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Full text of "Histoire naturelle des minraux. Tome neuvieme [9] / par M. le Comte de Buffon"

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HISTOIRE 

NATURELLE 

DES  MINÉRAUX.  . 


TOME  N  E  U  V  I  E  M  E. 


HISTOIRE 


NATURELLE 

'  D  ES  M I N  É  R  A  UX. 

Par  M.  le  COMTE  de  EUFFON, 
Intendant  du  Jardin  du  Roi  ,  de 
l’Académie  Françoise  et  de  celle  des 
Sciences  ,  Sec. 


TOME  N  E  U  V  I  E  M  E. 


AUX  DEUX  -  PONTS; 

Chez  SANSON  &  Compagnie: 


M  DCC.  XC. 


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histoire 

N  ATURELLE 

DES  MINÉRAUX. 


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CONCRÉTIONS  DE  L’OR. 

L’or  n’eft  ras  lufceptible  d’altération  dans* 
le  fein  de  la  ‘terre,  &  ne  peut  être  minéralifé 
que  quand,  par  le  concours  de  circonftances 
très  rares,  il  a  été  diffous  &  enfuite  précipité  ; 
on  ne  doit  donc  pas  être  furpris  que  1  or  fe 
préfente  toujours  fous  fa  forme  métallique , 
l'oit  dans  fes  mines  primordiales,  foit  dans 
celles  qui  font  de  formation  fecondaire;  feu¬ 
lement  nous  devons  oblerver  que  dans  i?s 
premières ,  il  fe  montre  affe/  fous  ent  en 
criftaux  (<2)5  comme  ayant  lubi  pendant  un 


(  a  )  Quoique  l’or  natif  foit  rarement  exempt  du  mé¬ 
lange  d’une  petite  portion  d’argent  ou  de  cuivre  ,  ce:a 

A  3 


6  H'ijhîre  naturelle 

long  temps  &  dans  un  parfait  repos  l’aftion  du 
feu'  primitif  qui  le  tenoit  en  fanon,  au  lieu 
que,  dans  les  mines  defecor.de  formation ,  il 
n’a  nulle  forme  régulière;  ce  font  des  pail¬ 
lettes  ,  des  frets  contournés  ,  &.  fouvent 
capillaires  ,  des  grains  plus  ou  moins  arrondis, 
des  pépites  plus  ou  moins  pures  ,  dans  lef* 
quelles  le  caraélère  de  la  crmallifation  primi¬ 
tive  eff  entièrement  effacé  ,  parce  que  toutes 
ne  font  comparées  que  des  détrimens  de  l’or 
primoidial  fublimé ,  fondu,  &  quelquefois 
criflallifé  par  le  feu  primitif,  &  que  ces  maf- 
fes  primordiales  &  ces  crittaux.  ayant  été 
frottés,  roulés  Si  entraînés  par  les  eaux, 
n’ont  pu  conferver  leur  première  figure;  ce 
ne  font  en  effet  que  des  particules  d'or  déta¬ 
chées  des  mines  prinvtives,  &  qui  fe  lont 
réunies  par  leur  affinité,  fous  la  forme  que 
leur  préfentoient  les  petites  cavités  oit  l’eau 
les  dépofoit.  Auffi  ne  trouve-t-on  l’or  cr'ii- 


n’empêche  pas  qu’il  ne  foit  fufceptible  d’une  forme  crif- 
talline  bien  déterminée,  qui  pour  l’ordinaire  eft  l’oftaèdre 
refîangle  alumini-forme  en  petits  criftaux ,  quelquefois  fo- 
litaires,  mais  le  plus  fouvent  implantés  les  uns  fur  les 
autres,  ou  ramifiés  en  façon  de  dendrites,  &  ces  den- 
drites  reflemblent  à  celles  qu’on  obtient  de  l’or  en  fufion. 
11  cfl  plus  ordinaire  de  rencontrer  ces  criftaux  ramifiés 
en  dendrites,  ou  rafiémblésen  feuilles  minces  &  flexibles, 
dont  la  fuperficie  eft  hérilTée  de  petites  éminences  trian¬ 
gulaires  ,  qui  ne  font  que  les  extrémités  ou  les  angles  fo¬ 
ndes  des  petits  criftaux  dont  ccs  lames) font  compofées  ; 
d’autres  fois  ces  lames  font  parfaitement  liil'es  ou  réticu- 


dts  Minéraux.  J 

tallifé  &  l’or  de  première  formation  que  dans 
les  fentes  du  quartz  &  des  autres  roches  vi- 
treufes  ,  tandis  que  l’or  en  pépites ,  en  grains  , 
en  paillettes  &  en  filets,  le  préfente  dans  les 
montagnes  à  couches,  fchifteufes,  argileufes 
ou  calcaires,  &.  même  dans  les  terres  limo- 
neufes;  on  peut  donc  dire  qu’il  n’y  a  point 
.  d’autres  concrétions  de  l’or  que  ces  mines  de 
fécondé  formation  dans  lelquclles  il  n'eft  ni 
minéralifé,  ni  même  altéré,  &  je  doute  que 
nos  Minéralogiftes  foient  bien  fondes  k  regar¬ 
der  comme  minéralifé  l’or  qui  fe  trouve  dans 
les  pyrites;  car  U  n’y  elt  qu’interpofé  ou 
difiéminé  en  poudre  impalpable,  fans  être 
altère  :  le  foie  de  foufre  ,  à  la  vérité,  peut 
minéralifer  les  précipités  d’or;  ji  faudroit  donc 
fuppofer,  i.w  du  foie  de  foufre  dans  ces  py¬ 
rites  ,  de  l’or  d’abord  diffous  dans  le  fein 
de  la  terre  ,  3.°  ce  même  or  précipité  de  fa 
d. Ablution,  trois  circonfiances  dont  la  réu- 


lées ,  &  elles  font  tantôt  pofées  de  champ  ,  tantôt  fuper- 
ficielles  &  couchées ,  ou  bien  diverfement  inclinées  fur  la 
roche  quartzeufc  qui  leur  fert  de  gangue.  .  .  L’or  natif 
fe  rencontre  auflâ  difperfé  dans  les  mêmes  gangues  en 
petits  grumeaux  de  figure  indéterminée ,  ou  bien  il  s’élève 
à  leur  fuperficie  fous  la  forme  de  pointes  &  de  rameaux 
contournés ,  plus  ou  moins  longs,  &  fouvent  très  déliés.- 
Celui  qu’on  trouve,  foit  en  filets  capillaires,  foit  en  pe¬ 
tites  lames  contournées ,  paroît  devoir  fon  origine  à  la 
décompofition  des  pyrites  aurifères,  qui  fouvent  l’accom¬ 
pagnent.  Criflallographie ,  par  M,  Rome  de  Lijle  ,  tome 
III ,  pages  474  «S-  fuir. 

A  4 


8  Hiftoîre  naturelle 

nion  eft  fi  rare  qu’on  ne  doit  pas  fa  compter 
dans  le  nombre  des  effets  ordinaires  de  la 
Nature:  &  la  preuve  que  l’or  n’eft  qu’inter- 
pofé,  &  non  minéralifé  dans  ces  fubftances 
auxquelles  on  a  donné  le  nom  de  pyrites  auri¬ 
fères ,  c’eff  que  fa  fubftance  n’elf  point  altérée, 
puifqu’en  broyant  ces  pyrites  aurifères,  on 
retire,  par  le  lavage  ou  par  la  fonte,  cet  or 
dans  fon  état  métallique. 

Tous  les  métaux  oui  peuvent  fe  réduire  en 
chaux  par  l’aftion  du  feu,  ont  été  calcinés 
par  le  feu  primitif;  l’or  &  l’argent  font  les 
feuls  qui  ont  réfufé  à  cette  aélion  ,  &  dans  les 
mines  primordiales  de  ces  deux  métaux  on 
n’a  jamais  rencontré  de  chaux  d’or  ni  d’ar¬ 
gent;  t’eft  par  cette  raifon ,  que  les  con¬ 
crétions  fecondaires  &  les  minéralifations  de 
ces  deux  métaux  font  auiTi  rares  que  celles  des 
autres  font  fréquentes  :&  l’or  dans  fes  mines 
primordiales  étant  toujours  plus  ou  moins  allié 
d’argent,  fa  criftallifation  eft  aufîi  plus  ou 
moins  parfaite  ,  félon  fon  degré  de  pureté  , 
de  forte  que  l’or  le  moins  allié  d’argent  par  la 
Nature,  doit  s’être  criflallifé  le  plus  réguliè¬ 
rement;  &  cette  criftallifation  de  l’or  primitif 
eft  en  forme  oéfaèdre  régulière ,  &  abiolu- 
rnent  pareille  à  celle  que  prend  l'or  épuré  par 
notre  art ,  en  fe  criftallifant ,  lorfqu’on  le  tient 
affez  long  temps  en  fufton  pour  le  laifter  fe 
folidifier  lentement  &.  fe  criftallifer  à  fa 
furface. 


des  Minéraux. 


9 


CONCRÉTIONS  DE  L’ARGENT- 

I 

J_/àrG.'NT  étant  moins  inaltérable  que  l’or, 
&  pouvant  être  attaqué  par  certains  lels  dans 
le  fein  de  la  terre,  le  prélente  afiez  Couvent 
fous  des  formes  minéralifées  :  l’argent  de 
première  formation  a  été  fondu  ou  fublimé, 
&  même  criflalli'é  comme  l’or  par  le  feu 
primitif.  Ces  eriffaux  de  l’or  &  de  l’argent 
primordial,  font  également  opaques,  pure¬ 
ment  métalliques,  &  prefque  toujours  groupés 
les  uns  fur  les  autres;  ceux  de  l’argent  s’éten¬ 
dent  en  ramifications  fous  la  forme  de  feuilles, 
ou  fe  furmontent  comme  des  végétations  & 
prennent  la  figure  d’arbri fléaux  :  on  les  trouve 
incorporés  dans  le  quartz  ou  interpofés  dans 
les  fentes  &  cavités  de  la  roche  quartzeufe  , 
&  c’eft  des  débris  &  des  détrimens  de  ces 
premières  mines,  que  font  formées  toutes 
celles  où  ce  métal  fe  montre  pur  ou  minéralifé; 
il  fe  trouve  pur  dans  les  mines  de  fécondé  for¬ 
mation  ,  lorfqu’ayant  été  divifé  &  détaché 
par  le  frottement  des  eaux,  les  particules 
métalliques  entraînées  par  leur  mouvement, 
fe  dépofent  &  fe  réunifient  en  paillettes,  en 
filets  ou  en  petites  roafles  informes,  toutes 
produites  par  i’agrégation  de  ces  particules 
réunies  par  la  force  de  leur  affinité;  on  ren¬ 
contre  même  de  l’argent  criflallifé  dans  quel¬ 
ques-unes  de  ces  dernières  mines,  ce  qui  doit 
arriver  toutes  les  fois  que  l’eau  n’aura  pa3 


10  Hîflo’ire  naturelle 

divifé  les  criftaux  primitifs,  &  lesaura  feule¬ 
ment  déplacés  &  tranlportés  des  roches  pri¬ 
mordiales  formées  par  le  feu ,  Si  les  aura 
dépoiés  dans  les  couches  de  terre  produites 
par  le  fédiment  des  eaux;  ainfi  l’argent  vierge 
ou  pur,  formé  par  le  feu  dans  les  mines  pri¬ 
mitives,  fe  retrouve  encore  pur  dans  celles 
de  dernière  formation  ,  toutes  les  fois  que  dans 
fon  tranfport  ce  métal  n’a  pas  été  faifi  par  les 
fel.sdela  terre  qui  peuvent  l’altérer.  Si  mèmè 

11  arrive  fouverit  que  ces  dernières  mines, 
dont  la  plupart  ne  font  formées  que  du  métal 
réduit  en  poudre  très  fine,  font  d’un  argent 
plus  pur  qu’il  ne  l’étoit  dans  fes  premières 
mines,  parce  que  l’eau  en  le  divifant  Si  le 
réduifant  en  très-petites  particules  ,  en  a 
féparé  les  parties  de  plomb  ,  de  cuivre,  ou 
d’autres  matières  hétérogènes  dont  il  pouvoir 
être  mêlé.  Les  pép.tes  &  concrétions  de  l'ar¬ 
gent  dans  cet  état,  ne  font  donc  que  du  métal 
pur  ou  prelque  pur,  Si  qui  n’a  lubi  d’autre 
altération  que  celle  de  la  divifion  Si  du  tranl- 
port  par  les  eaux. 

Mais  lorfque  ces  particules  d’argent  pur 
rencontrent  dans  le  fein  de  la  terre  les  princi¬ 
pes  des  fels  Si  les  vapeurs  du  loufre ,  elles 
s’altèrent  Si  fubiflfent  des  changemens  divers 
Si  très-apparens  :  le  premier  de  ces  change¬ 
mens  d’état ,  Si  qui  tient  de  plus  près  à  l’argent 
en  état  métallique  ,  fe  prélente  dans  la  mine 
vitrée  qui  eft  de  couleur  grile ,  dans  laquelle 
le  métal  a  perdu  fa  rigidité,  fa  dureté,  Sc 
qui  peut  fe  plier  Si  fe  couper  comme  le 
plomb;  dans  cette  mine,  la  fubflance  métal¬ 
lique  s’efx  altérée  Si  amollie  fans  perdre  fa 


des  Minéraux.  1 1 

fo rme  extérieure  ,  car  elle  offre  les  mêmes 
crifiaux,  auili  régulièrement  figurés,  que  ceux 
des  mines  primordiales;  &  même  l’on  voit 
fiouvent,  dans  cette  mine  grifeSr  tendre  ,  des 
crifiaux  de  l’argent  primitif,  qui  font  en  par¬ 
tie  durs  &  intaéfs,  &  en  partie  tendres  & 
minéralilés  ,  &  cela  démontre  l’origine  immé¬ 
diate  de  cette  forte  de  mine,  qui  de  toutes 
celles  de  fécondé  formation  efi  la  plus  voifine 
des  mines  primitives  :  l’on  ne  peut  donc  guère 
douter  que  cette  mine  vitrée  ne  provienne  le 
plus  (cuvent  d’un  argent  primitif  qui  aura  été 
pénétré  par  des  vapeurs  fulfureufes ;  mais  elle 
peut  auili  être  produite  par  l’argent  pur  de 
dernièra  formation  ,  lorfqu’il  reçoit  l’impref- 
fion  de  ces  mêmes  vapeurs  qui  s’exhalent  des 
feux  fouterrains  ;  &  généralement  tout  argent 
vierge  de  première  ou  de  dernière  formation  , 
doit  fubir  les  mêmes  altérations,  parce  que 
dans  le  premier  comme  dans  le  dernier  étar, 
le  métal  efi  à-peu-près  du  même  degré  de 
pureté. 

Une  fécondé  forme  de  minéralifarion  aulîi 
connue  que  la  première,  efi  la  mine  d’argent 
cornée,  qui  reffemble  par  fa  demi  -  transpa¬ 
rence  ,  fa  molleffe  &  fa  fufibilité  à  la  Lune  cornée 
que  nos  Chymifies  obtiennent  de  l’argent 
diffous  par  l’acide  marin  :  ce  qui  leur  a  fait 
préfumer,  peut-être  avec  fondement,  que 
cette  mine  cornée  provenoit  d’un  argent  natif 
pénétré  des  vapeurs  de  cet  acide  :  mais  comme 
cette  mine  cornée  accompagne  afi'ez  Souvent 
l’argent  primordial  dans  la  roche  quartzeufe 
&  dans  fon  étar  primitif,  lequel  a  précédé 
l’a&ion ,  &  même  la  formation  de  l’acide 


1 1  H'ifloire  naturelle 

marin,  il  me  femble  que  l’acide  aérien,  qui 
feul  exiftoit  alors,  a  dû  produire  certe  altéra¬ 
tion  dans  les  premières  mines  ,  &  que  ce  ne 
peut  être  que  fur  celles  de  dernière  formation 
que  l’acide  marin  a  pu  opérer  le  même  effet  : 
quoiqu’il  en  foit ,  cet'e  mine  d’argent  cornée 
fe  rapproche  de  la  mine  vitrée  par  plufieurs 
rapports  ,  &  toutes  deux  tirent  immédiatement 
leur  origine  de  l’argent  pur  &  natif  de  pre¬ 
mière  &  dernière  formation.  ( a ) 

C’eft  à  cette  mine  cornée  que  l’on  a  rap¬ 
porté  la  matière  molle,  légère,  blanche  ou 
grife  ,  que  M.  Schreiberg  a  trouvé  aux  mines 
de  Sainte-Marie,  dont  parle  M.  Monnet  (b)  , 
&  qui  étoit  fort  riche  en  argent;  mais  ceite 
matière  ne  contient  point  de  (oufre  comme  la 
mine  d’argent  cornée  ,  &  cette  différence  fuliit 
pour  qu’on  doive  les  diftinguer  l’une  de  l’autre. 

La  troifième  &  la  plus  belle  minéralifation 
de  l’argent,  eft  la  mine  en  criftaux  tranfparens 
&  d’un  rouge  de  rubis  :  ces  beaux  criftaux 
ont  quelquefois  plufieurs  lignes  de  longueur  , 
&  tous  ne  font  pas  également  tranfparens  ;  il 
y  en  a  même  qui  font  prefque  opaques  &  d’un 
rouge-obfcur  ;  ils  font  ordinairement  groupés 
les  uns  fur  les  autres,  &  fouvent  ils  font 
mêlés  de  criftaux  gris,  qui  font  entièrement 
opaques. 


(a)  Voyez  ce  que  j’ai  dit  de  ces  deux  mines  d'argent 
vitrée  &  cornée,  dans  le  troifième  volume  de  cette  hiiloire 
des  Minéraux. 

(  b  )  Mémoires  des  Savans  Étrangers ,  tome  IX ,  p-igc* 
717  &  fuiv. 


des  Minéraux  1 3 

De  la  décompofition  de  cette  mine  &  des 
deux  précédentes  fe  forment  d’autres  mines, 
dont  l’une  des  plus  remarquables  eft  la  mine 
d’argent  noire.  M.  Lehmann  a  oblervé  que 
cette  mine  d’argent  noire  paroiffoit  devoir  fa 
formation  à  la  décompofition  de  mines  d’ar¬ 
gent  plus  riches,  telles  que  la  mine  d’argent 
rouge  ou  la  mine  d’argent  vitrée  :  11  ajoute 
v  que  cette  mine  noire  eft  affez  commune  au 
«  Hartz  ,  en  Hongrie  ,  en  Saxe  ,  &c.  & 
v  qu’à  Freyberg  on  la  rouvoit  jointe  à  de  la 
«  mine  d’argent  rouge  &  à  de  la  mine  d’argent 
v  vitrée  (c)v  :  &  nous  pouvons  ajouter 
qu'elle  eft  très-commune  au  Pérou  &  au 
Mexique,  où  les  Efpagnols  lui  donnent  le 
nom  de  negrillo.  Cette  mine  noire  eft  de  der¬ 
nière  formation,  puifqu’eile  provient  de  la 
décompofition  des  autres  ;  auiîi  fe  trouve-t- 
elle  encore  fouvent  accompagnée  d’argent 
en  filets,  qui  n’eft  formé  lui  -  même  que  de 
l’agrégation  des  petites  particules  détachées 
des  mines  primitives  de  ce  métal  par  le  mou¬ 
vement  &  la  {filiation  des  eaux. 

Au  refte  ,  les  concrétions  les  plus  commu¬ 
nes  de  l’argent,  font  celles  011  ce  métal ,  réduit 
en  poudre,  fe  trouve  interpolé,  &  comme 
incorporé  dans  différentes  terres  &  pierres 
calcaires  ou  vitreufes  :  ces  concrétions  fe 
préfentent  fouvent  en  maffes  très  -  confidé- 
rables ,  &  plus  ou  moins  pelantes  dans  le 
rapport  de  la  quantité  de  l’argent  en  poudre 
qu’elles  contiennent,  &  quelquefois  cette 


[c)  Article  des  Mines,  traduction  fwnçoife ,  p. 


x  4  Hijloire  naturelle 

quantité  fait  plus  de  moitié  de  leur  maffe ; 
elles  iont  formées  par  l’intermède  de  l’eau 
qui  a  charié  &  dépoté  ces  particules  d’argent 
avec  des  terres  calcaires  ou  vitreufes,  qui 
s’étant  enfuite  refîerrées,  confolidées  &  dur¬ 
cies  par  le  defféchement ,  ont  formé  ces  con¬ 
crétions  aufli  riches  que  faciles  à  réduire  en 
métal. 

Et  au  fujet  de  la  rédu&ion  de  l'argent  mine- 
ralile  en  métal  pur,  nous  croyons  devoir 
ajouter  à  ce  que  nous  en  avons  dit  (<f)  ,  l’ex¬ 
trait  d’une  Lettre  de  M.  Polony ,  Médecin  du 
Roi  au  C  ap  françois,  qui,  pendant  un  affez 
long  féjour  au  Mexique,  a  fuivi  les  opérations 
de  ce  travail.  Ce  favant  Obfervateur  y  rend 
compte  des  procèdes  aduellement  en  ufage 
au  Mexique  :  «  On  réduit,  dit-il,  en  poudre 
„  impalpable  ,  le  minéral  d’argent  dont  on 
„  forme  une  pâte  liquide  en  l’hume&ant  fuc- 
„  ceffivement  jufqu’à  ce  que  toute  la  marte 
5)  foit  de  la  meme  confirtance  ;  on  y  ajoute 
„  alors  une  certaine  compofition  appelée 
»  rnagifiral;  &  on  reparte  toute  la  pâte  au 
„  moulin ,  afin  d’y  incorporer  uniformément 
»  ce  m  api  (Irai  qui  doit  opérer  la  dérninéralifation  : 
„  on  fait  enfuite  avec  cette  pâte  différentes 
„  pyramides  d’environ  dix  -  huit  à  vingt 
„  quintaux  chacune;  on  les  laifle  fermenter 
„  trois  jours  fans  y  toucher;  au  bout  de  ce 
»  temps,  un  homme  enfonce  la  main  dans  la 
w  pâte,  &  juge  par  le  degré  de  chaleur  fi  la 


(  d  )  Voyez  le  cinquième  volume  de  cette  liilloire  des 
Minéraux,  article  Argent. 


des  Minéraux l  i  ^ 

»  déminérallfcition  s’eft  opérée  ;  s’il  juge  le  con- 
»  traire,  ou  étend  la  pâte,  on  l’humeéte  de 
„  nouveau  ,  on  y  ajoute  du  magiflral ,  &  on  la 
>,  réduit  encore  en  pyramides  qu’on  laiffe  de 
»  nouveau  fermenter  pendant  trois  jours  ; 
»  après  cela  on  étend  la  pâte  fur  des  glacis  à 
»  rebords  ;  on  y  jette  une  pluie  de  mercure 
«  qu’on  y  incorpore  intimement  en  paîtrift'ant 
„  la  pâte,  on  la  remet  en  tas,  6c  trois  ou 
»  quatre  jours  après  ,  à  l’aide  de  differentes 
j>  lotions,  on  ramaffe  le  mercure  qui  le  trouve 
3»  chargé  de  tout  l’argent  qui  s’eft  déminéra- 
3)  lifé  pendant  l’opération  »( f). 

M.  Polony  fe  ptopofe  de  publier  la  compo- 
fition  de  ce  magiûral ,  qui  n’eft  pas  encore 
bien  connue.  Cependant  je  foupçonne  que  ce 
compofé  n’eft  que  du  fel  marin  auquel  on 
ajoute  quelquefois  de  la  chaux  ou  de  la  terre 
calcaire ,  comme  nous  l’avons  dit  à  l’article  de 
l'argent,  &  dans  ce  cas,  le  procédé  décrit  par 
M.  Polony  ,  6c  qui  ell  actuellement  en  ufage 
au  Mexique ,  ne  diffère  de  celui  qu’on  em¬ 
ploie  depuis  long  temps  au  Pérou,  que  pour 
le  temps  où  l’on  fait  tomber  le  mercure  fur  le 
minerai  d’argent. 


(«)  Extrait  d’une  Lettre  de  M.  Polony  à  M.  de  Buffon, 
datée  du  cap  Saint-Domingue  le  20  [Octoi. 


1.6  Hîftolre  naturell 

«■<  «X  <<  «  <X  XXXXX4» 
CONCRÉTIONS  DU  CUIVRE. 


Le  cuivre  de  première  formation,  fondu 
par  le  feu  primitif,  &  le  cuivre  de  dernière 
formation  cémenté  fur  le  fer  par  l’intermède 
de  l’eau  ,  le  préfentent  également  dans  leur 
état  métallique;  mais  la  plupart  des  mines  de 
cuivre  font  d’une  formation  intermédiaire 
entre  la  première  &  la  dernière  ;  ce  cuivre  de 
fécondé  formation  eft  un  minerai  pyrireus  , 
ou  plutôt  une  vraie  pyrite  dans  iaquelle  ce 
métal  eff  intimement  uni  aux  principes  du 
foufre  &  à  une  plus  ou  moins  grande  quantité 
de  fer;  cette  mine  de  cuivre  en  pyrite  jaune 
cft  ,  comme  nous  l’avons  dit  (  a  )  ,  très-difficile 
à  réduire  en  métal ,  &  néanmoins  c’eft  lous 
cette  forme  que  le  cuivre  fe  préfente  le  plus 
communément  :  ces  pyrites  ou  minérais  cui¬ 
vreux  font  d’autant  moins  durs  qu’ils  contien¬ 
nent  plus  de  cuivre  &  moins  de  fer ,  &  lorlque 
ce  dernier  métal  s’y  trouve  en  grande  quantité, 
ce  minerai  ne  peut  alors  fe  traiter  avec  profit , 
&  doit  être  rejeté  dans  les  travaux  en  grand. 

Ces  minerais  cuivreux  n’affeélent  aucune 
figure  régulière,  &  fe  trouvent  en  maffes 
informes  dans  des  filons  fou  vent  très  étendus 
&  fort  profonds  :  &  l’on  obferve  que  dans  les 


(a)  Voyc?.  dans  le  cinquième 
dçs  Minéraux  ,  l’article  Cuivre. 


volume  de  cette  hiftoire 

parties 


clés  Minéraux.  *7 

parties  de  ces  filons  qui  font  à  l’abri  de  toute 
humidité,  ces  minerais  pyriteux  coniervent 
leur  couleur  qui  eft  ordinairement  d’un  jaune- 
verdâtre;  mais  on  remarque  auiïï  que  pour 
peu  qu’ils  fubiffent  l’itnprellion  de  l’air  humide, 
leur  fui  face  s'irife  de  couleurs  variées ,  rouges , 
bleues,  vertes,  &c.  ces  légères  efflorefcences 
indiquent  le  premier  degré  de  la  décompofition 
de  ces  mines  de  cuivre. 

Quelques-uns  de  ces  minerais  pyriteux 
contiennent  non- feulement  du  cuivre  &  du 
fer,  mais  encore  de  l’arfenic  &t  une  peru^ 
quantité  d’argent;  l’arfenic  change  alors  leur 
couleur  jaune  en  gris,  &  on  leur  donne  .n 
nom  de  mines  d’argent  grifes',  mais  ce  ne  font 
au  vrai  que  des  pyrites  cuivreufes  ,  teintes  Ce 
imprégnées  d’arfenic  ,  &  mêlées  ci  une  ii  petite 
quantité  d’argent  qu’elles  ne  méritent  pas  dv 
uorer  ce  norn. 

C’eft  de  la  décompofition  du  cuivre  en  état- 
métallique  ou  dans  cet  état  pyriteux,  que 
pt o viennent  toutes  les  autres  minèralifations 
&  concrétions  de  ce  métal  dont  nous  avons 
déjà  donné  quelques  indices  (b).  Les  mines 
de  cuivre  vitreufes  proviennent  de  la  décom- 
pofinon  des  pyrites  cuivreufes  ou  du  cuivre, 
qui  de  l’état  métallique  a  paffé  à  l'état  de  chaux  : 
ces  mines  font' ordinairement  grifes  ,&  quel¬ 
quefois  blanches  61  même  rouges,  lorfqu  elles 
font  produites  par  la  mine  grile  qui  contient 


(b)  Voyez  dans  le  cinquième  volume  de  cette  liiRo're 
des  Minéraux  ,  l’article  Cuivre.  _ 

Minéraux.  Tome  IX. 


1 S  Hijlo'ire  naturelle 

de  l’arfenic  ;  Si  la  décomposition  de  ce  minéral 
cuivreux  &  arfenical,  produit  encore  la  mine 
à  laquelle  on  a  donné  le  nom  de  mine  de  cuivre 
hépatique ,  parce  qu’elle  elt  Souvent  d’un  rouge- 
brun  couleur  de  foie;  elle  ert  quelquefois 
mêlée  de  bleu  &  chatoyante  à  fa  Superficie  ; 
elle  Se  préfente  ordinairement  en  mufles  in¬ 
formes  dont  la  furface  cft  lifle  Si  luifante,  ou 
hériflee  de  criftaux  bleus  qui  refiemblent  aux 
criflaux  d’azur  qu’obtiennent  nos  Chimifles; 
ils  font  feulement  plus  petits  &  groupés  plus 
confufement. 

Mais  la  plus  belle  de  toutes  les  minéralisa¬ 
tions  ou  concrétions  du  cuivre,  eSt  celle  que 
tous  les  Naturalises  connoiflent  fous  le  nom 
de  malachite  (c)  ;  nous  en  avons  expofé  l’ori¬ 
gine  Si  la  formation  (  d) ,  &  nous  avons  peu 
de  chofes  à  ajouter  à  ce  que  nous  en  avons  dit. 
On  pourra  voir  au  Cabinet  du  Roi ,  les  Super¬ 
bes  morceaux  de  malachites  foyeufes ,  crif- 
taliifées  &  mamelonnées  ,  dont  l’augufte 
Impératrice  des  Ruflies  a  eu  la  bonté  de  me 
faire  don  :  on  peut  reconnoîire  dans  des  ma¬ 
lachites  toutes  les  variétés  de  cette  concrétion 


(c)  La  malachite  eft  une  pierre  opaque  d’un  vert  fon¬ 
cé  ,  Semblable  à  celui  de  la  mauve  d’où  elle  a  tiré  fon 
nom  :  cette  p:erre  cli  très  propre  à  faire  de  s  cachets. 
Pline  ,  liv.  xxxvn ,  chap.  S. 

(d)  Voyez  dans  le  cinquième  volume  de  cette  hiftoire 
des  Minéraux ,  l’article  Cuivre. 


des  Minéraux.  jy 

rtiétallique  :  on  pourroit  en  faire  des  biioux: 
&  de  très- belles  boîtes,  fi  le  cuivre,  quoi¬ 
que  dénaturé  par  le  fer,  n’y  corner  voit  pas 
encore  quelques-unes  de  fes  qualités  malfaU 
fantes. 


10 


o> 


Hijloire  naturelle 


PIERRE  ARMÉNIENNE. 


Te  mets  là  pierre  arménienne  au  nombre  des 
concrétions  du  cuivre  ,  &  je  la  fépare  du  lapis 
la^uli,  auquel  elle  ne  reiiemble  que  par  la 
couleur;  on  l’a  nommée  pierre  arménienne ,  parce 
qu’elle  nous  venoit  autrefois  d’Arménie;  mais 
on  en  a  trouvé  en  Allemagne  &  dans  plufieurs 
autres  contrées  de  l'Europe  :  elle  n’eft  pas 
auiîi  dure  que  le  lapis ,  &  fa  couleur  bleue  eft 
mêlée  de  verdâtre,  &  quelquefois  tachée  de 
rouge.  La  pierre  arménienne  fe  trouve  dans 
les  mines  de  cuivre  (.z),  Si  a  reçu  la  teinture 


(  a  )  M.  H  11  fe  trompe  fur  là  nature  du  vrai  lapis  qu’il 
regarde,  ainfi  que  la  pierre  arménienne  ,  comme*des  mi¬ 
nes  de  cuivre  ,  Si  il  paroît  même  les  confondre  dans  la 
defcription  qu’il  en  donne  :  Le  lapis  lnzuli  d’Allemagne 
fe  trouve  ,  dit-il ,  non-feulement  dans  ce  Royaume,  mais 
auffi  en  Efpagne ,  en  Italie ,  dans  des  mines  de  diffcrens 
métaux  ,  &  particulièrement  dans  celles  de  cuivre;  la 
couleur  qu’on  en  tire  eft  fujette  à  changer  par  p'ufieurs 
accidens  ,  &  par  la  fuite  des  temps  elle  devient  verte  : 
quel  que  foit  l’endroit  où  cette  pierre  fe  trouve,  elle  a 
toujours  la  même  figure  &  la  même  apparence ,  excepté 
que  l’orientale  eft  plus  dure  que  les  autres  efpèces  ;  elle 
eft  toujours  compofée  de  trois  fubflances  qui  fe  trouvent 
quelquelois  mêlées  à  une  quatrième ,  laquelle  eft  une  cf- 
rccc  de  aiarcaiTite  d’un  jaune  brillant ,  (pii  fe  fublime 


des  Minéraux'.  2  i 

par  ce  métal ,  tandis  que  le  lapis  lazuli  a  été 
teint  par  le  fer. 

La  pierre  arménienne  différé  encore  du 
lapis  larult ,  en  ce  qu’elle  eft  d’une  couleur 
bleue  moins  intenfe  ,  moins  décidée  &  moins 
fixe;  car  cetie  couleur  s’évanouit  au  feu, 
tandis  que  celle  du  lapis  n’en  fouffre  aucune 
altération:  aufii  c’eft  avec  le  i  3  p  i  s  qu’on  fait 
le  beau  bleu  d’outre-mer  qui  entre  dans  les 
émaux;  &  c’eff:  de  la  pierre  arménienne  dont 
on  fait  l’azur  ordmaire  des  Peintres  qui  perd 
peu  à-peu  fa  couleur  &  devient  vert  en  allez 
peu  de  temps. 

Dans  la  pierre  arménienne,  le  grain  n’eft 
pas  a  beaucoup  près  aufii  fin  que  dans  le  lapis  ; 
&  elle  ne  peut  recevoir  un  aufii  beau  poli  y 
elle  entre  en  fufion  fans  intermède,  &  réfifte 
beaucoup  moins  que  le.  lapis  à  l’aifion  du  feu  ; 
elle  y  perd  fa  couleur,  même  avant  de  fe 
fondre,  enfin  on  peut  en  tirer  une  certaine 
quantité  de  cuivre  :  ainfi,  cette  pierre  armé¬ 
nienne  doit  être  mile  au  nombre  .les  mines  de 
ce  métal  (é),  &  même  on  trouve  quelque- 


durant  la  calcination ,  laiiîant  une  odeur  de  foufre  comme 
celles  des  pyrites.  Les  trois  autres  fubftances  dont  cils 
eft  conftantment  compose ,  font  de  beaux  fpatlis  criftal- 
lins  &  durs ,  foulés  de  particules  de  cuivre  qui  leur  don¬ 
nent  une  belle  couleur  bleue  foncée  :  ce  font  donc  ces 
fpatlis  qui  en  font  la  bafe,  &  qui  font  comme  marbré :s 
ou  mélangées  d’une  matière  eriftaliine  blanche-  &  d’m> 
taie  jaune-foliacé ,  mais  les  écailles  en  font  fi  petites  que. 
le  tout  paroît  en  forme  de  poudre».  HUI.  page  m, 
(b).  On  ne  remarque  dans  la  pierre  arménienne  aura- 


2  2  Hijlolrs  naturelle 

fois  de  la  malachite  &  de  la  pierre  arménienne 
dans  le  même  morceau  (c^  ;  cette  pierre  n’elt 
donc  pas  de  la  nature  du  jafpe  ,  comme  1  a  dit 


res  particules  de  pyrites  ni  d’or;  on  la  vend  quelquefois 
pour  du  vrais  lapis  :  cependant  elle  en  diffère  en  ce  quelle 
fe  calcine  au  feu ,  qu’elle  y  entre  facilement  en  fufion , 
&  que  fa  couleur  s’y  détruit;  la  poudre  bleue  qu’on  en 
retire  eil  encore  bien  inférieure  en  beauté  &  en  dureté 
à  l’outre -mer,  mais  elle  efl  la  pierre  colorée  en  bleu 
dont  on  retire  le  plus  abondamment  du  cuivre  &  de  la 
meilleure  efpèce  ,  en  ce  qu’elle  elb,  pour  ainfi  dire,  pri¬ 
vée  de  fer,  d’arfenic  &  de  foufre.  C’eft  avec  cette  pierre 
qu’on  fait  le  bleu  de  montagne  artificiel  des  boutiques. 

On  s'en  fert  aufli  en  peinture  &  en  tenture,  après 
qu’elle  a  été  préparée  fous  le  nom  de  cendre  verte  pour 
fupplter  aux  vraies  ocres  bleues  de  montagne.  Sa  prepa- 
tîon  fe  fait  comme  celle  de  l’outrc-mer.'  Minéralogie  de 
JBomare  ,  tome  I ,  pages  aSi  &  fiiv. 

(c)  La  pierre  arménienne  efi  de  couleur  de  bleu-célelfe , 
tien  unie,  friable  néanmoins,  ce  qui  la  dîftingue  du  la- 
zuii  ;  elle  n’a  point  de  faciles  d’or  6c  perd  fa  couleur  au 
feu  ,  6c  fa  couleur  bleue  tire  un  peu  fur  le  vert  ;  elle 
n’a  pas  la  dureté  du  l’aznli ,  6t  même  fa  fubffance  paroi t 
être  grenue  comme  du  fable  :  elle  reficmble  à  la  cliryfo- 
colie ,  elie  a  feulement  un  peu  plus  de  couleur  ,  6c  on 
les  trouve  enfemhle ,  6c  l’on  voit  Couvent  de  l’une  S:  de 
l’autre  dr-r-S  le  même  morceau.  On  la  trouve  en  différer- 
tes  contrées ,  comme  dans  le  Tyro!  6c  autres  lieux  où  fe 
trouvent  des  nnnes  de  cuivre ,  d’argent ,  6.c.  6c  aufli  en 
Hongrie ,  en  Tranfylvanie  ,  6cc.  quelquefois  on  trouve 


des  Minéraux.  23 

un  de  nos  favans  Chimiftes  (d) ,  puifqn’elle 
eft  beaucoup  moins  dure  qu’aucun  jalpe,  & 
même  moins  que  le  laois  lazub  j  Si  comme 
elle  entre  en  fufion  d’eüe-mên.e  ,  je  crois 
qu  on  doit  la  mettre  au  nombre  des  concrétions 
de  cuivre  mêlées  de  parties  vitreufes  &  de 
parties  calcaires  &  formées  par  l’intermède 
de  l’eau. 

Au  refie,  les  concrétions  les  plus  riches  du 
cuivre  le  préfentent  quelquefois,  comme  celles 
de  l’argent,  en  ramifica  :ons ,  en  végétations 


de  la  malachite  &  de  la  pierre  arménienne  dans  le  môme 
morceau.  Four  faire  durer  la  cou'eur  que  l’on  tire  de  la 
pierre  arménienne  ,  les  Peintres  ne  fe  fervent  pas  d’huile 
de  lin  ,  mais  de  pétrol  ;  &  lorfque  fa  couleur  eff  belle 
&  femblable  à  celle  de  l’outremer,  i’once  ne  fe  vend  ce¬ 
pendant  qu’un  demi-thaler  ou  un  tlialcr.  B^cce  de  ioot, 
pages  294s-  295.  (Voyez,  pour  la  maniéré  de  tirer  la 
couleur  de  cette  pierre,  le  môme  Auteur  ,  parc  296) 

[  d)  La  pierre  arménienne  eff  un  jafpe  dont  la  couleur 
bleue,. Couvent  mêlée  de  taches  vertes  tk  blanches,  eff 
1  effet  de  l’azur  de  enivre,  plus  on  moins  altéré,  qui  s’y 
trouve  interpofé  ;  outre  que  la  couleur  bleue  de  ce  jafpe,, 
eff  rarement  suffi  belle  que  celle  du  lapis  laznli ,  les  ta-- 
elles  vertes  dont  ciie  eff  mêlée,  &  que  l’azur  de  cuivre 
produit  en  paffant  à  l’état  de  malachite ,  fuîF.fer.t  pour 
empêcher  de  confondre  ces  deux  pierres  :  quant  aux  taches 
Hanches,  elles  indiquent  les  parties  de  ce  quartz  où  la^ 
matière  colorante  ne  s’eft  point  infirmée.  Lettres  de.  M. 
Demejle  ,  tome  1 ,  .page  4 £2, 


24  Hrfloife  naturdle 

&  en  fi’ets  délié*?,  &  de  métal  pur;  rnaia 
comme  le  cuivre  eli  plus  fulceptible  daltéia- 
tion  que  l’argent,  ces  mines  en  filets  &  en 
cheveux  font  bi'  n  plus  rares  que  celles  di^ 
l’argent,  Se  ont  la  même  forma. 


CONCRETIONS 


des  Minéraux. 


*5 


CONCRÉTIONS  DE  L’ ÉTAIN. 

Les  mines  primordiales  de  l’étain  fe  trou¬ 
vent  dans  une  roche  cjuartze.ife  très  dure,  où 
ce  métal  s’elt  incorpoié  après  avoir  été  réduit 
en  chaux  par  le  feu  primitif;  les  criflaux 
d’étain  font  des  mines  fecondaires  produites 
par  la  décompontion  des  premières  :  l’eau  , 
en  agi  liant  fur  ces  mines  formées  par  le  feu* 
en  a  détaché,  divifé  les  parties  métalliques’ 
qui  le  lont  enfuite  réunies  en  allez  grand 
x  olume  ,  ot  ont  pris  par  leur  alfinité,  des 
formes  régulières  comme  les  autres  criftaux 
produits  par  l’intermède  de  l’eau.  Ces  criltaux, 
uniquement  formés  de  la  chaux  d’étain  primi¬ 
tive  plus  ou  moins  pure,  ne  recèlent  aucun 
aiitre  métal  ,  &  (ont  leuiement  imprégnées 
d’arfenic  qui  s’y  trouve  prefque  toujours 
intimement  mele ,  fans  neanmoins  en  avoir 
altéré  la  fubftance  ;  ainfi  cette  chaux  d'étain, 
criltallilée  ou  non,  n  eft  point  minéral i fée  , 
&  l’on  ne  connoît  aucune  minéralifation  ou 
concrétion  fecondaire  de  l’étain  ,  que  quelques 
flalaôites  qui  fe  forment  de  la  déco mpofi: ion 
des  critlaux  ,  &  qui  le  dépofent  en  malles 
informes  dans  les  petites  cavités  de  ces  mines  : 
ces  ùalaciues  d’érain  font  fouvent  mêlées  dé 
fer,  &  rdTemblent  afl'ez  aux  hématites;  &  il 
me  femble  qu’on  ne  doit  regarder  que  comme 
une  décompofttion  plus  parfaitement  achevée 
Minéraux.  Tome  IX,  Q 


î6  H'tfloïre  naturelle 

l'étain  natif  dont  parle  M.  Renié  de  Liflle  (<«); 
car  on  ne  peut  attribuer  fa  formation  qu’à 
l’a&ion  de  l’eau  qui  aura  pu  donner  un  peu  de 
duétilité  à  cette  chaux  d’étain  plus  épurée 
qu’elle  ne  l’étoit  dans  les  criflaux  dont  elle 
provient. 


(a)  On  a  trouvé  nouvellement  dans  les  mines  de 
Cornouailles  ,  quelques  morceaux  dans  lefquels  on  voit 
une  forte  d’étain  qu’on  doit  regarder  comme  natif,  & 
qui  cft  accompagnée  d’une  mine  d’étain  blanche  ,  folide, 
colorée  dans  fa  caflure ,  comme  certaines  mines  de  cui¬ 
vre.  Cet  étain  natif,  loin  de  préfenter  aucune  trace  de 
fufion ,  a  l’apparence  extérieure  de  la  molybdène ,  fans 
néanmoins  tacher  les  doigts  comme  cette  fui: fiance  ;  il  fe 
brife  fi  facilement  qu’au  premier  coup-d’ocil  on  le  croirait 
privé  de  la  métalléité;  mais  les  molécules  qu’on  en  dé¬ 
tache ,  battues  fur  le  tas  d’acier,  s’approchent  &  s’unif* 
fent  en  petites  lames  blanches,  brillantes  &  flexibles, 
qui  ne  diffèrent  alors  en  rien  de  l’étain  le  plus  pur  :  il 
u’eft  pas  fous  forme  criftalline  déterminée,  non  plus 
qu’aucun  autre  étain  natif,  s’il  en  exifte.  Cri/lallographii , 
par  M.  Rome  de  Lift,  tome  111 ,  pages  407  &  fuiv. 


des  Minéraux. 


in 


CONCRÉTIONS  DU  PLOMB. 

Le  plomb  n’exifte  pas  plus  que  l’étain  en 
état  métallique  dans  le  fein  de  la  Terre;  tous 
deux,  parce  qu’il  ne  faut  qu’une  médiocre 
chaleur  pour  les  fondre ,  ont  été  réduits  en 
chaux  par  la  violence  du  feu  primitif,  en  forte 
que  les  mines  primordiales  du  plomb  font  des 
pyrites  que  1  on  nomme  galènes ,  &  dont  la 
lubftance  n’eft  que  la  chaux  de  ce  métal  unie 
aux  principes  du  foufre  :  ces  galènes  afteélent 
de  préférence  la  forme  cubique  ;  on  les  trouve 
quelquefois  ifolées,  plus  louvent  groupées 
dans  la  roche  quartzeufe  :  leur  furface  eft  or- 
dnairement  lifte ,  &  leur  texture  eft  compofée 
de  lames  ou  de  petits  grains  très-ferrés. 

Le  premier  degré  de  décompofttion  dans 
ces  galènes  ou  pyrites  de  plomb,  s’annonce, 
comme  dans  les  pyrites  cuivreufes,  par  les 
couleurs  d’iris  qu’elles  prennent  à  leur  luper- 
ficie  ;  &  lorfque  leur  décompofttion  eft  plus 
avancée  ,  elles  perdent  ces  belles  couleurs 
avec  leur  dureté,  &  prennent  les  différentes 
f  rmes  fous  lefquelles  fe  préfentent  les  mines 
de  plomb  de  fécondé  formation  ,  telles  que  la 
mine  de  plomb  blanche,  qui  eft  fujette  à  de 
grandes  variétés  de  forme  &  de  couleur;  car 
les  vapeurs  fouterraines  ,  &  fur-tout  celle  du 
foie  de  foufre  ,  changent  le  blanc  de  cette 
m:ne  en  brun  &  en  noir. 

La  mine  de  plomb  verte  eft  auffi  de  feccnde 

C  2 


iS  Hiftoîre  naturelle 

formation,  elle  feroit  même  toute  femblable 
à  la  mine  blanche,  fi  elle  n’etoit  pas  teinte 
par  un  cuivre  diii'ous  qui  lui  donne  la  couleur 
verte  ;  enfin  la  mine  de  plomb  rouge  eü  encore 
de  formation  fecondaire.  Cette  belle  mine 
n’étoit  pas  connue  avant  M.  Lehmann,  qui 
m’en  adrefla,  en  176 6,  la  defeription  impri¬ 
mée  :  elle  a  été  trouvée  en  Sibérie,  à  quel¬ 
que  difiance  de  Catherine  -  bourg  ;  elle  fe 
préfente  en  crifiallifations  bien  dilïinétes ,  tk 
paroit  être  colorée  par  le  fer. 

Au  refte  ,  les  galènes  ou  mines  primor¬ 
diales  du  plomb  font  fouvent  mêlées  d'une 
certaine  quantité  d’argent,  &  lorfque  cette 
quantité  eft  allez  confidérable  pour  qu’on 
puifi'e  l’extraire  avec  profit,  on  donne  à  ces 
mines  de  plomb,  le  beau  nom  de  mines  d'argent; 
les  galènes  le  trouvent  aulfi  très- fouvent  en 
maffes  informes  &  mêlées  d’autres  matières 
minérales  &  terreufes,  qui  fervent  aux  minè- 
raltfattons  fecondaires  de  ces  mines  en  aidant 
à  leur  décompofition  ( a). 


(  a  )  Voyez  dans  le  fixième  volume  de  cette  Hiftoire 
des  Minéraux ,  l’article  Plomb. 


des  Minéraux , 


«*xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx<*> 


CONCRÉTIONS  DU  MERCURE. 

Lie  cinabre  eft  la  mine  primordiale  du  mer¬ 
cure,  &  l’on  peut  regarder  le  vif- argent, 
coulant,  comme  le  premier  produit  de  la 
décompofition  du  cinabre  :  il  fe  réduit  en 
pondre  lurfqu’il  fe  trouve  mêlé  de  parties 
pyriteufes;  mais  cette  poudre,  cornpofée  de 
cinabre  &  du  fer  des  pyrites,  ne  prend  point 
de  fol i dit é ,  &  l’on  ne  connoît  d'autres  con¬ 
crétions  du  mercure ,  que  celles  dont  M. 
Romé  de  Lille  fait  mention  fous  le  titre  de 
mercure  en  mine  fecondaire ,  mine  de  mercure  cernée 
volatile,  ou  mercure  doux  natif.  Cette  mine 
fecondaire  de  mercure,  dit  «  cet  habile  Miné- 
»  ralogiüe ,  a  été  découverte  depuis  peu 
»  parmi  les  mines  de  mercure  en  cinabre  ,  du 
»  duché  de  Deux*Ponts  ;  c’ell  du  mercure 
»  folidifïé  &  minéralilé  par  l’acide  marin  avec 
»  lequel  il  paroît  s’êrre  fublimé  dans  les  cavités 
&  fur  les  parois  de  certaines  mines  de  fer 
»  brunes  ou  hépatiques  de  même  que  le  mer- 
»  cure-  coulant  dont  cette  mine  eü  fouvent 
»  accompagnée,  {a)» 

J’ai  dit,  d’après  le  témoignage  des  Voya¬ 
geurs,  qu’on  ne  connoiffoit  en  Amérique 
qu’une  feule  mine  de  mercure  à  Guanca-velica ; 


(a)  Criftallographie  ,  par  M.  Romé  de  Lille  ,  tome  III, 
pages  161  &  J'ui y. 


30  Hijloire  naturelle 

mais  M.  Dombey ,  qui  a  examiné  avec  foin  les 
terreins  à  mine  du  Pérou  &  du  Chili ,  a  trouvé 
des  terres  imprégnées  de  cinabre  aux  environs 
de  Coquimbo ,  &  il  m’a  remis  pour  le  Cabinet 
du  Roi ,  quelques  échantillons  de  ces  terres 
qui  (ont  de  vraies  mines  de  mercure.  Les 
Éfpagnols  les  ont  autrefois  exploitées  ;  mais 
celles  de  Guanca-velica  s’étant  trouvées  plus 
riches  ,  celles  de  Coquimbo  ont  été  abandonnées 
jufqu’à  ce  jour,  où  les  éboulemens  produits 
par  des  tremblemens  de  terre,  dans  ces  mines 
de  Guanca-velica ,  ont  obhgé  le  Gouverne¬ 
ment  Efpagnol  de  revenir  aux  anciennes  ni  mes 
de  Coquimbo  avec  plus  d’avantage  qu’aupara- 
vant ,  par  la  découverte  qu’a  faite  M.  Dombey 
de  l’étendue  de  ces  mines  dans  plufieurs  ter- 
reins  voifms  qui  n’avoient  pas  été  fouillés. 
D’ailleurs  ce  (avant  Naturalise  m’affure  qu’in- 
dépendamment  de  ces  mines  de  cinabre  à 
Coquimbo  ,  il  s’en  trouve  d’autres  aux  environs 
de  Lima,  dans  les  provinces  de  Ca.cut.imbo  Sc 
Guunuco ,  que  le  Gouvernement  Efpagnol  n’a 
pas  fait  exploiter,  &  dont  cependant  il  pour- 
roit  tirer  avantage  :  il  y  a  même  toute  appa¬ 
rence  qu’il  s’en  trouve  au  Mexique;  car  M. 
Polony,  Médecin  du  Roi  au  cap  Saint-Do¬ 
mingue  ,  fait  mention  d’une  mine  de  mercure 
dont  il  m’envoie  les  échantillons  avec  plu¬ 
fieurs  autres  mines  d’or  &  d’argent  de  cette 
contrée  du  Mexique  (  b ). 


(h)  Lettre  de  Ül.  Folony  à  M.  le  Comte  de  Buüos 
datée  du  cap  à  Saint- Douiir 511e  ,  ao  Cftcbre  17S5 . 


des  Minéraux.  3 1 

+XM  -<M  <XXX-><X-<  * 


CONCRÉTIONS 

DE  L'ANTIMOINE. 

On  ne  connoît  point  de  régule  d’antimoine 
natif,  &  ce  demi-métal  eil  toujours  minéralifé 
dan^  ie  fein  de  la  Terre  :  il  fe  préfente  en 
minérai  blanc  lorfqu’il  ert  imprégné  d’arfenic, 
qui  lui  eli  fi  intimement  uni  qufon  ne  peut  les 
féparer  parfaitement.  L’antimoine  fe  trouve 
autli  en  mine  grife,  qui  forme  affez  fouvent 
des  ftalaélites  ou  concrétions  dont  quelques- 
unes  reffemblent  à  la  galène  de  plomb;  cette 
mine  grife  d’antimoine  ,  eli  quelquefois  mêlée 
d’une  quantité  conftdèrable  d’argent ,  &  par 
fa  décompofition  elle  produit  une  autre  mine 
à  laquelle  on  donne  le  nom  de  mine  dé  argent 
en  plumes  ,  quoiqu’elle  contiennent  huit  ou  dix 
fois  plus  d’antimoine  que  d’argent  :  celles 
qui  ne  contiennent  que  très -peu  ou  point 
d’argent,  s’appellent  mines  d'antimoine  en  plu¬ 
mes  ,  &  proviennent  également  de  la  décom¬ 
pofition  des  premières.  Je  n’ajouterai  rien  de 
plus  à  ce  que  j’ai  déjà  dit  au  (ujet  de  la  for¬ 
mation  des  mines  primitives  &.  lecondaires  de 
ce  demi-métal  (a  ). 


( a  )  Voyez  dans  le  fixième  volume  de  cette  hiftoire 
des  Minéraux,  l’article  Antimoine . 


3  2  Hijlolre  naturelle 

4*  ^  4*  *?*  f  4*  41 4*  f  ^  4*  4*  4*  »î*  4^  4*  ^  ^  ^  >î* 

CONCRÉTIONS  DU  BISMUTH. 

Les  concrétions  de  ce  demi -métal  Ton» 
encore  plus  rares  que  celles  de  l’antimoine , 
parce  que  le  bifmuth  le  préfente  plus  louvent 
dans  Ton  état  métallique  que  Tous  une  forme 
minéral 'fée  ;  cependant  il  eS  quelquefois, 
comme  l’antimoine  ,  al  éré  par  l’arfenic  & 
mêlé  de  cobalt,  fans  néanmoins  être  entière¬ 
ment  minéralifé  :  fa  furface  paroît alors irrifée 
&  chatoyante ,  ou  chagée  d’une  elHorefcence 
femblable  aux  fleurs  de  cobalt  :  &  c’eft  fans 
doute  de  la  décompofition  de  cette  mine  que 
fe  forme  celle  dont  M.  Romé  de  Lille  donne 
la  defcription  (a  ) ,  &  qui  n’étoit  pas  connue 
des  Naturalises  avant  lui. 


(a)  Mine  de  bifinutb  calciforme  Ce  minéral,  qui  doit 
fon  origine  à  la  décompofition  fpontanée  du  bifmuth  natif 
&  minéralifé ,  n’étoit  connue  jufqu’à  préfent  que  fous  la 
forme  d’une  efflorefcence  d’un  jaune- verdâtre  ou  d’un 
jaune  blanchâtre,  qui  fe  rencontre  quelquefois  à  la  fuper- 
ficie  des  bifmutbs  d’ancienne  formation ,  ce  qui  lui  avoit 
fait  donner  le  nom  de  fleurs  de  bifmuth. . .  Mais  j’en  ai 
reçu  un  morceau  allez  confiddrable  de  cunfiftance  folideôc 
pierreufe  ,  d’un  jaune-vetdâtre  mêlé  de  taches  blanchâtres 
tk  rougeâtres  :  c’eft  une  ocre  ou  chaux  de  bifmuth  . 
mêlée  d’un  peu  de  chaux  de  cobalt  tv  d’ocre  martiale. .  ’ 
La  gangue  de  ce  morceau  paroit  être  le  même  jafpe 


aes  Minéraux i  3  3 

martial  qui  fcrt  de  gangue  aux  mines  de  bifmuth  de 
Schcnccberg  ;  &  il  a  quelque  refTemblance  ,  à  la  couleur 
près ,  à  une  pierre  calaminaire  cellulaire  &  grenue  ;  mais 
il  étincelle  fortement  avec  le  briquet ,  &  il  conferve 
quelques  parcelles  d’un  minéral  gris ,  qui  femble  être  un 
bifmuth  décompofé.  Cri(iaHogr.jvhie ,  par  Al,  Rome  de 
Lijlc  ,  tome  111 ,  pages  II S  &  fuiv. 


34  Hïflclre  naturelle 


CONCRÉTIONS  DU  ZINC. 

Le  zinc  ne  fe  trouve,  pour  ainft  dire,  qu’en 
concrétions,  puifqu’on  ne  le  tire  que  de  la 
pierre  calaminaire ou  des  blendes,  &  que  nulle 
part  il  ne  fe  trouve,  dans  Ion  état  de  régule, 
lotis  la  forme  de  demi-métal  :  le  zinc  n’eft  donc 
qu’un  produit  de  notre  art,  &  comme  fa  fubf- 
tance  eft  non-feulement  très  -  volatile ,  mais 
même  fort  inflammable  ,  il  paroît  qu'il  n’a  été 
formé  par  la  Nature  qu’après  toutes  les  autres 
fubftances  métalliques;  le  feu  primitif l’auroit 
brûlé,  au  lieu  de  le  fondre  ou  de  le  réduire 
en  chaux  ,  &  il  eft  plus  que  probable  qu'il 
n’exiftoit  pas  alors,  &  qu’il  n’a  été  for  né 
comme  le  foufre ,  que  par  les  détrimens  des 
fubftances  combuflibles  ;  il  a  en  même  temps 
été  faifi  par  les  matières  ferrugineufes  ,  car 
il  fe  trouve  en  aflez  grande  quantité  dans 
plufieurs  mines  de  fer  ,  auiîi  bien  que  dans  les 
blendes  &  dans  la  calamine,  qui  toutes  font 
compofécsde  zinc,  de  foufre  (k  de  fer.  Indé¬ 
pendamment  donc  de  la  pierre  calaminaire  & 
des  blendes,  qui  font  les  fubftances  les  plus 
abondantes  en  zinc,  plufieurs  mines  de  fer  de 
dernière  formation  peuvent  être  regardées 
comme  des  mines  de  ce  demi-métal;  c’eft  par 
fon  affinité  avec  le  fer  que  cette  matière  in¬ 
flammable  &  volatile  s’eft  fixée  ,  &  l’on 
reconnoît  cette  union  intime  &  confiante  du 
zinc  avec  le  ter ,  par  la  décompofition  des 


des  Minéraux.  3  $ 

blendes  &  de  la  calamine,  qui  fe  réduifent 
également  en  une  forte  d’ocre  dans  laquelle  il 
fe  trouve  fouvent  plus  de  fer  que  de  zinc. 

On  ne  doit  donc  pas  être  furprts  que  le 
cuivre  jaune  ou  laiton  foit  quelquefois  fen- 
fiblement  attirable  à  l’aimant,  furtout  après 
avoir  été  frappé  ou  fléchi  &  tordu  avec  force  , 
parce  qu’étant  compofé  de  cuivre  rouge  & 
de  zinc,  le  laiton  contient  toujours  une  cer¬ 
taine  quantité  du  fer  qui  étoit  intimement 
mêlé  dans  les  blendes  ou  la  pierre  calaminaire, 
&  c’eft  par  la  même  raifon  que  le  régule  de 
zinc,  qui  n’eft  jamais  entièrement  privé  de 
fer,  fe  trouve  plus  ou  moins  attitable  à  l’ai¬ 
mant  :  il  en  eff  de  même  des  régules  de  cobalt, 
de  nickel  &  de  manganèfe,  qui  contiennent  du 
fer,  &  tous  font  plus  ou  moins  fufceptibles 
des  impreffions  magnétiques. 


3  6  Ht  [loir  e  naturelle 

0099099033903980609 

CONCRÉTIONS  DE  LA  PLATINE. 

Je  crois  devoir  donner  ici  par  extrait  quel¬ 
ques  faits  très- bien  préfentés  par  M.  le  Blond, 
Médecin  de  l’Uni verfité  de  Lima,  qui,  pen¬ 
dant  un  féjour  de  trois  ans  au  Pérou  ,  a  fait  de 
bonnes  obfervations  fur  le  gifî'ement  des  mines 
d’or  &  de  platine,  &  qui  les  a  communiquées 
à  l’Académie  des  Sciences,  au  mois  de  Juin 
1785. 

Ce  favant  Obfervateur  dit  avec  raifon  ,  que 
les  mines  primordiales  de  l’or  &  de  la  platine 
dans  l’Amérique  méridionale,  giffoient  fur 
les  montages  de  la  Cordillière ,  dans  les  parties 
les  plus  élevées,  d’où  elles  ont  été  détachées 
&  entraînées  par  les  eaux  dans  les  vallées  & 
les  plaines  les  plus  baffes,  au  pied  de  ces 
montagnes. 

»  C’eft  au  Choco,  dit  M.  Je  Blond,  que  fe 
»  manifeftent  d’une  manière  très  -  fenftble, 
»  les  différens  lits  de  pierres  arrondies  &  de 
j>  terres  entaffées  qui  forment  les  mines  de 
»  tranfport;  ce  pays  eft  entièrement  comme 
j>  le  réfervoir  où  viennent  aboutir  prefque 
»  toutes  les  eaux  qui  defcendent  des  provinces 
»  de  Paftos,  Platya,  &c.  &  conféquemment 
»  le  lieu  le  plus  bas,  &  qui  doit  être  le  plus 
»  abondamment  pourvu  des  corps  métalliques 
»  qui  auront  été  détachés  ,  Si  entraînés  par  les 
»  eaux  ,  des  lieux  les  plus  élevés. 

i>  En  effet ,  il  eff  rare  au  Choco  ,  de  ne  pas 


des  Minéraux''.  3  7 

«  trouver  de  l’or  dans  prefque  toutes  ces 
»  terres  transportées  que  l’on  fouille,  mais 
»  c’eit  uniquement  à  peu- près  au  nord  de  ce 
33  pays  ,  dans  deux  diftri&s  feulement  appelés 
3)  Cyura  &  A oyita ,  qu’on  le  trouve  toujours 
33  mêlé  plus  ou  moins  avec  la  platine ,  &  jamais 
3>  ailleurs  ;  il  peut  y  avoir  de  la  platine  autre 
33  parr ,  mais  elle  n’a  sûrement  pas  encore  été 
33  découverte  dans  aucun  autre  endroit  de 
33  l’Amérique. 

33  Les  deux  pareilles  de  Novita  &  Cytara , 
33  font,  comme  on  vient  de  le  dire,  les  deux 
33  feuls  endroits  où  l’on  trouve  les  mines  d’or 
33  &  de  platine;  on  les  exploite  par  le  lavage 
33  qui  eÜ  la  manière  ufitée  pour  toutes  les 
33  mines  de  transport  de  l’Amérique  méri- 
33  dionale.  L’or  &  la  platine  fe  trouvent  con- 
33  fondus  &  mêles  dans  les  terres  dépofées  par 
33  les  eaux,  fans  aucune  marque  qui  puilfe 
3)  faire  dilLnguer  une  mine  formée  fur  les 
3)  lieux. . . .  Lorfque  l’on  a  obtenu  par  le  lavage, 
33  l’or  &  la  platine  de  la  ter-,  e  dans  laquelle  ces 
J3  métaux  lont  mêlés,  on  les  fépare  grain  par 
33  grain  avec  la  lame  d’un  couteau  ou  autre- 
33  ment,  fur  une  planche  bien  Lille  ;  &,s’il 
33  relie  dans  la  platine ,  après  l’avoir  ainfi 
33  féparée ,  quelques  légères  paillettes  d’or 
33  dont  le  travail  emporte'roit  trop  de  temps , 
33  on  les  amalgame  avec  du  vif  argent ,  à  l’aide 
33  des  mains  &  enfuite  d’une  malfe  ou  pilon  de 
33  bois,  dans  une  efpèce  d’auge  de  bois  dur, 
33  comme  le  gayac,  &  on  parvient  de  cette 
33  manière  ,  quoiqu’aUez  imparfaitement  ,  à 
33  les  unir  au  mercure,  dont  on  les  dégage 
33  après  par  le  moyen  du  feu. 


3  8  Hifloire  naturelle 

»  On  ne  nie  pas  qu’il  n’y  ait  quelques 
j>  Mineurs  qui  fafl'ent  cet  amalgame  dans  des 
»  mortiers  avec  leurs  pilons  de  fer  ou  de 

cuivre;  mais  il  ne  feroit  pas  vraifemblable 
»  d’attribuer  à  cette  manipulation,  l’a  p  p  1  a  t  i  fie  - 
»  ment  de  quelques  grains  de  platine  ,  puil- 
»  qu’un  grain  de  ce  métal  très-drâicile  à appla- 
»  tir,  ne  pourroit  jamais  l’être  ,étantjointà  dix 
j>  mille  autres  qui  ne  le  font  pas,  &  que  d’ail- 
v  leurs  on  trouve  dans  cette  matière ,  telle 
»  qu’on  la  retire  de  la  terre,  des  grains  applatis 
i>  mêlés  avec  des  grains  d'or  (a),  qu’on 
»  diftingue  très-bien  à  la  fimple  vue,  &  qui 
»  n’y  feroient  sûrement  pas  fi  elle  avoit  été 
»  foumife  à  l’amalgame. 

v  C’eft  ce  même  amalgame  mal  rafiemblé, 
»  qui  laide  quelquefois  après  lui  des  gouttes 
))  de  vif- argent  qu’on  a  cru  devoir  exider 
s»  dans  la  platine;  c’eft  une  erreur  dont  on 
»  doit  d’autant  mieux  fe  défabufer  ,  qu’ex- 


(a)  Dans  la  grande  quantité  de  platine  que  M.  Donrbey 
a  rapportée  du  Pérou  ,  &  dont  il  a  remis  une  partie  au 
Cabinet  du  Roi ,  il  s’eft  trouvé  un  de  ces  grains  de  platine 
applatis ,  de  trois  [lignes  de  longueur  fur  deux  lignes  de 
largeur,  &  cela  confirme  ce  que  dit  à  ce  fujet  M.  le 
Blond.  C’eft  le  plus  grand  grain  de  platine  que  j’ai  vu  : 
IM.  Dembey  m’a  affuré  qu’il  en  connoiffoit  un  de  trois 
onces  pefant ,  qui  étoit  entre  les  mains  de  Don  Autonio- 
Jofeph  Arcclie,  Vifiteur  général  du  Pérou,  &:  qui  a  été 
envoyé  à  la  Société  royale  de  Bifcaye.  Ce  gros  grain 
eft  de  la  môme  figure  que  les  petits ,  &  tous  parodient 
avoir  été  fondus  par  le  feu  des  volcans. 


des  Minéraux.  39 

«  cepté  les  mines  d e  Guanca-velica  au  Pérou , 
»  on  n’a  pu  découvrir  jufqu’à  préfent  aucune 
»  mine  de  mercure  ou  de  cinabre  dans  toute 
»  l’Amérique  efpagnole  (  b  )  ,  nonobftant  les 
»  grandes  récompenles  promises  par  le  Gou- 
»  vernement. 

»  C’eit  aux  deux  Cours  des  Monnoies  de 
»  Sainte-Foi  &  de  Popayan  ,  que  fe  porte  tout 
»  l’or  du  Choco ,  pour  y  être  monnoyé;  là, 
»  Te  fait  un  fécond  tirage  de  la  platine  qui 
»  pourroit  être  refiée  avec  l’or;  les  Officiers 
»  royaux  la  gardent,  &  quand  il  y  en  a  une 
i>  certaine  quantité  ,  ils  vont  avec  des  témoins 
»  la  jeter  dans  la  rivière  de  Bogota  ,  qui  palTe 
»  à  deux  lieues  de  Sainte-Foi,  &  dans  celle 
»  du  Caouca ,  à  une  lieue  de  Popayan:  il 
»  paroît  qu’aujourd’hui  ils  l’envoient  en 
»  Efpagne. 

»  On  trouve  toujours  la  platine  mêlée  avec 
»  l’or  ,  dans  la  proportion  d’une  ,  deux  ,  trois, 
«  quatre  onces,  &  davantage,  par  livre  d’or; 
v  les  grains  de  ces  deux  matières  ont  à  peu- 
»  près  la  même  forme  &  la  même  groffeur, 
»  ce  qui  eld  très-digne  d’être  remarqué. 

»  Si  la  proportion  de  la  platine  avec  l’or  eft 
»  plus  confidérable  ,  alors  on  travaille  peu  la 
5?  mine",  ou  même  on  l’abandonne ,  parce  que 
»  la  quantité  de  ces  deux  métaux  enfemble 
»  étant  à  peu- près  la  même  que  celle  d’une 


(i)  Je  dois  obferver  qu’il  fe  trouve  des  mines  de  mer¬ 
cure  au  Chili ,  &  en  quelques  autres  contrées  de  l’Amé¬ 
rique  méridionale.  Voyez  ci-devant  l’article  Concrétions 
du  mercure. 


40  Hijlolre  naturelle 

»  autre  mine  où  on  ne  tireroit  que  de  l’or  pur,’ 
»  il  s’enfuir  que  quand  le  proportion  de  la 
)>  platine  efl  trop  confidérable  ,  celle  de  l’or, 
»  décroiffant  en  même  raifon,  n’offre  plu9 
»  les  mêmes  avantages  pour  pouvoir  la  tra- 
»  vailler  avec  profit,  &  c’eft  pour  cela  qu’on 
»  la  laiffe  :  il  ne  feroit  pas  moins  intérelüant 
»  de  s’affurer  li  cette  lubüance  ne  fe  rencofi- 
»  treroit  pas  feule  &  fans  mélange  d’or  dans 
»  des  mines  qui  lui  feraient  propres. 

»  La  platine,  ainfi  que  l’or  qui  l’accom- 
»  pagne,  fe  trouvent  de  toute  groffeur, 
»  depuis  celle  d'une  fine  pouflière  jufqu’à  celle 
»  d’un  po  s ,  &  l’on  ne  rencontre  pas  déplus 
«  gros  morceaux  de  platine,  ou  du  moins  ils 
»  doivent  être  bien  rares ,  car  quelque  peine 
»  que  je  me  fois  donnée,  je  n’ai  pu  m’en 
v  procurer  aucun,  &  je  n’en  ai  vu  qu’un  feul 
»  à  peu  près  de  la  groffeur  d’un  œuf  de  pigeon 
v  ( c );  j’ai  vu  des  morceaux  d’or  qui  m’ont 
»  paru  fondus  naturellement ,  beaucoup  plus 
v  confidérables. 

»  Il  eft  vraifemblable  que  comme  l’or  a  fes 
»  mines  propres,  la  platine  peut  avoir  aufîi 
»  les  Tiennes  d’où  elle  a  été  détachée  par  une 
»  force  quelconque  ,  &  entraînée  par  les  eaux 


(c)  Ce  morceau  elf  le  même  dont  nous  avons  parlé 
ci-devant,  d’après  M.  Dombey ,  dans  la  note  (<i);  car 
M.  le  Blond  dit,  comme  M  Dombey,  »  que  ce  mor¬ 
ceau  fut  remis  à  Don  Areclie,  intendant  du  Pérou,  pour 
en  faire  préfent  à  la  Société  royale  de  Bifcaye  ,  qui  doit 
actuellement  le  polfédcr  », 


n  dans 


I 


des  Minéraux',  4 1 

»  dans  les  mines  de  tranfport  où  on  la  trouve  ; 
”  mais  ces  mines  propres  où  font-elles  r  c’efl 
«  ce  qu’on  n’a  pas  encore  pris  la  peine  d’exa- 
>»  miner. 

11 . Puifque  l’or  &  la  platine  fe  trouvent 

»  dans  leurs  mines  de  tranlport,  à  peu-près  de 
»  même  groffeur,  il  fembleroit  que  ces  deux 
»  métaux  doivent  avoir  aufïï  à  peu  près  une 
”  même  fource ,  &  peut  -  être  les  mêmes 
»  moyens  de  métallifation  ;  ils  diffèrent  cepen* 
j»  dant  effentiellement  en  couleur,  en  malléa- 
”  bilité  ,  &  en  poids.  Ne  pourroit-on  pas 
»  préfumer,  d’après  les  fcories  de  fer  qui 
”  accompagnent  toujours  plus  ou  moins  la 
”  platine,  qu’elle  n’eff  elle  -  même  qu’une 
»  modification  de  ce  métal  par  le  feu ,  d’une 
façon  jufqu’ici  inconnue  ,  qui  la  prive  de  la 
3f  couleur ,  de  la  malléabilité  &  de  la  pefanteur 

»>  fpécifique  de  l’or  ? . M.  Bergmann  a  été 

«  sûrement  mal  informé  quand  il  dit  que  la 
»  force  magnétique  du  fer  dans  la  plarine  , 
vient  vraifemblablement  de  la  trituration 
»  qu’on  lui  fait  éprouver  dans  la  meule  de  fer 
3)  pour  féparer  l’or  par  l’amalgame,  &  que 
»  c’eff  au  moins  de  là  que  vient  le  mercure 
»  qui  s’y  trouve  ;  qu’il  arrive  peu  de  platine 
»  en  Europe  qui  n’ait  paffè  par  cette  meule 
u  (  Journal  de  Phyjique  ,  1 778  ,  page  327).  Cette 
»  meule  dont  parle  M.  Bergmann  n’exifie  pas, 
»  au  moins  n’en  ai  je  jamais  entendu  parler. 
»  Quant  au  mercure  il  a  raifon,  &  cette 
î)  (ubffance  fe  trouve  affez  louvent  dans  la 
»  platine.  » 

Je  dois  joindre  à  ces  obfervations  de  M.  le 
Blond,  quelques  réflexions  :  je  ne  penfe  pas 
Minéraux.  Tome  IX.  13 


4 1  Hîfïoîre  naturelle 

que  le  fer  feul  puiffe  fe  convertir  en  platine 
comme  il  paroît  le  préfumer.  J’ai  déjà  dit  que 
la  platine  étoit  coinpofée  d’or  dénaturé  par 
l’arfenic  ,  &  de  fer  réduit  en  fablon  magnéti¬ 
que  par  l’exceflive  violence  du  feu,  &  j’ai 
fait  faire  quelques  effais  pour  vérifier  ma. 
préfomption.  M.  l’Abbe  Rochon  a  bien  voulu 
fe  charger  de  ce  travail ,  &  j’ai  aufii  prié  M. 
de  Morveau  de  faire  les  mêmes  expérience?. 
L’or  fondu  avec  l'arfenic  devient  blanc,  cafiant 
&  grenu,  il  perd  fa  couleur,  &  prend  en 
même  temps  beaucoup  plus  de  dureté;  cet  or 
altéré  par  l’arfenic ,  fondu  une  fécondé  fois 
avec  le  fablon  ferrugineux  &  magnétique  qui 
fe  trouve  mêlé  avec  la  platine  naturelle , 
forme  un  alliage  qui  approche  beaucoup  de  la 
platine  ,  tant  par  la  couleur  que  par  la  deniité. 
M.  l’abbé  R.ochon  m’a  déjà  remis  le  produit  (de 
nos  deux  premiers  efTais  ,  &  j’efpère  que  nous 
parviendrons  à  faire  de  la  platine  artificielle 
par  le  procédé  fuivant,  dont  feulement  il 
faudra  peut-être  varier  les  dofes&  les  degrés 
de  feu. 

Faites  fondre  un  gros  d’or  le  plus  pur  avec 
fix  gros  d’arfenic,  lailfez  refroidir  le  bouton  , 
pulvérifez  cet  or  fondu  avec  l’arfenic  dans  un 
mortier  d’agate  ,  mêlez  cette  poudre  d’or  avec 
trois  gros  du  fablon  magnétique  ,  qui  fe  trouve 
mêlé  a  la  platine  naturelle  ,  &  comme  la  fufiotî 
de  ce  mélange  exige  un  feu  très-violent ,  & 
qu’il  faut  que  le  fablon  ferrugineux  s’incorpore 
intimement  avec  l’or,  vous  ajouterez  à  ces 
matières  une  bonne  quantité  de  nitre ,  qui 
produira  allez  d’air  inflammable  pour  rendre 
la  fulion  parfaite,  &  vous  obtiendrez  par  cette 


dis  Minéraux'.  45 

opération,  un  produit  très  -  fembîable  à  la 
platine  naturelle.  Il  eft  certainement  plus 
pollible  de  faire  de  la  platine  artificielle  que  de 
convertir  la  platine  en  or  ;  car  quelques  efforts 
qu’aient  fait  nos  Chimiftes  pour  en  iéparer  ce 
métal  précieux  ,  ils  n’ont  pu  rétillir,  &  de 
même  ils  n’ont  pu  en  féparer  absolument  le  fer 
qu’elle  contient;  car  la  platine  la  plus  épurée, 
qui  paroît  ne  pas  être  attirable  à  l’aimant, 
contient  néanmoins  dans  fon  intérieur  des 
particules  de  fablon  magnétique ,  puifqu’en  la 
réduifant  en  poudre,  on  y  trouve  ces  parti¬ 
cules  ferrugineufes  qu’on  peut  en  retirer  avec 
l’aimant. 

Au  refte,  je  ne  fais  pas  encore  fi  nous  pour¬ 
rons  retirer  l’or  de  ces  boutons  de  platine 
artificielle,  qui  me  paroiffent  avoir  toutes  les 
propriétés  de  la  platine  naturelle  ;  feulement 
il  me  paroît  que  quand  l’or  a  été  dénaturé  par 
l’arfenic ,  &  intimement  mêlé  avec  le  fablon 
fe  rrugineux  &  magnétique ,  il  n’y  a  guère 
moyen  de  lui  rendre  fa  duélilité  &  la  première 
naiure  ,  &  que  par  conféquent  il  fera  toujours 
très-difficile  de  tirer  de  la  platine  tout  i’or 
qu’elle  contient,  quoique  la  prèlence  de  ce 
métal  dans  la  platine  nous  foit  démontrée  par 
fon  poids  fpécifique,  comme  la  prèlence  du 
fer  l’eff  auffi  par  fon  magnétifme. 


D  a 


44  Hifiolre  naturelle 

ooosoosoosooooooooo 

PRODUITS  VOLCANIQUES. 


Nous  avons  parlé  en  plufieurs  endroits  de 
cet  ouvrage  desbafalres  &  des  différentes  laves 
produites  par  le  feu  des  volcans  (  a  )  ;  mais  nous 
n’avons  pas  fait  mention  des  différentes  fubf- 
tances  qu’on  eft  affez  furpris  de  trouver  dans 
l’intérieur  de  ces  maffes  vitrifiées  par  la  vio¬ 
lence  du  feu  :  ce  font  des  cailloux  (é),  des 
agates,  des  hyacinthes,  des  cryfolites  ,  des 
grenats,  &c.qui  tous  ont  confervé leur  forme. 


(a)  Voyez  le  cinquième  volume  des  fupplémens  à 
FHiftoirc  Naturelle  ,  &  le  tioifième  volume  de  cette  Hiftoire 
des  Minéraux. 

(b)  Il  eft  à  propos  de  remarquer  que  dans  beaucoup 
de  cantons  volcaniques  du  Vicentin,  du  Véronois,  &c.  if 
fe  trouve  nu  milieu  de  la  lave  &  de  la  cendre,  différen¬ 
tes  efpèces  de  cailloux  qui  font  feu  avec  l’acier  ,  tels 
que  des  jafpes ,  des  pierres  à  fuüls ,  des  agates'  rouges  , 
noires,  blanches,  verdâtres,  &  de  plufieurs  autres  couleurs. 
M.  Arduini  a  décrit  féparément  dans  le  Ciomale  cf  lu; Ha , 
des  hyacinthes  ,  des  cliry folites  &  des  piètre  ohfdiane 
qu’on  trouve  à  Leonedo.  On  voit  encore  dans  les  collines 
du  Vicentin,  qui  font  formées  de  cendres  volcaniques, 
des  cailloux  de  la  nature  des  calcédoines  ou  des  opales 
(  opali  enhydri ,  qui  contiennent  de  l’eau  ).  Lettres  fur  la 
Minéralogie ,  par  M.  Ferbcr ,  traduites  par  Al.  le  Baron 
de  Dietrich,  pages  72  &  73. 


des  Minéraux.  4^ 

&  fouvent  leur  couleur.  Quelques  Obferva- 
teurs  ont  penfé  que  ces  pierres  renfermées 
dans  les  laves  ,  même  les  plus  dures,  ne  pou- 
voient  être  que  des  Italaftires  de  ces  mêmes 
laves,  qui  s’êtoient  formées  dans  leurs  petites 
cavités  extérieures  long  -  temps  après  leur 
refroidiffement ,  en  (orte  qu’elies  en  tiroient 
immédiatement  leur  origine  &  leur  fubftance 
(  c  )  j  mais  ces  pierres  bien  examinées  com- 

f tarées,  ont  été  reconnues  pour  de  vrais  cai I - 
oux  ,  criftaux  ,  agates  ,  hyacinthes  ,  chryfoli- 
tes  &  grenats  ,  qui  rous  étoient  formés  précé* 
demment ,  &  qui  ont  feulement  été  fai  As  par 
la  lave  en  fufion  lorsqu'elle  rouloit  fur  la  fur- 
face  de  la  terre,  ou  qu’elle  couloit  dans  les 
fentes  des  rochers  hériffes  de  ces  criftaux; 
elle  les  a  ,  pour  ainfi  dire,  ramaffés  en  paffant, 
&  ils  fe  font  trouvés  enveloppés  plutôt  qu’in- 
terpofés  dans  la  fubitance  de  ces  laves,  dès 
le  temps  qu’elles  étoient  en  fufion. 

M.  Faujas  de  Saint  Fond  nous  a  donné  une 
bonne  defeription  très  détaillée  des  chryfolites 
qu’il  a  trouvées  dans  les  bafaltes  &  laves  des 
anciens  volcans  du  Vivarais  (d)  \  il  ne  s’eft 


(c  )  Idem  ,  pages  81,  Si,  21S  &  fuir. 

(  d  )  >*  J’appelle  cette  pierre  chryfolite  des  volcans  , 
parce  qu’elle  fe  trouve  abondamment  dans  les  laves  & 
dans  certains  bafaltes  ;  elle  eft  en  grains  irréguliers  ou  en 
petits  fragmens,  qui  ont  la  couleur ,  la  dureté  &  les  autres 
caraftère  de  la  véritable  ebryfolite. . .  La  chryfolite  des 
volcans  eft,  en  général ,  plus  pefante  que  le  bafaite,  elle 
donne  des  étincelles ,  lerfqu’on  la  frappe  avec  le  briquet» 


46  Hi foire  naturelle 

pas  trompé  fur  leur  nature  ,  &  les  a  teconnues 
pour  de  vraies  chrylolites  dont  les  unes ,  dit- 


On  en  trouve  dans  les  bafaltes  de  Maillas,  non  loin  de  Saint- 
Jean-le-Nuir,  dont  les  grains  font  fi  adhérens  qu’ils  paroiffent 
ne  formerqu’un  futl  &  même  corps.  J’en  ai  fait  fcier  &  polir 
des  morceaux  qui  pèfent  quatre  livres  ;  il  font  d’une  grande 
dureté ,  &  ont  pris  un  poli  allez  vif ,  mais  un  peu  étonné 
à  caufe  de  leur  contexture  formée  par  la  réunion  d  une 
multitude  de  grains ,  qui ,  quoique  fortement  liés ,  ne  tont 
pas  cependant  un  enfemble ,  un  tout  parfait. 

»  Cette  fubflance  eft  des  plus  réfrattaires  ;  le  feu 
des  volcans  ne  lui  a  occafionné  aucun  changement  fenfi- 
ble  ;  j’ai  des  laves  du  cratère  de  Montbrul ,  réduites  en 
feories ,  qui  contiennent  de  la  chryfolite  qui  n’a  fouflert 
aucune  altération. 

»  On  trouve  dans  la  bafalte  de  Maillas ,  la  chryfolite 
en  frngmens  irréguliers  ou  en  noyaux  arrondis  ;  il  y  en 
a  des  morceaux  qui  pèfent  jufqu’à  huit  ou  dix  livres  ; 
planeurs  paroiffent  avoir  été  ufés  &:  arrondis  par  l’eau 
avant  d’avoir  été  pris  dans  les  laves. 

