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HISTOIRE
NATURELLE
OISE AUX.
TOME SEIZIÈME.
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- HISTOIRE ©???
NATURELLE
Pan BUFFON,
DEDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE,
MEMBRE DE L INSTITUT NATIONAL.
OISEAUX.
TOME SEIZIEME.
Vi oi 288 LOT
: | éasorian tu
| RICHMOND %
COLLECTION:
s: PARIS En ES
À LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE
BE P. DIDOT z "AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N° 3,
XT FIRMIN DIDOT, RUE DE MPANEEE, N° 116.
AN VII. — 1799.
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HISTOIRE,
NATURELLE
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VULGAIREMENT "+
LA PIE DE MER.
Lss oiseaux qui sont dispersés dans nos
champs, ou retirés sous l’ombrage de nos
forêts, habitent les lieux les plus rians et
. … * Voyez les planches enluminées, n° 029.
Quelquefois hecasse de mer ; en anglois, sea-
… pie, oysler-caicher ; en Islande , z1/dur (le mêle),
tillra (ia femelle), ce qui indiqueroit une diffé-
» rence extérieure enire le mâle et la temelle, dont
… les auteurs ne parlent pas; en latin de nomencla-
LE: ostralega ; et par un nom formé du grec,
n mais qui ne Caraciérise point en particulier cet
» oiseau, hæmalopus.
6. HISTOIRE NATURELLE
les retraites les plus paisibles de la Nature:
mais elle n’a pas fait à tous cette douce
destinée; elle en a confiné quelques uns
sur les rivages solitaires , sur la plage nue
que les flots de la mer disputent à la terre,
sur ces rochers contre lesquels ils viennent
mugir et se briser , et sur les écueils isolés
et battus de la vague.bruyante. Dans ces
lieux déserts et formidables pour tous les
autres êtres, quelques oiseaux , tels que
l'huîtrier , savent trouver la subsistance,
la sécurité, les plaisirs mêmes et l'amour.
Celui-ci vit de vers marins, d’huîtres, de
patelles et autres coquillages qu'il ra-
masse dans les sables du rivage. Il se tient
constamment sur les bancs, les récifs dé-
couverts à basse mer , sur les grèves où il
_ suit le reflux, et ne se retire que sur les
falaises , sans s'éloigner jamais des terres
ou des rochers. On a aussi donné à cet
huîtrier, ou mangeur d’huîtres, le nom |
‘de pie de mer, non seulement à cause den
son plumage noir et blanc, mais encore
parce qu'il fait, comme la pie, un bruit
ou cri continuel, sur-tout lorsqu'il est à
en troupe. Ce cri, aigre et court, est.
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neo I UUAL EUR ER 7
répété sans cesse, en repos et en volant.
Cet oiseau ne se voit que rarement sur
la plupart de nos côtes : cependant on le
comuoît. en Saintonge ét en Picardie; il
pond même quelquefois sur les côtes de
cette dernière province, où il arrive en
troupes très-considérables par les vents
d’est.et de nord-ouest. Ces oiseaux s’y
reposent sur les sables du rivage, en at-
tendant qu’un vent favorable leur per-
mette de retourner à leur séjour ordinaire.
On croit qu'ils viennentde la Grande-Bre-
tagne , où ils sont en effet fort communs,
particulièrement sur les côtes occidentales
de cette île. Ils se sont aussi portés plus
avant vers le nord ; car on les trouve eu
Gotland , dans l’île d'Oéland, dans les
îles du Danemarck , et jusqu’en Islande
et en Norvége. D’un autre côté, M. Cook
cn a vu sur les côtes de la terre de Feu et
sur celles du détroit de Magellan ; ilen a
retrouvé à la baie d'Usky, dans la nou-
velle Zélande. Damopier les a reconnus sur
les rivages de la nouvelle Hollande; ct
Kæmpfer assure qu'ils sont aussi com-
- muns au Japon qu'en Europe. Ainsi les-
PF.
Ex
f
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TU Bu | RER ORAN
8 HISTOIRE NATURELLE #
pèce de lhuîtrier peuple touslés rivages
de l’ancien continent, et l’on ne doit pas
être étonné qu'il se retrouve dans'le nou-
veau. Le P,Feuilléé la observé sur li'côte
de la terré ferme d'Amérique: Wafer , au
Darien ; Catesby ,'à la Caroline’et aux
îlés Bahamas Ié Page du Pratzi ,;à la Loui-
siane!': et cette espèce si répandue lest
‘sans variété ; elle est par-tout la mème,
et parôît isolée et distinctement séparée
de toutes les autres espèces *. Il n’en est
point en effet parmi les oiseaux de rivage
qui ait, avec la taille de l'hufîtiier et ses
jambes courtes, un bec de la forme du
sien , non plus que ses liabitudes ét ses
mœurs. | *
Cet oiseau est de la grandeur de la cor-
neille, Son bec, long de quatre pouces,
* On ne peut s'assurer que la pie de mer des
îles Malouines de M. de Bougainville soit l’hui-
trier, plutôt que quelque espèce de pluvier : car il
dit que cet oiseau se nourrit de chev rettes ; qu la
ur sifflement aisé à 1mtler, Ce qui indique un
pluviers de plus, qu'ii a les pattes Elanches , ce
qui ne convient pas à la vraie pie de mer ou à
lhuftrier, qui les à rouges.
b
F7.
i ee
PU P'HUITRIER. ©
est rétréci et comme comprimé verticale-
ment au-dessus des narines, et applati
par les côtés, en manière de coin, jus-
qu’au bout, dont la coupe quarrée forme
un tranchant ; structure particulière qui
rend ce bec tout-à-fait propre à détacher,
soulever , arracher du rocher et des sables
les huîtres et les autres coquillages dont
l'huîtrier se nourrit.
Il est du petit nombre des oiseaux qui
n'ont que trois doigts. Ce seul rapport a
sui aux méthodistes pour le placer, dans
l’ordre de leurs nomenclatures, à côté de
l’outarde. Ou voit combien il en est éloi-
sné dans l’ordre de la Nature ; puisque
non seulement il habite sur les rivages
de la mer , mais -qu’il nage encore quel-
quefois sur cet élément, quoique ses pieds
soient presque absolument dénués de
membranes. Il est vrai que , suivant M.
Baillon , qui a observé l’huîtrier sur les
côtes de Picardie , la manière dont il nage
semble n'être que passive, comme s’il se
laissoit aller à tous les mouvemens de
Veau sans s’en donner aucun ; mais il
n'en est pas moins certain qu'il ne craint
10 HISTOIRE NATURELLE
point d'affronter les vagues, et qu’il peut
se reposer sur l’eau et quitter la mer lors-
qu'il lui plaît d’habiter la terre. |
Son plumage blanc et noir, et son long
bec, lui ont fait donner les noms égale-
ment impropres de pie de mer et de bécasse
de mer. Celui d’Auftrier lui convient, puis-
qu'il exprime sa manière de vivre. Cates-
by n’a trouvé dans son estomac que des :
huîtres, et Willughby , des patelles en-
core entières. Ce viscère est ample et mus-
culeux , suivant Belon , qui dit aussi que
la chair de l’huîtrier est noire et dure,
avec un goût de sauvagine. Cependant,
selon M. Baillon, cet oiseau est tou-
jours gras en hiver, et la chair des jeunes
est assez bonne à manger. Il a nourri un
de ces hufîtriers pendant plus de deux
mois : il le tenoit dans son Jardin , où il
vivoit principalement de vers de terre,
comme les courlis ; mais ilmangeoit aussi
de la chair crue et du pain, dont il sem-
bloit. s’accommoder fort bien. Il buvoit
indifféremment de l’eau douce ou de l’eau |
de mer, sans témoigner plus de goût pour
l'une que pour l’autre : cependant, dans
DE'L’'HUITRIER. 1E
l'état denature, ces oiseaux ne fréquentent
point les marais n1 l'embouchure des ri-
vières , et ils restent constamment dans
le voisinage et sur les eaux de la mer;
mais c’est peut-être parce qu'ils ne trou-
veroïent pas dans les eaux douces une
nourriture aussi analogue à leur appétit
que celle qu’ils se procurent dans les
eaux salées.
L'huîtrier ne fait point de nid : il dé-
pose ses œufs, qui sont grisâtres et tachés
de noir, sur le sable nud, hors de la portée
des eaux , sans aucune préparation pré-
liminaire ; seulement il semble choisir
pour cela le haut des dunes et les endroits
parsemés de débris de coquillages. Le
nombre des œufs est ordinairement de
quatre ou cinq, et le temps de l’incuba-
tion est de vingt ou vingt-un jours : la
femelle ne les couve point assidument :
elle fait à cet égard ce que font presque
tous les oiseaux des rivages de la mer,
qui, laissant au soleil, pendant une par-
tie du jour , le soin d’échauffer leurs œufs,
les quittent pour l'ordinaire à neuf ou
dix heures du matin, et ne s’en rap-
32 HISTOIRE NATURELLE
prochent que vers les trois heures du soit ;
à moins qu'il ne survienne de la pluie.
Les petits, au sortir de l'œuf, sont cou-
verts d’un duvet noirâtre : ils se traînent
sur le sable dès le premier Jour ; ils com-
mencent à courir peu de temps après, et
se cachent alors si bien dans les touftes
d’herbages , qu'il est diflicile de les trou-
ver.
L’'huîtrier a le bec et les pieds d’un beau
rouge de corail. C’est d’après ce caractère
que Belon l’a nommé /ærmatopus , en le
prenant pour l’2imantopus de Pline; mais
ces deux noms ne doivent être ni con-
fondus , n1 appliqués au même oiseau.
Hœmatopus signihe &@ jambes rouges, et
peut convenir à l'huîtrier ; mais ce nom
n’est point de Pline, quoique Daléchamp
l'ait lu ainsi; et l’£ëmantopus, oiseau à
jambes hautes, gréles et flexibles, sui-
vant la force du terme ( Zoripes }, n’est
point lhuitrier, mais bien plutôt Pé-
chasse. Un mot de Pline, dans le même
passage, eût pu sufhüre à Belon pour reve-
nir de son erreur : Prœcipuè ei pabulum
muscæ. L'himantopus qui se nourrit de
dt. dé
à DE L'HUITRIULER. 13
,
mouches, n’est pas l’huîtrier qui ne vit
que de coquillages.
Willugbby , en nous avertissant de ne
point confondre cet oiseau , sous le nom
_ d’æmantopus, avecl'.imnantopus à jambes
longues et molles, semble nous indiquer
encore une méprise dans Belon , qui, en
décrivant l’huîtrier, lui attribue cette
mollesse de pieds , assez incompatible
avec son genre de vie, qui le conduit sans
cesse sur les galets, ou le confine sur les
rochers ; d’ailleurs on sait que les pieds
et les doigts de cet oiseau sont revétus
d'une écaiile raboteuse , ferme et dure.
Il est donc plus que probable qu'ici,
comme ailleurs, la confusion des noms a
produit celle des objets : le nom d’.iman-
opus doit donc être réservé pour l’é-
chasse , à qui seul il convient; et celui
d’Aæmatopus, également applicable à tant
d'oiseaux qui ont les pieds rouges , ne
- suffit pas pour désigner l’huitrier, et doit
être retranché de sa nomenclature.
Des trois doigts de l’huîtrier, deux,
l'extérieur et celui du milieu , sont unis
jusqu'à la première articulation par une
2
Le
L.
y!
14 HISTOIRE NATUR ELLE
portion de membrane, et tous sont en<
tourés d’un bord membraneux. Il a les
paupières rouges comme le bec, et l'iris,
est d’un jaune doré ; au - dessous de
chaque œil est une petite tache blanche.
La tête, le cou, les épaules, sont noirs,
ainsi que le manteau des ailes ; mais ce
noir est plus foncé dans le mâle que dans
la femelle. Il y a un collier blanc sous la
gorge. Tout le dessous du corps, depuis la.
poitrine, est blanc , ainsi que le bas du
dos, et la moitié de la queue, dont la
pointe est noire; une bande blanche , for-
mée par les grandes couvertures, coupe
dans le noir brun de l’aile. Ce sont appa-
remment ces couleurs qui lui ont fait don-
ner le nom de la pie, quoiqu'il en diffère
à tous autres égards, et sur - tout par le
peu de longueur de sa queue, qui n’a que:
quatre pouces , et que l’aile pliée recouvre
aux trois quarts ; les pieds, avec la petite
partie de la jambe dénuée de plumes au-
dessus du genou, n’ont guère plus de
deux pouces de hauteur, quoique la lon-
gueur de l'oiseau soit d'environ seize
pouces.
v@ |
1 -
LE COURE-VITE *.
Lee s deux oiseaux représentés dans les
n°795 et 892 de nos planches enluminées
sont d'un genre nouveau, et il faut leur
donner un nom particulier. Ils ressemblent
au pluvier par les pieds, qui n’ont que
trois doigts ; mais ils en diffèrent par la
forme du bec, qui est courbé, au lieu
que les pluviers l’ont droit et renflé vers
le bout. Le premier de ces oiseaux, repré-
. senté n° 795 , a été tué en France, où il
4
4
4
étoit apparemment égaré , puisque l’on
n’en a point vu d'autre ; la rapidité avec
laquelle il couroit sur le rivage , le fit
appeler coure-vite. Depuis , nous avons
recu de la côte de Coromandel un oiseau
tout pareil pour la forme , et qui ne dif-
-fère de celui-ci que par les couleurs , en
“sorte qu’on peut le regarder comme une
. variété de la même espèce, ou tout au
F
ï
f.
moins comme une espèce très-voisine. Ils
* Voyez les planches euluminées , n°5 7095 et 692:
16 HISTOIRE NATURELLE. .
ont tous deux les jambes plus hautes
les pluviers ; ils sont aussi grands , mais
moins gros; ils ont les doigts des pieds .
très - courts, particulièrement les deux»
latéraux. Le premier a le plumage d’un
gris lavé de brun roux ; il y a sur l’œil un
trait plus clair et presque blanc, qui s'é-
tend en arrière, et l’on voit au - dessous
un trait noir qui part de l’angle extérieur
de l'œil ; le haut de la tête est roux; les
penunes de l'aile sont noires, et chaque
plume de la queue, excepté les deux du
milieu, porte une tache noire avec une
autre tache blanche vers la pointe.
Le second *, qui est venu de Coroman-
del, est un peu moins grand que le pre-
mier. Il a le devant du cou et la poitrine
d’un beau roux marron , qui se perd dans
du noir sur le ventre; les pennes de l’aile
sont noires ; le manteau est gris ; le bas
du ventre est blanc ; la tête est coiffée de
roux , à peu près comme celle du pre=
mier ; tous deux ont le bec noir, et 169
pieds blanc Jaunâtre. | “4
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# Voyez les planches enluminées, n° 892.
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LE TOURNE PIERRE.
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LE TOURNE-PIERRE*
N ous adoptons le nom de fourne-pierre,
donné par Catesby à cet oiseau , qui a
l'habitude singulière de retourner les
pierres au bord de l’eau , pour trouver
dessous les vers et les insectes dont il fait
sa nourriture , tandis que tous les autres
oiseaux de rivage se contentent de la
chercher’sur les sables ou dans la vase.
« Étant en mer , dit Catesby , à quarante
« lieues de la Floride , sous la latitude
« de trente-un degrés , un oiseau vola sur
« notre vaisseau €t y fut pris. Il étoit fort
_« adroit à tourner les pierres qui se ren-
À
controient devant lui: danscetteaction,
il se servoit seulement de la partie supé-
neure de son bec, tournant avec beau-
« coup d'adresse et fort vite des pierres
« de trois livres de pesanteur ». Cela sup-
pose une force et une dextérité particu-
4
A
* Voyez les planches euluminées, n° 856, sous
le nom de coulon-chaud. |
9
| ’
18 HISTOIRE NATURELLE
lières dans un oiseau qui est à peine
aussi gros que la maubèche: mais son bee
est d’une substance plus dure et plus.
cornée que celle du bec grèle et mou de
tous ces petits oiseaux derivage, quil’ont
conformé comme celui de la bécasse ;
aussi létourne-pierre forme-t-il, au milie
de leur genre nombreux , une petite fa-
mille isolée. Son bec dur et assez épais à
la racine va en diminuant et finit en
pointe aiguë ; il est un peu comprimé
dans sa partie supérieure , et paroît se
relever en haut par une légère courbure;
il est noir et long d’un pouce. Les pieds,
dénués de membranes , sont assez courts
et de couleur orangée.
Le plumage du tourne-pierre ressemble
à celui du pluvier à collier, par le blanc
et le noir qui le coupent , sans cepen-
dant y tracer distinctement un collier,
et en se mélant à du roux sur le dos;
cette ressemblance dans le plûmage est
apparemment la cause de la méprise de
MM. Brown, Willughby et Ray , qui ont
donné à cet oiseau le nom de morinellus,
quoiqu'il soit d’un genre tout différent
VA
?,
DU TOURNE-PIERRE. 39
des pluviers, ayant un quatrième doigt,
et tout une autre forme de bec.
L'espèce du tourne-pierre est commune
aux deux continens. On la connoît sur
les côtes occidentales de l'Angleterre, où
ces oiseaux vont ordinairement en petites
compagnies de trois ou quatre. On. les
connoît également dans la partie mari-
time de la province de Norfolk, et dans
quelques îles de Gottlande ; et nous avons
lieu de croire que c’est ce même oiseau
auquel, sur nos côtes de Picardie, on
donne le nom de bune. Nous avons recu
du cap de Bonne - Espérance un de ces
oiseaux , qui étoit de même taille, et, à
quelques légères différences près , de
même couleur que ceux d'Europe. M. Ca-
tesby en a vu près des côtes de la Floride ;
et nous ne pouvons deviner pourquoi
M. Brisson donne ce tourne-pierre d’'Amé-
rique comme différent de celui d'Angle£
terre , puisque Catesby dit formellement
qu'il le reconnut pour le même : d’ailleurs
nous avons aussi recu de Cayenne ce
même oiseau avec la seule différence qu'il
est de taille un peu plus forte ; ct
20 HISTOIRE NATURELLE, 4
M. Edwards fait mention d'un autre qui
lui avoit été envoyé des terres voisines …
de la baie d'Hudson. Ainsi cette espèce, -
quoique foible et peu nombreuse en.
individus , s’est , comme plusieurs autres
espèces d'oiseaux aquatiques , répandue
du nord au midi dans les deux continens,
en suivant les rivages de la mer, qui leur
fournit par-tout la subsistance.
Le tourne-pierre gris de Cayenne nous
paroît étre une variété dans cette espèce,
à laquelle nous rapporterons les deux
individus représentés dansnos planches
enluminées', n°s 340 et 857, sous Les déno-
minations de coulon-chaud de Cayenne,
et de coulon-chaud gris de Cayenne; car
nous ne voyons entre eux aucune diffé-
rence assez marquée pour avoir droit de
les séparer ; nous étions même portés à
les regarder comme les femelles de la
première espèce , dans laquelle le mâle
doit avoir les couleurs plus fortes : mais
nous suspendons sur cela notre Jugement,
parce que Willughby assure qu’il n'y a
point de différence dans le plumage entre
le mâle et la femelle des tourne-pierrés
qu'il a décrits,
,. = = Pr “à F ED RARES TS 4, Pom DC *
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Tom .16.. 23. Lay. 2%,
LE MERLE D EAU.
V4 Dauquer er.
LE MERLE D’EAU*.
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+ 0
Lz merle d’eau n’est point un merle,
quoiqu'il en porte le nom : c’est un oiseau
aquatique , qui fréquente les lacs et les
ruisseaux des hautes montagnes, comme
le merle en fréquente les bois et les
Vallous; il lui ressemble aussi par la taille,
qui est seulement un peu plus courte ,
et par la couleur presque noire de son
plumage ; enfin il porte un plastron blanc
‘ comme certaines espèces de merles: mais
il ést aussi silencieux. que le vrai merle
est Jaseur ; il n’en a pas les mouvermens
vifs et brusques ; il ne prend aucune de
. ses attitudes , et ne va ni par bonds n&
par sauts ; il marche légèrement d’un pas
* Voyez les planches enluminées, n° 940.
Les Italiens, aux environs de Belinzone, l’ap-
pellent Zerlichirollo ; et ceux du lac Majeur , folur
d'agua, suivant Gesner; les Allemands, 6ach-
amsel, wasser-amsel ; les Suisses, wasser-trosile;
les Anglois, water-ouzel.
| nt L aw/1 « de
»2 HISTOIRE NATURELLE
compté , et court au bord des fontaines.
et des ruisseaux, qu'il ne quitte jamais , LL
fréquentant'de Dréle nee les eaux vives.
et courantes , dont la chüte est rapide
LÉ
le lit entre-coupé de pierres et de mor-
ceaux de roche. On le rencontre au voi-
sinage des torrens ct des cascades , et
particulièrement sur les eaux limpides
qui coulent sur le gravier.
Ses habitudes naturelles sont très-sin-
gulières : les oiscaux d’eau qui ont les
pieds palmés , nagent sur l’eau ou se
plongent; ceux de rivage, montés sur
de hautes jambes nues, y entrent assez
avant sans que leur corps y trempe: le
merle d’eau y entre tout entier en mar-
chant et en suivant la pente du terrain ;
on le voit se submerger peu-à-peu , d’a-
bord jusqu’au cou, et ensuite par-dessus
la tête, qu'il ne tient pas plus élevée que
s’il étoit dans l’air ; il continue de mar-
cher sous l’eau , descend jusqu’au fond
et s'y promène , comme sur le rivage
sec. C’est à M. Hébert que nous devons
la première connoissance de cette habi-
tude extraordinaire , et que je ne sache
DÜ MERLE D'EAU. 23
pas appartenir à aucun autre oiseau. Voici
les observations qu'il a eu la bonté de me
communiquer.
« J’étois embusqué sur les bords du
« lac de Nantua, dans une cabane de
« neige et de branches de sapin , où
« J'attendois patiemment qu'un bateau
« qui ramoit sur le lac , fît approcher du
« bord quelques canards sauvages : j’ob-
« servois sans être apperçcu. Il y avoit
« devant ma cabane une petite anse,
« dont le fond en pente douce pouvoit
« avoir deux ou trois pieds de profondeur
« dans son milieu. Un merle d’eau s’y
« arrêta , et y resta plus d’une heure que
« J'eus le temps de l’observer tout à mon
«aise; je le voyois entrer dans l’eau, s’y
« enfoncer , reparoître à l’autre extrémité
« de l’anse , revenir sur ses pas; il en
« parcouroit tout le fond et ne paroissoit
« pas avoir changé d’élément; en entrant
« dans l’eau il n’hésitoit ni ne se détour-
« noit : je remarquai seulement à plu-
« sieurs reprises , que toutes les fois qu’il
© y entroit plus haut que les genoux, il
& déployoit ses ailes et les laissoit pendre
Re
24 HISTOIRE NATURELLE
_« Jusqu'à terre. Je remarquai encore ques
« tant que je pouvois l'appercevoir au
« fond de l’eau , il me paroissoit col
« revêtu d’une couche d’air qui le ren
« doit brillant ; semblable à certains in-
« sectes du genre des scarabées , qui sont
« toujours dans l’eau au milieu d’une
« bulle d’air : peut-être n’abaissoit-il ses
« ailes en entrant dans l’eau que pour
« se ménager cet air ; mais il est É
«qu'il n'y no Jamais , et il les
« agitoit alors comme s’il eût tremblé. Ces
« habitudes singulières du merle d’eau
« étoient inconnues à tous les chasseurs
« à quiJ'en ai parlé; et sans le hasard
« de la cabane de neige, Je les aurois
« peut-être aussi toujours ignorées: mais
«je puis assurer que l'oiseau venoit
« presque à mes pieds, et pour l’observer
« long-temps je ne le tuai point.»
Il y a peu de faits plus curieux dans
l'histoire des oiseaux , que celui que nous
offre cette observation. Linnæus. avoit
bien dit qu'on voit le merle d’eau des-
cendre et remonter les courans avec faci-
lité; et Wiliughby , que quoique cet
’
DU MERLE D'EAU. 25
oiseau ne soit pas palmipède, il ne laisse
pas de se plonger: mais l'un et l’autre
paroissent avoir ignoré la manière dont
il se submerge pour marcher au fond de
ee
l’eau. On concoit que pour cet exercice
il faut au merle d’eau , des fonds de
gravier et des eaux claires, et qu’il ne
pourroit s’accommoder d’une eau trou-
ble , ni d’un fond de vase : aussi ne le
trouve-t-on que dans les pays de mon-
tagnes , aux sources des rivières et des
ruisseaux qui tombent des rochers,
eomme en Angleterre dans le canton de
Westmorland et dans les autres terres
élevées , en France dans les montagnes
du Bugey et des Vosges , et en Suisse. IL
se pose volontiers sur Îles pierres entre
lesquelles serpententles ruisseaux ; il vole
fort vîte en droite ligne , en rasant de près
la surface de l'eau comme le martin-pe-
cheur. En’ volant il jette un petit cri,
sur-tout dans la saison de l’amour , au
printemps : on le voit alors avec sa fe-
moelle ; mais dans tout autre temps on le
rencontre seul. La femelle pond quatre
eu cinq œufs , cache son nid avec bcau-
Ge
9
NO dt at 2 id
26 HISTOIRE NATURELLE
coup de soin , et le place souvent prés
des roues des usines construites sur les
ruisseaux.
Là saison où M. Hébert a Eire: le *
merle d’eau , prouve qu'il n’est point
oiseau de passage ; il reste tout l'hiver
dans nos montagnes ; il ne craint pas
même la rigueur de l'hiver en Suède,
où 1l cherche de même les chütes d’eau
et les fontaines rapides qui ne sont point
prises de glace.
Cet oiseau a les ongles forts et courhés ;
avec lesquels il se prend au gravier en
. marchant au fond de l’eau : du reste, il
a le pied conformé comme le merle de
terre et des autres oiseaux de ce genre;
il a, comme eux, le doigt et l’ongle posté-
rieurs plus forts que ceux de devant, et
ces doigts sont bien séparés et n’ont point
de membrane intermédiaire |, quoique
Willughby ait cru y en appércevoir; la
jambe est garnie de plumes jusque sur
le genou ; le bec est court et grêle, l’une
et l’autre mandibule allant également en
s’efflant et se cintrant légèrement vers
la pointe ; sur quoi nous ne pouvons nous
. DU MERLE D'EAU. 27
empêcher de remarquer que par ce ca-
ractère M. Brisson n’auroit pas dû le placer
dans le genre du bécasseau, dont un des
caractères est d’avoir le bout du bec oblus,
Avec le bec et les pieds courts, et un
cou raccourci , on peut imaginer qu'il
étoit nécessaire que le merle d’eau apprit
à marcher sous l’eau , pour satisfaire son
appétit naturel et prendre les petits pois-
sons et les insectes aquatiques dont il se-
nourrit ; son plumage épais et fourni de
duvet paroît impénétrable à l’eau, ce
qui lui donne encore la facilité d'y sé-
journer ; ses yeux sont grands, d’un beau
brun , avec les paupières blanches, et il
doit les tenir ouverts dans l’eau pour
distinguer sa proie.
Un beau plastron blanc lui couvre la
gorge et la poitrine ; la tète et le dessus
du cou jusque sur les épaules et le bord
du plastron blanc ,; sont d’un cendré
roussâtre ou marron ; le dos, le ventre,
et les ailes ; qui ne dépassent pas la
queue , sont d’un cendré noirâtre et ar-
doisé; la queue est fort courte et n’a rien
de remarquable,
LA GRIVE D’EAU"
Es WARDSs appelle ina tacheté l'oiseau
que, d’après M. Brisson, nous nommons
ici g7ive d’eau. Il a effectivement le plu-
mage grivelé et la taille de la petite grive, :
etil a les pieds faits commele merle d’eau,
c'est-à-dire , les ongles assez grands et
crochus, et celui de derrière plus que ceux
de devant : mais son bec est conformé
comme celui du cincle, des maubèches
et des autres petits oiseaux de rivage; et
de plus, le bas de la jambe est nud. Ainsi
cet oiseau n’est point une grive, ni même
une espèce voisine de leur genre, puis-
qu'il n’en tient qu’une ressemblance de
plumage, et que le reste des traits de sa
conformation l’apparente aux familles
des oiseaux d’eau. Au reste, cette espèce
paroît être étrangère, et n’a que peu de
rapports avec nos oiseaux d'Europe : elle
se trouve en Pensilvanie. Cependant M.
Edwards présume qu’elle est commune
aux deux 'continens , ayant recu, dit-il,
HISTOIRE NATURELLE. 29
uu de ces oiseaux de la province d’Essex,
où , à la vérité , 1l paroissoit égaré, et
le il qu'on y ait vu. |
Le bec de la grive d’eau est long de
onze à douze lignes ; il est de couleur de
chair à sa base, et brun vers la pointe; la
partie supérieure estmarquée , de chaque
côté, d’une cannelure qui s'étend depuis
les narines jusqu’à l'extrémité du bec. Le
dessus du corps, sur un fond brun oli-
vâtre , est grivelé de taches noirâtres,
comme le dessous l’est aussi sur un fond
plus clair et blanchâtre. Il y a une barre
blanche au-dessus de chaque œil, et les
pennes de laile sont noirâtres. Une petite
membrane joint vers la racine le doigt
extérieur à celui du milieu.
LE CANUT.
Ir ÿ a apparemment dans les provinces
du Nord quelque anecdote surcet oiseau,
qui lui aura fait donner le nom d'oiseau
du roi Canut, puisque Edwards le nomme
ainsi *. Il ressembleroit beaucoup au van-
neau gris s’il étoit aussi grand, et si son
bec n’étoit autrement conformé : ce bec est
assez gros à sa base, et va en diminuant
jusqu'à l'extrémité , qui n’est pas fort
pointue, mais qui cependant n’a pas de
renflement comme le bec du vanneau,
Tout le dessus du corps est cendré et ondé ;
les pointes blanches des grandes couver-
tures tracent une ligne sur l'aile; des
croissaus noiratres sur un fond gris blanc
marquent les plumes du croupion ; tout
le dessous du corps est blanc, marqueté
de taches grises sur la gorge et la poi-
* Canuti regis avis, the knot. Suivant Wil-
lughby, c’est parce que-le roi Canut aimoit singu=
lièrement la viunde de ces oiseaux.
|
HISTOIRE NATURELLE. 3x
trine ; le bas de la jambe est nud; la
queue ne dépasse pas les ailes pliées , et
le canut est certainement de la grande
tribu des petits oiseaux de rivage. Wil-
Jlughby dit qu'il vient de ces oiseaux
canuts dans la province de Lincoln , au
commencement de l'hiver ; qu'ils y sé-
Journent deux ou trois mois , allant en
troupes , se tenant sur les bords de la
mer, et qu'ensuite ils disparoissent. Il
ajoute en avoir vu de même en Lancas-
ter-shire , près de Liverpool. Edwards à
trouvé celui qu'il a décrit, au marché de
Londres ; pendant le grand hiver de 1740;
ce qui semble indiquer que ces oiseaux
ne viennent au sud de la Grande -Bre-
tagne que dans les hivers les plus rudes:
mais il faut qu'ils soient plus communs
dans le nord de cette île, puisque Wil-
lughby parle de la manière de Les engrais-
ser, en les nourrissant de pain trempé de
lait, et du goût exquis que cette nourri-
ture leur donne. Il ajoute qu’on distin-
gueroit au premier coup d'œil cet o1i-
seau des maubèches et guignettes (/ri79æ)
par la barre blanche de l'aile, quand il
L 2 A L _ 1n ! 1 Ü ANA TFERA
:
32 HISTOIRE NATURELLE.
n'y auroit pas d’autres différences. Il ob-
serve encore que le bec est d’une subs-
tance plus forte que ne l’est généralement:
celle du bec de tous les oiseaux qui l'ont
conformé comme celui de la bécasse.
Une notice donnée par Linnæus, et
que M. Brisson rapporte à cette espèce ,
marqueroit qu'elle se trouve en Suède,
outre que son nom indique assez qu’elle
appartient aux provinces du Nord. Cepen-
dant il y a ici une petite difficulté : le ca-
nut appelé #zot en Angleterre a tous les
doigts séparés et sans membrane , sui-
vant Willughby ; l'oiseau canut de Lin-
nœæus a le doigt extérieur uni par la pre-
auière articulation à celui du milieu. En
supposant donc que ces deux observa-
teurs aient également bien vu, 1l faut ou
admettre ici deux espèces, ou ne point
rapporter au #zot de Willughby le #irga
de Linnæus.
\
D”
LES RALES.
Css oiseaux forment nne assez grande
famille, et leurs habitudes sont difé-
rentes de celles des autres oiseaux de
rivage, qui se tiennent sur les sables et les
grèves : les râles n’habitent,au contraire,
que les bords fangeux des étangs et des
rivières , et sur-tout les terrains couverts
de glaïeuls et autres grandes herbes de
marais. Cette mauière de vivre est habi-
tuelle et commune à toutes les espèces
de râles d’eau ; le seul rale de terre habite
dans les prairies , et c’est du cri désa-
gréable ou plutôt du râlement de ce der-
nier oiseau , que s’est formé dans notre
langue le nom de réle pour l'espèce en-
tière : mais tous se ressembhient en ce
qu'ils ont le corps grèle et comme applati
par les flancs , la queue très - courte et
presque nulle , la tête petite, le bec assez
semblable pour la forme à celui des galli-
macés , mais seulement bien plus alongé,
\
| M LS RE NEES Pr. RO
34 HISTOIRE NATURELLE
quoique moins épais ; tous ont aussi une
portion de la jambe au-dessus du genou
dénuée de plumes , avec les trois doigts
antérieurs lisses, sans membranes et très-
longs, Ils ne tente leurs pieds sous le
ventre en volant, comme font les autres
oiseaux ; ils les 1e Ent peudans. Leurs
ailes sont petites ét fort concaves , et leur
vol est court, Ces derniers caractères sont
communs aux râles et aux poules d’eau,
avec lesquelles ils ont en général beau-
coup de ressemblances.
w MA:
ŒLILI
Zont.10 ,
LE RALE DE TERRE
ou DE GENET .
DES RALES: Ve RE
LE RALE DE TERRE
ou DE GENÉÈT,
RÉ RENT ROT DÉS CAILLES #,
Première espèce.
las les prairies humides , dès que
l'herbe est baute , et jusqu’au temps de la
récolte , il sort des endroits les plus touf-
fus de l'herbage, une voix rauque, ow
plutôt un cri bref , aigre et sec, crèf: crék
crëk, assez semblable au bruit que l’on
exciteroit en passant et appuyant forte-
ment le doigt sur les dents d’un gros
peigne ; et lorsqu'on s’avance vers cette
voix, elle s'éloigne , et on l’entend venir
* Voyez les planches enluminées, n° 750.
- En latin moderve, rallus; en i'alien, re de
* auaglie ; en anglois, daker-hen, land-rail; en
aliemand, schryck , schrye , wachtel-kœnig.
TA CRT
36 HISTOIRE NATURELLE
de cinquante pas plus loin: c’est le râle de
terre qui jette ce cri, qu'on prendroit
pour lé croassement d’un reptile. Cet oi-
seau fuit rarement au vol ; mais presque
toujours en marchant aveo vitesse, et
passant à travers le plus touffu des herbes,
il y laisse une trace remarquable. On com-
mentce à l'entendre vers le 10 ou le 12 de
mai , dans le mème temps que les caiiles,
qu’il semble accompagner en tout temps Û
L
car il arrive et repart avec elles. Cette cir-
constance, Jointe à ce que le râle et les
cailles habitent également les prairies,
qu'il y vit seul, et qu'il est beaucoup
moins commun et un peu plus gros que
la caille, a fait imaginer qu’il se mettoit
à la tête de leurs bandes , comme chef
ou conducteur de leur voyage; et c’est
ce qui lui a fait donner le nom de 7oi des
cailles : mais il diffère de ces oiseaux par
les caractères de conformation, qui tous
lui sont communs avec les autres râles,
et en général avec les oiseaux de marais,
comme Aristote l’a fort bien remarqué.
La plus grande ressemblance que ce râle
ait avec la caille est dans le plumage,
r
DeG, RARES. 37
qui néanmoins est plus brun et plus doré,
Le fauve domine sur ies ailes ; le noirâtre
et.le roussatre forment les couleurs du
corps ; elles sont tracées sur les flancs par
lignes transversales, et toutes sont plus
pâles dans la femelle, qui est aussi un
peu moins grosse que le mâle.
C’est encore par l'extension gratuite
d’une analogie mal fondée que l’on a
supposé au râle de terre une fécondité
aussi grande que celle de la caille : des
observations’multipliées nous ont appris
qu'il ne pond guère que huit à dix œufs ,
et non pas dix-huit et vingt. En effet,
avec une multiplication aussi grande que
celle qu’on lui suppose , son espèce seroit
nécessairement plus nombreuse qu’elle
ne l’est en individus , d'autant que son
nid , fourré dans l'épaisseur des herbes,
est difficile à trouver : ce nid, fait négli-
gemment avec un peu de mousse ou
d'herbe sèche , est ordinairement placé
dans une petite fosse du gazon. Les œufs,
plus gros que ceux de la caille, sont ta-
chetés de marques rougeätres plus larges.
Les petits courent dès qu'ils sont éclos,
Oiseaux, X VI: C”
Ste a
33 HISTOIRE NATURELLE.
en suivant leur mère; et ils ne quittent
la prairie que quand ils sont forcés de
fuir devant la faux qui rase leur donti-
cile. Les couvées tardives sont enlevées
par la main du faucheur; tous les autres
se jettent alors dans les champs de blé
noir , dans les avoines , et dans les friches
couvertes de genêts, où on les trouve en
été, ce qui les a faitnommer réles de genét;
quelques uns retournent dans les prés en
regain à la fin de cette même saison.
Lorsque le chien rencontre un râle, on
peut le reconnoître à la vivacité de sa
quête, au nombre de faux arrêts, à l’o-
piniâtreté avec laquelle l'oiseau tient et
se laisse quelquefois serrer de si près,
qu'il se fait prendre : souvent il s’arrête
dans sa fuite, et se blotit, de sorte que le
chien , emporté par son ardeur, passe
par-dessus et perd sa trace; le râle, dit-
on, profite de cet instant d’erreur de
l'ennemi pour revenir sur sa voie et don-
ner le change. Il ne part qu’à la dernière
extrémité , et s'élève assez haut avant de
filer ; il vole pesamment , et ne va Jamais
join. On en voit ordinairement la remise:
DES RALES: 39
mais c'est inutilement qu’on va la cher-
cher ; car l'oiseau a déja piété plus de
_ cent pas lorsque le chasseur y arrive. Il
sait donc suppléer par la rapidité de sa
marche * à la lenteur de son vol: aussi se
sert-il beaucoup plus de ses pieds que de
ses ailes; et toujours couvert sous les
herbes , il exécute à la course tous ses
petits voyages et ses croisières multipliées
dans les prés et les champs. Mais quand
arrive le temps du grand voyage, il
trouve , comme la caille, des forces in-
connues pour fournir au mouvement de
sa longue traversée : il prend son essor la
nuit ; et secondé d’un vent propice, il
se porte dans nos provinces méridionales,
d’où il tente le passage de la Méditerra-
née. Plusieurs périssent sans doute dans
cette première traite ainsi que dans la
seconde pour le retour , où l’on a remar-
qué que ces oiseaux sont moins nom-
. breux qu’à leur départ.
