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Full text of "Histoire naturelle"

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Ti 


HISTOIRE 


NATURELLE 


OISE AUX. 


TOME SEIZIÈME. 


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- HISTOIRE ©??? 
NATURELLE 


Pan BUFFON, 


DEDIÉE AU CITOYEN LACEPEDE, 
MEMBRE DE L INSTITUT NATIONAL. 


OISEAUX. 
TOME SEIZIEME. 


Vi oi 288 LOT 
: | éasorian tu 


| RICHMOND % 
COLLECTION: 


s: PARIS En ES 


À LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE 


BE P. DIDOT z "AÎNÉ, GALERIES DU LOUVRE, N° 3, 
XT FIRMIN DIDOT, RUE DE MPANEEE, N° 116. 


AN VII. — 1799. 


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: 2100 
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Tom 16, 


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HISTOIRE, 
NATURELLE 


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VULGAIREMENT "+ 


LA PIE DE MER. 


Lss oiseaux qui sont dispersés dans nos 
champs, ou retirés sous l’ombrage de nos 
forêts, habitent les lieux les plus rians et 


. … * Voyez les planches enluminées, n° 029. 
Quelquefois hecasse de mer ; en anglois, sea- 
… pie, oysler-caicher ; en Islande , z1/dur (le mêle), 
tillra (ia femelle), ce qui indiqueroit une diffé- 
» rence extérieure enire le mâle et la temelle, dont 


… les auteurs ne parlent pas; en latin de nomencla- 
LE: ostralega ; et par un nom formé du grec, 
n mais qui ne Caraciérise point en particulier cet 

» oiseau, hæmalopus. 


6. HISTOIRE NATURELLE 
les retraites les plus paisibles de la Nature: 
mais elle n’a pas fait à tous cette douce 
destinée; elle en a confiné quelques uns 
sur les rivages solitaires , sur la plage nue 
que les flots de la mer disputent à la terre, 
sur ces rochers contre lesquels ils viennent 
mugir et se briser , et sur les écueils isolés 
et battus de la vague.bruyante. Dans ces 
lieux déserts et formidables pour tous les 
autres êtres, quelques oiseaux , tels que 
l'huîtrier , savent trouver la subsistance, 
la sécurité, les plaisirs mêmes et l'amour. 
Celui-ci vit de vers marins, d’huîtres, de 
patelles et autres coquillages qu'il ra- 
masse dans les sables du rivage. Il se tient 
constamment sur les bancs, les récifs dé- 
couverts à basse mer , sur les grèves où il 

_ suit le reflux, et ne se retire que sur les 
falaises , sans s'éloigner jamais des terres 
ou des rochers. On a aussi donné à cet 
huîtrier, ou mangeur d’huîtres, le nom | 
‘de pie de mer, non seulement à cause den 
son plumage noir et blanc, mais encore 
parce qu'il fait, comme la pie, un bruit 
ou cri continuel, sur-tout lorsqu'il est à 
en troupe. Ce cri, aigre et court, est. 


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répété sans cesse, en repos et en volant. 
Cet oiseau ne se voit que rarement sur 
la plupart de nos côtes : cependant on le 
comuoît. en Saintonge ét en Picardie; il 
pond même quelquefois sur les côtes de 
cette dernière province, où il arrive en 
troupes très-considérables par les vents 
d’est.et de nord-ouest. Ces oiseaux s’y 
reposent sur les sables du rivage, en at- 
tendant qu’un vent favorable leur per- 
mette de retourner à leur séjour ordinaire. 
On croit qu'ils viennentde la Grande-Bre- 
tagne , où ils sont en effet fort communs, 
particulièrement sur les côtes occidentales 
de cette île. Ils se sont aussi portés plus 
avant vers le nord ; car on les trouve eu 
Gotland , dans l’île d'Oéland, dans les 
îles du Danemarck , et jusqu’en Islande 
et en Norvége. D’un autre côté, M. Cook 
cn a vu sur les côtes de la terre de Feu et 
sur celles du détroit de Magellan ; ilen a 
retrouvé à la baie d'Usky, dans la nou- 
velle Zélande. Damopier les a reconnus sur 
les rivages de la nouvelle Hollande; ct 
Kæmpfer assure qu'ils sont aussi com- 


- muns au Japon qu'en Europe. Ainsi les- 


PF. 


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- 


TU Bu | RER ORAN 
8 HISTOIRE NATURELLE # 
pèce de lhuîtrier peuple touslés rivages 
de l’ancien continent, et l’on ne doit pas 
être étonné qu'il se retrouve dans'le nou- 
veau. Le P,Feuilléé la observé sur li'côte 
de la terré ferme d'Amérique: Wafer , au 


Darien ; Catesby ,'à la Caroline’et aux 
îlés Bahamas Ié Page du Pratzi ,;à la Loui- 


siane!': et cette espèce si répandue lest 
‘sans variété ; elle est par-tout la mème, 


et parôît isolée et distinctement séparée 
de toutes les autres espèces *. Il n’en est 
point en effet parmi les oiseaux de rivage 
qui ait, avec la taille de l'hufîtiier et ses 


jambes courtes, un bec de la forme du 


sien , non plus que ses liabitudes ét ses 
mœurs. | * 
Cet oiseau est de la grandeur de la cor- 


neille, Son bec, long de quatre pouces, 


* On ne peut s'assurer que la pie de mer des 
îles Malouines de M. de Bougainville soit l’hui- 
trier, plutôt que quelque espèce de pluvier : car il 
dit que cet oiseau se nourrit de chev rettes ; qu la 
ur sifflement aisé à 1mtler, Ce qui indique un 


pluviers de plus, qu'ii a les pattes Elanches , ce 


qui ne convient pas à la vraie pie de mer ou à 
lhuftrier, qui les à rouges. 


b 
F7. 
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PU P'HUITRIER. © 
est rétréci et comme comprimé verticale- 
ment au-dessus des narines, et applati 
par les côtés, en manière de coin, jus- 
qu’au bout, dont la coupe quarrée forme 
un tranchant ; structure particulière qui 
rend ce bec tout-à-fait propre à détacher, 
soulever , arracher du rocher et des sables 
les huîtres et les autres coquillages dont 
l'huîtrier se nourrit. 

Il est du petit nombre des oiseaux qui 
n'ont que trois doigts. Ce seul rapport a 
sui aux méthodistes pour le placer, dans 
l’ordre de leurs nomenclatures, à côté de 
l’outarde. Ou voit combien il en est éloi- 
sné dans l’ordre de la Nature ; puisque 
non seulement il habite sur les rivages 
de la mer , mais -qu’il nage encore quel- 
quefois sur cet élément, quoique ses pieds 
soient presque absolument dénués de 
membranes. Il est vrai que , suivant M. 
Baillon , qui a observé l’huîtrier sur les 
côtes de Picardie , la manière dont il nage 
semble n'être que passive, comme s’il se 
laissoit aller à tous les mouvemens de 
Veau sans s’en donner aucun ; mais il 
n'en est pas moins certain qu'il ne craint 


10 HISTOIRE NATURELLE 


point d'affronter les vagues, et qu’il peut 
se reposer sur l’eau et quitter la mer lors- 
qu'il lui plaît d’habiter la terre. | 
Son plumage blanc et noir, et son long 
bec, lui ont fait donner les noms égale- 
ment impropres de pie de mer et de bécasse 
de mer. Celui d’Auftrier lui convient, puis- 
qu'il exprime sa manière de vivre. Cates- 
by n’a trouvé dans son estomac que des : 
huîtres, et Willughby , des patelles en- 
core entières. Ce viscère est ample et mus- 
culeux , suivant Belon , qui dit aussi que 
la chair de l’huîtrier est noire et dure, 
avec un goût de sauvagine. Cependant, 
selon M. Baillon, cet oiseau est tou- 
jours gras en hiver, et la chair des jeunes 
est assez bonne à manger. Il a nourri un 
de ces hufîtriers pendant plus de deux 
mois : il le tenoit dans son Jardin , où il 
vivoit principalement de vers de terre, 
comme les courlis ; mais ilmangeoit aussi 
de la chair crue et du pain, dont il sem- 
bloit. s’accommoder fort bien. Il buvoit 
indifféremment de l’eau douce ou de l’eau | 
de mer, sans témoigner plus de goût pour 
l'une que pour l’autre : cependant, dans 


DE'L’'HUITRIER. 1E 


l'état denature, ces oiseaux ne fréquentent 
point les marais n1 l'embouchure des ri- 
vières , et ils restent constamment dans 
le voisinage et sur les eaux de la mer; 
mais c’est peut-être parce qu'ils ne trou- 


 veroïent pas dans les eaux douces une 


nourriture aussi analogue à leur appétit 
que celle qu’ils se procurent dans les 
eaux salées. 

L'huîtrier ne fait point de nid : il dé- 
pose ses œufs, qui sont grisâtres et tachés 
de noir, sur le sable nud, hors de la portée 
des eaux , sans aucune préparation pré- 
liminaire ; seulement il semble choisir 
pour cela le haut des dunes et les endroits 
parsemés de débris de coquillages. Le 
nombre des œufs est ordinairement de 
quatre ou cinq, et le temps de l’incuba- 
tion est de vingt ou vingt-un jours : la 
femelle ne les couve point assidument : 
elle fait à cet égard ce que font presque 
tous les oiseaux des rivages de la mer, 
qui, laissant au soleil, pendant une par- 
tie du jour , le soin d’échauffer leurs œufs, 
les quittent pour l'ordinaire à neuf ou 
dix heures du matin, et ne s’en rap- 


32 HISTOIRE NATURELLE 


prochent que vers les trois heures du soit ; 
à moins qu'il ne survienne de la pluie. 
Les petits, au sortir de l'œuf, sont cou- 
verts d’un duvet noirâtre : ils se traînent 
sur le sable dès le premier Jour ; ils com- 
mencent à courir peu de temps après, et 
se cachent alors si bien dans les touftes 
d’herbages , qu'il est diflicile de les trou- 
ver. 

L’'huîtrier a le bec et les pieds d’un beau 
rouge de corail. C’est d’après ce caractère 
que Belon l’a nommé /ærmatopus , en le 
prenant pour l’2imantopus de Pline; mais 
ces deux noms ne doivent être ni con- 
fondus , n1 appliqués au même oiseau. 
Hœmatopus signihe &@ jambes rouges, et 
peut convenir à l'huîtrier ; mais ce nom 
n’est point de Pline, quoique Daléchamp 
l'ait lu ainsi; et l’£ëmantopus, oiseau à 
jambes hautes, gréles et flexibles, sui- 
vant la force du terme ( Zoripes }, n’est 
point lhuitrier, mais bien plutôt Pé- 
chasse. Un mot de Pline, dans le même 
passage, eût pu sufhüre à Belon pour reve- 
nir de son erreur : Prœcipuè ei pabulum 
muscæ. L'himantopus qui se nourrit de 


dt. dé 


à DE L'HUITRIULER. 13 


, 
mouches, n’est pas l’huîtrier qui ne vit 
que de coquillages. 

Willugbby , en nous avertissant de ne 

point confondre cet oiseau , sous le nom 
_ d’æmantopus, avecl'.imnantopus à jambes 
longues et molles, semble nous indiquer 
encore une méprise dans Belon , qui, en 
décrivant l’huîtrier, lui attribue cette 
mollesse de pieds , assez incompatible 
avec son genre de vie, qui le conduit sans 
cesse sur les galets, ou le confine sur les 
rochers ; d’ailleurs on sait que les pieds 
et les doigts de cet oiseau sont revétus 
d'une écaiile raboteuse , ferme et dure. 
Il est donc plus que probable qu'ici, 
comme ailleurs, la confusion des noms a 
produit celle des objets : le nom d’.iman- 
opus doit donc être réservé pour l’é- 
chasse , à qui seul il convient; et celui 
d’Aæmatopus, également applicable à tant 
d'oiseaux qui ont les pieds rouges , ne 

- suffit pas pour désigner l’huitrier, et doit 
être retranché de sa nomenclature. 

Des trois doigts de l’huîtrier, deux, 
l'extérieur et celui du milieu , sont unis 
jusqu'à la première articulation par une 

2 


Le 
L. 
y! 


14 HISTOIRE NATUR ELLE 
portion de membrane, et tous sont en< 
tourés d’un bord membraneux. Il a les 
paupières rouges comme le bec, et l'iris, 
est d’un jaune doré ; au - dessous de 
chaque œil est une petite tache blanche. 
La tête, le cou, les épaules, sont noirs, 
ainsi que le manteau des ailes ; mais ce 
noir est plus foncé dans le mâle que dans 
la femelle. Il y a un collier blanc sous la 
gorge. Tout le dessous du corps, depuis la. 
poitrine, est blanc , ainsi que le bas du 
dos, et la moitié de la queue, dont la 
pointe est noire; une bande blanche , for- 
mée par les grandes couvertures, coupe 
dans le noir brun de l’aile. Ce sont appa- 
remment ces couleurs qui lui ont fait don- 
ner le nom de la pie, quoiqu'il en diffère 
à tous autres égards, et sur - tout par le 
peu de longueur de sa queue, qui n’a que: 
quatre pouces , et que l’aile pliée recouvre 
aux trois quarts ; les pieds, avec la petite 
partie de la jambe dénuée de plumes au- 
dessus du genou, n’ont guère plus de 
deux pouces de hauteur, quoique la lon- 
gueur de l'oiseau soit d'environ seize 
pouces. 


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1 - 


LE COURE-VITE *. 


Lee s deux oiseaux représentés dans les 
n°795 et 892 de nos planches enluminées 
sont d'un genre nouveau, et il faut leur 
donner un nom particulier. Ils ressemblent 
au pluvier par les pieds, qui n’ont que 
trois doigts ; mais ils en diffèrent par la 
forme du bec, qui est courbé, au lieu 


que les pluviers l’ont droit et renflé vers 


le bout. Le premier de ces oiseaux, repré- 


. senté n° 795 , a été tué en France, où il 


4 


4 
4 


étoit apparemment égaré , puisque l’on 
n’en a point vu d'autre ; la rapidité avec 
laquelle il couroit sur le rivage , le fit 


appeler coure-vite. Depuis , nous avons 


recu de la côte de Coromandel un oiseau 


tout pareil pour la forme , et qui ne dif- 
-fère de celui-ci que par les couleurs , en 
“sorte qu’on peut le regarder comme une 
. variété de la même espèce, ou tout au 


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f. 


moins comme une espèce très-voisine. Ils 


* Voyez les planches euluminées , n°5 7095 et 692: 


16 HISTOIRE NATURELLE. . 
ont tous deux les jambes plus hautes 
les pluviers ; ils sont aussi grands , mais 
moins gros; ils ont les doigts des pieds . 
très - courts, particulièrement les deux» 
latéraux. Le premier a le plumage d’un 
gris lavé de brun roux ; il y a sur l’œil un 

trait plus clair et presque blanc, qui s'é- 

tend en arrière, et l’on voit au - dessous 

un trait noir qui part de l’angle extérieur 

de l'œil ; le haut de la tête est roux; les 

penunes de l'aile sont noires, et chaque 
plume de la queue, excepté les deux du 

milieu, porte une tache noire avec une 

autre tache blanche vers la pointe. 

Le second *, qui est venu de Coroman- 
del, est un peu moins grand que le pre- 
mier. Il a le devant du cou et la poitrine 
d’un beau roux marron , qui se perd dans 
du noir sur le ventre; les pennes de l’aile 
sont noires ; le manteau est gris ; le bas 
du ventre est blanc ; la tête est coiffée de 
roux , à peu près comme celle du pre= 
mier ; tous deux ont le bec noir, et 169 
pieds blanc Jaunâtre. | “4 

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# Voyez les planches enluminées, n° 892. 


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LE TOURNE PIERRE. 


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LE TOURNE-PIERRE* 


N ous adoptons le nom de fourne-pierre, 
donné par Catesby à cet oiseau , qui a 
l'habitude singulière de retourner les 
pierres au bord de l’eau , pour trouver 
dessous les vers et les insectes dont il fait 
sa nourriture , tandis que tous les autres 
oiseaux de rivage se contentent de la 
chercher’sur les sables ou dans la vase. 


« Étant en mer , dit Catesby , à quarante 


« lieues de la Floride , sous la latitude 
« de trente-un degrés , un oiseau vola sur 
« notre vaisseau €t y fut pris. Il étoit fort 


_« adroit à tourner les pierres qui se ren- 


À 


controient devant lui: danscetteaction, 
il se servoit seulement de la partie supé- 
neure de son bec, tournant avec beau- 
« coup d'adresse et fort vite des pierres 
« de trois livres de pesanteur ». Cela sup- 
pose une force et une dextérité particu- 


4 


A 


* Voyez les planches euluminées, n° 856, sous 
le nom de coulon-chaud. | 
9 


| ’ 

18 HISTOIRE NATURELLE 
lières dans un oiseau qui est à peine 
aussi gros que la maubèche: mais son bee 
est d’une substance plus dure et plus. 
cornée que celle du bec grèle et mou de 
tous ces petits oiseaux derivage, quil’ont 
conformé comme celui de la bécasse ; 
aussi létourne-pierre forme-t-il, au milie 
de leur genre nombreux , une petite fa- 
mille isolée. Son bec dur et assez épais à 
la racine va en diminuant et finit en 
pointe aiguë ; il est un peu comprimé 
dans sa partie supérieure , et paroît se 
relever en haut par une légère courbure; 
il est noir et long d’un pouce. Les pieds, 
dénués de membranes , sont assez courts 
et de couleur orangée. 

Le plumage du tourne-pierre ressemble 
à celui du pluvier à collier, par le blanc 
et le noir qui le coupent , sans cepen- 
dant y tracer distinctement un collier, 
et en se mélant à du roux sur le dos; 
cette ressemblance dans le plûmage est 
apparemment la cause de la méprise de 
MM. Brown, Willughby et Ray , qui ont 
donné à cet oiseau le nom de morinellus, 
quoiqu'il soit d’un genre tout différent 


VA 


?, 


DU TOURNE-PIERRE. 39 


des pluviers, ayant un quatrième doigt, 
et tout une autre forme de bec. 

L'espèce du tourne-pierre est commune 
aux deux continens. On la connoît sur 
les côtes occidentales de l'Angleterre, où 
ces oiseaux vont ordinairement en petites 
compagnies de trois ou quatre. On. les 
connoît également dans la partie mari- 
time de la province de Norfolk, et dans 
quelques îles de Gottlande ; et nous avons 
lieu de croire que c’est ce même oiseau 
auquel, sur nos côtes de Picardie, on 
donne le nom de bune. Nous avons recu 
du cap de Bonne - Espérance un de ces 
oiseaux , qui étoit de même taille, et, à 
quelques légères différences près , de 
même couleur que ceux d'Europe. M. Ca- 
tesby en a vu près des côtes de la Floride ; 
et nous ne pouvons deviner pourquoi 
M. Brisson donne ce tourne-pierre d’'Amé- 
rique comme différent de celui d'Angle£ 
terre , puisque Catesby dit formellement 
qu'il le reconnut pour le même : d’ailleurs 
nous avons aussi recu de Cayenne ce 
même oiseau avec la seule différence qu'il 


est de taille un peu plus forte ; ct 


20 HISTOIRE NATURELLE, 4 
M. Edwards fait mention d'un autre qui 
lui avoit été envoyé des terres voisines … 
de la baie d'Hudson. Ainsi cette espèce, - 
quoique foible et peu nombreuse en. 
individus , s’est , comme plusieurs autres 
espèces d'oiseaux aquatiques , répandue 
du nord au midi dans les deux continens, 
en suivant les rivages de la mer, qui leur 
fournit par-tout la subsistance. 

Le tourne-pierre gris de Cayenne nous 
paroît étre une variété dans cette espèce, 
à laquelle nous rapporterons les deux 
individus représentés dansnos planches 
enluminées', n°s 340 et 857, sous Les déno- 
minations de coulon-chaud de Cayenne, 
et de coulon-chaud gris de Cayenne; car 
nous ne voyons entre eux aucune diffé- 
rence assez marquée pour avoir droit de 
les séparer ; nous étions même portés à 
les regarder comme les femelles de la 
première espèce , dans laquelle le mâle 
doit avoir les couleurs plus fortes : mais 
nous suspendons sur cela notre Jugement, 
parce que Willughby assure qu’il n'y a 
point de différence dans le plumage entre 
le mâle et la femelle des tourne-pierrés 
qu'il a décrits, 


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Tom .16.. 23. Lay. 2%, 


LE MERLE D EAU. 


V4 Dauquer er. 


LE MERLE D’EAU*. 


= 


+ 0 


Lz merle d’eau n’est point un merle, 
quoiqu'il en porte le nom : c’est un oiseau 
aquatique , qui fréquente les lacs et les 
ruisseaux des hautes montagnes, comme 
le merle en fréquente les bois et les 
Vallous; il lui ressemble aussi par la taille, 
qui est seulement un peu plus courte , 
et par la couleur presque noire de son 
plumage ; enfin il porte un plastron blanc 
‘ comme certaines espèces de merles: mais 
il ést aussi silencieux. que le vrai merle 
est Jaseur ; il n’en a pas les mouvermens 
vifs et brusques ; il ne prend aucune de 
. ses attitudes , et ne va ni par bonds n& 
par sauts ; il marche légèrement d’un pas 


* Voyez les planches enluminées, n° 940. 

Les Italiens, aux environs de Belinzone, l’ap- 
pellent Zerlichirollo ; et ceux du lac Majeur , folur 
d'agua, suivant Gesner; les Allemands, 6ach- 
amsel, wasser-amsel ; les Suisses, wasser-trosile; 
les Anglois, water-ouzel. 


| nt L aw/1 « de 


»2 HISTOIRE NATURELLE 
compté , et court au bord des fontaines. 
et des ruisseaux, qu'il ne quitte jamais , LL 


fréquentant'de Dréle nee les eaux vives. 


et courantes , dont la chüte est rapide 


LÉ 


le lit entre-coupé de pierres et de mor- 


ceaux de roche. On le rencontre au voi- 
sinage des torrens ct des cascades , et 
particulièrement sur les eaux limpides 
qui coulent sur le gravier. 

Ses habitudes naturelles sont très-sin- 


gulières : les oiscaux d’eau qui ont les 


pieds palmés , nagent sur l’eau ou se 
plongent; ceux de rivage, montés sur 
de hautes jambes nues, y entrent assez 
avant sans que leur corps y trempe: le 
merle d’eau y entre tout entier en mar- 


chant et en suivant la pente du terrain ; 


on le voit se submerger peu-à-peu , d’a- 


bord jusqu’au cou, et ensuite par-dessus 


la tête, qu'il ne tient pas plus élevée que 
s’il étoit dans l’air ; il continue de mar- 
cher sous l’eau , descend jusqu’au fond 
et s'y promène , comme sur le rivage 
sec. C’est à M. Hébert que nous devons 
la première connoissance de cette habi- 
tude extraordinaire , et que je ne sache 


DÜ MERLE D'EAU. 23 
pas appartenir à aucun autre oiseau. Voici 
les observations qu'il a eu la bonté de me 
communiquer. 

« J’étois embusqué sur les bords du 
« lac de Nantua, dans une cabane de 
« neige et de branches de sapin , où 
« J'attendois patiemment qu'un bateau 
« qui ramoit sur le lac , fît approcher du 
« bord quelques canards sauvages : j’ob- 
« servois sans être apperçcu. Il y avoit 
« devant ma cabane une petite anse, 
« dont le fond en pente douce pouvoit 
« avoir deux ou trois pieds de profondeur 
« dans son milieu. Un merle d’eau s’y 
« arrêta , et y resta plus d’une heure que 
« J'eus le temps de l’observer tout à mon 
«aise; je le voyois entrer dans l’eau, s’y 
« enfoncer , reparoître à l’autre extrémité 
« de l’anse , revenir sur ses pas; il en 
« parcouroit tout le fond et ne paroissoit 
« pas avoir changé d’élément; en entrant 
 « dans l’eau il n’hésitoit ni ne se détour- 
« noit : je remarquai seulement à plu- 
« sieurs reprises , que toutes les fois qu’il 
© y entroit plus haut que les genoux, il 
& déployoit ses ailes et les laissoit pendre 


Re 


24 HISTOIRE NATURELLE 


_« Jusqu'à terre. Je remarquai encore ques 
« tant que je pouvois l'appercevoir au 
« fond de l’eau , il me paroissoit col 
« revêtu d’une couche d’air qui le ren 
« doit brillant ; semblable à certains in- 
« sectes du genre des scarabées , qui sont 
« toujours dans l’eau au milieu d’une 
« bulle d’air : peut-être n’abaissoit-il ses 
« ailes en entrant dans l’eau que pour 
« se ménager cet air ; mais il est É 
«qu'il n'y no Jamais , et il les 
« agitoit alors comme s’il eût tremblé. Ces 
« habitudes singulières du merle d’eau 
« étoient inconnues à tous les chasseurs 
« à quiJ'en ai parlé; et sans le hasard 
« de la cabane de neige, Je les aurois 
« peut-être aussi toujours ignorées: mais 
«je puis assurer que l'oiseau venoit 
 « presque à mes pieds, et pour l’observer 
« long-temps je ne le tuai point.» 

Il y a peu de faits plus curieux dans 
l'histoire des oiseaux , que celui que nous 
offre cette observation. Linnæus. avoit 
bien dit qu'on voit le merle d’eau des- 
cendre et remonter les courans avec faci- 
lité; et Wiliughby , que quoique cet 


’ 


DU MERLE D'EAU. 25 


oiseau ne soit pas palmipède, il ne laisse 


pas de se plonger: mais l'un et l’autre 
paroissent avoir ignoré la manière dont 


il se submerge pour marcher au fond de 


ee 


l’eau. On concoit que pour cet exercice 
il faut au merle d’eau , des fonds de 
gravier et des eaux claires, et qu’il ne 
pourroit s’accommoder d’une eau trou- 
ble , ni d’un fond de vase : aussi ne le 
trouve-t-on que dans les pays de mon- 
tagnes , aux sources des rivières et des 
ruisseaux qui tombent des rochers, 
eomme en Angleterre dans le canton de 
Westmorland et dans les autres terres 
élevées , en France dans les montagnes 
du Bugey et des Vosges , et en Suisse. IL 
se pose volontiers sur Îles pierres entre 
lesquelles serpententles ruisseaux ; il vole 
fort vîte en droite ligne , en rasant de près 
la surface de l'eau comme le martin-pe- 
cheur. En’ volant il jette un petit cri, 
sur-tout dans la saison de l’amour , au 
printemps : on le voit alors avec sa fe- 
moelle ; mais dans tout autre temps on le 
rencontre seul. La femelle pond quatre 
eu cinq œufs , cache son nid avec bcau- 


Ge 


9 


NO dt at 2 id 


26 HISTOIRE NATURELLE 


coup de soin , et le place souvent prés 
des roues des usines construites sur les 
ruisseaux. 

Là saison où M. Hébert a Eire: le * 
merle d’eau , prouve qu'il n’est point 
oiseau de passage ; il reste tout l'hiver 
dans nos montagnes ; il ne craint pas 
même la rigueur de l'hiver en Suède, 
où 1l cherche de même les chütes d’eau 
et les fontaines rapides qui ne sont point 
prises de glace. 

Cet oiseau a les ongles forts et courhés ; 
avec lesquels il se prend au gravier en 
. marchant au fond de l’eau : du reste, il 
a le pied conformé comme le merle de 
terre et des autres oiseaux de ce genre; 
il a, comme eux, le doigt et l’ongle posté- 
rieurs plus forts que ceux de devant, et 
ces doigts sont bien séparés et n’ont point 
de membrane intermédiaire |, quoique 
Willughby ait cru y en appércevoir; la 
jambe est garnie de plumes jusque sur 
le genou ; le bec est court et grêle, l’une 
et l’autre mandibule allant également en 
s’efflant et se cintrant légèrement vers 
la pointe ; sur quoi nous ne pouvons nous 


. DU MERLE D'EAU. 27 
empêcher de remarquer que par ce ca- 
ractère M. Brisson n’auroit pas dû le placer 
dans le genre du bécasseau, dont un des 
caractères est d’avoir le bout du bec oblus, 

Avec le bec et les pieds courts, et un 
cou raccourci , on peut imaginer qu'il 
étoit nécessaire que le merle d’eau apprit 
à marcher sous l’eau , pour satisfaire son 
appétit naturel et prendre les petits pois- 
sons et les insectes aquatiques dont il se- 
nourrit ; son plumage épais et fourni de 
duvet paroît impénétrable à l’eau, ce 
qui lui donne encore la facilité d'y sé- 
journer ; ses yeux sont grands, d’un beau 
brun , avec les paupières blanches, et il 
doit les tenir ouverts dans l’eau pour 
distinguer sa proie. 

Un beau plastron blanc lui couvre la 
gorge et la poitrine ; la tète et le dessus 
du cou jusque sur les épaules et le bord 
du plastron blanc ,; sont d’un cendré 
roussâtre ou marron ; le dos, le ventre, 
et les ailes ; qui ne dépassent pas la 
queue , sont d’un cendré noirâtre et ar- 
doisé; la queue est fort courte et n’a rien 
de remarquable, 


LA GRIVE D’EAU" 


Es WARDSs appelle ina tacheté l'oiseau 
que, d’après M. Brisson, nous nommons 
ici g7ive d’eau. Il a effectivement le plu- 
mage grivelé et la taille de la petite grive, : 
etil a les pieds faits commele merle d’eau, 
c'est-à-dire , les ongles assez grands et 
crochus, et celui de derrière plus que ceux 
de devant : mais son bec est conformé 
comme celui du cincle, des maubèches 
et des autres petits oiseaux de rivage; et 
de plus, le bas de la jambe est nud. Ainsi 
cet oiseau n’est point une grive, ni même 
une espèce voisine de leur genre, puis- 
qu'il n’en tient qu’une ressemblance de 
plumage, et que le reste des traits de sa 
conformation l’apparente aux familles 
des oiseaux d’eau. Au reste, cette espèce 
paroît être étrangère, et n’a que peu de 
rapports avec nos oiseaux d'Europe : elle 
se trouve en Pensilvanie. Cependant M. 
Edwards présume qu’elle est commune 
aux deux 'continens , ayant recu, dit-il, 


HISTOIRE NATURELLE. 29 


uu de ces oiseaux de la province d’Essex, 
où , à la vérité , 1l paroissoit égaré, et 
le il qu'on y ait vu. | 

Le bec de la grive d’eau est long de 
onze à douze lignes ; il est de couleur de 
chair à sa base, et brun vers la pointe; la 
partie supérieure estmarquée , de chaque 
côté, d’une cannelure qui s'étend depuis 
les narines jusqu’à l'extrémité du bec. Le 
dessus du corps, sur un fond brun oli- 
vâtre , est grivelé de taches noirâtres, 
comme le dessous l’est aussi sur un fond 
plus clair et blanchâtre. Il y a une barre 
blanche au-dessus de chaque œil, et les 
pennes de laile sont noirâtres. Une petite 
membrane joint vers la racine le doigt 
extérieur à celui du milieu. 


LE CANUT. 


Ir ÿ a apparemment dans les provinces 
du Nord quelque anecdote surcet oiseau, 
qui lui aura fait donner le nom d'oiseau 
du roi Canut, puisque Edwards le nomme 
ainsi *. Il ressembleroit beaucoup au van- 
neau gris s’il étoit aussi grand, et si son 
bec n’étoit autrement conformé : ce bec est 
assez gros à sa base, et va en diminuant 
jusqu'à l'extrémité , qui n’est pas fort 
pointue, mais qui cependant n’a pas de 
renflement comme le bec du vanneau, 
Tout le dessus du corps est cendré et ondé ; 
les pointes blanches des grandes couver- 
tures tracent une ligne sur l'aile; des 
croissaus noiratres sur un fond gris blanc 
marquent les plumes du croupion ; tout 
le dessous du corps est blanc, marqueté 
de taches grises sur la gorge et la poi- 


* Canuti regis avis, the knot. Suivant Wil- 
lughby, c’est parce que-le roi Canut aimoit singu= 
lièrement la viunde de ces oiseaux. 


| 


HISTOIRE NATURELLE. 3x 
trine ; le bas de la jambe est nud; la 
queue ne dépasse pas les ailes pliées , et 
le canut est certainement de la grande 
tribu des petits oiseaux de rivage. Wil- 
Jlughby dit qu'il vient de ces oiseaux 
canuts dans la province de Lincoln , au 
commencement de l'hiver ; qu'ils y sé- 
Journent deux ou trois mois , allant en 
troupes , se tenant sur les bords de la 
mer, et qu'ensuite ils disparoissent. Il 
ajoute en avoir vu de même en Lancas- 
ter-shire , près de Liverpool. Edwards à 
trouvé celui qu'il a décrit, au marché de 
Londres ; pendant le grand hiver de 1740; 
ce qui semble indiquer que ces oiseaux 
ne viennent au sud de la Grande -Bre- 
tagne que dans les hivers les plus rudes: 
mais il faut qu'ils soient plus communs 
dans le nord de cette île, puisque Wil- 
lughby parle de la manière de Les engrais- 
ser, en les nourrissant de pain trempé de 
lait, et du goût exquis que cette nourri- 
ture leur donne. Il ajoute qu’on distin- 
gueroit au premier coup d'œil cet o1i- 
seau des maubèches et guignettes (/ri79æ) 
par la barre blanche de l'aile, quand il 


L 2 A L _ 1n ! 1 Ü ANA TFERA 


: 


32 HISTOIRE NATURELLE. 


n'y auroit pas d’autres différences. Il ob- 
serve encore que le bec est d’une subs- 
tance plus forte que ne l’est généralement: 
celle du bec de tous les oiseaux qui l'ont 
conformé comme celui de la bécasse. 

Une notice donnée par Linnæus, et 
que M. Brisson rapporte à cette espèce , 
marqueroit qu'elle se trouve en Suède, 
outre que son nom indique assez qu’elle 
appartient aux provinces du Nord. Cepen- 
dant il y a ici une petite difficulté : le ca- 
nut appelé #zot en Angleterre a tous les 
doigts séparés et sans membrane , sui- 
vant Willughby ; l'oiseau canut de Lin- 
nœæus a le doigt extérieur uni par la pre- 
auière articulation à celui du milieu. En 
supposant donc que ces deux observa- 
teurs aient également bien vu, 1l faut ou 
admettre ici deux espèces, ou ne point 
rapporter au #zot de Willughby le #irga 
de Linnæus. 


\ 


D” 


LES RALES. 


Css oiseaux forment nne assez grande 
famille, et leurs habitudes sont difé- 
rentes de celles des autres oiseaux de 
rivage, qui se tiennent sur les sables et les 
grèves : les râles n’habitent,au contraire, 
que les bords fangeux des étangs et des 
rivières , et sur-tout les terrains couverts 
de glaïeuls et autres grandes herbes de 
marais. Cette mauière de vivre est habi- 
tuelle et commune à toutes les espèces 
de râles d’eau ; le seul rale de terre habite 
dans les prairies , et c’est du cri désa- 
gréable ou plutôt du râlement de ce der- 
nier oiseau , que s’est formé dans notre 
langue le nom de réle pour l'espèce en- 
tière : mais tous se ressembhient en ce 
qu'ils ont le corps grèle et comme applati 
par les flancs , la queue très - courte et 
presque nulle , la tête petite, le bec assez 
semblable pour la forme à celui des galli- 
macés , mais seulement bien plus alongé, 


\ 


| M LS RE NEES Pr. RO 
34 HISTOIRE NATURELLE 


quoique moins épais ; tous ont aussi une 
portion de la jambe au-dessus du genou 
dénuée de plumes , avec les trois doigts 
antérieurs lisses, sans membranes et très- 
longs, Ils ne tente leurs pieds sous le 
ventre en volant, comme font les autres 
oiseaux ; ils les 1e Ent peudans. Leurs 
ailes sont petites ét fort concaves , et leur 
vol est court, Ces derniers caractères sont 
communs aux râles et aux poules d’eau, 
avec lesquelles ils ont en général beau- 
coup de ressemblances. 


w MA: 
ŒLILI 


Zont.10 , 


LE RALE DE TERRE 
ou DE GENET . 


DES RALES: Ve RE 


LE RALE DE TERRE 
ou DE GENÉÈT, 
RÉ RENT ROT DÉS CAILLES #, 


Première espèce. 


las les prairies humides , dès que 
l'herbe est baute , et jusqu’au temps de la 
récolte , il sort des endroits les plus touf- 
fus de l'herbage, une voix rauque, ow 
plutôt un cri bref , aigre et sec, crèf: crék 
crëk, assez semblable au bruit que l’on 
exciteroit en passant et appuyant forte- 
ment le doigt sur les dents d’un gros 
peigne ; et lorsqu'on s’avance vers cette 
voix, elle s'éloigne , et on l’entend venir 


* Voyez les planches enluminées, n° 750. 
- En latin moderve, rallus; en i'alien, re de 
* auaglie ; en anglois, daker-hen, land-rail; en 
aliemand, schryck , schrye , wachtel-kœnig. 


TA CRT 


36 HISTOIRE NATURELLE 

de cinquante pas plus loin: c’est le râle de 
terre qui jette ce cri, qu'on prendroit 
pour lé croassement d’un reptile. Cet oi- 
seau fuit rarement au vol ; mais presque 
toujours en marchant aveo vitesse, et 
passant à travers le plus touffu des herbes, 
il y laisse une trace remarquable. On com- 
mentce à l'entendre vers le 10 ou le 12 de 
mai , dans le mème temps que les caiiles, 
qu’il semble accompagner en tout temps Û 


L 


car il arrive et repart avec elles. Cette cir- 


constance, Jointe à ce que le râle et les 
cailles habitent également les prairies, 
qu'il y vit seul, et qu'il est beaucoup 
moins commun et un peu plus gros que 
la caille, a fait imaginer qu’il se mettoit 
à la tête de leurs bandes , comme chef 
ou conducteur de leur voyage; et c’est 
ce qui lui a fait donner le nom de 7oi des 
cailles : mais il diffère de ces oiseaux par 
les caractères de conformation, qui tous 
lui sont communs avec les autres râles, 
et en général avec les oiseaux de marais, 
comme Aristote l’a fort bien remarqué. 
La plus grande ressemblance que ce râle 
ait avec la caille est dans le plumage, 


r 


DeG, RARES. 37 


qui néanmoins est plus brun et plus doré, 
Le fauve domine sur ies ailes ; le noirâtre 
et.le roussatre forment les couleurs du 
corps ; elles sont tracées sur les flancs par 
lignes transversales, et toutes sont plus 
pâles dans la femelle, qui est aussi un 
peu moins grosse que le mâle. 

C’est encore par l'extension gratuite 
d’une analogie mal fondée que l’on a 
supposé au râle de terre une fécondité 
aussi grande que celle de la caille : des 
observations’multipliées nous ont appris 
qu'il ne pond guère que huit à dix œufs , 
et non pas dix-huit et vingt. En effet, 
avec une multiplication aussi grande que 
celle qu’on lui suppose , son espèce seroit 
nécessairement plus nombreuse qu’elle 
ne l’est en individus , d'autant que son 
nid , fourré dans l'épaisseur des herbes, 
est difficile à trouver : ce nid, fait négli- 
gemment avec un peu de mousse ou 
d'herbe sèche , est ordinairement placé 
dans une petite fosse du gazon. Les œufs, 
plus gros que ceux de la caille, sont ta- 
chetés de marques rougeätres plus larges. 
Les petits courent dès qu'ils sont éclos, 

Oiseaux, X VI: C” 


Ste a 


33 HISTOIRE NATURELLE. 


en suivant leur mère; et ils ne quittent 
la prairie que quand ils sont forcés de 
fuir devant la faux qui rase leur donti- 
cile. Les couvées tardives sont enlevées 
par la main du faucheur; tous les autres 
se jettent alors dans les champs de blé 
noir , dans les avoines , et dans les friches 
couvertes de genêts, où on les trouve en 
été, ce qui les a faitnommer réles de genét; 
quelques uns retournent dans les prés en 
regain à la fin de cette même saison. 
Lorsque le chien rencontre un râle, on 
peut le reconnoître à la vivacité de sa 
quête, au nombre de faux arrêts, à l’o- 
piniâtreté avec laquelle l'oiseau tient et 
se laisse quelquefois serrer de si près, 
qu'il se fait prendre : souvent il s’arrête 
dans sa fuite, et se blotit, de sorte que le 
chien , emporté par son ardeur, passe 
par-dessus et perd sa trace; le râle, dit- 
on, profite de cet instant d’erreur de 
l'ennemi pour revenir sur sa voie et don- 
ner le change. Il ne part qu’à la dernière 
extrémité , et s'élève assez haut avant de 
filer ; il vole pesamment , et ne va Jamais 
join. On en voit ordinairement la remise: 


DES RALES: 39 
mais c'est inutilement qu’on va la cher- 
cher ; car l'oiseau a déja piété plus de 
_ cent pas lorsque le chasseur y arrive. Il 
sait donc suppléer par la rapidité de sa 
marche * à la lenteur de son vol: aussi se 
sert-il beaucoup plus de ses pieds que de 
ses ailes; et toujours couvert sous les 
herbes , il exécute à la course tous ses 
petits voyages et ses croisières multipliées 
dans les prés et les champs. Mais quand 
arrive le temps du grand voyage, il 
trouve , comme la caille, des forces in- 
connues pour fournir au mouvement de 
sa longue traversée : il prend son essor la 
nuit ; et secondé d’un vent propice, il 
se porte dans nos provinces méridionales, 
d’où il tente le passage de la Méditerra- 
née. Plusieurs périssent sans doute dans 
cette première traite ainsi que dans la 
seconde pour le retour , où l’on a remar- 
qué que ces oiseaux sont moins nom- 
. breux qu’à leur départ. 