»  J’ai  de  la  chryfolite  en  table  d’un  pouce  d'épaiffeur 
fur  quatre  pouces  de  longueur  &  deux  pouces  de  largeur; 
elle  fe  trouve  dans  une  belle  lave  poreufe  bleue  du  cra¬ 
tère  de  Monthul. 

>*  La  chryfolite  des  volcans  eft  compofée  d’un  affent- 
blagc  de  grains  fablonneux,  plus  ou  moins  fins,  plus  ou 
moins  adhérens,  raboteux,  quelquefois  irréguliers ,  quel¬ 
quefois  en  efpèce  de  croûte  ou  petites  écailles  grave- 
leufcs ,  mais  le  plus  fouvent  en  fragmens  anguleux  qui 
s’engrènent  les  uns  dans  les  autres  ;  la  couleur  de  ces 
grains  efl  variée,  les  uns  font  d'un  vert  d’herbe  tendre  , 
d’autres  d’un  vert  tirant  fur  le  jaune ,  couleur  de  la  véri- 


des  Minéraux 47 

il,  «  font  (i’un  vert-clair  tirant  fur  le  jaune , 
»  couleur  de  la  véritable  chry  folite  ;  quelques- 


table  chry  folite  ;  quelques-uns  font  d’un  jaune  de  topaze; 
certains  d’une  couleur  noire  luifante ,  femblable  à  celle 
du  fcliorl  ;  de  forte  que ,  dans  l’in  liant ,  on  croit  y 
reconnoître  cette  fubftance  ;  mais  en  prenant  au  foleil  le 
vrai  jour  de  ces  grains  noirs,  &  en  les  examinant  dans 
tous  les  fens ,  on  s’aperçoit  que  cette  couleur  n’eft  due 
qu’à  un  vert  noirâtre ,  qui  produit  cette  teinte  fombre  & 
foncée. 

»  Il  y  des  chryfolites  qui  paroiffent  d’un  jaune  rougeû- 
tre-ocreux  à  l’extérieur,  cet  accident  eft  dû  à  l’altération 
occafionnée  dans  les  grains  jaunâtres ,  qui  fe  décompo- 
fent  en  partie  &  fe  couvrent  d’une  efpèce  de  rouille  fer- 
rugineufe. 

»  On  trouve  des  chryfolites  moins  variées  dans  leurs 
grains  &  dans  leur  couleur  ;  on  voit  non  loin  de  Vais , 
un  bafalte  très  dur  qui  en  contient  des  gros  noyaux  très 
fains  &  très  vitreux ,  prefque  tous  d’un  vert  tendre , 
légèrement  nuancés  de  jaune  :  on  y  remarque  feulement 
quelques  grains  un  peu  plus  foncés  qui  fe  rapprochent  du 
noir. 

>*  C’eft  auprès  du  village  de  Colombier  en  Vivarais , 
que  l’on  trouve  la  chryfolite  en  grottes  malfes  ;  on  en 
voit  des  morceaux  qui  pèfent  jufqu’à  trente  livres ,  elle 
eft  à  très  gros  grains  qui  varient  dans  leur  couleur. 

»  Cette  pierre ,  malgré  fon  extrême  dureté ,  a  éprouvé 
le  fort  de  certaines  laves  qui  s’attendrifTenc ,  fe  décom- 
pofent  &  paffent  à  l’état  argileux ,  foit  à  l’aide  des  fumées 
acides  fulfureufes  qui  fe  font  émanées  en  abondance  de  cer¬ 
tains  volcans  ,  foit  par  d’autres  caiifes  cachées  qui  enlè¬ 
vent  6e  détruifent  l’adhéfion  6c  la  dureté  des  corps  les 


4g  Hîjtoîre  naturelle 

»  unes  d’un  jaune  de  topaze ,  certaines  d’une 
»  couleur  noire-luifânte,  comme  le  fchorl , 
?»  de  forte  que,  dans  l’inflant ,  on  croit  y 
î)  reconnoître  cette  fubflance;  mais  en  prenant 
»  au  foleil  le  vrai  jour  de  ces  grains  noirs, 
»  &  en  les  examinant  dans  tous  les  fens  ,  on 
»  s’aperçoit  que  cette  couleur  n’efl  qu’un  vert- 
»  noirâtre  qui  produit  cette  teinte  fombre  & 
«  foncée.  »  En  effet ,  cette  fubflance  vitreufe 
n’efl  point  du  fchorl,  mais  du  criflal  de  roche 
teint  comme  tous  les  autres  criflaux  &  chry- 
folites  vertes  ou  jaunâtres,  lefquelles  étant 
très-réfraélaires  au  feu  n’ont  point  été  altérées 
par  la  chaleur  de  la  lave  en  fufion  ,  tandis  que 
les  grenats  &  les  fchorls  qui  font  fufibles  ont 
fouvent  été  dénaturés  par  cette  même  chaleur: 
ces  fchorls  ont  perdu  par  l’aélion  du  feu  vol¬ 
canique ,  non- feulement  leur  couleur,  mais 
une  portion  conftdérable  de  leur  fubflance  ; 
les  grenats  en  particulier  qui  ont  été  volca- 


plus  durs  ;  on  voit,  non  loin  du  volcan  éteint  de  Chcnavari 
en  Vivarais  -,  une  lave  compacte  qui  s’cfl  déconipoféc  & 
a  parte  à  l’état  d’argile  de  couleur  fauve ,  qui  contient 
des  noyaux  de  chryfolite  dont  les  grains  ont  eonfervé 
leur  forme  &  leur  couleur ,  mais  qui  ont  perdu  leur  coup- 
d’oeil  vitreux ,  &  qui  s’exfolient  fe  réduifent  en  pouf- 
fière  fous  les  doigts ,  tandis  que  dans  la  môme  matière 
volcanique  argileufe ,  on  vo't  encore  des  portions  de 
lave  poreufe  gnfe,  qui  n’ont  pas  perdu  leur  couleur,  & 
qui  ne  font  que  légèrement  altérées  Recherches  fur 
les  volcans  éteints  ,  par  Al,  Faujas  de  Saint-Fond  ,  pages 
347  &  fuiv. 


Ses  Minéraux'.  4^ 
nifés  ,  font  blancs ,  &  ne  pèlent  fpécifique- 
inent  que  24684;  tandis  que  le  grenat  dans 
Ion  état  naturel ,  pèfe  41888.  Le  feu  des  laves 
enfufion  peut  donc  altérer,  &  peut-être  fondre 
les  fchorls ,  les  grenats  &  les  feld-fpaths; 
mais  les  criftaux  quartzeux ,  de  quelque  cou¬ 
leur  qu’ils  foient,  réfiftent  à  ce  degre  de  feu  ; 
&ce  font  ces  criftaux  colorés  &  trouvés  dans 
des  balaltes  (  e)  &  les  laves,  auxquels  on  a 
donné  les  noms  de  chryfolites ,  d’amcthyjles ,  de 
topazes  &  d'hyacinthes  des  volcans. 


(c)  La  teinte  violette  de  ces  criftaux  eft  Couvent  très 
légère  ,  il  y  en  a  de  verdâtres  auxquels  on  pourroit 
donner  le  nom  de  chryfolites. . .  J’ai  vu  un  morceau  pro¬ 
venant  des  éruptions  du  Véfuve,  lequel  ,  outre  un  grand 
nombre  d'hyacinthes  volcaniques  d’un  brun-noirâtre ,  con¬ 
tient  aufli  des  prifmes  hexaèdres  tronqués  net  aux  deux 
extrémités  ;  ce  font  des  améthiftes  bafaltiques  décolorées 
par  l'aftion  du  feu  ;  elles  font  blanches,  prefque  opaques, 
&  même  étonnées;  il  y  en  a  une  qui  eft  tronquée  de 
manière  à  former  un  prifme  à  douze  pans  irréguliers. 
Lettres  du  docteur  Demejle  au  docteur  Bernard ,  tome  /, 
pages  428  &  429. 


Minéraux.  Tome.  IX. 


E 


ça  Hïjlo'ire  futur  elle. 

DES  BASALTES, 

DES  LAVES  ET  DES  LAITIERS 


VOL  CANIQUES. 

0>omme  M.  Faujas  de  Saint-Fond  eft  de 
tous  les  Naturaliftes  celui  qui  a  obfervé  avec 
le  plus  d’attention  &  de  difcernement  les  diffé- 
rens  produits  volcaniques,  nous  ne  pouvons 
mieux  faire  que  de  donner  ici  par  extrait  les 
principaux  rélultats  de  fes  obfervations  «  Le 
»  bafalte,  dit-il ,  fe  préfente  fous  la  forme 
»  d’une  pierre  plus  ou  moins  noire,  dure, 
»  compacte,  pefante  ,  attirable  à  l’aimant, 
»  fufceptible  de  recevoir  le  poli ,  fufible  par 
«  elle-même  fans  addition  ,  donnant  plus  ou 
»  moins  d’étincelles  avec  le  briquet ,  &  ne 
v  faifant  aucune  effervefcence  avec  les  acides. 

v  11  y  a  des  balaltes  de  forme  régulière  en 
»  prifmes  ,  depuis  le  triangle  jufqu’à  l’oélo- 
»  gone  ,  qui  forment  des  colomnes  articulées 
v  ou  non  articulées ,  &  il  y  en  a  d’autres  en 
j ,  forme  irrégulière.  On  en  voit  de  grandes 
v  mafl'es  en  tables,  en  murs  plus  ou  moins 
»  inclinés ,  en  rochers  plus  ou  moins  pointus  , 
»  St  quelquefois  iiolés,  en  remparts  elcarpés, 
v  Si  en  blocs  ou  fragmens  raboteux  &  irré- 
»  gulier‘.  Les  bafaltes  à  cinq  ,  fix  &  lept  faces , 
»  le  trouvent  plus  communément  que  ceux  a 
»  trois ,  quatre  ou  huit  faces  t  ils  font  tous  de 


des  Minéraux'.  5 1 

»  forme  prifmatique,  &  ]a  grandeur  de  ces 
»  prifmes  varie  prodigieusement  ;  car  il  y  en  a 
«  qui  n’ont  que  quatre  à  cinq  lignes  dediamètre 
jj  fur  un  pouce  &  demi  ou  deux  pouces  de 
»  longueur,  tandis  que  d’autres  ont  plufieurs 
jj  pouces  de  diamètre  fur  une  longueur  de  plu- 
»)  fieurs  pieds. 

»  La  couleur  des  bafaltes  eft  communément 
jj  noire,  mais  il  y  en  a  d’un  noir  d’ébène, 
jj  d’autre  d’un  noir- bleuâtre  ,  &  d’autre  plutôt 
jj  gris  que  noir,  d’autre  verdâtre,  ci’autre 
»  rougeâtre  ou  d’un  jaune  d’ocre  ;  les  différens 
jy  degrés  d’altération  de  la  matière  ferrugi- 
jj  neufe  qu’ils  contiennent  leur  donnent  ces 
«  différentes  couleurs;  mais  en  général,  lorf- 
>1  qu’ils  font  décompofés,  leur  poudre  eft  d’un 
»  gris-blanchâtre. 

»  11  y  a  de  grandes  maffes  de  bafalte  en 
)>  tables  ou  lits  horizontaux  :  ces  tables  font 
»  de  différentes  épaiifeurs;  les  unes  ont  plu- 
«  fieurs  pieds,  &  d’autres  feulement  quelques 
„  pouces  d’épais;  il  y  en  a  même  d’affez  min- 
j)  ces  pour  qu’on  putffe  s’en  fervir  à  couvrir 
«  les  maifons.  C’eft  des  tables  les  plus  épaiffes 
«  que  les  Egyptiens  ,  &  après  eux  les  Ro- 
jj  mains  ,  ont  fait  des  ftatues  dans  lefquelles 
j>  on  remarque  particulièrement  celles  du 
j>  bafalte  verdâtre  (a). 

jj  Les  laves  diffèrent  des  bafaltes  par  plu- 
ïj  fieurs  caractères,  &  particulièrement  en  ce 


(  a  )  Minéralogie  des  volcans ,  par  M.  Faujas  de  Sain- 
Fond;  Paris ,  in-S*.  chap.  1  ,  10  &  11. 


ç  t  Hijlolre  naturelle 

»  qu'elles  n’ont  pas  la  forme  prifmatique,  & 
v  on  doit  les  diflinguer  en  laves  compactes  & 
»  en  laves  poreufes  :  la  plupart  contiennent 
»  des  matières  étrangères ,  telles  que  des 
»  quartz,  des  criftaux  de  feld-fpath,  de  fchorl, 
»  de  mica  ,  ainfi  que  des  zéolites,  des  granités, 
»  des  chryfolites  ,  dont  quelques-unes  font, 
v  comme  les  bafaltes ,  fufceptibles  de  poli; 
«  elles  contiennent  auflî  du  grès,  du  tripoli  , 
j»  des  pierres  à  rafoir,  des  marbres  &  autres 
»  matières  calcaires. 

»  Le  granit  qui  fe  trouve  dans  les  laves  po- 
»  reufes  a  fubi  quelquefois  une  fi  violente 
«  a&ion  du  feu  qu’il  fe  trouve  converti  en  un 
»  émail  blanc. 

»  11  y  a  des  bafaltes  &  des  laves  qui  font 
v  évidemment  changés  en  terre  argileufe, 
«  dans  laquelle  il  fe  trouve  quelquefois  des 
s>  chryfolites  qui  ont  perdu  leur  brillant  & 
»  leur  dureté,  &  qui  commencent  elles-mêmes 
»  à  fe  convertir  en  argile. 

«  On  trouve  de  même  dans  les  laves,  des 
«  grenats  décolorés  &  qui  commencent  à  fe 
»  décompofer ,  quoiqu’ils  aient  encore  la 
j>  calibre  vitreule ,  &  qu’ils  aient  confervé 
»  leur  forme;  d’autres  font  très  -  friables  & 
»  approchent  de  l’argile  blanche. 

»  Les  hyacinthes  accompagnent  fouvent 
»  les  grenats  dans  ces  mêmes  laves,  &  quel- 
»  quefois  on  y  rencontre  des  géodes  de  cal- 
j)  cédoine  qui  contiennent  de  l’eau  ,  &  d’autres 
»  agates  ou  calcédoines  fans  eau  ,  des  filex  ou 
v  pierre  à  fufil ,  &  des  jafpcs  de  diverfes  cou- 
3)  leurs  :  enfin  on  a  rencontré  dans  les  laves 
il  d’Kxpailly  près  du  Puy  en  Vélay,  des  faphirs 


des  Minéraux.  5  3 

»  qui  femblent  être  de  la  même  nature  que  les 
»  faphirs  d’Orient.  On  trouve  auffi  dans  les 
»  laves,  du  fer  criftallifé  en  o&aèdre ,  du  fer 
»  en  mine  fpéculaire,  en  hématite,  &c. 

»  Il  y  a  des  laves  poreufes  qui  font  fi  légères 
»  qu’elles  fe  foutiennent  lur  l’eau,  &  d’autres 
»  qui ,  quoique  poreufes,  font  fort  pefantes  : 
»  la  lave  plus  légère  que  l’eau  eft  allez 
»  rare.  «  ( b  ) 

Après  les  bafaltes  &  les  laves  ,  fe  préfentent 
les  laitiers  des  volcans  :  ce  font  des  verres  ou 
des  efpèces  d’émaux  qui  peuvent  être  imités 
par  l’art;  car  en  tenant  les  laves  à  un  feu 
capable  de  les  fondre,  on  en  obtient  bientôt 
une  verre  noir,  luifant  &  tranchant  dans  fa 
calibre  :  on  vient  même,  dit  M.  Faujas,  de 
tirer  parti,  en  France  ,  du  bafalte  ,  en  le 
convertiffant  en  verre.  L’on  a  établi  dans  les 
environs  de  Montpellier,  une  verrerie  où  l’on 
fait  avec  ce  bafalte  fondu  de  très-bonnes  bou¬ 
teilles. 

Nous  avons  déjà  dit  qu’on  appelle/be/re  de 
gallïnace ,  au  Pérou ,  le  laitier  noir  des  volcans  ; 
ce  nom  e/F  tiré  de  celui  de  l’oifeau  gallina^o, 
dont  le  plumage  eft  d’un  beau  noir  :  on  trouve 
de  ce  laitier  ou  verre  noir ,  non  feulement  dans 
les  volcans  des  Cordillières  en  Amérique, 
mais  en  Europe,  dans  ceux  de  Lipari,  de 
Vulcano ,  de  même  qu’au  Vefuve  &  en  Illande, 
où  il  eft  en  grande  abondance. 


(  b  )  Minéralogie  des  volcans ,  par  M.  Faujas  de  Saint- 
Fond;  Paris ,  in-S chap.  13  &■  14. 


J  4  Hijbire  naturelle 

Le  laitier  blanc  des  volcans  eft  bien  plus 
rare  que  le  noir.  M.  Faujas  en  a  feulement 
trouvé  quelques  morceaux  dans  le  volcan 
éteint  du  Couerou  en  Vivarais,  &  en  dernier 
lieu  à  Staffa  ,  l’une  des  îles  Hébrides  ;  &  d’au¬ 
tres  Observateurs  en  ont  rencontré  dans  les 
matières  volcaniques  en  Allemagne  près  de 
Saxenhaufen,  aufli-bien  qu’en  Mande  &  dans 
les  îles  Fércë.  Ce  verre  blanc  eft  tranfparent , 
&  le  noir  le  devient  lorfqu’il  eft  réduit  à  une 
petite  épaifleur;  &  quand  les  élémens  humides 
ont  agi  pendant  long-temps  fur  ces  verres  ,  ils 
s’irifent  comme  nos  verres  factices ,  ce  qui  les 
rend  chatoyans  (c  ). 

M.  Troil  dit  qu’indépendamment  du  verre 
noir  (  faulfe  agate  d’Iflande )  ,  on  trouve  aulîi 
en  lllande  ,  des  verres  blancs  &  tranfparens  & 
d’autres  d’un  allez  beau  bleu ,  qui  font  les  plus 
rares  de  tous.  Il  ajoute  qu’il  y  en  a  quiref- 
femblent,  par  leur  couleur  verdâtre  &  par 
leur  pâte  grolîière ,  à  notre  verre  à  bouteil¬ 
les  (  d). 

Ces  laitiers  des  volcans,  &  fur-tout  le  laitier 
noir ,  font  compares  ,  homogènes  ,  &  allez 
durs  pour  donner  des  étincelles  avec  l’acier  : 
on  peut  les  tailler  &  leur  donner  un  beau  poli , 
&  l’on  en  fait  d’excellentes  pierres  de  touche 
en  les  dégroflilfant,  fans  leur  donner  le  dernier 
poli  (e). 


( c  )  Minéralogie  des  volcans,  par  M.  Faujas  de  Suint- 
Fond;  Paris ,  in-Sc.  chap.  16. 

(  d )  Lettres  fur  l’Iflande  ,  page  357. 

(c)  Cette  matière  a  été  indiquée  par  Pline,  fous  le 
nom  de  lapix  lydius , 


des  Minéraux 2  ^ 

Lorfque  les  laves  &  les  bafaltes  font  réduits 
en  débris  St  remaniés  par  le  feu  du  volcan  ,  ils 
forment  avec  les  nouvelles  laves,  des  blocs 
qu’on  peut  appeler  poudingues  volcaniques  :  il  y 
en  a  de  plus  ou  moins  durs,  St  fi  les  fragmens 
qui  compolent  ces  poudingues  ,  font  de  forme 
irrégulière  ,  on  peut  les  appeler  des  brèches 
volcaniques.  M.  Faujas  a  obfervé  que  l’églife 
Cathédrale  du  Puy  en  Vélay,  a  été  conftruite 
d’une  pierre  dont  le  fond  eft  une  brèche  vol¬ 
canique  noire  dans  un  ciment  jaunâtre  (/). 

Les  unes  de  ces  brèches  volcaniques  ont  été 
formées  par  la  feule  aétion  du  feu  fur  les  an¬ 
ciennes  laves,  d’autres  ont  été  produites  par 
l’intermède  de  l’eau,  St  dans  des  éruptions 
que  M.  Faujas  appelle  éruptions  boueufes  ou 
aqueufes;  elles  font  fou  vent  mélangées  de  plu- 
iieurs  matières  très-différentes,  de  jafpe  rouge, 
de  fchorl  noir,  de  granit  rofe  St  gris ,  de  pierre 
à  fufi! ,  de  fpath  St  pierre  calcaire,  &  même 
des  fubftances  végétales  réduites  en  une  forte 
de  charbon. 

Toutes  ces  matières  volcaniques,  bafaltes» 
laves  St  laitiers,  étant  en  grande  partie  d’une 
elfence  vitreufe  ,  fe  décompofent  par  i’im- 
preffion  des  élémens  humides  ,  St  même  par 
la  feule  aélion  de  l’acide  aérien.  Les  matières 
autrefois  volcaniques  ,  maintenant  argileufes, 
dit  M,  Ferber,  molles  comme  de  la  cire,  ou 
endurcies  St  pierreufes,  font  blanches  pour 
la  plupart  ;  mais  on  en  trouve  auflï  de  rouges  , 


E  4 


(/)  Minéralogie  des  volcans,  chap.  16. 


56  Hijloire  naturelle 

de  grifes-cendrées ,  de  bleuâtres  &  de  noires: 
on  rencontre  des  laves  argileufes  dans  tous  les 
volcans  agiffans  &  éteints,  &  cette  altération 
des  laves  peut  s’opérer  de  plusieurs  manières. 
Il  y  a  de  ces  laves  altérées  par  l’acide  fulfureux 
du  feu  des  volcans ,  qui  font  prefque  aufit 
rouges  que  les  minium ;  il  y  en  a  d’autres  d’un 
rouge-pâle,  d’un  rouge-pourpre,  de  jaunes, 
de  brunes,  degrifes,  de  verdâtres,  &c. 

M.  Faujas  divife  les  produits  volcaniques 
altérés  : 

En  laves  compares  ou  poreufes  qui  ont 
perdu  Amplement  leur  dureté  en  coniervant 
leurs  parties  conftituantes ,  à  l’exception  du 
phlogiftique  du  fer  qui  a  difparu  : 

Et  en  laves  amollies  &  décolorées  par  les 
acides  qui  ont  formé  ,  en  fe  combinant  avec 
les  diverfes  matières  qui  conftituent  ces  mêmes 
laves  ,  differens  produits  falins  ou  minéraux , 
dont  l’origine  nous  feroit  inconnue  fi  nous 
n’avions  pas  la  facilité  de  fuivre  la  Nature 
dans  cette  opération. 

Il  en  décrit  plufieurs  variétés  de  l’une  & 
l’autre  forte  :  il  prélente  dans  la  première  de 
ces  deux  divifions,  des  bafaltes  &  des  laves, 
qui  ayant  confervé  leur  forme  ,  leur  nature  & 
leur  dureté  fur  une  de  leurs  faces,  font  entiè¬ 
rement  décompofées  fur  l’autre,  &.  converties 
en  une  fubllance  terreufe  ,  molle  ,  au  point  de 
fe  laiffer  aifément  entamer  ,  &  l’on  peut  fuivre 
cette  décompofition  jufqu’à  l’entière  conver- 
fion  du  bafalte  en  terre  argileul'e. 

Il  y  a  des  bafaltes  devenus  argileux,  qui 
font  d’un  gris  plus  ou  moins  foncé;  d’autres 
d’une  teinte  jaunâtre  &  comme  rouilles; 


des  Minéraux.  5  7 

d’autres  dont  la  furface  eft  convertie  en  argile 
blanche  ,  grife ,  jaunâtre  ,  violette  ,  rouge. 
Plufieurs  de  ces  bafaltes  décompofés  contien¬ 
nent  des  prifmes  de  fchorl  qui  ne  font  point 
altérés,  ce  qui  prouve  que  les  fchorls  rénftent 
bien  plus  que  les  bafaltes  les  plus  durs  aux 
caufes  qui  produifent  leur  décompofition. 

Ce  favant  Naturalifte  a  auiïi  reconnu  des 
laves  décotnpofées  en  une  argile  verte,  favon- 
neufe  ,  &  qui  exhaloit  une  forte  odeur  ter- 
reufe  ;  &  enfin  il  a  vu  de  ces  laves  qui  ren- 
fermoient  de  la  chryfolite  &  du  fchorl  qui 
n’étoit  pas  décompofé  ,  tandis  que  la  chryfolite 
étoit ,  comme  la  lave,  réduite  en  argile,  ce 
qui  femble  prouver  que  le  quartz  réfifte  moins 
que  le  fchorl  à  la  décompofition. 

Dans  la  fécondé  divifion,  c’eft-à-dire  dans 
les  laves  amollies  &  décolorées  par  les  acides  , 
qui  ont  formé  difïerens  produits  lalins  ou 
minéraux,  M.  Faujas  préfente  auffi  plufieurs 
variétés  dans  lefquelles  il  fe  trouve  du  iel 
alumineux,  lorfque  l’acide  vitriolique  s  unit 
à  la  terre  argileule;  ce  même  acide  produit  le 
gypfe  avec  la  terre  calcaire,  le  vitriol  vert 
avec  la  chaux  de  fer ,  &  le  foufre  avec  la  ma-, 
tière  du  feu. 

Les  variétés  de  cette  forte ,  citées  par  M* 
Faujas  ( g)  ,  font, 

i.°  Un  bafalte  d’un  rouge-violet ,  ayant  la 
caffure  de  la  pierre  calcaire  la  plus  dure  , 
quoique  ce  balalte  foit  une  véritable  lave  oc 


{g)  Minéralogie  des  volcans,  chap.  17. 


5  S  Hifloire  naturelle 

d’une  nature  très-différente  de  toute  matière 
caLcaire  ( h)  : 

2.0  Une  lave  d’un  blanc  nuancé  de  rouge  : 

3-ç  Une  lave  dont  une  partie  eft  changée 
en  une  pierre  blanche  tendre ,  tandis  que 
l’autre  partie  qui  eft  dure  &  d’un  rouge  foncé  , 
a  confervé  toute  fa  chaux  ferrugineufe  chargée 
en  colcotar  : 

4  °  Une  lave  décompofée  ,  comme  la  précé¬ 
dente,  avec  une  enveloppe  de  gypfe  blanc  & 
demi  tranfparent  : 

5.0  Une  lave  poreufe  d’un  blanc-jaunâtre 
avec  des  grains  de  félénire:la  terre  argileufe 
qui  forme  cette  lave,  fe  trouve  convertie  en 
véritable  alun  natif  ;  l’acide  viti  iolique  uni  à  la 
terre  argileufe  produit,  comme  nous  venons 
de  le  dire,  le  fel  alumineux  &  le  véritable 
alun  natif;  lorfqu’il  s’unit  à  la  bafe  du  fer  il 
forme  le  vitriol  vert;  en  s’uniffant  donc  dans 
de  certaines  circonftances  à  la  terre  ferrugi¬ 
neufe  des  laves,  il  pourra  produire  ce  vitriol, 
pourvu  qu’il  foit  affoibli  par  les  vapeurs 
aqueufes  ;  &  cette  combinaifon  eft  affez  rare  , 

6  ne  fe  trouve  que  dans  les  lieux  où  il  y  a  des 
fources  bouillantes.  On  en  voit  fous  les  parois 
de  la  grotte  de  l’île  de  Volcano ,  où  il  y  a  une 
mare  d’eau  bouillante,  fulfureufe  &  falée. 

On  trouve  aulîï  du  fel  marin  en  grumeaux, 
adhérens  à  de  la  lave  altérée  ou  à  du  fable 
vomi  par  les  volcans  :  ce  fel  marin  ne  fe  pré¬ 
fente  pas  fous  forme  cubique,  parce  qu’il  n’a 


(g)  Minéralogie  des  volcans,  chjp.  19,  variété  x.v, 
page  407. 


des  Minéraux 59 

pas  eu  le  temps  de  fe  criftallifer  dans  l’eau 
marine  rejetée  par  les  volcans.  Il  fe  trouve 
de  même  de  l’alkali  fixe  blanc  dans  les  cavités 
de  quelques  laves  nouvelles  ;  &  comme  on 
trouve  encore  du  fel  ammoniac  dans  les  vol¬ 
cans  ,  cela  prouve  que  l’alkali  volatil  s’y 
trouve  auffi  ,  fans  parler  du  foufre  qui ,  comme 
l’on  fait,  eft  le  premier  des  produits  volcani¬ 
ques  ,  &  qui  n’elt  que  la  matière  du  feu  faifie 
par  l’acide  vitriolique. 

Quelquefois  le  foufre  s’unit  dans  les  vol¬ 
cans  à  la  matière  arfenicale  ,  &  alors  de  jaune 
il  devient  d’un  rouge  vif  &  brillant  ;  mais 
comme  nous  l’avons  dit  (  l  ),  le  foufre  fe  produit 
auffi  par  la  voie  humide  :  on  en  a  plufieurs 
preuves  ,  &  les  beaux  criftaux  qu’on  a  trouves 
dans  la  foufrière  de  Conilla ,  à  quatre  lieues 
de  Cadix,  &  qui  étoient  renfermés  dans  des 
géodes  de  fpath  calcaire  ,  ne  laiffent  aucun 
doute  à  ce  fujet  :  il  en  exifte  d’ailleurs  de  pareils 
dans  divers  autres  lieux ,  tantôt  unis  à  la 
félénite  gypfeufe ,  tantôt  à  l’argile  ,  ou  ren¬ 
fermés  dans  des  cailloux;  nous  favons  même 
qu’on  a  trouvé ,  il  y  a  fix  ou  fept  ans ,  du  foufre 
bien  criftallifé  &  formé  par  la  voie  humide 
dans  l’ancien  égout  du  fauxbourg  Saint-An¬ 
toine;  ces  criftaux  de  foufre  étoient  adhérens 
à  des  matières  végétales  &  animales,  telles 
que  des  cordages  &  des  cuirs. 


(  i  )  Voyez  dans  le  troifième  volume  de  cette  Hiftoire 
Naturelle  des  Minéraux ,  l’article  du  Soufre, 


6o 


Hijloire  naturelle 


PIERRE  DE  TOUCHE. 

La  pierre  de  touche,  fur  laquelle  on  frotte 
les  métaux  pour  les  reconnoître  à  la  couleur 
de  la  trace  qu’ils  laiffent  à  fa  furface,  eft  un 
bafalte  plus  dur  que  l’or ,  l’argent ,  le  cuivre  , 
&  dont  la  fuperficie,  quoique  lifTe  en  appa¬ 
rence,  eft  néanmoins  hériffée  &  3ffez  rude 
pour  les  entamer  &  retenir  les  particules  mé¬ 
talliques  que  le  frottement  a  détachées.  Le 
quartz  &  le  jafpe  ,  quoique  plus  durs  que  ce 
bafalte  ,  &  par  conféquent  beaucoup  plus  durs 
que  ces  métaux,  ne  nous  offrent  pas  le  même 
effet,  parce  que  la  furface  de  ces  verres  pri¬ 
mitifs  étant  plus  liffe  que  celle  du  bafalte, 
laiffe  gliffer  le  métal  fans  l’entamer  &  fans  en 
recevoir  la  trace.  Les  acides  peuvent  enlever 
cette  imprelîïon  métallique ,  parce  que  le 
bafalte  ou  la  pierre  de  touche,  fur  lefquels  on 
frotte  le  métal ,  font  d’une  fubffance  vitreufe 
qui  réfifte  à  l’a&ion  des  acides  auxquels  les 
métaux  ne  réfiftent  pas. 

Il  paroît  que  le  bafalte  dont  on  fe  ferr  comme 
pierre  de  touche,  eft  la  pierre  de  Lydie  des 
Anciens  :  les  Égyptiens  &  les  autres  peuples 
du  Levant  connoiffent  affez  ces  bafaltes  pour 
les  employer  à  plufieurs  ouvrages,  &  l’on 
trouve  encore  aujourd’hui  des  figures  &  des 
morceaux  de  ce  bafalte  (a) ,  pierre  de  Lydie, 


(a)  La  pierre  de  touche  eft  un  bafalte  feuilleté  noir, 


des  Minéraux'.  6 1 

dont  la  texture  eft  feuilletée  &  la  couleur 
brune  &  noire.  Au  refte,  il  ne  faut  pas  con¬ 
fondre  ce  bafalte,  vraie  pierre  de  touche, 
avec  la  pierre  décrite  par  M.  Pott  (b),  à 
laquelle  il  donne  ce  môme  nom  ;  car  cette 
pierre  de  M.  Port,  n’elf  pas  un  bafalte,  mats 
un  (chiite  dur  ,  mélangé  d’un  fable  fin  de  grès  : 


«fiez  dur  pour  recevoir  le  poli  ;  Iorfqu’on  frotte  cette 
pierre  avec  un  métal ,  il  y  laide  un  trait  coloré  qui  cache 
à  l’ailion  de  l’acide  nitreux ,  fi  ce  métal  n’elt  pas  de  l’or 
ou  de  la  platine. . .  Les  Egyptiens  s’en  font  fervis  pour 
faire  des  vafes  &  des  fiatues  ;  j’en  ai  vu  plufieurs  à  Rome 
qui  m’ont  paru  de  la  plus  grande  dureté,  cependant  lorf- 
qu’on  laide  ces  pierres  expofées  aux  injures  de  l’air,  elles 
fe  couvrent  d’une  efpèce  de  poudîère  ou  rouille  qui  détruit 
infenfiblement  leur  poli.  Il  y  a  en  Suède  un  bafalte  cen¬ 
dré  ou  noirdtre  &  feuilleté  ,  nommé  faxum  trape\um , 
parce  que  ,  dans  fa  fracture  ,  il  repréfente  quelquefois  les 
marches  d’un  efcalier  (  trapp  en  Suédois ,  veut  dire  efca- 
lier  )  :  il  m’a  paru  d’un  grain  moins  fin  que  la  vraie  pierre 
de  touche.  Lettres  de  M.  Dcmefle  ,  tome  I ,  page  375. 

(  b  )  La  pierre  de  touche  a  été  mal-à-propos  nommée 
marbre  noir  :  c’eft,  félon  M.  Pott,  un  fchilte  d’un  noir 
luifant,  dont  le  tilTu  eft  allez  fin,  compofé  de  couches 
comme  l’ardoife ,  ne  faifant  point  d’eft'ervefcence  avec  les 
acides  ,  ne  donnant  d’étincelles  avec  l’acier ,  ni  ne  fe 
réduifant  en  chaux  dans  le  feu  ;  cette  pierre  entre  par¬ 
faitement  en  fufion ,  fans  addition ,  par  l’aftion  d’un  fe» 
violent ,  &  produit  un  verre  en  manière  de  feories ,  d’un 
brun -foncé,  quelquefois  verdâtre,  quelquefois  noirâtre; 
on  en  trouve  en  Bohème,  en  Saxe,  en  Siléfie.  Minéralogie 
de  Bomarc  ,  tome  /,  pages  133  &  fuir. 


^2  Hijlo'irc  naturelle 

feulement  on  doit  dire  qu’il  y  a  plus  d’une 
forte  de  pierre  dont  on  fe  fert  pour  toucher 
les  métaux  ,  &  en  effet,  il  fufht  pour  l’ufag» 
qu’on  en  fait  ,  que  ces  pierres  foient  plus 
dures  que  le  métal ,  &  que  leur  furface  ne  (oit 
pas  afl'ez  polie  pour  le  laifler  gliffer  fans  l’en¬ 
tamer. 


des  Minéraux • 


63 


i 


PIERRE  VARIOLITE. 


pierres  font  ainfi  dénommées ,  parce 
qu  elles  préfentent  à  leur  furface ,  des  petits 
tubercules  allez  femblables  aux  grains  &  puf- 
tules  de  la  petite  verole.  On  trouve  de  ces 
pierres  en  grande  quantité  dans  la  Durance; 
elles  viennent  des  montagnes  au-deflus  de  la 
vallee  de  Servières ,  à  deux  lieues  de  Brian¬ 
çon  ,  d  où  elles  font  entraînées  par  les  eaux 
en  morceaux  plus  ou  moins  gros;  elles  fe 
trouvent  auffi  en  mafles  allez  confidérables 
dans  cette  meme  vallee  (*r)-  M.  le  doéleur 
Demefte  dit  que  ces  pierres  variolites  de  la 
Durance  {b),  font  des  galets  ou  malles  roulées 


C  a  )  C’eft  à  deux  lieues  de  Briançou  ,  que  MM.  Guettard 
Faujas  ont  découvert,  dans  la  vallée  de  Servières,  la 
fource  des  pierres  variolites  qu’on  rencontre  daus  la 
Durance  :  on  fait  combien  cette  pierre  eft  rare  ,  &  on  ne 
la  eonnoifl'oit  jufqu’à  préfent  qu’en -cailloux  roulés;  mais 
ces  Meffieurs  l’ont  trouvée  par  grandes  maflfes  &  en  rochers  : 
i!  s’en  détache ,  dans  les  fortes  gelées ,  des  pièces  qui 
font  entraînées  par  le  ruiffeau  de  Servières  dans  la  Du¬ 
rance  ,  qui  les  roule  &  les  arrondit.  Journal  de  Phyfique 
de  M.  l’abbé  Rosier,  mois  de  Décembre  177 5  ,  page  517, 
(b)  Lettres  du  dofteur  D. 'méfié,  tome  I,  pages  377  <S* 
fuivantes.  -  Il  me  fçmble  que  l’on  doit  rapporter  aux 
pierres  variolites  le  paffage  fuivant  ;  »  J’ai  vu ,  dit  M. 


54  Hifloire  naturelle 

d’un  bafalte  grifâtre  ou  d’un  vert-brun,  lequel 
eft  Couvent  entre-mêlé  de  quelques  veines 
quartzeufes  &  parfemé  de  petites  éminences 
formées  par  des  globules  verdâtres,  qui  font 
suffi  du  bafalte ,  mais  beaucoup  plus  dur  que 
la  gangue  grifâtre,  puifque  ces  globules,  moins 
ufés  que  le  relie,  en  roulant  forment  les 
éminences  fuperficielles  qui  ont  fait  donner  à 
cette  pierre  le  nom  de  variolite  :  ces  petites 
éminences ,  dont  le  centre  offre  d’ordinaire 
un  point  rouge  ,  imitent  en  effet  affez  bien  les 
pullules  de  la  petite  vérole. 

Nous  devons  obferver  ici  que  cet  habile 
Chimifte  fuivoit  la  nomenclature  des  Alle¬ 
mands  &  des  Suédois,  qui  donnoient  alors  le 
nom  de  bafalte  au  fchorl ,  par  la  feule  raifort 
qu’il  étoit  Couvent  configuré  en  prifme  comme 
le  véritable  bafalte  ;  mais  les  Naturaliftes  ont 
rejeté  cette  dénomination  équivoque  depuis 
qu’ils  ont  reconnu,  avec  M.  Faujas  de  Saint- 
fond,  que  le  nom  de  bafalte  ne  devoit  être 


Demefte ,  dans  différens  cabinets ,  des  bafaltes  en  galets 
qui  ne  font  que  des  morceaux  de  bafaltes  roulés  &  arron¬ 
dis  par  les  eaux;  ils  étoient  compofés  d’un  bafalte  grisâtre 
parfemé  de  taches  brunes  ,  qui  font  de  petites  portions 
globulenfes  d’un  bafalte  brun ,  d’une  formation  peut  être 
antérieure  à  celle  d’un  bafalte  grisAtre  qui  leur  fort  de 
gangue.  Ces  aiorceaux ,  trouvés  dans  Nie  de  Corfe,  ont 
beaucoup  d’analogie  avec  certains  bafaltes  volcaniques, 
fie  pourraient  bien  n’être  qu’un  produit  du  feu;  il  faudrait, 
dans  ce  cas ,  les  ranger  parmi  les  produits  de  volcan  ». 
Tome  J ,  pages  377  &  fuir. 


donné 


des  Minéraux',  65 

^onné  fpécifàquement  &  exclufivement  qu'aux 
laves  prifmatiques ,  connues  fous  le  nom  de 
b af altes ,  tels  que  ceux  de  Stolp  en  Mifnie , 
d’Antrim  en  Irlande,  &  ceux  du  Vivarais, 
du  Vêlai ,  de  l’Auvergne,  &c. 

Pour  éclaircir  cette  nomenclature,  M. 
Faujas  de  Saint-Fond  a  obfervé  que  Wallerius, 
qui  a  nommé  cette  pierre  lapis  variolarum  ou 
variolites,  l’a  voit  rnife  au  nombre  des  bafaltes  , 
fans  ipécifàer  fi  c’étoit  un  bafalte  volcanique  , 
&  que  fans  autre  examen  ,  cette  dénomination 
équivoque  a  été  adoptée  par  Linnæus,par  M. 
le  baron  de  Born,  &  par  plufteurs  de  nos  Na- 
turahftes  François;  M.  Faujas  de  Saint-Fond 
a  donc  penfé  qu’il  falloir  déftgner  cette  pierre 
par  des  caractères  plus  précis  ,  &  il  l’a  dénom¬ 
mée  lapis  varïolites  vlrldis  verus ,  afin  de  la  dis¬ 
tinguer  de  plufteurs  autres  pierres  couvertes 
également  de  taches  &  relevées  de  tnbercules  , 
&  qui  cependant  font  très-différentes  de  cel¬ 
les-ci. 

Les  Romains  ont  connu  la  véritable  pierre 
variolite.  «J’en  ai  vu  une  très-belle,  dit  M. 
»  Faujas  de  Saint-Fond,  entourée  d’un  cercle 
»  d’or,  qui  fut  trouvée  en  Dauphiné,  dans 
»  un  tombeau  antique  ,  entre  Sufe  &  Saint- 
»  Paul-trois  châteaux:  elle  avoit  été  regardée 
»  probablement  comme  une  efpèce  d’amulette 
y)  propreà  garantir  de  la  maladie  avec  laquelle 
»  elle  a  une  forte  de  reffemblance.  Quelques 
7}  peuplades  des  Indes  occidentales,  ayant  la 
même  croyance,  portent  cette  pierre  fuf- 
7)  pendue  à  leur  cou;  ils  la  nomment  gama'icou.  » 
Cette  pierre  eft  particulièrement  connue 
en  Europe,  fous  le  nom  de  variolite  de  la  Du - 
Minéraux,  Tome  IX,  F 


66  H'ijloire  naturelle 

rance ,  parce  qu’elle  eft  abondante  dans  cett£ 
rivière;  les  torrens  la  détachent  des  hautes 
Alpes  dauphinoifes ,  dans  une  étroite  &  pro¬ 
fonde  vallée ,  entre  Servières  &  Briançon. 

La  vraie  variolite  eft  d’un  vert  plus  ou 
moins  foncé  ,  fa  pâte  eft  fine,  dure  &  fufcep- 
tible  de  recevoir  un  beau  poli,  quoiqu’un  peu 
gras,  particulièrement  lur  les  taches. 

Les  plus  gros  boutons  &  protubérances  de 
la  variolite,  n’excèdent  pas  fix  à  fept  lignes 
de  diamètre,  &  les  plus  petites  ne  font  que 
d’une  demi  ligne. 

L’on  a  reconnu  da  s  la  variolite  quelques 
points  &  des  linéamens  de  pyrite  &  même 
d’argent  natif,  mais  en  très-petite  quantité. 
L’analyle  de  cette  pierre,  faite  avec  beaucoup 
de  foin  par  M.  Faujas  de  Saint- Fond,  tend  à 
prouver  qu’elle  eft  compofée  de  quartz,  d’ar¬ 
gile,  de  mttgnéfie ,  de  terre  calcaire,  &  d’un 
peu  de  fer  qui  a  produit  fa  couleur  verte,  & 
que  les  taches  qui  forment  ces  protubérances 
fingulières  fur  les  variolites  roulées ,  font 
dues  à  des  globules  de  fchorl  plus  durs  que  la 
pierre  même  qui  les  renferme. 

Cette  pierre  compofée  de  tous  ces  élémens, 
eft  beaucoup  moins  commune  que  les  autres 
pierres  ,  puifqu’on  ne  l’a  jufqu’à  préfent  trou¬ 
vée  que  dans  quelques  endroits  de  la  vallée 
deSeivières  en  Dauphiné,  dans  un  feul  autre 
endroit  en  Suifte  ,  &  en  dernier  lieu  dans  l’île- 
de  Corfe.  Don  Ulloa&  M.  Valmontde  Bomare 
di l'en t  qu’elle  fe  trouve  aulfi  en  Amérique, 
mais  nous  n’en  avons  reçu  aucun  échantillon, 
par  nos  Correipondans. 


des  Minéraux ,  67 


TRIPOLI. 

I.  E  tripoli  eft  une  terre  brûlée  par  le  feu 
des  volcans ,  &  cette  terre  eft  une  argile  très- 
fine,  mêlée  de  particules  de  grès  tout  aufti 
fines  ;  ce  qui  lui  donne  la  propriété  de  mordre 
aff-z  fur  les  métaux  pour  les  polir.  Cette  terre 
eft  très-sèche,  &  fe  préfente  en  maffes  plus 
ou  moins  compares  ,  mais  toujours  friables 
&  s’égrénant  aufti  facilement  que  le  grès  le 
plus  tendre  :  fa  couleur  jaune  ou  rougeâtre, 
ou  brune  &  noirâtre  ,  démontre  qu’elle  eft 
teinte  &  peut-être  mêlée  de  fer.  Cette  terre 
déjà  cuite  par  les  feux  fouterrains  ,  le  recuit 
encore  lorfqu’on  lui  fait  lubir  l’aftion  du  feu, 
car  elle  y  prend,  comme  toutes  les  autres 
argiles  ,  plus  de  couleur  &  de  dureté  ,  s’émail- 
lant  de  même  à  la  furface ,  &  fe  vitrifiant  à 
un  feu  très  violent. 

Cette  terre  a  tiré  fon  nom  de  Tripoli  en 
Barbarie,  d’où  elle  nous  étoit  envoyée  avant 
q'i’on  en  eûtdécouverten  Europe  ;  mais  il  s  en 
eft  trouvé  en  Allemagne  &  en  France  (tf)» 


(  a  )  On  trouve  le  tripoli  dans  fcs  carrières ,  à  Menât 
en  Auvergne ,  &  en  baffe  Navarre ,  en  Allemagne  ,  à 
Tripoli  en  Afrique,  &c  par  lits  ou  couches  dont  la  pofi- 
tion  eft  indéterminée  ;  il  eft  alors  tendre  ;  mais  à  raclure 
qu’il  fe  sèche ,  il  prend  une  efpèce  de  lohdite  qui  eft 

F  a 


63  Hijloire  naturelle 

M.  Gardeil  nous  a  donné  la  defcription  de  là 
carrière  de  tripoli  qui  Te  trouve  en  Bretagne, 
à  Poligny  près  de  Rennes  ;  mais  cet  Oblerva- 
teur  s’ell  trompé  fur  la  nature  de  cette  terre 
qu’il  a  cru  devoir  attribuer  à  la  décompofirion 
des  végétaux  (/>).  D’autres  Obfervateurs , 


quelquefois  fufceptible  du  poli. ...  Il  y  en  a  de  différentes 
couleurs ,  de  blanc  ,  de  gris  ,  de  jaunâtre  ,  de  rouge  ,  de 
noirâtre,  de  veiné,  &c.  Le  meilleur,  au  jugement  des 
Lapidaires ,  des  Orfèvres  &  des  Chaudronniers  ,  eft  celui 
qui  a  une  couleur  jaunâtre  ifabelle  ,  il  polit  St  blanchit 
mieux  leurs  ouvrages.  Minéralogie  de  Bomare  ,  tome  I, 
pages  60  &  fuiv. 

(b)  La  carrière  de  tripoli  ,  du  vîl'age  de  Poligny,  fe 
trouve  fur  la  route  de  Nantes ,  à  cinq  lieues  de  Rennes  y 
c’eft-à-dire ,  à  trois  lieues  au-delà  de  Pompéan ,  où  il  y 
a  une  excellente  mine  de  plomb  fubmergée  depuis  1750  : 
cette  mine  de  plomb  eft  dans  un  pays  fehifteux. 

En  entrant  dans  ces  efpèces  de  puits  qu’on  a  creufés 
fur  le  coteau  de  la  montagne  ,  qui  eft  d’environ  cinq  cents 
pieds  de  liant,  M.  Gardeil  vit  que  le  tripoli  qu’on  en 
tire,  n’eft  que  du  bois  foffîle  qui  a  fouffert  dans  l’intérieur 
de  la  terre  une  altération  propre  à  le  rendre  tel  ;  car , 
en  jettant  les  yeux  fur  le  fond  de  ces  puits ,  on  ne  voit 
que  de  grands  troncs  d’arbres  placés  à  côté  les  uns  des 
autres ,  &  formant  comme  le  plan  d’un  bûcher  qui  a  la 
même  inclinaifon  que  le  penchant  de  la  colline-...  La 
colline  qui  renferme  le  bois  f  olîile  &  le  tripoli  ,  eft  toute 
couverte  de  grès  ;  ce  qui  peut  faire  croire  qu’elle  doit 
fa  formation  aux  eaux  ;  il  fe  trouve  dans  ce  grès  de 
grandes  couches  de  quartz. 

Au  refte ,  il  paroît  que  la  longue  colline  où  fe  trouve 


des  Minéraux'.  69 

&  en  particulier  M.rs  Guettard,  Fougeroux 
de  Bondaroy  &  Faujas  de  Saint-Fond  (c), 


le  tripoli ,  ■  eft  remuée  depuis  un  grand  nombre  de  fièdes 
pour  en  tirer  cette  matière  :  on  y  a  creufé  plufieurs  puits 
qui  fe  bornent  tous  à  une  médiocre  profondeur ,  qui  efi 
fans  doute  la  fin  du  bois  toffile  ;  il  eft  même  arrivé  fou- 
vent  qu’en  creufanr  de  nouveaux  puits ,  on  n’a  trouvé 
que  des  terres  remuées  &  non  du  tripoli  :  &  les  ou¬ 
vriers  affûtent  que  cette  matière  manque  dans  les  deux 
tiers  de  la  colline  ;  ce  qui  prouve  l’antiquité  de  ces 
travaux.  Extrait  d'une  Lettre  furie  tripoli  ,  à  M.  de  J u  fieu , 
par  M.  Gardeil ,  dans  les  Mémoires  des  Savons  Etrangers  , 
tome  111 ,  pages  19  &  fuiv. 

(c)  Voici  un  pairage  de  M.  Grangier  de  Verdière, 
Confeiller  aupréfidial  de  Riom,  rapporté  par  M.  Guettard, 
au  fujet  des  carrières  de  tripoli  de  Menât. 

»  Les  carrières  de  tripoli,  dit  M.  Granglea ,  font  près 
de  Menât,  village  à  fept  lieues  de  Riom,  &  à  une  lieue 
&  demi  de  Potizol. ...  A  l’ilTue  de  quelques  gorges, il  fe 
préfente  une  colline  où  eft  fitué  le  village  de  Menât  ; 
pour  y  monter ,  il  faut  pairer  un  ruilfeau ,  appelle  le 
ruiffeau  de  la  mer ,  qui  coule  d’Orient  à  l’Occident.  .  . . 
Les  bords  de  ce  ruiffeau  font  entièrement  compofés  de 
ce  tripoli  ;  celui  qui  eft  rouge  a  des  bancs  qui  ont  à 
peu-près  dix-huit  pouces  d’épaiffeur,  &  qui  font  divifés 
par  feuillets;  ils  forment  en  totalité  une  élévation  au- 
deffus  de  l’eau  d’environ  quinze  ou  feize  pieds  ;  ils  font 
tous  inclinés  félon  le  courant  de  l’eau,  c’eff-à-dire  ,  de 
l’Orient  à  l’Occident. . . .  Ces  bancs  ne  paroiffent  féparés 
que  par  des  teintes  plus  ou  moins  rouges;  au-deffns  des 
plus  élevées ,  il  y  a  encore  une  douzaine  de  pieds  d’iiau- 


7 O  Hiflo'ire  naturelle 

ont  relevé  cette  erreur,  &  ont  démontré  que 
les  végétaux  n’ont  aucune  part  à  la  formation 


teur  en  terrein  cultivé  &  portant  blé.  Ce  terrein  parti¬ 
cipe  à  la  cou  eur  (le?  bancs  de  tripoli  ,  mais  moins  toncée: 
ils  parcourent  une  étendue  d’environ  cent  pieds  de  lon¬ 
gueur  en  defcendant  le  ruilTeau,  depuis  l'endroit  où  ils 
commencent  jufqn’à  un  point  où  ils  finiiïent.. 

»  En  remontant  le  ruilfeau  ,  depuis  l'endroit  où  com¬ 
mencent  ces  bancs ,  on  trouve  une  autre  forte  de  tripoli 
qui  eft  noir ,  fembluble  au  rouge  quant  à  l’époifleur  des 
bancs  &  à  leur  inclinaifon.  Les  bancs  d’une  troiûème 
forte,  de  couleur  grife,  font  ifolés  on  plutôt  ils  coupent 
quelquefois  les  bancs  de  tripoli  noir ,  &  forment  ainfi 
diftérens  intervalles  dans  la  malle  totale  de  ce  dernier 
tripoli.  Ces  deux  dernières  fortes  font ,  de  même  que  les 
rouges ,  fous  un  terrein  cpii  paroît  avoir  quinze  pieds  de 
haut  &  féparé  du  tripoli  par  une  bande  de  terre  janne 
épailfe  de  quatre  à  cinq  pouces. 

r>  Ayant  fait  décbaulTer  avec  des  pioches  plufieurs  bancs 
de  tripoli ,  j’ai  trouvé  dans  l'intérieur  une  efpèce  de  mar- 
cafïïte  fort  pefante ,  dure ,  brillante ,  &  jetant  une  odeur 
de  foufre. . .  On  trouve  de  ces  mêmes  marcaflîtes  dans 
les  bancs  fur  lefquels  le  rniffeau  coule. 

»  En  continuant  de  fouiller  dans  le  tripoli  noir,  à  cinq 
ou  fix  pieds  de  hauteur  au-delfous  de  l’eau ,  &  ayant  tiré 
de  leur  place  plufieurs  feuillets  fans  les  renverfer ,  j’y  ai 
trouvé  un  fel  piquant  qui  en  cotivroit  tonte  la  fuperficie  , 
&  fur  quelques  autres  une  criftallifation  en  forme  d’étoiles , 
enfin  fur  quelques  autres  une  efpèce  de  rouille  de  couleur 
jaune. 

„  L’étendue  de  tous  ccs  bancs  peut  avoir  en  longueur 
trois  cents  pieds  depuis  l’endroit  où  ils  commencent  juf- 


des  Minéraux'. 

du  tripoli  (i).  Ils  ont  obfervè  avec  foin  les 
carrières  de  tripoli,  à  Menât  en  Auvergne. 


tiu’à  leur  jon&ion  avec  les  rouges.  Sur  le  terrein  qui 
couvre  ces  derniers,  &  parmi  les  morceaux  qui  en  font 
détachés ,  on  trouve  une  efpèce  de  mâchefer  :  les  cailloux 
qui  s’y  rencontrent  font  de  même  qualité  que  ceux  des 
environs  dont  on  fe  fert  pour  bâtir  à  Menât;  ils  font 
pour  la  plupart  feuillettes  &  remplis  de  paillettes  bril¬ 
lantes  ;  on  n’y  en  trouve  aucun  oblong  ni  applati  par  les 
côtés. 

»  Les  carrières  qui  bordent  le  côté  gauche  du  ruifTeau 
en  remontant ,  font  beaucoup  moins  abondantes  que  celles 
qui  font  à  droite. 

»  En  général ,  il  y  a  parmi  les  pierres  dont  parle 
M.  Grangier,  dit  M.  Guettard ,  des  pierres  de  volcan, 
des  quartzsi,  du  granit ,  des  pierres  talqueufes  &  du  fchifte  ». 
Mémoires  de  l’Académie  des  Sciences  ,  1755  ,  pages  177 
&  fuiv. 

(  d )  On  eft  alluré  que  le  tripoli  n’eft  point  un  bois 
•foffile  altéré  ,  &  que  les  bois  faillies  des  tripolières  de 
Poligny  en  Bretagne ,  fe  font  trouvés  accidentellement 
dans  une  terre  de  tripoli  qui  les  a  pénétrées,  tout  comme 
ils  auraient  pu  être  enfevelis  fous  des  terres  argileufes 
ou  calcaires-  11  y  a  des  carrières  de  tripoli  à  Menât ,  à 
fept  lieues  de  Riom  en  Auvergne ,  qui  prouvent  que 
cette  matière  eft  abfolument  étrangère  au  bois  faillie.  On 
trouve  te  tripoli  ordinairement  difpofé  par  lits  :  il  eft 
très  léger ,  fec  &  grenu  au  toucher ,  abforbant  l’eau  avec 
bruit,  fans  perdre  de  fa  confiftance ,  durcilfant  lorfqu’on 
J’expofe  à  un  feu  violent ,  &  ne  faifant  point  d’eti'er- 
vefcence  avec  les  acides.  Le  tripoli  ell  en  général  d’une 
couleur  qui  tire  un  peu  fur  le  rouge  ;  il  varie  cependant 


*Ji  Hijloire  naturelle'. 

M.  de  Saint-Fond  en  a  aulïî  reconnu  des  mor¬ 
ceaux  parmi  les  cailloux  roulés  par  le  Rhône  , 


par  fa  couleur  &  par  fa  dureté  -,  il  y  en  a  du  noir,  du 
gris ,  du  blanc ,  du  rougeâtre.  On  trouve  parmi  les  cail¬ 
loux  roulés  de  Montclimart ,  un  très  beau  tripoli  rouge⬠
tre  qui  a  été  arrondi  par  les  eaux  ;  on  trouve  quelque¬ 
fois  dans  ces  cailloux  de  tripoli  des  corps  marins.  On 
voit  dans  le  cabinet  de  M.  le  marquis  de  Grollier,  au 
Pont-Diu  ,  non  loin  de  Lyon,  un  bel  ourfin  changé  en 
tripoli ,  dans  une  pierre  roulée  de  la  même  matière ,  que 
nous  trouvâmes  en  examinant  enfemble  les  cailloux  roules 
des  environs  de  Montclimar ,  parmi  lefquels  on  voit  des 
malles  très  curieufes  de  bafalte,  qu’une  irruption  dilu¬ 
vienne  a  tranfportées  du  Vivarais ,  éloigné  d’une  lieue  de¬ 
là  ,  de  l’autre  côté  du  Rhône.  Recherches  fur  les  volcans 
éteints  ,  par  M ■  Faujas  de  Saint-Fond  ,  page  162.  —  Les 
pierres  des  environs  de  Menât ,  »  dit  M.  de  Bondaroy, 
celles  de  Poligné  ,  près  des  carrières  où  fe  trouve  le 
rripoli ,  font  fchifleufes  &  plus  ou  moins  rouges.  . .  Ces 
pierres  particulièrement  dans  la  carrière  de  Poligné,  annon¬ 
cent  le  feu  qui  y  a  palTé,  elles  font  rédunites  en  écume 
plus  ou  moins  légère  ;  ce  font  des  vraies  pierres  brûlées  : 
rien  ne  peut  biffer  d’incertitude  fur  le  feu  qui  a  été  aux 
environs  de  cette  carrière  ;  des  pierres  ont  été  fondues , 
&  on  ne  trouve  le  tripoli  qu’aux  environs  de  l’endroit 
où  la  préfence  du  volcan  eftla  plus  apparente.  A  Poligné, 
la  partie  de  la  carière  qu’on  a  clioifie  de  préférence  pour 
l’ufnge ,  femble  à  la  vérité  avoir  été  lavée  par  les  eaux , 
&  s’ètre  formée  du  dépôt  des  parties  les  plus  légères  & 
les  plus  fondues.  C’eft  aulTi  le  fentiment  de  M.  Gucttard , 
mais  c’eft  la  môme  pierre  qui  a  foulfert ,  comme  les  voi- 
fines ,  la  chaleur  du  feu  fouterrain  :  outre  les  pierres 

près 


àes  Minéraux 2  y  y 

près  de  Montelimar-t ,  dont  les  plus  gros  font 
des  malfes  de  bafalte  entraînées,  comme  les 
morceaux  de  tripoli,  par  le  mouvement  des 
eaux. 

Par  cet  expofé,  &  d’après  les  faits  obfer- 
ves  par  Mrs  Faujas  de  Saint- Fond  &  Fou- 
geroux  de  Bondaroy  (c),  on  ne  peut  guère 
douter  que  le  tripoli  ne  doive  fon  origine  à  la 
décompoütion  des  pierres  quartzeufes  ou  ro¬ 
ches  vitreufes ,  mêlées  de  fer,  parl’aftion  des 
elémens  humides  qui  les  auront  di  vifées ,  fans 
ôter  à  ces  particules  vitreufes  leur  entière 
dureté. 


brûlées  qui  dénotent  l’effet  des  feux  fouterrams  ,  M. 
Grangier  a  retire ,  du  tripoli  de  Menât  es  Augergne  ,  du 
foufre  &  du  fer.  J’ai  obtenu,  de  celui  de  l’olïgné,'  du 
foufre  &  de  l’alun ,  que  l’on  fait  être  des  produits  de 
volcan  ».  Sur  la  pierre  appelée  tripoli,  par  M.  Fougeroux 
de  Bondaroy ,  Academie  des  Sciences  ,  annnée  1769,  pages 
272  &  fttiv. 

(c)  Voyez  la  Rote  précédente. 


Minéraux.  Tome  IX. 


G 


74 


Iïiflolre  naturelle 


PIERRES  PONCES. 


M  .  Daubenton  a  remarqué  &  reconnu  le 
premier,  que  les  pierres  ponces  étoient  com- 
pofées  de  filets  d’un  verre  prelque  parfait,  & 
M.  le  chevalier  Polomieu  a  fait  de  très  bon¬ 
nes  obfervations  fur  l’origine  &:  la  nature  de 
cette  produélion  volcanique  ;  il  a  oblervé  dans 
les  Voyages  ,  que  l’île  de  Li pari  eft  l’immenfe 
magafin  qui  fournit  des  pierres  ponces  à  toute 
l’Europe,  que  plufieurs  montagnes  de  centre 
île  en  font  entièrement  compofées  :  il  dit  qu’on 
les  trouve  en  morceaux  ifoles  dans  une  poudre 
bLnche,  farineufe,&  qui  n’eft  elle -même 
qu’une  ponce  pulvérulente, 

La  fubftançe  de  ces  pierres,  fur-tout  des 
plus  légères,  eft  dans  un  état  de  fritte  très- 
rapproché  d’un  verre  parfait  :  leur  tiftu  eft 
fibreux  ,  leur  grain  rude  &  fec  ,  elles  paroiftent 
luifantes  &  foyeufes,  &  elles  font  beaucoup 
plus  légères  que  les  laves  ou  poreufes  ou 
cellulaires. 

Cet  illuftre  Obfervateur  diftingue  quatre 
efpèces  de  ponces  qui  diffèrent  entr’elles  par 
le  grain  plus  ou  moins  ferré,  par  la  pefanteur , 
par  la  contexture  &  par  la  difpofmpn  des 

P0reS  rr 

»  Les  pierres  ponces  ,  dit  il,  paroiftent  avoir 
»  coulé  à  la  manière  des  laves,  avoir  formé, 
»  comme  elles  ,  de  grands  courans  que  1  on 
»  retrouve  à  diftérentes  profondeurs,  les  uns 


des  Minéraux'.  7- 

t>  au-  deflus  des  autres,  autour  du  groupe  des 

»  montagnes  du  centre  de  Lipari . Les 

»>  pierres  ponces  pefantes  occupent  la  partie 
j>  inférieure  des  couransou  malîifs ,  les  pierres 
»  légères  font  au-deflus;  &  il  en  eft  de  même 
„  des  laves  dont  les  plus  poreufes  &  les  plus 
»  légères  occupent  toujours  la  partie  fupé- 
j,  rieure.  »  ( a ) 

Il  oblerve  que  les  îles  de  Lipari  &  de  Vul- 
cano,  font  les  feuls  volcans  de  l’Europe  qui 
produifent  en  grande  quantité  des  pierres  pon¬ 
ces  ;  que  l’Etna  n’en  donne  point,  &  le  Veluve 
très  peu;  qu’on  n’en  trouve  pas  dans  les  vol¬ 
cans  éteints  de  la  Sicile,  de  l’Italie,  de  la 
France,  de  l’Efpagne  &  du  Portugal.  Cepen¬ 
dant  M.  Faujas  de  Saint-Fond  en  a  reconnu  de 
bien  caraélérifées  en  Auvergne,  fur  la  mon¬ 
tagne  de  Polagnac ,  à  trois  lieues  de  Clermont, 
route  de  Rochefort. 

En  examinant  avec  foin  les  differentes  for¬ 
tes  de  pierres  ponces  ,  M.  le  chevalier  de  Do- 
lomieu  a  obfervé  que  les  plus  pefantes  avoient 
le  grain  ,  les  écailles  luifantes,  &  l’apparence 
fiffile  du  fchifte  micacé  blanchâtre. ....  Il  a 
trouvé  dans  quelques-unes  des  relies  de  gra¬ 
nit,  qui  en  préfentoient  encore  les  trois  par¬ 
ties  conftituantes  ,  le  quartz,  le  feld- fpath  & 
le  mica.  On  fait  d’ailleurs  que  le  granit  fe 
fond  en  une  efpèce  d’émail  blanc  &  bourfouflè. 
»  J’ai  vu,  dit-il,  ces  granits  acquérir  par 
»  degrés  le  tiffu  lâche  &  fibreux,  &  la  con- 


(  a)  Voyages  aux  îles  de  Lipari;  Paris,  in- 4°. 

G  2 


j(x  U; faire  naturelle 

>>  finance  de  la  ponce  ,  je  ne  puis  donc  douter 
»,  que  la  roche  feuilletée  graniteufe  &  micacée, 
»  &  le  granit  lui  -  même,  ne  foient  les  ma- 
n  tières  premières,  à  l’altération  defquelles 
»  on  doit  attribuer  la  formation  des  pierres 
v  ponces.»  £t  il  ajoute  avec  raifon,  que  la 
rareté  des  pierres  ponces  viçnt  de  ce  qu’il  y 
a  très- peu  de  volcans  qui  foient  fttués  dans 
les  granits,  qu’ils  fe  trouvent  prefque  tou¬ 
jours  dans  les  lchiftes  &  les  ardoiles  ,  matières 
qui,  travaillées  par  le  feu  &  beaucoup  moins 
dénaturées  qu’on  ne  le  fuppofe  ,  fervent  de 
bafe  aux  laves  ferrugineufes  noires  &  rouges , 
que  l’on  rencontre  dans  tous  les  volcans.  M. 
Dolomieu  obferve ,  i.°  que,  pour  qu’il  y  ait 
production  de  pierres  ponces,  il  faut  que  le 
granit  foit  d’une  nature  très-fufible ,  c’eft-à- 
dire  ,  mêlé  de  beaucoup  de  feld-fpath,  &  que 
le  feu  du  volcan  foit  plus  vif  &  plus  a&if  qu’il 
ne  l’eft  communément.  On  reconnoît ,  dit-il , 
que  la  fufîon  a  toujours  commencé  par  le  feld- 
ipath  ,  &  que  le  premier  effet  du  feu  fur  le 
quartz  a  été  de  le  gercer  &  de  le  rendre  pref¬ 
que  pulvérulent;  a.°  que  cette  produéfion 
peut  s’opérer  dans  les  roches  granitiques ,  qui 
renferment  entre  leurs  bandes  &  roches  feuil¬ 
letées,  micacées  noires  &  blanches,  &  des 
granits  fiffiles  ou  gncls  t  dont  la  baie  ert  un 
feld-fpath  très-fufible,  telles  qu’il  l’a  oblervé 
dans  les  granits  qui  font  en  face  de  Lipari  6c 
qui  s’étendent  jufqu’à  Melazzo  ( b ). 


(/> )  Voyages  aux  île*  clc  Lipari;  Paris ,  in-S°t 


des  Minéraux'.  77 

Au  refte ,  les  pierres  ponces  les  plus  légères 
&  de  la  meilleure  qualité ,  font  fi  abondantes  à 
l’île  de  Lipari,  que  plufieurs  Navires  viennent 
chaque  année  en  faire  leur  approvifionnement 
pour  les  tranfporter  da-ns  différentes  parties  de 
l’Europe. 

M.  Faujas  de  Saint-tond  ayant  examiné  les 
différentes  fortes  de  pierres  ponces  qui  lui  ont 
été  données  par  M.  le  chevalier  de  Dôlomieu , 
fait  mention  de  plufieurs  variétés  de  ces  pierres 
(  c  ) ,  dont  les  unes  font  compactes  &  granl- 
toïJes ,  &  indiquent  le  premier  paffage  du  gra¬ 
nit  à  la  pierre  ponce;,  d’autres  qui,  quoique 
compares  ,  font  compofées  de  filets  vitreux  , 
&  tiennent  plus  de  la  nature  de  la  pierre  ponce 
que  du  granit  :  d’autres  légères,  blanches  & 
poreufes  avec  des  ftries  foyeufes,  &  ce  font 
les  pierres  ponces  parfaites  qui  fe  foutiennent 
&  nagent  fur  l’ean  ;  leur  grain  eft  fec ,  fin  & 
rude,  &  elles  fervent ,  dans  les  arts  ,  à  dégroffir, 
&  même  à  polir  plufieurs  ouvrages.  Tous  les 
filets  vitreux  de  ees  pierres  font  très-fragiles  , 
&  n’ont  aucune  forme  régulière  ;  il  ÿ  en  a  de 
cylindriques,  de  comprimés,  de  tortueux,  de 
gros  à  la  bafe,  &  capillaires  à  l’extrémité.  On 
trouve  affez  fouvent  dans  ces  pierres,  des 
vides  occafionnés  par  des  foufflures;  &  c’eft 
dans  ces  cavités  où  l’on  voit  des  filets  déliés 
&fi  fins  qu’ils  reffembient  à  dé  la  foie  :  d’autres 
enfin  font  très-légères  ,  farineufes  &  friables. 


(  e  )  Minéralogie  des  volcans ,  chapitre  x y ,  pages  z6S 

&  [iA\f 


78  Hiftolre  naturelle 

celles  ci  font  fi  tendres  &  ont  fi  peu  de  cotî- 
fiftance,  qu’elles  ne  font  d’aucun  ufage  dans 
les  arts  ;  cette  forte  de  ponce  a  été  furcalcine e , 
&  s’eft  réduite  en  poudre;  on  a  donné  mal  à- 
propos  à  cette  poudre  le  nom  de  cendres ,  dont 
elle  n’a  que  la  couleur  &  les  apparences  ex¬ 
térieures.  On  la  trouve  en  très-grande  abon¬ 
dance  à  l'île  de  Lipari ,  à  celle  de  Vulcano, 
&  dans  difïérens  autres  lieux. 

M.  Faujas  de  Saint  -  Fond  préfume  avec 
fondement,  que  toutes  les  fois  que  le  granit 
contiendra  du  feld-fpath  en  grande  quantité, 
l’aéïion  du  feu  pourra  le  convertir  en  pierre 
ponce,  &  qu’il  en  fera  de  même  de  toutes  les 
pierres  &  terres  où  la  matière  quartzeufe  fe 
trouvera  mêlée  de  feld-fpath  en  affez  grande 
quantité  pour  la  rendre  très-fuftble.  On  peut 
même  croire  que  le  bafalte  remanié  par  le  feu 
formera  de  la  pierre  ponce  noire  ou  noirâtre; 
&  que  les  grès  &  fehiftes  mêlés  de  matières 
calcaires  qui  les  rendent  fufibles ,  pourront 
ai;»Tt  fe  convertir  en  pierres  ponces  de  diverfes 
couleurs. 


des  Minéraux'. 


79 

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POUZZOLANE. 


P ersonne  n’a  fait  autant  de  recherches  que 
M.  Faujas  de  Saint-Fond  fur  les  pouzzolanes 
(a)  :  on  ne  connoiflbit  avant  lui ,  ou  du  moins 


(  a  )  La  pouzzolane  e(t  un  ciment  naturel  formé  par  les 
fcories  &  par  les  laves  des  volcans. . .  Les  Romains  s’en 
font  beaucoup  fervis  pour  les  acqueducs ,  pour  les  confer- 
ves  d’eau ,  &  généralement  pour  tous  les  ouvrages  expo- 
fés  à  une  humidité  habituelle*  La  pouzzolane  mêlée  dans 
les  proportions  requifes  avec  de  la  bonne  chaux  ,  prend 
corps  dans  l’eau  ,  &  y  forme  un  mortier  fi  adhérent  8e 
fi  intimement  lié  ,  qu’il  peut  braver  impunément  l’action 
des  flots ,  fan»  éprouver  la  moindre  altération. 

11  y  a  plufieurs  variétés  dans  la  pouzzolane  : 
i°.  La  pouzzolane  graveleufe ,  compafte.  pouzzolane 
bafaltique  :  la  lave  compafte,  le  bafalte  réduits  en  petits 
éclats ,  en  fragmens  graveleux ,  foie  par  la  Nature  ,  foit 
par  l’art  en  les  pulvérifant  à  l’aide  de  moulins ,  fembla- 
bles  à  ceux  dont  les  Hollandois  font  ufage  pour  piler 
une  lave  plus  tendre,  connue  fous  le  nom  de  iras  on 
pierre  ù'andcmach  ,  peuvent  fournir  une  pouzzolane  excel¬ 
lente  8c  propre  à  être  employée  dansr  l’eau  ,  Sc  hors  de 
l’eau  : 

i°.  Pouzzolane  poreufe  formée  par  des  laves  fpon- 
gieufes ,  friables,  réduites  en  pouffière  ou  en  petits  grains 
irréguliers.  C’elt  la  pouzzolane  ordinaire  ,  fi  abondante 
dans  les  environs  de  Bayes,  de  Pouzzoles ,  de  Naples» 

G  4 


8o  H'iflolrt  naturelle 

on  ne  faifoit  ufage  que  de  celles  d’Italie  ,  &  il 
a  trouvé  dans  les  anciens  volcans  du  Vivarais, 


de  Rome,  &  dans  plufieurs  parties  du  Vivarais  ;  &c.  le 
principe  ferrugineux  de  ees  laves  ayant  éprouvé  différen¬ 
tes  modifications ,  a  produit  des  variétés  dans  les  couleurs 
de  cette  terre  volcanique  ;  il  en  exifte  de  la  rouge ,  de 
la  noire ,  de  la  rougeâtre ,  de  la  grife ,  de  la  brune ,  de 
la  violâtre,  &c. ..  Toutes  étant  mélangées  avec  la  chaux 
ont  la  propriété  d’acquérir  une  grande  dureté  dans  l’eau. 
Cette  pouzzolane  porcufe  fe  trouve  ordinairement  en 
grands  maffifs,  difpofés  quelquefois  en  manière  de  couraus 
dans  le  voifmage  des  cratères  ou  de  certaines  bouches  à 
feu  moins  conüdérables  :  l’on  en  vent  qui  eft  naturelle¬ 
ment  réduite  en  pouffière  ,  mais  il  s’en  préfente  le  plus 
fouvent  en  grandes  malles  feorifiées  qui  ont  une  certaine 
adhérence ,  &  que  l’on  eû  obligé  de  rompre  avec  des 
marteaux. ...  Il  faut  chercher  ces  pouzzolanes  dans  les 
parties  où  font  les  laves  poreufes ,  c'eft  à-dire ,  daus  le 
voifmage  des  volcans  : 

3°.  Pouzzolane  argileufe,  roHgeâtre ,  ou  d’un  rouge- 
vif  ou  d’un  gris-jaunâtre ,  affectant  même  fouvent  d’autres 
couleurs  ,  d’une  pâte  ferrée  &  compare ,  mais  tendre  & 
terrenfe,  renfermant  fouvent  des  grains  ou  petits  criftaux 
de  fchorl  noir  intaft  -,  quelquefois  de  chryfolite  volcanique 
friable. 

Cette  pouzzolane,  quoique  happant  la  langue,  &  ref- 
femblant  à  une  efpéce  de  bol  ou  d’argile ,  eff  admirable 
pour  la  conffruction  ou  le  revêtement  des  baffins,  &  en 
général  ,  pour  tous  les  ouvrages  continuellement  expofés 
à  l’eau.  Cette  pouzzolane  n’eft  point  une  argile ,  quoi¬ 
qu'elle  lui  rcffemble ,  mais  c’eft  un  vrai  détriment  des 
bafaltes  &  d«s  laves ,  car  on  y  trouve  fouvent  des  mqe- 


des  Minéraux, 8 1 

des  pouzzolanes  de  la  même  nature,  &  qui 
ont  à  peu-prés  les  mêmes  qualités  que  celles 
de  l’Italie  ;  on  doit  même  préfumer  qu’on  en 
trouvera  de  femblables  aux  environs  de  la 
plupart  des  volcans  agiffans  ou  éteints;  car 
ce  n’eft  pas  feulement  à  Pouzzoles,  d’où  lui 
vient  fon  nom,  qu’il  y  a  de  la  pouzzolane, 
puifqu’il  s’en  trouve  dans  prefque  tous  les 
terreins  volcanifés  de  Sicile,  de  Naples,  & 
delà  campagne  de  Rome.  C  e  produit  des  feux 
fouterrains  peut  fe  trouver  dans  toutes  les 
régions  où  les  volcans  agilTent  ou  ont  agi ,  car 


eeaux  qui  font  moitié  bafalte  &  moitié  lave  argilacfe; 
elle  contient  un  peu  de  fer  en  état  métallique ,  car  elle 
fait  mouvoir  l’aiguille  aimantée  ...  On  en  exploite  une 
très  riche  mine  dans  le  Vivarais  : 

Pouzzolane  mélangée  d’un  grand  nombre  de  matières 
volcaniques,  &  d’une  certaine  quantité  de  fubftanees  cal¬ 
caires  ,  qui  loin  d’en  diminuer  la  bonté  ,  la  rendent  au 
contraire,  plus  propre  à  former  un  ciment  des  plus  felides, 
qui  fait  une  forte  prife  dans  l’eau ,  &  qui  réftfte  très 
bien  à  toutes  les  intempéries  de  l’air  lorfqu’on  l’emploie 
dans  la  conftruftion  des  terrafTes. 

5°.  Pouzzolane  dont  l’origine  efl  due  à  de  véritables 
pierres  ponces ,  réduites  en  poulîière  ou  en  fragmens.  Le 
ciment  fait  par  cette  matière  eft  excellent,  fur-tout  lorf- 
qu’elle  eft  réduite  en  fragmens  plutôt  qu’en  pouJière. 
Cette  variété  eft  rare  dans  les  volcans  éteints  de  la 
France ,  elle  eft  plus  commune  dans  ceux  de  l’Italie  & 
de  la  Sicile  ,  aux  îles  de  L'pari  &  de  Vuleano.  Minéra¬ 
logie  des  volcans ,  par  M.  Fau/as  de  Saint-Fond ,  in-S°» 
ehap,  xyin,  pages  359  6* 


82  Hijloire  naturelle 

on  connci:  affez  anciennement  les  pouzzolanes 
de  l’Amérique  méridionale;  celles  de  la  Gua¬ 
deloupe  &  de  la  Martinique  ont  été  reconnues 
en  i6>,6  (£);  mais  c'eft  à  M.  Ozi,  de  Cler- 


(  b  )  Je  ne  connoilTois  point  la  pouzzolane  la  première 
fois  que  j’allai  à  la  Guadeloupe,  en  1696,  &  je  ne  pen- 
fois  feulement  pas  que  le  ciment  ou  terre  ronge  que  l’on 
trouve  en  quelques  lieux  de  cette  île,  fût  cette  pouzzo¬ 
lane  dont  on  fait  tant  de  cas  en  Europe  ;  j’en  avois  fait 
employer  à  quelques  réparations  que  j’avois  fait  faire  au 
canal  de  notre  moulin  ,  &  j’avois  admiré  fa  bonté  ;  mais 
ayant  fait  venir  de  France  quelques  livres  ,  entr’autres 
Vitruve ,  commenté  par  M.  Perrault ,  je  connus ,  par  la 
defeription  qu’il  fait  de  la  pouzzolane  d’Italie,  que  ce 
qu’on  appelolt  ciment  ou  terre  rouge  à  la  Guadeloupe , 

étoit  la  véritable  pouzzolane . On  la  trouve,  pour 

l’ordinaire,  aux  îles,  par  veines  d’un  pied  &  demi  à 
deux  pieds  d’épailfeur  ;  après  quoi  on  rencontre  de  la 
terre  franche ,  épaiffe  d’environ  un  pied  ,  &  enfuite  une 
autre  épailfeur  de  ciment  ou  pouzzolane  ;  nous  en  avons 
en  deux  ou  trois  endroits  de  notre  habitation  :  il  y  en  a 
encore  auprès  du  bourg  de  la  balle-terre ,  &  en  beau¬ 
coup  d’autres  lieux  ;  &  fi  on  vouloit  fe  donner  la  peine 
de  chercher,  on  en  trouveroit  encore  davantage. 

La  première  expérience  que  je  fis ,  pour  m’aflurer  de 
la  vérité,  fut  d’en  faire  du  mortier  tiercé  dont  je  fis 
une  mafTe  de  fept  à  huit  pouces  en  carré,  que  je  mis 
dans  une  cuve  que  je  fis  remplir  d’eau  douce  ,  de  manière 
que  l’eau  la  furpaffoit  de  fept  à  huit  pouces  s  cette  malle, 
bien  loin  de  fe  d<  (Foudre  ,  fit  corps ,  fe  fécha  ,  &  en  moins 
de  trois  fois  vingt-quatre  heures ,  elle  devint  dure  comme 
une  pierre  ;  je  fis  la  même  chofe  dans  l’eau  falée  avec 


des  Minéraux.  83 

mont-ferrand  ,  &  enfuite  à  MM.  Guettard, 
Delmarets  &  Pafumot  ,  qu’on  doit  la  connoif- 
fance  de  celles  qui  fe  trouvent  en  Auvergne; 
&  enfin  à  M.  Faujas  de  Saint-Fond  la  décou¬ 
verte  &  l’ufage  de  celles  du  Vêlai  &  du  Viva* 
rais,  découverte  d’autant  plus  intérefiante , 
que  ces  pouzzolanes  du  Vivarais  pouvant  être 
conduites  par  le  Rhône  jufqu’à  la  mer,  pour¬ 
ront,  firton  remplacer,  dumoins  fuppléer  à 
celles  que  l’on  tire  d’Italie,  pour  toutes  les 
conftruétions  maritimes  &  autres  qu’on  veut 
défendre  contre  l’aélion  des  élémens  humides. 

Les  pouzzolanes  ne  font  cependant  pas 
abfolument  les  mêmes  dans  tous  les  lieux: 
elles  varient,  tant  pour  la  qualité  que  par  la 
couleur;  il  s’en  trouve  de  la  rouge  &  de  la 


le  meme  fuccès  ;  enfin  une  troifième  expérience  que  je 
fis ,  fut  de  mêler  des  pierres  de  différentes  efpèces  dans 
ce  mortier  ,  d’en  faire  un  cube  ,  &  de  mettre  le  tout 
dans  l’eau  ;  elles  firent  un  corps  très  bon ,  qui  fécba  à 
merveille ,  &  qu’on  né  pouvoit  rompre  deux  ou  trois 
jours  après  qu’à  force  de  marteau. 

J’en  ai  découvert  une  veine  allez  confidérable  au 
mouillage  de  la  Martinique ,  au-deffous  8c  un  peu  à  côté 
de  la  batterie  de  Saint-Nicolas  :  la  couleur  étoit  un  peu 
plus  claire  &  le  grain  plus  fin  ;  pour  tout  le  refte ,  c’étoit 
la  même  cliofe.  J’en  ai  employé  une  quantité  confidéra¬ 
ble  ,  après  m’être  affuré  de  fa  qualité  par  les  mêmes 
épreuves  que  j’avois  employées  pour  connoitre  celle  de 
la  Guadeloupe.  Nouveaux  Voyages  aux  iles  de  l’Amcri- 
que  ■,  Paris,  1721,  tome  V ,  pages  386  &  fuiv. 


§4  H'ifioire  naturelle 

grife  en  Vivarais,  &  celle-ci  fait  un  trsortiet* 
plus  dur  &  plus  durable  que  celui  de  la  pre¬ 
mière. 

