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HISTOIRE
NATURELLE
DES MINÉRAUX. .
TOME N E U V I E M E.
HISTOIRE
NATURELLE
' D ES M I N É R A UX.
Par M. le COMTE de EUFFON,
Intendant du Jardin du Roi , de
l’Académie Françoise et de celle des
Sciences , Sec.
TOME N E U V I E M E.
AUX DEUX - PONTS;
Chez SANSON & Compagnie:
M DCC. XC.
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histoire
N ATURELLE
DES MINÉRAUX.
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CONCRÉTIONS DE L’OR.
L’or n’eft ras lufceptible d’altération dans*
le fein de la ‘terre, & ne peut être minéralifé
que quand, par le concours de circonftances
très rares, il a été diffous & enfuite précipité ;
on ne doit donc pas être furpris que 1 or fe
préfente toujours fous fa forme métallique ,
l'oit dans fes mines primordiales, foit dans
celles qui font de formation fecondaire; feu¬
lement nous devons oblerver que dans i?s
premières , il fe montre affe/ fous ent en
criftaux (<2)5 comme ayant lubi pendant un
( a ) Quoique l’or natif foit rarement exempt du mé¬
lange d’une petite portion d’argent ou de cuivre , ce:a
A 3
6 H'ijhîre naturelle
long temps & dans un parfait repos l’aftion du
feu' primitif qui le tenoit en fanon, au lieu
que, dans les mines defecor.de formation , il
n’a nulle forme régulière; ce font des pail¬
lettes , des frets contournés , &. fouvent
capillaires , des grains plus ou moins arrondis,
des pépites plus ou moins pures , dans lef*
quelles le caraélère de la crmallifation primi¬
tive eff entièrement effacé , parce que toutes
ne font comparées que des détrimens de l’or
primoidial fublimé , fondu, & quelquefois
criflallifé par le feu primitif, & que ces maf-
fes primordiales & ces crittaux. ayant été
frottés, roulés Si entraînés par les eaux,
n’ont pu conferver leur première figure; ce
ne font en effet que des particules d'or déta¬
chées des mines prinvtives, & qui fe lont
réunies par leur affinité, fous la forme que
leur préfentoient les petites cavités oit l’eau
les dépofoit. Auffi ne trouve-t-on l’or cr'ii-
n’empêche pas qu’il ne foit fufceptible d’une forme crif-
talline bien déterminée, qui pour l’ordinaire eft l’oftaèdre
refîangle alumini-forme en petits criftaux , quelquefois fo-
litaires, mais le plus fouvent implantés les uns fur les
autres, ou ramifiés en façon de dendrites, & ces den-
drites reflemblent à celles qu’on obtient de l’or en fufion.
11 cfl plus ordinaire de rencontrer ces criftaux ramifiés
en dendrites, ou rafiémblésen feuilles minces & flexibles,
dont la fuperficie eft hérilTée de petites éminences trian¬
gulaires , qui ne font que les extrémités ou les angles fo¬
ndes des petits criftaux dont ccs lames) font compofées ;
d’autres fois ces lames font parfaitement liil'es ou réticu-
dts Minéraux. J
tallifé & l’or de première formation que dans
les fentes du quartz & des autres roches vi-
treufes , tandis que l’or en pépites , en grains ,
en paillettes & en filets, le préfente dans les
montagnes à couches, fchifteufes, argileufes
ou calcaires, &. même dans les terres limo-
neufes; on peut donc dire qu’il n’y a point
. d’autres concrétions de l’or que ces mines de
fécondé formation dans lelquclles il n'eft ni
minéralifé, ni même altéré, & je doute que
nos Minéralogiftes foient bien fondes k regar¬
der comme minéralifé l’or qui fe trouve dans
les pyrites; car U n’y elt qu’interpofé ou
difiéminé en poudre impalpable, fans être
altère : le foie de foufre , à la vérité, peut
minéralifer les précipités d’or; ji faudroit donc
fuppofer, i.w du foie de foufre dans ces py¬
rites , de l’or d’abord diffous dans le fein
de la terre , 3.° ce même or précipité de fa
d. Ablution, trois circonfiances dont la réu-
lées , & elles font tantôt pofées de champ , tantôt fuper-
ficielles & couchées , ou bien diverfement inclinées fur la
roche quartzeufc qui leur fert de gangue. . . L’or natif
fe rencontre auflâ difperfé dans les mêmes gangues en
petits grumeaux de figure indéterminée , ou bien il s’élève
à leur fuperficie fous la forme de pointes & de rameaux
contournés , plus ou moins longs, & fouvent très déliés.-
Celui qu’on trouve, foit en filets capillaires, foit en pe¬
tites lames contournées , paroît devoir fon origine à la
décompofition des pyrites aurifères, qui fouvent l’accom¬
pagnent. Criflallographie , par M, Rome de Lijle , tome
III , pages 474 «S- fuir.
A 4
8 Hiftoîre naturelle
nion eft fi rare qu’on ne doit pas fa compter
dans le nombre des effets ordinaires de la
Nature: & la preuve que l’or n’eft qu’inter-
pofé, & non minéralifé dans ces fubftances
auxquelles on a donné le nom de pyrites auri¬
fères , c’eff que fa fubftance n’elf point altérée,
puifqu’en broyant ces pyrites aurifères, on
retire, par le lavage ou par la fonte, cet or
dans fon état métallique.
Tous les métaux oui peuvent fe réduire en
chaux par l’aftion du feu, ont été calcinés
par le feu primitif; l’or & l’argent font les
feuls qui ont réfufé à cette aélion , & dans les
mines primordiales de ces deux métaux on
n’a jamais rencontré de chaux d’or ni d’ar¬
gent; t’eft par cette raifon , que les con¬
crétions fecondaires & les minéralifations de
ces deux métaux font auiTi rares que celles des
autres font fréquentes :& l’or dans fes mines
primordiales étant toujours plus ou moins allié
d’argent, fa criftallifation eft aufîi plus ou
moins parfaite , félon fon degré de pureté ,
de forte que l’or le moins allié d’argent par la
Nature, doit s’être criflallifé le plus réguliè¬
rement; & cette criftallifation de l’or primitif
eft en forme oéfaèdre régulière , & abiolu-
rnent pareille à celle que prend l'or épuré par
notre art , en fe criftallifant , lorfqu’on le tient
affez long temps en fufton pour le laifter fe
folidifier lentement &. fe criftallifer à fa
furface.
des Minéraux.
9
CONCRÉTIONS DE L’ARGENT-
I
J_/àrG.'NT étant moins inaltérable que l’or,
& pouvant être attaqué par certains lels dans
le fein de la terre, le prélente afiez Couvent
fous des formes minéralifées : l’argent de
première formation a été fondu ou fublimé,
& même criflalli'é comme l’or par le feu
primitif. Ces eriffaux de l’or & de l’argent
primordial, font également opaques, pure¬
ment métalliques, & prefque toujours groupés
les uns fur les autres; ceux de l’argent s’éten¬
dent en ramifications fous la forme de feuilles,
ou fe furmontent comme des végétations &
prennent la figure d’arbri fléaux : on les trouve
incorporés dans le quartz ou interpofés dans
les fentes & cavités de la roche quartzeufe ,
& c’eft des débris & des détrimens de ces
premières mines, que font formées toutes
celles où ce métal fe montre pur ou minéralifé;
il fe trouve pur dans les mines de fécondé for¬
mation , lorfqu’ayant été divifé & détaché
par le frottement des eaux, les particules
métalliques entraînées par leur mouvement,
fe dépofent & fe réunifient en paillettes, en
filets ou en petites roafles informes, toutes
produites par i’agrégation de ces particules
réunies par la force de leur affinité; on ren¬
contre même de l’argent criflallifé dans quel¬
ques-unes de ces dernières mines, ce qui doit
arriver toutes les fois que l’eau n’aura pa3
10 Hîflo’ire naturelle
divifé les criftaux primitifs, & lesaura feule¬
ment déplacés & tranlportés des roches pri¬
mordiales formées par le feu , Si les aura
dépoiés dans les couches de terre produites
par le fédiment des eaux; ainfi l’argent vierge
ou pur, formé par le feu dans les mines pri¬
mitives, fe retrouve encore pur dans celles
de dernière formation , toutes les fois que dans
fon tranfport ce métal n’a pas été faifi par les
fel.sdela terre qui peuvent l’altérer. Si mèmè
11 arrive fouverit que ces dernières mines,
dont la plupart ne font formées que du métal
réduit en poudre très fine, font d’un argent
plus pur qu’il ne l’étoit dans fes premières
mines, parce que l’eau en le divifant Si le
réduifant en très-petites particules , en a
féparé les parties de plomb , de cuivre, ou
d’autres matières hétérogènes dont il pouvoir
être mêlé. Les pép.tes & concrétions de l'ar¬
gent dans cet état, ne font donc que du métal
pur ou prelque pur, Si qui n’a lubi d’autre
altération que celle de la divifion Si du tranl-
port par les eaux.
Mais lorfque ces particules d’argent pur
rencontrent dans le fein de la terre les princi¬
pes des fels Si les vapeurs du loufre , elles
s’altèrent Si fubiflfent des changemens divers
Si très-apparens : le premier de ces change¬
mens d’état , Si qui tient de plus près à l’argent
en état métallique , fe prélente dans la mine
vitrée qui eft de couleur grile , dans laquelle
le métal a perdu fa rigidité, fa dureté, Sc
qui peut fe plier Si fe couper comme le
plomb; dans cette mine, la fubflance métal¬
lique s’efx altérée Si amollie fans perdre fa
des Minéraux. 1 1
fo rme extérieure , car elle offre les mêmes
crifiaux, auili régulièrement figurés, que ceux
des mines primordiales; & même l’on voit
fiouvent, dans cette mine grifeSr tendre , des
crifiaux de l’argent primitif, qui font en par¬
tie durs & intaéfs, & en partie tendres &
minéralilés , & cela démontre l’origine immé¬
diate de cette forte de mine, qui de toutes
celles de fécondé formation efi la plus voifine
des mines primitives : l’on ne peut donc guère
douter que cette mine vitrée ne provienne le
plus (cuvent d’un argent primitif qui aura été
pénétré par des vapeurs fulfureufes ; mais elle
peut auili être produite par l’argent pur de
dernièra formation , lorfqu’il reçoit l’impref-
fion de ces mêmes vapeurs qui s’exhalent des
feux fouterrains ; & généralement tout argent
vierge de première ou de dernière formation ,
doit fubir les mêmes altérations, parce que
dans le premier comme dans le dernier étar,
le métal efi à-peu-près du même degré de
pureté.
Une fécondé forme de minéralifarion aulîi
connue que la première, efi la mine d’argent
cornée, qui reffemble par fa demi - transpa¬
rence , fa molleffe & fa fufibilité à la Lune cornée
que nos Chymifies obtiennent de l’argent
diffous par l’acide marin : ce qui leur a fait
préfumer, peut-être avec fondement, que
cette mine cornée provenoit d’un argent natif
pénétré des vapeurs de cet acide : mais comme
cette mine cornée accompagne afi'ez Souvent
l’argent primordial dans la roche quartzeufe
& dans fon étar primitif, lequel a précédé
l’a&ion , & même la formation de l’acide
1 1 H'ifloire naturelle
marin, il me femble que l’acide aérien, qui
feul exiftoit alors, a dû produire certe altéra¬
tion dans les premières mines , & que ce ne
peut être que fur celles de dernière formation
que l’acide marin a pu opérer le même effet :
quoiqu’il en foit , cet'e mine d’argent cornée
fe rapproche de la mine vitrée par plufieurs
rapports , & toutes deux tirent immédiatement
leur origine de l’argent pur & natif de pre¬
mière & dernière formation. ( a )
C’eft à cette mine cornée que l’on a rap¬
porté la matière molle, légère, blanche ou
grife , que M. Schreiberg a trouvé aux mines
de Sainte-Marie, dont parle M. Monnet (b) ,
& qui étoit fort riche en argent; mais ceite
matière ne contient point de (oufre comme la
mine d’argent cornée , & cette différence fuliit
pour qu’on doive les diftinguer l’une de l’autre.
La troifième & la plus belle minéralifation
de l’argent, eft la mine en criftaux tranfparens
& d’un rouge de rubis : ces beaux criftaux
ont quelquefois plufieurs lignes de longueur ,
& tous ne font pas également tranfparens ; il
y en a même qui font prefque opaques & d’un
rouge-obfcur ; ils font ordinairement groupés
les uns fur les autres, & fouvent ils font
mêlés de criftaux gris, qui font entièrement
opaques.
(a) Voyez ce que j’ai dit de ces deux mines d'argent
vitrée & cornée, dans le troifième volume de cette hiiloire
des Minéraux.
( b ) Mémoires des Savans Étrangers , tome IX , p-igc*
717 & fuiv.
des Minéraux 1 3
De la décompofition de cette mine & des
deux précédentes fe forment d’autres mines,
dont l’une des plus remarquables eft la mine
d’argent noire. M. Lehmann a oblervé que
cette mine d’argent noire paroiffoit devoir fa
formation à la décompofition de mines d’ar¬
gent plus riches, telles que la mine d’argent
rouge ou la mine d’argent vitrée : 11 ajoute
v que cette mine noire eft affez commune au
« Hartz , en Hongrie , en Saxe , &c. &
v qu’à Freyberg on la rouvoit jointe à de la
« mine d’argent rouge & à de la mine d’argent
v vitrée (c)v : & nous pouvons ajouter
qu'elle eft très-commune au Pérou & au
Mexique, où les Efpagnols lui donnent le
nom de negrillo. Cette mine noire eft de der¬
nière formation, puifqu’eile provient de la
décompofition des autres ; auiîi fe trouve-t-
elle encore fouvent accompagnée d’argent
en filets, qui n’eft formé lui - même que de
l’agrégation des petites particules détachées
des mines primitives de ce métal par le mou¬
vement & la {filiation des eaux.
Au refte , les concrétions les plus commu¬
nes de l’argent, font celles 011 ce métal , réduit
en poudre, fe trouve interpolé, & comme
incorporé dans différentes terres & pierres
calcaires ou vitreufes : ces concrétions fe
préfentent fouvent en maffes très - confidé-
rables , & plus ou moins pelantes dans le
rapport de la quantité de l’argent en poudre
qu’elles contiennent, & quelquefois cette
[c) Article des Mines, traduction fwnçoife , p.
x 4 Hijloire naturelle
quantité fait plus de moitié de leur maffe ;
elles iont formées par l’intermède de l’eau
qui a charié & dépoté ces particules d’argent
avec des terres calcaires ou vitreufes, qui
s’étant enfuite refîerrées, confolidées & dur¬
cies par le defféchement , ont formé ces con¬
crétions aufli riches que faciles à réduire en
métal.
Et au fujet de la rédu&ion de l'argent mine-
ralile en métal pur, nous croyons devoir
ajouter à ce que nous en avons dit (<f) , l’ex¬
trait d’une Lettre de M. Polony , Médecin du
Roi au C ap françois, qui, pendant un affez
long féjour au Mexique, a fuivi les opérations
de ce travail. Ce favant Obfervateur y rend
compte des procèdes aduellement en ufage
au Mexique : « On réduit, dit-il, en poudre
„ impalpable , le minéral d’argent dont on
„ forme une pâte liquide en l’hume&ant fuc-
„ ceffivement jufqu’à ce que toute la marte
5) foit de la meme confirtance ; on y ajoute
„ alors une certaine compofition appelée
» rnagifiral; & on reparte toute la pâte au
„ moulin , afin d’y incorporer uniformément
» ce m api (Irai qui doit opérer la dérninéralifation :
„ on fait enfuite avec cette pâte différentes
„ pyramides d’environ dix - huit à vingt
„ quintaux chacune; on les laifle fermenter
„ trois jours fans y toucher; au bout de ce
» temps, un homme enfonce la main dans la
w pâte, & juge par le degré de chaleur fi la
( d ) Voyez le cinquième volume de cette liilloire des
Minéraux, article Argent.
des Minéraux l i ^
» déminérallfcition s’eft opérée ; s’il juge le con-
» traire, ou étend la pâte, on l’humeéte de
„ nouveau , on y ajoute du magiflral , & on la
>, réduit encore en pyramides qu’on laiffe de
» nouveau fermenter pendant trois jours ;
» après cela on étend la pâte fur des glacis à
» rebords ; on y jette une pluie de mercure
« qu’on y incorpore intimement en paîtrift'ant
„ la pâte, on la remet en tas, 6c trois ou
» quatre jours après , à l’aide de differentes
j> lotions, on ramaffe le mercure qui le trouve
3» chargé de tout l’argent qui s’eft déminéra-
3) lifé pendant l’opération »( f).
M. Polony fe ptopofe de publier la compo-
fition de ce magiûral , qui n’eft pas encore
bien connue. Cependant je foupçonne que ce
compofé n’eft que du fel marin auquel on
ajoute quelquefois de la chaux ou de la terre
calcaire , comme nous l’avons dit à l’article de
l'argent, & dans ce cas, le procédé décrit par
M. Polony , 6c qui ell actuellement en ufage
au Mexique , ne diffère de celui qu’on em¬
ploie depuis long temps au Pérou, que pour
le temps où l’on fait tomber le mercure fur le
minerai d’argent.
(«) Extrait d’une Lettre de M. Polony à M. de Buffon,
datée du cap Saint-Domingue le 20 [Octoi.
1.6 Hîftolre naturell
«■< «X << « <X XXXXX4»
CONCRÉTIONS DU CUIVRE.
Le cuivre de première formation, fondu
par le feu primitif, & le cuivre de dernière
formation cémenté fur le fer par l’intermède
de l’eau , le préfentent également dans leur
état métallique; mais la plupart des mines de
cuivre font d’une formation intermédiaire
entre la première & la dernière ; ce cuivre de
fécondé formation eft un minerai pyrireus ,
ou plutôt une vraie pyrite dans iaquelle ce
métal eff intimement uni aux principes du
foufre & à une plus ou moins grande quantité
de fer; cette mine de cuivre en pyrite jaune
cft , comme nous l’avons dit ( a ) , très-difficile
à réduire en métal , & néanmoins c’eft lous
cette forme que le cuivre fe préfente le plus
communément : ces pyrites ou minérais cui¬
vreux font d’autant moins durs qu’ils contien¬
nent plus de cuivre & moins de fer , & lorlque
ce dernier métal s’y trouve en grande quantité,
ce minerai ne peut alors fe traiter avec profit ,
& doit être rejeté dans les travaux en grand.
Ces minerais cuivreux n’affeélent aucune
figure régulière, & fe trouvent en maffes
informes dans des filons fou vent très étendus
& fort profonds : & l’on obferve que dans les
(a) Voyc?. dans le cinquième
dçs Minéraux , l’article Cuivre.
volume de cette hiftoire
parties
clés Minéraux. *7
parties de ces filons qui font à l’abri de toute
humidité, ces minerais pyriteux coniervent
leur couleur qui eft ordinairement d’un jaune-
verdâtre; mais on remarque auiïï que pour
peu qu’ils fubiffent l’itnprellion de l’air humide,
leur fui face s'irife de couleurs variées , rouges ,
bleues, vertes, &c. ces légères efflorefcences
indiquent le premier degré de la décompofition
de ces mines de cuivre.
Quelques-uns de ces minerais pyriteux
contiennent non- feulement du cuivre & du
fer, mais encore de l’arfenic &t une peru^
quantité d’argent; l’arfenic change alors leur
couleur jaune en gris, & on leur donne .n
nom de mines d’argent grifes', mais ce ne font
au vrai que des pyrites cuivreufes , teintes Ce
imprégnées d’arfenic , & mêlées ci une ii petite
quantité d’argent qu’elles ne méritent pas dv
uorer ce norn.
C’eft de la décompofition du cuivre en état-
métallique ou dans cet état pyriteux, que
pt o viennent toutes les autres minèralifations
& concrétions de ce métal dont nous avons
déjà donné quelques indices (b). Les mines
de cuivre vitreufes proviennent de la décom-
pofinon des pyrites cuivreufes ou du cuivre,
qui de l’état métallique a paffé à l'état de chaux :
ces mines font' ordinairement grifes ,& quel¬
quefois blanches 61 même rouges, lorfqu elles
font produites par la mine grile qui contient
(b) Voyez dans le cinquième volume de cette liiRo're
des Minéraux , l’article Cuivre. _
Minéraux. Tome IX.
1 S Hijlo'ire naturelle
de l’arfenic ; Si la décomposition de ce minéral
cuivreux & arfenical, produit encore la mine
à laquelle on a donné le nom de mine de cuivre
hépatique , parce qu’elle elt Souvent d’un rouge-
brun couleur de foie; elle ert quelquefois
mêlée de bleu & chatoyante à fa Superficie ;
elle Se préfente ordinairement en mufles in¬
formes dont la furface cft lifle Si luifante, ou
hériflee de criftaux bleus qui refiemblent aux
criflaux d’azur qu’obtiennent nos Chimifles;
ils font feulement plus petits & groupés plus
confufement.
Mais la plus belle de toutes les minéralisa¬
tions ou concrétions du cuivre, eSt celle que
tous les Naturalises connoiflent fous le nom
de malachite (c) ; nous en avons expofé l’ori¬
gine Si la formation ( d) , & nous avons peu
de chofes à ajouter à ce que nous en avons dit.
On pourra voir au Cabinet du Roi , les Super¬
bes morceaux de malachites foyeufes , crif-
taliifées & mamelonnées , dont l’augufte
Impératrice des Ruflies a eu la bonté de me
faire don : on peut reconnoîire dans des ma¬
lachites toutes les variétés de cette concrétion
(c) La malachite eft une pierre opaque d’un vert fon¬
cé , Semblable à celui de la mauve d’où elle a tiré fon
nom : cette p:erre cli très propre à faire de s cachets.
Pline , liv. xxxvn , chap. S.
(d) Voyez dans le cinquième volume de cette hiftoire
des Minéraux , l’article Cuivre.
des Minéraux. jy
rtiétallique : on pourroit en faire des biioux:
& de très- belles boîtes, fi le cuivre, quoi¬
que dénaturé par le fer, n’y corner voit pas
encore quelques-unes de fes qualités malfaU
fantes.
10
o>
Hijloire naturelle
PIERRE ARMÉNIENNE.
Te mets là pierre arménienne au nombre des
concrétions du cuivre , & je la fépare du lapis
la^uli, auquel elle ne reiiemble que par la
couleur; on l’a nommée pierre arménienne , parce
qu’elle nous venoit autrefois d’Arménie; mais
on en a trouvé en Allemagne & dans plufieurs
autres contrées de l'Europe : elle n’eft pas
auiîi dure que le lapis , & fa couleur bleue eft
mêlée de verdâtre, & quelquefois tachée de
rouge. La pierre arménienne fe trouve dans
les mines de cuivre (.z), Si a reçu la teinture
( a ) M. H 11 fe trompe fur là nature du vrai lapis qu’il
regarde, ainfi que la pierre arménienne , comme*des mi¬
nes de cuivre , Si il paroît même les confondre dans la
defcription qu’il en donne : Le lapis lnzuli d’Allemagne
fe trouve , dit-il , non-feulement dans ce Royaume, mais
auffi en Efpagne , en Italie , dans des mines de diffcrens
métaux , & particulièrement dans celles de cuivre; la
couleur qu’on en tire eft fujette à changer par p'ufieurs
accidens , & par la fuite des temps elle devient verte :
quel que foit l’endroit où cette pierre fe trouve, elle a
toujours la même figure & la même apparence , excepté
que l’orientale eft plus dure que les autres efpèces ; elle
eft toujours compofée de trois fubflances qui fe trouvent
quelquelois mêlées à une quatrième , laquelle eft une cf-
rccc de aiarcaiTite d’un jaune brillant , (pii fe fublime
des Minéraux'. 2 i
par ce métal , tandis que le lapis lazuli a été
teint par le fer.
La pierre arménienne différé encore du
lapis larult , en ce qu’elle eft d’une couleur
bleue moins intenfe , moins décidée & moins
fixe; car cetie couleur s’évanouit au feu,
tandis que celle du lapis n’en fouffre aucune
altération: aufii c’eft avec le i 3 p i s qu’on fait
le beau bleu d’outre-mer qui entre dans les
émaux; & c’eff: de la pierre arménienne dont
on fait l’azur ordmaire des Peintres qui perd
peu à-peu fa couleur & devient vert en allez
peu de temps.
Dans la pierre arménienne, le grain n’eft
pas a beaucoup près aufii fin que dans le lapis ;
& elle ne peut recevoir un aufii beau poli y
elle entre en fufion fans intermède, & réfifte
beaucoup moins que le. lapis à l’aifion du feu ;
elle y perd fa couleur, même avant de fe
fondre, enfin on peut en tirer une certaine
quantité de cuivre : ainfi, cette pierre armé¬
nienne doit être mile au nombre .les mines de
ce métal (é), & même on trouve quelque-
durant la calcination , laiiîant une odeur de foufre comme
celles des pyrites. Les trois autres fubftances dont cils
eft conftantment compose , font de beaux fpatlis criftal-
lins & durs , foulés de particules de cuivre qui leur don¬
nent une belle couleur bleue foncée : ce font donc ces
fpatlis qui en font la bafe, & qui font comme marbré :s
ou mélangées d’une matière eriftaliine blanche- & d’m>
taie jaune-foliacé , mais les écailles en font fi petites que.
le tout paroît en forme de poudre». HUI. page m,
(b). On ne remarque dans la pierre arménienne aura-
2 2 Hijlolrs naturelle
fois de la malachite & de la pierre arménienne
dans le même morceau (c^ ; cette pierre n’elt
donc pas de la nature du jafpe , comme 1 a dit
res particules de pyrites ni d’or; on la vend quelquefois
pour du vrais lapis : cependant elle en diffère en ce quelle
fe calcine au feu , qu’elle y entre facilement en fufion ,
& que fa couleur s’y détruit; la poudre bleue qu’on en
retire eil encore bien inférieure en beauté & en dureté
à l’outre -mer, mais elle efl la pierre colorée en bleu
dont on retire le plus abondamment du cuivre & de la
meilleure efpèce , en ce qu’elle elb, pour ainfi dire, pri¬
vée de fer, d’arfenic & de foufre. C’eft avec cette pierre
qu’on fait le bleu de montagne artificiel des boutiques.
On s'en fert aufli en peinture & en tenture, après
qu’elle a été préparée fous le nom de cendre verte pour
fupplter aux vraies ocres bleues de montagne. Sa prepa-
tîon fe fait comme celle de l’outrc-mer.' Minéralogie de
JBomare , tome I , pages aSi & fiiv.
(c) La pierre arménienne efi de couleur de bleu-célelfe ,
tien unie, friable néanmoins, ce qui la dîftingue du la-
zuii ; elle n’a point de faciles d’or 6c perd fa couleur au
feu , 6c fa couleur bleue tire un peu fur le vert ; elle
n’a pas la dureté du l’aznli , 6t même fa fubffance paroi t
être grenue comme du fable : elle reficmble à la cliryfo-
colie , elie a feulement un peu plus de couleur , 6c on
les trouve enfemhle , 6c l’on voit Couvent de l’une S: de
l’autre dr-r-S le même morceau. On la trouve en différer-
tes contrées , comme dans le Tyro! 6c autres lieux où fe
trouvent des nnnes de cuivre , d’argent , 6.c. 6c aufli en
Hongrie , en Tranfylvanie , 6cc. quelquefois on trouve
des Minéraux. 23
un de nos favans Chimiftes (d) , puifqn’elle
eft beaucoup moins dure qu’aucun jalpe, &
même moins que le laois lazub j Si comme
elle entre en fufion d’eüe-mên.e , je crois
qu on doit la mettre au nombre des concrétions
de cuivre mêlées de parties vitreufes & de
parties calcaires & formées par l’intermède
de l’eau.
Au refie, les concrétions les plus riches du
cuivre le préfentent quelquefois, comme celles
de l’argent, en ramifica :ons , en végétations
de la malachite & de la pierre arménienne dans le môme
morceau. Four faire durer la cou'eur que l’on tire de la
pierre arménienne , les Peintres ne fe fervent pas d’huile
de lin , mais de pétrol ; & lorfque fa couleur eff belle
& femblable à celle de l’outremer, i’once ne fe vend ce¬
pendant qu’un demi-thaler ou un tlialcr. B^cce de ioot,
pages 294s- 295. (Voyez, pour la maniéré de tirer la
couleur de cette pierre, le môme Auteur , parc 296)
[ d) La pierre arménienne eff un jafpe dont la couleur
bleue,. Couvent mêlée de taches vertes tk blanches, eff
1 effet de l’azur de enivre, plus on moins altéré, qui s’y
trouve interpofé ; outre que la couleur bleue de ce jafpe,,
eff rarement suffi belle que celle du lapis laznli , les ta--
elles vertes dont ciie eff mêlée, & que l’azur de cuivre
produit en paffant à l’état de malachite , fuîF.fer.t pour
empêcher de confondre ces deux pierres : quant aux taches
Hanches, elles indiquent les parties de ce quartz où la^
matière colorante ne s’eft point infirmée. Lettres de. M.
Demejle , tome 1 , .page 4 £2,
24 Hrfloife naturdle
& en fi’ets délié*?, & de métal pur; rnaia
comme le cuivre eli plus fulceptible daltéia-
tion que l’argent, ces mines en filets & en
cheveux font bi' n plus rares que celles di^
l’argent, Se ont la même forma.
CONCRETIONS
des Minéraux.
*5
CONCRÉTIONS DE L’ ÉTAIN.
Les mines primordiales de l’étain fe trou¬
vent dans une roche cjuartze.ife très dure, où
ce métal s’elt incorpoié après avoir été réduit
en chaux par le feu primitif; les criflaux
d’étain font des mines fecondaires produites
par la décompontion des premières : l’eau ,
en agi liant fur ces mines formées par le feu*
en a détaché, divifé les parties métalliques’
qui le lont enfuite réunies en allez grand
x olume , ot ont pris par leur alfinité, des
formes régulières comme les autres criftaux
produits par l’intermède de l’eau. Ces criltaux,
uniquement formés de la chaux d’étain primi¬
tive plus ou moins pure, ne recèlent aucun
aiitre métal , & (ont leuiement imprégnées
d’arfenic qui s’y trouve prefque toujours
intimement mele , fans neanmoins en avoir
altéré la fubftance ; ainfi cette chaux d'étain,
criltallilée ou non, n eft point minéral i fée ,
& l’on ne connoît aucune minéralifation ou
concrétion fecondaire de l’étain , que quelques
flalaôites qui fe forment de la déco mpofi: ion
des critlaux , & qui le dépofent en malles
informes dans les petites cavités de ces mines :
ces ùalaciues d’érain font fouvent mêlées dé
fer, & rdTemblent afl'ez aux hématites; & il
me femble qu’on ne doit regarder que comme
une décompofttion plus parfaitement achevée
Minéraux. Tome IX, Q
î6 H'tfloïre naturelle
l'étain natif dont parle M. Renié de Liflle (<«);
car on ne peut attribuer fa formation qu’à
l’a&ion de l’eau qui aura pu donner un peu de
duétilité à cette chaux d’étain plus épurée
qu’elle ne l’étoit dans les criflaux dont elle
provient.
(a) On a trouvé nouvellement dans les mines de
Cornouailles , quelques morceaux dans lefquels on voit
une forte d’étain qu’on doit regarder comme natif, &
qui cft accompagnée d’une mine d’étain blanche , folide,
colorée dans fa caflure , comme certaines mines de cui¬
vre. Cet étain natif, loin de préfenter aucune trace de
fufion , a l’apparence extérieure de la molybdène , fans
néanmoins tacher les doigts comme cette fui: fiance ; il fe
brife fi facilement qu’au premier coup-d’ocil on le croirait
privé de la métalléité; mais les molécules qu’on en dé¬
tache , battues fur le tas d’acier, s’approchent & s’unif*
fent en petites lames blanches, brillantes & flexibles,
qui ne diffèrent alors en rien de l’étain le plus pur : il
u’eft pas fous forme criftalline déterminée, non plus
qu’aucun autre étain natif, s’il en exifte. Cri/lallographii ,
par M. Rome de Lift, tome 111 , pages 407 & fuiv.
des Minéraux.
in
CONCRÉTIONS DU PLOMB.
Le plomb n’exifte pas plus que l’étain en
état métallique dans le fein de la Terre; tous
deux, parce qu’il ne faut qu’une médiocre
chaleur pour les fondre , ont été réduits en
chaux par la violence du feu primitif, en forte
que les mines primordiales du plomb font des
pyrites que 1 on nomme galènes , & dont la
lubftance n’eft que la chaux de ce métal unie
aux principes du foufre : ces galènes afteélent
de préférence la forme cubique ; on les trouve
quelquefois ifolées, plus louvent groupées
dans la roche quartzeufe : leur furface eft or-
dnairement lifte , & leur texture eft compofée
de lames ou de petits grains très-ferrés.
Le premier degré de décompofttion dans
ces galènes ou pyrites de plomb, s’annonce,
comme dans les pyrites cuivreufes, par les
couleurs d’iris qu’elles prennent à leur luper-
ficie ; & lorfque leur décompofttion eft plus
avancée , elles perdent ces belles couleurs
avec leur dureté, & prennent les différentes
f rmes fous lefquelles fe préfentent les mines
de plomb de fécondé formation , telles que la
mine de plomb blanche, qui eft fujette à de
grandes variétés de forme & de couleur; car
les vapeurs fouterraines , & fur-tout celle du
foie de foufre , changent le blanc de cette
m:ne en brun & en noir.
La mine de plomb verte eft auffi de feccnde
C 2
iS Hiftoîre naturelle
formation, elle feroit même toute femblable
à la mine blanche, fi elle n’etoit pas teinte
par un cuivre diii'ous qui lui donne la couleur
verte ; enfin la mine de plomb rouge eü encore
de formation fecondaire. Cette belle mine
n’étoit pas connue avant M. Lehmann, qui
m’en adrefla, en 176 6, la defeription impri¬
mée : elle a été trouvée en Sibérie, à quel¬
que difiance de Catherine - bourg ; elle fe
préfente en crifiallifations bien dilïinétes , tk
paroit être colorée par le fer.
Au refte , les galènes ou mines primor¬
diales du plomb font fouvent mêlées d'une
certaine quantité d’argent, & lorfque cette
quantité eft allez confidérable pour qu’on
puifi'e l’extraire avec profit, on donne à ces
mines de plomb, le beau nom de mines d'argent;
les galènes le trouvent aulfi très- fouvent en
maffes informes & mêlées d’autres matières
minérales & terreufes, qui fervent aux minè-
raltfattons fecondaires de ces mines en aidant
à leur décompofition ( a).
( a ) Voyez dans le fixième volume de cette Hiftoire
des Minéraux , l’article Plomb.
des Minéraux ,
«*xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx<*>
CONCRÉTIONS DU MERCURE.
Lie cinabre eft la mine primordiale du mer¬
cure, & l’on peut regarder le vif- argent,
coulant, comme le premier produit de la
décompofition du cinabre : il fe réduit en
pondre lurfqu’il fe trouve mêlé de parties
pyriteufes; mais cette poudre, cornpofée de
cinabre & du fer des pyrites, ne prend point
de fol i dit é , & l’on ne connoît d'autres con¬
crétions du mercure , que celles dont M.
Romé de Lille fait mention fous le titre de
mercure en mine fecondaire , mine de mercure cernée
volatile, ou mercure doux natif. Cette mine
fecondaire de mercure, dit « cet habile Miné-
» ralogiüe , a été découverte depuis peu
» parmi les mines de mercure en cinabre , du
» duché de Deux*Ponts ; c’ell du mercure
» folidifïé & minéralilé par l’acide marin avec
» lequel il paroît s’êrre fublimé dans les cavités
& fur les parois de certaines mines de fer
» brunes ou hépatiques de même que le mer-
» cure- coulant dont cette mine eü fouvent
» accompagnée, {a)»
J’ai dit, d’après le témoignage des Voya¬
geurs, qu’on ne connoiffoit en Amérique
qu’une feule mine de mercure à Guanca-velica ;
(a) Criftallographie , par M. Romé de Lille , tome III,
pages 161 & J'ui y.
30 Hijloire naturelle
mais M. Dombey , qui a examiné avec foin les
terreins à mine du Pérou & du Chili , a trouvé
des terres imprégnées de cinabre aux environs
de Coquimbo , & il m’a remis pour le Cabinet
du Roi , quelques échantillons de ces terres
qui (ont de vraies mines de mercure. Les
Éfpagnols les ont autrefois exploitées ; mais
celles de Guanca-velica s’étant trouvées plus
riches , celles de Coquimbo ont été abandonnées
jufqu’à ce jour, où les éboulemens produits
par des tremblemens de terre, dans ces mines
de Guanca-velica , ont obhgé le Gouverne¬
ment Efpagnol de revenir aux anciennes ni mes
de Coquimbo avec plus d’avantage qu’aupara-
vant , par la découverte qu’a faite M. Dombey
de l’étendue de ces mines dans plufieurs ter-
reins voifms qui n’avoient pas été fouillés.
D’ailleurs ce (avant Naturalise m’affure qu’in-
dépendamment de ces mines de cinabre à
Coquimbo , il s’en trouve d’autres aux environs
de Lima, dans les provinces de Ca.cut.imbo Sc
Guunuco , que le Gouvernement Efpagnol n’a
pas fait exploiter, & dont cependant il pour-
roit tirer avantage : il y a même toute appa¬
rence qu’il s’en trouve au Mexique; car M.
Polony, Médecin du Roi au cap Saint-Do¬
mingue , fait mention d’une mine de mercure
dont il m’envoie les échantillons avec plu¬
fieurs autres mines d’or & d’argent de cette
contrée du Mexique ( b ).
(h) Lettre de Ül. Folony à M. le Comte de Buüos
datée du cap à Saint- Douiir 511e , ao Cftcbre 17S5 .
des Minéraux. 3 1
+XM -<M <XXX-><X-< *
CONCRÉTIONS
DE L'ANTIMOINE.
On ne connoît point de régule d’antimoine
natif, & ce demi-métal eil toujours minéralifé
dan^ ie fein de la Terre : il fe préfente en
minérai blanc lorfqu’il ert imprégné d’arfenic,
qui lui eli fi intimement uni qufon ne peut les
féparer parfaitement. L’antimoine fe trouve
autli en mine grife, qui forme affez fouvent
des ftalaélites ou concrétions dont quelques-
unes reffemblent à la galène de plomb; cette
mine grife d’antimoine , eli quelquefois mêlée
d’une quantité conftdèrable d’argent , & par
fa décompofition elle produit une autre mine
à laquelle on donne le nom de mine dé argent
en plumes , quoiqu’elle contiennent huit ou dix
fois plus d’antimoine que d’argent : celles
qui ne contiennent que très -peu ou point
d’argent, s’appellent mines d'antimoine en plu¬
mes , & proviennent également de la décom¬
pofition des premières. Je n’ajouterai rien de
plus à ce que j’ai déjà dit au (ujet de la for¬
mation des mines primitives &. lecondaires de
ce demi-métal (a ).
( a ) Voyez dans le fixième volume de cette hiftoire
des Minéraux, l’article Antimoine .
3 2 Hijlolre naturelle
4* ^ 4* *?* f 4* 41 4* f ^ 4* 4* 4* »î* 4^ 4* ^ ^ ^ >î*
CONCRÉTIONS DU BISMUTH.
Les concrétions de ce demi -métal Ton»
encore plus rares que celles de l’antimoine ,
parce que le bifmuth le préfente plus louvent
dans Ton état métallique que Tous une forme
minéral 'fée ; cependant il eS quelquefois,
comme l’antimoine , al éré par l’arfenic &
mêlé de cobalt, fans néanmoins être entière¬
ment minéralifé : fa furface paroît alors irrifée
& chatoyante , ou chagée d’une elHorefcence
femblable aux fleurs de cobalt : & c’eft fans
doute de la décompofition de cette mine que
fe forme celle dont M. Romé de Lille donne
la defcription (a ) , & qui n’étoit pas connue
des Naturalises avant lui.
(a) Mine de bifinutb calciforme Ce minéral, qui doit
fon origine à la décompofition fpontanée du bifmuth natif
& minéralifé , n’étoit connue jufqu’à préfent que fous la
forme d’une efflorefcence d’un jaune- verdâtre ou d’un
jaune blanchâtre, qui fe rencontre quelquefois à la fuper-
ficie des bifmutbs d’ancienne formation , ce qui lui avoit
fait donner le nom de fleurs de bifmuth. . . Mais j’en ai
reçu un morceau allez confiddrable de cunfiftance folideôc
pierreufe , d’un jaune-vetdâtre mêlé de taches blanchâtres
tk rougeâtres : c’eft une ocre ou chaux de bifmuth .
mêlée d’un peu de chaux de cobalt tv d’ocre martiale. . ’
La gangue de ce morceau paroit être le même jafpe
aes Minéraux i 3 3
martial qui fcrt de gangue aux mines de bifmuth de
Schcnccberg ; & il a quelque refTemblance , à la couleur
près , à une pierre calaminaire cellulaire & grenue ; mais
il étincelle fortement avec le briquet , & il conferve
quelques parcelles d’un minéral gris , qui femble être un
bifmuth décompofé. Cri(iaHogr.jvhie , par Al, Rome de
Lijlc , tome 111 , pages II S & fuiv.
34 Hïflclre naturelle
CONCRÉTIONS DU ZINC.
Le zinc ne fe trouve, pour ainft dire, qu’en
concrétions, puifqu’on ne le tire que de la
pierre calaminaire ou des blendes, & que nulle
part il ne fe trouve, dans Ion état de régule,
lotis la forme de demi-métal : le zinc n’eft donc
qu’un produit de notre art, & comme fa fubf-
tance eft non-feulement très - volatile , mais
même fort inflammable , il paroît qu'il n’a été
formé par la Nature qu’après toutes les autres
fubftances métalliques; le feu primitif l’auroit
brûlé, au lieu de le fondre ou de le réduire
en chaux , & il eft plus que probable qu'il
n’exiftoit pas alors, & qu’il n’a été for né
comme le foufre , que par les détrimens des
fubftances combuflibles ; il a en même temps
été faifi par les matières ferrugineufes , car
il fe trouve en aflez grande quantité dans
plufieurs mines de fer , auiîi bien que dans les
blendes & dans la calamine, qui toutes font
compofécsde zinc, de foufre (k de fer. Indé¬
pendamment donc de la pierre calaminaire &
des blendes, qui font les fubftances les plus
abondantes en zinc, plufieurs mines de fer de
dernière formation peuvent être regardées
comme des mines de ce demi-métal; c’eft par
fon affinité avec le fer que cette matière in¬
flammable & volatile s’eft fixée , & l’on
reconnoît cette union intime & confiante du
zinc avec le ter , par la décompofition des
des Minéraux. 3 $
blendes & de la calamine, qui fe réduifent
également en une forte d’ocre dans laquelle il
fe trouve fouvent plus de fer que de zinc.
On ne doit donc pas être furprts que le
cuivre jaune ou laiton foit quelquefois fen-
fiblement attirable à l’aimant, furtout après
avoir été frappé ou fléchi & tordu avec force ,
parce qu’étant compofé de cuivre rouge &
de zinc, le laiton contient toujours une cer¬
taine quantité du fer qui étoit intimement
mêlé dans les blendes ou la pierre calaminaire,
& c’eft par la même raifon que le régule de
zinc, qui n’eft jamais entièrement privé de
fer, fe trouve plus ou moins attitable à l’ai¬
mant : il en eff de même des régules de cobalt,
de nickel & de manganèfe, qui contiennent du
fer, & tous font plus ou moins fufceptibles
des impreffions magnétiques.
3 6 Ht [loir e naturelle
0099099033903980609
CONCRÉTIONS DE LA PLATINE.
Je crois devoir donner ici par extrait quel¬
ques faits très- bien préfentés par M. le Blond,
Médecin de l’Uni verfité de Lima, qui, pen¬
dant un féjour de trois ans au Pérou , a fait de
bonnes obfervations fur le gifî'ement des mines
d’or & de platine, & qui les a communiquées
à l’Académie des Sciences, au mois de Juin
1785.
Ce favant Obfervateur dit avec raifon , que
les mines primordiales de l’or & de la platine
dans l’Amérique méridionale, giffoient fur
les montages de la Cordillière , dans les parties
les plus élevées, d’où elles ont été détachées
& entraînées par les eaux dans les vallées &
les plaines les plus baffes, au pied de ces
montagnes.
» C’eft au Choco, dit M. Je Blond, que fe
» manifeftent d’une manière très - fenftble,
» les différens lits de pierres arrondies & de
j> terres entaffées qui forment les mines de
» tranfport; ce pays eft entièrement comme
j> le réfervoir où viennent aboutir prefque
» toutes les eaux qui defcendent des provinces
» de Paftos, Platya, &c. & conféquemment
» le lieu le plus bas, & qui doit être le plus
» abondamment pourvu des corps métalliques
» qui auront été détachés , Si entraînés par les
» eaux , des lieux les plus élevés.
i> En effet , il eff rare au Choco , de ne pas
des Minéraux''. 3 7
« trouver de l’or dans prefque toutes ces
» terres transportées que l’on fouille, mais
» c’eit uniquement à peu- près au nord de ce
33 pays , dans deux diftri&s feulement appelés
3) Cyura & A oyita , qu’on le trouve toujours
33 mêlé plus ou moins avec la platine , & jamais
3> ailleurs ; il peut y avoir de la platine autre
33 parr , mais elle n’a sûrement pas encore été
33 découverte dans aucun autre endroit de
33 l’Amérique.
33 Les deux pareilles de Novita & Cytara ,
33 font, comme on vient de le dire, les deux
33 feuls endroits où l’on trouve les mines d’or
33 & de platine; on les exploite par le lavage
33 qui eÜ la manière ufitée pour toutes les
33 mines de transport de l’Amérique méri-
33 dionale. L’or & la platine fe trouvent con-
33 fondus & mêles dans les terres dépofées par
33 les eaux, fans aucune marque qui puilfe
3) faire dilLnguer une mine formée fur les
3) lieux. . . . Lorfque l’on a obtenu par le lavage,
33 l’or & la platine de la ter-, e dans laquelle ces
J3 métaux lont mêlés, on les fépare grain par
33 grain avec la lame d’un couteau ou autre-
33 ment, fur une planche bien Lille ; &,s’il
33 relie dans la platine , après l’avoir ainfi
33 féparée , quelques légères paillettes d’or
33 dont le travail emporte'roit trop de temps ,
33 on les amalgame avec du vif argent , à l’aide
33 des mains & enfuite d’une malfe ou pilon de
33 bois, dans une efpèce d’auge de bois dur,
33 comme le gayac, & on parvient de cette
33 manière , quoiqu’aUez imparfaitement , à
33 les unir au mercure, dont on les dégage
33 après par le moyen du feu.
3 8 Hifloire naturelle
» On ne nie pas qu’il n’y ait quelques
j> Mineurs qui fafl'ent cet amalgame dans des
» mortiers avec leurs pilons de fer ou de
cuivre; mais il ne feroit pas vraifemblable
» d’attribuer à cette manipulation, l’a p p 1 a t i fie -
» ment de quelques grains de platine , puil-
» qu’un grain de ce métal très-drâicile à appla-
» tir, ne pourroit jamais l’être ,étantjointà dix
j> mille autres qui ne le font pas, & que d’ail-
v leurs on trouve dans cette matière , telle
» qu’on la retire de la terre, des grains applatis
i> mêlés avec des grains d'or (a), qu’on
» diftingue très-bien à la fimple vue, & qui
» n’y feroient sûrement pas fi elle avoit été
» foumife à l’amalgame.
v C’eft ce même amalgame mal rafiemblé,
» qui laide quelquefois après lui des gouttes
)) de vif- argent qu’on a cru devoir exider
s» dans la platine; c’eft une erreur dont on
» doit d’autant mieux fe défabufer , qu’ex-
(a) Dans la grande quantité de platine que M. Donrbey
a rapportée du Pérou , & dont il a remis une partie au
Cabinet du Roi , il s’eft trouvé un de ces grains de platine
applatis , de trois [lignes de longueur fur deux lignes de
largeur, & cela confirme ce que dit à ce fujet M. le
Blond. C’eft le plus grand grain de platine que j’ai vu :
IM. Dembey m’a affuré qu’il en connoiffoit un de trois
onces pefant , qui étoit entre les mains de Don Autonio-
Jofeph Arcclie, Vifiteur général du Pérou, &: qui a été
envoyé à la Société royale de Bifcaye. Ce gros grain
eft de la môme figure que les petits , & tous parodient
avoir été fondus par le feu des volcans.
des Minéraux. 39
« cepté les mines d e Guanca-velica au Pérou ,
» on n’a pu découvrir jufqu’à préfent aucune
» mine de mercure ou de cinabre dans toute
» l’Amérique efpagnole ( b ) , nonobftant les
» grandes récompenles promises par le Gou-
» vernement.
» C’eit aux deux Cours des Monnoies de
» Sainte-Foi & de Popayan , que fe porte tout
» l’or du Choco , pour y être monnoyé; là,
» Te fait un fécond tirage de la platine qui
» pourroit être refiée avec l’or; les Officiers
» royaux la gardent, & quand il y en a une
i> certaine quantité , ils vont avec des témoins
» la jeter dans la rivière de Bogota , qui palTe
» à deux lieues de Sainte-Foi, & dans celle
» du Caouca , à une lieue de Popayan: il
» paroît qu’aujourd’hui ils l’envoient en
» Efpagne.
» On trouve toujours la platine mêlée avec
» l’or , dans la proportion d’une , deux , trois,
« quatre onces, & davantage, par livre d’or;
v les grains de ces deux matières ont à peu-
» près la même forme & la même groffeur,
» ce qui eld très-digne d’être remarqué.
» Si la proportion de la platine avec l’or eft
» plus confidérable , alors on travaille peu la
5? mine", ou même on l’abandonne , parce que
» la quantité de ces deux métaux enfemble
» étant à peu- près la même que celle d’une
(i) Je dois obferver qu’il fe trouve des mines de mer¬
cure au Chili , & en quelques autres contrées de l’Amé¬
rique méridionale. Voyez ci-devant l’article Concrétions
du mercure.
40 Hijlolre naturelle
» autre mine où on ne tireroit que de l’or pur,’
» il s’enfuir que quand le proportion de la
)> platine efl trop confidérable , celle de l’or,
» décroiffant en même raifon, n’offre plu9
» les mêmes avantages pour pouvoir la tra-
» vailler avec profit, & c’eft pour cela qu’on
» la laiffe : il ne feroit pas moins intérelüant
» de s’affurer li cette lubüance ne fe rencofi-
» treroit pas feule & fans mélange d’or dans
» des mines qui lui feraient propres.
» La platine, ainfi que l’or qui l’accom-
» pagne, fe trouvent de toute groffeur,
» depuis celle d'une fine pouflière jufqu’à celle
» d’un po s , & l’on ne rencontre pas déplus
« gros morceaux de platine, ou du moins ils
» doivent être bien rares , car quelque peine
» que je me fois donnée, je n’ai pu m’en
v procurer aucun, & je n’en ai vu qu’un feul
» à peu près de la groffeur d’un œuf de pigeon
v ( c ); j’ai vu des morceaux d’or qui m’ont
» paru fondus naturellement , beaucoup plus
v confidérables.
» Il eft vraifemblable que comme l’or a fes
» mines propres, la platine peut avoir aufîi
» les Tiennes d’où elle a été détachée par une
» force quelconque , & entraînée par les eaux
(c) Ce morceau elf le même dont nous avons parlé
ci-devant, d’après M. Dombey , dans la note (<i); car
M. le Blond dit, comme M Dombey, » que ce mor¬
ceau fut remis à Don Areclie, intendant du Pérou, pour
en faire préfent à la Société royale de Bifcaye , qui doit
actuellement le polfédcr »,
n dans
I
des Minéraux', 4 1
» dans les mines de tranfport où on la trouve ;
” mais ces mines propres où font-elles r c’efl
« ce qu’on n’a pas encore pris la peine d’exa-
>» miner.
11 . Puifque l’or & la platine fe trouvent
» dans leurs mines de tranlport, à peu-près de
» même groffeur, il fembleroit que ces deux
» métaux doivent avoir aufïï à peu près une
” même fource , & peut - être les mêmes
» moyens de métallifation ; ils diffèrent cepen*
j» dant effentiellement en couleur, en malléa-
” bilité , & en poids. Ne pourroit-on pas
» préfumer, d’après les fcories de fer qui
” accompagnent toujours plus ou moins la
” platine, qu’elle n’eff elle - même qu’une
» modification de ce métal par le feu , d’une
façon jufqu’ici inconnue , qui la prive de la
3f couleur , de la malléabilité & de la pefanteur
»> fpécifique de l’or ? . M. Bergmann a été
« sûrement mal informé quand il dit que la
» force magnétique du fer dans la plarine ,
vient vraifemblablement de la trituration
» qu’on lui fait éprouver dans la meule de fer
3) pour féparer l’or par l’amalgame, & que
» c’eff au moins de là que vient le mercure
» qui s’y trouve ; qu’il arrive peu de platine
» en Europe qui n’ait paffè par cette meule
u ( Journal de Phyjique , 1 778 , page 327). Cette
» meule dont parle M. Bergmann n’exifie pas,
» au moins n’en ai je jamais entendu parler.
» Quant au mercure il a raifon, & cette
î) (ubffance fe trouve affez louvent dans la
» platine. »
Je dois joindre à ces obfervations de M. le
Blond, quelques réflexions : je ne penfe pas
Minéraux. Tome IX. 13
4 1 Hîfïoîre naturelle
que le fer feul puiffe fe convertir en platine
comme il paroît le préfumer. J’ai déjà dit que
la platine étoit coinpofée d’or dénaturé par
l’arfenic , & de fer réduit en fablon magnéti¬
que par l’exceflive violence du feu, & j’ai
fait faire quelques effais pour vérifier ma.
préfomption. M. l’Abbe Rochon a bien voulu
fe charger de ce travail , & j’ai aufii prié M.
de Morveau de faire les mêmes expérience?.
L’or fondu avec l'arfenic devient blanc, cafiant
& grenu, il perd fa couleur, & prend en
même temps beaucoup plus de dureté; cet or
altéré par l’arfenic , fondu une fécondé fois
avec le fablon ferrugineux & magnétique qui
fe trouve mêlé avec la platine naturelle ,
forme un alliage qui approche beaucoup de la
platine , tant par la couleur que par la deniité.
M. l’abbé R.ochon m’a déjà remis le produit (de
nos deux premiers efTais , & j’efpère que nous
parviendrons à faire de la platine artificielle
par le procédé fuivant, dont feulement il
faudra peut-être varier les dofes& les degrés
de feu.
Faites fondre un gros d’or le plus pur avec
fix gros d’arfenic, lailfez refroidir le bouton ,
pulvérifez cet or fondu avec l’arfenic dans un
mortier d’agate , mêlez cette poudre d’or avec
trois gros du fablon magnétique , qui fe trouve
mêlé a la platine naturelle , & comme la fufiotî
de ce mélange exige un feu très-violent , &
qu’il faut que le fablon ferrugineux s’incorpore
intimement avec l’or, vous ajouterez à ces
matières une bonne quantité de nitre , qui
produira allez d’air inflammable pour rendre
la fulion parfaite, & vous obtiendrez par cette
dis Minéraux'. 45
opération, un produit très - fembîable à la
platine naturelle. Il eft certainement plus
pollible de faire de la platine artificielle que de
convertir la platine en or ; car quelques efforts
qu’aient fait nos Chimiftes pour en iéparer ce
métal précieux , ils n’ont pu rétillir, & de
même ils n’ont pu en féparer absolument le fer
qu’elle contient; car la platine la plus épurée,
qui paroît ne pas être attirable à l’aimant,
contient néanmoins dans fon intérieur des
particules de fablon magnétique , puifqu’en la
réduifant en poudre, on y trouve ces parti¬
cules ferrugineufes qu’on peut en retirer avec
l’aimant.
Au refte, je ne fais pas encore fi nous pour¬
rons retirer l’or de ces boutons de platine
artificielle, qui me paroiffent avoir toutes les
propriétés de la platine naturelle ; feulement
il me paroît que quand l’or a été dénaturé par
l’arfenic , & intimement mêlé avec le fablon
fe rrugineux & magnétique , il n’y a guère
moyen de lui rendre fa duélilité & la première
naiure , & que par conféquent il fera toujours
très-difficile de tirer de la platine tout i’or
qu’elle contient, quoique la prèlence de ce
métal dans la platine nous foit démontrée par
fon poids fpécifique, comme la prèlence du
fer l’eff auffi par fon magnétifme.
D a
44 Hifiolre naturelle
ooosoosoosooooooooo
PRODUITS VOLCANIQUES.
Nous avons parlé en plufieurs endroits de
cet ouvrage desbafalres & des différentes laves
produites par le feu des volcans ( a ) ; mais nous
n’avons pas fait mention des différentes fubf-
tances qu’on eft affez furpris de trouver dans
l’intérieur de ces maffes vitrifiées par la vio¬
lence du feu : ce font des cailloux (é), des
agates, des hyacinthes, des cryfolites , des
grenats, &c.qui tous ont confervé leur forme.
(a) Voyez le cinquième volume des fupplémens à
FHiftoirc Naturelle , & le tioifième volume de cette Hiftoire
des Minéraux.
(b) Il eft à propos de remarquer que dans beaucoup
de cantons volcaniques du Vicentin, du Véronois, &c. if
fe trouve nu milieu de la lave & de la cendre, différen¬
tes efpèces de cailloux qui font feu avec l’acier , tels
que des jafpes , des pierres à fuüls , des agates' rouges ,
noires, blanches, verdâtres, & de plufieurs autres couleurs.
M. Arduini a décrit féparément dans le Ciomale cf lu; Ha ,
des hyacinthes , des cliry folites & des piètre ohfdiane
qu’on trouve à Leonedo. On voit encore dans les collines
du Vicentin, qui font formées de cendres volcaniques,
des cailloux de la nature des calcédoines ou des opales
( opali enhydri , qui contiennent de l’eau ). Lettres fur la
Minéralogie , par M. Ferbcr , traduites par Al. le Baron
de Dietrich, pages 72 & 73.
des Minéraux. 4^
& fouvent leur couleur. Quelques Obferva-
teurs ont penfé que ces pierres renfermées
dans les laves , même les plus dures, ne pou-
voient être que des Italaftires de ces mêmes
laves, qui s’êtoient formées dans leurs petites
cavités extérieures long - temps après leur
refroidiffement , en (orte qu’elies en tiroient
immédiatement leur origine & leur fubftance
( c ) j mais ces pierres bien examinées com-
f tarées, ont été reconnues pour de vrais cai I -
oux , criftaux , agates , hyacinthes , chryfoli-
tes & grenats , qui rous étoient formés précé*
demment , & qui ont feulement été fai As par
la lave en fufion lorsqu'elle rouloit fur la fur-
face de la terre, ou qu’elle couloit dans les
fentes des rochers hériffes de ces criftaux;
elle les a , pour ainfi dire, ramaffés en paffant,
& ils fe font trouvés enveloppés plutôt qu’in-
terpofés dans la fubitance de ces laves, dès
le temps qu’elles étoient en fufion.
M. Faujas de Saint Fond nous a donné une
bonne defeription très détaillée des chryfolites
qu’il a trouvées dans les bafaltes & laves des
anciens volcans du Vivarais (d) \ il ne s’eft
(c ) Idem , pages 81, Si, 21S & fuir.
( d ) >* J’appelle cette pierre chryfolite des volcans ,
parce qu’elle fe trouve abondamment dans les laves &
dans certains bafaltes ; elle eft en grains irréguliers ou en
petits fragmens, qui ont la couleur , la dureté & les autres
caraftère de la véritable ebryfolite. . . La chryfolite des
volcans eft, en général , plus pefante que le bafaite, elle
donne des étincelles , lerfqu’on la frappe avec le briquet»
46 Hi foire naturelle
pas trompé fur leur nature , & les a teconnues
pour de vraies chrylolites dont les unes , dit-
On en trouve dans les bafaltes de Maillas, non loin de Saint-
Jean-le-Nuir, dont les grains font fi adhérens qu’ils paroiffent
ne formerqu’un futl & même corps. J’en ai fait fcier & polir
des morceaux qui pèfent quatre livres ; il font d’une grande
dureté , & ont pris un poli allez vif , mais un peu étonné
à caufe de leur contexture formée par la réunion d une
multitude de grains , qui , quoique fortement liés , ne tont
pas cependant un enfemble , un tout parfait.
» Cette fubflance eft des plus réfrattaires ; le feu
des volcans ne lui a occafionné aucun changement fenfi-
ble ; j’ai des laves du cratère de Montbrul , réduites en
feories , qui contiennent de la chryfolite qui n’a fouflert
aucune altération.
» On trouve dans la bafalte de Maillas , la chryfolite
en frngmens irréguliers ou en noyaux arrondis ; il y en
a des morceaux qui pèfent jufqu’à huit ou dix livres ;
planeurs paroiffent avoir été ufés &: arrondis par l’eau
avant d’avoir été pris dans les laves.
» J’ai de la chryfolite en table d’un pouce d'épaiffeur
fur quatre pouces de longueur & deux pouces de largeur;
elle fe trouve dans une belle lave poreufe bleue du cra¬
tère de Monthul.