* Albin tombe ici dans une étrange méprise. 
« On appelle, dit-1l , cet oiseau rallus ou grains, 
« parce qu’il ne s- doucement, » 


hs OPUS FANS 


49 HISTOIRE NATURELLE 

Au reste, on ne voit le râle de terre 
dans nos provinces méridionales que dans 
ce temps de passage. Il ne niche pas en 
Provence ; et quand Belon dit qu’il est 
rare en Candie ; qisoiqu'il soit aussi com- 
mun en Grèce qu'en Italie, cela indique 


seulement que cet oiseau ne s’y trouve 


guère que dans les saisons de ses passages 
au printemps et en automne. Du reste, 
les voyages du râle s'étendent plus loin 
vers le Nord que vers le Midi; et malgré 
la pesanteur de son vol, il parvient en 
Pologne, en Suède, en Danemarck, et jus- 
qu’en Norvéze. Il est rare en Angleterré, 
où l’on prétend qu'il ne se trouve que 
dans quelques cantons * , quoiqu'il soit 
assez commun en frlande. Ses migrations 
semblent suivre en Asie le même ordre 
qu'en Europe. Au Kamtschatka comme 
en Europe , le mois de mai est également 
celui de l’arrivée de ces oiseaux ; ce mois 


* Turner dit n'en avoir pas vu ni entendu ail- 
leurs qu'en Northumbrie ; mais le docteur Tancrède 
Robinson assure quon en trouve aussi dans Ja 
partie septentrionale de la Grande-Bretagne, et 
Sibbalil le compte parmi les oiseaux d'Ecosse, 


x 


DES RALES. 4 


s'appelle fava foatchk, mois des râles. Tava 
est le nom de l’oiseau. 

Les circonstances qui pressent le râle 
d'aller nicher dans les terres du Nord, 
sont autant la nécessité des subsistances 
que l’agrément des lieux frais qu'il cherche 
de préférence ; car, quoiqu'il mange des 
graines, sur-tout celles de genêt, de trèfle, 
de grémil, et qu'il s’engraisse en cage de 
imillet et de grains, cependant les insectes, 
les limacons, les vermisseaux, sont non 
seulement ses alimens de choix, mais 
une nourriture de nécessité pour ses pe- 
tits, et il ne peut la trouver en abon- 
dance que dans les lieux ombragés et les 
terres humides. Cependant , lorsqu'il est 
adulte |, tout aliment paroît lui profiter 
également ; car il a beaucoup de graisse, 
et sa chair estexquise. On luitend,comme 
à la caille, un filet, où on lPattire par 
J'imitation de son cri, crék crék crék, 
en frottant rudement une lame de cou- 
teau sur un os dentelé. 

La plupart des nos qui ont été donnés 
au râle dans les diverses langues ; ont été 
formés des sons imitatifs de ce cri SIDQU- 


42 HISTOIRE NATURELLE 1 


lier *, et c’est à cette ressemblance que 
Turner et quelques autres naturalistes 
ont cru le reconnoître dans le crex des 
anciens. Mais, quoique ce nom de crex 
convienne parfaitement au râle, comme 
son imitatif de son cri, il paroît que les 
anciens l’ont appliqué à d’autres oiseaux. 
Philé donne au crex une épithète qui dé- 
signe que son vol est pesant et difficile ; ce 
qui convient en effet à notre râle, Aristo- 
phane le fait venir de Libye. Aristote dit 
qu'il est querelleur ; ce qui pourroïit en- 
core lui avoir été attribué par analogie 
avec la caille : mais il ajoute que le crex 
cherche à détruire la nichée du merle ; ce 
qui ne convient plus au râle, qui n’a rien 
de commun avec les oiseaux des forêts. 
Le crex d'Hérodote est encore moins un 
râle, puisqu'il le compare en grandeur à 
l’ibis, qui est dix fois plus grand. Au 
reste, l’avocette et la sarcelle ont quel- 
quefois un cri de crex crex ; et l’oiseau à 
qui Belon entendit répéter ce cri au bord 


* Schryk, schaerck, korn kaaerr, corn-crek ; 
er notre mot même de râle, à 


ñ 


n 


+ 


DER AA LUE 6. 43 


du Nil, est, suivant sa notice, une es- 
pèce de barge. Ainsi le son que représente 
le mot crex, appartenant à plusieurs es- 
pèces différentes, ne suffit pas pour dési- 
guer le râle, ni aucun de ces différens 
oiseaux en particulier. : 


. 


44 HISTOIRE NATURELLE “à 


.® 
: 


un if GS |: 


LE RAL ED ED 


Seconde espèce. 


LL râle d'eau court le long des eaux 
stagnantes aussi vite que le râle de terre 
dans les champs; il se tient de même tou- 
jours caché dans les grandes herbes et les 
jones : il n’en sort que pour traverser les 
eaux à la nage etméme à la course; car on 
le voit souvent courir légèrement sur les 
larges fenilles du nénuphar, quicouvrent | 
les eaux dormantes. Il se fait de petites : 


é Voyez les planches enluminées, n° 740. 


En anglois, water-rail , et par quelques uus, 
bilcok et brook-ouzell ; en allemand , schwartz 
wasser heunle aesch-heunlin ; Gesner lui donne 
quelque part le nom de samethounle (poule d’eau 
de soie), à cause de sou plumage doux et moelleux 
comme la soie; à Venise on l’appelle forzane ou 
porzana , UOM qui se donne également aux poules 
d’eau. 


Tom 28. - | D / SLag 44 


LE RALE D'EAU. 


à DaugetS. 


Le. 


ET TE 


= 


MS CNRS NS 


pds 


DÆS RALES. 49 


. routes à travers les grandes herbes ; on y 
tend des lacets , et on le prend d'autant 
‘plus aisément, qu'il revient constamment 
à son gîte, et par le même chemin. Au- 
trefois on en faisoit le vol à l’épervier ou 
au faucon ; et dans cette petite chasse, 
le plus difficile étoit de faire partir l’oi- 
seau de son fort : il s’y tient avec autant 
d’opimâtreté que le râle de terre dans le 
sien ; il donne la même peine au chasseur, 
la même impatience au chien, devant 
lequel il fuit avec ruse, et ne prend son 
vol que le plus tard qu'il peut. Il est de 
la grosseur à peu près du râle de terre; 
mais il a le bec plus long , rougeûtre près 
de la tête. Il a les pieds d’un rouge obs- 
cur : Ray dit que quelques individus les 
ont Jaunes , et que cette différence vient 
peut-être de celle du sexe. Le ventre et 
les flancs sont rayés transversalement de 
bandelettes blanchâtres , sur un fond noi- 
râtre ; disposition de couleurs commune 
à tous les râles. La gorge , la poitrine, 
l'estomac, sont, dans celui-ci, d’un beau 
gris ardoisé ; le manteau est d’un roux 
brun olivâtre. | 


pe 


} 
— 


46 HISTOIRE NATURELLE 


On voit des râles d’eau autour des - 


sources chaudes pendant la plus grande 
partie de l'hiver ; cependant ils ont, 
comme les râles de terre, un temps de 
migration marqué. Il en passe à Malte au 
printemps et en automne. M. le vicomte 
de Querhoent en a vu à cinquante lieues 
des côtes de Portugal, le 17 avril; ces 
râles d’eau étoient si fatigués, qu'ils se 
\ laissoient prendre à la main. M. Gmelin 
en a trouvé dans les terres arrosées par le 
Don. Belon les appelle réles noirs, et dit 
que ce sont oiseaux connus en foules con- 
trées, dont l'espèce est plus nombreuse 
que celle du râle de terre, qu’il nomme 
räle rouge. 

Au reste, la chair du râle d’eau est 
moins délicate que celle du râle de terre ; 
elle a même un goût de marécage , à peu 
près pareil à celui de la poule d’eau. 


a 
réf 


L 


DNS NAS | + 


LA MAROUETTE *. 


Troisième espèce. 


L à marouette est un petit râle d’eau qui 
n’est pas plus gros qu’une alouette. Tout 
le fond de son plumage est d’un brun oli- 
vâtre, tacheté et nué de blanchâtre, dont 
le lustre , sur cette teinte sombre, le fait 
paroître comme émaillé ; et c’est ce qui 
l’a fait appeler réle perlé. Frisch l’a nommé 
poule d'eau perlée : dénomination im- 
propre ; car la marouette n’est point une 
poule d’eau , mais un râle. Elle paroît 
dans la même saison que le grand râle 
d’eau ; elle se tient sur les étangs maré- 


* Voyez les planches enluminées , n° 997. 

On l'appelle girardine en Picardie, et dans le 
Milanois, girardina ; en quelques endroits de la 
France, cocouan , suivant M. Brisson; dans le 
Bolonoïs, porzana ; en Alsace, winkernell, 

selon Gesner. 


—— 


48 HISTOIRE NATURELLE 1 


CEE 
0 


cageux ; elle se cache et niche dans les 
roseaux. Son nid , en forme de gondole, 
est composé de jonc, qu’elle sait entrela- 
cer, et, pour ainsi dire , amarrer par un 
des bouts à une tige de roseau, de ma- 
nière que le petit bateau ou berceau flot- 
tant peut s'élever et s’abaisser avec l’eau 
sans en être emporté. La ponte est de 
sept ou huit œufs. Les petits, en naissant, 
sont tout noirs. Leur éducation est courte ; 
car, dès qu'ils sont éclos, ils courent, 
nagent , plongent, et bientôt se séparent ; 
chacun va vivre seul ; aucun ne se re- 
cherche , et cet instinct solitaire et sau- 
vage prévaut même dans le temps des 
amours ; car, à l'exception des instans de 
l'approche nécessaire , le mâle se tient 


écarté de sa femelle, sans prendre auprès 


d’elle aucun des tendres soins des oiseaux 
amoureux, sans l’amuser ni l’égayer par 


le chant, sans ressentir ni goûter ces doux 
plaisirs quiretracent et rappellent ceux de 
la jouissance : tristes êtres qui ne savent 


pas respirer près de l’objet aimé ; amours 


encore plus tristes , puisqu'elles n'ont 


pour but qu'une insipide fécondité, 


DIEIS IR ANRES.: | 49 

Avec ces mœurs sauvages et ce naturel 
stupide , la marouette ne paroît guère 
susceptible d'éducation , ni même faite 
pour s’apprivoiser : nous en avons cepen- 
dant élevé une; ellea vécu durant tout 
un été avec de la mie de pain et du 
chènevis. Lorsqu'elle étoit seule, elle se 
tenoit constamment dans une grandejatte 
pleine d’eau ; mais, dès qu’on entroit 
dans le cabinet où elle étoit renfermée,, 
elle couroit se cacher dans un petit coin 
obscur ; sans qu’on l'ait jamais entendu 
crier nimurmurer : cependant, lorsqu'elle 
est en liberté , elle fait retentir une voix 
aigre et percante , assez semblable au cri 
d’un petit oiseau de proie; et quoique 
ces oiseaux n'aient aucun attrait pour la 
société , on observe néanmoins que l’un 
Wa pas plutôt crié qu’un autre lui ré- 
pond , et que bientôt ce cri est répété 
par tous les autres du canton. 

La marouette , comme tous les râles, 
tient si fort devant les chiens , que sou- 
vent le chasseur peut la saisir avec la 
main ou l’abattre avec un bâton. S'il se 
trouve un buisson dans sa fuite, elle y 

5 


_5o HISTOIRE NATURELLE. 
monte , et du haut de son asyle regarde : 
passer les chiens en défaut : cette habi- 
tude lui est commune avec le râle d’eau; 
elle plonge , nage, et même nage entre 
deux eaux lorsqu'il s’agit de se dérober 
à l'ennemi. 

Ces oiseaux disparoissent dans le fort. 
de l’hiver : mais ils reviennent de très- 
bonne heure au printemps , et dès le 
mois de février ils sont communs dans 
quelques provinces de France et d'Italie; 
on les connoît en Picardie sous le nom 
de girardine. C'est un gibier délicat et 

-xecherché ; ceux sur-tout que l’on prend 
en Piémont, dans les rizières , sont très- 
gras et d’un goût exquis. 


OISEAUX ÉTRANGERS 
DE L'ANCIEN CONTINENT 


QUI ONT RAPPORT AU RALE. 


‘AE T'EK LON: 
O ÙU 


RALE DES PHILIPPINES*. 


Première espèce. 


| O: donne aux Philippines le nom de 
tiklin à des oiseaux du genre des râles ; et 
nous en connoissons quatre différentes 
espèces sous ce même nom et dans ce 
même climat. Celle-ci est remarquable 
par la netteté et l’agréable opposition des 
couleurs : une plaque grise couvre le 


_ * Voyez les planches enluminées, n° 774. 


PA 


5: HISTOIRE NATURELLE 
devant du cou; une autre plaque d’un | 
roux marron en couvre le dessus et la 
tête; une ligne blanche surmonte l’œil et 
forme un long sourcil ; tout le dessous du 
corps est comme émaillé de petites lignes 
transversales , alternativement noires et 
blanches en festons ; le manteau est brun 
nué de roussâtre et parsemé de petites 
gouttes blanches sur les épaules et au 
bord des ailes , dont les pennes sont 
mélangées de noir , de blanc et de marron. 
Ce tiklin est un peu plus grand que notre 
râle d’eau. 


DES OISEAUX ÉTRANGERS. 53 


LE TIKLIN BRUN #*. 


Seconde espèce. 


à E plumage de cet oiseau est d’un brun 
sombre uniforme , et seulement lavé sur 
la gorge et la poitrine d’une teinte de 
pourpre vineux , et coupé sous la queue 
par un peu de noir et de blanc sur les 
couvertures inférieures. Ce tiklin est aussi 
petit que.la marouette. ve 


* Voyez les planches enluminées, n° 773 


Li 


#4 HISTOIRE NATURELLE 


LE TIKLIN RAYÉ. 


Troisième espèce. 


Csrur-cr est de là même taille que 
le précédent. Le fond de son plumage 
est d’un brun fauve, traversé et comme — 
ouvragé de lignes blanches ; le dessus de 
la tête et du cou est d’un brun marron ; 
l'estomac, la poitrine et le cou sont d’un 
gris olivâtre ; et la gorge est d’un blanc 
roussâtre. 


DES OISEAUX ÉTRANGERS. 53 


LE TIKLIN À COLLIER. 


Quatrième espèce. 


Crrur - Cr est un peu plus gros que 
notre râle de genêt. IL a le manteau 
d’un brun teint d’olivâtre sombre ; les 
joues et la gorge sont de couleur de suie; 
un trait blanc part de l’angle du bec, 
passe sous l’œil et s'étend en arrière ; le 
devant du cou, la poitrine, le ventre, sont 
d’un brun noirâtre, rayé de lignes blan- 
ches ; une bande d’un beau marron, large 
d’un doigt, forme comme un demi-collier 
au-dessus de la poitrine. 


RL 


56 HISTOIRE NATURELLE 


OISEAUX ÉTRANGERS 
DU NOUVEAU CONTINENT 


QUI ONT RAPPORT AU RALE. 


LE RALE A LONG BEC *. 


Première espèce. 


Les espèces de râles sont plus diver- 
sifiées et peut-être plus nombreuses dans 
les terres noyées et marécageuses du nou- 
veau continent, que dans les contrées 
plus sèches de l’ancien. On verra par la 
description particulière de ces espèces, 
qu'il y en a deux bien plus petites que 
les autres , et que celle-ci est au contraire 
plus grande qu'aucune de nos espèces 


* Voyez les planches enluminées, n° 840. 


\ 


DES OISEAUX ÉTRANGERS. 57 
européennes ; le bec de ce grand râle est 
aussi plus long , même à proportion, que 
celui des autres râles. Son plumage est 
gris , un peu roussaire sur le devant du 
corps , et mêlé de noirâtre ou de brun 
sur le dos et les ailes ; le ventre est rayé 
de bandelettes transversales blanches et 
noires , comme dans la plupart des autres 
râles. On trouve à la Guiane deux espèces 
ou du moins deux variétés de ces râles à 
long bec , qui diffèrent beaucoup par la 
grosseur , les uns étant de la taille de la 
barge , et les autres , tels que celui de la 
planche 849, n’étant qu’un peu plus gros 
que notre râle d’eau. 


ORPI ” MAR D. 2) 1h, 
: dde 
, 


58 HISTOIRE NATURELLE 


LE KIOLO *. 


Seconde espèce. 


Css par ce nom que les naturels de 
la Guiane expriment le cri ou piaulement 
de ce râle ; il le fait entendre le soir , à # 
Ja même heure que les tinamous , c’est-à- 
dire, à six heures, qui est l'instant du 
coucher du soleil dans le climat équi= 
noxial. Les kiolos se réclament par ce cri 
pour se rallier avant la nuit; car tout 
le jour ils se tiennent seuls, fourrés dans 
les haïliers humides : ils y font leur nid . 
entre les petites branches basses des buis- 
sons, et ce nid est composé d’une seule 
sorte d'herbe rougeñâtre ; il est relevé en 
petite voûte , de manière que la pluie ne 
peut y pénétrer. Ce räle est un peu plus 
* Voyez les planches enluminées, n° 368, sous 


le nom de rdle de Cayenne; et n° 753, sous la 
dénomination de réle à ventre roux de Cayenne. 


DES OISEAUX ÉTRANGERS.  5g 


petit que la marouette ; 1l a le devant 
du corps et le sommet de la téte d’un 
beau roux , et le manteau lavé de verd 
olivâtre , sur un fond brun. Les nos 368 
et 755 de nos planches enluminées ne 
représentent que le même oiseau , quine 
diffère que par le sexe ou l’âge. Il nous 
paroît aussi que le râle de Pensilvanie, 
donné par Edwards , est le même que 
celui-ci. 


6o HISTOIRE NATURELLE 


LE RALE TACHETÉ. 
DE CAYENNE *. 


Troisième espèce. 


te beau râle, qui est aussi un des 
plus grands , a l'aile d’un brun roux ; le 
reste du plumage est tacheté, moucheté, 
liséré de blanc sur un fond d’un beau 
noir. Il se trouve à la Guiane comme 
les précédens. 


_* Voyez les planches enluminées, n° 775. 


DES OISEAUX ÉTRANGERS. 6€ 


EDS PRIT EEE 


LE RALE DE VIRGINIE. 


Quairième espèce. 


LL 


Cor oiseau, qui est de la grosseur de 
la caille , a plus de rapport avec le roi 
des cailles ou râle de genét , qu'avec les 
râles d’eau. 11 paroît qu’on le trouve dans 
l'étendue de l'Amérique septentrionale , 
jusqu'à la baie d'Hudson , quoique Catesby 
dise ne l’avoir vu qu’en Virginie ; il dit 
que son plumage est tout brun , et il 
ajoute que ces oiseaux deviennent si gras 
en automne , qu’ils ne peuvent échapper 
aux sauvages, qui en prennent un grand 
nombre en les lassant à la course , et 
qu'ils sont aussi recherchés à la Virginie 
que les oiseaux de riz le sont à la Caroline, 
et l’ortolan en Europe. 


6 HISTOIRE NATURELLE 
LE RALE BIDI-BIDE 


Cinquième espèce. 


Drnr-srpr est le cri et le nom de ce 
petit räle à la Jamaïque : il n’est guère 
plus gros qu'une fauvette ; sa tête est 
toute noire ; le dessus du cou, le dos , le 
ventre, la queue et les ailes, sont d’un 
brun qui est varié de raies transversales 
blanchâtres sur le dos, le croupion et le 
ventre ; les plumes de l'aile et celles de 
la queue sont semées de ‘gouttes blan- 
ches; le devant du cou et l'estomac sont 
d’un cendré bleuatre. 


DES OISEAUX ÉTRANGERS. 63 


LE PETIT RALE DE CAYENNE *. 


Sixième espèce. 


Ce; petit oiseau n’est pas plus gros 
qu’une fauvette : il a le devant du cou 
et la poitrine d’un blanc légèrement teint 
de fauve et de Jaunâtre ; les flancs et la 
queue sont rayés transversalement de 
blanc et de noir; le fond des plumes du 
manteau est noir, varié sur le dos de 
taches et de lignes blanches, avec des 
franges roussâtres. C’est le plus petit des 
oiseaux de ce genre , qui est assez nom- 
breux en espèces. 

Du reste, ce genre du râle paroïît en- 
core plus répandu que varié : la Nature a 
produit ou porté de ces oiseaux sur les 
terres les plus lointaines. M. Cook en a vu 
au détroit de Magellan; il en a trouvé 


* Voyez les planches enluminées, n° 847« 


Ke 


| à 

64 HISTOIRE NATURELLE: 
dans différentes îles de l'hémisphère aus 
tral, à Anamocka , à Tanna, à l’île Nor- | 
folk ; les îles de la Société ont aussi deux 
espèces de râles , un petit râle noir tacheté 
(pood-née) , et un petit râle aux yeux 
rouges ( #7ai-ho ); et il paroît que les deux 
acolins de Fernandès, qu'il appelle des 
cailles d’eau , sont des râles , dont l'espèce 
est propre au grand lac de Mexique; sur 
quoi nous avons déja remarqué qu'il 
faut se garder de confondre ces acolins 
ou râles de Fernandès avec les colis du 
même naturaliste, qui sont des oiseaux. 
que l’on doit rapporter aux perdrix. 


Tbmz16. PL 6. Lay 6, 


JF dauguet 1 


CODE UT ra Pi bé 


L'ESC'AU RATE, 
O U 


PETIT PAON DESTROSES:: 


À Je considérer. par la forme du bec et 
des pieds , cet oiseau seroit un râle : mais 
sa queue est beaucoup plus longue que 
celle d'aucun oiseau de cette famille. 
Pour exprimer en même temps cette diffé- 
rence et ces rapports, il a été. nommé 
cauréle (râle à queue) dans nos planches 
enluminées : nous lui conserverons ce 
nom plutôt que celui de petit paon des 
roses qu’on lui donne à Cayenne. Son plu= 
mage est , à la vérité , riche en couleurs, 
quoiqu'elles soient toutes sombres? ; et 
pour en donner une idée, on ne peut 


1 Voyez les planches enluminées, n° 782. 

2 On imagineroit peut-être quelque rapport de 
cet oiseau au paon, du moins dans sa manière 
d’étaler ou de soutenir sa queue; Imals on nous 
assure quil ne la relève point. 


6 


Lau nd LUS” LE us 
“ + L 
, RAR 
: ‘ 


6 -HISTOIRE NATURELLE We 


mieux le comparer qu ‘aux ailes de ces 
beaux papillons phalènes , où le noir s' 
le brun, le roux, le fauve etle gris blanc, 
entremelés en ondes , en zones , en zig- 
zags , forment de toutes ces teintes un 
eusemble moelleux et doux. Tel est le 
plumage du caurâle , particulièrement 
sur les ailes et la queue. La tête est 
coiffée de noir , avec de longues lignes 
blanches dessus et dessous l’œil ; le bec 
est exactement un bec de râle , excepté 
qu'il est d’une dimension un peu plus 
longue , comme toutes celles de cet oiseau, 
dont la tête , le cou ct le corps sont plus 
alongés que dans lerâle ; sa queue, longue 
de cinq pouces , dépasse l’aile pliée de 
deux ; son pied est gros et haut de vingt- 
six lignes , et la partie nue de la jambe 
l'est de dix ; le rudiment de membrane 
entre le doigt extérieur et celui du milieu 
est plus étendu et plus marqué que dans 
le râle. La longueur totale, depuis la 
pointe du bec, qui a vingt-sept lignes, 
jusqu’à celle de la queue , est de quinze 
pouces: 

Cet oiseau n’a point encore été décrit ; 


DU CAURALE. 67 


et n’est connu que depuis peu de temps; 
_ on le trouve , mais assez rarement , dans 
l’intérieur des terres de la Guiane , en 
remontant les rivières, dont il habite les 
bords ; il vit solitaire et fait entendre un 
sifflement lent et plaintif, qu’ on imite 
pour le faire approcher. 


LA 
. er wv « 1 BOF 


LA POULE D'EAU *. 


L 4 Nature passe par nuances de la forme 
du râle à celle de la poule d'eau, quia 
de même le corps comprimé par les côtés, 
le bec d’une figure semblable , mais plus 
accourci , et plus approchant par-là du 
bec des gallinacés. La poule d’eau a 
aussi le front dénué de plumes et recou- 
vert d’une membrane épaisse ; caractères 
dont certaines espèces de rales présentent 
les vestiges. Elle vole aussi les pieds pen- 
dans ; enfin elle a les doigts alongés 
comimne le râle, mais garnis dans toute. 
leur longueur d’un bord membraneux ; 
nuance par laquelle se marque le passage 
des oiseaux fissipèdes , dont les doigts 
sont nuds et séparés , aux oiseaux pal- 
mipèdes, qui les ont garnis et Joints par 
une membrane tendue de l’un à l’autre 
5 AU 

* Voyez les planches enluminées, n° 877. 

En anglois, water-hen, more-hen ; en allemand, 
rohtblaschen. 


Zom 16 . A 7. Leg 68. 


» à 
SEE Sy ET 
d£ Ko Su NN 


t 


: 


LA POULE D'EAU. 


IT. uquet- SJ 


HISTOIRE NATURELLE. 6 
doigt ; passage dont nous avons déja vu 
l'ébauche dans la plupart des oiseaux de 
rivage, qui ont ce rudiment de mem- 
brane tantôt entre les trois doigts , et 
tantôt entre deux seulement , l'extérieur 
et celui du milieu. 

Les habitudes de la poule d’eau répon- 
dent à sa conformation : elle va à l’eau 
plus que le râle , sans cependant y nager 
beaucoup, si ce n’est pour traverser d’un 
bord à l’autre ; cachée durant la plus 
grande partie du jour dans les roseaux , 
ou sous les racines des aunes , des saules 
et des osiers , ce n’est que sur le soir 
qu'on la voit se promener sur l’eau; elle 
fréquente moins les marécages et les ma= 
rais que les rivières et les étangs. Son 
nid , posé tout au bord de l’eau , est 
construit d’un assez gros amas de débris 
de roseaux et de joncs entrelacés ; la 
mère quitte son nid tous les soirs ,; et 
couvre ses œufs auparavant avec des brins 
de jones et d'herbes : dès que les petits 
sont éclos , ils courent comme ceux du 
râle , et suivent de méme leur mère , qui 
les mène à l’eau; c’est à cette faculté 


lé 


AL ie 4 


* 


ro HISTOIRE NATURELLE 
_ naturelle que se rapporte sans doute le 
soin de prévoyance que le père et la mère 
montrent en ‘plaçant leur mid toujours 
très-près des eaux. Au reste , la mère 
conduit et cache si bien sa petite famille, 
qu'il est très-difficile de la lui enlever 
pendant le très - petit temps qu’elle la 
soigne ; car bientôt ces jeunes oiseaux, 
devenus assez forts pour se pourvoir 
d’eux-mémes , laissent à leur mère fé- 
conde le temps de produire et d'élever 
une famille cadette’, et même l’on assure 
qu'il y a souvent trois pontes dans un an. 
Les poules d’eau quittent en octobre 
les pays froids et les montagnes, et passent 
tout l'hiver dans nos provinces tempérées, 
où on les trouve près des sources et sur 
les eaux vives qui ne gèlent pas. Ainsi la 
pouie d'eau n’est pas précisément un 
oiseau de passage, puisqu'on la voit toute 
l’année dans differentes contrées , et que 
tous ses voyages paroissent se borner des. 
montagnes à la plaine, et de la plaine. 
aux montagnes. 
Quoique peu voyageuse et par - tout 
assez peu nombreuse ,; la poule d’eau : 


# 
D 
{ 


DE LA POULE D’EAU. 7E 
paroît avoir été placée par la Nature dans 
la plupart des régions connues , et même 
dans les plus éloignées. M. Cook en a 
trouvé à l’île Norfolk et à la nouvelle 
Zélande ; M. Adanson , dans une île du 
Sénégal ; M. Gmelin , dans la plaine de 
Mangasea en Sibérie , près du Jénisca, où 
il dit qu’elles sont en très-grand nombre. 
Elles ne sont pas moins communes dans 
les Antilles, à la Guadeloupe, à la Ja- 
maïque et à l’île d’ Aves, quoiqu'il n’y ait 
point d’eau douce dans cette dernière île. 
On en voit aussi beaucoup en Canada; 
et pour l’Europe , la poule d’eau se trouve 
en Angleterre, en Écosse, en Prusse , en 
Suisse , en Allemagne, et dans la plupart 
de nos provinces de France. Il est vrai que 
nous ne sommes pas assurés que toutes 
celles qu'indiquent les voyageurs, soient 
de la même espèce que la nôtre. M. le 
Page du Pratz dit expressément qu’à la 
Louisiane elle est la meme qu’en France, 
et il paroït encore que la poule d’eau 
décrite par le P. Feuillée à l’ile Saint-Tho- 
nas, n’en est pas différente. D'ailleurs 
mous en distinguons trois espèces ou 


72 HISTOIRE NATURELLE 


variétés , que l’on assure ne pas se mêler, 
quoique vivant ensemble sur les mêmes 
eaux , sans compter quelques autres es- 
pèces rapportées par les nomenclateurs 
au genre de la poule sultane, et qui nous 
paroiïssent appartenir de plus près à celui 
de la poule d’eau , et quelques autres 
encore dont nous n’avons que lindica-, 
tion ou des notices imparfaites. 

Les trois races ou espèces reconnues dans 
nos contrées peuvent se distinguer par la 
grandeur. L'espèce moyenne est la plus 
commune ; celle de la grande et celle de 
la petite poule d’eau , dont Belon a parlé 
sous le nom de poulette d’eau, sont un peu 
plus rares. La poule d’eau moyenne ap- 
proche de la grosseur d’un poulet de six 
mois ; sa longueur, du bec à la queue, 
est d’un pied, et du bec aux ongles, de 
quatorze à quinze pouces. Son bec est 
jaune à la pointe, et rouge à la base; la 
plaque membraneuse du front est aussi 
de cette dernière couleur , ainsi que le 
bas de la jambe au-dessus du genou ; les 
pieds sont verdâtres; tout le plumage est 
d'une couleur sombre gris-de-fer:, nué de : 


DE LA POULE D'EAU. 93 


blanc sous le corps, et gris brun ver- 
dâtre en dessus ; une ligne blanche borde 
l'aile ; la queue ; en se relevant, laisse 
voir du blanc aux plumes latérales de ses 
couvertures inferieures : du reste, tout Île 
plumage est épais, serré et garni de du- 
vet. Dans la femelle , qui est un-peu plus 
petite que le mâle, les couleurs sont plus 
claires , les ondes blanches du ventre sont 
plus sensibles, et la gorge est blanche. 
La plaque frontale, dans les jeunes, est 
couverte d’un duvet plus semblable à des 
poils qu’à des plumes. Une jeune poule 
d'eau que nous avons ouverte, avoit 
dans son estomac des débris de petits 
poissons et d'herbes aquatiques melés de 
graviers; le gésier étoit lort épais et mus- 
culeux ; comme celui de la poule domes- 
tique; l'os du sternum nous a paru beau- 
coup plus petit qu'il ne l'est généralement 
dans les oiseaux ; et si cetté différence ne 
tenoit pas à l'âge, cette observation pour- 
roit coufirmer en partie l’ässertion de 
Belon., qui dit que le sternum , aussi- 
bien que lisehion dela poule d’eau, est 
de forme différente de celle de ces mêmes 
os dans les autres oiseaux. 
Oiszaux, XVI. 7 


> 1 
A 1 


74 HISTOIRE NATURELLE 


LA POULETTE D'EAU. 


C: nom diminutif, donné par Belon, ne 
doit pas faire imaginer que cette poule 
d’eau soit considérablement plus petite 
que la précédente. Il y a peu de différence; 
mais on observe que, dansles mêmes lieux, 
les deux espèces se tiennent constamment 
séparées sans se mêler. Leurs couleurs 
_ sont à peu près les mêmes ; Belon trouve 
seulement à celle-ci une teinte bleuâtre 
sur la poitrine, et il remarque qu’elle a 
la paupière blanche. Il ajoute que sa chair 
est très-tendre , et que les os sont minces 
et fragiles. Nous avons eu une de ces pou- 
dettes d’eau ; elle ne vécut que depuis le 
22 novembre jusqu’au 10 décembre , à la 
vérité sans autre aliment que de l’eau. 
On la tenoit enfermée dans un petit ré- 
duit qui ne tiroit de jour que par deux 
carreaux percés à la porte : tous les ma- 
tins, aux premiers rayons du jour , elle 


) 


DE LA POULE D'EAU 5 
_s’élançoit contre ces vitres à plusieurs 
reprises différentes ; le reste du temps 
elle se cachoit le plus qu’elle pouvoit, 
tenant la tête basse. Si on la prenoit à la 
main , elle donnoit des coups de bec ; 
mais ils étoient sans force. Dans cette 
dure prison on ne lui entendit-pas jeter 
un seul cri. Ces oiseaux sont en général 
très-silencieux ; on a même dit qu'ils 
étoient muets : cependant, lorsqu'ils sont 
en liberté, ils font entendre un petit son 
réitéré , bri, bri, bri. 


L. 


r 


76 HISTOIRE NATURELLE 


LA PORZANE, 
O ÙU 


LA GRANDE POULE D'EAU. 


PATES LA 


Csrre PA d’eau doit être commune 

enltalie, aux environs de Bologne, puis- 
que les Riot be de cette contrée lui ont 
donné un nom vuigaire( porzana }. Elle est 
plus grande dans toutes ses dimensions 
que votre poule d'éau commune. Sa lon- 
gueur, du bec à la queue, est de près 
d’un pied et demi. Elle a le dessus du bec 
jaunâtre, et la pointe noirâtre ; le cou 
et la tête sont aussi noirâtres ; le manteau 
est d’un brun marron; le reste du plu- 
mage revient à celui de la poule d’eau 
commune , avec laquelle on nous assure 
que celle-ci se rencoutre quelquefois sur 
nos étangs. Les couleurs de la femelle 
sont plus pâles que celles du mâle. 


DE LA POULE D'EAU. ‘#7 


LA GRINETTE. 


Cr oiseau , que les nomenclateurs ont 
placé dans le genre de la poule sultane, 
sous paroît appartenir à celui de la poule 
d’eau. On lui donne à Mantoue le nom 
de porzana , que la grande poule d’eau 
porte à Bologne ; cependant elle est beau- 
coup plus petite, puisque ; suivant Wil- 
Jughby , elle est moindre que le raie, et 
son bec ést très-court. À en juger par ses 
différens noms , elle doit être fort connue 
dans le Milaänois* ; on la trouve aussi en 
Allemagne, suivant Gesner. Ce natura- 
liste n’en dit rien autre chose, sinon 
qu'elle a les pieds gris, le bec partie rou- 
geatre et partie noir, le manteau brün 
roux, et le dessous du corps blanc, 


* À Milan on l'appelle grunetta ; à Mantoue, 
porzana ; à Bologne, porcellana ; aïlleurs, g7rar- 
della columba ; à Florence, fordo gelsemino. | 

pe 


… 


78 HISTOIRE NATURELLE 


LA SMIRRING. 


C: nom, que Gesner pense avoir été don- 
né par ozomatopée, ou imitation de cri, est 
en Allemagne celui d’un oiseau qui paroît 
appartenir au genre de la poule d’eau. 
Rzaczynski, en le comptant parmi les 
espèces naturelles à la Pologne , dit qu'il 
se tient sur les rivières, et niche dans 
les haïlliers qui les bordent. Il ajoute que 
la célérité avec laquelle il court lus a fait: 
quelquefois donner le nom de érochilus ; 
et ailleurs ( {uct. pag. 380) il Le décrit dans 
les mêmes termes que Gesner. «Le fond. 
« de tout son plumage , dit-il , est roux ; 
«les petites plumes de l'aile sont d’un 
« rouge de brique; la tête, le tour des 
«yeux et le ventre sont blancs ; les 
« grandes pennes de l'aile sont noires; 
« des taches de cette même couleur par- 
« sèment le cou , le dos, les aïles et la 
« queue ; les pieds et la base du bec sont 
« jaunâtres, » | sin. 


-DE LA POULE D'EAU 79 


DA CLOUT. 


| 


Cr oiseau est une poule d’eau , sui- 
vant Gesner ; il dit qu’elle fait entendre 
une voix aiguë et haute comme le son 
d’un fifre. Elle est brune , avec un peu de 
blanc à la pointe des ailes; elle a du blanc 
autour des yeux, au cou, à la poitrine 
et au ventre ; les pieds sont verdâtres , et 
le bec est noir. 


En - », VT'ULER He 


OISEAUX ÉRRR NT ES 


QUI ONT RAPPORT À LA POULE 
D'EAU. 


LA GRANDE POULE D BAU 


DE CAYENNE* 


L'orsrau ainsi nommé dans nos plan- 
ches euluminées , paroît s'approcher dü 
héron par la longueur du cou , et s’éloi- 
gner encore de la poule d’eau par la lon- 
gueur du bec ; néanmoins il lui ressemble 
par le reste de sa conformation. C’est la 
plus grande des poules d’eau ; elle a dix- 
huit pouces de longueur. Le cou et la tête, 
la queue , le bas-ventre et les cuisses, 
sont d’un gris brun ; le manteau est d’un 
olivatre sombre ; l'estomac et les pennes 
des ailes sont d’un roux ardent et rou- 


* Voyez les planches enluminées, n° 352. 


HISTOIRE NATURELLE. Sr. 


geâtre. Ces oiseaux sont très-communs 
dans les marais de la Guiane, et l’on en 
voit jusque dans les fossés de la ville de 
Cayenne. Ils vivent de petits poissons et 
d'insectes aquatiques. Les jeunes ont le 
plumage tout gris, et ils ne prennent de 
rouge qu'à la mue. : 


82 HISTOIRE NATURELLE! 


L'EUNTVETERO 


Fan 


Los relations du Groenland nous parlent, 
sous ce nom, d’un oiseau qu'elles in- 
diquent en même temps comme une poule 
d’eau , mais qui pourroit aussi bien être 
quelque espèce de plongeon ou de grèbe. 
Le mâle a le dos et le cou blancs, le ventre 
noir , et la tête tirant sur le violet; les 
plumes de la femelle sont d’un jaune 
mêlé et bordé de noir , de manière à pa- 
_ xroître grises de loin. Ces oiseaux sont fort 
nombreux dans le Groenland , principa- 
lement en hiver ; on les voit, dès le ma- 
tin, voler en troupes, des baies vers Les 
îles , où 1ls vont se repaître de coquillages, 
et le soir ils reviennent à leurs retraites 
dans les baies, pour y passer la nuit. Ils 
suivent en volant les détours de la côte et 
les sinuosités des détroits entre les îles. 
Rarement ils volent sur terre, à moins 
que la force du vent, sur-taut quand il 


DES OISEAUX ÉTRANGERS, 892 


souffle du nord, ne les oblige à se tenir 
sous l’abri des terres : c’est alors que les 
chasseurs les tirent de quelque pointe 
avancée dans la mer, d’où l’on va en 
canot pêcher ceux qui sont tués; car les 
blessés vont à fond et ne reparoissent 
guère. 


84 HISTOIRE NATURELLE 


LE KINGALIK. 


Lzs mêmes relations nomment encore 
poule d’eau cet oiseau de Groenland. Il est 
plus grand que le canard , etremarquable 
par une protubérance dentelée qui lui 
croît sur le bec, entre les narines, et qui 
est d’un Jaune orangé. Le mâle est tout | 
noir, excepté qu’il a les ailes blanches, et 
le dos marqueté de blanc. La femelle n’est 
que brune. 

Ce sont là tous les oiseaux étrangers 
que nous croyons devoir rapporter au 
genre de la poule d’eau; car il ne nous 
paroît pas que les oiseaux nommés par 
Dampier poules gloussantes, Soient dela 
famille de la poule d’eau, d’autant plus 
qu'il semble les assimiler lui - même aux 
crabiers et à d’autres oiseaux du genre 
des hérons. Et de même la belle poule 
d’eau de Buenos-Ayres, du P. Feuillée, 
n'est pas une vraie poule d’eau, puis- 


DES OISEAUX ÉTRANGERS. 85 


qu'elle a les pieds comme le canard. Enfin 
la petite poule d’eau de Barbarie ( water- 
ken) à ailes tachetées, du docteur Shaw, 
qui est moins grosse qu’un pluvier, nous 
paroît appartenir plutôt à la famitle du 
râle qu’à celle de la poule d’eau propre- 
ment dite. 