Toutes  les  pouzzolanes  proviennent  égale¬ 
ment  de  la  première  décompofition  des  laves 
&  bafaltes  ,  qui  *  comme  nous  l’avons  dit,  fe 
réduifent  ultérieurement  en  terre  argileufe, 
ainfi  que  toutes  les  autres  matières  vitreufes, 
pat  la  longue  impreffion  des  élémens  humides  ; 
mais ,  avant  d’arriver  à  ce  dernier  degré  de 
décompofition ,  Us  bafaltes  &  les  laves,  qui 
toujours  contiennent  une  affèz  grande  quantité 
de  fer  pour  être  très  attirables  à  l’aimant,  fe 
brifent  en  poudre  vitreufe  mêlée  de  particules 
ferrugineui'es,  &  la  pouzzolane  n’eft  autre 
chofeque  cette  poudte;  elle  eft  d’autant  meil¬ 
leure  pour  faire  des  cimens  que  le  fer  y  eft 
en  plus  grande  quantité ,  &  que  les  parties 
vitreufes  font  plus  éloignées  de  l’état  argileux. 

Ainft  la  pouzzolane  n’eft  qu’une  efpèce  de 
verre  ferrugineux  réduit  en  poudre;  il  eft 
très-  poffible  de  compofer  une  matière  de  même 
nature,  en  broyant  &  pulvérifant  les  crajfes 
qui  s’écoulent  du  foyer  des  affineries  où  l’on 
traite  le  fer;  j’ai  fouvent  employé  ce  ciment 
ferrugineux  avec  fuccès ,  &  je  le  crois  équi¬ 
valent  à  la  meilleure  pouzzolane  ;  mais  il  eft 
vrai  qu’il  feroit  difficile  de  s’en  procurer  une 
quantité  fuffifante  pour  faire  de  grandes  conf- 
truèlions.  Les  Hollandois  compolent  une  forte 
de  pouzzolane  qu’ils  nomment  tras,  en  broyant 
des  laves  de  volcans  fous  les  pilons  d’un 
bocard  :  la  poudre  qui  en  provient  eft  tamifée 
au  moyen  d’un  crible  qui  eft  mis  en  mouye; 


des  Minéraux'.  S  J 

ment  par  l’élévation  des  pilons,  &  le  tras 
tombe  dans  de  grandes  cailles  pratiquées  au- 
defTous  de  l’entablement  des  pilons  :  ils  s’en 
fervent  avec  fuccès  dans  leurs  conftruttions 
maritimes. 


86 


Hijlo'irc  naturelle 


Jddjtion  à  l'article  du  Feld-fpath ,  Volume  I, 

pare  73  ;  &  du  Feld-fpath  de  Rujfie ,  volume 

Vil  ,  page  58. 

M.  Pallas  confirme  ,  par  de  très  -  bonnes 
obfervations  ,  ce  que  j’ai  dit  au  fujet  du  feld- 
fpath  qui  ie  trouve  prefque  toujours  incorporé 
dans  les  granits  ,  &  très  rarement  ifolé  ;  il 
ajoute  que  ces  feld-fpaths  ifolés  fe  rencontrent 
dans  les  filons  de  certaines  mines,  &  que  ce 
n’eft  prefque  qu’en  Suède  &  en  Saxe  qu’on 
en  a  des  exemples. 

»  Le  feld-fpath  qui  eft  la  même  chofe  que 
J>  le  petunt  fe,  dont  on  fe  fert  pour  faire  la 
„  porcelaine,  eft,  dit  ce  favant  Naturalifte, 
„  ordinairement  d’une  couleur  plus  ou  moins 
«  grife  dans  les  granits  communs  ;  mais  il 
y>  s’en  trouve  quelquefois  en  Finlande,  du 
„  rouge  ou  rougeâtre  dans  un  granit,  qui 
y,  dès- lors  eft  égal  en  beauté  au  granit  rouge 
»  antique.  Lorf'que  le  feld-fpath  fe  trouve 
v  mêlé,  comme  c’eft  le  plus  ordinaire,  dans 
»  nos  granités  avec  le  quartz  &  le  mica,  on 
>,  le  voit  quelquefois  former  des  maflès  de 
»  plufieurs  pouces  cubes;  mais  plus  fouvent 
»  il  n’eft  qu’en  grains,  &  repréfente  tréquem- 
»  ment  de  vrais  granitelles.  C’eft  une  efpèce 
y)  de  granitelle ,  coupée  de  grottes  veines  de 
»  quartz  demi  traniparent,  qui  fournit  aux 
»  environs  de  Catherine  -  bourg  ,  la  pierre 


des  Minéraux §r 

t»  connue  fous  le  nom  A' alliance,  dont  on  ne 
i>  connoît  prefque  pas  d’autres  exemples. 

»  11  eft  très- rare  dans  l’empire  de  Ruflïe, 
»  de  trouver  de  ces  granits  {impies,  c’eft-à- 
»  dire  ,  uniquement  composés  de  quartz  &  de 
«  feld-ïpath;  il  eft  encore  plus  rare  de  trouver 
»  des  roches  prelque  purement  compofées  de 
«  feld-fpath  en  crifta  dilations  plus  ou  moins 
v  confufes  :  cependant  je  connois  un  exemple 
»  d’un  tel  granit  lur  le  Selengha  ,  près  de  la 
»  ville  de  Selenghinsk,  où  il  y  a  des  mon- 
»  tagnes  en  partie  purement  compofées  de 
»  feld  fpath  gris,  qui  le  décompoi'e  en  gravier 
»  &  en  fable. 

»  Un  fécond  exemple  d’une  roche  de  feld- 
«  fpath  prefque  pure,  eft  cette  pierre  cha- 
»  toyante  analogue  à  la  pierre  de  Labrador, 
«  qu’on  a  decouverte  aux  environs  de  Pérers- 
»  bourg  :  la  couleur  obfcure,  le  chatoiement 
»  &  la  pâte  de  cette  pierre  la  rendent  fi 
»  femblable  à  celle  que  les  frères  Moraves 
»  ont  découverte  fur  la  côte  des  Ffquimaux, 
»  &  débitée  fous  le  nom  de  Labrador,  qu’à 
»  l’afpeft  des  premiers  échantillons  que  j’en 
»  vis,  je  fus  tenté  de  les  déclarer  étrangères 
»  &  véritables  pierres  de  Labrador  ;  mais  , 
»  par  une  comparaison  plus  attentive,  l’on 
»  trouve  bientôt  que  le  feld-fpath  chatoyant 
»  de  RulTie  eft, 

»  i.ç  Plus  dur ,  moins  facile  à  entamer  par 
«  la  lime ,  &  à  le  diviler  en  éclats, 

»  z.c  Qu’il  montre  conftamment  une  crif- 
v  taliilation  plus  ou  moins  confufe  ,  en  petits 
s>  lozanges  ou  parallélipipèdes  alongés ,  qui 
*>  n’ont  ordinairement  que  quelques  lignes 


S  8  fJiJloire  naturelle 

v  d’épaiffeur ,  tandis  que  la  pierre  de  Labrador 
n  offre  quelquefois  des  criftaux  de  plufieurs 
»>  pouces  ,  &  par  cette  raifon  des  pians  cha- 
3>  toyans  d’une  plus  grande  étendue: 

»  Que  le  teld- l'path  de  Ruffie  fe  trouve 
»>  en  blocs  confidérables,  qui  femblent  avoir 
j>  été  détachés  de -«rochers  entiers,  tandis 
»  qu’on  n’a  trouvé  la  pierre  de  Labrador  qu’en 
»>  cailloux  roulés,  depuis  la  groffeur  d’une 
»>  noifette  jufquacelle  d’un  petit  melon,  qui 
»»  femblent  avoir  appartenu  à  un  filon,  & 
»  offrent  fouvent  des  traces  de  mines  de  fer. 

))  Les  blocs  de  feld-fpath  qui  ont  été  trou\  és 
j>  entre  Pétersbourg  Si  Peterhoff,  nè  font 
«  certainement  pas  là  dans  leur  fol  natal, 
»  mais  ont  été  cnariés  de  loin  ,  Si  dépofés  par 
D  quclqu 'inondation  violente,  auflx  bien  que 
»  ces  autres  inombrables  blocs  de  granits  &c 
a  d’autres  roches,  qu’on  trouve  lemés  far 
«  les  plaines  de  la  Finlande,  &  jufqu’aux 

v  montagnes  de  Valday . Je  crois  qu’il 

j>  faudra  chercher  la  véritable  patrie  de  cette 
3)  pierre  chatoyante  parmi  les  montagnes 
r>  granitiques  ,  qui  bordent  la  mer  blanche 
v  depuis  Sorcka  jufqu’à  Umba. 

3>  La  couleur  obfcure  &  la  qualité  cha- 
3)  toyante  du  feld  fpath  en  queftion ,  me 
33  femblent  dépendre  d’un  même  principe  co- 
h  lorant ,  &  ce  principe  eft  le ‘1er,  dont  les 
„  diffolutions  par  l’acide  aérien  ,  fi  générale- 
33  ment  répandues  dans  la  Nature,  produifent 
33  par  différentes  modifications,  les  plus  vives 
3>  couleurs  dans  les  fêlures  les  moins  peixep- 
33  tibles  des  minéraux  &  des  pierres  qu’elles 
i»  pénètrent  ;  le  feld-fpath  étant  d’une  texture 

»  lamelleufe 


des  Minéraux'. 


89 


«  lamelleufe  doit  admettre  entre  fes  feuillets 
»  ces  (olutions  colorantes ,  &  produire  des 
»  reflets  ,  lorfque  par  une  coupe  un  peu  obli- 
»  que,  les  bords,  quoique  peu  tranlparens, 
i>  des  lames  colorées  fe  prélentent  à  la  lumière. 

C’eft  en  conféquence  de  cela  que  les  cou- 
»>  leurs  de  la  pierre  chatoyante  brillent  ordi- 
t>  nairement  par  lignes  ou  raies  ,  qui  répon- 
»>  dent  aux  lames  ou  feuillets  de  la  pierre  ;  6c 
»>  des  raies  obfcures  dans  un  fens  ,  deviennent 
»  brillantes  dans  une  autre  expofition  ,  6c 
»  quelquefois  préfentent  une  couleur  diffé- 
«  rente  par  les  reflets  changés.  » 


Minéraux.  Tome  IX. 


H 


Hijîoîre  naturelle 


90 

+3»ssâKS8S8S8©8S8S^e^iKH* 


Addition  à  l'article  du  Charbon  de  terre. 

^^ous  avons  diftingué  deux  fortes  de  char¬ 
bons  de  terre  (a)  ,  l’un  que  l’on  nomme  char¬ 
bon  fec ,  qui  produit  „  en  brillant ,  une  flamme 
légère  ,  &  qui  diminue  de  poids  &  de  volume 
en  fe  convertifianr  en  braife;  &  l’autre  que 
l’on  appelle  charbon  colant,  qui  donne  une  cha¬ 
leur  plus  forte  ,  fe  gonfle  &  s’aglutine  en  bril¬ 
lant.  Nous  croyons  devoir  ajouter  à  ce  fujet 
des  obfervations  importantes,  qui  nous  ont 
été  communiquées  par  M  Faujas  de  Saint- 
Fond  (b)  :  ce  favant  Naturalise  diftingué» 
comme  nous ,  le  charbon  fec  du  charbon  ccv- 
lant  ;  mais  il  a  remarqué  de  plus  dans  les  diffé¬ 
rentes  mines  qu’il  a  examinées  en  France  ,  en 
Angleterre  &  en  Ecoffe ,  que  ces  deux  fortes 
de  charbons  de  terre  étoient  attachées  cha¬ 
cune  à  un  fol  d’une  nature  particulière,  & 
que  les  charbons  fecs  ne  fe  trouvoient  que 
dans  les  terreins  calcaires  ,  tandis  qu’au  con¬ 
traire ,  on  ne  rencontroit  le  charbon  colant 
que  dans  les  terreins  granitiques  &  fchiffeux  ; 
&  voici,  d’après  M.  Faujas  ,  quelle  eft  la 


(a)  Voyez  dans  le  fécond  volume  de  cette  Hifloire 
Naturelle  des  Minéraux  ,  l’article  du  Charbon  de  terre,  p.  139. 

(  b  )  Lettre  de  M.  Faujas  de  Saint  Fond ,  à  M.  le 
comte  de  Bulfon  ,  datée  de  Montclimar  v  10  Janvier 

1786. 


des  Minéraux.  9 1 

qualité  de  ces  deux  fortes  de  charbons  ,  &  de 
quelle  manière  chacune  d’elles  fe  préfente. 

Le  charbon  fec  étant  en  maffe  continue, 
peut  fe  tirer  en  gros  morceaux  ;  U  eft  ,  comme 
les  autres  charbons ,  difpofé  par  lits  alternatifs. 
Si  l’on  examine  avec  attention  les  lits  fupé- 
rieurs  ,  on  y  reconnoît  les  caraéières  du  bois  ; 
&  on  y  trouve  quelquefois  des  coquilles  bien 
confervées,  &  dont  la  nacre  n’a  été  que  peu 
altérée  :  lorfqu’on  eft  parvenu  aux  couches 
inférieures,  la  qualité  du  charbon  devient 
meilleure  ,  Ion  tiflu  eft  plus  ferré  ,  fa  fubftance 
plus  homogène  ;  il  offre  dans  fa  calîure  des 
furfaces  lifîes  &  fouvent  brillantes  comme 
celle  du  jayet ;  &  s’il  n’en  a  pas  le  luilant, 
fon  grain  eft  uni,  ferré  &  n’eft  jamais  lamel- 
leux. 

Ce  charbon  fec,  lorfqu’il  eft  de  bonne  qua¬ 
lité,  répand,  en  brûlant,  une  flamme  vive, 
légère  ,  bleuâtre  à  fon  fommet ,  affez  lemblable 
à  celle  du  bois  ordinaire  ;  &  l’on  obferve  qu’à 
mefure  que  ce  charbon  s’embraie,  il  fe  gerce 
&  fe  fend  en  plufkurs  fens;  il  perd  au  moins 
un  tiers  de  fon  volume  &  de  fon  poids  en  le 
con vertiffant  en  braife,  &  fes  cendres  font 
blanches  comme  celles  du  bo'S. 

M.  Faujas  m’a  fait  voir  des  charbons  fecs 
qui,  après  avoir  été  épurés,  préfentent  évi¬ 
demment  les  fibres  ligneufes,  &  même  les 
couches  concentriques  du  bois  qu’il  ê toi t  diffi¬ 
cile  d’y  reconnoître ,  avant  que  leur  organi¬ 
sation  eût  été  mile  à  découvert  par  l’épure¬ 
ment  (  c  ). 


H  s 


(  e  )  Idm  ,  ibidem , 


91  Hîjloire  naturelle 

Lorfqu’on  fait  brûler  ce  charbon  ,  Ton  odeur 
eft  ,  en  général ,  plus  ou  moins  défagréable  & 
forte,  fui\ant  les  diverfes  qualités  de  ce  mi¬ 
néral  ;  quelquefois  elle  eit  très-foible ,  mais 
fouvent  elle  eft  empyreumatique  ou  fetide 
&  nauféabonde,  ou  la  même  que  celle  du  foie 
de  foufre  volatil.  Au  refte ,  M.  Faujas  ob'erve 
que  ces  charbons  fecs,  quoique  moins  bitu¬ 
mineux  en  apparence  que  les  charbons  colans, 
le  lont  réellement  davantage  ,  &  qu’ils  pro- 
duifent  par  leur  difhllation  un  cinquième  de 
plus  de  bitume  ,  &  un  tiers  de  plus  d’eau 
alkalifée. 

Le  charbon  colant,  qu’on  appelle  suffi  char¬ 
bon  gras,  différé  du  charbon  fec  ,  en  ce  qu’il 
fe  bourfoufle  en  brûlant ,  tandis  que  le  charbon 
fec  fait  retraite  :  ce  charbon  colant  augmente 
de  volume  au  moins  d’un  tiers  ,  il  préfente  des 
pores  ou  cavités  fembîables  à  ceux  d’une  lave 
îpongieufe,  &  que  l’on  reconnoit  très- ailé- 
ment  lorfqu’il  eft  éteint.  C’eft  après  a\  oir  éîé 
ainfr  dépouillé  de  fon  eau,  de  1  alkali  volatil 
&  du  bitume,  qu’il  porre  le  nom  de  charbon 
épuré  en  France  ,  &  de  coak  en  Angleterre;  il 
4e  réduit  en  une  cendre  grife,&  foit  qu’on 
l’emploie  dans  les  fourneaux,  en  gros  mor¬ 
ceaux  ou  en  pouffière  ,  il  s’aglutine  &  (e  colle 
fortement,  de  manière  à  ne  former  qu’une 
maffe  qu’on  eft  obligé  de  foulever  S i  de  r  ompre, 
afin  que  l’air  ne  ioit  pas  intercepté  par  cette 
maffe  embrafé-e,  &  que  le  feu  ne  perde  pas 
fon  aélivité. 

Ce  charbon  colant  produit  une  flamme  qui 
s’élève  moins,  mais  qut  eft  beaucoup  plus 
vive  &  plus  âpre  que  celle  du  charbon  fec  j  il 


des  Minéraux.  93 

donne  une  chaleur  plus  forte  &  beaucoup  plus 
durable;  il  en  tort  une  fumée  plus  réfineufe 
qu’a  k  ilefcenre ,  qui  n’a  point  l’odeur  fettde 
de  la  plupart  des  charbons  fecs  ,  &  même  lors¬ 
qu'elle  eft  très  atténuée  elle  répand  une  forte 
d’odeur  de  iuccin.  Ce  charbon  efteompofé  de 
petites  lames  fort  minces  très  -  luifantes  ,  ÔC 
placées  fans  ordre;  &  ft  ces  lames  font  peu 
adhérentes  ,  le  charbon  efl  très  friable  :  il  eft 
connu  alors  dans  la  Flandre,  fous  le  nom  de 
houille ,  61  fous  celui  de  menu  poujjicr ,  dans  les 
mines  du  Forés  &  du  Lyonnois  ;  mais  d’autres 
fois  ,  ces  lames  plus  lolides  &  plus  adhérentes 
entr’elles  donnent  à  ce  charbon  une  continuité 
ferme,  &  qui  permet  de  le  détacher  en  gros 
morceaux.  Ce  charbon  folide  eft  celui  qui  eft 
le  plus  recherché  :  fes  lames  font  allez  louvent 
difpoiéesen  ftries  longitudinales,  &  d’un  noir 
très  brillant  ;  mais  le  luifant  de  ce  charbon 
diffère  de  celui  du  charbon  fec ,  en  ce  que  ce 
dernier,  quoique  très  luifant,  a  un  grain  lerré 
&  uni,  dont  le  poli  natureleft  comme  cnéhieux, 
tandis  que  les  lames  du  charbon  colant  ont  une 
apparence  vitreule  &  brillante.  M.  Faujas  a 
aufli  obfervé  qu’il  le  trouve  quelquefois  du 
charbon  colant ,  dans  lequel  la  matière  bitu- 
mineufe  paroît  affeéter  la  forme  cubique  ;  & 
11  dit  que  l’on  rencontre  particulièrement  dans 
les  charbons  des  environs  d’Edimbourg  &  de 
Glafcou,  des  morceaux  qui  ne  paroilfentcom- 
pofés  que  d’une  multitude  de  petits  cubes 
bitumineux  engagés  les  uns  dans  les  autres, 
mais  qui  le  détachent  facilement. 

L’on  trouve  auffi  dans  ces  charbons  colans,’ 
tantôt  des  parcelles  ligneul'es  bien  caraaeri-, 


Hljloîrc  naturelle 

fées,  tantôt  des  bois  pyritifés,  &  fur-tout 
diverfes  empreintes  de  végétaux  femblables 
à  des  rofeaux  &  à  d’autres  plantes  dont  il  feroit 
affez  difficile  de  déterminer  exactement  les 
efpèces;  toutes  ces  empreintes  font  en  relief 
d’un  côté  ,  &  en  creux  de  l’autre  ;  la  fubftance 
de  la  plante  adifparu,  foit  qu’elle  ait  été 
détruite  par  la  pourriture  ou  qu’elle  fe  foit 
convertie  en  charbon  M.  Faujas  remarque 
avec  raifon  qu’il  feroit  très  important  de  com¬ 
parer  ces  fortes  d’empreintes,  &  de  voir  s’il 
n’exifleroit  pas  quelque  différence  entre  les 
empreintes  des  charbons  des  terreins  calcaires, 
&  celles  des  charbons  des  fols  granitiques. 

A  l’égard  de  la  fituation  des  mines  de  char¬ 
bon  fec,  au  milieu  des  terreins  calcaires,  les 
feuls  où  on  les  trouve,  fuivanr  M.  Faujas, 
cet  habile  Minéralogiùe  remarque  que  quand 
une  mine  de  charbon  fe  trouve  par  exemple 
dans  les  parties  calcaires  des  Alpes  ,  au  pied 
de  quelque  efcarpement  entièrement  dépouillé 
de  terre  végétale  ,  &  où  la  terre  eff  à  nu,  l’on 
aperçoit  tout  d’un  coup  l’interruption  de  la 
roche  calcaire  dans  l’endroit  où  fe  rencontre 
le  charbon  dont  les  premières  couches  giflent 
fous  une  efpèce  de  monticule  d’argile  pure 
ou  marneufe  ,  ou  mêlée  de  fable  quartxeux  ;  la 
fonde  en  tire  de  l’argile  plus  ou  moins  pure, 
du  charbon,  de  la  p;erre  calcaire  ordinaire¬ 
ment  feuilletée ,  quelquefois  des  bois  char- 
bonifies  qui  coniervent  leurs  caractères 
ligneux,  &  qui  fon  mêlés  avec  des  coquilles: 
ces  premières  couches  font  fuivies  d’autres 
lits  d’argile,  de  pierres  calcaires,  onde  char¬ 
bons  dont  l’épaillèur  varie.  Linclinaifon  de 


des  Minéraux.  9  5 

ces  couches  eft  la  même  que  celle  de  la  bafe 
fur  laquelle  elles  s’appuient,  &  il  eft  impor¬ 
tant  de  remarquer  que  l’on  trouve  fouvent  à 
de  grandes  profondeurs ,  la  matière  même  du 
charbon  adhérente  à  la  pierre  calcaire,  & 
que  ,  dans  les  points  de  contaéî,  les  molécules 
du  charbon  font  mêlées  &  confondues  avec 
celles  de  la  pierre  ,  de  manière  qu’on  doic 
rapporter  à  la  même  époque  la  formation  de 
ces  pierres  calcaires  &  celle  du  charbon. 

Mais  au  contraire  les  mines  de  charbon 
colant ,  qui  font  fituées  dans  les  montagnes 
granitiques  ou  fchifteufes ,  ont  été  dépofées 
dans  des  efpèces  de  baftins  où  les  courans  de 
la  mer  ont  tranfporté  les  argiles,  les  fables, 
les  micas  avec  les  matières  végétales  ;  quel¬ 
quefois  les  flots  ont  entraîné  des  pierres  de 
diverfes  efpèces  &  en  ont  formé  ces  amas  de 
cailloux  roulés  qu’on  trouve  audeffus  ou  au- 
defious  des  charbons  colans;  d’autres  fois  les 
bois  &  autres  végétaux  ont  été  accumulés  fur 
les  fables  ou  fur  les  argiles  où  ils  ont  formé 
des  couches  parallèles  lorfqu’ils  ont  étédépofés 
fur  un  fol  uni  &  horizontal,  &  n’ont  formé 
que  des  pelotons  ou  des  mafTes  irrégulières  , 
&  des  lits  tortueux  interrompus  &  inclinés 
lorfqu’ils  ont  été  dépofés  fur  une  bafe  inégale 
ou  inclinée;  &  l’on  doit  obferver  que  jamais 
le  charbon  colant  ne  porte  immédiatement 
fur  le  granit.  M.  Faujas  a  obfervé  qu’il  exifte 
conftamment  une  couche  de  grès  ,  de  fable 
quartzeux,  ou  de  pierres  vitreu-fes  roulées  & 
arrondies  par  le  frottement  entre  les  granits 
&  les  couches  de  charbon;  &  fi  ces  mêmes 
couches  renferment  des  lits  intermédiaires 


$6  H'tjlôîre  naturelle 

d’arg’Ie  en  maffe  ou  d’argile  feuilletée,  ces 
argiles  lonr  également  léparees  du  granit  par 
les  tables,  les  grès,  les  pierres  roulées,  ou 
par  d’autres  matières  provenant  de  la  decom- 
pofition  des  roches  vitreufes  :  telles  font  les 
différences  que  l’on  peut  remarquer,  fuivant 
M.  Faujas  ,  entre  les  charbons  fecs  &  les  char¬ 
bons  colans,  tant  pour  leur  nature  que  pour 
■leur  giflcment  dans  les  terreins  calcaires  Ô£ 
dans  les  terreins  granitiques  &  fchifteux.  Ce 
Naturalifte  préfume  avec  raifon ,  que  la  nature 
des  charbons  fecs ,  toujours  fnués  dans  les 
terreins  calcaires,  tient  en  grande  partie  à 
leur  formation  contemporaine  de  celle  des 
fubffances  coquilleufes  :  la  matière  de  ces 
charbons  s’eft  mêlée  avec  la  <ubftance  animale 
des  coquillages  dont  les  dépouilles  ont  formé 
les  bancs  de  pierres  calcaires  ;  &  les  bois  qui 
ont  été  convertis  en  charbon  fec,  placés  au 
milieu  de  ces  amas  de  matières  alkalefcentes , 
fe  font  imprégnés  de  l’ai ka  1  i  volatil  qui  s’en 
eft  dégagé;  ce  qui  nous  explique  pourquoi  ce 
charbon  rend,  par  la  diftillation  ,  une  quantité 
d’alkali  qui  excède  du  double  &  du  triple  ,  celle 
qu’on  obtient  des  charbons  colans. 

L’on  doit  ajouter  aux  caufes  de  ces  diffé¬ 
rences,  entre  les  charbons  colans  &  les  char¬ 
bons  fecs,  l’influence  de  la  terre  végétale  qui 
fe  trouve  en  très  petite  quantité  dans  le  char¬ 
bon  fec  ,  &  entre  au  contraire  pour  beaucoup 
dans  la  formation  du  charbon  colant  ;  &  comme 
cetie  terre  limoneufe  eft  mêlée  en  plus  grande 
quantité  de  matières  vitreufes  que  de  tubf- 
tances  calcaires  ,  il  poirroit  fe  faire  ,  ainfi 
que  l’a  obi'ervé  M.  Faujas,  que  les  charbons 

colans 


des  Minéraux.  ç,j 

col  ans  ne  fe  trouvallent  jamais  cjue  dans  les 
terreins  granitiques  &  fchiïieux  :  &  c’eft  par 
cette  raifon  que  cette  terre  limoneufe  qui  le 
bourfoufle  &  augmente  de  volume,  lorfqu’on 
e.vpole  à  l’aétion  du  feu ,  donne  aux  charbons 
colans  la  même  propriété  de  fe  gonfler,  de 
s  agltitiner ,  ck  de  fe  coler  les  uns  contre  les 
autres  lorfqu’on  les  expofe  à  l’aftion  du  feu. 
i  pius  multipliera  les  obfervations  fur  les 
.cuarbons  de  terre,  &  plus  on  reconnoîtra 
entre  leurs  couches  &  fur  tout  dans  les  lits 
fupérieurs,  des  empreintes  de  diverfes  fortes 
de  plantes  :  «  J’ai  vu  ,  m’écrit  M.  de  Morveau  , 
3>  dans  toutes  les  mines  de  charbon  de  Rives- 
))  de-Gier,  de  Saint  -  Chaumont  &  de  Saint- 
”  Berain  ,  des  empreintes  de  plantes  ,  des 
3>  prêles,  des  caille-laits,  des  joncs,  dont 
3j  l’écorce  eft  très-connoifTable ,  &  qui  ont 
3>  jufqu’à  un  pouce  de  diamètre,  un  fruit  qui 
33  joue  la  pomme  de  pin  ,  des  fougères  fur  tout 
3’  en  quantité.  J’ai  obfervé  dans  les  contre- 
33  parues  de  ces  fougères,  que,  d’un  côté, 
33  les  tiges  &  les  côtes  entières  étoient  en 
3>  reiief  ck  les  feuilles  en  cre  ux ,  de  1  autre 
33  côté  les  côtes  &  les  tiges  en  creux  &  les 
33  feuilles  en  relief;  quand  les  (chiffes  où  font 
»  ces  empreintes  font  très  micacés,  comme 
»  dans  un  morceau  que  j’ai  trouvé  à  Saint- 
»?  Berain  ,  on  y  diftingue  parfaitement  la  lubf- 
33  tance  meme  de  la  plante  Ck  des  feuilles, 
»  qui  y  forme  une  pellicule  noire  que  l’on 
’»  peut  détacher,  quoique  très  mince.  J’ai  vu 
’’  dans  le  cabinet  de  M.  le  Camus ,  à  Lyon 
”  dans  un  de  ces  (chiffes  de  Saint-Chaumont, 
’3  un  fruit  rond  de  près  d’un  pouce  d’épaiflèur 
Minéraux.  Tj/nc  IX.  1 


ç8  Hïjloïre  naturelle 

»  dont  la  coupe  préfente  trois  couches  con- 
«  centriques  ;  il  croit  que  c’eft  une  efpèce 
»  de  noix  vomique  ( d )  »  Toutes  ces  em¬ 
preintes  végétales  achèvent  de  démontrer  la 
véritable  origine  des  charbons  de  terre,  qui 
ne  font  que  des  dépôts  des  bois  &  autres  végé¬ 
taux  dont  l'huile  s’eft  avec  le  temps  convertie 
eo  bitume  par  fon  mélange  avec  les  acides 
de  la  terre.  Mais  Iorfque  ces  végétaux  confer- 
vent  plus  ou  moins  les  caraélères  extérieurs 
de  leur  première  nature ,  lorfqu’ils  offrent 
encore  prefque  en  entier  leur  contexture  &. 
leur  configuration  ,  &  que  les  huiles  &  autres 
principes  inflammables  qu’ils  renferment , 
n’ont  pas  été  entièrement  changés  en  bitume , 
ce  ne  font  alors  que  des  bois  ou  végétaux  fol- 
files  qui  n’ont  . pas  encore  toutes  les  qualités 
des  charbons  de  terre  ,  &  qui ,  par  leur  état 
intermédiaire  entre  ces  charbons  &  le  bois 
ordinaire,  font  une  nouvelle  preuve  de  l’ori¬ 
gine  de  ces  mêmes  charbons  qu’on  ne  peut 
rapporter  qu’aux  végétaux.  On  rencontre 
particuliérement  de  ces  amas  ou  couches  de 
bois  foflïle  à  Hoen  &  Stock-haufen ,  dans  le 
pays  de  Naffau  ;  à  Satfeld,  près  de  Heiligen- 
brom  (e),  dans  le  pays  de  Dillembourg  en 
Allemagne,  dans  la  Wetéravie,  &c.  il  y  en 
a  aulïï  en  France,  &  on  a  découvert  une  de 


(  d  )  Extrait  d’une  lettre  de  Ifl.  de  Morvean  h  M.  le 
comte  de  Bufîon ,  en  date  du  20  Novembre  1779- 
(c)  Du  charbon  de  terre  &  de  fes  mines, par  M. 
tylvranâ)  pa^es  S  é  9. 


des  Minéraux t  99 

ces  forêrs  fouterraines  ,  entre  Bourg-en-BrefTe 
&  Lons-le-Saunier  (/);  mais  ce  n’eft  pas 
feulement  dans  quelques  contrées  particulières 
qu’on  rencontre  ces  bois  fofiiles  ;  on  en  trouve 
dans  la  plupart  des  terreins  qui  renferment  des 
charbons  de  terre,  &  en  une  infinité  d’autres 
endroits.  Ces  bois  fofiïles  ont  beaucoup  de 
rapports  avec  les  charbons  de  terre,  parleur 
couleur,  par  leur  difpofition  en  couches, 
par  les  terres  qui  en  féparent  les  difterens  lits  , 
par  les  Tels  qu’on  en  retire,  &rc.  mais  ils  en 
diffèrent  par  des  caraélères  eflentiels  ;  le  peu 
de  bitume  qu’ils  contiennent  eft  moins  gras 
que  celui  des  charbons,  leur  fubftance  végé¬ 
tale  &  les  matières  terreufes  qu’ils  renferment 
n’ont  prefque  point  été  altérées  par  cette 
petite  quantité  de  bitume,  &  enfin  ces  bois 
folfiles  le  rencontrent  communément  plus  près 
de  la  furface  du  terrein  que  les  charbons  de 
terre  dont  la  première  organifation  a  été  fou- 
vent  plus  détruite  ,  &  dont  les  huiles  ont  toutes 
été  converties  en  bitume. 

Les  bancs  de  fchifte,  d’argile  ou  de  grèsi 
qui  renferment  &  recouvrent  Igs  mines  de 
charbons  de  terre,  font  fouvent  recouverts 
eux- mêmes  dans  les  environs  des  anciens 
volcans ,  par  des  couches  de  laves  qui  ne  font 
quelquefois  féparées  des  charbons  que  par 
une  petite  épaiffeur  de  terre.  M.  Faujas  a  fait 
cette  obfervation  auprès  du  Puy  en  Vêlai, 
auprès  de  Genfac  en  Vivarais  ,  àMafiarfe  dans 


I  2 


(/)  Idem  ,  pages  76-8. 


IOO  Hijloire  naturelle 

le  Nivernois  ,  dans  phifieurs  endroits  de 
l’Écofl'e ,  &  particulièrement  dans  les  mines 
de  Glafcow,  &  dans  celles  qui  appartiennent 
au  Lord  Dundonal  (g).  Ces  laves  ne  peuvent 
avoir  coulé  fur  ces  couches  de  charbon  qu’a- 
près  la  formation  de  ces  charbons  ,  &  leur 
recouvrement  par  la  terre  qui  leur  fervant  de 
toit,  les  a  préfervés  de  l’inflammation  qu’au- 
roit  produite  le  contaft  de  la  lave  en  fufion. 

Nous  avons  prél'enté  l’énumération  de  tou¬ 
tes  les  couches  de  charbons  de  terre  de  la 
montagne  de  Saint- Gilles  au  pays  de  Liège 
(/î),  avec  les  rélultats  que  nous  a  fournis  la 
comparaifon  de  ces  couches  ;  nous  donnons 
auflï  dans  la  note  ci-deflous  ,  l’état  des  cou¬ 
ches  de  terre  &  de  charbon  du  puits  de 
Caughley-Lane ,  fituéà  une  lieue  de  la  Se verne 
en  Angleterre  (i).  En  comparant  également 


(g)  Voyez  la  lettre  de  M.  Faujas  citée  ci-deffus. 

(h)  Voyez  dans  le  fécond  volume  de  cette  Hilloire 
des  Minéraux ,  article  du  Charbon  de  terre, 

(  i  )  Epa'tjfeur  des  couches  de  terre  du  puits  de 
Çaughley-Lane  ,fitué  à  une  lieue  de  la  Severne. 


Sable  ordinaire . .  .  ; 

Verges. 

i . 

Pouces. 

18, 

Gravier  ou  fable  plus  gros.  .  .  . 

i. 

14. 

Argile  rouge . 

” 

*7- 

Pierre  calcaire . 

4- 

» 

Marne  bleue  &  rouge . 

iS. 

Argile  dure ,  bleuâtre  qui  fe  durcit  à 
'la  fuper&cie . 

» 

18. 

loi 


des  Minéraux. 

les  couches  de  cette  mine  de  Caughley-Lane , 
nous  trouverons,  ainfi  que  nous  l’avions  déjà 
conclu  de  la  pofition  &  de  la  nature  des  cou¬ 
ches  du  pays  de  Liège,  que  l’épaifleur  des 
couches  de  charbon  n’eft  pas  relative  à  la  pro¬ 
fondeur  où  elles  giflent,  &  nous  verrons  aulTl 
que  l’épaiffeur  plus  ou  moins  grande  des  nia- 


Verges 

Pouces 

Argile  d’un  bleu-pâle  ou  gris-de-fer. 

I  . 

9. 

Argile  grife . 

5. 

18. 

Charbon  fulfureux  de  mauvaife  odeur. 

r> 

18. 

Argile  d’un  gris-brun.  ..... 

3 • 

24. 

Rocher  avec  bitume  brun  mêlé  de 

veines  blanches. . 

6. 

Argile  rouge  fort  dure . 

6. 

Rocher  noir  &  gris . 

5. 

iS. 

Argile  noire ,  rouge  &  bleue  mêlée. 

7- 

» 

Rocher  gns  avec  pierres  de  mine  de 
fer  dans  les  interfaces.  .  .  . 

.  J3- 

Mauvais  charbon . 

18. 

Argile  blanchâtre  unie  qui  couvre' le 

meilleur  charbon . 

I. 

12. 

Le  meilleur  charbon  (  Beft-coal  ).  . 

>» 

Rocher  qui  fait  le  mur  de  la  veine 

de  charbon . 

9- 

Charbon  dont  on  fait  le  coak  pour 

fondre  la  mine  de  fer.  .  .  . 

; 

27. 

Argile  blanche,  couverte  par  le  char- 

bon . 

2. 

» 

Banc  de  glaife  brune  &  noire  où  fe 

trouve  la  mine  fer . 

2. 

Pierre  dure  fous  mine  de  fer. .  .  . 

” 

iS. 

Couche  d’argile  dure  qui  couvre  la 

mine . 

y> 

2-7- 

Charbon  dur,  luifant,  mêlé  de  filex 
qui  fait  feu  avec  l’acier.  .  .  . 

I. 

» 

Total . 1 

71’ 

I  3 

75- 

210 


H'ijlo'ire  naturelle 

tières  étrangères,  interpofées  entre  les  cou¬ 
ches  de  charbon,  n’influe  pas  fur  l’épaifTeur 
de  ces  couches. 

Et  à  l’égard  de  la  bonne  ou  mauvaife  qualité 
des  charbons  ,  on  remarquera  dans  ces  deux 
grands  exemples ,  que  celui  qui  eft  fitué  le  plus 
profondément  n’eft  pas  le  meilleur  de  tous, 
ce  qui  prouve  qu’un  féjour  plus  ou  moins  long 
dans  le  fein  de  la  terre,  ne  peut  influer  fur  la 
nature  du  charbon  ,  qu’autant  qu’il  donne  aux 
acides  plus  de  temps  pour  convertir  en  bitume 
les  huiles  des  végétaux  enfouis;  &  tous  les 
autres  réfultats  que  nous  avons  tirés  de  la 
Nature  &  de  la  pofition  des  couches  de  la 
montagne  de  Saint  Gilles,  fe  trouvent  con¬ 
firmés  par  la  comparaifon  des  couches  de 
Caugley-Lane. 


des  Minéraux'. 


103 

GÈNÉS1E  DES  MINÉRAUX. 

Te  crois  devoir  donner,  en  récapitulation, 
l’ordre  fuccefiif  de  la  génejie  ou  filiation  des 
matières  minérales,  afin  de  retracer  en  abrégé 
la  marche  de  la  Nature ,  &  d’expliquer  les 
rapports  généraux  dont  j’ai  préfenté  le  tableau 
&  l’arrangement  méthodique  que  j’ai  publié 
dans  le  volume  précédent  (.z)  ,  &  d’après 
lequel  on  pourra  dorénavant  claffer  tous  les 
ptoduits  de  la  Nature  en  ce  genre,  en  les 
rapportant  à  leur  véritable  origine. 

Le  globe  terrefire  ayant  été  liquéfié  par  le 
feu ,  les  matières  fixes  de  cette  maffe  immenfe 
fe  font  toutes  fondues  &  vitrifiées  ,  tandis  que 
les  fubftances  volatiles  fe  font  élevées  en 
vapeurs  autour  de  ce  globe,  à  plus  ou  moins 
de  hauteur  ,  fuivant  le  degré  de  leur  pefanteur 
&  de  leur  volatilité.  Ces  premières  matières 
fixes  qui  ont  fubi  la  vitrification  ,  nous  l'ont 
repréfentées  par  les  verres  que  j’ai  nommés 
primitifs ;  parce  que  toutes  les  autres  matières 
vitreufes  font  réellement  compofées  du  mé¬ 
lange  ou  des  détrimens  de  ces  mêmes  verres. 

Le  quartz  eft  le  premier  &  le  plus  fimole  de 
ces  verres  de  nature;  le  jafpe  eft  le  fécond  , 
&  ne  diffère  du  quartz  qu’en  ce  qu’il  eft  forte- 


(a)  Voyez  le  feptième  volume  de  cette  HiftoLre  des 
Minéraux,  pages  194  &  fuiv. 

I  4 


104  Hijlolre  naturel^ 

ment  imprégné  de  vapeurs  métalliques  qui 
l’ont  rendu  entièrement  opaque ,  tandis  que  ie 
quartz  eft  à  demi-tranfparent  ;  ils  font  tous 
deux  très  réfradaires  au  feu.  Le  troifième 
verre  primitif  eft  le  feld-  fpath  ,  &  le  quatrième 
eft  le  fchorl ,  qui  tous  deux  font  fufibles  ;  enfin, 
le  cinquième  eft  le  mica  qui  tient  le  milieu 
entre  les  deux  verres  réfradaires  Si  les  deux 
verres  fufibles  :  le  mica  provient  de  Pexfolia- 
tion  des  uns  &  des  autres ,  il  participe  de  leurs 
différentes  qualités.  On  pourroit  donc,  en 
rigueur,  réduire  les  cinq  verres  primitifs  a 
trois ,  c’eft-à  dire  ,  au  quartz,  au  feld  fpath  •& 
au  fchorl ,  puifque  le  jafpe  n’eft  qu’un  quartz 
imprégné  de  vapeurs  métalliques,  &  que  Lis 
micas  ne  font  que  des  paillettes  &  des  exfolia¬ 
tions  des  autres  verres;  mais  nous  n’avons 
pas  jugé  cette  rédudion  néceftaire  ,  parce 
qu’elle  n'a  rapport  qu’à  la  première  formation 
de  ces  verres  dont  nous  ignorons  les  différences 
primitives ,  c’eft-à-dire  ,  les  caufes  qui  les  ont 
rendus  plus  ou  moins  fufibles  ou  réfradaires; 
cette  différence  nous  indique  feulement  que 
la  fubftance  du  quartz  &  du  jafpe  eft  plus  fimple 
que  celle  du  feld-fparh  &  du  fchorl,  parce 
que  nous  favons  par  expérience  ,  que  les  ma¬ 
tières  les  plus  fimples  font  les  plus  difficiles  à 
vitrifier,  &  qu’au  contraire,  celles  qui  font 
compofées  font  affez  aifément  fufibles. 

Les  premiers  mélanges  de  ces  verres  de 
nature  fe  font  faits,  après  la  fufion  &  dans  le 
temps  de  l’incandefcence ,  par  la  continuité 
de  l’adion  du  feu  ;  &  les  matières  qui  ont 
réfulté  de  ces  mélanges  nous  lont  reprélèntèes 
par  les  roches  vitrcufcs  de  deux  ou  pluficurs 


dis  Minéraux'.  105 

fubfiances  ,  telles  que  les  porphyres,  ophites 
&  granits,  à  la  formation  defqueiles  l’eau  n’a 
point  eu  de  part. 

La  chaleur  exceflive  du  globe  vitrifié 'ayant 
diminué  peu-à-peu  par  la  déperdition  qui  s’en 
efi:  faite  ,  jufqu'au  temps  où  fa  furface  s’eft 
trouvée  allez  attiédie  pour  recevoir  les  eaux 
&  les  autres  fubliances  volatiles,  fans  les  re¬ 
jeter  en  vapeurs  ,  alors  les  matières  métalli¬ 
ques ,  fublimées  par  la  violence  du  feu,  & 
toutes  les  autres  fubfiances  volatiles ,  ainfi 
que  les  eaux  reléguées  dans  l’attnofphère,  font 
tombées  fuccefiivement ,  &  fe  font  établies  à 
jamais  fur  la  furface  &.  dans  les  fentes  ou  cavi¬ 
tés  de  ce  globe. 

Le  fer,  qui  de  tous  les  métaux  exige  le  plus 
grand  degré  de  chaleur  pour  fe  fondre  ,  s’eft 
établi  le  premier  &  s’efl  mêlé  à  la  roche  vi- 
treufe,  lorfqu’elle  étoit  encore  en  état  de 
demi-fufion.  Le  cuivre,  l’argent  &  l’or,  aux¬ 
quels  un  moindre  degré  de  feu  (ulîàt  pour  fe 
liquéfier  ,  fe  font  établis  enfuite  fousleur  forme 
métallique  dans  les  fentes  du  quartz  &  des 
autres  matières  vitreufes  déjà  confolidées; 
l’étain  &  le  plomb  ,  ainfi  eue  les  demi-métaux 
&  autres  matières  métalliques,  ne  pouvant 
fupporter  un  feu  violent  (ans  le  calciner,  ont 
pris  par-tout  la  forme  de  chaux  ,  &  fe  (ont 
enfuite  convertis  par  l’intermède  de  l’eau  ,  en 
minerais  pyriteux. 

A  mefure  que  le  globe  s’attiédiffoit ,  le  cahos 
fe  debrouilloit  ,  Patmofphère  s  epuroit  ,  & 
après  la  chute  entière  des  matières  fublimées  , 
métalliques  ou  rerreu(es ,  &  des  eaux  juf- 
qu’alors réduites  en  vapeurs,  l’air  eft  demeuré 


io6  Hiflcire  naturelle 

pur,  fous  la  forme  d’un  élément  diftinét ,  & 
léparé  de  la  terre  &  de  l’eau  par  fa  légèreté. 

L’air  a  retenu  dès  ce  temps ,  &  retient  en¬ 
core  une  certaine  quantité  de  feu  qui  nous  eft 
repréfentée  par  cette  matière  à  laquelle  on 
donne  aujourd’hui  le  nom  à'air  inflammable ,  & 
qui  n’eft  que  du  feu  fixé  dans  la  fubftance  de 
l’air. 

Cet  air  imprégné  de  feu,  fe  mêlant  avec 
l’eau,  a  formé  l’acide  aérien ,  dont  l’aftion 
s’exerçant  fur  les  matières  vitreufes,  a  produit 
l’acide  vitriolique ,  &  enfuite  les  acides  marins 
&  nitreux  ,  après  la  naiflance  des  coquillages 
&  des  autres  corps  organifés  marins  ou  ter- 
reftres. 

Les  eaux  élevées  d’abord  à  plus  de  quinze 
cents  toifes  au-deffus  du  niveau  de  nos  mers 
achielle9,  couvroient  le  globe  entier,  à  l’ex¬ 
ception  des  plus  hautes  montagnes.  Les  pre¬ 
miers  végétaux  &  animauxterreftresonthabité 
ces  hauteurs,  tandis  que  les  coquillages,  les 
madrépores,  &  les  végétaux  marins  fe  for- 
moient  au  fein  des  eaux. 

La  multiplication  des  uns  &  des  autres  étoit 
auflï  prompte  que  nombreufe  ,  fur  une  terre 
&  dans  des  eaux  dont  la  grande  chaleur  met- 
toit  en  aélivité  tous  les  principes  de  la  fécon¬ 
dation. 

Il  s’eft  produit  dans  ce  temps  des  myriades 
de  coquillages  qui  ont  abforbé  dans  leur  fubf¬ 
tance  coquilleufe  une  immenfe  quantité  d’eau  , 
&  dont  les  détrimens  ont  enfuite  formé  nos 
montagnes  calcaires  ;  tandis  qu’en  même  temps 
les  arbres  &  autres  végétaux  qui  couvroient 
les  terres  élevées,  produifoient  la  terre  végé- 


des  Minéraux.  107 

taie  par  leur  décompofition  ,  &  étoient  enfuite 
entraînés  avec  les  pyrites  &  autres  matières 
combulhbles,  par  le  mouvement  des  eaux, 
dans  les  cavités  du  globe  où  elles  fervent  d’a¬ 
liment  aux  feux  fouterrains. 

A  mefure  que  les  eaux  s’abaiffoient ,  tant 
par  l’abforbtion  des  fubdances  coquilleufes 
que  par  l’affaiffement  des  cavernes  &  des  bour- 
fouflures  des  premières  couches  du  globe, 
les  végétaux  s’étendoient  par  de  grandes  ac¬ 
crues  fur  toutes  les  terres  que  les  eaux  laif- 
foient  à  découvert  par  leur  retraite  ,  &  leurs 
débris  accumulés  combloient  les  premiers 
magafins  des  matières  combuflibles  ,  ou  en 
formoient  de  nouveaux  dans  les  profondeurs 
du  globe,  qui  ne  feront  épuifés  que  quand  le 
feu  des  volcans  en  aura  confommé  toutes  les 
matières  ftifceptibles  de  combufiion. 

Les  eaux  ,  en  tombant  de  l’atmolphère  fur 
la  furface  du  globe  en  incandefcenie ,  furent 
d’abord  rejetées  en  vapeurs,  &  ne  purent  s’y 
établir  que  lorfqu’il  fut  attiédi;  elles  firent 
dès  ces  premiers  temps  de  fortes  imprefiions 
fur  les  matières  vitrifiées  qui  compoioient  la 
mafl'e  entière  du  globe;  elles  produifirent  des 
fentes  &  fêlures  dans  le  quartz;  elles  le  divi- 
fèrent,  ainfi  que  les  autres  matières  vitreufes, 
en  fragmens  plus  ou  moins  gros,  en  paillettes 
&  en  poudre ,  qui  par  leur  agrégation  formè¬ 
rent  enfuite  les  grès ,  les  talcs  ,  les  ferpentines 
&  autres  matières  dans  lefquelles  on  reconnoîc 
encore  la  fubftance  des  verres  primitifs  plus  ou 
moins  altérée.  Enfuite ,  par  une  action  plus 
longue,  les  élémens  humides  ont  converti 
toutes  ces  poudres  vitreufes  en  argiles  &  en 


i  08  Iiijloîre  naturelle 

glaife  ,  qui  ne  diffèrent  des  grès  Si  des  premiers 
débris  des  verres  primitifs  que  par  l'atténua¬ 
tion  de  leurs  parties  conflituantes ,  devenues 
plus  molles  &  plus  dudiles  par  l’acfion  conf¬ 
iante  de  l’eau  quia,  pour  ainfi  dire,  pourri 
ces  poudres  vitreufes,  &  les  a  réduites  en 
terre. 

Enfin  ,  ces  argiles  formées  par  l’intermède 
&  par  la  longue  &  confiante  imprefTion  des 
élemens  humides,  fe  font  enfuite  peu-à-peu 
defTéchées  ,  &.  ayant  pris  plus  de  iolidité  par 
leur  defféchement ,  elles  ont  perdu  leur  pre¬ 
mière  forme  d’argile  avec  leur  moleffe  ,  & 
elles  ont  formé  les  fchifles  &  les  ardoifes , 
qui  ,  quoique  de  même  efTence  ,  diffèrent 
néanmoins  des  argiles  par  leur  durete,  leur 
féchereffe  &  leur  iolidité. 

Ce  font- là  les  premiers  &  grands  produits 
des  détrimensSt  de  la  décompofition  par  l’eau 
de  toutes  les  matières  vitreufes  formées  par 
le  feu  primitif  ;  Si  ces  grands  produits  ont 
précédé  tous  les  produits  fecondaires  qui  font 
delà  même  efTence  vitreufe,  mais  qu’on  ne 
doit  regarder  que  comme  des  extraits  ou  flalac- 
tites  de  ces  matières  primordiales. 

L’eau  a  de  même  agi ,  &  peut  être  avec  plus 
d’avantage,  fur  les  fubftances  calcaires  qui 
toutes  proviennent  du  détriment  &  des  dé¬ 
pouilles  des  animaux  à  coquilles  ;  elle  efl 
d’abord  entrée  en  grande  quantité  dans  la  fubl- 
tance  coquilleufe,  comme  on  peut  le  démon¬ 
trer  par  la  grande  quantité  d’eau  que  l’on  tire 
de  cette  fubftance  coquilleufe  &  de  toute 
matière  calcaire  ,  en  leur  faifanr  fubir  l’aèTion 
du  feu.  L’eau,  3piès  avoir  paflé  par  le  filtre 


des  Minéraux'.  icy 

<3es  animaux  à  coquilles,  &  contribué  à  la  for¬ 
mation  de  leur  enveloppe  pierreufe ,  en  eft 
devenue  partie  conftituante,  &  s’eft  incor¬ 
porée  avec  cette  matière  coquilleufe  au  point 
d’y  réfider  à  jamais.  Toute  matière  coquilleufe 
ou  calcaire  eft  réellement  compofée  de  plus 
d’un  quart  d’eau  ,  fans  y  comprendre  l’air  fixe 
qui  s’eft  incarcéré  dans  leur  fubftance  en  même 
temps  que  l’eau. 

Les  eaux  rallemblées  dans  les  vaftes  badins 
qui  leur  fervoientde  réceptacle,  &  couvrant 
dans  les  premiers  temps  toutes  les  parties  du 
globe  ,  à  l’exception  des  montagnes  élevées  , 
ont  dès  lors  éprouvé  le  mouvement  du  flux  &. 
du  reflux,  &  tous  les  autres  monvemens  qui 
les  agitoient  par  les  vents  &  les  orages;  Sc 
dès-lors  elles  ont  traniporté,  brifé  &  accu¬ 
mule  les  dépouilles  &  débris  des  coquillages  &: 
de  toures  les  productions  pierreulès  des  ani¬ 
maux  marins,  dont  les  enveloppes  font  de  la 
même  nature  que  la  fubftance  des  coquilles  ; 
elles  ont  dépofé  tou>  ces  détrimens  plus  ou 
moins  brifés  &  réduits  en  poudre  fur  les  argiles, 
les  glaises  &  les  fchiftes  par  lits  horizontaux, 
ou  inclinés  comme  l’étoit  le  fol  fur  lequel  ils 
tomboient  en  forme  de  fédiment.  Ce  font  ces 
mêmes  i'edimens  des  coquilles  &  autres  fubf- 
tances  de  même  nature  réduites  en  poudre  & 
en  débris,  qui  ont  formé  les  craies  ,  les  pierres 
calcaires,  les  marbres,  &  même  les  plâtres, 
lefquels  ne  diffèrent  des  autres  matières  cal¬ 
caires,  qu’en  ce  qu’ils  ont  été  fortement  im¬ 
prégnés  de  l’acide  vitrioiique  contenu  dans 
les  argiles  &  les  glaifes. 

Toutes  ces  grandes  malfes  de  matières  cal- 


IIO 


Hijlolre  naturelle 

câires  &  argileufes  une  fois  établies  &  folidi- 
fiées  par  le  defiechement,  après  l’abaiffement 
ou  la  retraite  des  eaux,  fe  font  trouvées  ex- 
pofées  à  l’a&ion  de  l’air  &  à  toutes  les  impref- 
fîons  de  l’atmofphère  &  de  l’acide  aérien  qu’il 
contient  ;  ce  premier  acide  a  exercé  fon  aéfion 
fur  toutes  les  fubftances  vitreufes,  calcaires , 
métalliques  &  limoneufes. 

Les  eaux  pluviales  ont  d’abord  pénétré  la 
furface  des  terreins  découverts  ;  elles  ont 
coulé  par  les  fentes  perpendiculaires  ou  in¬ 
clinées,  au  bas  defquelles  les  lits  d’argile  les 
ont  reçues  &  retenues  pour  les  laiffer  enfuite 
paroître  en  forme  de  fources,  de  fontaines, 
qui  toutes  doivent  leur  origine  &  leur  entre¬ 
tien  aux  vapeurs  acqueufes  tranfportées  par 
les  vents  de  la  furface  des  mers  fur  celle  des 
continens  terreftres. 

Ces  eaux  pluviales,  &  même  leurs  vapeurs 
humides  ,  agift'ant  fur  la  furface  ou  pénétrant 
la  fubftanceV.es  matières  vitreufes  &  calcaires, 
en  ont  détaché  les  particules  pierreufes ,  dont 
elles  fe  font  chargées  &  qui  ont  formé  de  nou¬ 
veaux  corps  pierreux.  Ces  molécules  détachées 
par  l’eau  fe  font  réunies,  &  leur  agrégation  a 
produit  des  ftalaftites  tranfparentes  &  opa¬ 
ques,  félon  que  ces  mêmes  particules  pier¬ 
reufes  étoient  réduites  à  une  plus  ou  moins 
grande  ténuité,  &  qu’elles  ont  pu  fe  raflembler 
de  pies  près  par  leur  homogénéité. 

C’eft  ainfi  que  le  quartz,  pénétré  &  diflous 
par  l’eau,  a  produit  par  exfudarion  ,  les  crif- 
taux  de  roche  blancs  6*  les  criftaux  colores, 
tels  que  les  améthyftes,  criftaux  topazes, 
chry fôlites  &  aigues-marines,  lorfqu’tl  s’ell 


III 


des  Minéraux'. 

trouvé  des  matières  métalliques ,  &  particu¬ 
lièrement  du  fer  dans  le  voifinage  ou  dans  la 
route  de  l’eau  chargée  de  ces  molécules  quart- 
zeules. 

C’eft  ainfi  que  le  feld-fpath  feul ,  ou  le  feld- 
fpath  mêlé  de  quartz,  a  produit  tous  les  crif- 
taux  chatoyans,  tels  que  le  faphir  d’eau,  la 
pierre  de  Labrador  ou  de  Ruffie  ,  les  yeux  de- 
chat ,  l’oeil-de-poifTon ,  l’œil-de-loup,  l’aven- 
turine  &  l’opale,  qui  nous  démontrent,  par 
leur  chatoiement  &  par  leur  fufibilité,  qu’ils 
tirent  leur  origine  &  une  partie  de  leur  efl'ence 
du  feld-fpath  pur  ou  mélangé  de  quartz. 

C’efl  par  les  mêmes  opérations  de  nature 
que  le  fchorl  feul ,  ou  le  fchorl  mêlé  de  quartz, 
a  produit  les  émeraudes  ,  les  topazes-rubis- 
faphirs  du  Brefil,  la  topaze  de  Saxe,  le  béril, 
les  péridots ,  les  grenats,  les  hyacinthes  &  la 
tourmaline  ,  qui  nous  démontrent,  par  leur 
pefanteur  Ipécifique  &  par  leur  fufibilité, 
qu’ils  ne  tirent  pas  leur  origine  du  quartz  ni  du 
feld-fpath  feuls ,  mais  du  fchorl  ou  du  fchorl 
mêlé  de  l’un  ou  de  l’autre. 

Toutes  ces  flalaélites  vitreufes ,  formées 
par  l’agrégation  des  particules  homogènes  de 
ces  trois  verres  primitifs  ,  font  tranfparentes ; 
leur  fubftance  eft  entièrement  vitreufe  ,  & 
néanmoins  elle  eft  difpofée  par  couches  alter- 
nativ.es  de  différente  denfité,  qui  nous  font 
démontrées  par  la  double  réfraélion  que  foudre 
la  lumière  en  traverfant  ces  pierres.  Seule¬ 
ment  il  eft  à  remarquer  que  dans  toutes, 
comme  dans  le  criflal  de  roche,  il  y  a  un  Cens 
ou  la  lumière  ne  fe  partage  pas,  au  lieu  que 
dans  les  fpaths  &  çriftaux  calcaires,  tel  que 


112 


H'ifto'ire  naturelle 

celui  dTlflande  ,  la  lumière  Te  partage  dans 
quelques  fens  que  ces  matières  tranfparentes 
lui  (oient  préfentées. 

Le  quartz,  le  feld-fpath  &  le  fchorl ,  feuîs 
ou  mêles  enfemble,  ont  produit  d’autres 
ftalaftites  moins  pures  &  à  demi-tranfparentes, 
toutes  les  fois  que  leurs  particules  ont  été 
moins  difioutes,  moins  atténuées  par  l’eau, 
&  qu’elles  n’ont  pu  Ce  criftallifer  par  défaut 
d'homogénéité  ou  de  ténuité.  Ces  ftalaflites 
derai-tranfparentes  font  les  agates,  cornalines, 
fardoines,  prafes  &  onix,  qui  toutes  partici¬ 
pent  beaucoup  plus  de  l’eflènce  du  quartz  que 
de  celle  du  feld-fpath  &  du  fchorl;  il  y  en  a 
même  plufieurs  d’entr’elles  qu’on  ne  doit  rap¬ 
porter  qu’à  la  décompofttion  du  quartz  feul; 
le  feld-fpath  n’étant  point  entré  dans  celles 
qui  n’ont  aucun  chatoiement,  &  le  fchorl  ne 
s’étant  mêlé  que  dans  celles  dont  la  pefanteur 
fpécifique  eft  confidérablement  plus  grande 
que  celle  du  quartz  ou  du  feld-fpath.  D’ailleurs 
celles  de  ces  pierres  qui  font  trèsréfraéfaires 
au  feu  font  purement  quartzeufes;  car  elles 
feroient  fufibles  fi  le  feld-fpath  ou  le  fchorl 
étoient  entrés  dans  la  compofition  de  leur 
fubftance. 

Le  jafpe  primitif  étant  opaque  par  fa  nature , 
n’a  produit  que  des  ftalaéiites  opa  ;ucs  qui  nous 
font  repréfentèes  par  tous  les  jafpes  de  fécondé 
formation  ;  les  uns  &  les  autres  n'étant  que 
des  uartzou  des  extraits  du  quartz  imprégnés 
de  va-  eurs  métallique' ,  font  également  réfrac¬ 
taires  u  feu  ;  &  d’aiHeurs  leur  pefanteur 
fpécifiqoe  ,  qui  n’efl  pas  fort  différente  de  celle 
des  quartz,  démontre  qu’ils  ne  contiennent 


des  Minéraux.  T t 3 

point  de  fchorl ,  &  leur  poli  fans  chatoiement , 
démontre  auffi  qu’il  n’eft  point  entré  de  feld- 
fpatli  dans  leur  compofition. 

Enfin  le  mica,  qui  n’a  été  produit  que  par 
les  poudres  &  les  exfoliations  des  quatre  autres 
verres  primitifs,  a  communément  une  tranf- 
parence  ou  demi-tranfparence,  félon  qu’il  eft 
plus  ou  moins  atténué.  Ce  dernier  verte  de 
nature  a  formé  de  même  que  les  premiers  , 
par  l’intermède  de  l’eau  ,  des  ffalaéfires  demi- 
tranlparentes ,  telles  que  les  talcs,  la  craie  de 
Briançon,  les  amtanthes,  &  d’autres  ffaiac- 
tites  ou  concrétions  opaques  ,  telles  que  les 
jades,  ferpentines,  pierres  ollaires ,  pierres 
de  lard,  &  qui  toutes  nous  démontrent  par 
leur  poli  onéfueux  au  toucher  ,  par  leur  tranf- 
parence  graiffeufe,  aulli-bien  que  par  l’en- 
durciffement  qu’elles  prennent  au  feu,  &  leur 
réftlfance  à  s’y  fondre  ,  qu’elles  ne  tirent  leur 
origine  immédiate,  ni  du  quartz,  ni  du  feld- 
fpath  ,  ni  du  fchorl ,  &  qu’elles  ne  font  que  des 
produits  ou  ftalaéfites  du  mica  plus  ou  moins 
atténué  par  l’impreffion  des  élémens  humides. 

Lorfque  J’eau  ,  chargée  des  molécules  de 
ces  verres  primitifs,  s’eff  trouvée  en  même 
temps  imprégnée  ou  piutôr  mélangée  de  par¬ 
ties  rerreufes  ou  ferrugineufes,  elle  a  de  même 
formé,  par  (filiation,  les  cailloux  opaques, 
qui  ne  diffèrent  des  autres  produits  quartzeux 
que  par  leur  entière  opacité;  &  lorfque  ces 
cailloux  ont  été  faifis  &  réunis  par  un  ciment 
pierreux,  leur  agrégation  a  formé  des  pierres 
auxquelles  on  a  donné  le  nom  de  pouuingues , 
qui  font  les  produits  ultérieurs  &  les  moins 
purs  de  toutes  les  matières  vitreufes  ;  car  le 

Minéraux.  Tome  IX,  K 


IT4  Hljlo’ire  naturelle 

ciment  qui  lie  les  cailloux  dont  ils  fontcom-; 
pôles  eft  fouvent  impur  &  toujours  moins  dur 
que  la  fubftance  des  cailloux. 

Les  verres  primitifs  ont  formé  dès  les  pre¬ 
miers  temps,  &  par  la  feule  a&ion  du  feu, 
les  porphyres  &  les  granits;  ce  font  les  pre¬ 
miers  détrimens  &  les  exfoliations  en  petites 
lames  &  en  grains  plus  ou  moins  gros  du 
quartz,  du  jalpe ,  du  feld-fpath,  du  fchorl  & 
du  mica.  L’eau  ne  paroît  avoir  eu  aucune  part 
à  leur  formation  ,  &  les  mafTes  immenies  de 
granit  qui  fe  trouvent  par  montagnes  dans 
prefque  toutes  les  régions  du  globe  ,  nous 
démontrent  que  l’agrégation  de  ces  particules 
vitreufes  s’elt  faite  par  le  feu  primitif;  elles 
nageoient  à  la  furface  du  globe  liquéfié  en 
forme  de  fcories  ;  elles  fe  font  dès-lors  réu¬ 
nies  parla  feule  force  de  leur  affinité.  Le  jafpe 
n’eft  entré  que  dans  la  compofition  des  porphy¬ 
res;  les  quatre  autres  verres  primitifs  font 
entrés  dans  la  compofition  des  granits. 

Les  matières  provenant  de  la  décompofition 
de  ces  verres  primitifs  &  de  leurs  agrégats 
par  l’a&ion  &  l’intermède  de  l’eau  ,  tels  que 
les  grès ,  les  argiles  &  les  fchiftes  ,  ont  produit 
d’autres  ftalaéfites  opaques  ,  mêlées  de  parties 
vitreufes  &  argileufes ,  telles  que  les  cos, 
les  pierres  à  rafoirs ,  qui  ne  diffèrent  des  cail¬ 
loux  qu’en  ce  que  leurs  parties  conflituantes 
étoient  pour  la  plupart  converties  en  argile 
lorfqu’elles  fe  font  réunies;  mais  le  fond  de 
leur  effence  eft  le  même  ,  &  ces  pierres  tirent 
également  leur  origine  de  la  décompofition 
des  verres  primitifs  par  l’intermède  de  l’eau. 

La  matière  calcaire  n’a  été  formée  que  pof- 


des  Minéraux.  I  î  - 

térieurement  à  la  matière  vitreufe;  l’eau  a  eu 
la  plus  grande  part  à  fa  compofition  ,  tk  fait 
même  partie  de  (a  fubftance ,  qui,  lorfqu’elle 
elt  réduite  à  l’homogénéité,  devient  tranfpa- 
rente;  auffi  cette  matière  calcaire  produit  des 
ilaladites  tranfparentes ,  telles  que  le  criftal 
d’iflande,  &  tous  les  fpaths  &  gypfes  blancs 
ou  colorés;  &  quand  elle  n’a  été  divifée  par 
l’eau  qu’en  particules  plus  groffières  ,  elle  a 
formé  les  grandes  malles  des  albâtres,  des 
marbres  de  fécondé  formation  &  des  plâtres, 
qui  ne  font  que  des  agrégats  opaques,  des 
débris  &  détrimens  des  fubftances  coquilleufes 
ou  des  premières  pierres  calcaires ,  dont  les 
particules  ou  les  grains  tranfportés  par  les 
eaux  fe  font  réunis,  &  ont  formé  les  plus 
anciens  bancs  des  marbres  Si  autres  pierres 
calcaires. 

Et  lorfque  ce  fuc  calcaire  ou  gypfeux  s’eft 
mêlé  avec  le  fuc  vitreux,  leur  mélange  a  pro¬ 
duit  des  concrétions  qui  participent  de  la 
nature  des  deux,  telles  que  les  marnes,  les 
grès  impurs  qui  fe  préfentent  en  grandes  mal¬ 
les  ,  &  auffi  les  malfes  plus  petites  des  lapis 
lazuli ,  des  zéolites,  des  pierres  à  fufd  ,  des 
pierres  meulières  ,  Si  de  toutes  les  autres  dans 
leftuelles  on  peut  reconnoître  la  mixtion  de 
la  fubllance  calcaire  à  la  matière  vitreufe. 

Ces  pierres  mélangées  de  matières  vitreufes 
&  de  fubflances  calcaires  font  en  très- grand 
nombre,  &  on  les  diftingue  des  pierres  pure¬ 
ment  vitreufes  ou  calcaires,  en  leur  faifant 
fubir  l’a  dion  des  acides,  ils  ne  font  d’abord 
aucune  effervelcencs  avec  ces  matières ,  Ôc 

K  2 


n6  H’tjloire  naturelle 

cependant  elles  Te  convertifîenr  à  la  longue 
en  une  forte  de  gelée. 

La  terre  végétale,  limoneufe  &  bolaire, 
dont  la  fubftance  ell  principalement  ccrapofée 
des  détrimens  des  végétaux  &  des  animaux  , 
&  qui  a  retenu  une  portion  du  feu  contenu 
dans  tous  les  êtres  organifés,  a  produit  des 
corps  ignés  &  des  ffaiaétites  phofphorefcentes, 
opaques  &  tranfparentes  ;  &  c’eft  moins  par 
l’intermède  de  l’eau,  que  par  I’aélion  du  feu 
contenu  dans  cette  terre  ,  qu’ont  été  produites 
les  pyrites  &  autres  ftalaéîites  ignées,  qui  !e 
font  toutes  formées  féparément  par  la  leule 
puiffance  du  feu  contenu  dans  le  réfidu  des 
corps  organifés.  Ce  feu  s’eft  formé  des  iphères 
particulières,  dans  lefquelles  la  terre,  l’air  oc 
l’eau  ne  font  entrés  qu’en  petite  quantité;  de 
ce  même  feu  s’érant  fixé  avec  les  acides ,  a 
produit  les  pyrites,  &  avec  les  aikalis  il  a 
formé  les  diamans  &  les  pierres  précieules, 
qui  toutes  contiennent  plus  de  feu  que  de  toute 
autre  matière. 

Et  comme  cette  terre  végétale  &  limo¬ 
neufe  eff  toujours  mêlée  de  parties  de  fer  ,  les 
pyrites  en  contiennent  une  grande  quantité  ; 
tandis  que  les  fpaths  pefans,  quoique  formés 
par  cette  même  terre  ,  &  quoique  très  denfes , 
n’en  contiennent  point  du  tour;  ces  fpatlu 
pefans  font  tous  phofphorefcens ,  &  ils  ont 
plufieurs  autres  rapports*  avec  les  pyrites  & 
les  pierres  précieufes  ;  ils  font  même  plus 
pefans  que  le  rubis  qui ,  de  toutes  ces  pierres  , 
efl  le  plus  denfe.  Ils  confervc-nt  anffi  plus  long¬ 
temps  la  lumière  &  pourroient  bien  être  la 


des  Minéraux.  ï  1 7 

matrice  de  ces  brillans  produits  de  la  Nature. 

Ces  fpaths  pefans  font  homogènes  dans 
toute  leur  fubftance  ;  car  ceux  qui  font  rranl- 
parens ,  &  ceux  qu’on  réduit  à  une  petite 
épailTeiir,  ne  donnent  qu’une  fimple  réfrac¬ 
tion,  comme  le  diamant  &  les  autres  pierres 
précieufes ,  dont  la  fubftance  eft  également 
homogène  dans  toutes  les  parties. 

Les  pyrites  ,  formées  en  aflez  peu  de  temps , 
rendent  aifément  le  feu  qu'elles  contiennent: 
l’humidité  feule  furfit  pour  le  faire  exhalerj 
mais  le  diamant  &  les  pierres  précieufes  ,  dont 
la  dureté  &  la  texture  nous  indiquent  que  leur 
formation  exige  un  très  grand  temps,  con- 
fervent  à  jamais  le  feu  qu’elles  contiennent, 
ou  ne  le  rendent  que  par  la  combuftion. 

Les  principes  falins  qu’on  peut  réduire  à 
trois  ,  l'avoir  ,  l’acide  ,  l’alkali  &  l’arfenic, 
produifent ,  par  leur  mélange  avec  les  matières 
terreufes  ou  métalliques  ,  des  concrétions 
opaques  ou  tranfoarentes  ,  &  forment  toutes 
les  fubftances  falines  &  toutes  les  minérahfa- 
tions  métalliques. 

Les  métaux  &  leurs  minérais  de  première 
formation,  en  fubifiant  l’aélion  de  l’acide 
aérien  &  des  l'els  de  la  terre  ,  produifent  les 
mines  fecondaires  ,  dont  la  plupart  fe  préfen- 
tent  en  concrétions  opaques,  &  quelques- 
unes  en  ftalaclites  tranfparentes.  Le  feu  agit 
fur  les  métaux  comme  l’eau  (ur  les  Tels;  mais 
les  criftaux  nu  talliques  ,  produits  par  le  moyen 
du  feu  ,  font  opaques  ,  au  lieu  que  les  criftaux 
falins  font  diaphanes  ou  demi  tranfparens. 

Enfin  toutes  les  matières  vitreufes ,  cal¬ 
caires,  gypfeufes,  limoneufes  ,  animales  ou 


I  iS  Hijloire  naturelle  ,  &C.’ 

végétales,  Salines  &  métalliques,  en  fubiflartt 
la  violente  a&ion  du  feu  dans  les  volcans , 
prennent  de  nouvelles  formes;  les  unes  fë 
fubliment  en  foufre  &  en  fel  ammoniac;  les 
autres  s’exhalent  en  vapeurs  &  en  cendres  ; 
les  plus  fixes  forment  les  bafaltes  &  les  laves  , 
dont  les  détrimens  produisent  les  tripolis, 
les  pouzzolanes,  &  fe  changent  en  argile, 
comme  toutes  les  autres  matières  vitreufes 
produites  par  le  feu  primitif. 

Cette  récapitulation  préfente,  en  raccourci, 
la  généfie  ou  filiation  des  minéraux,  c’eft-à- 
dire,  la  marche  de  la  Nature,  dans  l’ordre 
fucceflïf  de  fes  produ&ions  dans  le  règne  miné¬ 
ral.  Il  fera  donc  facile  de  s’en  repréfenter 
l’enfemble  &  les  détails  ,  &  de  les  arranger 
dorénavant  d’une  manière  moins  arbitraire 
&  moins  confufe  qu’on  ne  l’a  fait  jufqu’à 
préfenr. 


©S*C9C^0#Oî^>*€)#O*O«O#O*O9©(e*€5tOîCO 

TRAITÉ  DE  L’AIMANT 


ET  DE  SES  USAGES. 


ARTICLE  PREMIER. 

Des  forces  de  la  Nature  en  général ,  &  en  parti¬ 
culier  de  l’ Electricité  &  du  Magnétifme. 


Il  n’y  a  dans  la  nature  qu’une  feule  force 
primitive  ;  c’eft  l’attra&ion  réciproque  entre 
toutes  les  parties  de  la  matière.  Cette  force  eft 
une  puiffance  émanée  de  la  puiffance  divine  , 
&  feule  elle  a  fuffi  pour  produire  Te  mouve¬ 
ment  &  toutes  les  autres  forces  qui  animent 
l’univers.  Car,  comme  fon  aéfion  peut  s’exer¬ 
cer  en  deux  fens  oppofés  ,  en  vertu  du  reffort 
qui  appartient  à  toute  matière,  &  dont  cette 
même  puiffance  d’attraclion  eft  la  caufe,  elle 
repoufte  autant  qu’elle  attire  (a).  On  doit 


(a)  Nous  croyons  néceffaire  de  rapporter  ici  ce  que 
nous  avons  dit  à  ce  fujet  dans  la  fécondé  vue  de  la 
Nature,  volume  XIII  ,  in-40.  pages  17  &  fnivantes.  »  Si 
on  réfléchit  à  la  communication  du  mouvement  par  le 
choc,  on  fendra  bien  qu’il  ne  peut  fe  tranùnettre  d’un 


I  ro  Hijlcire  naturelle', 

donc  admettre  deux  effets  généraux  ;  cJeft-à- 
dire ,  l’attra&ion  &  l’impulfion  qui  n’eft  que 


corps  à  un  autre ,  que  par  le  moyen  du  reffort ,  &  l’on 
reconnoîtra  que  toutes  les  hypotbèfes  que  l’on  a  faites 
fur  la  tranfmiffion  du  mouvement  dans  les  corps  durs, 
ne  font  que  des  jeux  de  notre  efprit ,  qui  ne  pourroicnt 
s’exécuter  dans  la  Nature.  Un  corps  parfaitement  dur 
n’eft  en  effet  qu’un  être  de  raifon  ,  comme  un  corps 
parfaitement  élaftique  n’eft  encore  qu’un  autre  être  de 
raifon  ;  ni  l’un  ni  l’autre  n’exiftent  dans  la  réalité ,  parce 
qu’il  n’y  exifte  rien  d’abfolu  ,  rien  d’extrême ,  &  que  te 
mot  5c  l’idée  de  parfait  n’eft  jamais  que  l’abfolu  ou  l’ex¬ 
trême  de  la  chofe  ». 

»  S’il  n’y  avoir  point  de  reffort  dans  la  matière,  il  n'y 
auroit  donc  nulle  force  d’impulfion  ;  lorfqu’on  jette  une 
pierre ,  le  mouvement  qu’elle  conferve  ne  lui  a-t-il  pas 
été  communiqué  par  le  reffort  du  bras  qui  l’a  lancée  ? 
Lorfqu’un  corps  en  mouvement  en  rencontre  un  autre 
en  repos,  comment  peut-on  concevoir  qu’il  lui  commu¬ 
nique  fon  mouvement ,  fi  ce  n’eft  en  comprimant  le 
re'Tort  des  parties  élaftiques  qu’il  renferme  ,  lequel  fe 
rétablilfant  immédiatement  après  la  comprefiion,  donne  à 
la  malfe  totale  la  même  force  qu’il  vient  de  recevoir.  On 
ne  comprend  point  comment  un  corps  parfaitement  dur 
pourroit  admettre  cette  force ,  ni  recevoir  du  mouvement  ; 
5c  d’aibeurs  il  eft  très  inutile  de  cliercber  à  le  compren¬ 
dre  ,  puifqu’il  n’en  exifte  point  de  tel  ;  tous  les  corps ,  au 
contraire  ,  font  doués  de  reffort  ;  5c  fi  nous  réfléchirons 
fur  la  mécanique  du  reffort ,  nous  trouverons  que  fa  force 
dépend  elle -même  de  celle  de  I’attraêlion  ;  pour  le  voir 
clairement ,  figurons  -  nous  le  reffort  le  plus  fimple ,  un 
angle  folide  de  fer ,  ou  de  toute  autre  matière  dure  ; 

b 


Traité  de  T  Aimant.  ni 

la  répnîfionj  la  première  également  répartie 
&  toujours  fubfiftante  dans  la  matière,  &  la 
fécondé  variable  ,  occafionnelle  Si  dépen¬ 
dante  de  la  première.  Autant  l’attra&ion  main- 


qu’arrive-t-il  lorfque  nous  le  comprimons  ?  Nons  forçons 
les  parties  voifmes  du  fommet  de  l’angle ,  de  fléchir,  c’eft- 
à-dire,.de  s’écarter  un  peu  les  unes  des  autres;  dans 
le  moment  que  la  coropreffion  celle ,  elles  fe  rapprochent 
&  fe  rétablirent  comme  elles  étoient  auparavant  ;  leur 
adhérence,  de  laquelle  réfulte  la  cohéfion  des  corps,  cft, 
comme  l’on  fait,  un  effet  de  leur  attraction  mutuelle. 
Lorfque  l’on  prefl'e  le  reffort ,  on  ne  détruit  pas  cette  adhé¬ 
rence,  parce  que,  quoiqu’on  écarte  les  parties,  on  ne  les 
éloigne  pas  affez  les  unes  des  autres  pour  les  mettre  hors 
de  leur  fphère  d’attraftion  mutuelle ,  &  par  conféquent 
dès  qu’on  celle  de  preffer,  ce’te  force  qu’on  remet,  pour 
ainfi  dire ,  en  liberté  ,  s’exerce  ,  les  parties  fêparées  fe 
rapprochent,  &  le  reffort  fe  rétablit.  Si  au  contraire,  par 
une  preflion  trop  forte ,  on  écarte  les  parties  cohérentes 
au  point  de  les  faire  fortir  de  leur  fphère  d’attraftion  ,  le 
reffort  fe  rompt ,  parce  que  la  force  de  la  compreffion 
a  été  plus  grande  que  celle  de  la  cohérence  ,  c’eft-à- 
dire,  plus  grande  que  celle  de  l’attraftion  mutuelle  qui 
réunit  ces  parties.  Le  reffort  ne  peut  donc  s’exercer , 
qu’autant  que  les  parties  de  la  matière  ont  de  la  cohé¬ 
rence  ,  c’eft-à-dire,  autant  qu’elles  font  unies  par  la  force 
de  leur  attraftion  mutuelle,  &  ,  par  conféquent,  le  reffort 
en  général  qui  peut  feul  produire  l’impulfion ,  &  l’impul- 
fion  elle-même ,  fe  rapportent  à  la  force  d’attraftion ,  & 
en  dépendent  comme  un  effet  particulier  d’un  effet  géné¬ 
ral  ».  Voyez  aulîi  le  premier  volume  des  fupplémens  à 
l’Hiftoire  Naturelle ,  édition  //2-40.  page  2. 

Minéraux.  Tome  IX. 


L 


iîî  Ht  foire  naturelle. 

tient  la  cohérence  &  la  dureté  des  corps,' 
autant  l’impulfion  tend  à  les  défunir  &  à  les 
iéparer.  Ainfi,  toutes  les  fois  que  les  corps 
ne  font  pas  brifés  par  le  choc ,  &  qu’ils  iont 
feulement  comprimés  ,  l’attrattion  ,  qui  fait 
le  lien  de  la  cohérence,  rétablit  les  parties 
dans  leur  première  fituation  ,  en  agiffant  en 
l'ens  contraire  ,  par  répulfion  ,  avec  autant  de 
force  que  l’impulfion  avoit  agi  en  fensdireét; 
c’efi  ici,  comme  en  tour,  une  réaétion  égale 
à  l’action;  on  ne  peut  donc  pas  rapporter  à 
l’impulfion  les  effets  de  l’attraétion  univerfelle  ; 
mais  c’eft  au  contraire  cette  attraction  géné¬ 
rale  qui  produit,  comme  première  caufe  , 
tous  les  phénomènes  de  l’impuifion. 

En  effet,  doit-on  jamais  perdre  de  vue  les 
bornes  de  la  faculté  que  nous  avons  de  com¬ 
muniquer  avec  la  Nature  ?  Doit  on  fe  per- 
fuader  que  ce  qui  ne  tombe  pas  fous  nos  fens  , 
puiffe  fe  rapportera  ce  que  nous  voyons  ou 
palpons  ?  L’on  ne  connoit  les  forces  qui  ani¬ 
ment  l’univers  ,  que  par  le  mouvement  &  par 
les  effets:  ce  mot  même  de  forces ,  ne  fignifie 
rien  de  matériel,  &  n’indique  rien  de  ce  qui 
peut  affeéter  nos  organes  ,  qui  cependant  font 
nos  feuls  moyens  de  communication  avec  la 
Nature.  Ne  devons-nous  pas  renoncer  dès- 
lots  à  vouloir  mettre  au  nombre  des  fubftances 
matérielles ,  ces  forces  générales  de  l’attrac¬ 
tion  &  de  l’impulfion  primitive  ,  en  les  trans¬ 
formant,  pour  aider  notre  imagination  ,  en 
matières  fubtiles ,  en  fluides  élaftiques ,  en 
fubftances  réellement  exiftantes  ,  &  qui, 
comme  la  lumière,  la  chaleur,  le  (on  &  les 
odeurs,  devroient affeCter nos  organes; car  ces 


Traité  de  V Aimant.  123 

rapports  avec  nous  font  les  feuls  attributs  de 
la  matière  que  nous  publions  faifir,  les  feuls 
que  l’on  doive  regarder  comme  des  agens 
méchaniques;  &  ces  agens  eux-mêmes,  ainfi 
que  leurs  effets,  ne  dépendent-ils  pas  ,  plus 
ou  moins  ,  &  toujours  ,  de  la  force  primitive  , 
dont  l’origine  &  l’efTence  nous  feront  à  jamais 
inconnues  ,  parce  que  cette  force  en  effet  n’eft 
pas  une  fubftance ,  mais  une  puiffance  qui 
anime  la  matière  ? 

Tout  ce  que  nous  pouvons  concevoir  de 
cetre  puiffance  primitive  d’attraétion ,  &  de 
l’impulfion  ou  répulficn  qu’elle  produit ,  c’eft 
que  la  matière  n’a  jamais  exifté  fans  mouve¬ 
ment  ;  car  l’attraétion  étant  elfentielle  à  tout 
atome  matériel,  cette  force  a  nécefTairement 
produit  du  mouvement,  toutes  les  fois  que 
les  parties  de  la  matière  fe  font  trouvées  fépa- 
rées  ou  éloignées  les  unes  des  autres;  eiles 
ont  dès-lors  été  forcées  de  fe  mouvoir  &  de 
parcourir  l’efpace  intermédiaire,  pour  s’ap¬ 
procher  &  fe  réunir.  Le  mouvement  eft  çlonc 
aulfi  ancien  que  la  matière,  &  l’impulfion  ou 
répulfion  eft  contemporaine  de  l’attraétion;' 
mais,  agifTant  en  fens  contraire,  elle  tend  à 
éloigner  tout  ce  que  l’attraction  a  rapproché. 