* Albin tombe ici dans une étrange méprise.
« On appelle, dit-1l , cet oiseau rallus ou grains,
« parce qu’il ne s- doucement, »
hs OPUS FANS
49 HISTOIRE NATURELLE
Au reste, on ne voit le râle de terre
dans nos provinces méridionales que dans
ce temps de passage. Il ne niche pas en
Provence ; et quand Belon dit qu’il est
rare en Candie ; qisoiqu'il soit aussi com-
mun en Grèce qu'en Italie, cela indique
seulement que cet oiseau ne s’y trouve
guère que dans les saisons de ses passages
au printemps et en automne. Du reste,
les voyages du râle s'étendent plus loin
vers le Nord que vers le Midi; et malgré
la pesanteur de son vol, il parvient en
Pologne, en Suède, en Danemarck, et jus-
qu’en Norvéze. Il est rare en Angleterré,
où l’on prétend qu'il ne se trouve que
dans quelques cantons * , quoiqu'il soit
assez commun en frlande. Ses migrations
semblent suivre en Asie le même ordre
qu'en Europe. Au Kamtschatka comme
en Europe , le mois de mai est également
celui de l’arrivée de ces oiseaux ; ce mois
* Turner dit n'en avoir pas vu ni entendu ail-
leurs qu'en Northumbrie ; mais le docteur Tancrède
Robinson assure quon en trouve aussi dans Ja
partie septentrionale de la Grande-Bretagne, et
Sibbalil le compte parmi les oiseaux d'Ecosse,
x
DES RALES. 4
s'appelle fava foatchk, mois des râles. Tava
est le nom de l’oiseau.
Les circonstances qui pressent le râle
d'aller nicher dans les terres du Nord,
sont autant la nécessité des subsistances
que l’agrément des lieux frais qu'il cherche
de préférence ; car, quoiqu'il mange des
graines, sur-tout celles de genêt, de trèfle,
de grémil, et qu'il s’engraisse en cage de
imillet et de grains, cependant les insectes,
les limacons, les vermisseaux, sont non
seulement ses alimens de choix, mais
une nourriture de nécessité pour ses pe-
tits, et il ne peut la trouver en abon-
dance que dans les lieux ombragés et les
terres humides. Cependant , lorsqu'il est
adulte |, tout aliment paroît lui profiter
également ; car il a beaucoup de graisse,
et sa chair estexquise. On luitend,comme
à la caille, un filet, où on lPattire par
J'imitation de son cri, crék crék crék,
en frottant rudement une lame de cou-
teau sur un os dentelé.
La plupart des nos qui ont été donnés
au râle dans les diverses langues ; ont été
formés des sons imitatifs de ce cri SIDQU-
42 HISTOIRE NATURELLE 1
lier *, et c’est à cette ressemblance que
Turner et quelques autres naturalistes
ont cru le reconnoître dans le crex des
anciens. Mais, quoique ce nom de crex
convienne parfaitement au râle, comme
son imitatif de son cri, il paroît que les
anciens l’ont appliqué à d’autres oiseaux.
Philé donne au crex une épithète qui dé-
signe que son vol est pesant et difficile ; ce
qui convient en effet à notre râle, Aristo-
phane le fait venir de Libye. Aristote dit
qu'il est querelleur ; ce qui pourroïit en-
core lui avoir été attribué par analogie
avec la caille : mais il ajoute que le crex
cherche à détruire la nichée du merle ; ce
qui ne convient plus au râle, qui n’a rien
de commun avec les oiseaux des forêts.
Le crex d'Hérodote est encore moins un
râle, puisqu'il le compare en grandeur à
l’ibis, qui est dix fois plus grand. Au
reste, l’avocette et la sarcelle ont quel-
quefois un cri de crex crex ; et l’oiseau à
qui Belon entendit répéter ce cri au bord
* Schryk, schaerck, korn kaaerr, corn-crek ;
er notre mot même de râle, à
ñ
n
+
DER AA LUE 6. 43
du Nil, est, suivant sa notice, une es-
pèce de barge. Ainsi le son que représente
le mot crex, appartenant à plusieurs es-
pèces différentes, ne suffit pas pour dési-
guer le râle, ni aucun de ces différens
oiseaux en particulier. :
.
44 HISTOIRE NATURELLE “à
.®
:
un if GS |:
LE RAL ED ED
Seconde espèce.
LL râle d'eau court le long des eaux
stagnantes aussi vite que le râle de terre
dans les champs; il se tient de même tou-
jours caché dans les grandes herbes et les
jones : il n’en sort que pour traverser les
eaux à la nage etméme à la course; car on
le voit souvent courir légèrement sur les
larges fenilles du nénuphar, quicouvrent |
les eaux dormantes. Il se fait de petites :
é Voyez les planches enluminées, n° 740.
En anglois, water-rail , et par quelques uus,
bilcok et brook-ouzell ; en allemand , schwartz
wasser heunle aesch-heunlin ; Gesner lui donne
quelque part le nom de samethounle (poule d’eau
de soie), à cause de sou plumage doux et moelleux
comme la soie; à Venise on l’appelle forzane ou
porzana , UOM qui se donne également aux poules
d’eau.
Tom 28. - | D / SLag 44
LE RALE D'EAU.
à DaugetS.
Le.
ET TE
=
MS CNRS NS
pds
DÆS RALES. 49
. routes à travers les grandes herbes ; on y
tend des lacets , et on le prend d'autant
‘plus aisément, qu'il revient constamment
à son gîte, et par le même chemin. Au-
trefois on en faisoit le vol à l’épervier ou
au faucon ; et dans cette petite chasse,
le plus difficile étoit de faire partir l’oi-
seau de son fort : il s’y tient avec autant
d’opimâtreté que le râle de terre dans le
sien ; il donne la même peine au chasseur,
la même impatience au chien, devant
lequel il fuit avec ruse, et ne prend son
vol que le plus tard qu'il peut. Il est de
la grosseur à peu près du râle de terre;
mais il a le bec plus long , rougeûtre près
de la tête. Il a les pieds d’un rouge obs-
cur : Ray dit que quelques individus les
ont Jaunes , et que cette différence vient
peut-être de celle du sexe. Le ventre et
les flancs sont rayés transversalement de
bandelettes blanchâtres , sur un fond noi-
râtre ; disposition de couleurs commune
à tous les râles. La gorge , la poitrine,
l'estomac, sont, dans celui-ci, d’un beau
gris ardoisé ; le manteau est d’un roux
brun olivâtre. |
pe
}
—
46 HISTOIRE NATURELLE
On voit des râles d’eau autour des -
sources chaudes pendant la plus grande
partie de l'hiver ; cependant ils ont,
comme les râles de terre, un temps de
migration marqué. Il en passe à Malte au
printemps et en automne. M. le vicomte
de Querhoent en a vu à cinquante lieues
des côtes de Portugal, le 17 avril; ces
râles d’eau étoient si fatigués, qu'ils se
\ laissoient prendre à la main. M. Gmelin
en a trouvé dans les terres arrosées par le
Don. Belon les appelle réles noirs, et dit
que ce sont oiseaux connus en foules con-
trées, dont l'espèce est plus nombreuse
que celle du râle de terre, qu’il nomme
räle rouge.
Au reste, la chair du râle d’eau est
moins délicate que celle du râle de terre ;
elle a même un goût de marécage , à peu
près pareil à celui de la poule d’eau.
a
réf
L
DNS NAS | +
LA MAROUETTE *.
Troisième espèce.
L à marouette est un petit râle d’eau qui
n’est pas plus gros qu’une alouette. Tout
le fond de son plumage est d’un brun oli-
vâtre, tacheté et nué de blanchâtre, dont
le lustre , sur cette teinte sombre, le fait
paroître comme émaillé ; et c’est ce qui
l’a fait appeler réle perlé. Frisch l’a nommé
poule d'eau perlée : dénomination im-
propre ; car la marouette n’est point une
poule d’eau , mais un râle. Elle paroît
dans la même saison que le grand râle
d’eau ; elle se tient sur les étangs maré-
* Voyez les planches enluminées , n° 997.
On l'appelle girardine en Picardie, et dans le
Milanois, girardina ; en quelques endroits de la
France, cocouan , suivant M. Brisson; dans le
Bolonoïs, porzana ; en Alsace, winkernell,
selon Gesner.
——
48 HISTOIRE NATURELLE 1
CEE
0
cageux ; elle se cache et niche dans les
roseaux. Son nid , en forme de gondole,
est composé de jonc, qu’elle sait entrela-
cer, et, pour ainsi dire , amarrer par un
des bouts à une tige de roseau, de ma-
nière que le petit bateau ou berceau flot-
tant peut s'élever et s’abaisser avec l’eau
sans en être emporté. La ponte est de
sept ou huit œufs. Les petits, en naissant,
sont tout noirs. Leur éducation est courte ;
car, dès qu'ils sont éclos, ils courent,
nagent , plongent, et bientôt se séparent ;
chacun va vivre seul ; aucun ne se re-
cherche , et cet instinct solitaire et sau-
vage prévaut même dans le temps des
amours ; car, à l'exception des instans de
l'approche nécessaire , le mâle se tient
écarté de sa femelle, sans prendre auprès
d’elle aucun des tendres soins des oiseaux
amoureux, sans l’amuser ni l’égayer par
le chant, sans ressentir ni goûter ces doux
plaisirs quiretracent et rappellent ceux de
la jouissance : tristes êtres qui ne savent
pas respirer près de l’objet aimé ; amours
encore plus tristes , puisqu'elles n'ont
pour but qu'une insipide fécondité,
DIEIS IR ANRES.: | 49
Avec ces mœurs sauvages et ce naturel
stupide , la marouette ne paroît guère
susceptible d'éducation , ni même faite
pour s’apprivoiser : nous en avons cepen-
dant élevé une; ellea vécu durant tout
un été avec de la mie de pain et du
chènevis. Lorsqu'elle étoit seule, elle se
tenoit constamment dans une grandejatte
pleine d’eau ; mais, dès qu’on entroit
dans le cabinet où elle étoit renfermée,,
elle couroit se cacher dans un petit coin
obscur ; sans qu’on l'ait jamais entendu
crier nimurmurer : cependant, lorsqu'elle
est en liberté , elle fait retentir une voix
aigre et percante , assez semblable au cri
d’un petit oiseau de proie; et quoique
ces oiseaux n'aient aucun attrait pour la
société , on observe néanmoins que l’un
Wa pas plutôt crié qu’un autre lui ré-
pond , et que bientôt ce cri est répété
par tous les autres du canton.
La marouette , comme tous les râles,
tient si fort devant les chiens , que sou-
vent le chasseur peut la saisir avec la
main ou l’abattre avec un bâton. S'il se
trouve un buisson dans sa fuite, elle y
5
_5o HISTOIRE NATURELLE.
monte , et du haut de son asyle regarde :
passer les chiens en défaut : cette habi-
tude lui est commune avec le râle d’eau;
elle plonge , nage, et même nage entre
deux eaux lorsqu'il s’agit de se dérober
à l'ennemi.
Ces oiseaux disparoissent dans le fort.
de l’hiver : mais ils reviennent de très-
bonne heure au printemps , et dès le
mois de février ils sont communs dans
quelques provinces de France et d'Italie;
on les connoît en Picardie sous le nom
de girardine. C'est un gibier délicat et
-xecherché ; ceux sur-tout que l’on prend
en Piémont, dans les rizières , sont très-
gras et d’un goût exquis.
OISEAUX ÉTRANGERS
DE L'ANCIEN CONTINENT
QUI ONT RAPPORT AU RALE.
‘AE T'EK LON:
O ÙU
RALE DES PHILIPPINES*.
Première espèce.
| O: donne aux Philippines le nom de
tiklin à des oiseaux du genre des râles ; et
nous en connoissons quatre différentes
espèces sous ce même nom et dans ce
même climat. Celle-ci est remarquable
par la netteté et l’agréable opposition des
couleurs : une plaque grise couvre le
_ * Voyez les planches enluminées, n° 774.
PA
5: HISTOIRE NATURELLE
devant du cou; une autre plaque d’un |
roux marron en couvre le dessus et la
tête; une ligne blanche surmonte l’œil et
forme un long sourcil ; tout le dessous du
corps est comme émaillé de petites lignes
transversales , alternativement noires et
blanches en festons ; le manteau est brun
nué de roussâtre et parsemé de petites
gouttes blanches sur les épaules et au
bord des ailes , dont les pennes sont
mélangées de noir , de blanc et de marron.
Ce tiklin est un peu plus grand que notre
râle d’eau.
DES OISEAUX ÉTRANGERS. 53
LE TIKLIN BRUN #*.
Seconde espèce.
à E plumage de cet oiseau est d’un brun
sombre uniforme , et seulement lavé sur
la gorge et la poitrine d’une teinte de
pourpre vineux , et coupé sous la queue
par un peu de noir et de blanc sur les
couvertures inférieures. Ce tiklin est aussi
petit que.la marouette. ve
* Voyez les planches enluminées, n° 773
Li
#4 HISTOIRE NATURELLE
LE TIKLIN RAYÉ.
Troisième espèce.
Csrur-cr est de là même taille que
le précédent. Le fond de son plumage
est d’un brun fauve, traversé et comme —
ouvragé de lignes blanches ; le dessus de
la tête et du cou est d’un brun marron ;
l'estomac, la poitrine et le cou sont d’un
gris olivâtre ; et la gorge est d’un blanc
roussâtre.
DES OISEAUX ÉTRANGERS. 53
LE TIKLIN À COLLIER.
Quatrième espèce.
Crrur - Cr est un peu plus gros que
notre râle de genêt. IL a le manteau
d’un brun teint d’olivâtre sombre ; les
joues et la gorge sont de couleur de suie;
un trait blanc part de l’angle du bec,
passe sous l’œil et s'étend en arrière ; le
devant du cou, la poitrine, le ventre, sont
d’un brun noirâtre, rayé de lignes blan-
ches ; une bande d’un beau marron, large
d’un doigt, forme comme un demi-collier
au-dessus de la poitrine.
RL
56 HISTOIRE NATURELLE
OISEAUX ÉTRANGERS
DU NOUVEAU CONTINENT
QUI ONT RAPPORT AU RALE.
LE RALE A LONG BEC *.
Première espèce.
Les espèces de râles sont plus diver-
sifiées et peut-être plus nombreuses dans
les terres noyées et marécageuses du nou-
veau continent, que dans les contrées
plus sèches de l’ancien. On verra par la
description particulière de ces espèces,
qu'il y en a deux bien plus petites que
les autres , et que celle-ci est au contraire
plus grande qu'aucune de nos espèces
* Voyez les planches enluminées, n° 840.
\
DES OISEAUX ÉTRANGERS. 57
européennes ; le bec de ce grand râle est
aussi plus long , même à proportion, que
celui des autres râles. Son plumage est
gris , un peu roussaire sur le devant du
corps , et mêlé de noirâtre ou de brun
sur le dos et les ailes ; le ventre est rayé
de bandelettes transversales blanches et
noires , comme dans la plupart des autres
râles. On trouve à la Guiane deux espèces
ou du moins deux variétés de ces râles à
long bec , qui diffèrent beaucoup par la
grosseur , les uns étant de la taille de la
barge , et les autres , tels que celui de la
planche 849, n’étant qu’un peu plus gros
que notre râle d’eau.
ORPI ” MAR D. 2) 1h,
: dde
,
58 HISTOIRE NATURELLE
LE KIOLO *.
Seconde espèce.
Css par ce nom que les naturels de
la Guiane expriment le cri ou piaulement
de ce râle ; il le fait entendre le soir , à #
Ja même heure que les tinamous , c’est-à-
dire, à six heures, qui est l'instant du
coucher du soleil dans le climat équi=
noxial. Les kiolos se réclament par ce cri
pour se rallier avant la nuit; car tout
le jour ils se tiennent seuls, fourrés dans
les haïliers humides : ils y font leur nid .
entre les petites branches basses des buis-
sons, et ce nid est composé d’une seule
sorte d'herbe rougeñâtre ; il est relevé en
petite voûte , de manière que la pluie ne
peut y pénétrer. Ce räle est un peu plus
* Voyez les planches enluminées, n° 368, sous
le nom de rdle de Cayenne; et n° 753, sous la
dénomination de réle à ventre roux de Cayenne.
DES OISEAUX ÉTRANGERS. 5g
petit que la marouette ; 1l a le devant
du corps et le sommet de la téte d’un
beau roux , et le manteau lavé de verd
olivâtre , sur un fond brun. Les nos 368
et 755 de nos planches enluminées ne
représentent que le même oiseau , quine
diffère que par le sexe ou l’âge. Il nous
paroît aussi que le râle de Pensilvanie,
donné par Edwards , est le même que
celui-ci.
6o HISTOIRE NATURELLE
LE RALE TACHETÉ.
DE CAYENNE *.
Troisième espèce.
te beau râle, qui est aussi un des
plus grands , a l'aile d’un brun roux ; le
reste du plumage est tacheté, moucheté,
liséré de blanc sur un fond d’un beau
noir. Il se trouve à la Guiane comme
les précédens.
_* Voyez les planches enluminées, n° 775.
DES OISEAUX ÉTRANGERS. 6€
EDS PRIT EEE
LE RALE DE VIRGINIE.
Quairième espèce.
LL
Cor oiseau, qui est de la grosseur de
la caille , a plus de rapport avec le roi
des cailles ou râle de genét , qu'avec les
râles d’eau. 11 paroît qu’on le trouve dans
l'étendue de l'Amérique septentrionale ,
jusqu'à la baie d'Hudson , quoique Catesby
dise ne l’avoir vu qu’en Virginie ; il dit
que son plumage est tout brun , et il
ajoute que ces oiseaux deviennent si gras
en automne , qu’ils ne peuvent échapper
aux sauvages, qui en prennent un grand
nombre en les lassant à la course , et
qu'ils sont aussi recherchés à la Virginie
que les oiseaux de riz le sont à la Caroline,
et l’ortolan en Europe.
6 HISTOIRE NATURELLE
LE RALE BIDI-BIDE
Cinquième espèce.
Drnr-srpr est le cri et le nom de ce
petit räle à la Jamaïque : il n’est guère
plus gros qu'une fauvette ; sa tête est
toute noire ; le dessus du cou, le dos , le
ventre, la queue et les ailes, sont d’un
brun qui est varié de raies transversales
blanchâtres sur le dos, le croupion et le
ventre ; les plumes de l'aile et celles de
la queue sont semées de ‘gouttes blan-
ches; le devant du cou et l'estomac sont
d’un cendré bleuatre.
DES OISEAUX ÉTRANGERS. 63
LE PETIT RALE DE CAYENNE *.
Sixième espèce.
Ce; petit oiseau n’est pas plus gros
qu’une fauvette : il a le devant du cou
et la poitrine d’un blanc légèrement teint
de fauve et de Jaunâtre ; les flancs et la
queue sont rayés transversalement de
blanc et de noir; le fond des plumes du
manteau est noir, varié sur le dos de
taches et de lignes blanches, avec des
franges roussâtres. C’est le plus petit des
oiseaux de ce genre , qui est assez nom-
breux en espèces.
Du reste, ce genre du râle paroïît en-
core plus répandu que varié : la Nature a
produit ou porté de ces oiseaux sur les
terres les plus lointaines. M. Cook en a vu
au détroit de Magellan; il en a trouvé
* Voyez les planches enluminées, n° 847«
Ke
| à
64 HISTOIRE NATURELLE:
dans différentes îles de l'hémisphère aus
tral, à Anamocka , à Tanna, à l’île Nor- |
folk ; les îles de la Société ont aussi deux
espèces de râles , un petit râle noir tacheté
(pood-née) , et un petit râle aux yeux
rouges ( #7ai-ho ); et il paroît que les deux
acolins de Fernandès, qu'il appelle des
cailles d’eau , sont des râles , dont l'espèce
est propre au grand lac de Mexique; sur
quoi nous avons déja remarqué qu'il
faut se garder de confondre ces acolins
ou râles de Fernandès avec les colis du
même naturaliste, qui sont des oiseaux.
que l’on doit rapporter aux perdrix.
Tbmz16. PL 6. Lay 6,
JF dauguet 1
CODE UT ra Pi bé
L'ESC'AU RATE,
O U
PETIT PAON DESTROSES::
À Je considérer. par la forme du bec et
des pieds , cet oiseau seroit un râle : mais
sa queue est beaucoup plus longue que
celle d'aucun oiseau de cette famille.
Pour exprimer en même temps cette diffé-
rence et ces rapports, il a été. nommé
cauréle (râle à queue) dans nos planches
enluminées : nous lui conserverons ce
nom plutôt que celui de petit paon des
roses qu’on lui donne à Cayenne. Son plu=
mage est , à la vérité , riche en couleurs,
quoiqu'elles soient toutes sombres? ; et
pour en donner une idée, on ne peut
1 Voyez les planches enluminées, n° 782.
2 On imagineroit peut-être quelque rapport de
cet oiseau au paon, du moins dans sa manière
d’étaler ou de soutenir sa queue; Imals on nous
assure quil ne la relève point.
6
Lau nd LUS” LE us
“ + L
, RAR
: ‘
6 -HISTOIRE NATURELLE We
mieux le comparer qu ‘aux ailes de ces
beaux papillons phalènes , où le noir s'
le brun, le roux, le fauve etle gris blanc,
entremelés en ondes , en zones , en zig-
zags , forment de toutes ces teintes un
eusemble moelleux et doux. Tel est le
plumage du caurâle , particulièrement
sur les ailes et la queue. La tête est
coiffée de noir , avec de longues lignes
blanches dessus et dessous l’œil ; le bec
est exactement un bec de râle , excepté
qu'il est d’une dimension un peu plus
longue , comme toutes celles de cet oiseau,
dont la tête , le cou ct le corps sont plus
alongés que dans lerâle ; sa queue, longue
de cinq pouces , dépasse l’aile pliée de
deux ; son pied est gros et haut de vingt-
six lignes , et la partie nue de la jambe
l'est de dix ; le rudiment de membrane
entre le doigt extérieur et celui du milieu
est plus étendu et plus marqué que dans
le râle. La longueur totale, depuis la
pointe du bec, qui a vingt-sept lignes,
jusqu’à celle de la queue , est de quinze
pouces:
Cet oiseau n’a point encore été décrit ;
DU CAURALE. 67
et n’est connu que depuis peu de temps;
_ on le trouve , mais assez rarement , dans
l’intérieur des terres de la Guiane , en
remontant les rivières, dont il habite les
bords ; il vit solitaire et fait entendre un
sifflement lent et plaintif, qu’ on imite
pour le faire approcher.
LA
. er wv « 1 BOF
LA POULE D'EAU *.
L 4 Nature passe par nuances de la forme
du râle à celle de la poule d'eau, quia
de même le corps comprimé par les côtés,
le bec d’une figure semblable , mais plus
accourci , et plus approchant par-là du
bec des gallinacés. La poule d’eau a
aussi le front dénué de plumes et recou-
vert d’une membrane épaisse ; caractères
dont certaines espèces de rales présentent
les vestiges. Elle vole aussi les pieds pen-
dans ; enfin elle a les doigts alongés
comimne le râle, mais garnis dans toute.
leur longueur d’un bord membraneux ;
nuance par laquelle se marque le passage
des oiseaux fissipèdes , dont les doigts
sont nuds et séparés , aux oiseaux pal-
mipèdes, qui les ont garnis et Joints par
une membrane tendue de l’un à l’autre
5 AU
* Voyez les planches enluminées, n° 877.
En anglois, water-hen, more-hen ; en allemand,
rohtblaschen.
Zom 16 . A 7. Leg 68.
» à
SEE Sy ET
d£ Ko Su NN
t
:
LA POULE D'EAU.
IT. uquet- SJ
HISTOIRE NATURELLE. 6
doigt ; passage dont nous avons déja vu
l'ébauche dans la plupart des oiseaux de
rivage, qui ont ce rudiment de mem-
brane tantôt entre les trois doigts , et
tantôt entre deux seulement , l'extérieur
et celui du milieu.
Les habitudes de la poule d’eau répon-
dent à sa conformation : elle va à l’eau
plus que le râle , sans cependant y nager
beaucoup, si ce n’est pour traverser d’un
bord à l’autre ; cachée durant la plus
grande partie du jour dans les roseaux ,
ou sous les racines des aunes , des saules
et des osiers , ce n’est que sur le soir
qu'on la voit se promener sur l’eau; elle
fréquente moins les marécages et les ma=
rais que les rivières et les étangs. Son
nid , posé tout au bord de l’eau , est
construit d’un assez gros amas de débris
de roseaux et de joncs entrelacés ; la
mère quitte son nid tous les soirs ,; et
couvre ses œufs auparavant avec des brins
de jones et d'herbes : dès que les petits
sont éclos , ils courent comme ceux du
râle , et suivent de méme leur mère , qui
les mène à l’eau; c’est à cette faculté
lé
AL ie 4
*
ro HISTOIRE NATURELLE
_ naturelle que se rapporte sans doute le
soin de prévoyance que le père et la mère
montrent en ‘plaçant leur mid toujours
très-près des eaux. Au reste , la mère
conduit et cache si bien sa petite famille,
qu'il est très-difficile de la lui enlever
pendant le très - petit temps qu’elle la
soigne ; car bientôt ces jeunes oiseaux,
devenus assez forts pour se pourvoir
d’eux-mémes , laissent à leur mère fé-
conde le temps de produire et d'élever
une famille cadette’, et même l’on assure
qu'il y a souvent trois pontes dans un an.
Les poules d’eau quittent en octobre
les pays froids et les montagnes, et passent
tout l'hiver dans nos provinces tempérées,
où on les trouve près des sources et sur
les eaux vives qui ne gèlent pas. Ainsi la
pouie d'eau n’est pas précisément un
oiseau de passage, puisqu'on la voit toute
l’année dans differentes contrées , et que
tous ses voyages paroissent se borner des.
montagnes à la plaine, et de la plaine.
aux montagnes.
Quoique peu voyageuse et par - tout
assez peu nombreuse ,; la poule d’eau :
#
D
{
DE LA POULE D’EAU. 7E
paroît avoir été placée par la Nature dans
la plupart des régions connues , et même
dans les plus éloignées. M. Cook en a
trouvé à l’île Norfolk et à la nouvelle
Zélande ; M. Adanson , dans une île du
Sénégal ; M. Gmelin , dans la plaine de
Mangasea en Sibérie , près du Jénisca, où
il dit qu’elles sont en très-grand nombre.
Elles ne sont pas moins communes dans
les Antilles, à la Guadeloupe, à la Ja-
maïque et à l’île d’ Aves, quoiqu'il n’y ait
point d’eau douce dans cette dernière île.
On en voit aussi beaucoup en Canada;
et pour l’Europe , la poule d’eau se trouve
en Angleterre, en Écosse, en Prusse , en
Suisse , en Allemagne, et dans la plupart
de nos provinces de France. Il est vrai que
nous ne sommes pas assurés que toutes
celles qu'indiquent les voyageurs, soient
de la même espèce que la nôtre. M. le
Page du Pratz dit expressément qu’à la
Louisiane elle est la meme qu’en France,
et il paroït encore que la poule d’eau
décrite par le P. Feuillée à l’ile Saint-Tho-
nas, n’en est pas différente. D'ailleurs
mous en distinguons trois espèces ou
72 HISTOIRE NATURELLE
variétés , que l’on assure ne pas se mêler,
quoique vivant ensemble sur les mêmes
eaux , sans compter quelques autres es-
pèces rapportées par les nomenclateurs
au genre de la poule sultane, et qui nous
paroiïssent appartenir de plus près à celui
de la poule d’eau , et quelques autres
encore dont nous n’avons que lindica-,
tion ou des notices imparfaites.
Les trois races ou espèces reconnues dans
nos contrées peuvent se distinguer par la
grandeur. L'espèce moyenne est la plus
commune ; celle de la grande et celle de
la petite poule d’eau , dont Belon a parlé
sous le nom de poulette d’eau, sont un peu
plus rares. La poule d’eau moyenne ap-
proche de la grosseur d’un poulet de six
mois ; sa longueur, du bec à la queue,
est d’un pied, et du bec aux ongles, de
quatorze à quinze pouces. Son bec est
jaune à la pointe, et rouge à la base; la
plaque membraneuse du front est aussi
de cette dernière couleur , ainsi que le
bas de la jambe au-dessus du genou ; les
pieds sont verdâtres; tout le plumage est
d'une couleur sombre gris-de-fer:, nué de :
DE LA POULE D'EAU. 93
blanc sous le corps, et gris brun ver-
dâtre en dessus ; une ligne blanche borde
l'aile ; la queue ; en se relevant, laisse
voir du blanc aux plumes latérales de ses
couvertures inferieures : du reste, tout Île
plumage est épais, serré et garni de du-
vet. Dans la femelle , qui est un-peu plus
petite que le mâle, les couleurs sont plus
claires , les ondes blanches du ventre sont
plus sensibles, et la gorge est blanche.
La plaque frontale, dans les jeunes, est
couverte d’un duvet plus semblable à des
poils qu’à des plumes. Une jeune poule
d'eau que nous avons ouverte, avoit
dans son estomac des débris de petits
poissons et d'herbes aquatiques melés de
graviers; le gésier étoit lort épais et mus-
culeux ; comme celui de la poule domes-
tique; l'os du sternum nous a paru beau-
coup plus petit qu'il ne l'est généralement
dans les oiseaux ; et si cetté différence ne
tenoit pas à l'âge, cette observation pour-
roit coufirmer en partie l’ässertion de
Belon., qui dit que le sternum , aussi-
bien que lisehion dela poule d’eau, est
de forme différente de celle de ces mêmes
os dans les autres oiseaux.
Oiszaux, XVI. 7
> 1
A 1
74 HISTOIRE NATURELLE
LA POULETTE D'EAU.
C: nom diminutif, donné par Belon, ne
doit pas faire imaginer que cette poule
d’eau soit considérablement plus petite
que la précédente. Il y a peu de différence;
mais on observe que, dansles mêmes lieux,
les deux espèces se tiennent constamment
séparées sans se mêler. Leurs couleurs
_ sont à peu près les mêmes ; Belon trouve
seulement à celle-ci une teinte bleuâtre
sur la poitrine, et il remarque qu’elle a
la paupière blanche. Il ajoute que sa chair
est très-tendre , et que les os sont minces
et fragiles. Nous avons eu une de ces pou-
dettes d’eau ; elle ne vécut que depuis le
22 novembre jusqu’au 10 décembre , à la
vérité sans autre aliment que de l’eau.
On la tenoit enfermée dans un petit ré-
duit qui ne tiroit de jour que par deux
carreaux percés à la porte : tous les ma-
tins, aux premiers rayons du jour , elle
)
DE LA POULE D'EAU 5
_s’élançoit contre ces vitres à plusieurs
reprises différentes ; le reste du temps
elle se cachoit le plus qu’elle pouvoit,
tenant la tête basse. Si on la prenoit à la
main , elle donnoit des coups de bec ;
mais ils étoient sans force. Dans cette
dure prison on ne lui entendit-pas jeter
un seul cri. Ces oiseaux sont en général
très-silencieux ; on a même dit qu'ils
étoient muets : cependant, lorsqu'ils sont
en liberté, ils font entendre un petit son
réitéré , bri, bri, bri.
L.
r
76 HISTOIRE NATURELLE
LA PORZANE,
O ÙU
LA GRANDE POULE D'EAU.
PATES LA
Csrre PA d’eau doit être commune
enltalie, aux environs de Bologne, puis-
que les Riot be de cette contrée lui ont
donné un nom vuigaire( porzana }. Elle est
plus grande dans toutes ses dimensions
que votre poule d'éau commune. Sa lon-
gueur, du bec à la queue, est de près
d’un pied et demi. Elle a le dessus du bec
jaunâtre, et la pointe noirâtre ; le cou
et la tête sont aussi noirâtres ; le manteau
est d’un brun marron; le reste du plu-
mage revient à celui de la poule d’eau
commune , avec laquelle on nous assure
que celle-ci se rencoutre quelquefois sur
nos étangs. Les couleurs de la femelle
sont plus pâles que celles du mâle.
DE LA POULE D'EAU. ‘#7
LA GRINETTE.
Cr oiseau , que les nomenclateurs ont
placé dans le genre de la poule sultane,
sous paroît appartenir à celui de la poule
d’eau. On lui donne à Mantoue le nom
de porzana , que la grande poule d’eau
porte à Bologne ; cependant elle est beau-
coup plus petite, puisque ; suivant Wil-
Jughby , elle est moindre que le raie, et
son bec ést très-court. À en juger par ses
différens noms , elle doit être fort connue
dans le Milaänois* ; on la trouve aussi en
Allemagne, suivant Gesner. Ce natura-
liste n’en dit rien autre chose, sinon
qu'elle a les pieds gris, le bec partie rou-
geatre et partie noir, le manteau brün
roux, et le dessous du corps blanc,
* À Milan on l'appelle grunetta ; à Mantoue,
porzana ; à Bologne, porcellana ; aïlleurs, g7rar-
della columba ; à Florence, fordo gelsemino. |
pe
…
78 HISTOIRE NATURELLE
LA SMIRRING.
C: nom, que Gesner pense avoir été don-
né par ozomatopée, ou imitation de cri, est
en Allemagne celui d’un oiseau qui paroît
appartenir au genre de la poule d’eau.
Rzaczynski, en le comptant parmi les
espèces naturelles à la Pologne , dit qu'il
se tient sur les rivières, et niche dans
les haïlliers qui les bordent. Il ajoute que
la célérité avec laquelle il court lus a fait:
quelquefois donner le nom de érochilus ;
et ailleurs ( {uct. pag. 380) il Le décrit dans
les mêmes termes que Gesner. «Le fond.
« de tout son plumage , dit-il , est roux ;
«les petites plumes de l'aile sont d’un
« rouge de brique; la tête, le tour des
«yeux et le ventre sont blancs ; les
« grandes pennes de l'aile sont noires;
« des taches de cette même couleur par-
« sèment le cou , le dos, les aïles et la
« queue ; les pieds et la base du bec sont
« jaunâtres, » | sin.
-DE LA POULE D'EAU 79
DA CLOUT.
|
Cr oiseau est une poule d’eau , sui-
vant Gesner ; il dit qu’elle fait entendre
une voix aiguë et haute comme le son
d’un fifre. Elle est brune , avec un peu de
blanc à la pointe des ailes; elle a du blanc
autour des yeux, au cou, à la poitrine
et au ventre ; les pieds sont verdâtres , et
le bec est noir.
En - », VT'ULER He
OISEAUX ÉRRR NT ES
QUI ONT RAPPORT À LA POULE
D'EAU.
LA GRANDE POULE D BAU
DE CAYENNE*
L'orsrau ainsi nommé dans nos plan-
ches euluminées , paroît s'approcher dü
héron par la longueur du cou , et s’éloi-
gner encore de la poule d’eau par la lon-
gueur du bec ; néanmoins il lui ressemble
par le reste de sa conformation. C’est la
plus grande des poules d’eau ; elle a dix-
huit pouces de longueur. Le cou et la tête,
la queue , le bas-ventre et les cuisses,
sont d’un gris brun ; le manteau est d’un
olivatre sombre ; l'estomac et les pennes
des ailes sont d’un roux ardent et rou-
* Voyez les planches enluminées, n° 352.
HISTOIRE NATURELLE. Sr.
geâtre. Ces oiseaux sont très-communs
dans les marais de la Guiane, et l’on en
voit jusque dans les fossés de la ville de
Cayenne. Ils vivent de petits poissons et
d'insectes aquatiques. Les jeunes ont le
plumage tout gris, et ils ne prennent de
rouge qu'à la mue. :
82 HISTOIRE NATURELLE!
L'EUNTVETERO
Fan
Los relations du Groenland nous parlent,
sous ce nom, d’un oiseau qu'elles in-
diquent en même temps comme une poule
d’eau , mais qui pourroit aussi bien être
quelque espèce de plongeon ou de grèbe.
Le mâle a le dos et le cou blancs, le ventre
noir , et la tête tirant sur le violet; les
plumes de la femelle sont d’un jaune
mêlé et bordé de noir , de manière à pa-
_ xroître grises de loin. Ces oiseaux sont fort
nombreux dans le Groenland , principa-
lement en hiver ; on les voit, dès le ma-
tin, voler en troupes, des baies vers Les
îles , où 1ls vont se repaître de coquillages,
et le soir ils reviennent à leurs retraites
dans les baies, pour y passer la nuit. Ils
suivent en volant les détours de la côte et
les sinuosités des détroits entre les îles.
Rarement ils volent sur terre, à moins
que la force du vent, sur-taut quand il
DES OISEAUX ÉTRANGERS, 892
souffle du nord, ne les oblige à se tenir
sous l’abri des terres : c’est alors que les
chasseurs les tirent de quelque pointe
avancée dans la mer, d’où l’on va en
canot pêcher ceux qui sont tués; car les
blessés vont à fond et ne reparoissent
guère.
84 HISTOIRE NATURELLE
LE KINGALIK.
Lzs mêmes relations nomment encore
poule d’eau cet oiseau de Groenland. Il est
plus grand que le canard , etremarquable
par une protubérance dentelée qui lui
croît sur le bec, entre les narines, et qui
est d’un Jaune orangé. Le mâle est tout |
noir, excepté qu’il a les ailes blanches, et
le dos marqueté de blanc. La femelle n’est
que brune.
Ce sont là tous les oiseaux étrangers
que nous croyons devoir rapporter au
genre de la poule d’eau; car il ne nous
paroît pas que les oiseaux nommés par
Dampier poules gloussantes, Soient dela
famille de la poule d’eau, d’autant plus
qu'il semble les assimiler lui - même aux
crabiers et à d’autres oiseaux du genre
des hérons. Et de même la belle poule
d’eau de Buenos-Ayres, du P. Feuillée,
n'est pas une vraie poule d’eau, puis-
DES OISEAUX ÉTRANGERS. 85
qu'elle a les pieds comme le canard. Enfin
la petite poule d’eau de Barbarie ( water-
ken) à ailes tachetées, du docteur Shaw,
qui est moins grosse qu’un pluvier, nous
paroît appartenir plutôt à la famitle du
râle qu’à celle de la poule d’eau propre-
ment dite.
