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Full text of "Histoire naturelle"

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© HISTOIRE © 
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NATURELLE 
DES 


QUADRUPEDÉS OVIPARES, . 
ET DES SERPENTS, 


Par Le C:* LACEPEDE, 


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TOME DEUXIEME. 
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Li 


: RICHMOND 
COLLECTION. 
1 ; 


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Maiion= ENT “" 
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A PARIS, 


À LA LIBRAIRIE STÉRÉOTYPE 
D8 P, DIDOT L'AÎrÉ, GALERIES Du Louvre, N° 5, 
x7 Fiamin DIDOT, RUE DE THIONVILLE, N° 116. 


AN VII — 1799. 


HISTOIRE 
NATURELLE 


Li 


D ES 


QUADRUPÈDES OVIPARES. 


D. 


ïyes 


TROISIÈME DIVISION. 
LEA RD 


Dont la queue est ronde, qui ont cinq 
doigts aux pieds de devant , et des  * 
bandes écailleuses sous le ventre. 


PPLÉZARD GBIS* À 


Li lézard gris paroît être le plus doux, 
le plus innocent et l’un des plus utiles des 1 
lézards. Ce joli petit animal, si commun 
* Lagartija et sargantana, en Espagne; lan- 
_&rola, aux environs de Montpellier. ï : 


uns le Mrs où nous “écrivo 


quel tant de personnes ont ind à nr 
leur enfance, 


4 
autres quadrupèdes ovipares|; 


ans 4 
| n’a pas reçu de la Nature 
HR un vêtement aussi éclatant que plusieurs 


mais elle 


lui a donné une parure élégante : sa petite 


sa course si prompte, qu'il échappe à œil 


‘taille est svelte ; son mouvement agile; 


aussi rapidement que l’oiseau qui vole. 


Il aime à recevoir la chaleur du soleil: 
ayant besoin d'une température douce, 
1l cherche les abris ; et lorsque 
beau jour de printemps, une lumière pure 
éclaire vivement un gazon en pente, ou 
une muraille qui augmente la chaleur en 
la réfléchissant, on le voit s'étendre sur 
ce mur, OUSsUr l'herbe nouvelle, avec une 
espèce de volupté. Il se pénètre avec dé- 
lices de cette chaleur bienfaisante ; il 
marque son plaisir par de molles ondula- 


tions de sa queue déliée ; il fait briller ses 


yeux vifs et animés ; ilse précipite comme 
un trait pour saisir une petite proie, ou 
pour trouver un abri plus commode. Bien 
loin de s’enfuir à l'approche de homme, 
il paroît le regarder ayec complaisance: 


LA 


es) 


, dans un 


mais au moindre bruit qui l’eflraie , à | 
la chûte seule d’une feuille, il se roule, 
tombe et demeure pendant quelques : ca: Mi 
tans comme étourdi par sa chûte; ou bien # 

il s’élance, disparoît, se trouble, revient, 

se cache de nouveau , reparoît encore, 
décrit en un instant plusieurs circuits tor- 
tueux que l’œil a de la peine à suivre, se 
replie plusieurs fois sur lui-même , et se 
retire eufin dans quelque asyle jusqu’à ce 
que sa crainte soit dissipée * 

Sa tête est triangulaire et applatie; le 


dessus est couvert de grandes écailles, 

| TER : 
dont deux sont situées au-dessus des yeux, | 
de manière à représenter quelquefois des  : 


paupières fermées. Son petit museau ar- 
rondi présente un contour gracieux; les- 
ouvertures des oreilles sont assez grandes; 
Mes deux mâchoires égales et garnies de 
larges écailles ; les dents fines, un peu ". 
crochues , et tournées vers le gosier. 

Ii a à chaque pied cinq doigts déliés, et 
garnis d'ongles recourbés, quiluiservent à 


* C’est principalement dans les pays chauds que ER 
le lézard gris est très-agile , et qu’il exécute les 
divers mouyemens que uous venons de décrire. ne. 


_. grimper aisé 


{ TAN 
\ 


isément sur les arbres et à ca 
avec agilité le long des murs; et ce q 


k al Ù PRE T6 
ajoute à la vîtesse avec laquelle il s’élance, | 
même en montant, c’est queles pattes de 


derrière , ainsi que dans tous les lézards, 
sont un peu plus longues que celles de 


devant. Le long de l’intérieur des cuisses, 


règne un petit cordon de tubercules ; sem- 
blables par leur forme à ceux que nous 


ayons remarqués sur l’iguane: le nombre 


de ces petites éminences varie, et on em 
compte quelquefois plus de vingt. 


Tout est délicat et doux à la vue 


dans ce petit lézard. La couleur grise que 
présente le dessus de son corps, est variée 
par un grand nombre de taches blan- 
châtres, et par trois bandes presque noires 
qui parcourent la longueur du dos; celle 


du milieu est plus étroite que les deux 


autres. Son ventre est peint dé verd 
changeant en bleu; il n’est aucune de ses 
écailles dont le reflet ne soit agréable ; et 
pour ajouter à cette simple mais riante 
parure, le dessous du cou est garni d’un 
collier composé d’écailles , ordinairement 


eu uombre de sept, un peu plus grandes 


sf her RS a 


thor bé 


+ ANT Vi û 


“ 
1 


MAD DES LÉZARDS 9: 
- que les voisines Et qui réunissent l'éclat 
_ et la couleur de l'or. Au reste, dans ce x 
lézard comme dans tous les autres, les | 
teintes et la distribution des couleurs sont | 
sujettes à varier suivant l’âge, le sexe et 
_ le pays : mais le fond de ces couleurs reste 
à peu près le même *. Le ventre est cou- 
vert d'écailles beaucoup plus grandes que 
_ celles qui sont au - dessus du corps ; elles 
y forment des bandes transversales, ainsi 
que dans tous les lézards que nous avons 
compris dans la troisième division. 

Il a ordinairement cinq ou six pouces 
de long , et un demi - pouce de large : et 
quelle différence entre ce petit animal et 
l'énorme crocodile ? Aussi ce prodigieux 
quadrupède ovipare n'est-il presque ja- 
mais apperçu qu'avec effroi, tandis qu’on 
voit avec intérêt le petit lézard gris jouer 
innocemmeut parmi les fleurs avec ceux 
de son espèce, et, par la rapidité de ses 
agréables évolutions , mériter le nom d’a- 
gtle que Linné lui a donné. On ne craint 
point ce lézard doux et paisible ; on l’ob- 


fn 


* Nous avons décrit le lézard gris d’après des 
individus vivans. 


| 10 ù 
_ serve de près. Il ia communémen 


avec rapidité , lorsqu’ on veut le Saisir : 


. mais lorsqu'on l’a pris, on le manie sans 
qu’il cherche à mordre ; les enfans en 


X:Q 


-font un jouet, et, par une suite de la 


grande douceur db son caractère , il de- 
vient familier avec eux. On diroit qu'ik 


cherche à leur rendre caresse pour. ca= 


resse ; ilapprocheinnocemmentsa bouche … 
de leur bouche ; il suce leur salive avec 


avidité. Les anciens l’ont appelé M 


l’homme ; il auroit fallu l'appeler l’amni de 
l'enfance. Mais cette enfance, souvent 
ingrate ou du moins trop inconstante, ne 


rend pas toujours le bien pour le bien à . 


ce foible animal ; elle le mutile; elle lui 
fait perdre une partie de sa queue très-fra- 
gile , et dont les tendres vertèbres peuvent 
aisément se séparer. | 

Cette queue, qui va toujours en dimi- 
ruant de grosseur , et qui se termine en 


pointe , est à peu près deux fois aussi 


longue que le corps: elle est tachetée de 
blanc et d’un noir peu foncé, et les pe- 
tites écailles qui la couvrent forment des 


anneaux assez sensibles, souvent au nom: 


LA 


D 


? 


… 


' di ‘A | 


(DES LÉZARDS. M 


me de quatre-vingts. Lorsqu'elle a été bri- 


sée par quelque accident, elle repousse 
quelquefois ; et suivant qu’elle a été divi- 
sée en plus ou moins de parties, elle est 
remplacée par deux et même quelquefois 
par trois queues plus ou moins parfaites, 


dont une seule renferme des vertèbres ; 


les autres ne contiennent qu’un tendon. 

. Le tabac en poudre est presque tou- 
jours mortel pour le lézard gris : si lon 
en met dans sa bouche ; il tombe en con- 
vulsion, et le plus souvent il meurt bien- 
tôt après. Utile autant qu’agréable, il se 
nourrit de mouches, de grillons, de sau- 
terelles , de vers de terre , de presque tous 
les insectes qui détruisent nos fruits et 
nos grains ; aussi seroit-il très-avantageux 


| que l'espèce en fût plus multiplhiée : à me- 


sure que le nombre des lézards gris s’ac- 
croîtroit , nous verrions diminuer les en- 
nemis de nos jardins; ce seroit alors qu’on 
auroit raison de les regarder, ainsi que 
certains Indiens les considèrent, comme 
des animaux d’heureux augure, de comme 
des signes assurés d’une bonne fortune. 
Pour saisir les insectes dont ils se nour- 


12 


\ 


UE 


_ rissent, cs AS gris dutdèns avec NE À 
tesse une langue rougeâtre, assez large, 
fourchue, et garnie de petites aspérités à 
peine sensibles, mais qui suffisent 4 ‘ 
les aider à retenir leur proie ailée. Comme 
les autres quadrupèdes ovipares, ils peu- 
vent vivre beaucoup de temps sans man- 

_ ger, et on en a gardé pendant six mois 
dans une bouteille, sans leur donner au- 
cune nourriture, mais aussi sans leur 
voir rendre aucun excrément. 

,. Plus il fait chaud, et plus les mouve- 
mens du lézard gris sont rapides : à peine 
les premiers beaux jours du printemps 
viennent-ils réchauffer l'atmosphère, que. 
le lézard gris sortant de la torpeur pro- 
fonde que le grand froid lui fait éprouver, 
et renaissant, pour ainsi dire, à la vie 
avec les zéphirs et les fleurs, reprend son 
agilité et recommence ces espèces de 
joûtes , auxquelles il allie des jeux amou- 
reux. Dès la fin d'avril, il cherche sa fe- 
melle : ils s'unissent ensemble par des 
embrassemens si étroits , qu’on a peine à 
les distinguer l’un de l’autre; et s’il faut 
juger de l'amour par la vivacité de som 


HAS LÉZAMDS  :, 1 
expression , le lézard gris doit ètre un des 
plus ardens des quadrupèdes ovipares. 

La femelle ne couve pas ses œufs, qui 
sont presque ronds , et n’ont pas quelque- 
fois plus de cinq lignes de diamètre : mais 
comme ils sont pondus dans le temps où 
la température commence à être très- 
douce , ils éclosent par la seule chaleur 
de l'atmosphère, avec d'autant plus de 
facilité, que la femelle a le soin de les 
déposer dans les abris les plus chauds , et, 
par exemple, au pied d’une muraille tour- 


née vers le midi. | 

Avant de se livrer à l'amour et de cher- 
cher sa femelle, le lézard gris se dépouille 
comme les autres lézards ; ce n’est que 
revêtu d’une parure plus agréable et d’une 
force nouvelle, qu'il va satisfaire les de- 
- sirs que lui inspire le printemps. Il se dé- 
pouille ‘aussi lorsque l'hiver arrive ; il 
passe tristement cette saison du froid 
dans des trous d’arbre ou de muraille, 
ou dans quelques creux sous terre : il y 
éprouve un engourdissement plus ou 
moins grand, suivant le climat qu’il ha- 
bite et la rigueur de la saison ; et il ne 

2 


14 HISTOIRE NATUR EL 


quitte communément cette. retraite) que 
. lorsque le printemps ramène la chaleur. 
Cet animal ne conserve cependant pas 
toujours la douceur de ses habitudes. 
.M. Edwards rapporte, dans son Æistoire 
naturelle, qu’il surprit un jour un lézard - 
gris attaquant un petitoiseau quiréchau£ 
foit dans son nid des petits nouvellement : 
éclos. C'étoit contre un mur que le nid. 
étoit placé. L'approche de M. Edwards fit 
cesser l’espèce de combat que l’oiseau sou- 
tenoit pour défendre sa Jeune famille; 
l'oiseau s’envola ; le lézard se laissa tom- 
ber : il auroit peut-être, dit M. Edwards ke 
. dévoré les petits, s’il avoit pu les tirer de 
leur nid. Mais ne nous pressons pas d’at- 
tribuer une méchanceté qui peut n'être 
qu'un défaut individuel et ne dépendre 
_que de circonstances passagères , à une 
espèce foible que l’on a reconnue pour 
innocente et douce. 

On a fait usage des lézards gris en mé- 
decine; on les a employés, aux environs 
de dada: dans des taie graves * : 


* On a vanté les propriétés des lézards gnis,. 
principalement contre les maladies de la peau, les 


. la société royale a recu des individus de 
l'espèce dont se servent les médecins espa- 
gnols ; ils ont été examinés par MM. Dau- 
benton et Mauduit , et un de ces lézards a 
été déposé au Cabinet du roi : il ne diffère 
du lézard gris de nos provinces que par 
des nuances de couleur très-légères , et 
qui sont la suite presque nécessaire de la 
diversité des climats de la France et de 
l'Espagne. 

Il paroît qu'on doit regarder comme 
une variété du lézard gris, un petit lézard 
très-agile , et qui lui ressemble par la con- 
formation générale du corps, par celle de 
_ la queue, par des écailles disposées sous 

la gorge en forme de collier, et par des 
* tubercules placés sur la face intérieure 
des cuisses. M. Pallas l’a appelé Zézard 
véloce dans le supplément latin du voyage 
qu'il a publié en langue russe. Ce petit 
lézard est d’une couleur cendrée , rayée 
longitucinalement , semée de points roux 
sur le dos et bleuâtres sur les côtés, où 


cancers, les maux qui demandent que le sang soit 
épuré, etc. Voyez à ce sujet Les avis et instructions 
publiés par la société royale de médecine de Paris. 


rencontre parmi 1 pierres . , aupri 
lac d’ Imderskoi , et dans les lieux les plus | 
déserts et les sn chauds ; il s’élance, 
suivant M. Pallas , avec la nn HoU ee d une “. 
flèche. FSU RER AE 74 


\ j AL 


DES LÉZARDS. 17 
ADDITION A L'ARTICLE 


RO LEZARD GR LS 


M. de Sept-Fontaines, que nous avons 
déja cité plusieurs fois, et qui ne cesse 
de concourir à l’avancement de l’histoire 
naturelle, nous a communiqué l’obser- 
vation suivante , relativement à la repro- 
duction des lézards gris. Le 17 Juillet 1783, 
1l partagea un de ces animaux avec un 
instrument de fer ; c'étoit une femelle, et 
à l'instant il sortit de son corps sept jeunes 
lézards , longs depuis onze jusqu’à treize 


lignes , entièrement formés , et qui cou- 


. rurent avec autant d'agilité que les lé- 


zards adultes. La portée étoit de douze ; 

mais cinq petits lézards avoient été blessés 

par l'instrument de fer, et ne donnèrent 

que de légers signes de vie. 

. M. de Sept-Fontaines avoit bien voulu 

Joindre à sa lettre un lézard de l'espèce 
2 


gt nés “slidier-sféiie) Es LA ES USSR dd 


 cere et cet Sadivtaar ne diffé 
en rien des lézards gris que: era avons 
_ décrits. : é à 
On peut donc croire qu’ il en est des 
lézards gris comme des salamandres ter 
 restres ; que quelquefois les femelles pon- * 
dent hi œufs et les déposent dans des 
endroits abrités, ainsi que l'ont écrit plu * 
Ÿ ‘sieurs Me a, et que d’autres fois 
les petits éclosent sans le ventre de la. 


mère. à 


L'AS à 


ATARI 164514 
MATH 1 154 IH 


NS & 
ES UN NS RNA 


, 
LE LEZARD VERT, 


J Pur. ss 7 


d Ne Des LÉ ZA R D S. 


à 


PERMET ZAURD VE RD 


L A Nature, en formant le lézard verd, 
_ paroît avoir suivi les mêmes proportions : 
que pour le lézard gris : mais elle a tra- 
vaillé d’après un module plus considé- 
_ rable ;° elle n’a fait, pour ainsi dire, 
- qu agrandir ERP gris, et le revêtir 
‘à une parure plus belle. 
C’est dans les prémiers Jours du prin- 
temps que le lézard verd brille de tout” 


* Krauthun , aux environs de Vienne en Au- 
triche; lagarto et fardacho , en Espagne; lazer, 
‘aux environs de Moutpellier. 

Linnæus ne regarde le lézard verd que comme 
une variété du lézard gris ; mais indépendamment 
d’autres raisons, la grande différence qui se trouve 

nire les : HN de ces deux lézards, et les 

_ ele que nous avons faites plusieurs fois 
sur ces animaux vlvaus, ne nous permettent pas 
de les rapporter à la même espèce, 


pc nf Sanisistité 


an sud 1e 
,: 


20 HISTOIRE NATURELLE FA. | 


son éclat , lorsqu’ ayant quitté sa vicille : 


peau. il nt au soleil son corps émaillé. 
des plus vives couleurs. Les rayons qui 
reJaillissent de dessus ses écailles, les 
dorent par reflets ondoyans : elles étin- 


cellent du feu de l’émeraude ; et si elles 


4 


2 | 


ne sont pas diaphanes comme les crys- 
taux , la réflexion d’un beau ciel quise . 


peint sur ces lames luisantes et polies, 
compense l'effet de la transparence par 
un nouveau jeu de lumière. L’œil ne cesse 
d’être réjoui par le verd qu'offre le lézard 


dont nous écrivons l'histoire ; il se rem- 


plit, pour ainsi dire , de son éclat, sans 


Jamais en être ébloue Autant la de 


de cet animal attire la vue par la beauté 
de ses reflets , autant elle l’attache par 


leur douceur ; on diroit qu’elle se répand 


sur l’air qui l’environne , et qu’en s’y dé- 
gradant par des nuances insensibles , elle 


se fond de manière à ne Jamais blesser, 
et à toujours enchanter par une variété 


agréable,séduisant également, soit qu'elle, 


resplendisse avec mollessé au milieu de … 


grands flots de lumière, ou que, ne 
renvoyant qu’une foible clarté, elle pré- 


DES LÉZARDS. or 


Lente des teintes aussi suaves que déli- 
cates. 

Le dessus du corps de ce lézard est d’un 
verd plus ou moins mêlé de jaune , de 
gris , de brun, et même quelquefois de 
rouge ; le dessous est toujours plus blan- 
châtre. Les teintes de ce quadrüpède 
ovipare sont sujettes à varier; elles pâlis- 
sent dans certains temps de l’année , et 
sur-tout après la mort de l'animal: mais 
c'est principalement dans les climats 
chauds qu'il se montre avec l'éclat de 
Tor et des pierreries ; c’est là qu’une 
lumière plus vive anime ses couleurs et 
les multiplie. C’est aussi dans ces pays 
moins éloignés de la zone torride, qu’il 
est plus grand, et qu’il parvient quelque- 
fois jusqu’à la longueur de trente pou- 
-ces *. L’individu que nous avons décrit 
et qui a été envoyé de Provence au Ca- 
binet du roi, a vingt pouces de longueur, 
en y nn mit celle de la queue, qui est 


_* Note communiquée par M. dela Tour-d’ Aïoues, 
| président à mortier au parlement de Provence, et 
- dont les lumières sont aussi connues que son zèle- 
. pour l'avancement des sciences. 


L 


(22 HISTOIRE E NATU 
presque égale à celle du corps: et ps 
tête; le diamètre du corps est de de . 
pouces dans l'endroit le plus gros. Le 
dessus de la tête, comme dans le lézard. 
gris , est couvert de grandes écailles 
arrangées symétriquement et placées à 
côté l’une de l’autre. Les bords des mâ- 
choires sont garnis d’un double rang de 
grandes écailles. Les ouvertures des oreilles 
sont ovales ; leur grand diamètre est de 
quatre ligues , et elles laissent appercevoir 
la membrane du tympan. L'espèce de 
collier qu’a le lézard verd , ainsi que lé 
lézard gris, est formé, dans l'individu 
envoyé de Provence au Cabinet du roi, 
par onze grandes écailles. Celles qui cou< 
vrent le dos sont les plus petites de 
toutes : elles sont hexagones ; mais les 
angles en étant peu sensibles , elles pa. 
roissent presque rondes. Les écailles qui. 
sont sur le ventre, sont grandes , hexa- 
gones , beaucoup plus alongées , et for- 
ment trente demi - anneaux ou bandes 
transversales. 
Treize tubercules s'étendent le long de ; 
Ja face intéricure de chaque cuisse; ils … 


“ 
d 


À 


‘nid: tes 


ss DES LÉ > ZARDS. APE 
sont creux, et nous avons vu à ue 
extrémité un mamelon très-apparent , 
et qui s'élève au-dessus des bords de la 
petite cavité du tubercule dont il paroît 
sortir. La fente qui forme l'anus, occupe 
une très-grande partie de la largeur du 
corps. La queue diminue de grosseur de- 
puis l’origine jusqu’à la pointe ; elle est 
_ couverte d’écailles plus longues que larges, 
plus grandes que-celles du dos, et qui 
forment ordinairement plus de quatre- 
vingt-dix anneaux. ” 
La beauté du lézard verd fixe tés regards 
de tous ceux qui l’appercoivent : mais il 
semble rendre attention pour attention ; 
il s'arrête lorsqu'il voit l’homme ; on 
diroit qu'il lobserve avec complaisance, 
et qu'au milieu des forêts qu'il habite, 
il a une sorte de plaisir à faire briller à 
ses yeux ses couleurs dorées , comme 
dans nos jardins le paon étale avec 
_orgueil l'émail de ses belles plumes. Les 
lézards verds jouent aveclesenfans , ainsi 
que les gris : lorsqu'ils sont pris et qu’on 
les excite les uns contre les autres, ils 
s'attaquent et se mordent quelquefois 
avec acharncment, 


2 


L 2 


NE 


© Plus fort que 1e téza ti st: le | 


se bat contre les serpens : il est rarement « 


vainqueur. L'agitation qu’il éprouve et} 
À 
\ 


le bruit qu'il fait lorsqu'il en voit appro- 
cher, ne viennent que de sa crainte: 
ie on s’est plu à tout anoblir dans | 


‘AN 


a 
cet être distingué par la beauté de ses. 


couleurs ; on a regardé ses mouvemens 


comme une marque d'attention et d'atta-i Û 


chement ; et lon a dit qu'il avertissoit 


l’homme de la présence des serpens qui. 


pouvoient lui nuire. Il recherche les vers 


et les insectes; il se Jette avec une sorte | 


d'avidité sur la salive qu’on vient de, 


cracher , et Gesner a vu un lézard verd 


boire de l'urine des enfaus. 11 se nourrit 


aussi d'œufs de petits oiseaux , qu'il va. 


chercher au haut des arbres, où il grimpe 


À 


avec assez de vitesse, 


Quoique plus bas sur ses pattes que les 


lézard gris, il court cependant avec ag 
lité, et dsl avec assez de promptitude 
pour donner un premier mouvement de w 


œ 1 
x 


A 


surprise et d’effroi , lorsqu'il s’élance au | 


milieu des Dorcel ou des feuilles 


sèches. Il saute très-haut ; et comme il { 


est plus fort , il est aussi plus hardi que 


ä 


le lézard gris : il se défend contre les 
_ chiens qui l’attaquent. L’habitude de 
Saisir par Pendroit le plus sensible, et par 
‘conséquent par les narines, les mue 


espèces de serpens avec esautellés il est 


souvent en guerre , fait qu’il se Jette au 
museau des chiens ; et il les y mord avec 
tant d’obstination , qu'il se laisse emporter 
et même tuer plutôt que de desserrer 
les dents : mais il paroît qu'il ne faut 
point le regarder comme venimeux , au 
moins dans les pays tempérés , et qu’on 
lui a attribué faussement des morsures 
mortelles ou dangereuses. 

Ses habitudes sont d’ailleurs assez sem- 
blables à celles du lézard gris ; et ses 
œufs sont ordinairement pus gros que 
ceux de ce dernier. 7 

Les Africains se nourrissent de la chair 
des lézards verds. Mais ce n’est pas seu- 
lement dans les pays chauds des deux 
continens qu'on trouve ces lézards ; iis 
habitent aussi les contrées très-tempérées, 
et même un peu septentrionales , quoi- 
qu'ils y soient moins nombreux et moins 

3 


M: HISTOIRE NATURE 6 
| grands. Ils ne sont point steanri a 
| La FT de Me Suède 7) LUS 


baiate » un préjugé “AipaS He Pr. 
qu'ils inspirent l’effroi. Les Kamtschadales 
les regardent comme des envoyés des puis- 
sances infernales : aussi s’empressent-ils , 
lorsqu'ils en. ue RER de les couper 
par morceaux; et s'ils te laissent échap- 
per , ils coins si fort le pouvoir des 
divinités dont ils les regardent comme les . 
représentans , qu’à chaque instant ils. 
croient qu'ils vont mourir , et meurent 
même quelquefois , disent quelques voya- - 
geurs , à force de le craindre. 

On trouve aux environs de Paris une 
variété du lézard verd, distinguée par 
une bande qui règne depuis le sommet . 
de la tête jusqu’à l'extrémité de la queue, 
et qui s'étend un peu au-dessus des pattes, 
sur-tout de celles de derrière. Cette bande 
est d’un gris fauve , tachetée d’un brun | 
foncé , parsemée de points Jaunâtres, et 
bordée d’une petite ligne blanchâtre. Nous 
avons examiné deux individus vivans de : 
cette variété ; ils paroissoient jeunes , et | 


PA De s DÉTARDS 
; cependant ils étoient déja de la taille des 
lézards gris qui ont atteint presque tout 
leur äéveloppsment. 

En Italie on a donné au lézard ou 
le nom de stellion , que l’on a aussi attri- 
… bué à la salamandre terrestre, ainsi qu’à 
d’autres lézards. C’est à cause des taches 
de couleurs plus ou moins vives dont 
est parsemé le dessus du corps de ces ani- 
maux , et qui les font paroître comme 
étoilés, qu’on leur a transporté un nom 
que nous réservons uuiquement, avec 
M. Linné et le plus grand nombre des 
naturalistes, à un lézard d’Afri ique , très- 
différent du lézard verd , et qui a toujours 
été appelé stellion 1. ; 

Nous placons ici la notice d’un lézard ? 
que l’on rencontre en Amérique , et qui 


1 On trouve dans la description du muséum de 
Kircher une notice et une figure relatives à un lé- 
zard pris daus un bois des Alpes, et appelé sellion 
d'Italie, qui nous paroît être une variété du lézard 
verd. Rerum naturalium Historia , existentium 
in museo Kireheriano ; Romæx » 17735 page 40. 
Stellion d'Italie. 


? Oulla ouna, par les Caraibes. 


\catesbyie en à Ted sous le nom A sa ère 4 


verd de la Caroline ; Rochefort, et, après 
lui, Ray, l'ont désigné par be dé gobe- 


ee Ce joli petit animal n’a guère 


que cinq pouces de long ; quelques indi- 
vidus même decette espèce, etles femelles 


sur-tout, n’ont que la longueur et la gros- 
seur du Aie: mais s’il est inférieur par 


sa taille à notre lézard verd , il ne lui 


cède pas en beauté. La plupart de ces 
gobe-mouches sont d’un verd très-vif; 1 


y en à qui paroissent éclatans d’or et 


d'argent ; d’autres sont d’un verd doré, 


= 
7 


ou peints de diverses couleurs aussi bril-. 


lantes qu’agréables. Ils deviennent très- 
utiles en délivrant les habitations des 


mouches, des ravets et des autres in- 


sectes nuisibles. Rien n’approche de l'in- 


dustrie, de la dextérité, de l’agilité avec 
lesquelles ils les cherchent , les poursui- 


vent et les saisissent. Aucun animal n’est. 
plus patient que ces charmans petits. lé-. 


zards : ils demeurent quelquefois 1mmo- 
biles pendantune demi-journée, en atten- 


dant leur proie ; dès qu'ils la voient , ils. 


DES LÉZARDS 


| élancént comme un trait, du haut des 
arbres, où ils se plaisent à grimper. Les 


œufs qu ils pondent sont de la grosseur 


d’un pois ; ils les couvrent d’ un peu de 


terre , et la chaleur du suleil les fait éclore. 


Ils sont si familiers , qu’ils entrent hardi- 


ment dans les appartemens ; ils courent 


_ même par-tout si librement et sont si peu 


craintifs |, qu'ils montent sur les tables 
pendant les repas ; et s'ils appercoivent 


quelque insecte , ils sautent sur lui, et 


passent, pour l’atteindre, jusque sur les 
habits des convives: mais ils sont si pro- 
pres et si Jolis , qu’on les voit sans peine 


traverser les plats et toucher les mets. 


Rien ne manque donc au lézard gobe- 
mouche pour plaire ; parure , beauté, 
agilité , utilité, patience , industrie, il 
a tout recu pour charmer l’œil et inté- 
resser en sa faveur. Mais il est aussi dé- 
licat que richement coioré ; il ne se 


montre que pendant l'été aux latitudes 
un peu élevées , et il y passe la saison de 


l'hiver dans des crevasses et des trous 
d’arbre où il s’engourdit. Les jours chauds 


et sereins qui brillent quelquefois pendant 


—— 


l'hiver , le raniment au point de le faire 
sortir de sa retraite ; mais le froid reve- 
nant tout d’un coup _ le rend si foible 


_. 


qu’il n’a pas la force de rentrer dans son 


De 


asyle, et qu'il succombe à la rigueur 


de la saison. Quelqu'agile qu'il soit, 4 
n'échappe qu'avec beaucoup de’ peine | 
à la poursuite des chats et des oiseaux 
de proie. Sa peau ne peut cacher entiè- ê 
rement les altérations intérieures qu'il 
subit ; sa couleur change comme celle du 
caméléon , suivant l’état où il se trouve, 
ou , pour mieux dire , suivant la tempé- 
rature qu’il éprouve. Dans un jour chaud, 
ilest d’un verd brillant ; et si le lende- . 
main il fait froid , il paroît d’une cou- 
leur brune. Aussi , lorsqu'il est mort, 
l'éclat et la fraîcheur de ses couleurs 
disparoissent , et sa peau dévient pâle et 
livide. 

Les couleurs se ternissent et changent 
ainsi dans plusieurs autres espèces de 
lézards ; c’est ce qui produit cette grande 
diversité dans les descriptions des auteurs 
qui se sont trop attachés aux couleurs 
des quadrupèdes ovipares , et c’est ce qui 


. 


quelque ressemblance entre les habitudes 
du gobe-mouche et celles d’un autre petit 
lézard du nouveau monde , auquel on a 


. donné le nom d’arolis, qu’on a appliqué 


aussi à beaucoup d’autres lézards. Nous 
rapportons ce dernier au goîtreux qui vit 
dans les mêmes contrées !. Comme nous 


a répandu une grande confusion dans la 
nomenclature de ces animaux. il y a 


n'avons pas vu le gobe-mouche, nousne 


savons si l’on ne devroit pas le regarder 
de même , comme de la même espèce que 
le goîtreux, au lieu de le considérer 
comme une variété du lézard verd. 

M. François Cetti , dans son istoire 
des amphibies et des poissons de la Sar- 


daigne , parle d’un lézard verd très-com- 


mun dans cette île , et qu'on y nomme 
en certains endroits #/iguerta et caliscer- 


… tula : il ne ressemble entièrement ni au 


lézard verd de cet article, ni à l’améiva, 
dont nous allonstraiter?. M. Cetti présume 


? Voÿez l’article du goftreux. 

? Il est important d'observer que la longueur 
de la queue des lézards , sa forme étagée ou verti- 
cillée, ainsi que le nembre des bandes écailleuses 


que ce à tiliguerta est une 4 espèce nouvel 
intermédiaire entre ces deux lézards : À 
nous paroît cependant , FR ce: qu’e en. 
dit cet habile naturaliste , qu’on pourroit 
le regarder comme une variété du lézard 
verd , s’il a au-dessous du cou une 
espèce de demi-coilier composé degrandes … 
écailles, ou comme une variété de l'a- 
méiva , s’il n’a point ce demi-collier. à 


qui recouvrent le ventre de ces animaux, sont des 
caractères variables ou sans précision. Nous nous , 
en sommes convaincus par l’inspection d’un grand 
nombre d'individus de plusieurs espèces : aussi 
n’avons-nous pas Cru devoir les employer pour dis- ÿ 
tinguer les divisions des lézards l’une d’avec l sobres 
ñous ne nous en sommes servis pour la distinction | 
des espèces, que lorsqu'ils ont indiqué des diffé- 
rences très-considérables; et d’ailleurs nous n'avons 
jamais assigné à la rigueur telle ou telle propor- | 
tion, ni tel ou tel uombre, pour une marque CONS= À 
tante d’une diversité d'espèce, et nous avons déter- j 
miné au contraire rigoureusement el avec précision 


la forme et l’arrangement des écailles de la queue. 
l \ ki 


LE COR D ŸY LE. 


O+ trouve en Afrique et en- Asie un 
lézard auquel M. Linné a appliqué exclu- 
sivement le nom de cordyle, qui lui a 
été donné par quelques voyageurs , mais 
_ dont on s’est aussi servi pour désigner 
la dragonne , ainsi que nous l'avons dit. 
Il paroît qu'il habite quelquefois dans 
l'Europe méridionale, et Ray dit l'avoir 
rencontré auprès de Montpellier. Nous 
allons le décrire d’après les individus 
conservés au Cabinet du roi. | 

|! La tête est très-applatie , élargie par- 
derrière , et triangulaire ; de grandes 
écailles en revêtent le dessus et les côtés ; 
les deux mâchoires sont couvertes d’un 
double rang d’autres grandes écailles , et 
armées de très-petites dents égales , fortes 
et aiguës. 


a] 


Les trous des narines sont petits ; les. 


ouvertures des oreilles étroites , et situées. 


2 


vx 


dont le museau est la pointe. 


Le corps est très-applati ; le ventre est 
| revêtu d'écailles presque quarrées et n 
assez grandes , qui y forment des demi- 


anneaux, ou des bandes transversales ; Les 


écailles du dos sont aussi presque quar- 


aux de out de la ble du triang (2 : 


rées , mais plus grandes ; celles des côtés | 


élane relevées en carène, né paroître les | 


flancs hérissés d’ SL 


La queue est d’une longueur à peu près 
égale à celle du corps ; les écailles qui 


la revêtent , présentent une arête sal- 


lante , qui se termine en forme d’épine 
alongée et garnie , des deux côtés, d'un. 


très-petit aiguillon : ces écailles étant 


longues et très-relevées par le bout , for- … 
ment des anneaux très-sensibles , fes- 


tonnés, assez éloignés les uns des autres, 
et qui font paroître la queue comme 


étagée. Nous en avons compté dix-neuf | 


sur un individu femelle dont la queur 
étoit entière. 


Les écailles des pattes sont aiguës , et. 


relevées "par une arête. Il y a cinq doigts 
garnis d'ongles aux pieds de devant et à 
ceux de derrière. 


: 
t 
T2 
É L 
“ 


Se PPES ré + R D Hi Le 
| La couleur des Ecartes est bleue eu 
Le ou moins mêlée de châtain , par 


| _taches ou par bandes, 


M. Linné dit que le'corps du cod Le 


n'est point hérissé ( corpore lævigato ) + 
+ ne doit s'entendre que du dos et du 

ventre , qui en effet ne le paroissent pas, 
_ lorsqu'on les compare avec les pattes, 


les côtés, et sur-tout avec la queue. Le 


long de l’intérieur des cuisses, règnent 


- des tubercules comme dans l’iguane, le 


- lézard gris, le lézard verd , etc. Une 
variété de cette espèce a les écailles du 
corps beaucoup plus petites que celles 
des autres cordyles. 


moe > “ais s 
| ‘ / 
LL 


HE gi IRE NA 


»“ 


L’HEXAGONE. 


| 


NL ribuee st connoître ce PR qui. 
habite en Amérique, Ce qui forme un des 
caractères distinctifs de l’héxagone, c est. 
que sa queue , plus longue de moitié que. 
le corps , est comprimée de manière à 
présenter six côtés et six arêtes très-vives. 
Il est aussi fort reconnoissable par sa tête, 
qui paroît comme tronquée par-derrière , 
et dont la peau forme plusieurs rides. Les 
écailles dont son corps est revêtu. sont 
pointues et relevées en forme de carène, 
excepté celles du ventre ; il les redresse à 
volonté, et il paroît alors hérissé de pe- 
tites pointes ou d’aiguillons;sous sa gueule 
sont deux grandes écailles rondes ; sa cou-. 
leur tire sur le roux. Nous n’avons pas vu 
ce lézard , et nous pouvons seulement 

présumer que son ventre est couvert de 
bandes transversales et écailleuses. Si cela 
n'est point, 1 faudra le placer parmi les” 

lézards de la division suivante. 


397 


Ms PAAETES 


d'Pauguit S. 


Lu. T's 


“ 


DES LÉZARDS 


/ 
4 \ 


L’AMÉIVA. 


C'ss7 un des quadrupèdes ovipares dont 
l'histoire a été le plus obscurcie : premiè- 
rement, parce que ce nom d’armnéiva où 
d'améira a été donné à des lézards d’es- 
pèces différentes de celle dont il s'agit ici: 
secondement, parce que le vrai améiva 

a été nommé diversement en différentes 
contrées ; il a été appelé tantôt zémapara , 
tantôt /aletec , tantôt 1amacolin, noms qui 
ont été en méimne temps attribués à des 
espèces diférentes de l'améiva , particu- 
Jièrement à l’iguane : et totem Chr 
enfin, parce que cet animal étant très- 
sujet à varier par ses couleurs, suivant les 
saisons , l’age et le pays, divers individus 
de cette espèce ont été regardés comme 
formant autant d'espèces distinctes. Pour 
répandre de là clarté dans ce qui concerne 
cet animal , nous conservons uniquement 
ce nom d’améiva à un lézard qui se trouve 

Ovipares, 11. 4 


« Er SNTETN PET NP 
/ AL Pi PAU UE ONE 
us 


38 HISTOIRE NATURELLE 


(3 
à 


dans l'Amérique tant septentrionale qué \ 


méridionale, et qui a beaucoup de rap- 
ports, avec les lézards gris et les lézards 
verds de nos contrées tempérées ; on peut 
même, au premier coup d'œil , le con- 
fondre avec ces derniers : mais pour peu 


qu’on l’examiné, il est aisé de l’en dis- 
tinguer. Il en difière en ce qu’il n’a point 
au-dessous du cou cette espèce de demi= 
collier, formé de grandes écailles, et 


qu'ont tous les lézards gris, ainsi que les 
lézards verds; au contraire, la peau, 


revêtue de très-petites écailles, y forme. 


un ou deux plis. Ce caractère a été fort 
bien saisi par M. Linné; mais nous de- 
vons ajouter à cette diflérence celles que 
nous avons remarquées dans les divers 
individus que nous avons vus, et quisont 
conservés au Cabinet du roi. 

La tête de l’améiva est, en général, plus 
alongée et plus comprimée par les côtés ; 
le dessus en est plus étroit, et le museau 
plus pointu. Secondement , la queue est 


ordinairement plus longue en proportion 


du corps. Les améivas parviennent d’ail- 
Icurs à une taille presque aussi considé- 


a, 


DES LEZMIRDSAT 
rable que les lézards vérds de nos pro- 
vinces méridionales. L'individu que nous 
décrivons , et qui aétéenvoyédeCayenne 


. par M. Léchevin , a vingt-un pouces de 


longueur totale, c’est-à-dire, depuis le 
bout du museau Jusqu'à l'extrémité de la 
queue , dont la longueur est d’un pied 
six lignes ; la circonférence du corps, à 
l'endroit le plus gros , est de quatrepouces 
neuf lignes ; les mâchoires sont fendues 
jusque- derrière les yeux, garnies d’un 
double rang de grandes écailles , comme 
dans le lézard verd , et armées d’un grand 
nombre de dents très-fines, dont les plus 
petites sont placées vers le bout du mu- 
seau , et qui ressemblent un peu à celles 
de l’iguane ; le dessus de la tête est cou- 
vert de grandes lames, comme dans les 
lézards verds et dans les lézards gris. 
Le dessus du corps et des pattes est 
garni d’écailles à peine sensibles { mais 
celles qui revêtent le dessous du corps 
sont grandes, quarrées , ét rangées en 
bandes transversales. La queue est entou- 
xée d’anneaux composés d’écailles, dont 
la figure est celle d’un quarré long. Le 


40 HISTOIRE NATURELLE | 


dessous des cuisses présente un rang de 


tubercules. Les doigts, longs et séparés 


les uns des autres, sont garnis d'ongles 
assez forts. | 
La couleur de l’améfva varie beaucoup, 
suivant le sexe, le pays, là âge, et Ja tem- 
pérature de l atmosphère, ainsi que nous 
l'avons dit; mais il paroît que le foud en 
est toujours verd ou grisâtre, plus où 
moins diversifié par des taches ou des raïes 
de couleurs Du vives, et qui, étant quel- 
quefois arrondies de manière à le faire 
.paroître œillé, ont fait donner le nom 
d'argus à l’améiva, ainsi qu’au lézard 


verd.Peut-etrel’améiva forme-t-1l, comme 


les lézards de nos coutrées , une petite fa- 
mille, dans laquelle on devroit distinguer 
les gris d'avec les verds:; mais on n’a 
point encore fait assez d'observations 
pour que nous puissions rien établir à ce 
sujet. f 

Ray et Rochefort ont parlé de lézards 
qu'ils ont appelés anolis ou anoles, qui 
pendant le jour sont dans un mouve- 
ment continuel, et se retirent pendant la 
nuit dans des creux, d'ou ils font entendre 


s L. 


| … DES LÉZARDS. AT 
une strideur plus forte et plus insuppor- 
table que celle des cigales. Comme ce nom 
d’anolis ou d'anoles a été donné à plu- 
sieurs sortes de lézards, et que Ray ni 
Rochefort n’ont point décrit, de manière à 
 Ôter toute équivoque, ceux dont ils ont 
fait mention, nous invitons les voyageurs 
à observer ces animaux, sur l'espèce des- 
“quels on ne peut encore rien dire. Nous 
devons ajouter seulement que Gronovius 
a décrit , sous le nom d’anolis, un lézard 
de Surinam , évidemment de la même es- 
pèce que l’améiva deCayenne, dont nous 
venons de donner la description. 
L’améiva se trouve non seulement en 
Amérique , mais encore dans l’ancien 
continent. J'ai vu un individu de cette 
espèce qui avoit été apporté des grandes 
Indes par M. le Cor, et dont la couleur 
étoit d’un très-beau verd plus ou moins 
mélé de jaune. | | 


LA 


! +4 à AA NL NA TEN CEA FA | 
4 


| ; LA 


2 HISTOIRE NATURELLE |. 


. 
FN 
à »yà PO TL ET MN TITLES 


LE LION.: 


Vorcr l'emblème de done appliqué 


à la foiblesse , et le nom du roi des ani- 


maux donné à un bien petit lézard. On 


peut cependant le lui conserver ; parce 
que ce nom est aussi souvent pris pour le 


signe de: la fierté que pour celui de la 


puissance. Le lézard-lion redresse presque 
toujours sa queue en la tournant en rond. 


IL a l’air de la hardiesse , ét c’estapparem-. 


ment ce qui lui a fait donner par les An- 
glois le surnom de Zon, que plusieurs 
naturalistes lui ont conservé. IL se trouve 
dans la Caroline. Son espèce ne diffère pas 
beaucoup :de celle de notre lézard gris: 
Trois lignes blanches et autant de lignes 
noires règnent de chaque côté du dos, 
dont le milieu est blanchâtre ; il a deux 
rides sous le cou ; le dessous des cuisses 
est garni d’un rang de petits tubercules , 
comme dans l’iguane , le lézard gris, le 


DIRSONSZ AMDS21EH 4 
lézard verd, l’améiva, etc.; la queue se 
termine insensiblement en pointe. 

Le lézard- on n’est point dangereux ; 
il se tient souvent dans des creux de ro- 
cher , sur le bord de la mer. Ce n’est pas 
seulement dans la Caroline qu’on le ren- 
contre, mais encore à Cuba , à Saint-Do- 
mingue , et dans d’autres îles voisines. 
Ayant les jambes alongées , äl est très- 
agile, comme le lézard gris, et court 
avec une très-grande vitesse ; mais ce Joli 
et innocent lézard n’en est pas moins la 
proie des grands oiseaux de mer , à la 
_ poursuite desquels la rapidité de sa course 
ne peut le dérober. 


ERP A MEET 


44 HISTOIRE NATURELLE 


(x 


4 


LE GALONNÉ 1 


a 


Cr lézard habite dans l’ancien conti- 
nent , où on le trouve aux Indes et em 
Guinée ; il est aussi en Amérique, ét il 
y a au Cabinet du roi deux iudividus de 
cette espèce qui ont été envoyés de la 
Martinique. C’est avec raison que M. Linné 
assure que le galonné à un grand nombre 
de.rapports avec l’améiva : il est beau 
coup moins grand; inais les écailles qui - 
reveétent le dessous du corps, forment 
également des bandes transversales dans. 
ces deux lézards. Le dessous des cuisses - 
est garui d’un rang de tubercules, comme 
dans l'isguane, le lézard gris, le lézard 
verd , le cordyle, l’améiva, etc. Il a la 
queue menue et plus longue que le corps. 
Il est d’un verd plus ou moins foncé, et 
le long de son dos s'étendent huit raies 
blanchätres , suivant M. Linné. Nous en 
avons compté neuf sur les deux individus 


= EE RE SES 


qui sont au Cabinet du roi. Les pattes 
sont mouchetées de blanc. 

7 Il paroît que ce lézard est sujet à varier 
par le nombre et la disposition des raies 
qui règnent le long du dos. M. d’Antic a 
eu la bonté de nous faire voir un petit 
quadrupède ovipare qui lui a été envoyé 
de Saint - Domingue , et qui est une va- 
riété du galonné. Ce lézard est d'une cou- 
leur très-foncée ; il a sur le dos onze raies 
d’un Jaune blanchâtre, qui se réunissent 
de manière à n’en former que sept du 
côté de la tête, et dix vers l'origine de la 
queue , sur laquelle ces raies se perdent 
inseusiblement. Ce sont là Les seules diffé- 
rences qui le distinguent du galonné. Sa 
longueur totale est de six pouces , et celle 
de la queue de quatre pouces une ligne. 


DES LÈZARDS. 45 


RE Te  TPURE 
\ MA AN RON 
l'A ; 


6 HISTOIRE NATURELLE 


} 


LE LÉZARD CORNU. 


Cx lézard , qui se trouve à Saint-Do- 
mingue , à les plus grands rapports avec 


l'isuane : il lui ressemble par la gran- 
gs ; 


deur , par les proportions du corps, des. 
pattes et de la queue, par la forme des 
écailles, par celle des grandes pièces écail- 


leuses qui forment sur son dos et sur la 


partie supérieure de sa queue une crêtè 


semblable à celle de l’iguane. Sa tête est 


conformée comme celle de ce dernier 
lézard; elle montre également, sur les 
côtés, des tubercules très-gros, très-saïl= 
lans , et finissant en pointe*. Les dents 
ont leurs bords divisés en plusieurs petites 
pointes, comme celles des iguanes un 
peu gros. Mais le lézard cornu diffère de 
l’iguane, en ce qu’il n’a pas sous la gorge 


* J'ai vu deux lézards cornus; l’un de ces deux 


individus n’avoit pas de gros tubercules sur les côtés. 


de la tête. ’ 


PHASE Z AR DST 


une grande poche garnie d’une mem- 
_brane et d’une sorte de crête écailleuse ; 
d’ailleurs la partie supérieure de sa tête 
présente , entre les narines et les yeux, 
quatre tubercules de nature écailleuse , 
assez gros et placés au-devant d’une corne 
osseuse , conique , et revêtue d’une éeaille 
d’une seule pièce !. L’amateur distingué 
qui a bien voulu nous donner un lézard 
de cette espèce ou variété, nous a assuré 
qu'on la trouvoit en très-grand nombre 
à Saint-Domingue. Nous avons nommé 
ce lézard /e cornu, jusqu’à ce que de nou- 
velles observations aient prouvé qu’il 
forme une espèce distincte, ou qu’il n’est 
qu’une variété de l’iguane. M. l’abbé Bon- 
paterre, qui nous a le premier indiqué ce 
lézard, se propose d’en publier la figure 
et la description dans l'Encyclopédie mé- 
thodique *?. 

1 L'un des deux lézards cornus que j’ai examinés, 
et qui font mainienant partie de la collection du 
roi, a trois pieds sept pouces de longueur totale, 
ct sa corne est haute de six lignes. 

2 Sile lézard cornu forme une espèce distincte, 
il faudra le placer dans lu troisième division du 
denre des lézards, à la suite de l’iguane. 


# HISTOIRE NATURELLE | 


« 


L'A TÉTE ROUGES 


à x 2 
SJ STAR 
». Et 7 ” 
D ee + 


Csrrr espèce de lézard se trouve dans 
l’île de Saint-Christophe , et ce est M. Badier l. 
qui a bien voulu nous en communiquer. 
la description. La teète-rouge a ciuq doigts . 
à chaque pied, et le dessous du ventre 
garni de demi-anneaux écailleux , et par 
conséquent elle doit être comprise dans la 
troisième division du genre des lézards ? 
Elle est d’un verd très - foncé et mélé de: 
brun; les côtés et une partie du dessus : 
de la tête sont rouges, ainsi que les côtés 
du cou ; la gorge est blanche, la poitrine 
noire ; le dos présente plusieurs raies 

1 Pilort, téte-rouge. | | 

Anolis de terre. Ce nom d’anolis a été donné 
en Amérique à plusicurs lézards; ainsi que nous 
l'avons vu daus l’Aistoire naturelle des quadru- 
pêdes ovipares. 

2 Voyez notre table méthodique des quadrupèdes 
OVIpArese 


DES LÉZARDS. 49 

noires, transversales et ondées ; sur les 

_ côtés du corps s *étend une bande ont 

dinale, composée de plusieurs lignes noires 

transversales ; le ventre est éotbre par 

- bandes longitudinales, en noir, en bleu 
et en blanchätre. 

Le dessus de la tête est couvert d’écailles 
plus grandes que celles qui garnissent le 
dos ; on voit sous les cuisses une rangée 

Ne petits tubercules, comme sur le lézard 
gris et plusieurs autres lézards. 

L'individu décrit par M. Badier avoit 
un pouce de diamètre dans l'endroit le 
plus gros du corps, et un pied un pouce 
onze lignes de longueur totale; la queue 
étoit entourée d’anneaux écailleux , et 
longue de sept pouces huit lignes ; les : 
Jambes de derrière, mesurées jusqu’au 
premier article des doigts, avoient deux 
pouces une ligne de longueur. 

_ Suivant M. Badier , la tête-rouge par- 
vient à une grandeur trois fois plus con- 
sidérable. Elle se nourrit d'insectes, 


! 


5o HISTOIRE NATURELLE 


LE LÉZARD QUETZ-PALÉO. 


et 


"Ts r est le nom que porte au Bresil cette 


espèce de lézard , dont M. lPabbé Nollin, 


directeur des pépinières du roi, a bien 
voulu m'envoyer un individu. Ce qua- 


drupède ovipare est représenté dans Seba 
(tomelT, planche XCVII, fig. 4), et M. 
Laurent en a fait mention sous le nom 
de cordyle du Bresil (page 52); mais nous 


n'avons pas voulu en parler avant d’en 


avoir vu un individu , et d’avoir pu dé- 
terminer nous-mêmes s’il formoit une 
espèce ou une variété distincte du cor- 
dyle, avec lequel il a beaucoup de rap- 
ports, particulièrement par la conforma- 
tion de sa queue. Nous sommes assurés 
maintenant qu'il appartient à une espèce 
très-différente de celle du cordyle; il n’a 
point le dos garni d’écailles grandes ét 
quarrées comme le cordyle, ni le ventre 


couvert de deini- anneaux écailleux : : 1l À 


f _ 


DES LÉZARDS. 5x 


doit doncêtre compris dans la quatrième 
division des lézards, tandis que l'espèce 
du cordyle fait partie de la troisième. #a 
tête est applatie par-dessus, comprimée 
par les côtés, d’une forme un peu trian- 
gulaire, et revêtue de petites écailles * : 
celles du dos et du dessus des jambes sont 
encore: plus petites ; et comme elles sont 
placées à côté les unes des autres, ellés 
font paroître la peau chagrinée. Le ventre 
et le dessous des pattes présentent des 
écailles un peu plus grandes , mais pla- 
cées de la même manière, et assez dures. 
Plus de quinze tubercules percés à leur ex- 
trémité garnissent le dessous des cuisses ; 
d’autres tubercules, plus élevés , très- 
forts , très-pointus et de grandeur très- 
inégale , sont répandus sur la face exté- 
rieure des Jambes de derrière : on en voit 
aussi quelques uns très-durs , mais moins 
hauts, le long des reins de l’animal , et 
sur les jambes de devant auprès des pieds. 


L 


* Les dents du quetz-paléo sont plus pelites à 
mesure qu'elles sont plus près du museau. J’en aï 


compté plus de trente à chaque mâchoire. Elles 
sont assez serrées. 


52 HISTOIRE sa é, 
La queue de ce lézard est revêtue de 
très - grandes écailles, relevées par une 


avete , très-pointues , très-piquantes, et | 


disposées en anneaux larges et très-dis- 
tincts les uns des autres. Cette forme, qui 
lui est commune avec le cordyle., jointe 
à celie des écailles qui revétent le dessus 
et le dessous de son corps , ‘suffisent pour 
le faire distinguer d'avec les autres lézards 
déja couuus. L'individu que M. Pabbé 
Nollin in’a fait parvenit,, avoitplus d’un 
pied cinq pouces de longueur totale , et 
sa queue étoit longue de plus de huit 
pouces. Le dessus de son corps étoit gris , 
le dessous blanchâtre, et la queue d’un . 
brun très-foncé. 


PES At PLI3. Leg. 53. 


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 QUATRIÈME DIVISION." 


Qui ont cing. doigts aux pieds de de- 


TD ENST D É Z'ATRIDIS UT 89 


CT À À Q 


ES a; 16 


LFI I) 
8 


LÉZARTS 


+ 


vant, sans bandes transversales sous 
le corps. 