Le  choc,  &  toute  violente  attrition  entre 
les  corps  ,  produit  du  feu  en  divifant  &  repouf¬ 
fant  les  parties  de  la  matière  (&);  &  c’eft  de 
-  l’impulfion  primitive  que  cet  élément  a  tiré 
fon  origine;  élément  lequel  feul  eft  aétif  &c 


(  b  )  Supplément ,  tome  premier ,  page  S  &  fuiv. 

L  2 


x  i4  Hijloire  naturelle. 

fert  de  bafe  &  de  minière  à  toute  force  im- 
pnlfive  ,  générale  &  particulière  ,  dont  les 
effets  font  toujours  oppol'és  &  contraires  à 
ceux  de  l’attraétion  univerfeHe.  Le  feu  le  ma* 
nifeffe  dans  toutes  les  parties  de  l’univers, 
foit  par  la  lumière ,  foit  par  la  chaleur  ;  il  brille 
dans  le  Soleil  &  dans  les  Affres  fixes  ;  il  tient 
encore  en  incandefcence  les  groffes  planètes  ; 
il  échauffe  plus  ou  moins  les  autres  planètes  & 
les  comètes;  il  a  auffi  pénétré,  fondu,  en¬ 
flammé  la  matière  de  notre  globe ,  lequel  ayant 
fubi  l’aftion  de  ce  feu  primitif,  eft  encore 
chaud;  &  quoique  cette  chaleur  s’évapore  & 
fe  diffipe  fans  ceffe,  elle  eft  néanmoins  très- 
aéfive  &  fubfifte  en  grande  quantité,  puifque 
la  température  de  l’intérieur  de  la  terre,  à 
une  médiocre  profondeur,  eff  de  plus  de  dix 
degrés. 

C’eft  de  ce  feu  intérieur  ou  de  cette  chaleur 
propre  du  globe  que  provient  le  feu  particulier 
de  l’éle&ricité.  Nous  avons  déjà  dit ,  dans 
notre  introdu&ion  à  l’Hiftoire  des  Minéraux, 
&  tout  nous  le  perfuade  ,  que  l’éleélricité  tire 
fon  origine  de  cette  chaleur  intérieure  du 
globe;  les  émanations  continuelles  de  cette 
chaleur  intérieure  ,  s’élèvent  perpendiculai¬ 
rement  à  chaque  point  de  la  furface  de  la  terre  ; 
elles  font  bien  plus  abondantes  à  l’équateur 
que  dans  toutes  les  autres  parties  du  globe. 
Affez  nombieufes  dans  les  zones  tempérées, 
elles  deviennent  milles  ou  prelque  nulles  aux 
régions  polaires,  qui  font  couvertes  par  la 
glace  ou  refferrées  par  la  gelée.  Le  fluide 
eleétrique,  ainfi  que  les  émanations  qui  le  pro- 
duifent,  ne  peuvent  donc  jamais  être  m  équi- 


Traité  de  l'Aimant.  125 

libre  autour  du  globe  ;  ces  émanations  doivent 
néceffairement  partir  de  l'équateur  oit  elles 
abondent,  &  fe  porter  vers  les  pôles  où  elles 
manquent. 

Ces  courans  éleétriques ,  qui  partent  de 
l'équateur  &  des  régions  adjacentes,  fe  com¬ 
priment  &  fe  reflerrent  ,  en  fe  dirigeant  à 
chaque  pôle  terreftre  ,  à-peu-près  comme  les 
méridiens  fe  rapprochent  les  uns  des  autres; 
dès-lors  la  chaleur  obfcure,  qui  émane  de  la 
terre,  &  forme  ces  courans  éleélriques,  peut 
devenir  lumineufe  en  fe  condenfant  dans  un 
moindre  efpace,  de  la  même  manière  que  la 
chaleur  obfcure  de  nos  fourneaux  devient  lu¬ 
mineufe,  lorfqu’on  la  condenfe  en  la  tenant 
enfermée  ( c ).  Et  c’eft-là  la  vraie  caufe  de  ces 
feux  qu’on  regardoit  autrefois  comme  des  in¬ 
cendies  céleftes  ,  &  qui  ne  font  néanmoins  que 
des  effets  électriques  auxquels  on  a  donné  le 
nom  d’aurores  polaires.  Elles  font  plus  fré- 
dans  les  faifons  de  l’automne  &  de 
parce  que  c’eft  le  tems  ou  les  émana-' 
tions  de  la  chaleur  de  la  terre  font  le  plus 
complètement  fupprimées  dans  les  zones  froi¬ 
des,  tandis  qu’elles  font  toujours  prefqùe 
également  abondantes  dans  la  zone  torride; 
elles  doivent  donc  fe  porter  alors  avec  plus 
de  rapidité  de  l’équateur  aux  pôles  ,  &  devenir 
lumineufes  parleur  accumulation  &  leur  ref- 
ferrement  dans  un  plus  petit  efpace  ( ’d ). 


quentes 
J  hiver, 


(c)  Sinplément ,  volume  2,  expérience;  fur  les  eflèts 
de  In  ciia.eur  obfcure. 

M.  le  Comte  de  la  Cepède  a  publié,  dans  le 

L  3. 


1 16  Hiflolre  naturelle 

Mais  ce  n’eft  pas  feulement  dans  I’atmof- 
phère  &  à  la  furface  du  globe  que  ce  fluide 
électrique  produit  de  grands  effets;  il  agit 
également,  &  même  avec  beaucoup  plus  de 
force,  à  l’intérieur  du  globe,  &  fur-tout  dans 
les  cavités  qui  fe  trouvent  en  grand  nombre 
au-deffousdes  couches  extérieures  de  la  terre; 
il  fait  jaillir ,  dans  tous  ces  efpaces  vides  ,  des 
foudres  plus  ou  moins  puiffantes  ;  &,  en  re¬ 
cherchant  les  diverfes  manières  dont  peuvent 
fe  former  ces  foudres  fouterraines  ,  nous 
trouverons  que  les  quartz,  les  jafpes ,  les 
feld-fpaths  ,  lesfchcrls,  les  granits  &  autres 
matières  vitreufes ,  font  électrifables  par  frot¬ 
tement,  comme  nos  verres  faélices ,  dont  on 
fe  fert  pour  produire  la  force  électrique  ,  Su 
pour  ifoler  les  corps  auxquels  on  veut  la  com¬ 
muniquer. 

Ces  fubftances  vitreufes  doivent  donc  ifoler 
les  amas  d’eau  qui  peuvent  fe  trouver  dans 
ces  cavités ,  ainfi  que  les  débris  des  corps 


Journal  de  pliyfique  de  1778 ,  un  Mémoire  dans  lequel 
il  fuit  les  mêmes  vues ,  relatives  à  l’éleftricité ,  que  nous 
avons  données  dans  notre  introduction  à  l’Hiftoire  des 
Minéraux ,  &  rapporte  l’origine  des  aurores  boréales  à 
l’accumulation  du  feu  électrique  qui  part  de  l’équateur , 
&  va  fe  ramafl'er  au  -  deifus  des  contrées  polaires.  En 
1779 ,  on  a  lu ,  dans  une  des  féances  publiques  de  l’Aca¬ 
démie  des  Sciences,  un  Mémoire  de  M.  Franklin,  dans 
lequel  ce  favant  Phyficien  attribue  nuiB  la  formation  des 
aurolcs  boréales  au  fluide  éleftrique  qui  fe  porte  &  fe 
eondenfe  au-dclfus  des  glaces  des  deux  pôles. 


Traité  de  Ï1  Aimant.  1 2,7 

organifés,  les  terres  humides  ,  les  matières 
calcaires ,  &  les  divers  liions  métalliques. 
Ces  amas  d’eaux  ,  ces  matières  métalliques  , 
calcaires  ,  végétales  &  humides  ,  font  ,  au 
contraire,  les  plus  puiflans  conducteurs  du 
fluide  électrique.  Lors  donc  qu’elles  font 
ifolées  par  les  matières  vitreufes  ,  elles  peu¬ 
vent  être  chargées  d’un  excès  plus  ou  moins 
confidérable  de  ce  fluide  ,  de  même  qu’en  font 
chargées  les  nuées  environnées  d’un  air  fec 
qui  les  ifole. 

Des  courans  d’eau  ,  produits  par  des  pluies  , 
plus  ou  moins  abondantes,  ou  d’autres  caqfes 
locales  &  accidentelles,  peuvent  faire  com¬ 
muniquer  des  matières  conductrices,  ifolées 
&  chargées  de  fluide  éleCtrique  ,  avec  d’autres 
fubftances  de  mêmenature  ,  également  ifolées  , 
mais  dans  lefquelies  ce  fluide  n’aura  pas  été 
accumulé;  alors  ce  fluide  de  feu  doit  s’élancer 
du  premier  amas  d’eau  vers  le  fécond,  & 
dès-lors  il  produit  la  foudre  fouterraine  dans 
l’efpace  qu’il  parcourt.  Les  matières  combuf- 
tibles  s’allument;  les  explofions  fe  multiplient; 
elles  foulèvent  &  ébranlent  des  portions  de 
terre  d’une  grande  étendue,  &  des  blocs  de 
rochers  en  très-grande  mafle  &  en  bancs  con¬ 
tinus  ;  les  vents  fouterrains  ,  produits  par  ces 
grandes  agitations  ,  foufHent  &  s’élancent 
dès  lors,  avec  violence,  contre  des  fubllances 
conductrices  de  l’éleCtriciré ,  ifolées  par  des 
matières  vitreufes  ;  ils  peuvent  donc  aulîi 
éleCtrifer  ces  fubftances  de  la  même  manière 
que  nous  éieCtrifons,  par  le  moyen  de  l’air 
fortement  agité  ,  des  conducteurs  ifolés ,  hu¬ 
mides  ou  métalliques. 


12§  Hifloire  naturelle 

La  foudre  allumée  par  ces  diverfes  caufes» 
&  mettant  le  feu  aux  matières  combuflibles , 
renfermées  dans  le  fein  de  la  terre,  peut  pro¬ 
duire  des  volcans  &  d’autres  incendies  du¬ 
rables.  Les  matières  enflammées  dans  leurs 
foyers,  doivent,  en  échauffant  les  fchifles  & 
les  autres  matières  vitreufes,  de  féconde  for¬ 
mation  ,  qui  les  contiennent  &  les  ifolent, 
augmenter  l’affinité  de  ces  dernières  fubftances 
avec  le  feu  éle&rique  ;  elles  doivent  alors 
leur  communiquer  une  partie  de  celui  qu’elles 
poffèdent,  &,  par  conféquent,  devenir  élec- 
trifées  en  moins.  Et  c’eft  par  cette  railon  que 
lcrfque  ces  matières  fondues,  &  rejetées  par 
les  volcans,  coulent  à  la  furface  de  la  terre, 
ou  qu’elles  s’élèvent  en  colonnes  ardentes  au- 
deffus  des  cratères ,  elles  attirent  le  fluide 
électrique  des  divers  corps  qu’elles  rencon¬ 
trent,  &  même  des  nuages  fufpendus  au-deffus  ; 
car  l’on  voit  alors  jaillir,  de  tous  côtés,  des 
foudres  aériennes,  qui  s’élancent  vers  les 
matières  enflammées  ,  vomies  par  les  volcans  : 
&  comme  les  eaux  de  la  mer  parviennent 
auffi  dans  les  foyers  des  volcans,  &  que  la 
flamme  eft  comme  l’eau  conduélrice  de  l’élec¬ 
tricité  (e),  elles  communiquent  une  grande 


(  e  )  Il  y  a  environ  vingt  ans  que  le  nommé  Aubert , 
faïaneier  à  la  Tour-tl’ Aigues  ,  étant  occupé  à  cuire  une 
fournée  de  faïance  ,  vit,  avec  le  plus  grand  étonnement, 
le  feu  s’éteindre  dans  l’inftant  même,  &  palfer  d’un  feu 
de  cerife  à  l’obfcurité  totale.  Le  four  étoit  allumé  depuis 
plus  de  vingt  heures ,  &  la  vitrification  de  l’émail  des 


Traité  de  l’Aimant.  i  ly 

quantité  de  fluide  éle&rique  aux  matières  en¬ 
flammées  &  éleélri lees  en  moins;  ce  qui  pro¬ 


pièces  étoit  déjà  avancée  ;  il  fit  tous  fes  efforts  pour 
rallumer  le  feu ,  &  achever  fa  cuite ,  mais  inutilement.  11 
fut  obligé  de  l’abandonner  ». 

»  Je  fus  tout  de  fuite  averti  de  cet  accident  ;  je  me 
tranfportai  à  fa  fabrique,  où  je  vis  ce  four,  effeflivement 
obfcur ,  confervant  encore  toute  fa  chaleur  ». 

»  11  y  avoit  eu  ce  jour-là ,  vers  les  trois  heures  après 
midi ,  un  orage  ,  duquel  partit  le  coup  de  tonnerre  ,  qui 
avoit  produit  l’effet  dont  je  viens  de  parler.  L’on  avoit 
vu  du  dehors  la  foudre  ;  le  faïancier  avoit  entendu  un 
coup  qui  n’avoit  rien  d’extraordinaire,  fans  appercevoir 
l’éclair  ni  la  moindre  clarté  ;  rien  n’étoit  dérangé  dans  la 
chambre  du  four ,  ni  au  toit.  Le  coup  de  tonnerre  étoit 
entré  par  la  gueule  de  loup,  faite  pour  laiffer  échapper 
la  fumée  ,  &  placée  perpendiculairement  fur  le  four,  avec 
une  ouverture  de  plus  de  dix  pieds  quarrés  ». 

»  Curieux  de  voir  ce  qui  s’étoit  paffé  dans  l’intérieur 
du  four ,  j’affiflai  à  fon  ouverture  deux  jours  après  ;  il 
n’y  avoit  rien  de  caffé,  ni  même  de  dérangé;  mais  l’émail 
appliqué  fur  toutes  les  pièces,  étoit  entièrement  enfumé , 
&  tacheté  par-tout  de  points  blancs  &  jaunes,  fans  doute 
dûs  aux  parties  métalliques ,  qui  n’avoient  point  eu  le 
temps  d’entrer  en  fufton  ». 

»  Il  efl  à  croire  que  la  foudre  avoit  paffé  à  portée  du 
feu  qui  l’avoit  attirée  Se  abforbée ,  fans  qu’elle  eût  eu  le 
temps  ni  le  pouvoir  d’éclater  ». 

»  Mais,  pour  connoître  la  force  de  cet  effet,  il  eft 
néceffaire  d’être  inftruit  de  la  forme  des  fours  en  uffige 
dans  nos  provinces ,  iefquels  font  une  ma, Te  de  feu  bien 
plus  conüdérable  que  ceux  des  autres  pays,  parce  qu’étant 


1 3  o  Hiflo'ire  naturelle. 

duit  de  nouvelles  foudres  ,  &  caufe  d’autres 
fecoufles  &.  des  explofions  qui  bouleverlent  &. 
entr’ouvrent  la  furface  de  la  terre. 


obligé  d’y  cuire  avec  les  fagots  ou  branches  de  pins  ou 
de  chênes  verts ,  qui  donnent  un  feu  extrêmement  ardent , 
on  eft  forcé  d’écarter  le  foyer  du  dépôt  de  la  marchan- 
dife  ». 

»  La  flamme  parcourt  dans  ces  fours  plus  de  fix  toifes 
de  longueur.  Ils  font  partagés  en  trois  pièces  ;  le  corps  du 
four,  relevé  fur  le  terrein  ,  y  eft  conftruit  entre  deux 
voûtes ,  le  deflous  eft  à  moitié  enterré  ,  pour  mieux  con- 
ferver  la  chaleur,  &  il  eft  précédé  d’une  voûte  qui 
s’étend  jufqu’à  la  porte  par  laquelle  l’on  jette  les  fagots, 
au  nombre  de  trois  ou  quatre  à  la  fois.  On  a  l’attention 
de  laitier  brûler  ces  fagots  fans  en  fournir  de  nouveaux , 
jufqu’à  ce  que  la  flamme,  après  avoir  circulé  dans  tout 
le  corps  &  s’être  élevée ,  plus  d’un  pied  ,  au  fommet  du 
four,  foit  absolument  tombée  ». 

»  Le  four ,  dans  lequel  tomba  le  tonnerre  ,  eft  de  huit 
pieds  de  largeur  en  quarré  ,  fur  environ  dix  pieds  de 
hauteur  :  le  deflous  du  four  a  les  mêmes  dimenûons , 
mais  il  eft  élevé  feulement  de  fix  pieds.  On  l’emploie  à 
cuire  des  bifeuits  &  le  maflkot ,  pour  le  blanc  de  la 
fournée  fuivante  ;  quant  à  la  gorge  du  four,  elle  eft 
aufli  de  fix  pieds  de  haut,  mais  de  largeur  inégale,  puis¬ 
que  le  four  n’a  pas  quatre  pieds  de  largeur  à  fon  ouver¬ 
ture.  Il  eft  donc  aifé  de  conclure,  que  la  force,  qui 
put  ,  en  un  feul  inftant ,  anéantir  une  pareille  malle 
ignée,  dut  être  d’une  pui (Tance  étonnante  ».  Extrait  d'une 
lettre  de  M.  la  Tour  d’ Aigues ,  Préfideit  à  Mortier  au 
Parlement  de  Provence  ,  écrite  à  M.  d’Auhenton  ,  Garde 
du  Cabinet  eu  Roi ,  de  l'Académie  des  Sciences  ,  ôcc. 


Traité  ae  T  Aimant.  1 3 1 

De  plus,  les  fubftances  vitreufes  qui  for¬ 
ment  les  parois  des  cavités  des  volcans  ,  &  qui 
ont  reçu  une  quantité  de  fluide  éleCtrique  , 
proportionnée  à  la  chaleur  qui  les  a  pénétrées , 
s’en  trouvent  furchargées  à  mefure  qu’elles  fe 
refroidirent  :  elles  lancent  de  nouvelles  foudres 
contre  les  matières  enflammées,  &  produifent 
de  nouvelles  fecouffes  qui  fe  propagent  à  des 
diftances  plus  ou  moins  grandes,  fuivant  la 
difpofition  des  matières  conductrices.  Et 
comme  le  fluide  électrique  peut  parcourir  en 
un  inftant  l’efpace  le  plus  vafte,  en  ébranlant 
tout  ce  qui  le  trouve  lur  fon  paffage,  c’eftà 
cette  caufe  que  l’on  doit  rapporter  les  commo¬ 
tions  &  les  tremblemens  de  terre  qui  fe  font 
fentir,  prefque  dans  le  même  inftant, à  de 
très-grandes  diftances;  car  fi  l’on  veut  juger 
de  la  force  prodigieufe  des  foudres  qui  pro- 
duifent  les  tremblemens  de  terre  les  plus 
étendus,  que  l’on  compare  l’efpace  immenle 
&  d'un  très-grand  nombre  de  lieues,  que  les 
fubftances  conductrices  occupent  quelquefois 
dans  le  lein  de  la  terre ,  avec  les  petites  dimen- 
fions  des  nuages  qui  lancent  la  foudre  des  airs  , 
donr  la  force  fuffit  cependant  pour  renverler 
les  édifices  les  plus  folides. 

On  a  vu  le  tonnerre  renverfer  des  blocs  de 
rochers  de  plus  de  vingt-cinq  toifes  cubes  :  les 
conducteurs  fourerrains  peuvent  être  au  moins 
cinquante  mille  fois  plus  volumineux  que  les 
nuages  orageux  ;  fi  leur  force  éroit  en  pro¬ 
portion  ,  la  foudre  qu’ils  produifent  pourrait 
donc  renverfer  plus  de  douze  cens  mille  toifes 
cubes;  &  comme  la  chaleur  intérieure  de  la 
terre  eft  beaucoup  plus  grande  que  celle  de 


ï  1 2  Hijlolre  naturelle. 

l’atmofphèreà  la  hauteur  des  nuages,  la  foudre 
de  ces  conducteurs  électriques  doit  être 
augmentée  dans  cette  proportion,  &  dès-lors 
on  peut  dire  que  cette  force  eft  aflez  puiflante 
pour  bouleverfer  &  même  projeter  pluneurs 
millions  de  toifes  cubes. 

Maintenant  il  nous  confidérons  le  grand 
nombre  de  volcans  actuellement  agiflans,  & 
le  nombre  infiniment  plus  grand  des  anciens 
volcans  éteints,  nous  reconnoîtrons  qu’ils 
forment  de  larges  bandes  dans  plufieurs  direc¬ 
tions  qui  s’étendent  autour  du  globe  ,  &  occu¬ 
pent  des  efpaces  d’une  très-longue  étendue 
dans  leiquels  la  terre  a  été  bouîeverlee  ,  &: 
s’ert  fou  vent  affaiffée  au-defïbus,  ou  élevée 
au-defîus  de  fon  niveau.  C’eit  fur-tout  dans 
les  régions  de  la  zone  torride  que  fe  font  faits 
les  plus  grands  changemens.  On  peut  fuivre 
la  ruine  des  continens  terrefires ,  &  leur  abaif- 
fement  fous  les  eaux  ,  en  parcourant  les  l fies 
de  la  mer  du  Sud.  On  peut  voir,  au  contraire  , 
i’cic varier;  de»  terres ,  par  l’infne&ion  des 
montagnes  de  l’Amérique  méridionale,  dont 
quelques-unes  font  encore  des  volcans  agif- 
fans  :  on  retrouve  les  mêmes  volcans  dans 
les  1  fies  de  la  mer  Atlantique ,  dans  celles  de 
l’Océan  Indien  &  jufques  clans  les  régions 
polaires ,  comme  en  I/lande  ,  en  Europe  &  à 
la  terre  de  Feu  à  l’extrémité  de  l’Amérique. 
La  zone  tempérée  offre  de  même  dans  les  deux 
hemifphères  ,  une  infinité  d'indices  de  volcans 
éteints;  &  l’on  ne  peut  douter  que  ces  énor¬ 
mes  explofions  auxquelles  l’éleCf ncité  fouter- 
laine  a  la  plus  grand  ?  part,  n’aient  très-an¬ 
ciennement  bouleverfé  les  terres  à  la  lurface 


Trotté  de  l'Aimant.  133 

du  globe,  à  une  allez  grande  profondeur, 
dans  une  étendue  de  plufieurs  centaines  de 
lieues  en  différons  fens. 

M.  Faujas  de  Saint  Fonds,  l’un  de  nos  plus 
favans  Naturaliftes ,  a  entrepris  de  donner  la 
carte  de  tous  les  terrains  volcanifés  qui  fe 
voient  à  la  lurface  du  globe  ,  &  dont  on  peut 
fuivre  le  cours  fous  les  eaux  de  la  mer,  par 
l’infpe&ion  des  Ifles,  des  écueils  &  autres 
fonds  volcanifés.  Cet  infatigable  &  bon  obfer- 
vateur ,  a  parcouru  tous  les  terrains  qui  offrent 
en  Europe  des  indices  du  feu  volcanique ,  6c 
il  a  extrait  des  voyageurs  les  renfeignemens  , 
fur  cet  objet,  dans  toutes  les  parties  du 
monde  ;  il  a  bien  voulu  me  fournir  des  notes  , 
en  grand  nombre,  fur  tous  les  volcans  de 
l’Europe,  qu’il  a  lui-même  obfervés  ;  j’ai  cru 
devoir  en  préfenter  ici  l’extrait ,  qui  ne  pourra 
que  confirmer  tout  ce  que  nous  avons  dit  fur 
les  caufes  &  les  effets  de  ces  feux  fouterrains. 

En  prenantle  volcan  brûlantdu  Mont-Hecla, 
en  lilande  ,  pour  point  de  départ,  on  peut 
fuivre ,  fans  interruption  ,  une  affez  large  zone 
entièrement  volcanifée ,  où  l’obfervateur  ne 
perd  jamais  de  vue,  un  feul  inftant,  les  laves 
de  toute  efpèce.  Après  avoir  parcouru  cette 
Ifle  ,  qui  n’eft  qu’un  amas  de  volcans  éteints  , 
adoffés  contre  la  montagne  principale,  dont 
les  flancs  font  encore  embrafés,  fuppofons 
qu’il  s'embarque  à  la  pointe  de  l’Ifle  qui  porte 
le  nom  de  Long-Aés.  Il  trouvera  fur  fa  route 
Vejlerhorn ,  Portland  &  plufieurs  autres  Mes 
volcaniques;  il  vifitera  celles  de  Stromo , 
remarquables  par  fies  grandes  chauffées  de 
bafalte ,  &  enluite  les  Mes  de  Féroé,  où  les 


134  Hïjlotre  naturelle. 

laves  &  les  balaltes  fe  trouvent  mêlés  de 
zéolites.  Depuis  féroé,  il  le  portera  fur  les 
Ifles  de  Schetland ,  qui  font  toutes  volcanifées, 
&  de-la  aux  Ifles  Qrcades,  lefquelles  paroif- 
fent  s’être  élevées  en  entier  d’une  mer  de  feu. 
Les  Orcades  font  comme  adhérentes  aux  Ifles 
Hébrides.  C’eft  dans  cet  archipel  que  fe  trou¬ 
vent  celles  de  S.  Kilda,  Sckie,  Jona  ,  Lyri, 
Ilikenkil ,  la  vafte  &  fingulière  caverne  bafal- 
tique  de  Staffa,  connue  fous  le  nom  de  grotte 
deFingal,  l’ifle  de  Mult  qui  n’eft  qu’un  com- 
pofé  de  bafalte,  pétri ,  pour  ainfi  dire,  avec 
de  la  zéolite. 

De  l’Ifle  de  Mult,  on  peut  aller  en  ÉcofTe 
par  celle  de  Kereyru,  également  volcaniiée, 
&  arriver  à  Don  StafFugé  ou  à  Dunkel,  fur 
les  laves  &  les  bafaltes  que  l’on  peut  fuivre 
fans  interruption  par  le  Duché  d’Inverery , 
par  celui  de  Penh  ,  par  Glafcou  ,  jufqu’a 
Edimbourg.  Ici  les  volcans  femblent  avoir 
trouvé  des  bornes  qui  les  ont  empêchés  d’en¬ 
trer  dans  l’Angleterre  proprement  dite,  mais 
ils  fe  font  repliés  fur  eux- mêmes;  on  les  fuit 
fans  interruption  &  fur  une  allez  large  zone 
qui  s’étend  depuis  Dumbar,  Cuperg  ,  Stirling, 
jufqu’au  bord  de  la  mer,  vers  Pot  t  -  Patrick. 
L’Irlande  eft  en  face,  &  l’on  trouve  à  une 
petite  diftance,  les  écueils  du  canal  Saint- 
Georges,  qui  font  auflï  volcanifés  ;  l’on  touche 
bientôt  à  cette  immenfe  colonnade,  connue 
fous  le  nom  de  Chauffée  des  géans,  &  for¬ 
mant  une  ceinture  de  bafalte  prifmatique,  qui 
rend  l’abord  de  l’Irlande  prefque  inaccefiible 
de  ce  côté. 

En  France  ,  on  peut  reconnoître  des  volcans 


Traité  de  l'Aimant.  13  ç 

éteints  en  Bretagne  ,  entre  Royan  &  Tréguier, 
&  les  Cuivre  dans  une  partie  du  Limoufm,  & 
en  Auvergne  ,  où  Ce  (ont  faits  de  très-grands 
mouvemens  ,  &  de  fortes  éruptions  de  volcans 
actuellement  éteints;  car  les  montagnes,  les 
pics,  les  collines  de  balalte  &  de  lave  y  font 
fi  rapprochés,  fi  accumulés,  qu’ils  offrent  un 
fyftême  bizarre  &  difparate,  très- différent  de 
la  dilpofition  &  de  l’arrangement  de  toutes  les 
autres  montagnes.  Le  Mont  d’Or  &  le  Puits 
de  Dôme  peuvent  être  regardés  comme  autant 
de  volcans  principaux  qui  domiqoient  fur  tous 
les  autres. 

Les  villes  de  Clermont,  de  Riom,  d’Iffoire, 
ne  font  bâties  qu’avec  des  laves,  &  ne  repo- 
fent  que  fur  des  laves.  Le  cours  de  ces  ter¬ 
rains  volcanifés,  s’étend  jufqu’au-dela  de  l’Ai¬ 
lier  ,  &  on  en  voit  des  indices  dans  une  partie 
du  Bourbonnois,  &  jufques  dans  la  Bourgogne, 
auprès  du  Mont  cenis  ,  où  l’on  a  reconnu  le 
Pic  conique  de  Drevin  ,  formé  par  un  faifceau 
de  bafalte ,  qui  s’élève  en  pointe  à  trois  cens 
pieds  de  hauteur,  &  forme  une  grande  borne, 
qu’on  peut  regarder  comme  la  limite  du  ter¬ 
rain  volcanifé.  Ces  mêmes  volcans  dbMivergne 
s’étendent,  d’un  côté,  par  Saint-Flour  &  Au- 
rillac  ,  jufqu’en  Rouergue  ,  &  de  l’autte,  dans  x 
le  Yélay;  &  en  remontrant  la  Loire  jufqu’à 
fa  fource,  parmi  les  laves,  nous  arriverons 
au  Mont-Mezin,  qui  efk  un  grand  volcan 
éteint ,  dont  la  bafe  a  plus  de  douze  lieues  de 
circonférence,  &  dont  la  hauteur  s’élève  au- 
deffus  de  neuf  cens  toiles.  Le  Vivarais  eft 
attenant  au  Vélay,  &  l’on  y  voit  un  très- 
grand  nombre  de  cratères  de  volcans  éteints, 


136  H'ijlolrc  naturelle. 

&  des  chauffées  de  bafaltes  ,  que  l’on  peut 
fuivre  dans  leur  largeur  jufqu’à  Rochemaure, 
au  bord  du  Rhône,  en  face  de  Monteliniar: 
mais  leur  développement,  en  longueur ,  s’étend 
parCaffan,  Saint-Tibéri ,  jufqu’à  Agde,  où  la 
montagne  volcanique  de  Saint- Loup,  offre 
des  efcarpemens  de  lave  d’une  grande  épaif- 
feur  &  d’une  hauteur  très-confidérable. 

11  paroît  qu’auprès  d’Agde ,  les  laves  s’en¬ 
foncent  fous  la  mer;  mais  on  ne  tarde  pas  à 
les  vo  r  reparoître  entre  Marfeille  &  Toulon, 
où  l’on  connoît  le  volcan  dOilioule,  &  celui 
des  environs  de  Tourves.  De  grands  dépôts 
calcaires  ont  recouvert  poftérieurement  plu- 
fieurs  de  ces  volcans  ;  mais  on  en  voit  dont 
les  fommités  paroiffent  fortir  du  milieu  de  ces 
antiques  dépouilles  de  la  mer  ;  ceux  des  envi¬ 
rons  de  Fréjus  &  d’Antibes,  font  de  ce  nombre. 

Ici  les  Alpes  maritimes  ont  fervi  de  barrière 
aux  feux  fouterrains  de  la  Provence,  &  les 
ont,  pour  ainfi  dire  ,  empêchés  de  fe  joindre 
à  ceux  de  l’Italie  ,  par  la  voie  la  plus  courte  ; 
car ,  derrière  ces  mêmes  Alpes,  il  fe  trouve 
des  volcans,  qui,  en  ligne  droite,  ne  font 
éloignés  que  de  trente  lieues  de  ceux  de  Pro¬ 
vence. 

La  zone  incendiée  a  donc  pris  une  autre 
route  ;  on  peut  même  dire  qu’elle  a  une  double 
direction  en  partant  d’Antibes.  La  première 
arrive  ,  par  une  communication  fous-marine  , 
en  Sardaigne;  elle  coupe  le  Cap  Carbonaira, 
traverfe  les  montagnes  de  cette  lfle  ,  fe  re¬ 
plonge  fous  les  eaux  pour  reparoitre  à  Cartha- 
gène ,  &  fe  joindre  à  la  chaîne  volcanifée  du 
Portugal  ,  jufqu’à  Lilbonne  ,  pour  traverl'er 

en  fui  te 


Traité  de  T  Aimant.  137 

ënfuiteune  partie  de  l’Efpagne  ,  où  M.  Boules 
a  reconnu  plufieurs  volcans"  éteints.  Telle  eit 
la  première  ligne  de  jon&ion  des  volcans  dfc 
France. 

La  fécondé  fe  dirige  également  par  la  mer, 
&  va  joindre  l’Italie,  entre  Gênes  &  Flo¬ 
rence.  On  entre  ici  dans  un  des  plus  vaffes 
domaines  dufeu;  l’incendiea  été  prefque  uni- 
ver  fel  dans  toute  l’Italie  &  la  Sicile,  où  il 
exifle  encore  deux  volcans  brnlans ,  le  Véfuve 
ée  l’Etna  ,  des  terrains  embraies  ,  tels  que  la 
Solfatera  ,  des  1  fies  incendiées,  dont  une, 
celle  de  Stromboli,  vomit  (ans  relâche,  & 
dans  tous  les  tems  ,  des  laves ,  des  pierres- 
ponces ,  &  jette  des  flammes  qui  éclairent  la 
mer  au  loin. 

Le  Véfuve  nous  offre  un  foyer  en  activité, 
couronné  &  recouvert,  de  toutes  parts,  des 
produits  les  plus  remarquables  du  feu  ,  &  juf- 
qu'à  des  Villes  enfevelies  à  dix-huit  cens  pieds 
de  profondeur  ,  fous  les  matières  projetées  par 
le  volcan  :  d’un  côté ,  la  mer  nous  montre  les 
Ules  volcanifées  d 'J (chia  ,  de  Procida  ,  de  C⬠
pres ,  &c.  &  de  l’autre  le  continent  nous  offre 
Ja  pointe  de  Miffene ,  Baye,  P  ondoie  s  ,  le  Pau- 
fi  ipo,  Portici,  la  côte  de  Sorento ,  le  cap  de  Mi¬ 
nerve. 

Le  Lac  A  piano  ,  C a  (Ira  ni ,  le  Monte- Novo ,  le 
Monte- Barbai 0  ,  la  Solfatera  ,  font  autant  de 
cratères  qui  ont  vomi  ,  pendant  plufieurs 
fiècles,  des  monceaux  immenfes  de  matières 
volcaniques. 

Mais,  une  chofe  digne  de  remarque,  c’eft 
que  les  volcans  des  environs  de  Naples  &  de 

-Minéraux.  Tome.  IX.  M 


138  Hijloire  naturelle. 

la  terre  de  Labour ,  comme  les  autres  volcans 
dont  nous  venons  de  parler ,  femblent  toujours 
éviter  les  montagnes  primitives,  quartzeufes 
&  granitiques,  &  c’eft  par  cette  raifon  qu’ils 
n’ont  point  pris  leur  direction  par  la  Calabre  , 
pour  aller  gagner  la  Sicile.  Les  grands  cou- 
rans  de  laves  le  font  frayés  une  route  fous  les 
eaux  de  la  mer,&  arrivent,  du  golfe  de 
Naples  ,  le  long  de  la  côté  de  Sorente  ,  paroif- 
fant  à  découvert  fur  le  rivage,  &  formant  des 
écueils  de  matières  volcaniques,  qu’on  voit 
de  diftance  en  diftance  ,  depuis  le  promontoire 
de  Minerve  jufqu’aux  îles  de  Lipari.  Les  îles  de 
Baçilu{{0 ,  les  Cabianca ,  les  Canera ,  Panaria  ,  &C. 
font  fur  cette  ligne.  Viennent  enfuite  l’île  des 
Salines ,  celles  de  Lipari,  Volcanello  &  V oleano , 
autre  volcan  brûlant,  où  les  feux  fouterrains  ta- 
briquent ,  en  grand  ,  de  grolfes  mafi'es  de  véri¬ 
tables  pierres  ponces.  En  Sicile  ,  les  Monts  - 
Neptuniens,  comme  les  Alpes  en  Provence, 
ont  forcé  les  feux  fouterrains  à  fuivre  leurs 
contours,  &  à  prendre  leur  direction  par  le 
val  Demona.  Dans  cette  lfle ,  l’Etna  élève 
fièrement  fa  tête  au-deftus  de  tous  les  volcans 
de  l’Europe  ;  les  éjeéVions  qu’a  produit  ce  foyer 
immenfe  ,  coupent  le  val  de  Aoto ,  &  arrivent  à 
l’extrémité  de  la  Sicile,  par  le  cap  Pajfaro. 

Les  matières  volcaniques  diiparoifTent 
encore  ici  fous  les  eaux  de  la  mer,  mais  les 
écueils  de  bafalte ,  qu’on  voit  de  diftance  en 
diftance,  font  des  fignaux  évidens  qui  tracent 
la  route  de  l’embrafement  ;  on  peut  arriver  , 
fans  s’en  écarter,  jufqu’à  l'Archipel,  où  l’on 
trouve  Santcrint ,  ôc  les  autres  volcans  qu’un 


Traité  de  l'Aimant.  139 

Obfervateur  célèbre  a  fait  connoître  dans  fon 
Voyage  pittorefque  de  la  Grèce  (/). 

De  "l’Archipel ,  on  peut  fuivre  par  la  Dal- 
matie  les  volcans  éteints  ,  décrits  par  M. 
Fortis,  jufqu’en  Hongrie,  où  l’on  trouve 
ceux  qu’a  fait  connoître  M.  de  Born  dans  les 
Lettres  fur  la  Minéralogie  de  ce  royaume. 
De  la  Hongrie,  la  chaîne  volcanifée  te  pro¬ 
longe  toujours  ,  fans  interruption  ,  par  l’Alle¬ 
magne  ,  &.  va  joindre  les  volcans  éteints 
d'Hannovre  ,  décrits  par  Rafpe  ;  ceux-ci  fe 
dirigent  fur  Cafl'el ,  ville  bâtie  fur  un  vafte 
plateau  de  balalte;  les  feux  fouterrains  qui 
ont  élevé  toutes  les  collines  volcaniques  des 
environs  de  Cartel ,  ont  porté  leur  direélion 
par  le  grand  cordon  des  hautes  montagnes 
volcanifées  de  V  Habichoual,  qui  vont  joindre 
le  Rhin  par  Andernach  ,  oii  les  Hollandois 
font  leur  approvifionnement  de  tras  (g)  pour 
le  convertir  en  pouzzolane  \  les  bords  du 
Rhin  ,  depuis  Andernach  jufqu’au  vieux 
Brifach ,  forment  la  continuité  de  la  zone 
volcanifée,  qui  traverfe  le  Brifgau  &  te  rap¬ 
proche  par-là  de  la  France,  du  côté  de  Strat- 
bourg. 

D’après  ce  grand  tableau  des  ravages  du  feu 
dans  la  partie  du  monde  qui  nous  eft  la  mieux 
connue,  pourroit-on  le  perfuader ,  ou  même 


(  f)  M.  le  Comte  de  Clioifeuil-Gouffier. 

(  g  )  Le  nas  eft  un  vrai  bafalte  compare  ou  poreux , 
facile  à  broyer ,  &  dont  les  Hollandois  font  de  la  pouz¬ 
zolane. 


140  Hiflolre  naturelle. 

imaginer  qu’il  ait  pu  exifter  d’affez  grands 
amas  de  matières  combuiiibles  ,  pour  avoir 
alimenté  pendant  des  fiècles  de  fiècles ,  des 
volcans  multipliés  en  auffi  grand  nombre  ? 
Cela  feul  fufliroit  pour  nous  indiquer  que  la 
plupart  des  volcans  actuellement  éteints, 
n’ont  été  produits  que  par  les  foudres  de  l’élec¬ 
tricité  fouterraine  Nous  venons  de  voir,  en 
effet,  que  les  Pyrénées ,  les  Alpes,  l’Apennin, 
les  Monts  Neptuniens  en  Sicile  ,  le  Mont- 
Granby  en  Angleterre ,  &  les  autres  montagnes 
primitives  ,  quartzeufes  &  granitiques  ,  ont 
arrêté  le  cours  des  feux  fouterrains,  comme 
étant  par  leur  nature  vitreufe ,  imperméables 
au  fluide  éle&rique,  dont  ils  ne  peuvent  pro¬ 
pager  l’a&ion  ,  ni  communiquer  les  foudres; 
&  qu’au  contraire  tous  les  volcans  produits  par 
les  feux  ou  les  tonnerres  fouterrains,  ne  (e 
trouvent  qu’aux  environs  de  ces  montagnes 
primitives  ,  &  n’ont  exercé  leur  aélion  que  fur 
les  fchiftes ,  les  argiles,  les  fubftances  calcai¬ 
res  &  métalliques  ^  &  les  autres  matières  de 
fécondé  formation  &  condu&rices  de  l’eletlri- 
cité.  Et  comme  l’eau  efl  un  des  plus  puilfans 
conduéteurs  du  fluide  électrique,  ces  volcans 
ont  agi  avec  d’autant  plus  de  force,  qu’ils  le 
font  trouvés  plus  près  de  la  mer,  dont  les 
eaux,  en  pénétrant  dans  leurs  cavités  ,  ont 
prodigieufernent  augmenté  la  maffe  des  fubf¬ 
tances  conductrices ,  &  faCtion  de  leleCtricité. 
Mais,  jetons  encore  un  coup-d’œil  fur  les 
autres  différences  remarquables  qu’on  peut 
obferver  dans  la  continuité  des  terrains  vol- 
canifés. 

L’une  des  premières  chofes  qui  s’offrent  à 


Traité  de  V Amant.  141 

nos  confidérations ,  c’eft  cette  immenfe  con¬ 
tinuité  de  bafaltes  &  de  laves ,  lefquels  s’éten¬ 
dent,  tant  à  l’intérieur  qu’à  l’extérieur  des 
terrains  volcanilés.  Ces  bafaltes  &.  ces  laves 
contenant  une  très-grande  quantité  de  matières 
ferrugineufes ,  doivent  être  regardés  comme 
autant  de  conducteurs  de  l'éleCtricité  ;  ce  font, 
pour  ainfidire,  des  barres  métalliques,  c’eft- 
à-dire  ,  des  conducteurs  à  plufieurs  centaines 
de  lieues  du  fluide  électrique  ,  &  qui  peuvent 
le  tranfmettre  en  un  inftant,  de  l’une  à  l’autre 
de  leurs  extrémités,  tant  à  l’intérieur  de  la 
terre ,  qu’à  fa  furface.  L’on  doit  donc  rap¬ 
porter  à  cette  caufe  les  commotions  &  tremble- 
mens  de  terre  qui  fe  font  fentir,  prefque  en 
même-tems,  à  des  diftances  très-éloignees. 

Une  fécondé  confidération  très- importante  , 
c’eft  que  tous  les  volcans,  &  fur-tour  ceux 
qui  font  encore  actuellement  agiffans  ,  portent 
fur  des  cavités  dont  la  capacité  eft  au  moins 
égale  au  volume  de  leurs  projections  ;  le 
Monte-Nuovo,  voifin  du  Véfuve,  s'eft  élevé 
prefque  fubiremenr,  c’eft-à-dire ,  en  deux  ou 
trois  jours,  dans  l’année  1538,  à  la  hauteur 
de  plus  de  mille  pieds ,  fur  une  circonférence 
de  plus  c’une  lieue  à  Ja  bafe  ;  &  cette  énorme 
mafTe  fortie  des  entrailles  de  la  terre  ,  dans 
un  terrain  qui  n’éroit  qu’une  plaine,  a  nécef- 
fairement  laiffé  des  cavités  au  moins  égales  à 
fon  volume  ;  de  même  ,  il  y  a  toute  raifon  de 
croire  que  l’Etna,  dont  la  hauteur  eft  de  plus 
de  dix  huit  cents  toifes,  &  la  circonférence  à 
la  bafe  de  près  de  cinquante  lieues,  ne  s’eft 
élevé  que  par  la  force  des  foucfres  fouterraines, 
&  que  ,  par  conféquent  ,  cette  très-énorme 


142  Hifloire  naturelle. 

maffe  de  matière  projetée  porte  fur  plu  Heurs 
cavités,  dont  le  vide  eft  au  moins  égal  au 
volume  foulevé.  On  peut  encore  citer  les  îles 
de  Santorin,  qui,  depuis  l’année  237  avant 
notre  Ere,  le  font  abîmées  dans  la  mer,  & 
élevées  au  deffus  de  la  terre  à  plufieurs  repri¬ 
ses ,  &  dont  les  dernières  cataftrophes  font 
arrivées  en  1707.  «  Tout  l’elpace  ,  dit  M.  le 
,,  Comte  de  Choifeul- Goulîier ,  actuellement 
„  rempli  par  la  mer  ,  &  contenu  entre  Santorin 
»  &  Théréfia ,  aujourd’hui  Afpronyzi,  faifoit 
„  partie  de  la  grande  île ,  ainlî  que  Théréfia 
„  elle-même.  Un  itnmenfe  volcan  s’eft  allumé, 
„  &  a  dévoré  toutes  les  parties  intermédiaires. 
„  Je  retrouve  dans  toute  la  côte  de  ce  golfe, 
„  compofée  de  rochers  efcarpés  &  calcinés , 
»  les  bords  de  ce  même  foyer ,  &  ,  fi  j’ofe 
»  le  dire,  les  parois  internes  du  creufet,  oii 
,,  cette  deftrudtion  s’eft  opérée  ;  mais  ce  qu’il 
»  faut  fur-tout  remarquer  ,  c’eft  l’immenfe 
v  profondeur  de  cet  abîme  ,  dont  on  n’a  jamais 
»  pu  réuflir  à  trouver  le  fond.  » 

Enfin  ,  nous  devons  encore  obferver ,  en 
général,  que  le  Véfuve,  l’Etna  &  les  autres 
volcans  ,  tant  agifîans  qu’éteints,  font  entourés 
de  collines  volcaniques ,  projetées  par  les 
feux  louterrains  ,  &  qui  ont  du  laifler  à  leur 
place  des  cavités  égales  à  leur  volume.  Ces 
collines,  compofées  de  laves  6c  de  matières 
fondues  &  projetées,  font  connues  en  Italie 
fous  le  nom  de  Monticolli,  &  elles  font  fi 
multipliées  dans  le  royaume  de  Naples,  que 
leurs  bafes  fe  touchent  en  beaucoup  d’endroits. 
Ainfi  ,  le  nombre  des  cavités  ou  bourfoufüures 
du  globe,  formées  par  le  feu  ptimitif,  a  dû 


Traité  de  V Aimant.  143 

diminuer  par  les  affaiffemens  fucceffifs  des 
cavernes ,  dont  les  eaux  auront  percé  les 
voûtes,  tandis  que  les  feux  fouterrains  ont 
produit  d’autres  cavités,  dont  nous  pouvons 
eftimer  la  capacité  par  le  volume  des  matières 
projetées,  &  par  l’élévation  des  montagnes 
volcaniques. 

Je  ferois  même  tenté  de  croire  que  les 
montagnes  volcaniques  des  Cordillières  ,  telles 
que  Chimboraço  ,  Cottopaxi  ,  Pichencha , 
Sangaï ,  &c.  dont  les  feux  font  actuellement 
agifïans  ,  &  qui  s’élèvent  à  plus  de  trois  mille 
toifes,ont  été  foulevées  à  cette  énorme  hau¬ 
teur  par  la  force  de  ces  feux,  puifque  l’Etna 
nous  offre  un  exemple  d’un  pareil  foulèvement 
jufqu'à  la  hauteur  de  dix-huit  cens  toiles,  & 
dès-lors,  ces  montagnes  volcaniques  des  Cor¬ 
dillières  ne  doiventpointêtre  regardées  comme 
des  bourfufflures  primitives  du  globe,  puis¬ 
qu'elles  ne  font  compofées  ni  de  quartz,  ni 
de  granit,  ni  d’autres  matières  vitreufes  qui 
auroient  arrêté  l’effet  des  foudres  fouterraines  , 
de  même  qu’en  Europe  nous  voyons  les  Alpes 
&  les  Pyrénées  avoir  arrêté  &  rompu  tous  les 
efforts  de  cette  électricité.  Il  en  doit  être  de 
même  des  montagnes  volcaniques  du  Mexique 
&  des  autres  parties  du  monde  ,  où  l’on  trouve 
des  volcans  encore  agilfans. 

A  l’égard  des  vofcans  éteints ,  quoiqu’ils 
aient  tous  les  caractères  des  volcans  actuelle¬ 
ment  brûlans  ,  nous  remarquerons  que  les  uns, 
tels  que  le  Pui-de-Dome,  qui  a  plus  de  huit 
cens  toifes  d’élévation,  le  Cantal  en  Auvergne, 
qui  en  a  près  de  mille,  &  le  Mont-Mezin  en 
Yivarais ,  dont  la  hauteur  eü  à-peu-près  égaie 


144  Hijloire  naturelle 

à  celle  du  Cantal ,  doivent  avoir  des  cavités 
audeffous  de  leurs  bafes  ,  &  que  d’autres  fe 
font  en  partie  éboulés  depuis  qu’ils  ont  Ceffe 
d’agir;  cette  différence  fe  remarque  par  celle 
de  la  forme  de  leurs  bouches  ou  cratères.  Le 
Mont  Mezin  ,  le  Cantal  ,  le  colet  d’Aifa  ,  la 
coupe  de  Saufac ,  la  Gravène  de  Mont-Pefat, 
préfentent  tous  des  cratères  d’une  entière 
confervation  ,  tandis  que  d’autres  n’offrent 
qu’une  partie  de  leurs  bouches  en  entonnoir 
qui  fubfiffe  encore  ,  &  dont  le  refte  s’eft  affaiflé 
dans  des  cavités  fouterraines. 

Mais,  le  principal  &  le  plus  grand  réfultat 
que  nous  puiflions  tirer  de  tous  ces  faits  ,  c’eft 
que  l’aftion  des  foudres  &  des  feux  fouterrains, 
ayant  ®té  affez  violente  pour  élever  dans  nos 
zones  tempérées  des  montagnes  telles  que 
l’Etna  ,  jufqu’à dix-huit  cents  toifes  de  hauteur, 
nous  devons  ceffer  d’être  étonnés  de  l’éléva¬ 
tion  des  montagnes  volcaniques  des  Cordil- 
lières  jufqu’à  trois  mille  toifes.  Deux  fortes 
raifons  me  perfuadent  de  la  vérité  de  cette 
préfomption.  La  première,  c’eft  que  le  globe 
étant  plus  élevé  fous  l’équateur  ,  a  dû,  dès  les 
premiers  tems  de  fa  confolidation  ,  former  des 
bourfoufflures  &  des  cavités  beaucoup  plus 
grandes  dans  les  parties  équatoriales  que  dans 
les  autres  zones ,  &  que  ,  par  conféquent ,  les 
foudres  fouterraines  auront  exercé  leur  aétion 
avec  plus  de  liberté  &  de  puiffance  dans  cette 
région,  dont  nous  voyons,  en  effet,  que  les 
affaiffemens  fous  les  eaux  ,  &  les  élévations 
au-defl'us  de  la  terre,  font  plus  grandes  que 
par-tout  ailleurs  ;  parce  que  indépendamment 
de  l’étendue  plus  confiderable  de  cavités  ,  la 

chaleur 


Traité  de  i  Aimant.  145 

chaleur  intérieure  du  globe  ,  &  celle  du  foleil , 
ont  dû  augmenter  encore  la  puifl’ance  des 
foudres  &  des  feux  (outerrains. 

La  fécondé  raifon ,  plus  décifive  encore 
que  la  première,  c’eft  que  ces  volcans,  dans 
les  Cordillières ,  nous  démontrent  qu’elles  ne 
font  pas  de  première  formation,  c’eft-à-dire, 
entièrement  compofées  de  matières  vitreufes  , 
quartzeufes  ou  granitiques,  puifque  nous 
i’ommes  affurés  ,  par  la  continuité  des  terrains 
volcaniques  dans  l’Europe  entière ,  que  jamais 
les  foudres  fouterraines  n’ont  agi  contre  ces 
matières  primitives,  &  qu’elles  en  ont  par¬ 
tout  fuivi  les  contours  fans  les  entamer,  parce 
que  ces  matières  vitreufes,  n’érant  point  con¬ 
ductrices  de  l’éleélricité ,  n’ont  pu  en  fubir  ni 
propager  l’aétion.  Il  eft  donc  à  préfumer  que 
toutes  les  montagnes  volcaniques,  foit  dans 
les  Cordillières,  ioit  dans  les  autres  parties 
du  monde  ,  ne  font  pas  de  première  formation , 
mais  ont  été  projetées  ou  foule  vées  par  la  force 
des  foudres  &  des  feux  fouterrains,  tandis  que 
les  autres  montagnes  dans  lefquelles,  comme 
aux  Alpes  &  aux  Pyrénées,  &c.  l’on  ne  voit 
aucun  indice  de  volcan ,  font  en  effet  les 
montagnes  primitives  ,  compofées  de  matières 
vitreufes,  qui  fe  refufent  à  toute  aétion  de 
PéleCtricité. 

Nous  ne  pouvons  donc  pas  douter  que  la 
force  de  l’eleétricité  n’ait  agi  en  toute  iiberté, 
&  n’ait  fait  de  violentes  explofions  dans  les 
cavités  ou  bourfoufflvires  occafionnées  par 
l’aélion  du  feu  primitif;  en  forte  qu’on  doit 
préfumer,  avec  fondement,  qu’il  a  exiflé  des 
volcans  dès  ces  premiers  tems,  &  que  ces 

Minéraux.  Tome  IX.  N 


1 46  Htjloire  naturelle 

volcans  n’ont  pas  eu  d’autres  caufesque  l’ac-^ 
tion  des  foudres  (outerraines.  Ces  premiers 
plus  anciens  volcans  n’ont  été ,  pour  ainfi  dire  , 
que  des  explofions  momentanées  ,  &  dont  le 
feu  n’étant  pas  nourri  par  les  matières  corn- 
buftibles,  n’a  pu  fe  manifefter  par  des  effets 
durables;  ils  le  font,  pour  ainfi  dire,  éteints 
après  leur  explofion,  qui  néanmoins  a  du  pro¬ 
jeter  toutes  les  matières  que  la  foudre  avoit 
frappées  &  déplacées.  Mais  ,  lorfque  dans  la 
fuite,  les  eaux,  les  fubftances  métalliques, 
&  autres  maiières  volatiles  fublimées  par  le 
feu  ,  &  reléguées  dans  l’atmofphère  ,  font 
tombées  &  fe  font  établies  fur  le  globe,  ces 
fubftances ,  toutes  conductrices  de  l’éleéfrieité, 
ont  pu  s’accumuler  dans  les  cavernes  fouter- 
raines.  Les  végétaux  s’étant  dès-Jors  multi-? 
pliés  fur  les  hauteurs  de  la  terre  ,  &  les  coquil¬ 
lages  s’étant  en  même-tems  propagés  ,  &  ayant 
pullulé  au  point  de  former,  par  leurs  dépouilles, 
de  giands  amas  de  matières  calcaires ,  toutes 
ces  rpatières  conductrices  fb  font  de  même 
raffemblées  dans  ces  cavités  intérieures  ,  & 
dès-lors  1’aCtion  des  foudres  électriques  a  dû 
produire  des  incendies  durables,  &  d’autant 
plus  violens,  que  ces  volcans  fe  font  trouvés 
plus  voifins  des  mers  dont  les  eaux,  par  leur 
confliCt  avec  le  feu  ,  ont  encore  augmenté  Iq 
force  &  la  durée  des  explofions  ;  &  c’eft  par 
cette  raifon  que  le  pied  de  tous  les  volcans, 
encore  actuellement  agiffans,  fe  trouve  voifin 
des  mers,  &  qu’il  n’en  exifte  pas  dans  l’inté¬ 
rieur  des  continents  tçrreftres. 

On  doit  donc  diftinguer  deux  fortes  de  vol¬ 
cans;  les  premiers,  (ans  alimens ,  &  unique- 


Traite  de.  V Aimant.  147 

firent  produits  par  la  force  de  l’éleclricité  fou- 
terraine ;  les  féconds  ,  alimentés  par  les  ma¬ 
tières  combuftibles.  Les  premiers  de  tous  les 
volcans  n  ont  été  que  des  exploitons  momen¬ 
tanées  dans  le  tems  de  la  confolidation  du 
globe.  Ces  explofions  peuvent  nous  être  repré- 
fentées  en  petit ,  par  les  étincelles  que  lance 
un  boulet  de  fer  rougi  à  blanc,  en  fe  refroi- 
di fiant.  Elles  font  devenues  plus  violentes  & 
plus  fréquentes  par  la  chute  des  eaux,  dont  le 
conflit  avec  le  feu  a  dû  produire  de  plus  fortes 
fecoufles  &  des  ébraniemens  plus  étendus. 
Ces  premiers  &  plus  anciens  volcans  ont  laiffé 
des  bouches  ou  cratères,  autour  defquels  fe 
trouvent  des  laves ,  &  autres  matières  fon¬ 
dues  par  les  foudres  ,  de  la  même  manière  que 
la  force  éle&rique  rnife  en  jeu  par  nos  foibles 
inftrumens ,  fond  ou  calcine  toutes  les  matières 
fur  lefquelles  elle  eft  dirigée. 

Il  y  a  donc  toute  apparence  que  ,  dans  le 
nombre  infini  de  volcans  éteints  qui  fe  trou¬ 
vent  à  la  furface  de  la  terre,  la  plupart  doi¬ 
vent  être  rapportés  aux  premières  époques  des 
révolutions  du  globe  après  fa  confolidation  , 
pendant  lefquelles  ils  n’ont  agi  que  par  mo- 
mens&  par  l’effet  fubit  des  foudres  fourerrai- 
nes  ,  dont  la  violence  a  fottlevé  les  montagnes 
&  entr’ouvert  les  premières  couches  de  la 
terre,  avant  que  la  Nature  n’eût  produit  allez 
de  végétaux,  de  pyrites  &  d’autres  fubftances 
combuftibles  pour  fervir  d’aliment  aux  volcans 
durables  ,  tels  que  ceux  qui  font  encore  aèhiel- 
lement  agiffans. 

Ce  font  aulli  ces  foudres  éle&riques  fouter- 
raines  qui  caulent  la  plupart  des  tremblemens 

N  2 


148  Hifloire  naturelle. 

de  terre.  Je  dis,  la  plupart,  car  la  chute  & 
l’affaiffement  fubit  des  cavernes  inferieures  du 
globe  ,  produifent  auiïi  des  mouvemens  qui  ne 
le  font  fentir  qu’à  de  petites  diltances  ;  ce  font 
plutôt  des  trépidations  que  de  vrais  tremble- 
mens  ,  dont  les  plus  fréquens  &  les  plus  vio- 
lens  doivent  fe  rapporrer  aux  commotions 
produites  par  les  foudres  électriques ,  puilque 
ces  tremblemens  fe  font  fouvent  fentir,  pref- 
qu’au  même  moment,  à  plus  de  cent  lieues  de 
diftance  &  dans  tout  l’efpace  intermédiaire. 
C’eft  le  coup  éleCtrique  qui  fe  propage  fubite- 
ment  &  auffi  loin  que  s’étendent  les  corps  qui 
peuvent  lui  fervir  de  conducteurs.  Les  fecouf- 
fes  occafionnées  par  ces  tonnerres  fouterrains, 
font  quelquefois  affez  violentes  pour  boule- 
verfer  les  terres  en  les  élevant  ou  les  abaif- 
fant  ,  &  changer  en  même  tems  la  pofition 
des  fources  &  la  direélion  du  cours  des  eaux. 

Lorfque  cette  force  de  l’éleCtricité  agit  à  la 
furface  du  globe ,  elle  ne  fe  manifefte  pas  uni¬ 
quement  par  des  foudres  ,  par  des  commotions 
&  par  les  autres  effets  que  nous  venons  d’ex- 
pofer.  Elle  paroît  changer  de  nature,  &  pro¬ 
duit  de  nouveaux  phénomènes.  En  effet,  elle 
fe  modifie  pour  donner  naiffance  à  une  nou¬ 
velle  force  à  laquelle  on  a  donné  le  nom  de 
magnétifme;  mais  le  magnétifme,  bien  moins 
général  que  l’éleéfricité  ,  n’agit  que  fur  les 
matières  ferrugineufes  ,  &  ne  fe  montre  que 
par  les  effets  de  l’aimant  &  du  fer,  lefquels 
lèuls  peuvent  fléchir  &  attirer  une  portion  du 
courant  univerfel  &  éltéfrique ,  qui  fe  porte 
directement  &  en  fens  contraire,  de  l’équateur 
aux  deux  pôles. 


Traité  de  T  Aimant.  149 

Telle  eft  donc  l’origine  des  diverfes  forces  , 
tant  générales  que  particulières,  dont  nous 
venons  de  parler.  L’attra&ion  ,  en  agiffant  en 
lens  contraire  de  fa  direction,  a  produit  l’im- 
pulfion  dès  l’origine  de  la  matière.  Cette 
impulfion  a  fait  naître  l’élément  du  feu  qui  a 
produit  l’électricité;  &  nous  allons  voir  que 
le  magnétifme  n’eft  qu’une  modification  parti¬ 
culière  de  cette  électricité  générale  ,  qui  fie 
fléchit  dans  fion  cours  vers  les  matières  fierru- 
gineufies. 

Nous  ne  connoiffons  toutes  ces  forces  que 
par  leurs  effets  ;  les  uns  font  conftans  &  géné¬ 
raux,  les  autres  paroiffent  variables  &  parti¬ 
culières.  La  force  d’attraétion  elt  univerfelle- 
ment  répandue,  elleréfide  dans  tout  atome  de 
matière  &  s’étend  dans  le  fiyftême  entier  de 
l’univers,  tandis  que  celle  qui  produit  l’élec- 
tricité  agit  à  l’intérieur  &  s’étend  à  la  fiurface 
du  globe  terreftre,  mais  n’affecte  pas  tout  les 
corps  de  la  même  manière.  Néanmoins  cette 
fotce  éleétrique  eft  encore  plus  générale  que 
la  force  magnétique  ,  qui  n’appartient  à  aucune 
autre  fiubftance  qu’à  l’aimant  &  au  fer. 

Ces  deux  forces  particulières  ont  des  pro¬ 
priétés  communes  avec  celle  de  l’attraCtion 
univerfelle.  Toutes  trois  agiffent  à  plus  ou 
moins  de  diftance,  &  les  effets  du  magnétifme 
&  de  l’éleCtricité  font  toujours  combinés  avec 
l’effet  général  de  PattraCtion  qui  appartient  à 
toute  matière,  &  qui ,  par  confiéquent ,  influe 
néceffairement  fur  l’aCtion  de  ces  deux  forces  , 
dont  les  effets ,  comparés  entre  eux  ,  peuvent 
être  i’emblables  ou  differens ,  variables  ou  conf¬ 
tans,  fugitifs  ou  permanens,  &  fiouvent  pa- 

N  3 


15°  Hiftoirt  naturelle. 

roître  oppofés  ou  contraires  à  Talion  de  la 
force  univerfelle  :  car,  quoique  cette  force 
d’attraCtion  s’exerce  fans  cefie  en  tout  &  par¬ 
tout  ,  elle  eft  vaincue  par  celles  de  l’éle£lricitè 
&  du  magnétifme,  toutes  les  foisque  ces  forces 
agiffent  avec  afl'ez  d’énergie  pour  furmonier 
l’effet  de  l’attradion  ,  qui  n’eft  jamais  que  pro¬ 
portionnel  la  maffe  des  corps. 

Les  effets  de  lele&ricité  &  du  magnétifme 
font  produits  par  des  forces  impulfives  parti¬ 
culières,  qu’on  ne  doit  point  affimiler  à  l’im» 
pulfion  ou  répulfion  primitive;  celle-ci  s’exerce 
dans  l’efpace  vide,  &  n’a  d’autre  caufe  que 
l’attraclion  qui  force  toute  matière  à  fe  rap¬ 
procher  pour  fe  réunir.  L’éleélricité  &  le 
magnétifme  fuppofent,  au  contraire,  des  im¬ 
pulsons  particulières ,  caufées  par  un  fluide 
actif,  qui  environne  les  corps  électriques  & 
magnétiques,  &  qui  doit  les  affeCter  différem¬ 
ment  fuivant  leur  différente  nature. 

Mais,  quel  eft  ou  peut  être  l’agent  ou  le 
moyen  employé  parla  Nature,  pour  détermi¬ 
ner  &  fléchir  l’éleétricité  du  globe  en  magné¬ 
tifme  vers  le  fer,  de  préférence  à  toute  autre 
malfe  minérale  ou  métallique  ?  Si  les  conjec¬ 
tures  ,  ou  même  de  fimples  vues ,  font  permifes 
fur  un  objet  qui ,  par  fa  profondeur  &  fon 
ancienneté  contemporaine  des  prermères  ré¬ 
volutions  de  la  terre,  femble  devoir  échapper 
à  nos  regards,  &  même  à  l’eeii  de  l’imagination, 
nous  dirons  que  la  matière  ferrugineufe  ,  plus 
difficile  à  fondre  qu’aucune  autre",  s’eft  établie 
lur  le  globe,  avant  toute  autre  fubflance  mé¬ 
tallique  ,  &  que  dès-lors  elle  fut  frappée  la 
première  ,  &  avec  le  plus  de  force  &  de  durée 


Traité  di  V Aimant.  1 5 1 

par  les  flammes  du  feu  primitif;  elle  dut  dond 
en  contracter  la  plus  grande  affinité  avec  l’élé¬ 
ment  du  feu;  affinité  qui  fe  manifefte  par  la 
combuftibilité  du  fer  &  par  la  prodigieufe 
quantité  d’air  inflammable  ou  feu  fixe  qu’il 
rend  dans  fes  diffolutions  ;  &  par  conféquent 
de  toutes  les  matières  que  l’élettricité  du  globe 
peut  affeéter,  le  fer,  comme  ayant  fpéciale- 
ment  plus  d’affinité  avec  ce  fluide  de  feu  & 
avec  les  forces  dont  il  eft  l’ame ,  en  retient  & 
marque  mieux  tous  les  mouvemens,  tant  de 
direction  que  d’inflexion  particulière ,  dont 
néanmoins  les  effets  font  tous  fubordonnés  à 
la  grande  aétion  &  à  la  direétion  générale  du 
fluide  éleftrique  de  l’équateur  vers  les  pôles. 

Car  il  efi  certain  que  s’il  n’y  avoit  point  de 
fer  fur  la  terre ,  il  n’y  auroit  ni  aimant  ni 
magnétifme ,  &  que  la  force  éleétrique  n’en 
exifteroitni  ne  fubfifieroit  pas  moins,  avec  fa 
direction  confiante  &  générale  de  l’équateur 
aux  pôles;  &  il  eft  tout  auffi  certain  que  le 
cours  de  ce  fluide  fe  fait  en  deux  fensoppofés, 
c’eft-à-dire,  de  l’équateur  aux  deux  pôles 
terreftres ,  en  fe  refferrant  &  s’inclinant , 
comme  les  méridiens  fe  refferrenr  &  s’inclinent 
fur  le  globe;  &  l’on  voit  feulement  que  la 
direction  magnétique  ,  quoique  foumife  à  cette 
grande  loi,  reçoit  des  inflexions  dépendantes 
de  la  pofition  des  grandes  maffes  de  matières 
ferrugineufes  ,  &  de  leur  giffement  dans  les 
différens  continens. 

En  comparant  les  effets  de  l’aéfion  d’une 
petite  nraffe  d’aimant,  avec  ceux  que  produit 
lamaffe  entière  du  globe  terreftre,  il  paroît 
que  ce  globe  poffède  en  grand  toutes  lespro- 

N  4 


152  Hijlolre  naturelle .’ 

priétés  dont  les  aimans  ne  jouiffent  qu’en  petit. 
Cependant  la  maffe  du  globe  entier  n’eft  pas, 
comme  les  petites  maffes  de  l’aimant,  com- 
pofée  de  matières  ferrugineules  ;  mais  on  peut 
dire  que  fa  furface  entière  eft  mêlée  d’une 
grande  quantité  de  fer  magnétique  ,  puilque 
toutes  les  mines  primitives  font  attirables  a 
l’aimant,  &  que  de  même  les  bafaltes  ,  les 
laves  &  toutes  les  mines  fecondaires  revivifiées 
par  le  feu  &  par  les  coups  de  la  foudre  fouter- 
raine  ,  font  également  magnétiques.  C’eft 
cette  continuité  de  matière  ferrugineufe 
magnétique,  fur  la  furface  de  la  terre  qui  a 
produit  le  magnétifme  général  du  globe  ,  dont 
les  effets  font  lemblables  à  ceux  du  mannérifme 
particulier  d’une  pierre  d’aimant.  Et  c’eil  de 
î’éleéfricité  générale  du  globe,  que  provient 
l’éleétricité  particHlière  ou  magnétifme  de 
l’aimant.  D’ailleurs  la  force  magnétique 
n’ayant  d’aétion  que  fur  la  matière  lerrugi- 
neufe,  ce  feroit  méconnoître  la  fimplicité  des 
loix  de  la  Nature  ,  que  de  la  charger  d’un  petit 
procédé  folitaire  &  d’une  force  il'olée  qui  ne 
s’exerceroit  que  fur  le  fer.  Il  me  paroitdonc 
démontré  que  le  magnétifme,  qu’on  regardoit 
comme  une  force  particulière  &  ilolée,  dépend 
de  l’éleélricité  dont  il  n’eft  qu’une  modification 
occafionnée  par  le  rapport  unique  de  fon  aétion 
avec  la  nature  du  fer. 

Et  même,  quoique  le  magnétifme  n’appar¬ 
tienne  qu’à  la  matière  ferrugineufe  ,  on  ne 
doit  pas  le  regarder  comme  une  des  propriétés 
effentielles  de  cette  matière,  car  ce  n’eft  qu’une 
fimple  qualité  accidentelle  que  le  fer  acquiert 
ou  qu’il  perd,  fans  aucun  changement  &  fans 


Traité  de  l’Aimant.  1^ 

augmentation  ni  déperdition  de  fa  fubSfancej 
Toute  matière  ferrugineuse  qui  aura  Subi  l’ac¬ 
tion  du  feu  ,  prendra  du  magnérifme  par  le 
frottement,  parla  percuüion,  par  rout  choc, 
toute  aéiion  violente  de  la  part  des  autres 
corps;  encore  n’eft-il  pas  néceffaire  d’avoir 
recours  à  une  force  extérieure  pour  donner 
au  fer  cette  vertu  magnétique  ,  car  il  la  prend 
auffi  de  lui-  même  ,  fans  être  ni  frappé  ,  ni  mu  , 
ni  frotté;  il  la  prend  dans  l’état  du  plus  parfait 
repos,  lorfqu’il  refte  constamment  dans  une 
certaine  fituation,  expofé  à  TaéHon  du  magné* 
tifme  général,  car  dès- lors  il  devient  aimant 
en  aSTez  peu  de  tems.  Cette  force  magnétique 
peut  donc  agir  fur  le  fer ,  fans  être  aidée  d’au¬ 
cune  autre  force  motrice  dans  tous  les 
cas  ,  elle  s’en  SaiSit  (ans  en  étendre  le  volume  , 
&  fans  en  augmenter  ni  diminuer  la  maSTe. 

Nous  avons  parlé  de  l’aimant,  comme  des 
autres  matières  terrugineufes  ,  dans  notre 
Hiftoire  des  Minéraux  ,  à  l’article  du  fer  ;  mais 
nous  nous  Sommes  réfervé  d’examiner  de  plus 
près  ce  minéral  magnétique  qui ,  quoiqu’auSIï 
brut  qu’aucun  autre,  Semble  tenir  à  la  nature 
aétive  &  fenfible  des  êtres  organifés  ;  l’attrac¬ 
tion  ,  la  ripulfion  de  l’aimant,  fa  dire&ion 
vers  les  pôles  du  monde,  fon  aétion  fur  les 
corps  animés  ,  &  la  faculté  qu’il  a  de  commu¬ 
niquer  toutes  fes  propriétés  fans  en  perdre 
aucune.  Sans  que  fes  forces  s’épuifent,  & 
même  fans  qu’elles  fubiSTent  le  moindre  affoi- 
bUSTement,  toutes  ces  qualités,  réunies  ou 
féparées ,  paroifîent  être  autant  de  vertus 
magiques  ,  &  Sont  au  moins  des  attributs  uni¬ 
ques,  des  Singularités  de  Nature  d’autant  plus 


*54  H'ijloire  naturelle. 

éronnantesqu’elles  femblent  être  fans  exemple*' 
&  que ,  n’ayant  été  jufqu’ici  que  mal  connues 
&  peu  comparées,  on  a  vainement  tenté  d’en 
deviner  les  caufes. 

Les  Philofophes  anciens,  plus  fages,  quoi¬ 
que  moins  inftruits  que  les  modernes ,  n’ont 
pas  eu  la  vaine  prétention  de  vouloir  expliquer, 
par  des  caufes  méchaniques,  tous  les  effets  de 
la  Nature  ;  &  lorfqu’iis  ont  dit  que  l’aimant 
avoit  des  affeélions  d’amour  &  de  haine,  ils 
indiquoient  feulement,  par  ces  expreflions , 
que  la  caufe  de  ces  affections  de  l’aimant 
devoit  avoir  quelque  rapport  avec  la  caufe 
qui  produit  de  femblables  affrétions  dans  les 
êtres  lenfibles.  Et  peut  être  le  trompoient-ils 
moins  que  les  Phyficiens  rtcens ,  qui  ont  voulu 
rapporter  les  phénomènes  magnétiques  aux 
loix  de  notre  méchanique  grolîière.  Auflï  tous 
leurs  efforts,  tous  leurs  raifonnemens  appuyés 
fur  des  fuppofitions  précaires ,  n’ont  abouti 
qu’à  démontrer  l’erreur  de  leurs  vues  dans 
le  principe,  &  l’infulfifance  de  leurs  moyens 
d'explication.  Mais,  pour  mieux  connoître  la 
nature  du  magnétifme  &  fa  dépendance  de 
l’éleétricité,  comparons  les  principaux  effets 
de  ces  deux  forces,  en  préfemanr,  d’abord, 
tous  les  faits  femblables  ou  analogues  ,  &  fans 
dilîïmuler  ceux  qui  paroiflent  dilférens  ou  con¬ 
traires. 

L’aétion  du  magnétifme  &  celle  de  leleétri- 
cité,  font  également  variables ,  tantôt  en 
plus ,  tantôt  en  moins  ;  &  leurs  variations 

farticulières  dépendent  en  grande  partie  de 
état  de  l’atmofphère.  Les  phénomènes  élec¬ 
triques  que  nous  pouvons  produire  ,  augmen- 


Traité  de  T  Aimant. 

tent,  en  effet ,  ou  diminuent  de  force ,  &  même 
font  quelquefois  totalement  fupprimés,  fui- 
vant  qu  il  y  a  plus  ou  moins  d’humidité  dans 
l'air ,  que  le  fluide  éleârique  s’eft  plus  ou 
moins  répandu  dans  l’atmofphère ,  &  que  les 
nuages  orageux  y  font  plus  ou  moins  accu¬ 
mulés.  De  même  les  barres  de  fer,  que  l’on 
veut  aimanter  par  la  feule  expofition  aux  im- 
preffions  du  magnétifme  général ,  acquièrent 
plus  ou  moins  promptement  la  vertu  magnéti¬ 
que,  fuivant  que  le  fluide  éleSrique  eft  plus 
ou  moins  abondant  dans  l’atmofphère;  &  les 
aiguilles  des  boufloles  éprouvent  des  varia¬ 
tions,  tant  périodiques  qu’irrégulières,  qui 
ne  paroiffent  dépendre  que  du  plus  ou  du  moins 
de  force  de  l’éleélricité  de  l’air. 

L’aimant  primordial  n’eft  qu’une  matière 
ferrugineufe ,  qui  ayant  d’abord  fubi  l’a&ion 
du  feu  primitif,  s’eft  enfuite  aimantée  par 
l’impreflion  du  magnétifme  du  globe,  8e  en 
général ,  la  force  magnétique  n’agit  que  fur  le 
fer  ou  fur  les  matières  qui  en  contiennent;  de 
même  la  force  éleéirique  ne  fe  produit  que 
dans  certaines  matières,  telles  que  l’ambre, 
les  réfines,  les  verres  &  les  autres  fubftances 
qu’on  appelle  élcftriques  par  elles- mêmes ,  quoi¬ 
qu’elle  puiffe  fe  communiquer  à  tous  les  corps. 

Les  aimans  ou  fers  aimantés  s’attirent  mu¬ 
tuellement  dans  un  fens,  8t  fe  repouffent  réci¬ 
proquement  dans  le  fens  oppofé;  cette  répul- 
fion  &  cette  attra&ion  font  plus  fenfibles  , 
lorfqu’on  approche  l’un  de  l’autre  leurs  pôles 
de  même  nom  ou  de  différent  nom.  Les  verres, 
les  réfines  &  les  autres  corps  éleftriques  par 
eux-mêmes,  ont  aulü,  dans  plufieurs  circonf-. 


15  6  Hijloirc  naturelle. 

tances  ,  des  parties  polaires  ,  des  portions 
éledrifées  en  plus  &  d'autres  en  moins  ,  dans 
lesquelles  l’attradion  &  la  répulffon  le  mani¬ 
festent  par  des  effets  conftans  &  bien  diftinds. 

Les  forces  éledrique  &  magnétique  s’exer¬ 
cent  également  en  Sens  oppofé  &  en  Sens  dired  ; 
&  leur  réadion  eft  égale  à  leur  adion. 

On  peut ,  en  armant  les  aimans  d’un  fer  qui 
les  embrafle  ,  diriger  ou  accumuler  fur  un  ou 
plufieurs  points  la  force  magnétique  ;  on  peut 
de  même  ,  par  le  moyen  des  verres  &  des 
rétines  ,  ainti  qu’en  ifolant  les  fubftances  con- 
dudrices  de  l’éledricité,  diriger  &  condenfer 
la  force  éledrique,  &  ces  deux  forces  élec¬ 
trique  &  magnétique  peuvent  être  également 
difperfées  ,  changées  ou  Supprimées  à  volonté. 
La  force  de  l’éledricité  &  celle  du  magnétifme 
peuvent  de  même  fecommuniquer  aux  matières 
que  l’on  approche  des  corps  dans  lefquels  on 
a  excité  ces  forces. 

Souvent,  pendant  l’orage  ,  l’éledricité  des 
nuées  a  troublé  la  diredion  de  l’aiguille  de  la 
bouffole  (A);  &  même  I’adion  de  la  foudre 
aérienne  a  influéquelquefois  fur  le  magnétifme 
au  point  de  détruire  &  de  changer  tout  à-coup, 
d’un  pôle  à  l’autre,  la  diredion  de  l’atmant  (  i  ). 

Une  forte  étincelle  éledrique  ,  &  l’adion  du 
tonnerre,  paroiflent  également  donner  la 


(  h  )  Voyez  la  relation  de  Carteret ,  dans  le  premier 
voyage  de  Cook. 

(i)  Tranfaft.  philofoph.  N°.  117,  page  647,  &  H°. 

*57,  P^e  5^°. 


Traité  de  l'Aimant. 

vertu  magnétique  aux  corps  ferrugineux,  & 
la  vertu  éle&rique  aux  fubftances  que  la  Na¬ 
ture  a  rendues  propres  à  recevoir  immédiate¬ 
ment  l’éle&ricité,  telles  que  les  verres  &  les 
réfmes.  M  le  Chevalier  de  Rozières,  Capi¬ 
taine  au  Corps-Royal  du  Génie ,  eft  parvenu 
a  aimanter  des  barres  d’acier,  en  tirant  des 
étincelles  par  le  bout  oppoféàcelui  qui  reçe- 
voit  l’éle&ricité,  fans  employer  les  commo¬ 
tions  plusou  moins  fortes  des  grandes  batteries 
électriques  (A),  &  même  fans  en  tirer  des 
étincelles  ,  &  feulement  en  les  éle&rifant 
pendant  plufieurs  heures  de  fuite  (/). 

Des  bâtons  de  foufreou  de,réfme  qu’on  laiffe 
tomber,  à  plufieurs  reprifes,  fur  un  corps 
dur,  acquièrent  la  vertu  éle&rique  ,  de  même 
que  des  barres  de  fer  qu’on  lailTe  tomber  plu¬ 
fieurs  fois  de  fuite,  d’une  certaine  hauteur^ 
prennent  du  magnétifme  par  l’effet  de  leurs 
chûtes  réitérées  (m). 

On  peut  imprimer  la  vertu  magnétique  à 
une  barre  de  fer  ,  de  telle  forte  qu’elle  préfente 
une  fuite  de  pôles  alternativement  oppofés; 


(  k  )  Lettre  de  M.  de  Rozières ,  Secrétaire  de  la  Société 
patriotique  de  Valence  ,  &  Capitaine  au  Corps-Royal  du 
Génie ,  à  M.  le  Comte  de  BulLon  ,  du  14  Décembre 
1786. 

(  /  )  Cette  dernière  manière  n’a  été  trouvée  que  nouvel¬ 
lement,  par  M.  le  Chevalier  de  Rozières,  qui  nous  en  a 
fait  part  par  fa  lettte  du  30  Avril  1787. 

(  m  )  Mémoire  de  M.  Liphartdt ,  Journal  de  Phyfique 
Juin  1787. 


1 5  S  Hijlcire  naturelle'. 

on  peut  également  éleélrifer  une  lame  ou  un 
tube  de  verre,  de  manière  qu’on  y  remarque 
vne  fuite  de  pôles  alternativement  oppofés  (/i). 

Lorfqu’une  barre  de  fer  s’aimante  par  fa 
feule  pioximité  avec  l’aimant  ,  l’extrémité  de 
cette  barre,  qui  en  eft  la  plus  voifine ,  acquiert 
un  pôle  oppofé  à  celui  que  l’aimant  lui  pré¬ 
fente.  De  même  une  barre  de  fer  ifolée  peut 
recevoir  deux  éle&ricités  oppofées  par  le 
voifinage  d’un  corps  éleéfrifé  ;  le  bout  qui  eft 
le  plus  proche  de  ce  corps  jouit,  comme  dans 
l’aimant ,  d’une  force  oppofée  à  celle  dont  il 
fubit  l’attion. 

Les  matières  ferrugineufes  réduites  en 
rouille ,  en  ochre ,  &  toutes  les  diffolutions 
du  fer  par  l’acide  aérien  ou  par  les  autres 
acides,  ne  peuvent  recevoir  la  vertu  magné¬ 
tique;  &  de  même  ces  matières  ferrugineufes 
ne  peuvent ,  dans  cet  état  de  diiïolution , 
acquérir  la  vertu  éle&rique. 

Si  l’on  fufpend  une  lame  de  verre  ,  garnie 
à  fes  deux  bouts  de  petites  plaques  de  métal , 
dont  l’une  fera  éleéhifée  en  plus ,  l’autre  en 
moins,  &  fi  cette  lame,  ainfi  préparée,  peut 
fe  mouvoir  librement  lorfqu’on  en  appro¬ 
chera  un  corps  éle&rique  qui  jouit  aufli  des 
deux  élettricicés  ,  la  lame  de  verre  préfentera 


(n  )  «Voyez,  à  ce  fujet ,  les  expériences  de  M.  Epinus 
dans  la  diifertation  que  ce  Phyficien  a  publiée  à  la  tôtç 
de  fon  ouvrage  ,  fur  le  magoétifrne ,  &  celte  de  M.  le 
Comte  de  la  Cépède ,  dans  fon  eliai  fur  i’élcchicité, 
popie  premier. 


Traité  de  V Aimant'.  j  ^ 

les  mêmes  phénomènes  que  l’aiguille  aimant 
tee  prelente  auprès  d’un  aimant  (o). 

Les  fortes  étincelles  éleèiriques  revivifient 
les  chaux  de  fer,  &  leur  rendent  la  propriété 
dette  attirées  par  l’aimant  ( p ).  Les  foudres 
fouterraines  &  aeriennes  revivifient  de  même , 
a  l’intérieur  &  à  la  furface  de  la  terre  ,  une 
prodigieufe  quantité  de  matières  ferrugineu- 
les,  réduites  en  chaux  par  les  élémens  hu¬ 
mides. 

La  plupart  des  fchorls  ,  &  particulièrement 
la  tourmaline ,  préfentent  des  phénomènes 
éleftriques  qui  ont  la  plus  grande  analogie 
avec  ceux  de  1  aimant  (^).  Lorlque  ces  ma¬ 
tières  ont  été  chauffées  ou  frottées ,  elles 
ont,  pour  ainfi  dire,  des  parties  polaires, 
dont  les  unes  font  éledlrifées  en  plus  &  les 
autres  en  moins  ,■&  qui  attirent  ou  repouf-, 
fent  les  corps  élettrifés. 