LE JACANA*. 


Première espèce. 


Lez jacana des Brasiliens , dit Marcgrave; 
doit être mis avec les poules d’eau , aux- 


quelles il ressemble par le naturel, les 


habitudes , la forme du corps raccourci, 
la figure du bec et la petitesse de la tête. 
Néanmoins 1l nous paroît que le jacana 
diffère essentiellement des poules d’eau 
par des caractères singuliers, et même 
uniques , qui le séparent et le distinguent 
de tous les autres oiseaux : il porte des 
éperons aux épaules, et des lambeaux de 
membrane sur le devant de la tête; ila 
les doigts et les ongles excessivement 
grands ; le doigt de derrière est d’ailleurs 


aussi long que celui du milieu en devant; 


tous les ongles sont droits, ronds, effilés 
comme des stylets ou des aiguilles. C’est 


apparemment de cette forme particulière 


# Voyez les planches enluminées, n° 322. 


Zôm 16. | 718. Pag 66. 


LE JACANA. 


Î Jaquet: ie ; 


HISTOIRE NATURELLE. 67 
de ses ongles incisifs et poignans qu’on a 
donné au jacana le nom de chirurgien *. 
L'espèce en est commune sur tous les ma- 
rais du Bresil , et nous sommes assurés 
qu’elle se trouve également à la Guiane 
et à Saint-Domingue ; on peut aussi pré- 
sumer qu’elle existe dans toutes les régions 
et les différentes îles de l'Amérique entre 
les tropiques et jusqu’à la nouvelle Es- 
pagne , quoique Fernandès ne paroisse em 
parler que sur des relations , et non d’a- 
près ses propres connoissances, puisqu'i 
fait venir ces oiseaux des côtes du Nord, 
tandis qu'ils sont naturels aux terres du 
Midi. 

Nous connoissons quatre ou cinq Jaca- 
nas, qui ne diffèrent que par les couleurs, 
leur grandeur étant la même. La première 
espèce, donnée par Fernandès, est la qua- 
trième de Marcgrave. La tête, le cou et 
le devant du corps de cet oiseau , sont 
d’un noir teint de violet ; les grandes 
pennes de l’aile sont verdâtres ; le reste 
du manteau est d’un beau marron pour- 


* C’est sous ce nom qu’ils sont connus à Salint- 
Dominguc. | 


- "| un 
88. HISTOIRE NATURELLE. 
pré ou mordoré. Chaque aile est armée 
d’un éperon pointu qui sort de l'épaule, 
et dont la forme est exactement sem- 
blable à celle de ces épines ou crochets 
dont est garnie la raie bouclée; de la 
racine du bec naît une membrane qui se 
couche sur le front, se divise en trois 
lambeaux, et laisse encore tomber un 
barbillon de chäque côté ; le bec est droit, 
un peu renflé vers le bout, et d’un beau 
Jaune jonquille | comme les éperons ; la 
queue est très-courte , et ce caractère , 
ainsi que ceux de la forme du bec, de la 
queue , des doigts et de la hauteur des 
jambes , dont la moitié est dénuée de 
plumes, conviennent également à toutes 
les espèces de ce genre. Marcgrave paroît 
exagérer leur taille en la comparant à 
celle du pigeon; car les Jacanas n’ont pas 
le corps plus gros que la caille , mais seu- 
lement porté sur des jambes bien plus 
hautes : leur cou est aussi plus long, et 
leur tête est petite. Ils sont toujours fort 
maigres , et cependant l’on dit que leur 
chair est mangeable. 

Le jacana de cette première espèce est 


VO | 


DES JACANAS. 8g 
assez commun à Saint-Domingue, d’où 
il nous a été envoyé, sous le nom de che- 
valier mordoré armé, par M. Lefebvre Des- 
hayes. « Ces oiseaux, dit-il, vont ordi- 
« nairement par couple ; et lorsque quel- 
« que accident les sépare, on les entend 
«se rappeler par un cri de réclame. Ils 
« sont très-sauvagés, et le chasseur ne 
« peut les approcher qu’en usant de ruses, 
« en se couvrant dé feuillages, ou se cou- 
« lant derrière les buissons’, les roseaux. 
« On les voit régulièrément à Saint-Do- 
« mingue durant ou après les pluies du 
« mois de mai ou dé novembre : néan- 
« moins 1] en paroît quelques uns après 
« toutes les fortes pluiesiqui font déborder 
« les eaux ; ce qui fait croire qué Les licux 
« OÙ Ces oiseaux se tiennent habituelle- 
« ment, né sont pas éloignés. Du reste, on 
« ne les trouve pas hors des lagons , des 
« marais, ou dés bords des étangs et des 
« ruisseaux. 

«Le vol de ces oïseaux est peu élevé, 
« Mais assez rapide. Ils jettent en partant 
« un Cri aigu et glapissant, qui s’entend 
« de loin , et qui paroît avoir quelque 


90 HISTOIRE NATURELLE 

«rapport à celui de l’effraie : aussi les 
« volailles dans les basses-cours s'y mé- 
« prennent et s’'épouvantent à ce cri, 
«comme à celui d’un oiseau de proie, 
« quoique le jacana soit fort éloigné de 
«ce genre. Il sembleroit que la Nature 
« en ait voulu faire un oiseau belliqueux, 
« à la manière dont elle a eu soin de l’ar- 
«mer; néanmoins on ne connoît pas. 
« l'ennemi contre lequel il peut exercer 
« SeS armes. » 

Ce rapport avec les vanneaux armés, 
quisont des oiseaux querelleurs etcriards, 
joint à celui de la conformation du bec, 
paroît avoir porté quelques naturalistes 
à réunir avec eux les Jacanas soûs un 
même genre : mais la figure de leur corps 
et de leur tête les en éloigne, et les rappro- 
cheroit de celui de la poule d’eau , si la 
conformation de leurs pieds ne les en 
séparoit encore; et cette conformation des 
pieds est en effet si singulière , qu’elle ne 
se trouve dans aucun autre oiseau : on 
doit donc regarder les jacanas comme 
formant un genre particulier , et qui 
paroît propre au nouveau continent. Leur 


"0 


\« 


DES JACANAS. 9£ 
séjour sur les eaux et leur conformation 
indiquent assez qu'ils vivent et se nour- 
rissent de la même manière que les autres 
oiseaux de rivage ; et quoique Fernandès 
dise qu'ils ne fréquentent que les eaux 
salées des bords de la mer, il paroît, selon 
ce que nous venons de rapporter , qu'ils 
se trouvent également dans l'intérieur des 
terres , sur les étangs d’eau douce. 


| 


oz HISTOIRE NATURELLE 


« » 
: )2 


ñ . tie ton: 
LE JACANA NOIR. 


, Seconde espèce. 


T'ourr la tête , le cou, le dos et la 
queue de ce Jacana , sont noirs ; le haut 
des ailes et leurs pointes sont de couleur 
brune ; le reste est verd , et le dessous 
du corps est brun ; les éperons de l'aile 
sont jaunes, ainsi que lebec, de la racine 
duquel s'élève sur le front une membrane 
rougeâtre. Marcgrave nous donne cette 
espèce comme naturelle au Bresit. 


MR ST AC AUNCAISEN ou 


LE JACANA VER D. 


Troisième espèce. 


Marcerave loue la beauté de ect 
oiseau, dont 1l a fait sa première espèce de 
ce genre : 1l a le dos, les ailes et le ventre 
teints de verd sur un fond noir; et l’on 
voit sur le cou briller de beaux reflets 
gorge de pigeon ; la tête est coiffée d’une 
membrane d’un bleu de turquoise; le bec 
et les ongles, qui sont d’un rouge de ver- 
millon dans leur première moitié, sont 
jaunes à la pointe. L’aualogie nous per- 
suade que cette espèce est armée comme 
les autres, quoique Marcgrave ne lé 
dise pas. 


94 HISTOIRE NATURELLE 


L E JACANA-PECA. 


Quatrième espèce. 


\ 


Less Brasiliens donnent à cet oiseau le 
nom d'agua-pecaca ; nous l’appelons ja- 
cana-péca, pour réunir son nom géné- 
rique à sa dénomination spécifique et 
pour le distinguer des autres Jacanas: ses 
traits sont cependant peu différens de 
ceux de l'espèce précédente. « Il a , dit 
« Marcgrave, des couleurs plus foibles et 
« les ailes plus brunes ; chaque aile est 
« armée d’un éperon , dont l'oiseau se sert 
« pour sa défense : mais sa tête n’a point 
« de coiffe membraneuse ». Le nom de 
porphyrion , sous lequel Barrère a donné 
ce jJacana , semble indiquer qu’il a les 
pieds rouges. Le même auteur dit que 
l'espèce en est commune à la Guiane , où 
les Indiens l’appellent #apoua, et nous pré- 
sumons que c’est à cet oiseau que doit se 
rapporter la note suivante de M. de la 
Borde. « La petite espèce de poule d’eau 


DES JACANAS. 05 
« ou chirurgien aux ailes armées est, dit-il, 
« très-commune à la Guiane ; elle habite 
« les étangs d’eau douce et les mares. On 
« trouve ordinairement ces oiseaux par 
« paire ; mais quelquefois aussi on en 
« voit jusqu'à vingt ou trente ensemble. 
« Il y en a toujours en été dans les fossés 
« de la ville de Cayenne; et dans le temps 
« des pluies , ils viennent même jusque 
« dans les places de la nouvelle ville ; 
« ils se gîtent dans les Joncs, et entrent 
« dans l’eau jusqu’au milieu de la jambe; 
« ils vivent de petits poissons et d'insectes 
« aquatiques ». Au reste, il paroît qu’il y 
a dans la Guiane, comme au Bresil, plu- 
sicurs espèces ou variétés de ces oiseaux, 
et qu’on les connoît sous des noms diffé- 
rens. M. Aublet nous a donné unenotice, 
dans laquelle il dit que l’oiseau chirurgien 
est assez commun à la Guiane dans les 
mares, les bassins et petits lacs des sa- 
vanes; qu’il se pose sur les larges feuilles 
d’une plante aquatique , appelée vulgai- 
rement volet (zymplea), et que les na- 
turels ont donné à cet oiseau le nom de 
hinkin, mot qu'il exprime par un son 
aigu, 


CORRE: T'L' AE ES 


66 HISTOIRE NATURELLE. 


LE JACANA VARIE *.. 


Cinquième espèce. 


Le plumage de cet oiseau est en effet 
plus varié que celui des autres jacanas, 
sans sortir néanmoins des couleurs domi- 
nantes et communes à tous : Ces couleurs 
sont le verdâtre , le noir et le marron 
pourpré. Il: y a , de chaque côté de la 
tête , une bande blanche qui passe par- 
dessus les yeux ; le devant du cou est 
blanc, ainsi que tout le dessous du corps: 
on peut voir la planche enluminée pour 
le détail des autres couleurs, qu’il seroit 
difficile de rendre. Le front est couvert 
d'une membrane d’un rouge orangé ; et 
il y a des éperons sur les ailes. Cet oiseau 
nous est venu du Bresil. Edwards le 
donne comme venant de Carthagène; ce 


qui montre, comme nous l’avons observé, 


que lesjacanassontcommunsaux diverses 
contrées de l’Amérique situées entre les 
: tropiques. | 


© # Voyez les planches enluminées, n° 846, 


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._ LA POULE SULTANE - 


ow LE PORPHYRION. 


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LARBPOULE SULTANE, 
OÙ 


LE PORPHYRION*. 


#7 s modernes ont appelé poule sultane, 
uu oiseau fameux chez les anciens sous 
le nom de porpayrion. Nous avons déja 
plusieurs fois remarqué combien les déno- 
minations données par les Grecs, et la 
plupart fondées sur des caractères distinc- 
tifs, étoient supérieures aux noms formés 
eomme au hasard dans nos langues ré- 
centes , sur des rapports ou fictifs ou 
bizarres , et souvent démentis par l’ins- 
pection de la nature. Le nom de poule 
suliane nous en fournit un nouvel exem- 
ple ; c’est apparemment en trouvant quel- 
que ressemblance avec la poule et cet 
oiseau de rivage , bien éloigné pourtant 

* Voyez les planches enluminées, n° 810, sous 
la dénomination de 1alève de Madagascar. 


Π


98 HISTOIRE NATURELLE + 


du genre gallinacé , et en imaginant un 
degré de supériorité sur la poule vulgaire 
par sa beauté ou par son port , qu'on 
l’a nommé poule sultane : mais le nom 
de porphkyrion, en rappelant à l'esprit le 
rouge ou le pourpre du bec et des pieds , 
étoit plus caractéristique et bien plus 
juste. Quene pouvons-nous rétablir toutes 
les belles ruines de l'antiquité savante, ct 
rendre à la Nature ces images brillantes 
et ces portraits fidèles dont les Grecs l’a- 
voient peinte et toujours animée, hom- 
mes spirituels et sensibles qu’avoient tou- 
chés les beautés qu’elle présente, et la vie 
que par-tout elle respire! | 
Faisons donc l’histoire du porphyrion, 
avant de parler de la poule sultane. Aris- 
tote, dans Athénée, décrit le porphyrion 
comme un oiseau fissipède à longs pieds , 
au plumage bleu, dont le bec couleur de 
pourpre est très-fortement implanté dans 
le front, et dont la grandeur est celle du 
coq domestique. Suivant la lecon d’Athé- 
née, Aristote auroit ajouté qu'il y a cinq 
doigts aux pieds de cet oiseau ; ce qui, 
seroit une erreur , dans laquelle néan- 


DE LA POULE SULTANE. o 


moins quelques autres anciens auteurs 
sont tombés. Une autre erreur plus grande 
des écrivains modernes , est celle d’Isi- 
dore , copiée dans Albert, qui dit que le 
porphyrion a l’un des pieds fait pour 
nager et garni de membranes, et l’autre 
propre à courir comme les oiseaux de 
terre ; ce qui est non seulement un fait 
faux , mais contraire à toute idée de 
nature , et ne peut signifier autre chose, 
sinon que le porphyrion est un oiseau de 
rivage , qui vit aux confins de la terre et 
de l’eau. Il paroît en effet que l’un et l’au- 
tre élément fournit à sa subsistance ; car 
1l mange, en domesticité , des fruits, de 
la viande et du poisson : son ventricule 
est conformé comme celui des oiseaux 
qui vivent également de graines et de 
chair. | : 

On l'élève donc aisément : il plaît par 
son port noble, par sa belle forme , par 
son plumage brillant et riche en couleurs 
méêlées de bleu pourpré et de verd d’aigue- 
marine ; son naturel est paisible; il s’ha- 
bitue avec ses compagnons de domes- 
ticité,, quoique d’espèce différente de la 


100 HISTOIRE NATURELLE 
sienne , et se choisit entre eux LE | 
ami ve prédilection *, À 

Il est de plus oiseau bols éraivai comme 
le coq ; néanmoins il se sert de ses pieds 
comme d’une main pour porter les ali- 
mens à son bec : cette habitude paroît 
résulter des proportions du cou , qui est 
court, et des jambes, qui-sont très-lon- 
gues ; ce qui rend pénible l’action de 
ramasser avec le bec sa nourriture à terre. 
Les anciens avoient fait la plupart de ces 
remarques sur le porphyrion , et c’est un 
des oiseaux qu'ils ont le mieux décrits. 

Les Grecs, les Romains, malgré leur 
luxe déprédateur, s S'abetinitettt également 
de manger du porphyrion. Ils le faisoient 
venir de Libye ?, de Comagène et des îles 

* Voyez dans Élien l’histoire d’un porpbyrion 
qui mourut de regrel après avoir perdu le coq son 
camarade. | 

2 Alexandre de Myndes, dans Athénée, compte 
le porphyrion au nombre des oiseaux de Libye, et 
témoigne qu’il étoit consacré aux dieux dans cette 
région. Suivant Diodore de Sicile, 11 venoit des 
porphyrions du fond de la Syrie, avec diverses 


autres espèces d'oiseaux remarquables par leurs 
riches couleurs, 


DE LA POULE SULTANE, vof 
Baléares , pour le nourrir et le placer dans 
les palais et dans les temples , où on le 
laissoit en liberté , comme un hôte digne 
de ces lieux par la noblesse de son port, 
par la douceur de son naturel et par la 
beauté de son plumage. 

Maintenant, si nous comparons à ce 
porphyrion des anciens notre poule sul- 
tane représentée n° 810 des planches en- 
Juminées , il paroît que cet oiseau, qui 
nous est arrivé de Madagascar sous le 
nom de falève, est exacternent le méme. 
MM. de l'académie des sciènces ; qui en 
ont décrit un semblable, ont reconnu 
comme nous le porphyrion dans la poule 
sultane. Elle a environ deux pieds,du bec 
aux ongles. Les doigts sont extraordinai- 
rement longs et entièrement séparés , sans 
vestiges de membranes : ils sont disposés 
à l’ordinaire, trois en avant et un en ar- 
rière; c’ést par erreur qu'ils sont repré- 
sentés deux et deux dans Gesner. Le cou 
est très-court à proportion de la hauteur 
des jambes , qui sont dénuées de pluines ; 
les pieds sont très-longs, la queue très- 
courte ; le bec, en forme de cône, ap- 

9 


A dé d 74 hd 


xo2 HISTOIRE NATUREL 


plati par les côtés , est assez court ; et le 


dernier trait qui caractérise cet oïseau , 
c’est d’avoir, comme les foulques, le 
front chauve et chargé d’une plaque qui, 
s'étendant jusqu’au sommet de la tête, 
s’élargit en ovale, et paroît être formée 
par un prolongement de la substance cor- 
_mée du bec, C’est ce qu’Aristote, dans 
Athénée , exprime quand il dit que le 


porphyrion a le bec fortement attaché à 


Ja tête. MM. de l'académie ont trouvé deux 
cœcums assez grands qui s’élargissent en 
sacs , et le renflement du bas de l’œso- 
phage leur a paru tenir;lieu d’un Jabot, 


dont Pline a dit que cet oiseau manquoit. 


Cette poule sultane , décrite par MM. de 


l'académie, est le premier oiseau de ce 
genre qui ait été vu par les modernes ;. 


Gesner n’en parle que sur des relations et 
. d’après un dessin; Willughby dit qu’au- 
cun naturaliste n’a vu le porphyrion : 
nous devons à M. le marquis de Nesle la 
satisfaction de l'avoir vu vivant, et nous 
Jui témoignons notre respectueuse recon- 
moissance, que nous regardons comme 
une dette de l’histoire naturelle, qu'il 


Le 
= 


/ 


“ 


DE LA POULE SULTANE. 103 
enrichit tous les Jours par son goût éclairé 
autant que généreux ; il nous a mis à por- 
tée de vérifier en grande partie sur sa 
poule sultane , ce que les anciens ont dit 
de leur porphyrion. Cet oiseau est effecti- 
vement très-doux, très-iInnocent, et en 
même temps timide , fugitif, aimant, 
cherchant la solitude et les lieux écartés, 
se cachant tant qu'il peut pour manger. 
Lorsqu'on l'approche, il a un cri d’effrot, 
d’une voix d’abord assez foible, ensuite 
plus’ aiguë, et qui se termine par deux 
ou trois coups d’un son sourd et inté- 
rieur. Il a pour le plaisir d’autres petits 
accens moins bruyans et plus doux. Il pa- 
roît préférer les fruits et les racines, parti- 
culièrement celles des chicorées , à tout 
autre aliment, quoiqu'il puisse vivre aussi 
de graines : mais Îui ayant fait présenter 
du poisson , le goût naturel s’est marqué ; 
11 l’a mangéavecavidité. Souventil trempe 
ses alimens à plusieurs fois dans l’eau; 
. pour peu que le morceau soit gros, il ne 
manque pas de le prendre à sa patte et 
de l’assujettir entre ses longs doigts, en 
ramerant contre les autres celui de der- 


\ 


304 HISTOIRE NATURELLE. ; 
rière , et tenant le pied à demi élevé. 1 
mange en mofcelant. 

11 n’y a guère d'oiseaux plus beaux par 
les couleurs : le bleu de son plumage 
moelleux et lustré est embelli de reflets 
brillans ; ses longs pieds et la plaque du 
sommet de la tête avec la racine du bec, 
sont d’un beau rouge, et une touffe de 
piumes blanches sous la queue relève 
l'éclat de sa belle robe bleue. La femelle 
he diffère du mâle qu’en ce qu'elle ést 
uu peu plus petite. Celui-ci est plus gros 
qu’une perdrix , mais un peu moins qu'une 
poule. M. le marquis de Nesle à rapporté 
ce couple de Sicile, où, suivant la notice 
qu’il a eu la bonté de nous communi- 
quer , ces poules sultanés sont Conrnuües 
sous le nom de gallo-fagiani; onles trouve 
sur le lac de Lentini, au-dessus de Ca- 
tane. On les vend à un prix médiocre dans 
cette ville, ainsi qu'à Syracuse et dans 
les villes voisines ; on en voit dé vivantes 
dans les places publiques, où élles se 
tiennent à côté des vendeuses d’herbes et 
de fruits, pour en recueillir les débris. 
Ce bel oiseau , logé chez les Romains dans 


DE LA POULE SULTANE. roi 


les temples, se ressent un peu , comme 
l'on voit, de la décadence de l'Italie. 
Mais une conséquence intéressante que 
présente ce dernier fait, c’est qu'il faut 
que la race de la poule sultane se soit 
vaturalisée en Sicile par quelques couples 
de ces porphyrions apportés d'Afrique, et 
il y a toute apparence que cette belle 
espèce s’est propagée de même dans quel- 
ques autres contrées; car nous voyons 
par un passage de Gesner, que ce natu- 
raliste étoit persuadé qu'il se trouve de 
ces oiseaux en Espagne et même dans nos 
provinces méridionales de France. 

Au reste, cet oiseau est un de ceux qui 
se montrent le plus naturellement dispo- 
sés à la domesticité , et qu’il seroit agréable 
et utile de multiplier. Le couple nourri 
dans les volières de M. le marquis de 
Nesle a niché au dernier printemps(1778): 
on a vu le mâle et la femelle travailler de 
concert à construire le nid ; ils le posèrent 
à quelque hauteur de terre, sur une 
avance du mur, avec des büchettes et de 
Ja paille en quantité. La ponte fut de six 
œufs blancs , d’une coque rude , exacte- 


106 HISTOIRE NATURELLE. 
meut ronds et de la grosseur d’une demi- 
bille de billard. La femelle n’étant pas assi- 
due à les couver, on les donna à une poule; 
mais ce fut sans succès. On pourroit sans 
doute espérer de voir une autre ponte 
réussir plus heureusement, si elle étoit 
couvée et soignée par la mère elle-même: 
il faudroit pour cela ménager à ces oi- 
seaux le calmeetla rétraite qu’ils semblent 
chercher, sur-tout dans le temps-de leurs 
amours, 


…— 
> 


OISEAUX 


QUI ONT RAPPORT A LA POULE 
SULTANE. 


LE: PÈCE primitive et principale de la 
poule sultane étant originaire des con- 
trées du midi de notre continent, il m'est 
pas vraisemblable que les régions du nord 
nourrissent des espèces secondaires dans 
ce genre : aussi trouvons-nous qu'il en 
faut rejeter plusieurs de celles qui y ont 
été rangées par M. Brisson , et qui sont 
ses 4, 5, 6, 7 et 8° espèces, auxquelles 
il suppose gratuitement la plaque fron- 
tale, quoique Gesner, dont il a tiré les 
indications relatives à ces oiseaux, ne 
désigne cette plaque ni dans ses notices 
ni dans ses figures. La seconde de ces 
espèces paroît être un râle , et nous l’a- 
vous rapportée à ce genre d'oiseaux; les 
quatre autres sont des poules d’eau, 
comme l’auteur original le dit lui-même; 
et quant à la neuvième espèce du même 


| | à: vi 
1c8 HISTOIRE NATURELLE 
M. Brisson, qu’il appelle poule sultane de 
la baie d'Hudson , elle doit être également 
Ôtée de ce genre à raison du climat, d’au- 
tant que M. Edwards la donne en effet 
comme une foulque, quoiqu'il remarque 
en même temps qu’elle se rapporte mieux 
au râle. Malgré ces retranchemens , il 
nous restera encore trois espèces dans l’an- 
cien continent, qui paroissent faire la 
nuance entre notre poule sultane*, les 
foulques et les poules d’eau ; et nous 
trouverons aussi dans le nouveau conti- 
nent trois espèces d'oiseaux qui. semblent 
être les représentans, en Amérique, de la 
poule sultane et de ses espèces subalternes 
de l’ancien continent. | 

-* M. Forsier:a trouvé à Middelbourg , Pune des 


îles des Amis, des foulques à plumage bleu, qui 
paroissent être des poules sultanes. 


DES OISEAUX ÉTRANGERS. 109. 


LA POULE SULTANE VERTE. 


Prernière espèce. 


Cr oiseau , que nous rapportons à la 
poule sultane d’après M. Brisson', est 
bien plus petit que cette poule, et pas 

plus gros qu’un râle. I! a tout le dessus 
_ du corps d’un verd sombre, mais lustré, 
et tout le dessous du corps blanc , depuis 
les joues et la gorge jusqu’à la queue. Le 
bec et la plaque frontale sont d’un verd 


jaunâtre. On le trouve aux Indes orien- 
tales,. 


Oiseaux, XKX V Î: 10 


MAL ou 0 


,i 
« 


ro HISTOIRE NATURELLE 


nm 


LA POULE SULTANE BRUNE *. 


Seconde espèce. 


| 


Csrre poule sultane, qui vient de la 
Chine , a quinze à seize pouces de lon- 
gueur. Elle ne brille point des riches 
couleurs qui semblent propres à ce genre 
d'oiseaux, et 1l se pourroit qu’on n’eût 
ici représenté qu’une femelle : elle a tout 
le dessus du corps brun ou d’un cendré 
noirâtre , le ventre roux; le devant du 
corps, du cou, de la gorge et le tour 
des yeux, blancs. Du reste, la plaque 
frontale est assez petite, etlebec s'éloigne 
un peu de la forme conique du bec de la 
vraie poule sultane : il est plus alongé, et 
il se rapproche de celui des poules d’eau. 

* Voyez les planches enluminées, n° 896, sous 


Je nom de poule suliane de la Chine. 


Lee 


DES OISEAUX ÉTRANGERS. x 


L’ANGOLI. 


Troisième espèce. 


Nous abrégeons ce nom de celui de 
eaunangoli, que porte vulgairement à 
Madras l'oiseau que les Gentous nomment 
boollu-cory. I est difficile de décider si lon 
doit plutôt le rapporter aux poules sul- 
tanes qu'aux poules d’eau , ou même aux 
rales ; tout ce que nous en savons se 
borne à la courte notice qu’en donne 
Petiver dans son addition au Synopsis de 
Ray : mais cette notice, faite, comme 
toutes les autres de ce fragment, sur des 
figures envoyées de Madras, n’exprime 
point les caractères distinctifs qui pour- 
roient désigner le genre de cet oiseau. 
M. Brisson , qui en a fait sa dixième poule 
sultane , lui prête en conséquence la 
plaque nue au front, dont la notice ne 
dit rien ; elle lui donne, au contraire, 


112 HISTOIRE NATURELLE 
un bec longuet (7osfrum acutum , teres, « 
longiusculum ), avec les noms de crex et 
rail-hen , qui semblent la rappeler au 
râle : mais sa taille est bien supérieure à 
celle de cet oiseau , et même à celle de la 
poule d’eau. 11 ressemble done plus à la 
poule sultane ( magniludine anatis ); c’est 
tout ce que nous pouvons dire de cette 
espèce , Jusqu'à ce qu’elle nous soit mieux 
connue. | 


DES OISEAUX ÉTRANGERS. #12? 


LA PETITE POULE SULTANE. 
Quatrième espèce. 


L £ genre de la poule sultane se retrouve, 
comme nous l’avons dit, au nouveau 
monde , sinon en espèces exactement les 
mêmes , du moins en espèces analogues. 
Celle-ci, qui est naturelle à la Guiane, 
n’est qu’un peu plus grande que le râle 
d’eau ; du reste, elle ressemble si bien à 
notre poule sultane, qu’il y a peu d’exem- 
ples dans toute l’histoire des oiseaux, de 
rapports aussi parfaits et de représenta- 
tions aussi exactes dans les deux conti- 
nens *. Son dos est d’un verd bleuûtre, et 
tout le devant du corps est d’un bleu 


* C’est la raison pour laquelle on n’a point donné 
cette petite poule suliane dans nos planches enlu- 
minées ; des objets que la différence de grandeur, 
Le peu sentie entre des figures réduites , disingue 

seule , devant paroître répétés, 

L® 


114 HISTOIRE NATURELLE 
violet doux et moelleux, qui couvre aussi 
le cou et la tête, en prenant une teinte 
plus foncée, Elle nous paroît la même que 
celle dont M. Brisson fait sa seconde es- 
pèce ; mais ce n’est qu’en conséquence du 
préJugé qui lui a fait transporter la grande 
poule sultane en Amérique , qu'il trans- 
porte aux grandes Indes cette espèce réel- 
lement américaine, et que nous avons 
recue de Cayenne. 


DES OISEAUX ÉTRANGERS. 715 


PANFAVNORITET 


Cinquième espèce. 


C°ss7 le nom donné , dans nos planches 
enluminées, à une petite poule sultane 
qui est à peu près de la grandeur de la 
précédente , et du même pays. Il se pour- 
roit qu'elle ne fût que la femelle dans 
cette même espèce, d'autant plus que les 
couleurs sont les mêmes, et seulement 
plus foibles : le verd LR des ailes et 
des côtés du cou est d’une teinte affoi- 
blie ; le brun perce sur le dos et domine 
sur la queue; tout le devant du corps est 
blanc. 


* Voyez les planches enluminées, n° 897, sous 
le nom de favorite de fax gars: 


116 HISTOIRE NATURELLE 


TA CAPTER 


 Sivième espèce. 


Gr oiseau mexicain, que M. Brisson 
rapporte à notre poule sultane ou au por- 
phyrion des anciens , en diffère par plu- 
sieurs caractères : outre l’opposition des 
climats, qui ne permet guère de penser 
qu’un oiseau de vol pesant ; et qui est 
naturel aux régions du Midi, ait passé 
d’un continent à l’autre, l’acintli n’a pas 
les doigts et les pieds rouges , mais Jaunes 
ou verdâtres ; tout son plumage est d’un 
pourpre noirâtre , entremélé ‘de quelques 
plumes blanches. Fernandès lui donne les 
moms de guachiltoa et d’yacacintli; nous 
avons adopté le dernier et l'avons abrégé » 
mais la dénomination d'avis siliguastrini 
capilis, que ce même auteur lui applique, 
est très-sigmificative, et désigne la plaque 
. frontale applatiecommeunce large silique; 


\ 


DES OISEAUX ÉTRANGERS. 117 


caractère par lequel cet oiseau s’unit à 
la famille de la foulque ou de la poule 
sultane. Ce même auteur ajoute que l’a- 
cintli chante comme le coq pendant la 
nuit et dès le grand matin; ce qui pour- 
roit faire douter qu'il soit en eflet du 
genre de notre poule sultane, dans Îla- 
quelle on n’a pas remarqué cette habi- 
tude , et dont la voix n’a rien du clairon 
bruyant et sonore du coq. 

Un oiseau d’espèce très-voisine de celle 
de l’acintli, si ce n’est le même , est dé- 
crit parle P.Feuillée sous le nom de poule 
d’eau. Il a le caractère de la poule sultane, 
le large écusson applati sur le front , toute 
la robe bleue, excepté un capuchon de 
noir sur la tête et le cou. En outre, le 
P. Feuillée remarque des différences de 
couleurs entre le mâle et la femelle, qui 
ne se trouvent pas dans nos poules sul- 
tanes , dont la femelle est seulement plus 
petite que le mâle , mais auquel elle res- 
semble parfaitement par les couleurs. 

La Nature a donc produit, à de grandes 
distances, des espèces du genre de la poule 
sultane , mais toujours dans les latitudes 


x18 HISTOIRE NATURELLE. 


‘méridionales. Nous avons vu que notre 
poule sultane se trouve à Madagascar. 
M. Forster en a trouvé dans la mer du 
Sud; et la poule d’eau couleur de pourpre, 
que le même naturaliste voyageur a vue 
à Anamocka , paroît encore être un oiseau 
de cette mème famille. 


sé 


be da db : 

COOP ON POLORN ET CALE PE TE CE TS 
1 ( ne. 
p , 


Zom. 10 , 210 .Pag 219 : 


LA FOULQUE oz LA MORELLE . 


[ F Dauqguet”. P. 


Cp 240" Le : 


HER OULOUE +. 


L'rsrècr de la foulque, qui, dans 
notre langue , se nomme aussi zorelle, 
doit être regardée comme la première fa- 
mille par où commence la grande et nom- 
breuse tribu des véritables oiseaux d’eau. 
La foulque, sans avoir les pieds entière- 
ment palmés , ne le cède à aucun des 
autres oiseaux EE nice etrestemême plus 
constamment sur l’eau qu'aucun d'eux, 

si l’on en excepte les plongeons. Il est tri 
rare de voir la foulque à terre ; elle y pa- 
roît si dépaysée, que souvent ellese laisse 
prendre à la main. Elle se tient tout le 
Jour sur les étangs, qu’elle préfère aux 


* Voyez les planches enluminées, n° 197. 

En latin, fulica, fulix; en italien, follega, 
follata; et sur le lac Majeur, pullon ; en an- 
glois , - coot; en allemand, wasser-houn , ror- 
heunle, taucherlein ; dans plusieurs de nos pro- 
vinces de Frauce, ke: ou Jon OU - en Pi- 
cardie , blérie. 


120 HISTOIRE NATURELLE 
» 4 - 

rivières , et ce n’est guère que pour pas- 
ser d’un étang à un autre qu’elle prend 
pied à terre : encore faut-il que la traver- . 
sée ne soit pas longue ; car, pour peu 
qu'il y ait de distance, elle prend son vol 
en le portant fort haut : mais ordinaire- 
ment ses voyages ne se font que de nuit. 
Les foulques , comme plusieurs autres 
oiseaux d’eau , voient très-bien dans l’obs- 
curité, et même les plus vieilles ne cher- 
chent leur nourriture que pendant la 
nuit *. Elles restent retirées dans les Joncs 
pendant la plus grande partie du Jour; : 
et lorsqu'on les inquiète dansleurretraite, 
elles s’y cachent, et s’enfoncent même 
dans la vase , plutôt que de s'envoler. IL 
semble qu’il leur en coûte pour se déter- 
mniner au mouvement du vol, si naturel 
aux autres oiseaux ; car elles ne partent 
de la terre ou de l’eau qu’avec peine. Les 
plus jeunes foulques , moins solitaires.et 


* Selon M. Salerne, la foulque , au défaut d’autre 
nourriture (qui pourtant ne doit guère lui manquer), 
plonge et arrache du fond de l’eau la racine du 


grand jonc (scirpus), qui est blanche et AT 
et la donne à sucer à ses peus. 


DE LA FOULQUE. 121 
moins circonspectes sur le danger, pa- 
roissent à toutes les heures du jour, et 
jouent entre elles en s’élevant droit vis-à- 
vis l’une de l’autre, s’élancant hors de 
l’eau et retombant par petits bonds. Elles 
se laissent aisément approcher ; cependant 
elles regardent et fixent le chasseur, et 
plongent si prestement à l’instant qu’elles 
appercoivent le feu , que souvent elles 
échappent au plomb meurtrier : mais dans 
l'arrière-saison , quand ces oiseaux, après 
avoir quitté les petits étangs, se sont 
réunis sur les grands, l’on en fait des 
chasses dans lesquelles on en tue plusieurs 
centaines *. On s’embarque pour cela 
sur nombre de nacelles qui se rangent en 
ligne et croisent la largeur de létang; 
cette petite flotte alignée pousse ainsi 
devant elle la troupe des foulques, de 
mamière à la conduire et à la renfermer 
dans quelque anse; pressés alors par la 
cramte.e* la nécessité, tous ces oiseaux 
s’envolent ensemble pour retourner en 
pleine eau , en passant par-dessus la tête 


* Particulièrement en Lorraine, sur les grands 


étangs de Thiaucourt et de Lindre. 
11 


24 QT U 


v22 HISTOIRE NATURELLE 

des chasseurs, qui font un feu général et } 
en abattent un grand nombre ; on fait 
ensuite la même manœuvre vers l’autre 
extrémité de l’étang, où les foulques se 
sont portées ; etce qu'il y a de singulier , 
c'est que ni le bruit et le feu des armes 
et des chasseurs , ni l'appareil de la petite 
flotte , ni la mort de leurs compagnons, 
ne puissent engager ces oiseaux à prendre 
la fuite; ce n’est que lä nuit suivante 
qu'ils quittent des lieux aussi funestes , 
et encore ytrouve-t-on quelques traîneurs , 
le lendemain. 


à 


Ces oiseaux paresseux ont, à justetitre, 
plusieurs ennemis: le busard mange leurs 
œufs et enlève leurs petits, et c’est à cette 
destruction qu’on doit attribuer le peu 
de.population dans cette espèce , qui par 
elle-même est très-féconde; car la foulque 
pond dix-huit à vingt œufs d’un blanc 
sale et presque aussi gros que ceux de læ 
poule ; et quand la première couvée est 
perdue , souvent la mère en fait une 
seconde de dix à douze œufs. Elle établit 
son nid dans des endroits noyés et cou- 
verts de roseaux secs ; elle en choisit une 


My 


DE LA FOULQUE. 123 


touffe , sur laquelle elle en entasse d’au- 


tres, et ce tas, élevé au-dessus de l’eau, 


est garni dans son creux de petites herbes 
sèches et de sommités de roseaux , ce 
qui forme un gros nid assez informe et 
qui se voit de loin *. Elle couve pendant 
vingt-deux ou vingt-trois Jours ; et dès 
que les petits sont éclos, ils sautent hors 
du nid et n’y reviennent plus. La mère 
nue les réchauffe pas sous ses ailes ; 1ls 
couchent sous les Jones alentour d'elle. 
Elle les conduit à l’eau , où , dès leur nais- 
sance , ils nagent et plongent très-bien. 
Ils sont couverts dans ce premier âge d’un 
duvet noir enfumé , et paroissent très- 
laids ; on ne leur voit que l'indice de la 
plaque blanche qui doit orner leur front. 
C'est alors que l'oiseau de proie leur fait 
une guerre cruelle , et 1l enlève souvent 

* Il y a peu d'apparence que la foulque , comme 
le dit M. Salerne, fasse deux nids, l’un pour cou- 


L . 
ver , l'autre pour loger sa couvée éclose. Ce qui peut 
avoir donné lieu à cette idée, c'est que les petits 


me reviennent plus en effet au nid une fois qu'ils 


Pont quitié, mais se gîtent avec leur mère dans les 
joncs, 


MA nés 
dt, 


124 HISTOIRE NATURELLE 
la mère et les petits !. Les vieilles foulques . 
qui ont perdu plusieurs fois leur couvée, 
instruites par le malheur, viennent éta- 
blir leur nid le long du rivage, dans les 
glaieuls , où 1l est mieux caché; elles 
tiennent leurs petits dans ces endroits 
fourrés et couverts de grandes herbes. Ce 
sont ces couvées qui perpétuent l'espèce ; 
car la dépopulation des autres est st 
grande, qu’un bon observateur, qui à 
particulièrement étudié les mœurs de ces 
oiseaux ?, estime qu'il en échappe au plus 
un dixième à la serre des oiseaux deproie, 
particulièrement des busards. 

Les foulques nichent de bonne heure 
au printemps , et on leur trouve de petits 
œufs dans le corps dès la fin de l'hiver : 
elles restent sur nos étangs pendant la 
plus grande partie de l’année ; et dans, 


1 Le même M. Salerne prétend qu’elle sait se 
défendre de l'oiseau de proie, en lui présentant les 
yriffes, qu'elle porte en effet assez aiguës; mais il 
paroît que cette foible:défense n'empêche pas qu'elle 
ne soit le plus souvent la proie de son ennemi. 


3 M, Ballon. 


DE LA FOULQUE. 725 
quelques endroits elles ne les quittent pas 
même en hiver *. Cependant en automne 
elles se réunissent en grande troupe, et 
toutes partent des petits étangs pour se 
rassembler sur les grands; souvent elles y 
restent jusqu’en décembre; et lorsque les 
frimas , les neiges , et sur-tout la gelée, les 
chassent des cantons élevés et froids, elles 
viennent alors dans la plaine, où la tem- 
pérature est plus douce, et c’estle manque 
d’eau plus que le froid qui les oblige à 
changer de lieu. M. Hébert en a vu dans 
un hiver très-rude sur le lac de Nantua, 
qui ne gèle que tard ; il en a vu dans les 
plaines de la Brie, mais en petit nombre, 
en plein hiver : cependant il y a toute 
apparence que le gros de l'espèce gagne 
peu à peu les contrées voisines qui sont 
plus tempérées ; car comme le vol de ces 
oiseaux est pénible et pesant , ils ne doi- 
vent pas aller fort loin, eten effet ils repa- 
roissent dès lé mois de février. 