LE JACANA*.
Première espèce.
Lez jacana des Brasiliens , dit Marcgrave;
doit être mis avec les poules d’eau , aux-
quelles il ressemble par le naturel, les
habitudes , la forme du corps raccourci,
la figure du bec et la petitesse de la tête.
Néanmoins 1l nous paroît que le jacana
diffère essentiellement des poules d’eau
par des caractères singuliers, et même
uniques , qui le séparent et le distinguent
de tous les autres oiseaux : il porte des
éperons aux épaules, et des lambeaux de
membrane sur le devant de la tête; ila
les doigts et les ongles excessivement
grands ; le doigt de derrière est d’ailleurs
aussi long que celui du milieu en devant;
tous les ongles sont droits, ronds, effilés
comme des stylets ou des aiguilles. C’est
apparemment de cette forme particulière
# Voyez les planches enluminées, n° 322.
Zôm 16. | 718. Pag 66.
LE JACANA.
Î Jaquet: ie ;
HISTOIRE NATURELLE. 67
de ses ongles incisifs et poignans qu’on a
donné au jacana le nom de chirurgien *.
L'espèce en est commune sur tous les ma-
rais du Bresil , et nous sommes assurés
qu’elle se trouve également à la Guiane
et à Saint-Domingue ; on peut aussi pré-
sumer qu’elle existe dans toutes les régions
et les différentes îles de l'Amérique entre
les tropiques et jusqu’à la nouvelle Es-
pagne , quoique Fernandès ne paroisse em
parler que sur des relations , et non d’a-
près ses propres connoissances, puisqu'i
fait venir ces oiseaux des côtes du Nord,
tandis qu'ils sont naturels aux terres du
Midi.
Nous connoissons quatre ou cinq Jaca-
nas, qui ne diffèrent que par les couleurs,
leur grandeur étant la même. La première
espèce, donnée par Fernandès, est la qua-
trième de Marcgrave. La tête, le cou et
le devant du corps de cet oiseau , sont
d’un noir teint de violet ; les grandes
pennes de l’aile sont verdâtres ; le reste
du manteau est d’un beau marron pour-
* C’est sous ce nom qu’ils sont connus à Salint-
Dominguc. |
- "| un
88. HISTOIRE NATURELLE.
pré ou mordoré. Chaque aile est armée
d’un éperon pointu qui sort de l'épaule,
et dont la forme est exactement sem-
blable à celle de ces épines ou crochets
dont est garnie la raie bouclée; de la
racine du bec naît une membrane qui se
couche sur le front, se divise en trois
lambeaux, et laisse encore tomber un
barbillon de chäque côté ; le bec est droit,
un peu renflé vers le bout, et d’un beau
Jaune jonquille | comme les éperons ; la
queue est très-courte , et ce caractère ,
ainsi que ceux de la forme du bec, de la
queue , des doigts et de la hauteur des
jambes , dont la moitié est dénuée de
plumes, conviennent également à toutes
les espèces de ce genre. Marcgrave paroît
exagérer leur taille en la comparant à
celle du pigeon; car les Jacanas n’ont pas
le corps plus gros que la caille , mais seu-
lement porté sur des jambes bien plus
hautes : leur cou est aussi plus long, et
leur tête est petite. Ils sont toujours fort
maigres , et cependant l’on dit que leur
chair est mangeable.
Le jacana de cette première espèce est
VO |
DES JACANAS. 8g
assez commun à Saint-Domingue, d’où
il nous a été envoyé, sous le nom de che-
valier mordoré armé, par M. Lefebvre Des-
hayes. « Ces oiseaux, dit-il, vont ordi-
« nairement par couple ; et lorsque quel-
« que accident les sépare, on les entend
«se rappeler par un cri de réclame. Ils
« sont très-sauvagés, et le chasseur ne
« peut les approcher qu’en usant de ruses,
« en se couvrant dé feuillages, ou se cou-
« lant derrière les buissons’, les roseaux.
« On les voit régulièrément à Saint-Do-
« mingue durant ou après les pluies du
« mois de mai ou dé novembre : néan-
« moins 1] en paroît quelques uns après
« toutes les fortes pluiesiqui font déborder
« les eaux ; ce qui fait croire qué Les licux
« OÙ Ces oiseaux se tiennent habituelle-
« ment, né sont pas éloignés. Du reste, on
« ne les trouve pas hors des lagons , des
« marais, ou dés bords des étangs et des
« ruisseaux.
«Le vol de ces oïseaux est peu élevé,
« Mais assez rapide. Ils jettent en partant
« un Cri aigu et glapissant, qui s’entend
« de loin , et qui paroît avoir quelque
90 HISTOIRE NATURELLE
«rapport à celui de l’effraie : aussi les
« volailles dans les basses-cours s'y mé-
« prennent et s’'épouvantent à ce cri,
«comme à celui d’un oiseau de proie,
« quoique le jacana soit fort éloigné de
«ce genre. Il sembleroit que la Nature
« en ait voulu faire un oiseau belliqueux,
« à la manière dont elle a eu soin de l’ar-
«mer; néanmoins on ne connoît pas.
« l'ennemi contre lequel il peut exercer
« SeS armes. »
Ce rapport avec les vanneaux armés,
quisont des oiseaux querelleurs etcriards,
joint à celui de la conformation du bec,
paroît avoir porté quelques naturalistes
à réunir avec eux les Jacanas soûs un
même genre : mais la figure de leur corps
et de leur tête les en éloigne, et les rappro-
cheroit de celui de la poule d’eau , si la
conformation de leurs pieds ne les en
séparoit encore; et cette conformation des
pieds est en effet si singulière , qu’elle ne
se trouve dans aucun autre oiseau : on
doit donc regarder les jacanas comme
formant un genre particulier , et qui
paroît propre au nouveau continent. Leur
"0
\«
DES JACANAS. 9£
séjour sur les eaux et leur conformation
indiquent assez qu'ils vivent et se nour-
rissent de la même manière que les autres
oiseaux de rivage ; et quoique Fernandès
dise qu'ils ne fréquentent que les eaux
salées des bords de la mer, il paroît, selon
ce que nous venons de rapporter , qu'ils
se trouvent également dans l'intérieur des
terres , sur les étangs d’eau douce.
|
oz HISTOIRE NATURELLE
« »
: )2
ñ . tie ton:
LE JACANA NOIR.
, Seconde espèce.
T'ourr la tête , le cou, le dos et la
queue de ce Jacana , sont noirs ; le haut
des ailes et leurs pointes sont de couleur
brune ; le reste est verd , et le dessous
du corps est brun ; les éperons de l'aile
sont jaunes, ainsi que lebec, de la racine
duquel s'élève sur le front une membrane
rougeâtre. Marcgrave nous donne cette
espèce comme naturelle au Bresit.
MR ST AC AUNCAISEN ou
LE JACANA VER D.
Troisième espèce.
Marcerave loue la beauté de ect
oiseau, dont 1l a fait sa première espèce de
ce genre : 1l a le dos, les ailes et le ventre
teints de verd sur un fond noir; et l’on
voit sur le cou briller de beaux reflets
gorge de pigeon ; la tête est coiffée d’une
membrane d’un bleu de turquoise; le bec
et les ongles, qui sont d’un rouge de ver-
millon dans leur première moitié, sont
jaunes à la pointe. L’aualogie nous per-
suade que cette espèce est armée comme
les autres, quoique Marcgrave ne lé
dise pas.
94 HISTOIRE NATURELLE
L E JACANA-PECA.
Quatrième espèce.
\
Less Brasiliens donnent à cet oiseau le
nom d'agua-pecaca ; nous l’appelons ja-
cana-péca, pour réunir son nom géné-
rique à sa dénomination spécifique et
pour le distinguer des autres Jacanas: ses
traits sont cependant peu différens de
ceux de l'espèce précédente. « Il a , dit
« Marcgrave, des couleurs plus foibles et
« les ailes plus brunes ; chaque aile est
« armée d’un éperon , dont l'oiseau se sert
« pour sa défense : mais sa tête n’a point
« de coiffe membraneuse ». Le nom de
porphyrion , sous lequel Barrère a donné
ce jJacana , semble indiquer qu’il a les
pieds rouges. Le même auteur dit que
l'espèce en est commune à la Guiane , où
les Indiens l’appellent #apoua, et nous pré-
sumons que c’est à cet oiseau que doit se
rapporter la note suivante de M. de la
Borde. « La petite espèce de poule d’eau
DES JACANAS. 05
« ou chirurgien aux ailes armées est, dit-il,
« très-commune à la Guiane ; elle habite
« les étangs d’eau douce et les mares. On
« trouve ordinairement ces oiseaux par
« paire ; mais quelquefois aussi on en
« voit jusqu'à vingt ou trente ensemble.
« Il y en a toujours en été dans les fossés
« de la ville de Cayenne; et dans le temps
« des pluies , ils viennent même jusque
« dans les places de la nouvelle ville ;
« ils se gîtent dans les Joncs, et entrent
« dans l’eau jusqu’au milieu de la jambe;
« ils vivent de petits poissons et d'insectes
« aquatiques ». Au reste, il paroît qu’il y
a dans la Guiane, comme au Bresil, plu-
sicurs espèces ou variétés de ces oiseaux,
et qu’on les connoît sous des noms diffé-
rens. M. Aublet nous a donné unenotice,
dans laquelle il dit que l’oiseau chirurgien
est assez commun à la Guiane dans les
mares, les bassins et petits lacs des sa-
vanes; qu’il se pose sur les larges feuilles
d’une plante aquatique , appelée vulgai-
rement volet (zymplea), et que les na-
turels ont donné à cet oiseau le nom de
hinkin, mot qu'il exprime par un son
aigu,
CORRE: T'L' AE ES
66 HISTOIRE NATURELLE.
LE JACANA VARIE *..
Cinquième espèce.
Le plumage de cet oiseau est en effet
plus varié que celui des autres jacanas,
sans sortir néanmoins des couleurs domi-
nantes et communes à tous : Ces couleurs
sont le verdâtre , le noir et le marron
pourpré. Il: y a , de chaque côté de la
tête , une bande blanche qui passe par-
dessus les yeux ; le devant du cou est
blanc, ainsi que tout le dessous du corps:
on peut voir la planche enluminée pour
le détail des autres couleurs, qu’il seroit
difficile de rendre. Le front est couvert
d'une membrane d’un rouge orangé ; et
il y a des éperons sur les ailes. Cet oiseau
nous est venu du Bresil. Edwards le
donne comme venant de Carthagène; ce
qui montre, comme nous l’avons observé,
que lesjacanassontcommunsaux diverses
contrées de l’Amérique situées entre les
: tropiques. |
© # Voyez les planches enluminées, n° 846,
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ow LE PORPHYRION.
J Jauquer- Ÿ.
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LARBPOULE SULTANE,
OÙ
LE PORPHYRION*.
#7 s modernes ont appelé poule sultane,
uu oiseau fameux chez les anciens sous
le nom de porpayrion. Nous avons déja
plusieurs fois remarqué combien les déno-
minations données par les Grecs, et la
plupart fondées sur des caractères distinc-
tifs, étoient supérieures aux noms formés
eomme au hasard dans nos langues ré-
centes , sur des rapports ou fictifs ou
bizarres , et souvent démentis par l’ins-
pection de la nature. Le nom de poule
suliane nous en fournit un nouvel exem-
ple ; c’est apparemment en trouvant quel-
que ressemblance avec la poule et cet
oiseau de rivage , bien éloigné pourtant
* Voyez les planches enluminées, n° 810, sous
la dénomination de 1alève de Madagascar.
Œ
98 HISTOIRE NATURELLE +
du genre gallinacé , et en imaginant un
degré de supériorité sur la poule vulgaire
par sa beauté ou par son port , qu'on
l’a nommé poule sultane : mais le nom
de porphkyrion, en rappelant à l'esprit le
rouge ou le pourpre du bec et des pieds ,
étoit plus caractéristique et bien plus
juste. Quene pouvons-nous rétablir toutes
les belles ruines de l'antiquité savante, ct
rendre à la Nature ces images brillantes
et ces portraits fidèles dont les Grecs l’a-
voient peinte et toujours animée, hom-
mes spirituels et sensibles qu’avoient tou-
chés les beautés qu’elle présente, et la vie
que par-tout elle respire! |
Faisons donc l’histoire du porphyrion,
avant de parler de la poule sultane. Aris-
tote, dans Athénée, décrit le porphyrion
comme un oiseau fissipède à longs pieds ,
au plumage bleu, dont le bec couleur de
pourpre est très-fortement implanté dans
le front, et dont la grandeur est celle du
coq domestique. Suivant la lecon d’Athé-
née, Aristote auroit ajouté qu'il y a cinq
doigts aux pieds de cet oiseau ; ce qui,
seroit une erreur , dans laquelle néan-
DE LA POULE SULTANE. o
moins quelques autres anciens auteurs
sont tombés. Une autre erreur plus grande
des écrivains modernes , est celle d’Isi-
dore , copiée dans Albert, qui dit que le
porphyrion a l’un des pieds fait pour
nager et garni de membranes, et l’autre
propre à courir comme les oiseaux de
terre ; ce qui est non seulement un fait
faux , mais contraire à toute idée de
nature , et ne peut signifier autre chose,
sinon que le porphyrion est un oiseau de
rivage , qui vit aux confins de la terre et
de l’eau. Il paroît en effet que l’un et l’au-
tre élément fournit à sa subsistance ; car
1l mange, en domesticité , des fruits, de
la viande et du poisson : son ventricule
est conformé comme celui des oiseaux
qui vivent également de graines et de
chair. | :
On l'élève donc aisément : il plaît par
son port noble, par sa belle forme , par
son plumage brillant et riche en couleurs
méêlées de bleu pourpré et de verd d’aigue-
marine ; son naturel est paisible; il s’ha-
bitue avec ses compagnons de domes-
ticité,, quoique d’espèce différente de la
100 HISTOIRE NATURELLE
sienne , et se choisit entre eux LE |
ami ve prédilection *, À
Il est de plus oiseau bols éraivai comme
le coq ; néanmoins il se sert de ses pieds
comme d’une main pour porter les ali-
mens à son bec : cette habitude paroît
résulter des proportions du cou , qui est
court, et des jambes, qui-sont très-lon-
gues ; ce qui rend pénible l’action de
ramasser avec le bec sa nourriture à terre.
Les anciens avoient fait la plupart de ces
remarques sur le porphyrion , et c’est un
des oiseaux qu'ils ont le mieux décrits.
Les Grecs, les Romains, malgré leur
luxe déprédateur, s S'abetinitettt également
de manger du porphyrion. Ils le faisoient
venir de Libye ?, de Comagène et des îles
* Voyez dans Élien l’histoire d’un porpbyrion
qui mourut de regrel après avoir perdu le coq son
camarade. |
2 Alexandre de Myndes, dans Athénée, compte
le porphyrion au nombre des oiseaux de Libye, et
témoigne qu’il étoit consacré aux dieux dans cette
région. Suivant Diodore de Sicile, 11 venoit des
porphyrions du fond de la Syrie, avec diverses
autres espèces d'oiseaux remarquables par leurs
riches couleurs,
DE LA POULE SULTANE, vof
Baléares , pour le nourrir et le placer dans
les palais et dans les temples , où on le
laissoit en liberté , comme un hôte digne
de ces lieux par la noblesse de son port,
par la douceur de son naturel et par la
beauté de son plumage.
Maintenant, si nous comparons à ce
porphyrion des anciens notre poule sul-
tane représentée n° 810 des planches en-
Juminées , il paroît que cet oiseau, qui
nous est arrivé de Madagascar sous le
nom de falève, est exacternent le méme.
MM. de l'académie des sciènces ; qui en
ont décrit un semblable, ont reconnu
comme nous le porphyrion dans la poule
sultane. Elle a environ deux pieds,du bec
aux ongles. Les doigts sont extraordinai-
rement longs et entièrement séparés , sans
vestiges de membranes : ils sont disposés
à l’ordinaire, trois en avant et un en ar-
rière; c’ést par erreur qu'ils sont repré-
sentés deux et deux dans Gesner. Le cou
est très-court à proportion de la hauteur
des jambes , qui sont dénuées de pluines ;
les pieds sont très-longs, la queue très-
courte ; le bec, en forme de cône, ap-
9
A dé d 74 hd
xo2 HISTOIRE NATUREL
plati par les côtés , est assez court ; et le
dernier trait qui caractérise cet oïseau ,
c’est d’avoir, comme les foulques, le
front chauve et chargé d’une plaque qui,
s'étendant jusqu’au sommet de la tête,
s’élargit en ovale, et paroît être formée
par un prolongement de la substance cor-
_mée du bec, C’est ce qu’Aristote, dans
Athénée , exprime quand il dit que le
porphyrion a le bec fortement attaché à
Ja tête. MM. de l'académie ont trouvé deux
cœcums assez grands qui s’élargissent en
sacs , et le renflement du bas de l’œso-
phage leur a paru tenir;lieu d’un Jabot,
dont Pline a dit que cet oiseau manquoit.
Cette poule sultane , décrite par MM. de
l'académie, est le premier oiseau de ce
genre qui ait été vu par les modernes ;.
Gesner n’en parle que sur des relations et
. d’après un dessin; Willughby dit qu’au-
cun naturaliste n’a vu le porphyrion :
nous devons à M. le marquis de Nesle la
satisfaction de l'avoir vu vivant, et nous
Jui témoignons notre respectueuse recon-
moissance, que nous regardons comme
une dette de l’histoire naturelle, qu'il
Le
=
/
“
DE LA POULE SULTANE. 103
enrichit tous les Jours par son goût éclairé
autant que généreux ; il nous a mis à por-
tée de vérifier en grande partie sur sa
poule sultane , ce que les anciens ont dit
de leur porphyrion. Cet oiseau est effecti-
vement très-doux, très-iInnocent, et en
même temps timide , fugitif, aimant,
cherchant la solitude et les lieux écartés,
se cachant tant qu'il peut pour manger.
Lorsqu'on l'approche, il a un cri d’effrot,
d’une voix d’abord assez foible, ensuite
plus’ aiguë, et qui se termine par deux
ou trois coups d’un son sourd et inté-
rieur. Il a pour le plaisir d’autres petits
accens moins bruyans et plus doux. Il pa-
roît préférer les fruits et les racines, parti-
culièrement celles des chicorées , à tout
autre aliment, quoiqu'il puisse vivre aussi
de graines : mais Îui ayant fait présenter
du poisson , le goût naturel s’est marqué ;
11 l’a mangéavecavidité. Souventil trempe
ses alimens à plusieurs fois dans l’eau;
. pour peu que le morceau soit gros, il ne
manque pas de le prendre à sa patte et
de l’assujettir entre ses longs doigts, en
ramerant contre les autres celui de der-
\
304 HISTOIRE NATURELLE. ;
rière , et tenant le pied à demi élevé. 1
mange en mofcelant.
11 n’y a guère d'oiseaux plus beaux par
les couleurs : le bleu de son plumage
moelleux et lustré est embelli de reflets
brillans ; ses longs pieds et la plaque du
sommet de la tête avec la racine du bec,
sont d’un beau rouge, et une touffe de
piumes blanches sous la queue relève
l'éclat de sa belle robe bleue. La femelle
he diffère du mâle qu’en ce qu'elle ést
uu peu plus petite. Celui-ci est plus gros
qu’une perdrix , mais un peu moins qu'une
poule. M. le marquis de Nesle à rapporté
ce couple de Sicile, où, suivant la notice
qu’il a eu la bonté de nous communi-
quer , ces poules sultanés sont Conrnuües
sous le nom de gallo-fagiani; onles trouve
sur le lac de Lentini, au-dessus de Ca-
tane. On les vend à un prix médiocre dans
cette ville, ainsi qu'à Syracuse et dans
les villes voisines ; on en voit dé vivantes
dans les places publiques, où élles se
tiennent à côté des vendeuses d’herbes et
de fruits, pour en recueillir les débris.
Ce bel oiseau , logé chez les Romains dans
DE LA POULE SULTANE. roi
les temples, se ressent un peu , comme
l'on voit, de la décadence de l'Italie.
Mais une conséquence intéressante que
présente ce dernier fait, c’est qu'il faut
que la race de la poule sultane se soit
vaturalisée en Sicile par quelques couples
de ces porphyrions apportés d'Afrique, et
il y a toute apparence que cette belle
espèce s’est propagée de même dans quel-
ques autres contrées; car nous voyons
par un passage de Gesner, que ce natu-
raliste étoit persuadé qu'il se trouve de
ces oiseaux en Espagne et même dans nos
provinces méridionales de France.
Au reste, cet oiseau est un de ceux qui
se montrent le plus naturellement dispo-
sés à la domesticité , et qu’il seroit agréable
et utile de multiplier. Le couple nourri
dans les volières de M. le marquis de
Nesle a niché au dernier printemps(1778):
on a vu le mâle et la femelle travailler de
concert à construire le nid ; ils le posèrent
à quelque hauteur de terre, sur une
avance du mur, avec des büchettes et de
Ja paille en quantité. La ponte fut de six
œufs blancs , d’une coque rude , exacte-
106 HISTOIRE NATURELLE.
meut ronds et de la grosseur d’une demi-
bille de billard. La femelle n’étant pas assi-
due à les couver, on les donna à une poule;
mais ce fut sans succès. On pourroit sans
doute espérer de voir une autre ponte
réussir plus heureusement, si elle étoit
couvée et soignée par la mère elle-même:
il faudroit pour cela ménager à ces oi-
seaux le calmeetla rétraite qu’ils semblent
chercher, sur-tout dans le temps-de leurs
amours,
…—
>
OISEAUX
QUI ONT RAPPORT A LA POULE
SULTANE.
LE: PÈCE primitive et principale de la
poule sultane étant originaire des con-
trées du midi de notre continent, il m'est
pas vraisemblable que les régions du nord
nourrissent des espèces secondaires dans
ce genre : aussi trouvons-nous qu'il en
faut rejeter plusieurs de celles qui y ont
été rangées par M. Brisson , et qui sont
ses 4, 5, 6, 7 et 8° espèces, auxquelles
il suppose gratuitement la plaque fron-
tale, quoique Gesner, dont il a tiré les
indications relatives à ces oiseaux, ne
désigne cette plaque ni dans ses notices
ni dans ses figures. La seconde de ces
espèces paroît être un râle , et nous l’a-
vous rapportée à ce genre d'oiseaux; les
quatre autres sont des poules d’eau,
comme l’auteur original le dit lui-même;
et quant à la neuvième espèce du même
| | à: vi
1c8 HISTOIRE NATURELLE
M. Brisson, qu’il appelle poule sultane de
la baie d'Hudson , elle doit être également
Ôtée de ce genre à raison du climat, d’au-
tant que M. Edwards la donne en effet
comme une foulque, quoiqu'il remarque
en même temps qu’elle se rapporte mieux
au râle. Malgré ces retranchemens , il
nous restera encore trois espèces dans l’an-
cien continent, qui paroissent faire la
nuance entre notre poule sultane*, les
foulques et les poules d’eau ; et nous
trouverons aussi dans le nouveau conti-
nent trois espèces d'oiseaux qui. semblent
être les représentans, en Amérique, de la
poule sultane et de ses espèces subalternes
de l’ancien continent. |
-* M. Forsier:a trouvé à Middelbourg , Pune des
îles des Amis, des foulques à plumage bleu, qui
paroissent être des poules sultanes.
DES OISEAUX ÉTRANGERS. 109.
LA POULE SULTANE VERTE.
Prernière espèce.
Cr oiseau , que nous rapportons à la
poule sultane d’après M. Brisson', est
bien plus petit que cette poule, et pas
plus gros qu’un râle. I! a tout le dessus
_ du corps d’un verd sombre, mais lustré,
et tout le dessous du corps blanc , depuis
les joues et la gorge jusqu’à la queue. Le
bec et la plaque frontale sont d’un verd
jaunâtre. On le trouve aux Indes orien-
tales,.
Oiseaux, XKX V Î: 10
MAL ou 0
,i
«
ro HISTOIRE NATURELLE
nm
LA POULE SULTANE BRUNE *.
Seconde espèce.
|
Csrre poule sultane, qui vient de la
Chine , a quinze à seize pouces de lon-
gueur. Elle ne brille point des riches
couleurs qui semblent propres à ce genre
d'oiseaux, et 1l se pourroit qu’on n’eût
ici représenté qu’une femelle : elle a tout
le dessus du corps brun ou d’un cendré
noirâtre , le ventre roux; le devant du
corps, du cou, de la gorge et le tour
des yeux, blancs. Du reste, la plaque
frontale est assez petite, etlebec s'éloigne
un peu de la forme conique du bec de la
vraie poule sultane : il est plus alongé, et
il se rapproche de celui des poules d’eau.
* Voyez les planches enluminées, n° 896, sous
Je nom de poule suliane de la Chine.
Lee
DES OISEAUX ÉTRANGERS. x
L’ANGOLI.
Troisième espèce.
Nous abrégeons ce nom de celui de
eaunangoli, que porte vulgairement à
Madras l'oiseau que les Gentous nomment
boollu-cory. I est difficile de décider si lon
doit plutôt le rapporter aux poules sul-
tanes qu'aux poules d’eau , ou même aux
rales ; tout ce que nous en savons se
borne à la courte notice qu’en donne
Petiver dans son addition au Synopsis de
Ray : mais cette notice, faite, comme
toutes les autres de ce fragment, sur des
figures envoyées de Madras, n’exprime
point les caractères distinctifs qui pour-
roient désigner le genre de cet oiseau.
M. Brisson , qui en a fait sa dixième poule
sultane , lui prête en conséquence la
plaque nue au front, dont la notice ne
dit rien ; elle lui donne, au contraire,
112 HISTOIRE NATURELLE
un bec longuet (7osfrum acutum , teres, «
longiusculum ), avec les noms de crex et
rail-hen , qui semblent la rappeler au
râle : mais sa taille est bien supérieure à
celle de cet oiseau , et même à celle de la
poule d’eau. 11 ressemble done plus à la
poule sultane ( magniludine anatis ); c’est
tout ce que nous pouvons dire de cette
espèce , Jusqu'à ce qu’elle nous soit mieux
connue. |
DES OISEAUX ÉTRANGERS. #12?
LA PETITE POULE SULTANE.
Quatrième espèce.
L £ genre de la poule sultane se retrouve,
comme nous l’avons dit, au nouveau
monde , sinon en espèces exactement les
mêmes , du moins en espèces analogues.
Celle-ci, qui est naturelle à la Guiane,
n’est qu’un peu plus grande que le râle
d’eau ; du reste, elle ressemble si bien à
notre poule sultane, qu’il y a peu d’exem-
ples dans toute l’histoire des oiseaux, de
rapports aussi parfaits et de représenta-
tions aussi exactes dans les deux conti-
nens *. Son dos est d’un verd bleuûtre, et
tout le devant du corps est d’un bleu
* C’est la raison pour laquelle on n’a point donné
cette petite poule suliane dans nos planches enlu-
minées ; des objets que la différence de grandeur,
Le peu sentie entre des figures réduites , disingue
seule , devant paroître répétés,
L®
114 HISTOIRE NATURELLE
violet doux et moelleux, qui couvre aussi
le cou et la tête, en prenant une teinte
plus foncée, Elle nous paroît la même que
celle dont M. Brisson fait sa seconde es-
pèce ; mais ce n’est qu’en conséquence du
préJugé qui lui a fait transporter la grande
poule sultane en Amérique , qu'il trans-
porte aux grandes Indes cette espèce réel-
lement américaine, et que nous avons
recue de Cayenne.
DES OISEAUX ÉTRANGERS. 715
PANFAVNORITET
Cinquième espèce.
C°ss7 le nom donné , dans nos planches
enluminées, à une petite poule sultane
qui est à peu près de la grandeur de la
précédente , et du même pays. Il se pour-
roit qu'elle ne fût que la femelle dans
cette même espèce, d'autant plus que les
couleurs sont les mêmes, et seulement
plus foibles : le verd LR des ailes et
des côtés du cou est d’une teinte affoi-
blie ; le brun perce sur le dos et domine
sur la queue; tout le devant du corps est
blanc.
* Voyez les planches enluminées, n° 897, sous
le nom de favorite de fax gars:
116 HISTOIRE NATURELLE
TA CAPTER
Sivième espèce.
Gr oiseau mexicain, que M. Brisson
rapporte à notre poule sultane ou au por-
phyrion des anciens , en diffère par plu-
sieurs caractères : outre l’opposition des
climats, qui ne permet guère de penser
qu’un oiseau de vol pesant ; et qui est
naturel aux régions du Midi, ait passé
d’un continent à l’autre, l’acintli n’a pas
les doigts et les pieds rouges , mais Jaunes
ou verdâtres ; tout son plumage est d’un
pourpre noirâtre , entremélé ‘de quelques
plumes blanches. Fernandès lui donne les
moms de guachiltoa et d’yacacintli; nous
avons adopté le dernier et l'avons abrégé »
mais la dénomination d'avis siliguastrini
capilis, que ce même auteur lui applique,
est très-sigmificative, et désigne la plaque
. frontale applatiecommeunce large silique;
\
DES OISEAUX ÉTRANGERS. 117
caractère par lequel cet oiseau s’unit à
la famille de la foulque ou de la poule
sultane. Ce même auteur ajoute que l’a-
cintli chante comme le coq pendant la
nuit et dès le grand matin; ce qui pour-
roit faire douter qu'il soit en eflet du
genre de notre poule sultane, dans Îla-
quelle on n’a pas remarqué cette habi-
tude , et dont la voix n’a rien du clairon
bruyant et sonore du coq.
Un oiseau d’espèce très-voisine de celle
de l’acintli, si ce n’est le même , est dé-
crit parle P.Feuillée sous le nom de poule
d’eau. Il a le caractère de la poule sultane,
le large écusson applati sur le front , toute
la robe bleue, excepté un capuchon de
noir sur la tête et le cou. En outre, le
P. Feuillée remarque des différences de
couleurs entre le mâle et la femelle, qui
ne se trouvent pas dans nos poules sul-
tanes , dont la femelle est seulement plus
petite que le mâle , mais auquel elle res-
semble parfaitement par les couleurs.
La Nature a donc produit, à de grandes
distances, des espèces du genre de la poule
sultane , mais toujours dans les latitudes
x18 HISTOIRE NATURELLE.
‘méridionales. Nous avons vu que notre
poule sultane se trouve à Madagascar.
M. Forster en a trouvé dans la mer du
Sud; et la poule d’eau couleur de pourpre,
que le même naturaliste voyageur a vue
à Anamocka , paroît encore être un oiseau
de cette mème famille.
sé
be da db :
COOP ON POLORN ET CALE PE TE CE TS
1 ( ne.
p ,
Zom. 10 , 210 .Pag 219 :
LA FOULQUE oz LA MORELLE .
[ F Dauqguet”. P.
Cp 240" Le :
HER OULOUE +.
L'rsrècr de la foulque, qui, dans
notre langue , se nomme aussi zorelle,
doit être regardée comme la première fa-
mille par où commence la grande et nom-
breuse tribu des véritables oiseaux d’eau.
La foulque, sans avoir les pieds entière-
ment palmés , ne le cède à aucun des
autres oiseaux EE nice etrestemême plus
constamment sur l’eau qu'aucun d'eux,
si l’on en excepte les plongeons. Il est tri
rare de voir la foulque à terre ; elle y pa-
roît si dépaysée, que souvent ellese laisse
prendre à la main. Elle se tient tout le
Jour sur les étangs, qu’elle préfère aux
* Voyez les planches enluminées, n° 197.
En latin, fulica, fulix; en italien, follega,
follata; et sur le lac Majeur, pullon ; en an-
glois , - coot; en allemand, wasser-houn , ror-
heunle, taucherlein ; dans plusieurs de nos pro-
vinces de Frauce, ke: ou Jon OU - en Pi-
cardie , blérie.
120 HISTOIRE NATURELLE
» 4 -
rivières , et ce n’est guère que pour pas-
ser d’un étang à un autre qu’elle prend
pied à terre : encore faut-il que la traver- .
sée ne soit pas longue ; car, pour peu
qu'il y ait de distance, elle prend son vol
en le portant fort haut : mais ordinaire-
ment ses voyages ne se font que de nuit.
Les foulques , comme plusieurs autres
oiseaux d’eau , voient très-bien dans l’obs-
curité, et même les plus vieilles ne cher-
chent leur nourriture que pendant la
nuit *. Elles restent retirées dans les Joncs
pendant la plus grande partie du Jour; :
et lorsqu'on les inquiète dansleurretraite,
elles s’y cachent, et s’enfoncent même
dans la vase , plutôt que de s'envoler. IL
semble qu’il leur en coûte pour se déter-
mniner au mouvement du vol, si naturel
aux autres oiseaux ; car elles ne partent
de la terre ou de l’eau qu’avec peine. Les
plus jeunes foulques , moins solitaires.et
* Selon M. Salerne, la foulque , au défaut d’autre
nourriture (qui pourtant ne doit guère lui manquer),
plonge et arrache du fond de l’eau la racine du
grand jonc (scirpus), qui est blanche et AT
et la donne à sucer à ses peus.
DE LA FOULQUE. 121
moins circonspectes sur le danger, pa-
roissent à toutes les heures du jour, et
jouent entre elles en s’élevant droit vis-à-
vis l’une de l’autre, s’élancant hors de
l’eau et retombant par petits bonds. Elles
se laissent aisément approcher ; cependant
elles regardent et fixent le chasseur, et
plongent si prestement à l’instant qu’elles
appercoivent le feu , que souvent elles
échappent au plomb meurtrier : mais dans
l'arrière-saison , quand ces oiseaux, après
avoir quitté les petits étangs, se sont
réunis sur les grands, l’on en fait des
chasses dans lesquelles on en tue plusieurs
centaines *. On s’embarque pour cela
sur nombre de nacelles qui se rangent en
ligne et croisent la largeur de létang;
cette petite flotte alignée pousse ainsi
devant elle la troupe des foulques, de
mamière à la conduire et à la renfermer
dans quelque anse; pressés alors par la
cramte.e* la nécessité, tous ces oiseaux
s’envolent ensemble pour retourner en
pleine eau , en passant par-dessus la tête
* Particulièrement en Lorraine, sur les grands
étangs de Thiaucourt et de Lindre.
11
24 QT U
v22 HISTOIRE NATURELLE
des chasseurs, qui font un feu général et }
en abattent un grand nombre ; on fait
ensuite la même manœuvre vers l’autre
extrémité de l’étang, où les foulques se
sont portées ; etce qu'il y a de singulier ,
c'est que ni le bruit et le feu des armes
et des chasseurs , ni l'appareil de la petite
flotte , ni la mort de leurs compagnons,
ne puissent engager ces oiseaux à prendre
la fuite; ce n’est que lä nuit suivante
qu'ils quittent des lieux aussi funestes ,
et encore ytrouve-t-on quelques traîneurs ,
le lendemain.
à
Ces oiseaux paresseux ont, à justetitre,
plusieurs ennemis: le busard mange leurs
œufs et enlève leurs petits, et c’est à cette
destruction qu’on doit attribuer le peu
de.population dans cette espèce , qui par
elle-même est très-féconde; car la foulque
pond dix-huit à vingt œufs d’un blanc
sale et presque aussi gros que ceux de læ
poule ; et quand la première couvée est
perdue , souvent la mère en fait une
seconde de dix à douze œufs. Elle établit
son nid dans des endroits noyés et cou-
verts de roseaux secs ; elle en choisit une
My
DE LA FOULQUE. 123
touffe , sur laquelle elle en entasse d’au-
tres, et ce tas, élevé au-dessus de l’eau,
est garni dans son creux de petites herbes
sèches et de sommités de roseaux , ce
qui forme un gros nid assez informe et
qui se voit de loin *. Elle couve pendant
vingt-deux ou vingt-trois Jours ; et dès
que les petits sont éclos, ils sautent hors
du nid et n’y reviennent plus. La mère
nue les réchauffe pas sous ses ailes ; 1ls
couchent sous les Jones alentour d'elle.
Elle les conduit à l’eau , où , dès leur nais-
sance , ils nagent et plongent très-bien.
Ils sont couverts dans ce premier âge d’un
duvet noir enfumé , et paroissent très-
laids ; on ne leur voit que l'indice de la
plaque blanche qui doit orner leur front.
C'est alors que l'oiseau de proie leur fait
une guerre cruelle , et 1l enlève souvent
* Il y a peu d'apparence que la foulque , comme
le dit M. Salerne, fasse deux nids, l’un pour cou-
L .
ver , l'autre pour loger sa couvée éclose. Ce qui peut
avoir donné lieu à cette idée, c'est que les petits
me reviennent plus en effet au nid une fois qu'ils
Pont quitié, mais se gîtent avec leur mère dans les
joncs,
MA nés
dt,
124 HISTOIRE NATURELLE
la mère et les petits !. Les vieilles foulques .
qui ont perdu plusieurs fois leur couvée,
instruites par le malheur, viennent éta-
blir leur nid le long du rivage, dans les
glaieuls , où 1l est mieux caché; elles
tiennent leurs petits dans ces endroits
fourrés et couverts de grandes herbes. Ce
sont ces couvées qui perpétuent l'espèce ;
car la dépopulation des autres est st
grande, qu’un bon observateur, qui à
particulièrement étudié les mœurs de ces
oiseaux ?, estime qu'il en échappe au plus
un dixième à la serre des oiseaux deproie,
particulièrement des busards.
Les foulques nichent de bonne heure
au printemps , et on leur trouve de petits
œufs dans le corps dès la fin de l'hiver :
elles restent sur nos étangs pendant la
plus grande partie de l’année ; et dans,
1 Le même M. Salerne prétend qu’elle sait se
défendre de l'oiseau de proie, en lui présentant les
yriffes, qu'elle porte en effet assez aiguës; mais il
paroît que cette foible:défense n'empêche pas qu'elle
ne soit le plus souvent la proie de son ennemi.
3 M, Ballon.
DE LA FOULQUE. 725
quelques endroits elles ne les quittent pas
même en hiver *. Cependant en automne
elles se réunissent en grande troupe, et
toutes partent des petits étangs pour se
rassembler sur les grands; souvent elles y
restent jusqu’en décembre; et lorsque les
frimas , les neiges , et sur-tout la gelée, les
chassent des cantons élevés et froids, elles
viennent alors dans la plaine, où la tem-
pérature est plus douce, et c’estle manque
d’eau plus que le froid qui les oblige à
changer de lieu. M. Hébert en a vu dans
un hiver très-rude sur le lac de Nantua,
qui ne gèle que tard ; il en a vu dans les
plaines de la Brie, mais en petit nombre,
en plein hiver : cependant il y a toute
apparence que le gros de l'espèce gagne
peu à peu les contrées voisines qui sont
plus tempérées ; car comme le vol de ces
oiseaux est pénible et pesant , ils ne doi-
vent pas aller fort loin, eten effet ils repa-
roissent dès lé mois de février.