Les  aurores  polaires  ,  qui  ,  comme  nous 
l’avons  dit,  ne  font  que  des  lumières  élec¬ 
triques,  influent  plus  qu’aucune  autre  affec¬ 
tion  de  l’armofphère ,  fur  les  variations  de 
l’aigue  aimantée.  Les  obfervations  de  MM, 


(o)  Voyez  la  dilTertation  prononcée  par  M.  Epinus, 
à  Pétersbourg ,  au  mois  de  Septembre  17JS. 

(  p  )  Voyez ,  fur  ce  fujet ,  un  Mémoire  de  M.  le  Comte 
fie  Milly,  lu  à  l’Académie  des  Siences ,  &  celui  que  M,  dç 
tyrenfmarum  vient  de  publier. 

(  q  )  Voyez  la  dilTertation  de  M.  Epinus ,  dans  les 
JVÎémoires  de  l’Académie  de  Berlin,  année  1756. 


M5o  JJlfloire  naturelle. 

Vanfwinden  &  de  Caflini ,  ne  permettent 
plus  de  douter  de  ce  fait  (r). 

Les  peifonnes  dont  les  nerfs  font  délicats, 
&  fur  lefquelles  l’éle&ricité  agit  d’une  ma¬ 
niéré  fi  marquée,  reçoivent  aufli  du  magné- 
tifme  des  impreflions  aflez  fenfibles  ;  car 
l’aimant  peut ,  en  certaines  circonftances  , 
fufpendre  &  calmer  les  irritations  nerveufes, 
&  appaifer  les  douleurs  aiguës.  L’a&ion  de 
l’aimant  qui,  dans  ce  cas,  eft  calmante  & 
même  engourdifl'ante  ,  femble  arrêter  le  cours, 
&  fixer  pour  un  temps  le  mouvement  trop 


(  r)  Voyez  l’ouvrage  de  M.  Vanfwinden,  intitulé  :  de 
V Analogie  de  l’Eleclricité  &  du  Magnétifme ,  dans  lequel 
cet  excellent  obfervateur  a  prouvé  que  les  variations 
extraordinaires  des  aiguilles  aimantées,  les  pertubations 
dans  leurs  variations  diurnes ,  6c  même  quelques  change- 
mens  aflez  conftans  dans  leurs  déclinaifons  ,  ne  font 
jamais  plus  grands  que  dans  le  temps  ou  paroiflent  les 
aurores  boréales  ;  M.  le  Comte  de  Caflini ,  de  l’Académie 
des  Sciences,  a  obfervé  avec  une  aiguille  aimantée,  fui- 
vant  la  méthode  de  M.  Coulomb ,  que  la  variation  diurne 
n’étoit  ordinairement  que  de  quelques  minutes,  6c  que 
les  aurores  boréales  influoient  plus  qu’aucune  autre  caufe 
fur  cette  variatioq.  «Le  13  Septembre  1781 ,  la  direction 
étoit,  dit-il,  le  matin  fur  26  minutes  de  la  divifion  dtï 
micromètre  ;  à  deux  heures  après  midi ,  elle  parvint  à  un 
degré.  Ce  grand  mouvement  annonçoit  quelque  chofe 
d’extraordinaire,  l’aiguille  enfuite  rétrograda  vers  l’Eft, 
non-feulement  de  tout  le  degré  où  elle  étoit  parvenue , 
triais  encore  de  13  minutes  cn-deçà ,  où  elle  fut  obfervce 
à  neuf  heures  du  foir.  C’eft  alors  qu’on  s’appcrçut  d’une 

& 


Traité  de  T Aimant.  161 

rapide  ou  déréglé  des  torrens  de  ce  fluide 
éleélrique  qui ,  quand,  il  ert  fans  frein,  ou 
le  trouve  fans  mefure  dans  le  corps  animal, 
en  irrite  les  organes,  &  l’agite  par  des  mou- 
vemens  couvulfifs. 

U  exifte  des  animaux  dans  lefquels ,  indé¬ 
pendamment  de  l'électricité  vitale  qui  appar¬ 
tient  à  tout  être  vivant,  la  Nature  a  établi 
un  organe  particulier  deleétricité  ,  &,  pour 
ainfi  dire,  un  fens éleétrique  &  magnétique. 
La  torpille  (s)  ,  l’anguille  éleétrique  de 


aurore  boréale,  dont  l’effet,  fur  l’aiguille,  avoit  été  par 
conséquent  de  37  minutes.  Le  ij ,  une  autre  aurore 
boréale  ne  produilït  qu’une  variation  totale  de  35  minutes. 
Il  faut ,  à  la  vérité ,  détalquer  l’effet  ordinaire  de  la  variation 
diurne,  qui  eft  d’environ  14  minutes.  Il  a  paru  que  l’effet 
des  aurores  boréales  précédent  fouvent  de  plufieurs  heures 
l’apparition  de  ces  aurores ,  &  fe  prolor.gcoit  aufli  long- 
.emps  après.  Le  12  Mai  1783 ,  deux  aiguilles  d’acier  fondu , 
très  fortement  aimantées,  rétrogradèrent  de  14  minutes 
plus  que  de  coutume,  &  l’on  remarqua  un  bandeau  d’au¬ 
rore  boréale,  véritable  caufe  de  cet  effet ,  qui  n’avoit  pas 
tu  lieu  les  jours  précedens ,  &  qui  n’eut  plus  lieu  le 

lendemain - Parmi  les  caufes  perturbatrices  de  la  varia-' 

tion  diurne,  les  aurores  boréales  font  fans  doute  les  plus 
fortes  ;  leur  effet  dérange  abfolument  la  direétion  des 
aiguilles  aimantées  qu’elles  agitent  en  tout  fens ,  &  d’une 
quantité  plus  ou  moins  grande,  félon  la  force  &  l’étendue 
du  phénomène. . .  ».  Extrait  du  Mémoire  de  M.  le  Comte 
de  Caflini ,  adreffé  aux  Auteurs  du  Journal  de  Phyfique. 

(j)  La  torpille  reffemble,  par  fa  forme,  à  la  raye. 

»  C’elf  m  poiffon  des  plus  finguliers,  &  qui  produit  fur 

Minéraux.  Tome.  IX.  .  O 


l6z  Hiflolrt  naturelle 

Surinam,  le  trembleur  du  Niger  (/),  fem- 
blent  réunir  &  concentrer  dans  une  même 
faculté,  la  force  de  leleétricité  &  celle  du 


le  corps  humain  d’étranges  effets.  Pour  peu  qu’on  le 
touche  ,  ou  fi  par  hafard  on  vient  à  marcher  deffus ,  on 
fe  fent  fài'i  d’fin  çngourdifTement  par  tout  le  corps,  mais 
fur-tout  dans  la  partie  qui  a  touché  immédiatement  la 
torpille.  On  remarque  encore  le  même  effet,  quand  on 
touche  ce  poiffon  avec  quelque  cliofe  que  l’on  tient  à  la 
main.  J’ai  moi-même  reiTenti  un  allez  grand  engourdi lîc- 
ment  dans  le  bras  droit,  pour  avoir  appuyé,  pendant 
quelque  temps- ,  ma  canne  fur  le  corps  de  ce  poiffon 
&  je  ne  doute  pas  que  l’effet-  n’en  eût  été  plus  violent 
fi  l’animal  n’avoit  été  prêt  d’expirer  Car  il  produit  cet 
effet  à  mefure  qu’il  eft  plus  vigoureux ,  &  il  ceffe  de  le 
produire  dès  qu’il  eft  mort;  on  peut  en  manger  fans 
inconvénient.  J’ajouterai  encore  que  l’engourdiffement  ne 
paffe  pas  auffi  vite  que  certains  Naturalises  le  difent.  Le 
mien  diminua  infenfiblement .  &  le  lendemain  j’en  fentis 
encore  quelques  refies  >*•. .  .  Voyage  autour  du  monde , 
par  Georges  Anfon-. . .  Amfterdain  ,  I74S,  page  11  r. 

Dans  l’ancienne  Médecine ,  on  s’eft  fervi  de  la  torpille 
pour  engourdir  &  calmer  :  Gallien  compare  fa  vertu  ù 
celle  de  l’opium  ,  pour  calmer  &  affoupir  les  douleurs. 

(r)  11  eft  bon  d’obfcrver  que  les  efpèces  de  poiffons 
éleftriques  diffèrent  trop  les  unes  des  autres,  pour  qu’on 
puiffe  rapporrer  leurs  phénomènes  à  la  conformité  de 
leur  organifation  Oit  ne  peut  donc  les  attribuer  qu’aux 
effets  de  I’éleftricité.  Voyez  un  très-  bon  Mémoire  de 
M.  Brouffonnet ,  de  l’Academie  des  Sciences ,  fur  le  Trem¬ 
bleur  &  les  autres  poiffons  éleftriques,  dans  le  Journal 
de  Lhyfique ,  du  mois  d’août  17S5» 


Traité  Je  V Aimant.  163 

magnétifine.  Ces  poiffons  ,  électriques  & 
magnétiques ,  engourdirent  les  corps  vivans 
qui  les  touchent  tk  (’uivant  M.  Schilling  & 
quelques  autres  Obfervateurs ,  ils  perdent 
cette  propriété  lorfqu’on  les  touche  eux  mê¬ 
mes  avec  l’aimant.  11  leur  ôte  la  faculté 
d’engourdir,  &  on  leur  rend  cette  vertu  en 
les  touchant  avec  du  fer,  auquel  fe  tranf- 

fiorte  le  magnétifme  qu’ils  avoient  reçu  de 
'aimant.  Ces  mêmes  poiffons  ,  éleélriques 
&  magnétiques  ,  agirent  fur  l’aimant ,  &  font 
varier  l’aiguille  de  la  bonffole  (  u  )  ;  mais  ce 
qui  prouve  évidemment  la  préfence  de  l’é- 
le&ricité  dans  ces  animaux,  c’eft  qu’on  voit 
paroitre  des  étincelles  éleClriques  dans  les 
intervalles  que  laiffent  les  condu&eurs  mé¬ 
talliques  avec  lefquels  on  les  touche.  M. 
Walfch  a  fait  cette  expérience  devant  la 
Société  royale  de  Londres,  fur  l’anguille  de 
Surinam,  dont  la  force  électrique  paroît  être 
plus  grande  que  celle  de  la  torpille  dans 
laquelle  cette  aCtion  eft  peut-être  rropfoible 
pour  produire  des  étincelles  (*).  Et  ce  qui 
démontre  encore  que  la  commotion  produite 
par  ces  poiffons  ,  n’ell  point  un  eflet  mé- 
chanique  ,  comme  l’ont  penfé  quelques 


(  u  )  Voyez  l’ouvrage  que  M.  Scliillîng  a  publié  fur' 
cette  aftion  de  l’Aimant,  appliquée  aux  poiffons  électri¬ 
ques. 

(  x  )  Lettre  de  M.  Walfch  à  M.  le  Roi ,  de  l’Académie' 
des  Sciences ,  dont  ce  dernier  a  publié  l’extrait  dans-  le? 
Journal  de  Pbyfique  ,  année  1776. 


O  % 


164  Hijloire  naturelle'. 

Phyficiens  ,  mais  un  phénomène  électrique; 
c'eft  qu’elle  fe  propage  au  travers  des  flui¬ 
des,  &  fe  communique,  par  le  moyen  de 
l’eau,  à  plufieurs  perfonnes  à-la-fois  (y). 

Or,  ces  étincelles  &  cette  commotion, 
plus  ou  moins  violentes  ,  que  font  éprouver 
ces  poiffons,  font  vraiment  des  effets  de 
l’éleitricité ,  que  l’on  ne  peut  attribuer  en 
aucune  maniéré  au  fimple  magnétifme ,  puif- 
qu’aucun  aimant,  tant  naturel  qu’artificiel, 
n’a  fait  éprouver  de  fecouffes  fenflbles  ,  ni 
produit  aucune  étincelle;  d’un  autre  côté, 
les  commotions  que  donnent  les  torpilles, 
l’anguille  éle&rique  de  Surinam  &  le  trem- 
bleur  du  Niger,  étant  très  fortes,  lorfque 
ces  poiffons  font  dans  l’eau  des  mers  ou  des 
grands  fleuves,  on  peut  d’autant  moins  la 
confidérer  comme  un  phénomène  purement 
éleélrique  ,  que  les  effets  de  l’électricité  s’af- 
foiblilfent  avec  l’humidité  de  l’air  qui  la 
diflipe  ,  &  ne  peuvent  jamais  être  excités 
lorfqu’on  mouille  les  machines  qui  la  pro- 
duifent.  Les  vafes  de  verre  éle&rifé  ,  que 
l’on  a  appellés  bouteilles  de  Leyde ,  &  par  le 
moyen  defquels  on  reçoit  les  fecoufles  les 
plus  fortes  ,  fe  déchargent  &  perdent  leur 
vertu,  dès  le  moment  qu’ils  font  entièrement 
plongés  dans  l’eau;  cette  eau,  en  faifant 
communiquer  enfemble  les  deux  furfaces  in¬ 
térieure  &  extérieure  ,  rétablit  l’équilibre 
dont  la  rupture  eff  la  feule  caufe  du  mouve- 


(y)  Lettre  de  M.  Val fch ,  publiée  par  M.  le  Roi, 
Journal  de  Phyfique,  année  1774. 


Traité  de  l'Aimant.  165 

ment,  &  par  conféquent  de  la  force  du  fluide 
éleftrique.  Si  l’on  remarque  donc  des  effets 
électriques  dans  les  torpilles  ,  l’on  doit  fup- 
poler  ,  d’après  les  modifications  ,  de  ces 
effets,  q,ue  l’éleClricité  n’y  exiffe  pas  feule, 
&  qu’elle  y  eft  réunie  avec  le  magnétifme , 
de  maniéré  à  y  fubir  une  combinaifon  qui 
augmente  ,  diminue  ou  altère  fa  puiflance  ; 
&  il  paroît  que  ces  deux  forces  électrique 
&  magnétique,  qui  ,  lorfqu’elles  font  fépa- 
rées  l’une  de  l’autre,  font  plus  ou  moins 
actives ,  ou  prefque  nulles ,  fuivant  l’état 
de  l’atmofphère,  le  font  également  lorfqu’elles 
font  combinées  dans  ces  poiflons  ;  mais  peut- 
être  auflî  la  diverfité  des  faifons,  ainfi  que 
les  différens  états  de  ces  animaux,  influent- 
ils  fur  PaCtion  de  leurs  forces  éle&rique  & 
magnétique.  Plufieurs  perfonnes  ont  en  effet 
manié  des  torpilles,  fans  en  recevoir  aucune 
fecoufle.  M.  le  Comte  de  la  Cépède  étant  à 
la  Rochelle  ,  en  Octobre  1777,  voulut  éprou¬ 
ver  la  vertu  de  quelques  torpilles,  que  MM. 
de  l’Académie  de  la  Rochelle  avoient  fait 
pêcher;  elles  etoient  bien  vivantes,  &  pa- 
roiffoient  très  vigoureufes  ;  cependant  de 
quelque  maniéré  qu’on  les  touchât ,  foit  im¬ 
médiatement  avec  la  main,  foit  avec  des 
barreaux  de  fer  ou  d’autres  matières,  & 
fur  quelque  partie  de  leur  corps  qu’on  portât 
l’attouchement,  dans  l’eau  ou  hors  de  l’eau, 
aucun  des  afliftans  à  l’expérience  ne  reffentit 
Ip  moindre  commotion.  11  paroît  donc  que 
ces  poiflons  ne  font  pas  électriques  dans  tous 
les  temps,  &  que  cette  propriété,  qui  n’eit 
pas  confiante,  dépend  des  circonilances ,  U 


1 66  Hijlolre  naturelle 

peut-être  de  la  faifon  ou  du  temps  auxquels 
ces  animaux  doivent  répandre  leurs  œuts  & 
leur  frai  ;  &  nous  ne  pouvons  rien  dire  de 
la  caufe  de  ces  alternatives  d’aétion  &  d’i- 
naétion ,  faute  d’obfervations  affez  luivies 
fur  ces  poiflons  finguliers. 

Cette  combinaifon  des  deux  forces  éleêtri- 
que  &  magnétique ,  que  la  Nature  parort  avoir 
fane  dans  quelques  êtres  vivans ,  doir  faire 
efpérer  que  nous  pourrons  les  réunir  par  l’art, 
&  peut-être  en  tirer  des  fecours  efficaces  dans 
certaines  maladies,  &  particulièrement  dans 
les  affections  nerveules. 

Les  deux  forces  électrique  &  magnétique  i 
ont  en  effet  été  employées  féparécnent,  avec 
fuccès  ,  pour  la  guérifon  ou  le  foulagement  de 
plufieurs  maux  douloureux.  Quelques  Phy- 
liciens  ({),  particulièrement  M.  Mauduit,  de 
la  Société  royale  de  Médecine,  ont  guéri  des 
maladies  par  le  moyen  de  l’éleCtricité  (  a)  ;  & 
M  l’Abbé  le  Noble ,  qui  s’occupe  avec  fuccès , 
depuis  long-temps,  des  effets  du  magnétifme 
fur  le  corps  humain  ,  &  qui  eft  parvenu  à  conf- 
truire  des  aimans  artificiels  beaucoup  plus 
forts  que  tous  ceux  qui  étoienr  déjà  connus , 
a  employé  très-heureufement  l’application  de 
ces  mêmes  aimans  pour  le  foulagement  de  plu- 


h)  On  peut  voir  à  ce  fujet  l’Ouvrage  de  M.  l’Abbé 

Bertbolon  ,  intitulé  :  de  l'Electricité  du  Corps  humain. 

( a  Voyez  les  Mémoires  de  la  Société  royale  de 
Médecine,  ainfi  que  les  divers  rapports  &  avis  publiés 
par  cette  compagnie. 


Traité  de  f  Aimant  t£>7 

(leurs  maux.  Nous  croyons  devoir  placer  dans 
la  Note  ci-après,  un  extrait  du  Rapport  faie 
par  MM.  1  es  Commiflaires  de  la  Société  royale 
de  Médecine,  au  fujet  des  travaux  utiles  de 
ce  Phyficien,  qui  les  continue  avec  zèle,  & 
d'une  manière  d’autant  plus  louable  qu’il  le9 
confacre  gratuitement  au  foulagement  des 
malheureux  (£). 


(  b  )  Dans  un  compte,  rendu  à  la  Société  royale  de 
médecine  T  fur  les  effets  de  l’aimant  ,  &  au  fujet  des 
travaux  de  M.  le  Noble  ,  les  Commiffaires  s’expriment 
en  ces  ternies  :  »  Les-  affeftions  nerveufes  nous  ont  paru 
céder  &:  fe  diffîper  d’une  manière  confiante  pendant 
Pufagc  de  l’aimant-,  &  au  contraire,  les  affeftions  humo¬ 
rales  n’ont  éprouvé  aucun  changement  par  la  plus  forte 
&  la  plus  longue  application  de  l’aimant.  Dans  toutes 
les  affeftions  nerveufes ,  quelque  fût  la-  nature  des  acci- 
dens  dont  elles  étoient  accompagnées ,  foit  qu’elles  con- 
fiftaffent  en  des  affeffions  purement  douloureufes ,  foit 
qu’elles  paroiffent  plus  particulièrement  fpafmodiques  & 
convulfives. ,  quelque  fut  aufit  leur  fiège  &  leur  caraftère , 
de  quelque  manière  enfin  que  nous  euffions  employé 
l’aimant,  foit  en  armure  habituelle  &  confiante,  foit 
par  la  méthode  des  fimples  applications,  toutes  ces  affec¬ 
tions  ont  fubi  des  changemeus  plus  ou  moins  marqués , 
quoique  prefque  toujours  le  foulagement  n’ait  guère  été 
qu’une  fuuple  palliation  de  la  maladie.  Ces  affeflions  nous- 
ont  paru  céder  &  s-’affoiblir  d’une  manière  plus  ou  moins 
marquée  pendant  le  traitement.  Plufieurs  malades  r  que  le 
foulagement  dont  ils  jouiffoient  depuis  quelque  temps 
avoit  engagés  à  quitter  leurs  garnitures ,  ayant  vu  h 
renouvelle!  enfuite  leurs  accidens ,  qu’une  nouvelle  appli»- 


l68  Hljloire  naturelle 

Nous  avons  cru  devoir  y  placer  aufli  quel- 


cation  de  l’aimant  a  toujours  fuffi  pour  faire  difparoitre  » 
nous  fournies  reliés  convaincus  que  c’étoit  à  l’nfage  des 
aimans  qu’on  devoit  attribuer  le  foulagement  obtenu.  . .  . 
Nous  nous  femmes  fcrupuleufement  abftenus  d’employer 
aucun  autre  remède  pendant  le  traitement.  De  tous  les 
fecours  qu’on  peut  defirer  de  voir  joindre  à  l’ufage  de 
l’aimant,  c’eft  de  l'électricité,  fur-tout,  dont  il  femble 
qu’on  ait  lieu  de  plus  attendre. ...  Le  magnétifme  inté- 
relfe  le  bien  public  ;  il  nous  paraît  devoir  mériter  toute 
l’attention  de  la  Société.  Qu’on  nous  permette  ,  à  ce 
fujet,  une  réflexion.  De  tous  les  objets  fur  lefquels  l’en- 
thouflafme  peut  s’exciter,  &  dont  le  charlatanifme  peut, 
par  cette  raifon ,  abufer  avec  plus  de  confiance ,  le  magné¬ 
tifme  paraît  être  celui  qui  offre  à  l’avidité  plus  de  facilité 
&  plus  de  reffource.  L’hiftoire  feule  de  cet  art  fuffiroit 
pour  en  convaincre ,  quand  des  effais ,  qui  le  multiplient 
fous  nos  yeux ,  n’autoriferoient  pas  cette  préfomption. 
C’eft  fur-tout  fur  de  pareils  objets ,  devenus  pour  le  public 
un  fujet  de  curiofité ,  qu’il  efl  à  defirer  que  les  compa¬ 
gnies  favantes  portent  toute  leur  attention  ,  pour  arracher 
à  l’erreur  une  confiance  qu’elle  ne  manquerait  pas  de 
gagner,  fi  l’on  ne  diffipoit  aux  yeux  des  gens  crédules 
les  preftiges  du  charlatanifme ,  par  des  effais  faits  avec 
exaftitude  &  impartialité.  De  pareils  projets,  pour  être 
remplis  d’une  manière  utile ,  ont  befoin  de  l’appui  du 
Gouvernement;  mais  où  les  fecours  peuvent-ils  mieux  être 
appliqués  qu’aux  objets  qui  touchent  aux  progrès  des 
fciences  &  au  bien  de  l’humanité  ? 

>•  En  defirant  que  le  Gouvernement  autorife  la  Société 
fi  annoncer,  fous  fes  aufpices ,  un  traitement  gratuit  6c 
public  pour  le  magnétifme  ,  nous  croyons  encore  utile 

ques 


Traité  de  T  Aimant.  169 

ques  détails  relatifs  aux  divers  fuccès  que  M. 


que  la  Compaagnie  invite  ceux  de  fes  AfTociés  &  Corref- 
pondans,  à  qui  ces  fortes  d’elfais  peuvent  être  agréables, 
à  concourir  avec  elle  au  fuccès  de  fes  recherches.  La 
Société  fait ,  par  l’exemple  de  l’ électricité  ,  combien  elle 
peut  retirer  d’avantages  de  cette  réunion  de  travaux.  Le 
magnétifme  offre  encore  plus  de  facilités  pour  répéter  ou 
multiplier  les  'effais  que  l’on  jugeroit  nécelfaires  Mais, 
pour  rendre  ce  concourrs  de  recherches  plus  fructueux, 
on  fent  qu’il  eft  nécelfaire  qu’il  foit  dirigé  fur  un  plan 
uniforme.  Le  rapport  que  nous  foumettons  ici  à  l’examen 
de  la  Compagnie ,  remplirait  cette  vue ,  &  nous  lui  pro- 
pofons  de  le  faire  imprimer  &  diltribuer,  par  la  voie  de 
fa  correfpondance  ordinaire. 

»  La  Société,  pour  fe  livrer  elle-même  à  ces  travaux, 
devant  s’attacher  en  Phyficien  exercé  dans  la  préparation 
des  Aimans ,  &  verfé  dans  tous  les  genres  des  connoif- 
fances  relatives  à  leur  adminiftration ,  nous  penfons  que 
le  choix  de  la  Compagnie  doit  tomber  fur  M.  l’Abbé  le 
Noble.  Plufieurs  raifons  nous  paroiflent  devoir  lui  mériter 
la  préférence.  On  doit  le  regarder  comme  un  des  premiers 
Phyfïdens  qui,  depuis  le  renouvellement  des  expériences 
de  l’aimant,  fe  foient  occupés  de  cet  objet.  En  1763, 
c’eff-à-dire ,  deux  ans  à-peu-près  avant  M.  Klarich,  que 
l’on  regarde  comme  le  principal  rénovateur  de  ces  effais 
&  dont  les  obfervations  ont  fait  attribuer  à  l’Angleterre 
la  gloire  de  cette  découverte ,  les  aimans  de  M.  l’Abbé 
le  Noble,  pour  les  dents,  paroiffent  avoir  été  connus 
dans  la  capitale,  &  recherchés  des  Phyficiens.  Au  mois 
de  Juin  1766 ,  dans  le  même  temps  que  M.  d’Arquier , 
qu’on  regarde  comme  le  premier  qui  ait  répété  en  France 
les  effais  de  M.  Klarich  dans  les  maux  de  dents,  M 
Minéraux.  Tome  IX.  P 


lyo  Hiflo'ire  naturelle. 

l’Abbé  le  Noble  a  obtenus  depuis  la  publica»' 


l’Abbé  le  Noble  publia,  en  ce  genre,  plufieurs  obferva- 
tions.  Deux  ans  avant  que  le  père  Hell ,  à  Vienne,  fit 
adopter  généralement  la  méthode  des  armures  magnétiques, 
il  avoit  annoncé  plufieurs  efpèces  de  plaques  aimantées , 
préparées  pour  être  portées  habituellement  fur  différentes 
parties  du  corps.  Depuis  ces  différentes  époques ,  M. 
l’Abbé  le  Noble  n’a  ceffé  de  s’occuper  de  l’ufage  de 
l’aimant  dans  plufieurs  efpèces  d’affeftions  nerveufes.  Les 
réfultats  qu’il  avoit  obtenus  de  ces  effais ,  font  confignés 
dans  un  Mémoire  qu’il  lut,  au  mois  de  Septembre  1777, 
dans  une  des  féances  de  la  Société.  Enfin ,  pour  com¬ 
pléter  l’hiftoire  de  fes  travaux,  on  doit  y  joindre  les 
différens  effais  auxquels  ont  donné  lieu  nos  propies  ob-r 
fervations ,  &  dont  nous  connoiflons  qu’il  doit ,  s’il  en 
réfulte  quelque  utilité ,  partager  avec  nous  le  mérite.  A 
çe  fujet ,  nous  devons  rendre  compte  à  la  Compagnie 
du  zèle  avec  lequel  M.  l’Abbé  le  Noble  s’eft  porté  à 
nous  féconder  dans  nos  recherches.  Quoique  la  durée  de 
fes  effais ,  &  fa  réüdence  ordinaire  en  province  ,  aient  exigé 
de  lui  de  fréquens  voyages  &  de  longs  féjours  à  Paris, 
quoique  la  multiplicité  des  malades  qui  ont  eu  recours  à 
l’aimant,  le  peu  d’aifance  du  plus  grand  nombre,  la 
durée  du  long  traitement  pendant  lequel  les  armures  ont 
dû  être  fouvent  renouvellées ,  aient  été  autant  de  charges , 
d’incommodités  &  de  fujets  de  dépenfes  pour  M.  l’Abbé 
le  Noble  ,  nous  devons  annoncer  qu'il  n’a  épargné  ni 
foins ,  ni  peines ,  ni  facrifices  pour  concourir ,  autant  qu’il 
étoit  en  lui  ,  au  fuccès  de  nos  épreuves  &  au  foulage- 
ment  des  malheureux.  M.  l’Abbé  le  Noble  fe  montre 
encore  animé  des  mêmes  difpofitions .  &  prêt  à  les  mettre 
en  œuvre,  fi  les  circonftances  répondoient  à  fes  defirs. 


Traité  de  V Aimant.  171 

tion  du  rapport  de  MM.  de  la  Société  royale  , 
&  qu’il  nous  a  coirnnuniqués  lui- môme. 


Mais ,  attaché  par  la  nature  de  fes  devoirs  à  la  place 
qu’il  remplit  en  province,  il  ne  pourrait  concourir  d’une 
manière  utile  aux  expériences  que  nous  propofons ,  s’il 
n’étoit  fixé  à  Paris.  C’eft  au  Gouvernement  feul  qu’il 
appartient  de  lever  cet  obftacle  ,  &  nous  penfons  que  la 
Compagnie  doit  renouveller  ,  en  fa  faveur ,  les  mêmes 
inftances  qu’elle  a  déjà  faites,  en  1778,  pour  lui  obtenir 
une  réfidcnce  fixe  dans  la  capitale. 

**  Des  raifons  particulières  &  perfonnelles  à  M.  le 
Noble ,  nous  paroilfent  devoir  lui  mériter  cette  faveur  du 
Gouvernement  :  c’eff  fur  -  tout  en  employant  de  forts 
a  mans ,  portés  au  plus  haut  degré  de  force  &  préparés 
de  manière  à  former  une  machine  femblable  à  celle  de 
l’éleflricité ,  qu’on  doit  attendre  de  nouveaux  avantages 
du  magnétifme.  M.  l’Abbé  le  Noble  pofsède  en  ce  genre 
des  procédés  très  fupérieurs  à  tous  ceux  qui  nous  ont 
été  connus  ,&  employés  jufqu’ici  par  les  Phyficiens.  Nous 
apportons  en  preuve ,  de  ce  que  nous  avançons  ici  ,  un 
certificat  de  l’Académie  royale  des  Sciences,  à  laquelle 
M.  l’Abbé  le  Noble  a  préfenté  des  aimans  capables  de 
foutenir  des  poids  de  plus  de  deux  cents  livres ,  &  qui 
lui  ont  mérité  les  éloges  &  l’approbation  de  cette  Com¬ 
pagnie.  C’eft  avec  des  aimans  de  ce  genre  qu’on  a  lieu 
de  fe  flatter  d’obtenir  du  magnétifme  des  effets  extraor¬ 
dinaires  &  inconnus  ». 

M.  l’Abbé  le  Noble  nous  a  communiqué  les  détails 
fuivans;  relatifs  aux  diverfes  applications  qu’il  a  faites  de 
l’aimant  ,  dans  les  maladies ,  depuis  la  publication  du 
rapport  de  la  Société  Royale  de  Médecine. 

En  1786,  le  24  Mai,  à  cinq  heures  du  foir,  une 

P  2 


171  Hiflolre  naturelle 

Les  premiers  Phyftciens  qui  ost  voulu  re¬ 


plaque  d’aimant  envoyée  par  M.  l’Abbé  le  Noble  ,  fut  appli¬ 
quée  fur  l’eftomac  à  une  malade,  figée  de  cinquante-un 
ans ,  &  (pii ,  depuis  l’âge  de  vingt-deux ,  éprouvoit  de 
temps  en  temps  des  attaques  de  nerfs ,  plus  ou  moins 
fréquentes,  qui  étoient  venues  à  la  fuite  d’une  fuppref» 
fion ,  &  étoient  accompagnées  de  convulfions  très  fortes , 
&  d’autres  fymptômes  effrayans.  Ces  attaques  avoient 
difparu  quelquefois  près  d’un  an  ;  elles  avoient  été  auffi 
fufpendues  par  différens  remèdes.  Pendant  les  divers  inter¬ 
valles  qui  avoient  féparé  le  temps  où  les  attaques  étoient 
plus  ou  moins  fréquentes ,  la  perfonne  qui  les  avoit  éprou¬ 
vées  avoit  joui  d’une  bonne  fanté  ;  mais,  depuis  quinze 
mois ,  elle  étoit  retombée  dans  fon  premier  état.  Sur  la 
fin  même,  les  accidens  arrivoient  plus  de  dix  ou  douze 
fois  par  jour,  &  quelquefois  dupoient  plufieurs  minutes. 
Depuis  dix»' mit  mois,  les  évacuations  périodiques  étoient 
dérangées,  &  n’avoient  lieu  que  de  deux  eq  deux  mois. 

L’effet  de  l’aimant  fut  très  prompt  :  la  malade  n’eut 
plus  de  convulfions  ,  quoique  dans  la  matinée  &  dans 
l’après-dipée  elle  en  eut  éprouvé  plus  de  vingt  fois.  Le 
16  Juin,  les  convulfions  n’étoient  point  encore  revenues, 
'la  malade  Ce  portoit  mieux  ;  elle  fentoit  fes  forces  &  fon 
appétit  augmenter  de  jour  en  jour;  elle  dormoit  un  peu 
mieux  pendant  la  nuit  ,  &  s’occupoit  continuellement , 
pendant  le  jour,  des  travaux  pénibles  de  la  campagne, 
fans  en  être  incommodée  ;  elle  fentoit  cependant  toujours 
yn  petit  tiraillement  dans  l’intérieur  du  front.  Elle  ren- 
doit  quelquefois  des  vents  connue  auparavant  ;  fa  rcfpira- 
lion  étoit  un  peu  gênée  lorfqu’ils  s’écbappoient ,  mais 
n’avoit  jamais  été  fufpendue  depuis  l’application  de  l'aimant , 
8 i n fi  que  cela  arrivoit  très  fouvent  auparavant. 


Traits  de  V Aimant.  17  3 

chercher  les  rapports  analogues  des  forces 


Ces  faits  ont  été  attehés  par  le  Curé  du  lieu ,  &  il  eh 
à  croire  que  le  bien-être  s’eft  foutenu ,  puifque  la  malade 
n’a  point  demandé  de  nouveaux  fecours. 


Une  dame  qui  fouffroit  beaucoup  des  nerfs ,  prefque 
dans  tout  le  corps  ,  &  dont  la  famé  étoit  fi  dérangée, 
qu’elle  n’ofoit  point  tenter  les  remèdes  intérieurs-,  s’eh 
trouvée  foulagée  par  le  moyen  d’un  collier  d’aimant ,  & 
l’application  d’un  aimant  fur  le  creux  de  i’eftomac ,  ainfi 
qu’elle  l’a  écrit  elle-même  à  M.  l’Abbé  le  Noble. 


Une  malade  fouffroit ,  depuis  fix  mois ,  des  maux  de 
nerfs  qui  lui  donnoient  des  maux  de  gorge  &  d’eftomac  , 
au  point  que  très  fouvent  l’œfophage  fe  fermoit  prefque 
entièrement,  &  la  mettoit  dans  une  impoffibilité  prefque 
abfolue  d’avaler  même  les  liquides  pendant  à-peu-près  la 
moitié  de  la  journée  :  une  fièvre  épidémique  s’étoit  jointe 
aux  accidens  nerveux.  On  lui  appliqua  un  collier  5c  une 
ceinture  d’aimans ,  fuivant  la  méthode  de  IV1.  l’Abbé  le 
Noble.  Huit  ou  dix  heures  après ,  la  malade  fe  trouva 
comme  guérie  ,  &  fe  porta  pjjfablcmcnt  bien  pendant  trois 
mois  ,  au  bout  defquels  le  Médecin ,  qui  l’avoit  traitée , 
certifia  à  M.  l’Abbé  le  Noble  la  maladie  5c  la  guérifon. 
Ce  même  Médecin  penfoit  que  les  nerfs  de  cette  Dame 
avoient  été  agacés  par  une  humeur. 


Une  jeune  Demoifelle  ayant  eu,  pendant  plus  de  trois 
ans ,  des  attaques  d’épilepfie  ,  qui  avoient  commencé  à 

P  3 


174  Htjloire  naturelle'. 

magnétique  &  éleftrique ,  effayèrent  de  rap 


l’épeque  où  les  évacuations  ont  lieu,  &  ayant  fait  inu¬ 
tilement  plufieurs  remèdes  confeillés  par  un  Membre  de 
la  Société  Royale  de  Médecine,  eut  recours  aux  ai  mars 
de  M.  l’Abbé  le  Noble  ,  d’après  l’avis  du  même  Médecin  ; 
les  attaques  eefsèrent  bientôt ,  & ,  dTx  mois  après  leur 
eefiation ,  fa  mère  écrivit  au  Médecin  qui  lui  avoit  con- 
feillé  les  aimans  de  M.  l’Abbé  le  Noble,  pour  lui  annon¬ 
cer  la  guérifon  de  fa  fille.. 


Une  Dame  fouffroit,  depuis  plus  de  huit  ans,  des  maux 
de  nerfs  qui  avoient  été  fouvent  accompagnés  d’accidcns 
graves  &  fâcheux  ,  de  laffitudes ,  d’infomnies,  de  douleur? 
vives ,  de  convulfions ,  d'évanouiffemens ,  &  fur-tout  d’un 
accablement  général ,  &  d’une  grande  trifidlé.  Les  aimans 
de  M.  l’Abbé  le  Noble  l’ont  guérie ,  &  elle  l’a  attefté 
elie-mème ,  un  mois  ou  environ  après ,  à  M.  l’Abbé  le 
Noble  -,  fa  guérifon  s’étoit  joujours  foutenue. 


Une  Dame ,  qui  étoit  malade  d’une  épilepfie  furvenue 
à  la  fuite  d’une  frayeur  qu’elle  avoit  eue  dans  un  temps 
critique ,  a  certifié  que ,  depuis  quatre  ans  qu’elle  porte 
des  aimans  de  M.  le  Noble ,  elle  a  toujours  été  fouiagée  ; 
que  fi  divers  événemens  lui  ont  donné  quelquefois  des 
crifes ,  elles  ont  été  paffagères  &  bien  moins  violentes 
que  celles  qu’elle  avoit  éprouvées ,  &  qu’elle  jouit  habi¬ 
tuellement  d’un  bien-être  très  marqué. 


Trois  femmes  &  un  homme  ont  été  guéris,  par  l’ap- 


Traité  de  l’Aimant.  175 

porter  l’électricité  qu’on  venoit ,  en  quelque 


plication  de  l’aimant,  de  maux  de  nerfs,  accompagnés 
de  convulfions  fortes ,  &c.  trois  ans  fe  font  écoulés  depuis 
la  guérifon  d’une  de  ces  femmes,  &  elle  fe  porte  encore 
très  bien. 


M.  Picot ,  Médecin  de  la  maifon  du  Roi  de  Sardaigne, 
a  certifié  à  M.  l’Abbé  le  Noble  ,  qu’il  s’étoit  fervi  de 
fes  aimans  avec  le  plu»  grand  fuccès ,  pour  procurer  à 
une  femme  très  délicate  &  d’une  très  grande  fenfibilité , 
des  évacuations  périodiques  ,  dérangées  ou  fupprimées  , 
en  partie ,  depuis  plus  de  deux  ans.  Le  même  Médecin 
attefte  avoir  été  guéri  lui-même  d’une  migraine  qui  avoit 
réfifté  ,  pendant  plus  de  huit  ans ,  à  tous  les  fecours  de 
l’art.  11  demande,  en  conféquence,  à  M.  le  Noble,  qu’il 
établiffe  un  dépôt  de  fes  aimans  dans  la  ville  de  Turin. 


Depuis  plus  de  dix-huit  mois  ,  une  Dame  ne  pouvoit 
prendre  la  plus  légère  nourriture,  fans  que  fon  eftomac 
fût  extrêmement  fatigué.  Elle  rellentoit  des  douleurs 
prefque  continuelles,  tantôt  dans  le  côté  droit,  tantôt 
•ntre  les  deux  épaules,  &  fouvent  dans  la  poitrine;  elle 
éprouvoit  tous  les  foirs  ,  fur  la  fin  de  fa  digeftion  .  un 
étouffement  fubit ,  une  tenfion  générale,  une  inquiétude 
qui  la  forcoit  à  ceffer  toute  occupation  ,  à  marcher ,  à 
aller  à  l’air ,  quelque  froid  qu’il  fît ,  &  à  relâcher  tous 
les  cordons  de  fon  habit.  Quinze  iours  après  avoir  em¬ 
ployé  les  aimans  de  M.  l'Abbé  le  Noble,  elle  fut  entiè¬ 
rement  guérie  ;  &  aucune  douleur  ni  aucun  accident 
n’étoient  revenus  fix  femaines  après  qu’elle  eut  commencé 

P  4 


17*5  Hljloire  naturelle 

forte,  de  découvrir,  au  magnétifme  dont  on 


à  les  porter,  ainfi  qu’elle  l’aitefta  elle-même  à  M.  l’Abbé 
le  Noble. 


Une  Dame  a  certifié  elle-même  qu’elle  avoit  foufferr, 
pendant  fix  jours ,  des  douleurs  très  vives ,  oceafionnécs 
par  un  rliumatifme  au  bras  gauche  ,  dont  elle  avoit 
entièrement  perdu  l’ufage  ;  qu’elle  avoit  employé  fans 
fuccès  les  remèdes  ordinaires  ;  qu’elle  avoit  eu  recours 
aux  plaques  aimantées  de  M.  l’Abbé  le  Noble,  &  que 
quatre  jours  après  elle  avoit  été  entièrement  guérie. 


Un  homme  ,  très  digne  de  foi ,  a  aufli  certifié  à  M.  l’Abbé 
le  Noble,  qu’il  avoit  été  guéri,  par  l’application  de  fcs 
aimans  ,  d’un  rliumatifme  très  douloureux ,  dont  il  fouf- 
froit  depuis  plufieujs  années,  &  dont  le  fiège  étoit  au 
bas  de  l’épine  du  dos.  Près  d’un  an  après,  cet  homme 
portoit  toujours  fur  le  bas  du  dos  la  plaque  aimantée  ; 
les  douleurs  avoient  difparu  ,  &  il  ne  fentoit  plus  que 
quelquefois  un  peu  d’engourdilfement  lorfqu’il  avoit  été 
fédentaire  pendant  trop  long-temps  s  mais  il  difiipoit  cet 
engourdilfement ,  en  faifant  quelques  pas  dans  fa  chambre. 


Un  homme  malade  d’une  paralyfie  imcomplète ,  fouf- 
frar.t  dans  toutes  les  parties  du  corps ,  &  ayant  tenté 
inutilement  tons  les  remèdes  connus ,  fut  adrelfé ,  dans 
le  mois  de  Septembre  17S5  ,  à  M.  l’Abbé  le  Noble,  paf 
un  Membre  de  la  Société  de  Médecine  ;  on  lui  appliqua 
les  aimans,  &,  au  mois  de  Janvier  17S6,  il  s’tfl  très 
bien  porté. 


Traité  de  V  Aimant.  177 

connoiffoit,  depuis  long-tems,  les  grands 


Une  Dame  qui  fouffroit ,  depuis  vingt  ans ,  des  dou¬ 
leurs  rhumatifmales  qui  l’empêchoient  de  dormir  &  de 
marcher ,  étoit  prefque  entièrement  guérie  au  mois  de 
Février  1787. 


Le  nommé  Boiffel ,  garçon  menuifier,  âgé  de  fo  ans, 
a  eu  recours  à  M.  l’Abbé  le  Noble ,  le  9  Novembre 
1786.  Il  y  avoit  dix  mois  qu’il  éprouvoit  de  grandes 
douleurs  dans  les  deux  bras  ;  le  gauche  étoit  très  ei  flé 
&  enflammé ,  il  lui  étoit  impoffible  de  l’étendre ,  &  la 
douleur  fe  communiquoit  à  la  poitrine ,  à  l’eftomac  & 
aux  côtés,  &  même  jufqu’aux  jambes,  dont  il  ne  pou- 
voit  faire  ufage  qu’à  l’aide  d’une  béquille  ;  on  étoit  obligé 
de  le  porter  dans  fon  lit  ,  où  il  reflfentoit  encore  les 
mèmes'douleurs  ;  il  avoit  été  trois  mois  à  l’Hôtel-Dieu  , 
&  il  y  en  avoit  deux  qu’il  en  étoit  forti  fans  y  avoir 
éprouvé  le  plus  léger  foulagement.  Mais ,  après  l’appli¬ 
cation  des  aimans  de  M.  l’Abbé  le  Noble,  le  9  Novem¬ 
bre  ,  les  mouvemens  dans  les  jambes ,  ainli  que  dans  les 
bras  ,  font  devenus  libres;  le  19  dudit  mois,  il  fe  pro- 
menoit  dans  fa  chambre  ,  &  voyant  la  facilité  avec  laquelle 
il  marchoit ,  il  crut  qu’il  pourrait  fortir  fans  aucun  rifque. 

En  effet,  il  a  été,  ce  jour-là,  à  quelque  diflance  de 
fon  domicile ,  &  le  lendemain  10 ,  il  eft  venu  de  la  rue 
neuve  Saint-Martin ,  où  il  demeure ,  à  la  rue  Saint-Tho¬ 
mas- du-Louvre.  Les  douleurs  étoient  encore  vives  dans 
les  jambes ,  quoique  les  mouvemens  fuffent  libres  ;  mais 
elles  fe  font  diffipécs  par  degrés,  &  ont  ceffé  le  15 
Février.  Il  s’efl  établi  fous  les  aimans,  à  la  cheville  des 
pieds  5c  fous  les  jarretières ,  des  efpèces  de  petits  eau- 


178  Hifloîre  naturelle . 

phénomènes  (£).  Des  Phyficiens  récens  ont, 
avec  plus  de  fondement ,  attribué  ce  même 
magnétifme  à  l’éle&ricité  qu’ils  connoiffoient 
mieux;  mais  ni  les  uns  ni  les  autres  n’ont  fait 
affez  d’attention  aux  différences  de  l’aétiondc 
ces  deux  forces,  dont  nous  venons  d’expofer 
les  relations  analogues,  &  qui  néanmoins 
diffèrent  par  plufieurs  rapports,  &  notam¬ 
ment  par  les  direéfions  particulières  que  ces 
forces  fuivent,  ou  qu’elles  prennent  d’elles- 
mêmes.  Car  la  direction  du  magnétifme  Ce 
combine  avec  le  giffemenr  des  continens ,  6c 
fe  détermine  par  la  pofition  particulière  des 
mines  de  fer  &.  d’aimant .  des  chaînes  de  laves  , 
de  bafaltes ,  &  de  toutes  les  matières  ferru- 
gineufesqui  ont  fubi  l’aftion  du  feu;&  c’eft 
par  cette  raifon  que  la  force  magnétique  a 
autant  de  différentes  dire&ions,  qu’il  y  a  de 
pôles  magnétiques  fur  le  globe  ;  au  lieu  que  la 
direction  de  l’éleétricité  ne  varie  point,  &  fe 
porte  conftamment  de  l’équateur  aux  deux 
pôles  terreftres.  Les  glaces,  qui  recouvrent 
les  régions  polaires  des  deux  hémifphères  du 
globe ,  doivent  déterminer  puiffamment  le 


tères  qni  rendoient  une  humeur  épaifle  &  gluante.  Les 
jambes,  qui  étoient  confidérablement  enflées ,  font  main¬ 
tenant,  au  mois  de  Mars  1787,  dans  l’état  naturel  ;  il 
marche  très  bien  ,  6c  jouit  d’une  bonne  famé. 

(  *  )  Le  père  Berault ,  jéfuite ,  auteur  d’une  Diflerta- 
tion  couronnée  par  l’Académie  de  Bordeaux ,  a  foupçonné 
le  premier  ,  que  les  forces  magnétiques  6c  élettriques 
pouvoient  être  identiques. 


Traité  de  P  Aimant.  179 

fluide  éleéîrique  vers  ces  régions  polaires  où 
il  manque  ,  &  vers  lesquelles  il  doit  fe  porter , 
pour  obéir  aux  loix  générales  de  l’équilibre 
des  fluides,  au  lieu  que  la  glace  n’influe  pas 
fur  le  magnétifme  ,  qui  ne  reçoit  d’inflexions 
que  par  l'on  rapport  particulier  avec  les  maffes 
de  l’aimant  &  du  fer. 

De  plus,  il  n’y  a  de  rapports  Semblables  & 
bien  marqués  ,  qu’entre  les  aimans  &  les  corps 
elettriques  par  eux-mêmes ,  &  l’on  ne  connoît 
point  de  fubflances  fur  lefquelles  le  magnétifme 
produife  des  effets  pareils  à  ceux  que  l’élec¬ 
tricité  produit  fur  les  fubflances  qui  ne  peu¬ 
vent  être  éleélrifées  que  par  communication. 
D’ailleurs  le  magnétifme  ne  fe  communique 
pas  de  la  même  manière  que  l’éleélricité  dans 
beaucoup  de  circonftances  ,  pmfqite  la  com¬ 
munication  du  magnétifme  ne  diminue  pas  la 
force  des  aimans ,  tandis  que  la  communication 
de  l’éleélricité  détruit  la  vertu  des  corps  qui  la 
proc'uifent. 

On  peut  donc  dire  que  tous  les  effets  ma¬ 
gnétiques  ont  leurs  analogues  dans  les  phé¬ 
nomènes  de  l’éleélricité;  mais  on  doit  convenir, 
en  même-tems,  que  tous  les  phénomènes 
éleétriques  n’ont  pas  de  même  tous  leurs  ana¬ 
logues  dans  les  effets  magnétiques  ;  ainfi , 
nous  ne  pouvons  plus  douter  que  la  force 
particulière  du  magnétifme  ,  ne  dépende  de  la 
force  générale  de  l’éleélricité ,  &  que  tous 
les  effets  de  l’aimant  ne  foient  des  modifica¬ 
tions  de  cette  force  éleéîrique  ( c ).  Et  ne  pou- 

(  c  )  Notre  opinion  eff  confirmée  par  les  preuves  ré¬ 
pandues  dans  une  dilTertation  de  M.  Epinus ,  lue  à  l’Aca- 


1 2o  Hijloire  naturelle . 

vons-nous  pas  confidérer  l’aimant  comme  un 
corps  perpétuellement  électrique  ,  quoiqu’il 
ne  poffède  l’éleCtricité  que  d’une  manière 
particulière,  à  laquelle  on  a  donné  le  nom 
de  magnétifme  ?  La  nature  des  matières  ferru- 
gineules,  par  fon  affinité  avec  la  fubftance 
du  feu ,  elt  affez  puiffante  pour  fléchir  la  direc¬ 
tion  du  cours  del’éleCtricitè  générale ,  &  même 
pour  en  ralentir  le  mouvement,  en  le  déter¬ 
minant  vers  la  furface  de  l’aimant.  La  lenteur 
de  l'aCtion  magnétique,  en  comparaifon  de  la 
violente  rapidité  des  checs  électriques,  nous 
repréfente  en  effet  un  fluide,  qui,  tout  aCtif 
qu’il  eft,  femble  néanmoins  être  ralenti,  fuf- 
pendu  &,  pour  ainfi  dire  ,  affoupi  dans  lcn 
cours. 

Ainfi  ,  je  le  répète,  les  principaux  effets  du 
magnétifme  fe  rapprochent,  par  une  analogie 
marquée  ,  de  ceux  de  l’éleCtricité  ,  &  le  grand 
rapport  de  la  direction  generale  &  commune 
des  forces  éleCtrique  &  magnétique,  de  l’équa¬ 
teur  aux  deux  pôles ,  les  réunit  encore  de  pius 
près  ,  &  femble  même  les  identifier  (J). 


démie  de  Saint-Pétersbourg  ;  ce  Phyfieien  y  a  fait  voir 
que  les  effets  de  l’éleflricité  &  du  magnétifme ,  non- 
feulement  ont  du  rapport  dans  quelques  points ,  mais 
qu’ils  font  encore  fembiables  dans  un  très  grand  nombre 
de  circonftanees  des  plus  effentielles  ;  en  forte ,  dit-il  , 
qu’il  n’elt  prefque  pas  à  douter  que  la  Nature  n’emploie 
à  peu-près  les  mêmes  moyens  pour  produire  l’une  & 
l’autre  force. 

(<0  M.  1«  Comte  de  Treflan  a  penfé,  comme  nous, 


Traite  de  P  Aimant.  181 

Si  la  vertu  magnétique  étoit  un  force  réfi- 
dente  dans  le  fer  ou  dans  l’aimant,  &  qui  leur 
fût  inhérente  &  propre,  on  ne  pourroit  la 
trouver  ou  la  prendre  que  dans  l’aimant  même, 
ou  dans  le  fer  actuellement  aimanté;  &  il  ne 
feroit  pas  poflïble  de  l’exciter,  ou  de  la  pro¬ 
duire  par  un  autre  moyen  ;  mais  la  pereuflion  , 
le  frottement,  &  même  la  feule  expofition 
aux  impreflions  de  l’atraofphère,  fuiîifent  pour 
donner  au  fer  cette  vertu  magnétique  ;  preuve  ' 
évidente  qu’elle  dépend  d’une  force  extérieure 


que  le  magnétifme  n’étoit  qu’une  modification  de  l’élec¬ 
tricité.  Voyez  fon  Ouvrage,  qui  a  pour  titre  :  EJfaî fur 
le  Fluide  électrique  ,  confidéré  comme  agent  univerfel  ; 
mais  notre  théorie  n’en  diffère  pas  moins  de  fon  opinion. 
L’hypothèfe  de  ce  Phyficien  eft  ingénieufe  ,  fuppofe  beau¬ 
coup  de  connoilTances  &  de  recherches  ;  il  préfente  des 
expériences  intérefiantes ,  de  bonnes  vues  &  des  vérités 
importantes ,  mais  cependant  on  ne  peut  admettre  fa 
théorie.  Elle  confifte  principalement  à  expliquer  le  méca¬ 
nisme  de  l’univers,  &  tous  les  effets  de  l’attraftion ,  par¬ 
le  moyen  dn  fluide  éle&rique.  Mais  l’a&ion  impulfive 
d’aucun  fluide  ne  peut  exiffer  que  par  le  moyen  de 
l'élafticité  ,  &  l’élafticité  n’eft  elle-même  qu’un  effet  de 
de  l’attraftion  ,  ainfi  que  nous  l’avons  ci-devant  démontré. 
On  ne  fera  donc  que  reculer  la  queftion ,  au  lieu  de  la 
réfoudre  ,  toutes  les  fois  qti’on  voudra  expliquer  l’attraftioit 
par  l’impulfion ,  dont  les  phénomènes  font  tous  dépendans 
de  la  gravitation  uni  verfelle  On  peut  confulter  à  ce  fujet , 
l'article  intitulé  de  l’Attra&ion,  du  premier  volume  de  la 
Pkyfique  générale  &  particulière  de  M.  le  Comte  de  la 
Cépède. 


iSi  Hiflo'irt  naturelle . 

qui  s’applique  ,  ou  plutôt  flotte  à  fa  furface  ,  & 
fe  renouvelle  fans  ceffe. 

En  confidérant  les  phénomènes  de  la  direc¬ 
tion  de  l’aimant,  on  voit  que  les  forces  qui 
produifent  &  maintiennent  cette  direction, 
le  portent  généralement  de  l’équateur  aux 
pôles  terreflres  ,  avec  des  variations  dont  les 
unes  ne  font  qu’alternatives  d'un  jour  à  l’autre, 
&  s’opèrent  par  des  ofcillations  momentanées 
&  paffagères ,  produites  par  les  variations  de 
l’état  de  l’air,  foit  par  la  chaleur  ou  le  froid  , 
foit  par  les  vents  ,  les  orages  ,  les  aurores 
boréales;  les  autres  font  des  variations  en 
déclinaifon  &  en  inclinaifon,  dont  les  caufes, 
quoique  également  accidentelles,  font  plus 
confiantes ,  &  dont  les  effets  ne  s’opèrent  qu’en 
beaucoup  plus  de  tems  ;  &  tous  ces  effets  font 
fubordonnés  à  la  caufe  générale  ,  qui  détermine 
la  direction  de  la  force  électrique  de  l’équateur 
vers  les  pôles. 

En  examinant  attentivement  les  inflexions 
que  la  direction  générale  de  l’éleCtricité  &  du 
magnétifme  éprouve  de  toutes  ces  caufes  par¬ 
ticulières  ,  on  reconnoit,  d'après  les  oblèr- 
vations  récentes  &  anciennes ,  que  les  grandes 
variations  du  magnétifme  ont  une  marche  pro- 
greffive  du  nord  a  l’eff  ou  à  l’oueft  ,  dans  cer¬ 
taines  périodes  de  tems,  &  que  la  force 
magnétique  a  ,  dans  fa  direction  ,  differens 
points  de  tendance  ou  de  détermination,  que 
l’on  doit  regarder  comme  autant  de  pôles  ma¬ 
gnétiques  vers  lefquels  ,  félon  le  plus  ou  moins 
de  proximité  ,  fe  fléchit  la  direction  de  la  force 
générale  ,  qui  tend  de  l’équateur  aux  deux 
pôles  du  globe. 


Traité  de  l'Aimant. 

Ce  mouvement  en  déclinaifon  ,  ne  s’opère 
que  lentement  ;  &  cette  déclinaifon  paroiflant 
etre  allez  confiante  pendant  quelques  années  , 
on  peut  regarder  les  obfervations ,  faites 
depuis  douze  à  quinze  ans,  comme  autant 
de  déterminations  affez  juftes  de  la  pofition  des 
lieux  ou  elles  ont  été  faites.  Je  joins  ici  les 
tables  de  ces  obfervations,  &  j’en  ai  rédigé 
les  principaux  réfultats  en  cartes  magnétiques, 
qut  pourront  être  très-utiles  à  la  navigation, 
lx  la  déclinaifon  n’a  que  peu  ou  point  changé 
depuis  douze  à  quinze  ans;  ces  tables  donne¬ 
ront  connoiflance  aux  Navigateurs  de  tous  les 
points  où  cette  déclinaifon  a  été  récemment 
obleryée,  &  par  conséquent  de  tous  les  lieux 
relatifs  à  ces  obfervations. 

On  ,doit  réunir  aux  phénomènes  de  la 
déclinaifon  de  l’aimant  ,  ceux  de  fon  incli- 
naifon;  ils  nous  démontrent  que  la  force 
magnétique  prend,  à  mefure  que  l’on  appro¬ 
che  des  pôles,  une  tendance  de  plus  en  plus 
approchante  de  la  perpendiculaire  à  la  fur- 
face  du  g.obe  ,  &  cette  inclinaifon,  quoiqu’un 
peu  modifiée  par  la  proximité  des  pôles  ma¬ 
gnétiques  ,  qui  détermine  la  déclinaifon  ,  nous 
paroîtra  cependant  beaucoup  moins  irrégu¬ 
lière  dans  fa  marche  progreffive  vers  les 
pôles  terrefires  ,  &  plus  confiante  que  la 
déclinaifon  dans  les  mêmes  lieux,  en  difFé- 
rens  temps. 

Pour  fe  former  une  idée  nette  de  cette  in- 
clinaifon  de  l’aimant,  il  faut  le  repréfenter 
la  figure  de  la  terre  ,  renflée  fous  l’équateur 
&  baifièe  fous  les  pôles  ,  ce  qui  fait  une 
courbure,  dont  les  degrés  ne  font  point  tous 


l$4  H: faire  naturelle. 

égaux,  comme  ceux  d’une  fphère  parfaite; 
il  faut  en  même  -  temps  concevoir  que  le 
mouvement  qui  tend  de  l’équateur  aux  pô¬ 
les,  doit  fuivre  cette  courbure,  &  que  par 
conféquent  fa  direction  n’eft  pas  fimplement 
horizontale  ,  mais  toujours  inclinée  de  plus 
en  plus,  en  partant  de  l’équateur  pour  arri¬ 
ver  aux  pôles. 

Cette  inclinaifon  de  l’aimant  ou  de  l’ai¬ 
guille  aimantée,  démontre  donc  évidemment 
que  la  force  qui  produit  ce  mouvement,  fuit 
la  courbure  de  la  furface  du  globe,  de  lՎ 
quateur  dont  elle  part,  jufqu’aux  pôles  où 
elle  arrive  ;  fi  l’inclinaifon  de  l’aiguille  n’é- 
toit  pas  dérangée  par  l’aélion  des  pôles  ma¬ 
gnétiques  ,  elle  leroit  donc  toujours  très 

fetite  ou  nulle  dans  les  régions  voifines  de 
'équateur,  &  très  grande  ou  complète, 
c’eft-à  dire  ,  de  90  degrés  dans  les  parties 
polaires. 

En  recherchant  quel  peut  être  le  nombre 
des  pôles  magnétiques,  actuellement  exiflans 
fur  le  globe,  nous  trouverons  qu’il  doit  y 
en  avoir  deux  dans  chaque  hémifpbère;  &, 
de  fait ,  les  obfervations  des  Navigateurs 
prouvent  qu’il  y  a  fur  la  furface  du  globe  trois 
efpaces  plus  ou  moins  étendus,  trois  bandes 
plus  ou  moins  larges,  dans  lefquelles  l’ai¬ 
guille  aimantée  fe  dirige  vers  le  nord  ,  fans 
décliner  d’aucun  côté.  Or  une  bande,  fans 
déclinaifon,  ne  peut  exifter  que  dans  deux 
circontlances  ;  la  première,  lorfque  cette  bande 
fuit  la  direéiion  du  pôle  magnétique  au  pôle 
terreftre;  la  fécondé  ,  lorfque  cette  bande  fe 
trouve  à  une  diftance  de  deux  ou  plufieurs 


Traité  de  V Aimant.  185 

pôles  magnétiques ,  telle  que  les  forces  de 
ces  pôles  fe  compenfent  &  fe  dérruifent  mu¬ 
tuellement.  Car,  dans  ces  deux  cas,  le  cou¬ 
rant  magnétique  ne  peut  que  fuivre  le  cou¬ 
rant  général  du  fluide  éleéirique  &  fe  diri¬ 
ger  vers  le  pcle  terrefïre ;  &  l’aiguille  aiman¬ 
tée  ne  déclinera  dès-lors  d’aucun  côté.  D’a¬ 
pres  cette  confidération  ,  on  pourra  voir 
aifément,  en  jetant  les  yeux  fur  un  globe 
terreftre  ,  qu  un  pôle  magnétique  ne  peut 
produire  dans  un  hémifphère  que  deux  ban¬ 
des  iàns  déclinaifon,  féparées  l’une  de  l’au¬ 
tre  par  la  moitié  de  la  circonférence  du  glo¬ 
be.  S’il  y  a  deux  pôles  magnétiques,  l’on 
pourra  obferver  quatre  bandes  fans  déclinai¬ 
fon  ,  chaque  pôle  pouvant  en  produire  deux 
par  fon  aéfion  particulieie  ;  mais  alors  ces 
quatre  bandes  ne  feront  pas  placées  fur  la 
même  ligne  que  les  pôles  magnétiques  &  le 
pôle  de  la  terre  ;  elles  feront  aux  endroits 
où  les  puiflances  des  deux  pôles  magnétiques 
feront  combinées  avec  leurs  diftances  ,  de 
maniéré  à  fe  détruire.  Ainfi,  une  &  deux 
bandes  fans  déclinaifon  ne  fuppofent  qu’un 
feul  pôle  magnétique  ;  trois  &  quatre  bandes 
fans  déclinailon  en  fuppofent  deux;  &  s’il  fe 
trouvoit  fur  le  globe  cinq  ou  fix  bandes  fans 
déclinaifon  ,  elles  indiqueroient  trois  pôles 
magnétiques  dans  chaque  hémifphère.  Mais, 
jufqu  à  ce  jour,  l’on  n’a  reconnu  que  trois 
bandes  fans  déclinaifon  ,  lefquelles  s’étendent 
toutes  trois  dans  les  deux  hémifphères  ;  nous 
fommes  par  conféquent  fondés  à  n'admettre 
aujourd’hui  que  deux  pôles  magnétiques, 
dans  1  hémifphère  boréal  ,  &  deux  autres 
Minéraux.  Tome  IX.  Q 


i8 6  Hijhire  naturelle ? 

dans  l’hémifphère  auftral;  &  fi  l’on  connotf- 
foit  exactement  la  pofition  &  le  nombre  de 
ces  pôles  magnétiques  ,  on  pourroit  bientôt 
parvenir  à  fe  guider  fur  les  mers  fans 
erreur. 

On  a  tort  de  dire  que  les  hommes  don¬ 
nent  trop  à  la  vaine  curiofité  ;  c’eft  aux 
befoins,  à  la  nécefîité,  que  les  Sciences  & 
les  Arts  doivent  leur  naiffance  &  leurs  pro¬ 
grès.  Pourquoi  trouvons  -  nous  les  observa¬ 
tions  magnétiques  fi  multipliées  fur  les  mers, 
&  en  fi  petit  nombre  fur  les  continens  ?  C’eft 
que  ces  obfervations  ne  font  pas  néceffaires 
pour  voyager  fur  terre  ,  mais  que  les  Navi¬ 
gateurs  ne  peuvent  s’en  paffer  ;  néanmoins 
il  feroit  très  utile  de  les  multiplier  fur  terre  ; 
ce  qui  d’ailleurs  feroit  plus  facile  que  fur 
mer.  Sans  ce  travail,  auquel  on  doit  inviter 
les  Phyficiens  de  tous  pays  ,  on  ne  pourra 
jamais  former  une  théorie  complète  fur  les 
grandes  variations  de  l’aiguille  aimantée ,  ni 
par  conféquent  établir  une  pratique  certaine 
&  précife,  fur  l’ufage  que  les  marins  peu¬ 
vent  faire  de  leurs  '  différentes  bouffoles. 
Cependant,  en  s’occupant  à  compléter  les 
tables  des  obfervations  ,  on  pourra  faire  des 
cartes  magnétiques,  plus  étendues  que  celles 
que  nous  publions  aujourd’hui,  &  qui  indi- 
queroientaux  Navigateurs  leur  fituation  plus 
précifément  qu’on  ne  l’a  fait  jufqu’ici  par 
aucune  autre  méthode. 

Les  effets  du  magnétifme  fe  manifeflent 
ou  du  moins  peuvent  fe  reconnoître  dans 
toutes  les  parties  du  globe,  &  par  tout  où 
l’on  yeut  les  exciter  ou  les  produire;  la 


Traité  de  F  Aimant.  187 

force  électrique,  toujours  préfente,  fembte 
n  attendre  pour  agir  &  pour  produire  la  vertu 
magnétique ,  que  d’y  être  déterminée  par  la 
combinaifbn  des  moyens  de  l’art,  ou  parles 
combinaifons  plus  grandes  de  la  Nature;  &, 
malgré  fes  variations ,  le  magnétifme  eft 
encore  affujetti  à  la  loi  générale  qui  porte 
&  dirige  la  marche  du  fluide  éleCtrique  vers 
les  pôles  de  la  terre. 

Si  les  forces  magnétique  &  éleCtrique  étoient 
fimples  ,  comme  celle  de  la  gravitation  , 
elles  ne  produiroient  aucun  mouvement  com- 
pofé  ;  la  direction  en  feroit  toujours  droite, 
fans  déclinaifon  ni  inclinaifon,  &  tous  les 
effets  en  feroient  auffi  conftans  qu’ils  font 
variables. 

L’attraCtion ,  la  répulfion  de  l’aimant,  fon 
mouvement,  tant  en  déclinaifon  qu’en  incli¬ 
naifon,  démontrent  donc  que  l’effet  de  cette 
force  magnétique  eft  un  mouvement  com- 
pofé,  une  impulfion  différemment  dirigée; 
&  cette  force  magnétique  agiffant,  tantôt 
en  plus ,  tantôt  en  moins  ,  comme  la  forme 
éleCtrique,  &  fe  dirigeant  de  même  de  l’é¬ 
quateur  aux  deux  pôles  ,  pouvons-nous  dou¬ 
ter  que  le  magnétifme  ne  foit  une  modifica¬ 
tion,  une  affeCtion  particulière  de  I’éleCtri- 
cité ,  fans  laquelle  il  n’exifteroit  pas? 

Les  effets  de  cette  force  magnétique,  étant 
moins  généraux  que  ceux  de  l’éleCtricité, 
peuvent  montrer  plus  aifément  la  direction 
de  cette  force  éleCtrique.  Cette  direction, 
vers  les  pôles,  nous  eft  démontrée  en  effet 
par  celle  de  4’aiguille  aimantée,  qui  s’incline 
de  plus  en  plus,  &  en  fens  contraire,  vers 


1 88  Hifloire  naturelle'. 

les  pôles  terreftres.  Et  ce  qui  prouve  encore 

?|ue  le  magnétifme  n’eft  qu’un  effet  de  cette 
orce  électrique  ,  qui  s’étend  de  l’équateur 
aux  pôles  ,  c’eft  que  des  barres  de  fer  ou 
d’acier,  placées  dans  la  direction  de  ce  grand 
courant ,  acquièrent  ,  avec  le  temps  ,  une 
vertu  magnétique  plus  ou  moins  lenfible  , 
qu’elles  n’obtiennent  qu’avec  peine,  &  qu’elles 
ne  reçoivent  même  en  aucune  manière  , 
lorfqu’elles  font  fituées  dans  un  plan  trop 
éloigné  de  la  direction  ,  tant  en  déclinai  Ton 
qu’en  inclinaifon  ,  du  grand  courant  électri¬ 
que.  Ce  courant  général,  qui  part  de  l’équa¬ 
teur  pour  fe  rendre  aux  pôles,  eft  fouvent 
troublé  par  des  courans  particuliers,  dépen- 
dans  de  caufes  locales  &  accidentelles.  Lorf- 
que,  par  exemple,  le  fluide  éleCtrique  a  été 
accumulé  par  diverfes  circonftances  ,  dans 
certaines  portions  de  l’intérieur  du  globe,  il 
fe  porte  avec  plus  ou  moins  de  violence  , 
de  ces  parties  où  il  abonde  ,  vers  les  endroits 
où  il  manque.  11  produit  ainfi  des  foudres 
fouterraines  ,  des  commotions  plus  ou  moins 
fortes,  des  tremblemens  de  terre  plus  ou 
moins  étendus.  11  fe  forme  alors,  non-feule¬ 
ment  dans  l’intérieur,  mais  même  à  la  fur- 
face  des  terrains  remués  par  ces  fecouffes, 
un  courant  éleCtrique  qui  fuit  la  même  direc¬ 
tion  que  la  commotion  fouterraine ,  &  cettê 
force  accidentelle  fe  manifefte  par  la  vertu 
magnétique  que  reçoivent  des  barres  de  fer 
ou  d’acier,  placées  dans  le  même  fens  que 
ce  courant  partager  &  local.  L’aCtion  de 
cette  force  particulière  peut  être,  non- feule¬ 
ment  égale,  mais  même  fupérieure  à  celle 


Traité  de  V Aimant'.  189 

de  l’éle&ricité  générale  qui  va  de  l’équateur 
aux  pôles.  Si  l’on  place  en  effet  des  barres 
de  fer,  les  unes  dans  le  fens  du  courant 
général  de  l’équateur  aux  pôles  ,  &  les  autres 
dans  la  direction  du  courant  particulier  , 
dépendant  de  l’accumulation  du  fluide  élec¬ 
trique  dans  l’intérieur  du  globe  ,  &  qui  pro¬ 
duit  le  tremblement  de  terre  ;  ce  dernier 
courant,  dont  l’effet  eft  cependant  inflan- 
tané  &  11e  doit  guère  durer  plus  long- temps 
que  les  foudres  fouterraines  qui  les  produi¬ 
sent,  donne  la  vertu  magnétique  aux  barres 
qui  fe  trouvent  dans  fa  dire&ion ,  quelqu’an- 
gle  qu’elles  faffent  avec  le  méridien  magné¬ 
tique  ,  tandis  que  des  barres  entièrement 
femblables,  &  fituées  depuis  très  long-temps 
dans  le  fens  de  ce  méridien,  ne  préfentent 
aucun  figne  de  la  plus  foible  aimantation  (e  ). 


(  e  )  Ces  faits  ont  été  mis  hors  de  doute  par  des  expé¬ 
riences  qni  ont  été  faites  par  M.  de  Rozière,  Capitaine 
au  Corps-Royal  du  Génie.  >*  J’ai  placé,  dit  cet  habile 
Phyficien  ,  le  4  Juillet  1784 ,  dans  mon  cabinet ,  deux 
barres  d’acier  brut ,  telles  que  les  reçoivent  les  marchands 
Couteliers  pour  leur  travail,  chacune  de  deux  pieds  de 
longueur,  de  dix  lignes  de  largeur  Se  de  trois  lignes 
d’épaiflfeur  ,  fur  des  cordons  de  foie  ,  fufpendus  de 
manière  qu’elles  futTent  horizontales  Sc  élc  ignées  de 
fix  pieds  de  tous  les  corps  environnons ,  l’une  dans  b 
dire&ion  de  l’eft  à  l’oueft,  &  l’autre  dans'  le  méridien 
magnétique  ;  m’étant  alfuré  avant  d’ifoler  ces  barres  , 
comme  à  l’ordinaire  ,  qu’elles  n’avoient  aucune  vertu, 
magnétique ,  &  defirant  fa  voir  s’ii  feroit  polhlle ,  avec 


190  H'ijloire  naturelle 

Ce  dernier  fait,  qui  eft  important,  démontre 
le  rapport  immédiat  du  magnétifme  &  de 
l’éleéfricité ,  &  prouve  en  même  temps  que 
le  fluide  éleftrique  eft  non  -  feulement  la 
caufe  de  la  plupart  des  tremblemens  de  terre , 
mais  qu’il  produit  aufli  l’aimantation  de  tou¬ 
tes  les  matières  ferrugineufes  fur  lefquelles 
il  exerce  fon  aétion. 

Raflembiant  donc  tous  les  rapports  entre 
les  phénomènes ,  toutes  les  convenances  entre 


le  temps  &  les  procédés  (impies  que  je  viens  de  défi- 
gner ,  de  la  leur  faire  acquérir ,  j’ai ,  pour  cet  effet , 
répété  chaque  jour  les  expériences  nécelîaires  pour  m’en 
affurer,  fans  en  avoir  rien  découvert  de  nouveau,  que 
le  15  Oftobre  17S4,  jour  remarquable,  dans  lequel  je 
fus  fingulièrement  étonné  en  réitérant  les  expériences 
que  j’avois  faites  précédemment ,  &  même  ledit  jour , 
entre  huit  &  neuf  heures  du  matin ,  de  voir  la  barre 
placée  dans  la  'direftion  de  l’ed  à  l’oued ,  attirer  très 
fenfiblement ,  par  fes  deux  bouts ,  la  même  limaille  de 
fer  que  j’avois  depuis  long-temps  employée  fans  fuccès  ; 
voulant  alors  m’affurer  plus  particulièrement  de  ce  phé¬ 
nomène,  j’affayai  de  lui  préfenter  de  fines  aiguilles  d’acier, 
que  j’avois  vérifiées  n’avoir  aucune  des  propriétés  de  l’ai¬ 
mant  ;  elles  furent ,  ainfi  que  la  limaille ,  attirées  vifible- 
ment  ;  je  répétai  la  chofe  plufieurs  fois  de  fuite ,  en 
changeant  les  aiguilles  ;  malgré  cela  ,  j’obtins  condam¬ 
nant  le  même  réfultat ,  &  je  parvins  enfin  à  en  faire 
porter  de  très  légères  par  le  bout  de  la  barre,  tourné 
du  côté  de  l’oued  ;  le  bout  oppofé  me  parut  un  peu 
moins  fort;  mais  la  différence  étoit  fi  petite,  qu’il  falloi r 
apporter  la  plus  grande  attention  pour  s’en  appercevoir. 


Traité  de  V Aimant.  19 1 

les  principaux  effets  du  magnétifme  &  de 
l’éleftricité ,  il  me  femble  qu’on  ne  'peut  pas 
fe  refufer  à  croire  qu’ils  font  produits  par  une 
feule  &  même  caufe  ,  &  je  fuis  perfuadé  que 
fj  on  réfléchit  fur  la  théorie  que  je  viens  d’ex- 
pofer ,  on  en  reconnoîtra  clairement  l’identité. 
Simplifier  les  caufes ,  &  généralifer  les  effets , 
doit  être  le  but  du  Phyficien  ,  &  c’eft  aufli  tout 
ce  que  peut  le  génie  ,  aidé  de  l’expérience,  & 
guidé  par  les  obfervations. 


Depuis  cette  époque,  cette  barre  a  conftamment  confervé 
la  vertu  magnétique  qu’elle  pofsède  encore  aujourd’hui , 
6  Oflobre  1786,  au  même  degré  d’intenfité;  ce  dont  je 
juge  par  le  poids  qu’elle  foutient ,  &c.  &c. 

11  efl  nécefifaire  de  faire  obferver  que  le  bout  de  la 
barre  tourné  vers  l’oueft  ,  formoit  &  forme  encore  au¬ 
jourd’hui  le  pôle  boréal ,  &  celui  oppofé  le  pôle  auftral , 
ce  qui  efl  parrfaitement  démontré  par  les  pointes  qu’ils 
attirent  des  aiguilles  de  mes  boulToles.  Mais  ce  qu’il  eft 
fur-tout  edentiel  de  faire  remarquer ,  c’eft  que  la  barre , 
placée  dans  la  direftion  du  méridien  magnétique ,  eft 
abfolument  dans  le  même  état  que  le  premier  jour  où 
elle  a  été  mife  en  expérience,  c’eft-à-dire,  qu’elle  n’a 
pas  donné ,  jufqu’à  préfent ,  le  plus  léger  figne  qu’elle 
fût  devenue  magnétique  ;  ces  deux  barres  n’on  point  été 
déplacées  depuis  le  premier  jour  qu’elles  ont  été  mifes 
en  expérience. 

Le  15  Oftobre  1784,  à  midi  &  quelques  minutes, 
j’étois  occupé  à  écrire  dans  mon  cabinet,  fituéau  deuxième 
étage,  ayant  deux  fenêtres  du  côté  del’oueft,  qui  étoient 
ouvertes ,  ainû  qu’une  porte  placée  à  I’eft  ;  ce  qui  formoit 
dans  mon  cabinet  un  courant  d’air.  Le  vent  étoit  nord , 


içi  Hijloirt  naturelle'. 

Or,  nous  fommes  aujourd’hui  bien  afiurés 
que  le  globe  terreftre  a  une  chaleur  qui  lui  eft 
propre  ,  Si  qui  s’exhale  inceflamment  par  des 
émanations  perpendiculaires  à  fa  furface  ;  nous 
favons  que  ces  émanations  font  confiantes, 
très-abondantes  dans  les  régions  voifines  de 
l’équateur,  &  prefque  nulles  dans  les  climats 
froids.  Ne  doivent-elles  pas  dès-lors  fe  por¬ 
ter  de  l’équateur  aux  deux  pôles  par  des  cou- 
rans  oppolés  ?  &  comme  l’hémifphère  aufiral 


&  l’air  prefque  calme  ;  le  baromètre  à  27  pouces  4  lignes 
&  demie,  le  thermomèrre  à  10  degrés  au-deffus  du  terme 
de  la  congélation ,  le  ciel  ferein  ,  lorfque  j’entendis  un 
bruit  fourd ,  allez  femblable  à  celui  d’une  voiture  forte¬ 
ment  chargée ,  roulant  fur  le  pavé  ;  au  même  in  fiant ,  le 
plancher  fupérieur  de  mon  cabinet ,  &  celui  de  ma  chambre, 
craquèrent  avec  violence,  &  je  me  fends  balancer  deux 
ou  trois  fois  fur  ma  chaife  allez  rudement.  Je  puis  certi¬ 
fier,  par  la  manière  dont  j’étois  placé,  &  d’après  le  mou¬ 
vement  d’ofcillation  que  j’ai  éprouvé  ,  que  les  fecoulfcs  de 
ce  tremblement  de  terre  ont  duré  environ  trois  à  quatre 
fécondés ,  &  qu’eHes  fuivoient  la  dire&ion  de  l’ed  à  l’oued  ; 
ce  qui  d’ailleurs  m’a  été  confirmé  par  deux  autres  faits 
qui  fe  font  pafTés  fous  mes  yeux.  Il  ed  bon  d’obferver, 
que  les  derniers  jours  qui  ont  précédé  celui  du  tremble¬ 
ment  de  terre,  ont  été  beaux ,  le  vent  étant  au  nord  ;  que 
le  lendemain  dudit  jour,  il  y  eut  un  brouillard  très  eon- 
fidérable  ,  qui  fut  le  dernier  de  l’automne  ;  il  dura  plu- 
fieurs  heures  de  la  matinée,  après  quoi  le  temps  redevint 
ferein ,  6c  continua  ainfi  pendant  plufieurs  jours  ».  Extrait 
d’une  Lettre  de  Al.  de  Ro\ière  à  Al.  le  Comte  de  Buffon , 
du  14  Décembre  1786. 

efi 


Traité  de  l'Aimant'.  irj^ 

plus  refroidi  que  le  boréal ,  qu’il  préfente 
à  la  furface  une  plus  grande  étendue  de  plages 
glacées,  &  qu’il  eft  expofé  pendant  quelques 
jours  de  moins  à  l’aétion  du  foleil  (/),  les 
émanations  de  la  chaleur  ,  qui  forment  les 
courans  éleéfriques  &  magnétiques  ,  doivent 
s’y  porter  en  plus  grande  quantité  que  dans 
rhémifphère  boréal.  Les  pôles  magnétiques 
boréaux  du  globe  ,  font  dès-lors  moins  puiffans 
que  les  pôles  magnétiques  auftraux.  C’eft: 
l’oppolé  de  ce  qu’on  oblerve  dans  les  aimans, 
tant  naturels  qu’artificiels  ,  dont  le  pôle  boréal 
eft  plus  fort  que  le  pôle  auftral ,  ainfi  que  nous 
le  prouverons  dans  les  articles  fuivans  ;  & 
comme  c’eft  un  effet  confiant  du  magnérif'me  , 
que  les  pôles  femblables  fe  repoufl'ent ,  &  que 
les  pôles  différens  s’attirent,  il  n’ert  point  fur- 
prenant  que,  dans  quelque  hémifphère  qu’on 
tranfporte  l’aiguille  aimantée,  fon  pôle  nord 
fe  dirige  vers  le  pôle  boréal  du  globe,  dont  il 
diffère  par  la  quantité  de  fa  force,  quoiqu’il 
porte  le  même  nom  ,  &  qu’également  fon  pôle 
fud  fe  tourne  toujours  vers' je  pôle  auftral  de 
la  terre,  dont  la  force  diffère  auifi,  par  fa 
quantité,  de  celle  du  pôle  auftral  de  l'aiguille 
aimantée.  L’on  verra  donc  aifément  comment, 
par  une  fuite  de  l’inégalité  des  deux  courans 
ele&riques  ,  l’aiguille  aimantée,  qui  narque 
les  déclir.aifons  ,  fe  tourne  toujours  vers  le 
pôle  nord  du  globe,  dans  quelque  hémifphère 
qu’elle  foit  placée,  tandis  qu’au  contraire 


(/)  Voyez  les  Epoques  de  la  Nature, 
Minéraux.  Tome  IX. 


R 


jç4  Hijioire  naturelle . 

l’aiguille  qui  marque  l’inclinailon  de  l’aimanr , 
.s’incline  vers  le  nord  dans  Phémifphère  boréa’, 
ik  vers  le  pôle  fud  dans  l’hémifphère  auftrai, 
pour  obéir  à  la  force  générale  ,  qui  va  de 
l’équateur  aux  deux  pôles  terreftres ,  en  fui- 
vant  la  courbure  du  globe,  de  même  que  les 
particules  de  limaille  de  fer,  répandues  fur  un 
aimant ,  s’inclinent  vers  l’un  ou  l’autre  des 
deux  pôles  de  cet  aimant ,  fuivant  qu’elles  en 
font  plus  voifines,  ou  que  l’un  des  pôles  a 
plus  de  fupériorité  fur  l’autre.  Ces  phéno¬ 
mènes ,  dont  l’explication  a  toujours  paru 
difficile,  font  de  nouvelles  preuves  de  notre 
théorie ,  &  montrent  fa  liaifon  avec  les  grands 
faits  de  i’hiftoire  du  globe. 

