais le lendemain il répare le temps 
perdu. Il mange la mousse et l'écorce du 
chêne, et sait se glisser adroitement jus 
qu’au fond de la caisse à bois pour l'enle2 
ver des bûches qui en sont encore coû-— 
vertes. Il ne boit pas ordinairement}, et 
ce n’est que lorsqu'il a mangé! du bœuf 
salé qu'on l’a vu boire fréquemment: ‘II 
se frotte dans le sable comme les oiseaux 
pulvérateurs, pour se défaire de la ver- 
mine qui lincommode, et ce'n’est'pas 
en se vautrant comme les chiens ;' les 
renards, mais d’une manière tout étran- 
gère à tout autre quadrupède , et exac- 
tement comme le faisan ou la perdrix. 
Il est toujours très - dispos pendant tout 
le cours de l’année, et il me paroît être 
trop éveillé pour imaginer qu'il puisse 
passer une partie de l'hiver dans un état 
de torpeur comme la marmotte ou le 
loir. Je ne vois pas non plus qu'il puisse 
se creuser un terrier comme lesmarmottes 


DE LA MARMOTTE. 81 
ou les blaireaux , n'ayant ni des ongles 
crochus aux doigts, ni ceux-ci assez 
forts pour un travail aussi rude; ïl ne 
peut que se susser dans les crevasses des 
rochers pour y établir sa demeure et 
pour échapper aux oiseaux de proie, qu'il 
craint beaucoup : au moins chaque cor- 
neille que le nôtre voit voler lorsqu'il est 
assis sur la fenêtre , place favorite pour 
lui, l'alarme; il se précipite d’abord et 
court se cacher dans sa loge, d’où il ne 
sort que long-temps après, lorsqu'il ima- 
gine le danger passé. Il ne mord pas vio- 
lemment ; et quoiqu'il en fasse des ten- 
tatives lorsqu'on l'irrite , il ne peut guère 
se défendre à coups de dents , pas même 
contre le petit épagneul de sa maîtresse, 
qui , jaloux des faveurs qu’on lui pro- 
digue , prend quelquefois querelle avec 
lui. Il ne trouve probablement, en état 
_de liberté, son salut que dans la fuite et 
dans la célérité de ses sauts, talens très- 
utiles pour ce petit animal, qui , Selon le 
rapport des voyageurs, habite les rochers 
du sud de l'Afrique. Quoiqu'il'engraisse 
beaucoup lorsqu'on le tient enfermé ou à 


82 HISTOIRE NATURELEÆE 
l'attache, 1l ne prend guère plus d’em- 
bonpoint qu’un autre animal bien nourri , 
dès qu’on lui donne pleine liberté de cou- 
rir et de se donner de l'exercice. » 


DU JCA SERA 


Nous avons dit que le castor étoit un 
animal commun aux deux continens ; il 
se trouve en effet tout aussi fréquemment 
en Sibérie qu’au Canada. On peut les 
apprivoiser aisément , et même leur ap- 
prendre à pècher du poisson et le rappor- 
ter à la maison. M. Kalm assure ce fait. 

« J'ai vu, dit-il, en Amérique des cas- 
tors tellement apprivoisés, qu’on les en- 
voyoit à la peche, et qu'ils rapportoient 
leurs prises à leur maître. J’y lai vu aussi 
quelques. loutres qui étoient si fort acs 
coutumées avec les chiens et avec leurs 
maîtres , qu’elles les suivoient , les accom- 
pagnoient dans le bateau , sautoient dans 
l’eau, et, le moment 1 d'après revenoient 
avec un poisson * x e 2 


* Voyage de Ra tome IT, page 350. 


L'Jarquet- 4 2 


BU' CAS TOR !: e3 


Nous vimes, dit M. Gmelin, dans une 
petite ville de Sibérie , un castor qu’on 
élevoit dans la chambre , et qu’on ma- 
nioit comme on vouloit. On m’assura que 
cet animal faisoit quelquefois des voyages 
à une distance très-cousidérable , et qu’il 
enlevoit aux autres castors leurs femelles 
qu'il rtmenoit à la maison, et qu'après 
le temps de la chaleur passée, elles s’en 
retournoient seules, et sans qu'il les con- 
duisît *.».. j à 


DES SOURIS ET DES'RATS. 


Nows donnons ici la figure de la sou- 
ris commune , parce qu’elle n’a pas été 
bien rendue tome IT, pl. XXII. 

Nous avons dit , à l’article de la souris, 
que les souris blanches aux yeux rouges 
n’étoient qu’une variété , une sorte de 
dégénération dans l'espèce de la souris. 
Cette variété se trouve non seulement 
dans nos climats tempérés, mais dans les 
contrées méridionales et septentrionales 
des deux continens. | 

Foyage de Kamtschaika, page 73. 


. 


1 


; de È ; a : \ \ 

84 HISTOIRE NATURELLE 
« Les souris blanches aux yeux rouges , 
dit Pontoppidan, ont été trouvées dans 


la petite ville de Molle ou Roms-dallem: 


mais on ne sait si elles y sont indigènes, 
ou si elles y ont été apportées des Indes 
orientales. » 5 


ù CE Lé ®, 
Cette dernière présomption ne paroit 


fondée sur rien ; etil y a plus de rai- 


son de croire que les souris blanches se 
trouvent quelquefois en Norvége, comme 


elles se trouvent quelquefois par-tout 


ailleurs dans notre continent ; et les sou- 
ris, en général , se sont même actuel- 
lement si fort multipliées dans l’autre, 
qu’elles sont aussi communes en Amé- 
rique qu’en Europe , sur-tout ‘dans les 
colonies les plus habitées. Le même au- 
teur ajoute : | 


« Que les rats de bois et les rats d’eau 
ne peuvent vivre dans les terres les plus 
septentrionales de la Norvége, et qu'il y 
a plusieurs distrites, comme celui de Har- 
denver, dans le diocèse de Berguen , et 


d’autres dans le diocèse d'Aggerhum , où. 


# 


\ 


DES RATS ET DES SOURIS. 85 
l’on ne voit point de rats, quoiqu'il y en 
ait sur le bord méridional de la rivière de 
Vormen, et que, lorsqu'ils sont trans- 
portés de l’autre côté , c’est-à-dire, à la 
partie boréale de cette rivière, ils y pé- 
rissent en peu de temps ; différence qu'on 
ne peut attribuer qu’à des exhalaisons du 
sol contraires à ces animaux. » 


Ces faits peuvent être vrais ; mais nous 


avons souvent reconnu que Pontoppidan 
n'est pas un auteur qui mérite foi entière. 


Dans les observations que M. le vicomte 


de Querhoent a eu la bonté de me com- 


muniquer/ il dit que les rats transportés 


d'Europe à l'ile de France par les vais- 
seaux s’y étoient multipliés au point 
qu'on prétend qu'ils firent quitter l'ile 
aux Hollandois. Les Francois en ont di- 
minué- le nombre, quoiqu'il y en ait 
encore une très-grande quantité. Depuis 
quelque temps, ajoute M. de Querhoent, 
un rat de l'Inde commence à s’y établir : 
il a une odeur de musc des plus fortes, 


qui se répand aux environs des lieux 


qu’il habite; et l'on croit que lorsqu'il 


12 28 ah 
è on du no 
FR 
4 * n 
= 


| ni 

86 HISTOIRE NATURELLE 

passe dans un endroit où il y a du vin, 
il le fait aigrir *. Il me paroît que ce rat 
d'Inde , qui répand uné odeur de musc, 
pourroit être le même rat que les Portu- 
gais ont appelé c£eroso, ou rat odorifé- 
rant. La Boullaye-le-Gouz en à parlé. 


| AE 


« Ilest, dit-il, extrêmement petit ; il est 
à peu près de la figure d’un furet ; 
morsure est venimeuse ; quand il entre 
dans une chambre, on le sent inconti= 
nent , et on l'entend crier #ric, Æric, 
hric ?. » 


Ce même rat se trouve aussi à Maduré, 
où on le nomme rat de senteur. Les voya- 
geurs holiandois en ont fait mention; ils 
disent qu'il a le poil aussi fin que la 
taupe , mais seulement un peu moins 
moir *. | À 


Note communiquée par M. le vicomte de 
Querhoent à M. de Buffon. | 

2 Voyage de la Boullaye-le-Gouz, page 256. 

3 Recueïl des voyages qui on! servi à l’établis= 


sement de la compagnie des Indes Griéniaies » 
tome huge page is er 


pu HAMSMER eu 


DU HAMSTER, ou RAT DE BLÉ. 
ON trouve FEU la Gazette de littérature, 
du 15 septembre 1774, un extrait des ob- 


servations faites sur Île hamster, et tirées 


d’un ouvrage allemand de M. Caldes ; que 
J'ai cru devoir donner ici. 


« Le rat de blé:, en allemand Zarnster, 
ne pouvoit êtremicux décrit ni plus com- 
modément qu'à Gotha , où, dans une 
seule année , on en a livré onze muile 
cinq cent soixaänte-quatorze peaux à 
l'hôtel-de-ville ; dans une autre, cin- 
quante-quatre mille quatre cent vingt- 
neuf; et une troisième fois, quatre-vingt 
mille cent trente-neuf. Cet animal habite 
en général les pays tempérés : quand il est 
irrité, Le cœur lui bat jusqu’à cent quatre- 
vingts fois par minute; le poids du cer- 
veau est à celui de tout le corps comme 
1 est à 103. 

Ces rats se font des magasins, où ils 
placent Jusqu'à douze livres de grains. 
En hiver, la femelle s'enfonce fort avant 


88 HISTOIRE NATURELLE 
dans la terre. Cet animal est courageux: 
il se défend contre les chiens, contre les 
chats, contre les hommes : il est natu- 
rellement querelleur, ne s'accorde pas 
avec son espèce, et tue quelquefois, dans 
sa furie, sa propre famille. Il dévore ses 
semblables lorsqu'ils sont plus foibles, 
aussi-bien que les souris et les oiseaux, et 
il vit avec cela de toutes sortes d’herbes, 
de fruits et de grains : il boit peu. La 
femelle sort plus tard que le mâle de sa 
retraite d'hiver ; elle porte quatre se- 
maines, et fait jusqu’à six petits. Il ne 
faut que quelques mois pour que les 
petites femelles deviennent -fécondes. 
L'espèce de rat qu'on nomme pus *, tue 
le hamster. ? 
Quand l’animal est dans son engour- 
dissement, on n’y observé ni respiration, 
ni aucune sorte de sentiment. Le cœur 
bat néanmoins environ quinze fois par 
minute , comme on s'en appeïcoit en 
ouvrant la poitrine ; le sang demeure 
fluide , les intestins immobiles ne sont 


UE rs désigne le putois, ét non pas un rat, 
comimne le dit ici l’auteur. 


DU HAMSTER. &g 
pas irritables ; le coup électrique mème 
ne réveille pas l'animal, tout est froid 
en dui. Âu grand air, il ne s’engourdit 
jamais. » 


M. Sulzer rapporte par quels degrés il 
passe pour sortir de son engourdissement.. 


. « Cet anifnal n’a guère d’autre utilité 
que celle de détruire les re mais il 
mt bien plus de mal qu'elles ? 


oui eussions desiré que M. iles eût 
indiqué précisément le degré de froid ou 
de manque d'air auquel ces. animaux 
s’engourdissent ; car nous répétons ici. 
affirmativement ce que nous avous dit?, 
que dans une chambre sans feu, où il 
geloit assez fort pour y glacer l’eau, un 
hamster. qui y étoit dans une cage, ne 
s’engourdit pas pendant l'hiver de1763. On. 
va: voir la pleine confirmation de ce fait 
dans les additions que M. Allamand a fait 
imprimer à la suite de mon ouvrage ;-et 
que je viens.de recevoir. 


* Observations sur le rat de ble , par M. Sulzer. 
(Gazetré de hitiérature , 13 septembre 1774.) 
2 Tome VI, page 04 L 


es 


RON TOUT OR TS 
ARTE k 


99 HISTOIRE NATURELLE 


À DD ET RS (A 


DE L'ÉDITEUR HOLLANDOIS. 


LE HAMSTER. 


t, 
Le hamster est un Are à du. geure 
des souris, qui passe l’hiver à dormir , 

comme Îles marmottes. Il'a les jambes 
basses , le cou court, la tête: un peu 
grosse, la bouche garnie de‘moustaches 
des deux: côtés, les oreilles grandes et 
presque sans poil, la queue courte et à 
demi nue, les yeux ronds et sortant de:la 


tête, le poil mêlé de roux ; de jaune, de 


blanc et de noir : tout cela ne lui donne 
pas la figure fort revenante. Ses mœurs 
ne le rendent pas plus recommandable. 
Il n’aime que son propre individu, et'n’a 
pas une seule qualité sociable. Il'attaque 
et dévore tous les autres animaux dont 
il peut se rendre maître, sans excepter 
ceux de sa propre race. L'instinct mêmc 


ne. 


U 


LATE 


\ 


DU HAMSTER. Fu 


qui le.porte vers l’autre sexe, ne'dure 
que quelques jours , au bout desquels 
sa. femelle n’éprouveroit pas un meilleur 
sort, si elle ne prenoit pas la précaution 
d'éviter la rencontre de son ingrat, ou 
de le prévenir et de le tuer la première. 
À ces qualités odieuses la Nature a néan- 
moins .su.en allier d’autres, qui, sans 
rendre cet animal plus aimable, lui font 
mériter une place distinguée dans l'his- 
toire naturelle des animaux. Il. est du 
petit nombre de ceux qui passent l'hiver 
dans un état d’engourdissement., et le 
seul en Europe qui soit pourvu de ba- 
joues. Son. adresse à se pratiquer une 
demeure. sous terre, et l’industrie avec 
laquelle il fait ses provisions d'hiver, 
ne méritent pas moins l'attention des 
curieux... 

Le hamster n’habite pas indifférem- 
ment dans toutes sortes de climats ou de 
terrains : on ne.le trouve ni dansles pays 

trop chauds, ni dans les pays trop froids, | 
_ Comme il vit de grains et qu'il demeure 
sous terre, une terre pierreuse, sablon- 
neuse , argilleuse , lui convient aussi peu 


STE Mn la M RE LE 
4 à LE dur Lu Ag 


#2 . HISTOIRE À ETS Le. | 
que les prés , les forêts et les éndrdits 
bourbeux. Il lui faut un terroir! aisé à 
creuser, Qui néanmoins soit assez ferme 
pour ne point s'écrouler. Il choisit en- 
core des contrées fertiles en toutes sortes 
de graines, pour n'être pas obligé de 
cherchér sa nourriture au loin", étant 
peu propre à faire de longues éorseés 
Les terres de Thuringe réunissant toutes 
ces qualités, les hamsters s’y trouvent 
en plus grand nombre ‘que par tout 
ailleurs. FEES 
Le terrier que le hamster se creuse, à 
trois où quatre pieds sous terré, consiste, 
pour l'ordinaire, en plus ou moins de - 
chambres , selon l’âge de ‘l'animal’ qui 
l'habite. La principale est tapissée de 
paillé, et sert de logement; les autres 
sont destinées pour y conserver les pro: 
visions, qu'il ramasse en grande quantité 
dans le temps des moissons. Chaque ter- 
rier a deux trous ou ouvertures, dont 
celle par laquelle l'animal ést arrivé sous 
terre, descend obliquement ; l'autre qui 
a été pratiquée du dedans en dehors, 
est perpendiculaire et sert pour entrer 
‘et sortir. | 


Z 2 


DU HAMSTER. 93 
Les terriers des femelles, qui ne de- 
meurent Jamais avec les mâles, diffèrent 
des autres en plusieurs points. Dans ceux 
où elles mettent bas, on voit rarement 
plus qu’une chambre de provision, parce 
que le peu de temps que les petits de- 
imneurent avec la mère, n’exige pas qu’elle 
amasse beaucoup de nourriture; mais, 
au lieu d’un seul trou perpendiculaire, il 
y en a Jusqu'à sept ou huit qui servent à 
donner une entrée et une sortie libre aux 
petits. Quelquefois la mère ayant chassé 
ses petits, reste dans ce terrier ; mais, 
pour l'ordinaire, elle s’en pratique ur 
autre, qu'elle remplit d'autant de pro- 
visions que la saison lui permet d’en 
ramasser. . die Vars 
Les hamsters s'accouplent la première 
fois vers la fin du mois d'avril, où les 
mâles. se rendent dans les terriers des 
femelles, avec lesquelles ils ne restent 
cependant que peu de jours. S'il arrive 
que deux mâles, cherchant femelle, se 
‘reneontrent dans le même trou, il s'élève 
un combat furieux entre eux, qui, pour 
l'ordinaire, finit par la mort du plus foible. 


94 HISTOIRE NATURELLE 
Le vainqueur s'empare de sa femelle, et 
l'un et l’autre, qui, dans tout autré 
temps, se persécutent et s’entre-tuent 
déposent leur férocité naturelle pendant 
le peu de jours que durent leurs amours. 
Ils se défendent même réciproquement 
contre les agresseurs. Quand on ouvre 
un terrier dans ce temps-là, et que la 
femelle s’appercoit qu’on veut lui enlever 
son mari, elle s'élance sur le ravisseur, 
et lui fait souvent sentir la fureur de sa 
vengeance par des morsures ia et 
douloureuses. “Eee 

Les femelles mettent bas deux ou trois 
fois par an : leur portée n’est Jamais au- 
dessous de six , et le plus souvent de seizé 
à dix-huit petits. Le crû de ces animaux 
ést fort prompt. À l’âge de quinze jours, 
ils essaient déja à creuser la terré': peu 
après , la mère les oblige de sortir du ter- 
rier, de sorte qu’à l’âge ans OT {rOIS se- 
maines ils sont abandonnés à leur propre 
conduite. Cette mère montre en général 
fort peu de tendresse mate tele pour 
ses petits : elle qui, dans le temps de ses 
amours, défend si courageusement som 


DU HAMSTER. (! 95 
mari, ne counoît que la fuite quand sa 
famille est menacée d’un danger; son 
unique soin est de pourvoir à sa propre 
conservation. Dans cette vue , dès qu’elle 
se sent poursuivie, elle s'enfonce en creu- 
sant plus avant dans la terre; ce qu’elle 
exécute avec une célérité surprenante. 
Les petits ont beau la suivre, elle est 
sourde à leurs cris, et elle bouche même 
la retraite qu’elle s’est pratiquée. 

Le hamster se nourrit de toutes sortes 
d'herbes , de racines et de grains, que les 
différentes saisons lui fournissent. I s’ac- 
commode même très-volontiers de la chair 
des autres animaux dont il devient le 
maître. Comme il n’est pas fait pour les 
longues courses , 1l fait le premier fonds 
de son magasin par ce que lui présentent 
les champs voisins de son établissement ; 
ce qui est la raison pourquoi l’on voit 
souvent quelques unes de ses chambres 
remplies d'une seule sorte de grains. 
Quand les champs sont moissonnés ,' il 
va chercher plus loin ses provisions, et 
prend ce qu'il trouve dans son chemin 
poux le porter dans son habitation et l'y 


96 HISTOIRE NATURELLE 
déposer sans distinction. Pour lui faciliter 
le transport de sa nourriture, la Nature 
l'a pourvu de bajoues de chaque côté de 
l'intérieur de la bouche. Ce sont deux 
poches membraneuses, lisses et luisantes 
eu dehors, et parsemées d’un grand 
nombre de glandes en dedans ; qui dis= 
tillent sans cesse une certaine humidité, 
pour les tenir souples et les rendre ca- 
pables de résister aux accidens que des 
grains souvent roides et pointus: pour- 
roient causer. Chacune de ses bajoucs 
peut contenir une once et demiedegrains, 
que cet animal, de retour dans sa de- 
meure, vide moyennant ses deux pieds 
de devant, qu'il presse extérieurement 
contre ses Épai pour en faire sortir les 
grains. Quand on rencontre un hamster, 

ses poches remplies de provisions, on 
peut le prendre avec la main, sans ris- 
quer d’être mordu , parce que, dans cet 
état, il n’a pas le mouvement des mâ- 
choires libre; mais, pour peu qu’on lui 
laisse du temps, il vide  promptement 
ses poches et se met en défense. La quan- 
tité de provisions qu'on trouve dans les. 


V4 


DU HAMSTER. 97 
terriers, varie suivant l’âge et le sexe de 
l'animal qui les habite :les vicux hamsters 
amassent jusqu'à cent. livres de grains; 
mais les Jeunes et les femelles se con- 
tentent de beaucoup moins. Les uns et 
les autres s’en servent, non pour s’en 
nourrix pendant lhiver, temps qu'ils 
passeut à dormir et sans manger, mais 
pour avoir de quoi vivre après leur ré- 
veil au printemps, et pendant l’espace 
de temps qui précède leur engourdis- 
sement. ; | 

À l’approche de l'hiver , les hamsters 
se retirent dans leurs habitations souter- 
raines , dont ils bouchent l’entrée avec 
soin ; ils y restent tranquilles et vivent 
de leurs provisions, jusqu’à ce que, le 
froid étant devenu plus sensible, ils tom- 
bent dans un état d'engourdissement sem- 
blable au sommeil le plus profond. Quand, 
après ce temps-là , on ouvre un terrier, 
qu'on reconnoît par un monceau de terre 
qui se trouve auprès du conduit oblique 
dont nous avous parlé, on y voit le 
hamster mollement couché sur un lit de 
paille menue et très-douce. Il a la tête 


9 


98 HISTOIRE NATURELLE 

retirée sous le ventre , entre ‘les deux 
jambes de devant ; cellés de derrière sont 
appuyées contre le museau. Les yeux sont 
fermés ; et quand on veut écarter les pau 
pières , elles se referment dans l'instant. 