LE CAMÉL.ÉON*. 


\ 


Lr nom du caméléon est fameux. On 


lemploie métaphoriquement ,- depuis 
Jong-temps , pour désigner la vile flat- 


terie. Peu de gens savent cependant que 
le caméléon est un lézard ; et moins de 
personnes encore connoissent les, traits 
qu'il présente et les qualités qui le dis- 


* Chamæles , en latin; faitah ou bouiah , en 


#Barbarie, suivant M. Shaw. | 


ÿ 


À OEM dE dre AAA 


5f HISTOIRE NATURELLE 


* 


tinguent. On a dit que le caméléon chan- 
geoit souvent de forme , qu'il w’avoit … 
point de couleur en propre , qu’il prenoit 
celle de tous les objets dont il approchoit, 
qu'il en étoit, par-là une sorte de miroir 
fidèle, qu'il ne se nourrissoit que d'air. … 
Les anciens se sont plus à le répéter ; ils 
ont cru voir dans cet être qui nm'étoit 
pas le caméléon, mais un antmal fantas- 
tique produit et embelli par l'erreur, 
une image assez ressemblante de plu- 
sieurs de ceux qui fréquentent les cours : 
ils s’en sont servis comme d’un objet de 
comparaison pour peindre tes hommes 
bas etrampans qui, n'ayant jamais d'avis … 
à eux , sachant se plier à toutes les formes, 
embrasser toutes les opinions , ne se re- 
paissent que de fumée et de vains projets. 
Les poètes sui-tout se sont emparés de 
toutes les images fournies par des rap- 
ports qui, n'ayant rien de réel, pou- 
voient être aisément étendus : ils Ont paré 
des charmes d’une imagination vive les 
diverses comparaisons tirées d’un ‘animal 
qu'ils ont regardé comme faisant par 
crainte ce que l'on dit que tant dé 


ADIBIST MMÉIZUANRONNET TT 56 
courtisans font par goût. Ces images 
agréables. ont été copiées , muliiphées , 
animées par les beaux génies des siècles 
les plus éclairés. Aucun animal ne réunit, 
sans doute | les propriétés imaginaires 
auxquelles. mous devons tant d'idées 
riantes ; mais une fiction spirituelle ne 
peut qu’ajouter au charme des ouvrages 
où sout répandues ces peintures gra- 
cieuses. Le caméléon des poètes n'a point 
existé pour la Nature ; mais il pourra 
exister à Jamais pour le génie et pour 

.l'umagination. 

Lorsque cependant nous aurons écarté 
les qualités fabuleuses attribuées au camé- 
léon , et lorsque nous l’aurons peint tel 
qu'il est, on devra le regarder encore 
comme un des animaux les plus intéres- 
sans aux yeux des naturalistes , par la 
singulière conformation de ses diverses 
parties , par les habitudes remarquables 
qui en dépendent , et même par des 
propriétés qui ne sont pas’ très - diffé- 
rentes de celles qu’on lui a faussement 
attribuées *. 


* On peut voir dans Pline les vertus. chimériquès 


2 


Fe 


56. HISTOIRE NATURELLE : 


On trouve des. caméléons de plusieurs 


tailles assez différentes les unes des autres. 


Les plus’ grands n’ont guère plus de qua= 


torze pouces de longueur totale. L’indi- 
vidu que nous avons décrit , et qui est 
conservé avec beaucoup d’autres au Ca- 


binet du roi, a un pied deux pouces trois 


lignes , depuis le bout du museau jus- 
qu'à l'extrémité de la queue, dont la lon- 


gueur est de sept pouces. Celle des pattes ,. 
y compris les doigts , est de trois pouces. 


La tête, applatie par-dessus, l’est aussi 
par les côtés : deux arêtes élevées partent 
du museau, passent presque immédiate- 
ment au-dessus des yeux , en suivent à 
peu près la courbure, et vont se réunir 
en pointe derrière la tête ; elles y ren- 
contrent une troisième saillie qui part du 
sommet de la tête, et deux autres qui 
viennent des coins de la gueule ; elles 
forment, toutes cinq ensemble , une sorté 
de capuchon , ou, pour mieux dire, de 


pyramide à cinq faces, dont la pointe est 


L 2 # . L2 } 4 
que les anciens attribuoient au caméléon. On trou- 
vera aussi dans Gesner tous les contes ridicules 
qu’ils ont publiés au sujet de cet animal. 

M 


DES: LÉ Z AURID Sin 5 
| tournée en arrière. Le cou est très-court- 
Le dessous de la tête et la gorge sont 
comme gonflés, etreprésent ent une espèce 
de poche , mais moins grande de beau- 
coup que celle de l’iguane. 

La peau du caméléon est parsemée de 
petites éminences comme le chagrin: 
elles sont très-lisses, plus marquées sur 
la tête, et environnées de grains presque 
imperceptibles. Un rang de petites pointes 
coniques règne en forme de dentelure 
sur les saillies de la tête ,.sur le dos , sur 
une partie de la queue et au-dessous du 
corps , depuis le museau jusqu’à l’anus. 

Sur le bout du museau, qui est un peu 
arrondi, sont placées les narines, qui doi- 
vent servir beaucoup à la respiration de 
l'animal ; car il a souvent la bouche fer- 
mée si exactement, qu’on a peine à dis- 
tinguer la séparation des deux lèvres. Le 
cerveau est très-petit et n’a qu'une ligne 

_ ou deux de diamètre. La tête du caméléon 
“ne présente aucune ouverture particulière 
pour les oreilles, et MM. de l'académie des 
sciences , qui disséquèrent cet animal, 
crurent qu’il étoit privé de l'organe de 


08 BIS TONRE NATURELLE 
J'ouïe , qu’ils n’appercurent point dans ce 


lézards , Mais que M. Camper vient dy | 
découvrir. C’est une nouvelle preuve de 
la foiblesse de l’ouïe dans les quadru-, 


pèdes ovipares ,; et vraisemblablement 
c’est une des causes qui concourent à 
produire l’espèce de stupidité que l’on a 
attribuée au caméléon. 


Les deux mâchoires sont composées : 


d’un os dentelé qui tient lieu de véri- 
tables dents *. Presque tout est particulier 
dans le caméléon : Les lèvres sont fendues 
même au-delà des mâchoires, où leur 
ouverture se prolonge en bas : les yeux 


sont gros et très-saillans ; et ce qui les” 


distingue de ceux des autres quadru- 


pèdes , c’est qu’au lieu d’une paupière 


qui puisse être levée et baissée à volonté, 


ils sont recouverts par une membrane. 


chagrinée , attachée à l'œil , et qui en 
suit tous les mouvemens. Cette: mem- 


* Nous nous sommes assurés de lexistence deu 
cet os dentelé, par l’inspection des squelettes de 


caméléon que lon a au Cabinet du roi. Prosper 


Alpin à nié, en quelque à lexistence de | 


get OS. 


LL 
a 


2? LE 


\ 


\ DES LÉZARDS. 59 
brane est divisée par une fente horizon- ; 
tale , au travers de laquelle on appercoit 
une prunelle vive, brillante, et comme 
bordée de couleur d’or. 

Les lézards , et tous les quadrupèdes 
ovipares en général , ont les yeux très- 
bons. Le sens de la vue , ainsi que nous 
lavons dit , paroît être le premier de 
tous dans ces animaux , de même que 
dans les oiseaux. Mais les caméléons 
doivent Jouir par excellence de cette vue 
exquise : il semble que leur sens de la 
vue est si fin et si délicat, que sans la 
membrane qui revêt leurs yeux , ils se- 
roient vivement offensés par la lumière 
éclatante qui brille dans les climats qu'ils 
habitent. Cette précaution qu’on diroit 
que la Nature a prise pour eux , ressem- 
ble à celle des Lappons et d’autres habi- 
taus du Nord , qui portent au-devant de 
leurs yeux une petite planche de sapin 
fendue , pour se garantir de l'éclat 
éblouissant de la lumière fortement réflé- 
chie par les neiges de leurs campagnes : 
ou plutôt ce n’est point pour conserver 
la finesse de leur vue, qu'il leur a été 


F2 


L\ 


6o HISTOIRE NATUREL Me 


donné des membranes ; mais c’est parce 
qu'ils ont recu ces membranes préserva- | | 
trices , que leurs yeux, moins usés MOINS 
vivement ébranlés |, doivent avoir une # 
force plus grande et plus durable. s Î 
Non seulement le caméléon a les yeux 
enveloppés d'une manière qui lui est par- 
ticulière, mais ils sont mobiles indépen- * 
damment l’un de l’autre : quelquefois il 
les tourne de manière que l’un regarde 
en arrière, et l’autre en avant ; ou bien 
de l’un il voit les objets placés au-dessus 
de lui, tandis que de l’autre il appercoit 
ceux qui sont situés au-dessous. Il peut 
par-là considérer à la fois un plus grand 
espace ; et, sans cette propriété singu- 
lière , il seroit presque privé de la vue 
malgré la bonté de ses yeux , sa pru- 
nelle pouvant uniquement admettre les 
rayons lumineux qui passent par la fente 
très-courte et très-étroite que présente la 
membrane chagrinée. | ; 
Le caméléon est donc unique dans À 
son ordre , par plusieurs caractères très- 
remarquables : inais ceux dont nous ve- 
nons de parler , ne sont pas les seuls qu'il 


-% 


NS : ) #7 "” 


DES LÉZARDS 6 
présente; sa langue , dont on a comparé 
la forme à celle d’un ver de terre , est 
ronde , longue communément de cinq 
ou six pouces, terminée par une sorte 
. de gros nœud, creuse , attachée à une 
espèce de stylet cartilagineux qui entre 
dans sa cavité et sur lequel l'animal 
peut la retirer , et enduite d’une sorte de 
vernis visqueux qui sert au caméléon à 
retenir les mouches , les scarabées, les 
sauterelles , les fourmis et les autres in- 
sectes dont il se nourrit , et qui ne peu- 
-vent luiréchapper , tant il la darde et la 
retire avec vitesse. 

Le caméléon est plus élevé sur ses Jam- 
bes que Le plus grand nombre des lézards; 
11 a moins l’air de ramper lorsqu'il mar- 
che : Aristote et Pline l’avoient remarqué. 
Ila, à chaque pied, cinq doigts très- 
longs, presque égaux, et garnis d'ongles 
forts et crochus; mais la peau des jambes 
s'étend jusqu’au bout des doigts , et les 
réunit d’une manière qui est encoré par- 
ticulière à ce lézard. Non seulement cette 
peau attacheles doigts les unsaux autres, 
inais elle les enveloppe , et en forme 

6 


2 


6: HISTOIRE NATURELLE 


comme deux paquets, l’un de trois. doigts, À 
et l’autre de deux ; et il y a cette différence 


entre les pieds di devant et ceux de 


derrière , que ; dans les premiers, le: 


paquet extérieur est celui qui ne con- 
tient que deux doigts, tandis que c’est 
l'opposé dans les pieds de derrière * 
Nous avons vu, à l’article de la dxa- 
gonne, combien une membrane de moins 
entre les doigts influoit sur les mœurs 
de ce lézard , et, en lui donnant la fa- 
cilité de grimper sur les arbres, ren- 
doit ses habitudes différentes de celles du 
crocodile, qui a les pieds palmés. Nous 


avons observé en général, qu’un léger - 


changement dans la conformation des 
pieds devroit produire de très-grandes 
dissemblances entre les mœurs des divers 
quadrupèdes. Si l'on considère, d’après 


cela , les pieds du caméléon réunis d’une | 


* Quelques auteurs ont écut qu'il y avoit des 


; 
‘à 
1 


espèces de caméléons dont les cinq doigts de chaque w 


pied étoient séparés les uns des autres. Ils auront 
certainement pris pour des caméléons d’autres lé- 


ressemble en effet un peu à celle du caméléon. 


zards, et, par exemple, des tapayes, dont la tête 
h 


Û 
: 


\ DES TE ÉZ AR DIS. 63 
manière particulière , recouverts par une 
continuation de la peau des jambes, et 
divisés en deux paquets, où les doigts 
sont rapprochés et collés, pour ainsi 
dire , les uns contre les autres, on ne 
sera pas étonné de l'extrême différence 
qu'il y a entre les habitudes naturelles 
du caméléon et celles de plusieurs lé- 
zards. Les pieds du caméléon ne pou- 
vant guère lui servir de rame , ce n’est 
pas dans l’eau qu'il se plaît : mais les 
deux paquets de doigts alongés qu'ils 
présentent , sont placés de manière à 
pouvoir saisir aisément les branches sur 
lesquelles 1l aime à se percher ; il peut 
empoigner ces rameaux , en tenant un 
paquet de doigts devant et l’autre der- 
rière , de même que les pics, les coucous, 
les perroquets , et d’autres oiseaux , sai- 
sissent les branches qui les soutiennent’, 
en mettant deux doigts devant et deux 
derrière. Ces deux paquets de doigts, 
placés comme nous venons de le dire, 


ne fournissent pas au caméléon un point 


d'appui bien stable lorsqu'il marche sux 


la terre : c’est ce qui fait qu’il habite 


» 


"AN 


de préférence sur les arbres, ‘où, il a d’e 
tant plus de facilité à grimper et à se | 
tenir, que sa queue est longue et douée 4 
d’une assez grande force. Il la replie, 
ainsi que les sapajous ; il en entoureles 
petites branches , ‘et s’en sert comme 
d’une cinquième main pour s'empêcher 
de tomber , ou passer avec facilité d’un 
endroit à un autre. Belon prétend que les 
caméléons se tiennent ainsi perchés: sur 
les haies pour échapper aux vipères et 
aux cérastes, qui les avalent tout entiers 
lorsqu'ils peuvent les atteindre : mais ils 
ne peuvent pas se dérober de même à la 
mangouste , et aux oiseaux de proie que : 
les recherchent. 

Voilà donc le caméléon que l’on peut 
regarder comme l’analogue du sapajou, 
dans les quadrupèdes ovipares. Mais si sa 
conformation lui donne une habitation 
semblable à celle de ce léger animal, 
s’il passe de même sa vie au milieu des 
forêts et sur les sommets des arbres , ik, | 
n’en a ni l’élégante agilité, ni l’activité 
pétulante. On ne le voit pas s'élancer 
comme un trait de branche en branche, 


| UT 
64 HISTOIRE NATURELLE Va 


CRE, 


De” ME re 


ne 


Des LÉ ZAR DES TT 65 
à imiter , par la vitesse de sa course 
et la grandeur de ses sauts, la rapidité 
du vol des oiseaux : mais c’est toujours 
avec lenteur qu'il va d’un rameau à un 
autre ; et 1l est plutôt dans les bois en 


embuscade sous les feuilles pour retenir 


les insèctes ailés qui peuvent tomber sur 
sa langue gluante, qu’en mouvement de 
chasse pour aller les surprendre *, 

La facilité avec laquelle il les saisit , le 
rend utile aux Indiens, qui voient avec 


grand plaisir dans leurs maisons cet in- 


nocent lézard. Il est en effet si doux, 
qu'on peut, suivant Alpin, lui mettre 
le doigt dans la bouche , et Fenfoncer 
très-avant , sans qu'il cherche à mordre ; 
et M. Desfontaines, savant professeur du, 
Jardin du roi, qui a observé les camé- 
léons en Afrique , et qui en a nourri 
chez lui, leur attribue la même douceur 
qu’Alpin. 

Soit que le caméléon grimpe le long 
des arbres |, soit que, caché sous les 
feuilles, il y attende paisiblement les 

* Hasselquist a trouvé dans l’estomac d’un ca- 


mélon, des restes de papillons et d’autres insectes, 
6 


l " | DATA ds PE UR LAON 
| 
66 HISTOIRE NATURELLE 
insectes dont il se nourrit, soit enfin qu 
marche sur la terre, il paroît toujours 
assez laid ; il n'offre, pour plaire à la vue, 
ni proportions agréables, ni taille svelte, 
ni mouvemens rapides. Ce n’est qu'avec 
une sorte de circonspection qu'il ose se 
remuer. S'il ne peut pas embrasser Îles 
branches sur lesquelles il veut grimper, 
il s'assure, à chaque pas qu'il fait, que 
ses ongles sont bien entrés dans les fentes 
de l’écorce : s’il est à terre ; 1l tâtonne ; il 
ne lève un pied que lorsqu'il est sûr du 
point d'appui des autres trois. Par toutes 
ces précautions, il donne à sa démarche 


une sorte de gravité, pour aïnsi dire ri- 


dicule , tant elle contraste avec la peti- 
tesse de sa taille et l’agilité qu’on croit 
trouver dans un animal assez semblable 
à des lézards fort lestes. Ce petit animal , 
dont l’enveloppe et la mobilité des yeux , 
la forme des pieds , et presque toute la 
conformation , méritent l'attention des 
physiciens , n’arrêteroit donc les regards 
de ceux qui ne jettent qu’un coup d'œil 
superficiel, que pour faire naître le rire 
et une sorte de mépris : il auroit été bien 


ME LUE 
LA PA EE à AN. 


Op ES LEZ AR DS. '" ‘67 
éloigné d’être l’objet chéri de tant de 
voyageurs et de tant de poètes; son nom 
n’auroit pas été répété par tant de bou- 
ches ; et perdu sous les rameaux où il se 
cache , il n’auroit été connu que des na- 
turalistes , si la faculté de présenter, 
suivant ses différens états, des couleurs 
plus ou moins variées , n’avoit attiré sur 
lui depuis long- ri € une attention par- 
ticulière. 

Ces diverses teintes changent en effct 
avec autant de fréquence que de rapidité; 
elles paroiïssent d’aïlleurs dépendre du 
climat, de l’âge où du sexe. Il est donc 
assez difficile d’assigner quelle est la cou- 
leur naturelle du caméléon. Il paroît ce- 
pendant qu’en général:ce lézard est d’un 
gris plus ou moins foncé, où plus où 
moins livide. SÉMIE 

Lorsqu'il est à l'ombre et en repos de- 
puis quelque temps , les petits grains de 
sa peau sont quelquefois d’un rouge pâle; 
le dessous de ses pattes est d’un blanc un 
peu Jaunâtre : mais lorsqu'il est exposé 
à la lumière du soleil ,sa couleur change; 
là partie de son corps qui est éclairée 


J 


68 HISTOIRE Ra TULEISE La 


la partie sur laquelle les rayons du so- 


LE 


devient souvent: d'au gris plus  « 


leil ne tombent point directement, offre 


des couleurs plus éclatantes, et des taches 


qui paroissent isabelles par le mélange 
du Jaune pâle que présentent alors les pe- 
tites éminences , et du rouge clair du 
fond de la peau. tions les intervalles des 
taches , les grains offrent du gris mêlé 
de verdâtre et de bleu , et le fond de la 
peau est rougeâtre. D’autres fois le camé- 
léon est d’un beau verd tacheté de jaune; 
lorsqu'on letouche, il paroît souvent cou- 
vert tout d’un coup de taches noirâtres_ 
assez grandes, mêlées d’un peu de verd ; : 
lorsqu'on, l'enveloppe dans un linge ow 
dans une étoffe, de quelque couleur. 
qu’elle soit, il bien quelquefois plus 
blanc qu’à l’o l'o rdinaire : mais ilest démon- k. 
tré , par les observations les plus exactes, 
qu il ne prend point la couleur des pr | 
qui l’environnent ; que celles qu'il montre 
accidentellement ne sont point répan- 
dues sur tout son corps, comme le pensoit 
Aristote, et qu'il peut offrir la couleur | 
blanche, ce qui est contraire à l'opinion 
de Patotque et de Solin. à 


Lx 
EUR 


DES LÉZARDS. 69 


1 n’a recu presque aucune arme pour 


se défendre : ne marchant que très-lente- 


ment, ne pouvant point échapper par la 


fuite à la poursuite de ses ennemis, 1l 
est la proie de presque tous les animaux 
qui cherchent à le dévorer : il doit par 
conséquent être très-timide, se troubler 
aisément, éprouver souvent des agita- 
tions intérieures plus ou moins considé- 
rables. On croyoit, dw temps de Pline 


qu'aucun animal n'étoit aussi craintif 


que le caméléon, et que c’étoit à cause. 


_ de sa crainte habituelle qu'il changeoit 


souvent de couleur. Ce trouble et cette 
crainte peuvent en effet se manifester, 
par les taches dont il paroît tout d’ui 
coup couvert à l'approche des objets 
nouveaux. Sa peau n'est point revêtue 
d’écailles, comme celle de beaucoup 
d’autres lézards ; elle est transparente, 
quoique garnie des petits grains dont 
nous avons parlé; elle peut aisément 
transmettre à l'extérieur, pa des taches 


- brunes et par une couleur jaune ou ver- 


dâtre, l'expression des divers mouvemens 
que la présence des objets étrangers doit 


no HISTOLRE N'a ROBE 


imprimer au sang et aux humeurs du. 4 
caméléon. Hassclquist , qui l’a observé L 
en Égypte, et qui l’a disséqué avec soin, 
dit que le changement de la couleur dece « 
lézard provient d’une sorte de maladie, … 
d’une jaunisse que cet animal éprouve. ê 
fréquemment , sur-tout lorsque ilest irrité. 
De [à vient , suivant le même auteur, … 
qu'il faut presque toujours que le camé- . 
1éon soit en colère, pour que ses teintes 
changent du noir au jaune ou au verd. 
11 présente alors la couleur de sa bile, que . 
l'on peut appercevoir aisément , lors … 
qu'elle est très-répandue dans le corps, à … 
cause de la ténuité des muscles , et de la 
transparence de la peau. Il paroît d’ail- . 
leurs que c’est au plus ou moins de cha- 
leur dont il est pénétré, qu’il doit les 
changemens de couleur qu’il éprouve de … 
temps en temps. En général , ses couleurs 
sont plus vives lorsqu'il est en mouve- 
ment , lorsqu'on le manie, lorsqu'il est 
exposé à lv lumière du soleil très-chaud | 
dans les climats qu'il habite : elles de- 
viennent au contraire plus foiblés lors- 
qu'il est à l'ombre, c’est-à-dire , privé de | 


} 


ES 


L 0 L 


DES LÉZARDS. e: 
l'influence des rayons solaires , lorsqu'il 
est en repos , etc. Sises couleurs se ter- 
unissent quelquefois lorsqu'on l'enveloppe 
dans du linge ou dans quelque étoffe, c’est 
peut-être parce qu'il est refroidi par les 
linges ou par l’étoffe dans lesquels on le 
plie. Il pâlit toutes les nuits, parce que 
toutes les nuits sont plus ou moins 
fraîches , sur-tout en France, où ce phé- 
nomène a été observé par M. Perrault. IL 
blanchit enfin lorsqu'il est mort, parce 
qu’alors toute chaleur intérieure est 
éteinte. 

La crainte , la colère et la chaleur 
qu'éprouve le caméléon, nous paroissent 
donc les causes des diverses couleurs 
qu'il présente , et qui ont été le sujet de 
tant de fables. 

Il jouit à un degré très-éminent du pou- 
voir d’enfiler les différentes parties de son 
corps, de leur donner par-là un volume 
plus considérable, et d’arrondir ainsi celles 
qui seroient naturellement comprimées: 

C’est par des mouvemens lents et irré- 
guliers , et non point par des oscillations 
régulières et fréquentes, que le camé!'éon 


Ef d Pr 1 


#2 Le 

se Su At CT Rp d'aii au point dé À 
doubler son diamètre: son enflure s'étend 4 

Jusque dans les pattes et dans la queue. » 
Îl demeure dans cet état quelquefois pen- 
dant deux heures , se désenflant un peu 
de temps en temps, et se renflant de 
nouveau : mais sa dilatation est toujours 
plus soudaine que sa compression. 

Le caméléon peut aussi demeurer très- 
long-temps désenflé : 1l paroît alors dans, 
un état de maigreur si considérable, que 
l’on peut compter ses côtes, et que l’on : 
distingue les tendons de ses pattes et 
toutes les parties de l’épine du dos. 1 

C’est du caméléon dans cet état que 
l’on a eu raison de dire qu’il ressembloit 
à une peau vivante : car en effet il paroît . 
alors n'être qu’un sac de peau dans lequel 
quelques os seroient renfermés ; et c’est 
sur-tout lorsqu'il se retourne , qu'il a. 
cette apparence. 

Mais il en est de cette propriété de s’en- 
fler et de se désenfler , comme de toutes 
les propriétés des animaux, des végétaux, 
et même de la matière brute : aucune 
qualité n’a été, à la rigueur , accordée | 


5 hr 
TR eo 


À 


AIDES LÉZARDS #3 
exclusivement à une substance; ce n’est 
que faute d'observations que l’on a cru 
voir des animaux, des végétaux ou des 
minéraux présenter des phénomènes que 
d’autres n'offroient point. Quelque pro- 
priété qu'on remarque dans un être, on 
doit s'attendre à la trouver dans un autre, 
quoiqu'à la vérité à un degré plus haut 
ou plus bas. Toutes les qualités, tous les 
effets , se dégradent ainsi par des nuances 
successives , s’'évanouissent ou se chan- 
gent en qualités et en effets opposés. Et 
pour ne parler que de la propriété de se 
gonfler , presque tous les quadrupèdes 
ovipares , et particulièrement les gre- 
nouilles, ont la faculté de s’enfler et de 
se désenfler à volonté ; mais aucun ne la 
possède comme le caméléon. M. Perrault 
paroît penser qu'elle dépend du pouvoir 
qu'a ce lézard de faire sortir de ses pou- 
mons l'air qu'il respire , et de le faire 
glisser entre les muscles et la peau. Cette 
propriété de filtrer ainsi l’air de latmo- 
sphère au travers de ses poumons, et ce 
 gonflement de tout son corps, que le ca- 
méléon peut produire à volonté, doivent 

Ovipares, 11. 7 


4 HISTOIRE NATURELLE | 
le rendre beaucoup plus léger, en ajou- 1 
tant à son volume, sans augmenter sa ù 
masse, Il peut plus facilement , par-là , 
s'élever sur les arbres, et y Sie a 
branche en branche; et:ce pouvoir: de 
faire passer de l'air dans quelques parties « 
de sou corps , qui lui est commun‘avec | 
les oiseaux , ne doit pas avoir peu con- 
tribué à déterminer son séjour au: (mi 
lieu des forêts. Les caméléons. gonflent 
aussileurs poumons, qui sont composés f 
de plusieurs vésicules, ainsi que ceux 
d’autres quadrupèdes oviparés. Cette eon- 
formation explique les contradictions des « 
auteurs qui ont disséqué ces animaux, 
et qui leur ont attribué les uns de petits 
et d’autres de grands poumons , comme L 
Pline et Belon. Lorsque ces viscères sont 
flasques., plusieurs vésieules peuvent 
échapper où paroître très-petites aux:0b- 
servateurs ; et elles occupent au. contraire À 
un si grand espace lorsqu'elles sontsouf- 
fées , qu’elles couvrent présque entière- 
ment toutes les parties intérieures. | 

Le battement,du cœur ducaméléomest | 
si foible, que souvent on me. peut le % 


TRES 


< = s ee 


DES LEZARDS. 73 
sentir en mettant la main. au-dessus de: 
ce viscère. | 

Cet animal , ainsi que les autres lézards, 
peut. vivre près d'un an sans manger, et 
c'est vraisemblablement ce qui a fait dire 
qu'il ne se nourrissoit que d'air. Sa con- 
formation ne lui permet pas de pousser 
de véritables cris ; mais lorsqu'il est sur 
le point d’être surpris, 1l ouvre la gueule 
et sille comme plusieurs autres quadru- 
pèdes ovipares et les serpens. 

Le caméléon se retire dans des trous de 
rochers , ou d’autres abris, où ïil se tient 
<aché pendant l'hiver , au moins dans 
les pays un peu AE LES , etoùil ya 
-apparence qu'il s'engourdit. Ce fait étoit 
connu d'Aristote et de Pline. 

La ponte de cet animal est de neuf à 
douze œufs : nous eñ avons compté dix 
.dans le ventre d’une femelle envoyée du 
Mexique au Cabinet du roi. Ilssontovales, 
reyeétüs d’une membrane mollasse comme 

ceux des tortues marines, desiguanes, etc. 
Ils ont à peu-près sept ou huit lignes dans 
leur plus grand diamètre. 

Lorsqu'on transporte le caméléon en 


76 HISTOIRE NA TURELLE 


vie dans les pays un peu froids, il refuse | 
presque toute nourriture ; il se tient im- à 


: 
mobile sur une branche , tournant seu- î 


lement les yeux de temps en temps, et il, 
périt bientôt. 


On trouve le cal dans totis dei 


climats chauds, tant de l’ancien que du 
nouveau continent, 


Afrique , 


au Mexique , en 
au cap de Bonne - Espérance, 
dans l'île de Ceylan , dans celle d’Am-. 
boine , etc. La destinée de cet animal 
paroît avoir été d’intéresser de toutes les | 
‘manières. Objet, dans les pays ancien- 
nement policés, de contes ridicules, de 
fables agréables, de superstitions ab- 
surdes et burlesques , il jouit de beau- 
coup de véuération sur le bord du Séné- 
gal et de la Gambie. La religion des nègres, 
du cap de Monté leur défend de tuer les 
caméléons , et les oblige à les secourir 
lorsque ces petits animaux, tremblans le 
long des rochers dont ils cherchent à 
descendre , s’attachent avec peine par 
leurs ongles, se retiennent avec leur 
queue, et s’épuisent, pour ainsi dire, 
en vains efforts : mais quand cés anidaux 


DES LÉZARDS. 77 
sont morts, ces mêmes nègres font sécher 
leur chair et la mangent. 

Il y a au Cabinet du roi deux caméléons, 
l'un du Sénégal, et l’autre du cap de 
Bonne-Espérance, qui n'ont pas sur le 
derrière de la tête cette élévation trian- 
gulaire, cette sorte de casque qui dis- 
tingue non seulement les caméléons d’° É- 
gypte et des grandes Indes, mais encore 
‘ceux du Mexique. Lescaméléons diffèrent 
aussi quelquefois les uns des autres par 
le plus ou lé moins de prolongation de la 
petite dentelure qui s'étend le long du 
dos et du dessous du corps. On a, d’après 
cela , voulu séparer les uns des autres, 
comme autant d'espèces distinctes, les 
caméléons d'Égypte, ceux d'Arabie, ceux 
du Mexique, ceux de Ceylan , ceux du 
cap de Bonne-Espérance, etc. ; mais ces 
légères différences, qui ne changent rien 
aux caractères d’après lesquels 1l est aisé 
de reconnoître les caméléons , non plus 
qu’à leurs habitudes , ne doivent pas nous 
empêcher de regarder l’espèce du camé- 
léon comme la même dans les diverses 
contrées qu’il fréquente, Er soit 


78 HISTOIRE. NATURELLE 
quelquefois un peu altérée par. Rp | 
du climat, ou par-d’autres circonstances, "1 
et qu’elle se montre avec quelque variété | 
dans sa forme ou dans sa grandeur, sui- | 
vant l’âge et le sexe des individus. .  * 
M. Parsons à donné ; dans les Transac- 
tions philosophiques , la figure et.la des- 
cription d'un caméléon qui avoit été ap- 
porté à un de ses aihis parmi d’ autres 
objets d'histoire PRE ir , “et dont, al 
ignoroit le pays natal. Cet-animal ne dif- 
féroit, d'une manière remarquable}; des | 
autres caméléons , tant de l’antien: que 
du nouveau monde, que par la forme 
du casque que nous avons décrit. Cette: 
partie sallante ne:s’étendoit pas seule- 
anent sur. le derrière de la tête. dans le 
caméléon de M. Parsons ,, mais élle:se.di- 
visoit par - devant en deux protubérances 
crénelées qui s’élevoient obliquement ét 
s’avancoient jusqu’au-dessus desmarines. 
Ce ne sera qu'après de nouvelles observa- 
tions sur des individus sémblables , que 
lon pourra déterminer si le vaméléon 
très-bien décrit par M. Parsons apparte- 
noit à une race constante, ou ne formoit M 
qu'une variété individuelle. 


PL Re, DS COR 


SE SET EE 


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Das es 


DES LÉZARDS. ñ) 


LA QUEUE-BLEUE. 


L, queue-bleue habite principalement 
la Caroline. Ce lézard se retire souvent 
dans les creux des arbres. Il n’a qu'envi- 
ron six pouces de longueur. Il est brun ; 
son dos présente cinq raies Jaunâtres et 
longitudinales ; et ce qui sert sur -tout à 
le distinguer , c’est la couleur bleue de 
sa queue menue et communément plus 
longue que le corps. Catesby dit que plu- 
sieurs habitans de la Caroline prétendent 
qu'il est venimeux ; mais il assure n'avoir 
été témoin d'aucun fait qui püt le prou- 
ver. : | | 

On devroit peut-être rapporter à cette 
espèce un lézard du Bresil dont Ray parle 
d’après Marcgrave, et qui se nomme a77e- 
zicima. Suivant la description que Ray en 
donne, il est long de deux pouces ; son 
dos est couvert d’écailles gris cendré ; 


d'écailles Re , 
cailles bleues. Les 


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comme venimeux. ne 


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MAIS UE AZ AURIDIS. 1 8e 


RAA AUR É.- 


L'azunré se trouve en Afrique ; ses 
écailles pointues le font paroître hérissé 
de petits piquans. Un caractère d’après 
lequel:il est aisé de le reconnoître, et qui 
lui a fait donner le noi qu'il porte , est la 
couleur bleue dont le dessus de son corps 
est peint, et qui forme une espèce de 
manteau azuré. Sa queue est courte. 


- 


I. est aisé de distinguer ce lézard , qui 

se trouve dans les contrées orientales , | 
par des verrues qui sont distribuées, sdb À 
aucun ordre, sur son corps, par sa cou- | 
leur grise tachetée de roussâtre, et par 
sa queue à peine plus longue que le 4 
corps, et que des bandes disposées avec 
une sorte d’irrégularité rendent inégale- 
ment étagée. ; 


Le [ 


Q9 


DES LÉZARDS. 1] 


\ 


L'UMBRE.. 


L'ousrr , qui se trouve dans plusieurs 
contrées chaudes de lAmérique, a la 
tête très-arrondie ; l’occiput est chargé 
d’une callosité assez grande et dénuéce 
d’écailles; la peau qui est sur la gorge 
forme uu pli profond. La couleur du corps 
est nébuleuse. Les écarlles étant relevées 
en arête, et leur sommet étant aigu, le 
dos paroît strié. La queue est ordinaire- 
ment plus longue que le corps. 


LE -P LI SR 


% 
À 
# 
‘ 
f 


| 
Le plissé a l’occiput calleux commé - 
 l’umbre; mais la peau qui est sur la gorge 
forme deux plis au lieu d’un. Il diffère « 
encore de l’umbre par plusieurs traits : " 
des écailles coniques font paroître sa peau 
chagrinée ; le dessus des yeux est comme 
à ae crénelé ; derrière les oreilles sont 
deux verrues garnies de pointes ; sur la « 
partie antérieure du dos règne une petite. i 
dentelure formée par des écailles plus 
grandes que les voisines, et qui lie le” 
plissé avec le galéote et l’agame; une ride 
élevée s'étend de chaque côté du cou jus- » 
que sur les pattes de devant, etse replie! 
sur le milieu du dos; les doigts sont alon- 
gés, garnis d'ongles applatis, et couverts ! 
par-dessous d’écailles aiguës ; la queue” 
est ronde , et ordinairement plus longue“ 
que le LAON Le plissé se trouve dans les 
Indes. ; | à 


DES LÉZARDS 85 
C'est à ce lézard qu'il paroît qu’on doit 
rapporter celui que M. Pallas a nommé 
hélioscope dans le supplément latin de son 
Voyage en différentes parties de l'empire 
de Russie. I habite les provinces les moins 
froides de ce vaste empire ; on le trouve 
communément sur les collines dont la 
température est la plus chaude, exposé 
aux rayons du soleil, la tête élevée, et 
souvent tournée vers cet astre. Sa course 
est très-rapide. | 


86 HISTOIRE NATURELLE L 


10 = # ÿ 


L'ALCIRE 


Lx n'est souvent que de la longueur du 
doigt; les écailles du dos, relevées em * 
carène , le font paroître un peu hérissé. 
Sa queue diminue de grosseur jusqu'à 
l'extrémité , qui se termine en pointe. I 
est jaune sous le corps, et d’une couleur . 
plus sombre sur le dos, le long duquel 
s'étendent quatre raies Jaunes. Il n’apoint 
sous le ventre de bandes transversales. 
L'espèce de l’algire n’est pas réduite à 
ses petites dimensions par défaut de cha- 
leur , puisque c'est dans la Mauritanie et 
dans la Barbarie qu'il habite. C’est de ces 
contrées de l'Afrique qu'il fut envoyé par 
M. Brander à M. Linné , qui l’a fait con- 
noître ; et l’on ne peut pas dire que les 
côtes septentrionales de l’Afrique étant 
plus échauflées qu'humides , l’ardente sé- 
cheresse des contrées où l’on trouve l’al- | 
sire , influe sur son volume, et qu'iln'a 4 


DES LÉZARDS. . 67 
une très -petite taille que parce qu'il 
maüque de cette humidité si nécessaire à 
plusieurs quadrupèdes ovipares , puisque 
l’on conserve au Cabinet du roi un algire 
entièrement semblable aux lézards de son 
espèce, et qui cependant a été envoyé 
de la Louisiane, où l'humidité est aussi 
grande que la chaleur est vive. 

M. Shaw a écrit que l’on trouve très- 
fréquemment en Barbarie , sur les haies 
et dans les grands chemins, un lézard 
nommé zerrrouméah. 1] n'indique point 
la grandeur de cet animal : il dit seule- 
ment que sa queue est longue et menue, 
que le fond de sa couleur est d’un brun 
clair, qu'il est rayé d’un bout à l’autre, 
et qu’il présente particulièrement trois où 
quatre raies jaunes. Peut-être ce lézard 
est-il un algire. | 

Au reste, il paroît que l’algire se trouve 
aussi dans les contrées méridionales de 
l'empire de Russie, et que l’on doit regar- 
der ccmme une variété de ce lézard, celui 
que M. Pallas a nommé /ézard ensanglanté 
ou couleur de sang, qui ressemble presque 
en tout à l’algire, et qui a quatre raies 


fn 


trémité, est se d’n 
Sarlate.” | FU 


DES LÉZARDS. 89 


a 


TE STELLIONS 


PRO | 


LE, queue de ce lézard est communé- 
ment assez courte, et diminue de gros- 
seur Jusqu'à l’extrémité. Les écailles qui 


- la couvrent sont aiguës et disposées par 


anneaux ; d’autres écailles petites et 
pointues revêtent le dessus et le dessous 
du corps, qui d’ailleurs est garni , ainsi 
que la tête, de tubercules aigus ou de 
piquans plus ou moins grands. Bien loin 
d’avoir une forme agréable, le stellion 
ressemble un peu au crapaud, sur-tout 
par la tête, de même que le tapaye, avec 
lequel il a beaucoup de rapports, et dont 
quelques auteurs lui ont donné les divers 
noms. Mais si ses proportions déplaisent, 
ses couleurs charment ordinairement la 
vue ; 1l présente le plus souvent un doux 


* Stellione tarentole, en plusieurs endroïts 
d'Italie; pistillon:, en plusieurs autres endroits du 
même pays; éapayazxin, en Afrique. 

8 


ge HISTOIRE NATURELLE 
mélange de blanc, de noir, de gris, et 
quelquefois de verd, dônt il ést comme 
marbré. To a 
Il habite l'Afrique ; et il n°y est pas con- 
finé dans les régions les-plus chaudes, 
puisqu'il est également au cap de Bonne- 
Espérance et en Égypte*. On le rencontre 
aussi dans les contrées orientales et dans 
les îles de l’Archipel, ainsi qu’en Judéecet . 
en Syrie, où il paroît , d’après Belon, 
qu'il devient très-grand. M. François Cetti 
dit qu’il est assez commun en Sardaigne; 
et qu'il y habite dans lesmaïsons:only 
nomme farentole, ainsi que dans plusieurs 
provinces d'Italie ; et c’est une nouvelle 
preuve de l'emploi qu’on a fait pourplu- 
sicurs espèces de lézards, dé ce nom de 
tarentole, donné , ainsi que nôus l'avons 
dit, à une variété du lézard verd. Maïs 
c’est sur-tout aux environs du Nil que les # 
stellions sont en grand nombre. On en 
trouve beaucoup autour des pyramides 
et des anciens tombeaux qui subsistent 
encore sur l'antique terre d'Égypte. Ils 


* L’individu que nous avons décrit a élé ap- 


porté d’ És sypte au Cabinet du ror 


DES LÉ ZA RDS, 9€ 


s’y logent dans les intervalles que laissent 
les différeus lits de pierre , et ils s’y noux- 
_rissent de mouches et d'insectes ailés. 
On diroit que ces pyramides , ces éter- 
nels monumens de la puissance et de la 
vanité humaines, ont été destinées à 
présenter des,objets extraordinaires en 
plus d’un genre. C’est en effet dans ces 
vastes mausolées qu’on va recueillir avec 
soin les excrémens du petit lézard dont 
nous traitons dans cet article. Les anciens, 
qui en faisoient usage, ainsi que les 
Orientaux modernes , leur donnoient Île 
nom de crocodilea, apparemment parce 
qu'ils pensoient qu'ils venoient du croco- 
dile ; et-peut-être ces excrémens n’au- 
roient-1ls pas été aussi recherchés, si l’on 
avoit su que l’animal qui les produit n’é- 
toit ni le plus grand n1 le plus petit des 
lézards : tant il est vrai que les extrèmes 
en imposent presque toujours à ceux dont 
les regards ne peuvent pas embrasser la 
chaîne entière des objets. 
Les modernes , mieux instruits, ont 
rapporté ces excrémens au stellion , à un 


lézard qui n’a rien de très-remarquable ; 
+ } 


g HISTOIRE NATURELLE 

mais déja Le sort de cette matière abjecte … 
étoit décidé, et sa valeur vraie ou fausse | 
étoit RE Les Turcs en ont fait une 
grande consommation ; ; ils s’en fardoient 
le visage ; et il faut que les stellions aient 
été bien nombreux en Égypte, puisque 
pendant long-temps on trouvoit presque : 
par-tout, et en très - grande abondance, 
cette matière, que l’on nommoit sfercus 
lacerti ainsi que crocodilea. Us 


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DES LÉZARDS. 93 


À 


LE SCEINQUE"* 


Cr lézard est fameux depuis long -temps 
par la vertu remarquable qu’on lui a 
attribuée. On a prétendu que, pris inté- 
rieurement , il pouvoit ranimer des forces 
éteintes, et rallumer les feux de l’amour 


malgré les glaces de l’âge et les suites fu- 


nestes des excès : aussi lui a-t-on déclaré 
en plusieurs endroits et lui fait-on encore 
une guerre cruelle. Les paysans d'Égypte 
prennent un grand nombre de scinques, 
qu'ils portent au Caire et à Alexandrie, 


d’où on les répand dans différentes con- 


trées de l'Asie. Lorsqu'ils viennent d’être 
tués . on en tire une sorte de jus dont on 
se sert dans les maladies; et quand ils 
ont été desséchés , onlesréduit en poudre, 
qu’on emploie dans les mêmes vues que 
les sucs de leur chair. Ce n’est pas seule- 


* Soincus, en laun. 


g$ HISTOIRE NATURELLE 
ment en Âsie, mais méme en Europe >. 4 


qu’on a eurecours à cesinoyens désavoués | | 
par la Nature, de FEUDRIE IE par des RE LE. 


refuse , de hâter le épée el plutôt 
que de le retarder, et de remplacer par É. 
des jouissances vaines, des plaisirs qui | 
ne valent que par un sentiment que tous 
les secours d’un art FAPHSTERR ne peuvent 
faire naître * 

Il n’est pas nat que ceux qui 
n'ont vu le scinque que de loin , et qui 
l'ont appercu sur le bord des eaux, lPaient | 
pris pour un poisson ; il en a un peu l’ap- 
parence par sa tête, qui semble tenir im- 
médiatement au corps, et par ses écailles 
assez grandes, lisses , d’une ‘forme sem- 
blable , tant au-dessus qu’au-dessous du 
corps, et qui se recouvrent comme les ; 
ardoises sur les toits. La mâchoire de des- 4 
sus est plus. avancée que celle de des- L 


4 
#7 


* Hasselquist dit que l’on apporte les scinques he 
de 1 Égypte sapéiieuts et de l'Arabie à Alexandrie, | 
d’où on les envoie à Venise et à Marseille, et de Là \ 
dans les différens endroits de l'Europe. ‘ 


DORE OU & A MURS. | © os 
sous ; la queue est courte et comprimée 
par le bout. 

La couleur du scinque est d’un roux 
plus ou moins foncé, blanchâtre sous le 
corps , et traversée sur le dos par des 
bandes brunes. Mais il en est de ce lézard 
comme de tous les autres animaux dont 
la couverture est trop foible ou trop mince 
pour ne point participer aux différentes 
altérations que l'intérieur de l'animal 
éprouve. Les couleurs du scinque se ter- 
nissent et blanchissent lorsqu'il est mort ; 
et dans l'état de dessiccation et d’une sorte 
de salaison où on l’apporte en Europe, ik 
paroît d’un jaune blanchâtre et comme 
argenté. Au reste, les couleurs de ce lé- 
zard , ainsi que celles du plus grand 
nombre des animaux , sont toujours plus 
vives dans les pays chauds que dans les 
pays tempérés : et leur éclat ne doit-il pas 
augmenter en effet avec l'abondance de la 
HIumière , la vraie et l’unique source pre- 
mière de toutes sortes de couleurs ? 

M: Linné a écrit que les scinques n’a- 
voient point d'ongles. Tous les individus 
que nous avons examinés paroissoient en 


me 


l' 


9% HISTOIRE NATURELLE 


avOIr ; MAIS COMME CES ANIMAUX étoient 


désbébhés , Nous he pouvons rien assurer. 4 
à ce sujet. Au reste, notre présomption ù ! 
se trouve confirmée par celle d’un bon 


observateur , M. François Cetti. 
On trouve le scinque dans presque toutes 


les contrées de l'Afrique , en Égypte, en, L 
Arabie, en Libye, où on dit qu'il est plus 
grand qu'ailleurs, dans les Indes, et peut- « 


être même dans la plupart des pays très- 
chauds de l’Europe. Non seulement son. 
habitation de choix doit être déterminée 


par la chaleur du climat, mais encore |" 
par l'abondance des plantes aromatiques 
dont on dit qu'il se nourrit. C’est peut- 
être à cet aliment plus exalté, et par 


conséquent plus actif, qu’il doit cette 


vertu stimulante qu’on auroit pu sans. 


doute employer pour soulager quelques 
maux * , mais dont il ne falloit pas seser- 
vir pour dégrader le noble feu que la 
Nature fait naître, en s’elforcant en vain 


* Pline dit que le scinque a été regardé comme 
un remède contre les blessures faites par des flèches « 


empoisonnées. 


La 


ST Re DS M St PPS 


DES LÉZARDS. 07 
de le rallumer lorsqu'une passion impru-- 
dente l’a éteint pour toujours. 

Le scinque vit dans l’eau, ainsi qu'à 
terre. On l’a cependant appelé crocodile 
terrestre, et certainement c’est un grand 
abus des dénominations que l’application 
du nom de cet énorme animal à un petit 
lézard qui n’a que sept ou huit pouces de 
longueur. Aussi Prosper Alpin pense-t-1l 
que le scinque des modernes n’est pas le 
lézard désigné sous le nom de crocodile 
terrestre par les anciens, particulièrement 
par Hérodote , Pausamias , Dioscoride, 
et célébré pour ses vertus actives et sti- 
mulantes : il croit qu’ils avoient en vue 
un plus grand lézard , que l’on trouve, 
ajoute-t-il , au-dessus de Memphis, dans 
des lieux secs, et dont il donne la figure. 
Mais cette figure ni le texte n’indiquant 
point de caractère très-précis, nous ne 
pouvons rien déterminer au sujet de ce 
lézard mentionné par Alpin. Au reste, ia 
forme et la briéveté de sa queue em- 

“péchent qu’on ne le regarde comme de 
la anême espèce que la dragonne, ou le 
tupinambis ; ou l’iguane. 

À 9 


+ - 
D. 


x (EX 
" né LCA re 


8 HISTOIRE NATURELLE 


A OT Er: 
? RS 


LE MABOUYA . 


A re 
Le 4 
++. US 


Le lézard dont il est ici question a une L 
très-srande ressemblance avec le scinque; * 
il n’en diffère bien sensiblement à l’exté- 
rieur que parceque ses pattés sont plus … 
courtes en proportion du corps, et parce 
que sa mâchoire supéricure ne recouvre 
pas la mâchoire inférieure comme celle W 
du scinque. Il n’est point le seul quadru- w 
pède ovipare auquel le nom de mabouy& 
ait été donné : les voyageurs ont appelé 
de même un assez grand lézard, dont « 
nous parlerons sous le nom de doré, et 
qui à aussi beaucoup de ressemblance « 
avec le scinque , mais qui est distingué 
de notre mabouya en ce que sa queue“ 
est plus longue que le corps, tandis qu’elle 
est beaucoup plus courte dans le lézard « 
dont nous traitons. à: 


1 


DES LÉZARDS. 99 
à beaucoup d'égards ; et comme ils ha- 
bitent dans le mème pays, on ne peut 
pas les regarder comme deux variétés dé- 
pendantes du climat : nous les considére- 
rons donc comme deux espèces distinctes, 
jusqu'à ce que de nouvelles observations 
détruisent notre opinion à ce sujet. Ce 
nom de #abouya, tiré de la langue des 
sauvages de l'Amérique septentrionale, 
désigne tout objet qui inspire du dégoût 
ou de l’horreur; et à moins qu'il ne soit 
relatif aux habitudes du lézard dont il 
est ici question , ainsi qu'à celles du doré, 
il ne nous paroît pas devoir convenir à 
ces animaux , leur conformation ne.pré- 
sentant rien qui doive rappeler des images 
très-désagréables. Nous l’adoptons cepen- 
dant, parce que sa vraie signification peut 
être regardée comme nulle, peu de gens 
sachant la langue des sauvages d’où il a: 
été tiré, et parce qu'il faut éviter avec 
soin de multiplier sans nécessité les noms 
donnés aux animaux. Nous le conservons 
de préférence au lézard dont nous par- 
lons , parce qu'il n’en a jamais recu 
d'autre, et que le grand mabouya a été 


[100 HISTOIRE NATURELLE 


nommé le doré par M. Linné etpar d’ autres 4 
naturalistes. tx à 

La tête du mabouya paroît tenir immé- ! 
diatement au corps, dont la grosseur di- : 
minue insensiblement du côté de là tête À 
et de celui de la queue. H est tout couvert . 
par-dessus et par-dessous d’écailles rhom- 
boïdales, semblables à celles des pois- | 
sons : le fond de leur couleur est d’un 
jaune doré; plusieurs de celles qui gar- 
nissent le dos sont quelquefois d’une cou- 
leur très-foncée , avec une petite ligne 
blanche au milieu. Des écailles noirâtres 
forment de chaque côté du corps une 
bande longitudinale ; la couleur du fond 
s’'éclaircit le long du côté intérieur de ces 
deux bandes, et on y voit régner deux 
autres bandes presque blanches. Au reste, 
la couleur de ces écailles varie suivant 
l'habitation des mabouyas : ceux qui de- 
meurent au milieu des bois pourris, dans 
les endroits marécageux, ainsi que dans M 
les vallées profondes et ombragées, oùles 
rayons du soleil ne peuvent point parve- 
nir, sont presque noirs; et peut-être leurs M 
couleurs justifient-elles alors , jusqu'à ua 


DES LÉZARDS. ro 
certain point, ce qu'on a dit deleur aspect, 
que l’on a voulu trouver hideux. Leurs 
écailles paroissent enduites d'huile, ou 
d’une sorte de vernis. 

Le museau des mabouyas est obtus; les 
ouvertures des oreilles sont assez grandes ; 
les ongles crochus ; la queue est grosse, 
émoussée , et très-courte. L’individu con- 
servé au Cabinet du rai a huit pouces 
de long. Les mabouyas décrits par Sloane 
étoient beaucoup plus petits, paree qu’ils 
n’avoient pas encore atteint leur entier 
développement. 

Les mabouyas grimpent sur les arbres, 
ainsi que sur le faîte et les chevrons 
des cases des Nègres et des Indiens : mais 
ils se logent communément dans les 
crevasses des vieux bois pourris ; ce n’est 
ordinairement que pendant la chaleur 
qu'ils en sortent. Lorsque le temps mec- 
nace de la pluie , on Les entend faire beau- 
coup de bruit , et on les voit même quel- 
quefois quitter leurs habitations. Sloane 
pense que l'humidité quirègne dans l'air, 
aux approchesde la pluie, gonfle les bois, 


et en diminue par conséquent les inter- 
9 


FRE NC NET 
q DR LL ES OR 


102 HISTOIRE NATURELLE 1 


valles au point d’incommoder les ma ÿ 
bouyas, et de les obliger! à sortir. Indé- 
pendamment de cette raison , que rien, 
ne foree à rejeter , ne pourroit-on.pas 
dire que ces animaux sont naturellement 
sensibles à l'humidité ou à la sécheresse, M 
de méme que les grenouilles, avec les * 
quelles la plupart des lézards ont de 
grands rapports, et que ce sont les: 1m. 
pressions que les mabouyas recoivent de 
- l'état de l'atmosphère, qu'ils expriment 
par leurs mouvemens et par le bruit W 
qu'ils font ? Les Américains les croient 
venimeux, ainsi que /e doré, avec lequel 
il doit être aisé, au premier coup; d'œil, 
de les confondre ; mais cependant Sluane. \ 
et Brown disent qu’ils w’ont jamais pu { 
avoir une preuve certaine de l'existence M 
de leur venin. Il arrive seulement quel: 1 
quéfois qu'ils se jettent avec hardiesse sur 
ceux qui les irritent, et que s'y atta- 
chentassez Font énétélnt pour qu’ on ait de 
la peine à s'en débarrasser. 

