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Full text of "Histoire des duels anciens et modernes"

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HISTOIRE 


DES  DUELS 


ANCIENS  ET  MODERNES. 


«   «   •   « 


0|iii>  «(({(r^idr  i>}>inimu  r«sibu«  «  Rtritt  piirliN 

(Tache  Uùl.  Lh-.  \.) 


«    •    •    « 


AnJt#C  tir  M  iKUia#*  fmnn  ^ 
Quo  ^ve*  Ven*  mulRu  pcnrent  t 
Audiict  pagDM  vilio  parentuni 
lUra  Juveetui. 
^HoMcs  (M.  it.li^.  1.) 


«    «    «    « 


dt  ctani|t  dM^fM  k  doel ,  et  Plioarait  de  Imm  TiililiofTr. 

(RooutAC.  UiitUse  Uttr*  S;.  ) 


Ouvrage  du  même  Auteur,  qui  se  trouxHi  chc, 

les  mêmes  Libixiircs, 

PROJET     DE     CODE     DE     LA    CHASSE  y 

i  vol.  m-8.^  — Prix  :  1  fr.  50  o. 


DOUAI,  nonOHEBIS  DE  J.  JACiQUART. 


#, . 


HISTOIRE 


DES   DUELS 


ANCIEJVS  ET  MODERNES, 


CoMTniAXT  %M  TAtUA«    M  l'oMCIK*  >   DU   fltOCMU   ET    M   L*UrlllT  DU   D»£L   tN    ra  MIca 
tr   BARS   TOmS    LU    tAWntU   VU    MUXDC;     ATtC    HOTTS    BT     KCLAIKCISSKMIMS    SUJl    LA» 

raiBcuAus  comAT*.  nacuus»»,  •wu*  l'aktiqoitk  jumiu'a  not  joua4. 


Par  m.  FOUGEROUX  DE  CAMPIGNEULLES, 

CfaâcilleK  k  U  Guur  ro^al»  de  Douai  y.  mvnbtc  d«  pituieurs  Sociét«>  sa«  Moies. 


TOME   PREMIER. 


PARIS. 

JUST  TESSIER ,  QUM  DES  AUGUSTINS ,  27  ; 
AB.  CUERBUUEZ  ET   C.i%  RUE  DE  SEINE,  57; 

GENÈVE» 

M£M£  MAISO»'   DE   COMMERCE,   RUE  DE  LA  CITK. 


M    DCCG     WXV. 


V 


} 


\*> 


ae  Wamârù 


r  le  d-océe/ir  ,U^f7/o 


^andieur  le  d^océetir . 
de  1(1  ^ociel^  d  é^//iu/a/e>ç 


e^H 


C*B»T  à  voiis ,  mon  ejcceltent  ami ,  que  j'ailresse- 
à  mon  tour  cet  oui/inge.  C'est  un  enfuiiLilet  vàlieA, 
vt ,  quelque  peu  digne  qu'il  puisse  ètfe  d'une  aus^i 
honorable  Jlliation  ,  'vous  ue  pourjvz-  désavouer 
celle  paternité. 

Souvenez-voug  qu'à  lajin  de  lfi2&,  vous  m'at-oz 
envoyé,  sous  la  forme  dédit:atoiro,  votre  savante 
U-Ure  sur  les  Duels  judiciaires  dans  nos  provinces 
du  Nord,  en  me  faisant  remarquer  «  combien  ce 
sujet  mcriCait  d'èlre  médité  tout  à  In  fois  par  le 
moraiiste  et.  par  le  juriscotisulie.  » 

Dans  ma  lettre  de  reiuercimens ,  j'ai  appelé  de 
mon  coté  votre,  allvntion  sur  ce  gituid  duel  politique  à 
auquel  uoas.  assistions,  depuis. bientôt  quinze  anx^ 


entre  la  presse  périodique  et  une  monarchie  ile 
quatorze  siècles»  Les  chances  semblaient  encore 
se  balancer  ;  mais  le  résultat  définitif  était  déjà 
facile  à  prév^oir,  et  en  vous  Vannoîicant ,  je  fus 
prophète,  comme  tarît  de  monde  poumit  l'être  alors  • 

Il  se  passe  encore  quelque  chose  d* analogue  au^ 
jourdhui;  mais  ce  nest  plus  seulement  en  figure 
que  le  duel  se  montre  sur  notre  scène  politique, 
c'est  en  toute  réalité  ;  c'est  ce  duel  du  mojen  âge 
que  vous  avez  si  bien  esquissé  dans  nos  localités  > 
c'est  la  Force  érigée  en  sjstème  et  reconnue  pour 
arbitre  du  dmit  en  politique,  comme  elle  l'était  aux" 
temps  de  la  barbarie  dans  les  procès.  François  /.""> 
dans  son  fameux  caitel  à  Charles- Quint,  a-dit  que 
le  combat  était  la  fin  de  toutes  les  écritures.  j4u^ 
jourd'hui  il  semble  l'être  aussi  de  tœis  les  discours. 
Il  y  a  deux  ans,  à  la  chue  où  je  vous  écris  cette 
lettre,  à-peu-près  à  pareil  jour,  le  duel  faillit  s'or^ 
ganiser  à  Paris  sur  une  très^rande  échelle*  Il  ne 
s'agissait  de  rien  moins  que  d'un  combat  général 
entre  tous  les  journalistes  de  la  capitale.  Un  mou-^ 
vcmcnt  progressif,  imprimé  en  arrière ,  nous  avait 
Jait  revenir  aux  combats  des  Sept,  des  Douze,  des 
Trente,  des  Cent  contre  Cent....  Il  ne  manquait 
plus  dans  la  lice  que  les  Barbazan  et  les  Beauma^ 
noir.  Une  nouvelle  soif  de  sang  semblait  se  ral^ 
huner.  Mais  sila  partie  s'était  faite ,  tout  celui  des 


I 


'a 

rombaJIans  n'aurait  pas  sttjfi  pour  l'apaiser,  «C 
çuritpir  nomvnii  Tenteniac  ne  svraît  bien  vain»' 
tHfnt  reric  dans  cette  terrible  lutte  ■•  Boîs  Iwn  san^, 
lo  n'auras  plus  soif  ! 

O  spectaclf,  je  t'ctioue,  m'a  frappé.  Je  me  suit 
mil  il  pro  fondement  réfléchir  sur  ce  noui-cau  sjmp-  ' 
tàme  de  notre  crise  sociale;  je  me  suis  i-essom-erm 
de  votre  lettre  de  1829 ,  je  me  suis  dit  ■•  «  L'autevT 
a  eu  sans  doute  quelijue  tnoùf  particulier  pour 
mettre  ainsi  son  Livre  tous  le  patronage  de  mon 
obtcurilé;  c'est  peut-être  un  tii>pel  «/ait  m'oulu  me 
faire.  Eh  bien,  le  temps  est  T'ciiud'jy  répondre;» 
Et  cr  fui  alors  que  je  me  suis ,  trop  aveuglement 
peut-être,  précipité  dans  cette  lice  que  vous-mcmo 
m'ai^vz  OM-erle,  et  oit  il  faut  bien  que  vous  von- 
seniicz  à  me  servir  de  parraia. 

Je  M  arrêtai  d  abord  à  une  simple  notice  qui, 
dans  la  même  année,  fui  présentée,  sous  vos  aus- 
piics,  à  la  Société  savante  tjuc  vous  présidez,  et 
honorée  par  elle  de  la  palme  académique. 

Cet  eticouragement  et  vos  pressantes  eoclior^ 
lotions,  m'engagéivat  à  étendre  cet  essai  jusqu'aux 
pnportions  historiques.  VenUepiise  était  hardie, 
témérairv  même.  Il  fallait  descendre  dans  les  pi^j- 
fondeurs  de  l'histoitv,  interroger  une  Joule  de  chro- 
niques, recueillir  ime  multitude  défaits,  en  faîrv 
uti  choix  jutlicicux ,  tes  coordonner  dans  un  oïdie 
logique,  les  soumetfif  à  une  disposition  ratiotmcilc. 


^ 


enjùi,  en  composer  une  espèce  de  mosaïque  rcpro-' 
duiscuit,  dans  la  variélé  de  ses  émaux  et  de  ses 
avives  couleurs ,  toutes  les  configurations  si  variées 
et  si  pittoresques  que  présente  chaque  époque  de 
l'histoire  morale  de  notre  pays» 

J'ai  plus  (Tune  fois  senti  défaillir  mon  courage 
devront  les  difficultés  d'une  telle  entreprise*  Que 
coulez-vous  ?n..^ 

De9  veilles ,  des  travaux  im  faible  coçur  s^élomie.* 

Je  n'ai  pas  non  plus ,  comme  vous,  blanchi  dans 
les  études  laborieuses  de  la  science  archéologique  ; 
mon  front  n^est  pas,  comme  le  vôtre j  couvert  de 
cette  noble  poussière*...  J'étais  loin  d'ailleurs  en 
prenant  la  phime ,  d'em^isager  toute  l'étendue  de 
mon  sujet.  J'aidais  quelque  peine ,  en  commençant , 
à  me  rendre  compte  de  tout  ce  qui  devrait  entrer 
dans  le  plan  d* un  pareil  ouvrage,  et  des  immenses 
lectures  qu'exigeait  son  exécution.  Je  croyais 
n'avoir  à  rédiger  qu'un  simple  recueil  d'anecdotes 
qui  n'aurait  satisfait  au  plus  qu'une  vaine  curiosité. 
Mais  à  mesuf^  que  f avançais ,  foi  vu  le  tlième 
historique  y  que  je  croyais  d'abord  pouvoir  ren^ 
fermer  dans  les  bornes  d^un  seul  volume,  grandir 
et  s'étendre  sous  ma  plume»  J'ai  comptis  l'étroite 

♦  J.  B,  Rousseau.  Od,  l.«  Liy.  III^ 


I 


I 


cotinejfitê  du  Duel  at-ei:  une  Joule  d'auVes  insU~ 
liilioii.*  fjui  lui  savent  de  cortège  et  d'u/r/jui;  fa 
fiu  distinguer  toutes  tes  inmijiititioiis  de  ce  vieux 
pir/ugé  du  point  d'honneur  si  profondément  en- 
raciné dam  nos  mœurs  et  îi  vainement  combattu 
jiar  nos  lois.  J'ai  reconnu  ses  rapports  sympa- 
thiques avec  tant  d'autres  préjugés  analogues 
les  diverses  contrées  du  monde  et  notamment  dfi  I 
l'Eurt^. 

Il  ne  s'agirait  donc  de  rien  moins ,  pour  traiter  ] 
d'une  manière  complète  un  sujet  ainsi  ei^'isagé^  | 
ç«e  de  composer  une  histoire  universelle  de  la  j 
morale  et  de  la  police  des  différens  peuples.  iHaii 
je  n'ai  eu  ni  la  volonté  ni  le  pouvoir  dedonuerà 
mon  travail  des  proportions  aussi  giganu-squet. 
Aujourd'hui,  les  ouvrages  étendus  font  peur  aux 
écrivains  ,  comme  aux  lecteurs.  Nos  moniens  sont 
trop  courts  pour  lire  ou  écrire  long-temps ,  et  nos 
préoccupations  trop  fortes  pour  supporter  de  telles 
distractions.  J'ai  foit  ensortc  de  compléter  le  la- 
bUau  pour  ce  qui  concerne  la  France  ;  le  coloris 
en  est  beaucoup  plus  faible  pour  les  autres  divisions 
territoriales  de  l'Europe,  et  je  n'ai  tracé  qu'une 
simple  esquisse  pour  les  autres  parties  du  Monde. 

J'ai  eu  te  bonheur  d'être  soutenu  dans  celte  tdc/ie 
difficile  par  la  bienveillante  coopération  de  véri- 
tahlcî  zélateurs  des  lettres.  Je  dois  citer  en  pivmièie 


ligne  Mn  Jullien  (de  Paris)  et  M.  le  marquis  de 
Fonia  d'Urban^  noms  chers  à  la  science  autant 
quà  leurs  nombreux  amis. 

De  tous  les  sennces  qui  m'ont  été  rendus,  les  plus 
précieux  sont  ceux  que  je  dois  aux  sa^^ans  étran-^ 
gers  qui  ont  dirigé  mes  pas  incertains  dans  des 
sentiers  inconnus  pour  moi.  Par  eux ,  m'ont  été 
ouv^erts  les  inestimables  trésors  des  lois,  des  mœurs, 
des  usages  et  des  anciennes  chroniques  de  diverses 
contrées  célèbres,  au  nombre  desquelles  sont  celles 
qui  passent  pour  Oi^oir  été  le  berceau  du  DueL 

Je  suis  heureux  et  fier  de  citer  en  particulier  les 
noms  de  l'illustre  Polonais  Ldewel,  du  docteur 
Gans  de  Berlin,  de  M%  Reyphins ,  ancien  pt^ 
sident  de  la  seconde  Chambre  des  Etats-géfiéraux 
des  Pays-Bas,  de  M.  le  comte  de  Sellon,  fondateur 
de  la  société  de  la  paix  universelle  à  Genèv^e,  et 
de  M*  Guillaume  Préink,  savant  magistrat  de  la 
même  wlle*.  L'autorisation,  que  m'ont  donnée  ces 
hommes  distingués  de  les  nommer  ici,  est  bien 
moins  un  moyen  pour  moi  de  m'acquitter  enx^ers 


*  Je  dois  à  M,  Bruneau,  as^ocal,  lùiérateur  instruit  et  bien- 
veillant, d'avoir  été  mis  en  rapport  avec  MAI,  le  docteur  Gans 
de  Berlin ,  et  Prévôt  de  Genève.  M^  Duplessis ,  reclettr  de  l'aca- 
démie de  Vouai,  a  bien  voulu  m' aider  aussi  de  sa  Judicieuse 
critii^u!  et  de  sa  vaste  érudition.  Enjîn,  je  n'ai  eu  qu'âme  louer 
du  zèle  et  de  l'obligeance  de  MM,  les  bibliothécaires  de  Cambial 
et  de  Saint' Orner ^ 


■Vtj 


ma  reconnaissance. 


r  celle  liste  tle 


liant  , 


I! 

r 
p 

I. 


,  fu  un  nouveau  nu-e  t 
/'(MU  t'Ojez,  mon  cher  ami ,  que  s\ 
bons  offices,  votre  nom  ne  saurait  s 
meilleure  compagnie. 

C'est    assurément  là  un    passeport   i 

\  besoin,  pour  son  livre,  un  auteur  qui  porte  un  nom 

WtptaUmenl  inconnu  tiatts  la  republique  des  lettres. 

Ce  sera  sa  principale  ivcoinmandation  ;  car  il  ne 

p&ut  compter  sur  celle  d'aucune  cole/ie  litlératre  ou 

polititjue. 


Ce  livra,  en  effet,  n'estpas  une  œuvre  de  parti  ^ 
is  de  conscience  i  ce  n'estpas  u/ie  spéculation  de 
libraire  qui  offre  à  l'acheteur  moins  de  tcjrte  que  de 
ftapier,  ou  qui  suipreiid  sa  bonne  foi  par  le  chai- 
talanisme  d'un  titre.  Si  c'est  une  œuvre  de  circons- 
tance, ce  n'eut  pas  parce  qu'elleJlaUe  les  passiona 
contemporaines ,  mais  paive  qu'elle  exprime  un 
frcjoùi  tle  l'époque  ;  parce  qu''eileJ'ormtde  des  voeux 
qui  sont  au  fonds  de  tous  les  cœurs,  parce  quelle 
Uttd  a  rendre  enpn  applicables  ces  théories  de  paix, 
de  conciliation  et  d'humanité,  sans  lesquelles  il  n'y 
aura  jamais  de  bases  solides  pour  les  soriétàs  et  les 
gpawmemens. 

Jlparail  d'ailleurs  ,  et  vous  êtes  de  cet  avis,  qu'il 
n'ejL-iste pas  encore  de  vérilable  liisloire  des  Duels. 
On  assure  que  ce  sujet,  qui,  depuis  si  long-temps , 
joue  un  rote  dans  tous  les  h'rrcs  et  un  plus  grand 


encore  dans  tous  les  èx^énemens  d'une  vie  humaine, 
n^a  jamais  été  imité  d'une  manière  générale.  Si  cet 
ouvrage  peut  aspirer  à  F  honneur  de  remplir  une  telle 
lacune,  ce  sera  sans  doute  un  mérite  assez  rat*e 
dans  un  siècle  où,  dit-on,  H^njr  a  plus  rien  de  nou-^ 
veau,  dans  ces  jours  de  nudaise  et  d'ennui  oit 
Von  voit  se  reproduire  sous  toutes  les  formes  , 
^épuisement  et  la  satiété • 

J'ose  encore,  mon  cher  ami,  ni  abriter  de  la 
palme  glorieuse  qui  m'a  été  décernée,  sous  voiœ 
sacerdoce,  dans  un  des  temples  les  plus  célèbres 
élevés  en  province  au  Génie  des  Sciences  et  des 
Lettres»  Puisse -t-eUe  être  pour  moi,  au  sévère 
tribunal  du  public  ,  le  rameau  d'or  de  l'Enéide  ! 

Recevez,  mon  excellent  ami,  le  nouivel  hontn 
mage  de  mes  sentimens  les  plus  affectueux  et  les 
fdus  reconncUssans. 


tToxioex^viçc  de  Oouipiaueiilïe^  • 


Douai,  le  21  février  1835. 


HISTOIKE 


DES  DUELS 


ANCIENS  ET  MODERNES. 


INTRODUCTION. 


Plan  de  Touvrage. 


An  10.*  siècle ,  dans  la  partie  du  monde  la  plus 
civilisée  ,  et  en  particulier  chez  un  peuple  qui 
revendique  le  premier  rang  parmi  les  autres ,  pour 
la  sagesse  de  ses  institutions ,  la  rectitude  et  la 
délicatesse  de  son  esprit ,  la  douceur  et  Turbanilé 
de  ses  mœurs ,   règne  encore  un  préjugé  fatal , 

1 


2  •^HISTOIRE  DES  DtELS.— 

une  mocle  féroce ,  triste  legs  de  Timlique  barbarie  ; 
que  la  religion ,  que  la  philosophie  combattent 
en  vain  depuis  sa  naissance  ;  dont  Tinjustice ,  dont 
Vabsurdilé  sont  généralement  avouées,  mais  dont 
Tempire  n^en  est  pas  moins  absolu  ;  qui  brave  ou 
élude  Fautorité  des  lois ,  qui  commande  à  tous 
les  âges ,  qui  subjugue  toutes  les  conditions  ;  ce 
préjugé  c^est  le  point  d'honneur,  cette  mode  c^est 
le  Duu.> 

Tout  a  été  dit  contre  le  duel  en  religion  ,  en 
pliilosophie ,  en  morale.  S^il  u^est  personne  peut 
être  qui  n^aft  été  convaincu ,  de  combien  de  gens 
pourrait-on  dire  qu^ils  sont  réellement  convertis? 
En  théorie,  qui  songe  à  justifier  le  duel?  Mais  aussi 
en  pratique  ^  qui  ne  se  fait  un  mérite  de  Tavouer  ? 
Gesi  donc  un  monstre  en  paroles  et  une  divinité 
en  actions.  Attaquer  cette  inconséquence  ,  en 
démontrer  le  néant  et  la  folie  ;  désabuser  ainsi 
Topinion  d'un  préjugé  funeste  ,  le  fléau  des  Etats , 
Teffroi  des  familles  et  Topprubre  de  la  civilisation  ; 
ce  serait ,  je  crois ,  bien  mériter  des  mœurs  pu* 
blxques  et  de  Phumanité.  Mais  qui  pourrait  se  flatter 
d'y  parvenir ,  quand  les  plus  célèbres  moralistes 
Pont  essayé  en  vain  P  II  ne  peut  donc  s^agir  au^ 
jourdliui  ni  de  reproduire  des  traits  d'éloc[uence 
ou  de  logique  qui  sont  dans  toutes  les  bouches, 


— rsTRODrcTfoif.—  8 

ni  de  refaire  des  livres  qui  sont  dans  toutes  les 
bibliotlièqnes.  D'ailleurs ,  par  le  temi>s  qui  court , 
les  traités  de  morale  ont  assez  peii  de  faveur. 
Les  compilations  encore  moins. 

Aussi  n^est-ce  pas  Tinutile  censure,  mais  Tliistoire 
du  duel  cpie  je  me  hasarde  de  présenter  ici.  J^en 
rechercherai  Torigine ,  j^en  suivrai  les  progrès ,  j^en 
indiquerai  les  phases  diverses  dans  nos  annales 
nationales  et  dans  celles  des  principaux  peuples, 
l'jifin  j^essnierai  d^en  fixer  Pétat  actuel  dans  cette 
sorte  de  statistique  générale.  On  se  rendra  compte 
ainsi  de  ce  que  c^est  que  le  duel  ;  on  le  jugera 
froidement  avec  les  pièces  du  procès  sous  les  veux , 
et  en  présence  d'une  nombreuse  série  de  faits  tant 
anciens  que  contemporains. 


CHAPITRE  PREMIER. 


Péfinition  du  duel.  —  Défis  et  combats  singuliers  à 
la  guerre  chez  les  anciens  et  les  modernes.  —  Ren- 
contres fortuites.  —  Rixes  armées.  —  Différences 
avec  le  duel  proprement  dit. 


Jb  n^appelle  pas  duel  toute  espèce  de  combat 
singulier.  Je  ne  considère  comme  tel  ici  que  raction 
de  prendre  les  armes  pour  arbitres  d^une  querelle 
priyée ,  dans  une  rencontre  préméditée  de  part  et 
d^autre. 

L'histoire  ancienne  comme  Thistoire  moderne 
nous  a  légué  le  souvenir  de  combats  singuliers  plus 
ou  moins  fameux  ;  mais  ce  n'étaient  que  des  épi- 
sodes de  guerres  générales  de  peuples  à  peuples, 
et  ces  combats  avaient  souvent  pour  objet  de  les 
prévenir  ou  de  les  terminer. 

Aux  temps  héroïques  on  connaît  le  combat 
d'Achille  et  d'Hector ,  celui  de  Tumus  et  d'Enée , 
celui  d'Etéocle  et  de  Polynice ,  frères  jumeaux 
qui  se  disputaient  le  trône  de  Thèbes. 


I 


Dons  la  bible  qn  rcman^ue  le  combat  de  David 
tl  de  Goliath. 

L'histoire  romaine  nous  olîre  ceux  des  Iloraccs 
et  des  Curiaces ,  de  Manlius  et  de  Valeriiis  Corvus 
contre  des  chefs  Gaulois  (I)  ;  de  Se  i  pi  on  ,  de 
Marceilus ,  de  Slatilîijs  couli'c  d'autres  chciâ  eu- 
uemis  (2). 

L'histoire  grecque  nous  a  aussi  conservé  le  récit 
du  combat  de  Pi ttac us,  chef  desMylilénicns,  contre 
PhriuoD,  chef  des  AlhéiùeDS.  Pittacus  avait  caché 
SUU8  son  bouclier  un  filet  qu'il  jeta  à  la  iàie  de 
sou  adversaire ,  dont  il  eut  ainsi  bon  marché.  Cette 
ruse  envers  un  ennemi  n'a  point  paru  déloyale 
selon  le  droit  des  gens  d'alura  (3)  ;  et  n'a  pas 
etniH.'cbé  Pittacus  d'èti:e  uo  des  sept  Sages  de  la 
Grèce. 

On  peut  ranger  dans  la  même  catégorie  divers 
traits  du  même  genre  de  notre  liistoirc  moderne  ; 
Icb  que  le  fameux  combat  des  Trcnie,  et  celui  qui 
«it  lieu  aous  Charles  VI  entre  sept  français  et  si-pt 
an^is ,  ayant  k  leur  léte  Arnaud  de  Ikrbazan  el  le 
chevalier  de  l'Escale  (4) , 


Il  parait  que  jamais  on  ne  se  fil  u»  point  d'hon- 
neur d'accepter  ou  de  refuser  de  pareil»  combats. 

Melellus  défié  en  Espagitc  par  SertnriuR,  Antr^ 
gone  par  Pyrrhus,  et  Auguste  Césiir  par  Marc- 


6  —HISTOIRE  DES  DOEI^S.— 

'Antoine  se  contentèrent  de  répondre  qu'ils  n'étaient 
pas  encore  las  de  vivre  (5). 

Marins  fit  à-peu-prés  la  même  réponse  à  un  chef 
Teuton,  en  ajoutant  que,  si  lui  s'ennuyait  de  la 
▼ie ,  il  pouvait  s'aller  pendre  (6) . 

Edouard  III,  roi  d'Angleterre,  provoqua  Phi- 
lippe de  Valois  qui  lui  répondit  qu'un  souverain 
ne  se  battait  pas  avec  son  vassal.  Plus  tard  le  sort 
des  armes  ayant  été  favorable  à  Edouard ,  Philippe 
voulut  relever  le  cartel  ;  mais  l'autre  à  son  tour 
lui  fit  répondre  qu'il  n'entendait  pas  compromettre, 
dans  les  chances  d'un  duel ,  (es  fruits  d'une  vic- 
toire (7), 

Ghristiem  IV,  roi  de  Danemarck ,  répondit  à  un 
défi  de  Charles  IX ,  roi  de  Suéde ,  qu'il  prit  de 
Tellebore.  C'est  le  Nax^igetAnticyram  d'Horace  (8), 

Charles  Gustave  ,  roi  de  Suéde  ,  répondit  à  up 
pareil  défi  de  Frédéric,  roi  de  Danemarck,  que 
les  rois  ne  se  battaient  qu'en  bonne  compagnie  (9). 

Dans  le  cartel  quç  François  I.*' ,  roi  de  France , 
adressa  à  Charles-Quint ,  il  eut  beau  lui  dire  qu'il  en 
awUt  menki  par  la  goi^e,  le  flegme  du  monarque 
Castillan  ne  s'en  émut  en  aucune  façon  (10). 

Turenne  ne  se  crut  pas  obligé  de  se  mesurer 
avec  Téleci^ur  Palatin  du  Rhin ,  qui  lui  demandait 
raison  de  l'incendie  de  ses  États  (11), 


Nftpoléon  recul  aussi  im  r;irltl  du  roi  de  Suédt;, 
GuitUve  IV,  el  il  u'ciilil  que  rire  (12). 

Ainsi  rliei  les  peuples  anncnK  et  modernes  on 
a  toujours  cru  pouvoir ,  sans  rougir ,  refuser  de 
K  meattrer  seul  ^  ^ut  avec  un  ctmctni ,  et  pourtant 
de  nos  jours  cucore  on  se  croirnil  perdu  d'iiuimeur, 
ii  pour  la  moindre  oflense  on  ti^iaîlait  à  se  couper 
la  gorge  avec  un  a 

Noua  ne  pouvons  encore  donner  le  nom  de  dUcl 
i  ixs   eon^aU   impK-vus    qui   surviennent   dans 

!  rencontre  fortuite,  suèkô  surf^unle  rixâ.  Ces 

>  peuvent  se  lermincr  pur  dca  blcH^ures  ou  des 

neurtres  ordinaires,  que  les  lois  de  police  de  tous 

les  fieuitles   réi>riment  h  -  peu  -  prés  de  la  m^me 

C^est  ainsi  qu'CEtUpe  tua ,  sans  le  cerutaltre ,  aon 
père  Laïus  : 

OsiLnt\\à  disputer  Anm  un  étroit  p.iKitn^e 
Oea  veiMS  honneurs  du  p.t^  le  frivole  avimUigc. 


C*Mt  ainsi  que  Milon ,  ayant  dans  une  pareille 
tcocortre  tué  Clodîus,  dut  se  rL-»oudrc,  malgré 
IVloqucBce  de  Cîcéron ,  i  aller  cspier  à  Marseille 
ce  meurtre  d'un  citoyen  romain. 

CNst  ainsi  enfin  qu'au  tAmoignngc  de  Oiodorc 


8  —  HISTOIRE   DES  DUELS.  — 

de  Sicile ,  de  Slrabon ,  d^Alliénée  et  de  Romus , 
en  usaient  entr^eux  les  anciens  Gaulois ,  dont  les 
festins  et  les  parties  de  plaisir  se  terminaient  sou* 
vent  par  des  rixes  sanglantes  (13).  Cet  esprit  se 
conserva  dans  les  guerres  privées  du  moyen  âge 
et  dans  ces  actes  de  violence  si  frëquens  alors  entre 
les  seigneurs  français ,  et  dont  on  trouve  encore 
plus  d*mi  exemple  dans  les  siècles  suivans  (14i)* 

Cest  là  sans  doute  ce  qui  a  pu  faire  croire  à 
quelques  auteurs  que  le  duel  était  connu  et  pra- 
tiqué des  Gaulois  avant  Tinvasion  des  Romains  (16) . 
Mais  s^il  en  avait  pu  être  ainsi  dans  ces  siècles  ref- 
oulés qui  échappent  aux  investigations  historiques) 
il  est  certain  qu^il  n'en  restait  plus  de  traces  au 
temps  de  César.  Autrement  un  trait  de  mœurs  aussi 
remarquable  aurait-il  pu  se  dérober  à  Tattention 
du  conquérant  des  Gaules  y  historien  non  moins 
fidèle  quMiabile  guerrier ,  et  qui  s^est  assuré ,  dans 
ses  immortels  commentaires  ,  une  gloire  bien  plus 
réelle  par  sa  plume  que  par  son  épée  ?    .       , 

Tout  cela  n^est  donc  pas  le  duel ,  tel  que  nous 
Tavons  défini  en  tête  de  ce  chapitre.  Nous  verrons 
au  chapitre  suivant  s'il  en  a  existé  quelques  traces 
dans  les  institutions  de  Tantiquité. 


CHAPITRE 


I    Ilf  r.irili(}iiilû  ri;lalivenic»t  nu  duel.  —  Tuiiips  hcrob^  J 
ijiici. —  Histoire  gretvjuc  et  i-()iu:»iiie. —  Peuple  juif,  ■ 


Oa  a  dit  souvenl  que  les  nncicns  n'«Taieiil  pu  < 
coonu  le  duel.  On  peut  alTirmcr   nvec  ccrtiludi 
qu'ils  ne  l'ont  pas  mcme  soupçonné.  Jamais  ei 
effet,  vérité  historique  n'&  été  établie  par  des  Tnitv  I 
ph»  coDcluans  ,  par  des  liTii-mples  plus  dccisib.^ 
Il  me  sufUra  d'en  reproduire  ici  quelques-uns, 
choisis  dans  les  diverses  époques  des  annales  do<1 
J'autiquUé. 

Homère  a  immortalisé  la  querelle  d'Ailiille  et] 
d'A^roemnon ,  pour  la  captive  Briséis.  C'eût  été 
de  nos  jours  un  beau  sujet  de  duel.  Le  bouillant 
Auliillc  ne  songea  qu'il  s'enfermer  dans  sa  lenle ,  où 
il  eut  boudé  long-temps  peut-éVre ,  s'il  n'avait  eu  à 
venger  La  mort  de  son  ami  Patrode. 

Bientùl  après  le  vainqueur  d'Ileetor  succombe 
lui-même  sous  les  coups  du  berper  Paris.  Deux 
eliefs  grecs  se  disputent  ses  arme»,  La  ruse  d'Uljsse 
ronporte  dans  le  conseil  de  l'armée  sur  la  bra- 
voure d'AJBx.  Celui-ci  furieux  s'en  prcmlii  uu 


10  -e-  HISTOIRE  DES  DUELS.  -« 

innocent  troupeau ,  sur  lequel  it  se  jette  Tépèe  à 
la  main  ;  puis  il  finit  par  la  tourner  contre  lui- 
inéme  (16).  Les  anciens  connurent  de  bonne  heure 

• 

le  suicide ,  s^ils  n^eurent  jamais  Tidèe  du  duel  (17) . 

Frappe  mais  écoute;  telle  fut  la  réponse  de 
Thémistocle ,  chef  des  Athéniens ,  à  Eurybiade  , 
chef  de  la  flotte  de  Lacédémone ,  qui ,  dans  un 
conseil,  s^oublia  jusqu^à  leyer  le  bâton  sur  lui. 
Eurybiade  écouta ,  et  Tavi»  du  jeune  Thémistocle 
ayant  préralu ,  la  victoire  dç  Sahmine  fut  le  fruit 
de  sa  modération  (18). 

n  parait  que  les  coups  de  bAtoa  étaient  de  mode 
alors  chez  les  Grecs.  Lycurgue  en  souffiril  un  \rè^ 
patiemment,  quoiqu^il  lui  e<^t  coAké  un  oeil. 

Mêmes  témoignages  dans  Phisloire  romaine.  Julea 
César  ne  s^avisa  point  de  demander  raison  à  Caton 
des  apostrophe»  qui  lui  fuurent  adressées  en  plein 
Sénat ,  sur  sa  secrète  complicité  ayec  Calilina. 

Quoique  le  même  Caton  dût  regarder  comme 
des  personnalités  les  sarcasoiea  de  Gicéron  contre 
les  Stoïciens  dans  sa  harangue  pour  Muréna ,  il  se 
contenta  de  dire ,  après  Tavoir  enieuduQ  :  Nous 
€Ufons-là  un  bien  plaisant  consuU 

L^illustre  auteur  des  philippiques  périt  assas- 
siné ;  mais  ce  fut  par  les  ordres  et  non  par  Tépéc 
d'Antoine. 


I 

I 


-ClàPIlttE    II.-  II 

ngrîppa,  l'uM  lies  prciniets  Ik-iilenniis  d'Aiiguslc, 

iiffril  patiemmeiil  i|ue  le  fils  de  Cîcérun  lui  jelàt 
lasse  à  la  ti'lc  duiis  un  repas.  Il  parait  que 
(-fin  arrivait  encore  assez  souycïiI  parmi  les  gens 
de  la  meilleure  compagnie.  On  se  coiilenlait  de 
riposter  de  la  même  manière.  Le  pacificjue  Horace 
rn  prit  l'itlanne  h  tel  point ,  tju'il  composa  une  ode 
Imd  exprès  contre  un  usage  aussi  choquant  pour 
un  dnciple  d'Epicurc  (10). 

GèMT ,  dans  ses  commentaires ,  prend  plaisir  k 
r»cooter  commenl  s'y  prirent  deux  de  ses  plus 
brsret  cenlurions,  PuUio  clVarcnus,  pour  vider 
des  querelles  anciennes  et  sans  cesse  renaissantes 
eatr'eux.  Ils  convinrent  de  se  jeler  eiioemble  liie 
baûsée  dans  lea  rangs  des  Nervicn» ,  où  ils  firent  k 
Pettvî  des  prodiges  de  valeur  (^) . 

Tite-Live  raconte  le  combat  qui  eut  lieu  en  pré- 
sence de  Scipion  ,  entre  deux  Espa^^uls  ,  Ircs- 
procbes  parens,  nommés  Orsua  et  Curbis ,  qui  ae 
disputaient  la  principauté  de  leur  province.  Scipion 
fil  de  vains  efforts  pour  les  engager  à  accepter  sa 
mMîalioD.  Ifon  non,  dirent-ils,  nous  ne  voulons 
recoanaitre  d'autres  juges  ^uc  le  dieu  Mars  cl  nos 
cpécs  (21).  Ce  combat  rappelle  celui  d'Etéocle  et 
4e  Polynicc  ;  ce  ne  fut  pas  un  véritable  duel. 

On  ne  Irouvc  {>as  plus  de  traces  du  duel  dans 


12  ^HISTOIRE  DES  DUELS.— 

riiisloire  du  peuple  juif,  le  plus  ancien  de  tous, 
que  dans  celle  des  Grecs  et  des  Romains. 

Quelques  vieux  auteurs  qui  se  sont  occupés  des 
duels  ont  prétendu  en  faire  remonter  Forigine  jua- 
qu^aux  premiers  âges  du  monde.  On  a  même  élé 
jusqu^à  décorer  de  ce  nom  Fassasaînat  d'Âbd  p«r 
Caîn.  Quoique  cette  oinnion  ait  été  partagée  par 
Basalte  ,  écrivain  de  mérite  (22)  >  on  ne  sait  trop 
sur  quoi  elle  pourrait  reposer  ;  car  le  texte  de  la 
Généae  n^a  rien  qui  la  rende  même  plausible  (23). 

CbcA  les  Juib ,  la  ressource  généralement  usilée 
pour  se  débarrasser  d\m  ennemi ,  était  le  meurtre. 
Le  précepte  du  décalogue,  nom  ocddes,  ne  s^aiq;»li- 
quait,  comme  la  prohibition  de  Tusure^  qpi^aux 
Jiûfs  entr^eux.  Quant  aux  étrangers,  il» étaient  hors 
la  loi  à  leur  égard,  et  tout  moyen  de  s'en  débire 
était  bon  et  licite.  C^est  ainsi  que  Moïse  tua  un 
Egyptien  qui  maltraitait  un  de  ses  compatriote», 
après  avoir  toutefois  regardé  autour  de  lui,  s'il 
B^était  vu  de  personne  (24) .  Les  femmes  mêmes  se 
signalaient  par  la  ruse ,  k  débuit  de  la  force,  contre 
les  ennemis  de  la  nation.  La  conduite  de  Jahd 
envers  Sîsara,  et  de  Judith  envers  Uolopheme^  sont 
des  traits  caractéristiques  (26). 

La  bible  noua  a  cependant  conservé  le  récit  d^ 
taillé  d^un  combat  singulier  très-mémorable  entre 
David  et  le  géant  GoUatli. 


-cnipiTBE  rr. - 


13 


I 


Galïalti  ^it  un  guerrier  pliilislin  ,  qui ,  d'apréa 
le  lexlc  sacré ,  nvait  une  taille  de  six  coudées  et 
une  paume ,  environ  douze  pieds  el  demi.  Le  Livre 
des  hois  donne  la  description  de  son  armure.  Sa 
cuirasse  pesait  5,000  sidea ,  1 50  livres  ;  et  d'après 
le  calcul  d'Hostius ,  le  poids  de  toutes  ses  armer 
réunies  ne  de^'ait  pas  être  moindre  de  272  livres.' 
Fendant  40  jours ,  ce  fier  ennemi  sYlail  ])rê3enlEl  ' 
MIS  avanl-posteg  israëlHes  peur  défier  le  plus  brave" 
d'cntr'eux ,  de  ae  mesurer  avec  lot  en  mmbat  sin-' 
pidier.  Aucun  preux  du  camp  de  Saûl  n'avait  os£ 
»e  présenter  pour  répondre  au  défi-  Mais  David 
alors  simple  pâtre ,  se  trouvant  au  camp  par  hasard, 
9t  préaenLa  devant  Goliath  qui,  le  voyant  armé  d''un 
bAloa  ,  lui  demanda  ironiquement  s'il  le  prenait 
pour  un  chien.  Le  géant  ne  remarquait  pas  que 
•on  chètif  adversaire  avait  en  même  temps  une 
fronde ,  arme  terrible  et  sûre  ,  entre  des  mains 
exercées  comme  celles  d'un  p.'ilre.  David  avait  en 
outre  mis  dans  son  sac  de  berger  cinq  ctiilloux 
du  plus  beau  poli,  dit  l'Ecriture ,  et  choisis  par 
lui  dans  le  torrent,  il  se  donna  bien  de  garde  de 
se  placer  t  portée  de  la  hallebarde  du  Philistin , 
dont  le  fer  seul  pesait  20  livres.  A  peine  ce  dernier 
s'étail-îl  levé  pour  s'avancer  au  devant  de  David, 
qu'il  avait  déjà  reçu  au  milieu  du  front  une  pierre 
qui  s'y  fixa.  La  force  du  coup  fui  émie  à  l'adresse."" 


14  —  RfSTOItC  DBS  VVEtU-^ 

Le  prix  de  la  victoire  devait  être  la  maio  de  Mérob , 
fille  de  Saûl  ;  mais  David  n^en  retira  y  comme  on 
sait ,  d^autre  fruit  que  la  haine  et  la  jakNisie  du 
roi  (26). 

Ainâ ,  dans  ce  combat  nngulâer ,  G<^th  n^eut 
d^autre  avantage  que  celui  de  la  taille  ;  celui  bien 
autrement  décisif  des  armes  q^partenait  à  David. 
Du  reste,  comme  Ton  a  vu  au  chapitre  précédent , 
ce  trait  fut  une  rencontre  à  la  guerre  et  non  pas 
un  véritable  duel. 


CHAPITRE    III 


iniques.  —  Lullc.  —  Pugllnt. 
du  cirque,  —  Kulle  trace  du  iluol. 


Les  anciens  avak'nl  des 
sfireul  rimage  du  duel  ;  n 


publics  qui 
n'étaient  que' 
du  jeux  ,  quoiqu'ils  se  terminassent  quelquefois 
d'une  roamére  tragique.  Tels  Turent  la  lutle  ,  com- 
bat corps  à  corps,  et  te  pugilat,  combat  au  poing 
nud  ou  armé. 

L'Entide  (  Ut.  V)  contient  la  description  d'un 
combat  ui  cette ,  entre  Entelle  et  Darés ,  qui  bien 
que  Tabulcui ,  indique  assez  comment  cela  k  ]>as3aît 
dans  les  combats  réels   (27) . 

On  trouve  dans  la  phipait  des  historiens  grecs 
el  romains,  des  descriptions  fort  curieuses  de  cesi 
diven  genres  de  combats,  qui  fcsaient  partie  obligée' 
du  programme  des  jeux  olympiques.  On  connaît 
ce  (rail  d'une  mère,  qui  mourut  de  joie  en  cm-' 
brassant  son  Bis,  au  moment  où  il  venait  déposer' 
fttespieds  la  couronne  de  laurier  qu'il  avait  obtenue' 
^  l'un  de  ces  jeux . 

Nous  ne  copaaitaons  plus  dana  nos  terni»  )*ctriels< 


16  —  HISTOIRE  DES  OUEL8.  •• 

de  vestiges  de  ces  anciens  usages  qui  tenaient  une 
place  si  notable  dans  les  mœurs  antiques,  si  ce 
n^est  les  luttes  si  originales  des  boxeurs  anglais. 
Le  Box,  combat  à  coups  de  poings,  est  encore 
aujourd^Kui  le  duel  populaire  des  compatriotes  de 
John-BuU  (28). 

Les  exercices  gymniques  furent  empruntés  aux 
Grecs  par  les  Romains ,  dont  la  barbare  curiosité 
ne  se  contenta  pas  toujours  du  spectacle  quelque* 
fois  terrible  des  combats  du  ceste.  Bientôt  vinrent 
les  horribles  luttes  des  gladiateurs,  dont  on  fixe  la 
première  époque  ë  Pan  400  de  la  fondation  de 
Home.  Ces  combats  furent  d^abord  institués  pour 
célébrer  les  funérailles  ;  peut  -  être  par  suite  de 
Fantique  usage  d^honorer  les  cendres  des  morts 
par  des  sacrifices  humains  (20). 

Les  combats  de  gladiateurs  devinrent  progrès-^ 
aivement  en  grande  faveur  parmi  les  Romains.  Le 
plus  mince  patricien  ne  pouvait  mourir  conv^ia- 
blement ,  sans  avoir  réglé  cet  objet  par  testament. 
Bientôt  comme  de  raison ,  le  plus  obscur  pldl>éien 
prétendit  aussi  se  donner  des  gladiateurs.  Mais 
Tabus  de  ces  combats  fut  porté  à  son  comble  sous 
les  empereurs ,  où  ils  devinrent  de  grands  spec* 
tacles  et  firent  long -temps  les  délices  du  cirque.. 
A  cette  époque ,  c^était  un  besoin  général  pour 


—  cKAi'MHE  m.  —  17 

louirs  les  clossea  de  la  so<;iét^  romaiue.  C'est  ce 
que  Juvénal  a  rtsumé  si  l'-nergiquenieni  daiis  ces 
deux  muta  ',   Panent  et  ci/veiises. 

Cette  mode  ae  répandit  bientôt  de  Rome  dant   ' 
taules  les  proTÎnues.  Il  n'y  eut  presque  plus  de  ville, 
■D^me  du  dernier  ordre ,  qui  n'eut  son  cirque  et  | 
■es  combats  de  gladiateurs.  On  voyait  souvent  dans 
l'arène  de  sÎk  cents  jus<{u'ii  seize  cents  piiires  d(t  j 
comballana.  Trajau  donna  une  f^te  qui  dura  cent  I 
vingt  jours.  On  vit  paraître  dans  l'amplutliÉàtre  de 
Rome ,  cinq  mille  couples  de  gladiateurs ,  et  plu- 
sieurs milliers  de  bctes  K-roces.  JustcLipse  a  cnlculi  | 
'  que  dans  un  mois ,  plus  de  vingt  mille  homraM  | 
«vateol  été  muissonnl!^s  par  le  glaive  des  gladiateurs,  ' 
ou  la  deot  des  animaux.  Des  malheureux,  à  leur  ] 
dÈbul,  reculaient-ils  devant  Tépée  nue  qui  étincclaft  j 
k  leurs  yeux  novices  encore ,  des  esclaves  armés  de  1 
loucts  ou  de  barres  de  fer  rouge ,  les  excitaient  pai^  J 
derrière  et  les  poussaient  à  un  combat  ji  outrancâ.  i 

Les  immenses  tribunes  et  les  milliers  de  siÉg« 
de  l'amphitliéâtre  étaient  garnis  de  spectateurs.  Oa 
y  voyait  figurer  aux  divers  étages  et  selon  leurs 
rwiga ,  l'élite  du  palriciut  de  Rome ,  les  diverses 
dasMS  du  peuple  ,  des  femmes ,  des  cnfans  de  tout 
■esc  et  jusqu'aux  vestoles  elles  -  mêmes ,  voilées 
comme  les  odalisques  de  l'Orient.  Les  assistnns 
réunis  dans  ces  vasU-s  enceintes,  dont  quelques- 


18  «-mSTOIRB  DBS   DUELS.— 

unes  comme  le  cotisée  de  Rome ,  pouyaient  con^- 
lenir  jusqii^à  cent  mille  spectateurs ,  s^enivraient  à 
longs  traits  du  sang  yersé  s^èchappant  à  gros  bouil- 
ions  j  du  cliquetis  des  armes ,  des  hurl^mens  des 
bétes  j  des  cris  féroces  des  lutteurs  et  du  râle  des 
mouvans.  CeuxH^i  dcTtàent  tomber  -avec  grftce  et 
mourir  sans  fSEÛblesse.  L^amphithéâdre  retentissait 
alors  de  cris  de  joie  et  de  baltemens  de  mains ,  dont 
Tempereur  du  haut  de  son'trAne  donnait  le^gnal  ; 
et  un  Tafi(te  tonnerre  d^applaudissemens  roulant 
d^étage  en  étage ,  sur  les  gradins  de  Tenceinte  cîrcu^ 
laire ,  témoignait  à  la  victime  expirante  T^uguste 
satisfaction  du  Peuple-roi. 

Ce  peuple  capricieux  comme  toùl  ce  tf^  est 
puissant ,  n^épargnait  pas  son  superbe  mépris  aiul: 
instrumens  de  ses  plaisirs.  On  sait  avec  quel  dédain 
il  traitait  les  mimes ,  les  danseurs  ,  les  joueurs  de 
flûte  et  autres  altistes  qu^il  aimait  aussi  avec  passion. 
L^honneur  de  se  faire  tuer  pour  charmer  ses  loisirs 
^^appartenait  qu^aux  esclaves  ou  aux  condamnés. 
Spaitacus  était  un  gladiateur  originaire  de  Thrace. 
Prisonnier  des  Romains  et  condamné  par  eux  à  cet 
humiliant  emploi ,  il  brisa  ses  fers ,  se  mit  à  la  tête 
d'une  troupe  d^esclaves  fugitifs,  et  fut  long-^temps 
la  terreur  de  Rome. 

a  Les  duellistes ,  dit  Sully  ,  ressuscitent  le  vil 
métier  de  gladiateur,  et  sont  plus  méprisables  et 


k.  cnAPfTBte  m.  -«  10 

plus  redoutables  que  ceux  qui  ont  autrefois  porté 
ce  nom.  »  {^Mémoires,  liv.  XXII)% 


Ces  combats  des  anciens  )  ces  jeux ,  ces  spec* 
tacles,  ces  mœurs  féroces,  ces  habitudes  sangui-* 
naires,  tout  cela  était  horrible,  hideux  assurément  ; 
mais  rien  de  tout  cela  n^était  encore  le  duel.  Dans 
c:et  immense  cortège  de  crimes  et  de  barbaries  que 
nous  a  légué  Tantiquité ,  le  duel  seul  manque  à 
rappel. 


CHAPITRE    IV. 


Le  duel  institution  moderne.  -^  La  Germnnie  patrie 
du  duel.  —  Invasion  et  partage  des  Gaules  par  les 
Oenuains.^  Gonséq[uences  et  résultats^ 

Si  celle  manière  bisarre  et  cruelle  de  terminer 
les  différeiis  entre  citoyens  du  m^e  pays ,  a  été 
tout-à-faH  inconnue  des  anciens  ;  s^il  n^en  eiiste 
aucune  trace  dans  les  monumens  historiques  que 
nous  ont  laissés  les  Juifs ,  les  Grecs  et  les  Romains , 
il  faut  donc  que  le  duel  ne  soit  qu^une  institution 
moderne. 

Cette  conséquence  est  affligeante,  mais  elle  est 
sans  réplique.  Annoncerait -elle  que  les  partisans 
du  progrés  en  civilisation  ne  poursuivent  qu^une 
chimère?... 

Ce  n^est  que  dans  la  vaste  contrée  du  centre 
de  PEurope  appelée  la  Germanie ,  que  Ton  ren- 
contre les  premiers  vestiges  du  duel  proprement  dit. 
Son  origine  s^y  perd  dans  la  nuit  des  temps  ;  mais 
elle  est  garantie  par  trop  de  monumens  historiques 
pour  qu^on  puisse  la  révoquer  en  doute  (30). 


I 


l,ong~(emps  irritas  jtlutût  que  subjugués  par  les 
Komalua  ,    les  pciiiilcs  gcrmaJun  prirent  leur  re- 
vanche des  les  premiers  siècles  (le  rère  chrétienne. 
A^rèa  (le  fréquentes  esciirsJtins,  le  Y,«  siècle  les   i 
fit  s'ilaiiccr    civ  masse  de  Icur.s  antiques  for^ts^ 
himber  de  tuutcs  parts  sur  le  colosse  décrépit  d&  | 
Rome  ;  cl  sembbtbles  à  la  mngieicnne  de  la  Table  ^ 
rajeunir  le  vieillard  en  le  dépéç.inl.   Les  Angio-  j 
SaxcH»  envidtîrcnt   la  Gruudo- Bri:[agne  ;   l'Italie  i 
6i;hutaux,lléruleseluujLLumbards;  le  Portugitl  aitiL 
Sucvcs;  rE!>]>agne  ans  Vaiidales  et  aux  VÏKgotlis; 
Ir  Toste  pays  des  Sarmalcs  ,   aujoiird'liui   Russie  j 
d'tluro[»e  ,    fut    la  proie  des  Oslrogullis  ,    qui    s^  I 
Bièlèreiit  aux  ScjUies.  ïrws  tribus  principales  * 
psrtagèrenl  la  Gaule ,  les  Francs ,  les  Bourguignons 
et  une  partie  des  ^'i^igotlls.  Les  Francs-Salicns  e|  I 
les  Fraucs-Ripuairca  se  confondirent  sous  Clovil'l 
qui  fil  la  guerre  aux  autres  peuplades  établies  avant  I 
hii  dans  les  Gaules,  el  finit  par  Içs  soumettre  fi  la  1 
Kule  domination  des  Franrs  (31). 

Ce  mélange  ne  pruiîtii  pas  égalentent  aux  con- 
qiiérau&  el  aux  peuples  eonquis.  Les  Francs  s'adou- 
cirent h  In  limgue  par  le  commerce  des  Gaulois  ; 
mais  la  rivilisalion  si  biea  commencée  par  les  lettres 
nrmaincs  et  la  prédication  du  clirisljanismc  s'urrêta 
hnil-à-coiip ,  et  alla  en  déclinant  jusqu'il  Cliaile- 
wasuc  (32) 


22  -«-HISTOIRE   DE5    DIKLS.  -r^ 

Le  militarisme  s^établit  alors  daiis  les  Gaules 
avec  toutes  ses  conséquences.  Il  fut  te  digne  père 
de  la  féodalité  ,  qui  n'a  été  dès  son  principe  , 
que  le  droit  du  plus  fort  sur  le  plus  faible ,  du 
vainqueur  sur  le  \aincu ,  du  conquérant  sur  le 
peuple  conquis.  Il  prêta  long-itemps  son  appui  à 
cette  formidable  institution  qui  avait  jeté  dans  notre 
sol  de  si  profondes  racines ,  et  qui  n^cn  a  pu  être 
arrachée  que  par  une  effroyable  tempête.  Enfin  il 
mit  en  fuite  les  lettres,  les  sciences  et  les  arts  enfaus 
de  la  paiK  ;  il  régna  long-temps  sans  partage  y  et 
n^estpas  encore  éteint  de  nos  jours  (33). 


CHAPITRE    V. 


Premère  période  de  l'hiHloîre  des  duel»  en  Franre. 
—  Moyen  âge. —  Légalité  A\x  dufinii  nonibaU  jutli- 
ci«ires. —  Inllucncc  des  iiiœurH  et  drsloisgcnDnineB  | 
4aiu  le»  Gaules.  —  Décadence  du  droit  romain. 


Les  Celles  ou  ArboHgènes  furent  les  premier»   , 
habîlans   connus  de  la  Gaule.  Us  en  occupaieiit  \ 
eiicore  une  grande  partie  au  temps   de   l'arrivée  1 
te  Rotnaina.  Leur  origine  est  incertaine  :  eui- 
m^mes  la  Rusaient  remonter ,  selon  Cësar  (de  Belto 
gall.  ,  lib.  VI)  ,  à  un  dieu  ipi'ila  appelaient  D'tf ,  et 
qu'ils   honoraient    comniie    le    fondateur  de  leur 
nation. 

Eiivîfon  000  ans  avant    Ksus  -  Clirist ,    eurent 
Keu  les   célèbres  eip^ditions   de  Sigovèse  et  da  \ 
Bellnvêsc ,    neveux  d'Ambîgat  roi  des  Bilurïges 
habîlans  du  Berri  actuet.   Ces  expéditions  furent 
bien  moins  des  conquêtes  que  de  vastes  éniigraliont. 
Tite-LÎTc ,  h».  V;  Justin,  Hv.  XX,  et  Plularque-  1 
in  Camiflo  en  ont  fait  mention,  Bellovcsc  s'établit 
CO  Italie ,  et  Sigovèse  envahit  la  plus  giniule  partîé 


24  —HISTOIRE    DES    DUELS.  — 

de  la  Germanie.  Les  Germains  en  visitant  les  Gaules, 
onze  siècles  après,  ne  firent  donc  que  leur  rap- 
porter ce  qu'ils  en  avaient  reçu.  Si  ce  fut  deSigoyèse 
qu^ils  tinrent  la  pratique  du  duel ,  ils  nous  la  ren- 
dirent avec  Pharamond  et  Clovis.  (Voyez  ci-dessus 
Chap.  I."). 