Les membres sont roides commeceux d’uit 


animal mort, et tout le corps est froid 
au toucher comme la glace. On ne re- 
marque pas la moindre respiration ni 
autre signe de vie : ce n’est qu’en Le dis- 
séquant dans cet état d’engourdissement 
qu'on voit le cœur se contracter et se 
dilater ; mais ce mouvement est si lent, 
qu'on peut compter à peine quinze pul- 
sations dans une minute, au lieu qu'il 
y en à au moins cent cinquante dans 
le même espace de temps lorsque l’ani: 
imal est éveillé. La graisse est comme 
figée ; les intestins n’ont pas plus de cha- 
leur que l'extérieur du! corps, et sont 
insensibles à l’action ‘de l’esprit-de-vin 
et même à l'huile de vitriol qu’on y 
verse , et ne marquent pas la moindre 


irritabilité. Quelque douloureuse que soit 


toute cette opération , l'animal ne paroît 
pas la sentir beaucoup : il ouvre quel: 


TA 


DU HAMSTER. 09 
quefois la bouche , comme pour respi- 
rer; mais son engourdissement est trop 
fort pour s’éveiller entièrement. 

On a cru que la cause de cet engour- 
dissement dépendoit uniquement d’un 
certain degré de froid en hiver. Cela peut 
être vrai à l'égard des loirs, des lérots, 
des + Ste mais , pour mettre 
le hamster dans cet état, l’expérience 
prouve qu'il faut encore que Pair exté- 
rieur n'ait aucun accès à l'endroit où il 
s'est retiré. On péut s’en convaincre en 
enfermant un hamster dans une caisse 
remplie de terre et de paille; on aura 
beau l'exposer au froid le plus sensible de 
l'hiver et assez fort pour glacer l’eau, 
on ne parviendra Jamais à le faire dor- 
mur : mais, dès qu'on met cette caisse 
à quatre ou cinq pieds sous terre, qu'il 
faut avoir soin de bien battre. pour 
empêcher l'air extérieur d'y pénétrer, on 
le trouvera , au bout de huit ou dix ; Jours, 
engourdi comme dans son terrier. Si le 
retire cette caisse de la terre , le hamster 
se réveillera au bout de quelques heures, 
et se rendormira de nouveau quand on 


to HISTOIRE NATURELLE 
le remet sous terre. On peut répéter cette 
expérience avec le même succès , ‘aussi 
long-temps que le froid durera , pourvu 
qu’on observe d'y mettre l'intervalle de 
temps nécessaire. Ce qui prouve encore 


L 


que, l'absence de l'air extérieur est une 


des causes de l’engourdissement du hams- 


ter, c'est que, retiré de son terrier au 


plus gros de l'hiver , il'se réveille 1m- 
inanquablement au bout: de quelques 
heures , quand on l’expose à l'air. Qu'on 
fasse cette expérience de jour ou de nuit, 
cela est indifférent , de sorte que la lu- 
mière n'y à aucune part. 

C’est un spectacle curieux de voir pas- 
ser un hamster de l’engourdissement au 
réveil. D’abord il perd la roideur des mem- 
brés ; ensuite il respire profondément, 
mais par de lougs intervalles ; on re- 
marque du mouvement dans les jambes ; 
il ouvre la bouche comme pour bäiller, 
et fait entendre des sons désagréables et 
semblables au râlement. Quand ce Jeu # 


duré pendant quelque temps , il ouvre! 


enfin les yeux et tâche de se mettre sur 
les pieds ; mais tous ses mouvemens sont 


tFDU'HAMSTER.T CII xos 
encore peu assurés ct chancelans comme 
eeux d’un homme ivre. Il réitère-cepen- 
dant ses essais: jusqu’à ce qu'il parvienne 
à se tenir sur ses Jambes. Dans cette atti- 
tude, il reste tranquille, comme pour 
se reconnoître, et se reposer ;:deses fa- 
, tigues; mais peu à peu il commence à 
marcher, à manger et à agir comme il 
faisoit avant le temps de son sommeil, 
Ce passage de l’engourdissement au ré- 
veil demande plus ou moins de temps, 
selon la température de lendroit où se 
trouve l'animal. Si on lexpose à un air 
sensiblement froid } il faut. quelquefois 
plus de deux heures pour le faire éveiller ;. 
et dans. un. lieu plus tempéré, cela se fait 
en moins d’une heure. ll ést vraisemblable 
que, dans:les terriers , cette catastrophe 
arrive imperceptiblement, et que l’ani- 
mal ne sent. aucune des incommodités 
qui accompagnent un réveil forcé et subit. 
La vie du hamster est partagée entre 
les soins de, satisfaire aux besoins natu- 
rels et la fureur de se battre. Il paroît 
n'avoir d'autre passion que celle de la 
colère, -qui.le porte à attaquer tout ce 
9 


to3 HISTOIRE NATURELLE 
qui se trouve en son chemin, ‘sans faire 
attention à la supériorité: des forces de 
l'ennemi. Ignorant absolurnent l'art de 
sauver sa vie en se retirant du combat, 
il se laisse plutôt assommer de: coups de 
bâton que de céder. S'il trouve le moyen 
de saisir la main d’un homme;'il faut le 
tuer pour se débarrasser de‘lui..Ea' gran- 
deur du cheval l'effraie aussi peu que Pa: 
dresse du chien. Ce dernrer aime à lux 
donner la chasse : quand lehamster l'ap- 


perçoit de loin , il commence:par vider 
ses poches, si par hasard.il les'a remplies 


de grains; ensuite il les enfle si -prodigieu- 
sement, que la tête et le cou surpassent 
beaucoup en grosseur lé réste du corps; 
enfin il'se redresse sur ses jambes de der- 
rière , et S'élance dans cette ‘attitude sur 
l'ennemi; sil Pattrape, il'né'le quitte 
qu'après l'avoir tué ou perdu Ha vie : mais 
le chien le prévient pour lordinaire, en 
cherchant à le prendre par derrière et à 
l'étrangler. Cette fureur de se battre fait 
que le hamster n’est en paix avec aucun 
des autres animaux ; ilfait méme la 
guerre à ceux de sa race sans en .excep+ 


| NUL ELA MSILER. STE 103 
ter la femelle. Quand deux hamsters se 
rencontrent ; "15 nc manquent Jamais de 
s'attaquer réciproquement . _jJusqu'à ce 
que le plus foible succombe sousles coups 
_ du plus fort, qui le dévore. Le combat 
entre un mâle et une femelle dure pour 
l'ordinaire ;plus long-temps que celui de 
mâle à mâle. Ils commencent par se don- 
ner la chasse et se mordre ; ensuite cha- 
cun se retire d’un autre côté, comme 
pour prendre haleine : peu après, ils 
renouvellenit le combat, et continuent à 
se fuir et à se battre ; jusqu’à ce que l’un 
ou lPautre succombe. Le vaincu sert tou- 
jours de repas au vainqueur. ou 


04 HISTOIRE NATURELLE 


é * 


NOUVELLE. ADDITION 


À L anTre Et " 


nt De. 


DES RATS ET DES SOURIS: 


x Ne 


€. 


L'r ESPÈCE du rat paraît: exister de | 
toutes les contrées habitées ou fréquen- 
tées par les hommes ; car , suivant le récit 
des’ voyageurs, elle a été trouvée:et re- 
connue par-tout, et même dans les pays 
nouvellement découverts. M. Forster dit 
que le rat « se trouve dans les îles de la 
mer du Sud , et dans les terres de la 
nouvelle Zélande; qu'il y en a une pro- 
digieuse quantité aux îles de la Société, 
et sur-tout à Taïti, où ils vivent des 
restes d’alimens que les naturels laissent 
dans leurs huttes, des fleurs et des casses 
de l’erytrina corallodendrum, de bananes 
et d’autres fruits , et, à ce défaut, d’ex- 
crémens de toute sorte : leur hardiesse va 


DES RATS ET DES SOURIS. 105 
jusqu'à mordre quelquefois les pieds des 
naturels endormis. Ils sont: beaucoup 
plus rares aux Marquises et aux îles des 
Amis, et on les voit rarement aux nou- 
velles Hébrides !. » LPO DE d | 


Il est assez singulier qu'on ait trouvé 
les espèces de nos rats dans ces îles et 
terres de la mer du Sud ;’tandis que, 
dans toute l'étendue du continent ‘de 
Fe l'Amérique, ces mêmes espèces ne se sont 
pas trouvées , et que tous les räts qui 
existent actuellement dans ce nouveau 
continent, y sont arrivés avec nos vais- 
seaux. 

Suivant M. de Pagës?, il y a dans 
les déserts d'Arabie une espèce de rat 
très-diférente de toutes celles que nous 
‘connoissons. 


« Leurs yeux, dit-il, sont vifs et 
grands ; leurs moustaches , leur museau 


£ Voyez le second Voyage de Cook, tome V, 
page 170. À 
? Foyage aulour du monde (manuscrit), par 


M, de Pagès. 


LR ER D he te : ,, f 
&E LL a ET PORN MERE TNT 
LUPNAERS PANDA à « 14 


106 HISTOIRE NATURELLE à 
et le haut du front sont blancs, ainsi que 
le ventre, les pattes et le bout,de la 
queue ; le reste du corps est jaune et 
d’un poil assez long et très-propre : la 
queue est médiocrement longue ; mais 
elle est grosse, de couleur jaune comme 
le corps, et terminée de blanc. Mes com 
pagnons arabes mangeoient ces rats après 
les avoir tués à coups de bâton, qu'ils 
lancent avec, beaucoup d'adresse sur le 
chemin du quadrupède ou de: l'oiseau 

qu ‘ils veulent attraper. » 


Zom.2z, 


À Pauquet. S 


. DES RATS ET DES SOURIS. 107 


\ 


L'EUR A T PE RCGH'A L. 


Cz rat, dont M. Sonnerat nous a ap: 
porté la peau sous la dénomination de 
fat perchal, est plus gros que nos rats 
ordinaires. 

| pieds. pouces. lignes. 
Sa, longueur est de..." "és L'ART NS 2 
Longueur de la tête, du bout du 

ner à Fotéiput..7:..7, LT we 3 5 


Elle est plus alongée que celle de nos 
rats; les oreilles nues, sans poil, sont 
de la forme et de la couleur de celles 
de tous tes rats. Les jambes sont courtes j 
et le pied de derrière est très-grand en 
comparaison de celui de devant, puisqu'il 
a , du talon au bout des ongles, deux 
pouces , et que celui de devant n’a que 
dix lignes du poignet à l'extrémité des 
ongles. La queue, qui est semblable. en 
tout à celle de nes rats, est moins longue 


108 HISTOIRE NATU RE LLE 


en proportion , quoiqu'elle n'ait que huit 
pouces trois ligues de longueur. 

Le poil est de couleur dot brun musc 
foncé sur la partie supérieure de la tête, | 
du cou , des épaules, du dos, jusqu'à … 
la croupe et sur la partie supérieure des 
flancs ; le reste du corps a une couleur 
grise plus claire sous Le ventre et le cou... 

Les moustaches sont noires et longues 
de deux pouces six lignes ; la queue est 
écailleuse , comme par anneaux ; sa cou- 
leur est d’un brun grisâtre. 

Les poils sur le corps ont de longueur 
onze lignes, et sur la croupe, deux 
pouces ; ils sont gris à leur racine, et 
bruns dans leur longueur jusqu’à l'extré- 
mité ; ils sont mélangés d’autres poils 
gris en plus grande quantité sous le ventre 
et les flancs. | 

Ce rat est très-commun dans Yade , 
et l'espèce en est nombreuse. Il ui 
- dans les maisons de Pondichéry , comme 
le rat ordinaire dans les nôtres, et les 
habitans de cette ville le trouvent bon à 
nanger. 


DES RATS ET DES SOURIS. 109 


LE SCHERMAN, 


ou 


RAT D'EAU DE STRASBOURG. 


Jx donne ici la figure d’une espèce de 
rat d’eau qui m'a été envoyé de Stras- 
bourg par M. Hermann, le 8 octobre 1776. 


«Ce petit animal, m'écrivit-il, a échap- 
pé à vos recherches , et Je l’avois pris 
moi-même pour le rat d’eau commun ; 
cependant il en diffère par quelques ca- 
ractères. Il est plus petit; il a la queue, 
le poil et les oreilles différens de ceux 
du rat d’eau. On le connoît autour de 
Strasbourg sous le nom de sckerman. 
L'espèce en est assez commune dans les 
jardins et les prés quisont proche de l’eau. 
Cet animal nage et plouge fort bien; on 

Quadrupèdes, ur. 10 


:INONRE OT CE NT RUN "ARRET as FR à 
À L LPO ne ‘ex + Pe D 
| DEA Foy Wu 


7 # wi « 1e ÿ 


110 HISTOIRE NATURELLE 
en trouve assez souvent dans les nasses 
des pêcheurs, et ils font autant de dégâts 
dans les terrains cultivés. Ils creusent la 
terre , et il y a quelques années que, 
daus une de nos promenades publiques, 
appelée le Contade, hors de la ville, un 
homme qui fait métier de prendre les 
hamsters , en a pris un bon nombre dans 


les mêmes piéges *.» 


Par ces indications et par la descrip- 
tion que nous allons donner de ce petit 
animal , il me paroît certain qu'il est 
d'une espèce différente, quoique voisine 
de celle de notre rat d’eau, mais que ses 
habitudes naturelles sont à peu près les 
mêmes. Au reste, l'individu que M. Her- 
mann a eu Ha bonté de nous envoyer 
pour le Cabinet , y a été placé , et il est 
très-bien conservé. Il ne ressemble en 
effet à aucun des rats dont nous avons 
donné les figures , qui tous ont les oreilles 
assez grandes; celui-ci les a presque aussi 
courtes que la taupe , et elles sont cachées 

* Extrait d’ure Jettre de M. Hermann, dalée 
de Strasbourg le 8"octobre 1776. 


DES RATS ET DES SOURIS. 111 


sous le poil, qui est fort long. Plusieurs 
rats ont aussi la queue couverte de pe- 
tites écailles , tandis que celui-ci l’a cou- 
verte de poil comme le rat d’eau. 

La longueur du corps entier, depuis 
l'extrémité du nez jusqu'à l'origine de 
la queue, est de six pouces ; la queue 
est longue de deux pouces trois lignes : 
mais il nous a paru que les dernières 
vertèbres y manquent , en sorte que, 
dans l’état de nature, elle peut avoir 
deux pouces neuf lignes. La couleur du 
poil est, en général, d’un brun notrâtre, 
mélé de gris et de fauve , parce que Île 
poil, qui a quinze ligues de longueur, 
est d’un noir gris à la racine, et fauve à 
son extrémité. La tete est plus courte et 
le museau plus épais que dans le rat do- 
mestique, et elle approche, par la forme, 
de la tête du rat d’eau ; les yeux sont 
petits ; l'ouverture de la bouche est bor- 
dée d’un poil blanc et court ; les mous- 
taches, dont les plus grands poils ont 
treize lignes de longueur , sont noires ; le 
dessous du ventre est d’un gris de souris. 
Les jambes sont courtes et couvertes d’un 


SK LOS DENON "4 
:112 HISTOIRE NATURELLE. 
petit poil noirâtre, ainsi que les pieds ; 
qui sont fort petits : il y a, comme dans 
plusieurs rats, quatre doigts aux pieds- 
de devant , et cinq à ceux de derrière ; 
les ongles sont blancs et un peu courbés 
en gouttière. La queue est couverte de 
petits poils bruns et cendrés , mais moins 
fournis que sur la queue du rat d’eau. 


{ 


1P 
aqueË P 


[4 


ADDITION A L'ARTICLE 


DE LA MUSARAIGNE. 


LA MUSARAIGNE MUSQUÉE DE L'INDE. 


Car TE musaraigne , apportée de Pondi- 
chéry par M. Sonnerat, est beaucoup 
plus grande que la musaraigne de notre 
pays , qui n’a que deux pouces onze 
lignes , au lieu que celle-ci a cinq pouces 
deux lignes , le corps étendu. | 

Elle a la tête longue et pointue ; le 
nez est effilé , et la mâchoire supérieure 
avance sur l’inférieure ; les narines sont 
petites , et le bout du nez est séparé 
comme par deux petits tubercules ; les 
yeux sont si petits, qu’on a peine à les 
appercevoir. 

Les oreilles sont courtes , rondes, nues 
et sans poil. | 

Les poils des moustaches et ceux du 
dessus des yeux sont grisâtres , et les plus 


grands ont sept lignes de longueur. 
10 


ir4 HISTOIRE NATURELLE. 

Les jambes sont petites et courtes; il y 
a cinq doigts à tous les pieds. 

La queue a un pouce huit lignes de 
longueur ; elle est couverte de petits poils 
courts , et parsemée de grands poils fins 
et grisatres. 


La couleur du poil de cet animal est 


d'un gris de souris ou d’ardoise clair, 
teint de roussâtre qui domine sur le nez, 
le dos et la queue. 

. Cette musaraigne, qui, à beaucoup d’é- 
gards , ressemble à la musaraigne d’Eu- 
rope, a une odeur de musc si forte, 
qu'elle se fait sentir dans tous les endroits 


ôù elle passe. Elle habite dans les champs; 


rais elle vient aussi dans les maisons. 


MODITION AUARTICLE 


DU LT RO T. 


LE LÉROT A QUEUE DORÉE. 


pe donnons ici, d’après M. Alla- 
mand , la description et la figure de ce 
petit animal qui ressemble au lérot par la 
taille , la figure et la forme de la queue, 
mais qui , par la position et la forme des 


. oreilles, et par la couleur dorée de la 


rnoitié de la queue , ressemble au mus- 
cardin ; il semble donc faire une espèce 
moyenne entre celles de ces deux ani- 
maux. 


« C’est , dit M. AlHamand, à M. le doc- 
teur Klockner qu’on doit la connois- 
sance de ce petit lérot ; il l’a recu de 
Surinam , sans aucune notice ni du nom 
qu’on lui donne dans le pays, ni des 
Lieux où il habite. Jusqu'à présent il n’a 


116 HISTOIRE NATURELLE 
Jamais été décrit, ni mème connu, quoi- . 
qu'il soit marqué de façon à s’attirer l’at- 
tention. Les nomenclateurs à systèmes 
ne nranqueront pas de le ranger dans la 
classe des glires ou loirs de M. Linnæus ; 
et effectivement 1l mérite bien autant d'y 
avoir place que le rhinocéros ; et sans 
doute ils en feront un membre de la fa- 
inille des rats, qui comprend tant d’autres 
atiimaux qui en approchent moins que 
celui-ci. Mais sans chercher à déterminer 
le genre auquel il appartient , J'en don- 
nerai une description exacte qui m'a été. 
fournie par M. Klockner , qui , toujours 
zélé pour l'avancement de l’histoire na- 
turelle , a bien voulu me la communi- 
quer en m’envoyant l'animal même, afin 
que je pusse mieux me convaincre de 
son exactitude. J’ai d'abord été embar- 
rassé sur le nom que je lui donnerois. Je 
n'aime pas ces. noms composés qui déter- 
minent l’espèce à laquelle on doit rap- 
porter l'animal qui le porte, lorsqu'il n’est 
pas très-évident qu’il en soit. Cependant 
j'ai cru devoir adopter celui que lui a 
douné M. Klockner, qui est eu droit de le 


DU LÉROT. 117 
désigner par celui qu'il Juge le plus con- 
venable : il l’a appelé /érot à queue dorée, 


sans prétendre qu’il tombe dans cet en- 


._gourdissement causé par le froid aux loirs 


d'Europe ; un quadrupède habitant de la 
zone torride ne paroît pas devoir y être 
sujet. Quelque conformité de figure, et 
sur-tout de sa queue avec celle de nos 
lérots , lui a fait préférer cette dénomina- 
tion à toute autre. | | 
C’est par la singularité et la beauté de 
ses couleurs que cet animal se fait re- 
marquer. Son corps est de couleur de 
marron tirant sur le pourpre, plus fon- 
cée aux côtés de la tête et sur le dos, et 
plus claire sous le ventre. Cette couleur 


x 


s'étend sur la queue , à une petite dis- 


tance de son origine : là les poils fins et 


courts qui la couvrent, deviennent tout- 


à-fait noirs jusqu’à la moitié de sa lon- 
gueur , où ils sont plus longs, et où ils 
prennent , sans aucune nuance intermé- 
diaire , une belle couleur d'orange , ap- 
prochant de celle de l'or, et qu’ils gardent 
tusqu'à l'extrémité de la queue. Une 


.ongue tache de cette même couleur 


18 HISTOIRE NATURELLE 


jaune orne aussi le front : elle prend son 
origine au-dessus du nez; là elle est fort 
étroite ; ensuite elle va en s’élargissant 
jusqu'à la hauteur des oreilles, où elle 
finit. Cet assemblage de couleurs si fort 
tranchantes , et si rares dans les quadru- 
pèdes, offre un coup d’œil très-frappant. 
Sa tête est fort grosse à proportion de son 
corps ; il a le museau ct le front étroits, 
les yeux petits. Ses oreilles présentent 
une large ouverture ; mais elles sont 
courtes, et ne s'élèvent pas jusqu’au- 
dessus de la tête : elles sont couvertes em 
dehors et en dedans de poils très-fins ; il 
y en a de plus longs sur leurs bords, 
mais il faut les regarder de près pour 


les appercevoir. La mâchoire supérieure 


avance sensiblement au-delà de l’infé- 
rieure. L'os du nez est assez élevé, et 
le haut du museau est couvert de poils ; 
ce qu'on ne voit guère dans les autres 
quadrupèdes. La lèvre de dessus est fen- 


due du haut en bas, comme dans tous 


les animaux de cé genre, et les bords de 


la fente vont en s’écartant vers les côtés; 
ce qui donne à l'extrémité du groin læ 


DU LÉROT. . tg 
-forme d’un triangle isocèle. Cette divi- 
sion laisse voir deux dents incisives fort 
blanches et courtes ; il y en a aussi deux 
à la mâchoire inférieure , mais qui sont 
plus grandes. Cette mâchoire , avec la 
lèvre qui la couvre , est plus reculée du 
côté de la gorge. 