C'est principalement aux Antilles qu'on 
les rencontre. Lorsqu'ils sont très-petits ,: 
ils deviennent quelquefois la proie d'aui- 


DES LÉZARDS. ro3 
maux qui ne paroissent pas au premicr 
coup d'œil devoir être bien dangereux 
pour eux. Sloane prétend en avoir vu un 
à demi dévoré par une de ces grosses 
araignées qui sont si communes dans 
les contrées chaudes de l'Amérique. On 
trouve aussi lé mabouya dans l’ancien 
monde : Al est très-commun dans l’île de 
Sardaigne , où il a été observé par M. Frau- 
cois Cetti, qui ne l’a désigné que par Îles 
noms sardes de #liguou et tilinsoni. Ce 
naturaliste a fort bien saisi ses traits de 
ressemblance et de différence avec Île 

_ <cinque; et comme il ne connoissoit point 
lé mabouya d'Amérique mentionné dans 
Sloane, Rochefort et du Tertre , et qui 
est entièrement semblable au lézard de 

# Sardaigne , qu’il a comparé aü scinque, 

il n’est pas surprenant qu'il üit pensé 

que son lézard n’avoit encore été indiqué 

par aucun auteur. 

M. Thunberg, savant professeur d’'Upsal, 
vient de donner la description d’un lézard 
qu'il a vu dans l'île de Java , et qu'il 
compare , avec raison , au doré , ainsi 
qu'au scinque, en disant cependant qu’il 


ro4 HISTOIRE NATURELLE AU 
diffère de l'un et de l’autre , et sur-tout 
du premier , dont il est distingué par la 
grosseur et la briéveté de sa queue. Cet 
animal ne nous paroît être qu'une variété 
du mabouya ù qu dès - lors se trouve 
en Asie, ainsi qu’en Europe et en Amé- 
rique. L'ondis td vu par M. Thunberg 
étoit gris cendré sur le dos , qui présen- 
toit quatre rangs de taches noires mêlées 
de taches blanches, et de chaque côté 
duquel s'étendoit une raie noire. M. Afze- 
lius , autre savant Suédois, a vu dans 
la collection de M. Bættiger , à Vesteras, 
un lézard qui ne différoit de celui que 
M. Thunberg a décrit, que parce qu'il 
n’avoit pas de taches sur le dos , et que 
les raies latérales étoient plus noires et 
plus égales. 


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, 
zLE DORE. 
2LES 


SPUTATEURS. 


LPaque. S 


PURES E EL A RID.S. 105 


(LE DORÉ. 


C'zs7 M. Linné qui a donné à ce lézard 
le nom que nous lui conservons ici. Ce 
quadrupède ovipare est très-commun en 
Amérique , où il a été appelé, par Roche- 
fort , brochet de terre , et où il a aussi été 
nommé /2abouya : mais comme le pre- 
mier de ces noms présente une idée fausse, 
et que le second a été donné à un autre 
lézard dont nous avons déja parlé , et 
auquel il a été attribué plus générale- 
ment , nous préférons la dénomination 
employée par M. Linné. Le doré a beau- 
coup de rapports , par sa conformation, 
avec le scinque , et sur-tout avec Île 
mabouya : il a de méme le cou aussi 
. gros que le derrière de la tête; maisil 
est ordinairement plus grand, et sa queue 
est beaucoup plus longue que le corps , 
au lieu qu’elle est plus courte dans le 
 scinque ct dans le mabouya, D'ailleurs 


4 


| de HISTOIRE AT T ru 


etpar-dessous de petites écailles arrondies, 


A ( 


scinque ; ; les ouvertures . oreilles sn | 
très-grandes et garuies à l'interieur de 
petites écailles qui les font paroître un 
peu festonnées. Ces caractères réunis 1e 1 
séparent de l'espèce du scinque et de eclle 
du mabouya ; mais il leur ressemble 
cependant assez pour avoir été comparé 
à Un Poisson , COLE Ces dernicrs lézaras, \ 
et particulièrement pour avoir recu le « 
nom de brochet de terre, ainsi que nous. 
venons de le dire. IL est couvert par-dessus. 


striées et brillantes : ses doigts sont armés l 
d'ongles assez forts, La couleur de sou 4 
corps est d’un gris argenté , tacheté d’ 0- 
rangé , et qui blanchit vers les côtés * . 
Comme celles de tout animal, la vivace} 
de ses couleurs s’eHace lorsqu’ il est mort: 
mais , tandis que la chaleur de la vie lea 
anime , elles britlent d’un éclat très-vi 
qui doune une couleur d’or awroux dont 
il est peint ; ét c'est de là que vient son 


* Suivant Brown, sa couleur est souvent salé ét 4 
rayée transversalemenut. : | 


’ 


RE 

DES LÉZARDS io 
_ mom: Ses couleurs paroissent d'autant 
. plus brillantes, que son corps est enduit 
_ d’une Mende visqueuse qui fait l ïeb 

- d’un vernis luisant. Cette sorte de vernis, 
joint à la nature de son habitation Hit 
fait appeler salamandre ; mais nous ne. 
_ regardons comme de vraies salaman- 
dres que les lézards qui n’ont pas plus 
de quatre doigts aux pieds de ‘devant, 
Linné a écrit qu’on le trouvoit dans l’île 
de Jersey , près les côtes d'Angleterre. À la 
vérité, ilcite, à ce sujet, Edwards ( ab. 
547 ); et le lézard qui y est représenté , 
est très-différent du doré. Il vit dans l’île 
de Chypre : mais c’est principalement en 
Amérique etaux Antilles qu'il estrépandu. 
_ Il habite les endroits marécageux ; on le 
rencontre aussi dans les bois. Ses pattes 
sont si courtes , qu'il ne s’en sert, pour 
ainsi dire, que pour se traîner , et qu'il 
rampe comme les serpens , plutôt qu'il 
ne marche comme les qua‘rupèdes. Aussi 
les lézards dorés déplaisent-ils par leur 
_ démarche et par tous leurs mouvemens, 
quoiqu'ils attirent les yeux par l'éclat de 
_ leurs écaïlles et la richesse de leurs COU- 


proie : ils se tiennent presque pente 
cachés dans le fond des cavernes et dans 
les creux des rochers , d’où ils font en- 1 
tendre pendant la n Hé une sorte de coas= 
sement plus fort et plus incommode que : 1 
celui des crapauds et des grenouilles. Les * 
plus grands ont à peu près quinze pouces 
de long. Brown dit qu’il y en a de deux 
pieds. L’individu que nous avons décrit , 
etqui est conservé au Cabinet du roi, a 
quinze pouces huit lignes de longueur, | 
depuis le bout du museau jusqu’à l'extré- K 
mité de la queue, qui est longue de onze 
pouces une ligne. Les jambes de derrière En 
ont un pouce onze lignes de long ; clou 4 
de devant sont plus courtes, comme dons 
les autres lézards. | 

Suivant Sloane , la morsure du dé N 
est regardée comme très-venimeuse , ef | 
on rapporta à ce naturaliste que. quel- ‘4 
qu'un qui avoit été mordu par ce lézard, | 
étoit mort le lendemain. Les habitant à 
des Antilles dirent généralement à Brow 


DE Z AR DS! to 
qu'il n'y t point d'animal qui püt 
” échapper à Îa mort après avoir été 
mordu par le doré ; mais aucun fait po- 
sitif à ce sujet ne lui fut communiqué 
- par une personne digne de foi. Peut-être 
4 est-ce le nom de sa/amandre qui a valu 
L< au doré , comme au scinque , la réputa- 


, 


_ tion d’être venimeux , d'autant plus qu’il 
a un peu les habitudes des vraies sala- 
mandres , vivant, ainsique ces lézards, 
sur terre et dans l’eau. Cette réputation 
l'aura fait poursuivre avec acharnement; 
et c’est de la guerre qu'on lui aura faite 
que sera venue la crainte qui l’oblige à 
fuir devant l’homme, Il paroît aimer les 
viandes un peu corrompues ; il recherche 
+ vnirei les petites espèces de 
crabes de mer; et la dureté de la croûte 
qui revêt ces crabes ne doit pas l’empè- 
cher de s’en nourrir , son estomac étant 
entièrement musculeux. En tout, cet ani- 
mal , bien plus nuisible qu'avantageux, 
qüi fatigue l'oreille par ses sons lorsqu'il 
ne blesse pas les yeux par ses mouvemens 
désagréables , n’a pour lui qu’une vaine 
Ovlpares. TT. A 


DES LÉZARDS. Le: 


PR A ET AUS. 


Nous conservons à ce lézard le nom de 
tapaye que M. Daubenton lui a donné, 
par contraction du nom fapayavin, par 
lequel on le désigne au Mexique et dans 
la nouvelle Espagne. Cet animal, qui a 
de grands rapports avec le stellion , est 
remarquable par les pointes aiguës dont 
- son dos est hérissé. Son corps, que l’on 
croiroit gonflé , est presque aussi large 
que long ; et c’est ce qui lui a fait con- 
server par M. Linné le nom d’orbiculaire. 
ILn’a point de bandes transversales sous 
le ventre ; la queue est courte ; les doigts 
sont recouverts d’écailles par-dessus et par- 
dessous; le fond de la couleur est d’un gris 
blanc plus ou moins tacheté de brun ou 
de jaunûtre. 11 y a dans cette’ espèce une 
variété distinguée par la forme triangu- 
laire de la tête, assez semblable à celle 
du caméléon , et par une sorte de bou- 


CTP OU SEPT ONE FPE NAN LR { 
A D AE) LR el 


FA Fu . lé + Li 2, AP 


112 HISTOIRE NATU RELLE 
_clier qui en couvre le dessus. On a donné 
le nom de fapayaxin au stellion qui ha- 
bite en Afrique; et comme le stellion 
et le tapaye ont des piquans plus ou 
moins grands et plus ou moins aigus , il 
n’est pas surprenant que des voyageurs 
aient, à la première vue, donné le même 
nom à deux animaux assez jhHérens 
cependant par leur conformation pour 
constituer deux espèces distinctes. Le ta- 
paye n’est point agréable à voir; il a, 
par la grosseur et presque toutes les pro- 
portions de son corps, une assez grande 
ressemblance avec un crapaud qui auroit 
une queue, et qui seroit armé d’aiguil- 
lons : aussi Seba lui en a-t-il donné le 
nom. Mais sa douceur fait oublier sa dif- 
formité, dont l'effet est d’ailleurs dimi- 
nué par la beauté de ses couleurs. I # 
semble n'avoir de piquans que pour se î 
défendre ; il devient familier; on peut le 
manier sans qu'il cherche à mordre; ila 
méme l'air de desirer les caresses ; et l’on 
diroit qu’il se plaît à étre tourné et re- 
tourné. Il est très-sensible dans certaines # 
parties de son corps, comme vers kes 


4 


:: el 

| À F2. | ; 
DES LÉZARDS. 11 
parimes et les yeux : et les voyageurs as- 
surent que pour peu qu’on le touche dans 
ces endroits , on y fait couler le sang. Il 
habite dans les montagnes. Cet animal, 
qui ne fait point de mal pendant sa vie, 

est utile après sa mort ; on l’emploie avec 
succès en médecine , séché et réduit en 
poudre, 


14 HISTOIRE NATURELLE 


LT #, à et (l " Ho SUR: Ar 4e. 10 T'ANNTS 
‘ AR AE LOUE ON TE 
6 fa, SAN je 
«. L 


1 


LE STRA fe 


Xl 


M. Linné a le premier parlé de ce lézard, 
que l’on trouve à la Caroline, et qui lu 
avoit été envoyé par M. le docteur Gar-. 
deu. La tête de ce quadrupède ovipare est 
marquée de six raies jaunes, deux entre 
les yeux , une de chaque côté sur l'œil , 

et une également de chaque côté au-des- 
sous ; Le dos est noirâtre; cinq raies Jaunes 
ou blanchâttes s'étendent depuis la tête 
jusqu’au milieu de la queue. Le ventre est 
garni d’écailles qui se recouvrent comme 
les tuiles des toits , et forment des stries. 
La queue est une fois et demie plus « 
longue que le corps, et n'est point éta- 4 


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LE MARBR É. 


en 
Re 


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Lx marbré se trouve vi Espagne , en 
Afrique et dans les grandes Indes : il est 
aussi très-commun en Amérique ; on l’y 
a nommé très-souvent /e72apara , nom 
qui a été donné dans le mème continent 
à plusieurs espèces de lézards , ainsi que 
nous l’avons déja vu , et que nous ne 
conservons à aucune : > Pour me pas obs- 
curcir la nomenclature. Il paroît que, 


g ES 
dans les- ER éiidiens. , le voisinage de 


la zone torride Iti est très-favorable. Sa 
téte est couverte de grandes écailles; ila 
sous la gorge une rangée d’autres écailles 
plus PES ; et relevées en forme de 
dents, qui s'é ’étend jusque vers la poitrine, 
ct forme une sorte de crête plus sensible 
dans le mâle que dans la femelie. Le 
ventre n'est point couvert de bandes 
ansversales ; : le dessous des cuisses est 


1 d'un rang de huit ou dix tuber- k 


_u16 HISTOIRE NATURELÉE 


corps et la tête. Les écailles dont la queue 


cules disposés longitudinalement, Mais 
moins marqués dans la femelle que ‘dans ù 
le mâle. Le marbré a le dessus des ongles 
noir , ainsi que le galéote , Un de ses ca- 
ide es distinctifs est d'a roir la queue 
Es a plus longue en proportion du 
corps qu'aucun autre lézard. Un individu. 
de cette espèce, envoyé des NE 168 Indes | 
au Cabinet du roi par M. Sonnerat , ala 

queue quatre fois plus longue que le R 


du marbré est couverte, la font paroître 
relevée par neuf arêtes longitudinales. 

La couleur du marbré est verdâtre sur 
la tête; grisâtre e et rayée transversale- V4 
ment de blanc et de noir sur le dessus. : 
du corps; elle devient rousse sur les 
cuisses et-les côtés du bas-ventre, où elle 
est marbrée de blanc et de brun ; et lon 
voit sur la queue des taches évidées et 
roussâtres , qui la font paroître tigrée. 

L'on devroit peut-être rapporte 
marbré le lézard d'Afrique, appelé warral 
par Shaw , et guaral par Léon. Suivant. | 
le premier de ces auteurs , le warral à 
quelquefois trente pouces de long a] 


DES LÉZARDS. 117 


remment en y comprenant la queue ) : 


sa couleur est ordinairement d’un rouge 
fort vif, avec des taches noirâtres. Ce 
rouge n’est pas très-différent du roux que 
présente le marbré : d’ailleurs la couleur 
de ce dernier ressemble bien plus à celle 
qu'indique Shaw , que celle des autres 
Tézards d'Afrique. Shaw dit qu'il a ob- 
servé 4-4 outes les fois que le warral 
s'arrête , frappe contre terre avec sa 
queue. Gaile habitude peut très-bien con- 
venir au marbré, qui a la queue extrème- 
ment longue et déliée, et qui, par consé- 
quent ,; peut l’agiter avec facilité. Les 
Arabes, continue Shaw , racontent fort 
gravement que toutes les femmes qui 


sont touchées par le battement de la 


ur, 


queue du warral, deviennent stériles. 
Combien de merveilles n’a-t-on pas at- 
tribuées dans tous les pays aux quadru- 
pèdes ovipares ! 


nn | : , : Cris ’ 
18 HISTOIRE NATU 


LE ROQUET. 


UE 
Novs appelons ainsi un lézard de la 
Martinique qui a été envoyé au Cabinet | 
du roi sous le nom d’anolis, et de lézard | 
de jardin. n’est point le vrai anolis de 
Rochefort et de Ray, que nous avons … 
cru devoir regarder comme une variété 
de l’améiva. Ce nom d’arolis a été plus 
d’une fois attribué à des espèces diffé- 
rentes l'une de l’autre. Mais si le lézärd 
dont il est question dans cet article, n’a 
point les caractères distinctifs du véri- 
table anolis ou de l’améiva , il a beau- 
coup de rapports avec ce dernier animal. | 

Il est semblable au lézard décrit sous le 
nom de roquet par du Tertre et par Roche- 
fort, qui connoissoient bien le vrai ano- 
lis, ct qui avoient observé l’un et l’autre | 
en vie dans le pays natal de ces ani- 
maux. Nous avons donc cru devoir adop- 
ter l'opinion de ces deux voyageurs et" 


| 


VE nom Mer. que héy 4 a aussi 
"0 


\ 


donné. 
I1 se rapproche beaucoup, par sa con- 
formation , du lézard gris : mais il en dif- 
fère principalement, en ce que le dessous 
de son corps n’est point garni d’écailles 
plus grandes que les autres, et disposées 
en bandes transversales. Il ne devient ja- 
| mais fort grand : celui qui’est au Cabinet 
- du roi a deux pouces et demi de long, 
sans compter la queue, qui est une fois 
plus longue que le corps *. Il est d’une 
couleur de feuille morte , tachetée de 
jaune et de noirâtre. Les yeux sont bril- 
lans , et l’ouverture des narines est assez 
grande. Il a , presque en tout , les habi- 
tudes du lézard gris : il vit comme lui 
dans les jardins. Il est d'autant plus agile, 
que ses pattes de devant sont longues, et, 
en élevant son corps , augmentent sa lé- 
géreté. Il a d’ailleurs les ongles longs et 
crochus , et par conséquent il doit grim- 
* Le roquet que Sloane a décrit étoit beaucoup 
- plus petit. Le corps n’avoit qu'un pouce de long, 
et la queue un pouce et demi. 


NE 
Jin 


É 4 A! a trop chaud, il ouvre la gueule, tire. 


ju 


5 qu il s'arrête , il tient sa queue presque 


4 
LAS 


forme une espèce de cercle. Malgré sa 
” 


ajoute à la grace de sa gun 
plutôt à l'agrément de sa course 
ne cesse, pour ainsi dire , de : s’élanc 

avec tant de promptitude , que he a 
comparé la vivacité de ses petits bonds à 
la vitesse du vol des oiseaux. Il ail | 
lieux humides ; on le trouve ,sa 
parmi les pierres, où 1l se plaît à se 
der uue sur l’autre. Soit qu’il cou 


toujours Lives au-dessus de son dos, | 
comme le lézard de la Caroline, auquel. 
nous avous conservé le nom de lézard" 
lion. 1] replie même cette uns qui 
est très-déliée , de manière à ce qu elle \ 


pétulance , son caractère est doux; il | 
aime la compagnie de l’homme , comme 
le lézard gris et le lézard verd, Lophs e. | 
ses courses répétées l’ont fatigué, et qu'il. 
sa langue, qu est très-large et fen- 4 
due à l'extrémité, et demeure pendan É 


sectes; il s'enfonce aisément dans les petits 


trous des terrains qu'il fréquente; et lors- 


rencontre de petits œufs de lézards 
le tortues, qui, n'étant revêtus que 
ne membrane molle, n’opposent pas 
< grande résistance à sa dent , on 


a prétendu qu’il s’en nourrissoit. Nous. 


3 Ÿ E Q f ] : A R D La À à k ; à ! { 
+ ten Ps hale nt comme le. À 
SE s #1 . 


avons déja vu quelque chose de sem-. 


blable dans l’histoire du lézard gris; et 
si le roquet présente une plus grande 
avidité que ce dernier animal, ne doit- 
on pas penser qu'elle vient de la viva- 
cité de la chaleur bien plus forte aux An- 
tilles , où il a été observé, que dans les 
différentes contrées de l’Europe où l’on 
_a étudié les mœurs du lézard gris ? | 


11 


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NPA LOUP | 


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L= rouge-gorge, que l’on voit, à la Ja- 


maïque, dans les haïes et dans les bois, 


est ordinairement long de six pouces , et 


de couleur verte ; il a t-dostiil du 


une vésicule tale qu'il gonfle très-. ‘M 


souvent | PAPER EAN lorsqu’ ou l’at- 
| taque ou qu’on l'effraie , et qui paroît 
alors rouge , ou couleur de rose. Il n’a 
point de bandes transversales sur de 


‘4 
ventre ; la queue est ronde et longue. 


Sa parure est, comme l’on voit, assez 
Jolie; et c’est avec plaisir qu’on doit re- 


garder l’agréable mélange du beau verd F 


de son corps avec le rose de sa gorge 


"0e 
00 


PR RNONT 40 F on LPO 
A 
me DE S:LÉZ A RDS..." 


L 
4 


MD EUGIO IT R EU x ME 


L: goîtreux , qui habite au Mexiqué et 
dans l'Amérique méridionale, présente 
de belles couleurs, mais moins agréables 
et moins vives que celles du rouge-gorge: 
il est d’un gris pâle, relevé sur le corps 


par des taches brunes , et sur le ventre 


par des bandes d’un gris foncé. La queue 
est ronde, longue, annelée, d’une cou- 
leur livide et verdâtre à son origine. Ila, 
vers la poitrine, une espèce de goître, 
dont la surface est couverte de petits 
grains rougeâtres, et qui s'étend en avant 
en s’arrondissant et en formant une très- 
grande bosse. 


Ce lézard est fort vif, très-leste, et si 


familier , qu'il se promène sans crainte 
dans les appartemens , sur les tables, et 
même sur les convives. Son attitude est 
gracieuse , son regard fixe : 1l examine 


tout avec une sorte d'attention ; on 


124 HISTOIRE NATURELLE LL 
_croiroit qu'il écoute ce que l'on dit. I 
; se nourrit de mouches, d'araignées et" "1 
eu ’autr es insectes, qu'il vale tout entiers. 
LUE Les goîtreux ERA © aisément sur les 
arbres; ils s’y battent souvent les uns 
contre les autres. Lorsque deux de ces 
animaux s'attaquent, c'est toujours avec 
hardiesse ; ils s'avancent avec fierté; ils : 
semblent se menacer en agitant rapide- 
ment leurs têtes; leur gorge s’enfle ; leurs 
yeux étincellent; ils se saisissent ensuite 
avec fureur , et se battent avec acharne- 
ment. D'autres goîtreux sont ordinaire- 
ment spectateurs de leurs combats ; et 
peut-être ces témoins de leurs efforts 
sont-ils les femelles qui doivent en être - 
le prix. Le plus foible prend la fuite ; son 
ennemi le poursuit vivement ; il le dé- 
vore , s’il l’atteint : mais quelquefois il 
ne peut le saisir que par-la queue , qui 
se rompt dans sa gueule, et qu'il avale; | 
ce qui donne au lézard vaincu le temps \ 
de s'échapper. 
On rencontre plusieurs goîtreux privés 
de queue ; il semble que le défaut de cette Ÿ 
partie influe sur leur courage , et même 


à 


DES'E É ZAR DS"! 1,59 


sur leur force ; ils sont timides, foibles et 
languissans. 1l paroît que la queue ne 
repousse pas toujours , et qu'il se forr 
un calus à l’endroit où elle a été coupe 
Le P. Nicolson, qui a donnéfplusieurs 
détails relatifs à l’histoire naturelle du 
goîtreux , l'appelle azolis, nom que lon 
a donné à l’améiva et à notre roquet : 
mais la figure que le P. Nicolson a publiée, 
prouve que le lézard dont il a parlé, est 
celui dont il est question dans cet article. 


ct PA couleur de ce lézard:est blanchâtre 


tirant sur le bleu, diversifiée par des 


bandes d’un gris sombre , et semée, de 


points blancs et ovales. Son corps présente: 
un très-grand nombre destries. La queue 


se termine en pointe; elle'est beaucoup 
plus longue que le corps. Les écailles qui 
la couvrent forment des bandes transver- 
sales de deux sortes, placées alternative- 
ment : les unes s'étendent en arc sur la 
partie supérieure de la queue, que les 
autres bandes entourent en entier. Mais 
ce qui distingue principalement le té- 
suixin, c’est que plusieurs plis obtus et 
relevés règnent de chaque côté du corps, 
depuis la tête jusqu'aux cuisses : on voit 
aussi trois plis sous la gorge. 

C’est au Bresil, suivant l’article de Seba 
indiqué par M. Linge. qu'on trouve ce 
lézard , dont le nom féguixin a été donné 
au tupinambis par quelques auteurs. 


: \ 


DES LÉZARDS., :27 


LE TRIANGULAIRE. 


C'rsr dans l'Égypte qu'habite le lézard 
à queue triangulaire. Ce qui le distingue 
des autres , c’est la forme de pyramide 
à trois faces que sa longue queue présente 
à son extrémité. Le long de son dos s’é- 
tend une bande formée par quatre ran- 
gées d’écailles qui diffèrent par leur figure 
de celles qui les avoisinent. Ces détails 
_ sufhiront pour faire reconnoître ce lézard 
par ceux qui l’auront sous leurs yeux. Il 
vit dans des endroits marécageux et voi- 
sins du Nil. Il a beaucoup de rapports 
dans sa conformation avec le scinque. 
C’est M. Hasselquist qui en a parlé le pre- 
mier. 

Les Egyptiens ont imaginé un conte 
bien absurde à l’occasion du triangulaire: 
ils ont dit que les œufs du crocodile ren- 
fermoient de vrais crocodiles lorsqu'ils 


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DES LÉZARDS. 129 


, LA DOUBLE-RAIE. 


ie. 


\ 
PA lézard , que l'on rencontre en Asie, 


est communément -très-petit; la queue 
est très-longue relativement au corps. 
Deux raies d’un jaune sale s'étendent de 
chaque côté du dos, qui présente d’ail- 
leurs six rangées longitudinales de points 
noirâtres. Ces points sont aussi répandus 
sur les pieds et sur la queue, et ils forment 
six autres lignes sur les côtés. Le corps est 
arrondi et épais. Seba avoit recu de Ceylan 
un individu de cette espèce. ‘Suivant cet 
auteur, les œufs de ce lézard sont de la 
grosseur d’un petit pois. 


139 HISTOIRE NATURELLE. 


L'EAS PU 'MATEUR 4 


+ s 


Nous avons décrit ce lézard d’après un 
individu envoyé de Saint - Domingue à 
M. d'Antie, et que ce naturaliste a bien 
voulu nous communiquer. Sa longueur 
totale est de deux pouces, et celle de la 
queue d’un pouce. Il n’a point de demi- 
anneaux sous le corps. Toutes ses écailles 
sont luisantes ; la couleur en est blan- 
châtre sous le ent et d’un gris Va-. 
rié de brun foncé sur le corps. Quatre 

bandes transversales d’un brun presque 
noir règnent sur la tête et sur le dos; 
une autre petite bande de la même cou- 
Icur borde la mâchoire supérieure ; et 
six autres bandes semblables forment. 
comme autant d’anneaux autour de la 
queue. Il n’y a pas d'ouverture apparente: 
pour les oreilles. La langue est plate, large, 

et un peu fendue à l'extrémité. Le sommet, 
de la tête et le dessus du museau sont” 


DES LÉéZARDS 131 


blanchâtres, tachetés de noir ; les pattes 
variées de gris, de noir et de blanc. Il y 
a à chaque pied cinq doigts qui sont gar- 
nis par-dessous de petites écailles, et ter- 
minés par une espèce de pelote ou de 
petite plaque écailleuse, sans ongle sen- 
sible. 

M. Sparman a déja fait connoître cette 
espèce de lézard, dont il a trouvé plu- 
sieurs individus dans le cabinet d'histoire 
naturelle de M. le baron de Geer , donné 
à l'académie de Stockholm. Ces individus 
ne diffèrent que très-légèrement les uns 
des autres, par la disposition de leurs 
taches ou de leurs bandes. Ils avoient 
été envoyés , en 1755 , à M. de Geer par 
M. Acrelius, qui demeuroit à Philadel- 
phie , et qui les avoit recus de Saint- 
Eustache. 

M. Acrelius écrivit à M. de Geer que 
le sputateur habite dans les contrées 
chaudes de l'Amérique ; on l’y rencontre 
dans les maisons, et parmi les bois de 
charpente : on l’y nomme wood-slave. Ce 
lézard ne nuit à personne lorsqu'il n’est 
point inquiété : mais il ne faut l’observer 


AUS ; OS FRANS Pr 


332 HISTOIRE NATURELLE 
qu'avec précaution , parce qu’on l'irrité 
aisément. Il court le long des murs; et. 
si quelqu'un , en s’arrêtant pour le re- 
garder , lui inspire quelque crainte , il 
s'approcheautant qu'il peut de celui qu'il 


. prend pour son ennemi ; il le considère 


avec attention , et lance contre lui une 
espèce de crachat noir, assez venimeux 
pour qu’une petite goutte fasse enfler la 
partie du corps sur laqueile elle tombe. 
On guérit cette enflure par le moyen de 
l'esprit-de-vin ou de l’eau-de-vie du sucre 
mélés de camphre, dont on se sert aussi en 
Amérique contre la piqûre des scorpions. 
Lorsque l’animal s’irrite, on voit quel- 
quefois le crachat noir se ramasser dans 
les coins de sa bouche. C'est de la faculté: 
qu'a ce lézard de lancer par sa gueule 
une humeur venimeuse, que M.Sparman 
a tiré le nom de sputafor qu'il lui a donné, 
et qui signifie cracheur. Nous avons cru ne 
devoir pas le traduire , mais le remplacer 
par le mot sputateur qui le rappelle. Ce 
lézard ne sort ordinairement de son trou 
que pendant le jour. M. Sparman a fait 
dessiner de très-petits œufs cendrés , ta- 


} 


\ 


DES LÉZARDS.. 133 
chetés de brun et de noir, qu'ila regardés 
comme ceux du sputateur, parce qu'il 
les a trouvés dans le même bocal que les 
individus de cette espèce qui faisoient 
partie de la collection de M. le baron de 
Geer. | Ju 

Nous croyons devoir parler ici d’un 
petit lézard semblable au sputateur par 
la grandeur et par la forme. Nous pré- 
sumons qu'il n’en est qu’une variété , 
peut-être même dépendante du sexe. Nous 
l'avons décrit d’après un individu envoyé 
de Saint-Domingue à M. d’Antic avec le 
sputateur; et ce qui peut faire croire que 
ces deux lézards, habitent presque tou- 
jours ensemble , c’est que M. Sparman 
la trouvé dans le même bocal que les 
sputateurs de la collection de M. de Geer : 
aussi ce savant naturaliste pense-t-il, 
comme nous , qu'il n’en est peut-être 
qu’une variété. L’individu quenousavons 
décrit a deux pouces deux lignes de lon- 
_gueur totale, et la queue quatorze lignes ; 
il a , ainsi que le sputateur , le bout des 
doigts garni de pelotes écailleuses , que 
nous n'avons remarquées dans aucun 

12 


134 HISTOIRE NATURELLE 


autre lézard. Sa couleur, qui est le seul 
caractère par lequel il diffère du sputa- 
teur, est assez uniforme : le dessous du 
corps est d’un gris sale , mêlé de couleur! 
de chair, ec le dessus d’un gris un peu 
plus foncé, varié par de très-petites ondes 
d’un brun noirâtre, qui forment des 
raies longitudinales. L'individu décrit par: 
M. Sparman différoit de celui que nous 
avons vu, en ce que le bout de la queue 
étoit dénué d’écailles, apparemment par 
une suite de quelque accident. : 


LT VALRA 


4 PA, 


NY. 


\ 


Zom . 2. 


DES LÉZARDS. 135 


. CINQUIÈME DIVISION. 


L'ÉZMEDS 


Dont les doigts sont garnis par-dessous 
de grandes écailles ; qui se recouvrent 
. comme Les ardoises des toits *. 


PE 'CECK 0 - 


8 


. 


D» tous les quadrupèdes ovipares dont 
nous publions l’histoire , voici le premier 
qui paroisse renfermer un poison mortel. 
Nous n'avons vu , en quelque sorte ,'Jus- 
qu'ici les animaux se développer , leurs 


“vw 
1 On peut voir, dans la planche qui représente 
le gecko, l’arrangement de ces écailles au-dessous 
des doigis. 4 


, ? Tockaie, par les Siamois. 


136 HISTOIRE NATURELLE 
propriétés augmenter et leurs forces s'ac- 
croître , que pour ajouter au nombre 
des êtres vivans , pour contre-balancer 
l’action destructive des élémens et du 
temps : ici la Nature paroît, au contraire, 
agir contre elle-même; elle exalte dans un 
lézard dont l'espèce n’est que trop fé- 
conde , une liqueur corrosive , au point 
de porter la corruption et le dépérisse- 
ment dans tous les animaux que pénètre 
cette humeur active ; au lieu de sources 
de reproduction et de vie, on diroit 
qu’elle ne prépare dans le gecko que des 
principes de mort et d’anéantissement. 
Ce lézard funeste, et qui mérite toute 
notre attention par ses qualités dange- 
reuses , a quelque ressemblance avec le 
caméléon : sa tete, presque triangulaire , 
est grande en comparaison du corps; les 
yeux sont gros ; la langue est plate, 
revêtue de petites écailles , et le bout en 
est échancré. Les dents sont aiguës , et 
si fortes, suivant Bontius , qu’elles peu- 
vent faire impression sur des corps très- 
durs, et même sur l'acier. Le gecko est 
presque entièrement couvert de petites 


Ex 1 


DES LÉZARDS. - 13 
verrues plus ou moins saillantes ES 
dessous des cuisses est garni d’un rang de 
tubercules élevés et creux , comme dans 
l'iguane, le lézard gris , le lézard verd, 


s Le Ni , 
l'améiva , le cordyle, le marbré , le ga- 


lonné, etc. Les pieds sont remarquables 


par des écailles ovales plus ou moins 
échancrées dans le milieu , aussi larges 
que la surface inférieure de ces mêmes 
doigts , et disposées régulièrement au- 
dessus les unes des autres comme les 
ardoises ou les tuiles des toits ; elles 
revêtent le dessous des doigts, dont les 
côtés sont garnis d’une petite membrane, 
qui en augmente la largeur , sans cepen- 
dant les réunir. M. Linné dit que Île 
gecko n’a point d'ongles : mais dans tous 
les individus conservés au Cabinet du 
roi , nous avons vu le second, le troi- 
sième , le quatrième et le cinquième 
doigt de chaque pied garnis d’un ongle 
très-aigu, très-court et très-recourbé ; ce 
qui s'accorde fort bien avec l’habitude de 
grimper qu'a le gecko , ainsi qu'avec la 
force avec laquelle il s'attache aux divers 
corps qu'il touche. 
6 12 


| 

138 HISTOIRE NATURELLE. 
en est donc des lézards comme e d'un 

tres animaux bien différens , par 
exemple, des oiseaux : les uns ss les 
doigts, des pieds entièrement divisés ; : 

d’autres les ont réunis par une peau. plus 

ou moins lâche ; d'autres , ramassés en 
deux paquets ; et d'autres PE ont leurs 

doigts libres , maïs cependant garnis 

d’une membrane qui en augmente à : 
surface. 

La queue du gecko est communément 
un peu plus longue que le corps ; quel- 
quefois cependant elle est plus courte : 
elle est ronde , menue , et couverte d’an- 
neaux ou de bandes circulaires très-sen- 
sibles ; chacune de ces bandes est com- 
posée de plusieurs rangs de très-petites 
écailles, dans le nombre et dans l’arran- 
gement desquelles on n'observe aucune 
régularité , ainsi que nous nous en som- 
mes assurés par la comparaison de plu- 
sieurs individus : c’est ce qui explique les 
différences qu'on a remrarquées dans les 
descriptions des naturalistes, qui avoient 
compté trop exactement dans un A L 
individu les rangs et le nombre de ces w 
irès-petites écailles. 


us 


DES LÉZARDS. 139 
Suivant Bontius , la couleur du gecko 
est d’un verd clair , tacheté d’un rouge 
très-éclatant. Ce même observateur dit 


qu'on appelle geco le lézard dont nous 


nous ‘occupons , parce que ce mot imite 
le cri qu'il jette lorsqu'il doit pleuvoir, 
sur-tout vers la fin du jour. On le trouve 
en Égypte , dans l'Inde, à Amboine , aux 
autres îles Moluques , ete. Il se tient 


de préférence dans les creux des arbres 


à demi pourris , ainsi que dans les en- 
droits humides ; on le rencontre aussi 


quelquefois dans les maisons , où 1l ins- 


pire une grande frayeur , et où on s’em- 
presse de le faire périr. Bontius à écrit en 
effet que sa morsure est yenimeuse , au 
point que si la partie affectée n’est pas 
retranchée ou brülée , on meurt avant 
peu d'heures. L’attouchement seul des 


“pieds du gecko est même très-dangereux, 


et empoisonne , suivant plusieurs voya- 
geurs, les viandes sur lesquelles il mar- 
che : l’on a cru qu'il les infectoit par 
son urine , que Bontius regarde comme 
un poison je plus corrosifs ; mais ne 
seroii-ce pas aussi par l'humeur qui peut 


if k ’ - X TOME AE Lens 1 21e) pes 1° 4 
ZW Cond \ é LS 4 

L À d + | = \ VE De, © 

. ; LYS 


rio HISTOIRE NATURELLE 
suinter des tubercules creux placés sur 
la face inférieure de ses cuisses ? Son 
sang et sa salive, ou plutôt une sorte 
d’écume , une liqueur épaisse et jaune, 
qui s’épanche de sa bouche lorsqu'il est 


irrité , ou lorsqu'il éprouve quelque affec- 


tion violente , sont regardés de mème 
comme des venins mortels , et Bontius , 
ainsi que Valentyn , rapportent que les 
habitans de Java s’en servoient pour em- 
poisouner leurs flèches. | 

Hasselquist assure aussi que les doigts 
du gecko répandent un poison , que ce’ 
lézard recherche les corps imprégnés de 
sel marin , et qu’en courant dessus il 
laisse après lui un venin très-dangereux. 
Il vit, au Caire, trois femmes près de 
mourir , pour avoir mangé du fromage 
récemment salé, et sur lequel un gecko 
avoit déposé son poison. Il se convainquit 
de l’âcreté des exhalaisons des pieds du 
gecko , en voyant un de ces lézards 
courir sur la main de quelqu'un qui 
vouloit le prendre : toute la partie sur 
laquelle le gecko avoit passé , fut cou- 
verte de petites pustules , accompagnées 


MES LÉZARDS  " rr 
de rougeur , de chaleur , et d’un peu de 
douleur , comme telle qu'on éprouve 
quand on a touché gs, orties. Ce té- 
moiïgnage formel vient à l’appui de ce 
que Bontius dit avoir vu. Il paroît donc 
que , dans les contrées chaudes de l'Inde 
et de l'Égypte , les geckos contiennent un 
poison dangereux , et souvent mortel ; 
il n’est donc pas surprenant qu’on fuie 
leur approche , qu’on ne les découvre 
qu'avec horreur , et qu’on's’eforce de 
les éloigner ou de les détruire. Il se pour- 
roit cependant que leurs qualités mal- 
faisantes variassent suivant les pays, les 
saisons , la nourriture, la force et l'état 
des individus * 

Le gecko , selon Hasselquist , rend un 
son singulier, qui ressemble un peu à 
celui de la grenouille, et qu'il est sur- 
tout facile d'entendre pendant la nuit. 
1l est heureux que ce lézard , dont le 
venin est si redoutable , ne soit pas silen- 
cieux , comme plusieurs autres quadru- 


* Les Indiens prétendent que la racine de cu- 
zuma (terre mérite ou safran indien) est un très- 
bon remède contre la morsure du gecko. 


tra. 
4, . 
V2 
ET 


152 HISTOIRE NATURELLE 
pèdes ovipares, et que ses cris très-dis= 
tincts et particuliers puissent avertir de 
son approche et faire éviter ses dan- 
gereux poisons. Dès qu’il a plu, il sort 
de sa retraite ; sa démarche est assez 
lente: il va à la chasse des fourmis et 
‘des vers. C’est à tort que Wurfbainius 
a prétendu dans son livre intitulé Sa/a- 
mandrologia , que les geckos ne pon- 
doient point. Leurs œufs sont ovales , et 
communément de la grosseur d’une noi- 
sette : on peut en voir la figure dans la 
planche de Seba déja citée. Les femelles 
ont soin de les couvrir d’un peu de terre 

après les avoir déposés; et la chaleur du . 
soleil Les fait éclore. 


Les mathématiciens Jésuites envoyés 
dans les Indes orientales par Louis XIV 
ont décrit et figuré un lézard du royaume 
de Siam , nommé fochaie, et qui est évi- 
demment le même que le gecko. L’indi: 
vidu qu'ils ont examiné, avoit un pied. 
six lignes de long , depuis le bout du 
museau jusqu'à l'extrémité de la queue. 
Les Siamois appellent ce lézard sochaie . “ 


pour uniter le cri qu 1 jette ; ce. qui 


4 
ee 


M 4 VE 

DES LÉZARDS. Ari 
prouve que le cri de ce quadrupède ovi- 
pare est composé de deux sons proférés 
durement, difficiles à rendre , et que l’on 
a cherché à exprimer, tantôt par fockaie, 
tantôt par gecfo. 


Î 


4 


j* 


fe 


LE GECKOTTE. 


_ 


Nous conservons ce nom à un lézard 
qui a une si grande ressemblance avec 
le gecko , qu'il est très-difficile de ne pas 
les confondre lun avec l’autre , quand 
on ne les examine pas de près. Les natu- 
ralistes n’ont même indiqué encore aucun 
des vrais caractères qui les distinguent. 
M. Linné seulement a dit que-ces deux 
lézards ont le même port et la même 
forme , mais que le geckotte , qu’il ap- 
pellé e mauritanique , a la queue étagée, … 
et que le gecko ne la point. Cette diffé- | 
rence n’est réelle que pendant la Funessel 
du geckotte : lorsqu'il est un peu âgé, h 
sa queue est au contraire beaucoup moins 
étagée que celle du gecko. À 
Ces deux quadrupèdes ovipares se res 
semblent sur-tout par la conformation” 
de leurs pieds. Les doigts du geckott 
sont , comme ceux du gecko, garnis 


| . DES LÉ ZARDS 148 


membranes, qui ne les rétnissent pas, 
mais qui en élargissent la surface ; ils 
sont également revêtus par-dessous d’un. 
rang d’écailles ovales , larges , plus ou 
moins échancrées , et en se recouvrent 
comme les EN des toits. Mais, en 


examiuant attentivement un grand nom- 


bre de geckos et de geckottes de divers 
pays , conservés au Cabinet du roi, nous 
avons vu que ces deux espèces sache 
constamment l’une de l’autre par trois 
caractères très-sensibles : premièrement, 


_ le geckotte a le corps plus court et plus, 


épais que le gecko ; secondement, il n’a 
point au-dessous des cuisses un rang de 
tubercules comme le gecko ; et troisième 
ment , sa queue est plus courte et plus 
grosse. Tant qu'il est encore jeune, elle 
est recouverte d’écailles, chargées cha- 
cune d’un tubercule en forme d’aiguillon, 
et qui, par leur disposition , la font pa- 
. roître garnie d’anneaux écailleux : mais 
Fa Napsure que l'animal grandit , les an- 
aux les plus voisins de l'extrémité de 


queue | AE eat il n’en 


FINE 2 | 13 - 


AE de 
KT 
ÿ 


POLE. el 3 


origine, qui s ‘dblitèrent enfin comme | 


autres , de telle SOrFe/ qe quand l'animal | 


est sarvente à peu pres à son entier déve- 
loppement , on n’en voit plus aucun 
autour de lé queue : elle est alors beau 


coup plus grosse et plus courte en pro- 
portion que dans le premier âge ; et ellé 
n’est plus couverte. que de très-petites 


écailles , qui ne présentent aucune ap- 
parence d’anneaux. Le geckotte est le 
seul lézard dans lequel on ait remarqué 
ce changement suecessif dans les écailles 
de la queue. Les tubercules ou aiguil- 


dons qui la revétent pendant qu'il est 
jeuné , se retrouvent sur le corps de ce 
lézard , ainsi que sur les pattes : ils sont. 
plus ou moins saillans; et sur certaines 


parties , telles que le derrière de la tête, 
le cou, et les côtés du corps, ils sont 


ronds , pointus , entourés de tubercules 


\Ÿ 


plus petits , et disposés en forme de M 


rosette. | 
Le geckotte habite presque les 1 


1 244 ANPIVISS SERRE. RE 
DV *. | MIA 39 R 

VOUS LE ZAR DS... 147 
une différence de climat. On le trouve 
dans l’île d'Amboine , dans les Indes, et 
en Barbarie , d’où M. Brander l’a envoyé 
à M. Linné. L’on peut voir, au Cabinet 
du roi, un très-petit quadr upède ovipare, 
qui y a été adressé sous le nom de lédaie 
de Saint-Domingue; c'est évidemment un 
geckotte ; et peut-être cette espèce se 
trouve-t-elle en effet dans le nouveau 
monde. On la rencontre vers les con- 
trées tempérées , Jusque dans la partie 
méridionale de la Provence, où elle est 
très-commune*. 

On l'y appelle farente, nom qui a été 
donné au stellion , et à une variété du 
lézard verd , ainsi que nous l'avons vus 
On le robe. dans les masures et dans 
les vieilles maisons, où il fuit les endroits 
frais , bas et humides , et où il se tient 
néent sous les toits. Il se plaît à 
une exposition chaude ; il aime le soleil: 


ï revasses , sous les tuiles, sans y 


te communiquée par M. Olivier, qui a bien 
as aire part des observations qu’il a faites 


7 


es | abit: udes de cette espèce de Kzard. 


a dit qu'il étoit venimeux , peut-êt 


un poison mortel. M, Olivier ass 


éprouver cependan un engourdissem er 
parfait; car , lorsqu'on le découvre , 
cherche à se sauver , en marchant lour- 
dement. Dès les premiers jours du prin- 
temps , il sort de sa retraite , et va se 
réchauffer au soleil; mais il ne s’écarte 
pas beaucoup de son trou , et il y rentre 
au moindre bruit. Dans les fortes cha- 
leurs , il se meut fort vîte, quoiqu'il n ait 


| ais EN agilité de plusieurs autres lézards. 


Il se nourrit principalement d'insectes. Il 
se cramponne facilement par le moyen 
de ses ongles crochus et des écailles qu'il 
a sous les pieds : aussi peut-il courir , 
non seulement le loug des murs , mais - 
encore au-dessous des planchers; et M. Oli- 
vier, que nous venons de citer, l’a vu 
demeurer immobile pendant très-long- | 
temps sous la voûte d’une église. 0 
Il ressemble donc au gecko par ses 
habitudes , autant que par sa forme. On 


cause de tous ses rapports avec ce de 
quadrupède ovipare, qui , suiv 
très-srand nombre d voyageu 


et que ce lézard cherche toujours à s’é- 
_ chapper lorsqu'on le saisit. 
Les geckottes ne sortent point de leur 
_ trou lorsqu'il doit pleuvoir : mais Jamais 
ils n’annoncent la pluie par quelques cris, 
ainsi qu’on l’a dit des geckos ; et M.Olivier 
en a souvent pris avec des pinces, sans 
qu'ils fissent entendre aucun son. 


à dänt qu'aucune observation nelé prouve, 
4 


” 


-$) à w 
150 HISTOIR 


LA TÈTE- PLATE Si 


Nous nommons ainsi un lézard qui. 
n’a encore été indiqué par aucun natü- 
raliste. Peu de quadrupèdes ovipares sont 
aussi remarquables par la singularité de 
leur conformation. Il paroît faire la 
nuance entre plusieurs espèces de lézards = 
il semble particulièrement tenir le milieu 
entre le caméléon, le gecko et la sala- 
mandre aquatique ; il a les principaux 
caractères de ces trois espèces. Sa tête , 
sa peau et la forme générale de son SOrpEL 
ressemblent à celles du caméléon ; sa: 
queue à celle de la salamandre aquatique , 
_êt ses pieds à ceux du gecko : aussi aucun 
lézard’ n'est-il plus aisé à reconnoître . 
cause de la réunion de ces trois caract 


qui lui sont particuliers. 
Sa tête, dont la forme nor 
le nom que nous donnons 


UMRZÉ 


| MES LÉZARDSIL {5e 
très-applatie ; le dessous en est entière-" 
ment plat. L'ouverture de la gueule s’é- 
tend jusqu'au - delà des yeux ; les dents 
sont très -petites et en très - grand 
nombre ; la langue est plate, fendue, et 
assez semblable à celle du gecko. La 
mâchoire inférieure est si mince, qu'au 
premier coup d'œil on seroit tenéé de 
croire que l'animal a perdu une portion 
de sa tête, et que cette mâchoire lui 
manque. La tête est d’ailleurs triangu- 
laire , comme celle du caméléon : mais 
le triangle qu’elle forme est très-alongé, 
et elle ne présente point l'espèce de casque 
ni les dentelures qu’on remarque sur cette 
dernière. Elle est articulée avec le corps, 
de manière à former en-dessous un angle 
obtus ; ce qui ne se retrouve pas dans 
la plupart des autres quadrupèdes ovi- 
pares. Elle est très-grande ; sa longueur 
est à peu près la moitié de celle du corps. 


ment l'iris, dont-la prunelle con- 
ane fente verticale ; comme celle 
c Le secko , et qui du être très- 


- pd 


ANTON 
| no de se He À ou bide se COM % à. 
tracter , pour recevoir ou repousser ka ‘# À 
lumière. Les narines sont placées pres- 
que au bout du museau , qui est mousse, 
et qui fait le sommet de Pespèce dé 
triangle alongé formé par la tête. Les 
ouvertures des oreilles sont très-petites ; 
elles occupent les deux autres angles du 
triangle , et sont placées auprès des coins 
de la gueule. La peau du dessous du cou 
forme des plis : le dessous du corps est 
entièrement plat. 

Les quatre pieds du lézand'à tête plats 
sont chacun divisés en cinq doigts : ces 
doigts sont réunis à leur origine par la 
peau des jambes, qui les recouvre par-des- 
sus et par-dessous ; mais ils sont ensuite 
très-divisés , sur-tout ceux de derrière; 
dont le doigt intérieur est séparé des 
autres, comme dans beaucoup de lézards, 
de manière à représenter une sorte 
pouce. Vers leur extrémité , ils sont 
nis d’une membrane qui: les él 
comme ceux du gecko et du gecl 


DES LÉZARDS.. 15 
recouvrent comme les ardoises des toits : 
elles sont communément au nombre de 
vingt, et placées sur deux rangs qui s’é- 
cartent un peu l’un de l’autre au bout 
du doigt; le petit intervalle qui sépare 
ces deux-rangs , renferme un ongle très- 
crochu , très-fort, et replié en-dessous. 

La queue est menue , et beaucoup plus 
courte que le corps; elle paroît trè ès-large 
et très-applatie ; parce qu elle est revêtue 
d'une membrane qui s'étend de chaque 
côté, et lui donne la forme d’une sorte 
de rame. Il est aisé cependant de distin- 
guer la véritable queue que cette mem- 
brane recouvre , et qui présente par-des- 
sus et par-dessous une petite saillie lon- 
gitudinale. .Cette partie membraneuse 
n’est point, comme dans la salamandre 
aquatique , placée verticalement ; mais 
_elle forme des deux côtés une PEN bande 
tk orizontale. 


ue dessous, est garnie ai 
F nombre de pétité points sail- 
us O1 ins apparens , qui se 


EC 1 Ve FUN | 


154 HISTOIRE NATUREI » 


41 


touchent et la font paroître. chagrinée 3 1 
À RS sl 


_et ce qui constitue un caractère jusqu’: À 
présent particulier au lézard à tête plate , 
c’est que la partie supérieure de tout le 
corps est distinguée de la partie infé- 
rieure par une prolongation de la peau 
qui règne en forme de membrane frangée … 
depuis le bout du museau iusqu'à l’ori- . 
gine de la queue, et qui s'étend égale- 
ment sur les quatre pattes, dont elle dis- 
tingue de mème le dessus d’avec le des- . 
sous. | 

Ce lézard n’a encore été trouvé qu’en 
Afrique ; il paroît fort commun à Mada- 
gascar, puisque l’on peut voir dans la 
collection du Cabinet du roi quatre in- 
dividus defcette espèce envoyés de cette 
île. Cette collection en renferme aussiunm € 
cinquième que M. Adanson a rapporté du … 
Sénégal; et c’est sur ces cinq individus, 
dont la conformation est parfaitemen 
semblable , que J'ai fait la descri 
que l’on Yibrié de lire. Le plus at 
de longueur totale huit pou 
et la queue a deux pouct 
de longueur. Aucun nat 


à à X à à: EN A ” LL: 
* # * 
J U : ’ . 
be 4 | : 
ci: / 


ke 
" ï 


DES LÉZARDS. 155 
core rien écrit touchant cet animal : mais 
ila été vu à Madagascar par M. Bruyères, 

dela société royale de Montpellier , qui 
a bien voulu me communiquer ses obser- 
vations au sujet de ce quadrupède ovi- 
pare. La couleur du lézard à tête plate 
west point fixe | ainsi que celle de plu- 
sieurs autres lézards ; mais elle varie 
comme celle du caméléon , et présente 
successivement ou tout à la fois plusieurs 
nuances de rouge, de jaune, de verdet de 
bleu. Ces effets observés par M. Bruyères 
nous paroissent dépendre des différens 
états de l’animal , ainsi que dans le ca- 
méléon ; et ce qui nous le persuade, c’est 
que la peau du lézard à tete. plate est 
presque entièrement semblable à célle du 
caméléon. Mais dans ce dernier, les va- 
riations de couleur s'étendent sur la peau 
. du ventre , au lieu que dans le lézard dont 
l'est ici question, tout le dessous du 
» € epuis l'extrémité des mâchoires 


+ 


jense, avec toute raison, 


“ 


} 


156 HISTOIRE x ar ARE ) 


plate, est le même que. cou qué Flac 
court a désigné par le nom de famocan- | 
trala , et que ce voyageur, a vu dans l'île | 
de Modac ont C’est aussi le Jamocanéra- 
ton dont Dapper a parlé. | 
Les Madégasses ne regardent le lézard à 
tête plate qu'avec une espèce d'horreur : 
dès qu'ils lapperçoivent, ils se dé- 
tournent , se couvrent même les yeux, 


EE 


et fuient avec précipitation. Flaccourt 


dit qu'il est très-dangereux, qu'il s’élance 
sur les nègres, ét qu’il s'attache si for- 
tement à leur poitrine * par le moyen de 
la membrane frangée qui règne de chaque 
côté de son corps, qu’on ne peut l’en sé- 
parer qu'avec un rasoir, M. Bruyères n'a | 
rien vu de semblable : il assure que les. 
lézards à tête plate ne sont point veni- 

meux ; il en a souvent pris à la main; ils. 
lui NS les. doigts avec leurs mâ-. 
choires , sans que jamais il lui | 


PT un. ds Cul 
> ? + 
# e x 
NUS F ‘ : 


DÉS LEZ A RDS. 157 


n à 
nègres , vient de ce que ce lézard ne fuit 


point à leur approche, et qu’au contraire 
il va toujours au-devant d’eux la gueule 


béante, quelque bruit que l’on fasse pour 


le détourner : c’est ce qui l’a fait nommer 
par des matelots francois Ze sourd; nom 
que l’on a donné aussi dans quelques 
provinces de France à la salamandre ter- 
restre. Ce lézard vit ordinairement sur les 
arbres , ainsi que le caméléon ; il s’y re- 
tire dans des trous, d’où il ne sort que la 
nuit et dans les temps pluvieux : on le 
voit alors sauter de branche en branche 
avec agilité. Sa queue lui sert à se sou- 
tenir , quoique courte ; il la replie autour 
des petits rameaux. S'il tombe à terre, il 
pe peut plus s’élancer; il se traîne Jusqu'à 
l'arbre qui est ie plus à sa portée; il y 
grimpe , et y recommence à sauter de 
Dr en branche. Il marche avec 


que celles de Ariere , ainsi 
ne. Fe et que 
5 


— 


158 HISTOIRE Ar 


cependant sa tête forme A un 
angle avec le corps, de telle sorte qu'à ‘A 
Hu pas qu'il fait, il doit donner du 
nez contre terre. Cette conformation lui 
est au contraire favorable lorsqu'il s'é- 
lance sur les arbres, sa tête pouvant … 
alors se trouver très-souvent dans un 
plan horizontal. Le lézard à tête plate ne 
se nourrit que d'insectes : il a presque : 
toujours la gueule ouverte pour les sai- 
sir; et elle est intérieurement enduite 
d'une matière visqueuse , qui les em- 
pêche de s’échapper. | 
Scba a donné la figure d’un lézard qu'il 
dit fort rare , qui, suivant lui, se trouve 
en Égypte et en Arabie, ét doit avoir 
beaucoup de rapports avec notre lézard 
à tête plate : mais si la description et le $ 
dessin en sont exacts , ils appartiennent / 
à deux espèces différentes. On. 