On trouve la foulque dans toute l’Eu- 
rope , depuis l'Italie jusqu’en Suède; on 
* Comme en basse Picardie, suivant les obser- 


vauons de M. Baïllon. 
2 


126 HISTOIRE NATUREMDE | 


la connoît également en Asie; on la voit 
en Groenland, si Essede traduit bien deux 
noms groenlandois , qui, selon sa ver- 
sion , désignent la grande et la petite foul= 
que.Ou en distingue en effet deux espèces, 

ou plutôt deux variétés, deux races, qui 

subsistent sur les mêmes eaux sans se 

méler ensemble, et qui ne diffèrent qu’en 
ce que l’une est un peu plus grande que 

l’autre ; car ceux qui veulent distinguer 

la grande foulque ou zracroule, de la 

petite foulque ou zzorelle, par la couleur 

de la plaque frontale, ignorentque, dans 

l’une et l’autre , cette partie ne devient 

rouge que dans la saison:des amours, et 

qu'en tout autre temps cette plaque. est 

blanche , et pour tout le reste de la con- 

formation la macroule et la morelle sont 

entièrement semblables * 

Cette membrane épaisse et nue quileur 
couvre le devant de la tête en forme 
d'écusson , et qui a fait donner par les 
anciens à la foulque l’épithète de chauve, 

* M. Klein ne les regarde, et peut-être avec 


raison , que comme deux variétés de la même 
espèce. 


DE LA FOULQUE. : rz7 


paroît être un prolongement de la couche 
supérieure de la substance du bec, qui est 
moileet presque charnue près de la racine; 
ce bec est taillé en cône applati par les 
côtés , et il est d’un blanc bleuâtre, mais 
qui devient rougeâtre lorsque dans le 
temps des amours la plaque frontale prend 
sa couleur vermeille. | 
Tout le plumage est garni d’un duvet 
épais , recouvert d’une plume fine et ser- 
xée ; 1l est d’un noir plombé , plein et 
profond sur la tête et le cou, avec un trait 
blanc au pli de l'aile. Aucune différence 
n'indique le sexe. La grandeur de la foul- 
que égale celle de la poule domestique, 
et sa tête et le corps ont à peu pres la 
mème forme. Ses doigts sont à demi pal-” 
més , largement frangés des deux côtés 
d’une membrane découpée en festons , 
dont les nœuds se rencontrent à chaque 
articulation des phalanges ; ces mem- 
branes sont , comme les pieds, de couleur 
plombée. Au-dessus du genou une petite 
portion de la j#mbe nue est cerclée de 
rouge ; les cuisses sont grosses et char- 
nucs. Ces oiseaux ont un gésier, deux 


LE nd sé dk ef 


128 HISTOIRE « ATOME 


grands cœcums , une ample vésicule de à 

fiel. Ils vivent principalement , ainsi que 
les poules d'eau, d'insectes aquatiques , 
de petits poissons , de sangsues ; néan- 
moins ils recueillent aussi les graines et 
avalent de petits cailloux. Leur chair est 
noire , se mange en maigre et sent un 
peu le marais. 
… Dans son état de liberté , la foulque a 
deux cris différeus , l’un coupé, l’autre 
traînant : c’est ce dernier, sans doute, 
qu’Aratus a voulu désigner en parlant du 
présage que l’on en tiroit, comme il 
paroît que c’est du premier que Pline 
entend parler en disant qu’il annonce 
la tempête ; mais la captivité lui fait 
apparemment une impression d’ennui Si 
forte, qu'elle perd la voix ou la volonté 
de la faire entendre, et l’on croiroit 
qu’elle est absolument muette. 


LA MACROULE, 
O0 


GRANDE FOULQU_E "*. 


T'our ce que nous venons de dire de 
la foulque ou morelle, convient à la 
macroule ; leurs habitudes naturelles, 

ainsi que leur figure , sont les mêmes : 
seulement celle-ci est un peu plus crande 
que la première ; elle a aussi la plaque 
chauve du front plus large. Un de ces 
oiseaux pris au mois de mars 1779, aux 
environs de Montbard , dans des vignes, 

où un coup de vent piste jeté, nous à 
fourni les observations suivantes durant 
un mois que l’on a pu le conserver vivant. 
Il refusa d’abord toute espèce de nourri- 
ture apprêtée , le pain , le fromage, la 
viande cuite ou crue : il rebuta également 


* Autre espèce de poule d’eau, autrement nom- 
anée macroule , où diable de mer. 


130 HISTOIRE NATURELLE 


ï 


les vers de terre et les petites grenouilles | 


mortes ou vivantes, et il fallut l'embé- 
quer de mie de pain trempée. Il aimoit 
beaucoup à être dans un baquet plein 
d’eau , il s’y reposoit des heures entières ; 
hors de là il cherchoit à se cacher: cepen- 
dant il n’étoit point farouche , se laissoit 
prendre , répoussant seulement de quel- 
ques coups de bec la main qui vouloit le 
saisir , mais si mollement , soit à cause 
du peu de dureté de son bec , soit par la 
foiblesse de ses muscles , qu’à peine fai- 
soit-il une légère impression sur la peau; 
il ne témoignoit ni colère n1 impatience, 
ne cherchoit point à fuir, et ne marquoit 
ni surprise ni crainte. Mais cette tran- 
quillité stupide ,sans fierté, sans courage, 
n'étoit probablement que la suite de l’é- 
tourdissement où se trouvoit cet oiseau 
dépaysé , trop éloigné de son élément et 
de toutes ses habitudes. Il avoit l’air d’être 
sourd et muet; quelque bruit que l’on fit 
tout près de son oreille, il y paroissoit 
entièrement insensible , et ne tournoit pas 
la tête ; et quoiqu’on le poursuivit et l’a- 
gacât souvent, on ne lui a pas entendu 


: 
" 


\r 
LM 
A 


SORT 


DE LA MACROULE 1x3 


jeter le plus petit cri. Nous avons vu la 
poule d’eau également muette en capti- 
vité. Le malheur de l'esclavage est donc 
encore plus grand qu’on ne le croit, 
puisqu'il y a des êtres auxquels il ôte la 
faculté de s’en plaindre. à 


LA GRANDE FOULQUE 


A CRÉTE* 


Dune cette foulque, la plaque charnue 
du front est relevée et détachée en deux 
lambeaux qui forment une véritable 
crête : de plus, elle est notablement plus 
grande que la macroule, à laquelle elle 
ressemble en tout par la figure et le plu- 
mage. Cette espèce nous est venue de 
Madagascar : ne seroit-elle au fond que la 
même que celle d'Europe , agrandie et 
développée par l'influence d’un climat 
plus actif et plus chaud ? 


* Voyez les planches enluminées, n° 797. 


rt) 


LP ALAMNOPES, 


N ous devons à M. Edwards la première 
counoissance de ce nouveau genre de pe- 
tits oiseaux, qui, avec la taille et à 
peu près la conformation du cinele ou de 
la guignette, ont les pieds semblables à 
ceux de la foulque; caractère que M.Bris- 
son a exprimé par le nom de plalarope*, 
tandis que M. Edwards, s'en tenant à la 
première analogie, ne leur donne que 
celui de #ringa. Ce sont en effet de petits 
bécasseaux , ou petites guignettes, aux- 
quelles la Nature a donné des pieds de 
foulque. Ils paroissent appartenir aux 
terres ou plutôt aux eaux des régions les 
plus septentrionales : tous ceux que M. 
Edwards a représentés venoient de la baie 
d'Hudson , et nous en avons recu un de 
Sibérie. Cependant, soit qu’ils voyagent 
ou qu'ils s’égarent , il en paroît quelque- 


* En adoptant celui de pAalartis pour le vrai nom 
grec de la foulque. 
12 


134 HISTOIRE NATURELLE 
fois en Angleterre, puisque M. Edwards | 
fait mention d’un de ces oiseaux tué en 
hiver dans le comté d’Yorck : il en décrit 
quatre différens, qui se réduisent à trois 
espèces ; car il rapporte lui-même le pha- 
larope de sa planche 46, comme femelle 
ou Jeune, à celui de sa planche 143; et 
cependant M. Brisson en a fait de chacun 
une espèce séparée. Pour notre phalarope 
de Sibérie , 1l est encore le même que le 
phalarope de la baie d'Hudson, planche 
143 d’Edwards , qui fera 1ci: notre pre- 
inière espèce. 


CT KE 


} 


DES PHALAROPES, 135 


LE PHALAROPE CENDRÉ *. 


Première espèce. 


ls a huit pouces de longueur du bec à 
la queue , qui ne dépasse pas les ailes 
pliées ; son bec est grèle, applati hori- 
zontalement , long de treize lignes , légè- 
rement renflé et fléchi vers la pointe; il 
a ses petits pieds largement frangés, 
comme la foulque, d’une membrane en 
festons , dont les coupures ou les nœuds 
répoudent de même aux articulations des 
doigts; il a tout le dessus de la tête, du 
cou et du manteau , d’un gris légèrement 
ondé sur le dos de brun et de noirûtre; 
1l porte un hausse-col blanc encadré d’une 
ligne de roux orangé; au-dessous est un 
tour de cou gris, et tout le dessous du 
corps est blanc. Willughby dit tenir du 


* Voyez les planches enluminées, n° 766, sous 
le nom de phalarope de Sibérie. 


x36 HIST OIRE NATU RELLE 
docteur Johnson que cet oiseau a la vo 
percante et clameuse de l'hirondelle do 
mer : mais il a tort de. le ranger avec ces 
hirondelles, sur-tout après avoir d’abord 
reconnu qu'il a un rapport aussi évident 
avec les foulques. 


FA 
‘Ne 


DES PHALAROPES. 137 


| LÉ PHALAROPE ROUGE. 


Seconde espèce. 


Cs phalarope a le devant du cou, la poi- 
trine et le ventre, d’un rouge de brique ; 
le dessus du dos , de la tête et du cou avec 
la gorge, d’un roux brun tacheté de noi- 
râtre ; le bec tout droit comme celui de 
la guignette ou du bécasseau ; les doigts 
largement frangés de membranes en fes- 
tons. Il est un peu plus grand que le pré- 
cédent , et de la grosseur du merle d’eau. 


° 138 HISTOIRE NATURELLE. 


LE PHALAROPE 
À FESTONS DENTELÉS. 


Troisième espèce. 


£ 


Lys festons découpés, lisses dans les 
deux espèces précédentes, sont, dans celle- 
ci, délicatement dentelés par les bords ; 
et ce caractère Île distingue suffisamment. 
Il a , comme le premier, le bec applati 
horizontalement, un peu renflé vers la 
pointe, et creusé en-dessus de deux can- 
nelures ; les yeux sont un peu reculés 
vers le derrière de la tête, dont le som- 
met porte une tache noirâtre; le reste en 
est blanc, ainsi que tout le devant et Île 
dessous du corps; Le dessus est d’un gris 
ardoisé, avec des teintes de brun et des 
taches obscures longitudinales. Il est de 
la grosseur de la petite bécassine, dont 
le traducteur d’'Edwards lui donne mal- 
à-propos le nom. 


LE GRÈBEY*. 


Première espèce. 


Lr grèbe est bien connu par ces beaux 
mauchons d’un blanc argenté qui ont, 
avec la moelleuse épaisseur du duvet , le 
ressort de la plume et le lustre de la soie. 
Son plumage, sans apprèt, et en particu- 
her celui de la poitrine, est en effet 
un beau duvet très-serré, très-ferme, 
bien peigné, et dont les brins lustrés se 
couchent et se joignent de manière à ne 
former qu’une surface glacée, luisante, 
et aussi impénétrable au froid de l'air 
qu'à l'humidité de l’eau. Ce vêtement à 
toute épreuve étoit nécessaire au grèbe , 
qui, dans Îes plus rigoureux hivers, se 
tient constamment sur les eaux comme 


* Voyez les planches enluminées, n° 941. 

En laum, co/ymbus ; en anglois, dobchick-diver, 
arsfoot-diver, great loon-diver; en allemand, 
deucchel ; à Venise, fisanelle. 


149 HISTOIRE NATURELLE 
nos plongeons , avec lesquels on l'a sou- 
vent confondu sous le nom commun de 
colymbus, qui, par son étymologie, con- 
vient également à des oiseaux habiles à 
plonger et à nager entre deux eaux : mais 
ce nom n’exprime pas leurs différences ; 
car les espèces de la famille du grèbe dif- 
fèrent essentiellement de celles des plon- 
geons , en ce que ceux-ci ont les pieds 
pleinement palmés , au lieu que les grèbes 
ont la membfane des pieds divisée et cou- 
pée par lobes alentour de chaque doigt, 
sans compter d’autres différences particu- 
lières que nous exposerons dans Îles des- 
criptions comparées. Aussi les natura- 
listes exacts, en attachant aux plongeons 
les noms de nergus, uria, œthya, fixent 
celui de colymbus aux grands et petits 
grèbes , c’est-à-dire, aux grèbes propre- 
ment dits et aux castagneux. 

. Par sa conformation, le grèbe ne peut 
être qu'un habitant des eaux : ses Jambes, 
placées tout-à-fait en arrière , et presque 
enfoncées dans ie ventre, ne laissent: pa- 
‘roître que des pieds en forme derames, 
dont la position ct le mouvement naturel 


DEÉSLGRÈRBES. |. 14 

- sont de se Jeter en dehors, et ne peuvent 
soutenir à terre le corps de l'oiseau que 
quand il se tient droit à plomb. Dans cette 
position , on concoit que le battement des 
ailes ne peut, au lieu de l’élever en l'air, 
que le renverser en avant, les jambes ne 
pouvant seconder l'impulsion que le corps 
recoit des ailes : ce n’est que par un grand 
eHort qu'il prend son vol à terre; et comme 
s’il sentoit combien il est étranger , on a 
remarqué qu'il cherche à l’éviter , et que 
pour n'y être point poussé , 1l nage tou- 
jours contre lc vent; et lorsque par mal- 
heur la vague le porte sur le rivage , it y 
reste en se débattant, et faisant des pieds 
et des ailes des efforts presque toujours 
inutiles pour s'élever dans l’air ou retour- 
ner à l’eau. On le prend donc souvent à 
la main , malgré les violenus coups de 
bec dont il se défend. Mais son agilité 
dans l’eau est aussi grande que son im- 
puissance sur terre ; il nage, plonge, fend 
l'onde, et court à sa surface eu effleurant 
les vagues avec une surprenante rapidité; 
on prétend même que ses mouvemens 
ne sont jamais plus vifs, plus prompts et 


Le L L'ALS INYVTLE 
Le 


#2 HISTOIRE NATURELLE | 


plus rapides, que lorsqu'il est sous l’eau; 


il y poursuit les poissons jusqu'à une 
très-grande profondeur; les pêcheurs le 
prennent souvent dans leurs filets ; il des- 
_cend plus bas que les macreuses, qui ne se 
prennent que sur les bancs de coquillages 
découverts au reflux, tandis que le grèbe 
se prend à mer pleine, souvent à plus de 
vingt pieds de profondeur. | 
Les grèbes fréquentent également la 
mer et les eaux douces, quoique les natu- 
ralistes n'aient guère parlé que de ceux 
que l’on voit sur les lacs, les étangs et les 
anses des rivières. Il y en a plusieurs es- 
pèces sur nos mers de Bretagne , de Pi- 
cardie , et dans la Manche. Le grèbe du 
lac de Genève, qui se trouve aussi sur 
‘ celui de Zurich et les autres lacs de la 
Suisse , et quelquefois sur celui de Nan- 
tua , et même sur certains étangs de Bour- 
gogne et de Lorraine , est l'espèce la plus 
connue. Il est un peu plus gros que la 


SE  — 


foulque ;sa longueur, du bec au croupion, 


est d’un pied cinq pouces, et du bec aux 
ongles, d’un pied neuf à dix pouces. Il a 
tout le dessus du corps d’un brun foncé, 


DASGRÉEBES. 143. 


mais lustré , et tout le devant d’un très- 
beau blanc argenté. Comme tous les 
autres grèbes, 1l a la tête petite , le bec 
droit et pointu, aux angles duquel est un 
petit espace en peau nue et rouge qui s’é- 
tend jusqu’à l'œil. Les ailes sont courtes 
et peu proportionnées à la grosseur du 
corps : aussi l'oiseau s’élève-t-il difficile- 
ment ; mais ayant pris le vent, il ne 
laisse pas de fouruir un long vol. Sa voix 
est haute et rude ; la jambe, ou, pour. 
mieux dire , le tarse est élargi et applati 
latéralement; les écailles dont il est cou- 
vert, forment, à sa partie postérieure, une 
double dentelure; les ongles sont larges 
et plats. La queue manque absolument 
à tous les grèbes : ils ont cependant au 
croupion les tubercules d’où sortent or- 
dinairement les plumes de la queue; mais 
ces tubercules sont moindres que dans 
les autres oiseaux , et 1l n’en sort qu’un 
bouquet de petites plumes, et non de 
véritables pennes. 

Ces oiseaux sont communément fort 
gras; non seulement 1Îis se nourrissent 
de petits poissons, mais ils mangent de 


144 HISTOIRE NATURELLE 
l’algue et d’autres herbes, et avalent dû 4 
limon. On trouve aussi assez souvent des - 
plumes blanches dans leur estomac, non 
qu'ils dévorent des oiseaux, mais appa- 
remment parce qu’ils prennent la plume 
qui se Joue sur l’eau pour un petit pois- 
son. Au reste, il est à croire que les grèbes 
vomissent, comme le cormoran, les restes 
de la digestion ; du moins trouve-t-on aw 
fond de leur sac des arêtes PPT et 
sans altération. 

Les pêcheurs de Picardie vont sur la 
côte d'Angleterre dénicher les grèbes , 
qui, en effet, ne nichent pas sur celles 
de France ; he trouvent ces oiseaux dans 
des creux de rocher, où apparemment 
ils volent, faute d’y pouvoir grimper, et 
d’où il faut que leurs petits se précipitent 
dans la mer. Mais sur nos grands étangs 
le grèbe construit son nid avec des ro- 
seaux et des Jones entrelacés : il est à 
demi plongé, et comme flottantsur l’eau, 
qui cependant ne peut l'emporter; car il 
est affermi et arrêté contre les roseaux, 
et non tout-à-fait à flot, comme le dit 
Linnæœus.On y trouve ordinairement deux 


4 


DES GRÈBES. 145 
œufs, et rarement plus de trois. On voit, 
dès le mois de Juin, les petits grèbes nou- 
veau-nés nager avec leyr mère. 

Le genre de ces oiseaux est composé de 
deux familles , qui diffèrent par la cran- 
deur. Nous conserverons aux grands le 
nom de grèbes, et aux petits celui de cas- 
sagneux. Cette division est naturelle, an- 
cienne, et paroît indiquée dans Athénéé 
par les noms de colymbis et de colymbida ; 
ear cét auteur: joint constamment à ce 
dernier l’épithète de parvus : cependant il 
y'a dans la famille des grands grèbes des 
espèces considérablement plus petites les 
unes que les autres, 


Oiseaux, X VI, 13 


US VOLE LE in 


f46! HISTOIRE NATURELLE 


» ’ \ TA Û ‘A 
% 


LE PETIT GRÉBE*.. 


Seconde espèce. 


Crrvr-cr , par exemple , est plus petit 
que le précédent , et c’est presque la seule 
différence qui soit entre eux ; mais si cette 
différence est constante, ils ne sont pas 
- de la même espèce , d'autant que le petit 
 grèbe est connu dans la Manche et ha- 
bite sur la mer , au lieu que le grand grèbe 
_se trouve plus fréquemment dans les eaux 
douces. | 


* Voyez les planches enluminées, n° 942. 


* DES GRÈRBES. 147 


( 


LE GRÈBE HUPPÉ*. 


Troisième espèce. 


Lrs plumes du sommet de la tête de ce 
grèbe s’alongent un peu en arrière, et lui 
forment une espèce de huppe qu’il FINTaet 
ou baisse selon qu'il est tranquille ou 
agité. Il est plus grand que le grèbe com- 
mun , ayant au moins deux pieds du bec 
aux ongles ; mais il n’en diffère pas par le 
plumage : tout le devant de son corps est 
de même d’un beau blanc argenté, et le 
dessus d’un brun noirâtre , avec un peu 
de blanc dans les ailes ; et ces couleurs 
forment la livrée générale des grèbes. 

Il résulte des notices comparées des 
ornithologistes, que le grèbe huppé se 
trouve également en mer et sur les lacs, 
dans la Méditerranée comme sur nos côtes 


* Voyez les planches enluminées, n° 944. 


(hate: 
Mad. che 
7 à À 
f L 


AE. 
148 HISTOIRE NATURELLE 
de l'Océan ; son espèce même se trouve 
dans l'Amérique septentrionale, et nous 
l'avons reconnu dans l'acili du lac du 
Mexique de Hernandès. | 

L'on a observé que les jeunes grèbes de 
cette espèce, et apparemment il en est de 
mème des autres , n’ont qu'après la mue 
leur beau blanc satiné ; l'iris de l'œil, 
qui est toujours fort brillant etrougeûtre, 
s’enflamme et devient d’un rouge de rubis 
dans la saison des amours. On assure que 
cet oiseau détruit beaucoup de jeunes 
merlans, de frai d’esturgeon, et qu’il ne 
mange des chevrettes que faute d'autre. 
nourriture *. 


L'n 


* Observations faites dans la Manche par M. 
Baillon, de Monireuil-sur-mer. 


À 2 
} / 


DES GRÈBES. 18 


LE PETIT GRÈBE HUPPÉ. 


Quatrième espèce. 


Cr: grèbe n’est pas plus gros qu'une sar- 
celle , et il diffère du précédent non seu- 
lement par la taille, mais encore en ce 
que les plumes du sommet de la tête qui 
forment la huppe, se séparent en deux 
petites touffes , et que des taches de brun 
marron se mêlent au blanc du devant du 
cou. Quant à l'identité soupconnée par 
M. Brisson, de cette espèce avec celle du 
grèbe cendré de Willughby, il est très- 
difficile d’en rien décider , ce dernier na- 
turaliste et Ray ne parlant de leur grèbe 
cendré que sur un simple dessin de M. 
Brown. 


150 HISTOIRE NATURELLE 


4 ve à 


LE GRÉÈBE CORNU *. 


/ Cinquième espèce. 


Cr grèbe porte une huppe noire parta- 
gée en arrière, et divisée comme én deux 
cornes : il a de plus une sorte de crinière 
ou de chevelure enflée, rousse à la ra- 
cine, noire à la pointe, coupée en rond 
autour du cou; ce qui lui donne une 
physionomie tout étrange , et Pa fait 
regarder comme une espèce de monstre. 
Il est un peu plus grand que le grèbe 
commun ; son plumage est le même, à 
l'exception de la crinière et des flancs, 
qui sont roux. 

: L'espèce de ce grèbe cornu paroît être 
fort répandue ; on la connoît en Italie, 
en Suisse, en Allemagne, en Pologne, 
en Hollande , en Angleterre. Comme cet 


* Voyez les planches enluminées , n° 400. 


Zom 10, Âlz.Pag 130 , 


LE GRÉBE CORNU. 


J SD auquet- KE 


K 


A Lo 


W 


DES GR È BES. 157 
oiseau est d’une figure fort singulière, il 
a été par-tout remarqué; Fernandès, qui 
l'a fort bien décrit au Mexique , ajoute 
qu’il y est surnommé lièvre d'eau, sans eu 
dire la raison. 


DD. LEA 


e HA 


1$2 HISTOIRE NATURELLE 


LE PETIT GRÉBE CORNU *. 


Sixième espèce. 


r y a la même différence pour la taille 
entre les deux grèbes cornus qu'entre les 
deux grèbes huppés : le petit grèbe cornu 
a les deux pinceaux de plumes qui, par- 
tant de derrière les yeux, lui forment ses 
cornes d’un roux orangé ; c’est aussi la 
couleur du devant du cou et des flancs. 
Il a le haut du cou et la gorge garnis de 
plumes renflées , mais non tranchées ni 
coupées en crinière : ces plumes sont d’un 
brun teint de verdâtre , ainsi que le des- 
sus de la tête ; le manteau est brun, et le 


plastron est d’un blanc argenté, comme 


dans les autres grèbes. C’est de celui-ci en 
particulier que Linnæus dit que le nid est 
flottant sur l’eau dans les anses. Il ajoute 

* Voyez les planches enluminées, n° 404, fig, 2, 
sous le nom de grébe d'Esclaronie. 


_ 
: 


DES GRÈBES.  , 153 
que ee grèbe pond quatre ou cinq œufs, fo 
et que sa femelle est toute grise. 

Il est connu dans la plupart des con- 
trées d'Europe , soit maritimes, soit mé- 
diterranées. M. Edwards l’a recu de la 
baie d'Hudson. Ainsi il se trouve encore 
dans l'Amérique septentrionale : mais 
cette raison ne paroît pas suffisante pour 
lui rapporter, avec M9 Brisson, l’yaca- 
pitzahoac de Fernandès , qui, à la vérité, 
paroît bien être un grèbe, mais que rien 
ne caractérise assez pour assurer qu'il est 
particulièrement de cette espèce ; etquant 
au #rapazorola de Gesner , que M. Brisson 
y rapporte également , il y a beaucoup 
plus d'apparence que c’est le castagneux, 
ou tout au moins il est certain que ce 
n’est pas un grèbe cornu, puisque Gesner 
dit formellement qu'il n’a nulle espèce de 
erête. 


LEA 


‘a54 HISTOIRE NATURELLE à 
À | "+ * 
LE GRÈBE DUC-LAART. 


Septième espèce. A 


A 


D." 


N ous conservérons à ce grèbe le nom 
que lui donnent les habitans de l'île Saint- 
Thomas, où il a été observé et décrit par 
le P. Feuillée. Ce qui le distingue le plus, 
est une tache noire qui se trouve au mi- 
lieu du beau blanc du plastron, et la 
couleur des ailes, qui est d’un roux pâle. 
Sa grosseur , dit le P. Feuillée, est celle 
d'une jeune poule. Il observe aussi que la 
pointe du bec est légèrement courbée; 
caractère qui se marque également dans 
d'espèce suivante. 


CCR LR RTE GUEEE) 


Le MINS GR LR S. 155 


LE GRÉBE DE LA LOUISIANE*. 


Huitièrne espèce. 


 Ovrre le caractère de la pointe du bec 
légèrement courbée, ce grèbe diffère de 
la plupart des autres, en ce que son plas- 
tron n’est pas pleinement blanc, mais 
fort chargé aux flancs de brun et de noi- 
râtre, avec le devant du cou de cette 
dernière teinte. IL est aussi moins grand 
que le grèbe commun. e 


* Voyez les planches enluminées, n° 943. 


re AS 


56 HISTOIRE NATURELLE 
| 


! 


. LE GRÈBE À JOUES GRISES, 
cu 
LE JOUGRIS+. 
Neuvième espèce. 


ER 


Pour dénommer particulièrement des - 
espèces qui sont en grand nombre, ct 
dont les différences sont souvent peu sen- 
sibles , il faut quelquefois se contenter 
de petits caractères , qu’autrément on né 
penseroit pas à relever : telle est la néces- 
sité qui a fait donner à ce grèbe le nom 
de jougris, parce qu’en effet il a les joues 
et la mentonnière grises; le devant de 
son cou est roux, ef son manteau d’un 
brun noir. Il est à peu près de la grandeur 
du grèbe cornu. 
* Voyez les planches enluminées, n° 931. 
C smenenenennes | 


DES GRÈBES. 159 


LE GRAND GREÉBE#*. 


Dixième espèce. 


C: E sr moins par les dimensions de son 
corps que par la longueur de son cou que 
ce grèbe est le plus grand des oiseaux de 
ce genre; cette longueur du cou fait qu'il 
a la tête de trois ou quatre pouces plus 
élevée que celle du grèbe commun , quoi- 
qu'il ne soit ni plus gros ni plus grand. Il a 
le manteau brun, le devant du corps 
d’un roux brun ; couleur qui s'étend sur 
les flancs et qui ombrage le blanc du plas- 
tron, lequel n’est guère net qu’au milieu 
de l’estomac. Il se trouve à Cayenne. 

Par l’énumération que nous venons de 
faire , on voit que les espèces de la famille 
du grèbe sont répandues dans les deux 
continens. Elles semblent aussi s'être 

* Voyez les planches enluminées, n° 404, fig. 1, 


sous le nom de grébe de Cayenne. 


14 


158 HISTOIRE NATURELLE. 1 
portées d’un pole à l’autre : le Aaarsaak et 

l'esarokitsok des Groenlandois sont, à ce 
qu’il paroît, des grèbes; et du côté du 
pole austral, M. de Bougainville a trouvé 
aux îles Malouiniél deux oiseaux qui nous 


Paroissent être des grèbes plutôt que des 
plongeons. | 


: MMAMOLTEE AND AL 
“ — Æ #- PE SIRET ER ER ON ANR EN À dE leger Gin 2 L; 


3 r . Lac 2e per Ann aq Far Samyoe Gurtinéthtle bp aSeM 
" 4 ” dé + = Er 


FPE 6 \ 1 À L 


% 
-E 


LE CASTAGNEUX* 


Première espèce. 


N ous avons dit que le castagneux est 
un grèbe beaucoup moins grand que tous 
les autres; on peut même ajouter qu’à 
l'exception du petit pétrel, c’est le plus 
petit de tous les oiseaux navigateurs : il 
ressemble aussi au pétrel par le duvet dont 
il est couvert au lieu de plumes; mais 
. du reste il a le bec, les pieds et tout le 
corps entièrement conformés comme les 
-grèbes. Il porte à peu près les mêmes con- 
leurs; mais comme il à du brun châtain 
ou couleur de marron sur le dos , on lui a 
donné le nom de castagneux. Dans quel- 
ques individus ,;le devant du corps est 
gris, et non pas d’un blanc lustré ; d’autres 
sont plus noirâtres que bruns sur le dos, 
et cette variété dans les couleurs a été 
désignée par Aldrovande. Le castagneux 


. * Voyez les planches enluminées, n° 905. 


16o HISTOIRE NATURELLE 

n’a pas plus que le grèbe la faculté de se 
tenir et demarcher sur la terre; ses jambes 
traînantes et Jetées en arrière ne peuvent - 
s’y soutenir, et ne lui servent qu'à nager. 
Il a peine à prendre son vol; mais une 
fois élevé , il ne laisse pas d’aller loin. 
On le voit sur les rivières tout l'hiver, 
temps auquel il est fort gras ; mais, quoi- 
qu'on l’ait nommé grèbe de rivière, on en 
voit aussi sur la mer, où il mange des 
chevrettes , des éperlans , de même qu'il 
se nourrit de petites écrevisses et de me- 
nus poissons dans les eaux douces. Nous 
lui avons trouvé dans l’estomac des grains 
de sable; il a ce viscère musculeux et 
revêtu intérieurement d’une membrane 
glanduleuse , épaisse et peu adhérente ; 
les intestins, comme l'observe Belou, 
sont très-gréles ; les deux jambes sont atta- 
chées au derrière du corps par une mem- 
brane qui déborde quand les jambes s’é- 
tendent , et qui est attachée fort près de 
l'articulation du tarse ; au-dessus du crou- 
pion sont, en place de queue, deux petits 
pinceaux de duvet qui sortent chacun 
d’un tubercule ; on remarque encore que 


| 


DES CASTAGNEUX.  16# 
les membranes des doigts sont encadrées 
d’une bordure dentelée de petites écailles 
symétriquement rangées. je | 

Au reste, nous croyons que le #ropazo- 
rola de Gesner est notre castagneux. Ce 
_ naturaliste dit que c’est le premier oiseau 
qui reparoisse après l'hiver sur les lacs de 
Suisse. | à 


14 


362 HISTOIRE NATURELLE 1 


J n 
2 


à | Mi 
LE CASTAGNEUX. 


DES PHILIPPINES* 


_ Seconde espèce. 


Qvorqus ce castagneux soit un pe 
_ plus grand que celui d'Europe, et qu’il 
en diffère par deux grands traits de cou- 
leur rousse qui lui teignent les joues et 
les côtés du cou, ainsi que par une teinte 
de pourpre jetée sur son manteau , ce 
n’est peut-être que le même oiseau modifié 
par le climat. Nous pourrions prononcer 
plus affirmativement, si les limites qui 
séparent les espèces, ou la chaîne qui les 
unit, nous étoient mieux connues ; mais 
qui peut avoir suivi la grande filiation de 
toutes les généalogies dans la Nature? Il 
faudroit être né avec elle, et avoir, pour 
Ev, 


J 


* Voyez les planches enluminées, n° 045. 


DES CASTAGNEUX. 163 
ainsi dire, des observations contempo- 
raines. C’est beaucoup, daus le court es- 
pace qu’ilnous est permis de saisir, d’ob- 
server ses passages, d'indiquer sesnuances, 

et de soupconner les transformations ie 
nies qu’elle a pu subir ou faire depuis les 
temps immenses qu'elle a travaillé ses 
ouvrages. ne 


“164 HISTOIRE NATURELLE | 


[ 


LE CASTAGNEUX 
A BEC CERCLÉ. 


Troisième espèce. 


4 


Ux petit ruban noir qui environne le 
milieu du bec en forme de cercle, est le 
caractère par lequel nous avons cru de- 
voir distinguer ce castagneux ; il a de 
plus une tache noire remarquable à Ja 
base de la mandibule inférieure du bec. 
Son plumage est tout brun , foncé sur la 
tête et le cou , clair et verdâtre sur la poi- 
trine. On le trouve sur les étangs d’eau 
douce, dans les parties inhabitées de la 
st 


DES CASTAGNEUX.  x16% 


LE CASTAGNEUX 
DE SAINT-DOMINGUE. 


Quatrième espèce. 


Ox voit que la famille des castagneux 
ou petits grèbes n’est pas moins répan- 
due que celle des grands. Celui-ci, qui 
se trouve à Saint-Domingue, est encore 
plus petit que le castagneux d'Europe ; sa 
longueur , du bec au croupion, n’est 
guère que de sept pouces et demi : il est 
noirâtre sur le corps, et gris blanc argen- 
té , tacheté de brun, en-dessous. 


De 


1: 


166 HISTOIRE NATURELLE 


LE GRÈBE-FOULQUE *. 


Cinquième espèce. - 


L A Nature trace des traits d'union pres- 
que par-tout où nous voudrions marquer 
des intervalles et faire des coupures ; sans 
quitter brusquement une forme pour pas- 
ser à une autre, elle emprunte de toutes 
deux , et compose un être mi-parti qui 
réunit les deux extrêmes, et remplit Jus- 
qu'au moindre vide de l'ensemble d’un 
tout, où rien n’est isolé. Tels sont les 
traits de l'oiseau grèbe-foulque , jusqu’à 
ce Jour inconnu , et qui nous a été en- 
voyé de l’Amérique méridionale. Nous 
lui avons donné ce nom , parce qu’il porte 
les deux caractères du grèbe et de la 
foulque ; il a, comme elle, une queue 
assez large et d'assez longues ailes ; tout 


# Voyez les planches enluminées, n° 893. 


17 LD : Le “th 4 A CAL ! 
es SA: 


: . { ide 
1 DES CASTAGNEUX. 167 
son manteau est d’un brun olivâtre, et 
tout le devant du corps est d’un très-beau 
blanc ; les doigts et les membranes dont 
ils sont garnis , sont barrés transversale- 
ment de raies noires et blanches ou Jau+ 
nâtres ; ce qui fait un effet agréable. Au 
reste , ce grèbe-foulque , qui se trouve à 
Cayenne, est aussi petit que notre casta- 
gneux. 


! LES PLONGEONS "” 


Ovorqur beaucoup d'oiseaux aqua- 
tiques aient l'habitude de plonger, même 
jusqu’au fond de l’eau , en poursuivant 
leur proie, on a donné de préférence le 
nom de plongeon à une petite famille 
particulière de ces oiseaux plongeurs, 
qui diffère des autres en ce qu’ils ont le 
bec droit et pointu , et les trois doigts 
antérieurs Joints ensemble par une mem- 
brane entière, qui Jette un rebord le long 
du doigt intérieur , duquel néanmoins le 
postérieur est séparé. Les plongeons ont 
de plus les ongles petits et pointus?, la 


1 Le plongeon, en général, se nomme en latin 
mergus ; en hébreu et en persan, kaath ; en arabe, 
semag ; enitalien, mergo , mergone ; en anglois, 
diver, ducker ; en allemand, ducher, duchent , 
taucher ; en groenlandois, navïarsonck. 

2 C’est du grèbe, et non pas du plongeon, qu'il 


faut entendre ce que Schwenckfeld dit, que seul 
eutre les oiseaux, 1l a les ongles applatis : Merso | 


unico inter aves lati sunt ungues. 


Tom 16. 


Ll13. lag. 1268, 


LE PLONGEON. 


1TDauquer S 


j 
hi: 


amie (il de Nr tn 


ù Lit M 


HISTOIRE NATURELLE. 169 


queue très-courte et presque nulle , les 
pieds très-plats et placés tout-à-fait à l’ar- 
rière du corps ; enfin la jambe cachée dans 
l'abdomen , disposition très-propre à l’ac- 
tion de nager , mais très-contraire à celle 
de marcher : en effet, les plongeons, 
comme les grèbes, sont obligés sur terre 
à se tenir debout dans une situation 
droite et presque perpendiculaire, sans 
pouvoir maintenir l'équilibre dans leurs 
mouvemens , au lieu qu'ils se meuvent 
daus l’eau d’une manière si preste et si 
prompte, qu'ils évitent la balle en plon- 
geant à l'éclair du feu, au même ins- 
tant que le coup part : aussi les bons 
chasseurs, pour tirer ces oiseaux, adap- 
tent à leur fusil un morceau de car- 
ton, qui, en laissant la mire libre, dé- 
robe l'éclair de l’amorce à l'œil de l’oi- 
seau. 

Nous connoissons cinq espèces dans le 
genre du plongeon , dont deux , l’une 
assez grande et l’autre plus petite, se 
trouvent également sur les eaux douces, 
dans l'intérieur des terres et sur les eaux 
salées , près des côtes de la mer ; les trois 

19 


170. HISTOIRE NATURELLE © 


autres espèces paroissent attachées unis 
quement aux côtes maritimes , et spé=! 
cialement aux mers du Nord : nous allons 


donner la descri ption de chacune en par« | 
ticulier., | 


* DES PLONGEONS.  x7r 


2 
\ 


LE GRAND PLONGEON *. 


Première espèce. 


C E plongeon est presque de la grandeur 
et de la taille de l’oic. Il est connu sur les 
lacs de Suisse , et le nom de s/vder qu'on 
lui donne sur celui de Constance , marque, 
selon Gesner, sa pesanteur à terre et l’im- 
puissance de marcher, malgré l’effort qu'il 
fait des ailes et des pieds à la fois. Il ne 
prend son essor que sur l’eau : mais dans 
cet élément ses mouvemens sont aussi 
faciles ct aussi légers que vifs et rapides; 
il plonge à de très-grandes profondeurs, 
et nage entre deux eaux à cent pas de 
, distance sans reparoître pour respirer ; 
une portion d’air renfermée dans la tra- 
chée-artère dilatée fournit pendant ce 
temps à la respiration de cet amphibie 
ailé, qui semble moins appartenir à l’élé- 
ment de l’air qu’à celui des eaux. Ii en 


_.*# Voyez les planches enluminées, n° OI4» 


LES | 
‘172 HISTOIRE NATURELLE 
est de même des autres plongeons et des 
grèbes ; ils parcourent librement et en 
tout sens les espaces dans l’eau : ils y 
trouvent leur subsistance, leur abri, leur 
asyle ; car si l’oiseau de proie paroît en 
l'air |, ou qu’un chasseur se montre sur 
le rivage, ce n’est point au vol que le 
plongeon confe sa fuite et son salut ; il : 
plonge, et, caché sous l’eau, se dérobe à 
l'œil de tous ses ennemis. Mais l’homme, 
plus puissant encore par l’adresse que par 
la force , sait lui faire rencontrer des em- 
bûches jusqu’au fond de son asyle; un 
filet, une ligne dormante amorcée d’un 
petit poisson , sont les piéges auxquels 
l'oiseau se prend en avalant sa proie:il 
meurt ainsi en voulant se nourrir, et 
dans l'élément même sur lequel il est né; 
car on trouve sou nid posé sur l’eau , au 
milieu des grands joncs dont le pied est | 
baigné. | 
Aristote observe, avec raison , que les 
plongeons commencent leur nichée dans 
le premier printemps , et que les mouettes 
ne nichent qu’à la fin de cette saison ou 
au commencement de l'été : mais c'est 


LE PrAT CPE à CADRES ALES 
14210 0 20, HAN | 
Lu 
| 


DES PLONGEONS. 173 
improprement que Pline , qui souvent ne 
fait que copier ce premier naturaliste , le 
contredit ici, en employant le nom de 
mnergus pour désigner un oiseau d’eau 
qui niche sur les arbres ; cette habitude, 
qui appartient au cormoran et à quelques 
autres oiseaux d’eau , n’est nullement 
celle du plongeon, puisqu'il niche au bas 
des joncs. NRA ES 

Quelques observateurs ont écrit que ce 
grand plongeon étoit fort silencieux : ce- 
pendant Gesner lui attribue un cri parti- 
culier et fort éclatant ; mais apparem- 
ment on ne l’entend que rarement. 