Voilà  donc  les  deux  phénomènes  de  la  direc¬ 
tion  aux  pôles ,  &  de  l’inclinaifon  à  1  horizon  , 
ramenés  à  une  caufe  fimple,  dont  les  effets 
feroient  toujours  les  mêmes  fi  tous  les  êires 
organisés  ,  &  toutes  les  matières  brutes ,  rece- 
voient  également  les  influences  de  cette  force. 
Mais,  dans  les  êtres  vivans  ,  la  quantité  de 
l 'électricité  qu’ils  poffèdent ,  ou  qu’ils  peuvent 
recevoir,  efl  relative  à  leur  organifation  ;  & 
il  s’en  trouve  qui  ,  comme  la  torpille ,  non- 
feulement  la  reçoivent,  mais  femblent  l’attirer, 
au  point  de  former  une  fphère  particulière 
d’éle&ricité ,  combinée  avec  la  vertu  magné¬ 
tique  ;  comme  aufli ,  dans  les  matières  brutes, 
le  fer  fe  fait  une  fphère  particulière  d  eleftri- 
cité ,  à  laquelle  on  adonné  le  nom  de  magné* 
tifme;  &  enfin,  s’il  exiftoit  des  corps  aulïï 
électriques  que  la  torpille,  &  en  allez  grande 
quantité  pour  former  de  grandes  malles,  aulli 
tonfidérables  cjue  celles  des  mines  de  fer  en 


Traite  de  T  Aimant.  igj 

différens  endroits  du  globe,  n’eft-il  pas  plus 
que  probable,  que  le  cours  de  l’éleXricité 
générale  fe  fléchiroit  vers  ces  malles  éleXri- 
ques  ,  comme  elle  fe  fléchit  vers  les  grandes 
mafTes  ferrugineufes  qui  font  à  la  furface  du 
globe  ,  &  qu’elles  produiroient  les  inflexions 
de  cette  force  èleXrique  ou  magnétique ,  en 
la  déterminant  à  fe  porter  vers  ces  fphères 
particulières  d’attraXion,  comme  vers  autant 
de  pôles  éleXriques  plus  ou  moins  éloignés  des 
pôles  terreftres,  félon  le  giffement  des  conti- 
nens  &  la  fituation  de  ces  maffes  éleXriques? 

Et  comme  la  fituation  des  pôles  magnétiques 
peut  changer  &  change  réellement,  tant  par 
les  travaux  de  l’homme  ,  lefquels  peuvent 
enfouir  ou  découvrir  les  matières  ferrugi¬ 
neufes  ,  que  par  les  grands  mouvemens  de  la 
Nature  dans  les  tremblemens  de  terre  &  dans 
la  produXion  des  bafaltes  &  des  laves,  qui 
tous  font  magnétiques,  on  ne  doit  pas  être  fi 
fort  émerveillé  du  mouvement  de  l’aiguiiie 
aimantée  vers  l’oueft ,  ou  vers  l’eft;  car  fa 
direXion  doit  varier  &  changer ,  félon  qu’il 
fe  forme  de  nouvelles  chaînes  de  bafaltes  & 
ce  laves,  &  qu’il  fe  découvre  de  nouvelles 
mines,  dont  l’aXion  favorife  ou  contrarie 
celle  des  mines  plus  anciennes. 

Par  exemple,  la  déclinaifon  de  l’aiguille, 
à  Paris ,  étoit ,  en  1 580 ,  de  onze  degrés  a  l’eft. 
Le  pôle  magnétique,  c’eff-à-dire ,  les  maffes 
ferrugineufes  &  magnétiques  qui  le  formoient, 
étoient  donc  f-tuées  dans  le  nord  de  l’Europe  , 
&  peut-être  en  Sibérie;  mais  comme  depuis 
cette  année  1580  l’on  a  commencé  à  défricher 
quelques  terrains  dans  l'Amérique  feptentrio- 


JC) 6  Hijloire  naturelle. 

nie,  &  qu’on  a  découvert  &  travaillé  des 
mines  de  fer  en  Canada,  &  dans  plufieurs 
autres  parties  de  cette  région  de  l’Amérique, 
l’aiguille  s’eff  peu-à-peu  portée  vers  l’oueft, 
par  l’attraéiion  de  ces  mines  nouvelles,  plus 
puifiante  que  celle  des  anciennes;  &  ce  mou¬ 
vement  progrelfif  de  l’aiguille  pourroit  deve¬ 
nir  rétrograde,  s’il  fe  découvroit  dans  le  nord 
de  l’Europe  &  de  l’Afie  d'autres  grandes  mafles 
ferrugineufes ,  qui,  par  leur  expofmon  à  Pair 
&  leur  aimantation,  deviendraient  bientôt 
des  pôles  magnétiques  auiîi  &  peut  -  être  plus 
puiflans  que  celui  qui  détermine  aujourd’hui  la 
déclination  de  l’aiguille  vers  Je  nord  de  l’A¬ 
mérique ,  &  dont  l’exiitence  eft  prouvée  par 
les  obfervations. 

Parmi  ces  caufes  toutes  accidentelles,  qui 
doivent  faire  changer  la  direction  de  l’aimant , 
l’on  doit  compter  comme  l’une  des  plus  pail¬ 
lantes  ,  l’éruption  des  volcans,  &  les  torrens 
de  laves  &  de  bafaltes ,  dont  la  fubliance  ell 
toujours  mêlée  de  beaucoup  de  fer.  Ces  laves 
&  ces  bafaltes  occupent  fouveut  de  très- 
grandes  étendues  à  la  furface  de  la  terre  ,  & 
doivent  par  conféquent  influer  fur  la  direction 
de  l’aimant;  en  forte  qu’un  volcan  qui,  par 
fes  éjections,  produit  fou  vent  de  longues 
chaînes  de  collines  composées  de  laves  &  de 
bafaltes  ,  forme  ,  pour  ainfi  dire  ,  de  nouvelles 
mines  de  fer,  dont  l’aétion  doit  féconder  ou 
contrarier  l’effet  des  autres  mines  fur  la  direc¬ 
tion  de  l’aimant. 

Nous  pouvons  même  affurer  que  ces  bafaltes 
peuvent  former ,  non  feulement  de  nouvelles, 
mines  de  fer,  mais  auiîi  d#  véritables  malles 


Traite  Je  T  Aimant:  t<jj 

d'aimant,  car  leurs  colonnes  ont  Couvent  des 
pôles  bien  décidés  d’attraftion  &  de  répulfion. 
Par  exemple,  les  colonnades  de  bafalte  des 
bords  de  la  Volane,  près  de  Val  en  Vivarais  , 
ainfi  que  celles  de  la  montagne  de  Chenavari , 
près  de  Rochemaure  ,  qui  ont  plus  de  douze 
pieds  de  hauteur,  préfentent  plufieurs  colon¬ 
nes  douées  de  cette  vertu  magnétique ,  laquelle 
peut  leur  avoir  été  communiquée  par  les 
foudres  éleélriques ,  ou  par  le  magnétifme 
général  du  globe  (g). 

Il  en  eft  de  même  des  tremblements  de  terre  * 
&  des  bouleverfemeus  que  produifent  leurs 
mouvemens  fubits  &  défaftreux  ;  ce  font  les 
foudres  de  Péle&riciré  fouterraine ,  dont  les 
coups  frappent  &  foulèvent  par  fecouffes  de 
grandes  portions  de  terre,  &  dès-lors  toute  la 
matière  ferrugineufe ,  qui  Ce  trouve  dans  cette 
grande  étendue  ,  devient  magnétique  par  l’ac¬ 
tion  de  cette  foudre  éleélrique  ;  ce  qui  produit 
encore  de  nouvelles  mines  attirables  à  l’ai¬ 
mant,  dans  les  lieux  où  il  ri’exiftoit  auparavant 
que  du  fer  en  rouille,  en  ocre,  &  qui,  dans 
cet  état,  n’étoit  point  magnétique. 

Les  grands  incendies  des  forêts  produifent 
auffi  une  quantité  confidérable  de  matière  fer¬ 
rugineufe  &  magnétique.  La  plus  grande  partie 
des  terres  du  nouveau  monde  étoient,  non- 
feulement  couvertes  ,  mais  encore  encombrées 
de  bois  morts  ou  vivans,  auxquels  on  a  mis  le 
feu  pour  donner  du  jour,  &  rendre  la  terre 


(  g  )  Note  communiquée  par  M.  Faujas  de  Saint-Fond. 

R  3 


198  Hlftoirt  naturelle. 

fufceptible  de  culture.  Et  c’eft  fur-tout  dans 
l’Amérique  feptentrionale  que  l’on  a  brûlé, 
&  que  l’on  brûle  encore  ces  immenfes  forêts 
dans  une  vafte  étendue;  &  cette  caufe  parti¬ 
culière  peut  avoir  influé  fur  la  déclinaiion  vers 
l’oueft ,  de  l’aimant  en  Europe. 

On  ne  doit  donc  regarder  la  déclinaifon  de 
l’aimant  que  comme  un  effet  purement  acci¬ 
dentel,  &  le  magnétifme  comme  un  produit 
particulier  de  l’éle&ricité  du  globe.  Nous 
allons  expofer  en  détail  tous  les  faits  qui  ont 
rapport  aux  phénomènes  de  l’aimant,  &  l’on 
verra  qu’aucun  ne  démentira  la  vérité  de  cette 
allèrtion. 


Traité  de  V Aimant. 


199 


ARTICLE  II. 

De  la  nature  &  de  la  formation  de  l'Aimant . 

L’aimant  n’eft  qu’un  minéral  ferrugineux, 
qui  a  fubi  l’aéfion  du  feu,  &  enfuite  a  reçu, 
par  l’électricité  générale  du  globe  terreftre  , 
fon  magnétifme  particulier.  L’aimant  primor¬ 
dial  eft  une  mine  de  fer  en  roche  vitreufe  ,  qui 
ne  diffère  des  autres  mines  de  fer  produites 
par  le  feu  primitif,  qu’en  ce  qu’elle  attire  puif- 
famment  les  autres  matières  ferrugineufes  , 
qui  ont  de  même  fubi  Paélion  du  feu.  Ces  mines 
de  l’aimant  primordial ,  font  moins  fufibles  que 
les  autres  mines  primitives  de  fer;  elles  ap¬ 
prochent  de  la  nature  du  régule  de  ce  métal  ,*& 
c’eft  par  cette  raifon  qu’elles  font  plus  diffi¬ 
ciles  à  fondre  ;  l’aimant  primordial  a  donc 
fouffert  une  plus  violente  ou  plus  longue  im  • 
preffion  du  feu  primitif,  que  les  autres  mines 
de  fer,  &  il  a  en  même- tems  acquis  la  vertu 
magnétique  par  l’aéfion  de  la  force,  qui ,  dès 
le  commencement,  a  produit  l’éle&ricité  du 
globe. 

Cet  aimant  de  première  formation  a  commu¬ 
niqué  fa  vertu  aux  matières  ferrugineufes  qui 
l’environnoient  ;  il  a  même  formé  de  nouveaux 
aimans,  par  le  mélange  de  fes  débris  avec 
d’autres  matières,  &  ces  aimans  de  fécondé 
formation  ne  font  auffi  que  des  minéraux  fer¬ 
rugineux,  provenans  des  détrimens  du  fer  en 


aôO  Hîjloïre  naturelle 

état  métallique ,  &  qui  font  devenus  magné¬ 
tiques  par  la  feule  expofition  à  l’aéHon  de 
l'électricité  générale.  Et  comme  le  fer  qui 
demeure  long  -  tems  dans  la  même  fituation 
acquiert  toutes  les  propriétés  du  véritable 
aimant,  ou  peut  dire  que  l’aimant  &  le  fe«r  ne 
font  au  fonds  que  la  même  fubftance  ,  qui  peut 
également  prendre  du  magnétifme  à  l’exclufion 
de  toutes  les  autres  matières  minérales,  puif- 
que  cette  même  propriété  magnétique  ne  fe 
trouve  dans  aucun  autre  métal ,  ni  dans  au¬ 
cune  autre  matière  vitreufe  ou  calcaire.  L’ai¬ 
mant  de  première  formation  eft  une  fonte  ou 
régule  de  fer,  mêlé  d’une  matière  vitreufe, 
pareille  à  celle  des  autres  mines  primordiales 
de  fer;  mais ,  dans  les  aimans  de  fécondé  for¬ 
mation  ,  il  s’en  trouve  dont  la  matière  pier- 
reufe  eft  calcaire  ou  mélangée  d’autres  fubf- 
tances  hétérogènes.  Ces  aimans  fecondaires 
varient  plus  que  les  premiers ,  par  la  couleur , 
la  pefanteur ,  &  par  la  quantité  de  force  ma-, 
gnétique. 

Mais  cette  matière  vitreufe  ou  calcaire  des 
différentes  pierres  d’aimant,  n’eft  nullement 
fufceptible  de  magnétifme,  &  ce  n’eft  qu’aux 
parties  ferrugineuses  contenues  dans  ces  pier¬ 
res ,  qu’on  doit  attribuer  cette  propriété;  & 
dans  toute  pierre  d’aimant,  vitreufe  ou  cal¬ 
caire,  la  force  magnétique  eft  d’autant  plus 
g  ande,  que  la  pierre  contient  plus  de  parties 
ferrugineufes  fous  le  même  volume  ,  en  forte 
que  les  meilleurs  aimans  font  ceux  qui  font 
les  plus  pefans  :  c’eft  par  cette  raifon  qu’on 
peut  donner  au  fer ,  &  mieux  encore  à  l’acier , 
comme  plus  pefant  que  le  fer,  une  force  ma- 


201 


Traité  de  V  Aimant. 

gnètique  encore  plus  grande  que  celle  de  la 
pierre  d’aimant ,  parce  que  l’acier  ne  contient 
que  peu  ou  point  de  particules  rerreufes,  & 
qu’il  eft  prefqu’uniquement  compofé  de  par¬ 
ties  ferrugineufes  réunies  enlemble  fous  le 
plus  petit  volume,  c’eft-à-dire,  d’auffi  près 
qu’il  eft  poflible. 

Ce  qui  démontre  l’affinité  générale  entre  le 
magnétifme  &  toutes  les  mines  de  fer  qui  ont 
fubi  l’aftion  du  feu  primitif,  c’eft  que  toutes 
ces  mines  font  attirables  à  l’aimant ,  que  réci¬ 
proquement  elles  attirent,  au  lieu  que  les 
mines  de  fer  en  rouille  ,  en  ocre  &  en  grains  , 
formées  poftérieurement  par  l’intermède  de 
l’eau  ,  ont  perdu  cette  propriété  magnétique, 
&  ne  la  reprennent  qu’après  avoir  fubi  de 
nouveau  l’aétion  du  feu.  Il  en  eft  de  même  de 
tour  nos  fers  &  de  nos  aciers  ;  c’eft  parce  qu’ils 
ont,  comme  les  mines  primitives ,  fubi  l’a&ion 
d’un  feu  violent,  qu’ils  font  attirables  à  l’ai¬ 
mant.  Us  ont  donc,  comme  les  mines  primor¬ 
diales  de  fer,  un  magnétifme  paffif  que  l'on 
peut  rendre  aétif,  foit  par  le  contact  de  l’ai¬ 
mant,  foit  par  la  fimple  expofition  à  l’impref- 
fion  de  l’éleftricité  générale. 

Pour  bien  entendre  comment  s’eft  opérée 
la  formation  des  premiers  aimans ,  il  fuffit  de 
confidérer  que  toute  matière  ferrugineufe  qui 
a  fubi  l’a&ion  du  feu  ,  &  qui  demeure  quelque 
temps  expofée  à  l'air  dans  la  même  fituation, 
acquiert  le  magnétifme  &  devient  un  véritable 
aimant;  ainfi,  dès  les  premiers  tems  de  l’é- 
tabliflemenr  des  mines  primordiales  de  fer, 
toutes  les  parties  extérieures  de  ces  maffies, 
qui  étoient  expofées  à  l’air  &  qui  font  demeu- 


2.0 ï  Hijlo'ire  naturelle'. 

rées  dans  la  même  fituation ,  auront  reçu  la 
vertu  magnétique  par  la  caufe  générale  qui 
produit  le  magnétifme  du  globe,  tandis  que 
toutes  les  parties  de  ces  mêmes  mines  qui 
n’étoient  pas  expofees  à  l’a&ion  de  l’atmof- 
phère,  n’ont  point  acquis  cette  vertu  magné¬ 
tique;  il  s’eft  donc  formé  dès-lors,  &  il  peut 
encore  fe  former  des  aimans  fur  les  fommets 
&  les  faces  découvertes  des  mines  de  fer,  6c 
dans  toutes  les  parties  de  ces  mines  qui  font 
expofées  à  l’a&ion  de  l’atmofphère. 

Ainfi ,  les  mines  d’aimant  ne  font  que  des 
mines  de  fer  qui  fe  font  aimantées  par  l’aélion 
de  l’éleftricité  générale;  elles  ne  font  pas  à 
beaucoup  près  en  aufîi  grandes  malles  que 
celles  de  fer,  parce  qu’il  n’y  a  que  les  parties 
découvertes  de  ces  mines  qui  aient  pu  recevoir 
la  vertu  magnétique;  les  mines  d’aimant  ne 
doivent  donc  fe  trouver,  Si  ne  fe  trouvent  en 
effet  que  dans  les  parties  les  plus  extérieures 
de  ces  mines  primordiales  de  fer,  Si  jamais  à 
de  grandes  profondeurs ,  à  moins  que  ces  mines 
n’aient  été  excavées ,  ou  qu’elles  ne  foient 
voifines  de  quelques  cavernes  ,  dans  lefquelles 
les  influences  de  l’atmofphère  auroient  pu 
produire  le  même  effet  que  fur  le  fommet  ou 
furies  faces  découvertes  de  ces  mines  primi¬ 
tives. 

Maintenant  on  ne  peut  douter  que  le  ma¬ 
gnétifme  général  du  globe  ne  forme  deux  cou- 
ransj  dont  l'un  fe  porte  de  l’équateur  au  nord. 
Si  l’autre  en  fens  contraire  de  l’équateur  au 
fud;  la  dire&ion  de  ces  courans  eft  fujette  à 
variation  ,  tant  pour  les  lieux  que  pour  le  tems, 
&  ces  variations  proviennent  des  inflexions 


Traité  de  T'Aimant.  203 

du  courant  de  la  force  magnétique  ,  qui  fuit  le 
gifTernenr  des  matières  ferrugineufes ,  &  qui 
change  à  mefure  qu’elles  le  découvrent  à  l’air 
ou  qu’elles  s’enfotiifi'ent  par  l'affairement  des 
cavernes ,  par  l’effet  des  volcans  ,  des  tremble- 
mens  de  terre ,  ou  de  quelque  autre  caufe  qui 
change  leur  expofition;  elles  acquièrent  donc 
ou  perdent  la  vertu  magnétique  parce  change¬ 
ment  de  pofition,  &  dès-lors  la  direêtion  de 
cette  force  doit  varier,  &  tendre  vers  ces 
mines  ferrugineufes  nouvellement  découver¬ 
tes,  en  s’éloignant  de  celles  qui  fe  font  en¬ 
foncées. 

Les  variations  dans  la  dire&ion  de  l’aimant, 
démontrent  que  les  pôles  magnétiques  ne  font 
pas  les  mêmes  que  les  pôles  du  globe,  quoi- 
qu’en  général  la  direction  de  la  force  qui  pro¬ 
duit  le  magnétifme ,  tende  de  l’équateur  aux 
deux  pôles  terreftres.  Les  matières  ferrugi¬ 
neufes  qui  feules  peuvent  recevoir  du  cou¬ 
rant  de  cette  force  les  propriétés  de  l’aimant , 
forment  des  pôles  particuliers  félon  le  gifle- 
ment  local,  &  la  quantité  plus  ou  moins 
grande  des  mines  d’aimant  &  de  fer. 

L’aimant  primordial  n’a  pas  acquis  au  même 
inftant  fon  attraéfion  &  fa  direction  ;  car  le  fer 
reçoit  d’abord  la  force  attra&ive  ,  &  ne  prend 
des  pôles  qu’en  plus  ou  moins  de  tems ,  fuivant 
fa  pofition  &  félon  la  proportion  de  fes  dimen- 
fions.  Il  paroît  donc  que  ,  dès  le  tems  de 
l’établiffement  &  de  la  formation  des  premières 
mines  de  fer  par  le  feu  primitif,  lesparties  ex- 
pofées  à  l’aétion  de  l’atmofphère  ont  reça 
d’abord  la  force  attra&ive  ,  &  ont  pris  enfuite 
des  pôles  fixes ,  &  acquis  la  puiffance  de  fe 


164  Hifiùlre  naturelle'. 

diriger  vers  les  parties  polaires  du  globe.  Ce9 
premiers  aimans  ont  certainement  confervé 
ces  forces  attraéfives  &  directives  ,  quoiqu’el¬ 
les  agifl'ent  fans  ceffe  au- dehors ,  ce  qui  femble- 
roit  devoir  les  épuifer  ;  mais  au  contraire  elles 
le  communiquent  de  l’aimant  au  fer,  fans 
fouffrir  aucune  perte  ni  diminution. 

Plulieurs  Phyficiens,  qui  ont  traité  de  la 
rature  de  l’aimant  ,  fe  font  perfuadés  qu’il 
circuloit  dans  l’aimant  une  matière  qui  en  for- 
toit  incefTamment  après  y  être  entrée  ,  &  en 
avoir  pénétré  la  fubftance.  Le  célèbre  géo¬ 
mètre  Euler,  &  plufieurs  autres  (  a  ) ,  voulant 
expliquer  mécaniquement  les  phénomènes  ma¬ 
gnétiques  ,  ont  adopté  l’hypothèfe  de  Def- 
cartes ,  qui  fuppofe  dans  la  fubftance  de  l’ai¬ 
mant  des  conduits  &  des  pores  fi  étroits ,  qu’ils 
ne  font  perméables  qu’à  cette  matière  magné¬ 
tique  ,  félon  eux ,  plus  fubtilc  que  toute  autre 
matière  fubtile  ;  &,  félon  eux  encore,  ces 
pores  de  l’aimant  &  du  fer  font  garnis  de  petites 


(<j)  Je  voudrais  excepter  de  ce  nombre  Daniel  Bernoulli, 
homme  d’un  efprit  excellent  ;  »  je  me  fens ,  dit-il ,  de  la 
répugnance  à  croire  que  la  Nature  ait  formé  cette  matière 
cannelée  ,  &  ces  conduits  magnétiques  qui  ont  été  ima¬ 
ginés  par  quelques  Phyficiens  ,  uniquement  pour  nous 
donner  le  fpeftacle  des  différons  jeux  de  l’aimant. . .  » 
Néanmoins  ce  grand  Mathématicien  rapporte  ,  comme  les 
autres,  à  des  caufes  mécaniques,  les  effets  de  l’aimant j 
fes  hypothèfes  font  feulement  plus  générales  &  niçois 
multipliées.  Voye ^  les  Pièces  qui  ont  remporte  le  prix  de 
l'Académie  des  Sciences ,  année  1746* 


Traité  de  L'Aimant.  205 

foupapes,  de  filets  ou  de  poils  mobiles,  qui 
tantôt  obéiffent,  &  tantôt  s’oppofent  au  cou¬ 
rant  de  cette  matière  ii  fubtile.  Ils  fe  font 
efforcés  de  faire  cadrer  les  phénomènes  du 
magnétifme  avec  ces  fuppofitions  ,  peu  na-, 
turelles  &  plus  que  précaires  ,  fans  faire  atten¬ 
tion  que  leur  opinion  n’eft  fondée  que  fur  la 
fauffe  idée  qu’il  eft  poifible  d’expliquer  méca¬ 
niquement  tous  les  effets  des  forces  de  la 
Nature.  Euler  a  même  cru  pouvoir  démontrer 
la  cauüe  de  l’attraélton  univerfelle,  par  l’ac¬ 
tion  du  même  fluide  qui,  félon  lui,  produit 
le  magnétifme.  Cette  prétention  ,  quoique 
vaine  &  mal  conçue  ,  n’a  pas  laiffé  de  prévaloir 
dans  l’efprit  de  quelques  Phyficiens;  &  cepen¬ 
dant,  fi  l’on  confidère  fans  préjugé  la  Nature 
&  fes  effets  ,  Si  fi  l’on  réfléchit  fur  les  forces 
d’attraéVion  Si  d’impulfion  qui  l’animent,  on 
reconnoîtra  que  leurs  caufes  ne  peuvent  ni 
s’expliquer,  ni  même  fe  concevoir  par  cette 
mécanique  matérielle  ,  qui  n’admet  que  ce  qui 
tombe  fous  nos  fens.  Si  rejette,  en  quelque 
forte,  ce  qui  n’eft  apperçu  que  par  l’efprit  ;  Si 
de  fait,  l’aélion  de  la  pefanteur  ou  de  l’attrac¬ 
tion  ,  peut-elle  fe  rapporter  à  des  effets  méca¬ 
niques,  Si  s’expliquer  par  des  caufes  fecon- 
daires,  puifque  cette  attra&ion  eft  une  force 
générale  ,  une  propriété  primitive ,  Si  un 
attribut  eflentiel  de  toute  matière  ?  Ne  fuffit- 
il  pas  de  favoir  que  toute  matière  s’attire.  Si 
que  cette  force  s’exerce,  non-feulement  dans 
toutes  les  parties  de  la  maffe  du  globe  terreftre, 
mais  s’étend  même  depuis  le  foleil  jufqu’aux 
corps  les  plus  éloignés  dans  notre  univers, 
pour  être  convaincu  quç  la  caufe  de  ce^ç 


ao 6  Hiflolre  naturelle. 

attraélion  ne  peut  nous  être  connue,  puifque 
ion  effet  étant  umverfel,  &  s’exerçant  géné¬ 
ralement  dans  toute  matière,  cette  caufe  ne 
nous  offre  aucune  différence  ,  aucun  point  de 
comparaison  ,  ni  par  conléquent  aucun  indice 
de  connoiffance  ,  aucun  moyen  d’explication  ? 
En  Te  (ouvenant  donc  que  nous  ne  pouvons 
rien  juger  que  par  comparaiion  ,  nous  verrons 
clairement  qu’il  eft  ,  non-feulement  vain  ,  mais 
abfurde ,  de  vouloir  rechercher  &  expliquer 
la  caufe  d’un  effet  général  &  commun  à  toute 
matière  ,  tel  que  l’attraéïion  universelle  ,  & 
qu’on  doit  fe  borner  à  regarder  cet  effet  géné¬ 
ral  comme  une  vraie  caufe  à  laquelle  on  doit 
rapporter  les  autres  forces ,  en  comparant  leurs 
différens  effets  ;  &  fi  nous  comparons  l’attrac¬ 
tion  magnétique  à  l’attra&ion  univerfelle, 
nous  verrons  qu’elles  diffèrent  très- effentiel- 
lement.  L’aimant  eft ,  comme  toute  autre 
matière,  fujetaux  loix  de  l’attraftion  générale, 
&  en  même-tems  il  lemble  poffeder  une  force 
attra&ive  particulière ,  &  qui  ne  s’exerce 
que  fur  le  fer  ou  fur  un  autre  aimant  ;  or  nous 
avons  démontré  que  cette  force,  qui  nous 
paroît  attra&ive,  n’eft  dans  le  réel  qu’une 
force  impulfive ,  dont  la  caufe  &  les  effets  lont 
tous  différens  de  l’attraélion  univerfelle. 

Dans  le  fyftème  adopté  par  la  plupart  des 
Phyficiens ,  on  fuppofe  un  grand  tourbillon 
de  matière  magnétique  ,  circulant  autour  du 
globe  terreftre ,  &  de  petits  tourbillons  de 
cette  matière,  qui,  non-feulement  circule 
d’un  pôle  à  l’autre  de  chaque  aimant ,  mais 
entre  dans  leur  fubflance  ,  &  en  iort  pour 
y  rentrer.  Dans  la  Phyfique  de  Delcartes, 


Traité  de  V Aimant.  207 

tout  étoit  tourbillon,  tout  s'expliquent  par 
des  mouvemens  circulaires  &  des  impulfions 
tourbillonnantes;  mais  ces  tourbillons,  qui 
remplifloient  l’univers,  ont  difparu  ;  il  ne 
refte  que  ceux  de  la  matière  magnétique 
dans  la  tête  de  ces  Phyficiens.  Cependant 
l’exiftence  derces  tourbillons  magnétiques  eft 
auffi  peu  fondée  que  celle  des  touibillons 
planétaires;  &  on  peut  démontrer,  par  plu- 
fieurs  faits  (b),  que  la  force  magnétique  ne 
fe  meut  pas  en  tourbillon  autour  du  globe 
terreftre  ,  non  plus  qu’autour  de  l’aimant. 

La  vertu  magnétique,  que  l’aimant  pofsède 
éminemment,  peut  de  même  appartenir  au 
fer ,  puifque  l’aimant  la  lui  communique  par 
le  fimple  contaél ,  &  que  même  le  fer  l’ac¬ 
quiert  fans  ce  fecours ,  lorfqu’il  eft  expofé 
aux  impreflïons  de  l’atmofphère  ;  le  fer 
devient  alors  un  véritable  aimant,  s’il  refte 
long-temps  dans  la  même  fituation  ;  de  plus. 


(  b  )  L’un  de  nos  favans  Académiciens ,  M.  le  Monnier, 
qui  s’eft  occupé  des  phénomènes  de  l’aimant ,  a  fait  plu- 
fieurs  expériences  pour  démontrer  le  peu  de  fondement 
de  cette  hypothèfe  des  tourbillons  autour  de  l’aimant  II 
a  mis  fur  un  carton  deux  aimans,  dont  les  pôles  de 
différens  noms  étoient  voilins  ;  en  ce  cas,  félon  le  fyf- 
tème  commun  ,  les  deux  tourbillons  magnétiques  doivent 
s’ètre  réunis  en  un  feul ,  &  par  conféquent  il  ne  devroit 
fe  former  fur  la  limaille  du  carton  que  deux  vides  répon¬ 
dant  aux  deux  pôles ,  mais  le  fait  eft  qu’il  fe  forme  tou¬ 
jours  quatre  vides ,  ce  qui  démontré  que  les  deux  tour¬ 
billons  ne  font  pas  confondus ,  Sc  que  la  matière  magné-. 


10g  Hljloire  naturelle . 

il  s’aimante  aïïez  fortement  par  la  percnlïïon; 
par  le  frottement  de  la  lime,  ou  feulement 
en  le  pliant  &  repliant  plufieurs  fois;  mais  ces 
derniers  moyens  ne  donnent  au  fer  qu’un 
magnétifms  paffager,  &  ce  métal  ne  con- 
ferve  la  vertu  magnétique,  que  quand  il  l’a 
empruntée  de  l’aimant,  ou  bien  acquife  par 
une  expofition  à  l’a&ion  de  l’éle&ricité  géné¬ 
rale  pendant  un  temps  afiez  long  pour  pren¬ 
dre  des  pôles  fixes  dans  une  direftion  déter¬ 
minée. 

Lorfque  le  fer,  tenu  long- temps  dans  la 
même  fituation  ,  acquiert  de  lui*  même  la 
vertu  magnétique  ,  qu’il  la  conferve,  &  qu  il 
peut  même  la  communiquer  à  d’autres  fers  , 
tomme  le  fait  l’aimant,  doit- on  fe  refufer 
à  croire  que,  dans  les  mines  primitives,  les 
parties  qui  fe  font  trouvées  expofées  à  ces 
mêmes  impreiîions  de  l’atmofphère ,  ne  foient 
pas  celles  qui  ont  acquis  la  vertu  magnéti- 


tique  ne  paffe  pas  d’un  aunant  à  l’autre  ...  &  certainement 
s’il  y  a  un  tourbillon  ,  il  s’étend  bien  à  deux  ou  trois 
lignes  de  la  pierre.  Cependant ,  que  l’on  aimante  une 
aiguille  de  boulfole  ,  en  la  faifant  couler  a  l'ordinaire  fur 
la  pierre,  & ,  en  même  temps,  en  lui  faifant  toucher 
les  deux  boutons  de  l’armure ,  ou  en  la  tenant  éloignée 
de  ces  boutons  de  deux  ou  trois  lignes  feulement ,  elle 
prendra ,  dans  les  deux  cas  ,  deux  directions  diamétrale¬ 
ment  oppofées ,  tout  le  rc-ftc  voyant  été  parfaitement  égal  : 
la  même  extrémité  de  l’aiguille  qui  fe  tourueroit  au  nord  , 
fe  tournera  au  fud ,  &.C.  Hifloire  de  l'Académie  des  Sciences  , 
année  1733  »  Pa2<s  *5  &  *6. 

que  ? 


Traité  de  T  Aimant.  209 

que?&  que  par  conféquent  routes  les  pierres 
d’aimant  qui  ne  forment  que  de  petits  blocs 
en  comparaifon  des  montagmes  &  des  autres 
maffes  de  mines  primordiales  de  fer,  étoient 
aulli  les  feules  parties  expofées  à  cette 
action  extérieure,  qui  leur  a  donné  les  pro¬ 
priétés  magnétiques.  Rien  ne  s’oppofe  à  cette 
vue,  ou  plutôt  à  ce  fait;  car  la  pierre  d’ai¬ 
mant  eft  certainement  une  matière  ferrugi- 
neufe  ,  moins  fufible  à  la  vérité  que  la 
plupart  des  autres  mines  de  fer;  &  cette 
derniere  propriété  indique  feulement  qu’il  a 
fallu  peut-être  Je  concours  de  deux  circonf- 
tances,  pour  la  produélion  de  ces  aimans 
primitifs,  dont  la  première  a  été  la  fituation 
&  l’expofition  confiante  à  l’impreffion  du 
magnétifme  général;  &  la  fécondé,  une  qua¬ 
lité  différente  dans  la  matière  ferrugineufe , 
qui  compofe  la  fubflance  de  l’aimant.  Caria 
mine  d’aimant  n’efl  plus  difficile  à  fondre 
que  les  autres  mines  de  fer  en  roche,  que 
par\ette  différence  de  qualité  ;  l’aimant  pri¬ 
mordial  approche,  comme  nous  l’avons  dit, 
de  la  nature  du  régule  de  fer ,  qui  eft  bien 
moins  fufible  que  fa  mine.  Ainfi,  cet  aimant 
primitif  eft  une  mine  de  fer  qui  ,  ayant  fubi 
une  plus  forte  aélion  du  feu  que  les  autres 
mines  ,  eft  devenue  moins  fufible  ;  &  en 
effet,  les  mines  d’aimant  ne  fe  trouvent  pas  , 
comme  les  autres  mines  de  fer,  par  grandes 
maffes  continues  ,  mais  par  petits  blocs  pla¬ 
cés  à  la  fui  face  de  ces  mêmes  ruines,  où  le 
feu  primitif,  animé  par  l’air,  étoitplus  aélif 
que  dans  leur  intérieur. 

Ces  blocs  d’aimant  font  plus  ou  moins 

Minéraux.  Tome.  IX »  & 


2iO  Hiflolre  naturelle". 

gros  ,  &  communément  féparés  les  uns  des 
autres;  chacun  a  fa  fphère  particulière  d’at- 
tra&ion,  &  Tes  pôles,  &  puifque  le  fer  peut 
acquérir  de  lui- même  toutes  ces  propriétés 
dans  les  mêmes  circonftances ,  ne  doit  -  on 
pas  en  conclure  que,  dans  les  mines  primor¬ 
diales  de  fer  ,  les  parties  qui  étoient  expofées 
au  feu  plus  vif  que  l’air  excitoit  à  la  (urface 
du  globe  en  incandefcence  ,  auront  fubi  une 
plus  violente  aétion  de  ce  feu ,  &  fe  feront 
en  même-temps  divifées,  fendues,  féparées, 
&  qu’elles  auront  acquis  d’elles-mémes  cette 
puiffance  magnétique ,  qui  ne  diminue  ni  ne 
s’épuife  ,  &  demeure  toujours  la  même  , 
parce  qu’elle  dépend  d’une  caufe  extérieure, 
toujours  fubfiftante  &  toujours  agiffante? 

La  formation  des  premiers  aimans  me  parcît 
doncbien  démontrée,  mais  la  caufe  première 
du  magnétifme  en  général  ,  n’en  étoit  pas 
mieux  connue.  Pour  deviner,  ou  même  foup- 
çonner  quelles  peuvent  être  la  caufe  ouïes 
caufes  d’un  effet  particulier  de  la  Nature  , 
tel  que  le  magnétifme,  il  falloit  auparavant 
confidérer  les  phénomènes,  en  expofanr  tous 
les  faits  acquis  par  l’expérience  &  l’obferva- 
tion.  Il  falloit  les  comparer  entre  eux,  & 
avec  d’autres  fait  s  analogues,  afin  de  pou¬ 
voir  tirer  du  réfultat  de  ces  comparailons  , 
les  lumières  qui  dévoient  nous  guider  dans 
la  recherche  des  caufes  inconnues  &  cachées; 
c’eft  la  feule  route  que  l’on  doive  prendre 
&  fuivre,  puifque  ce  n’eft  que  fur  des  faits, 
bien  avérés  ,  bien  entendus  ,  qu’on  peut 
établir  des  raifonnemens  folides;  &  plus  ces 
faits  feront  multipliés  ,  plus  il  deviendra 


Traite  de  V Aimant'.  2 1  ï 

pofîîble  d’en  tirer  des  indu&ions  plaufibles  » 
&  de  les  réunir  pour  en  faire  la  bafe  d’une 
théorie  bien  fondée,  telle  que  nous  paroît 
être  celle  que  j’ai  préfentée  dans  le  premier 
chapitre  de  ce  traité. 

Mais  comme  les  faits  particuliers  qu’il  nous 
relie  à  expofer  ,  font  auffi  nombreux  que 
finguliers,  qu’ils  paroifTent  quelquefois  oppo- 
fés  ou  contraires  ,  nous  commencerons  par 
les  phénomènes  qui  ont  rapport  à  l’attrac¬ 
tion  ou  à  la  répulfion  de  l’aimant,  &  enfuite 
nous  expoferons  ceux  qui  nous  indiquent  (a 
direction  avec  fes  variations  ,  tant  en  décli- 
naifon  qu’en  iridinaifon  ;  chacune  de  ces 
grandes  propriétés  de  l’aimanr  doit  être  con¬ 
sidérée  en  particulier ,  &  d’autant  plus  atten¬ 
tivement,  qu’elles  paroiffent  moins  dépen¬ 
dantes  les  unes  des  autres,  &  qu’en  ne  les 
jugeant  que  par  les  apparences,  leurs  effets 
fembleroient  provenir  de  caufes  différentes. 

Au  refle  ,  fi  nous  recherchons  le  temps 
où  l’aimant  &  fes  propriétés  ont  commencé 
d’être  connus ,  ainfi  que  les  lieux  où  ce 
minéral  fe  trouvoit  anciennement  ,  nous 
verrons  ,  par  le  témoignage  de  Théophrafte , 
que  l’aimant  étoit  rare  chez  les  Grecs  ,  qui 
ne  lui  connoiffoient  d’autre  propriété  que 
celle  d’attirer  le  fer;  mais  du  temps  de  Pline, 
c’eft-à-  dire  ,  trois  fîècles  après  ,  l’aimant 
étoit  devenu  plus  commun  ,  &  aujourd’hui 
il  s’en  trouve  plufieurs  mines  dans  les  terres 
voifines  de  la  Grèce,  ainfi  qu’en  Italie, 
part  culiérement  à  l’isle  d’Elbe.  On  doit  donc 
préfumer  que  la  plupart  des  mines  de  ces 
contrées  ont  acquis,  depuis  le  temps  de 


212  Hîfloîre  naturelle'. 

Th.éophrafte  ,  leur  vertu  magnétique  à  mefuref 
qu’elles  ont  été  découvertes,  <oit  par  des 
effets  de  Nature  ,  foit  par  le  travail  des 
hommes  ou  par  le  feu  des  volcans. 

On  trouve  de  même  des  mines  d’aimant 
dans  prelque  toutes  les  parties  du  monde  , 
furtout  dans  les  pays  du  nord,  où  il  y  a 
beaucoup  plus  de  mines  primordiales  de  ter, 
que  dans  les  autres  régions  de  la  terre.  Nous 
avons  donné  ci-devant  la  defeription  des 
mines  aimantées  de  Sibérie  (c)  &  l’on  fait 
que  l’aimant  eft  fi  commun  en  Suède  &  en 
Norwège,  qu'on  en  fait  un  commerce  affez 
confidérable  (  </). 

Les  Voyageurs  nous  affurent  qu’en  Afie 
il  y  a  de  bonsaimans  au  Bengale,  à  Siam  (e).. 


(  c  )  Voyez  les  Supplémens  à  cette  Hiftoire  Naturelle , 
tome  V,  in- 4°.  page  531  <S-  fuiv. 

(</)  La  pierre  d'aimant  eft  en  fi  grande  quantité  en 
Norwège  &  en  Suède ,  qu’on  l’envoie  par  tonneaux  hors 
du  pays.  Pont-oppidam  ,  Journal  étranger ,  mois  de  Septembre 

1755  »  PaSe  2I3- 

(  c  )  Il  y  a  deux  mines  d’aimant  dans  le  Royaume  de 
Siam.  . . .  Ces  mines  font  dans  une  montagne  à  laquelle 
elles  parodient  comme  attachées  ;  elles  femblent  être 
divifées  en  deux  roches ,  qui  apparemment  font  réunies 
fous  terre;  la  grande,  qui  s’étend  d’orient  en  occident, 
peut  avoir  vingt-quatre  ou  vingt-cinq  pas  géométriques  de 
longueur .  &  quatre  ou  cinq  de  largeur.  Dans  fa  plus 
grande  hauteur ,  elle  a  neuf  ou  dix  pieds.  La  petite ,  qui 
eft  au  nord  de  la  grande  ,  dont  elle  n’eft  éloignée  que  de 


Trahi  de  V Aimant.  il  y 

â  la  Chine  (/),  &  aux  isles  Philippines  (g)  ; 
us  font  auflî  mention  de  ceux  de  l’Afrique  (âi 
&  de  l’Amérique  (i). 


fept  ou  huit  pieds,  a  trois  toifes  de  long,  peu  délimiteur 
&  de  largeur  ;  elle  eft  d’un  aimant  bien  plus  vif  que  l’autre. 
Elle  attiroit ,  avec  une  force  extraordinaire  ,  les  inftrumen* 
de  fer  dont  on  fe  fervoit.  On  ne  pouvoit  en  détacher 
aucun  morceau,  parce  que  les  inf! rumens  de  fer,  qui 
étoient  fort  mal  trempés,  étoient  auiTitôt  reboulés.  Orr 
i  attacha  a  la  grande  ,  dont  on  eut  p,eine  de  rompre  quel¬ 
ques  morceaux  qui  avoient  de  la  faillie ,  &  qui  donnoient 
de  la  prife  au  marteau.  On  ne  IaiÏÏa  pas  que  d’en  tirer- 
quelques  bonnes  pierres  ;  les  pôles  de  Ta  mine ,  autant 
qu’on  en  peut  juger -par  les  morceaux  de  fer  qu’on  y 
appliqua ,  regardoient  le  midi  &  le  feptentrion  ;  car  on: 
n’a  pu  rien  reconnoître  par  la  bouffole,  l’aiguille  s’affolant 
fitôt  qu’on  l’cn  approchoit.  Hiftoire  générait- des  Voyages  y 
tome  IX ,  pages  *06 

( / )  II  y  a  peu  de  provinces  dans  la  Chine,  où  l’on 
ne  trouve  des  pierres  d’aimant.  On  en  apporte  aufô  dit 
Japon  à  la  Chine,  mais  on  les  emploie  particulièrement 
aux  ufages  de  la  médecine  ^  elles  fe  vendent  au.  poids  ^ 
&.  les  plus  chères  ne  fe  vendent  jamais  plus  de  huit  fous, 
l’once.  Idem  ,  tome  VI ,  page  85. 

(  g  )  On  trouve  beaucoup  d’aimant  à  Mindanao. ...» 
Voyage  de  M.  le  Gentil  aux  Indes.  Paris ,  r-Si  ,  tome  77, 
page  36. 

(k;,  On  trouve  dans  le  Bambouk ,  en  Afrique,  d’ex¬ 
cellentes  pierres  d'aimant ,  dont  on  a  envoyé  plufieurs 
morceaux  en  France.  Hiftoire  générale  des  Voyages ,  tome  llr 
page  644. 

J  On  fit  voir  u  Gemelii-Caréri ,  dans  un  cabinet  de 


214 


Hijlolre  naturelle 


raretés ,  au  Mexique  ,  une  pierre  d’aimant ,  de  la  grofieur 
d’une  pomme  ordinaire  ,  qui  enlevoit  dix  livres  de  fer  : 
Idem  ,  tome  XI ,  page  s  36.  Le  Corrégiment  de  Copiapo  , 
au  Chili ,  produit  quantité  de  pierres  d’aimant  :  Idem ,  tome 
XIII,  page  144. 


Traité  de  V Aimant'. 


215 


ARTICLE  III. 

De  r attraction  &•  de  la  répuljion  de  l'Aimant. 

Le  mouvement  du  magnétifme  femble  être 
compofé  de  deux  forces,  l’une  attraéiive  & 
&  l’autre  directive.  Un  aimant,  de  quelque 
figure  qu’il  foit,  attire  le  fer  de  tous  côtés 
&  dans  tous  les  points  de  fa  furface  ;  & 
plus  les  pierres  d’aimant  font  grofles ,  moins 
elles  ont  de  force  attraélive  ,  relativement 
à  leur  volume  :  elles  en  ont  d’autant  plus  , 
qu’elles  font  plus  pefantes,  &  toutes  ont 
beaucoup  moins  de  puifl'anced’attra&ion  quand 
elles  font  nues,  que  quand  elles  font  armées 
de  fer  ou  d’acier.  La  force  direélive  ,  au 
contraire,  fe  marque  mieux,  &  avec  plus 
d’énergie  ,  fur  les  aimans  nuds  ,  que  fur  ceux 
qui  font  armés. 

Quelques  favans  Phyficiens ,  &  entre  au¬ 
tres  ,  Taylor  &  Mufchembroëck ,  ont  effayé 
de  déterminer,  par  des  expériences  ,  l’éten¬ 
due  de  la  fphère  d’attraélion  de  l’aimant ,  & 
l’intenfité  de  cette  aélion  à  différentes  dif- 
tances  ;  ils  ont  obfervé  ,  qu’avec  de  bons 
aimans  ,  cette  force  attraélive  étoit  fenfible 
jufqu’à  treize  ou  quatorze  pieds  de  diftance , 
&  ,  fans  doute  ,  elle  s’étend  encore  plus  loin  ; 
ils  ont  auffi  reconnu  que  rien  ne  pouvoir 
intercepter  l’aélion  de  cette  force,  en  forte 


2x6  Hijlatre  naturelle. 

qu’un  aimant  renfermé  dans  une  boîte ,  agît 
toujours  à  la  même  diftance.  Ces  faits  fu£- 
fifent  pour  qu’on  puiffe  concevoir,  qu’en 
plaçant  &  cachant  des  aimans  &  du  fer  en 
difforens  endroits,  même  affez  éloignés,  on 
peut  produire  des  effets  qui  paroiffent  mer¬ 
veilleux,  parce  qu’ils  s’opèrent  à  quelque 
diftance  ,  fans  aélion  apparente  d’aucune 
matière  intermédiaire  ,  ni  d’aucun  mouvement 
communiqué. 

Les  anciens  n’ont  connu  que  cette  première 
propriété  de  l’aimant  ;  ils  favoient  que  le 
fer,  de  quelque  côté  qu’on  le  préfente,  eft 
toujours  attiré  par  l’aimant;  ils  n’ignoroient 
pas  que  deux  aimans  ,  préfentés  l’un  à  l’au¬ 
tre  ,  s’attirent  ou  fe  repouffent.  LesPhyfi- 
ciens  modernes  ,  ont  démontré  que  cette 
attraction  &  cette  répulfion  entre  deux 
aimans ,  font  égales ,  &  que  la  plus  forte 
attraction  fe  fait  lorfqu’on  préfente  direCte- 
menr  les  pôles  de  différens  noms  ,  c’eft  à-dire, 
le  pôle  auftral  d’un  aimant,  au  pôle  boréal 
d’un  autre  aimant  ;  &  que,  de  même  la 
répulfion  eft  la  plus  forte  ,  quand  on  préfente 
l’un  à  l’autre  les  pôles  de  même  nom.  Enfuite 
ils  ont  cherché  la  loi  de  cette  attraction  & 
de  cette  répulfion;  ils  ont  reconnu  qu’au 
lieu  d’être  ,  comme  la  loi  de  l’attraélion  uni- 
verfelle,  en  raifon  inverfe  du  quarré  d«  la 
diftance,  cette  attraction  &  cette  répulfion 
magnétiques  ne  décroiffent  pas  même  autant 
que  la  diftance  augmente  (<i  )  ;  mais  lorl qu’ils 


(a)  Mufdiembrocck ,  Dijfcrtatlo  di  Magnat ,  pjgts  16 

ont 


Traité  de  V A  mant.  217 

ont  voulu  graduer  l’échelle  de  cette  loi,  ils 
y  ont  trouvé  rant  d’inconfiance ,  84  de  fi 
grandes  variations  ,  qu’ils  n’ont  pu  déterminer 
aucun  rapport  fixe,  aucune  proportion  fui- 
vie,  entre  les  degrés  de  pu  fiance  de  cette 
force  attraélive  ,  84  les  effets  qu’elle  produit 
à  différentes  difiances  :  tout  ce  qu’ils  ont  pu 
conclure  d’un  nombre  infini  d’expériences , 
c’ert  que  la  force  attrattive  de  l’aimant  décroît 
proportionnellement  plus  dans  les  grandes 
que  dans  les  petites  difiances. 

Nous  venons  de  dire  que  les  aimans  ne 
font  pas  tous  d’égale  force,  à  beaucoup  près  ; 
que  plus  les  pierres  d’aimant  font  groffes  , 
moins  elles  ont  de  force  attrattive,  relati¬ 
vement  à  leur  volume,  84  quelles  en  ont 
d’autant  plus  qu’elles  font  plus  pefantes,  à 
volume  égal  ;  mais  nous  devons  ajouter  ,  que 
l.s  aimans  les  plus  puil'ans  ne  font  pas  tou¬ 
jours  les  plus  généreux,  en  forte  que  quel¬ 
quefois  ces  aimans  plus  puiffans  ne  comrnu- 


&  fuir.  Pour  connoître  la  loi  de  cette  attraction  ,  ce 
Pli>  ficien  s’efi  fervi  d’aimans  de  forme  ronde,  &,  par 
une  balance  très  mobile ,  il  a  mefuré  l’effet  de  cette 
force  à  toutes  difiances,  depuis  une  demi-ligne  jufqu’à 
Pleurs  pouces  ;  en  comparant  les  réfultats  d’un  très 
grand  nombre  d’expériences ,  il  a  vu  que  cette  force  attrac¬ 
tive  des  aimans  fphériques ,  non  feulement  ne  diminuoit 
pas  comme  celle  de  l’attra&ion  univerfelle ,  en  raifon 
inverre  du  quarré  de  la  difiance ,  mais  que  la  diminution 
de  cette  force  magnétique  n’efi  pas  même  en  raifon 
inverfe  de  la  fimple  difiance. 

Minéraux.  Terne  IX, 


T 


1 1 8  Hî flaire  naturelle. 

niquent  pas  au  fer  autant  de  leur  vertu  attrac¬ 
tive  ,  que  des  r.imans  plus  foibles  &  moins 
riches,  mais  en  même  temps  moins  avares 
de  leur  propriété. 

La  fplière  d’a&ivré  des  aimans  foibles, 
eft  moins  étendue  qi  e  celle  des  aimans  forts; 
&,  comme  nous  l’avons  dit,  la  force  attrac¬ 
tive  des  uns  &  des  autres ,  décroît  beaucoup 
plus  dans  les  grandes  que  dans  les  petites 
diftances;  niais  ,  dans  le  point  de  contaft , 
cette  force  ,  dont  l’aêlon  eft  très  inégale  à 
toutes  les  diftances  dans  les  différens  aimans, 
produit  alors  un  effet  moins  inégal  dans  l’ai¬ 
mant  foible  &  dans  l’aimant  fort,  de  forte 
qu’il  faut  employer  des  poids  moins  inégaux 
pour  féparer  les  aimans  forts  &  les  aimans 
foibles,  lorfqu’ils  font  unis  au  fer  ou  à  l'ai¬ 
mant  par  un  contatt  immédiat. 

Le  fer  attire  l’aimant,  autant  qu’il  en  eft 
attiré  ;  tous  deux,  lorfqu’ils  font  en  liberté, 
font  la  moitié  du  chemin,  pour  s’approcher 
ou  fe  joindre.  L’aftion  &  la  réaélion  font  ici 
parfaitement  égales  ;  mais  un  aimant  attire  le 
fer  de  quelque  côté  qu’on  le  préfente  ,  au 
lieu  qu’il  n’attire  un  autre  aimant  que  dans 
un  fens  ,  &  qu’il  le  repouffe  dans  le  fens 
pppofé. 

La  limaille  de  fer  eft  attirée  plus  puiffam- 
ment  par  l’aimant,  que  la  poudre  même  de 
la  pierre  d’aimant,  parce  qu’il  y  a  plus  de 
parties  ferrugineufes  dans  le  fer  forgé,  que 
dans  cette  pierre  ,  qui  néanmoins  agit  de 
plus  loin  fur  le  1er  aimanté  ,  qu’elle  ne  peut 
agir  fur  du  fer  non-aimanté  ,  car  le  ter  n’a 
par  lui-même  aucune  force  attrattive;  deux 


Traité  de  l’Aimant.  2x9 

blocs  de  ce  métal,  mis  l’un  auprès  de  l’au¬ 
tre,  ne  s’attirent  pas  plus  que  deux  maffes 
de  route  autre  matière;  mais,  dès  que  l’un 
ou  l’autre,  ou  tous  deux,  ont  reçu  la  vertu 
magnétique,  ils  produifent  les  mêmes  effets, 
&  préfentent  les  mêmes  phénomènes  que  la 
pierre  d’aimant,  qui  n’eft  en  effet  qu’une 
maffe  ferrugmeufe ,  aimantée  par  la  caufe 
générale  du  magnétifme.  Le  fer  ne  prend 
aucune  augmentation  de  poids  par  l’impré¬ 
gnation  de  la  vertu  magnétique  ;  la  plus 
groffe  maffe  de  fer  ne  pèle  pas  un  grain  de 
plus  ,  quelque  fortement  qu’elle  foit  aimantée; 
le  fer  ne  reçoit  donc  aucune  matière  réelle 
par  cette  communication  ,  puifque  toute 
matière  eft  pefante  ,  fans  même  en  excepter 
celle  du  feu  (b).  Cependant  le  feu  violent 
agit  fur  l’aimant  &  fur  le  fer  aimanté  ;  il 
diminue  beaucoup,  ou  plutôt  il  fufpend  leur 
force  magnétique  lorfqu’ils  font  échauffés 
julqu’à  l’incandefcence ,  &  ils  ne  reprennent 
cette  vertu,  qu’à  mefure  qu’ils  fe  refroidif- 
fent.  Une  chaleur  égale  à  celle  du  plomb 
fondu  (c  ) ,  ne  fuffit  pas  pour  produire  cet 


(  b  )  Voyez  le  deuxième  volume  in-45.  des  Supplémens 
à  cette  Hiftoire  Naturelle ,  article  de  la  pefanteur  du  feu. 

(  c  )  four  faire  des  aimans  d’un  volume  confidérable  , 
les  ouvriers  joignent  enfemble  plufieurs  petits  morceaux 
d’aimant  qu’ils  réunifient,  en  les  appliquant  d’abord  les 
tins  contre  les  autres ,  &  les  plongeant  enfuite  dans  du 
plomb  ou  de  l’étain  fondus.  La  chaleur  comnniuniquée 
par  ces  métaux  fondus  à  cette  maffe  d’aimant ,  n'en  dimi- 

T  2 


2,0  H\ (li  tre  naturelle. 

effet  ;  &  d’ailleurs  le  feu ,  quelque  violent 
qu’il  foie,  laiffe  toujours  à  l’aimant  &  au 
fer  aimanté  quelque  poitionde  leurs  foi  ces  , 
car,  dans  l’état  de  la  plus  grande  incandes¬ 
cence  ,  ils  donnent  encore  des  figues  lenii- 
bles,  quoique  foibles,  de  leur  magnetilme  ; 
M.  Epinus  a  même  éprouvé  que  les  aimans 
naturels  portés  à  l’état  d’incandelcence  ,  re¬ 
froidis  enfuite  ,  &  placés  entre  deux  grandes 
barres  d’acier  fortement  aimantées,  acque- 
roient  un  magnétilme  plus  tort  ( d  );  &  ,  par 


mie  pas  la  force ,  &  il  faut  un  bien  plus  grand  degré  de 
chaleur,  &  même  un  feu  très  violent,  pour  opérei  cette 
diminution  ou  fufpenfion  de  force  de  l’aimant  &  du  fer 
aimanté.  Mujchembroëck  ,  page  73. 

(i/)  »  Le  premier  aimant  que  j’ai  fournis  à  l’expérience, 
dit  W-  Epinus ,  étoit  un  parallélipipèdç  régulier;  il  étoit 
noirâtre,  fans  éclat  métallique,  très  homogène,  très 
compte,  &  tel  que  font  communément  les  aimans  de 
mauvaife  qualité.  11  n’avoit  prefque  pas  do  force ,  car  il 
pefoit  nud  deux  onces  il,  avec  fon  armure  trois  onces 
«i,  &  n’élevoit  que  quatre  onces.  Je  l’ai  dépouillé  de 
fon  armure,  je  l’ai  placé  entre  deux  grandes  barres  d’acier 
fortement  aimantées,  fuivant  la  manière  que  j  ai  deciit  . , 
&,  après  une  demi-heure  ,  j’ai  trouvé  que  fa  vertu  étoit 
augmentée,  &  que  ,  rejoint  a  fon  armure  ,  il  pour  oit 
Clever  douze  onces  &  demie  ;  je  l’ai  expofé  au  feu  libre 
des  charbons ,  je  l’ai  lailfé  dans  une  forte  incandescence 
pendant  une  demi-heure  ;  j’ai  trouvé ,  après  fon  refroi- 
diffement ,  qu’il  avoit  perdu  prefque  toute  la  force  magné¬ 
tique  qu’il  polfédoit.  Je  l’ai  placé  pendant  un  quart-d’heure 
çntre  les  deux  barres  aimantées  dont  j’ai  déjà  parlé ,  de 


12  l 


Trahi  de  V Aimant. 

la  comparaifon  de  les  expériences  ,  il  paroît 
que  plus  un  aimant  eft  vigoureux  par  la 
nature  ,  mieux  il  reçoit  &  conferve  ce  fur- 
croît  de  force. 

L’a&ion  du  feu  ne  fait  donc  que  diminuer 
ou  fufpendre  la  vertu  magnétique,  &  con¬ 
court  même  quelquefois  à  l’augmenter;  cepen¬ 
dant  la  perculHon  ,  qui  produit  toujours  de 
la  chaleur  lorfqu’elle  eft  réitérée ,  lemble 
détruire  cette  force  en  entier;  car,  fi  l’on 
frappe  fortement  ,  &  par  plufieurs  coups 


j’ai  trouvé  que ,  garni  de  fon  armure  ,  il  élevoit  déjà 
plus  de  dix-lmit  onces  ;  il  a  donc ,  après  fon  incandef- 
cence,  obtenu  par  le  moyen  des  barres  aimantées ,  dans 
un  court  efpace  de  temps ,  une  force  beaucoup  plus  con- 
lîdérable  que  celle  qu’il  avoit  acquife,  pendant  un  temps 
plus  long ,  avant  d’être  expofé  au  feu.  11  eft  donc  évi¬ 
dent  que  l’aptitude  de  cet  aimant ,  à  recevoir  le  magnétifme, 
a  été  augmentée  par  mon  procédé  dans  le  rapport  de  37  * 
à  27,  ce  qui  revient  à  peu-près  à  celui  de  7  à  j. 

»  Un  autre  aimant ,  qui  pefoit  nud  4  onces  un  quart , 
&  3  onces  7  huitièmes  avec  fon  armure ,  préfentoit  auffi 
une  matière  uniforme  &  compare,  mais  il  paroiffoit  plus 
riche  en  métal  que  le  premier  aimant  ;  lorfqu’il  étoit 
revêtu  de  fon  armure ,  il  portoit  6  onces  trois  quarts  ; 
placé  une  demi-heure  entre  les  aimans  artificiels,  avant 
d’être  expofé  à  l’attion  du  feu  ,  il  ne  put  pas  porter  au- 
delà  de  22  onces  3  quarts,  tenu  en  incandefcence  au 
milieu  des  charbons  pendant  une  demi-heure,  &  enfuite 
refroidi ,  il  avoit  perdu  pref.juc  toute  fa  force  ;  mais  , 
placé  pendant  un  quart-d'heure  au  milieu  des  aimans  arti¬ 
ficiels  ,  il  éleva  facilement  37  onces  &  demie,  &  foh 

T  3 


112,  H'ijloire  naturelle. 

fucceflifs ,  une  lame  de  fer  aimantée,  elle 
perdra  fa  vertu  magnétique ,  tandis  qu'en 
frappant  de  même  une  femblable  lame  non- 
aimantée  ,  celle-ci  acquerra,  par  cette  per- 
cuflïon  ,  d’autant  plus  de  force  magnétique 
que  les  coups  feront  plus  forts  &  plus  rei¬ 
térés;  mais  il  faut  remarquer  que  la  percuf- 
fion,  ainfi  que  l’aétion  du  feu,  qui  lemblc 


aptitude  à  recevoir  la  vertu  magnétique ,  fe  trouva  aug¬ 
mentée  dans  le  rapport  d’environ  835.  11  paroit  donc  que 
la  méthode  que  je  décris ,  produit  des  effets  d’autant  plus 
grands ,  que  les  aimans  font  plus  généreux ,  avant  d’être 
préfentés  au  feu.  J’ai  vu  aufli,  par  le  moyen  du  dermer 
aimant  dont  je  viens  de  parler ,  que  l’augmentation  de 
force  obtenue  par  ma  méthode ,  étoit  allez  durable  & 
ne  fe  difiipoit  pas  facilement  ,  car  ce  fécond  aimant  n’a- 
voit  encote  rien  perdu  de  fa  vigueur  au  bout  de  hx 
mois  >*. 

IV1.  Epinus  croit  qu’on  pourroit  augmenter  encore  plus 
la  vigueur  des  aimans  par  la  cémentation  qui  leur  donne- 
roit  plus  de  qualité  que  la  fimple  torréfa&ion  au  feu  nnd. 
lî  propofe  de  tailler  en  parallélipipèdes  les  aimans  tirés 
immédiatement  de  la  mine ,  en  leur  donnant  le  plus  de 
longueur  qu’il  fe  pourra ,  pour  les  cémenter  au  feu  6c 
les  plonger  enfuite  dans  l’eau  froide;  après  quoi,  il  pro¬ 
pofe  de  les  placer  entre  deux  ou  plufieurs  barres  d’acier 
aimantées ,  &  de  les  frotter  avec  deux  aimans  artificiels , 
fuivant  la  méthode  du  double  contatt  II  faudra  aufli  les 
armer  après  avoir  choifi  pour  pôles  les  points  les  plus 
éloignés  l’un  de  l’autre.  Ces  aimans  préfenteront  alors  la 
plus  grande  force  magnétique  qu’ils  puiffent  comporter. 
Epinus  y  numéros  359,  36c  &  56a. 


Traité  de  l’Aimant.  223 

détruire  la  vertu  magnétique  ,  ne  font  que 
la  changer  ou  la  chaffer,  pour  en  fubffituer 
une  autre  ,  puifqu’elles  fuflifent  pour  aimanter 
le  fer  qui  ne  l’efl  pas;  elles  ôtent  donc  au 
fer  aimanté,  la  force  communiquée  par  l’ai¬ 
mant,  &  en  même  temps  y  portent  &  lui 
fubffituent  une  nouvelle  force  magnétique, 
qui  devient  très  fenfible  lorfque  la  perçut- 
fion  eft  continuée  ;  le  fer  perd  la  première , 
&  acquiert  la  fécondé  ,  qui  eft  fouvent  plus 
foible  &  moins  durable  ;  il  arrive  ici  le 
même  effet,  à-peu  près,  que  quand  on  paffe 
fur  un  aimant  foible  du  fer  aimanté  par  un 
aimant  fort  ,  ce  fer  perd  la  grande  force 
magnétique  qui  lui  avoit  été  communiquée 
par  l’aimant  fort  ,  &  il  acquiert  en  même- 
temps  la  petite  force  que  peut  lui  donner 
l’aimant  foible. 

Si  l’on  met  dans  un  vafe  de  la  limaille  de 
fer  ,  &  qu’on  la  comprime  allez  pour  en  faire 
une  maffe  compare,  à  laquelle  on  donnera 
la  vertu  magnétique  ,  en  l’appliquant  ou  la 
frottant  contre  l’aimant  ,  elle  la  recevra 
comme  toute  autre  matière  ferrugineufe  ; 
mais  cette  même  limaille  de  fer  comprimée, 
qui  a  reçu  la  vertu  magnétique,  perdra  cette 
vertu  dès  qu’elle  ne  fera  plus  maffe ,  & 
qu’elle  fera  réduite  au  même  état  pulvérulent 
où  elle  étoit  avant  d’avoir  été  comprimée. 
Il  fuffit  donc  de  changer  la  fituation  refpec- 
tivedes  parties  conftituantes  de  la  maffe  pour 
faire  évanouir  la  vertu  magnétique  ;  chacune 
des  particules  de  limaille  ,  doit  être  confidérée 
comme  une  petite  aiguille  aimantée  ,  qui  dès- 


224  Hijtoire  naturelle. 

lors  a  fa  dire&ion  &  Tes  pôles.  En  chan¬ 
geant  donc  la  fmiation  refpe&ive  des  parti¬ 
cules,  leurs  forces  attraéfive  &  directive 
feront  changées  &  détruites  les  unes  par  les 
autres  ;  ceci  doit  s’appliquer  à  l’effet  de  la 
percuffion  ,  qui ,  produifant  un  changement 
de  fituation  dans  les  parties  du  fer  aimanté  , 
fait  évanouir  fa  force  magnétique.  Cela  nous 
démontre  auflî  la  caufe  i’un  phénomène  qui 
a  paru  fingulier,  &  aflez  difficile  à  expliquer. 

Si  l’on  met  une  pierre  d’aimant  au-deflus 
d’une  quantité  de  limaille  de  fer  que  l’on 
agitera  fur  un  carton,  cette  limaille  s’arran¬ 
gera,  en  formant  plufieurs  courbes  féparèes 
les  unes  des  autres ,  &  qui  lailfent  deux 
vides  aux  endroits  qui  correfpondent  aux 
pôles  de  la  pierre  ;  on  croiroit  que  ces  vides 
font  occafionnés  par  une  répulfion  qui  ne  ié 
fait  que  dans  ces  deux  endroits ,  tandis  que 
l’attra&ion  s’exerce  fur  la  limaille  dans  tous 
les  autres  points;  mais  lorfqu’on  préfente 
l’aimant  fur  la  limaille  de  fer  ,  fans  la  fe- 
couer  ,  ce  font,  au  contraire,  les  pôles  de 
la  pierre  qui  toujours  s’en  chargent  le  plus. 
Ces  deux  effets  oppofes  fembleroienr ,  au 
premier  coup  d’œil ,  indiquer  que  la  force 
magnétique  efl  rantôt  très  aétive  ,  &  tantôt 
abfolument  inaétive  aux  pôles  de  l’aimant; 
cependant  il  eft  très  certain,  &  même  nécef- 
faire,  que  ces  deux  effets,  qui  femblent  être 
contraires,  proviennent  de  la  même  caufe; 
&  comme  rien  ne  trouble  l’effet  de  cette 
caufe  dans  l’un  des  cas,  &  qu’elle  eft  trou¬ 
blée  dans  l’autre  par  les  fecouifes  qu’on  donne 


Traité  de  l'Aimant.  225 

à  la  limaille,  on  doit  en  inférer  que  la  diffé¬ 
rence  ne  dépend  que  du  mouvement  donné 
à  chaque  particule  de  la  limaille. 

En  général ,  ces  particules  étant  autant  de 
petites  aiguilles,  qui  ont  reçu  de  l’aimant  les 
forces  attraéfive  &  directive  prefque  en  même- 
tems  &  dans  le  même  Cens,  elles  doivent  perdre 
ces  forces  &  changer  de  direction,  dès  que, 
par  le  mouvement  qu’on  leur  imprime,  leur 
(ituation  efi  changée.  La  limaille  (era  par 
conléquent  attirée  ,  &  s’arnmonce!era  ,  lorfque 
les  pôles  auftraux  de  ces  petites  aiguilles  feront 
difpofés  dans  le  fens  du  pôle  boréal  de  l’ai¬ 
mant,  &  cette  même  limaille  formera  des 
vides,  lorfque  les  pôles  boréaux  des  particu¬ 
les  feront  dans  le  fens  du  pôle  boréal  de  l’ai¬ 
mant,  parce  que,  dans  tout  aimant,  ou  fer 
aimanté,  les  pôles  de  d  fferens  noms  s’attirent, 
&.  ceux  du  même  nom  le  repoufTenr. 

Il  peut  arriver  cependant  quelquefois  ,  lor(- 
qu’on  prélente  un  aimant  vigoureux  à  un 
aimant  foible ,  que  les  pôles  de  même  nom 
s’attirent  au  lieu  de  fe  repoulfer  ;  mais  ils  ont 
cefTe  d’être  femblables  lorsqu’ils  tendent  l'un 
vers  l’autre;  l’aimant  fort  détruit  par  fa  pui(- 
fance  la  vertu  magnétique  de  l’aimant  foible  , 
&  lui  en  communique  une  nouvelle,  qui 
change  fes  pôles  ;  on  peutexpliquer,  par  cette 
mêmeraifon,  plufieurs  phénomènes  analogues 
à  cet  eff-M  ,&  pa  ticulièrement  celui  que  M. 
Epinus  a  obfervé  le  premier ,  &  que  nous 
citons,  par  extrait,  dans  la  Note  ci  deifous  (e). 


(  e  )  Que  l’on  tienne  verticalement  un  aimant  au-delfus 


ll6  Hijloire  naturelle. 

Nous  devons  ajouter  à  ces  faits  un  autre  fait» 
qui  démontre  également  que  la  réfidence  fixe  , 
ainfi  que  la  direction  décidée  de  la  force  ma¬ 
gnétique ,  ne  dépendent  dans  le  fer&  l’aimant 
que  de  la  fituation  confiante  de  leurs  parties 
dans  le  fens  où  elles  ont  reçu  cette  force  ;  le  ter 
n’acquiert  de  lui-même  la  vertu  magnétique, 
&  l’aimant  ne  la  communique  au  fer ,  que  dans 
une  feule  &  même  direction  ;  car  fi  l’on  aimante 
un  fil  de  fer  félon  1a  longueur,  &  qu’enfuite 


d'une  table,  fur  laquelle  on  aura  placé  une  petite  aiguille 
d’acier  à  une  certaine  diftance  du  point  au-deffus  duquel 
l’aimant  fera  fufpendu  ;  l’aiguille  tendra  vers  l’aimant ,  & 
fon  extrémité  la  plus  voiüne  de  l’aimant  s’élèvera  au- 
deffus  de  la  furface  de  la  table  ;  fi  l’on  frappe  légèrement 
la  table  par-deffous ,  l’aiguille  fe  foulevera  en  entier,  & 
lorfqu’elle  fera  retombée  ,  elle  fe  trouvera  plus  près  du 
point  correfpondant  au-deffous  de  l’aimant  ;  fon  extrémité 
s’élevant  davantage,  formera,  avec  la  table,  un  angie 
moins  aigu,  &,  à  force  de  petits  coups  réitérés,  elle 
parviendra  précifément  au-deffous  de  l’aimant  &  fe  tiendra 
perpendiculaire.  Si ,  au  contraire ,  on  place  l’aimant  au- 
deffous  de  la  table ,  ce  fera  l’extrémité  de  l’aiguille  la 
plus  éloignée  de  l’aimant  qui  s’élèvera  ;  l’aiguille  mile 
en  mouvement ,  par  de  légères  fecouffes ,  fe  trouvera 
toujours,  après  être  retombée,  à  une  plus  grande  dif¬ 
tance  du  point  corrcfpcndant  au-deffus  de  l’aimant;  fon 
extrémité  s’élèvera  moins  au-deffus  de  la  table  ,  6c  for¬ 
mera  un  angle  plus  aigu-  L’aiguille  acquiert  la  vertu 
magnétique  par  la  proximité  de  l’aimant.  L’extrémité  de 
J’aiguille  oppofée  à  cet  aimant ,  prend  un  pôle  contraire 
au  pôle  de  l’aimant  dont  elle  et!  voifrne  ;  elle  doit  doue 


Traité  de  /’  Aimant.  217 

on  le  plie  de  manière  qu’il  forme  des  angles  & 
crochets  ,  il  perd  dès-lors  fa  force  magnétique, 
parce  que  la  direéfion  n’eft  pas  la  même ,  6: 
que  la  fituation  des  parties  a  été  changée  dans 
les  plis  qui  forment  ces  crochets  ;  les  pôles 
des  diverfes  parties  du  fer  fe  trouvent  alors 
fitués  les  uns  relativement  aux  autres,  de 
manière  à  diminuer  ou  détruire  mutuellement 
leur  vertu  ,  au  lieu  de  la  conferver  ou  de  l’ac¬ 
croître  ;  &  non- feulement  la  force  magnéti- 


ëtre  attirée  pendant  que  l’autre  extrémité  fera  repouffée. 
Ainft  ,  l’aiguille  prendra  fucceffivement  une  pofition  où 
l’une  de  fes  extrémités  fera  le  plus  près ,  &  l’autre  le 
plus  loin  poflible  de  l’aimant  ;  elle  doit  donc  tendre  a  fe 
diriger  parallèlement  à  une  ligne  droite  que  l’on  pourroit 
tirer  de  fon  centre  de  gravité  à  l’aimant  :  lorfque  l’ai¬ 
guille  s’élève  pour  obéir  à  la  petite  fécondé ,  la  tendance 
que  nous  venons  de  reconnoître  lui  donne  ,  pendant  qu’elle 
eft  en  l’air ,  une  nouvelle  pofition  relativement  à  l’aimant , 
&  s’il  eft  fufpendti  au-deffus  de  la  table,  cette  nouvelle 
pofition  eft  telle ,  que  l’aiguille,  en  retombant,  fe  trouve 
plus  près  du  point  correfpondar.t  au-deffous  de  l’aimant  ; 
fi,  au  contraire,  l’aimant  eft  au-defïous  de  la  table,  la 
nouvelle  pofition  donnée  à  l’aiguille ,  pendant  qu’elle  eft 
encore  en  l’air,  fait  nécefTairement  qu’après  être  tombée, 
elle  fe  trouve  plus  éloignée  du  point  au-defTous  duquel 
l’aimant  a  été  placé.  11  eft  inutile  de  dire  que  fi  l’on 
remplace  la  petite  aiguille  par  de  la  limaille  de  fer,  l’on 
voit  ies  mêmes  effets  produits  dans  "toutes  les  particules 
qui  COmpofent  la  limaMle  Ext  ait  de  la  fécondé  des  D.f- 
J'ertations  que  M.  Epir.us  a  publiées  à  la  fuite  de  fon  EJfai 
fur  la  théorie  de  [Electricité  &  du  Magnétifmt. 


2  20  Hijloire  naturelle. 

que  Te  perd  dans  ces  parties  angulaires,  mais 
même  elle  ne  fubfifte  plus  dans  les  autres  par¬ 
ties  du  fil  de  fer  qui  n’ont  point  été  pliées  ; 
car  le  déplacement  des  pôles  &  le  changement 
de  direétion  occafionnés  par  les  plis,  fuffifent 
pour  faire  perdre  cette  force  au  fil  de  fer  dans 
toute  fon  étendue. 

Mais  fi  l’on  parte  un  fil  de  fer  par  la  filière, 
dans  le  même  lens  qu’il  a  été  aimanté,  il  con- 
fervera  fa  vertu  magnétique  ,  quoique  les 
parties  conftituantes  aient  changé  de  pofition  , 
en  s’éloignant  les  unes  des  autres,  &  que 
toutes  aient  concouru,  plus  ou  moins,  à 
l’alongement  de  ce  fil  de  fer  par  leur  dépla¬ 
cement  ;  preuve  évidente  que  la  force  magné¬ 
tique  fubfirte  ou  s’évanouit  ,  félon  que  la 
dire&ion  fe  conferve  la  même  ,  lorfque  le 
déplacement  fe  fait  dans  le  même  fens ,  ou 
que  cette  direction  devient  différente  lorfque 
le  déplacement  fe  fait  dans  un  fens  oppofé. 

On  peut  confidérer  un  morceau  de  fer  ou 
d’acier,  comme  une  marte  de  limaille,  dont 
les  particules  font  feulement  plus  rapprochées 
&  réunies  de  plus  près  que  dans  le  bloc  de 
limaille  comprimée;  aurti  faut  il  un  violent 
mouvement ,  tel  que  celui  d’une  flexion  forcée, 
ou  d’une  forte  percurtîon  ,  pour  détruire  la 
force  magnétique  dans  le  fer  ou  l’acier,  par 
le  changement  de  la  fnuation  refpeéHve  de 
leurs  parties;  au  lieu  qu’en  donnant  un  coup 
allez  léger  fur  la  marte  de  la  limaille  compri¬ 
mée  ,  on  fait  évanouir  à  l’inflant  la  force  ma¬ 
gnétique,  parce  que  ce  coup  luHit  pour  chan¬ 
ger  la  firuation  refpe&ive  de  toutes  les  par¬ 
ticules  de  la  limaille. 


Traité  ce  T  Aimant.  229 

Si  l’on  ne  patte  qu’une  feule  fois  une  lame 
de  fer  ou  d’acier  fur  l’aimant,  elle  ne  reçoit 
que  très-peu  de  force  magnétique  par  ce  pre¬ 
mier  frottement  ;  mais  ,  en  le  réirérant  quinze 
ou  vingt  fois,  toujours  dans  le  même  fens,  le 
fer  ou  l’acier  prendront  prelque  toute  la  force 
magnétique  qu’ils  peuvent  comporter.  Si  on 
ne  leur  en  donneroit  pas  davanrage  en  con¬ 
tinuant  plus  long-tems  les  mêmes  frottemens  ; 
mais  fi,  après  avoir  aimanté  une  pièce  de  fer 
ou  d’acier  dans  un  fens,  on  la  patte  fur  l’aimant 
dans  le  fens  oppofé,  elle  perd  la  plus  grande 
partie  de  la  vertu  qu’elle  avoir  acquife,  Sc 
peut  même  la  perdre  tout  à  fait,  en  réitérant 
les  frottemens  dans  ce  fens  contraire  ;  ce  font 
ces  phénomènes  qui  ont  fait  imaginer  à  quel¬ 
ques  Phyliciens  que  la  force  magnétique  rend 
mobiles  les  particules  dont  le  fer  ett  compolé. 
Au  relie,  fi  i’on  ne  fait  que  pof'er  le  fer  ou 
l’acier  lur  l’aimant,  fans  les  prefier  l’un  contre 
l’autre,  ou  les  appliquer  fortement,  en  les 
partant  dans  le  même  fens ,  ils  ne  reçoivent 
que  peu  de  vertu  magnétique,  &  ce  ne  fera 
qu'en  les  tenant  réunis  plufieurs  heures  de 
fuite  ,  qu’ils  en  acquerront  davantage  ,  & 
cependant  toujours  moins  qu’en  les  frottant 
dans  le  même  fens,  lentement  Si  fortement, 
un  grand  nombre  de  fois  fur  l’aimant. 

Le  feu,  la  percurtion  &  la  flexion,  fufpen- 
dent  ou  détruilent  également  la  force  magné¬ 
tique,  parce  que  ces  trois  caufes  changent 
également  la  lituation  refpeélive  des  parties 
conftituanres  du  fer  &  de  l’aiinanr.  Ce  n’eft 
même  que  par  ce  feul  changement  de  la  fitua- 
tion  refpeéiive  de  leurs  parties ,  que  le  feu 


2  3  O  Hijlolre  naturelle. 

peut  agir  fur  la  force  magnétique ,  car  on  s’eft 
alluré  que  cette  force  palî'e  de  l’aimant  au  fer , 
à  travers  la  flamme  ,  fans  diminution  ni  change¬ 
ment  de  direéhon  ;  ainfi ,  ce  n’eft  pas  fur  la 
force  même  que  fe  porte  l’a&ion  du  feu  ;  mais 
fur  les  parties  intégrantes  de  l’aimant  ou  du 
fer,  dont  le  feu  change  la  pofition,  &  lorfque, 
par  le  refroidiffement,  cette  pofition  des  par¬ 
ties  fe  rétablit,  telle  qu’elle  étoit  avant  l’in- 
candefcence ,  la  force  magnétique  reparoît, 
&  devient  quelquefois  plus  puiffante  qu’elle  ne 
l’étoit  auparavant. 

Un  aimant  artificiel  &  homogène,  tel  qu’un 
barreau  d’acier  fortement  aimanté,  exerce  fa 
force  attraélive  dans  tous  les  points  de  fa 
Jurface ,  mais  fort  inégalement ,  car  fi  l’on 
projette  de  la  limaille  de  fer  fur  cet  aimant, 
il  n’y  aura  prefque  aucun  point  de  fa  fuperficie 
qui  ne  retienne  quelques  particules  de  cette 
limaille  ,  fur-tout  fi  elle  eft  réduite  en  poudre 
très-fine  ;  les  pôles  &  les  angles  de  ce  barreau 
feront  les  parties  qui  s’en  chargeront  le  plus, 
&  les  faces  n’en  retiendront  qu’une  bien 
moindre  quantité;  la  pofition  d;s  particules 
de  limaille,  fera  aufli  fort  differente;  on  les 
verra  perpendiculaires  fur  les  parties  polaires 
de  l’aimant,  &  elles  feront  inclinées  plus  ou 
moins  vers  ces  mêmes  pôles,  dans  toutes  les 
autres  parties  de  fa  furface. 

Rienn’arrête  la  vertu  magnétique;un  aimant 
placé  dans  l’air  ou  dans  le  vide,  plongé  dans 
l’eau,  dans  l’huile,  dans  le  mercure,  ou  dans 
tout  autre  fluide  ,  agit  toujours  egalement; 
renfermé  dans  une  boîte  de  bois,  de  pierre, 
de  plomb ,  de  cuivre  ,  ou  de  tout  autre  métal , 


Traité  de  l’Aimant.  231 

à  l’exception  du  fer,  fon  aéftion  eft  encore  la 
même;  l’interpofition  des  corps  les  plus  foli- 
des  (/)  ne  lui  porte  aucune  atteinte,  &  ne 
fait  pas  obftacle  à  la  tranfmiffion  de  fa  force; 
elle  n  eft  afFoibl ie  que  par  le  fer  interpofé ,  qui 
acquérant  par  cette  pofition  la  vertu  magné¬ 
tique  ,  peut  augmenter  ,  contrebalancer  ou 
détruire  celle  qui  exiftoit  déjà  ,  fuivant  que 
les  dire&ions  de  ces  deux  forces  particulières 
coincident  ou  divergent. 

Mais,  quoique  les  corps  interpofés  ne  dimi¬ 
nuent  pas  l’étendue  de  la  fphère  aêfive  de  l’ai¬ 
mant  fur  le  fer,  ils  ne  laifient  pas  de  diminuer 
beaucoup  Pintenfité  de  la  force  attractive, 
lorsqu’ils  empêchent  leur  contaét.  Si  l’on  in¬ 
terpofé  entre  le  fer  qu’on  veut  unir  à  l’aimant 
un  corps  auffi  mince  que  l’on  voudra,  feule¬ 
ment  une  feuille  de  papier ,  1  aimant  ne  pourra 
Soutenir  qu’une  très- petite  mafte  de  fer,  en 
comparaifon  de  celle  qu’il  auroit  Soutenue, 
“  Ie  *er  lui  avoit  été  immédiatement  appliqué  ; 
cette  différence  d’effet  provient  de  ce  que  l’in- 
tenfité  de  la  force  eft  fans  comparaifon  beau¬ 
coup  plus  grande  au  point  de  ccntaCt ,  &  qu’en 
mettant  obftacle  à  l’union  immédiate  du  fer 
avec  l’aimant ,  par  un  corps  intermédiaire, 
on  lui  ôte  la  plus  grande  partie  de  fa  force, 
en  ne  lui  laiffant  que  celle  qu’il  exerceroit  au- 
delà  de  fon  point  de  contaéh  Mais  cet  effet, 


(f)  Un  bloc  de  plomb  d'un  pied  d’épaifleur ,  interpofé 
entre  l’aimant  &  le  fer ,  n’en  diminue  pas  la  force  attrac¬ 
tive.  Mufchcmbroéck ,  page  59. 


2^2.  Hijîoire  naturelle. 

qui  eft  ft  fenfible  à  ce  point ,  devient  nul ,  ou 
du  moins  ini'cnfibie  a  toute  autre  diftance , 
car  les  corps  interpoles  à  un  pied  ,  à  un  pouce, 
&  même  à  une  ligne  de  l’aimant ,  ne  paroiffent 
faire  aucun  obftacle  à  l’exercice  de  (on  attrac- 
tion. 