C^est  dans  la  confusion  des  guerres  continuelles 
que  suscita  dans  les  trois  siècles  de  la  première 
race  ,  le  partage  du  trône  entre  les  descendans 
de  Clovis  ;  cVst  ensuite  à  travers  Fanarchie  féo- 
dale du  moyen  âge  qu'il  faut  chercher  les  pro- 
grés et  les  développcmcns  de  la  barbare  coutume 
des  duels.  Un  peuple  guerrier  qui  votait  ses  l(ûs 
en  agitant  la  framée  ;  un  peuple  nomade  et  con- 
quérant n'avait  point  le  caractère  de  se  plier  au 
joug  du  droit,  ni  le  loisir  d'en  étudier  les  subtilités. 
Le  fil  de  Fépée  tranchait  tous  les  difTérens  (34). 
C'était  le  droit  du  plus  fort  dans  toute  sa  primitive 
simplicité.  N'en  accusons  pas  seulement  les  siècles 
barbares  ;  c'est  encore  le  droit  de  la  force ,  ou 
en  d'autres  termes ,  la  loi  de  la  nécessité ,  qui 
dans  notre  Âge  de  civilisation ,  a  décidé  et  décidera 
long-temps  encore  bien  des  questions. 

c(  Les  Germains ,  dit  Montesquieu ,  qui  n'avaient 
jamais  été  subjugués ,  jouissaient  d'une  indépen- 
dance extrême  ;  les  familles  se  faisaient  la  guerre 


;  V.  -  25 

^our  des  meurtres ,  des  vols  ,  dca  injures.  Ou 
KidiËa  celte  coutume  en  mettant  les  guerres  sous 
i  dt-s  rugles.  Elles  se  firent  par  ordre  et  sniis  les  ycus 
du  magistrat  ;  ce  qui  était  préférable  à  une  licence 
gin^Tale  de  se  nuire.  »  Voilà  ce  qui  explique  pour- 
quoi les  plus  anciens  duels  ,  dont  nntre  liisloira 
iKius  ait  conservé  le  souvenir,  sont  des tlucU  judif 

€ÛIÙCS~ 


Le  duel  commença  donc  par  Hre  U-gii(;  plus  liird  i 
il  ful/^/vAïèi^,' ensuite  il  aélé(o/m!.  H  est  à-pcu-prè»  j 
liim  aujourd'hui.  C'csl-là  que  nous  e: 


Le  duel  judiciaire  ou  légtd  fut  long-temps  appela  ] 
Jt^einenti^Z>/eu.  Les  Germains,  comme  la  plupart 
dct peuples  barbares,  étaient  falaliatcs.  Dca  impa^  I 
tunle  quem  adcsse  bellantibus  ct-ediinl ,  dit  Tacitq  | 
(35).  Cette  opinion  élait  tellement  enracinée  dans 
les  mœurs  qu'elle  eut  beaucoup  de  peine  à  céder  à 
l'inSueoce  du   christianisme  ,    dont  les  principe! 
d'abord  mal  entendus  semblaient  l'aulùriscr.   Le 
Keu  des  chrétiens  fut  long-lempa  appelé  le  Dieu 
des  armées. 

N'oublions  pas  qtic  lorsqtic  les  Germains  envaiî  I 
hirent  la  Gaule ,  ils  n'avaient  aucun  usage  des  lettres 
ni  de  l'écrilure  (36)  ;  que  celte  ignorance  se  per- 
ptiua  lon^-teoips  ;  que  long-temps  ils  dédaigncreul 


26;  —HISTOIRE   DBS   D€EtS. — 

tout  ce  qui  était  romain ,  langue ,  usages ,  mœurs  et 
lois.  Une  chose  presque  incroyable ,  c^st  qu^il  ea 
èlaiv  encore  ainsi  au  oommencemenV  delà  seconde 
Face.  ((  Sécle  d'ignorance  !  s-^crie  te  président 
Hénaut  ;  elle  était  si  profonde  qu^à  peine  les  rois , 
les  princes,  les  seigneurs:,  encore  moins. le  peuple 
savaient  lire  (37).  » 

Le  recueil  des  constitutions  impériales  avait  dis- 
paru dans  le  grand  cataclysme  de  Tempire  romain 
en  Occident,  comme  on  vit  un  siéde  plus  tard*  les 
flammes  du  farouche  Omar  dévorer  à  Alexandrie , 
les  trésors  scientifiques  et  Uttéraires  de  Tantiquité. 
Le  Code  Théodosien  qui  régissait,  à  Tépoque  de 
Pinvasion  desFVancs,  les  Gaules  devenues  romaines 
dans  toute  Facception  du  mot ,  disparut  alors , 
excepté  dans  la  Gaule  Narbonnaise  et  les  parties 
méridionales  soumises  aux  Yirigodis  d^Espagne , 
où  quelques  vestiges  des  traditions  romaines  ré- 
sistaient aux  ordoni>ances  abolitives  de  Chainda- 
suinde  et  Rccessuindle  (38).  Aitisi  le  droit  romain 
sommeilla  dans  les  Gaules  pendant  six  siècles,  jus« 
qu^à  la  découverte  du  manuscrit  du  Digeste  trouvé 
à  Amalfi  en  Italie,  Tan  1137  (39). 

Dans  ce  long  intervaBe ,  il'  n'y  eut  d^âutre  droit 
proprement  dit  que  celui  du  glaive ,  tempéré  par 
<|iielque8  coutumes  locales.  Toute  question  se  Té« 


^CHAPITRE  V. -ne  yi7 

duisant  en  fait,  il  n^y  a^ait  d^aulre  preuiFe  du  fait 
que  le  serment,  ^it  de  la  partie,  soit  de  ses  témpins, 
quand  elle  en  ayait,  ou  le  combat  (40). 

Gondebaut,  d|ins  sa  Ipî  gambette  j,  pub^éç  à 
Lyon ,  le  29  mars  501 ,  institua  le  combat  ou  plutàt 
en  renouvela  Finslitutioii.  11  en  a  donné ,  coRune 
le  remarque  Montesquieu  ,  U  raison  dans  sa  loi 
même  :  c<  C^est,  y  est-il  di|,  afiii  qu^on  ne  base 

« 

plus  de  sermens  téméraires  sur  des  faits  obscurs ,  et 
de  Csux  «jÇimeny  sui*  des  faiU  certain^.  »  U  (allait 
o|>ler  entre  le  meurtre  et  le  parjure  ;  de  deux  inau^ 
ou  cru|  ainsi  choisir  le  inpii^drç  (41)  *. 


s: 


CHAPITRE    VL 


^èf^les  et  formalités  du  combat  judiciaire. — Epreuve», 
du  fer  chaud ,  de  Peau  qhaude ,  de  Teau  froide  et 
de  la  croix.. 


Le  théâtre  du  combat  était  un  espace  appelé 
champ  clos,  autour  duquel  on  tendait  une  corde 
^ic  personne  ne  pouvait  franchir*  Prisutiyeinent 
on  voyait  s- élever  en  t^te  du  champ  clos.,  une  po- 
tence ou  uu  bûcher  destinés  aux  vaincus*  Deux. 
sièges  tendus  de  noir  étaient  réservés  aux  combat- 
lans  qui  s^y  plaçaient,  pour  les  préliminaires  diib. 
combat  consistant  en  discoura,  formules  et  céré-. 
monies  religieuses  ;  telles^  que  serment  sur  les  évan- 
gQes  qu^ils  n^avaient  ni  sorcelleries  ^.  ni  maléfices  ,  ni 
incantations  y  etc.  ,  etc.  ;  ce  dont  néanmoins  on< 
prenait  la  précaution  de  s?as8urer  par  une  rigou- 
reuse visite. 

Cela  fait,  on  partageait  également  aux  adversaires. 
Tespace ,  le  vent ,  le  soleil  et  quelque  fois  des  sucre- 
ries et  autres  friandises  pour  leur  tenir  lieu  de 
rafraichissemcns.  On  visitait  et  on  mesurait  leurs, 
armes;  après  quoi  le  combat  commençait  k  uU: 


[.-  29 

u  donné  par  te  morèclial  du  camp ,  qui  criait  : 
f  Laissez  allerles  bons  combatlans  .'  (42). 

n  était  esprcssîmcnt  défendu  aux  assislans  aouh 
des  peines  trés-sévèrcs ,  de  parler,  lousser,  cracher^ 
étcmuer,  et  faire  tjuoiquc  ce  soit  qui  put  distraire 
ou  inlcrroniprc  les  champions. 

Celui  qui  ofTrait  le  rombal  devait  jeter  quelque 
chose  h  son  adversaire  ,  ordinairement  un  gant  qu* 
celui-ci  ramassait  pnur  marquer  son  acceptation 
du  défi.  Cela  s'appelait  gage  île  bataille.  Cet  usage 
.  t'est  conservé  dans  les  duels  modernes  (43). 
I  Chacun  des  comljallans  choisissait  aussil6l ,  un 
ou  plusieurs  témoins.  On  les  appela  long-temps  des 
parrains ,  et  ccuit-ci  appelaient  les  autres  leur» 
filatls.  N'était-ce  pas  en  effet ,  un  baptême  de  sang 
qu'Us  présidaient?.... 

Ces  parrains  n'eurent  d'abord  d'autre  rôle  que 
de  reiller  au  maintien  des  régies  et  formalités  du 
I  Combat.  Plus  lard  ils  durent  y  participer  et  prendre 
le  fait  e(  cause  de  leun  Jilleul s ,  soit  pour  les  appuyer^ 
soit  pour  les  venger.  C'est  rc  dont  on  voit  encore  ' 
des  exemples  de  nos  jours  (44). 

Les  champions  devaient ,  avant  de  commencer 
le  combat ,  prendre  Dieu  ,  la  Vierge  et  les  Saints  ^ 
et  notamment  Monsieur  Saint  Georges,  che\'atieri 
que  leurs  causes  étaient  justes  et  qu'ils  ne  s'en 
déparliraienl  pas  (45) . 


80  «^HISTOfliE  DES  DUELS.  -* 

Tout  cela  est  amplement  détaillé  dans  de  longues 
formules  dont  on  trouve  la  nomenclature  dans  la 
célèbre  ordonnance  de  Philippe-le-Bel ,  consenrée 
en  entier  au 'glossaire  de  Ducange  (46). 

Les  combattans  assistaient  à  la  messe  avant  d^en-^ 
trer  en  lice  ;  et  souvent  même  ih  recevaient  PEucha- 
ristie  en  forme  de  viatique.  On  trouve  encore  dans 
d'anciens  missels  le  propre  de  cette  messe  intitulée 
missa  pix>  duello.  Après  le  combat  le  vainqueur 
revenait  à  Téglise  faire  ses  actions  de  grâces,  et 
y  laissait  quelquefois  les  dépouilles  de  son  ennemi 
vaincu  comme  ex  vota. 

Les  armes  ordinaires  étaient  pour  les  gentils- 
hommes, Pespadon,  épée  large  et  à  deux  tranchans, 
la  cuirasse ,  le  bouclier,  et  la  lance  quand  on  com^ 
battait  à  cheval.  Les  roturiers  ou  vilains  ne  pou"* 
vaient  se  mesurer  qu^avec  le  bâton. 

Desfontained  et  Beaumanoir  jurisconsultes ,  dont 
l'un  était  contemporain  de  Saint  Louis ,  et  l'autre 
écrivait  peu  de  temps  après  vers  1283,  nous  ont 
conservé  les  diverses  formalités  du  combat  judi- 
ciaire ,  tel  que  Pordonnaient  encore  les  tribunaux 
de  leur  temps.  Non  seulement  le  combat  avait  lieu 
entre  les  parties  contendantes  ;  mais  il  pouvait 
s^établir  aussi  entre  Tune  des  parties  et  les  témoins 
produits  par  Tautre.  Sur  un  démenti  donné  par 


«lie-ci  le  combat  commenraît;  el  si  le  témnîn  étnii 
Taincti ,  la  partie  était  censée  avoir  produit  un  faux 
témoin,  el  elle  perdait  son  procès  (i7). 

Ce  n'est  pas  tout  :  si  le  procès  avait  ^té  jugé 
en  première  instance  sur  une  d^osilioii  de  t^oîns, 
la  partie  qui  Tavail  perdu  avait  le  droit  dejausicr 
•Dunédiatement  le  jugement,  en  donnant  aujn^ 
un  démenti  au  moment  où  il  proiionrAJt  sa  sen- 
tence (48).  Alors  le  combat  s'engageait  avec  hâ. 
Dans  tous  les  cas  le  champion  qui  succombait , 
n*en  ^tait  pas  quitte  pour  les  hasards  du  combat. 
Pleetehatur  el  m  œrc  et  in  ente.  Une  gmsse  amende 
lui  était  imposée  à  titre  d'épices  ou  autre.  De~lk 
vient  le  proverbe  :  les  battus  paient  l'amende^ 
Cètait  BÎmi  tout  fa  la  fois  qu'on  appelait  et  qu'on 
prenait  son  juge  k  partie. 

Le  ma^atrat  de  son  côté ,  s'il  n'était  pas  obéi , 
s'en  dédommageait  par  un  cartel  (49).  On  pouvait 
ainsi  lui  fau-e  raison  d'une  résistance.  L'autorité 
n'est  pas  de  nos  jours  d'une  aussi  bonne  com- 
ponlion  ;  il  n'y  a  plus  d'autres  intermédiaires  entre 
elle  et  le  public ,  que  l'épée  d'un  sergent  de  ville  ou 
les  Terroux  d'un  geôlier. 


n  n'était  pas  permis  au  vassal  de  fausser  le 
jugement  de  son  seigneur.  C'eut  été  une  félonie  ; 
d'où  il  suit  que  les  serfa  et  les  vilains  se  passaient 


32  —  HfSTOIBB  DES   DUEtS.  -« 

d'appel.  //  ji'j  fl,  dît  Desfontaines ,  entre  toi, 
seigneur,  et  ton  vilain  autre  juge  fors  Dieu  !  Saint 
Louis  introduisit  l'usage  défausser,  c'esl-à-dirc 
d'appeler  sans  combattre.  Ce  changement ,  dit 
Montesquieu ,  fut  une  espèce  de  réyolution. 

On  pouvait  en  certain  cas  se  battre  par  pro- 
cureur ,  notamment  quand  le  procès  concernait  des 
femmes  ou  des  ecclésiastiques.  Les  procureurs 
n'étaient  pas  alors  des  gens  de  plume ,  mais  bien  des 
gens  d'épée  très-experts  en  cette  partie  ;  on  les 
appelait  champions;  et  quand  ils  étaient  vaincus ^ 
ils  avaient  le  poing  coupé  ;  soit  pour  mieux  les 
intéresser  k  bien  défendre  leur  partie ,  soit  pour 
qu'en  cas  de  défaite,  on  ne  fut  plus  exposé  à  se 
servir  d'un  mal  adroit.  Cet  usage  existait  encore 
au  temps  de  Beaumanoir  (50). 

Tout  cela  se  passait  ainsi  en  matière  civile.  En 
matière  criminelle  la  partie  qui  succombait,  soit 
elle-même ,  soit  par  son  champion,  était  pondue  ou 
brûlée.  Et  cil  qui  sermt  vaincu,  portent  les  éla^ 
blissemens  de  Saint  Louis,  si  serait  pendu.  Dans 
aucun  cas  la  mort  ne  pouvait  perdre  ses  droits. 
Pendant  que  les  champions  combattaient ,  les  deux 
parties  étaient  gardées  hors  la  Uce ,  la  corde  au  cou, 
attendant  la  potence  ou  le  gain  du  procès ,  seloi[i  le 
résultat  de  la  lutte  (61). 


—  CMAMTBE    VI.  —  38 

Un  gi?nlJI1ionime  pouvait  appeler  au  combat , 
un  filaùi  ;  mais  le  geiililhontmc  n'était  pas  tenu 
de  répondre  h  Tappel  du  l'tVfliVi.  Quelle  ressource 
reHait-îl  ki  ce  dcniicr  i*  pPobablemenl  l'épreuve  du 
fer  cliQud ,  de  l'eau  cliBude  wu  de  l'eau  froide. 
C'était  bien  alors  le  cas  de  l'application  de  cet 
■doge  ■-Jaciamus  experimcntiim  in  animd  l'ili. 


Dans  l'épreuve  du  fer  chaud  ,  le  plaideur  devait 
letûr  d'une  maîn  un  fer  brîdaiit.  Aussitôt  après  on 
lui  bandait  cette  main  et  on  y  apposait  un  c&chet. 
Si  trois  jours  après  il  apparaissait  de  quelque  brû- 
lure, il  perdait  son  procès.  Les  hommes  de  peine 
aux  mains  dures  et  calleuses ,  les  forgerons  surtout, 
habitués  à  manier  le  fer  cbaud,  devaient  être  ceiis 
qui  avaient  la  main  la  plus  heureuse. 

L'épreuve  de  l'eau  chaude  consistait  à  plonger  le 
bras  dans  une  chaudière  en  èbullition  ,  pour  en  • 
I  retirer  un  anneau  bénit.  Celle  de  l'eau  froide  s'ac- 
\  complissail  en  jetant  le  plaideur  lié  et  garolté  dans  , 
,  un  réservoir  profond  :  c'était  mauvais  signe  pour  lui 
s'il  surnageait  ;  ce  qui  dan-t  la  position  où  on  l'avait 
is  ne  pouvait  giiéres  arriver  sans  miracle.  Comme 
■reau  dans  laquelle  on  jetait  le  patient,  avait  été 
^ie  solennellement ,  on  pensait  que  puisqu'elle 


Me  voulait  pas  le  recevoir 
xrtaiae  qu'il  avait  tort. 


c'était  une 


mar([ue 


84  ~  HISTOIRE  DES   DUELS.— 

II  y  avait  encore  d^autres  espèces  d^épreuves  non 
moins  ridicules ,  telles  par  exemple  que  celle  de  la 
croix.  Les  deux  parties  se  tenaient  les  bras  élevés 
en  croix  ;  ceUe  des  deux  qui  les  laissait  tomber  la 
première  de  lassitude  ^  perdait  sa  cause. 

Charlemagne  ^  dit  Montesquieu ,  ordonna  que 
s^il  9unrenait  quelques  dilTérens  entre  ses  enians, 
ils  fussent  terminés  par  le  Jugement  de  la  Croix. 
Louis-le-Débonnaire  son  fils,  borna  ce  jugement 
aux  aCEaires  ecclésiastiques.  Lothaire  son  petit-fils , 
Tabolit  dans  tous  les  cas,  ainsi  que  Tépreuve  de  Feau 
froide.  (Loi  des  Lombards,  liv.  11,  tit.  55,  §  81)* 

On  verra  cMprés  au  Chap.  XLIII,  qu^on  a  trouvé 
des  analogies  frappantes  avec  ces  antiques  usages, 
dans  les  moeurs  de  certains  peuples  de  Flnde. 


I 


CHAPITRE    VII. 


Principaux  duelu  judiciaires  du  ^  1.'  nu  XL*  siècles. 

Les  premiers  siècles  de  la  monarchie  française 
•ont  ceux  où  l'on  rencontre  le  ntuina  d' exemple! 
de  duels  judiciaires.  Peut-i^lre  Taut-il  l'allribuer  h  la 
rareté  de  nos  monumens  hieloriques  sur  ces  époqviea 
reculées.  Dans  le  petit  nombre  d^événemens  qui  s'y 
Irouvenl  consenès ,  il  en  est  mi'me  qu'on  a  révo- 
ques en  doute,  comme  paraissant  trop  s'éloigner 
des  idées  du  temps ,  ou  peut-^-tre  même  des  nôtres. 
Ce  scepticisme  s'est  étendu  à  des  faits  bien  posté- 
rieurs au  cj'clc  dont  il  s'agil  ici.  C'est  ainsi  par 
exemple  que  de  graves  historiens  ont  écarté  comme 
ua  pur  roman  la  célèbre  histoire  du  duel  mi-parti 
qui  eut  lieu,  sous  Charles  V,  entre  un  homme  et 
un  cliicn.  Pour  nous ,  ce  dont  nous  voudrions  pou- 
voir douter,  c'est  qu'un  roi  de  France,  suroommé 
le  Sage,  ait  présidé  ce  combnl  (52). 

La  chronique  de  Grégoire  de  Tours ,  la  plus 
ancienne  et  la  plus  authentique  de  noire  histoire, 
ne  contient  que  deux  faits  qui  se  rapportent  nu 
duel  judiciaire.  Le  premier  est  lui  combat  réel, 
)e«eoond  un  simple  di-ii. 

Ver»  l'an  580  ,  Contran ,   roi  de  Bourgogne  , 


36  ~  HISTOIRE  DBS  DUELS.  -^ 

chassant  dans  sa  Torél  royale  des  Vosges,  trouva 
les  restes  d^un  buffle  qu^un  chasseur  avait  tué.  Son 
forestier  en  accusa  Chundon,  chambellan  du  roi. 
Celui-ci,  conduit  à  Châlons  et  confronté  à  son 
accusateur ,  lui  donne  un  démenti.  Contran  alors 
ordonna  le  comI)at.  Un  neveu  du  chambellan  lui 
servit  de  champion.  Dans  la  lutte ,  le  forestier  reçoit 
un  coup  de  lance  qui  lui  perce  le  pied.  Il  tombe 
à  la  renverse ,  et  son  ennemi  se  précipitant  sur  lui 
pour  Fachever ,  en  reçoit  un  coup  de  couteau  qui 
lui  ouvre  le  ventre.  Les  deux  combattans  restent  sur 
la  place.  A  cette  vue ,  Chundon  veut  chercher  uii 
asile  dans  Téglise  de  St.-Marcel.  Mais  le  roi  crie 
qu'on  Tarréte  et  le  fait  assommer  à  coups  de  pierres. 

Le  même  roi  reprocha  un  jour,  dans  une  au- 
dience publique,  à  un  envoyé  de  son  frère  Chiide- 
bert  II ,  d^avoir  pris  parti  contre  lui  pour  Cxonde* 
vald  qui  se  disait  fils  de  Clotaire.  Celui-ci  offrit  de 
se  justifier  par  le  combat  singuUer.  Geegor.  Turobt. 
Lw.  Xel  Fil,  Clmp.  XIV.  — Voyez  la  note  97. 

Mezerai ,  avec  ce  duel  de  Chundon ,  en  cite  un 
autre  de  la  cour  de  Lombardie ,  qui  sera  rapporté 
ci-après  Chap.  XXXVI.  Le  roi  Choroalde  ,  dit-il , 
avait  trouvé  cet  expédient  raisonnable,  à  propos 
d'une  accusation  d^adullére  dirigée  contre  sa  femme 
Gundeberge ,  et  après  la  victoire  du  champion  de 
la  reine  sur  son  accusateur  Adalulphe ,  il  lui  rendît 
toutes  ses  bonnes  grâces.  Hist,  de  Fr. ,  Tom.  II. 


I 


—  nuriTiiE  VII.—  37 

Ce  combat  (-tait  l'ii  cll't;!  hciiui.'C)ii|)  plus  rtiiso/f 

nabie  que  l'autre.  Mnis  il  rallxit  aussi  que  le  b«n  riM    i 

Chornalde  le  fui  extri^mement  de  son  cAlê ,  pour 

en  coiiidilèrer  le  rùsultal  «rooime  uiu;  preuve  sans  I 

rt'^tlitpic  (le  la  Tcrhi  de  la  reine. 

"  Ce»  deui  eicmplca,  ajoute  Mcicrui ,  n'c 
p^i^cnt  que  les  combnls  ne  st.-  soient  autorisésn 
ilsrtel,  n'ayant  jusqu'alors  èttijue  fort  rares,  u 

Bnuttàmo  raconte  un  combat  à-pcti-près  som- 
kliibki  celui  dont  le  résultat  Funeste  au  Lombard 
Adaluf{>l>e,  rassura  si  bieu  le  rei  Cliurooldc.  lient 
Kru  en  prisenre  de  Louis II ,  dil/e  Jlr-gux.  (2."  rat:o 
877à879>. 

u  lojielgerius ,  comte  de  Gnstinoia  ,  ayant  M 
trouvé  mort  un  beau  matie  k  lu'ilé  de  sa  femme ,  ua 
nommé  Contran,  parent  du  dijfunt,  aceusa  la  veuve 
de  ce!  homicifle ,  cl  en  outre  d'adultère  ;  c%  offrit  de 
justifier  son  dire  par  le  combat.  Personne  ne  s'étant 
pr^scot^  pour  soutenir  la  querelle  de  la  dame, 
celle-ci  mauda  pré»d'clle  le  jeune  comte  d'Anjeu  , 
Ingclgerius,  qu'eUe  avait  tenu  sur  les  saiiils  fonds 
df  bapti'mc,  lui  donnant  le  nom  de  »on  mari,  et 
qui  n'avait  pas  encore  seize  ans.  Celui-ci  accepta 
le  ^Kge  pour  la  querelle  de  sa  marraine.  Ayant  oiu 
In  mcsae ,  se  recommandant  ii  Dieu ,  ses  aiunùucs 
«Ctertcs  cl  dislribuî'os  cl  s'clant  garni  du  victorieux 


38  —HISTOIRE   DES   DURLfi. — 

signe  de  Ib  croix ,  entra  en  lice  où  il  trouva  son 
ennemi  Contran  prêt  à  Passaillir.  La  dame  comteaa^ 
de  Gastinois  fut  mandée ,  et  furent  les  sermens  ao^ 
coutumes  pris  d^un  cûté  et  d'autre  ;  puis  les  deux 
champions  sVntrecoururent  fort  rudement.  Contran 
atteignit  le  jeune  comte  sur  son  escu ,  si  fort  qu^  le 
faussa  tout  outre ,  et  le  comte  le  frappa  si  impé- 
tueusement, que  ny  escu  ny  hamois  ne  le  purent 
empêcher  qu^il  ne  lui  passAt  la  lance  tout  au  trayers 
du  corps ,  et  Tabattit  de  son  cheval  par  terre.  Lors 
le  comte  descendit  et  lui  coupa  la  teste ,  laquelle  il 
présenta  au  roy  qui  Taccepta  de  bon  cœur,  et  en  fut 
trè»-joyeux ,  comme  s'il  lui  eut  fait  présent  d^un^ 
cité.  La  comtesse  fut  soudain  mise  en  pleine  déli* 
vrance ,  laquelle  humblement  remercia  le  roy  et 
puis  vint  devant  tout  le  monde ,  baiser  et  accoler  d€ 
bon  cœur  son  gentil  filleul ,  auquel  le  lendemam  M 
donna  par  la  volonté  du  roy ,  la  seigneurie  de  Cha»^ 
teau-Landon  et  plusieurs  beaux  fiefs  et  Chastelleniea 
en  Castinois,  etc.  » 

En  060  sous  Othon  I.^^,  empereur  d^ Allemagne^ 
eut  lieu  le  célèbre  duel  dont  le  sujet  était  le  drpit  de 
représentation  entre  héritiers  en  ligne  directe.  Les 
docteurs  étaient  partagés  d'opinions.  Othon ,  pou^ 
les  mettre  d^accord ,  ordonna  le  combat  qui  décida 
la  question  en  faveur  de  la  représentation  (6S). 

La  plupart  des  chartes  qui  furent  accordées  h 


diverses  ItM'nliWs  fi  rî-pocjnc  de  IV't)il>lis3cn)ent  dca 
commimcft,  mciiliuiiiietil  le  itucl  jndiriaire,  dont 
elles  confirment  l'usage  et  rV-glpuI  les  formalilés. 
Telks  sont  relies  octroyiîies  par  Lwjis-lc-Gros  , 
eiiII28,Ji  la  commune  de  Laon  ;  par  Philippc- 
Augurte,  en  1 187,  i  la  ville  de  Tournai,  et  en  I195« 
à  celle  de  Saint-Quentin  (54). 

Cambrai  est ,  au  dire  de  phisieurs  historiens  ,  ta 
première  inlle  de  France  qui  ail  eu  une  commune. 
UndeseaévOqucs,  Godcfroy  de  Fontaines,  publia, 
m  1227  ,  une  ordonnance  réglementaire  du  dticl , 
«pli  le  suppose  i-tabli  depuis  long-temps  (55). 

Non  seulement  les  ecclésiastiques  de  ce  temps 
Paient  en  possession  de  faire  des  ordonnance»  sur 
letluel ,  romme  sur  lou!  autre  oljjet  de  police ,  dans 
les  localités  soumiacB  h  leur  pouvoir  temporel  ;  maii 
il  est  Tmi  de  dire  encore  qu'ils  n'èttdenl  pas  exempta 
ou-m^mes  de  la  loi  commime. 

Le  président  Hénaiit  cite  une  charte  de  1118, 
sironlèe  par  Louis-le-Gros ,  à  l'abliayc  de  Saint-f  ] 
Manr-dcS'Fosêés ,  près  Paris.  Uaheaiit  bellaniii et\ 
tMiJicanrlî  Uienliam.  Ce  sont  les  termes  de  va 
ctiBTlc  (pli  accorde  aux  moines  le  privilège  de  faire  1 
'    battre  Iciira  «erfs  avec  des  personnes  rr8n<lies  (56)J 

Jean  d'Ypres,  dans  sa  c/irom'rjite  de  Saint -Berf in, 
nconic  qu'au  XI."  Bicele,  celle  al)liayc  avait  cà  i 
i  Mirtaur  un  rumbat  judieiairc  au  village  de  Cau-V  \ 


40  •*  HISTOIRE    DES    DUELS.  «<• 

mont,  près  d^Hesdin.  L^abbé  dç  Sainl-Berlin  élail 
attendu  pour  assister  au  combat  ;  mais  il  ne  venaîl 
point ,  et  l^heure  fatale  allait  sonner.  Toutr4i--coup 
apparurent  dans  les  airs  deux  colombes  blanches 
comme  la  neige,  venant  dç  Saint-Bertin,  et  voltH 
géant  autour  du  parc  où  se  tenaient  les  combattans^ 
Le  champion  de  Fabbaye  encouragé  par  ce  miracle 
•e  serait  élancé  dans  Paréne ,  et  après  des  prodigea 
de  valeur  aurait  gagné  la  cause  de  Tabbé  à  coupa 
de  bâton. 

On  trouve  un  autre  trait  du  même  genre  dans  le 
Chronicon  de  Balderic ,  évéque  de  Noyon.  II  Iq 
rapporte  comme  ayant  eu  lieu  de  son  temps  in 
Demensi  territorio-  La  contestation  intéreasaîl 
Fabbaye  de  Saint -Vaait  d^Arraa.  Ce  combat  nq 
pouvait  encore  se  passer  sans  miracle  y  et  surtout 
pç  pas  tourner  au  profit  de  Fabbaye  (57)* 

Dèa  831  on  avait  vu  un  combat  décider  en 
Espagne  du  choix  d^un  bréviaire.  (  Voyez  cî-apréa 
Chap.  XXXI), 

Les  abbayes  de  Saint-Germain^es-Près  et  de 
Saint-Martin  I  k  Paris ,  eurent  long-rtemps  dans  leurs 
enceintes  des  Uces  ou  champs  clos  à  Fusage  des 
duellistes.  On  lit  dans  le  manuscrit  de  Pierre 
Lechanlre  de  1180  :  «  Çuœdam  ecclcsiiç  hàbent 
monomachias  et  indicant  monomachiam  débets 
fieri  guamlo  que  inter  msûcçs  suQs,  etfç^çimi^  co* 


Al 

fafpîMV  in  cwid  ecclesûvy  in  alrio  epiicopi  vcl 
anlûMaconi,  skutjit  Paiisiis.  » 

Au  cloître  Sainl-Méry,  à  raris,  dans  la  uhambro 
OÙ  Iv  rhaitître  doanait  audJeuce  un  voyait  peinta 
va  ftlafund  des  champions  combaltaiis ,  ce  qui  élait 
une  marque  de  haute  justice  (58)  - 

Kn  de  Chartres  reproelie  aussi  fa  Tan^hev^quo 
île  SciM,  et  il  révoque  d'OrUans,  la  facilité  avec 
laquelle  il*  ordonnaîcnl  le  duel  en  matière  civile. 

u  J'ai  assex  de  témoignages  ,  dit  Lelabnureur 
erolésiartique  lui-même  et  d'un  haut  mérite,  par 
lia  titre»  de  six  cents  ans  et  plus,  pour  dire  avec 
certitude  que  les  églises  avaient  anciennement  leurs 
chamfiions,  et  que  c^est  te  sujet  de  l'inalitution  des 
'       viJanet  et  des  aiîvouts  deg abbayes.  »  (^Mém.de 

>Cûsudiiait,  Ut.  VII.  ) 
On  Ta  même  jusqu'À  prétendre  que  des  ecclé- 
Wïtiques,  au  mépris  des  lois  canoniques  et  des  con- 
iciiances  de  leur  état,  desccnilircnl  en  personne 
■iini  U  lice.  On  cite  Renaud  Cbcsncl,  clore  de 
rtrtque  de  Saintes ,  qui  se  baltil  contre  Guillaume, 
inuinc  de  Geoffroy ,  abbé  de  Vendôme  (59) , 

On  trouve  aussi  dans  les  constitutions  de  GuiN 
l»ume-lc-Conquérfinl ,  un  texte  qui  dérendait  aux 
l'Icrcs  de  combattre  sans  la  permission  de  leur 
fv^que.  tt  Si  clericus  duetltim  sitie  cfiscopi  ticenlià 


42  *^  HISTOIRE  DES  DUBbS.  — 

Enfin  Brantôme  qui ,  pour  ne  pas  perdre  Toc* 
casion  d^une  saillie ,  aime  à  se  passer  de  temps 
à  autre  quelques  petits  mensonges ,  s^est  même  awé 
de  faire  d*un  aumAnier  de  son  temps  un  maître 
d'armes.  (Y.  le  duel  rapporté  en  la  note  70^ 
Chap.VUI), 

Quoiqu'il  en  soit  de  ces  divers  exemples,  dont 
quelques-uns  ne  reposent  que  sur  des  autorités  plus 
ou  moins  contestables ,  on  ne  doit  pas  oublier  que 
les  prêtres  catholiques  ne  sont  que  des  hommes.  Il 
faut  bien  par  conséquent  qu'ils  soient  conmie  tous 
autres ,  les  hommes  de  leur  temps.  Peutr*étre  qu'à 
cette  époque  comme  aujourd'hui ,  leur  répugnancet 
à  en  adopter  les  idées ,  les  a  fait  accuser  de  former 
une  classe  à  part  et  d'être  séathnnaires.  La  TéritA 
est  que  l'esprit  d'un  siècle  s'étend  à  tout  et  partout  ^ 
subjugue  f  gouverne  et  domine  tout.  Bon  gré  oU 
malgré ,  plutôt  ou  plus  tard ,  il  faut  en  subir  l'iné* 
vitable  influence.  Le  clergé  n'a  donc  pu  et  ne 
pourra  jamais  se  dérober  à  ces  vicissitudes  qui  sont 
une  des  lois  fatales  imposées  à  la  nature  humaine. 
Il  n'y  a  d'immuable  que  la  doctrinte  de  TEvangile 
dont  les  prêtres  sont  les  ministres. 


CHAPITRE    VlII. 


■MnrcdesdaeU  judiciauva  tk'[iuis  lo  XI.'Ki^rle 
jiuquau  milieu  du  Wl.'— Oeriiitira  combni»  de  l-o 
genre. 


Dmct»  le  tixiéme  siècle  jusqu'au  aciiièmc ,  la 

Fr»ir« ,    ou  pour  mieux  dire  l'Kuropc  ne  fui  k 

\  proprcnniil  parler  qu'un  vaste  ramp,  Coitime  lus 

querelles  des  natiuns ,  les  difTérens  des  parlieulien 

le  vîcUienl  par  la  force. 

L^usagr  du  combat  aurait  paru  s'afTniblir  sur  la  fln 
d«  la  première  race ,  par  suite  de  l'influence  du 
àrrgé  qui  cherchait  k  y  substituer  le  serment.  Maîa 
ChaHemagne,  le  sage  Charlemagne ,  fut  lui-méma 
obligé  de  le  rétablir  sur  les  remontrances  que  lui 
adresBèrent  dans  une  assemblée  du  Champ-de-Mara 
les  baulfl  barons  de  l'empire  (60). 

Air»  les  efforts  de  ce  prince,  pour  abolirl'ab- 
furdc  coutume  des  duels  juridiques  ,  s'étaienl  brisés 
contre  ropposition  des  seigneurs  de  sa  cour.  Ou  a 
*u  su  eltaphre  Yl  ci-deaaus  ce  m^me  monarque 
cliercher  h  substituer  pour  sa  Tamille  l'épreuve  de  la 
civir  à  celle  du  combat.  Quel  siècle  que  celui  qui 


44  •«»  HISTOIRB  DBS  DUBLi.  — 

nous  montre  le  fondateur  de  Tempire  d^Occident , 
dont  la  8age33e  égalait  la  puissance  ^  réduit  à  se 
réfugier  dans  une  pratique  burlesque ,  pour  sou»- 
traire  son  propre  sang  à  la  tyrannie  d^un  préjugé 
barbare  I 

On  peut  ainsi  fiver  Tordre  chronologique  de  la 
décroissance  des  duels  judiciaires. 

En  1041  p-èue  du  Seigneur.  C^était  une  loi  de 
Henri  I.*',  roi  de  France,  qui  défendait  les.  duels , 
depuis  le  mercredi  jusqu^au  lundi,  en  mémoire 
de  ce  que  ces  joura  avaient  été  consacréa  par  U 
passion  du  Sauveur  (61  )« 

En  1167  édit  de  Louis-le<Jeune  qui  défend  les 
duels  pour  une  dette  moindre  de  cinq  sous  (62) . 

En  1260  édit  de  Saint  Louis  quai  défend  les  duels 
ou  gages  de  bataille  ;  mais  dans  sea  domaines  seu^ 
lement^  Le  Roi  n^avait  pas  ce  droit  qu  n^osait  U 
prendre  pour  les  terres  de  sea  vassaux  (63)  ^ 

En  1303  édit  de  Philippe-le-Bel  qui  défend  les 
duels  pour  toujours  en  matière  civile  (64)  « 

En  1306  autre  édit  du  même  Prince  qui  le»  ré- 
tablit, mais  les  restreint  à  quatre  cas  et  en  rëglç 
fort  au  l^ng  le  cérémonial  (65)^ 

En  1386  arrêt  du  parlement  de  Pajns,  qui  or- 
donne le  duel  entre  les  nommés  Carouge  et  Legria« 
La  feoune  de  Carouge  accusait  Legn«  de  viol  auprès 


•-CHiPITBE  Vlîl.  —  45 

I  mari  qiù  revenait  de  la  Terre-Sainte.  Legris 
tàii  le  fait;  et  sur  !a  plainte  de  Carouge,  le  parlement 
I  éckeait  gage  et  ordunnale  duel.  Legns 
f  fui  tué ,  et  dans  la  suite  il  fut  reconnu  innocent , 
I  le  président  Hénaut ,,  ]>ar  le  témoignage  de  l'au- 
teur m^me  du  crime  qui  le  déclara  en  mourant.  On 
ordonna  le  duel  à  cette  époque  oii  il  commençait  à 
tomber  en  désuétude ,  sans  doute  par  ce  que  le 
crime  dont  était  accusé  Legris  n'est  pas  de  ceux 
qu'il  soit  facile  de  prouver  par  témoins  (66) . 

Dès  1256  le  parlement  avait  déj<i  ordonné  le 
combat  pouf  cause  d'adultère. 

En  1 354  un  duel  fut  aus.si  ordonné  pour  viol ,  et 
m  1404  un  autre  pour  crime  d'empoisonnement. 

»Le  Théâtre  d'honneur  et  Je  chwalerie  parle  d'un 
lomini  Jean  Picard ,  accusé  d'avoir  abuse  de  sa 
propre  fille ,  et  qui ,  par  arr<^t  de  1454,  fut  reçu  h  se 
ballre  contre  son  gemlrc  qui  était  son  dénonciateur. 
Les  roia  et  les  parlemens  ont  ordonné  un  grand 
nombre  de  duels  k  cette  époque  ;  ils  en  ont  aussi 
iléfendu  plusieurs. 

Louis-lc-Gros  (  Xli."  siècle)  ordonna  Ji  Hugues 
•le  Crécy  de  se  purger  par  duel  du  meurtre  de 
Hilon  de  Montlhéry. 
II  abolit  par  une  cliaric  de  1 1 45 ,  l'usage  d'npréa 
I  lequel  le  prévût  de  Bourges  devait  appeler  en  due! 
l  cdiiî  qui  D'obéissaît  pas  h  ses  mandats  (67) . 


46  —  HtSTOIBfi  DIS  DUCU.  -- 

Philippe  de  Valois  (  XIV  .^  siècle  )  ordonna  aiisdi 
le  combat  entre  deux  chevaliers,  Vervins  et  Dubois. 

En  1400  ordonnance  de  Charles  VI  qui  défend 
les  dueh ,  à  moins  qu^il  n^  eût  gage^jugk  par  le  roî 
ou  le  parlement. 

Monstrdet  de  Cambrai  et  Juvenal  des  UrsinS 
parlent  de  cette  ordonnance.  Suivant  ces  auteurs  ^ 
les  duels  étaient  trés-fréquens  sous  Charles  VI  ; 
et  on  se  battait  à  tout  propos  el  pour  la  moindre 
chose. 

Des  arrêts  de  défenses  en  matière  de  duek  inter- 
vinrent au  parlement  en  1806 ,  1308  ^  181 1 ,  1888 1 
1334,  1342  et  1442. 

.  Les  causes  de  duek  se  discutaient  k  la  grande 
chambre.  Il  en  fut  plaidé  en  présence  de  Charles  V 
el  de  Charles  VI ,  les  17  février  1375,  3  janvier 
1376  et  0  juillet  1896. 

Le  règne  de  Henri  II  commença  el  finit  par  un 
combat  singulier ,  le  tournoi  qui  coûta  la  vie  à  ce 
prince,  et  le  fameux  duel  de  Jamac  et  de  X^a  Chalai^ 
gneraye  en  1547.  Ce  duel  eut  lieu  avec  les  formes 
et  l'appareil  des  combats  judiciaires.  UfutTundes 
derniers  de  ce  genre  et  mérite  qu*on  s^  arrête 
quelques  instans. 

Oiabot  de  Jamac  et  Vivonne  de  La  Châtaigne- 
raye ,  jeunes  seigneurs  de  la  cour  de  Fraafoî»  !.»% 


>-  aiAPiTne  viii.  —  47 

jHsquw-lh  liés  d'une  /troilc  amitié ,  s'6taicni  pris  de 
querelle  pour  des  propos  indiacrcU  allribués  à  ce 
dernier  et  publiquement  dj^mentis  par  Jartiac.  Ils 
araicDl  en  vain  suUicité  du  roi  la  permissiua  de  se 
battre  en  duel,  lia  furent  plus  heureux  suus  le  régne 
de  Henri  11  son  successeur ,  qui  autorisa  le  combat , 
lequel  eut  lieu  i  Saint-Gcrmain-cn-I.aye,  en  pré- 
sence du  roi  el  de  toute  sa  cour.  La  Clialaigneraye 
tpô  -,  k  TAge  de  28  ans ,  passait  pour  la  meilleure 
lame  de  son  temps ,  rerut  à  l'improvisle  de  son 
^L  tdveiwire ,  im  coup  <)'t^péc  au  genou  qui  le  mit 
^^ftortde  combat.  De-là  le  dicton  populaire  coup  de 
^Hkmac.  La  blessure  n'était  pas  mortelle;  mais  La 
^H^aUi^utrBye  au  désespoir  d'avoir  été  vaincu  os 
^VlDuIut  rcceroir  aucun  iccoure  :  il  arraclia  les  apjia- 
■      Rtb  de  sa  blessure  et  mourut  trois  jours  après  (A8) . 
Henri  11  alors  dauphin  fut  seul  coupable  de  Tin* 
ibicrétion  qui  coAta  la  vie  â  La  Qiataigneraye , 
too  bvori.  Celui-ci  en  effet  ne  défia  Jarnac  que 
pour  é^'îler  de  donner  un  di-menli  à  son  maître. 
Le  dauphin  avait  répandu  le  bruit  que  Jarnae  obte- 
nait [es  laveurs  de  sa  belle-mére ,  et  qu'il  s'en  était 
*anlé  à  La  Cbataignerayc  qui  lui  en  avait  fait  !a 
confidence. 

On  peut  voir  dans  les  commentaiivs  de  Lelabou- 
reur,  iur  Casteinau  (liv.  VU,  Chap.  I."),  les  différons 
cartels  de  déS  échangés  entre  les  partiça  et  surtout 


48  -—HISTOIRE  DES  DUBL8. -— 

le  procè8-Y6rbal  curieux  et  très-détaillé ,  qui  fut 
tenu  du  combat  par  les  greflBiers  et  hérauts  d^armes. 
ce  La  Chataigneraye  ^  dit-^il ,  était  en  estime  de  la 
meiOeure  épée  du  royaume^  et  les  mains  lui  déiitaii«> 
geaient  contre  tout  ce  qui  prétendait  à  la  dendért 
Taleur«  » 

Les  suites  funestes  de  la  blessure  dé  La  Chataî^ 
gneraye  sont  mèaie  encore  du  Sait  de  Henri  II ,  qui 
au  lieu  de  Caire  cesser  la  lutte  aussitôt  après  que  mm 
favori  fut  mis  hors  de  combat,  hésita  long^tempaà 
le  recevoir  des  mains  de  Jamac  qui  Fen  supplia  à 
plusieurs  reprises  en  lui  disant  ;  Sire,  je  vous  le 
donne  ^  prenez4e  pour  Dieu  et  V amour  que  vous 
tavez  nourri  !  Et  le  roi  ne  répondait  pas.  Pendaol 
ce  temps  La  Chataigneraye ,  qui  conjurait  en  vam 
Jamac  de  Pachever ,  perdit  tout  son  sang  ;  ce  qui 
ne  contribua  pas  peu  à  rendre  sa  blessure  mortdie. 
Enfin  Henri  II  finit  par  dire  à  Jamac  :  Je  Vœcepie  ; 
et  en  Tembrassant  il  ajouta  :  Fous  a^z  combattu 
en  César,  eï  parlé  en  Aristote. 

Une  circonstance  singulière  de  ce  duel ,  et  qui 
montre  avec  quelle  faciUté  on  mettait  alors  Tèpée 
à  la  main ,  c^est  qu^il  donna  lieu  à  un  autre  combat 
plus  malheureux  encore ,  entre  deux  officiers  Piè- 
montais  qui  avaient  connu  La  Chataigneraye ,  et 
qui,  sur  les  premiers  bruits  qui  coururent  en  Piémont 
de  sa  mort ,  à  laquelle  personne  ne  voulait  croire , 


—  ciUpriKE  VIII.—  49 

■  M  donnèrenl  réciproqucmeiit    dus  démentis  ,    ae 
biUircnl  et  ■Vntretuérenl  (69) . 

Heim  II  qui  avait  lanl  de  rcpioches  k  se  faire 
relativement  k  la  funeste  querelle  de  Jarnae  et 
La  Chataigncrayc  ,  parut  telkmenl  touché  de  la 
perte  de  son  favori,  qu'il  fit  serment  de  ne  plus 
■uloriser  ces  oortcs  de  combats. 
Ce  serment,  dit  Voltaire,  Essai  sur  les  mœurs, 
I  WK  l'cmpécha  pas  de  donner  deux  ans  apri-s ,  en 
il  privé ,  des  lettres  patentes  par  lesquelles  il 
il  enjnînl  à  deux  jeunes  gentilshommes,  nommés 
'jlles  el  d'Agaerrc,  d'aller  à  Sedan  se  purger 
par  duel  de  certaine  accusation  qu'on  n'ose  Jndi- 
({uer  en  boime  compagnie.  Le  monarque  croyait 
ne  pas  te  parjurer  en  ordonnant  de  se  battre  ailleurs 
que  dans  son  royaume.  Brantôme  qui  raconte  avec 
n  DÛvet^  ordinaire  toutes  les  particularités  de  cette 
ithire ,  dans  ses  Mémoires,  ne  donne  pas  les  mêmes 
loftsàHenri  11(70). 


Ce  qui  est  à  peine  croyable,  c'est  que  la  première 
loi  qui  ait  paru  k  nette  époque  contre  les  duels 
toit  si^ée  de  la  main  mi'me  qui  souscrivit  l'ordre 
de  la  Saint- Barthèlémi.  Par  un  édit  de  1569, 
Charlea  IX  les  défendit ,  avec  réserve  néanmoins 
lit  les  autoriser  eu  connaissance  de  cause.  Il  jugea 


50  *—  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

bon  d^user  de  sa  royale  prérogative  dans  une  cir- 
constance où  il  s'agissait  d'une  accusation  de  cons- 
piration. Le  cas  en  eCTei  était  sérieux.  Pour  un 
politique  tel  que  Charles  IX ,  un  duel  devait  être 
un  merveilleux  expédient  de  se  débarrasser  hon- 
nêtement d^un  ennemi  et  peut-être  de  deux  k  la 
JTois  y  ce  qui  précisément  failUt  d'arriver.  Le  com- 
bat fut  donc  autorisé.  Le  roi  voulut  même  s^eti 
donner  le  spectacle  et  en  faire  jouir  toute  sa  cour, 
selon  l'ancienne  coutume  à  laquelle  il  eut  été 
extraordinaire  que  Charles  IX  voulût  déroger.  Les 
circonstances  de  cette  affaire  ont  été  rapportées 
par  d^Âudiguier ,  dans  son  livre  intitulé  :  Le  vray 
et  ancien  usage  des  Duels.  Lelaboureur  qui  men- 
tionne aussi  ce  combat  dans  son  Commentaire,  sur 
Castelnauj  liv.  XI ,  civap.  H,  le  place  sous  le  r^ne 
de  Henri  III.  C'est  sans  doute  une  erreur.  D^Âu- 
diguier  écrivait  en  1617  p^u  après  Tévénement,  et 
doit  en  être  cru  préférablement.  Son  récit  annonce 
d^ailleurs  que  c'est  lui  qui  est  l'historien  original. 
Albert  de  Luynes ,  gentilhomme  de  la  cour ,  avait 
été  dénpncé  comme  conspirateur  par  le  capitaine 
Panier  ,  exempt  des  gardes  -  du  -  corps  ,  à  qui 
il  ofifrit  de  se 'justifier  par  le  combat,  ce  qui  fui 
accepté.  «  Ils  se  battirent  au  bois  de  Vinccnnes, 
dit  d^Audiguier ,  selon  la  mode  de  ce  temps.  Je  n'ai 
point  trouvé  ce  duel  en  aucune  histoire  ;  mais  je  le 


-CHAPITRE    VIII.  ■ 


51 


» 


n  \\eu\  gentilhomme  de  f  rovence  qui  estait 
(lors  à  ta  coiir,  le  quel  n^a  clitl  que  chacun  |)»rianl 
desjà  la  perte  de  Luynes ,  Panier  hiy  donna  un  fen- 
dant sur  la  teste  qui ,  outre  la  playe  qui  fut  grande 
et  presque  mortelle  ,  luy  Et  ployer  le  genouil  k 
Icrre  ;  el  <ltic  les  parrains  accounirent  pour  les  sé- 
parer :  Luynes  les  provenant ,  luy  porta  une  si 
niide  estocade  au  travers  du  corps  ,  qu'il  Testendit 
mort  sur  place  (71)-  » 

Ce  duel  parait  être  le  dernier  qui  ait  eu  lieu  avec 
des  formes  officielles.  Ce  serait  donc  Charles  IX 
qui  aurait  clos  cette  hce  de  meurtres  juridiques 
ouverte  en  France  pendant  onie  siècles.  C'était  un 
honneur  qui  lui  reTenait  de  droit- 

J'aroue  que  j'ai  long-temps  hésité  k  admettre  ce 
trait  aixtsî  que  cous  qui  précèdent ,  au  nombre  des 
iaéia  judiciaires  propremenl  dils.  Je  ne  m'y  suis 
d^enniné  qiie  parcequ'ils  ont  toujours  été  con- 
sidérés comme  tels  par  loua  les  auteurs ,  dont  la 
plupart  ont  même  cité  le  combat  de  Jarnac  et  La 
Qialaigneraye ,  comme  le  dernier  de  ce  genre  qui 
ait  eu  lieu  en  France  (72) .  Il  me  semble  que  la  fin 
des  véritables  duels  jiidiciair-es ,  c'est-à-dire,  de 
ceux  qu'ordonnait  la  justice  pour  terminer  les 
procès,  remonte  !»  une  époque  plus  éloignée. 
Celui  qui  eut  lieu  en  !386  ,  a<»ii8  Charles  VI ,  enhe 


52  —  «CSTOIRE  DES  DUELS.— 

Carrougcs  et  Legris ,  en  Tertu  d^un  arrêt  du  par-^ 
lement,  et  dont  il  a  été  parlé  ci-dessus^  p^e  ^t 
pourrait  justement  passer  comme  ayant  coinmelncé 
cette  période  décroissante.  Duclos  s^exprime  ainsi 
à  ce  sujet  dans  les  Mémoires  de  V Académie  des 
Inscriptions  :  «  Le  duel  de  Garrouges ,  précédé  de 
quelques  autres  ^  fit  enfin  proscrire  le  dud.  Du 
moins  il  cessa  d^étre  juridique,  quoiqu^n  en 
Irouve  encore  d'autorisés  sous  François  1.®'  et 
Henri  11.  »  Duclos  va  trop  loin  à  mon  avis.  Le 
combat  judiciaire  fut  si  peu  proscrit  alors  qu'en 
1409 ,  Qiarles  Vl  fit  une  ordonnance  pour  réserver 
au  roi  ou  au  parlement  le  droit  d'autoriser  le  gage. 
U  est  certain  seulement  que  les  cours  de  justice 
n'en  ordonnèrent  plus  que  très-rarement ,  comme 
on  l'a  vu  ci-dessus  au  chapitre  VIII  (73) . 

Dès  les  commencemens  du  seizième  siècle  les 

• 

rois  seuls  usèrent  en  France  du  droit  de  juger 
les  gages  de  bataille ,  qui  devinrent  ainsi  un  cas 
privilégié.  On  pourrait  faire  de  cette  espèce  de 
duels  ,  une  classe  particulière  qu'on  appellerait 
duels  roj€uix  >  mais  j'ai  préféré  les  laisser  dans  la 
catégorie  des  combats  judiciaires ,  puisque  c'était 
comme  souverains  dispensateurs  de  la  justice  que 
les  rois  autorisaient  ces  sanglantes  aprei/i^e^^  jugeant 
eux-mêmes  le  procès  d'après  les  résultats. 
François  I.*/  a  eu  le  triste  honneur  d'exhumer 


—  CHAPITRE   VIII.—  53 

eette  vieille  prérogative  royale  ,  pres<{ue  oubliée 
depuis  des  siècles  et  dont  ses  prédécesseurs  avaieol 
jusqu^alors  usé  si  rarement.  Il  a  ordonné  et  présidé 
plusieurs  combat»  en  champ  ctos  dpnt  je  renvoie 
les  détails  aux  Éclaircissemens  historiques  (74)  « 
Ses  successeurs  Pont  imité ,  |usqu^à  Henri  III  qui 
parut  prendrQ  le^  duels  eu  aversioii  >  après  qu^ils 
lui  eurent  moissonné  quelques-uns  de  ses  Cavoris. 
Je  reviendrai  sur  les  duels  du  16.^  siècle  au  cha- 
y^\xt  Xy  I  ci-après* 


«s 


CHAPITRE    IX. 


Tournois  et  joutes.  —  Leur  esprit  *,  leur  origine  ;  leurs 
progrès.  —  Leur  fin  commune  avec  les  duels  judi- 
ciaires. 

Je  crois  devoir  dire  ici  quelque  chose  des  joutes 
et  tournois ,  simulacres  remarquables  des  duels  y  et 
qui  furent  au  moyen  âge  ce  qu^ont  été  les  jeux 
gymniques  dans  Tantiquité. 

La  galanterie  qui  n^est  point  Tamour ,  comme  dit 
Montesquieu ,  mais  le  délicat ,  le  léger ,  le  perpétuel 
mensonge  de  Famour  y  présidait  d^ordinaire  à  ces 
sortes  de  combats.  Ds  donnèrent  naissance  à  la 
chevalerie  qui  eut  une  si  grande  vogue  en  E^agne , 
jusqu^à  Tépoque  où  le  célèbre  roman  de  Don 
Quichotte  lui  porta  un  coup  dont  elle  ne  se  releva 
pas  (75). 

Dans  les  tournois  on  combattait  en  troupe  ;  dans 
les  joutes  qui  souvent  leur  succédaient ,  on  com- 
battait deux  à  deux.  Les  joutes  s^appelaient  Pas 
d*armes  et  plus  communément  Table  ronde*  On 
peut  voir  dans  Ducange ,  la  description  de  ces 
divers  combats.  Il  parait  que  le  nom  de  Table  ronde 


1  de  ce  cpi'apri^s  le  combat ,  vein  qui  y  avaient 
)mfl  pari ,  venaieot  soutier  autour  d'une  (ahic  ronde 
chea  l'auteur  de  la  jollle.  Ne  aerait-ccpasià l'origine 
de  PusBge,  qui  existe  encore  de  nus  joiiru,  de  sceller 
à  table  li:9.  réconcilia ti  ODS  qiii  Tort  heureusement 
pré\îennent  ou  terminent  la  plupart  de  nos  duels  i^ 
Je  dois  dire  pourtant  ijiic  les  Aaglaûs  réclament, 
pour  le  fabuleux  Arthua ,  roi  des  Drctons ,  le  Ro- 
mulus  de  b  Grande-Bretagne  ,  Thonneur  de  l'în^ 
lentiou  de  la  Table  roitth-  (76) ,  On  montre  encore, 
lu  lieux  château  de  Winchester ,  une  table  de  cette 
forme  i]u'un  lui  attribue.  Mais  plusieurs  de  leurs 
tiistoHcns ,  tels  que  Cambdeii  et  Thomas  de  WaU 
■ingham ,  l'ont  trouvée  d'une  fabrique  plus  récente. 
No<  loijdns  d'outre-mer  ont  toujours  eu  tm  goût 
déc»dé  pour  se  donner  des  breveta  d'invention. 
Nous  leur  <lisputon9  avec  avantage  celle  du  jury  ; 
laixun&  leur  celle  de  la  Table  ronde. 