On trouve la foulque dans toute l’Eu-
rope , depuis l'Italie jusqu’en Suède; on
* Comme en basse Picardie, suivant les obser-
vauons de M. Baïllon.
2
126 HISTOIRE NATUREMDE |
la connoît également en Asie; on la voit
en Groenland, si Essede traduit bien deux
noms groenlandois , qui, selon sa ver-
sion , désignent la grande et la petite foul=
que.Ou en distingue en effet deux espèces,
ou plutôt deux variétés, deux races, qui
subsistent sur les mêmes eaux sans se
méler ensemble, et qui ne diffèrent qu’en
ce que l’une est un peu plus grande que
l’autre ; car ceux qui veulent distinguer
la grande foulque ou zracroule, de la
petite foulque ou zzorelle, par la couleur
de la plaque frontale, ignorentque, dans
l’une et l’autre , cette partie ne devient
rouge que dans la saison:des amours, et
qu'en tout autre temps cette plaque. est
blanche , et pour tout le reste de la con-
formation la macroule et la morelle sont
entièrement semblables *
Cette membrane épaisse et nue quileur
couvre le devant de la tête en forme
d'écusson , et qui a fait donner par les
anciens à la foulque l’épithète de chauve,
* M. Klein ne les regarde, et peut-être avec
raison , que comme deux variétés de la même
espèce.
DE LA FOULQUE. : rz7
paroît être un prolongement de la couche
supérieure de la substance du bec, qui est
moileet presque charnue près de la racine;
ce bec est taillé en cône applati par les
côtés , et il est d’un blanc bleuâtre, mais
qui devient rougeâtre lorsque dans le
temps des amours la plaque frontale prend
sa couleur vermeille. |
Tout le plumage est garni d’un duvet
épais , recouvert d’une plume fine et ser-
xée ; 1l est d’un noir plombé , plein et
profond sur la tête et le cou, avec un trait
blanc au pli de l'aile. Aucune différence
n'indique le sexe. La grandeur de la foul-
que égale celle de la poule domestique,
et sa tête et le corps ont à peu pres la
mème forme. Ses doigts sont à demi pal-”
més , largement frangés des deux côtés
d’une membrane découpée en festons ,
dont les nœuds se rencontrent à chaque
articulation des phalanges ; ces mem-
branes sont , comme les pieds, de couleur
plombée. Au-dessus du genou une petite
portion de la j#mbe nue est cerclée de
rouge ; les cuisses sont grosses et char-
nucs. Ces oiseaux ont un gésier, deux
LE nd sé dk ef
128 HISTOIRE « ATOME
grands cœcums , une ample vésicule de à
fiel. Ils vivent principalement , ainsi que
les poules d'eau, d'insectes aquatiques ,
de petits poissons , de sangsues ; néan-
moins ils recueillent aussi les graines et
avalent de petits cailloux. Leur chair est
noire , se mange en maigre et sent un
peu le marais.
… Dans son état de liberté , la foulque a
deux cris différeus , l’un coupé, l’autre
traînant : c’est ce dernier, sans doute,
qu’Aratus a voulu désigner en parlant du
présage que l’on en tiroit, comme il
paroît que c’est du premier que Pline
entend parler en disant qu’il annonce
la tempête ; mais la captivité lui fait
apparemment une impression d’ennui Si
forte, qu'elle perd la voix ou la volonté
de la faire entendre, et l’on croiroit
qu’elle est absolument muette.
LA MACROULE,
O0
GRANDE FOULQU_E "*.
T'our ce que nous venons de dire de
la foulque ou morelle, convient à la
macroule ; leurs habitudes naturelles,
ainsi que leur figure , sont les mêmes :
seulement celle-ci est un peu plus crande
que la première ; elle a aussi la plaque
chauve du front plus large. Un de ces
oiseaux pris au mois de mars 1779, aux
environs de Montbard , dans des vignes,
où un coup de vent piste jeté, nous à
fourni les observations suivantes durant
un mois que l’on a pu le conserver vivant.
Il refusa d’abord toute espèce de nourri-
ture apprêtée , le pain , le fromage, la
viande cuite ou crue : il rebuta également
* Autre espèce de poule d’eau, autrement nom-
anée macroule , où diable de mer.
130 HISTOIRE NATURELLE
ï
les vers de terre et les petites grenouilles |
mortes ou vivantes, et il fallut l'embé-
quer de mie de pain trempée. Il aimoit
beaucoup à être dans un baquet plein
d’eau , il s’y reposoit des heures entières ;
hors de là il cherchoit à se cacher: cepen-
dant il n’étoit point farouche , se laissoit
prendre , répoussant seulement de quel-
ques coups de bec la main qui vouloit le
saisir , mais si mollement , soit à cause
du peu de dureté de son bec , soit par la
foiblesse de ses muscles , qu’à peine fai-
soit-il une légère impression sur la peau;
il ne témoignoit ni colère n1 impatience,
ne cherchoit point à fuir, et ne marquoit
ni surprise ni crainte. Mais cette tran-
quillité stupide ,sans fierté, sans courage,
n'étoit probablement que la suite de l’é-
tourdissement où se trouvoit cet oiseau
dépaysé , trop éloigné de son élément et
de toutes ses habitudes. Il avoit l’air d’être
sourd et muet; quelque bruit que l’on fit
tout près de son oreille, il y paroissoit
entièrement insensible , et ne tournoit pas
la tête ; et quoiqu’on le poursuivit et l’a-
gacât souvent, on ne lui a pas entendu
:
"
\r
LM
A
SORT
DE LA MACROULE 1x3
jeter le plus petit cri. Nous avons vu la
poule d’eau également muette en capti-
vité. Le malheur de l'esclavage est donc
encore plus grand qu’on ne le croit,
puisqu'il y a des êtres auxquels il ôte la
faculté de s’en plaindre. à
LA GRANDE FOULQUE
A CRÉTE*
Dune cette foulque, la plaque charnue
du front est relevée et détachée en deux
lambeaux qui forment une véritable
crête : de plus, elle est notablement plus
grande que la macroule, à laquelle elle
ressemble en tout par la figure et le plu-
mage. Cette espèce nous est venue de
Madagascar : ne seroit-elle au fond que la
même que celle d'Europe , agrandie et
développée par l'influence d’un climat
plus actif et plus chaud ?
* Voyez les planches enluminées, n° 797.
rt)
LP ALAMNOPES,
N ous devons à M. Edwards la première
counoissance de ce nouveau genre de pe-
tits oiseaux, qui, avec la taille et à
peu près la conformation du cinele ou de
la guignette, ont les pieds semblables à
ceux de la foulque; caractère que M.Bris-
son a exprimé par le nom de plalarope*,
tandis que M. Edwards, s'en tenant à la
première analogie, ne leur donne que
celui de #ringa. Ce sont en effet de petits
bécasseaux , ou petites guignettes, aux-
quelles la Nature a donné des pieds de
foulque. Ils paroissent appartenir aux
terres ou plutôt aux eaux des régions les
plus septentrionales : tous ceux que M.
Edwards a représentés venoient de la baie
d'Hudson , et nous en avons recu un de
Sibérie. Cependant, soit qu’ils voyagent
ou qu'ils s’égarent , il en paroît quelque-
* En adoptant celui de pAalartis pour le vrai nom
grec de la foulque.
12
134 HISTOIRE NATURELLE
fois en Angleterre, puisque M. Edwards |
fait mention d’un de ces oiseaux tué en
hiver dans le comté d’Yorck : il en décrit
quatre différens, qui se réduisent à trois
espèces ; car il rapporte lui-même le pha-
larope de sa planche 46, comme femelle
ou Jeune, à celui de sa planche 143; et
cependant M. Brisson en a fait de chacun
une espèce séparée. Pour notre phalarope
de Sibérie , 1l est encore le même que le
phalarope de la baie d'Hudson, planche
143 d’Edwards , qui fera 1ci: notre pre-
inière espèce.
CT KE
}
DES PHALAROPES, 135
LE PHALAROPE CENDRÉ *.
Première espèce.
ls a huit pouces de longueur du bec à
la queue , qui ne dépasse pas les ailes
pliées ; son bec est grèle, applati hori-
zontalement , long de treize lignes , légè-
rement renflé et fléchi vers la pointe; il
a ses petits pieds largement frangés,
comme la foulque, d’une membrane en
festons , dont les coupures ou les nœuds
répoudent de même aux articulations des
doigts; il a tout le dessus de la tête, du
cou et du manteau , d’un gris légèrement
ondé sur le dos de brun et de noirûtre;
1l porte un hausse-col blanc encadré d’une
ligne de roux orangé; au-dessous est un
tour de cou gris, et tout le dessous du
corps est blanc. Willughby dit tenir du
* Voyez les planches enluminées, n° 766, sous
le nom de phalarope de Sibérie.
x36 HIST OIRE NATU RELLE
docteur Johnson que cet oiseau a la vo
percante et clameuse de l'hirondelle do
mer : mais il a tort de. le ranger avec ces
hirondelles, sur-tout après avoir d’abord
reconnu qu'il a un rapport aussi évident
avec les foulques.
FA
‘Ne
DES PHALAROPES. 137
| LÉ PHALAROPE ROUGE.
Seconde espèce.
Cs phalarope a le devant du cou, la poi-
trine et le ventre, d’un rouge de brique ;
le dessus du dos , de la tête et du cou avec
la gorge, d’un roux brun tacheté de noi-
râtre ; le bec tout droit comme celui de
la guignette ou du bécasseau ; les doigts
largement frangés de membranes en fes-
tons. Il est un peu plus grand que le pré-
cédent , et de la grosseur du merle d’eau.
° 138 HISTOIRE NATURELLE.
LE PHALAROPE
À FESTONS DENTELÉS.
Troisième espèce.
£
Lys festons découpés, lisses dans les
deux espèces précédentes, sont, dans celle-
ci, délicatement dentelés par les bords ;
et ce caractère Île distingue suffisamment.
Il a , comme le premier, le bec applati
horizontalement, un peu renflé vers la
pointe, et creusé en-dessus de deux can-
nelures ; les yeux sont un peu reculés
vers le derrière de la tête, dont le som-
met porte une tache noirâtre; le reste en
est blanc, ainsi que tout le devant et Île
dessous du corps; Le dessus est d’un gris
ardoisé, avec des teintes de brun et des
taches obscures longitudinales. Il est de
la grosseur de la petite bécassine, dont
le traducteur d’'Edwards lui donne mal-
à-propos le nom.
LE GRÈBEY*.
Première espèce.
Lr grèbe est bien connu par ces beaux
mauchons d’un blanc argenté qui ont,
avec la moelleuse épaisseur du duvet , le
ressort de la plume et le lustre de la soie.
Son plumage, sans apprèt, et en particu-
her celui de la poitrine, est en effet
un beau duvet très-serré, très-ferme,
bien peigné, et dont les brins lustrés se
couchent et se joignent de manière à ne
former qu’une surface glacée, luisante,
et aussi impénétrable au froid de l'air
qu'à l'humidité de l’eau. Ce vêtement à
toute épreuve étoit nécessaire au grèbe ,
qui, dans Îes plus rigoureux hivers, se
tient constamment sur les eaux comme
* Voyez les planches enluminées, n° 941.
En laum, co/ymbus ; en anglois, dobchick-diver,
arsfoot-diver, great loon-diver; en allemand,
deucchel ; à Venise, fisanelle.
149 HISTOIRE NATURELLE
nos plongeons , avec lesquels on l'a sou-
vent confondu sous le nom commun de
colymbus, qui, par son étymologie, con-
vient également à des oiseaux habiles à
plonger et à nager entre deux eaux : mais
ce nom n’exprime pas leurs différences ;
car les espèces de la famille du grèbe dif-
fèrent essentiellement de celles des plon-
geons , en ce que ceux-ci ont les pieds
pleinement palmés , au lieu que les grèbes
ont la membfane des pieds divisée et cou-
pée par lobes alentour de chaque doigt,
sans compter d’autres différences particu-
lières que nous exposerons dans Îles des-
criptions comparées. Aussi les natura-
listes exacts, en attachant aux plongeons
les noms de nergus, uria, œthya, fixent
celui de colymbus aux grands et petits
grèbes , c’est-à-dire, aux grèbes propre-
ment dits et aux castagneux.
. Par sa conformation, le grèbe ne peut
être qu'un habitant des eaux : ses Jambes,
placées tout-à-fait en arrière , et presque
enfoncées dans ie ventre, ne laissent: pa-
‘roître que des pieds en forme derames,
dont la position ct le mouvement naturel
DEÉSLGRÈRBES. |. 14
- sont de se Jeter en dehors, et ne peuvent
soutenir à terre le corps de l'oiseau que
quand il se tient droit à plomb. Dans cette
position , on concoit que le battement des
ailes ne peut, au lieu de l’élever en l'air,
que le renverser en avant, les jambes ne
pouvant seconder l'impulsion que le corps
recoit des ailes : ce n’est que par un grand
eHort qu'il prend son vol à terre; et comme
s’il sentoit combien il est étranger , on a
remarqué qu'il cherche à l’éviter , et que
pour n'y être point poussé , 1l nage tou-
jours contre lc vent; et lorsque par mal-
heur la vague le porte sur le rivage , it y
reste en se débattant, et faisant des pieds
et des ailes des efforts presque toujours
inutiles pour s'élever dans l’air ou retour-
ner à l’eau. On le prend donc souvent à
la main , malgré les violenus coups de
bec dont il se défend. Mais son agilité
dans l’eau est aussi grande que son im-
puissance sur terre ; il nage, plonge, fend
l'onde, et court à sa surface eu effleurant
les vagues avec une surprenante rapidité;
on prétend même que ses mouvemens
ne sont jamais plus vifs, plus prompts et
Le L L'ALS INYVTLE
Le
#2 HISTOIRE NATURELLE |
plus rapides, que lorsqu'il est sous l’eau;
il y poursuit les poissons jusqu'à une
très-grande profondeur; les pêcheurs le
prennent souvent dans leurs filets ; il des-
_cend plus bas que les macreuses, qui ne se
prennent que sur les bancs de coquillages
découverts au reflux, tandis que le grèbe
se prend à mer pleine, souvent à plus de
vingt pieds de profondeur. |
Les grèbes fréquentent également la
mer et les eaux douces, quoique les natu-
ralistes n'aient guère parlé que de ceux
que l’on voit sur les lacs, les étangs et les
anses des rivières. Il y en a plusieurs es-
pèces sur nos mers de Bretagne , de Pi-
cardie , et dans la Manche. Le grèbe du
lac de Genève, qui se trouve aussi sur
‘ celui de Zurich et les autres lacs de la
Suisse , et quelquefois sur celui de Nan-
tua , et même sur certains étangs de Bour-
gogne et de Lorraine , est l'espèce la plus
connue. Il est un peu plus gros que la
SE —
foulque ;sa longueur, du bec au croupion,
est d’un pied cinq pouces, et du bec aux
ongles, d’un pied neuf à dix pouces. Il a
tout le dessus du corps d’un brun foncé,
DASGRÉEBES. 143.
mais lustré , et tout le devant d’un très-
beau blanc argenté. Comme tous les
autres grèbes, 1l a la tête petite , le bec
droit et pointu, aux angles duquel est un
petit espace en peau nue et rouge qui s’é-
tend jusqu’à l'œil. Les ailes sont courtes
et peu proportionnées à la grosseur du
corps : aussi l'oiseau s’élève-t-il difficile-
ment ; mais ayant pris le vent, il ne
laisse pas de fouruir un long vol. Sa voix
est haute et rude ; la jambe, ou, pour.
mieux dire , le tarse est élargi et applati
latéralement; les écailles dont il est cou-
vert, forment, à sa partie postérieure, une
double dentelure; les ongles sont larges
et plats. La queue manque absolument
à tous les grèbes : ils ont cependant au
croupion les tubercules d’où sortent or-
dinairement les plumes de la queue; mais
ces tubercules sont moindres que dans
les autres oiseaux , et 1l n’en sort qu’un
bouquet de petites plumes, et non de
véritables pennes.
Ces oiseaux sont communément fort
gras; non seulement 1Îis se nourrissent
de petits poissons, mais ils mangent de
144 HISTOIRE NATURELLE
l’algue et d’autres herbes, et avalent dû 4
limon. On trouve aussi assez souvent des -
plumes blanches dans leur estomac, non
qu'ils dévorent des oiseaux, mais appa-
remment parce qu’ils prennent la plume
qui se Joue sur l’eau pour un petit pois-
son. Au reste, il est à croire que les grèbes
vomissent, comme le cormoran, les restes
de la digestion ; du moins trouve-t-on aw
fond de leur sac des arêtes PPT et
sans altération.
Les pêcheurs de Picardie vont sur la
côte d'Angleterre dénicher les grèbes ,
qui, en effet, ne nichent pas sur celles
de France ; he trouvent ces oiseaux dans
des creux de rocher, où apparemment
ils volent, faute d’y pouvoir grimper, et
d’où il faut que leurs petits se précipitent
dans la mer. Mais sur nos grands étangs
le grèbe construit son nid avec des ro-
seaux et des Jones entrelacés : il est à
demi plongé, et comme flottantsur l’eau,
qui cependant ne peut l'emporter; car il
est affermi et arrêté contre les roseaux,
et non tout-à-fait à flot, comme le dit
Linnæœus.On y trouve ordinairement deux
4
DES GRÈBES. 145
œufs, et rarement plus de trois. On voit,
dès le mois de Juin, les petits grèbes nou-
veau-nés nager avec leyr mère.
Le genre de ces oiseaux est composé de
deux familles , qui diffèrent par la cran-
deur. Nous conserverons aux grands le
nom de grèbes, et aux petits celui de cas-
sagneux. Cette division est naturelle, an-
cienne, et paroît indiquée dans Athénéé
par les noms de colymbis et de colymbida ;
ear cét auteur: joint constamment à ce
dernier l’épithète de parvus : cependant il
y'a dans la famille des grands grèbes des
espèces considérablement plus petites les
unes que les autres,
Oiseaux, X VI, 13
US VOLE LE in
f46! HISTOIRE NATURELLE
» ’ \ TA Û ‘A
%
LE PETIT GRÉBE*..
Seconde espèce.
Crrvr-cr , par exemple , est plus petit
que le précédent , et c’est presque la seule
différence qui soit entre eux ; mais si cette
différence est constante, ils ne sont pas
- de la même espèce , d'autant que le petit
grèbe est connu dans la Manche et ha-
bite sur la mer , au lieu que le grand grèbe
_se trouve plus fréquemment dans les eaux
douces. |
* Voyez les planches enluminées, n° 942.
* DES GRÈRBES. 147
(
LE GRÈBE HUPPÉ*.
Troisième espèce.
Lrs plumes du sommet de la tête de ce
grèbe s’alongent un peu en arrière, et lui
forment une espèce de huppe qu’il FINTaet
ou baisse selon qu'il est tranquille ou
agité. Il est plus grand que le grèbe com-
mun , ayant au moins deux pieds du bec
aux ongles ; mais il n’en diffère pas par le
plumage : tout le devant de son corps est
de même d’un beau blanc argenté, et le
dessus d’un brun noirâtre , avec un peu
de blanc dans les ailes ; et ces couleurs
forment la livrée générale des grèbes.
Il résulte des notices comparées des
ornithologistes, que le grèbe huppé se
trouve également en mer et sur les lacs,
dans la Méditerranée comme sur nos côtes
* Voyez les planches enluminées, n° 944.
(hate:
Mad. che
7 à À
f L
AE.
148 HISTOIRE NATURELLE
de l'Océan ; son espèce même se trouve
dans l'Amérique septentrionale, et nous
l'avons reconnu dans l'acili du lac du
Mexique de Hernandès. |
L'on a observé que les jeunes grèbes de
cette espèce, et apparemment il en est de
mème des autres , n’ont qu'après la mue
leur beau blanc satiné ; l'iris de l'œil,
qui est toujours fort brillant etrougeûtre,
s’enflamme et devient d’un rouge de rubis
dans la saison des amours. On assure que
cet oiseau détruit beaucoup de jeunes
merlans, de frai d’esturgeon, et qu’il ne
mange des chevrettes que faute d'autre.
nourriture *.
L'n
* Observations faites dans la Manche par M.
Baillon, de Monireuil-sur-mer.
À 2
} /
DES GRÈBES. 18
LE PETIT GRÈBE HUPPÉ.
Quatrième espèce.
Cr: grèbe n’est pas plus gros qu'une sar-
celle , et il diffère du précédent non seu-
lement par la taille, mais encore en ce
que les plumes du sommet de la tête qui
forment la huppe, se séparent en deux
petites touffes , et que des taches de brun
marron se mêlent au blanc du devant du
cou. Quant à l'identité soupconnée par
M. Brisson, de cette espèce avec celle du
grèbe cendré de Willughby, il est très-
difficile d’en rien décider , ce dernier na-
turaliste et Ray ne parlant de leur grèbe
cendré que sur un simple dessin de M.
Brown.
150 HISTOIRE NATURELLE
4 ve à
LE GRÉÈBE CORNU *.
/ Cinquième espèce.
Cr grèbe porte une huppe noire parta-
gée en arrière, et divisée comme én deux
cornes : il a de plus une sorte de crinière
ou de chevelure enflée, rousse à la ra-
cine, noire à la pointe, coupée en rond
autour du cou; ce qui lui donne une
physionomie tout étrange , et Pa fait
regarder comme une espèce de monstre.
Il est un peu plus grand que le grèbe
commun ; son plumage est le même, à
l'exception de la crinière et des flancs,
qui sont roux.
: L'espèce de ce grèbe cornu paroît être
fort répandue ; on la connoît en Italie,
en Suisse, en Allemagne, en Pologne,
en Hollande , en Angleterre. Comme cet
* Voyez les planches enluminées , n° 400.
Zom 10, Âlz.Pag 130 ,
LE GRÉBE CORNU.
J SD auquet- KE
K
A Lo
W
DES GR È BES. 157
oiseau est d’une figure fort singulière, il
a été par-tout remarqué; Fernandès, qui
l'a fort bien décrit au Mexique , ajoute
qu’il y est surnommé lièvre d'eau, sans eu
dire la raison.
DD. LEA
e HA
1$2 HISTOIRE NATURELLE
LE PETIT GRÉBE CORNU *.
Sixième espèce.
r y a la même différence pour la taille
entre les deux grèbes cornus qu'entre les
deux grèbes huppés : le petit grèbe cornu
a les deux pinceaux de plumes qui, par-
tant de derrière les yeux, lui forment ses
cornes d’un roux orangé ; c’est aussi la
couleur du devant du cou et des flancs.
Il a le haut du cou et la gorge garnis de
plumes renflées , mais non tranchées ni
coupées en crinière : ces plumes sont d’un
brun teint de verdâtre , ainsi que le des-
sus de la tête ; le manteau est brun, et le
plastron est d’un blanc argenté, comme
dans les autres grèbes. C’est de celui-ci en
particulier que Linnæus dit que le nid est
flottant sur l’eau dans les anses. Il ajoute
* Voyez les planches enluminées, n° 404, fig, 2,
sous le nom de grébe d'Esclaronie.
_
:
DES GRÈBES. , 153
que ee grèbe pond quatre ou cinq œufs, fo
et que sa femelle est toute grise.
Il est connu dans la plupart des con-
trées d'Europe , soit maritimes, soit mé-
diterranées. M. Edwards l’a recu de la
baie d'Hudson. Ainsi il se trouve encore
dans l'Amérique septentrionale : mais
cette raison ne paroît pas suffisante pour
lui rapporter, avec M9 Brisson, l’yaca-
pitzahoac de Fernandès , qui, à la vérité,
paroît bien être un grèbe, mais que rien
ne caractérise assez pour assurer qu'il est
particulièrement de cette espèce ; etquant
au #rapazorola de Gesner , que M. Brisson
y rapporte également , il y a beaucoup
plus d'apparence que c’est le castagneux,
ou tout au moins il est certain que ce
n’est pas un grèbe cornu, puisque Gesner
dit formellement qu'il n’a nulle espèce de
erête.
LEA
‘a54 HISTOIRE NATURELLE à
À | "+ *
LE GRÈBE DUC-LAART.
Septième espèce. A
A
D."
N ous conservérons à ce grèbe le nom
que lui donnent les habitans de l'île Saint-
Thomas, où il a été observé et décrit par
le P. Feuillée. Ce qui le distingue le plus,
est une tache noire qui se trouve au mi-
lieu du beau blanc du plastron, et la
couleur des ailes, qui est d’un roux pâle.
Sa grosseur , dit le P. Feuillée, est celle
d'une jeune poule. Il observe aussi que la
pointe du bec est légèrement courbée;
caractère qui se marque également dans
d'espèce suivante.
CCR LR RTE GUEEE)
Le MINS GR LR S. 155
LE GRÉBE DE LA LOUISIANE*.
Huitièrne espèce.
Ovrre le caractère de la pointe du bec
légèrement courbée, ce grèbe diffère de
la plupart des autres, en ce que son plas-
tron n’est pas pleinement blanc, mais
fort chargé aux flancs de brun et de noi-
râtre, avec le devant du cou de cette
dernière teinte. IL est aussi moins grand
que le grèbe commun. e
* Voyez les planches enluminées, n° 943.
re AS
56 HISTOIRE NATURELLE
|
!
. LE GRÈBE À JOUES GRISES,
cu
LE JOUGRIS+.
Neuvième espèce.
ER
Pour dénommer particulièrement des -
espèces qui sont en grand nombre, ct
dont les différences sont souvent peu sen-
sibles , il faut quelquefois se contenter
de petits caractères , qu’autrément on né
penseroit pas à relever : telle est la néces-
sité qui a fait donner à ce grèbe le nom
de jougris, parce qu’en effet il a les joues
et la mentonnière grises; le devant de
son cou est roux, ef son manteau d’un
brun noir. Il est à peu près de la grandeur
du grèbe cornu.
* Voyez les planches enluminées, n° 931.
C smenenenennes |
DES GRÈBES. 159
LE GRAND GREÉBE#*.
Dixième espèce.
C: E sr moins par les dimensions de son
corps que par la longueur de son cou que
ce grèbe est le plus grand des oiseaux de
ce genre; cette longueur du cou fait qu'il
a la tête de trois ou quatre pouces plus
élevée que celle du grèbe commun , quoi-
qu'il ne soit ni plus gros ni plus grand. Il a
le manteau brun, le devant du corps
d’un roux brun ; couleur qui s'étend sur
les flancs et qui ombrage le blanc du plas-
tron, lequel n’est guère net qu’au milieu
de l’estomac. Il se trouve à Cayenne.
Par l’énumération que nous venons de
faire , on voit que les espèces de la famille
du grèbe sont répandues dans les deux
continens. Elles semblent aussi s'être
* Voyez les planches enluminées, n° 404, fig. 1,
sous le nom de grébe de Cayenne.
14
158 HISTOIRE NATURELLE. 1
portées d’un pole à l’autre : le Aaarsaak et
l'esarokitsok des Groenlandois sont, à ce
qu’il paroît, des grèbes; et du côté du
pole austral, M. de Bougainville a trouvé
aux îles Malouiniél deux oiseaux qui nous
Paroissent être des grèbes plutôt que des
plongeons. |
: MMAMOLTEE AND AL
“ — Æ #- PE SIRET ER ER ON ANR EN À dE leger Gin 2 L;
3 r . Lac 2e per Ann aq Far Samyoe Gurtinéthtle bp aSeM
" 4 ” dé + = Er
FPE 6 \ 1 À L
%
-E
LE CASTAGNEUX*
Première espèce.
N ous avons dit que le castagneux est
un grèbe beaucoup moins grand que tous
les autres; on peut même ajouter qu’à
l'exception du petit pétrel, c’est le plus
petit de tous les oiseaux navigateurs : il
ressemble aussi au pétrel par le duvet dont
il est couvert au lieu de plumes; mais
. du reste il a le bec, les pieds et tout le
corps entièrement conformés comme les
-grèbes. Il porte à peu près les mêmes con-
leurs; mais comme il à du brun châtain
ou couleur de marron sur le dos , on lui a
donné le nom de castagneux. Dans quel-
ques individus ,;le devant du corps est
gris, et non pas d’un blanc lustré ; d’autres
sont plus noirâtres que bruns sur le dos,
et cette variété dans les couleurs a été
désignée par Aldrovande. Le castagneux
. * Voyez les planches enluminées, n° 905.
16o HISTOIRE NATURELLE
n’a pas plus que le grèbe la faculté de se
tenir et demarcher sur la terre; ses jambes
traînantes et Jetées en arrière ne peuvent -
s’y soutenir, et ne lui servent qu'à nager.
Il a peine à prendre son vol; mais une
fois élevé , il ne laisse pas d’aller loin.
On le voit sur les rivières tout l'hiver,
temps auquel il est fort gras ; mais, quoi-
qu'on l’ait nommé grèbe de rivière, on en
voit aussi sur la mer, où il mange des
chevrettes , des éperlans , de même qu'il
se nourrit de petites écrevisses et de me-
nus poissons dans les eaux douces. Nous
lui avons trouvé dans l’estomac des grains
de sable; il a ce viscère musculeux et
revêtu intérieurement d’une membrane
glanduleuse , épaisse et peu adhérente ;
les intestins, comme l'observe Belou,
sont très-gréles ; les deux jambes sont atta-
chées au derrière du corps par une mem-
brane qui déborde quand les jambes s’é-
tendent , et qui est attachée fort près de
l'articulation du tarse ; au-dessus du crou-
pion sont, en place de queue, deux petits
pinceaux de duvet qui sortent chacun
d’un tubercule ; on remarque encore que
|
DES CASTAGNEUX. 16#
les membranes des doigts sont encadrées
d’une bordure dentelée de petites écailles
symétriquement rangées. je |
Au reste, nous croyons que le #ropazo-
rola de Gesner est notre castagneux. Ce
_ naturaliste dit que c’est le premier oiseau
qui reparoisse après l'hiver sur les lacs de
Suisse. | à
14
362 HISTOIRE NATURELLE 1
J n
2
à | Mi
LE CASTAGNEUX.
DES PHILIPPINES*
_ Seconde espèce.
Qvorqus ce castagneux soit un pe
_ plus grand que celui d'Europe, et qu’il
en diffère par deux grands traits de cou-
leur rousse qui lui teignent les joues et
les côtés du cou, ainsi que par une teinte
de pourpre jetée sur son manteau , ce
n’est peut-être que le même oiseau modifié
par le climat. Nous pourrions prononcer
plus affirmativement, si les limites qui
séparent les espèces, ou la chaîne qui les
unit, nous étoient mieux connues ; mais
qui peut avoir suivi la grande filiation de
toutes les généalogies dans la Nature? Il
faudroit être né avec elle, et avoir, pour
Ev,
J
* Voyez les planches enluminées, n° 045.
DES CASTAGNEUX. 163
ainsi dire, des observations contempo-
raines. C’est beaucoup, daus le court es-
pace qu’ilnous est permis de saisir, d’ob-
server ses passages, d'indiquer sesnuances,
et de soupconner les transformations ie
nies qu’elle a pu subir ou faire depuis les
temps immenses qu'elle a travaillé ses
ouvrages. ne
“164 HISTOIRE NATURELLE |
[
LE CASTAGNEUX
A BEC CERCLÉ.
Troisième espèce.
4
Ux petit ruban noir qui environne le
milieu du bec en forme de cercle, est le
caractère par lequel nous avons cru de-
voir distinguer ce castagneux ; il a de
plus une tache noire remarquable à Ja
base de la mandibule inférieure du bec.
Son plumage est tout brun , foncé sur la
tête et le cou , clair et verdâtre sur la poi-
trine. On le trouve sur les étangs d’eau
douce, dans les parties inhabitées de la
st
DES CASTAGNEUX. x16%
LE CASTAGNEUX
DE SAINT-DOMINGUE.
Quatrième espèce.
Ox voit que la famille des castagneux
ou petits grèbes n’est pas moins répan-
due que celle des grands. Celui-ci, qui
se trouve à Saint-Domingue, est encore
plus petit que le castagneux d'Europe ; sa
longueur , du bec au croupion, n’est
guère que de sept pouces et demi : il est
noirâtre sur le corps, et gris blanc argen-
té , tacheté de brun, en-dessous.
De
1:
166 HISTOIRE NATURELLE
LE GRÈBE-FOULQUE *.
Cinquième espèce. -
L A Nature trace des traits d'union pres-
que par-tout où nous voudrions marquer
des intervalles et faire des coupures ; sans
quitter brusquement une forme pour pas-
ser à une autre, elle emprunte de toutes
deux , et compose un être mi-parti qui
réunit les deux extrêmes, et remplit Jus-
qu'au moindre vide de l'ensemble d’un
tout, où rien n’est isolé. Tels sont les
traits de l'oiseau grèbe-foulque , jusqu’à
ce Jour inconnu , et qui nous a été en-
voyé de l’Amérique méridionale. Nous
lui avons donné ce nom , parce qu’il porte
les deux caractères du grèbe et de la
foulque ; il a, comme elle, une queue
assez large et d'assez longues ailes ; tout
# Voyez les planches enluminées, n° 893.
17 LD : Le “th 4 A CAL !
es SA:
: . { ide
1 DES CASTAGNEUX. 167
son manteau est d’un brun olivâtre, et
tout le devant du corps est d’un très-beau
blanc ; les doigts et les membranes dont
ils sont garnis , sont barrés transversale-
ment de raies noires et blanches ou Jau+
nâtres ; ce qui fait un effet agréable. Au
reste , ce grèbe-foulque , qui se trouve à
Cayenne, est aussi petit que notre casta-
gneux.
! LES PLONGEONS "”
Ovorqur beaucoup d'oiseaux aqua-
tiques aient l'habitude de plonger, même
jusqu’au fond de l’eau , en poursuivant
leur proie, on a donné de préférence le
nom de plongeon à une petite famille
particulière de ces oiseaux plongeurs,
qui diffère des autres en ce qu’ils ont le
bec droit et pointu , et les trois doigts
antérieurs Joints ensemble par une mem-
brane entière, qui Jette un rebord le long
du doigt intérieur , duquel néanmoins le
postérieur est séparé. Les plongeons ont
de plus les ongles petits et pointus?, la
1 Le plongeon, en général, se nomme en latin
mergus ; en hébreu et en persan, kaath ; en arabe,
semag ; enitalien, mergo , mergone ; en anglois,
diver, ducker ; en allemand, ducher, duchent ,
taucher ; en groenlandois, navïarsonck.
2 C’est du grèbe, et non pas du plongeon, qu'il
faut entendre ce que Schwenckfeld dit, que seul
eutre les oiseaux, 1l a les ongles applatis : Merso |
unico inter aves lati sunt ungues.
Tom 16.
Ll13. lag. 1268,
LE PLONGEON.
1TDauquer S
j
hi:
amie (il de Nr tn
ù Lit M
HISTOIRE NATURELLE. 169
queue très-courte et presque nulle , les
pieds très-plats et placés tout-à-fait à l’ar-
rière du corps ; enfin la jambe cachée dans
l'abdomen , disposition très-propre à l’ac-
tion de nager , mais très-contraire à celle
de marcher : en effet, les plongeons,
comme les grèbes, sont obligés sur terre
à se tenir debout dans une situation
droite et presque perpendiculaire, sans
pouvoir maintenir l'équilibre dans leurs
mouvemens , au lieu qu'ils se meuvent
daus l’eau d’une manière si preste et si
prompte, qu'ils évitent la balle en plon-
geant à l'éclair du feu, au même ins-
tant que le coup part : aussi les bons
chasseurs, pour tirer ces oiseaux, adap-
tent à leur fusil un morceau de car-
ton, qui, en laissant la mire libre, dé-
robe l'éclair de l’amorce à l'œil de l’oi-
seau.
Nous connoissons cinq espèces dans le
genre du plongeon , dont deux , l’une
assez grande et l’autre plus petite, se
trouvent également sur les eaux douces,
dans l'intérieur des terres et sur les eaux
salées , près des côtes de la mer ; les trois
19
170. HISTOIRE NATURELLE ©
autres espèces paroissent attachées unis
quement aux côtes maritimes , et spé=!
cialement aux mers du Nord : nous allons
donner la descri ption de chacune en par« |
ticulier., |
* DES PLONGEONS. x7r
2
\
LE GRAND PLONGEON *.
Première espèce.
C E plongeon est presque de la grandeur
et de la taille de l’oic. Il est connu sur les
lacs de Suisse , et le nom de s/vder qu'on
lui donne sur celui de Constance , marque,
selon Gesner, sa pesanteur à terre et l’im-
puissance de marcher, malgré l’effort qu'il
fait des ailes et des pieds à la fois. Il ne
prend son essor que sur l’eau : mais dans
cet élément ses mouvemens sont aussi
faciles ct aussi légers que vifs et rapides;
il plonge à de très-grandes profondeurs,
et nage entre deux eaux à cent pas de
, distance sans reparoître pour respirer ;
une portion d’air renfermée dans la tra-
chée-artère dilatée fournit pendant ce
temps à la respiration de cet amphibie
ailé, qui semble moins appartenir à l’élé-
ment de l’air qu’à celui des eaux. Ii en
_.*# Voyez les planches enluminées, n° OI4»
LES |
‘172 HISTOIRE NATURELLE
est de même des autres plongeons et des
grèbes ; ils parcourent librement et en
tout sens les espaces dans l’eau : ils y
trouvent leur subsistance, leur abri, leur
asyle ; car si l’oiseau de proie paroît en
l'air |, ou qu’un chasseur se montre sur
le rivage, ce n’est point au vol que le
plongeon confe sa fuite et son salut ; il :
plonge, et, caché sous l’eau, se dérobe à
l'œil de tous ses ennemis. Mais l’homme,
plus puissant encore par l’adresse que par
la force , sait lui faire rencontrer des em-
bûches jusqu’au fond de son asyle; un
filet, une ligne dormante amorcée d’un
petit poisson , sont les piéges auxquels
l'oiseau se prend en avalant sa proie:il
meurt ainsi en voulant se nourrir, et
dans l'élément même sur lequel il est né;
car on trouve sou nid posé sur l’eau , au
milieu des grands joncs dont le pied est |
baigné. |
Aristote observe, avec raison , que les
plongeons commencent leur nichée dans
le premier printemps , et que les mouettes
ne nichent qu’à la fin de cette saison ou
au commencement de l'été : mais c'est
LE PrAT CPE à CADRES ALES
14210 0 20, HAN |
Lu
|
DES PLONGEONS. 173
improprement que Pline , qui souvent ne
fait que copier ce premier naturaliste , le
contredit ici, en employant le nom de
mnergus pour désigner un oiseau d’eau
qui niche sur les arbres ; cette habitude,
qui appartient au cormoran et à quelques
autres oiseaux d’eau , n’est nullement
celle du plongeon, puisqu'il niche au bas
des joncs. NRA ES
Quelques observateurs ont écrit que ce
grand plongeon étoit fort silencieux : ce-
pendant Gesner lui attribue un cri parti-
culier et fort éclatant ; mais apparem-
ment on ne l’entend que rarement.