>* La chryfolite des volcans eft compofée d’un affent-
blagc de grains fablonneux, plus ou moins fins, plus ou
moins adhérens, raboteux, quelquefois irréguliers , quel¬
quefois en efpèce de croûte ou petites écailles grave-
leufcs , mais le plus fouvent en fragmens anguleux qui
s’engrènent les uns dans les autres ; la couleur de ces
grains efl variée, les uns font d'un vert d’herbe tendre ,
d’autres d’un vert tirant fur le jaune , couleur de la véri-
des Minéraux 47
il, « font (i’un vert-clair tirant fur le jaune ,
» couleur de la véritable chry folite ; quelques-
table chry folite ; quelques-uns font d’un jaune de topaze;
certains d’une couleur noire luifante , femblable à celle
du fcliorl ; de forte que , dans l’in liant , on croit y
reconnoître cette fubftance ; mais en prenant au foleil le
vrai jour de ces grains noirs, & en les examinant dans
tous les fens , on s’aperçoit que cette couleur n’eft due
qu’à un vert noirâtre , qui produit cette teinte fombre &
foncée.
» Il y des chryfolites qui paroiffent d’un jaune rougeû-
tre-ocreux à l’extérieur, cet accident eft dû à l’altération
occafionnée dans les grains jaunâtres , qui fe décompo-
fent en partie & fe couvrent d’une efpèce de rouille fer-
rugineufe.
» On trouve des chryfolites moins variées dans leurs
grains & dans leur couleur ; on voit non loin de Vais ,
un bafalte très dur qui en contient des gros noyaux très
fains & très vitreux , prefque tous d’un vert tendre ,
légèrement nuancés de jaune : on y remarque feulement
quelques grains un peu plus foncés qui fe rapprochent du
noir.
>* C’eft auprès du village de Colombier en Vivarais ,
que l’on trouve la chryfolite en grottes malfes ; on en
voit des morceaux qui pèfent jufqu’à trente livres , elle
eft à très gros grains qui varient dans leur couleur.
» Cette pierre , malgré fon extrême dureté , a éprouvé
le fort de certaines laves qui s’attendrifTenc , fe décom-
pofent & paffent à l’état argileux , foit à l’aide des fumées
acides fulfureufes qui fe font émanées en abondance de cer¬
tains volcans , foit par d’autres caiifes cachées qui enlè¬
vent 6e détruifent l’adhéfion 6c la dureté des corps les
4g Hîjtoîre naturelle
» unes d’un jaune de topaze , certaines d’une
» couleur noire-luifânte, comme le fchorl ,
?» de forte que, dans l’inflant , on croit y
î) reconnoître cette fubflance; mais en prenant
» au foleil le vrai jour de ces grains noirs,
» & en les examinant dans tous les fens , on
» s’aperçoit que cette couleur n’efl qu’un vert-
» noirâtre qui produit cette teinte fombre &
« foncée. » En effet , cette fubflance vitreufe
n’efl point du fchorl, mais du criflal de roche
teint comme tous les autres criflaux & chry-
folites vertes ou jaunâtres, lefquelles étant
très-réfraélaires au feu n’ont point été altérées
par la chaleur de la lave en fufion , tandis que
les grenats & les fchorls qui font fufibles ont
fouvent été dénaturés par cette même chaleur:
ces fchorls ont perdu par l’aélion du feu vol¬
canique , non- feulement leur couleur, mais
une portion conftdérable de leur fubflance ;
les grenats en particulier qui ont été volca-
plus durs ; on voit, non loin du volcan éteint de Chcnavari
en Vivarais -, une lave compacte qui s’cfl déconipoféc &
a parte à l’état d’argile de couleur fauve , qui contient
des noyaux de chryfolite dont les grains ont eonfervé
leur forme & leur couleur , mais qui ont perdu leur coup-
d’oeil vitreux , & qui s’exfolient fe réduifent en pouf-
fière fous les doigts , tandis que dans la môme matière
volcanique argileufe , on vo't encore des portions de
lave poreufe gnfe, qui n’ont pas perdu leur couleur, &
qui ne font que légèrement altérées Recherches fur
les volcans éteints , par Al, Faujas de Saint-Fond , pages
347 & fuiv.
Ses Minéraux'. 4^
nifés , font blancs , & ne pèlent fpécifique-
inent que 24684; tandis que le grenat dans
Ion état naturel , pèfe 41888. Le feu des laves
enfufion peut donc altérer, & peut-être fondre
les fchorls , les grenats & les feld-fpaths;
mais les criftaux quartzeux , de quelque cou¬
leur qu’ils foient, réfiftent à ce degre de feu ;
&ce font ces criftaux colorés & trouvés dans
des balaltes ( e) & les laves, auxquels on a
donné les noms de chryfolites , d’amcthyjles , de
topazes & d'hyacinthes des volcans.
(c) La teinte violette de ces criftaux eft Couvent très
légère , il y en a de verdâtres auxquels on pourroit
donner le nom de chryfolites. . . J’ai vu un morceau pro¬
venant des éruptions du Véfuve, lequel , outre un grand
nombre d'hyacinthes volcaniques d’un brun-noirâtre , con¬
tient aufli des prifmes hexaèdres tronqués net aux deux
extrémités ; ce font des améthiftes bafaltiques décolorées
par l'aftion du feu ; elles font blanches, prefque opaques,
& même étonnées; il y en a une qui eft tronquée de
manière à former un prifme à douze pans irréguliers.
Lettres du docteur Demejle au docteur Bernard , tome /,
pages 428 & 429.
Minéraux. Tome. IX.
E
ça Hïjlo'ire futur elle.
DES BASALTES,
DES LAVES ET DES LAITIERS
VOL CANIQUES.
0>omme M. Faujas de Saint-Fond eft de
tous les Naturaliftes celui qui a obfervé avec
le plus d’attention & de difcernement les diffé-
rens produits volcaniques, nous ne pouvons
mieux faire que de donner ici par extrait les
principaux rélultats de fes obfervations « Le
» bafalte, dit-il , fe préfente fous la forme
» d’une pierre plus ou moins noire, dure,
» compacte, pefante , attirable à l’aimant,
» fufceptible de recevoir le poli , fufible par
« elle-même fans addition , donnant plus ou
» moins d’étincelles avec le briquet , & ne
v faifant aucune effervefcence avec les acides.
v 11 y a des balaltes de forme régulière en
» prifmes , depuis le triangle jufqu’à l’oélo-
» gone , qui forment des colomnes articulées
v ou non articulées , & il y en a d’autres en
j , forme irrégulière. On en voit de grandes
v mafl'es en tables, en murs plus ou moins
» inclinés , en rochers plus ou moins pointus ,
» St quelquefois iiolés, en remparts elcarpés,
v Si en blocs ou fragmens raboteux & irré-
» gulier‘. Les bafaltes à cinq , fix & lept faces ,
» le trouvent plus communément que ceux a
» trois , quatre ou huit faces t ils font tous de
des Minéraux'. 5 1
» forme prifmatique, & ]a grandeur de ces
» prifmes varie prodigieusement ; car il y en a
« qui n’ont que quatre à cinq lignes dediamètre
jj fur un pouce & demi ou deux pouces de
» longueur, tandis que d’autres ont plufieurs
jj pouces de diamètre fur une longueur de plu-
») fieurs pieds.
» La couleur des bafaltes eft communément
jj noire, mais il y en a d’un noir d’ébène,
jj d’autre d’un noir- bleuâtre , & d’autre plutôt
jj gris que noir, d’autre verdâtre, ci’autre
» rougeâtre ou d’un jaune d’ocre ; les différens
jy degrés d’altération de la matière ferrugi-
jj neufe qu’ils contiennent leur donnent ces
« différentes couleurs; mais en général, lorf-
>1 qu’ils font décompofés, leur poudre eft d’un
» gris-blanchâtre.
» 11 y a de grandes maffes de bafalte en
)> tables ou lits horizontaux : ces tables font
» de différentes épaiifeurs; les unes ont plu-
« fieurs pieds, & d’autres feulement quelques
„ pouces d’épais; il y en a même d’affez min-
j) ces pour qu’on putffe s’en fervir à couvrir
« les maifons. C’eft des tables les plus épaiffes
« que les Egyptiens , & après eux les Ro-
jj mains , ont fait des ftatues dans lefquelles
j> on remarque particulièrement celles du
j> bafalte verdâtre (a).
jj Les laves diffèrent des bafaltes par plu-
ïj fieurs caractères, & particulièrement en ce
( a ) Minéralogie des volcans , par M. Faujas de Sain-
Fond; Paris , in-S*. chap. 1 , 10 & 11.
ç t Hijlolre naturelle
» qu'elles n’ont pas la forme prifmatique, &
v on doit les diflinguer en laves compactes &
» en laves poreufes : la plupart contiennent
» des matières étrangères , telles que des
» quartz, des criftaux de feld-fpath, de fchorl,
» de mica , ainfi que des zéolites, des granités,
» des chryfolites , dont quelques-unes font,
v comme les bafaltes , fufceptibles de poli;
« elles contiennent auflî du grès, du tripoli ,
j» des pierres à rafoir, des marbres & autres
» matières calcaires.
» Le granit qui fe trouve dans les laves po-
» reufes a fubi quelquefois une fi violente
« a&ion du feu qu’il fe trouve converti en un
» émail blanc.
» 11 y a des bafaltes & des laves qui font
v évidemment changés en terre argileufe,
« dans laquelle il fe trouve quelquefois des
s> chryfolites qui ont perdu leur brillant &
» leur dureté, & qui commencent elles-mêmes
» à fe convertir en argile.
« On trouve de même dans les laves, des
« grenats décolorés & qui commencent à fe
» décompofer , quoiqu’ils aient encore la
j> calibre vitreule , & qu’ils aient confervé
» leur forme; d’autres font très - friables &
» approchent de l’argile blanche.
» Les hyacinthes accompagnent fouvent
» les grenats dans ces mêmes laves, & quel-
» quefois on y rencontre des géodes de cal-
j) cédoine qui contiennent de l’eau , & d’autres
» agates ou calcédoines fans eau , des filex ou
v pierre à fufil , & des jafpcs de diverfes cou-
3) leurs : enfin on a rencontré dans les laves
il d’Kxpailly près du Puy en Vélay, des faphirs
des Minéraux. 5 3
» qui femblent être de la même nature que les
» faphirs d’Orient. On trouve auffi dans les
» laves, du fer criftallifé en o&aèdre , du fer
» en mine fpéculaire, en hématite, &c.
» Il y a des laves poreufes qui font fi légères
» qu’elles fe foutiennent lur l’eau, & d’autres
» qui , quoique poreufes, font fort pefantes :
» la lave plus légère que l’eau eft allez
» rare. « ( b )
Après les bafaltes & les laves , fe préfentent
les laitiers des volcans : ce font des verres ou
des efpèces d’émaux qui peuvent être imités
par l’art; car en tenant les laves à un feu
capable de les fondre, on en obtient bientôt
une verre noir, luifant & tranchant dans fa
calibre : on vient même, dit M. Faujas, de
tirer parti, en France , du bafalte , en le
convertiffant en verre. L’on a établi dans les
environs de Montpellier, une verrerie où l’on
fait avec ce bafalte fondu de très-bonnes bou¬
teilles.
Nous avons déjà dit qu’on appelle/be/re de
gallïnace , au Pérou , le laitier noir des volcans ;
ce nom e/F tiré de celui de l’oifeau gallina^o,
dont le plumage eft d’un beau noir : on trouve
de ce laitier ou verre noir , non feulement dans
les volcans des Cordillières en Amérique,
mais en Europe, dans ceux de Lipari, de
Vulcano , de même qu’au Vefuve & en Illande,
où il eft en grande abondance.
( b ) Minéralogie des volcans , par M. Faujas de Saint-
Fond; Paris , in-S chap. 13 &■ 14.
J 4 Hijbire naturelle
Le laitier blanc des volcans eft bien plus
rare que le noir. M. Faujas en a feulement
trouvé quelques morceaux dans le volcan
éteint du Couerou en Vivarais, & en dernier
lieu à Staffa , l’une des îles Hébrides ; & d’au¬
tres Observateurs en ont rencontré dans les
matières volcaniques en Allemagne près de
Saxenhaufen, aufli-bien qu’en Mande & dans
les îles Fércë. Ce verre blanc eft tranfparent ,
& le noir le devient lorfqu’il eft réduit à une
petite épaifleur; & quand les élémens humides
ont agi pendant long-temps fur ces verres , ils
s’irifent comme nos verres factices , ce qui les
rend chatoyans (c ).
M. Troil dit qu’indépendamment du verre
noir ( faulfe agate d’Iflande ) , on trouve aulîi
en lllande , des verres blancs & tranfparens &
d’autres d’un allez beau bleu , qui font les plus
rares de tous. Il ajoute qu’il y en a quiref-
femblent, par leur couleur verdâtre & par
leur pâte grolîière , à notre verre à bouteil¬
les ( d).
Ces laitiers des volcans, & fur-tout le laitier
noir , font compares , homogènes , & allez
durs pour donner des étincelles avec l’acier :
on peut les tailler & leur donner un beau poli ,
& l’on en fait d’excellentes pierres de touche
en les dégroflilfant, fans leur donner le dernier
poli (e).
( c ) Minéralogie des volcans, par M. Faujas de Suint-
Fond; Paris , in-Sc. chap. 16.
( d ) Lettres fur l’Iflande , page 357.
(c) Cette matière a été indiquée par Pline, fous le
nom de lapix lydius ,
des Minéraux 2 ^
Lorfque les laves & les bafaltes font réduits
en débris St remaniés par le feu du volcan , ils
forment avec les nouvelles laves, des blocs
qu’on peut appeler poudingues volcaniques : il y
en a de plus ou moins durs, St fi les fragmens
qui compolent ces poudingues , font de forme
irrégulière , on peut les appeler des brèches
volcaniques. M. Faujas a obfervé que l’églife
Cathédrale du Puy en Vélay, a été conftruite
d’une pierre dont le fond eft une brèche vol¬
canique noire dans un ciment jaunâtre (/).
Les unes de ces brèches volcaniques ont été
formées par la feule aétion du feu fur les an¬
ciennes laves, d’autres ont été produites par
l’intermède de l’eau, St dans des éruptions
que M. Faujas appelle éruptions boueufes ou
aqueufes; elles font fou vent mélangées de plu-
iieurs matières très-différentes, de jafpe rouge,
de fchorl noir, de granit rofe St gris , de pierre
à fufi! , de fpath St pierre calcaire, & même
des fubftances végétales réduites en une forte
de charbon.
Toutes ces matières volcaniques, bafaltes»
laves St laitiers, étant en grande partie d’une
elfence vitreufe , fe décompofent par i’im-
preffion des élémens humides , St même par
la feule aélion de l’acide aérien. Les matières
autrefois volcaniques , maintenant argileufes,
dit M, Ferber, molles comme de la cire, ou
endurcies St pierreufes, font blanches pour
la plupart ; mais on en trouve auflï de rouges ,
E 4
(/) Minéralogie des volcans, chap. 16.
56 Hijloire naturelle
de grifes-cendrées , de bleuâtres & de noires:
on rencontre des laves argileufes dans tous les
volcans agiffans & éteints, & cette altération
des laves peut s’opérer de plusieurs manières.
Il y a de ces laves altérées par l’acide fulfureux
du feu des volcans , qui font prefque aufit
rouges que les minium ; il y en a d’autres d’un
rouge-pâle, d’un rouge-pourpre, de jaunes,
de brunes, degrifes, de verdâtres, &c.
M. Faujas divife les produits volcaniques
altérés :
En laves compares ou poreufes qui ont
perdu Amplement leur dureté en coniervant
leurs parties conftituantes , à l’exception du
phlogiftique du fer qui a difparu :
Et en laves amollies & décolorées par les
acides qui ont formé , en fe combinant avec
les diverfes matières qui conftituent ces mêmes
laves , differens produits falins ou minéraux ,
dont l’origine nous feroit inconnue fi nous
n’avions pas la facilité de fuivre la Nature
dans cette opération.
Il en décrit plufieurs variétés de l’une &
l’autre forte : il prélente dans la première de
ces deux divifions, des bafaltes & des laves,
qui ayant confervé leur forme , leur nature &
leur dureté fur une de leurs faces, font entiè¬
rement décompofées fur l’autre, &. converties
en une fubllance terreufe , molle , au point de
fe laiffer aifément entamer , & l’on peut fuivre
cette décompofition jufqu’à l’entière conver-
fion du bafalte en terre argileul'e.
Il y a des bafaltes devenus argileux, qui
font d’un gris plus ou moins foncé; d’autres
d’une teinte jaunâtre & comme rouilles;
des Minéraux. 5 7
d’autres dont la furface eft convertie en argile
blanche , grife , jaunâtre , violette , rouge.
Plufieurs de ces bafaltes décompofés contien¬
nent des prifmes de fchorl qui ne font point
altérés, ce qui prouve que les fchorls rénftent
bien plus que les bafaltes les plus durs aux
caufes qui produifent leur décompofition.
Ce favant Naturalifte a auiïi reconnu des
laves décotnpofées en une argile verte, favon-
neufe , & qui exhaloit une forte odeur ter-
reufe ; & enfin il a vu de ces laves qui ren-
fermoient de la chryfolite & du fchorl qui
n’étoit pas décompofé , tandis que la chryfolite
étoit , comme la lave, réduite en argile, ce
qui femble prouver que le quartz réfifte moins
que le fchorl à la décompofition.
Dans la fécondé divifion, c’eft-à-dire dans
les laves amollies & décolorées par les acides ,
qui ont formé difïerens produits lalins ou
minéraux, M. Faujas préfente auffi plufieurs
variétés dans lefquelles il fe trouve du iel
alumineux, lorfque l’acide vitriolique s unit
à la terre argileule; ce même acide produit le
gypfe avec la terre calcaire, le vitriol vert
avec la chaux de fer , & le foufre avec la ma-,
tière du feu.
Les variétés de cette forte , citées par M*
Faujas ( g) , font,
i.° Un bafalte d’un rouge-violet , ayant la
caffure de la pierre calcaire la plus dure ,
quoique ce balalte foit une véritable lave oc
{g) Minéralogie des volcans, chap. 17.
5 S Hifloire naturelle
d’une nature très-différente de toute matière
caLcaire ( h) :
2.0 Une lave d’un blanc nuancé de rouge :
3-ç Une lave dont une partie eft changée
en une pierre blanche tendre , tandis que
l’autre partie qui eft dure & d’un rouge foncé ,
a confervé toute fa chaux ferrugineufe chargée
en colcotar :
4 ° Une lave décompofée , comme la précé¬
dente, avec une enveloppe de gypfe blanc &
demi tranfparent :
5.0 Une lave poreufe d’un blanc-jaunâtre
avec des grains de félénire:la terre argileufe
qui forme cette lave, fe trouve convertie en
véritable alun natif ; l’acide viti iolique uni à la
terre argileufe produit, comme nous venons
de le dire, le fel alumineux & le véritable
alun natif; lorfqu’il s’unit à la bafe du fer il
forme le vitriol vert; en s’uniffant donc dans
de certaines circonftances à la terre ferrugi¬
neufe des laves, il pourra produire ce vitriol,
pourvu qu’il foit affoibli par les vapeurs
aqueufes ; & cette combinaifon eft affez rare ,
6 ne fe trouve que dans les lieux où il y a des
fources bouillantes. On en voit fous les parois
de la grotte de l’île de Volcano , où il y a une
mare d’eau bouillante, fulfureufe & falée.
On trouve aulîï du fel marin en grumeaux,
adhérens à de la lave altérée ou à du fable
vomi par les volcans : ce fel marin ne fe pré¬
fente pas fous forme cubique, parce qu’il n’a
(g) Minéralogie des volcans, chjp. 19, variété x.v,
page 407.
des Minéraux 59
pas eu le temps de fe criftallifer dans l’eau
marine rejetée par les volcans. Il fe trouve
de même de l’alkali fixe blanc dans les cavités
de quelques laves nouvelles ; & comme on
trouve encore du fel ammoniac dans les vol¬
cans , cela prouve que l’alkali volatil s’y
trouve auffi , fans parler du foufre qui , comme
l’on fait, eft le premier des produits volcani¬
ques , & qui n’elt que la matière du feu faifie
par l’acide vitriolique.
Quelquefois le foufre s’unit dans les vol¬
cans à la matière arfenicale , & alors de jaune
il devient d’un rouge vif & brillant ; mais
comme nous l’avons dit ( l ), le foufre fe produit
auffi par la voie humide : on en a plufieurs
preuves , & les beaux criftaux qu’on a trouves
dans la foufrière de Conilla , à quatre lieues
de Cadix, & qui étoient renfermés dans des
géodes de fpath calcaire , ne laiffent aucun
doute à ce fujet : il en exifte d’ailleurs de pareils
dans divers autres lieux , tantôt unis à la
félénite gypfeufe , tantôt à l’argile , ou ren¬
fermés dans des cailloux; nous favons même
qu’on a trouvé , il y a fix ou fept ans , du foufre
bien criftallifé & formé par la voie humide
dans l’ancien égout du fauxbourg Saint-An¬
toine; ces criftaux de foufre étoient adhérens
à des matières végétales & animales, telles
que des cordages & des cuirs.
( i ) Voyez dans le troifième volume de cette Hiftoire
Naturelle des Minéraux , l’article du Soufre,
6o
Hijloire naturelle
PIERRE DE TOUCHE.
La pierre de touche, fur laquelle on frotte
les métaux pour les reconnoître à la couleur
de la trace qu’ils laiffent à fa furface, eft un
bafalte plus dur que l’or , l’argent , le cuivre ,
& dont la fuperficie, quoique lifTe en appa¬
rence, eft néanmoins hériffée & 3ffez rude
pour les entamer & retenir les particules mé¬
talliques que le frottement a détachées. Le
quartz & le jafpe , quoique plus durs que ce
bafalte , & par conféquent beaucoup plus durs
que ces métaux, ne nous offrent pas le même
effet, parce que la furface de ces verres pri¬
mitifs étant plus liffe que celle du bafalte,
laiffe gliffer le métal fans l’entamer & fans en
recevoir la trace. Les acides peuvent enlever
cette imprelîïon métallique , parce que le
bafalte ou la pierre de touche, fur lefquels on
frotte le métal , font d’une fubffance vitreufe
qui réfifte à l’a&ion des acides auxquels les
métaux ne réfiftent pas.
Il paroît que le bafalte dont on fe ferr comme
pierre de touche, eft la pierre de Lydie des
Anciens : les Égyptiens & les autres peuples
du Levant connoiffent affez ces bafaltes pour
les employer à plufieurs ouvrages, & l’on
trouve encore aujourd’hui des figures & des
morceaux de ce bafalte (a) , pierre de Lydie,
(a) La pierre de touche eft un bafalte feuilleté noir,
des Minéraux'. 6 1
dont la texture eft feuilletée & la couleur
brune & noire. Au refte, il ne faut pas con¬
fondre ce bafalte, vraie pierre de touche,
avec la pierre décrite par M. Pott (b), à
laquelle il donne ce môme nom ; car cette
pierre de M. Port, n’elf pas un bafalte, mats
un (chiite dur , mélangé d’un fable fin de grès :
«fiez dur pour recevoir le poli ; Iorfqu’on frotte cette
pierre avec un métal , il y laide un trait coloré qui cache
à l’ailion de l’acide nitreux , fi ce métal n’elt pas de l’or
ou de la platine. . . Les Egyptiens s’en font fervis pour
faire des vafes & des fiatues ; j’en ai vu plufieurs à Rome
qui m’ont paru de la plus grande dureté, cependant lorf-
qu’on laide ces pierres expofées aux injures de l’air, elles
fe couvrent d’une efpèce de poudîère ou rouille qui détruit
infenfiblement leur poli. Il y a en Suède un bafalte cen¬
dré ou noirdtre & feuilleté , nommé faxum trape\um ,
parce que , dans fa fracture , il repréfente quelquefois les
marches d’un efcalier ( trapp en Suédois , veut dire efca-
lier ) : il m’a paru d’un grain moins fin que la vraie pierre
de touche. Lettres de M. Dcmefle , tome I , page 375.
( b ) La pierre de touche a été mal-à-propos nommée
marbre noir : c’eft, félon M. Pott, un fchilte d’un noir
luifant, dont le tilTu eft allez fin, compofé de couches
comme l’ardoife , ne faifant point d’eft'ervefcence avec les
acides , ne donnant d’étincelles avec l’acier , ni ne fe
réduifant en chaux dans le feu ; cette pierre entre par¬
faitement en fufion , fans addition , par l’aftion d’un fe»
violent , & produit un verre en manière de feories , d’un
brun -foncé, quelquefois verdâtre, quelquefois noirâtre;
on en trouve en Bohème, en Saxe, en Siléfie. Minéralogie
de Bomarc , tome /, pages 133 & fuir.
^2 Hijlo'irc naturelle
feulement on doit dire qu’il y a plus d’une
forte de pierre dont on fe fert pour toucher
les métaux , & en effet, il fufht pour l’ufag»
qu’on en fait , que ces pierres foient plus
dures que le métal , & que leur furface ne (oit
pas afl'ez polie pour le laifler gliffer fans l’en¬
tamer.
des Minéraux •
63
i
PIERRE VARIOLITE.
pierres font ainfi dénommées , parce
qu elles préfentent à leur furface , des petits
tubercules allez femblables aux grains & puf-
tules de la petite verole. On trouve de ces
pierres en grande quantité dans la Durance;
elles viennent des montagnes au-deflus de la
vallee de Servières , à deux lieues de Brian¬
çon , d où elles font entraînées par les eaux
en morceaux plus ou moins gros; elles fe
trouvent auffi en mafles allez confidérables
dans cette meme vallee (*r)- M. le doéleur
Demefte dit que ces pierres variolites de la
Durance {b), font des galets ou malles roulées
C a ) C’eft à deux lieues de Briançou , que MM. Guettard
Faujas ont découvert, dans la vallée de Servières, la
fource des pierres variolites qu’on rencontre daus la
Durance : on fait combien cette pierre eft rare , & on ne
la eonnoifl'oit jufqu’à préfent qu’en -cailloux roulés; mais
ces Meffieurs l’ont trouvée par grandes maflfes & en rochers :
i! s’en détache , dans les fortes gelées , des pièces qui
font entraînées par le ruiffeau de Servières dans la Du¬
rance , qui les roule & les arrondit. Journal de Phyfique
de M. l’abbé Rosier, mois de Décembre 177 5 , page 517,
(b) Lettres du dofteur D. 'méfié, tome I, pages 377 <S*
fuivantes. - Il me fçmble que l’on doit rapporter aux
pierres variolites le paffage fuivant ; » J’ai vu , dit M.
54 Hifloire naturelle
d’un bafalte grifâtre ou d’un vert-brun, lequel
eft Couvent entre-mêlé de quelques veines
quartzeufes & parfemé de petites éminences
formées par des globules verdâtres, qui font
suffi du bafalte , mais beaucoup plus dur que
la gangue grifâtre, puifque ces globules, moins
ufés que le relie, en roulant forment les
éminences fuperficielles qui ont fait donner à
cette pierre le nom de variolite : ces petites
éminences , dont le centre offre d’ordinaire
un point rouge , imitent en effet affez bien les
pullules de la petite vérole.
Nous devons obferver ici que cet habile
Chimifte fuivoit la nomenclature des Alle¬
mands & des Suédois, qui donnoient alors le
nom de bafalte au fchorl , par la feule raifort
qu’il étoit Couvent configuré en prifme comme
le véritable bafalte ; mais les Naturaliftes ont
rejeté cette dénomination équivoque depuis
qu’ils ont reconnu, avec M. Faujas de Saint-
fond, que le nom de bafalte ne devoit être
Demefte , dans différens cabinets , des bafaltes en galets
qui ne font que des morceaux de bafaltes roulés & arron¬
dis par les eaux; ils étoient compofés d’un bafalte grisâtre
parfemé de taches brunes , qui font de petites portions
globulenfes d’un bafalte brun , d’une formation peut être
antérieure à celle d’un bafalte grisAtre qui leur fort de
gangue. Ces aiorceaux , trouvés dans Nie de Corfe, ont
beaucoup d’analogie avec certains bafaltes volcaniques,
fie pourraient bien n’être qu’un produit du feu; il faudrait,
dans ce cas , les ranger parmi les produits de volcan ».
Tome J , pages 377 & fuir.
donné
des Minéraux', 65
^onné fpécifàquement & exclufivement qu'aux
laves prifmatiques , connues fous le nom de
b af altes , tels que ceux de Stolp en Mifnie ,
d’Antrim en Irlande, & ceux du Vivarais,
du Vêlai , de l’Auvergne, &c.
Pour éclaircir cette nomenclature, M.
Faujas de Saint-Fond a obfervé que Wallerius,
qui a nommé cette pierre lapis variolarum ou
variolites, l’a voit rnife au nombre des bafaltes ,
fans ipécifàer fi c’étoit un bafalte volcanique ,
& que fans autre examen , cette dénomination
équivoque a été adoptée par Linnæus,par M.
le baron de Born, & par plufteurs de nos Na-
turahftes François; M. Faujas de Saint-Fond
a donc penfé qu’il falloir déftgner cette pierre
par des caractères plus précis , & il l’a dénom¬
mée lapis varïolites vlrldis verus , afin de la dis¬
tinguer de plufteurs autres pierres couvertes
également de taches & relevées de tnbercules ,
& qui cependant font très-différentes de cel¬
les-ci.
Les Romains ont connu la véritable pierre
variolite. «J’en ai vu une très-belle, dit M.
» Faujas de Saint-Fond, entourée d’un cercle
» d’or, qui fut trouvée en Dauphiné, dans
» un tombeau antique , entre Sufe & Saint-
» Paul-trois châteaux: elle avoit été regardée
» probablement comme une efpèce d’amulette
y) propreà garantir de la maladie avec laquelle
» elle a une forte de reffemblance. Quelques
7} peuplades des Indes occidentales, ayant la
même croyance, portent cette pierre fuf-
7) pendue à leur cou; ils la nomment gama'icou. »
Cette pierre eft particulièrement connue
en Europe, fous le nom de variolite de la Du -
Minéraux, Tome IX, F
66 H'ijloire naturelle
rance , parce qu’elle eft abondante dans cett£
rivière; les torrens la détachent des hautes
Alpes dauphinoifes , dans une étroite & pro¬
fonde vallée , entre Servières & Briançon.
La vraie variolite eft d’un vert plus ou
moins foncé , fa pâte eft fine, dure & fufcep-
tible de recevoir un beau poli, quoiqu’un peu
gras, particulièrement lur les taches.
Les plus gros boutons & protubérances de
la variolite, n’excèdent pas fix à fept lignes
de diamètre, & les plus petites ne font que
d’une demi ligne.
L’on a reconnu da s la variolite quelques
points & des linéamens de pyrite & même
d’argent natif, mais en très-petite quantité.
L’analyle de cette pierre, faite avec beaucoup
de foin par M. Faujas de Saint- Fond, tend à
prouver qu’elle eft compofée de quartz, d’ar¬
gile, de mttgnéfie , de terre calcaire, & d’un
peu de fer qui a produit fa couleur verte, &
que les taches qui forment ces protubérances
fingulières fur les variolites roulées , font
dues à des globules de fchorl plus durs que la
pierre même qui les renferme.
Cette pierre compofée de tous ces élémens,
eft beaucoup moins commune que les autres
pierres , puifqu’on ne l’a jufqu’à préfent trou¬
vée que dans quelques endroits de la vallée
deSeivières en Dauphiné, dans un feul autre
endroit en Suifte , & en dernier lieu dans l’île-
de Corfe. Don Ulloa& M. Valmontde Bomare
di l'en t qu’elle fe trouve aulfi en Amérique,
mais nous n’en avons reçu aucun échantillon,
par nos Correipondans.
des Minéraux , 67
TRIPOLI.
I. E tripoli eft une terre brûlée par le feu
des volcans , & cette terre eft une argile très-
fine, mêlée de particules de grès tout aufti
fines ; ce qui lui donne la propriété de mordre
aff-z fur les métaux pour les polir. Cette terre
eft très-sèche, & fe préfente en maffes plus
ou moins compares , mais toujours friables
& s’égrénant aufti facilement que le grès le
plus tendre : fa couleur jaune ou rougeâtre,
ou brune & noirâtre , démontre qu’elle eft
teinte & peut-être mêlée de fer. Cette terre
déjà cuite par les feux fouterrains , le recuit
encore lorfqu’on lui fait lubir l’aftion du feu,
car elle y prend, comme toutes les autres
argiles , plus de couleur & de dureté , s’émail-
lant de même à la furface , & fe vitrifiant à
un feu très violent.
Cette terre a tiré fon nom de Tripoli en
Barbarie, d’où elle nous étoit envoyée avant
q'i’on en eûtdécouverten Europe ; mais il s en
eft trouvé en Allemagne & en France (tf)»
( a ) On trouve le tripoli dans fcs carrières , à Menât
en Auvergne , & en baffe Navarre , en Allemagne , à
Tripoli en Afrique, &c par lits ou couches dont la pofi-
tion eft indéterminée ; il eft alors tendre ; mais à raclure
qu’il fe sèche , il prend une efpèce de lohdite qui eft
F a
63 Hijloire naturelle
M. Gardeil nous a donné la defcription de là
carrière de tripoli qui Te trouve en Bretagne,
à Poligny près de Rennes ; mais cet Oblerva-
teur s’ell trompé fur la nature de cette terre
qu’il a cru devoir attribuer à la décompofirion
des végétaux (/>). D’autres Obfervateurs ,
quelquefois fufceptible du poli. ... Il y en a de différentes
couleurs , de blanc , de gris , de jaunâtre , de rouge , de
noirâtre, de veiné, &c. Le meilleur, au jugement des
Lapidaires , des Orfèvres & des Chaudronniers , eft celui
qui a une couleur jaunâtre ifabelle , il polit St blanchit
mieux leurs ouvrages. Minéralogie de Bomare , tome I,
pages 60 & fuiv.
(b) La carrière de tripoli , du vîl'age de Poligny, fe
trouve fur la route de Nantes , à cinq lieues de Rennes y
c’eft-à-dire , à trois lieues au-delà de Pompéan , où il y
a une excellente mine de plomb fubmergée depuis 1750 :
cette mine de plomb eft dans un pays fehifteux.
En entrant dans ces efpèces de puits qu’on a creufés
fur le coteau de la montagne , qui eft d’environ cinq cents
pieds de liant, M. Gardeil vit que le tripoli qu’on en
tire, n’eft que du bois foffîle qui a fouffert dans l’intérieur
de la terre une altération propre à le rendre tel ; car ,
en jettant les yeux fur le fond de ces puits , on ne voit
que de grands troncs d’arbres placés à côté les uns des
autres , & formant comme le plan d’un bûcher qui a la
même inclinaifon que le penchant de la colline-... La
colline qui renferme le bois f olîile & le tripoli , eft toute
couverte de grès ; ce qui peut faire croire qu’elle doit
fa formation aux eaux ; il fe trouve dans ce grès de
grandes couches de quartz.
Au refte , il paroît que la longue colline où fe trouve
des Minéraux'. 69
& en particulier M.rs Guettard, Fougeroux
de Bondaroy & Faujas de Saint-Fond (c),
le tripoli , ■ eft remuée depuis un grand nombre de fièdes
pour en tirer cette matière : on y a creufé plufieurs puits
qui fe bornent tous à une médiocre profondeur , qui efi
fans doute la fin du bois toffile ; il eft même arrivé fou-
vent qu’en creufanr de nouveaux puits , on n’a trouvé
que des terres remuées & non du tripoli : & les ou¬
vriers affûtent que cette matière manque dans les deux
tiers de la colline ; ce qui prouve l’antiquité de ces
travaux. Extrait d'une Lettre furie tripoli , à M. de J u fieu ,
par M. Gardeil , dans les Mémoires des Savons Etrangers ,
tome 111 , pages 19 & fuiv.
(c) Voici un pairage de M. Grangier de Verdière,
Confeiller aupréfidial de Riom, rapporté par M. Guettard,
au fujet des carrières de tripoli de Menât.
» Les carrières de tripoli, dit M. Granglea , font près
de Menât, village à fept lieues de Riom, & à une lieue
& demi de Potizol. ... A l’ilTue de quelques gorges, il fe
préfente une colline où eft fitué le village de Menât ;
pour y monter , il faut pairer un ruilfeau , appelle le
ruiffeau de la mer , qui coule d’Orient à l’Occident. . . .
Les bords de ce ruiffeau font entièrement compofés de
ce tripoli ; celui qui eft rouge a des bancs qui ont à
peu-près dix-huit pouces d’épaiffeur, & qui font divifés
par feuillets; ils forment en totalité une élévation au-
deffus de l’eau d’environ quinze ou feize pieds ; ils font
tous inclinés félon le courant de l’eau, c’eff-à-dire , de
l’Orient à l’Occident. . . . Ces bancs ne paroiffent féparés
que par des teintes plus ou moins rouges; au-deffns des
plus élevées , il y a encore une douzaine de pieds d’iiau-
7 O Hiflo'ire naturelle
ont relevé cette erreur, & ont démontré que
les végétaux n’ont aucune part à la formation
teur en terrein cultivé & portant blé. Ce terrein parti¬
cipe à la cou eur (le? bancs de tripoli , mais moins toncée:
ils parcourent une étendue d’environ cent pieds de lon¬
gueur en defcendant le ruilTeau, depuis l'endroit où ils
commencent jufqn’à un point où ils finiiïent..
» En remontant le ruilfeau , depuis l'endroit où com¬
mencent ces bancs , on trouve une autre forte de tripoli
qui eft noir , fembluble au rouge quant à l’époifleur des
bancs & à leur inclinaifon. Les bancs d’une troiûème
forte, de couleur grife, font ifolés on plutôt ils coupent
quelquefois les bancs de tripoli noir , & forment ainfi
diftérens intervalles dans la malle totale de ce dernier
tripoli. Ces deux dernières fortes font , de même que les
rouges , fous un terrein cpii paroît avoir quinze pieds de
haut & féparé du tripoli par une bande de terre janne
épailfe de quatre à cinq pouces.
r> Ayant fait décbaulTer avec des pioches plufieurs bancs
de tripoli , j’ai trouvé dans l'intérieur une efpèce de mar-
cafïïte fort pefante , dure , brillante , & jetant une odeur
de foufre. . . On trouve de ces mêmes marcaflîtes dans
les bancs fur lefquels le rniffeau coule.
» En continuant de fouiller dans le tripoli noir, à cinq
ou fix pieds de hauteur au-delfous de l’eau , & ayant tiré
de leur place plufieurs feuillets fans les renverfer , j’y ai
trouvé un fel piquant qui en cotivroit tonte la fuperficie ,
& fur quelques autres une criftallifation en forme d’étoiles ,
enfin fur quelques autres une efpèce de rouille de couleur
jaune.
„ L’étendue de tous ccs bancs peut avoir en longueur
trois cents pieds depuis l’endroit où ils commencent juf-
des Minéraux'.
du tripoli (i). Ils ont obfervè avec foin les
carrières de tripoli, à Menât en Auvergne.
tiu’à leur jon&ion avec les rouges. Sur le terrein qui
couvre ces derniers, & parmi les morceaux qui en font
détachés , on trouve une efpèce de mâchefer : les cailloux
qui s’y rencontrent font de même qualité que ceux des
environs dont on fe fert pour bâtir à Menât; ils font
pour la plupart feuillettes & remplis de paillettes bril¬
lantes ; on n’y en trouve aucun oblong ni applati par les
côtés.
» Les carrières qui bordent le côté gauche du ruifTeau
en remontant , font beaucoup moins abondantes que celles
qui font à droite.
» En général , il y a parmi les pierres dont parle
M. Grangier, dit M. Guettard , des pierres de volcan,
des quartzsi, du granit , des pierres talqueufes & du fchifte ».
Mémoires de l’Académie des Sciences , 1755 , pages 177
& fuiv.
( d ) On eft alluré que le tripoli n’eft point un bois
•foffile altéré , & que les bois faillies des tripolières de
Poligny en Bretagne , fe font trouvés accidentellement
dans une terre de tripoli qui les a pénétrées, tout comme
ils auraient pu être enfevelis fous des terres argileufes
ou calcaires- 11 y a des carrières de tripoli à Menât , à
fept lieues de Riom en Auvergne , qui prouvent que
cette matière eft abfolument étrangère au bois faillie. On
trouve te tripoli ordinairement difpofé par lits : il eft
très léger , fec & grenu au toucher , abforbant l’eau avec
bruit, fans perdre de fa confiftance , durcilfant lorfqu’on
J’expofe à un feu violent , & ne faifant point d’eti'er-
vefcence avec les acides. Le tripoli ell en général d’une
couleur qui tire un peu fur le rouge ; il varie cependant
*Ji Hijloire naturelle'.
M. de Saint-Fond en a aulïî reconnu des mor¬
ceaux parmi les cailloux roulés par le Rhône ,
par fa couleur & par fa dureté -, il y en a du noir, du
gris , du blanc , du rougeâtre. On trouve parmi les cail¬
loux roulés de Montclimart , un très beau tripoli rougeâ¬
tre qui a été arrondi par les eaux ; on trouve quelque¬
fois dans ces cailloux de tripoli des corps marins. On
voit dans le cabinet de M. le marquis de Grollier, au
Pont-Diu , non loin de Lyon, un bel ourfin changé en
tripoli , dans une pierre roulée de la même matière , que
nous trouvâmes en examinant enfemble les cailloux roules
des environs de Montclimar , parmi lefquels on voit des
malles très curieufes de bafalte, qu’une irruption dilu¬
vienne a tranfportées du Vivarais , éloigné d’une lieue de¬
là , de l’autre côté du Rhône. Recherches fur les volcans
éteints , par M ■ Faujas de Saint-Fond , page 162. — Les
pierres des environs de Menât , » dit M. de Bondaroy,
celles de Poligné , près des carrières où fe trouve le
rripoli , font fchifleufes & plus ou moins rouges. . . Ces
pierres particulièrement dans la carrière de Poligné, annon¬
cent le feu qui y a palTé, elles font rédunites en écume
plus ou moins légère ; ce font des vraies pierres brûlées :
rien ne peut biffer d’incertitude fur le feu qui a été aux
environs de cette carrière ; des pierres ont été fondues ,
& on ne trouve le tripoli qu’aux environs de l’endroit
où la préfence du volcan eftla plus apparente. A Poligné,
la partie de la carière qu’on a clioifie de préférence pour
l’ufnge , femble à la vérité avoir été lavée par les eaux ,
& s’ètre formée du dépôt des parties les plus légères &
les plus fondues. C’eft aulTi le fentiment de M. Gucttard ,
mais c’eft la môme pierre qui a foulfert , comme les voi-
fines , la chaleur du feu fouterrain : outre les pierres
près
àes Minéraux 2 y y
près de Montelimar-t , dont les plus gros font
des malfes de bafalte entraînées, comme les
morceaux de tripoli, par le mouvement des
eaux.
Par cet expofé, & d’après les faits obfer-
ves par Mrs Faujas de Saint- Fond & Fou-
geroux de Bondaroy (c), on ne peut guère
douter que le tripoli ne doive fon origine à la
décompoütion des pierres quartzeufes ou ro¬
ches vitreufes , mêlées de fer, parl’aftion des
elémens humides qui les auront di vifées , fans
ôter à ces particules vitreufes leur entière
dureté.
brûlées qui dénotent l’effet des feux fouterrams , M.
Grangier a retire , du tripoli de Menât es Augergne , du
foufre & du fer. J’ai obtenu, de celui de l’olïgné,' du
foufre & de l’alun , que l’on fait être des produits de
volcan ». Sur la pierre appelée tripoli, par M. Fougeroux
de Bondaroy , Academie des Sciences , annnée 1769, pages
272 & fttiv.
(c) Voyez la Rote précédente.
Minéraux. Tome IX.
G
74
Iïiflolre naturelle
PIERRES PONCES.
M . Daubenton a remarqué & reconnu le
premier, que les pierres ponces étoient com-
pofées de filets d’un verre prelque parfait, &
M. le chevalier Polomieu a fait de très bon¬
nes obfervations fur l’origine &: la nature de
cette produélion volcanique ; il a oblervé dans
les Voyages , que l’île de Li pari eft l’immenfe
magafin qui fournit des pierres ponces à toute
l’Europe, que plufieurs montagnes de centre
île en font entièrement compofées : il dit qu’on
les trouve en morceaux ifoles dans une poudre
bLnche, farineufe,& qui n’eft elle -même
qu’une ponce pulvérulente,
La fubftançe de ces pierres, fur-tout des
plus légères, eft dans un état de fritte très-
rapproché d’un verre parfait : leur tiftu eft
fibreux , leur grain rude & fec , elles paroiftent
luifantes & foyeufes, & elles font beaucoup
plus légères que les laves ou poreufes ou
cellulaires.
Cet illuftre Obfervateur diftingue quatre
efpèces de ponces qui diffèrent entr’elles par
le grain plus ou moins ferré, par la pefanteur ,
par la contexture & par la difpofmpn des
P0reS rr
» Les pierres ponces , dit il, paroiftent avoir
» coulé à la manière des laves, avoir formé,
» comme elles , de grands courans que 1 on
» retrouve à diftérentes profondeurs, les uns
des Minéraux'. 7-
t> au- deflus des autres, autour du groupe des
» montagnes du centre de Lipari . Les
»> pierres ponces pefantes occupent la partie
j> inférieure des couransou malîifs , les pierres
» légères font au-deflus; & il en eft de même
„ des laves dont les plus poreufes & les plus
» légères occupent toujours la partie fupé-
j, rieure. » ( a )
Il oblerve que les îles de Lipari & de Vul-
cano, font les feuls volcans de l’Europe qui
produifent en grande quantité des pierres pon¬
ces ; que l’Etna n’en donne point, & le Veluve
très peu; qu’on n’en trouve pas dans les vol¬
cans éteints de la Sicile, de l’Italie, de la
France, de l’Efpagne & du Portugal. Cepen¬
dant M. Faujas de Saint-Fond en a reconnu de
bien caraélérifées en Auvergne, fur la mon¬
tagne de Polagnac , à trois lieues de Clermont,
route de Rochefort.
En examinant avec foin les differentes for¬
tes de pierres ponces , M. le chevalier de Do-
lomieu a obfervé que les plus pefantes avoient
le grain , les écailles luifantes, & l’apparence
fiffile du fchifte micacé blanchâtre. .... Il a
trouvé dans quelques-unes des relies de gra¬
nit, qui en préfentoient encore les trois par¬
ties conftituantes , le quartz, le feld- fpath &
le mica. On fait d’ailleurs que le granit fe
fond en une efpèce d’émail blanc & bourfouflè.
» J’ai vu, dit-il, ces granits acquérir par
» degrés le tiffu lâche & fibreux, & la con-
( a) Voyages aux îles de Lipari; Paris, in- 4°.
G 2
j(x U; faire naturelle
>> finance de la ponce , je ne puis donc douter
», que la roche feuilletée graniteufe & micacée,
» & le granit lui - même, ne foient les ma-
n tières premières, à l’altération defquelles
» on doit attribuer la formation des pierres
v ponces.» £t il ajoute avec raifon, que la
rareté des pierres ponces viçnt de ce qu’il y
a très- peu de volcans qui foient fttués dans
les granits, qu’ils fe trouvent prefque tou¬
jours dans les lchiftes & les ardoiles , matières
qui, travaillées par le feu & beaucoup moins
dénaturées qu’on ne le fuppofe , fervent de
bafe aux laves ferrugineufes noires & rouges ,
que l’on rencontre dans tous les volcans. M.
Dolomieu obferve , i.° que, pour qu’il y ait
production de pierres ponces, il faut que le
granit foit d’une nature très-fufible , c’eft-à-
dire , mêlé de beaucoup de feld-fpath, & que
le feu du volcan foit plus vif & plus a&if qu’il
ne l’eft communément. On reconnoît , dit-il ,
que la fufîon a toujours commencé par le feld-
ipath , & que le premier effet du feu fur le
quartz a été de le gercer & de le rendre pref¬
que pulvérulent; a.° que cette produéfion
peut s’opérer dans les roches granitiques , qui
renferment entre leurs bandes & roches feuil¬
letées, micacées noires & blanches, & des
granits fiffiles ou gncls t dont la baie ert un
feld-fpath très-fufible, telles qu’il l’a oblervé
dans les granits qui font en face de Lipari 6c
qui s’étendent jufqu’à Melazzo ( b ).
(/> ) Voyages aux île* clc Lipari; Paris , in-S°t
des Minéraux'. 77
Au refte , les pierres ponces les plus légères
& de la meilleure qualité , font fi abondantes à
l’île de Lipari, que plufieurs Navires viennent
chaque année en faire leur approvifionnement
pour les tranfporter da-ns différentes parties de
l’Europe.
M. Faujas de Saint-tond ayant examiné les
différentes fortes de pierres ponces qui lui ont
été données par M. le chevalier de Dôlomieu ,
fait mention de plufieurs variétés de ces pierres
( c ) , dont les unes font compactes & granl-
toïJes , & indiquent le premier paffage du gra¬
nit à la pierre ponce;, d’autres qui, quoique
compares , font compofées de filets vitreux ,
& tiennent plus de la nature de la pierre ponce
que du granit : d’autres légères, blanches &
poreufes avec des ftries foyeufes, & ce font
les pierres ponces parfaites qui fe foutiennent
& nagent fur l’ean ; leur grain eft fec , fin &
rude, & elles fervent , dans les arts , à dégroffir,
& même à polir plufieurs ouvrages. Tous les
filets vitreux de ees pierres font très-fragiles ,
& n’ont aucune forme régulière ; il ÿ en a de
cylindriques, de comprimés, de tortueux, de
gros à la bafe, & capillaires à l’extrémité. On
trouve affez fouvent dans ces pierres, des
vides occafionnés par des foufflures; & c’eft
dans ces cavités où l’on voit des filets déliés
&fi fins qu’ils reffembient à dé la foie : d’autres
enfin font très-légères , farineufes & friables.
( e ) Minéralogie des volcans , chapitre x y , pages z6S
& [iA\f
78 Hiftolre naturelle
celles ci font fi tendres & ont fi peu de cotî-
fiftance, qu’elles ne font d’aucun ufage dans
les arts ; cette forte de ponce a été furcalcine e ,
& s’eft réduite en poudre; on a donné mal à-
propos à cette poudre le nom de cendres , dont
elle n’a que la couleur & les apparences ex¬
térieures. On la trouve en très-grande abon¬
dance à l'île de Lipari , à celle de Vulcano,
& dans difïérens autres lieux.
M. Faujas de Saint - Fond préfume avec
fondement, que toutes les fois que le granit
contiendra du feld-fpath en grande quantité,
l’aéïion du feu pourra le convertir en pierre
ponce, & qu’il en fera de même de toutes les
pierres & terres où la matière quartzeufe fe
trouvera mêlée de feld-fpath en affez grande
quantité pour la rendre très-fuftble. On peut
même croire que le bafalte remanié par le feu
formera de la pierre ponce noire ou noirâtre;
& que les grès & fehiftes mêlés de matières
calcaires qui les rendent fufibles , pourront
ai;»Tt fe convertir en pierres ponces de diverfes
couleurs.
des Minéraux'.
79
3K:>îGfO#D^3*€>*Oa0#O*G«e*0*GJOJG»ô»C=5oe
POUZZOLANE.
P ersonne n’a fait autant de recherches que
M. Faujas de Saint-Fond fur les pouzzolanes
(a) : on ne connoiflbit avant lui , ou du moins
( a ) La pouzzolane e(t un ciment naturel formé par les
fcories & par les laves des volcans. . . Les Romains s’en
font beaucoup fervis pour les acqueducs , pour les confer-
ves d’eau , & généralement pour tous les ouvrages expo-
fés à une humidité habituelle* La pouzzolane mêlée dans
les proportions requifes avec de la bonne chaux , prend
corps dans l’eau , & y forme un mortier fi adhérent 8e
fi intimement lié , qu’il peut braver impunément l’action
des flots , fan» éprouver la moindre altération.
11 y a plufieurs variétés dans la pouzzolane :
i°. La pouzzolane graveleufe , compafte. pouzzolane
bafaltique : la lave compafte, le bafalte réduits en petits
éclats , en fragmens graveleux , foie par la Nature , foit
par l’art en les pulvérifant à l’aide de moulins , fembla-
bles à ceux dont les Hollandois font ufage pour piler
une lave plus tendre, connue fous le nom de iras on
pierre ù'andcmach , peuvent fournir une pouzzolane excel¬
lente 8c propre à être employée dansr l’eau , Sc hors de
l’eau :
i°. Pouzzolane poreufe formée par des laves fpon-
gieufes , friables, réduites en pouffière ou en petits grains
irréguliers. C’elt la pouzzolane ordinaire , fi abondante
dans les environs de Bayes, de Pouzzoles , de Naples»
G 4
8o H'iflolrt naturelle
on ne faifoit ufage que de celles d’Italie , & il
a trouvé dans les anciens volcans du Vivarais,
de Rome, & dans plufieurs parties du Vivarais ; &c. le
principe ferrugineux de ees laves ayant éprouvé différen¬
tes modifications , a produit des variétés dans les couleurs
de cette terre volcanique ; il en exifte de la rouge , de
la noire , de la rougeâtre , de la grife , de la brune , de
la violâtre, &c. .. Toutes étant mélangées avec la chaux
ont la propriété d’acquérir une grande dureté dans l’eau.
Cette pouzzolane porcufe fe trouve ordinairement en
grands maffifs, difpofés quelquefois en manière de couraus
dans le voifmage des cratères ou de certaines bouches à
feu moins conüdérables : l’on en vent qui eft naturelle¬
ment réduite en pouffière , mais il s’en préfente le plus
fouvent en grandes malles feorifiées qui ont une certaine
adhérence , & que l’on eû obligé de rompre avec des
marteaux. ... Il faut chercher ces pouzzolanes dans les
parties où font les laves poreufes , c'eft à-dire , daus le
voifmage des volcans :
3°. Pouzzolane argileufe, roHgeâtre , ou d’un rouge-
vif ou d’un gris-jaunâtre , affectant même fouvent d’autres
couleurs , d’une pâte ferrée & compare , mais tendre &
terrenfe, renfermant fouvent des grains ou petits criftaux
de fchorl noir intaft -, quelquefois de chryfolite volcanique
friable.
Cette pouzzolane, quoique happant la langue, & ref-
femblant à une efpéce de bol ou d’argile , eff admirable
pour la conffruction ou le revêtement des baffins, & en
général , pour tous les ouvrages continuellement expofés
à l’eau. Cette pouzzolane n’eft point une argile , quoi¬
qu'elle lui rcffemble , mais c’eft un vrai détriment des
bafaltes & d«s laves , car on y trouve fouvent des mqe-
des Minéraux, 8 1
des pouzzolanes de la même nature, & qui
ont à peu-prés les mêmes qualités que celles
de l’Italie ; on doit même préfumer qu’on en
trouvera de femblables aux environs de la
plupart des volcans agiffans ou éteints; car
ce n’eft pas feulement à Pouzzoles, d’où lui
vient fon nom, qu’il y a de la pouzzolane,
puifqu’il s’en trouve dans prefque tous les
terreins volcanifés de Sicile, de Naples, &
delà campagne de Rome. C e produit des feux
fouterrains peut fe trouver dans toutes les
régions où les volcans agilTent ou ont agi , car
eeaux qui font moitié bafalte & moitié lave argilacfe;
elle contient un peu de fer en état métallique , car elle
fait mouvoir l’aiguille aimantée ... On en exploite une
très riche mine dans le Vivarais :
Pouzzolane mélangée d’un grand nombre de matières
volcaniques, & d’une certaine quantité de fubftanees cal¬
caires , qui loin d’en diminuer la bonté , la rendent au
contraire, plus propre à former un ciment des plus felides,
qui fait une forte prife dans l’eau , & qui réftfte très
bien à toutes les intempéries de l’air lorfqu’on l’emploie
dans la conftruftion des terrafTes.
5°. Pouzzolane dont l’origine efl due à de véritables
pierres ponces , réduites en poulîière ou en fragmens. Le
ciment fait par cette matière eft excellent, fur-tout lorf-
qu’elle eft réduite en fragmens plutôt qu’en pouJière.
Cette variété eft rare dans les volcans éteints de la
France , elle eft plus commune dans ceux de l’Italie &
de la Sicile , aux îles de L'pari & de Vuleano. Minéra¬
logie des volcans , par M. Fau/as de Saint-Fond , in-S°»
ehap, xyin, pages 359 6*
82 Hijloire naturelle
on connci: affez anciennement les pouzzolanes
de l’Amérique méridionale; celles de la Gua¬
deloupe & de la Martinique ont été reconnues
en i6>,6 (£); mais c'eft à M. Ozi, de Cler-
( b ) Je ne connoilTois point la pouzzolane la première
fois que j’allai à la Guadeloupe, en 1696, & je ne pen-
fois feulement pas que le ciment ou terre ronge que l’on
trouve en quelques lieux de cette île, fût cette pouzzo¬
lane dont on fait tant de cas en Europe ; j’en avois fait
employer à quelques réparations que j’avois fait faire au
canal de notre moulin , & j’avois admiré fa bonté ; mais
ayant fait venir de France quelques livres , entr’autres
Vitruve , commenté par M. Perrault , je connus , par la
defeription qu’il fait de la pouzzolane d’Italie, que ce
qu’on appelolt ciment ou terre rouge à la Guadeloupe ,
étoit la véritable pouzzolane . On la trouve, pour
l’ordinaire, aux îles, par veines d’un pied & demi à
deux pieds d’épailfeur ; après quoi on rencontre de la
terre franche , épaiffe d’environ un pied , & enfuite une
autre épailfeur de ciment ou pouzzolane ; nous en avons
en deux ou trois endroits de notre habitation : il y en a
encore auprès du bourg de la balle-terre , & en beau¬
coup d’autres lieux ; & fi on vouloit fe donner la peine
de chercher, on en trouveroit encore davantage.
La première expérience que je fis , pour m’aflurer de
la vérité, fut d’en faire du mortier tiercé dont je fis
une mafTe de fept à huit pouces en carré, que je mis
dans une cuve que je fis remplir d’eau douce , de manière
que l’eau la furpaffoit de fept à huit pouces s cette malle,
bien loin de fe d< (Foudre , fit corps , fe fécha , & en moins
de trois fois vingt-quatre heures , elle devint dure comme
une pierre ; je fis la même chofe dans l’eau falée avec
des Minéraux. 83
mont-ferrand , & enfuite à MM. Guettard,
Delmarets & Pafumot , qu’on doit la connoif-
fance de celles qui fe trouvent en Auvergne;
& enfin à M. Faujas de Saint-Fond la décou¬
verte & l’ufage de celles du Vêlai & du Viva*
rais, découverte d’autant plus intérefiante ,
que ces pouzzolanes du Vivarais pouvant être
conduites par le Rhône jufqu’à la mer, pour¬
ront, firton remplacer, dumoins fuppléer à
celles que l’on tire d’Italie, pour toutes les
conftruétions maritimes & autres qu’on veut
défendre contre l’aélion des élémens humides.
Les pouzzolanes ne font cependant pas
abfolument les mêmes dans tous les lieux:
elles varient, tant pour la qualité que par la
couleur; il s’en trouve de la rouge & de la
le meme fuccès ; enfin une troifième expérience que je
fis , fut de mêler des pierres de différentes efpèces dans
ce mortier , d’en faire un cube , & de mettre le tout
dans l’eau ; elles firent un corps très bon , qui fécba à
merveille , & qu’on né pouvoit rompre deux ou trois
jours après qu’à force de marteau.
J’en ai découvert une veine allez confidérable au
mouillage de la Martinique , au-deffous 8c un peu à côté
de la batterie de Saint-Nicolas : la couleur étoit un peu
plus claire & le grain plus fin ; pour tout le refte , c’étoit
la même cliofe. J’en ai employé une quantité confidéra¬
ble , après m’être affuré de fa qualité par les mêmes
épreuves que j’avois employées pour connoitre celle de
la Guadeloupe. Nouveaux Voyages aux iles de l’Amcri-
que ■, Paris, 1721, tome V , pages 386 & fuiv.
§4 H'ifioire naturelle
grife en Vivarais, & celle-ci fait un trsortiet*
plus dur & plus durable que celui de la pre¬
mière.
Toutes les pouzzolanes proviennent égale¬
ment de la première décompofition des laves
& bafaltes , qui * comme nous l’avons dit, fe
réduifent ultérieurement en terre argileufe,
ainfi que toutes les autres matières vitreufes,
pat la longue impreffion des élémens humides ;
mais , avant d’arriver à ce dernier degré de
décompofition , Us bafaltes & les laves, qui
toujours contiennent une affèz grande quantité
de fer pour être très attirables à l’aimant, fe
brifent en poudre vitreufe mêlée de particules
ferrugineui'es, & la pouzzolane n’eft autre
chofeque cette poudte; elle eft d’autant meil¬
leure pour faire des cimens que le fer y eft
en plus grande quantité , & que les parties
vitreufes font plus éloignées de l’état argileux.