Aux deux côtés de la lèvre supérieure 

il y a une touffe de poils d’un brun som- 
bre ; leur longueur surpasse celle de la 
tête : ceux qui forment la partie inférieure 
de cette moustache, sont moins longs, et 
dirigés en bas. Derrière chaque œil, il y 
a une verrue d’où partent aussi six longs 
poils ; et il y en a deux de même lon- 
gueur placés au-dessus des yeux. 

Les Jambes de devant sont courtes ; 
leurs pieds ont quatre longs doigts armés 
d'ongles crochus et aigus; plus haut est 
un petit bouton obtus qui forme une es- 
pèce de pouce , mais sans ongle. Au-des- . 
sous de ces pieds il y a cinq éminences 
très-remarquables, couvertes d’une peau 
mince et fort douce au toucher. Les 
jambes de derrière sont plus longues, 
et leurs pieds ont cinq doigts, qui sont 


x20 HISTOIRE NATURE £LLE 


aussi plus longs que ceux de devant, et 
sont de même garnis d'ongles crochus et 
pointus , excepté les deux doigts inté- 
rieurs, dont les ongles sont un peu obtus. 
La plante de ces pieds postérieurs res- 
semble à celle des antérieurs : mais les 
protubérances qu'on y voit, sont plus 
grandes. 

La queue est fort longue , et très- as 
près du corps ; mais son dar dimi- 
nue à mesure qu'elle s’en éloigne, et elle 
se termine en pointé. Quand on en écarte 
un peu les poils, on voit que sa peau est 
écailleuse comme celle du rat. 

Au derrière de la tête, et tout le long 
du dos , parmi les poils ut l'animal est 
couvert , il y en a qui sont plats, et de 
la longueur d’un pouce; aussi ils s’é- 
lèvent au-dessus des autres: ils sont aussi 
plus roides , et résistent davantage quand 
on les touche. Ils paroissent sortir de 
petits étuis transparens ; leur nombre va 
en diminuant sur les côtés , et ils de- 
viennent plus petits ; sous le ventre ils 
disparoissent tout-à-fait. Leur conforma- 
tion est assez singulière : près du corps 


DU LÉROT. ‘{: ‘Ts 


ils sont cylindriques et fort minces , en- 


suite ils deviennent plats, et leur largeur 
augmente jusqu’à égaler une demi-ligne , 
après quoi ils $e terminent en une petite 
pointe fort fine. Dans la partie plate du 
milieu , les bords sont relevés, et forment 
une espèce de gouttière, dont le fond, vu 
au microscope , paroît Jaunâtre et trans- 
parent, et dont les côtés sont bruns; ce 
qui occasionne un double reflet de lu- 
mière qui donne ce coloris pourpré dont 
J'ai parlé. 

Le corps , à l'exception du ventre, est 
couvert d’une peau ou plutôt d’un cuir 
fort rude. lu 

L'animal qui vient d’être décrit, est une 
femelle qui a huit petites mamelles : il y 
en a deux entre les cuisses, les six autres 
sont placées obliquement en $’écartant de 
côté et d'autre, et les deux dernières sont 
entre les jambes de devant. : 

Il paroît être fait pour grimper sur les 
arbres, dont il mange les fruits. C’est dom- 
mage qu'un si joli animal ne soit connu 
que par ce seul échantillon, dont les cou- 
leurs ont sans doute perdu une partie 

: | 1] 


L 


132 HISTOIRE NATURELLE 
de leur beauté dans la liqueur où ül a 
été mis pour être envoyé. On se formera 
une idée juste de sa grandeur par les di- 


inensions suivantes. » 


pieds. pouces. lignes, 


Longueur du corps depuis le bout 
du museau jusqu’à l’origine de 
da queue eu Ut UN, 

Longueur de la queue”... 4 

Longueur de la tête, mesurée de- 
puis lé commencement du nez 
jusqu’au-dessus du front, et 
suivant sa -COurpure.: .. 

Circonférence de la tête mesurée 
entre les yeux et les oreilles... 

Circonférence du cou.......... 

Longueur des oreilles. ........ 

Leur leurs, 40, ne Le 

Circonférence du corps mesurée 
derrière les jambes de de- 
PS 

Circonférence du corps mesurée 
devant les jambes de derrière 

Longueur des jambes de devant, 
depuis les doigts jusqu’au coude 

Lougucur des jambes entières, 

depuis l'épaule iusqu’auxdoigts 


Ë OU ŸY y 


(Sa) 


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MODE OT 123 


. pieds. pouces, lignes, 


Longueur des jambes de derrière, 


depuis les doigts jusqu’au ge- 
OPA ES d'a ss sa Bel ee a 00 le D LI 2 
Longueur totale depuis la hanche 


jusqu’à lPextrémité des doigts.. »- 3 » 


ADDITION À L'ARTICLE 


DU RATON* 


ME. Blanquart des Salines m'a écrit de 
Calais , le 29 octobre 1775 , au sujet de 
cet animal , dans les termes suivans : 


« Mon raton a vécu toujours enchaîné , 
avant qu'il m'appartint : dans cette cap- 
tivité , il se montroit assez doux, quoi- 
que peu caressant. Les personnes de la 
maison lui faisoient toutes le même ac- 
cueil , mais il les recevoit différemment; 
ce qui lui plaisoit de la part de l’une, le 
révoltoit de la part d’une autre, sans 
que jamais il prît le change. » 


(Nous avons observé la même chose 
au sujet du surikate.) 


« Sa chaîne s’est rompue quelquefois , 


* Tome IIT, page 60. 


HISTOIRE NATURELLE. 125 
et la liberté le rendoit insolent; 1l s’em- 
paroit d’un appartement, et ne souffroit 
pas qu’on y abordât. Ce n’étoit qu'avec 
peine qu’on raccommodoit ses liens. De- 
puis son séjour chez moi, sa servitude 
a été fréquemment suspendue. Sans le 
perdre de vue, je le laisse promener avec 
sa chaîne, et chaque fois mille gentil- 
 lesses m'expriment sa reconnoissance. Il 
n’en est pas ainsi quand il s'échappe de 
lui-même ; alors il rôde quelquefois trois 
ou quatre Jours de suite sur les toits du 
voisinage , et descend la nuit dans les 
cours , entre dans les poulaillers, étrangle 
la volaille, lui mange la tête, et n’épargne 
pas sur-tout les peintades. Sa chaîne ne 
le rendoit pas plus humain, mais seule- 
ment plus circonspect; il employoit alors 
la ruse, et familiarisoit les poules avee 
lui , leur permettoit de venir partager ses 
répas; et ce m'étoit qu'après leur avoir 
inspiré la plus grande sécurité qu’il en 
saisissoit une et la mettoit en pièces. 
Quelques jeunes chats ont de sa part 
éprouvé le même sort... Cet animal, 


quoique très-léger , n’a que des mouve- 
1 


126 HISTOIRE NATURELLE 

mens obliques, et je doute qu’il puisse 
attraper d’autres animaux à la course. Il 
ouvre merveilleusement les huîtres ; il 
suffit d’en briser la charnière , ses pattes . 
font le reste. Il doit avoir le tact excel- 
lent. Dans toute sa petite besogne , rare- 
ment se sert-il de la vue ni de l’odorat : 
pour une huître , par exemple , il la fait 
passer sous ses pattes de derrière ; puis, 
sans regarder , il cherehe de ses mains 
l'endroit le plus foible ; il y enfonce ses 
ongles, entr’ouvre les écailles, arrache le 
poisson par lambeaux , n’en laisse aucun 
vestige , sans que, dans cette opération, 
ses yeux ni son nez, qu'il tient éloignés, 
lui soient d'aucun usage.! 

Si le raton n’est pas fort reconnoissant 
des caresses qu'il recoit , il est singulière- 
ment sensible aux mauvais traitemens. 
Un domestique de la maison l'avoit un 
jour frappé de quelques coups de fouet : 
vainement cet homme a-t-il cherché de- 
puis à se réconcilier ; ni les œufs , ni les 
sauterelles marines , mets délicieux pour 
cet animal, n’ont jamais pu le calmer. 
À son approche , il entre dans une sorte 


af * 4 7 MA 
; 7 


| DU RATON. 127 


de rage ; les yeux étincelans, il s’'élance 
contre lui, pousse des cris de douleur ; 
tout ce qu’on lui présente alors , il le 
refuse , Jusqu'à ce que son ennemi dis- 
paroisse. Les accens dela colère sont 
chez lui singuliers ; on se figureroit en- 
tendre tantôt le sifflement du courli, 
tantôt l’aboiement enroué d’un vieux 
chien. 

Si quelqu'un le frappe , s’il est attaqué 
par un animal qu’il croie plus fort que 
Jui , il n'oppose aucune résistance ; sem- 
blable à un hérisson, il cache et sa tête 
et ses pattes, forme de son corps une 
boule : aucune plainte ne lui échappe ; 
dans cette position, il souffriroit la mort. 

J'ai remarqué qu'il ne laissoit Jamais 
ni foin ni paille dans sa niche; il préfère 
de coucher sur le bois. Quand on lui: 
donne de la litière, il l’écarte dans l'instant 
même. Je ne me suis point appercu qu'il 
fût sensible au froid ; de trois hivers il en 
a passé deux exposé à toutes les rigueurs 
de l'air. Je l’ai vu couvert de neige, 
n'ayant aucun abri et se portant très- 
bien..,., Je ne pense pas qu'il recherche 


b'euts 


128 . HISTOIRE NATURELLE 


beaucoup la chaleur : pendant les gelées 
dernières, Je lui faisois donner séparément 
et de l’eau tiède et de l’eau presque glacée 
pour .détremper ses alimens ; celle-ci a 
constamment eu la préférence. Il lui étoit 
libre de passer la nuit dans l'écurie , et 
souvent il dormoit dans un coin de ma 
cour. | | 

Le défaut de salive, ou $on peu d’abon- 
dance, est, à ce que J'imagine, ce qui en- 
gage cet animal à laisser pénétrer d’eau 
sa nourriture. Il n’humecte point une 
viande fraîche et sanglante ; Jamais il n’a 
mouillé une pêche ni une grappe de rai- 
sin : il plonge au contraire tout ce quiest 
sec au fond de sa terrine. 

Les enfans sont un des objets de sa 
haine ; leurs pleurs l’irritent ; il fait tous 
ses efforts pour s’élancer sur eux. Une 
petite chienne qu'il aime beaucoup, est 
sévèrement corrigée par lui quand elle 
s’avise d’aboyer avec aigreur. Je ne sais 
pourquoi plusieurs animaux détestent 
également les cris. En 1770, J’avois cinq 
souris blanches : Je m'’avisai par hasard 
d’en faire crier une, les autres se jetèrent 


Re 


HU'R'AT ON. 129 

sur elle; je continuai, elles l’étranglèrent. 
Ce raton est une femelle qui entre en 
chaleur au commencement de l’été. Le 
besoin de trouver un mâle dure plus de 
six semaines : pendant ce temps, on ne 


sauroit la fixer; tout lui déplaît; à peine 


se nourrit-elle : cent fois le Jour elle passe 
entre ses cuisses, puis entre ses pattes 
de devant, sa, queue touffue , qu'elle 
saisit par le bout avec ses dents, et qu’elle 
agite sans cesse pour frotter ses parties 
naturelles. Durant cette crise , elle est à 
tout moment sur le dos, grognant et 
appelant son mâle ; ce qui me feroit pen- 
ser qu’elle s’accouple dans cette attitude. 

L’entier accroissement de cet animal 
ne s’est guère fait en moins de deux ans 
et demi. » 


LA MOUFETTE DU CHILI. 


M. Dombey , correspondant du Cabinet 
du roi, et que nous avons eu occasion 
de citer plusieurs fois, nous a rapporté 
la dépouille d’un individu de cette es- 
pèce. Cette moufette se trouve au Chili, 
et appartient à la famille du zorille, du 
conépate et d’autres animaux appelés bétes 
puantes, et qui se trouvent également 
dans l'Amérique méridionale. Ses habi- 
tudes, sur lesquelles nous n’avons recu 
aucune observation particulière, doivent 
être assez semblables à celles de ces ani- 
maux puans , dont elle se rapproche par 
sa conformation , ainsi que par la distri- 
bution de ses couleurs. L’individu dont 
nous avons vu la peau bourrée , étoit 
mâle. Il avoit la tête large et courte, les 
oreilles rondes et un peu applaties, le 
corps épais et large à l'endroit des reins , 
les cuisses larges et charnues , les jambes 
courtes , les pieds petits, cinq doigts à 


HISTOIRE NATURELLE. 1% 
chaque pied , et les ongles longs, crochus 
et recourbés en gouttière !. Sa queue, 


relevée au-dessus du dos comme celle 


des écureuils , étoit large et garnie de 
poils touffus, longs de près de trois 
pouces. Le poil qui couvroit sa tête, son 
corps, ses Jambes et le dessus de sa 
queue vers l’origine de cette partie, avoit 
en quelques endroits un pouce de lon- 
gueur , et étoit d’un brun noirâtre et lui- 
sant ; le reste du poil qui garnissoit sa 
queue étoit blanc, et l’on voyoit sur le 
dos deux larges bandes blanches qui se 
réunissoient en une seule?. 


1 L’ongle le plus long des pieds de devant avoit 
onze lignes de longueur; et celui des pieds de der- 
rière, cinq lignes. 

2, Cet individu avoit un pied sept pouces trois 
lignes, depuis le bout du museau jusqu’à l’anus ; 
et la queue étoit longue de sept pouces quatre lignes, 
en y comprenant la longueur Gu poil. Les dents 
manquoient à la dépouille. 


DU SARIGUE. 


Novs donnons ici la figure d’un sa- 
rigue qui nous paroît n'être qu’une va- 
riété dans cette espèce, mais dont les 
différences sont néanmoins assez grandes 
pour que nous ayons cru devoir le faire 
représenter. Ce sarigue se trouve dans le 
pays des Illinois, et diffère de l’autre 
par la couleur et par le poil, qui est 
long sur tout le corps ; il a la tête moins 
alongée et entièrement blanche, à l’ex- 
ception d’une tache brunâtre qui prend 
du coin de l'œil, et finit en s’affoiblissant 
du côté du nez, dont l’extrémité. est la 
seule partie de la face qui soit noire; la 
queue est écailleuse et sans poil dans 
toute sa longueur, au lieu que celle du 
sarigue de la planche XVII, tome IV , 
est garnie de poil depuis son origine jus- 
qu'à plus des trois quarts de sa longueur. 
Cependant ces différences neme paroissent 
pas suflisantes pour constituer deux es- 


| 


HISTOIRE NATURELLE. 133 


pèces : et d’ailleurs, comme le chmat des 
Illinois et celui du Mississipi, où se trouve 
le premier sarigue-, ne sont pas éloignés, 
il y a toute apparence que ce second sa- 
-rigue n’est qu’une simple variété dans 
l'espèce du premier. 


pieds. pouces. lignes. 


Longueur du corps entier, de- 
puis le bout du nez jusqu'à 


l'origine de la queue........ 7 a: 3 
Losueur dc orcillés......... > £ Li 
Es enndes oreilles... .....,. » 9 
Longueur des moustaches...... x 2 : 
Longueur -de la queue....,.... » z 3 


Les oreilles sont d’une peau lisse, sem 
blable à du parchemin brun, sans aucun 
poil en dedans ni en dehors; le poil qui 
couvre le corps Jusqu'à la queue , ainsi 
que les jambes , est d’un brun plus ou 
moins nuancé de cendré, et mêlé de longs 
poils blancs qui ont jusqu’à deux pouces 
trois lignes sur le dos, et deux pouces six 
lignes près de la queue; le dessous du 
corps est d’un cendré blanchâtre. Il y a 

12 


154 HISTOIRE NATURELLE 
cinq doigts à tous les pieds ; le pouce ou 
doigt interne des pieds de derrière a un 
ongle plat qui n’excède pas la chair ; les 
autres ongles sont blancs et crochus. 


- Zom.2. LU 17. Lug 135 


LE SARIGUE & 4rgv forte. 


; f PDeuquer: a 


7 


DU SARIGUE. 139 


LE SARIGUE A LONGS POILS. 


Nous donnons ici la figure d’un sarigue 
mâle à longs poils, qui est d’un quart 
plus grand que le précédent , et qui en 
diffère aussi par la queue , qui est beau- 
coup plus courte à proportion. La lon- 
gueur de ce sarigue est de vingt pouces 
trois lignes du bout du museau jusqu’à 
l'origine de la queue, au lieu que lautre 
n’a que quinze pouces trois lignes; la 
têté est semblable dans tous deux , à l’ex- 
ception du bout du nez, qui est noir dans 
le précédent , ‘et couleur de chair dans 
celui-ci ; les plus grands poils des mous- 


taches ont près de trois pouces de lon- 


gueur. Il y a encore une petite différence; 
c'est que , dans le sarigue illinois , les 


deux dents incisives du milieu de la mâ- 


choire supérieure sont les plus petites, 
tandis que, dans celui-ci, ces deux mêmes 
dents incisives sont les plus grandes. Ils 


156 HISTOIRE NATURELLE. 
diffèrent encore par les couleurs du poil , 
qui, dans ce sarigue , est brun sur les 
jambes et les pieds, blanchâtre sur les 
doigts , et rayé sur le corps de plusieurs 
bandes brunes indécises, une sur le dos 
jusqu’auprès de la queue, et une de 
chaque côté du corps, qui s'étend de 
Paisselle jusqu'aux cuisses ; le cou: est 
xoussâtre depuis l'oreille aux épaules, et 
cette couleur s'étend sous le ventre, et 
domine par endroits sur plusieurs parties 
du corps; la queue est écailleuse et gar- 
- mie à son origine de poils blancs et de poils. 
bruns. Nous ne déciderons pas, par cette 
simple comparaison, de l'identité ou de: 
la diversité de ces deux espèces de sa- 
rigues, qui toutes deux pourroient bien 
n'être que ‘des variétés de celle du sa: 
rigue commun. | 


} 


DE LA MARMOSE. 


O N saït qu'en général les sarigues , mar- 
moses et cayopollins portent également 
leurs petits dans une poche sous le ventre, 
et que ces petits sont attachés à la ma- 
melle long -temps avant d’avoir pris leur 
accroissement entier. Ce fait, l’un des 
plus singuliers de la Nature , me faisoit 
desirer des éclaircissemens au sujet de 
la génération de ces animaux, qui ne 
naissent pas à terme comme les autres. 
Voici ce que M. Roume de Saint-Laurent 
w'’en a écrit en m'envoyant le catalogue 
du cabinet d'histoire naturelle qu'il a fait 
à l’île de la Grenade. 


« Des personnes dignes de croyance, 
dit M. de Saint-Laurent , m'ont assure 
avoir trouvé des femelles de 7zzanicou 
( marmose ) dont les petits n’étoieut 
point encore formés ; on voyoit au bout 
des mamelons de petites bosses claires , 


13 


138 HISTOIRE NATURELLE 


dans lesquelles on trouvoit l'embryon 
ébauché. Tout extraordinaire que ce fait 
doive paroître, je ne puis le révoquer en 
doute, et je vais ajouter ici la dissection 
que Je fis d’un de ces animaux en 1767, 
qui peut donner quelques lumières sur 
la facon dont la génération s'effectue dans 
cette espèce. | 
La mère avoit dans son sac sept petits , 
au bout d'autant de mamelons, auxquels 
ils étoient fortement fixés, sans qu'ils y 
adhérassent ; ils avoient environ trois 
lignes de longueur, et une ligne et demie 
de grosseur ; la tête étoit fort grosse à 
proportion du corps, dont la partie an- 
térieure étoit plus formée que la posté- 
rieure ; la queue étoit moins avancée que 
tout le reste. Ces petits n’avoient point 
de poil; leur peau très-fine paroissoit 
sanguinolente ; les yeux ne se distin- 
guoient que par deux petits filets en 
cercle. Les cornes de la matrice étoient 
gonflées, fort longues, formant un tour, 
et se portant ensuite vers les ovaires : elles 
contenoient un mucus blanc, épais, et 
parsemé de globules d'air nombreux. 


0 


DE LA MARMOSE. 129 


L'extrémité des cornes se terminoit par 
des filets gros comme de forts crins, d’une 
substance à peu près semblable à celle 
des trompes de Fallope , mais plus blanche 
et plus solide. On suivoit ces filets jusque 
dans le corps glanduleux des mamelles, 
où ils aboutissoient chacun à des mame- 
lons , sans que l’on pût en distinguer la 
fin , parce qu’elle se confondoit dans la 
substance des mamelles. Ces filets pa- 
roissoient être creux et remplis du même 
mucus qui étoit contenu dans les cornes. 
Peut-être les petits embryons produits 
dans la matrice passent-ils dans ces ca- 
naux pour se rendre aux mamelons con- 
tenus dans le sac. » 


Cette observation de M. de Saint- 
Laurent mérite assurément beaucoup 
d'attention ; mais elle nous paroît si sin- 
gulière , qu'il seroit bon de la répéter 
plus d’une fois, et de s'assurer de cette 
marche très-extraordinaire des fœtus et 
de leur passage immédiat de la matrice 
aux mamelles, et du temps où se fait ce 
passage après la conception : il faudroit 


149 HISTOIRE NATUREELE. 

pour cela élever et nourrir un certain 
nombre de ces animaux , et disséquer 
les femelles peu de temps après leur 
avoir donné le mâle, à un jour, deux 
Jours , trois Jours, quatre Jours après 
l’accouplement ; on pourroit saisir Le pro- 
grès de leur développement, et recon- 
noître le temps et la manière dont ils 
passent réellément de la matrice aux ma- 
melles qui sont renfermées dans la poche 
de la mère. 


ADDITION AUX ARTICLES 


DU SARIGUE, DE LA MARMOSE, 
gr DU CAYOPOLLIN :. 


MT. de la Borde, médecin du roi à 
Cayenne, m’a écrit qu'il avoit nourri 
trois sarigues dans un petit tonneau, 
où ils se laissoient aisément manier. Ils 
mangent du poisson, de la viande cuite 
ou crue, du pain, du biscuit, etc. Ils 
sont continuellement à se lécher les uns 
les autres : ils font le même murmure 
que les chats quand on les manie. 