CE 


En créé : son te à , COI 
les doigts BRTDIS Rs 


= 


He ME yes RER por Et \ OA SANT TER 
d a! Le Î ja, 


N'Eia pis “AU AU 
DES L ÉIZ ARS. |  x159 
ne sont point applatis; qu'il n’a point 

ja membrane frangée dont nous avons 
parlé ; que les pieds de derrière sont 
presque entièrement palmés ; que la 
queue est ronde, beaucoup plus longue 
que le corps; et que la membrane qui 
en garnit les côtés, est assez profondé- 
ment festonnée. | 


ne : 


| 760 


HISTOIRE NATURE 


SIXIÈME DIVISION. 


LÉZARDS Fe 4 
Qui n ’on£ que trois PE. aux pieds FA 
EC 
dei daugnh et aux pieds de derrière. Le 
i } 

LES EPS 


biz -seps doit êtr considéré de près 
pour n'être pas son La re 

Ce qui en effet distingue 
ces derniers d'avec les 
défaut de pat e 
oreilles : mais on ne : 
difficilement l'ouverture ; 
seps ; et ses pates. sont pr squ 


à: 


‘3 La cicigna 


. TZom..2. | TL. 9. Pag.z160 ; 


LAS Te DT 


| F2 As == 
Ê x Y ; sacs Me 7e 


+ 


DES'LÉZARDS. to: 


par leur extrême petitesse. Lorsqu'on Île 


regarde, on croiroit voir un serpent qui, 
par une espèce de monstruosité , seroit 
né avec deux petites pattes peer de la 


tête , et deux autres, très-éloignées , si- 


“es auprès de l’origine de la queue. On 
le croiroit d'autant plus , que le seps a le 
corps très-long et très-menu , et qu'il a 
l'habitude de se rouler sur lui-même 
comme les serpens. À une certaine dis- 
tance on seroit même tenté de ne prendre 
ses pieds que pour des appendices in- 
formes. Le seps fait donc une des nuances 
qui lient d’assez près les quadrupèdes 
ovipares avec les vrais reptiles. Sa forme 
peu prononcée , son caractère ambigu, 


doivent contribuer à le faire reconnoître. 


v. LA 


Seswyeux sont très-petits ; les ouvertures 
des oreilles bien moins sensibles que dans 
la plupart des lézards. La queue finit par 
une pointe très-aigué ; elle est communé- 
ment très - courte : cependant elle étoit 
aussi longue que le corps dans l'individu 


décrit par M. Linné , et qui faisoit partie 
“de la collection du prince Adolphe. Le 
sepsrest couvert d'écailles quadrangu- 


14 


162 HISTOIRE NATURELLE | 
laires | qui forment en tout sens des es- 
pèces de stries. UE L 

La couleur de ce lézard est en’ général 
moins foncée sous le ventre que sur le 
dos, le long duquel s'étendent . deux 
bandés dont la teinte est plus où moins 
claire, et qui sont bordées de no cÔté 
d’une’ petite raïe noire. ne 

La grandeur des seps, ainsi que celle 
des autres lézards, varie suivant la tem- 
pérature qu'ils éprouvent , la nourriture 
qu'ils trouvent , et la tranquillité dont 
ils jouissent. C’est donc avec raison que 
la plupart des naturalistes ont cru ne de- 
Voir pas assigner une grandeur détermi- 
née, comme un caractère rigoureux ét 
distinctif de chaque espèce : mais il n’en 
est pas moins intéressant d'indiquer les’ 
limites qui, dans les diverses espèces, 
circonscrivent la grandeur , et sur-tout. # 
d'en marquer les rapports, autant qu “pi eg. 
est possible, avec les différentes contrées, QE 
les habitudes ; la chaleur , ete. Les seps, 
qui ne parviennent quelquefois en 


vence ct dans me: DE sh 
Le 


à 
DES LÉZARDS.,; 163 
cinq ou six pouces , sont longs de douze 
ou quinze dans des pays plus conformes 
à leur nature. Il y en a uu au Cabinet du 
roi dont la longueur totale est de neuf 
pouces neuf ligues; sa circonférence est 
de dix-huit lignes à l'endroit le plus gros 
du corps; les pattes ont deux lignes de 
longueur , et.la queue est longue de trois 
pouces trois hgnes. Celui que M. François 
Cetti a décrit en Sardaigne , avoit douze 
pouces trois lignes de long (apparemment 
mesure sarde ). : 

Les pattes du seps sont si courtes, 
qu’elles n’ont quelquefois que deux lignes 
de long , quoique le corps ait plus de 
douze pouces de longueur. À peine pa- 
roissent-elles pouvoir toucher à terre, et 
cependant le seps les remue avec vitesse, 

ct semble s en servir avec beaucoup d’a- 
| vantage , lorsqu'il marche. Les pieds sont 
divisés en trois doigts, à peine visibles , 

ct-sgarmis d'ongles , comme ceux de la 
plupart des autres lézards. M. Linné a 
compté cinq doigts dans le seps qui fai- 
… soit, partie de la collection. du prince 


Adolphe de Suède; mais nous n'en avons 


164 HISTOIRE NATURELLE 
jamais trouvé que trois dans les individus 
de différens pays que nous avons décrits, 
et qui sont au Cabinet du roi, avec 
quelque atténtion que nous les ayons 
considérés, et quoique nous nous soyons 
servis de très-fortes loupes. 

C’est au seps que l’on doit rapporter le 
lézard indiqué par Ray sous le nom de 
seps ou de lézard chalcide ; M. Linné nous 
paroît S ‘être trompé en appelant ce der- 
nier /ézard chalcide, et en le séparant du 
seps. La description que l’on trouve dans 
Ray, convient très-bien à ce dernier ani- 
mal ; les raies noires le long du dos, et la 
forme rhomboïdale des écailles que Ray 
attribue à son lézard , sont en effet des 
caractères distinctifs du seps. Le lézard 
désigné par Columna sous le nom de 
seps ou de chalcide, séparé du'seps par ” 
M. Linné, et appelé chalcide par ce grand Ë 
raie est aussi une simple variété M 
du seps, 408 voisine de celle que l’on 1 


trouve aux environs de Rome , ainsi 


cr) 
"PAM 


qu’en Provence , et dont on conserve un 
individu au Cabinet du roi. Le lézard 


Columna avoit, à la vérité, ie + 


DES LÉZARDS. 165 


de long , tandis que le seps des environs 
de Rome , que l’on peut voir au Cabinet 
du roi , n’a que sept pouces huit lignes de 
longueur ; mais il présentoit les caractères 
qui distinguent leS véritables seps. 
L'animal que M. Linné a rangé parmi 
les serpens , qu'il a appelé arguis quadru- 
pède, et qu’il dit habiter dans l’île de Java, 
est de même un véritable seps ; tous les 
caractères PAPRarEs par M. Linné con- 
viennent à ce dernier lézard , excepté le 
défaut d'ouvertures pour les oreilles , et 
les cinq doigts de chaque pied : mais 
M. Linné ajoutant que ces doigts sont si 
petits , qu’on a bien de la peine à les 
appercevoir , on peut croire que l’on en 
aura aisément compté deux de trop; 
d’ailleurs les ouvertures des orcilles du 
“seps sont quelquefois si petites , qu'il 
…paroit en marquer absolument. 
Cest également au seps qu'il faut rap- 
porter les lézards nommés vers serpen- 
À formes d'Afrique , et dont M. Linné a 
s: - fait une espèce particulière sous le nom 
d’anguina; il suffit, pour s’en convaincre, 
» de jeter les yeux sur la planche de Seba 


Ge 


le corps. 


166 HISTOIRE NATURELLE 


citée par le naturaliste suédois : la formé 
de la tête, la longueur du corps; la dis- 


position des écailles , la position et la 


briéveté des quatre pattes, se retrouvent 
dans ces prétendus vers comme dams le 
seps; et ce n’est que parce qu'on ne les 


a pas regardés d'assez près, qu'on a attri= 


bué des pieds non divisés à ces animaux, 


que M. Linné s’est cru obligé par-là de 


séparer des autres lézards. Suivant Seba , 
les Grecs ont connu ces quadrupèdes ; 
ils ont même cru être informés de leurs 
habitudes en certaines contrées , puis- 


qu'ils les ont nommés acheloi et relyor, 
pour désigner leur séjour au milieu des. 


eaux troubles et bourbeuses. On les ren- 
poutre au cap de Bonne Ep vers 


Columna , 


DES LÉZARDS. 167 


loppés dans une pellicule diaphane et 
renfermés dans leurs œufs comime les pe- 
tits des vipères. Nous remarquerons une 
manière semblable de venir au Jour daus 
les petits de la salamandre terrestre ; et 
ainsi non seulement les diverses espèces 
de lézards ont entre elles de nouvelles 
analogies , mais l’ordre entier des qua- 
drupèdes ovipares se lie de nouveau avec 
les serpens , avec les poissons cartilagi- 
neux et d'autres poissons de différens 
genres, parmi lesquels les petits de plu- 
sieurs espèces sortent aussi de leurs œufs 
dans le ventre même de leur mère. 
Plusieurs naturalistes ont cru que le 
seps étoit une espèce de salamandre. On 
a accusé la salamandre d’etre venimeuse ; 
onva dit que le seps l’étoit aussi. Il y a 
meme lons-temps que l’on a regardé ce 
lézard comme un animal malfaisant, le 
nom de seps que les anciens lui ont appli- 
qué , ainsi qu’au chalcide, ayant été 
aussi attribué , par ces mêmes anciens, 
à desserpens très-venimeux, à des mille- 
pieds et à d’autres bêtes dangereuses. Ce 


… anot seps , dérivé de 470 (sepo, je cor- 


168 HISTOIRE NATURELLE 
romps), peut être regardé comme un nom 
génériqué que les anciens donnoiïent à la 
plupart des animaux dont ils redoutoient 
les poisons , à quelque ordre d’ailleurs 
qu'ils les rapportassent. On. peut croire 
aussi qu'ils ont très-souvent confondu , 
ainsi que le plus grand nombre des na- 
turalistes venus après eux , le chalcide 
et le seps, qu’ils ont appelés tous deux 
non seulement du nom générique de 
seps , mais encore du nom particulier de 
chalcide. 

Quoi qu’il en soit , les observations de 
M. Sauvage paroissent prouver que le 
seps n’est point venimeux dans les pro- - 
vinces méridionales de France. Suivant 
ce naturaliste, la morsure des sepsua | 
jamais été suivie d'aucun accident. Suit 
rapporte en avoir vu manger par une 
poule sans qu’elle en ait été Re Rae 


poule , comme los Hoi terre. de Ah. 
des canards. La poule le saisit de 
veau; il s’'échappa de même : : mai 


DES LÉZARDS. 169 


troisième fois elle le coupa en deux. 
M. Sauvage conclut même, de la facilité 
avec laquelle ce petit lézard se glisse dans 
les intestins , qu’il produiroit un meil- 
leur effet dans certaines maladies que 
le plomb et le vif-argent. M. François 
Cetti dit aussi que, dans toute la Sar- 
daigne , il n’a jamais entendu parler d’au- 
cun accident causé par la morsure du 
seps, que tout le monde y regarde comme 
un animal innocent. Seulement , ayoute- 
t-il , lorsque les bœufs ou les chevaux en 
ont avalé avec l'herbe qu'ils paissent, leur 
ventre s’enfle , et ils sont en danger de 
mourir , si on ne leur fait pas prendre 
une boisson préparée avec de l'huile, du 
vinaigre et du soufre. 

Le-seps paroît craindre le froid plus 
que les tortues terrestres et plusieurs 


autres quadrupèdes ovipares ; il se cache 


plus tôt dans la terre aux approches de 
Phiver. 11 disparoît en Sardaigne dès le 
commencement d'octobre , et on ne le 


trouve plus que dans des creux souter- 
É: xains ; il en sort au printemps pour aller 


h 


Fe.» . . A + 
dans les endroits garnis d'herbe , où il se 


15 


L # 2 PR PTS AN CENTS “UN 
\ $ d, PAPAS ” 


is HISTOIRE NATURELLE FUN 
tient ne pendant l'été ; quoique l'are 
deur du soleil l'ait desséchée..…,,. 

M. Thunberg a donné , .dans ds Mé- 
moires de l’académie de Suède , la:: des- 
cripuon d’un lézard qu'il nomme abdo- 
mninal, quise trouve à Javaiet à Amboine, 
qui a les plus grands. .rapports: avec le 
seps, et qui n’en diffère, que par la très- 
grande briéveté de sa queue.et le.nombre 
de ses doigts. Mais comme il paroît que 
M. Thunberg n’a pas vu cet animal vi- 
vaut, et que , dans la description qu'il 
cn donne, il dit que l'extrémité de la 
queue étoit nue et sans écailles, on peut 
croire que l'individu observé par ce savant 
professeur, avoit perdu une partie de sa 
queue par quelque accident. D'ailleurs. M 
nous nous sommes assurés que la longueur 1) 
de la quçuf, des sea Frais en général très= À. 


avoue qu'on ne peste l'œil 1 dis ingi 
qu'avec beaucoup de peine. Fes, + 


se faire que l'anin eût été qu 
sa mort , de manière à présente 


rence Ac cinq petits doigts à 


dE à 


pied , quoique réellement il n’y en ait 
que trois , ainsi que. dans les seps , auUx- 


quels il Ho dès-lors le rapporter. Si 


au contraire le lézard abdominal a véri- 
tablement cinq doigts à chaque pied , il 
faudra le regarder comme une espèce 
distincte du seps, et le comprendfe dans 
la quatrième division, où il pourroit 
être placé à la suite du sputateur. Au 


reste, personne ne peut mieux éelaireir 


ce point d'histoire uaturellé que ‘M, 
ponieih 


DES LÉZARDS.. 11 


“ON ü 
172 HISTOIRE NATUREËLE 


LE CHALCIDE. 


Lr seps n’est pas le seul lézard qui, 
par la petitesse de ses pattes à peine vi- 
sibles , et la grande distance qui sépare 
celles de devant de celles de derrière, 
fasse la nuance entre les lézards et les 
serpens ; le chalcide est également remar- 
quable par la briéveté et la position de 
ses pattes, de même que par l’alongement 
de son corps. M. Linné , et, plusieurs. 
autres naturalistes, ont regardé , ainsi 
que nous , le chalcide comme différent 
du seps , et ils ont dit que ces deux 
* lézards sont distingués l’un de l'autre, 
en ce que le seps a la queue verticillée ,u 
tandis que le chalcide l’a ronde , ét plus w 
longue que le corps. Quelque sens qu'on M 
attache à cette expression verticillée , elle 1 | 
ne peut Jamais A qu’un carac- 
tère vague et peu sensible. D'un aut ue 

côté, id n'y à rien de si variabl qu 


d 


DES LÉZARDS 173 
longueurs des queues des lézards | et 
par conséquent toute distinction spéci- 
fique fondée sur ces longueurs doit être 
regardée comme nulle ; à moins que 
leurs différences ne soient très-grandes. 
Nous avons pensé d’après cela que le 
lézard appelé cAalcide par M. Linné 
pourroit bien n'être qu’une variété du 
seps , dont plusieurs individus ont la 
queue à peu près aussi longue que le 
corps. Nous l'avons pensé d’autant plus 
qu'il paroît que M. Linné n’a point vu 
le lézard qu'il nomme chalcide. Nous 
avons en conséquence examiné les divers 
passages des auteurs cités par M. Linné, 
relativement à ce quadrupède ovipare; 
nous ayons comparé ce qu'ont écrit à 
ce sujet Aldrovande , Columna, Grono- 
vius , Ray et Imperati : nous avons vu 
que tout ce que rapportent ces auteurs 

tant dans leurs descriptions que dans la 
partie historique , pouvoit s’ap piquer au 
véritable seps. IL paroît donc qu’on doit 
réduire à une seule espèce les deux lézards 


connus sous lé nom de seps et de cAal- 
-cide. Mais il y a , au Cabinet du roi, un 


38 


474 HISTOIRE pe "a 
lézard qui ressemble au séps par l'alon- 
gement de son corps’; la petitesse detsés 
pattes ; le nombre de ses doigts! etrqui 
est cependant d’üné ‘espèce différente de 
celle du seps, ainsi que nous allons: le 
prouver: Ce lézard n’a vraisemblablement 
été connu d'aucun des naturalistes mo- 
dernes qui ont écrit sur le chalcide :/c'esti, 
en quelque sorte , une espèce nouvelle 
que nous présentons , et à laquellé nôus 
appliquetis ce nom de chalcide, qui w’à 
été donné pe M. Linné et les Mers ar 
modernes qu’à une variété du sepst'! 2!, 
Notre chalcide , le seul que nous ñom- 
merons ainsi, diffère du seps par un -. 
caractère qui doit empêcher de lesicoti- ÿ 
y SP dans toutes les anoié COTES 4 


queue sont garnis dans le seps | 
écailles, placée les unes sur les | 
comme Les arc oises qui couvrent n 
tandis qué , dans le rare 
forment des anneaux circul aire 
sibles, séparés les’ uns À dés âu 
espèces de rt et de 


DES'LÉZARDS. 175 

Le corps de l'individu conservé au 
Cabinet du roi a deux pouces six lignes 
de longueur ; il est plus court que la 
queue | et entouré de quarante-huit an- 
neaux. La tête est assez semblable à ceïle 
du seps, ainsi que nous l’avons dit: mais 
il n’y a aucune ouverture pour les oreilles; 
ce qui donne au chalcide un rapport de 
plus avec les serpens. Les pattes sont 
encore plus courtes que celles du seps, 
en proportion de la longueur du corps ; 
elles n’ont qu'une ligne de longueur. 
Celles de devant sont situées très-près de 
la tête. 

Ce lézard n’a que trois dis à chaque 
pied , ainsi que le seps. Il est d’une cou- 
leur sombre , qui peut-être est l'effet de 
Pesprit-de-vin dans lequel il a été cou- 
Servé, mais qui approche de la couleur 
de Pairain , quetles Grecs ont désignée 
parle nom de czalcis (dérivé de yanxor, 
» airain ) lorsqu'ils ont appliqué ce noi à 
un lézard. --. 

Cet animal ;iqui doit habiter les con- 
rées chaudes! d, par la conformation 
> ses écailles et leur disposition en 


| P 4 “ : p'« 


NM lue à 
| x me Ait 
176 HISTOIRE NATURELLE ; 710 
anneaux , d'assez grands rapports avec. 
le serpent orvet et les autres serpens , 
que M. Linné à compris sous la déno-! 
imination générique d'anguis. ILen a aussi, 
par-là avec plusieurs espèces de vers , et 
sur-tout avec un reptile , dont nous don- 
nons l’histoire à la suite de celle des qua- 
drupèdes ovipares, et qui lie l’ordre de 
ces derniers avec celui des serpens encore 
de plus près que le seps etle chalcide. 
Mais si les espèces de lézards dont 
nous traitons maintenant ; présentent , 
en quelque sorte , une conformation in- 
termédiaire entre celle des quadrupèdes 
ovipares et celle des vrais reptiles , l’es-, 
pèce suivante donne à ces mêmes queg 
drupèdes ovipares , de nouveaux raps 
ports avec des animaux bien mieux ox 
misés , et particulièrement ayec lord 
des rl , par les espèces d’ailes dar 
cle a été pourvue, PO 


: 
Tom. 2. 


21.10. 209.177 


à. 
s Ad 


DES LÉZARDS.. 77 


SEPTIÈME DIVISION. 


LÉ Z'AUR'D Su, 


Qui ont des membranes en forme 
d'ailes. 


LE DRAGON. 


—_——_— 

\ 

À ce nom de dragon, l’on concoit tou- 
- jours uneidée extraordinaire. La mémoire 
- rappelle avec promptitude tout ce qu'on 
a lu, tout ce qu'on a oui dire sur ce 
v . a fameux ; limagination s'en- 
… flamme, par le souvenir des grandes 
images qu’il a présentées au génie poé- 
4 ique : une sorte de, frayeur saisit les 
( cœurs timides ; et la curiosité s'empare 
de tous les esprits. TES. anciens , les mo- 
_ derues, ont tous merle du ‘1308 Cou- 


À 


178 HISTOIRE NATURELLE. 


sacré par la religion des premiers peur 
ples , devenu l’objet de leur mythélogie , 

ministre des volontés des dieux |, “'ahtiien 
de leurs trésors , servant leur Mu à et 
leur haine , soumis au pouvoir des en- 
chanteurs, vaincu par les demi-dieux des 
temps antiques, entrant même dans les 
allégories sacrées du plus saint. _des re- 
cucils , il a été chanté par les premiers 
poètes , et représenté avec toutes les cou- 
leurs qui pouvoient en embellir l'image. 
Principal omement des fables! pieuses 

imaginées dans des temps plus récens , 

domté par les héros , et même par les 
Jeunes héroïnes, qui combattoient pour 
une loi divine ; Han par uné Seconde 
RENE ; À as. pla Les A sut le 


‘1 


des vaillans héchies Dan el 
poésie ONE ainsi ci il av 


de l’histoire ;, par-tout décrit, 


célébré, partout rat 
toutes les ie | 


MESU LÉ ZUAUROAT 6: 179 
victimes-par son regard, se transportant 
au milieu des nuécs'avec la rapidité de 
l'éclair , frappant comme la foudre , dissi- 
pant l'obscurité des nuits par l’éclat de 
ses yeux-étincelans , réunissant l’agilité 
de l’aigle , la force du lion , la grandeur 
du serpent * , présentant même quelque- 
fois une figure humaine , doué d’une 
intelligence presque divine , et adoré de 
nos jours dans de grands empires de l’O- 
rient , le dragon a été tout, et s’est 
trouvé par-tout , hors dans la Nature. Il 
vivra cependant toujours , cet être fabu- 
leux ; dans les heureux produits d'une 
imagination féconde ; il embellira long- 
temps les images hardies d’une ‘poésie 
enchanteresse : le récit de sa puissance 
merveilleuse charmera les lorsirs de ceux 
qui ont besoin d’être quelquefois trans- 
portés au milieu des chimères', et qui 
desirent de voir la vérité parée des 
ornemens d’une fiction agréable. Mais 
à la place de cet étre. fantastique , 

Le pee trouvons-nous dans la réalité? un 


* Il ÿ a des serpens qui ont plus de Se 
mi de long. . CEE à 


$ ha à É . à # 
AT Me 


# ' 


80 HISTOIRE NATURELLE 
animal aussi petit que foible, un lézard 
innocent et tranquille , un des moins 
armés de tous les quadrupèdes ovipares , 
et qui , par une conformation parti- © 
culière , a la facilité de se transporter 
avec agilité , et de voltiger de branche en 
branche dans les forêts qu'il habite. Les | 
espèces d'ailes dont il a été pourvu , son - 
corps de lézard., et tous ses rapports avec 
les serpens, ont fait trouver quelque sorte 
de ressemblance éloignée entre ce petit 
‘animal et le monstre imaginaire dont 
nous avons parlé , et lui ont fait donner 
le nom de dragon par les naturalistes. 

Ces ailes sont composées de six espèces . 
de rayons cartilagineux , situés horizon- 
talement de chaque côté de l’épine du 
dos , et auprès des Jambes de devant. Ces 
rayons sont courbés en arrière ; ils sou- M 
tiennent une membrane , qui s'étend le m 
long du rayon le plus antérieur jusqu'au 
son extrémité, et va ensuite se rattacher," 
en s’arrondissant un pet , auprès de 
jambes de derrière. Chaque aïle représente 
ainsi un triangle , dont la base, s’apl 
sur l’épine du dos ; se 


| SEA. 4 


wé 
Lu 


DES LÉZARDS. 181 
triangle à celui de l’autre , il y a à peu 
près la même distance que des pattes de 
devant à celles de derrière. La mem- 
brane qui recouvre les rayons est garnie 
d’écailles , ainsi que lé corps du lézard, 
que l’on ne peut bien voir qu’en regar- 
dant au-dessous des ailes , et dont on ne 
distingue par-dessus que la partie la plus 
élevée du dos. Ces ailes sont conformées 
comme les nageoires des poissons, sur- 
tout comme celles dont les poissons vo- 
lans se servent pour se soutenir en l'air. 
Elles ne ressemblent pas aux ailes dont 
les chauve-souris sont pourvues , et qui 
sont composées d’une membrane placée 
entre les doigts très-longs de leurs pieds 
de devant; elles diffèrent encore plus de 
celles des oiseaux formées de membres 
que l’on a appelés leurs bras : elles ont 
plus de rapport avec les membranes qui 
s'étendent des jambes de devant à celles 
de derrière dans le polatouche et dans le 
taguan , et qui.leur servent à voltiger. 

Voilà donc le dragou qui, placé, comme 

ous les lézards , entre les poissons et les 
i quadrupèdes A j. SÈ rapproche des 
% re T1. 16 


-" 


+ 


182 HISTOIRE NATURELLE 


uns par ses rapports avec les poisson® 
volans , et des autres par ses ressem- 
blances avec les polatouches et les écu- 
reuils , dont il est l’analogue dans son 
ordre. 

Le dragon est aussi remarquable par 
trois espèces de poches alongées et poin- 
tues , qui garnissent le dessous de sa 
gorge , et qu'il peut enfler à volonté pour 
augmenter son volume , se rendre plus 
léger , et voler plus facilement. C’est ainsi 
qu'il peut un peu compenser l'infériorité 
de ses ailes , relativement à celles des 
oiseaux , et la facilité avec laquelle ces 
derniers , lorsqu'ils veulent s’alléger , font 
parvenir Pair de leurs poumons dans: 
diverses parties de leur corps. 

Si l’on ôtoit au dragon ses ailes et les 
espèces de poches qu’il porte sous son 
gosier , 1l seroit très-semblable à la plu- 
part des lézards. Sa gueule est très-ou- 
verte, et garnie de dents nombreuses et. 
sibhiés Il a sur le dos trois rangées. Jongi- we À 
tudinales de tubercules , plus où moins a 
saillans , dont le nombre varié suivant. 
les individus. Les deux FRERE. esté- | 


_ chant les fourmis , les mouches 


DES LÉZARDS. 183 


rieures forment une ligne courbe, dont 
la convexité est en dehors. Les jambes 
sont assez longues ; les doigts, au nombre 
de cinq à chaque pied , sont longs, sé- 
parés, et garnis d'ongles crochus. La 
queue est ordinairement très-déliée, deux 
fois plus longue que le corps, et couverte 
d’écailles un peu relevées en carène. La 
longueur totale du dragon n'excède guère 
un pied. Le plus grand des individus de 
cette espèce conservés au Cabinet du roi 
a huit pouces deux lignes de long, depuis 
le bout du museau jusqu’à l'extrémité de 
la queue , qui est longue de quatre pouces 
dix lignes. 

Bien différent du dragon de la fable, il 
passe innocemment sa vie sur les avis 
où il vole de branche en branche, cher- 


, les 


papillons , et les autres insectes dont il 
fait sa nourriture. Lorsqu'il s’élance d’un 


arbre à un autre, il frappe l'air avec 


ses ailes, de manière à produire un bruit 


v 


( 
Le 
9 


assez sensible , et il franchit quelquefois 
un espace de trente pas. IL habite en 
_ Asie, en Afrique et en Amérique. Il peut 


7 
: 


_ : 
J 


184 HISTOIRE NATURELLE 


“Varier , suivant les différens climats , par 
la teinte de ses écailles ; mais il présente 
souvent un agréable mélange dé couleurs 
noire , brune , presque blanche ou légè- 
rement bleuatre, formant des taches où 
des raies. | 
Quoiqu'il ait les doigts très - séparés 
les uns des autres , il n’est point réduit 
à habiter la terre sèche et le sommet 
des arbres ; ses poches qu'il développe, et 
ses ailes qu'il étend, replie et contourne 
à volonté, lui servent non seulement 
pour s’élancer avec vitesse, mais encore 
pour nager avec facilité. Les membranes 
qui composent ses ailes ; peuvent lui : 
tenir lieu de nageoires puissantes , parce 
qu’elles sont fort grandes à proportion de 
son corps ; et les poches qu'il a sous la 
gorge doivent, lorsqu'elles sont gonflées, 
Je rendre plus léger que l’eau. Cet animal 
privilégié a donc recu tout ce qui peut. 
être nécessaire pour grimpersur les arbres, 
pour marcher avec facilité , pour voler, 
avec vitesse , pour nager avec force: ls « 
terre , les forêts, l'air ;les eaux, lui appar- M 
tiennent également 5 “Sa petité proie ne JE 


DES D É'Z A R D S 185 


peut lui échapper. D'ailleurs aucun asyle 
ne lui est fermé ; aucun abri ne lus est 
interdit ; s’il est poursuivi sur la terre, 
il s'enfuit au haut des branches , ou se 
réfugie au fond des rivières : il jouit donc 
d’un sort tranquille et d’une destinée 
heureuse ; car il peut encore , en s’élevant 
dans l'air, échapper aux animaux que 
l’eau n'arrête pas. 
M. Linné a compté deux espèces de 
lézards volans. Il a placé dans la pre- 
_imière ceux de l’ancien monde , dont 
les ailes ne tiennent pas aux pattes de 
devant, et dans la seconde ceux d’Amé- 
rique, dont les ailes y sont attachées. Cette 
différence ne nous paroît pas sufñire pour 
constituer une espèce distincte. D'ailleurs 
ce nest que sur l'autorité de Seba, dont 
les figures né sont pas toujours exactes, 
que M. Linné a admis l'existence de lézards 
volans dont les jambes de devant ser- 
vent de premier rayon aux ailes ; il n’en 
a Jamais vu ainsi conformés : nous n’en 
avons jamais vu non plus ; et nous n’a- 
Mons rien trouvé qui y eût rapport , dans 


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+ aucun auteur, excepté Scha. Nous croyons 
167 


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Tome.2. | 21.2. 29.287 


F à LA as VUS 
Ass Re vÉ 


SE 


zLA SALAMANDRE TERESTRE. 


2.LA TROIS-DOIGTS 


DES. LEZ A RDS. 187 


 HUITIÈME DIVISION. 


EÉ Z'À RDS 


Qui ont trois ow quatre doigts aux 
pieds de devant , et quatre ow cing 
aux pieds de derrière. 


LA SALAMANDRE 
LEUR .E S TR E *. 


Lx semble que plus les objets de la cu- 
riosité de l’homme sont éloignés de lui, 


n. 


ct plus il se plait à leur attribuer des 


* Salamandra , en latin; salamanguesa et 
salamantegua , en Espagne; samabras ou saam- 
Dras ; par les Arabes; le sourd, dans plusieurs 
n provinces de France; Élande , dans le Languedoc 
…. ct la Provence; pluvine, en Dauphiné ; Javerne, 


: 


188 HISTOIRE NATURELLE | { 


qualités mA mr ou-du moins à # 
supposer à des degrés trop élevés celles 
dont ces êtres, rarement bien connus ,: 
jouissent réellement. L'imagination a be- 
soin , pour ainsi dire, d’être ‘de temps 
en temps secouée par des merveilles. 
L'homme veut exercer sa croyance dans 
toute sa plénitude ; il lui semble qu'il n’en 
jouit pas d’une manière assez libre quand 
il la soumet aux lois de la raison : ce n’est 
que par les excès qu'il croit en user; et il 
ne s’en regarde comme véritablement le 
maître que lorsqu'il Ia refuse capricieu- 
sement à la réalité, ou qu'il laccorde 
aux êtres les plus chimériques. Mais il ne 
peut exercer cet empire de sa fantaisie. M 
que lorsque la lumière de la vérité ne # 
tombe que de loin sur les objets de cette 
croyance arbitraire; que lorsque l’espace, 
le temps ou leur nature les séparent de 
nous; et voilà pourquoi parmi tous les 


dans Je Lyonnois; suisse, en Bourgogne; mirtil, 
dans le Poitou ; alebrenne ou arrassade, dans. 
plusieurs autres provinces de France ; mouron, en. 
Normandie; sa/emander, en Flandre; punter-, 
maal, en quelques endroits d'Allemagne. : 


DES LÉZARDS. 18) 
ordres d’annnaux , il n’en est peut-être 
aucun qui ait donné lieu à tant de fables 
que celui des lézards. Nous avons déja vu 
des propriétés aussi absurdes qu'imagi- 
maires accordées à plusieurs espèces de ces 
quadrupèdes ovipares : mais nous voici 
maintenant à l’histoire d’un lézard pour 
lequel l'imagination humaine s’est sur- 
passée; on lui a attribué la plus merveil- 
leuse de toutes les propriétés. Tandis que 
les corps les plus durs ne peuvent échap- 
per à la force de l'élément du feu, on a 
voulu qu’un petit lézard non seulement 
ne fût pas consumé par les flammes, mais 
parvint même à les éteindre; et comme 
les fables agréables s’accréditent aisé- 
ment , l’on s’est empressé d'accueillir 
celle d’un petit animal si privilégié , si 


supérieur à l'agent le plus actif de la 


Nature, et qui devoit fournir tant d’ob- 
jets de comparaison à la poésie, tant 
d’emblèmes galans à l'amour, tant de 
brillantes devises à la valeur. Les anciens 
ont cru à cette propriété de la salamandre: 
desirant que son origine fût aussi surpre: 
nante que sa puissance , et voulant réa- 


SALUT NOR. 


/_xy99 HISTOIRE NATURELLE 


liser les fictions ingénieuses des poètes ; 
ils ont écrit qu’elle devoit son existence 
au plus pur des élémens , qui ne pouvoit 
la consumer, et ils l'ont dite fille du feu, 
en lui donnant cependant un corps de 
glace. Les modernes ont adopté les fables 
ridicules des anciens; et comme on ne 
peut jamais s’arrêter quand on a dépassé 
les bornes de la vraisemblance , on est 
allé jusqu'à penser que le feu le plus 
violent pouvoit être éteint par la sala- 
mandre terrestre. Des charlatans ven- 
doient ce petit lézard, qui, jeté dans le 
plus grand incendie, devoit, disoient- 
ils, en arrêter les progrès. Il a fallu. 
que des physiciens , que des philosophes 
prissent la peine de prouver par le fait ce 
que la raison seule auroit dû démontrer; 
etce n’est que ldrsque les lumières de La 
science ont été très-répahdues, quon a 
cessé de croire à la propriété de Fa sala- 
mandre. | à Ha A 
Ce lézard, qui se trouve dans tant de 
pays de l’ancien monde, et même à de \ 
très -hautes latitudes, a été. cependant } 
très-peu observé, parce qu’on levoitrare=\ 


DES LÉZARDS. TOI 


ment hors de son trou , et parce qu'ila, 
pendant long-temps , inspiré une assez 
grande frayeur. Aristote même ne paroît 
en parler que comme d’un animal qu’il 


ne connoissoit presque point. 


Il est aisé à distinguer de tous ceux 
dont nous'nous sommes occupés, par la 
conformation particulière de ses pieds de 
devant , où il n’a que quatre doigts, 
tandis qu'il en a cinq à ceux de derrière. 

Un des plus grands individus de cette 
espèce conservés au Cabinet du roi a 
sept pouces cinq lignes de longueur, de- 
puis le bout du museau jusqu’à l’origine 
de la queue , qui est longue de trois 
pouces huit lignes. La peau n’est revétue 


d'aucune écaille sensible ; mais elle est 


t 


garme d’une grande quantité de mame- 
lons ; et percée d’un grand noïnbre de 
petits trous, dont plusieurs sont très-sen- 
sibles à la vue simple , et par lesquels dé- 
coule une sorte de lait qui se répand or- 


-dinairement de manière à former un 


“xcrnis transparent au-dessus de la peau 
naturellement sèche de ce quadrupède 
bare : 


4 à 
102 HISTOIRE NATURELLE 


Les yeux de la salamandre sont placés à 3 
la partie supérieure de la tête, qui est uw 
peu applatie ; leur orbite est saillante 
dans l'intérieur du palais, et elle y est 
presque entourée d’un rang de très-pe- 
tites dents , semblables à celles qui gar- 
nissent les mâchoires. Ces dents éta- 
blissent un nouveau rapport entre les 
lézards et les poissons, dont plusieurs 
espèces ont de même plusieurs dents 
placées dans le fond de la gueule. 

La couleur de ce lézard est très-fon- 
cée ; elle prend une teinte bleuâtre sur le 
ventre, et présente des taches Jaunes assez 
grandes, irrégulières, et qui s'étendent 
sur tout le corps, même sur les pieds et 
sur les paupières. Quelques unes de ces 
taches sont parsemées de petits points 
noirs , et celles qui sont sur le dos se 
touchent souvent sans interruption, «et 
forment deux longues bandes jaunes. La 
figure de ces taches a fait donner le nom 
de stellion à la salamandre, ainsi qu’ au 
lézard verd , au véritable steliien et au. 
geckotte. Au reste, la couleur désiGaits 
mandres terr cé doit che sujette à à. 


DES LÉZARDS. 103 
varier; et 1l paroît qu’on en trouve dans 
les bois humides d'Allemagne qui sont 
toutes noires par-dessus et jaunes par-des- 
sous. C’est à cette variété qu’il faut rap- 
porter, ce me semble, la salamandre 

-noire que M. Laurenti a trouvée dans les 
Alpes, qu'il a regardée comme une es- 
pèce distincte, et qui me paroît trop res- 
sembler par sa forme à la salamandre 
ordinaire pour en être séparée. 

La queue presque cylindrique paroît 
divisée en anneaux par des renflemens 
d’une substance très-molle. 

La salamandre terrestre n’a point de 
côtes , non plus que les grenouilles, aux- 
quelles elle ressemble d’aiileurs par la 
forme générale de la partie antérieure 
du corps. Lorsqu'on la touche, elle se 
couvre promptement de cette espèce d’en- 
duit dont nous avons parlé; et elle peut 
également faire passer très-rapidement sa 
peau de cet état humide à celui de séche- 
résse. Le lait qui sort par les petits trous 
que l'on voit sur sa surface, est très- 
âere ; lorsqu'on en a mis sur la langue , 
on croit sentir une sorte de cicatrice à 

17 


| 
194 HISTOIRE NATURELLE 
l'endroit où il a touché. Ce lait, qui est 
regardé comme un excellent dépilatoire 
ressemble un peu à celui qui découle 
des plantes appelées ithymales et des eu- 
phorbes. Quand on écrase , ou seulement 
quand on presse la salamandre , elle ré- 
pand-dailleurs une mauvaise odeur qui 
jui est particulière. 

Les salamiandres terrestres aiment les 
lieux humides et froids, les ombres 
épaisses, les bois touffus des hautes 
montagnes , les bords des fontaines qui 
coulent dans les prés; elles se retirent 
quelquefois en grand nombre dans les 
creux des arbres, dans les haïes , au-des- : 
sous des vieilles souches pourries; et elles 
passent l’hiver des contrées trop élevées 
en latitude , dans des espèces de terriers 
où on les monte rassemblées, ét entortil- 
lées plusieurs ensemble. 

La salamandre étant dépourvue Morte 
sles, n'ayant que quatre doigts aux pieds 
de devant , et aucun avantage de con- 
formation ne remplaçant ce qui lui man- M 
que , ses mœurs doivent être et sont en. À 
effet très-différentes de celles ‘de la pie : 


DES LÉZARDS. 195 


part des lézards. Elle est très-lente dans 
sa marche : bien loin de pouvoir grim- 
per avec vîtesse sur les arbres, elle paroît 
le plus souvent se traîner avec peine à la 
surface de la terre. Elle ne s'éloigne que 
peu des abris qu’elle a choisis ; elle passe. 
sa vie sous terre, souvent au pied des 
vieilles murailles. Pendant léte, elle 
craint l’ardeur du soleil , qui la dessé- 
cheroit ; et ce n’est ordinairement que 
lorsque la pluie est prète à tomber, 
qu'elle sort de son asyle secret, comme 
par une sorte de besoin de se baigner et 
de s’imbiber d’un élément qui lui est 
analogue. Peut-étre aussi trouve-t-elle 
alors avec plus de facilité les insectes 
dont elle se nourrit. Elle vit de mouches, 
de scarabées | de limacons et de vers de 
terre. Lorsqu'elle est en repos, elle se 
replie souvent sur elle-méme comme les 
serpens. Elle peut rester quelque temps 
dans Peau sans y périr ; elle s’y dépouiile 
d'unépellicule mince d’un cendré ver- 
dâtre On a même conservé des sala- 
mandres, pendant plus de six mois, dans 
de l’eau de puits : on ne leur dounoit 


x96 HISTOIRE NATURELLE 


aucune nourriture ; on avoit seulement 
le soin de changer souvent l’eau. 

On observe que toutes les fois qu’on 
plonge une salamandre terrestre dans 
l’eau , elle s'efforce d'élever ses narines 
au-dessus de la surface, comme si elle 
cherchoïit lair de l’atmosphère ; ce qui 
est une nouvelle preuve du besoin-qu’ont 
tous les quadrupèdes ovipares de respi- 
rer pendant tout le temps où ils ne sont 
point parcs *, La salamandre ter- 
restre n’a point d'oreilles apparentes ; et 
en ceci elle ressemble aux serpens. On a 
prétendu qu’elle n’entendoit point; et 
c'est ce qui lui a fait donner le nom de . 
sourd dans certaines provinces de France: 
on pourroit le présumer , parce qu’on ne 
Jui a jamais entendu jeter aucun cris et 
qu’en général le silence est lié avec la 
surdité. | 

Ayant donc peut-être un sens de 1 Am 
et privée de la faculté de communiquer 
ses sensations aux animaux de son es- 
pèce , même par des sons imparfaits , 


* Voyez le Discours sur la mature des quadru- 
pèdes ovipares, 


. 


” 2h 


elle doit être réduite à un bien moindre 


degré d'instinct : aussi est-elle stupide, et 


non pascourageuse, comme on l’a écrit. 
Elle ne brave pas le danger, ainsi qu’on 
l'a prétendu ; mais elle ne l’appercoit 
point : quelques gestes qu’on fasse pour 
l’effrayer, elle s’avance toujours sans se 
détourner de sa route. Cependant, comme 
aucun animal n’est privé du sentiment 
nécessaire à sa conservation , elle com- 
prime, dit-on, rapidement sa peau lors- 
qu’on la tourmente, et fait rejaillir contre 
ceux qui l’attaquent, le lait âcre que cette 
peau recouvre. Si on la frappe, elle com- 
mence par dresser sa queue ; elle devient 
ensuite immobile , comme si elle étoit 
Saisie par une sorte de ae car il 


esse et de ruse pour contre- 
ainsi qu'ils l'ont écrit. 


17 


DES LÉZARDS rg7 


Le NOVAL 


NN “ 


Fr 


108 HISTOIRE NATURELLE , 


11 semble que l’on ne peut accorder à 
uu être une qualité chimérique sans 
Jui refuser en même temps une propriété 
récile. On a regardé la froide salamandre 
comme un animal doué du pouvoir mira- 
culeux de résister aux flammes, et même 
de les éteindre : mais en même temps on 
l’a rabaissée autant qu’on l’avoit élevée 


par ce privilége unique. On en a fait le 


plus funeste des animaux. Les anciens, 
et même Pline, l'ont dévouée à une sorte 
d’anathème , en la considérant comme 
celui dont le poison étoit le plus dange- 
reux : ils ont écrit qu’en infectant de son 
venin presque tous les végétaux d’une 
vaste contrée, elle pouvoit donner la 
mort à des nations entières. Les modernes 
ont aussi cru pendant long-temps au poï- 
son de la salamandre; on a dit que sa 
morsure étoit mortelle, commecelle de 
la vipère; on a cherché et preserit des re- 
mèdes contre son venin : inais enfin On 
a eu recours aux observations, par les- 
quelles on auroit dû commenter. Le fa- 


meux Bacon avoit voulu engager les phy- ï 


A OR AR EE 
DES LÉZARDS. 19% 
de la salamandre; Gesner prouva , par 
l'expérience, qu’elle ne mordoit point, 
de quelque manière qu’on cherchât à 
Virriter; et Wurfbainius fit voir qu'on 
pouvoit impunément la toucher , ainsi 
que boire de l’eau des fontaines qu’elle 
habite. M. de Maupertuis s’est aussi oc- 
cupé de ce lézard : en recherchant ce 
que pouvoit être son prétendu poison , 
ila démontré, par l'expérience, l’action 
des flammes sur la salamandre, comme 
sur les autres animaux; il a remarqué 
qu’à peine elle est sur le feu, qu’elle pa- 
roît couverte de gouttes de son lait, qui, 
raréhié par la chaleur , s'échappe par tous 
les pores de la peau, sort en plus grande 
6 = sur la téte, ainsi que sur les ma- 
._  melons, et se dtrcit sur-le- champ. Mais 
ma certainement pas besoin de dire 
it m'est jamais assez abondant 


ñ- 


vis , dans le cours de 

es, irrita en vain plusieurs 

Le. PET LENS “ 
mais aucune n'ouvrit la 


l ‘4 ï Fr 
200 HISTOIRE NATURELLE 


très-petites, ot eut beaucoup. de peine 


à trouver uu animal dont la peau fût 
assez fine pour être entamée par ces 
dents. Il essaya inutilement de les faixe 
pénétrer dans la chaïr d’un poulet déplu- 
mé ; il pressa en vain les dents contre la 
peau: elles se dérangèrent plutôt que de 
l’entamer. 1l parvint enfin à faire mordre 
par une salamaridre la cuisse d’un poulet 
dont il avoit enlevé la peau. Il ft mordre 
aussi par des salamandres récemment 
prises la langue et les lèvres d’un chien, 
ainsi que la langue d’un coq d'Inde : au- 
cun de ces animaux n’éprou va le moindre 
accident. M. de Maupertuis fit avaler en- 
suite des salamandres entières ou coupées 
par morceaux à un coq d'Inde et à un 
chien, qui ne parurent pas en souffrir. … 

M. Laurenti a fait depuis des expé- 
riences dans les mêmes vues :i1l a forcé 
des lézards gris à mordre des salamandres, 
et il leur en a fait avaler du lait; lestlé- 
zards sont morts très- - promptement, Le 
lait de la salamandre pris intérieurement 
pourroit donc être funeste et même mor- 4 
tel à certains animaux , sur-tout aux plus” 


MASSE RZ AR DIS 208 


petits ; ; mais il ne paroît pas nuisible aux 
nds animaux. 

| On a cru pendant “HO RM que les 
| PART ER n’avoient point de sexe, et 
_ que chaque individu étoit en état d’en- 
gendrer seul son semblable, comme dans 
plusieurs espèces de vers. Ce n’est pas la 
fable la plus absurde qu’on ait imaginée 


t 


au sujet des salamandres. Mais si la ma-_ 


nière dont elles viennent à la lumière 
n'est pas aussi merveilleuse qu’on l’a écrit, 
elle est remarquable en ce qu ‘elle diffère 
de celle dont naissent presque tous les 
autres lézards, et en ce qu’elle est ana- 
logue à celle dont voient le Jour les seps 
ou chalcides , ainsi que les vipères et plu- 
sieurs espèces de serpens. La salamandre 
te par- -là l'attention des no 


« 


s TARA ET A 
MA 1 
NT VIS un 
M : 


202 HISTOIRE NATURELLE 


étoient aussi bien conformés et bien plus 
agiles que les salamandres adultes. La 
salamandre met donc bas des petits venus 
d'un œuf éclos dans son ventre, ainsi 
que ceux des vipères. Mais d’ailleurs on 
a écrit qu’elle pond , comme les sa- 
lamandres aquatiques , des œufs ellip- 
tiques , d’où sortent de petites salaman- 
dres sous la forme de rétard. Nous avons. 
souvent vérifié le premier fait, qui d’ail- 
leurs est bien connu depuis long-temps : 
mais nous n'avons pas été à même de 
vériher le second. Il seroit intéressant de 
constater que le même quadrupède pro- 
duit ses petits, en quelquesorte, de deux 
manières différentes ; qu'il y a des œufs 
que la mère pond, et d'autres dont le 
fœtus sort dans le ventre de la sala- 
mandre , pour demeurer ensuite ren- 
fermé avec plusieurs autres fœtus dans 
une espèce de membrane transparente, 
jusqu’au moment où il vient à la lu- 
mière. Si cela étoit, on devroiït disséquer 
des salamandres à différentes époques. 
très-rapprochées, depuis le moment où … 
slles s'accouplent jusqu'à celui où elles 


12 { 


Te A RU LT 


DES duo 203 


mettent bas leurs petits; l’on suivroit | 
avec soin l’accroissement successif de ces 
petits venus à la lumière tout formés ; on 
le compareroit avec le développement 
de ceux qui sortiroient de l’œuf hors du 
ventre de leur mère, etc. Quoi qu'il en 
soit, la salamandre fomiellé met bas des 
petits tout formés, et sa fécondité est 
très-grande : les naturalistes ont écrit de- 
puis,long-temps qu’elle faisoit quarante 
ou cinquante petits ; et M. de Mauper- 
tuis a trouvé quarante-deux petites sala- 
mandres dans le corps d’une femelle, 
et cinquante-quatre dans une autre. 
Les petites salamandres sont souvent 
d’une couleur noire, presque sans taches, 
qu'elles conservent quelquefois pendant 
toute leur vie, dans certaines contrées où 
_ on Les a nr ‘alors pour une espèce par- 


A nomme lézard du 
ne paroît différer de notre 
te: a estre que per l'arrange- 


” présque noir , avec Rudi tulhig blañ- 
châtres et Trrépulierel tant au-dess is du 1 
corps qu ’au-dessus des pattes. Le dos pré- 12 
… sente une bande d’un blanc sale, divisée 
en deux vers la tête, et qui s'étend en- 
suite irrégulièrement et en se rétrécis- 
sant Jusqu'à l'extrémité de la queue. Cette 
bande blanchâtre est semée de très-petits 
points ; ce qui forme un des caractères , 
distinctifs de notre salamandre terrestre. 
Nous croyons donc devoir considérer le 
lézard du Japon décrit par M. Thunberg, 
comme une variété constante de notre 
salamandre terrestre | dont l'espèce aura’ 
pu être modifiée par le climat du Japon. 
C’est dans la plus grande île de cet empire 
nommée Niphon, que l’on trouve cette 
variété : elle y habite dans les mon- 
tagnes et dans les endroits pierreux ; 
qui raie que ses habitudes sont : 


_ doué, ainsi qu on af a attribuées en Eu- 
| rope à las salamandre à queue plate; ils la 
regardent comme un puissant stimulant 
et un remède très-actif : aussi trouve-t-on 
aux environs de Jédo un grand nombre 
de ces salamandres du Japon, séchées et 
suspendues aux planchers des boutiques. 