Ainft la pouzzolane n’eft qu’une efpèce de
verre ferrugineux réduit en poudre; il eft
très- poffible de compofer une matière de même
nature, en broyant & pulvérifant les crajfes
qui s’écoulent du foyer des affineries où l’on
traite le fer; j’ai fouvent employé ce ciment
ferrugineux avec fuccès , & je le crois équi¬
valent à la meilleure pouzzolane ; mais il eft
vrai qu’il feroit difficile de s’en procurer une
quantité fuffifante pour faire de grandes conf-
truèlions. Les Hollandois compolent une forte
de pouzzolane qu’ils nomment tras, en broyant
des laves de volcans fous les pilons d’un
bocard : la poudre qui en provient eft tamifée
au moyen d’un crible qui eft mis en mouye;
des Minéraux'. S J
ment par l’élévation des pilons, & le tras
tombe dans de grandes cailles pratiquées au-
defTous de l’entablement des pilons : ils s’en
fervent avec fuccès dans leurs conftruttions
maritimes.
86
Hijlo'irc naturelle
Jddjtion à l'article du Feld-fpath , Volume I,
pare 73 ; & du Feld-fpath de Rujfie , volume
Vil , page 58.
M. Pallas confirme , par de très - bonnes
obfervations , ce que j’ai dit au fujet du feld-
fpath qui ie trouve prefque toujours incorporé
dans les granits , & très rarement ifolé ; il
ajoute que ces feld-fpaths ifolés fe rencontrent
dans les filons de certaines mines, & que ce
n’eft prefque qu’en Suède & en Saxe qu’on
en a des exemples.
» Le feld-fpath qui eft la même chofe que
J> le petunt fe, dont on fe fert pour faire la
„ porcelaine, eft, dit ce favant Naturalifte,
„ ordinairement d’une couleur plus ou moins
« grife dans les granits communs ; mais il
y> s’en trouve quelquefois en Finlande, du
„ rouge ou rougeâtre dans un granit, qui
y, dès- lors eft égal en beauté au granit rouge
» antique. Lorf'que le feld-fpath fe trouve
v mêlé, comme c’eft le plus ordinaire, dans
» nos granités avec le quartz & le mica, on
>, le voit quelquefois former des maflès de
» plufieurs pouces cubes; mais plus fouvent
» il n’eft qu’en grains, & repréfente tréquem-
» ment de vrais granitelles. C’eft une efpèce
y) de granitelle , coupée de grottes veines de
» quartz demi traniparent, qui fournit aux
» environs de Catherine - bourg , la pierre
des Minéraux §r
t» connue fous le nom A' alliance, dont on ne
i> connoît prefque pas d’autres exemples.
» 11 eft très- rare dans l’empire de Ruflïe,
» de trouver de ces granits {impies, c’eft-à-
» dire , uniquement composés de quartz & de
« feld-ïpath; il eft encore plus rare de trouver
» des roches prelque purement compofées de
« feld-fpath en crifta dilations plus ou moins
v confufes : cependant je connois un exemple
» d’un tel granit lur le Selengha , près de la
» ville de Selenghinsk, où il y a des mon-
» tagnes en partie purement compofées de
» feld fpath gris, qui le décompoi'e en gravier
» & en fable.
» Un fécond exemple d’une roche de feld-
« fpath prefque pure, eft cette pierre cha-
» toyante analogue à la pierre de Labrador,
« qu’on a decouverte aux environs de Pérers-
» bourg : la couleur obfcure, le chatoiement
» & la pâte de cette pierre la rendent fi
» femblable à celle que les frères Moraves
» ont découverte fur la côte des Ffquimaux,
» & débitée fous le nom de Labrador, qu’à
» l’afpeft des premiers échantillons que j’en
» vis, je fus tenté de les déclarer étrangères
» & véritables pierres de Labrador ; mais ,
» par une comparaison plus attentive, l’on
» trouve bientôt que le feld-fpath chatoyant
» de RulTie eft,
» i.ç Plus dur , moins facile à entamer par
« la lime , & à le diviler en éclats,
» z.c Qu’il montre conftamment une crif-
v taliilation plus ou moins confufe , en petits
s> lozanges ou parallélipipèdes alongés , qui
*> n’ont ordinairement que quelques lignes
S 8 fJiJloire naturelle
v d’épaiffeur , tandis que la pierre de Labrador
n offre quelquefois des criftaux de plufieurs
»> pouces , & par cette raifon des pians cha-
3> toyans d’une plus grande étendue:
» Que le teld- l'path de Ruffie fe trouve
»> en blocs confidérables, qui femblent avoir
j> été détachés de -«rochers entiers, tandis
» qu’on n’a trouvé la pierre de Labrador qu’en
»> cailloux roulés, depuis la groffeur d’une
»> noifette jufquacelle d’un petit melon, qui
»» femblent avoir appartenu à un filon, &
» offrent fouvent des traces de mines de fer.
)) Les blocs de feld-fpath qui ont été trou\ és
j> entre Pétersbourg Si Peterhoff, nè font
« certainement pas là dans leur fol natal,
» mais ont été cnariés de loin , Si dépofés par
D quclqu 'inondation violente, auflx bien que
» ces autres inombrables blocs de granits &c
a d’autres roches, qu’on trouve lemés far
« les plaines de la Finlande, & jufqu’aux
v montagnes de Valday . Je crois qu’il
j> faudra chercher la véritable patrie de cette
3) pierre chatoyante parmi les montagnes
r> granitiques , qui bordent la mer blanche
v depuis Sorcka jufqu’à Umba.
3> La couleur obfcure & la qualité cha-
3) toyante du feld fpath en queftion , me
33 femblent dépendre d’un même principe co-
h lorant , & ce principe eft le ‘1er, dont les
„ diffolutions par l’acide aérien , fi générale-
33 ment répandues dans la Nature, produifent
33 par différentes modifications, les plus vives
3> couleurs dans les fêlures les moins peixep-
33 tibles des minéraux & des pierres qu’elles
i» pénètrent ; le feld-fpath étant d’une texture
» lamelleufe
des Minéraux'.
89
« lamelleufe doit admettre entre fes feuillets
» ces (olutions colorantes , & produire des
» reflets , lorfque par une coupe un peu obli-
» que, les bords, quoique peu tranlparens,
i> des lames colorées fe prélentent à la lumière.
C’eft en conféquence de cela que les cou-
»> leurs de la pierre chatoyante brillent ordi-
t> nairement par lignes ou raies , qui répon-
»> dent aux lames ou feuillets de la pierre ; 6c
»> des raies obfcures dans un fens , deviennent
» brillantes dans une autre expofition , 6c
» quelquefois préfentent une couleur diffé-
« rente par les reflets changés. »
Minéraux. Tome IX.
H
Hijîoîre naturelle
90
+3»ssâKS8S8S8©8S8S^e^iKH*
Addition à l'article du Charbon de terre.
^^ous avons diftingué deux fortes de char¬
bons de terre (a) , l’un que l’on nomme char¬
bon fec , qui produit „ en brillant , une flamme
légère , & qui diminue de poids & de volume
en fe convertifianr en braife; & l’autre que
l’on appelle charbon colant, qui donne une cha¬
leur plus forte , fe gonfle & s’aglutine en bril¬
lant. Nous croyons devoir ajouter à ce fujet
des obfervations importantes, qui nous ont
été communiquées par M Faujas de Saint-
Fond (b) : ce favant Naturalise diftingué»
comme nous , le charbon fec du charbon ccv-
lant ; mais il a remarqué de plus dans les diffé¬
rentes mines qu’il a examinées en France , en
Angleterre & en Ecoffe , que ces deux fortes
de charbons de terre étoient attachées cha¬
cune à un fol d’une nature particulière, &
que les charbons fecs ne fe trouvoient que
dans les terreins calcaires , tandis qu’au con¬
traire , on ne rencontroit le charbon colant
que dans les terreins granitiques & fchiffeux ;
& voici, d’après M. Faujas , quelle eft la
(a) Voyez dans le fécond volume de cette Hifloire
Naturelle des Minéraux , l’article du Charbon de terre, p. 139.
( b ) Lettre de M. Faujas de Saint Fond , à M. le
comte de Bulfon , datée de Montclimar v 10 Janvier
1786.
des Minéraux. 9 1
qualité de ces deux fortes de charbons , & de
quelle manière chacune d’elles fe préfente.
Le charbon fec étant en maffe continue,
peut fe tirer en gros morceaux ; U eft , comme
les autres charbons , difpofé par lits alternatifs.
Si l’on examine avec attention les lits fupé-
rieurs , on y reconnoît les caraéières du bois ;
& on y trouve quelquefois des coquilles bien
confervées, & dont la nacre n’a été que peu
altérée : lorfqu’on eft parvenu aux couches
inférieures, la qualité du charbon devient
meilleure , Ion tiflu eft plus ferré , fa fubftance
plus homogène ; il offre dans fa calîure des
furfaces lifîes & fouvent brillantes comme
celle du jayet ; & s’il n’en a pas le luilant,
fon grain eft uni, ferré & n’eft jamais lamel-
leux.
Ce charbon fec, lorfqu’il eft de bonne qua¬
lité, répand, en brûlant, une flamme vive,
légère , bleuâtre à fon fommet , affez lemblable
à celle du bois ordinaire ; & l’on obferve qu’à
mefure que ce charbon s’embraie, il fe gerce
& fe fend en plufkurs fens; il perd au moins
un tiers de fon volume & de fon poids en le
con vertiffant en braife, & fes cendres font
blanches comme celles du bo'S.
M. Faujas m’a fait voir des charbons fecs
qui, après avoir été épurés, préfentent évi¬
demment les fibres ligneufes, & même les
couches concentriques du bois qu’il ê toi t diffi¬
cile d’y reconnoître , avant que leur organi¬
sation eût été mile à découvert par l’épure¬
ment ( c ).
H s
( e ) Idm , ibidem ,
91 Hîjloire naturelle
Lorfqu’on fait brûler ce charbon , Ton odeur
eft , en général , plus ou moins défagréable &
forte, fui\ant les diverfes qualités de ce mi¬
néral ; quelquefois elle eit très-foible , mais
fouvent elle eft empyreumatique ou fetide
& nauféabonde, ou la même que celle du foie
de foufre volatil. Au refte , M. Faujas ob'erve
que ces charbons fecs, quoique moins bitu¬
mineux en apparence que les charbons colans,
le lont réellement davantage , & qu’ils pro-
duifent par leur difhllation un cinquième de
plus de bitume , & un tiers de plus d’eau
alkalifée.
Le charbon colant, qu’on appelle suffi char¬
bon gras, différé du charbon fec , en ce qu’il
fe bourfoufle en brûlant , tandis que le charbon
fec fait retraite : ce charbon colant augmente
de volume au moins d’un tiers , il préfente des
pores ou cavités fembîables à ceux d’une lave
îpongieufe, & que l’on reconnoit très- ailé-
ment lorfqu’il eft éteint. C’eft après a\ oir éîé
ainfr dépouillé de fon eau, de 1 alkali volatil
& du bitume, qu’il porre le nom de charbon
épuré en France , & de coak en Angleterre; il
4e réduit en une cendre grife,& foit qu’on
l’emploie dans les fourneaux, en gros mor¬
ceaux ou en pouffière , il s’aglutine & (e colle
fortement, de manière à ne former qu’une
maffe qu’on eft obligé de foulever S i de r ompre,
afin que l’air ne ioit pas intercepté par cette
maffe embrafé-e, & que le feu ne perde pas
fon aélivité.
Ce charbon colant produit une flamme qui
s’élève moins, mais qut eft beaucoup plus
vive & plus âpre que celle du charbon fec j il
des Minéraux. 93
donne une chaleur plus forte & beaucoup plus
durable; il en tort une fumée plus réfineufe
qu’a k ilefcenre , qui n’a point l’odeur fettde
de la plupart des charbons fecs , & même lors¬
qu'elle eft très atténuée elle répand une forte
d’odeur de iuccin. Ce charbon efteompofé de
petites lames fort minces très - luifantes , ÔC
placées fans ordre; & ft ces lames font peu
adhérentes , le charbon efl très friable : il eft
connu alors dans la Flandre, fous le nom de
houille , 61 fous celui de menu poujjicr , dans les
mines du Forés & du Lyonnois ; mais d’autres
fois , ces lames plus lolides & plus adhérentes
entr’elles donnent à ce charbon une continuité
ferme, & qui permet de le détacher en gros
morceaux. Ce charbon folide eft celui qui eft
le plus recherché : fes lames font allez louvent
difpoiéesen ftries longitudinales, & d’un noir
très brillant ; mais le luifant de ce charbon
diffère de celui du charbon fec , en ce que ce
dernier, quoique très luifant, a un grain lerré
& uni, dont le poli natureleft comme cnéhieux,
tandis que les lames du charbon colant ont une
apparence vitreule & brillante. M. Faujas a
aufli obfervé qu’il le trouve quelquefois du
charbon colant , dans lequel la matière bitu-
mineufe paroît affeéter la forme cubique ; &
11 dit que l’on rencontre particulièrement dans
les charbons des environs d’Edimbourg & de
Glafcou, des morceaux qui ne paroilfentcom-
pofés que d’une multitude de petits cubes
bitumineux engagés les uns dans les autres,
mais qui le détachent facilement.
L’on trouve auffi dans ces charbons colans,’
tantôt des parcelles ligneul'es bien caraaeri-,
Hljloîrc naturelle
fées, tantôt des bois pyritifés, & fur-tout
diverfes empreintes de végétaux femblables
à des rofeaux & à d’autres plantes dont il feroit
affez difficile de déterminer exactement les
efpèces; toutes ces empreintes font en relief
d’un côté , & en creux de l’autre ; la fubftance
de la plante adifparu, foit qu’elle ait été
détruite par la pourriture ou qu’elle fe foit
convertie en charbon M. Faujas remarque
avec raifon qu’il feroit très important de com¬
parer ces fortes d’empreintes, & de voir s’il
n’exifleroit pas quelque différence entre les
empreintes des charbons des terreins calcaires,
& celles des charbons des fols granitiques.
A l’égard de la fituation des mines de char¬
bon fec, au milieu des terreins calcaires, les
feuls où on les trouve, fuivanr M. Faujas,
cet habile Minéralogiùe remarque que quand
une mine de charbon fe trouve par exemple
dans les parties calcaires des Alpes , au pied
de quelque efcarpement entièrement dépouillé
de terre végétale , & où la terre eff à nu, l’on
aperçoit tout d’un coup l’interruption de la
roche calcaire dans l’endroit où fe rencontre
le charbon dont les premières couches giflent
fous une efpèce de monticule d’argile pure
ou marneufe , ou mêlée de fable quartxeux ; la
fonde en tire de l’argile plus ou moins pure,
du charbon, de la p;erre calcaire ordinaire¬
ment feuilletée , quelquefois des bois char-
bonifies qui coniervent leurs caractères
ligneux, & qui fon mêlés avec des coquilles:
ces premières couches font fuivies d’autres
lits d’argile, de pierres calcaires, onde char¬
bons dont l’épaillèur varie. Linclinaifon de
des Minéraux. 9 5
ces couches eft la même que celle de la bafe
fur laquelle elles s’appuient, & il eft impor¬
tant de remarquer que l’on trouve fouvent à
de grandes profondeurs , la matière même du
charbon adhérente à la pierre calcaire, &
que , dans les points de contaéî, les molécules
du charbon font mêlées & confondues avec
celles de la pierre , de manière qu’on doic
rapporter à la même époque la formation de
ces pierres calcaires & celle du charbon.
Mais au contraire les mines de charbon
colant , qui font fituées dans les montagnes
granitiques ou fchifteufes , ont été dépofées
dans des efpèces de baftins où les courans de
la mer ont tranfporté les argiles, les fables,
les micas avec les matières végétales ; quel¬
quefois les flots ont entraîné des pierres de
diverfes efpèces & en ont formé ces amas de
cailloux roulés qu’on trouve audeffus ou au-
defious des charbons colans; d’autres fois les
bois & autres végétaux ont été accumulés fur
les fables ou fur les argiles où ils ont formé
des couches parallèles lorfqu’ils ont étédépofés
fur un fol uni & horizontal, & n’ont formé
que des pelotons ou des mafTes irrégulières ,
& des lits tortueux interrompus & inclinés
lorfqu’ils ont été dépofés fur une bafe inégale
ou inclinée; & l’on doit obferver que jamais
le charbon colant ne porte immédiatement
fur le granit. M. Faujas a obfervé qu’il exifte
conftamment une couche de grès , de fable
quartzeux, ou de pierres vitreu-fes roulées &
arrondies par le frottement entre les granits
& les couches de charbon; & fi ces mêmes
couches renferment des lits intermédiaires
$6 H'tjlôîre naturelle
d’arg’Ie en maffe ou d’argile feuilletée, ces
argiles lonr également léparees du granit par
les tables, les grès, les pierres roulées, ou
par d’autres matières provenant de la decom-
pofition des roches vitreufes : telles font les
différences que l’on peut remarquer, fuivant
M. Faujas , entre les charbons fecs & les char¬
bons colans, tant pour leur nature que pour
■leur giflcment dans les terreins calcaires Ô£
dans les terreins granitiques & fchifteux. Ce
Naturalifte préfume avec raifon , que la nature
des charbons fecs , toujours fnués dans les
terreins calcaires, tient en grande partie à
leur formation contemporaine de celle des
fubffances coquilleufes : la matière de ces
charbons s’eft mêlée avec la <ubftance animale
des coquillages dont les dépouilles ont formé
les bancs de pierres calcaires ; & les bois qui
ont été convertis en charbon fec, placés au
milieu de ces amas de matières alkalefcentes ,
fe font imprégnés de l’ai ka 1 i volatil qui s’en
eft dégagé; ce qui nous explique pourquoi ce
charbon rend, par la diftillation , une quantité
d’alkali qui excède du double & du triple , celle
qu’on obtient des charbons colans.
L’on doit ajouter aux caufes de ces diffé¬
rences, entre les charbons colans & les char¬
bons fecs, l’influence de la terre végétale qui
fe trouve en très petite quantité dans le char¬
bon fec , & entre au contraire pour beaucoup
dans la formation du charbon colant ; & comme
cetie terre limoneufe eft mêlée en plus grande
quantité de matières vitreufes que de tubf-
tances calcaires , il poirroit fe faire , ainfi
que l’a obi'ervé M. Faujas, que les charbons
colans
des Minéraux. ç,j
col ans ne fe trouvallent jamais cjue dans les
terreins granitiques & fchiïieux : & c’eft par
cette raifon que cette terre limoneufe qui le
bourfoufle & augmente de volume, lorfqu’on
e.vpole à l’aétion du feu , donne aux charbons
colans la même propriété de fe gonfler, de
s agltitiner , ck de fe coler les uns contre les
autres lorfqu’on les expofe à l’aftion du feu.
i pius multipliera les obfervations fur les
.cuarbons de terre, & plus on reconnoîtra
entre leurs couches & fur tout dans les lits
fupérieurs, des empreintes de diverfes fortes
de plantes : « J’ai vu , m’écrit M. de Morveau ,
3> dans toutes les mines de charbon de Rives-
)) de-Gier, de Saint - Chaumont & de Saint-
” Berain , des empreintes de plantes , des
3> prêles, des caille-laits, des joncs, dont
3j l’écorce eft très-connoifTable , & qui ont
3> jufqu’à un pouce de diamètre, un fruit qui
33 joue la pomme de pin , des fougères fur tout
3’ en quantité. J’ai obfervé dans les contre-
33 parues de ces fougères, que, d’un côté,
33 les tiges & les côtes entières étoient en
3> reiief ck les feuilles en cre ux , de 1 autre
33 côté les côtes & les tiges en creux & les
33 feuilles en relief; quand les (chiffes où font
» ces empreintes font très micacés, comme
» dans un morceau que j’ai trouvé à Saint-
»? Berain , on y diftingue parfaitement la lubf-
33 tance meme de la plante Ck des feuilles,
» qui y forme une pellicule noire que l’on
’» peut détacher, quoique très mince. J’ai vu
’’ dans le cabinet de M. le Camus , à Lyon
” dans un de ces (chiffes de Saint-Chaumont,
’3 un fruit rond de près d’un pouce d’épaiflèur
Minéraux. Tj/nc IX. 1
ç8 Hïjloïre naturelle
» dont la coupe préfente trois couches con-
« centriques ; il croit que c’eft une efpèce
» de noix vomique ( d ) » Toutes ces em¬
preintes végétales achèvent de démontrer la
véritable origine des charbons de terre, qui
ne font que des dépôts des bois & autres végé¬
taux dont l'huile s’eft avec le temps convertie
eo bitume par fon mélange avec les acides
de la terre. Mais Iorfque ces végétaux confer-
vent plus ou moins les caraélères extérieurs
de leur première nature , lorfqu’ils offrent
encore prefque en entier leur contexture &.
leur configuration , & que les huiles & autres
principes inflammables qu’ils renferment ,
n’ont pas été entièrement changés en bitume ,
ce ne font alors que des bois ou végétaux fol-
files qui n’ont . pas encore toutes les qualités
des charbons de terre , & qui , par leur état
intermédiaire entre ces charbons & le bois
ordinaire, font une nouvelle preuve de l’ori¬
gine de ces mêmes charbons qu’on ne peut
rapporter qu’aux végétaux. On rencontre
particuliérement de ces amas ou couches de
bois foflïle à Hoen & Stock-haufen , dans le
pays de Naffau ; à Satfeld, près de Heiligen-
brom (e), dans le pays de Dillembourg en
Allemagne, dans la Wetéravie, &c. il y en
a aulïï en France, & on a découvert une de
( d ) Extrait d’une lettre de Ifl. de Morvean h M. le
comte de Bufîon , en date du 20 Novembre 1779-
(c) Du charbon de terre & de fes mines, par M.
tylvranâ) pa^es S é 9.
des Minéraux t 99
ces forêrs fouterraines , entre Bourg-en-BrefTe
& Lons-le-Saunier (/); mais ce n’eft pas
feulement dans quelques contrées particulières
qu’on rencontre ces bois fofiiles ; on en trouve
dans la plupart des terreins qui renferment des
charbons de terre, & en une infinité d’autres
endroits. Ces bois fofiïles ont beaucoup de
rapports avec les charbons de terre, parleur
couleur, par leur difpofition en couches,
par les terres qui en féparent les difterens lits ,
par les Tels qu’on en retire, &rc. mais ils en
diffèrent par des caraélères eflentiels ; le peu
de bitume qu’ils contiennent eft moins gras
que celui des charbons, leur fubftance végé¬
tale & les matières terreufes qu’ils renferment
n’ont prefque point été altérées par cette
petite quantité de bitume, & enfin ces bois
folfiles le rencontrent communément plus près
de la furface du terrein que les charbons de
terre dont la première organifation a été fou-
vent plus détruite , & dont les huiles ont toutes
été converties en bitume.
Les bancs de fchifte, d’argile ou de grèsi
qui renferment & recouvrent Igs mines de
charbons de terre, font fouvent recouverts
eux- mêmes dans les environs des anciens
volcans , par des couches de laves qui ne font
quelquefois féparées des charbons que par
une petite épaiffeur de terre. M. Faujas a fait
cette obfervation auprès du Puy en Vêlai,
auprès de Genfac en Vivarais , àMafiarfe dans
I 2
(/) Idem , pages 76-8.
IOO Hijloire naturelle
le Nivernois , dans phifieurs endroits de
l’Écofl'e , & particulièrement dans les mines
de Glafcow, & dans celles qui appartiennent
au Lord Dundonal (g). Ces laves ne peuvent
avoir coulé fur ces couches de charbon qu’a-
près la formation de ces charbons , & leur
recouvrement par la terre qui leur fervant de
toit, les a préfervés de l’inflammation qu’au-
roit produite le contaft de la lave en fufion.
Nous avons prél'enté l’énumération de tou¬
tes les couches de charbons de terre de la
montagne de Saint- Gilles au pays de Liège
(/î), avec les rélultats que nous a fournis la
comparaifon de ces couches ; nous donnons
auflï dans la note ci-deflous , l’état des cou¬
ches de terre & de charbon du puits de
Caughley-Lane , fituéà une lieue de la Se verne
en Angleterre (i). En comparant également
(g) Voyez la lettre de M. Faujas citée ci-deffus.
(h) Voyez dans le fécond volume de cette Hilloire
des Minéraux , article du Charbon de terre,
( i ) Epa'tjfeur des couches de terre du puits de
Çaughley-Lane ,fitué à une lieue de la Severne.
Sable ordinaire . . . ;
Verges.
i .
Pouces.
18,
Gravier ou fable plus gros. . . .
i.
14.
Argile rouge .
”
*7-
Pierre calcaire .
4-
»
Marne bleue & rouge .
iS.
Argile dure , bleuâtre qui fe durcit à
'la fuper&cie .
»
18.
loi
des Minéraux.
les couches de cette mine de Caughley-Lane ,
nous trouverons, ainfi que nous l’avions déjà
conclu de la pofition & de la nature des cou¬
ches du pays de Liège, que l’épaifleur des
couches de charbon n’eft pas relative à la pro¬
fondeur où elles giflent, & nous verrons aulTl
que l’épaiffeur plus ou moins grande des nia-
Verges
Pouces
Argile d’un bleu-pâle ou gris-de-fer.
I .
9.
Argile grife .
5.
18.
Charbon fulfureux de mauvaife odeur.
r>
18.
Argile d’un gris-brun. .....
3 •
24.
Rocher avec bitume brun mêlé de
veines blanches. .
6.
Argile rouge fort dure .
6.
Rocher noir & gris .
5.
iS.
Argile noire , rouge & bleue mêlée.
7-
»
Rocher gns avec pierres de mine de
fer dans les interfaces. . . .
. J3-
Mauvais charbon .
18.
Argile blanchâtre unie qui couvre' le
meilleur charbon .
I.
12.
Le meilleur charbon ( Beft-coal ). .
>»
Rocher qui fait le mur de la veine
de charbon .
9-
Charbon dont on fait le coak pour
fondre la mine de fer. . . .
;
27.
Argile blanche, couverte par le char-
bon .
2.
»
Banc de glaife brune & noire où fe
trouve la mine fer .
2.
Pierre dure fous mine de fer. . . .
”
iS.
Couche d’argile dure qui couvre la
mine .
y>
2-7-
Charbon dur, luifant, mêlé de filex
qui fait feu avec l’acier. . . .
I.
»
Total . 1
71’
I 3
75-
210
H'ijlo'ire naturelle
tières étrangères, interpofées entre les cou¬
ches de charbon, n’influe pas fur l’épaifTeur
de ces couches.
Et à l’égard de la bonne ou mauvaife qualité
des charbons , on remarquera dans ces deux
grands exemples , que celui qui eft fitué le plus
profondément n’eft pas le meilleur de tous,
ce qui prouve qu’un féjour plus ou moins long
dans le fein de la terre, ne peut influer fur la
nature du charbon , qu’autant qu’il donne aux
acides plus de temps pour convertir en bitume
les huiles des végétaux enfouis; & tous les
autres réfultats que nous avons tirés de la
Nature & de la pofition des couches de la
montagne de Saint Gilles, fe trouvent con¬
firmés par la comparaifon des couches de
Caugley-Lane.
des Minéraux'.
103
GÈNÉS1E DES MINÉRAUX.
Te crois devoir donner, en récapitulation,
l’ordre fuccefiif de la génejie ou filiation des
matières minérales, afin de retracer en abrégé
la marche de la Nature , & d’expliquer les
rapports généraux dont j’ai préfenté le tableau
& l’arrangement méthodique que j’ai publié
dans le volume précédent (.z) , & d’après
lequel on pourra dorénavant claffer tous les
ptoduits de la Nature en ce genre, en les
rapportant à leur véritable origine.
Le globe terrefire ayant été liquéfié par le
feu , les matières fixes de cette maffe immenfe
fe font toutes fondues & vitrifiées , tandis que
les fubftances volatiles fe font élevées en
vapeurs autour de ce globe, à plus ou moins
de hauteur , fuivant le degré de leur pefanteur
& de leur volatilité. Ces premières matières
fixes qui ont fubi la vitrification , nous l'ont
repréfentées par les verres que j’ai nommés
primitifs ; parce que toutes les autres matières
vitreufes font réellement compofées du mé¬
lange ou des détrimens de ces mêmes verres.
Le quartz eft le premier & le plus fimole de
ces verres de nature; le jafpe eft le fécond ,
& ne diffère du quartz qu’en ce qu’il eft forte-
(a) Voyez le feptième volume de cette HiftoLre des
Minéraux, pages 194 & fuiv.
I 4
104 Hijlolre naturel^
ment imprégné de vapeurs métalliques qui
l’ont rendu entièrement opaque , tandis que ie
quartz eft à demi-tranfparent ; ils font tous
deux très réfradaires au feu. Le troifième
verre primitif eft le feld- fpath , & le quatrième
eft le fchorl , qui tous deux font fufibles ; enfin,
le cinquième eft le mica qui tient le milieu
entre les deux verres réfradaires Si les deux
verres fufibles : le mica provient de Pexfolia-
tion des uns & des autres , il participe de leurs
différentes qualités. On pourroit donc, en
rigueur, réduire les cinq verres primitifs a
trois , c’eft-à dire , au quartz, au feld fpath •&
au fchorl , puifque le jafpe n’eft qu’un quartz
imprégné de vapeurs métalliques, & que Lis
micas ne font que des paillettes & des exfolia¬
tions des autres verres; mais nous n’avons
pas jugé cette rédudion néceftaire , parce
qu’elle n'a rapport qu’à la première formation
de ces verres dont nous ignorons les différences
primitives , c’eft-à-dire , les caufes qui les ont
rendus plus ou moins fufibles ou réfradaires;
cette différence nous indique feulement que
la fubftance du quartz & du jafpe eft plus fimple
que celle du feld-fparh & du fchorl, parce
que nous favons par expérience , que les ma¬
tières les plus fimples font les plus difficiles à
vitrifier, & qu’au contraire, celles qui font
compofées font affez aifément fufibles.
Les premiers mélanges de ces verres de
nature fe font faits, après la fufion & dans le
temps de l’incandefcence , par la continuité
de l’adion du feu ; & les matières qui ont
réfulté de ces mélanges nous lont reprélèntèes
par les roches vitrcufcs de deux ou pluficurs
dis Minéraux'. 105
fubfiances , telles que les porphyres, ophites
& granits, à la formation defqueiles l’eau n’a
point eu de part.
La chaleur exceflive du globe vitrifié 'ayant
diminué peu-à-peu par la déperdition qui s’en
efi: faite , jufqu'au temps où fa furface s’eft
trouvée allez attiédie pour recevoir les eaux
& les autres fubliances volatiles, fans les re¬
jeter en vapeurs , alors les matières métalli¬
ques , fublimées par la violence du feu, &
toutes les autres fubfiances volatiles , ainfi
que les eaux reléguées dans l’attnofphère, font
tombées fuccefiivement , & fe font établies à
jamais fur la furface &. dans les fentes ou cavi¬
tés de ce globe.
Le fer, qui de tous les métaux exige le plus
grand degré de chaleur pour fe fondre , s’eft
établi le premier & s’efl mêlé à la roche vi-
treufe, lorfqu’elle étoit encore en état de
demi-fufion. Le cuivre, l’argent & l’or, aux¬
quels un moindre degré de feu (ulîàt pour fe
liquéfier , fe font établis enfuite fousleur forme
métallique dans les fentes du quartz & des
autres matières vitreufes déjà confolidées;
l’étain & le plomb , ainfi eue les demi-métaux
& autres matières métalliques, ne pouvant
fupporter un feu violent (ans le calciner, ont
pris par-tout la forme de chaux , & fe (ont
enfuite convertis par l’intermède de l’eau , en
minerais pyriteux.
A mefure que le globe s’attiédiffoit , le cahos
fe debrouilloit , Patmofphère s epuroit , &
après la chute entière des matières fublimées ,
métalliques ou rerreu(es , & des eaux juf-
qu’alors réduites en vapeurs, l’air eft demeuré
io6 Hiflcire naturelle
pur, fous la forme d’un élément diftinét , &
léparé de la terre & de l’eau par fa légèreté.
L’air a retenu dès ce temps , & retient en¬
core une certaine quantité de feu qui nous eft
repréfentée par cette matière à laquelle on
donne aujourd’hui le nom à'air inflammable , &
qui n’eft que du feu fixé dans la fubftance de
l’air.
Cet air imprégné de feu, fe mêlant avec
l’eau, a formé l’acide aérien , dont l’aftion
s’exerçant fur les matières vitreufes, a produit
l’acide vitriolique , & enfuite les acides marins
& nitreux , après la naiflance des coquillages
& des autres corps organifés marins ou ter-
reftres.
Les eaux élevées d’abord à plus de quinze
cents toifes au-deffus du niveau de nos mers
achielle9, couvroient le globe entier, à l’ex¬
ception des plus hautes montagnes. Les pre¬
miers végétaux & animauxterreftresonthabité
ces hauteurs, tandis que les coquillages, les
madrépores, & les végétaux marins fe for-
moient au fein des eaux.
La multiplication des uns & des autres étoit
auflï prompte que nombreufe , fur une terre
& dans des eaux dont la grande chaleur met-
toit en aélivité tous les principes de la fécon¬
dation.
Il s’eft produit dans ce temps des myriades
de coquillages qui ont abforbé dans leur fubf¬
tance coquilleufe une immenfe quantité d’eau ,
& dont les détrimens ont enfuite formé nos
montagnes calcaires ; tandis qu’en même temps
les arbres & autres végétaux qui couvroient
les terres élevées, produifoient la terre végé-
des Minéraux. 107
taie par leur décompofition , & étoient enfuite
entraînés avec les pyrites & autres matières
combulhbles, par le mouvement des eaux,
dans les cavités du globe où elles fervent d’a¬
liment aux feux fouterrains.
A mefure que les eaux s’abaiffoient , tant
par l’abforbtion des fubdances coquilleufes
que par l’affaiffement des cavernes & des bour-
fouflures des premières couches du globe,
les végétaux s’étendoient par de grandes ac¬
crues fur toutes les terres que les eaux laif-
foient à découvert par leur retraite , & leurs
débris accumulés combloient les premiers
magafins des matières combuflibles , ou en
formoient de nouveaux dans les profondeurs
du globe, qui ne feront épuifés que quand le
feu des volcans en aura confommé toutes les
matières ftifceptibles de combufiion.
Les eaux , en tombant de l’atmolphère fur
la furface du globe en incandefcenie , furent
d’abord rejetées en vapeurs, & ne purent s’y
établir que lorfqu’il fut attiédi; elles firent
dès ces premiers temps de fortes imprefiions
fur les matières vitrifiées qui compoioient la
mafl'e entière du globe; elles produifirent des
fentes & fêlures dans le quartz; elles le divi-
fèrent, ainfi que les autres matières vitreufes,
en fragmens plus ou moins gros, en paillettes
& en poudre , qui par leur agrégation formè¬
rent enfuite les grès , les talcs , les ferpentines
& autres matières dans lefquelles on reconnoîc
encore la fubftance des verres primitifs plus ou
moins altérée. Enfuite , par une action plus
longue, les élémens humides ont converti
toutes ces poudres vitreufes en argiles & en
i 08 Iiijloîre naturelle
glaife , qui ne diffèrent des grès Si des premiers
débris des verres primitifs que par l'atténua¬
tion de leurs parties conflituantes , devenues
plus molles & plus dudiles par l’acfion conf¬
iante de l’eau quia, pour ainfi dire, pourri
ces poudres vitreufes, & les a réduites en
terre.
Enfin , ces argiles formées par l’intermède
& par la longue & confiante imprefTion des
élemens humides, fe font enfuite peu-à-peu
defTéchées , &. ayant pris plus de iolidité par
leur defféchement , elles ont perdu leur pre¬
mière forme d’argile avec leur moleffe , &
elles ont formé les fchifles & les ardoifes ,
qui , quoique de même efTence , diffèrent
néanmoins des argiles par leur durete, leur
féchereffe & leur iolidité.
Ce font- là les premiers & grands produits
des détrimensSt de la décompofition par l’eau
de toutes les matières vitreufes formées par
le feu primitif ; Si ces grands produits ont
précédé tous les produits fecondaires qui font
delà même efTence vitreufe, mais qu’on ne
doit regarder que comme des extraits ou flalac-
tites de ces matières primordiales.
L’eau a de même agi , & peut être avec plus
d’avantage, fur les fubftances calcaires qui
toutes proviennent du détriment & des dé¬
pouilles des animaux à coquilles ; elle efl
d’abord entrée en grande quantité dans la fubl-
tance coquilleufe, comme on peut le démon¬
trer par la grande quantité d’eau que l’on tire
de cette fubftance coquilleufe & de toute
matière calcaire , en leur faifanr fubir l’aèTion
du feu. L’eau, 3piès avoir paflé par le filtre
des Minéraux'. icy
<3es animaux à coquilles, & contribué à la for¬
mation de leur enveloppe pierreufe , en eft
devenue partie conftituante, & s’eft incor¬
porée avec cette matière coquilleufe au point
d’y réfider à jamais. Toute matière coquilleufe
ou calcaire eft réellement compofée de plus
d’un quart d’eau , fans y comprendre l’air fixe
qui s’eft incarcéré dans leur fubftance en même
temps que l’eau.
Les eaux rallemblées dans les vaftes badins
qui leur fervoientde réceptacle, & couvrant
dans les premiers temps toutes les parties du
globe , à l’exception des montagnes élevées ,
ont dès lors éprouvé le mouvement du flux &.
du reflux, & tous les autres monvemens qui
les agitoient par les vents & les orages; Sc
dès-lors elles ont traniporté, brifé & accu¬
mule les dépouilles & débris des coquillages &:
de toures les productions pierreulès des ani¬
maux marins, dont les enveloppes font de la
même nature que la fubftance des coquilles ;
elles ont dépofé tou> ces détrimens plus ou
moins brifés & réduits en poudre fur les argiles,
les glaises & les fchiftes par lits horizontaux,
ou inclinés comme l’étoit le fol fur lequel ils
tomboient en forme de fédiment. Ce font ces
mêmes i'edimens des coquilles & autres fubf-
tances de même nature réduites en poudre &
en débris, qui ont formé les craies , les pierres
calcaires, les marbres, & même les plâtres,
lefquels ne diffèrent des autres matières cal¬
caires, qu’en ce qu’ils ont été fortement im¬
prégnés de l’acide vitrioiique contenu dans
les argiles & les glaifes.
Toutes ces grandes malfes de matières cal-
IIO
Hijlolre naturelle
câires & argileufes une fois établies & folidi-
fiées par le defiechement, après l’abaiffement
ou la retraite des eaux, fe font trouvées ex-
pofées à l’a&ion de l’air & à toutes les impref-
fîons de l’atmofphère & de l’acide aérien qu’il
contient ; ce premier acide a exercé fon aéfion
fur toutes les fubftances vitreufes, calcaires ,
métalliques & limoneufes.
Les eaux pluviales ont d’abord pénétré la
furface des terreins découverts ; elles ont
coulé par les fentes perpendiculaires ou in¬
clinées, au bas defquelles les lits d’argile les
ont reçues & retenues pour les laiffer enfuite
paroître en forme de fources, de fontaines,
qui toutes doivent leur origine & leur entre¬
tien aux vapeurs acqueufes tranfportées par
les vents de la furface des mers fur celle des
continens terreftres.
Ces eaux pluviales, & même leurs vapeurs
humides , agift'ant fur la furface ou pénétrant
la fubftanceV.es matières vitreufes & calcaires,
en ont détaché les particules pierreufes , dont
elles fe font chargées & qui ont formé de nou¬
veaux corps pierreux. Ces molécules détachées
par l’eau fe font réunies, & leur agrégation a
produit des ftalaftites tranfparentes & opa¬
ques, félon que ces mêmes particules pier¬
reufes étoient réduites à une plus ou moins
grande ténuité, & qu’elles ont pu fe raflembler
de pies près par leur homogénéité.
C’eft ainfi que le quartz, pénétré & diflous
par l’eau, a produit par exfudarion , les crif-
taux de roche blancs 6* les criftaux colores,
tels que les améthyftes, criftaux topazes,
chry fôlites & aigues-marines, lorfqu’tl s’ell
III
des Minéraux'.
trouvé des matières métalliques , & particu¬
lièrement du fer dans le voifinage ou dans la
route de l’eau chargée de ces molécules quart-
zeules.
C’eft ainfi que le feld-fpath feul , ou le feld-
fpath mêlé de quartz, a produit tous les crif-
taux chatoyans, tels que le faphir d’eau, la
pierre de Labrador ou de Ruffie , les yeux de-
chat , l’oeil-de-poifTon , l’œil-de-loup, l’aven-
turine & l’opale, qui nous démontrent, par
leur chatoiement & par leur fufibilité, qu’ils
tirent leur origine & une partie de leur efl'ence
du feld-fpath pur ou mélangé de quartz.
C’efl par les mêmes opérations de nature
que le fchorl feul , ou le fchorl mêlé de quartz,
a produit les émeraudes , les topazes-rubis-
faphirs du Brefil, la topaze de Saxe, le béril,
les péridots , les grenats, les hyacinthes & la
tourmaline , qui nous démontrent, par leur
pefanteur Ipécifique & par leur fufibilité,
qu’ils ne tirent pas leur origine du quartz ni du
feld-fpath feuls , mais du fchorl ou du fchorl
mêlé de l’un ou de l’autre.
Toutes ces flalaélites vitreufes , formées
par l’agrégation des particules homogènes de
ces trois verres primitifs , font tranfparentes ;
leur fubftance eft entièrement vitreufe , &
néanmoins elle eft difpofée par couches alter-
nativ.es de différente denfité, qui nous font
démontrées par la double réfraélion que foudre
la lumière en traverfant ces pierres. Seule¬
ment il eft à remarquer que dans toutes,
comme dans le criflal de roche, il y a un Cens
ou la lumière ne fe partage pas, au lieu que
dans les fpaths & çriftaux calcaires, tel que
112
H'ifto'ire naturelle
celui dTlflande , la lumière Te partage dans
quelques fens que ces matières tranfparentes
lui (oient préfentées.
Le quartz, le feld-fpath & le fchorl , feuîs
ou mêles enfemble, ont produit d’autres
ftalaftites moins pures & à demi-tranfparentes,
toutes les fois que leurs particules ont été
moins difioutes, moins atténuées par l’eau,
& qu’elles n’ont pu Ce criftallifer par défaut
d'homogénéité ou de ténuité. Ces ftalaflites
derai-tranfparentes font les agates, cornalines,
fardoines, prafes & onix, qui toutes partici¬
pent beaucoup plus de l’eflènce du quartz que
de celle du feld-fpath & du fchorl; il y en a
même plufieurs d’entr’elles qu’on ne doit rap¬
porter qu’à la décompofttion du quartz feul;
le feld-fpath n’étant point entré dans celles
qui n’ont aucun chatoiement, & le fchorl ne
s’étant mêlé que dans celles dont la pefanteur
fpécifique eft confidérablement plus grande
que celle du quartz ou du feld-fpath. D’ailleurs
celles de ces pierres qui font trèsréfraéfaires
au feu font purement quartzeufes; car elles
feroient fufibles fi le feld-fpath ou le fchorl
étoient entrés dans la compofition de leur
fubftance.
Le jafpe primitif étant opaque par fa nature ,
n’a produit que des ftalaéiites opa ;ucs qui nous
font repréfentèes par tous les jafpes de fécondé
formation ; les uns & les autres n'étant que
des uartzou des extraits du quartz imprégnés
de va- eurs métallique' , font également réfrac¬
taires u feu ; & d’aiHeurs leur pefanteur
fpécifiqoe , qui n’efl pas fort différente de celle
des quartz, démontre qu’ils ne contiennent
des Minéraux. T t 3
point de fchorl , & leur poli fans chatoiement ,
démontre auffi qu’il n’eft point entré de feld-
fpatli dans leur compofition.
Enfin le mica, qui n’a été produit que par
les poudres & les exfoliations des quatre autres
verres primitifs, a communément une tranf-
parence ou demi-tranfparence, félon qu’il eft
plus ou moins atténué. Ce dernier verte de
nature a formé de même que les premiers ,
par l’intermède de l’eau , des ffalaéfires demi-
tranlparentes , telles que les talcs, la craie de
Briançon, les amtanthes, & d’autres ffaiac-
tites ou concrétions opaques , telles que les
jades, ferpentines, pierres ollaires , pierres
de lard, & qui toutes nous démontrent par
leur poli onéfueux au toucher , par leur tranf-
parence graiffeufe, aulli-bien que par l’en-
durciffement qu’elles prennent au feu, & leur
réftlfance à s’y fondre , qu’elles ne tirent leur
origine immédiate, ni du quartz, ni du feld-
fpath , ni du fchorl , & qu’elles ne font que des
produits ou ftalaéfites du mica plus ou moins
atténué par l’impreffion des élémens humides.
Lorfque J’eau , chargée des molécules de
ces verres primitifs, s’eff trouvée en même
temps imprégnée ou piutôr mélangée de par¬
ties rerreufes ou ferrugineufes, elle a de même
formé, par (filiation, les cailloux opaques,
qui ne diffèrent des autres produits quartzeux
que par leur entière opacité; & lorfque ces
cailloux ont été faifis & réunis par un ciment
pierreux, leur agrégation a formé des pierres
auxquelles on a donné le nom de pouuingues ,
qui font les produits ultérieurs & les moins
purs de toutes les matières vitreufes ; car le
Minéraux. Tome IX, K
IT4 Hljlo’ire naturelle
ciment qui lie les cailloux dont ils fontcom-;
pôles eft fouvent impur & toujours moins dur
que la fubftance des cailloux.
Les verres primitifs ont formé dès les pre¬
miers temps, & par la feule a&ion du feu,
les porphyres & les granits; ce font les pre¬
miers détrimens & les exfoliations en petites
lames & en grains plus ou moins gros du
quartz, du jalpe , du feld-fpath, du fchorl &
du mica. L’eau ne paroît avoir eu aucune part
à leur formation , & les mafTes immenies de
granit qui fe trouvent par montagnes dans
prefque toutes les régions du globe , nous
démontrent que l’agrégation de ces particules
vitreufes s’elt faite par le feu primitif; elles
nageoient à la furface du globe liquéfié en
forme de fcories ; elles fe font dès-lors réu¬
nies parla feule force de leur affinité. Le jafpe
n’eft entré que dans la compofition des porphy¬
res; les quatre autres verres primitifs font
entrés dans la compofition des granits.
Les matières provenant de la décompofition
de ces verres primitifs & de leurs agrégats
par l’a&ion & l’intermède de l’eau , tels que
les grès , les argiles & les fchiftes , ont produit
d’autres ftalaéfites opaques , mêlées de parties
vitreufes & argileufes , telles que les cos,
les pierres à rafoirs , qui ne diffèrent des cail¬
loux qu’en ce que leurs parties conflituantes
étoient pour la plupart converties en argile
lorfqu’elles fe font réunies; mais le fond de
leur effence eft le même , & ces pierres tirent
également leur origine de la décompofition
des verres primitifs par l’intermède de l’eau.
La matière calcaire n’a été formée que pof-
des Minéraux. I î -
térieurement à la matière vitreufe; l’eau a eu
la plus grande part à fa compofition , tk fait
même partie de (a fubftance , qui, lorfqu’elle
elt réduite à l’homogénéité, devient tranfpa-
rente; auffi cette matière calcaire produit des
ilaladites tranfparentes , telles que le criftal
d’iflande, & tous les fpaths & gypfes blancs
ou colorés; & quand elle n’a été divifée par
l’eau qu’en particules plus groffières , elle a
formé les grandes malles des albâtres, des
marbres de fécondé formation & des plâtres,
qui ne font que des agrégats opaques, des
débris & détrimens des fubftances coquilleufes
ou des premières pierres calcaires , dont les
particules ou les grains tranfportés par les
eaux fe font réunis, & ont formé les plus
anciens bancs des marbres Si autres pierres
calcaires.
Et lorfque ce fuc calcaire ou gypfeux s’eft
mêlé avec le fuc vitreux, leur mélange a pro¬
duit des concrétions qui participent de la
nature des deux, telles que les marnes, les
grès impurs qui fe préfentent en grandes mal¬
les , & auffi les malfes plus petites des lapis
lazuli , des zéolites, des pierres à fufd , des
pierres meulières , Si de toutes les autres dans
leftuelles on peut reconnoître la mixtion de
la fubllance calcaire à la matière vitreufe.
Ces pierres mélangées de matières vitreufes
& de fubflances calcaires font en très- grand
nombre, & on les diftingue des pierres pure¬
ment vitreufes ou calcaires, en leur faifant
fubir l’a dion des acides, ils ne font d’abord
aucune effervelcencs avec ces matières , Ôc
K 2
n6 H’tjloire naturelle
cependant elles Te convertifîenr à la longue
en une forte de gelée.
La terre végétale, limoneufe & bolaire,
dont la fubftance ell principalement ccrapofée
des détrimens des végétaux & des animaux ,
& qui a retenu une portion du feu contenu
dans tous les êtres organifés, a produit des
corps ignés & des ffaiaétites phofphorefcentes,
opaques & tranfparentes ; & c’eft moins par
l’intermède de l’eau, que par I’aélion du feu
contenu dans cette terre , qu’ont été produites
les pyrites & autres ftalaéîites ignées, qui !e
font toutes formées féparément par la leule
puiffance du feu contenu dans le réfidu des
corps organifés. Ce feu s’eft formé des iphères
particulières, dans lefquelles la terre, l’air oc
l’eau ne font entrés qu’en petite quantité; de
ce même feu s’érant fixé avec les acides , a
produit les pyrites, & avec les aikalis il a
formé les diamans & les pierres précieules,
qui toutes contiennent plus de feu que de toute
autre matière.
Et comme cette terre végétale & limo¬
neufe eff toujours mêlée de parties de fer , les
pyrites en contiennent une grande quantité ;
tandis que les fpaths pefans, quoique formés
par cette même terre , & quoique très denfes ,
n’en contiennent point du tour; ces fpatlu
pefans font tous phofphorefcens , & ils ont
plufieurs autres rapports* avec les pyrites &
les pierres précieufes ; ils font même plus
pefans que le rubis qui , de toutes ces pierres ,
efl le plus denfe. Ils confervc-nt anffi plus long¬
temps la lumière & pourroient bien être la
des Minéraux. ï 1 7
matrice de ces brillans produits de la Nature.
Ces fpaths pefans font homogènes dans
toute leur fubftance ; car ceux qui font rranl-
parens , & ceux qu’on réduit à une petite
épailTeiir, ne donnent qu’une fimple réfrac¬
tion, comme le diamant & les autres pierres
précieufes , dont la fubftance eft également
homogène dans toutes les parties.
Les pyrites , formées en aflez peu de temps ,
rendent aifément le feu qu'elles contiennent:
l’humidité feule furfit pour le faire exhalerj
mais le diamant & les pierres précieufes , dont
la dureté & la texture nous indiquent que leur
formation exige un très grand temps, con-
fervent à jamais le feu qu’elles contiennent,
ou ne le rendent que par la combuftion.
Les principes falins qu’on peut réduire à
trois , l'avoir , l’acide , l’alkali & l’arfenic,
produifent , par leur mélange avec les matières
terreufes ou métalliques , des concrétions
opaques ou tranfoarentes , & forment toutes
les fubftances falines & toutes les minérahfa-
tions métalliques.
Les métaux & leurs minérais de première
formation, en fubifiant l’aélion de l’acide
aérien & des l'els de la terre , produifent les
mines fecondaires , dont la plupart fe préfen-
tent en concrétions opaques, & quelques-
unes en ftalaclites tranfparentes. Le feu agit
fur les métaux comme l’eau (ur les Tels; mais
les criftaux nu talliques , produits par le moyen
du feu , font opaques , au lieu que les criftaux
falins font diaphanes ou demi tranfparens.
Enfin toutes les matières vitreufes , cal¬
caires, gypfeufes, limoneufes , animales ou
I iS Hijloire naturelle , &C.’
végétales, Salines & métalliques, en fubiflartt
la violente a&ion du feu dans les volcans ,
prennent de nouvelles formes; les unes fë
fubliment en foufre & en fel ammoniac; les
autres s’exhalent en vapeurs & en cendres ;
les plus fixes forment les bafaltes & les laves ,
dont les détrimens produisent les tripolis,
les pouzzolanes, & fe changent en argile,
comme toutes les autres matières vitreufes
produites par le feu primitif.
Cette récapitulation préfente, en raccourci,
la généfie ou filiation des minéraux, c’eft-à-
dire, la marche de la Nature, dans l’ordre
fucceflïf de fes produ&ions dans le règne miné¬
ral. Il fera donc facile de s’en repréfenter
l’enfemble & les détails , & de les arranger
dorénavant d’une manière moins arbitraire
& moins confufe qu’on ne l’a fait jufqu’à
préfenr.
©S*C9C^0#Oî^>*€)#O*O«O#O*O9©(e*€5tOîCO
TRAITÉ DE L’AIMANT
ET DE SES USAGES.
ARTICLE PREMIER.
Des forces de la Nature en général , & en parti¬
culier de l’ Electricité & du Magnétifme.
Il n’y a dans la nature qu’une feule force
primitive ; c’eft l’attra&ion réciproque entre
toutes les parties de la matière. Cette force eft
une puiffance émanée de la puiffance divine ,
& feule elle a fuffi pour produire Te mouve¬
ment & toutes les autres forces qui animent
l’univers. Car, comme fon aéfion peut s’exer¬
cer en deux fens oppofés , en vertu du reffort
qui appartient à toute matière, & dont cette
même puiffance d’attraclion eft la caufe, elle
repoufte autant qu’elle attire (a). On doit
(a) Nous croyons néceffaire de rapporter ici ce que
nous avons dit à ce fujet dans la fécondé vue de la
Nature, volume XIII , in-40. pages 17 & fnivantes. » Si
on réfléchit à la communication du mouvement par le
choc, on fendra bien qu’il ne peut fe tranùnettre d’un
I ro Hijlcire naturelle',
donc admettre deux effets généraux ; cJeft-à-
dire , l’attra&ion & l’impulfion qui n’eft que
corps à un autre , que par le moyen du reffort , & l’on
reconnoîtra que toutes les hypotbèfes que l’on a faites
fur la tranfmiffion du mouvement dans les corps durs,
ne font que des jeux de notre efprit , qui ne pourroicnt
s’exécuter dans la Nature. Un corps parfaitement dur
n’eft en effet qu’un être de raifon , comme un corps
parfaitement élaftique n’eft encore qu’un autre être de
raifon ; ni l’un ni l’autre n’exiftent dans la réalité , parce
qu’il n’y exifte rien d’abfolu , rien d’extrême , & que te
mot 5c l’idée de parfait n’eft jamais que l’abfolu ou l’ex¬
trême de la chofe ».
» S’il n’y avoir point de reffort dans la matière, il n'y
auroit donc nulle force d’impulfion ; lorfqu’on jette une
pierre , le mouvement qu’elle conferve ne lui a-t-il pas
été communiqué par le reffort du bras qui l’a lancée ?
Lorfqu’un corps en mouvement en rencontre un autre
en repos, comment peut-on concevoir qu’il lui commu¬
nique fon mouvement , fi ce n’eft en comprimant le
re'Tort des parties élaftiques qu’il renferme , lequel fe
rétablilfant immédiatement après la comprefiion, donne à
la malfe totale la même force qu’il vient de recevoir. On
ne comprend point comment un corps parfaitement dur
pourroit admettre cette force , ni recevoir du mouvement ;
5c d’aibeurs il eft très inutile de cliercber à le compren¬
dre , puifqu’il n’en exifte point de tel ; tous les corps , au
contraire , font doués de reffort ; 5c fi nous réfléchirons
fur la mécanique du reffort , nous trouverons que fa force
dépend elle -même de celle de I’attraêlion ; pour le voir
clairement , figurons - nous le reffort le plus fimple , un
angle folide de fer , ou de toute autre matière dure ;
b
Traité de T Aimant. ni
la répnîfionj la première également répartie
& toujours fubfiftante dans la matière, & la
fécondé variable , occafionnelle Si dépen¬
dante de la première. Autant l’attra&ion main-
qu’arrive-t-il lorfque nous le comprimons ? Nons forçons
les parties voifmes du fommet de l’angle , de fléchir, c’eft-
à-dire,.de s’écarter un peu les unes des autres; dans
le moment que la coropreffion celle , elles fe rapprochent
& fe rétablirent comme elles étoient auparavant ; leur
adhérence, de laquelle réfulte la cohéfion des corps, cft,
comme l’on fait, un effet de leur attraction mutuelle.
Lorfque l’on prefl'e le reffort , on ne détruit pas cette adhé¬
rence, parce que, quoiqu’on écarte les parties, on ne les
éloigne pas affez les unes des autres pour les mettre hors
de leur fphère d’attraftion mutuelle , & par conféquent
dès qu’on celle de preffer, ce’te force qu’on remet, pour
ainfi dire , en liberté , s’exerce , les parties fêparées fe
rapprochent, & le reffort fe rétablit. Si au contraire, par
une preflion trop forte , on écarte les parties cohérentes
au point de les faire fortir de leur fphère d’attraftion , le
reffort fe rompt , parce que la force de la compreffion
a été plus grande que celle de la cohérence , c’eft-à-
dire, plus grande que celle de l’attraftion mutuelle qui
réunit ces parties. Le reffort ne peut donc s’exercer ,
qu’autant que les parties de la matière ont de la cohé¬
rence , c’eft-à-dire, autant qu’elles font unies par la force
de leur attraftion mutuelle, & , par conféquent, le reffort
en général qui peut feul produire l’impulfion , & l’impul-
fion elle-même , fe rapportent à la force d’attraftion , &
en dépendent comme un effet particulier d’un effet géné¬
ral ». Voyez aulîi le premier volume des fupplémens à
l’Hiftoire Naturelle , édition //2-40. page 2.
Minéraux. Tome IX.
L
iîî Ht foire naturelle.
tient la cohérence & la dureté des corps,'
autant l’impulfion tend à les défunir & à les
iéparer. Ainfi, toutes les fois que les corps
ne font pas brifés par le choc , & qu’ils iont
feulement comprimés , l’attrattion , qui fait
le lien de la cohérence, rétablit les parties
dans leur première fituation , en agiffant en
l'ens contraire , par répulfion , avec autant de
force que l’impulfion avoit agi en fensdireét;
c’efi ici, comme en tour, une réaétion égale
à l’action; on ne peut donc pas rapporter à
l’impulfion les effets de l’attraétion univerfelle ;
mais c’eft au contraire cette attraction géné¬
rale qui produit, comme première caufe ,
tous les phénomènes de l’impuifion.
En effet, doit-on jamais perdre de vue les
bornes de la faculté que nous avons de com¬
muniquer avec la Nature ? Doit on fe per-
fuader que ce qui ne tombe pas fous nos fens ,
puiffe fe rapportera ce que nous voyons ou
palpons ? L’on ne connoit les forces qui ani¬
ment l’univers , que par le mouvement & par
les effets: ce mot même de forces , ne fignifie
rien de matériel, & n’indique rien de ce qui
peut affeéter nos organes , qui cependant font
nos feuls moyens de communication avec la
Nature. Ne devons-nous pas renoncer dès-
lots à vouloir mettre au nombre des fubftances
matérielles , ces forces générales de l’attrac¬
tion & de l’impulfion primitive , en les trans¬
formant, pour aider notre imagination , en
matières fubtiles , en fluides élaftiques , en
fubftances réellement exiftantes , & qui,
comme la lumière, la chaleur, le (on & les
odeurs, devroient affeCter nos organes; car ces
Traité de V Aimant. 123
rapports avec nous font les feuls attributs de
la matière que nous publions faifir, les feuls
que l’on doive regarder comme des agens
méchaniques; & ces agens eux-mêmes, ainfi
que leurs effets, ne dépendent-ils pas , plus
ou moins , & toujours , de la force primitive ,
dont l’origine & l’efTence nous feront à jamais
inconnues , parce que cette force en effet n’eft
pas une fubftance , mais une puiffance qui
anime la matière ?
Tout ce que nous pouvons concevoir de
cetre puiffance primitive d’attraétion , & de
l’impulfion ou répulficn qu’elle produit , c’eft
que la matière n’a jamais exifté fans mouve¬
ment ; car l’attraétion étant elfentielle à tout
atome matériel, cette force a nécefTairement
produit du mouvement, toutes les fois que
les parties de la matière fe font trouvées fépa-
rées ou éloignées les unes des autres; eiles
ont dès-lors été forcées de fe mouvoir & de
parcourir l’efpace intermédiaire, pour s’ap¬
procher & fe réunir. Le mouvement eft çlonc
aulfi ancien que la matière, & l’impulfion ou
répulfion eft contemporaine de l’attraétion;'
mais, agifTant en fens contraire, elle tend à
éloigner tout ce que l’attraction a rapproché.
Le choc, & toute violente attrition entre
les corps , produit du feu en divifant & repouf¬
fant les parties de la matière (&); & c’eft de
- l’impulfion primitive que cet élément a tiré
fon origine; élément lequel feul eft aétif &c
( b ) Supplément , tome premier , page S & fuiv.