« Je ne me suis pas appercu, dit-il, 
qu'ils eussent aucune mauvaise odeur. IL 
y a des espèces plus grandes,, et d’autres 
plus petites ?. Ils portent également leurs 

1 Tome IV, pages 142, 174 et 177. 

3 On m'a nouvellement envoyé, pour le Cabi- 
net, une peau de ces petits sarigues de Cayenne, 
qui wavoit que trois pouces et demi de longuüeur;, 
quoique l'animal fût adulte, et la queue quatre 
pouces et demi. f 


*. | 


À 


142 HISTOIRE NATURELLE 


petits dans une poche sous le ventre; et 
ces petits ne quittent jamais la mamelle, 
même lorsqu'ils dorment. Les chiens les 
tuent, mais ne les mangent pas. Ils ont 
un grognement qui ne se fait pas entendre 
de fort loin. On les apprivoise aisément. 
ls cherchent à entrer dans les poulaillers, 
où ils mangent la volaille; mais leur chair 
n’est pas bonne à manger : dans certaines 
espèces, elle est même d’une odeur insup- 
portable, et l'animal est appelé prvant par 
les habitans de Cayenne. » 


Il ne faut pas confondre ces sarigues 
puans de M. de la Borde avec les vrais 
puans ou moufettes, qui forment un 
genre d'animaux tres-différens de ceux-ci. 

M. Vosmaër, directeur des cabinets 
d'histoire naturelle de S. A.S. Ms le prince 
d'Orange, a mis une note, page 6 de la 
Description d’un écureuil volant, Awnster- 
dam , 1767, dans laquelle il dit : 


« Le coescoes est le bosck ou beursrult des 
Indes orientales. le philander de Seba, et 
le didelphis de LinnϾus. Le savant M. de 


DU SARIGUE. etc. 143 


Buffon * nice absolument son existence aux 
Indes orientales , et ne l’accorde qu’au 
nouveau monde en particulier. Nous pou- 
vons néanmoins assurer ce célèbre natu- 
raliste que Valentin et Seba ont fort bien 
fait de placer ces animaux, tant en Asie 
qu’en Amérique. J’ai moi-même recu, 
‘l'été dernier, des Indes orientales, le mâle 
et la femelle. La même espèce a aussi 
été envoyée à M. le docteur Schlosser, 
à Amsterdam, par un ami d'Amboine, 
quoique pour moi je n’en connoisse pas 
d’autres que ceux-ci; de sorte qu'ils ne 
sont pas si communs. La principale diffé- 
rence entre le coescoes des Indes orientales 
et celui des Indes occidentales, consiste, 
suivant mon observation, dans la couleur 
du poil, qui, au mâle des Indes orientales, 
‘ est tout-à-fait blanc, un peu Jaunûtre; 
celui de la femelle est un peu plus brun, 
avec une raie noire ou plutôt brune sur 
le dos. La tête de celui des Indes orien- 
tales est plus courte; mais le mâle me 
paroît l'avoir un peu plus longue que la 


* Tome IV, page 145. 


LA on DANS 


t4 HISTOIRE NATURELLE 
femelle, Les oreilles, dans cette espèce ; 
sont beaucoup plus courtes qu’à celle des 
Indes occidentales. La description de la. 
seconde espèce, dont parle aussi Valentin, 
est trop diffuse pour pouvoir s’y rapporter 
avec quelque certitude. » 


Je ne doute pas que M. Vosmaër n'ait 
recu des Indes orientales des animaux 
inâdes'et femelles sous le nom de coescoes ; 
mais les différences qu'il indique lui- 
méme entre ces coescoes et les sarigues, 
pourroient déja faire penser que ce ne 
sont pas des animaux de même espèce. 
J'avouc néanmoins que la critique de 
M. Vosmaër est Juste, en ce que J'ai dit 
que les trois philanders de Seba n’étoient 
que le même animal, tandis qu’en effet 
le troisième, c’est-à-dire, celui de la 
planche XXXIX de Seba, est un animal 
différent, et qui se trouve réellement aux 
Philippines, et peut-être dans quelques 
autres endroits des Indes orientales, où 
il est connu sous le nom.de coescoes, OU 
cuscus, ou cusos. J'ai trouvé dans le Voyage 
de Christophe Bar pH YEAS la notice sui- 

vante: 


DU SARIGUE, cie 145 

« Dans l’île de Lethy, il y a des cuscus 
ou cusos dont la chair a à peu près le goût 
* de celle du lapin. Cet animal ressemble 
_ beaïticoup, pour la couleur, à une mar- 
motte ; les yeux sont petits, ronds et 
brillans, les pattes courtes, et la queue 
qui est longue, est sans poil. Cet animai 
saute d’un arbre à un autre comme un 
écureuil , et alors il fait de sa queue 
uu crochet, avec lequel il se tient aux 
branches pour manger plus facilement les 
fruits. Il répand une odeur désagréable 
qui approche de celle du renard. Il a une 
poche sous le ventre, dans laquelle ül 
porte ses petits, qui entrent et sortent 

_ par- dessous la queue de l'animal. Les 
vieux sautent d’un arbre à l’autre en 
portant leurs petits dans cette poche *, » 


Il paroît, par le caractère de la poche 
sous le ventre et de la queue prenante, 
que ce cuscus ou cusos des Indes orien- 
tales est en effet un animal du même 
genre que les philanders- d'Amérique : 


* Voyage de Barchewitz ; Erfurt, 1791; page 
532: | | 
Quadrupèdes, KT. 13 


dé 


14 HISTOIRE NATURELLE 


mais cela ne prouve pas qu'ils soient de 
la méme espèce d'aucun de ceux du nou- 
veau continent; ce séroit le seul exemple 
d’une pareille identité. Si M Vosmaëreut 
fait graver les figures de ces À 
comme il le dit dans le texte, on seroit 
plus en état de juger tant de la réssem- 
blance que des différences des coescoes 
d'Asie avec les sarigues ou philanders de 
l'Amérique , et je demeure toujours per- 
suadé que ceux d’un continent ne se trou- 
veront pas dans l’autre, à moins qu’on ne 
les y ait apportés. Je renvoie sur cela le 
lecteur à ce que j'en ai (tome IV, 
page 145). 

Ce n’est pas qu’absolument parlant, et 
même raisonnant philosophiquement, il 
ne füt possible qu'il se trouvât &ans les 
climats méridionaux des deux contiuens 
quelques animaux qui seroiént précisé- 
ment de la même espèce. Nous avons dit 
ailleurs , et nous le répétons ici, que la 
même température doit faire dans les 
différentes contrées du globe les mêmes 
effets sur [a Nature organisée, et par cou- 
séquent produire les mêmes êtres, soit 


DU) SARAEGUE ; etc :, 147 
animaux , soit végétaux , si toutes les 
autres circonstances étoient, comme la 
température, les mêmes à tous égards: 
mais il ne s’agit pas ici d'une possibilité 
philosophique qu’ou peut regarder comme 
plus ou moins probable ; il s’agit d’un 
fait, et d’un fait très-général , dont il est 
aisé de présenter les nombreux et très- 
nombreux exerples. Il cest certain qu’au 
temps de la découverte de l'Amérique, 
il n’existoit dans ce nouveau monde au- 
eun des animaux que Je vais nommer, 
 Péléphant , le rhinocéros, l’hippopo- 
tame, la girafe, le chameau, le droma- 
“daire, le bufle, le cheval, l'âne, le lion, 
le tigre, les singes , les babouins, les gue- 
ons , et nombre d’autres dont J'ai fait 
Tl'énumération, et que de même le tapir, 
le lama , la vigogne, le pecari, le jaguar, 
le couguar, l’agouti, ie paca, le coati, l’u- 
nau, l'ai, et beaucoup d’autres dont j'ai 
donné l’énumération, n’existoient point 
dans l’ancien continent. Cette multitude 
d'exemples, dont on ne peut nier la vé- 
rité, ne suffit-elle pas pour qu’on soit au 
moins fort en garde lorsqu'il s’agit dé 


/ 


148 HISTOIRE NATURELLE 
prononcer, comme le fait ici M. Vosmaër, 
que tel ou tel animal se trouve également 
dans les parties méridionales des deux 
continens ? 

C’est à ce cuscus ou cusos des Indes 
qu'on doit rapporter le passage suivant. 


« Il se trouve, dit Mandeslo, aux îles 
Moluques un animal qu’on appelle cusos; 
1l se tient sur les arbres, et ne vit que de 
leurs fruits. Il ressemble. à ün lapin, eta 
le poil épais, frisé et rude, entre le gris et 
le roux; les yeux ronds et vifs, les pieds 
petits, et la queue si forte, qu'il s’en sert 
pour se prendre aux branches afin d’at- 
teindre plus aisément aux fruits * 


Il n’est pas question, dans ce passage, de 
la poche sous le ventre, qui est le carac- 
tère le plus marqué des philanders : mais, 
je le répète, si le cuseus ou cusos des 
Indes orientales a ce caractère, 1l est 
certainement d’une espèce qui approche 
beaucoup de celle des philanders d’Amé- 


* J'oyage de Mandeslo, suite d'Oléantus , tome 
IL, page 384 et suiv. 


DU SARIGUE, cc. 149 


rique, et Je serois porté à penser qu'il 
en diffère à peu près comme le jaguar 
du léopard. Ces deux derniers animaux, 
sans être de la même espèce, sont les 
plus ressemblans et les plus voisins de 
tous les animaux des parties méridionales 
des deux continens. 


LUE 
Sy 


LE CRABIER. 


Lx nom crabier, ou chien crabier, que 
l’on a donné à cet animal, vient de ce 
qu'il se nourrit principalement de crabes, 
11 a très-peu de rapport au chien ou au 
renard, auxquels les voyageurs ont voulu 
le comparer. Il auroit plus de rapport 
avec les sarigues; maïs ik est beaucoup 
plus gros, et d’ailleurs la femelle du cra- 
bier ne porte pa , comme la femelle du 
sarigue, ses petits dans une poche sous le 
ventre : ainsi le crabier nous paroît être 
d’une espèce isolée et différente de toutes 
celles que nous avons décrites. 

Nous en donnons ici la figure, dans 
laquelle on remarquera la longue queue 
écailleuse et nue , les gros pouces sans 
ongles des pieds de derrière, et les ongies 
plats des pieds de devant. Cet animal, 
que nous conservons au Cabinet du roi, 
étoit encore Jeune lorsqu'on nous a en- 
voyé sa dépouille : il est mâle; et voici la 
description que nous en ayons pu faire. 


Zorn.2. L0.16 .Lag.160. 


{ Pauguet Au 


HISTOIRE NATURELLE. xÿr 
La longueur du corps entier, depuis le 
bout du nez jusqu’à l’origine de la queue, 
est d'environ dix-sept pouces. 
Là hauteur du train de devant, de six 
pouces trois Jignes; et celle du train de 
derrière, de six pouces six lignes. 


La queue, qui est grisâtre, écailleuse 


et sans poil, a quinze pouces et demi de 
longueur sur dix higries de grosseur à son 
commencement ; elle est très- menue à 
son extrémité. 

Comme cet animal est fort bas de 
jambes , il a de loin quelque ressem- 
blance avec le chien basset : a tête 
même m'est pas fort différenté de celle 
d’un cluen ; elle n’a que quatré pouces 


une ligne de longueur ; depuis le bout du 


nez Jusqu'à. l’océiput., L’œil n’est pas 


grand ; le. bord des paupières est noir; 


et au-dessus de l'œil se trouvent de longs 
poils qui ont jusqu’à quinze lignes de 
longueur:: il y en à aussi de semblables à 
côté de la joue vers l'oreille. Les HnOous- 


taches autour de la gueule sont noires, et 


ont jusqu’à dix-sept lignes de long. L’ou- 
verture de la gueule est de près de deux 


LA 


x52 HISTOIRE NATURELLE 
pouces; la mâchoire supérieure est armée; 
de chaque côté, d’une dent canine cro- 
chue , et qui excède sur la mâchoire in- 
férieure. L’oreille, qui est de couleur 
brune , paroît tomber un peu sur elle- 
même; elle est nue, large, et ronde à son 
extrémité. 

Le poil du corps est laineux et parsemé 
d’autres grands poils roides, noirâtres , 
qui vont en augmentant sur les cuisses 
et vers l’épine du dos, qui.est toute cou- 
verte de ces longs poils ; ce qui forme à 
éet animal une espèce de crinière, depuis 
le milieu du dos jusqu’au commence- 
ment de la queue. Ces poils ont ‘trois 
pouces de longueur ; ils sont d’un blanc 
sale à leur origine jusqu’au milieu , et 
ensuite d’un brun minime jusqu'à l’ex- 
trémité. Le poil des côtés est d’un blanc 
jaune , ainsi que sous le ventre; mais il 
tire plus sur le fauve vers les épaules, 
les cuisses , le cou, la poitrine et la tête, 
où cette teinte de fauve est mélangée de 
brun dans quelques endroits. Les côtés 
du cou sont fauves. Les jambes et les 
pieds sont d’un brun noirâtre. Il y a cinq 


DU CRABIER. 153 
doigts à chaque pied : le pied de devant a 
un pouce neuf lignes , le plus grand 


doigt neuf lignes, et l’ongle en gouttière 


deux lignes. Les doigts sont un peu pliés, 
comme ceux des rats : il n’y a que le 
pouce qui soit droit. Les pieds de der- 
rière ont un pouce huit lignes, les plus 
grands doigts neuf lignes , le pouce 
six lignes; il est gros, large et écarté, 
comme dans les singes ; l’ongle en est 
plat, tandis que les ongles des quatre 
autres doigts sont crochus et excèdent 
le bout des doigts. Le pouce du pied de 
devant est droit, et n’est point écarté de 
l'autre doigt. 

M. de la Borde m'a écrit que cet ani- 
mal étoit fort commun à Cayenne, et 
qu'il habite toujours les palétuviers et 
autres endroits marécageux. 


« ILest, ditil, fort leste pour grim- 
per sur les arbres, sur lesquels il setient 
plus souvent qu’à terre, sur-tout pendant 
le jour. Il a de bonnes dents, et se défend 
contre les chiens. Les crabes font sa prin- 
cipale nourriture, et lui profitent ; car 


154 HISTOIRE NATURELLE 

il est toujours gras. Quand il ne peut pas 
tirer les crabes de leur trou avec sa patte, 
il y introduit sa queue, dont il se sert 
comme d’un crochet. Le crabe, qui lui 
serre quelquefois la queue, le fait crier ; 
ce cri ressemble assez à celui d’un homme, 
et s'entend de fort loin : mais sa voix or- 
dinaire est une espèce de grognement 
semblable à celui des petits cochons. Il 
produit quatre ou cinq petits , et les 
dépose dans de vieux arbres creux. Les 
naturels du pays en mangent la chair, 
qui a quelque rapport à celle du lièvre. 
Au reste, ces animaux se familiarisent 
aisément, et on les nourrit à la maison 
comme les chiens et les chats, c’est-à- 
dire, avec toutes sortes d’alimens : ainsi 
leur goût pour la chair du crabe n’est 
point du tout un goût exclusif *. » 


On prétend qu'il se trouve dans les 
terres de Cayenne deux espèces d’ani- 
maux auxquels on donne le même nom 
de crabier, parce que tous deux mangent 

* Lettre de M. de la Borde à M, de Buffom 
Cayenne, 12 juin 1774. 


DU CRABIER. 155 


des crabes. Le premier est celui dont nous 
venons de parler ; l’autre est non seule- 
ment d’une espèce différente, mais pa- 
roît même être d’un autre genre. Il a la 
queue toute garnie de poil, et ne prend 
les crabes qu'avec ses pattes. Ces deux 
animaux ne se ressemblent que par la 
tête, et diffèrent par la forme et les pro- 
portions du corps , aussi-bien que par la 
conformation des pieds et des ongles *. 


* Note communiquée par MM. Aublet et Olivier. 


APRAITION SERRES 


DU TAMANOIR, DU TAMANDUA, 
D U FOURMILIER, ET DES 
TATOUS.. 


DU TAMANOIR. 


N aus avons donné * la figure du tama- 
noir ou grand fourmilier ; mais, comme 
le dessin n’a été fait que d’après une peau 
qui avoit été assez mal préparée, 1l n’est 
pas aussi exact que celui qu’on trouvera 
ci, qui a été fait sur un animal envoyé 
de la Guiane, bien empaillé, à M. Mau- 
duit, docteur en médecine, dont le 
cabinet ne contient que des choses pré- 
cieuses , par les soins que cet habile na- 
turaliste prend de recueillir tout ce qu’il 
y a de’plus rare, et de maintenir les ani- 
maux et les oiseaux dans le meilleur état 


* Tome IV, pl. XI. 


1Pauguet +. 


LOS AS 


\/ FÈSNEN 


HISTOIRE NATURELLE. 157 - 


possible. Quoique le tamanoir que nous 
donnons ici soit précisément de la mème 
espèce que celui de nôtre tome IV, on 
verra néanmoins qu'il a le museau plus 
court , la distance de l'œil à l'oreille plus 
petite , les pieds plus courts; ceux du 
devant n’ont que quatre ongles , les deux 
du milieu très-grands, les deux de côté 
fort petits, cinq ông tés aux pieds dé der- 
rière , et tous cés oniglés noirs. Le museau 
jusqu'aux oreilles est couvert d'un poil 
brun fort court; près des oreilles le poil 
commence à "IAE plus grand ; il a deux 
pouces et demi de longueur sur les côtés 
du corps ; il est rude au toucher, comme 
celui du sanglier ; il est mélé, de poils 
d’un brun foncé, et d'autres d’un blanc 
sale. La bande noire du corps n’a point 
de petites taches blanches décidées et qui 
la bordent, comme dans le /tamanoir 
gravé tome TV. Celui-ci a trois pieds onze 
pouces de longueur, c’est-à-dire , trois 
pouces de plus que le premier, Voici ses 
autres dimensions. - 


158 HISTOIRE NATURELLE 


piéds. pouc 


Hauteur du train de devant... 
Hauteur du tram de derrière... 
Longueur du bout du museau à 
l'angle de lit. bios. ais sets 
Ouverture de l’œil............ 
Ouverture de la bouche. ......…… 
Ouverture des narines......... 
Distance de l’œ1l à l’oreille.. .. 
Grandeur de loreille..,....... 
Longueur du COU., 54. os m8 ofs 
Longueur du tronçon de la queue 
Longueur du pied de devant... 
Longueur de l’ergot intèrne.….. 
Longueur de ce même ergot à 
SOU OPEN cm0 
Longueur de Pergot suivant... 
Sa largeur à son origine...... 
Longueur du troisième ergot... 
Sa largeur à son origine. ..... 
Longueur de lergot extérieur. . 
Sa largeur à son origine... .... 
Longueur du pied de derritre. 
Longueur de l’ergot interne. …. 
Longueur des trois autres ergots 
Loxéeur à lPonstues 4): 
Longueur de l’ergot externe... 


Largeur à son origine.......,. 


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es. lignes. 


AND ÿ N #1 À #1 D 


QU Or D D u O1 © 


& Q\ & 0 J © 


| DU TAMANOIR. 159 

M. de la Borde, médecin du roi à 
Cayenne , m'a envoyé les observations 
suivantes au sujet de cet animal. 


« Le tamanoir habite les bois de la 


 Guiane. On y en connoît de deux espèces ; 


les individus de la plus grande pèsent 
jusqu’à cent livres. Ils courent lentement 
et plus lourdement qu’un cochon ; ils 
traversent les grandes rivières à la nage, 


et alors il n’est pas difficile de les assom- 


mer à coups de bâton. Dans les bois , on 


les tue à coups de fusil. Ils n’y sont pas 
fortcommuns, quoique leschiens refusent 


de les chasser. 


Le tamanoir sesert de ses grandes griffes 
pour déchirer les ruches de poux de bois 
qui se trouvent par-tout sur les arbres, 


sur lesquels il grimpe facilement. Il faut 


prendre garde d’appracher cet animal 
de trop près ; car ses griffes font des 
blessures profondes : il se défend même 


avec avantage contre les animaux les 
plus féroces de ce continent , tels que les 
 Jaguars, couguars, etc. ; il les déchire 


avec ses griffes , dont les muscles et les 


ITA In # LU /: | CHLORE NES EUR 1 
\ rl à FAR ER AU 


160 HISTOIRE NATURELLE 


tendons sont d’une grande force. Il tue 
beaucoup de chiens, et c'est par cette 
raison qu'ils refusent de le chasser. 

On voit souvent des tamanoirs dans 
les grandes savanes incultes. On dit qu'ils 
se nourrissent de fourmis. Son estomac a 
plus de capacité que celui d’un homme. 
J'en ai ouvert un quiavoit l'estomac plein 
de poux de bois qu'il avoit nouvellement 
mangés. La structure et les dimensions de 
sa langue semblent prouver qu'il peut 
aussi se nourrir de fourmis. Il ne fait 
qu'un petit dans des trous d’arbre près de 
terre. Lorsque la femelle nourrit, elle est 
tres-dangereuse , même pour les hommes. 
Les gens du commun à Cayenne mangent 
la chair de cet animal ; elle est noire, 
sans graisse et sans fumet. Sa peau est 
dure et épaisse; sa langue est d’une forme 
presque conique , comme son museau. » 


M. de la Borde en donne une descrip- 
tion anatomique que Je n'ai pas Cru 
devoir publier ici, pour lui laisser les 
prémices de ce travail qu’il me paroît 
avoir fait avec soin. + 44 4 d 


DU TAMANOIR. 167 
«Le tamanoir , continue M. de la 
Borde, n’acquiert son accroissement en- 
tier qu’en quatre ans. Il ne respire que 
par les narines. À la première vertèbre qui 
Joint le cou avec la tête, la trachée-artère 
est fort ample ; mais elle se rétrécit tout- 
à-coup, et forme un conduit qui se conti- 
nue jusqu'aux narines, dans cette espèce 
de cornet qui lui sert de mâchoire supé- 
rieure. Ce cornet a un pied de longueur, 
et il est au moins aussi long que le reste 
de la tête. Il n’a aucun conduit de la tra- 
chée-artère à la gueule , et néanmoins 
l'ouverture des narines est si petite , qu’on 
avoit de la peine à y introduire un tuyau 
de plume à écrire. Les yeux sont aussi 
très -petits, et 1l ne voit que de côté. La 
graisse de cet animal est de la plus grande 
blancheur. Lorsqu'il traverse les eaux, il 
porte sa grande et longue queue repliée 
sur le dos et Jusque sur la tête. » 


MM. Aublet et Olivier m'ont assuré 
que le tamanoir ne se nourrit que par le 
moyen de sa langue, laquelle est enduite 


d’une humeur visqueuse et gluante , avee 
14 


162 HISTOIRE NATURELLE 
laquelle il prend des insectes. Ils disent 
aussi que sa chair n’est point mauvaise à 
manger. 


DU TAMANDUA. 