Au reste, Willughby semble recon-
noître dans cette espèce une variété qui
diffère de la première , en ce que l'oiseau
a le dos d’une seule couleur uniforme,
au lieu que le grand plongeon commun
a le manteau ondé de gris blanc sur gris
brun , avec un même brun nué et poin-
tillé de blanchäâtre sur le dessus de la
tête et du cou, qui de plus est orné vers le
bas d’un demi-collier teint des mêmes
couleurs , terminées par le beau blanc de
la poitrine et du dessous du corps.
15
#4 HISTOIRE NATURELLE
LE PETIT PLONGEON *.
__ Seconde espèce.
{
Cr petit plongeon ressemble beaucoup
au grand par les couleurs, et a de même
tout le devant du corps blanc ; le dos et
le dessus du cou et de la tête, d’un cendré
noirâtre, tout parsemé de petites gouttes
blanches : mais ses dimensions sont bien
moindres ; les plus gros ont tout au plus
un pied neuf pouces du bout du bec à
celui de la queue , deux pieds jusqu’au
bout des doïgts, et deux pieds et demi
d'envergure, tandis que le grand plon-
geon en a plus de quatre, et deux pieds
et demi du bec aux ongles. Du reste, leurs
habitudes naturelles sont à à peu ue les
mêmes. |
On voit en tout temps les plsbbébs de
cette espèce sur nos étangs, qu'ils ne
. quittent que quand la glace les force à se
‘* Voyez les planches enluminées , n° 92, sous
la déuommation de plongeon. | |
/
© DES PLONGEONS. 179.
transporter sur les rivières et les ruisseaux
d’eau vive ; ils partent pendant la nuit,
et ne s’éloignent que le moins qu'ils
peuvent de leur premier domicile. L’on
avoit déja remarqué, du temps d’Aris-
tote , que l'hiver ne les faisoit pas dispa-
roître. Ce philosophe dit aussi que leur
ponte est de deux ou trois œufs; mais nos
chasseurs assurent qu’elle est de trois où.
quatre, et disent que quand on approche
du nid, la mère se précipite et se plonge,
et que les petits tout nouvellement éclos
se jettent à l’eau pour la suivre. Au reste,
c’est toujours avec bruit et avec un mou-
vement très-vif des ailes et de la queue,
que ces oiseaux nagent et plongent ; le
mouvement de leurs pieds se dirige em
nageant, non d'avant en arrière , mais
de côté et se croisant en diagonale. M. Hé-
bert a observé ce mouvement en tenant
captif uu de ces plongeons, qui, retenu
seulement par un long fil, prenoit tou-
jours cette direction : il paroissoit n’avoir
rien perdu de sa liberté naturelle ; il étoit
sur une rivière où il trouvoit sa vie en
happant de petits poissons.
: ‘ , TU
!
476 HISTOIRE NATURELLE
L)
LTUA }
, LE PLONGEON CAT-MARIN.
Troisième espèce.
à]
Cr plongeon, fort semblable à notre
petit plongeon d’eau douce , nous a été
envoyé des côtes de Picardie, qu'il fré-
. quente, sur-tout en hiver, et où les pê-
cheurs l'appellent cat- marin (chat de -
mer ), parce qu'il mange et détruit beau-
coup de frai de poisson. Souvent ils le
prennent dans les filets tèndus pour les
macreuses , avec lesquelles ce plongeon
arrive ordinairement ; car on observe
qu'il s'éloigne l'été, comme s’il alloit pas-
ser cette saison plus au nord : quelques
* uns cependant, au rapport des matelots,
nichent dans les Sorlingues , sur des ro-
chers où ils ne peuvent arriver qu’en par-
tant de l’eau par un effort de saut , aidé du
mouvement des vagues; car sur terre ils
sont, comme les autres plongeons, dans
DES PLONGEONS. +77
l'impuissance de s'élever par le vol; ils ne
peuvent même courir que sur les vagues,
qu'ils efleurent rapidement dans une atti-
tude droite ; et la partie postérieure du
corps plongée dans l’eau.
Cet oiseau entre avec la marée dans les
embouchures des rivières. Les petits mer-
lans, le frai de l’esturgeon et du congre,
sont ses mets de préférence. Comme il
nage presque aussi vite que les autres
oiseaux volent , et qu’il plonge aussi bien
qu'un poisson , il a tous les avantages
possibles pour se saisir de cette proie
fugitive. |
Les jeunes , moins adroits et moins exer-
cés que les vieux , ne mangent que des
chevrettes ; cependant les uns et les
autres, dans toutes les saisons, sont ex-
trèemement gras. M. Baillon, qui a très-
bien observé ces plongeons sur les côtes
de Picardie , et qui nous donne ces dé-
tails , ajoute que , dans cette espèce, la
femelle diffère du mâle par la taille , étant
ae deux pouces à peu près au-dessous des
dimensions de celui-ci, qui sont de deux
pieds trois pouces de la pointe du bec au
178 HISTOIRE NATURELLE
bout des ongles, et de trois pieds deux,
pouces de vol. Le plumage des Jeunes,
jusqu’à la mue, est d’un noir enfumé,
sans aucune des taches blanches dont le
dos des vieux est parsemé.
Nousrapporterons à cette espèce, comme
variété, un plongeon à tête noire , dont
M. Brisson a fait sa cinquième espèce, en
lui appliquant des phrases de Willughby
et de Ray , lesquelles désignent l’imbrim
ougrand plongeon des mers du Nord, dont
nous allons parler, et qui ne doivent pas
être rapportées aux petits plongeous.
Au reste, une remarque que l’on a
faite , sans l'appliquer spécialement à une
espèce particulière de plongeouns, c'est
que la chair de ces oiseaux devient meil-
leure lorsqu'ils ont vécu dans la baie de
Longkh - foyle, près de Loudoudery en
Irlande , d’une certaine plante dont la
tige est tendre et presque aussi douce ,
dit-on , que celle de la canne à sucre. |
»
h
P?
CAS
SUR
? 7 17) D y
hs
L'IMBRIM -
fl
lo GRAND PLONGEON DE LA MER DU NORD.
}. Dau quë
a nee rm 6 re =zx = meme = « =
L’IMBRIM,
oO D.
GRAND PLONGEON DE LA MER DÜ
NORD e
Quatrième espèce.
li mis
1. MBRrIM est le nom que porte à l’île
Feroé ce graud plongeon, connu aux
Orcades sous celui d’enmberyoose. I est plus
gros qu’une oie, ayant près de trois pieds
du bec aux. ongles, et quatre pieds. de
vol. Il est aussi très-remarquable par un
collier échancré en travers du cou, et.
tracé par de petites raies longitudinales,
* Voyez les planches enluminées, n° 952.
Huubrye, par les, Islandois, selon Anderson,
gui dit que cet oiseau ressemble beaucoup au vau=
iour (geir-fugl) par sa grosseur ét par ses cris;
mais ce prétendu vautour ést un harle,
180 HISTOIRE NATURELLE
alternativement noires et blanches ; le
fond de couleur dans lequel tranche colle
bande, est noir , avec des reflets verds
au cou et violets sur la tête; le manteau
est à fond noir, tout parsemé de mou-
chetures blanches ; tout le dessous du
corps est d’un beau blanc.
Ce grand plongeon paroît quelquefois
en Anplétarre dans les hivers rigoureux *:
mais en tout autre temps il ne quitte pas
les mers du Nord, et sa retraite ordinaire
est aux Orcades , aux îles Feroé , sur les
côtes d'Islande et vers le Groenland; car àl
est aisé de le reconnoître dans le zuglek
des Groenlandois.
‘Quelques écrivains du Nord, tels que
Hoicrus, médecin de Berghen, ont avancé
que-ces oiseaux faisoient leurs nids et
leurs pontes sous l'eau : ce qui, loin
d’étre vrai, n’est pas même vraisemblable ;
et ce qu’ on lità ce sujet dans les Pr
tions philosophiques, que l’imbrim tient
ses œufs sous ses ailes, et les couve ainsi
en les portant par -tout avec lui, me.
* Nous en avons même reçu uu qui à ÉLÉ LU cet :
hiver (1700) sur la côte. de Picardies4uu es ds à
DES PEONGEONS. 18€
paroît également fabuleux.Tout ce qu’on
peut inférer de ces contes, c’est que pro-
bablement cet oiseau niche sur des écueils
ou des côtes désertes , et que jusqu’à ce
jour aucun observateur n’a vu son nid.
D)
Oisraux, XV I. H
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ON D'ART
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ide HISTOIRE NATURELLE
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OU
PETIT PLONGEON DE LA MER
/. DU NORD *.
» Cinquième espèce.
DRE TIENNE ENT An
ja ou /oom en lappon veut dire
boiteux, et ce nom peint la démarche
chancelante de cet oiseau lorsqu'il se
trouve à terre, où néanmoins il ne s’ex-
pose guère , nageant presque toujours,
et nichant à la rive même de l’eau sur les
côtes désertes. Peu de gens ont vu son
nid , et les Islandois disent qu’il couve ses
œufs sous ses ailes cn pleine mer ; ce qui
n’est guère plus vraisemblable que la cou-
vée de l’imbrim sous eau.
* Voyez les planches PP A n° 308 , la
femelle, sous la dénomination de plongeon a 80r8°
JOuge | de Sibérie. MEN
1
DES PLONGEONS. 183
Le lumme-est' moins grand que l’im:
brim, et n’est que de la taille du canard
Il a le dos noir , parsemé dé petits quarrés
blancs , la gorge noire, ainsi que le de-
vant de la tête, dont le dessus est cou-
vert de plumes grises ; le haut du cowest
garni .de semblables plumes grises , et
paré en devant d’une longue pièce nuée
de noir changeant en violet et en verd ;
un duvet épais, comme celui du cygne,
revêt toute la peau, et les Lappons se
font des bonnets d'hiver de ces bonnes
fourrures. ". k
IL paroît que ces plongeons ne quittent.
guère la mer du Nord, quoique de temps
en temps, au rapport de Klein, ils se
montrent sur les côtes de la Baltique , et
qu'ils soient bien connus dans toute la
Suède. Leur principal domicile est. sur les
côtes de Norvége, d’Islande et de Groen-
land ; ils les fréquentent pendant tout
l'été, et y font leurs petits, qu'ils élèvent
_avec des soins et une sollicitude singu-
\lière. Anderson nous fournit à ce sujet
des détails qui seroient intéressans s'ils
étoient tous exacts. Il dit que la ponte
184 HISTOIRE NATURELLE
n’est que de deux œufs , , et qu’ aussitôt
qu'un petit lumme est assez fort pour
quitter le nid, le père et la mère le con:
duisent à L'edi l’un volant toujours au-
dessus de lui pour le défendre de l'oiseau
de proie, l’autre au-dessous pour le rece-
voir sur le dos en cas de chûte, et que si,
malgré ce secours, le petit tombe à terre,
les parens s’y précipitent avec lui, et,
plutôt que de l’abandonner, se laissent
prendre par lés hommes ou manger par
les renards, qui ne manquent jamais de
guetter ces occasions, et qui, dans ces
régions glacées et dépourvues de gibier
de terre, dirigent toute leur sagacité et
toutes leurs ruses à la chasse des oiseaux.
Cet auteur ajoute que quand une fois les :
lummes ont gagné la mer avec leurs
petits , ils ne reviennent plus à terre ; 1l
assure même que les vieux qui par hasard
ont perdu leur famille, ou quiont passé le
temps de nicher, n’y viennent Jamais,
nageant toujours par troupes de soixante
ou nr cent. « Si on jette, dit-il, un petit
« dans la mer devant une de ces troupes,
« tous les lummes viennent sur-le-champ
DES PLONGEONS. 185
_ « l'entourer, et chacun s’empresse de l’ac-
« ot : au point de se battre entre
« eux autour de lui, jusqu’ à ce que le
« plus fort l’emmène ; mais si par hasard
« la mère du petit survient, toute la que-
« relle cesse sur-le-champ , et on lui cède
__«< son enfant. » TO
A l'approche de l'hiver, ces oiseaux
s’'éloignent et disparoissent jusqu’au re-
tour du printemps. Anderson conjecture
que, déclinant entre le sud et l’ouest, ils
seretirent vers l'Amérique, et M. Edwards
reconnoît en effet que cette espèce est
commune aux mers septentrionales de ce
continent et de celui de. l'Europe : nous
pouvons y ajouter celles du continent de
l'Asie ; car le plongeon à gorge rouge
venu de Sibérie, et donné sous cette indi-
cation dans nos planches enluminées ,
n° 308, est exactement Le même que celui
de la planche 97 d'Edwards, que ce na-
turaliste donne comme la femelle du
lumme , d’après le témoignage non sus-
pect de son correspondant M. Isham , bon
observateur , qui lui avoit ra DpOHÉ l’un
et l’autre de Groenland.
16
LL " N'a ‘ Nm "6 Vs VAUT (aa
186 HISTOIRE NATURELLE |
Dans la saison que les lummes LR
sur les côtes de Norvége, leurs différens,
cris servent aux habitans de présage pour
le beau temps ou les pluies ; c’est appa-
remment par cetteraison qu'ils épargnent
la vie de cet oiseau, et qu'ils n’aiment
pas même à le trouver pris dans leurs
filets. 7
Linnœæus distingue dans cette espèce
une variété, et dit, avec Wormius, que
le lumme niche à plat sur le rivage, au
bord même de l’eau ; sur quoi M. Ander-
son semble n'être pas d’accord avec lui-
même *. Au reste, le Z4mb du Spitzherg
* Tome I°* de son Histoire naturelle d'Islande
ct de Groenland , page 93, il dit que le lumme
niche sur les rives désertes au bord de l’eau, elle-
ment qwil peut rentrer immédiatement de la mer
dans son nid, et même boire restant assis sur
ses œufs. Tome IT, page 52, 1l prétend que les
lummes font leurs Hs sur les plus hauts rochers,
et sur de petits morceaux saillans du roc: Ceute
contrariété ne peut se concilier qu ’en disant que
ces oiseaux savent placer leurs nids suivant que la
côté leur offre pour cela une grève or ou des
bords escarpés.
, |
DES PLONGEOGNS. 1:87
de Martens paroît, suivant l'observation
de M. Ray , être différent des lummes du
Groenland et d'Islande , puisqu "il a le bee
crochu , quoique d’ aileitret son affection
pour ses petits, la manière dont il les
conduit à la mer en les défendant de l’oi-
seau de proie , lui donnent beaucoup de
rapports avec ces oiseaux par les habi-
tudes naturelles; et quant aux /oms du
navigateur Bareutz, rien n’empeéche qu’on
ne les regarde comme les memes oiseaux
que nos lummes, qui peuvent bien en
effet fréquenter la nouvelle Zemble.
L*
_
LE HARLE#.
Pramièle espèce.
æ”-
Lr harle , dit Belon, fait autant de dé-.
gât sur un étang qu’en pourroit faire un
bièvre ou castor : c’est pourquoi , ajoute-
t-il, le peuple donne le nom de bièvre à
cet oiseau: Mais Belon paroît se tromper
ici avec le peuple, au sujet du bièvre ou
castor, qui ne mange pas de poisson, mais
de l'écorce et du bois tendre ; et c’est à
la loutre qu’il falloit comparer cet oiseau
ichthyophage , puisque de tous les ani-
maux quadrupèdes aucun ne détruit atu-
tant de poisson que la loutre. . |
Le harle est d’une grosseur intermé-
* Voyez les planches enluminées, n° 057, Je
mâle, et n° 953, la femelle. Éd |
En anglois, goosander, et la femelle , DE
diver, sparling-foul ; en allemand, meer-rach ,
weltsch-eent ;-et sur le lac de Constance, gan ou
ganner; en ttlic, autour du lac re gare
ETNEY
GAIÉ \ p |
Tom16 LL 126 Leg 286 .
SET LE BE
AN MA c \ ra
LP dément NA 1 PAR UN
RON MNR Prend € à io ah Dre tr Ru NNICIE à
‘
HISTOIRE NATURELLE. 189
diaire entre le canard et l’oie : mais sa
taille, son plumage et son volraccourci,
lui donnent plus de rapport avec le ca-
_mard. C’est avec peu de justesse que Ges-
ner lui a donné la dénomination de »er-
ganser(oie-plongeon), par la seule ressem-
blance du bec à celui du plongeon , puis-
que cette ressemblance est très-impar-
faite. Le bec du harle est à peu près cylin-
drique et droit jusqu’à la pointe, comme
celui du plongeon : mais il en diffère en
ce que cette pointe est crochue et fléchie
en manière d’ongle courbe, d’une subs-
tance dure et cornée ; et il en diffère en-
core en ce que les bords en sont garnis de
dentelures dirigées en arrière. La langue
est hérissée de papilles dures et tournées
en arrière comme les dentelures du bec;
ce qui sert à retenir le poisson glissant,
et même à le conduire dans le gosier de
l'oiseau : aussi, par une voracité peu me-
surée , avale-t-il_ des poissons beaucoup
trop gros pour entrer tout entiers dans
son estomac; la tête se loge la première
dans l’œsophage , et se digère avant que
le corps puisse ÿ descendre.
oo HISTOIRE NATURELLE
Le harle nage tout le corps submergé
et la tête seule hors de l’eau ; il plonge pro:
fondément, reste tent sous l’eau,
et parcourt un grand espace avant de re-
paroître. Quoiqu'il ait les ailes courtes ,
son vol est rapide , et le plus souvent il
file au-dessus de l’eau, et il paroît alors
presque tout blanc : aussi l’appelle-t-on
harle blanc en quelques endroits, comme
en Brie , où il est assez rare. Cependant ül
a le devant du corps lavé de jaune pâle ;
le dessus du cou avec toute la tête est
d’un noir changeant en verd par reflets ;
et la plume, qui en est fine, soyeuse,
longue, et relevée en hérisson depuis la
nuque jusque sur le front , grossit beau-
coup le volume de la tête. Le dos est de
trois couleurs , noir sur le haut et sur les
grandes pennes des ailes , blanc sur les
moyennes et la plupart des couver-
tures, et joliment liséré de gris sur blanc
au croupion; la queue est grise; les
yeux, les pieds et une partie du bec sont
rouges.
Le harle est, comme on voit, un fort
bel oiseau ; mais sa chair est sèche et
1
/
PMU A RLETIU ‘ro
mauvaise à manger *. La forme de son
corpstest large et sensiblement applatie
sur le dos. On a observé que la trachée-
artère a trois renflemens , dont le der-
nier , près de la bifurcation , renferme un
labyrinthe osseux : cet appareil contient
l'air que l’oiseau peut respirer sous l’eau.
Belon dit aussi avoir remarqué que la
queue du harle est souvent comme frois-
sée ét rebroussée par le bout, et qu'il se
perche et fait son nid , comme le cormo-
ran , sur les arbres ou dans les rochers :
mais Aldroyande dit au contraire ,etavec
plus de vraisemblance, que leharle niche
au rivage, et ne quitte pas les eaux. Nous
n'avons pas eu occasion de vérifier ce fait:
ces oiseaux ne paroissent que de loin à
loin dans nos provinces de France ; et
toutes les notices que nous en avons re-
cues , nous apprennent seulement qu’il
se trouve en différens lieux , et toujours
en hiver. On croit en Suisse que son-appa-
rition sur les lacs annonce un grandhiver;
. * Belon rapporte le proverbe populaire, que
qui voudroit régaler le diable , lux serviroit Bièvre
#1 COTrmOraT. ;
Lu ñ TP A , #43" D: |
‘192 HISTOIRE NATURELLE # "4
et quoique cet oiseau doive être assez
connu sur la Loire , puisque c'est là, sui-
vaut Belon , qu’on lui a imposé le nomde
Aarle ou 4erle , il semble , d’après cet ob-
servateur lui-même , qu'il se transporte
en hiver dans des climats beaucoup plus
méridionaux ; car il est du nombre des
oiseaux qui viennent du Nord jusqu’en
Égypte pour y passer l'hiver, suivant Be-
lon, quoique , d’après ses propres obser-
vations , il paroisse que cet oiseau se
trouve sur le Nil en toute autre saison
que celle de l'hiver , ce qui est assez dif-
ficile à concilier. Dr.
. Quoi qu'il en soit, les harles ne sont
pas plus communs en Angleterre qu’en
France ; et cependant ils se portent jus-
qu’en Norvége, en Islande , et peut-être
plus avant dans le Nord. On reconnoît le
harle dans le gerr-fugl des Islandais ,auquel
Anderson donne mal-à-propos le nom de
vautour, à moins qu'on ne suppose que le
harle , par sa voracité , est le vautour de
la mer. Mais il paroît que ces oïiseaux
n’habitent pas constamment la côte d’Is-
lande , puisque les babitans , à chacune
7
D: TU TU TE & R'LE. 193
de leurs apparitions, ne manquent pas
d'attendre quelque grand événement.
Dans le genre du harle, la femelle est
coustamment et ns ndent plus
petite que le mâle. Elle en diffère aussi,
comme dans la plupart des espèces d’oi-
seaux d’eau, par ses couleurs : elle a la
tête rousse et le manteau gris; et c’est de
cette femelle , décrite par Belon sous le
nom de bièvre , que M. Brisson fait son
septième harle, comme on peut s’en con-
vaincre eu comparant sa notice, page 254,
et sa figure, planche 25, avec notre
plauche enluminée , n° 953, qui repré-
sente cette femelle. re
\ RT
194 HISTOIRE NATURELLE
LE HARLE HUPPÉ*.
Seconde espèce.
L > harle commun que nous venons de
décrire , n’a qu’un toupet, et non pas une
huppe : celui-ci porte une huppe bien
formée, bien détachée de la tête, et com-
posée de brins fins et longs , dirigés de
l'occiput en arrière.ll est de la grosseur
du canard ; sa tête et le haut du cou sont
d’un noir violet changeant en verd doré ;
la poitrine est d’un roux varié de blanc;
le dos noir ; le croupion et les flancs sont
rayés en zigzags de brun et de gris blanc;
l'aile est variée de noir et de brun, de
blanc et de cendré. Il y a des deux côtés
de la poitrine vers les épaules , d’assez
Jongues plumes blanches bordées de noir
-qui recouvrent le coude de l’aile lors-
* Voyez les planches enluminées, n° 207.
L
DU HARLE. 195
qu'elle ps pliée. Le bec et les pieds sont
rouges. La femelle diffère du mäle en ce
qu'elle a la tête d’un roux terne , le dos
gris, et tout le devant du corps blanc
foiblement teint de fauve sur la poitrine.
Suivant Willughby, cette espèce est
très-commune sur les lagunes de Venise;
et comme Muller témoigne qu’on la
trouve en Danemarck, en Norvége, et.
que Linnæus dit qu’elle habite aussi en
Lapponie , il est très-probable qu’elle fré-
quente les contrées intermédiaires : et en
effet Schwenckfeld assure que cet oiseau
passe en Silésie, où on le voit au com-
mencement de Res sur les étangs dans
les montagnes. M. Salerne dit qu'il est
fort commun sur la Loire : mais par la
manière dont il en parle
, il paroît l’a-
voir très-mal observé.
be RUES er LA Er
| p 34
196 HISTOIRE NATURELLE Es carS
LA PIETTE,
O U
LE PETIT HARLE HUPPÉ +.
Troisième espèce.
L, piette est un joli petit harle à plu-_
mage pie, et auquel on a donné quelque-
fois le nom de religieuse, sans doute à
cause de la netteté de sa belle robe blan-
che, de son manteau noir, et de sa tête
coiffée en effilés blancs, couchés en men-
tonnière et relevés en forme de bandeau, :
que coupe par-derrière un petit lambeaw
de voile d’un violet verd obscur; un demi- |
collier noir sur le haut du cou achève la
parure modeste et piquante de cette petite
religieuse ailée. Elle est aussi fort com-
* Voyez les planches a n° 449 e:
le ; Ant la femelle.
#
Tom 16 | PLATS Lay 196. à
LA PIETTE oz
LE PETIT HARLE HUPE..
ETC J:
Le te -à ASS
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4
ê ph A M. She de dat
à ‘ FUMER c
w De
ne
F.
DU HARLE.. 197
mune ; sous le nom de piefle, sur les
rivières d’Are et de Somme en Picardie,
où il n’est pas de paysan, dit Belon, qui
ne la sache nommer. Elle est un peu plus
grande que la sarcelle, mais moindre que
le morillon; elle a le bec noir et les pieds
d’un gris plombé; l’étendue du blanc et
du noir dans son plumage est fort sujette
à varier, de sorte que quelquefois rl est
presque tout blanc. La femelle n’est pas
aussi belle que le mâle; elle n’a point de
huppe ; sa tête est rousse, et le manteau
est gris. |
17
pdt. ati prés à
h
_ 28 HISTOIRE NATURELLE.
\ + 1 - AN ]
LE HARLE A MANTEAU NOIR.
. Quatrième espèce. ,
>
( Le
N ous réunissons ici sous la même es-
pèce le harle noir et le harle blanc et
noir de M. Brisson, qui.sont les troisième
et sixième harles de Schwenckfeld , parce
qu'il nous paroît qu'il y a entre eux moins
de différences que l’on n’en observe dans
ce genre entre le mâle et la femelle, d’au-
tant plus que ces deux harles sont à peu
près de la même taille. Belon, qui en a
décrit un sous Île nom de fiers, dit qu’on
l'appelle ainsi parce qu’il est comme
moyen ou eZ tiers entre la canne et le mo-
rillon, et que les ailes, par leur bigar-
rure , imitent la variété des ailes du mo- .
rillon : mais il a tort de joindresonharle
liers à cet oiseau, puisque le bec est en-
tièrement différent de celui du morillon:;
et quant à sa taille, elle est plus appro-
dec d
‘BUHA R LE: 109
chante de celle du canard. Au reste, il a
la tête, le dessus du cou , le dos, les
grandes pennes de l'aile d le coupion
noirs , et tout le devant du corps d’un
beau blanc , avec la queue brune. Cette
description convient donc en entier au.
harle blanc et noir de M. Brisson, et elle
convient également à son harle noir, ex-
cepté qu’au cou de celui-ci on voit du
rouge bai, et qu'il a la queue noire.
Tous deux ont le bec et les pieds rouges.
Schwenckfeld, en disant du premier qu'on,
le voit rarement en Silésie , n’insinue pas
que le dernier y soit plus commun, en
observant qu'il paroît quelques uns dé
ces oiseaux sur les rivières au mois de
mars, à la fonte des glaces.
200 HISTOIRE NATURELLE
nn
LE HARLE ÉTOILÉ.
Cinquième ps
L, grande différence de livrée entre le
mâle et la femelle dans le genre des harles
a causé plus d’un double emploi dans l’é-
numération de leurs espèces, comme on
peut le remarquer dans les listes de nos
amomenclateurs : nous soupconnons for-
tement qu'il y a encore ici une de ces
méprises qui ne sont que trop communes
en nomenclature ; il nous paroît que l’es-
pèce de ce harle étoilé, mieux décrite et
mieux connue , ne sera peut-être qu’une
femelle des espèces précédentes. Willugh-
by le pensoit ainsi : il dit que ce même
harle étoilé, qui est le r12ergus glacialis de
Gesner , n’est que la femelle de la piette;
et ce qui semble le prouver, c’est que le
mergus glacialis se trouve quelquefois tout
blanc ; particularité qui appartient à la :
€ SE he
{
RU TES RL E- |... S0R
piette. Quoi qu’il en soit, M. Brisson tire
la dénomination de arle étoilé, d’une
tache blanche figurée en étoile que porte,
à ce qu’il dit , ce harle , au-dessous d’une
tache noire qui lui enveloppe les yeux ;
le dessus de la tête est d’un rouge bai, le
manteau d’un brun noirâtre ; tout le
devant du corps est blanc, et l’aile est
- mi-partie de blanc et de noir ; le bec est
noir ou de couleur plombée, comme
dans la piette ; et la grosseur de ces deux
oiseaux est à peu près la même. Gesner
dit que ce harle porte en Suisse le nom, de
canard des glaces (y sentle), parce qu'il ne
paroît sur les lacs qu’un peu avant le
grand froid qui vient les glacer.
20% HISTOIRE NATURELLE |
42
*
[
LE HARLE COURON
L :
Sivième espèce. ra ar
Cr harle , qui se trouve en Virginie, est
très-remarquable par sa tête couronnée
d’un beau limbe, noir à la circonférence
et blanc au milieu , et formé de plumes
relevées en disque ; ce qui fait un bel effet,
mais qui ne paroît bien que dañs l’oiseauw
vivant, et que , par cette raison , notre
planche enluminée ne rend pas. Onle voit
dans la belle figure que Catesby a don-
née de cet oiseau, qu'il a dessiné vivant.
Sa poitrine et son ventre sont blancs ; le
bec, la face , le cou et le dos , sont noifs;
les pennes de la queue et de l’aile brunes;
celles de l'aile les plus intérieures sont
noires et marquées d’un trait blanc. Ce
* Voyez les planches enluminées, n° 935, le
mâle , sous la dénomination de Aarle huppé de
Virginie ; n° 036, la femelle.
NÉ*
ggmse np #@}e HA -R- LE: 203
harle est à peu près de la grosseur du
canard. La femelle est toute brune ; et sa
huppe est plus petite que celle du mâle.
Fernandès a décrit-l’un et l’autre sous le
nom mexicain d’ecarototl, en y ajoutant
le surnom de avis venti (oiseau du vent),
sans en indiquer la raison. Ces oiseaux se
trouvent au Mexique et à’la Caroline,
aussi-bien qu’en Virginie, et se tiennent
souvent sur les rivières et les étangs.
[1
LÉ BP É L'ICANE
Là
Lr pélican est plus remarquable ,; plus
intéressant pour. un naturaliste, par la
hauteur de sa taille et par le grand sac
qu’il porte sous le bec , que par la célé-
brité fabuleuse de son nom , consacré
dans les emblèmes religieux des peuples
ignorans. On a représenté sous sa figuré
la tendresse paternelle se déchirant le sein
pour nourrir de son sang sa famille lan-
guissante ; mais cette fable que les Égyp-
tiens racontoient déja du vautour , ne
devoit pas s'appliquer au pélican, qui vit.
dans l’abondance*, et auquel la Nature/
WANT ne 08
S ce
1 Voyez les planches enluminées, n° 67
En latin, onocrotalus ; et en ancien latin, fruo : -
en espagnol, groto; en italien , agrotio ; à Rome,
truo ; et vers Sienne et Mantoue, agroiti; en an-
gibis ; pélecage ; en allemand, Meergans, schnée-
gans ; et en Autriche, okn-vogel.
2 Saint Augustin et saint Jérôme paroissent être
les auteurs a l'application de cette fable, orjginai-
rement Ferpoones ‘au péhcan. /
Zom 16
zÔ .
204
AL A fu
a] À
LI aigue SJ
à ed " PU (OP TS cree
1e
DNS
EE HISTOIRE NATURELLE. 205
à donné de plus qu'aux autres oiseaux
pêcheurs une grande poche, dans laquelle |
il porte et met en réserve l’amplé provi-
sion du produit de sa pêche. | |
Le pélican égale sde même surpasse’en
grandeur le ‘cygne !, et ce seroit le plus
grand des oiseaux d’eau si l'albatross
n’étoit pas plus épais, et si le flam-
mant n’avoit pas les jambes beaucoup
plus hautes. Le pélican les a au contraire
très-basses, tandis que ses aïles sont lar-
gement étendues , que l’envergure en est
_ de onze ou douze pieds ?. Il se soutient
* donc très-aisément et très-long-temps
_ dans l’air ; il s’y balance avec légéreté,
etne change de place que pour tomber à
plomb sur sa proie, qui ne peut échap-
+ M:Edwards estime celui qu'il décrit, du double
plus grand et plus gros que le cygne. « Celui dont
« parle Elbs éozt, dit-il, deux fois plus fort
« qu'un gros cygne. »
7 ? Les pélicans décrits par MM.-de l'académie
_dés sciences avoient onze pieds d’envergure; ce qui
est, suivant leur remarque, le double des cygnes
et des aigles, 1e |
18. r bé
|
per ; car. É LA re ui cela ml.
étendue des ailes qui frappent etcouvrent
la surface de l’eau... la font bouillonner,
tournoyer, et étoyxdissenten méme temps
le poisson ,.qui dès- lors ne pent fuir, C’ est
de cette manière que les-pélicans péchent
lorsqu'ils sont seuls: mais en, troupes ils
savent varier leurs manœuivres.et agir de +
concert; on les: voit se dispéser.en ligne |
et nager de compagnie, en formant un
grand. cercle qu'ils resserrent peu à peu
pour y renfermer le poisson etse partager
la,;capture à leur,aise: --:0b 6 8040" 4
Ces oiseaux prennent ,;;pour pécher, Ÿ
les heures du matin et dii soir où Île |
poisson..est le. plus en mouvement. et
* choisissent les liéux où il estle plus. abon-
dant ; c’est un spectacle de les voir raser
l'eau, s'élever de quelques piques ! au-
dessus , et tomber. le cou roide «et leur
sac à demi plein, puis se relevantavec
effort retomber de nouv eau, Let continuer
‘ce manége jusqu’ à ce, ue CE be-
sace soit entièrement remplies ils, mont
alors manger et digérer à l'aise sur'quél- .
que pointe de rocher, où ils restent em
L
Di BU LR CSA NS TT bo
repos et comme assoupis Jusqu'au soir.
Il me paroît qu’il seroit possible de tirer
parti de cet instinct du pélican , qui n’a-
vale pas sa proie d’abord , mais l’accu-
mule en provision , et qu’on pourroit en
faire , comme du cormoran , un pécheur
domestique; et l’on assure que lesChinois.
y ont réussi. Labat raconte aussi que des
sauvages avoient dressé un pélican qu'ils
envoyoientle matin après l'avoir rougi de
rocou , et qui le soir revenoit au carbet le
sac plein de poissons, qu'ils lui faisoient
dégorger. | |
Cetoiseäu doit ètre un excellent nageur :
il est parfaitement pa/mipède , ayant les
quatre doigts réunis par une seule pièce
de membrane ; cette peau et les pieds
sont rouges ou jaunes suivant l’âge. Il
paroît aussi que c’est avec l’âge qu'il
prend cette belle teinte de couleur rose
tendre et comme transparente , qui sem-
ble donner à son plumage le lustre d’un
vernis.
Les plumes du cou ne sont qu’un duvet
court ; celles de la nuque sont plus alon-
: gées , et forment une espèce de crête ou
A PA «1 A Ÿ LA Fi
LA A D
208 HISTOIRE NATURELLE
ES
de petite huppe * , La tête est applatie
les côtés ; les yeux sont petits et mc
dans deux larges joues nues ; la queue.est |
composée de dix-huit pennes. Les couleurs
du bec sont du jaune et du rouge pâle
sur un fond gris, avec des traits de rouge
vif sur le milieu et vers l’extrémité; ce bec
est applati en-dessus comme une large
lame relevée d’uïte arête sur sa longueur ,
et se terminant par une pointe en éroe;
1e dedans de cette lame, qui faitla man-
dibule supérieure, présente cinq nervures
_saillantes , dont les deux extérieures
forment des bords tranchans; la man-
dibule inférieure ne consiste qu’en deux
branchesflexibles qui se prêtent à l'exten-
sion de la poche membraneuse qui leur
est attachée , et qui pend au-dessous
comme un sac en forme de nasse. Cette
‘poche peut contenir plus de vingt pintes
de liquide ; elle est si large et si longue,
2
ET
* C'est ce que Belon exagère dans sa figure, en
lui donnant un panache , qu’il compare mal-à-propos
à celui du vanneau ; en quoi Gesner et Aldrovande
Pont suivi dans fi leurs. Celle de Gesner est en
gore plus vicieuse, en ce qu'elle porte cinq doïgis.
pu PÉLICAN 209
qu’ on y peut placer le pied , où y faire
entrer le bras jusqu’au coude. Ellis dit
avoir vu un homme y cacher sa tête; ce
qui ne nous fera pourtant pas croire ce
ue dit Sanctius u’un de ces oiseaux
» q 3
laissa tomber du: haut des airs un enfant
nègre qu'il avoit emporté dans son sac.
Ce gros oiseau paroît susceptible de
quelque éducation, et même d’une cer-
taine gaieté, malgré sa pesanteur; il n'a
En de farouche, et s’habitue volontiers
avec l’homme *. Ge en vit wir dans
l’île de Rhodes, qui se promenoit fami-
lièrement par la ville; et Culmanun, dans
Gesner, raconte l’histoire fameuse de ce
pélican qui suivoit l’empereur Maxuni-
lien, volant sur l’armée quand elle étoit
cu be. et s’élevant quelquefois si
haut, qu’il ne paroissoit plus que comme
une hirondelle, quoiqu'il eût quinze
pieds ( du Rhin) d’un bout des ailes à
l'autre. | | /
/
* Rzaczynski parle d’un pélican nourri, pendant
quarante ans à la cour de Bavière, qui se plaisow.
Hanceup en compagnie, ct paroissoit prendre uæ
p! laisir singulier à entendre Ge Ja musique.
18
LA
210 HIS TOIRE NATU E
Cette grande puissance de vol seroit F,
néanmoins étonnante dans un oiseau qui
pèse vingt-quatre ou vingt-cinq livres ,
si elle n’étoit merveilleusement secondée
par la grande quantité d’air dont som
corps se gonfle, et aussi par la légéreté de
sa charpente : tout son squelette ne pèse
pas une livre et demie ; les os en sont si
minces, qu'ils ont de la transparence ;
et Aldrovande prétend qu'ils sont sags
moelle. C’est sans doute à la nature de ces
. parties solides qui ne s’ossifient que tard,
que.le pélican doit sa PÉSTonse vie *
L'on a, même Cobra qu’en captivité il
vivoit plus long-temps que la plupart des
| autres ciseaux. | |
Au reste, ts pélican, sans être tout-à-
fait hands nos contrées, y est pour-
tant assez rare, sur-tout res l’intérieur
des terres. Nos) avons au Cabinet les dé-
pouiiles de deux de ces oiseaux, l’un tué
* Turner parle d’un pélican privé qui yécut
cinquante ans. On conserva pendant quatre vingie
celui dont Culmann fait l’histoire, et dans sa vicil-
Jesse il éioit nourri, par ordre de l’empereur, à
quatre écus par jour.