Au reste, Willughby semble recon- 
noître dans cette espèce une variété qui 
diffère de la première , en ce que l'oiseau 
a le dos d’une seule couleur uniforme, 
au lieu que le grand plongeon commun 
a le manteau ondé de gris blanc sur gris 
brun , avec un même brun nué et poin- 
tillé de blanchäâtre sur le dessus de la 
tête et du cou, qui de plus est orné vers le 
bas d’un demi-collier teint des mêmes 
couleurs , terminées par le beau blanc de 
la poitrine et du dessous du corps. 


15 


#4 HISTOIRE NATURELLE 
LE PETIT PLONGEON *. 


__ Seconde espèce. 


{ 


Cr petit plongeon ressemble beaucoup 
au grand par les couleurs, et a de même 
tout le devant du corps blanc ; le dos et 
le dessus du cou et de la tête, d’un cendré 
noirâtre, tout parsemé de petites gouttes 
blanches : mais ses dimensions sont bien 
moindres ; les plus gros ont tout au plus 
un pied neuf pouces du bout du bec à 
celui de la queue , deux pieds jusqu’au 
bout des doïgts, et deux pieds et demi 
d'envergure, tandis que le grand plon- 
geon en a plus de quatre, et deux pieds 
et demi du bec aux ongles. Du reste, leurs 
habitudes naturelles sont à à peu ue les 
mêmes. | 

On voit en tout temps les plsbbébs de 
cette espèce sur nos étangs, qu'ils ne 
. quittent que quand la glace les force à se 

‘* Voyez les planches enluminées , n° 92, sous 
la déuommation de plongeon. | | 

/ 


© DES PLONGEONS. 179. 
transporter sur les rivières et les ruisseaux 
d’eau vive ; ils partent pendant la nuit, 
et ne s’éloignent que le moins qu'ils 
peuvent de leur premier domicile. L’on 
avoit déja remarqué, du temps d’Aris- 
tote , que l'hiver ne les faisoit pas dispa- 
roître. Ce philosophe dit aussi que leur 
ponte est de deux ou trois œufs; mais nos 
chasseurs assurent qu’elle est de trois où. 
quatre, et disent que quand on approche 
du nid, la mère se précipite et se plonge, 
et que les petits tout nouvellement éclos 
se jettent à l’eau pour la suivre. Au reste, 
c’est toujours avec bruit et avec un mou- 
vement très-vif des ailes et de la queue, 
que ces oiseaux nagent et plongent ; le 
mouvement de leurs pieds se dirige em 
nageant, non d'avant en arrière , mais 
de côté et se croisant en diagonale. M. Hé- 
bert a observé ce mouvement en tenant 
captif uu de ces plongeons, qui, retenu 
seulement par un long fil, prenoit tou- 
jours cette direction : il paroissoit n’avoir 
rien perdu de sa liberté naturelle ; il étoit 
sur une rivière où il trouvoit sa vie en 
happant de petits poissons. 


: ‘ , TU 
! 


476 HISTOIRE NATURELLE 


L) 
LTUA } 


, LE PLONGEON CAT-MARIN. 


Troisième espèce. 


à] 


Cr plongeon, fort semblable à notre 
petit plongeon d’eau douce , nous a été 
envoyé des côtes de Picardie, qu'il fré- 
. quente, sur-tout en hiver, et où les pê- 
cheurs l'appellent cat- marin (chat de - 
mer ), parce qu'il mange et détruit beau- 
coup de frai de poisson. Souvent ils le 
prennent dans les filets tèndus pour les 
macreuses , avec lesquelles ce plongeon 
arrive ordinairement ; car on observe 
qu'il s'éloigne l'été, comme s’il alloit pas- 
ser cette saison plus au nord : quelques 
* uns cependant, au rapport des matelots, 
nichent dans les Sorlingues , sur des ro- 
chers où ils ne peuvent arriver qu’en par- 
tant de l’eau par un effort de saut , aidé du 
mouvement des vagues; car sur terre ils 
sont, comme les autres plongeons, dans 


DES PLONGEONS. +77 
l'impuissance de s'élever par le vol; ils ne 
peuvent même courir que sur les vagues, 
qu'ils efleurent rapidement dans une atti- 
tude droite ; et la partie postérieure du 
corps plongée dans l’eau. 

Cet oiseau entre avec la marée dans les 
embouchures des rivières. Les petits mer- 
lans, le frai de l’esturgeon et du congre, 
sont ses mets de préférence. Comme il 
nage presque aussi vite que les autres 
oiseaux volent , et qu’il plonge aussi bien 
qu'un poisson , il a tous les avantages 
possibles pour se saisir de cette proie 
fugitive. | 

Les jeunes , moins adroits et moins exer- 
cés que les vieux , ne mangent que des 
chevrettes ; cependant les uns et les 
autres, dans toutes les saisons, sont ex- 
trèemement gras. M. Baillon, qui a très- 
bien observé ces plongeons sur les côtes 
de Picardie , et qui nous donne ces dé- 
tails , ajoute que , dans cette espèce, la 
femelle diffère du mâle par la taille , étant 
ae deux pouces à peu près au-dessous des 
dimensions de celui-ci, qui sont de deux 
pieds trois pouces de la pointe du bec au 


178 HISTOIRE NATURELLE 

bout des ongles, et de trois pieds deux, 
pouces de vol. Le plumage des Jeunes, 
jusqu’à la mue, est d’un noir enfumé, 
sans aucune des taches blanches dont le 
dos des vieux est parsemé. 

Nousrapporterons à cette espèce, comme 
variété, un plongeon à tête noire , dont 
M. Brisson a fait sa cinquième espèce, en 
lui appliquant des phrases de Willughby 
et de Ray , lesquelles désignent l’imbrim 
ougrand plongeon des mers du Nord, dont 
nous allons parler, et qui ne doivent pas 
être rapportées aux petits plongeous. 

Au reste, une remarque que l’on a 
faite , sans l'appliquer spécialement à une 
espèce particulière de plongeouns, c'est 
que la chair de ces oiseaux devient meil- 
leure lorsqu'ils ont vécu dans la baie de 
Longkh - foyle, près de Loudoudery en 
Irlande , d’une certaine plante dont la 
tige est tendre et presque aussi douce , 
dit-on , que celle de la canne à sucre. | 


» 


h 
P? 


CAS 


SUR 
? 7 17) D y 
hs 


L'IMBRIM - 


fl 


lo GRAND PLONGEON DE LA MER DU NORD. 


}. Dau quë 


a nee rm 6 re =zx = meme = « = 


L’IMBRIM, 
oO D. 


GRAND PLONGEON DE LA MER DÜ 
NORD e 


Quatrième espèce. 
li mis 


1. MBRrIM est le nom que porte à l’île 
Feroé ce graud plongeon, connu aux 
Orcades sous celui d’enmberyoose. I est plus 
gros qu’une oie, ayant près de trois pieds 
du bec aux. ongles, et quatre pieds. de 
vol. Il est aussi très-remarquable par un 
collier échancré en travers du cou, et. 
tracé par de petites raies longitudinales, 


* Voyez les planches enluminées, n° 952. 

Huubrye, par les,  Islandois, selon Anderson, 
gui dit que cet oiseau ressemble beaucoup au vau= 
iour (geir-fugl) par sa grosseur ét par ses cris; 
mais ce prétendu vautour ést un harle, 


180 HISTOIRE NATURELLE 


alternativement noires et blanches ; le 
fond de couleur dans lequel tranche colle 
bande, est noir , avec des reflets verds 
au cou et violets sur la tête; le manteau 
est à fond noir, tout parsemé de mou- 
chetures blanches ; tout le dessous du 
corps est d’un beau blanc. 

Ce grand plongeon paroît quelquefois 
en Anplétarre dans les hivers rigoureux *: 
mais en tout autre temps il ne quitte pas 
les mers du Nord, et sa retraite ordinaire 
est aux Orcades , aux îles Feroé , sur les 
côtes d'Islande et vers le Groenland; car àl 
est aisé de le reconnoître dans le zuglek 
des Groenlandois. 

‘Quelques écrivains du Nord, tels que 
Hoicrus, médecin de Berghen, ont avancé 
que-ces oiseaux faisoient leurs nids et 
leurs pontes sous l'eau : ce qui, loin 
d’étre vrai, n’est pas même vraisemblable ; 
et ce qu’ on lità ce sujet dans les Pr 
tions philosophiques, que l’imbrim tient 
ses œufs sous ses ailes, et les couve ainsi 
en les portant par -tout avec lui, me. 


* Nous en avons même reçu uu qui à ÉLÉ LU cet : 
hiver (1700) sur la côte. de Picardies4uu es ds à 


DES PEONGEONS. 18€ 
paroît également fabuleux.Tout ce qu’on 
peut inférer de ces contes, c’est que pro- 
bablement cet oiseau niche sur des écueils 
ou des côtes désertes , et que jusqu’à ce 
jour aucun observateur n’a vu son nid. 


D) 


Oisraux, XV I. H 


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ide HISTOIRE NATURELLE 


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OU 


PETIT PLONGEON DE LA MER 
/. DU NORD *. 


» Cinquième espèce. 


DRE TIENNE ENT An 


ja ou /oom en lappon veut dire 


boiteux, et ce nom peint la démarche 
chancelante de cet oiseau lorsqu'il se 


trouve à terre, où néanmoins il ne s’ex- 


pose guère , nageant presque toujours, 
et nichant à la rive même de l’eau sur les 
côtes désertes. Peu de gens ont vu son 


nid , et les Islandois disent qu’il couve ses 


œufs sous ses ailes cn pleine mer ; ce qui 


n’est guère plus vraisemblable que la cou- 


vée de l’imbrim sous eau. 


* Voyez les planches PP A n° 308 , la 


femelle, sous la dénomination de plongeon a 80r8° 


JOuge | de Sibérie. MEN 


1 


DES PLONGEONS. 183 
Le lumme-est' moins grand que l’im: 
 brim, et n’est que de la taille du canard 
Il a le dos noir , parsemé dé petits quarrés 
blancs , la gorge noire, ainsi que le de- 
vant de la tête, dont le dessus est cou- 
vert de plumes grises ; le haut du cowest 
garni .de semblables plumes grises , et 
paré en devant d’une longue pièce nuée 
de noir changeant en violet et en verd ; 
un duvet épais, comme celui du cygne, 
revêt toute la peau, et les Lappons se 
font des bonnets d'hiver de ces bonnes 
fourrures. ". k 
IL paroît que ces plongeons ne quittent. 
guère la mer du Nord, quoique de temps 
en temps, au rapport de Klein, ils se 
montrent sur les côtes de la Baltique , et 
qu'ils soient bien connus dans toute la 
Suède. Leur principal domicile est. sur les 
côtes de Norvége, d’Islande et de Groen- 
land ; ils les fréquentent pendant tout 
l'été, et y font leurs petits, qu'ils élèvent 
_avec des soins et une sollicitude singu- 
\lière. Anderson nous fournit à ce sujet 
des détails qui seroient intéressans s'ils 
étoient tous exacts. Il dit que la ponte 


184 HISTOIRE NATURELLE 


n’est que de deux œufs , , et qu’ aussitôt 
qu'un petit lumme est assez fort pour 


quitter le nid, le père et la mère le con: 


duisent à L'edi l’un volant toujours au- 
dessus de lui pour le défendre de l'oiseau 
de proie, l’autre au-dessous pour le rece- 
voir sur le dos en cas de chûte, et que si, 
malgré ce secours, le petit tombe à terre, 
les parens s’y précipitent avec lui, et, 
plutôt que de l’abandonner, se laissent 
prendre par lés hommes ou manger par 
les renards, qui ne manquent jamais de 
guetter ces occasions, et qui, dans ces 
régions glacées et dépourvues de gibier 
de terre, dirigent toute leur sagacité et 
toutes leurs ruses à la chasse des oiseaux. 
Cet auteur ajoute que quand une fois les : 
lummes ont gagné la mer avec leurs 
petits , ils ne reviennent plus à terre ; 1l 
assure même que les vieux qui par hasard 
ont perdu leur famille, ou quiont passé le 
temps de nicher, n’y viennent Jamais, 
nageant toujours par troupes de soixante 
ou nr cent. « Si on jette, dit-il, un petit 
« dans la mer devant une de ces troupes, 
« tous les lummes viennent sur-le-champ 


DES PLONGEONS. 185 


_ « l'entourer, et chacun s’empresse de l’ac- 
« ot : au point de se battre entre 
« eux autour de lui, jusqu’ à ce que le 
« plus fort l’emmène ; mais si par hasard 
« la mère du petit survient, toute la que- 
« relle cesse sur-le-champ , et on lui cède 
__«< son enfant. » TO 

A l'approche de l'hiver, ces oiseaux 
s’'éloignent et disparoissent jusqu’au re- 
tour du printemps. Anderson conjecture 
que, déclinant entre le sud et l’ouest, ils 
seretirent vers l'Amérique, et M. Edwards 
reconnoît en effet que cette espèce est 


commune aux mers septentrionales de ce 


continent et de celui de. l'Europe : nous 
pouvons y ajouter celles du continent de 
l'Asie ; car le plongeon à gorge rouge 
venu de Sibérie, et donné sous cette indi- 
cation dans nos planches enluminées , 
n° 308, est exactement Le même que celui 
de la planche 97 d'Edwards, que ce na- 
turaliste donne comme la femelle du 
lumme , d’après le témoignage non sus- 
pect de son correspondant M. Isham , bon 
observateur , qui lui avoit ra DpOHÉ l’un 


et l’autre de Groenland. 
16 


LL " N'a ‘ Nm "6 Vs VAUT (aa 


186 HISTOIRE NATURELLE | 
Dans la saison que les lummes LR 


sur les côtes de Norvége, leurs différens, 


cris servent aux habitans de présage pour 


le beau temps ou les pluies ; c’est appa- 


remment par cetteraison qu'ils épargnent 
la vie de cet oiseau, et qu'ils n’aiment 


pas même à le trouver pris dans leurs 


filets. 7 
Linnœæus distingue dans cette espèce 
une variété, et dit, avec Wormius, que 
le lumme niche à plat sur le rivage, au 
bord même de l’eau ; sur quoi M. Ander- 
son semble n'être pas d’accord avec lui- 


même *. Au reste, le Z4mb du Spitzherg 


* Tome I°* de son Histoire naturelle d'Islande 
ct de Groenland , page 93, il dit que le lumme 
niche sur les rives désertes au bord de l’eau, elle- 
ment qwil peut rentrer immédiatement de la mer 
dans son nid, et même boire restant assis sur 
ses œufs. Tome IT, page 52, 1l prétend que les 


lummes font leurs Hs sur les plus hauts rochers, 


et sur de petits morceaux saillans du roc: Ceute 
contrariété ne peut se concilier qu ’en disant que 


ces oiseaux savent placer leurs nids suivant que la 
côté leur offre pour cela une grève or ou des 
bords escarpés. 


, | 

DES PLONGEOGNS. 1:87 
de Martens paroît, suivant l'observation 
de M. Ray , être différent des lummes du 
Groenland et d'Islande , puisqu "il a le bee 
crochu , quoique d’ aileitret son affection 
pour ses petits, la manière dont il les 
conduit à la mer en les défendant de l’oi- 
seau de proie , lui donnent beaucoup de 
rapports avec ces oiseaux par les habi- 
tudes naturelles; et quant aux /oms du 
navigateur Bareutz, rien n’empeéche qu’on 
ne les regarde comme les memes oiseaux 
que nos lummes, qui peuvent bien en 

effet fréquenter la nouvelle Zemble. 


L* 


_ 


LE HARLE#. 


Pramièle espèce. 


æ”- 


Lr harle , dit Belon, fait autant de dé-. 
gât sur un étang qu’en pourroit faire un 
bièvre ou castor : c’est pourquoi , ajoute- 
t-il, le peuple donne le nom de bièvre à 
cet oiseau: Mais Belon paroît se tromper 
ici avec le peuple, au sujet du bièvre ou 
castor, qui ne mange pas de poisson, mais 
de l'écorce et du bois tendre ; et c’est à 
la loutre qu’il falloit comparer cet oiseau 
ichthyophage , puisque de tous les ani- 
maux quadrupèdes aucun ne détruit atu- 
tant de poisson que la loutre. . | 

Le harle est d’une grosseur intermé- 

* Voyez les planches enluminées, n° 057, Je 
mâle, et n° 953, la femelle. Éd | 

En anglois, goosander, et la femelle , DE 
diver, sparling-foul ; en allemand, meer-rach , 
weltsch-eent ;-et sur le lac de Constance, gan ou 
ganner; en ttlic, autour du lac re gare 
ETNEY 


GAIÉ \ p | 


Tom16 LL 126 Leg 286 . 


SET LE BE 


AN MA c \ ra 


LP dément NA 1 PAR UN 
RON MNR Prend € à io ah Dre tr Ru NNICIE à 


‘ 


HISTOIRE NATURELLE. 189 
diaire entre le canard et l’oie : mais sa 
taille, son plumage et son volraccourci, 
lui donnent plus de rapport avec le ca- 
_mard. C’est avec peu de justesse que Ges- 
ner lui a donné la dénomination de »er- 
ganser(oie-plongeon), par la seule ressem- 
blance du bec à celui du plongeon , puis- 
que cette ressemblance est très-impar- 
faite. Le bec du harle est à peu près cylin- 
drique et droit jusqu’à la pointe, comme 
celui du plongeon : mais il en diffère en 
ce que cette pointe est crochue et fléchie 
en manière d’ongle courbe, d’une subs- 
tance dure et cornée ; et il en diffère en- 
core en ce que les bords en sont garnis de 
dentelures dirigées en arrière. La langue 
est hérissée de papilles dures et tournées 
en arrière comme les dentelures du bec; 
ce qui sert à retenir le poisson glissant, 
et même à le conduire dans le gosier de 
l'oiseau : aussi, par une voracité peu me- 
surée , avale-t-il_ des poissons beaucoup 
trop gros pour entrer tout entiers dans 
son estomac; la tête se loge la première 
dans l’œsophage , et se digère avant que 
le corps puisse ÿ descendre. 


oo HISTOIRE NATURELLE 
Le harle nage tout le corps submergé 


et la tête seule hors de l’eau ; il plonge pro: 


fondément, reste tent sous l’eau, 
et parcourt un grand espace avant de re- 
paroître. Quoiqu'il ait les ailes courtes , 


son vol est rapide , et le plus souvent il 


file au-dessus de l’eau, et il paroît alors 
presque tout blanc : aussi l’appelle-t-on 
harle blanc en quelques endroits, comme 
en Brie , où il est assez rare. Cependant ül 
a le devant du corps lavé de jaune pâle ; 
le dessus du cou avec toute la tête est 
d’un noir changeant en verd par reflets ; 
et la plume, qui en est fine, soyeuse, 
longue, et relevée en hérisson depuis la 
nuque jusque sur le front , grossit beau- 
coup le volume de la tête. Le dos est de 
trois couleurs , noir sur le haut et sur les 
grandes pennes des ailes , blanc sur les 
moyennes et la plupart des couver- 
tures, et joliment liséré de gris sur blanc 


au croupion; la queue est grise; les 


yeux, les pieds et une partie du bec sont 
rouges. 


Le harle est, comme on voit, un fort 


bel oiseau ; mais sa chair est sèche et 


1 
/ 


PMU A RLETIU ‘ro 
mauvaise à manger *. La forme de son 
corpstest large et sensiblement applatie 
sur le dos. On a observé que la trachée- 
artère a trois renflemens , dont le der- 
nier , près de la bifurcation , renferme un 
labyrinthe osseux : cet appareil contient 
l'air que l’oiseau peut respirer sous l’eau. 
Belon dit aussi avoir remarqué que la 
queue du harle est souvent comme frois- 
sée ét rebroussée par le bout, et qu'il se 
perche et fait son nid , comme le cormo- 
ran , sur les arbres ou dans les rochers : 
mais Aldroyande dit au contraire ,etavec 
plus de vraisemblance, que leharle niche 
au rivage, et ne quitte pas les eaux. Nous 
n'avons pas eu occasion de vérifier ce fait: 
ces oiseaux ne paroissent que de loin à 
loin dans nos provinces de France ; et 
toutes les notices que nous en avons re- 
cues , nous apprennent seulement qu’il 
se trouve en différens lieux , et toujours 
en hiver. On croit en Suisse que son-appa- 
rition sur les lacs annonce un grandhiver; 
. * Belon rapporte le proverbe populaire, que 
qui voudroit régaler le diable , lux serviroit Bièvre 
#1 COTrmOraT. ; 


Lu ñ TP A , #43" D: | 
‘192 HISTOIRE NATURELLE # "4 


et quoique cet oiseau doive être assez 
connu sur la Loire , puisque c'est là, sui- 
vaut Belon , qu’on lui a imposé le nomde 
Aarle ou 4erle , il semble , d’après cet ob- 
servateur lui-même , qu'il se transporte 
en hiver dans des climats beaucoup plus 
méridionaux ; car il est du nombre des 
oiseaux qui viennent du Nord jusqu’en 
Égypte pour y passer l'hiver, suivant Be- 
lon, quoique , d’après ses propres obser- 
vations , il paroisse que cet oiseau se 
trouve sur le Nil en toute autre saison 
que celle de l'hiver , ce qui est assez dif- 
ficile à concilier. Dr. 

. Quoi qu'il en soit, les harles ne sont 
pas plus communs en Angleterre qu’en 
France ; et cependant ils se portent jus- 
qu’en Norvége, en Islande , et peut-être 
plus avant dans le Nord. On reconnoît le 
harle dans le gerr-fugl des Islandais ,auquel 
Anderson donne mal-à-propos le nom de 
vautour, à moins qu'on ne suppose que le 
harle , par sa voracité , est le vautour de 
la mer. Mais il paroît que ces oïiseaux 
n’habitent pas constamment la côte d’Is- 
lande , puisque les babitans , à chacune 


7 


D: TU TU TE & R'LE. 193 
de leurs apparitions, ne manquent pas 
d'attendre quelque grand événement. 
Dans le genre du harle, la femelle est 
coustamment et ns ndent plus 
petite que le mâle. Elle en diffère aussi, 
comme dans la plupart des espèces d’oi- 
seaux d’eau, par ses couleurs : elle a la 
tête rousse et le manteau gris; et c’est de 
cette femelle , décrite par Belon sous le 
nom de bièvre , que M. Brisson fait son 
septième harle, comme on peut s’en con- 
vaincre eu comparant sa notice, page 254, 
et sa figure, planche 25, avec notre 
plauche enluminée , n° 953, qui repré- 
sente cette femelle. re 


\ RT 


194 HISTOIRE NATURELLE 


LE HARLE HUPPÉ*. 


Seconde espèce. 


L > harle commun que nous venons de 
décrire , n’a qu’un toupet, et non pas une 
huppe : celui-ci porte une huppe bien 
formée, bien détachée de la tête, et com- 
posée de brins fins et longs , dirigés de 
l'occiput en arrière.ll est de la grosseur 
du canard ; sa tête et le haut du cou sont 
d’un noir violet changeant en verd doré ; 
la poitrine est d’un roux varié de blanc; 
le dos noir ; le croupion et les flancs sont 
rayés en zigzags de brun et de gris blanc; 
l'aile est variée de noir et de brun, de 
blanc et de cendré. Il y a des deux côtés 
de la poitrine vers les épaules , d’assez 
Jongues plumes blanches bordées de noir 
-qui recouvrent le coude de l’aile lors- 


* Voyez les planches enluminées, n° 207. 


L 


DU HARLE. 195 


qu'elle ps pliée. Le bec et les pieds sont 
rouges. La femelle diffère du mäle en ce 
qu'elle a la tête d’un roux terne , le dos 
gris, et tout le devant du corps blanc 
foiblement teint de fauve sur la poitrine. 
Suivant Willughby, cette espèce est 
très-commune sur les lagunes de Venise; 
et comme Muller témoigne qu’on la 
trouve en Danemarck, en Norvége, et. 
que Linnæus dit qu’elle habite aussi en 
Lapponie , il est très-probable qu’elle fré- 
quente les contrées intermédiaires : et en 
effet Schwenckfeld assure que cet oiseau 


passe en Silésie, où on le voit au com- 


mencement de Res sur les étangs dans 
les montagnes. M. Salerne dit qu'il est 
fort commun sur la Loire : mais par la 
manière dont il en parle 


, il paroît l’a- 
voir très-mal observé. 


be RUES er LA Er 
| p 34 


196 HISTOIRE NATURELLE Es carS 


LA PIETTE, 
O U 
LE PETIT HARLE HUPPÉ +. 


Troisième espèce. 


L, piette est un joli petit harle à plu-_ 
mage pie, et auquel on a donné quelque- 
fois le nom de religieuse, sans doute à 
cause de la netteté de sa belle robe blan- 
che, de son manteau noir, et de sa tête 
coiffée en effilés blancs, couchés en men- 
tonnière et relevés en forme de bandeau, : 
que coupe par-derrière un petit lambeaw 
de voile d’un violet verd obscur; un demi- | 
collier noir sur le haut du cou achève la 
parure modeste et piquante de cette petite 
religieuse ailée. Elle est aussi fort com- 


* Voyez les planches a n° 449 e: 
le ; Ant la femelle. 


# 


Tom 16 | PLATS Lay 196. à 


LA PIETTE oz 


LE PETIT HARLE HUPE.. 


ETC J: 


Le te -à ASS 


J y 


4 


ê ph A M. She de dat 
à ‘ FUMER c 
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ne 


F. 


DU HARLE.. 197 
mune ; sous le nom de piefle, sur les 
rivières d’Are et de Somme en Picardie, 
où il n’est pas de paysan, dit Belon, qui 
ne la sache nommer. Elle est un peu plus 
grande que la sarcelle, mais moindre que 
le morillon; elle a le bec noir et les pieds 
d’un gris plombé; l’étendue du blanc et 
du noir dans son plumage est fort sujette 
à varier, de sorte que quelquefois rl est 
presque tout blanc. La femelle n’est pas 
aussi belle que le mâle; elle n’a point de 
huppe ; sa tête est rousse, et le manteau 
est gris. | 


17 


pdt. ati prés à 
h 


_ 28 HISTOIRE NATURELLE. 


\ + 1 - AN ] 
LE HARLE A MANTEAU NOIR. 


. Quatrième espèce. , 


> 


( Le 


N ous réunissons ici sous la même es- 
pèce le harle noir et le harle blanc et 
noir de M. Brisson, qui.sont les troisième 
et sixième harles de Schwenckfeld , parce 
qu'il nous paroît qu'il y a entre eux moins 
de différences que l’on n’en observe dans 
ce genre entre le mâle et la femelle, d’au- 
tant plus que ces deux harles sont à peu 
près de la même taille. Belon, qui en a 
décrit un sous Île nom de fiers, dit qu’on 
l'appelle ainsi parce qu’il est comme 
moyen ou eZ tiers entre la canne et le mo- 
rillon, et que les ailes, par leur bigar- 
rure , imitent la variété des ailes du mo- . 
rillon : mais il a tort de joindresonharle 
liers à cet oiseau, puisque le bec est en- 
 tièrement différent de celui du morillon:; 
et quant à sa taille, elle est plus appro- 


dec d 


‘BUHA R LE: 109 


chante de celle du canard. Au reste, il a 
la tête, le dessus du cou , le dos, les 
grandes pennes de l'aile d le coupion 
noirs , et tout le devant du corps d’un 
beau blanc , avec la queue brune. Cette 
description convient donc en entier au. 
harle blanc et noir de M. Brisson, et elle 
convient également à son harle noir, ex- 
cepté qu’au cou de celui-ci on voit du 
rouge bai, et qu'il a la queue noire. 
Tous deux ont le bec et les pieds rouges. 


Schwenckfeld, en disant du premier qu'on, 


le voit rarement en Silésie , n’insinue pas 
que le dernier y soit plus commun, en 
observant qu'il paroît quelques uns dé 
ces oiseaux sur les rivières au mois de 
mars, à la fonte des glaces. 


200 HISTOIRE NATURELLE 


nn 


LE HARLE ÉTOILÉ. 
Cinquième ps 


L, grande différence de livrée entre le 
mâle et la femelle dans le genre des harles 
a causé plus d’un double emploi dans l’é- 
numération de leurs espèces, comme on 
peut le remarquer dans les listes de nos 
amomenclateurs : nous soupconnons for- 
tement qu'il y a encore ici une de ces 
méprises qui ne sont que trop communes 
en nomenclature ; il nous paroît que l’es- 
pèce de ce harle étoilé, mieux décrite et 
mieux connue , ne sera peut-être qu’une 
femelle des espèces précédentes. Willugh- 
by le pensoit ainsi : il dit que ce même 
harle étoilé, qui est le r12ergus glacialis de 
Gesner , n’est que la femelle de la piette; 
et ce qui semble le prouver, c’est que le 
mergus glacialis se trouve quelquefois tout 
blanc ; particularité qui appartient à la : 


€ SE he 
{ 


RU TES RL E- |... S0R 
piette. Quoi qu’il en soit, M. Brisson tire 
la dénomination de arle étoilé, d’une 
tache blanche figurée en étoile que porte, 
à ce qu’il dit , ce harle , au-dessous d’une 
tache noire qui lui enveloppe les yeux ; 
le dessus de la tête est d’un rouge bai, le 
manteau d’un brun noirâtre ; tout le 
devant du corps est blanc, et l’aile est 
- mi-partie de blanc et de noir ; le bec est 
noir ou de couleur plombée, comme 
dans la piette ; et la grosseur de ces deux 
oiseaux est à peu près la même. Gesner 
dit que ce harle porte en Suisse le nom, de 
canard des glaces (y sentle), parce qu'il ne 
paroît sur les lacs qu’un peu avant le 
grand froid qui vient les glacer. 


20% HISTOIRE NATURELLE | 


42 
* 


[ 


LE HARLE COURON 


L : 


Sivième espèce. ra ar 


Cr harle , qui se trouve en Virginie, est 
très-remarquable par sa tête couronnée 
d’un beau limbe, noir à la circonférence 
et blanc au milieu , et formé de plumes 
relevées en disque ; ce qui fait un bel effet, 
mais qui ne paroît bien que dañs l’oiseauw 
vivant, et que , par cette raison , notre 
planche enluminée ne rend pas. Onle voit 
dans la belle figure que Catesby a don- 
née de cet oiseau, qu'il a dessiné vivant. 
Sa poitrine et son ventre sont blancs ; le 
bec, la face , le cou et le dos , sont noifs; 
les pennes de la queue et de l’aile brunes; 
celles de l'aile les plus intérieures sont 
noires et marquées d’un trait blanc. Ce 


* Voyez les planches enluminées, n° 935, le 


mâle , sous la dénomination de Aarle huppé de 
Virginie ; n° 036, la femelle. 


NÉ* 


ggmse np #@}e HA -R- LE: 203 
harle est à peu près de la grosseur du 
canard. La femelle est toute brune ; et sa 
huppe est plus petite que celle du mâle. 
Fernandès a décrit-l’un et l’autre sous le 
nom mexicain d’ecarototl, en y ajoutant 
le surnom de avis venti (oiseau du vent), 
sans en indiquer la raison. Ces oiseaux se 
trouvent au Mexique et à’la Caroline, 
aussi-bien qu’en Virginie, et se tiennent 
souvent sur les rivières et les étangs. 


[1 


LÉ BP É L'ICANE 


Là 


Lr pélican est plus remarquable ,; plus 


intéressant pour. un naturaliste, par la 


hauteur de sa taille et par le grand sac 


qu’il porte sous le bec , que par la célé- 
brité fabuleuse de son nom , consacré 
dans les emblèmes religieux des peuples 
ignorans. On a représenté sous sa figuré 
la tendresse paternelle se déchirant le sein 


pour nourrir de son sang sa famille lan- 
guissante ; mais cette fable que les Égyp- 
tiens racontoient déja du vautour , ne 
devoit pas s'appliquer au pélican, qui vit. 
dans l’abondance*, et auquel la Nature/ 


WANT ne 08 
S ce 
1 Voyez les planches enluminées, n° 67 


En latin, onocrotalus ; et en ancien latin, fruo : - 


en espagnol, groto; en italien , agrotio ; à Rome, 
truo ; et vers Sienne et Mantoue, agroiti; en an- 


gibis ; pélecage ; en allemand, Meergans, schnée- 


gans ; et en Autriche, okn-vogel. 

2 Saint Augustin et saint Jérôme paroissent être 
les auteurs a l'application de cette fable, orjginai- 
rement Ferpoones ‘au péhcan. / 


Zom 16 
zÔ . 
204 


AL A fu 
a] À 


LI aigue SJ 


à ed " PU (OP TS cree 


1e 


DNS 


EE HISTOIRE NATURELLE. 205 


à donné de plus qu'aux autres oiseaux 
pêcheurs une grande poche, dans laquelle | 
il porte et met en réserve l’amplé provi- 
sion du produit de sa pêche. | | 
Le pélican égale sde même surpasse’en 
grandeur le ‘cygne !, et ce seroit le plus 
grand des oiseaux d’eau si l'albatross 
n’étoit pas plus épais, et si le flam- 
 mant n’avoit pas les jambes beaucoup 
plus hautes. Le pélican les a au contraire 
très-basses, tandis que ses aïles sont lar- 
gement étendues , que l’envergure en est 

_ de onze ou douze pieds ?. Il se soutient 
* donc très-aisément et très-long-temps 
_ dans l’air ; il s’y balance avec légéreté, 
etne change de place que pour tomber à 
plomb sur sa proie, qui ne peut échap- 


+ M:Edwards estime celui qu'il décrit, du double 
plus grand et plus gros que le cygne. « Celui dont 
« parle Elbs éozt, dit-il, deux fois plus fort 


« qu'un gros cygne. » 


7 ? Les pélicans décrits par MM.-de l'académie 
_dés sciences avoient onze pieds d’envergure; ce qui 
est, suivant leur remarque, le double des cygnes 
et des aigles, 1e | 


18. r bé 


| 


per ; car. É LA re ui cela ml. 
étendue des ailes qui frappent etcouvrent 
la surface de l’eau... la font bouillonner, 
tournoyer, et étoyxdissenten méme temps 
le poisson ,.qui dès- lors ne pent fuir, C’ est 
de cette manière que les-pélicans péchent 
lorsqu'ils sont seuls: mais en, troupes ils 
savent varier leurs manœuivres.et agir de + 
concert; on les: voit se dispéser.en ligne | 
et nager de compagnie, en formant un 

grand. cercle qu'ils resserrent peu à peu 

pour y renfermer le poisson etse partager 

la,;capture à leur,aise: --:0b 6 8040" 4 
Ces oiseaux prennent ,;;pour pécher, Ÿ 
les heures du matin et dii soir où Île | 
poisson..est le. plus en mouvement. et 


* choisissent les liéux où il estle plus. abon- 


dant ; c’est un spectacle de les voir raser 
l'eau, s'élever de quelques piques ! au- 
dessus , et tomber. le cou roide «et leur 
sac à demi plein, puis se relevantavec 
effort retomber de nouv eau, Let continuer 
‘ce manége jusqu’ à ce, ue CE be- 
sace soit entièrement remplies ils, mont 
alors manger et digérer à l'aise sur'quél- . 
que pointe de rocher, où ils restent em 


L 


Di BU LR CSA NS TT bo 


repos et comme assoupis Jusqu'au soir. 


Il me paroît qu’il seroit possible de tirer 
parti de cet instinct du pélican , qui n’a- 
vale pas sa proie d’abord , mais l’accu- 
mule en provision , et qu’on pourroit en 
faire , comme du cormoran , un pécheur 
domestique; et l’on assure que lesChinois. 
y ont réussi. Labat raconte aussi que des 
sauvages avoient dressé un pélican qu'ils 
envoyoientle matin après l'avoir rougi de 
rocou , et qui le soir revenoit au carbet le 
sac plein de poissons, qu'ils lui faisoient 
dégorger. | | 

Cetoiseäu doit ètre un excellent nageur : 
il est parfaitement pa/mipède , ayant les 
quatre doigts réunis par une seule pièce 
de membrane ; cette peau et les pieds 
sont rouges ou jaunes suivant l’âge. Il 
paroît aussi que c’est avec l’âge qu'il 
prend cette belle teinte de couleur rose 
tendre et comme transparente , qui sem- 
ble donner à son plumage le lustre d’un 
vernis. 

Les plumes du cou ne sont qu’un duvet 
court ; celles de la nuque sont plus alon- 
: gées , et forment une espèce de crête ou 


A PA «1 A Ÿ LA Fi 
LA A D 


208 HISTOIRE NATURELLE 


ES 


de petite huppe * , La tête est applatie 
les côtés ; les yeux sont petits et mc 
dans deux larges joues nues ; la queue.est | 
composée de dix-huit pennes. Les couleurs 
du bec sont du jaune et du rouge pâle 
sur un fond gris, avec des traits de rouge 
vif sur le milieu et vers l’extrémité; ce bec 
est applati en-dessus comme une large 
lame relevée d’uïte arête sur sa longueur , 
et se terminant par une pointe en éroe; 
1e dedans de cette lame, qui faitla man- 
dibule supérieure, présente cinq nervures 
_saillantes , dont les deux extérieures 
forment des bords tranchans; la man- 
dibule inférieure ne consiste qu’en deux 
branchesflexibles qui se prêtent à l'exten- 
sion de la poche membraneuse qui leur 


est attachée , et qui pend au-dessous 


comme un sac en forme de nasse. Cette 
‘poche peut contenir plus de vingt pintes 
de liquide ; elle est si large et si longue, 


2 
ET 


* C'est ce que Belon exagère dans sa figure, en 
lui donnant un panache , qu’il compare mal-à-propos 
à celui du vanneau ; en quoi Gesner et Aldrovande 
Pont suivi dans fi leurs. Celle de Gesner est en 
gore plus vicieuse, en ce qu'elle porte cinq doïgis. 


pu PÉLICAN 209 


qu’ on y peut placer le pied , où y faire 
entrer le bras jusqu’au coude. Ellis dit 


avoir vu un homme y cacher sa tête; ce 


qui ne nous fera pourtant pas croire ce 


ue dit Sanctius u’un de ces oiseaux 
» q 3 


laissa tomber du: haut des airs un enfant 
nègre qu'il avoit emporté dans son sac. 
Ce gros oiseau paroît susceptible de 
quelque éducation, et même d’une cer- 
taine gaieté, malgré sa pesanteur; il n'a 


En de farouche, et s’habitue volontiers 
avec l’homme *. Ge en vit wir dans 


l’île de Rhodes, qui se promenoit fami- 


 lièrement par la ville; et Culmanun, dans 


Gesner, raconte l’histoire fameuse de ce 
pélican qui suivoit l’empereur Maxuni- 
lien, volant sur l’armée quand elle étoit 
cu be. et s’élevant quelquefois si 
haut, qu’il ne paroissoit plus que comme 
une hirondelle, quoiqu'il eût quinze 
pieds ( du Rhin) d’un bout des ailes à 
l'autre. | | / 


/ 


* Rzaczynski parle d’un pélican nourri, pendant 
quarante ans à la cour de Bavière, qui se plaisow. 


Hanceup en compagnie, ct paroissoit prendre uæ 


p! laisir singulier à entendre Ge Ja musique. 
18 


LA 


210 HIS TOIRE NATU E 


Cette grande puissance de vol seroit F, 
néanmoins étonnante dans un oiseau qui 
pèse vingt-quatre ou vingt-cinq livres , 
si elle n’étoit merveilleusement secondée 
par la grande quantité d’air dont som 
corps se gonfle, et aussi par la légéreté de 
sa charpente : tout son squelette ne pèse 
pas une livre et demie ; les os en sont si 
minces, qu'ils ont de la transparence ; 
et Aldrovande prétend qu'ils sont sags 
moelle. C’est sans doute à la nature de ces 
. parties solides qui ne s’ossifient que tard, 
que.le pélican doit sa PÉSTonse vie * 
L'on a, même Cobra qu’en captivité il 
vivoit plus long-temps que la plupart des 
| autres ciseaux. | | 

Au reste, ts pélican, sans être tout-à- 
fait hands nos contrées, y est pour- 
tant assez rare, sur-tout res l’intérieur 
des terres. Nos) avons au Cabinet les dé- 
pouiiles de deux de ces oiseaux, l’un tué 


* Turner parle d’un pélican privé qui yécut 
cinquante ans. On conserva pendant quatre vingie 
celui dont Culmann fait l’histoire, et dans sa vicil- 


Jesse il éioit nourri, par ordre de l’empereur, à 
quatre écus par jour. 