Nous croyons devoir rapporter à l’es- : 
pèce du tamandua l'animal dont nous 
donnons ici la figure, et duquel la dé- 
pouille bien préparée étoit au cabinet de 
M. le duc de Caylus, et se voit actuelle- 
ment dans le Cabinet du roi. Il est diffé-- 
rent du tamanoir, non seulement par la 
grandeur , mais aussi par la forme. Sa 
tête est à proportion bien plus grosse : 
l'œil est si petit, qu'il n’a qu'une ligne 
de grandeur; encore est-il environné 
d’un rebord de poils relevés. L’oreille est 
ronde et bordée de grands poils noirs paï- 
dessus. Le corps entier n’a que treize 
pouces , depuis le bout du nez jusqu’à 
l'origine de la queue, et dix pouces foibles 
de hauteur. Le poil de dessus le dos est 
long de quinze lignes ; celui du ventre, 
qui est d’un blanc sale, est de la même 
longueur, La queue n'a que sept pouces 


DOUAN 


DU TAMANDUA. 163 
et demi de longueur, couverte par-tout 
de longs poils fauves, avec des bandes ou 
des anneaux d’une teinte légèrement noi- 
râtre. | . 

Il n’y a, dans toute cette description, 
que deux caractères qui ne s'accordent 
pas avec celle que Marcgrave nous a 
donnée du tamandua ; le premier est la 
queue, qui est par-tout garnie de poils, 
au licu que celui de Marcgrave a la queue 
nue à son extrémité ; le second, c’est 
qu'il y a cinq doigts aux pieds de devant 
dans notre tamandua , et que celui de 
Marcgrave n’en avoit que quatre : mais 
du reste tout convient assez pour qu’on 
puisse croire que l’animal dont nous 
donnons ici la figure , est au moins une 
variété de l'espèce du tamandua , s’il n’est 
pas précisément de la même espèce. 

M. de la Borde semble l'indiquer, dans 
ses observations , sous le nom de pesis 
damanor. 


«Il a, dit-il, le poil blanchätre, long 
d'environ deux pouces. Il peut peser un 
peu plus de soixante livres. Il n'a point 


164 HISTOIRE NATURELLE 


de dents ; mais il a aussi des griffes fort 
longues. Il ne mange que le jour, comme 
l'autre , et ne fait qu’un petit; il vit aussi 
de même, et se tient dans les grands bois. 
Sa chair est bonne à manger ; mais on le 
trouve plus rarement que le grand tama- 
noir. » | 


J'aurois bien desiré que M. de la Borde 
m'eûtenvoyé des indications plus précises 
et plus détaillées, qui auroïent fixé nos 


incertitudes au sujet de cette espèce d’a- 


nimal. 

Voici ce qu'il m’écrit en même temps 
sur le petit fourmilier, dont nous avons 
donné la figure *. 


«Il a le poil roux , luisant, un peu 
doré , se nourrit de fourmis, tire sa 
langue, qui est fort longue et faite comme 
un ver, €t les fourmis s’y attachent. Cet 
animal n’est guère plus grand qu’un écu- 
reuil. Il n’est pas difficile à prendre; il 


marche assez lentement, s'attache, comme 


* Tome IV, pl. XI. 


LA 


DU TAMANDUA.  r65 
le paresseux, sur un bâton qu’on lui pré- 
sente, dont il ne cherche pas à se dé- 
tourner , et on le porte ainsi attaché où 


: l'on veut. Il n’a aucun cri. On en trouve 


souvent d’accrochés à des branches par 
leurs griffes. Ils ne font qu’un petit dans 
des creux d'arbre, sur des feuilles qu'ils 


-charient sur le dos. Ils ne mangent que la 


nuit. Leurs griffes sont dangereuses, et 
ils les serrent si fort, qu'on ne peut pas 
léur faire lâcher prise. Ils ne sont pas 
rares, mais difhiciles à appercevoir sur 
les arbres. » 


M. Vosmaër a fait une critique assez 
mal fondée de ce que j’ai dit au sujet des 


fourmiliers. 


«Je dois remarquer, dit-il, contre le 
sentiment de M. de Buffon*, que l’année 
passée M. Tulbagh a envoyé un animal 
sous le nom de porc de terre, qui est le 
myrmécophage de Linnæus , en sorte que 
Desmarchais et Kolbe ont raison de dire 


* Tome IV, page 145. 


\ 
166 HISTOIRE NATURELLE 
que cet animal se trouve en Afrique aussi 
bien qu’en Amérique. À juger de celui-ci 
quiaété envoyé dans l’esprit-de-vin, pa- 
roissant étre tout nouvellement né, et 
ayant déja la grandeur d’un bon cochon 
de lait, l'animal parfait doit être d’une 
taille fort considérable. Voici les princi- 
pales différences, autant qu’on peut les 
reconnoître à cet animal si Jeune. | 
Le groin est à son extrémité un peu 
gros , rond et aussi comme écrasé en 
dessus. Leurs oreilles sont fort grandes, 
longues, minces , pointues et pendantes. 
Les pieds de devant ont quatre doigts; le 
premier et le troisième d’une longueur 
égale, le second un peu plus long , et le 
quatrième ou l'extérieur un peu plus 
court que le troisième. Leurs quatre on- 


glets sont fort longs, peu crochus, poin- 


tus , et à peu près d’une égale grandeur: 
Les pieds de derrière ont cinq doigts, 
dont les trois intermédiaires sont presque 
également longs , et les deux extérieurs 
beaucoup plus courts ; les onglets en 
sont moins grands , et les deux extérieurs 
les plus petits. Sa queue, sans être fort 


DU TAMANDUA. 167 


longue , est grosse et se termine en pointe. 
Les deux myrmécophages de Seba ! sont 
certainement les mêmes, et ne diffèrent 
entre eux que par la couleur. La figure 
en est fort bonne. C’est uné espèce parti- 
culière, tout-à-fait différente du taman- 
dua-suacu de Marcgrave, ou tamanoir de 
M. de Buffon. » 


On croiroit, après la lecture de ce 
passage, que Je me suis trompé au sujet 
de cet animal donné par Seba ?. Cepen- 
dant j'ai dit précisément 5 ce que dit ici 
M. Vosmaër. Voici comme je me suis 
exprimé : L'animal qué Seba désigne par le 
non de tamandua myrmécophage d’Amé- 
rique , {ome Î#, page 60, ef dont il donne 
la figure, planche XXXFIT, n° 2, ne 
peut se rapporter à aucun des trois dont il 
est ici question. Ox les trois animaux d’A- 
mérique dont J'ai parlé, sont le tama- 
noir , le tamandua et le petit fourmi- 

? Tome Lx, pl. XXX VIT, fe. 2; et pl. XL, 
fig. x. 

2 Planche XXX VIT, no 2, 

3 Tome IV, page gr. 


168 HISTOIRE NATURELLE 
lier ; donc tout ce que dit ici M. Vosmaër. 
ne fait rien contre ce que J'ai avancé ; 
puisque ce que J'ai avancé se réduit à ce 
que le tamanoir , le tamandua et le four- 
milier ne se trouvent qu’en Amérique , 
gt non dans l’ancien continent. Cela est 
si positif, que M. Vosmaër ne peut rien 
y opposer. Si le myrmécophage de Seba 
(planche XXXVITI, fig. 2) se trouve eu 
Afrique , cela prouve seulement que Seba 
s’est trompé en l'appelant 72yrmécophage 
d'Amérique ; mais cela ne prouve rien 
contre ce que j'ai avancé, et je persiste, 
avec toute raison, à soutenir que le 
tamanoir, le tamandua et le fourmilier 
ne se trouvent qu’en Amérique, et point 
en Afrique. | 


‘D'ES TA T O0 Us: 
Nous avons donné * la gravure d’une 
dépouille d’encoubert, ou tatou à six 


bandes mobiles; nous n'avons pu alors 
nous procurer l'animal entier : il nous est 


* Tome [V, planche XV. 


fi 


ee 


Zom 11. PL.22.Lug.168. 


LE TATOU A LONGUE QUEUE . 


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x 


D #:1-DÉS TATOLS: :: 169 . 
‘arrivé depuis, et nous en donnons ici 
la figure dessinée d’après nature vivante 
par M. de Sève ;:qui m'a remis en même 
temps la description suivante. 


\ 
4 


« L' encoubert mâle a ‘quatorze pouces 
de longueur sans la queue. Il est assez 
bn Ibrie à la description qui se trouve 
dans l’ Histoire naturelle ; mais il est bon 
d'observer qu'il est dit dans cette descrip- 
tion que le bouclier des épaules est formé 
par cinq bandes ou rangs parallèles de 
petites pièces à cinq angles avec un ovale 
dans chacune. Je pense que cela varie ; 
car celui que J'ai dessiné a le bouclier des 
épaules composé de six rangs parallèles, 
dont les petites pièces sont des Heron 
irréguliers. Le bouclier de la croupe a dix 
rangs parallèles , composés de petites 
pièces droites, qui forment comme des 
quarrés; les rangs qui appr ochent de l’ex- 
trémité vers la queue, perdent la forme 
quarrée et deviennent plus arrondis. La 
queue, qui à été coupée par le bout, .a 
actuellement quatre pouces six lignes; Je 
J'ai faite dans Ie dessin de Six pouces, parce 

19 a 


vo HISTOIRE NATURELLE 

qu’elle a quinze lignes de diamètre à son 
origine, et six lignes de diamètre au bout. 
coupé. En marchant , il porte la queue 
haute et un peu courbée. Le troncon est 
revêtu d’un têt osseux comme sur le 
corps : six bandes inégales par gradation 
commencent ce tronçon ; elles sont com- 
posées de petites pièces hexagones irré- 
gulières. La tête a trois pouces dix lignes 
de long , et les oreilles un pouce trois 
lignes. L'œil, au lièu d’être enfoncé , 
comme il est dit dans l’Afstoire naturelle, 
est, à la vérité, très-petit; mais le globule 
est élevé et très-masqué par les paupières : 
qui le couvrent. Son corps est fort gras, 
et la peau forme des rides sous le ventre; 
il y a sur cette peau du ventre nombre 
de petits tubercules , d’où partent des 
poils blanes assez longs , et elle ressemble 
à celle d’un dindon plumé. Le tét , sur 
la plus graude largeur du corps, a six 
pouces sept lignés. La jambe de devant 
a deux pouces deux lignes ; celle de der- 
rière, trois pouces quatre lignes. Les ongles 
de la patte de devant sont très-longs : le 
plus grand a quinze lignes, celui de côté 


D 
+ DE6 TATOGUS. 7x 


quatorze lignes, le plus petit dix lignes; 
les ongles de la patte de derrière ont au 
plus six lignes. Les jambes sont couvertes 
d’un cuir écailleux Jaunâtre jusqu'aux 
ongles. Lorsque cet animal marche, il se 
porte sur le bout des ongles de ses Hottes 
de devant. Sa verge est fort longue : en 
la tirant, elle a six pouces sept lignes de 
long sur près de quatre lignes de gros- 
seur en repos ; ce qui doit beaucoup 
augmenter dans l'érection. Quänd cette 
verge s’alonge d'elle-même , elle se pose 
sur le ventre en forme de limacon , lais- 
sant/environ une ligne ou deux d’espace 
dans les circonvolutions. On m'a dit que 
quand ces animaux veulent s’accoupler, 
la femelle se couche sur le dos pour re- 
cevoir le mâle. Celui dont il est ques- 
tion n’étoit âgé que de dix-huit mois. » 


M. de la Borde rapporte dans ses obser- 
yations qu'il se trouve à la Guiane deux 
espèces de tatous : le tatounoir, qui peut 
peser dix-huit à vingt livres, et qui est le 
plus grand; l’autre, dont la couleur est 
brune, ou plutôt gris-de-fer, a trois griffes 


172 HISTOIRE NATURELLE 
plus longues les unes que les autres; sa 
queue est mollasse, sans cuirasse, cou- 
verte d'une simple peau sans écaille : il 
est bien plus petit que l’autre, et ne pèse 
| di environ trois livres. 


« Le gros tatou, dit M. de la Borde, fait 
huit petits et méme jusqu’à dix, dans des 
trous qu’il creuse fort profonds. Quand 
on veut le découvrir, il travaille de son 
côté à rendre son trou plus profond, en 
descendant presque perpendiculairement. 
Il ne court que la nuit, mange des vers 
de terre, des poux de bois et des four- 
mis : sa chair est assez bonne à manger, 
et a un peu du goût du cochon de lait. 
Le petit tatou gris cendré ne fait que 
quatre ou cinq petits; mais 1l fouille la 
terre encore plüs bas que l’autre, et ïl 
est aussi plus difficile à prendre : il sort 
de son trou pendant le jour quand la 
pluie l’inonde, autrement il ne sort que 
la nuit. On trouve toujours ces tatous 
seuls , et l’on connoît qu'ils sont dans 
leurs trous lorsqu'on en voit sortir un 
grand nombre de certaines mouches qui 


\ 
D E S TATOUS: se 
suivent ces animaux à l'odeur. Quand on 
creuse pour les prendre, ils creusent aussi 
de leur côté, jetant la terre en arrière, 
et bouchent tellement leurs trous, qu’on 
ne sauroit les en faire sortir en y faisant 


de la fumée. Ils font leurs petits au com- 
mencement de la saison des pluies. » 


Il me paroît qu’on doit rapporter le 
grand tatou noir dont parle ici M. de la 
Borde, au kabassou, dont nous avons 
donné la figure *, qui est en effet le plus 
grand de tous les tatous; et que l’on peut 
de même rapporter le petit tatou gris de 
fer au tatuète, quoique M. de la Borde 
dise que sa queue est sins cuirasse, ce 

qui mériteroit d’être vérifié. : 
__ Nous donnons encore ici la figure d’un 
tatou à neuf bandes mobiles et à très- 
longue queue. La description et la figure 
se trouvent dans les Transactions philo- 
sophiques, volume LIV, planche VIL. 
M. William Watson, docteur en méde- 
cine, a donné la description de ce tatou, 


* Tome IV, pl. XIIT, 
15 


174 HISTOIRE NATURELLE. | 
dont voici l’extrait. Cet animal étoit vi- 
vant à Londres, chez mylord Southwell ; 
il venoit d'Amérique : cependant la figure 
que cet auteur en donne dans les Transac- 
tions philosophiques, n’a été dessinée qu’a- 
près l'animal mort, et c’est par cette rai- 
son qu’elle est un peu dure et roïde , 
comme elle l’est aussi dans la DRE 
que nous donnons ici. Cet animal pesoit 
sept livres avoirdupois, et n'étoit que de 
la grosseur d’un chat ordinaire : c'étoit 
un mâle, qui avoit même assez grandi 
pendant AE mois qu’il a vécu chez 
mylord Southwell; on le nourrissoit de 
viande et de lait; il refusoit de manger du 
grain et des fruits. Ceux qui l’ont apporté 
d'Amérique, ont assuré qu'il fouilloit la 
terre pour s’y loger. 


ADDITION A L'ARTICLE 
| 


DE L’UNAU «er DE L’AÏ. 


« Ox connoît à Cayenne, dit M. de la 
Borde, deux espèces de ces animaux, 
l'une appelée paresseux honteux, l'autre 
mouton paresseux : celui-ci est une fois plus 
long que l’autre, et de la même grosseur ; 
il a le poil long, épais et blanchâtre, pèse 
environ vingt-cinq livres. Il se jette sur 
les hommes depuis le haut des arbres, 
mais d'une manière si lourde et si pesante, 
qu'il est aisé de l’éviter. IL mange le jour 
comme la nuit. 

Le paresseux honteux a des taches noi- 
res, peut peser douze livres, se tient tou- 
jours sur les arbres, mange des feuilles 
de bois canon, qui sont réputées poison. 
Leurs boyaux empoisonnent les chiens 
qui les mangent, et néanmoins leur chair 
est bonne à manger; mais ce n’est que le 
peuple qui en fait usage. 


176 HISTOIRE NATURELLE 

Les deux espèces ne font qu’un petit ; 
qu'ils portent tout de suite sur le dos. 
IL y a grande apparence que les femelles 
mettent bas sur les arbres; maïs on n’en 
est pas sûr. Ils se nourrissent de feuilles 
‘de monbin et de bois canon. Les deux 
espèces sont également communes , mais 
un peu rares aux environs de Cayenne. 
Ils se pendent quelquefois par leurs 
grifles à des branches d'arbres qui se 
trouvent sur les rivières, et alors il est 
aisé de couper la branche et de les faire 
tomber dans l’eau ; mais ils ne lâchent 
point prise, et y restent fortement atta- 
chés avec leurs pattes de devant. 

Pour monter sur un arbre, cet animal 
étend nonchalamment une de ses pattes 
de devant, qu'il pose le plus haut qu'il 
peut sur le pied de l'arbre; il s'accroche 
ainsi avec sa longue griffe, lève ensuite 
son corps fort lourdement , et petit à 
petit pose l’autre patte, et continue de 
grimper ainsi. Tous ces mouvemens sont 
exécutés avec une lenteur et une non- 
chalance inexprimable: Si on en élève 
dans les maisons, ils grimpent toujours 


DELUNAUETDE L’ATI. 77 
sur quelques poteaux ou mémesur les por- 
tes, et ils n'aiment pas à $e tenir à terre. 
Si on leur présente un bâton lorsqu'ils 
sont à terre, ils s’en saisissent tout de 
suite, et montent j usqu’à l'extrémité, où 
ils se tiennent fortement accrochés avec 
les pattes de devant, et serrent avec tout 
le corps l'endroit ou jé se sont ainsi per- 
chés. Ils ont un petit cri fort plaintif et 
langoureux qui ne se, fait pas entendre 
de loin !. » 


On voit que le paresseux mouton de 
M. de la Borde est celui que nous avons 
appelé vnau, et que son paresseux hon- 
teux est l'aÿ, dont nous avons donné les 
descriptions et les figures ? : 

M. Vosmaër, habile RE et ae” 
recteur des cabinets de $. À. S. M le 
prince d'Orange , m’a reproché deux 
choses que J'ai dites au sujet de ces ani- 
maux : la première, sur la manière dont 


* Extrait des observations de M. de la Borde, 
médecin du roi à Cayenne. 


2 Tome VI, planches V, Vlet VIT 


* nl | 


1478 HISTOIRE NATURELLE. 


ils se laissent quelquefois tomber d’un 
arbre. Voici les expressions de M.Vosmaër. 


« On doit absolument rejeter le rapport 
de M. de Buffon, qui prétend que ces 
animaux (l’unau et l’aï), trop lents pour 
descendre de l'arbre, sont obligés de se 
laisser tomber comme un bloc lorsqu'ils 
veulent être à terre *. 

Cependant je n'ai avancé ce fait que 
sur le rapport de témoins oculaires, qui 
m'ont assuré avoir vu tomber cet animal 
quelquefois à leurs pieds ; et l’on voit que 
le témoignage de M. de la Borde, médecin 


es 


du roi à Cayenne, s'accorde avec ceux 


qui m'ont raconté le fait, et que par 
conséquent l’on ne doif pas, comme le 
dit M. Vosmaër, absolument rejeler mo 
rapport à cet Fa 

Le second Ge est mieux fondé. 
J'avoue très-volontiers que j'ai fait une 
méprise lorsque j'ai dit que l’unau et l'aï 
n’avoient pas de dents, et Je ne sais point 


* Description d'un paresseux pentadactyle de 
Bengale; Amsterdam , 1767 ; page 5. 


DE L’UNAU ET DE L’AIL 17 
du tout mauvais gré à M. Vosmaër d’avoir 
-remarqué cette erreur, qui n’est venue 
que d’une inattention. J'aime autant une 
personne qui me relève d’une erreur, 
qu’une autre qui m'apprend une vérité, 
parce qu’en effet une erreur corrigée est 
une vérité. 


LE. K'OUTRT, 


ou LE PETIT UNAU.. 


Noire donnons ici la figure d’un ani- 
mal dont l'espèce est voisine de celle de 
l'unau : il est, à la vérité, de moitié plus 
petit ; mais il lui ressemble beaucoup 
par la forme du corps: Cet animal a été 
trouvé dans une habitation de la Guiane 
françcoise; il étoit dans la basse-cour, au 
milieu des poules, et il mangeoit avec 
elles : c’est, dit-on, le seul individu de 
cette espèce que l’on ait vu à Cayenne, 
d’où il nous a été envoyé pour le Ca- 
biret du roi, sous le nom de fowri; mais 
nous n'avons eu aucune information sur 
ses habitudes naturelles, et nous sommes 
obligés de nous restreindre à une simple 
description. 