ADSL | 206 


AREA a APR OA À ARR EME METRE ASE 


| 206 FFE 


dk 


ci 


DE LA SALAMANDRE 
TERRESTRE. ES 


Nous placons ici un extrait d’une lettre 
qui nous a été adressée par dom Saint- 
Julien | Bénédictin de la congrégation 
de Cluni. On y trouvera des observations 
intéressantes relativement à la manière 
dont les salamandres terrestres viennent 
au jour. : 
« Je trouvai à la fin du printemps de. 
l'année dernière 1787 une superbe s: 
« mandre terrestre ( de l'espèce 
« scorpion dans la basse Guïic 
« y confond même quel 
« insecte ) sx Ets HA 0 


À 


Le, D Mile Le PRE Lu Li Li A LA & 


‘PPS LEZARDS. 207 


« trouver quelque éclaircissement sur la 


« génération de ce reptile ; en consé- 


« quence , je procédai à sa dissection , 
« gs je commençai par l’anus. Dès que 
« jeus fait une ouverture d'environ un 
« demi-pouce , je vis sortir une espèce de 
«< sac, que je pris d'abord pour un boyau : 
« mais J’appercus bientôt un mouvement 
« très-sensible dans l’intérieur ; Je vis 
« mêmeàtravers lamembrane fort mince, 
« de petits corps mouvaus ; je ne doutai 
« point alors que ce ne fût des êtres ani- 
« més , en uu mot les petits de l’animal. 
« Je continuai à faire sortir cette poche, 
« Jusqu'à ce que Je trouvai un étraugle- 
« ment : alors J'ouvris la membrane dans 
« le sens de sa longueur ; je la trouvai 
« pleine d’une espèce de sanie dans la- 
elle les petits étoient En en Re 


LG ROR 
+ 


utèrent sur la table et 
Le d’un mouvement très. 


se se Le lés SUR 


Me 


LA 


% ) 
he | | 
AL À] 


« n’y avoit rien à la place des pieds de, 


208. HISTOIRE NATURE 1 A 
« vif. ! Ds étoient au nombré de sept ou 


« huit. Je les examinai à la vue simple , 
« et un avec le secours de la loupe ; AN 


«je leur reconnus très - bien da forme 


«de petits poissons avec deux sortes de 
« nagebires assez longues du côté de da 
« tête , qui étoit grosée par rapport au 
« corps , et dont les yeux , qui parois- 


« soient très-vifs , étoient très-saillans ; il 


« derrière. Comme la mère avoit été prise 
« dans l’eau et paroissoit très-proche de 
« son terme , je pensai que l’eau étoit 
l'élément qui convenoit à ces nouveau- 
«nés; ce qui d’ailleurs se trouvoit con- : 
« firmé par leur état pisciforme : c’est 
« pourquoi je me pressai de les faire 
« tomber dans une jatte pieine d’eau, 


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poches semblables à la 

séparées par des étra 
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« ches ouvertes me do 


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DES LÉZARDS. 209 
« renfermés par huit ou dix en pelo-. 
« tons, sans aucune séparation ou dia- 
« phragme , au moins sensible. Une qua- 
« trième poche pareilleme donna des êtres 
« de la même nature, mais moins for- 
« més ; ils étoient presque tous chargés 
sur le côté droit, vers Le milieu du 
« corps , d’une espèce de tumeur ou pro- 
« tubérance d’un jaune foncé paroïissant 
« un peu sanguinolent: ils avoient néan- 
moins leurs mouvemens libres | pas 
assez pour sauter d'eux-mêmes; il fallut 
les retirer de leurs bourses avec des 
« pinces. Enfin une cinquième poche 
« pareille me fournit des êtres semblables, 
« dont il ne paroissoit que la moitié du 
« corps depuis le milieu jusqu’au bout 
_« de la queue; l’autre partie consistoit 
: « seulement en un segment de cette ma- 
_ «tière jaune dont je viens de parler : la 
formée avoit un mouvement sen- 
tirai ainsi vingt-huit ou 
its tout formés qui nagèrent 
eau , et qui y vécurent dans 
artement pendant vingt-quatre gi: 
. Les avortonS informes se préci- | 
OT 16e 18001) fi 


10 NE … Ms, Dé 4 RS v D ty AÉCRREET" Ch - LF y e y: Ne ï 4 L 
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ar petits, For ou HUE Tab Bret a ‘ 
« l'ouvrir , et à la suite de cette espèce 
« de Hatrité qui paroissoit n'être qu'un 
« boyau étranglé de distance en distance, 
« Jetrouvai deux grappes d'œufs de forme 
« sensiblement sphérique , d’environ une 
«ligne de diamètre, et d’une matière sem 
« Mable à celle que j'avois vue adhé- 
«rente aux deux différentes espèces d’a- 
« vortons. Je ne comptai pas le nombre 
« de ces œufs; ; mais j'appelle leurs collec- 
« tions grappes, parce que récllement elles 
« représentoient une grappe de raisin. 
« Leur tige étoit attachée à l’épine dor- 
« sale, derrièreune bourse flottante sit uée 
«< un peu au-dessous du bras, de c« 
« brune foncée : je reconnus 
« pour l'estomac du reptile 
« l'ayant ouverte , J'y 
« limaçons, quelques kr 
« sable noirâtre. » 


\ 7 À 
LA SALAMANDRE A QUEUR PLATE 
_ 1.Male 2 Femelle. 


SES 


D 2” 


a? 


DES LÉMRnD.s: sxà 


L A S À L AM ANDRE 


À QUEUE PLATE * 


Cz lézard, ainsi que la -salamarndre 
terrestre, peut vivre également sur la 


terre et dans l'eau : mais il préfère ce 


dernier élément pour son habitation, au 
lieu qu’on rencontre presque toujours la 
salamandre terrestre dans des trous de 
muraille , ou dans de petites cavités 
souterraines ; et de là vient qu’on a donné 
à la salamandre à queue plate le nom de 
salamandre aquatique , et que M. Linné 
Va appelée /ézard des marais. ‘Elle res- 
semble à la salamandre dont nous venons 
de parler , en ce qu’elle a le corps dc- 
pourvu d’écailles sensibles , aiñsi que les 
doigts dégarnis d'ongles , et qu'on ne 
compte que quatre doigts à ses pieds de 

* Tassot , en vieux francois ; marasandola, en 
Yahen; ask, en Écosse. 


% 
| 


“ 


dans cette espèce de salai 


ant : mais elle en dire sur-tout par 
a tne de’sa queue. Elle varie beaucoup 
s , suivaut l’âge et le sexe. 
illeurs qu’on doit admettre 
nandre à queue 
plate plusieurs variétés plus ou moins 
constantes , qui ne sont distinguées que 
par la grandeur et par les couleurs, et 
qui doivent dépendre de la différence de 
pays , ou même seulement de la nour- 
riture : mais nous ne CroyONS pas devoir 
compter , | avec M. Dufay, trois espèces 
de salamandre à queue plate ; et si on 
lit avec attention s son mémoire , on se 
convainera sans peine, d’après ‘tout ce 
que nous avons dit dans cette histoire , 
que les différences qu'il rappa pour 
établir des diversités d'espèces | consti- | 
tuent tout au plus des variétés €o 
tantes. s ji ’i | 
Les plus grandes salamanc 
plate n’excèdent En lon 


Î 
! 


LU Lan ft dd - 10e RL" "NE AE CR ET AU TS nes D NE GT EN 
à SAONE RL à S gt la S NE HOUR 


4 


- la éouleur générale, plus ou. moins brune 
sur Le dos, s’éclaircit sous le ventre , et 
. y devient d’un jaune tirant sur le-blanc. 
Eile présente de, petites taches, souvent 
rondes , foncées , ordinairement plus 
_ brunes dans le mâle ï bleuâtres et diver- 
sement placées dans certaines variétés. 
Ce qui distingue principalementlemäale, 
_ c’est une sorte de crête membraneuse et 
découpée , qui s'étend le long du dos, 
depuis le milieu de la tête jusqu'à l’ex- 
trémité de la queue, sur laquelle ordi- 
mairement les découpures s’effacent , ou 
deviennent moins sensibles. Le dessous 
de la queue est aussi garni dans toute 
sa longueur d’une membrane en forme 
… de bande , placée verticalement , qui a 
… une blancheur éclatante , et qui fait 
paroître plate la queue de la salaman- 


. * Cette description a été faite d’après plusieurs 
individus conservés au Cabinet du rois 


PA 


MODES LÉMMRDS. « 2138 
petites verrues saillantes et blanchâtres : 


# 


214 HIS TOIRE / FUREUR de 
de la queue. Cephrdauts, lorsqu'elle est 


maigre , l’épine du dos forme quelquefois 
une petite eminence ; elle a sur le bord 
supérieur de la queue une sorte de crête 
membraneuse et entière , et le bord 
inférieur de cette même queue est garni 
de la bande très-blanche qu’on remarque 
dans le mâle. En général , les couleurs, 
sont plus pâles et plus égales dans la 


femelle ; elles sont aussi moins foncées 


dans les jeunes salamandres. 
La salamandre à queue platé aime les 
eaux limoneuses , où elle se plaît à se 


cacher sous les pierres ; on la trouve dans 


les vieux fossés, dans les marais, dans. 
les étangs ; on ne la rencontre presque 
Jamais dou les eaux courantes : l’ hiver, 


elle se retire quelquelois dans les sou 
terrains RCE à 


LU MES LE ZA R DS. 15 
elle doit, à certains égards, avoir l'instinct 
moins borné. ri 

Le conte ridicule qu’on a répété pen- 
dant tant de temps sur la salamandre 
terrestre , n’a pas été étendu jusqu’à la 
salamandre à queue plate. Mais , au lieu 
de lui attribuer le pouvoir fabuleux de 
vivre au milieu des flammes, on a re 
connu dans cette saälamandre une pro- 
priété réelle et opposée : elle peut vivre 
assez long-temps, non seulemert dans 
une eau très-froide, mais même au mi- 
lieu de la glace. Elle est quelquefois saisie 
par les glacons qui se forment dans les 
fossés , dans les étangs qu’elle habite : 
lorsque ces glacons se fondent, elle sort 
de son engourdissement en même temps 
que sa prison se dissout , et elle reprend 
tous ses mouvemens avec sa liberté. 

On a même trouvé, pendant l'été, des 

% salamandres aquatiques renfermées dans 
des morceaux de glace tirés des glacières, 
et où elles devoient avoir été sans mou- 
wement et sans nourriture depuis le mo- 
* ment où on avoit ramassé l’eau gelée 
4% daus les inarais pour en remplir ces 


ï 


Pal 


mêmes pd Ce ere à; en "pe "| 
parence très- -surprenant , n'est qe. 
suite dés propriétés que nous avons re- 
connues dans tous les lézards et dans ! 


‘tous les quadrupèdes ovipares *. 


La salamandre ne mord point, à moins . 
qu'on ne lui fasse ouvrir la bouche par 
force; et ses dents sont presque imper- 
ceptibles. Elle se nourrit de mouches, de 
divers insectes qu’elle peut trouver à la 


surface de l’eau, du frai des grenouilles, 


etc. Elle est aussi herbivore; car elle 
mange des lenticules ou lentilles d’eau, 
qui flottent sur la surface des étangs ; 
qu'elle habite. 

Un des faits qui méritent le plus d'être. 
rapportés dans l’histoire de la salamandre 
à queue plate, est la manière dont ses 
_petits se développent. Elle n’est point vr- 
vipare, comme la terrestre. Elle pond, 
dans le mois d'avril ou de mai, des œufs, & 
qui, dans certaines variétés, sonkiof 
mairement au nombre de vingt, formen 
deux cordons, et sont joints ens( 


hé Voyez le Discours sur la nature des 
pèdes nr dpi M RE 


Re” 


e. 
« 
i 


EL 


; 
DES LÉZARDS. sr? 

par une matière visqueuse, dont ils sont 
également revêtus lorsqu'ils sont déta- 
chés les uns des autres. Ils se chargent 
de cette matière gluante dans deux ca- 
naux blancs et très-plissés, qui s'étendent 
depuis les pattes de devant jusque vers 
l’origine de la queue, un de chaque côté 
de l’épine du dos, et dans lesquels ils 
entrent en sortant des deux ovaires. On 
appercoit , attachés aux parois de ces 
ovaires, une multitude de très-petits œufs 
Jjaunâtres : ils grossissent insensiblement 
à l'approche du printemps, et ceux qui 
sont parvenus à leur maturité dans la 
saison des amours, descendent dans les 
tuyaux blancs et plissés dont nous venons 
de parler, et où ils doivent être fécondés. 
Lorsqu'ils sont pondus, ils tombent au 
fond de l’eau, d’où ils se relèvent quel- 
quefois jusqu’à la surface des marais, 
parce qu'il se forme dans la matière vis- 
queuse qui les entoure, des bulles d’air 
qui les rendent très-légers ; mais ces bulles 
se dissipent, et ils retombent sur la vase. 


À mesure qu'ils grossissent, l’on dis- 
. tingue au travers de la matière visqueuse, 


Ovipares, Ir. 19 


CO Ne el it Qi. r 
PR LAON LE ot na 4. 

s ON à 
OR es A 


218 HISTOIRE NATURELLE 
et de la membrane transparente qui en 
est enduite, la petite salamandre repliée 
dans la liqueur que contient cette mem- 
brane. Cet embryon s’y développe insen- 
siblement; bientôt il s’y meut, et s’y re- 
tourne avec une très-grande agilité; et 
enfin au bout de huit ou dix jours, sui- , 
vant la chaleur du climat et celle de la. 
saison , il déchire par de petits coups 
réitérés Ta membrane, qui est Vi ainsi 
dire, la coque de son œuf *. 

Lors sque la jeune salamandre aquatique 
vient d’éclore, elle a, ainsi que les gre- 
nouilles, un peu de conformité avec les 

poissons. Pendant de ses pattes sont en- . 
core très-courtes, on voit de chaque côté, 
un peu au-dessus de ses pieds de devant, 
deux petites houppes frangées, qui se tien- 
nent droites dans l’eau qu'on a comparées 
à de petites nageoires, et qui ressemblent 
assez à une plume garnie de barbes. Ces 

* C’est celte membrane que M. l'abbé Spallans ji 


zani a appelée l’amnios de la jeune. salamandre, | 
ce M ane PERRET ne voulant pe En At des. ” 


Lt Ë 


EN 


DES LÉZARDS.. ns 
houppes tiennent à des espèces de demi- 
anneaux cartilagineux et dentelés, au 
nombre de quatre de chaque côté, et qui 
sont analogues à l'organe des poissons 
que l’on a appelé ouïes. Ils communiquent 
tous à la même cavité; ils sont séparés 
les uns des autres, et recouverts de chaque 
côté par un panneau qui laisse passer les 
houppes frangées. À mesure que l'animal 
grandit, ces espèces d’aigrettes diminuent 
et disparoissent ; les panneaux s’attachent 
à la peau sans laisser d'ouverture ; les 
demi-anneaux se réunissent par une mem- 
brane cartilagineuse; et la salamandre 
perd l'organe particulier qu’elle avoit 
étant Jeune. Il paroît qu'elle s’en sert, 
comme les poissons des ouïes, pour filtrer 
l'air que l’eau peut contenir, puisque 
quand elle en est privée, elle vient plus 
souvent respirer à la surface des étangs. 
Nous avons vu que les lézards changent 
de peau une ou deux fois dans l’année: 
la salamandre aquatique éprouve dans sa 
peau des changemens bien plus fréquens ;. 
et en ceci elle a un nouveau rapport 
| avec les grenouilles, qui se dépouilléent 


pu MNT AN TN “ 
0 HISTOIRE NATURELLE 


très-souvent, ainsi que nous le vérrons. 


Étant dbnibe de plus d'activité dans 


l'été, et mème dans le printeinps, elle 
doit consommer et réparer en moins de 
temps une grande quantité de forces et 
de substance ; elle quitte alors sa peau 


tous les rite ou Cinq Jours, suivant 


certains auteurs, et tous les quinze jours 


ou trois semaines, suivant d’autres na- 
turalistes, dont l'observation doit être 


aussi exacte que celle des premiers, la 
fréquence des dépouillemens de la sala- 
mandre à queue plate devant tenir à la 
température , à la nature des alimens, et 
à plusieurs autres causes accidentelles. 
Un ou deux jours avant que l'animal 
change de peau , il est plus paresseux 
qu'à nr me Il ne paroît faire aucune 


attention aux vers et aux insectes qui 


peuvent être à sa portée, et qu'il avale 
avec avidité dans tout autre temps. Sa 
peau est comme détachée du corps en 
plusieurs endroits, et sa couleur se ternit. 
L'animal se sert de ses pieds de devant 
pour faire une ouverture à sa peat , au- 


f 
tour de ses mâchoires ; il la de nb 4 


DOMRNES LEZ AR D 8 2% 
ensuite successivement au-dessus de sa 
tête, Jusqu'à ce qu'il puisse dégager ses 
deux pattes, qu’ilretire l’une après l’autre. 
11 continue de la rejeter en arrière, aussi 
loin que ses pattes de devant peuvent 
atteindre; mais il est obligé de se frotter 
contre les pierres et les graviers, pour 
sortir à demi de sa vieille enveloppe, 
qui bientôt est retournée , et couvre le” 
derrière du corps et la queue. La sala- 
mandre aquatique saisissant alors sa peau 
avec sa gueule, et en dégageant l’une. 
après l’autre les pattes de derrière , achève 
de se dépouiller. 

Si l’on examine la vieille peau, on la 
trouve tournée à l'envers ; mais elle n’est 
déchirée en aucun endroit. La partie qui 
revêtoit les pattes de derrière , paroît 
comme un gant retourné, dont les doigts 
sont entiers et bien marqués ; celle qui 
couvroit les pattes de devant, est ren- 
fermée dans l’espèce de sac que forme la 
dépouille : mais on ne retrouve pas la 
partie dé la peau qui recouvroit les yeux, 
comme dans la vicille enveloppe de plu- 


sieurs espèces de serpens ; on voit deux 
19 


#22 HISTOIRE NATURELLE 


trous à la place , ce qui prouve qué les 
yeux de la salamandre ne se dépouillent 
pas. Après cette opération , qui dure ordi- 
nairement une heure et demie. la sala- 
mandre aquatique paroît pleine de vi- 
gueur, et sa peau est lisse et très-colorée. 
Au reste, il est facile d'observer toutes les 
circonstances du dépouillement des sala- 
mandres aquatiques , qui a été très-bien. 
décrit par M. Baker, en gardant ces lézards 
dans des vases de verre remplis d’eau. 
M. Dufaÿ a vu sortir par l’anus de 
quelques salamandres une espèce de tube 
rond, d'environ une ligne de diamètre!, 
et long à peu près comme le corps de 
l'animal. La salamandre étoit un jour 
entier à s’en délivrer , quoiqu’elle le tirât 
souvent avec les pattes et avec la gueule. 
Cette membrane , vue au microscope, 
paroissoit parsemée de petits trous ronds, 
disposés très-régulièrement : l’un des bouts. 
contenoit un petit os pointu , assez dur, 
que la membrane entouroit , et auquel 
elle étoit attachée ; l’autre bout présentoit hi 
deux petits tan de poils, qui parois- . 
soient au microscope revêtus de petites 


4 
DES LÉZARDES . 223 

franges, et qui sortoient par deux trous 
voisins l’un de l’autré. IL me semble que 
M. Dufay a conjecturé avec raison que 
cette membrane pouvoit être la dépouille 
de quelque viscère qui avoit éprouvé, 
ainsi que l’a pensé l'historien de l’aca- 
démie , une altération semblable à celle 
que l'on observe tous Les ans dans l'esto- 

mac des crustacées. | 
On trouve souvent la légère dépouille 
de la salamandre aquatique flottante sur 
la surface des marais; l'hiver , sa peau 
éprouve , dans nos contrées, des altéra- 
tions. moins fréquentes; et ce n’est guère 
que tous les quinze Jours que cette 
salamandre quitte son enveloppe pour 
en reprendre une nouvelle : ayant moins 
de force pendant la saison du froid , il 
n'est pas surprenant que les changemens 
qu'elle subit soient moins prompts , et 
par conséquent moins souvent répétés. 
Mais il suffit qu’elle quitte sa peau plus 
d’une fois pendant l'hiver, à des lati- 
tudes assez hautes , et par conséquent 
qu'elle y en refasse une nouvelle pen- 
| dant cette saison rigoureuse, pour qu’on 


\ 
{ 


224 HISTOIRE NATURELLE 

doive dire que la plupart des salgmandres 
à queue plate ne s’engourdissent pas tou- 
jours pendant les gr ands froids de nos 
climats , et que, par une suite de la 
température un peu plus douce qu’elles 


peuvent trouver auprès des fontaines, 
et dans les différens abris qu'elles Choisis- 


sert 


nt. 


sent , il leur reste assez de mouvement 


intérieur, et de chaleur dans le sang , 


pour pate par de nouvelles produc- 
tions la perte des anciennes. : 


L'on ne doit pas être étonné que cette. 


reproduction de la peau des salamandres 

à queue plate ait lieu si fréquemment. 
L'élément qu’elles habitent'ne doit-il pas 
en effet ramollir leur peau, et contribuer 
à l’altérer ? 

M. Dufay dit , dans le Mémoire dont 
nous avons déja parlé , que quelquefois 
les salamandres aquatiques ne pouvant 
pas dépouiller entièrement une de leurs 
pattes , la portion de peau qui y reste 
se corrompt , et pourrit la patte , qui 
tombe en entier, sans que l'animal en 
meure. Elles sont très-sujettes, suivant 
lui, à perdre ainsi quelques uns de leurs 


de 


| | 


{ 

DES LÉ ZARDS. 225 
doigts ; et ces accidens arrivent plus sou- 
vent aux pattes de devant qu’à oglles 
de derrière. | 

 L’accouplement des salamandr sa 
tiques ne se fait point ainsi que celui des 
tortues et du plus grand nombre de lé- 
zards : il a lieu sans aucuneintr GHMBSIOD. 
comme celui des grenouilles ; la ps 
prolifique parvient cependant Jusques 
aux canaux dans lesquels entrent les œufs 
en $ortant des ovaires de la femelle , de 


à Fa qu'elle y pénètre dans les lézards. 


es salamandres à queue plate réunissent 
donc les lézards et les grenouilles par 


la manière dont elles se multiplient, ainsi 


que par leurs autres habitudes et leur 
conformation. Il arrive souvent que cet 
accouplement des salamandres à queue 
plate est précédé par une poursuite , 
répétée plusieurs fois, et mélée à une sorte 
de jeu. On diroit alors qu’elles tendent à 
augmenter les plaisirs de la jouissance 
par ceux de la recherche , et qu’elles con- 
noissent la volupté des desirs. Elles prélu- 
dent par de légères caresses à une union 
plus intime; elles semblent s'éviter d’a- 


HISTOIRE NATURELLE. 
bord, pour avoir plus de plaisir à se w 
rapprocher ; et lorsque , dans les beaux Li 
jours du printemps , la Nature allume le 
feu de l’amour , même au milieu des 
eaux , et que les êtres les plus froids ne 
peuvent se garantir de sa flamme, on 
voit quelquefois sur la vase couverte 
d’eau qui borde les étangs , le mâle de 
la salamandre , pénétré de l’ardeur vivi- 
fante de la saison nouvelle, chercher 
avec empressement sa femelle , jouer , 
courir avec elle , tantôt la poursuivre. 
avec amour , tantôt la précéder , et lui 
fermer ensuite le passage , redresser sa 
crête , courber son corps , relever son. 
dos, et former ainsi une espèce d’arcade, 
sous laquelle la femelle passe en courant ,- 
comme pour lui échapper. Le mâle la 
poursuit ; elle s'arrête : 1l la regarde fixe- 
ment ; il s'approche de très-près ; il re- 
prend la même posture; la femelle repasse 
sous l’espèce d’arcade qu'il forme, s’en- 
fuit de nouveau pour s'arrêter encore. 
Ces Jeux amoureux, plusieurs fois répétés, 
se changent enfïñn en étroites caresses. La 
femelle, comme lassée d'échapper sisow … 


\ 


226 


+ 


à LUE S LÉZARDS. 227 
s'arrête pour ne plus s'enfuir ; le 
amâle se place à côté d'elle, approche 
sa tête, et éloigne son corps souvent 
jüsqu’à un pouce de distance. Sa crête 
_ flotte nonchalamment ; son anus est très- 
ouvert ; il frappe de temps en temps sa 
compagne de sa queue ; il se renverse 
même sur elle : mais , reprenant sa pre- 
mière position, c’est alors que, malgré la 
petite distance qui les sépare , il lance la 
liqueur prolifique ; etles vues de la Nature 
sont remplies , sans qu'il y ait entre eux 
aucune union intime et immédiate. Cette 
liqueur active atteint la femelle, qui 
devient immobile , et elle donne à l’eau 
une légère couleur bleuâtre. Bientôt le 
mâle se réveille d’une espèce d’engour- 
_ dissement dans lequel il étoit tombé ; il 
recommence ses caresses , lance une nou- 
velle liqueur , achève de féconder sa 
femelle , et se séparc d'elle, 

Mais , loin de l’abandonner , il s’en 
rapproche souvent, jusqu’à ce que tous 
les œufs contenus dans les ovaires et 
parvenus à l’état de grosseur convenable 
soient entrés dans les canaux, où ils 5e 


k | /- DA 
28 HISTOIRE NATURE, 
chargent d’une humeur visqu 
qu'ils aient pu être to | mdés. ( 
temps d'amour et. de jouissances dur # 
plus ou moins, suivant la température, 
et quelquefois il est de trente Jours. 

. Matthiole dit que , de son temps, on 
employoit dans les pharmacies les sala- 
mandres aquatiques à la place des scin- 
ques d'Égypte , mais qu elles ne devoient 
pas produire les mêmes effets. 

Les salamandres aquatiques , jetées sur 
du sel en poudre, y périssent ,\ comme 
les salamandres terrestres : elles expriment 
de toutes les parties de leur corps le suc 
laiteux dont nous avons parlé ; elles tom- 
bent dans des convulsions , se roulent , 
et expirent au bout de trois minutes. Il 
paroît, d’après les expériences de M. Lau- 
renti, qu'elles ne sont point venimeuses, 
comme l’ont dit les anciens , et qu’elles 
ne sont dangereuses , ainsi que la sala- 
mandre terrestre, que pour les petits 
lézards. | # 

Les viscères dela A A aquatique 
ont été fort bien décrits par M. Dufay. 

Elle habite dans presque toutes les con+ 


-… 


es, non : sh nent de l'Asie et de 

riqt €, mais encore du nouveau con- 
tinent. Elle ne craint même pas la tem- 
pérature des pays septentrionaux, puis- 
qu'on la rencontre en Suède , où son 
séjour au milieu des eaux doit la garantir 
des effets d’un froid excessif. On auroit 
donc pu lui donner le nom de /ézard 
commun , ainsi qu’on l’a donné au lézard 
gris , et à un autre lézard désigné sous le 
mom de /ézard vulgaire par M. Linné, 
et qui ne nous paroît être tout au plus 
? qu'une variété de la salamandre à queue 
| plate. Mais ce lézard que M. Linné a 
nommé lézard vulgaire , n’est pas le seul 
que nous croyons devoir rapporter à la 
gueue-plate : le lézard aquatique, du même 


‘ naturaliste , nous paroît être aussi de la 


même espèce. En effet, tous les caractères 
qu'il attribue à ces deux lézards, se re- 
trouvent dans les variétés de la sala- 


mandre à queue plate tant mâle que 


femelle , ainsi que nous nous en sommes 
assurés en examinant les divers individus 
conservés au Cabinet du roi. On pourroit 


À dire seulement que NERRRRDE de cylin- 


20 


+ de: 


régné (teres ef seretiisetlR que M. Lin 
emploie pour désigner la queue du /éz. 


“vulgaire et celle du Zézard aquatique > je | 


peut pas convenir à celle de la sa/amandre 
à queue plate. Mais il est aisé de répondre 
à cette objection. 1°. Il paroît que M. Linné 


aavoit pas vu le Zézard aquatique, et 


Gronovius ,; qu’il cite relativement à ce 


lézard , dit que cet animal est presque 


entièr te semblable à celui que nous 
nommons gweue-plate ; il ajoute que la 
queue est un peu épaisse et presque 


-quarrée. 2°. La figure de Seba citée par 


M. Linné représente évidemment la qgzeze- 
plate. D'ailleurs il y a plusieurs individus 
femelles dans l’espèce qui fait le sujet 
de cet article, dont la queue paroît ronde, 


parce que les membranes qui la gar- 


nissent par-dessus et par-dessous sont 
très-peu sensibles. Plusieurs mâles , lors- 
qu'ils sont très-Jeunes , manquent presque 


absolument de ces membranes, et leur 
queue est comme cylindrique. À l'égard de 


la queue du lézard vulgaire , M. Linné ne 
renvoie qu'à Ray, qui , à la vérité, 


distingue aussi ce lézard d'avec notre M 


À 


k 


à 


à 


«à de 


MA pe: À 


». de F DL RE 


DES LÉZARDS. 2 
salamandre |, mais dont cependant le 
texte convient entièrement à cette der- 
nière. Nous devons ajouter que toutes 
les habitudes attribuées à ces deux pré- 
tendues espèces de lézards sont celles de 
notre salamandre à queue plate. Tout 
concourt donc à prouver qu'elles n’en 
sont que des variétés ; et ce qui achève 
de le montrer , c’est que Gronovius lui- 
même a trouvé une grande ressemblance 
entre notre salamandre et le lézard aqua- 
tique, et qu'enfin l’article et la figure 
de Gesner que M. Linné a rapportés à 
ce prétendu lézard aquatique, ne peu- 
vent convenir qu'à notre salamandre 
femelle. 

C’est donc la femelle de notre sala- 
mandre à queue plate, qui, très-diffé- 
rente en effet du mâle , ainsi que nous 
l'avons vu , aura été nommée /ézard 
aquatique par M.Linné etregardée comme 
une espèce distincte par ce grand natu- 
raliste , ainsi que par Gronovius. Quelques 
différences dans les couleurs de cette 
femelle auront même fait croire à quel- 
ques naturalistes et particulièrement à 


232 HISTOIRE NATURELLE 
Petivers qu’ils avoient reconnu le mâle et 4 
la femelle ; ce qui aura confirmé l'erreur. 
Quelque autre variété dans ces mêmes 
couleurs ou dans la taille aura fait éta- 
blir uue troisième espèce sous le nom de 
lézard vulgaire. Mais ce lézard vulgaire 
et ce lézard aquatique ne sont que la 
même espèce , ainsi que M. Linné lui- 
même l’avoit soupconné , puisqu'il se 
demande si le dernier de ces animaux 
n’est pas le premier dans son jeune âge; 
et ces deux lézards ne sont que la femelle 
de notre salamandre, ce qui est mis hors 
de doute par les descriptions auxquelles 
M. Linné renvoie, ainsi que par les figures 
qu'il cite, et sur-tout par celles de Seba et 
de Gesner. Au reste, nous n'avons adopté 
l'opinion que nous exposons ici, qu'après 
avoir examiné un grand nombre de sala- 
mandres à queue plate, et comparé plu- 
sieurs variétés de cette espèce. 

C’est peut-être à la salamandre à queue 
plate qu’appartient l’animal aquatique 
connu en Amérique , et particulièrement 
dans la nouvelle Espagne , sous le nom 
mexicain d’axolofl ,; et sous le nom 


{ 


. RIRES à ‘ t 


DES LÉZARDS. 233 
espagnol d’inguete de agua. 1 a été pris 
pour un poisson , quoiqu'il ait. quatre 
pattes ; mais nous avons vu que le 

scinque avoit été regardé aussi comme 
un poisson, parce qu'il habite les eaux. 
L’axolotl a, dit-on , la peau fort unie, 
parsemée sous le ventre de petites taches, 
dont la grandeur diminue depuis le milieu 
du corps jusqu’à la queue. Sa longueur 
et sa grosseur sont à peu près celles de 
Ja salamandre à queue plate: ses pieds 
sont divisés en quatre doigts comme dans 
les grenouilles ; ce qui peut faire présumer 
que le cinquième doigt ne manque qu'aux 
pieds de devant, ainsi que dans ces mêmes 
grenouilles et dans la plupart des sala- 
mandres. Il a la tète grosse en proportion 
du corps , la gueule noire et presque tou- 
jours ouverte. On a débité un conte ridi- 
cule au sujet de ce lézard. On a prétendu 
que la femelle étoit sujette, comme les 
femmes , à un écoulement périodique. 
Cette erreur pourroit venir de ce qu’on 
Va confondu avec les salamandres terres- 
tres , qui mettent bas des petits tout for- 


més. Et peut-être même appartient-il aux 
; 29 


X 


234 HISTOIRE NATURELLE MER IEN 
salamandresterrestres plutôtqu’aux aqua- | 
tiques. Au reste , on dit que sa chair est 
bonne à manger ét d’un goût qui àppro- 
che de celui de l’anguille. Si cela étoit, 
_ il devroit former une espèce particulière ‘ 
ou plutôt on pourroit croire qu'on n’au- 
roit vu à la place de ce prétendu lézard 
qu’une grenouille qui n'étoit pas encore 
développée et qui avoit sa queue de té- 


tard, C’est à l’observation à éclaircir ces 
doutes. 


on ll 1 à 4 
LS * : € ” 
\ - 
è = 
t 


C3 
œ1 


DES LÉZARDS. 2 


! 


LA PONCTUÉE. 


Ox» trouve dans la Caroline une sala- 
mandre que nous appelons /a ponctuée, 
à cause de deux rangées de points blancs, 
qui varient la couleur sombre de son dos, 
et qui se réunissent en un seul rang. Ce 
. Iézard n’a que quatre doigts aux pieds 
de devant ; tous ses doigts sont sans 
ongles ; et sa queue est cylindrique. 


\ 


LA QUATRE-RAIES. 


Ox rencontre ‘dans l'Amérique sep- 
tentrionale une salamandre dont le des- 
sus du corps présente quatre lignes 
jaunes. L’algire a également quatre lignes : 
Jaunes sur le dos; mais on ne peut pas 
les confondre , parce que ce dernier a 
cinq doigts aux pieds de devant , et que 
la quatre-raies n’en a que quatre. La 
queue de la quatre-raies est longue et :- 
cylindrique : on remarque quelque appa- 
rence d'ongles au bout des doigts. 


1e CN 


il n sé 
Le S $ 


DES LÉZARDS 2 


LÉ SARROUB É. 


N ous devons entièrement la connois- 
sance de ‘cette nouvelle espèce de sala- 
mandre à M. Bruyères | de la société 
royale de Montpellier, qui nous a com- 
muniqué la description qu'il en a faite, 
et ce qu’il a observé touchant cet animal 
dans l’île de Madagascar , où il l'a vu 
vivant , et où on le trouve en grand 
nombre. Aucun voyageur ni naturaliste 
n’ont encore fait mention de cette sala- 
mandre ; elle est d'autant plus remarqua- 
ble ; qu’elle est plus grande que toutes 
celles que nous venons de décrire. Elle 
a d’ailleurs des écailles très-apparentes ; 
et ses doigts sont garnis d'ongles, au lieu 
que dans les quatre salamandres dont 


nous venons de parler , la peau ne pré- 


sente que des mamelons à la place d’é- 
cailles sensibles , et ce n’est que dans la 
quatre-raies qu'on appercoit quelque appa- 


238 HISTOIRE NATURELLE 


rence d'ongles. Nous placons RER | 


le sarroubé à la suite de ces quatre sala- 
mandres , attendu qu’il n’a que quatre 


doigts aux pieds de devant, et qu'il 


présente par-là le caractère distinctif 
d’après lequel nous avons formé la divi- 
sion dans laquelle ces salainandres sont 
comprises. FE 
Le sarroubé a ordinairement un pied 
de longueur totale. Son dos est couvert 
d’une peau brillante et grenue, qui 
ressemble au galuchat ; elle est jaune et 
tigrée de verd ; un double rang d’écailles 
d’un jaune clair garnit le dessus du cou, 
qui est très-large ; la tête est plate et 


alongée ; les mâchoires sont grandes , et 


s'étendent jusqu’au - delà des oreilles ; 
elles sont sans dents, mais crénelées ; la 
langue est enduite d’une humeur vis- 
queuse , qui retient les petits insectes 


ni 


dont le sarroubé fait sa proie; les veux : 
sont gros ; l'iris est ovale et fendu verti- . 


calement ; la peau du ventre est couverte 
de petites écailles rondes et jaunes ; les 
bouts des doigts sont garnis, de chaque 
côté, d’une petite membrane , ‘et par- 


_ 


| ‘ ER TRMANE) K | : ne 


DES LÉZARDS. 239 


dessous d’un ongle crochu , placé entre 
un double rang d’écailles qui se recou- 
vrent comme les ardoises des toits , ains£ 
que dans le lézard à tête plate, qui vit 
aussi à Madagascar , et avec lequel le 
sarroubé a de très-grands rapports. Ces 
‘deux derniers lézards se ressemblent en- 
core , en ce qu'ils ont tous les deux la 
queue plate et ovale : mais ils diffèrent 
Pun de l'autre, en ce que le sarroubé 
n’a point la membrane frangée qui s'étend 
tout autour du corps du lézard à tête 
plate; et d’ailleurs il n’a que quatre doigts 
aux pieds de devant, ainsi que nous 
l'avons dit. 

Le nom de sarroubé qui lui a été donné 
par les habitans de Madagascar, paroît à 
M. Bruyères dérivé du mot de leur langue 
sarrout, qui signiñe colère. Ces mêrnes ha- 
bitans redoutent le sarroubé autant que 
le lézard à tête plate : mais M. Bruyères 
pense que c’est un animal très-innocent, 
et qui n’a aucun moyen de nuire. Il pa- 
roît craindre la trop grande chaleur : on 
le rencontre plus souvent pendantla pluie 
que perdant un temps sec, et les nègres 


% dé Madagasoar direntà 
le trouvoit en bien plu 
dans les bois pendant la + nuit 


dant le jour. re 
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EN AM dE LOT 2 PER : Wu 
NT À y ‘a 


DES LÉZARDS 24: 


LA TROIS-DOIGTS. 
{ ! 


D mom ain: une nouvelle es- 
pèce de salamandre dont aucun auteur 
n’a encore parlé, et qu'il est très-aisé de 
distinguer des autres par plusieurs carac- 
tères remarquables. Elle n’est point dé- 
pourvue de côtes, ainsi que les autres 
salamandres; elle n’a que trois doigts aux 
pieds de devant, et quatre doigts aux 
pieds de derrière; sa tête est applatie et 
arrondie par-devant ; la queue est déliée, 
plus longue que la tête et le corps, et l’a- 
nuval la replie facilement. C’est à M. le 
comte de Mailly, marquis de Nesle, que 
nous devons la connoissance de cette nou-. 
velle espèce de salamandre, dont ila 
trouvé un individu sur le cratère même 
du Vésuve, environné des layes brûlantes 
que jette ce volcan. C’est une place remar- 
quable pour une salamandre qu’un en- 
droit entouré de matières ardentes vomies 
21 


. 


ae PANNE : 7 1 RENTE HAN CARE Ati AN ff 4 dà 
NL N 4 ‘ ( A LD" LEE 4 {ft Ji È 
Ne Te LL LA 74 Ÿ Fute AU REA « TNT 

4 | LA ou 


242 HISTOIRE NATURELLE, 
par un volcan ; beaucoup de gens pour: 
roient même regarder la proximité de ces 
matières comme une preuve du pouvoir. 
de résister aux flammes, que l’on a attri: 
bué aux salamandres : nous n’y voyons 
cependant que la suite de quelques acci- 
dens et de quelques circonstances parti- 
culières qui auront entraîné l'individu 
trouvé par M. le marquis de Nesle, au- 
près des laves enflamméés du Vésuve; 
leur ardeur auroit bientôt consumé la 
salamandre à trois doigts, ainsi que tout, 
autre animal , si elle n’avoit pas été prise 
avant d'être exposée de trop près ou pen-. 
dant trop long-temps à l’action de ces. 
matières volcaniques, dont la chaleur 
éloignée aura nui d'autant moins à cette 
salamandre, que tous les quadrupèdes 
ovipares se plaisent au milieu de la tem- 
pérature brûlante des contrées de la zone 
torride. 

M. le marquis de Nesle a bien voulu 
nous envoyer la salamändre à trois doigts 
qu'il a rencontrée sur le Vésuve, et nous 
saisissons cette occasion de lui témoigñer 
notre reconnoissance pour les services 


DES LÉZARODIS 23 
w’il rend journellement à l'histoire na- 
turelle. L'individu apporté d'Italie par 
cet illustre amateur étoit d’une couleur 
brune foncée , mélée de roux sur la tête, 
* les pieds, la queue et le dessous du corps. 
Il étoit desséché au point qu’on pouvoit 
. facilement compter au travers de la peau 
les vertèbres et les côtes. La tête avoit 
trois lignes de longueur , le corps neuf 
hgnes, et la queue seize lignes et demie, 


res 
a 
2 2 


æ 


DES QUADRUPÈDES OVIPARES 
QUI N'ONT POINT DE QUEUE. 


4 


_ 


Tr ne nous reste, pour compléter W’his- 
toire des quadrupèdes ovipares, qu’à par- 
ler de ceux de ces animaux qui n'ont 
point de queue. Le défaut de cette partie 
est un caractère constant et très-sensible, 
d’après lequel il est aisé de séparer cette 
seconde classe d'avec a première, dans 
laquelle nous avons compris les tortues 
et les lézards, qui tous ont une queue 
plus ou moins longue. Mais, indépendam- 
ment de cette différence, les quadrupèdes 
ovipares sans queue présentent des ca- 
ractères d’après lesquels il est facile de 
les distinguer. Leur grandeur est toujours 
très-limitée, en comparaison de celle de 
plusieurs lézards ou tortues : la longueur 
des plus grands n’excède guère huit ow 
dix pouces ; leur corps n’est point cou- 
vert d’écailles ; leur peau, plus ou moins 
dure, est garnie de verrues ou de tuber= 


HISTOIRE N ATURELLE. 245 
cules , et euduite d’une humeur Vis : 
dote. 

La plupart n’ont que quatre doigts aux. 
pieds de devant, et par ce caractère se 
lient avec les D ; quelques uns, 
au lieu de n'avoir que cinq doigts aux 
pieds de derrière, comme le plus grand 
nombre des lézards, en ont six, plus ou 
moins marqués. Les doigts, tant des pattes 
de devant que de celles de derrière, sont 
séparés dans plusieurs de ces quadrupèdes 
ovipares, et réunis dans d’autres par une 
membrane, comme ceux des oiseaux à 
pieds palmés, tels que les oïes, les ca- 
nards , les mouettes, etc. Les pattes de 
Mertèe sont , dans tAnà les quadrupèdes 
ovipares sans queue , beaucoup plus lon- 
gues que celles de devant : aussi ces ani- 
maux ne marchent -ils point, ne s’a- 
vancent Jamais que par sauts, et ne se 
servent de leurs pattes de derrière que 
comme d’un ressort qu'ils plient et qu’ils 
laissent se débander ensuite pour s’élancer 


_ à une distance et à une hauteur plus ou 


moins grandes. Ces pattes de derrière sont 


remarquables, en ce que le tarse est pres- 
91 


246, HISTOIRE NATURELLE. 
que toujours aussi long que la WU Ar pro: 
prement dite. 

Tous les animaux qui composent eùtte. 
classe ont d’ailleurs une charpente osseuse 
bien plus simple que ceux dont nous ve- 
nons de parler. Ils n’ont point de côtes, . 
non plus que la plupart des salamandres; 
ils n’ont pas même de vertèbres cervi- 
cales, ou du moins ils n’en ont qu’une 
ou deux : leur tête est attachée pres- 
que immédiatement au corps, comme 
dans les poissons, avec lesquels ils ont 
aussi de grands rapports par leurs habi- 
tudes, et sur-tout par la manière dont ils 
se multiplient *. Ils n’ont aucun organe 
extérieur propre à la génération: les fœtus 
ne sont pas fécondés dans le corps de la 
femelle ; mais à mesure qu’elle pond ses 
œufs , lemäâle les arrose de sa liqueur pro- 


* Lrs quadrupèdes ovipares sans quenc man 
uent de vessie proprement dite, de même que les 
lézards , le vaisseau qui contient Eu urine différant 
des vessies proprement dites, non seulement par 
sa forme et par sa grandeur, mais encore par sa 
position, ainsi que par le nombre et la nature des 
canaux a vec lesquels il communique, 


DES OVIPARES SANS QUEUE. 247 
lifique , qu'il lance par l'anus. Les petits 
paroissent pendant long-temps sous une 
espèce d’enveloppe étrangère , sous une 
forme particulière , à laquelle on a donné 
le nom de féfard, et qui ressemble plus 
ou moins à celle des poissons; et ce n’est 
qu’à mesure qu’ils se développent, qu'ils 
acquièrent la véritable forme de leurs 
espèces. 

* Tels sont les faits généraux communs à 
tous les quadrupèdesovipares sans queue. 
Mais si on les examine de plus près, on 
verra qu'ils forment trois troupes bien 
distinctes , tant par leurs habitudes que 
par leur Kat RE TA 

Les premiers ont le corps Ales ainsi 
que la tête, l’un ou l’autre anguleux et 
relevé en arêtes longitudinales ; le bas du 
ventre presque toujours délié , etles pattes 
très-longues ; le plus souvent la longueur 
de celles de devant est double du dia- 
mètre du corps vers la poitrine, et celles 
de derrière sont au moins de la longueur 
de la tête et du corps. Ils présentent des 
proportions agréables ; ils sautent avec 
 agilité. Bien loin de craindre la lumière 


>33 HISTOIRE NATURELLE 
du jour , ils aiment à s’imbiber des rayons 
du soleil. | LOF 

Les seconds, plus petits en général que 
les premiers, et plus sveltes dans leurs 
proportions, ont leurs doigts garnis de 
petites pelotes visqueuses , à l’aide} des- 


quelles ils s’attachent, même sur la face 


inférieure des corps les plus polis. Pou- 


vant d’ailleurs s’élancer avec beaucoup 


de force, ils poursuivent les insectes avec 
vivacité Jusque sur les branches et les 
feuilles des arbres. 

Les troisièmes ont, au contraire , le 
corps presque rond, la tête très-convexe, 
les pattes de devant très-courtes ; celles 
de derrière n’égalent pas quelquefois la 
longueur du corps et de la tête ; ils ne s’é- 
lancent qu'avec peine. Bien loin de re- 
chercher les rayons du soleil , ils fuient 
toute lumière : ce n’est que lorsque la nuit 
est venue qu'ils sortent de leurs trous pour 
aller chercher leur proie. Leurs yeux sont 
aussi beaucoup mieux conformés que 
ceux des autres quadrupèdes ovipares sans 
queue , pour recevoir la plus foibleclarté ; 
et lorsqu'on les porte au grand jour! leur 


DES OVIPARES SANS QUEUË. 249 


prunellesecontracte, etne présente qu'une 
fente alongée. Ils diffèrent donc autant des 
premiers etes seconds, que les hiboux 
et les chouettes diffèrent des oiseaux de 
Jour. 

Nous avous donc cru devoir former trois 
genres différens des quadrupèdes ovipares 
sans queue. 

Dans le premier, qui renferme la gre- 
nouille commune , nous placons'douze 
espèces, qui toutes ont la tête et le corps 
alongés, et l’un ou l’autre anguleux. 

Nous comprenons dans le second genre 
la petite grenouille d'arbre, connue en 
France sous le nom de raire ou de rainette, 

et six autres espèces, qu'il sera aisé de 
distinguer par les pelotes visqueuses de. 
leurs doigts. 

Nous composons enfin le troisième 
genre, dans lequel se trouve Le crapaud 
commun, de quatorze espèces, dont le 
corps ni la tête ne sont relevés en arêtes 
saillantes. 

Ces trente-trois espèces, qui forment 
les trois genres des grenouilles, des raines 
et des crapauds, sont les seules que nous 


25o HISTOIRE NATURELLE, 
dans la classe des quadrupèdes 
ans queue, et auxquelles nous . 
avons cru, à après la comparaison exacte à 
des deseriptions des auteurs, ainsi que 
d’après les individus conservés au Cabinet 
du roi, devoir réduire toutes celles dont … 
les naturalistes et les voyageurs ont fait 
mention. 


PREMIER GENRE. 
FA A 


” 


Quadrupèdes ovipares sans 
la tête et le corps sont alongés ; et 


queue, dont 


l’un ou l’autre anguleux. : 


GRENOUILLES. 


A 


LA GRENOUILLE COMMUNE. 


PE 


Css Tr un grand malheur qu’une grande 
ressemblance avec des êtres ignobles ! Les 
grenouilles communes sont en apparence 
si conformes aux crapauds, qu'on ne 
peut aisément se représenter les unes sans 
penser aux autres ; on est tenté de les 
comprendre tous dans la disgrace à la- 
quelle les crapauds ont été condamnés, 
et de rapporter aux premières les habi- 
tudes basses, les qualités dégoûtantes, 
les propriétés dangereuses des seconds. 


NL er, c re 


52 HISTOIRE NATURELLE À 
Nous au peut-être bien de la peine 
à donner æ la grenouille commune la : 
place qu’elle doit occuper dans l'esprit des 
lecteurs, comme dans la Nature : mais il 
n’en est pas moins vrai que s'il n’avoit 
point existé de crapauds, si l’on n’avoit 
jamais eu devant les yeux ce vilain objet 
de comparaison ; qui enlaidit par sa res- 
semblance autant qu'il salit par son ap- 
proche, la grenouille nous paroîtroit aussi 
agréable par sa conformation que dis- 
tinguée par ses qualités , et intéressante 
par les phénomènes qu’elle présente dans 
les diverses époques de sa vie ; nous la 
verrions comme un animal utile dont 
nous n'avons rien à craindre , dont l’ins- 
tinct est épuré , et qui, Joignant à une 
forme svelte des membres déliés et sou- 
ples , est paré des couleurs qui plaisent 
le plus à la vue , et présente des nuances 
d'autant plus vives, qu’une humeur vis- 
queuse enduit sa peau et lui sert de ver- 
nis. 
Lorsque les grenouilles communes sont 
hors de l’eau, bien loin d’avoir la face 
contre terre, à d’être bassement AoeRo ts 


DES GRENOUILLES. 252 


pies de la fange comme l& crapauds, 
elles ne vont que par sauts très- élevés ; 
leurs pattes de derrière, eh se pliant et 
en se débandant ensuite , leur servent de 
ressort , et elles y ont assez de force pour 
s nes: souvent jusqu’à la hauteur de 
quelques pieds. | LUE 

On diroit qu’elles cherchent l’élément 
de l'air comme le plus pur; et lors- 
qu’elles se reposent à terre, c'est toujours 
la tête haute, leur corps relevé sur les 
pattes de devant, et appuyé sur les pattes 
de derrière ; ce qui leur donne bien plu- 
tôt l'attitude droite d’un animal dont l’ins- 
tinct a une certaine noblesse, que la po= 
sition basse et horizontale d’un vil rep- 
tile. 

La grenouille commune est si élastique 
et si sensible dans tous ses points, qu'on 
ne peut la toucher, et sur-tout la prendre 
par ses pattes de derrière, sans que tout 
de suite son dos se courbe avec vîtesse, 
et que touté sa surface montre, pour 
ainsi dire , les mouvemens prompts d’un 
animal agile qui cherche à s'échapper. 

Son museau se termine en pointe ; les 


Ovipares, 1 I: 22 
é Le re 
ol La À “À # PE, 
r x V2 d re 


‘yeux sont £ | 


254 HISTOIRE NATURELLE 


cercle js d'or ; les oreilles placées 


derrière les yeux, et recouvertes par une. 


membrane ; les narines vers le sommet du 
museau ; ct la bouche, est grande et sans 
dents ; le corps,  rétrécr par-derrière ; pré- 
sente sur le dos des tubercules èt des as- 
pérités. Ces tubercules ; que nous avons 


_remarqués si souvent sur les quadrupèdes 


ovipares , se trouvent donc non seule- 
ment sur les crocodiles et les très-grands 
lézards, dont 1ls consolhident les dures 
écailles, mais encore sur des quadrupèdes 


foibles, bien plus petits, qui ne présentent 
qu’une peau tendre, et n’ont pour dé-. 


fense que l’élément qu'ils habitent, et 
l’asyle où ils vont se réfugier. 

Le dessus du corps de la phenbéfie 
commune est d’un verd plus ou moins 
foncé ; le dessous est blanc. Ces deux 
couleurs , qui s'accordent très-bien et 
forment un assortiment élégant , sont 
relevées par trois raies jaunes qui 's’é- 
tendent le long du dos; les. deux des 


côtés forment une saillie, et celle du mi- 
livu présente au contraire une espèce de. 


; brillans et entourés d'un L 


Î 


\ 


Û 


DES GRENOUILLES. 255 


sillon. À ces couleurs Jaune, verte et 
blanche , se mélent des taches noires sur 
la partie inférieure du ventre ; et à mesure 
que l’animalgrandit,cestaches s ‘étendent 
sur tout le dessous du corps , et même 
sur sa partie supérieure. Qu'est - ce qui 
pourroit donc faire regarder avec peine 
un être dont la taille est légère, le mou- 
vement preste, l'attitude gracieuse ? Ne 
nous interdisons pas un plaisir de plus, 

lorsque nous errons dans nos belles 
campagnes, ne soyons pas fâchés de voir 
les rives des ruisseaux embellies par les 
couleurs de ces animaux innocens ; et 
anunées par leurs sauts vifs et légers : 
contemplons leurs petites manœuvres ; 
suivons-les des yeux au milieu des étangs 
paisibles, dont ils diminuent si souvent 


- la solitude sans en troubler le calme ; 


voyons-les montrer sous les nappes d’eau. 
les couleurs les plus agréables, fendre en 
nageant Ces eaux tranquilles, souvent 
même sans en rider la surface , et présen- 
ter les douces teintes que donne la trans- 
parence des eaux. 

Les grenouiiles communes ont quatre 


- 


256 HISTOIRE NATURELLE : 
doigts aux pieds de devant, comme la. ï 
plupart des salamandres ; les doigts des « 
pieds de derrière sont au nombre de cinq, 
et réunis par une membrane : dans les 

quatre pieds, le doigt intérieur est écarté 

des autres , et le plus gros de tous. !: 

* Elles varient par la grandeur, suivant 

les pays qu'elles habitent , la nourriture 

qu'elles trouvent , la chaleur qu’elles 

_ éprouvent, etc. Dans les zones tempé- 

rées , la longueur ordinaire de ces: ani- 

maux est de deux à trois pouces, depuis 

le museau jusqu’à l'anus. Les pattes de 
derrière ont quatre pouces de longueur 

quand elles sont étendues , et celles de 
devant environ un pouce ét demi. ! 

Il n’y a qu'un ventricule dans le cœur 
de la «grenouille commune , ainsi que 
dans celui des autres quadrupèdes ovi- 
pares. Lorsque ce viscère a été arraché du, 
corps de {a grenouille , il conserve son 
battement pendant sept où huit minutes, : 
et même pendant plusieurs heures sui: | 
vant M. de Haller. Le mouvement du | 
sang est inégal dans les grenouilles ; il 
est poussé goutte à goutte, et à.de fré». 


Per 


US 


DES GRENOUILLES. 257 
quentes reprises ; et lorsque ces animaux 
sont jeunes , ils ouvrent et ferment la 
bouche et les yeux à chaque fois que leur 
cœur bat. Les deux lobes des poumons 
sont composés d’un grand nombre de 
cellules membraneuses destinées à rece- 
voir l'air ; et faites à peu près comme les 


alvéoles des rayons de miel: l'animal peut 


lés tendre pendant un temps assez long ; 
et se rendre par-là plus léger. 