Quelques  auteurs  ont  altribuô  l'invention  des 
Inumois  il  Henri  !.•',  roi  de  Germanie  ou  d'Alle- 
magne ,  (\u\  régna  de  876  h  936 ,  et  qu'on  a  sur- 
oommè  f  Oiseleur,  h  cause  de  sa  grande  passion  pour 
la  chasse,  D'autres  en  ont  fait  honneur  à  Geoffroy 
de  PreuiHj  ,  mort  en  1066;  mais  il  parait  rpie 
eelui-ci  fui  scuicmeni  le  rédai  leur  du  code  de  luis 
il»  Ipurnuis  (77) 


56  —HISTOIRE   DES  DUELS.-* 

Quoi(|u^il  en  s>oit  de  ces  divemes  opinions  dont  la 
solution  est  assez  peu  importante ,  il  parait  certain 
que  Tusage  des  tournois  était  connu  dés  les  premiers 
temps  de  la  seconde  race ,  puisqu^il  est  Cedt  mention 
d'un  combat  de  ce  genre  qui  eut  lieu  Ters  Pan  858 , 
dans  une  entrevue  à  Strasbourg,  entre  GharlesJe^ 
Chauve  et  son  frère  Louis-ie-Germanicpie  y  roi  de 
Bavière  (78).  Cependant  cet  usage  ne  devint  com<r 
mun  en  France  qu^au  onxième  ^ècle.  De  là  il  se 
répandit  en  Allemagne  et  en  Italie ,  vçrs  1130;  en 
Espagne  et  en  Angleterre,  ver»  1140,  et  dans  le 
Bas-empire,  vers  1326.  L^empire  grec  n'adopta  que 
très-tard  les  tournois.  L'empereur  Andrpnic  i^yanl 
épousé,  en  1326,  une  princesse  de  Savoie,  quelques 
jeunes  Savoyards  donnèrent  le  i^ectacle  d'un  tourv 
noi  à  Constantinople.  Le»  Grecs  depuis  lors  s^ae* 
coutumèrent  à  cet  exercice  militaire,  qui  cependant 
pe  leur  apprit  pas  à  résister  aux  Turcs  (79). 

Les  champions  dans  les  tournois,  étaient  bardé» 
de  fer.  Le  plus  souvent  on  combattait  à  fer  émoulu. 
Quelquefois  aussi  on  n^employait  que  des  lance» 
et  des  épées  à  la  pointe  émoussée ,  qu'on  appelait 
glaiues  couriois.  hfi  but,  le  sublime  et  Iç  couron-r 
nement  du  combat  était  de  rompre  li^  lancç  à  forcQ 
de  s'en  frapper.  Malgré  la  solidité  des  armures  et 
l'épaisseur  des  cuirasses ,  il  n'arrivait  que  trop  SQU.-» 


—  ClUPiTRC    IN.—  57 

ml  de  graves  acddens  dans  ces  dangereux  exer- 

ices.  Une  foule  de  grands  aeigncurs  du  temps  j 

bcrdirent  la  vie  ou  furent  plus  ou  muîns  griëvcmuiit 

I,  Un  ambassadeur  Turc  qui  assistait  k  un  de 

■  specTtacles ,  sous  Charles  VU ,  en  parut  fort  sur- 

pri» ,  el  dit  avec  un  grand  sens  pour  un  Turc  :  qu« 

li  c'éiail  tout  de  bon ,  ce  n'était  pas  assez  et  que 

^m^  e'cUiil  an  jeu ,  c'était  tiop  (80), 

^^K     Od  trouve  dans  le  célèbre  coneile  de  Rheinis ,  de 
^^1148,  deux  canons  remarquables,  dont  le  G-^dé- 
^H  Icticl  aux  ayocals  de  prendre  ou  exiger  desplaideur» 
^f'wi'deUi  de  la  taxe ,  et  l'autre  le  l^.*^  défend  les  joitte» 
et  loumois  ;  le  tout  sous  peine  de  privation  de  la 
lèpulture  ecclésiastique.  Cette  prohibition  a  plu- 
sieurs fois  été  renouvelée  depuis ,  notamment  par 
les  papes  Alexandre  II ,  au  concile  de  Latran,  et 
Qtmcnl  V,  d^os  celui  de  Vienne  (81). 

Le  danger  de  ces  luttes  simulées ,  pas  plus  que 
tes  censures  ecclésiastiques,  ne  purent  empêcher 
divers  monarques  d'y  prendre  par). 

En  l'an  1274,  Edouard  I.*',  roi  d'Angleterre , 
t  la  létc  de  plusieurs  anglais ,  combattit ,  k  ChcUons- 
lur-Saàne ,  le  comte  de  Chùlons  accompagné  d\m 
pareil  nomlire  de  Bourguignons  :  plusieurs  des  eom- 
balUns  restèrent  sur  la  place.  On  appela  <'e  combat 
I  i»  i>clite  guerre  île  Chàtom  (82). 


58  —  HISTOIRE  DEfi   DUBL6.  — • 

En  1200 ,  Philippe- Auguste  exigea  de  Louis  et 
de  Philippe  ses  deux  fils ,  le  serment  solennel  de 
n^aller  en  aucun  tournoi  (83). 

Il  y  eut  un  grand  nombre  de  joutes  et  tournoi^à  la 
cour  de  Philippe-le-6on ,  duc  de  Bourgogne ,  pour 
réducatio^  de  son  fils  le  duc  de  Charolais ,  depui» 
Gharles-le-Téméraire.  Voici  le  récit  fort  original 
qu^a  fait  Olivier  de  la  Marche,  écrivain  contem-r 
porain,  d\ine  joute  entre  ce  jeune  prince  et  messire 
Jacques  de  Lallain ,  célèbre  jouteur  de  ce  temps. 

(c  Par  délibération  des  seigneurs  et  dames  de  la 
cour,  ils  furent  montés  et  armés  au  parc  de  Brucelles 
où  furent  le  bon  duc  et  la  duchesse  présens  à  cette 
espreuve.  Lances  leur  furent  baillées;  et  à  cette 
première  course  le  comte  férit  messire  Jacques  en 
Tescu  et  rotnpit  sa  lance  en  plusieurs  pièces  :  Et 
messire  Jacques  cotfrut  haut ,  et  sembla  au  duc 
qu^il  avoit  son  fils  espargné ,  dont  il  fut  mal  content^ 
et  manda  ^udit  messire  Jacques  que  s^'il  vouloil 
ainsi  faire  il  ne  s''en  meslAt  plus.  Lances  leur  (ùreni 
irebaillécs,  et  se  rencontrèi^enl  si  vivement  qu^ila 
rompirent  leurs  lances  tous  deux  en  tronsons  :  El 
de  ce  coup  ne  fut  pas  la  duchesse  contente  du  dici 
messire  Je^cques,  mais  le  bon  duc  a^enrioit.  Ainsi 
esloient  le  père  t\  la  m^re  en  diverse  opinion  :  Vusk 
déaroit  TespreuTe ,  Vautre  la  seure^ë.  »  Mémoù'es  ^ 
lii'.I.^,  c/Kip.II  (84). 


I 


—  Cii*piThF.  is.  —  lia 

Charies  VI  comballtt  en  personne ,  dans  un  tour- 
('ambrai ,  en  1385  (85)  ;  François  I."',  en 
1620 ,  cnlre  Ardres  et  Guiiics  :  enfin  Henri  11 ,  en 
1559 ,  à  Paris ,  on  il  fut  bl«ssé  par  le  cnmte  de 
Mont^onierT.  capitaine  de  ses  gardes ,  d'un  éclat  de 
lance  à  l'œil  dont  il  mourut  002e  jours  après  (86) . 
Cet  accident  ne  mit  pan  euiore  un  ternie  h  la 
nanie  des  tournois.  Un  an  après  la  mort  de  Henri  II, 
OD  nouveau  tournoi  eut  lieu  k  Orléans ,  et  rnùla  la 
\ie  an  prince  Henri  de  Bourbon-Montpensîer  qui 
mourut  des  suites  d'une  cbùlc  de  cbeval.  Il  y  eut 
missi  un  Pas  d'armes  entre  Charles  IX  et  son  Frère 
Henri  m ,  lin  an  après  ta  Saint- Parthèlèmi.  Mais  01^ 
ne  combattit  pas  à  fer  ramulu  (87). 

Enfin  Henri  IV  hii-méme  eut  la  faiblesse  d'aiiv 
loriaer  une  joute  et  d'y  assister.  Ce  combat,  par 
son  objet  et  ses  circonslances ,  Tut  presque  im  »èrï- 
lable  duel.  H  eut  lieu  entre  le  duc  de  Gutse  et 
Pasdompierre.  S'il  faut  en  croire  cebii-cî  dans  ses 
Mi-muires ,  année  1605 ,  il  aurait  eu  Tbonneur  ou  le 
malheur  d'inspirer  de  la  jalousie  au  roi  au  sujet  de 
la  belle  d'Enlragnes  ;  et  ce  serait  par  pure  court!- 
sannerie  que  le  duc  de  Guise  aurait  entrepris  ce 
combat.  11  eut  lieu  dans  la  cour  du  Louvre ,  qu'on 
dépava  à  cet  effet.  Bassumpicrrc  reçut  dans  le  venlre 
un  tronçon  de  la  lance  de  son  adversaire  plus  long 
que  Iç  bras.  Ses  entrailles  sortirent ,  et  chacun  le 


60  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

crut  mort/ Il  eut  toutefois  le  bonheur  de  guérir, 
u  Ce  spectacle  ^  dit  Basnage  qui  mentionne  cette 
joute  j  fit  horreur  à  la  cour ,  et  le  roi  ne  Toulut  plu» 
en  donner  de  semblables.  ))  C'est  en  effet  je  pense 
le  dernier  qu'on  connaisse.  On  ne  vit  plus  depuis 
tors  que  des  carrousels.  (88)  < 

Les  tournois  y  comme  les  jeux  gymnique»  des 
anciens,  paraissent  avoir  eu  un  but  politique  »  celui 
d'entretenir  les  peuples  dans  l'amour  de  la  guerre 
et  en  même  temps  de  fortifier  leurs  corps  et  de  les 
exercer  au  maniement  des  armes.  La  vie  de  nos 
ancêtres  était  une  guerre  perpétuelle  :  ches  eux  la 
guerre  était  l'état  normal  ;  habituellement  elle  avait 
lieu  en  réalité  sur  les  champs  de  bataille ,  et  pendant 
leurs  courtes  trêves  en  fiction  dans  les  tournois. 
C'est  bien  d'eux  qu'on  pouvait  dire  à  juste  titre  : 
MiUtia  est  vita  hominis  super  tcynvn*  (St. -Paul) . 

Les  tournois  vécurent  en  France  à-peu-près  ce 
que  vécurent  les  combats  judiciaires ,  et  ils  diqia* 
Furent  avec  eux  (80) . 


CHAPITRE    X. 


Cbnp  d'œil  gcaéral  sur  les  sièckn  do  mo^en  l'igo 
relativement  an  duel,  —  Lullc  «le  l'esprit  religieux 
pt  féodal.  —  Itévolutioii  uu  12.'  siècle  duns  les 
lois  el  dans  lee  mœurs.  —  Croisades.  —  Rcnaia- 
Mnce  du  droit  Romain. 


L'vMee  des  combats  judiciaires  et  des  lourooia 
M  s^éleîgnit  qu'insciisiblemenL  et  apros  une  luUe 
de  orne  siècles  entre  l'espril  religieux  el  la  puis- 
amce  Kodale.  Nous  nous  arrêterons  ici  quelques 
tiuCana  devant  l'imposant  spectacle  de  ce  grand 
duel,  dont  les  chances  furent  diversement  balancées 
pendant  cette  longue  période.  C'est  un  sujet  qui 
loe  parait  digne  d'un  haut  intérêt;  car  le  duel  ju- 
riitique  a  été  l'allribut  dislinctif  et  le  caractère  le 
plus  saillant  du  moyen  Sge.  1!  peut  presque  il  lui 
seul  en  résumer  toute  l'histoire  (90). 

L'esprit  du  moyen  Age  fut  éminemment  guerrier. 
On  peut  dire  que  les  guerres  privées  ,  civiles  ou 
Hrangères  le  remplissent  tout  entier,  à  tel  point 
qu'une  année  peut-être  ne  s'est  pas  écoulée  dansl'élal 
(le  paix.  Cet  esprit  a  passé  naturellement  dans  toutes 


62  —  ntSTornE  des  dueis.  — 

les  inslilulions ,  el  comme  les  seigneurs  du  temps 
sV'taient  emparés  de  bonne  heure  du  droit  de  rendre 
la  justice ,  dont  il  se  firent  ensuite  conjointement 
avec  les  fiefs  une  possession  héréditaire ,  tous  les 
procès  se  jugcaint  par  eux  militairement.  Cette 
grande  usurpation  de  la  puissance  féodale  ne  date 
réellement  que  de  la  fin  de  la  seconde  race.  On  a 
depuis  long-temps  fait  justice  de  Terreur  qui  Pavait 
reportée  à  Tépoque  de  Pinvasion  des  Francs.  Il  est 
certain  qu^elle  n^a  pas  eu  une  source  aussi  noble 
que  le  droit  de  conquête  (91). 

Tout  cela  a  été  parCaitement  èclaîrci  par  le  judi- 
cieux auteur  de  V  Abrégé  chronologique  de  Phistoire 
de  France.  Quelques  lignes  de  son  lumineux  ou- 
vrage en  apprennent  plus  sur  ce  sujet  que  les 
longues  dissertations  de  Mably ,  et  même  que  plu-« 
sÂeurs  chapitres  de  Montesquieu  qui  n^a  pas  tou- 
jours traité  clairement  ces  points  d^ailleurs  si  obscurs 
de  notre  histoire  (92). 

«  Sous  la  première  race ,  dit  le  président  Hé- 
nault,  et  long-temps  encore  sous  la  seconde,  les- 
ducs  et  comtes ,  en  qualité  de  gouverneurs  dans  les 
provinces ,  administraient  tous  les  droits  royaume  et 
souverains  dans  Pétendue  de  leur  duché  ou' comté. 
Ils  donnaient  les  bénéfices  militaire»  quand  vaca- 
tion arrivait ,  jugeaient  par  jugement  souvefmn  les 
appellations  des  centeniers ,  qui  étaient  les  juges 


—  CnAPITRE  3t.—  63 

ordinaires  établis  pnr  le  roi.  Mais  c'était  toujours 
ait  ODin  (lu  Roi,  parce  qn'alnm  i)  n'y  avait  point 

daulre  justice  que  la  royale Lorsque  ces  ducs 

ri  comtes  profilant  de  In  Taiblcsse  du  gouvernement 
Kirrnt  ériçc  leurv  offices  eu  propriété  et  patrimoines 
hérèJtiaircs ,  ers  m^mcs.  droits ,  leiir  dcmeurérenl. 
Alors  toutes  les  mar(|ues  de  TaTitoritè  royale  furent 
cIEicées  dans  les  provinces ,  excepté  dans  celles 
({ue  possédait  Hugucs-Capct,  comme  duc  et  comte, 
lorwju'il  parvint  k  la  couronne  ;  et  à  ces  marques 
de  l'uilorité  royale  îa\  substitué  un  droit  seigneu- 
rial, rt 

Lea  centcnicrs  ,  juges  de  première  instance  , 
hrenl  bientôt  remplaci's  cux-mi^-mes  par  des  sei- 
gBCuneasuus  ordre,  tpii,  par  arriére  délégation, 
•e  dièchsrgèrent  de  ce  soin  sur  des  baillis ,  hommes 
de  6efc,  etc.  ;  en  sorte  que  l'usurpation  fut  com- 
plète (03) 

Comme  ces  mêmes  seigneurs  avaient  Gdélement 
cooMirè  la  tradition  des  mœurs  Germaines  rela- 
lÎTCiBent  au  duel ,  ils  trouvaient  bon  d'expédier 
par  celle  voie  la  plupart  des  causes  dont  ils  s'étaient 
constitues  ju{i;es  souverains.  U  y  avait  encore  un 
autre  moUf  non  moins  déterminant  pour  eux  de 
procéder  ainsi ,  c'est  que  n'ayant  aucune  teinture 
de*  lettres  ni  de  l'écriture ,  encore  moins  dos  loîa 
cl  de  la  jurisprudence  ,  ils  ii'avaienl  guéres  d'aulre 


64  ^  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

moyen  d'exercer  leur  office ,  que  de  faire  ballre 
les  plaideurs  pour  les  accorder  ainsi  par  le  meurtre 
de  run  d'eux  (94). 

Auprès  du  corps  féodal ,  il  en  existait  un  autre 
plus  nombreux  peut^tre  y  mais  beaucoup  moins 
puissant ,  c'était  le  clergé.  Ce  corps  se  divisait  en 
clergé  séculier  et  en  clergé  régulier.  Les  clercs 
séculiers  étaient  les  ecclésiastiques  préposés  au  gou- 
iremement  des  diocèses  et  des  paroisses  ;  les  régU" 
liers  ceux  qui  vivaient  sous  une  règle  monastique. 
C'est  des  premiers  que  je  m'occupe  plus  particu^ 
liérement  ici. 

Le  clergé  chargé  d'une  mission  de  paix  et  de 
conciliation  parmi  les  hommes ,  devait  envisager 
avec  répugnance  et  même  avec  horreur  la  juris- 
prudence du  combat  si  chère  aux  seigneurs.  Eccle' 
sia  ahhorret  sanguine.  Aussi  y  eut-il  de  sa  part 
opposition  ,  et  une  opposition  ancienne ,  unanime 
et  persévérante  contre  l'usage  des  duels  et  tout  ce 
qui  y  ressemble.  Je  prie  qu'on  ne  voye  pas  de  con- 
tradiction entre  ce  que  je  viens  de  dire  et  ce  que 
j'ai  rapporté  des  duels  ecclésiastiques  au  Cliap.  VI! 
qui  précède.  Ces  exemples  fâcheux  sans  doute  , 
n'appartiennent  pas ,  quoiqu'on  en  ait  dit ,  au  corps 
entier  du  clergé  ;  c'est  ce  qui  sera  plus  amplement 
démontré  au  cliapilre  XII  ci-après  ;  Ils  venaient 


—  chamtbe  X.  —  65 

plus  parliculiéremciil  des  clercs  réguliers  des  ab- 
bayes ,  donl  l'esprit  el  les  intérêts  temporels  ne 
sympatliisaieul  pas  toujours  avec  celui  des  ecclé- 
nastiques  séculiers.  Ou  verra  d'ailleurs  ci -après 
combien  était  absolue  el  tyrannique  l'autorité  qui 
avait  inrroduil  et  qui  soutenait  le  duc!,  malgré  toutes 
les  oppositions.  On  »erra  que  celle  forme  de  pro- 
céder fut  imposée  de  force  bu  clergé  lui-même , 
pour  le  punir  de  sa  résistance  (Ô5). 


J'ai  dit  que  l'opposition  du  clergé  a  été  a 
unanime  et  persévérante  ;  j'ajoute  qu'elle  a  été  efB- 
cace.  En  voici  les  preuves  principales  (96) . 

Grégoire  de  Tours  ,  contemporain  et  ami  du 
ptpe  Grégoire-le-Grand ,  fut  un  des  prélats  les  plus 
Shutres  du  clergé  de  France.  II  est  le  pérc  de  notre 
hbloire  :  on  ne  sait  sur  nos  premiers  rois  que  ce 
qa*U  nous  en  a  appris.  Ce  prélat,  qui  écrivait  au 
6.'  âccle ,  n'a  pas  ménagé  les  usages  de  son  temps 
rctatiGi  aax  épreuves  judiciaires ,  quoique  celle  du 
combat  fut  fort  rare  alors ,  comme  l'a  remarqué 
Me«r«.  r.ci-^^.^m,i,pase37   (97). 

Parmi  les  autres  eccKsiastiques  dont  les  écrits 
témoignent  de  la  même  opposition ,  nn  remarque 
Âvitus ,  archevêque  de  Vienne  en  Dauphiné  ,  et 
neveu  de  l'empereur  Romain  du  même  nom. 
Ce  prélat ,  issu  d'une  famille  illustre  d'Auvergne, 
5 


66  —  mSTOIRB   DES   DUELS.  — 

a  laissé  plusieurs  ouvrages  les  plus  anciens  de  notre 
histoire.  Il  contribua  à  la  conversion  de  Qovis, 
et  mourut  en  525  (98). 

Trois  siècles  après ,  Agobard ,  archevêque  de 
Lyon  ^  publia  plusieurs  écrits  contre  les  divers 
genres  d^éprem'es  qui  avaient  repris  faveur ,  et 
notamment  contre  le  duel.  Le  recueil  de  ses  œuvres 
contient  une  lettre  qu'il  écrivit  à  Louis-le-Débon- 
naire ,  pour  lui  représenter  les  abus  de  la  preuve 
par  le  combat ,  introduite  en  Bourgogne  par  la  loi 
Gombetle,  Il  supplie  le  roi  de  permettre  qu'on  y 
suive  les  formes  de  jurisprudence  établies  par  la 
loi  ScUique  ou  la  loi  des  Francs ,  qui ,  à  la  différence 
de  la  loi  des  Ripuaires ,  dont  Tédit  de  Gondebaud 
n'était  qu'une  nouvelle  édition ,  n'admettait  pas 
les  preuves  négatives  et  par  conséquent  le  combat: 
ce  Si  placeret  Domino  nostro  ut  eos  transferrel  ad 
legem  Francorum  (99) .  » 

Les  actes  des  conciles ,  qui  avaient  une  autorité 
bien  plus  étendue  et  plus  positive  que  celle  des 
écrivains  et  même  des  rois ,  n'ont  pas  plus  ménagé 
les  duels  que  les  tournois.  Dès  855  le  concile  de 
Valence  et  en  994  celui  de  Limoges  fulminaient 
des  anathèmes  contre  les  duellistes  de  toute  espèce. 
Ces  censures  furent  renouvelées  souvent  depuis 
lors  par  les  papes  Nicolas  L«' ,  Alexandre  III , 


—  cihhthe  X,  —  67 

"CélcsUo  m,  Julc-8  U,  et,  en  1563,  par  le  concile 
tle Trente.  Le  chapitre  XIX  de  (a  24.'"*  acssinn  cpii 
contient  celte  prohibition  appuyée  d'une  excom- 
munication contre  les  rois  qui  pcrmeltaientlesduelB, 
ne  Dit  pas  reçu  en  France.  Le  roi  Charles  IX ,  qui , 
dans  son  édît  de  1560  ,  s'est  réservé  dVutoriser 
kc  duels  en  connaissance  de  cause,  fil  protester 
par  9o»  ambassadeur  Duferrier  contre  ces  dispo- 
àlîoiiB ,  comme  attentatoires  à  ses  droits  et  h  son 
honneur,  et  ce  de  l'avis  des  gens  du  roi  et  du 
pariement  (lOO). 
Les  autres  genres  d'épreuves  judiciaires ,  telles 

^que  l'eau ,  le  feu ,  la  rrnix  ont  aussi  été  fa  diverses 
^KKpics  l'objet  des  censures  ecclésiastiques.  «  Si 
fon  trouve,  dit  Ducloa,  un  canon  du  concile  de 
Tholi ,  en  895 ,  qui  les  tolère  ,  c'était  povir  ne  pas 
heurter  absolument  les  lois  civiles  qui  les  ordon- 
^_  aaienl.  Le  pape  Etienne  V,  au  neuvième  siècle,  les 
^Vttndaoma  comme  fausses  et  superstitieuses,  et  Tem- 
^PîtteuT  Frédéric  II  les  défendit  comme  folles  et 
n        ntlioiles  (101).  n  Ces  prohibitions  ontétèrenou- 
Telè«  au  douzième  siècle  par  les  papes  Innocent  m 
clllonorîus  111. 

On  a  vu  ci-dessus ,  pages  34  et  43,  les  cfTorls 
qu'avait  faits  Cl larlemagne  pour  éteindre  la  fureur 
tles  fruerres  privées ,  et  substituer  d'autres  formes 
judiciaires  k  IV-preuve  du  combat.  Les  capitulaires 


PI- 
T, 


08  **  histoihe  des  Dinets.  -« 

de  ce  prince  annoncent  assez  quMl  cédait  en  ceU  à 
un  sentiment  religieux,  qui  remportait  chez  lui  sur 
Fesprit  du  temps  (102) .  Ce  ne  fut  pas  le  seul  de  nos 
monarquen  dont  le  génie  devança  son  siècle.  Le 
règne  de  ce  grand  prince  fui  comme  un  accident , 
une  sorte  dWachronisme  au  milieu  des  siècles  du 
moyen  âge.  Son  flambeau  jeta  un  éclat  ai  yif  et  si 
pur  au  milieu  de  ces  ténèbres  palpables ,  qu^il  fut 
pris  d'abord  pour  Taurore  brillante  de  cette  antique 
civilisation  grecque  et  romaine ,  dont  on  rêva  un 
instant  le  retour.  Mais  il  s'éteignit  avec  lui ,  et  il  ne 
resta  de  l'apparition  de  ce  magnifique  météore  que 
l'éblouissement  qui  suit  le  lumineux  éclat  de  la 
foudre  au  milieu  d^un  sombre  orage  (103). 

Depuis  cette  époque ,  l'histoire  nous  a  conservé 
un  précieux  monument  de  l'influence  de  l'esprit 
religieux  pour  ramener  en  France  la  paix  publique 
qui  en  était  bannie  depuis  si  long-temps  ;  c'est  la 
Treize  de  Dieu  y  Tréuga  Dei,  espèce  d'ordonnance 
ecclésiastique  dont  les  divers  points  furent  arrêtés 
dans  un  concile  tenu  à  Toulujes  en  Roussillon ,  en 
l'année  1041.  On  composa  en  quelque  sorte  avec 
le  désordre  ;  on  fit  la  part  aii  feu,  et  à  cette  hu- 
meur inquiète  qui  fermentait  incessamment  dans  les 
têtes  féodales.  11  fut  arrêté  qu'aux  grandes  fêtes  de 
l'Eglise  et  depuis  le.  mercredi  soir  jusc^u'au  lundi 
matin  de  chaque  semaine,  on  s'abstiendrait   de 


m"' 


69 

l^Qnne^  suite  à  aucune  querelle .  Tout  combal ,  toute 
me  de  fait  étaient  al»ra  si-vcrement  interdits  (104). 
«  Ce  Téglement  ,  dil  Robcrtson  ,  qui  n'était 
faburd  qu'une  convention  parliculicrc  à  uaroy- 
Mime ,  devint  une  loi  générale  dans  toute  la  chré- 
lieiité.  Elle  fut  confirmée  par  l'autorité  du  pape  qui 
!naça  des  feudrea  de  rescùmmumcation  quicon- 
que la  violerait.   » 

Plus  loin  il  ajoute  :  «  Une  suspension  d'hostilités 
pendant  trois  jours  entiers  de  chaque  semaine , 
doanaitaus  jwrsonnes  oflenscca.,  un  intervalle  assez 
coundi-rable  pour  laisser  calmer  les  premiers  mou- 
rcmena  du  ressentiment  ;  de  aorte  (j^uc  si  celle  Ti'èfe 
f^  Diuu  avait  été  esactcmcnt  observée  ,  elle  eut 
:iil-^tre  suffi  pour  arrêter  le  cours  des  guerres 
invées.  Mais  it  en  arriva  autrement;  les  nobles, 
égard  à  cette  Tivis,  poursuivirent  leurs  que- 
lle» comme  auparavant.  11  n'y  avait  point  d'enga- 
leut  capable  de  contenir  l'esprit  de  violeoce  qui 

i\  la  noblesse  »  (105). 
Le  savant  et  iudicieuic  auteur  de  /  Histoire  de 
(luuies-Quint ,  que  je  viens  de  citer,  a  commis  à 
Bnin  avis  une  erreur  en  attribuant  \  Henri  I ."' ,  roî 
d'Angleterre,  la  première  ordonnance  restrictive 
lie*  duels  judiciaires  ;  c'était  sans  doute  Henri  \." , 
i»i  de  France  qu'il  voulait  dire  ;  car  c'est  sous  le 
rgne  de  ce  prince  que  lut  Taite  la  Tiim  de  Dieu  on 


70  —  HISTOIUE    DES   Dl'KT.S.  — 

du  Seigneur ,  et  le  président  llénault  en  la  citant 
romme  une  loi  du  royaume ,  Ta  rapportée  à  Tannée 
1041 ,  ainsi  qu'on  Ta  vu  ci-dessus,  page  44.  Je  crois 
d'autant  plus  nécessaire  de  relever  cette  erreur, 
que  si  la  France  esl  peut-être  la  contrée  de  l'Europe 
où  les  combats  judiciaires  ont  eu  le  plus  de  vogue  , 
elle  est  aussi  Tune  des  premières  qui  en  ail  aban* 
donné  Tusage.  Elle  a  du  moins  bien  décidément  cet 
avantage  sur  rAnglcterre ,  ainsi  qu^on  le  verra  au 
chapitre  XXVIll.  Voyez  aussi  le  chapitre  XXIX 
relatif  aux  duels  en  Danemarck  (106) , 

Un  autre  événement  bien  plus  important ,  déter- 
miné par  Tesprit  religieux ,  arriva  tout  à  la  fin  du 
11.^  siècle  et  prépara  la  grande  révolution  morale 
qui  s^accomplit  dans  le  cours  du  12.®  :  je  yeux 
parler  des  croisades.  La  première  eut  lieu  en  1000  y 
et  la  huitième  qui  fut  la  dernière  finit  avec  St-Louis, 
en  1270. 

UEufo/je  en  tic  te,  a  dit  dans  son  style  oriental 
la  princesse  Anne  Comnène ,  paniissait  comme  ar^ 
rachêe  de  ses  fondemcns  et  prêle  a  se  pfécipiter  sur 
VÀsie  (107).  Six  millions  d'hommes,  suivant  les 
auteurs  contemporains ,  prirent  part  à  ces  diverses 
expéditions.  Le  bruit  s^était  alors  répandu  que  la  fin 
du  monde  allait  arriver,  et  il  avait  merveiUeusemenI 
disposé   les   esprits  aux  prédications  du  célèbre 


—  CHAPITRE    X.—  71 

Pierre  l'Heraiile-  -La  proposilion  de  la  première 
trciiuido  fui  faite  en  mars  1095,  par  le  pape  Urbain  11, 
conrile  de  Plaisance  qu'il  présida  el  auquel 
«aistèrect  plus  de  (rente  mille  personnea.  Elle  Tut 
lenouTelèe  au  mois  de  novembre  suivant ,  à  celui 
de  ClennoRt  en  Auvergne ,  qui  tltait  plus  nombreux 
encore  ;  et  le  mthne  pape  y  fit  sur  la  grande  place 
de  la  ville  un  discours  qui  produisit  uti  lel  cntliou- 
,  qiie  les  assistaiis  s'écrièrent  tout  d'une  voix  : 
Dieuleveul!  Dieu  te  veut .' 

On  ne  perdit  pas  de  temps  :  la  première  eupé- 
dibon  se  mit  en  marche  le  15  août  1090,  sous  les 
iVnlres  de  Godefroy  de  Bouillon ,  doc  de  Lorraine , 
qui  menait  il  sa  suite  une  arm<^e  de  cent  mille  bom- 
presquc  entièrement  composte  de  l'élite  de  la 
koblesse  d©  France  et  d'Allemagne.  Enseplembre 
uhant,  Uugues-le-Grand,  fils  de  Henri  l."' ,  roi 
de  France ,  partit  avec  le  reste  des  principaux  sci- 
|^i«un  du  pays.  Ces  deux  expéditions  se  grossirent 
H  M  recrutèrent  considérablement  dans  toutes  les 
parties  de  l'Eiirope  qu'elles  traversèrent  avant  d'ar- 
mer en  Palestine. 

Lorsque  les  Croisés  se  furent  élabKs  dans  ce 
paya ,  ils  s'occupèrent  de  rédiger  un  code  des  loîa 
et  coutumes  «ju'ils  suivaient  en  Fran<re.  Ils  n'ou- 
Wièrcnl  pas  surtout  le  combat  judiciaire  dont  les 
(liiCTSes   formalitîiB  furent  soigne usemciil  réglées. 


72  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

Oïl  appela  ce  code  :  Assises  tl  bons  usages  du 
ro jaunie  de  Jérusalem.  Il  fui  composé  ep  1009,  la 
même  année  que  le  litre  de  rpi  fut  déféré  à  Godefiroy. 
de  Bouillon  (108). 

Cette  frénésie  des  croisades ,  qui  avait  saisi  en 
même  temps  toute  la  noblesse  européenne  et  qui 
dura  deux  siècles ,  fut  le  premier  coup  porté  à  la 
puissance  féodale.  Une  foule  de  sei^eiirs,  pour 
subvenir  aux  frais  de  ces  expéditions  y  vendirent 
à  vil  prix  des  affranchissemcns  à  leurs  serfçi,  aiovi 
qu^une  partie  de  leurs  droits  utiles  et  même  leurs 
héritages ,  en  vertu  d^une  autorisation  spéciale  qui 
leur  fut  accordée  par  le  roi  avec  divers  autres  pri-: 
viléges  et  exemptions.  Pendant  Tabsence  de  ces  no* 
blés  aventuriers ,  les  peuples  respirèrent.  Un  grand 
pombre  fut  moissonné  par  le  fer ,  les  privations  et 
les  maladies.  Cçux  qui  reparurent  dans  leurs  anti-- 
ques  manoirs  y  rapportèrent  des  mœurs  plus  doucea 
et  des  idées  de  justice  et  d^bumanité ,  quMls  em- 
pruntèrent aux  diverses  parties  civilisées  de  l^Europo 
visitées  par  eux  dans  leur  long  itinéraire  (109). 

Enfin  vers  le  milieu  du  12.^  siècle  survint  un 
dernier  événement  dont  Tinfluence  a  été  beaucoup 
plus  rapide  sur  les  mœurs  et  la  législation  ;  ce  fut 
la  découverte  d^un  manuscrit  du  Digeste ,  lors  de 
la  prise  d^Amalfi  en  Italie.  Comm^  ou  Ta  déià  yii^ 


ninipu, 
Poélréc 

B  (m»  I. 


-tchai-itbe  s.—  73 

Il  ilt-!uus  pnge  26 ,  le  fliimbcaii  de  ta  jurisprudence 

nimaJne  qui  régissait  les  riaiik-e  fi  l'épuqiic  de  l'ar- 

nit-c  des  Gcnnaina  ,  sVtail  iicinl  au  milieu  dea 

Iniubles  et  des  désordres  de  rinvasion.   A  peine 

a*wl-oii  conservé  quelques  vestiges  du  code  Théo- 

dosicn  dans  les  pnrlics  tnériditiimles ,  et  dans  les 

tecueîlsdu  droit  canonique.  Au  niois  d'avril  529, 

U  première  édition  du  code  de  Juslinîcn  avait  él£ 

publiée  h  Conslanlinople.  En  janvier  633,  parut  la 

cumpkUtioo   de  Tribonien  ,   appelée   Digeste  ou 

.faadecles.  Ce  corps  de  lois  n'a  guère»  alors  pé- 

ra  Occident;  du  moins  il  n'a  pu  s'y  main- 

tnir  long- temps   au  milieu  des  ténèbres  et  des 

Kènu  de  dévastation  tpii  suivirent  les  fréquentes 

Il     Btipations  des  barbares,  sortis  dès  le  siècle  pr&r 

HjlWnil  des  forêts  de  la  Germanie. 

^B  £j|  1137,  dans  la  guerre  de  l'empereur  Lolhaire  II 

contre  Roger,  roi  de  Sicile,  ijui  aoulcnail  l'antipape 

^naclel ,  les  troupes  impériales  prirent  et  pillèrent 

ili  Tille  d'Amalfi.  Des  soldais  Iroiivérenl  un  livre 

^wcpuis  long-temps  oublié  dans  la  poussière ,  et  qui 

^Kba  leur  attention  h  cause  des  figures  coloriées  qui 

I^  «  trouvaient  sur  la  couverture  ;  c'étjuenl  les  l'an- 

di-ctfs  de  Justiuîcn.  On  crut  d'ubord  ce  manuscrit 

I original  mc'mc  de  Tribonien  ;  mais  selon  Topinion 
lus  probable  de  Terrasson,  Hist.  île  la  Jun'sp. 
Ipm.,  cet  exemplaire  aurait  été  apporté  h,  AmalG  , 


74  —HISTOIRE   DES    DUELS.— 

par  quelque  liltéraleur  Byzantin ,  voyageant  alors 
en  Italie.  L'empereur  ne  voulut,  pour  sa  part  du 
butin,  que  ce  précieux  recueil  dont  il  fit  présent  à  la 
ville  de  Pise,  qui  Tavait  secondé  dans  son  expédition. 
De  là  vient  que  le  Digeste  fut  d'abord  appelé 
Pandectœ  Pisanœ  :  mais  en  1406,  les  Florentins 
s'emparèrent  de  Pise  et  enlevèrent  le  manuscrit  des 
Pandectes ,  qu'on  appela  depuis  lors  Pofidectœ 
Florcutinœ  (110). 

Cette  découverte  fut  le  signal  d'une  ère  nouvelle 
dans  toute  l'Europe.  On  apprit  alors,  ou  plutôt  on 
se  souvint  qu'il  existait  d'autre  droit  que  la  force , 
d'autre  puissance  que  le  glaive ,  d'autres  argumens 
que  le  meurtre  ;  on  l'avait  oublié  pendant  plus  de 
six  siècles.  À  dater  de  cette  époque  on  vit  décroître 
sensiblement  cette  antique  institution  de  la  preuve 
par  le  combat ,  qui  avait  été  si  souvent  combattue 
tantôt  par  la  religion ,  tantôt  par  ces  éclairs  de 
civilisation  qui  scintillaient  parfois  dans  cette  pro- 
fonde nuit  du  moyen  âge ,  tantôt  par  l'impuissante 
autorité  des  rois  (111)* 

IjCs  réglemens  de  la  T'/we  de  Dieu,  comme  Fa 
remarqué  Robertson ,  n'avaient  pu  contenir  long^ 
temps  l'humeur  violente  de  la  noblesse.  Elle  se  riait 
des  prédications  et  m^mc  des  foudres  ecclésiastiques. 
En  1 167  ,  un  siècle  environ  après  la  Trè^e  de  Dieu, 


—  CBAPITBE   \. —  7.5 

"^arul  le  premier  édil  réellement  rcslrictif  des  ducla , 
celui  de  Louis  VU ,  dit  le  Jeune,  qui ,  en  1 147,  aurait 
[iiis  i>art  en  personne  à  la  seconde  croisiide.  Par 
ccllG  loi  déjà  citée  plus  haut ,  pag.  44 ,  te  duel  fut 
défendu  en  matière  ci\>le  pour  tuule  dette  qui  nVx- 

iCidoil  pas  cinq  sols,  environ  75  livres  tournois  (1 12). 
k  A  l'époque  oii  inlervint  celle  ordonnance,  TÉlude 
da  lois  romaines  avait  déjà  fait  de  rapides  progrés 
en  Europe.  Peu  il^annèes  après  la  découveite  des 
PaMlecles  florentines,  il  s'était  établi  en  llalie  des 
écoles  où  l'on  enaei^ait  le  nouveau  droit.  Il  y  prit 
bientôt  une  telle  faveur ,  qu'il  éclipsa  la  loi  des 
Lombards ,  sœur  germaine  de  nos  lois  Saliqucs , 
rajeunie  par  Charlemagne.  De  là ,  il  se  répandit 
en  France  vers  1150,  et  fut  d'abord  enseigné  i 
Toulouse  et  b  MontpcUicr,  même  avant  l'établis- 
ictneat  des  universités  (113). 
U  est  vrai  de  dire  que  celle  propagation  du  droit 
■i|Otnaiu  en  France ,  soufTrit  d'abor<l  quelque  oppo- 
KBtJuudela  part  de  l'aulorîlé  ecclésiastique.  En  voici 
llanison.  Des  les  premiers  siècles  du  moyen  âge,  le 
I  dcrgè,  pour  combattre  la  férocité  des  mœurs  du 
Eknips  et  suppléer  à  l'absence  de  toute  législation , 
I  avait  établi  successivement  un  corps  de  lois  parti- 
m  tulières.  cl  même  des  tribunaux  ecclésiasiiqucs  pour 
K les  appliquer.  Ce  corps  do  lois  qui  fui  Appelé  par 
Ik  «uile  Droit  canon  était  un  (.-omposc  des  dispo- 


76  -î- HISTOIRE   DES   DUELS.-» 

sillons  les  plus  équitables  du  code  Théodesîen  et 
des  canons  des  conciles ,  auxquels  on  joignit  plus 
tard  les  décrétales  de»  papes.  La  compétence  dç  la 
juridiction  ecclésiastique  s^était  rapidement  étendue 
et  ayait  fini  par  embrasser  le  plus  grand  nombre  des. 
cas  litigieux.  On  sollicitait  même  comme  une  faveur 
^exemption  de  la  juridiction  civile  ;  et  cela  »e  con- 
çoil  facilement .  Ce  n^cst  pas  là  certes  un  des  moindre» 
services  que  le  clergé  catholique  ait  rendu  à  la  cause 
delà  civilisation.  Lesécrivainsprotestanseux-mémes 
n^ont  pas  refusé  cette  justice  à  Téglise  romaine.  Je 
renvoie  aux  Éclaircissemens  historUjues  la  citation 
du  magnifique  éloge  que  lui  ivresse  à  cetégani 
rilluslre  Robertson  (114). 

A  Fapparition  des  Pandectes ,  Tautorifeé  ecclé-^ 
fîasti({ue  fut  effrayée  de  Tenthousiasme  prodigieui^ 
qui  les  accqeiUit  partout  :  son  premier  mouvemen| 
fut  de  craindre  la  ruine  entière  de  la  juri^rudence; 
canonique  ,  et  en  conséquence  de  la  protéger.  Le 
pape  Ilonorius  III ,  voyant  Tétude  du  droit  romain 
faire  en  France  de  rapides  progrès ,  publia  la  dé- 
crétale  Capîtc  super  spécula,  lib.  XF deprwileg.  ^ 
qui  «  défendait  à  toutes  personnes  d^enseigner  ou 
d'apprendre  le  droit  civil ,  à  Paris  et  aux  lieux  cir- 
convoisins,  sur  peine  dVtre  interdit  de  la  profession^ 
d'avocat,  et  même  dV-tre  excommunié  par  Tévêque 
diocésain.  »  On  sait  qu'alors  la  plupart  des  avocats-. 


\ciercs.  Celle  décrélale  ne  &t  pas  grand  effet, 
cl  il  ne  paraît  pas  que  nos  évoques  aient  songé  à 
user  du  droit  extraordinaire  quelle  leur  allribuait- 
Aussi  Montesquieu  obsenre-t-il  que  «  le  nouveau 
droit  s'établit  successivcnient  et  se  maintint ,  maigre 
la  excommunications  tics  papes  qui  protégeaient 
leurs  cofwns»   (115). 

Saint-Louis ,  qui  n'avait  pas  plus  peur  que  de 
raison  de  ces  foudres  .spirituelles ,  tout  religieux 
qu'3  était ,  fit  traduire  les  codes  de  Justinien  et 
en  fil  un  grand  usage  dans  ses  Établissemcns ,  Phi- 
lippe-le-Bel  son  petit-fils ,  les  fil  enseigner  pour 
tenir  Lieu  de  raison  écrite  dans  les  pays  coutumiers 
cl  de  loi  dans  les  autres.  On  sait  que  les  coutumes 
étaient  des  usages  qui  s'étaient  successivement  établis 
dans  cbaquc  localité  pendant  le  cours  du  moyen 
ige.  La  tradition  seule  les  conserva  long-temps, 
rt  cites  s'amalgamaient  tellement  quellcment  avec 
lapralique  des  duels.  Dés  qu'on  vil  paraître  le  droit 
romain  OD  s'empressa  de  les  rédiger  par  écrit ,  soit 
pour  les  opposer  à  ces  lois  étrangères  que  re- 
poussait le  préjugé  national  là  où  elles  avaient  tou- 
jours été  inconnues ,  soit  pour  montrer  qu'on  savait 
w passer  de  leur  secours  (US). 


CHAPITRE    XI. 


Continuation  du  même  sujet.  —  Nouvelle  révolution 
morale  au  15.*  siècle. —  Chiite  de  l'empire  d'Orient. 
—  Découverte  de  rimprimerie.  —  Fin  du  moyen 
âge  et  des  duels  judiciaires.  —  Puissance  des  ins- 
titutions de  cette  épocpe* 


La  réyolution  morale  qui  marqua  le  cours  du 
12.®  siècle  fut  bien  loin  d'être  décisive  sur  la  marche 
de  la  civilisation,  principalement  en  ce  qui  concerne 
les  institutions  judiciaires.  Elle  ne  fut  en  quelque 
sorte  qu'une  préparation  à  celle  bien  plus  sérieuse, 
bien  plus  radicale  qui  s'opéra  dans  le  15.*^  siècle, 
et  dont  l'influence  fut  si  puissante  sur  les  âges 
suivans. 

II  fallait  bien  d'autres  secousses  pour  ébranler 
dans  sa  basé  cette  redoutable  féodalité ,  que  l'auteur 
de  l'esprit  des  lois  a  comparée  à  un  chêne  antique 
dont  on  aperçoit  au  loin  le  feuillage ,  mais  dont  les 
racines  se  cachent  dans  les  profondeurs  de  la  terre. 
Je  crois  que  Montesquieu  a  pris  pour  le  feuillage  du 
chêne,  celui  d'une  plante  parasite  qui  s'élève  jus- 
qu'à la  cime  de  Farbre ,  se  nourrit  de  sa  substance 


i  XI.  —  79 

1  dessèclie  le  tronc,  La  plante  parasite ,  c'est  la 
ft^dalilé  que  vante  Monlesquieti,  et  le  chêne  majcs- 
lucus  c'est  U  nation  franraiae.  Ainsi  prfsenli-e,  celte 
célèbre  comparaison  aurait  eu  le  seul  m6rite  qui  lut 
manque,  celui  de  la  justesse  (117). 

En  1453,  le  tràne  de  Constantin  s'écroula.  On  vil 
UD  héritier  du  nom  et  de  la  barbarie  de  Mahomet 
profaner  la  reine  de  l'Orient ,  celte  superbe  Cons- 
(anlinople  que  le  sort  des  armes  luf  avait  donnée; 
on  vil  le  turban  asiatique  détrùner  le  bandeau  im- 
périal et  l'islamisme  se  couvrir  de  la  pourpi^  de» 
Césars.  La  civilisation  fut  refoulée  vers  TOccidenl , 
ou  plutôt  elle  revint  visiter  son  antique  domaine, 
d'où  elle  avait  été  jadis  exilée  par  d'autres  barbares. 
Presqu'co  m^me  temps  eut  lieu  l'événement  le  plus 
décisif  de  tous  Sur  l'avenir  de  l'espèce  humaine  : 
l'imprimerie  fut  découverte  vers  1450  (118). 

La  civilisation  jusqu'alors  engourdie  et  pres-~ 
qu'immobile ,  va  faire  désormais  des  pas  de  géant. 
Ses  premiers  progrès  s'annoncent  par  le  pontificat  de 
Léon  X,  par  le  règne  de  François  I."  et  par  l'em- 
pire de  Charles- Quint.  Elle  semble  sortir  alors  des 
Unges  de  sa  longue  enfance  et  prendre  la  robe  pré- 
texte de  l'adolescence.  Ce  passage  aurait  été  court 
et  elle  aurait  marché  rapidement  vers  la  virilité , 
^  elle  n'avait  eu  k  traverser  les  torrens  de  sang  dont 
IwguçiiesdJles  de  religion  ont  inondé  le  16,* siècle. 


Iv 


80  *- HISTOIRE  DÈS   OUBLS.-^ 

Telle  est  la  série  des  événemens  qui  ont  précédé 
ia  clôture  de  la  longue  et  intéressante  période  du 
moyen  âge.  Dans  un  court  espace  de  quatre  années 
On  en  trouve  trois  réunis  qui  caractérisent  plus 
particulièrement  la  grande  révolution  alors  opérée 
dans  les  mœurs ,  savoir  :  là  découverte  de  ritn- 
primerie  en  1450  ;  la  chute  de  Tempire  d^Orient 
en  1  tWtiJllJll iÉI '"^'^T-  — ^— ^-«*  judiciaire  connu, 
ordoniliS  ■M^^iMpl^  de  Paris,  en  1464.  J'ai 

déjà  dit  au  chàpiEie  VIII  que  les  duels  de  la  pre- 
mière période  du  seizième  siècle  n'étaient  pas  de 
véritables  duels  judiciai/'es ,  mais  plutôt  des  duels 
autorisé^iet  présidés  par  des  rois ,  c'est-à-nlire  des 
duels  roycuix  (HO)- 

Une  sage  lenteur  est  nécessaire  dans  toute  amélio- 
ration sociale.  L'extirpation  des  abus  n'est  jamais 
plus  sAre  ,  plus  définitive  ,  plus  irrévocable  que 
lorsqu'elle  est  progressive.  La  marche  plus  ou  moins 
accélérée  du  progrès  est  essentiellement  subor- 
donnée à  l'espijprfin  fsiècle.  Toute  action  brusque 
et  improvisée  finissant  les  mœurs ,  appelle  une 
réaction.  Or,  l'effet  de  la  réaction  est  de  faire  revivre 
l'abus ,  et  qui  pis  est  de  le  réhabiliter  dans  l'opinion. 
Mais  quelle  est  la  main  assez  habile  pour  régler  le 
mouvement  social  et  le  mettre  en  parfait  équilibre 
avec  l'esprit  du  siècle  dans  lequel  il  agit  ? 


I 


»ciitPiTnz  Kl,—  81 

Od  i>eut  dire  néanmoins  que  le  progrès  fut  d'une 
lenteur  extràme  et  souvent  déscqtérnnle  pendant 
la  longue  période  que  nous  venons  de  parcourir. 
Quelle  était  donc  alors  la  force  des  institutions ,  et 
tjiielles  profondes  racines  elles  avaient  jetées  dans 
les  mœurs  !  Tout  cela  s'explique  par  un  seul  mot , 
l'esprit  guerrier,  les  habitudes  des  camps ,  le  mépris 
de  la  vie  humaine,  le  militarisme  enGn  (120). 

A  celle  époque  quelle  était  la  nation  irançaîse  ? 
Vue  fanion  de  chefs  militaires  et  de  seigneurs  dont 
h  rie  K  passait  k  la  cour  du  prince  ou  dans  (e 
naiioir  féodal.  Guerres  civiles,  ou  guerres  étran- 
gères, telle  était  leur  unique  occupation  ;  aussi  ne 
connaiasaieol-ils  d'autre  science  que  le  roanicmeat 
des  antKS.  Les  lettres  et  l'écriture  non-seulement 
étaknl  ignorées  de  la  noblesse  française  ;  mais  elle 
•e  EaisaA  même  un  titre  d'honneur  de  les  dé- 
daigner. Il  en  était  ainsi  notamment  à  l'époque  de 
la  seconde  race  ,  comme  l'a  remarqué  le  président 
Hénault  ;  et  cet  esprit  se  conserva  long  -  temps 
encore  sous  la  troisième.  Dans  le  cours  m^me  du 
dernier  siècle  ,  il  n'était  paa  rare  de  rencontrer 
des  actes  publics  terminés  par  cette  formule  :  £t 
a  Jècltirt:  tte  savoir  signer  eii  sa  tjiiaUlé  de  genlil- 
tutmmc  (121). 

Que  si  queiqit'im  venait  ii  se  scandaliser  de  ce 
discours ,  je  lui  rf-pondrnis  ce  qu'en  pareil  cas  ré- 


82  —  HISTOIRE  DBS  DVRIS.  — 

pondait  Montesquieu  :  Je  supplie  quon  tie  s*offense 
pas  fie  ce  que  fai  dit  >  je  parle  iV après  toutes  les 
histoires.  C'est  encore  d'après  les  témoignages  his- 
toriques les  plus  universels ,  les  plus  unanimes  et 
les  plus  dignes  de  foi  cpie  je  continue  (132). 

Le  peuple  en  masse  irétait  considéré  que  comme 
un  troupeau  dVsclaves.  Il  se  divisait  à  la  vérité 
en  deux  classes  principales,  les  serfs  et  les  hommes 
libres  ;  «  Mais,  dit  Robertson,  la  condition  de  ceux- 
ci  était  elle-même  si  insupportable  qu\)n  les  voyait 
(souvent  renoncer  par  désespoir  à  leur  liberté  et  se 
soumettre  volontairement  en  qualité  d'esclaves  à 
leurs  tyrans.  »  Le  même  auteur  ajoute  diaprés 
Montesquieu  :  «  Le  nombre  des  serfs  chez  toutes 
les  nations  de  TEurope  était  prodigieux.  En  France, 
au  commencement  de  la  troisième  race,  la  plus 
grande  partie  de  la  classe  inférieure  était  réduite 
à  cette  conditimi.  »  (123). 

Comme  le  peuple  alors  n'était  rien,  ne  savait 
rien  et  ne  pouvait  rien ,  c'était  d'en  haut  que  devait 
lui  venir  la  lumière.  Mais  envain  levait-il  les  yeux , 
il  n'en  apercevait  même  pas  l'ombre.  Il  dut  donc 
la  chercher  ou  plutôt  la  créer  lui-même.  Ce  fut  la 
nécessité ,  le  besoin  de  l'émancipation  ,  l'instinct 
du  bien-être,  Tamour  inné  de  la  liberté  qui  lui 
servirent  de  lanal  dans  cette  profonde  nuit.  Mais 
son  éducation  marcha  lentement ,  et  il  le  fallait 


—  CHAPITBE    XI.  ■ 


rWcn.  La  pi 


la  force  qui  marcltcni  plus 


>ftc  que  le  rBisoiinemciiI  el  les  doléances ,  où  se 
troiiTaient-elles  i"  Enirc  lef 
^ive,  et  le  glaive  était  l'iiiiii 


i  mrtins  qiii  tenaient  le 

:|iie  symbole  de  la  force  ; 

c'était  la  dernière  raison ,  la  seule  logique  du  temps, 

mbre  n'était  rien  en 


ubima 


du 


ralio.  L'avaiilag* 
conipRraison  (l!M). 

L'aristocratie  franraise  avait  toute  espèce  d'in- 
lérét ,  comme  on  le  verra  ci-après ,  h  la  conser- 
vation des  institutions  judiciaires  et  notamment  de 
celle  du  combat.  Aussi  la  voit-on  en  opposition 
permanente  contre  toutes  les  tentatives  d'amélio- 
rations ,  soit  qu'elles  vinssent  du  monarque  ,  dont 
die  contestait  l'autorité,  soit  qu'elles  vinssent  du 
clergé  qu'elle  traitait  en  rival .  Toujours  compacte  et 
homogcne  elle  résiste  durant  plusieurs  siècles  à 
Tiction  du  temps  ;  elle  triomphe  de  la  puissance  de 
Charletnagne ,  de  la  sagesse  de  Saint-Louis ,  du 
despotisme  de  Philippe -le -Bel. 

Dès  le  neuvième  siècle  on  voit  Charlemagne, 
occupé  k  éteindre  les  guerres  privées.  Tentât  il 
cberclie  k  subsliluer  ii  l'épreuve  du  combat,  celle  de 
la  CToii ,  tarli'il  il  veut  au  moins  arrêter  l'eiTusion 
dunng,  CD  remplaçant  le  glaive  par  le  bâton.  Vains 
cffnrts  !  l'espril  du  temps  l'emporte.  La  noblesse  en 
Champ'dc-MaTs  revendique  aoii  privilège  ;  on  hii 
Tciid le  i-uml)al  (125). 


84        \  —  HrSTOIBE   PER   PUKLS- — 

Dann  I(^  cours  du  dixième  siècle  ,  même  réa»- 
tanrc  d^s  seigneurs  i\  toute  tcntatiTe  de  rèffinne 
de  la  pAI  des  successeurs  de  Charlemagne  (126). 