L 2
x i4 Hijloire naturelle.
fert de bafe & de minière à toute force im-
pnlfive , générale & particulière , dont les
effets font toujours oppol'és & contraires à
ceux de l’attraétion univerfeHe. Le feu le ma*
nifeffe dans toutes les parties de l’univers,
foit par la lumière , foit par la chaleur ; il brille
dans le Soleil & dans les Affres fixes ; il tient
encore en incandefcence les groffes planètes ;
il échauffe plus ou moins les autres planètes &
les comètes; il a auffi pénétré, fondu, en¬
flammé la matière de notre globe , lequel ayant
fubi l’aftion de ce feu primitif, eft encore
chaud; & quoique cette chaleur s’évapore &
fe diffipe fans ceffe, elle eft néanmoins très-
aéfive & fubfifte en grande quantité, puifque
la température de l’intérieur de la terre, à
une médiocre profondeur, eff de plus de dix
degrés.
C’eft de ce feu intérieur ou de cette chaleur
propre du globe que provient le feu particulier
de l’éle&ricité. Nous avons déjà dit , dans
notre introdu&ion à l’Hiftoire des Minéraux,
& tout nous le perfuade , que l’éleélricité tire
fon origine de cette chaleur intérieure du
globe; les émanations continuelles de cette
chaleur intérieure , s’élèvent perpendiculai¬
rement à chaque point de la furface de la terre ;
elles font bien plus abondantes à l’équateur
que dans toutes les autres parties du globe.
Affez nombieufes dans les zones tempérées,
elles deviennent milles ou prelque nulles aux
régions polaires, qui font couvertes par la
glace ou refferrées par la gelée. Le fluide
eleétrique, ainfi que les émanations qui le pro-
duifent, ne peuvent donc jamais être m équi-
Traité de l'Aimant. 125
libre autour du globe ; ces émanations doivent
néceffairement partir de l'équateur oit elles
abondent, & fe porter vers les pôles où elles
manquent.
Ces courans éleétriques , qui partent de
l'équateur & des régions adjacentes, fe com¬
priment & fe reflerrent , en fe dirigeant à
chaque pôle terreftre , à-peu-près comme les
méridiens fe rapprochent les uns des autres;
dès-lors la chaleur obfcure, qui émane de la
terre, & forme ces courans éleélriques, peut
devenir lumineufe en fe condenfant dans un
moindre efpace, de la même manière que la
chaleur obfcure de nos fourneaux devient lu¬
mineufe, lorfqu’on la condenfe en la tenant
enfermée ( c ). Et c’eft-là la vraie caufe de ces
feux qu’on regardoit autrefois comme des in¬
cendies céleftes , & qui ne font néanmoins que
des effets électriques auxquels on a donné le
nom d’aurores polaires. Elles font plus fré-
dans les faifons de l’automne & de
parce que c’eft le tems ou les émana-'
tions de la chaleur de la terre font le plus
complètement fupprimées dans les zones froi¬
des, tandis qu’elles font toujours prefqùe
également abondantes dans la zone torride;
elles doivent donc fe porter alors avec plus
de rapidité de l’équateur aux pôles , & devenir
lumineufes parleur accumulation & leur ref-
ferrement dans un plus petit efpace ( ’d ).
quentes
J hiver,
(c) Sinplément , volume 2, expérience; fur les eflèts
de In ciia.eur obfcure.
M. le Comte de la Cepède a publié, dans le
L 3.
1 16 Hiflolre naturelle
Mais ce n’eft pas feulement dans I’atmof-
phère & à la furface du globe que ce fluide
électrique produit de grands effets; il agit
également, & même avec beaucoup plus de
force, à l’intérieur du globe, & fur-tout dans
les cavités qui fe trouvent en grand nombre
au-deffousdes couches extérieures de la terre;
il fait jaillir , dans tous ces efpaces vides , des
foudres plus ou moins puiffantes ; &, en re¬
cherchant les diverfes manières dont peuvent
fe former ces foudres fouterraines , nous
trouverons que les quartz, les jafpes , les
feld-fpaths , lesfchcrls, les granits & autres
matières vitreufes , font électrifables par frot¬
tement, comme nos verres faélices , dont on
fe fert pour produire la force électrique , Su
pour ifoler les corps auxquels on veut la com¬
muniquer.
Ces fubftances vitreufes doivent donc ifoler
les amas d’eau qui peuvent fe trouver dans
ces cavités , ainfi que les débris des corps
Journal de pliyfique de 1778 , un Mémoire dans lequel
il fuit les mêmes vues , relatives à l’éleftricité , que nous
avons données dans notre introduction à l’Hiftoire des
Minéraux , & rapporte l’origine des aurores boréales à
l’accumulation du feu électrique qui part de l’équateur ,
& va fe ramafl'er au - deifus des contrées polaires. En
1779 , on a lu , dans une des féances publiques de l’Aca¬
démie des Sciences, un Mémoire de M. Franklin, dans
lequel ce favant Phyficien attribue nuiB la formation des
aurolcs boréales au fluide éleftrique qui fe porte & fe
eondenfe au-dclfus des glaces des deux pôles.
Traité de Ï1 Aimant. 1 2,7
organifés, les terres humides , les matières
calcaires , & les divers liions métalliques.
Ces amas d’eaux , ces matières métalliques ,
calcaires , végétales & humides , font , au
contraire, les plus puiflans conducteurs du
fluide électrique. Lors donc qu’elles font
ifolées par les matières vitreufes , elles peu¬
vent être chargées d’un excès plus ou moins
confidérable de ce fluide , de même qu’en font
chargées les nuées environnées d’un air fec
qui les ifole.
Des courans d’eau , produits par des pluies ,
plus ou moins abondantes, ou d’autres caqfes
locales & accidentelles, peuvent faire com¬
muniquer des matières conductrices, ifolées
& chargées de fluide éleCtrique , avec d’autres
fubftances de mêmenature , également ifolées ,
mais dans lefquelies ce fluide n’aura pas été
accumulé; alors ce fluide de feu doit s’élancer
du premier amas d’eau vers le fécond, &
dès-lors il produit la foudre fouterraine dans
l’efpace qu’il parcourt. Les matières combuf-
tibles s’allument; les explofions fe multiplient;
elles foulèvent & ébranlent des portions de
terre d’une grande étendue, & des blocs de
rochers en très-grande mafle & en bancs con¬
tinus ; les vents fouterrains , produits par ces
grandes agitations , foufHent & s’élancent
dès lors, avec violence, contre des fubllances
conductrices de l’éleCtriciré , ifolées par des
matières vitreufes ; ils peuvent donc aulîi
éleCtrifer ces fubftances de la même manière
que nous éieCtrifons, par le moyen de l’air
fortement agité , des conducteurs ifolés , hu¬
mides ou métalliques.
12§ Hifloire naturelle
La foudre allumée par ces diverfes caufes»
& mettant le feu aux matières combuflibles ,
renfermées dans le fein de la terre, peut pro¬
duire des volcans & d’autres incendies du¬
rables. Les matières enflammées dans leurs
foyers, doivent, en échauffant les fchifles &
les autres matières vitreufes, de féconde for¬
mation , qui les contiennent & les ifolent,
augmenter l’affinité de ces dernières fubftances
avec le feu éle&rique ; elles doivent alors
leur communiquer une partie de celui qu’elles
poffèdent, &, par conféquent, devenir élec-
trifées en moins. Et c’eft par cette railon que
lcrfque ces matières fondues, & rejetées par
les volcans, coulent à la furface de la terre,
ou qu’elles s’élèvent en colonnes ardentes au-
deffus des cratères , elles attirent le fluide
électrique des divers corps qu’elles rencon¬
trent, & même des nuages fufpendus au-deffus ;
car l’on voit alors jaillir, de tous côtés, des
foudres aériennes, qui s’élancent vers les
matières enflammées , vomies par les volcans :
& comme les eaux de la mer parviennent
auffi dans les foyers des volcans, & que la
flamme eft comme l’eau conduélrice de l’élec¬
tricité (e), elles communiquent une grande
( e ) Il y a environ vingt ans que le nommé Aubert ,
faïaneier à la Tour-tl’ Aigues , étant occupé à cuire une
fournée de faïance , vit, avec le plus grand étonnement,
le feu s’éteindre dans l’inftant même, & palfer d’un feu
de cerife à l’obfcurité totale. Le four étoit allumé depuis
plus de vingt heures , & la vitrification de l’émail des
Traité de l’Aimant. i ly
quantité de fluide éle&rique aux matières en¬
flammées & éleélri lees en moins; ce qui pro¬
pièces étoit déjà avancée ; il fit tous fes efforts pour
rallumer le feu , & achever fa cuite , mais inutilement. 11
fut obligé de l’abandonner ».
» Je fus tout de fuite averti de cet accident ; je me
tranfportai à fa fabrique, où je vis ce four, effeflivement
obfcur , confervant encore toute fa chaleur ».
» 11 y avoit eu ce jour-là , vers les trois heures après
midi , un orage , duquel partit le coup de tonnerre , qui
avoit produit l’effet dont je viens de parler. L’on avoit
vu du dehors la foudre ; le faïancier avoit entendu un
coup qui n’avoit rien d’extraordinaire, fans appercevoir
l’éclair ni la moindre clarté ; rien n’étoit dérangé dans la
chambre du four , ni au toit. Le coup de tonnerre étoit
entré par la gueule de loup, faite pour laiffer échapper
la fumée , & placée perpendiculairement fur le four, avec
une ouverture de plus de dix pieds quarrés ».
» Curieux de voir ce qui s’étoit paffé dans l’intérieur
du four , j’affiflai à fon ouverture deux jours après ; il
n’y avoit rien de caffé, ni même de dérangé; mais l’émail
appliqué fur toutes les pièces, étoit entièrement enfumé ,
& tacheté par-tout de points blancs & jaunes, fans doute
dûs aux parties métalliques , qui n’avoient point eu le
temps d’entrer en fufton ».
» Il efl à croire que la foudre avoit paffé à portée du
feu qui l’avoit attirée Se abforbée , fans qu’elle eût eu le
temps ni le pouvoir d’éclater ».
» Mais, pour connoître la force de cet effet, il eft
néceffaire d’être inftruit de la forme des fours en uffige
dans nos provinces , iefquels font une ma, Te de feu bien
plus conüdérable que ceux des autres pays, parce qu’étant
1 3 o Hiflo'ire naturelle.
duit de nouvelles foudres , & caufe d’autres
fecoufles &. des explofions qui bouleverlent &.
entr’ouvrent la furface de la terre.
obligé d’y cuire avec les fagots ou branches de pins ou
de chênes verts , qui donnent un feu extrêmement ardent ,
on eft forcé d’écarter le foyer du dépôt de la marchan-
dife ».
» La flamme parcourt dans ces fours plus de fix toifes
de longueur. Ils font partagés en trois pièces ; le corps du
four, relevé fur le terrein , y eft conftruit entre deux
voûtes , le deflous eft à moitié enterré , pour mieux con-
ferver la chaleur, & il eft précédé d’une voûte qui
s’étend jufqu’à la porte par laquelle l’on jette les fagots,
au nombre de trois ou quatre à la fois. On a l’attention
de laitier brûler ces fagots fans en fournir de nouveaux ,
jufqu’à ce que la flamme, après avoir circulé dans tout
le corps & s’être élevée , plus d’un pied , au fommet du
four, foit absolument tombée ».
» Le four , dans lequel tomba le tonnerre , eft de huit
pieds de largeur en quarré , fur environ dix pieds de
hauteur : le deflous du four a les mêmes dimenûons ,
mais il eft élevé feulement de fix pieds. On l’emploie à
cuire des bifeuits & le maflkot , pour le blanc de la
fournée fuivante ; quant à la gorge du four, elle eft
aufli de fix pieds de haut, mais de largeur inégale, puis¬
que le four n’a pas quatre pieds de largeur à fon ouver¬
ture. Il eft donc aifé de conclure, que la force, qui
put , en un feul inftant , anéantir une pareille malle
ignée, dut être d’une pui (Tance étonnante ». Extrait d'une
lettre de M. la Tour d’ Aigues , Préfideit à Mortier au
Parlement de Provence , écrite à M. d’Auhenton , Garde
du Cabinet eu Roi , de l'Académie des Sciences , ôcc.
Traité ae T Aimant. 1 3 1
De plus, les fubftances vitreufes qui for¬
ment les parois des cavités des volcans , & qui
ont reçu une quantité de fluide éleCtrique ,
proportionnée à la chaleur qui les a pénétrées ,
s’en trouvent furchargées à mefure qu’elles fe
refroidirent : elles lancent de nouvelles foudres
contre les matières enflammées, & produifent
de nouvelles fecouffes qui fe propagent à des
diftances plus ou moins grandes, fuivant la
difpofition des matières conductrices. Et
comme le fluide électrique peut parcourir en
un inftant l’efpace le plus vafte, en ébranlant
tout ce qui le trouve lur fon paffage, c’eftà
cette caufe que l’on doit rapporter les commo¬
tions & les tremblemens de terre qui fe font
fentir, prefque dans le même inftant, à de
très-grandes diftances; car fi l’on veut juger
de la force prodigieufe des foudres qui pro-
duifent les tremblemens de terre les plus
étendus, que l’on compare l’efpace immenle
& d'un très-grand nombre de lieues, que les
fubftances conductrices occupent quelquefois
dans le lein de la terre , avec les petites dimen-
fions des nuages qui lancent la foudre des airs ,
donr la force fuffit cependant pour renverler
les édifices les plus folides.
On a vu le tonnerre renverfer des blocs de
rochers de plus de vingt-cinq toifes cubes : les
conducteurs fourerrains peuvent être au moins
cinquante mille fois plus volumineux que les
nuages orageux ; fi leur force éroit en pro¬
portion , la foudre qu’ils produifent pourrait
donc renverfer plus de douze cens mille toifes
cubes; & comme la chaleur intérieure de la
terre eft beaucoup plus grande que celle de
ï 1 2 Hijlolre naturelle.
l’atmofphèreà la hauteur des nuages, la foudre
de ces conducteurs électriques doit être
augmentée dans cette proportion, & dès-lors
on peut dire que cette force eft aflez puiflante
pour bouleverfer & même projeter pluneurs
millions de toifes cubes.
Maintenant il nous confidérons le grand
nombre de volcans actuellement agiflans, &
le nombre infiniment plus grand des anciens
volcans éteints, nous reconnoîtrons qu’ils
forment de larges bandes dans plufieurs direc¬
tions qui s’étendent autour du globe , & occu¬
pent des efpaces d’une très-longue étendue
dans leiquels la terre a été bouîeverlee , &:
s’ert fou vent affaiffée au-defïbus, ou élevée
au-defîus de fon niveau. C’eit fur-tout dans
les régions de la zone torride que fe font faits
les plus grands changemens. On peut fuivre
la ruine des continens terrefires , & leur abaif-
fement fous les eaux , en parcourant les l fies
de la mer du Sud. On peut voir, au contraire ,
i’cic varier; de» terres , par l’infne&ion des
montagnes de l’Amérique méridionale, dont
quelques-unes font encore des volcans agif-
fans : on retrouve les mêmes volcans dans
les 1 fies de la mer Atlantique , dans celles de
l’Océan Indien & jufques clans les régions
polaires , comme en I/lande , en Europe & à
la terre de Feu à l’extrémité de l’Amérique.
La zone tempérée offre de même dans les deux
hemifphères , une infinité d'indices de volcans
éteints; & l’on ne peut douter que ces énor¬
mes explofions auxquelles l’éleCf ncité fouter-
laine a la plus grand ? part, n’aient très-an¬
ciennement bouleverfé les terres à la lurface
Trotté de l'Aimant. 133
du globe, à une allez grande profondeur,
dans une étendue de plufieurs centaines de
lieues en différons fens.
M. Faujas de Saint Fonds, l’un de nos plus
favans Naturaliftes , a entrepris de donner la
carte de tous les terrains volcanifés qui fe
voient à la lurface du globe , & dont on peut
fuivre le cours fous les eaux de la mer, par
l’infpe&ion des Ifles, des écueils & autres
fonds volcanifés. Cet infatigable & bon obfer-
vateur , a parcouru tous les terrains qui offrent
en Europe des indices du feu volcanique , 6c
il a extrait des voyageurs les renfeignemens ,
fur cet objet, dans toutes les parties du
monde ; il a bien voulu me fournir des notes ,
en grand nombre, fur tous les volcans de
l’Europe, qu’il a lui-même obfervés ; j’ai cru
devoir en préfenter ici l’extrait , qui ne pourra
que confirmer tout ce que nous avons dit fur
les caufes & les effets de ces feux fouterrains.
En prenantle volcan brûlantdu Mont-Hecla,
en lilande , pour point de départ, on peut
fuivre , fans interruption , une affez large zone
entièrement volcanifée , où l’obfervateur ne
perd jamais de vue, un feul inftant, les laves
de toute efpèce. Après avoir parcouru cette
Ifle , qui n’eft qu’un amas de volcans éteints ,
adoffés contre la montagne principale, dont
les flancs font encore embrafés, fuppofons
qu’il s'embarque à la pointe de l’Ifle qui porte
le nom de Long-Aés. Il trouvera fur fa route
Vejlerhorn , Portland & plufieurs autres Mes
volcaniques; il vifitera celles de Stromo ,
remarquables par fies grandes chauffées de
bafalte , & enluite les Mes de Féroé, où les
134 Hïjlotre naturelle.
laves & les balaltes fe trouvent mêlés de
zéolites. Depuis féroé, il le portera fur les
Ifles de Schetland , qui font toutes volcanifées,
& de-la aux Ifles Qrcades, lefquelles paroif-
fent s’être élevées en entier d’une mer de feu.
Les Orcades font comme adhérentes aux Ifles
Hébrides. C’eft dans cet archipel que fe trou¬
vent celles de S. Kilda, Sckie, Jona , Lyri,
Ilikenkil , la vafte & fingulière caverne bafal-
tique de Staffa, connue fous le nom de grotte
deFingal, l’ifle de Mult qui n’eft qu’un com-
pofé de bafalte, pétri , pour ainfi dire, avec
de la zéolite.
De l’Ifle de Mult, on peut aller en ÉcofTe
par celle de Kereyru, également volcaniiée,
& arriver à Don StafFugé ou à Dunkel, fur
les laves & les bafaltes que l’on peut fuivre
fans interruption par le Duché d’Inverery ,
par celui de Penh , par Glafcou , jufqu’a
Edimbourg. Ici les volcans femblent avoir
trouvé des bornes qui les ont empêchés d’en¬
trer dans l’Angleterre proprement dite, mais
ils fe font repliés fur eux- mêmes; on les fuit
fans interruption & fur une allez large zone
qui s’étend depuis Dumbar, Cuperg , Stirling,
jufqu’au bord de la mer, vers Pot t - Patrick.
L’Irlande eft en face, & l’on trouve à une
petite diftance, les écueils du canal Saint-
Georges, qui font auflï volcanifés ; l’on touche
bientôt à cette immenfe colonnade, connue
fous le nom de Chauffée des géans, & for¬
mant une ceinture de bafalte prifmatique, qui
rend l’abord de l’Irlande prefque inaccefiible
de ce côté.
En France , on peut reconnoître des volcans
Traité de l'Aimant. 13 ç
éteints en Bretagne , entre Royan & Tréguier,
& les Cuivre dans une partie du Limoufm, &
en Auvergne , où Ce (ont faits de très-grands
mouvemens , & de fortes éruptions de volcans
actuellement éteints; car les montagnes, les
pics, les collines de balalte & de lave y font
fi rapprochés, fi accumulés, qu’ils offrent un
fyftême bizarre & difparate, très- différent de
la dilpofition & de l’arrangement de toutes les
autres montagnes. Le Mont d’Or & le Puits
de Dôme peuvent être regardés comme autant
de volcans principaux qui domiqoient fur tous
les autres.
Les villes de Clermont, de Riom, d’Iffoire,
ne font bâties qu’avec des laves, & ne repo-
fent que fur des laves. Le cours de ces ter¬
rains volcanifés, s’étend jufqu’au-dela de l’Ai¬
lier , & on en voit des indices dans une partie
du Bourbonnois, & jufques dans la Bourgogne,
auprès du Mont cenis , où l’on a reconnu le
Pic conique de Drevin , formé par un faifceau
de bafalte , qui s’élève en pointe à trois cens
pieds de hauteur, & forme une grande borne,
qu’on peut regarder comme la limite du ter¬
rain volcanifé. Ces mêmes volcans dbMivergne
s’étendent, d’un côté, par Saint-Flour & Au-
rillac , jufqu’en Rouergue , & de l’autte, dans x
le Yélay; & en remontrant la Loire jufqu’à
fa fource, parmi les laves, nous arriverons
au Mont-Mezin, qui efk un grand volcan
éteint , dont la bafe a plus de douze lieues de
circonférence, & dont la hauteur s’élève au-
deffus de neuf cens toiles. Le Vivarais eft
attenant au Vélay, & l’on y voit un très-
grand nombre de cratères de volcans éteints,
136 H'ijlolrc naturelle.
& des chauffées de bafaltes , que l’on peut
fuivre dans leur largeur jufqu’à Rochemaure,
au bord du Rhône, en face de Monteliniar:
mais leur développement, en longueur , s’étend
parCaffan, Saint-Tibéri , jufqu’à Agde, où la
montagne volcanique de Saint- Loup, offre
des efcarpemens de lave d’une grande épaif-
feur & d’une hauteur très-confidérable.
11 paroît qu’auprès d’Agde , les laves s’en¬
foncent fous la mer; mais on ne tarde pas à
les vo r reparoître entre Marfeille & Toulon,
où l’on connoît le volcan dOilioule, & celui
des environs de Tourves. De grands dépôts
calcaires ont recouvert poftérieurement plu-
fieurs de ces volcans ; mais on en voit dont
les fommités paroiffent fortir du milieu de ces
antiques dépouilles de la mer ; ceux des envi¬
rons de Fréjus & d’Antibes, font de ce nombre.
Ici les Alpes maritimes ont fervi de barrière
aux feux fouterrains de la Provence, & les
ont, pour ainfi dire , empêchés de fe joindre
à ceux de l’Italie , par la voie la plus courte ;
car , derrière ces mêmes Alpes, il fe trouve
des volcans, qui, en ligne droite, ne font
éloignés que de trente lieues de ceux de Pro¬
vence.
La zone incendiée a donc pris une autre
route ; on peut même dire qu’elle a une double
direction en partant d’Antibes. La première
arrive , par une communication fous-marine ,
en Sardaigne; elle coupe le Cap Carbonaira,
traverfe les montagnes de cette lfle , fe re¬
plonge fous les eaux pour reparoitre à Cartha-
gène , & fe joindre à la chaîne volcanifée du
Portugal , jufqu’à Lilbonne , pour traverl'er
en fui te
Traité de T Aimant. 137
ënfuiteune partie de l’Efpagne , où M. Boules
a reconnu plufieurs volcans" éteints. Telle eit
la première ligne de jon&ion des volcans dfc
France.
La fécondé fe dirige également par la mer,
& va joindre l’Italie, entre Gênes & Flo¬
rence. On entre ici dans un des plus vaffes
domaines dufeu; l’incendiea été prefque uni-
ver fel dans toute l’Italie & la Sicile, où il
exifle encore deux volcans brnlans , le Véfuve
ée l’Etna , des terrains embraies , tels que la
Solfatera , des 1 fies incendiées, dont une,
celle de Stromboli, vomit (ans relâche, &
dans tous les tems , des laves , des pierres-
ponces , & jette des flammes qui éclairent la
mer au loin.
Le Véfuve nous offre un foyer en activité,
couronné & recouvert, de toutes parts, des
produits les plus remarquables du feu , & juf-
qu'à des Villes enfevelies à dix-huit cens pieds
de profondeur , fous les matières projetées par
le volcan : d’un côté , la mer nous montre les
Ules volcanifées d 'J (chia , de Procida , de Câ¬
pres , &c. & de l’autre le continent nous offre
Ja pointe de Miffene , Baye, P ondoie s , le Pau-
fi ipo, Portici, la côte de Sorento , le cap de Mi¬
nerve.
Le Lac A piano , C a (Ira ni , le Monte- Novo , le
Monte- Barbai 0 , la Solfatera , font autant de
cratères qui ont vomi , pendant plufieurs
fiècles, des monceaux immenfes de matières
volcaniques.
Mais, une chofe digne de remarque, c’eft
que les volcans des environs de Naples & de
-Minéraux. Tome. IX. M
138 Hijloire naturelle.
la terre de Labour , comme les autres volcans
dont nous venons de parler , femblent toujours
éviter les montagnes primitives, quartzeufes
& granitiques, & c’eft par cette raifon qu’ils
n’ont point pris leur direction par la Calabre ,
pour aller gagner la Sicile. Les grands cou-
rans de laves le font frayés une route fous les
eaux de la mer,& arrivent, du golfe de
Naples , le long de la côté de Sorente , paroif-
fant à découvert fur le rivage, & formant des
écueils de matières volcaniques, qu’on voit
de diftance en diftance , depuis le promontoire
de Minerve jufqu’aux îles de Lipari. Les îles de
Baçilu{{0 , les Cabianca , les Canera , Panaria , &C.
font fur cette ligne. Viennent enfuite l’île des
Salines , celles de Lipari, Volcanello & V oleano ,
autre volcan brûlant, où les feux fouterrains ta-
briquent , en grand , de grolfes mafi'es de véri¬
tables pierres ponces. En Sicile , les Monts -
Neptuniens, comme les Alpes en Provence,
ont forcé les feux fouterrains à fuivre leurs
contours, & à prendre leur direction par le
val Demona. Dans cette lfle , l’Etna élève
fièrement fa tête au-deftus de tous les volcans
de l’Europe ; les éjeéVions qu’a produit ce foyer
immenfe , coupent le val de Aoto , & arrivent à
l’extrémité de la Sicile, par le cap Pajfaro.
Les matières volcaniques diiparoifTent
encore ici fous les eaux de la mer, mais les
écueils de bafalte , qu’on voit de diftance en
diftance, font des fignaux évidens qui tracent
la route de l’embrafement ; on peut arriver ,
fans s’en écarter, jufqu’à l'Archipel, où l’on
trouve Santcrint , ôc les autres volcans qu’un
Traité de l'Aimant. 139
Obfervateur célèbre a fait connoître dans fon
Voyage pittorefque de la Grèce (/).
De "l’Archipel , on peut fuivre par la Dal-
matie les volcans éteints , décrits par M.
Fortis, jufqu’en Hongrie, où l’on trouve
ceux qu’a fait connoître M. de Born dans les
Lettres fur la Minéralogie de ce royaume.
De la Hongrie, la chaîne volcanifée te pro¬
longe toujours , fans interruption , par l’Alle¬
magne , &. va joindre les volcans éteints
d'Hannovre , décrits par Rafpe ; ceux-ci fe
dirigent fur Cafl'el , ville bâtie fur un vafte
plateau de balalte; les feux fouterrains qui
ont élevé toutes les collines volcaniques des
environs de Cartel , ont porté leur direélion
par le grand cordon des hautes montagnes
volcanifées de V Habichoual, qui vont joindre
le Rhin par Andernach , oii les Hollandois
font leur approvifionnement de tras (g) pour
le convertir en pouzzolane \ les bords du
Rhin , depuis Andernach jufqu’au vieux
Brifach , forment la continuité de la zone
volcanifée, qui traverfe le Brifgau & te rap¬
proche par-là de la France, du côté de Strat-
bourg.
D’après ce grand tableau des ravages du feu
dans la partie du monde qui nous eft la mieux
connue, pourroit-on le perfuader , ou même
( f) M. le Comte de Clioifeuil-Gouffier.
( g ) Le nas eft un vrai bafalte compare ou poreux ,
facile à broyer , & dont les Hollandois font de la pouz¬
zolane.
140 Hiflolre naturelle.
imaginer qu’il ait pu exifter d’affez grands
amas de matières combuiiibles , pour avoir
alimenté pendant des fiècles de fiècles , des
volcans multipliés en auffi grand nombre ?
Cela feul fufliroit pour nous indiquer que la
plupart des volcans actuellement éteints,
n’ont été produits que par les foudres de l’élec¬
tricité fouterraine Nous venons de voir, en
effet, que les Pyrénées , les Alpes, l’Apennin,
les Monts Neptuniens en Sicile , le Mont-
Granby en Angleterre , & les autres montagnes
primitives , quartzeufes & granitiques , ont
arrêté le cours des feux fouterrains, comme
étant par leur nature vitreufe , imperméables
au fluide éle&rique, dont ils ne peuvent pro¬
pager l’a&ion , ni communiquer les foudres;
& qu’au contraire tous les volcans produits par
les feux ou les tonnerres fouterrains, ne (e
trouvent qu’aux environs de ces montagnes
primitives , & n’ont exercé leur aélion que fur
les fchiftes , les argiles, les fubftances calcai¬
res & métalliques ^ & les autres matières de
fécondé formation & condu&rices de l’eletlri-
cité. Et comme l’eau efl un des plus puilfans
conduéteurs du fluide électrique, ces volcans
ont agi avec d’autant plus de force, qu’ils le
font trouvés plus près de la mer, dont les
eaux, en pénétrant dans leurs cavités , ont
prodigieufernent augmenté la maffe des fubf¬
tances conductrices , & faCtion de leleCtricité.
Mais, jetons encore un coup-d’œil fur les
autres différences remarquables qu’on peut
obferver dans la continuité des terrains vol-
canifés.
L’une des premières chofes qui s’offrent à
Traité de V Amant. 141
nos confidérations , c’eft cette immenfe con¬
tinuité de bafaltes & de laves , lefquels s’éten¬
dent, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des
terrains volcanilés. Ces bafaltes &. ces laves
contenant une très-grande quantité de matières
ferrugineufes , doivent être regardés comme
autant de conducteurs de l'éleCtricité ; ce font,
pour ainfidire, des barres métalliques, c’eft-
à-dire , des conducteurs à plufieurs centaines
de lieues du fluide électrique , & qui peuvent
le tranfmettre en un inftant, de l’une à l’autre
de leurs extrémités, tant à l’intérieur de la
terre , qu’à fa furface. L’on doit donc rap¬
porter à cette caufe les commotions & tremble-
mens de terre qui fe font fentir, prefque en
même-tems, à des diftances très-éloignees.
Une fécondé confidération très- importante ,
c’eft que tous les volcans, & fur-tour ceux
qui font encore actuellement agiffans , portent
fur des cavités dont la capacité eft au moins
égale au volume de leurs projections ; le
Monte-Nuovo, voifin du Véfuve, s'eft élevé
prefque fubiremenr, c’eft-à-dire , en deux ou
trois jours, dans l’année 1538, à la hauteur
de plus de mille pieds , fur une circonférence
de plus c’une lieue à Ja bafe ; & cette énorme
mafTe fortie des entrailles de la terre , dans
un terrain qui n’éroit qu’une plaine, a nécef-
fairement laiffé des cavités au moins égales à
fon volume ; de même , il y a toute raifon de
croire que l’Etna, dont la hauteur eft de plus
de dix huit cents toifes, & la circonférence à
la bafe de près de cinquante lieues, ne s’eft
élevé que par la force des foucfres fouterraines,
& que , par conféquent , cette très-énorme
142 Hifloire naturelle.
maffe de matière projetée porte fur plu Heurs
cavités, dont le vide eft au moins égal au
volume foulevé. On peut encore citer les îles
de Santorin, qui, depuis l’année 237 avant
notre Ere, le font abîmées dans la mer, &
élevées au deffus de la terre à plufieurs repri¬
ses , & dont les dernières cataftrophes font
arrivées en 1707. « Tout l’elpace , dit M. le
,, Comte de Choifeul- Goulîier , actuellement
„ rempli par la mer , & contenu entre Santorin
» & Théréfia , aujourd’hui Afpronyzi, faifoit
„ partie de la grande île , ainlî que Théréfia
„ elle-même. Un itnmenfe volcan s’eft allumé,
„ & a dévoré toutes les parties intermédiaires.
„ Je retrouve dans toute la côte de ce golfe,
„ compofée de rochers efcarpés & calcinés ,
» les bords de ce même foyer , & , fi j’ofe
» le dire, les parois internes du creufet, oii
,, cette deftrudtion s’eft opérée ; mais ce qu’il
» faut fur-tout remarquer , c’eft l’immenfe
v profondeur de cet abîme , dont on n’a jamais
» pu réuflir à trouver le fond. »
Enfin , nous devons encore obferver , en
général, que le Véfuve, l’Etna & les autres
volcans , tant agifîans qu’éteints, font entourés
de collines volcaniques , projetées par les
feux louterrains , & qui ont du laifler à leur
place des cavités égales à leur volume. Ces
collines, compofées de laves 6c de matières
fondues & projetées, font connues en Italie
fous le nom de Monticolli, & elles font fi
multipliées dans le royaume de Naples, que
leurs bafes fe touchent en beaucoup d’endroits.
Ainfi , le nombre des cavités ou bourfoufüures
du globe, formées par le feu ptimitif, a dû
Traité de V Aimant. 143
diminuer par les affaiffemens fucceffifs des
cavernes , dont les eaux auront percé les
voûtes, tandis que les feux fouterrains ont
produit d’autres cavités, dont nous pouvons
eftimer la capacité par le volume des matières
projetées, & par l’élévation des montagnes
volcaniques.
Je ferois même tenté de croire que les
montagnes volcaniques des Cordillières , telles
que Chimboraço , Cottopaxi , Pichencha ,
Sangaï , &c. dont les feux font actuellement
agifïans , & qui s’élèvent à plus de trois mille
toifes,ont été foulevées à cette énorme hau¬
teur par la force de ces feux, puifque l’Etna
nous offre un exemple d’un pareil foulèvement
jufqu'à la hauteur de dix-huit cens toiles, &
dès-lors, ces montagnes volcaniques des Cor¬
dillières ne doiventpointêtre regardées comme
des bourfufflures primitives du globe, puis¬
qu'elles ne font compofées ni de quartz, ni
de granit, ni d’autres matières vitreufes qui
auroient arrêté l’effet des foudres fouterraines ,
de même qu’en Europe nous voyons les Alpes
& les Pyrénées avoir arrêté & rompu tous les
efforts de cette électricité. Il en doit être de
même des montagnes volcaniques du Mexique
& des autres parties du monde , où l’on trouve
des volcans encore agilfans.
A l’égard des vofcans éteints , quoiqu’ils
aient tous les caractères des volcans actuelle¬
ment brûlans , nous remarquerons que les uns,
tels que le Pui-de-Dome, qui a plus de huit
cens toifes d’élévation, le Cantal en Auvergne,
qui en a près de mille, & le Mont-Mezin en
Yivarais , dont la hauteur eü à-peu-près égaie
144 Hijloire naturelle
à celle du Cantal , doivent avoir des cavités
audeffous de leurs bafes , & que d’autres fe
font en partie éboulés depuis qu’ils ont Ceffe
d’agir; cette différence fe remarque par celle
de la forme de leurs bouches ou cratères. Le
Mont Mezin , le Cantal , le colet d’Aifa , la
coupe de Saufac , la Gravène de Mont-Pefat,
préfentent tous des cratères d’une entière
confervation , tandis que d’autres n’offrent
qu’une partie de leurs bouches en entonnoir
qui fubfiffe encore , & dont le refte s’eft affaiflé
dans des cavités fouterraines.
Mais, le principal & le plus grand réfultat
que nous puiflions tirer de tous ces faits , c’eft
que l’aftion des foudres & des feux fouterrains,
ayant ®té affez violente pour élever dans nos
zones tempérées des montagnes telles que
l’Etna , jufqu’à dix-huit cents toifes de hauteur,
nous devons ceffer d’être étonnés de l’éléva¬
tion des montagnes volcaniques des Cordil-
lières jufqu’à trois mille toifes. Deux fortes
raifons me perfuadent de la vérité de cette
préfomption. La première, c’eft que le globe
étant plus élevé fous l’équateur , a dû, dès les
premiers tems de fa confolidation , former des
bourfoufflures & des cavités beaucoup plus
grandes dans les parties équatoriales que dans
les autres zones , & que , par conféquent , les
foudres fouterraines auront exercé leur aétion
avec plus de liberté & de puiffance dans cette
région, dont nous voyons, en effet, que les
affaiffemens fous les eaux , & les élévations
au-defl'us de la terre, font plus grandes que
par-tout ailleurs ; parce que indépendamment
de l’étendue plus confiderable de cavités , la
chaleur
Traité de i Aimant. 145
chaleur intérieure du globe , & celle du foleil ,
ont dû augmenter encore la puifl’ance des
foudres & des feux (outerrains.
La fécondé raifon , plus décifive encore
que la première, c’eft que ces volcans, dans
les Cordillières , nous démontrent qu’elles ne
font pas de première formation, c’eft-à-dire,
entièrement compofées de matières vitreufes ,
quartzeufes ou granitiques, puifque nous
i’ommes affurés , par la continuité des terrains
volcaniques dans l’Europe entière , que jamais
les foudres fouterraines n’ont agi contre ces
matières primitives, & qu’elles en ont par¬
tout fuivi les contours fans les entamer, parce
que ces matières vitreufes, n’érant point con¬
ductrices de l’éleélricité , n’ont pu en fubir ni
propager l’aétion. Il eft donc à préfumer que
toutes les montagnes volcaniques, foit dans
les Cordillières, ioit dans les autres parties
du monde , ne font pas de première formation ,
mais ont été projetées ou foule vées par la force
des foudres & des feux fouterrains, tandis que
les autres montagnes dans lefquelles, comme
aux Alpes & aux Pyrénées, &c. l’on ne voit
aucun indice de volcan , font en effet les
montagnes primitives , compofées de matières
vitreufes, qui fe refufent à toute aétion de
PéleCtricité.
Nous ne pouvons donc pas douter que la
force de l’eleétricité n’ait agi en toute iiberté,
& n’ait fait de violentes explofions dans les
cavités ou bourfoufflvires occafionnées par
l’aélion du feu primitif; en forte qu’on doit
préfumer, avec fondement, qu’il a exiflé des
volcans dès ces premiers tems, & que ces
Minéraux. Tome IX. N
1 46 Htjloire naturelle
volcans n’ont pas eu d’autres caufesque l’ac-^
tion des foudres (outerraines. Ces premiers
plus anciens volcans n’ont été , pour ainfi dire ,
que des explofions momentanées , & dont le
feu n’étant pas nourri par les matières corn-
buftibles, n’a pu fe manifefter par des effets
durables; ils le font, pour ainfi dire, éteints
après leur explofion, qui néanmoins a du pro¬
jeter toutes les matières que la foudre avoit
frappées & déplacées. Mais , lorfque dans la
fuite, les eaux, les fubftances métalliques,
& autres maiières volatiles fublimées par le
feu , & reléguées dans l’atmofphère , font
tombées & fe font établies fur le globe, ces
fubftances , toutes conductrices de l’éleéfrieité,
ont pu s’accumuler dans les cavernes fouter-
raines. Les végétaux s’étant dès-Jors multi-?
pliés fur les hauteurs de la terre , & les coquil¬
lages s’étant en même-tems propagés , & ayant
pullulé au point de former, par leurs dépouilles,
de giands amas de matières calcaires , toutes
ces rpatières conductrices fb font de même
raffemblées dans ces cavités intérieures , &
dès-lors 1’aCtion des foudres électriques a dû
produire des incendies durables, & d’autant
plus violens, que ces volcans fe font trouvés
plus voifins des mers dont les eaux, par leur
confliCt avec le feu , ont encore augmenté Iq
force & la durée des explofions ; & c’eft par
cette raifon que le pied de tous les volcans,
encore actuellement agiffans, fe trouve voifin
des mers, & qu’il n’en exifte pas dans l’inté¬
rieur des continents tçrreftres.
On doit donc diftinguer deux fortes de vol¬
cans; les premiers, (ans alimens , & unique-
Traite de. V Aimant. 147
firent produits par la force de l’éleclricité fou-
terraine ; les féconds , alimentés par les ma¬
tières combuftibles. Les premiers de tous les
volcans n ont été que des exploitons momen¬
tanées dans le tems de la confolidation du
globe. Ces explofions peuvent nous être repré-
fentées en petit , par les étincelles que lance
un boulet de fer rougi à blanc, en fe refroi-
di fiant. Elles font devenues plus violentes &
plus fréquentes par la chute des eaux, dont le
conflit avec le feu a dû produire de plus fortes
fecoufles & des ébraniemens plus étendus.
Ces premiers & plus anciens volcans ont laiffé
des bouches ou cratères, autour defquels fe
trouvent des laves , & autres matières fon¬
dues par les foudres , de la même manière que
la force éle&rique rnife en jeu par nos foibles
inftrumens , fond ou calcine toutes les matières
fur lefquelles elle eft dirigée.
Il y a donc toute apparence que , dans le
nombre infini de volcans éteints qui fe trou¬
vent à la furface de la terre, la plupart doi¬
vent être rapportés aux premières époques des
révolutions du globe après fa confolidation ,
pendant lefquelles ils n’ont agi que par mo-
mens& par l’effet fubit des foudres fourerrai-
nes , dont la violence a fottlevé les montagnes
& entr’ouvert les premières couches de la
terre, avant que la Nature n’eût produit allez
de végétaux, de pyrites & d’autres fubftances
combuftibles pour fervir d’aliment aux volcans
durables , tels que ceux qui font encore aèhiel-
lement agiffans.
Ce font aulli ces foudres éle&riques fouter-
raines qui caulent la plupart des tremblemens
N 2
148 Hifloire naturelle.
de terre. Je dis, la plupart, car la chute &
l’affaiffement fubit des cavernes inferieures du
globe , produifent auiïi des mouvemens qui ne
le font fentir qu’à de petites diltances ; ce font
plutôt des trépidations que de vrais tremble-
mens , dont les plus fréquens & les plus vio-
lens doivent fe rapporrer aux commotions
produites par les foudres électriques , puilque
ces tremblemens fe font fouvent fentir, pref-
qu’au même moment, à plus de cent lieues de
diftance & dans tout l’efpace intermédiaire.
C’eft le coup éleCtrique qui fe propage fubite-
ment & auffi loin que s’étendent les corps qui
peuvent lui fervir de conducteurs. Les fecouf-
fes occafionnées par ces tonnerres fouterrains,
font quelquefois affez violentes pour boule-
verfer les terres en les élevant ou les abaif-
fant , & changer en même tems la pofition
des fources & la direélion du cours des eaux.
Lorfque cette force de l’éleCtricité agit à la
furface du globe , elle ne fe manifefte pas uni¬
quement par des foudres , par des commotions
& par les autres effets que nous venons d’ex-
pofer. Elle paroît changer de nature, & pro¬
duit de nouveaux phénomènes. En effet, elle
fe modifie pour donner naiffance à une nou¬
velle force à laquelle on a donné le nom de
magnétifme; mais le magnétifme, bien moins
général que l’éleéfricité , n’agit que fur les
matières ferrugineufes , & ne fe montre que
par les effets de l’aimant & du fer, lefquels
lèuls peuvent fléchir & attirer une portion du
courant univerfel & éltéfrique , qui fe porte
directement & en fens contraire, de l’équateur
aux deux pôles.
Traité de T Aimant. 149
Telle eft donc l’origine des diverfes forces ,
tant générales que particulières, dont nous
venons de parler. L’attra&ion , en agiffant en
lens contraire de fa direction, a produit l’im-
pulfion dès l’origine de la matière. Cette
impulfion a fait naître l’élément du feu qui a
produit l’électricité; & nous allons voir que
le magnétifme n’eft qu’une modification parti¬
culière de cette électricité générale , qui fie
fléchit dans fion cours vers les matières fierru-
gineufies.
Nous ne connoiffons toutes ces forces que
par leurs effets ; les uns font conftans & géné¬
raux, les autres paroiffent variables & parti¬
culières. La force d’attraétion elt univerfelle-
ment répandue, elleréfide dans tout atome de
matière & s’étend dans le fiyftême entier de
l’univers, tandis que celle qui produit l’élec-
tricité agit à l’intérieur & s’étend à la fiurface
du globe terreftre, mais n’affecte pas tout les
corps de la même manière. Néanmoins cette
fotce éleétrique eft encore plus générale que
la force magnétique , qui n’appartient à aucune
autre fiubftance qu’à l’aimant & au fer.
Ces deux forces particulières ont des pro¬
priétés communes avec celle de l’attraCtion
univerfelle. Toutes trois agiffent à plus ou
moins de diftance, & les effets du magnétifme
& de l’éleCtricité font toujours combinés avec
l’effet général de PattraCtion qui appartient à
toute matière, & qui , par confiéquent , influe
néceffairement fur l’aCtion de ces deux forces ,
dont les effets , comparés entre eux , peuvent
être i’emblables ou differens , variables ou conf¬
tans, fugitifs ou permanens, & fiouvent pa-
N 3
15° Hiftoirt naturelle.
roître oppofés ou contraires à Talion de la
force univerfelle : car, quoique cette force
d’attraCtion s’exerce fans cefie en tout & par¬
tout , elle eft vaincue par celles de l’éle£lricitè
& du magnétifme, toutes les foisque ces forces
agiffent avec afl'ez d’énergie pour furmonier
l’effet de l’attradion , qui n’eft jamais que pro¬
portionnel la maffe des corps.
Les effets de lele&ricité & du magnétifme
font produits par des forces impulfives parti¬
culières, qu’on ne doit point affimiler à l’im»
pulfion ou répulfion primitive; celle-ci s’exerce
dans l’efpace vide, & n’a d’autre caufe que
l’attraclion qui force toute matière à fe rap¬
procher pour fe réunir. L’éleélricité & le
magnétifme fuppofent, au contraire, des im¬
pulsons particulières , caufées par un fluide
actif, qui environne les corps électriques &
magnétiques, & qui doit les affeCter différem¬
ment fuivant leur différente nature.
Mais, quel eft ou peut être l’agent ou le
moyen employé parla Nature, pour détermi¬
ner & fléchir l’éleétricité du globe en magné¬
tifme vers le fer, de préférence à toute autre
malfe minérale ou métallique ? Si les conjec¬
tures , ou même de fimples vues , font permifes
fur un objet qui , par fa profondeur & fon
ancienneté contemporaine des prermères ré¬
volutions de la terre, femble devoir échapper
à nos regards, & même à l’eeii de l’imagination,
nous dirons que la matière ferrugineufe , plus
difficile à fondre qu’aucune autre", s’eft établie
lur le globe, avant toute autre fubflance mé¬
tallique , & que dès-lors elle fut frappée la
première , & avec le plus de force & de durée
Traité di V Aimant. 1 5 1
par les flammes du feu primitif; elle dut dond
en contracter la plus grande affinité avec l’élé¬
ment du feu; affinité qui fe manifefte par la
combuftibilité du fer & par la prodigieufe
quantité d’air inflammable ou feu fixe qu’il
rend dans fes diffolutions ; & par conféquent
de toutes les matières que l’élettricité du globe
peut affeéter, le fer, comme ayant fpéciale-
ment plus d’affinité avec ce fluide de feu &
avec les forces dont il eft l’ame , en retient &
marque mieux tous les mouvemens, tant de
direction que d’inflexion particulière , dont
néanmoins les effets font tous fubordonnés à
la grande aétion & à la direétion générale du
fluide éleftrique de l’équateur vers les pôles.
Car il efi certain que s’il n’y avoit point de
fer fur la terre , il n’y auroit ni aimant ni
magnétifme , & que la force éleétrique n’en
exifteroitni ne fubfifieroit pas moins, avec fa
direction confiante & générale de l’équateur
aux pôles; & il eft tout auffi certain que le
cours de ce fluide fe fait en deux fensoppofés,
c’eft-à-dire, de l’équateur aux deux pôles
terreftres , en fe refferrant & s’inclinant ,
comme les méridiens fe refferrenr & s’inclinent
fur le globe; & l’on voit feulement que la
direction magnétique , quoique foumife à cette
grande loi, reçoit des inflexions dépendantes
de la pofition des grandes maffes de matières
ferrugineufes , & de leur giffement dans les
différens continens.
En comparant les effets de l’aéfion d’une
petite nraffe d’aimant, avec ceux que produit
lamaffe entière du globe terreftre, il paroît
que ce globe poffède en grand toutes lespro-
N 4
152 Hijlolre naturelle .’
priétés dont les aimans ne jouiffent qu’en petit.
Cependant la maffe du globe entier n’eft pas,
comme les petites maffes de l’aimant, com-
pofée de matières ferrugineules ; mais on peut
dire que fa furface entière eft mêlée d’une
grande quantité de fer magnétique , puilque
toutes les mines primitives font attirables a
l’aimant, & que de même les bafaltes , les
laves & toutes les mines fecondaires revivifiées
par le feu & par les coups de la foudre fouter-
raine , font également magnétiques. C’eft
cette continuité de matière ferrugineufe
magnétique, fur la furface de la terre qui a
produit le magnétifme général du globe , dont
les effets font lemblables à ceux du mannérifme
particulier d’une pierre d’aimant. Et c’eil de
î’éleéfricité générale du globe, que provient
l’éleétricité particHlière ou magnétifme de
l’aimant. D’ailleurs la force magnétique
n’ayant d’aétion que fur la matière lerrugi-
neufe, ce feroit méconnoître la fimplicité des
loix de la Nature , que de la charger d’un petit
procédé folitaire & d’une force il'olée qui ne
s’exerceroit que fur le fer. Il me paroitdonc
démontré que le magnétifme, qu’on regardoit
comme une force particulière & ilolée, dépend
de l’éleélricité dont il n’eft qu’une modification
occafionnée par le rapport unique de fon aétion
avec la nature du fer.
Et même, quoique le magnétifme n’appar¬
tienne qu’à la matière ferrugineufe , on ne
doit pas le regarder comme une des propriétés
effentielles de cette matière, car ce n’eft qu’une
fimple qualité accidentelle que le fer acquiert
ou qu’il perd, fans aucun changement & fans
Traité de l’Aimant. 1^
augmentation ni déperdition de fa fubSfancej
Toute matière ferrugineuse qui aura Subi l’ac¬
tion du feu , prendra du magnérifme par le
frottement, parla percuüion, par rout choc,
toute aéiion violente de la part des autres
corps; encore n’eft-il pas néceffaire d’avoir
recours à une force extérieure pour donner
au fer cette vertu magnétique , car il la prend
auffi de lui- même , fans être ni frappé , ni mu ,
ni frotté; il la prend dans l’état du plus parfait
repos, lorfqu’il refte constamment dans une
certaine fituation, expofé à TaéHon du magné*
tifme général, car dès- lors il devient aimant
en aSTez peu de tems. Cette force magnétique
peut donc agir fur le fer , fans être aidée d’au¬
cune autre force motrice dans tous les
cas , elle s’en SaiSit (ans en étendre le volume ,
& fans en augmenter ni diminuer la maSTe.
Nous avons parlé de l’aimant, comme des
autres matières terrugineufes , dans notre
Hiftoire des Minéraux , à l’article du fer ; mais
nous nous Sommes réfervé d’examiner de plus
près ce minéral magnétique qui , quoiqu’auSIï
brut qu’aucun autre, Semble tenir à la nature
aétive & fenfible des êtres organifés ; l’attrac¬
tion , la ripulfion de l’aimant, fa dire&ion
vers les pôles du monde, fon aétion fur les
corps animés , & la faculté qu’il a de commu¬
niquer toutes fes propriétés fans en perdre
aucune. Sans que fes forces s’épuifent, &
même fans qu’elles fubiSTent le moindre affoi-
bUSTement, toutes ces qualités, réunies ou
féparées , paroifîent être autant de vertus
magiques , & Sont au moins des attributs uni¬
ques, des Singularités de Nature d’autant plus
*54 H'ijloire naturelle.
éronnantesqu’elles femblent être fans exemple*'
& que , n’ayant été jufqu’ici que mal connues
& peu comparées, on a vainement tenté d’en
deviner les caufes.
Les Philofophes anciens, plus fages, quoi¬
que moins inftruits que les modernes , n’ont
pas eu la vaine prétention de vouloir expliquer,
par des caufes méchaniques, tous les effets de
la Nature ; & lorfqu’iis ont dit que l’aimant
avoit des affeélions d’amour & de haine, ils
indiquoient feulement, par ces expreflions ,
que la caufe de ces affections de l’aimant
devoit avoir quelque rapport avec la caufe
qui produit de femblables affrétions dans les
êtres lenfibles. Et peut être le trompoient-ils
moins que les Phyficiens rtcens , qui ont voulu
rapporter les phénomènes magnétiques aux
loix de notre méchanique grolîière. Auflï tous
leurs efforts, tous leurs raifonnemens appuyés
fur des fuppofitions précaires , n’ont abouti
qu’à démontrer l’erreur de leurs vues dans
le principe, & l’infulfifance de leurs moyens
d'explication. Mais, pour mieux connoître la
nature du magnétifme & fa dépendance de
l’éleétricité, comparons les principaux effets
de ces deux forces, en préfemanr, d’abord,
tous les faits femblables ou analogues , & fans
dilîïmuler ceux qui paroiflent dilférens ou con¬
traires.
L’aétion du magnétifme & celle de leleétri-
cité, font également variables , tantôt en
plus , tantôt en moins ; & leurs variations
farticulières dépendent en grande partie de
état de l’atmofphère. Les phénomènes élec¬
triques que nous pouvons produire , augmen-
Traité de T Aimant.
tent, en effet , ou diminuent de force , & même
font quelquefois totalement fupprimés, fui-
vant qu il y a plus ou moins d’humidité dans
l'air , que le fluide éleârique s’eft plus ou
moins répandu dans l’atmofphère , & que les
nuages orageux y font plus ou moins accu¬
mulés. De même les barres de fer, que l’on
veut aimanter par la feule expofition aux im-
preffions du magnétifme général , acquièrent
plus ou moins promptement la vertu magnéti¬
que, fuivant que le fluide éleSrique eft plus
ou moins abondant dans l’atmofphère; & les
aiguilles des boufloles éprouvent des varia¬
tions, tant périodiques qu’irrégulières, qui
ne paroiffent dépendre que du plus ou du moins
de force de l’éleélricité de l’air.
L’aimant primordial n’eft qu’une matière
ferrugineufe , qui ayant d’abord fubi l’a&ion
du feu primitif, s’eft enfuite aimantée par
l’impreflion du magnétifme du globe, 8e en
général , la force magnétique n’agit que fur le
fer ou fur les matières qui en contiennent; de
même la force éleéirique ne fe produit que
dans certaines matières, telles que l’ambre,
les réfines, les verres & les autres fubftances
qu’on appelle élcftriques par elles- mêmes , quoi¬
qu’elle puiffe fe communiquer à tous les corps.
Les aimans ou fers aimantés s’attirent mu¬
tuellement dans un fens, 8t fe repouffent réci¬
proquement dans le fens oppofé; cette répul-
fion & cette attra&ion font plus fenfibles ,
lorfqu’on approche l’un de l’autre leurs pôles
de même nom ou de différent nom. Les verres,
les réfines & les autres corps éleftriques par
eux-mêmes, ont aulü, dans plufieurs circonf-.
15 6 Hijloirc naturelle.
tances , des parties polaires , des portions
éledrifées en plus & d'autres en moins , dans
lesquelles l’attradion & la répulffon le mani¬
festent par des effets conftans & bien diftinds.
Les forces éledrique & magnétique s’exer¬
cent également en Sens oppofé & en Sens dired ;
& leur réadion eft égale à leur adion.
On peut , en armant les aimans d’un fer qui
les embrafle , diriger ou accumuler fur un ou
plufieurs points la force magnétique ; on peut
de même , par le moyen des verres & des
rétines , ainti qu’en ifolant les fubftances con-
dudrices de l’éledricité, diriger & condenfer
la force éledrique, & ces deux forces élec¬
trique & magnétique peuvent être également
difperfées , changées ou Supprimées à volonté.
La force de l’éledricité & celle du magnétifme
peuvent de même fecommuniquer aux matières
que l’on approche des corps dans lefquels on
a excité ces forces.
Souvent, pendant l’orage , l’éledricité des
nuées a troublé la diredion de l’aiguille de la
bouffole (A); & même I’adion de la foudre
aérienne a influéquelquefois fur le magnétifme
au point de détruire & de changer tout à-coup,
d’un pôle à l’autre, la diredion de l’atmant ( i ).
Une forte étincelle éledrique , & l’adion du
tonnerre, paroiflent également donner la
( h ) Voyez la relation de Carteret , dans le premier
voyage de Cook.
(i) Tranfaft. philofoph. N°. 117, page 647, & H°.
*57, P^e 5^°.
Traité de l'Aimant.
vertu magnétique aux corps ferrugineux, &
la vertu éle&rique aux fubftances que la Na¬
ture a rendues propres à recevoir immédiate¬
ment l’éle&ricité, telles que les verres & les
réfmes. M le Chevalier de Rozières, Capi¬
taine au Corps-Royal du Génie , eft parvenu
a aimanter des barres d’acier, en tirant des
étincelles par le bout oppoféàcelui qui reçe-
voit l’éle&ricité, fans employer les commo¬
tions plusou moins fortes des grandes batteries
électriques (A), & même fans en tirer des
étincelles , & feulement en les éle&rifant
pendant plufieurs heures de fuite (/).
Des bâtons de foufreou de,réfme qu’on laiffe
tomber, à plufieurs reprifes, fur un corps
dur, acquièrent la vertu éle&rique , de même
que des barres de fer qu’on lailTe tomber plu¬
fieurs fois de fuite, d’une certaine hauteur^
prennent du magnétifme par l’effet de leurs
chûtes réitérées (m).
On peut imprimer la vertu magnétique à
une barre de fer , de telle forte qu’elle préfente
une fuite de pôles alternativement oppofés;
( k ) Lettre de M. de Rozières , Secrétaire de la Société
patriotique de Valence , & Capitaine au Corps-Royal du
Génie , à M. le Comte de BulLon , du 14 Décembre
1786.
( / ) Cette dernière manière n’a été trouvée que nouvel¬
lement, par M. le Chevalier de Rozières, qui nous en a
fait part par fa lettte du 30 Avril 1787.
( m ) Mémoire de M. Liphartdt , Journal de Phyfique
Juin 1787.
1 5 S Hijlcire naturelle'.
on peut également éleélrifer une lame ou un
tube de verre, de manière qu’on y remarque
vne fuite de pôles alternativement oppofés (/i).
Lorfqu’une barre de fer s’aimante par fa
feule pioximité avec l’aimant , l’extrémité de
cette barre, qui en eft la plus voifine , acquiert
un pôle oppofé à celui que l’aimant lui pré¬
fente. De même une barre de fer ifolée peut
recevoir deux éle&ricités oppofées par le
voifinage d’un corps éleéfrifé ; le bout qui eft
le plus proche de ce corps jouit, comme dans
l’aimant , d’une force oppofée à celle dont il
fubit l’attion.
Les matières ferrugineufes réduites en
rouille , en ochre , & toutes les diffolutions
du fer par l’acide aérien ou par les autres
acides, ne peuvent recevoir la vertu magné¬
tique; & de même ces matières ferrugineufes
ne peuvent , dans cet état de diiïolution ,
acquérir la vertu éle&rique.
Si l’on fufpend une lame de verre , garnie
à fes deux bouts de petites plaques de métal ,
dont l’une fera éleéhifée en plus , l’autre en
moins, & fi cette lame, ainfi préparée, peut
fe mouvoir librement lorfqu’on en appro¬
chera un corps éle&rique qui jouit aufli des
deux élettricicés , la lame de verre préfentera
(n ) «Voyez, à ce fujet , les expériences de M. Epinus
dans la diifertation que ce Phyficien a publiée à la tôtç
de fon ouvrage , fur le magoétifrne , & celte de M. le
Comte de la Cépède , dans fon eliai fur i’élcchicité,
popie premier.
Traité de V Aimant'. j ^
les mêmes phénomènes que l’aiguille aimant
tee prelente auprès d’un aimant (o).
Les fortes étincelles éleèiriques revivifient
les chaux de fer, & leur rendent la propriété
dette attirées par l’aimant ( p ). Les foudres
fouterraines & aeriennes revivifient de même ,
a l’intérieur & à la furface de la terre , une
prodigieufe quantité de matières ferrugineu-
les, réduites en chaux par les élémens hu¬
mides.
La plupart des fchorls , & particulièrement
la tourmaline , préfentent des phénomènes
éleftriques qui ont la plus grande analogie
avec ceux de 1 aimant (^). Lorlque ces ma¬
tières ont été chauffées ou frottées , elles
ont, pour ainfi dire, des parties polaires,
dont les unes font éledlrifées en plus & les
autres en moins ,■& qui attirent ou repouf-,
fent les corps élettrifés.
Les aurores polaires , qui , comme nous
l’avons dit, ne font que des lumières élec¬
triques, influent plus qu’aucune autre affec¬
tion de l’armofphère , fur les variations de
l’aigue aimantée. Les obfervations de MM,
(o) Voyez la dilTertation prononcée par M. Epinus,
à Pétersbourg , au mois de Septembre 17JS.
( p ) Voyez , fur ce fujet , un Mémoire de M. le Comte
fie Milly, lu à l’Académie des Siences , & celui que M, dç
tyrenfmarum vient de publier.
( q ) Voyez la dilTertation de M. Epinus , dans les
JVÎémoires de l’Académie de Berlin, année 1756.
M5o JJlfloire naturelle.
Vanfwinden & de Caflini , ne permettent
plus de douter de ce fait (r).