Ce petit unau ressemble au grand par 
un caractère essentiel : il n’a, commelui, 
que deux doigts aux picds de devant, au 


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LE KOURIouLE PETIT UNAU 


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HISTOIRE NATURELLE. 18$ 


lieu que l’aï en a trois, et par conséquent 
il est d’une, espèce A éreute de celle de 
l’aï ; il n’a que douze pouces, de longueur, 
joue l'extrémité du nez jusqu'à l’ori- 

gine de la queue, tandis que l’unau, dont 
nous avons donné l’histoire et la descrip- 
tion, tome VI, avoit dix- -sept. pouces si# 
lignes : à SA TR ce petit unau parois- 
soit être adulte. 11 a, comine le rand, 
deux doigts aux. Fe de devant: et At 
à ceux de derrière : mais il en diffère non 
seulement par la taille, mais encore par 
son poil , qui est d’un Con INUSC nuancé 
de grisâtre et de fauve; et ce poil est bien 
plus court et-plus terne en, couleur que 
dans le grand unau; sous le ventre, il 
est d’une couleur de muse clair, nuancé 
de cendré,, et cette couleur s rt en 
core PART sous le cou jusqu'aux 
‘épaules, où il forme comme une bande 
foible de fauve pâle. Les. plus grands 
‘ongles de ce petit unau n’ont que neuf 
lignes, tandis que ceux du grand ont un 
pouce sept lignes et demie. 

Nous avons eu le grand unau vivant; 
MAIS , comme nous n° avons pu faire la 

Quadruplaes. © X Æ 10 


182 HISTOIRE NATURELLE | 
deseription dü petit que d’après une peau 
bourrée, nous ne sommes pas’ en état 
de prononcer sur toutes les différences 
qui peuvent se trouver entre ces deux 
‘animaux : nous présumons néanmoins 
qu'ils ne forment qu’une seule et même 
espèce, dans laquelle il se trouve deux 
races, l’une plus grande et l'autre plus 
pétités k 

J'ai dit, d’après M. de la Borde, dans 
ce volume, que le paresseux qu’il nomme 
znouton, se jette sur les hommes depuis le 
haut des arbres; cela a été mal exprimé 
par M. de la Borde. Il est certain qu’il n’at- 
taque pas lés hommes; mais comme tous 
les paresseux én général ne peuvent des- 
cendre des arbres, ils sont forcés de se 
laisser tomber, et tombent quelquefois 
sur les hommes, M. de la Borde, dans ses 
nouveaux mémoires, indique quatre es- 
pèces de parésseux; savoir, le paresseux 
cabri, le paresseux mouton, le paresseux 
dos brilé, et le nouveau paresseux que 
nous venons d'appeler fouri. Comme il 
ne donne point la description exacte de 
ces quatre espèces, nous ne pouvons les 


Nan DK OUR 108 
comparer avec celles que nous connois- 
sons ; nous présumons seulement que son 
paresseux cabri et son paresseux mouton 
sont notre aï et notre unau. Il nous a 
envoyé une peau qui nous paroît être 
celle de sôn paresseux dos brûlé, mais 
qui n’est pas assez bien conservée pour 
que nous puissions juger si elle vient d’un 
animal dont l'espèce soit différente &e 
celle dé l'ai, à laquelle cette peau nous 
paroît. édeath ler ne Le Re de 
l'unau. 


LE COCHON DE TERRE. 


Nous avons:dit et répété souvent.qu'au- 
cune espèce des animaux. de l'Afrique me 
s'est trouvée dans l'Amérique méridio- 
nale, et que réciproquement aucun des 
animaux de cette partie dé l'Amérique 
ne s’est trouvé dans l’ancien Continent. 
L'animal dont il.est ici question ,: à pu 
induire en erreur des observateurs peu 
attentifs, tels que M. Vosmaër : mais on 
va voir par sa description et par la com- 
paraison de sa figure avec celle des four- 
miliers d MnerTERe qu'il est d’une es- 
pèce très-diférente, et qu'il n’a guère 
d’autres rapports avec eux que d'etre 
de même privé de dents, et d'avoir une 
langue assez longue pour l’introduire 
dans les fourmilières. Nous avons donc 
adopté le nom de cochon de terre, que 
Kolbe donne à ce mangeur de fourmis, 
de préférence à celui de fourmilier, qui 
doit être réservé aux mangeurs de four- 
mis d'Amérique, puisqu’en effet cet ani: 


LE COCHON DE TERRE. 


{PPatquet À 


HISTOIRE NATURELLE. 3:95 
mal d'Afrique en diffère essentiellement 
par l'espèce, et même par le genre. Le 
nom de cochon de terre est relatif à ses 
habitudes naturelles et même à sa forme, 
et c’est celui sous lequel il est commu- 
nément connu dans les terres du Cap. 
Voici la description que M. Allamand a 
faite de cet animal'dans le nouveau sup- 
plément à mon ouvrage. 


« M. de Buffon semble avoir épuisé tout 
ce qu’on peut dire sur les animaux man- 
geurs de fourmis : l’article qu’il en a dres- 
sé *, doit lui avoir coûté beaucoup de 
peine, tant à cause des recherches qu'il 
a dû faire de tout ce qui a été dit de ces 
animaux , que de la nécessité où il a été 
de relever les fautes de ceux qui en ont 
parlé avant lui, et particulièrement de 
Seba. Celui-ci ne les a pas seulement mal 
décrits, mais 1l a encore rangé parmi eux 
üun animal d'un genre très-différent, 

M. de Buffon, après avoir dissipé Ja 
confusion qui régnoit dans l’histoire de 


* Tome IV, page 84. à 


186 HISTOIRE NATURELLE 


ces animaux, n’admet que trois espèces 
de mangeurs de fourmis, le tamanoir, 
le tamandua , et celui auquel il a con- 
servé le nom de fourmilier : mais ensuite 
il a donné la description d’un animal qui 
semble être une nouvelle espèce de ta- 
mandua, plutôt qu’une simple variété; 
enfin il conclut de tout ce qu'il a dit, que 
les mangeurs de fourmis ne se donné 
que dans les pays chauds de l’Améri ique, 

et qu'ils n'existent pas dans l’ancien con- 
tinent. Il est vrai que Desmarchais et 
Kolbe disent qu’il y en a en Afrique: 
mais le premier affirme simplement la 
chose, sans en rien dire de plus, ni sans 
en apporter aucune preuve; quant à 
Kolbe, son témoignage est si suspect, 
que M. de Buffon a été très-autorisé à 
n’y pas ajouter foi. J'ai pensé comme lui 
au sujet de Kolbe, et Je n'ai point cru 
qu'il y eût des mangeurs de fourmis en 
Afrique : mais M. le capitaine Gordon m'a 
tiré de l'erreur où J'étois; il m'a envoyé 
la dépouille d’un de ces animaux tué au 
cap de Bonne-Espérance, où ils sont 
connus sous le nom de cochons de terre; 


Lé 


DU COCHON DE TERRE.  z07 
‘c’est précisément celui que Kolbe leur 
donne : ainsi Je lui fais réparation d’a- 
voir révoqué ici en doute sa véracité, €t 
je suis persuadé que M. de Buffon lui 
. rendra la même Justice. Il est vrai que 
M. Pallas a confirmé le témoignage de 
Kolbe par ses propres observations ; 1l 
a donné la description d’un. fœtus de 
mangeur de fourmis, envoyé du cap de 
Bonne -Espérance au cabinet de S. A. S. 
Mer le prince d'Orange : mais un fœtus, 
dénué de son poil, étoit peu propre à 
donner une Juste idée de l'animal dont 
1l tiroit son origine, et il pouvoit avoir 
été envoyé d’ailleurs au Cap; cependant 
le nom de cochon, par lequel on l’avoit 
désigné, a commencé à me faire reyeniw 
de mon préjugé contre Kolbe. 

J'ai fait remplir la peau que M. Gordon 
m'a envoyée, ce qui m'a très-bien réussi ; 
et c'est d’après cette peau bourrée que 
J'ai fait graver la figure. Si l'on doit ap- 
peler #zangeur de fourmis un animal qui 
n'a point de dents, et qui a üne langue 
fort longue qu'il enfonce dans les four- 
milières pour avaler entuite les fourmis 


188 HISTOIRE NATURELLE 


qui s’y attachent, on ne peut pas douter 
que celui qui est représenté ici n’en mé- 
rite le nom; cependant il diffère très-fort 
des trois espèces décrites par M. de Buffon, 
et que je crois, avec lui, être particulières 
à l'Amérique. | 

Il est à peu près aussi gros et aussi grand 
que le tamanoir, comme on Île verra par 
les dimensions que J'en donnerai. Les 
poils qui couvrent sa tête, le dessus de 
son corps et sa queue, sont très-courts, 
et tellement couchés et appliqués sur sa 
peau, qu'ils semblent y être collés ; leur 
couleur est d’un gris sale, un peu appro- 
chant de celui du lapin, mais plus obscur: 
sur les flancs et sous le ventre, ils sont 
plus longs et d’une couleur roussâtre ; 
ceux qui couvrent les Jambes sont aussi 
beaucoup plus longs, ils sont tout-à-fait 
noirs et droits. fs 

Sa téte:est presque un cône tronqué, un. 
peu comprimé vers son extrémité ; ‘elle 
est terminée par un plan ou plutôt par 
un boutoir, tel que celui d’un cochon, 
dans lequel sont les trous des narines, et 
qui avance de près d’un pouce au-delà de 


LÉ 


DU COCHON DE TERRE. 189 
la mâchoire inférieure; celle-ci est très- 
petite. Sa langue est longue, fort mince 
et plate, mais plus large que dans les 
autres mangeurs de fourmis, qui l'ont 
presque cylindrique ; il n’a absolument 
aucune dent. Ses yeux sont béaucoup 
plus près des oreilles que du museau; 
ils sont assez grands, et, d'un angle à 
l’autre, ils ont un pouce de longueur. 
Ses oreilles, assez semblables à celles’ des 
‘cochons, s'élèvent à la hauteur de six 
pouces, et se terminent en pointe; elles 
sont formées par une membrane présque 
‘aussi mince que du parchemin, et cou- 
vertes de poils à peine remarquables, tant 
ils sont courts. J'ignore si dans l’animal 
vivant elles sont pendantes comme dans 
les tamanduas : M. Pallas dit qu'elles le 
sont; mais il en Juge d’après celles du 
fœtus, où leur longueur doit leur faire 
prendre cette position , sans qu’on en 
doive conclure qu’elles l’aient dans l’a- 
nimal lorsqu'il est hors du ventre de sa 
mère. Sa queué surpasse le tiers dé là 
longueur de tout le corps; ellé’ést fort 
grosse à son origine ; et va en diminuant 


x90 HISTOIRE NATURELLE 
jusqu’à son extrémité. Ses pieds de devant 
ont quatre doigts, ceux de derrière en 
ont cinq, tous armés de forts ongles, 
dont les plus longs sont aux pieds posté- 
rieurs, car ils igalent en longueur les 
doigts mêmes; ils ne sont pas pointus, 
mais aixgondis à leur extrémité, un peu 
recourbés et propres à creuser la terre. 
Il ne paroît pas qu'il puisse s'en servir 
pour saisir fortement , ou pour se dé- 
fendre | comme les autres mangeurs de 
fourmis ; cependant il doit avoir beau- 
coup de force dans ses jambes, qui sont 
très - grosses nropor Ann EN ENeEnS à son 
corps. | 
On voit, par cette Fa que cet 
animal es très-différent du tamanoir par 
son poil, sa couleur, sa tête et sa queue: 
il surpasse aussi fort en grandeur le ta- 
mandua, dont il diffère de même par son 
pelage, par sa couleur et par ses ongles ; 
je ne dis rien de sa différence avec le 
fourmuilier., avec UN ou ne le 
confondra. Il appartient donc à une qua- 
trième espèce inconnue jusqu’à présents 
et tout ce que j'en sais de certain, c'est 


“ 
L 


\ 


DU COCHON DE TERRE. 107 
que cet animal fourre sa langue dans les 
fourmilières , qu’il avale les fourmis qui 
s’y attachent, et qu’il se cache en terre 
dans des trous. Quoiqu'il ait une queue 
qui ressemble un peu à celle du taman- 
dua, Je doute qu'il s’en serve, comme 
lui, pour se suspendre à des branches 
arbre: elle ne me paroît pas, pour 
cela, assez flexible, et les ongles ne sont 
pas faits pour grimper. 

Comme je l’ai déja dit, on lui donne 
au Cap le nom de cochon de terre; mais il 
ressemble au cochon, et cela encore très- 
imparfaitement, uniquement par sa tête 
alongée, par le boutoir qui la termine, 
et par la longueur de ses oreilles : d’ail- 
leurs il en diffère essentiellement par les 
dents qu’il n’a pas, par sa queue, et prin- 
cipalement par ses pieds, aussi-bien que 
par la conformation de tout son corps. 

Au défaut de bonnes autorités sur ce 
qui regarde ce mangeur de fourmis ( car 
c’est le nom que je crois devoir lui don- 
ner, pour le distinguer des trois espèces 
décrites par M. de Buffon }, Je mettrai icz 


r92 HISTOIRE NATURELLE 
en note ce que Kolbe en! a dit * : il a été 
plus exact dans la description qu’il en a 


* La quatrième espèce des cochons se nomme 
le cochon de terre. Il ressemble très-fort aux co- 
chons rouges (pourquoi aux cochons rouges ? 1l 
ne leur ressemble pas plus par la couleur qu'aux 
autres); 1l a seulement la tête plus longue et le 
groin plus pointu ; il n’a absolument point de 
dents, et ses soies ne sont pas si fortes. Sa langue 
est longue et affilée; sa queue est longue; 5l a 
aussi les jambes longues et fortes. La terre lui sert 
de demeure ; 1l s’y creuse une grotte, ouvrage 
qu’il fait avec beaucoup de vivacité et de promp- 
titude ; et s’il a seulement la tête et les pieds de 
devant dans la terre, il s’y cramponne si bien, que 
l’homme lé plus robuste ne sauroit l’en arracher. 

Lorsqu'il à faim, ïl va chercher une fourmi= 
lière; dès qu’il à fait cette bonne trouvaille, il re- 
garde tout autour de lui, pour voir $i tonL'est tran- 
quille, et sil n’y a point de danger; il ne mange 
jamais sans avoir pris cette précaution : alors ilse 
couche, et, plaçant son groin tout près de la four- 
milière!, 1] tire la langue tant qu’il peut, les fourmis 
montent déssus en foule, et, dès qu’elle est bien 
couverte, il la retire et les gobe toutes. Ce jeu se 
recommence plusieurs foïs, et jusqu’à ce qu'il soit 


3 


DU COCHON DE TERRE,  x93 
faite, qu'il ne l’est ordinairement. Voici 
ses dimensions: » 

| pieds. pouces. lignes. 
Longueur du corps, depuis le | 
bout du museau jusqu’à l’ori- 


sineide la queue....,....53 Ghibielss 
Circonférence du milieu du corps 2 SAM » 
Longueur de la tête.......... » IX 2 
Sa circonférence entre les yeux et 4 
ep AN PEN EE AP Ed eee 5 > 
— près du bout du museau.... 7 » 
Longueur des oreilles....:..... 6 


rassasié. Afin de lui procurer plus aisément cette 
nourriture, la Nature, toute sage, a fait en sorte 
que la partie supérieure de cette langue, qui doit 
recevoir les fourmis, est toujours couverte et éomme 
enduite: d’une matière visqueuse et gluante, qui 
empêche ces foibles animaux de s’en retourner, 
lorsqu’une fois leurs jambes y sont empêtrées ; c’est 
Jà leur manière de manger. Ils ont la chair de fort 
bon goût et très-saine. Les Européens et les Hot- 
tentots vont souvent à la chasse de ces animaux : 
rien nest plus facile que de les tuer; 1l ne faut 
que leur donner un petit coup de bâton sur la tète. 
( Description du cap de Bonne-Espérance, par 
Kolbe, volume IIT, page 43.) 
17 


/ 


194 HISTOIRE NATURELLE. 


Longueur des yeux mesurée d’un 

ansle à. Pautre. ns re 
Distance des yeux aux oreilles. . 
Distance des yeux au bout du 

MOSQU . à 0e à de 
Distance entre les deux yeux en 
Gene Aro Le ie sa 
Longueur de Ja queue........ 
Sa circonférence près de l’anus. 
7 ptèende l'extrémité... 1. 
_ Longueur des jambes de devant. 


Sa circonférence près du corps. 


DITES du poienei:.. PES 
Longueur des jambes de derrière 
Leur circonférence près du corps 


Re près CE talon EU SSSR 


>» 


2 : 


pieds. pouces, lignes. 
Distance entre leurs bases... 


» 


Po MIT OA L OT ZT 


1 


1 Pour S. | 


DU RATON-CRABIER. 


Nous donnons ici la figure d’un animal 
qui nous a été envoyé de Cayenne par 
M. de la Borde ,; sous la dénomination 
impropre de chien-crabier, et qui n’a 
d'autre rapport avec le crabier que l’ha- 
bitude de manger également des crabes: 
mais il tient beaucoup du raton par la 
grandeur, la forme et les proportions de 
la tête, du corps et de la queue; et 
comme nous ignorons le nom qu'il porte 
dans son pays natal, nous lui donnerons, 
en attendant que nous en soyons infor- 
més, la dénomination de raton-crabier, 
 pour.le distinguer et du raton et du cra- 
bier,. dont nous avons donné les figures *, 

Cet animal a été envoyé de Cayenne 
avec le nom et l'indication suivante : 
_ Chien-crabier adulte, femelle prise nour- 


We Tome. Il, planche IV, et dans œ volume, 
planche XVIIL. 


596 HISTOIRE NATURELLE 


rissant, trois petits. Mais, comme nous 
venons de le dire, il n’a nul rapport 
apparent avec le crabier; il n’en a àüi la 
forme du corps, ni la queue écailleuse. 
Sa longueur, depuis le bout du museau 
jusqu’à l’origine de la queue, est de 
vingt-trois pouces six lignes, et par 
conséquent elle est à peu près égale à 
celle du raton, qui est de vingt-deux 
pouces six lignes; les autres dimensions. 
sont proportionnellement les mêmes entre 
ces deux animaux, à l’exception de la 
queue, qui est plus courte et beaucoup 
plus mince dans cet animal que celle du 
raton. si A 

La couleur de ce raton-crabier est d’un: 
fauve melé de noir et de gris : le noir do- 
mine sur la tête, le cou et le dos; mais 
le fauve est sans mélange sur les côtés du 
cou et du corps : le bout du nez ef les 
naseaux sont noirs. Les plus grañds poils 
des moustaches ont quatre poüces de 
longueur, et ceux du dessus de l’angle 
des yeux ont deux pouces deux lignes. 
Une bande d’un brun noirâtre environne 
les yeux , et s'étend presque jusqu'aux 


DU RATON-CRABIER: 197 
oreilles ; elle passe sur le museau , se pro- 
longe et s’unit au noir du sommet de la 
tête. Le dedans des oreilles est garni d’un 
poil blanchâtre, et une bande de cette 
même couleur règne au-dessus des yeux, 
et 1l y a une tache blanche au milieu du 
front ; les joues, les mâchoires, le dessous 
du cou, de la poitrine et du ventre, sont 
d’un blanc jaunâtre ; les jambes et les 
pieds sont d’un brun noirâtre, celles de 
devant sont couvertes d’un poil court; 
les doigts sont longs et bien séparés les 
uns des autres. La queue est environnée 
de six anneaux noirs, dont les intervalles 
sont d'un fauve grisûtre ; ce qui établit 
encore une différence entre cet animal 
et le vrai raton, dont la queue longue, 
grosse et toufflue, est seulement annelée 
sur la face supérieure. Ces deux espèces 
de raton diffèrent encore entre elles par 
la couleur du poil , qui dans le raton est, 
sur le corps , d’un noir mélé de gris et 
de fauve pâle, et sur les jambes, de cou- 
leur blanchâtre, au lieu que dans celui-ci 
il est d’un fauve mêlé de noir et de gris 


sur le corps, et d’un brun noirâtre sur les 
17 


198 HISTOIRE NATURELLE. 
jambes. Ainsi, quoique ces deux animaux 
aient us. rapports entre eux, leurs 
différences nous paroissent shiidantes 
pour en faire deux espèces distinctes. 


DU COATI. 


Qurrours personnes qui ont séjourné 
dans l'Amérique méridionale, m'ont in- 
formé que les coatis produisent ordinaire- 
ment trois petits, qu'ils se font des ta- 
nières en terre comme des renards, que 
leur chair a un mauvais goût de venai- 
son, mais qu'on peut faire de leurs peaux 
d’assez belles fourrures. Ils m’ont assuré 
que ces animaux s’apprivoisent fort aisé- 
ment, qu'ils deviennent même très-cares- 
sans , et qu'ils sont sujets à manger leur 
queue, ainsi que les sapajous, guénons, 
et la plupart des autres animaux à longue 
queue des climats chauds. Lorsqu'ils ont 
pris cette habitude sanguinaire, on ne 
peut pas les en corriger; ils continuent 
de ronger leur queue, et finissent par 
mourir, quelques soins et quelque nour- 
xiture qu'on puisse leur donner. Il 
semble que cette inquiétude est produite 
par une vive démangeaison ; mais peut- 


200 HISTOIRE NATURELLE. 

être les préserveroit-on du mal qu'ils se 
font, en couvrant l'extrémité de la queue 
avec une plaque mince de métal, comme 
l’on couvre quelquefois les perroquets 
sur le ventre pour les empêcher de se 
déplumer. 


GATE | 
‘ADDITION AUX ARTICLES 


DE L’AGOUTI, DU PACA, 
Er DE L’ACOUCHI. 


f 


D'Æ'L" A GOIU TL 


Novs avons peu de chose à ajouter à 
ce que nous avons dit de l’agouti*. M. de 
la Borde nous écrit seulement que c’est 
le quadrupède le plus commun de la 
Guiane ; tous les bois en sont pleins, 
soit sur les hauteurs, soit dans les plaines, 
et même dans les marécages. 


«Il est, dit-il, de la grosseur d’un 
lièvre ; sa peau est dure et propre à faire 
des empeignes de souliers qui durent très- 
long-temps. Il n’a point de graisse; sa 
chair est aussi blanche et presque aussi 
bonne que celle du lapin , ayant le même 
goût et le même fumet. Vieux ou jeune , 
la chair en est toujours tendre ; mais ceux 


* Tome IIT, page 78. 