Le  cli%it  romain  renaît  en  1137.  Saint -Louis 
TaccueillK^  1226  ;  il  profile  de  son  influence  pour 
supprimer-^éfinilivcmeul  en  1260  les  duels  judi-* 
ciaires  que^^èià  son  prédécesseur  Louis-le^Jeutie 
avait  restreSMwWML:^^^^  saint  roi  allait  encore 
trop  vite  ;  ilfUBMÎl  slm  tidècte ,  comme  presque 
tous  les  granij|i  nomittes.  Ses  vassaux ,  les  liaufs 
barons  du  royii|mie  se  groupaient  sans  cesse  devant 
ses  vues  d^amtiiorations.  La  plupart  refusent  <ib«tî* 
nément  d^admelfrè  les  ÉîabUuemens  dans  leure 
justices  ;  et  le  prîace  est  forcé  de  les  borner  à  ses 
domaines  (127).; 

Philippe-le-Bel^n  petit-fils  renouvelle  sa  dè« 
fense,  en  1308;  %8é  voit  comme  son  père  forcé 
d'y  revenir ,  en  13^  y  et  de  rétablir  encore  le  duel 
pour  certains  cas.     '\ 

Enfin  la  dernière  iéte  de  Iliydre  ne  tombe  que 
vers  1550,  onie  càKWs  environ  après  Tinvasion 
des  Francs  dans  lesÇdbles ,  et  plus  de  trois  cents 

ans  après  la  renaissance  du  droit  romain  ! 

On  interroge  la  raison  humaine  à  toute  heure ,  et 
chaque  siècle  répond  vn  mot.  Nous  marchons  plus 
vite  à  rheure  qu'il  esl^* 


1 


b 


CHAPITRE     XII. 


IcsniHB  des  dcuv  i^apilres  prwuédens.  —  O^iniont 
(les  auteurs  annîend  et  modernes  sur  le*  dueU 
judieiaircB  du  iBo\cu.à.^c-  —  Erceurs. —  Lujuslicct. 
-  Objeetiuns^ 


Rltiistoirc  des  dueU  au  rnûyea  illge|>eutse 
rco  quelques  mots. 

lolroduils  ee  Frauce  par  lea  Germains ,  ils  furent 
tarvs  pendant  la  durée  de  la  prcmièce  tace,  «u 
MrDoigBf^c  de  Méseraî ,  cité  ci->deNstis  page  37. 

Ils  repreHnext  vigueur  aou»  Martel,  et  suÎTaot 
une  période  ascendante  sau»  la  secemïe  race,  ifs 
arment  it  leur  moA-imiim  au  commeitcemcnt  de  la 
^inème ,  ()ui  est  aussi  rép(4(]ue  des  dernières  usur- 
Itatioiude  la  féodalité  (l!^)-  Les  efforts  de  Charle- 
magne  et  de  ses  successeurs  sont  vain»  pour  jHTt-ter 
ce  lurreDt  :  ils.  échttuent  devant  la  résist^ce  des 
•cigneora. 

En  1041 ,  ta  Trêve  dte  Dieu  suspend  uo  instant 
l'efliel  du  mal  ;  mais  elle  ne  peut  sufBre  pour  mettre 
«D  freiit  à  la  violence  de  la  noblesse. 


86  —  HISTOIRE    DES  DUELS.  — 

En  1096  eut  lieu  la  première  croisade  ,  et  la 
seconde  en  1147.  Uannée  1137  avait  été  marquée 
par  la  découverte  du  droit  romain;  et  en  1167, 
Louis-Ie-Jeune,  de  retour  de  la  seconde  croisade , 
publie  un  édit  restrictif  des  dueb. 

En  1260,  Saint-Louis  veut  purger  les  institutions 
judiciaires  qu^il  réorganise,  de  Tépreuve  du  combat; 
les  barons  du  royaume  rejettent  ses  ordonnances. 
Philippe -le -Bel,  son  successeur,  n^est  pas  plus 
heureux.  En  1303,  il  essaie  de  défendre  de  nouveau 
les  duels  ;  mais  il  se  voit  forcé  d^en  rétablir  Tusage 
trois  ans  après. 

En  1386 ,  duel  de  Carrouges  et  Legris ,  qui  comr 
mence  à  faire  ouvrir  les  yeux  sur  Tabsurditë  des 
Jugemens  de  Dieu  Ad  commence  la  période  décrois- 
sante des  duels.  Une  ordonnance  de  Charles  YI,  de 
1409,  réserve  au  roi  et  au  parlement  le  jugement 
des  gages  de  bataille. 

En  1453,  prise  de  Constantinople ,  qui  marque 
la  fin  du  moyen  âge.  Vers  le  même  temps  Fimpri- 
mené  est  découverte ,  et  le  dernier  combat  ordonné 
jftix  justice  a  lieu  en  1454.  Suivent  les  combats  en 
champ  clos  qui  reçoivent  un  caractère  particulier  de 
rintervention  exclusive  de  raulorité  royale,  et  même 
de  la  présence  des  monarques  qui  se  font  un  hon- 
neur de  les  présider.  Celte  dernière  période  dure 
un  peu  plus  d^up  siècle  (129). 


» 


-  87 

Oii  peul  remarquer  pour  acliever  ce  tableau  , 
iju'uDC  inlluence  unique  a  soutenu  les.  duels  judi-i 
Claires  pendant  toule  leur  durée,  ccihe  de  l'aristo-. 
cratie;  qu'une  influence  unique  les  a  cumbaltus  el>   ' 
a.  fini  par  en  triumplier ,  celle  du-  elergé..  • 

Quand  on  a  parcouru  altentivemeut  culte  longue' 
période,  toute  sntâllÉe  de  sang  cl  encombrée  de 
csdavrcs,  on  reconsait  sans  h^siler  que  si  le  cbrift^i 
liBoiamc  ne  s'cluit  pas  inlerpusé  dans  ces  grandes  | 
dcslructiuBS ,  s'il  n'avait  \jas  tempéré  cette  Fureup-  ' 
meurtrière ,  si  ses  miniavres  ne  s'étaient  pas  Tait  le»; 
gardiens  fidèles  des  vieilles  tradition» ,  s'ils  ii'avaicnl; 
pas  aauvé  du  naufragic  quelques  ntonumens  de» 
icieuces  et  des  lettre»,  ai  le  clergé  calholiqtic  enfio: 
n'avait  pas  caché  dans  son  sein  la  dernière  éliocelle' 
du  feu  siicrë ,  c'en  était  fait  h  tout  jamais  de  la  civï-: 
lisatiou  et  de  l'espèce  humaiue  ,  qui  aurait  tini  par 
&'tleiudi;c  dans  celle  longue  extermiiialiuu  (130). 


Je  crois  devoir  terminer  ce  résumé  tic  la  première, 
partie  de  celle  liisloire ,  par  quelques  réOesions  sur»  i 
les  écrits  des  principaux  auteurs  qui  se  sont  occupé» 
Je»  duels  judiciaices.  Je  ne  puis  les  citer  tous ,  car 
ils  sont  en  trcs-grasd  nombre.  Dè^^  la  renaissance  dit 
droit  romain,  ses  premiers  con>iiicn)a leurs  n'unt 
patt  dédaigné  cette  matière.  LcsBalde,  Icsliartbole» 
iriaprèscus  Alcial,  tous  trois  jurisconsultes  italiens 


88  —HISTOIRE    DES    DUELS.— 

s^en  sont  occupés.  Ce  dernier  esl  l^auleur  d^mi 
traité  spécial  qui  a  pour  titre  :  De  sùig^lari^riaf 
miriCf  On  cite  encore  parmi  les  écrivains  de  b^ 
même  nation  qui  ont  écrit  sur  ce  sujet,  le  napo-s 
litain  Mutio ,  Pozzo ,  Paris  de  Puteq ,  el  turlQuI 
riUustre  Scipion  Maffei  (131). 

Il  en  existait  aussi  plusieurs  en  AUenu^poe  el  ei| 
Angleterre  ;  tels  que  Smith  ,  Selden  ,  Gandoden  , 
Thomas  de  \Valaingham  et  autres  dont  nous  aurcMia 
occasioa  de  citer  les  écrits.  Parmi  les  jurisconsultea 
Hollandais  dont  la  plupart  pnt  traité  disertemeni 
plusieurs  matières  importantes  du  droit ,  je  doit 
citer  particulièrement  Janus  Slicher  et  Paul  Yoêl  « 
père  du  célèbre  Jean  Voët,  compientateur  du 
Digeste.  Paul  Voêt  a  composé  en  latin  un  pielit 
triMté  des  duels  reinpli  d^é|>udition ,  et  dont  (m  tfQUrs 
Tera  quelques  citations  dans  les  notes. 

Les  anciens  auteurs  français  dont  les  écrits  sur  iei^ 
duels  ont  été  les  plus  remarqués  sont  La  Béraudiére,^ 
Savaron ,  Dupleix ,  Basnage ,  et  surtout  d^Audiguier 
et  Brantôme.  Ces  deux  derniers  pi' ont  fourni  plu-t 
sieurs  anecdotes  intéressantes  (132) . 

La  plupart  de  ces  auteurs  notamnient  Alciat, 
d^Audiguier  et  Brantôme  ont  confondu  dansleura 
écrits  tous  les  genres  de  combats  singuliers.  Ainsi  ib 
appellent  duel  le  combat  d^Achille  et  d^Hector, 
ççlui  dçs  Hprtices  et  dçs  Curiç^ces ,  celui  de  DtivH  et 


^CHiPITRE    M..-  89 

ie  Golialli.  En  général  ils  vantetil  cette  institiitttm  cl 
pri-midml  mi^c  lui  créer  uiie  uohlc  cl  antique 
origine ,  en  clicrt^hant  h  graiiiU  frais  d^èrucUlioit  des 
édtnis  claiu  raiiliquité  la  plusreciiléi;.  Ou  en  a 
qiH-lqitmuna  reraonler  pnr-delù  le  déluge  et  as- 
gravcmcnt  que  Caïn  en  luanl  son  frcrc  Abel , 
Tut  le  jimnicr  des  duellistes  (l!i3)- 


Je  ne  connaic  aucun  auteur  moderne  qui  ait 
|i»bbè  d'écrit  spécial  sur  le  duel.  Quel<jues  bro- 
,  diurcs  oubliées  aujourd'hui  ont  jiaru  en  1829,  h 
I  roccasion  de  la  présentation  Ji  la  cliambrc  des 
jMÙrs,  d'un  pnyel  de  loi  sur  ce  sujet  (134).  Mai» 
il  ni  pbMietirs  écrÎTaina  qui  ont  parlé  des  conibala 
iiidivîaim  arec  plus  ou  moins  d'étendue.  Je  me 
conteulerai  de  citer  ici  les  deux  plus  célèbres , 
Itabertaon  et  Montesquieu.  Le  premier  a  traité  cette 
matière  avec  une  incontestable  Bupériorité  dans  son 
inlnxhiciian  b  rtùstoire  de  Cliarlea^Quinl,  qui  passe 
àbiin  droit  pour  un  chef-d'œuvre.  On  en  \>eut  jxigcr 
par  Ica  oondireusei  cîtaUous  dont  j'ai  curiclii  cet 
(luvrage  (135). 

Cet  écrivain  profond,  consciencieux  et  souvcraî- 
oemenl  impartial  a  tracé  un  admirable  tableau  des 
ùcclcs  qui  oui  précédé  le  règne  de  Charics-Quiiil. 
Heiictmlrant  les  épi-euves  judiciaires  cpi  en  sont  le 
uliu  importaut  épisode  ,   il  eu  a  fait  l'ubjel  des 


9ft  —  HKTOIKE   DES  DUELS-.  — 

reclierches  les  plus  savantes  et  de  la  plus  judicieuse 
critique.  (Test  son  ouvrage  même  qu^il  faut  lire  pour' 
bien  apprécier  Tesprit  de  Taristocratie  et  du  clergé  j 
ainsi  que  Tinfluence  exercée  en  sens  contraire  par- 
ces  deux  corps  politiques  sur  la  civilisation  du 
moyen  âge.  Ce  qu^il  dit  de  Taristocratie  »  d'autant 
plus  de  poids  qu^en  qualité  d'anglais^  il  ne  peut  être 
suspect  d^avoir  sacrifié  à  Tesprit  de  caste  ou  aux 
préjugés  nationaux  ;  et  son  témoignage  ea  faveur 
du  clergé  cadiolique  est  d^aulant  plus  irrécusable,' 
qu^il   était  protestant  et  même  ministre  du  culte 
presbytérien  en  Ecosse  (136). 
.    Quant  à  Montesquieu ,  je  Pavais  pris  pour  guide 
en  commençant  cet  ouvrage,  avant  d'avoir  lu  Ro- 
bertson  (137).  Je  regrette  vivement  d^avoir  à  remar- 
quer qu^on  ne  retrouve  pas  toujour»  Pimpartialité 
et  l'exactitude  de  Thistorien  anglais,  dans  quelque» 
passages  de  V Esprit  des  Lois  relatifs  aux  combats* 
judiciaires.  Montesquieu  était  gentilhomme,  mais  il 
n'était  pa»courtisan.  Dans  son  chef-d'œuvre  si  parfiul- 
d'ailleurs ,  il  a  visiblement  ménagé  Faristocratie  féo-- 
dale  et  traité  fort  sévèrement  les  gens  de  cour  (138). 
Quant  au  clergé ,  il  lui  est  plus  d'une  fois  arrivé  de 
le  sacrifier  à  la  noblesse ,  quand  il  le  trouvait  en* 
contact  avec  elle.  Mais  on  juge  assex  à  Fembarra» 
qu'il  y  met,  qu'un  motif  particulier  préoccupait 
ce  graad  écrivaia.  C'était  sans  doute  cette  fiftcheuse 


—  CHiPITRB    XII.—  91 

Rtol^rance  justement  rcpn»chùe  aux  cr<- liai  astiques 
B  L'e  temps,  et  dont  Montesquieu  a  eu  plus  d'une 
I  pcrsuunellcment  à  souD'rir  (130). 


Au  r.liapiire  VU  qui  précède  ,  j'aî  rapporté  avec 
;  scrupuleuse  exactitude  divers  traits  qui  con- 
-neiit  les  ecclésiastiques  relativement  auv  combats 
iiciaires.  L'impartialité  de  l'historien  m'en  faisait 
1  devoir.  Je  devais  d'ailleurs  exposer  l'accusation 
âms  toute  sa  force ,  résolu  que  j'étais  d'en  placer 
ici  la  défense. 

Montesquieu  était  doué  dVii  trop  bon  esprit  pour 
te  faire  udc  arme  contre  !e  clergé  de  faits  sem- 
blables, et  en  prendre  prétexte  de  l'accuser  d'avoir 
uuvertemenl  favorisé  les  duels.  Aussi  n'en  a-t-il  pas 
même  dit  un  seul  mut.  U  connaissait  sans  doute  celle 
H^  maxime  de  Saint  Jean-Chrysusti^mc  :  Piof/Uir 
iwioi  sacerdotes  ctiam  malos  honora.  Chrvsost.  , 
Bi  MtiUli.  25.  Mais  il  a  fait  aux  ecclésiastiques  du 
nuiTen  Age  un  reproche  d'une  aulre  nature ,  et  qui 
est  trop  grave  pour  n'être  pas  ici  soigne usemetit 
ctaminé.  On  trouve  le  passage  suivant  au  commeii- 
ccmcnl  du  Cliap.  XVIII,  liv.  XXVUI  de  VEsiint 
dei  Lois  i 

M  Malgré  les  clameurs  de»  ecclésiastiques,  ruBa;^c 
du  combat  judiciaire  s'étendit  toujours  eu  France  , 
et  je  vais  prouver  tout  Ji  l'heure  que  ce  furent  eux- 


L 


92  —  l»VTOIIlE  DES  DUELS,  ««i 

mêmes  qui  y  domièrent  lieu  ea  grande  partie.  »  le 
supplie  qu^on  lise  attentivement  dans  Montesquieu 
lui-même  la  suite  de  ce  chapitre,  et  Ton  verra  que 
sMl  a  prouvé  quelque  chose ,  c^est  précisément  tout 
le  contraire  de  ce  qu'il  vient  d^avancer.  Il  continue 
ainsi  :  a  C^est  la  loi  des  Lombards  qui  nous  fournit 
cette  preuve.  //  s'était  intraduit  depuis  long-iemps^ 
une  détestable  coutume,  est-il  dit  dans  le  préambule 
de  la  constitution  d'Othon  II ,  ^V^oue^si  la  charte 
4^  quelque  héritage  était  attaquée  de  faux ,  celui 
qui  la  présentait  faisait  serment  sur  les  Éi^angiles 
quclfçét^it,  vraie,  et  sans  aucun  jugement  préalable- 
U  se  rendait  propriéiairede  l'héritage;  ainsi  lespar^ 
jures  étaient  sius  d'acquérir.  Lorsque  Pempereur 
Othon  t.^'  se  fit  couronnera  Rome  Tan  902,  le  pape^ 
Jean  XII  tenant  un  concile ,  loua  lea  aeigneunt 
d'Italie  a'écrièrent  qu^il  Eedlait  que  Fempereur  fil 
une  loi  pour  corriger  cet  indigne  abua(140).  Le 
pape  et  Fempereur  jugèrent  qu^il  fallail  renvoyer 
Taffaire  au  concile  dç  Ravenne.  Ce  concile  eut  lîett 
l^Bin  967 .  Là  les  seigneur»  firent  leamémea  deasaoudest 
et  redoublèrent  leur»  cria;  mais  cette  affaire  fut 
ajournée.  En  988 ,  Othon  et  Conrad ,  roî  de  Bouiw 
gogne ,  vinrent  en  Italie  et  eurent  à  Yéroime  ua 
coUocfue  avec  lea  seigneurs.  Sur  leurs  isalances; 
réitérées ,  Tempereur  ,  du  consentement  de  tou», 
fit  une  loi  qui  portait  que ,  lorsque  sur  une  contesi* 


*-cn*piTHE  ^n.—  93 

talion  ,  une  p&rtie  produirait  udc  charte  cl  que 
l'aulrc  snuticti droit  qu'elle  éfnît  fausse  ,  l'affaire  se 
dffidçrail  par  le  combat  ;  rjue  les  églises  seraient 
sujeiiej  à  la  même  loi,  et  qu'elles  combattraient  par 
latrt  champions.  On  voit  que  la  noblesse  demanda 
Ik  preuTB  par  le  combat ,  ù  cause  de  l'inconvénient 
Je  la  preuve  introduite  dans  les  églises.  » 

Toute  l'argumentation  de  Montesquieu  est  ren^ 
Cerrnéc  dans  cette  dernière  phrase.  C'esl-lii  la  preuve 
qu'il  avait  promise  en  commençant.  L'argument 
aérait  sans  rëphque,  si  rétablissement  de  la  preuve 
par  serment  était  le  fait  du  clergé-  Or  sur  ce  point 
décisif  Toici  Topinion  de  Montesquieu  lui-même. 
On  trouve  ce  passage  remarquable  vers  la  fin  du 
Btéme  chapitre  :  njene  dis  point  que  ce  fut  le  clergé 
fui  eûi  ininx^û/Wo^edont  la  noblesse  se  plaignait. 
Cette  coutume  (  le  serment  )  dérivait  de  l'esprit  des 
kn  des  barbares  et  de  l'élabOssement  des  preuves 
n^atirea.  Mais  une  pratique  qui  pouvait  procurer 
rimp>milé  à  tant  de  criminels,  ayant  fait  penser 
<|ii*i]  fallait  se  servir  de  la  sainteté  des  églises  pour 
étonner  les  coupables  cl  faire  pâhr  les  parjures,  les 
eccJésiastîques  soutinrent  cet  usage  et  la  pratique 
«uquelil  était  joint;  car  d'ailleurs  1/5  ctaj>»to/)/}OJcj 
mix  preuves  nvgati\-es.  Nous  voyons  dans  Bcau- 
manoîr,  Chap.  XXXIX ,  p.  222,  que  ces  preuves 
ne  fureof  jamais  admises  dans,  les  tribunaux  eccli-- 


04  —HISTOIRE  DES  DUELS.— 

giastiqiied;  ce  qui  contiihua  sans  doute  beaucoup 
à  les  faire  tomber,  et  à  afiaiblir  la  disjiosition  des 
codes  des  lois  des  barbares  à  cet  égard.  » 

Quoi  de  plus  décisif,  quoi  de  plus  honorable 
pour  le  clergé  de  France  qu^in  pareil  témoignage 

dans  la  bouche  de  Montesquieu  ? Remarquons 

bien  les  conséquences  irréfragables  qui  en  résul- 
tent. l.<>  Le  combat  judiciaire  était,  comme  Ta 
très-bien  dit  Montesquieu ,  une  suite  de  Tadmiasion 
des  preuves  négatives ,  et  cela  est  si  vrai  que  la  loi 
Stdique  qui  repoussait  ces  preuves  est  muette  sur  le 
combat,  à  la  différence  de  la  loi  Ripuaire  qui  les  ad- 
mettait (1411)  •  2.<»  Le  sermenX  étant  déiii^  Je  Vesprit 
des  lois  des  barbares  qui  rapportèrent  en  France^ 
avec  les  divers  genres  ^épreuves y  les  ecclésiastiques 
durent  se  soumettre  à  cet  usage  qui  avait  dé  si 
profondes  racines  dans  les  lois  et  dans  les  mœurs. 
Mais  pour  en  corriger  Tabus ,  ils  y  ajoutèrent  une 
sanction  et  en  firent  un  acte  religieux.  Ik  cher- 
chaient ainsi  à  faire  taire  la  voix  dVn  coupjable 
intérêt ,  en  jetant  dans  la  conscience  humaine  le 
contre-poids  de  cette  crainte  si  puissante  alors , 
celle  de  la  colère  divine.  3.^  Le  clergé  était  placé 
entre  Talternative  unique  d'appuyer  de  son  suf- 
frage le  combat  ou  le  serment,  qui  étaient  les  seuls 
modes  de  preuve  alors  usités.  Il  était  placé  entre  la 
certitude  d'un  meurtre  et  la  crainte  d'un  parjure. 


-CHAPITRE   Tll.  . 


Or,  le  clergé  trouvait  un  bien  mnindre  mal  h  courir 
celte  dernière  ehancc.  Lo  noblesse  de  son  côté  re- 


îodjquait  le  meurtre.  Qui 


t  tort  ? 


e  meurt 

dergé ,  ont  dit  les  seigneurs,  et  après  eux  Mon- 
leaquieu ,  ce  qui  est  bien  plus  fAchcux .  Ce  n'est  pas 
lout ,  on  voulut  le  punir  de  son  oppoaitiun  et  il  fut 
décidé  ^u' il  ne  serait  pas  liii-nicme  cjrcmpl  de  la  loi 
commune  :  on  lui  imposa  le  combat;  on  voulut  bien 
aeiileinent par  tolérance  lui  permettre  un  remplaçant. 
Nous  croyons  rcver  quand  au  siècle  oii  nous  vivons, 
se  recontent  de  pareilles  choses  !.... 

«  On  voit ,  continue  Montesquieu ,  (pjc  la  no- 
blesse demanda  la  preuve  par  le  combat ,  à  cause 
de  rioconvénient  de  lu  preuve  introduite  dans  les 
^ises;  que  malgré  les  cris  de  cette  noblesse,  malgré 
r*bus  qui  criait  lui  -  mOme  ,  cl  malgré  l'autorité 
tl'OUion  qui  arriva  en  Italie  pour  parier  et  agir  en 
■ultre,  le  clergé  tiia  fenne  dans  deux  conciles; 
que  le  concours  de  la  noblesse  et  des  princes  ayant 
forcé  les  ecflésiastii/ues  it  céder,  l'usage  du  combat 
judiciaire  dut  cire  regardé  comme  un  privilège  de 
b  noblesse,  comme  un  rempart  conUe  l'injustice, 
fi  une  asiiwauce  île  sa  propiicté  et  que  dès  ce  mo- 
mcnl  cette  pratique  dut  s'èiiitdre.  El  cela  se  fit  dans 
un  temps  ou  les  Empereurs  étaient  grands  cl  les 
Pipts  pcliu,  dans  un  temps  où  les  Otiion  vinrent 
rtlablir  en  Ilalic  la  dignité  de  l'empire,  n   (Ii2). 


i 


96  ^HISTOIRE  DÉS  DUELS.-* 

Voilà  je  t>en9e  une  confirttiation  bien  compléfe 
des  divers  (loinls  posés  plus  haut  d&ns  Tiniérét  du 
rlcrgé.  7/  tint  ferme  long-iemps  ;  il  fut  enfin  forcé 
de  céder  à  Fascendanl  de  la  noblesse  Ijui  conserva 
le  combat  comme  son  pii\^itége,  MonietquÎMi  a  fort 
bien  expliqué  tout  cela  ;  mais  en  même  temps  A-t-Q 
donné  la  preuve  de  ce  qu^il  avait  prônas  f  À-tril 
établi  la  faute  ({u'ii  reproche  au  deq;é  P.... 

J^ai  regret  de  le  dire,  il  me  sembla  que  l^îmmortel 
auteur  de  V Esprit  des  Lois  s^est  laissé  dominer  dans 
tout  ce  chapitre,  par  une  inexplicable  préoocnpation 
dans  Tin  ter  et  de  la  noblesse.  Et  puis  il  appeHe  le 
combat  un  rempart  contre  V injustice  ,  une  sam^e^ 
garde  de  la  proptiété.  Il  parait  en  un  mot  Tap- 
prouver ,  et  il  accuse  le  clergé ,  contre  toutea  les 
régies  de  Téquité  et  de  la  logique  y  d^avoîr  été  la 
cause  que  cette  pratique  dut  s'étendre  ! 

Je  prie  le  lecteur  attentif  à  ce  grave  débat  que 
je  n^aurais  certes  jamais  osé  soulever ,  si  Mon- 
tesquieu ne  me  servait  à  réfuter  Montesquieu  hd- 
meme ,  je  le  prie ,  dis-je ,  de  remarquer  con^en 
dans  tout  ce  chapitre  la  préoccupation  et  la  rapicfilé 
se  font  à  chaipie  instant  remarquer.  On  trouve  cet 
autre  passage  à  la  suite  de  celui  qui  vient  d^étre  cité. 

u  Je  me  suis  pressé  de  parler  de  la  constitution 
d'Othon  II  y  afin  de  donner  une  idée  claire  de  ces 
lemps-là  entre  le  clergé  et  les  laïques.  Il  y  avait 


jurei 


—  CHAPITRE    XII.—  97 

tu  aiiparavADt  mip  conHtilution  de  Lolliairc  l."  , 
(ils  lie  Loiiî»-le-D6bbnnBire  ,  qui  ,  sur  les  mêmes 
l'faiiilrs  et  les  mi'mcs  dtmélèa,  voulant  assurer  la 
propriété  dos  hîcns ,  avait  ordonné  que  le  notaire 
jurerait  que  sa  charte  nVlail  pas  fausse  ;  et  que  s'il 

it  mort  on  ferait  jurer  les  lémoinp  qui  l'avaient 
Mais  le  mal  restait  toujours ,  il  fallut  en 
'HKttirau  remplie  dont  je  vient  depatier.  n 

Ce  qiù  se  passait  du  temps  de  Lothaire ,  n'cs(-il 
pas  ce  qui  se  passe  enrore  de  nos  jours  ?  Quelle 
diflérence  en  vérité  y  a-(-il  entre  sa  conalitulion  et 
notre  code  civil  P  Sur  quoi  repose  aujourd'hui  la 
foi  duc  b  un  acte  de  notaire  ?  Sur  le  serment  prêté 
par  cet  oRîcier  public  ii  son  entrée  en  exercice. 

Le  notaire  est-ii  suspecté? On  s'inscrit  en  taux 

contre  son  acte ,  comme  aulrcfois  on  faussait  une 
cliarte.  Et  quelle  est  la  preuve  qu'on  admet  ?  Des 
témoignages  reçus  sous  la  foi  du  serment.  Pourquoi 
donc  ne  pas  se  contenter  de  cette  sage  constitution 
de  Lothaire  f  S'il  y  avait  di:s  parjures ,  pourquoi  ne 
les  poursuivre  comme  on  le  fait  aujourd'hui  ? 

le  ne  leur  appliquait-on  le  capitulaire  de  Charte- 
magne  et  de  Louis-le-Dt^bonnaire ,  qui  punissait  ce 
TJme  de  la  perle  de  la  main  droite  (MS)?....  Mais 
MunteEquicu,  exclusivement  préoccupé  du  danger 
tte  vdir  les  propriétés  envahies  par  les  parjures , 
iroure  l>ou  <|u'<in  les  ait  adjugées  aus  S[)adassiiiB  et 


08  -—  niSTlOrRE  DBS  DUELS.  — 

aux  maîtres  d'armes  ;  et  c^est  de  la  plume  qui  a  èctiï 
V Esprit  des  Lois ,  que  s^est  échappée  cette  phrase  : 
Le  mai  ivsinit  toujours,  il  fallut  en  venir  €Ui  remède^ 
qui  était  le  combat  !!.... 

On  retrouve  du  reste  le  génie  de  Montesquieu 
dans  les  autres  chapitres  de  ce  livre  contacrés  aux 
duels  judiciaires ,  avec  des  réflexions  du  plus  haut 
intérêt  sur  les  institutions  Féodales,  et  les  inutiles 
efibrts  de  Charlemagne  et  de  Saint^Louis  pour  les 
améliorer  (144). 


CHAPITHE    XIII 


!  période. —  XVI.*  Bi^cle. —  PiahibittoH 
kdrs  duels. —  Du  dael  propi-eineDl  dit,  ou  duel 
LfolontAire. 


Le  16.*  siècle  se  présente  p5iir  fermer  In  lice 
du  moyen  âge.  Il  fui  une  Iransilîon  entre  le  siècle 
nÛTant ,  illustré  par  le  magnificjiie  règne  de  Tlenri- 
W-Grand ,  el  cette  longue  période  de  léncbrea ,  de 
mlenees  el  de  ruines  tju'on  vil  commencer  el  finir 
*ïec  l'empire  d'Orient  (1 45) . 

Quoique  la  prise  de  Constantinoplc  date  de  1453, 
on  pourrait  croire  que  pour  la  France ,  le  moyen 
i(e  a  duré  jusqu'à  Henri  IV  el  même  jusqu'à 
Louis  Xlll  ,  son  Successeur.  Car  ,  comme  on  le 
verra  ci-après  ,  la  bonté  naturelle  du  Béarnais  ne 
Iftnnit  guéres  aux  édiU  qu'il  publia  contre  les  duels 
illire  rcfTel  (pi'eu  attendait  sa  Sagesse  et  celle 
y ,  son  ami  el  son  premier  ministre. 


^  Le»  combats  juridiques  cl  Ira  tournois,  ce  dnnble 
c  de  In  barbarie  du  moyen  Age ,  se  traînèrent 


iOO  —  tlTSTOIRE  DES  DUELS.  — 

encore  pt'iiiblcmciit  jusqu'au  milieu  du  16.'' siècle. 
Vers  cette  ép«(|uc  un  événement  immense  arriva.  Il 
en  est  résulté  dans  Tordre  moral  une  de  ces  grandes 
secousses  que  produit  dans  Tordre  physique  ,  Té- 
ruption  d\m  volcan.  On  vit  couler  tant  de  sang  à  la 
Saint  -  Barthélémi  que  la  mesure  parut  comblée, 
quelque  forte  qu'elle  fût.  On  se  dégoûta  ou  oo  se 
lassa.  Il  s'en  suivit  une  sorte  de  réaction  ou  plutôt  il 
y  eut  un  temps  d'arrêt.  C'est  un  phénomène  dont 
on  pourrait  citer  plus  d'un  exemple  dans  nos  an- 
nales nationdes.  Le  seizième  siècle  dans  sa  caducité 
s'était  ceint  d'un  bandeau  sanglant  au  milieu  de 
l'horrible  boucherie  du  24  août  1572,  comme  le 
dix-septième  k  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes 
en  1685 ,  dans  les  proscriptions ,  les  confiscations 
et  les  dragonnades  ;  comme  le  dix-huitième  aux 
jours  de  la  terreur  en  1798.  Ces  trois  siècles  mar- 
chent dans  l'ordre  chronologique  avec  ces  insignes 
au  front.  Eh  bien  !  qu'on  regarde  à  leur  suite ,  on  j 
apercevra  la  réaction  dont  je  parle.  La  dernière  se 
fait  sentir  encore  au  moment  où  j'écris  (146). 

Le  combat  judiciaire  était  une  institution  émanée 
de  Tesprit  guerrier,  et  appropriée  à  la  rudesse 
de  mœurs  d'un  peuple  nomade  et  conquérant. 
Les  tournois  et  les  joutes  étaient  une  image  de  la 
guerre ,  un  simulacre  de  ces  luttes  meurtrières  dans 
lesquelles  se  résumait  alors  le  droit  civil  et  criminel. 


—  ciiAi>[TiiE  xiri.  —  101 

3  aîmail  tellement  les  duels  i[nc  ne  pouvant  lou- 
jtion»  s'y  livrer  en  réalité ,  on  en  nvait  adopté  une 
Ëction ,  on  en  avait  imaginé  un  jeu  qui  fil  long- 
temps fureur.  Tout  cela  disparut  avec  les  demiera 
vestiges  du  moyen  âge.  La  elirjsalide  privée  de  soit 
enveloppe  devait  périr  en  peu  de  temps.  Le  dtiel 
seul  resta,  te  duel  proprement  dit,  le  duel  autre 
^JMge  plus  vivante  cneore  de  la  guerre  ;  In  guerre 
^H^te  ,  l«  guerre  individuelle ,  la  guerre  en  temiM 
^Rkpûx,  qtiVn  peuple  belK(|ucux  aime  h  se  réserver 
Kiîl  eomme  ressource ,  puaae-tcnips  ou  consolation 
du  repoa  ,  soit  comme  réparelion  nécessaire  des 
^^^jures,  quand  la  loi  la  rcruse  ou  la  mitrchaude. 

^^Bl^rsque  les  duels  furent  ainsi  devenus  es-tra- 
^^^dicUuras  ,  une  nuance  presque  insensible  permit 
^^nbord  it  peine  de  les  distinguer  de  leurs  aines, 
^'ics  rois  et  les  tribunaux  n\-iulorisuieHt  plus  oITi- 
cieUenenl  le  combat ,  comme  moyen  de  décision 
iet  pfx)cè9;  mais  on  conlinua  d'y  recourir  pour 
»cr  les  diiïérens  qu'on  ne  pouvait  ou  qu^o» 
k  voulait  pas  porter  en  justice  réglée.  Colle  épuqtio 
it  même  ccUc  de  la  plus  grande  liccuec  des  duels, 
^fiunrav  on  le  verra  ci-aprcs. 

Les  seigneurs  d'alors  n'étaient  pas  d'humeur  k 

ifrc  long-tempa  hors  de  cet  éK-ment  au  milieu 

ftAiijiicl  Us  étuicul  nés  et  avaietil  été  nourris.  Les 


102  —  HISTOIRE    DBS    DUELS.  — 

actes  de  violence  de  toute  espèce  étaient  trop  dans  les 
mœurs  et  les  habitudes ,  pour  qu'on  pût  absolument 
s'en  passer.  Aussi  ne  tardèrent-ils  pas  à  reprendre 
plus  de  vogue  que  jamais.  Et  comme  la  justice  n'în-^ 
tervenait  plus  dans  les  querelles  pour  en  régler  li| 
réparation ,  la  licence  et  Tabus  furent  pouiaèt  à 
Pextréme.  Alors  quand  on  ne  se  battais  pas,  oa 
s'assassinait.  Aussi  un  duelliste  pouyaîtiâl  se  dopoer 
comme  un  fort,  honnête  homme.  On  devait  lui 
savoir  gré  en  effet,  de  n'être  pas  quelque  choae 
de  pis  (147). 

On  ne  pourrait  croire  aujourd'hui  à  quel  poÎB| 
était  porté  le  mépris  de  la  vie  d$ft  autres  et  rin^n 
souciancç  de  la  sienne ,  si  les  mémoires  conteau 
poraips  ne  nous  en  avaient  conservé  une  foule 
de  témoignages  irrécusables.  On  peut  consulter 
principalement  ceux  des  auteurs  qui  ont  ècril 
q)écialement  sur  les  duels,  tels  que  d^Audiguie^ 
et  Brantôme.  On  y  rencontre  k  chaque  pas  sur  to 
compte  des  principaux  seigneurs  du  temps  un^ 
multitude  de  traits  oii  la  plus  insigne  déloyauté  le 
dispute  i^  la  plus  froide  barbarie.  Pour  la  plupart 
des  chroniqueurs  de  ce  siècle ,  ce  n'étaient  que 
des  espiègleries  ou  d'ipnocentes  prouesses.  Le  tmi 
d^insouciance  et  de  légèreté  avec  lequel  ils  s'expri^ 
ment  habituellement  à  cet  égard ,  donne  la  mesure 
de  l'esprit  public  à  l'époque  où  ila  écrivaient  (1^}^ 


—  «aupiTAS  iin.7-  19$ 

Les  ohroniqiK»  el  les  nèBKNret  n^onl  guère 
lecuciltt  que  ce  qui  te  paiMÛt  dans  bi  capitale. 
Des  ade»  de  Tiakanee  de  tout  geore  détoUieat  eu 
tténe  tempa  lea  prorâicet.  Maît  cmnme  mt  n^eo 
failail  que.  dent  la  iMidilé  qui  ea était  le  Ihéélre^ 
9a  étajent  igneiés  parH»ut  ailleurt.  La  tradition  en  a 
camenrè  quelques  uns  qu^wa  serait  tenté  de  traiter 
es  Cddesc  aM|jaurd'hiii.  Tantûtc^esl  un  hobereau  ea 
mËtk  afcc  un  de  ses  voisins^  qui  le  guette  au  sortir 
dWe  wtKtme  el  lui  passe  son  èpée  au  IraTer»  du 
corpa,  au  moasent  oàcelui^  lui  présente  de  Teau 
kéaîte.  Tanl6l  c^esl  ua  seigneur  du  clocher*  qui  litre 
è  tm  sdgneuF  de  la  terre  un  combat  sanglant  en 
||pae  é|^Use  y  pour  ua  droit  d'eacensoia  el  de  pre* 
VÎer  h«nc  :  ou  biea  c^esl  un  amateur  de  chasses  qui 
pivad  pleisir  k  tirerea  guise  de  gibier  sur  les  paysans 
qu^il  trouTC  sur  soa  chemin.  L'impunité  protégeait 
dToadîaaîse  dte  pareils  actes^  Us  passaient  inaperçus 
mus  le  patronage  d^ua  homme  de  cour  ou  d'une  fs* 
idle  ea  crédit  (14t). 

Cétaienl-là  des  assassinats  sans  doute.  Qu^on  ne 
eroîe  paa  pourtant  qu'en  m'y  acrélant ,  je  sois  sorti 
de  maa  sujet  qui  est  de  parler  deaduels.  On  Terra 
au  chapitres  XVU  etXVllI  que  d'apaès  la  manière 
dont  on  se  comportait  alors  dans  les  combats  sin^ 
guKera^  il  n^y  atait  qu'use  bien  faible  nuance  qui 
les  séparât  des  véritables  assassinais^ 


104  —  IlfSTOIRE   DBS  DUELS.  — 

Celle  é{>oque  est  pourtant  ceUe  des  premiera 
édits  contre  les  attentats  à  la  sûreté  des  personnes. . 
On  vit  alors  les  souverains  commencer  à  s^occuper 
un  peu  sérieusement  de  la  police  de  leurs  états  et 
à  pourvoir ,  par  quelques  lois  fort  mal  exécutées 
à  la  vérité ,  au  maintien  de  la  paiic  publique* 
Telles  sont  les  ordonnances  de  François  I.*',  du 
mois  d'août  1539;  de  Henri  il,  de  juiUet  1547  } 
de  Charles  IX,  des  années  1561 ,  1566  et  1869; 
et  enfin  de  Henri  III ,  aux  états  de  Blois ,  en  1579* 

Par  redit  de  Charles  IX  de  1669,  U  était  expressé- 
ment défendu  «  de  poursuivre  au  sceau  Fexpéditîon 
d'aucune  grâce ,  au  cas  où  il  y  aurait  soupçon  de 
duel  ou  rencontre  préméditée,  que  le  délinquant  ne 
fût  actuellement  prisonnier  à  la  suite  du  rm  ;  sa 
majesté  se  réservant  d'accorder  des  lettres  de  ré-^ 
mission  en  connaissance  de  cause.  » 

Mais  la  plus  remarquable  des  ordonnances  de 
Charles  IX  est  celle  de  1566,  donnée  à  Moulins. 
Ses  dispositions  pleines  de  sagesse  et  d'humanité 
contrastent  étrangement  avec  le  caractère  connu 
du  prince  législateur.  Tout  s'explique  lorsqu^on 
se  souvient  qu'elle  est  l'ouvrage  de  l'immortel  chao* 
celier  de  L'hospital.  On  la  trouvera  aux  Éclair» 
cisscmens  historiques  (150). 

Les  articles  194  et  195  de  l'ordonnance  de  Blois 
portaient  :  u  Les  édits  et  ordonnances  faits  par  les 


1-  l«ï 

rois  nos  prMèccsseurs  seront  entiéremeni  gardta  et 

observfa.tantconIrelcsprîncipBUJ  auteurs  que  ceux 

qui  les  accompli  feront,  pour  ijuclque  orcnsion  ou 

L  frUtrttc  que  Icsdita  meurtres  puissent  ^Ire  commis, 

|<Joit  ftour  l'cngfir  ^iieivlle  ou  aulrcmciil.  Pour  le 

f  Kpird  dtB  assassius  et  ceux  qui ,  h  prix  d'argent, 

M  louent  ^OMr  tuer,  out/vigcr  ou  excéiUr  tutcuns, 

\  CnMmbte  c«ux  qui  les  auront  lou6s  ou  induits  pour 

t  et  foire  ,   nous  voulons  la  seule   machinntion  et 

[Mental  être  punis  de  mort  ;  dont  nous  n''entendona 

Faacune  grÂce  ni  rémission.  Et  où  au<:une 

rtunilé  serait  octroyée  ,  défendons  Ji  nos 

l-cPy  avoir  aucun  ^gard ,  encore  qu'elle  Tut 

Bgnéc  de  notre  main  et  contre-sigii£-e  par  uti  de  nos 

arcrètaires  d'État.  » 

Que  pouvaient  de  pareilles  lois  en  préscnoc  des 
exemples  contraires  donnés  par  ceux-là  mt-mc  qui 
les  signaient  Ê*  François  I.'^  qui  faisait  revivre  dans 
M  personne  cette  vieille  prérogative  royale  oubliée 
depuis  Louis-le- Bègue ,  de  trôner  dans  les  champs 
elt»;  Henri  II ,  qui  suivait  le  Funeste  exempte  de 
tnn  père ,  avaient-ils  bonne  grâce  à  publier  de» 
Mhs  »è\'éres  contre  les  homicides  ?  Que  direi-je  île 
l'Hutcnr  de  la  Saint  -  Barlhélémi ,  et  de  celui  qui 
Taisait  égorger  un  duc  de  Guise  au  milieu  mc^me 
de  l'assemblée  des  étals  du  royaume  où  d  rcglc- 
mnitait  contre  les  assassius  i' 


)06  «»•  lUSTOIRB  DBS   PUBLS.  — 

En  vérité,  je  n^ai  su  long-temps  quel  nom  donaer 
à  une  pareille  époque  1^  U  me  paraissait  dffîcile  de 
placer  au  16.®  siècle  le  commencement  de  lu  daur 
çcième  période  de  Thistoire  dea  duels  en  France  ^ 
celle  des  prohibitions ,  puisque  jamais  peut-«étre  le» 
duels  ne  devinrent  {^u&  firéquena  et  surtout  pkia 
fitroces  que  lorsqu'ils  furent  défendu».  CçpendanI 
cette  époque  embrasse  ua  asse*  long  espace  dOc 
temps,  et  il  n'est  malheureusement  qu^e  trop  yraî 
qu'elle  comprend  même  le  r^ue  49  Henri  IY«  Dtm 
cet  inlerralle  d'un  siècle ,  ces  iianl^mea  de  teîa , 
en  dépit  d'une  sévérité  qui  n'était  que.dawleurabar 
pales  formules,  n'en  imposèrent  à  per^pnne.  Toul 
ce  vain  appareil  d'autorité  venait  se  briser  conlrq^ 
l'écrit  général  d^un  siècle  sans  moraJie  et  sana  freîiïu 
Cette  hypocritte  légale  durera  jusqu'à  {Uchelieu* 

  peine  avait-on  vu  a'évanouiir ,  Wrs  de;  VétaUi^iif 
sèment  d'une  jus^ce  régulière  »  ce  prétexte  die  1% 
crainte  des  parjures  qui  avait  soutemi  si  lMig-4eoapae 
les  duels  publics  et  solennels  appeléa  comfyft,s  judi^ 
ciaires,  qu'on  imagina  uq  nouvel  exp&dieiit  pou^ 
conserver  cette  autre  e^èœ  de  dueli^  qui  se  pas^ 
sèrent  à  huis  clos  ^  et  où  il  n'y  eut  d'aMte^  témoiui 
que  des  complices,  d'autres  r^Ies  que  la  hainiQ. 
et  la  fureur  des  cliampion^.  Qe  nouveau  prétextq^ 
fut  nommé  le  pqini  d'hQnn^^r*  J«  ^m  efljsayer  de  ie 
faire  connaître. 


i^aBsvaaava 


CHAPITRE    XIV, 


De  rhonneur  oonsidérë  Gomme  mobile  prineipal  d« 
Aiel.  — c  AoceplioQS  diTemet  de  ce  mol.  —  Ce  que 
cVtl  cpe  l^honneiir  en  morale  et  cbet  les  daelltttet. 
r—  Ervenre.  ^-  Préjugés.  — *  Abus.  —  Origine  àm 
poînl  dliottneiir.  — r  Son  incompalibiUlé  iivcc  te 
;io4l  ei  U  philosophie. 


Cn  MMit  «M  grande  enirepriee  que  d^eattyer 
d^eipliiiuer  ce  qu^on  entend  par  le  poimi  iThontteur. 
Mowlraqiiiett  appelle  la  t'erfy ,  Tamour  de  la  patrie 
el  rabii<|;atîaB  de  aoî-méme.  Il  n^a  pas  prédtèment 
dèfiiii  oe  que  o^eit  que  Vlumn^ur;  nuûs  il  a  dît  que 
$a  natuwe  est  de  demander  des  préférences  ef  de» 
Ustimctians.  Il  00  tVigit  \k  que  4e  rhonneur 


On  peul  se  bhre  une  idée  de  la  portée  de  ce  mol 
ftt  OMMfrit  ;  mais  en  matière  de  duel  il  est  plue 
iMde  4*en  iMliquer  la  yaleur  que  le  irérîtable  sens. 
LliooDeuv  ,  dans  Pacoeptîon  la  plus  vulgaire, 
c^esl  la  bonne  renomma ,  c^ett  Testime  d^autrui. 
B  consiste  bien  moins  dans  ce  que  nous  sommes , 
i|Me  dans  ee  que  les  autrcf  pensent  de  nous.  Je 


1€8  —  HISTOIRE  DBS  DUBL8.  — 

trouve  entre  l^honneur  et  la  vertu  cette  différence 
capitale  qu^il  y  a  plus  d^apparence  que  de  réalité 
dans  le  premier ,  et  de  réalité  que  d^apparence  dans 
la  seconde.  Aristide  qui  aimait  mieux  être  juste  que 
de  le  paraître,  était  un  homme  vertueux.  On  Fa 
surnommé  le  juste;  on  ne  le  trouva  pas  honorablti 
apparemment ,  puisqu^on  lui  fit  subir  Tostracisme. 
On  sait  que  Montesquieu  a  Cedt  de  Thoniieur  Tattrihut 
des  monarchies ,  et  a  laissé  la  vertu  pour  apanage 
aux  républiques.  Le  même  auteur  ajoute  que  le 
principe  de  la  monarchie  se  corrompt  quand  PAori- 
neur  est  mis  en  contradiction  avec  les  honneurs,  el 
qu^on  peut  être  tout  à  la  fois  couvert  d*îafiEuiiie  et 
de  dignités  (151). 

Le  substantif  honneur  et  son  adjectif  honomblù 
sont  aujourd'hui  fort  à  la  mode.  Le  mot  est  partout;^ 
la  chose  est  peut-être  beaucoup  plus  rare.  La  qualî* 
fication  d^ honorable  se  trouve  dans  toutes  les  bou-* 
ches  et  on  Tadresse  à  tout  venant.  On  dit  :  Mœè 
honorable  collègue ,  mon  honorable  ami ,  et  tout 
cela  sans  conséquence.  C'est  une  variante  du  sieur 
ou  monsieur,  et  Ton  honore  tout  le  monde ,  comme 
on  est  de  tout  le  monde  le  très-obéissant  serviteur. 
C'est  une  locution  qui  n'a  plus  de  valeur. 

Le  mot  honneur,  excepté  dans  le  langage  poli^ 
tique ,  dans  l'argot  du  jouroalisme  ^  est  en  revanche 
un  mot  trés-significalif  (152).  C'eat  ce  mot  ma-« 


Keu 


;v.  -  109 

pque  qui  s  mis  et  met  encore  si  souvent  lYpi'-e  h.  \a 
mnin,  qiii  a  divisé  tant  d'amis,  qui  a  produit  tant 
tic  catastrophes ,  qui  a  fait  rouler  tant  de  sang  et 
it  de  larmes.  Ce  mot  me  parait  susecplible  de 
:ux  signiGcalions  qui  sont  loin  de  se  ressembler. 
J'envisage  d'abord  la  première. 

Ce  tpi'on  appelle  honneur ,  en  langage  de  duel , 
o'est  le  plus  souTent  que  du  respect  humain  ou  de 
l'amour  -  propre.  Le  resjiecl  humain ,  c'est  cette 
mauvaise  honte  qui  empêche  de  braver  un  préjugé 
vulgaire.  Qu'en  dira-t-on?. ...  Cela  suffit  pour  faire 
en  un  instant  tourner  la  liîte  la  plus  solide ,  pour 
allumer  le  sang  le  plus  froid.  Ami,  concitoyen, 
père  de  famille ,  tout  cela  est  oublié ,  tout  s'évanouît 
devant  le  mot  Itonneur;  et  ce  mot  n'est  lui-même 
qu'un  énorme  contre-sens. 

V amour 'piopiv  consiste  principalement  dans 
cette  jactance  du  mépris  de  la  vie,  autre  contre- 
lens  non  moins  bizarre.  L'instinct  de  la  conservation 
ett  te  premier  des  gentimens  naturels.  Il  n'a  donc 
ncD  en  lu^même  dont  on  doive  rougir.  Mais  comme 
la  bravoure  ou  valeur  guerrière  se  tait  un  devoir 
il'iiirroDler  la  mort ,  ce  qui  est  une  vertu  quand 
l'intérêt  de  la  pairie  l'exige ,  on  a ,  par  esprit  d'imi- 
lation,  transporté  ce  sentiment  dans  la  vie  civile. 
Cependant  le  motif  n'est  plus  le  miîme ,  et  le  sacri- 
fice rc3te  sans  compensation.  Celui  pour  qui  la  vie 


llO  -^HIStOtRÈ  DES   l>0fiLS.  «» 

n'es!  d^aucuti  prix  prouve  qu^il  n'en  datt  pas  Mer. 
Chacun  du  reste  estime  sa  tie  ce  qu'elle  tbuI.  Si  la 
taleur  sait  braver  la  mort ,  le  courage  plus  grand 
brate  la  mort  et  la  vie.  La  valeur  outragée  se  iréligt» 
avec  éclat  et  le  courage  pardonne  en  silence  (158). 
Envisagé  dans  sa  seconde  acception  ,  le  point 
d'hondeur  pourrait  avoir  quelque  chose  de  plus 
plausible.  Le  combat  judiciaire  Ait  lon^-^tenipa  fe 
mode  à-peu-près  unique  d'obtenir  justice.  Plus  tard 
la  loi  en  indiqua  d'autres  et  accorda  jj^our  les  injures 
certaines  réparations;  mais  elle  n^a  pu  prévoir  toute» 
les  offenses ,  et  dans  la  nomenclatai^  qu'elle  en  a 
donnée^  elle  en  a  omis  volontairement  du  non  un 
asseï  grand  nombre.  lien  est d'auti^es pour  lesquelles 
elle  n'a  accordé  qu^une  réparation  insuffisante  ùa 
illusoire  ;  soit  que  le  législateur  ait  mal  calculé  TeffH 
de  ses  dispositions ,  soit  qu'il  ait  refusé  de  se  «ou- 
mettre  au  préjugé  qui  attribuait  à  certaines  offiettaes 
un  degré  de  gravité  qu'il  n'apercevait  pas  lui-même. 
Le  caractère  français  ,  futia  fnmeese ,  est  trop 
bouillant,  trop  impressionnable  pour  s'armer  d'unfe 
patielice  inactive  devant  ces  sortes  d'injut^s.  A  dé- 
faut de  loi  ^  il  a  cherché  un  autre  mode  de  répa- 
ration, n  était  tout  trouvé  dans  le  duel  qui  fut 
conservé  pour  des  cas  de  ce  genre.  On  sci  fit  donc^ 
un  point  d'honneur  de  suppléer  à  cette  lacune 
de  la  loi.  Son  nlence  n'en  imposa  pas;  la  t&ît- 


\ 


—  CRAI'ITbR   XIV.  —  II  I 

|finimil£  fut  déclarée  tme  faiblesse ,  et  la  patience 
une  Uchclé. 

On  alU  bien  plus  loin  encore ,  il  y  cul  des  caa 
pnur  lesquels  ce  fut  presque  une  honte  d'invoquer 
Tappui  des  lois.  L'intervention  du  magisiral  fut 
lepmiWe;  on  lui  préféra  celle  du  glaive.  C'était 
^«s  eipéditif.  Malheureusement  celte  façon  d'agir 
peut  trouver  une  Sorle  il'excuse  dans  la  lenteur  et 
Is  biMrrerie  de  nos  formes  judiciaires ,  j'ajouterai 
tnéme  dans  la  jurisprudence  de  nos  tribunaux  en 
Anliére  d'injures  privées.  Il  est  d'ailleurs ,  il  faut  en 
convenir,  certains  griefs  qui  n'ont  rien  de  Judi~ 
tiaire.  L'honneur  dans  ces  matières  est  quelque 
chose  de  si  subtil ,  de  si  délié  qu'il  échappe  à  toute 
*lèGn>tioa  légale.  Ce  senliment  exquia  et  délicat 
■uraîl  iTaîDeurs  tout  h  perdre  dans  des  controverses 
puMiqtics  el  dans  les  luttes  du  barreau.  De  pareils 
piett  ne  paraissant  du  ressort  d'aucun  tribunal , 
il  n'est  resté  d'autre  juge  que  soi-mdmc.  Il  est  à 
craindre  qu'il  n'en  soit  encore  ainsi  de  long-temps, 
le  reviendrai  sur  cet  important  sujet  h  la  fin  de  cet 
énvragc. 


11  en  est  du  point  d'honneur  en  général  comme  de 
l'pBUCoup  d'usuges  et  de  préjugés  dont  l'origine  et 
l'Hjinologie,  quand  on  peut  le»  découvrir,  frappent 
[wirlnir  étrangi'té  et  leur  biiarrerie.  Si  l'on  donnait 


112  —  BISTOIRB   DES   DUELS. -« 

h  lire  à  un  duelliste  de  profession  le  cliapitrc  de 
V Esprit  (les  Lois ,  qui  a  pour  titre  :  Origine  dUipoi§àt 
d'IiOiuieur,  sa  surprise  serait  grande  peut-éire ,  et  il 
serait  sans  doute  tenté  de  traiter  Montesquieu  de 
rêveur  et  de  songe-creux.  Quel  moyen  en  effet  de  se 
déterminer  k  croire  que  des  préjugés  auxquels  on 
atlaclie  une  importance  assex  grande  pour  leur  sa* 
crilier  k  chaque  instant  sa  vie ,  ont  leur  source  dans 
des  institutions  dont  la  raison  humaine  a  fait  depuis 
long-temps  justice  ?  Un  amateur  de  duels  poumit-il 
aujourd'hui  de  sang  froid  s'entendre  4;onparer  pour 
les  sentimens  et  la  façon  d'agir ,  à  un  aigrefin  du 
14.^  siècle  ?  Il  en  est  pourtant  ainsi  :  s^il  y  a  quelque 
différence,  c^est  seulement  dans  la  forme  et  les  épo- 
ques ;  et  nos  bruiteurs  actuels  ne  sont  bien  réellement 
que  les  successeurs  des  champions  du  moyen  àg^. 
L^originc  du  point  d'honneur  n'est  pas  chose 
controversable,  sur  laquelle  pourraient  diversement 
s'exercer  les  dissertations  des  érudits.  11  ne  iaut  pas 
un  grand  effort  de  science  pour  la  découvrir,  et 
Montesquieu  en  l'indiquant  sommairement ,  n^a  dit 
que  tout  ce  (}uc  le  monde  savait  ou  était  censé  savoir. 
Mais  aussi  peut-être  personne  n'y  songeait  aupara- 
vant. Aujourd'hui  mome  réfléchit-on  sérieusement 
sur  de  pareils  sujets  P  N 'est-il  pas  vrai  que  la  préoo- 
(rupation ,  cette  maladie  du  siècle ,  nous  absorbe  à 
tel  point  qu'elle  équivaut  presque  k  de  l'ignorance  ? 