{
+
4
DU PÉLICAN. 21
en Dauphiné, et l’autre sur la Saone *
Gesner fait mention d’un qui fut pris sur
le lac de Zurich, et qui fut regardé comme
“un oiseau inconnu. il n’est pas commun
dans le nord de l'Allemagne , quoiqu'il y
en ait un grand nombre dans les pro-
vinces méridionales qu’arrose le Danube.
Ce séjour sur le Danube est une habitude
ancienne à ces Oiseaux ; car Aristote les
rangeant au nombre de ceux qui s’at-
troupent, dit qu’ils s’envolent du Stry-
mon, et que, s’attendant les uns les autres
au passage de la montagne, ils vont s’a-
battre tous ensemble et nicher sur les
rives du Danube. Ce fleuve et le Strymon
paroissent donc limiter les contrées où ils
se portent en troupes du nord au midi
dans notre continent; et c’est faute d’a-
voir bien connu leur route que Pline les
fait venir des extrémités septentrionales
de la Gaule; car ils y sont étrangers , et
paroissent l'être encore plus en Suède et
dans les ciimats plus septentrionaux, du
* M. de Piolenc nous mande qu’il en a tué un
dans un marais près d'Arles; et M. Lottinger, ur
autre sur un étang entre Dieuze et Sarrebourg.
212 HISTOIRE NATUR) LL
moins si l'on en juge par le silence
naturalistes du Nord; car ce qu’en dit.
Olaïüs-Magnus , n’est urine compilation
mal digérée de ce que les anciens ont
écrit sur l'orocrotale, sans aucun fait
qui prouve son passage OU son séjour
dans les contrées du Nord.Il ne paroît pas
même fréquenter l'Angleterre, puisque
les auteurs de la Zoologie britannique me
le comptent pas dans le nombre de leurs
animaux bretons , et que Charleton rap-
porte qu’on voyoit de son temps dans le
parc de Windsor des pélicans envoyés de
Russie. Il s’en trouve en effet, et même :
assez fréquemment, sur les lacs de la Rus-
sie rouge et de la Eithuanie , de même
qu'en Volhinie, en Podolie et en Pokutie,
comme le témoigne Rzaczynski, mais non
pas Jusque dans Les parties les plus septen-
trionales de la Moscovie, commele prétend
Ellis. En général, ces oiseaux paroissent
appartenir spécialement aux climats plus
chauds que froids. On en tua un de la
plus grande taille, et qui pesoit vingt-
cinq livres, dans l' ile de Mayorque, près
de la baie d’Alcudia, en juin 1975. Il en
\
DO De NMUB EE RCA N>i1T 203
paroît tous les ans régulièrement sur les
lacs de Mantoue et. d'Orbitello. On voit
d'ailleurs par un passage de Martial , que:
les pélicans étoient communs dans le
territoire de Ravenne. On les trouve aussi
… dans l'Asie mineure , dans la Grèce, et
dans plusieurs endroits de la mer Médi-
terranée et de la Propontide. Belon a
même observé leur passage étant en mer,
entre Rhodes et Alexandrie: ils voloient
ev troupes du nord au midi, se dirigéant
vers l'Égypte; et ce même observateur
jouit une seconde fois de ce spectacle vers
les confins de l’Arabie et de la Palestine.
Enfin les voyageurs nous disent que les
lacs de la Judée et de a yoeet les rives
du Nil en hiver, ét celles du Strymou en
été, vues du. A des.collines, paroissent
"re tA par le grand nombre de pélicans
qui ies couvrent.
En rassemblant les témoignages des dif-
férens navigateurs , nous voyons que les
pélicans se trouvent dans toutes les con-
trées méridiouales de notre continent, et
qu'ils se retrouvent avec peu de diffé-
rence et en plus grand nombre dans celles
\
214 HISTOIRE N À TU RE:
_du nouveau monde. Ils contra dgert.
muns en Afrique. sur les bords du Séné-
gal et de la Gambra, où les Nègres leur
donnent le nom dé pokko : la grande Ù
langue de terre qui barre l'embouchure. |
de la première de ces rivières, en est rem- |
plie. On en trouve de méme à Loangoet :
sur les côtes d’Angola, de Sierra-Leona et
de Guinée. Sur la baie de Saldana ils sont
imélés à la multitude d'oiseaux qui semble
reinplir l'air et la mer de rare plage. On .
les trouve à Madagascar , à Siam , à la
Chine, aux îles de la Phi ét aux
Philippines, sur-tout aux pécheries du
grand lac de Manille. On en rencontre
quelquefois en mer; et enfin on en a vu
sur les terres lointaines de lPOcéan in-
dien, comme à la nouvelle Hollande, où
M. Cook dit qu'ils sont PURE grosseur |
extraordinaire
En Aiédiqis , on areconnu des péli-
KL
e—
cans depuis les Antilles et la terre ferme,
-TVisthme de Panama et la baie de Cam-
péche, jusqu’à la Louisiane et aux terres ;
voisines de la baie d'Hudson. On en voit
vbs sur les îles et les anses inhaitees
près de Saint-Domingue, et en plus grande
quantité sur ces petites îles couvertes de
la plus belle. verdure , qui avoisinent la
Guadeloupe, et que différentes espèces
d'oiseaux semblent s'être partagées pour
leur servir de retraite..'une de ces îles a
même été nommée l’//e aux grands gosiers.
Ils grossissent encore les peuplades des
oiseaux qui habitent l’île d’ Aves; la côte
très-poissonneuse des Sambales les attiré
en grand nombre ; et dans celle de Pana-
ma on les, voit fondre en troupes sur les
bancs de sardines que les. grandes marées
y.poussent ; enfin tous.les écueilis et les
îlets voisins sont couverts de ces oiseaux
en si grand. nombre, qu'on en charge
des, canots , et qu’on. en fond la graisse,
dout on se sert comme d’ huile,
Le pélican. pêche en eau douce comme
en mer; et dès-lors on ne doit pas être
surpris de,le trouver sur les grandes ri-
vières ;: mais il est singulier qu'il ne s’en
tienne pas aux terres basses et humides
arrosées par de grandes.rivières, et qu il
fréquente aussi les pays les plus secs
comme l'Arabie «et la Perse, où il est
.
ef É » (LR
= [7 AT
216 HISTOIRE NATURE L
connu sous! le non dé porteur. nd
cab}).Oua observé que comme il est CES à
d'éloigner son nid des eaux trop fréquen-
4
tées par Îles Caravanes , il porte de très-
loin de l’eau douce dans son sac à ses |
petits. Les bons Musulmans disent très
religieusement que Dieu a ordonné à cet
oiseau de fréquenter le désert pour abreu-
ver , au besoin , les pélerins qui vont à la
Miébque ; cqune autrefois il envoya le
corbeau qui ourrit Élie dans la solitude:
Aussi les Égyptiens, en faisant allusion
à la manière dont ce grand oiseau garde
de l’eau dans sa ‘poche, P ont surnommé
le chameau de la rivière.
Au reste, il ne faut pas ériadée le
pélican de Éithrie dont parle le docteur
Shaw , avec le véritable pélican a puisque
ce voyageur dit qu'il n est pas plus g gros
qu’un vanneau. Il en est me: même du
pélican de Kolbe , qui est P oiseau spatule.
Pigafetta , après avoir bien reconnu le
pélhican à La côte d’Angola, se trompe ef.
donnant son nom à un oiseau de Loango
à jambes hautes comme le hérom! Nous
Bu aussi beaucoup que l'alcatraz,
WU AA" 4 Le
L
PE
DU PÉLICAN. 217
que quelques voyageurs disent avoir ren-
contré en pleine mer, entre l’Afrique et.
l'Amérique, soit notre pélican , quoi-
que les Espagnols des Philippines et du
Mexique lui aient donné le nom d’a/catraz;
car le pélican s'éloigne peu des côtes, et.
sa rencontre sur mer annonce la proxi-
mité de la terre.
Des deux noms pelecan et onocrotale que
les anciens ont donnés à ce grand oiseau ,
le dernier a rapport à son étrange voix,
qu'ils ont comparée au braiement d’un
âne. Kiein imagine qu'il rend ce son.
bruyant le cou plongé dans l’eau. Mais ce
fait paroît emprunté du butor; car le péli-
can fait entendre sa voix rauque loin de
l’eau , et jette en plein air ses plus hauts
cris. Élien décrit etcaractérise bien le péli-
can sous le nom de cela; mais l’on ne sait
pas pourquoi il le donne pour un oiseau
des Indes, puisqu'il se trouve et sans
doute se trouvoit dès-lors dans la Grèce.
ed
Le premier nom pelecan a été le sujet
d’une méprise des traducteurs d’Aristote,
et même de Cicéron et de Pline ; on a
traduit pelecan par platea ,; ce qui a fait
Oiseaux, XVI. 19
Re INyX nn 14 ni ÉTÉ bibi
à 4 0 70) k
( JA
218 HISTOIRE NATURELLE
confondre le pélican avec la spatule : “ et
Aristote lui-même , en disant du pelecar
qu'il rar des coquillages minces , et les
rejette à demi digérés pour en séparer les
écailles , lui attribue une habitude qui
convient mieux à la spatule, vu la struc-
ture de son œsophage ; car le sac du péli-
can n’est pas un estomac où la digestion
soit seulement commencée , et c’est im-
proprement que Pline compare la manière
dont l’onocrotale ( pélican ) avale et re-
prend sés alimens, à celle des animaux
qui ruminent. « nl n’y a rien ici, dit très-
« bien M. Perrault, qui ne so dans le
« plan général de l’organisation des oi-
« seaux ; tous ont un jabot dans lequel
« se resserre leur nourriture: ke pélican
«l’a au dehors et le porte sous le béc , au
« lieu de lavoir caché en dedans ét placé
«au bas de lœsophage ; mais cé jabot
« extérieur n’a point la chaleur digestive
« de celui dés autres oiseaux , et le péli-
« can rapporte frais dans cette poché les
« poissons de sa pêche à ses petits. Pour
« les dégorger, 1l ne fait que presser ce
« saç sur sa poitrine; et c'est cet acte très-
js 3
DU PÉLICAN. 219
« naturel qui peut avoir donné lieu à la
« fable si généralement répandue, que le
« pélican s'ouvre la poitrine pour nourrir
« ses petits de sa propre substance. »
Le nid du pélican se trouve communé-
ment au bord des eaux ; il le pose à plate
terre, et c’est par erreur et en confon-
dant , à ce qu’il paroît, la spatule avec
le pélican , que M. Salerne dit : Le il niche
sur les arbres. Il est vrai qu'il s’y perche
malgré sa pesanteur et ses larges pieds
palmés ; et cette habitude, qui nous eñt
moins étopnés dans les pélicans d'Amé-
rique, parce que plusieurs oiseaux d’eau
s'y perchent * , se trouve également dans
les pélicans d’Afrique et d’autres parties
de notre continent. |
Du reste , cet oiseau, aussi vorace que
grand déprédateur , engloutit dans une
seule pêche autant de poisson qu'il en
faudroit pour le repas de six hommes.
Il avale aisément un poisson de sept ou
huit livres ; on assure qu’il mange aussi
* Voyez l’article des tinamous et des perdriæ
de la Giuane, tome VIII de cette Histoire des
oiseaux.
230 HISTOIRÉ RATUELE
des rats et d’autres petits animiaur Pier |
dit avoir vu avaler un petit chat vivant |
par un pélican si familier, qu'il venoit
au marché, où les pécheurs se hâtoient
de lui lier son sac, sans quoi il leur enle-
voit. subtilement PS PrE0mR de pois-
son.
Il mange de côté ; et quand on lui jette
un morceau , il le happe. Cette poche où :
il emmagasine toutes ses captures, est
composée de deux peaux : l’interne est
continue à la membrane de l’œsophage ;
l’extérieure n’est qu’un prolongement de
la peau du cou ; les rides qui la plissent
servent à retirer le sac, lorsqu’étant vide
il devient flasque. On se sert de ces poches
de pélican comme de vessies pour enfer-
mer le tabac à fumer : aussi les appelle-
t-on dans nos îles , blagues ou blades, du
mot anglois biddér, qui signifie vessie. On
prétend que ces peaux préparées sont
plus belles et plus douces. dé des peaux
d'agneau : quelques marins s’en font des
bonnets ; les Siamois en filent des cordes
d'instrumens , et les pêcheurs du Nil se
servent du sac, encore attaché à la mâ-
À OR * LE. Fat à T4. à v
A NN h AD: RTE NP ENS
DU PÉLICAN. * 91
choire, i pour en faire des vases propres à
rejeter l’eau de leurs bateaux , ou pour
en contenir et garder ; car’ cette peau ne
sepénètreninese corrompt par son séjour
dans l’eau.
Il semble que la Nature ait pourvu,
par une attention singulière , à ce que le
pélican ne füt point suffoqué quand ;
pour engloutir sa proie, il ouvre à l’eau
sa poche toute entière ; la trachée-artère,
quittant alors les vertèbres du cou, se
jette en devant, et s’attachant sous cette
poche, y cause un gonflement très-sen-
sible : en même temps deux muscles en
sphincter resserrent l’œsophage de ma-
nière à fermer toute entrée à l’eau. Au
fond de cette même poche est cachée une
langue si courte, qu’on a cru que l'oiseau
n’en avoit point. Les narines sont aussi
presque invisibles et placées à la racine
du bec ; le cœur est très-grand; la rate
très-petite; les cœcums également petits,
et bien moindres à proportion que dans
l'oie , le canard et le cygne. Enfin Aldro-
vande assure que le pélican n’a que douze
côtes, et il observe qu’une forte mein-
19
At PO UA NC eRAN : PET E ES
‘ v+ y PF: ne . n
222 HISTOIRE ! NATURELLE
brane, fournie de muscles é épais, recouvre
les nil des ailes. -
Mais une observation très - intéressante.
est celle de M. Méry et du P. Tachard, sur
l'air répandu sous la peau du corps entier
du pélican ; on peut même dire que cette
observation est un fait général qui s’est
manifesté d’une manière plus évidente
dau le pélican , mais qui peut se recon-
noître daus tous les oiseaux , et que M.
Lorry, célèbre et savant médecin deParis,
a démontré par la communication de
l'air jusque dans les os etles tuyaux des
plumes des oiseaux. Dans le pélican , Paix
passe de la poitrine dans les sinus axil-
laires, d’où il s’insinue dans les vésicules
d'une membrane cellulaire épaisse etgon-
flée, qui recouvre les muscles et enveloppe
tout le corps, sous la membrane où les
plumess’implantent ; ces vésicules en sont
enflées au point qu’en pressant le corps
de cet oiseau , on voit une quantité d'air
fuir de tous côtés sous les doigts. C'est.
dans l'expiration quel'air, comprimé dans
la poitrine, passe dans les sinus , et de
là se répand dans toutes les yésicules du
DWPÉLICAN. 223
tissu cellulaire ; on peut même, en souf-
flant dans la trachée-artère , rendre sen-
sible à l'œil cette route de l'air, et lon
conçoit dès-lors combien le pélican peut
augmenter pee - ]à son volume sans
prendre plus dé poids , et combien le vol
de ce grand oiseau doit en être facilité.
Du reste , la chair du pélican n'avoit
pas besoin d’être défendue chez les Juifs
comme immonde; car elle se défend
d'elle-même par son mauvais goût, son
odeur de marécage et sa graisse huileuse:
néaumoins quelques navigateurss’en sont
accommodés.
VARIÉTÉS DU PÉLICAN.
7 (
Nous avons observé dans plusieurs
articles de cette Histoire naturelle, qu’en
général les espèces des grands oiseaux,
comme celles des grands quadrupèdes,
existent seules, isolées, et presque sans
variétés; que de plus elles paroiïssent être !
par-tout les mêmes, tandis que sous
chaque genre ou dans chaque famille de
“petits animaux , et sur-tout dans celles
des petits oiseaux , il y a une multitude
de races, plus ou moins proches parentes,
Dh mciioé on doune improprement le
mom d'espèces. Ce nom espèce, et la no-
tion métaphysique qu'il renferme, nous
‘éloignentsouvent de la vraicconnoissance
des nuances de la Nature dans ses produc-
tions, beaucoup plus que les noms de
variété, de race et de famille. Mais cette
filiation , perdue dans la confusion des
“branches et des rameaux parmi les petites
PRONÈRE L TO ON 1 258
espèces , se maintient entre les grandes ;
car elles admettent tout au plus quelques
variétés , qu'il est toujours aisé de rap-
porter à l'espèce première , comme une
branche immédiate à sa souche. L’au-
truche , le casoar , le condor, le cygne,
tous les oiseaux majeurs , n’ont que peu
ou point de variétés dans leurs espèces ;
ceux qu'on peut regarder comme les
seconds en ordre de grandeur ou de foree,
tels que la grue, la cigogne, le pélican,
l’albatross, ne présentent qu’un petit
nombre de ces mêmes variétés, comme
nous allons l’exposer dans celles du péli-
can , qui se réduisent à deux.
28 CINE POUR SEE
226 HISTOIRE NATURELLE
}
LE PÉLICAN BRUN#.
Première variété. |
Novs avons déja remarqué que le plu-
mage du pélican estsujet à varier, et que,
suivant l’âge, il est plus ou moins blanc,
et teint d’un peu de couleur de rose : il
semble varier aussi par d’autres circons-
tances ; car il est quelquefois mêlé de gris
et de noir. Ces différences ont été obser-
vées entre des individus qui néanmoins
étoient certainement tous de la mêmé es-
pèce; or il y a si peu loin de ces mélanges
de couleur à une teinte générale grise
ou brune , que M. Klein n’a pas craint de.
prononcer affirmativement que le pélican
brun et le pélican blanc n'étoient que des
variétés de la même espèce. Haus Sloane,
qui avoit bien obServé les pélicans bruns
d'Amérique , avoue aussi qu'ils lui pa-
roissent être les mêmes que les pélicans
* Voyez les planches enluminées , n° 957-
DU PÉLICAN. 227
blancs. Oviedo, parlant des grands gosiers…
à plumage cendré que l’on rencontre sur
pères aux Antilles, remarque qu'il
en trouve en même ge d’un fort
PT blanc ; et nous sommes portés à
croire que la couleur brune est la livrée
des plus jeunes, ear l’on a observé que
ces pélicans bruns étoient généralement
plus pétits que les blancs. Ceux qu'on a
vus près dela baie d'Hudson, étoient aussi
plus petits et de couleur cendrée : ainsi
leur blanc ne vient pas de l'influence du
chimat froid. La même variété de couleur
s’observe dans les climats chauds de lan-
cien continent. M. Sonnerat, après avoir
décrit deux pélicans des Philippines , l’un
brun , l’autre couleur de rose, soun-
conne comme nous que c'est le même
oiseau , plus ou moins âgé ; et ce qui con-
dirme notre opinion, c’est que M. Brisson
mous à donné un pélican des Philippines
qui semble faire la nuance entre les deux,
ét qui n’est plus entièrement gris ou
brun , mais qui a encore les aïles et une
_ partie du dos de cette couleur, cet Le reste
blanc,
f TR AP uilatl
228 HISTOIRE NATURELLE. 3
“ . " +
F
LE PÉLICAN A BEC DENTE! É.
Seconde variété.
LS
S 1 la dentelure du bec de ce pélican du
Mexique est naturelle et régulière comme
celle du bec du harleet de quelques autres |
oiseaux , Ce caractère particulier sufhroit
pour en ue une espèce différente de la
première , quoique M. Brisson ne la donne
que comme variété : mais si cette dentes
lure n’est formée que par la rupture acci=
dentelle de la tranche mince des bords
du bec, comme nous l’avons remarqué
sur le bec de certains calaos, cette diffé-
rence accidentelle, loin de faire un ca-
ractère constant et naturel, ne mérite
pas même d'être admise comme variété;
et nous sommes d'autant plus portés à le :
présumer, qu'on trouve, selon Hernan-
dès, dans les mêmes lieux, le pélican
ordinaire et ce pélican à bec dentelé.
VE RE
a otre E
»
CPP
LE CORMORAN,
Paquet D. i
LE CORMORAN:
Le nom cormorar se prononcoit ci-de-
vant cormaren, cormarin, et vient de cor-
beau marin ou corbeau de mer. Les Grecs ap- -
peloient ce mème oiseau corbeau chause*® ;
cependant il n’a rien de commun avec
le corbeau que son plumage noir, qui
méme diffère de celui du corbeau en
ce qu’il est duveté et d’un noir moins
profond.
Le cormoran est un assez grand oiseau
à pieds palmés , aussi bon plongeur que
1 Voyez les planches enluminées, n° 927.
Eu latin, corous aguaticus ; en italien, corvo
marino ; en espagnol, cuervo calso ; en allemand,
scarb , w'asser-rube; en anglois , cormorant ;
dans quelques unes de nos provinces de France,
crot-pescherot. mb
2 Phalacrocoraz , à la lettre, corbeau chauve.
Daus Aristote, on lit sainplement corax : maïs c’est
d’un oiseau d’eau qu’il s’agit ; et aux caractères que
je philosophe lui donne, on reconnoît clairement
le eormoran.
20
EN NT ds tai
h a a #3
330 HISTOIRE Re
nageur, et graud destructeur de poissôn.
Il est à peu près de la grandeur de l'oie, *
mais d’une taille moins fournie, plutôt
mince qu'épaisse , et alongée par une d
grande queue plus étalée que ne l'est À
communément celle des oiseaux d’eau :
cette queue est composée de quatorze
plumes roides comme celles de la quéue «
du pic; elles sont , ainsi que presque tout |
le plumage, d’un noir lustré de verd. Le
manteau est ondé de festons noirs sur un
fond brun : mais ces nuances varient dans :
différens individus; car M. Salerne dit que
la couleur du plumage est quelquelois
d’un noir verdètre. Tous ont deux taches
blanches au côté extérieur des Jambes,
avec une gorgerette blanche qui ceint le
haut du cou en mentonnière, et il y a des
brins blancs, pareils à des soies, hérissés
sur le haut du cou et le dessus de la tête,
dont le devant et les côtés sont chauves.
Une peau également nue garnit le des-
. Ê . «“ l£
sous du bec, qui est droit jusqu’à la
À na Î À
pointe, où il se recourbe fortement ent
un croc très-aigu.
Cet oiseau est mn petit nombre de ceux
Fr
Le
DU CORMORAN. 23r
qui ont les quatre doigts assujettis et liés
ensemble par une membrane d’une seule
pièce, et dont le pied, muni de cette
large rame , sembleroit indiquer qu'il est
très-grand nageur : cependant il reste
moins dans l’eau que plusieurs autres o1-
* scaux aquatiques dont la palme n’est ni
aussi continue ni aussi élargie que la.
sienne ; il prend fréquemment son essor,
et se perche sur les arbres. Aristote lui
attribue cette habitude , exclusivement à
tous les autres oiseaux palmipèdes :néan-
moins il l’a commune avec le pélican,
le fou , la frégate, l’anhinga et l'oiseau
du tropique; et ce qu'il y a de singulier,
c'est que ces oiseaux forment , avec lui,
le petit nombre des espèces aquatiques
qui ont les quatre doigts entièrement en-
gagés par des membranes continues. C’est
cette conformité qui a donné lieu aux
ornithologistes modernes de rassembler
ces cinq ou six oiseaux en une seule fa-
mille , et de les désigner en commun
sous le nom générique de pélican *. Mais
* Klein, Linné, ont formé cette famille : le
232 HISTOIRE NATURELLE
ce n’est que dans une généralité scholas-
tique, et en forçant l’analogie , que l’on
peut, sur le rapport unique de la simili-
tude d’une seule partie, appliquer le
même nom à des espèces qui diffèrent
autant entre elles que celle de l'oiseau du
tropique, par exemple, et celle du véri-
table pélican.
Le cormoran est d’une telle adresse à
pêcher, et d’une si grande voracité, que
quand il se jette sur un étang, il y fait
seul plus de dégât qu’une troupe entière
d’autres oiseaux pécheurs. Heureusement
1 se tient presque toujours au bord de la
ner , et il est rare de le trouver dans les
contrées qui en sont éloignées. Comme il
peut rester long-temps plongé, et qu'il
nage sous l’eau avec la rapidité d’un trait,
sa proie ne lui échappe guère, etilrevient
presque toujours sur l’eau avec un pois-
son en travers de son bec. Pour l’avaler,
il fait un singulier manége ; il jette en
l'air son poisson , et il a l’adresse de le
recevoir la tête la première, de manière
” cormoran y figure sous le nom de pelecanus carbo;
la frégate . sous celui de pelecanus aquilus , etc.
/
DU CORMORAN 23
que les nageoires se couchent au passage
du gosier, tandis que la peau membra-
neuse qui garnit le dessous du bec , prête
et s'étend autant qu'il est nécessaire pour
admettre et laisser passer le corps entier
du poisson | qui souvent est fort gros en
comparaison du cou de l'oiseau.
Dans quelques pays, comme à la Chine,
<t autrefois en Angleterre, on a su mettre
à profit le talent du cormoran pour la
pêche, et en faire, pour ainsi dire, un
pêcheur domestique , en lui bouclant
d’un anneau le bas du cou pour l’empé-
cher d’avaler sa proie, et l’accoutumant
à revenir à son maître en rapportant le
poisson qu'il porte dans le bec. On voit
sur les rivières de la Chine des cormorans
ainsi bouclés, perchés sur l'avant des ba-
teaux, s’élancer et plonger au sigual qu’on
donne en frappant sur l’eau un coup de
rame , et revenir bientôt en rapportant
leur proie qu’on leur ôte du bec. Cet exer-
cice se continue jusqu'à ce que le maître,
content de la pêche de son oiseau, lui
délie le cou et lui permette d'aller pêcher
pour son propre compte. de
Fo.
KE PNA ANEET TS PEAR
234 HISTOIRE NATURELRE 4
La faim seule donne de l'activité au
cormoran ; il devient paresseux et di
dés qu'il est rassasié : aussi prend- -1l beau-
coup de graisse; et quoiqu'il ait une
odeur très-forte et que sa chair soit de
inauvais goût, elle n’est pas toujours
dédaignée par les matelots, pour qui le
rafraîchissement le plus simple ou le plus,
grossier est souvent plus délicieux que les
imcts les plus fins ne le sont pour notre
délicatesse.
Du'moins les navigateurs peuvent trou-
ver cemauvais gibier sur toutes les mers ;
car on a rencontré le cormoran dans les
parages les plus éloignés, aux Philip-
pimes ; à la nouvelle Hollande, et Jus-
qu'à la nouvelle Zélande. IE y a dans la
baie de Saldana une île nommée l’{e des
cormorans, parce qu'elle est, pour ainsi
cire, couverte de ces oiseaux. Ils ne sont
pas moins communs dans d’autres en-
droits voisins du cap de Bonne-Espérance.
« On en voit quelquefois, dit M. Le vicoïate
« de Querhocnt , des volées. de plus de
« trois cents dans la rade du cap. Ïls sont
« peu craintifs; ce qui vient, sans doute,
,
f
{
Er
‘DU CORMORAN. 235
« de ce qu'on leur fait peu la guerre. Ils
« sont naturellement paresseux ; J'en ai
« vu rester plus de six heures de suite sur
« les bouées de nos ancres. Ils ont le bec
« garni en dessous d’une peau d’une belle
«couleur orangée, qui s'étend sous la
« gorge de quelques lignes, et s’enfle à
« volonté; l'iris est d’un beau verd clair;
« la pupille noire ; le tour des paupières
« bordé d’une peau violette ; la queue
« conformée comme celle du pic, ayant
« quatorze pennes dures et aiguës. Les
« vieux sont entièrement noirs; mais les
« jeunes de l’année sont tout gris, et n’ont
« point la peau orangée sous ke bec. Ils
« étoient tous très-gras. »
Les cormorans sont aussi en très - grand
nombre au Sénégal, au rapport de M:
Adanson. Nous croyons également les
reconnoître dans les plutons de l'ile Mau-
rice du voyageur Leguat ; et ce qu’il y a
d'assez singulier dans leur nature , c’est
qu'ils supportent également les chaleurs
de ce climat et les frimas de la Sibérie :
il paroît néanmoins que Îes rudes hivers
de ces régions froides les obligent à quel-
? Ml) Ps te di ad due ds,
236 HISTOIRE pe 0 À 7
Y
ques migrations; car on observe que ceux À
qui habitent en été les lacs des environs
de Selinginskoi, où on leur donne le nom
de baclans, s'en vont en automne au lac
de Baïkal pour y passer l'hiver. Il en doit
être de même des ouriles ou cormorans
de Kamtschatka, bien décrits par M.
Krascheninicoff , et reconnoissables dans
de récit fabuleux des Kamtschadales, qui
disent que ces oiseaux ont échangé leur
langue avec les chèvres sauvages, contre
les touffes de soie blanche qu'ils ont au
cou et aux cuisses, quoiqu'il soit faux
que ces oiseaux n'aient point de langue,
et qu'ils crient soir et matin, dit Steller,
d’une voix semblable au sc d'une petite
trompette enrouée. ;
Ces cormorans de Kamtschatka passent
la nuit rassemblés par troupes sur les
saillies des rochers escarpés, d’où ils
tombent souvent à terre pendant leur
sommeil, et deviennent aidé la proie des |
renards, qui sont toujours à l'affût. Les
Kiabiéhaänies vont pendant le jour dé-
_ nicher leurs œufs, au risque de tomber
dans les précipices ou dans la mer; et
'BDU/CORMORAN. \: 23
pour prendre les oiseaux mêmes, ils ne
font qu’attacher un nœud coulant au
bout d’une perche ; le cormoran, lourd
_et indolent , une fois gîté, ne bouge pas,
et ne fait que tourner la tête à droite et à
gauche pour éviter le lacet qu'on lui pré-
sente , et qu’on finit par lui passer au
cou. |
Le cormoran a la tête sensiblement ap-
platie, comme presque tous les oiseaux
plongeurs; les yeux sont placés très en
avant et près des angles du bec, dont la
substance est dure, luisante comme de la
corne ; les pieds sont noirs , courts et très-
forts; le tarse est fort large et applati
latéralement ; l’ongle du milieu est inté-
rieurement dentelé en forme de scie,
comme celui du héron ; les bras des ailes
sont assez longs, mais garnis de pennes
courtes, ce qui fait qu’il vole pesamment,
comme l’observe Schwenckfeld : maïs ce
naturaliste est le seul qui dise avoir re-
marqué un osselet particulier , lequel,
prenant naissance derrière le crâne, des-
cend , dit-il, en lame mince pour s’im-
planter dans les muscies du cou.
Lx D D te VU Ah ts
238 HISTOIRE NATURELLE
LE PETIT CORMORAN,
O U | | |
LE NIGAUD*.
L A pesanteur ou plutôt la paresse natu-
-relle à tous les cormorans est encore plus
grande et plus lourde dans ce petit cor-
moran, puisqu'elle lui a fait donner par
tous les voyageurs le surnom de szagg,
niais ou nigaud. Cette petite espèce de cor-
moran n’est pas moins répandue que la
première. Elle se trouve sur-tout dans les
îles ct les extrémités des continens aus-
traux ; MM. Cook et Forster l'ont trouvée
établie à l’île de Georgie. Cette dernière
terre , inhabitée , presque inaccessible à
l'homme , est peuplée de ces petits cor-
morans , qui en partagent le domaine
* En anglois, skagg, cont et sea-crow.
#A
|
DOVORMOREAN 23
avec les pinguins, et se cantonnent dans
les touffés de cé gramen grossier qui est
presque 1e seul produit de la végétation
dans cette froide terre, ainsi que dans
_célle des États, où l’on trouve de même
ces oiseaux en grande quantité. Une île
qui, dans le détroit de Magellan, eu
parüt toute peuplée, recut de M. Cook le
nom de Shagg ou fle des Nigauds. C’est
là, c’est à ces extrémités du globe où la
Nature, engourdie par le froid, laisse
encore subsister Cinq ou six espèces d’a-
_ nimaux volatiles ou amphibies, derniers
_babitans de ces terres envahies par le re-
froidissement ; ils y vivent dans un calme
apäthique , qu'on peut regarder comme
le prélude du silence éternel qui bientôt
doit régner dans ces licux. « On est éton-
« né, dit M. Cook, de la paix qui est éta-
« biie dans cette terre; les animaux qui
« l’habitent paroissent avoir formé une
« ligue pour ne pas troubler leur tranqüil-
« hité mutuelle : les lions de iner occupent
ZT %
:« Ja plus grande partie de la côte; les ours
« marins habitent l’intérieur de l’île ; et
« les nigauds, les rochers les plus élevés :
| RARES CALE UE eng
240 HISTOIRE NATURELLE
«les pinguins s’établissent où il leur est
« plus aisé de communiquer avec la mer,
«et les autres oiseaux choisissent des
« lieux plus retirés. Nous avons vu tous
« ces animaux se mêler et marcher en-
« semble comme un troupeau domestique,
« ou comme des volailles dans une basse-
« COUT, sans jamais essayer de se faire du
« mal. »
Dans ces terres à demi glacées, entière
ment dénuées d'arbres, lesnigauds nichent
sur les flancs escarpés ou les saillies des
rochers avancés sur la mer. Dans quel-
ques cantons on trouve leurs nids sur les
petits mondrains où croissent desglaïeuls,
ou sur les touffes élevées de ce grand gra-
men dont nous venons de parler.lls y
sont cantonnés et rassemblés par milliers.
Le bruit d’un coup de fusil ne les disperse «
pas ; ils ne font que s'élever à quelques
pieds de hauteur , et ils retombent en-
suite sur leurs nids. Cette chasse n’exige
pas même l'arme à feu; car on peut les
tuer à coups de perches et de bâtons,
sans que l'aspect: de leurs compagnons
gisans ct morts auprès d'eux les émeuve
MU CORMORAN. 24
assez pour les faire fuir et se soustraire au
même sort. Au reste, leur chair, celle
des jeunes sur-tout, est assez bonne à
manger. |
Ces oiseaux ne vont pas loin en mer ;
et rarement perdent de vue la terre; ils
sont, comme les pinguins, revêtus d’une
plume très-fournie et très - propre à les
défendre du froid rigoureux et continu
des régions glaciales qu'ils habitent. M.
Forster paroît admettre plusieurs espèces
ou variétés dans celle de cet oiseau ; mais
comme il ne s'explique pas nettement sur
leur diversité, et qu’il ne suffit pas, sans
doute, de la différente manière de nicher
sur des mondrains ou dans des crevasses
de rocher pour différencier des espèces,
nous ne décrirons ici que le seul petit
cormoran ou nigaud, que nôus connois-
sons dans nos contrées.
On en voit en assez grand nombre sur
la côte de Cornouaïilles en Angleterre’, et
dans la mer d'Irlande, sur-tout à l’île de
Man. Il s’en trouve aussi sur les côtes de
la Prusse , et en Hollande près de Seven-
buis, où ils nichent sur les grands arbres,
21
FÈ
EC
EYE ES re
Wr L D Da
242 HISTOIRE NATURELLE) |
Willughby dit qu'ils nagent le corps plon-
gé, et la tète seule hors de l’éau, ét
qu'aussi agiles , aussi prestes dans cet élé-
ment qu'ils sont lourds sur la terre, ils
évitent le coup de fusil en y énfonçant la
tête à l'instant qu'ils voient le feu. Du
reste, cé petit cormoran a les mêmes ha-
bitudes naturelles que le grand, auquel
il ressemble en général par la figuré et les
_ couleurs ; les différences consistent én ce
qu’il a Le corps et les membres plus petits
ét plus minces, que son plumage ést brun
sous le corps , Que sa gorge n'est pas nue,
et qu’il n’y a qué douze pennés à la queue.
. Quelques ornithologistes ont donné à
ce pétit cormoran Île nom de geai à pieds
palmés ; mais c’est avec aussi peu de rai-
son que le vulgaire en a eu d’appeler le
grand cormoran , corbeau d’eau. Ces geais
à pieds palmés que Île capitaine Wallis à
réncontrés dans la mer Pacihique , sont
apparemment de l'espèce dé notre petit
corinoran , êt nôus lui rapportérons éga-
lement lés jolis cormorans que M. Cook a
vus nichés par grosses troupes dans de
petits creux que ces oiscaux sémbloieut
*
DU CORMORAN. 243
avoir agrandis eux-mêmes contre la roche
feuilletée dont les coupes escarpées hor-
dent la nouvelle Zélande. |
L'organisation intérieure de cet oiseau
offre plusieurs singularités que nous rap-
perterons ici d’après les observations de
MM. de l'académie des sciences. Un an-
neau osseux embrasse la trachée-artère
au-dessus de la bifurcation ; le pylore
n’est point percé au bas de l’estomac,
comme à l'ordinaire, mais ouvert dans
le milieu du ventricule, en laissant la
moitié d’en bas pendante au-dessous,
comme. un sac ; et cette partie inférieure
cst fort charnue, et assez forte de muscles
pour faire remonter par sa contraction
les alimens jusqu’à l’orifice du pylore;
l’œsophage souiïlé s’enfle jusqu’à paroître
faire continuité avec le ventricule ,. qui
sans cela en est séparé par un étrangie-
nent ; les intestins sont renfermés dans
un épiploon fourni de beaucoup de
graisse de la consistance du suif. Ce fait
est une exception à ce que dit Pline,
qu’en général les animaux ovipares n’ont
pas d’épiploon. La figure des reins cst
in AE EE
244 HISTOIRE NATURELLE et.
aussi | particulière : ils ne sont’ point sépa-
rés en trois lobes, comme dans les autres
oiseaux, mais dentelés en crête de coq
sur leur portion convexe, et séparés du
reste du bas-ventre par une membrane
qui les recouvre. La cornée de l'œil est
d’un rouge vif, et le crystallin approche
dela forme sphérique, comme dans les
poissons. La base du bec est garnie d’une
peau rouge, qui entoure aussi l’œil ; l’ou-
verture des narines n’est qu’une fente si
petite, qu’elle a échappé aux observa-
teurs, qui ont dit que les cormorans,
grands et petits, n’avoient point de na-
xines. Le plus grand doigt dans les deux
espèces est l'extérieur, et ce doigt est
composé de cinq phalanges, le suivant
de quatre, le troisième de trois, et le der-.
nier, qui est le plus court, de deux pha-
-langes seulement. Les pieds sont d'un noir
luisant , et armés d'ongles pointus*. Sous
* M. Perrault réfute sérieusement la fable de
Gesner, qui dit qu'il y a une espèce de cormoran
qui a un pied membraneux avec lequel 1l nage,
et l’autre dont les doigts sont nuds, et avec lequel
il saisit sa proie.
en.