- Sa vivacité, et la supériorité de son 
naturel sur celui des animaux qui lui 
ressemblent le plus , ne doivent-elles pas 
venir-de ce que, malgré sa petite taille, 
clle est un des quadrupèdes ovipares les 
inieux partagés pour Îles sens extérieurs ? 
Ses yeux sont en effet gros et saillans , 
ainsi que nous l’avons dit ; sa peau molle, 
qui n’est recouverte ni d’écailles ni d’en- 
veloppes osseuses , est sans cesse abreu- 
vée ét maintenue dans sa souplesse par 
une humeur visqueuse qui suinte au 
travers de ses pores :-elle doit donc avoir 
la vue très-bonne, et le toucher un peu 
délicat ; et si ses oreilles sont recouvertes 


paf une membrane, elle n’en a pas moins 
22 


1 


FAN à SI PU ù AE à dE in ‘4 , # \ d 1% ’ 


258 HISTOIRE N ATURELLE L 
l’ouie fine, puisque ces organes ren- 
ferment dans leurs cavités une corde 
élastique que l'animal peut tendre à.vo- 
lonté , et qui doit lui communiquer avec 
assez de précision les vibrations de l'air 
agité par les corps sonores. LE 
… Cette supériorité dans la sonsihilité des 
grenouilles les rend plus difficiles sur la 
nature de leur nourriture ; elles rejettent 
tout ce qui pourroit présenter un com- 
mencement de décomposition. Si elles se 
nourrissent de vers, de sangsues ; de pe- 
tits limacons, de Scan aide et d'autres 
insectes tant aiïlés que non ailés,, elles 
n'en prennent aucun qu'elles, ne l'aient- 
vu remuer, comme si elles vouloient 
s'assurer qu'il vit encore: elles demeurent 
immobiles jusqu'à ce que l’insecte soit 
assez près. d'elles; elles fondent alors sur 
lui avec vivacité , s'élancent vers cette 
proie, quelquefois à la hauteur d’un ou 
deux pieds, et avancent, pour l’attraper, 
une langue enduite d'isne mucosité SL 
gluante , que les insectes qui y touchent 
y sont aisément empêtrés. Elles avalent 
aussi de très-petits limacons tout entiers: 


( 


. d'R A A PLAN 

DES GRENOUILLES. 259 
leur œsophage a une grande capacité ; 
leur.estomac peut d’ailleurs recevoir , en 
se dilatant, un grand volume de nourri- 
ture; et tout cela, joint à l’activité de 
leurs sens, qui doit donner plus de viva- 
cité à leurs appétits , montre la cause de. 
leur espèce de voracité : car non seule- 
ment elles se nourrissent des très-petits 
annnaux dont nous venons de parler, 
mais encore elles avalent souvent des 
anumaux plus considérables , tels que de 
Jeunes souris, de petits oiseaux, et même 
de petits canards nouvellement éclos, 


lorsqu'elles peuvent les surprendre sur le 


bord des étangs qu'elles habitent. 
La grenouille commune sort souvent 
de l’eau , non seulement pour chercher 


sa nourriture , mais encore pour Ss’im- 


prégner des rayous du soleil. Bien loin 
d’être presque muette, comme plusieurs 
quadrupèdes ovipares, et particulière- 
ment comme la salamandre terrestre , 
avec laquelle elle a plusieurs rapports , 
on l'entend de très-loin, dès que la belle 
saisoh est arrivée , et qu’elle est pénétrée 
de la chaleur du printemps , jeter un cri 


te. 


— 


266 HISTOIRE NATURELLE 


2 AVR AD EURE FLN 


qu'elle répète pendant assez long- temps’ >. 
sur-tout lorsqu? il est nuit. On diroit qu ni 
y a quelque rapport de plaisir ou de peine 
entre la grenouille et l'humidité du serein 
ou de la rosée , et que c’est à cette cause 
que l'on doit at ibuer ses longues cla- 
meurs. Ce rapport pourroit montrer pour- 
quoi les cris des grenouilles sont ; ainsf 


‘qu'on l’a prétendu , d'autant plus forts : 


que le temps est plus disposé à la pluie, 
et pourquoi ils peuvent par conséquent 
annoncer ce météore. Ar 

Le coassement des grenouilles, qui n’est 
composé que de sons rauques, de tons 
discordans et peu distincts les uns des 
autres, seroit très- désagréable par lui- 
même , et quand on n’entendroit qu’une 
seule grenouille à-la-fois : mais c'est tou- 
jours en grand nombre qu’elles coassent; 
et c’est toujours de trop près qu’on en- 
tend ces sons confus , dorit la monotonie 


fatigante est réunie à une rudesse propre 


à blesser l'oreille la moins délicate. Si “À 
grenouilles doivent tenir un rang distin= 
gué parmi les quadrupèdes ovipares, ce 
n'est donc pas par leur voix : autant elles 


æ 
’ 


D 


DES GRENOUILLES. 26r 
peuveut plaire par l’agilité de leurs mou- 
vemens et la beauté de leurs couleurs, 


Le 


autant elles importunent par leurs aigres 


coassemens, Les mâles sont sur-tout ceux 
qui font le plus de bruit ; les femelles 
n’ont ‘qu'un grognement assez sourd, 
qu'elles font entendre en enflant leur 
gorge : mais lorsque les mâles coassent , 
ils gonflent de chaque côté du cou deux 
vessies qui, en se remplissant d'air, et 
en devenant pour eux comme deux ins- 
trumens retentissans , augmentent le vo- 
lume de leur voix. La Nature , qui n’a 
pas voulu en faire les musiciens de nos 
campagnes , n’a donné à ces instrumens 
que de la force, et les sons que forment 


les grenouilles mâles, sans être plus 


agréables , sont seulement entendus de 
plus loin que ceux de leurs femelles, 

Hs sont seulement plus propres à trou- 
bler ce calme des belles nuits de l'été, ce 
silence enchanteur qui règne dans une 


“4 prairie , sur le bord d’un ruisseau 


tranquille , lorsque la lune éclaire de sa 


Hamière paisible cet asyle champétre , où 
tout goûüteroit les charmes de la frai- 


Lu 


262 HISTOIRE NATURELLE 
.cheur, du repos, des parfums des des 


et où Liu les sens seroient ton 1! 


une douce extase , si celui de l’ouie n’é- 
toit désagréablement ébranlé par des cris 
aussi aigres que forts , et de rudes coas- 
semens sans cesse renouvelés..… | 

Ce n’est pas seulement lorsque Les gre- 
nouilles mâles coassent, que leurs vessies 
paroissent à l'extérieur; on peut; en pres- 
sant leur corps, compr imer l'air qu'il ren- 
ferme , et qui, se portant alors dans ces 
vessies , en étend le volume et les rend 


saillantes. J'ai aussi vu gonfler ces mêmes 


vessies , lorsque J'ai mis des grenouilles 


mâles sous le rÉCARAEnR d’une machine : 


pneumatique, et que J'ai commencé d en 
pomper l'air. | 

Indépendamment des cris retentissans 
et long-temps prolongés que la grenouille 
mâle fait entendre si souvent, elle à 
d’ailleurs un son moins désagréable et 
moins fort, dont elle ne se sert que pour 
appeler sa femelle : ce dernier son est 
sourd et comme plaintif, tant il est FL 
que l’accent de l'amour est toujours mélé 
de quelque douceur. 


DES GRENOUILLES. 263 


Quoique les grenouilles communes se, 
plaisent à des latitudes très-élevées, la 
chaleur leur est assez nécessaire, pour 
qu'elles perdent leurs mouvemens , que 
leur sensibilité soit très-afloiblie et 
qu'elles s’engourdissent dès que les froids 
de l'hiver sont venus. C’est communé- 
ment dans quelque asyle caché très-avant 
sous les eaux , dans les marais et dans 
les lacs, qu’elles tombent dans la torpeur 
à laquelle elles sont sujettes. Quelques 
unes cependant passent la saison du froid 
dans des trous sous terre, soit que des 
circonstances locales les y déterminent, 
ou qu'elles soient surprises dans ces trous 
par le degré de froid qui les engourdit. 
Elles sont alimentées , pendant le temps 
de leur long somimneil , par une matière 
graisseuse renfermée dans Île trouc de la 
_veine- porte. Cette graisse répare jusqu’ à : 
un certain point la substance du sang, 
et l’entretient de manière qu'il puisse 
nourrir toutes les parties du corps qu’il 
arrose. Mais quelque sensibles que soient 
les grenouilles au froid, celles qui ha- 
Ditent près des zones torrides, doivent 


“264 HISTOIRE NATURELLE 


c] ee A8 4 x * '. : | 
être cxemptes de la torpeur de lhiyér ;. 
de même que les crocodiles et les lézards 


qui y sont sujets à des latitudes un peu 
élevées, ne s'engourdissent pe dans les 
clissdth très-chauds. | 

On tire les grenouilles de leur état 
d’engourdissement , en les portant dans 


quelque endroit échauflé , et en les ex- 


posant à une température artiheielle, à 


peu près semblable à celle du printemps. 


‘On peut successivement , et avec, assez 
de promptitude , les replonger dans cet 


état de torpeur, ou les rappeler à la vie, 
par les divers degrés de froid ou de chaud 
qu'on leur fait subir, À la vérité, 5 paroît 
que l’activité qu’on leur donne avant le 
temps où elles sont accoutumées à la 


recevoir de la Nature , devient pour ces. 


animaux un grand effort qui les fait bien- 
tôt périr. Mais il est à présumer que si l’on 


réveilloit ainsi des grenouilles apportées. 


; lt" D A 
de climats très-chauds où elles ne $’en- 


gourdissent Jamais , bien loin de: con- 
tarier les habitudes de ces animaux, on. 


ne feroit que les ramener à leur état na+ 


turel, et ils n'auroient rien à:craimdre 


DES GRENOUILLES. 265 
de l'activité qu'on leur reudroit. On est 
même site , par une chaleur arti- 
ficielle, à remplacer assez la chaleur du 
printemps, pour que des grenouilles aient 
éprouvé ; l’une auprès de l’autre, les. 
desirs que leur donne le retour de la belle 
saison. Mais , soit par défaut de nourri- 
ture , soit par une suite des sensations 
qu'elles avoient éprouvées trop brusque- 
ment, et des efforts qu'elles avoient faits 
dans un temps où communément il leur 
reste à peine la plus foible existence, 
elles n'ont pas survécu long-temps à une 
jouissance trop hâtée. 

Les grenouilles sout sujettes à quitter 
leur peau, de même que les autres qua- 
drupèdes ovipares : mais cette peau est 
plus souple, plus constamment abreuvée 
par un élément qui la ramolhit, plus su- 
jette à être altérée par les causes exté- 
rieures. D'ailleurs les grenouilles, plus 
voraces, et mieux conformées dans les 
organes YéRUE à Ja nutrition, prennent. 
une nourriture plus ANIMEURRE , plus 
substantielle , et qui, fournissant une 
plus graude quantité de nouycaux sucs., 
23 


forme plus aisément unê nouvelle peau 
au-dessous de l'ancienne. I n’est donc 
pas surprenant que les! grenouilles se dé- 
pouillent très-souvent de leur peau pen- 
dant la saison où elles ne sont pas en- 
gourdies, et qu’alors elles en produisent 
une nouvelle presque tous les huit Jours. 
Lorsque l’ancienne est séparée du corps 
de l’animal, elle ressemble à une muco- 
sité délayée. ‘ 

C’est sur-tout au retour des chaleurs 
que les grenouilles communes, ainsi que 
tous les quadrupèdes ovipares, cherchent 
à s'unir avec leurs femelles : 1l croît alors 


4 


aux pouces des pieds de devant de la gre-. 


nouille mâle, une espèce de verrue plus 
ou moins noire, et garnie de papilles. Le 


mâle s’en sert pour retenir plus facile- 


ment sa femelle * ; il monte sur son dos, 
et l’embrasse d’une manière si étroite 
avec ses deux pattes de devant, dont les 


* M. Linné, vraisemblablement d’après Fré- 

déric Menzius., a été tenté de regarder cette espèce 
, P 

de verrue comme la partie sexuelle du mâle. Pour 

peu qu’il eût réfléchi à cétte opinion, 1l auroit été 

je preinier à la réjcter, i 


SR 


da. did 


DES carxovrturs 267 
n 


doigts s’entrel t les uns dans les 
autres , qu'il faut employer un peu de 
force pour les séparer, ét qu’on n’y par- 
vient pas en arrachant les pieds de der- 
rière du mâle. M. labbé Spallanzani a 
méme écrit qu'ayant coupé la tête à un 
mâle qui étoit accouplé, cet animal ne 
cessa pas de féconder pendant quelque 
temps les œufs de sa femelle, et ne mou- 
rut qu’au’ bout de quatre heures. Quel- 
que mouvement que fasse la femelle , le 
mâle la retient avec ses pattes, et ne la 
laisse pas échapper, même quand elle 
sort de l’eau : ils nagent ainsi accouplés 
pendant un nombre de jours d'autant 
plus grand que la chaleur de l’atmo- 
sphère est moindre, etils ne se quittent 
point avant que la feuielle ait pondu ses 
œufs. C’est ainsi que nous avons vu les 
tortues de mer demeurer pendant long- 
temps intimement unies, et voguer sur 
la surface des ondes, sans pouvoir être 
séparées l’une de lPautre. 

Au bout de quelques jours, la femelle 
pond ses œufs, en faisant entendre quel- 
quefois un coasscment un peu sourd : ces 


œufs forment une esp 


e de cordon; 


étant collés ensemble par une matière 


glaireuse dont ils sont enduits. Le mâle 


saisit le moment où ils sortent de l'anus 
de la femelle pour les arroser de sa 
liqueur sémivale, en répétant plusieurs 
fois un cri particulier ; et il peut les fé- 
conder d'autant plus aisément , que son 
corps dépasse communément par le bas 
celui de sa compagne: il se sépare ensuite 
d’elle , et recommence à nager, ainsi qu’à 
remuer ses pattes avec agilité, quoiqu'il 
ait passé la plus grande partie du temps 
de sou union avec sa femelle dans une 


grande immobilité, et dans cette espèce . 


de contraction qui accompagne quelque- 
fois les sensations trop vives, | 
Dans les différentes observations que 
nous avons faites sur les œufs des gre- 
nouilles, et sur les changemens qu’elles 
subissent avant de devenir adultes, nous 
avons vu, dans les œufs nouvellement 
poudus, un petit globule , noir d’un côté 
et blanchâtre de l’autre, placé au centre 
d’un autre globule, dont la substance 
glutineuse ct transparente doit, servir 


« 


1 


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ps 


| ” 
| NOUILLES. 26% 
de: nourriture à l'embryon, et est con- 
tenue dans deux enveloppes membra- 
neuses et concentriques : ce sont ces 
-membranes qui représentent la coque de 
l'œuf *. 

Après un temps plus ou moins long, 
suivant la température, le globule noir 
d’un côté et blanchâtre de l'autre se 
développe et prend le nom de féfard : cet 
embryon déchire alors les enveloppes 
dans lesquelles il étoit renfermé, et nage 
dans la liqueur glaireuse qui l'environne, 
et qui s'étend et se délaye dans l’eau , où 
elle flotte sous l'apparence d’une matière 
vuageuse ; 1l conserve pendant quelque 


* M. l'abbé Spallanzani , ne considérant la mem- 
brane mtérieure qui enveloppe le tétard que comime 
un amnios, a proposé de séparer les grenouilles , 
les crapauds et les raines, des ovipares , pour les 
réunir avec les vivipares; mais nous n'avons pas 
cru devoir adopter l’opinion de cet habile natura- 
liste, Comment éloigner en effet les grenouilles, 
les raies et les crapauds, des tortues et des lé- 
zards, avec lesquels 1ls sont liés par tant de rap- 
ports, pour les rapprocher des vivipares, dont ils 
diffèrent par tant de caractères intérieurs Où ex= 
térieurs ? 

25 


tétiips son ci nb , qui est atta- 4 
ché à la tête, au lieu de l'être au ventre, 


ainsi que dans la plupart des autres ani- 
maux. Il sort de temps en temps de la 


matière gluante, comme pour essayer \ 


sés forces : mais il rentre souvent dans 
cette petite masse flottante qui peut le 
soutenir; il y revient non seulement pour 


se reposer, mais encore pour preñdre de 


la nourriture. Cependant il grossit tou- 
jours ; on distingue bientôt sa tête, sa 
poitrine, son ventre et sa queué dont il 
se sert pour se mouvoir. 

La bouche des tétards n’est point pla- 
cée, comme dans la grenouille adulté, 
au-devyant de la tête, mais en quelque 
sorte sur la poitrine : aussi, lorsqu'ils veu- 
lent saisir quelque objet qui flotte à la 
surface de l’eau, ou chasser l'air renfermé 
dans leurs poumons, ils se renversent 


sur le dos,. comme les poissons dont la 


bouche est située au-dessous du corps ; 
et ils exécutent ce mouvement avec tant 
de vitesse, que l’œil a de la peine à le 
suivre. 

Au bout de quinze Jours, les yeux pa- 


CU +” 


DES GRENOUILLES. 27 
roissent quelquefois encore fermés ; mais 
on découvre les premiers linéamens des 
pattes de derrière. À mesure qu’elles crois- 
sent , la: peau qui les revêt s'étend en 
proportion... Les endroits où seront les 
doigts , sont marqués par de pétits bou- 
tous; et, quoiqu'il n'y aitencore aucun où, 
la forme:du pied est très-reconnoissable. 
Les pattes de devant restent encore en- 
tièrement cachées sous l'enveloppe : plu- 
sieurs fois les pattes de devant sont au 
contraire les premières qui paroissent. 

- C'est ordinairement deux mois après 
qu'ils ont commencé de se développer, 
que lés tétards quittent leur enveloppe 

_ pour prendre la vraie forme de grenouille. 
D'abord la peau extérieure se fend sur le 

_ dos, près de la véritable tête, qui passe 
par la fente qui vient de se faire. Nous 
avous vu alors la membrane qui servoit 
de bouche aux tétards, se retirer en ar- 
rière et faire partie de la dépouille. Les 
pattes de devant commencent à sortir et 
à se déployer ; et la dépouille , toujours 
repoussée en arrière, laisse enfin à dé- 
couvert le corps, les pattes de derrière, 


d'u 2,1 


275 HISTOIRE NATURELLE | 


et la queuc, qui, diminuant toujours de 


volume, finit par s’oblitérer et re k 


entièrement *. 
Cette manière de se développer est 
commune, à très-peu près, à tous les 


quadrupèdes ovipares sans queue : quel- 


qu'éloignée qu’elle paroisse , au premier 
coup d'œil, de celle des auîres ovi- 
pares, on reconnoîtra aisément, Si ON 
l’examine avec attention , que ce qu’elle 
a de particulier se réduit à deux points. 
_ Premièrement , l'embryon ,renferimé 
dans l'œuf en sort beaucoup plus tôt que 
dans la plupart des autres ovipares, avant 


même que toutes ses parties soient déve- 


loppées , et que ses os et ses cartilages 
soient formés. 

Secondement , cet embryon à demi 
développé est enfermé dans une mem- 
brane, et, pour ainsi diré, dans un second 
œuf très-souple et très-transparent, au- 


* Pline, Roudelet, et plusieurs autres natura- 
stes, ont prétendu que la queue de la jeune gre- 
vouille se fendoit en deux pour former les pattes 
de derrière. Cette opinion est contraire à l'obser- 
vauon la.plus constante, 


ee ÿ 
+ hs AR # 
dl k LA , a TU 
| Î 


DES GRENOUILLES. 273 
quel il y a une ouverture qui peut don- 
ner passage à la nourriture. Mais de ces 
deux faits le premier ne doit être consi- 
déré que comme un très-léger change- 
ment, et, pour ainsi dire, une simple 
abréviation dans la durée des premières 
opérations nécessaires au développement 
des animaux qui viennent d’un œuf: 
cette manière particulière peut avoir lieu 
sans que le'fœtus en souffre, parce que 
le tétard n’a presque pas besoin de force 
ni de membres pour les divers mouve- 
mens qu'il exécute dans l’eau qui le sou- 
tient , et autour de la substance transpa- 
rente et glaireuse où il trouve à sa portée 
une nourriture analogue à la foiblesse de 
ses organes, 

À l'égard de cette espèce de sac dans 
lequel la grenouille ainsi que la raine et 
le crapaud sont renfermés pendant les 
premiers temps de leur vie sous la forme 
de tétard, et qui présente une ouverture 
pour que la nourriture puisse parvenir 
au Jeune animal, on doit, ce me semble, 
le considérer comme une espèce de second 
œuf, ou, pour mieux dire, de seconde 


4 MIS TOIRE NATURELLE 


NA dont l'animal ne se dégage” 4 


qu'au moment qui lui à été véritable= 


ment fixé pour éclore : ce n’est que lors= | 


que la grenouille ou le crapaud font 
usage de tous leurs membres, que l’on 


doit les regarder comme véritablement ! 


éclos. Ils sont toujours dans un œuf tant 
qu’ils sont sous la forme de tétard:nais 
cet œuf est percé, parce qu’il ne renférme 
point la nourriture nécessaire au fœtus, 


et parce que ce dernier est obligé d’aller 


chercher sa subsistance, soit dans l’eau, 
soit dans la substance glaireuse qui flotte 
avec l’apparence d’une matière nua- 
geuse. 

Le tétard, à le bien considérer, n’est 
donc qu'un œuf souple et mobile qui 
peut se prêter à tous les mouvemens de 
l'embryon. Il en seroit de même de tous 
les œufs, et même de ceux de nos poules, 


si, au lieu d’être solides et formés d’une | 


. substance crétacée et dure, ils étoient. 
composés d’une membrane “trè ès-molle, 
très-flexible et transparente. Le poulkt 


qui y seroit contenu pourroit exécuter | 


quelques mouvemens , quoique renfermé 


: 


DES GRENOUILLES. 275 
dans cette enveloppe, qui se prêteroit à 
son action; il le pourroit sur-tout, si ces 
mouvyemens n'étoient pas contrariés par 
les aspérités_ des surfaces et les inégalités 
du terrain ,etsi, au contraire, ils avoient 
lieu au milieu de l’eau, qui soutiendroit 
l'œuf et le fœtus , et ne leur opposeroit 
qu'une foible résistance. Ces mouvemens 
seroient comme ceux d’un petit animal 


qu'on renfermeroit dans un sac d’une ma- 


tière souple. 

Que se passe-t-il donc réellement dans 
le développement des grenouilles , ainsi 
que des autres quadrupèdes ovipares sans 
queue ? Leurs œufs ont plusieurs enve- 
loppes : les plus extérieures, qui envi- 
ronunent le globule noir et blanchäâtre , ne 
subsistent que quelques jours; la plus 
‘intérieure, qui est très-molle et très- 


souple , peut 8e préter à tous les mouve- 


mens d’un animal qui à chaque instant 


acquiert de nouvelles forces ; elle s’étend 


à mesure qu'il grandit ; elle est percée 
d’une ouverture, que l’on n'auroit pas 
dû appeler bouche ; car ce n’est pas pré- 
cisément un organe particulier, mais LU 


276 HI STOIRE NATURELLE 


ke 


passage pour la nourriture nécessaire à: la. 
jeune grenouille, a jeune cr apaud , OÙ 
à la jeune raine; et comme les œufs des 
grenouilles , des raines et des crapauds, 
sont communément pondus dans l’eau, 
qui, pendant le printemps et: l'été , est 


moins chaude que la terre et l'air de l’at- 
mosphère , ils éprouvent une chaleur 


moins considérable que ceux des lézards 
et des tortues , qui sont déposés sur les 
rivages, de manière à être échauffés par 


les rayons du soleil : il n’est donc pas sur 


prenant que, par exemple, les petites gre- 


nouilles soient renfermées dans leurs 


Le 


À 


V4 


me 


4 


enveloppes pendant deux mois ou envi-- 


ron , et que ce ne soit qu'au bout de ce 
temps qu'elles éclosent véritablement en 


quittant la forme de tétard , tandis que: 


les lézards et les tortues sortent: de leurs 
œufs après un assez petit nombre de 
jours. | 

À l'égard de la queue qui s’oblitère 
dans les grenouilles, dans les crapauds et 


dans les raines , ne doivent-ils pas perdre 


facilement une portion de leur corps qui 
n'est soutenue par aucune partie osseuse, 


4 
:14 


R DES GRENOUILLES. 277 
et qui d’ailleurs, toutes les fois qu'ils 
nagent, oppose à l’eau le plus d'action 
et de résistance? Au reste, cette sorte 
de tendance de la Nature à donner une 
queue aux grenouilles, aux crapauds et 
aux raines, ainsi qu'aux lézards et aux 
tortues. est une nouvelle preuve des rap- 
ports qui les lient, et, en quelque sorte, 


de l'unité du modèle sur lequel les qua- 


drupèdes ovipares ont été formés. 

Les couleurs des grenouilles communes 
ne sont Jamais si vives qu'après leur ac- 
couplement ; elles pâlissent plus ou moins 
ensuite, et deviennent quelquefois assez 
ternes et assez rousses pour avoir fait 
croire au peuple de plusieurs pays, que, 
pendant l'été, les grenouilles se méta- 
morphosent en crapauds. 

Lorsqu'on ne blesse les grenouilles que, 
dans une seule de leurs. parties ‘ Al-est 
très-rare que toute leur wrganisation s’en 
ressente , et que l’ensemble de leur mé- 
canisme soit dérangé au point de les faire 
périr. Bien plus, lorsqu'on leur ouvre le 
corps , et qu’on en arrache le cœur et les 
sutrailles, elles ne conservent pas moins, 

24 


»78 HISTOIRE NATURELLE 
| pendant quelques momens, leurs mouve 
inens accoutumés : elles les conservent 
aussi pendant quelque temps lorsqu'elles 
ont perdu presque tout leur sang; et si, 
dans cet état, elles sont exposées à l'ac- 
tion engourdissante du froid, leur sensi- 
bilité s'éteint, mais se ranime quand le 
froid se dissipe très-promptement, et elles 
sortent de leur torpeur, comme sivelles 
n’avoient éprouvé aucun accident. Aussi, 
malgré le grand nombre de dangers aux- 
quels elles sont exposées, doivent - elles 
communément vivre pendant un temps 
assez long relativement à leur volume. 

Les grenouilles étant accoutumées à. 
demeurer un peu de temps sous l’eau sans 
respirer, et leur cœur étant conformé de 
manière à pouvoirbattre sans être mis en 
jeu par leurs poüntons comme celui des 
animaux mieux -ofganisés, il n’est pas 
surprenant qu'ellés'vivent aussi pendant 
un peu de temps dans un vase dont on a 
pompé l'air, ainsi que l'ont éprouvé plu: 
sieurs physiciens , et que je l'ai éprouvé 
souvent moi-même.On peut même-croire 


que l’éspèce de mal-aise ou de douleur . 
à \ 


r 


NA 

DES GRENOUILLES. 279 
qu'elles ressentent lorsqu'on commence-à 
Ôter l’air du récipient, tient plutôt à la 
dilatation subite et forcée de leurs vais- 
seaux, produite par la raréfaction de Pair 
Here dans leur corps, qu’au défaut 
d’un nouvel air extérieur. Il n’est pas 
surprenant, d'après cela, qu’elles vivent 
plus long-temps que beaucoup d’autres 
animaux , ainsi que les crapauds et Îles 
salamandres aquatiques, dans des vases 
dont l’air ne peut pas se renouveler. 

Les grenouilles sont dévorées par les 
serpens d’eau, les anguilles, les brochets, 
les taupes, les putois, les loups *, les 
oiseaux d’eau et de rivage, etc. Comme 
elles fouruissent un aliment utile, et 
que même certaines parties de leur corps 
forment un mets très-agréable , on Îles 
recherche avec soin. On a plusieurs ma- 
mières de lés pècher : on les prend avec 
des filets à la clarté des flambeaux, qui les 
eHraient et les rendent souvent comme 
ymmobiles ; ou bien on les pêche à la 
ligne avec des hamecons qu'on garnit de 

* M. Daubenton en a trouvé daus l'estomac 


d'un loup. 


’ 
{ La Dre 


280 HISTOIRE NATUR 
vers, d'insectes, ou simplement d'un 
morceau d'étoffe rouge ou couleur de 
chair: car, ainsi que nous l’avons dit, les 

° grenouilles sont goulues ; elles saisissent 
avidement et retiennent avec obstination 
tout ce qu'on leur présente. M. Bourgeois 
rapporte qu’en Suisse on les prend d’une 
manière plus prompte par le moyen de 
grands rateaux dont les dents sont lon- 
gues et serrées: on enfonce le rateau dans 
l'eau , et on ramène les grenouilles à 
terre , en le retirant avec précipitation. 

On a employé avec succès en médecine 
les différentes portions du corps de la 
grenouille, ainsi que son frai, auquel on 
fait subir différentes préparations , tant 
pour conserver sa vertu pendant long- 
temps , que pour ajouter à l'efficacité de 
ce remède. 

La grenouille commune habite presque 
tous les pays. On la trouve très-avant 
vers le Nord , et même dans la Lapponie 
suédoise; elle vit dans la Caroline et dans 

Ja Virginie, où elle est si agile, au rap- 
port de plusieurs voyageurs, qu’elle peut, 
en sautant, franchir un intervalle de 


quinze à dix-huit. pieds. 


_… Sté RU cu | 
DES GRENOUILLES. °8r 

Nous allons maintenant présenter ra- 
pidement les détails relatifs aux gre- 
nouilles différentes de la grenouille com 
mune , et que l'on rencontre dans nos 
contrées ou dans les pays étrangers; nous 
allons les considérer comme des espèces 
distinctes : peut - être des observations 
plus étendues nous obligeront-elles dans 
la suite à en regarder quelques unes 
comme de simples variétés dépendantes 
du climat, ou tout au plus comme des 
races constantes ; nous nous contenterons 
de rapporter les différences qui les sépa- 
rent de la grenouille commune , tant 
dans leur conformation que dans leurs‘ 


habitudes. 


! 282, HISTOIRE NATU: 


+: l ? ù sin AU EVE 
CETTE IEEE TE ENNEMI 


|, 


sa LA 


Lz. est | aisé de distinguer. cette éreneville 
d'avec les autres , par une tache noire 
qu elle a entre Le yeux et les pattes de 
devant. Elle pañoît , an premier coup 
d'œil, n'être qu’une variété de la . gre- 
nouille commune, ; mais comaine. elle 
habite dans le même pays, comme elle 
vit, pour ainsi dire, dans les mêmes 
diet! et qu’elle en diffère cependant 
constamment par quelques uues de ses 
habitudes et par ses couleurs, on ne 
peut pas rapporter ses caractères distinc- 
tifs à la différence du climat ou de la 
température , êt l’on doit la considérer 
comme une espèce particulière. Elle a 
le dessus du corps d’un roux obscur, 
moins foncé quand elle a renouvelé sa 
peau , et qui devient comme marbré 
vers le milieu de l'été; le ventre est blanc. 


DES GRENOUILLES. 255 
ét facheté. de noir à mésure qu'elle vieillit; 
les euisses sont rayées de bruu. | 

Elle a au bout de la langue une petite 
échancrure dont les deux pointes lui 
servent à saisir les insectes, qu'elle retient 
en même temps par l'espèce de glu dont 
sa langue est enduite , et sur lesquels elle: 
dbtuës: comme un trait , dès qu'elle les 


+ 


voit à sa portée. On l’a appelée /a muette, 


par comparaison avec la grenouille com- 
mune, dont les cris désagréables et sou- 
vent répétés se font entendre de très- 
loin. Cependant , dans le temps de son 
accouplement ou lorsqu'on la tourmente, 
elle pousse un cri sourd , semblable à 
une sorte de grognement , et qui est 
_ plus. fréquent et moins foible dans 16 
mâle. 

Les omiiilés rousses passent une 
grande partie de la belle saison à terre. 
Ce n’est que vers la fn de l’automne 
qu'elles regagnent les endroits maréca- 
geux; et lorsque le froid devient plus 
vif, elles s’enfoncent dans le limion du 
fond des étangs , où elles deineurent 
eugourdics jusqu’au retour du printemps, 


CEE CU RAGE) db ca Le 


4 HISTOIRE NATURELLE à 


Mais, lorsque la chaleur estrevenue, elles: … 


sont rendues à la vie et au Deus 
les jeunes regagnent alors la terre pour 


y chercher leur nourriture ; celles qu£ 
sont âgées de trois ou quatre ans, et. 
qui ont atteint le degré de développe- 
ment nécessaire à la reproduction de leur 
espèce , demeurent dans l’eau jusqu’à 


ce que la saison des amours soit passée. 


Elles sout les premières grenouilles ;&uL 


s’'accouplent, comme les premières rani- 


mées : elles demeurent unies pendant 


quatre Jours ou environ. 
Les grenouilles rousses ‘éprouvent , 
avant d’être adultes , les mêmes change- 


mens que les grenouilles communes; mais 


il paroît qu'il leur faut plus de temps pour 
les subir, et que ce n’est qu'à peu près au 
bout de trois mois qu'elles ont Ia forme 


qu'elles doivent conserver pendant toute 


léur vie. 

Vers la fin de juillet , lorsque les petites 
grenouilles sont eutièrement écloses et 
ont quitté leur état de tétard , elles vont 
reJoindre les autres gretiouillés rousses 
dans les bois et dans les campagnes. Elles 


\ 


DES GRENOUILLES. 283 


partent le soir, voyagent toute la nuit, 
et évitent d’être la proie des oiseaux vo- 
races en passant le Jour sous les pierres 
et sous les différens abris qu’elles ren- 
contrent, et ennese remettant en chemin 
que lorsque les ténèbres leur rendent la 
sûreté. Cependant, malgré cette espèce de 
prudence, pour peu qu'il vienne à pleu- 
voir , elles sortent de leurs retraites pour 
s’imbiber de l’eau qui tombe. 

Comme ellessonttrès-fécondes et qu’elles 
pondent ordinairement depuis six cents 
Jusqu'à onze cents œufs , il n’est pas 
surprenant qu'elles se montrent quel- 
quefois en si grand nombre , sur-tout 
dans les bois et les terrains humides, 
que la terre en paroît toute couverte. 

La multitude des grenouilles rousses 
qu'on voit sortir de leurs trous lorsqu'il 
pleut , a donné lieu à deux fables : l’on 
a dit, non seulement qu'il pleuvoit quel- 
quefois des grenouilles , mais encore que 
le mélange de la pluie avec des grains 

de poussière pouvoit les engendrer tout 
d'un coup; l’on ajoutoit que ces gre- 
nouilles ainsi tombées des nues , ou pros 


ne 


De 


\ tes 


286. HISTOIRE NATURELLE 


 duites d’une manière si rapide par: ul 
mélange si bizarre , s’en alloient aussi 
promptement qu'elles étoient venues , 
et qu'elles disparoissoient aux premiers 
rayons du soleil. ES 
Pour peu qu'on eût voulu découvrir 
la vérité , on les auroit trouvées, avant 
la pluie, sous des tas de pierres et d’au- 
tres abris , où on les auroit vues cachées 
de nouveau après la pluie, pour se dé<. 
rober à une lumière trop vive: mais on 
auroit eu deux fables de moins à ra- 
conter ; et combien de gens dont tout 
le mérite disparoît avec les faits met: 
veilleux ! | | 
On a prétendu que les grenouilles 
rousses étoient venimeuses : on les mange 
cependant dans quelques contrées d’Al- 
lemagne ; et M. Laurenti ayant fait Inor- 
dre une de ces grenouilles par de petits 
lézards gris, sur lesquels le moindre venin 
agit avec force , ils n’en furent point 
incommodés. Elles sont en très - grand. 
nombre dans l’île de Sardaigne , ainsi qué 
dans presque toute l’Europe ; 1l paroît 
qu'on les trouve dans l'Amérique septen- 


LA Lt 


DES GRENOUILLES. ‘28 
trionale, et qu’il faut leur rapporter les 
grenouilles appelées grenouilles de térre 
par Catesby , et qui habitent la Virginie 
et la Caroline. Ces dernières paroissent 
préférer pour leur nourriture les insectes 
qui ont la propriété de luire dans les ténè- 
bres , soit que cet aliment leur convienne 
mieux, ou qu'elles puissent l’appercevoir 
et le saisir plus facilement lorsqu'elles 
cherchent leur pâture pendant la nuit. 
Catesby rapporte en effet qu’étant dans la 
Caroline , hors de sa maison , au com- 
mencement d’une nuit très-chaude, quel- 
qu'un qui l’accompagnoit , laissa tomber 
de sa pipe un peu de tabac brûlant qui 
fut saisi et avalé par une grenouille de 
terre , tapie auprès d'eux , et dont l’hu- 
meur visqueuse dut amortir l’ardeur du 
tabac. Catesby essaya de lui présenter 
un petit charbon de bois allumé , qui 
fut avalé et éteint de même. Il éprouva 
coustamment que les grenouilles terres- 
tres saisissoient tous les petits corps en- 
flammés qui étoient à leur portée , et il 
eonjectura , d’après cela , qu'elles deyoient 


qu fé, i brillent en grand 
“ei les nuits d'été, dans r 


DU N D'a 
DES GRENOUILLES. 28 


4 


LAËPLUVIALE. 


Csrrr grenouille est couverte de ver: 
rues ; ce qui sert à la distinguer d’avec 
les autres. La partie postérieure du corps 
est obtuse et parsemée en dessous de petits 

points. Elle a quatre doigts aux pieds de 

devant, et cinq doigts un peu séparés les 

uns des autres aux pieds de derrière. On 
la trouve dans plusieurs. contrées de 

l'Europe. Elle s’y montre souvent en grand 

nombre après les pluies du printemps 

ou de l’été ,ainsi que la grenouille rousse ; 

et c’est de là qu'est tiré le nom de p/u- 

viale, que M. Daubenton lui a donné, 

et que nous lui conservons. On a fait sur 
son apparition les mêmes contes ridicules 
que sur celle de la grenouille rousse. 


: 


Ovipares. 1 I: ds | 29 


2 


| Os trouve én Allemaghe une grenouille 
qui, par sa forme, ressemble‘ün peu plus 
que lès autres au tépatd commun ; j'inais 
qui est beaucoup plus fetite que: ce der- 
nier. Un de ses caractères distinctifs: ‘est 
üu pli transversal qu elle a: soûs le com. | 
Le fond de sa coulèur est noir ; Le dessus 
- de son corps est couvert. +pojpteseilinef 
le dessous marbré de blanc et de noir. £ 
pieds ae at: ont quatre doigts: livi sés 
ct ceux de derrière en ont: cinq réunis 
par une membrane. ‘Où: conse e au Cet 


d’ une ressembla AL L' 
Me. entre son on: et le son Les 
cloches qu’on entendroit de loin. Sa forme 
M et son babitation®l ont fait appeler que 
_ quefois crapaud des marais. 


Der CU LS 


Le LP La Te I 


zIAÀ S ONNANTE, 


2.MUGISSANTE. 


DES: GRENOUILLES. 29e 


ts «> 


LA BORDÉE. 


rest aisé de reconnoîtrecctte grenouille, 


qui se trouve aux Indes, à la bordure. 


que présentent ses côtés. Son corps est 
alongé ; les pieds de derrière ont cing 
doigts divisés. Le dos est brun et lisse * ; 
le dessous du corps est d’une couleur pâle, 
et couvert d’un grand nombre de très- 
_ petites verrues qui se touchent. 


- * Suivant M. Laurenti, le dessus du corps est 
couvert d’aspérités; mais nous avons cru devoir 
suivre la description que M. Linné a faite de cette 
grenouille | d’après un individu conservé dans le 
æmuséum du prince Adolphe. | 


ms 


} 
ne 


LA RÉTICULAIRE. 


Ox trouve encore dans les Indes une 
grenouille dont le caractère distinctif est 
d’avoir le dessus du corps veiné et tacheté 
de manière à présenter l'apparence d’un 
réseau. Elle a les doigts divisés. | 


DES GRENOUILLES. 293 


PARPALTTE M OUI. 


C'rsr une grande et belle grenouille, 
dont le corps est veiné et panaché de dif- 
férentes couleurs ; le sommet du dos pré- 
sente des taches placées obliquement ; 
des bandes colorées, rapprochées par 
paires, règnent sur les pieds et les doigts. 
Ce qui la caractérise et ce qui lui a fait 
donner par M. Daubenton le nom de 
patie-d’oie que nous lui conservons , c’est 
que les doigts des pieds de devant, ainsi 
que des pieds de derrière , sont réunis 
par des membranes: cette réunion sup- 
pose dans cette grenouille un séjour assez 
constant dans l’eau , et un rapport d’ha- 
bitudes avec la grenouille commune. On 
la rencontre en Virginie, ainsi que la ré- 
ticulaire , avec laquelle elle a beaucoup 
de rapports, mais dont elle diffère en ce 


que ses doigts sont réunis , tandis qu’ ils. 


sont divisés dans la réticulaire. 
26 


Là 


294 HISTOIRE NATURELLE … | 


L'ÉPAULE-ARMÉE. 


ER ACRRS EE A ESS 


Ox trouve en Amérique cette grenouille 
remarquable par sa grandeur: elle a quel- 
quefois huit pouces de longueur, depuis 
le bout du museau jusqu’à l'anus. On 
voit de chaque côté.sur les épaules une 
espèce de bouclier charnu , d’un cendré 
clair pointillé de noir, qui lui a fait don- : 
ner par M. Daubenton le nom qu’elle 
porte. Sa tête est rayée de roussâtre ; les. 
yeux sont grands et brillans; la langue 
est large ; tout le reste du corps est cen- 
dré, parsemé de taches de différentes gran- 
deurs , d’un gris clair ou d’une couleur 
jaunâtre. Le dos est très-anguleux ; à la 
partie postérieure du corps sont quatre 
excroissances charnues, en forme de gros 
boutons. Les pieds de devant sont fendus 
en quatre doigts garnis d'ongles larges. 
et plats. Les pieds de derrière diffèrent de 
ceux du devant en ce qu'ils ont un cin- 


cd ont RC NS CORRE c N N 
+ L 11 y « 
” 


DES GRENOUILLES. 295 


quième doigt , et que tous les doigts en 


sont réunis par une petite membrane près: 


de leur origine. Cette espèce , qui paroît 
habiter sur terre et dans l’eau, pourroit 
se rapprocher par ses habitudes de la gre- 
nouille rousse. L’épithète de #arine qui 
lui a été donnée par Seba , et conservée 
par MM. Linné et Laurenti, paroît indi- 
quer qu’elle vit près des rivages , dans les 
‘eaux de la mer; mais nous avons de la 
peine à le croire , les quadrupèdes ovi- 
pares sans queue ne recherchant commu- 
nément que les eaux douces. 


? 


206 HISTOIRE NATURELLE 


LA MUGISSANTE#*, 


TL 


O: rencontre en Virginie une gr ande 
grenouille, dont les yeux ovales sontgros, 
saillans et Me: * l'iris est rouge , bordé 
de Jaune ; tout le dessus du corps est d’un 
brun foncé , tacheté d’un brun plus obs- 


 cur, avec des teintes d’un verd jaunâtre, 


particulièrement sur le devant de la tête ; 
les taches des côtés sont rondes, et font 


paroître la peau œillée ; le ventre est d’un 


blanc sale , nuancé de jaune, et légère- 
ment tacheté. Les pieds de devant et de 
derrière ont communément cinq doigts, 
avec un tubercule sous chaque phalange: 

Cette espèce est moins nombreuse que 
les autres espèces de grenouilles. La mu- 
gissante vit auprès des fontaines qui se 
trouvent très-fréquemment sur les col- 


lines de la Virginie. Ces sources forment 


* Bull frog, en anglois. 


1 1ÉÉ 


DES GRENOUILLES. 297 
de petits étangs, dont chacun est ordinai- 
rement habité par deux grenouilles mu- 
gissantes : elles se tiennent à l’entrée du 
trou par lequel coule la source; et lors- 
qu'elles sont surprises , elles s’élancent et 
se cachent au fond de l’eau. Mais elles 
n’ont pas besoin de beaucoup de précau- 
tions ; le peu le de la Virginie imagine 
qu'elles purifient les eaux etentretiennent 
la propreté des fontaines : il les épargne 
d'après cette opinion, qui pourroit être 
fondée sur la destruction qu’elles font des 
insectes , des vers , etc., mais qui se 
change en superstition |, comme tant 
d'autres opinions du peuple ; car non 
seulement il ne les tue jamais, mais 
même il croiroit avoir quelque malheur à 
redouter s’il les inquiétoit. Cependant la 
crainte cède souvent à l'intérêt; et comme 
la mugissante esttrès-vorace et très-friande 
des jeunes oisons ou des petits canards, 
qu'elle avale d’autant plus facilement 
qu'elle est très-grande et que sa gueule 
est très-fendue , ceux qui élèvent ces oi- 
seaux aquatiques la font quelquefois périr, 

Sa grandeur et sa conformation modi- 


UE 
Mes 


233 HISTOIRE NATURELLE 
Bent son coassement.et l’augmentent, de 


namièreique lorsqu ’ilest réfléchi par les Ca- 
vités voisines des lieux qu elle fréquente, 


il a quelque ressemblance avec le mugis- 


sement d’un taureau qui seroit très - éloi- 


gné, et, dit Catesby , à un quart de mille. 
Son cri, suivant M. Smith , estrude, écla- 
taut et be usque ; il semble que l’animal 
forme quelquefois des sons articulés. Un 
voyageur est bien étonné, continue M. 
Smith , quand il entend le mugissement 
retentissant de la grenouille dont nous 
parlons , et que cependant il ne peut dé: 
couvrir-d’où part ce bruit extraordinaire; 


La 
* 


car les mugissantes ont tout le corps ca- 


ché dans l’eau, et ne tiennent leur gueule 
élevée au-dessus de la surface que poux 


faire entendre le coassement très-fort qux 


leur a fait donner le nom de grenouilles- 
laureaux. 
L'espèce de la grenouille mugissante 


que M. Laurentiappelle /4 cing-doigis(rana | 


pentadactyla), renferme, Piste ce ua- 


turaliste , une variété aisée à distinguer 
par sa couleur brune , par la petitesse du . 


cinquième doigt des pieds de deyant, et 


DES GRENOUILLES. 209 
par la naissance d’un sixième doigt aux 
pieds de derrière. Il ÿ a au Cabinet du roi 
une grande grenouille mugissante, qui 
paroît se rapprocher de cette variété in- 


diquée par M. Laurenti : elle a des taches 
sur le corps; le cinquième doigt des pieds 


de devant, et Le sixième des piéds de der- 


 rière, LS à péine sensibles ; tous les 


= 


doigts sont séparés ; elle a des tubercules 
sous les phalanges ; son museau est arron- 
di; ses yeux sont gros et proéminens ttes 


ouvertures des éteZHics assez grandes la 
langue est large, plate, etattachée par LA 
le bout au devant de la mâchoire infé- ‘+ 


rieure: Cet individu a six pouces trois AA 


ed 
lignes , depuis le museau jusqu’à l'anus; 
les pattes de derrière ont dix pouces ; 
celles de devant quatre pouces; et le con- 
tour de la gueule a trois pouces sept 
ligues. $ 
2 "+ ) 
: Va 2 
K ox 


AT 


L AUS fe PE RR) 7 die. A à 


TE 
300 HIST OIRE NATURELLE 


| 


: 


LA PERLÉE. 


Ox trouve au Bresil une grenouille dont 
le corps est parsemé de petits grains d’un 
rouge clair, et semblables à des perles. | 
La tête est anguleuse , triangulaire , et 
conformée comme celle du caméléon ; le 
dos est d’un rouge brun ; les côtés sont 
mouchetés de, jaune ; le ventre blan-. 
châtre est chargé de petites verrues ou 
petits, grains d’un bleu clair; les pieds 


sont velus, et ceux de devauié n'ont que 


+ 


quatre doigts. 
_ Une variété de cette espèce , si riche- 
ment colorée par la Nature , a cinq doigts 
aux pieds de devant, et la couleur de son 
corps est d’un jaune clair. 

L'on voit que, daus le continent de 
l'Amérique méridionale , la Nature n’à 
pas moins départi la variété des couleurs 


aux quadrupèdesovipares , qu’elle paroît, w 


au premier coup d'œil , avoir dédaignés , 


# à: LA 


à : \ 

_ DES GRENOUILLES. 3x 
qu'à ces nombreuses troupes d'oiseaux 
de différentes espèces , sur le plumage 
desquels elle s’est plue à répandre les 
nuances les plus vives, et qui embellissent 
les rivages de ces contrées chaudes et fé- 
condes. 


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302 HISTOIRE NATURELLE 


DA JACR DRE 


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Czsorr grenouille se trouve en grand 
nombre à Surinam. Elle est d’une cou- 
leur jaune verdâtre, qui devient quelque- 
fois plus sombre. Le dos et les côtés sont 
mouchetés ; le ventre est d’une couleur 
pâle et nuageuse ; les cuisses sont, par 
derrière , striées obliquement. Les pieds 
de derrière sont palmés; ceux de devant 


ont quatre doigts. Mademoiséile Mérian a 


rendu cette grenouille fameuse, en lui 


attribuant une métamorphose opposée à 
celle des grenouilles communes. Elle a 
prétendu qu’au lieu de passer par l’état 
de tétard pour devenir adulte, la Jackie 
perdoit insensiblement ses pattes au bout 
d’un certain temps, acquéroit une queue, 


et devenoit un véritable poisson. Cette. 


métamorphose est plus qu’invraisembla- 
ble ; nous n’en parlons ici que pour dési- 
guer l'espèce particulière de grenouille à 


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7, 2 
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LA 


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DES GRENOUILLES. 303 
laquelle mademoiselle Mérian l'a attri- 
buée: L'on conserve au Cabinet du roi, 
et l’on trouve dans presque toutes les col- 
lections de l'Europe ; plusienrs individus 
de cette grenouille ,; qui présentent les 
différens degrés de son développement et 
de son passage par l’état de tétard, au lieu 
de montrer, comme on l’a cru fausse- 
ment, les diverses nuances de son chan 
gement prétendu en poisson. La forme du 
tétard de ia jackie, qui est assez grand, 
et qui ressemble plus ou moins à un pois- 
son , comme tous les autres tétards , a 
pu donner lieu à cette erreur, dont on 
n'a parlé que trop souvent. D'ailleurs il 


paroît qu'il y a une espèce particulière de 


poisson dont la forme extérieure est 
assez semblable à celle du tétard de la 
Jackie; et que l’on a pu prendre pour le 
dernier état de cette grenouille d'Amé- 
rique. - | 


LA 


NE Éd dés 


204 HISTOIRE NATURÉLLE 


LA GALONNÉE. 


Oxtrouve en Amérique cette grenouille; 
dont M. Linné a parlé le premier. Son dos 
présente quatre lignes relevées et longitu- 
dinales ; il est d’ailleurs semé de points 


saillans et de taches noires. Les pieds de: 


devant ont quatre doigts séparés ; ceux 
de derrière en ont cinq réunis par une 
membrane ; le second est plus long que 


les autres , ct dépourvu de l'espèce d’ongle 


arrondi qu'ont plusieurs grenouilles, 
Nous regardons comme une variété de 
cette espèce, jusqu’à ce qu’on ait recueilli 
de nouveaux faits, celle que M. Laurentt 
a appelée Brémoushle de FRET" Le corps 
de ce dernier animal , qu’on trouve en 
effet en Virginie, est d' couleur cen- 


drée , tachetée de rouge ; le dos est relevé 


par cinq arêtes longitudinales, dont les 
intervalles sont d’une RER, pale: le 
ventre et les pieds sont Jaunes. 


/ 


DES GRENOUILLES.  %o5 


» 


LA GRENOUILLE ÉCAILLEUSE. 


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\ 


O» doit à M. Wallbaum la description 
de cette espèce de grenouiile. Il est d’au- 
tant plus intéressant de la connoître, 
qu'elle est un exemple de ces conforma- 
tions remarquables qui lient de très-près 
les divers genres d'animaux. Nous avons 
vu, en effet, dans l'Histoire naturelle des 
quadrupèdes ovipares, que presque toutes 
les espèces de lézards étoient couvertes 
d’écailles plus ou moins sensibles, et nous 
n'avons trouvé dans les grenouilles, les 
crapauds, ni les raines, aucune espèce 
qui présentât quelque apparence de ces 
mêmes écailles; nous n’avons vu que des 
verrues ou des tubercules sur la peau des 
quadrupèdes ovipares sans queue. Voici 
maintenant une espèce de grenouille 
dont une partie du corps est revêtue d’é- 
cailles, ainsi que celui des lézards; ét 
pendant que , d’un côté, la plupart des 


26 | 


4 


306 HISTOIRE NATURELLE 
salamandres, qui toutes ont une quete 
comme ces mêmes lézards et appartien- 
nent au même genre que ces animaux, 
se rapprochent des quadrupèdes ovipares 
sans queue, non seulement par leur con- 
formation intérieure et par leurs habi- 
tudes , mais encore par leur peau dénuée 
d’écailles sensibles, nous voyons, d’um 
autre côté , la grenouille décrite par 
M. Wallbaum établir un grand rapport 
entre son genre et celui des lézards par 
les écailles qu’elle a sure dos. M. Wall- 
baum n’a vu qu’un individu de cette 
espèce singulière, qu'ila trouvé dans un 
cabinet d'histoire naturelle , et qui y 
étoit conservé dans de l’esprit-de-vin. IL 
n’a pas su d'où il avoit été apporté. IL 
seroit intéressant qu'on pût observer en- 
core des individus de cette espèce, com- 
parer ses habitudés avec celles des lézards 


et des grenouilles , et voir.la liaison qui 


se trouve. entre sa manière de vivre et 


sa conformation particulière. f 


La grenouille écailleuse est à peu près 


de la grosseur et de la forme de la gre- | 
nouille commune; sa peau est comme 


ET à 


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Ce 


DES GRENOUILLES. 3o7 
phissée sur les côtés et sous la gorge; les, 
pieds de devant ont quatre doigts à demi 
réunis par une membrane, et les pieds 
de derrière cinq doigts entièrement pal- 
més ; les ongles sont applatis. Mais ce 
qu'il faut sur-tout remarquer, c'est une 
bande écailleuse, qui, partant de l'endroit 
des reins et s'étendant obliquement de 
chaque côté au-dessus des épaules, en- 
toure par-devant le dos de l'animal : 
cette bande est composée de très-petites 
écailles à demi transparentes, présentant 
chacune un petit sillon longitudimal, 
placées sur quatre rangs , ct se ere 
vrant les unes les autres, comme les 
ardoises des toits. Il cst évident, par 
cette forme et cette position, que ces 
pièces sont, de véritables écailles sem- 
blables à celles des lézards, et qu’elles ne 
peuvent pas être confondues aveè les 
verrues ou tubercules que l’on a ob- 
servés sur le dos des quadrupèdes ovi- 
pares sans queue. M. Wallbaum a vu 
aussi sur la patte gauche de derrière 
quelques portions gauches garnies de pe- 
tes écailles dont la forme étoit d’un 


308 HISTOIRE ATOS 


quarré long ; et ce naturaliste co) 6 
avec raison ie il en auroit trouvé éga- 
lement sur la patte droite, si l'animal 
n’avoit pas été altéré par l’esprit-de-vin. 
. Le dessous du ventre étoit garni de petites | 
verrues très-rapprochées. L'individu dé- 
crit par M. Wallbaum avoit deux pouces 
neuf lignes de longueur depuis le bout 
du museau jusqu’à l’anus. Sa couleur 
étoit grise , marbrée, tachetée et pointil- 
lée en divers endroits de brun et dé mar- 
ron plus ou moins foncé; les taches 
étoient disposées en lignes tortueuses sur 
certaines places, qe à par exemple, 
sur le dos. | 


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DEUXIÈME GENRE. 