—  OHIiI'lTnE   1 


\ 


Il  n'y  a  donc  rien  de  plus  rloir  et  de  moins  con- 
Icilable  que  l'aflinitë  qiii  existe  entre  le  combat 
juridique  et  le  duel  de  nos  temps  modernes.  Celui- 
ci  lunriTBnt  i  son  aine  n'en  a  pas  répudié  rbéritage. 
Il  l'a  même  accepté  sans  bénéfice  d'inventaire ,  et 
k  plus  grande  partie  de  ce  qui  avait  appartenu 
•u  défunt  a  été  conservée  avec  un  soin  reHgieux. 
De  toutes  les  gothiques  maximes  ,  qui  mettaient 
In  vmes  bui  mains  des  preux  du  moyen  âge  , 
tut  ijûle  une  collection  quVn  convint  d^appeler 
le  point  d'honneur. 

Ainsi  un  coup  de  bâton  ne  déalionorait  personne, 
lu  temps  d^Âlcibiade  et  de  Lycurgue.  Iciusjastium 
o^amiam  non  importât,  dît  la  loi  romaine  (154). 
Eh  bien  !  un  coup  de  bâton  prit  chez  nous  le  carao 
lire  du  dernier  outrage,  non  pas  physique,  mais 
mors]  ;  ce  qui  suppose  le  coup  le  plus  léger.  Pour- 
quoi celai*...-  Parce  que  les  gentilshommes  ayant 
#uls  le  privilège  de  se  battre  à  cheval  avec  leurs 
mnes ,  Inndis  que  les  'vilains  combattaient  à  pied 
uec  le  bâton ,  il  suivit  qu'un  homme  qui  avait  été 
(rappé  du  bâton ,  avait  été  traité  comme  un  vilain. 
Ofaserrons  la  mi^me  chose  pour  un  démenti.  C'était 
par  un  démenti  qu'on  engageait  le  combat  avec  sa 
partie  adverse  ,  qu'on  l'engageait  avec  ses  témoins , 
({iron  l'engageait  avec  les  juges  quand  ai\  faussait 
leurs  jugcmcns ,  c'esl-îi-dirc  qu'on  en  appelait.  Eh 
8 


m  •— mSTOÎHE  DES    nUEL.^.  — 

bien  !  le  démenti  est  encore  un  cas  de  duel  irrémis- 
sible. Sxiblatd  causa  lollitiir  effet  tus,  dit  le  proverbe 
latin.  Chez  nous  c^est  le  contraire;  la  cause  dis- 
parait ,  mais  Teffet  reste.  Que  d^exemples  on  en 
pourrait  citer  ! 

L^homme-Dieu  traîné  devant  Caiphe,  par  ceux 
qui  Taccusaient  d^exciter  le  peuple  à  la  révolte, 
souffrit  patiemment  un  soufflet,  et  sa  sublime  morale 
recommande ,  lorsqu^on  en  a  reçu  un  sur  une  joue, 
de  tendre  Tautre  :  Si  quis  le  perçussent  in  dex» 
teram  maxillam  tuam,  prœbe  illi  et  alteram  (1 65) . 
Mais  depuis  il  s^est  trouvé  que  dans  un  pays  qu^on 
appelle  France ,  les  vilains  combattaient  à  visage 
découvert ,  à  la  différence  des  gentilshommes  qui 
avaient  le  privilège  de  le  cacher.  Or ,  comme  il 
n^y  avait  qu^un  vilain  qui  p&t  recevoir  des  coups 
sur  la  foce ,  un  soufflet  devint  une  injure  qui  devait 
être  lavée  dans  le  sang ,  parce  que  celui  qui  Tavail 
reçu ,  avait  été  traité  comme  un  vilain.  De  là  le 
proverbe  :  Jeu  de  mains,  jeu  de  vilains. 

Long-temps  la  grandeur  des  excès  fit  la  grandeur 
des  outrages ,  dit  Montesquieu  ;  ce  qui  parait  assez 
logique.  Il  n^en  est  plus  de  m^me  aujourd'hui  dans 
notre  siècle  si  rationnel.  C'est  tout  le  contraire  qui 
existe.  Plus  est  in  opinione  quàm  in  veritate.  Ainsi 
prenez  un  bâton  du  plus  fort  échantillon ,  une 
massue ,  un  assommoir  ;  frappez  de  toute  la  force 


-CHiPITSK  XIV.  — 


115 

de  TOtre  bras  ,  l'injure  sera  U-gêrc.  Mais  elle  aug- 
menlera  en  proportion  inverse  tic  la  grosseur  du 
biloD  :  si  ce  n'est  qu'une  canne ,  une  vergette , 
une  cravache ,  vous  êtes  arrivé  au  maximum  de 
l'outrage. 

Le  coup  de  bâion  est  fmineminent  contondant 
en  style  medico-l^gal ,  c'csl-à-dire  qu'il  fait  des 
meurtrissures  plus  ou  moins  graves  ;  mais  il  est  bien 
moins  injurieux  que  le  coup  de  mains ,  qui  ne  peut 
guère  produire  qu'une  légère  rougeur ,  tout  au 
plus  une  échymosc.  Voulez-vous  frapper  de  la 
miin?  gardez-vous  de  l'ouvrir;  car  alors  c'est  un 
soufflet  que  vous  donnez.  Si  vous  la  fermez,  voua 
Etre»  plus  de  mal  ;  mais  vous  n'aurez  donné  qu'un 
coup  de  poing.  Or ,  la  différence  est  énorme  :  un 
coup  de  poing  fera  peu  de  bruit  ;  peut-être  mémo 
K  contentera- t-on  de  vous  en  rendre  un  autre. 
Miis  la  riposte  d'un  soufflet  ne  peut-être  qu'un  coup 
d'^pée.  C'est  même  un  cas  de  duel  ii  mort  ou  au 
dernier  saiig  (156). 

Une  injure  qui  est  encore  un  sujet  de  duel  fréquent 
dans  nos  mœurs  ;  c'est  l'épithéte  de  sot  cl  surtout 
'■elle  àefat  :  comme  si  la  seule  réfutation  logique 
«l'une  telle  expression  n'était  pas  de  nommer  celui 
^"1  l'emploie  ;  comme  si  le  publie  n'était  pas  le  seul 
jiiçe  nalurel  entre  nn  sot  et  un  homme  d'esprit.  J'ai 
li'crché  quelle  était  l'origine  de  ce  préjugé ,  et  j'ai 


116  —  HÎ5T0IRK   DES  DUEL». — 

cru  ravoir  trouvée  dans  ce  passage  célèbre  du  pre- 
mier des  livres  : 

«  Audislis  quià  dictum  esl  antiquis  :  non  occittes; 
qui  autem  occident,  reus  erit  judicio.  Ego  autem 
dico  vobis  quià  omnis  qui  irascitur  fratri  suo ,  reus 
erit  judicio  ;  qui  autem  dixcrit  fratri  suo  :  raca 
reus  erit  concilio  :  qui  autem  dixeril  :  fatue,  reus 
erit  gehennœ  ignis  (157). 

Cette  gradation  est  remarquable  :  la  peine  de  la 
colère  est  la  même  que  celle  du  meurtre  :  reus 
judicio*  La  cause  la  plus  ordinaire  et  Peffet  sont 
ainsi  sur  la  même  ligne.  L^injure  simple  raca, 
c'est-à-dire  homme  nul ,  est  de  la  compétence  du 
Sanhédrin  :  reus  concilio.  L'injure  du  dernier  degré, 
^ous  êtes  un  fat,  est  digne  du  feu  :  Reus  gehennœ 
ignis.  Cette  injure  était  donc  déjà  d'une  bien  haute 
gravité  chez  les  Hébreux  ! . . . .  Quant  à  nous ,  si  nous 
avons  pris  l'exemple  ,  nous  ne  paraissons  guères 
tenir  compte  du  précepte  (158). 

On  peut  juger  par  ces  diverses  citations,  si  la 
morale  du  christianisme  est  compatible  avec  le 
préjugé  du  point  d'honneur.  Aimez  votre  prochain 
comme  vous-même  ;  pardonnez  et  l'on  vous  par^ 
donnera  ;  que  le  soleil  ne  se  couche  point  sur  votre 
colère  ;  celui  qui  se  sentira  de  Vépée  y  périra  par 
l'épée.  Telles  sont  les  maximes  qu'on  rencontre  à 


117 

chaque  pas  dans  l'ETangile.  Quelle  fut  donc  Taber- 
raliou  des  siècles  où  le  duel  fui  appelé  Jugement 
de  Dieu ,  de  ce  Dieu  qui  a  dit  dans  l'ancienne  el  la 
aouvelie  loit  Tu  ne  terilems  peu  le  Seigneur  !  (150) 
Ce  que  nous  divinisons  aujourd'hui  sous  le  nom 
depoinl  d'ilonneur  a  ^té /■galemKnl  proscrit  parla 
philosophie,  comme  indigne  de  t'humme.  Hobbes 
leul  a  eu  le  courage  de  l'approuver.  C'est  tme  con- 
i^uence  de  sa  morale  qui  n'admet  d'autre  principe 
([ue  ]u  Jorce  (160). 

I  C'est  un  terme  inhumain  que  celui  de  veii- 
!,  a  ditSénéque.  Une  (îme  grande  et  g6n(TCUse 
jB^prise  les  injures.  La  vengeance  la  plus  blessante 
pour  celui  qui  nous  offense,  c'est  de  le  juger  indigne 
denousTeoger  de  lui»  (161)- 
^M  Horacelui-mi''medontla  morale  n'est  pas  toujours 
^HKUineii  citer,  appelle  la  colère  imQ  <ourie  lUmence. 
^^Êm  colère  est  en  efîvl  l'ivresse  de  l'esprit.  «  Quand 
^Hhlte  passion  n'ob^-it  pas,  dit-il ,  elle  régne  en  tyran. 
^Bwust  ne  doit-on  épargner  ni  mors ,  ni  chaînes  pour 
I       l'en  rendre  toujours  maiire»  (162). 

Montaigne  a  parfaitement  développe  cette  pensée 
^  d'Horace  dans  ce  passage  des  Essais.  <<  Aristole  dit 
^k-^e  la  colère  peut  servir  d'arme  k  l'honneur  et  à 
^~  k  vaillance.  Oui,  mais  c'est  une  arme  de  nouvel 
\       *Mfe.   Nous  remuons   les   autres  ,    celle-ci  uous 


u«((;e. 

Kuiiie  ;  notre  main  ne  la  guide  i 


c'est  elle  (|U4 


1 18  -^  HISTOIRE    DES    DUELS.  — 

guide  noire  main  ;  elle  nous  tient,  nous  ne  la  tenons 
pas.  »  ZiV.  II ,  Chap.  XXXI. 

La  colère ,  la  vengeance,  ce  sont  bien  là  les  deux 
passions  les  plus  fatales  de  toutes  dans  Tordre  moral 
et  politique.  Ne  sont-elles  pas  en  effet  la  source 
commune  du  duel  et  de  Témeute  ?  Elles  ne  laissent  à 
rbomme  qu^elles  dominent  ni  réflexion ,  ni  juge* 
ment,  ni  liberté.  Aveuglé  par  elles ,  il  accepte  un 
remède  pire  que  le  mal  ;  et  pour  éviter  une  ornière, 
il  se  jolie  dans  un  précipice.  Comme  toutes  les  pas- 
sions la  vengeance  et  la  colère  rougissent  d^elles* 
mi^mes ;  elles  aiment  V incognito;  et  le  nom  qu^elles 
adoptent ,  c^est  le  point  d'honneur.  Avec  quelle 
énergie  un  illustre  pliilosophe  que  n^a  pourtant  pas 
éclairé  le  flambeau  de  la  morale  évangélique  n*a« 
t-il  pas  flétri  d'avance  ce  préjugé  dans  ce  passage 
admirable ,  et  qu'on  croirait  écrit  de  nos  jours  : 

<(  Un  homme  d'honneur,  dit  Cicéron ,  ne  trempe 
jamais  ses  mains  dans  le  sang  d^un  concitoyen.  C'est 
un  sentiment  bien  plus  doux  pour  lui  d'avoir 
respecté  une  vie  dont  il  pouvait  disposer ,  que  de 
ravoir  sacrifiée  quand  il  pouvait  Fépargner.  C'est 
ainsi  qu'en  use  un  honnête  homme  envers  ses  plus 
cruels  ennemis;  et  il  le  fait  autant  par  poi/it  ifAo/i* 
neur  que  par  humanité  »  (163) . 

Parmi  les  moralistes  modernes  l'illustre  Puffen« 
dorf  a  énergiquement  attaqué  le  préjugé  du  point 


—  CHAPITRE   XIV.  — 


119 


dlionneur  dans  plusieurs  chapitres  du  Droit  delà 
nauti-e  et  des  gens .  Il  ne  roil  u  aucun  dc^lionneur  k 
nrfpriser  des  injures  cl  h  s'abstenir  d'en  chercher 
Il  réparation  dans  un  combat  dnublemeul  périlleux 
par  l'incertitude  de  ses  chances  et  par  lu  sèvùrité 
lies  lois.  )i 

GmliusaiK-beaui'oup  plus  loin  encore.  Il  affirme 
que  «  l'honneur  n'étant  autre  cliose  que  l'opinion 
r[u'on  a  des  qualités  distinguées  de  ([uelqu'un,  celui 
qiû  louffre  patiemmcnl  une  injure  ,  s'éléTC  au- 
dcmu  du  nulgairc,  et  signale  ainsi  son  honneur 
(u  lieu  «le  le  compromettre  »  (tCi). 
1  Si  les  peuples  les  plus  éclairés ,  les  plus  braves , 
Il  plus  vertueux  de  la  terre  n'ont  pas  connu  le 
IkI,  a  dit  Rousseau ,  je  dis  qu'il  n'est  pas  une  ins- 
ition  de  l'honneur ,  mais  une  mode  affreuse  el 
riiare  digne  de  sa  féroce  origine,  n  Tout  le  monde 
tmait  les  pages  élmpientes  par  lesqutllfs  ce  cé- 
ï  philosophe  a  flétri  le  préjuge  qu'il  déGuit  ainsi, 
Une  puis  qu'y  renvoyer  le  lecteur. 

Je  pourrais  multipUer  ces  citations  par  de  nora- 

bmii  emprunts  à  la  philosophie  moderne;  mais 

^_j'ai  promis  de  faire  une  histoire  et  non  pas  un  traité 

^HiinorHle.  Quant  aux  anciens  faut-il  s'étonner  qu'ils 

^Wnent  pas  connu  le  préjugé  du  point  d'honneur, 

Iftreqiic  leurs   plûlosophes   s'exprimaient    comme 

luQt  hil  ^nèquc  et  Cicéron  ^  CIk-e  eux  pourtant 


120  —HISTOIRE  DES  DUELS.— 

toutes  les  divinités ,  les  \iccs  iiirme  avaient  leur 
culte  ;  et  pour  plus  de  certitude  de  iroublier  per- 
floune  ils  consacrèrent  un  temple  au  Dieu  inconnu  y 
ignoto  Dvo*  (Ihcx  n«)us  le  Dieu  inconnu  c'eal  l'hon- 
neur :  non-seulement  nous  lui  élevons  des  autels , 
mais  nous  les  arrosons  de  noire  sang ,  préires  t\ 
victimes  à  la  fois, 


CHAPITIIE     XV. 


Règles  et  rurmuliiéB 


Lh  duela  modernes  ont  Iiôrilé  des  r^itles  comme 

i  dn  maximes  des  anciens  combats  judiciaire».  Ce» 

I  rtglM  n'ont  jamais ,  je  pense ,  élé  formulées  dans  nii 

1  Ctide  particulier^  mais  elles  se  sont  cunservées  par 

Indilion.  Le  progrès  en  liumaiiitf-  el  en  couiloisie 

tn  i  beaucoup  adouci  la  férocité  primitive.  Ou 

l'^orge  aujourd'hui  plus  poliment   qu'aulrcfois. 

1  Tout  ce  qui  concerne  l'envoi  du  carie!,  le  jet  du 

pnl  api>elt  jadis  gage  lio  bataille,  le  clinix  et  la 

wrisiiondestémoiiis,  l'égalité  désarmes,  des  cliuuces, 

tic. ,  s'applique  encore  aux  duels  actuels. 

Ainsi  la  proTocation  en  duel  a  encore  lieu  de 

^cut  manières ,  ou  par  lellrc  missive  ouparlcjit 

n  gant.  La  lettre  missive  s'appelle  cailel  du  luwl 

[  «lin  rhartula.  Les  termes  des  divers  cartels  ont  été 

I  >u>|;neusement  tracés  par  les  écrivains  duellistes. 

Minage  eu  a  compté  jusiju'à  cinquante  espèces. 

0"  en  trouve  les  formules  dans  Alciat,  avec  celles 

(Itt l«ltrc4  d'acceptatioD  ou  de  refus.  Elles  consiittent 


122  —  msToiRF.  nus  dcrl«. — 

en  démentis  réciproq^ics.  Tels  furent  le  cartel  de 
Franrois  l,^^  k  Charles  *  Quint  et  ceux  échangés 
entre  Jamac  et  La  Chataigneraye  y  qu^ont  eu  soin 
de  nous  conserver  plusieurs  auteurs  (165). 

Le  jet  du  gant  pour  provoquer  en  duel  me  parait 
devoir  remonter  à  une  origine  bien  ancienne.  On 
en  trouve  en  effet  un  exemple  remarquable  dans  le 
combat  au  ceste  entre  Entelle  et  Darès ,  si  parfaite* 
ment  décrit  au  Liv.  V  ,  de  VEuéide.  Entelle  jette  à 
Darés  une  paire  de  gantelets ,  pour  lui  marquer 
qu'il  consent  à  se  mesurer  avec  lui.  On  a  conservé 
cet  usage  dans  les  plus  anciens  duels  et  dans  les 
tournois ,  où  le  gantelet  faisait  partie  de  Tarmuro^ 
des  combattans  (166). 

Le  jet  du  gant  qui  remplaça  ensuite  le  gantelet, 
est  devenu  plus  rare  de  nos  jours,  cette  forme  ne 
parait  plus  assez  polie.  On  met  aussi  plus  de  réserve 
dans  les  termes  des  cartels  qui  sont  d'ailleurs  aussi 
courts  qu'ils  étaient  longs  autrefois. 

Quand  le  combat  est  arrêté ,  on  choisit  de  chaque 
câté  un  ou  deux  témoins  au  plus.  Ce  choix  est 
important ,  et  une  telle  mission  exige  beaucoup  de 
tact  et  de  prudence  ;  car  h  moins  qu'il  ne  s'agisse 
d'offenses  très-graves ,  ces  tiers  désintéressés  exami* 
ncnt  raffaire  et  jugent  quelle  espèce  de  satisfactioa 
peut  exiger  l'honneur  des  parties.  Celles-ci  se 
soumettent  ordinairement  h  leur  décision.  Lorsque 


» 


—  CHApimE  XV.  ~  I2'l 

le  duel  a  lieu  les  témoitis  règlent  le  choix  des  arme», 
ttiihlis^ent  les  distances  ei  prennent  loute»  lea  [iK- 
cautiona  nécessaires  pour  (pie  les  chances  soient 
ptrCaitenient  égales  ,  sauf  eependiinl  In  plus  im- 
portante de  toutes ,  l'adresse  respediiïc  des  com- 
balUns  qui  ne  dépend  pas  d'eux.  11  est  assez  rare 
aujourd'hui  que  les  témoins  prennent  part  ii  la  lutte. 
Il  Ml  plus  rare  encore  qu'ils  se  battent  en  même 
temps  que  leurs  tenans ,  ainsi  que  cela  se  pratiquait 
«ulrefois.  On  en  trouvera  de  singuliers  exemples  au 
clu[MlreBuiTanl, 

Outre  les  armes  usitées  autrefois  et  indiquées  ci- 
dewis ,  pag.  30  ;  chacun  des  combattans  étiiil  ordi- 
nairement muni  d'une  dague  ou  poignard  dont  on 
•e  Knait  pour  achever  son  homme  tombé  par  terre, 
n  arrivait  aussi  fort  souvent  que  la  fureur  mettait 
»ut  prises  les  champions ,  et  que  le  duel  se  termi- 
■uit  par  une  lutte  corps  à  corps.  Le  poignard 
bisnil  alors  son  office  (167). 

Les  seules  armes  admises  dans  les  duels  modernes 
•ont  le  sabre,  l'épée  et  le  pistolet .  Ces  deux  dernières 
hdI  les  plus  usitées.  L'invention  du  pistolet  date  du 
rtfne  de  Henri  U.  Cette  arme  est  la  plus  meurtrière. 
C'est  souvent  celle  qu'on  choisit,  quand  n'ayant 
pa»  l'usage  de  l'escrime  ,  on  croit  avoir  trop  à 
Craindre  de  la  supériorité  de  son  adversaire.  Ce 
ctloil  n'est  pas  toujours  juste,  aujourd'hui  surtout 


124  —  mSTOlTlE   DES   DUELS.— 

cfiic  le  tir  des  armes  à  feu  s^est  aingulièremenl  per« 
feclionné   (168). 

Il  fallait  jadis  être  bien  sur  de  soi,  quand  on 
figurait  en  champ  clos,  et  avoir  le  poignet  solide ,  le 
pied  sur  et  des  armes  de  la  meilleure  trempe  ;  car 
s'il  arrivait  qu^on  tombât ,  que  Tarme  se  brisât  ou 
échappât  des  mains ,  on  demeurait  à  la  discrétion 
de  son  ennemi ,  (jui  d^ordinaire  ne  faisait  pas  de 
quartier.  Les  anciens  docteurs  en  matière  de  duel 
sont  là -dessus  inexorables.  Alciat  qui  s'est  proposé  à 
cet  égard  un  grand  nombre  de  questions  ,  les 
décide  toutes  impitoyablement  contre  celui  à  qui  ce 
malheur  arrive.  Il  faut,  dit-il,  se  soumettre  à  la  pro^ 
vidence  qui  Ta  ainsi  permis  (169). 

Celte  raison  en  valait  une  autre  quand  les  couh 
bats  s'appelaient  Jugcmcns  de  Dieu.  Les  choses  ne 
se  passent  plus  avec  cette  rigueur  au  temps  présent. 
Lorsque  de  pareils  accidcns  arrivent,  le  combat 
cesse  ou  est  suspendu.  Celui  qui  passerait  outre 
s^exposerait  à  être  poursuivi  comme  meurtrier. 
Le  duel  serait  alors  jugé  dîdojal  (170). 

Autrefois  on  connaissait  deux  sortes  de  duels ,  le 
duel  simple  et  le  duel  à  outrance,  Le  duel  simple 
devait  finir  à  la  première  blessure ,  ou  quand  Pun 
des  champions  était  mis  hors  de  combat ,  ou  enfia 
quand  les  témoins  déclaraient  Taffaire  terminée  et 
l'honneur  des  parties  satisfait.  Le  combat  à  ouUraace 


I 


—  CHAPITRE    XV.—  125 

ntscterminailqueparla  mort.  C'esl  le  dMeXaupre- 
mieretau  (/f/7*i>r  Jrtw^  des  li;mps  modernes  (171). 
Aujourd'hui  quand  un  rnmbat  de  ce  dernier 
Henre  a  lieu  au  sobre  ou  à  IVpéc ,  et  qu'il  en  esl  r^- 
mité  une  blessure  assez  grave  pour  rendre  les 
chances  inégales ,  la  iullc  est  5us|)eiidue  ;  le  bless6 
n  se  faire  panser  et  guérir ,  et  l'on  recommence 
iprés  jusqu'il  ce  que  mort  s'en  suive  (172). 

Quand  le  combat  a  lieu  au  pistolet  qui  esl  l'arme 
Uplns  usitée  parce  qu'elle  esl  la  plus  expéditive ,  on 
«partage  par  la  voie  du  sort  deux  pistolets,  dont 
l'un  est  chargé  et  l'autre  ne  Test  pas.  Les  deux  coups 
partent  en  même  temps  et  à  bout  portant  à  un  signal 
dntmë  par  les  témoins.  Tant  mieux  pour  celui  qui  a 
tu  prendre  le  bon  pistolet.  Cliacun  jytte  ainsi  sa  tête 
i  croix  ou  pde  ;  c'est  un  suicide  alternatif,  c'est  un 
pacte  de  vie  ou  de  mort  (1 73)  - 

Pour  donner  une  idée  des  maximes  qui  avaient 
jadis  force  de  loi  chex  les  duellistes;  j'en  citerai 
ipielques-uncs ,  d'après  Braiilûnic,  qu'on  peut  re- 
garder comme  le  Jusiimen  de  ce  nouveau  Digeste. 
Il  commenre  par  recommander  de  bien  se  garder 
dr  te  battre  sans  témoins ,  comme  on  le  faisait  quel- 
quefois dans  les  combats  qu'en  Italie  on  appelait^  la 
Il  en  donne  pour  raisou  d'abord  que  c'est 
public  d'un  beau  spectacle  ,  et  ensuite  que 


126  —  mSTOIRE  DES   DUELS, -^ 

c^est  s^exposer  a  être  recherché  et  puni  comme 
meurtrier.  Branlûme  aurait  pu  se  contenter  de  ce 
dernier  moUf. 

c(  On  ne  doit  pas  y  dit-il  encore ,  prendre  pour 
témoins  d^un  duel  un  infidèle ,  parce  que  ce  n^est 
raison  quMl  soit  spectateur  et  juge  de  reffusion  de 
sang  chrétien ,  et  qu^il  en  ait  son  plaisir  ;  ce  qui 
est  fort  abominable  que  cet  infidèle  passe  son  temps 
à  cela.  » 

c(  Les  combattans  doivent  être  soigneusement 
visités  ettastés  pour  savoir  s^ils  n'ont  drogueries, 
sorcelleries  ou  maléfices.  11  est  permis  de  porter 
reliques  de  Notre-Dame-de-Lorette  et  autres  choses 
saintes.  En  quoi  pourtant  il  y  a  dispute,  si  Tun 
s'en  trouvait  chargé  et  Tautre  non  ;  car  en  ces 
choses  il  faut  que  Tun  n'ait  pas  plus  d'avantage 
que  l'autre.  » 

c(  Il  ne  fallait  point  parler  de  courtoisie ,  con- 
tinue notre  auteur  :  celui  qui  entrait  en  champ  clos 
devait  se  proposer  vaincre  ou  mourir ,  et  surtout 
ne  se  rendre  point  ;  car  le  vainqueur  disposait  du 
vaincu  tellement  qu^il  en  voulait  ;  comme  de  le 
traîner  par  le  camp ,  de  le  pendre ,  de  le  brûler , 
de  le  tenir  prisonnier  ;  bref  d'en  disposer  comme 
d'un  esclave.  On  dit  que  les  Danois  et  Lombards 
en  prirent  exemple  d' Arhille ,  lequel  après  qu'il  eut 
vaincu  Ilcrtor ,  l'attacha  tout  mort  à  la  queue  de 


n  charriot  ou  clieval ,  et  le  traîna  trois  fois  par  le 
Lninp  en  signe  de  triomphe.  » 

i<  Tout  galant  chevalier  doit  soutenir  l'honneur 
des  dames,  soit  qu'elles  raient  forfaicl,  soit  que  non  ; 
si  c'est  forfaicture  it  une  gentille  dame  d'aimer  biea 
■on  serviteur  et  amant.  » 

»  Un  soldat  peut  combattre  son  capitaine  ',  mais 
pourvu  qu'il  ait  ser^'i  deux  aus ,  et  demande  à  sortir 
t  la  compagnie.  » 

1  Si  un  père  accuse  son  fils  de  quelque  crime 

dont  il  puisse  être  deslionoré ,  le  fils  peut  appeler 

justement  le  père  en  duel  ;  d'autant  que  le  père  lui 

Ut  plus  de  mal  de  le  dtahuuorer ,  qu'il  lui  a  lait  de 

I  bien  de  le  mettre  au  monde  et  donner  vie.  » 

On  voit  que  la  logique  de  Brnntûme  était  tout 

juite  tu  diapason  de  sa  morale.  11  a  6tè  fait  du  reste 

une  apphcation  de  cette  étrange  maxime ,  diins  le 

L  duel  rapporté  au  chapitre  XXXII ,  entre  le  duc  de 

^fcfiueldreselBonlilB,  en  présence  du  duc  de  Uour- 

■««ne  (174). 

1  On  Terait  un  gros  \oUimc  des  décisions  diverses 

des  anciens  casuisles  eu  matière  de  duel.  La  Bérau- 
^—  diêre  examine  aussi  si  un  soldat  peut  provoquer 
^■«1  duel  son  capitaine  ,  et  comme  Brantâme ,  il  se 
^F^rononce  pour  Vatfirmulive,  m<^mc  sans  conditions. 
'  Hasnage  a  pris  la  peine  de  réfuter  longuement  cette 
wiitcncc.  Alciat  est  d'avis  qu'un  chef  militaire  ne 


nom 

h 

■  j , 


E 


128  —HISTOIRE   DES   DUELS.— 

peul  c-lrc  provoqué  en  duel ,  sauf  quand  il  nVst 
plus  en  exercice  :  Postjonclionem  secits  (175). 

Le  mime  auteur  pense  qu^on  ne  peul  refuser  le 
carlol  d\m  bàlard.  La  Béraudiére  qui  est  d'un  avis 
contraire ,  conseille  aux  grands  seigneurs  de  faire 
légitimer  leurs  bâtards ^o^/r  les  rendre  dignes  delà 
chevalerie  et  de  r honneur  des  duels ^  Cet  habile  doc- 
leur  déclare  nul  tout  cartel  d'un  roturier  à  un  gen- 
tilhomme. On  a  vu  ci-dessus  pag.  32  et  33 ,  que  le 
combat  judiciaire  était  aussi  un  privilège  exclusif  de 
la  noblesse. 

Brantôme  n'a  pas  parlé  du  droit  pour  un  gentil- 
homme de  refuser  le  cartel  d'un  roturier  ;  ce  qui 
pour  lui  ne  faisait  pas  question.  Mais  il  s'élève  avec 
énergie  contre  une  prétention  semblable  des  r/éco/ri 
de  son  temps ,  à  l'égard  de  ceux  qui  ne  l'étaient 
pas.  ((  Si  ces  gens  dévoient  être  escoutés ,  dit-il ,  on 
ne  pourroit  plus  se  battre.  11  en  a  tant  et  tant  pul- 
lulé qu^on  ne  voit  plus  que  des  chevaliers  de  Saint- 
Michel  et  du  Saint-Esprit.  Tant  on  abusoit  de  ces 
ordres  par  Tinjure  de  nos  guerres  civiles,  et  pour 
gagner  et  entretenir  des  gens  ;  si  bien  cpi^ils  ne  se 
donnoicut  plus  à  la  valeur  et  au  mérite ,  mais  par 
compère  et  commère —  »  Et  il  en  cite  d'assez  plai- 
sans  exemples.  ?s  e  croirait-on  pas  vraiment  entendre 
une  satyre  coiilemporaine  ;* (^'6). 

11  parait  que  les  orilres  de  chevalerie  ont  de  tout 


ips  joué  un  rûle  dans  lus  annales  du  poinl  d'hoa- 
iur.  Arracher  une  décoration  uu  même  la  toucher, 
tela  est  considéré  comme  une  injure  grave  ;  c'est  un 
préliminaire  de  duel.  On  en  a  vu  de  nos  jours  un 
double  exemple  dans  un  duel  politique ,  occasionné 
par  un  article  de  journal.  M .  Gallois,  colonel  au  ser- 
vice de  Pologne ,  ayant  eu  à  se  plaindre  d'un  article 
du  Figaro,  s'adressa  au  rédacteur  M .  Nestor  Roque- 
plan  et  lui  arracha  le  ruban  de  la  Kgiun  d'honneur. 
Bendei^vous  fut  assigné  au  boia  de  Mcudon  ,  le  12 
•eût  1833.  M.  Roqueplan  reçut  trois  blessures  et 
M,  Gallois  une  au  genou.  Les  deux  létnoins  de 
H'  Gallois  avaient  mis  habit  bas  en  même  temps  que 
.  et  Toulaient  se  battre  avec  ceux  de  M.  Doque^ 
qui  refusèrent.  L'un  d'eux  insistant  déclara  V 
M.  Léon  Pillet,  témoin  de  ce  dernier  et  avec  lequel 
il  était  lié ,  qu'il  entendait  le  forcer  è  se  battre  avec 
lui,  et  il  le  pria  de  lui  permelire  de  détacher  de  sa 
boutonnière  le  ruban  de  la  légion  d'honneur  qu'il 
pitrtait.  Il  ne  voulait ,  disait-il ,  que  vaincre  sa  répu- 
gnance à  accepter  le  combat ,  ayant  pour  lui  trop 
d'estime  et  d'amitié  pour  se  résoudre  â  l'outrager 
autn;menl.  M.  Lion  PiUel  voulut  bien  se  prêter 
1  cette  cérémonie  ,  et  tous  deux  mirent  ensuite 
i>péeàlamBin(I77). 

Au  temps  où  les  insignes  de  la  chevalerie  n'étaient 
pas  encore  une  fHveitr  royale,  mais  une  gratification 


KG 


180  —  HISTOIRE  DES   DUELS.  — 

du  beau  nexe,  ceux  qui  s^en  décoraient  n'étaient 
pas  moins  chatouilleux  sur  cet  article  que  nos  che- 
valiers modernes.  Le  nœud  de  rubans  qu'attachait 
à  la  boutonnière  d'un  poursuivant  d'armes  la 
dame  de  ses  pensées ,  s'appelait  Emprise  ;  et  quand 
on  voulait  faire  armes  pour  l'amour  d'elle ,  on  se 
mettait  en  quête  de  quelque  preux  dont  on  touchait 
l'emprise.  Si  on  avait  été  jusqu'à  l'arracher,  on  n'en 
était  pas  quitte  pour  quelques  lances  rompuea; 
c'était  alors  un  combat  à  outrance.  Olivier  de  la 
Marche  explique  tout  cela  fort  au  long  dans  ses 
Mémoires,  à  Toccasion  d'un  combat  célèbre  ^pi 
eut  lieu  à  Ârras ,  en  présence  de  Philippe-le-6on , 
duc  de  Bourgogne.  Il  y  a  toute  apparence  que 
notre  susceptibilité  actuelle ,  dérive  de  ces  ancmm 
usages  de  la  chevalerie.  C'est  un  article  de  plus  à 
ajouter  aux  origines  dont  il  a  été  parlé  au  précédeM 
diapitre  (178) . 


CHAPITRE    XVI. 


(pparaiiOD  des  XV.*  ei  XVI.'  sièHes.  -~  PoUtiqu« 

I  roi»  de  France,  depuis  Charlee  VI  juiipi'à 

ienrl  lll ,  à  l'égard  des  dueU,  —  Guerres  d'Italie. 

-Guerres  de  religion.  —  Leur  influence  relatÎTC 

hnr  La  civilisation. 


Je  trouve  entre  le  15.*  et  le  16.*  siècles  la  même 
différence  qu'entre  le  17. •  et  le  18.*  ;  elles  ne  sont , 
•elon  moi ,  ni  l'une  ni  l'aulre  k  l'avantage  du  pro- 
gris. On  préférera  encore  Louis  XI  à  Charles  IX  ; 
on  placera  Charles  VIH  bien  au-dessus  de  Henri  II  ; 
François  1."  ne  fera  point  oublier  Louis  XII  ;  et 
le»  glorieux  exploits  des  Français,  sous  Charles  VH, 
nous  consoleront  long- temps  des  malheurs  de  la 
juerre  civile  sons  Henri  lll.  Je  ne  crois  pas  néce»- 
saire  pour  justifier  la  seconde  proposition  d'établir 
de  parallèle  entre  les  régnes  de  Henri  IV  et  de 
Louis  MV  d'une  part ,  et  les  temps  de  la  régence 
_cl  de  Louis  XV  de  l'aulre.  Ce  qui  n'est  pas  moins 
ipiable  c'est  que  la  première  période  d'un 
1  souvent  beaucoup  mieu^  valu  que  la  se- 


132  ^  niSTOIRE  DES  DTTIL^. -^ 

ronde.  II  v  a  donc  action  et  réaction  dans  la  marche 
<le  la  civilisation  et  le  torrent  des  Ages  semble  obéir 
i\  la  même  loi  que  celle  qui  régie  le  mouyement 
des  flots  de  Tocéan  ! 

Ainsi  pour  nous  renfermer  dans  le  sujet  de  cette 
histoire,  le  15.^  siècle  peut  passer  pour  celui  où 
les  duels  furent  le  plus  rares ,  et  le  16.*  pour 
celui  où  ils  ont  été  le  plus  fréquens.  Nous  PaTons 
déjà  dit ,  la  grande  révolution  morale  qui  marqua 
le  milieu  du  15."  siècle  fut  brusquement  arrêtée 
dans  sa  marche  et  refoulée  sur  elle-même  par  la 
réaction  qui  souilla  la  seconde  partie  du  seizième. 
Oh  !  quelles  brillantes  destinées  étaient  réserrées  à 
notre  patrie  si  elle  avait  pu  franchir  cette  période 
fatale Si  qiiafata  aspera  rampas  I 

Les  cond:)at«  judiciaires  restreints  par  Ourles  VI 
tombèrent  progressÎTement  en  désuétude  sous  les 
règnes  suivans.  On  ne  les  aurait  pas  vus  se  réreiller 
sous  une  autre  forme ,  pour  arriver  jusqu'à  nous 
avec  ce  prestige  qui  les  environne  encore ,  sans 
une  funeste  série  d^événemens  dont  il  me  reste  à 
retracer  l'analyse. 

Sous  Charles  VU  ^  Paristocratie  avait  trop  affaire 
dans  le  grand  duel  ^  dans  ce  duel  national  engagé 
entr^elle  et  TAngleterre  depuis  plus  d'un  siècle , 
pour  s'occuper  de  querelles  particulières.  La  no- 
blesse française  s'est  acquise  une  gloire  immortelle 


—  cnApiTHE  \vi.—  133 

a  celte  tiitle  si  longue  et  si  brillante ,  où  les  dé- 

rtre»  de  Poitiers  .  de  Créci  et  d'Âzincourt  furent 
fÏRngés  par  rentière  expulsion  df s  Anglais  en  1430. 
Quels  hommes  que  les  Dunois ,  les  Saintrailles , 
lu  l.shirc,  les  Jeanne  d'Arc!  toutefois  cette  der- 
nière notait  riu'unc  pauvre  paysanne.  L'aristocratie 
(dieva  de  s'épuiser  dans  ces  énormes  sacrifices 
d'hommes  et  d'argent  sans  cesse  renouvelés.  Mais 
ief  peuples  n'y  ont  rien  gagné  :  rautorilé  royale 
tnde  en  proSla.  C'est  de  ce  n^gne  que  datent  la  per- 
maneoce  des  armées  el  celle  des  impôts  (179). 

I^  politique  de  Louis  .\t  siil  llror  un  merveilleux 
pirij  de  cet  état  d'atîtiiblissement  où  i\  trouva  l'aria- 
iDcratie.  Elle  fut  décimée  par  ce  prince  cruel  qui 
Ibnda  sur  les  exécutions  le  deiipotisme  royal.  Le 
même  sang  qiii  avail  coulé  sur  Le  champ  de  halallle 
{mur  la  difense  du  pays,  arrosa  les  éctinfauds. 
H  n'en  resta  plus  asscx  pour  les  clianipa  clos. 
Siclielieu  ,  comme  on  le  verra  au  Chap.  XIX  ,  fit 
(quelque  chose  de  semblable  un  siècle  après.  Mais 
ce  ministre  n^a  encore  été  qu'un  pâle  imitateur 
de  Louis  XI  (180). 

Toutes  ces  causes  réunies  avaient  porté  au  duel 
m  coup  mortel.  Le  préjugé  s'alTaiblissail  en  même 
Innps  que  celui  qui  soutient  rariatocralie ,  ce  qui 
*ltf«te  assez  l'homogénéité  de  leur  existence.  Mai* 
nous  l«»  verrons  bientùl  lussusciter  Uius  deux  duut 


134  —  HISTOIRE  DKS  DUBL8.  — 

le  cours  du  seizième  siècle ,  au  moyen  d^une  com- 
mune transformation. 

La  France  a  toujours  passe  et  passe  encore  pour 
donner  le  ton  à  FEurope  ;  mais  il  s^est  fait  quelque 
fois  entre  Tétranger  et  nous ,  un  échange  qui  n^a  pas 
toujours  été  à  notre  avantage.  Pour  tout  ce  que 
nous  avons  pu  donner  de  bon  k  nos  voisins ,  noua 
ne  leur  avons  guères  fait  que  de  fâcheux  emprunt!. 
Si  c^est  k  la  Germanie  que  nous  devons  les  combats 
judiciaires  ,  ce  fut  en  Italie  qu^on  alla  chercher  le 
duel  ordinaire  qui  leur  a  succédé.  En  même  temps 
que  cette  contagion  morale  gagnait  la  France  à  la 
suite  des  expéditions  de  Charles  VIU ,  Louis  XII  et 
François  I/',  une  autre  contagion  physique  nous 
arrivait  par  PEspagne  (181).  A  peine  la  mode  du 
duel  eut-elle  ainsi  franchi  les  Alpes  ^  qu^elle  com- 
mença à  s^effacer  graduellement  des  mœurs  italien- 
nes :  le  stylet  y  remplaça  Fépée ,  et  s'il  y  eut  plus  de 
férocité  dans  la  vengeance ,  on  y  mit  aussi  un  peu 
plus  de  logique  (182). 

C'est  du  règne  de  Charles  VIII  que  datent  ces 
guerres  dltalie  si  funestes  à  nos  armes  et  plus  encore 
à  nos  mœurs.  L'ardeur  de  la  jeunesse  inspira  à  ce 
prince  le  goût  des  expéditions  étrangères.  En  14ftd 
il  s'empara  en  courant  du  royaume  de  Naples,  et 
malgré  des  prodiges  de  valeur  personnelle  ^  il  le 
perdit  aussi  rapidement  qu'il  l'avait  conquis.  Le 


I 


—  CHAPITRE   XVI.  —  135 

duel  était  alors  fort  en  vogue  en  Itulie.  CYlait  une 
Indition  des  Gollis  et  des  Lombards ,  el  peut-être 
■éme  aussi  une  iaiporlatiun  espapinle ,  à  cette 
époque  où  la  «tievalerie  eiurrait  Uni  d'iuQuenre 
daus  la  péuiiiaule  ibèni|uc.  Oii  ne  vit  que  trop 
nuvent  les  compagnous  de  Gonzaive  de  Cordoue 
te  mesurer  en  cliamp  dos  avec  ceux  de  La  Palice  et 
«ieBajard(I83). 

Le  d^sir  de  faire  valoir  les  droits  de  son  aïeule,  la 
<ttiébre  Valcutiue ,  sur  le  duché  de  Milan ,  entraîna 
Louis  XII  dans  de  nouvelles  expéditions  d'Italie , 
quoiqu'il  se  fût  opiKisé  à  i-elle  que  son  prédécesseur 
voulait  tenter  encore  sur  la  fin  de  sa  vie.  Ce  fut  dans 
le  cours  de  ces  guerres  qui  uccupèrenl  tout  le  règne 
de  ce  prince,  depuis  1499  jusqu'en  1515,  qu'on 
fit  éclater  de  funestes  CKcniples  de  duel  dans  les 
rangs  de  l'armée.  Le  duc  de  Nemours  qui  la  com- 
naadait ,  en  autorisa  quelques-uns.  Tous  les  grades 
•béirent  au  nouveau  prf^jugé ,  et  l'illustre  ISayard 
hù-mAcne  ne  put  s'exempter  de  lui  payer  tribut. 
fuyez  ci~aprés  Cliap.  XXXJf. 

Les^erres  d'Italie  cunliuucrcnt  sous  Françoisl'% 
et  le  caractère  chevaleresque  de  ce  prince  fournît 
aus  duels  un  nouvel  aliment.  Non-seulement  il  en 
autorisa  et  présida  plusieurs ,  comme  on  l'a  vu  page 
.52,  mais  il  les  encouragea  mtmc  par  suu  exemple. 
Ion  du  fumeux  cartel  qu'il  ciivuva  ii  ("liarles-Quinl , 


138  —  mSTOIBK    DES    DUR1«. — 

et  qui  n^eui  pas  de  suites  parce  qu'aucune  des  deux 
parties  ne  parait  avoir  eu  Fintention  sérieuse  d*ea 
venir  aux  mains  (184).  Cette  bravade  du  roi  n^em 
eut  pas  moins  une  grande  influence  sur  la  conduile 
des  seigneurs  du  temps,  et  contribua  beaucoup 
avec  les  guerres  d'Italie  à  remettre  les  duels  à  k 
mode.  «  Un  pareil  exemple  ,  dit  Robertson ,  eut 
tant  d^autorité  sur  les  esprits  qu'il  produisit  une  fé^ 
volulion  sensible  dans  les  mœurs  de  toute  l'Europe. 
Dès  lors  les  duels  qui  ne  pouvaient  avoir  lieu  que 
par  Tordonnance  du  magistrat  civil ,  s^engagèrent 
bientôt  sans  cette  iutervenlion ,  et  s'étendirent  à 
plusieurs  cas  que  la  loi  n'avait  pas  marqués.  Ce  qui 
venait  de  se  passer  entre  Charles  et  François  accr^ 
dita  singulièrement  cette  pratique.  Le  plus  beau 
sang  de  l'Europe  fut  versé  dans  les  duels ,  et  il  y  eut 
des  temps  où  les  querelles  d'honneur  furent  plus 
destructives  que  les  guerres  nationales  »  (185). 

François  l.^'  eut  néanmoins  asseï  de  sagean 
pour  s'opposer  dans  les  dernières  années  de  sa  vie, 
au  duel  de  Jamac  et  La  Chataigneraye.  11  prévit 
sans  doute  tout  ce  qu'un  éclat  semblable  aurait  de 
fâcheux  pour  le  dauphin ,  qui  s'était  si  fort  compro» 
mis  dans  cette  querelle.  Ce  qu'il  y  a  d'incroyable , 
c'est  que  celui-ci  ne  parut  nullement  comprendre 
sa  position.  A  peine  son  père  avait-41  fermé  les  yeux 
que  devenu  roi  sous  le  nom  de  Henri  II ,  il  autorisa 


•- CHAPITRE   XVI.—  137 

\t  duel  et  voulut  le  présider  k  la  téfe  de  toute  sa 
cour.  On  a  vu  ci-dessus ,  comment  il  s'y  Hail  con- 
diiil.  Il  fut  puni  par  où  il  avait  péché.  Douze  ai» 
iprés  au  tournoi  du  faubourg  Saiiit-Anluîne ,  la 
lauce  de  Monlgomery  vengea  La  Cliataigiieraye  el 
Il  morale  publique. 

Ce  fui  sous  ce  règne  qu'on  commença  ii  se  servir 
du  pistolet.  Cette  arroe  fut  l'auTtiliaire  du  poignard 
t(  devint  familière  aux  bandits  qui  désolaient  le 
royaume.  Henri  II  fut  forcé  de  publier  des  édita  sur 
l«  port  d'armes ,  et  de  défendre  aux  genlilstiommes 
de«  faire  accompagner  de  gens  armés  avec  lesquels 
iti commettaient  toute  sorte  de  désordres.  Voici  ud 
:u  du  triste  tableau  qu'en  a  tracé  l'un  de  nos 
graves  Iiistoriens,  l'abbé  Velly  :  «  Le  commerce 
de*  Italiens  parmi  lesquels  nos  armées  vivaient  de- 
[Hiis  plus  de  cinquante  ans,  avait  altéré  de  plus 
«Tune  manière  le  caractère  national.  Les  hommes 
^cnt  devenus  moins  déhcals  sur  les  moyens  de  se 
venger.  Les  assassinats  ,  les  meurtres  prémédités 
devenaient  de  jour  en  jour  plus  fréquens.  Déjà  l'on 
ne  se  contentait  plus  de  guetter  son  ennemi  sur  un 
^nd  chemin  ou  de  le  surprendre  de  nuit  dans  sa 
maison.  C'était  au  coin  d'une  rue ,  dans  une  place 
pubbque  et  sous  les  yeux  de  leurs  concitoyens,  que 
des  lionimes  revêtus  de  fonctions  publiques  tom- 
bateot  80U9  le  fer  d'un  assassin.  Des  relais  placés 


^    itiCOE 


1 


188  •^HISTOIRE  DES  DUEL8. — 

hors  des  murs  de  la  yiile  dérobaient  le  coupable  à  la 
justice  I  et  le  crime  restait  impuni.  Ce  renTcrsement 
de  Tordre  social  demandait  et  les  supplices  les  plus 
effrayans  et  les  dernières  précautions.  La  loi  pro- 
nonça contre  les  auteurs  et  les  complices  de  ce 
crime,  de  quelque  condition  qu^ils  fussent,  le  sup- 
plice  de  la  roue ,  etc. ,  etc »  (186). 

Tout  cela  ne  fut  qu^un  vain  palliatif.  La  fureur 
homicide  qui  est  le  caractère  distinctif  de  ce  siècle 
ne  s^en  rallenlit  pas  un  instant  et  alla  toujours  en 
progression  ascendante ,  comme  on  le  yerra  aux 
chapitres  suivans. 

François  II ,  faible  adolescent ,  mort  à  dix-huit 
ans ,  après  dix-sept  mois  de  règne ,  ne  figure  guères 
que  pour  mémoire  dans  la  nomenclature  de  nos 
rois.  Son  frère  puiné ,  autre  adolescent,  maisd^un 
caractère  bien  autrement  significatif  lui  succède  à  la 
fin  de  1560.  On  connaît  ce  règne  qui  eut  treize  ans 
de  durée  et  s^éteignit  dans  le  sang. 

Charles  IX  fut  le  dernier  roi  de  France  qui  permit 
le  duel  et  s'en  donna  le  spectacle.  Il  fut  aussi  le  pre- 
mier qui  songea  sérieusement  à  le  défendre.  Son 
ordonnance  de  1566  est  admirable  ;  mais  le  chaa- 
ceUer  de  Lhôpital  qui  en  fut  Fauteur ,  n^eut  pas  le 
loisir  d^en  assurer  Texécution.  Celle  de  1660  où  Ton 
se  réserve  de  faire  grâce  aux  duellistes  en  connais^ 
sance  de  cause,  accuse  déjà  Tabsence  de  ce  vertueux 
ministre  (187). 


—  CHAPITBK   X\l.  —  139 

On  a  vu  Henri  III  figurer  le  dernier  avec  soû 
frère  Cliarlcs  IX  dans  un  tournoi.  Comme  ueluî-iû  , 
il  fit  aussi  des  ordonoances  contre  les  meurtriers  et 
■tsasaiiis,  qui  cependaut  ne  se  raontrèrenl  jamais 
avec  plus  d'audace  el  d'impunité  que  bous  ce  règne 
nii  la  France  parut  dcTcnir  un  véritable  coupe- 
gorge.  Jamais  prince  ne  montra  plus  de  mollesse 
envers  tes  spadassins.  S'il  finit  par  voir  les  duels  de 
maunùs  ceil ,  ce  ne  fut  que  lorsqu'il  se  sentit  blessé 
dans  ses  affections  personnelles  par  la  perte  de 
plusieurs  de  ses  indignes  Favoris.  Sans  énergie  pour 
les  venger  ,  leur  fin  tragiqrie  nVlail  pour  lui  que 
l'orcasion  d'un  nouveau  si-andale  qui  éclatait  dans 
l'indécence  de  ses  rcgrels.  D'Audiguier  a  osé  nom- 
mer ce  prince  le  meilleur  roi  du  monde.  Brantôme 
•e  borne  à  exalter  sa  clémence  envers  les  duellistes. 

"  «  Quant  k  noslre  roy  Henri  III ,  dit-il ,  combien  de 
fois  n"a-l-il  pas  faict  d'ordonnances  cl  déFenscs  de 
c'enplusvenir  làjcarjel'ay  veuàlacour  lepublier 
phi3  de  cent  fois.  Si  aucuns  y  conlrevenoienl ,  il 
éloil  si  bon  qu'il  ne  les  vouloit  Faire  punir  k  Ut* 

^rigueur;  car  d  aimoilsa  noblesse,  etc.  »  (188). 
La  Bévrc  des  duels  ne  parut  même  pas  se  calmer , 
pendant  la  longue  période  des  guerres  de  religion. 
Ces*  qu'il  n'en  est  pas  des  guerres  civiles  comme  de 
celles  qu'on  entreprend  pour  l'Iionneur  national 
coolie  uu peuple  ëlrangec,  Quand  cellea-ct  éclatent, 


140  —HISTOIRE   DBS  DOÛiS. — 

les  discordes  s^appaîsent  ;  un  seul  intérêt  domine  ; 
on  réserve  son  sang  pour  la  patrie  ;  fl  n^  a  plus  de 
duels.  Mais  quand  une  lutte  impie  met  aux  prfoes 
les  citoyens  d'un  même  pays ,  toutes  les  passions  se 
déchaînent  à  la  fois ,  il  n^y  a  plus  ni  règle ,  ni  frein  ; 
on  se  fait  arme  de  tout ,  on  ne  se  bat  pas ,  on  tue  ;  cm 
ne  soumet  pas ,  on  massacre  ;  et  ce  qpie  le  glaire  a 
épargné  devient  la  proie  de  Féchafoud.  Aussi  Tho*- 
micide  se  montra-t-il  sous  toutes  les  formes  pendant 
ces  horribles  convulsions  qui  marqpièrent  la  seconde 
période  du  16.^  siècle.  Les  meurtres  et  les  guel-4- 
pens  se  donnèrent  la  main  avec  les  combats  en 
champs  clos.  Tous  les  instrumens  de  destruction 
fonctionnèrent  à  la  fois.  Le  poignard  rivalisa  avec 
l'épée  ;  et  comme  nous  devions  déjà  le  duel  à  Tltalie, 
une  reine  du  nom  de  Médicis  nous  en  apporta  un 
nouveau  présent,  Tassassinaf  (180). 

Tel  est  le  tableau  comparatif  du  15.*  et  du  16.* 
siècle ,  relativement  au  sujet  de  cette  histoire.  Pai 
dû  insister  plus  particulièrement  sur  cette  partie  et 
lui  donner  quelques  développemens,  parceque  c^esl 
\h  que  se  trouve  le  berceau  du  duel  proprement  dit. 
Il  fut  le  nourrisson  de  raristocratie  qui  s^en  est 
toujours  constituée  la  gardienne  exclusive.  A  la  suite 
du  1 5. «  siècle  il  éprouva  une  révolution  remarquable 
qui  lui  fut  commune  avec  elle.  La  noblesae  fui 


eàla 


tIcsc 


14t 


» 


cour  par  les  careasefl  du  prince  et  l'attrait 
4e3  plaisirs.  L'austérité  de  la  vie  de  province  fit  place 
i  la  mollesse  de  la  capitale.  De  féodale  qu'elle  était 
l'arialocratie  devint  royale.  Elle  élait  maîtresse ,  elle 
ne  fut  plus  qu'esclave .  Elle  régnait  dans  ses  donjooa, 
elle  rampa  dans  les  antichambres.  II  n'y  eut  plus  de 
seigneurs,  mais  des  courtisans.  Cette  révolution  a 
été  parlÎBitement  décrite  par  le  président  Hénaull , 
dans  son  Abrégé  chronologique ,  et  par  Mercier 
dani  son  Tableau  de  Paris.  On  en  trouvera  des 
eitrailsaux  Eclaircissemens  historiques  (190). 