DU CORMORAN 245
les plumes est un duvet très-fin, ct aussi
épais que celui du cyg gne. De petites plumes
soyeuses et serrées comme du velours
couvrent la tête, d’où M. Perrault infère
que le cormoran n est point le corbeau
chauve (phalacrocorax) des anciens: mais
il auroit dû modifier son assertion , ayant
lui-même observé précédemment qu'il se
trouve au bord de la mer un grand cor-
moran différent du petit cormoran qu'il
décrit; et ce grand cormoran , qui a la
tête chauve, est, comme nous l'avons
vu, le véritable plalacrocorax des anciens,
31
—
LES HIRONDELLES
k f.
$ Ü
LU
.
: Î
DE MER *.
_
D ANS le grand nombre des noïms trans-
portés , pour la plupart sans raison, des
animaux de la terre à ceux de la mer,
il s'en trouve quelques uns d’assez feu
eusement aPRASRÉ { comme celui d’Ai-
rondelle qu'on a donné à une petite fa-
mille d'oiseaux pecheurs, qui ressemblent
à nos hirondelles par leurs longues ailes
ct leur queue fourchue, et qui, par leur
vol constant à la surface des eaux, repré-
sentent assez bien sur la plaine liquide
. les allures des hirondelles de terre dans
nos campagnes et autour de nos habita-
* En anglois, sea-swallow; en allemand, see
schwalbe; en suédois et dans d’autres langues du
Nord , iaern ,.terns , stirn, d'où Turner a dérivé
Je nom de sterna, adopté par Îles nomenclateurs
pour distinguer ce genre d'oiseaux. Sur nos côtes
de l'Océan, les hirondelles de mer s'appellent goë-
leties.
1
HISTOIRE NATURELLE. 247
tions : non moins agiles et aussi vaga-
bondes, les hirondelles de mer rasent les
eaux d’une aïle rapide, et enlèvent en
volant les petits poissons qui sont à la.
surface de l’eau, comme nos hirondelles
y saisissent les insectes. Ces rapports de
forme et d’habitudes naturelles leur ônt
fait donner, avec quelque fondement, le
nom d’Airondelles, malgré les différences
essentielles de la forme du bec ét de la
conformation des pieds, qui, dans les
hirondelles de mer, sont garnis de peé-
tites membranes retirées entre les doigts,
ct ne leur servent pas pour nager *; car
il semble que la Nature n'ait confié ces
oiseaux qu'à la puissance de leurs ailes,
qui sont extrémement fongues et échan-
crées, comme celles de nos hirondelles.
lis en font le meme usage pour pianer,
cigler, plonger dans Pair, en élevane,
rabaissant, coupant, croisant lcurs vols
de mille ct mille manières , suivant que
le caprice , la gaieté ou l'aspect de la
* D'où vient qu’Aldrovande, en regardant les
birondelles de mer comme de petits goëlands, les
disungue par le nom de go#fands à pieds fenaus.
248 HISTOIRE NATURET jé
proie fugitive dirigent leurs mouve-
mens *: ils ne la saisissent qu’au vol, ou
en se posant un instant sur l’eau saus la
poursuivre à la nage; car ils n'aiment
point à nager, quoique leurs pieds à demi
membraneux puissent leur donner cette
facilité. Ils résident ordinairement sur les
rivages de la mer, et fréquentent aussi les
lacs et les grandes rivières. Ces hirondelles
de mer jettent en volant de grands eris
aigus et pereans, comme les martinets,
sur-tout lorsque par un temps ealme elles
s'élèvent en l'air à une grande hauteur,
ou quand elles s’attroupent en été poux
faire de grandes courses, mais en parti-
culier dans le temps des nichéés , car elles
sont alors plus inquiètes et plus clameuses
que jamais: elles répètent et redoublent
* « Les marins donnent à tous ces oiseaux légers
« qu'on trouve au large, le nom de crorseurs lors-
« qu’ils sont grands, et de goëlettes lorsqu'ils sont
« petits » Remarques faites par M. le vicomte de
Querhoent; et par les notices jointes aux remar-
ques de cet excellent observateur , nous reconnois-
sons en effet dans ces croiseurs et ces goëleltes des |
_ Hirondeiles de mer.
4
2
ri
£
5
À
LA
WW 'ETJTIA n PAT
| DES HIRONDELLES DE MER. 249
incessamment leurs mouvemens et leurs
cris ; et comme elles sont toujours en
très-grand nombre, l'on ne peut, sans eu
être assourdi, approcher de la plage où
elles ont déposé leurs œufs ou rassemblé
leurs petits !. Elles arrivent par troupes
‘sur nos côtes de l'Océan au commence-
ment de mai°; la plupart y demeurent,
et n’en quittent pas les bords; d’autres
voyagent plus loin, et vont chercher les
lacs, les grands étangs 5, en suivant les
rivières; par-tout elles vivent de petite
pêche, et même queiques unes gobent en
l’air les insectes volans. Lebruit des armes
à feu ne les effraie pas : ce sisnal de dan-
ser, loin de les écarter, semble les attirer;
car à l'instant où le chasseur en abat une
dans la troupe, les autres se précipitent
1 Cest d'elles et de leurs cris importuns que
Turner dérive le proverbe fait pour le vaiu babil
des parleurs impitoyäbies , /orus parturit..
3 Observation faite sur celles de Picardie, par
M. Baillon.
5 Comme celui de Lindre, près de Dicuze en
Lorraine, qui, en embrassant ses détours el ses
golfes, a sept lieues de circuit,
WC. fin
259 HISTOIRE NATURELLE a
en foule alentour de leur compagne bles |
sée, et tombent avec elle FEU S fleur
d'eau. On remarque de même que nos
hirondelles de terre arrivent quelquefois
au coup de fusil, ou du moïns qu’elles
n'en sont pas assez émues pour s'éloigner
beaucoup. Cette habitude ne viendroït-
cile pas d’une confiance aveugle ? Ces
oiseaux, emportés sans cesse par un vol
rapide, sont moins instruits que ceux qui
sont tapis dans les sillons où perchés sur
les arbres; ils n’ont pas appris, comme
cux , à nous observer, nous reconnoître,
et fuir leurs plus dangereux ennemis.
Au reste, les pieds de lhirondelle de
mer ne diffèrent de ceux de l'hirondelle
de terre qu'en ce qu’ils sont à demi pal-
imés; car ils sont de méme très-courts,
très-petits, et presque inutiles pour la
marche. Les ongles pointus qui arment
les doigts, ne paroissent pas plus néces+
saires à l'hirondelle de mer qu’à celle de
terre , puisque toutes deux saisissent éga-
lement leur proie avec le bec : celui des
hirondelles de mer est droit , efñlé en
pointe, lisse, sans dentelures ; et applati
î
-
NY A
X
DES RIRONDELBES DE MER. 25€
par les côtés. Les ailes sont si longues,
que l'oiseau en repos paroît en être em-
barrassé, ét que dans l’air il semble être
tout aile : mais si cette grande puissance
de vol fait de l'hirondelle de mer un oi-
seau aérien, elle se présente comme un
oiseau d’eau par ses autres attributs; car,
indépendamment de la membrane échan-
crée entre les doigts, eile a, comme pres-
que tous les oiseaux aquatiques, une pe-
tite portion de la jambe dénuée de plumes,
et le corps revêtu d’un duvet fourni et
très-serré.
Cette famille des hirondelles de mer est
composée de plusieurs espèces, dont la
plupart ont franchi les océans et peuplé
leurs rivages. On les trouve depuis les
mers , les lacs * ét les rivières du Nord,
jusque dans les vastes plages de l’Océau
austral; ét on les rencontre dans pres-
que toutes les régions intermédiaires.
Nous allons en donner Îles preuves, en
faisant la description de leurs différéntes
espèces, et nous commencerons parcelles
qui fréquentent nos côtes.
* Le nom même de faern , stern ; donné par les
Sepieutrionaux à ces hiroudelies, siguike Zac.
L
252 HISTOIRE NATURELLE.
LE PIERRE-GARIN,
O U
LA GRANDE HIRONDEL, LE DE MER DE
Ni s plaçons i ici, comme première es-
pèce , , Ja plus grande des hirondelles de
mer qui se voient sur nos côtes : elle a
près de treize poucés du bout du bec aux
ongles , près de seize jusqu’au bout de la
queue, et presque deux pieds d’enver-
gure. Sa taille fine et mince, le joli gris
de son manteau, le beau Hisné de tout le
devaut du corps, avec une calotte noire
sur la tête, et le bec et les picds rouges 3
en font un Di oiseau.
* Voyez les planches enlumimées, n° 087.
C’est proprement cette espèce dont-le nom en
suédois est /aerna.
Zom10 . Lg Lay 292
LE PIERRE -GARIN 07
LA GRANDE HIRONDELLE DE MER.
| de nos (OLes .
{ D anguet- d.
v
: L ce
Le
DES HIRONBELLES DE MER. 259
Auretour du printemps, ceshirondelles, |
qui arrivent en grandes troupes sur nos
côtes maritimes , se séparent en bandes ,
dont quelques unes pénètrent dans l’inté-
rieur de nos provinces, comme dans l’Or-
léanois ! , ‘en Lorraine, en Alsace?, ct
peut-être plus loin, en suivant lesrivières,
et s’arrêtant sur les lacs et sur les grands
étangs; mais le gros de l’espèce reste sur
les côtes et se porte au loin sur les mers.
M. Ray a observé que l’on a coutume d’er
trouver en quantité à cinquante lieues au
large des côtes les plus occidentales de
l'Angleterre, et qu'’au-delà de cette dis-
tance on ne laisse pas d’en rencontrer
encore dans toute la traversée jusqu'à
Madère ; qu’enfin cette grande multitude
paroît se rassembler pour nicher aux Sal-
vages, petites îles désertes peu distantes
des Canaries.
Sur nos côtes de Picardie, ces hiron-
1 M. Salerne dit qu’en Sologne on l'appelle pet,
criard.
2 Sur le Rhin, vers Strasbourg , on lui donne le
nom de speurer, suivant Gesner.
Oiseeur, XV I: 22
PA } Cf
-
254 HISTOIRE NATURELLE
_ delles de mers ‘appellent pierre-garins. Ce
sont, dit M. Baillon, des oiseaux aussi .
vifs ue légers, des pêcheurs hardis et:
adroits ; ils se précipitent dans.la mer sur
le poisson qu'ils guettent, et après avoir
plongé , serelèvent, et souvent remontent
en un instant à la même hauteur où ils
étoient en l'air. Ils digèrent le poisson
presque aussi promptement qu’ils le pren-
nent; car il se fond en peu de temps dans
leur estomac : la partie qui touche le fond
du sac se dissout la première, et l’on a
observé ce même effet dans les hérons et
dans les mouettes ; mais en tout la force
digestive est si grande dans ces hirondelles
demer, qu’elles peuvent aisément prendre
un on repas une heure ou deux après
le premier. Elles se battent fréquemment
en se disputant leur proie, et avalent des
poissons plus gros que le pouce , et dont
la queuc leur sort par le bec. Celles que
lon prend et qu'on nourrit quelquefois
dans les Jardins *
, ne refusent pas de
* « J'en ai eu plusieurs dans mon jardin, où je
«nai pu les garder long-temps, à cause de l’im-
« portunité de leurs cris continuels, même pendan* |
_ +
: DES HIRONDELLES DE MER. 255
manger de la chair ; mais il ne paroît pas
qu’elles y touchent dans l’état de liberté.
Ces oiseaux s'apparient dès leur arrivée,
dans les premiers Jours de mai. Chaque
femelle dépose dans un petit creux, sur
le sable nud, deux ou trois œufs fort
gros, eu égard à sa tañile; le canton de
sable qu'elles choisissent pour cela, est
toujours à l’abri du vent de nord, et au-
dessous de quelques petites dunes. Si l’on
approche &e leurs nichées , les pères et
mères se précipitent du haut de l'air, ct
arrivent à l’homme cn jetant de grands
cris redoublés d'inquiétude et de colère.
Leurs œufs ne sont pas tous de la mème
- couleur ; les uns sont fort bruns, d’autres
_ sont gris, et d’autres presque verdâtres :
apparemment ces derniers sont ceux des
Jeunes couples; car ils sont un peu plus
g la nuit. Ces oiseaux captifs perdent d'ailleurs
« presque toute leur gaieté : faits pour s éhattre en
« lair, 1ls sont génés à terre; leurs pieds courts
« s’embarrassent dans tout ce qu'ils renconirent. »
Extrait d’un Mémoire de M. Baïllon sur Les
pierre-garins , d'où nous trons les détails de
Phistoire de ces ciseaux.
L1 ur Al Ÿ ” LÉ
+ : Cie
+ pis
L
256 HISTOIRE NATURE Rs Li
petits, et l’on sait que, dde D des L.
oiseaux dont les œufs sont teints, ceux «
des vieux ont les couleurs plus foncées , |
etsont un peu’ plus gros et moins pointus M
que ceux des jeunes , et sur-tout dans les
premières pontes, La femelle, dans cette
espèce, ne couve que la ne et pen-
dant le Jour quand il pleut ; elle aban-
donne ses œufs à la chaleur du soleil dans
tous les autres temps. « Lorsque le ra
« temps est beau, m’écrit MäBaillou ,
« sur-tout Ra les nichées ont com-
«imencé par un temps chaud, les trois
« œufs qui composent ordinairêment la
« ponte des pierre- garins, éclosent en
« {rois Jours cousécutivement : le premier
« pondu devance d’un jour le second, qui
« de inéème devance le troisième
, parce
« que le développement du germe, qui ne
« date dans celui-ci que de l'instant de
« l’incubation commencée, a été hâté
« dans les deux autres par la chaleur du
« soleil qu'ils ont éprouvée sur Île sable.
« Si le temps a été pluvieux ou seulement
« nébuleux lors de la ponte, cet effet n’ar-
« rive pas, ctles œufs éclosent ensemble,
DES HIRONDELLES DE MER. 257
« La même remarque a été faite sur les
« œufs des alouettes et des pies de mer,
«et l’on peut croire qu’il en est encore
« de même pour tous les oiseaux qui
« pondent sur le sable nud des rivages.
« Les petits pierre - garins éclosent cou-
« verts d’un duvet épais, gris blanc, et
« semé de quelques taches noires sur la
« tête et le dos ; ils se traînent et quittent
« le nid dès qu'ils sont nés ; le père et la
< mère leur apportent de petits lambeaux
« de poisson, particulièrement du foie
« et des ouïes. La mère venant le soir cou-
« ver l’œuf non éclos, les nouveau-nés se
« mettent sous ses ailes. Ces soins mater-
< nels ne durent que peu de Jours; Les
« petits se réunissent pendant la nuit, ct
se serrent des uns contre les autres. Les
« père et mère ne sont pas long-tempsunon
« plus à leur donner à mauger dans Île
« bec; mais, sans descendre chaque fois
« jusqu’à terre, 1ls laissent tomber et font,
À
« pour ainsi dire, pleuvoir sur eux Ja
« nourriture : les jeunes , déja voraces ,
« s’entre-battènt et se la disputent entre
« eux en jetant des cris. Cependant leurs
22
FRE Va DR SE
258 HISTOIRE NA TURELLE |
« parens ne cessent pas de veiller sur eux
«du haut de l'air : un cri qu’ils jettent
« en planant, donné l'alarme , et à l’ins-
«tant les petits demeurent immobiles ,
« tapis sur le sable ; ils seroiént alors dif-
« ficiles à découvrir, si les cris mêmes de
«ia mère n'’aidoient à les faire trouver.
« Ils ne fuient pas, et on les ramasse à la
« main comme des pierres. |
« Ils ne volent qué plus de six sémaies
_« après qu'ils sont éclos , parce qu'il faut
« tout ce temps à leurs longues ailes pour
« croître; semblables en cela aux hiron-
« delles de terre, qui restent plus loug-
«temps dans le nid que tous les autres
« oiseaux de mêmegrandeur, etensortent
«mieux emplumées. Les premières plumes
‘« qui poussent à ces jeunes pierre-garins,
« sont d’un gris blanc sur la tête, le dos
«et les ailes; les vraies couleurs ne
« viennent qu'à la mue : mais Jeunes et
« vieux ont tous le même plumage à leur
« retour au printemps. La saison du dé-
« part de nos côtes de Picardie est vers la
«ni-août , et J'ai remarqué l’année der-
« nière 1779, qu'il s'étoit fait par un vent
« de nord-est. »
DES HIRONDELLES DE MER. 259
LA PETITE HIRONDELLE
DE MER*
Seconde espèce.
Czrre petite hirondelle de mer ressemble
si bien à la précédente pour les couleurs,
qu'on ne la distingueroit pas sans une
différence de taille considérable et cons-
tante entre ces deux races ou espèces ,
celle-ci n'étant pas plus grosse qu'une
alouette; mais elle est aussicriarde, aussi
vagabonde, que la grande :eependant elle
ne refuse pas de vivre en captivité lors-
qu'elle se trouve prise à l’embuüche, que,
dès le temps de Belon, les pécheurs lui
dressoient sur l’eau , en faisant flotter une
* Voyez les planches enluimnimées, n° 996.
En anglois, lesser sea-sn'aliow ; en allemavd,
klein sea-schvalbe ; et vers Strasbourg, #sclier-
Jin ; en polonoiïs , rybiim.
fu, UD 7 2
€entre Daniele l'oiseau , tombant sur sa
En HIS MER NATUR
croix de bois, au milieu de pra |
attachoient un petit poisson pour amorce,
avec des gluaux fichés aux quatre‘coins, Tv
proie, empêtre ses ailes. Cestpetites hiron-.
delles de mer fréquentent , ainsi que les
grandes, les côtes de nos mers, les lacs et
les rivières, et elles en partent de même
aux approches de l'hiver. |
L. 4
DES HIRONDELLES DE MER. 26t
LA GUIFETTE#*.
Troisième espèce.
Nous adoptons , pour désigner cette
espèce d’hirondelle de mer, le nom @e
guifeite qu’elle porte sur nos côtes de Pi-
cardie. Son plumage, blanc sous le corps,
est assez agréablement varié de noir der-
rière la tête, de brun nué de roussâtre
sur le dos, et d’un Joli gris frangé de
blanchâtre sur les ailes. Elle est de taille
moyenne entre les deux précédentes ;
mais elle en diffère en plusieurs choses
pour les mœurs. M. Baïllon , qui en parle
par comparaison avec la grande espèce
appelée pierre-garin, dit qu’elle se trouve
également sur les côtes de Picardie, mais
qu'elles diffèrent par plusieurs caractères.
1°. Les guifettes ne vont pas, comume les
* Voyez les planches enluminées, n° 924.
wa lez NON IN IS #4
262 HISTOIRE NA DORE.
pierre-garins , chercher habituellement !
leur nourriture à la mer; elles ne sont «
pas piscivores, mais plutôt insectivores , .
se nourrissant autant des mouches et |
autres insectes volans qu'elles saisissent |
en l'air, que de ceux qu’elles vont prendre
dans l’eau. 2°. Elles sont peu clameuses, et
n’importunent pas, comme les pierre-
garins, par leurs cris continuels. 3°. Elles
ne pondent point sur le sable nud, mais
choisissent dans les marais une touffe
d'herbes ou de mousse sur quelque motte
‘isolée au milieu de l’eau ou sur ses bords;
elles y apportent quelques brins d’herbes
sèches et y déposent leurs œufs, qui sont
ordinairement au nombre de trois. 4°. Elles
couvent constamment leurs œufs pendant
dix-sept jours , et ils éclosent tous le
même jour.
Les petits ne peuvent voler qu’au bout
_ d’un mois, et cependant ils partent avec
leurs père et mère d'assez bonne heure, ét
souvent avant les pierre-garins; on en.
voit voler le long de la Seine et de la Loire,
dans le temps de leur passage. Au reste,
les guifettes ont les allures du vol toutes
ne
"4
‘
| Lt
DES HIRONDELLES DE MER. 263
semblables à celles des pierre-garins ou
grandes hirondelles de mer ; elles sont de
même continuellement en l'air : elles
volent le plus souvent en rasant l’eau ou
les herbes , et s'élèvent aussi fort haut et
très-rapidement. |
Li YA 17 4 (ip "A
\ | 4 LE ER
264 HISTOIRE NATURELLE
l
LA GUIFETTE NOIRE,
60 L
L'ÉPOUVANTAIL*.
Quatrième espèce.
Cxr oiseau a tant de rapport avec le
t
précédent , qu'on l'appelle gwifette noire :
en Picardie. Le nom d’épouvantail qu'on
lui donne ailleurs, vient apparemment
de la teinte obscure de cendré très-foncé
qui lui noircit la tête, le cou et le corps;
.ses ailes seules sont du joli gris qui fait la
livrée commune des hirondelles de mer.
Sa grandeur est à peu près la même que
celle de la guifette commune; son bec
* Voyez les planches enluminées , n° 333.
En allemand, schwartzer mer ; et sur le Rhin,
vers Strasbourg, mey-vogel; en anglois, scare-
CTO , small black sea-swallow.
nr: si ;
| $ :
DES HIRONDELLES DE MER. 263
est noir, et ses Que pieds sont d’un
rouge obscur. On distingue le mâle à une
tache blanche placée sous la gorge.
Ces oiseaux n’ont rien de lugubre que
le plumage; car ils sont très-gais, volent
sans cesse, et font, comme les autres
hirondeiles de mer, mille tours et retours
dans les airs. Ils nichent, commeles autres
guifettes , sur les roseaux dans les ma-
rais , et font trois ou quatre œufs d’un
verd sale, avec des taches noirâtres qui
forment une zone vers le milieu. Ils chas-
sent de mème aux insectes ailés, et leur
ressemblent encore par toutes les allures *
* Observations communiquées par M. Baillon de
Montreuil-sur-mer.
5
LR
. re
266 HISTOIRE NATURELLE
LE GABHET.
Cinquième espèce.
Ux beau noir couvre la tête, la gorge,
le cou et le haut de la poitrine de cette
hirondelle de mer, en manière de chape-
roun ou de domino; son dos est gris; son
ventre est blanc : elle est un peu plus
grande que les guifettes. L'espèce n’en
paroît pas fort commune sur nos côtes ;
mais elle se retrouve sur celles de l’Amé-
rique, où le P. Feuillée la décrite, et
où il a observé que ces oiseaux pondent
sur la roche nue deux œufs très-gros pour
leur taille, et marbrès de taches d’un
pourpre sombre, sur un fond blanchâtre.
Au reste, l'individu observé par ce voya-
geur étoit plus grand que celui qu'a dé-
crit M. Brisson, qui néanmoins les rap-
_ porte tous SP à la même espèce , à la- |
quelle, sans ‘en dire la raison, il a im-
posé le nom de gacher,
DES HIRONDELLES DE MER. 267
L'HIRONDELLE DE MER
DES PHILIP EPTINIES.
. .x à]
Siviéme espece.
Csrrs hirondelle de mer, trouvée à
l'ile Panay, l’une des Philippines, par
M.Sonnerat, est indiquée dans son Voyage
à la nouvelle Guinée. Sa grandeur est
égale à celle de notre pierre-garin, et
peut-être est-elle de la même espèce mo-
difiée par l'influence du climat; car elle
a, comme le pierre-garin, tout le devant
du corps blanc, le dessus de la tête ta-
cheté de noir, et n’en diffère que par les
ailes et la queue, qui sont grisâtres en
dessous, et d’un brun de terre d'ombre
au-dessus ; le bec et les pieds sont noirs. :
L'HIRONDELLE DE MER
À GRANDE ENVERGUR_E.
Septième espèce.
CIPANDUE ce caractère d’une grande
envergure semble appartenir à toutes les
hirondelles de mer, il peut néanmoins
s'appliquer EE à celle-ci, qui,
sans être plus grande de corps que notre
hirondelle de mer commune, a deux pieds
neuf pouces d'envergure. Elle à a sur le
front un petit croissant blanc, avec le
dessus de la tête et de la queue d’un beau
noir, et tout le dessous du corps blanc;
le bec et les pieds noirs. Nous devons à
M. le vicomte de Querhoent la connois-
sance de cette espèce, qu'il a trouvée à
l'ile de l’Ascension, et sur laquelle il
nous à cominuniqué é la notice suivante.
_
DES HIRONDELLES DE MER. 269
« Il est inconcevable combien il y a de
« ces hirondelles à l'Ascension; l'air en
< est quelquefois obscurei, et j'ai vu de
« petites plaines qu’elles couvroient en-
« tièrement. Elles sont très-piaillardes, et
« Jettent continuellement des cris aigus
« etaigres, exactement semblables à ceux
« de la fresaie. Ellesne sont pascraintives;
« elles voloient au-dessus de mot, pres-
« que à me toucher: celles qui étoient sur
< leurs nids, ne s’envoloient point quand
«Je les Mochoe , mais me donnoient
« de grands coups de bec quand je vou-
« lois les prendre. Sur plus de six cents
nids de ces oiseaux, je n’en ai vu que
« trois où il y eût deux petits ou deux
«< œufs; tous les autres n’en avoient
< qu'un : ils les font à plate terre ; auprès
« de quelque tas de pierres, et tous Îles
< uns auprès des autres. Dans une partie
« de l’île où une troupe s’étoit établie, Je
« trouvai dans tous les nids le petit déja
« grand, et pas un seul œuf : le iende-
« main, Je rencontrai un autre établisse-
« ment où il n’y avoit dans chaque nid
« qu'un œuf quicommencoitàétrecouvé,
cire
Fe,
A
|
270 HISTOIRE NATURELL EX
« et pas un petit. Cet œuf, dont la géo
« seur me surprit, est nétrs avec des-
« taches brunes, et d’autres taches d'un )
« violet pâle, plus amultipliées au gros
« bout. Sans doute ces oiseaux: font plu-
«sieurs pontes par an. Les petits, dans.
« leur premier âge, sont couverts d’un
« duvet gris blanc. Quand: on veut les.
.< prendre dans le nid ils dégorgent aussi-
| « tôt le poisson qu'ils ont dans l'estomac. »
DES HIRONDELLES DE MER. 271
LA GRANDE HIRONDELLE
-DE MER
DE CAVE N NET
‘Huitième espèce.
Ox pourroit donner à cette espèce la
dénomination de très-grande hirondelle de
mer; car elle surpasse de plus de deux
pouces, dans ses principales dimensions,
le pierre-garin , qui est la plus grande de
nos hirondelles de mer d'Europe. Celle-e1
se trouve à Cayenne : elle a, comme la
plupart des espèces de son genre, tout le
“dessous du corps blanc , une calotte noire
derrière la tête , et les plumes du manteau
_ frangées, sur fond gris, de jaunâtre ou
roussâtre foible.
Nous n’avons connoissance que de ces
* Voyez les planches enluminées, n° 666.
272 HISTOIRE NATURELLE
huit espèces d'hirondelles de mer, et nous
croyons devoir séparer de cette anale
d'oiseaux celui dont M. Brisson a fait sa
éroisième espèce ; SOUS. la dénomination
d’Airondelle cendrée, parce qu'il a les ailes
courtes, et que) la grande longueur des
‘ailes paroît être le trait le plus marqué,
et l’attribut constant par lequel la Nature
‘ait caractérisé les hirondelles de mer, et
parce qu'aussi leurs habitudes naturelles
dépendent, pour la plupart, de cette con-
formation qui leur est commune à toutes.
| cr
MR de sed pee Ve E 'a ‘
“HAS ILE" ASE
M
L'OISEAU DU TROPIQUE
oulE PAILLE EN QUEUE .
: Î JD auquet SJ
L'OISEAU DU TROPIQUE,
Oo U e”
LE PAILLE-EN-QUEUE ’.
Nos avons vu des oiseaux se porter
du Nord au Midi, et parcourir d’un vol
libre tous les Hiniècs de la terre et des
mers ; nous: en verrons d’autres confinés
aux régions polaires , comme les derniers
enfans de la Nature mourante sous cette
sphère de glace? : celui-ci semble, au
contraire, être attaché au char du soleil
sous la zone brûlante que bornent Îles
tropiques $. Volant sans cesse sous ce ciel
1 Paille-en-cul , fetu-en-cul, queue de flèche ;
en anglois, the tropick bird ; en hollandois, pil-
siaart ; en espagnol, rabo di junco; en latin mo-.
derne, lepturus.
2 Voyez dans les derniers articles de cette His-
toire, ceux de l’a/batross, du pétrel, du maca-
reux , Au pinguin.
3 Cest sans doute dans cette idée que M. Lin-
næus lui donne le nom poétique de phaëéton (phac-
fon œlhereus)},
L 11 # \ Ru Le sie TENTE
294 ais TOIRE NATURELLE
enflammé, sans s’écarter des deux ee
extrêmes de la route du grand astré, il
annonce aux navigateurs leur a a
passage sous ces lignes célestes : aussi tous
lui ont donné le nom d'oiseau du tro-
pique, parce que son apparition indique
l'entrée de la zone torride , soit qu’on ar-
rive par le côté du nord ou par celui du
27
sud dans toutes les mers du monde , que
-cet oiseau fréquente également.
C’est mème aux îles les plus éloignées
et Jetées le plus avant dans l'Océan équi- -
noxial des deux Indes, telles que l’Ascen-
sion, Sainte-Hélène, Rodrigue, et celles
de France et de Bourbon, que ces oiseaux
semblent surgir par che et s'arrêter de
préférence. Le vaste espace de la mer
Atlantique, du côté du nord, paroît les
[avoir égarés jusqu'aux Bermudes; car
c’est le point du globe où ils se sont le
plus écartés des limites de la zone torride.
Hs habitent et traversent toute la largeur
de cette zone, et se retrouvent à son
autre limite vers le midi, où ils peuplent
‘cette suite d’îles que M. Cook nous a dé-
couverte sous le tropique austral, aux
\
DE L'OISEAU DU TROPIQUE. 275.
Marquises, à Pîle de Pâque, aux îles de
la Société, et à celles des Amis !, MM. Cook
et Forster ont aussi rencontré ces oiseaux.
en divers endroits de La pleine mer, vers
ces mèmes latitudes; car, quoique leur :
apparition soit regardée comme un signe
de la proximité de quelque terre, il est
certain qu’ils s’en éloignent quelquefois
à des distances prodigieuses, et qu'ils se
portent ordinairement au large à plu-
sieurs centaines de lieues.
Indépeudamment d’un vol puissant et .
très-rapide, ces oiseaux ont, pour fournir
ces longues traites , la faculté de se repo-
ser sur l’eau ?, et d'y trouver un point
d'appui au moyen de leurs larges pieds
eutièrement palmés, et dont les doigts
sont engagés par une membrane, comme
ceux des cormorans, des fous, des fré-
gates , auxquels le paille-en-queue res-
semble par ce caractère, et aussi par l’ha-
bitude de se percher sur les arbres. Ce-
pendant il a beaucoup plus de rapports
cs
1 Dans les premières de ces Îles, son nom est
manco-roa (manoo veut dire ofseau).
2 Labat croit même qu’ils y dorment.
D AL
|
6 HISTOIRE NATURELLE È
avec les hirondelles de mer qu'avec au-
cun de ces oiseaux : il leur ressemble par
la longueur des ailes , qui se croisent sur
la queue lorsqu'il de en repos; 1l leur
ressemble encore par la forme du bec,
qui néanmoins est plus fort, plus épais,
et légèrement dentelé sur les bords.
Sa grosseur est à peu près celle d’un
_ pigeon commun. Le beau blanc de son
plumage sufhroit pour le faire remarquer :
mais son caractère le plus frappant est
un double long brin qui ne paroît que
comme une paille implantée à sa queue;
ce qui lui a fait donner le nom de paille-
en-queue. Ce double long brin est composé
de deux filets chacun , formés d’un côté
de plume presque nue et seulement gar-
nie de petites barbes très-courtes , et ce
sont des prolongemens des deux. btbe
du milieu de la queue, laqueile du reste
est très-courte et presque nulle. Ces brins
ont Jusqu'à vingt-deux ou vingt-quatre
pouces de longueur : souvent l’un des
deux est pie long de l’autre, et quel-
, quefois il n’y en a qu’un ou ce qui.
tient à quelque accident ou à la saison
. 4 Lx
| ER
DE L'OISEAU DU TROPIQUE. 277
de la mue; car-ces oiseaux les perdent
dans ce Fc , et c’est alors que les ha-
bitans d'Otaïti et des autres îles voisihes
ramassent ces longues plumes dans leurs
bois , Où ces oiseaux viennent se reposer
pendant la nuit. Ces insulaires en forment
des touffes et des panaches pour leurs
guerriers ; : les Caraïbes des îles de l’Amé-
rique se passent ces longs brins dans la
cloison du nez pour se rendre plus beaux
ou plus terribles.
On conçoit aisément qu’un oiseau d’un
vol aussi haut , aussi libre, aussi vaste,
ne peut ed er de ‘à captivité;
d’ailleurs ses jambes courtes et placées en
arrière le rendent aussipesant , aussi peu
agile à terre, qu'il est leste et léger dans
les airs. On a vu quelquefois ces oiseaux,
fatigués ou déroutés par les tempêtes,
venir se poser sur le mât des vaisseaux,
et se laisser prendre à la main. Le voÿya-
geur Leguat parle d’une plaisante guerre
entre eux ct les matelots de son équipage
dont ils enlevoient les bonnets.
On distingue deux ou trois espèces de
paille-en-queue , mais qui ne semblent
24
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278 HISTOI
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| 2°
LA
DE L'OISEAU DU TROPIQUE. 279
«
LE GRAND PAILLE-EN-QUEUE *.
Première espèce.
Crsr sur - tout par la différence de
grandeur que nous pouvons distinguer
les espèces ou variétés de ces oiseaux.
Celui-ci égale ou méme surpasse la taille
d’un gros pigeon de volière ; ses pailles
ou brins ont près de deux pieds de lon-
gueur , et l’on voit sur son plumage tout
blanc de petites lignes noires en hachures
au-dessus du dos, et un trait noir en fer-
à-cheval. qui embrasse l'œil par l'angle
intérieur ; le bec et les pieds sont rouges.
Ce paille-en-queue, qui se trouve à l’île
Rodrigue, à celle de l’Ascension et à
Cayenne , paroît être le plus grand &e
tous ces oiseaux.
* Voyez les planches enluminées, n° 998, sous
la dénomination de paille-en-queue de Cayenne.
Li pa . die, a SEAL ts) ue
t 4e
280 HISTOIRE RU «|
#
| nu PATENT
LE PETIT PAILLE-EN-QUEUE *..
Seconde espèce.
Csrur-cr n’est que de la taille d’un
petit pigeon commun , ou même au-des-
sous ; il a, comme le précédent , le fer-ä<
cheval noir sur l'œil, et de plus il est .
tacheté de noir sur les plumes de l’aile
voisines du corps , et sur les grandes
pennes : tout le reste de son plumage est
blanc , ainsi que les longs brins. Les
bords du bec, qui, dans le grand paille-
eh-queue, sont découpés en petites dents
de scie rebroussées en arrière, le sont
beaucoup moins dans celui-ci. Il jette par
intervalles un petit cri, chiric, chiric, et
pose son nid dans des trous de rochers
escarpés. On n’y trouve que deux œufs, #
* Voyez les planches enluminées, n° 369, sous
-a dénomination de parlle-en-queue de l'ile ‘do
France.
RON ET. AECRET po,
DE L'OISEAU DU TROPIQUE. 281
_ suivant le P. Fewillée, qui sont bleuätres
et un peu plus gros que des œufs de pi-
geon.
Par la comparaison que nous avons
faite de plusieurs iudividus de cette se-
conde espèce, nous avons remarqué à
quelques uns des teintes de rougeâtre ou
fauve sur le fond blanc de leur plumage;
variété que nous croyons provenir de
l’âge , et à laquelle nous rapporterons le
paille-en-queue fauve de M. Brisson, avec
d'autant plus d'apparence, qu'il le donne.
comme plus petit que le paiile-en-queue
blanc. Nous avons aussi remarqué des
variétés considérables , quoiqu'indivi-
duelles, dans la grandeur de ces oiseaux;
et plusieurs voyageurs nousont assuré que
les Jeunes n'ont pas le plumage d’un blanc
pur , mais tacheté ou sali de brun ou de
noirâtre. Ils diffèrent aussi des vieux, en
ce qu'ils n’ont point encore de longs bee |
à la queue, et que leurs pieds, qui doivent
devenir rouges , sont d'un bleu pâle. Ce-''
pendant nous devons observer que quoi-
que Catesby assure en général que ces
oiseaux out les pieds et le bec rouges,
24
cela n’est vrai sans pa Li hit, pour ‘
l’espèce précédente. et la suivante; car.
des celle-ci, qui est despèbe commune
à l’île de France, le bec est jaunâtre où R
one de corne , et les pieds sont noirs.
is k LIT PAR Len
, | À
4
DE L'OISEAU DU TROPIQUE. 283.
LE PAILLE-EN-QUEUE
A BRINS ROUGES"*.
Troisième espèce.
*
Le deux filets ou longs brins de la
queue sont, dans cette espèce , du même
rouge que le bec ; le reste du plumage
estblanc , à l'exception de quelques taches
“noires sur l'aile près du dos, et du trait
noir en fer-à-cheval qui engage l'œil. M. le
vicomte de Querhoent a eu la bonté de
nous communiquer la note suivante au
sujet de cet oiseau, qu’il a observé à l’île
de France. « Le paille-en-queue à filets
« rouges niche dans cette île, aussi-bien
« que le paille-en-queue commun ; le der-
« nier dans des creux d’arbredela grande
« le; l’autre dans des trous de petits îlets
« du voisinage. On ne voit presque jamais
* Voyez les planches enlumines, n° 979, sous
la dénonination Ge paille-en-queue de Vile de
France,
AN:
M a Naud j.:
284 HISTOIRE a TUPEUÉS à:
«le paille-en-queue à filets rouges venir
«à la grande terre; et hors le temps des
«amours , le paille-en- queue commun …
«ne la sé ibnfe aussi que rarement. Ils
« passent leur vie à pêcher au large, et
«ils viennent se reposer sur la petite île
«< du Coin-de-mire, qui est à deux lieues
« au vent de l’île de France, où setrouvent
« aussi beaucoup d’autrés oiseaux de mer:
« C'est en septembre et octobre que J'ai
« trouvé des nids de païlle-en-queue; chia-
«Cun ne contient que deux œufs d’un
« blanc jauuâtre, marquetés de taches
« rousses. On m'assure qu'il ne se trouve
souvent qu'un œuf dans le nid du grand
« paille-en-queue : aussi aucune de ‘ces
« espèces ou variétés de ce bel oiseau du
« tropique ne paroît étre nombreuse. »
Du reste, ni l’une ni l’autre de ces trois
espèces ou variétés que nous venons de
décrire , ne paroît attachée spécialement à
aucun lieu déterminé ; souvent ‘elles se
trouvent les deux premières ou l'és deux
dernières ensemble , et M. le vicomte de
QREAOÈRE dit les avoir vues toutes. trois
réunies à Pile de PAscension.