Quadrupèdes ovipares qui n’ont point 
de queue, et qui ont sous chaque 
doigt une petite pelote visqueuse. 


RAINES. 


LA RAINE VERTE 


Lov COMMUNE. 


Îs est aisé de distinguer des grenouilles 
la raine verte , ainsi que toutes les autres 


. raines, par des espèces de petites plaques 


visqueuses qu’elle a sous ses doigts , et 
qui lui servent à s'attacher aux branches 
et aux feuilles des arbres. Tout ce que 
nous avons dit de l’instinct, de la sou- 
plesse , de l’agilité de la grenouille com- 
mune , appartient encore davantage à là 


310 HISTOIRE NATURELLE  _W 
raine verte ; et comme sa taille est tou- ë 
jours beaucoup plus petite que celle de la M 
grenouille commune, elle joint plus de $ 
gentillesse à toutes les qualités de cette : 
dernière. Là couleur du dessus de son 
corps est d’un beau verd ; le dessous, où 
l'on voit de petits tubercules , est blanc. 
Une raie Jaune, légèrement bordée de : 
violet, s'étend de chaque côté de la tête | 
et du dos, depuis le museau jusqu'aux 
pieds de derrière ; et une raie semblable 
règne depuis la mâchoire supérieure jus- 
qu'aux pieds de devant. La tête est courte, 
aussi large que le corps, mais un peu ré- 
trécie par-devant ; les mâchoires sont ar- . 
roudies , les yeux élevés. Le corps est 
court, presque triangulaire, très-élargi 
vers la tête, convexe par-dessus, et plat 
par-dessous. Les pieds de devant, qui 
n’ont que quatre doigts, sont assez courts 
et épais ; ceux de derrière, qui en ont 
cinq, sont au contraire déliés et très- 
jongs : les ongles sont plats et arrondis. 

La raine yerte saute avec plus d'agilité 
que les grenouilles , parce qu’elle a les 
pattes de derrière plus longues en proper 


D'EISS REA FINE SC | 3 
tion de la grandeur du corps. C'est au mi- 
lieu des bois, c’est sur les branches des 
arbres qu'elle passe presque toute la belle 
saison. Sa peau est si gluante , et ses pe- 
lotes visqueuses se collent avec tant de 
facilité à tous les corps, Tapie polis 
qu'ils soient , que la raine n’a 1 qu'à se 
poser sur la branche: la plus unie, 
mème sur la surface inférieure des feuilles, 
pour s’y attacher de manière à ne pas 
tomber. Catesby dit qu’elle a la faculté 
de rendre ces pélotes concaves, et de 
former par-là un petit vide qui l’attache 
plus fortement à la surface qu’elle touche. 
Ce même auteur ajoute qu’elles franchis- 
sent quelquefois un intervalle de douze 
pieds. Ce fait est peut-être exagéré ; mais, 
quoi qu'il en soit, les raines sont aussi 
MEtlos dans leurs mouvemens que déliées 
daus leur forme. RTE | 
Lorsque les beaux jours sont venus, on 
les voit s’élancer sur les insectes qui sont 
à leur portée ; elles les saisissent et les 
retiennent avec leur langue, ainsi que les 
grenouilles ; et sautant avec vitesse de 
rameçau en rameau, elles y représentent 


312 HISTOIRE NATURELLE 
jusqu’à un certain point les jeux et les | 
petits vols des oiseaux ; ‘ces légers habi- 
tans des arbres élevés: Toutes les. fois 
même qu'aucun préjugé défavorable « 
n’existera contre elles ; qu’on examinera 
leurs couleurs vives qui se marient avec 
le verd des feuillages et l'émail des fleurs; 
qu'on remarquera leurs ‘ruses et leurs 
embuscades ;. qu’on les suivra des yeux 
dans leurs petites chasses ; qu’on les verra 
s’élancer à plusieurs pieds de distance, se 
tenir avec facilité sur les feuilles dans la 
situation la plus renversée , et s’y placer 
d’une manière qui paroîtroit merveil- | 
leuse ,.si l’on ne connoissoit pas l'organe 
qui leur a été donné pour s'attacher aux 
corps les plus unis; n’aura-t-on pas 
presque autant de plaisir à les observer 
qu'à considérer le plumage, les ma-, 
nœuvres et le vol de plusieurs espèces 
d'oiseaux ? 
L'habitation des raines au sommet de 
nos arbres est une preuve de plus de 
cette analogie et de cette ressemblance 
d'habitudes que l’on trouve même entre 
Jes classes d'animaux qui paroissent les, 


VS LC. 2 | É w ” 
"Se: ; 2 
re. € } 

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DIE S :R A LIN ESS. 313 


plus différentes les unes des autres. La 
dragonne , l’iguane , le basilic, le camé- 
léon , et d’autres lézards très-grands , ha- 
bitent au milieu des bois , et même sur 
les arbres; le lézard aïlé s’y élance comme 
l'écureuil, avec une facilité et à des 
distances qui ont fait prendre ses sauts 
pour une espèce de vol. Nous retrouvons 
encore sur ces mêmes arbres les raines, 
qui cependant sont pour le moins aussi 
aquatiques que terrestres, et qui pa- 
roissent si fort se rapprocher des poissons ; 
et tandis que ces raines , ces habitans si 
naturels de l’eau, vivent sur les rameaux 
de nos forêts, l’on voit, d’un autre côté, 
de grandes légions d'oiseaux presque en- 
tièrement dépourvus d’ailes n’avoir que 
la mer pour patrie , et, attachés, pour 
ainsi dire , à la surface de l'onde, passer 
leur vie à la sillonner ou à se plonger 
dans les flots. 
- IL en est des raines comme des gre- 
nouilles , leur entier développement ne 
s’eflectue qu'avec lenteur; et de même 
qu'elles demeurent long-temps dans leurs 
véritables œufs, c'est-à-dire, sous l’enve- 
27 


$r4 HISTOIRE NATURELLE 
loppe qui leur fait porter le nom de ré2 1 
tards, elles ne deviennent qu’ après un : 
temps assez long en état de perpétuer 
leur espèce : ce n’ést qu’au bout de trois 
ou quatre ans qu'elles s'accouplent. Jus- 
qu'à cette époque , elles ‘sont ‘presque 
muettes : les mâles mêmes, qui, danis tant 
d'espèces d'animaux, ont la voix plus 
forte que les femelles, ne se font point. 
entendre , comme si leurs cris’ n’étoient 
propres qu'à exprimer des desirs qu’ils me. 
ressentent pas encore, et à appeler des 
compagnes Vers léschitélles ils ne sont 
point encore entraînés. \ 
C’est ordinairement vers la fin du mois 
d'avril que leurs amours commencent : 
mais ce n’est pas sur les arbres qu’elles. 
en goûtent les plaisirs; on diroit qu’elles 
veulent se soustraire à tous les regards, 
ct se mettre à l'abri de tous les dangers, 
pour s'occuper plus pleinement, sans dis- 
traction et sans trouble, de l’objet auquel 
elles vont s'unir ; ou bien il semble que 
leur première patrie étant l’eau, c’est. 
dans cet élément qu’elles reviennent 
jouir dans toute son étendue d'üue 


IMESTRIEINES. À 315 
existence qu'elles y ont reçue, et qu'elles 
sont poussées par üne sorte d’instinct à 
ne donner le jour à de petits êtres scm- 
blables à elles que dans Îles asyles favo- 
rables où als trouveront en naissant la 

 nowriture et la sûreté qui leur ont été 
nécessaires à elles-memes dans les pre- 
miers mois où elles ont vécu; ou plutôt 

encore c'est à l’eau qu’elles retournent 
dans le temps de leurs amours, parce 
que ce n’est que dans l'eau qu’elles 
peuvent s'unir de la manière qui con- 
vient le mieux à leur organisation. 

Les raines ne vivent dans les bois que 
pendant le temps de leurs chasses ; car 
c'est aussi au fond des eaux et dans le 
mon des lieux marécageux qu’elles se 
cachent pour passer le temps de l'hiver 
et de leur engourdissement. 

- On les trouve donc dans les étangs dès 
la fin du mois d'avril, ou au commence- 
ment de mai : mais , comme si elles ne 
pouvoicnt pas renoncer, même pour un 
temps très-court, aux branches qu’elles 
ont habitées , peut-être parce qu’elles 
ont besoin d'y aller chercher laliment 


. & 'OARTÉ h Ab. Le + 


3:16 HISTOIRE NATURELLE 
qui leur convient le plus lorsqu'elles sont 
entièrement développées, elles choisissent 
les endroitsimarécageux entourés d’arbres: 
c'est là que les mâles gonflant leur gorge, 
qui devient brune quand ils sont adultes, 
poussent leurs cris rauques et souvent 
répétés , avec encore plus de force que la 
grenouille commune. À peine l’un d'eux 
fait-il entendre son coassement reten- 
tissant, que tous les autres mêlent leurs 
sons discordans à sa voix; et leurs cla- 
meurs sont si bruyantes, qu’on les pren- 
droit de loin pour une meute de chiens 
qui aboient , et que, dans les: nuits 
tranquilles , leurs coassemens réunis sont 
quelquefois parvenus jusqu’à plus d’une 
lieue , sur-tout lorsque la ré étoit 
prête à tomber. | 
_ Les raines s’accouplent comme les.gre- 
nouilles : on apperçoit le mâle et la fe- 
melle descendre souvent au fond de l'eau 
pendant leur union , et y demeurer assez 
de temps; la femelle paroît agitée de 
mouvemens convulsifs , sur-tout lorsque 
le moment de la ponte approche; ete 
mâle y répond en approchant. plusieurs 


: SA 


PS TR A NÉE CI el 


fois l'extrémité de son corps, de inanière 
à féconder plus aisément les œufs à leur 
sortie. 

Quelquefois les femelles sont délivrées, 
en peu d'heures , de tous les œufs qu’elles 
doivent pondre; d’autres fois elles ne 


s’en débarrassent que dans quarante-huit 


heures , et même quelquefois plus de 
temps : mais alors il arrive souvent que 


le mâle lassé, et peut-être épuisé de 


fatigue , perdant son amour avec ses 


desirs , abandonne sa femelle, qui ne 


pond plus que des œufs stériles. 

La couleur des raines varie après leur 
accouplement : elle est d’abord rousse, 
et devient grisâtie tachetée de roux; elle 
est ensuite bleue , et enfin verte. 

Ce n’est ordinairement qu'après deux 
mois que les Jeunes raines ont la forme 
qu’elles doivent conserver toute leur vie : 
mais dès qu’elles ont atteint teur dévelop- 
pement , et qu’elles peuvent sauter et 
bondir avec facilité, elles quittent les 
caux ct gagnent les bois. 

On fait vivre aisément la raine verte 


dans les maisons , en lui fournissant une 
27 0 


y 
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DT A PE FRANS RE Dig is 


818 HISTOIRE NATURELLE 


température et une nourriture conve: 1 
nables. Comme sa couleur vazie très-sou- 
vent, suivant l'âge, la saison et le cli- 
mat, et comme lorsque l'animal estmort, \ 
le verd du dessus de son corps se change | 
souvent en bleu, nous présumons que 
l'on doit regarder comme une variété de 
cette raine celle que M. Boddaert a dé- 
crite sous le nom de grenouille à deux 
couleurs. | 
Cette dernière raine faisoit partie de la. 
collection de M. Schlosser , et avoit été 
_ apportée de Guinée. Ses pieds n’étoient 
pas palmés ; ses doigts étoient garnis de 
pelotes visqueuses : elle en avoit quatre 
aux pieds de devant, et cinq aux pieds 
de derrière. La couleur du dessus de son. 
corps étoit bleue , et le jaune régnoit sur 
tout le dessous. Le museau étoit un peu 
- avancé; la tête plus large que le corps, 
ct la lèvre supérieure un peu fendue. 
On rencontre la raine verte en Europe, 
en Afrique et en Amérique. Mais, indé- 
pendamment de cette espèce, les pays 
étrangers offrent d'autres quadrupèdes 


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Re : LDES RAINES. NU 


ovipares sans queue, et avec des plaques 


_ visqueuses sous les doigts. Nous allons 


_ présenter les caractèges particuliers de ces 
diverses raines. 


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LA BOSSUE. 


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Ox trouve dans l'ile de Lemnos une 
raine qu'il est aisé de distinguer d'avec 
les autres , parce que sur son corps 
arrondi et plane s'élève une bosse bien 
sensible. Ses yeux sont saillans ; et les 
doigts de ses pieds , garnis de pelotes 
gluantes comme celles de la raine com- 
mune , sont en même témps réunis par 
une membrane. Elle est la proie des. 
serpens. Il paroît que cette espèce, qui 
appartient à l’ancien continent , se ren- 
contre aussi à Surinam ; mais elle y a . 
subi l'influence du climat, et y forme 
une variété distinguée par les taches que 
le dessus de son corps présente. 

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| RARES |R A ENE)S, 


LA BRUNE. 


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Crrrr raine , que M. Laurenti a le 
premier décrite, säns indiquer son pays 
natal, mais qui nous paroît devoir ap- 
parteuir à l'Europe , est distinguée d'avec 
les autres par sa couleur brune , et par 
des tubercules en quelque sorte déchi- 
quetés qu’elle a sous les pieds. 

La raine ou grenouille d’arbre dont 
parle Sloane sous le nom de raza arborea 
maxina, et qui habite la Jamaïque, 
pourroit bien être une variété de la 

“ brune; sa couleur est foncée comme celle 
_ de la brune. A la vérité, elle est tachetée 
de verd , et elle a de chaque côté du cou 
une espèce de sac ou de vessie conique ; 
mais les différences de cette raine qui vit 
en Amérique , avec la brune qui paroît 
habiter l'Europe, pourroient être rappor- 
tées à l’influence du climat , ou à celle 
de la saison des amours, qui , dans 
presque tous les animaux , rend plu- 
Siçurs parties beaucoup plus apparentes 


a 


1 " 


E LLE habite en Amérique : sa couleur 
est d’un blanc de neige ,.avec des taches 
d’un blanc moins éclatant; le bas-ventre 
présente des bandes d'une couleur cen- : 
drée pâle ; l'ouvérture..de. la gueule est 
très-grande. Une variété. de ceite espèce , 
au lieu d’avoir le dessus du corps d'un 
blanc de neige, l’a d'unccouleur blènÿtre ; 
un peu nlatahées 


LA FLUTEUSE 


e 
. à 
du \ 


À Fa 
sas d: 


Csrrs espèce a le corps d’un blanc 
de neige suivant M. Laurenti , de cou- 
leur jaune suivant Seba , et tacheté de 
rouge. Les pieds de derrière sont palmés, 
et le mâle , en coassant , fait enfler deux 
vessies qu'il a des déc côtés du cou, 

et que l’on a comparées à des flûtes. Shi | 
vant Seba , elle coasse mélodieusernent : 
mais je crois qu'il ne faut pas avoir 
l'oreille très-délicate pour se plaire à la 
mélodie de la füteuse. Cette raine se tait 
pendant les jours froids et pluvieux , et 
son cri annonce le beau temps ; elle est 
opposée en cela à la grenouille commune, 
dont le coassement est au contraire un 
indice de pluie. Mais la sécheresse ne doit 
pas agir également sur les animaux dans 
deux climats aussi différens que ceux de 
l’Europe et de l'Amérique méridionale. 
Le mäûle Ge la raine couleur-de-lait ne 


34 HISTO 
pourroit-il pas a 
qu'il n’enfléroit 
que dans ri s de ses amours , LÉ dès- 
me devroit-elle pas être 
“une variété dela couleur- 


PT A SE ER 
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| L E corps de cette raine est jaune , avec 
une teinte légère de roux, et son dos 
est comme circonscrit par une file de 

points roux plus ou moins foncés. Seba 
dit qu’elle ne diffère de la flûteuse que 
par le défaut des vessies de la gorge. Elle 
vit à Surinam. 

On rencontre au Bresil une raine dont 
le corps est d’un jaune tirant sur la cou- 
leur de l’or. Son dos est , à la vérité, pa- 

« naché de rouge , et on l’a vue d’une mai- 
Bereur si grande , qu’on en a tiré le nom 
de raine squelette qu'on lui a donné : mais 
les raines , ainsi que les grenouilles , sont 
sujettes à varier beau , par l’abon- 
dance ou le défaut Fr nt même 
dans un très-court espace de temps. Nous 
pensons donc que la raine squelette , vue 
dans d’autres momens que ceux où elle 
a été observée, n’auroit is pas 


LE I I. s, di 48 « 4 


| paru assez maigre 
_ différente de l'or . 
“une variété 
d’ autres cir | 


LA ROUGE. 


Ox» la trouve en Amérique ; elle a la 
tête grosse , l'ouverture de la gueule 
grande , et sa couleur est rouge. 

M. le comte de Buffon a fait men- 
tion , dans l’histoire des perroquets ap- 
pelés cricks, d’un petit quadrupède ovi- 

- pare sans queue de l'Amérique méridio- 
nale , dont se servent les Indiens pour 
donner aux plumes des perroquets une 
belle couleur rouge ou jaune ; ce qu'ils 

appellent tapirer. Is arrachent pour cela 
les plumes des jeunes cricks qu'ils ont 
enlevés dans leur nid; ils en frottent la 
place avec le sang de ce quadrupède ovi- 
pare ; les plumes qui renaissent après cette 
opération , au lieu d’être vertes , comme 
, auparavant , sont jaunes ou rouges. Ce 


quadrupède ovipare sans queue vit com- 


munément dans les bois. Il y a au Ca- 


binet du roi plusieurs individus de cette 


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_ (DES RAINES. 327 
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de Mitore D 
L'UDRR LR 


d après lesquels il < est aisé 2 voir qu'il e est 
du genre des raines , puisqu'il a des pla- 
ques visqueuses au bout des doigts ; ce qui 


s'accorde fort bien avec l'habitude qu a: 


a de. demeurer au ruilicn dés 


paroît que la couleur de cette raine tire 


sur le rouge ; elle présente sur le dos 
deux bandes longitudinales, irrégulières , 
d’un blanc jaunâtre , ôu même couleur 
d’or. Il me semble qu’ou doit regarder 
cette jolie et petite raine comme une 
variété de la rouge, ou peut-être de l’oran- 
gée. Combien les grenouilles , les cra- 
pauds et les raines ne varient-ils pas, 


suivaprt l’âge, le sexe , la saison et l’abon- 
dance ou la disette qu’ils éprouvent! La | 


raine à tapirer a ; comme la rouge, la » 


tête grosse en proportion du corps, et 
l'ouverture de la gueule est grande. 

Au reste, 1l est bon de remarquer que 
nous retrouvons sur les raines de l’Aimé- 


rique méridionale les belles couleurs que 


la Nature y a accordées aux grenouilles , 
et qu'elle y a prodiguées aussi avec tant 
de magnificence aux oiseaux, aux insectes 
et aux papillons. G 


Quadrupèdes ovipares sans queue, qué 


ont le corps ramassé et airondt. 


GBA AU: DS: 


LE CRAPAUD COMMUN *. 


D srvis long-temps l’opinion a flétri 
cet animal dégoûtant, dont l’approche 
révolte tous les sens. L'espèce d'horreur 
avec laquelle. on le découvre, est pro- 
duite même par l’image que le souvenir 
en retrace; beaucoup de gens ne se le 


représentent qu’en éprouvant une sorte 


de frémissement , et les personnes qui ont 


le tempérament foible et les nerfs déli- 


cats, ue peuvent en fixer l’idée sans 


* Bufo, en latin; oaë, en anglois. 
28 


339 HISTOIRE NATUREL 
croire sentir dans leurs veines le 
glacial que l’on a dit accompagner l’at- 
touchement du crapaud : tout en est vi- 
lain , jusqu’à son nom, qui est devenu le 
signe d’une basse difformité. On s’étonne 
toujours lorsqu'on le voit constituer une 
espèce constante , d'autant plus répandue 
que presque toutes les températures lui 


conviennent , et en quelque sorte d’au- 


tant plus durable que plusieurs espèces 
voisines se réunissent pour former avec 
lui une famille nombreuse. On est tenté 
de prendre cet animal informe pour un 
produit fortuit de l'humidité et de la 
pourriture, pour un de ces Jeux bizarres 


qui échappent à la Nature ; et on n’ima- 
gine pas comment cette mère commune, 


qui a réuni si souvent tant de belles pro- 
portions à tant de couleurs agréables , et 
qui même a donné aux grenouilles et aux 


_ froid 


raines une sorte de grace, de gentillesse 


et de parure , a pu imprimer au crapaud 
une forme si hideuse. Et que l’on ne croie 
pas que ce soit d’après des conventions 


arbitraires qu’on le regarde comme un 
des êtres les plus défavorablement traités : 


à sis RAR" M > PRE Ed Mu at 4 
&- "4 | | 
à 4 1 
7 


LE 
L 


DES CRAPAUDS.  33r 
il paroît vicié dans toutes ses parties. S'il 
a des pattes, elles n’élèvent pas son corps 
disproportionné au-dessus de la fange 
qu'il habite. S'il a des yeux, ce n’est 
point, en quelque sorte, pour recevoir 
une lumière qu'il fuit. Mangeant des 
herbes puantes ou vénéneuses, caché 
dans la vase, tapi sous des tas-de pierres, 
retiré dans des trous derocher, sale dans 
son habitation, dégoûtant par ses habi- 
tudes , difforme dans son corps, obscur 
dans ses couleurs, infect par son haleine, 
ne se soulevant qu'avec peine, ouvrant, 
lorsqu'on l’attaque , une gueule hideuse, 
n'ayant pour toute puissance qu’une 
grande résistance aux coups qui le frap- 
peut, que l’inertie de la matière , que 
l’opinmiâtreté d’un être stupide , n’em- 
ployant d'autre arme qu’une liqueur fé- 
tide qu’il lance, que paroît- il avoir de 
bon , si ce n’est de chercher, pour ainsi 
dire, à se dérober à tous les yeux, en 
fuyant la lumière du Jour ? 

Cet être ignoble occupe cependant une 
assez grande place dans le plan de la Na- 
ture : elle l’a répandu avec bien plus de 


Ci 


(u 
î 


3% HISTOIRE NATUREL 


profusion que beaucoup d'objets chéris. 


de sa complaisance maternelle. Il 7. 


qu’au physique, comme au moral, 


qui est le plus mauvais, est le plus feile 


à produire ; et, d'un ati côté, on diroit 


que la Nature a voulu, par ce frappant 
contraste, relever la beauté de ses autres 


ouvrages. Donnons done dans cette his- 


toire une place assez étendue à ces êtres : 


sur lesquels nous sommes forcés d’arrêter 


un moment l'attention : ne cherchons 
même pas à ménager la délicatesse; ne 
craignons pas de blesser les regards, 
tâchons de montrer le crapaud tel qu'il 
est. 


Son corps, arrondi et ramassé, a plutôt 


l'air d’un amas informe et pétri au ha- 
zard, que d’un corps organisé , arrangé 


avec ordre, et fait sur un modèle. Sa 
couleur est ordinairement d’un gris li- 


vide , tacheté de brun et de jaunâtre; 
quelquefois, au commencement du prin- 
temps, elle est d’un rouxsale, qui de- 


vient ensuite , tantôt presque noir, tantôt, 


-olivâire, et tantôt roussâtre. Il est encore 


enlaidi par un grand nombre de verrues 


! 


2 COR AO RÉ RNTE E à PLANTE Pr 
à 
S L | > j " Ê # 

*Ÿ = 


M'RORA SIC OR ACTA UD SM 3330! 
ou plutôt de pustules d’un verd noirâtre, 
ou d’un rouge clair. Une éminence très- 
* alongée , faite en forme de rein, molle et 

percée de plusieurs pores très-visibles, est 
placée au-dessus de chaque oreille. Le 
conduit auditif est fermé par une lame 
membraneuse. Une peau épaisse, dure, 
et très-diflicile à percer, couvre son dos 
applati ; son large ventre paroît toujours 
enflé ; ses pieds de devant sont très-peu 
alongés, et divisés en quatre doigts, tan- 
dis que ceux de derrière ont chacun six 
doigts réunis par une membrane *. Au 
lieu de se servir de cette large patte pour 
sauter avec agilité, il ne l’emploie qu'à 
comprimer la vase humide sur laquelle 
il -repose ; et au-devant de cette masse, 
qu'est-ce qu’on distingue? Une tête un 
peu plus grosse que le reste du corps, 
comme s’il manquoit quelque chose à sa 
difformité ; une grande gueule garnie de 
mâchoires raboteuses, mais sans dents ; 

des paupières gonflées, et des yeux assez 

gros , saillans, et qui révoltent par la co- 


* Le doigt intérieur est gros, mais très-court et 
peu sensible dans le squelette. 


\ 


334 HISTOIRE NATURELLE 


. Ière qui paroît souvent les animer. On est 


tout étonné qu'un animal qui ne semble 


pétri que d’une vile et froide boue, puisse 
sentir l’ardeur de la colère, comme si la 
Nature avoit permis ici aux extrêmes de 


se mêler, afin de réunir dans un seul être 


tout ce qui peut repousser l'intérêt. 1l 
s’irrite avec force pour peu qu’on le tou- 
che ; il se gonfle, et tâche d'employer 
ainsi Sa vaine puissance : 1l résiste long- 
temps aux poids avec lesquels on cherche 
à l’écraser ; et 1l faut que toutes ses parties 
et ses vaisseaux soient bien peu liés entre 
eux, puisqu'on a vu des crapauds qui, 
percés d’outre en outre avec un pieu, 


ont cependant vécu plusieurs Jours, étant 


fichés contre terre. | 

Tout se ressent de la grossièreté de lat- 
mosphère ordinairement répandue au- 
tour du crapaud , et de la disproportion 
de ses membres ; non seulement il ne 
peut point marcher, mais il ne saute qu'à 
une très-petite hauteur : lorsqu'il se sent 
pressé, il lance contre ceux qu'il pour- 
suit, les sucs fétides dont il est imbu ; il 
fait jaillir une liqueur limpide que l'on 


DES CRAPAUDS. 335 . 


dit être son urine, et qui, dans certaines 
circonstances, est plus ou moins nuisible. 
Il transpire de" tout son corps une humeur 
laiteuse , et 1l découle de sa bouche une 
bave qui peut infecter les herbes et les 
fruits sur lesquels il passe , de manière à 
incommoder ceux qui en mangent sans 
les laver. Cette bave et cette humeur tai- 
‘teuse peuvent être un venin plus où 
moins actif, ou un corrosif plus ou moins 
fort , suivaut la température, la saison, 
et la nourriture des crapauds, l'espèce de 

’animal sur lequel il agit , et la nature 
de la partie qu'il attaque. La trace du 
crapaud peut donc être, dans certaines 
circonstances , aussi funeste que son as- 
pect est dégoutant. Pourquoi donc laisser 
subsister un animal qui souille et la terre 
et les eaux, et même le regard ? Mais com- 
ment anéantir une espèce aussi féconde 
et répandue dans presque toutes les con- 
trées ? 


Le crapaud habite pour l'ordinaire dans 


Îes fossés, sur-tout dans ceux où une eau 
fétide croupit depuis long-temps; on le 
trouve dans les fumiers , dans les caves, 


; LS 4 


Re as 


RÉ 


36 


qui le blesse en choisissant de préférence 
les endroits ombra 


dans ru antres he ss des. forêts k: 
où il peut se dérober aisément à la clarté 


s, sombres, solitaires, | 
Le enfoncant sous les etsous | 
cu 


les tas de pierres : et combiende fois n’a- 


t-on pas été saisi d’une espèce d’h ur, 
lorsque , soulevant quelque, gros : aillows 
dans des bois humides, on a découvert 


‘un crapaud accroupi contre terre, ani-. 


mant ses gros yeux, et gonflant sa masse 
pustuleuse ? ji 
C’est dans ces divers asyles obsour 
qu il se tient renfermé pendant tout. 
jour, à moins que la pluie ne l'oblige. À 
en sortir. L 
Il y a des pays où les crapauds sont si 
fort répandus, comme auprès de Car-. 
thagène et de Porto - Bello en Amérique, | 
que nou seulement lorsqu'il pleut ils y! 
couvrent les terres humides ‘et maréca- 
. geuses, mais encore les rues, les jardins 
t les cours, et que les habitans de ces 
provinces de Carthagène et de Porto-Bello 
ont cru que chaque goutte de pluie étoit 
changée en crapaud, Ces animaux pré 


DES CR AP AUPS. rx, AOL 
sentent même, dans ces contrées du nou- 
veau monde, ün volume considérables; 
les moins grands ont six pouces de lon- #h, 
gueur. Si c’est pen nc 
pluie tombe, üls abandonnent presqu 
tous leur retraite, et alors ils tee 
se toucher sur ja surface de la terre, 
qu'on diroit qu'ils ont entièrement enva- 
hie. On ne peut sortir sans les fouler aux  : 
pieds, et on prétend même qu'ils y font 
des morsures d'autant plus dangereuses, 
_ qu'indépendamment de leur grosseur , ils 
Lot dit-on, très-venimeux. Il se pour- 
_roit en effet que l’ardeur de ces contrées, 
et la nourriture qu'ils y prennent, viciât 
encore davantage la nature de leurs hu- 


__ 


2 


meurs. 
Pendant l'hiver, les crapauds se réu- 
nissent plusieurs ensemble, dans les pays 
où la température devenant trop froide 
pour eux, les force à s’engourdir; ils” 
se ramassent dans le même trou, appa- 
remment pour augmenter et prolonger 
le peu de chaleur qui leur reste encore. 
_ C’est dans ce temps qu’on pourroit plus 
facilement les trouver, qu'ils ne pour- 
24 


338 HISTOIRE NATURELLE. 


roient fuir, et qu'il faudroit chercher à à. 


diminuer Héir nombre. 

Lorsque les crapauds sont réveillés de 
leur long assoupissement, ils choisissent 
la nuit pour errer et chercher leur nour- 
riture: ils vivent, comme les grenouilles, 
d'insectes, de vers, de scarabées, de 
limacons ; mais on dit qu'ils mangent 
aussi de la sauge, dont ils aiment l’ombre, 
et qu'ils sont sur-tout avides de ciguë, 
que l’on a quelquefois appelée le persil du 
crapaud. 

Lorsque les premiers Jours SP du 
printemps sont arrivés , on les entend 
vers le coucher du soleil, Jeter un cri 


assez doux : apparemment c’est leur cri 


d'amour ; et faut-il que des êtres aussi 
hideux en éprouvent l’inflüence, et qu'ils 
paroissent même le ressentir plus tôt que 
les autres quadrupèdes ovipares sans 


4 


queue ? Mais ne cessons jamais d’etre his- 


torien fidèle; ne négligeons rien de ce 
qui peut diminuer l'espèce d'horreur avec 


laquelle on voit ces animaux; et en 
rendant compte de la manière dont ils 


s'unissent, n’omettons aucun des soins 


ES FE" 


‘# 


à 
DES CRAPAUDS 339 
qu'ilsse donnent, et qui paroîtroient sup- 
poser en eux des attentions particulières de 
et une sorte d'affection pour leurs fe- 
melles. TU 

C'est en mars ou en avril que Îles cra- 
pauds s’accouplent : le plus souvent c’est 
dans l’eau que leur union a lieu, ainsi 
que celle des grenouilles et des raines. 
Mais le mâle saisit sa femelle souvent fort 
loin des ruisseaux ou des marais ; il se 
place sur son dos, l’embrasse étroite- 
ment , la serre avec force : la femelle, 
quoique surchargée du poids du mâle, 
est obligée quelquefois de le porter à des 
distances considérables ; mais ordinaire- 
ment elle ne laisse échapper aucun œuf 
que lorsqu’elle a rencontré l’eau. 

Ils sont accouplés pendant sept ou huit 
Jours, et même pendant plus de vingt, 
lorsque la saison ou le climat sont froids; 
ils coassent tous deux presque sans cesse, 
et le mâle fait souvent entendre une sorte 
de grognement assez fort , lorsqu'on veut 
l’arracher à sa femelle, ou lorsqu'il voit 
approcher quelque autre mâle, qu'il sem- 
ble regarder avec colère, et qu'il tâche 


CRD HUE 9e ML Qu TT 
Vie A AT de. Re 


34e HISTOIRE CNATUREËLE 


de repousser en alongeant ses pattes de” | 


derrière. Quelque Hlésairie qu'il éprouve, 

il ne la quitte pas: si on l’en sépare par 
force , il revient à elle dès qu’on le laisse 
libre , et il s'accouple dé nouveau , quoi- 
que privé de plusieurs membres , et tout. 
couvert de plaies sanglantes. Vers la fin 
de l’accouplement, la femelle pond ses 
œufs ; le mâle les ramasse quelquefois 
avec ses pattes de derrière, et les entraîne 
au-dessous de son anus, dontils paroissent 
sortir ; il les féconde et les repousse en- 


suite. Ces œufs sont renfermés dans une |: 


liqueur transparente , visqueuse, où ils 
forment comme deux cordons toujours 
attachés à l’anus de la femelle. Le mâle 
et la femelle montent alors à la surface 
dè l’eau pour respirer; au bout d’un quart 
d'heure ils s’enfoncent une seconde fois 
pour pondré ou féconder de nouveaux 
œufs ; et ils paroissent ainsi à la surface 
des marais, et disparoissent plusieurs 
fois. À chaque nouvelle ponte, les cor- 
dons qui renferment les œufs s’alongent 
de quelques pouces : il y a ordinairement 
neuf ou dix pontes. Lorsque tous les œufs 


1 Me ? NUE" © + Ÿ 

DES CRAPAUDS. 34 
sont sortis et fécondés , ce qui n'arrive 
souvent qu'après douze heures, les cor- 
dons se détachent ; ils ont Na quelque- 
fois plus de quarante pieds de long; les 
œufs , dont la couléur est noire , y sont 
rangés en deux files, et placés de ima- 
nière à eccuper le plus petit espace pos- 
sible : on a rencontré de ces œufs à sec 
dans le fond de bassins et de fossés dont 
l’eau s’étoit évaporée. ; 
Les crapauds craignent autant la lu- 

mière dans le moment de leurs plaisirs 
que dans les autres instans de leur vie : 
aussi n'est-ce qu'à la pointe du Jour, et 
même souvent pendant la nuit, qu'ils 
s'unissent à leurs femelles. Les besoins 
du mâle paroissent subsister quelquefois 
après que ceux de la femelle ont été sa- 
üsfaits , c’est-à-dire après la ponte des 
œufs. M. Roesel en a vu rester accouplés 
_ pendant plus d’un jour, quoique la fe- 
melle ni le mâle ne laissassent rien sortir 
de leur corps, et qu’en disséquant la 
femelle , il ait vu ses ovaires vides. On 
retrouve donc dans cette espèce la force 


tyrannique du mâle, qui n’attend pas, 
29 


342 HISTOIRE NATURELLE tin 


pour s'unir de nouveau à sa femelle ? 
qu'un besoin mutuel les rassemble- par 


la voix d’un amour commun, Mais qui 


la contraint à servir à ses Jouissances 


Cet \ n 
lors même que ses desirs ne sont plus : 


partagés ; et cet abus de la force qu'il 


peut exercer sur elle, ne paroît-1l pas 


exister aussi dans la mamière dont il s’en ! 


empare, pendant qu'ils sont encore éloi- 
snés du seul endroit où ses jouissances 
semblent pouvoir être communes à celle. 
qu'il s’est soumise ? Il se fait porter par 
elle, et commence ses plaisirs, pendant 
qu elle ne paroît ressentir encore L la 
peine de leur union. 

Nous devons cependant convenir ques 
dans la ponte , les mâles des crapauds se 
donnent quelquefois plus de soins que 
ceux des grenouilles, non seulement pour 
féconder les œufs, mais encore pour les 
faire sortir du corps de leurs femelles, 
lorsqu'elles ne peuvent pas se défaire 


seules de ce fardeau. On ne peut guère en : 


douter d’après les observations de M. De- 
mours sur un crapaud terrestre trouvé 
par cet académicien dans le Jardin du 


eds CAUS 


f \ 

DES CRAPAUDS. 343 
roi, surpris , troublé, sans être inter- 
rompu dans ses soins, et non seulement 
accouplé hors de l’eau, mais encore ai- 
dant avec ses pattes de derrière la sortie 
des œufs, que la femelle ne pouvoit pas 
faciliter par les divers mouvemens qu’elle 
exécute lorsqu'elle est dans l’eau ? 

Au reste, des œufs abandonnés à terre 
ne doivent pas éclore, à moins qu'ils ne 
tombent dans quelques endroits assez 
obscurs , assez couverts de vase , et assez 
pénétrés d'humidité, pour que les petits 
crapauds puissent s’y nourrir et s’ y déve- 
lopper *. 

Les cordons augmentent de volume en 
même temps et en même proportion que 
les œufs, qui, au bout de dix ou douze 


1 M. Laurenti a fait une espèce particulière du 
crapaud observé par M. Demours ; il lui a donné 
le nom de bufo obstreticans : mais nous ne voyons 
rien qui doive faire séparer cet animal du crapaud 
commun. | 

2 Les œufs des crapauds se développent, quoi- 
que la température de l’atmosphère ne soit qu’à 
six degrés au-dessus de zéro du thermomètre de 
Réaumur. 


44 HIS TOIRE RAM RTES Pr 


Jours, ont le déubleide: grosseur que lors 
de la ponte ; les globules renfermés dans 
ces œufs , et qui d’abord sont noirs d'un 
côté et blanchâtres de l’autre, se cou- 
vrent peu à peu de linéamens ; au éiX- 
septième ou dix-huitième jour on ap- 


perçoit le petit tétard ; deux ou trois 


jours après il se dégage de la matière 
visqueuse qui enveloppoit les œufs ; 4l 


s’eMorce alors de gagner la surface de 


l’eau , mais il retombe bientôt au fond; 
au bout de quelques Jours, il a de chaque 
côté du cou un organe qui a quelques 


rapports avec les ouïes des poissons , qui: 


est divisé en cinq ou six appendices fran- 
gées , et qui disparoît tout-à-fait le vingt- 


troisième ou le vingt-quatrième jour. IL: 


semble d’abord ne vivre que de la vase et 
des ordures qui nagenñt dans l’eau ; mais 


à mesure qu'il devient plus gros, il se 


nourrit de plantes aquatiques. Son déve- 


loppement se fait de la même manière 


que celui des jeunes grenouilles ; et lors- 
qu'il est entièrement formé, il sort de: 
l’eau , et va à terre chercher les endroits 
humides. î 


MES" CR AP AUDS. 345 
“Il en est des crapauds communs comme. 
des autres quadrupèdes ovipares: ils sont 
beaucoup plus grands et beaucoup plus 
venimeux à mesure qu'ils habitent des 
pays plus chauds et plus convenables à 
leur nature. Parmi les individus de cette 
espèce qui sont conservés au Cabinet du 
roi, il y en a un qui a quatre pouces et 
demi de longueur, depuis le museau jus- 
qu'à l’anus. On en trouve sur la côte d'Or 
d’une grosseur si prodigieuse , que lors- 
qu'ils sont en repos, on les prendroit 
pour des tortues de terre : ils y sont en- 
nemis mortels des serpens; Bosman a été. 
souvent le témoin des combats que se 
livrent ces animaux. Il doit être curieux 
de voir le contraste de la lourde masse du 
crapaud , qui se gonîle et s’agite pesam- 
ment, avec les mouvemens prestes et - 
rapides des serpens , lorsqu'irrités tous 
les deux, et leurs yeux en feu , l’un ré- 
siste par sa force et son inertie aux ef- 
forts que son ennemi fait pour l’étouffer 
-au milieu des replis-de son corps tor- 
 tueux , et que tous deux cherchent à se 
donner la mort par POUF MIOrSUreS ct 


AR A Ji 


leur venin fétide , ou leurs liqueurs 6 cor- 


rosives, 
Ce n’est qu’au bout de quatre ans que 
le crapaud est en état de se reproduire. 


\ 3 
\ 


“ll 


0 
Ur 


On a prétendu que sa vie ordinaire n'é- » 


toit que de quinze ou seize ans : mais sur 
quoi l’a-t-on fondé ? avoit-on suivi avec 


soin le même crapaud dans ses retraites ‘ 
écartées ? avoit-on recueilli un assez 


grand nombre d'observations ; pour re- 
connoître la durée ordinaire ds la vie des 
| crapauds, indépendamment de tout acei- 
dent et du défaut de nourriture ? 

Nous avons au contraire un fait bien 
constaté, par lequel il est prouvé qu’un 


crapaud a vécu plus de trente-six ans : | 


mais la manière dont il a passé sa \ope ms 
vie va bien étonner; elle prouve Jusqu'à 


quel point la domesticité peut influer sur | 
quelque animal que ce soit, et sur-tout, 
sur les êtres dont la nature est plus sus-\ 


ceptible d'altération , et dans lesquels des 


ressorts moins compliqués peuvent plus. 


aisément , sans se rompre ou se désunir, 


} LÉ \ 
être pliés dans de nouveaux sens. Ce 
crapaud a vécu presque toujours dans. 


EPST 2 : ' PR 
x | Sort 


HESICRA PAUMDES, Sy 
une maison où il a été, pour ainsi dire, 
élevé et apprivoisé. Iln’y avoit pas acquis, 
sans doute, cette sorte d'affection que 
l'on remarque dans quelques espèces d’a- 
nimaux domestiques, et qui étoit trop 
incompatible avec son organisation et 
ses mœurs ; mais il y étoit devenu fami- 
lier. La lumière des bougies avoit été pen- 
dant long-temps pour lui le signal du 

moment où il alloit recevoir sa nourri- 
ture : aussi non seulement 1l la voyoit 
sans crainte, mais mêmeul la recherchoit. 
Il étoit déja très-gros lorsqu'il futremarqué 
pour la première fois ; 1l habitoit sous un 
escalier qui étoit devant la porte de la 
maison ; il paroissoit tous les soirs au 
moment où 1l appercevoit de la lumière, 
et levoit les yeux comme s’il eût attendu 
qu'on le prît et qu'on le portât sur une 
table, où il trouvoit des insectes, des 
cloportes , et sur-tout de petits vers qu'il 
préféroit peut-être à cause-de leur agita- 
tion continuelle ; il fixoit les yeux sur sa 
proie ; tout d’un coup il lançoit sa langue 
avec rapidité, et les insectes ou les vers 
‘y demeuroient attachés, à cause de l'hu- 


348 HISTOIRE NATURELLE 


meur visqueuse dont l'extrémité de cette. 


langue étoit enduite. 
Comme on ne lui avoit jamais fait de 
mal, il ne s'irritoit point lorsqu'on le 


touchoit ; il devint l’objet d’une curio- ! 


sité générale, et les dames même deman- 
dèrent à voir le crapaud familier. 1 

Il vécut plus de trente-six ans dans cette 
espèce de domesticité ; et 1l auroit vécu 
plus de temps peut-être, si un corbeau 
apprivoisé comme lui ne l’eût attaqué à 


l'entrée de son trou , et ne lui eût crevé. 


un œil , malgré tous les efforts qu'on fit. 
pour le sauver. Il ne put plus attraper sa . 
proie avec la même fâcilité , parce qu'il | 


ne pouvoit Juger avec la même justesse 


de sa véritable place : aussi périt-il 


langueur au bout d’un an. 

Les différens faits itelioir vés relativement 
à ce crapaud pendant sa domesticité , 
prouvent peut-être qu’on à exagéré la 


sorte de méchanceté et les goûts sales de 
son espèce. On pourroit dire cependant . 


que ce crapaud habitoit l'Angleterre ,.et 
par conséquent à une latitude assez éle- 
vée pour que toutes ses mauvaises habi 


t EUR 
DES CR A PA UDS 34 
tudes fussent tempérées par le froid. D’ail- 
leurs trente-six ans de domesticité, de sû- 
reté et d’abondance, peuvent bien chan- 
ger les inclinations d’un annual tel que 
le crapaud , le naturel des quadrupèdes 
ovipares paroissant, pour ainsi dire, plus 
flexible que celui des animaux mieux 
organisés. Que l’on croie tout au plus 
qu'avec moins de dangers à courir, et 
une nourriture d’une qualité particu- 
lière, l'espèce du crapaud pourroit être 
perfectionnée comme tant d’autres es- 
pèces. Mais ne faudra-t-il pas toujours 
reconnoître dans les individus dont la 
Nature seule aura pris soin , les vices de 
conformation et OR ES qu’on leur a 
attribués ? 

Comme l’art de hic peut rendre 
presque tout utile, puisqu'il change 
quelquefois en médicamens salutaires 
les poisons les plus funestes, on s’est: 
servi des crapauds en médecine ; on les 
y a employés de plusieurs manières ct 
contre plusieurs maux. 

On trouve plusieurs observations, d’a- 


près lesquelles il paroïîtroit , au preinier 


30 


4 


350 HISTOIRE NATURELLE VU 
-coup d'œil , qu’ un pes a pu se dé: 

velopper in vivre pendant un nombre 
prodigieux d'années dans le creux d’un. 
arbre ou d’un bloc de pierre, sans aucuné 
communication avec l'air extérieur. Mais, 
on ne l’a pensé ainsi que parce qu'on, 
n’avoit pas bien examiné l’arbre ou la 
pierre, avant de trouver le crapaud dans 
leurs cavités. Cette opinion ne peut pas. 
être admise ; mais cependant on doit re< 
garder comme très- sûr qu'un crapaud. 
peut vivre très-long-temps , et même jus- 
qu'à dix-huit mois, sans prendre aucune 
nourriture , en quelque sorte sans respi- 
rer, et toujours renfermé dans des boîtes! 
scellées exactement. Les expériences de 
M. Hérissant le mettent hors de doute ; et, 
ceci est une nouvelle confirmation de ce! 
que nous avons dit dans notre premier 
discours touchant la nature des quadru- 
pèdes ovipares. 

Voyons maintenant les caractères qui, 
distinguent les crapauds différens du.cra* 
paud commun, tant en Europe que dans. 
des pays étr ameélé: il n’est presque aucune. 
latitude où Ja Nature n'ait Ft pronos ces. 


Te SP ; 
DES 'CRAPAUPDS 35 

HERO PAL L Là ï 
êtres hideux, dont il semble qu’elle n'a 
diversifié les espèces que par de nouvelles 
difformités , comme si elle avoit voulu 
qu'il ne manquât aucun trait de laideur 


\ 


à ce genre disgracié. 


LE VERD. 


« 


O« trouve auprès de Vienne, dans les 


cavités des rochers où dans les fentes 


obscures des murailles, un crapaud d’un 


blanc livide, dont le dessus du corps est, 


marqueté de taches vertes légèrement 
ponctuées , entourées d’une ligne noire, 
et, le plus souvent, réunies plusieurs en- 
semble. Tout son corps est parsemé de 


} 
1 


verrues , excepté le devant dela gueule 


et les extrémités des pieds ; elles sont li- 
vides sur le ventre , vertes sur les taches 
vertes , et rouges sur les intervalles qui 
séparent ces taches. 

Il paroît que les liqueurs corrosives 
que répand ce crapaud , peuvent être 
plus nuisibles que celles du crapaud 


commun :sa respiration est accompagnée 
d’un gonflement de la gueule. Dans la co- 


lère, ses yeux étincellent ; et son corps, 
enduit d’une humeur visqueuse , répand 


%e 


Le 
à, 


tu 1 
! 
: 1 


| 14e) LARGE SRE DRE de MN A ie 
… dédiiei. ire, 


DES CRAPAUDS. 395: 


une odeur fétide , semblable à Celle de la 

_morelle des ques (solanum nigrum), 
mais beaucoup plus forte. Il tourne tou- 
jours en dedans ses deux pieds de devant. 
Cemme il habite le même pays que le 
crapaud commun, on ne peut décider 
que d’après plusieurs observations si les 
différences qu’il présente, quant à ses 
couleurs , à la disposition de ses Ver rues , 
etc. doivent établir entre cet animal et 
le crapaud commun une diversité d’es- 
pèce ou une simple variété plus ou moins 
constante. Suivant M. Pallas , le crapaud 
verd , qu'il nomme ana silibunda , se 
trouve en assez grand nombre aux envi- 
rons de la mer Caspienne. 


= 


LE RAYON-VERD. 


] 


Nous placons à la suite du verd ce 
crapaud , qui pourroit bien n’en être 
qu’une variété. Il est couleur de chair ; 
son caractère distinctif est de présenter 


des lignes vertes, disposées en rayons. Il. 


a été trouvé en Saxe. 


Nous invitons les naturalistes qui ha- 


bitent l'Allemagne , à rechercher si l’on. 
ne doit pas rapporter au rayon-verd, 


comme une variété plus ou moins dis- 


tincte, le crapaud trouvé en Saxe, parmi | 


des pierres, par M. Schreber, et que 
M. Pallas a fait connoître sous le nom de 
grenouille changeante. 

Ce crapaud est de la grandeur de le 


grenouille commune; sa tête est arrondie; 
sa bouche sans dents; sa langue épaisse” 
et charnue ; les paupières supérieures. 


sont à peine sensibles ; le dessus du corps 


est parsemé de verrues. Les pieds de de-" 


DES CRAPAUDS. 35 
vant ont quatre doigts ; ceux de derrière 
en ont cinq, réunis par une membrane. 

M. Edler , de Lubeck , a découvert que 
ce crapaud changelsouvent de couleur, 
ainsi que le caméléon et quelques autres 
lézards; ce qui établit un nouveau rap- 
port entre les divers genres des quadru- 
pèdes ovipares. Lorsque ce crapaud est en 
mouvement, sa couleur est blanche, par- 
semée de taches d’un beau verd, et ses 
verrues paroissent Jaunes. Lorsqu'il est en 
repos , la couleur verte des taches se 
change en un cendré plus ou moins foncé. 
Le fond blanc de sa couleur devient aussi 
cendré lorsqu'on le touche et qu'on lin- 
quiète. Si on l’expose aux rayons du so- 
leil dont il fuit la lumière, la beauté de 
ses couleurs disparoît , et il ne présente 
plus qu’une teinte uniforme et cendrée. 
Un crapaud de la même espèce, trouvé 
engourdi par M. Schreber, présentoït 
entre les taches vertes une couleur de 
chair semblable à celle du rayon-verd. 


SA A APNEX APTE PERS OPEN MP ASES 
SG # pen RATE OMAN: Ÿ 
TE We VE 
6: Pas et 


* { 


356 HISTOIRE NATURELBE 


LUE : BR UN 0e 


» 


ut 
C £ crapaud a la peau lisse, sans aucune 


verrue , et marquetée de grandes taches 
brunes qui se touchent : les plus larges 


et les plus foncées sont sur Le dos, au mi- 
lieu et le long duquel s'étend une petite 


bande plus claire. Les yeux sont remar- 
quables en ce que la fente que laisse la 
paupière en se contractant , est située 
verticalement au lieu de l’être transver- 


salement. Sous la plante des pieds de der- : 
rière qui sont palmés , on remarque un 


faux ongle qui a la dureté de la corne. La 
femelle est distinguée du mâle par les 
taches qu’elle a sous Le ventre. 

Ce crapaud se trouve plus fréquem- 


ment dans les marais qu’au milieu des: 


terres. Lorsqu'il est en colère , il exhale 


« 


une odeur fétide semblable à celle de. 


l'ail , ou de la poudre à canon qui brüle; 


et cette odeur est assez forte pour faire 


pleurer, ; \ 


DES CRAPAUDS 357: 
Dans l’accouplement , le mâle paroît 
prendre des soins particuliers pour facili- 
ter la ponte des œufs de la femelle. Roesel 
soupconne qu'il est venimeux; et ÂActius 
et Gesner assurent mêfme qu'il peut don- 
ner la mort , soit par son souffle empoi- 
_ sonné lorsqu'on l’approche de trop près, 
soit lorsqu'on mange des herbes impré- 
- guées de son venin. Sans doute l’assertion 
de Gesner et d’Actius peut être exagérée : 
mais il restera toujours aux crapauds , et 
sur-tout au crapaud brun, assez de qua- 
lités malfaisantes pour justifier l’aversion 
qu'ils inspirent. 

11 paroît que c’est le crapaud brun que 
M. Pallas a nommé ana ridibunda ( gre- 
nouille rieude }, qui se trouve en grand 
nombre aux environs de la mer Cas- 
pienne , et dont le coassement , entendu 
de loin, imite un peu le bruit que l’on 
fait en riant. | 


[AE qe 


558 HISTOIRE NATUR 


ELLE 


LE CALAMITE. 


\ 
C'rsr encore un crapaud d'Europe qui 
a beaucoup de ressemblance avec le cra- 
paud brun, mais qui en diffère cependant 
assez pour constituer une espèce distincte. 
Il a le corps un peu étroit. Ses couleurs 
sont très-diversifiées : son dos, qui est 
olivâtre, présente trois raies longitudi-. 
nales , dont celle du milieu est couleur … 
de soufre , et les deux des côtés, ondulées 
et dentelées, sont d’un rouge clair, mélé. 
d'un jaune plus foncé vers les parties in- 
férieures ; les côtés du ventre , les quatre” 
pattes et le tour de la gueule, sont mar- ; 
quetés de plusieurs taches inégales et oli= 
vâtres. | - 
Voilà la disposition générale des cou=# 
leurs de la peau, sur laquelle s'élèvent” 
des pustules brunes sur le dos, rouges” 
vers les côtés, d’un rouge pâle près des” 
oreilles, et d’une couleur de chair écla=s 


-Léi NE Or , (2 ds 

En | 5 

DES CRAPAUDS. 359 

tante vers les angles de la bouche, où 
elles sont groupées. 