On  voit  ee  que  va  devenir  maintenant  le  duel. 
Autrefois  grave ,  sérieux  ,  solennel  tant  qu'il  fut 
fuuiliaire  de  la  justice ,  ce  ne  sera  plus  désormais 
qu'un  passe-temps  cruel  et  frivole  pour  une  jeu- 
■Kise  désœuvrée  ,  quelquefois  un  infâme  métier 
exploité  par  les  aigrefins  et  les  chevaliers  d'industrie, 
Itplufl  souvent  un  instrument  de  mesquines  ven- 
geances ou  l'aveugle  arbitre  de  rivalités  d'acti- 
chainfarea  et  de  boudoirs. 


CHAPITRE    XVII. 


Principaux  duels  da  XVI.*  siècle. 


Ce  fut  sous  le  règne  de  François  L*'  que  com- 
mencèrent à  se  multiplier  les  défis  ou  appels  parti- 
culiers. Les  causes  en  ont  été  déduites  au  chapitre 
précédent.  On  connaît  en  France  l'empire  de  la 
mode  et  de  l'esprit  d'imitation.  D  devait  étrepro* 
digieux  lorsque  c'étaient  la  cour  et  le  monarque 
lui* même  qui  donnaient  le  ton.  Le  cartel  de 
François  I.^'^  à  Charles-Quint  électrisa  toutes  les 
t<?tes;  mais  il  eut  des  conséquences  plus  sérieuses 
entre  les  gentilshommes  qu'il  n'en  pouvait  avoir 
entre  les  deux  souverains.  Brantôme  a  mis  sur  le 
compte  du  roi-chevalier  une  anecdote  à-peu-près 
du  même  genre ,  que  son  caractère  rend  assez  vrai- 
semblable. Ayant  reçu  avis  que  le  comte  de  Saxe, 
qui  se  trouvait  à  la  cour  de  France,  tramait  quelque 
chose  contre  sa  vie ,  il  l'aurait  pris  à  l'écart  dans 
une  chasse  et  lui  aurait  proposé  de  croiser  leurs 


—  CHAPITBE   XV!I .  —  1  43 

^{tfes,  ainsi  seuls  et  sons  lèmoins  ;  ce  que  le  comte 
l'nurail  pu  garde  d'accepter. 

Voici  lin  exemple  lire  du  m^me  auteur  qui  don- 
nera une  id^e  de  la  aingutaritë  des  moeurs  du  temps. 
n  fay  ouy  raconter  à  ce  brave  et  gallant  feu  M.  de 
Cipiére,  que  du  temps  du  roi  François  I."",  il  ciiyda 
«Ire  en  une  ir^s  -  grandinsimp  peine  pour  a\oîr 
■ppeliM.  d'Andoiiig,  par  commission  du  viscomte 
de  Gourdon,  vaillant  homme  qui  suivoit  feu  M. 
d'Oriéans  (troisième  fils  du  roi)  avec  M.  de  Cipiére. 
Llfus  quel  appel  fut-ce  î"  seulement  M.  de  Cipiére 
■kty  dît  :  M.  d'Andoing,  je  viens  de  laisser  M-  le 
tÏBComtc  de  Gourdon  qui  m'a  chargé  de  vous  dire 
qu^il  s'en  alloit  oiiyr  la  messe  à  Saincl-Paul ,  et 
que  si  tous  y  vouliez  aller ,  là  ensemble  tous  deux 
TOtti  l'ouyriez ,  et  delà  vous  en  îrei  pourmener 
jtnques  hors  la  porte  de  Sainct- Antoine.  Cette 
intention  d'appel  encore  quelle  fust  gentille ,  si 
fut-elle  fort  Irouvéc  mauvaise  du  roy ,  cl  fallut  que 
M.  de  Cipiére  s'ahscnli)  de  la  cour.  Mais  par  la 
prière  de  feu  M.  d'OHémis ,  il  Iny  fut  pardonné; 
car  il  l'aymoil  fort»   (191). 

Celle  forme  de  cartel  paraîlra  sans  doule  des 
plus  originales.  François  1."  ne  l'a  trouvée  si  niau- 
faite,  que  parce  qu'il  était  fort  jaloux  de  son  au- 
torité en  fait  de  duel.  On  ne  pouvait  se  battre  sans 
SÉ  pemisàon ,  el  souvent  même  il  voidail  que  ce 


144  —  mSTOIRE   DES  DUEL&.— 

fui  BOUS  ses  yeux.  Ou  trouvera  aux  Édaiivisseinens 
historiques  y  note  74,  les  détails  de  différenft  duels 
présidés  par  ce  prince ,  et  que  pour  cette  raison 
j'ai  dû  considérer  comme  des  combats  judiciairea. 

Ainsi  encouragés  par  Tindulgeace  ou  la  faveur 
royale ,  autorisés  même  par  d^augustes  exemple! 
les  duels  firent  fureur  sous  les  régnes  suivans.  Les 
écrivains  contemporains  tels  que  Cayet^  La  Taille, 
Pierre  de  TEstoile ,  Brantôme  et  d'Audiguier  nous 
en  ont  conservé  une  foule  de  traits ,  la  plupart 
d^une  frappante  originalité  et  qui  ne  laissent  en 
général  que  Tembarras  du  choix. 

Le  successeur  de  François  I.^^,  le  Cuble  et  in- 
conséquent Henri  11  acheva  Fceuvre  funeste  com- 
mencée par  la  politique  chevaleresque  de  son  pèro* 
L'odieuse  part  qu'il  prit  dés  les  débuts  de  ioa 
règne  au  duel  de  Jamac  et  La  Chataigneraye  eut 
des  conséquences  pareilles  à  celles  de  rextravagaal 
défi  porté  à  CIiarles-Quint.  Le  duel  devint  déci- 
dément une  mode  ,  et  le  moindre  prétexte  suflfil 
pour  rautoriser.  Il  n'y  eut  pas  jusqu'aux  princes 
du  sang  qui  ne  lui  payèrent  tribut.  On  vit  le  prince 
(Charles  de  la  Roche-Sur-Yon ,  frère  du  duc  de 
Bourbon-Montpensier ,  se  prendre  de  querelle  dana 
une  chasse  ,  à  la  suite  du  roi ,  avec  François 
d'Andelot ,  frère  de  Tamiral  de  Coligny ,  mettre 


—  CB*PITRE    XVII.—  HS 

i'fp^p  h  ta  tnain  et  occasionner  une  rixe  .snnginnie , 
k  laquelle  firirenl  part  plusieurs  seigneurs  et  dont 
lui-même  se  retint  blessé  (102)- 

La  dernière  année  du  règne  de  Henri  [[,  on  vit 
lin  dtiel  des  plus  bixnrres  entre  un  jeune  pupille 
nommé  ChiVteauneuf  et  Lachcsnaye  son  tuteur , 
ticiltard  à^é  de  fpiatre- vingts  ans ,  à  l'occ-asion  d'un 
pn>cê»poiir  compte  de  tutelle.  <•  Les  champions,  dit 
Bnuitôme  ,  «'étant  donné  rendez-vous  à  TUe  Lou- 
vien ,  fa  Paris ,  ChAlcauneuf  demanda  à  LachcsDaye 
s'il  »T«il  tenu  des  propos  qu'on  lui  attribuait  ;  celui- 
ci  les  nia  sur  sa  foi  degentilhomine.  Je  suis  donequen 
amu-nt,  dit  Oullenuneuf.  Non  pas  moy ,  répliqua 
I  l^tre,  car  puisque,  vous  m'airez  donné  la  peine  de 
venir  icy ,  je  me  veux  battre.  Que  diraient  de  nous 
tant  Je  genz  assemblez  d'un  costé  et  d'autre  deçà  et 
delà  Veau  d'estre  iejr  venus  pour  parler,  et  non 
poar  le  baltrv  ?  flyroil  trop  de  noslie  honneur  :  Ç^ 
battons-nous.  S'eslanI  donc  rats  en  présence  avec 
l'espèe  cl  In  ilagiie,  aucuns  ouvrent  le  dicl  Laches- 
naye  cryer  haut  ;  A  h  paillard '.tu  ^junxÀ  (cuirassé)  ; 
l'aiaotljislévaiiiemenld'un  grand  coup  tiré  au  corps. 
Ak  !  je  l'aurai  biin  twii  fuient.  Et  se  mit  il  luy  tirer 
à  la  leste  et  ii  la  gorge ,  et  il  ne  faillit  rien  qu'd  luy 
cmiput  le  sifflet ,  dont  le  dicl  Cbflteauneuf  ne  s'es- 
lc>nna  nullement,  Aîns  redoublant  son  courage  luy 
tira  une  grande  esloi-ade  au  corps,  et  le  lun    » 


140  —  HISTOIRR  DES  OURLS.  — 

liraulome  tenait  ce  Irait  du  jeune  Chàleauneuf  lui* 
mt-me ,  «{ui  esloil  son  gratid  €mty ,  ci  qu^il  jualifie 
ihaudement  du  reproche  d'avoir  été  cuii^issé  dani 
€eduei  (198). 

Voici  un  autre  exemple  tiré  du  même  auteur  et 
qui  appartient  au  très-court  règne  du  succeaieur  de 
Henri  II.  «  Un  jour  que  le  roy  François  II ,  apréa 
quelques  jours  de  la  mort  du  roy  ton  père,  estoit  alli 
au  bois  de  Vincemies  à  la  cbasse  aux  dains ,  avec  le 
jeune  Achon  dit  Mouron ,  nepveu  du  maresehal  de 
Sainct* André ,  celui-cy  s^estant  retiré  à  part  du  roy 
se  mit  à  se  battre  sur  la  motte  qui  est  là  aveo  un  vicm 
routier  d^armes  nommé  Matas ,  lequel  Tint  à  mener 
et  pourmener  le  jeune  Achon  de  tel  poinct  qu^  luy 
fit  ToUer  Tespée  hors  des  mains,  et  luy  dit  :  f^^ 
jeunehomme,  apprends  une  autre  fois  à  tenir  ihiemjf 
ton  etpée,  et  à  ne  t'alUufuer  point  à  un  homme  tel 
fue  mojr*  Amasse  ton  espée,  et  vort-^n,  je  te  par» 
donne*  Et  s'en  tournant  pour  monter  à  cheval  sans 
y  penser ,  Achon  ayant  amassé  son  espée ,  courut 
après  luy  et  luy  en  donna  un  grand  coup  à  traven 
le  corps ,  duquel  Matas  tomba  tout  roide  mort  par 
terre.  Et  n'en  fut  autre  chose,  parce  que  Achon  étoit 
nepveu  du  maresehal  de  Sainct-André ,  et  Tautre 
parent  de  Madame  de  Valentinois  (Diane  de  Poiliera) 
qui ,  par  la  mort  du  roi  Henri ,  avait  perdu  tout  son 
crédit.  Si  est-ce  que  le  pauvre  Matas  ne  laissa  à 


—  rn*piTr.F.  \vii.—  li" 

tHre  bien  plaint  et  regretlé.  Toutefois  il  fut  fort 
blann^  mi*int-  ile  feu  M.  de  (^niae-te-Grand,  d'avoir 
»in«y  mcsprisé  les  armes  et  Ih  bonne  fortune  qui  luy 

aToilfnissonenncmyit  mert  y Il  ne  faut  pas  aussy 

que  lea  bravnsches  et  vicus  rimliers  abusent  de  leur 
rnrtuiie  el  gourmandenl  un  jeune  homme  qui  ne 
hict  €jue  venir  ;  car  Dieu  s'en  otlrisle.  n 

Même  indulgence  iurs  d'un  duel  entre  deux  au- 
lr*B  fçcntilshommea  d'Yvoy-Genlis  et  des  Bordes 
neveu  du  maréchal  de  Bourdillon ,  oîi  tous  deux 
Ibrenl  grièvement  blessés,  n  M.  de  Guiec-le-Graod 
l'en  sCBiidalisa  bien  fort  comme  grand  maître  de  In 
ouison  du  roi,  dit  Brantôme,  et  pour  ce  fit  informer 
lUigeniinent  sur  celuy  qui  SToit  porté  la  parole 
d'appd  ;  et  il  se  Itoutb  estre  M.  de  Gersay,  qui ,  en 
■ranl  senti  le  vent,  s'estoil  un  peu  eschappé  k  l'écart. 
Uaia  au«ito«t,  parce  qu'il  estoit  l'un  des  plus  favoris 
du  roy ,  il  fut  pardonné  avec  une  remontrance  que 
M.  de  Guise  luy  fit  deynnl  le  roy  et  M.  le  eardînal 
qu'il  o'eusl  plus  h.  y  retourner ,  ni  nul  autre  ;  car  il 
n'y  alluit  rien  moins  que  la  vie,  disant  que  c'est  un 
cfimc  capital.  J'y  eslois  cl  le  m  »  (104). 
■  Franrois  11  eut  néanmoins  le  mérite  de  prévenir 
Meastiite*  de  plusieurs  querelles.  La  première  s'était 
Prélevée  sou»  le  règne  de  son  prédécesseur,  entre  l« 
npîlflînc  de  Rancé  et  Laurent  de  MBu^iron,  père 
dr  CM-lui  qui  succomba  en  l.'SVSdans  le  f^meuiducl 


148  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

des  mignons  de  Henri  III ,  ainsi  qu'ion  le  verra  eî- 
«près.  Le  démêlé  était  d'autant  plus  sérieux ,  que  le 
«capitaine  de  Rancé  avak  à  reprocher  à  son  adver- 
saire la  perte  d^un  doigt.  «  Ce  qui  est  un  grand  cas , 
selon  Brantàme  ;  car  un  membre  osié  ne  se  peut 
bonnement  réparer  par  un  accord ,  sinon  qu^on  oe 
se  batte  ou  par  la  loy  du  talion,  membre  pour  mem» 
bre  ou  par  mort.  )» 

Une  autre  fois  le  roi  avait  défendu  le  combal 
entre  deux  seigneurs  de  sa  cour,  de  Loéet  du  Bueîl  ; 
«  Mais  il  ne  fut  pas  plutôt  mort ,  dit  notre  auteur, 
que  Loê  prenant  Toccasion  bien  à  poinct  vint  à 
assaillir  Bueil  qu^il  estendit  mort  sur  le  pavé ,  et  se 
«auva.  Il  y  en  eut  aucuns  qui  trouvèrent  ce  fieicte»- 
Irange ,  veu  les  défenses  faictes ,  mais  les  raffinés  et 
entendus  duellistes  les  renvoyèrent  bien  loing , 
comme  je  vis ,  et  leur  respondirent  qu^ils  estudiaa- 
sent  leur  leçon  ;  car  le  prince  auteur  de  là  défense 
étant  mort ,  la  défense  n^avoit  plus  lieu ,  et  les  mains 
liées  se  desliaient  »  (105). 

Brantôme  qui  a  vécu  &  la  cour  de  Henri  II  , 
François  II ,  Charles  IX  et  Henri  III ,  embrasse  ces 
(juatre  règnes  dans  ses  récits.  Je  laisse  toujours 
parler  ce  narrateur  fécond  et  naïf  :  je  me  contente 
de  Tabréger  quand  il  est  trop  causeur  ;  ce  qui  lui 
arrive  souvent. 

a  Du  temps  du  feu  roi  Charles  IX,  dernier  mort, 


—  CFAPtTHK    ÏVIf.  —  149 

la\  faict  un  combat  en  l'iste  du  Palais,  entre  un 
^tilhomme  normand  el  le  i)etiti.hevnlier  de  Ref- 
fuge.  Ainsy  qu'iU  -s'y  fiijsoicnl  passer  eu  baïelel  lou* 
ileiix  seuls  hius  second»,  ils  vircnl  force  gentils- 
hamrues  qui  couroient  sur  le  quay  pour  prendra- 
do  bateaux ,  et  aller  après  eux  les  si^parer  ;  car 
c'cMoil  é  l'heure  que  le  roy  se  rciidoJt  à  la  mesae  eu 
la  ehapelie  de  Bourben.  Us  dirent  au  batelier  tjcTit 
l« passas!  vîste  ;  car  ils  avcuent  imeaH'aire  d'impor- 
tiarn.  Et  ayant  pris  terre  ,  ils  a'entredirenl  seule- 
^^JKnt  ;  Faisons  pivnifUenient  ;  car  vowi  ces  mrs- 
^Hbim  gui  s'advancent  peur  nous  sè/mier.  Ils  n'y 
^BMIjr«tit  pas  ;  car  en  quatre  cuuj»  d'espéc ,  ils  s'ett- 
trctuèrenl  tous  deux,  n 
Le  même  auteur  parle  encore  d'un  seigneur  de 
^HBcDMic ,  qui,  voulani  se  battre  contre  deux  h  la  fois, 
^Bêcriait  lorsqu'on  te  séparait  :  u  ConiRK'nt  !  n^'a-t- 
^■t»  juBinis  veu  un  liomrae  seul  avoir  affaire  à  deux  ^ 
ht  foi»?  Eli  niortdieu  I  les  histoires  en  sont  pleines.  » 
A  quoi  il  ajoutait  (jtiand  on  lui  demandait  ce  qu'il 
|>etuait  faite  :  «  Eh  niortdieu  !  je  voulois  me  faire 
mellre  dans  les  chroniques,  n 

Mois  ce  qui  pourra  servir  j)  caractériser  ptus  par- 
liculicrement  le  régne  de  Charles  I\  el  celui  de  son 
ftncre  Henri  111,  c'est  l'histoire  du  fanwux  Duprat , 
bardii  de  Vitaux ,  Bis  du  chancelier  Duprat ,  el  l'un 
des  plus  dftermin^  sicaivcs  de  ce  temps.  BranlAme 


150  —  HISTOIRE   DES    DUELS.—* 

qui  était  son  ami  intime ,  nous  a  conservé  les  prin-' 
cipaiix  fait»  et  gestes  de  ce  personnage  dont  il  lait 
presque  un  héros.  11  raconte  d^abord  comme  quoi 
il  ayait  débuté  par  le  meurtre  du  jeune  baroo  de 
Soupeft,  avec  qui  il  eut  une  querelle  de  table,  et 
qu^il  tua  de  guet-à-pens  à  Toulouse,  d^oU  il  se  sàxwa 
brai^ement  en  habit  de  damoiscUe;  comme  quoi  en- 
suite il  tua  un  autre  gentilhomme  nommé  Gonnelieu, 
lavori  du  roi ,  qui  voyageait  en  poste  et  qu^il  attei- 
gnit prés  de  Saint-Denis.  Il  était  accompagné  dans 
cette  expédition  d'un  jeune  seigneur  d'un  grand 
nom,  nommé  Boucicaut.  Vitaux,  scion  notre  auteur, 
commettait  ce  meurtre  pour  yenger  celui  d^un  de 
ses  frères ,  égé  de  quinze  ans ,  tué  par  Gonnelieu. 
Comme  celui-ci  était  un  des  Cayoris  du  roi  qui  fîil 
fort  en  colère  de  sa  mort  et  en  cuyda  désespérer,  le 
meurtrier  s'en  alla  faire  un  voyage  d'Italie.  Maie 
il  ne  tarda  pas  à  reparaître  en  France,  ayant  à 
venger  la  mort  d'un  autre  de  ses  frères ,  le  baron  de 
Thiem ,  tué  par  Antoine  d'Alègre ,  baron  de  Millau, 
son  proche  parent.  Millau  était  un  seigneur  d^ Au- 
vergne que  Charles  IX  avait  appelé  à  Paris ,  pour 
servir   d'interprète   aux  ambassadeurs   Polonaie, 
lorsqu'ils  vinrent  offrir  la  couronne  de  Pologne ,  à 
son  frère  le  duc  d'Anjou,  depuis  Henri  lU.  Il  ne 
s'était  alors  trouvé  personne  k  la  cour  qui  pût  enlre^ 
tenir  ces  étrangers  en  latin  (196)^ 


—  CniPlTBH  XVII,  —  131 

>•  Entant  (loue  de  retour  d'ilulie ,  d!t  Brantôme , 
il  trcul  qil'aprvs  le  âi-ge  de  la  Bodielle ,  en  1573 , 
Millaud  se  puurmenoil  dans  l'aris  à  son  ayse ,  qui  le 
pcitKiit  eucorcbicaloiii,  ne  le  jugcnni  avoir  la  réso- 
lution de  retourner  ii  cause  de  la  fureur  du  roy.  Il  se 
pounneine  par  la  ville  en  habit  d'avocat ,  espie  et 
rrconnoist  le  lout.  Il  avait  lai&sé  venir  sa  barbe  fort 
luogue  ,  si  qu'il  esluil  irr^-coniiuissable.  11  se  loge 
l'eipace  de  quinze  jours  en  celte  petite  maison  qui 
est  ui  bout  du  qua\  des  Augiistios,  vuidcirevoitt 
H    puMcr  son  homme  pnr  plusieurs  fois,  aiuRy  qu'il 
^■m'*  dict  depuis.  Puis  voyant  suu  bon  temps  il  sort 
^■■rec    les  deux   Doucicaut ,   ff^rcs  provenceaux  , 
^Hmres  et  vaillans  hommes ,  certes ,  qu'on  appeloit 
^Hn  t^ons  du  baroD  de  Vitaux ,  et  attaque  Millaud 
iMMiDt  devant  son  lops ,  le  charge ,  le  tue  avec  peu 
de  réSMtaOCC  ,  et  «e  sauve  braveraenl  hors  la  ville  et 
aux  champs.  Maïs  le  uudbcur  fut  pour  luy  qu'en 
luaul  ledit  MiUaud ,  ua  de  ses  coups  d'estraïaaçonft 
par  cas  turtuit  tomba  sur  wn  des  Uoucicaut  il  la 
ame  et  luy  eausa ,  en  marchaut  par  paya ,  un» 
graadc  cfTusiaa  de  sang  doiil  il  fut  couiruinet  d« 
l'arrêter  pour  Bc  faire  panser  k  quelt]ue  pL-til  barbier 
de  village.  Ce  (ftii  fut  cause  qu'ayant  esté  pourmivr 
parlepr^vost  Tancbo»,  il  fui  pris  il  douxc  UeueftdA 
Paria ,  non  trop  à  TniBe  ;  car  il  fit  grande  delTeiise 
«l«iit  il  fut  fwrt  blewé ,  et  fut  mené  à  Paris  au  Fort- 


152  «^  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

TEvéqne ,  en  tel  danger  que  du  jour  au  lendemain 
nous  le  tenions  exécuté.  Le  voilà  donc  aux  vesprêt 
de  la  mort  ;  car  le  roy  et  le  roy  de  Pologne  (Henri  ili) 
criaient  quil  nieut^.  Mais  M.  le  Prévost  de  Paria, 
son  frère ,  qui  tenoit  en  son  logis  les  ambassadeurs 
Polonais,  s'advisa  de  les  prier  pour  son  frère  et  de- 
mander aux  deux  roys  sa  vie,  ce  qu^ils  firent.  J'eatoit 
en  la  chambre  du  roy  de  Pologne  quand  ils  vinrent, 
et  je  les  vis  haranguertout  en  latin  très  éloquenunenl 
et  avec  telle  passion  et  affection  que  le  roy  fut  fort 
empesché  de  respondre  h  leur  requcatc ,  quMl  n^ac^ 
corda  sur  le  coup ,  mais  leur  donna  grande  eapé* 
rance.  M.  de  Thou ,  premier  président,  qui  rainudt 
fort,  prit  aussy  son  party ,  et  remonstra  aux  roya  qiM 
s^ils  eussent  faict  mourir  Gonnelieu  et  Millaud,  les 
deux  meurtriers  de  ses  frères ,  il  devoil  mourir 
aussi  ;  mais  ne  Tayant  Caict ,  il  falloit  que  la  loy  fut 
esgale.  Enfin  par  temporisement ,  sollicitationt  et 
prières,  son  procès  demeura  en  suspens.  Cepen- 
dant le  roi  de  Pologne  qui  cstoit  son  principal  per* 
sécuteur  s'en  va  en  son  voyage.  L^on  fait  son  procès 
à  la  voilée  ;  son  pardon  et  grâce  lui  furent  donnés  et 
bien  entérinés.  Le  voilà  pourmener  par  la  ville  et  k 
la  cour  mieux  que  jamais ,  bien  veuu  et  arregardi 
de  tout  le  monde.  » 

LMssue  de  cette  affaire  devait  être  un  encouna-» 
gement  plutôt  qu'une  leçon  pour  un  personnage 


I  Jk  rfite  trempe.  Aussi  ful-il  si  peu  corrigé  qii'npiT 
I  it  rfl'itir  de  Hei 


illl, 


I  1575, 


niM'ii 


lace  d  Bssassinor  s 


I  pm 


r  îa% 


i  l.n 


ViiHe 


eiifcer  du  Cua§t,  qui  avait  chert-li^  îi  l'f 


i^H.p 


Vublcnir  sa  grAce.  Excit6  par  les  iiiln^irs  de  riii- 
e  épouse  de  Henri  IV ,  la  célèbre  Marguerite , 

il  p^étra  de  force  avec  sept  ou  huit  autres  dans  le 
^^domicile  de  du  Guast ,  el  l'assassina  dons  son  lit 
^^paiec  une  esp6e  fort  courte  et  tranchante  ,  dit 
^fpMre  auteur ,  laquelle  en  tel  cas  est  estimt'e  meil- 

leurc  q»ie  la  longue.  »  Et  il  a  soin  d'ajouter  que  la 

tntà  fut  estimé  de  grande  résoJiiUon  et  assuraiivr, 
^^Uparaît  que  Henri  III  ne  se  mit  pas  en  peine  de 
^Htaj^  la  mort  de  ion  faTori.  Vitaux ,  après  cette 
^^■mvdle  expédition ,    prit  la  poste  el  se  réfugia 

auprès  du  duc  d'Alenron ,  qui  lui  lit  un  fort  bon 

accueil  (197). 
^_^  L'ii  tel  homme  ne  devait  périr  que  par  la  ptitcuce  ; 
^^ku'est  pas  pourtant  ce  qui  arriva.  Il  fut  tué  en  duel 
^■l  138»,  de  la  main  du  BU  de  ce  baron  de  Millau 
^^■^îl  avait  si  lâchement  assassiné  huit  ans  aupara- 
^^■Dt-  Brantôme,  pour  compléter  l'histoire  nu  plutôt 
^H^panég^rique  de  son  ami ,  nous  raconte  ainsi  sa 
^^b  qui  fut  digne  d'une  telle  vie. 
^^p  u  L'n  de  ces  ans  fut  appelle  el  dcfTié  le  baron  de 

Vitaux  par  M.  de  Milland ,  à  se  battre  contre  luy  , 

à  une  hcuc  de  Paris,  en  beaux  champs.  Ne  faut 


154  —-HISTOIRE   DES    DUELS.  <— 

point  demander  s^il  faillit  k  s'y  trouyer  ;  car  il  estoîl 
un  des  courageux  gentilshommes  qu^on  eust  tçeu 
\oir  :  ses  beaux  faicts  en  sont  la  preuTe.  Ils  furent 
chacun  visitez  des  seconds.  Aucims  ont  dit  que 
Millaud  estoit  couvert  d'une  petite  légère  cuirassine 
sur  la  chair  ^  laquelle  estoit  peinte  si  au  naturel 
que  par  ainsy  le  second  fut  trompé  en  sa  reuê. 
C^est  à  scavoir  si  on  peut  ainsi  représenter  une 
chair  sur  du  fer.  Je  m^en  rapporte  aux  bons  peintres. 
Autres  disaient  qu'il  y  eut  apparence  en  cela,  d'au- 
tant que  resp6e  du  baron  se  trouva  fort  fauiaèe 
par  le  bout.  Voyant  que  par  ses  estoquades  il  n'y 
gagnoit  rien ,  il  se  mil  aux  estramaçons  ;  sur  lesquels 
Tautre  parant ,  luy  donna  une  grande  estoquade  de 
laquelle  il  tomba  ;  et  aussitost  s'advaoçant  de  plut 
près,  luy  donna  trois  ou  quatre  grands  coupa  d'espèe 
dans  le  corps  et  l'acheva  ,  sans  luy  user  d^aucuœ 
courtoisie  de  la  vie.  Ainsi  mourut  ce  brave  baron , 
le  parangon  (modèle)  de  la  France.  H  n'y  esloil 
pas  seulement  estimé ,  mais  en  Itatte ,  Espagne , 
Allemagne ,  Pologne  et  Angleterre  ;  et  desiroient 
fort  les  étrangers  venant  en  France  le  veîr,  lant 
sa  renommée  volloit.  Il  estoit  fort  petit  de  cerps , 
mais  fort  grand  de  courage.  Ses  ennemis  diaoîeni 
qu'il  ne  tuoit  pas  bien  ses  gens ,  mais  par  advan-« 
tages  et  supercheries.  Certes,  je  ticna  de  grand» 
capitaines  qu'une  supercherie  ne  se  devoit  |Miyer 


—  ciuriTnr  xvii.  —  155 

fit  par  Hemblable  miintioye  ,  vl  qu'il  n'y  alioit 
)K)iiil  là  de  détihonneur  >i  (198). 

»  Qu'un  ne  croie  pas  que  de  pareils  Irails  ne  fiissi^iil 
que  des  aecidens  iaoUn  qui  ne  pourraient  lirer  à 
loneùqiience  pnur  appréeier  les  mœurs  de  ce  temps. 
En  ït)iei  un  uouve!  exemple  où  l'on  voit  figurer 
Innoms  plus  illuslres  encore.  C'est  loujoura  BniQ- 
Umc  qui  pnric. 

«  M.  le  viscérale  de  Turcnnc ,  brave  et  vaillnnl 

seigneur ,  Hyant  esté  appelé  par  M.  dL'  Duras,  de  la 

fMrt  de  Sun  [rcre  M.  de  Rauzan ,  se  plaij(iiil  Tort 

d'une  grande  supcrclieric  qui  luy  fut  faicle  esUuit 

tu  combal  ;   car  d'une  embuscade  sortirent  cinq 

M  as  qui  le  chargèrent  et  luy  donneront  dix  nu 

douM  coups  d'cspée,  (ceux-là  n'esloicnt  pas  bons 

hteurfl ,  ny  si  bons  que  le  baron  de  Vitaux  ducpiel 

j'ii  parlé  tantoit  )  et  le  laissèrent  en  la  place  pour 

tDort.   Dont ,  depuis  il  voulut  avoir  la  revanebe 

m  M.  lie  Duras;  c*r  il  fit  entreprise  d'aller  le 

j       hier  dans  aa  maison,  et  le  traiter  en  auperrherie 

^L-ciumne  il  disoit  avoir  reçeu  de  luy.    Et  de  faict 

^P  die  esloil  exÉcvlèe  sans  uo  grand  cerf  qui  estnit 

"    Jsn»  le  fos>£  ,   et  lors  en  rut  ,  lequel  chargea  si 

rurieuierocnt  ceux  qui  y  esloient  descendus  qu'ils 

•iwmèrent  Tallarme  et  s'en  allèrent  sans  avoir  lieri 

f^  tenter  »  (199). 

Si  Heori  Ul  parut  peu  sensible  a  la  perle  de  son 


1 56  —  HISTOIRÇ    DES   DUEL».  — > 

premier  favori ,  Bérenger  du  Guast ,  il  le  fut  daran- 
tage  à  celle  de  ses  mignons  qui  succombèrent  dant 
ce  fameux  combat  qui  eut  lieu  le  27  aTril  1678,  et 
dont  le  récit  se  trouTe  dans  tous  les  historiens.  Pen- 
tremc^e  ici  les  principaux  traits  de  celui  qu^en  onl 
donné  Brantôme  et  d^Audiguier. 

a  Caylus  et  d'Entragucs  étoient  les  principaux 
querelleurs,  et  ce  pour  dames.  Riberac et Schom- 
berg ,  jeune  allemand  ,  secondoient  et  tierçoient 
d^Entragues;  Maugiron  et  Liyarot  secondoient  et 
tier^!oient  Caylus ,  qui ,  tous  seconds  et  tiers,  a^ofln- 
rent  à  se  battre  plus  par  envie  de  mesler  les  mains 
que  par  grandes  inimitiez.  Ce  combat  fut  tréa-beau , 
et  Taccompara-t-on  lors  à  celui  des  Horaces  et  de» 
Curiaces.  Us  combattirent  vers  les  remparts  et  porto 
Sainct- Antoine ,  à  trois  heures  du  matin ,  en  été  ;  de 
sorte  quil  n\  eut  aucun  qui  les  vit  battre ,  que 
quelques  trois  ou  quatre  pauvres  gens,  certes,  chëtîb 
témoins  de  la  valeur  des  ces  gens  de  bien,  qu» 
pourtant  rapportèrent  ce  qu^ils  en  avoient  vu  telle- 
ment (|uellement .  » 

«  Sitost  que  les  parties  s'entrevirent ,  Ribemo 
s'avance  de  vers  Caylus  et  parlant  à  Maugiron  :  It 
me  semble  y  dit-il,  que  nous  damnons  plus  tost  ac^ 
corder  ces  gentilshommes  que  les  laisser  entretuer. 
A  qui  Maugiron  :  //.'  ne  suis  pets  venu  pour  enfiler 
des  perles  ;  je  me  -veux  battre.  —  Et  à  qui  te  veux^ 


•-CHÀi'tTnE  xv:i.—  157 

Vttbatlre,  Maiigiron ,  tu  n'as  point  d'iitlé/cst  en  lit 
\  aaerelle,  dil  Kibcran.  —  C'est  à  loy,  dît  Maugiron. 
-  j1  moy ,  dit  Rlberac ,  prions  doticf/ups  Difu.  n 
ic  (lisant  il  tire  son  esp^c  qu'il  croise  avec  son  poi- 
urd,  et  se  jettant  ii  fi;cnoux  St  sa  prière  assez 
bnefre,  mais  neantinoius  trop  lonipie  au  gré  de 
Nlaugirou ,  qui  s'escria  en  jurant  que  c'csloit  trop 
prié.  Alors  prenant  ses  armes ,  il  enfonce  furieu- 
KmeQl  Maugiron  qui  le  reçoit  de  niesmc  ;  et  s'en- 
Imant  tous  dcus  tombèrent  morts  sur  la  place.  » 

Il  Schomberg  s'éluit  adressé  à  Livarot ,  et  voyant 
Itun  amis  aux  mains  :  Ils  se  battent,  dit-îl ,  çua 
Jtnns-nous?  — Battons-nous  aussi  pour  nostre 
miaaneur,  rcspond  Livarot  ;  reaponce  qui  fut  trouvée 
Pfcit  estrange  de  ce  temps  \k  où  lesseconds  n'avoicnt 
point  accoustumé  de  se  battre.  Mais  on  s'en  éton- 
ntroit  biea  davanlage ,  si  l'un  respondoit  autre- 
ment en  celui-cy,  où  l'on  ne  pourroilavec  honneur 
t'iir  battre  ses  amis  les  bras  croisez ,  sans  faire  autre 
choee  qvie  les  regarder.  Ils  commencent  donc  à 
>'tt>ltccharger.  Seliomberg  qui  était  allemand,  d'un 
coiip  de  taille  à  la  mode  de  son  pays  ouvre  à  Livarot 
loule  la  joue  dn  côté  gauche.  Mais  Livarot  plus 
«'Iroii  luy  donne  d'un  estocade  dans  la  mamelle  qui 
1*  pi>rta  mort  par  terre.  Ainsi  demeurèrent  morts 
L  (UT  la  place  Maugiron  et  Schomberg.  Caylus  qui 
Innil  afliiire  à  d'Lnlragues  en  recul  plusieurs  bh-*- 


158  — -HISTOimE  BVS  DUEL«. — 

Mires  mortelles.  Riberac  fut  porté  k  ThÀtel  de  Guise, 
où  il  mourut  le  lendemain.  D^Entragues  se  aauira 
blessé  k  la  faveur  de  M.  de  Guise,  et  bien  luy  en 
prit  ;  car  le  roy  Teust  faict  mourir  pour  la  grande 
affection  qu'il  portoit  à  Caylus  auquel  il  donnoit  les 
bouillons  luy-mesme ,  ayant  promis  cent  mille  escus 
aux  chirurgiens  s'ils  le  luy  rendoient  guéri.  » 

Tout  cela  ne  put  servir  qu'à  lui  prolonger  la  vie 
de  quelques  jours.  Caylus  sur  son  lit  de  morlae 
plaignoit  fort ,  dit  BrantAme ,  u  de  quoi  il  aToit  la 
dague  plus  que  luy  qui  n^avoit  que  la  seule  espée. 
Aussy  pour  parer  et  destoumer  les  coups  que  l'au- 
tre luy  donnoit ,  il  avoit  la  main  toute  descoupée  de 
playes.  »  Avant  le  combat  Caylus  avoit  dit  à  d'En- 
tragues  :  Tu  as  une  dague  et  moyje  n'en  aipainU 
Tant  pis  pour  tojr,  répliqua  Pautre ,  tu  asfaiei  mne 
grande  faute  de  fai^oir  oubliée  au  /o^<>.  Et  malgré 
cette  inégalité  le  combat  commença.  Brantôme 
n'ose  décider  si  par  gentillesse  chet^aleresque,  celui- 
ci  aurait  dû  ou  n'aurait  pas  dû  renoncer  à  l'avantage 
de  la  dague.  On  voit  qu'il  attachait  moins  d'impor- 
tance pour  la  règle  de  l'égalité  au  port  d'un  poi- 
gnard qu'à  relui  d'un  scapulaire. 

(i  Le  roy  ,  ajoute  d'Audiguier  ,  eust  si  grand 
regret  en  la  mort  de  Caylus  et  de  Maugiron  qu'il 
défendit  les  duels  partout  son  royaume  ;  et  pour 
célébrer  leur  mémoire  avec  celle  de  Sainrt-Mcsgrin, 


-cnmTBE  xvn.-  15!» 

lutre  Favori,-  de  sa  mnjeslé  ,  cl  fies  plus  braves  cou- 
rages du  monde,  qui  fut  axanssiné  rfans  la  même 
innte ,  il  les  fit  eslever  eu  marbre  blanc ,  eu  Téglisc 
de  Saincl-Paul ,  à  Paris  »  (200) , 

Livarot  ne  gtièrit  de  ses  bles.^urea  que  pour  périr 
deux  ans  après  dans  un  outre  duel.  Son  domes- 
tique qui  Taccompagnuit ,  furieux  d'avoir  vu  aon 
matlre  eipirer  sous  ses  veux ,  ramassa  son  espi'c 
H  eo  porta  un  coup  par  derrière  au  vainqueur, 
Bli  atnë  du  marquis  de  Pienne,  qui  tomba  roide 
iDOrl.  -Cest  ainsi  qu'on  a  vu  ci-dessus  un  neveu 
du  marchai  de  Saint-André  traiter  son  adversaire. 
Hais  moias  beurcux ,  le  domestique  fut  pendu  sans 
nis^ricorde. 

On  cKiimalt  les  aventures  de  ce  Saint- Alesgrin ,  le 
pkn  chéri  dea  mignoos  de  Henri  111 ,  depuis  la  mort 
de  Câblas.  Ce  fut  le  duc  de  Guise  qui  le  fil  assas- 
mer  «nx  portes  du  Louvre ,  et  il  reçut  lui-même , 
ia  ans  après ,  la  pareille  de  Henri  111.  D'Audiguier 
appelle  Saint-Mcsgrin  "  l'un  des  plus  braves  cou- 
ngn  du  monde ,  ne  le  cédant  en  valeur  ni  en 
beauté  iï  Maiigiron  ni  h  Livarot.  »  Ou  en  jugera 
par  un  duel  de  sa  façon  aven  un  jeune  seigneur 
italien  nommé  Trnile  des  L  rsins,  page  de  François  11 . 
Osl  Brantôme  qui  le  rapporte.  C'eut  M  dommage 
de  priver  la  postérité  de  queUpies-uns  des  faits  et 
^atet  de  ces  gens  tic  hivn  comme  il  les  appelle. 


IfiO  —  HI<%TOIKE   DES    DCELS.  «-^ 

«(  Avant ,  dit  notre  auteur ,  mis  dan»  la  lutte  aoU 
homme  par  terre ,  et  n'ayant  point  de  dague,  il 
ft'advisa  de  tirer  une  ^ine  d'un  buiason  pour  lui 
cTcver  1rs  veux,  sur  quoy  Tautre  lui  demanda  la  tîs 
qu'il  lui  octroya.  Mais  comme  plus  tard  cclui^nF 
s^cu  vautoit ,  Tautre  le  niant ,  le  roy  ordonna  des 
juges  pour  les  accorder ,  ce  qui  fut  faict.  »  Scna 
cette  intervention  du  roi  le  combat  aurait  recon»* 
mencé,  et  le  roi  tenait  à  son  favori  ;  le  fer  des  duel- 
listes lui  en  avait  déjà  moissonné  cinq. 

On  ne  peut  ^éres  se  faire  une  idée  exacte  des 
querelles ,  des  actes  de  violence  et  des  atrocités  de 
tous  genres  qui  régnaient  alors  dans  la  vie  prinée  des 
c'itoyens ,  qu^en  se  rappelant  les  scènes  horribles  de 
la  vie  publique  de  cette  époque.  On  se  querellait, 
on  se  poignardait  jusques  dans  les  antichambres  du 
roi.  Brantâme  en  rapporte  plusieurs  exemples  dont 
Tun  se  passa  en  présence  d'une  députation  du  par- 
lement. Sur  <pioi  le  premier  président  dit  :  «  YqîUi 
des  gentilshommes  qui  font  là  de  grandes  fautes. 
Que  si  dans  nostre  palais ,  il  leur  fust  arrivé  d^en 
faire  la  moindre  do  celles  qu^ils  ont  faites  là ,  je  leur 
aurois  hieniost  faict  leur  procès.  » 

Selon  le  m^me  auteur,  Henri  III  lui-même,  notant 
cnrore  que  duo  dWnjou ,  aurait  eu  une  querelle  à 
table  avec  un  seigneur  nommé  Besigny,  en  présence 
de  son  frère  Charles  l\.  Un  duel  devait  avoir  lieu 


—  cir^piTBE  xvn.—  161 

Bilr'cni  ;  Pi  le  prince  iitsislatt  forl  pour  se  bnltre , 
Iniliiiil  son  ntlversoirc  tic  parleur  et  de  médisant,  et 
lui  off'ratil  de.  se  rlépouiller  tic  sa  grandeur  et  altesse 
pour  luY  faire  l'honneur  de  se  battre  à  liiy,  dans  !a 
fnr^l  Je  Rlois  où  l'on  se  trouvait  alors.  On  conseilla 
à  llesigny  de  prendre  In  poste  incontinent  pour  ac 
il^fobcr  à  un  aussi  dangereux  honneur  (201). 


Ce  fui  h  dater  du  combat  des  mignons  de 
H«ri  III,  en  1578,  que  sV'tahlit  la  régie  pour  les 
seconds  de  prendre  le  fait  et  cause  de  leurs  tenans  : 
Jiuques-là  ils  n'avaient  Hé  que  ifimoins.  Le  rôle 
t|uc  ce»  messieurs  jouaient  prés  de  Henri  III ,  n'ex- 
cliiail  pas  la  bravoure  des  duellistes.  Le  champ 
tk«  était  leur  principal  champ  d'honneur  et  pres- 
f|ue  tous  y  laissèrent  leur  vie.  Nos  jeunes  contem- 
IKiraÎDS  qui  prétendent  au  mt'me  courage ,  mais  qui 
De  X  piqueraient  guérea  d'être  gens  d'honneur  ii  la 
I  fcron  des  Cayiuscl  des  Maugiron,  ne  se  doutent 
fu  que  ce  soient  là  leurs  modèles. 

Celle  innovation  est  venue  d'Itahe  avec  le  duel 
nvxieme ,  comme  on  le  verra  au  Cliap.  XXXV. 
Dam  les  combats  singuliers  qui  avaient  lieu  ii  Naplea, 
lowFonds  se  tenaient  à-peuprés  les  mêmes  discours 
qnc  d'Âudiguier  a  mia  dans  la  bouche  de  ceux  de 
^nlragues  ;  cl  par  forme  de  passe-lcmiis 
■ni  et  s'entreluûieut  avec  les  lum'ires 
11 


102  -*  mSTOIRE  DES  DUELS«  — 

(le  la  qucicUc.  u  CVst  une  espèce  de  lAcheté,  dil 
Montaigne ,  Essais,  Liv.  Il,  C/uip.  XX Fil,  qui  i 
introduit  en  nos  combats  singuliers  cet  usage  de  noui 
accompagner  des  seconds  cl  tiers  et  quarts.  C^estoîl 
anciennement  des  duels  ;  ce  sont  à  cette  heure  ren- 
contres cl  batailles.  Outre  Tinjustice  d^une  telle 
action  et  vilenie  d'engager  à  la  protection  de  voire 
honneur  aullre  valeur  et  force  que  la  vostrc,je 
trcuve  du  desadvantage  a  mesler  sa  fortune  à  celle 
d'un  second.  Chacun  court  assex  de  hasard  pour 
soy ,  sans  le  courir  encore  pour  un  autre.  » 

Ce  nouvel  article  du  code  des  duels  fut  appliqpié 
avec  toutes  ses  conséquences  dans  un  combat  qui 
suivit  de  près  celui  où  il  fut  mis  pour  la  première 
fois  en  usage.  Je  laisse  encore  parler  d'Audiguier  : 

a  Comme  le  premier  duel  qui  se  fit  sous  Henri  III 
fut  introduit  par  ses  mignons ,  aussy  celuy  qui  suiYit 
après  fut  faict  par  les  mignons  de  ses  mignons;  car 
le  baron  de  Biron  au  commencement  qu^il  vint  à  la 
cour  estoit  des  plus  favoris  du  duc  d'£pernon  qui 
tenoit  alors  la  première  place  au  cœur  du  roy .  U  eust 
querelle  contre  Carency,  fils  aisnè  du  comte  de  la 
Vauguyon  cpii  estoit  de  son  âge  et  de  sa  volée.  U  ne 
faut  pas  dire  quel  estoit  le  baron  de  Biron,  car  ayant 
esté  dt^puis  admirai ,  marcschal ,  duc  et  pair  de 
France,  sous  le  plus  grand  roy  du  monde ,  il  a  asseï 
rempli  la  Icrrc  de  la  réputation  de  son  nom  et  de 


I 


■  * 


TiTn.  —  163 

nknr.  MaisCarency  n'cstoit  pas  de  la  moindre  espé- 

face.  On  dit  que  rhéritîère  de  Caumont  fut  la  cause 

de  kur  querelle,  parce  qu^ilsla  recherc*hoieiit  tous 

deux  et  ne  l'eurent  ny  Tun  ny  Tautre.  Et  comme  ils 

aWient  pas  moins  d'ambition  que  d'amour ,  ils 

n'esloient  pas  aussy  moins  euTieux  que  jaloux.  S'es* 

tiDt  rencontrez  en  cette  humeur  en  un  pacage  asuez 

csiroil,  ib  s'entrepousscrenl  Pnn  l'autre.  Riron,  soit 

qu'il  ne  portast  point  d'espéc  ou  que  la  colère  le 

traniportast ,  invita  Carcncy  de  se  battre  h  riieure 

intmeet  â  coups  de  poings  sur  la  place.  Mais  fay 

uneespée,  respondit  Carcncy  en  mettant  la  main  sur 

la  girde  de  la  sienne.  Voilà  le  beau  subject  qu'on 

nconte  de  cette  dispute,  laquelle  fut  dè<*idée  de  trois 

i  trois  comme  h  précédente.  De  la  part  de  Biron  s'y 

tromrérent  Loignac  et  Janissac ,  et  de  celle  de  Ca- 

rcDcy,  d'Estissac  et  La  Bastide.  »  Les  quatre  témoins 

mirent  Tespée  à  la  main  en  m^me  temps  «pie  les 

cbcb  de  la  querelle  ;  (c  non  qu'ils  fussent  ennemis , 

dit  Brantâme  qui  n'a  pas  oublié  ce  trait ,  mais  pour 

faire  fesie  et  par  gaieté  de  cœur.  La  fortune  fut  si 

bonne  pour  M.  le  baron  de  Biron  et  ses  deux  con- 

fidens  que  chacun  tua  braTcmcnt  son  homme  et  l'es- 

tendit  mort  par  terre.  Aucuns  dirent  (pie  M .  le  baron 

despécha  le  sien  le  premier,  et  alla  aider  aux  autres. 

En  cpioi  il  fit  tKrs  bien  et  luonMra,  qu'avec  s«i  valour 

il  avait  du  jugeuicul  et  Je  la  prc\o}aui*e.  » 


et 


164  ^  HJSTOIIIE   DIS    DUELS.  — 

D'Audiguier  termine  son  récit  qui  est  Fort  long  par 
ce  dernier  trait  que  je  ne  puis  omettre  :  «  Loignac 
partie  de  d'Esiissac  estant  demeuré  le  dernier  à  le 
vaincre ,  et  l'ayant  porté  finalement  par  terre ,  luy 
donna  plusieurs  coups  d'espée  sans  le  pouvoir 
achever  de  tuer ,  tellement  qu'il  fut  contraint  de  le 
laisser  en  vie,  voyant  ses  compagnons  s^en  aller, 
après  avoir  demeuré  longuement  tout  seul  à  cheval 
pour  le  voir  mourir.  Loignac  en  a  été  puny  en  ses 
successeurs  ;  car  les  derniers  Loignac  père  et  fils 
ont  esté  tous  deux  tuez  en  duel  depuis  quatre  ou 
cinq  ans,  Tun  en  Rouergue  par  le  baron  de  Megalas, 
«t  Tautre  icy  auprès  de  Bicétre  par  le  baron  de 
Jlabat.  »  D'Audiguier  aurait  pu  ajouter  que  ce 
Loignac  était  à  Blois ,  au  nombre  des  assassins  du 
duc  de  Guise,  qu^il  frappa  par-derrière.  Il  aurait  pu 
ajouter  également  que  Biron  aussi  avait  reçu  sa  puni- 
tion :  condamné  à  mort  sous  Henri  IV,  il  ne  montra 
aucun  courage  dans  ses  derniers  momens  (202). 

Qui  n^a  entendu  parler  des  faits  et  gestes  de  ce 
fameux  Bussy  d^Amboise ,  Tun  des  massacreurs 
de  la  Saint-Barthélémy ,  où  il  égorgea  entr'autres 
Antoine  de  Clermont ,  son  parent ,  avec  qui  il  avait 
un  procès  f  C'était  en  outre  un  spadassin  brutal 
qui  se  distinguait  parmi  tous  les  autres  par  une 
verve  d'insolence  sans  égale ,  et  qui ,  après  nombre 
d'aventures  eu  champ  clos ,  finit  par  laisser  sa  vie 


¥: 


i.. 


dm  une  embuacade  on  Tattira  la  Tengcnnce  d^JIk 

■ut  jaloux.  Voici  un  des  exp^'ilicnA  h  Taiflc  des* 

fÊà»û  estrail  en  matière  qiiaiMl  il  Toulait  9e  iMittrc. 

Un  genlilhoinmc ,  nommé  Saint -Phal,  avait  re* 

Miquè  des  X  sur  une  broderie.  Rumir ,  pour  lui 

dwTcher  querelle ,  lui  sourient  cpic  eV*taient  des  Y. 

là  dessus  dispute ,  cartel  cl  combat  fie  six  contre 

■X.  Bussy  se  relire  blessé ,  se  fait  panfier  et  guérir, 

d  ausiit^   appelle  son  adversaire  li  un  nouveau 

leades-vous.  Un  capitaine  des  gardes  s\  trouve 

paiir  emp^lier  la  bitte;  Bussy  le  prend  lui-nirme 

à  partie  et  veut  se  battre  contre  lui.  Il  solUrite  du 

mîfai  permission  de  reprendre  son  duel  avec  Saiut- 

PM ,  el  ne  pouvant  l'obtenir  il  finit  par  ajournée 

•Qtt  adversaire  en  pays  étranger. 

Favori  du  duc  d^Alenron  ,  frère  de  Ifenri  If  I ,  le 
■arquis  de  Bussy  se  sentait  une  grande  jalousie  fie 
métier  centre  les  mignons  du  roi  ffu^il  {Mrovocpiait 
MBS  cesse,  et  Un  jour  le  voyant  entrer  avec*  celle 
belle  Cacon  qui  lui  est  nalurelle  ,  te  roi  hii  dit  qu'il 
voulait  Paccordcr  avec  Cay  lus —  »  Bussy  lui  répond 
eflronlément  :  Sîre,  s'il  tous  plait  que  je  le  baisr, 
]j  suis  tout  disposé  «  et  accomodant  les  gestes  avec 
la  parole ,  lui  fit  une  embrassade  li  la  pantalone.  » 
Celle  qui  s^exprime  ainsi  est  la  reine  Marguerite  de 
Valois,  qui  fut  maîtresse  de  Hussy,  comme  de  bien 
d'autres,  et  cpii  ne  s'en  caclie  pas  dans  nenMvinoi/vs^ 


186  —HISTOIRE  DBS  DUELS.  ^  * 

Le  brave  Grillon ,  Fami  de  Henri  IV,  était  Vun 
des  tenans  et  des  enthousiastes  d^un  pareil  homme. 
Un  jour  néanmoins  il  le  rencontre  à  Paris ,  dans  ta 
rue  Saint'Honoré  :  Bussy  lui  demande  quelle  heure 
il  est ,  d'un  ton  qui  lui  déplaît  ;  —  Il  est  rheure 
de  ta  mort,  lui  réplique  Grillon  ;  et  tous  deux  met- 
tent répée  à  la  main.  Le  combat  fut  terrible;  mais 
on  les  sépara. 

Ce  personnage,  outre  ses  intrigues  avec  Mar* 
guérite  de  Valois ,  en  lia  une  autre  avec  la  femme 
du  comte  de  Montsorcau ,  grand  veneur  du  duc 
d^Alençon.  11  s'avise  un  jour  d'écrire  à  celui-ci 
qu'il  tenait  dans  ses  filets  la  biche  du  grand  veneur. 
Le  duc  d'Alençon  montra  cette  lettre  à  son  frère 
Henri  III  qui ,  pour  faire  pièce  à  Bussy  quHl  dé- 
testait ,  la  communique  à  Monlsoreau.  Henri  II  avait 
fait  quelque  chose  de  seml^lable  pour  faire  battre 
Jamac  et  La  Ghataigneraie.  Le  mari  outragé  ae 
venge  en  italien  ;  il  cntrahie  sa  femme  dans  un  châ- 
teau écarté  et  la  contraint  d^y  donner  un  rendes* 
vous  à  son  amant.  Gelui-ci  accourt  avec  sa  confiance 
ordinaire;  mais  au  lieu  d'une  tendre  maîtresse,  il 
ne  trouve  que  des  assassins  (203). 

La  fin  de  ce  règne  devait  être  signalée  par  un 
dernier  trait  dont  la  singularité  passe  peut*étre  tous 
les  autres.  Brantôme  et  d'Audiguier  le  racontent 
avec  quelques  variantes,  a  II  arriva  dit  celui-ci  une 


r 


-rnminc  xvii.  -  167 

^nJctli^olntinociirai'iitêe  loyalp.  te niriHcnr mj 
monde  (Henri  III)  iiyanl  ktb  proilîfcie  use  ment 
iMinè{>ar  le  plus  meschant  inuyiii;i[uîf'ttt  jiimais 
iioit  plongé  un  gra»d  nombre  d'Iiomincs  ({ni  le 
«uiidicBt  en  nn  dcnil  public.  »  ItraBttlmc  ODnliniie 
ciMiiile  ainsi  :  «  Un  jeune  gentilhomme  uunmtù  île 
l'Ifde-Murivimx  ponr  avoir  (■M  bien  aimt  de  bod  roy, 
tIl'ayMit  perdfi  i-nlra  «n  un  loi  (.U'scspoil"de  Irisk'sac 
iju'il  résolut  de  ne  survivre  nu  dicl  roy  son  maistrc. 
lJ(HMir  plus  glnninisemciil  mourir  ,  il  demanda  si 
luclqu'un  ne  voulttit  point  ac  biiltre  h  reiironli*;  dii 
luy.  Par  cas  se  trouva  lii  le  seigneur  de  Harollcs 
jttine  gcalilliommc  brave  el  ri-solu  cpii  le  prit  au 
Butnuasîlost.  ii  l.e  résultat  du  duel  fui  la  mitrt  ({ue 
lècidivit  â  ardemment  cet  înconsolahlc  Hivori. 
«TetM  ces  spadassins ,  dit  l'Eatoilc ,  ne  croyaient 
Dieu  ijuc  sous  b^tfice  d'invenlatre  »;  enreptft  . 
Ice  Hiberne  qui,  dans  le  combat  dts  Mi- 
pxrodiait  la  dévotion  de  I9ayar<t ,  en  se 
*,  pttur  rtcitcr  sa  prière,  une  croix  du  poi- 
ct  de  l'fpt'e  <pril  alluit  cnfuuctT  au  seiiL 
k  Maogiroii  (204) . 