Les peifonnes dont les nerfs font délicats,
& fur lefquelles l’éle&ricité agit d’une ma¬
niéré fi marquée, reçoivent aufli du magné-
tifme des impreflions aflez fenfibles ; car
l’aimant peut , en certaines circonftances ,
fufpendre & calmer les irritations nerveufes,
& appaifer les douleurs aiguës. L’a&ion de
l’aimant qui, dans ce cas, eft calmante &
même engourdifl'ante , femble arrêter le cours,
& fixer pour un temps le mouvement trop
( r) Voyez l’ouvrage de M. Vanfwinden, intitulé : de
V Analogie de l’Eleclricité & du Magnétifme , dans lequel
cet excellent obfervateur a prouvé que les variations
extraordinaires des aiguilles aimantées, les pertubations
dans leurs variations diurnes , 6c même quelques change-
mens aflez conftans dans leurs déclinaifons , ne font
jamais plus grands que dans le temps ou paroiflent les
aurores boréales ; M. le Comte de Caflini , de l’Académie
des Sciences, a obfervé avec une aiguille aimantée, fui-
vant la méthode de M. Coulomb , que la variation diurne
n’étoit ordinairement que de quelques minutes, 6c que
les aurores boréales influoient plus qu’aucune autre caufe
fur cette variatioq. «Le 13 Septembre 1781 , la direction
étoit, dit-il, le matin fur 26 minutes de la divifion dtï
micromètre ; à deux heures après midi , elle parvint à un
degré. Ce grand mouvement annonçoit quelque chofe
d’extraordinaire, l’aiguille enfuite rétrograda vers l’Eft,
non-feulement de tout le degré où elle étoit parvenue ,
triais encore de 13 minutes cn-deçà , où elle fut obfervce
à neuf heures du foir. C’eft alors qu’on s’appcrçut d’une
&
Traité de T Aimant. 161
rapide ou déréglé des torrens de ce fluide
éleélrique qui , quand, il ert fans frein, ou
le trouve fans mefure dans le corps animal,
en irrite les organes, & l’agite par des mou-
vemens couvulfifs.
U exifte des animaux dans lefquels , indé¬
pendamment de l'électricité vitale qui appar¬
tient à tout être vivant, la Nature a établi
un organe particulier deleétricité , &, pour
ainfi dire, un fens éleétrique & magnétique.
La torpille (s) , l’anguille éleétrique de
aurore boréale, dont l’effet, fur l’aiguille, avoit été par
conséquent de 37 minutes. Le ij , une autre aurore
boréale ne produilït qu’une variation totale de 35 minutes.
Il faut , à la vérité , détalquer l’effet ordinaire de la variation
diurne, qui eft d’environ 14 minutes. Il a paru que l’effet
des aurores boréales précédent fouvent de plufieurs heures
l’apparition de ces aurores , & fe prolor.gcoit aufli long-
.emps après. Le 12 Mai 1783 , deux aiguilles d’acier fondu ,
très fortement aimantées, rétrogradèrent de 14 minutes
plus que de coutume, & l’on remarqua un bandeau d’au¬
rore boréale, véritable caufe de cet effet , qui n’avoit pas
tu lieu les jours précedens , & qui n’eut plus lieu le
lendemain - Parmi les caufes perturbatrices de la varia-'
tion diurne, les aurores boréales font fans doute les plus
fortes ; leur effet dérange abfolument la direétion des
aiguilles aimantées qu’elles agitent en tout fens , & d’une
quantité plus ou moins grande, félon la force & l’étendue
du phénomène. . . ». Extrait du Mémoire de M. le Comte
de Caflini , adreffé aux Auteurs du Journal de Phyfique.
(j) La torpille reffemble, par fa forme, à la raye.
» C’elf m poiffon des plus finguliers, & qui produit fur
Minéraux. Tome. IX. . O
l6z Hiflolrt naturelle
Surinam, le trembleur du Niger (/), fem-
blent réunir & concentrer dans une même
faculté, la force de leleétricité & celle du
le corps humain d’étranges effets. Pour peu qu’on le
touche , ou fi par hafard on vient à marcher deffus , on
fe fent fài'i d’fin çngourdifTement par tout le corps, mais
fur-tout dans la partie qui a touché immédiatement la
torpille. On remarque encore le même effet, quand on
touche ce poiffon avec quelque cliofe que l’on tient à la
main. J’ai moi-même reiTenti un allez grand engourdi lîc-
ment dans le bras droit, pour avoir appuyé, pendant
quelque temps- , ma canne fur le corps de ce poiffon
& je ne doute pas que l’effet- n’en eût été plus violent
fi l’animal n’avoit été prêt d’expirer Car il produit cet
effet à mefure qu’il eft plus vigoureux , & il ceffe de le
produire dès qu’il eft mort; on peut en manger fans
inconvénient. J’ajouterai encore que l’engourdiffement ne
paffe pas auffi vite que certains Naturalises le difent. Le
mien diminua infenfiblement . & le lendemain j’en fentis
encore quelques refies >*•. . . Voyage autour du monde ,
par Georges Anfon-. . . Amfterdain , I74S, page 11 r.
Dans l’ancienne Médecine , on s’eft fervi de la torpille
pour engourdir & calmer : Gallien compare fa vertu ù
celle de l’opium , pour calmer & affoupir les douleurs.
(r) 11 eft bon d’obfcrver que les efpèces de poiffons
éleftriques diffèrent trop les unes des autres, pour qu’on
puiffe rapporrer leurs phénomènes à la conformité de
leur organifation Oit ne peut donc les attribuer qu’aux
effets de I’éleftricité. Voyez un très- bon Mémoire de
M. Brouffonnet , de l’Academie des Sciences , fur le Trem¬
bleur & les autres poiffons éleftriques, dans le Journal
de Lhyfique , du mois d’août 17S5»
Traité Je V Aimant. 163
magnétifine. Ces poiffons , électriques &
magnétiques , engourdirent les corps vivans
qui les touchent tk (’uivant M. Schilling &
quelques autres Obfervateurs , ils perdent
cette propriété lorfqu’on les touche eux mê¬
mes avec l’aimant. 11 leur ôte la faculté
d’engourdir, & on leur rend cette vertu en
les touchant avec du fer, auquel fe tranf-
fiorte le magnétifme qu’ils avoient reçu de
'aimant. Ces mêmes poiffons , éleélriques
& magnétiques , agirent fur l’aimant , & font
varier l’aiguille de la bonffole ( u ) ; mais ce
qui prouve évidemment la préfence de l’é-
le&ricité dans ces animaux, c’eft qu’on voit
paroitre des étincelles éleClriques dans les
intervalles que laiffent les condu&eurs mé¬
talliques avec lefquels on les touche. M.
Walfch a fait cette expérience devant la
Société royale de Londres, fur l’anguille de
Surinam, dont la force électrique paroît être
plus grande que celle de la torpille dans
laquelle cette aCtion eft peut-être rropfoible
pour produire des étincelles (*). Et ce qui
démontre encore que la commotion produite
par ces poiffons , n’ell point un eflet mé-
chanique , comme l’ont penfé quelques
( u ) Voyez l’ouvrage que M. Scliillîng a publié fur'
cette aftion de l’Aimant, appliquée aux poiffons électri¬
ques.
( x ) Lettre de M. Walfch à M. le Roi , de l’Académie'
des Sciences , dont ce dernier a publié l’extrait dans- le?
Journal de Pbyfique , année 1776.
O %
164 Hijloire naturelle'.
Phyficiens , mais un phénomène électrique;
c'eft qu’elle fe propage au travers des flui¬
des, & fe communique, par le moyen de
l’eau, à plufieurs perfonnes à-la-fois (y).
Or, ces étincelles & cette commotion,
plus ou moins violentes , que font éprouver
ces poiffons, font vraiment des effets de
l’éleitricité , que l’on ne peut attribuer en
aucune maniéré au fimple magnétifme , puif-
qu’aucun aimant, tant naturel qu’artificiel,
n’a fait éprouver de fecouffes fenflbles , ni
produit aucune étincelle; d’un autre côté,
les commotions que donnent les torpilles,
l’anguille éle&rique de Surinam & le trem-
bleur du Niger, étant très fortes, lorfque
ces poiffons font dans l’eau des mers ou des
grands fleuves, on peut d’autant moins la
confidérer comme un phénomène purement
éleélrique , que les effets de l’électricité s’af-
foiblilfent avec l’humidité de l’air qui la
diflipe , & ne peuvent jamais être excités
lorfqu’on mouille les machines qui la pro-
duifent. Les vafes de verre éle&rifé , que
l’on a appellés bouteilles de Leyde , & par le
moyen defquels on reçoit les fecoufles les
plus fortes , fe déchargent & perdent leur
vertu, dès le moment qu’ils font entièrement
plongés dans l’eau; cette eau, en faifant
communiquer enfemble les deux furfaces in¬
térieure & extérieure , rétablit l’équilibre
dont la rupture eff la feule caufe du mouve-
(y) Lettre de M. Val fch , publiée par M. le Roi,
Journal de Phyfique, année 1774.
Traité de l'Aimant. 165
ment, & par conféquent de la force du fluide
éleftrique. Si l’on remarque donc des effets
électriques dans les torpilles , l’on doit fup-
poler , d’après les modifications , de ces
effets, q,ue l’éleClricité n’y exiffe pas feule,
& qu’elle y eft réunie avec le magnétifme ,
de maniéré à y fubir une combinaifon qui
augmente , diminue ou altère fa puiflance ;
& il paroît que ces deux forces électrique
& magnétique, qui , lorfqu’elles font fépa-
rées l’une de l’autre, font plus ou moins
actives , ou prefque nulles , fuivant l’état
de l’atmofphère, le font également lorfqu’elles
font combinées dans ces poiflons ; mais peut-
être auflî la diverfité des faifons, ainfi que
les différens états de ces animaux, influent-
ils fur PaCtion de leurs forces éle&rique &
magnétique. Plufieurs perfonnes ont en effet
manié des torpilles, fans en recevoir aucune
fecoufle. M. le Comte de la Cépède étant à
la Rochelle , en Octobre 1777, voulut éprou¬
ver la vertu de quelques torpilles, que MM.
de l’Académie de la Rochelle avoient fait
pêcher; elles etoient bien vivantes, & pa-
roiffoient très vigoureufes ; cependant de
quelque maniéré qu’on les touchât , foit im¬
médiatement avec la main, foit avec des
barreaux de fer ou d’autres matières, &
fur quelque partie de leur corps qu’on portât
l’attouchement, dans l’eau ou hors de l’eau,
aucun des afliftans à l’expérience ne reffentit
Ip moindre commotion. 11 paroît donc que
ces poiflons ne font pas électriques dans tous
les temps, & que cette propriété, qui n’eit
pas confiante, dépend des circonilances , U
1 66 Hijlolre naturelle
peut-être de la faifon ou du temps auxquels
ces animaux doivent répandre leurs œuts &
leur frai ; & nous ne pouvons rien dire de
la caufe de ces alternatives d’aétion & d’i-
naétion , faute d’obfervations affez luivies
fur ces poiflons finguliers.
Cette combinaifon des deux forces éleêtri-
que & magnétique , que la Nature parort avoir
fane dans quelques êtres vivans , doir faire
efpérer que nous pourrons les réunir par l’art,
& peut-être en tirer des fecours efficaces dans
certaines maladies, & particulièrement dans
les affections nerveules.
Les deux forces électrique & magnétique i
ont en effet été employées féparécnent, avec
fuccès , pour la guérifon ou le foulagement de
plufieurs maux douloureux. Quelques Phy-
liciens ({), particulièrement M. Mauduit, de
la Société royale de Médecine, ont guéri des
maladies par le moyen de l’éleCtricité ( a) ; &
M l’Abbé le Noble , qui s’occupe avec fuccès ,
depuis long-temps, des effets du magnétifme
fur le corps humain , & qui eft parvenu à conf-
truire des aimans artificiels beaucoup plus
forts que tous ceux qui étoienr déjà connus ,
a employé très-heureufement l’application de
ces mêmes aimans pour le foulagement de plu-
h) On peut voir à ce fujet l’Ouvrage de M. l’Abbé
Bertbolon , intitulé : de l'Electricité du Corps humain.
( a Voyez les Mémoires de la Société royale de
Médecine, ainfi que les divers rapports & avis publiés
par cette compagnie.
Traité de f Aimant t£>7
(leurs maux. Nous croyons devoir placer dans
la Note ci-après, un extrait du Rapport faie
par MM. 1 es Commiflaires de la Société royale
de Médecine, au fujet des travaux utiles de
ce Phyficien, qui les continue avec zèle, &
d'une manière d’autant plus louable qu’il le9
confacre gratuitement au foulagement des
malheureux (£).
( b ) Dans un compte, rendu à la Société royale de
médecine T fur les effets de l’aimant , & au fujet des
travaux de M. le Noble , les Commiffaires s’expriment
en ces ternies : » Les- affeftions nerveufes nous ont paru
céder &: fe diffîper d’une manière confiante pendant
Pufagc de l’aimant-, & au contraire, les affeftions humo¬
rales n’ont éprouvé aucun changement par la plus forte
& la plus longue application de l’aimant. Dans toutes
les affeftions nerveufes , quelque fût la- nature des acci-
dens dont elles étoient accompagnées , foit qu’elles con-
fiftaffent en des affeffions purement douloureufes , foit
qu’elles paroiffent plus particulièrement fpafmodiques &
convulfives. , quelque fut aufit leur fiège & leur caraftère ,
de quelque manière enfin que nous euffions employé
l’aimant, foit en armure habituelle & confiante, foit
par la méthode des fimples applications, toutes ces affec¬
tions ont fubi des changemeus plus ou moins marqués ,
quoique prefque toujours le foulagement n’ait guère été
qu’une fuuple palliation de la maladie. Ces affeflions nous-
ont paru céder & s-’affoiblir d’une manière plus ou moins
marquée pendant le traitement. Plufieurs malades r que le
foulagement dont ils jouiffoient depuis quelque temps
avoit engagés à quitter leurs garnitures , ayant vu h
renouvelle! enfuite leurs accidens , qu’une nouvelle appli»-
l68 Hljloire naturelle
Nous avons cru devoir y placer aufli quel-
cation de l’aimant a toujours fuffi pour faire difparoitre »
nous fournies reliés convaincus que c’étoit à l’nfage des
aimans qu’on devoit attribuer le foulagement obtenu. . . .
Nous nous femmes fcrupuleufement abftenus d’employer
aucun autre remède pendant le traitement. De tous les
fecours qu’on peut defirer de voir joindre à l’ufage de
l’aimant, c’eft de l'électricité, fur-tout, dont il femble
qu’on ait lieu de plus attendre. ... Le magnétifme inté-
relfe le bien public ; il nous paraît devoir mériter toute
l’attention de la Société. Qu’on nous permette , à ce
fujet, une réflexion. De tous les objets fur lefquels l’en-
thouflafme peut s’exciter, & dont le charlatanifme peut,
par cette raifon , abufer avec plus de confiance , le magné¬
tifme paraît être celui qui offre à l’avidité plus de facilité
& plus de reffource. L’hiftoire feule de cet art fuffiroit
pour en convaincre , quand des effais , qui le multiplient
fous nos yeux , n’autoriferoient pas cette préfomption.
C’eft fur-tout fur de pareils objets , devenus pour le public
un fujet de curiofité , qu’il efl à defirer que les compa¬
gnies favantes portent toute leur attention , pour arracher
à l’erreur une confiance qu’elle ne manquerait pas de
gagner, fi l’on ne diffipoit aux yeux des gens crédules
les preftiges du charlatanifme , par des effais faits avec
exaftitude & impartialité. De pareils projets, pour être
remplis d’une manière utile , ont befoin de l’appui du
Gouvernement; mais où les fecours peuvent-ils mieux être
appliqués qu’aux objets qui touchent aux progrès des
fciences & au bien de l’humanité ?
>• En defirant que le Gouvernement autorife la Société
fi annoncer, fous fes aufpices , un traitement gratuit 6c
public pour le magnétifme , nous croyons encore utile
ques
Traité de T Aimant. 169
ques détails relatifs aux divers fuccès que M.
que la Compaagnie invite ceux de fes AfTociés & Corref-
pondans, à qui ces fortes d’elfais peuvent être agréables,
à concourir avec elle au fuccès de fes recherches. La
Société fait , par l’exemple de l’ électricité , combien elle
peut retirer d’avantages de cette réunion de travaux. Le
magnétifme offre encore plus de facilités pour répéter ou
multiplier les 'effais que l’on jugeroit nécelfaires Mais,
pour rendre ce concourrs de recherches plus fructueux,
on fent qu’il eft nécelfaire qu’il foit dirigé fur un plan
uniforme. Le rapport que nous foumettons ici à l’examen
de la Compagnie , remplirait cette vue , & nous lui pro-
pofons de le faire imprimer & diltribuer, par la voie de
fa correfpondance ordinaire.
» La Société, pour fe livrer elle-même à ces travaux,
devant s’attacher en Phyficien exercé dans la préparation
des Aimans , & verfé dans tous les genres des connoif-
fances relatives à leur adminiftration , nous penfons que
le choix de la Compagnie doit tomber fur M. l’Abbé le
Noble. Plufieurs raifons nous paroiflent devoir lui mériter
la préférence. On doit le regarder comme un des premiers
Phyfïdens qui, depuis le renouvellement des expériences
de l’aimant, fe foient occupés de cet objet. En 1763,
c’eff-à-dire , deux ans à-peu-près avant M. Klarich, que
l’on regarde comme le principal rénovateur de ces effais
& dont les obfervations ont fait attribuer à l’Angleterre
la gloire de cette découverte , les aimans de M. l’Abbé
le Noble, pour les dents, paroiffent avoir été connus
dans la capitale, & recherchés des Phyficiens. Au mois
de Juin 1766 , dans le même temps que M. d’Arquier ,
qu’on regarde comme le premier qui ait répété en France
les effais de M. Klarich dans les maux de dents, M
Minéraux. Tome IX. P
lyo Hiflo'ire naturelle.
l’Abbé le Noble a obtenus depuis la publica»'
l’Abbé le Noble publia, en ce genre, plufieurs obferva-
tions. Deux ans avant que le père Hell , à Vienne, fit
adopter généralement la méthode des armures magnétiques,
il avoit annoncé plufieurs efpèces de plaques aimantées ,
préparées pour être portées habituellement fur différentes
parties du corps. Depuis ces différentes époques , M.
l’Abbé le Noble n’a ceffé de s’occuper de l’ufage de
l’aimant dans plufieurs efpèces d’affeftions nerveufes. Les
réfultats qu’il avoit obtenus de ces effais , font confignés
dans un Mémoire qu’il lut, au mois de Septembre 1777,
dans une des féances de la Société. Enfin , pour com¬
pléter l’hiftoire de fes travaux, on doit y joindre les
différens effais auxquels ont donné lieu nos propies ob-r
fervations , & dont nous connoiflons qu’il doit , s’il en
réfulte quelque utilité , partager avec nous le mérite. A
çe fujet , nous devons rendre compte à la Compagnie
du zèle avec lequel M. l’Abbé le Noble s’eft porté à
nous féconder dans nos recherches. Quoique la durée de
fes effais , & fa réüdence ordinaire en province , aient exigé
de lui de fréquens voyages & de longs féjours à Paris,
quoique la multiplicité des malades qui ont eu recours à
l’aimant, le peu d’aifance du plus grand nombre, la
durée du long traitement pendant lequel les armures ont
dû être fouvent renouvellées , aient été autant de charges ,
d’incommodités & de fujets de dépenfes pour M. l’Abbé
le Noble , nous devons annoncer qu'il n’a épargné ni
foins , ni peines , ni facrifices pour concourir , autant qu’il
étoit en lui , au fuccès de nos épreuves & au foulage-
ment des malheureux. M. l’Abbé le Noble fe montre
encore animé des mêmes difpofitions . & prêt à les mettre
en œuvre, fi les circonftances répondoient à fes defirs.
Traité de V Aimant. 171
tion du rapport de MM. de la Société royale ,
& qu’il nous a coirnnuniqués lui- môme.
Mais , attaché par la nature de fes devoirs à la place
qu’il remplit en province, il ne pourrait concourir d’une
manière utile aux expériences que nous propofons , s’il
n’étoit fixé à Paris. C’eft au Gouvernement feul qu’il
appartient de lever cet obftacle , & nous penfons que la
Compagnie doit renouveller , en fa faveur , les mêmes
inftances qu’elle a déjà faites, en 1778, pour lui obtenir
une réfidcnce fixe dans la capitale.
** Des raifons particulières & perfonnelles à M. le
Noble , nous paroilfent devoir lui mériter cette faveur du
Gouvernement : c’eff fur - tout en employant de forts
a mans , portés au plus haut degré de force & préparés
de manière à former une machine femblable à celle de
l’éleflricité , qu’on doit attendre de nouveaux avantages
du magnétifme. M. l’Abbé le Noble pofsède en ce genre
des procédés très fupérieurs à tous ceux qui nous ont
été connus ,& employés jufqu’ici par les Phyficiens. Nous
apportons en preuve , de ce que nous avançons ici , un
certificat de l’Académie royale des Sciences, à laquelle
M. l’Abbé le Noble a préfenté des aimans capables de
foutenir des poids de plus de deux cents livres , & qui
lui ont mérité les éloges & l’approbation de cette Com¬
pagnie. C’eft avec des aimans de ce genre qu’on a lieu
de fe flatter d’obtenir du magnétifme des effets extraor¬
dinaires & inconnus ».
M. l’Abbé le Noble nous a communiqué les détails
fuivans; relatifs aux diverfes applications qu’il a faites de
l’aimant , dans les maladies , depuis la publication du
rapport de la Société Royale de Médecine.
En 1786, le 24 Mai, à cinq heures du foir, une
P 2
171 Hiflolre naturelle
Les premiers Phyftciens qui ost voulu re¬
plaque d’aimant envoyée par M. l’Abbé le Noble , fut appli¬
quée fur l’eftomac à une malade, figée de cinquante-un
ans , & (pii , depuis l’âge de vingt-deux , éprouvoit de
temps en temps des attaques de nerfs , plus ou moins
fréquentes, qui étoient venues à la fuite d’une fuppref»
fion , & étoient accompagnées de convulfions très fortes ,
& d’autres fymptômes effrayans. Ces attaques avoient
difparu quelquefois près d’un an ; elles avoient été auffi
fufpendues par différens remèdes. Pendant les divers inter¬
valles qui avoient féparé le temps où les attaques étoient
plus ou moins fréquentes , la perfonne qui les avoit éprou¬
vées avoit joui d’une bonne fanté ; mais, depuis quinze
mois , elle étoit retombée dans fon premier état. Sur la
fin même, les accidens arrivoient plus de dix ou douze
fois par jour, & quelquefois dupoient plufieurs minutes.
Depuis dix»' mit mois, les évacuations périodiques étoient
dérangées, & n’avoient lieu que de deux eq deux mois.
L’effet de l’aimant fut très prompt : la malade n’eut
plus de convulfions , quoique dans la matinée & dans
l’après-dipée elle en eut éprouvé plus de vingt fois. Le
16 Juin, les convulfions n’étoient point encore revenues,
'la malade Ce portoit mieux ; elle fentoit fes forces & fon
appétit augmenter de jour en jour; elle dormoit un peu
mieux pendant la nuit , & s’occupoit continuellement ,
pendant le jour, des travaux pénibles de la campagne,
fans en être incommodée ; elle fentoit cependant toujours
yn petit tiraillement dans l’intérieur du front. Elle ren-
doit quelquefois des vents connue auparavant ; fa rcfpira-
lion étoit un peu gênée lorfqu’ils s’écbappoient , mais
n’avoit jamais été fufpendue depuis l’application de l'aimant ,
8 i n fi que cela arrivoit très fouvent auparavant.
Traits de V Aimant. 17 3
chercher les rapports analogues des forces
Ces faits ont été attehés par le Curé du lieu , & il eh
à croire que le bien-être s’eft foutenu , puifque la malade
n’a point demandé de nouveaux fecours.
Une dame qui fouffroit beaucoup des nerfs , prefque
dans tout le corps , & dont la famé étoit fi dérangée,
qu’elle n’ofoit point tenter les remèdes intérieurs-, s’eh
trouvée foulagée par le moyen d’un collier d’aimant , &
l’application d’un aimant fur le creux de i’eftomac , ainfi
qu’elle l’a écrit elle-même à M. l’Abbé le Noble.
Une malade fouffroit , depuis fix mois , des maux de
nerfs qui lui donnoient des maux de gorge & d’eftomac ,
au point que très fouvent l’œfophage fe fermoit prefque
entièrement, & la mettoit dans une impoffibilité prefque
abfolue d’avaler même les liquides pendant à-peu-près la
moitié de la journée : une fièvre épidémique s’étoit jointe
aux accidens nerveux. On lui appliqua un collier 5c une
ceinture d’aimans , fuivant la méthode de IV1. l’Abbé le
Noble. Huit ou dix heures après , la malade fe trouva
comme guérie , & fe porta pjjfablcmcnt bien pendant trois
mois , au bout defquels le Médecin , qui l’avoit traitée ,
certifia à M. l’Abbé le Noble la maladie 5c la guérifon.
Ce même Médecin penfoit que les nerfs de cette Dame
avoient été agacés par une humeur.
Une jeune Demoifelle ayant eu, pendant plus de trois
ans , des attaques d’épilepfie , qui avoient commencé à
P 3
174 Htjloire naturelle'.
magnétique & éleftrique , effayèrent de rap
l’épeque où les évacuations ont lieu, & ayant fait inu¬
tilement plufieurs remèdes confeillés par un Membre de
la Société Royale de Médecine, eut recours aux ai mars
de M. l’Abbé le Noble , d’après l’avis du même Médecin ;
les attaques eefsèrent bientôt , & , dTx mois après leur
eefiation , fa mère écrivit au Médecin qui lui avoit con-
feillé les aimans de M. l’Abbé le Noble, pour lui annon¬
cer la guérifon de fa fille..
Une Dame fouffroit, depuis plus de huit ans, des maux
de nerfs qui avoient été fouvent accompagnés d’accidcns
graves & fâcheux , de laffitudes , d’infomnies, de douleur?
vives , de convulfions , d'évanouiffemens , & fur-tout d’un
accablement général , & d’une grande trifidlé. Les aimans
de M. l’Abbé le Noble l’ont guérie , & elle l’a attefté
elie-mème , un mois ou environ après , à M. l’Abbé le
Noble -, fa guérifon s’étoit joujours foutenue.
Une Dame , qui étoit malade d’une épilepfie furvenue
à la fuite d’une frayeur qu’elle avoit eue dans un temps
critique , a certifié que , depuis quatre ans qu’elle porte
des aimans de M. le Noble , elle a toujours été fouiagée ;
que fi divers événemens lui ont donné quelquefois des
crifes , elles ont été paffagères & bien moins violentes
que celles qu’elle avoit éprouvées , & qu’elle jouit habi¬
tuellement d’un bien-être très marqué.
Trois femmes & un homme ont été guéris, par l’ap-
Traité de l’Aimant. 175
porter l’électricité qu’on venoit , en quelque
plication de l’aimant, de maux de nerfs, accompagnés
de convulfions fortes , &c. trois ans fe font écoulés depuis
la guérifon d’une de ces femmes, & elle fe porte encore
très bien.
M. Picot , Médecin de la maifon du Roi de Sardaigne,
a certifié à M. l’Abbé le Noble , qu’il s’étoit fervi de
fes aimans avec le plu» grand fuccès , pour procurer à
une femme très délicate & d’une très grande fenfibilité ,
des évacuations périodiques , dérangées ou fupprimées ,
en partie , depuis plus de deux ans. Le même Médecin
attefte avoir été guéri lui-même d’une migraine qui avoit
réfifté , pendant plus de huit ans , à tous les fecours de
l’art. 11 demande, en conféquence, à M. le Noble, qu’il
établiffe un dépôt de fes aimans dans la ville de Turin.
Depuis plus de dix-huit mois , une Dame ne pouvoit
prendre la plus légère nourriture, fans que fon eftomac
fût extrêmement fatigué. Elle rellentoit des douleurs
prefque continuelles, tantôt dans le côté droit, tantôt
•ntre les deux épaules, & fouvent dans la poitrine; elle
éprouvoit tous les foirs , fur la fin de fa digeftion . un
étouffement fubit , une tenfion générale, une inquiétude
qui la forcoit à ceffer toute occupation , à marcher , à
aller à l’air , quelque froid qu’il fît , & à relâcher tous
les cordons de fon habit. Quinze iours après avoir em¬
ployé les aimans de M. l'Abbé le Noble, elle fut entiè¬
rement guérie ; & aucune douleur ni aucun accident
n’étoient revenus fix femaines après qu’elle eut commencé
P 4
17*5 Hljloire naturelle
forte, de découvrir, au magnétifme dont on
à les porter, ainfi qu’elle l’aitefta elle-même à M. l’Abbé
le Noble.
Une Dame a certifié elle-même qu’elle avoit foufferr,
pendant fix jours , des douleurs très vives , oceafionnécs
par un rliumatifme au bras gauche , dont elle avoit
entièrement perdu l’ufage ; qu’elle avoit employé fans
fuccès les remèdes ordinaires ; qu’elle avoit eu recours
aux plaques aimantées de M. l’Abbé le Noble, & que
quatre jours après elle avoit été entièrement guérie.
Un homme , très digne de foi , a aufli certifié à M. l’Abbé
le Noble, qu’il avoit été guéri, par l’application de fcs
aimans , d’un rliumatifme très douloureux , dont il fouf-
froit depuis plufieujs années, & dont le fiège étoit au
bas de l’épine du dos. Près d’un an après, cet homme
portoit toujours fur le bas du dos la plaque aimantée ;
les douleurs avoient difparu , & il ne fentoit plus que
quelquefois un peu d’engourdilfement lorfqu’il avoit été
fédentaire pendant trop long-temps s mais il difiipoit cet
engourdilfement , en faifant quelques pas dans fa chambre.
Un homme malade d’une paralyfie imcomplète , fouf-
frar.t dans toutes les parties du corps , & ayant tenté
inutilement tons les remèdes connus , fut adrelfé , dans
le mois de Septembre 17S5 , à M. l’Abbé le Noble, paf
un Membre de la Société de Médecine ; on lui appliqua
les aimans, &, au mois de Janvier 17S6, il s’tfl très
bien porté.
Traité de V Aimant. 177
connoiffoit, depuis long-tems, les grands
Une Dame qui fouffroit , depuis vingt ans , des dou¬
leurs rhumatifmales qui l’empêchoient de dormir & de
marcher , étoit prefque entièrement guérie au mois de
Février 1787.
Le nommé Boiffel , garçon menuifier, âgé de fo ans,
a eu recours à M. l’Abbé le Noble , le 9 Novembre
1786. Il y avoit dix mois qu’il éprouvoit de grandes
douleurs dans les deux bras ; le gauche étoit très ei flé
& enflammé , il lui étoit impoffible de l’étendre , & la
douleur fe communiquoit à la poitrine , à l’eftomac &
aux côtés, & même jufqu’aux jambes, dont il ne pou-
voit faire ufage qu’à l’aide d’une béquille ; on étoit obligé
de le porter dans fon lit , où il reflfentoit encore les
mèmes'douleurs ; il avoit été trois mois à l’Hôtel-Dieu ,
& il y en avoit deux qu’il en étoit forti fans y avoir
éprouvé le plus léger foulagement. Mais , après l’appli¬
cation des aimans de M. l’Abbé le Noble, le 9 Novem¬
bre , les mouvemens dans les jambes , ainli que dans les
bras , font devenus libres; le 19 dudit mois, il fe pro-
menoit dans fa chambre , & voyant la facilité avec laquelle
il marchoit , il crut qu’il pourrait fortir fans aucun rifque.
En effet, il a été, ce jour-là, à quelque diflance de
fon domicile , & le lendemain 10 , il eft venu de la rue
neuve Saint-Martin , où il demeure , à la rue Saint-Tho¬
mas- du-Louvre. Les douleurs étoient encore vives dans
les jambes , quoique les mouvemens fuffent libres ; mais
elles fe font diffipécs par degrés, & ont ceffé le 15
Février. Il s’efl établi fous les aimans, à la cheville des
pieds 5c fous les jarretières , des efpèces de petits eau-
178 Hifloîre naturelle .
phénomènes (£). Des Phyficiens récens ont,
avec plus de fondement , attribué ce même
magnétifme à l’éle&ricité qu’ils connoiffoient
mieux; mais ni les uns ni les autres n’ont fait
affez d’attention aux différences de l’aétiondc
ces deux forces, dont nous venons d’expofer
les relations analogues, & qui néanmoins
diffèrent par plufieurs rapports, & notam¬
ment par les direéfions particulières que ces
forces fuivent, ou qu’elles prennent d’elles-
mêmes. Car la direction du magnétifme Ce
combine avec le giffemenr des continens , 6c
fe détermine par la pofition particulière des
mines de fer &. d’aimant . des chaînes de laves ,
de bafaltes , & de toutes les matières ferru-
gineufesqui ont fubi l’aftion du feu;& c’eft
par cette raifon que la force magnétique a
autant de différentes dire&ions, qu’il y a de
pôles magnétiques fur le globe ; au lieu que la
direction de l’éleétricité ne varie point, & fe
porte conftamment de l’équateur aux deux
pôles terreftres. Les glaces, qui recouvrent
les régions polaires des deux hémifphères du
globe , doivent déterminer puiffamment le
tères qni rendoient une humeur épaifle & gluante. Les
jambes, qui étoient confidérablement enflées , font main¬
tenant, au mois de Mars 1787, dans l’état naturel ; il
marche très bien , 6c jouit d’une bonne famé.
( * ) Le père Berault , jéfuite , auteur d’une Diflerta-
tion couronnée par l’Académie de Bordeaux , a foupçonné
le premier , que les forces magnétiques 6c élettriques
pouvoient être identiques.
Traité de P Aimant. 179
fluide éleéîrique vers ces régions polaires où
il manque , & vers lesquelles il doit fe porter ,
pour obéir aux loix générales de l’équilibre
des fluides, au lieu que la glace n’influe pas
fur le magnétifme , qui ne reçoit d’inflexions
que par l'on rapport particulier avec les maffes
de l’aimant & du fer.
De plus, il n’y a de rapports Semblables &
bien marqués , qu’entre les aimans & les corps
elettriques par eux-mêmes , & l’on ne connoît
point de fubflances fur lefquelles le magnétifme
produife des effets pareils à ceux que l’élec¬
tricité produit fur les fubflances qui ne peu¬
vent être éleélrifées que par communication.
D’ailleurs le magnétifme ne fe communique
pas de la même manière que l’éleélricité dans
beaucoup de circonftances , pmfqite la com¬
munication du magnétifme ne diminue pas la
force des aimans , tandis que la communication
de l’éleélricité détruit la vertu des corps qui la
proc'uifent.
On peut donc dire que tous les effets ma¬
gnétiques ont leurs analogues dans les phé¬
nomènes de l’éleélricité; mais on doit convenir,
en même-tems, que tous les phénomènes
éleétriques n’ont pas de même tous leurs ana¬
logues dans les effets magnétiques ; ainfi ,
nous ne pouvons plus douter que la force
particulière du magnétifme , ne dépende de la
force générale de l’éleélricité , & que tous
les effets de l’aimant ne foient des modifica¬
tions de cette force éleéîrique ( c ). Et ne pou-
( c ) Notre opinion eff confirmée par les preuves ré¬
pandues dans une dilTertation de M. Epinus , lue à l’Aca-
1 2o Hijloire naturelle .
vons-nous pas confidérer l’aimant comme un
corps perpétuellement électrique , quoiqu’il
ne poffède l’éleCtricité que d’une manière
particulière, à laquelle on a donné le nom
de magnétifme ? La nature des matières ferru-
gineules, par fon affinité avec la fubftance
du feu , elt affez puiffante pour fléchir la direc¬
tion du cours del’éleCtricitè générale , & même
pour en ralentir le mouvement, en le déter¬
minant vers la furface de l’aimant. La lenteur
de l'aCtion magnétique, en comparaifon de la
violente rapidité des checs électriques, nous
repréfente en effet un fluide, qui, tout aCtif
qu’il eft, femble néanmoins être ralenti, fuf-
pendu &, pour ainfi dire , affoupi dans lcn
cours.
Ainfi , je le répète, les principaux effets du
magnétifme fe rapprochent, par une analogie
marquée , de ceux de l’éleCtricité , & le grand
rapport de la direction generale & commune
des forces éleCtrique & magnétique, de l’équa¬
teur aux deux pôles , les réunit encore de pius
près , & femble même les identifier (J).
démie de Saint-Pétersbourg ; ce Phyfieien y a fait voir
que les effets de l’éleflricité & du magnétifme , non-
feulement ont du rapport dans quelques points , mais
qu’ils font encore fembiables dans un très grand nombre
de circonftanees des plus effentielles ; en forte , dit-il ,
qu’il n’elt prefque pas à douter que la Nature n’emploie
à peu-près les mêmes moyens pour produire l’une &
l’autre force.
(<0 M. 1« Comte de Treflan a penfé, comme nous,
Traite de P Aimant. 181
Si la vertu magnétique étoit un force réfi-
dente dans le fer ou dans l’aimant, & qui leur
fût inhérente & propre, on ne pourroit la
trouver ou la prendre que dans l’aimant même,
ou dans le fer actuellement aimanté; & il ne
feroit pas poflïble de l’exciter, ou de la pro¬
duire par un autre moyen ; mais la pereuflion ,
le frottement, & même la feule expofition
aux impreflions de l’atraofphère, fuiîifent pour
donner au fer cette vertu magnétique ; preuve '
évidente qu’elle dépend d’une force extérieure
que le magnétifme n’étoit qu’une modification de l’élec¬
tricité. Voyez fon Ouvrage, qui a pour titre : EJfaî fur
le Fluide électrique , confidéré comme agent univerfel ;
mais notre théorie n’en diffère pas moins de fon opinion.
L’hypothèfe de ce Phyficien eft ingénieufe , fuppofe beau¬
coup de connoilTances & de recherches ; il préfente des
expériences intérefiantes , de bonnes vues & des vérités
importantes , mais cependant on ne peut admettre fa
théorie. Elle confifte principalement à expliquer le méca¬
nisme de l’univers, & tous les effets de l’attraftion , par¬
le moyen dn fluide éle&rique. Mais l’a&ion impulfive
d’aucun fluide ne peut exiffer que par le moyen de
l'élafticité , & l’élafticité n’eft elle-même qu’un effet de
de l’attraftion , ainfi que nous l’avons ci-devant démontré.
On ne fera donc que reculer la queftion , au lieu de la
réfoudre , toutes les fois qti’on voudra expliquer l’attraftioit
par l’impulfion , dont les phénomènes font tous dépendans
de la gravitation uni verfelle On peut confulter à ce fujet ,
l'article intitulé de l’Attra&ion, du premier volume de la
Pkyfique générale & particulière de M. le Comte de la
Cépède.
iSi Hiflo'irt naturelle .
qui s’applique , ou plutôt flotte à fa furface , &
fe renouvelle fans ceffe.
En confidérant les phénomènes de la direc¬
tion de l’aimant, on voit que les forces qui
produifent & maintiennent cette direction,
le portent généralement de l’équateur aux
pôles terreflres , avec des variations dont les
unes ne font qu’alternatives d'un jour à l’autre,
& s’opèrent par des ofcillations momentanées
& paffagères , produites par les variations de
l’état de l’air, foit par la chaleur ou le froid ,
foit par les vents , les orages , les aurores
boréales; les autres font des variations en
déclinaifon & en inclinaifon, dont les caufes,
quoique également accidentelles, font plus
confiantes , & dont les effets ne s’opèrent qu’en
beaucoup plus de tems ; & tous ces effets font
fubordonnés à la caufe générale , qui détermine
la direction de la force électrique de l’équateur
vers les pôles.
En examinant attentivement les inflexions
que la direction générale de l’éleCtricité & du
magnétifme éprouve de toutes ces caufes par¬
ticulières , on reconnoit, d'après les oblèr-
vations récentes & anciennes , que les grandes
variations du magnétifme ont une marche pro-
greffive du nord a l’eff ou à l’oueft , dans cer¬
taines périodes de tems, & que la force
magnétique a , dans fa direction , differens
points de tendance ou de détermination, que
l’on doit regarder comme autant de pôles ma¬
gnétiques vers lefquels , félon le plus ou moins
de proximité , fe fléchit la direction de la force
générale , qui tend de l’équateur aux deux
pôles du globe.
Traité de l'Aimant.
Ce mouvement en déclinaifon , ne s’opère
que lentement ; & cette déclinaifon paroiflant
etre allez confiante pendant quelques années ,
on peut regarder les obfervations , faites
depuis douze à quinze ans, comme autant
de déterminations affez juftes de la pofition des
lieux ou elles ont été faites. Je joins ici les
tables de ces obfervations, & j’en ai rédigé
les principaux réfultats en cartes magnétiques,
qut pourront être très-utiles à la navigation,
lx la déclinaifon n’a que peu ou point changé
depuis douze à quinze ans; ces tables donne¬
ront connoiflance aux Navigateurs de tous les
points où cette déclinaifon a été récemment
obleryée, & par conséquent de tous les lieux
relatifs à ces obfervations.
On ,doit réunir aux phénomènes de la
déclinaifon de l’aimant , ceux de fon incli-
naifon; ils nous démontrent que la force
magnétique prend, à mefure que l’on appro¬
che des pôles, une tendance de plus en plus
approchante de la perpendiculaire à la fur-
face du g.obe , & cette inclinaifon, quoiqu’un
peu modifiée par la proximité des pôles ma¬
gnétiques , qui détermine la déclinaifon , nous
paroîtra cependant beaucoup moins irrégu¬
lière dans fa marche progreffive vers les
pôles terrefires , & plus confiante que la
déclinaifon dans les mêmes lieux, en difFé-
rens temps.
Pour fe former une idée nette de cette in-
clinaifon de l’aimant, il faut le repréfenter
la figure de la terre , renflée fous l’équateur
& baifièe fous les pôles , ce qui fait une
courbure, dont les degrés ne font point tous
l$4 H: faire naturelle.
égaux, comme ceux d’une fphère parfaite;
il faut en même - temps concevoir que le
mouvement qui tend de l’équateur aux pô¬
les, doit fuivre cette courbure, & que par
conféquent fa direction n’eft pas fimplement
horizontale , mais toujours inclinée de plus
en plus, en partant de l’équateur pour arri¬
ver aux pôles.
Cette inclinaifon de l’aimant ou de l’ai¬
guille aimantée, démontre donc évidemment
que la force qui produit ce mouvement, fuit
la courbure de la furface du globe, de l’é¬
quateur dont elle part, jufqu’aux pôles où
elle arrive ; fi l’inclinaifon de l’aiguille n’é-
toit pas dérangée par l’aélion des pôles ma¬
gnétiques , elle leroit donc toujours très
fetite ou nulle dans les régions voifines de
'équateur, & très grande ou complète,
c’eft-à dire , de 90 degrés dans les parties
polaires.
En recherchant quel peut être le nombre
des pôles magnétiques, actuellement exiflans
fur le globe, nous trouverons qu’il doit y
en avoir deux dans chaque hémifpbère; &,
de fait , les obfervations des Navigateurs
prouvent qu’il y a fur la furface du globe trois
efpaces plus ou moins étendus, trois bandes
plus ou moins larges, dans lefquelles l’ai¬
guille aimantée fe dirige vers le nord , fans
décliner d’aucun côté. Or une bande, fans
déclinaifon, ne peut exifter que dans deux
circontlances ; la première, lorfque cette bande
fuit la direéiion du pôle magnétique au pôle
terreftre; la fécondé , lorfque cette bande fe
trouve à une diftance de deux ou plufieurs
Traité de V Aimant. 185
pôles magnétiques , telle que les forces de
ces pôles fe compenfent & fe dérruifent mu¬
tuellement. Car, dans ces deux cas, le cou¬
rant magnétique ne peut que fuivre le cou¬
rant général du fluide éleéirique & fe diri¬
ger vers le pcle terrefïre ; & l’aiguille aiman¬
tée ne déclinera dès-lors d’aucun côté. D’a¬
pres cette confidération , on pourra voir
aifément, en jetant les yeux fur un globe
terreftre , qu un pôle magnétique ne peut
produire dans un hémifphère que deux ban¬
des iàns déclinaifon, féparées l’une de l’au¬
tre par la moitié de la circonférence du glo¬
be. S’il y a deux pôles magnétiques, l’on
pourra obferver quatre bandes fans déclinai¬
fon , chaque pôle pouvant en produire deux
par fon aéfion particulieie ; mais alors ces
quatre bandes ne feront pas placées fur la
même ligne que les pôles magnétiques & le
pôle de la terre ; elles feront aux endroits
où les puiflances des deux pôles magnétiques
feront combinées avec leurs diftances , de
maniéré à fe détruire. Ainfi, une & deux
bandes fans déclinaifon ne fuppofent qu’un
feul pôle magnétique ; trois & quatre bandes
fans déclinailon en fuppofent deux; & s’il fe
trouvoit fur le globe cinq ou fix bandes fans
déclinaifon , elles indiqueroient trois pôles
magnétiques dans chaque hémifphère. Mais,
jufqu à ce jour, l’on n’a reconnu que trois
bandes fans déclinaifon , lefquelles s’étendent
toutes trois dans les deux hémifphères ; nous
fommes par conféquent fondés à n'admettre
aujourd’hui que deux pôles magnétiques,
dans 1 hémifphère boréal , & deux autres
Minéraux. Tome IX. Q
i8 6 Hijhire naturelle ?
dans l’hémifphère auftral; & fi l’on connotf-
foit exactement la pofition & le nombre de
ces pôles magnétiques , on pourroit bientôt
parvenir à fe guider fur les mers fans
erreur.
On a tort de dire que les hommes don¬
nent trop à la vaine curiofité ; c’eft aux
befoins, à la nécefîité, que les Sciences &
les Arts doivent leur naiffance & leurs pro¬
grès. Pourquoi trouvons - nous les observa¬
tions magnétiques fi multipliées fur les mers,
& en fi petit nombre fur les continens ? C’eft
que ces obfervations ne font pas néceffaires
pour voyager fur terre , mais que les Navi¬
gateurs ne peuvent s’en paffer ; néanmoins
il feroit très utile de les multiplier fur terre ;
ce qui d’ailleurs feroit plus facile que fur
mer. Sans ce travail, auquel on doit inviter
les Phyficiens de tous pays , on ne pourra
jamais former une théorie complète fur les
grandes variations de l’aiguille aimantée , ni
par conféquent établir une pratique certaine
& précife, fur l’ufage que les marins peu¬
vent faire de leurs ' différentes bouffoles.
Cependant, en s’occupant à compléter les
tables des obfervations , on pourra faire des
cartes magnétiques, plus étendues que celles
que nous publions aujourd’hui, & qui indi-
queroientaux Navigateurs leur fituation plus
précifément qu’on ne l’a fait jufqu’ici par
aucune autre méthode.
Les effets du magnétifme fe manifeflent
ou du moins peuvent fe reconnoître dans
toutes les parties du globe, & par tout où
l’on yeut les exciter ou les produire; la
Traité de F Aimant. 187
force électrique, toujours préfente, fembte
n attendre pour agir & pour produire la vertu
magnétique , que d’y être déterminée par la
combinaifbn des moyens de l’art, ou parles
combinaifons plus grandes de la Nature; &,
malgré fes variations , le magnétifme eft
encore affujetti à la loi générale qui porte
& dirige la marche du fluide éleCtrique vers
les pôles de la terre.
Si les forces magnétique & éleCtrique étoient
fimples , comme celle de la gravitation ,
elles ne produiroient aucun mouvement com-
pofé ; la direction en feroit toujours droite,
fans déclinaifon ni inclinaifon, & tous les
effets en feroient auffi conftans qu’ils font
variables.
L’attraCtion , la répulfion de l’aimant, fon
mouvement, tant en déclinaifon qu’en incli¬
naifon, démontrent donc que l’effet de cette
force magnétique eft un mouvement com-
pofé, une impulfion différemment dirigée;
& cette force magnétique agiffant, tantôt
en plus , tantôt en moins , comme la forme
éleCtrique, & fe dirigeant de même de l’é¬
quateur aux deux pôles , pouvons-nous dou¬
ter que le magnétifme ne foit une modifica¬
tion, une affeCtion particulière de I’éleCtri-
cité , fans laquelle il n’exifteroit pas?
Les effets de cette force magnétique, étant
moins généraux que ceux de l’éleCtricité,
peuvent montrer plus aifément la direction
de cette force éleCtrique. Cette direction,
vers les pôles, nous eft démontrée en effet
par celle de 4’aiguille aimantée, qui s’incline
de plus en plus, & en fens contraire, vers
1 88 Hifloire naturelle'.
les pôles terreftres. Et ce qui prouve encore
?|ue le magnétifme n’eft qu’un effet de cette
orce électrique , qui s’étend de l’équateur
aux pôles , c’eft que des barres de fer ou
d’acier, placées dans la direction de ce grand
courant , acquièrent , avec le temps , une
vertu magnétique plus ou moins lenfible ,
qu’elles n’obtiennent qu’avec peine, & qu’elles
ne reçoivent même en aucune manière ,
lorfqu’elles font fituées dans un plan trop
éloigné de la direction , tant en déclinai Ton
qu’en inclinaifon , du grand courant électri¬
que. Ce courant général, qui part de l’équa¬
teur pour fe rendre aux pôles, eft fouvent
troublé par des courans particuliers, dépen-
dans de caufes locales & accidentelles. Lorf-
que, par exemple, le fluide éleCtrique a été
accumulé par diverfes circonftances , dans
certaines portions de l’intérieur du globe, il
fe porte avec plus ou moins de violence ,
de ces parties où il abonde , vers les endroits
où il manque. 11 produit ainfi des foudres
fouterraines , des commotions plus ou moins
fortes, des tremblemens de terre plus ou
moins étendus. 11 fe forme alors, non-feule¬
ment dans l’intérieur, mais même à la fur-
face des terrains remués par ces fecouffes,
un courant éleCtrique qui fuit la même direc¬
tion que la commotion fouterraine , & cettê
force accidentelle fe manifefte par la vertu
magnétique que reçoivent des barres de fer
ou d’acier, placées dans le même fens que
ce courant partager & local. L’aCtion de
cette force particulière peut être, non- feule¬
ment égale, mais même fupérieure à celle
Traité de V Aimant'. 189
de l’éle&ricité générale qui va de l’équateur
aux pôles. Si l’on place en effet des barres
de fer, les unes dans le fens du courant
général de l’équateur aux pôles , & les autres
dans la direction du courant particulier ,
dépendant de l’accumulation du fluide élec¬
trique dans l’intérieur du globe , & qui pro¬
duit le tremblement de terre ; ce dernier
courant, dont l’effet eft cependant inflan-
tané & 11e doit guère durer plus long- temps
que les foudres fouterraines qui les produi¬
sent, donne la vertu magnétique aux barres
qui fe trouvent dans fa dire&ion , quelqu’an-
gle qu’elles faffent avec le méridien magné¬
tique , tandis que des barres entièrement
femblables, & fituées depuis très long-temps
dans le fens de ce méridien, ne préfentent
aucun figne de la plus foible aimantation (e ).
( e ) Ces faits ont été mis hors de doute par des expé¬
riences qni ont été faites par M. de Rozière, Capitaine
au Corps-Royal du Génie. >* J’ai placé, dit cet habile
Phyficien , le 4 Juillet 1784 , dans mon cabinet , deux
barres d’acier brut , telles que les reçoivent les marchands
Couteliers pour leur travail, chacune de deux pieds de
longueur, de dix lignes de largeur Se de trois lignes
d’épaiflfeur , fur des cordons de foie , fufpendus de
manière qu’elles futTent horizontales Sc élc ignées de
fix pieds de tous les corps environnons , l’une dans b
dire&ion de l’eft à l’oueft, & l’autre dans' le méridien
magnétique ; m’étant alfuré avant d’ifoler ces barres ,
comme à l’ordinaire , qu’elles n’avoient aucune vertu,
magnétique , & defirant fa voir s’ii feroit polhlle , avec
190 H'ijloire naturelle
Ce dernier fait, qui eft important, démontre
le rapport immédiat du magnétifme & de
l’éleéfricité , & prouve en même temps que
le fluide éleftrique eft non - feulement la
caufe de la plupart des tremblemens de terre ,
mais qu’il produit aufli l’aimantation de tou¬
tes les matières ferrugineufes fur lefquelles
il exerce fon aétion.
Raflembiant donc tous les rapports entre
les phénomènes , toutes les convenances entre
le temps & les procédés (impies que je viens de défi-
gner , de la leur faire acquérir , j’ai , pour cet effet ,
répété chaque jour les expériences nécelîaires pour m’en
affurer, fans en avoir rien découvert de nouveau, que
le 15 Oftobre 17S4, jour remarquable, dans lequel je
fus fingulièrement étonné en réitérant les expériences
que j’avois faites précédemment , & même ledit jour ,
entre huit & neuf heures du matin , de voir la barre
placée dans la 'direftion de l’ed à l’oued , attirer très
fenfiblement , par fes deux bouts , la même limaille de
fer que j’avois depuis long-temps employée fans fuccès ;
voulant alors m’affurer plus particulièrement de ce phé¬
nomène, j’affayai de lui préfenter de fines aiguilles d’acier,
que j’avois vérifiées n’avoir aucune des propriétés de l’ai¬
mant ; elles furent , ainfi que la limaille , attirées vifible-
ment ; je répétai la chofe plufieurs fois de fuite , en
changeant les aiguilles ; malgré cela , j’obtins condam¬
nant le même réfultat , & je parvins enfin à en faire
porter de très légères par le bout de la barre, tourné
du côté de l’oued ; le bout oppofé me parut un peu
moins fort; mais la différence étoit fi petite, qu’il falloi r
apporter la plus grande attention pour s’en appercevoir.
Traité de V Aimant. 19 1
les principaux effets du magnétifme & de
l’éleftricité , il me femble qu’on ne 'peut pas
fe refufer à croire qu’ils font produits par une
feule & même caufe , & je fuis perfuadé que
fj on réfléchit fur la théorie que je viens d’ex-
pofer , on en reconnoîtra clairement l’identité.
Simplifier les caufes , & généralifer les effets ,
doit être le but du Phyficien , & c’eft aufli tout
ce que peut le génie , aidé de l’expérience, &
guidé par les obfervations.
Depuis cette époque, cette barre a conftamment confervé
la vertu magnétique qu’elle pofsède encore aujourd’hui ,
6 Oflobre 1786, au même degré d’intenfité; ce dont je
juge par le poids qu’elle foutient , &c. &c.
11 efl nécefifaire de faire obferver que le bout de la
barre tourné vers l’oueft , formoit & forme encore au¬
jourd’hui le pôle boréal , & celui oppofé le pôle auftral ,
ce qui efl parrfaitement démontré par les pointes qu’ils
attirent des aiguilles de mes boulToles. Mais ce qu’il eft
fur-tout edentiel de faire remarquer , c’eft que la barre ,
placée dans la direftion du méridien magnétique , eft
abfolument dans le même état que le premier jour où
elle a été mife en expérience, c’eft-à-dire, qu’elle n’a
pas donné , jufqu’à préfent , le plus léger figne qu’elle
fût devenue magnétique ; ces deux barres n’on point été
déplacées depuis le premier jour qu’elles ont été mifes
en expérience.
Le 15 Oftobre 1784, à midi & quelques minutes,
j’étois occupé à écrire dans mon cabinet, fituéau deuxième
étage, ayant deux fenêtres du côté del’oueft, qui étoient
ouvertes , ainû qu’une porte placée à I’eft ; ce qui formoit
dans mon cabinet un courant d’air. Le vent étoit nord ,
içi Hijloirt naturelle'.
Or, nous fommes aujourd’hui bien afiurés
que le globe terreftre a une chaleur qui lui eft
propre , Si qui s’exhale inceflamment par des
émanations perpendiculaires à fa furface ; nous
favons que ces émanations font confiantes,
très-abondantes dans les régions voifines de
l’équateur, & prefque nulles dans les climats
froids. Ne doivent-elles pas dès-lors fe por¬
ter de l’équateur aux deux pôles par des cou-
rans oppolés ? & comme l’hémifphère aufiral
& l’air prefque calme ; le baromètre à 27 pouces 4 lignes
& demie, le thermomèrre à 10 degrés au-deffus du terme
de la congélation , le ciel ferein , lorfque j’entendis un
bruit fourd , allez femblable à celui d’une voiture forte¬
ment chargée , roulant fur le pavé ; au même in fiant , le
plancher fupérieur de mon cabinet , & celui de ma chambre,
craquèrent avec violence, & je me fends balancer deux
ou trois fois fur ma chaife allez rudement. Je puis certi¬
fier, par la manière dont j’étois placé, & d’après le mou¬
vement d’ofcillation que j’ai éprouvé , que les fecoulfcs de
ce tremblement de terre ont duré environ trois à quatre
fécondés , & qu’eHes fuivoient la dire&ion de l’ed à l’oued ;
ce qui d’ailleurs m’a été confirmé par deux autres faits
qui fe font pafTés fous mes yeux. Il ed bon d’obferver,
que les derniers jours qui ont précédé celui du tremble¬
ment de terre, ont été beaux , le vent étant au nord ; que
le lendemain dudit jour, il y eut un brouillard très eon-
fidérable , qui fut le dernier de l’automne ; il dura plu-
fieurs heures de la matinée, après quoi le temps redevint
ferein , 6c continua ainfi pendant plufieurs jours ». Extrait
d’une Lettre de Al. de Ro\ière à Al. le Comte de Buffon ,
du 14 Décembre 1786.
efi
Traité de l'Aimant'. irj^
plus refroidi que le boréal , qu’il préfente
à la furface une plus grande étendue de plages
glacées, & qu’il eft expofé pendant quelques
jours de moins à l’aétion du foleil (/), les
émanations de la chaleur , qui forment les
courans éleéfriques & magnétiques , doivent
s’y porter en plus grande quantité que dans
rhémifphère boréal. Les pôles magnétiques
boréaux du globe , font dès-lors moins puiffans
que les pôles magnétiques auftraux. C’eft:
l’oppolé de ce qu’on oblerve dans les aimans,
tant naturels qu’artificiels , dont le pôle boréal
eft plus fort que le pôle auftral , ainfi que nous
le prouverons dans les articles fuivans ; &
comme c’eft un effet confiant du magnérif'me ,
que les pôles femblables fe repoufl'ent , & que
les pôles différens s’attirent, il n’ert point fur-
prenant que, dans quelque hémifphère qu’on
tranfporte l’aiguille aimantée, fon pôle nord
fe dirige vers le pôle boréal du globe, dont il
diffère par la quantité de fa force, quoiqu’il
porte le même nom , & qu’également fon pôle
fud fe tourne toujours vers' je pôle auftral de
la terre, dont la force diffère auifi, par fa
quantité, de celle du pôle auftral de l'aiguille
aimantée. L’on verra donc aifément comment,
par une fuite de l’inégalité des deux courans
ele&riques , l’aiguille aimantée, qui narque
les déclir.aifons , fe tourne toujours vers le
pôle nord du globe, dans quelque hémifphère
qu’elle foit placée, tandis qu’au contraire
(/) Voyez les Epoques de la Nature,
Minéraux. Tome IX.
R
jç4 Hijioire naturelle .
l’aiguille qui marque l’inclinailon de l’aimanr ,
.s’incline vers le nord dans Phémifphère boréa’,
ik vers le pôle fud dans l’hémifphère auftrai,
pour obéir à la force générale , qui va de
l’équateur aux deux pôles terreftres , en fui-
vant la courbure du globe, de même que les
particules de limaille de fer, répandues fur un
aimant , s’inclinent vers l’un ou l’autre des
deux pôles de cet aimant , fuivant qu’elles en
font plus voifines, ou que l’un des pôles a
plus de fupériorité fur l’autre. Ces phéno¬
mènes , dont l’explication a toujours paru
difficile, font de nouvelles preuves de notre
théorie , & montrent fa liaifon avec les grands
faits de i’hiftoire du globe.
Voilà donc les deux phénomènes de la direc¬
tion aux pôles , & de l’inclinaifon à 1 horizon ,
ramenés à une caufe fimple, dont les effets
feroient toujours les mêmes fi tous les êires
organisés , & toutes les matières brutes , rece-
voient également les influences de cette force.
Mais, dans les êtres vivans , la quantité de
l 'électricité qu’ils poffèdent , ou qu’ils peuvent
recevoir, efl relative à leur organifation ; &
il s’en trouve qui , comme la torpille , non-
feulement la reçoivent, mais femblent l’attirer,
au point de former une fphère particulière
d’éle&ricité , combinée avec la vertu magné¬
tique ; comme aufli , dans les matières brutes,
le fer fe fait une fphère particulière d eleftri-
cité , à laquelle on adonné le nom de magné*
tifme; & enfin, s’il exiftoit des corps aulïï
électriques que la torpille, & en allez grande
quantité pour former de grandes malles, aulli
tonfidérables cjue celles des mines de fer en
Traite de T Aimant. igj
différens endroits du globe, n’eft-il pas plus
que probable, que le cours de l’éleXricité
générale fe fléchiroit vers ces malles éleXri-
ques , comme elle fe fléchit vers les grandes
mafTes ferrugineufes qui font à la furface du
globe , & qu’elles produiroient les inflexions
de cette force èleXrique ou magnétique , en
la déterminant à fe porter vers ces fphères
particulières d’attraXion, comme vers autant
de pôles éleXriques plus ou moins éloignés des
pôles terreftres, félon le giffement des conti-
nens & la fituation de ces maffes éleXriques?