202 HISTOIRE NATURELLE 


du bord de la mer sont les meilleurs. On 
les prend avec des trappes , on les tue à 
l'affût, on les chasse avec des chiens; les 
Indiens et les Nègres, qui savent les sif- 
ler, en tuent tant qu'ils veulent. Quand 
ils sont poursuivis, ils se sauvent à l’eau, 
ou bien ils se cachent , commeles lapins, 
dans des trous qu’ils ont creusés , ou dans 
des arbres creux. Ils mangent avec leurs 
pattes comme les écureuils ; leur nourri- 
ture ordinaire , et qu'ils cachent souvent 
en terre pour la retrouver au besoin ; sont 
des noyaux de maripa, de tourlouri, de 
corana , etc. ; et lorsqu'ils ont caché ces 
noyaux , ils les laissent quelquefois six 
mois dans la terre sans y toucher. Ils peu- 
plent autant que les lapins; ils font trois 
ou quatre petits , et quelquefoiscinq , dans 
toutes les saisons de l’année. Ils n’habitent 
pas en nombre dans le même trou ; on 
les y trouve seuls , ou bien la mère avec 
ses petits. Ils s’apprivoisent aisémént et 
mangent à peu près de tout; devenus 
domestiques , ils ne vont pas courir loin, 
et reviennent à la maison vélontiers : ce- 
pendant ils conservent un peu de leur 


Zorr 11 : 


Piquet de 


DE L’'AGOUTI. 203 
humeur sauvage. En général, ils restent 
dans leurs trous pendant la nuit, à moins 
qu'il ne fasse clair de lune; mais ils cou- 
rent pendant la plus grande partie du 
Jour ; et il ÿ à de certaines contrées, 
comme vers l'embouchure du fleuve des 
Amazonces , où ces animaux sont si nom- 
breux , qu’on les rencontre fréquemment 
par vingtaines. » 


DU PACA. 


Comme nous n'avons donné * que la 
figure dessinée sur un très-Jeune paca, 
qui n’avoit pas encore pris la moitié de 
son accroissement, et qu’il nous est arrivé 
un de ces animaux vivant qui étoit déja 
plus grand que celui que nous avons 
décrit, je l'ai fait nourrir dans ma mai- 
son , et depuis Le mois d’août dernier 1774, 
jusqu’à cé jour 28 mai 1775 , il n’a cessé 
de grandir assez considérablement. J'ai 
donc cru devoir le faire.dessiner et en 
donner la figure , avec les observations 


* Tome 1V, pl. XVI. 


204 HISTOIRE NATURELLE 
que l’on a faites sur sa manière de vivre: 
Le sieur Trécourt les a rédigées: avec 
exactitude , et Je vais en donner ici l’ex- 
trait. . ë 
On a fait construire pour cet animal 
une petite loge en bois, dans laquelle il 
demeuroit assez tranquille pendant le 
jour, sur-tout lorsqu'on ne le laissoit pas 
manquer de nourriture ; 1l semble même 
affectionner sa retraite tant que le Jour 
dure, car il s'y retire de lui-même après 
avoir mangé : mais, dès que la nuit vient, 
il marque le desir violent qu’il a de sortir 
en s’agitant continuellement et en dé- 
chirant avec les dents les barreaux de sa 
prison ; chose qui ne lui arrive Jamais 
pendant le jour , à moins que ce ne soit. 
pour faire ses besoins : car non seulement 
il ne fait jamais, mais même il ne peut 
souffrir aucune ordure dans sa petite 
demeure ; il va, pour faire les siennes, 
au plus loin qu'il peut. Il jette souvent.la 
paille qui lui sert de litière, dès qu’elle a 
pris de l’odeur, comme pour en demander 
de nouvelle; il pousse cette vieille paille 
dehors avec son museau, et va chercher 


DU PACA. | 205 
du linge et du papier pour la remplacer. 
Sa loge n’étoit pas le seul endroit qui 
parût lui plaire ; tous les recoins obscurs 
sembloient lui convenir : il établissoit 
souvent un nouveau gîte dansles armoires 
qu’il trouvoit ouvertes, ou bien sous les 
fourneaux de l’office etde la cuisine ; mais 
auparavant il s’y préparoit un lit ; et 
quand il s’étoit une fois donné la peine 
de s’y établir , on ne pouvoit que par 
force le faire sortir de ce nouveau domi- 
cile. La propreté semble être si naturelle 
à cet animal , qui étoit femelle, que, lui 
ayant donné un gros lapin mâle, dans le 
temps qu’elle étoit en chaleur ,#pour ten- 
ter leur union, elle le prit en aversion au 
moment qu'il fit ses ordures dans leur 
cage commune. Auparavant elle l’avoit 
assez bien recu pour en espérer quelque 
chose ; elle lui faisoit même des avances 
très-marquées en lui léchant le nez, les 
oreilles et le corps ; elle lui laissoit même 
presque toute la nourriture , sans cher- 
cher à la partager : mais, dès que le lapin 
eut infecté la cage, elle se retira sur-le- 
champ dansle fond d’une vieille armoire, 

19 


26 HISTOIRE NATURELLE 

où elle se fit un lit de papier et de linge, 
et ne revint à sa loge que quand elle la 
vit nette-et libre de l'hôte mal-propre 
qu'on lui avoit donné. 

Le paca s'’accoutume aisément à la vie 
domestique ; il est doux et traitable tant 
qu'on ne cherche point à l'irriter ; il 
aime qu'on le flatte, et lèche les mains 
des personnes qui le caressent ; il connoît 
fort bien ceux qui prennent soin de lui, 
et sait parfaitement distinguer leur voix. 
Lorsqu'on le gratte sur le dos, il s'étend 
et se couche sur le ventre; quelquefois 
même il s'exprime par un petit cri de 
reconnoissance , et semble demander que 
lon continue. Néanmoins il n’aime pas 
qu’on le saisisse pour le transporter, et il 
fait des efforts très-vifs et très - réitérés 
pour s'échapper. 

Il a les muscles très-forts et le corps 
massif ; cependant il a la peau si sensible, 
que le plus léger attouchement suffit pour 
lui causer une vive émotion. Cette grande 
sensibilité |, quoiqu'ordinairement , ac- 
compagnée de douceur , produit quelque- 
fois des accès de colère lorsqu'on le con- 


DU PACA. 207 
trarie trop fort ou qu'il se présente un 
objet déplaisant : la seule vue d’un chien 
qu'il ge connoît pas, le met de mauvaise 
humeur ; on l’a vu, renfermé dans sa 
loge, en mordre la porte et faire en sorte 
de l'ouvrir, parce qu’il venoit d'entrer un 
chien étranger dans la chambre. On crut 
d’abord qu’il ne vouloit sortir que pour 
faire ses besoins ; mais on fut assez surpris, 
lorsqu'étant mis en liberté il s’'élanea tout 
d’un coup sur le chien, qui ne lui faisoit 
aucun mal, et le mordit assez fort pour 
le faire crier : néanmoins il s’est accoutu- 
mé en peu de Jours avec ce même chien. 
Il traite de même les gens qu'il ne connoît 
pas et qui le contrarient ; mais il nemord 
jamais ceux qui ot soin de lui. Il n’aime 
pas les enfans, et il les poursuit assez vo- 
lontiers. Il manifeste sa colère par une 
espèce de claquement de dents et par un 
grognement qui précède toujours sa pe- 
tite fureur. 

Cet animal se tient souvent debout, 
c’est-à-dire , assis sur son derrière, et quel- 
quefois il demeure ässez long-temps dans 
cette situation ; 1l a l’air de se peigner la 


208 HISTOIRE NATURELLE 


tête et la moustache avec ses pattes, qu'il 
lèche et humecte de salive à chaque fois ; 
souvent il se sert de ses deux pattes à la 
fois pour se peigner ; ensuite il se gratte 
le corps jusqu'aux endroits où il peut 
atteindre avec ces mêmes pattes de de- 
vant; et pour achever sa petite toilette, 
il se sert de celles de derrière, et se 
gratte dans tous les autres endroits qui 
peuvent être souillés. 

C’est cependant -un animal d’une grosse 
corpulence, et qui ne paroît ni délicat, 
ni leste , ni léger ; il est plutôt pesant et 
lourd , et ayant à peu près la démarche 
d’un petit cochon. Il court rarement, 
lentement et d'assez mauvaise grace; il 
n’a de mouvemens vifs que pour sauter, 
tantôt. sur les meubles et tantôt sur les 
choses qu'il veut saisir où emporter. Il 
ressemble encore au cochon par sa peau 
blanche, épaisse, et qu’on ne peut tirer 
ni pincer , parce qu’elle est adhérente à la 
chair. 

Quoiqu'il n’ait pas encore pris son en- 
tier accroissement , il a déja dix -huit 
pouces de longueur dans sa situation na 


DU PACA. 26) 
turelle et renflée ; mais, lorsqu'il s'étend, 
il a près de deux pieds depuis le bout du 
museau Jusqu'à l'extrémité du corps, au 
lieu que le paca dont nous avons donné la 
description ( tome IV), n’avoit que sept 
pouces cinq lignes ; différence qui ne pro- 
vient néanmoins que de celle de l’âge, 
car du reste ces deux animaux se res- 
semblent en tout. 

La hauteur prise aux Jambes de de- 
vant dans celui que nous décrivons ac- 
tuellement étoit de sept pouces, et cette 
hauteur prise aux Jambes de derrière 
étoit d'environ neuf pouces et demi, en 
sorte qu’en marchant son derrière paroît 
toujours bien plus haut que sa tête. Cette 
partie postérieure du corps, qui est la plus 
élevée , est aussi la plus épaisse en tout 
sens ; elle a dix-neuf pouces et demi de 
circonférence , tandis que la partie anté- 
rieure du corps n’a que quatorze pouces. 

Le corps est couvert d’un poil court, 
rude et clair - semé , couleur de terre 
d'ombre et plus foncé sur le dos: mais le 
ventre, la poitrine , le dessous du cou et 
les parties intérieures des Jambes , sont au 

18 


210 HISTOIRE NATURELLE 


contraire couverts d’un poil blanc sale: 
et ce qui le rend très-remarquable , ce 
sont cinq espèces de bandes longitudinales 
formées par des taches blanches, la plu- 
part séparées les unes des autres. Ces cinq 
bandes sont dirigées le long du corps, de 
manière qu’elles tendent à se rapprocher 
les unes des autres à leurs extrémités. 

La tête, depuis le nez Jusqu'au sommet 
du front, a près de cinq pouces de lon- 
gueur , et elle est fort convexe; les yeux 
sonÿ gros, saillans et de couleur bru- 
nâtre , éloignés l’un de l’autre d'environ 
deux pouces. Les oreilles sont arrondies , 
et n’ont que sept à huit lignes de lon- 
sueur , sur une largeur à peu près égale 
à leur base : elles sont plissées en forme 
de fraise , et recouvertes d’un duvet très- 
fin, presque insensible au tact et à: œil, 
Le bout du nez est large, de couleur 
presque noire , divisé en deux comme 
celui des lièvres ; les narines sont fort 
grandes. L'animal a beaucoup de force 
et d'adresse dans cette partie ; car nous 
l'avons vu souvent soulever avec son nez 
la porte de sa loge, qui fermoit à cou- 


: DU PACA. 211 
lisse. La mâchoire inférieure est d’un 
pouce plus courte et moins avancée que 
la mâchoire supérieure, qui est beaucoup 
plus large et plus longue. De chaque côté 
et vers le bas de la mâchoire supérieure, 
il règne une espèce de pli longitudinal 
dégarni de poil dans son milieu , en sorte 
que l’on prendroit, au premier coup 
d'œil , cet endroit de la mâchoire pour 
la bouche de l'animal en le voyant de 
côté; car sa bouche n’est apparente que 
quand elle est ouverte , et n’a que six 
ou sept lignes d'ouverture : elle n’est 
éloignée que de deux ou trois lignes des 
plis dont nous venons de parler. 

| Chaque mâchoire est armée en devant 
de deux dents incisives fort longues, 
Jaunes comme du safran , et assez fortes 
pour couper le bois. On a vu cet animal, 
en une seule nuit, faire un trou dans une 
des planches de sa loge, assez grand pour 
ÿ passer sa tête. Sa langue est étroite, 
épaisse et un peu rude. Ses moustaches 
sont composées de poils noirs et de poils 
blancs , placés de chaque’côté du nez, et 
il a de pareilles moustaches plus noires , 


: 
| 


212 HISTOIRE NATURELLE 
mais moins fournies, dechaque côté de Ta 
tête au-dessous des oreilles. Nous n’avons 
pu voir ni compter les dents machelières, 
par la forte résistance de l'animal. 
Chaque pied, tant de devant que de 
derrière , a cinq doigts , dont quatre sort 
armés d'ongles longs de cinq ou six 
lignes. Les ongles sont couleur de chair : 
mais il ne faut pas regarder cette couleur 
comme un caractère constant ; Car , dans 
plusieurs animaux , et particulièrement 
dans les lièvres, on trouve souvent les 
ongles noirs , tandis que d’autres les ont 
blanchâtres ou couleur de chair. Le cin- 
quième doigt, qui est l’interne, ne paroît 
que quand l'animal a la jambe levée, et 
n'est qu'un petit éperon fort court. Entre 
les jambes de derrière , à peu de distance 
des parties naturelles , se trouvent deux 
mamelles de couleur brunâtre. Au reste, 
quoique la queue ne soit nullement ap- 
parente , on trouve néanmoins , en la 
recherchant, un petit bouton de deux où 
trois lignes de longueur, qui paroît en 
être l'indice. 
Le paca domestique mange de tout ce 


MUIPAC ANT 213 


qu’on veut lui donner, et il paroît avoir 
un très-grand appétit. On le nourrissoit 
ordinairement de pain ; et soit qu’on le 
trempât dans l'eau, dans le vin et même 
dans du vinaigre, il le mangeoit égale- 
ment: mais le sucreet les fruits sont si fort 
de son goût, que lorsqu'on lui en pré- 
sentoit , il en témoignoit sa Joie par des 
bonds et des sauts. Les racines et les lé- 
gumes étoient aussi de son goût; il man- 
geoit également les navets, le céleri, les 
oignons, et même l'ail et l’échalote. IL 
ne refusoit pas les choux ni les herbes, 
même la mousse et les écorces de bois ; 
nous l’avons souvent vu manger aussi du 
bois et du charbon dans les commence- 
mens. La viande étoit ce qu'il paroissoit 
aimer le moins; il n’en mangeoïitquerare- 
ment et entrès-petite quantité. On pour- 
roit aisément le nourrir de grain; car sou- 
vent il én cherchoit dans la paille de sa 
litière. Il boit comme le chien en soulevant 
Feau avec la langue. Son urine est fort 
épaisse et d’une odeur insupportable ; sa 
fiente est en petites crottes, plus klongées 
que celles des lapins et des lièvres, 


214 HISTOIRE NATURELLE 

D'après les petites observations que 
nous venons de rapporter, nous sommes 
très-portés à croire qu’on pourroit natu- 
raliser cette espèce en France ; et comme 
la chair en est bonne à manger, et que 
Panimal est peu difficile à nourrir , ce 
seroit une acquisition utile. Il ne paroît 
pas craindre beaucoup le froid ; et d’ail- 
leurs, pouvant creuser la terre , 1l s’en 
garantiroit aisément pendant l'hiver. Un 
seul paca fourniroit autant de bonne chère 
que sept ou huit lapins. : 

M. de la Borde dit que le paca habite 
ordinairement le bord des rivières, et 
qu'il construit son terrier de manière qu’il 
peut y entrer ou en sortir par trois issues 
différentes. 


« Lorsqu'il est poursuivi, il se Jette 
à l’eau, dit-il, dans laquelle il se plonge 
en levant la tète de temps en temps ; mais 
enfin, lorsqu'il est assailli par les chiens, il 
se défend très-vigoureusement ». Il ajoute 
« que la chair de oet animal est fort esti- 
mée à Cayenne, qu’on l’échaude comme 
un cochon de lait, et que, de quelque 


DU PACA. bis 
 ianière qu’on la prépare , elle est excel= 
lente. 
Le paca habite seul dans son terrier, etil 
n’en sortordinairement que la nuit pour 
_se procurer sa nourriture. Il ne sort pen- 
dant le jour que pour faire ses besoins, 
car on ne trouve Jamais aucune orduré 
dans son terrier; et toutes les fois qu’il 
rentre, il a soin d'en boucher les issues 
avec des feuilles et de petites branches. 
Ces animaux ne produisent ordinairement 
qu’un petit, qui ne quitte la mère que 
quand il est adulte; et même, si c’est un 
mâle , il ne s’en sépare qu'après s'être 
accouplé avec elle. Au reste, on en con- 
noît de deux ou trois espèces à Cayenne, 
et l’on prétend qu'ils ne se mêlent point 
ensemble. Les uns pèsent depuis quatorze 
jusqu'à vingt livres, et les autres depuis 
vingt-cinq à trente livres. 


ne 


216 HISTOIRE NATURELLE 
DE L'ACOUCHE 


Nous avons donné * une notice au 
sujet de l’acouchi, et nous avons dit. 
que c'’étoit une espèce différente de l’a- … 
gouti, parce qu'il a une queue, et que 
l’agouti n’en a point. Il en diffère encore 
beaucoup par la grandeur , n’étant guère 
plus gros qu’un lapereau de six mois. On 
ne le trouve que dans les grands bois ; il 
vit des mêmes fruits et il a presque les 
mêmes habitudes que l’agouti. Dans les 
îles de Sainte - Lucie et de la Grenade on 
l'appelle agouti. Sa chair est un des meil- 
leurs gibiers de l'Amérique méridionale ; 
elle est blanche et a du fumet comme 
celle du lapereau. Lorsque les acouchis 
sont poursuivis par les chiens, ils selaissent 
prendre plutôt que de se Jeter à l’eau. Ils 
ne produisent qu'un petit ou deux tout 
au plus {à ce que dit M. de la Borde; 
inais je doute de ce fait). On les appri- 
voise aisément dans les maisons. Ils ont 


* Tome VII, page 337. 


Zom .21. 27.260. La 200: 


SE 


dE 
D NT up 


{Dangers 


DE L'ACOUCHI. oi 
un petit cri qui ressemble à celui du co 
chon d'Inde; mais ils ne le font entendre 
que rarement. Né 

Nous donnons ici la figure de cet ani- 
mal, qui manquoit dans notre ouvrage, 
et que nous avons fait graver d’après sa 
dépouille bien conservée. MM. Aublet et 
Olivier m'ont assuré qu'à Cayenne on 
appelle l’agouti Ze lièvre, et l’'acouchi le 
lapin , mais que l’agouti est le meilleur 
à manger ; et, en parlant du gibier de ce 
pays, ils m'ont dit que les tatous sont 
encore meilleurs à manger, à l'exception 
du tatou-kabassou , qui a une forte odeux 
de musc ; qu'après les tatous, le paca est 
le inoilldue gibier ; parce oh la chair en 
est saine et ent ensuite l’agouti , et 
enfin l’acouchi. Ils assurent aussi qu'on 
mange le couguar rouge, et que cette 
viande a le goût du veau. | 


à 


Quadrupèdes, à 2 


4, 


à 


r 


ADDITION A L'ARTICLE 


DU CEONDOU ET DU TANREC. 


DU COENDOU,. 


Li: Guiane fournit deux espèces de coen- 
 dous. Les plus grands pèsent douze à 
quinze livres. Ils se tiennent sur le haut 
des arbres et sur les lianes qui s'élèvent 
jusqu'aux plus hautes branches. Hs ne 
mangent pas le Jour. Leur odeur est très- 
forte, et on les sent de fort loin. Ils font 
leurs petits dans des trous d'arbres, au 
nombre de deux. Ils se nourrissent des 
feuilles de ces arbres, et ne sont pas abso- 
lument bien communs. Leur viande est 
fort bonne; les nègres l’aiment autant 
que celle du paca. Suivant M. de la Borde, 
les deux espèces ne se mêlent pas : on ne 
les trouve deux à deux que quand ils 
sont en chaleur ; dans les autres temps 
ils sont seuls, et les femeiles ne quittent 
jamais l'arbre où elles font leurs petits. 


C2 


2 LE KLIPDAS. 


5 T Déuguret d 


on 


» 


HISTOTRE NATURELLE. 215, 
Ces animaux mordent quand on s’y ex- 
pose, sans cependant serrer beaucoup. 

Ceux de la petite espèce peuvent peser 


six livres. Is ne sont pas plus nombreux 


que les autres. Les tigres leur font la 


guerre , et on ne les trouve na à terre 
peint le jour. 

Nous avons parlé de ces deux espèces 
de coendous *, lesquelles existent en effet 
dans les cliniats chauds de ro 5 à 
méridionale. 


LE COENDOU A LONGUE QUEUE. 


UK autre animal à piquans, qui ne nous 
étoit pas connu, a été apporté de Cayenne 
à Paris avec la collection de M. Malouet, 
intendant de cette colonie. 


_Ilest plus grand que le cocndou. 
pieds. pouces, lignes, 


Sa had p, du bout du museau 


à l’origine de la queue, est de 2 » 6 
Longueur de la queue.......,; 1x 5 6 


Il est couvert de piquans noirs et blanes 


à la tête, sur le corps, les Jambes et une 


* Tome VI, page T4: 


D 


220 HISTOIRE NATURELLE 


partie de la queue; et sa longue queue le 
distingue de toutes les autres espèces de 
ce geure. Elle n’a pas de houppe ou bou- 
quet de piquans à son extrémité, comme 
celle des autres porc-épics. 

Le diamètre de la queue, mesurée à son 
origine, est de vingt-une lignes ; elle va 
en diminuant et finit en pointe. Il n’y a 
sur cette queue d’autres piquans que ceux 
de l'extrémité du tronc, qui s'étendent 
jusqu'au milieu de la queue ; elle est noi- 
râtre et couverte d’écailles depuis ce mi- 
lieu Jusqu'à son extrémité; et le dessous 
de cette queue jusqu’au milieu, c’est-à- 
dire, jusqu’à l'endroit où s'étendent les 
piquans, est couvert de petits poils d’un 
brun clair. Le reste est garni d’écailles en 
dessus comme en dessous. 