;*  Teti  furent  les  duels  an  16. '"siècle,  fhi  voit  cpi'ils 
le  transformation  remarcfunblc  lorsqu'ils 
it  cessé  dVtre  juridiques  ;  lorarpie  les  d^lensus 
9  les  exileront  des  places  publii^ues   dans 


168  *— HISTOIRE  DES   DUELS.— 

lefl  réduits  écartés  ou  à  Tombre  des  forêts;  lor»- 
qu^on  cessa  d^y  observer  ces  Formes  antiques  et 
soleDucUcs  qui  en  gênaient  la  pratique  et  en  pré- 
venaient les  plus  graves  abus  ;  lors  surtout  que  les 
mœurs  chevaleresques  cessèrent  de  tempérer  la 
soif  du  sang  et  Tardeur  de  la  vengeance. 

Quand  on  vit  les  rencontres  dégénérer  en  guel- 
à-pens  et  en  assassinats  ;  quand  on  vit  comme  s!j 
conduisaient  les  principaux  seigneurs  de  la  cour, 
des  favoris  de  Henri  IH,  le  fils  d^m  chancdier, 
un  neveu  de  maréchal  de  France  ;  un  maréchal  de 
France  lui-même ,  on  se  prit  à  regretter  les  combats 
judiciaires  ;  on  faligua  les  rois  de  chaleureuses  re<* 
quêtes  pour  les  faire  rétablir,  on  publia  de  ton- 
chantes  homélies  en  Thonneur  du  bon  vieux  iemps^ 
comme  on  en  verra  encore  des  exemples  sous 
Louis  XIII  ;  enfin,  la  cour  retentit  de  nouveau  de  ces 
plaintes  rajeunies  de  plusieurs  siècles  dont  les  hauts 
barons  importunaient  Charlemagne,  Saint-Louis 
et  Philippe-le-Bel.  Ces  remontrances  avaient  alors 
produit  leur  effet.  Elles  avaient  contribué  à  pro- 
longer la  vie  du  moyen  âge  qui  avait  bien  assea 
vécu.  De  nouveaux  pas  rétrogrades  n^étaient  plus 
possibles.  Le  moyen  âge  était  bien  définitivement 
mort  ;  et  on  ne  ressuscite  pas  les  morts. 

On  en  était  vers  la  fin  du  16.®  siècle,  comme 
on  Test  encore  au  commencement  du  10.^,  à  une 


—  cn.\riTnE  wii.  —  109 

de  ces  époques  critiques  (|iruii  appollo  Av  tran- 
sition, époque  de  malaise,  irnnii<'lt*,  île  tiraillc- 
mens,  presque  au^si  Tatigniito  p4>ur  riiistcirieii  «ililijçè 
derétudier  que  pour  len  ronlrmporniii!!  rondanuu'-s 
à  la  subir.  Celle  dont  il  H^n^it  ici  ne  st.*  présentait 
guêres  sous  une  forme  attrayante.  Lciin  de  là  clic 
offrait  plus  d^un  caractère  «ranalogic  avec  crilc 
qui  marqua  la  transition  du  paganisme  h  la  civi- 
lisation chrétienne.  Pendant  ce  période  ,  on  put 
se  croire,  à  Paris,  transporté  au  milieu  de  la  dé- 
pravation de  Rome  sous  les  d(*miiTfl  («és^irs.  A  la 
cour ,  cYtait  Timpudeur  des  .Mcssaline  avec  la 
cruauté  des  Néron  et  la  lubricitr  des  llrli«>!7nlialc. 

if 

On  retrouvait  la  physionomie   de  ceux-c*i  dans 

Charles  IX  et  Henri  III.  Quant  à  l'épouse  de  Claude 

elle  ne  manquait  pas  d^émules  sur  les  premières 

marches  du  trône  et  sur  le  lrl^ne  lui-mcme.  Telles 

on  pouvait  citer  la   reine  Mar<;ueritc  de  Valois, 

épouse  adultère   et   incestueuse  ,    di)^nc    fille    do 

Callierinc  de  Médicis  ;  la  jeune  duchesse  de  Nevers, 

sa  compagne  et  sa  rivale  d'impndicité  ;  la  duchesse 

de  Montpcnsicr  de  la  maison  de  Guise,  qui  se  livrait 

à  Jacques  Clément ,  pour  lui  mettre  le  poignarda 

la  main  ;  et  à  leur  tête  cette  Catherine  de  Médi(*is  , 

infâme  corruptrice  des  mtcurs  de  sa  lille  et  de  si*s 

deux  fils  Charles  IX  et  Henri  III,  qui  au  mouK-nt 

même  d'expirer  disait  ii  celui-ci ,  lors  qu'il  vint  lui 


170  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

apprendre  h  son  lit  de  mort  rassassinal  du  duc  et 
du  cardinal  de  Guise  :  C'est  bien  coupé,  mon^fils, 
mais  il  faut  coudre. 

Telles  étaient  les  femme»;  cpi^on  juge  deshoin* 
mes  !  C^était  des  bras  de  celles-ci  qu'ils  sortaient  le 
plus  souvent  pour  aller  s'égorger  au  pré  aux  clercs 
ou  se  poignarder  au  coin  d'une  rue.  On  jouait 
avec  la  mort  comme  un  enfant  joue  ayec  un  hochet. 
Henri  III  portait  un  Icmg  chapelet  dont  les  grains 
étaient  des  têtes  de  mort.  Il  en  avait  lait  peindre  jus- 
ques  sur  les  rubans  de  ses  souliers. 

Tout  cela  n'est  encore  qu'une  bien  faible  es- 
quisse du  tableau  hideux  que  présentent  les  mé- 
moires du  terai>s,  notamment  ceux  de  l'EsLoile  et 
de  Brantôme ,  k  ce  raconteur  cynique  qui  moulait 
les  vices  des  grands  comme  on  prend  Tempreinte- 
du  visage  des  morts.  »  Quelques-uns  de  ces  trait» 
sont  reproduits  avec  ui»e  admirable  énergie  de. 
pinceau  dans  le  4.*  volume  des  Études  lUsloriques 
de  Châteaubriant  (205). 

Malheureusement  on  va  retrouver  une  partie 
de  ces  mœurs  (hms  le  régne  suivant.  L'ombre  san«-* 
glantc  du  16.^  siècle  se  reflète  encore  sur  toute  la 
première  partie  du  17.^  C'est  la  fange  impure  de 
régoût  qui  conserve  quelque  temps  sa  couleur 
au  nnilieu  des  eaux  limpides  du  fleuve  qui  l'em^ 
porte  en  passant. 


I 


CHAPITRE    XVIII. 


XVIl.'  siècle.   —   Principaux   duels   «lu  règne  ùo 
Uonri  IV. —  InelBcacité  de  ses  èdils. 


Le  plus  grand  roi  dont  la  France  s'honore ,  le 

seul  (irtol  le  peuple  ait  gardé  In  m/'inoire ,  est  peut- 

(Ire  celui  qui  a  exercé  le  moins  d'inllucnce  sur 

^    l'époque  qui  fut  témoin  de  son  règne.  Si  la  bonté 

^Ê  it  son  cœur ,  si  la  noblesse  de  son  caractère ,  si  la 

^■-ftiuceur  de  sa  politique  lui  ont  conquis  l'admi- 

^Bntion  de  la  postérité,  ces  vertus  ont  produit  bien 

H^Cu  d'effet  sur  les  mœurs   contemporaines.   Lea 

*^^HicrfCB  civiles  des  règnes  précédens  que  sa  sagesse 

a  pu  «eule  terminer ,  avaient  trop  proFondément 

•Itéré  le  caractère  national.  Ilenri-le-Grand  ne  Fut 

^Utn  l'cKprcssion  de  son  siècle  ,  ce  fut  Ravaillac. 

^V  Celte  Aggrippine  italienne,  dont  la  funeste  fé- 

^Tîôtidité  donna  succcssivemeni  trois  rois  ii  la  France, 

avait  parmi  nous  nationalisé  le  poignard.  Son  époux, 

Henri  II ,  fut  victime  d'un  meurtre  involontaire. 

.  Les  dcuK  derniers  Henri  furent  visités ,  selon  la 

«elle  expression  de  l'auteur  des  Mlutlcs  hùloiiquvi, 


172  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

par  un  de  ces  envoyés  secrets  de  la  morl  qui  met- 
tent la  main  sur  les  rois.  Ces  hommes  surgissent 
soudainement  et  s^abiment  aussitôt  dans  les  sup- 
plices. Rien  ne  les  précède ,  rien  ne  les  suit.  Isolés 
de  tout,  ils  ne  sont  suspendus  dans  ce  monde  que 
par  leur  poignard;  ils  ont  Fexistence  même  et 
la  propriété  d^un  glaive;  on  ne  les  entrevoit  un 
moment  q\i*h  la  lueur  du  coup  qu^ils  frappent.  » 

Quatre  fois  le  nom  de  Henri  a  été  fatal  dans 
notre  histoire  aux  prii^ces  qui  Font  porté.  Le  poi- 
gnard a  retranché  le  dernier  rejeton  des  Valois) 
il  a  frappé  la  première  tige  des  Bourbons ,  et  n^a 
pas  épargné  de  nos  jours  un  des  rejetons  de  cette 
branche  qu'on  pouvait  croire  aussi  le  dernier. 

Le  Béarnais ,  pendant  tout  son  régne ,  a  vu  le 
poignard  voltiger  sur  sa  tcte.  Deux  fois  il  fut  me- 
nacé ;  deux  autres  fois  même  il  avait  été  frappé  avant 
ce  dernier  coup  fatal ,  porté  par  une  main  plus  sûre 
que  ceUe  des  Barrière  et  des  Chatel.  Le  meilleur 
des  rois  est  donc,  pour  ainsi  dire,  mort  cinq  fois  de 
la  propre  main  de  ceux  qu'il  cherchait  à  rendre 
heureux.  Il  a  pu  se  trouver  en  France  cinq  hommes 
pour  tenter  de  trancher  une  vie  si  chère  à  la  nation. 
Qu'on  juge  d'un  pareil  siècle!... 

On  pourra  en  juger  encore  par  ce  court  extrait 
de  la  préface  du  traité  de  d'Audiguier  ,  auteur 
contemporain  :  u  Âvaut  (juc  de  m'enfoncer  en 


î  x\iii.  —  173 

I  etilv  innombrable  mullilitilu  de  duels  qui  se  sont 

■  bii'ls  BOUS  Henri-le-(iraniJ  ,  je  protesterai  ains^ 
I  i|ue  j^ai  déjà  faîct  çî-dcvROt ,  que  comme  je  suis 
^pt«é  par-dessus  une  infiiitlé  d'autres  qui  se  sont 
l&icls  ECUS  nos  roys  ,   ousay  en  ohmcttrai-jc  plus 

tjue  je  n'en  mpporlerai   de   ceux-ci Apréa 

ilone  que  le  roy  fut  entré  dans  Paris,  il  y  eust 
par  tous  les  endroits  de  la  France  un  si  grand 
nombre  de  duels,  qu'il  se  perdît  plus  de  noblesse 
a  querelles  particulières  qu'aux  guerres  civiles. 
El  mmme  la  cour  cstoit  la  vive  ou  plulost  la  mor- 
telle >ource  de  ces  combats  dont  les  sanglans  ruis- 
1  luux  abrcuvoicnl  tout  le  royaume ,  aussy  s'y  en 
faiwil-il  plus  qu'en  toutes  ses  autres  provinces.  » 
Parmi  lee  duels  cités  par  d'Audiguier ,  on  remar- 
I  fieccuxdeVillemor  et  de  Fontaines  qui  se  battirent 
I  tl  l'cnlretuérent  pour  une  querelle  au  jeu,  quoique 
I  W  roi  leur  eut  fait  donner  des  gardes  ;  de  Varaignes 
I  ttdc  Larligue  qiû  s'arrHchèrcnt  aussi  mutuellement 

■  km  avec  une  incroyable  férocité;  de  Perrol  de 
Rulignac  el  de  Saubcuf;  des  barons  de  Cisteme 
cl  (le  Ferry  contre  Monmolou  el  Denac.  Trois 
J'ratr'euK  demeurèrent  sur  la  place. 

On  trouve  aussi  dans  le  même  auteur  les  dé- 
Ibili  circoQStanciéa  de  plusieurs  affaires  du  mi^me 
LgniK,entre  les  sieurs  de  Terne  eldeMuntgaillard; 
I  nirc  les  comtes  de  Saut  et  de  Nantomllet  ;  entre 


174  —  mSTOIRE   DES   BUBLS. — 

les  barons  de  Brcssicux  et  de  Balagny.  Ce  dernier 
était  lin  des  plus  déterminés  spadassins  de  ce  temps. 
Il  tua  son  ennemi  après  avoir  été  accordé  par 
Tordre  du  roi  et  avoir  donné  sa  parole  de  ne  pas 
se  battre.  Soupçonné  d^avoir  agi  déloyalement 
dans  cette  circonstance,  il  fut  recherché  et  pro- 
voqué par  le  marquis  de  Bressieux  j  frère  de  celui 
qu'il  avait  tué;  ce  Mais  le  roy,  dit  d^Âudiguier, 
commanda  à  feu  La  Condamine  de  lui  dire  qu'il 
ne  rechcrchast  plus  Balagny  pour  ce  regard , 
altendu  quil  avoit  tué  son  frère  en  homme  de 
bien.  »  Ce  même  Balagny  après  avoir  figuré  dans 
une  multitude  de  duels ,  finit  par  y  laisser  «a  vie. 
Le  duel  entre  les  comtes  de  Saut  et  de  Nan- 
touillet  eut  lieu  sur  le  plus  frivole  prétexte.  Vaine- 
ment le  roi  leur  fit  donner  des  gardes ,  ils  échap- 
pèrent à  leur  surveillance,  se  rendirent  à  Saint- 
Denis  ,  y  entendirent  la  messe ,  déjeunèrent  en- 
semble ,  puis  s^écrivirent  qu'ils  se  pardonnaient 
réciproquement  leur  mort ,   qu'ils   n'étaient  pas 

ennemis  et  n'avaient  pas  de  querelle  etc Le 

comte  de  Nantouillet  resta  sur  le  champ  de  bataille, 
atteint  de  plusieurs  coups  mortels  ;  son  adversaire , 
quoique  blessé  lui-même ,  courut  lui  chercher  un 
prêtre ,  ayant  plus  de  soin ,  ajoute  l'historien  ,  du 
salut  de  celui  quil  aidait  tué ,  que  des  blessures  quil 
en  avait  reçues   (206). 


—  cn^ptTKE  xyitt.  —  175 

»  On  lit  dans  les  Mèmohts  ik-  Sully  et  dans  le 
nal  lie  l'Estoîle  <.  cjii'cii  Mnra  1007,  M.  <le 
lOménie  supputa  combien  il  avait  pf-ri  de  gentils- 
hommes français  par  les  duels  depuis  l'avènement 
■  Henri  IV  en  1589,  et  qu'd  s'en  était  IroUT* 
quatre  mille  de  compte  fnil  ;    ce    qui   pour  une 
npace  de  dix-huit  ans ,  donne  an-delJi  de  deux 
cent  ving;l  par  an.  n  Oii  lit  dans  le  journal  de 
i  IV,  à  la  date  du  8  Août  160S  :  «  En  la 
i  dernière  furent  à  Paris  seulement  commis 
I plâtre  assassinais  et  trois  duels ,  sans  aucune  puni- 
lien  ni  recherche.  » 

<^eux  qui  voudront  faire  une  étude  plus  appro- 
Inndîc  des  mœurs  et  des  lois  de  police  de  ces 
temps  malheureux,  pourront  consulter  le  Chap.  XL 
I  traité  de  d'Audiguicr  ,  qui  contient  l'histoire 
iule  entière  de  deux  gentilshommes  ,  nommés 
illes  et  Deuesc ,  dont  les  démêlés  causèrent  Tex- 
ninatJoD  de  deui  familles,  Provoqué  en  due) 
t  Soeilles  dont  il  avait  séduit  la  femme ,  Deuese 
n'avait  feint  d'accepter  le  défi  que  pour  attirer  son 
ennemi  dans  une  embuscade  et  le  faire  assassiner. 
Celui-ci  en  fut  quitte  pour  un  coup  d'épée  qu'il 
'eçul  par-derrière.  ISienlôt  après  il  se  rend  ii  Tarmèe 
du  roi ,  lors  de  la  guerre  de  Sovoic  ,  y  reclicrchc 
«>n  ennemi ,  le  provoque  de  nouveau  et  en  reçoit 
im  coup  de  pislulel  que  ce  dernier  lui  lire  k  l'im- 


176  -*HIRTOIRR   DES   DUSLi. -^ 

provisle  en  prenant  la  fuile.  Le  roi ,  sur  la  plainte 
de  Soeilles ,  casse  Deuese  de  l^armée  où  il  était 
cometle  d\in  régiment  de  cavalerie ,  et  pemnet  à 
Soeilles ,  dit  riiistorien  ,  a  de  le  charger  en  tel 
advantage  qu^il  le  trouveroit ,  et  depuis ,  par  arreat 
du  conseil ,  de  prendre  ses  maisons ,  et  le  forcer 
luy-mesmc  dedans  ;  ce  dont  Soeilles  sut  si  bien  ae 
préyaloir  qu^il  poursuivit  son  adversaire  à  outrance, 
le  dépouilla  de  tous  ses  biens  et  le  prit  luy-ménie 
prisonnier  dans  sa  maison  propre.  »  Bientôt  après 
pn  chercha  à  réconcilier  ces  deux  ennemis.  La 
main  d'une  sœur  de  Deuese  devait  être  le  aceau 
de  cette  pacification  ;  mais  Soeilles  qui  ne  cher- 
chait qu'à  assouvir  son  implacable  vengeance , 
parvint  à  séduire  cette  femme  et  refusa  ensuite  de 
Tépouser.  U  en  fut  cruellement  puni  par  son  frère 
qui ,  dans  un  troisième  et  dernier  guet-à-pens ,  finit 
par  se  débarrasser  de  son  ennemi.  Ce  meurtre  fut 
ensuite  vengé  par  un  parent  de  Soeilles,  nommé 
d'Âubignac ,  qui  fit  tuer  Deuese  d'un  coup  de 
mousquetade.  Ces  actes  d^extermiuation  se  répè* 
tércnt  h  tel  pohit  entre  ces  deux  familles  y  qu'il  n'en 
resta  de  toutes  deux  qu^une  seule  fille.  La  FendMa 
ne  produit  pas  en  Corse ,  de  plus  terribles  effets. 
On  voit  que  la  guerre  civile  n'était  pas  finie.  La 
paix  avait  bien  été  conclue  à  la  reddition  de  Paria; 
mais  elle  n^avait  pas  été  ratifiée  au  foyer  domestique* 


—  cfapithb  xvm.  —  177 

Pnrmi  cefle  miiItltutU-  He  traits  d'incroyable  har- 
larie,  j'en  citerai  encore  quelques-uns  qui  sonl  ca- 

IBPlérMlîquea  des  mœurs  du  temps,  de  l'impuissance 
its  lois  et  de  la  tolérance  du  prince.  Celui  qui  ta 
nivre  est  extrait  en  abr^ë  du  Traité  As  d'Audiguier. 
H  Pendant  le  siège  fie  Paris ,  une  querelle  sV^leva 
Brtre  deux  seigneurs  de  l'armée  ,  Snincl-Just  et 
Poisé,  à  la  suite  d'un  mauvais  discours  que  l'un 
mit  fait  du  père  de  l'autre ,  qui  pour  ccste  cause 
kfitippcller  du  cnnsentcment  de  M.  du  Maine  qui 
Moit  enrore  k  Paris  ;  el  Sninct-Jusl  recul  l'appel 
^  la  àeiviission  fia  roy  qui  estoil  lors  à  Sainct- 
w  titnvs.  Xe  duc  du  Maine  fut  parrain  decestui-cy, 
^■H  le  maréchal  de  Biron  de  celuy-là.  Le  combat  se 
^^A  h  eheval  k  la  yeue  des  deux  armées.  On  dit  que 
'      leroTJouoilàla  paume  et  que  Saînct-Just  prenant 
iTOg*  de  Kiy  pour  aller  combattre  contre  Fossé , 
M  majesté  dit  ainsy  qu'il  partoit  :  P'oilà  un  homme 

^i  )'en  va  mourir Celuy-çy  dans  le  combat 

hÎM  tomber  son  épèe ,  et  demeura  lii  sans  fuir ,  ny 
nu*  moyens  de  combattre.  On  dit  que  Fossé  de- 
neureil  aussy,  mais  qu'à  la  persuasion  deqnelques- 
UDS  des  assîstans,  il  luy  mit  son  épée  au  travers  du 
rorps,  Ccux-lb  violèrent  les  droits  des  duels  quî 
ilHcndenl  aux  a&sistans  non-seulement  de  parler  ; 
"wis  atissy  de  fwre  signe ,  voire  même  de  tousser  et 
ffii-her.  Foaaé  cusl  tté  plus  louable  s'il  en  eust  usé 
12 


178  —  HISTOIRE    DES  DUELS.  — 

comme  fit  ces  jours  passés  Erany  envers  Ruberpré 
duquel  ayant  faict  voler  Tespée ,  il  ne  le  voulul 
point  frapper  de  la  sienne,  bien  qu^il  fust  blessé  luy- 
méme  :  action  que  je  trouve  rare  et  digne  d^une 
place  honorable  en  ce  livre  icy.  » 

Les  véritables  sentimens  de  Henri  IV  sur  le  duel 
se  révèlent  encore  mieux  dans  ce  billet  tout  che- 
valeresque qu^il  écrivit  à  son  ami  Duplessis  Momay , 
qui  se  plaignait  d^avoir  été  outragé  par  un  jeune 
gentilhomme,  v.  Monsieur  Duplessis,  fai  un  esy 
trente  déplaisir  de  l'injure  que  vous  a^ez  reçue,  à 
laquelle  je  participe  comme  roi  et  comme  voire  ami'. 
Pour  le  premier  y  je  vous  en  forai  justice  et  à  moi 
aussy;  si  je  ne  porlois  que  le  second  titre,  vous  n*en 
ayez  nul  de  qui  Vépéefut  plus  prête  à  dégainer,  m 
qui  y  porta  sa  vie  plus  gaiement  que  moi.  » 

Comme  son  père  le  roi  Antoine  de  Navarre  qui , 
selon  Brantôme,  tira  un  jour  à  part  un  gentilhomme 
de  sa  suite  nommé  Bellegarde ,  ayant  à  lui  de^ 
mander  quelque  parole  en  galant  homme,  Henri  IV 
lui-même  avait  failli  figurer  dans  un  duel.  Un  jour , 
au  temps  de  la  ligue ,  il  aurait  voulu  se  battre  de 
concert  avec  le  prince  de  Condé  son  cousin,  contre 
les  ducs  de  Mayenne  et  de  Guise  ;  mais  ils  en  avaient 
été  empêchés  par  Henri  III. 

En  novembre  1594 ,  le  fils  aine  de  ce  même 
duc  de  Guise ,  jaloux  du  comte  Antoine  de  St.-Pol, 


—  nuMTniî  xvrrt.  —  179 

ipir  le  duc  de  Mayenne  vcDsit  de  nommer  maré- 
chal de  France  ,  lui  chercha  querelle  dans  les 
ma  Je  Rheiois ,  cl  lui  passa  sou  épéc  au  travers 
du  rorps.  Ce  cnmtc  de  St. -Pot  était  l'ami  de  son 
pérc,  à  qui  il  avait  sauvé  la  vie  it  la  journée  des 
barricades.  Cela  n'empêcha  pas  Henri  IV  d'ac- 
t(inl<:r,  deux  ans  après,  au  nteurtrier  le  gouver- 
Srinent  de  Provence. 

Voici  une  anecdolc  racontée  par  Branlàme  , 
^ui  prouve  que  les  princes  du  sang  u'élaienl  pas 
kideniicrs  h  donner  l'esemplc  des  querelles  ; 

vUndecesans,  cnlacourdcuoslrc  roy,lebalse 
biunt,  le  seigneur  de  Oivry,  gentil  cavalier  certes  et 
(jil  accomply,  ainsy  qu'il  avoit  pris  madamoiscUe 
Je  Grammont  pour  la  mener  danser  la  voile ,  voicy 
BiDiineur  de  Soisaons  (Charles  de  Bourhon  premier 
■icjrilon  de  vetlc  branche)  qui  la  lui  prend  et  la 
[Mène  danser.  Givry  fullul  qu'il  laissas!  sa  prise  et 
t  su  prince ,  en  disant  seulement  :  Monsieur, 
usez  en  cela  du  priiiU-ge  de  prince.  Apréa 
le  bil  finy  el  qu'on  se  reUroil,  Givry  qui  se  disoît 

peu  serviteur  de  madamoiselle  de  Grammont, 
■Dsy  qu'il  la  conduisoit  sous  le  bras  en  sa  chambre, 
Monsieur  de  Soissons  de  rcchef  vint  et  print  la  dicte 
dotnuiselle.  Givry  lui  dit  :  Monsieur,  vous  croirez, 
i'il  vous  plaist  1  que  je  ne  t'cndurerois  de  mon 
paml,  sans  que  nous  ne  vinssions  au.T  mains. 


180  --  VlStOlKE  DES  miELS.  — 

Molmienr  de  Soidsôns  lui  dit  :  Gii'ry ,  quand  voua 
^voudf'ez,  je  ffit  dérestirai  de  ma  grandeur,  pour 
vous  en  donner  du  plaisir  au  Pré  aux  Clercs  qm 
est  ouvert  à  tout  le  monde.  L'autre  hiy  respondil  t 
Monsieur,  puisque  voîis  me  voulez  faire  cest  hon* 
neur,  je  V accepte,  et  sera  lorsqu'il  vous  plaira  me 
commander.  Le  lendemain  au  matin  Tun  et  Tautre 
estoient  prêts  pour  faire  leur  partie  ^  si  le  roy  qui 
le  sçeutl ,  ne  leur  eut  entoyé  faire  la  deffense.  Dont 
«n  cesl  exemple ,  faut  louer  grandement  monsieur 
de  Soissons  et  sa  générosité ,  en  voulant  s'abaisser 
de  Sa  qualité  pour  montrer  la  grandeur  de  son 
courage  (307).  » 

I)  existait  sous  ce  régne  un  spadaâsin  cèl^re ,  de 
la  trempe  à-peu^prés  de  ce  baron  de  Vitaux ,  dont 
ftotis  avons  fait  connaître  les  principaux  explmta 
au  chapitre  précèdent.  H  se  nommait  Lagardé 
Yalon.  n  prit  un  jour  fantaisie  à  un  autre  aigrefin 
nommé  Batanet  de  se  mesurer  avec  ce  Lagarde  ^ 
qu'il  ne  connaissait  pas,  et  n'avait  jamais  vu.  Pour 
ce  Ikire,  il  lui  envoya  son  chapeau  orné  d'un  plu- 
mail  I  en  lui  faisant  savoir  qu'il  entendait  ne  le  re* 
couvrér  qu'avec  sa  vie.  Celui-ci  se  coiCfa  du  chapeau 
et  se  mit  en  quête  de  Baxanez,  qui  le  cherchait 
partout  de  son  côté.  Après  mille  préliminaires 
bixarres  et  des  échanges  de  politesses  que  d'Au* 


—  CUAPITBE    KT1I[,  —  Ig] 

diguier  racotile  fort  au  long,  Iouh  deui  ae  rendent 
au  lieu  du  combat.  «  Dm  promitT  nbord,  dit-ÎI, 
Logarde  perte  une  estocade  à  BiiEanez  ilmis  le- 
tont;  mais  l'os  fut  plus  dur  qiie  te  fer  <4  Gl  re- 
brouuer  la  pomle  de  l'espée.  Au  sei-out)  raup,  il 
liiy  donna  dans  le  coips  H  luy  dît  :  A'oilà  fUQur  le 
tJiofteau.  Au  Iroisiénie,  il  ajoute  :  F'wià  poiiiia 
fliwte;  rt  ftoalemeut  lui  porte  un  quatriÉDoe  cmtp. 
en  tliianl  que  c'esloil  pour  lu  cotflvn.  Lagarde  œ 
Uiwit  que  causer,  el  voyant  le  snng  de  son  eniiemy 
wnir  par  tant  d'endroits ,  luy  disoit  qu'il  le  traitoit 
<n  courtisan ,  tjuc  son  chapeau  lenoit  -furl  l>ic[i  en 
a  leste.  Baxanez  se  voyant  si  mal  aceouatr<!^  ae  jellc 
■urwtn  CBuemy ,  passe  sur  ses  armes  sans  s'csferrer, 
k  porte  par  terre,  luy  met  le  poignard  cnlre  le  col 
et  l'épaule  «t  le  luy  fait  passer  «a  ëobarpe  au, 
lnitera<lu  corps,  11  redouble  cX  luy  baille  quatorie 
coups  du  mesme  poignard,  depui;*  la  gor^e  jusqu'à 
llceiuture.  A  tous  les  coups  qu'il  luy  d^noit,Jt 
hty  diaott  :  Demande  la  vie  !  tt  l'autre  ne  répendoit 
lUtre  chose  que  Non,  non.  Q^pcmlant  Lagarde  luy 
«■porta  la  moitié  du  menton  avec  les  dejils,  luy 
CDfflDf^  le  derrière  de  la  teste  avec  te  pomnKau  de 
<(>nc^>èe,  et  perdit  pkilxtsllu  vicquelecouragje.  » 
Pendant  ce  temps  les  deux  seronds  se  traitaient  ix~ 
peu-prés  de  la  irM-me  mnnivrc ,  el  l'un  d'eux  restait 
xir  le  champ  de  bat-iiUc. 


182  -«HISTOIRE  DES   DUELS.— 

D'Audiguier  raconle  ensuite  diverses  particu- 
larités de  la  vie  de  ce  Lagarde ,  son  ami  intime ,  et 
qui  plus  d^une  fois ,  après  ses  escapades ,  se  réfugia 
dans  la  ville  de  Najac,  dont  notre  auteur  avait  le 
gouvernement.  Voici  dans  quel  style  cet  honnête 
brigand  écrivait  à  ceux  dont  il  avait  juré  la  perte  : 
Ta  maison  en  cendres  y  ta  femme  violée,  tes  enfans 
pendus.  Ton  enncmjr  mortel,  Lagarde.  »  Quant 
à  Bazanez  qui  ne  lui  cédait  guéres ,  il  périt  assassiné 
quelques  années  après  dans  une  embuscade  (206). 

En  1589 ,  un  procès  fut  instruit  au  parlement 
contre  deux  duellistes,  et  le  16  juin  intervint  un 
arrêt  de  règlement  ainsi  conçu  :  «  La  cour  procé- 
dant au  jugement  du  procès  criminel  fait  à  Hector 
Durandi  et  Barth Aèmy  Jully ,  mèmorative  de  plu- 
sieurs procès  criminels  jugés  en  icelle,  pour  raison 
des  meurtres  et  homicides  commis  et  perpétrés  en 
duel,  tant  en  cette  ville  de  Paris ,  qu^autres  lieux  et 
endroits  de  ce  ressort  ;  pour  obvier  à  la  fréquence 
desdits  meurtres ,  les  défend  sous  peine  de  crime 
de  lèze-majesté ,  conflscation  de  corps  et  de  biens , 
tant  contre  les  vivans  que  contre  les  morts,  etc.  i> 
Cet  arrêt  fut  suivi  bientôt  après  d^un  édit  du  roi , 
du  mois  d^avril  1602 ,  qui  confirma  ces  prohibitions 
et  ordonna  à  la  partie  offensée  d^adresser  sa  plainte 
au  gouverneur  de  la  province ,  pour  être  soumise 


—  cH4FrTnB  rvin.  —  183 

■Il  jugement  des  connèlablcs  et  mar^-cliaiis  de 
France.  Ce  fut  Ih  Torigiiie  de  la  jundictimi  du  point 
d'honneur ,  dont  on  trouve  les  premières  traces 
dans  redit  de  Cliarics  IX  ,  du  10  février  lôGÇ  , 
niiporlé  en  lu  note  150.  Mab  elle  ne  rerul  une 
urgauisalion  définitive  que  sous  Louis  XIV,  comme 
on  le  vcrr»  ci-aprcs. 

Cet  £dit  fut  renouvelé  par  un  aiilrc  du  mois  de 
juin  1000,  précédé  comme  le  premier  d'un  lung 
|iriacnbutc ,  et  contenant  un  grand  nombre  de 
■linpontions  asscï  sagement  concertées  ;  mais  aux- 
quelles il  ne  nianc|ua  qu'une  seule  chose,  rexéculion. 

On  remarque  dans  ce  préambule  le  passage 
tuifonl ,  dont  on  peut  apprécier  la  sincérité  au 
moyen  des  exemples  cités  ci-dessus  :  «  l>avantage 
pluÀeurs  aussy  maling»  que  téméraires,  Irès-mal 
iH/omiét  tta  vrtiy  jugciiieiiV  que  nouf  fuisons  de 
irmblablcs  actions  ,  s'y  engagent  et  préeipilenl  de 
propos  déUbéré ,  au  péril  de  leurs  âmes  comme  de 
leun  personnes ,  etc.  »  Les  articles  5  el  ((  de  l'édil, 
ktiauicnl  aux  parties  offensées  la  faculté  de  s'a- 
dresser au  roi  dîrcelemeul,  ou  par  l'cnlremiae  de»  ' 
mnéebaux  de  France ,  pour  en  obtenir  le  combM, 
quand  le  différent  ne  pourrait  se  temniner  autre- 
inenl.  L'article  9  portait  m^me  que  <t  celui  qui 
iWmanderail  le  cund)al  et  sérail  jugé  non-rcceval>le, 
(mur  s'être  offensé  trop  légèrement,  sérail  renvoyé 


184  —  OISTOIBB  DES  IKIBi.S*-« 

avec  honte.  »  Mais ,  cooune  Ta  remarqué  d^Audî- 
guier,  il  n^y  a  eu,  tous  le  règne  de  Henri  IV,  aucun 
exemple  d^une  semblaUe  autorisation.  «  Ne  Fayaiil, 
dit  cet  auteur ,  accordé  à  personne  et  Tayant  mémo 
refusé  à  j^usieurs ,  il  donna  sujet  de  croire  qu^fl 
n^en  octroyerait  point  du  tout ,  et  que  ceux  qui  h 
demanderaient ,  auraient  plus  d^envie  de  s^accorder 
que  de  se  battre  ;  ce  qui  fit  qu  on  aimât  mieuE  se 
passer  de  permission  (209) .  >j 

Ces  édiis  contre  les  duels  furent  portés  à  la  woHMm 
citation  de  Sully,  qui  s^était  sérieusement  occupé 
de  ce  sujet ,  ainsi  qu^on  en  peut  juger  par  pliisîeuai 
passages  remarquables  de  ses  Mémoires.  L^illustre 
ami  de  Henri  lY  n^a  rien  dissimulé  de  la  faiblesse  de 
son  maître  en  ce  point  comme  en  tant  d^autres.  «  fl 
est  vrai ,  dil-il,  ZriV.  XXII  ^  que  les  duels  sont  fort 
anciens ,  mais  seulement  dans  celte  partie  de  TEu^ 
rope  où  rinondation  des  barbares  qui  sert  d'époque 
à  cette  odieuse  coutume ,  prouve  en  même  lempa 
leur  méprisable  source...  Le  roi,  je  suis  fâché  de 
le  dire,  tenait  si  mal  la  main  aux  édits  que  quelques^ 
uns  de  ses  prédécesseurs  avaient  déjà  donnés  contre 
cet  usage  barbare ,  qu'on  voyait  tous  les  joura 
répandre  beaucoup  de  sang  pour  des  sujets  tré»* 
légers. . . . ,  La  Cacililé  du  roi  à  pardonner  les  duels , 
dit-il  encore ,  Li%^^  XXV ,  les  multiplia  tellemeni  » 
que  ces  funestes  exemples  perdirent  la  cour  ^  lu 
iriUe  et  tout  le  royaume  «  ju 


vm.  -  185 

,  L'empire  du  préjugé  était  si  piiisaimt  alors ,  que 

%tt  ugc    ministre  fut  en    quelque  sorte  forcé  lui- 

:  de  lui  paj^cr  tribut.  U  raconte  foil  îtig^ue- 

■IMni,  il  la  fin  du  Liv,  I  de  ses  lifémoucs ,  comnifi 

P^Doi  il  fut  sur  le  point  de  se  brouiller  s^^rieusemeat 

irec  licnri  IV ,  «  pour  avoir  eu  rimprudciice  de 

coDscntir  à  ^Ire  le  témoin  d'un  duel.  »  U  y  eut  pour 

Gckde  gros  molfi  entre  le  roi  et  lui.  Hciiri  IV  alla 

le  jusqu'à  le  meDaeer  »  de  lui  faire  couper  la 

IMle[H>ur  g' être  avisé,  disait-il ,  de  trancher  ainsi  du 

•UKraîn  jusque»  daiia  sa  rour.  »  L'affaire  lieu- 

meiit    fut    arrangée    pai-    riutcrveittiua   des 

ÎDCfisses. 

,  Du  reste ,   dans  les  deux  édils  de  Henri   IV  , 

mme  dau«  l'arrêl  du  parlement  qui  leur  avait 

Kni  de  base ,  le  but  a  tMi  dépassé.  Aussi  ne  fiit-îl 

I>u  attetut.  La  sivÉrilÈ  des  peines  rendit  toutes  les 

dèfcodci   illusoires.  Celle  faute  se  perpétua  dans 

loutes  les  lois  subs^-quentes,  et  en  neutralisa  toujours 

friblL  C'«st  quelque  chose  de  déplorable  que  cette 

Il  législateurs  de  notre  pavs,  de  placer 

B  leurs  prescriplions  sous  la  sanctiou  tles 

•  ;  la  nutrt ,  toujours  la  mori .  Ou  dirait  un 

naître  iinpiloyable ,  oblige  de  discipliner  un  liou- 

peau  d'esclaves. 

Sully  n'avait  pourtant  pas,  naérae  sur  ce  sujet, 
'pargué  les  rcpcéseululioiis  à  son  maître-  Mais  elles 


186  *- HISTOIRE  DES  DUELS.—* 

furent  perdues  pour  Henri  IV  comme  pour  se» 
successeurs.  «  De  tous  ces  différens  édite ,  disait  ce 
grand  homme  d^état ,  aucun  ne  fit  tant  de  bruit  que 
celui  qui  fut  donné  contre  les  duels.  Le  roi  s^y 
porta  juscju^à  ordonner  la  peine  de  mort  contre  les 
coupables  ;  en  quoi  il  ne  suirit  pas  mon  avis.  Pai 
assez  donné  h  connaître  ce  que  je  pense  de  ce  cruel 
et  barbare  abus ,  pour  nYtre  pas  accusé  d^avoir 
clierché  à  le  lolérer.  C^est  que  je  prévoyais  au 
contraire  que  Texcês  de  sévérité  diuis  les  moyens , 
serait  cela  même  d^où  naîtrait  le  principal  <d38tacle 

k   Texéculion Souvent  les  peines  qui  font  le 

plus  d'impression ,  sont  celles  pour  lesquelles  on 
n'ose  ou  Ton  ne  peut  demander  grâce.  » 

«  H  est  sûr ,  ajoute-l-il  encore ,  qu^une  répu- 
tation décidée  sur  le  chapitre  de  la  valeur  person* 
nelle,  était  capable  de  donner  aux  ordres  de 
Henri  IV  contre  les  duels ,  le  double  de  Pautorilb 
attachée  à  la  volonté  des  rois;  mais  celle  du  mattrer 
des  rois  supérieure  à  la  leur,  n^avait  pas  réservé 
cet  abus  à  extirper  au  régne  de  Henri-Ie-Grand. 
Méntoircs ,  ZiV.  XIII  ci  XXII. 

Le  temps  n^était  pas  encore  venu.  Les  moeurs 
étaient  toujours  plus  puissantes  que  les  lois  :  ci» 
verra  que  la  redoutable  main  de  Richelieu  lui-même 
n^a  pas  sufll  à  cette  tAcIie  diilicile» 


CHAPITRE    XIX. 


ûicipaoT  duels  du  règne  de  I^ouÏr  XIll.  —  Nou- 
veau» édils. — Exemples  de  sévérité.  —  Pitlîliqae 
4ieu  k  IVgard  des  ducllislCB  et  do  Tiiria- 


»  apparut  le  règne  de  Louis  XllI ,  ou  plul&t 

I  «diù  de  son  primipal  minisire ,  dtml  nous  verrons 

t<fc  profonde  politique  se  sîgnnler  par  des  exemples 

trires  contre  les  duels ,  ou  plulûl  contre  l'arîslo- 

ïstie  qui  en  était  le  berceau. 

^  Deux  rois  de  France  avaient  successivement  péri 

H  le*  coups  d'obscurs  assassins.  Jacques  Clément 

S  RaTaîUac  crurent  pouvoir  en  user  envers  des 

«  couronnées  que  le  fanatisme  désignait  ii  leurs 

npoignarda ,  comme  le  taisaient  à  l'égard  de  leurs 

cnotmis ,  des  seigneurs  de  la  meilleure  compagnie. 

.      On  continua  sous  le  nouveau  règne  h  s'assassiner 

k  ^'bo*  les  rues ,  ou  èi  s'enlregorger  dans  les  luttes  en 

^Ptbamp  clos.  On  ne  faisait  aucun  cas  de  la  vie, 

m   chez  ceux-là  mêmes  qui  paruisaaîeut  réunir  le  plus 

demovcnsde  se  faire  une  csistencc  heureuse;  ou 

l'aposail  tous  les  jours  sous  l«  moindre  prétexte 


188  —  nSTOIRB  DES  DUEU.  ^ 

arec  une  légèreté ,  une  insouciance  qui  ferait  croire 
qu^elle  n^était  alors  qu^un  fardeau.  Ce  goût  du 
sang  j  cette  émulation  de  férocité ,  ce  dédain  de  la 
Tie  s^appelaient  noblesse  de  cœur,  fermeté  d^ime, 
grandeur  de  courage.  Cétait  de  la  gentillesse  cho' 
valeresque  à  la  mode  du  temps  ;  et  Ton  ne  pouyait 
jouir  du  crédit  public  qif  après  avoir  tait  ses  preuTea 
en  ce  genre.  Telles  étaient  les  mœurs  de  Pélile  de  la 
société.  Les  traits  nombreux  que  nous  en  ont  ooo- 
serrés  les  chroniqueurs  contemporains,  présentent 
à-peu-près  tous  la  même  physiononûe.  Toutes  cet 
anecdotes  bizarres,  entassées  dans  leurs  édita, 
fatiguent  par  leur  uniformité ,  quand  elles  ne  re- 
poussent pas  le  lecteur  par  rhcurreuroule-d^goAl. 
On  trouve  dans  le  Théâtre  d'honneur  de  La 
Colombîére,  la  description  d'une  lutte  acharnée 
entre  quatre  gentilsliommes ,  les  sieura  de  Rouillac  ^ 
Du  Marais,  de  Saint-^Vincent  et  de  Sainte-Maure ^ 
pour  la  possession  d^une  femme.  Cekui^i  tua  Sainte 
Vincent ,  et  fut  tué  aussitôt  après  par  RouîUac ,  qui 
avait  blessé  mortellement  Du  Marais.  Le  même 
auteur  parle  d^un  duel  entre  deux  provençaux  , 
qui  s'enfermèrent  dans  une  barrique  «  -et  se  baHkent 
ainsi  à  coups  de  couteaux.  D^Audiguier  rac(Nite  un 
combat  entre  deux  seigneurs  du  même  pays ,  le 
vicomte  d^ Allemagne  et  le  sieur  de  La  Roque  »  qui , 
ayant  pris  querelle  pour  une  queiBliiMi  de  prêiéaoco 


—  CHAPITRE  xrs.—  189 

t  Ictm  Imillis ,  se  poignardèrent  tous  deux  en  se 
uni  par  la  main. 
^  Les  deux  auteurs  que  je  viens  de  citer ,  nous  ont 

à  conserrè  les  détaili  de  la  fin  tragique  du  baron 
eLuz  et  de  son  Gis,  tu^  au  mois  de  janvier  1613 , 
I«r  le  chevalier  de  Guise. 

i.  Le  premier  combat ,  dit  d'Audiguier,  fut  par 
une  rencontre  avec  le  père  pour  queltpies  paroles 
qu'a  avait  dites  de  la  mort  de  Teu  M.  de  Guise 
(amsmnè  k  Blois,  par  ordre  de  Henri  III  ).  lisse 
tfnconlrèrent  un  matin  à  la  ^ande  rue  Saincl- 
Honorë ,  le  baron  h  pied  et  le  chevalier  k  cheval , 
qui  mit  pied  à  terre  et  dit  au  baron  qu'd  misl 
Il  main  h  l'espèe  ,  en  tirant  la  sienne.  Le  baron  ne 
pmsoit  à  rien  moins,  et  ne  se  pouvoil  imaginer  que 
tt  fusl  à  bon  escient.  II  mit  toutefois  la  main  k 
^'ofie,  mais  avec  peu  d'efTet;  il  cstoit  déjà  vieux 
clhor*  d'escrime  depuis  long-temps,  pour  se  battre 
wmlrt  un  jeune  prince  qui  ne  faisoit  que  sortir  des 
nerricc*.  Aussy  ne  luy  donna  le  chevalier  qu'un 
leiil  coup  au  travers  du  corps ,  dont  il  alla  tomber 
■nort  dans  la  boutique  d'un  cordonnier.  Quant  b luy 
il  rrmonta  froidement  ii  rheval,  et  se  relira  le  pas  en 
Ijigrande  écurie  du  roy,  comme  s'il  n'eut  rien  veu.  m 

Il  Le  baron  de  Lui ,  continue  noire  auteur  , 
«Toit  UD  (ils  du  mi^me  âge  que  le  chevalier  de  Guise. 
Il  rcceut  la  uouvelle  de  ccl  accident,  avec  la  juste 


190  —  mSTOIRE   DES   DUElft.  — ^ 

douleur  qu^un  fils  unique  peut  ressentir  de  la  mort 
d^in  père.  Chacun  parloit  diversement  decequMI 
fcroit.  Il  avoit  affaire  avec  un  prince  qu^il  Calloit 
qu'il  tuast  ou  qu^il  en  fust  tué.  De  le  tuer ,  il  u'y 
avoit  pied  de  terre  en  la  chrestientë  qui  lui  peust 
être  assciiréc  après  sa  mort  :  d^en  tirer  plutost  raison 
par  justice  que  par  Fespée ,  il  ne  le  Calloit  pas 
seulement  penser.  Le  chevalier  estoit  en  Thoatel  de 
Guise ,  où  personne  n'eust  osé  seulement  Taller 
demander.  C^est  le  malheur  des  gentilshommes 
d^avoir  affaire  contre  des  princes  ;  ce  sont  des  vais- 
seaux d^airain  contre  un  pot  de  terre.  Le  roy  doit 
pourtant  la  justice  h  tous  ses  subjecls  ;  mais  ses 
subjccts  doivent  aussy  respecter  les  princes.  C'est  ce 
que  j'ay  ouy  dire  autrefois  au  feu  roy  avec  ce  beau 
mot  :  Je  vous  puis  faire  tous  grands;  mais  je  ne 
vous  saurais  Jairv  princes.  » 

«  Le  jeune  baron  de  Luz  ayant  célébré  le  deuil 
de  son  père  et  fermant  les  yeux  à  tout  ce  qui  pou- 
voit  arriver ,  envoyé  finalement  un  cartel  à  son 
cnncmy,  lequel  fust  porté  par  son  escuier.  L^acUon 
estoit  périlleuse  ;  car  s'il  cust  été  reconnu ,  les  plus 
hautes  fenestrcs  de  rhoslcl  de  Guise  eussent  été  trop 
basses  pour  luy.  Le  cartel  disoit  ainsy  :  Monsei- 
gneur ^  mil  ne  peut  cire  plus  Jidcle  témoin  du  juste 
subjccL  de  ma  douleur  tpie  vous  mesme.  C'est 
pourquoi  i  monseigneur,  je  vous  supplie  tœs^humr' 


-chapitut!  XIX. 


I  f}e  pardonner  i 


I 


191 

mon  ressentiment,  si  Je 

I  niejiiire  tant  d'honneur 

in,  pour  tirer  raison  de  la 

mort  lie  mon  père.  L'estime  que  je  fais  de  votre 

courage  méfait  espérer  que  vous  ne  mettrez  pas  en 

awmtvosltequahté, pour  éviter  une  action  niivostrc 

honneur  vous  oblige.  Ce  gentilhomme  vous  mènera 

au  lieu  oii  je  suis,  avec  un  bon  cfiet-al  et  deux  espces 

desquelles  vous  aurez  te  choix.  Et  s'il  ne  vous  est 

agréable,  j'iraipartoul  où  vous  me  commandeivz.n 

Le  porteur  de  ce  carlel  ayant  usé  de  sublcrfugc 

||Hur  s^inlroduire  dans  riiùlcl  de  Guise,  fui  ajiscz 

Ikutcuï  pour  pouvoir  pénétrer  jusqu'au  chevalier , 

qui  ne  fit  aucune  diJUcutlé  de  le  suivre  incoDtinent. 

La  rencontre  eut  lieu  Ji  cheval  prés  Picpus ,  et  après 

une  luUe  acharnée ,  celui  qui  avait  tué  le  père  en  Jît 

raison  it  son  (ils,  en  le  tuant  lui-mfmc.  Les  deux 

Iteoins  du  duel  se  battirent  en  même  temps  et  ae 

blusscrenl  grièvement.  D'Audigiiier  vanle  beaucoup 

le  courage  du  chevalier  de  Guise  en  cetle  circons- 

laocc,  avec  celle  réflexion  touleftHS  que  sa  victoire 

fiist  été  bien  plus  agréable  à  Dieu ,  s'il  eusl  corn- 

hattu  pour  la  querelle  qui  poria  ses  a'ieux  en  Pa- 

hiine.  Ce  fut  h  l'occasion  de  ce  dernier  coinl>fit 

Hirinlervinl  l'édit  du  18  janvier  1613 ,  cité  ci-après 

iiTCF  plusieurs  autres  subséquens. 

Les  seigneurs  de  la  maison   de   Guise  avaient 


192  '— HTSTOinE  DES  DUELS. -^ 

conservé  jtisqirau  commencement  du  régne  de 
Louis  XIII  y  une  partie  de  celte  influence  et  de  cet 
ascendant  qui  les  avaient  rendus  si  redoutables 
sous  Henri  III.  Ce  chevalier  de  Guise ,  dont  il  vient 
dV'trc  parlé ,  était  pclit-fils  de  Henri  de  Lorraine , 
duc  de  Guise ,  qu^on  surnommait  te  Grand,  et  qui 
fut  tué ,  en  1 503 ,  au  siège  d^Orléans ,  par  Pohrot. 
Son  père  Henri  de  Lorraine,  dit  le  Balaffv,  lut 
assassiné  à  Blois  ,  en  1588.  Tous  les  deux  éf aient 
de  trés-renommés  duellistes.  Leur  avis  qu^on  pre* 
nait  toujours  dans  les  cas  importans ,  faisait  au- 
torité en  matière  de  duel.  Aussi ,  Brantôme  ne  parle 
jamais  de  messieurs  de  Guise  qu^avec  une  pro- 
fonde vénération.  On  a  pu  juger  de  ce  qii^était 
le  fils  atné  du  Balafré,  Charles  de  Lorraine ,  par 
son  assassinat  du  comte  de  St.-Pol ,  en  1594 ,  rap- 
porté au  chapitre  précédent.  I)  fut^  à  Paris,  Tun  des 
nombreux  amans  de  la  célèbre  duchesse  de  Mont* 
pensicr.  Richelieu ,  qui  craignait  sa  turbulence  ^ 
finit  par  Texilcr  en  Italie  où  il  mourut  en  1640.  Son 
fils  ,  Henri  de  Lorraine  II.*  du  nom ,  se  rendit 
célèbre  par  ses  amours ,  ses  profusions  et  ses  aven- 
turcs  romanesques  en  différcns  pays.  Richelieu  lui 
fit  faire  son  procès  comme  complice  du  comte  de 
Boissons ,  et  condamner  h  mort  par  contumace  en 
1641.  Obligé  de  quitter  la  France,  il  alla  faire  la 
guerre  en  Italie  oîi  il  fut  fait  prisonnier  et  conduit 


193 

[  en  Espngne.  On  le  verrn  repnraîlrc  sons  le  régne 
L  nivant  pour  figurer  dans  le  fanieui  carrousel  de 
IW62,rlpour  hier  en  duel,  en  1643,  le  comlcde 

■  CDli^y ,  pelil-fils  du  célèbre  nmiral ,  Tictime  de  la 

■  llint-BnrUiélémy.  Il  mourut  saus  postérité  en  1664. 
En  lui  Gnîl  la  maison  de  Guise. 

EnGn ,  un  troisième  fils  du  Balafré,  Louis  de 

Lorraine ,    cardinal   et  archevèciuc    de   Rheims , 

^■Hntra  sous  l'habit  ecoKsinsliquc  des  inolinations 

BpB  moins  gtierriéres  que  son  père.  H  combultit 

^^taUTenl  dans  les  rangs  de  Parmée  et  suivit  Louis  XIII 

^^kiB  l'expédition  de  Poitou,  en  1621  ,  où  il  mourut 

Hiprës  aToir  marché  le  casiioe  en  I^te  h  l'attaque  de 

Sûnt-Jean  d'Angely.  Ayant  eu  un  procès  avec  le 

duc  de  Ncvers  au  sujet  d'un  bénéfice,  il  lui  lit 

nOKr  pliwieurs  fois  de  vider  ce  différent  l'épée  k  la 

main.  Ce  belliqueux  prélat,  s'il  avait  continué  de 

TÎTpe  ,  aurait  pu  servir  d'aide  -  de  -  camp  à  son 

collègue  le  cardinal  de  Richelieu  qui  faisait ,  en 

I      1928,  l'office  de  général  au  siège  de  la  Rochelle  ; 

^Lmùs  cV-tait  beaucoup  trop  rétrograder   que  de 

^Bouloir    ressusciter    par    son    exempte  ,    comme 

^  tPAudiguicr   par   sa  plume  ,  les  anciens  combats 

judiciaires  (210). 