Et comme la fituation des pôles magnétiques
peut changer & change réellement, tant par
les travaux de l’homme , lefquels peuvent
enfouir ou découvrir les matières ferrugi¬
neufes , que par les grands mouvemens de la
Nature dans les tremblemens de terre & dans
la produXion des bafaltes & des laves, qui
tous font magnétiques, on ne doit pas être fi
fort émerveillé du mouvement de l’aiguiiie
aimantée vers l’oueft , ou vers l’eft; car fa
direXion doit varier & changer , félon qu’il
fe forme de nouvelles chaînes de bafaltes &
ce laves, & qu’il fe découvre de nouvelles
mines, dont l’aXion favorife ou contrarie
celle des mines plus anciennes.
Par exemple, la déclinaifon de l’aiguille,
à Paris , étoit , en 1 580 , de onze degrés a l’eft.
Le pôle magnétique, c’eff-à-dire , les maffes
ferrugineufes & magnétiques qui le formoient,
étoient donc f-tuées dans le nord de l’Europe ,
& peut-être en Sibérie; mais comme depuis
cette année 1580 l’on a commencé à défricher
quelques terrains dans l'Amérique feptentrio-
JC) 6 Hijloire naturelle.
nie, & qu’on a découvert & travaillé des
mines de fer en Canada, & dans plufieurs
autres parties de cette région de l’Amérique,
l’aiguille s’eff peu-à-peu portée vers l’oueft,
par l’attraéiion de ces mines nouvelles, plus
puifiante que celle des anciennes; & ce mou¬
vement progrelfif de l’aiguille pourroit deve¬
nir rétrograde, s’il fe découvroit dans le nord
de l’Europe & de l’Afie d'autres grandes mafles
ferrugineufes , qui, par leur expofmon à Pair
& leur aimantation, deviendraient bientôt
des pôles magnétiques auiîi & peut - être plus
puiflans que celui qui détermine aujourd’hui la
déclination de l’aiguille vers Je nord de l’A¬
mérique , & dont l’exiitence eft prouvée par
les obfervations.
Parmi ces caufes toutes accidentelles, qui
doivent faire changer la direction de l’aimant ,
l’on doit compter comme l’une des plus pail¬
lantes , l’éruption des volcans, & les torrens
de laves & de bafaltes , dont la fubliance ell
toujours mêlée de beaucoup de fer. Ces laves
& ces bafaltes occupent fouveut de très-
grandes étendues à la furface de la terre , &
doivent par conféquent influer fur la direction
de l’aimant; en forte qu’un volcan qui, par
fes éjections, produit fou vent de longues
chaînes de collines composées de laves & de
bafaltes , forme , pour ainfi dire , de nouvelles
mines de fer, dont l’aétion doit féconder ou
contrarier l’effet des autres mines fur la direc¬
tion de l’aimant.
Nous pouvons même affurer que ces bafaltes
peuvent former , non feulement de nouvelles,
mines de fer, mais auiîi d# véritables malles
Traite Je T Aimant: t<jj
d'aimant, car leurs colonnes ont Couvent des
pôles bien décidés d’attraftion & de répulfion.
Par exemple, les colonnades de bafalte des
bords de la Volane, près de Val en Vivarais ,
ainfi que celles de la montagne de Chenavari ,
près de Rochemaure , qui ont plus de douze
pieds de hauteur, préfentent plufieurs colon¬
nes douées de cette vertu magnétique , laquelle
peut leur avoir été communiquée par les
foudres éleélriques , ou par le magnétifme
général du globe (g).
Il en eft de même des tremblements de terre *
& des bouleverfemeus que produifent leurs
mouvemens fubits & défaftreux ; ce font les
foudres de Péle&riciré fouterraine , dont les
coups frappent & foulèvent par fecouffes de
grandes portions de terre, & dès-lors toute la
matière ferrugineufe , qui Ce trouve dans cette
grande étendue , devient magnétique par l’ac¬
tion de cette foudre éleélrique ; ce qui produit
encore de nouvelles mines attirables à l’ai¬
mant, dans les lieux où il ri’exiftoit auparavant
que du fer en rouille, en ocre, & qui, dans
cet état, n’étoit point magnétique.
Les grands incendies des forêts produifent
auffi une quantité confidérable de matière fer¬
rugineufe & magnétique. La plus grande partie
des terres du nouveau monde étoient, non-
feulement couvertes , mais encore encombrées
de bois morts ou vivans, auxquels on a mis le
feu pour donner du jour, & rendre la terre
( g ) Note communiquée par M. Faujas de Saint-Fond.
R 3
198 Hlftoirt naturelle.
fufceptible de culture. Et c’eft fur-tout dans
l’Amérique feptentrionale que l’on a brûlé,
& que l’on brûle encore ces immenfes forêts
dans une vafte étendue; & cette caufe parti¬
culière peut avoir influé fur la déclinaiion vers
l’oueft , de l’aimant en Europe.
On ne doit donc regarder la déclinaifon de
l’aimant que comme un effet purement acci¬
dentel, & le magnétifme comme un produit
particulier de l’éle&ricité du globe. Nous
allons expofer en détail tous les faits qui ont
rapport aux phénomènes de l’aimant, & l’on
verra qu’aucun ne démentira la vérité de cette
allèrtion.
Traité de V Aimant.
199
ARTICLE II.
De la nature & de la formation de l'Aimant .
L’aimant n’eft qu’un minéral ferrugineux,
qui a fubi l’aéfion du feu, & enfuite a reçu,
par l’électricité générale du globe terreftre ,
fon magnétifme particulier. L’aimant primor¬
dial eft une mine de fer en roche vitreufe , qui
ne diffère des autres mines de fer produites
par le feu primitif, qu’en ce qu’elle attire puif-
famment les autres matières ferrugineufes ,
qui ont de même fubi Paélion du feu. Ces mines
de l’aimant primordial , font moins fufibles que
les autres mines primitives de fer; elles ap¬
prochent de la nature du régule de ce métal ,*&
c’eft par cette raifon qu’elles font plus diffi¬
ciles à fondre ; l’aimant primordial a donc
fouffert une plus violente ou plus longue im •
preffion du feu primitif, que les autres mines
de fer, & il a en même- tems acquis la vertu
magnétique par l’aéfion de la force, qui , dès
le commencement, a produit l’éle&ricité du
globe.
Cet aimant de première formation a commu¬
niqué fa vertu aux matières ferrugineufes qui
l’environnoient ; il a même formé de nouveaux
aimans, par le mélange de fes débris avec
d’autres matières, & ces aimans de fécondé
formation ne font auffi que des minéraux fer¬
rugineux, provenans des détrimens du fer en
aôO Hîjloïre naturelle
état métallique , & qui font devenus magné¬
tiques par la feule expofition à l’aéHon de
l'électricité générale. Et comme le fer qui
demeure long - tems dans la même fituation
acquiert toutes les propriétés du véritable
aimant, ou peut dire que l’aimant & le fe«r ne
font au fonds que la même fubftance , qui peut
également prendre du magnétifme à l’exclufion
de toutes les autres matières minérales, puif-
que cette même propriété magnétique ne fe
trouve dans aucun autre métal , ni dans au¬
cune autre matière vitreufe ou calcaire. L’ai¬
mant de première formation eft une fonte ou
régule de fer, mêlé d’une matière vitreufe,
pareille à celle des autres mines primordiales
de fer; mais , dans les aimans de fécondé for¬
mation , il s’en trouve dont la matière pier-
reufe eft calcaire ou mélangée d’autres fubf-
tances hétérogènes. Ces aimans fecondaires
varient plus que les premiers , par la couleur ,
la pefanteur , & par la quantité de force ma-,
gnétique.
Mais cette matière vitreufe ou calcaire des
différentes pierres d’aimant, n’eft nullement
fufceptible de magnétifme, & ce n’eft qu’aux
parties ferrugineuses contenues dans ces pier¬
res , qu’on doit attribuer cette propriété; &
dans toute pierre d’aimant, vitreufe ou cal¬
caire, la force magnétique eft d’autant plus
g ande, que la pierre contient plus de parties
ferrugineufes fous le même volume , en forte
que les meilleurs aimans font ceux qui font
les plus pefans : c’eft par cette raifon qu’on
peut donner au fer , & mieux encore à l’acier ,
comme plus pefant que le fer, une force ma-
201
Traité de V Aimant.
gnètique encore plus grande que celle de la
pierre d’aimant , parce que l’acier ne contient
que peu ou point de particules rerreufes, &
qu’il eft prefqu’uniquement compofé de par¬
ties ferrugineufes réunies enlemble fous le
plus petit volume, c’eft-à-dire, d’auffi près
qu’il eft poflible.
Ce qui démontre l’affinité générale entre le
magnétifme & toutes les mines de fer qui ont
fubi l’aftion du feu primitif, c’eft que toutes
ces mines font attirables à l’aimant , que réci¬
proquement elles attirent, au lieu que les
mines de fer en rouille , en ocre & en grains ,
formées poftérieurement par l’intermède de
l’eau , ont perdu cette propriété magnétique,
& ne la reprennent qu’après avoir fubi de
nouveau l’aétion du feu. Il en eft de même de
tour nos fers & de nos aciers ; c’eft parce qu’ils
ont, comme les mines primitives , fubi l’a&ion
d’un feu violent, qu’ils font attirables à l’ai¬
mant. Us ont donc, comme les mines primor¬
diales de fer, un magnétifme paffif que l'on
peut rendre aétif, foit par le contact de l’ai¬
mant, foit par la fimple expofition à l’impref-
fion de l’éleftricité générale.
Pour bien entendre comment s’eft opérée
la formation des premiers aimans , il fuffit de
confidérer que toute matière ferrugineufe qui
a fubi l’a&ion du feu , & qui demeure quelque
temps expofée à l'air dans la même fituation,
acquiert le magnétifme & devient un véritable
aimant; ainfi, dès les premiers tems de l’é-
tabliflemenr des mines primordiales de fer,
toutes les parties extérieures de ces maffies,
qui étoient expofées à l’air & qui font demeu-
2.0 ï Hijlo'ire naturelle'.
rées dans la même fituation , auront reçu la
vertu magnétique par la caufe générale qui
produit le magnétifme du globe, tandis que
toutes les parties de ces mêmes mines qui
n’étoient pas expofees à l’a&ion de l’atmof-
phère, n’ont point acquis cette vertu magné¬
tique; il s’eft donc formé dès-lors, & il peut
encore fe former des aimans fur les fommets
& les faces découvertes des mines de fer, 6c
dans toutes les parties de ces mines qui font
expofées à l’a&ion de l’atmofphère.
Ainfi , les mines d’aimant ne font que des
mines de fer qui fe font aimantées par l’aélion
de l’éleftricité générale; elles ne font pas à
beaucoup près en aufîi grandes malles que
celles de fer, parce qu’il n’y a que les parties
découvertes de ces mines qui aient pu recevoir
la vertu magnétique; les mines d’aimant ne
doivent donc fe trouver, Si ne fe trouvent en
effet que dans les parties les plus extérieures
de ces mines primordiales de fer, Si jamais à
de grandes profondeurs , à moins que ces mines
n’aient été excavées , ou qu’elles ne foient
voifines de quelques cavernes , dans lefquelles
les influences de l’atmofphère auroient pu
produire le même effet que fur le fommet ou
furies faces découvertes de ces mines primi¬
tives.
Maintenant on ne peut douter que le ma¬
gnétifme général du globe ne forme deux cou-
ransj dont l'un fe porte de l’équateur au nord.
Si l’autre en fens contraire de l’équateur au
fud; la dire&ion de ces courans eft fujette à
variation , tant pour les lieux que pour le tems,
& ces variations proviennent des inflexions
Traité de T'Aimant. 203
du courant de la force magnétique , qui fuit le
gifTernenr des matières ferrugineufes , & qui
change à mefure qu’elles le découvrent à l’air
ou qu’elles s’enfotiifi'ent par l'affairement des
cavernes , par l’effet des volcans , des tremble-
mens de terre , ou de quelque autre caufe qui
change leur expofition; elles acquièrent donc
ou perdent la vertu magnétique parce change¬
ment de pofition, & dès-lors la direêtion de
cette force doit varier, & tendre vers ces
mines ferrugineufes nouvellement découver¬
tes, en s’éloignant de celles qui fe font en¬
foncées.
Les variations dans la dire&ion de l’aimant,
démontrent que les pôles magnétiques ne font
pas les mêmes que les pôles du globe, quoi-
qu’en général la direction de la force qui pro¬
duit le magnétifme , tende de l’équateur aux
deux pôles terreftres. Les matières ferrugi¬
neufes qui feules peuvent recevoir du cou¬
rant de cette force les propriétés de l’aimant ,
forment des pôles particuliers félon le gifle-
ment local, & la quantité plus ou moins
grande des mines d’aimant & de fer.
L’aimant primordial n’a pas acquis au même
inftant fon attraéfion & fa direction ; car le fer
reçoit d’abord la force attra&ive , & ne prend
des pôles qu’en plus ou moins de tems , fuivant
fa pofition & félon la proportion de fes dimen-
fions. Il paroît donc que , dès le tems de
l’établiffement & de la formation des premières
mines de fer par le feu primitif, lesparties ex-
pofées à l’aétion de l’atmofphère ont reça
d’abord la force attra&ive , & ont pris enfuite
des pôles fixes , & acquis la puiffance de fe
164 Hifiùlre naturelle'.
diriger vers les parties polaires du globe. Ce9
premiers aimans ont certainement confervé
ces forces attraéfives & directives , quoiqu’el¬
les agifl'ent fans ceffe au- dehors , ce qui femble-
roit devoir les épuifer ; mais au contraire elles
le communiquent de l’aimant au fer, fans
fouffrir aucune perte ni diminution.
Plulieurs Phyficiens, qui ont traité de la
rature de l’aimant , fe font perfuadés qu’il
circuloit dans l’aimant une matière qui en for-
toit incefTamment après y être entrée , & en
avoir pénétré la fubftance. Le célèbre géo¬
mètre Euler, & plufieurs autres ( a ) , voulant
expliquer mécaniquement les phénomènes ma¬
gnétiques , ont adopté l’hypothèfe de Def-
cartes , qui fuppofe dans la fubftance de l’ai¬
mant des conduits & des pores fi étroits , qu’ils
ne font perméables qu’à cette matière magné¬
tique , félon eux , plus fubtilc que toute autre
matière fubtile ; &, félon eux encore, ces
pores de l’aimant & du fer font garnis de petites
(<j) Je voudrais excepter de ce nombre Daniel Bernoulli,
homme d’un efprit excellent ; » je me fens , dit-il , de la
répugnance à croire que la Nature ait formé cette matière
cannelée , & ces conduits magnétiques qui ont été ima¬
ginés par quelques Phyficiens , uniquement pour nous
donner le fpeftacle des différons jeux de l’aimant. . . »
Néanmoins ce grand Mathématicien rapporte , comme les
autres, à des caufes mécaniques, les effets de l’aimant j
fes hypothèfes font feulement plus générales & niçois
multipliées. Voye ^ les Pièces qui ont remporte le prix de
l'Académie des Sciences , année 1746*
Traité de L'Aimant. 205
foupapes, de filets ou de poils mobiles, qui
tantôt obéiffent, & tantôt s’oppofent au cou¬
rant de cette matière ii fubtile. Ils fe font
efforcés de faire cadrer les phénomènes du
magnétifme avec ces fuppofitions , peu na-,
turelles & plus que précaires , fans faire atten¬
tion que leur opinion n’eft fondée que fur la
fauffe idée qu’il eft poifible d’expliquer méca¬
niquement tous les effets des forces de la
Nature. Euler a même cru pouvoir démontrer
la cauüe de l’attraélton univerfelle, par l’ac¬
tion du même fluide qui, félon lui, produit
le magnétifme. Cette prétention , quoique
vaine & mal conçue , n’a pas laiffé de prévaloir
dans l’efprit de quelques Phyficiens; & cepen¬
dant, fi l’on confidère fans préjugé la Nature
& fes effets , Si fi l’on réfléchit fur les forces
d’attraéVion Si d’impulfion qui l’animent, on
reconnoîtra que leurs caufes ne peuvent ni
s’expliquer, ni même fe concevoir par cette
mécanique matérielle , qui n’admet que ce qui
tombe fous nos fens. Si rejette, en quelque
forte, ce qui n’eft apperçu que par l’efprit ; Si
de fait, l’aélion de la pefanteur ou de l’attrac¬
tion , peut-elle fe rapporter à des effets méca¬
niques, Si s’expliquer par des caufes fecon-
daires, puifque cette attra&ion eft une force
générale , une propriété primitive , Si un
attribut eflentiel de toute matière ? Ne fuffit-
il pas de favoir que toute matière s’attire. Si
que cette force s’exerce, non-feulement dans
toutes les parties de la maffe du globe terreftre,
mais s’étend même depuis le foleil jufqu’aux
corps les plus éloignés dans notre univers,
pour être convaincu quç la caufe de ce^ç
ao 6 Hiflolre naturelle.
attraélion ne peut nous être connue, puifque
ion effet étant umverfel, & s’exerçant géné¬
ralement dans toute matière, cette caufe ne
nous offre aucune différence , aucun point de
comparaison , ni par conléquent aucun indice
de connoiffance , aucun moyen d’explication ?
En Te (ouvenant donc que nous ne pouvons
rien juger que par comparaiion , nous verrons
clairement qu’il eft , non-feulement vain , mais
abfurde , de vouloir rechercher & expliquer
la caufe d’un effet général & commun à toute
matière , tel que l’attraéïion universelle , &
qu’on doit fe borner à regarder cet effet géné¬
ral comme une vraie caufe à laquelle on doit
rapporter les autres forces , en comparant leurs
différens effets ; & fi nous comparons l’attrac¬
tion magnétique à l’attra&ion univerfelle,
nous verrons qu’elles diffèrent très- effentiel-
lement. L’aimant eft , comme toute autre
matière, fujetaux loix de l’attraftion générale,
& en même-tems il lemble poffeder une force
attra&ive particulière , & qui ne s’exerce
que fur le fer ou fur un autre aimant ; or nous
avons démontré que cette force, qui nous
paroît attra&ive, n’eft dans le réel qu’une
force impulfive , dont la caufe & les effets lont
tous différens de l’attraélion univerfelle.
Dans le fyftème adopté par la plupart des
Phyficiens , on fuppofe un grand tourbillon
de matière magnétique , circulant autour du
globe terreftre , & de petits tourbillons de
cette matière, qui, non-feulement circule
d’un pôle à l’autre de chaque aimant , mais
entre dans leur fubflance , & en iort pour
y rentrer. Dans la Phyfique de Delcartes,
Traité de V Aimant. 207
tout étoit tourbillon, tout s'expliquent par
des mouvemens circulaires & des impulfions
tourbillonnantes; mais ces tourbillons, qui
remplifloient l’univers, ont difparu ; il ne
refte que ceux de la matière magnétique
dans la tête de ces Phyficiens. Cependant
l’exiftence derces tourbillons magnétiques eft
auffi peu fondée que celle des touibillons
planétaires; & on peut démontrer, par plu-
fieurs faits (b), que la force magnétique ne
fe meut pas en tourbillon autour du globe
terreftre , non plus qu’autour de l’aimant.
La vertu magnétique, que l’aimant pofsède
éminemment, peut de même appartenir au
fer , puifque l’aimant la lui communique par
le fimple contaél , & que même le fer l’ac¬
quiert fans ce fecours , lorfqu’il eft expofé
aux impreflïons de l’atmofphère ; le fer
devient alors un véritable aimant, s’il refte
long-temps dans la même fituation ; de plus.
( b ) L’un de nos favans Académiciens , M. le Monnier,
qui s’eft occupé des phénomènes de l’aimant , a fait plu-
fieurs expériences pour démontrer le peu de fondement
de cette hypothèfe des tourbillons autour de l’aimant II
a mis fur un carton deux aimans, dont les pôles de
différens noms étoient voilins ; en ce cas, félon le fyf-
tème commun , les deux tourbillons magnétiques doivent
s’ètre réunis en un feul , & par conféquent il ne devroit
fe former fur la limaille du carton que deux vides répon¬
dant aux deux pôles , mais le fait eft qu’il fe forme tou¬
jours quatre vides , ce qui démontré que les deux tour¬
billons ne font pas confondus , Sc que la matière magné-.
10g Hljloire naturelle .
il s’aimante aïïez fortement par la percnlïïon;
par le frottement de la lime, ou feulement
en le pliant & repliant plufieurs fois; mais ces
derniers moyens ne donnent au fer qu’un
magnétifms paffager, & ce métal ne con-
ferve la vertu magnétique, que quand il l’a
empruntée de l’aimant, ou bien acquife par
une expofition à l’a&ion de l’éle&ricité géné¬
rale pendant un temps afiez long pour pren¬
dre des pôles fixes dans une direftion déter¬
minée.
Lorfque le fer, tenu long- temps dans la
même fituation , acquiert de lui* même la
vertu magnétique , qu’il la conferve, & qu il
peut même la communiquer à d’autres fers ,
tomme le fait l’aimant, doit- on fe refufer
à croire que, dans les mines primitives, les
parties qui fe font trouvées expofées à ces
mêmes impreiîions de l’atmofphère , ne foient
pas celles qui ont acquis la vertu magnéti-
tique ne paffe pas d’un aunant à l’autre ... & certainement
s’il y a un tourbillon , il s’étend bien à deux ou trois
lignes de la pierre. Cependant , que l’on aimante une
aiguille de boulfole , en la faifant couler a l'ordinaire fur
la pierre, & , en même temps, en lui faifant toucher
les deux boutons de l’armure , ou en la tenant éloignée
de ces boutons de deux ou trois lignes feulement , elle
prendra , dans les deux cas , deux directions diamétrale¬
ment oppofées , tout le rc-ftc voyant été parfaitement égal :
la même extrémité de l’aiguille qui fe tourueroit au nord ,
fe tournera au fud , &.C. Hifloire de l'Académie des Sciences ,
année 1733 » Pa2<s *5 & *6.
que ?
Traité de T Aimant. 209
que?& que par conféquent routes les pierres
d’aimant qui ne forment que de petits blocs
en comparaifon des montagmes & des autres
maffes de mines primordiales de fer, étoient
aulli les feules parties expofées à cette
action extérieure, qui leur a donné les pro¬
priétés magnétiques. Rien ne s’oppofe à cette
vue, ou plutôt à ce fait; car la pierre d’ai¬
mant eft certainement une matière ferrugi-
neufe , moins fufible à la vérité que la
plupart des autres mines de fer; & cette
derniere propriété indique feulement qu’il a
fallu peut-être Je concours de deux circonf-
tances, pour la produélion de ces aimans
primitifs, dont la première a été la fituation
& l’expofition confiante à l’impreffion du
magnétifme général; & la fécondé, une qua¬
lité différente dans la matière ferrugineufe ,
qui compofe la fubflance de l’aimant. Caria
mine d’aimant n’efl plus difficile à fondre
que les autres mines de fer en roche, que
par\ette différence de qualité ; l’aimant pri¬
mordial approche, comme nous l’avons dit,
de la nature du régule de fer , qui eft bien
moins fufible que fa mine. Ainfi, cet aimant
primitif eft une mine de fer qui , ayant fubi
une plus forte aélion du feu que les autres
mines , eft devenue moins fufible ; & en
effet, les mines d’aimant ne fe trouvent pas ,
comme les autres mines de fer, par grandes
maffes continues , mais par petits blocs pla¬
cés à la fui face de ces mêmes ruines, où le
feu primitif, animé par l’air, étoitplus aélif
que dans leur intérieur.
Ces blocs d’aimant font plus ou moins
Minéraux. Tome. IX » &
2iO Hiflolre naturelle".
gros , & communément féparés les uns des
autres; chacun a fa fphère particulière d’at-
tra&ion, & Tes pôles, & puifque le fer peut
acquérir de lui- même toutes ces propriétés
dans les mêmes circonftances , ne doit - on
pas en conclure que, dans les mines primor¬
diales de fer , les parties qui étoient expofées
au feu plus vif que l’air excitoit à la (urface
du globe en incandefcence , auront fubi une
plus violente aétion de ce feu , & fe feront
en même-temps divifées, fendues, féparées,
& qu’elles auront acquis d’elles-mémes cette
puiffance magnétique , qui ne diminue ni ne
s’épuife , & demeure toujours la même ,
parce qu’elle dépend d’une caufe extérieure,
toujours fubfiftante & toujours agiffante?
La formation des premiers aimans me parcît
doncbien démontrée, mais la caufe première
du magnétifme en général , n’en étoit pas
mieux connue. Pour deviner, ou même foup-
çonner quelles peuvent être la caufe ouïes
caufes d’un effet particulier de la Nature ,
tel que le magnétifme, il falloit auparavant
confidérer les phénomènes, en expofanr tous
les faits acquis par l’expérience & l’obferva-
tion. Il falloit les comparer entre eux, &
avec d’autres fait s analogues, afin de pou¬
voir tirer du réfultat de ces comparailons ,
les lumières qui dévoient nous guider dans
la recherche des caufes inconnues & cachées;
c’eft la feule route que l’on doive prendre
& fuivre, puifque ce n’eft que fur des faits,
bien avérés , bien entendus , qu’on peut
établir des raifonnemens folides; & plus ces
faits feront multipliés , plus il deviendra
Traite de V Aimant'. 2 1 ï
pofîîble d’en tirer des indu&ions plaufibles »
& de les réunir pour en faire la bafe d’une
théorie bien fondée, telle que nous paroît
être celle que j’ai préfentée dans le premier
chapitre de ce traité.
Mais comme les faits particuliers qu’il nous
relie à expofer , font auffi nombreux que
finguliers, qu’ils paroifTent quelquefois oppo-
fés ou contraires , nous commencerons par
les phénomènes qui ont rapport à l’attrac¬
tion ou à la répulfion de l’aimant, & enfuite
nous expoferons ceux qui nous indiquent (a
direction avec fes variations , tant en décli-
naifon qu’en iridinaifon ; chacune de ces
grandes propriétés de l’aimanr doit être con¬
sidérée en particulier , & d’autant plus atten¬
tivement, qu’elles paroiffent moins dépen¬
dantes les unes des autres, & qu’en ne les
jugeant que par les apparences, leurs effets
fembleroient provenir de caufes différentes.
Au refle , fi nous recherchons le temps
où l’aimant & fes propriétés ont commencé
d’être connus , ainfi que les lieux où ce
minéral fe trouvoit anciennement , nous
verrons , par le témoignage de Théophrafte ,
que l’aimant étoit rare chez les Grecs , qui
ne lui connoiffoient d’autre propriété que
celle d’attirer le fer; mais du temps de Pline,
c’eft-à- dire , trois fîècles après , l’aimant
étoit devenu plus commun , & aujourd’hui
il s’en trouve plufieurs mines dans les terres
voifines de la Grèce, ainfi qu’en Italie,
part culiérement à l’isle d’Elbe. On doit donc
préfumer que la plupart des mines de ces
contrées ont acquis, depuis le temps de
212 Hîfloîre naturelle'.
Th.éophrafte , leur vertu magnétique à mefuref
qu’elles ont été découvertes, <oit par des
effets de Nature , foit par le travail des
hommes ou par le feu des volcans.
On trouve de même des mines d’aimant
dans prelque toutes les parties du monde ,
furtout dans les pays du nord, où il y a
beaucoup plus de mines primordiales de ter,
que dans les autres régions de la terre. Nous
avons donné ci-devant la defeription des
mines aimantées de Sibérie (c) & l’on fait
que l’aimant eft fi commun en Suède & en
Norwège, qu'on en fait un commerce affez
confidérable ( </).
Les Voyageurs nous affurent qu’en Afie
il y a de bonsaimans au Bengale, à Siam (e)..
( c ) Voyez les Supplémens à cette Hiftoire Naturelle ,
tome V, in- 4°. page 531 <S- fuiv.
(</) La pierre d'aimant eft en fi grande quantité en
Norwège & en Suède , qu’on l’envoie par tonneaux hors
du pays. Pont-oppidam , Journal étranger , mois de Septembre
1755 » PaSe 2I3-
( c ) Il y a deux mines d’aimant dans le Royaume de
Siam. . . . Ces mines font dans une montagne à laquelle
elles parodient comme attachées ; elles femblent être
divifées en deux roches , qui apparemment font réunies
fous terre; la grande, qui s’étend d’orient en occident,
peut avoir vingt-quatre ou vingt-cinq pas géométriques de
longueur . & quatre ou cinq de largeur. Dans fa plus
grande hauteur , elle a neuf ou dix pieds. La petite , qui
eft au nord de la grande , dont elle n’eft éloignée que de
Trahi de V Aimant. il y
â la Chine (/), & aux isles Philippines (g) ;
us font auflî mention de ceux de l’Afrique (âi
& de l’Amérique (i).
fept ou huit pieds, a trois toifes de long, peu délimiteur
& de largeur ; elle eft d’un aimant bien plus vif que l’autre.
Elle attiroit , avec une force extraordinaire , les inftrumen*
de fer dont on fe fervoit. On ne pouvoit en détacher
aucun morceau, parce que les inf! rumens de fer, qui
étoient fort mal trempés, étoient auiTitôt reboulés. Orr
i attacha a la grande , dont on eut p,eine de rompre quel¬
ques morceaux qui avoient de la faillie , & qui donnoient
de la prife au marteau. On ne IaiÏÏa pas que d’en tirer-
quelques bonnes pierres ; les pôles de Ta mine , autant
qu’on en peut juger -par les morceaux de fer qu’on y
appliqua , regardoient le midi & le feptentrion ; car on:
n’a pu rien reconnoître par la bouffole, l’aiguille s’affolant
fitôt qu’on l’cn approchoit. Hiftoire générait- des Voyages y
tome IX , pages *06
( / ) II y a peu de provinces dans la Chine, où l’on
ne trouve des pierres d’aimant. On en apporte aufô dit
Japon à la Chine, mais on les emploie particulièrement
aux ufages de la médecine ^ elles fe vendent au. poids ^
&. les plus chères ne fe vendent jamais plus de huit fous,
l’once. Idem , tome VI , page 85.
( g ) On trouve beaucoup d’aimant à Mindanao. ...»
Voyage de M. le Gentil aux Indes. Paris , r-Si , tome 77,
page 36.
(k;, On trouve dans le Bambouk , en Afrique, d’ex¬
cellentes pierres d'aimant , dont on a envoyé plufieurs
morceaux en France. Hiftoire générale des Voyages , tome llr
page 644.
J On fit voir u Gemelii-Caréri , dans un cabinet de
214
Hijlolre naturelle
raretés , au Mexique , une pierre d’aimant , de la grofieur
d’une pomme ordinaire , qui enlevoit dix livres de fer :
Idem , tome XI , page s 36. Le Corrégiment de Copiapo ,
au Chili , produit quantité de pierres d’aimant : Idem , tome
XIII, page 144.
Traité de V Aimant'.
215
ARTICLE III.
De r attraction &• de la répuljion de l'Aimant.
Le mouvement du magnétifme femble être
compofé de deux forces, l’une attraéiive &
& l’autre directive. Un aimant, de quelque
figure qu’il foit, attire le fer de tous côtés
& dans tous les points de fa furface ; &
plus les pierres d’aimant font grofles , moins
elles ont de force attraélive , relativement
à leur volume : elles en ont d’autant plus ,
qu’elles font plus pefantes, & toutes ont
beaucoup moins de puifl'anced’attra&ion quand
elles font nues, que quand elles font armées
de fer ou d’acier. La force direélive , au
contraire, fe marque mieux, & avec plus
d’énergie , fur les aimans nuds , que fur ceux
qui font armés.
Quelques favans Phyficiens , & entre au¬
tres , Taylor & Mufchembroëck , ont effayé
de déterminer, par des expériences , l’éten¬
due de la fphère d’attraélion de l’aimant , &
l’intenfité de cette aélion à différentes dif-
tances ; ils ont obfervé , qu’avec de bons
aimans , cette force attraélive étoit fenfible
jufqu’à treize ou quatorze pieds de diftance ,
& , fans doute , elle s’étend encore plus loin ;
ils ont auffi reconnu que rien ne pouvoir
intercepter l’aélion de cette force, en forte
2x6 Hijlatre naturelle.
qu’un aimant renfermé dans une boîte , agît
toujours à la même diftance. Ces faits fu£-
fifent pour qu’on puiffe concevoir, qu’en
plaçant & cachant des aimans & du fer en
difforens endroits, même affez éloignés, on
peut produire des effets qui paroiffent mer¬
veilleux, parce qu’ils s’opèrent à quelque
diftance , fans aélion apparente d’aucune
matière intermédiaire , ni d’aucun mouvement
communiqué.
Les anciens n’ont connu que cette première
propriété de l’aimant ; ils favoient que le
fer, de quelque côté qu’on le préfente, eft
toujours attiré par l’aimant; ils n’ignoroient
pas que deux aimans , préfentés l’un à l’au¬
tre , s’attirent ou fe repouffent. LesPhyfi-
ciens modernes , ont démontré que cette
attraction & cette répulfion entre deux
aimans , font égales , & que la plus forte
attraction fe fait lorfqu’on préfente direCte-
menr les pôles de différens noms , c’eft à-dire,
le pôle auftral d’un aimant, au pôle boréal
d’un autre aimant ; & que, de même la
répulfion eft la plus forte , quand on préfente
l’un à l’autre les pôles de même nom. Enfuite
ils ont cherché la loi de cette attraction &
de cette répulfion; ils ont reconnu qu’au
lieu d’être , comme la loi de l’attraélion uni-
verfelle, en raifon inverfe du quarré d« la
diftance, cette attraction & cette répulfion
magnétiques ne décroiffent pas même autant
que la diftance augmente (<i ) ; mais lorl qu’ils
(a) Mufdiembrocck , Dijfcrtatlo di Magnat , pjgts 16
ont
Traité de V A mant. 217
ont voulu graduer l’échelle de cette loi, ils
y ont trouvé rant d’inconfiance , 84 de fi
grandes variations , qu’ils n’ont pu déterminer
aucun rapport fixe, aucune proportion fui-
vie, entre les degrés de pu fiance de cette
force attraélive , 84 les effets qu’elle produit
à différentes difiances : tout ce qu’ils ont pu
conclure d’un nombre infini d’expériences ,
c’ert que la force attrattive de l’aimant décroît
proportionnellement plus dans les grandes
que dans les petites difiances.
Nous venons de dire que les aimans ne
font pas tous d’égale force, à beaucoup près ;
que plus les pierres d’aimant font groffes ,
moins elles ont de force attrattive, relati¬
vement à leur volume, 84 quelles en ont
d’autant plus qu’elles font plus pefantes, à
volume égal ; mais nous devons ajouter , que
l.s aimans les plus puil'ans ne font pas tou¬
jours les plus généreux, en forte que quel¬
quefois ces aimans plus puiffans ne comrnu-
& fuir. Pour connoître la loi de cette attraction , ce
Pli> ficien s’efi fervi d’aimans de forme ronde, &, par
une balance très mobile , il a mefuré l’effet de cette
force à toutes difiances, depuis une demi-ligne jufqu’à
Pleurs pouces ; en comparant les réfultats d’un très
grand nombre d’expériences , il a vu que cette force attrac¬
tive des aimans fphériques , non feulement ne diminuoit
pas comme celle de l’attra&ion univerfelle , en raifon
inverre du quarré de la difiance , mais que la diminution
de cette force magnétique n’efi pas même en raifon
inverfe de la fimple difiance.
Minéraux. Terne IX,
T
1 1 8 Hî flaire naturelle.
niquent pas au fer autant de leur vertu attrac¬
tive , que des r.imans plus foibles & moins
riches, mais en même temps moins avares
de leur propriété.
La fplière d’a&ivré des aimans foibles,
eft moins étendue qi e celle des aimans forts;
&, comme nous l’avons dit, la force attrac¬
tive des uns & des autres , décroît beaucoup
plus dans les grandes que dans les petites
diftances; niais , dans le point de contaft ,
cette force , dont l’aêlon eft très inégale à
toutes les diftances dans les différens aimans,
produit alors un effet moins inégal dans l’ai¬
mant foible & dans l’aimant fort, de forte
qu’il faut employer des poids moins inégaux
pour féparer les aimans forts & les aimans
foibles, lorfqu’ils font unis au fer ou à l'ai¬
mant par un contatt immédiat.
Le fer attire l’aimant, autant qu’il en eft
attiré ; tous deux, lorfqu’ils font en liberté,
font la moitié du chemin, pour s’approcher
ou fe joindre. L’aftion & la réaélion font ici
parfaitement égales ; mais un aimant attire le
fer de quelque côté qu’on le préfente , au
lieu qu’il n’attire un autre aimant que dans
un fens , & qu’il le repouffe dans le fens
pppofé.
La limaille de fer eft attirée plus puiffam-
ment par l’aimant, que la poudre même de
la pierre d’aimant, parce qu’il y a plus de
parties ferrugineufes dans le fer forgé, que
dans cette pierre , qui néanmoins agit de
plus loin fur le 1er aimanté , qu’elle ne peut
agir fur du fer non-aimanté , car le ter n’a
par lui-même aucune force attrattive; deux
Traité de l’Aimant. 2x9
blocs de ce métal, mis l’un auprès de l’au¬
tre, ne s’attirent pas plus que deux maffes
de route autre matière; mais, dès que l’un
ou l’autre, ou tous deux, ont reçu la vertu
magnétique, ils produifent les mêmes effets,
& préfentent les mêmes phénomènes que la
pierre d’aimant, qui n’eft en effet qu’une
maffe ferrugmeufe , aimantée par la caufe
générale du magnétifme. Le fer ne prend
aucune augmentation de poids par l’impré¬
gnation de la vertu magnétique ; la plus
groffe maffe de fer ne pèle pas un grain de
plus , quelque fortement qu’elle foit aimantée;
le fer ne reçoit donc aucune matière réelle
par cette communication , puifque toute
matière eft pefante , fans même en excepter
celle du feu (b). Cependant le feu violent
agit fur l’aimant & fur le fer aimanté ; il
diminue beaucoup, ou plutôt il fufpend leur
force magnétique lorfqu’ils font échauffés
julqu’à l’incandefcence , & ils ne reprennent
cette vertu, qu’à mefure qu’ils fe refroidif-
fent. Une chaleur égale à celle du plomb
fondu (c ) , ne fuffit pas pour produire cet
( b ) Voyez le deuxième volume in-45. des Supplémens
à cette Hiftoire Naturelle , article de la pefanteur du feu.
( c ) four faire des aimans d’un volume confidérable ,
les ouvriers joignent enfemble plufieurs petits morceaux
d’aimant qu’ils réunifient, en les appliquant d’abord les
tins contre les autres , & les plongeant enfuite dans du
plomb ou de l’étain fondus. La chaleur comnniuniquée
par ces métaux fondus à cette maffe d’aimant , n'en dimi-
T 2
2,0 H\ (li tre naturelle.
effet ; & d’ailleurs le feu , quelque violent
qu’il foie, laiffe toujours à l’aimant & au
fer aimanté quelque poitionde leurs foi ces ,
car, dans l’état de la plus grande incandes¬
cence , ils donnent encore des figues lenii-
bles, quoique foibles, de leur magnetilme ;
M. Epinus a même éprouvé que les aimans
naturels portés à l’état d’incandelcence , re¬
froidis enfuite , & placés entre deux grandes
barres d’acier fortement aimantées, acque-
roient un magnétilme plus tort ( d ); & , par
mie pas la force , & il faut un bien plus grand degré de
chaleur, & même un feu très violent, pour opérei cette
diminution ou fufpenfion de force de l’aimant & du fer
aimanté. Mujchembroëck , page 73.
(i/) » Le premier aimant que j’ai fournis à l’expérience,
dit W- Epinus , étoit un parallélipipèdç régulier; il étoit
noirâtre, fans éclat métallique, très homogène, très
compte, & tel que font communément les aimans de
mauvaife qualité. 11 n’avoit prefque pas do force , car il
pefoit nud deux onces il, avec fon armure trois onces
«i, & n’élevoit que quatre onces. Je l’ai dépouillé de
fon armure, je l’ai placé entre deux grandes barres d’acier
fortement aimantées, fuivant la manière que j ai deciit . ,
&, après une demi-heure , j’ai trouvé que fa vertu étoit
augmentée, & que , rejoint a fon armure , il pour oit
Clever douze onces & demie ; je l’ai expofé au feu libre
des charbons , je l’ai lailfé dans une forte incandescence
pendant une demi-heure ; j’ai trouvé , après fon refroi-
diffement , qu’il avoit perdu prefque toute la force magné¬
tique qu’il polfédoit. Je l’ai placé pendant un quart-d’heure
çntre les deux barres aimantées dont j’ai déjà parlé , de
12 l
Trahi de V Aimant.
la comparaifon de les expériences , il paroît
que plus un aimant eft vigoureux par la
nature , mieux il reçoit & conferve ce fur-
croît de force.
L’a&ion du feu ne fait donc que diminuer
ou fufpendre la vertu magnétique, & con¬
court même quelquefois à l’augmenter; cepen¬
dant la perculHon , qui produit toujours de
la chaleur lorfqu’elle eft réitérée , lemble
détruire cette force en entier; car, fi l’on
frappe fortement , & par plufieurs coups
j’ai trouvé que , garni de fon armure , il élevoit déjà
plus de dix-lmit onces ; il a donc , après fon incandef-
cence, obtenu par le moyen des barres aimantées , dans
un court efpace de temps , une force beaucoup plus con-
lîdérable que celle qu’il avoit acquife, pendant un temps
plus long , avant d’être expofé au feu. 11 eft donc évi¬
dent que l’aptitude de cet aimant , à recevoir le magnétifme,
a été augmentée par mon procédé dans le rapport de 37 *
à 27, ce qui revient à peu-près à celui de 7 à j.
» Un autre aimant , qui pefoit nud 4 onces un quart ,
& 3 onces 7 huitièmes avec fon armure , préfentoit auffi
une matière uniforme & compare, mais il paroiffoit plus
riche en métal que le premier aimant ; lorfqu’il étoit
revêtu de fon armure , il portoit 6 onces trois quarts ;
placé une demi-heure entre les aimans artificiels, avant
d’être expofé à l’attion du feu , il ne put pas porter au-
delà de 22 onces 3 quarts, tenu en incandefcence au
milieu des charbons pendant une demi-heure, & enfuite
refroidi , il avoit perdu pref.juc toute fa force ; mais ,
placé pendant un quart-d'heure au milieu des aimans arti¬
ficiels , il éleva facilement 37 onces & demie, & foh
T 3
112, H'ijloire naturelle.
fucceflifs , une lame de fer aimantée, elle
perdra fa vertu magnétique , tandis qu'en
frappant de même une femblable lame non-
aimantée , celle-ci acquerra, par cette per-
cuflïon , d’autant plus de force magnétique
que les coups feront plus forts & plus rei¬
térés; mais il faut remarquer que la percuf-
fion, ainfi que l’aétion du feu, qui lemblc
aptitude à recevoir la vertu magnétique , fe trouva aug¬
mentée dans le rapport d’environ 835. 11 paroit donc que
la méthode que je décris , produit des effets d’autant plus
grands , que les aimans font plus généreux , avant d’être
préfentés au feu. J’ai vu aufli, par le moyen du dermer
aimant dont je viens de parler , que l’augmentation de
force obtenue par ma méthode , étoit allez durable &
ne fe difiipoit pas facilement , car ce fécond aimant n’a-
voit encote rien perdu de fa vigueur au bout de hx
mois >*.
IV1. Epinus croit qu’on pourroit augmenter encore plus
la vigueur des aimans par la cémentation qui leur donne-
roit plus de qualité que la fimple torréfa&ion au feu nnd.
lî propofe de tailler en parallélipipèdes les aimans tirés
immédiatement de la mine , en leur donnant le plus de
longueur qu’il fe pourra , pour les cémenter au feu 6c
les plonger enfuite dans l’eau froide; après quoi, il pro¬
pofe de les placer entre deux ou plufieurs barres d’acier
aimantées , & de les frotter avec deux aimans artificiels ,
fuivant la méthode du double contatt II faudra aufli les
armer après avoir choifi pour pôles les points les plus
éloignés l’un de l’autre. Ces aimans préfenteront alors la
plus grande force magnétique qu’ils puiffent comporter.
Epinus y numéros 359, 36c & 56a.
Traité de l’Aimant. 223
détruire la vertu magnétique , ne font que
la changer ou la chaffer, pour en fubffituer
une autre , puifqu’elles fuflifent pour aimanter
le fer qui ne l’efl pas; elles ôtent donc au
fer aimanté, la force communiquée par l’ai¬
mant, & en même temps y portent & lui
fubffituent une nouvelle force magnétique,
qui devient très fenfible lorfque la perçut-
fion eft continuée ; le fer perd la première ,
& acquiert la fécondé , qui eft fouvent plus
foible & moins durable ; il arrive ici le
même effet, à-peu près, que quand on paffe
fur un aimant foible du fer aimanté par un
aimant fort , ce fer perd la grande force
magnétique qui lui avoit été communiquée
par l’aimant fort , & il acquiert en même-
temps la petite force que peut lui donner
l’aimant foible.
Si l’on met dans un vafe de la limaille de
fer , & qu’on la comprime allez pour en faire
une maffe compare, à laquelle on donnera
la vertu magnétique , en l’appliquant ou la
frottant contre l’aimant , elle la recevra
comme toute autre matière ferrugineufe ;
mais cette même limaille de fer comprimée,
qui a reçu la vertu magnétique, perdra cette
vertu dès qu’elle ne fera plus maffe , &
qu’elle fera réduite au même état pulvérulent
où elle étoit avant d’avoir été comprimée.
Il fuffit donc de changer la fituation refpec-
tivedes parties conftituantes de la maffe pour
faire évanouir la vertu magnétique ; chacune
des particules de limaille , doit être confidérée
comme une petite aiguille aimantée , qui dès-
224 Hijtoire naturelle.
lors a fa dire&ion & Tes pôles. En chan¬
geant donc la fmiation refpe&ive des parti¬
cules, leurs forces attraéfive & directive
feront changées & détruites les unes par les
autres ; ceci doit s’appliquer à l’effet de la
percuffion , qui , produifant un changement
de fituation dans les parties du fer aimanté ,
fait évanouir fa force magnétique. Cela nous
démontre auflî la caufe i’un phénomène qui
a paru fingulier, & aflez difficile à expliquer.
Si l’on met une pierre d’aimant au-deflus
d’une quantité de limaille de fer que l’on
agitera fur un carton, cette limaille s’arran¬
gera, en formant plufieurs courbes féparèes
les unes des autres , & qui lailfent deux
vides aux endroits qui correfpondent aux
pôles de la pierre ; on croiroit que ces vides
font occafionnés par une répulfion qui ne ié
fait que dans ces deux endroits , tandis que
l’attra&ion s’exerce fur la limaille dans tous
les autres points; mais lorfqu’on préfente
l’aimant fur la limaille de fer , fans la fe-
couer , ce font, au contraire, les pôles de
la pierre qui toujours s’en chargent le plus.
Ces deux effets oppofes fembleroienr , au
premier coup d’œil , indiquer que la force
magnétique efl rantôt très aétive , & tantôt
abfolument inaétive aux pôles de l’aimant;
cependant il eft très certain, & même nécef-
faire, que ces deux effets, qui femblent être
contraires, proviennent de la même caufe;
& comme rien ne trouble l’effet de cette
caufe dans l’un des cas, & qu’elle eft trou¬
blée dans l’autre par les fecouifes qu’on donne
Traité de l'Aimant. 225
à la limaille, on doit en inférer que la diffé¬
rence ne dépend que du mouvement donné
à chaque particule de la limaille.
En général , ces particules étant autant de
petites aiguilles, qui ont reçu de l’aimant les
forces attraéfive & directive prefque en même-
tems & dans le même Cens, elles doivent perdre
ces forces & changer de direction, dès que,
par le mouvement qu’on leur imprime, leur
(ituation efi changée. La limaille (era par
conléquent attirée , & s’arnmonce!era , lorfque
les pôles auftraux de ces petites aiguilles feront
difpofés dans le fens du pôle boréal de l’ai¬
mant, & cette même limaille formera des
vides, lorfque les pôles boréaux des particu¬
les feront dans le fens du pôle boréal de l’ai¬
mant, parce que, dans tout aimant, ou fer
aimanté, les pôles de d fferens noms s’attirent,
&. ceux du même nom le repoufTenr.
Il peut arriver cependant quelquefois , lor(-
qu’on prélente un aimant vigoureux à un
aimant foible , que les pôles de même nom
s’attirent au lieu de fe repoulfer ; mais ils ont
cefTe d’être femblables lorsqu’ils tendent l'un
vers l’autre; l’aimant fort détruit par fa pui(-
fance la vertu magnétique de l’aimant foible ,
& lui en communique une nouvelle, qui
change fes pôles ; on peutexpliquer, par cette
mêmeraifon, plufieurs phénomènes analogues
à cet eff-M ,& pa ticulièrement celui que M.
Epinus a obfervé le premier , & que nous
citons, par extrait, dans la Note ci deifous (e).
( e ) Que l’on tienne verticalement un aimant au-delfus
ll6 Hijloire naturelle.
Nous devons ajouter à ces faits un autre fait»
qui démontre également que la réfidence fixe ,
ainfi que la direction décidée de la force ma¬
gnétique , ne dépendent dans le fer& l’aimant
que de la fituation confiante de leurs parties
dans le fens où elles ont reçu cette force ; le ter
n’acquiert de lui-même la vertu magnétique,
& l’aimant ne la communique au fer , que dans
une feule & même direction ; car fi l’on aimante
un fil de fer félon 1a longueur, & qu’enfuite
d'une table, fur laquelle on aura placé une petite aiguille
d’acier à une certaine diftance du point au-deffus duquel
l’aimant fera fufpendu ; l’aiguille tendra vers l’aimant , &
fon extrémité la plus voiüne de l’aimant s’élèvera au-
deffus de la furface de la table ; fi l’on frappe légèrement
la table par-deffous , l’aiguille fe foulevera en entier, &
lorfqu’elle fera retombée , elle fe trouvera plus près du
point correfpondant au-deffous de l’aimant ; fon extrémité
s’élevant davantage, formera, avec la table, un angie
moins aigu, &, à force de petits coups réitérés, elle
parviendra précifément au-deffous de l’aimant & fe tiendra
perpendiculaire. Si , au contraire , on place l’aimant au-
deffous de la table , ce fera l’extrémité de l’aiguille la
plus éloignée de l’aimant qui s’élèvera ; l’aiguille mile
en mouvement , par de légères fecouffes , fe trouvera
toujours, après être retombée, à une plus grande dif¬
tance du point corrcfpcndant au-deffus de l’aimant; fon
extrémité s’élèvera moins au-deffus de la table , 6c for¬
mera un angle plus aigu- L’aiguille acquiert la vertu
magnétique par la proximité de l’aimant. L’extrémité de
J’aiguille oppofée à cet aimant , prend un pôle contraire
au pôle de l’aimant dont elle et! voifrne ; elle doit doue
Traité de /’ Aimant. 217
on le plie de manière qu’il forme des angles &
crochets , il perd dès-lors fa force magnétique,
parce que la direéfion n’eft pas la même , 6:
que la fituation des parties a été changée dans
les plis qui forment ces crochets ; les pôles
des diverfes parties du fer fe trouvent alors
fitués les uns relativement aux autres, de
manière à diminuer ou détruire mutuellement
leur vertu , au lieu de la conferver ou de l’ac¬
croître ; & non- feulement la force magnéti-
ëtre attirée pendant que l’autre extrémité fera repouffée.
Ainft , l’aiguille prendra fucceffivement une pofition où
l’une de fes extrémités fera le plus près , & l’autre le
plus loin poflible de l’aimant ; elle doit donc tendre a fe
diriger parallèlement à une ligne droite que l’on pourroit
tirer de fon centre de gravité à l’aimant : lorfque l’ai¬
guille s’élève pour obéir à la petite fécondé , la tendance
que nous venons de reconnoître lui donne , pendant qu’elle
eft en l’air , une nouvelle pofition relativement à l’aimant ,
& s’il eft fufpendti au-deffus de la table, cette nouvelle
pofition eft telle , que l’aiguille, en retombant, fe trouve
plus près du point correfpondar.t au-deffous de l’aimant ;
fi, au contraire, l’aimant eft au-defïous de la table, la
nouvelle pofition donnée à l’aiguille , pendant qu’elle eft
encore en l’air, fait nécefTairement qu’après être tombée,
elle fe trouve plus éloignée du point au-defTous duquel
l’aimant a été placé. 11 eft inutile de dire que fi l’on
remplace la petite aiguille par de la limaille de fer, l’on
voit ies mêmes effets produits dans "toutes les particules
qui COmpofent la limaMle Ext ait de la fécondé des D.f-
J'ertations que M. Epir.us a publiées à la fuite de fon EJfai
fur la théorie de [Electricité & du Magnétifmt.
2 20 Hijloire naturelle.
que Te perd dans ces parties angulaires, mais
même elle ne fubfifte plus dans les autres par¬
ties du fil de fer qui n’ont point été pliées ;
car le déplacement des pôles & le changement
de direétion occafionnés par les plis, fuffifent
pour faire perdre cette force au fil de fer dans
toute fon étendue.
Mais fi l’on parte un fil de fer par la filière,
dans le même lens qu’il a été aimanté, il con-
fervera fa vertu magnétique , quoique les
parties conftituantes aient changé de pofition ,
en s’éloignant les unes des autres, & que
toutes aient concouru, plus ou moins, à
l’alongement de ce fil de fer par leur dépla¬
cement ; preuve évidente que la force magné¬
tique fubfirte ou s’évanouit , félon que la
dire&ion fe conferve la même , lorfque le
déplacement fe fait dans le même fens , ou
que cette direction devient différente lorfque
le déplacement fe fait dans un fens oppofé.
On peut confidérer un morceau de fer ou
d’acier, comme une marte de limaille, dont
les particules font feulement plus rapprochées
& réunies de plus près que dans le bloc de
limaille comprimée; aurti faut il un violent
mouvement , tel que celui d’une flexion forcée,
ou d’une forte percurtîon , pour détruire la
force magnétique dans le fer ou l’acier, par
le changement de la fnuation refpeéHve de
leurs parties; au lieu qu’en donnant un coup
allez léger fur la marte de la limaille compri¬
mée , on fait évanouir à l’inflant la force ma¬
gnétique, parce que ce coup luHit pour chan¬
ger la firuation refpe&ive de toutes les par¬
ticules de la limaille.
Traité ce T Aimant. 229
Si l’on ne patte qu’une feule fois une lame
de fer ou d’acier fur l’aimant, elle ne reçoit
que très-peu de force magnétique par ce pre¬
mier frottement ; mais , en le réirérant quinze
ou vingt fois, toujours dans le même fens, le
fer ou l’acier prendront prelque toute la force
magnétique qu’ils peuvent comporter. Si on
ne leur en donneroit pas davanrage en con¬
tinuant plus long-tems les mêmes frottemens ;
mais fi, après avoir aimanté une pièce de fer
ou d’acier dans un fens, on la patte fur l’aimant
dans le fens oppofé, elle perd la plus grande
partie de la vertu qu’elle avoir acquife, Sc
peut même la perdre tout à fait, en réitérant
les frottemens dans ce fens contraire ; ce font
ces phénomènes qui ont fait imaginer à quel¬
ques Phyliciens que la force magnétique rend
mobiles les particules dont le fer ett compolé.
Au relie, fi i’on ne fait que pof'er le fer ou
l’acier lur l’aimant, fans les prefier l’un contre
l’autre, ou les appliquer fortement, en les
partant dans le même fens , ils ne reçoivent
que peu de vertu magnétique, & ce ne fera
qu'en les tenant réunis plufieurs heures de
fuite , qu’ils en acquerront davantage , &
cependant toujours moins qu’en les frottant
dans le même fens, lentement Si fortement,
un grand nombre de fois fur l’aimant.
Le feu, la percurtion & la flexion, fufpen-
dent ou détruilent également la force magné¬
tique, parce que ces trois caufes changent
également la lituation refpeélive des parties
conftituanres du fer & de l’aiinanr. Ce n’eft
même que par ce feul changement de la fitua-
tion refpeéiive de leurs parties , que le feu
2 3 O Hijlolre naturelle.
peut agir fur la force magnétique , car on s’eft
alluré que cette force palî'e de l’aimant au fer ,
à travers la flamme , fans diminution ni change¬
ment de direéhon ; ainfi , ce n’eft pas fur la
force même que fe porte l’a&ion du feu ; mais
fur les parties intégrantes de l’aimant ou du
fer, dont le feu change la pofition, & lorfque,
par le refroidiffement, cette pofition des par¬
ties fe rétablit, telle qu’elle étoit avant l’in-
candefcence , la force magnétique reparoît,
& devient quelquefois plus puiffante qu’elle ne
l’étoit auparavant.
Un aimant artificiel & homogène, tel qu’un
barreau d’acier fortement aimanté, exerce fa
force attraélive dans tous les points de fa
Jurface , mais fort inégalement , car fi l’on
projette de la limaille de fer fur cet aimant,
il n’y aura prefque aucun point de fa fuperficie
qui ne retienne quelques particules de cette
limaille , fur-tout fi elle eft réduite en poudre
très-fine ; les pôles & les angles de ce barreau
feront les parties qui s’en chargeront le plus,
& les faces n’en retiendront qu’une bien
moindre quantité; la pofition d;s particules
de limaille, fera aufli fort differente; on les
verra perpendiculaires fur les parties polaires
de l’aimant, & elles feront inclinées plus ou
moins vers ces mêmes pôles, dans toutes les
autres parties de fa furface.
Rienn’arrête la vertu magnétique;un aimant
placé dans l’air ou dans le vide, plongé dans
l’eau, dans l’huile, dans le mercure, ou dans
tout autre fluide , agit toujours egalement;
renfermé dans une boîte de bois, de pierre,
de plomb , de cuivre , ou de tout autre métal ,
Traité de l’Aimant. 231
à l’exception du fer, fon aéftion eft encore la
même; l’interpofition des corps les plus foli-
des (/) ne lui porte aucune atteinte, & ne
fait pas obftacle à la tranfmiffion de fa force;
elle n eft afFoibl ie que par le fer interpofé , qui
acquérant par cette pofition la vertu magné¬
tique , peut augmenter , contrebalancer ou
détruire celle qui exiftoit déjà , fuivant que
les dire&ions de ces deux forces particulières
coincident ou divergent.
Mais, quoique les corps interpofés ne dimi¬
nuent pas l’étendue de la fphère aêfive de l’ai¬
mant fur le fer, ils ne laifient pas de diminuer
beaucoup Pintenfité de la force attractive,
lorsqu’ils empêchent leur contaét. Si l’on in¬
terpofé entre le fer qu’on veut unir à l’aimant
un corps auffi mince que l’on voudra, feule¬
ment une feuille de papier , 1 aimant ne pourra
Soutenir qu’une très- petite mafte de fer, en
comparaifon de celle qu’il auroit Soutenue,
“ Ie *er lui avoit été immédiatement appliqué ;
cette différence d’effet provient de ce que l’in-
tenfité de la force eft fans comparaifon beau¬
coup plus grande au point de ccntaCt , & qu’en
mettant obftacle à l’union immédiate du fer
avec l’aimant , par un corps intermédiaire,
on lui ôte la plus grande partie de fa force,
en ne lui laiffant que celle qu’il exerceroit au-
delà de fon point de contaéh Mais cet effet,
(f) Un bloc de plomb d'un pied d’épaifleur , interpofé
entre l’aimant & le fer , n’en diminue pas la force attrac¬
tive. Mufchcmbroéck , page 59.
2^2. Hijîoire naturelle.
qui eft ft fenfible à ce point , devient nul , ou
du moins ini'cnfibie a toute autre diftance ,
car les corps interpoles à un pied , à un pouce,
& même à une ligne de l’aimant , ne paroiffent
faire aucun obftacle à l’exercice de (on attrac-
tion.
Le fer, réduit en rouille, ceffe d’être atti-
rable à l’aimant; la rouille eft une diffolution
du fer par l’humidité de l’air, ou, pour mieux
dire , parl’aétion de l’acide aérien , qui , comme
nous l’avons dit, a produit tous les autres
acides; aufti agiffenr-ils tous fur le fer, & à-
peu-près de la même manière , car tous le
diffolvent, lui ôtent la propriété d’être attiré
par l’aimant; mais il reprend cette même pro¬
priété lorfqu’on fait exhaler ces acides par le
moyen du feu. Cette propriété n’eft donc pas
détruire en entier dans la rouille ,& dans
les autres diffolutions du fer (^), puifqu’eile
(g) En faifant difToiulre la limaille de fer dans les
acides vitrioliques ou nitreux , elle celfe d’être attirable à
l’aimant, cependant on ne peut pas dire qu’elle perd en¬
tièrement la vertu magnétique ; il en eft de même du
vitriol de fer, dont l’attraftion eft à la vérité très pente,
mais non pas nulle , comme dit l’Emery ( Mémoires de
l' Académie des Sciences , année \~oG ). 11 faut , pour S en
a apercevoir , le prefenter â une très longue aiguille aiman-
t c j la diffolution réparant les parties du fer , fait le
même effet que le mouvement de fécondé qu’on donne
à la limaille , en difpofant fes parties en différens lent ,
& c’eft ce qui détruit la vertu magnétique. Mnfchcmbroëck ,
page 125.
fc
Traité de l'Aimant. 233
fe- rétablit dès que le diflolvant en eft féparé.