{ 
+ 


4 


DU PÉLICAN. 21 
en Dauphiné, et l’autre sur la Saone * 
Gesner fait mention d’un qui fut pris sur 


le lac de Zurich, et qui fut regardé comme 


“un oiseau inconnu. il n’est pas commun 


dans le nord de l'Allemagne , quoiqu'il y 
en ait un grand nombre dans les pro- 
vinces méridionales qu’arrose le Danube. 
Ce séjour sur le Danube est une habitude 
ancienne à ces Oiseaux ; car Aristote les 
rangeant au nombre de ceux qui s’at- 
troupent, dit qu’ils s’envolent du Stry- 
mon, et que, s’attendant les uns les autres 
au passage de la montagne, ils vont s’a- 
battre tous ensemble et nicher sur les 
rives du Danube. Ce fleuve et le Strymon 
paroissent donc limiter les contrées où ils 
se portent en troupes du nord au midi 
dans notre continent; et c’est faute d’a- 
voir bien connu leur route que Pline les 
fait venir des extrémités septentrionales 
de la Gaule; car ils y sont étrangers , et 
paroissent l'être encore plus en Suède et 
dans les ciimats plus septentrionaux, du 
* M. de Piolenc nous mande qu’il en a tué un 
dans un marais près d'Arles; et M. Lottinger, ur 
autre sur un étang entre Dieuze et Sarrebourg. 


212 HISTOIRE NATUR) LL 
moins si l'on en juge par le silence 
naturalistes du Nord; car ce qu’en dit. 
Olaïüs-Magnus , n’est urine compilation 
mal digérée de ce que les anciens ont 
écrit sur l'orocrotale, sans aucun fait 
qui prouve son passage OU son séjour 
dans les contrées du Nord.Il ne paroît pas 
même fréquenter l'Angleterre, puisque 
les auteurs de la Zoologie britannique me 
le comptent pas dans le nombre de leurs 
animaux bretons , et que Charleton rap- 
porte qu’on voyoit de son temps dans le 
parc de Windsor des pélicans envoyés de 
Russie. Il s’en trouve en effet, et même : 
assez fréquemment, sur les lacs de la Rus- 
sie rouge et de la Eithuanie , de même 
qu'en Volhinie, en Podolie et en Pokutie, 
comme le témoigne Rzaczynski, mais non 
pas Jusque dans Les parties les plus septen- 
trionales de la Moscovie, commele prétend 
Ellis. En général, ces oiseaux paroissent 
appartenir spécialement aux climats plus 
chauds que froids. On en tua un de la 
plus grande taille, et qui pesoit vingt- 
cinq livres, dans l' ile de Mayorque, près 
de la baie d’Alcudia, en juin 1975. Il en 


\ 


DO De NMUB EE RCA N>i1T 203 
paroît tous les ans régulièrement sur les 
lacs de Mantoue et. d'Orbitello. On voit 
d'ailleurs par un passage de Martial , que: 
les pélicans étoient communs dans le 
territoire de Ravenne. On les trouve aussi 

… dans l'Asie mineure , dans la Grèce, et 
dans plusieurs endroits de la mer Médi- 
terranée et de la Propontide. Belon a 
même observé leur passage étant en mer, 
entre Rhodes et Alexandrie: ils voloient 
ev troupes du nord au midi, se dirigéant 
vers l'Égypte; et ce même observateur 
jouit une seconde fois de ce spectacle vers 
les confins de l’Arabie et de la Palestine. 
Enfin les voyageurs nous disent que les 
lacs de la Judée et de a yoeet les rives 

du Nil en hiver, ét celles du Strymou en 
été, vues du. A des.collines, paroissent 
"re tA par le grand nombre de pélicans 
qui ies couvrent. 

En rassemblant les témoignages des dif- 
férens navigateurs , nous voyons que les 
pélicans se trouvent dans toutes les con- 
trées méridiouales de notre continent, et 
qu'ils se retrouvent avec peu de diffé- 
rence et en plus grand nombre dans celles 


\ 


214 HISTOIRE N À TU RE: 


_du nouveau monde. Ils contra dgert. 
muns en Afrique. sur les bords du Séné- 
gal et de la Gambra, où les Nègres leur 
donnent le nom dé pokko : la grande Ù 
langue de terre qui barre l'embouchure. | 
de la première de ces rivières, en est rem- | 
plie. On en trouve de méme à Loangoet : 
sur les côtes d’Angola, de Sierra-Leona et 


de Guinée. Sur la baie de Saldana ils sont 


imélés à la multitude d'oiseaux qui semble 


reinplir l'air et la mer de rare plage. On . 


les trouve à Madagascar , à Siam , à la 
Chine, aux îles de la Phi ét aux 
Philippines, sur-tout aux pécheries du 


grand lac de Manille. On en rencontre 


quelquefois en mer; et enfin on en a vu 
sur les terres lointaines de lPOcéan in- 
dien, comme à la nouvelle Hollande, où 


M. Cook dit qu'ils sont PURE grosseur | 


extraordinaire 


En Aiédiqis , on areconnu des péli- 
KL 


e— 


cans depuis les Antilles et la terre ferme, 


-TVisthme de Panama et la baie de Cam- 


péche, jusqu’à la Louisiane et aux terres ; 


voisines de la baie d'Hudson. On en voit 


vbs sur les îles et les anses inhaitees 


près de Saint-Domingue, et en plus grande 
quantité sur ces petites îles couvertes de 
la plus belle. verdure , qui avoisinent la 
Guadeloupe, et que différentes espèces 
d'oiseaux semblent s'être partagées pour 
leur servir de retraite..'une de ces îles a 
même été nommée l’//e aux grands gosiers. 
Ils grossissent encore les peuplades des 
oiseaux qui habitent l’île d’ Aves; la côte 
très-poissonneuse des Sambales les attiré 
en grand nombre ; et dans celle de Pana- 
ma on les, voit fondre en troupes sur les 
bancs de sardines que les. grandes marées 
y.poussent ; enfin tous.les écueilis et les 
îlets voisins sont couverts de ces oiseaux 
en si grand. nombre, qu'on en charge 
des, canots , et qu’on. en fond la graisse, 
dout on se sert comme d’ huile, 

Le pélican. pêche en eau douce comme 
en mer; et dès-lors on ne doit pas être 
surpris de,le trouver sur les grandes ri- 
vières ;: mais il est singulier qu'il ne s’en 
tienne pas aux terres basses et humides 
arrosées par de grandes.rivières, et qu il 
fréquente aussi les pays les plus secs 
comme l'Arabie «et la Perse, où il est 


. 
ef É » (LR 
= [7 AT 


216 HISTOIRE NATURE L 
connu sous! le non dé porteur. nd 


cab}).Oua observé que comme il est CES à 


d'éloigner son nid des eaux trop fréquen- 


4 
tées par Îles Caravanes , il porte de très- 
loin de l’eau douce dans son sac à ses | 


petits. Les bons Musulmans disent très 
religieusement que Dieu a ordonné à cet 
oiseau de fréquenter le désert pour abreu- 


ver , au besoin , les pélerins qui vont à la 
Miébque ; cqune autrefois il envoya le 


corbeau qui ourrit Élie dans la solitude: 


Aussi les Égyptiens, en faisant allusion 


à la manière dont ce grand oiseau garde 


de l’eau dans sa ‘poche, P ont surnommé 


le chameau de la rivière. 


Au reste, il ne faut pas ériadée le 


pélican de Éithrie dont parle le docteur 
Shaw , avec le véritable pélican a puisque 
ce voyageur dit qu'il n est pas plus g gros 


qu’un vanneau. Il en est me: même du 


pélican de Kolbe , qui est P oiseau spatule. 
Pigafetta , après avoir bien reconnu le 


pélhican à La côte d’Angola, se trompe ef. 


donnant son nom à un oiseau de Loango 
à jambes hautes comme le hérom! Nous 
Bu aussi beaucoup que l'alcatraz, 


WU AA" 4 Le 


L 
PE 


DU PÉLICAN. 217 


que quelques voyageurs disent avoir ren- 


contré en pleine mer, entre l’Afrique et. 


l'Amérique, soit notre pélican , quoi- 
que les Espagnols des Philippines et du 
Mexique lui aient donné le nom d’a/catraz; 


car le pélican s'éloigne peu des côtes, et. 


sa rencontre sur mer annonce la proxi- 
mité de la terre. 
Des deux noms pelecan et onocrotale que 
les anciens ont donnés à ce grand oiseau , 
le dernier a rapport à son étrange voix, 
qu'ils ont comparée au braiement d’un 
âne. Kiein imagine qu'il rend ce son. 
bruyant le cou plongé dans l’eau. Mais ce 
fait paroît emprunté du butor; car le péli- 
can fait entendre sa voix rauque loin de 
l’eau , et jette en plein air ses plus hauts 
cris. Élien décrit etcaractérise bien le péli- 
can sous le nom de cela; mais l’on ne sait 
pas pourquoi il le donne pour un oiseau 
des Indes, puisqu'il se trouve et sans 
doute se trouvoit dès-lors dans la Grèce. 


ed 


Le premier nom pelecan a été le sujet 


d’une méprise des traducteurs d’Aristote, 

et même de Cicéron et de Pline ; on a 

traduit pelecan par platea ,; ce qui a fait 
Oiseaux, XVI. 19 


Re INyX nn 14 ni ÉTÉ bibi 
à 4 0 70) k 
( JA 


218 HISTOIRE NATURELLE 

confondre le pélican avec la spatule : “ et 
Aristote lui-même , en disant du pelecar 
qu'il rar des coquillages minces , et les 
rejette à demi digérés pour en séparer les 
écailles , lui attribue une habitude qui 
convient mieux à la spatule, vu la struc- 
ture de son œsophage ; car le sac du péli- 
can n’est pas un estomac où la digestion 
soit seulement commencée , et c’est im- 
proprement que Pline compare la manière 
dont l’onocrotale ( pélican ) avale et re- 
prend sés alimens, à celle des animaux 
qui ruminent. « nl n’y a rien ici, dit très- 
« bien M. Perrault, qui ne so dans le 
« plan général de l’organisation des oi- 
« seaux ; tous ont un jabot dans lequel 
« se resserre leur nourriture: ke pélican 
«l’a au dehors et le porte sous le béc , au 
« lieu de lavoir caché en dedans ét placé 
«au bas de lœsophage ; mais cé jabot 
« extérieur n’a point la chaleur digestive 
« de celui dés autres oiseaux , et le péli- 
« can rapporte frais dans cette poché les 
« poissons de sa pêche à ses petits. Pour 
« les dégorger, 1l ne fait que presser ce 
« saç sur sa poitrine; et c'est cet acte très- 

js 3 


DU PÉLICAN. 219 
« naturel qui peut avoir donné lieu à la 
« fable si généralement répandue, que le 
« pélican s'ouvre la poitrine pour nourrir 
« ses petits de sa propre substance. » 

Le nid du pélican se trouve communé- 
ment au bord des eaux ; il le pose à plate 
terre, et c’est par erreur et en confon- 
dant , à ce qu’il paroît, la spatule avec 


le pélican , que M. Salerne dit : Le il niche 


sur les arbres. Il est vrai qu'il s’y perche 


malgré sa pesanteur et ses larges pieds 
palmés ; et cette habitude, qui nous eñt 


moins étopnés dans les pélicans d'Amé- 
rique, parce que plusieurs oiseaux d’eau 
s'y perchent * , se trouve également dans 
les pélicans d’Afrique et d’autres parties 
de notre continent. | 

Du reste , cet oiseau, aussi vorace que 
grand déprédateur , engloutit dans une 
seule pêche autant de poisson qu'il en 
faudroit pour le repas de six hommes. 
Il avale aisément un poisson de sept ou 
huit livres ; on assure qu’il mange aussi 


* Voyez l’article des tinamous et des perdriæ 
de la Giuane, tome VIII de cette Histoire des 
oiseaux. 


230  HISTOIRÉ RATUELE 


des rats et d’autres petits animiaur Pier | 
dit avoir vu avaler un petit chat vivant | 
par un pélican si familier, qu'il venoit 
au marché, où les pécheurs se hâtoient 
de lui lier son sac, sans quoi il leur enle- 
voit. subtilement PS PrE0mR de pois- 
son. 

Il mange de côté ; et quand on lui jette 
un morceau , il le happe. Cette poche où : 
il emmagasine toutes ses captures, est 
composée de deux peaux : l’interne est 
continue à la membrane de l’œsophage ; 
l’extérieure n’est qu’un prolongement de 
la peau du cou ; les rides qui la plissent 
servent à retirer le sac, lorsqu’étant vide 
il devient flasque. On se sert de ces poches 
de pélican comme de vessies pour enfer- 
mer le tabac à fumer : aussi les appelle- 
t-on dans nos îles , blagues ou blades, du 
mot anglois biddér, qui signifie vessie. On 
prétend que ces peaux préparées sont 
plus belles et plus douces. dé des peaux 
d'agneau : quelques marins s’en font des 
bonnets ; les Siamois en filent des cordes 
d'instrumens , et les pêcheurs du Nil se 
servent du sac, encore attaché à la mâ- 


À OR * LE. Fat à T4. à v 
A NN h AD: RTE NP ENS 


DU PÉLICAN. * 91 
choire, i pour en faire des vases propres à 
rejeter l’eau de leurs bateaux , ou pour 
en contenir et garder ; car’ cette peau ne 
sepénètreninese corrompt par son séjour 
dans l’eau. 

Il semble que la Nature ait pourvu, 
par une attention singulière , à ce que le 
pélican ne füt point suffoqué quand ; 
pour engloutir sa proie, il ouvre à l’eau 
sa poche toute entière ; la trachée-artère, 
quittant alors les vertèbres du cou, se 
jette en devant, et s’attachant sous cette 
poche, y cause un gonflement très-sen- 
sible : en même temps deux muscles en 
sphincter resserrent l’œsophage de ma- 
nière à fermer toute entrée à l’eau. Au 
fond de cette même poche est cachée une 
langue si courte, qu’on a cru que l'oiseau 
n’en avoit point. Les narines sont aussi 
presque invisibles et placées à la racine 
du bec ; le cœur est très-grand; la rate 
très-petite; les cœcums également petits, 
et bien moindres à proportion que dans 
l'oie , le canard et le cygne. Enfin Aldro- 
vande assure que le pélican n’a que douze 


côtes, et il observe qu’une forte mein- 
19 


At PO UA NC eRAN : PET E ES 
‘ v+ y PF: ne . n 


222 HISTOIRE ! NATURELLE 


brane, fournie de muscles é épais, recouvre 
les nil des ailes. - 


Mais une observation très - intéressante. 
est celle de M. Méry et du P. Tachard, sur 
l'air répandu sous la peau du corps entier 
du pélican ; on peut même dire que cette 
observation est un fait général qui s’est 
manifesté d’une manière plus évidente 
dau le pélican , mais qui peut se recon- 
noître daus tous les oiseaux , et que M. 
Lorry, célèbre et savant médecin deParis, 
a démontré par la communication de 
l'air jusque dans les os etles tuyaux des 
plumes des oiseaux. Dans le pélican , Paix 
passe de la poitrine dans les sinus axil- 
laires, d’où il s’insinue dans les vésicules 
d'une membrane cellulaire épaisse etgon- 
flée, qui recouvre les muscles et enveloppe 
tout le corps, sous la membrane où les 
plumess’implantent ; ces vésicules en sont 
enflées au point qu’en pressant le corps 
de cet oiseau , on voit une quantité d'air 
fuir de tous côtés sous les doigts. C'est. 
dans l'expiration quel'air, comprimé dans 
la poitrine, passe dans les sinus , et de 
là se répand dans toutes les yésicules du 


DWPÉLICAN. 223 
tissu cellulaire ; on peut même, en souf- 
flant dans la trachée-artère , rendre sen- 
sible à l'œil cette route de l'air, et lon 
conçoit dès-lors combien le pélican peut 
augmenter pee - ]à son volume sans 
prendre plus dé poids , et combien le vol 
de ce grand oiseau doit en être facilité. 

Du reste , la chair du pélican n'avoit 
pas besoin d’être défendue chez les Juifs 
comme immonde; car elle se défend 
d'elle-même par son mauvais goût, son 
odeur de marécage et sa graisse huileuse: 
néaumoins quelques navigateurss’en sont 
accommodés. 


VARIÉTÉS DU PÉLICAN. 


7 ( 
Nous avons observé dans plusieurs 
articles de cette Histoire naturelle, qu’en 
général les espèces des grands oiseaux, 
comme celles des grands quadrupèdes, 
existent seules, isolées, et presque sans 
variétés; que de plus elles paroiïssent être ! 
par-tout les mêmes, tandis que sous 
chaque genre ou dans chaque famille de 
“petits animaux , et sur-tout dans celles 
des petits oiseaux , il y a une multitude 
de races, plus ou moins proches parentes, 
Dh mciioé on doune improprement le 
mom d'espèces. Ce nom espèce, et la no- 
tion métaphysique qu'il renferme, nous 
‘éloignentsouvent de la vraicconnoissance 
des nuances de la Nature dans ses produc- 
tions, beaucoup plus que les noms de 
variété, de race et de famille. Mais cette 
filiation , perdue dans la confusion des 
“branches et des rameaux parmi les petites 


PRONÈRE L TO ON 1 258 
espèces , se maintient entre les grandes ; 
car elles admettent tout au plus quelques 
variétés , qu'il est toujours aisé de rap- 
porter à l'espèce première , comme une 
branche immédiate à sa souche. L’au- 
truche , le casoar , le condor, le cygne, 
tous les oiseaux majeurs , n’ont que peu 
ou point de variétés dans leurs espèces ; 
ceux qu'on peut regarder comme les 
seconds en ordre de grandeur ou de foree, 
tels que la grue, la cigogne, le pélican, 
l’albatross, ne présentent qu’un petit 
nombre de ces mêmes variétés, comme 
nous allons l’exposer dans celles du péli- 
can , qui se réduisent à deux. 


28 CINE POUR SEE 


226 HISTOIRE NATURELLE 


} 


LE PÉLICAN BRUN#. 


Première variété. | 


Novs avons déja remarqué que le plu- 
mage du pélican estsujet à varier, et que, 
suivant l’âge, il est plus ou moins blanc, 
et teint d’un peu de couleur de rose : il 
semble varier aussi par d’autres circons- 
tances ; car il est quelquefois mêlé de gris 
et de noir. Ces différences ont été obser- 
vées entre des individus qui néanmoins 
étoient certainement tous de la mêmé es- 
pèce; or il y a si peu loin de ces mélanges 
de couleur à une teinte générale grise 
ou brune , que M. Klein n’a pas craint de. 
prononcer affirmativement que le pélican 
brun et le pélican blanc n'étoient que des 
variétés de la même espèce. Haus Sloane, 
qui avoit bien obServé les pélicans bruns 
d'Amérique , avoue aussi qu'ils lui pa- 
roissent être les mêmes que les pélicans 


* Voyez les planches enluminées , n° 957- 


DU PÉLICAN. 227 
blancs. Oviedo, parlant des grands gosiers… 
à plumage cendré que l’on rencontre sur 
pères aux Antilles, remarque qu'il 
en trouve en même ge d’un fort 
PT blanc ; et nous sommes portés à 
croire que la couleur brune est la livrée 
des plus jeunes, ear l’on a observé que 
ces pélicans bruns étoient généralement 
plus pétits que les blancs. Ceux qu'on a 
vus près dela baie d'Hudson, étoient aussi 
plus petits et de couleur cendrée : ainsi 
leur blanc ne vient pas de l'influence du 
chimat froid. La même variété de couleur 
s’observe dans les climats chauds de lan- 
cien continent. M. Sonnerat, après avoir 
décrit deux pélicans des Philippines , l’un 
brun , l’autre couleur de rose, soun- 
conne comme nous que c'est le même 
oiseau , plus ou moins âgé ; et ce qui con- 
dirme notre opinion, c’est que M. Brisson 
mous à donné un pélican des Philippines 
qui semble faire la nuance entre les deux, 
ét qui n’est plus entièrement gris ou 
brun , mais qui a encore les aïles et une 
_ partie du dos de cette couleur, cet Le reste 
blanc, 


f TR AP uilatl 
228 HISTOIRE NATURELLE. 3 


“ . " + 
F 


LE PÉLICAN A BEC DENTE! É. 


Seconde variété. 
LS 


S 1 la dentelure du bec de ce pélican du 
Mexique est naturelle et régulière comme 
celle du bec du harleet de quelques autres | 
oiseaux , Ce caractère particulier sufhroit 
pour en ue une espèce différente de la 
première , quoique M. Brisson ne la donne 
que comme variété : mais si cette dentes 
lure n’est formée que par la rupture acci= 
dentelle de la tranche mince des bords 
du bec, comme nous l’avons remarqué 
sur le bec de certains calaos, cette diffé- 
rence accidentelle, loin de faire un ca- 
ractère constant et naturel, ne mérite 
pas même d'être admise comme variété; 
et nous sommes d'autant plus portés à le : 
présumer, qu'on trouve, selon Hernan- 
dès, dans les mêmes lieux, le pélican 
ordinaire et ce pélican à bec dentelé. 


VE RE 
a otre E 


» 


CPP 


LE CORMORAN, 


Paquet D. i 


LE CORMORAN: 


Le nom cormorar se prononcoit ci-de- 
vant cormaren, cormarin, et vient de cor- 
beau marin ou corbeau de mer. Les Grecs ap- - 
peloient ce mème oiseau corbeau chause*® ; 
cependant il n’a rien de commun avec 
le corbeau que son plumage noir, qui 
méme diffère de celui du corbeau en 
ce qu’il est duveté et d’un noir moins 
profond. 

Le cormoran est un assez grand oiseau 
à pieds palmés , aussi bon plongeur que 


1 Voyez les planches enluminées, n° 927. 

Eu latin, corous aguaticus ; en italien, corvo 
marino ; en espagnol, cuervo calso ; en allemand, 
scarb , w'asser-rube; en anglois , cormorant ; 
dans quelques unes de nos provinces de France, 
crot-pescherot. mb 

2 Phalacrocoraz , à la lettre, corbeau chauve. 
Daus Aristote, on lit sainplement corax : maïs c’est 
d’un oiseau d’eau qu’il s’agit ; et aux caractères que 
je philosophe lui donne, on reconnoît clairement 
le eormoran. 

20 


EN NT ds tai 
h a a #3 


330 HISTOIRE Re 


nageur, et graud destructeur de poissôn. 
Il est à peu près de la grandeur de l'oie, * 
mais d’une taille moins fournie, plutôt 
mince qu'épaisse , et alongée par une d 
grande queue plus étalée que ne l'est À 


communément celle des oiseaux d’eau : 
cette queue est composée de quatorze 


plumes roides comme celles de la quéue « 
du pic; elles sont , ainsi que presque tout | 


le plumage, d’un noir lustré de verd. Le 
manteau est ondé de festons noirs sur un 


fond brun : mais ces nuances varient dans : 


différens individus; car M. Salerne dit que 


la couleur du plumage est quelquelois 


d’un noir verdètre. Tous ont deux taches 
blanches au côté extérieur des Jambes, 


avec une gorgerette blanche qui ceint le 


haut du cou en mentonnière, et il y a des 
brins blancs, pareils à des soies, hérissés 
sur le haut du cou et le dessus de la tête, 
dont le devant et les côtés sont chauves. 
Une peau également nue garnit le des- 


. Ê . «“ l£ 
sous du bec, qui est droit jusqu’à la 


À na Î À 
pointe, où il se recourbe fortement ent 
un croc très-aigu. 

Cet oiseau est mn petit nombre de ceux 


Fr 


Le 


DU CORMORAN.  23r 
qui ont les quatre doigts assujettis et liés 
ensemble par une membrane d’une seule 
pièce, et dont le pied, muni de cette 
large rame , sembleroit indiquer qu'il est 
très-grand nageur : cependant il reste 
moins dans l’eau que plusieurs autres o1- 

* scaux aquatiques dont la palme n’est ni 
aussi continue ni aussi élargie que la. 
sienne ; il prend fréquemment son essor, 
et se perche sur les arbres. Aristote lui 
attribue cette habitude , exclusivement à 
tous les autres oiseaux palmipèdes :néan- 
moins il l’a commune avec le pélican, 
le fou , la frégate, l’anhinga et l'oiseau 
du tropique; et ce qu'il y a de singulier, 
c'est que ces oiseaux forment , avec lui, 
le petit nombre des espèces aquatiques 
qui ont les quatre doigts entièrement en- 
gagés par des membranes continues. C’est 
cette conformité qui a donné lieu aux 
ornithologistes modernes de rassembler 
ces cinq ou six oiseaux en une seule fa- 
mille , et de les désigner en commun 
sous le nom générique de pélican *. Mais 


* Klein, Linné, ont formé cette famille : le 


232 HISTOIRE NATURELLE 
ce n’est que dans une généralité scholas- 

tique, et en forçant l’analogie , que l’on 

peut, sur le rapport unique de la simili- 

tude d’une seule partie, appliquer le 

même nom à des espèces qui diffèrent 

autant entre elles que celle de l'oiseau du 

tropique, par exemple, et celle du véri- 

table pélican. 

Le cormoran est d’une telle adresse à 
pêcher, et d’une si grande voracité, que 
quand il se jette sur un étang, il y fait 
seul plus de dégât qu’une troupe entière 
d’autres oiseaux pécheurs. Heureusement 
1 se tient presque toujours au bord de la 
ner , et il est rare de le trouver dans les 
contrées qui en sont éloignées. Comme il 
peut rester long-temps plongé, et qu'il 
nage sous l’eau avec la rapidité d’un trait, 
sa proie ne lui échappe guère, etilrevient 
presque toujours sur l’eau avec un pois- 
son en travers de son bec. Pour l’avaler, 
il fait un singulier manége ; il jette en 
l'air son poisson , et il a l’adresse de le 
recevoir la tête la première, de manière 


” cormoran y figure sous le nom de pelecanus carbo; 
la frégate . sous celui de pelecanus aquilus , etc. 


/ 


DU CORMORAN 23 


que les nageoires se couchent au passage 
du gosier, tandis que la peau membra- 
neuse qui garnit le dessous du bec , prête 
et s'étend autant qu'il est nécessaire pour 
admettre et laisser passer le corps entier 
du poisson | qui souvent est fort gros en 
comparaison du cou de l'oiseau. 

Dans quelques pays, comme à la Chine, 
<t autrefois en Angleterre, on a su mettre 
à profit le talent du cormoran pour la 
pêche, et en faire, pour ainsi dire, un 
pêcheur domestique , en lui bouclant 
d’un anneau le bas du cou pour l’empé- 
cher d’avaler sa proie, et l’accoutumant 
à revenir à son maître en rapportant le 
poisson qu'il porte dans le bec. On voit 
sur les rivières de la Chine des cormorans 
ainsi bouclés, perchés sur l'avant des ba- 
teaux, s’élancer et plonger au sigual qu’on 
donne en frappant sur l’eau un coup de 
rame , et revenir bientôt en rapportant 
leur proie qu’on leur ôte du bec. Cet exer- 
cice se continue jusqu'à ce que le maître, 
content de la pêche de son oiseau, lui 


délie le cou et lui permette d'aller pêcher 
pour son propre compte. de 


Fo. 


KE PNA ANEET TS PEAR 
234 HISTOIRE NATURELRE 4 

La faim seule donne de l'activité au 
cormoran ; il devient paresseux et di 
dés qu'il est rassasié : aussi prend- -1l beau- 
coup de graisse; et quoiqu'il ait une 
odeur très-forte et que sa chair soit de 
inauvais goût, elle n’est pas toujours 


dédaignée par les matelots, pour qui le 
rafraîchissement le plus simple ou le plus, 


grossier est souvent plus délicieux que les 
imcts les plus fins ne le sont pour notre 
délicatesse. 

Du'moins les navigateurs peuvent trou- 
ver cemauvais gibier sur toutes les mers ; 
car on a rencontré le cormoran dans les 
parages les plus éloignés, aux Philip- 
pimes ; à la nouvelle Hollande, et Jus- 
qu'à la nouvelle Zélande. IE y a dans la 
baie de Saldana une île nommée l’{e des 
cormorans, parce qu'elle est, pour ainsi 
cire, couverte de ces oiseaux. Ils ne sont 
pas moins communs dans d’autres en- 
droits voisins du cap de Bonne-Espérance. 
« On en voit quelquefois, dit M. Le vicoïate 
« de Querhocnt , des volées. de plus de 
« trois cents dans la rade du cap. Ïls sont 
« peu craintifs; ce qui vient, sans doute, 

, 


f 
{ 


Er 


‘DU CORMORAN. 235 
« de ce qu'on leur fait peu la guerre. Ils 
« sont naturellement paresseux ; J'en ai 
« vu rester plus de six heures de suite sur 
« les bouées de nos ancres. Ils ont le bec 
« garni en dessous d’une peau d’une belle 
«couleur orangée, qui s'étend sous la 
« gorge de quelques lignes, et s’enfle à 
« volonté; l'iris est d’un beau verd clair; 
« la pupille noire ; le tour des paupières 
« bordé d’une peau violette ; la queue 
« conformée comme celle du pic, ayant 
« quatorze pennes dures et aiguës. Les 


« vieux sont entièrement noirs; mais les 


« jeunes de l’année sont tout gris, et n’ont 
« point la peau orangée sous ke bec. Ils 
« étoient tous très-gras. » 

Les cormorans sont aussi en très - grand 
nombre au Sénégal, au rapport de M: 
Adanson. Nous croyons également les 
reconnoître dans les plutons de l'ile Mau- 
rice du voyageur Leguat ; et ce qu’il y a 
d'assez singulier dans leur nature , c’est 
qu'ils supportent également les chaleurs 
de ce climat et les frimas de la Sibérie : 
il paroît néanmoins que Îes rudes hivers 
de ces régions froides les obligent à quel- 


? Ml) Ps te di ad due ds, 
236 HISTOIRE pe 0 À 7 


Y 
ques migrations; car on observe que ceux À 
qui habitent en été les lacs des environs 
de Selinginskoi, où on leur donne le nom 
de baclans, s'en vont en automne au lac 
de Baïkal pour y passer l'hiver. Il en doit 
être de même des ouriles ou cormorans 
de Kamtschatka, bien décrits par M. 
Krascheninicoff , et reconnoissables dans 
de récit fabuleux des Kamtschadales, qui 
disent que ces oiseaux ont échangé leur 
langue avec les chèvres sauvages, contre 
les touffes de soie blanche qu'ils ont au 
cou et aux cuisses, quoiqu'il soit faux 
que ces oiseaux n'aient point de langue, 
et qu'ils crient soir et matin, dit Steller, 
d’une voix semblable au sc d'une petite 
trompette enrouée. ; 

Ces cormorans de Kamtschatka passent 
la nuit rassemblés par troupes sur les 
saillies des rochers escarpés, d’où ils 
tombent souvent à terre pendant leur 
sommeil, et deviennent aidé la proie des | 
renards, qui sont toujours à l'affût. Les 
Kiabiéhaänies vont pendant le jour dé- 
_ nicher leurs œufs, au risque de tomber 
dans les précipices ou dans la mer; et 


'BDU/CORMORAN. \: 23 
pour prendre les oiseaux mêmes, ils ne 
font qu’attacher un nœud coulant au 
bout d’une perche ; le cormoran, lourd 
_et indolent , une fois gîté, ne bouge pas, 
et ne fait que tourner la tête à droite et à 
gauche pour éviter le lacet qu'on lui pré- 
sente , et qu’on finit par lui passer au 
cou. | 
Le cormoran a la tête sensiblement ap- 
platie, comme presque tous les oiseaux 
plongeurs; les yeux sont placés très en 
avant et près des angles du bec, dont la 
substance est dure, luisante comme de la 
corne ; les pieds sont noirs , courts et très- 
forts; le tarse est fort large et applati 
latéralement ; l’ongle du milieu est inté- 
rieurement dentelé en forme de scie, 
comme celui du héron ; les bras des ailes 
sont assez longs, mais garnis de pennes 
courtes, ce qui fait qu’il vole pesamment, 
comme l’observe Schwenckfeld : maïs ce 
naturaliste est le seul qui dise avoir re- 
marqué un osselet particulier , lequel, 
prenant naissance derrière le crâne, des- 
cend , dit-il, en lame mince pour s’im- 
planter dans les muscies du cou. 


Lx D D te VU Ah ts 
238 HISTOIRE NATURELLE 


LE PETIT CORMORAN, 
O U | | | 


LE NIGAUD*. 


L A pesanteur ou plutôt la paresse natu- 
-relle à tous les cormorans est encore plus 
grande et plus lourde dans ce petit cor- 
moran, puisqu'elle lui a fait donner par 
tous les voyageurs le surnom de szagg, 
niais ou nigaud. Cette petite espèce de cor- 
moran n’est pas moins répandue que la 
première. Elle se trouve sur-tout dans les 
îles ct les extrémités des continens aus- 
traux ; MM. Cook et Forster l'ont trouvée 
établie à l’île de Georgie. Cette dernière 
terre , inhabitée , presque inaccessible à 
l'homme , est peuplée de ces petits cor- 
morans , qui en partagent le domaine 


* En anglois, skagg, cont et sea-crow. 


#A 


| 
DOVORMOREAN 23 

avec les pinguins, et se cantonnent dans 
les touffés de cé gramen grossier qui est 
presque 1e seul produit de la végétation 
dans cette froide terre, ainsi que dans 
_célle des États, où l’on trouve de même 
ces oiseaux en grande quantité. Une île 
qui, dans le détroit de Magellan, eu 
parüt toute peuplée, recut de M. Cook le 
nom de Shagg ou fle des Nigauds. C’est 
là, c’est à ces extrémités du globe où la 
Nature, engourdie par le froid, laisse 
encore subsister Cinq ou six espèces d’a- 

_ nimaux volatiles ou amphibies, derniers 
_babitans de ces terres envahies par le re- 
froidissement ; ils y vivent dans un calme 
apäthique , qu'on peut regarder comme 
le prélude du silence éternel qui bientôt 
doit régner dans ces licux. « On est éton- 
« né, dit M. Cook, de la paix qui est éta- 
« biie dans cette terre; les animaux qui 
« l’habitent paroissent avoir formé une 
« ligue pour ne pas troubler leur tranqüil- 
« hité mutuelle : les lions de iner occupent 


ZT % 


:« Ja plus grande partie de la côte; les ours 
« marins habitent l’intérieur de l’île ; et 
« les nigauds, les rochers les plus élevés : 


| RARES CALE UE eng 
240 HISTOIRE NATURELLE 

«les pinguins s’établissent où il leur est 
« plus aisé de communiquer avec la mer, 
«et les autres oiseaux choisissent des 
« lieux plus retirés. Nous avons vu tous 
« ces animaux se mêler et marcher en- 
« semble comme un troupeau domestique, 
« ou comme des volailles dans une basse- 


« COUT, sans jamais essayer de se faire du 
« mal. » 


Dans ces terres à demi glacées, entière 
ment dénuées d'arbres, lesnigauds nichent 
sur les flancs escarpés ou les saillies des 
rochers avancés sur la mer. Dans quel- 
ques cantons on trouve leurs nids sur les 


petits mondrains où croissent desglaïeuls, 


ou sur les touffes élevées de ce grand gra- 
men dont nous venons de parler.lls y 
sont cantonnés et rassemblés par milliers. 
Le bruit d’un coup de fusil ne les disperse « 
pas ; ils ne font que s'élever à quelques 
pieds de hauteur , et ils retombent en- 
suite sur leurs nids. Cette chasse n’exige 
pas même l'arme à feu; car on peut les 
tuer à coups de perches et de bâtons, 
sans que l'aspect: de leurs compagnons 
gisans ct morts auprès d'eux les émeuve 


MU CORMORAN. 24 
assez pour les faire fuir et se soustraire au 
même sort. Au reste, leur chair, celle 
des jeunes sur-tout, est assez bonne à 
manger. | 

Ces oiseaux ne vont pas loin en mer ; 
et rarement perdent de vue la terre; ils 
sont, comme les pinguins, revêtus d’une 
plume très-fournie et très - propre à les 
défendre du froid rigoureux et continu 
des régions glaciales qu'ils habitent. M. 
Forster paroît admettre plusieurs espèces 
ou variétés dans celle de cet oiseau ; mais 
comme il ne s'explique pas nettement sur 
leur diversité, et qu’il ne suffit pas, sans 
doute, de la différente manière de nicher 
sur des mondrains ou dans des crevasses 
de rocher pour différencier des espèces, 
nous ne décrirons ici que le seul petit 
cormoran ou nigaud, que nôus connois- 
sons dans nos contrées. 

On en voit en assez grand nombre sur 
la côte de Cornouaïilles en Angleterre’, et 
dans la mer d'Irlande, sur-tout à l’île de 
Man. Il s’en trouve aussi sur les côtes de 
la Prusse , et en Hollande près de Seven- 
buis, où ils nichent sur les grands arbres, 


21 


FÈ 
EC 


EYE ES re 
Wr L D Da 


242 HISTOIRE NATURELLE) | 
Willughby dit qu'ils nagent le corps plon- 
gé, et la tète seule hors de l’éau, ét 
qu'aussi agiles , aussi prestes dans cet élé- 
ment qu'ils sont lourds sur la terre, ils 
évitent le coup de fusil en y énfonçant la 
tête à l'instant qu'ils voient le feu. Du 
reste, cé petit cormoran a les mêmes ha- 
bitudes naturelles que le grand, auquel 
il ressemble en général par la figuré et les 
_ couleurs ; les différences consistent én ce 
qu’il a Le corps et les membres plus petits 
ét plus minces, que son plumage ést brun 
sous le corps , Que sa gorge n'est pas nue, 
et qu’il n’y a qué douze pennés à la queue. 
. Quelques ornithologistes ont donné à 
ce pétit cormoran Île nom de geai à pieds 
palmés ; mais c’est avec aussi peu de rai- 
son que le vulgaire en a eu d’appeler le 
grand cormoran , corbeau d’eau. Ces geais 
à pieds palmés que Île capitaine Wallis à 
réncontrés dans la mer Pacihique , sont 
apparemment de l'espèce dé notre petit 
corinoran , êt nôus lui rapportérons éga- 
lement lés jolis cormorans que M. Cook a 
vus nichés par grosses troupes dans de 
petits creux que ces oiscaux sémbloieut 


* 


DU CORMORAN. 243 
avoir agrandis eux-mêmes contre la roche 
feuilletée dont les coupes escarpées hor- 
dent la nouvelle Zélande. | 

L'organisation intérieure de cet oiseau 
offre plusieurs singularités que nous rap- 
perterons ici d’après les observations de 
MM. de l'académie des sciences. Un an- 
neau osseux embrasse la trachée-artère 
au-dessus de la bifurcation ; le pylore 
n’est point percé au bas de l’estomac, 
comme à l'ordinaire, mais ouvert dans 
le milieu du ventricule, en laissant la 
moitié d’en bas pendante au-dessous, 
comme. un sac ; et cette partie inférieure 
cst fort charnue, et assez forte de muscles 
pour faire remonter par sa contraction 
les alimens jusqu’à l’orifice du pylore; 
l’œsophage souiïlé s’enfle jusqu’à paroître 
faire continuité avec le ventricule ,. qui 
sans cela en est séparé par un étrangie- 
nent ; les intestins sont renfermés dans 
un épiploon fourni de beaucoup de 
graisse de la consistance du suif. Ce fait 
est une exception à ce que dit Pline, 
qu’en général les animaux ovipares n’ont 
pas d’épiploon. La figure des reins cst 


in AE EE 

244 HISTOIRE NATURELLE et. 
aussi | particulière : ils ne sont’ point sépa- 
rés en trois lobes, comme dans les autres 
oiseaux, mais dentelés en crête de coq 
sur leur portion convexe, et séparés du 
reste du bas-ventre par une membrane 
qui les recouvre. La cornée de l'œil est 
d’un rouge vif, et le crystallin approche 
dela forme sphérique, comme dans les 
poissons. La base du bec est garnie d’une 
peau rouge, qui entoure aussi l’œil ; l’ou- 
verture des narines n’est qu’une fente si 
petite, qu’elle a échappé aux observa- 
teurs, qui ont dit que les cormorans, 
grands et petits, n’avoient point de na- 
xines. Le plus grand doigt dans les deux 
espèces est l'extérieur, et ce doigt est 
composé de cinq phalanges, le suivant 
de quatre, le troisième de trois, et le der-. 
nier, qui est le plus court, de deux pha- 
-langes seulement. Les pieds sont d'un noir 
luisant , et armés d'ongles pointus*. Sous 
* M. Perrault réfute sérieusement la fable de 
Gesner, qui dit qu'il y a une espèce de cormoran 
qui a un pied membraneux avec lequel 1l nage, 


et l’autre dont les doigts sont nuds, et avec lequel 
il saisit sa proie. 


en. 