L
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Ze:
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Le
L
JPauqut.: P
DS, FO US.
p.
Le
D xs tous les êtres bien organisés ,
l'instinct se marque par des habitudes
suivies. qui toutes tendent à leur con-
servation; ce sentiment les avertit et leur
apprend à fuir ce qui peut nuire, comme
à chercher ce qui peut servir an main-
tien de leur existence et meme aux ai-
sances de la vie. Les oiseaux dont nous
allons parler, semblent n'avoir recu de la
Nature que là: moitié ‘de cet instinct :
grands et forts, armés d’un bec robuste,
pourvus de ‘:T'rabe ailes et de pieds 4 -
tièrement et largement palmés, ls ont
tous les attributs nécessaires à l'exercice
de leurs facultés, soit dans l'air ou dans
l’eau. Ils ont donc tout ce qu'il faut pour
* En anglois, 400by. (fou, stupide ),. d'où on a
fait le nom de boubie, qui se lit si fréquemment
dans les relations de la mer du Sud; par les Por-
tugais des Indes; paxaros bobos, ou fols oiseaux;
eu latin moderne et ée nomenclature, sula.
NET v
L
266 HISTOIRE NATURELLE
agir et pour vivre, et cependant ils sem
blent ignorer ce qu'il faut faire ou ne pas |
faire pour éviter de mourir ; répandus
d’un bout du monde à l’autre, et des mers
du Nord à celles du Midi, nulle part ils
m'ont appris à connoître leur plus dange-
reux ennemi : l’aspect de l’homme ne
les effraie ni ne les intimide ; ils se
laissent prendre non seulement sur les
vergues des navires en mer, mais à terre,
sur les îlets et les côtes, où on les tue
à coups de bâton, et en grand nombre,
sans que la troupe stupide sache fuir ni
prendre son essor, ni même se détourner
des chasseurs, qui les assomment l’un
après l’autre, et jusqu’au dernier. Cette
indifférence au péril ne vient ni de fer-
meté ni de courage, puisqu'ils ne savent
ni résister ni sé défendre, et encore moins
‘attaquer , quoiqu'ils en aient tous les
moyens , tant par la force de leur corps
que par celle de leurs armes. Ce n’est donc
que par imbécillité qu'ils ne se défendent.
pas ; et de quelque cause qu’elle pro-
vienne, ces oiseaux sont plutôt stupides
que fous ; car l’on ne peut donner à la
pe
ES EF OUI: 287
plus étrange privation d’instinct un nom
ne ne convient tout au plus qu’à l'abus
qu'on en fait.
Mais comme toutes les facultés inté-
rieures et les qualités morales des ani-
maux résultent de leur constitution , om
doit attribuer à quelque cause physique
cette incroyable inertie qui produit l’a-
bandon de soi-même , et 1l paroît que
cette cause consiste dans la difficulté que
ces oiseaux ont à mettre en mouvement
leurs trop longues ailes * ; impuissance
peut-être assez grande pour qu'il en ré-
sulte cette pesanteur qui les retient sans
mouvement dans le temps même du plus
pressant danger , et Jusque sous les coups
dont on les fébpe,
_ Cependant, lorsqu'ils échappent à la
main de l’homme , il semble que leur
manque de courage les livre à un autre
ennemi qui ne cesse de les tourmenter ;
cet ennemi est l’oiseau appelé /a frégate:
* Nous verrons que la frégate elle-même, malgré
Ja puissance de som vol , paroît éprouver une peine
semblable à prendre son essor. Voyez ci-après
l’article de cet oiseau.
| 288 HISTOIRE NATURELLE
elle fond sur les fous dès qu'elle les ap<
perçoit, les poursuit sans relâche, etles
à
force |, à coups d'ailes et de bec, à lui
livrer leur proie, qu'elle saisit et avale
à l'instant ; car ces fous imbécilles et
lâches ne manquent pas de rendre gorge
“à la première attaque , et vont ensuite
chercher une autre proie qu'ils perdent
_ souvent de nouveau par la même pirate
rie de cet oiseau frégate. |
Au reste, le fou pêche en planant, les
ailes presque immobiles, et tombant sur
le poisson à l'instant qu “il paroît près de :
la surface de l’eau. Son vol, quoique ra-
pide et soutenu, l’est infiniment moins
que celui de la frégate : aussi les fous
s'éloignent-ils beaucoup moins qu’elle au
large, et leur rencontre en mer annonce
assez sûrement aux navigateurs le voisi-
nage de quelque terre. Néanmoins quel-
ques uns de ces oiseaux qui fréquentent
les.côtes de notre nord, se sont trouvés
dans les îles les plus lointaines et les plus
isolées au milieu des océans; ils y ha-.
bitent par peuplades avec les mouettes ,
les oiseaux du tropique, etc. ; et la fré-
Doesrous li 4
Fe : TR Apr OR
gate , qui les poursuit de préférence, n’a
pas manqué de les y suivre.
Dampier fait un récit curieux des hos-
tilités de l'oiseau frégate, qu'il appelle
_ Le guerrier, contre les fous , qu’il nomme
Boubies *, dans les îles Alcranes, sur la
côte d'Yucatan. « La foule de ces oiseaux
«
«
«
«
«
Ca
L<
«
<
La)
«
«
«
y est si grande , que Je ne pouvois, dit-
il, passer dans leur quartier sans être
incommodé de leurs coups de bec. F’ob-
servai qu'ils étoient rangés par couplés;
ce qui me fit croire que c’étoient le mâle
et la femelle... .... Les ayant frappés,
quelques uns s’envolèrent : mais le plus
grand nombre resta ; ils ne s’envoloïrent
point malgré les efforts que Je faisois
pour les y contraindre. Je reimarquai
aussi que les guerriers et les boubies
laissoient toujours des gardes auprès
de leurs petits, sur- tout dans le temps
où les vieux alloient faire leur provi-
sion en mer. On voyoit un assez grand
nombre de guerriers malades ou estro=
piés qui paroissoient hors d’état d’allex
* C’est le mot anglois, 600oby, sot, stupide.
Oiseaux, ZX VI. 29
290 HISTOIRE NATURELLE
l« chercher de quoi Se nourrir : ils ne de- \
«meuroient pas avec les oiseaux de leur :
« espèce ; et soit qu'ils fussent exclus de
la société, ou qu'ils s’en fussent sépa-
« rés volontairement , ils étoient disper=
« sés en divers cod oite, pour y trouver
« apparemment l’occasion de piller. J’en
« vis un Jour plus de vingt sur une des
«iles, qui faisoient de temps en temps :
« des sorties en plate campagne, pour
« enlever du butin; mais ils se retiroient
« presque aussitôt. Celui qui surprenoit
« une Jeune boubie sans garde, lui don-
« noit d’abord un grand coup de becsur
le dos pour lui faire rendre gorge, ce
qu'elle faisoit à l'instant ; elle rendoit
«un poisson ou deux de la grosseur du
« poignet , et le vieux guerrier l’avaloit
«encore plus vite. Les guerriers vigou-
« reux jouent le même tour aux vieilles
« boubies qu'ils trouvent en mer. J’en vis
«un moi-même qui vola droitcontre une
« boubie , et qui ; d’un coup de bec, lui
« fit rendre un poisson qu’elle venoit d’a-
« valer : le guerrier fondit si rapidement
« dessus, qu’il s'en saisit en l'air avant
_« qu'il fut tombé dans l’eau.» |
y À
à
Lay
L<
Le)
«.
La)
\
Le #8
DES E OUS: 207
C'est avec les cormorans que les oiseaux
fous ont le plus de rapport par la figure
et l’organisation , excepté qu’ils n’ont pas
le bec terminé en croc, mais en pointe
légèrement courbée ; ils en diffèrent en-
core en ce que leur queue ne dépasse
poiut les ailes. Ils ont les quatre doigts
unis par une seule pièce de mi
l’ongle de celui du milieu est dentelé
intérieurement en scie ; Le tour des yeux
est en peau nue ; leur bec, droit, conique,
est un peu crochu à son extrémité, cet.
les bords sont finement dentelés : les na-
rines ne sont point apparentes; on ne
voit à leur place que deux rainures en
creux. Mais ce que ce bec a de plus
remarquable, c’est que sa moitié supé-
rieure est comme articulée et faite de
trois pièces , jointes par deux sutures,
dont la première se trace vers la pointe,
qu'elle fait paroître comme un onglet
détaché ; l’autre se marque vers la base
du bec, près de la tête, et donne à cette
moitié supérieure la faculté de se briser
et de s'ouvrir en haut, en relevant sa
pointe à plus de deux pouces de celle de
la mandibule inférieure.
| "AO
202 HISTOIRE : NATURELLE
Ces oiseaux jettent un cri fort qui par À
ticipe de ceux du corbeau et de loie; et.
c’est sur-tout quand la frégate les pour-
suit qu'ils font entendre ce cri, ou lors=
qu’étant rassemblés ils sont saisis de quekw
que frayeur subite. Au reste , ils por-"
tent en volant le cou tendu et la queue *
étalée. Ils ne peuvent bien prendre leur
vol que de quelque point élevé : aussi se À
perchent- -ils comine les cormorans. Dam-
pier remarque même qu'à l'ile d’/ves 11s
nichent sur les arbres, quoiqu’ailleurs
on les voie nicher à ren , cttoujours”
en grand nombre , dans un même Me
tier ; car une communauté, non d'ins-"
tinct, mais d’imbécillité, semble les ras-
sembler. Ils ne pondent qu’un œuf ow
«
LA RS +” à
.* M. Valmont de Bomare, en cherchant la rats
son qui à fait donner à cet oiseau le nom de fou,
se trompe bearcoup en disant qu'il est le‘seul dés
palmiptdes qui se perche, puisque non seulement
le cormoran, mais le pélican, Panbinga l'oiseau
du tropique, se perchent; et ce qu est de plusm
singulier, tous, ces oiseaux sont ceux. du genre le
plus complétement palmipède, puisqu'ils ont Is
quatre doigts liés par une MERE Note
JUN
\ 4 ‘1
DS TOUS... 20%
deux. Les petits restent long-temps COU-
verts d’un duvet très-doux et très-blanc
dans la plupart ; mais le reste des parti-
cularités qui peuvent concerner ces o1-
seaux , doit trouver sa place dans l'énu<
mération de leurs espèces. |
ù
\
AP he * #7 r A} LU if
PETE
LE FOU be ;
Prernière espèce.
. / ÿ C
- Csr oisean , dont l’espèce paroït être la
plus commune aux Antilles, est d’une
taille moyenne entre celles du canard et
de l’oie. Sa longueur, du bout du bec à
celui de la queue, est de deux pieds cinq.
pouces, et d’un pied onze pouces au bout
des ongles ; son bec a quatre pouces et
demi, sa queue près de dix. La peau nue
qui entoure les yeux est Jaune , ainsi que
la base du bec, dont la pointe est brune ;
les pieds sont d’un Jaune pâle ; le ventre
est blanc , et tout le reste du plumage
est d’un en brun. |
Toute simple qu'est cette livré ée, Cates-.
by observe que seule elle ne peut avisé
riser cette espèce , tant il s’y trouve de
variétés individuelles. « J'ai observé, dit-
«il, que l’un de ces individus avoit le
« ventre blanc et le dos brun; un autre,
|
+
« la poitrine blanche comme le ventre;
«et que d'autres étoient entièrement
__« bruns ». Aussi quelques voyageurs sem-
blent avoir désigné cette espèce de fous
par le nom d'oiseaux fauves. Leurchair est
noire et sent le marécage ; cependant les
matelots et les aventuriers des Antilles
s’en sont*souvent repus. Dampier raconte
qu'une petite flotte françoise qui échoua
sur l'ile d’Aves, tira parti de cette res-
source , et fit une telle consommation de
ces oiseaux , que le nombre en diminua
beaucoup dans cette île.
On les trouve en grande quantité non
seulement sur cette île d’Aves, mais dans
celle de Remire, et sur - tout au Grand-
Connétable, roc taillé en pain de sucre et
isolé en mer , à la vue de Cayenne. Ils
sont aussi en très-grand nombre sur les
îlets qui ayoisinent la côté de la nouvelle
Espagne , du côté de Caraque ; et il pa-,
roît que cette même espèce se rencontre
sur la côte du Bresil et aux îles Bahama ,
où l’on assure qu’ils pondent tous les mois
de l’année deux ou trois œufs , ou quel-
quefois un seul, sur la roche toute nue.
"AIDES ro S: “Si
LS
2er
1m AUDE L* }
LE FOU BLANC
Seconde espèce.
4 {
Novs venons de remarquer beaucoup w
de diversité du blanc au brun dans l’es- u
. pèce précédente; cependant il ne nous”
paroît pas que l’on puisse y rapporter .
celle-ci, d'autant plus que du Tertre, qui
a vu ces deux oiseaux vivans, les dis)
tingue l’ un de l’autre. Ils sont en 'efettrès il |
diérens. puisque l’un a blanc ce que”
l’autre a brun , savoir, le dos, le cou cet.
la tête, et que d’ailleurs celui-ci est un“
peu plus grand : il n’a de brun que les”
pennes de l'aile et partie de ses cou
vertures ; de plus, il paroît être moins
stupide. Il ne se perche guère sur les
arbres, et vient encore moins se faire |
prendre sur les vergues des navyires. Ce
pendant cette seconde espèce habite dans
les mêmes lieux avec la première. On les
POESIE OU S. 207
trouve également à l’ile de l’Ascension.
«Ilya, dit M. le vicomte de Querhoent,
_« dans cetteîle, des milliers de fous com-
-« muns ; les blancs sontmoins nombreux :
« on voit les uns et les autres perchés sur
« des monceaux de pierres, ordinaire-
«ment par couples ; on les y trouve à
« toutes les heures , et ils n’en partent
«que lorsque la faim les oblige d’aller
« pêcher. Ils ont établi leur quartier-gé-
« néral sous le vent de l'île; on les y ap-
« proche en plein jour, et on les prend
« mème à la main. Il y a encore des fous
« qui diffèrent des précédens; étant en
« mer par les 10 degrés 36 secondes de lati-
« tude nord, nous en avons vu quiavoient
« la tête noire. »
; ANA 2" TE
298 HISTOIRE NATURELLE he
LE GRAND FOU.
Troisième espèce.
z
C ET oiseau, le plus grand de son genre;
est de la grosseur de l’oie, et il a six pieds
d'envergure. Son plumage est d’un brun
foncé , et semé de petites taches blanches
sur la tête, et de taches plus larges sur la
poitrine , et plus larges encore sur le dos;
le ventre est d’un blanc terne. Le mâle a
les couleurs plus vives que la femelle.
Ce grand oiseau se trouve sur les côtes:
de la Floride , et sur les grandes rivières
de cette contrée. « Il se submerge, dit
« Catesby, et reste un temps considérable
« sous l’eau, où j'imagine qu'il rencontre.
«-des requins ou d’autres grands poissons
« voraces , qui souvent l’estrapient ou le
« dévorent ; car plusieurs fois il m'est
«arrivé de trouver sur le rivage de ces.
« Oiseaux estropiés ou morts. »
D'ES FOUS. 299
Ün individu de cette espèce fut pris
dans les environs de la ville d’Eu, le 18
octobre 1772. Surpris très-loin en mer par
le gros temps , un coup de vent l’avoit
sans doute amené et Jeté sur nos côtes.
L'homme qui le trouva n'eut, pour s’en
rendre maître, d'autre peine que celle de
lui jeter son habit sur le corps. On le
nourrit pendant quelque temps. Les pre-
miers Jours il ne vouloit pas se baisser
pour prendre le poisson qu’on mettoit
devant lui, et il falloit le présenter à la
hauteur du bec pour qu'il s’en saisît. IL
étoit aussi toujours accroupi et ne vou-
Joit pas marcher ; mais peu après, s’ac-
coutumant au séjour de la terre , il mar-
cha , devint assez familier , et même se
mit à suivre son maître avec importuni-
té, en faisant entendre de temps en temps
ua cri aigre et rauque.
\
300 HISTOIRE NATU
LE PETIT FOU*.
{ £ \
Quatrième espèce.
".
C. sr en effet le plus petit que nous
connoissions dans ce genre d'oiseaux fous:
sa longueur , du bout du bec à celui de.
la queue, n suère que d’un pied et.
demi. Il a la gorge, l'estomac et le.
ventre blancs, et tout ie reste du plu-
mage est noirâtre, Il nous a été envoyé
de Cayenne. - :
{
* Voyez les planches enluminées, n° 073, sous”
la dénomination de fou de Cayenne.
RMRE SF OU S. 30
€
" è sde és k “ ;
LE PETIT FOU BRUN #*.
L
Cinquième espèce.
Cxr-oisean diffère du précédent en ce
qu'ii est entièrement brun; et quoiqu'il
soit aussi plus grand , il l’est moins que le
fou. brun commun de la première espèce.
Ainsi nous laisserons ces deux espèces sépa-
rées , en attendant que de nouvelles obser-
vations nousindiquent s’il faut les réunir.
Toutes deux se trouvent dans les mêmes
. e LE « \
eux, et particulièrement à Cayenne et:
aux îles Caribes.
r
* Voyez les planches enluminées, n° 974, sous
la dénomination de fou brun de Cayenne.
\
26
LE FOU TACHETÉ*.
Sixième, espèce.
#
\
pie ses couleurs, et mème par sa taille,
cet oiseau poufroit se rapporter à notre +
troisième espèce de fous, si d’ailleurs il. $
-n’en différoit pas trop par la briéveté des 1
ailes , qui même sont si courtes dans l'in-
dividu représenté planche 986, que lon
seroit tenté de douter que cet oiseau ap-.
partint réellement à la famille des fous,
si d’ailleurs les caractères du bec et des
pieds ne paroissoient l’y rappeler. Quoi
qu'il en soit, cet oiseau, qui est de la
grosseur du us plongeon , a, comme
lui, le fond Un plumage d’un PAR noi
fête tout tacheté de blanc, plus fine-
ment sur la tète, plus linge al sur le
dos et les ailes, ne l’estomacetleventre :
ondés de brunâtre , sur fond blanc.
* Voyez les planches enluminées , n° 086, sous:
la dénomination de fou tacheté de Cayenne.
Frs “=
D RÉ ART ee enr. ln LT
x SEE re Ne
| Dre A
“DES FOUS. 30%
LE FOU DE BASSAN :
Septième espèce.
146
L':Lr de Bass ou Passan, dans le petit
golfe d’Édimbourg, n’est qu’un très-grand
rocher qui sért de rendez - - VOUS à Ces O1-
seaux, qui sont d’une grande et belle
Pépate On les a nommés fous de Bassan ,
parce qu’on croyoit qu'ils ne se trou-
voient que dans ce seul endroit ; cepen-
dant on sait , par le témoignage de Clu-
sius et de Sibbald, qu'on en rencontre
également aux îles de Féroé ?, à l'île
1: Voyez les planches enluminées, n° 276.
En anglois ;soland goose.
2 Hector Boetius, dans sa Description de lE-
cosse , dit aussi que ‘ces oiseaux michent sur une
des îles Hébrides; mais ce qu’il ajoute, savoir,
qu'ils y apportent pour cela tant de bois, qu'il fait
l2 provision de l’année pour les habitans, paroit
304 :HISTOI RE NA TURELLE
d’Alise et dans les autres îles F
Cet oiseau est de la grosseur d'une oie 5
il a près de trois pieds de longueur 71 jet}
plus de cinq d'envergure. Ilesttoutblanc,
à l'exception des plus grandes pennes Pie
l'aile, qui sont brunes ou noirâtres, et.
du derrière de la tête , qui paroît tel
de} jaune ?; la peau nue du tour des yeux |
fabuleux , d'autant se il paro’ Fe ces oiseaux,
à l’île de ‘Bassan, pondent, comme les autres fous
d’A mériqué > sur la roché nues 70m
1 Quelques personnes nous assurent qu Al parc oît
quelquefois de ces fous, jetés par les vents . sur les
côtes de Bretagne, et même jusqu'au milreu des
terres, et qu'on en a vu aux environs/de Paris: 0"
2e Je serois ienté.de croire que d'est uné’ marque
& de vieillesse. Cette. taché, jaune est.de la même
« nature que celle;qu'ont au bas du cou. les spatules ;
« j'en ai vu en qui cette partie étoit presque dorée.
« La même chose arrive aux poules blanches; élles
« jaunissent eu vieillissant ». (Vote mes à
par M. Ballon.) a, 4aOË
e
114 oct it)
Ray est de cet avis: quant : au AG de AS TE
et, suivant Willughby, les petits, dans Je premier
âge, sont marqués de brun ou de noiètre surule
dos.
pay dés up Are "an
j} Li ti
DS DES FOU Si 0 11, 26
est La 4 eau bleu , ainsi que le-bec.,
qui a jusqu’à six pouces de long, et qui
s’ouyre au point de donnér passage à un
poisson de la taille d’un gros maquereau ;
et cet énorme morceau ne suffit pas tou-
jours pour satisfaire sa voracité. M. Bail-
lon nous a envoyé un de ces fous qui a
été pris en pleine mer, et qui s’étoit
étouHé lui-même en avalant un trop
gros poisson |. Leur pêche ordinaire dans
l’île de Bassan et aux Ébudes ,' est celle
des harengs. Leur chair retient le goût
du poisson ; cependant celle des jeunes,
qui sont toujours très-gras ?, est assez
bonne pour qu'on prenne la peine de les
aller dénicher, en se suspendant à des
cordes et descendant le long des rochers.
On ne peut prendre les jeunes que de cette
1 Envoi fait de Montreuilssur-mer, par M. Bail-
lon, en décembre 17773 mais c’est un conte que
l’on fit à Gesner, de lui dire que cet oiseau voyant
un nouveau poisson, rendoit celui quil venoit
d'avaler, et ainsi n’emportoit jamais que le dernier
qu’il eût pêché.
2 Gesner dit que les He font de la graisse
de cet oiseau une espèce de très-bon onguent.
3%6.HISTOIRE NATURE AR.
manière. Il seroit aisé de tuer es Ux à
coups de bâton ou de pierres; ‘mais léur.
chair ne vaut rien. Au resté, ils sont *
tout aussi imbécilles que les autres fous. M
Ils nichent à l’ile de Bassan ; dans les
trous du rocher, où ils ne pondeént qu’ un
œuf : le peuple dit qu'ils le couvent sim-
plement en posant déssus ui de leurs
pieds. Cette idée a pu venir de la largeur
du pied de cet oiseau : il ‘est largement
palimé, et le doigt du EE aitisi que
l'extérieur, ont chacun près dé quatre
pouces de longueur, et tous lés quatre
sont engagés par une pièce entière de
membrane. [a peau n'est point adhérente
aux muscles, ni collée sur le corps; elle
n’y tient ds par dé petits faisceaux de
fibres placés à distances inégales, comme
d’un à deux pouces, et capables de s’a-
longer d'autant, de manière qu’en tirant
la peau flasque elle s'étend commé une …
membrane f et qu’en la souflant elle
s’enfle comme un ballon. C’est l'usage que
sans doute en fait Foiseau pour renfler *
son volume et se rendre par-là plus léger À
dans son vol. Néanmoins on ne découvre 1
;
1
3
:
_… De 7e « me
Re
Er -
+
RMS DÉS FOUS 307
# re
pas de canaux qui communiquent du
thorax à la peau; mais il se peut que
V'air y parvienne par le tissu cellulaire,
comme dans plusieurs autres oiseaux.
Cette observation , qui sans doute auroit
lieu pour toutes les espèces de fous, a été
faite par M. Daubenton le jeune, sur un
fou de Bassan envoyé frais de la côte de
Picardie.
Ces oiseaux, qui arrivent au printemps
pour nicher rh les îles du nord, les
quittent en automne, et, descendant plus
au midi, se rapprochent, sans doute, du.
gros de Lee espèces, qui ne quittent pas
les régions méridionales; peut-être même,
si les migrations de cette dernière espèce
étoient mieux connues , trouveroit-on
qu'elle_se ralhie et se réunit avec les
autres espèces sur les côtes de la Floride,
rendez-vous général des oiseaux qui : au
cendent de notre nord} et qui ont assez
de puissance de vol pour tr averser les mers
d'Europe en Amérique. ï
Ls meilleur voilier, le plus vîte de nos
vaisseaux , là frégate, a donné son nom
à l'oiseau qui vole le “pis rapidement et
le plus constamment sur les mers. La fré-
gate est en effet de tous ces navigateurs
ailés celui dont le vol est le plus fer, le
plus puissant et le plus étendu : balancé
sur des ailes d’une prodigieuselongueur,
se soutenant sans mouvement sensible,
cet oiseau semble nager paisiblement dans
l'air tranquille pour attendre l'instant de
fondre sur sa proie avec la rapidité d'un |
trait; et lorsque les airs sont agités par la
teribeté, légère comme le vent, la frégate
s'élève jusqu'aux nues, et va chercher le
calme en s’élançant au-dessus des orages.
Elle voyage en tout sens, en hauteur .
< Voy ez les planches LÉ n° 061, sous
la dénomination de grande frégate 7 Cayenne.
En anglois, fregate bird; à la Jamaïque, man
je war bird; en espagnol 7 rabihorcado.
Re 6 ne Zl 22, Pag 808,
LA FRÉGATE.
F Joarquet D.
a
HISTOIRE NATURELLE. 309
_ comme en étendue; elle se porte au large
à plusieurs Pince de lieues, et. fournit
tout d’un, vol ces traites immenses, aux-
quelles la durée du Jour ne suffisant pas,
elle continue sa route dans les ténèbres
de la nuit, et ne s'arrête sur la mer que
dans les Le qui lui offrent une pâture
abondante. |
Les poissons qui. voyagent. en troupes
dans les hautes mers, comméiles poissons
volans, fuient par colonues.et s’élancent
en l'air. pour échapper aux bonites aux
dorades, qui les poursuivent, n’échappent
point à nos frégates. Ce sont ces memes
poissons, qui. les attirent au large. Elles
discernent de :très-loin les endroits où
passent leurs troupesen colonnes qui sont
quelquefois si serrées, qu’elles font bruire
les eaux et blanchir la surface dela mer:
les frégates fondent alors du haut des
airs, et, Hléchissant leur vol.de manière à
raser l'eau sans la toucher, -elles enlèvent.
en passant le. poisson qu’elles, saisissent
avec le bec, les griffes, etsouvent avec
les deux à la fois, selon qu'il se-présente,
soit en nageant sur la surface de l’eau,
ou bondissant dans l'air.
LL 'OCIN", cu P* NN
310 HISTOIRE NATU RELLE
Ce n’est qu entre les tropiques, oé un
peu au-delà, que l’on rencontre là fré-
gate dans les mers des deux mondes. Elle
exerce sur les oiseaux de la zone torride
une espèce d'empire: elle en force plu-
sieurs, particulièrement les fous, à lui
servir connre de pourvayeurs; les frap-
pant d'un coup d’aile, ou les pincant ‘dé
son bec crochuü,, elle leur fait dégorger le
poisson qu'ils avoient avalé, et s’en saisit
avant qu'il ne soit tombé. Ces hostilités
lui ont fait dofiner par les navigateurs lé
surnom de guerrier, qu’elle mérite à plus
d’un titre, car son audace la porte à bra-
ver l’hommé même. « En débarquant à
« l’île de lAscension, dit M. le vicomte de
« Querhoent, nous FrhéS entourés d'une
« nuée de frégates. D'un Coup dé canne
« J'en terrassai une qui vouloit meprenare
« un poisson que je tenois à lä main; en
« même teinps'plusieurs voloient à quél-
« ques pieds au-dessus de la chauditré
« qui bouilloit à terre pour en ‘énlever la
« viande, cs une partie de l'équipage
« füt alentour.
_ Cette témérité dé la fr égdté tient autant.
A
ts:
ds
Y +
\
\
VE ELA FRÉGATE: :: ÿr
à la force de ses armes et à la fierté de
son vol, qu’à sa voracité. Elle est en effet
armée en guerre : des serres perçantes ;
un bec terminé par un croc très-aigu ;
les pieds courts et robustes, recouverts de
plumes, comme ceux des oiseaux de
proie ; le vol rapide, la vue percantèe ;
tous ces attributs semblent lui donner
quelque rapport avee l'aigle, et en faire
de même le tyran de l'air au-dessus des
ners. Mais du reste, la frégate, par sa
conformation , tient beaucoup plus à l’élé-
ment de l’eau; et quoiqu’on ne la voie
presque jamais nager, elle a cependant
les quatre doigts engagés par une mem-
brane échancrée *; et par cette union de
tous les doigts, elle se rapproche du genre
du cormoran, du fou, du pélican , que
l’on doit regarder comme de parfaits pal-
mipèdes. P’ailleurs le bec de la frégate,
très-propre à la proie , puisqu'il est ter-
miné par une pointe percante et recour-
bée , diffère néanmoins essentiellement
* Dampier n’y avoit pas regardé d’assez Près »
lorsqu'il dit qu'elle a les pieds Jaits comme ceuæ
des autres oiseaux terrestres:
x BR à d |
32 HISTOIRE NATURELLE
du bec des oiseaux de proie en bne
parce qu'il est très- long , un peu concaye
A
dans sa partie Dé AE , et que le croc
placé tout à la pointe semble faire une’
pièce détachée, comme dans le bec des
fous, auquel celui de la frégate ressemble
“par ces sutures et par le défaut de na-
rines Her na |
La frégate n’a pas le corps plus gros
qu'une poule ; mais ses ailes étendues
ont huit, dix et jusqu’à quatorze pieds
d'envergure. C’est au moyen de ces aïles
prodigieuses qu’elle exécüte ses longues
courses, et qu'elle se porte jusqu'au mi-
lieu des mers, où elle est souvent Pa-
nique objet du s'offré entre le ciel et l'o-
céan aux regards ennuyés des maviga-
teurs ; mais cette longueur excessive des
ailes embarrasse l’oiseau guerrier comme
’
l'oiseau poltron , et empêche la frégate , :
comme le fou , de reprendre leur vol lors-
qu'ils sont posés , en sorte que souvent ils
se laissent assommer au lieu de prendre
leur essor. Il leur faut une pointe de ro-
cher ou la cime d’un arlfre, et encore
x'est-ce que par effort qu'ils s'élèvent en
DE LA FRÉGATE, 313
partant. On peut même croire que tous
césoïiseaux à pieds palmésquise perchent,
ne.le font que pour reprendre plus aisé-
ment leur vol; car cette habitude est
«
contraire à la structure de leurs pieds,
et c’est la trop grande longueur de leurs
ailes qui les force à ne se poser que sur
des points élevés d’où ils puissent, ex
partant, mettre leurs ailes en plein exer-
cice. A
_ Aussi les frégates se retirent et s’éta-
blissent en commun sur des écueils élevés
ou des îlets boisés, pour nicher en repos.
Dampier remarque qu’elles placent leurs
nids sur les arbres, dans les lieux seli-
taires et voisins de la mer. La ponte n’est
que d’un œuf ou deux ; ces œufs sont.
d’un blanc teint de couleur de chair ;
avec de petits points d’un rouge cramoisi.
Les petits, dans le premier âge, sont cou-
verts d’un duvet gris blanc ; ils ont les
pieds de la même couleur , et le bec pres-
que blanc : mais par la suite la couleur
du bec change ; il devient ou rouge ou
noir , et bleuâtre dans son milieu , et il
en est de même de la couleur des doigts ;
2%
d
314 HISTOIRE NATUREDLE
la tête est assez petite et applatie en dess
sus ; les yeux sont gratds , noirs et bril= 4
Le , et environnés d’une peau bleuâtres |
Le mâle adulte a sous la gorge une grande
membrane charnue d’un rougé vif, plus |
cu moins enflée ou pendante. Personne
n’a bien décrit ces parties; mais si elles
n’appartiennent qu'au mâle, elles pour
roient avoir quelque rapport à la fraise
du dindon , qui s’enfle et rougit dans cer-
tains momens d'amour ou de colère.
On reconnoît de loin les frégates en .
mer, non seulement à la longueur déme:
surée de leurs ailes, mais encore à leur
queue très-fourchue*.Toutleplumage est
ordinairement uoir avec reflet bleuâtre, |
du moins celui du mâle. Celles qui sont ;
brunes, comme la petite frégate figurée
dans Edwards; paroissent être les jeunes,
et celles qui ont le ventre blanc sont les
femelles. Dans le nombre des frégates vues
à l’île de l'Ascension par M.le vicomte de
Querhoent, et qui toutes étoient de law
même grandeur , les unes paroissoient
* Les Portugais ont donné à la frégate le nom
de rabo forcago > à cause de sa queue très-fourchue. ,
Ÿ
DE LA FRÉGATE. 315
toutes noires; les autres avoient le dessus
du corps d'un brun foncé, avec la tête
et le ventre blaues. LeS plumes de leur
cou sont assez longues pour que les insu-
laires de la mer du Sud s’en fassent des
bonnets. Ils estiment aussi beaucoup ia
graisse ou plutôt l'huile qu'ils tirent de
ces oiseaux , par la grande vertu qu'ils
supposent à cette graisse contre les dou-
leurs de rhumatisme et les engourdisse=
mens. Du reste , la frégate a ; commele
fou , le tour des yeux dégarni. de plumes;
elle a de même l’ongle du milieu dentelé
intérieurement. Ainsi les frégates, quoi-
que persécuteurs nés des fous, sont néan-
moins voisins et parens ; triste exemple
de la Nature; d’un genre d'êtres qui,
comme nous , trouvent souvent leurs en
nemis dans leurs proches!
FÙ
Fin du iome seizième.
es
a 19 A B LE
Des articles contenus dans ce volume: J
lv;
EL HÜITRIER ; vulgairement la “pie de mer,
MORE Ji
Le coure-vite, 15:
Le tourne-pierre , #7.
Le merle d’eau, 21.
La grive d’eau, 28.
Le cauut, 30. ENT s: |
| y É “ n. a
Le râle de terre ou de gent, valgairement r roi
des cailles, Je
Le râle d’eau, 44.
La marouette, 47.
Oiseaux étrangers de l'ancien, continent qui ont
rapport au râle , 51. | F
Le uüklin, ou rûle des 1 pe 101. ’
Le tüuklin brun, as
Le uklin rayé, 54. F
Le tiklin à collier, 55.
'
RE
TABLE, : 317
OnL
3
Oiseaux étrangers du nouveau continent A
rapport au râle, 56. |
Le râle à long bec, ibid. .
Le kiolo, 58.
Le râle tacheté de Guyenne) EL!"
Le rile de Virginie, 61. ré ie
Le sale Didi bidi,, 62. 4 PSE PET :
Le petit râle de Cayenne, 63, !
Le caurâle, ou petit paon des rofés:, 652
La poule d’eau ie Maieiann à GONE LS
La poulette d'eau, 74 pi à
La porzane, ou la grande poule. d'eau, TO
La grinette, 77e
La : simir"ing ; 70. fi
La glout,, 79»:
té les
Oiseaux étrangers qui ont rapport, ke la poule
d’eau , 60.
La dei poule d’eau de Cayense 4
Le mitiek, 82. | !
Le kingalik, 84. | pin "Un
Le jacana » 86.
Le jacana noir, 92:
Le jacana verd, 93.
Le jacana-péca, 94.
Le jacana varié, 96.
318. ur, RARE 1500
* La poule sultane, ou le porphyriow, 97. ET ) À
Oiseaux qui ont rapport à la poule. sultane 107.
La poule sultane verte, 109. Fr é*
La poule soins a: no % 2 Re
L'angoli, t11. ?
La petite poule sultane, 213%
La favorite, 115.
L’acntli ; 116,:
La foulque, LE9e
La macroule, ou grande foulque, 124:
La grande fouique à crète, 132.1
Les phaläropes, 133.
Le phalarope cendré, 135.
Le phalarope rouge, 137. #.
Le de à festons ge 138.
Le grèbe. : 139.
là LES Re"
Le petit ét ps
: Le grèbe huppé; 147-
4 Le petit grebe huppé, 149.
Le grèbe corou, 150.
Le petit grèbe cornu, 152.
Se Le grèhe duc-laart, 194.
Le grèbe de la Louisiane, 155.
Le suis à joues grises, ou le jongris ; 156,
Le grand grèbe, aps
"SET TABLE,
Le castagneux, 159:
Le castagneux des Philippines, 162.
Le castagneux à bec cerclé, 164
Le castagreux de Saint-Domingue , 165,
Le grèbe-foulque, 166.
Les plongeons, 168.
Le grand plongeon, 171.
Le petit plongeon, 174.
Le plongeon cat-marin , 176.
. L’imbrim, ou grand plongeon de la mer du
Nord, 179. .
Le lumme, ou petit plongeon de la mer du
Nord, 162.
Le bare, 198.
Le barle huppé, 194: ;
La piette, ou le petit harle . buppé, 196,4
Le harle à manteau noir, 198.
Le Parle étoilé, 200.
Le harle couronné, 202,
\
Le pélican, 204.
Variétés du pélican, 224.
Le pélican brun, 226.
Le pélican à bec dentelé, 228,
Le cormoran, 229,
Le petit Dre a ou le nigaud , 238,
M
_
*:
4 : L . Je : *: - dx >
| ' ÿ 4 à , 4°, 8 "A
# »
Eh: eur TABLE.
* Les hirondelles de mer, 2460:
Free picrre-garin, où la grande birondelle œ
mer de nos côtes, 252. | » -
La petite birondelle de. mer, 259.
La quifette, 2615: |
La guifette noire, ou lé épouvantail, Le Ki
Le gachet, 266. D. "*
L'hirondelle de mer des Philippines, 267. |
L’hirondelle de mer à grande envergure, 268.
La grande hirondelle de mer de Cayenne, 271.
L'oiseau du tropique, ou Je paille-en-queue $ 274
Le grand paille-en-queue, 279. -
‘Le petit paille-en-queue, 280." 200
Le pailewiquens * à brins s rongés, LR +0
es fous , 285,
Le fou commun, 294
Le fou blanc, 206. ni
Le gran lou, 206. à
Le petit fou , 3606.‘ : | LEE
* Le petit fou brun, “30. LES Te te
à Te fou tacheté, 302. LÉ e OISE
+ fou de Bassan , 303. LOUE 18e LS
La fige, 3 be
% DEL IMPRIMERIE DE PLASSAN,
“42 81" TE
Pa
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| 3 9088 00769 6255