L’aéhon du feu produit dans le fer un'effec
tout contraire à celui de l’impreflïon des acides
ou de l’humidité de l’air; le feu le rend d’autant
plus attirable à 1 aimant, qu’il a été plus vio¬
lemment chauffe. Ce fablon ferrugineux ( k) ,
cjont nous avons parlé , & qui eft toujours
mêlé avec la platine , eft plus attirable à l’ai¬
mant que la limaille de fer, parce qu'ilafubi
une plus forte aétion du feu, & la limaille de
fer , chauffée jufqu’au blanc , devient aufli
plus attirable qu’elle ne l’étoit auparavant;
on peut même dire qu’elle devient tou r-à fait
magnétique en certaines circonftances , puif-
que les petites écailles de fer qui fe féparent
de la loupe en incandefcence frappée par le
marteau, préfentent les mêmes phénomènes
que l’aimant. Elles s’attirent, fe repoufTent &
fe dirigent , comme le font les aiguilles aiman¬
tées. On obtient le même effet j en faifant
fublimer le fer par le moyen du feu (i); & les
(h) Mufcbembrocck Si quelques phyficiens ont douté
que ce fablon fût réellement du fer, parce qu’à l’excep¬
tion de fon attraftion par l’aimant, il paroît avoir perdu
toutes fes autres propriétés métalliques ; mais fa denfité
démontre qu’il eft ferrugineux; car, félon Mufcliembroëck
lui-même , la pefanteur fpécifique de ce fablon , étoit à
celle du fable, comme 161 à 71, ce qui eft à-peu-près
le rapport du poids fpécifique cie la fonte de fer , au poids
du grès 0:1 du marbre blanc
( /' ) Expériences faites par MM. de l’Arbre & Quinquet »
& communiquées à M. le Comte de Buffon , en 1786.
Aùnéraux. Tome IX. V
234 Hijîo'ire naturelle
volcans donnent par Sublimation des matières
ferrugineufes qui ont du magnétifme &. des
pôles, comme les fers fublimés & chauffés.
On augmente prodigieufement la force
attraCtive de l’aimant, en la réunifiant avec la
force directive , au moyen d’une armure de fer
ou d’acier; car cette armure fait converger
les directions , en lorre qu’il ne refte à l’aimant
armé , qu’une portion des forces directives
qu’il avoit étant nud, & que ce même aimant
nud , qui , par fes parties polaires , ne pouvoir
foutemr qu’un certain poids de fer, en fou-
tiendra dix, quinze ou vingt fois davantage,
s’il eft bien armé; & plus le poids qu’il fou-
tiendra, étant nucl, fera petit, plus l'augmen¬
tation du poids qu’il pourra porter , étant armé,
jera grande; les forces directives de l’aimant
fe réunifient donc avec fa force attraCtive,
& toutes fe portant fur l’armure , y produisent
une intenfité de force bien plus grande, fans
que l’aimant en foit plus épuifé. Cela féal
prouveroit que la force magnétique ne ré fi le
pas dans l’aimant, mais qu’elle eff déterminée
vers le fer & l’aimant, par une caufe exté¬
rieure, dont l’effet peut augmenter ou dimi¬
nuer, félon que les matières ferrugineufes
lui font préfentées d’une manière plus ou
moins avantageufe; la force attraétive n’au¬
gmente ici que par fa réunion avec la force
directive, & l’armure ne fait que réunir ces
deux forces fans leur donner plus d’extenfion ;
car, quoique l’atrraâion, dans l’aimant armé,
agtfie beaucoup plus puiffamment fur le fer,
qu elle retient plus fortement, elle ne s’étend
pas plus loin que celle de l’aimant nud.
Trâité de V Aimant. 2;3 5
Cette plus forte attra&ion produite par la
réunion des forces attraftive & direélive de
l’aimant, paroît s’exercer en raifon des fur-
faces ; par exemple , fi la furface plane du pied
de l’armure contre laquelle on applique le fer
eft de 36 lignes quarrées , la force d’attraéïion
fera quatre fois plus grande que fur une fur-
face de 9 lignes quarrées; autre preuve que la
caufe de l’attraéHon magnétique eft extérieure,
& ne pénètre pas la maffe de l’aimant, puil-
qu’elle n’agit qu’en raifon des furfaces , au
lieu que celle de l’attraélion univerfelle , agi f-
fant toujours en raifon des maffes , eft une
force qui réfide dans toute matière. D’ailleurs
toute force dont les directions font différentes,
& qui ne tend pas dire&ement du centre à la
circonférence , ne peut pas être regardée
comme une force intérieure, proportionnelle
à la maffe , & n’eft en effet qu’une aéfion ex¬
térieure qui ne peut fe mefurer que par fa pro¬
portion avec la furface ( k ).
Les deux pôles d’un aimant fe nuifant réci¬
proquement par leur aéïion contraire, Iorf-
qu’ils font trop voifins l’un de l’autre , la pofi-
tion de l’armure & la figure de l’aimant, doi¬
vent également influer fur fa force, & c'eft ,
(k) M. Daniel Bernouilîi a trouvé, par plu fleurs expé¬
riences, que la force attractive des aimans artificiels de
figure cubique, croifloit comme la furface, & non pas
comme la malle de ces aimans. Lettre de M. Daniel
Bernouilîi à M. Trembley , publiée dans le premier volume,
du Voyage de M. de Saujfure.
V a
236 Hijloire naturelle'.
par cette raifon , que des aimans foibles
gagnent quelquefois davantage à être armés,
que des aimans plus forts. Cette aélion con¬
traire de deux pôles trop rapprochés, fert à
expliquer pourquoi deux barres aimantées,
qui (e touchent , n’attirent pas un morceau de
fer avec autant de force, que lorfqu’elles font
à une certaine diftance l’une de l’autre (/).
Les pieds de l’armure doivent être placés
fur les pôles de la pierre pour réunir le plus
de force; ces pôles ne font pas des points
mathématiques , ils ont une certaine étendue ,
& l’on reconnoît aifément les parties polaires
d’un aimant, en ce qu’elles retiennent le fer
avec une plus grande énergie , & l’attirent avec
plus de puiflance que toutes les autres parties
de la furface de ce même aimant ne peuvent
le retenir ou l’attirer. Les meilleurs aimans
font ceux dont les pôles font décidés, c’eft-a-
dire , ceux dans lefquels cette inégalité de
force eft la plus grande. Les plus mauvais
aimans font ceux dont les pôles font les plus
indécis, c’eft-à- dire , ceux qui ont plufieurs
pôles & qui artirent le fer à-peu près égale¬
ment dans tous les points de leur furface; &:
le défaut de ces a;mans vient de ce qu’ils font
compofés de plufieurs pièces mal fituées ,
relativement les unes aux autres, car, en
les divifant en plufieurs parties, chacun de
ces fragmens n’.aura que deux pôles bien déci¬
dés & fort a&ifs.
(I j Voyez l’Ouvrage de M. Epinus , Nc. -48.
Traité de T Aimant. 237
Nous avons dit que fi l’on aimante un fi! de
rer, en le frottant longitudinalement dans le
nierne fens , il perdra la vertu magnétique en
le pliant en crochet , ou le courbant & le con¬
tournant en anneau , & cela parce que la force
magnétique 11e s’étant déterminée vers ce fil
de ter, que par un frottement dans le fens
longitudinal , elie celle de té diriger vers ce
même ter, dès que ce lens eft changé, ou in¬
terrompu , & iorlqu’il devient directement
oppoté , cette force produit néceffairement
un effet contraire au premier ; elle repoufTe
au lieu d atrirer , & fe dirige vers l’autre pôle.
a-3 répulfion dans 1 aimant, n’eft donc que
1 effet dune attraction en fens contraire, (Si.
qu’on oppole à elle - même; toutes deux ne
partent pas du corps de l’aimant, mais pro¬
viennent &i font des eftets d’une force exté¬
rieure , qui agit fur l’aimant en deux fens
oppotes , &i dans tout aimant, comme dans le
globe terrefire , la force magnétique forme
deux courans , en fens contiaire, qui partent
tous de l’équateur en fe dirigeant ‘aux deux
pôles.
Mais on doit obferver qu’il y a une inégalité
de force entre les deux courans magnétiques
du globe, dont 1 hemilpiiere boréal offrant à
fa furface beaucoup plus de terres que d’eau,
&• étant par conféquent moins froid que l’hé-
milphère auftral , ne doit p3s déterminer ce
courant avec autant de puiffance , en forte
que ce courant magnétique boréal a moins
d’inrenfité de force que le courant de l’hémif-
phère auftral , dans lequel la quantité des eaux
& des glaces étant beaucoup plus grande que
2 j g Hijloire naturelle
dans !e boréal , la condenfation des émanations
terreftres provenant des régions de 1 équateur,
doit être auffi plus rapide & plus grande, cette
même inégalité fe reconnoît dans les aimans.
M. de Bruno a fait , à ce fu jet , quelques expé¬
riences , dont nous citons la plus décifive dans
la Note ci-deffous ( m ). Defcartes avoit dit
auparavant que le côté de l’aimant, qui tend
vers le nord, peut foutenir plus de fer dans
nos régions feptentrionales , que le côté oppose
ce fait a été confirmé par Rohault , ol
aujourd’hui par les expériences de M. d_
Bruno. Le pôle boréal eft donc le plus fort dans
les aimans, tandis que c’eft au contiaire -
pôle le plus foible fur le globe terreftre; &
c’eft précifément ce qui détermine les pôles
boréaux des aimans à le porter vers le nord ,
comme vers un pôle dont la quantité de torce
eft différente de celle qu’ils ont reçue. ^
Lorfqu’on préfente deux aimans l un a 1 au¬
tre, & que l’on oppofe les pôles de même
( m ) » 3c pofai un grand barreau magnétique fur une
table de marbre blanc ; je plaçai une aiguille aimantée en
équilibre fur fon pivot , au point qui feparoit le grand
barreau en deux parties égales. Le pôle auftral s’inclina
vers le pôle boréal du grand barreau. J’approchai infen-
fiblement cette aiguille vers le pôle auftral du grand bar¬
reau, jufqu’à ce qu’ enfin je m’apperçus que la petite aiguille
étoit dans une fituation parfaitement horizontale ». Recher¬
ches fur la dircaion du Fluide magnétique , page 116.
( n ) Principes de la philofophie de Dcfcanes , article
XXIX , des propriétés de l'Aimant.
Traite de l' Aimant'. 2
nom, il eft néceffaire qu’ils fe repouffent,
parce que la force magnétique , qui fe porte
de J equateur du premier aimant à fon pôle,
agit dans une direction contraire & diamé¬
tralement oppoléeà la force magnétique, qui
le porte en fens contraire dans le fécond
aimant. Ces deux forces font de même nature ,
leur quantité eft égale, & par conféquent ces
deux forces égales & oppofées doivent pro¬
duire une repulfion , tandis qu’elles n’offrent
qu une attraéiion , ft les deux aimans font
preientes 1 un à l’autre par les pôles de dif-
ferens noms , puifqu’alors les deux forces
magnétiques, au lieu d’être égales , diffèrent
par leur nature & par leurs quantités. Ceci
leul fumroit pour démontrer que la force
magnétique ne circule pas en tourbillon autour
de 1 aimant, mais fe porte feulement de fon
equateur à les pôles, en deux fens oppofés.
Cette répulfion, qu'exercent l’un contre
1 autre les pôles de même nom, fert à ren¬
dre raifon d un phénomène , qui d’abord a
furpris les yeux de quelques Phyficiens. Si
Ion loutient deux aiguilles aimantées, l’une
au deffus de 1 autre , & fi on leur communique
le plus léger mouvement, elles ne fe fixent
point dans la direétion du méridien magné¬
tique ; mais elles s’éloignent également
des deux côtés , 1 une à droite , & l’autre à
gauche , de la ligne de leur direction naturelle.
Or cet écartement provient de l’aftion
repulfive de leurs pôles femblables , & , ce
qui le prouve, c’eft qu’à mefure qu’on fait
defeendre 1 aiguille fupérieure, pour l’appro¬
cher de 1 inferieure, l’angle de leur écarte-
2.40 Hiftoire naturelle.
ment devient plus grand, tandis qu’au con¬
traire il devient plus petit à meiure qu’on
fait remonter cette même aiguille tupérieure
au-deffus de l’inférieure; & lorfque les
aiguilles font afTez éloignées l’une de 1 au¬
tre pour n 'être plus foumifes à leur influence
mutuelle, elles reprennent alors leur vraie
direaion , & n’obéiffent plus qu’à la force
du magnétifme général. Cet eifet , dont la
caufe eft afTez évidente, n’a pas laine d in¬
duire en erreur ceux qui l’ont obfervé les
premiers; ils ont imaginé qu’on pourroit, par
ce moyen, conflruire des bouffoles , dont
l’une des aiguilles indiqueroit le poie ter-
reftre , tandis que l’autre fe dirigeroit vers
le pôle magnétique , en forte que la première
marqueroit le vrai nord, & la fécondé, la
déclinaifon de l’aimant, mais le peu de fon¬
dement de cette prétention eft fufnfamment
démontré par l’angle que forment les deux
aiguilles, & qui augmente ou diminue par
l’influence mutuelle de leurs pôles , en les
rapprochant ou les éloignant 1 un de 1 autre.
On déterminera plus puifîamment , plus
promptement cette force extérieure du magné-
tifme général vers le fer , en le tenant dans
la direction du méridien magnétique de cha¬
que lieu , & l’on a oblervé qu en mettant
dans cette fituation des verges de fer , les
unes en incandefcence & les autres froi¬
des , les premières reçoivent la vertu magné¬
tique bien plutôt & en bien plus grande
mefure ( o ) que les dernieres. Ce fait ajoute
( o ) Nous devons cependant obfervcr que le ter prend ,
encore
Traité de l'Aimant. 441
encore aux preuves que j’ai données de la
formation des mines d’aimant par le feu
primitif.
II faut une certaine proportion dans les
dimenfions du fer, pour qu’il puiffe s’aimanter
promptement de lui-même, & par la feule
aftion du magnétifme général ; cependant
tous les fers étant pofés dans une fituation
perpendiculaire à l’horizon , prendront dans
nos climats quelque portion de vertu magné¬
tique. M. le Chevaliet de Lamanon ayant
examiné les fers employés dans tous" les
vaiffeaux qu’il a vus dans le port de Breft,
en 1785 , a trouvé que tous ceux qui étoient
placés verticalement , avoient acquis la vertu
magnétique ( p ). Il faut feulement un affez
long temps pour que cet effet fe manifefte
dans les fers qui font gros & courts , moins
de temps pour ceux qui font épais & longs,
& beaucoup moins pour ceux qui font longs
& menus (<?). Ces derniers s’aimantent en
à ia vérité , plus de force magnétique dans l’état d’incan-
defcence , mais qu’il ne la conferve pas en même quan¬
tité après fon refroidiflement ; un fer, tant qu’il eft rouge,
attire l’aiguille aimantée plus fortement, & la fait mou¬
voir de plus loin que quand il eft refroidi.
( P ) Lcttre de M. le chevalier de Lamanon, à M. le
Comte de BulTon, datée de Madère, 178*.
( q ) Prenez , dit Mufchembioëck , une verge de fix pieds
de longueur & d’un cinquième de pouce de diamètre-
tenez-la perpendiculairement à l’horizon , elle s’aimantera
en une minu:e de temps, & attirera, par fon extrémité
Minéraux. Tome IX. X
Hijloîre naturelle:
quelques minutes, & il faut des mois & des
années pour les autres. De quelque maniéré
même que le fer ait reçu la vertu magné¬
tique, il paroît que juiqu’à un certain point,
& toutes choies égales, la force qu’il acquiert
eft en raifon de fa longueur ( r ); les bar¬
reaux de fer qui font aux fenêtre* des
anciens édifices, ont fouvent acquis, avec
le temps, une allez grande force magnéti¬
que , pour pouvoir , comme de véritables
aimans, attirer & repouffer d’une maniéré
fenfible l’aiguille aimantée à plufieurs pieds
de diftance. ... ■ -r
Mais cette communication du magnetiime
au fer, s’opère très inégalement iuivant les
différens climats ; on s’elt ailure , par 1 obier-
vation, que , dans toutes les contrées des zones
tempérées & froides, le fer tenu verticale¬
ment acquiert plus promptement & en plus
grande mefure la vertu magnétique , que
dans les régions qui font fous la zone tor¬
ride, dans ltfquelles même il ne prend fou-
vent que peu ou point de veitu magnetiquo
dans cette pofition verticale.
Nous avons dit que les aimans ont pro-
faférieure , le pôle auftra'l de l’aiguille aimantée , & repouf-
(«ra, par cette même extrémité, le polo boréal. Si vous
rcnverfez la verge , vous verrez , dans moins d’une minute,
que l’extrémité fuptrieurc , devenue l’intérieure, attirera
le pôle auftral qu’elle repouiïoit auparavant. Dijjcu. de
Magnat, page i6o.
(r) Epinus , N°. ip.
Traite Je l'A'imant'. 243
portionnellement d’autant plus de force qu’ils
iont en plus petit volume. Une pierre d’ai¬
mant, dont le volume excède vingt- fept
ou trente pouces cubiques , peut à peine
porter un poids .égal à celui de fa maffe,
tandis que, dans les petites pierres d’aimant
d’un ou deux pouces cubiques , il s’en trouve
qui portent vingt , trente & même cinquante
fois leur poids. Mais, pour faire des compa-
laifons exactes , il faut que le fer foit delà
même qua.ité , & que les dimenfîons & la
figure de chaque morceau foient femblables
& égales , car un aimant , qui foutiendroit
un cube de fer du poids d’une livre , ne
pourra foutenir un fil de fer , long ’d’un
pied , qui ne peferoit pas un gros , & fi les
maffes à foutenir ne font pas entièrement
de fer , quoique de même forme , fi , par
exemple, on applique à l’aimant deux maffes
d’égal poids & de figure femblable, dont
l’une feroit entièrement de fer , & dont l’au¬
tre ne feroit de fer que dans la partie fupé-
rieure, & de cuivre ou d’autre matière dans
la partie inférieure, cette maffe, compofée
de deux matières , ne fera pas attirée ni
foutenue avec la même force que la maffe
de fer continu, & elle tiendra d’autant moins
à l’aimant que la portion de fer fera plus
petite , & que celle de l’autre matière lera
plus grande.
Lorfqu’on divife un gros aimant en plu-
fieurs parties, chaque fragment , quelque
petit qu’il foit, aura toujours des pôles (s).
(O Lorfqu’on coupe un aimant par le milieu de foa
X 2
244 Hiftoîre naturelle l
La vertu magnétique augmentera au lieu de
diminuer par cette diviuon ; ces fragmens,
pris féparément , porteront beaucoup plus
de poids que quand ils étoient réunis en un
l'eul bloc. Cependant les gros aimans , même
les plus foibles , répandent en proportion leur
force à de plus grandes diftances que les
petits aimans les plus forts, & fi l’on joint
enfemble plufieurs petits aimans pour n’en
faire qu’une mafl'e , la vertu de cette maffe
axe , chacune de fes parties a conftamment deux pôles ,
& devient un aimant complet. Les parties qui étoient
contiguës fous l’équateur avant la feftion , & qui n’étoient
rien moins que des pôles , le font devenues , & même
des pôles de différens noms , en forte que chacune de ces
parties pourroit devenir également pôle boréal & pôle
auftral , fuivant que la fettion fe feroit faite plus près du
pôle auftral ou du pôle boréal du grand aimant; & la
même chofe arriverait à chacune de ces moitiés , fi on
les coupoit par le milieu, de la même manière. Extrait
de l'article Aimant dans l’Encyclopédie , par M. le Monnier ,
qui a traité cette matière avec autant de méthode que de
jujleffe & de difcernement.
M. Epinus a éprouvé que fi on rompt en deux une barre
de l’acier le plus dur , qu’on approche les deux morceaux
l’un au bout de l’autre , qu’on les preffe de manière qu’ils
n’en forment qu’un feul , & qu’on aimante cette barre com-
pofée , on n’y trouvera que deux pôles; mais , fi enfuite
on fépare les deux morceaux , ils offriront chacun deux
pôles oppofés ; le pôle boréal & le pôle auflral demeu¬
rant , chacun , au bout qu’ils occupoient. Numéros ioj
6* 104.
Traite de l'Aimant. 24^
s étendra beaucoup plus loin que celle d’au¬
cun des morceaux dont ce bloc eft compofé.
Uans tous les cas, cette force agit de plus
loin fur un autre aimant, ou fur le fer
aimanté, que fur le fer qui ne l’eft pas (t).
On peut reconnoître aflez précifément les
effets de 1 attraction de l’aimant fur le fer,
& fur le fer aimanté , par le moyen des bouf-
foles dont l’aiguille nous offre auffi, par fon
mouvement , les autres phénomènes du magnè-
tilme général. La direction de l’aiguille vers
les parties polaires du globe terreftre, fa
déclinaifon & fon inclinaifon dans les diffé-
rens lieux du globe , font les effets de ce
magnétifme, dont nous avons tiré le grand
moyen de parcourir les mers & les terres
inconnues, fans autre guide que cette aiguille
qui feule peut nous conduire , lorfque l’afpeél
du ciel nous manque, & que tous les affres
font voilés parles nuages , les brouillards &
les brumes ( u ).
CO Les diftances auxquelles l’aimant agit fur le fer
•aimanté & fur celui qui ne l’eft pas, font dans le rapport
de f à 2. Mufchembroëck , page 117,
( u ) Il les aiguilles des bouffoles foient faites
de bon acier homogène , fans foufflures ni fêlures ; leur
furface doit être polie, fans inégalités ni cavités, fur-tout
fans points faillans qui ne manqueroient pas de troubler
1 effet général du magnétifme par des effets particuliers &
contraires; leur forme doit être auffi fimple que leur
matière eh pure ; il faut feulement que ces aiguilles dimi¬
nuent, Sc le terminent en pointe aux [deux extrémités.
x 3
246 Hijîoire naturelle
Ces aiguilles une fois bien aimantées , font
de véritables aimans ; elles nous en préfen-
tent tous les phénomènes , & même les démon¬
trent d’une maniéré plus précife qu’on ne
pourroit les reconnoître dans les aimans
mêmes ; car l’aimant & le fer bien aimanté,
produifent les mêmes effets , & lorfqu’une
petite barre d’acier a été aimantée au point
ce prendre toute la vertu magnétique, dont
elle eft fufceptible, c’eft dès-lors un aimant
qui, comme le véritable aimant, peut com-
On a reconnu , après plufieurs elTais , qu’une aiguille de
cinq pouces & demi ou fix pouces de longueur, droit
plus précife dans fes indications de la déclinaifon , que
les aiguilles plus courtes ou plus longues ; le poids de
cette aiguille de fix pouces fera de cent cinquante ou
cent foixante grains. Si elle étoit plus légère , elle feroit
moins allurée fur fon pivot ; & fi elle étoit plus pefante j
la réfiftance , par le frottement fur ce même pivot , la
rendroit moins agile. Les aiguilles , pour les boulfoles
d’inçlinaifon , doivent être un peu plus longues. On aura
foin de tremper les unes & les autres , pour en rendre
l’acier plus diadique , & on leur donnera la couleur bleue,
pour les préferver plus long-temps de la rouille. Ce pivot
no fera r.i de fer ni d’acier , niais de cuivre , ou de toute
autre matière dure & fufceptible de poli ; l’extrémité de
ce pivot doit être arrondie & convexe , pour entrer Se
s’ajufter exaflement dans la cavité de la chappe, qui
fera de la même matière dure & polie ; &: fi l’on enduit
cette cavité d’un peu d'huile, ou mieux encore d’une
petite quantité de poudre très fine , de talc ou de molyb¬
dène, le mouvement de l’aiguille aura toute la liberté,
Traité de l'Aimant. 247
ffluniquer fa force, fans en rien perdre, à
tous les fers & à tous les aciers qu’on lui
préfentera.
Mais ni l’aimant naturel, ni ces aimans
artificiels, ne communiquent pas d’abord
autant de force qu’ils en ont; une lame de
fer ou d’acier palfée fur l’aimant, en reçoit
une certaine mefure de vertu magnétique,
qu’on eftime par le poids que cette lame peut
foutenir; fi l’on pafie une fécondé lame fur
la première , cette fécondé lame ne recevra
que l’on peut lui donner ou plutôt obtenir. Pour faire
des aiguilles de bouflcdes , dit Mufchembroëck , l’acier
doit être préféré au fer , parce qu’il prend beaucoup plus
de force magnétique. On a obfervé qu’il en recevoit
jufqu’à fept fois plus ; il la reçoit, à la vérité, plus len¬
tement, mais il la conferve beaucoup plus long-temps
que le fer. Dijfertatio de Magne te , page 230.
Les aiguilles aimantées , de différentes longueurs , ne
s’arrêtent pas précifémcnt dans la même direction , quoi¬
qu’on leur préfente un feul & même aimant ; mais c’eft
leur différente forme qui donne lieu à cette différence ;
celles qui m’ont le mieux réufïï, c’eft à-dire, celles dont
la direftion a toujours é?é la même, avoient les deux
bouts droits & femblables. Mémoire fur les Aiguilles
aimantées , par M. 'du Fay , dans ceux de l'Académie des
Sciences , année 1733 . Suivant M. Mitcliel , la meil¬
leure proportion des dimenfions pour faire des aiguilles
de boulfole , ou des lames d’acier artificielles , ell fix
pouces de longueur, fix lignes de largeur, & un tiers de
ligne d’épailfeur.
248 Hîjloire naturelle.
de même qu’une partie de la force de la pre¬
mière, & ne pourra foutenir qu’un moindre
poids ; une troifième lame paffée fur la fécon¬
dé, ne prendra de même qu’une portion de
la force de cette fécondé lame ; & enfin
dans une quatrième lame pafl'ée fur la troi-
fièine , la vertu communiquée fera prefque
infenfible ou même nulle.
Chacune de ces lames conferve néanmoins
toute la vertu qu’elle a reçue , fans perte ni
diminution, quoiqu’elles paroiflent en faire
largelTe en la communiquant ; car l’aimant
ou le fer aimanté ne font aucune dépenfe
réelle de cette force ; elle ne leur appartient
donc pas en propre , & ne fait pas partie
de leur fubitance ; ils ne font que la déter¬
miner plus ou moins vers le fer qui ne l’a
pas encore reçue.
Ainfi , je le répète, cette force ne réfide
pas en quantité réelle & matérielle dans l’ai¬
mant, puifqu’elle pafle fans diminution de
l’aimant au fer & du fer au fer, qu’elle le
multiplie au lieu de s’évanouir, & qu’elle
augmente au lieu de diminuer par cette
communication; car chaque lame de fer en
acquiert fans que les autres en perdent, &
la force refte évidemment la même dans
chacune , après mille & mille communica¬
tions. Cette force eft donc extérieure , &
de plus , elle eft , pour ainfi dire , infinie
relativement aux petites mafles de l’aimant
61 du fer, qui ne font que la déterminer vers
leur propre fubftance ; elle exifte à part, &
n'en exifteroit pas moins , quand il n’y auroit
Traité de T Aimant. 249
point de fer ni d’aimant dans le monde ; mais
il eft vrai qu’elle neproduiroit pas les mêmes
effets , qui tous dépendent du rapport parti¬
culier que la matière ferrugineufe fe trouve
avoir avec l’aêtion de cette force.
2.^0 Hijlolre naturelle.
ARTICLE IV.
Divers procédés pour produire & compléter Va'imah •
tation du Fer.
P lusieurs circonftances concourent à ren¬
dre plus ou moins complète la communica¬
tion de la force magnétique de l’aimant au
fer; premièrement » tous les aimans ne don¬
nent pas au même fer une égale force attrac¬
tive; les plus forts lui communiquent ordi¬
nairement plus de vertu que les aimans plus
foibles ; fècondement, la qualité du fer influe
beaucoup fur la quantité de vertu magnétique
qu’il peut recevoir du même aimant; plus
le fer eft pur, & plus il peut s’aimanter for¬
tement; l’acier , qui eft le fer le plus épuré,
reçoit plus de force magnétique , & la con-
ferve plus long-temps que le fer ordinaire ;
troifièmement , il faut une certaine propor¬
tion dans les dimenfions du fer ou de l’acier
que l’on veut aimanter, pour qu’ils reçoivent
la plus grande force magnétique qu’ils peu¬
vent comporter; la longueur, la largeur &
l’épaifteur de ces fers ou aciers, ont leurs
proportions & leurs limites; ces dimenfions
refpeétives ne doivent être ni trop grandes
ni trop petites, & ce n’eft qu’après une infi¬
nité de tâtonnernens qu’on a pu déterminer
à-peu-près leurs proportions relatives, dans
Traite de l’Aimant. 1
îes maffes de fer ou d’acier que l’on veut
aimanter au plus haut degré (a).
Lorfqu’on préfente à un aimant puiflant
du fer doux & du fer dur, les deux fers
acquièrent la vertu magnétique , & en reçoi¬
vent autant qu’ils peuvent en comporter, &
le fer dur , qui en comporte le plus, peut
en recevoir davantage ; mais fi l’aimant n’eft
pas afléz puiflant pour communiquer aux
deux fers toute la force qu’ils peuvent rece¬
voir , on trouvera que le fer tendre, qui
reçoit avec plus de facilité la vertu magné¬
tique , aura, dans le même temps, acquis plus
de force que le fer dur. 11 peut aufli arriver
que l’adlion de l’aimant fur les fers foi t telle,
que le fer tendre fera pleinement imprégné,
tandis que le fer dur n’aura pas été expofé
à cette aéfion pendant allez de temps , pour
recevoir toute la force magnétique qu’il peut
comporter , de forte que tous deux peuvent
préfènter, dans ces deux cas, des forces
magnétiques égales , ce qui explique les con-
( a) » 11 faut une certaine proportion déterminée entre
la longueur, la largeur & l’épaiiïeur d’un morceau de fer
ou d’acier , pour qu’il prenne la plus grande force magné¬
tique poûible ; car,lorfque ces dimenfions font trop petites
ou trop grandes, il prend moins de force dans les deux
cas ; mais la plus grande différence fe trouve entre deux
morceaux , dont l’un auroit dix pouces de longueur , 8c
l’autre quatre pouces , car celui-ci n’a porté , dans 1 ex¬
périence , qu’un grain & demi , tandis que 1 autre en por¬
tent trente-trois ». Mufehembroéck, expérience 3
2 $ 2. Hifloire naturelle
traditions des Artiftes fur la qualité du fer
qu’on doit préférer pour faire des aimans
artificiels ( b ).
Une verge de fer , longue & menue , rou¬
gis au feu , & enluite plongée perpendicu¬
lairement dans l’eau , acquiert , en un moment,
la vertu magnétique. L’on pourroit donc
aimanter promptement des aiguilles de bouf-
fole fans aimant. Il fulfiroit, après les avoir
fabriquées, de les faire rougir au feu, & de
les tremper enfuite dans l’eau froide ( c ).
Mais, ce qui paroît fingulier , quoique natu¬
rel, c’eft-à-dire , dépendant des mêmes cau-
fes , c’eft que le fer en incandefcence , comme
l’on voit, s’aimante très promptement, en
le plongeant verticalement dans l’eau pour
le refroidir, au lieu que le fer aimanté perd
fa vertu magnétique par le feu , & ne la
reprend pas étant de même plongé dans l’eau.
Et c’eft parce qu’il conferve un peu de cette
vertu que le feu ne lui enlève pas toute
entière; car cette portion qu’il conferve de
fon ancien magnétifme, l’empêche d’en rece¬
voir un nouveau.
On peut faire avec l’acier des aimans arti¬
ficiels, auffi puiffans, auffi durables que les
meilleurs aimans naturels; on a même obfervé
(£) Voyez l’Ouvrage de M. Epinus, page 367.
( c ) Nous devons cependant obferver que ces aiguilles
ne font pas aulli actives , ni auffi précifes que celles qu’on
a aimantées, en les paffant vingt ou trente fois dans le
même fçns , fur le pôle d’un aimant bien armé.
Traité de l'Aimant
qu’un aimant bien armé, donne à l’acier plus
de vertu magnétique qu’il n’en a lui même.
Ces aimans artificiels demandent feulement
quelques attentions dans la fabrication , & de
jurtes proportions dans leurs dimenfions ( d ).
Plufieurs Phyficiens , & quelques Artiftes
habiles, ont , dans ces derniers teins, fi bien
(d) Pour rendre le fer un véritable aimant, il faut,
i°. le frotter fur un des pôles d’un aimant bien armé;
2°. plus on palfe lentement le fer , & plus on le prelTe
contre cette armure , ou pôle de l’aimant , & plus il
reçoit de force magnétique; 3«. il ne faut aimanter le
fer qu’en le frottant fur l’armure d’un feul pôle, & non
pas fuccefïïvement fur les deux pôles; 4°. il faut frotter
le fer fur toute fa longueur, & on remarque que l’extré¬
mité qui touche le pôle la dernière , conferve le plus de
force ; 5°. un morceau d’acier poli reçoit plus de vertu
magnétique qu’un morceau de fer fimple & de même
figure ; & , toutes cliofes d’ailleurs égales , on aimante plus
fortement un morceau de fer long , mince & pointu , qu’un
autre d’une forme toute différente ; 6°. c’efl par la raifon
de la plus grande longueur , qu’une lame d’épée , par
exemple, reçoit plus de vertu magnétique qu’une lame
de couteau ; cependant il y a de certaines proportions
d’épaiffeur & de longueur, hors defqueiles le fer reçoit
moins de vertu magnétique ; il eft certain qu’on peut
donner à des barreaux d’acier , d’une figure convenable
& trempés fort durs, une quantité de verra magnétique
très confidérable. L’acier trempé a cet avantage fur ie
fer & fur l’acier doux , qu’il retient beaucoup plus de
vertu magnétique, quoiqu’il ait plus de peine à s’en charger.
Extrait de l’article Aimant , dans l'Encyclopédie , par M,
2 $4 H'tfio'ire naturelle'.
réufïïjtant en France (e ) qu’en Angleterre;
qu’on pourroit, au moyen d’un de ces aimans
artificiels, le pafi'er à l’avenir des aimans de
nature. . .
11 y a plus ; on peut , fans aimant ni 1er
aimanté , & par un procédé aufli remarquable
qu’il eft fimple , exciter dans le fer la vertu
magnétique à un très-haut degré ; ce procède
confifte à pofer fur la furface polie d’un forte
pièce de ter, telle qu’une enclume , des bar*.
h Monnlcr. . . M. du Fny dit que la figure des morceaux
de fer que l’on veut aimanter, contribue beaucoup à la
formation des pôles , ou plutôt à leur établiffement. I ar
exemple, on ne parviendra que diffictlemement a établir
des pôles fur un morceau de fer , dont la forme eft
fpliérique ; car il eut beau frotter une petite boule de 1er
fur un bon aimant, il ne put jamais parvenir à lui don¬
ner des pôles bien déterminés. Mémoires de l'Academie
des Sciences , 1733. Ce que dit ici M. du Fny, eft vrai
en général ; cependant cela dépend encore de la force
des aimans qu’on emploie pour communiquer la vertu
magnétique à ces boules ; car M. Knigth a très bien
aimanté de petites boules de fer, en employant des aimans
artificiels très vigoureux.
(<;) M. le Noble, Chanoine de Saint-T.ouis-du-Louvre,
s’eft fur-tout diùingué dans cet art ; il a compofé des
aimans artificiels de plufieurs lames d’acier réunies ; il a
trouvé le moyen de les aimanter plus fortement , & de
leur donner les figures & les dimenficr.s convenables ,
pour produire les plus grands effets-, &, comparaî'on
faite des aimans de M. le Noble , avec ceux d’Angleterre ,
ils m’ont paru au moins égaux, & même fupéricurs.
Traite de l' Aimant'. tare
reaux d’acier , & à les frotter enfuite un grand
nombre de fois, en les retournant fur leurs
différentes faces, toujours dans le même fens,
au moyen d’une groffe barre de fer tenue ver¬
ticalement , & dont l’extrémité inférieure,
pour le plus grand effet, doit être aciérée &
polie. Les barreaux d’acier fe trouvent après
ces frottemens fortement aimantés, fans que
l’enclume ni la barre, qui femblent leur com¬
muniquer la vertu magnétique, la pofledent
ou la prennent fenfiblement elles-mêmes ; &
rien ne femble plus propre à démontrer l’afff-
nité réelle & le rapport intime du fer avec la
force magnétique, lors même qu’elle ne s’y
manifefte pas fenfiblement , & qu’elle n’y eft
pas formellement établie , puifque ne la poffé-
dant pas, il la communique en déterminant
fon cours, & ne lui fervantque de condu&eur.
MM. Mitchel & Canton , au lien de fe fervir
d’une feule barre de fer , pour produire des
aimans artificiels, ont employé, avec fuccès,
deux barres déjà magnétiques; leur méthode
a été appellé méthode du double contaél,à
caufe du double moyen qu’ils ont préféré.
Elle a été perfectionnée par M. Epinus, qui a
cherché & trouvé la manière la plus avanta-
geufe de placer les forces dans les aimans arti¬
ficiels , afin que celles qui attirent & celles
qui repouffent, fe fervent le plus & fenuifent
le moins poffible. Voici fon procédé, qui eft
l’un des meilleurs auxquels on puiffe avoir
recours pour cet effet , & nous penfons qu’on
doit le préférer pour aimanter les aiguilles des
bouffoles. M. Epinus fuppofe que l’on veuille
augmenter jufqu’au degré de faturation la
a^6 Hijloire naturelle l
vertu de quatre barres déjà douée de quelque
magnétifme. Il en met deux horizontalement ,
parallèlement, & à une certaine diftance l’une
de l’autre, entre deux paralléiipipèdes de fer;
il place fur une de ces barres horizontales les
deux autres barres qui lui relient; il les incline,
l’une à droite, l’autre à gauche, de manière
qu’elles forment un angle de quinze à vingt
degrés avec la barre horizontale, & que leurs
extrémités inférieures ne foient léparées que
par un efpace de quelques lignes ; il les conduit
enfuite d’un bout de la barre à l’autre, alter¬
nativement dans les deux fens , & en les tenant
toujours à la même diftance l’une de l’autre ;
après que la première barre horizontale a été
ainft frottée fur fes deux furfaces, il répète
l’opération fur la fécondé barre; il remplace
alors la première paire de barres par la fécondé,
qu’il place de même entre les deux paralléltpi-
pèdes, & qu'il frotte de la même manière que
nous venons de le dire avec la première paire ;
il recommence enfuite l’opération fur cette
première paire , & il continue de frotter alter¬
nativement une paire fur l’autre, jufqu’à ce
que les barres ne puiffent plus acquérir du ma¬
gnétifme. M. Epinus emploie le même pro¬
cédé avec trois barres , ou avec un plus grand
nombre ; mais, félon lui, la manière la plus
courte & la plus sûre, eft d’aimanter quatre
barres; on peut coucher entièrement les ai-
mans fur la barre que l’on frotte , au lieu de
leur faire former un angle de quinze ou vingt
degrés, fi la barre eft allez courte pour que
fes extrémités ne le trouvent par trop voifines
des pôles extérieurs des aimans, qui jouiffent
Traité de l'Aimant. 257
de forces oppofées à celles de ces extrémités.
Lorfque la barre à aimanter eft très-longue ,
il peut fe faire que l’ingénieux procédé de M.
Epinus, ainfi que celui de M. Canton, pro¬
duire une fuite de pôles alternativement con¬
traires, fur tout fi le fer elt mou, & par
confequent fufceptible de recevoir plus promp¬
tement le magnétifme.
M. Epinus s’eft fervi du procédé du double
contaft de deux manières ; i.° avec quatre
barres d’un fer médiocrement dur , longues de
deux pieds , larges d’un pouce & demi , épailTes
d’un demi-pouce; & douze lames d’acier de
fix pouces de long, de quatre lignes de large,
& d’une demi-ligne d’épais. Les quatre pre¬
mières éroient d’un acier mou, quatre autres
avoient la dureté de l’acier ordinaire, avec
lequel on fait les refforts , & les quatre autres
barres étoient d’un acier dur jufqu’au plus haut
degré de fragilité. 11 a tenu verticalement une
des grandes barres & l’a frappée fortement,
environ deux cens fois, à l’aide d’un gros
marteau; elle a acquis, par cette perculîion,
une vertu magnétique affez forte, pour foti-
tenir un petit clou de fer; l’extrémité infé¬
rieure a reçu la vertu du pôle boréal , & l’ex¬
trémité fupérieure la vertu du pôle auftral ;
il a aimanté de même les autres trois grandes
barres. 11 a enfuite placé l’une des petites
lames d’acier mou, fur une table entre deux
des grandes barres , comme dans le procédé
du double contaft, & l’a frottée fuivant le
même procédé, avec les deux autres grandes
barres; il l’a ainfi magnétifée ; il l’a fucceflîve-
ment remplacée par les trois autres lames
Minéraux. Tome IX, Y
2 8' H'ijlolre nature fleî
d’acier mou , & a porté la force magnétique»
de ces quatre lames au degré de faturation;
il a placé, après cela, deux des James qui
avoient la dureté des refforts , entre deux
parallélipipèdes de fer mou , les a frottées
avec deux faifceaux formés des quatre grandes
barres, a fait la même opération fur les deux
autres, a remplacé les quatre grandes barres
par les quatre petites lames d’acier mou, Sc
a porté ainfi jufqu’à la faturation la force ma¬
gnétique des quatre lames ayant la dureté des
refforts : il a terminé l'on procédé par répéter
la même opération , & pour aimanter jufqu’à
faturation les lames qui préfentoient le plus de
dureté, il lésa fubffituéesà celles quin’avoient
que la dureté du reffort, & il a mis celles-ci
à la place des grandes barres.
La fécondé manière que M. Epinus a em¬
ployée, ne diffère de la première, qu’en ce
qu’il a fait faire les quatre grandes barres d’un
fer très-mou, St qu’il a mis la petite lame
molle à aimanter , ainfi que les deux grandes
barres placées à fon extrémité, dans la direc¬
tion de l’inclinaifon de l’aiguille aimantée. Il
a enfuite frotté la petite lame d’acier avec les
deux autres grandes barres, en les tenant pa¬
rallèlement à la petite lame, ou en ne leur
faifant former qu’un angle très-aigu (/).
Si l’on approche d’un aimant une longue
barre de fer , la portion la plus voifine de l’ai¬
mant acquiert à cette extrémité, comme nous
( f ) Epinus, numéros 255 , 383 & fuivaus.
Traité de V Aimant. if 9
l’avons dit, un po!e oppofé à celui qu’elle
touche ; une fécondé portion de cette même
barre offre un pôle contraire à celui de la
portion contiguë à l’aimant; une troifième
■préfente le même pôle que la première ; une
quatrième, que la leconde, & ainfi de fuite;
les pôles alternativement oppofés de ces quatre
parties de la barre, font d’autant plus toibles,
qu’ils s’éloignent davantage de l’aimant, &
leur nombre, toutes choies égales, eft pro¬
portionné à la longueur de la barre (g).
Si on applique le pôle d’un aimant fur le
milieu d’une lame, elle acquiert, dans ce
point, un pôle contraire, & dans les deux
extrémités , deux pôles femblables à celui qui
la touche ; fi le fer eft épais , la furface oppotée
à l’aimant acquiert aufti un pôle lemblable à
celui qui eft appliqué contre le fer, & fi la
barre eft un peu longue, les deux extrémités
préfentent la fuite des noies alternativement
contraires , &. dont nous venons de parler (/z).
La facilité avec laquelle le fer reçoit la
vertu magnétique parole conraci ou le vo.ifi-
nage d’un aimant, l’artraftion mutuelle des
pôles oppofés, 6t la répulfion des pôles fem¬
blables, i'ont confirmées par les phénomènes
fuivans.
Lorfque l’on donne à un morceau de ter la
forme d’une fourche , & qu’on applique une
des branches à un aimant, le fer devient ma-
Y a
( g ) Epinus , numéro 207.
( h ) Idem , numéros 21 1 & m.
a 'So H'iflolre naturelle!
gnétique , & fon extrémité inférieure peut
foutenir une petite maffe de fer; mais fi on
approche de la fécondé branche de la fourche
un aimant dont le pôle foit oppofé à celui
du premier aimant, le morceau de fer fournis
à deux forces qui tendent à fe détruire , rece¬
vant deux vertus contraires , ou, pour mieux
dire, n’en recevant plus aucune , perd fon
magnétifme, & laifie échapper le poids qu’il
foutenoit.
Si l’on fufpend un petit fil de fer mou,
long de quelques pouces, & qu’on approche
un aimant de fon extrémité inférieure, en
préfentant auffi à cette extrémité un morceau
de fer, ce morceau acquerra une vertu oppofée
à celle du pôle voifin de l’aimant , il repouffera
l’extrémité inférieure du fil de fer qui aura
obtenu une force femblable à celle qu’il pofié-
dera,& attirera l’extrémité fupérieure qui
jouira d’une vertu contraire.
Lorfqu’on fufpend un poids à une lame
d’acier mince , aimantée & horizontale , &.
que l’on place au-deflus de cette lame une
fécondé lame aimantée, de même force , d’égale
grandeur, couchée fur la première, la re¬
couvrant en entier, & préfentant un pôle
oppofé au pôle qui foutient le poids , ce poids
n’eft plus retenu. Si la lame fupérieure jouit
d’une plus grande force que l’inférieure , le
poids tombera avant qu’elle ne touche la
fécondé lame; mais, en continuant de l’appro¬
cher , elle agira par fon excès de force fur les
nouveaux poids qu’on lui préfentera, & les
fouriendra , malgré l’aétion contraire de la
lame inférieure.
Traite de T Aimant. 261
Lorsqu’on fufpend un poids à un aimant, &
que l’on approche un fécond aimant au-deffus
de ce poids, la force du premier aimant eft
augmentée dans le cas où les pôles contraires
font oppofés , & fe trouve diminuée quand les
pôles femblables font les plus voifms; les
mêmes effets arriveront, & le poids fera éga¬
lement fournis à deux forces, agiffant dans la
même direéfion , fi l’on remplace le fécond
aimant par un morceau de fer auquel la proxi¬
mité du premier aimant communiquera une
vertu magnétique oppofée à celle du pôle le
plus voifin ( i ). Ceci avoit été obfervé précé¬
demment par M. de Réaumur, qui a reconnu
qu’un aimant enlevoit une mafle de fer placée
fur une enclume de fer, avec plus de facilité
que lorfqu’elle étoit placée fur une autre
matière".
Les faits que nous venons de rapporter,
nous démontrent (&) pourquoi un aimant
acquiert une nouvelle vertu, en foutenant du
fer qu’il aimante par fon voifinage , & pour¬
quoi , fi on lui enlève des poids qu’on étoit
parvenu à lui faire porter, en le chargeant
graduellement, il refufe de les foutenir lori’-
qu’on les lui rend tous à-la fois.
L’expérience nous apprend, ditM.Epinus,
que le fer expofé à un froid très-âpre , devient
beaucoup plus dur & plus caffant; ainfi , lorf-
qu’on aimante une barre de fer, le degré de la
fi) Epinns, numéros 156 & fuivans,
( k ) Idem, numéros 208,
iSz Hiflcnre naturelle 1
fores qu’elle acquiert, dépend, félon lui, eti
grande partie du degré de froid auquel elle eft
expofée , en forte que la même barre aimantée
delà même manière, n’acquiert pas dans l’été
la même vertu que dans l’hiver, fur- tout pen¬
dant un froid très rigoureux ; néanmoins ce
lavant Phyficien convient qu’il faudrait con¬
firmer ce fait par des expériences exaftes &
réitérées (/). Aurefte, on peut affurer qu’en
général la grande chaleur & le grand froid
diminuent la vertu magnétique des aimans &
des fers aimantés, en modifiant leur état, &c
en les rendant par-là plus ou moins fufeep-
tibles de l’action de l’éleétricité générale (m).
On peut voir , dans l’efi'ai fur le fluide élec¬
trique de feu M. le Comte de Trefian, une
( i ) M. Epimis dit s’être alluré que le fer dur couferve
fa verru magnétique beaucoup plus que le fer tendre ; il
dit auffi que ce fer dur l’acquiert au plus haut degré en
refiant très long-temps dans la Datation favorable au ma-
gnétifme, & que, quand les fers durs fe trouvent dans
cette pofition convenable pendant plufienrs années , ils
prennent une fi grande force magnétique , que ces aimans ,
produits par le temps , font quelquefois plus vigoureux
que les aimans tirés immédiatement de leurs mines. . . .
Voyez l’Ouvrage de M. Epimis , qui a pour titre ; Tenta-
men theoriœ EUclricitatis & Magnttifmi. Petropoli , 17>9 »
in-40. , numéros 345 <5- 367.
f m ) M. de Rozières, que nous avons déjà cité, l’a
prouvé par plufieurs expériences . Lettre de M. de
Rozières , Capitaine au Corps-Royal du Génie , à M. le
Conue de Butfon, du 14 Décembre 17S6,
Traité de l'Aîmanf. 263'
expérience du Pofteur Knight que j’ai cru
devoir rapporter ici , parce qu’elle eft relative
à l’aimantation du ter, & d’ailleurs parce
qu’elle peut fervir à rendre raifon de plufieurs
autres expériences furprenanres en apparence,
& dont la caufeaété pendant long-temps ca¬
chée aux Phyficiens ( n ). Au relte, elle s’ex-
(n) >, L’expérience, dit M. de TrelTan , ia plus fm-
gulière à faire fur les ainians artificiels du doôeur Knigth ,
efi celle dont ii m’envoya les détails de Londres, 6111748,
avec l’appareil nécetlaire pour la répéter. Non-feulement
M. Knigtii avoit déjà trouvé alors le fecret de donner
un magnéiifme puilfant à des barres de quinze pouces do
longueur, faites d’un acier parfaitement dur, telles que
celles qui font aujourd’hui connues; mais il avoit inventa
une compofition dont il s’elt refervé le fecret , avec la¬
quelle il forme de petites pierres , d’une maiière noire
( en apparence pierreufe &: métallique ). Celles qu’il m’a
envoyées ont un pouce de long, huit lignes de large,
& deux bonnes lignes d’epaifieur ; il y a joint plufieurs
petites balles de la même compofition ; les petites balles
que j’ai , ont l’une cinq , l’autre quatre , & les autres
trois lignes de diamètre, li nomme ces petites fphères
Terre II a.
” Je fus morns furpris de trouver un fort magnétifme
dans les petits quarrés longs , que je ne le fus de le
trouver égal dans les petites terrella , dont les pôles font
bien décidés & bien 'fixes , ces petites fphères s’attirant
& fe repoufTant vivement, félon les pôles qu’elles fe pré-
fentent.
» Je préparai donc , ( felcm l’inftruftion que j’avois
reçue cle M. Knigth) une glace tien polie St pofée bien
264 H'ifloire naturelle.
plique très-aifément par la répulfion des pôles
femblables & l’attra&ion des pôles de différent
nom.
horizontalement, je difpofai en rond cinq de ces terreila,
& je plaçai au milieu un de ces aimans factices de la
même matière, lequel je pouuois tourner facilement fur
fon centre ; je vis fur-le- champ toutes les terreila s’agiter
& fe retourner pour préfenter à l’aimant faftice la polarité
correfpondante à la Tienne ; les plus légères furent plufieurs
fois attirées jufqu’au contact , & ce ne fut qu’avec peine
que je parvins à les placer à la diftance proportionnelle ,
en raifon compofée de leurs fplières d’a&ivité refpeftive.
Alors , en tournant doucement l’aimant fur fon centre ,
j’eus la fatisfa&ion de voir toutes ces terreila tourner
fur elles-mêmes , par une rotation correfpondante à celle
de cet aimant ; & cette rotation étoit pareille à celle
qu’éprouve une roue de rencontre , lorfqu’elle eft mûe
par une autre roue à dents; de forte que lorfque je
retournois mon aimant, de la droite à la gauche, la
rotation des terreila étoit de la gauche à la droite; &
Pinverfe arrivoit toujours , lorfque je tournois mon aimant
de l’autre fens ». EJfai fur le. fluide électrique , par M. le
Comte de Treffan. Paris , 1786, tome premier , pages 16
jufqu’à 19.
ARTICLE
Traité de i: Aimant.
265
ARTICLE V.
De la direction de l Aimant , & de Ça déclinai fon »
.A-PRÈs avoir confidéré les effets de la force
atrraâive de l'aimant, confidérons les phéno¬
mènes de fes forces diredtives. Un aimanr,
ou ce qui revient au même, une aiguille ai¬
mantée, fe dirige toujours vers les pôles du
globe, foit direélement , foit obliquement,
en déclinant à l’eft ou à l’oueft , félon les temps
& les lieux; car ce n’eft que pendant un allez
petit intervalle de temps , comme de quelques
années, que dans un même lieu , la direétion
de l’aimant paroît être confiante, & en tout
temps il n’y a que quelques endroits fur la
terre où l’aiguille fe dirige droit aux pôles du
globe , tandis que par-tout ailleurs elle décline
de plus ou moins de degrés à l’eft ou à l’oueft ,
fuivant les différentes pofitions de ces mêmes
lieux.
Les grandes ou petites aiguilles aimantées
fur un aimant fort ou foible, contre les pôles
ou contre les autres parties de la furface de
ces aimans , prennent toutes ia même direélion
en marquant également la même déclinaifon
dans chaque lieu particulier.
Les François font, de l’aveu même des
étrangers, les premiers en Europe qui aient
fait ufage de certe connoiffance de la direction
Minéraux. Tome IX, Z
2, £6 Hljloire naturelle
de l’aimant pour fe conduire dans leurs navi¬
gations (a) -, dès le commencement du dou¬
zième (îècle , ils naviguoient fur la méditer-
ranée guidés par l’aiguille aimantée , qu’ils
appelloient la marinette (é); & il eft à pié-
fumer que , dans ce temps, la direétion de
l’aimant étoit confiante, car cette aiguille
n’auroit pu guider les Navigateurs qui ne con-
noifloient pas (es variations , & ce n’eft que
dans les fiécles (divans qu’on a obfervé (à
déclinaifon dans les difiereiis lieux de la terre ,
& même aujourd’hui l'art néceilaire à la pré-
cifion de ces obfervations n’eft pas encore à fa
perfeôion. La marinette n’étoit qu’une bouf-
fole imparfaite, & notre compas de mer, qui
eft la boufible perfeétionnée , n’eft pas encore
un guide aufli fidèle qu'il feroit à deftrei j
nous nç pouvons même guère elperer de le
(a) Far 1s témoignage des Auteurs Chinois , donc
MM. le Roux & de Guignes ont fait l’extrait , il paroît
certain que la propriété qu’a le fer aimanté de fc diriger
vers les pôles , a été très anciennement comme des Chi¬
nois ; la forme de ces premières boufloles étoit une figure
d’homme qui tournoit fur un pivot , & dont le b; as droit
montroit toujours le midi. Le temps de cette invention .
fuivant certaines chroniques de la Chine, ell de ntt ans
avant l’ère chrétienne , Sc 1700 félon d’auircj. ( Voyez
l’Extrait des Annales de la Chine , par MM. le Roux &
de Guignes). Mais, malgré l’ancienneté de cette décou¬
verte , il ne paroît pas que les Chinois en aient jamais
tiré l’avantage de faire de longs voyages.
(/■ ) Mufehembrocek. Di/erueio de Magnete.
Traite de V Aimant'. 267
tendra plus sûr, malgré les obfervations très-
multiplièes des Navigateurs dans toutes les
parties du monde, parce que la décünaifon de
l’aimant change félon les lieux & les temps.
11 faut donc chercher à reconnoîrre ces change-
mens de direction en différens temps, pendant
un aufli grand nombre d’années que les obfer¬
vations peuvent nous l’indiquer, & enfuite
les comparer aux changemens de cette décli-
naifon dans un même temps , en différens
lieux.
En recueillant le petit nombre d’obferva-
tions faites à Paris dans les feizième dix-
feptième fiècles , il paroît qu’en l’année 1580,
i’aiguille aimantée déclinoit de onze degrés
trente minutes vers l’eft ; qu’en 1618, elle
déclinoit de huit degrés , & qu’en l’année 1663
elle fe dirigeoit droit au pôle, l’aiguille ai¬
mantée s’eft donc fucceffivement approchée
du pôle de onze degrés trente minutes pendant
cette fuite de quatre - vingt - trois ans, mais
elle n’eft demeurée qu’un an ou deux ffation-
naire , da»s cette direction où la décünaifon eft
nulle ; après quoi l’aiguille s’eft de plus en plus
éloignée de ladireéfion au pôle (c), toujours
(c) Dans l’année 1670, la décünaifon étoit de 1 deg.
30 min. vers l’oueft , & l’aiguille a continué de décliner
dans les années fuivantes, toujours vers l’oueft ; en 16S0,
elle déclinoit de 2 deg. 40 min. En 1681, de 1 deg. 30
min. En 1683, de 3 deg. 30 min. En 16S4, de 4 deg.
10 min En 1665, de 4 deg. io min. En i6S6, de 4
deg. 30 min. En 1691, de 3 deg. 30 min. En 1693 . de
Z 2
2 6 8 Hiftoire naturelle.
en déclinant vers l’oueft ; de forte qu’en 178$»
le 30 Mai, la déclinaifon étoit à Paris de vingt-
deux degrés id). De même on peut voir, par
les obfervations faites à Londres , qu’avant
l’année 1657 l’aiguille déclinoit à l’eft , &
qu’après cette année 1657, où fa direftion
6 deg. 20 min. En 169;, de 6 deg. 48 min. En 1696,
de 7 deg. 8 min. En 1698, de 7 deg. 40 min. En 1699,
de 8 deg- 10 min. En 1700, de 8 deg. 12 min. En
1701 , de 8 deg. 2.5 min. En 1702 , de S deg. 48 min.
En 1703 de 9 deg. 6 min. En 1704 > de 9 deg. 20
min. En 1705 , de 2 deg. 35 min. En 1706 , de 9 deg.
4S min. En 1707, de 10 deg. 10 min. en 1708, de 10
deg 15 min, En 1709, de 11 deg. 15 min. En 1714, de
„ deg 30 min. En 1717, de 12 deg. 20 min. En 1719,
de 12 deg. 30 min. En 1720 , 1711 , >7« • W &
de 13 deg. En 1715 , de 13 deg. 15 min. En
1-7.7 & 1728, de 14 deg. Mufçhembrocck , Differtatio de
Maenete , page 152... En 1719 . de 14 deg. 10 minutes.
En 1730, de 14 deg. 23 min. En 1731. de 14 degrés
43 min. En 1731 & *733 . de 15 deg. 13 nnn. En 1734
Sc 1740, de 13 deg. 45 min. En 1744, *745 .
17,7 & 1749, de 16 deg. 30 min. Encyclopédie , article
Aiguille aimantée. En i755 , de 17 deg. 30 min. En 1756 ,
17 deg 45 min. En 1757 '& 175». de 18 deg. En 1759,
de iS deg. 10 min. En 1760, de iS deg. 20 min. En
,763 de 18 deg. 5 5 min. 20 fec. En 1767 , de 19 deg,
16 min. En 176S, de 19 deg. 25 min. Connoiflancc de*
temps , années 1769, 177© , i77i&i77i-
( d ) Extrait des Obfervations faites à l’Obfervatoire
royal, en l’année 1783.
Traité de VAirhant. 269
tendoit droit au pôle , elle a décliné fucceffive-
ment vers l’oueft ( e ).
La déclinaifon s’eft donc trouvée nulle
à Londres, fix ans plutôt qu’à Paris, & Lon¬
dres eft plus occidental que Paris de deux
degrés vingt cinq minutes. Le méridien magné¬
tique coincidoit avec le méridien de Londres
en 1657, & avec le méridien de Paris en
1663; il a donc fubi , pendant ce temps, un
changement d’occident en orient , par un
mouvement de deux degrés vingt- cinq minu¬
tes en fix ans , & l’on pourfoit croire que
ce mouvement feroit relatif à l’intervalle
des méridiens terreftres, fi d’autres obfer-
vations ne s’oppofoient pas à cette fuppofi-
tion ; le méridien magnétique de la ligne fans
déclinaifon, pafioit par Vienne en Autriche,
dès l’année 1638 ; cette ligne auroit donc dû
(e) L’aiguille aimantée n’avoit aucune déclinaifon à
Vienne , en Autriche , dans l’année 1638 , elle n’en avoit
de même' aucune en 1600 au Cap des Aiguilles, en Afri¬
que : &, avant ces époques, la déclinaifon étoit vers
l’eft dans tous les lieux de l’Europe & de l’Afrique. Muf-
(hembro'éck, page 1 66 . Ceci fewble prouver que la
marche de la ligne fans déclinaifon , ne fe fait pas par
un mouvement régulier , qui rameneroit fucccflivement
La déclinaifon , de l’eft à l'oueft j car Vienne étant à qua¬
torze degrés deux minutes trente fécondés à l'eft de Paris,
cette ligne fans déclinaifon auroit dû arriver à Paris ,
plutôt qu’à Londres, qui eft à l’oueft de Paris, & i’on
voit que c’eft tout le contraire , puifqu’elle eft arrivée fix
m plutôt à Londres qu’à Paris.