La tête de ce coendou ressemble plus à 
celle du porc-épic de Malaca qu’à toute 
autre; cependant elle est un peu moins 
alongée : les plus grands poils des mous- 
taches, qui sont noirs, ont quatre pouces 
cinq lignes de longueur. 

Les oreilles nues et sans poil ont quel- 
ques piquans sur le bord, Au reste, il n’a 


DU COENDOU. 221 


pas les piquans aussi grands que les porc- 
épics d'Italie, et par ce caractère il se 
rapproche du coendou. La pointe de ces 
piquans est blanche, le milieu noir, et ils 
sont blancs à l’origine : ainsi le blanc 
domine sur le noir. 


| 


pieds. pouces. 
Les plus longs piquans sur le 


OU... 1/,. 5. D 2 8 
Sur les jambes de devant...... » D | x0 


Sur celles de derrière. ....... » » 10 


Il y a quelques poils longs de deux 
pouces et demi, interposés entre les pi- 
quans sur le haut, les jambes de devant 
et de derrière. | 

Il n’y a point de membrane entre les 
doigts des pieds de devant, qui sont au 
nombre de quatre. Ceux de derrière ont 
cinq doigts, mais le pouce est peu excé- 
dant ; ces doigts sont couverts de poils 
bruns et courts : les ongles sont bruns, 
courbes et en gouttière. 

C’est à ce coendou à longue queue que 
nous croyons devoir rapporter ce que 


M. Roume de Saint-Laurent a écrit dans 
19 


== 


V2 


222 HISTOIRE NATURELLE 


les notices qu'il a bien voulu nous adresser 
des objets qui composent sa riche collec- 


tion d'histoire naturelle. 
x A 


« Ce coendou, dit-il, qui est un indi- 
vidu Jeune, m'est venu de l'île de la Tri- 
nité; sa longueur est d'environ un pied. 
La queue a dix pouces de long ; elle est 
couverte de piquans sur la moitié de sa 
longueur, où ils finissent en se raccour- 
cissant par gradation : le reste de la 
queue est recouvert par une peau grise, 
remplie de rides transversales tres - près 
les unes des autres, et très - profondes. 
Les piquans les plus longs ont environ 
deux pouces un quart; ils sont blancs à 
leur origine et à leur extrémité, et noirs 
au milieu. Le poilne se laisse appercevoir 
que sur le ventre, où les piquans sont 
* très-courts : les moustaches sont déliées, 
noires, et ont environ trois pouces de 
longueur. Le plus grand des ongles des 
quatre doigts de devant a cinq lignes de 
longueur, ceux des pattes de derrière 
sont de la même longueur : il n’a que 
quatre doigts onglés aux pattes de der- 


LE JEUNE TANREC . 


Î auquet a ' 


DU TANREC. 223 
rière , avec un tubercule un peu plus 
alongé que celui des pattes de devant. 
Cet individu diffère de celui décrit dans 
l'Histoire naturelle de M. de Buffon, en 
ce qu'il a la queue plus longue à propor- 
tion et én partie nue, qu'il n’a que quatre 
doigts onglés derrière, que les ongles pa- 
roissent moins grands que ceux de Pani- 
mal représenté dans ce méme ouvrage, 
et qu'il n’apas le corps garni de poils plus 
longs que les piquans : les bouts des pi- 
quans de celui-ci sont blancs, et ceux 
du premier sont noirs. » 


DU TANREC. 


M. de Brugnières, médecin du roi, très- 
habile botaniste, qui a été envoyé pour 
faire des recherches d'histoire naturelle 
aux terres australes en 1772, nous a 
donné un petit animal que nous avons 
reconnu pour être un jeune tanrec, et 
que nous avons fait graver. On a vu la 
figure du tanrec adulte *. La figure du 


* Tome VI, planche [Y. 


\ 


224 HISTOIRE NATURELLE. 


jeune tanrec que nous donuons ici, est 
de grandeur naturelle , et ne diffère de 
l’autre que par sa petitesse et par trois 
bandes blanchâtres qui nous paroissent 
être la livrée de ce jeune animal. La pre- 
mière de ces bandes s'étend depuis le mu- 
seau tout le long de la tête, et continue 
sur le cou et sur l’épine du dos; les deux 
autres bandes sont chacune sur les flancs ; 
et comme tous les autres caractères , no- 
tamment la forme du museau , les longs 
poils parsemés sur Île corps , la couleur 
__ noire des piquans , etc. se trouvent, dans 
ce petit tanrec , semblables à ceux du 
grand , nous avons cru être fondés à n’en 
faire qu’une seule et même espèce. 


MDDILION A L'ARTICLE 


DU HÉRISSON. 


J'ai dit, à l’article du hérisson , que 
je doutois qu'il montât sur les arbres et 
qu’il emportât des fruits sur ses piquans. 
Cependant quelques chasseurs m'ont as- 
suré avoir vu des hérissons monter sur 
des arbres, et remporter des fruits à la 
pointe de leurs piquans. 

Ils m'ont dit aussi qu'ils avoient vu 
des hérissons nager et traverser même de 
grands espaces d'eau avec assez de vitesse. 
Dans quelques campagnes, on est dans 
l'usage de prendre une peau de héris- 
son et d'en couvrir la tête d’un veau 
lorsqu'on veut le sevrer ; la mère , se 
sentant piquée, lui refuse le pis et s’é- 
loigne. | 

Voici quelques observations sur des 


 hérissons que j'ai fait élever en domes- 
ticité, 


2% HISTOIRE NATURELLE 

Le 4 juin 1781, on m'apporta quatre 
jeunes hérissons avec la mère. Leurs. 
pointes ou épines étoient bien formées ; 
ce qui paroît indiquer qu'ils avoient plu- 
sieurs semaines d'âge. Je Les fis mettre en- 
. semble dans une grande volière de fil de 
fer, pour les observer commodément, 
et l'on garnit de branches et de feuillages 
le fond de cette volière, afin de procurer 
à ces animaux une petite retraite pour 
dormir. | 

Pendant les deux premiers Jours, :o1 
ne leur donna pour nourriture que quel- 
ques morceaux de bœuf bouilli qu’ils né 
mangèrent pas; ils en sucèrent seule- 
ment toute la partie succulente, sans 


manger les fibres de la chair. Le troisième 


jour , on leur donna plusieurs sortes 
d'herbes , telles que du senecon , du lise- 
ron, etc. ; ils n’en mangèrent pas. Ainsi 
on peut dire qu’ils jeûnèrent à peu près 
pendant ces trois premiers Jours : cepen- 
dant la mère n’en parut pas affoiblie, et 
donna souvent à téter à ses petits. 

Les jours suivans, ils eurent des ce- 
rises , du pain, du foie de bœuf crud. Ils. 


” 


* 


DU HÉRISSON. 227 
suçoient ce dernier mets avec avidité, et 
la mère et les petits ne le quittoient pas 
qu'ils ne parussent rassasiés. Ils man- 
gèrent aussi un peu de pain; maisils ne 
touchèrent pas aux cerises. Ils montrèrent 

beaucoup d’'appétit pour les intestins 
 cruds de la volaille, de même que pour 
les pois et les herbes cuites. Mais, quel- 
que chose qu'ils aient pu manger , 1l n’a 
pas été possible de voir leurs excrémens, 
et il est à présumer qu'ils les mangent, 
comme font quelques autres animaux. 

H paroît qu'ils peuvent se passer d’eau, 
ou du moins que la boisson ne leur est 
pas plus nécessaire qu'aux lapins, aux 
lièvres , etc. ls n’ont rien eu à boire 
pendant tout le temps qu’on les a con- 
servés, et néanmoins ils ont toujours été 
fort gras et bien portans. 

Lorsque les Jeunes hérissons vouloient 
prendre la mamelle , la mère se couchoit 
sur le côté, comme pour les mettre plus 
à leur aise. Ces animaux ont les jambes 
si courtes, que les petits avoient peine 
à se mettre sous le ventre de leur mère. 
Si elle se tenoit sur ses pieds, ils s’eudor- 


»28 HISTOIRE NATURELLE 
moient à la imamelle : la mère ne les ré- 
veilloit pas ; elle sembloit:même n’oser se 


remuer, dans la crainte de troubler leur. 
sommeil. Voulant reconnoître si cette 


espèce d'attention de la mère pour ses pe- 
tits étoit un effet de son ‘attachement 
pour eux ; ou si elle-même n'étoit pas 
intéressée à les laisser tranquilles | on 
s’appercut bientôt que quelque amour 
qu’elle eût pour eux, elle en avoit encore 
plus pour la liberté. On ouvrit la volière 


pendant que ses petits dormoient ; dès 


qu’elle s’en appercut , elle se leva dou- 
cement , sortit dans le jardin , et s’éloi- 
gna du plus vîte qu’elle put de sa cage ; 
où elle ne revint pas d’elle-même , mais 
où il fallut la rapporter. On a souvent 
remarqué que lorsqu'elle étoit renfermée 
avec ses petits, elle employoit ordinaire- 
ment tout le temps de leur sommeil à 
_xôder autour de la volière, pour tâcher , 
selon toute apparence, de trouver une 
issue propre à s ‘échapper, et qu’elle, ne 


cessoit ses manœuvres et ses mouvemens 
inquiets que lorsque ses petits venoient à 
s’éveiller. Dès - lors il fut facile de juger 


DU HÉRISSON. 226 


que cette mère auroit quitté volontiers sa 
petite famille, et que si elle sembloit: 
craindre de lPéveiller , c’étoit seulement 
pour se mettre à l’abri de ses importuni- 
tés ; car les Jeunes hérissons étoient si 
avides de la mamelle, qu’ils y restoient 
attachés souvent pendant plusieurs heures 
de suite. C’est peut-être ce grand appétit 
des jeunes hérissons qui est cause que les“ 
mères , ennuyées ou excédées par leur 
gourmandise, se déterminent quelque- 
fois à les détruire. 
Dès que les hérissons entendoient mar- 
cher, ou qu'ils voyoient quelqu'un auprès 
d'eux, ils se tapissoient à terre et rame- 
noient leur museau sur la poitrine, de 
sorte qu’ils présentoient en avant les pi- 
quans qu'ils ont sur le haut du front, et 
qui sont les premiers à se dresser ; ils ra- 
menoient ensuite leurs pieds de derrière 
en avant, et, à force d'approcher ainsi 
les extrémités de leur corps, ou plutôt de 
les resserrer l’une contre l’autre, ils se. 
donnoient la forme d’une pelote ou d’une 
« boule hérissée de piquans ou de pointes. 


Cette pelote ou boule n’est pas tout-à-fait. 
20 


& 


230 HISTOIRE NATURELLE 


ronde; elle est toujours plus mince vers 


l'endroit où la tête se Joint à la partie 
postérieure du corps. Plus ils étoient 
prompts à prendre cette forme de boule, 


et plus ils comprimoient fortement les 
deux extrémités de leur corps : la con- 
traction de leurs muscles paroît être si 
grande alors, que lorsqu'une fois ils se 
sont arrondis autant qu'il leur est pos- 
sible , 1l seroit presque aussi aisé de leur 
disloquer les membres, que de les alonger 
assez pour donner à leur corps toute son 
étendue en longueur. On essayoit souvent 
de les étendre; mais plus on .faisoit d’ef- 
forts, plus ils sembloiïent opposer de ré- 
sistance, et se resserrer dans l'instant où 
ils prenoient la forme de pelote. On a re- 
marqué qu’il se faisoit un petit bruit, une 
sorte de cliquetis qui étoit occasionné par 
le frottement réciproque des pointes, 
lesquelles se dirigent et se croisent dans 
tous les sens possibles. C’est alors que Îe 
corps de ces animaux paroît hérissé d’un 


plus grand nombre de pointes, et qu'ils 


sont vraiment sur la défensive. Lorsque 
rien ne les inquiète, ces mêmes pointes 


DU HÉRISSON.. 231 
ou épines, si hérissées quand ils veulent 
se préserver, sont couchées en arrière 
les unes sur les autres, comme le poil 
lisse des autres animaux : néanmoins 
ceci n’a lieu que lorsque les hérissons 
étant éverliés jouissent du calme et de 
la tranquillité; car quand ils dorment, . 
leurs armes sont prètes, c’est-à-dire que 
leurs pointes se croisent dans tous les 
sens, comme s'ils avoient à repousser une 
attaque. Il semble donc que pendant leur 
sommeil , qui est assez profond, la Nature 
leur ait donné l'instinct de se prémunir 
contre la surprise. 

Au reste, ces animaux n’ont pas les 
moyens d'en attaquer d’autres; ils sont 
naturellement indolens et même pares- 
seux : le repos semble être aussi nécessaire 
à leur genre de vie que la nourriture; et 
l’on pourroit dire avec assez de vérité 
que leurs uniques et seules occupations 
sont de manger et dormir. En effet, ceux 
que nous avons nourris et élevés, cher- 
choient à manger dès qu'ils étoient éveil- 
lés ; et quand ils avoient assez mangé, 
ils ailoient se livrer au sommutil sur des 


232 HISTOIRE NATURELLE. 


feuillages. Ce sont là leurs habitudes pen- 
dant le Jour : mais pendant la nuit ils 
sont moins tranquilles ; ils cherchent les 
limacons , les gros scarabées, et autres 
insectes dont ils font leur principale nour- 
riture. 


21 TENDRAC 
2LE PORC EPIC DE MALACA. 


DU TENDRAC, 


| 
Nous donnons ici la figure d’un très- 
petit tendrac qui a été envoyé de l’île de 
France, par M. Poivre, à M. Aubry, curé 
de Saint-Louis : il est représenté de gran- 
deur naturelle, et ne nous paroît différer 
de notre tendrac de la pl. IV, tome VT, 
que par sa petitesse et par quelques bandes 
blanches qui semblent être la livrée de 
cet anima fort Jeune. On a écrit à M. le 
curé de Saint-Louis qu'il se trouve à 
Madagascar, et que les François de cette 
contrée le connoissent sous le nom de 
rat-épic. Voici les dimensions et la courte 
description de ce très-petit animal. 
pieds. pouces. lignes. 
Longueur du corpsentier , depuis 
\ le bout du nez jusqu à l’extré- 


mité du corps près Pants Vs 2 "2 
Distance du bout du nez à l'œil » » 6 
Distance entre l'œil et l'oreille. » pe NS 


29 


234 HISTOIRE NATURELLE 
pieds. pouces, lignes. 
Longueur de la iète, depuis le 


bout du ‘nez jusqu’à l’occiput. » » TÉ 
Lonsteur des piquans.....4..4 huis 4 
Longueur des grands ongles des ; 

pieds de devant... 240040 be » Z 
Longueur des gvands ongles des 

pieds de: derrièré.. 2.4 4 950 af » La 


Cet animal a le museau très-alongé et 
_ presque pointu; sa tête est couverte d’un 
poil d’un roux noirâtre, et le corps, qui 
est couvert du même poil, porte une 
grande quantité de piquans d’un blanc 
jaunâtre, qui semblent se réunir par 
bandes irrégulières. On remarque au- 
dessus du nez une bande d’un blanc 
. Jaunâtre, qui s'étend jusqu’au commen- 
cement du dos, et se termine en pointe à 
ses deux extrémités : cette bande blanche 
est du même poil que le brun du corps et 
des côtés de la tête; ce poil est assez rude, 
mais cependant fort délié en eomparaison 
des piquans. Le dessous du cou et du corps 
est d’un blanc jaune, ainsi que les jambes 
et les pieds, qui sont néanmoins un peu 


| "HU TENDRATC. _ 235 
mèêlés de brun. Les plus grands poils des 
moustaches ont huit lignes de longueur. 
Les pieds ont chacun cinq doigts, et l'on 
ne voit dans ce très-petit animal aucune 
apparence de queue. 


y l 
Î 


LE PORC-ÉPIC DE MALACA. 


N ous avons parlé et donné la figure 
d’un porc-épie des Indes orientales *, et 
nous avons dit que ce porc-épic ne nous 
paroît être qu'une variété de l'espèce du 
porc-épic d'Italie : mais il existe dans les 
contrées méridionales de notre continent, 
et particulièrement à Malaca, une autre 
espèce de porc-épic que nous avons fait 
dessiner vivant chez M. Aubry, curé de 
Saint-Louis, et dont nous donnons ici la 
figure. Nous en avons vu un tout sem- 
à blable, aussi vivant, entre les mains d’un 
_ marchand d'animaux, qui le faisoit voir 
à Paris au mois d'octobre 1777. Cette es- 
pèce diffère de l’espèce commune par plu- 
sieurs caractères très-sensibles, et sur-tout 
par la forme et la longueur de la queue; 
elle est terminée par un bouquet de poils 
longs et plats, ou plutôt de petites la- 
nières blanches semblables à des rognures 


* Tome VI, planche II. 


HISTOIRE NATURELLE. 237 


de parchemin ; et la queue , qui porte 
cette houppe à son extrémité, est nue, 
écailleuse, et peut avoir le tiers de la lon- 
gueur du corps, qui est de quinze à seize 
pouces. Ce porc-épic de Malaca est plus 
petit que celui d'Europe; sa tête est 
néanmoins plus alougée, et son museau, 
revêtu d’une peau noire, porte des mous- 
taches de cinq à six pouces de longueur. 
L'œil*est petit et noir; les oreilles sont 
lisses, nues et arrondies. Il y a quatre 
doigts réunis par une membrane aux 
pieds de devant, et il n’y a qu’un tuber- 
cule en place du cinquième; les pieds de 
derrière en ont cinq, réunis par une mem- 
brane plus petite que celle des pieds de 
devant. Les jambes sont couvertes de poils 
noirâtres ; tout le dessous du corps est 
blanc. Les flancs et Le dessus du corps sont 
hérissés de piquans moins longs que ceux 
du porc-épic d'Italie, mais d’une forme 
toute particulière, étant un peu applatis 
et sillonnés sur leur longueur d’une raie 
en gouttière. Ces piquans sont blancs à la 
pointe, noirs dans leur milieu, et plu- 
sieurs sont noirs en dessus et blancs en 


À 


x 


‘23 HISTOIRE NATURELLE. 


dessous : de ce mélange résulte un reflet 
ou un jeu de traits blancs et noirâtres sur 
tout le corps de ce porc-épic. 

Cet animal, comme ceux de son genre , 
que la Nature semble n'avoir armés que 
pour la défensive, n’a de même Fous 
instinct ropidgié et farouche. Loqu'on 
l'approche, il trépigne des pieds, et vient 
en s’enflant présenter ses piquans, qu’il 
hérisse et secoue. Il dort beaucoup'e jour, 
et n’est bien éveillé que sur le soir. IL 
mange assis et tenant entre ses pattes les 
pommes et autres fruits à pepin, qu'il 
pèle avec les dents; mais les fruits à 
noyau, et sur-tout l’abricot, lui plaisent 
davantage : il mange aussi du melon, et 
il ne boit jamais. 


Fin du tome onzième. 


H'A PIRE 


Des articles contenus dans ce volume. 


De 1 civelte, page D. 


De la genette , 7. 
Addifion à l’article de la genetie, 12. 


Addiuon aux articles de la fouine et de la zibe- 
line, 14. 
De la fouime, zbid. 
La petite fouine de Madagascar, 17. 
De la zibeline, 19. 


Addition à l’article de la belette, 23. 


Addition aux articles de la belette et de l’hermine, 
du surikate, de la mangouste et du vansire, 40» 
De l’hermine, z6id. 
Le grison, 48. 
Du surikate, 52. 
De la mangouste, 56. 
Du vansire, 1414. 
Nouvelle addition à l’article du vansire, 59. 


De la grande marte de la Guiane, 67. 


2j 0 ONE 
Le touan, 63 


} 


Addition aux arucles de la marmotte et du castor. 
des rats et souris, du ral de blé ou hamster, 65 
De la marmotte, ibid. 
Marmotte de Kamischatka, 67. 
De la marmotte du cap de Bonne-Espérance, 68 
, Addition et corrections à l’article de la marmotte 
du cap de Bonne-Espérance, 75. 
Du castor, 82. 
Des souris et des rats, 63. 
Du hamster, ou rat de blé, 87. 
Addition de l’éditeur hollandois, go. 
Le hamster, z0id, | 
Nouvelle addition à l’article des rats et des souris. 
104. : 
_ Le rat perchal, 107: 
Le scherman, ou rat d’eau de Strasbourg, 109. 


Addition à l’article de la musaraigne, 113. 
La musaraigne musquée de l'Inde, zb1d. 


Addition à l’arncle du lérot, 119. 
Le lérot à queue dorée, zbid. 


Addiuon à l’article du raton, 124. 
La moufette du Chili, 130. 
Du sarigue, 132. 

Le sarigue à longs poils, 1354 


» 


#4 


| DS. 2 
De la marmose, 137. . Li: 
Addition aux articles du sarigue, de la marmose, 


et du cayopollin, 141. 
Le crabier, 150. 


À ddition aux articles du tamanoir, du tamandu, 
du fourmilier, et des tatous, 156. | 

.. Du tamanoir, 11. 

Du tamandua, 162, 

Des tatous , 168. 


LE 


‘Addition à l’article de l’unau et de l’aï, 179 
Le kouri, ou le petit unau, 180, 


Le cochon de terre, 184. 


Du raton-crabier , 195. 


Du coaui, 199. 


Addition aux articles de l’agouti, du paca, et de 
Pacouchi, 207. LS 
De l’agouti, :6:d. | 
Du paca, 203. 
De l'acouchi, 216. 


Addition à l'article du coendow et du tanrec, 218, 
Du coendou, zhid. 
Le coendou à longue queue , 219. 
Du tanrec, 223, 
Quadrupèdes, XE. 31 


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Le Paie Mic de Malaca, 236. x 
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