L'extrémité des doigts est noirâtre, et 
garnied'une peau dure comme dela ne, 
qui tient lieu d'ongle à l'animal. Au-des- 
sous de la plante des pieds de devant se 
trouvent deux espèces d'os ou de faux 
ongles, dont le calamite peut se servir 
pour s’accrocher : les doigts des pif de 
derrière sont séparés. 

Le calamite se tient, pendant le jour, 
dans les fentes de la terre et dans les ca- 
vités des murailles. Au lieu d’être réduit 
à ne se mouvoir que par sauts, comme les 
autres quadrupèdes ovipares sans queue, 
il grimpe, quoiqu’avec peine, et en s’ar- 
rétant souvent. À l’aide de ses faux ongles 
et de ses doigts séparés, 1lmonte quelque- 
fois le long des murs, jusqu’à la hauteur 
de quelques pieds, pour gagner sa re- 
traite. 

On ne trouve pas ordinairement les 
calamites seuls dans leurs trous ; ils y 
sont rassemblés et ramassés au nombre 
de dix ou douze. C’est la nuit qu'ils sortent 
de leur asyle , et qu’ils vont chercher leur 


360 LS D DR ATUR ET Ée 


nourriture. Pour éloigner leurs ennemis , 
ils font suinter au travers de leur peau 

une liqueur dont l'odeur , semblable à 
celle de la poudre CHA RAM Le est encore 
plus forte. 

Au mois de) juin , ceux qui ont atteint 
l’âge de trois ans, et à peu près leur entier 
accroissement , se rassemblent pour s’ac- 
coupler sur le bord des marais remplis de 
jones, où ils font entendre un coassement 
retentissant et singulier. On pourroit pen- 
ser que les habitudes particulières de ces 
crapauds influent sur la nature de leurs 
humeurs, et empêchent qu'ils ne soient | 
venimeux; cependant Roesel a présumé 
le contraire , parce que, suivant lui, les 
cigognes , qui sont fort avides de gre- 
nouilles , n’attaquent point les calamites. 


12 SEE, LORS 
à | L ‘ | 
1 


DES ECRAPAUDS ‘ 36 


Ed 


_ 


LE COULEUR-DE-FEUY*. 
gr. | | 


M. Laurenti a découvert ce crapaud sur 
les bords du Danube. C’est un des plus 
petits. Son dos, d’une couleur olivâtre 
très-foncée , est tacheté d’un noir sale ; 
mais le ventre , la gueule , les pattes et la 
plante des pieds, sont d’un blanc bleuâtre, 
tacheté d’un beau vermillon , et c’est de 
Îà que lui vient son nom. Toute la surface 
de son corps est parsemée de petites ver- 
rues. Quand il est exposé au soleil, sa 
prunelle prend une figure parfaitement 
triangulaire , dont le contour est doré. 
Cette espèce est très-nombreuse dans les 
marais du Danube. Une variété de ce 
crapaud a le ventre noir, tacheté et ponc- 
tué de blanc. | 

On trouve le couleur-de-feu à terre pen- 
dant l’automne. Lorsqu'on l’approche et 


* Feuer krote , en allemand. 
Ovipares, II. 51 


362 HISTOIRE NATURELLE 
. qu'il est près de l’eau, il s’y élance avec 
légéreté, ainsi aus: les gre enouilles ; 5 Mais 


s'il mi 


cher. Dès qu’on le touche , sa tête & 
tracte et se jette en arrière; si on le tour- 
mente , il exhale une odeur fétide , cet 
répand par l’anus une sorte d'écume. bi 
coassement, qu'il fait entendre sans enfler 
sa gorge, est une sorte de grognement. 
sourd et entrecoupé, qui quelquefois se 
prolonge et ressemble un peu, suivant 
M. Laurenti, à la voix d’une personne 
qui rit. , k 

Les œufs, hors du corps de la femelle ; 
sont Hapisofs par pelotons , ainsi que ceux 
des grenouilles , au lieu d'être rangés par 
files, comme les œufs du crapaud com- 
mun. Et ce qu’il y a de remarquable dans” 
les habitudes de ce petit animal, qui 
semble faire , à certains égards, lanuance 
entre les crapauds et les grenouilles , c'est, 
qu’au lieu de craindre la lumière , il $e 
plaît, sur le bord de l’eau, à s’imbiber des 
rayons du soleil. Il ne paroît pas, d’après 
les expériences de M. Laurenti, que.les* 


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ni ; : Le 4 our 4% : t 


DES CRAPAUDS 36 


- humeurs du couleur-de-feu aient d'autre 


propriété nuisible que celle FAP QUE 
certains petits animaux , tels que les lé- 
zards gris. qui sont très- senviDless à toute 
sorte de venin, ainsi que nous l’avons 


déja Fr AE | | 


à 4% 


x t \ 


PE PUSTULEUN 


Ox trouve dans les Indes ce crapaud, 
remarquable par ses doigts garnis detu- 
bercules semblables à des épines, et par 
les vésicules ou pustules qui le couvrent. 
Sa couleur est d'un roux cendré ; elle est 
plus claire sur les côtés et sur le ventre, 
où elle est tachetée de roux. Il a quatre 
doigts séparés aux pieds de devant, et 
cinq doigts palmés aux pieds de airière. A 


DES CRAPAUDS. 365 


+ 


LE GOITREUX 


Sox corps arrondi est d’une couleur 
rousse. Son dos est sillonné par trois rides 
longitudinales ; son bas - ventre paroît 
enflé; et cet animal est sur-tout distingué 
par un gonflement considérable à la gorge. 
Les deux doigts extérieurs de ses pieds 
de devant sont réunis. Il habite dans les 


Indes. 
4 


+ 


#1 


366 HISTOIRE NATURELLE 1 


Ki ne 


LE B'OSS U. 


La tête de ce crapaud est très-petite , 
__‘  obtuse et enfoncée dans la poitrine. Son. 
Re corps ridé, mais sans verrues, est très 
” convexe. Sa couleur est nébuleuse ; son 
dos présente une bande longitudinale un 
_ peu pâle et dentelée. Tous ses doigts sont 
séparés les uns des autres : il en a x 4 | 
aux pieds de devant , et six aux pie 
derrière. On le trouve dans les Indes 
orientales , ainsi qu’en Afrique. L'indi- 
vidu que nous avons décrit a été apRostee 
du FHEnsEN au Cabinet du roi. | 


LE BOSSU, 


3 dl 
2LEB5 CANNELE, 


« 


DES CRAPAUDS 367. 


BR PREMIER NS 


D: tous les crapauds de l'Amérique mé- 
ridionale , l’un des plus remarquables est 
le pipa. ke mâle et la femelle sont assez 
différens l’un de l’autre, tant par la Brant 
deur que par coton: pour qu’on 
les regarde, au premier coup d’œil, comme 
deux espèces très-distinctes. Aussi, au 
lieu de décrire l'espèce en général, croyons- 
nous devoir parler séparément a mâle ct 
de la femelle. 

Le mâle a quatre doigts séparés aux 
pieds de devant, et cinq doigts palmés 
aux pieds de dérmiete, Chaque doigt des 
pieds de devant est fendu à l'extrémité 
en quatre petites parties. On a peine à 
distinguer le corps d’avec la tête. L’ou- 
verture de la gueule est très-grande ; les 
yeux, placés au-dessus de la tête, sont 


* Cururu, dans l'Amérique méridionale. 


A ad Là. Lite: re À 
\ pee St 


368 HISTOIRE NATURELLE 


très-petits et assez distans l’un de l’autre. 


_ La tête et le corps sont très-applatis. La 
couleur générale en est olivâtre, plus ou 
moins claire, et semée de très - petites 
taches rousses ou rougeâtres. 

La femelle diffère du mâle, en ce qu’elle 


est beaucoup plus grande. Elle a égale- 2 
ment la tête et le corpsapplatis ; mais la. 
tête est triangulaire, et plus large à la 


base que la partie antérieure du corps. 
Les yeux sont très-petits et très-distans 
l'un de l’autre, ainsi que dans le mâle. 
Elle a de même cinq doigts palmés aux 
pieds de derrière , et quatre doigts divisés 
aux pieds de dépéuts mais chacoh de ces 
quatre doigts est fendu à l'extrémité en 
quatre petites parties plus sensibles que 
dans le mâle. Son corps est communé- 
ment hérissé par-tout de très-petites ver- 


rues. L’'individu femelle qui est conservé 


au Cabinet du roi, a cinq pouces quatre 
lignes de longueur; depuis le bent du 
museau jusqu’ à l'anus. 

Ce qui rend sur-tout remarquable ce 
grand crapaud de Surinam, c’est la 
manière dont les fœtus de cet animal 


LL 


| 


DES CRAPAUDS. 369 


croissent , se développent et éclosent. Les 
petits du pipa ne sont point conçus sous 
la peau du dos de leur mère, ainsi que 
Pa pensé mademoiselle de Mérian, à qui. 
nous devons les premières observations 
sur cet animal; mais, lorsque les œufs 
ont été pondus par la femelle et fécon- 
dés par le mâle de la même manière 
que dans tous les crapauds , le mâle, au 
lieu de les disperser , les ramasse avec ses 
pattes , les pousse sous son ventre, etles 
étend sur le dos de la femelle, où ils se 
collent. La liqueur fécondante du mâle 
fait enfler la peau et tous les tésumens 
du dos de la femelle, qui forment alors 
autour des œufs des sortes de cellules. 

Les œufs cependant grossissent , et doi- 
vent éprouver, par la chaleur du corps de 
la mère , un développement plus rapide 
en proportion que dans les autres espèces 
de crapauds. Les petits éclosent, etsortent : 
ensuite de leurs cellules , après avoir passé . 
en quelque sorte par l’état de tétard; car 
ils ont, dans les premiers temps de leur 
développement , une queue qu'ils n’ont 


plus quand ils sont prêts à quitter leurs 
cellules. 


RE RS ANTON EEE sui 67 qe Nue E 
370 HISTOIRE NATURELLE 

_ Lorsqu'ils ont abandonné le dos de leur 
mère , celle-ci, en se frottant contre des. 
pierres ou des végétaux , se dépouille des 
portions de cellules qui restent encore, et 
de sa propre peau , qui tombe alors en 
partie pour se renouveler. 

Mais la Nature n’a Jamais présenté de. 
phénomènes isolés ; l'expression d’ex/raor- 
dinaire ou de singulier n’est point absolue, 
mais seulement relative à nos connois- 
sances , et elle ne désigne en général qu’un 
degré plus ou moins grand dans une pro- 
priété déja existante ailleurs : aussi la 
manière dont les petits du pipa se déve- 
loppent, n’est point, à la rigueur, parti- 
culière à cette espèce; on en remarque 
une assez semblable, même parmi les 
quadrupèdes vivipares, puisque les petits 
du sarigue ou opossum ne prennent, 
pendant quelque temps , leur accroisse- 
ment que dans une espèce de poche que 
la femelle a sous le ventre. 

Au reste, il paroît que la chair de ce 
crapaud n’est pas malfaisante ; et, sui- 
vant le rapport de mademoiselle de Mé- 
rian, les nègres en mangent avec plaisir. 


s 


. oi 


DES CRAPAUDS. - 31 


| 


LE CORNU. 


|! 


Cz crapaud, que l'on trouve en Amé- - 
rique, est l’un des plus hideux: sa tête est 
presque aussi grande que la moitié de 
son corps; l’ouverture de sa gueule est 
énorme, sa langue épaisse et large; ses 
paupières ont la forme d’un côue aigu, 
ce qui le fait paroître armé de cornes . 
dans lesquelles ses yeux seroient placés 
Lorsqu'il est adulte, son aspect est af- 
freux ; il a le dos et iles cuisses hérissés 
d’épines. Le fond de sa couleur est jau- 
nâtre ; des raies brunes sont placées en 
long sur le dos, eten travers sur les pattes 
et sur les doigts. Une large bande blan- 
châtre s'étend depuis la tête jusqu’à l’a- 
nus. À l’origine de cette bande, on voit 
de chaque côté une petite tache ronde et 
noire. Ce vilain animal a quatre doigts 
séparés aux pieds de devant, et cinq 
. doigts réunis par une membrane aux 


L 


352 HISTOIRE NATURE LE 
pieds de derrière. SHivént Seb, la selle | 
diffère du mâle, en ce que csrdoigies sotit 
tous séparés les uns des ki ete premier 
doigt des quatre pieds étant d’ailleurs 
écarté des autres dans la femelle , donne 
à ces pieds une ressemblance LAMAEESIE 
avec une véritable main , réveille unè 
idée de monstruosité, et ajoute à l’hor- 
reur avec laquelle on “bi voir cette hi- 
‘deuse femelle. Rien en effet ne révolte 
-plus que de rencontrer au milieu de la 
diflormité quelques traits des objets que 

l'on regarde comme les plus parfaits. 


M à pp à RER di de ARE à 
“È x dE : f 


DES CRAPAUDS 373. 


LL 


L’ A G U A. 


Cr grand crapaud , que l’on appelle au 
Bresil aguaquaquar, et dont le dessus du 
corps est couvert de petites éminences , 
est d’un gris cendré semé de taches rous- 
sâtres, presque couleur de feu. Il a quatre 
doigts séparés aux pieds de devant, et 
cinq doigts palmés aux pieds de derrière. 
L'on conserve au Cabinet du roi un in- 
dividu de cette espèce, qui a sept pouces 
quatre lignes de longueur, depuis le bout 
du museau jusqu’à l’anus. 


x 


A Et | MES VE) à j 4 "a AR LA ex, | ! 
ù FR (PERSAN ENS Le 
374 HISTOIRE NATURELLE 


HET 


LE MARBRÉ.. 


Cr animal ressemble un peu à l’agua. 
Il a, comme ce dernier, quatre doigts di- 
visés aux pieds de devant, et cinq doigts 
palmés aux pieds de derrière ; mais il pa- 
roît être communément beaucoup plus 
“petit. D'ailleurs le dessus du corps est 
marbré de rouge et d’un jaune cendré, 
et le ventre est jaune, moucheté de noir, 


L 


PT TRS ARE TA \ 


de nr LÉ. 5“ 


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t k 
DES CRAPAUDS 37 


LE CRIAR D. 


L>r criard , que l’on trouve à Surinam, 
est un des plus gros crapauds. Sa peau 
est mouchetée de livide et de brun, et 
parsemée de verrues. Les épaules cou- 
vertes de points saillans, de même que le 
ventre , sont relevées en bosse , et percées 
d’une multitude de petits trous. Il est aisé 
de le distinguer du marbré et du pipa 
que l'on trouve aussi à Surinam, parce 
qu'il a cinq doigts à chaque pied; les 
doigts des pieds de devant sont séparés, 
et ceux des pieds de derrière à demi pal- 
més. Il habite les eaux douces, où il ne 
cesse de faire entendre son coassement 
désagréable ; c’est ce qui l’a fait appeler Ze 
musicien par M. Linné : mais le nom de 
criard que lui a donné M. Daubenton, con- 
vient bien mieux à un animal dont la 
voix rauque et discordante ne peut que: 


Ne Te AR ES NUE, AIN TPE 
pe ik PAT SCT PANINY 
*” Fe PRE EE 


ht 6 HISTOIRE N: 


troubler les: concerts harmonieux [ 
silence paisible de la Nature, et q 
peut faire entendre qu’un coassement 
aussi désagréable pour l'oreille que son 
aspect l’est pour les yeux. 


= 
. | as. > 
RE Te 


D ns 


ER) Satan: + cer 


2 
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de on. È 


PR ONE ER 05 CAT PM AS 
Ee > D : 4 \dwe” 
4 L [A 


2 


À 


APRES BIPÈDES. 


e 


Nous avons vu le seps et le chalcide se 
rapprocher de l’ordre des serpens par 
l’alongement de leur corps et la briéveté 
de leurs pattes : nous allons maintenant 
Jeter les yeux sur un genre de reptiles 
_ qui réunit encore de plus près les serpens 
et les lézards. Nous ne le comprenons pas 
parmi les quadrupèdes ovipares , puisque 
le caractère distinctif de ce genre est de 
n'avoir que deux pieds : mais nous le 
placons entre ces quadrupèdes et les ser- 
pens. Les reptiles qui le composent dif- 
fèrent des premiers , en ce qu'ils n’ont 
que deux pattes au lieu d’en avoir quatre; 
et ils sont distingués des seconds par ces 
deux pieds qui manquent à tous les ser- 
pens. Il seroit d’ailleurs fort aisé de les 
confondre avec ces derniers, auxquels ils 
ressemblent par l’alongement du corps , 
les proportions de la tête et la forme des 


écailles. 
” 


ÿ 14 RAR À ROIS NON PERTE DT EL OR RER TANT LR TA 
ee NOURRI ER OT NON 
NL ae DE AA et N 


378 HISTOIRE NATURELLE. 

L'on a douté pendant long-temp 
l'existence de ces animaux ; et en. | 
tous ceux que l’on a voulu jusqu’à pré- 
sent regarder comme des reptiles bipèdes, 
étoient des seps ou des chalcides qui 
avoient perdu , par quelque accident ; 
leurs pattes de devant ou celles de der- 
rière ; la cicatrice étoit sensible ; et ils 
présentoient d’ailleurs tous les caractères 
des seps ou des chalcides : ou bien c'é- 
toient des serpens mâles que l’on avoit 
tués dans la saison de leurs amours, lors- 
qu’au moment d'aller s'unir à leurs fe- 
melles , ils font sortir par leur anus leur 
double partie sexuelle, dont les deux 
portions s’écartent l’une de l’autre, et, 
étant garnies d’aspérités assez semblables 
à des écailles , peuvent être prises, au 
premier coup d'œil, pour des pattes im- 
parfaites. On nous a souvent envoyé de 
ces serpens tués peu de temps avant leur 
accouplement , et qu’on regardoit comme 
des serpens à deux pieds , taudis qu'ils ne 
différoient des autres qu’en ce que leurs 
parties sexuelles étoient gonflées et à dé 
couvert. C’est parmi ces serpens surpris 


ta TOUS 7 % ART \ CARE ke : LU Te 


® __ DES REPTILES BIPÈDES. 39 


dans leurs amours , que nous croyons de- 
voir comprendre celui que M. Linné a 
placé dans le genre des anguis, etiqu'il 
a nommé azguis bipède. | 
On doit encore rapporter les prétendus 
reptiles bipèdes dont on a fait mention 
jusqu'à présent, à des larves plus ou 
moins développées de grenouilles, de 
raines , de crapauds et même de sala- 
mandres , tous ces quadrupèdes ovipares 
, ne présentant souvent que deux pattes 
dans les premiers temps de leur accrois- 
sement. Tel est, par exemple, l'animal 
que M. Linné a cru devoir placer non 
seulement dans un genre, mais même 
dans un ordre particulier, et qu'il a ap- 
pelé sirene lacertine. Il avoit été envoyé 
de Charles-town , par M. le docteur Gar- 
den , à M. Ellis : il avoit été pris à la Ca- 
roline, où on doit le trouver assez fré-* 
quemment , puisque les habitans du pays 
lui ont donné un nom ; ils l'appellent 
mud inguana. On le trouve communé- 
ment sur le bord des étangs , et dans des 
endroits marécageux , parmi les arbres 
tombés de vétusté , etc. Nous avons 


4 


bé, *: 


tion que M. Ellis en a données dns el 
Transactions philosophiques ; et nous n’a- 
vons pas douté un seul moment que so 
animal , bien loin de constituer un ordre 
Ne ne fût une larve; il a les ca- 
ractères généraux d'un animal imparfait, 
et d’ailleurs il a les caractères particuliers 
que nous avons trouvés dans les sala- 
mandres à queue plate. A la vérité, cette 
larve avoit trente-un pouces de longueur: 
elle étoit par conséquent beaucoup plus 
grande qu'aucune larve connue; et c’est 
ce qui a empêché M. Linné de la regar-. 
der comme un animal non encore déve- 
loppé. Mais ne doit-on pas présumer que 
mous ne connoissons pas tous les quadru- 
pèdes ovipares de l'Amérique septentrio- 
male, et qu’on n’a pas encore décou- 
vert l’espèce à laquelle appartient cette 
grande larve? Peut-être l’animal dans 
1equel elle se métamorphose , vit-il dans 
Veau de manière à n'être appercu que 
très-dificilement. Cette larve, envoyée à 
M. Ellis, manquoit de pieds de derrière ; 
ceux de deyant n’avoient que quatre 


. NE, AREEN , : UN ARE 


; (ie. 
“ 


| 
* DES REPTILES BIPÈDES. 38x 
doigts , ainsi que dans nos salamandres 
| ue: les ongles étoient très-petits ; 
les os des mâchoires crénelés et sans dents; 
il y avoit des espèces de bandes au-dessus 
et au-dessous de la queue ; et de chaque 
côté du cou étoient trois protubérances 
frangées , assez semblables à celles qui 
partent également des deux côtés du cou, 
dans les salamandres à queue plate. | 
Mais si jusqu’à présent les divers ani- 
maux que l’on a considérés comme de 
! vrais reptiles bipèdes, doivent être rap- 
portés à des espèces de quadrupèdes ovi- 
pares, ou de serpens , nous, allons don- 
ner, dans l’article suivant, la descrip- 
tion d’un animal qui n’a que deux pieds, 
que l’on doit regarder cependant comme 
entièrement développé, et qu'il ne faut 
compter , par conséquent , ni parmi les 
serpens , ni parmi les quadrupèdes ovi- 
pares. Nous traiterons ensuite d’un autre 
bipède qui doit être compris dans le 
même genre, et que M. Pallas a fait 
connoître. 


382 HISTOIRE RATURELLE 


BIPÉDES 


Qui manquent de pattes de derrière. 


LE. CA N NET 


N ous nommons ainsi un bipède qui n’a . 
encore été décrit par aucun naturaliste 
et dont aucun voyageur n’a fait mention. 
Il a été trouvé au Mexique par M. Vélas- 
quès , savant Espagnol , qui l’a remis, 
pour nous l'envoyer, à M. Polony , habile 
médecin de Saint-Domingue ; et c’est 
madame la vicomtesse de Fontanges , 1 
commandante de cette île, qui à bien 
voulu l’apporter elle-même en France, « 
avec un soin que l’on ne se seroit pas 
attendu à trouver dans la beauté, pour 


+, 7 r | à nn : k 
LS . e : L ‘ 


| >: 


DES REPTILES BIPÈDES. 383 
un réptile plus Pre à l'effrayer qu'à 
ph plaire. | 

Ce bipède est entièrement privé de 
pattes de derrière. Avec quelque soin° 
que nous l’ayons examiné , nous n’avons 
appercu dans tout son corps aucune 
| cicatrice , aucune marque qui pût faire 

soupconner que l'animal eût éprouvé 
- quelque accident, et perdu quelqu'un de 
ses membres. Il a beaucoup de rapports, 
par $a conformation générale, avec le 
: lézard que nous avons nommé chalcide ; 
- les écailles dont il est revêtu , sont égale- 
ment disposées en anneaux: mais il diffère 
du chalcide , non seülement en ce qu'il 
n’a que deux pattes, mais encore en ce 
qu'il a la queue très-courte , au lieu que 
ce dernier lézard l’a très-longue, en pro- 
portion du corps. Il est tout couvert d’é- 
cailles , presque quarrées , et disposées en 
demi-anneaux sur le dos, ainsi que sur 
le ventre ; ces demi-anneaux se corres- 
pondent de manière que les extrémités 
des demi-anneaux supérieurs aboutissent 
à la ligne qui sépare les demi-anneaux 
inférieurs. C’est par cette disposition qu'il 


384. HISTOIRE NATURELE 


_ anneaux inférieurs , présente, de chaque 


dite encore des chalcides , Abu Le À 
écailles forment des anneaux entiers au à 
tour du corps. La ligne où se réunissent 
les demi-anneaux supérieurs et les demi-. 


côté et le long du corps, une espèce. 
de sillon qui s'étend depuis la tête jusqu'à” 
l'anus. La queue , au lieu d’être couverte | 
de demi-anneaux, ainsi que le corps, est, 
garnie d'ébhoaue entiers, coRaposÉs., de 
petites écailles de même forme et de même 
grandeur que celles des demi-annerux. . 
L'assemblage de ces écailles forme ee 
grand nombre de stries longitudinales ; 
réunion des anneaux produit aussi M 
très-grand nombre de cannelures trans- | 
versales ; et c’est de là que nous avot n$ à 
tiré le nom de cannelé que nous donnons | L 
au bipède du Mexique. Nous avons compté | à 
cent cinquante demi-anneaux sur le ven-* : 
tre de cet animal, et trente-un anneaux. 
sur sa queue , qui est grosse et arron Miel 
| 


à l’extrémité. La longueur totale de cet 
individu est de-huit pouces six lignes 
celle de la queue., d’un pouce ; et son“ 
diamètre , dans sa plus grande grosseur , 


DES REPTILES BIPÈDES. 385 
est de quatre lignes. La tête a trois lignes 
e longueur ; elle est arrondie par-de- 
nt, et on a peine à la distinguer du 
Dons. Le dessus en est couvert d’une 
grandeécaille ; le museau est garni de trois 
écailles plus aa que celles des an- 
neaux, et dont les deux extérieures pré- 
sentent chacune un très-petit trou, qui 
est l'ouverture des narines. La mâchoire 
inférieure est aussi bordée d’écailles un 
peu plus grandes que celles des anneaux ; 
les dents sont très-petites ; les yeux à 
peine visibles et sans paupières : Je n'ai 
u remarquer aucune apparence de trous 
ditifs. Les pattes , qui ont quatre lignes 
longueur , sont recouvertes de petites 
écailles , semblables à celles du corps, 
et disposées en anneaux ; il y a, à chaque 
pied, quatre doigts bien séparés, garnis 
d’ongles longs et crochus ; et à côté du 
doigt extérieur de chaque pied, on apper- 
mme le commencement d’un cin- 
quième doigt. Nous n’avons pu remar- 
quer aucun indice de pattes de derrière , 
ainsi que nous l’avons dit; aucun anneau 
du corps ni de la queue n’est interrompu, 
33 


366 HISTOIRE NATUR! 


et rien n'indique que l'animal ait é prouvé 
quelque accident , ou recu la plus légère. 
blessure. L'ouvéibuté de l'anus s'étend 
transversalement ; et sur son bofd supé- 
rieur , nous avons compté six tubercul 
péscés à leur extrémité , et entièrement : 
semblables à ceux que nous avons vus sur 
la face intérieure des cuisses de Rs pr 
du lézard verd , du gecko, etc. 

La à a du bipède cannelé étant aussi 
grosse à son extrémité que la tête de 
cet animal , il a beaucoup de rapports, 
par sa conformation générale , avec les 
serpens que M. Linné à nommés amphis=v 
bènes, dont les écailles sont par 
disposées en anneaux, les yeux très-peu. 
visibles , la tête et le bout de la queue. 
presque de la même grosseur , et qui. 
manquent aussi de trous auditifs. C’est 
parmi ce genre d’ amphisbènes qu'il fau- 
droit placer le cannelé s ‘1h n’avoit point. 
deux pattes ; et c’est particulièrement 
avec ce genre qu’il lie l’ordre des quadru- 
pèdes ovipares. Comme cet animal a été. 
envoyé au Cabinet du roi dans du taña ,. 
nous n’ayons pu juger de sa couleur na“, 


À \ VA À 1 à) 


<h "Lu ILES BIPÈDES. 387 


F 
mais s NOUS nt PRENRE de “elle 


ro à en très-grand nombre 
$ Mexique , et quelles sont ses habi- 
| tudes mais nous pensons, d’après sa 
_ conformation , assez semblable à celle des 


_ seps et des chlcides : que son allure et. 


sa manière de vivre Frs ressembler 
beaucoup à celles de ces derniers lézards. 


she vi Dé de bd DE de à ra nl 
208 miérone à NAT 


SECONDE DIWI 


l4 


LE SHELTOPUSIK.. 


Nous donnons ici une notice d'un re 24 
tle à deux pattes, dont M. Pallas a parlé à 
le premier. Nous lui conservons le nom 
de skeltopusik que lui donnent les habi- 
tans des contrées qu’il habite, quoiqu'ils 
appliquent aussi ce nom à une véritable 
espèce de serpent, parce qu'il ne peut 
avoir aucune équivoque relativement à 


deux animaux d'ordres ou du moins de . 
genres différens. On le trouve auprès du 
Wolga, dans le désert sablonneux de Na- À 
ryR, ainsi qu'aux environs de Zerequm, 
| 4 


| h ia 
3 à 
& # 


s du Kv Lie. Il demeure de pr éféreuce 
ns ès vall J ss otbt agéés, et où l'herbe 
croît en abondance. Il se cache parmi les 


1 risseaux 


ét Fat dès qu’on l'approche, 
it la guerre aux petits lézards, et par- 
ërement aux lézards gris. Sa tête est 
grande , plus épaisse que le corps ; le mu- 
seauest obtus ; les bords de la gueule sont | 
revêtus écailles un peu plus grandes 
que celles qui les touchent ; les mâchoires 
garnies de petites dents, et les narines 
bien ouvertes. Le sheltopusik a deux pau- 
pières mobiles et des ouvertures pour les 
. oreilles , semblables à celles des lézards. 
| Le dessus dé la tête est couvert de grandes 
écailles ; celles qui garnissent le corps et 
: la queue, tant dessus que dessous , sont 
un peu festonnées et placées les unes au- 
dessus des autres, comme les tuiles sur 
les toits. De chaque côté du corps s'étend 
e espèce de ride ou de sillon longitudi- 
ù * à l'extrémité de chacun de ces sillons 
et auprès de l’anus, on voit un très- petit 
pied, couvert de quatre écailles, et dont 
le bout se partage en deux sortes de doigts 
un peu aîgus. La queue est beaucoup plus 


35 


du de est nue 
_ de trois Re et sa coule | 


que M. Pallas a Ds avec om, 


de soin. 

L J- | cie pouces. “lignes. % 
* Longueur depuis le bout du ei 

museau jusqu’à l’anus....... 7 6 Un 
Longueur de la queue......... 2 4 15 
Longueur de la tête, depuis le 

museau jusqu'aux trous au- F d 

dufsl La Re Eee NS Fi "6 
Circonférence de la tête à sa base » 3 10 
Circonférence du corps au-devant dy. 

De Pad ot TOR CSA NS » 3 vi 
Circonférence de la queue à son ë 

SARA LP 6 RAR » 3 k 

» 2 


ns des pieds.....,... 


Lo 


CLASSIS PRIMA. 


Quadrupedes ovipari Nr 
FRA # 


GENUS PRIMUM. 
EEE S TU DO. 
Corpus testé obiectum. 

DIVISIO PRIM A. 


Pedibus pinni-formibus ; digitis valde 
inæqualibus et elongatis. 


SPECIES. CHARACTERES. 
TEsrupo na AA a aculis plantarum 
VULGARIS. solitariis. 
TEesTuDo ar 1 testæ superioris vi= 
VIRIDI-SQUAMOSA.U xidibus. 


j 


Ra | Le : L'AE CA pi ui 
TEsTupo  fNaso en instar COr- 
‘NASICORNIS. 


nu elevato. Mes 
- CARETTA.  Squamis disci imbricatis. 


nie Testâ coriaceà , lon itudina- | 
L'rmaAi.. long 
+ 1 liter quinque-angulatä. | 


DIVISIO SECUNDA. 


Digitis brevioribus et nr 


SP ECIES. CHARACTERES. 
Testi superiore nigrâ, scu- | 
TESTUDO APE UE EE 
tellis striatis in medio 
LUTARIA. 


punctatis. | 


TESTUDO Testà superiore plamiusculà 
ORBICULARIS.{ et orbiculari. k 


LL 


Testà superiore planinseulé 
et ovatà. 


TERRAPEN. 


Caudä longitudine testæ su 
perioris posticè acutè quin- 
que-dentatæ. 


TESTUDO 
SERPENTINA. 


MET 
SPECIES. 


TESTUDO 


SUBRUBRA. | 
fonoros 


ns: + 
A e AW = 24 e e 
#* Testà superiore tribus lineis 
.. Jongitudinahibus elevatà 
A TESTUDO | EU nr 
, ” quinque scutellis medi 


SCORPIOIDES. 0 
| dorsi elongatis, iestà in- 


feriore ovatà. 


.… fTestâ superiore viridi, flavo 
TESTUDO FLAVA.9 à 
maculatä. 
Testâ superiore plicatili abs- 


TESTUDO OLLIS- É 
que scutellis. 


Testä superiore valde eari- 
natà, margimibus latissi- 
TESTUDO GRÆCA. 2 Ce is à 
| mis , digiis membranä 


coopertiss 


TE STUD oO Scutellis centro flavis flavo- 


._GEOMETRICA. 


LÀ 


que radiatis. 


Scutellis albescentibus ni- 
groque fasciatis, in medio- 
que dorsi valde elevatis ; 
testà inferiore anticè den= 
ticulatä. 


TESTULO SCABRA\ 


4 


| denticulatä. 


L4 


nat, scu’ellis subviridik 
flavoque lineatis ; testà ie | 
feriore ovatà. 


TEsTrupo 


Test superiore valde carie. | 
CARI FA AT A» - 


— UN 


Sénielle nigro , oi pur= 
TEsTupo 

| AE subviridi 7 
MINIATA. 


” gite 4 446 V0 


M 

T'està superiore anticè emar= 
ginatà ; scutellis striatis 
in medioque punctatis. 


TESTUDO 
BREVICAUDATA. 


Trscubd 
| PUNCTATA. 


p 
TEsTuDO L 


Di sco oss60 panctatoquee 


Colore subrufo, testä supe- 
riore depressä, scutellis 


tenuibus. qu 0 1 
M LL 


Colore subnigro, scutellis | 
crassis valdeque levibus. 


SUB RU F A. 


TESTUDO 
SUBNIGRA. 


METHODICA. 305 
GENUS SECUNDUM. 
LACERTUS. 


Corpus absque esta. 
DIVISIO PRI MA. 


Caudé compressä, pedibus anterioribus 
quinque-digitatis. | 
SPECIES. -  CHARACTERES. 
-Pedibus posterioribus qua- 
CROCODILUS. { tuor-digitatis palmatisque, 
colore viridi luteo. 


tuor-dicitatis palmatisque 
NIGER. ENT E ds 
colore D19rO+ 


Pedibus osterioribus qua- 
CROCODILÜS { % L 


tuor-digitatis palmatisque, 
maudibulis coarctatis et 
elongatis. 


Pedibus posterioribus qua= 
GAYIAL. 
.. ü 
| Pedibus posterioribus quin= 
Caureveasens, f 
que-digitatis palmatisque, 
à LA 
Las posterioribus quin- 
ue : que - digitatis fissisque 


squatmis erectis suprèà QUE 
dar, 


396 “syNop SES il 
ie . A F4 
SPECIES. MEN, CHARACTERES. < 
(Pedibus fissis uarmis s Ua 
T UPINAM BIS. : squ 4 
mulis circurr dauisi % 
Squamis suprà oculos et ab 
LACERTUS | 
à occipile ad extremitatens 
SUPERCILIOSUS- | 
| caudæ erectis. 5 


LACERTUS CAPITE. Capitis parie superiore ps 
BIFURCATUS. bifurcata. 


Merbbtans infrà collum , 


LACERTUS. re Lu ET 
Re | ” digitorum articulis-penul- 
LATE DIGITATUS.N ©. :. . ; 
; x Eole à latioribus. 
Lacerrus  fSuprà humeros binis nigris- 
BIMACULATUS. que’ maculis. 
{Duabus striis suprà dorsum, 
“LACERTUS |} lateribus plicatis ,» caudâ 
SU LCATUS. . ‘suprà duplici carinâ angu= 


lati. 1 4 


So.) jo sd + L- dut ATK 
CR 3 ja F je 
« û » 


\ 


METHODICA 309 


DAMES 9 SECUNDA. 


| Caudé D 4 pedibus ana hisser, | 


dorso squamis erectis Cristato. 


DS 

SPECIES  CHARACTERES. 
PTE Sacco gulari dentato, squa= 
IGUANA inis à capite ad extrenu- 


_ tatem corporis erectis. 


BaAsiLiscus  Saca suprà caput ereclo. 


r embranâ squamisque 


suprà ah erectis. 


LACERTUS té 
CRISTATUS. 


Squamis circà aurium aper- 
turas et ab occipite ad me- 


CALOTES.  dium dorsi erectis; un- 
guium parte superiore ni= 
" grd. | 


Squamis suprà partem ante- 
riorem dorsi erectis, OC= 


"ge L cipitisque Teversise 


% sb: 


+ | 


Ov'pares, TE. 54 


RL ON 1 AVE 
D dE à 
LA Hu 1 ju” £ 


TE Le 


398 ua SYNOPSIS 


DIVISIO TERTIA 


Caudé rotundé, pedibus anlerioribts he 


que-digilatis, semiannulis squarnosis infrà 
cor pus. 


SPECIES. CHARACTERES. 
LACERTUS Colore. cinereo > squamis 
CINEREUS. | majoribus infrà collum. 
LACERTUS Le. + viridi, squamis ma. 

VIRIDIS. _joribus infrà collum. : 

é Lori ‘caudam squamis in 

LACERTUS spinas desinentibus annu- 
CORDYLUS. losque latos et denticulatos 

componen Hibusa 37 ; 


LACERTUS 


HEXAGONUS*. CaudA sex-angulata.  . 


AMEIVA. absque-squamis “4j018S | 18 


infrà collum. 


{i cinereo aie viridi ; 


Tribus lineis albis M 
LACERTUS LEO. que nigris ab utroque Ja- 


tere dorsi. 


* Hexagonum à me non visum semiannulos squamosos 
anfrà corpus habere præsumo : si hisce annulis caret, post 
teguixin in quarta divisione inscribendus erit. ; 


{Qué % Hi ïf | : 
METHODICA. 399. 


SPECIES. CHARACTERES. 
À septem usque ad undecim 
LACERTUS lineis albescentubus suprà 
LEMNISCATUS.) dorsum, femoribus albo 
| punclalis. 


DIVISIO QUARTA. 


Caudé rotundé, pedibus antérioribus quin- 
que-digitatis, absque semiannulis squa- 
MOSIS , 

ny 
SPECIES. CHARACTERES. 
Digitis ternis et binis mem- 
CHAMÆLEO. k 
branà coadunatis. 


LACERTUS Quinque lineis subflavis su- 


CAUDA-CYANEUS prà dorsum, caudâ cya- 


ne. 
LACERTUS Squamis acutis, dorso azu- 
A LER EUS. reo. 


y Colore cineraceo, subrufo 
LACERTUS 


punctalo ; verrucis suprà 
CINERACEUS, 


dorsum. 


| <: 10h otre calloso, plicà au 
Jari. 


* Descriptiones auctorum indicant lacertos çaudä-cyaneum, 


y 


400. PE 
Mort A0 ne 

Duplici plicâ gulari , : “binis 

| verrucis SpInosis circà au- 
rium aperturas, à 


LACERTUS 
PLICATUS. 


LE 4h, 
Quatuor hneis flavis suprà 


A LGIRA. 
dorsum. 


Tuberculis acutis suprà in. 
fràque corpus, caudà an- 
STELLIO. d PER TER 
puljs squamosis denticu- 
latisque circumdatài. 
Squamis imbricatis , PARTS 
SCINCUS. { 


bulo superiore longiore. 


Squamis imbricatis, mandi- 
MABoOUYA. bulis æqualibus , caudâ 
corpore breviore. 


Squamis imbricatis,  linei- 


LACERTUS albescente ab utroque la- 
AURATUS, } tere dorsi, caudà corpore 
longiore, 


Corpore rotundato murica- 


TAPAYA. { 


toque. . ‘hu 
LACERTUS, fSex lineis flavis suprà caput 
STRIATUS. et quinque suprà dorsum. 


azureum , cineraceum , umbram , plicatumque, à me non 
visos, Semiannulis squamosis infrà ventrem carere :-si hos 
semiannulos squamosos haberent, in tertia divisione an+ 
numerandi essent, postque lacertum lemniscatum insçris 
bendio 


METHODICA (Fr 


SPECIES.! CHARACTERES. 
Sqaumulis erectis infrà col- 
LACERTUS lum, ungulum dorso ni- 
MARMORATUS. | gro, caudâ novem-angu- 
bre. 


Colore xeramphelino flavo 
submigroque maculato , 


RoqQuer. membranulâ ab utroque 
Jlatere ultimi digitorun 
articul. 

LAcERTUS re viridi , vesiculà rubrâ 


COLLO-RUBE 1 infrà collum. 


Colore cinereo fusco varie 


. LAGCERTUS gato, vesiculâ granulis sub- 
STRUMOSUS. rubris conspersà infrà col- 
lum. 


TEGUIXIN. Lateribus valde plicatis. 


LACERTUS PAT caudæ triangu« 
TRIANGULARIS. lat. 
Lu. lineis subflavis, sex 
LACERTUS que subnigrorum punc- 
BI-LINEATUS. torum ordinibus suprà 
dorsum. | 


Verrucis squamosis infrà 
SPUTATOR, ulumum digitorum are 


culum. 
354 


" Ÿ 


402 SYNOPSIS. La 


; 


DIVISTO QUINTANT 0 
Squarnis majoribus imbricatis infrà digitos. 
SPECIES. CHARACTERES. 

*Femorum superficie infe- 
riore verrucosâ , caudà 
GECKO. squamulis lemniscos cir- 


Pé 


culares componentibus 
tectà. 


Femorum superficie infe- 


GECKOTUS. | vi 
riore absque tubercüulis. 


Capitis corporisque superfñ” 
LACERTUS cie inferiori planâ, ab, 
ÆCAPITE-PLANUS. utroque latere caudæe mem: 
branû horizontali. 


DIVISIO SENTE 
Pedibus ter-digitatis. 


SPECIES. CHARACTERES. 
SEPS. Squamis imbricatis. 


Squamis annulos compo 


CHALCIDES. « À 
on | nentibus. 


t 


METHODICA. 403 
DIVISIO SÉRLIMS. 


Alis FA SRE ECHO EN 


SPECIES. CHARACTERES. 
. fSaccis trinis elongatisaue 
DrAcO. EL dr 
infrà colluin. 


DIVISIO OCTA VA. 


Pedibus anterioribus ter aut quatuor poste- 
rioribusque quatuor aut quinque-digitatis. 


SPECIES. CHARACTERES. 
SAL AMANDRA Caudâ rotundâ, maculis fla- 
TERRESTRIS. vis nigroque punctatis. 
SAL A M A NDRA Suprà infràque caudam nmiem- 

CAUDA-PLANA, branâ verticali. 


PUN CT AT A. punctato. 


VEN NDRA 


QUATUOR- 


SALAMANDR gr duplici serie albo 

{Dors lineis quatuor flavis. 

Ungwbus incurvatis, majo- 

SARROUBE. E ribusque squamis anfrà 
digitos imbricatis. 


Pedibus anterioribus ter-di- 
2 ir | ÿ 


italis osterioribusque 
TER-DIGITATA è n 1€ { 


qua tUOF« 
[ 


CLASSIS SE FCUNDA. 


Quadrupedes ovipari écaudlati, 


GENUS PRIMU M. 


R A N A. 


Capui corpusque elongata unum au a lie- 
zum angulosum. 


SPECIES. : CHARACTERES. 
Colore viridi, tribus lineis 
RANA VULGARIS.<  flavis suprà dorsum, EX= 
teroribus elevatis. 


Colore rufo, maculà nigrâ 
RANARUFA. ab utroque latere oculos 
inter et pedes anteriores. 


. \ 
Verrucis suprà dorsum, ano 


RANA PLUVIALIS. 
sublus punctalo. 


Colore mgro, punctis ele- 
RANA SONANS.4 valis suprà dorsum, plicà 
transyersali infrà collumm. 


va 


1.7 SR Me D AN 2h 
? My 1 
PS 


Li 


METHODI C A. " 405 
SPECIES. CHARACTÈRES. 
RANA La AA 
NT ame ateribus marginatis. 
RANA Corpore venuloso, pedibus os 
RETICULARIS. fissis. 
Pedibus anterioribus poste=. 


rioribusque palmatis. 


RANA PALMATA. { 


| Suprà humeros sculo  car- 
RANA P 
noso, quatuor verrucis ad 


ŒHUMERIS ARMATA, 
anum. 


Tuberculis infrà singulos | 


RANA BOANS. er i 
digitoruin articulos 


Capite triangulari, granulis 


RANA GEMMATA. 
| subrubris suprà dorsum: 


Colore subviridi maculato, ! 
JACKIE, femoribus posticè et obli- 
què siriatis. : 
Quatuor aut quinque lineis 
lougitudinalibus elevatiss 
que suprà dorsum, 


RANA 
LEMN1scAT A.) 


No SYNOPSIS "1 
CENUS SECUNDUM | 


té HY LA. 
du: Corpus ue | VETTUCŒ viscosæ Pure 
M SPECIES. CHARACTERES. 


HyYLaA VIRIDIS 
SEU VULGARIS, 


flavis margineque violaceïs 
à capite ad pedes poste= 
riores protensis. 

HyLA GIBBosA. Gibbo suprà dorsum. 


nf viridi, duabus lineis 


Coloré fusco, pedibus infrà | 


HyYLA FUusCA. sk 1 
VErTuUCOSISe. 


Colore albo seu PO Cae = 

HYÿLA LACTEA. a | ruleo, abdomine cinereo : 
 fasciato, 

Maculis rubris suprà ab 


HYLA TIBIATRIX. 
£UITLe 


H y L A 
AURANTIACA. 


dorsi rubro ahquando Va=. 
riévall , sæpius ruforum 
punciorum serie distincto. 
Colore rubro , aliquando. 


duabus lineis flavis suprà 


HYLA RUBRA. 
dorsum, 


F flavo ; utroque latere 


| METHODICA. 407 

GENUS TERTIUM. 
BUFO. 

Corpus dourerdtiae el rotundatum + | 


SPECIES.  ! CHARACTERES.. 
Tuberculo reniformi ab utro: 
Buro VULGARI “| que latere ponè auris aper- 
türams 


à Mn. Maculis viridibus nigro mar- 
‘| ginatis PURE 
BUFO VIRI sn fu 


RADIATUS. Lineis viridibus radiatiss 


ONE + 

| Cutélehi, maculis maximis 
Burc FUSCUS.{ fustis, tuberculo calloso 
Imfrà pedes posteriores. 


Tribus lineïs flavis aut sub- 
rubris longi tudinalibusque 
suprà dorsum , tuberculis 


caliosis binis infrà pedes 
anleriores. - 


CALAMITA. 


Dorso olivaceo DsRque ma- 


Bvuro IGNICOLOR. J 
culato, 


408. ; SYNOPSIS | 
SPECIES. ya CHA RACTEES, id 
p Tuberculis spinokis suprë 


digitos 3 pustulis suprè 
dorsum. * 


-BUFO 
PUSTUÜLOSUS. 


Jugulo prominulo : duobus 


Buro } digius ‘exterioribus pedum . 
STRUMOSUS. anteriorum , membranâ 
Ar ; ( 


= .çFascià longitudinali pallidà 
Buro GrBBosus: 2 et denticulatà suprà dor= 
sum gibbosum. 


Capite compresso latissimo- 
Pr? A. À 


que, oculis minimis eb. 
valde distantibus, | 
À Palpebris supe riornibus im 


ORNUTUS. FAR: 
Buro c ne modum coni elevatis. 


fDorso cinereo et rufo Dhs 
AGUA. 


r ubroque maculato. 


Bic 


marmoralo; ventre flavo, 
MARMOR res US. 


macülis migris. 


ME rubro subflavoque- 


Dorso fusco maculato, bus 

_meris elevatis porosisque, * 

Buro CLAMOSUS. . pedibus anterioribus pose | ; 
terioribusque eu à 

gitntiss 


4 [Es 


METHODICA. 4% 
- REPTILIA BIPEDA. 
2 En " 
t DIVISId PRIMA. 


Pedibus anterioribus. 


SPECIES. CHARACTERES. 
| Squamis dorsi abdominis- 
BtTro que semannulos , squamis 
CANALICULATUS. à caudæ annulos imtesr 
| ‘componentibus. 


-DI VISIO SECUNDA. 


Pedibus posterioribus. 


SPECIES. 1 GHARAËTEREE 

_fSulco longitudinal ab utro- 

: que latere dorsi, aperturâ 

SHELTOPUSIK. _aunium magnâ , caudæ 

à | longitudine corporis lon- 
gitudini.saltem æquali, 


Qt 


Ovipares, TI, 


EXPLICATIONS 
DE QUELQUES PLANCHE 


DES DEUX VOLUMES, 


Ne 


LA TORTUE FRANCHE: 

Lx dessin a été fait d'après une très-jeune tortue; 
irès-bien conservée, à laquelle on a supposé une 
longueur de six pieds, pour donner une idée de 
la grandeur de l'animal adulte, dont la tête est 
moins grosec en proportion du corps que dans la 
figure, et dont le disque présente communément 
une ou deux écailles de plus que celui des très- 
jeunes ioriues, 


LA TORTUE ROUSSATRE.. 


La tortue est représentée sans queue, parce que 
cette partie n’avoit pas été conservée dans l'indi- 
ridu que nous avons fait dessiner. 


L'AMÉI VA. 


On a représenté à part le dessous de la tête et. 


L 


= 4 A j Es à ir: 
d’une partie du corps, pour montrer le défaut de 
ndes écailles au-dessous du cou. 


4 


PE SPUTATEUX.. 

On peut voir dans cette planche la figure du lé= 
zard envoyé de Saint-Eustache avec le sputateur, et 
que nous regardons comme une variété de cette 
espèce. + | 


LE éECKO: 

On a représenté à part le dessous des cuissess 
de l’origine de la queue et des pieds, ainsi que la 
partie antérieure de la langue.,  - 


L 


LA TÊTE-PLATE.. 


Ona représenté un des pieds de devant du lézard, 
dont on à montré aussi la tête de face. 


LE SE P"S. 


On a dessiné un troncon de seps vu par-dessus, 
- pour montrer la disposition des couleurs que pré- 
sente Le dos. 


L4 


Fin du tome second. 


’ da: 


Les LÉZARDS 


| rh. division. Lézards dont la queue est 
ronde, qui ont cing doigts aux pieds de devant ÿ 
et des bandes érailleuses sous le ventre: 
Le Jézard gris, page 5. - 
Addition à l’article du lézard gris, + | 
Le lézard verd, 19. ‘4 
… Le cordyle, 33. 
Hell > 36. 
:Ÿ L'améiva, 37. 
UT Le lion, 42. 
L Le galonné, 44. 
_ Le Kzard corny, 46. à 
é cuer La tête-rouge, 40. 


gr 


1 Le lézard quetz-paléo , 50. 


A 
"ro 


Quatrième division. Lézards qui ont cinq doigs 
aux pieds de devant, sans bandes transvers 
sales sous le corps. Si 
Le caméléon, 534 k pi TE 
La queue-bleue, 79- | \ Lo 
L'azuré, 8x. 


stellion, 894 
Le scinque, 03. 
Le mabouya, 96. 
Le doré, 105 
Le tapaye, 111 

Le strié, 174 

Le marbré, 115: 

Le roquet, 118- 

Le rouge-g0rge ; 122. 
Le BOireux , 123. 
Le téouixin, 126. 
Le triangulaire, 127. 
La double-raie, 120. 
Le sputateur, 130. 


Cinquième division. Lézards EE les EM Agé 
garnis par-dessous de grandes écailles, pi se. 
recouvrent comme les ardoises des toits. 
Le gecko, 135. 

Le geckotte, 144. 
La tête-plate, 150. 


Sixième division. Lézards qui n’ont que trois doigts 
aux pieds de devant et aux pieds de derrière. 
seps, 100, 


PS ELA (4 fa -M # nn +4 dd Pr pe 


sb 0 DATES 


Le chleïde, 172. 


| Septième division. Lézards qui ont des mena 
branes en forme d'ailes. | 


Le dragon, 177. 


Huitième division, Lézards qui ont trois ou quatre 
doigts aux pieds de devant, et quatre ou cinq 
aux pieds de derrière. 


La salamandre terrestre, 187. 
Addition à larticle de la salamandre ier« 
restre, 2006. ., | 
La salamandre à queue plate, 214 | 


… La ponctuée, 235. 


La quatre-raies, 236 
Le sarroubé, 237. 
La trois-doigts, 241 


Des quadrupèdes ovipares qui mont point de 


queue, 244 


Premier genre. Quadrupèdes ovipares sans queue, 
dont la tête et le corps sont alongés , et lun 
ou l’autre anguleux. — GRENQUILLESe 


La grenouille commune, 26T. 

_ La rousse, 282. FA 
La pluviale, 289. PAP PT CE 
La sounante, 290. A 


TABLE. |. "é. 
La bordée, 207. # 
La réticulaire, 202. 
La patte-d'oie, 293. 
L’é épaule-armée, 20 4e 
La mugissante, 296 , : 
La perlée, 300, je Fr 
La jackie, 302 | Re ? 
La galonnée, 304. he 
La grenouille écailleuse, 305. 


For ci 


Deuxième genre. Ouadrupèdes ovipares qui n°an? 

| ô P ‘u 
point de queue, et qui ont sous chaque doigt 
une peñle pelote visqueuse. — RAINES. 


La raine verle ou commune, 30% F 
La bossue, 320. ne cr 
La brune, 327. | 
La couleur-de-lait, 322, il | 
La flûteuse , 323, é 
L’orangée, 325. | 
La rouge, 327. 

Troisième genre. Quadrupèdes ovipares sans 
queue, qui ont. le corps ramassé et AITON Es À 
— CRAPAUDS. RE D 


Le crapaud commun, 320. 
Le verd, 352. 


Le rayon-verd, 354 | 1 


ER un 602 
RAS 
Des 


2 dede Ets de 
’ à ‘ 


Le ES 356. SR nl 9 
Le calamite ÿ 398p 2 PR PE TREUC MA OU 
Le couleur-de-feu, 36€ 
Le pustuleux, 364147 0e D 
Le goîtreux, 365. Lt ETS 
te bossu , a gp : 
Le pipa, 367, ‘+ 0 
Le cornu, 3x. Of TS à 
L’agua, 373. 4 + 
Le marbré, 374, Æ 
Le criard, 375. x À ue 


Reptiles bipèdes.. Sté. 3e " LE à 
Première dwision. Bipédés. qui name a 


‘pattes de derrière. 
Le cannelé, 382. # FE 
Seconde division, Bipédes qui manquent de pattes 
de dépal 

_ Le sheliopusik, 388. : 


Synopsis mweihodica quadrpedaun cripacbrum ; >. 


7 


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