DU CORMORAN 245 
les plumes est un duvet très-fin, ct aussi 
épais que celui du cyg gne. De petites plumes 
soyeuses et serrées comme du velours 
couvrent la tête, d’où M. Perrault infère 
que le cormoran n est point le corbeau 
chauve (phalacrocorax) des anciens: mais 
il auroit dû modifier son assertion , ayant 
lui-même observé précédemment qu'il se 
trouve au bord de la mer un grand cor- 
moran différent du petit cormoran qu'il 
décrit; et ce grand cormoran , qui a la 
tête chauve, est, comme nous l'avons 
vu, le véritable plalacrocorax des anciens, 


31 


— 
LES HIRONDELLES 


k f. 
$ Ü 
LU 
. 


: Î 


DE MER *. 


_ 


D ANS le grand nombre des noïms trans- 


portés , pour la plupart sans raison, des 
animaux de la terre à ceux de la mer, 
il s'en trouve quelques uns d’assez feu 


eusement aPRASRÉ { comme celui d’Ai- 


rondelle qu'on a donné à une petite fa- 
mille d'oiseaux pecheurs, qui ressemblent 
à nos hirondelles par leurs longues ailes 
ct leur queue fourchue, et qui, par leur 
vol constant à la surface des eaux, repré- 
sentent assez bien sur la plaine liquide 


. les allures des hirondelles de terre dans 


nos campagnes et autour de nos habita- 


* En anglois, sea-swallow; en allemand, see 
schwalbe; en suédois et dans d’autres langues du 
Nord , iaern ,.terns , stirn, d'où Turner a dérivé 


Je nom de sterna, adopté par Îles nomenclateurs 


pour distinguer ce genre d'oiseaux. Sur nos côtes 
de l'Océan, les hirondelles de mer s'appellent goë- 


leties. 


1 


HISTOIRE NATURELLE. 247 
tions : non moins agiles et aussi vaga- 
bondes, les hirondelles de mer rasent les 
eaux d’une aïle rapide, et enlèvent en 
volant les petits poissons qui sont à la. 
surface de l’eau, comme nos hirondelles 
y saisissent les insectes. Ces rapports de 
forme et d’habitudes naturelles leur ônt 
fait donner, avec quelque fondement, le 
nom d’Airondelles, malgré les différences 
essentielles de la forme du bec ét de la 
conformation des pieds, qui, dans les 
hirondelles de mer, sont garnis de peé- 
tites membranes retirées entre les doigts, 


ct ne leur servent pas pour nager *; car 


il semble que la Nature n'ait confié ces 


oiseaux qu'à la puissance de leurs ailes, 
qui sont extrémement fongues et échan- 
crées, comme celles de nos hirondelles. 
lis en font le meme usage pour pianer, 
cigler, plonger dans Pair, en élevane, 
rabaissant, coupant, croisant lcurs vols 
de mille ct mille manières , suivant que 
le caprice , la gaieté ou l'aspect de la 

* D'où vient qu’Aldrovande, en regardant les 
birondelles de mer comme de petits goëlands, les 
disungue par le nom de go#fands à pieds fenaus. 


248 HISTOIRE NATURET jé 

proie fugitive dirigent leurs mouve- 
mens *: ils ne la saisissent qu’au vol, ou 
en se posant un instant sur l’eau saus la 


poursuivre à la nage; car ils n'aiment 


point à nager, quoique leurs pieds à demi 
membraneux puissent leur donner cette 
facilité. Ils résident ordinairement sur les 
rivages de la mer, et fréquentent aussi les 
lacs et les grandes rivières. Ces hirondelles 
de mer jettent en volant de grands eris 
aigus et pereans, comme les martinets, 
sur-tout lorsque par un temps ealme elles 
s'élèvent en l'air à une grande hauteur, 
ou quand elles s’attroupent en été poux 
faire de grandes courses, mais en parti- 
culier dans le temps des nichéés , car elles 
sont alors plus inquiètes et plus clameuses 
que jamais: elles répètent et redoublent 
* « Les marins donnent à tous ces oiseaux légers 
« qu'on trouve au large, le nom de crorseurs lors- 
« qu’ils sont grands, et de goëlettes lorsqu'ils sont 
« petits » Remarques faites par M. le vicomte de 
Querhoent; et par les notices jointes aux remar- 
ques de cet excellent observateur , nous reconnois- 


sons en effet dans ces croiseurs et ces goëleltes des | 


_ Hirondeiles de mer. 


4 
2 
ri 
£ 
5 
À 
LA 


WW 'ETJTIA n PAT 
| DES HIRONDELLES DE MER. 249 
incessamment leurs mouvemens et leurs 
cris ; et comme elles sont toujours en 
très-grand nombre, l'on ne peut, sans eu 
être assourdi, approcher de la plage où 
elles ont déposé leurs œufs ou rassemblé 
leurs petits !. Elles arrivent par troupes 

‘sur nos côtes de l'Océan au commence- 
ment de mai°; la plupart y demeurent, 
et n’en quittent pas les bords; d’autres 
voyagent plus loin, et vont chercher les 
lacs, les grands étangs 5, en suivant les 
rivières; par-tout elles vivent de petite 
pêche, et même queiques unes gobent en 
l’air les insectes volans. Lebruit des armes 
à feu ne les effraie pas : ce sisnal de dan- 
ser, loin de les écarter, semble les attirer; 
car à l'instant où le chasseur en abat une 
dans la troupe, les autres se précipitent 


1 Cest d'elles et de leurs cris importuns que 
Turner dérive le proverbe fait pour le vaiu babil 
des parleurs impitoyäbies , /orus parturit.. 

3 Observation faite sur celles de Picardie, par 
M. Baillon. 

5 Comme celui de Lindre, près de Dicuze en 
Lorraine, qui, en embrassant ses détours el ses 
golfes, a sept lieues de circuit, 


WC. fin 
259 HISTOIRE NATURELLE a 
en foule alentour de leur compagne bles | 
sée, et tombent avec elle FEU S fleur 
d'eau. On remarque de même que nos 
hirondelles de terre arrivent quelquefois 
au coup de fusil, ou du moïns qu’elles 
n'en sont pas assez émues pour s'éloigner 
beaucoup. Cette habitude ne viendroït- 
cile pas d’une confiance aveugle ? Ces 
oiseaux, emportés sans cesse par un vol 
rapide, sont moins instruits que ceux qui 
sont tapis dans les sillons où perchés sur 
les arbres; ils n’ont pas appris, comme 
cux , à nous observer, nous reconnoître, 
et fuir leurs plus dangereux ennemis. 

Au reste, les pieds de lhirondelle de 
mer ne diffèrent de ceux de l'hirondelle 
de terre qu'en ce qu’ils sont à demi pal- 
imés; car ils sont de méme très-courts, 
très-petits, et presque inutiles pour la 
marche. Les ongles pointus qui arment 
les doigts, ne paroissent pas plus néces+ 
saires à l'hirondelle de mer qu’à celle de 
terre , puisque toutes deux saisissent éga- 
lement leur proie avec le bec : celui des 
hirondelles de mer est droit , efñlé en 
pointe, lisse, sans dentelures ; et applati 


î 


- 


NY A 
X 


DES RIRONDELBES DE MER. 25€ 
par les côtés. Les ailes sont si longues, 
que l'oiseau en repos paroît en être em- 
barrassé, ét que dans l’air il semble être 
tout aile : mais si cette grande puissance 
de vol fait de l'hirondelle de mer un oi- 


seau aérien, elle se présente comme un 


oiseau d’eau par ses autres attributs; car, 
indépendamment de la membrane échan- 
crée entre les doigts, eile a, comme pres- 
que tous les oiseaux aquatiques, une pe- 
tite portion de la jambe dénuée de plumes, 
et le corps revêtu d’un duvet fourni et 
très-serré. 

Cette famille des hirondelles de mer est 
composée de plusieurs espèces, dont la 
plupart ont franchi les océans et peuplé 
leurs rivages. On les trouve depuis les 
mers , les lacs * ét les rivières du Nord, 
jusque dans les vastes plages de l’Océau 
austral; ét on les rencontre dans pres- 
que toutes les régions intermédiaires. 
Nous allons en donner Îles preuves, en 
faisant la description de leurs différéntes 
espèces, et nous commencerons parcelles 
qui fréquentent nos côtes. 

* Le nom même de faern , stern ; donné par les 


Sepieutrionaux à ces hiroudelies, siguike Zac. 


L 


252 HISTOIRE NATURELLE. 


LE PIERRE-GARIN, 
O U 


LA GRANDE HIRONDEL, LE DE MER DE 


Ni s plaçons i ici, comme première es- 
pèce , , Ja plus grande des hirondelles de 
mer qui se voient sur nos côtes : elle a 
près de treize poucés du bout du bec aux 
ongles , près de seize jusqu’au bout de la 
queue, et presque deux pieds d’enver- 
gure. Sa taille fine et mince, le joli gris 
de son manteau, le beau Hisné de tout le 
devaut du corps, avec une calotte noire 
sur la tête, et le bec et les picds rouges 3 
en font un Di oiseau. 

* Voyez les planches enlumimées, n° 087. 

C’est proprement cette espèce dont-le nom en 
suédois est /aerna. 


Zom10 . Lg Lay 292 


LE PIERRE -GARIN 07 


LA GRANDE HIRONDELLE DE MER. 
| de nos (OLes . 


{ D anguet- d. 


 v 
: L ce 
Le 


DES HIRONBELLES DE MER. 259 


Auretour du printemps, ceshirondelles, | 
qui arrivent en grandes troupes sur nos 
côtes maritimes , se séparent en bandes , 
dont quelques unes pénètrent dans l’inté- 
rieur de nos provinces, comme dans l’Or- 
léanois ! , ‘en Lorraine, en Alsace?, ct 
peut-être plus loin, en suivant lesrivières, 
et s’arrêtant sur les lacs et sur les grands 
étangs; mais le gros de l’espèce reste sur 
les côtes et se porte au loin sur les mers. 
M. Ray a observé que l’on a coutume d’er 
trouver en quantité à cinquante lieues au 
large des côtes les plus occidentales de 
l'Angleterre, et qu'’au-delà de cette dis- 
tance on ne laisse pas d’en rencontrer 
encore dans toute la traversée jusqu'à 
Madère ; qu’enfin cette grande multitude 
paroît se rassembler pour nicher aux Sal- 
vages, petites îles désertes peu distantes 
des Canaries. 

Sur nos côtes de Picardie, ces hiron- 


1 M. Salerne dit qu’en Sologne on l'appelle pet, 
criard. 


2 Sur le Rhin, vers Strasbourg , on lui donne le 
nom de speurer, suivant Gesner. 
Oiseeur, XV I: 22 


PA } Cf 
- 


254 HISTOIRE NATURELLE 


_ delles de mers ‘appellent pierre-garins. Ce 
sont, dit M. Baillon, des oiseaux aussi . 
vifs ue légers, des pêcheurs hardis et: 
adroits ; ils se précipitent dans.la mer sur 
le poisson qu'ils guettent, et après avoir 
plongé , serelèvent, et souvent remontent 
en un instant à la même hauteur où ils 
étoient en l'air. Ils digèrent le poisson 
presque aussi promptement qu’ils le pren- 
nent; car il se fond en peu de temps dans 
leur estomac : la partie qui touche le fond 
du sac se dissout la première, et l’on a 
observé ce même effet dans les hérons et 
dans les mouettes ; mais en tout la force 
digestive est si grande dans ces hirondelles 
demer, qu’elles peuvent aisément prendre 
un on repas une heure ou deux après 
le premier. Elles se battent fréquemment 
en se disputant leur proie, et avalent des 
poissons plus gros que le pouce , et dont 
la queuc leur sort par le bec. Celles que 
lon prend et qu'on nourrit quelquefois 
dans les Jardins * 


, ne refusent pas de 
* « J'en ai eu plusieurs dans mon jardin, où je 

«nai pu les garder long-temps, à cause de l’im- 

« portunité de leurs cris continuels, même pendan* | 


_ + 


: DES HIRONDELLES DE MER. 255 
manger de la chair ; mais il ne paroît pas 
qu’elles y touchent dans l’état de liberté. 

Ces oiseaux s'apparient dès leur arrivée, 
dans les premiers Jours de mai. Chaque 
femelle dépose dans un petit creux, sur 
le sable nud, deux ou trois œufs fort 
gros, eu égard à sa tañile; le canton de 
sable qu'elles choisissent pour cela, est 
toujours à l’abri du vent de nord, et au- 
dessous de quelques petites dunes. Si l’on 
approche &e leurs nichées , les pères et 
mères se précipitent du haut de l'air, ct 
arrivent à l’homme cn jetant de grands 
cris redoublés d'inquiétude et de colère. 

Leurs œufs ne sont pas tous de la mème 

- couleur ; les uns sont fort bruns, d’autres 
_ sont gris, et d’autres presque verdâtres : 
apparemment ces derniers sont ceux des 
Jeunes couples; car ils sont un peu plus 
g la nuit. Ces oiseaux captifs perdent d'ailleurs 
« presque toute leur gaieté : faits pour s éhattre en 

« lair, 1ls sont génés à terre; leurs pieds courts 
« s’embarrassent dans tout ce qu'ils renconirent. » 
Extrait d’un Mémoire de M. Baïllon sur Les 
pierre-garins , d'où nous trons les détails de 
Phistoire de ces ciseaux. 


L1 ur Al Ÿ ” LÉ 
+ : Cie 


+ pis 
L 


256 HISTOIRE NATURE Rs Li 
petits, et l’on sait que, dde D des L. 
oiseaux dont les œufs sont teints, ceux « 
des vieux ont les couleurs plus foncées , | 
etsont un peu’ plus gros et moins pointus M 
que ceux des jeunes , et sur-tout dans les 
premières pontes, La femelle, dans cette 
espèce, ne couve que la ne et pen- 
dant le Jour quand il pleut ; elle aban- 
donne ses œufs à la chaleur du soleil dans 
tous les autres temps. « Lorsque le ra 

« temps est beau, m’écrit MäBaillou , 

« sur-tout Ra les nichées ont com- 
«imencé par un temps chaud, les trois 

« œufs qui composent ordinairêment la 

« ponte des pierre- garins, éclosent en 

« {rois Jours cousécutivement : le premier 

« pondu devance d’un jour le second, qui 
« de inéème devance le troisième 


, parce 
« que le développement du germe, qui ne 
« date dans celui-ci que de l'instant de 
« l’incubation commencée, a été hâté 
« dans les deux autres par la chaleur du 
« soleil qu'ils ont éprouvée sur Île sable. 

« Si le temps a été pluvieux ou seulement 
« nébuleux lors de la ponte, cet effet n’ar- 


« rive pas, ctles œufs éclosent ensemble, 


DES HIRONDELLES DE MER. 257 
« La même remarque a été faite sur les 
« œufs des alouettes et des pies de mer, 
«et l’on peut croire qu’il en est encore 
« de même pour tous les oiseaux qui 
« pondent sur le sable nud des rivages. 
« Les petits pierre - garins éclosent cou- 
« verts d’un duvet épais, gris blanc, et 
« semé de quelques taches noires sur la 
« tête et le dos ; ils se traînent et quittent 
« le nid dès qu'ils sont nés ; le père et la 
< mère leur apportent de petits lambeaux 
« de poisson, particulièrement du foie 
« et des ouïes. La mère venant le soir cou- 
« ver l’œuf non éclos, les nouveau-nés se 
« mettent sous ses ailes. Ces soins mater- 
< nels ne durent que peu de Jours; Les 
« petits se réunissent pendant la nuit, ct 
se serrent des uns contre les autres. Les 
« père et mère ne sont pas long-tempsunon 
« plus à leur donner à mauger dans Île 
« bec; mais, sans descendre chaque fois 
« jusqu’à terre, 1ls laissent tomber et font, 


À 


« pour ainsi dire, pleuvoir sur eux Ja 
« nourriture : les jeunes , déja voraces , 
« s’entre-battènt et se la disputent entre 
« eux en jetant des cris. Cependant leurs 


22 


FRE Va DR SE 
258 HISTOIRE NA TURELLE | 
« parens ne cessent pas de veiller sur eux 
«du haut de l'air : un cri qu’ils jettent 
« en planant, donné l'alarme , et à l’ins- 
«tant les petits demeurent immobiles , 
« tapis sur le sable ; ils seroiént alors dif- 
« ficiles à découvrir, si les cris mêmes de 
«ia mère n'’aidoient à les faire trouver. 
« Ils ne fuient pas, et on les ramasse à la 
« main comme des pierres. | 
« Ils ne volent qué plus de six sémaies 
_« après qu'ils sont éclos , parce qu'il faut 
« tout ce temps à leurs longues ailes pour 
« croître; semblables en cela aux hiron- 
« delles de terre, qui restent plus loug- 
«temps dans le nid que tous les autres 
« oiseaux de mêmegrandeur, etensortent 


«mieux emplumées. Les premières plumes 
‘« qui poussent à ces jeunes pierre-garins, 
« sont d’un gris blanc sur la tête, le dos 
«et les ailes; les vraies couleurs ne 
« viennent qu'à la mue : mais Jeunes et 
« vieux ont tous le même plumage à leur 
« retour au printemps. La saison du dé- 
« part de nos côtes de Picardie est vers la 
«ni-août , et J'ai remarqué l’année der- 
« nière 1779, qu'il s'étoit fait par un vent 
« de nord-est. » 


DES HIRONDELLES DE MER. 259 


LA PETITE HIRONDELLE 
DE MER* 


Seconde espèce. 


Czrre petite hirondelle de mer ressemble 
si bien à la précédente pour les couleurs, 
qu'on ne la distingueroit pas sans une 
différence de taille considérable et cons- 
tante entre ces deux races ou espèces , 
celle-ci n'étant pas plus grosse qu'une 


alouette; mais elle est aussicriarde, aussi 


vagabonde, que la grande :eependant elle 
ne refuse pas de vivre en captivité lors- 
qu'elle se trouve prise à l’embuüche, que, 
dès le temps de Belon, les pécheurs lui 
dressoient sur l’eau , en faisant flotter une 


* Voyez les planches enluimnimées, n° 996. 
En anglois, lesser sea-sn'aliow ; en allemavd, 
klein sea-schvalbe ; et vers Strasbourg, #sclier- 


Jin ; en polonoiïs , rybiim. 


fu, UD 7 2 


€entre Daniele l'oiseau , tombant sur sa 


En HIS MER NATUR 


croix de bois, au milieu de pra | 
attachoient un petit poisson pour amorce, 
avec des gluaux fichés aux quatre‘coins, Tv 


proie, empêtre ses ailes. Cestpetites hiron-. 
delles de mer fréquentent , ainsi que les 
grandes, les côtes de nos mers, les lacs et 
les rivières, et elles en partent de même 
aux approches de l'hiver. | 


L. 4 


DES HIRONDELLES DE MER. 26t 


LA GUIFETTE#*. 


Troisième espèce. 


Nous adoptons , pour désigner cette 
espèce d’hirondelle de mer, le nom @e 
guifeite qu’elle porte sur nos côtes de Pi- 
cardie. Son plumage, blanc sous le corps, 
est assez agréablement varié de noir der- 
rière la tête, de brun nué de roussâtre 
sur le dos, et d’un Joli gris frangé de 
blanchâtre sur les ailes. Elle est de taille 
moyenne entre les deux précédentes ; 
mais elle en diffère en plusieurs choses 
pour les mœurs. M. Baïllon , qui en parle 
par comparaison avec la grande espèce 
appelée pierre-garin, dit qu’elle se trouve 
également sur les côtes de Picardie, mais 
qu'elles diffèrent par plusieurs caractères. 
1°. Les guifettes ne vont pas, comume les 


* Voyez les planches enluminées, n° 924. 


wa lez NON IN IS #4 
262 HISTOIRE NA DORE. 
pierre-garins , chercher habituellement ! 
leur nourriture à la mer; elles ne sont « 
pas piscivores, mais plutôt insectivores , . 
se nourrissant autant des mouches et | 
autres insectes volans qu'elles saisissent | 
en l'air, que de ceux qu’elles vont prendre 
dans l’eau. 2°. Elles sont peu clameuses, et 
n’importunent pas, comme les pierre- 
garins, par leurs cris continuels. 3°. Elles 
ne pondent point sur le sable nud, mais 
choisissent dans les marais une touffe 
d'herbes ou de mousse sur quelque motte 
‘isolée au milieu de l’eau ou sur ses bords; 
elles y apportent quelques brins d’herbes 
sèches et y déposent leurs œufs, qui sont 
ordinairement au nombre de trois. 4°. Elles 
couvent constamment leurs œufs pendant 
dix-sept jours , et ils éclosent tous le 
même jour. 

Les petits ne peuvent voler qu’au bout 

_ d’un mois, et cependant ils partent avec 

leurs père et mère d'assez bonne heure, ét 
souvent avant les pierre-garins; on en. 
voit voler le long de la Seine et de la Loire, 
dans le temps de leur passage. Au reste, 
les guifettes ont les allures du vol toutes 


ne 
"4 


‘ 


| Lt 
DES HIRONDELLES DE MER. 263 
semblables à celles des pierre-garins ou 
grandes hirondelles de mer ; elles sont de 
même continuellement en l'air : elles 
volent le plus souvent en rasant l’eau ou 
les herbes , et s'élèvent aussi fort haut et 
très-rapidement. | 


Li YA 17 4 (ip "A 
\ | 4 LE ER 


264 HISTOIRE NATURELLE 


l 


LA GUIFETTE NOIRE, 
60 L 
L'ÉPOUVANTAIL*. 


Quatrième espèce. 


Cxr oiseau a tant de rapport avec le 


t 


précédent , qu'on l'appelle gwifette noire : 


en Picardie. Le nom d’épouvantail qu'on 
lui donne ailleurs, vient apparemment 
de la teinte obscure de cendré très-foncé 
qui lui noircit la tête, le cou et le corps; 
.ses ailes seules sont du joli gris qui fait la 
livrée commune des hirondelles de mer. 
Sa grandeur est à peu près la même que 
celle de la guifette commune; son bec 


* Voyez les planches enluminées , n° 333. 

En allemand, schwartzer mer ; et sur le Rhin, 
vers Strasbourg, mey-vogel; en anglois, scare- 
CTO , small black sea-swallow. 


nr: si ; 


| $ : 


DES HIRONDELLES DE MER. 263 


est noir, et ses Que pieds sont d’un 
rouge obscur. On distingue le mâle à une 
tache blanche placée sous la gorge. 

Ces oiseaux n’ont rien de lugubre que 
le plumage; car ils sont très-gais, volent 
sans cesse, et font, comme les autres 
hirondeiles de mer, mille tours et retours 
dans les airs. Ils nichent, commeles autres 
guifettes , sur les roseaux dans les ma- 
rais , et font trois ou quatre œufs d’un 
verd sale, avec des taches noirâtres qui 
forment une zone vers le milieu. Ils chas- 
sent de mème aux insectes ailés, et leur 
ressemblent encore par toutes les allures * 


* Observations communiquées par M. Baillon de 
Montreuil-sur-mer. 


5 
LR 


. re 


266 HISTOIRE NATURELLE 


LE GABHET. 


Cinquième espèce. 


Ux beau noir couvre la tête, la gorge, 
le cou et le haut de la poitrine de cette 
hirondelle de mer, en manière de chape- 
roun ou de domino; son dos est gris; son 
ventre est blanc : elle est un peu plus 
grande que les guifettes. L'espèce n’en 
paroît pas fort commune sur nos côtes ; 
mais elle se retrouve sur celles de l’Amé- 
rique, où le P. Feuillée la décrite, et 
où il a observé que ces oiseaux pondent 
sur la roche nue deux œufs très-gros pour 
leur taille, et marbrès de taches d’un 
pourpre sombre, sur un fond blanchâtre. 
Au reste, l'individu observé par ce voya- 
geur étoit plus grand que celui qu'a dé- 
crit M. Brisson, qui néanmoins les rap- 


_ porte tous SP à la même espèce , à la- | 


quelle, sans ‘en dire la raison, il a im- 
posé le nom de gacher, 


DES HIRONDELLES DE MER. 267 
L'HIRONDELLE DE MER 


DES PHILIP EPTINIES. 


. .x à] 
Siviéme espece. 


Csrrs hirondelle de mer, trouvée à 
l'ile Panay, l’une des Philippines, par 
M.Sonnerat, est indiquée dans son Voyage 
à la nouvelle Guinée. Sa grandeur est 
égale à celle de notre pierre-garin, et 
peut-être est-elle de la même espèce mo- 
difiée par l'influence du climat; car elle 
a, comme le pierre-garin, tout le devant 
du corps blanc, le dessus de la tête ta- 
cheté de noir, et n’en diffère que par les 
ailes et la queue, qui sont grisâtres en 
dessous, et d’un brun de terre d'ombre 
au-dessus ; le bec et les pieds sont noirs. : 


L'HIRONDELLE DE MER 


À GRANDE ENVERGUR_E. 


Septième espèce. 


CIPANDUE ce caractère d’une grande 
envergure semble appartenir à toutes les 
hirondelles de mer, il peut néanmoins 
s'appliquer EE à celle-ci, qui, 
sans être plus grande de corps que notre 
hirondelle de mer commune, a deux pieds 
neuf pouces d'envergure. Elle à a sur le 
front un petit croissant blanc, avec le 
dessus de la tête et de la queue d’un beau 
noir, et tout le dessous du corps blanc; 
le bec et les pieds noirs. Nous devons à 
M. le vicomte de Querhoent la connois- 
sance de cette espèce, qu'il a trouvée à 
l'ile de l’Ascension, et sur laquelle il 
nous à cominuniqué é la notice suivante. 


_ 


DES HIRONDELLES DE MER. 269 

« Il est inconcevable combien il y a de 

« ces hirondelles à l'Ascension; l'air en 
< est quelquefois obscurei, et j'ai vu de 
« petites plaines qu’elles couvroient en- 
« tièrement. Elles sont très-piaillardes, et 
« Jettent continuellement des cris aigus 
« etaigres, exactement semblables à ceux 
« de la fresaie. Ellesne sont pascraintives; 
« elles voloient au-dessus de mot, pres- 
« que à me toucher: celles qui étoient sur 
< leurs nids, ne s’envoloient point quand 
«Je les Mochoe , mais me donnoient 
« de grands coups de bec quand je vou- 
« lois les prendre. Sur plus de six cents 
nids de ces oiseaux, je n’en ai vu que 
« trois où il y eût deux petits ou deux 
«< œufs; tous les autres n’en avoient 
< qu'un : ils les font à plate terre ; auprès 
« de quelque tas de pierres, et tous Îles 
< uns auprès des autres. Dans une partie 
« de l’île où une troupe s’étoit établie, Je 
« trouvai dans tous les nids le petit déja 
« grand, et pas un seul œuf : le iende- 
« main, Je rencontrai un autre établisse- 
« ment où il n’y avoit dans chaque nid 
« qu'un œuf quicommencoitàétrecouvé, 


cire 
Fe, 


A 


| 


270 HISTOIRE NATURELL EX 

« et pas un petit. Cet œuf, dont la géo 

« seur me surprit, est nétrs avec des- 
« taches brunes, et d’autres taches d'un ) 
« violet pâle, plus amultipliées au gros 
« bout. Sans doute ces oiseaux: font plu- 
«sieurs pontes par an. Les petits, dans. 

« leur premier âge, sont couverts d’un 

« duvet gris blanc. Quand: on veut les. 

.< prendre dans le nid ils dégorgent aussi- 
| « tôt le poisson qu'ils ont dans l'estomac. » 


DES HIRONDELLES DE MER. 271 


LA GRANDE HIRONDELLE 
-DE MER 


DE CAVE N NET 
‘Huitième espèce. 


Ox pourroit donner à cette espèce la 
dénomination de très-grande hirondelle de 
mer; car elle surpasse de plus de deux 
pouces, dans ses principales dimensions, 
le pierre-garin , qui est la plus grande de 
nos hirondelles de mer d'Europe. Celle-e1 
se trouve à Cayenne : elle a, comme la 
plupart des espèces de son genre, tout le 
“dessous du corps blanc , une calotte noire 
derrière la tête , et les plumes du manteau 
_ frangées, sur fond gris, de jaunâtre ou 
roussâtre foible. 


Nous n’avons connoissance que de ces 


* Voyez les planches enluminées, n° 666. 


272 HISTOIRE NATURELLE 


huit espèces d'hirondelles de mer, et nous 
croyons devoir séparer de cette anale 


d'oiseaux celui dont M. Brisson a fait sa 
éroisième espèce ; SOUS. la dénomination 


d’Airondelle cendrée, parce qu'il a les ailes 


courtes, et que) la grande longueur des 
‘ailes paroît être le trait le plus marqué, 
et l’attribut constant par lequel la Nature 
‘ait caractérisé les hirondelles de mer, et 
parce qu'aussi leurs habitudes naturelles 
dépendent, pour la plupart, de cette con- 
formation qui leur est commune à toutes. 


| cr 
MR de sed pee Ve E 'a ‘ 
“HAS ILE" ASE 


M 


L'OISEAU DU TROPIQUE 
oulE PAILLE EN QUEUE . 


: Î JD auquet SJ 


L'OISEAU DU TROPIQUE, 
Oo U e” 


LE PAILLE-EN-QUEUE ’. 


Nos avons vu des oiseaux se porter 
du Nord au Midi, et parcourir d’un vol 
libre tous les Hiniècs de la terre et des 
mers ; nous: en verrons d’autres confinés 
aux régions polaires , comme les derniers 
enfans de la Nature mourante sous cette 
sphère de glace? : celui-ci semble, au 
contraire, être attaché au char du soleil 
sous la zone brûlante que bornent Îles 
tropiques $. Volant sans cesse sous ce ciel 

1 Paille-en-cul , fetu-en-cul, queue de flèche ; 
en anglois, the tropick bird ; en hollandois, pil- 
siaart ; en espagnol, rabo di junco; en latin mo-. 
derne, lepturus. 

2 Voyez dans les derniers articles de cette His- 
toire, ceux de l’a/batross, du pétrel, du maca- 
reux , Au pinguin. 

3 Cest sans doute dans cette idée que M. Lin- 


næus lui donne le nom poétique de phaëéton (phac- 
fon œlhereus)}, 


L 11 # \ Ru Le sie TENTE 


294 ais TOIRE NATURELLE 


enflammé, sans s’écarter des deux ee 
extrêmes de la route du grand astré, il 
annonce aux navigateurs leur a a 
passage sous ces lignes célestes : aussi tous 
lui ont donné le nom d'oiseau du tro- 
pique, parce que son apparition indique 
l'entrée de la zone torride , soit qu’on ar- 
rive par le côté du nord ou par celui du 


27 


sud dans toutes les mers du monde , que 


-cet oiseau fréquente également. 
C’est mème aux îles les plus éloignées 


et Jetées le plus avant dans l'Océan équi- - 


noxial des deux Indes, telles que l’Ascen- 
sion, Sainte-Hélène, Rodrigue, et celles 
de France et de Bourbon, que ces oiseaux 
semblent surgir par che et s'arrêter de 
préférence. Le vaste espace de la mer 
Atlantique, du côté du nord, paroît les 
[avoir égarés jusqu'aux Bermudes; car 


c’est le point du globe où ils se sont le 


plus écartés des limites de la zone torride. 
Hs habitent et traversent toute la largeur 
de cette zone, et se retrouvent à son 


autre limite vers le midi, où ils peuplent 


‘cette suite d’îles que M. Cook nous a dé- 
couverte sous le tropique austral, aux 


\ 


DE L'OISEAU DU TROPIQUE. 275. 
Marquises, à Pîle de Pâque, aux îles de 
la Société, et à celles des Amis !, MM. Cook 
et Forster ont aussi rencontré ces oiseaux. 
en divers endroits de La pleine mer, vers 
ces mèmes latitudes; car, quoique leur : 
apparition soit regardée comme un signe 
de la proximité de quelque terre, il est 
certain qu’ils s’en éloignent quelquefois 
à des distances prodigieuses, et qu'ils se 
portent ordinairement au large à plu- 
sieurs centaines de lieues. 
Indépeudamment d’un vol puissant et . 
très-rapide, ces oiseaux ont, pour fournir 
ces longues traites , la faculté de se repo- 
ser sur l’eau ?, et d'y trouver un point 
d'appui au moyen de leurs larges pieds 
eutièrement palmés, et dont les doigts 
sont engagés par une membrane, comme 
ceux des cormorans, des fous, des fré- 
gates , auxquels le paille-en-queue res- 
semble par ce caractère, et aussi par l’ha- 
bitude de se percher sur les arbres. Ce- 
pendant il a beaucoup plus de rapports 


cs 


1 Dans les premières de ces Îles, son nom est 
manco-roa (manoo veut dire ofseau). 
2 Labat croit même qu’ils y dorment. 


D AL 
| 


6 HISTOIRE NATURELLE È 


avec les hirondelles de mer qu'avec au- 
cun de ces oiseaux : il leur ressemble par 
la longueur des ailes , qui se croisent sur 
la queue lorsqu'il de en repos; 1l leur 
ressemble encore par la forme du bec, 
qui néanmoins est plus fort, plus épais, 
et légèrement dentelé sur les bords. 

Sa grosseur est à peu près celle d’un 
_ pigeon commun. Le beau blanc de son 
plumage sufhroit pour le faire remarquer : 
mais son caractère le plus frappant est 
un double long brin qui ne paroît que 
comme une paille implantée à sa queue; 
ce qui lui a fait donner le nom de paille- 
en-queue. Ce double long brin est composé 
de deux filets chacun , formés d’un côté 
de plume presque nue et seulement gar- 
nie de petites barbes très-courtes , et ce 
sont des prolongemens des deux. btbe 
du milieu de la queue, laqueile du reste 
est très-courte et presque nulle. Ces brins 
ont Jusqu'à vingt-deux ou vingt-quatre 
pouces de longueur : souvent l’un des 
deux est pie long de l’autre, et quel- 
, quefois il n’y en a qu’un ou ce qui. 
tient à quelque accident ou à la saison 


. 4 Lx 
| ER 


DE L'OISEAU DU TROPIQUE. 277 


de la mue; car-ces oiseaux les perdent 


dans ce Fc , et c’est alors que les ha- 


bitans d'Otaïti et des autres îles voisihes 
ramassent ces longues plumes dans leurs 
bois , Où ces oiseaux viennent se reposer 
pendant la nuit. Ces insulaires en forment 
des touffes et des panaches pour leurs 
guerriers ; : les Caraïbes des îles de l’Amé- 
rique se passent ces longs brins dans la 
cloison du nez pour se rendre plus beaux 
ou plus terribles. 


On conçoit aisément qu’un oiseau d’un 


vol aussi haut , aussi libre, aussi vaste, 
ne peut ed er de ‘à captivité; 
d’ailleurs ses jambes courtes et placées en 
arrière le rendent aussipesant , aussi peu 
agile à terre, qu'il est leste et léger dans 
les airs. On a vu quelquefois ces oiseaux, 
fatigués ou déroutés par les tempêtes, 
venir se poser sur le mât des vaisseaux, 


et se laisser prendre à la main. Le voÿya- 


geur Leguat parle d’une plaisante guerre 


entre eux ct les matelots de son équipage 


dont ils enlevoient les bonnets. 
On distingue deux ou trois espèces de 
paille-en-queue , mais qui ne semblent 
24 


Le 


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278 HISTOI 


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LA 


DE L'OISEAU DU TROPIQUE. 279 


« 


LE GRAND PAILLE-EN-QUEUE *. 


Première espèce. 


Crsr sur - tout par la différence de 
grandeur que nous pouvons distinguer 
les espèces ou variétés de ces oiseaux. 
Celui-ci égale ou méme surpasse la taille 
d’un gros pigeon de volière ; ses pailles 
ou brins ont près de deux pieds de lon- 
gueur , et l’on voit sur son plumage tout 
blanc de petites lignes noires en hachures 
au-dessus du dos, et un trait noir en fer- 
à-cheval. qui embrasse l'œil par l'angle 
intérieur ; le bec et les pieds sont rouges. 
Ce paille-en-queue, qui se trouve à l’île 
Rodrigue, à celle de l’Ascension et à 
Cayenne , paroît être le plus grand &e 
tous ces oiseaux. 


* Voyez les planches enluminées, n° 998, sous 
la dénomination de paille-en-queue de Cayenne. 


Li pa . die, a SEAL ts) ue 


t 4e 


280 HISTOIRE RU «| 


# 


| nu PATENT 
LE PETIT PAILLE-EN-QUEUE *.. 


Seconde espèce. 


Csrur-cr n’est que de la taille d’un 
petit pigeon commun , ou même au-des- 
sous ; il a, comme le précédent , le fer-ä< 
cheval noir sur l'œil, et de plus il est . 
tacheté de noir sur les plumes de l’aile 
voisines du corps , et sur les grandes 
pennes : tout le reste de son plumage est 
blanc , ainsi que les longs brins. Les 
bords du bec, qui, dans le grand paille- 
eh-queue, sont découpés en petites dents 
de scie rebroussées en arrière, le sont 
beaucoup moins dans celui-ci. Il jette par 
intervalles un petit cri, chiric, chiric, et 
pose son nid dans des trous de rochers 
escarpés. On n’y trouve que deux œufs, # 
* Voyez les planches enluminées, n° 369, sous 


-a dénomination de parlle-en-queue de l'ile ‘do 
France. 


RON ET. AECRET po, 
DE L'OISEAU DU TROPIQUE. 281 
_ suivant le P. Fewillée, qui sont bleuätres 
et un peu plus gros que des œufs de pi- 
geon. 

Par la comparaison que nous avons 
faite de plusieurs iudividus de cette se- 
conde espèce, nous avons remarqué à 
quelques uns des teintes de rougeâtre ou 
fauve sur le fond blanc de leur plumage; 
variété que nous croyons provenir de 
l’âge , et à laquelle nous rapporterons le 
paille-en-queue fauve de M. Brisson, avec 
d'autant plus d'apparence, qu'il le donne. 
comme plus petit que le paiile-en-queue 
blanc. Nous avons aussi remarqué des 
variétés considérables , quoiqu'indivi- 
duelles, dans la grandeur de ces oiseaux; 
et plusieurs voyageurs nousont assuré que 
les Jeunes n'ont pas le plumage d’un blanc 
pur , mais tacheté ou sali de brun ou de 
noirâtre. Ils diffèrent aussi des vieux, en 
ce qu'ils n’ont point encore de longs bee | 
à la queue, et que leurs pieds, qui doivent 
devenir rouges , sont d'un bleu pâle. Ce-'' 
pendant nous devons observer que quoi- 
que Catesby assure en général que ces 
oiseaux out les pieds et le bec rouges, 


24 


cela n’est vrai sans pa Li hit, pour ‘ 
l’espèce précédente. et la suivante; car. 
des celle-ci, qui est despèbe commune 

à l’île de France, le bec est jaunâtre où R 
one de corne , et les pieds sont noirs. 


is k LIT PAR Len 


, | À 


4 


DE L'OISEAU DU TROPIQUE. 283. 


LE PAILLE-EN-QUEUE 
A BRINS ROUGES"*. 


Troisième espèce. 


* 


Le deux filets ou longs brins de la 
queue sont, dans cette espèce , du même 
rouge que le bec ; le reste du plumage 
estblanc , à l'exception de quelques taches 
“noires sur l'aile près du dos, et du trait 
noir en fer-à-cheval qui engage l'œil. M. le 
vicomte de Querhoent a eu la bonté de 
nous communiquer la note suivante au 
sujet de cet oiseau, qu’il a observé à l’île 
de France. « Le paille-en-queue à filets 
« rouges niche dans cette île, aussi-bien 
« que le paille-en-queue commun ; le der- 
« nier dans des creux d’arbredela grande 
« le; l’autre dans des trous de petits îlets 
« du voisinage. On ne voit presque jamais 
* Voyez les planches enlumines, n° 979, sous 
la dénonination Ge paille-en-queue de Vile de 
France, 


AN: 


M a Naud j.: 
284 HISTOIRE a TUPEUÉS à: 


«le paille-en-queue à filets rouges venir 
«à la grande terre; et hors le temps des 
«amours , le paille-en- queue commun … 
«ne la sé ibnfe aussi que rarement. Ils 
« passent leur vie à pêcher au large, et 
«ils viennent se reposer sur la petite île 
«< du Coin-de-mire, qui est à deux lieues 
« au vent de l’île de France, où setrouvent 
« aussi beaucoup d’autrés oiseaux de mer: 
« C'est en septembre et octobre que J'ai 
« trouvé des nids de païlle-en-queue; chia- 
«Cun ne contient que deux œufs d’un 
« blanc jauuâtre, marquetés de taches 
« rousses. On m'assure qu'il ne se trouve 
souvent qu'un œuf dans le nid du grand 
« paille-en-queue : aussi aucune de ‘ces 
« espèces ou variétés de ce bel oiseau du 
« tropique ne paroît étre nombreuse. » 

Du reste, ni l’une ni l’autre de ces trois 
espèces ou variétés que nous venons de 
décrire , ne paroît attachée spécialement à 
aucun lieu déterminé ; souvent ‘elles se 
trouvent les deux premières ou l'és deux 
dernières ensemble , et M. le vicomte de 
QREAOÈRE dit les avoir vues toutes. trois 
réunies à Pile de PAscension. 