Z 3
Î7° H'ifloîrc naturel!:
arriver à Paris plutôt qu’à Londres; & C’eft
cependant à Londres qu’elle eft arrivée fix
ans plutôt qu’à Paris. Cela nous démontre
que le mouvement de cette ligne n’eft point
du tout relatif aux intervalles des méridiens
terreftres-
Il ne me pnroît donc pas poffible de déter¬
miner la marche de ce mouvement de décli¬
nai Ton , parce que fa progreflïon eft plus
qu’irrégulière, & n’eft point du tout propor¬
tionnelle au temps, non plus qu'à l’efpace ,
elle eft tantôt plus prompte , tantôt plus
lente, & quelquefois nulle ; l'aiguille demeu¬
rant ftationnaire, & même devenant rétro¬
grade pendant quelques années, & reprenant
enfuite un mouvement de déclinaifon dans
le même fens progrefïïf. M. Caffini, l’un de
nos plus favans Aftronomes , a été informé
qu’à Quebec la déclinaifon n’a varié que de
trente minutes, pendant 37 ans confécutifs ;
c’eft peut être le feul exemple d’une ftation
auflï longue -y mais on a obfervé plufteurs.
ftations moins longues en difterens lieux : par
exemple, à Paris , l’aiguille a marqué la même
déclinaifon pendant cinq années , depuis 1720
jufqu’en 1724, & aujourd’hui ce mouvement
progreftif eft fort ralenti ; car , pendant feize
années , la déclinaifon n’a augmenté que de
deux degrés, ce qui ne fait que fept minutes
& demie par an, puifqu’en 1769, la declinai-
fon étoit de vingt degrés , & qu’en 1785 ,
elle s’eft trouvée de vingt-deux (/). Je ne
(/) Ce .fait eft confirmé par les obfervation6 de M4
Traite de V Aima fit. 27 1
Crois donc pas que l’on puiffe , par des obfer-
tions ultérieures & même très multipliées,
déterminer quelque chofe de précis fur le
mouvement progreflïf ou rétrograde de l’ai¬
guille aimantée, parce que ce mouvement
n’eft point l'effet d’une caufe confiante,' ou
d’une loi de la Nature , mais dépend de
circcnftances accidentelles , particulières à
certains lieux , & variables félon les temps;
je crois pouvoir affurer, comme je l’ai dit,
que le défrichement des terres , & la décou¬
verte ou l’enfouiffement des mines de fer,
foit par les tremblemens de terre , les effets
des foudres fouterraines & de l’éruption des
volcans , foit par l’incendie des forêts , &
même par le travail des hommes , doivent
changer la pofition des pôles magnétiques fur
le globe , & fléchir en même-temps la direc¬
tion de l’aimant.
En 1785 , la déclinaifon de l’aiguille aiman¬
tée étoit de vingt- deux degrés : en 1784,
elle n’a été que de vingt-un degrés vingt-une
minutes; en 1783, de vingt-un degrés onze
minutes (g); en 1782, de vingt-un degrés
trente-fix minutes (/*)•
Et en consultant les obfervations qui ont
Cotte, qui prouvent que la déclinaifon moyenne de l'ai¬
guille aimantée , en 1786 , n’a été à Laon que de vingt-
un degrés tiente-une minutes. Voye{ le Journal de Phy¬
sique du mois de Mai I7S7.
(g) Connoifiance des temps, années 17S7 & 1788.
( h ) Idem , année 1786.
Z 4
272 Uifioire naturelle
été faites par l’un de nos plus habiles Physi¬
ciens , M. Cotte , nous voyons qu’en prenant
le terme moyen , entre les réfultats des
obfervations faites à Montmorency , près
Paris, tous les jours de l’année, le matin,
à midi & le foir , c’eft-à-dire , le terme moyen
de 1095 obfervations ; la déclinaifon, en l’an¬
née 1781, a été de vingt degrés Seize minu¬
tes cinquante - huit Secondes; & les différen¬
ces entre les observations ont été fi petites,
que M. Cotte a cru pouvoir les regarder
comme nulles ( i ).
En 1780 , cette même déclinaifon moyenne
a été de dix neuf degrés cinquante-cinq minu¬
tes vingt-fept Secondes ; en 1779 , de dix-neuf
degrés quarante- une minutes huit Secondes;
en 1778 , de dix-neuf degrés trente-deux minu¬
tes cinquante - cinq Secondes; en 177 7, de
dix - neuf degrés trente -cinq minutes cin¬
quante-cinq fécondés ; en 1776 , de dix neuf
degrés trente- trois minutes trente-une Secon¬
des ; en 1775 , de dix- neuf degrés quarante*,
une minutes quarante-une Secondes (A).
(;) ConnoiiTance des temps, année 1775, page îj.
{\) En 1780 , la déclinaifon moyenne prife d’après 1022
observations, a été de 19 deg. 55 min 27 fec. Mais les
variations de cette déclinaifon ont été bien plus confidé-
rables qu’en 1781 , car la plus grande déclinaifon s’eft
trouvée de 20 deg. 15 min. le 29 juillet ; & la moindre
de 18 deg. 40 min. le même jour. La différence a donc
été de 1 deg. 35 min.; & cette variation , qui s’eil faite
le même jour , c’eft*à-dire , en douze ou quinze heures.,
Traité de T Aimant'. 273
Ces obfervations font les plus exa&es qui
ayent jamais été faites ; celles des années
précédentes , quoique bonnes, n’offrent pas
le même degré d’exaêlitude , & à mefure
qu’on remonte dans le paffé, les obfervations
deviennent plus rares & moins précifes,
parce qu’elles n’ont été faites qu’une fois
ou deux par mois , & même par année.
Comparant donc ces obfervations entr’elles,
on voit que , pendant les onze années , depuis
1775 jufqu’en 1785 , l’augmentation de la
déclinaifon vers l’oueft n’a été que de deux
eft plus confidérable que le progrès de la déclinaifon
pendant 15 ans, puifqu’en 1764, la déclinaifon étoit de
18 deg. 55 min. 20 fec. , c'eft-à-dire , de 15 min. 20
fec. plus grande que celle du 29 juillet , ù l’heure qu’elle
s’eft trouvée de iS deg. 40 min. ... En 1779 , la décli¬
naifon moyenne, pendant l’année, a été de 19 deg. 41
min. 8 fec. La plus grande déclinaifon s’eft trouvée de
20 deg. , le 6 Décembre , à la fuite d’une aurore boréale ,
& la plus petite, de 19 deg. 15 min. en Janvier 6 1 Fé¬
vrier i la différence a donc été de 45 min. L’obfervateur
remarque que l’augmentation moyenne a augmenté de S
à 9 min depuis l’année précédente , & que la variation
diurne s’eft foutenue avec beaucoup de régularité , excepté
dans certains jours où elle a été troublée, le plus fouvent
à l’approche ou à la fuite d’une aurore boréale ; au refte,
ajoute-t-il, l’aiguille aimantée tend à fe rapprocher du
nord chaque jour, depuis trois ou quatre heures du foir,
jnfqn’à cinq ou fix heures du matin , & elle tend à s’en
éloigner depuis cinq ou fix heures du matin , jufqu’à trois
ou quatre heures du foir. , . , En 1778 , la déclinaiton
274 H'ijloire naturelle .•
degrés dix-huit minutes dix neuf feconcîesj-
ce qui n’excède pas de beaucoup la variation
de l’aiguille dans un feul jour, qui quelque¬
fois eft de plus d’un degré & demi. On ne
peut donc pas en conclure affirmativement ,
que la prcgreffion acluelle de l’aiguille vers
l’oueft f'oit confidérable ; il fe pourroit , au
contraire , que l’aiguille fû- pref'que ftation-
naire depuis quelques années , d’autant qu’en
1774 la déclinaifon moyenne a été de dix-
neuf degrés cinquante - cinq minutes trente-
moyenne, pendant l’année, a été de 19 deg. 32 min.
55 fec. La plus grande déclinaifon a été de 20 deg. le
29 Juin ; on avoit obfervé une aurore boréale la veille à
onze heures du foir ; la plus petite déclinaifon a été de
iS deg. 54 min. le 16 Janvier; ainfi, la différence a été
de 1 deg. 6 min. En 1777, la déclinaifon moyenne,
pendant l’année, a été de 19 deg. 35 min. La plus .grande
déclinaifon s’eft trouvée de 19 deg. 58 min. le 19 Juin ,
& la plus petite de 18 deg. 45 min. au mois de Décem¬
bre; ainfi, la différence a été de 1 deg. 13 min. ... En
1776,1a déclinaifon moyenne, pendant l’année , a été de
19 deg. 33 min. 31 fec. La plus grande déclinaifon s’eft
trouvée de 10 deg. eD Mars , Avril & Mai , &: la plus-
petite déclinaifon en Janvier & Février , de 19 degrés ;
ainfi, la différence a été de 1 deg . ; En 1775,1a
déclinaifon moyenne, pendant l’année, a été de 19 deg,
41 min. 41 fec. La plus grande déclinaifon s’eft trouvée
de 20 deg. 10 min. le 15 Avril, & la plus petite de 19
deg. le 1 5 Décembre ; ainfi , la différence a été de 1
degré 10 minutes, .... Connoijfançes des temps , années
177S & Juiy,
Traite de F Aitnarîl.
cinq fécondés (/) ; en 1773 , de vingt degrés
une minute quinze lecondes (/n) , en 1772»
de dix-neuf degrés cinquante - cinq minutes
vingt-cinq fécondés , & cette augmentation,
de la déclinaifon vers l’oueft a été encore plus
petite dans les années précédentes , puif-
qu’en 1771 cette déclinaifon a été de dix-
neuf degrés cinquante cinq minutes , comme
en 1772 (n) ; qu’en 1770 elle a été de dix-
neuf degres cinquante-cinq minutes (0); &
en 1769^, de vingt degtés (p).
Le mouvement en déclinaifon vers l’oueft,
paroît donc s’être ralenti depuis près de vingt
ans. Cela femble indiquer que ce mouvement
pourra dans quelque temps devenir rétro¬
grade, ou du moins que la progreffion ne
s’étendra qu’à quelques degrés de plus; car
je ne penle pas qu’on puiffe fuppofer ici une
révolution entière, c’eft-à-dire rie trois cens
foixante degrés dans le meme fens; il n’y a
aucun fondement à cette fuppofition , quoique
plufieurs Phyficiens l’avent admife , & que
même ils en ayent calculé la durée d’après
les obfervations qu’ils avoient pu recueillir ;
& fi nous voulions fuppofer & calculer de
même, d’après- les obfervations rapportées
(/) Connoiïïance des temps, années 1776 , page 314.'
(m ) Idem , page 3x3.
(n) Connoiflancc des temps, année 1774, page 256.
( o ) Idem , année 1772,
(p ) Idem y année 1771 , page 232;
2. j 6 Hifloire naturelle.
ci-deffius , nous trouverions que la durée de
cette révolution (croit de 19 96 ans 8: quel¬
ques mois, puifqu’en 12.2. années , c’eft- à-dire,
depuis 1663 à 1785 , la progreffion a été de
vingt-deux degrés; mais ne feroit - U pas
néceffairede fuppofer encore que le mouve¬
ment de cette progreffion fût affez uniforme ,
pour faire dans l’avenir à peu-prés autant de
chemin 'que dans le paffé ? ce qui eft plus
qu’incertain, & même peu vraifemblable par
plufieurs raifons , toutes mieux fondées que
ces fauffies fuppofitions.
Car fi nous remontons au-delà de l’année
1663, & que nous prenions pour premier
terme de la progreffion de ce mouvement
l’année 1580 , dans laquelle la déclinaifon
étoit de onze degrés trente minutes vers
I’eft, le progrès de ce mouvement en deux
cens cinq ans ( c’eft-à dire , depuis 1 580 juf-
qu’à l’année 1785 comprile ) , a été en tota¬
lité de trente-trois degrés trente minutes.ee
qui donneroit environ 2201 ans pour la révo¬
lution totale de trois cens foixante degrés.
Mais ce mouvement n’eft pas , à beaucoup
près, uniforme, puifque depuis i<j8o julqu’en
1663, c’efl- à-dire , en 83 ans, l’aiguille a
parcouru onze degrés trente minutes par
fon mouvement de l’eft au nord , tandis que
dans les 52 années fuivantes , c’eft-à-dire,
depuis 1663 jufqu’en 1715 , elle a parcouru
du nord à l’oueft un efpace égal de onze
degrés trente minutes, & que dans les cin¬
quante années fuivantes ; c’eft-à dire , depuis
1715 jufqu’en 1765 , le progrès de cette dédi-
naifon n’a été que d’environ fept degrés 8c
Traité de l'Aimant. 2.77
demi; car, dans cette année 1765 , l’aiguille
aimantée declinoit à Paris de dix- huit degrés
cinquante-cinq minutes vingt fécondés, &
nous voyons que depuis cette année 1765
jufqu’en 1785 , c’eft-à dire en vingt ans , la
déclinaifon n’a augmenté que de deux degrés;
différence fi petite , en comparaifon des pré¬
cédentes, qu’on peut préfumer avec fonde¬
ment que le mouvement total de cette décli¬
naifon à l’oueft eft borné, quant à préfent,
à un arc de vingt - deux ou vingt - trois
degrés (q).
La fuppofition que le mouvement fuit la
même marche de l’eft au nord, que du nord
à l’oueft, n’eft nullement appuyée par les
faits; car fi l’on confulte les obfervations
faites à Paris, depuis l’année 1610 jufqu’en
1663 , c’eft-à-dire , dans les 53 ans qui ont
précédé l’année où la déclinaifon étoit nulle,
l’aiguille n’a parcouru que huit degrés de
l’eft au nord , tandis que dans un efpace de
temps prefque égal, c’eft-à-dire, dans les 59
années fuivantes , depuis 1663 jufqu’en 1712,
elle a parcouru treize degrés vers l’oueft (r).
(?) Dans le fupplément aux Voyages de Thévenot,
publié en 16S1 , p:ge 30, il eft dit que la déclinaifon
de l’aiguille aimantée avoit été obfervée de cinq degrés
vers l’eft en 1269. Si l’on connoiftbit le lieu où cette
obfervation a été faite , elle pourrait démontrer que la
déclinaifon eft quelquefois rétrograde , & par conféquent
que fon mouvement ne produit pas une révolution entière.
(O Mufchcmbroeck , page 154,
•ayÇ Hifioirt naturelle''.
On ne peut donc pas fuppofer que le mou¬
vement* de la déclinailon fuive la même
marche en s’approchant qu’en s’éloignant du
nord j puifque ces obiervations démontrent
le contraire.
Tout cela prouve feulement que ce mou¬
vement ne fuit aucune règle , & qu’il n’efb
pas l’efFe t d’une caufe confiante; il paroit
donc certain que cette variation ne dépend
que de caules accidentelles ou locales, tk
Spécialement de la découverte ou de l’en-
fouifl'ement des mines & grandes mafles fer-
rugineufes , & de leur aimantation plus ou
moins prompte &. plus ou moins étendue ,
félon qu’elles font plus ou moins découvertes
& expofées à l’aétion du magnétifme géné¬
ral. Ces changemens , comme nous l’avons
dit , peuvent être produits par les tremble-
mens de terre, l’éruption des volcans, ou
les coups de foudres louterraines , l’incendie
des forêts , & même par le travail des hom¬
mes fur les mines de fer. 11 doit dès-lors fe
former de nouveaux pôles magnétiques, plus
foibles pu plus puiflans que les anciens,
dont on peut aufii fuppofer l’anéantiffement
par les mêmes caules. Ce mouvement ne
peut doncpas être confidéré comme un grand
balancement qui (e feroit par des ofcillations
régulières; mais comme un mouvement qui
s’opère par lecouflcs plus ou moins fenfibles ,
félon le changement plus ou moins prompt
des pôles magnétiques, changement qui ne
peut provenir que de la découverte & de
l’aimantation des mines ferrugineules , lef-
quelles feules peuvent former des noies.
'* Traité de V Aimant*. 279
Si nous confierons Iss mouvemens parti¬
culiers de l aiguille aimantée , nous verrons
quelle eft prefque continuellement agitée
par de petites vibrations, dont l’étendue elt
au moins autfi variable que la d 'rée. M.
Grahatn , en Angleterre {s) , & M Cotte ,
^ Paris ( 1 ) » ont donné , dans leurs Tables
d Obiervations , toutes les alternatives, tou¬
tes les vicilîuudes de ce mouvement de tré¬
pidation, chaque mois, chaque jour & cha¬
que heure. Mais nous devons remarquer que
les réfultats de ces obfervations doivent être
modihés. Ces Physiciens ne Te font Ser¬
vis que de boufToles , dans Iefquelles l’ai¬
guille portoit fur un pivot, dont le frot¬
tement influoit plus que toute autre caufe fur
la variation ; car M, Coulomb, Capitaine au
Corps-royal du Génie , de l’Académie des
Sciences, ayant imaginé une fufpenfion , dans
laquelle l’aiguille eft fans frottement, M. le
Comte de Cafîini,de l’Académie des Scien¬
ces, & arrière-petit-fils du grand Aftronome
Cafïini , a reconnu, par une fuite d’expé¬
riences , que cette variation diurne ne s’éten-
doit tout au plus qu’à quinze ou feize minu¬
tes, & Souvent beaucoup moins («), tandis
( *) Tranfactions philofophiques , N°. 3S3 , année
,72.4 » PaSe 96.
C t ) Voyez la Connoiflance des temps , publiée par
ordre de l’Académie des Sciences, depuis l’année 1770.
(«) La méthode de M. Coulomb confie , dit M. do
Çalîini , à fufpçndre à un fil de foie , de quinze à vingt
s8o Hlflolre naturelle .
qu’avec lesboufîbles à pivot, cette variation
pouces de longueur, une aiguille aimantée entre les jambes
d’un étrier, au haut duquel le fil eft accroché. L’étrier,
le fil & l’aiguille font renfermés dans une boîte dont
toutes les parois font hermétiquement bouchées, & qui n’a
qu’une ouverture fermée d’une glace au-deffus de l’ex¬
trémité de l’aiguille, afin de pouvoir obferver fes mouve-
mens, & les mefurer par le moyen d’un micromètre ex¬
térieur , placé à cette extrémité.
» Cette fufpenfion a, comme l’on voit, de grands avan¬
tages fur celle des pivots , dans laquelle le frottement feul
eft capable d’anéantir l’effet de la variation diurne. Depuis
le io Août 1780, jufqu’au 18 du même mois, le plus
grand écart de l’aiguille a eu lieu communément du côté
de l’oueft , vers une heure après midi ; l’aiguille fe rap¬
prochât du nord vers le foir , reftoit à-peu-près fixe la
nuit, & recommençoit le lendemain matin à s’éloigner
vers l’oueft ; la variation diurne moyenne a été de qua¬
torze minutes environ. . . Depuis le 3 Décembre jufqu’au
31 Janvier 1781 , le grand écart de l'aiguille a prefque
toujours eu lieu entre deux & trois heures après midi ,
l’aiguille s’avançant depuis le lever du foleil , jufqu’à deux
ou trois heures, du nord vers l’oueft; & rétrogradant
enfuite dans l’après-midi pour revenir vers dix heures du
foir , à-peu-près au même point que le matin. La nuit ,
l’aiguille étoit alfez couftamment ftationnaire ; la variation
moyenne n’a été , dans tout ce temps , que de cinq à fix
minutes.... Depuis le 20 Septembre ijSi , jufqu’au 29,
la variation diurne moyenne a été entre 13 & 18 min.. .
Depuis le 19 Mars 1782, jufqu’au 3 Avril, & depu:s le
30 Avril; jufqu’au 11 Mai, le plus grand écart de l'ai¬
guille a eu lieu allez couftamment vers deux heures
diurne
Traité de l'Aimant. 281
diurne eft quelquefois de plus d’un degré &
après midi , du côté dej l’oueft. J’ai aufli remarqué le plus
communément la loi de progreflion vers l'oued , du matin ,
vers deux heures après midi ; de rétrogradation vers l’ell
depuis deux heures jufqu’au foir, & de dation pendant
la nuit. Depuis le 14 Juin jufqu’au 25 Juillet, avec la
même aiguille fortement aimantée, & dans les apparte¬
nons fupérieurs de l’obfervatoire , la loi générale de la
marche de l’aiguille du nord à l’oued , depuis huit heures
du matin jufqu’à midi , de la rétrogradation dans l’après-
midi , & de la dation pendant la nuit, a eu lieu, excepté
le 17 Juin, où l’aiguille a été fixe depuis dix heures &
demie du matin , jufqu’au lendemain à onze heures du
matin ; même fixité le 11, depuis 8 lierres du matin jufqu’à 3
heures après midi ; le 25 , depuis dix heures du foir juf¬
qu’au lendemain 26 à trois heures après midi; les 12, 21
& 23 Juillet, toute la journée. Les circondances qui accom¬
pagnent cette inaftion de l’aiguille, font une grande cha¬
leur & un très beau temps ; la variation diurne dans ces
deux mois a été fort inégale ; nulle dans les temps très-
chauds ; le plus communément de cinq à fix minutes dans
d’autres jours; elle n’a été de 12 & de 14, que le 14
& le 15 Juin.
» Tandis que M. Coulomb s’occnpoit des moyens de
donner aux aiguilles la plus grande force magnétique
polTible, je m’appliquois de mon côté à perfeftionner leur
monture , leur enveloppe & leur établiffement. Jufqu’alors
l’étrier , qui portoit le fil de fufpenfion , n’étoit fixé que
que par une forte femelle , d’un bois à la vérité très fec
Sc très épais. La boîte de bois qui ferveit d’enveloppe >•
& le micromètre étoient également affis fur cette même
kafe , dont le moindre jeu devoit communiquer dn mou-
Minéraux . Tome IX* A a
jgî H'ifloïre naturelle'.
demi ; mais comme , jufqu’à prêtent , IesNavte’
renient à tout l’équipage. Je fis faire en plomb la boite
©u cage qui devoit renfermer l’aiguille ; au lieu d'etrier ,
je fis viirer & cramponner dans le haut de la boite ,
contre fes parois , une traverfe de cuivre , portant une
longue vis garnie d’un crochet , pour tenir le fil de fuf-
penfion. Cette forte & folide boîte de plomb fut enfuit»
inftruftée de deux pouces dans un dez de pierre dure
haut de dix pouces, fur feize de longueur, & huit d’é-
paiffeur ; & c’eft fur ce dcz que je fixai à demeure le
micromètre entièrement ifolé de la boîte; c’efl ainfi qu’avec
l’équipage le plus fimple & le plus folide , j’èfpérai mettre
autant qu’il étoit poffibie , mes aiguilles à l’Abri des cou-
rans d’air & des mouvemens étrangers ; en elfet, je n avois
plus à craindre l’effet de l’humidité des temps & des lieux».
L’air ne pouvoit guère pénétrer dans une boîte de plomb
qui n’avoit qu’une porte, dont les parois étoient bouchées
& collées avec foin ; enfin , le micromètre portant fur un
maffif dez de pierre , ne pouvoit plus communiquer de
mouvemens à l’aiguille; c’eld avec ce nouvel appareil
que je fis les observations fuivantes.
» Depuis le 14 Février jufqu’au 24 du même mois r
avec une aiguille de lame de relfort fortement aimantée ,
renfermée dans une boîte de plomb , fixée fur un dez de
pierre, longueur totale de Paiguille un pied; du point dé
fufpenfion à l’extrémité boréale , neuf pouces une ligne ,
le plus grand écart de l’aiguille vers l’oued a eu lieu
entre midi & une heure ; prefque toutes les matinées , la
progreffion de l’aiguille a été très régulière , & de onze
minutes, mais, dans les foirées l’aiguille éprouvoit de
fréquentes irrégularités. Depuis le 16 après midi , jufqu’au
18 au matin , il u’u pas été goflible d’obfervcr , l’aiguille
Traité de L'Aimant. 283
gateurs ne fe font fervis que de bouftoles
étant dans une continuelle agitation ; il a régné , pendant
ce temps, un vent très fort de nord & de nord-e/l; les
jours où la marche de l’aiguille a été régulière, la varia¬
tion diurne a été d’environ douze minutes. . . M. Coulomb
a reconnu que l’acier fondu étoit la matière qui fe char—
geoit le plus de la vertu magnétique , & par eonféquent
la plus propre à faire des aiguilles très fortement aiman¬
tées. A la fin d’Avril 1783 , il me remit deux de ces
nouvelles aiguilles, que je plaçai dans deux boîtes de
plomb , telles que je les ai décrites ci-deflus , établies
dans deux cabinets dift'érens ; ce qui me procurera une
nouvelle fuite d’obfervations dont je vais rendre compte...
Depuis le premier Mai jufqn’au 6 Juillet , avec deux
aiguilles d’acier fondu , placées fur champ , aimantées le
plus fortement poOîble , longueur totale de chaque aiguille
un pied une ligne; poids de l’aiguille aveefon contrepoids
& l’anneau de fufpenfion à l’extrémité boréale de l’ai—
gnille , neuf pouces une ligne ; l’accord le plus parfait
s’eft remarqué pendant ces deux mois d’expériences & de
Comparaifon des deux aiguilles, qui fe font trouvées fta-
tionnaires , ofcillantes & écartées dans les mêmes circonf-
tances , dans les mêmes intervalles- de temps , de la même
quantité , & dans le même feus. Les exceptions à cette
règle ont été fi rares, & les différences fi petites , que j’ai
cru devoir l’attribuer à l’erreur des obfervations. Le plus
grand des écarts de nos aiguilles vers l’èft a eu lieu
dans le mois de Mai , vers l’heure de midi ; dans le mois
de Juin entre deux & trois heures;- le vent de nord-eft
& d’efl m’a femblé plus d'une fois accompagner ces irré¬
gularités. J’ai remarqué quelquefois qu’un changement fubitt
du beau au mauvais temps , ou du mauvais au beau y
A a a-
2*4 Hîjloîre naturelle,
à pivot, on ne peut compter, qu'à un degré
& demi , & même à deux degrés près , lur
la certitude de leurs obfervations.
En confultant les obfervations faites par les
Voyageurs récens (x) , on voit qu’il y a plu-
fieurs points fur le globe , où la déclinaifon eft
actuellement nulle ou moindre d’un degré,
foit à l’eft , foit à l’oueft, tant dans l'hémif-
phère boréal que dans l’hémifphère auftral ; &
la fuite de ces points, où la déclinaifon eft nulle
ou prefque nulle, forme des lignes & même
des bandes qui fe prolongent dans les deux
hémifphères. Ces mêmes obfervations nous
indiquent aufti que les endroits où la décli¬
naifon eft la plus grande dans l’un & l’autre
hémifphère , fe trouvent aux plus hautes
latitudes, & beaucoup plus pràs des pôles que
de l’équateur.
Les caufes , qui font varier la déclinaifon,
& la tranfportent , pour ainfi dire, avec le
changeoit aulïj la dire&ion ordinaire de l’aiguille pour
quelques jours , & qu’enfuite femblable changement la
ramenoit à fon premier état.
La quantité de la variation diurne n’eft pas la même
dans toutes les faifons ; il paroît qu’on peut fixer la plus
grande à quatorze minutes, & la plus petite à cinq mi¬
nutes. C’eft en hiver que la variation diurne paroît être
la plus petite, & j’ai remarqué qu’en été, lorfque la cha¬
leur eft conlidérable , la variation eft nulle ». Extrait du
Mémoire de M. de Cajjïni , adrcffc aux Auteurs du Journal
-de P hy fi que.
(x) Voyez les trois Voyages du Capitaine Cook..
Traité de F Aimant. 285
temps, de l’eft à l’oueft, ou de l’oueft à l’eft
du méridien terreftre, ne dépendent donc que
de circonftances accidentelles & locales, fur
leiquelles néanmoins nous pouvons affeoir un
jugement en rapprochant les différens faits ci-
devant indiqués.
Nous avons dit qu’en l’année 1580, l’ai¬
guille déclinoità Paris de onze degrés trente
minutes vers l’eft : or nous remarquerons que
c’eft depuis cette année 1580, que la déclinai¬
son paroît avoir commencé de quitter cette
direction vers l’eft, pourfe porter fucceiîive-
ment vers le nord & enfuite vers l’oueft; car,
en 1 année 1610 , l’aiguille, ainfi que nous
l’avons déjà remarqué , ne déclinoit plus que
de huit degrés vers l’eft ; en 1640, elle ne
déclinoit plus que de trois degrés; & en 1663,.
elle fe dirigeoit droit au pôle. Enfin, depuis
£ette époque , elle n’a pas cefîe de fe porter
vers l’oueft. J’obferverai donc que la période
de ce progrès dans l’oueft, auquel il faut
joindre encore la période du retour ou du
rappel de la déclinaifon de l’eft au nord , puif-
que ce mouvement s’eft opéré dans le même
fens; j’obferverai, dis- je, que ces périodes
de temps femblent correfpondre à l’époque du
défrichement & de la dénudation de la terre
dans l’Amérique feptentrionale , & aux progrès
de l’établiffement des Colonies dans cette partie
du nouveau monde. En effet, l’ouverture du
fein de cette nouvelle terre par la culture,
les incendies des forêts dans de vaftes éten¬
dues, & l’exploitation des mines de fer par
les Européens dans ce continent, dont les
habitans fauvages n’avoient jamais connu
2 S (5 1. Tijlolre nature Ile",
ni recherché ce métal , n’ont-elles pas chî pro
duire un nouveau pôle magnétique, & déter¬
miner vers cette partie occidentale du globe ,
la direélion de l’aimant, qui précédemment
n’éprouvoif pas cette artraélion, &, au lieu
d’obéir à deux forces , étcit uniquement déter¬
minée par le courant éleélrique qui va de
l’équateur aux pôles de la terre ?
J’ai remarqué ci-devant que la déclinaifon
s’eft trouvée confiante à Quebec, durant une
période de trente - fept ans; ce qui femble
prouver l'action confiante d’un nouveau pôle
magnétique dans les régions fêptentrionales
de l’Amérique. Enfin, le ralentiffement aétuel
du progrès de la déclinaifon dar.s l’oueft, offre
encore un rapport fuivi avec l’état de cette
terre du nouveau monde, où le principal pro¬
grès de la dénudation du fol, &i de l’exploitation
des mines de fer, parcît aétuellement être à-
peu-près aufii complet que dans les régions
i'eptentrionales de l’ancien contir.enr.
On peut donc affurer que cette déclinaifon
de l’aimant , dans les divers lieux , & félon les
difîérens temps, ne dépend que du giftement
des grandes maffes ferrugineufes dr»ns chaque
légion, & de l’aimantation plus ou moins
prompte de ces mêmes malles, par des catifes
accidentelles ou des circonflances locales,
telles que le travail de l’homme , l’incendie des
forêts , l’éruption des volcans, & même les
coups que frappe l’éleélricité fouterraine fur
de grands efpaces , cauiés qui peuvent toutes
donner également le magnétifme aux matières
ferrugineufes ; & ce qui en complète les preu¬
ves , c’eft qu’après les tremblemens de terre.
Traite de V Aimant', 2&7
ofl a vu fou vent l’aiguille aimantée , foumife
Ü de grandes irrégularités dans les varia»
tions (y).
Au relie, quelque irrégulière que foit la
variation de l’aiguille aimantée dans fa direc¬
tion , il me paroît néanmoins que Ton peut en
fixer les limites, & même placer entre elles
lin grand nombre de points intermédiaires ,
qui, comme ces limites mêmes, feront conf-
tans & prefque fixes pour un certain nombre
d’années, parce que le progrès de ce mouve¬
ment de déclinaifon ne fe faifant actuellement:
que très lentement, on peutle regarder comme
confiant pour le prochain avenir d’un petit
nombre d’années; & c’eft pour arriver à cette
détermination, ou du moins pour en approcher,,
autant qu’il eft poffible , que j’ai réuni toutes
les observations que j’ai pu recueillir dans les
voyages & navigations faits depuis vingt ans 3
& dont je placerai d’avance les principaux
réfuh.ats dans l’article fuivant.
(y) Voyez l’Ouvrage , déjà cité , de M. Epinus y
£f?. 364.
îSB
Hljloh * naturelle'.
<# $$$$$$ $$$$$$ * $ # M $*
ARTICLE VI.
De Vinclnaifon de l’Aimant .
T a direction de l’aimant, ou de l’aiguille
aimantée , n’eft pas l’effet d’un mouvement
fimple , mais d’un mouvement compofé qui
fuit la courbure du globe de l’équateur aux
pôles. Si l’on pofe un aimant fur du mercure,
dans une fnuation horizontale, & fous le mé¬
ridien magnétique du lieu , il s’inclinera de
manière que le pôle auftral de cet aimant
s’élèvera au-deffus , & que le pôle boréal
s’abaiffera au-deffous de la ligne horizontale
dans notre hémifphère boréal, & le contraire
arrive dans l’hémifphère auftral ; cet effet efl
encore plus ailé à mefurer, au moyen d’une
aiguille aimantée , placée dans un plan vertical :
la bouffole horizontale indique la direélion
avec ies déclinaifons , & la bouffole verticale
démontre l’inclinaifon de l’aiguille; cette in-
clinaifon change fouvent plus que la déclinai-
fon , fuivant les lieux, mais elle eft plus
confiante pour les temps; & l’on a même
obfervé que la différence de hauteur, comme
du fommet d’une montagne à la vallée, ne
change rien à cette inclinaifon. M. le Cheva¬
lier de Lamanon m’écrit, qu’étant fur le Pic
de Ténériffe, à 1900 toifes au-deffus du niveau
de la mer , il avoit obfervé que l'inclination de
lVguille étoitlamême qu’à Sainte-Croix; ce
qui
Traité de T Aimant'. 2S9
qui femble prouver que les émanations du
globe qui produisent l’éleftricité & le magne-
tifme, s’élèvent à use très-grande hauteur dans
les climats chauds (<i); au refte , l’inclinaifon
& la déclinaifon font fujettes à des trépidations
prefque continuelles de jour en jour , d’heure
en heure, &, pour ainfi dire, de moment à
moment.
Les aiguilles des bouffoles verticales doi¬
vent être faites & placées de manière que leur
centre de gravité coincide avec leur centre de
mouvement, au lieu que, dans les boulîoles
horizontales, le centre du mouvement de
l’aiguille eff un peu plus élevé que fon centre
de gravité.
Lorfqu’on commence à mettre en mouve¬
ment cette aiguille placée verticalement , elle
fe meut par des ofcillations qu’on a voulu
comparer à celles du pendule de la gravitation ;
mais les effets qu’ils préfenrent font très-diffé-
rens, car la direftion de cette aiguille, dans
fon inclinai fon , varie félon les différens lieu.Y,
au lieu que celle du pendule eff confiante dans
tous les lieux de la terre, puifqu’elle eff tou¬
jours perpendiculaire à la furface du globe.
Nous avons dit que les particules de la
limaille de fer font autant de petites aiguilles ,
qui prennent des pôles par le contaél: de l’ai¬
mant : ces aiguilles fe dreffent perpendiculai¬
rement fur les deux pôles de l’aimant ; mais la
( a ) Lettre de M. le Chevalier deLamanon, à M. de
Buffon , dat^e des îles Canaries, 1785.
Minéraux. Tome, IX, B b
29Ô Hifloîre naturelle
pofttion de ces particules aimantées devient
doutant plus oblique , qu’elles font plus
éloignées de ces mêmes pôles, & jufqu’à
l’équateur de l’aimant, où il ne leur relie
qu’une attra&ion fans inclinaifon. Cet équa¬
teur eft le point de partage entre les deux
direélions Si inclinaifons en fens contraire ;
& nous devons obferver que cette ligne de
féparation des deux courans magnétiques , ne
le trouve pas précifément à la même dillance
des deux pôles, dans les aitnans non plus que
dans le globe terrellre , Si qu’elle eft toujours
à une moindre diftance du pôle le plus foible.
Les particules de limaille s’attachent horizon¬
talement fur cette partie de l’équateur des
aimans. Si leur inclinaifon ne fe manifefte
bien fenfiblement , qu’à quelque diftance de
cette partie équatoriale ; la limaille commence
alors à s’incliner fenfiblement vers l’un Si
l’autre pôles en-deçà Si au-delà de cet équa¬
teur; fon inclinaifon vers le pôle auftral eft
donc à contre fens de la première , qui tend
au pôle boréal de l’aimant, Si cette limaille
fe dreffe de même perpendiculairement fur le
pôle auftral comme fur le pôle boréal. Ces
phénomènes font conftans dans tous les Ai-
mans ou fers aimantés; & comme le globe
terreftre pofsède en grand les mêmes puiftances
que l’aimant nous préfente en petit, l’aiguille
doit être perpendiculaire par une inclinaifon
de 90 degrés fur les pôles magnétiques du
globe; ainfi, les lieux où l’inclinai fon de
l’aiguille fera de 90 degrés , feront en eltet les
vrais pôles magnétiques fur la terre.
ISqus n’avons rien négligé pour nous pro-
Traité de l'Aimant. 29 r
curer toutes les obfervations qui ont été faites
jufqu’ici fur la déclinaifon & l’inclinai fon de
l’aiguille aimantée ( b ). Nous croyons que
perfonne , avant nous , n’en avoit recueilli un
aullï grand nombre ; nous les avons comparées
avec foin, & nous avons reconnu que c’eft aux
environs de l’équateur que l’inclinaifon eft
prefque toujours nulle; que l’équateur magné¬
tique eft au-deflus de l’équateur terreftre dans
la partie de la mer des Indes, fituée vers le
quatre- vingt-dix- feptième degré de longitude
(c), ôc qu’il paroît, au contraire, au deffous
de la ligne dans la portion de la mer Pacifique ,
qui correfpond au cent quatre-vingtdix-fiep-
tième degré : on peut donc conjecturer que le
pôle magnétique eft éloigné vers l’eft du pôle
de la terre , relativement aux mers des Indes &
Pacifique; & par conféquent il doit être fitué
dans les terres les plus Septentrionales de l’A¬
mérique , ainfi que nous l’avons déjà dit.
Dans la mer atlantique, l’efpace ou l’aiguille
a été obfervée fans déclinaifon («/), fe pro-
( b ) De tous nos Voyageurs , M. Eckberg & M. le
Gentil, favant Aftronome de l’Académie des Sciences,
font ceux qui ont donné le plus d’attention à l’inclinaifoi*
de l’aimant dans les régions qu’ils ont parcourues.
( c ) Nous devons remarquer que , dans les articles de
la déclinaifon & de l’inclinaifon de l’aimant , nous avons
toujours compté les longitudes à l’eft du méridien de
Paris.
( d ) Je dois obferver ici que j’ai regardé comme nulle5
toutes les déclinaifons qui 11e s’étendoient pas à deux
Bb 2
2.f)2 fJiftoire naturelle',
longe jufqu’au cinquante-huitième degré de
latitude auftrale ; &à l’égard de Ton étendue
vers le nord , on le peut fuivre jufqu’au trente-
cinquième degré , ou environ , de iatitude, ce
qui lui donneroit en tout quatre-vingt-treize
degrés de longueur , fi l’on avoit fait , jufqu à
préfent, afl'ez d’obfervations pour que nous
fuflïons aflurés qu’il n’eft interrompu par aucun
endroit où l’aiguille décline de plus de deux
degrés vers l’eft ou vers l’oueft. Cet efpace,
ou cette bande fans déclinaifon , peut fur- tout
être interrompue dans le voifmage des Con¬
tiens & des lfles. Car on ne peut douter que
la proximité des terres n’influe beaucoup fur
la direction de l’aiguille. Cette déviation dé¬
pend des mafles ferrugineufes qui peuvent le
trouvera la furface de ces terres, & qui,
agilfant fur le magnétifme général , comme
autant de pôles magnétiques particuliers, doi¬
vent fléchir fon cours , & en changer plus ou
moins la direction : & fi le voifmage de certai¬
nes côtes a paru, au contraire, repoufier
l’aiguille aimantée, la nouvelle direttion de
l’aiguille n’a point été, dans ces cas particu¬
liers, l’effet d’une répulfion qui n’a été qu’ap¬
parente ; mais elle a été produite par le magné¬
tifme général , ou par i’attra&ion particulière
de quelques autres terres plus ou moins
degrés au-deflus de zéro , parce que les variations diurnes
& fur-tout les accidens des aurores boréales & des tem¬
pêtes , font fouvent changer la direction de l’aiguille do
plus de deux degrés.
Truité de VAima.nl. 293
éloignées, & dont l’aétion aura celle d’être
troublée dans le voifinage de certaines côtes
dépourvues de mines de fer ou d’aimant. Lors
donc qu’à l’approche des terres, l’aiguille ai¬
mantée éprouve confiamment des changemens
très- marqués dans la déclinaifon, on peut en
conclure l’exiftence ou le défaut de mines de
fer ou d’aimant dans ces mêmes terres , fuivant
qu’elles attirent ou repouffent l’aiguille ai-
marnée.
En général, les bandes fans déclinaifon fe
trouvent toujours plus près des côtes orien¬
tales des grands continens , que des côtes
occidentales : celle qui a été oblervée dans la
mer Atlantique, eft , dans tous fes points,
beaucoup plus voifine des côtes orientales de
l’Amérique , que des côtes occidentales de
l’Afrique & de l’Europe; & celle qui traverfe
la mer de l’Inde & la grande mer Pacifique,
efi placée à une allez petite diftance à l’eft des
côtes de l’Afie.
La bande , fans déclinaifon , de la mer des
Indes , & qui fe prolonge dans la mer Pacifique
boréale, paroît s’étendre depuis environ le
cinquante - neuvième degré de latitude fud ,
jufqu’au quarantième degré de latitude nord.
il efi important d’obferver que fous la lati¬
tude boréale de dix - neuf degrés , ainfi que
fous la latitude auftrale de cinquante - trois
degrés, la bande fans déclinaifon de la mer
Atlantique, & celle de la mer des Indes, font
éloignées l’une de l’autre , d’environ cent
cinquante- fept degrés, c’eft-à-dire, de près
de la moitié de la circonférence du globe. Il
efi également remarquable qu’à partir de quel*.
B b 3
294 H'tjloire - naturelle'.
ques degrés de l’équateur, on n’a obfervé,
dans la mer Pacifique boréale, aucune décli-
naifon , vers l’oueft , qu’on ne piaffe rapporter
aux variations inftantanées & irrégulières de
l’aiguille; ceci joint à toutes les dire&ions
des déclinaifons , tant de la mer Atlantique
que de la mer des Indes , confirme l’exifience
d’un pôle magnétique rrès-puiflant , dans le
nord des terres de l’Amérique ; & ce qui con¬
firme encore cette vérité, c’eff que la plus
grande déclinaifon orientale, dans la mer Pa¬
cifique boréale , a été obfervée par le Capitaine
Cook, de trente-fix degrés dix-neuf minutes ,
aux environs de foixante-dix degrés de lati¬
tude nord, & du cent quatre-vingt-quinzième
de longitude, c’eft-à-dire, à deux degrés, ou
à-peu-près, au nord des terres de l’Amérique
les plus voifines de l’Afie. D’un autre côté ,
M. le Chevalier de l’Angle a trouvé une décli-
naifon vers l’oueft de quarante-cinq degrés,
dans un point de la mer Atlantique, fitué très-
près des côtes orientales & boréales de l’Amé¬
rique. C’cft donc dans ces terres feptentriona-
les du nouveau continent, que toutes les
direftions des déclinaifons fe réunifient &
coincident au pôle magnétique , dont l’exif-
tence nous paroît démontrée par tous les phé¬
nomènes.
La déclinaifon n’éprouve que de petites
viciffitudes dans les baffes latitudes, uirtout
dans la grande mer de l’Inde , où l’on n’obferve
jamais qu’un petit nombre de degrés de décli¬
naifon dans le voifinage de l’équateur, tandis
que , dans les plus hautes latitudes de l’hémif-
phère auftral , il paroît que la déclinaifon de
Traité de V Aimant. 293
l’aiguille varie beaucoup de l’eft à l’oueft , ou
de l’oued à l’eft , dans un très petit efpace.
La ligne, fans déclinaifon, qui paffe eatre
Malaca, Bornéo, le détroit de la Sonde , fe
replie vers l’eft, & fon inflexion femble être
produite par les terres de la Nouvelle-Hol¬
lande.
Il y a , dans la mer Pacifique , une troifième
bande fans déclinaifon , qui paroît s’étendre
depuis le feptième degré de latitude nord , juf-
qu’au cinquante- cinquième degré de latitude
fud. Cette bande traverfe l’équateur vers le
deux cent trente-deuxième degréde longitude ;
mais, à vingt-quatre degrés de latitude auftrale,
elle paroît fléchir vers les côtes occidentales
de l’Amérique méridionale , ce qui paroît être
l’effet des maffes ferrugineufes , que l’on doit
trouver dans ces contrées, fi fouvent brûlées
par les feux des volcans, & agitées par les
coups de la foudre louterraine.
La déclinaifon la plus confidérabie qui ait
été trouvée dans l’hémifphère auftral , eff celle
de quarante-trois degrés fix minutes , obfervée
par Cook, en Février 1773 , fous le loixan-
îièrne degré de latitude, &. le quatre-vingt-
douzième degré trente- cinq minutes de longi¬
tude , loin de toute terre connue; & la plus
forte déclinaifon qu’on ait trouvée dans l’hé¬
mifphère boréal, &, en même-temps, la plus
grande de toutes celles qui ont été remarquées
dans les derniers temps , eft celle de quarante-
cinq degrés, dont nous avons déjà parlé, &
qui a été obfervée par M. le Chevalier de
l’Angle, vers le foixante-deuzième degré de
latitude, &le deux cens quatre-vingt- dix- fept
^6 Hiflclrc naturelle.
ou deux cens quatre-vingt-dix-huitième de
longitude, entre le Groenland & la terre de
Labrador; elles font toutes les deux vers
l’oueft , & toutes les deux ont eu lieu dans des
endroits éloignés de l’équateur d’environ
foixante degrés.
Tels font les principaux faits, tant pour la
déclinaifon que pour l’inclinaifon, qu’offre ce
qu’on a reconnu de l’état a&uel des forces ma¬
gnétiques, qui s’étendent de l’équateur aux
pôles ; & fi nous voulons tirer quelques rélul-
tats du petit nombre d’obfervations plus an¬
ciennes, nous trouverons que , depuis 1700,
Fincünaifon de l’aiguille aimantée a varié en
divers endroits; mais tout ce que l’on peut
conclure de ces obfervations , qui font en trop
petit nombre , c’ell que les changemens de la
déclinaifon & de l’iricl inai fon ont été inégaux
& irréguliers dans les divers points des deux
hémifphèrés.
Et, pour ne conftdérer d’abord que les
variations de la déclinaifon , la plus grande
irrégularité des changemens qu’elle a éprouvés
fur les différens points du globe , fuflit pour
empêcher d'admettre l’hypotèfe de Hailey,
qui fuppofoit dans l’intérieur de la terre, un
grand noyau magnétique doué d’une forte de
mouvement de rotation , indépendant de celui
du globe , & qui , par fa déclinaifon , produiroit
celle des aimans , placés à la furface de la terre.
M. Epinus (e),qui d’abord paroiffoit tenté
(c) Voyez l’Ouvrage, déjà cité , de ce favant l’hy-
ficien.
1
Traité Je l'Aimant. 197
d’adopter l’opinion de Halley , a vu lui- même
qu'elle nepourroit s’accorder avec l’irrégula-
r iie des changemens de la déclinaifon magné¬
tique: au lieu du mouvement régulier d’une
forte de grand aimant imaginé par Halley, il
a propofé d’admettre des changemens irré¬
guliers & locaux dans le noyau de la terre;
mais , indépendamment de l’impollibilité d’atîï-
gner les caufes de ces changemens intérieurs ,
ils ne pourroient agir fur la déclinaifon des
aiguilles, qu’autant que les portions du noyau
gagneroient ou perdroient la vertu magnéti¬
que ; & nous avons vu que les mafi'es ferrugi-
neufes 11e pouvoient s’aimanter naturellement
que très-près de la furface du globe, & par
les influences de ratmofphère.
Depuis 1580, la déclinaifon de l’aiguille a
varié , dans les divers endroits de la furface
du globe, d’une manière très-inégale : elle
s’eft portée vers l’eft avec des vîteffes très-
différentes , non- feulement félon les temps,
niais encore félon les lieux; & ceci eft d’au¬
tant plus important à obferver, que fes mou-
vemens ont toujours été très-irréguliers , &
que nous ne faifons ici aucune attention aux
petites caufes locales qui ont pu la déranger.
Ces caufes , dont les effets ne font pas conf-
tans , mais pafïagers , peuvent être de même
nature que les caufes plus générales du change-
men't de déclinaifon ; mais elles n’agiflent qu’en
certains endroits, où elles doivent détourner
cette même déclinaifon d’un grand nombre de
degrés, jufqu’à la faire aller en diminuant,
lorfqu’elle devroit s’accroître, & peuvent
même tout-à coup la faire changer de l’eft à
298 Hijlolre naturelle'.
l’oueft , ou de l’oueft à l’eft. Par exemple , dans
l’année 1618, la déclinaifon étoit orientale de
quinze degrés dans Pile de Candie , tandis
qu’elle étoit nulle à Malthe, & dans le détroit
de Gibraltar , & qu’elle étoit de fix degrés
vers I’oueft à Païenne & à Alexandrie; ce que
l’on ne peut attribuer qu’à des caufes parti¬
culières , Si à ces effets paflagers que nous
venons d’indiquer.
La bande fans déclinaifon , qui fe trouve
a&uellement dans la mer Atlantique, giflbit
auparavant dans notre continent; en 1594,
elle palîoit à Narva, en Finlande, elle etoit
en même temps bien plus avancée du côté de
l’eft, dans les régions plus voifmes de l’équa¬
teur , & , par conféquent, il y a près de 200
ans qu’elle étoit inclinée du côté de l’oueft,
relativement à l’équateur terreftre, puisque
elle n’a paffé qu'en 1600 à Ccnftanrinople ,
qui eft à peuprès fous le même méridien que
Narva. Cette bande fans déclinaifon eft par¬
venue, en s'avançant vers l’oueft, jufqu’au
deux cents quatre vingt-deuxième degré de
longitude , & à la latitude de trente - cinq
degrés où elle fe trouve aéfuellement.
En 1 6 1 6 , la déclinaifon fut trouvée de
cinquante- fept degrés à fois ante -dix -huit
degrés de latitude boréale, & deux cents
quatre-vingt de longitude. C’eft la plus grande
déclinaifon qu’on ait obfervée; elle étoit vers
l’oueft,ainfi que les deux fortes déclinaifons
dont nous devons la connoiflance à M. le
Chevalier de l’Angle, & au capitaine Cook;
elle a eu également lieu fous une très haute
latitude , & elle a été reconnue dans un
Traité Je V Aimant. 299
endroit peu éloigné de celui où M. de l’Angle
a trouvé la déclinaifon de quarante - cinq
degrés j la plus grande de toutes celles qui
ont été obfervées dans les derniers temps.
Néanmoins, dans la même année 1616, la
bande fans déclinaifon , qui traverfoit l’Eu¬
rope , & qui s’avançoit toujours vers l’Oc¬
cident , n’étoit pas encore parvenue au vingt-
unième degré de longitude , & dans des points
fitués à l’oueft de cette bande, comme, par
exemple, à Paris, à Rome, &c. l’aiguille
déclinoit vers l’eft. Et cela provient de ce
que les régions feptentrionales de l’Amérique
n’avoient pas encore éprouvé toutes les ré¬
volutions qui y ont établi le pôle magnéti¬
que que l’on doit y fuppofer à préfent.
Quoi qu’il en foit, nous ne pouvons pas
douter qu’il n’y ait aéluellement un pôle
magnétique dans cette région du nord de l’Amé¬
rique , puifque la déclinaifon versl’ouefteft
plus grande en Angleterre qu’en France , plus
grande en France qu’en Allemagne, & tou¬
jours moindre à mefure qu’on s’éloigne de
l’Amérique , en s’avançant vers l’Orient.
Dans l’hémifphère auftral , l’aiguille d’in-
clinaifpn , au rapport du Voyageur Noël , fe
tenoit perpendiculaire au trente-cinquième ou
trente-fixème degré de latitude , & cette per¬
pendicularité de l’aiguille fe foutenoit dans
une longue étendue , fous différentes longi¬
tudes , depuis la mer de la nouvelle Hollande
jufqu’à fept ou huit cens milles du cap de
Bonne-Efpérance (/). Cette obfervation s’ac-
(/) Le Capitaine Cook dit que riuclinaifon de l’aiguille
300 H i floue naturelle.
corde avec le fait i apporté par Abel Tafman ,
dans fon voyage , en 1642; ce Voyageur dit
avoir oblervé que l’aiguille de l'es boulïbles
horizontales ne fe dirigeoir plus vers aucun
point fixe, dans la partie de la mer voifine
à l’occident de la terre de Diémen ; fk cela
doit arriver en effet lorfqu’on fe trouve fur
un pôle magnétique. En comptant donc fur
cette oblervation du Voyageur Noël , on
eft en droit d’en conclure qu’un des pôles
magnétiques de l’hémifphère auftral etoit
fitué , dans ce temps, fous la latitude de
trente cinq ou trente-fix degrés , & que quoi¬
qu’il y eut une allez grande étendue en lon¬
gitude , où l’aiguille n’avoit point de direc¬
tion confiante , on doir luppo'.'er , fur cette
ligne , un efpace qui lervoit de centre à ce
pôle, & dans lequel, comme lur les parties
polaires de la pierre d’aimant , la force
magnétique étoit la plus concentrée; & ce
centre étoit probablement l’endroit ou Taf¬
man a vu que l’aiguille de fes bouflbies hori¬
zontales ne pouvoir fe fixer.
Le pôle magnétique, qui fe trouve dans
fut de 64 degrés 36 minutes les trois différentes fois qu’il
relâcha à la Nouvelle-Zélande , dans une baie fituée par
41 degrés 5 minutes 56 fécondés de latitude , & 172 deg.
o minutes 7 fécondés de longitude. Il me paroît que
l’on peut compter fur cette obfervation de Cook, avec
d’autant plus de raifon qu’elle a été répétée , comme l’on
voit par fon récit, jufqu’à trois fois différentes dans le
même lieu, en di : érentes années. Voyelle fécond. Voyage
de Cook, tome 111 , pa^e 374,
Traité de V Aimant'. ' 301
le nord de l’Amérique, n’eff pas le feul qui
foie dans notre hémifphère ; le ('avant &
ingénieux Halley en comptoit quatre (ur le
globe entier, & en plaçoit deux dans l’hémif-
phère boréal , &• deux dans l’hémifphère
audral. Nous croyons devoir en compter
également deux dans chaque hémifphère, ainfi
que nous l’avons déjà dit, pui (qu’on y a
reconnu trois lignes ou bandes , fur lefquelles
l’aiguille fe dirige droit au pôle terrefire,
fans aucune déviation.
De la même maniéré que les pôles d’un
aimant ne font pas des points mathématiques ,
& qu’ils occupent quelques lignes d’étendue
fuperficielle, les pôles magnétiques du globe
terrefire occupent un allez grand efpace ; &
en comptant fur le globe quatre pôles magné¬
tiques , il dort fe trouver un certain nombre
de régions , dans lefquelles l’inclinaifon de
l’aiguille fera très grande, & de plus de qua¬
tre-vingt degrés.
Quoique le globe terrefire ait en grand les
mêmes propriétés que l’aimant nous offre
en petit , ces propriétés ne fe préfentent pas
aufli évidemment, ni par des effets aulfi conf-
tans & auffi réguliers fur le globe que fur
la pierre d’aimant; cette différence entre les
effets du magnétifme général du globe , &
du’ magnétifme particulier de l’aimant , peut
provenir de plus d’une caufe. Premièrement,
de la figure fphéroïde de la terre ; on a
éprouvé, en aimantant de petits globes de
fer, qu’il eft dilli'cile de leur donner des
pôles bien déterminés; & c’eft probablement
en raifon de la fphéricité , que les pôles magné-
301 Hijloire naturelle.
tiques ne font pas auflî diftintts fur le globe
terreftre , quils le font fur des aimans non
fphériques. Secondement, la pofition de ces
pôles magnétiques , qui font plus ou moins
voifins des vrais pôles de la terre , & plus
ou moins éloignés de l’équateur, doit influer
puiftamment fur la déclinaifon dans chaque
lieu particulier , fuivant fa fituation plus ou
moins diftante de ces mêmes pôles magné¬
tiques , dont la pofition n’eft point encore
allez déterminée.
Le magnétifme du globe, dont les effets
viennent de nous paroître fi variés, & même
fi finguliers , n’eft donc pas le produit d’une
force particulière , mais une modification d’une
force plus générale , qui eft celle de l’élec¬
tricité, dont la caufe doit être attribuée aux
émanations de la chaleur propre du globe,
lefquelles partant de l’équateur & des régions
adjacentes , fe portent , en fe courbant & fe
plongeant fur les régions polaires oü elles
tombent, dans des dire&ions d’autant plus
approchantes de la perpendiculaire, que la
chaleur eft moindre, & que ces émanations
fe trouvent dans les régions froides plus
complètement éteintes ou fupprimées. Or
cette augmentation d’inclinaifon , à mefure
que l’on "s’avance vers les pôles de la terre,
repréfente parfaitement l’incidence de plus
en plus approchant de la perpendiculaire des
rayons ou faifeeaux d’un fluide animé par
les émanations de la chaleur du globe , les¬
quelles , par les loix de l’équilibre doivent
le porter en convergeant & s’abaiflant da
l’équateur vers les deux pôles,
Traité de T Aimant. 303
La force particulière des pôles magnéti-
ques , dans l’aélion qu’ils exercent fur l’in-
clinaiion, eft affez d'accord avec la force
générale qui détermine cette inclinaifon vers
les pôles terreftres, puilque l’une & l’autre
de ces forces agirent prefqu’également , dans
une direétion qui tend plus ou moins à la
perpendiculaire. Dans la déclinaifon , au
contraire , l’aétion des pôles magnétiques fe
croife , & forme un angle avec la dire&ion
générale & commune de tout le fyftème du
magnétifme vers les pôles de la terre. Les
élémens de l’inclinaifon font donc plus fim-
ples que ceux de la déclinaifon , puifque
celle-ci rélulte de la conibinaifon de deux
forces agilfantes dans deux direélions diffé¬
rentes, tandis que l’inclinaifon dépend prin¬
cipalement d’une caufe fjmple , dans une
direétion inclinée & relative à la courbure
du globe. C’eft par cette raifon que l’incli.
naifon paroît être , & eft en effet plus régu¬
lière , pius fuivie & plus confiante que la
déclinaifon dans toutes les parties de la
J»erre.
On peut donc efpérer, comme je l’ai dit,
qu’en multipliant les oblervations fur l’incli-
naifon , & déterminant par ce moyen la
pofition des lieux, foit fur terre, l'oit fur
mer, l’art de la navigation tirera du recueil
de ces oblervations autant & plus d’utilité
que de tous les moyens aflronomiques ou
mécaniques employés, jufqu’à ce jour, à la
recherche des longitudes.
Fin du Tome neuvième & dernier de$ Minéraux,
T&nfl
rtSFEEf.
d ^ f' J ^ ! i-^l JL^Jk xJ^“ ~it
SrÿT? T^ÿ f V^r 't^''t ’7%~yr*< ^irr "n^r**
TABLE DES TITRES
Contenus dans ce Volume.
Concrétions de l'Or, page ' Ç
Concrétions de ? Argent. ....'.,.. 9
Concrétions du Cuivre. ... i ... . 16
Pierre Arménienne . 20
Concrétion s de l’Etain . 25
Concrétions du Plomb . 27
Concrétions du Mercure . 29
Concrétions de T Antimoine . 31
Concrétions du Bifmuth . 32.
Concrétions du Zinc . 34
Concrétions de la Platine. ....... 3^
Produits volcaniques . 44
Des Basaltes , des Laves 6* des Laitiers
volcaniques . 5°
Pierre de touche. . . . 60
Pierre variolite . 6 3
Tripoli . 67
Pierres ponces . 74
Pouzzolane . 79
Addition à l'article du Feld-fpath ,
& du Feld-fpath de Rufiïe • .
86
Addition à l’article du Charbon de
terre . 90
Génésie des Minéraux . 103
Traité de P Aimant. . uç
Article premier. Des forces de ta
Nature en général , & en particulier de l'Elec¬
tricité 6* du Magnétifme . ; ibid.
Art. 11. De la nature 6* de la formation de
l'Aimant. I . .
215
Art. 111. De L attraElton & de la rèpulfion de
V Aimant. .
Art. IV. Divers procédés pour produire 6*
compléter T aimantation du fer . î^O
Art. V. De la dirtélion de l'Aimant & de
fa déclinai fon . 265
Art. VI. De l'inclinai fon de l'Aimant. ... 288
• ' -4 .T»