Le  fer,  réduit  en  rouille,  ceffe  d’être  atti- 
rable  à  l’aimant;  la  rouille  eft  une  diffolution 
du  fer  par  l’humidité  de  l’air,  ou,  pour  mieux 
dire  ,  parl’aétion  de  l’acide  aérien  ,  qui ,  comme 
nous  l’avons  dit,  a  produit  tous  les  autres 
acides;  aufti  agiffenr-ils  tous  fur  le  fer,  &  à- 
peu-près  de  la  même  manière  ,  car  tous  le 
diffolvent,  lui  ôtent  la  propriété  d’être  attiré 
par  l’aimant;  mais  il  reprend  cette  même  pro¬ 
priété  lorfqu’on  fait  exhaler  ces  acides  par  le 
moyen  du  feu.  Cette  propriété  n’eft  donc  pas 
détruire  en  entier  dans  la  rouille  ,&  dans 
les  autres  diffolutions  du  fer  (^),  puifqu’eile 


(g)  En  faifant  difToiulre  la  limaille  de  fer  dans  les 
acides  vitrioliques  ou  nitreux ,  elle  celfe  d’être  attirable  à 
l’aimant,  cependant  on  ne  peut  pas  dire  qu’elle  perd  en¬ 
tièrement  la  vertu  magnétique  ;  il  en  eft  de  même  du 
vitriol  de  fer,  dont  l’attraftion  eft  à  la  vérité  très  pente, 
mais  non  pas  nulle ,  comme  dit  l’Emery  (  Mémoires  de 
l' Académie  des  Sciences  ,  année  \~oG  ).  11  faut  ,  pour  S  en 
a  apercevoir ,  le  prefenter  â  une  très  longue  aiguille  aiman- 
t  c  j  la  diffolution  réparant  les  parties  du  fer ,  fait  le 
même  effet  que  le  mouvement  de  fécondé  qu’on  donne 
à  la  limaille ,  en  difpofant  fes  parties  en  différens  lent , 
&  c’eft  ce  qui  détruit  la  vertu  magnétique.  Mnfchcmbroëck  , 
page  125. 


fc 


Traité  de  l'Aimant.  233 

fe- rétablit  dès  que  le  diflolvant  en  eft  féparé. 

L’aéhon  du  feu  produit  dans  le  fer  un'effec 
tout  contraire  à  celui  de  l’impreflïon  des  acides 
ou  de  l’humidité  de  l’air;  le  feu  le  rend  d’autant 
plus  attirable  à  1  aimant,  qu’il  a  été  plus  vio¬ 
lemment  chauffe.  Ce  fablon  ferrugineux  ( k) , 
cjont  nous  avons  parlé ,  &  qui  eft  toujours 
mêlé  avec  la  platine  ,  eft  plus  attirable  à  l’ai¬ 
mant  que  la  limaille  de  fer,  parce  qu'ilafubi 
une  plus  forte  aétion  du  feu,  &  la  limaille  de 
fer ,  chauffée  jufqu’au  blanc  ,  devient  aufli 
plus  attirable  qu’elle  ne  l’étoit  auparavant; 
on  peut  même  dire  qu’elle  devient  tou r-à  fait 
magnétique  en  certaines  circonftances ,  puif- 
que  les  petites  écailles  de  fer  qui  fe  féparent 
de  la  loupe  en  incandefcence  frappée  par  le 
marteau,  préfentent  les  mêmes  phénomènes 
que  l’aimant.  Elles  s’attirent,  fe  repoufTent  & 
fe  dirigent ,  comme  le  font  les  aiguilles  aiman¬ 
tées.  On  obtient  le  même  effet  j  en  faifant 
fublimer  le  fer  par  le  moyen  du  feu  (i);  &  les 


(h)  Mufcbembrocck  Si  quelques  phyficiens  ont  douté 
que  ce  fablon  fût  réellement  du  fer,  parce  qu’à  l’excep¬ 
tion  de  fon  attraftion  par  l’aimant,  il  paroît  avoir  perdu 
toutes  fes  autres  propriétés  métalliques  ;  mais  fa  denfité 
démontre  qu’il  eft  ferrugineux;  car,  félon  Mufcliembroëck 
lui-même ,  la  pefanteur  fpécifique  de  ce  fablon  ,  étoit  à 
celle  du  fable,  comme  161  à  71,  ce  qui  eft  à-peu-près 
le  rapport  du  poids  fpécifique  cie  la  fonte  de  fer ,  au  poids 
du  grès  0:1  du  marbre  blanc 

(  /'  )  Expériences  faites  par  MM.  de  l’Arbre  &  Quinquet  » 
&  communiquées  à  M.  le  Comte  de  Buffon ,  en  1786. 

Aùnéraux.  Tome  IX.  V 


234  Hijîo'ire  naturelle 

volcans  donnent  par  Sublimation  des  matières 
ferrugineufes  qui  ont  du  magnétifme  &.  des 
pôles,  comme  les  fers  fublimés  &  chauffés. 

On  augmente  prodigieufement  la  force 
attraCtive  de  l’aimant,  en  la  réunifiant  avec  la 
force  directive  ,  au  moyen  d’une  armure  de  fer 
ou  d’acier;  car  cette  armure  fait  converger 
les  directions  ,  en  lorre  qu’il  ne  refte  à  l’aimant 
armé  ,  qu’une  portion  des  forces  directives 
qu’il  avoit  étant  nud,  &  que  ce  même  aimant 
nud  ,  qui ,  par  fes  parties  polaires  ,  ne  pouvoir 
foutemr  qu’un  certain  poids  de  fer,  en  fou- 
tiendra  dix,  quinze  ou  vingt  fois  davantage, 
s’il  eft  bien  armé;  &  plus  le  poids  qu’il  fou- 
tiendra,  étant  nucl,  fera  petit,  plus  l'augmen¬ 
tation  du  poids  qu’il  pourra  porter ,  étant  armé, 
jera  grande;  les  forces  directives  de  l’aimant 
fe  réunifient  donc  avec  fa  force  attraCtive, 
&  toutes  fe  portant  fur  l’armure  ,  y  produisent 
une  intenfité  de  force  bien  plus  grande,  fans 
que  l’aimant  en  foit  plus  épuifé.  Cela  féal 
prouveroit  que  la  force  magnétique  ne  ré  fi  le 
pas  dans  l’aimant,  mais  qu’elle  eff  déterminée 
vers  le  fer  &  l’aimant,  par  une  caufe  exté¬ 
rieure,  dont  l’effet  peut  augmenter  ou  dimi¬ 
nuer,  félon  que  les  matières  ferrugineufes 
lui  font  préfentées  d’une  manière  plus  ou 
moins  avantageufe;  la  force  attraétive  n’au¬ 
gmente  ici  que  par  fa  réunion  avec  la  force 
directive,  &  l’armure  ne  fait  que  réunir  ces 
deux  forces  fans  leur  donner  plus  d’extenfion  ; 
car,  quoique  l’atrraâion,  dans  l’aimant  armé, 
agtfie  beaucoup  plus  puiffamment  fur  le  fer, 
qu  elle  retient  plus  fortement,  elle  ne  s’étend 
pas  plus  loin  que  celle  de  l’aimant  nud. 


Trâité  de  V Aimant.  2;3  5 

Cette  plus  forte  attra&ion  produite  par  la 
réunion  des  forces  attraftive  &  direélive  de 
l’aimant,  paroît  s’exercer  en  raifon  des  fur- 
faces  ;  par  exemple  ,  fi  la  furface  plane  du  pied 
de  l’armure  contre  laquelle  on  applique  le  fer 
eft  de  36  lignes  quarrées  ,  la  force  d’attraéïion 
fera  quatre  fois  plus  grande  que  fur  une  fur- 
face  de 9  lignes  quarrées;  autre  preuve  que  la 
caufe  de  l’attraéHon  magnétique  eft  extérieure, 
&  ne  pénètre  pas  la  maffe  de  l’aimant,  puil- 
qu’elle  n’agit  qu’en  raifon  des  furfaces ,  au 
lieu  que  celle  de  l’attraélion  univerfelle  ,  agi f- 
fant  toujours  en  raifon  des  maffes ,  eft  une 
force  qui  réfide  dans  toute  matière.  D’ailleurs 
toute  force  dont  les  directions  font  différentes, 
&  qui  ne  tend  pas  dire&ement  du  centre  à  la 
circonférence ,  ne  peut  pas  être  regardée 
comme  une  force  intérieure,  proportionnelle 
à  la  maffe  ,  &  n’eft  en  effet  qu’une  aéfion  ex¬ 
térieure  qui  ne  peut  fe  mefurer  que  par  fa  pro¬ 
portion  avec  la  furface  ( k ). 

Les  deux  pôles  d’un  aimant  fe  nuifant  réci¬ 
proquement  par  leur  aéïion  contraire,  Iorf- 
qu’ils  font  trop  voifins  l’un  de  l’autre ,  la  pofi- 
tion  de  l’armure  &  la  figure  de  l’aimant,  doi¬ 
vent  également  influer  fur  fa  force,  &  c'eft  , 


(k)  M.  Daniel  Bernouilîi  a  trouvé,  par  plu  fleurs  expé¬ 
riences,  que  la  force  attractive  des  aimans  artificiels  de 
figure  cubique,  croifloit  comme  la  furface,  &  non  pas 
comme  la  malle  de  ces  aimans.  Lettre  de  M.  Daniel 
Bernouilîi  à  M.  Trembley ,  publiée  dans  le  premier  volume, 
du  Voyage  de  M.  de  Saujfure. 

V  a 


236  Hijloire  naturelle'. 

par  cette  raifon  ,  que  des  aimans  foibles 
gagnent  quelquefois  davantage  à  être  armés, 
que  des  aimans  plus  forts.  Cette  aélion  con¬ 
traire  de  deux  pôles  trop  rapprochés,  fert  à 
expliquer  pourquoi  deux  barres  aimantées, 
qui  (e  touchent ,  n’attirent  pas  un  morceau  de 
fer  avec  autant  de  force,  que  lorfqu’elles  font 
à  une  certaine  diftance  l’une  de  l’autre  (/). 

Les  pieds  de  l’armure  doivent  être  placés 
fur  les  pôles  de  la  pierre  pour  réunir  le  plus 
de  force;  ces  pôles  ne  font  pas  des  points 
mathématiques ,  ils  ont  une  certaine  étendue  , 
&  l’on  reconnoît  aifément  les  parties  polaires 
d’un  aimant,  en  ce  qu’elles  retiennent  le  fer 
avec  une  plus  grande  énergie ,  &  l’attirent  avec 
plus  de  puiflance  que  toutes  les  autres  parties 
de  la  furface  de  ce  même  aimant  ne  peuvent 
le  retenir  ou  l’attirer.  Les  meilleurs  aimans 
font  ceux  dont  les  pôles  font  décidés,  c’eft-a- 
dire  ,  ceux  dans  lefquels  cette  inégalité  de 
force  eft  la  plus  grande.  Les  plus  mauvais 
aimans  font  ceux  dont  les  pôles  font  les  plus 
indécis,  c’eft-à- dire  ,  ceux  qui  ont  plufieurs 
pôles  &  qui  artirent  le  fer  à-peu  près  égale¬ 
ment  dans  tous  les  points  de  leur  furface;  &: 
le  défaut  de  ces  a;mans  vient  de  ce  qu’ils  font 
compofés  de  plufieurs  pièces  mal  fituées , 
relativement  les  unes  aux  autres,  car,  en 
les  divifant  en  plufieurs  parties,  chacun  de 
ces  fragmens  n’.aura  que  deux  pôles  bien  déci¬ 
dés  &  fort  a&ifs. 


(I  j  Voyez  l’Ouvrage  de  M.  Epinus ,  Nc.  -48. 


Traité  de  T  Aimant.  237 

Nous  avons  dit  que  fi  l’on  aimante  un  fi!  de 
rer,  en  le  frottant  longitudinalement  dans  le 
nierne  fens ,  il  perdra  la  vertu  magnétique  en 
le  pliant  en  crochet ,  ou  le  courbant  &  le  con¬ 
tournant  en  anneau  ,  &  cela  parce  que  la  force 
magnétique  11e  s’étant  déterminée  vers  ce  fil 
de  ter,  que  par  un  frottement  dans  le  fens 
longitudinal ,  elie  celle  de  té  diriger  vers  ce 
même  ter,  dès  que  ce  lens  eft  changé, ou  in¬ 
terrompu  ,  &  iorlqu’il  devient  directement 
oppoté  ,  cette  force  produit  néceffairement 
un  effet  contraire  au  premier  ;  elle  repoufTe 
au  lieu  d  atrirer ,  &  fe  dirige  vers  l’autre  pôle. 

a-3  répulfion  dans  1  aimant,  n’eft  donc  que 
1  effet  dune  attraction  en  fens  contraire,  (Si. 
qu’on  oppole  à  elle  -  même;  toutes  deux  ne 
partent  pas  du  corps  de  l’aimant,  mais  pro¬ 
viennent  &i  font  des  eftets  d’une  force  exté¬ 
rieure  ,  qui  agit  fur  l’aimant  en  deux  fens 
oppotes ,  &i  dans  tout  aimant,  comme  dans  le 
globe  terrefire ,  la  force  magnétique  forme 
deux  courans  ,  en  fens  contiaire,  qui  partent 
tous  de  l’équateur  en  fe  dirigeant  ‘aux  deux 
pôles. 

Mais  on  doit  obferver  qu’il  y  a  une  inégalité 
de  force  entre  les  deux  courans  magnétiques 
du  globe,  dont  1  hemilpiiere  boréal  offrant  à 
fa  furface  beaucoup  plus  de  terres  que  d’eau, 
&•  étant  par  conféquent  moins  froid  que  l’hé- 
milphère  auftral ,  ne  doit  p3s  déterminer  ce 
courant  avec  autant  de  puiffance  ,  en  forte 
que  ce  courant  magnétique  boréal  a  moins 
d’inrenfité  de  force  que  le  courant  de  l’hémif- 
phère  auftral ,  dans  lequel  la  quantité  des  eaux 
&  des  glaces  étant  beaucoup  plus  grande  que 


2  j  g  Hijloire  naturelle 

dans  !e  boréal ,  la  condenfation  des  émanations 
terreftres  provenant  des  régions  de  1  équateur, 
doit  être  auffi  plus  rapide  &  plus  grande,  cette 
même  inégalité  fe  reconnoît  dans  les  aimans. 
M.  de  Bruno  a  fait ,  à  ce  fu jet ,  quelques  expé¬ 
riences  ,  dont  nous  citons  la  plus  décifive  dans 
la  Note  ci-deffous  ( m ).  Defcartes  avoit  dit 
auparavant  que  le  côté  de  l’aimant,  qui  tend 
vers  le  nord,  peut  foutenir  plus  de  fer  dans 
nos  régions  feptentrionales  ,  que  le  côté  oppose 
ce  fait  a  été  confirmé  par  Rohault ,  ol 
aujourd’hui  par  les  expériences  de  M.  d_ 
Bruno.  Le  pôle  boréal  eft  donc  le  plus  fort  dans 
les  aimans,  tandis  que  c’eft  au  contiaire  - 
pôle  le  plus  foible  fur  le  globe  terreftre;  & 
c’eft  précifément  ce  qui  détermine  les  pôles 
boréaux  des  aimans  à  le  porter  vers  le  nord , 
comme  vers  un  pôle  dont  la  quantité  de  torce 
eft  différente  de  celle  qu’ils  ont  reçue.  ^ 
Lorfqu’on  préfente  deux  aimans  l  un  a  1  au¬ 
tre,  &  que  l’on  oppofe  les  pôles  de  même 


(  m  )  »  3c  pofai  un  grand  barreau  magnétique  fur  une 
table  de  marbre  blanc  ;  je  plaçai  une  aiguille  aimantée  en 
équilibre  fur  fon  pivot ,  au  point  qui  feparoit  le  grand 
barreau  en  deux  parties  égales.  Le  pôle  auftral  s’inclina 
vers  le  pôle  boréal  du  grand  barreau.  J’approchai  infen- 
fiblement  cette  aiguille  vers  le  pôle  auftral  du  grand  bar¬ 
reau,  jufqu’à  ce  qu’ enfin  je  m’apperçus  que  la  petite  aiguille 
étoit  dans  une  fituation  parfaitement  horizontale  ».  Recher¬ 
ches  fur  la  dircaion  du  Fluide  magnétique  ,  page  116. 

(  n  )  Principes  de  la  philofophie  de  Dcfcanes ,  article 
XXIX ,  des  propriétés  de  l'Aimant. 


Traite  de  l' Aimant'.  2 

nom,  il  eft  néceffaire  qu’ils  fe  repouffent, 
parce  que  la  force  magnétique  ,  qui  fe  porte 
de  J  equateur  du  premier  aimant  à  fon  pôle, 
agit  dans  une  direction  contraire  &  diamé¬ 
tralement  oppoléeà  la  force  magnétique,  qui 
le  porte  en  fens  contraire  dans  le  fécond 
aimant.  Ces  deux  forces  font  de  même  nature  , 
leur  quantité  eft  égale,  &  par  conféquent  ces 
deux  forces  égales  &  oppofées  doivent  pro¬ 
duire  une  repulfion  ,  tandis  qu’elles  n’offrent 
qu  une  attraéiion  ,  ft  les  deux  aimans  font 
preientes  1  un  à  l’autre  par  les  pôles  de  dif- 
ferens  noms ,  puifqu’alors  les  deux  forces 
magnétiques,  au  lieu  d’être  égales  ,  diffèrent 
par  leur  nature  &  par  leurs  quantités.  Ceci 
leul  fumroit  pour  démontrer  que  la  force 
magnétique  ne  circule  pas  en  tourbillon  autour 
de  1  aimant,  mais  fe  porte  feulement  de  fon 
equateur  à  les  pôles,  en  deux  fens  oppofés. 

Cette  répulfion,  qu'exercent  l’un  contre 
1  autre  les  pôles  de  même  nom,  fert  à  ren¬ 
dre  raifon  d  un  phénomène  ,  qui  d’abord  a 
furpris  les  yeux  de  quelques  Phyficiens.  Si 
Ion  loutient  deux  aiguilles  aimantées,  l’une 
au  deffus  de  1  autre  ,  &  fi  on  leur  communique 
le  plus  léger  mouvement,  elles  ne  fe  fixent 
point  dans  la  direétion  du  méridien  magné¬ 
tique  ;  mais  elles  s’éloignent  également 
des  deux  côtés  ,  1  une  à  droite ,  &  l’autre  à 
gauche  ,  de  la  ligne  de  leur  direction  naturelle. 

Or  cet  écartement  provient  de  l’aftion 
repulfive  de  leurs  pôles  femblables ,  &  ,  ce 
qui  le  prouve,  c’eft  qu’à  mefure  qu’on  fait 
defeendre  1  aiguille  fupérieure,  pour  l’appro¬ 
cher  de  1  inferieure,  l’angle  de  leur  écarte- 


2.40  Hiftoire  naturelle. 

ment  devient  plus  grand,  tandis  qu’au  con¬ 
traire  il  devient  plus  petit  à  meiure  qu’on 
fait  remonter  cette  même  aiguille  tupérieure 
au-deffus  de  l’inférieure;  &  lorfque  les 
aiguilles  font  afTez  éloignées  l’une  de  1  au¬ 
tre  pour  n 'être  plus  foumifes  à  leur  influence 
mutuelle,  elles  reprennent  alors  leur  vraie 
direaion  ,  &  n’obéiffent  plus  qu’à  la  force 
du  magnétifme  général.  Cet  eifet ,  dont  la 
caufe  eft  afTez  évidente,  n’a  pas  laine  d  in¬ 
duire  en  erreur  ceux  qui  l’ont  obfervé  les 
premiers;  ils  ont  imaginé  qu’on  pourroit,  par 
ce  moyen,  conflruire  des  bouffoles  ,  dont 
l’une  des  aiguilles  indiqueroit  le  poie  ter- 
reftre  ,  tandis  que  l’autre  fe  dirigeroit  vers 
le  pôle  magnétique  ,  en  forte  que  la  première 
marqueroit  le  vrai  nord,  &  la  fécondé,  la 
déclinaifon  de  l’aimant,  mais  le  peu  de  fon¬ 
dement  de  cette  prétention  eft  fufnfamment 
démontré  par  l’angle  que  forment  les  deux 
aiguilles,  &  qui  augmente  ou  diminue  par 
l’influence  mutuelle  de  leurs  pôles  ,  en  les 
rapprochant  ou  les  éloignant  1  un  de  1  autre. 

On  déterminera  plus  puifîamment ,  plus 
promptement  cette  force  extérieure  du  magné- 
tifme  général  vers  le  fer ,  en  le  tenant  dans 
la  direction  du  méridien  magnétique  de  cha¬ 
que  lieu  ,  &  l’on  a  oblervé  qu  en  mettant 
dans  cette  fituation  des  verges  de  fer ,  les 
unes  en  incandefcence  &  les  autres  froi¬ 
des  ,  les  premières  reçoivent  la  vertu  magné¬ 
tique  bien  plutôt  &  en  bien  plus  grande 
mefure  (  o  )  que  les  dernieres.  Ce  fait  ajoute 

(  o  )  Nous  devons  cependant  obfervcr  que  le  ter  prend , 

encore 


Traité  de  l'Aimant.  441 

encore  aux  preuves  que  j’ai  données  de  la 
formation  des  mines  d’aimant  par  le  feu 
primitif. 

II  faut  une  certaine  proportion  dans  les 
dimenfions  du  fer,  pour  qu’il  puiffe  s’aimanter 
promptement  de  lui-même,  &  par  la  feule 
aftion  du  magnétifme  général  ;  cependant 
tous  les  fers  étant  pofés  dans  une  fituation 
perpendiculaire  à  l’horizon  ,  prendront  dans 
nos  climats  quelque  portion  de  vertu  magné¬ 
tique.  M.  le  Chevaliet  de  Lamanon  ayant 
examiné  les  fers  employés  dans  tous"  les 
vaiffeaux  qu’il  a  vus  dans  le  port  de  Breft, 
en  1785  ,  a  trouvé  que  tous  ceux  qui  étoient 
placés  verticalement ,  avoient  acquis  la  vertu 
magnétique  ( p ).  Il  faut  feulement  un  affez 
long  temps  pour  que  cet  effet  fe  manifefte 
dans  les  fers  qui  font  gros  &  courts  ,  moins 
de  temps  pour  ceux  qui  font  épais  &  longs, 
&  beaucoup  moins  pour  ceux  qui  font  longs 
&  menus  (<?).  Ces  derniers  s’aimantent  en 


à  ia  vérité ,  plus  de  force  magnétique  dans  l’état  d’incan- 
defcence ,  mais  qu’il  ne  la  conferve  pas  en  même  quan¬ 
tité  après  fon  refroidiflement  ;  un  fer,  tant  qu’il  eft  rouge, 
attire  l’aiguille  aimantée  plus  fortement,  &  la  fait  mou¬ 
voir  de  plus  loin  que  quand  il  eft  refroidi. 

( P )  Lcttre  de  M.  le  chevalier  de  Lamanon,  à  M.  le 
Comte  de  BulTon,  datée  de  Madère,  178*. 

(  q  )  Prenez ,  dit  Mufchembioëck ,  une  verge  de  fix  pieds 
de  longueur  &  d’un  cinquième  de  pouce  de  diamètre- 
tenez-la  perpendiculairement  à  l’horizon  ,  elle  s’aimantera 
en  une  minu:e  de  temps,  &  attirera,  par  fon  extrémité 

Minéraux.  Tome  IX.  X 


Hijloîre  naturelle: 

quelques  minutes,  &  il  faut  des  mois  &  des 
années  pour  les  autres.  De  quelque  maniéré 
même  que  le  fer  ait  reçu  la  vertu  magné¬ 
tique,  il  paroît  que  juiqu’à  un  certain  point, 
&  toutes  choies  égales,  la  force  qu’il  acquiert 
eft  en  raifon  de  fa  longueur  ( r );  les  bar¬ 
reaux  de  fer  qui  font  aux  fenêtre*  des 
anciens  édifices,  ont  fouvent  acquis,  avec 
le  temps,  une  allez  grande  force  magnéti¬ 
que  ,  pour  pouvoir ,  comme  de  véritables 
aimans,  attirer  &  repouffer  d’une  maniéré 
fenfible  l’aiguille  aimantée  à  plufieurs  pieds 

de  diftance.  ...  ■  -r 

Mais  cette  communication  du  magnetiime 
au  fer,  s’opère  très  inégalement  iuivant  les 
différens  climats  ;  on  s’elt  ailure  ,  par  1  obier- 
vation,  que ,  dans  toutes  les  contrées  des  zones 
tempérées  &  froides,  le  fer  tenu  verticale¬ 
ment  acquiert  plus  promptement  &  en  plus 
grande  mefure  la  vertu  magnétique  ,  que 
dans  les  régions  qui  font  fous  la  zone  tor¬ 
ride,  dans  ltfquelles  même  il  ne  prend  fou- 
vent  que  peu  ou  point  de  veitu  magnetiquo 
dans  cette  pofition  verticale. 

Nous  avons  dit  que  les  aimans  ont  pro- 


faférieure ,  le  pôle  auftra'l  de  l’aiguille  aimantée ,  &  repouf- 
(«ra,  par  cette  même  extrémité,  le  polo  boréal.  Si  vous 
rcnverfez  la  verge  ,  vous  verrez ,  dans  moins  d’une  minute, 
que  l’extrémité  fuptrieurc ,  devenue  l’intérieure,  attirera 
le  pôle  auftral  qu’elle  repouiïoit  auparavant.  Dijjcu.  de 
Magnat,  page  i6o. 

(r)  Epinus ,  N°.  ip. 


Traite  Je  l'A'imant'.  243 

portionnellement  d’autant  plus  de  force  qu’ils 
iont  en  plus  petit  volume.  Une  pierre  d’ai¬ 
mant,  dont  le  volume  excède  vingt- fept 
ou  trente  pouces  cubiques ,  peut  à  peine 
porter  un  poids  .égal  à  celui  de  fa  maffe, 
tandis  que,  dans  les  petites  pierres  d’aimant 
d’un  ou  deux  pouces  cubiques  ,  il  s’en  trouve 
qui  portent  vingt ,  trente  &  même  cinquante 
fois  leur  poids.  Mais,  pour  faire  des  compa- 
laifons  exactes  ,  il  faut  que  le  fer  foit  delà 
même  qua.ité  ,  &  que  les  dimenfîons  &  la 
figure  de  chaque  morceau  foient  femblables 
&  égales  ,  car  un  aimant ,  qui  foutiendroit 
un  cube  de  fer  du  poids  d’une  livre  ,  ne 
pourra  foutenir  un  fil  de  fer ,  long  ’d’un 
pied ,  qui  ne  peferoit  pas  un  gros  ,  &  fi  les 
maffes  à  foutenir  ne  font  pas  entièrement 
de  fer ,  quoique  de  même  forme ,  fi  ,  par 
exemple,  on  applique  à  l’aimant  deux  maffes 
d’égal  poids  &  de  figure  femblable,  dont 
l’une  feroit  entièrement  de  fer  ,  &  dont  l’au¬ 
tre  ne  feroit  de  fer  que  dans  la  partie  fupé- 
rieure,  &  de  cuivre  ou  d’autre  matière  dans 
la  partie  inférieure,  cette  maffe,  compofée 
de  deux  matières  ,  ne  fera  pas  attirée  ni 
foutenue  avec  la  même  force  que  la  maffe 
de  fer  continu,  &  elle  tiendra  d’autant  moins 
à  l’aimant  que  la  portion  de  fer  fera  plus 
petite  ,  &  que  celle  de  l’autre  matière  lera 
plus  grande. 

Lorfqu’on  divife  un  gros  aimant  en  plu- 
fieurs  parties,  chaque  fragment  ,  quelque 
petit  qu’il  foit,  aura  toujours  des  pôles  (s). 

(O  Lorfqu’on  coupe  un  aimant  par  le  milieu  de  foa 

X  2 


244  Hiftoîre  naturelle l 

La  vertu  magnétique  augmentera  au  lieu  de 
diminuer  par  cette  diviuon  ;  ces  fragmens, 
pris  féparément  ,  porteront  beaucoup  plus 
de  poids  que  quand  ils  étoient  réunis  en  un 
l'eul  bloc.  Cependant  les  gros  aimans  ,  même 
les  plus  foibles  ,  répandent  en  proportion  leur 
force  à  de  plus  grandes  diftances  que  les 
petits  aimans  les  plus  forts,  &  fi  l’on  joint 
enfemble  plufieurs  petits  aimans  pour  n’en 
faire  qu’une  mafl'e  ,  la  vertu  de  cette  maffe 


axe ,  chacune  de  fes  parties  a  conftamment  deux  pôles , 
&  devient  un  aimant  complet.  Les  parties  qui  étoient 
contiguës  fous  l’équateur  avant  la  feftion ,  &  qui  n’étoient 
rien  moins  que  des  pôles ,  le  font  devenues ,  &  même 
des  pôles  de  différens  noms ,  en  forte  que  chacune  de  ces 
parties  pourroit  devenir  également  pôle  boréal  &  pôle 
auftral ,  fuivant  que  la  fettion  fe  feroit  faite  plus  près  du 
pôle  auftral  ou  du  pôle  boréal  du  grand  aimant;  &  la 
même  chofe  arriverait  à  chacune  de  ces  moitiés  ,  fi  on 
les  coupoit  par  le  milieu,  de  la  même  manière.  Extrait 
de  l'article  Aimant  dans  l’Encyclopédie ,  par  M.  le  Monnier , 
qui  a  traité  cette  matière  avec  autant  de  méthode  que  de 
jujleffe  &  de  difcernement. 

M.  Epinus  a  éprouvé  que  fi  on  rompt  en  deux  une  barre 
de  l’acier  le  plus  dur ,  qu’on  approche  les  deux  morceaux 
l’un  au  bout  de  l’autre  ,  qu’on  les  preffe  de  manière  qu’ils 
n’en  forment  qu’un  feul ,  &  qu’on  aimante  cette  barre  com- 
pofée ,  on  n’y  trouvera  que  deux  pôles;  mais ,  fi  enfuite 
on  fépare  les  deux  morceaux ,  ils  offriront  chacun  deux 
pôles  oppofés  ;  le  pôle  boréal  &  le  pôle  auflral  demeu¬ 
rant  ,  chacun ,  au  bout  qu’ils  occupoient.  Numéros  ioj 
6*  104. 


Traite  de  l'Aimant.  24^ 

s  étendra  beaucoup  plus  loin  que  celle  d’au¬ 
cun  des  morceaux  dont  ce  bloc  eft  compofé. 
Uans  tous  les  cas,  cette  force  agit  de  plus 
loin  fur  un  autre  aimant,  ou  fur  le  fer 
aimanté,  que  fur  le  fer  qui  ne  l’eft  pas  (t). 

On  peut  reconnoître  aflez  précifément  les 
effets  de  1  attraction  de  l’aimant  fur  le  fer, 
&  fur  le  fer  aimanté  ,  par  le  moyen  des  bouf- 
foles  dont  l’aiguille  nous  offre  auffi,  par  fon 
mouvement ,  les  autres  phénomènes  du  magnè- 
tilme  général.  La  direction  de  l’aiguille  vers 
les  parties  polaires  du  globe  terreftre,  fa 
déclinaifon  &  fon  inclinaifon  dans  les  diffé- 
rens  lieux  du  globe  ,  font  les  effets  de  ce 
magnétifme,  dont  nous  avons  tiré  le  grand 
moyen  de  parcourir  les  mers  &  les  terres 
inconnues,  fans  autre  guide  que  cette  aiguille 
qui  feule  peut  nous  conduire  ,  lorfque  l’afpeél 
du  ciel  nous  manque,  &  que  tous  les  affres 
font  voilés  parles  nuages  ,  les  brouillards  & 
les  brumes  ( u ). 


CO  Les  diftances  auxquelles  l’aimant  agit  fur  le  fer 
•aimanté  &  fur  celui  qui  ne  l’eft  pas,  font  dans  le  rapport 
de  f  à  2.  Mufchembroëck ,  page  117, 

(  u  )  Il  les  aiguilles  des  bouffoles  foient  faites 

de  bon  acier  homogène ,  fans  foufflures  ni  fêlures  ;  leur 
furface  doit  être  polie,  fans  inégalités  ni  cavités,  fur-tout 
fans  points  faillans  qui  ne  manqueroient  pas  de  troubler 
1  effet  général  du  magnétifme  par  des  effets  particuliers  & 
contraires;  leur  forme  doit  être  auffi  fimple  que  leur 
matière  eh  pure  ;  il  faut  feulement  que  ces  aiguilles  dimi¬ 
nuent,  Sc  le  terminent  en  pointe  aux  [deux  extrémités. 

x  3 


246  Hijîoire  naturelle 

Ces  aiguilles  une  fois  bien  aimantées ,  font 
de  véritables  aimans  ;  elles  nous  en  préfen- 
tent  tous  les  phénomènes  ,  &  même  les  démon¬ 
trent  d’une  maniéré  plus  précife  qu’on  ne 
pourroit  les  reconnoître  dans  les  aimans 
mêmes  ;  car  l’aimant  &  le  fer  bien  aimanté, 
produifent  les  mêmes  effets  ,  &  lorfqu’une 
petite  barre  d’acier  a  été  aimantée  au  point 
ce  prendre  toute  la  vertu  magnétique,  dont 
elle  eft  fufceptible,  c’eft  dès-lors  un  aimant 
qui,  comme  le  véritable  aimant,  peut  com- 


On  a  reconnu ,  après  plufieurs  elTais ,  qu’une  aiguille  de 
cinq  pouces  &  demi  ou  fix  pouces  de  longueur,  droit 
plus  précife  dans  fes  indications  de  la  déclinaifon ,  que 
les  aiguilles  plus  courtes  ou  plus  longues  ;  le  poids  de 
cette  aiguille  de  fix  pouces  fera  de  cent  cinquante  ou 
cent  foixante  grains.  Si  elle  étoit  plus  légère ,  elle  feroit 
moins  allurée  fur  fon  pivot  ;  &  fi  elle  étoit  plus  pefante  j 
la  réfiftance ,  par  le  frottement  fur  ce  même  pivot ,  la 
rendroit  moins  agile.  Les  aiguilles ,  pour  les  boulfoles 
d’inçlinaifon ,  doivent  être  un  peu  plus  longues.  On  aura 
foin  de  tremper  les  unes  &  les  autres ,  pour  en  rendre 
l’acier  plus  diadique  ,  &  on  leur  donnera  la  couleur  bleue, 
pour  les  préferver  plus  long-temps  de  la  rouille.  Ce  pivot 
no  fera  r.i  de  fer  ni  d’acier ,  niais  de  cuivre ,  ou  de  toute 
autre  matière  dure  &  fufceptible  de  poli  ;  l’extrémité  de 
ce  pivot  doit  être  arrondie  &  convexe ,  pour  entrer  Se 
s’ajufter  exaflement  dans  la  cavité  de  la  chappe,  qui 
fera  de  la  même  matière  dure  &  polie  ;  &:  fi  l’on  enduit 
cette  cavité  d’un  peu  d'huile,  ou  mieux  encore  d’une 
petite  quantité  de  poudre  très  fine ,  de  talc  ou  de  molyb¬ 
dène,  le  mouvement  de  l’aiguille  aura  toute  la  liberté, 


Traité  de  l'Aimant.  247 

ffluniquer  fa  force,  fans  en  rien  perdre,  à 
tous  les  fers  &  à  tous  les  aciers  qu’on  lui 
préfentera. 

Mais  ni  l’aimant  naturel,  ni  ces  aimans 
artificiels,  ne  communiquent  pas  d’abord 
autant  de  force  qu’ils  en  ont;  une  lame  de 
fer  ou  d’acier  palfée  fur  l’aimant,  en  reçoit 
une  certaine  mefure  de  vertu  magnétique, 
qu’on  eftime  par  le  poids  que  cette  lame  peut 
foutenir;  fi  l’on  pafie  une  fécondé  lame  fur 
la  première  ,  cette  fécondé  lame  ne  recevra 


que  l’on  peut  lui  donner  ou  plutôt  obtenir.  Pour  faire 
des  aiguilles  de  bouflcdes  ,  dit  Mufchembroëck ,  l’acier 
doit  être  préféré  au  fer ,  parce  qu’il  prend  beaucoup  plus 
de  force  magnétique.  On  a  obfervé  qu’il  en  recevoit 
jufqu’à  fept  fois  plus  ;  il  la  reçoit,  à  la  vérité,  plus  len¬ 
tement,  mais  il  la  conferve  beaucoup  plus  long-temps 
que  le  fer.  Dijfertatio  de  Magne  te  ,  page  230. 

Les  aiguilles  aimantées  ,  de  différentes  longueurs ,  ne 
s’arrêtent  pas  précifémcnt  dans  la  même  direction ,  quoi¬ 
qu’on  leur  préfente  un  feul  &  même  aimant  ;  mais  c’eft 
leur  différente  forme  qui  donne  lieu  à  cette  différence  ; 
celles  qui  m’ont  le  mieux  réufïï,  c’eft  à-dire,  celles  dont 
la  direftion  a  toujours  é?é  la  même,  avoient  les  deux 
bouts  droits  &  femblables.  Mémoire  fur  les  Aiguilles 
aimantées  ,  par  M.  'du  Fay ,  dans  ceux  de  l'Académie  des 
Sciences ,  année  1733 . Suivant  M.  Mitcliel ,  la  meil¬ 

leure  proportion  des  dimenfions  pour  faire  des  aiguilles 
de  boulfole  ,  ou  des  lames  d’acier  artificielles ,  ell  fix 
pouces  de  longueur,  fix  lignes  de  largeur,  &  un  tiers  de 
ligne  d’épailfeur. 


248  Hîjloire  naturelle. 

de  même  qu’une  partie  de  la  force  de  la  pre¬ 
mière,  &  ne  pourra  foutenir  qu’un  moindre 
poids  ;  une  troifième  lame  paffée  fur  la  fécon¬ 
dé,  ne  prendra  de  même  qu’une  portion  de 
la  force  de  cette  fécondé  lame  ;  &  enfin 
dans  une  quatrième  lame  pafl'ée  fur  la  troi- 
fièine  ,  la  vertu  communiquée  fera  prefque 
infenfible  ou  même  nulle. 

Chacune  de  ces  lames  conferve  néanmoins 
toute  la  vertu  qu’elle  a  reçue  ,  fans  perte  ni 
diminution,  quoiqu’elles  paroiflent  en  faire 
largelTe  en  la  communiquant  ;  car  l’aimant 
ou  le  fer  aimanté  ne  font  aucune  dépenfe 
réelle  de  cette  force  ;  elle  ne  leur  appartient 
donc  pas  en  propre  ,  &  ne  fait  pas  partie 
de  leur  fubitance  ;  ils  ne  font  que  la  déter¬ 
miner  plus  ou  moins  vers  le  fer  qui  ne  l’a 
pas  encore  reçue. 

Ainfi ,  je  le  répète,  cette  force  ne  réfide 
pas  en  quantité  réelle  &  matérielle  dans  l’ai¬ 
mant,  puifqu’elle  pafle  fans  diminution  de 
l’aimant  au  fer  &  du  fer  au  fer,  qu’elle  le 
multiplie  au  lieu  de  s’évanouir,  &  qu’elle 
augmente  au  lieu  de  diminuer  par  cette 
communication;  car  chaque  lame  de  fer  en 
acquiert  fans  que  les  autres  en  perdent,  & 
la  force  refte  évidemment  la  même  dans 
chacune  ,  après  mille  &  mille  communica¬ 
tions.  Cette  force  eft  donc  extérieure  ,  & 
de  plus ,  elle  eft  ,  pour  ainfi  dire ,  infinie 
relativement  aux  petites  mafles  de  l’aimant 
61  du  fer,  qui  ne  font  que  la  déterminer  vers 
leur  propre  fubftance  ;  elle  exifte  à  part,  & 
n'en  exifteroit  pas  moins ,  quand  il  n’y  auroit 


Traité  de  T  Aimant.  249 

point  de  fer  ni  d’aimant  dans  le  monde  ;  mais 
il  eft  vrai  qu’elle  neproduiroit  pas  les  mêmes 
effets  ,  qui  tous  dépendent  du  rapport  parti¬ 
culier  que  la  matière  ferrugineufe  fe  trouve 
avoir  avec  l’aêtion  de  cette  force. 


2.^0  Hijlolre  naturelle. 

ARTICLE  IV. 


Divers  procédés  pour  produire  &  compléter  Va'imah • 
tation  du  Fer. 


P lusieurs  circonftances  concourent  à  ren¬ 
dre  plus  ou  moins  complète  la  communica¬ 
tion  de  la  force  magnétique  de  l’aimant  au 
fer;  premièrement  »  tous  les  aimans  ne  don¬ 
nent  pas  au  même  fer  une  égale  force  attrac¬ 
tive;  les  plus  forts  lui  communiquent  ordi¬ 
nairement  plus  de  vertu  que  les  aimans  plus 
foibles  ;  fècondement,  la  qualité  du  fer  influe 
beaucoup  fur  la  quantité  de  vertu  magnétique 
qu’il  peut  recevoir  du  même  aimant;  plus 
le  fer  eft  pur,  &  plus  il  peut  s’aimanter  for¬ 
tement;  l’acier ,  qui  eft  le  fer  le  plus  épuré, 
reçoit  plus  de  force  magnétique ,  &  la  con- 
ferve  plus  long-temps  que  le  fer  ordinaire  ; 
troifièmement ,  il  faut  une  certaine  propor¬ 
tion  dans  les  dimenfions  du  fer  ou  de  l’acier 
que  l’on  veut  aimanter,  pour  qu’ils  reçoivent 
la  plus  grande  force  magnétique  qu’ils  peu¬ 
vent  comporter;  la  longueur,  la  largeur  & 
l’épaifteur  de  ces  fers  ou  aciers,  ont  leurs 
proportions  &  leurs  limites;  ces  dimenfions 
refpeétives  ne  doivent  être  ni  trop  grandes 
ni  trop  petites,  &  ce  n’eft  qu’après  une  infi¬ 
nité  de  tâtonnernens  qu’on  a  pu  déterminer 
à-peu-près  leurs  proportions  relatives,  dans 


Traite  de  l’Aimant.  1 

îes  maffes  de  fer  ou  d’acier  que  l’on  veut 
aimanter  au  plus  haut  degré  (a). 

Lorfqu’on  préfente  à  un  aimant  puiflant 
du  fer  doux  &  du  fer  dur,  les  deux  fers 
acquièrent  la  vertu  magnétique  ,  &  en  reçoi¬ 
vent  autant  qu’ils  peuvent  en  comporter,  & 
le  fer  dur  ,  qui  en  comporte  le  plus,  peut 
en  recevoir  davantage  ;  mais  fi  l’aimant  n’eft 
pas  afléz  puiflant  pour  communiquer  aux 
deux  fers  toute  la  force  qu’ils  peuvent  rece¬ 
voir ,  on  trouvera  que  le  fer  tendre,  qui 
reçoit  avec  plus  de  facilité  la  vertu  magné¬ 
tique  ,  aura,  dans  le  même  temps,  acquis  plus 
de  force  que  le  fer  dur.  11  peut  aufli  arriver 
que  l’adlion  de  l’aimant  fur  les  fers  foi t  telle, 
que  le  fer  tendre  fera  pleinement  imprégné, 
tandis  que  le  fer  dur  n’aura  pas  été  expofé 
à  cette  aéfion  pendant  allez  de  temps  ,  pour 
recevoir  toute  la  force  magnétique  qu’il  peut 
comporter  ,  de  forte  que  tous  deux  peuvent 
préfènter,  dans  ces  deux  cas,  des  forces 
magnétiques  égales  ,  ce  qui  explique  les  con- 


(  a)  »  11  faut  une  certaine  proportion  déterminée  entre 
la  longueur,  la  largeur  &  l’épaiiïeur  d’un  morceau  de  fer 
ou  d’acier ,  pour  qu’il  prenne  la  plus  grande  force  magné¬ 
tique  poûible ;  car,lorfque  ces  dimenfions  font  trop  petites 
ou  trop  grandes,  il  prend  moins  de  force  dans  les  deux 
cas  ;  mais  la  plus  grande  différence  fe  trouve  entre  deux 
morceaux  ,  dont  l’un  auroit  dix  pouces  de  longueur ,  8c 
l’autre  quatre  pouces  ,  car  celui-ci  n’a  porté  ,  dans  1  ex¬ 
périence  ,  qu’un  grain  &  demi ,  tandis  que  1  autre  en  por¬ 
tent  trente-trois  ».  Mufehembroéck,  expérience  3 


2  $  2.  Hifloire  naturelle 

traditions  des  Artiftes  fur  la  qualité  du  fer 
qu’on  doit  préférer  pour  faire  des  aimans 
artificiels  ( b ). 

Une  verge  de  fer  ,  longue  &  menue  ,  rou¬ 
gis  au  feu  ,  &  enluite  plongée  perpendicu¬ 
lairement  dans  l’eau ,  acquiert ,  en  un  moment, 
la  vertu  magnétique.  L’on  pourroit  donc 
aimanter  promptement  des  aiguilles  de  bouf- 
fole  fans  aimant.  Il  fulfiroit,  après  les  avoir 
fabriquées,  de  les  faire  rougir  au  feu,  &  de 
les  tremper  enfuite  dans  l’eau  froide  (  c  ). 
Mais,  ce  qui  paroît  fingulier ,  quoique  natu¬ 
rel,  c’eft-à-dire ,  dépendant  des  mêmes  cau- 
fes ,  c’eft  que  le  fer  en  incandefcence ,  comme 
l’on  voit,  s’aimante  très  promptement,  en 
le  plongeant  verticalement  dans  l’eau  pour 
le  refroidir,  au  lieu  que  le  fer  aimanté  perd 
fa  vertu  magnétique  par  le  feu ,  &  ne  la 
reprend  pas  étant  de  même  plongé  dans  l’eau. 
Et  c’eft  parce  qu’il  conferve  un  peu  de  cette 
vertu  que  le  feu  ne  lui  enlève  pas  toute 
entière;  car  cette  portion  qu’il  conferve  de 
fon  ancien  magnétifme,  l’empêche  d’en  rece¬ 
voir  un  nouveau. 

On  peut  faire  avec  l’acier  des  aimans  arti¬ 
ficiels,  auffi  puiffans,  auffi  durables  que  les 
meilleurs  aimans  naturels;  on  a  même  obfervé 


(£)  Voyez  l’Ouvrage  de  M.  Epinus,  page  367. 

(  c  )  Nous  devons  cependant  obferver  que  ces  aiguilles 
ne  font  pas  aulli  actives ,  ni  auffi  précifes  que  celles  qu’on 
a  aimantées,  en  les  paffant  vingt  ou  trente  fois  dans  le 
même  fçns ,  fur  le  pôle  d’un  aimant  bien  armé. 


Traité  de  l'Aimant 

qu’un  aimant  bien  armé,  donne  à  l’acier  plus 
de  vertu  magnétique  qu’il  n’en  a  lui  même. 
Ces  aimans  artificiels  demandent  feulement 
quelques  attentions  dans  la  fabrication  ,  &  de 
jurtes  proportions  dans  leurs  dimenfions  (  d  ). 
Plufieurs  Phyficiens  ,  &  quelques  Artiftes 
habiles,  ont ,  dans  ces  derniers  teins,  fi  bien 


(d)  Pour  rendre  le  fer  un  véritable  aimant,  il  faut, 
i°.  le  frotter  fur  un  des  pôles  d’un  aimant  bien  armé; 
2°.  plus  on  palfe  lentement  le  fer ,  &  plus  on  le  prelTe 
contre  cette  armure ,  ou  pôle  de  l’aimant ,  &  plus  il 
reçoit  de  force  magnétique;  3«.  il  ne  faut  aimanter  le 
fer  qu’en  le  frottant  fur  l’armure  d’un  feul  pôle,  &  non 
pas  fuccefïïvement  fur  les  deux  pôles;  4°.  il  faut  frotter 
le  fer  fur  toute  fa  longueur,  &  on  remarque  que  l’extré¬ 
mité  qui  touche  le  pôle  la  dernière ,  conferve  le  plus  de 
force  ;  5°.  un  morceau  d’acier  poli  reçoit  plus  de  vertu 
magnétique  qu’un  morceau  de  fer  fimple  &  de  même 
figure  ;  &  ,  toutes  cliofes  d’ailleurs  égales ,  on  aimante  plus 
fortement  un  morceau  de  fer  long ,  mince  &  pointu ,  qu’un 
autre  d’une  forme  toute  différente  ;  6°.  c’efl  par  la  raifon 
de  la  plus  grande  longueur ,  qu’une  lame  d’épée  ,  par 
exemple,  reçoit  plus  de  vertu  magnétique  qu’une  lame 
de  couteau  ;  cependant  il  y  a  de  certaines  proportions 
d’épaiffeur  &  de  longueur,  hors  defqueiles  le  fer  reçoit 
moins  de  vertu  magnétique  ;  il  eft  certain  qu’on  peut 
donner  à  des  barreaux  d’acier ,  d’une  figure  convenable 
&  trempés  fort  durs,  une  quantité  de  verra  magnétique 
très  confidérable.  L’acier  trempé  a  cet  avantage  fur  ie 
fer  &  fur  l’acier  doux  ,  qu’il  retient  beaucoup  plus  de 
vertu  magnétique,  quoiqu’il  ait  plus  de  peine  à  s’en  charger. 
Extrait  de  l’article  Aimant ,  dans  l'Encyclopédie ,  par  M, 


2 $4  H'tfio'ire  naturelle'. 

réufïïjtant  en  France  (e )  qu’en  Angleterre; 
qu’on  pourroit,  au  moyen  d’un  de  ces  aimans 
artificiels,  le  pafi'er  à  l’avenir  des  aimans  de 

nature.  .  . 

11  y  a  plus  ;  on  peut ,  fans  aimant  ni  1er 
aimanté  ,  &  par  un  procédé  aufli  remarquable 
qu’il  eft  fimple  ,  exciter  dans  le  fer  la  vertu 
magnétique  à  un  très-haut  degré  ;  ce  procède 
confifte  à  pofer  fur  la  furface  polie  d’un  forte 
pièce  de  ter,  telle  qu’une  enclume ,  des  bar*. 


h  Monnlcr.  . .  M.  du  Fny  dit  que  la  figure  des  morceaux 
de  fer  que  l’on  veut  aimanter,  contribue  beaucoup  à  la 
formation  des  pôles ,  ou  plutôt  à  leur  établiffement.  I  ar 
exemple,  on  ne  parviendra  que  diffictlemement  a  établir 
des  pôles  fur  un  morceau  de  fer ,  dont  la  forme  eft 
fpliérique  ;  car  il  eut  beau  frotter  une  petite  boule  de  1er 
fur  un  bon  aimant,  il  ne  put  jamais  parvenir  à  lui  don¬ 
ner  des  pôles  bien  déterminés.  Mémoires  de  l'Academie 
des  Sciences ,  1733.  Ce  que  dit  ici  M.  du  Fny,  eft  vrai 
en  général  ;  cependant  cela  dépend  encore  de  la  force 
des  aimans  qu’on  emploie  pour  communiquer  la  vertu 
magnétique  à  ces  boules  ;  car  M.  Knigth  a  très  bien 
aimanté  de  petites  boules  de  fer,  en  employant  des  aimans 
artificiels  très  vigoureux. 

(<;)  M.  le  Noble,  Chanoine  de  Saint-T.ouis-du-Louvre, 
s’eft  fur-tout  diùingué  dans  cet  art  ;  il  a  compofé  des 
aimans  artificiels  de  plufieurs  lames  d’acier  réunies  ;  il  a 
trouvé  le  moyen  de  les  aimanter  plus  fortement ,  &  de 
leur  donner  les  figures  &  les  dimenficr.s  convenables  , 
pour  produire  les  plus  grands  effets-,  &,  comparaî'on 
faite  des  aimans  de  M.  le  Noble ,  avec  ceux  d’Angleterre , 
ils  m’ont  paru  au  moins  égaux,  &  même  fupéricurs. 


Traite  de  l' Aimant'.  tare 

reaux  d’acier ,  &  à  les  frotter  enfuite  un  grand 
nombre  de  fois,  en  les  retournant  fur  leurs 
différentes  faces,  toujours  dans  le  même  fens, 
au  moyen  d’une  groffe  barre  de  fer  tenue  ver¬ 
ticalement ,  &  dont  l’extrémité  inférieure, 
pour  le  plus  grand  effet,  doit  être  aciérée  & 
polie.  Les  barreaux  d’acier  fe  trouvent  après 
ces  frottemens  fortement  aimantés,  fans  que 
l’enclume  ni  la  barre,  qui  femblent  leur  com¬ 
muniquer  la  vertu  magnétique,  la  pofledent 
ou  la  prennent  fenfiblement  elles-mêmes  ;  & 
rien  ne  femble  plus  propre  à  démontrer  l’afff- 
nité  réelle  &  le  rapport  intime  du  fer  avec  la 
force  magnétique,  lors  même  qu’elle  ne  s’y 
manifefte  pas  fenfiblement ,  &  qu’elle  n’y  eft 
pas  formellement  établie ,  puifque  ne  la  poffé- 
dant  pas,  il  la  communique  en  déterminant 
fon  cours,  &  ne  lui  fervantque  de  condu&eur. 

MM.  Mitchel  &  Canton  ,  au  lien  de  fe  fervir 
d’une  feule  barre  de  fer  ,  pour  produire  des 
aimans  artificiels,  ont  employé,  avec  fuccès, 
deux  barres  déjà  magnétiques;  leur  méthode 
a  été  appellé  méthode  du  double  contaél,à 
caufe  du  double  moyen  qu’ils  ont  préféré. 
Elle  a  été  perfectionnée  par  M.  Epinus,  qui  a 
cherché  &  trouvé  la  manière  la  plus  avanta- 
geufe  de  placer  les  forces  dans  les  aimans  arti¬ 
ficiels  ,  afin  que  celles  qui  attirent  &  celles 
qui  repouffent,  fe  fervent  le  plus  &  fenuifent 
le  moins  poffible.  Voici  fon  procédé,  qui  eft 
l’un  des  meilleurs  auxquels  on  puiffe  avoir 
recours  pour  cet  effet ,  &  nous  penfons  qu’on 
doit  le  préférer  pour  aimanter  les  aiguilles  des 
bouffoles.  M.  Epinus  fuppofe  que  l’on  veuille 
augmenter  jufqu’au  degré  de  faturation  la 


a^6  Hijloire  naturelle l 

vertu  de  quatre  barres  déjà  douée  de  quelque 
magnétifme.  Il  en  met  deux  horizontalement , 
parallèlement,  &  à  une  certaine  diftance  l’une 
de  l’autre,  entre  deux  paralléiipipèdes  de  fer; 
il  place  fur  une  de  ces  barres  horizontales  les 
deux  autres  barres  qui  lui  relient;  il  les  incline, 
l’une  à  droite,  l’autre  à  gauche,  de  manière 
qu’elles  forment  un  angle  de  quinze  à  vingt 
degrés  avec  la  barre  horizontale,  &  que  leurs 
extrémités  inférieures  ne  foient  léparées  que 
par  un  efpace  de  quelques  lignes  ;  il  les  conduit 
enfuite  d’un  bout  de  la  barre  à  l’autre,  alter¬ 
nativement  dans  les  deux  fens ,  &  en  les  tenant 
toujours  à  la  même  diftance  l’une  de  l’autre  ; 
après  que  la  première  barre  horizontale  a  été 
ainft  frottée  fur  fes  deux  furfaces,  il  répète 
l’opération  fur  la  fécondé  barre;  il  remplace 
alors  la  première  paire  de  barres  par  la  fécondé, 
qu’il  place  de  même  entre  les  deux  paralléltpi- 
pèdes,  &  qu'il  frotte  de  la  même  manière  que 
nous  venons  de  le  dire  avec  la  première  paire  ; 
il  recommence  enfuite  l’opération  fur  cette 
première  paire  ,  &  il  continue  de  frotter  alter¬ 
nativement  une  paire  fur  l’autre,  jufqu’à  ce 
que  les  barres  ne  puiffent  plus  acquérir  du  ma¬ 
gnétifme.  M.  Epinus  emploie  le  même  pro¬ 
cédé  avec  trois  barres  ,  ou  avec  un  plus  grand 
nombre  ;  mais,  félon  lui,  la  manière  la  plus 
courte  &  la  plus  sûre,  eft  d’aimanter  quatre 
barres;  on  peut  coucher  entièrement  les  ai- 
mans  fur  la  barre  que  l’on  frotte ,  au  lieu  de 
leur  faire  former  un  angle  de  quinze  ou  vingt 
degrés,  fi  la  barre  eft  allez  courte  pour  que 
fes  extrémités  ne  le  trouvent  par  trop  voifines 
des  pôles  extérieurs  des  aimans,  qui  jouiffent 


Traité  de  l'Aimant.  257 

de  forces  oppofées  à  celles  de  ces  extrémités. 

Lorfque  la  barre  à  aimanter  eft  très-longue  , 
il  peut  fe  faire  que  l’ingénieux  procédé  de  M. 
Epinus,  ainfi  que  celui  de  M.  Canton,  pro¬ 
duire  une  fuite  de  pôles  alternativement  con¬ 
traires,  fur  tout  fi  le  fer  elt  mou,  &  par 
confequent  fufceptible  de  recevoir  plus  promp¬ 
tement  le  magnétifme. 

M.  Epinus  s’eft  fervi  du  procédé  du  double 
contaft  de  deux  manières  ;  i.°  avec  quatre 
barres  d’un  fer  médiocrement  dur ,  longues  de 
deux  pieds  ,  larges  d’un  pouce  &  demi ,  épailTes 
d’un  demi-pouce;  &  douze  lames  d’acier  de 
fix  pouces  de  long,  de  quatre  lignes  de  large, 
&  d’une  demi-ligne  d’épais.  Les  quatre  pre¬ 
mières  éroient  d’un  acier  mou,  quatre  autres 
avoient  la  dureté  de  l’acier  ordinaire,  avec 
lequel  on  fait  les  refforts ,  &  les  quatre  autres 
barres  étoient  d’un  acier  dur  jufqu’au  plus  haut 
degré  de  fragilité.  11  a  tenu  verticalement  une 
des  grandes  barres  &  l’a  frappée  fortement, 
environ  deux  cens  fois,  à  l’aide  d’un  gros 
marteau;  elle  a  acquis,  par  cette  perculîion, 
une  vertu  magnétique  affez  forte,  pour  foti- 
tenir  un  petit  clou  de  fer;  l’extrémité  infé¬ 
rieure  a  reçu  la  vertu  du  pôle  boréal ,  &  l’ex¬ 
trémité  fupérieure  la  vertu  du  pôle  auftral  ; 
il  a  aimanté  de  même  les  autres  trois  grandes 
barres.  11  a  enfuite  placé  l’une  des  petites 
lames  d’acier  mou,  fur  une  table  entre  deux 
des  grandes  barres ,  comme  dans  le  procédé 
du  double  contaft,  &  l’a  frottée  fuivant  le 
même  procédé,  avec  les  deux  autres  grandes 
barres;  il  l’a  ainfi  magnétifée  ;  il  l’a  fucceflîve- 
ment  remplacée  par  les  trois  autres  lames 

Minéraux.  Tome  IX,  Y 


2  8'  H'ijlolre  nature fleî 

d’acier  mou ,  &  a  porté  la  force  magnétique» 
de  ces  quatre  lames  au  degré  de  faturation; 
il  a  placé,  après  cela,  deux  des  James  qui 
avoient  la  dureté  des  refforts ,  entre  deux 
parallélipipèdes  de  fer  mou  ,  les  a  frottées 
avec  deux faifceaux  formés  des  quatre  grandes 
barres,  a  fait  la  même  opération  fur  les  deux 
autres,  a  remplacé  les  quatre  grandes  barres 
par  les  quatre  petites  lames  d’acier  mou,  Sc 
a  porté  ainfi  jufqu’à  la  faturation  la  force  ma¬ 
gnétique  des  quatre  lames  ayant  la  dureté  des 
refforts  :  il  a  terminé  l'on  procédé  par  répéter 
la  même  opération  ,  &  pour  aimanter  jufqu’à 
faturation  les  lames  qui  préfentoient  le  plus  de 
dureté,  il  lésa  fubffituéesà  celles  quin’avoient 
que  la  dureté  du  reffort,  &  il  a  mis  celles-ci 
à  la  place  des  grandes  barres. 

La  fécondé  manière  que  M.  Epinus  a  em¬ 
ployée,  ne  diffère  de  la  première,  qu’en  ce 
qu’il  a  fait  faire  les  quatre  grandes  barres  d’un 
fer  très-mou,  St  qu’il  a  mis  la  petite  lame 
molle  à  aimanter ,  ainfi  que  les  deux  grandes 
barres  placées  à  fon  extrémité,  dans  la  direc¬ 
tion  de  l’inclinaifon  de  l’aiguille  aimantée.  Il 
a  enfuite  frotté  la  petite  lame  d’acier  avec  les 
deux  autres  grandes  barres,  en  les  tenant  pa¬ 
rallèlement  à  la  petite  lame,  ou  en  ne  leur 
faifant  former  qu’un  angle  très-aigu  (/). 

Si  l’on  approche  d’un  aimant  une  longue 
barre  de  fer  ,  la  portion  la  plus  voifine  de  l’ai¬ 
mant  acquiert  à  cette  extrémité,  comme  nous 


( f  )  Epinus,  numéros  255 ,  383  &  fuivaus. 


Traité  de  V Aimant.  if  9 

l’avons  dit,  un  po!e  oppofé  à  celui  qu’elle 
touche  ;  une  fécondé  portion  de  cette  même 
barre  offre  un  pôle  contraire  à  celui  de  la 
portion  contiguë  à  l’aimant;  une  troifième 
■préfente  le  même  pôle  que  la  première  ;  une 
quatrième,  que  la  leconde,  &  ainfi  de  fuite; 
les  pôles  alternativement  oppofés  de  ces  quatre 
parties  de  la  barre,  font  d’autant  plus  toibles, 
qu’ils  s’éloignent  davantage  de  l’aimant,  & 
leur  nombre,  toutes  choies  égales,  eft  pro¬ 
portionné  à  la  longueur  de  la  barre  (g). 

Si  on  applique  le  pôle  d’un  aimant  fur  le 
milieu  d’une  lame,  elle  acquiert,  dans  ce 
point,  un  pôle  contraire,  &  dans  les  deux 
extrémités  ,  deux  pôles  femblables  à  celui  qui 
la  touche  ;  fi  le  fer  eft  épais ,  la  furface  oppotée 
à  l’aimant  acquiert  aufti  un  pôle  lemblable  à 
celui  qui  eft  appliqué  contre  le  fer,  &  fi  la 
barre  eft  un  peu  longue,  les  deux  extrémités 
préfentent  la  fuite  des  noies  alternativement 
contraires  ,  &.  dont  nous  venons  de  parler  (/z). 

La  facilité  avec  laquelle  le  fer  reçoit  la 
vertu  magnétique  parole  conraci  ou  le  vo.ifi- 
nage  d’un  aimant,  l’artraftion  mutuelle  des 
pôles  oppofés,  6t  la  répulfion  des  pôles  fem¬ 
blables,  i'ont  confirmées  par  les  phénomènes 
fuivans. 

Lorfque  l’on  donne  à  un  morceau  de  ter  la 
forme  d’une  fourche  ,  &  qu’on  applique  une 
des  branches  à  un  aimant,  le  fer  devient  ma- 


Y  a 


( g  )  Epinus ,  numéro  207. 

(  h  )  Idem  ,  numéros  21 1  &  m. 


a 'So  H'iflolre  naturelle! 

gnétique ,  &  fon  extrémité  inférieure  peut 
foutenir  une  petite  maffe  de  fer;  mais  fi  on 
approche  de  la  fécondé  branche  de  la  fourche 
un  aimant  dont  le  pôle  foit  oppofé  à  celui 
du  premier  aimant,  le  morceau  de  fer  fournis 
à  deux  forces  qui  tendent  à  fe  détruire  ,  rece¬ 
vant  deux  vertus  contraires ,  ou,  pour  mieux 
dire,  n’en  recevant  plus  aucune  ,  perd  fon 
magnétifme,  &  laifie  échapper  le  poids  qu’il 
foutenoit. 

Si  l’on  fufpend  un  petit  fil  de  fer  mou, 
long  de  quelques  pouces,  &  qu’on  approche 
un  aimant  de  fon  extrémité  inférieure,  en 
préfentant  auffi  à  cette  extrémité  un  morceau 
de  fer,  ce  morceau  acquerra  une  vertu  oppofée 
à  celle  du  pôle  voifin  de  l’aimant ,  il  repouffera 
l’extrémité  inférieure  du  fil  de  fer  qui  aura 
obtenu  une  force  femblable  à  celle  qu’il  pofié- 
dera,&  attirera  l’extrémité  fupérieure  qui 
jouira  d’une  vertu  contraire. 

Lorfqu’on  fufpend  un  poids  à  une  lame 
d’acier  mince  ,  aimantée  &  horizontale  ,  &. 
que  l’on  place  au-deflus  de  cette  lame  une 
fécondé  lame  aimantée,  de  même  force ,  d’égale 
grandeur,  couchée  fur  la  première,  la  re¬ 
couvrant  en  entier,  &  préfentant  un  pôle 
oppofé  au  pôle  qui  foutient  le  poids ,  ce  poids 
n’eft  plus  retenu.  Si  la  lame  fupérieure  jouit 
d’une  plus  grande  force  que  l’inférieure  ,  le 
poids  tombera  avant  qu’elle  ne  touche  la 
fécondé  lame;  mais,  en  continuant  de  l’appro¬ 
cher  ,  elle  agira  par  fon  excès  de  force  fur  les 
nouveaux  poids  qu’on  lui  préfentera,  &  les 
fouriendra ,  malgré  l’aétion  contraire  de  la 
lame  inférieure. 


Traite  de  T  Aimant.  261 

Lorsqu’on  fufpend  un  poids  à  un  aimant,  & 
que  l’on  approche  un  fécond  aimant  au-deffus 
de  ce  poids,  la  force  du  premier  aimant  eft 
augmentée  dans  le  cas  où  les  pôles  contraires 
font  oppofés  ,  &  fe  trouve  diminuée  quand  les 
pôles  femblables  font  les  plus  voifms;  les 
mêmes  effets  arriveront,  &  le  poids  fera  éga¬ 
lement  fournis  à  deux  forces,  agiffant  dans  la 
même  direéfion  ,  fi  l’on  remplace  le  fécond 
aimant  par  un  morceau  de  fer  auquel  la  proxi¬ 
mité  du  premier  aimant  communiquera  une 
vertu  magnétique  oppofée  à  celle  du  pôle  le 
plus  voifin  (  i  ).  Ceci  avoit  été  obfervé  précé¬ 
demment  par  M.  de  Réaumur,  qui  a  reconnu 
qu’un  aimant  enlevoit  une  mafle  de  fer  placée 
fur  une  enclume  de  fer,  avec  plus  de  facilité 
que  lorfqu’elle  étoit  placée  fur  une  autre 
matière". 

Les  faits  que  nous  venons  de  rapporter, 
nous  démontrent  (&)  pourquoi  un  aimant 
acquiert  une  nouvelle  vertu,  en  foutenant  du 
fer  qu’il  aimante  par  fon  voifinage ,  &  pour¬ 
quoi  ,  fi  on  lui  enlève  des  poids  qu’on  étoit 
parvenu  à  lui  faire  porter,  en  le  chargeant 
graduellement,  il  refufe  de  les  foutenir  lori’- 
qu’on  les  lui  rend  tous  à-la  fois. 

L’expérience  nous  apprend,  ditM.Epinus, 
que  le  fer  expofé  à  un  froid  très-âpre  ,  devient 
beaucoup  plus  dur  &  plus  caffant;  ainfi ,  lorf- 
qu’on  aimante  une  barre  de  fer,  le  degré  de  la 


fi)  Epinns,  numéros  156  &  fuivans, 
( k )  Idem,  numéros  208, 


iSz  Hiflcnre  naturelle 1 

fores  qu’elle  acquiert,  dépend,  félon  lui,  eti 
grande  partie  du  degré  de  froid  auquel  elle  eft 
expofée ,  en  forte  que  la  même  barre  aimantée 
delà  même  manière,  n’acquiert  pas  dans  l’été 
la  même  vertu  que  dans  l’hiver,  fur- tout  pen¬ 
dant  un  froid  très  rigoureux  ;  néanmoins  ce 
lavant  Phyficien  convient  qu’il  faudrait  con¬ 
firmer  ce  fait  par  des  expériences  exaftes  & 
réitérées  (/).  Aurefte,  on  peut  affurer  qu’en 
général  la  grande  chaleur  &  le  grand  froid 
diminuent  la  vertu  magnétique  des  aimans  & 
des  fers  aimantés,  en  modifiant  leur  état,  &c 
en  les  rendant  par-là  plus  ou  moins  fufeep- 
tibles  de  l’action  de  l’éleétricité  générale  (m). 

On  peut  voir  ,  dans  l’efi'ai  fur  le  fluide  élec¬ 
trique  de  feu  M.  le  Comte  de  Trefian,  une 


(  i  )  M.  Epimis  dit  s’être  alluré  que  le  fer  dur  couferve 
fa  verru  magnétique  beaucoup  plus  que  le  fer  tendre  ;  il 
dit  auffi  que  ce  fer  dur  l’acquiert  au  plus  haut  degré  en 
refiant  très  long-temps  dans  la  Datation  favorable  au  ma- 
gnétifme,  &  que,  quand  les  fers  durs  fe  trouvent  dans 
cette  pofition  convenable  pendant  plufienrs  années ,  ils 
prennent  une  fi  grande  force  magnétique  ,  que  ces  aimans , 
produits  par  le  temps ,  font  quelquefois  plus  vigoureux 
que  les  aimans  tirés  immédiatement  de  leurs  mines.  .  .  . 
Voyez  l’Ouvrage  de  M.  Epimis  ,  qui  a  pour  titre  ;  Tenta- 
men  theoriœ  EUclricitatis  &  Magnttifmi.  Petropoli  ,  17>9  » 
in-40. ,  numéros  345  <5-  367. 
f m )  M.  de  Rozières,  que  nous  avons  déjà  cité,  l’a 

prouvé  par  plufieurs  expériences . Lettre  de  M.  de 

Rozières ,  Capitaine  au  Corps-Royal  du  Génie ,  à  M.  le 
Conue  de  Butfon,  du  14  Décembre  17S6, 


Traité  de  l'Aîmanf.  263' 
expérience  du  Pofteur  Knight  que  j’ai  cru 
devoir  rapporter  ici ,  parce  qu’elle  eft  relative 
à  l’aimantation  du  ter,  &  d’ailleurs  parce 
qu’elle  peut  fervir  à  rendre  raifon  de  plufieurs 
autres  expériences  furprenanres  en  apparence, 
&  dont  la  caufeaété  pendant  long-temps  ca¬ 
chée  aux  Phyficiens  ( n ).  Au  relte,  elle  s’ex- 


(n)  >,  L’expérience,  dit  M.  de  TrelTan  ,  ia  plus  fm- 
gulière  à  faire  fur  les  ainians  artificiels  du  doôeur  Knigth , 
efi  celle  dont  ii  m’envoya  les  détails  de  Londres,  6111748, 
avec  l’appareil  nécetlaire  pour  la  répéter.  Non-feulement 
M.  Knigtii  avoit  déjà  trouvé  alors  le  fecret  de  donner 
un  magnéiifme  puilfant  à  des  barres  de  quinze  pouces  do 
longueur,  faites  d’un  acier  parfaitement  dur,  telles  que 
celles  qui  font  aujourd’hui  connues;  mais  il  avoit  inventa 
une  compofition  dont  il  s’elt  refervé  le  fecret ,  avec  la¬ 
quelle  il  forme  de  petites  pierres ,  d’une  maiière  noire 
(  en  apparence  pierreufe  &:  métallique  ).  Celles  qu’il  m’a 
envoyées  ont  un  pouce  de  long,  huit  lignes  de  large, 
&  deux  bonnes  lignes  d’epaifieur  ;  il  y  a  joint  plufieurs 
petites  balles  de  la  même  compofition  ;  les  petites  balles 
que  j’ai ,  ont  l’une  cinq  ,  l’autre  quatre ,  &  les  autres 
trois  lignes  de  diamètre,  li  nomme  ces  petites  fphères 
Terre  II  a. 

”  Je  fus  morns  furpris  de  trouver  un  fort  magnétifme 
dans  les  petits  quarrés  longs  ,  que  je  ne  le  fus  de  le 
trouver  égal  dans  les  petites  terrella  ,  dont  les  pôles  font 
bien  décidés  &  bien  'fixes ,  ces  petites  fphères  s’attirant 
&  fe  repoufTant  vivement,  félon  les  pôles  qu’elles  fe  pré- 
fentent. 

»  Je  préparai  donc  ,  (  felcm  l’inftruftion  que  j’avois 
reçue  cle  M.  Knigth)  une  glace  tien  polie  St  pofée  bien 


264  H'ifloire  naturelle. 

plique  très-aifément  par  la  répulfion  des  pôles 
femblables  &  l’attra&ion  des  pôles  de  différent 
nom. 


horizontalement,  je  difpofai  en  rond  cinq  de  ces  terreila, 
&  je  plaçai  au  milieu  un  de  ces  aimans  factices  de  la 
même  matière,  lequel  je  pouuois  tourner  facilement  fur 
fon  centre  ;  je  vis  fur-le- champ  toutes  les  terreila  s’agiter 
&  fe  retourner  pour  préfenter  à  l’aimant  faftice  la  polarité 
correfpondante  à  la  Tienne  ;  les  plus  légères  furent  plufieurs 
fois  attirées  jufqu’au  contact ,  &  ce  ne  fut  qu’avec  peine 
que  je  parvins  à  les  placer  à  la  diftance  proportionnelle , 
en  raifon  compofée  de  leurs  fplières  d’a&ivité  refpeftive. 
Alors ,  en  tournant  doucement  l’aimant  fur  fon  centre , 
j’eus  la  fatisfa&ion  de  voir  toutes  ces  terreila  tourner 
fur  elles-mêmes ,  par  une  rotation  correfpondante  à  celle 
de  cet  aimant  ;  &  cette  rotation  étoit  pareille  à  celle 
qu’éprouve  une  roue  de  rencontre ,  lorfqu’elle  eft  mûe 
par  une  autre  roue  à  dents;  de  forte  que  lorfque  je 
retournois  mon  aimant,  de  la  droite  à  la  gauche,  la 
rotation  des  terreila  étoit  de  la  gauche  à  la  droite;  & 
Pinverfe  arrivoit  toujours ,  lorfque  je  tournois  mon  aimant 
de  l’autre  fens  ».  EJfai  fur  le.  fluide  électrique ,  par  M.  le 
Comte  de  Treffan.  Paris  ,  1786,  tome  premier ,  pages  16 
jufqu’à  19. 


ARTICLE 


Traité  de  i: Aimant. 


265 


ARTICLE  V. 

De  la  direction  de  l  Aimant ,  &  de  Ça  déclinai fon » 

.A-PRÈs  avoir  confidéré  les  effets  de  la  force 
atrraâive  de  l'aimant,  confidérons  les  phéno¬ 
mènes  de  fes  forces  diredtives.  Un  aimanr, 
ou  ce  qui  revient  au  même,  une  aiguille  ai¬ 
mantée,  fe  dirige  toujours  vers  les  pôles  du 
globe,  foit  direélement ,  foit  obliquement, 
en  déclinant  à  l’eft  ou  à  l’oueft ,  félon  les  temps 
&  les  lieux;  car  ce  n’eft  que  pendant  un  allez 
petit  intervalle  de  temps  ,  comme  de  quelques 
années,  que  dans  un  même  lieu  ,  la  direétion 
de  l’aimant  paroît  être  confiante,  &  en  tout 
temps  il  n’y  a  que  quelques  endroits  fur  la 
terre  où  l’aiguille  fe  dirige  droit  aux  pôles  du 
globe ,  tandis  que  par-tout  ailleurs  elle  décline 
de  plus  ou  moins  de  degrés  à  l’eft  ou  à  l’oueft  , 
fuivant  les  différentes  pofitions  de  ces  mêmes 
lieux. 

Les  grandes  ou  petites  aiguilles  aimantées 
fur  un  aimant  fort  ou  foible,  contre  les  pôles 
ou  contre  les  autres  parties  de  la  furface  de 
ces  aimans ,  prennent  toutes  ia  même  direélion 
en  marquant  également  la  même  déclinaifon 
dans  chaque  lieu  particulier. 

Les  François  font,  de  l’aveu  même  des 
étrangers,  les  premiers  en  Europe  qui  aient 
fait  ufage  de  certe  connoiffance  de  la  direction 

Minéraux.  Tome  IX,  Z 


2, £6  Hljloire  naturelle 

de  l’aimant  pour  fe  conduire  dans  leurs  navi¬ 
gations  (a)  -,  dès  le  commencement  du  dou¬ 
zième  (îècle  ,  ils  naviguoient  fur  la  méditer- 
ranée  guidés  par  l’aiguille  aimantée  ,  qu’ils 
appelloient  la  marinette  (é);  &  il  eft  à  pié- 
fumer  que  ,  dans  ce  temps,  la  direétion  de 
l’aimant  étoit  confiante,  car  cette  aiguille 
n’auroit  pu  guider  les  Navigateurs  qui  ne  con- 
noifloient  pas  (es  variations ,  &  ce  n’eft  que 
dans  les  fiécles  (divans  qu’on  a  obfervé  (à 
déclinaifon  dans  les  difiereiis  lieux  de  la  terre  , 
&  même  aujourd’hui  l'art  néceilaire  à  la  pré- 
cifion  de  ces  obfervations  n’eft  pas  encore  à  fa 
perfeôion.  La  marinette  n’étoit  qu’une  bouf- 
fole  imparfaite,  &  notre  compas  de  mer,  qui 
eft  la  boufible  perfeétionnée  ,  n’eft  pas  encore 
un  guide  aufli  fidèle  qu'il  feroit  à  deftrei  j 
nous  nç  pouvons  même  guère  elperer  de  le 


(a)  Far  1s  témoignage  des  Auteurs  Chinois ,  donc 
MM.  le  Roux  &  de  Guignes  ont  fait  l’extrait  ,  il  paroît 
certain  que  la  propriété  qu’a  le  fer  aimanté  de  fc  diriger 
vers  les  pôles ,  a  été  très  anciennement  comme  des  Chi¬ 
nois  ;  la  forme  de  ces  premières  boufloles  étoit  une  figure 
d’homme  qui  tournoit  fur  un  pivot ,  &  dont  le  b; as  droit 
montroit  toujours  le  midi.  Le  temps  de  cette  invention  . 
fuivant  certaines  chroniques  de  la  Chine,  ell  de  ntt  ans 
avant  l’ère  chrétienne ,  Sc  1700  félon  d’auircj.  (  Voyez 
l’Extrait  des  Annales  de  la  Chine  ,  par  MM.  le  Roux  & 
de  Guignes).  Mais,  malgré  l’ancienneté  de  cette  décou¬ 
verte  ,  il  ne  paroît  pas  que  les  Chinois  en  aient  jamais 
tiré  l’avantage  de  faire  de  longs  voyages. 

(/■  )  Mufehembrocek.  Di/erueio  de  Magnete. 


Traite  de  V Aimant'.  267 

tendra  plus  sûr,  malgré  les  obfervations  très- 
multiplièes  des  Navigateurs  dans  toutes  les 
parties  du  monde,  parce  que  la  décünaifon  de 
l’aimant  change  félon  les  lieux  &  les  temps. 
11  faut  donc  chercher  à  reconnoîrre  ces  change- 
mens  de  direction  en  différens  temps,  pendant 
un  aufli  grand  nombre  d’années  que  les  obfer¬ 
vations  peuvent  nous  l’indiquer,  &  enfuite 
les  comparer  aux  changemens  de  cette  décli- 
naifon  dans  un  même  temps  ,  en  différens 
lieux. 

En  recueillant  le  petit  nombre  d’obferva- 
tions  faites  à  Paris  dans  les  feizième  dix- 
feptième  fiècles  ,  il  paroît  qu’en  l’année  1580, 
i’aiguille  aimantée  déclinoit  de  onze  degrés 
trente  minutes  vers  l’eft  ;  qu’en  1618,  elle 
déclinoit  de  huit  degrés ,  &  qu’en  l’année  1663 
elle  fe  dirigeoit  droit  au  pôle,  l’aiguille  ai¬ 
mantée  s’eft  donc  fucceffivement  approchée 
du  pôle  de  onze  degrés  trente  minutes  pendant 
cette  fuite  de  quatre  -  vingt  -  trois  ans,  mais 
elle  n’eft  demeurée  qu’un  an  ou  deux  ffation- 
naire  ,  da»s  cette  direction  où  la  décünaifon  eft 
nulle  ;  après  quoi  l’aiguille  s’eft  de  plus  en  plus 
éloignée  de  ladireéfion  au  pôle  (c),  toujours 


(c)  Dans  l’année  1670,  la  décünaifon  étoit  de  1  deg. 
30  min.  vers  l’oueft ,  &  l’aiguille  a  continué  de  décliner 
dans  les  années  fuivantes,  toujours  vers  l’oueft  ;  en  16S0, 
elle  déclinoit  de  2  deg.  40  min.  En  1681,  de  1  deg.  30 
min.  En  1683,  de  3  deg.  30  min.  En  16S4,  de  4  deg. 
10  min  En  1665,  de  4  deg.  io  min.  En  i6S6,  de  4 
deg.  30  min.  En  1691,  de  3  deg.  30  min.  En  1693  .  de 

Z  2 


2 6 8  Hiftoire  naturelle. 

en  déclinant  vers  l’oueft  ;  de  forte  qu’en  178$» 
le  30  Mai,  la  déclinaifon  étoit  à  Paris  de  vingt- 
deux  degrés  id).  De  même  on  peut  voir,  par 
les  obfervations  faites  à  Londres  ,  qu’avant 
l’année  1657  l’aiguille  déclinoit  à  l’eft  ,  & 
qu’après  cette  année  1657,  où  fa  direftion 


6  deg.  20  min.  En  169;,  de  6  deg.  48  min.  En  1696, 
de  7  deg.  8  min.  En  1698,  de  7  deg.  40  min.  En  1699, 
de  8  deg-  10  min.  En  1700,  de  8  deg.  12  min.  En 
1701  ,  de  8  deg.  2.5  min.  En  1702  ,  de  S  deg.  48  min. 
En  1703  de  9  deg.  6  min.  En  1704  >  de  9  deg.  20 
min.  En  1705  ,  de  2  deg.  35  min.  En  1706  ,  de  9  deg. 
4S  min.  En  1707,  de  10  deg.  10  min.  en  1708,  de  10 
deg  15  min,  En  1709,  de  11  deg.  15  min.  En  1714,  de 
„  deg  30  min.  En  1717,  de  12  deg.  20  min.  En  1719, 
de  12  deg.  30  min.  En  1720  ,  1711  ,  >7«  •  W  & 
de  13  deg.  En  1715  ,  de  13  deg.  15  min.  En 

1-7.7  &  1728,  de  14  deg.  Mufçhembrocck  ,  Differtatio  de 
Maenete ,  page  152...  En  1719 .  de  14  deg.  10  minutes. 
En  1730,  de  14  deg.  23  min.  En  1731.  de  14  degrés 
43  min.  En  1731  &  *733  .  de  15  deg.  13  nnn.  En  1734 

Sc  1740,  de  13  deg.  45  min.  En  1744,  *745  . 

17,7  &  1749,  de  16  deg.  30  min.  Encyclopédie ,  article 

Aiguille  aimantée.  En  i755  ,  de  17  deg.  30  min.  En  1756  , 

17  deg  45  min.  En  1757 '&  175».  de  18  deg.  En  1759, 
de  iS  deg.  10  min.  En  1760,  de  iS  deg.  20  min.  En 
,763  de  18  deg.  5  5  min.  20  fec.  En  1767 ,  de  19  deg, 
16  min.  En  176S,  de  19  deg.  25  min.  Connoiflancc  de* 
temps ,  années  1769,  177© ,  i77i&i77i- 
(  d  )  Extrait  des  Obfervations  faites  à  l’Obfervatoire 
royal,  en  l’année  1783. 


Traité  de  VAirhant.  269 

tendoit  droit  au  pôle ,  elle  a  décliné  fucceffive- 
ment  vers  l’oueft  (  e ). 