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Le 


D xs tous les êtres bien organisés , 
l'instinct se marque par des habitudes 
suivies. qui toutes tendent à leur con- 
servation; ce sentiment les avertit et leur 
apprend à fuir ce qui peut nuire, comme 
à chercher ce qui peut servir an main- 
tien de leur existence et meme aux ai- 
sances de la vie. Les oiseaux dont nous 
allons parler, semblent n'avoir recu de la 
Nature que là: moitié ‘de cet instinct : 

grands et forts, armés d’un bec robuste, 

pourvus de ‘:T'rabe ailes et de pieds 4 - 
tièrement et largement palmés, ls ont 
tous les attributs nécessaires à l'exercice 
de leurs facultés, soit dans l'air ou dans 
l’eau. Ils ont donc tout ce qu'il faut pour 


* En anglois, 400by. (fou, stupide ),. d'où on a 
fait le nom de boubie, qui se lit si fréquemment 
dans les relations de la mer du Sud; par les Por- 
tugais des Indes; paxaros bobos, ou fols oiseaux; 
eu latin moderne et ée nomenclature, sula. 


NET v 


L 


266 HISTOIRE NATURELLE 


agir et pour vivre, et cependant ils sem 
blent ignorer ce qu'il faut faire ou ne pas | 
faire pour éviter de mourir ; répandus 
d’un bout du monde à l’autre, et des mers 
du Nord à celles du Midi, nulle part ils 
m'ont appris à connoître leur plus dange- 
reux ennemi : l’aspect de l’homme ne 
les effraie ni ne les intimide ; ils se 
laissent prendre non seulement sur les 
vergues des navires en mer, mais à terre, 
sur les îlets et les côtes, où on les tue 
à coups de bâton, et en grand nombre, 
sans que la troupe stupide sache fuir ni 
prendre son essor, ni même se détourner 
des chasseurs, qui les assomment l’un 
après l’autre, et jusqu’au dernier. Cette 
indifférence au péril ne vient ni de fer- 
meté ni de courage, puisqu'ils ne savent 
ni résister ni sé défendre, et encore moins 
‘attaquer , quoiqu'ils en aient tous les 
moyens , tant par la force de leur corps 
que par celle de leurs armes. Ce n’est donc 
que par imbécillité qu'ils ne se défendent. 
pas ; et de quelque cause qu’elle pro- 
vienne, ces oiseaux sont plutôt stupides 
que fous ; car l’on ne peut donner à la 


pe 


ES EF OUI: 287 
plus étrange privation d’instinct un nom 
ne ne convient tout au plus qu’à l'abus 
qu'on en fait. 

Mais comme toutes les facultés inté- 
rieures et les qualités morales des ani- 
maux résultent de leur constitution , om 
doit attribuer à quelque cause physique 
cette incroyable inertie qui produit l’a- 
bandon de soi-même , et 1l paroît que 
cette cause consiste dans la difficulté que 
ces oiseaux ont à mettre en mouvement 
leurs trop longues ailes * ; impuissance 
peut-être assez grande pour qu'il en ré- 
sulte cette pesanteur qui les retient sans 
mouvement dans le temps même du plus 
pressant danger , et Jusque sous les coups 
dont on les fébpe, 

_ Cependant, lorsqu'ils échappent à la 
main de l’homme , il semble que leur 
manque de courage les livre à un autre 
ennemi qui ne cesse de les tourmenter ; 
cet ennemi est l’oiseau appelé /a frégate: 


* Nous verrons que la frégate elle-même, malgré 
Ja puissance de som vol , paroît éprouver une peine 
semblable à prendre son essor. Voyez ci-après 
l’article de cet oiseau. 


| 288 HISTOIRE NATURELLE 
elle fond sur les fous dès qu'elle les ap< 


perçoit, les poursuit sans relâche, etles 
à 


force |, à coups d'ailes et de bec, à lui 
livrer leur proie, qu'elle saisit et avale 
à l'instant ; car ces fous imbécilles et 


lâches ne manquent pas de rendre gorge 


“à la première attaque , et vont ensuite 
chercher une autre proie qu'ils perdent 
_ souvent de nouveau par la même pirate 
rie de cet oiseau frégate. | 
Au reste, le fou pêche en planant, les 
ailes presque immobiles, et tombant sur 


le poisson à l'instant qu “il paroît près de : 


la surface de l’eau. Son vol, quoique ra- 


pide et soutenu, l’est infiniment moins 


que celui de la frégate : aussi les fous 
s'éloignent-ils beaucoup moins qu’elle au 
large, et leur rencontre en mer annonce 
assez sûrement aux navigateurs le voisi- 
nage de quelque terre. Néanmoins quel- 
ques uns de ces oiseaux qui fréquentent 
les.côtes de notre nord, se sont trouvés 
dans les îles les plus lointaines et les plus 


isolées au milieu des océans; ils y ha-. 


bitent par peuplades avec les mouettes , 
les oiseaux du tropique, etc. ; et la fré- 


Doesrous li 4 


Fe : TR Apr OR 
gate , qui les poursuit de préférence, n’a 
pas manqué de les y suivre. 


Dampier fait un récit curieux des hos- 


tilités de l'oiseau frégate, qu'il appelle 
_ Le guerrier, contre les fous , qu’il nomme 
Boubies *, dans les îles Alcranes, sur la 
côte d'Yucatan. « La foule de ces oiseaux 


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y est si grande , que Je ne pouvois, dit- 
il, passer dans leur quartier sans être 
incommodé de leurs coups de bec. F’ob- 
servai qu'ils étoient rangés par couplés; 
ce qui me fit croire que c’étoient le mâle 
et la femelle... .... Les ayant frappés, 
quelques uns s’envolèrent : mais le plus 
grand nombre resta ; ils ne s’envoloïrent 
point malgré les efforts que Je faisois 
pour les y contraindre. Je reimarquai 
aussi que les guerriers et les boubies 
laissoient toujours des gardes auprès 
de leurs petits, sur- tout dans le temps 
où les vieux alloient faire leur provi- 
sion en mer. On voyoit un assez grand 
nombre de guerriers malades ou estro= 
piés qui paroissoient hors d’état d’allex 


* C’est le mot anglois, 600oby, sot, stupide. 
Oiseaux, ZX VI. 29 


290 HISTOIRE NATURELLE 


l« chercher de quoi Se nourrir : ils ne de- \ 
«meuroient pas avec les oiseaux de leur : 
« espèce ; et soit qu'ils fussent exclus de 
la société, ou qu'ils s’en fussent sépa- 
« rés volontairement , ils étoient disper= 

« sés en divers cod oite, pour y trouver 
« apparemment l’occasion de piller. J’en 
« vis un Jour plus de vingt sur une des 
«iles, qui faisoient de temps en temps : 
« des sorties en plate campagne, pour 
« enlever du butin; mais ils se retiroient 

« presque aussitôt. Celui qui surprenoit 
« une Jeune boubie sans garde, lui don- 
« noit d’abord un grand coup de becsur 
le dos pour lui faire rendre gorge, ce 
qu'elle faisoit à l'instant ; elle rendoit 
«un poisson ou deux de la grosseur du 
« poignet , et le vieux guerrier l’avaloit 
«encore plus vite. Les guerriers vigou- 
« reux jouent le même tour aux vieilles 
« boubies qu'ils trouvent en mer. J’en vis 
«un moi-même qui vola droitcontre une 
« boubie , et qui ; d’un coup de bec, lui 
« fit rendre un poisson qu’elle venoit d’a- 
« valer : le guerrier fondit si rapidement 
« dessus, qu’il s'en saisit en l'air avant 

_« qu'il fut tombé dans l’eau.» | 


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Le #8 


DES E OUS: 207 
C'est avec les cormorans que les oiseaux 
fous ont le plus de rapport par la figure 
et l’organisation , excepté qu’ils n’ont pas 
le bec terminé en croc, mais en pointe 
légèrement courbée ; ils en diffèrent en- 
core en ce que leur queue ne dépasse 
poiut les ailes. Ils ont les quatre doigts 
unis par une seule pièce de mi 
l’ongle de celui du milieu est dentelé 
intérieurement en scie ; Le tour des yeux 
est en peau nue ; leur bec, droit, conique, 
est un peu crochu à son extrémité, cet. 
les bords sont finement dentelés : les na- 
rines ne sont point apparentes; on ne 
voit à leur place que deux rainures en 
creux. Mais ce que ce bec a de plus 
remarquable, c’est que sa moitié supé- 
rieure est comme articulée et faite de 
trois pièces , jointes par deux sutures, 
dont la première se trace vers la pointe, 
qu'elle fait paroître comme un onglet 
détaché ; l’autre se marque vers la base 
du bec, près de la tête, et donne à cette 
moitié supérieure la faculté de se briser 
et de s'ouvrir en haut, en relevant sa 
pointe à plus de deux pouces de celle de 
la mandibule inférieure. 


| "AO 
202 HISTOIRE : NATURELLE 


Ces oiseaux jettent un cri fort qui par À 
ticipe de ceux du corbeau et de loie; et. 
c’est sur-tout quand la frégate les pour- 
suit qu'ils font entendre ce cri, ou lors= 
qu’étant rassemblés ils sont saisis de quekw 
que frayeur subite. Au reste , ils por-" 
tent en volant le cou tendu et la queue * 
étalée. Ils ne peuvent bien prendre leur 
vol que de quelque point élevé : aussi se À 
perchent- -ils comine les cormorans. Dam- 
pier remarque même qu'à l'ile d’/ves 11s 
nichent sur les arbres, quoiqu’ailleurs 
on les voie nicher à ren , cttoujours” 
en grand nombre , dans un même Me 
tier ; car une communauté, non d'ins-" 
tinct, mais d’imbécillité, semble les ras- 
sembler. Ils ne pondent qu’un œuf ow 


« 


LA RS +” à 


.* M. Valmont de Bomare, en cherchant la rats 
son qui à fait donner à cet oiseau le nom de fou, 
se trompe bearcoup en disant qu'il est le‘seul dés 
palmiptdes qui se perche, puisque non seulement 
le cormoran, mais le pélican, Panbinga l'oiseau 
du tropique, se perchent; et ce qu est de plusm 
singulier, tous, ces oiseaux sont ceux. du genre le 
plus complétement palmipède, puisqu'ils ont Is 
quatre doigts liés par une MERE Note 


JUN 


\ 4 ‘1 


DS TOUS... 20% 
deux. Les petits restent long-temps COU- 
verts d’un duvet très-doux et très-blanc 
dans la plupart ; mais le reste des parti- 
cularités qui peuvent concerner ces o1- 
seaux , doit trouver sa place dans l'énu< 
mération de leurs espèces. | 


ù 


\ 


AP he * #7 r A} LU if 


PETE 


LE FOU be ; 


Prernière espèce. 


. / ÿ C 
- Csr oisean , dont l’espèce paroït être la 


plus commune aux Antilles, est d’une 
taille moyenne entre celles du canard et 
de l’oie. Sa longueur, du bout du bec à 
celui de la queue, est de deux pieds cinq. 
pouces, et d’un pied onze pouces au bout 
des ongles ; son bec a quatre pouces et 
demi, sa queue près de dix. La peau nue 
qui entoure les yeux est Jaune , ainsi que 
la base du bec, dont la pointe est brune ; 
les pieds sont d’un Jaune pâle ; le ventre 
est blanc , et tout le reste du plumage 
est d’un en brun. | 

Toute simple qu'est cette livré ée, Cates-. 
by observe que seule elle ne peut avisé 
riser cette espèce , tant il s’y trouve de 
variétés individuelles. « J'ai observé, dit- 
«il, que l’un de ces individus avoit le 
« ventre blanc et le dos brun; un autre, 

| 


+ 


« la poitrine blanche comme le ventre; 
«et que d'autres étoient entièrement 


__« bruns ». Aussi quelques voyageurs sem- 


blent avoir désigné cette espèce de fous 
par le nom d'oiseaux fauves. Leurchair est 
noire et sent le marécage ; cependant les 
matelots et les aventuriers des Antilles 
s’en sont*souvent repus. Dampier raconte 
qu'une petite flotte françoise qui échoua 
sur l'ile d’Aves, tira parti de cette res- 
source , et fit une telle consommation de 
ces oiseaux , que le nombre en diminua 
beaucoup dans cette île. 

On les trouve en grande quantité non 
seulement sur cette île d’Aves, mais dans 
celle de Remire, et sur - tout au Grand- 
Connétable, roc taillé en pain de sucre et 
isolé en mer , à la vue de Cayenne. Ils 
sont aussi en très-grand nombre sur les 
îlets qui ayoisinent la côté de la nouvelle 
Espagne , du côté de Caraque ; et il pa-, 
roît que cette même espèce se rencontre 


sur la côte du Bresil et aux îles Bahama , 


où l’on assure qu’ils pondent tous les mois 
de l’année deux ou trois œufs , ou quel- 
quefois un seul, sur la roche toute nue. 


"AIDES ro S: “Si 


LS 


2er 


1m AUDE L* } 


LE FOU BLANC 


Seconde espèce. 


4 { 
Novs venons de remarquer beaucoup w 
de diversité du blanc au brun dans l’es- u 
. pèce précédente; cependant il ne nous” 
paroît pas que l’on puisse y rapporter . 
celle-ci, d'autant plus que du Tertre, qui 
a vu ces deux oiseaux vivans, les dis) 
tingue l’ un de l’autre. Ils sont en 'efettrès il | 
diérens. puisque l’un a blanc ce que” 
l’autre a brun , savoir, le dos, le cou cet. 
la tête, et que d’ailleurs celui-ci est un“ 
peu plus grand : il n’a de brun que les” 
pennes de l'aile et partie de ses cou 
vertures ; de plus, il paroît être moins 
stupide. Il ne se perche guère sur les 
arbres, et vient encore moins se faire | 
prendre sur les vergues des navyires. Ce 
pendant cette seconde espèce habite dans 
les mêmes lieux avec la première. On les 


POESIE OU S. 207 
trouve également à l’ile de l’Ascension. 
«Ilya, dit M. le vicomte de Querhoent, 
_« dans cetteîle, des milliers de fous com- 
-« muns ; les blancs sontmoins nombreux : 
« on voit les uns et les autres perchés sur 
« des monceaux de pierres, ordinaire- 
«ment par couples ; on les y trouve à 
« toutes les heures , et ils n’en partent 
«que lorsque la faim les oblige d’aller 
« pêcher. Ils ont établi leur quartier-gé- 
« néral sous le vent de l'île; on les y ap- 
« proche en plein jour, et on les prend 
« mème à la main. Il y a encore des fous 
« qui diffèrent des précédens; étant en 
« mer par les 10 degrés 36 secondes de lati- 


« tude nord, nous en avons vu quiavoient 
« la tête noire. » 


; ANA 2" TE 
298 HISTOIRE NATURELLE he 


LE GRAND FOU. 


Troisième espèce. 


z 


C ET oiseau, le plus grand de son genre; 
est de la grosseur de l’oie, et il a six pieds 
d'envergure. Son plumage est d’un brun 
foncé , et semé de petites taches blanches 
sur la tête, et de taches plus larges sur la 
poitrine , et plus larges encore sur le dos; 
le ventre est d’un blanc terne. Le mâle a 
les couleurs plus vives que la femelle. 

Ce grand oiseau se trouve sur les côtes: 
de la Floride , et sur les grandes rivières 
de cette contrée. « Il se submerge, dit 
« Catesby, et reste un temps considérable 
« sous l’eau, où j'imagine qu'il rencontre. 
«-des requins ou d’autres grands poissons 
« voraces , qui souvent l’estrapient ou le 
« dévorent ; car plusieurs fois il m'est 
«arrivé de trouver sur le rivage de ces. 
« Oiseaux estropiés ou morts. » 


D'ES FOUS. 299 
Ün individu de cette espèce fut pris 
dans les environs de la ville d’Eu, le 18 
octobre 1772. Surpris très-loin en mer par 
le gros temps , un coup de vent l’avoit 
sans doute amené et Jeté sur nos côtes. 
L'homme qui le trouva n'eut, pour s’en 
rendre maître, d'autre peine que celle de 
lui jeter son habit sur le corps. On le 
nourrit pendant quelque temps. Les pre- 
miers Jours il ne vouloit pas se baisser 
pour prendre le poisson qu’on mettoit 
devant lui, et il falloit le présenter à la 
hauteur du bec pour qu'il s’en saisît. IL 
étoit aussi toujours accroupi et ne vou- 
Joit pas marcher ; mais peu après, s’ac- 
coutumant au séjour de la terre , il mar- 
cha , devint assez familier , et même se 
mit à suivre son maître avec importuni- 
té, en faisant entendre de temps en temps 
ua cri aigre et rauque. 


\ 


300 HISTOIRE NATU 


LE PETIT FOU*. 


{ £ \ 
Quatrième espèce. 


". 
C. sr en effet le plus petit que nous 
connoissions dans ce genre d'oiseaux fous: 
sa longueur , du bout du bec à celui de. 
la queue, n suère que d’un pied et. 
demi. Il a la gorge, l'estomac et le. 
ventre blancs, et tout ie reste du plu- 
mage est noirâtre, Il nous a été envoyé 
de Cayenne. - : 


{ 


* Voyez les planches enluminées, n° 073, sous” 
la dénomination de fou de Cayenne. 


RMRE SF OU S. 30 


€ 


" è sde és k “ ; 


LE PETIT FOU BRUN #*. 


L 


Cinquième espèce. 


Cxr-oisean diffère du précédent en ce 
qu'ii est entièrement brun; et quoiqu'il 
soit aussi plus grand , il l’est moins que le 
fou. brun commun de la première espèce. 


Ainsi nous laisserons ces deux espèces sépa- 


rées , en attendant que de nouvelles obser- 
vations nousindiquent s’il faut les réunir. 
Toutes deux se trouvent dans les mêmes 


. e LE « \ 
eux, et particulièrement à Cayenne et: 


aux îles Caribes. 


r 


* Voyez les planches enluminées, n° 974, sous 
la dénomination de fou brun de Cayenne. 


\ 


26 


LE FOU TACHETÉ*. 


Sixième, espèce. 


# 


\ 


pie ses couleurs, et mème par sa taille, 
cet oiseau poufroit se rapporter à notre + 
troisième espèce de fous, si d’ailleurs il. $ 
-n’en différoit pas trop par la briéveté des 1 
ailes , qui même sont si courtes dans l'in- 
dividu représenté planche 986, que lon 
seroit tenté de douter que cet oiseau ap-. 
partint réellement à la famille des fous, 
si d’ailleurs les caractères du bec et des 
pieds ne paroissoient l’y rappeler. Quoi 
qu'il en soit, cet oiseau, qui est de la 
grosseur du us plongeon , a, comme 
lui, le fond Un plumage d’un PAR noi 
fête tout tacheté de blanc, plus fine- 
ment sur la tète, plus linge al sur le 
dos et les ailes, ne l’estomacetleventre : 
ondés de brunâtre , sur fond blanc. 


* Voyez les planches enluminées , n° 086, sous: 
la dénomination de fou tacheté de Cayenne. 


Frs “= 

D RÉ ART ee enr. ln LT 
x SEE re Ne 
| Dre A 


“DES FOUS. 30% 


LE FOU DE BASSAN : 


Septième espèce. 
146 


L':Lr de Bass ou Passan, dans le petit 
golfe d’Édimbourg, n’est qu’un très-grand 
rocher qui sért de rendez - - VOUS à Ces O1- 
seaux, qui sont d’une grande et belle 
Pépate On les a nommés fous de Bassan , 
parce qu’on croyoit qu'ils ne se trou- 
voient que dans ce seul endroit ; cepen- 
dant on sait , par le témoignage de Clu- 
sius et de Sibbald, qu'on en rencontre 
également aux îles de Féroé ?, à l'île 


1: Voyez les planches enluminées, n° 276. 
En anglois ;soland goose. 


2 Hector Boetius, dans sa Description de lE- 
cosse , dit aussi que ‘ces oiseaux michent sur une 
des îles Hébrides; mais ce qu’il ajoute, savoir, 
qu'ils y apportent pour cela tant de bois, qu'il fait 
l2 provision de l’année pour les habitans, paroit 


304 :HISTOI RE NA TURELLE 
d’Alise et dans les autres îles F 
Cet oiseau est de la grosseur d'une oie 5 
il a près de trois pieds de longueur 71 jet} 
plus de cinq d'envergure. Ilesttoutblanc, 
à l'exception des plus grandes pennes Pie 
l'aile, qui sont brunes ou noirâtres, et. 
du derrière de la tête , qui paroît tel 


de} jaune ?; la peau nue du tour des yeux | 


fabuleux , d'autant se il paro’ Fe ces oiseaux, 
à l’île de ‘Bassan, pondent, comme les autres fous 
d’A mériqué > sur la roché nues 70m 

1 Quelques personnes nous assurent qu Al parc oît 
quelquefois de ces fous, jetés par les vents . sur les 
côtes de Bretagne, et même jusqu'au milreu des 
terres, et qu'on en a vu aux environs/de Paris: 0" 

2e Je serois ienté.de croire que d'est uné’ marque 
& de vieillesse. Cette. taché, jaune est.de la même 
« nature que celle;qu'ont au bas du cou. les spatules ; 
« j'en ai vu en qui cette partie étoit presque dorée. 
« La même chose arrive aux poules blanches; élles 
« jaunissent eu vieillissant ». (Vote mes à 


par M. Ballon.) a, 4aOË 


e 


114 oct it) 


Ray est de cet avis: quant : au AG de AS TE 
et, suivant Willughby, les petits, dans Je premier 
âge, sont marqués de brun ou de noiètre surule 


dos. 


pay dés up Are "an 
j} Li ti 


DS DES FOU Si 0 11, 26 


est La 4 eau bleu , ainsi que le-bec., 
qui a jusqu’à six pouces de long, et qui 
s’ouyre au point de donnér passage à un 
poisson de la taille d’un gros maquereau ; 

et cet énorme morceau ne suffit pas tou- 
jours pour satisfaire sa voracité. M. Bail- 
lon nous a envoyé un de ces fous qui a 
été pris en pleine mer, et qui s’étoit 
étouHé lui-même en avalant un trop 
gros poisson |. Leur pêche ordinaire dans 
l’île de Bassan et aux Ébudes ,' est celle 
des harengs. Leur chair retient le goût 
du poisson ; cependant celle des jeunes, 
qui sont toujours très-gras ?, est assez 

bonne pour qu'on prenne la peine de les 
aller dénicher, en se suspendant à des 
cordes et descendant le long des rochers. 
On ne peut prendre les jeunes que de cette 


1 Envoi fait de Montreuilssur-mer, par M. Bail- 
lon, en décembre 17773 mais c’est un conte que 
l’on fit à Gesner, de lui dire que cet oiseau voyant 
un nouveau poisson, rendoit celui quil venoit 
d'avaler, et ainsi n’emportoit jamais que le dernier 
qu’il eût pêché. 

2 Gesner dit que les He font de la graisse 
de cet oiseau une espèce de très-bon onguent. 


3%6.HISTOIRE NATURE AR. 
manière. Il seroit aisé de tuer es Ux à 
coups de bâton ou de pierres; ‘mais léur. 
chair ne vaut rien. Au resté, ils sont * 
tout aussi imbécilles que les autres fous. M 
Ils nichent à l’ile de Bassan ; dans les 
trous du rocher, où ils ne pondeént qu’ un 
œuf : le peuple dit qu'ils le couvent sim- 
plement en posant déssus ui de leurs 
pieds. Cette idée a pu venir de la largeur 
du pied de cet oiseau : il ‘est largement 
palimé, et le doigt du EE aitisi que 
l'extérieur, ont chacun près dé quatre 
pouces de longueur, et tous lés quatre 
sont engagés par une pièce entière de 
membrane. [a peau n'est point adhérente 
aux muscles, ni collée sur le corps; elle 
n’y tient ds par dé petits faisceaux de 
fibres placés à distances inégales, comme 
d’un à deux pouces, et capables de s’a- 
longer d'autant, de manière qu’en tirant 
la peau flasque elle s'étend commé une … 
membrane f et qu’en la souflant elle 
s’enfle comme un ballon. C’est l'usage que 
sans doute en fait Foiseau pour renfler * 
son volume et se rendre par-là plus léger À 
dans son vol. Néanmoins on ne découvre 1 


; 
1 
3 
: 


_… De 7e « me 
Re 


Er - 


+ 


RMS DÉS FOUS 307 


# re 
pas de canaux qui communiquent du 
thorax à la peau; mais il se peut que 
V'air y parvienne par le tissu cellulaire, 
comme dans plusieurs autres oiseaux. 
Cette observation , qui sans doute auroit 
lieu pour toutes les espèces de fous, a été 
faite par M. Daubenton le jeune, sur un 
fou de Bassan envoyé frais de la côte de 

Picardie. 
Ces oiseaux, qui arrivent au printemps 
pour nicher rh les îles du nord, les 
quittent en automne, et, descendant plus 


au midi, se rapprochent, sans doute, du. 


gros de Lee espèces, qui ne quittent pas 
les régions méridionales; peut-être même, 

si les migrations de cette dernière espèce 
étoient mieux connues , trouveroit-on 
qu'elle_se ralhie et se réunit avec les 
autres espèces sur les côtes de la Floride, 

rendez-vous général des oiseaux qui : au 
cendent de notre nord} et qui ont assez 
de puissance de vol pour tr averser les mers 
d'Europe en Amérique. ï 


Ls meilleur voilier, le plus vîte de nos 
vaisseaux , là frégate, a donné son nom 
à l'oiseau qui vole le “pis rapidement et 
le plus constamment sur les mers. La fré- 
gate est en effet de tous ces navigateurs 
ailés celui dont le vol est le plus fer, le 
plus puissant et le plus étendu : balancé 

sur des ailes d’une prodigieuselongueur, 
se soutenant sans mouvement sensible, 
cet oiseau semble nager paisiblement dans 
l'air tranquille pour attendre l'instant de 
fondre sur sa proie avec la rapidité d'un | 
trait; et lorsque les airs sont agités par la 
teribeté, légère comme le vent, la frégate 
s'élève jusqu'aux nues, et va chercher le 
calme en s’élançant au-dessus des orages. 
Elle voyage en tout sens, en hauteur . 


< Voy ez les planches LÉ n° 061, sous 
la dénomination de grande frégate 7 Cayenne. 
En anglois, fregate bird; à la Jamaïque, man 


je war bird; en espagnol 7 rabihorcado. 


Re 6 ne Zl 22, Pag 808, 


LA FRÉGATE. 


F Joarquet D. 


a 


HISTOIRE NATURELLE. 309 


_ comme en étendue; elle se porte au large 


à plusieurs Pince de lieues, et. fournit 
tout d’un, vol ces traites immenses, aux- 
quelles la durée du Jour ne suffisant pas, 
elle continue sa route dans les ténèbres 
de la nuit, et ne s'arrête sur la mer que 
dans les Le qui lui offrent une pâture 
abondante. | 
Les poissons qui. voyagent. en troupes 
dans les hautes mers, comméiles poissons 
volans, fuient par colonues.et s’élancent 
en l'air. pour échapper aux bonites aux 
dorades, qui les poursuivent, n’échappent 
point à nos frégates. Ce sont ces memes 
poissons, qui. les attirent au large. Elles 
discernent de :très-loin les endroits où 
passent leurs troupesen colonnes qui sont 
quelquefois si serrées, qu’elles font bruire 
les eaux et blanchir la surface dela mer: 
les frégates fondent alors du haut des 
airs, et, Hléchissant leur vol.de manière à 
raser l'eau sans la toucher, -elles enlèvent. 
en passant le. poisson qu’elles, saisissent 
avec le bec, les griffes, etsouvent avec 
les deux à la fois, selon qu'il se-présente, 
soit en nageant sur la surface de l’eau, 
ou bondissant dans l'air. 


LL 'OCIN", cu P* NN 


310 HISTOIRE NATU RELLE 


Ce n’est qu entre les tropiques, oé un 


peu au-delà, que l’on rencontre là fré- 
gate dans les mers des deux mondes. Elle 
exerce sur les oiseaux de la zone torride 
une espèce d'empire: elle en force plu- 
sieurs, particulièrement les fous, à lui 
servir connre de pourvayeurs; les frap- 
pant d'un coup d’aile, ou les pincant ‘dé 
son bec crochuü,, elle leur fait dégorger le 
poisson qu'ils avoient avalé, et s’en saisit 


avant qu'il ne soit tombé. Ces hostilités 


lui ont fait dofiner par les navigateurs lé 
surnom de guerrier, qu’elle mérite à plus 
d’un titre, car son audace la porte à bra- 
ver l’hommé même. « En débarquant à 
« l’île de lAscension, dit M. le vicomte de 
« Querhoent, nous FrhéS entourés d'une 
« nuée de frégates. D'un Coup dé canne 
« J'en terrassai une qui vouloit meprenare 
« un poisson que je tenois à lä main; en 
« même teinps'plusieurs voloient à quél- 
« ques pieds au-dessus de la chauditré 
« qui bouilloit à terre pour en ‘énlever la 
« viande, cs une partie de l'équipage 
« füt alentour. 


_ Cette témérité dé la fr égdté tient autant. 


A 


ts: 


ds 


Y + 
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VE ELA FRÉGATE: :: ÿr 
à la force de ses armes et à la fierté de 
son vol, qu’à sa voracité. Elle est en effet 
armée en guerre : des serres perçantes ; 
un bec terminé par un croc très-aigu ; 
les pieds courts et robustes, recouverts de 
plumes, comme ceux des oiseaux de 
proie ; le vol rapide, la vue percantèe ; 
tous ces attributs semblent lui donner 
quelque rapport avee l'aigle, et en faire 
de même le tyran de l'air au-dessus des 
ners. Mais du reste, la frégate, par sa 
conformation , tient beaucoup plus à l’élé- 
ment de l’eau; et quoiqu’on ne la voie 
presque jamais nager, elle a cependant 
les quatre doigts engagés par une mem- 
brane échancrée *; et par cette union de 
tous les doigts, elle se rapproche du genre 
du cormoran, du fou, du pélican , que 
l’on doit regarder comme de parfaits pal- 
mipèdes. P’ailleurs le bec de la frégate, 
très-propre à la proie , puisqu'il est ter- 
miné par une pointe percante et recour- 
bée , diffère néanmoins essentiellement 

* Dampier n’y avoit pas regardé d’assez Près » 
lorsqu'il dit qu'elle a les pieds Jaits comme ceuæ 
des autres oiseaux terrestres: 


x BR à d | 
32 HISTOIRE NATURELLE 


du bec des oiseaux de proie en bne 
parce qu'il est très- long , un peu concaye 


A 
dans sa partie Dé AE , et que le croc 
placé tout à la pointe semble faire une’ 


pièce détachée, comme dans le bec des 
fous, auquel celui de la frégate ressemble 
“par ces sutures et par le défaut de na- 
rines Her na | 

La frégate n’a pas le corps plus gros 
qu'une poule ; mais ses ailes étendues 
ont huit, dix et jusqu’à quatorze pieds 
d'envergure. C’est au moyen de ces aïles 
prodigieuses qu’elle exécüte ses longues 
courses, et qu'elle se porte jusqu'au mi- 


lieu des mers, où elle est souvent Pa- 
nique objet du s'offré entre le ciel et l'o- 
céan aux regards ennuyés des maviga- 


teurs ; mais cette longueur excessive des 


ailes embarrasse l’oiseau guerrier comme 


’ 


l'oiseau poltron , et empêche la frégate , : 


comme le fou , de reprendre leur vol lors- 


qu'ils sont posés , en sorte que souvent ils 
se laissent assommer au lieu de prendre 
leur essor. Il leur faut une pointe de ro- 
cher ou la cime d’un arlfre, et encore 
x'est-ce que par effort qu'ils s'élèvent en 


DE LA FRÉGATE, 313 
partant. On peut même croire que tous 
césoïiseaux à pieds palmésquise perchent, 
ne.le font que pour reprendre plus aisé- 


ment leur vol; car cette habitude est 


« 


contraire à la structure de leurs pieds, 


et c’est la trop grande longueur de leurs 
ailes qui les force à ne se poser que sur 
des points élevés d’où ils puissent, ex 
partant, mettre leurs ailes en plein exer- 
cice. A 

_ Aussi les frégates se retirent et s’éta- 
blissent en commun sur des écueils élevés 


ou des îlets boisés, pour nicher en repos. 


Dampier remarque qu’elles placent leurs 
nids sur les arbres, dans les lieux seli- 
taires et voisins de la mer. La ponte n’est 


que d’un œuf ou deux ; ces œufs sont. 


d’un blanc teint de couleur de chair ; 
avec de petits points d’un rouge cramoisi. 
Les petits, dans le premier âge, sont cou- 
verts d’un duvet gris blanc ; ils ont les 
pieds de la même couleur , et le bec pres- 
que blanc : mais par la suite la couleur 
du bec change ; il devient ou rouge ou 
noir , et bleuâtre dans son milieu , et il 
en est de même de la couleur des doigts ; 


2% 


d 


314 HISTOIRE NATUREDLE 
la tête est assez petite et applatie en dess 
sus ; les yeux sont gratds , noirs et bril= 4 
Le , et environnés d’une peau bleuâtres | 
Le mâle adulte a sous la gorge une grande 
membrane charnue d’un rougé vif, plus | 
cu moins enflée ou pendante. Personne 
n’a bien décrit ces parties; mais si elles 
n’appartiennent qu'au mâle, elles pour 
roient avoir quelque rapport à la fraise 
du dindon , qui s’enfle et rougit dans cer- 
tains momens d'amour ou de colère. 

On reconnoît de loin les frégates en . 
mer, non seulement à la longueur déme: 
surée de leurs ailes, mais encore à leur 
queue très-fourchue*.Toutleplumage est 
ordinairement uoir avec reflet bleuâtre, | 
du moins celui du mâle. Celles qui sont ; 
brunes, comme la petite frégate figurée 
dans Edwards; paroissent être les jeunes, 
et celles qui ont le ventre blanc sont les 
femelles. Dans le nombre des frégates vues 
à l’île de l'Ascension par M.le vicomte de 
Querhoent, et qui toutes étoient de law 
même grandeur , les unes paroissoient 


* Les Portugais ont donné à la frégate le nom 
de rabo forcago > à cause de sa queue très-fourchue. , 


Ÿ 


DE LA FRÉGATE. 315 


toutes noires; les autres avoient le dessus 
du corps d'un brun foncé, avec la tête 
et le ventre blaues. LeS plumes de leur 
cou sont assez longues pour que les insu- 


laires de la mer du Sud s’en fassent des 
bonnets. Ils estiment aussi beaucoup ia 


graisse ou plutôt l'huile qu'ils tirent de 
ces oiseaux , par la grande vertu qu'ils 
supposent à cette graisse contre les dou- 
leurs de rhumatisme et les engourdisse= 
mens. Du reste , la frégate a ; commele 
fou , le tour des yeux dégarni. de plumes; 
elle a de même l’ongle du milieu dentelé 
intérieurement. Ainsi les frégates, quoi- 


que persécuteurs nés des fous, sont néan- 


moins voisins et parens ; triste exemple 
de la Nature; d’un genre d'êtres qui, 
comme nous , trouvent souvent leurs en 
nemis dans leurs proches! 


FÙ 


Fin du iome seizième. 


es 


a 19 A B LE 


Des articles contenus dans ce volume: J 


lv; 


EL HÜITRIER ; vulgairement la “pie de mer, 
MORE Ji 

Le coure-vite, 15: 

Le tourne-pierre , #7. 

Le merle d’eau, 21. 

La grive d’eau, 28. 

Le cauut, 30. ENT s: | 


| y É “ n. a 
Le râle de terre ou de gent, valgairement r roi 
des cailles, Je 
Le râle d’eau, 44. 
La marouette, 47. 


Oiseaux étrangers de l'ancien, continent qui ont 
rapport au râle , 51. | F 
Le uüklin, ou rûle des 1 pe 101. ’ 
Le tüuklin brun, as 
Le uklin rayé, 54. F 
Le tiklin à collier, 55. 


' 


RE 


TABLE, : 317 
OnL 


3 


Oiseaux étrangers du nouveau continent A 
rapport au râle, 56. | 

Le râle à long bec, ibid. . 
Le kiolo, 58. 
Le râle tacheté de Guyenne) EL!" 
Le rile de Virginie, 61. ré ie 
Le sale Didi bidi,, 62. 4 PSE PET : 
Le petit râle de Cayenne, 63, ! 


Le caurâle, ou petit paon des rofés:, 652 
La poule d’eau ie Maieiann à GONE LS 
La poulette d'eau, 74 pi à 
La porzane, ou la grande poule. d'eau, TO 
La grinette, 77e 
La : simir"ing ; 70. fi 


La glout,, 79»: 


té les 


Oiseaux étrangers qui ont rapport, ke la poule 
d’eau , 60. 
La dei poule d’eau de Cayense 4 
Le mitiek, 82. | ! 
Le kingalik, 84. | pin "Un 


Le jacana » 86. 
Le jacana noir, 92: 
Le jacana verd, 93. 
Le jacana-péca, 94. 
Le jacana varié, 96. 


318. ur, RARE 1500 
* La poule sultane, ou le porphyriow, 97. ET ) À 
Oiseaux qui ont rapport à la poule. sultane 107. 

La poule sultane verte, 109. Fr é* 

La poule soins a: no % 2 Re 

L'angoli, t11. ? 


La petite poule sultane, 213% 
La favorite, 115. 
L’acntli ; 116,: 


La foulque, LE9e 


La macroule, ou grande foulque, 124: 
La grande fouique à crète, 132.1 


Les phaläropes, 133. 
Le phalarope cendré, 135. 
Le phalarope rouge, 137. #. 
Le de à festons ge 138. 


Le grèbe. : 139. 


là LES Re" 


Le petit ét ps 
: Le grèbe huppé; 147- 
4 Le petit grebe huppé, 149. 
Le grèbe corou, 150. 
Le petit grèbe cornu, 152. 
Se Le grèhe duc-laart, 194. 
Le grèbe de la Louisiane, 155. 
Le suis à joues grises, ou le jongris ; 156, 
Le grand grèbe, aps 


"SET TABLE, 

Le castagneux, 159: 
Le castagneux des Philippines, 162. 
Le castagneux à bec cerclé, 164 
Le castagreux de Saint-Domingue , 165, 


Le grèbe-foulque, 166. 


Les plongeons, 168. 
Le grand plongeon, 171. 
Le petit plongeon, 174. 
Le plongeon cat-marin , 176. 
. L’imbrim, ou grand plongeon de la mer du 
Nord, 179. . 


Le lumme, ou petit plongeon de la mer du 
Nord, 162. 


Le bare, 198. 
Le barle huppé, 194: ; 
La piette, ou le petit harle . buppé, 196,4 
Le harle à manteau noir, 198. 
Le Parle étoilé, 200. 
Le harle couronné, 202, 


\ 


Le pélican, 204. 
Variétés du pélican, 224. 
Le pélican brun, 226. 
Le pélican à bec dentelé, 228, 
Le cormoran, 229, 
Le petit Dre a ou le nigaud , 238, 


M 


_ 


*: 


4 : L . Je : *: - dx > 
| ' ÿ 4 à , 4°, 8 "A 


# » 


Eh: eur TABLE. 


* Les hirondelles de mer, 2460: 


Free picrre-garin, où la grande birondelle œ 
mer de nos côtes, 252. | » - 
La petite birondelle de. mer, 259. 
La quifette, 2615: | 
La guifette noire, ou lé épouvantail, Le Ki 
Le gachet, 266. D. "* 
L'hirondelle de mer des Philippines, 267. | 
L’hirondelle de mer à grande envergure, 268. 
La grande hirondelle de mer de Cayenne, 271. 
L'oiseau du tropique, ou Je paille-en-queue $ 274 
Le grand paille-en-queue, 279. - 
‘Le petit paille-en-queue, 280." 200 
Le pailewiquens * à brins s rongés, LR +0 
es fous , 285, 
Le fou commun, 294 
Le fou blanc, 206. ni 
Le gran lou, 206. à 
Le petit fou , 3606.‘ : | LEE 
* Le petit fou brun, “30. LES Te te 
à Te fou tacheté, 302. LÉ e OISE 
+ fou de Bassan , 303. LOUE 18e LS 


La fige, 3 be 


% DEL IMPRIMERIE DE PLASSAN, 


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