La  déclinaifon  s’eft  donc  trouvée  nulle 
à  Londres,  fix  ans  plutôt  qu’à  Paris,  &  Lon¬ 
dres  eft  plus  occidental  que  Paris  de  deux 
degrés  vingt  cinq  minutes.  Le  méridien  magné¬ 
tique  coincidoit  avec  le  méridien  de  Londres 
en  1657,  &  avec  le  méridien  de  Paris  en 
1663;  il  a  donc  fubi ,  pendant  ce  temps,  un 
changement  d’occident  en  orient ,  par  un 
mouvement  de  deux  degrés  vingt- cinq  minu¬ 
tes  en  fix  ans  ,  &  l’on  pourfoit  croire  que 
ce  mouvement  feroit  relatif  à  l’intervalle 
des  méridiens  terreftres,  fi  d’autres  obfer- 
vations  ne  s’oppofoient  pas  à  cette  fuppofi- 
tion  ;  le  méridien  magnétique  de  la  ligne  fans 
déclinaifon,  pafioit  par  Vienne  en  Autriche, 
dès  l’année  1638  ;  cette  ligne  auroit  donc  dû 


(e)  L’aiguille  aimantée  n’avoit  aucune  déclinaifon  à 
Vienne  ,  en  Autriche ,  dans  l’année  1638 ,  elle  n’en  avoit 
de  même' aucune  en  1600  au  Cap  des  Aiguilles,  en  Afri¬ 
que  :  &,  avant  ces  époques,  la  déclinaifon  étoit  vers 
l’eft  dans  tous  les  lieux  de  l’Europe  &  de  l’Afrique.  Muf- 

(hembro'éck,  page  1 66 . Ceci  fewble  prouver  que  la 

marche  de  la  ligne  fans  déclinaifon  ,  ne  fe  fait  pas  par 
un  mouvement  régulier ,  qui  rameneroit  fucccflivement 
La  déclinaifon ,  de  l’eft  à  l'oueft  j  car  Vienne  étant  à  qua¬ 
torze  degrés  deux  minutes  trente  fécondés  à  l'eft  de  Paris, 
cette  ligne  fans  déclinaifon  auroit  dû  arriver  à  Paris , 
plutôt  qu’à  Londres,  qui  eft  à  l’oueft  de  Paris,  &  i’on 
voit  que  c’eft  tout  le  contraire ,  puifqu’elle  eft  arrivée  fix 
m  plutôt  à  Londres  qu’à  Paris. 

Z  3 


Î7°  H'ifloîrc  naturel!: 

arriver  à  Paris  plutôt  qu’à  Londres;  &  C’eft 

cependant  à  Londres  qu’elle  eft  arrivée  fix 

ans  plutôt  qu’à  Paris.  Cela  nous  démontre 

que  le  mouvement  de  cette  ligne  n’eft  point 

du  tout  relatif  aux  intervalles  des  méridiens 

terreftres- 

Il  ne  me  pnroît  donc  pas  poffible  de  déter¬ 
miner  la  marche  de  ce  mouvement  de  décli¬ 
nai  Ton ,  parce  que  fa  progreflïon  eft  plus 
qu’irrégulière,  &  n’eft  point  du  tout  propor¬ 
tionnelle  au  temps,  non  plus  qu'à  l’efpace  , 
elle  eft  tantôt  plus  prompte  ,  tantôt  plus 
lente,  &  quelquefois  nulle  ;  l'aiguille  demeu¬ 
rant  ftationnaire,  &  même  devenant  rétro¬ 
grade  pendant  quelques  années,  &  reprenant 
enfuite  un  mouvement  de  déclinaifon  dans 
le  même  fens  progrefïïf.  M.  Caffini,  l’un  de 
nos  plus  favans  Aftronomes  ,  a  été  informé 
qu’à  Quebec  la  déclinaifon  n’a  varié  que  de 
trente  minutes,  pendant  37  ans  confécutifs  ; 
c’eft  peut  être  le  feul  exemple  d’une  ftation 
auflï  longue  -y  mais  on  a  obfervé  plufteurs. 
ftations  moins  longues  en  difterens  lieux  :  par 
exemple,  à  Paris  ,  l’aiguille  a  marqué  la  même 
déclinaifon  pendant  cinq  années  ,  depuis  1720 
jufqu’en  1724,  &  aujourd’hui  ce  mouvement 
progreftif  eft  fort  ralenti  ;  car  ,  pendant  feize 
années  ,  la  déclinaifon  n’a  augmenté  que  de 
deux  degrés,  ce  qui  ne  fait  que  fept  minutes 
&  demie  par  an,  puifqu’en  1769,  la  declinai- 
fon  étoit  de  vingt  degrés  ,  &  qu’en  1785  , 
elle  s’eft  trouvée  de  vingt-deux  (/).  Je  ne 


(/)  Ce  .fait  eft  confirmé  par  les  obfervation6  de  M4 


Traite  de  V Aima fit.  27 1 

Crois  donc  pas  que  l’on  puiffe  ,  par  des  obfer- 
tions  ultérieures  &  même  très  multipliées, 
déterminer  quelque  chofe  de  précis  fur  le 
mouvement  progreflïf  ou  rétrograde  de  l’ai¬ 
guille  aimantée,  parce  que  ce  mouvement 
n’eft  point  l'effet  d’une  caufe  confiante,'  ou 
d’une  loi  de  la  Nature  ,  mais  dépend  de 
circcnftances  accidentelles  ,  particulières  à 
certains  lieux  ,  &  variables  félon  les  temps; 
je  crois  pouvoir  affurer,  comme  je  l’ai  dit, 
que  le  défrichement  des  terres  ,  &  la  décou¬ 
verte  ou  l’enfouiffement  des  mines  de  fer, 
foit  par  les  tremblemens  de  terre  ,  les  effets 
des  foudres  fouterraines  &  de  l’éruption  des 
volcans  ,  foit  par  l’incendie  des  forêts ,  & 
même  par  le  travail  des  hommes ,  doivent 
changer  la  pofition  des  pôles  magnétiques  fur 
le  globe  ,  &  fléchir  en  même-temps  la  direc¬ 
tion  de  l’aimant. 

En  1785  ,  la  déclinaifon  de  l’aiguille  aiman¬ 
tée  étoit  de  vingt- deux  degrés  :  en  1784, 
elle  n’a  été  que  de  vingt-un  degrés  vingt-une 
minutes;  en  1783,  de  vingt-un  degrés  onze 
minutes  (g);  en  1782,  de  vingt-un  degrés 
trente-fix  minutes  (/*)• 

Et  en  consultant  les  obfervations  qui  ont 


Cotte,  qui  prouvent  que  la  déclinaifon  moyenne  de  l'ai¬ 
guille  aimantée ,  en  1786  ,  n’a  été  à  Laon  que  de  vingt- 
un  degrés  tiente-une  minutes.  Voye{  le  Journal  de  Phy¬ 
sique  du  mois  de  Mai  I7S7. 

(g)  Connoifiance  des  temps,  années  17S7  &  1788. 

(  h  )  Idem ,  année  1786. 

Z  4 


272  Uifioire  naturelle 

été  faites  par  l’un  de  nos  plus  habiles  Physi¬ 
ciens  ,  M.  Cotte  ,  nous  voyons  qu’en  prenant 
le  terme  moyen ,  entre  les  réfultats  des 
obfervations  faites  à  Montmorency  ,  près 
Paris,  tous  les  jours  de  l’année,  le  matin, 
à  midi  &  le  foir ,  c’eft-à-dire  ,  le  terme  moyen 
de  1095  obfervations  ;  la  déclinaifon,  en  l’an¬ 
née  1781,  a  été  de  vingt  degrés  Seize  minu¬ 
tes  cinquante  -  huit  Secondes;  &  les  différen¬ 
ces  entre  les  observations  ont  été  fi  petites, 
que  M.  Cotte  a  cru  pouvoir  les  regarder 
comme  nulles  (  i  ). 

En  1780  ,  cette  même  déclinaifon  moyenne 
a  été  de  dix  neuf  degrés  cinquante-cinq  minu¬ 
tes  vingt-fept  Secondes  ;  en  1779 ,  de  dix-neuf 
degrés  quarante- une  minutes  huit  Secondes; 
en  1778 ,  de  dix-neuf  degrés  trente-deux  minu¬ 
tes  cinquante  -  cinq  Secondes;  en  177  7,  de 
dix  -  neuf  degrés  trente -cinq  minutes  cin¬ 
quante-cinq  fécondés  ;  en  1776  ,  de  dix  neuf 
degrés  trente- trois  minutes  trente-une  Secon¬ 
des  ;  en  1775  ,  de  dix- neuf  degrés  quarante*, 
une  minutes  quarante-une  Secondes  (A). 


(;)  ConnoiiTance  des  temps,  année  1775,  page  îj. 

{\)  En  1780  ,  la  déclinaifon  moyenne prife  d’après  1022 
observations,  a  été  de  19  deg.  55  min  27  fec.  Mais  les 
variations  de  cette  déclinaifon  ont  été  bien  plus  confidé- 
rables  qu’en  1781 ,  car  la  plus  grande  déclinaifon  s’eft 
trouvée  de  20  deg.  15  min.  le  29  juillet  ;  &  la  moindre 
de  18  deg.  40  min.  le  même  jour.  La  différence  a  donc 
été  de  1  deg.  35  min.;  &  cette  variation  ,  qui  s’eil  faite 
le  même  jour ,  c’eft*à-dire ,  en  douze  ou  quinze  heures., 


Traité  de  T  Aimant'.  273 

Ces  obfervations  font  les  plus  exa&es  qui 
ayent  jamais  été  faites  ;  celles  des  années 
précédentes  ,  quoique  bonnes,  n’offrent  pas 
le  même  degré  d’exaêlitude ,  &  à  mefure 
qu’on  remonte  dans  le  paffé,  les  obfervations 
deviennent  plus  rares  &  moins  précifes, 
parce  qu’elles  n’ont  été  faites  qu’une  fois 
ou  deux  par  mois  ,  &  même  par  année. 

Comparant  donc  ces  obfervations  entr’elles, 
on  voit  que  ,  pendant  les  onze  années  ,  depuis 
1775  jufqu’en  1785  ,  l’augmentation  de  la 
déclinaifon  vers  l’oueft  n’a  été  que  de  deux 


eft  plus  confidérable  que  le  progrès  de  la  déclinaifon 
pendant  15  ans,  puifqu’en  1764,  la  déclinaifon  étoit  de 
18  deg.  55  min.  20  fec. ,  c'eft-à-dire  ,  de  15  min.  20 
fec.  plus  grande  que  celle  du  29  juillet ,  ù  l’heure  qu’elle 
s’eft  trouvée  de  iS  deg.  40  min. ...  En  1779  ,  la  décli¬ 
naifon  moyenne,  pendant  l’année,  a  été  de  19  deg.  41 
min.  8  fec.  La  plus  grande  déclinaifon  s’eft  trouvée  de 
20  deg. ,  le  6  Décembre ,  à  la  fuite  d’une  aurore  boréale  , 
&  la  plus  petite,  de  19  deg.  15  min.  en  Janvier  6 1  Fé¬ 
vrier  i  la  différence  a  donc  été  de  45  min.  L’obfervateur 
remarque  que  l’augmentation  moyenne  a  augmenté  de  S 
à  9  min  depuis  l’année  précédente ,  &  que  la  variation 
diurne  s’eft  foutenue  avec  beaucoup  de  régularité ,  excepté 
dans  certains  jours  où  elle  a  été  troublée,  le  plus  fouvent 
à  l’approche  ou  à  la  fuite  d’une  aurore  boréale  ;  au  refte, 
ajoute-t-il,  l’aiguille  aimantée  tend  à  fe  rapprocher  du 
nord  chaque  jour,  depuis  trois  ou  quatre  heures  du  foir, 
jnfqn’à  cinq  ou  fix  heures  du  matin  ,  &  elle  tend  à  s’en 
éloigner  depuis  cinq  ou  fix  heures  du  matin ,  jufqu’à  trois 
ou  quatre  heures  du  foir. ,  . ,  En  1778  ,  la  déclinaiton 


274  H'ijloire  naturelle .• 

degrés  dix-huit  minutes  dix  neuf  feconcîesj- 
ce  qui  n’excède  pas  de  beaucoup  la  variation 
de  l’aiguille  dans  un  feul  jour,  qui  quelque¬ 
fois  eft  de  plus  d’un  degré  &  demi.  On  ne 
peut  donc  pas  en  conclure  affirmativement  , 
que  la  prcgreffion  acluelle  de  l’aiguille  vers 
l’oueft  f'oit  confidérable  ;  il  fe  pourroit ,  au 
contraire  ,  que  l’aiguille  fû-  pref'que  ftation- 
naire  depuis  quelques  années  ,  d’autant  qu’en 
1774  la  déclinaifon  moyenne  a  été  de  dix- 
neuf  degrés  cinquante  -  cinq  minutes  trente- 


moyenne,  pendant  l’année,  a  été  de  19  deg.  32  min. 
55  fec.  La  plus  grande  déclinaifon  a  été  de  20  deg.  le 
29  Juin  ;  on  avoit  obfervé  une  aurore  boréale  la  veille  à 
onze  heures  du  foir  ;  la  plus  petite  déclinaifon  a  été  de 
iS  deg.  54  min.  le  16  Janvier;  ainfi,  la  différence  a  été 
de  1  deg.  6  min.  En  1777,  la  déclinaifon  moyenne, 
pendant  l’année,  a  été  de  19  deg.  35  min.  La  plus  .grande 
déclinaifon  s’eft  trouvée  de  19  deg.  58  min.  le  19  Juin  , 
&  la  plus  petite  de  18  deg.  45  min.  au  mois  de  Décem¬ 
bre;  ainfi,  la  différence  a  été  de  1  deg.  13  min. ...  En 
1776,1a  déclinaifon  moyenne,  pendant  l’année  ,  a  été  de 
19  deg.  33  min.  31  fec.  La  plus  grande  déclinaifon  s’eft 
trouvée  de  10  deg.  eD  Mars ,  Avril  &  Mai ,  &:  la  plus- 
petite  déclinaifon  en  Janvier  &  Février ,  de  19  degrés  ; 

ainfi,  la  différence  a  été  de  1  deg . ;  En  1775,1a 

déclinaifon  moyenne,  pendant  l’année,  a  été  de  19  deg, 
41  min.  41  fec.  La  plus  grande  déclinaifon  s’eft  trouvée 
de  20  deg.  10  min.  le  15  Avril,  &  la  plus  petite  de  19 
deg.  le  1 5  Décembre  ;  ainfi ,  la  différence  a  été  de  1 
degré  10  minutes, ....  Connoijfançes  des  temps ,  années 
177S  &  Juiy, 


Traite  de  F Aitnarîl. 

cinq  fécondés  (/)  ;  en  1773  ,  de  vingt  degrés 
une  minute  quinze  lecondes  (/n)  ,  en  1772» 
de  dix-neuf  degrés  cinquante  -  cinq  minutes 
vingt-cinq  fécondés ,  &  cette  augmentation, 
de  la  déclinaifon  vers  l’oueft  a  été  encore  plus 
petite  dans  les  années  précédentes  ,  puif- 
qu’en  1771  cette  déclinaifon  a  été  de  dix- 
neuf  degrés  cinquante  cinq  minutes ,  comme 
en  1772  (n)  ;  qu’en  1770  elle  a  été  de  dix- 
neuf  degres  cinquante-cinq  minutes  (0);  & 
en  1769^,  de  vingt  degtés  (p). 

Le  mouvement  en  déclinaifon  vers  l’oueft, 
paroît  donc  s’être  ralenti  depuis  près  de  vingt 
ans.  Cela  femble  indiquer  que  ce  mouvement 
pourra  dans  quelque  temps  devenir  rétro¬ 
grade,  ou  du  moins  que  la  progreffion  ne 
s’étendra  qu’à  quelques  degrés  de  plus;  car 
je  ne  penle  pas  qu’on  puiffe  fuppofer  ici  une 
révolution  entière,  c’eft-à-dire  rie  trois  cens 
foixante  degrés  dans  le  meme  fens;  il  n’y  a 
aucun  fondement  à  cette  fuppofition  ,  quoique 
plufieurs  Phyficiens  l’avent  admife  ,  &  que 
même  ils  en  ayent  calculé  la  durée  d’après 
les  obfervations  qu’ils  avoient  pu  recueillir  ; 
&  fi  nous  voulions  fuppofer  &  calculer  de 
même,  d’après-  les  obfervations  rapportées 


(/)  Connoiïïance  des  temps,  années  1776 ,  page  314.' 
(m  )  Idem ,  page  3x3. 

(n)  Connoiflancc  des  temps,  année  1774,  page  256. 
(  o  )  Idem ,  année  1772, 

(p  )  Idem y  année  1771 ,  page  232; 


2. j 6  Hifloire  naturelle. 

ci-deffius  ,  nous  trouverions  que  la  durée  de 
cette  révolution  (croit  de  19 96  ans  8:  quel¬ 
ques  mois,  puifqu’en  12.2.  années ,  c’eft- à-dire, 
depuis  1663  à  1785 ,  la  progreffion  a  été  de 
vingt-deux  degrés;  mais  ne  feroit  -  U  pas 
néceffairede  fuppofer  encore  que  le  mouve¬ 
ment  de  cette  progreffion  fût  affez  uniforme  , 
pour  faire  dans  l’avenir  à  peu-prés  autant  de 
chemin 'que  dans  le  paffé  ?  ce  qui  eft  plus 
qu’incertain,  &  même  peu  vraifemblable  par 
plufieurs  raifons  ,  toutes  mieux  fondées  que 
ces  fauffies  fuppofitions. 

Car  fi  nous  remontons  au-delà  de  l’année 
1663,  &  que  nous  prenions  pour  premier 
terme  de  la  progreffion  de  ce  mouvement 
l’année  1580  ,  dans  laquelle  la  déclinaifon 
étoit  de  onze  degrés  trente  minutes  vers 
I’eft,  le  progrès  de  ce  mouvement  en  deux 
cens  cinq  ans  (  c’eft-à  dire  ,  depuis  1 580  juf- 
qu’à  l’année  1785  comprile  ) ,  a  été  en  tota¬ 
lité  de  trente-trois  degrés  trente  minutes.ee 
qui  donneroit  environ  2201  ans  pour  la  révo¬ 
lution  totale  de  trois  cens  foixante  degrés. 
Mais  ce  mouvement  n’eft  pas ,  à  beaucoup 
près,  uniforme,  puifque  depuis  i<j8o  julqu’en 
1663,  c’efl- à-dire  ,  en  83  ans,  l’aiguille  a 
parcouru  onze  degrés  trente  minutes  par 
fon  mouvement  de  l’eft  au  nord  ,  tandis  que 
dans  les  52  années  fuivantes  ,  c’eft-à-dire, 
depuis  1663  jufqu’en  1715  ,  elle  a  parcouru 
du  nord  à  l’oueft  un  efpace  égal  de  onze 
degrés  trente  minutes,  &  que  dans  les  cin¬ 
quante  années  fuivantes  ;  c’eft-à  dire  ,  depuis 
1715  jufqu’en  1765 ,  le  progrès  de  cette  dédi- 
naifon  n’a  été  que  d’environ  fept  degrés  8c 


Traité  de  l'Aimant.  2.77 

demi;  car,  dans  cette  année  1765  ,  l’aiguille 
aimantée  declinoit  à  Paris  de  dix- huit  degrés 
cinquante-cinq  minutes  vingt  fécondés,  & 
nous  voyons  que  depuis  cette  année  1765 
jufqu’en  1785 ,  c’eft-à  dire  en  vingt  ans ,  la 
déclinaifon  n’a  augmenté  que  de  deux  degrés; 
différence  fi  petite  ,  en  comparaifon  des  pré¬ 
cédentes,  qu’on  peut  préfumer  avec  fonde¬ 
ment  que  le  mouvement  total  de  cette  décli¬ 
naifon  à  l’oueft  eft  borné,  quant  à  préfent, 
à  un  arc  de  vingt  -  deux  ou  vingt  -  trois 
degrés  (q). 

La  fuppofition  que  le  mouvement  fuit  la 
même  marche  de  l’eft  au  nord,  que  du  nord 
à  l’oueft,  n’eft  nullement  appuyée  par  les 
faits;  car  fi  l’on  confulte  les  obfervations 
faites  à  Paris,  depuis  l’année  1610  jufqu’en 
1663  ,  c’eft-à-dire  ,  dans  les  53  ans  qui  ont 
précédé  l’année  où  la  déclinaifon  étoit  nulle, 
l’aiguille  n’a  parcouru  que  huit  degrés  de 
l’eft  au  nord ,  tandis  que  dans  un  efpace  de 
temps  prefque  égal,  c’eft-à-dire,  dans  les  59 
années  fuivantes  ,  depuis  1663  jufqu’en  1712, 
elle  a  parcouru  treize  degrés  vers  l’oueft  (r). 


(?)  Dans  le  fupplément  aux  Voyages  de  Thévenot, 
publié  en  16S1  ,  p:ge  30,  il  eft  dit  que  la  déclinaifon 
de  l’aiguille  aimantée  avoit  été  obfervée  de  cinq  degrés 
vers  l’eft  en  1269.  Si  l’on  connoiftbit  le  lieu  où  cette 
obfervation  a  été  faite ,  elle  pourrait  démontrer  que  la 
déclinaifon  eft  quelquefois  rétrograde ,  &  par  conféquent 
que  fon  mouvement  ne  produit  pas  une  révolution  entière. 

(O  Mufchcmbroeck  ,  page  154, 


•ayÇ  Hifioirt  naturelle''. 

On  ne  peut  donc  pas  fuppofer  que  le  mou¬ 
vement*  de  la  déclinailon  fuive  la  même 
marche  en  s’approchant  qu’en  s’éloignant  du 
nord  j  puifque  ces  obiervations  démontrent 
le  contraire. 

Tout  cela  prouve  feulement  que  ce  mou¬ 
vement  ne  fuit  aucune  règle ,  &  qu’il  n’efb 
pas  l’efFe t  d’une  caufe  confiante;  il  paroit 
donc  certain  que  cette  variation  ne  dépend 
que  de  caules  accidentelles  ou  locales,  tk 
Spécialement  de  la  découverte  ou  de  l’en- 
fouifl'ement  des  mines  &  grandes  mafles  fer- 
rugineufes  ,  &  de  leur  aimantation  plus  ou 
moins  prompte  &.  plus  ou  moins  étendue  , 
félon  qu’elles  font  plus  ou  moins  découvertes 
&  expofées  à  l’aétion  du  magnétifme  géné¬ 
ral.  Ces  changemens ,  comme  nous  l’avons 
dit ,  peuvent  être  produits  par  les  tremble- 
mens  de  terre,  l’éruption  des  volcans,  ou 
les  coups  de  foudres  louterraines ,  l’incendie 
des  forêts  ,  &  même  par  le  travail  des  hom¬ 
mes  fur  les  mines  de  fer.  11  doit  dès-lors  fe 
former  de  nouveaux  pôles  magnétiques,  plus 
foibles  pu  plus  puiflans  que  les  anciens, 
dont  on  peut  aufii  fuppofer  l’anéantiffement 
par  les  mêmes  caules.  Ce  mouvement  ne 
peut  doncpas  être  confidéré  comme  un  grand 
balancement  qui  (e  feroit  par  des  ofcillations 
régulières;  mais  comme  un  mouvement  qui 
s’opère  par  lecouflcs  plus  ou  moins  fenfibles  , 
félon  le  changement  plus  ou  moins  prompt 
des  pôles  magnétiques,  changement  qui  ne 
peut  provenir  que  de  la  découverte  &  de 
l’aimantation  des  mines  ferrugineules ,  lef- 
quelles  feules  peuvent  former  des  noies. 


'* Traité  de  V  Aimant*.  279 

Si  nous  confierons  Iss  mouvemens  parti¬ 
culiers  de  l  aiguille  aimantée  ,  nous  verrons 
quelle  eft  prefque  continuellement  agitée 
par  de  petites  vibrations,  dont  l’étendue  elt 
au  moins  autfi  variable  que  la  d  'rée.  M. 
Grahatn  ,  en  Angleterre  {s)  ,  &  M  Cotte  , 
^  Paris  (  1  )  »  ont  donné  ,  dans  leurs  Tables 
d  Obiervations ,  toutes  les  alternatives,  tou¬ 
tes  les  vicilîuudes  de  ce  mouvement  de  tré¬ 
pidation,  chaque  mois,  chaque  jour  &  cha¬ 
que  heure.  Mais  nous  devons  remarquer  que 
les  réfultats  de  ces  obfervations  doivent  être 
modihés.  Ces  Physiciens  ne  Te  font  Ser¬ 
vis  que  de  boufToles  ,  dans  Iefquelles  l’ai¬ 
guille  portoit  fur  un  pivot,  dont  le  frot¬ 
tement  influoit  plus  que  toute  autre  caufe  fur 
la  variation  ;  car  M,  Coulomb,  Capitaine  au 
Corps-royal  du  Génie  ,  de  l’Académie  des 
Sciences,  ayant  imaginé  une  fufpenfion ,  dans 
laquelle  l’aiguille  eft  fans  frottement,  M.  le 
Comte  de  Cafîini,de  l’Académie  des  Scien¬ 
ces,  &  arrière-petit-fils  du  grand  Aftronome 
Cafïini ,  a  reconnu,  par  une  fuite  d’expé¬ 
riences  ,  que  cette  variation  diurne  ne  s’éten- 
doit  tout  au  plus  qu’à  quinze  ou  feize  minu¬ 
tes,  &  Souvent  beaucoup  moins  («),  tandis 


(  *)  Tranfactions  philofophiques  ,  N°.  3S3  ,  année 
,72.4  »  PaSe  96. 

C  t  )  Voyez  la  Connoiflance  des  temps  ,  publiée  par 
ordre  de  l’Académie  des  Sciences,  depuis  l’année  1770. 

(«)  La  méthode  de  M.  Coulomb  confie ,  dit  M.  do 
Çalîini ,  à  fufpçndre  à  un  fil  de  foie ,  de  quinze  à  vingt 


s8o  Hlflolre  naturelle . 

qu’avec  lesboufîbles  à  pivot,  cette  variation 


pouces  de  longueur,  une  aiguille  aimantée  entre  les  jambes 
d’un  étrier,  au  haut  duquel  le  fil  eft  accroché.  L’étrier, 
le  fil  &  l’aiguille  font  renfermés  dans  une  boîte  dont 
toutes  les  parois  font  hermétiquement  bouchées,  &  qui  n’a 
qu’une  ouverture  fermée  d’une  glace  au-deffus  de  l’ex¬ 
trémité  de  l’aiguille,  afin  de  pouvoir  obferver  fes  mouve- 
mens,  &  les  mefurer  par  le  moyen  d’un  micromètre  ex¬ 
térieur  ,  placé  à  cette  extrémité. 

»  Cette  fufpenfion  a,  comme  l’on  voit,  de  grands  avan¬ 
tages  fur  celle  des  pivots ,  dans  laquelle  le  frottement  feul 
eft  capable  d’anéantir  l’effet  de  la  variation  diurne.  Depuis 
le  io  Août  1780,  jufqu’au  18  du  même  mois,  le  plus 
grand  écart  de  l’aiguille  a  eu  lieu  communément  du  côté 
de  l’oueft ,  vers  une  heure  après  midi  ;  l’aiguille  fe  rap¬ 
prochât  du  nord  vers  le  foir ,  reftoit  à-peu-près  fixe  la 
nuit,  &  recommençoit  le  lendemain  matin  à  s’éloigner 
vers  l’oueft  ;  la  variation  diurne  moyenne  a  été  de  qua¬ 
torze  minutes  environ. . .  Depuis  le  3  Décembre  jufqu’au 
31  Janvier  1781  ,  le  grand  écart  de  l'aiguille  a  prefque 
toujours  eu  lieu  entre  deux  &  trois  heures  après  midi , 
l’aiguille  s’avançant  depuis  le  lever  du  foleil ,  jufqu’à  deux 
ou  trois  heures,  du  nord  vers  l’oueft;  &  rétrogradant 
enfuite  dans  l’après-midi  pour  revenir  vers  dix  heures  du 
foir ,  à-peu-près  au  même  point  que  le  matin.  La  nuit , 
l’aiguille  étoit  alfez  couftamment  ftationnaire  ;  la  variation 
moyenne  n’a  été ,  dans  tout  ce  temps ,  que  de  cinq  à  fix 
minutes....  Depuis  le  20  Septembre  ijSi  ,  jufqu’au  29, 
la  variation  diurne  moyenne  a  été  entre  13  &  18  min.. . 
Depuis  le  19  Mars  1782,  jufqu’au  3  Avril,  &  depu:s  le 
30  Avril;  jufqu’au  11  Mai,  le  plus  grand  écart  de  l'ai¬ 
guille  a  eu  lieu  allez  couftamment  vers  deux  heures 

diurne 


Traité  de  l'Aimant.  281 

diurne  eft  quelquefois  de  plus  d’un  degré  & 


après  midi ,  du  côté  dej  l’oueft.  J’ai  aufli  remarqué  le  plus 
communément  la  loi  de  progreflion  vers  l'oued ,  du  matin , 
vers  deux  heures  après  midi  ;  de  rétrogradation  vers  l’ell 
depuis  deux  heures  jufqu’au  foir,  &  de  dation  pendant 
la  nuit.  Depuis  le  14  Juin  jufqu’au  25  Juillet,  avec  la 
même  aiguille  fortement  aimantée,  &  dans  les  apparte¬ 
nons  fupérieurs  de  l’obfervatoire  ,  la  loi  générale  de  la 
marche  de  l’aiguille  du  nord  à  l’oued ,  depuis  huit  heures 
du  matin  jufqu’à  midi ,  de  la  rétrogradation  dans  l’après- 
midi ,  &  de  la  dation  pendant  la  nuit,  a  eu  lieu,  excepté 
le  17  Juin,  où  l’aiguille  a  été  fixe  depuis  dix  heures  & 
demie  du  matin  ,  jufqu’au  lendemain  à  onze  heures  du 
matin  ;  même  fixité  le  11,  depuis  8  lierres  du  matin  jufqu’à  3 
heures  après  midi  ;  le  25 ,  depuis  dix  heures  du  foir  juf¬ 
qu’au  lendemain  26  à  trois  heures  après  midi;  les  12,  21 
&  23  Juillet,  toute  la  journée.  Les  circondances  qui  accom¬ 
pagnent  cette  inaftion  de  l’aiguille,  font  une  grande  cha¬ 
leur  &  un  très  beau  temps  ;  la  variation  diurne  dans  ces 
deux  mois  a  été  fort  inégale  ;  nulle  dans  les  temps  très- 
chauds  ;  le  plus  communément  de  cinq  à  fix  minutes  dans 
d’autres  jours;  elle  n’a  été  de  12  &  de  14,  que  le  14 
&  le  15  Juin. 

»  Tandis  que  M.  Coulomb  s’occnpoit  des  moyens  de 
donner  aux  aiguilles  la  plus  grande  force  magnétique 
polTible,  je  m’appliquois  de  mon  côté  à  perfeftionner  leur 
monture ,  leur  enveloppe  &  leur  établiffement.  Jufqu’alors 
l’étrier ,  qui  portoit  le  fil  de  fufpenfion ,  n’étoit  fixé  que 
que  par  une  forte  femelle ,  d’un  bois  à  la  vérité  très  fec 
Sc  très  épais.  La  boîte  de  bois  qui  ferveit  d’enveloppe  >• 
&  le  micromètre  étoient  également  affis  fur  cette  même 
kafe ,  dont  le  moindre  jeu  devoit  communiquer  dn  mou- 

Minéraux .  Tome  IX*  A  a 


jgî  H'ifloïre  naturelle'. 

demi  ;  mais  comme ,  jufqu’à  prêtent ,  IesNavte’ 


renient  à  tout  l’équipage.  Je  fis  faire  en  plomb  la  boite 
©u  cage  qui  devoit  renfermer  l’aiguille  ;  au  lieu  d'etrier , 
je  fis  viirer  &  cramponner  dans  le  haut  de  la  boite  , 
contre  fes  parois ,  une  traverfe  de  cuivre ,  portant  une 
longue  vis  garnie  d’un  crochet ,  pour  tenir  le  fil  de  fuf- 
penfion.  Cette  forte  &  folide  boîte  de  plomb  fut  enfuit» 
inftruftée  de  deux  pouces  dans  un  dez  de  pierre  dure 
haut  de  dix  pouces,  fur  feize  de  longueur,  &  huit  d’é- 
paiffeur  ;  &  c’eft  fur  ce  dcz  que  je  fixai  à  demeure  le 
micromètre  entièrement  ifolé  de  la  boîte;  c’efl  ainfi  qu’avec 
l’équipage  le  plus  fimple  &  le  plus  folide ,  j’èfpérai  mettre 
autant  qu’il  étoit  poffibie ,  mes  aiguilles  à  l’Abri  des  cou- 
rans  d’air  &  des  mouvemens  étrangers  ;  en  elfet,  je  n  avois 
plus  à  craindre  l’effet  de  l’humidité  des  temps  &  des  lieux». 
L’air  ne  pouvoit  guère  pénétrer  dans  une  boîte  de  plomb 
qui  n’avoit  qu’une  porte,  dont  les  parois  étoient  bouchées 
&  collées  avec  foin  ;  enfin ,  le  micromètre  portant  fur  un 
maffif  dez  de  pierre ,  ne  pouvoit  plus  communiquer  de 
mouvemens  à  l’aiguille;  c’eld  avec  ce  nouvel  appareil 
que  je  fis  les  observations  fuivantes. 

»  Depuis  le  14  Février  jufqu’au  24  du  même  mois  r 
avec  une  aiguille  de  lame  de  relfort  fortement  aimantée , 
renfermée  dans  une  boîte  de  plomb ,  fixée  fur  un  dez  de 
pierre,  longueur  totale  de  Paiguille  un  pied;  du  point  dé 
fufpenfion  à  l’extrémité  boréale ,  neuf  pouces  une  ligne  , 
le  plus  grand  écart  de  l’aiguille  vers  l’oued  a  eu  lieu 
entre  midi  &  une  heure  ;  prefque  toutes  les  matinées ,  la 
progreffion  de  l’aiguille  a  été  très  régulière ,  &  de  onze 
minutes,  mais,  dans  les  foirées  l’aiguille  éprouvoit  de 
fréquentes  irrégularités.  Depuis  le  16  après  midi ,  jufqu’au 
18  au  matin ,  il  u’u  pas  été  goflible  d’obfervcr ,  l’aiguille 


Traité  de  L'Aimant.  283 

gateurs  ne  fe  font  fervis  que  de  bouftoles 


étant  dans  une  continuelle  agitation  ;  il  a  régné ,  pendant 
ce  temps,  un  vent  très  fort  de  nord  &  de  nord-e/l;  les 
jours  où  la  marche  de  l’aiguille  a  été  régulière,  la  varia¬ 
tion  diurne  a  été  d’environ  douze  minutes.  . .  M.  Coulomb 
a  reconnu  que  l’acier  fondu  étoit  la  matière  qui  fe  char— 
geoit  le  plus  de  la  vertu  magnétique ,  &  par  eonféquent 
la  plus  propre  à  faire  des  aiguilles  très  fortement  aiman¬ 
tées.  A  la  fin  d’Avril  1783 ,  il  me  remit  deux  de  ces 
nouvelles  aiguilles,  que  je  plaçai  dans  deux  boîtes  de 
plomb  ,  telles  que  je  les  ai  décrites  ci-deflus ,  établies 
dans  deux  cabinets  dift'érens  ;  ce  qui  me  procurera  une 
nouvelle  fuite  d’obfervations  dont  je  vais  rendre  compte... 
Depuis  le  premier  Mai  jufqn’au  6  Juillet ,  avec  deux 
aiguilles  d’acier  fondu ,  placées  fur  champ  ,  aimantées  le 
plus  fortement  poOîble  ,  longueur  totale  de  chaque  aiguille 
un  pied  une  ligne;  poids  de  l’aiguille  aveefon  contrepoids 
&  l’anneau  de  fufpenfion  à  l’extrémité  boréale  de  l’ai— 
gnille ,  neuf  pouces  une  ligne  ;  l’accord  le  plus  parfait 
s’eft  remarqué  pendant  ces  deux  mois  d’expériences  &  de 
Comparaifon  des  deux  aiguilles,  qui  fe  font  trouvées  fta- 
tionnaires ,  ofcillantes  &  écartées  dans  les  mêmes  circonf- 
tances ,  dans  les  mêmes  intervalles-  de  temps ,  de  la  même 
quantité ,  &  dans  le  même  feus.  Les  exceptions  à  cette 
règle  ont  été  fi  rares,  &  les  différences  fi  petites ,  que  j’ai 
cru  devoir  l’attribuer  à  l’erreur  des  obfervations.  Le  plus 
grand  des  écarts  de  nos  aiguilles  vers  l’èft  a  eu  lieu 
dans  le  mois  de  Mai ,  vers  l’heure  de  midi  ;  dans  le  mois 
de  Juin  entre  deux  &  trois  heures;-  le  vent  de  nord-eft 
&  d’efl  m’a  femblé  plus  d'une  fois  accompagner  ces  irré¬ 
gularités.  J’ai  remarqué  quelquefois  qu’un  changement  fubitt 
du  beau  au  mauvais  temps ,  ou  du  mauvais  au  beau  y 

A  a  a- 


2*4  Hîjloîre  naturelle, 

à  pivot,  on  ne  peut  compter,  qu'à  un  degré 
&  demi  ,  &  même  à  deux  degrés  près  ,  lur 
la  certitude  de  leurs  obfervations. 

En  confultant  les  obfervations  faites  par  les 
Voyageurs  récens  (x) ,  on  voit  qu’il  y  a  plu- 
fieurs  points  fur  le  globe  ,  où  la  déclinaifon  eft 
actuellement  nulle  ou  moindre  d’un  degré, 
foit  à  l’eft  ,  foit  à  l’oueft,  tant  dans  l'hémif- 
phère  boréal  que  dans  l’hémifphère  auftral  ;  & 
la  fuite  de  ces  points,  où  la  déclinaifon  eft  nulle 
ou  prefque  nulle,  forme  des  lignes  &  même 
des  bandes  qui  fe  prolongent  dans  les  deux 
hémifphères.  Ces  mêmes  obfervations  nous 
indiquent  aufti  que  les  endroits  où  la  décli¬ 
naifon  eft  la  plus  grande  dans  l’un  &  l’autre 
hémifphère ,  fe  trouvent  aux  plus  hautes 
latitudes,  &  beaucoup  plus  pràs  des  pôles  que 
de  l’équateur. 

Les  caufes ,  qui  font  varier  la  déclinaifon, 
&  la  tranfportent ,  pour  ainfi  dire,  avec  le 


changeoit  aulïj  la  dire&ion  ordinaire  de  l’aiguille  pour 
quelques  jours ,  &  qu’enfuite  femblable  changement  la 
ramenoit  à  fon  premier  état. 

La  quantité  de  la  variation  diurne  n’eft  pas  la  même 
dans  toutes  les  faifons  ;  il  paroît  qu’on  peut  fixer  la  plus 
grande  à  quatorze  minutes,  &  la  plus  petite  à  cinq  mi¬ 
nutes.  C’eft  en  hiver  que  la  variation  diurne  paroît  être 
la  plus  petite,  &  j’ai  remarqué  qu’en  été,  lorfque  la  cha¬ 
leur  eft  conlidérable  ,  la  variation  eft  nulle  ».  Extrait  du 
Mémoire  de  M.  de  Cajjïni  ,  adrcffc  aux  Auteurs  du  Journal 
-de  P  hy fi  que. 

(x)  Voyez  les  trois  Voyages  du  Capitaine  Cook.. 


Traité  de  F  Aimant.  285 

temps,  de  l’eft  à  l’oueft,  ou  de  l’oueft  à  l’eft 
du  méridien  terreftre,  ne  dépendent  donc  que 
de  circonftances  accidentelles  &  locales,  fur 
leiquelles  néanmoins  nous  pouvons  affeoir  un 
jugement  en  rapprochant  les  différens  faits  ci- 
devant  indiqués. 

Nous  avons  dit  qu’en  l’année  1580,  l’ai¬ 
guille  déclinoità  Paris  de  onze  degrés  trente 
minutes  vers  l’eft  :  or  nous  remarquerons  que 
c’eft  depuis  cette  année  1580,  que  la  déclinai¬ 
son  paroît  avoir  commencé  de  quitter  cette 
direction  vers  l’eft,  pourfe  porter  fucceiîive- 
ment  vers  le  nord  &  enfuite  vers  l’oueft;  car, 
en  1  année  1610  ,  l’aiguille,  ainfi  que  nous 
l’avons  déjà  remarqué  ,  ne  déclinoit  plus  que 
de  huit  degrés  vers  l’eft  ;  en  1640,  elle  ne 
déclinoit  plus  que  de  trois  degrés;  &  en  1663,. 
elle  fe  dirigeoit  droit  au  pôle.  Enfin,  depuis 
£ette  époque ,  elle  n’a  pas  cefîe  de  fe  porter 
vers  l’oueft.  J’obferverai  donc  que  la  période 
de  ce  progrès  dans  l’oueft,  auquel  il  faut 
joindre  encore  la  période  du  retour  ou  du 
rappel  de  la  déclinaifon  de  l’eft  au  nord  ,  puif- 
que  ce  mouvement  s’eft  opéré  dans  le  même 
fens;  j’obferverai,  dis- je,  que  ces  périodes 
de  temps  femblent  correfpondre  à  l’époque  du 
défrichement  &  de  la  dénudation  de  la  terre 
dans  l’Amérique  feptentrionale ,  &  aux  progrès 
de  l’établiffement  des  Colonies  dans  cette  partie 
du  nouveau  monde.  En  effet,  l’ouverture  du 
fein  de  cette  nouvelle  terre  par  la  culture, 
les  incendies  des  forêts  dans  de  vaftes  éten¬ 
dues,  &  l’exploitation  des  mines  de  fer  par 
les  Européens  dans  ce  continent,  dont  les 
habitans  fauvages  n’avoient  jamais  connu 


2  S  (5  1. Tijlolre  nature  Ile", 

ni  recherché  ce  métal ,  n’ont-elles  pas  chî  pro 
duire  un  nouveau  pôle  magnétique,  &  déter¬ 
miner  vers  cette  partie  occidentale  du  globe  , 
la  direélion  de  l’aimant,  qui  précédemment 
n’éprouvoif  pas  cette  artraélion,  &,  au  lieu 
d’obéir  à  deux  forces  ,  étcit  uniquement  déter¬ 
minée  par  le  courant  éleélrique  qui  va  de 
l’équateur  aux  pôles  de  la  terre  ? 

J’ai  remarqué  ci-devant  que  la  déclinaifon 
s’eft  trouvée  confiante  à  Quebec,  durant  une 
période  de  trente  -  fept  ans;  ce  qui  femble 
prouver  l'action  confiante  d’un  nouveau  pôle 
magnétique  dans  les  régions  fêptentrionales 
de  l’Amérique.  Enfin,  le  ralentiffement  aétuel 
du  progrès  de  la  déclinaifon  dar.s  l’oueft,  offre 
encore  un  rapport  fuivi  avec  l’état  de  cette 
terre  du  nouveau  monde,  où  le  principal  pro¬ 
grès  de  la  dénudation  du  fol,  &i  de  l’exploitation 
des  mines  de  fer,  parcît  aétuellement  être  à- 
peu-près  aufii  complet  que  dans  les  régions 
i'eptentrionales  de  l’ancien  contir.enr. 

On  peut  donc  affurer  que  cette  déclinaifon 
de  l’aimant ,  dans  les  divers  lieux  ,  &  félon  les 
difîérens  temps,  ne  dépend  que  du  giftement 
des  grandes  maffes  ferrugineufes  dr»ns  chaque 
légion,  &  de  l’aimantation  plus  ou  moins 
prompte  de  ces  mêmes  malles,  par  des  catifes 
accidentelles  ou  des  circonflances  locales, 
telles  que  le  travail  de  l’homme  ,  l’incendie  des 
forêts  ,  l’éruption  des  volcans,  &  même  les 
coups  que  frappe  l’éleélricité  fouterraine  fur 
de  grands  efpaces  ,  cauiés  qui  peuvent  toutes 
donner  également  le  magnétifme  aux  matières 
ferrugineufes  ;  &  ce  qui  en  complète  les  preu¬ 
ves  ,  c’eft qu’après  les  tremblemens  de  terre. 


Traite  de  V Aimant',  2&7 

ofl  a  vu  fou  vent  l’aiguille  aimantée  ,  foumife 
Ü  de  grandes  irrégularités  dans  les  varia» 
tions  (y). 

Au  relie,  quelque  irrégulière  que  foit  la 
variation  de  l’aiguille  aimantée  dans  fa  direc¬ 
tion  ,  il  me  paroît  néanmoins  que  Ton  peut  en 
fixer  les  limites,  &  même  placer  entre  elles 
lin  grand  nombre  de  points  intermédiaires , 
qui,  comme  ces  limites  mêmes,  feront  conf- 
tans  &  prefque  fixes  pour  un  certain  nombre 
d’années,  parce  que  le  progrès  de  ce  mouve¬ 
ment  de  déclinaifon  ne  fe  faifant  actuellement: 
que  très  lentement,  on  peutle  regarder  comme 
confiant  pour  le  prochain  avenir  d’un  petit 
nombre  d’années;  &  c’eft  pour  arriver  à  cette 
détermination,  ou  du  moins  pour  en  approcher,, 
autant  qu’il  eft  poffible  ,  que  j’ai  réuni  toutes 
les  observations  que  j’ai  pu  recueillir  dans  les 
voyages  &  navigations  faits  depuis  vingt  ans  3 
&  dont  je  placerai  d’avance  les  principaux 
réfuh.ats  dans  l’article  fuivant. 


(y)  Voyez  l’Ouvrage  ,  déjà  cité  ,  de  M.  Epinus  y 
£f?.  364. 


îSB 


Hljloh *  naturelle'. 


<#  $$$$$$  $$$$$$  *  $  #  M  $* 

ARTICLE  VI. 

De  Vinclnaifon  de  l’Aimant . 


T  a  direction  de  l’aimant,  ou  de  l’aiguille 
aimantée ,  n’eft  pas  l’effet  d’un  mouvement 
fimple  ,  mais  d’un  mouvement  compofé  qui 
fuit  la  courbure  du  globe  de  l’équateur  aux 
pôles.  Si  l’on  pofe  un  aimant  fur  du  mercure, 
dans  une  fnuation  horizontale,  &  fous  le  mé¬ 
ridien  magnétique  du  lieu  ,  il  s’inclinera  de 
manière  que  le  pôle  auftral  de  cet  aimant 
s’élèvera  au-deffus  ,  &  que  le  pôle  boréal 
s’abaiffera  au-deffous  de  la  ligne  horizontale 
dans  notre  hémifphère  boréal,  &  le  contraire 
arrive  dans  l’hémifphère  auftral  ;  cet  effet  efl 
encore  plus  ailé  à  mefurer,  au  moyen  d’une 
aiguille  aimantée ,  placée  dans  un  plan  vertical  : 
la  bouffole  horizontale  indique  la  direélion 
avec  ies  déclinaifons  ,  &  la  bouffole  verticale 
démontre  l’inclinaifon  de  l’aiguille;  cette  in- 
clinaifon  change  fouvent  plus  que  la  déclinai- 
fon ,  fuivant  les  lieux,  mais  elle  eft  plus 
confiante  pour  les  temps;  &  l’on  a  même 
obfervé  que  la  différence  de  hauteur,  comme 
du  fommet  d’une  montagne  à  la  vallée,  ne 
change  rien  à  cette  inclinaifon.  M.  le  Cheva¬ 
lier  de  Lamanon  m’écrit,  qu’étant  fur  le  Pic 
de  Ténériffe,  à  1900  toifes  au-deffus  du  niveau 
de  la  mer ,  il  avoit  obfervé  que  l'inclination  de 
lVguille  étoitlamême  qu’à  Sainte-Croix;  ce 

qui 


Traité  de  T  Aimant'.  2S9 

qui  femble  prouver  que  les  émanations  du 
globe  qui  produisent  l’éleftricité  &  le  magne- 
tifme,  s’élèvent  à  use  très-grande  hauteur  dans 
les  climats  chauds  (<i);  au  refte ,  l’inclinaifon 
&  la  déclinaifon  font  fujettes  à  des  trépidations 
prefque  continuelles  de  jour  en  jour  ,  d’heure 
en  heure,  &,  pour  ainfi  dire,  de  moment  à 
moment. 

Les  aiguilles  des  bouffoles  verticales  doi¬ 
vent  être  faites  &  placées  de  manière  que  leur 
centre  de  gravité  coincide  avec  leur  centre  de 
mouvement,  au  lieu  que,  dans  les  boulîoles 
horizontales,  le  centre  du  mouvement  de 
l’aiguille  eff  un  peu  plus  élevé  que  fon  centre 
de  gravité. 

Lorfqu’on  commence  à  mettre  en  mouve¬ 
ment  cette  aiguille  placée  verticalement ,  elle 
fe  meut  par  des  ofcillations  qu’on  a  voulu 
comparer  à  celles  du  pendule  de  la  gravitation  ; 
mais  les  effets  qu’ils  préfenrent  font  très-diffé- 
rens,  car  la  direftion  de  cette  aiguille,  dans 
fon  inclinai  fon ,  varie  félon  les  différens  lieu.Y, 
au  lieu  que  celle  du  pendule  eff  confiante  dans 
tous  les  lieux  de  la  terre,  puifqu’elle  eff  tou¬ 
jours  perpendiculaire  à  la  furface  du  globe. 

Nous  avons  dit  que  les  particules  de  la 
limaille  de  fer  font  autant  de  petites  aiguilles  , 
qui  prennent  des  pôles  par  le  contaél:  de  l’ai¬ 
mant  :  ces  aiguilles  fe  dreffent  perpendiculai¬ 
rement  fur  les  deux  pôles  de  l’aimant  ;  mais  la 


(  a  )  Lettre  de  M.  le  Chevalier  deLamanon,  à  M.  de 
Buffon  ,  dat^e  des  îles  Canaries,  1785. 

Minéraux.  Tome,  IX,  B  b 


29Ô  Hifloîre  naturelle 

pofttion  de  ces  particules  aimantées  devient 
doutant  plus  oblique  ,  qu’elles  font  plus 
éloignées  de  ces  mêmes  pôles,  &  jufqu’à 
l’équateur  de  l’aimant,  où  il  ne  leur  relie 
qu’une  attra&ion  fans  inclinaifon.  Cet  équa¬ 
teur  eft  le  point  de  partage  entre  les  deux 
direélions  Si  inclinaifons  en  fens  contraire  ; 
&  nous  devons  obferver  que  cette  ligne  de 
féparation  des  deux  courans  magnétiques ,  ne 
le  trouve  pas  précifément  à  la  même  dillance 
des  deux  pôles,  dans  les  aitnans  non  plus  que 
dans  le  globe  terrellre  ,  Si  qu’elle  eft  toujours 
à  une  moindre  diftance  du  pôle  le  plus  foible. 
Les  particules  de  limaille  s’attachent  horizon¬ 
talement  fur  cette  partie  de  l’équateur  des 
aimans.  Si  leur  inclinaifon  ne  fe  manifefte 
bien  fenfiblement ,  qu’à  quelque  diftance  de 
cette  partie  équatoriale  ;  la  limaille  commence 
alors  à  s’incliner  fenfiblement  vers  l’un  Si 
l’autre  pôles  en-deçà  Si  au-delà  de  cet  équa¬ 
teur;  fon  inclinaifon  vers  le  pôle  auftral  eft 
donc  à  contre  fens  de  la  première  ,  qui  tend 
au  pôle  boréal  de  l’aimant,  Si  cette  limaille 
fe  dreffe  de  même  perpendiculairement  fur  le 
pôle  auftral  comme  fur  le  pôle  boréal.  Ces 
phénomènes  font  conftans  dans  tous  les  Ai- 
mans  ou  fers  aimantés;  &  comme  le  globe 
terreftre  pofsède  en  grand  les  mêmes  puiftances 
que  l’aimant  nous  préfente  en  petit,  l’aiguille 
doit  être  perpendiculaire  par  une  inclinaifon 
de  90  degrés  fur  les  pôles  magnétiques  du 
globe;  ainfi,  les  lieux  où  l’inclinai  fon  de 
l’aiguille  fera  de  90  degrés ,  feront  en  eltet  les 
vrais  pôles  magnétiques  fur  la  terre. 

ISqus  n’avons  rien  négligé  pour  nous  pro- 


Traité  de  l'Aimant.  29  r 

curer  toutes  les  obfervations  qui  ont  été  faites 
jufqu’ici  fur  la  déclinaifon  &  l’inclinai fon  de 
l’aiguille  aimantée  ( b ).  Nous  croyons  que 
perfonne  ,  avant  nous ,  n’en  avoit  recueilli  un 
aullï  grand  nombre  ;  nous  les  avons  comparées 
avec  foin,  &  nous  avons  reconnu  que  c’eft  aux 
environs  de  l’équateur  que  l’inclinaifon  eft 
prefque  toujours  nulle;  que  l’équateur  magné¬ 
tique  eft  au-deflus  de  l’équateur  terreftre  dans 
la  partie  de  la  mer  des  Indes,  fituée  vers  le 
quatre- vingt-dix- feptième  degré  de  longitude 
(c),  ôc  qu’il  paroît,  au  contraire,  au  deffous 
de  la  ligne  dans  la  portion  de  la  mer  Pacifique  , 
qui  correfpond  au  cent  quatre-vingtdix-fiep- 
tième  degré  :  on  peut  donc  conjecturer  que  le 
pôle  magnétique  eft  éloigné  vers  l’eft  du  pôle 
de  la  terre  ,  relativement  aux  mers  des  Indes  & 
Pacifique;  &  par  conféquent  il  doit  être  fitué 
dans  les  terres  les  plus  Septentrionales  de  l’A¬ 
mérique  ,  ainfi  que  nous  l’avons  déjà  dit. 

Dans  la  mer  atlantique,  l’efpace  ou  l’aiguille 
a  été  obfervée  fans  déclinaifon  («/),  fe  pro- 


(  b  )  De  tous  nos  Voyageurs ,  M.  Eckberg  &  M.  le 
Gentil,  favant  Aftronome  de  l’Académie  des  Sciences, 
font  ceux  qui  ont  donné  le  plus  d’attention  à  l’inclinaifoi* 
de  l’aimant  dans  les  régions  qu’ils  ont  parcourues. 

(  c  )  Nous  devons  remarquer  que  ,  dans  les  articles  de 
la  déclinaifon  &  de  l’inclinaifon  de  l’aimant ,  nous  avons 
toujours  compté  les  longitudes  à  l’eft  du  méridien  de 
Paris. 

(  d  )  Je  dois  obferver  ici  que  j’ai  regardé  comme  nulle5 
toutes  les  déclinaifons  qui  11e  s’étendoient  pas  à  deux 

Bb  2 


2.f)2  fJiftoire  naturelle', 

longe  jufqu’au  cinquante-huitième  degré  de 
latitude  auftrale  ;  &à  l’égard  de  Ton  étendue 
vers  le  nord  ,  on  le  peut  fuivre  jufqu’au  trente- 
cinquième  degré  ,  ou  environ  ,  de  iatitude,  ce 
qui  lui  donneroit  en  tout  quatre-vingt-treize 
degrés  de  longueur  ,  fi  l’on  avoit  fait  ,  jufqu  à 
préfent,  afl'ez  d’obfervations  pour  que  nous 
fuflïons  aflurés  qu’il  n’eft  interrompu  par  aucun 
endroit  où  l’aiguille  décline  de  plus  de  deux 
degrés  vers  l’eft  ou  vers  l’oueft.  Cet  efpace, 
ou  cette  bande  fans  déclinaifon  ,  peut  fur- tout 
être  interrompue  dans  le  voifmage  des  Con¬ 
tiens  &  des  lfles.  Car  on  ne  peut  douter  que 
la  proximité  des  terres  n’influe  beaucoup  fur 
la  direction  de  l’aiguille.  Cette  déviation  dé¬ 
pend  des  mafles  ferrugineufes  qui  peuvent  le 
trouvera  la  furface  de  ces  terres,  &  qui, 
agilfant  fur  le  magnétifme  général  ,  comme 
autant  de  pôles  magnétiques  particuliers,  doi¬ 
vent  fléchir  fon  cours ,  &  en  changer  plus  ou 
moins  la  direction  :  &  fi  le  voifmage  de  certai¬ 
nes  côtes  a  paru,  au  contraire,  repoufier 
l’aiguille  aimantée,  la  nouvelle  direttion  de 
l’aiguille  n’a  point  été,  dans  ces  cas  particu¬ 
liers,  l’effet  d’une  répulfion  qui  n’a  été  qu’ap¬ 
parente  ;  mais  elle  a  été  produite  par  le  magné¬ 
tifme  général ,  ou  par  i’attra&ion  particulière 
de  quelques  autres  terres  plus  ou  moins 


degrés  au-deflus  de  zéro ,  parce  que  les  variations  diurnes 
&  fur-tout  les  accidens  des  aurores  boréales  &  des  tem¬ 
pêtes  ,  font  fouvent  changer  la  direction  de  l’aiguille  do 
plus  de  deux  degrés. 


Truité  de  VAima.nl.  293 

éloignées,  &  dont  l’aétion  aura  celle  d’être 
troublée  dans  le  voifinage  de  certaines  côtes 
dépourvues  de  mines  de  fer  ou  d’aimant.  Lors 
donc  qu’à  l’approche  des  terres,  l’aiguille  ai¬ 
mantée  éprouve  confiamment  des  changemens 
très- marqués  dans  la  déclinaifon,  on  peut  en 
conclure  l’exiftence  ou  le  défaut  de  mines  de 
fer  ou  d’aimant  dans  ces  mêmes  terres ,  fuivant 
qu’elles  attirent  ou  repouffent  l’aiguille  ai- 
marnée. 

En  général,  les  bandes  fans  déclinaifon  fe 
trouvent  toujours  plus  près  des  côtes  orien¬ 
tales  des  grands  continens ,  que  des  côtes 
occidentales  :  celle  qui  a  été  oblervée  dans  la 
mer  Atlantique,  eft ,  dans  tous  fes  points, 
beaucoup  plus  voifine  des  côtes  orientales  de 
l’Amérique ,  que  des  côtes  occidentales  de 
l’Afrique  &  de  l’Europe;  &  celle  qui  traverfe 
la  mer  de  l’Inde  &  la  grande  mer  Pacifique, 
efi  placée  à  une  allez  petite  diftance  à  l’eft  des 
côtes  de  l’Afie. 

La  bande  ,  fans  déclinaifon  ,  de  la  mer  des 
Indes  ,  &  qui  fe  prolonge  dans  la  mer  Pacifique 
boréale,  paroît  s’étendre  depuis  environ  le 
cinquante  -  neuvième  degré  de  latitude  fud  , 
jufqu’au  quarantième  degré  de  latitude  nord. 

il  efi  important  d’obferver  que  fous  la  lati¬ 
tude  boréale  de  dix  -  neuf  degrés ,  ainfi  que 
fous  la  latitude  auftrale  de  cinquante  -  trois 
degrés,  la  bande  fans  déclinaifon  de  la  mer 
Atlantique,  &  celle  de  la  mer  des  Indes,  font 
éloignées  l’une  de  l’autre ,  d’environ  cent 
cinquante- fept  degrés,  c’eft-à-dire,  de  près 
de  la  moitié  de  la  circonférence  du  globe.  Il 
efi  également  remarquable  qu’à  partir  de  quel*. 

B  b  3 


294  H'tjloire -  naturelle'. 

ques  degrés  de  l’équateur,  on  n’a  obfervé, 
dans  la  mer  Pacifique  boréale,  aucune  décli- 
naifon ,  vers  l’oueft ,  qu’on  ne  piaffe  rapporter 
aux  variations  inftantanées  &  irrégulières  de 
l’aiguille;  ceci  joint  à  toutes  les  dire&ions 
des  déclinaifons  ,  tant  de  la  mer  Atlantique 
que  de  la  mer  des  Indes  ,  confirme  l’exifience 
d’un  pôle  magnétique  rrès-puiflant ,  dans  le 
nord  des  terres  de  l’Amérique  ;  &  ce  qui  con¬ 
firme  encore  cette  vérité,  c’eff  que  la  plus 
grande  déclinaifon  orientale,  dans  la  mer  Pa¬ 
cifique  boréale ,  a  été  obfervée  par  le  Capitaine 
Cook,  de  trente-fix  degrés  dix-neuf  minutes  , 
aux  environs  de  foixante-dix  degrés  de  lati¬ 
tude  nord,  &  du  cent  quatre-vingt-quinzième 
de  longitude,  c’eft-à-dire,  à  deux  degrés,  ou 
à-peu-près,  au  nord  des  terres  de  l’Amérique 
les  plus  voifines  de  l’Afie.  D’un  autre  côté  , 
M.  le  Chevalier  de  l’Angle  a  trouvé  une  décli- 
naifon  vers  l’oueft  de  quarante-cinq  degrés, 
dans  un  point  de  la  mer  Atlantique,  fitué  très- 
près  des  côtes  orientales  &  boréales  de  l’Amé¬ 
rique.  C’cft  donc  dans  ces  terres  feptentriona- 
les  du  nouveau  continent,  que  toutes  les 
direftions  des  déclinaifons  fe  réunifient  & 
coincident  au  pôle  magnétique  ,  dont  l’exif- 
tence  nous  paroît  démontrée  par  tous  les  phé¬ 
nomènes. 

La  déclinaifon  n’éprouve  que  de  petites 
viciffitudes  dans  les  baffes  latitudes,  uirtout 
dans  la  grande  mer  de  l’Inde ,  où  l’on  n’obferve 
jamais  qu’un  petit  nombre  de  degrés  de  décli¬ 
naifon  dans  le  voifinage  de  l’équateur,  tandis 
que  ,  dans  les  plus  hautes  latitudes  de  l’hémif- 
phère  auftral ,  il  paroît  que  la  déclinaifon  de 


Traité  de  V Aimant.  293 

l’aiguille  varie  beaucoup  de  l’eft  à  l’oueft  ,  ou 
de  l’oued  à  l’eft ,  dans  un  très  petit  efpace. 

La  ligne,  fans  déclinaifon,  qui  paffe  eatre 
Malaca,  Bornéo,  le  détroit  de  la  Sonde  ,  fe 
replie  vers  l’eft,  &  fon  inflexion  femble  être 
produite  par  les  terres  de  la  Nouvelle-Hol¬ 
lande. 

Il  y  a  ,  dans  la  mer  Pacifique ,  une  troifième 
bande  fans  déclinaifon  ,  qui  paroît  s’étendre 
depuis  le  feptième  degré  de  latitude  nord  ,  juf- 
qu’au  cinquante- cinquième  degré  de  latitude 
fud.  Cette  bande  traverfe  l’équateur  vers  le 
deux  cent  trente-deuxième  degréde  longitude  ; 
mais,  à  vingt-quatre  degrés  de  latitude  auftrale, 
elle  paroît  fléchir  vers  les  côtes  occidentales 
de  l’Amérique  méridionale  ,  ce  qui  paroît  être 
l’effet  des  maffes  ferrugineufes  ,  que  l’on  doit 
trouver  dans  ces  contrées,  fi  fouvent  brûlées 
par  les  feux  des  volcans,  &  agitées  par  les 
coups  de  la  foudre  louterraine. 

La  déclinaifon  la  plus  confidérabie  qui  ait 
été  trouvée  dans  l’hémifphère  auftral ,  eff  celle 
de  quarante-trois  degrés  fix  minutes  ,  obfervée 
par  Cook,  en  Février  1773  ,  fous  le  loixan- 
îièrne  degré  de  latitude,  &.  le  quatre-vingt- 
douzième  degré  trente- cinq  minutes  de  longi¬ 
tude  ,  loin  de  toute  terre  connue;  &  la  plus 
forte  déclinaifon  qu’on  ait  trouvée  dans  l’hé¬ 
mifphère  boréal,  &,  en  même-temps,  la  plus 
grande  de  toutes  celles  qui  ont  été  remarquées 
dans  les  derniers  temps  ,  eft  celle  de  quarante- 
cinq  degrés,  dont  nous  avons  déjà  parlé,  & 
qui  a  été  obfervée  par  M.  le  Chevalier  de 
l’Angle,  vers  le  foixante-deuzième  degré  de 

latitude,  &le  deux  cens  quatre-vingt- dix- fept 


^6  Hiflclrc  naturelle. 

ou  deux  cens  quatre-vingt-dix-huitième  de 
longitude,  entre  le  Groenland  &  la  terre  de 
Labrador;  elles  font  toutes  les  deux  vers 
l’oueft ,  &  toutes  les  deux  ont  eu  lieu  dans  des 
endroits  éloignés  de  l’équateur  d’environ 
foixante  degrés. 

Tels  font  les  principaux  faits,  tant  pour  la 
déclinaifon  que  pour  l’inclinaifon,  qu’offre  ce 
qu’on  a  reconnu  de  l’état  a&uel  des  forces  ma¬ 
gnétiques,  qui  s’étendent  de  l’équateur  aux 
pôles  ;  &  fi  nous  voulons  tirer  quelques  rélul- 
tats  du  petit  nombre  d’obfervations  plus  an¬ 
ciennes,  nous  trouverons  que ,  depuis  1700, 
Fincünaifon  de  l’aiguille  aimantée  a  varié  en 
divers  endroits;  mais  tout  ce  que  l’on  peut 
conclure  de  ces  obfervations ,  qui  font  en  trop 
petit  nombre  ,  c’ell  que  les  changemens  de  la 
déclinaifon  &  de  l’iricl inai fon  ont  été  inégaux 
&  irréguliers  dans  les  divers  points  des  deux 
hémifphèrés. 

Et,  pour  ne  conftdérer  d’abord  que  les 
variations  de  la  déclinaifon ,  la  plus  grande 
irrégularité  des  changemens  qu’elle  a  éprouvés 
fur  les  différens  points  du  globe  ,  fuflit  pour 
empêcher  d'admettre  l’hypotèfe  de  Hailey, 
qui  fuppofoit  dans  l’intérieur  de  la  terre,  un 
grand  noyau  magnétique  doué  d’une  forte  de 
mouvement  de  rotation  ,  indépendant  de  celui 
du  globe ,  &  qui ,  par  fa  déclinaifon ,  produiroit 
celle  des  aimans  ,  placés  à  la  furface  de  la  terre. 
M.  Epinus  (e),qui  d’abord  paroiffoit  tenté 


(c)  Voyez  l’Ouvrage,  déjà  cité  ,  de  ce  favant  l’hy- 

ficien. 

1 


Traité  Je  l'Aimant.  197 

d’adopter  l’opinion  de  Halley  ,  a  vu  lui- même 
qu'elle  nepourroit  s’accorder  avec  l’irrégula- 
r iie  des  changemens  de  la  déclinaifon  magné¬ 
tique:  au  lieu  du  mouvement  régulier  d’une 
forte  de  grand  aimant  imaginé  par  Halley,  il 
a  propofé  d’admettre  des  changemens  irré¬ 
guliers  &  locaux  dans  le  noyau  de  la  terre; 
mais  ,  indépendamment  de  l’impollibilité  d’atîï- 
gner  les  caufes  de  ces  changemens  intérieurs  , 
ils  ne  pourroient  agir  fur  la  déclinaifon  des 
aiguilles,  qu’autant  que  les  portions  du  noyau 
gagneroient  ou  perdroient  la  vertu  magnéti¬ 
que  ;  &  nous  avons  vu  que  les  mafi'es  ferrugi- 
neufes  11e  pouvoient  s’aimanter  naturellement 
que  très-près  de  la  furface  du  globe,  &  par 
les  influences  de  ratmofphère. 

Depuis  1580,  la  déclinaifon  de  l’aiguille  a 
varié  ,  dans  les  divers  endroits  de  la  furface 
du  globe,  d’une  manière  très-inégale  :  elle 
s’eft  portée  vers  l’eft  avec  des  vîteffes  très- 
différentes ,  non- feulement  félon  les  temps, 
niais  encore  félon  les  lieux;  &  ceci  eft  d’au¬ 
tant  plus  important  à  obferver,  que  fes  mou- 
vemens  ont  toujours  été  très-irréguliers ,  & 
que  nous  ne  faifons  ici  aucune  attention  aux 
petites  caufes  locales  qui  ont  pu  la  déranger. 
Ces  caufes  ,  dont  les  effets  ne  font  pas  conf- 
tans  ,  mais  pafïagers ,  peuvent  être  de  même 
nature  que  les  caufes  plus  générales  du  change- 
men't  de  déclinaifon  ;  mais  elles  n’agiflent  qu’en 
certains  endroits,  où  elles  doivent  détourner 
cette  même  déclinaifon  d’un  grand  nombre  de 
degrés,  jufqu’à  la  faire  aller  en  diminuant, 
lorfqu’elle  devroit  s’accroître,  &  peuvent 
même  tout-à  coup  la  faire  changer  de  l’eft  à 


298  Hijlolre  naturelle'. 

l’oueft ,  ou  de  l’oueft  à  l’eft.  Par  exemple  ,  dans 
l’année  1618,  la  déclinaifon  étoit  orientale  de 
quinze  degrés  dans  Pile  de  Candie  ,  tandis 
qu’elle  étoit  nulle  à  Malthe,  &  dans  le  détroit 
de  Gibraltar  ,  &  qu’elle  étoit  de  fix  degrés 
vers  I’oueft  à  Païenne  &  à  Alexandrie;  ce  que 
l’on  ne  peut  attribuer  qu’à  des  caufes  parti¬ 
culières  ,  Si  à  ces  effets  paflagers  que  nous 
venons  d’indiquer. 

La  bande  fans  déclinaifon ,  qui  fe  trouve 
a&uellement  dans  la  mer  Atlantique,  giflbit 
auparavant  dans  notre  continent;  en  1594, 
elle  palîoit  à  Narva,  en  Finlande,  elle  etoit 
en  même  temps  bien  plus  avancée  du  côté  de 
l’eft,  dans  les  régions  plus  voifmes  de  l’équa¬ 
teur  ,  & ,  par  conféquent,  il  y  a  près  de  200 
ans  qu’elle  étoit  inclinée  du  côté  de  l’oueft, 
relativement  à  l’équateur  terreftre,  puisque 
elle  n’a  paffé  qu'en  1600  à  Ccnftanrinople  , 
qui  eft  à  peuprès  fous  le  même  méridien  que 
Narva.  Cette  bande  fans  déclinaifon  eft  par¬ 
venue,  en  s'avançant  vers  l’oueft,  jufqu’au 
deux  cents  quatre  vingt-deuxième  degré  de 
longitude  ,  &  à  la  latitude  de  trente  -  cinq 
degrés  où  elle  fe  trouve  aéfuellement. 

En  1 6 1 6 ,  la  déclinaifon  fut  trouvée  de 
cinquante- fept  degrés  à  fois  ante -dix -huit 
degrés  de  latitude  boréale,  &  deux  cents 
quatre-vingt  de  longitude.  C’eft  la  plus  grande 
déclinaifon  qu’on  ait  obfervée;  elle  étoit  vers 
l’oueft,ainfi  que  les  deux  fortes  déclinaifons 
dont  nous  devons  la  connoiflance  à  M.  le 
Chevalier  de  l’Angle,  &  au  capitaine  Cook; 
elle  a  eu  également  lieu  fous  une  très  haute 
latitude  ,  &  elle  a  été  reconnue  dans  un 


Traité  Je  V Aimant.  299 

endroit  peu  éloigné  de  celui  où  M.  de  l’Angle 
a  trouvé  la  déclinaifon  de  quarante  -  cinq 
degrés  j  la  plus  grande  de  toutes  celles  qui 
ont  été  obfervées  dans  les  derniers  temps. 
Néanmoins,  dans  la  même  année  1616,  la 
bande  fans  déclinaifon  ,  qui  traverfoit  l’Eu¬ 
rope  ,  &  qui  s’avançoit  toujours  vers  l’Oc¬ 
cident  ,  n’étoit  pas  encore  parvenue  au  vingt- 
unième  degré  de  longitude ,  &  dans  des  points 
fitués  à  l’oueft  de  cette  bande,  comme,  par 
exemple,  à  Paris,  à  Rome,  &c.  l’aiguille 
déclinoit  vers  l’eft.  Et  cela  provient  de  ce 
que  les  régions  feptentrionales  de  l’Amérique 
n’avoient  pas  encore  éprouvé  toutes  les  ré¬ 
volutions  qui  y  ont  établi  le  pôle  magnéti¬ 
que  que  l’on  doit  y  fuppofer  à  préfent. 

Quoi  qu’il  en  foit,  nous  ne  pouvons  pas 
douter  qu’il  n’y  ait  aéluellement  un  pôle 
magnétique  dans  cette  région  du  nord  de  l’Amé¬ 
rique  ,  puifque  la  déclinaifon  versl’ouefteft 
plus  grande  en  Angleterre  qu’en  France  ,  plus 
grande  en  France  qu’en  Allemagne,  &  tou¬ 
jours  moindre  à  mefure  qu’on  s’éloigne  de 
l’Amérique  ,  en  s’avançant  vers  l’Orient. 

Dans  l’hémifphère  auftral ,  l’aiguille  d’in- 
clinaifpn  ,  au  rapport  du  Voyageur  Noël ,  fe 
tenoit  perpendiculaire  au  trente-cinquième  ou 
trente-fixème  degré  de  latitude  ,  &  cette  per¬ 
pendicularité  de  l’aiguille  fe  foutenoit  dans 
une  longue  étendue  ,  fous  différentes  longi¬ 
tudes  ,  depuis  la  mer  de  la  nouvelle  Hollande 
jufqu’à  fept  ou  huit  cens  milles  du  cap  de 
Bonne-Efpérance  (/).  Cette  obfervation  s’ac- 


(/)  Le  Capitaine  Cook  dit  que  riuclinaifon  de  l’aiguille 


300  H i floue  naturelle. 

corde  avec  le  fait  i  apporté  par  Abel  Tafman  , 
dans  fon  voyage  ,  en  1642;  ce  Voyageur  dit 
avoir  oblervé  que  l’aiguille  de  l'es  boulïbles 
horizontales  ne  fe  dirigeoir  plus  vers  aucun 
point  fixe,  dans  la  partie  de  la  mer  voifine 
à  l’occident  de  la  terre  de  Diémen  ;  fk  cela 
doit  arriver  en  effet  lorfqu’on  fe  trouve  fur 
un  pôle  magnétique.  En  comptant  donc  fur 
cette  oblervation  du  Voyageur  Noël ,  on 
eft  en  droit  d’en  conclure  qu’un  des  pôles 
magnétiques  de  l’hémifphère  auftral  etoit 
fitué  ,  dans  ce  temps,  fous  la  latitude  de 
trente  cinq  ou  trente-fix  degrés  ,  &  que  quoi¬ 
qu’il  y  eut  une  allez  grande  étendue  en  lon¬ 
gitude ,  où  l’aiguille  n’avoit  point  de  direc¬ 
tion  confiante ,  on  doir  luppo'.'er ,  fur  cette 
ligne  ,  un  efpace  qui  lervoit  de  centre  à  ce 
pôle,  &  dans  lequel,  comme  lur  les  parties 
polaires  de  la  pierre  d’aimant  ,  la  force 
magnétique  étoit  la  plus  concentrée;  &  ce 
centre  étoit  probablement  l’endroit  ou  Taf¬ 
man  a  vu  que  l’aiguille  de  fes  bouflbies  hori¬ 
zontales  ne  pouvoir  fe  fixer. 

Le  pôle  magnétique,  qui  fe  trouve  dans 

fut  de  64  degrés  36  minutes  les  trois  différentes  fois  qu’il 
relâcha  à  la  Nouvelle-Zélande ,  dans  une  baie  fituée  par 
41  degrés  5  minutes  56  fécondés  de  latitude ,  &  172  deg. 
o  minutes  7  fécondés  de  longitude.  Il  me  paroît  que 
l’on  peut  compter  fur  cette  obfervation  de  Cook,  avec 
d’autant  plus  de  raifon  qu’elle  a  été  répétée ,  comme  l’on 
voit  par  fon  récit,  jufqu’à  trois  fois  différentes  dans  le 
même  lieu,  en  di : érentes  années.  Voyelle  fécond.  Voyage 
de  Cook,  tome  111 ,  pa^e  374, 


Traité  de  V Aimant'.  '  301 

le  nord  de  l’Amérique,  n’eff  pas  le  feul  qui 
foie  dans  notre  hémifphère  ;  le  ('avant  & 
ingénieux  Halley  en  comptoit  quatre  (ur  le 
globe  entier,  &  en  plaçoit  deux  dans  l’hémif- 
phère  boréal  ,  &•  deux  dans  l’hémifphère 
audral.  Nous  croyons  devoir  en  compter 
également  deux  dans  chaque  hémifphère,  ainfi 
que  nous  l’avons  déjà  dit,  pui (qu’on  y  a 
reconnu  trois  lignes  ou  bandes ,  fur  lefquelles 
l’aiguille  fe  dirige  droit  au  pôle  terrefire, 
fans  aucune  déviation. 

De  la  même  maniéré  que  les  pôles  d’un 
aimant  ne  font  pas  des  points  mathématiques  , 
&  qu’ils  occupent  quelques  lignes  d’étendue 
fuperficielle,  les  pôles  magnétiques  du  globe 
terrefire  occupent  un  allez  grand  efpace  ;  & 
en  comptant  fur  le  globe  quatre  pôles  magné¬ 
tiques  ,  il  dort  fe  trouver  un  certain  nombre 
de  régions ,  dans  lefquelles  l’inclinaifon  de 
l’aiguille  fera  très  grande,  &  de  plus  de  qua¬ 
tre-vingt  degrés. 

Quoique  le  globe  terrefire  ait  en  grand  les 
mêmes  propriétés  que  l’aimant  nous  offre 
en  petit  ,  ces  propriétés  ne  fe  préfentent  pas 
aufli  évidemment,  ni  par  des  effets  aulfi  conf- 
tans  &  auffi  réguliers  fur  le  globe  que  fur 
la  pierre  d’aimant;  cette  différence  entre  les 
effets  du  magnétifme  général  du  globe  ,  & 
du’ magnétifme  particulier  de  l’aimant ,  peut 
provenir  de  plus  d’une  caufe.  Premièrement, 
de  la  figure  fphéroïde  de  la  terre  ;  on  a 
éprouvé,  en  aimantant  de  petits  globes  de 
fer,  qu’il  eft  dilli'cile  de  leur  donner  des 
pôles  bien  déterminés;  &  c’eft  probablement 
en  raifon  de  la  fphéricité ,  que  les  pôles  magné- 


301  Hijloire  naturelle. 

tiques  ne  font  pas  auflî  diftintts  fur  le  globe 
terreftre  ,  quils  le  font  fur  des  aimans  non 
fphériques.  Secondement,  la  pofition  de  ces 
pôles  magnétiques  ,  qui  font  plus  ou  moins 
voifins  des  vrais  pôles  de  la  terre ,  &  plus 
ou  moins  éloignés  de  l’équateur,  doit  influer 
puiftamment  fur  la  déclinaifon  dans  chaque 
lieu  particulier ,  fuivant  fa  fituation  plus  ou 
moins  diftante  de  ces  mêmes  pôles  magné¬ 
tiques  ,  dont  la  pofition  n’eft  point  encore 
allez  déterminée. 

Le  magnétifme  du  globe,  dont  les  effets 
viennent  de  nous  paroître  fi  variés,  &  même 
fi  finguliers  ,  n’eft  donc  pas  le  produit  d’une 
force  particulière ,  mais  une  modification  d’une 
force  plus  générale  ,  qui  eft  celle  de  l’élec¬ 
tricité,  dont  la  caufe  doit  être  attribuée  aux 
émanations  de  la  chaleur  propre  du  globe, 
lefquelles  partant  de  l’équateur  &  des  régions 
adjacentes ,  fe  portent ,  en  fe  courbant  &  fe 
plongeant  fur  les  régions  polaires  oü  elles 
tombent,  dans  des  dire&ions  d’autant  plus 
approchantes  de  la  perpendiculaire,  que  la 
chaleur  eft  moindre,  &  que  ces  émanations 
fe  trouvent  dans  les  régions  froides  plus 
complètement  éteintes  ou  fupprimées.  Or 
cette  augmentation  d’inclinaifon ,  à  mefure 
que  l’on  "s’avance  vers  les  pôles  de  la  terre, 
repréfente  parfaitement  l’incidence  de  plus 
en  plus  approchant  de  la  perpendiculaire  des 
rayons  ou  faifeeaux  d’un  fluide  animé  par 
les  émanations  de  la  chaleur  du  globe  ,  les¬ 
quelles  ,  par  les  loix  de  l’équilibre  doivent 
le  porter  en  convergeant  &  s’abaiflant  da 
l’équateur  vers  les  deux  pôles, 


Traité  de  T  Aimant.  303 

La  force  particulière  des  pôles  magnéti- 
ques  ,  dans  l’aélion  qu’ils  exercent  fur  l’in- 
clinaiion,  eft  affez  d'accord  avec  la  force 
générale  qui  détermine  cette  inclinaifon  vers 
les  pôles  terreftres,  puilque  l’une  &  l’autre 
de  ces  forces  agirent  prefqu’également ,  dans 
une  direétion  qui  tend  plus  ou  moins  à  la 
perpendiculaire.  Dans  la  déclinaifon  ,  au 
contraire ,  l’aétion  des  pôles  magnétiques  fe 
croife ,  &  forme  un  angle  avec  la  dire&ion 
générale  &  commune  de  tout  le  fyftème  du 
magnétifme  vers  les  pôles  de  la  terre.  Les 
élémens  de  l’inclinaifon  font  donc  plus  fim- 
ples  que  ceux  de  la  déclinaifon  ,  puifque 
celle-ci  rélulte  de  la  conibinaifon  de  deux 
forces  agilfantes  dans  deux  direélions  diffé¬ 
rentes,  tandis  que  l’inclinaifon  dépend  prin¬ 
cipalement  d’une  caufe  fjmple  ,  dans  une 
direétion  inclinée  &  relative  à  la  courbure 
du  globe.  C’eft  par  cette  raifon  que  l’incli. 
naifon  paroît  être  ,  &  eft  en  effet  plus  régu¬ 
lière  ,  pius  fuivie  &  plus  confiante  que  la 
déclinaifon  dans  toutes  les  parties  de  la 
J»erre. 

On  peut  donc  efpérer,  comme  je  l’ai  dit, 
qu’en  multipliant  les  oblervations  fur  l’incli- 
naifon  ,  &  déterminant  par  ce  moyen  la 
pofition  des  lieux,  foit  fur  terre,  l'oit  fur 
mer,  l’art  de  la  navigation  tirera  du  recueil 
de  ces  oblervations  autant  &  plus  d’utilité 
que  de  tous  les  moyens  aflronomiques  ou 
mécaniques  employés,  jufqu’à  ce  jour,  à  la 
recherche  des  longitudes. 

Fin  du  Tome  neuvième  &  dernier  de$  Minéraux, 

T&nfl 

rtSFEEf. 


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TABLE  DES  TITRES 


Contenus  dans  ce  Volume. 


Concrétions  de  l'Or,  page  '  Ç 

Concrétions  de  ?  Argent.  ....'.,..  9 

Concrétions  du  Cuivre.  ...  i  ...  .  16 

Pierre  Arménienne .  20 

Concrétion  s  de  l’Etain .  25 

Concrétions  du  Plomb .  27 

Concrétions  du  Mercure .  29 

Concrétions  de  T  Antimoine .  31 

Concrétions  du  Bifmuth .  32. 

Concrétions  du  Zinc .  34 

Concrétions  de  la  Platine.  .......  3^ 

Produits  volcaniques . 44 

Des  Basaltes  ,  des  Laves  6*  des  Laitiers 

volcaniques .  5° 

Pierre  de  touche.  .  . .  60 

Pierre  variolite .  6 3 

Tripoli .  67 

Pierres  ponces .  74 

Pouzzolane .  79 

Addition  à  l'article  du  Feld-fpath , 

&  du  Feld-fpath  de  Rufiïe  • . 


86 


Addition  à  l’article  du  Charbon  de 

terre . 90 

Génésie  des  Minéraux . 103 

Traité  de  P  Aimant. . uç 

Article  premier.  Des  forces  de  ta 
Nature  en  général ,  &  en  particulier  de  l'Elec¬ 
tricité  6*  du  Magnétifme . ;  ibid. 

Art.  11.  De  la  nature  6*  de  la  formation  de 
l'Aimant.  I  .  . 


215 


Art.  111.  De  L  attraElton  &  de  la  rèpulfion  de 

V  Aimant. . 

Art.  IV.  Divers  procédés  pour  produire  6* 

compléter  T  aimantation  du  fer .  î^O 

Art.  V.  De  la  dirtélion  de  l'Aimant  &  de 

fa  déclinai fon . 265 

Art.  VI.  De  l'inclinai  fon  de  l'Aimant.  ...  288 


•  '  -4  .T»