Ce  d'Audiguier,  dont  le  Traité  contient  sur  les 
iluels  une  foule  d'anecdotes  furieuses  ,  était    im 


194  —  HISTOIRE   DES   DUELS.  — 

gentilhomme  de  la  cour  de  Louis  XIII.  L^objet 
principal  de  son  ouvrage  était  de  démontrer  la 
nécessité  de  revenir  aux  anciens  usages  en  matière 
de  duel ,  et  de  rétablir  ces  anciens  combats  so- 
lennels autorisés  et  présidés  par  les  rois.  L^auteur 
signale  avec  chaleur  les  inconvéniens  et  Finutilité 
des  prohibitions ,  et  reclame  surtout,  au  nom  de  la 
noblesse  française  ,  la  conservation  du  privilège  de 
pouvoir  vider  ses  dilTérens  par  les  armes,  ce  Sire , 
disoit-il  dans  son  épttre  dédicatoire ,  il  y  a  un  grand 
procès  entre  la  noblesse  et  la  justice  de  vostre 
royaume ,  dont  autre  que  votre  majesté  ne  peut-être 
juge.  La  noblesse  dit  qu'un  gentilhomme ,  dont 
rhonneur  est  offensé,  doit  perdre  la  vie  ou  la  réparer 
avec  Tespée  ;  et  la  justice  au  contraire  qu^un  gen« 
tilhomme  qui  met  la  main  à  Tcspée  pour  réparer 
son  honneur,  doit  perdre  la  vie....  Et  vous,  me^ 
qui  êtes  chef  de  la  plus  généreuse  noblesse  qui  soit 
au  monde ,  avez  intercst  h  ne  pas  souffrir  qu^on 
émousse  la  poincte  de  son  courage ,  et  que ,  sous 
ombre  de  la  conserver ,  on  la  réduise  ,  ou  bien  à 
n^ avoir  aucun  sentiment  de  son  honneur ,  ou  bien  à 
le  défendre  par  la  plume  à  la  façon  du  vulgaire ,  et 
disputer  le  droit  des  armes  devant  les  clercs....  » 
Le  même  auteur  s^efforce  ensuite  de  démontrer 
que  les  duels  n^ont  jamais  été  plus  fréquens  et  plus 
odieux ,  que  depuis  qu^ils  étaient  défendus  ;  et  s^a- 


—  CHAPITRE    XIX.  —  195 

■  jfressant  cnrort*  hu  roi  ii  la  iin  de  son  lirre ,  il  le 
linpplie  de  permcllrc  les  iluels  en  ccrLiIns  cas  dont 
I  lerail  juge  ,  au  lieu  de  s'exposer  h  i^lre  désobéi 
r  des  pruliibilions  inutiles.  Il  asaure  que ,  si  les 
Kfcnses  nnt  rendu  les  duels  communs,  la  per- 
miisioD  les  rendra  rares.  Il  propose  même  au  mo- 
narque de  s'en  réserver  la  présidence ,  k  l'exemple 
de  plusieurs  de  ses  prédétesscurs.  «  Le  public, 
dil-i] ,  au  lieu  de  ces  (jiierelles  qui  liument  son  sang 
et  de  ces  procès  c|ui  dévorent  son  bien ,  vîvroit 
tlUîvré  de  ces  deux  monstres  ,  n'ayant  d'aitlre 
ambition  que  de  tcsmoigncr  son  courage  en  vostre 
terrice  et  sa  valeur  en  vosirc  présence,  n 
lCcs  raisonne  mens  de  d'Audiguier  ne  firent  pas 
.  Les  anciens  édits  contre  les  duels  avaient 
dtjà  été  renouvelés  par  des  déclarations  confirraa- 
tivesdes  I."  juillet  1611,  18  janvier  1013,  1." 
octobre  1614  et  par  un  arrél  du  parlement  du 
27  janvier  de  la  mi'me  année.  Ils  le  furent  encore, 
Blirès  la  publication  de  son  livre ,  par  déclarations 
ib  U  juillet  1617,  2  août  1623,  25  et  26  juin 
lfS24,  et  par  arrêts  du  parlement  des  6  mars  1621  , 
18  janvier  1625,  5  février  162d  et29  mai  1634. 

L'cdit  de  1626  est  l'un  des  plus  remarquables 
'If  ceux  intervenus  sur  la  matière ,  avec  celui  de 
Henri  IV,  du  mois  de  juin  1609.  Il  contient  quelques 
(liiposilioDS  qui  semblent  atténuer  un  peu  ce  qu'il  j 


106  ^  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

Avait  crabsolu  et  de  trop  sévère  dans  les  édits  da 
règne  précédent.  On  y  établit  quelque  différence 
entre  tes  appelans  et  les  appelés.  En  certains  cas, 
notamment  pour  une  première  infraction  et  lors 
qu^aucun  meurtre  n^avait  eu  lieu ,  les  juges  pou- 
vaienl  s^abstenir  de  prononcer  la  peine  capitale. 
Du  reste  ,  Tordonnance  était  terminée  par  de 
longues  et  solennelles  protestations  de  n^accorder 
aucune  grâce  ,  remise  ou  modération  de  peine» 
pour  lait  de  duel.  «  Nous  avons  défendu ,  portait 
l'article  13,  et  défendons  à  toutes  personnes,  de 
quelque  qualité  et  condition  qu'elles  soient ,  de 
nous  faire  aucune  prière  au  contraire;  en  décla- 
rant infracteurs  de  nos  lorx ,  ennemis  de  notre  ré- 
putation et  indignes  de  notre  bonne  grâce  tous  ceux 

qui  Poseroient  entreprendre,  etc ,  ça »  Puis 

venaient  les  défenses  d'usage,  pour  te  chancelier  et 
les  cours  souveraines,  de  sceller  ou  enregistrer  au- 
cune lettre  dérogatoire ,  quoique  signée  de  la  maiir 
du  roi,  et  ce,  nonobstant  toute  injonction  ou  exprés 
commandement,  etc. 

On  trouve  une  formule  de  protestations  à-pea- 
près  semblable  dans  l'ordonnance  de  Henri  IV. 
<Y  Nous  faisons  défenses  très  expresses  à  toutes  per- 
sonnes ,  porte  le  préambule ,  et  mesme  à  la  rojme 
fiostre  très  chère  et  aymée  compaigne,  comme  à 
tous  les  princes  de  notre  sang ,  autres  princes,  prin- 


» 


s.-  197 

cijiaux  et  spéciaux  servilcurs  de  nous  foire  aucun» 
fiiin  rcqiieste  ou  supi>licaUou  coutraire  h  icclle  , 
nr  peine  de  nou3  dùplairc ,  protataiU  cl  jumut  par 
k  Dieu  ■vivant  de  u  accorder  aucune  grâce  ilvs- 
ngeante  à  la  dicte  prèse}Ue  ordonnanae ,  elc.  » 

Mal^É  (outea  ces  prutestolious  ci  impK'calions 
Cftnire  les  insUuices  de  la  reine  uu  tous  autres , 
Henri  IV  laissa  son  édit  ^-peu-près  sans  exécution. 
Quant  ik  celui  de  Louis  XIII ,  il  cotumenee  pu- 
iccorder  uoe  amuistic  pleiae  clenlièrc  k  tous  con- 
damnés pour  duel  ;  Et  ce,  y  cst-tl  dit ,  à  auise de 
tiustante  piière  qui  nous  en  a  i-téfaîie  delapart 
de  noliv  chère  et  bteii  aimée  sœur,  la  reine  de  la, 
Grande  Brrioff te, sur  le  point,  et  en  considéralion-dc 
son  mariage,  etc.  On  peut  juger  par  là  de  ce  qu'il 
j  atail  de  sérieux  dans  toul  ce  luxe  dY'dits  et  dans 
ccabsBates  formules  d'apparente  SL'v6ritë,  qui,  dans 
TancienDe  aïonarcbic  ,  u'uul  (pic  trop  souvent  dé- 
grade la  majesté  des  lois  (21 1). 
Toutefuis  il  s'est  rencontré  un  OMnislre  fameux 
la  politique  sut  Irouvet:  dans  cet  arseotil ,  des 
qui  devinrent  terribles  entre  ses  mains.  Le- 
itinualcur  de  Louis  XI  n'avait  garde  de  négliger 
moyens  contre  celle  aristocratie ,  rivale  de 
autorité ,  et  dont  il  avait  juré  l'extermination. 
11  savait  bien  quels  avantages  il  se  doiuiait  sur  ce 
«iqis  toujours  remuant ,  qui  l'unironnait  iuocs- 


jradc 

.  Tou 

y  dont  11 
Hnantes 
Bttontini 
V  bétels 
ip  tonau: 


^^m 


188  —HISTOIRE   DES   DUELS.— 

sammcnt  de  dangers  personnels ,  d^inirigues  et  de 
conspirations ,  en  attaquant  un  usage  dont  la  no- 
blesse ne  pouvait  se  passer ,  et  qui  lui  était  plus  cher 
que  la  yie.  On  vit  successivement  tomber  ,  sous 
difTérens  prétextes ,    les  têtes  des  Marillac ,   des 
Bouillon ,   des   Cinq-Mars ,    des   de  Thou ,    des 
Montmorency ,  et  peu  s^en  fallut  même  ,  celle  du 
propre  frère  de  Louis  XIII.  Ces  victimes  s^appelaient 
des  rebeUes  ou  des  conspirateurs  :  quand  on  n^en 
trouva  plus  de  cette  espèce ,  on  prit  des  duellistes. 
On  connaît  les  aventures  et  la  fin  tragique  du 
jeune  prince  de  Ghalais,  de  la  maison  deTalleyraiid. 
Il  tua  en  duel  au  commencement  de  1626 ,  le  comte 
de  Pont-Gibaut ,  petit-fils  du  maréchal  de  Schom- 
berg.  Saisi  et  arrêté,  sa  tête  était  promise  à  Pécha- 
faud  ;  mais  Ghalais  était  le  favori  de  Gaston  d'Or- 
léans ,  frère  du  roi ,  et  Tamant  en  titre  de  la  fameuse 
duchesse  de  Ghevreusc.  Le  cardinal-ministre  se  vît 
obligé  de  relâcher  cette  proie.  Ge  ne  fut  pas  pour 
long-temps.  Vers  la  fin  de  cette  même  année  1626 , 
il  se  trouva  compromis  dans  une  de  ces  intrigues 
qui  se  renouvelaient  sans  cesse  à  la  cour  contre 
l'autorité  de  Richelieu.  Gelui-ci  le  fit  juger  à  Nantes 
par  une  commission  ,  comme  coupable  de  conspi«> 
ration  contre  la  vie  du  roi.  Il  fut  condamné  et 
exécuté  le  même  jour ,  malgré  les  larmes  et  les 
supplications  de  sa  mère.   Ne  trouvant  pas  de 


t 


xtx.—  109 

bourreau,  on  pril  dciiimQiraitciirs  qiii  donnèrent 
■u  pnlieni  plus  (le  trente  coups  de  liaclie  avant  de 
lui  arracher  h  \îe,  et  obtinrent  leur  grâce  à  ce  prix. 
Lfs  détails  de  celle  exécution  font  frissonner 
d'horreur  (212). 

L'uinéc  suivante,  un  coup  d'autorité  plus  re- 
marquable encore  tint  signaler  la  puissance  et  la 
politique  de  l'impitoyable  ministre  de  Louis  Xllt. 
FrtDçoîs  de  Montmorency,  plus  counn  soua  le  nom 
de  Boulteville  ,  jouissait  d'une  haute  célébrité 
eoinme  duelliste.  C'était  le  liérns  de  l'escrime  :  il  a 
dû  de  plus  au  nom  qu'il  portait ,  la  triste  gloire  d'en 
Are  le  martyr,  (^ueliiues  détails  tirés  des  JUmioii-cs- 
ihi  ten^s ,  sur  sca  principaux  exploits  et  sur  sa  (în 
bt^que  qui  couronna  le  dernier,  aclièTOi-ont  le 
toblemi  de  celle  époque.  Au  li'mnignagc  d'Aniclol 
de  L«  tluussaye ,  il  sulFisoil  au  comte  de  Uoutleville 
f  eolciidre  dire  :  Un  tel  i:it  brave;  il  s'en  allait  de  ce 
pas  droit  vers  lui ,  et  l'abordanl  :  Monsieur ,  disait- 
il  ,  on  m'a  dit  i/uc  vous  étiez  brave ,  fen  veux  jai 
l'essai ,  quelles  sont  vos  armes  ?....  Tous  les  matins, 
h»  ratUHés  d'honneur  ainsi  qu'ils  s'appelaient ,  se 
rassemblaient  en  son  hiitel  dans  une  grande  salle, 
où  l'on  trouvait  toujours  des  rarraichissemetis  tout 
Krvis ,  avec  des  fleurets  et  autres  armes  au  service 
H i-«  amateurs.  Cette  salle  élttil  te  quar tiuf -gêné rai  de 
U  jcuaessc  ilorcc  de  ce  lemps-là. 


200  —  HISTOIBE   DES    DUELS.— 

Dès  1621  ,  Boiitteville  et  d'autres  férailleura  de 
son  école ,  dont  Tépée  ne  rentrait  jamais  dans  le 
fourreau  ,  avaient  été  Fobjet  de  plusieurs  arrêts  du 
parlement  pour  fait  de  duel.  En  1624,  le  propre 
jour  de  Pâques  y  dit  une  relation  de  ce  temps ,  il  ne 
laissa  pas  de  contraindre  le  comte  de  Pont^Gibault 
de  quitter  ses  dé\^otions  pour  s'aller  battre  à  Ven^ 
contre  de  lui.  »  Ce  comte  de  Pont-Gibault  est  le 
même  que  celui  qui  fut  tué ,  deux  ans  après ,  par 
le  prince  de  Ghalais.  Ils  eurent  pour  sccoads ,  les 
barons  de  Chantail  et  des  Salles.  Cette  affaire  donna 
lieu  à  deux  nouveaux  arrêts  du  parlement ,  rendus 
par  contumace,  les  24  et  29  a>Til  1624;  ce  qui 
n'empêcha  pas  Boutteville  d'aller  son  train ,  de  se 
battre,  en  1625,  contre  le  marquis  de  ?ortes,  el 
de  tuer,  en  1626 ,  le  comte  de  Thorigny.  En  1627» 
il  eut  une  nouvelle  affaire  à  St.-Germain-en-Laye^ 
avec  le  baron  de  \ji  Frette  :  son  second  y  fui 
tué  (213), 

Feu  de  temps  après ,  une  autre  querelle  s'élève 
entre  l'infatigable  Boutlcville  et  le  marquis  de  Bou* 
Tron ,  parent  du  comte  de  Thorigny ,  qui  cher^ 
chait  à  venger  la  mort  de  celui-ci.  Mais  comma 
les  duels  précédens  avaient  fait  bruit ,  et  que  dea 
mesures  sévères  étaient  prises  pour  l'exécution  des 
nouveaux  édits ,  ils  prirent  le  parti  de  se  rendre  à 
Bruxelles  pour  se  battre  en  tpute  liberté.  Le  roi 


—  CHAI'ITHF.  SIX.—  201 

I  ayant  ilé  Inrormf.- ,   écrivit  k  rarchiducliessc , 

kBitvemanle  des  fays-Itus ,  pour  la  prier  cl«  ne  pas 

trir  que  ilcus  de  ses  sujels  ne  balti8!«enl  sur  eea 

rrcA.  La  princesse  chargea  le  marquis  de  Sptiiola 

(  les  accorder.   «  CeliiUcî  ,  dit  la  relalion  déjà 

rc,  les  engagea  •■  dîner,  les  Iraila  magniQqu entent 

t  les  obligea  par  acrmeus  qu'ils  se  fireni  Tun  h 

'  fiulre ,  et  par  leurs  baisers  cl  embrassemcns ,  de  ne 

plus  penser  au  sujet  de  leur  querelle  ;  el  ainsi  les 

•Ccorda  en  prt'Sencc  de  rumbassadcur  de  France , 

du  grand  écuycr  de  rarchiduclics-^e,  et  de  plusieurs 

gailtlshomnies   français  ,   es]iagiiolfl  et  flamands , 

wffà  parurent  très-joyeux  de  celle  rûcoucilialinn , 

kquellc  épargna  le  cbemiu  ,  la  dépense  cl  la  peine 

là  plusieurs  français  qui  étaient  résolus  de  se  rendra 

i  Flandres  pour  avoir  part  h  ce  combat.  "  Cela 

f-i'cmpécba  pas  le  marquis  de  Beuvron  de  dire  k 

IViutteville ,  avant  de  sorllr  de  la  salle  ,  quejiuiiais 

d  ne  serait  content  au'tl  ne  J'eiil  l'u   t'vpée  U  la 

nifuri.Mais  Bouttcville  ne  voulut  pas  se  battre  h 

bruxeUev,  par  égards  pour  rarchiducliesBe  i»  qui 

iUvait  engagé  sa  parole.  Il  sut  même  Tintéresser 

lu  point  de  lui  faire  écrire  A  Louis  Xlil,  pour  en 

obtenir   la   permission  de   retourner   en  France. 

l'C  roi  réponilit  k  l'arcliidncliesse  :  Que  tout  ce  qu'il 

pouvail  faire  pour  l'amour  d'elle,  c'était  qu'il  ne 

inail  ivc/tcivlier  £outtc\iUe  daiu  son  jvjaumci 


202  —  HISTOIRE  DBS  DUBL8.  — 

niais  quil  se  donnai  bien  de  garde  de  reparaître 

à  la  cour 

Beuvron  étant  retourné  à  Paris  ,  écriyit  jusque 
huit  lettres  à  Boutteville  pour  rengager  à  venir  Py 
rejoindre.  Celui-ci  ayant  pris  sa  résolution ,  se  met 
en  route.  Dés  son  arrivée  il  court  chez  Beuvron, 
qui  propose  de  se  battre  sans  seconds.  Mais  son 
adversaire  réplique  que  deux  de  ses  amis  voulaient 
être  de  la  partie  et  quil  aurait  affaire  à  euœ  s'il 
se  battait  setd.  Le  combat  fut  fixé  au  lendemain 
12  mai,  trois  heures  après-midi,  sur  la  place  Royale, 
Boutteville  ayant  déclaré  qu^il  voulait  se  battre  au 
grand  soleil.  Les  seconds  de  Boutteville  étment  le 
comte  de  Rosmadec  des  Chapelles ,  son  parent  et 
son  compagnon  habituel  d^aventures ,  et  un  sieur 
de  La  Berthe.  Beuvron  avait  de  son  càté  un  ûeur 
Choquet ,    son  écuycr ,  et  le  marquis  de  Bussy 
d^Amboise  ,  nom  célèbre  dans  les  salles  d^armes , 
qui  tout  malade,  venait  de  s^arracherde  son  lit  pour 
rendre  ce  service  à  son  ami.  Le  combat  se  fit  avec 
Tépée  et  le  poignard.  BautleviUe  et  Beuvron  pas- 
sèrent Tun  sur  Pautre  et  se  coHetèrent.  Chacun 
d^eux  jette  alors  son  épée  ,  et  tenant  le  poignard 
kvé  Pun  sur  Pautre  ,   ils  se  demandent  récipro- 
quement la  vie.  Pendant  ce  temps ,  le  marquis  de 
Bussy  reçoit  dans  la  veine  cave  un  coup  d^épée  de 
Rosmadec.  u  Transporté  chez  le  comte  de  Maur« 


—  CIIAPITBE  \1S.  —  203 

jiron ,  porte  la  relaliun ,  il  expire  entre  les  bras  du 
père  Cbaillou ,  minime.  Apres  le  roup,  il  ne  parla 
(lus,  il  ne  fit  que  lever  les  yeint  au  oiel  et  joindre 
kl  mains.  De  La  Berllie,  blcssi^  pnr  Choquet ,  Fut 
jwrié  k  riiôtel  de  Mayenne,  Bcuvron  se  retira  eo 
mingîs  de  ta  place  Royale ,  altendant  son  carrosse, 
e  sauva  avec  le  sieur  Choquet  en  Angleterre. 
IcHitieville  se  rendit  au  logis  du  baron  de  Chantaîl , 
ISin  de  SCS  conûdcns,  où  i\  monta  h  cheval  :  puia 
lUIa  avec  Rosmadec,  chez  les  Guillcmin,  bar- 
hm,  où  ils  Grent  collation.  Là  on  vint  leur  dire 
Itw  sauver  ,  parce  que  le  roi  était  h  Paris.  Ils  ré- 
^londirenl  cju'ils  le  savaient  bien  avant  de  se  battre  ; 
■  cela  ne  les  empêcha  pas  d'aller  encore  à  l'hôtel 
ieMayense  pour  voir  panser  de  La  Certhe.  Apres 
^«Â  ils  partirent  sur  leurs  chevaux  jusqu^k  la  prc- 
e  poste  de  Meaux.  » 
Pendant  que  nos  deux  duellistes  prenaient  ainsi 
leurs  aises  et  s'éloignaient  de  Paris  fort  Iranquîl- 
l  Icmenl  el  au  petit  pas,  le  Prév»\t  dcniôtel  faisait, 
^tn  grand  appareil ,  une  descente  au  ch<1teau  de 
^Vn^ey  qu'habitait  BDulleville.  Celui-ci ,  sans  trop  se 
~  presser,  gagnait  la  Lorraine  avec  son  compagnon  ; 
mais  arrivfrs  k  Vitry ,  un  incident  des  plus  bizarres 
uut  leur  barrer  le  passage.  A  peine  le  marquis 
<lc  Bussy  d'Amboise  avait-il  rendu  l'âme,  que  la 
jirtûdeute  de  Mcsmes  sa  sœur ,  chez  qui  il  de- 


204  ^mSTOIRE  DES   DUELS.-* 

meuraii ,  avait  expédié  deux  alEdés  pour  s^emparer 
de  ses  châteaux  et  domaines  avant  la  comtesse  de 
Vignory  sa  tante  ,  qui  pouvait  prétendre  part  à 
riiéritage.  Ceux-ci,  arrivés  à  Meaux,  apprirent  que 
deux  personnages  venaient  d^  passer.  Ib  se  mi- 
rent k  leur  poursuite ,  les  prenant  pour  des  cou- 
reurs de  la  comtesse  de  Vignory  qui  avaient  Iiji 
m^me  mission  qu^cux.  Les  ayant  atteints  près  de 
Yitry ,  ils  reconnurent  les  deux  fugitifs.  Us  allèrent 
alors  avertir  le  Prévôt  de  la  ville  de  la  mort  du 
marquis  de  Bussy  qui  était  gouverneur  du  pays , 
et  firent  arrêter  Boutteville  et  Rosmadcc  qu^oQ 
trouva  dans  une  lioteUcrie ,  où ,  après  avoir  lar- 
gement soupe ,  ils  venaient  de  se  mettre  au  lit. 
Ils  furent  conduits  à  Paris  et  mis  à  la  Bastille, 
(c  Le  même  jour,  le  roi  manda  le  parlement  au 
Louvre,  et  lui  commanda  de  faire  et  parfaire  le 
procès  aux  deux  accusés ,  toutes  affaires  cessantes 
et  sans  désemparer.  Le  jeudi  3  juin ,  Pévéque  de 
Nantes  eut  permission  d^aller  les  voir  pour  mettre 
leur  conscience  en  état.  Il  leur  fit,  à  chacun  d^eux, 
écrire  au  cardinal  de  Richelieu  une  lettre  qui  fui 
.sans  effet.  Le  jour  de  la  Fête-Dieu ,  après  que  le 
roi  eut  oui  la  messe  et  communié ,  la  dame  de 
Boutteville  se  jetta  aux  piedsdeS.  M.,  qui  passa  outre 
sans  lui  parler,  et  en  passant  dit  ces  mots  ;  La  femme 
me  fait  pitié  ;  mais  je  veux  et  je  dois  conseiver 


—  ciiAprTBE  \ix.—  205 

<t  aulon'iè.  Le  14  juin,  la  comtesse  de  Itoulleville 
■nsl^e  lie  la  princesse  de  Condè ,  des  dames  de 
■tfonlintirenry  et  d'Angoulèmc ,  du  cardinal  de 
La  Valetle  cl  du  comte  d'Alais,  présentèrent  une  re- 
qiuMc  au  parlement  pour  récuser  les  juges  ',  maïs  elle 
fut  mise  k  oéaut.  Une  autre  rcquctc  fut  présentée 
BU  Garde-dcs-sccaux  pour  faire  évoquer  raffairc 
BU  conseil,  et  n'eut  pas  plus  de  succès,  n  L'arrêt 
des  deux  accusas  fut  prononce  le  21  juin  ,  et 
nèculè  le  lendemain  sur  la  place  de  Grève  avec  un 
^and  appareil  militaire.  Uouttevillc  avait  été  disposé 
à  la  mort  par  l'évèque  de  Nantes,  dont  les  cxhor- 
UlîoDS  lui  inspirèrent  un  profond  repentir  et  une 
pande  résigualion.  Il  voulait,  raconte-t-on ,  con.- 
I  «rver  sa  moustache  qui  était  grande  el  belle.  Alon 
^ub,  lui  dit  le  prélat,  il  nu  faut  plus  penser  h  la 
^BftÙ!;  quoi  '.  vous  j pensez  encore  ?....  (214). 
P  «  Cette  sévérité ,  observe  le  préaident  Hénault , 
fi)  plus  d'effet  sur  les  esprits  que  tous  les  édita  qu'on 
iivatl  rendus  ii  ce  sujet.  »  Il  est  vrai  de  dire  ce- 
pendant qu'on  vit  bien  moins,  dans  cette  double 
c\écution,  un  acte  dejustice  qu'un  nouveau  trait  de 
Il  «anguinaire  tyrannie  du  cardinal ,  et  de  sa  haine 
coDirel'arblocratie.  Quoique  Goulteville  lût  un  in- 
corrigîMe  duelliste,  et  que  l'audace  avec  laquelle 
3  seiiil>iiiit  braver  l'autorité  fût  d'un  dangereux 
excmiilc,  sa  conduite  et  celle  de  Jlusmadec,  son 


206  —  mSTDIflE  DES  DUELS.  — 

compagnon ,  n'offraient  rien  qui  s^éloignàt  des 
mœurs  et  des  idées  du  temps.  On  y  chercherait  même 
en  vain  des  traces  de  cette  férocité  déloyale  qui 
n^était  pas  rare  alors ,  et  dont  nous  ayons  déjà  cité 
tant  d^exemptes.  D^ailleurs ,  dans  la  dernière  affaire 
qui  lui  coMa  la  vie ,  Boutteviile  n'avait  pas  été 
l^agresseur.  Le  marquis  de  Beuvron,  qui  Tavait  tant 
de  fois  provoqué  ,  en  fut  quitte  à  bien  meilleur 
marché.  Il  se  tint  un  instant  à  Fécart,  laissa  passer 
Torage,  et  ne  tarda  pas  à  reparaître  à  la  cour, 
comme  les  ducs  d^Halluin  et  de  Liancourt ,  autres 
duellistes ,  dont  les  lettres  patentes  autorisaient  le 
retour ,  en  même  temps  que  s^élevait  Téchsiaud  de 
Boutteviile  et  de  Rosmadec  (215). 

Personne ,  au  s^irplus ,  n^a  cru  à  la  sincérité  du 
zèle  de  Richelieu  contre  les  duellistes.  Quelque 
peu  de  confiance  qu^on  puisse  accorder  à  Tauteur 
pseudonyme  des  Mémoires  publiés  à  La  Haye, 
en  1680,  sous  le  nom  du  comte  de  Rochefort, 
on  y  trouve  sur  les  motifs  secrets  de  Texëcution 
du  comte  de  Boutteviile ,  des  particularités  qui  ne 
sont  pas  sans  vraisemblance.  Ces  Mémoires ,  que 
la  critique  a  distingués  pour  le  style  et  Pexactitude 
historique  dans  la  nombreuse  collection  du  même 
auteur  ,  contiennent  aussi  quelques  anecdotes 
qui,  si  elles  étaient  vraies,  offriraient  des  preuves 


•-  CHAPITRE  SIX.  -*  207 

fort  piquantes  des  sentimens  secrets  du  cardinal , 
sur  la  violation  de  ses  édiis  contre  les  duek  (216). 
Ce  ne  fui  donc  pas  un  duelliste  que  la  main 
de  Richelieu  frappa  dans  Boutteville  ;  mais  un 
Honlmorency ,  mais  un  rejeton  de  cette  illustre 
fanille,  dont  cinq  ans  auparavant  Péchafaud  de 
Toulouse  avait  moissonné  la  tige.  Ce  ministre,  que 
Châteaubriant  appelle  le  G  rand-maitre  de  l'écha^ 
faud,  pratiquait  cette  célèbre  maxime  bien  avant 
le  démagogue  Danton ,  à  qui  on  en  a  fait  honneur  : 
EnpoUtique,  il  njr  a  que  les  morts  qui  ne  re^^ien-' 
nmt  pas. 


CHAPITRE    XX. 


Régne  de  Louis  XIV .  —  Analyse  des  nouTennx  édîfs 
contre  les  duels.  —  Tribunaux  du  point  dlionnenr. 

—  Politique  de  Mazarin  à  Tégard  des  duelUstes. 

—  Iiidulgeucc  du  roi.  —  Duels  reittarq[uables. 


Le  despotisme  de  Ri(;helicu  enfanta  l^utocratie 
de  Louis  XIV.  Ce  fut  le  prologue  énergique  d^un 
fait  naturellement  progressif.  L^absolutisme  minis- 
tériel servit  de  transition  à  Tabsolutisme  royal. 
La  vieille  liberté  féodale  venait  de  tomber  sous  Ift 
faux  monarchique,  et  Tégalité  démocratique  encore 
en  germe,  n^était  pas  en  mesure  d^occuper  sa  place. 
L^interrégne  de  ces  deux  puissances  laissait  le 
champ  libre  à  Tautorité  sans  contrôle  et  sans  limites 
du  Grand-roi ,  dont  le  nom  pesait  assez  dans  la 
balance  de  la  renommée ,  pour  remplir  avec  le  plus 
prestigieux  éclat  ce  long  intérim.  Ce  fut  pendant 
celle  invasion  d'un  seul  homme  y  dans  Fantique 
domaine  de  nos  franchises  cl  de  nos  libertés ,  que 
rindividualismc  prit  naissance.  11  se  développa 
pendant  la  vt)hiplueuse  léthargie   de  Louis  XV  t 


209 

i  prépara  le  trînniphc  définitif  de  la  Démocratie 

ieu!i  le  sceptre  affaibli  de  Louis  XVI. 

Rii'helieu  mort  ,    l'Aristocratie   qui  avait   péri 

me  pouvoir  rival  du  trAiiej  va  s'en  faire  an- 

«pter  comme  l'ornement.    11  ne  lui  restera  plus 

daus  l'étal  que  le  rôle  de  ces  rois  captifs  entourant 

le  char  des  iriomphateurs  Romains.  Toutefois,  elle 

L  ptreitra  se  consoler  encore  de  celte  humiliation ,  en 

^■tDVoyant  à  cette  tourbe  dV-sclaves  i[ui  marche  à  sa 

^noile ,  les  superbes  mépris  du  vainqueur.  Mais  ceus- 

I     d  briseront  leurs  fers ,  et  l'Egalité  plébéienne  viclo- 

rieutc  h  son  tour,  viendra  fouler  aux  pieds  le  trûne 

liiilvérisé  du  Patriciat  et  de  la  Monarchie  (217) . 

Louis  XIV,  dans  l'inlérét  de  sa  politîqiie  guer- 
rière, comprit  tout  le  parti  qu'il  pouvait  tirer  encore 
lit  l'élément  aristocratique  dispersé  soua  son  pré- 
ilrresseur.  Il  s'empressa  d'en  rassembler  les  pâles 
t-Iunglans  débris,  La  Noblesse,  dans  ses  mains,  de- 
(ini  une  institution  purement  militaire  ;  et  il  lui 
•Wanda ,  pour  restituer  h  In  France  ses  limites 
niilurellcs ,  les  mêmes  services  que  Charles  Vil  en 
'\M  obtenus  pour  la  délivrance  du  territoire. 

Ainsi  fui  reconstitué  le  Mitilaiîsme  patricien,  par 

iniHntion    de    l'ancien    jUilUaiùinc    germanique , 

qiii  liatail  de  la  conquête  des  Gaules.  Nous  aurons 

"ffaiion   d'en  suivre  les  phases  diverses  et  d'en 

influence  k  l'égard  des  duels,  jusqu'à  sa 

14 


210  —  HISTOIRE   DBS  DUELS.  — 

transformation  en  Miluarisme  plébéien  à  la  fin  du 
18.-  siècle  (218). 

Les  troubles  de  la  minorité  de  Louis  XIY  furent 
le  signal  de  la  résurrection  du  Duel  que  la  main 
de  Richelieu  avait  plutôt  assoupi  qu^étouffé.  Comme 
il  trouve  toujours  son  aliment  le  plus  actif  dans 
les  discordes  civiles ,  il  se  reproduisit  et  se  fortifia 
dans  Tanarchie  de  la  Fronde ,  pendant  la  durée  de 
cette  émeute  mesquine  ,  bizarre  ,  ridicule  ,  dont 
les  proportions  comparées  à  celles  d^une  insur- 
rection sérieuse  ressemblent  assez  au  Duel  mis  en 
parallèle  avec  la  Guerre.  Ni  plus  ni  moins  qu^on 
ferraillait  contre  un  ami ,  on  se  révoltait  contre  un 
ministre  par  partie  de  plaisir.    Comme  on  s^em-* 
brassait  après  une  affaire  d^honneur ,  on  rappelait 
Mazarin  dans  la  capitale ,  on  le  fêtait ,  on  Tapplau- 
dissait.  Ce  peuple  qui  Pavait  chassé ,  se  serait  fiait 
volontiers  écraser  sous  les  roues  de  son  carrosse. 
€(  Toute  la  France  tomba  à  genoux ,  dit  Anquetil. 
Les  Parisiens  lui  firent  une  amende  honorable  de 
leurs  insultes  excessives ,  par  des  hommages  qui  ne 
Tétaient  pas  moins.  On  lui  donna  une  fête  à  THôld^ 
de-ville,  où  il  fut  traité  comme  un  souverain,  etc...>i 
Faut -il  donc  s^étonner  que  cet  Italien,  matois  i 
professât  un  mépris  si  naïf  pour  les  Français?...  < 
Ne  sont-ce  pas  là  de  ces  traits  qui  nous  ont  vaL^ 


—  rilAPITRE  xs.  —  211 

t  loui  lempa  Ih  ri-putalion  du  peuple  te  plus  léger 
W4e  l'Europe  f 

l.niiis  XIV  ^lail  trop  jaloiii  de  maintenir  son 

otorilé  comme  aouveraîn  ,  et  la  discipline  militaire 

mme  conquérant ,  pour  voir  le  Duel  de  bon  œil. 

Comme  ses  prédécesseurs ,  il  cherclia  h  le  combattre 

[lar  des  ordonnances.  C'était  une  ;^ierre  qui  n'en 

imposait  pas  beaucoup  ;  car  elle  était  si  rarement 

rictise.  On  trouva  le  secret  de  renchérir  encore 

r  ce  luxe  d'édits  et  de  déclarations  du  règne  pré- 

E^enl.  Il  semblait  que  n'osant  pas  aborder  de  front 

I  aussi  redoutable  ennemi ,  on  voulût  TétoufTer 

tus  des  volumes  de  lois.  Comme  sous  Louis  Xlll , 

oyait  à  cbaqne  duel  marquant  surgir  un  nouvel 

,.  U  en  fut  promulgué  sous  Louis  XIV ,  au-delà 

;ur  cette  matière ,  outre  de  nombreux  arrêts 

erfglement.  Tels  sont  ceux  de  juin  1643,  11  mai 

|^64i,  13  mars  1646,  septembre  1651  ,  mai  1653, 

168,   13  août,   14  et  30  décembre  1679, 

P4cembre  1704  et  octobre  1711-    Quelques-uns 

Teiifcnnent  plus  de  quarante   articles   développés 

iTcc  celte  prolixité  et  celte  exubérance  de  termes , 

alors  k  la  mode  dans  la  langue  législative.  La  plupart 

commencent ,  comme  les  deux  édita  de  Henri  IV, 

parce  protocole  :  Pivniièreme.nt ,  nous  exhorions 

laiu  lias  xujets,  et  leur  enjoignons  de  l'jivw  en  paix, 

union  et  concorde Et  se  terniineut  comme  ceux 


312  —  HISTOIRE  DB9  DOBLt.  — 

de  Louis  XIII ,  par  les  protestations  ordinaires 
de  n^accorder  jamais  grâce  ,  suivies  des  très^a> 
presses  inhibitions  et  défenses  aux  gens  de  justice 
d^avoir  le  moindre  égard  à  toutes  lettres  à  ce  cou- 
iraircs,  etc. ,  etc. . . .  On  y  voit  aussi  développé,  dans 
de  longs  préambules,  Thistorique  des  désordres 
toujours  croissans  causés  par  la  fureur  des  duek^ 
avec  un  grand  pathétique  d^expressions  de  regref 
pour  rindulgence  du  passé  et  de  menaces  de  sé- 
vérité pour  Tavenir.  On  jugera  par  Fanalyse  qui 
va  suivre  de  Fesprit  de  toute  cette  légidation. 

Le  duel  était ,  sous  Pancienne  monarchie,  si  bien 
considéré  comme  Tapanage  exclusif  de  la  Noblesse, 
que  c^élait  d^eUe  seule  que  les  lois  semblaient  s^oc- 
cuper ,  quand  elles  sévissaient  contre  les  duellistes; 
On  lit  dans  le  préambule  de  Tédit  de  1643  : 
u  N^ayant  rien  de  plus  il  cœur  que  la  conser-r 
vation  de  notre  noblesse ,  dont  la  valeur  si  célè- 
bre et  si  redoutable  par  toute  la  terre  n^est  ternie 
que  par  les  déréglemens  d^une  si  monstrueuse 
frénésie  ;  après  avoir  demandé  à  Dieu  ^  comme 
nous  faisons  et  ferons  tous  les  jours  de  tout  notre 
cœur ,  qu^il  veuille  lui  ouvrir  les  yeux  pour  dis* 
siper  ces  damnables  illusions  qui  la  transportent 
de  Famour  d^une  fausse  gloire  ,  nous  nous  sommes 
résolus,  etc.  » 

Le  même  édit ,   ainsi  que  tous  les  autres ,  ne 


-cniriTHE  XX. ~  21S 

'  ji»rlc  que  des  gentils  hommes  ,  iic  supposant  pas 

qu^il    puisse   se    prësciiler    de»    ms  de  duel  dans 

r  h  classe   rolurii>re   (juî   est  laissée  sous  l'empire 

gA>   druit   commun.   Celui   de    1651,    Art.     15, 

mlîent  m^me  à  ce  sujet  les  dispositions  iiuivanles  : 

I  W  D'autant  qu'il  se  trouve  des  gens  de  nnissanre 

I  ijptobie  ,    el   qui    n'ont  jtiuiiiiR   porti;    les  armes  , 

t  assez  insolens  p<»nr  appeler  des  gentils- 

,  lesquels  refusant  de  leur  fjiire  raison  , 

!t  de  la  difTérencc  des  conditions,  cesm^mcs: 

mîmes  suscitent  el  opposent  contre  ceux  qu'ils 

«ppeU-s ,    d'autres    gcntilsliommes  ;    d'où    il 

''Wnsuïl    qtieKpiefois    des    meurtres    d'autant  plus 

détestables ,   qu'i!*    proviennent   d'une  cause  ab- 

jwle  ;  nous  yoidons  et  ordonnons  qu'en  tel  cas 

d'appel  ou  de  combat,  principalement  s'ils  sont 

MÎrâ  de  quelques  grandes  blessures  ou  de  morl , 

les  dits  ignobles  ou  roturiers  qui  seront  duement 

itteints   et    convaincus    d'avoir   causé   et   promu 

de  semblables   désordres  ,    soient  sans  rémission 

pendus  et  étranglés,   tous  leurs  biens,  meubles: 

(k  immeubles  confisqués ;  permeUaiit  en  outre 

aux  juges  d'ordonner  sur  les  biens  cortfistfués  trlles 
"compenses  qu'ils  aviseront  caiwenables  aux  dé- 
"vnciaieurs  et  autres  qui  auront  découvert  les  dits 
''as ,  afin  que  dans  un  crime  si  punissable ,  chacun 
idit  invité  à  la  dénonciation  il'icclui.  >• 


214  —HISTOIRE  DES  DUELS.— 

Le  règlement  le  plus  général  fut  celui  d^août 
1679,  appelé  VEdit  des  duels.  Ce  crime  y  était 
déclaré  imprescriptible  :  la  peine  de  mort  était 
prononcée  tant  contre  ceux  qui  avaient  coml)attu 
que   contre   les  seconds  et  tiers.  Us  encouraient 
en  outre  la   confiscation   de   tout  ou   partie  de 
leurs  biens ,  selon  les  divers  cas.  Les  fiefs  étaient 
réunis  à  la  couronne  ;  les  gentilshommes  étaient 
dégradés  de  noblesse,  déchus  de  leurs  armoiries 
qui  devaient  être  noircies  et  brisées  par  les  mains 
du  bourreau.    Le  procès  était  fait  à  la  mémoire 
de  ceux  qui  avaient  succombé ,  et  leurs  cadavres 
traînés   sur  la   claie  j  puis  jetés  à  la  voirie.  Le 
pouvoir  civil  allait  enfin  jusqu\^«  les  déclarer  exclus 
de  la  sépulture  ecclésiastique.  La  simple  provo- 
cation en  duel  non  suivie  d^effet ,  était  punie  du 
bannissement  et  de  la  confiscation  de  la  moitié 
des  biens.  Quant  aux  commissionnaires  porteurs 
des   cartels ,  et  aux   domestiques    qui    assistaient 
leurs  maîtres  et  qui  jadis  devaient  être  pendus , 
ils  ne  furent  plus  soumis  qu^à  la  peine  du  fouet 
et  de  la  fleur  de  lys  (la  marque).   Cette  dispcv- 
sition   de   Fédit  fut   celle   qui   a  toujours  été  la 
mieux  exécutée.  Une  foule  de  précautions  étaient 
prises   en   outre ,  pour  qu^il  ne  fut  pas  possible 
d^éluder  Fapplication  de  ces  diverses  peines ,  soil 
en  Caisapt  passer  les   combats  prémédités  pour 


—  CHiPtTBG  Xï.  —  215 

des  rencontres  fortuites  ,  soit  en  allnnl  se  ballrc 
hors  du  royaume. 

Ce  qti'il  y  aTait  de  vérilablemenl  louable  dans 
cttte  k'gislalion ,  c'étaient  les  mesures  qu'elle  pres- 
crivait ,  afin  d'assurer  k  l'honneur  ofTensé  une 
légitime  réparation.  Ce  fut  l'objet  spécial  de  la  décla- 
nlion  de  décembre  1704,  sur  les  injures  privées. 
Les  gens  de  robe  qui  se  permeltaienl  des  oiitrages 
par  paroles ,  étaient  soumis  k  des  peines  sévères. 
Les  démentis ,  coups  de  mains  ,  ou  coups  de  canne 
ilaient  punis  de  prison  avec  réparation  d'iionneur 
m  sortant  ;  et  mdme  celui  qui  avait  donné  un 
■oufflet  devait  se  soumettre  k  en  recevoir  un  pareil 
de  son  adversaire.  C'était  la  peine  judakpic  du 
tdion  qui  n'a  jamais  été  dans  nos  mœurs  (219). 

Ce  fol. sous  Loub  XIV  que  les  tribunaux  d« 
point  d'honneur  reçurent  une  organisation  déii- 
iVÎtive.  L'édil  de  1643  et  ceux  qui  suivirent,  eon»- 
Stuérent  le  corps  des  maréchaux  de  France , 
juge  suprême  et  arbitre  souverain  des  différent 
nirvenus  dans  l'étendue  de  leur  juridiction.  Ce 
tribunal  faisait  citer  devant  lui  les  parties ,  les 
tccordait  si  faire  se  pouvait ,  ou  ordonnait  en 
IsTeur  de  l'ofTensé  ,  telle  satisfaction  qu'il  jugeait 
convenable.  Dans  les  cas  graves,  l'offenseur  était 
en  outre  passible  de  prison ,  amende  ou  bannis- 


216  —  HISTOtRE  DES   DUEI^. — 

sèment.  En  cas  de  refus  de  comparaître  deranl 
les  juges ,  il  était  envoyé  aux  récalcitrans  des 
gardes  ou  garnisaires ,  dont  Tentretien  demeurait 
à  leur  charge  pendant  toute  la  durée  de  la  con- 
tumace. Depuis  y  il  n^y  a  plus  eu  de  tribumaux 
du  point  d^honneur  ;  mais  on  a  trouvé  commode 
leur  forme  de  procéder ,  et  on  Ta  conservée  en 
matière  d^impôt  et  de  recrutement. 

Les  maréchaux  de  France  avaient  mèoie 
été  investis  du  droit  de  faire  des  réglemens  aui 
les  matières  soumises  à  leur  juridiction.  Il  en 
intervint  plusieurs  ,  parmi  lesquels  on  remarque 
ceux  des  22  août  1653  et  1679.  Ces  réglemens 
avaient  pour  objet  principal  de  prévoir  les  divers 
cas  d^injures ,  en  leur  appliquant  des  formes 
convenables  de  réparation  selon  leurs  dégrés  de 
gravité.  C^était  une  espèce  de  code  pénal  du 
point  d^honneur.  La  juridiction  des  maréchaux 
de  France  produisit  quelques  bons  effets,  sur- 
tout  dans  les  premiers  temps  de  son  organisation* 
Quelques  traits  cités  aux  deux  chapitres  suivans^ 
feront  juger  de  ce  qu^elle  était  devenue  peu  de 
temps  avant  sa  suppression  en  1790  (220)  « 

Toutes  ces  mesures  contre  les  duels  y  étaient 
toujours  accueillies  avec  cette  sorte  d^enlhouaiasme 
crédule ,  que  fait  naître  le  désir  d^étrc  déUvré 


^  CnWlTRf.  \\,  — 
tJ'uii  dt-sordre  univergeliemciil  sciili.  Tous  les 
écriU  «lu  lemps  rctcnlissajcnl  dos  louanges  du 
{jrand-roî ,  dont  le  bras  puissant  avait  enfui  ébattu 
iDuIeg  les  létes  de  l'hydre.  On  crojait  si  bien 
CD  1071  à  robolîtîon  définitive  du  duel , 
(îéce  de  vers  qui  portait  ce  titre  ,  oblint  cette 
véme  année  le  premier  prix  de  poésie  qui  ait 
ia  décerné  par  l'Académie  franmlse  (221). 
.  Mais  les  résultais  élaicnl  loin  dV-Ire  en  rapport 
iirec  les  brillanles  dluaions  auxquelles  tous  les 
Orurs  semblaient  empressés  de  s\ibnndonner. 
Plusieurs  causes  concouraient  encore  pour  rendre 
nines  les  précautions  les  plus  sages ,  et  ^-peu- 
Lprés  illusoires  les  dispositions  les  plus  sévères  : 
H  Celaient  d'abord  les  moeurs  du  temps ,  et  spé- 
cialement celles  de  la  Noblesse  dont  les  exemples 
tv aient  une  si  grande  influence.  C'était  aussi 
une  absence  réelle  non  seulement  de  fermeté  , 
■nais  même  de  franchise  de  !a  part  du  souverain. 
On  en   a    vu  assez  d'exemples  sous  le  règne  de 

^  Henri  IV.' Il  n'en  a  pas  manqué  sous  celui  de 
Louis  XIV.  On  y  trouve  un  peu  moins  de 
luuer-aller ,  mais  beaucoup  plus  de  dissimulation. 
C'était  bien  envain  qu'on  lisait  dans  les  édita  de 
«  régne  des  dispositions  telles  que  eellea-ci  : 

u  Et  combien  que  nos  sujets  ne  pussent  Siiiis 
^ninc  être  estimés  avoir  manqué  à  leur  lionueur 


218  —  HISTOTKE   DES  DUELS.  — 

en  obéissant  à  notre  présent  édh ,  et  reccYant 
en  la  forme  susdite,  la  réparation  et  satisfaction 
qui  leur  sera  ordonnée  par  nos  susdits  cousins 
les  maréchaux  de  France  ,  ou  gouverneurs ,  ou 
lieutenans  généraux  de  provinces  ;  néanmoins , 
afin  qu^il  ne  puisse  rester  aucun  scrupule  en 
Tesprit  même  du  plus  pointilleux  ,  nous  déclarons 
que  nous  prenons  sur  nous  tout  ce  que  Ton 
pourroit  imputer  pour  ce  regard  à  celui  qui 
étant  offensé ,  n^auroit  pas  fait  appeler  son  ennemi 
au  combat ,  ou  qui ,  étant  appelé ,  aura  par  la 
considération  de  ce  qu^il  doit  à  Dieu  et  à  nous , 
refusé  d^y  aller  et  de  se  rendre  coupable  d^uoe 
désobéissance  divine  et  humaine.  » 

<c  Et  d^autant  que  ce  faux  point  d'honneur 
qui ,  par  Tartifice  du  démon  ,  a  passé  jusqu^ici 
dans  l'esprit  de  notre  noblesse  pour  une  inévi- 
table quoique  cruelle  nécessité ,  est  cause  de  la 
maudite  honte  qu'ils  ont  de  refuser  ces  dueb 
abominables ,  comme  s'il  pouvoit  y  avoir  de  la 
honte  d'obéir  aux  loix  les  plus  saintes  de  Dieu 
et  de  son  église  et  aux  ordonnances  les  plus 
justes  de  leurs  princes  et  de  leur  patrie  ;  nous 
déclarons  et  nous  protestons  solennellement  que 
nous  tiendrons  non  seulement  pour  impies  et 
pour  criminels ,  mais  aussi  pour  lâches  et  san^ 
courage ,   ceux  qui  n'auront  pas  assez  de  gënè- 


—  CHAriTBE   XX.—  210 

foailé  et  de  vertu  pour  surmonter  ces  faibles 
iipiliJons  ,  qii'im  nbus  déleslalite  a  tlabllcs  niiitrc 
lotrtc  sorte  de  droit  justice  et  conscience.  » 
Edâ  de  1648,  An.  12  e(  16. 

Les  sentimens  et  la  conduite  si  opposes  du 
monarque  législateur ,  «  qui ,  k  la  date  m^me  de 
KS  édita,  comme  dit  Mercier,  signait  des  letlrcs- 
patentes  en  faveur  des  maîtres  d'ormes  ;  »  l'espril 
et  [es  habitudes  de  la  cour,  tout  autorisait  k  ne 
rousidèrer  de  pareilles  phrases  (|ue  comme  de 
Syle  dans  les  lois.  On  n'en  tenait  aucun  compte 
ri  le  courtisan  qui ,  dans  un  cas  de  duel ,  aurait 
eu  la  simplicité  de  compter  sur  l'opinion  offi- 
cielle du  prince ,  ou  sur  sa  bonne  volonté  à  se 
charger  des  consétpicnces  morales  d'un  refus , 
D'aurait ,  en  sus  de  l'infamie ,  recueilli  que  du 
ridicule.  Tout  était  doue  mcusonge,  hypocrisie, 
comédie  dans  le  langage  législatif.  Il  s'y  trouvait 
quelque  chose  de  pis  encore.  Que  dire  de  cette 
disposition  de  l'article  16  de  Tédit  précité  ?  n  Nous 
ordonnons  et  enjoignons  très  e^ipressémenl  k  ceux 
qui  seront  appelés  de  nous  en  donner  avis ,  au- 
qurl  cas  nous  accordons  dès  à  présent ,  comme 
pour  tors  ,  aux  dits  appelles  toutes  les  charges  , 
offices  et  pensions  des  appellans.  La  mOme  pensée 
K  retrouve  encore  dans  l'article  15  cité  plus 
liaut  de  l'édil  de  1651  :   et   elle  a  même  souillé 


220  --  HISTOIRE  DES  DUBI.8.  — 

jusqu^au  code  militaire  du  8  avril  1666 ,  qui 
promet  150  francs  de  gratification  et  son  congé, 
à  tout  soldat  qui  dénoncera  un  cas  de  duel  arrivé 
dans  son  régiment. 

Telles  étaient  les  idées  et  beaucoup  d^autres 
bien  plus  étranges  encore ,  dans  lesquelles  on 
entrait  le  plus  naturellement  du  monde  au  17.* 
siècle.  On  menaçait  de  partager  à  des  délateurs 
et  des  favoris  de  cour ,  les  biens  confisqués  sur 
les  duellistes.  On  sait  qu^à  la  révocation  de  Tédit 
de  Nantes,  on  ne  s^en  est  pas  tenu  à  de  simirfes 
menaces  pour  les  biens  des  Protestans.  Il  m 
s^agissait  pas  là  de  ces  lumières  qu^une  tardive 
raison  n^avait  pas  encore  fait  briller  aux  yeux 
de  nos  ancêtres.  11  s'agissait  comme  ,  dans  la  con- 
duite de  nos  rois  envers  leurs  maîtresses ,  et 
dans  ces  hommages  publics  que  celles-ci  arra- 
chaient à  Fhonneur ,  au  génie  et  à  la  vertu  du 
temps  ;  il  s'agissait ,  dis  -  je  ,  de  ces  principes 
d'étemelle  morale  qui  sont  de  tous  les  temps  et 
de  tous  les  pays ,  et  pour  lesquels  il  n^est  permis 
à  qui  que  ce  soit  au  monde  de  prétexter  cause 
d'ignorance  (222). 

Comme  nous  l'avons  déjà  remarqué ,  le  duel 
trouva  Palimcnt  le  plus  actif  dans  les  guerres  ci- 
viles de  la  Fronde  qui  ne  furent  cUes-mémes  qu^une 


—  CTIAPITHE    Sï.   —  221 

Liorie  i]e  duel  collectif,  enire  dt^s  rivalités  de  cour 
Btde  mesquines  nitibitions  de  boudoirs. 
H  L'esprit  de  discorde  el  de  faelion,  dît  Volliiire, 
nit  passé  de  la  cour  jti3(|ii'aiix  moindres  villes. 
tt  se  disputait  tout ,  parce  qu'il  n'y  avait  rien  de 
'  riglé.  n  n'y  avait  pas  justpi'auT  paroisses  de  Paris 
qui  n'en  Tinssent  aux  mains.  Les  processions  se 
ballaienl  les  unes  contre  les  autres ,  pour  l'honneur 
de  leurs  bannières.  On  avait  vu  souvent  les  cha- 
nnines  de  Notre-Dame  aux  prises  avec  ceux  de  la 
Siinte-Chapelle.  »  Le  duel  ^  coups  de  livres,  dans 
ie  Lutrin  de  Boileau ,  n'est  donc  pas  en  rivalité ,  un 
^isode  tout-à-fait  fantasticiue. 

"Le  Parlement  et  la  Cliambre  des  comptes  s'étaient 

btltiispour  le  pas,  dans  l'église  de  Notre-Dame, 

le  jour  que  Louis  XIII  mil  son  royaume  sous  la 

protection  de  la  Vierge  Marie.  Presque  toutes  les 

I      coBimunautés  du  royaume  étaient  armées  ;  presque 

b^Iriis  les  particuliers  respiraient  la  fureur  du  duel. 

^pGelte  barbarie  gothique  autorisée  autrefois  par  les 

mi»  m^mea  ,  et  devenue  le  caractère  de  la  nation , 

•contribuait  encore ,  autant  que  les  guerres  civiles 

Il  étrangères ,  à  dépeupler  le  pays.  Ce  n'est  pas 

Inip  dire  que  dans  le  cours  de  vingt  années  ,  dont 

<lii  avaient  été  troublées  par  la  guerre  ,  il  était  mort 

piutile  gentilshommes  français  de  la  main  des  Fran- 

'';■»»  mêmes  <pie  de  celle  des  ennemis.  » 


—  HISTOIRE  DBS  DUBU. — 

c(  Nulle  décence ,  dit  encore  le  même  auteur , 
nulle  bienséance  ni  dans  les  procédés ,  ni  dans  les 
paroles.  Orner  Talon  rapporte  qu^il  entendit  des 
conseillers  appeler,  en  opinant,  le  cardinal-premier 
ministre  yà^um.  Un  conseiller  nommé  Quatresous 
apostropha  rudement  le  grand  Gondé  en  plein  par- 
lement. On  se  donna  des  gourmades  dans  le  sanc- 
tuaire de  la  justice.  Il  y  avait  eu  des  coups  échangés 
à  Notre-Dame ,  pour  une  place  que  les  présîdeai 
des  Enquêtes  disputaient  au  doyen  de  la  Grande- 
chambre,  en  1644....  Ce  désordre,  en  tout  geDre, 
continua  depuis  1644  jusqu^en  1658 ,  d^abord  wum 
troubles,  enfin  dans  des  séditions  continuelles,  d^un 
bout  du  royaume  à  Tautre.  Le  grand  Gondé  s'ou* 
blia  jusqu^à  donner  un  soufflet  au  comte  de  Rieux , 
fils  du  prince  d^Elbeuf ,  chez  le  duc  d^Orléans; 
ce  n'était  pas  le  moyen  de  regagner  le  cœur  des 
Parisiens.  Le  comte  de  Rieux  rendit  le  soufflet  au 
vainqueur  de  Rocroy  ,  de  Fribourg ,  de  Norlingue 
et  de  Lens.  Gette  étrange  aventure  ne  produisit 
rien.  Monsieur  fit  mettre,  pour  quelques  jours,  le 
fils  du  duc  d'Elbeuf  à  la  Bastille  ,  et  il  n'en  fut  plus 
parlé.  Siècle  de  Louis  XI F,  Chap.  II  et  V. 

Il  parait  que  les  distributeurs  de  soufflets  jouaient 
un  des  principaux  rôles  dans  la  Fronde  ,  et  qu^ib 
avaient  adopté  pour  cliamp  de  bataille ,  le  visage 
des  membres  de  la  famille  d'Elbeuf.   Le  duc  de 


—  CHAPITRE  x\.  —  223 

Beaurnrl ,  Gis  d'un  biilard  de  Henri  IV,  sumomniÉ 
k  liai  des  halles ,  k  cause  de  Ib  grossièreté  de 
•es  manières  ,  voyant  que  les  esprits  se  rappro- 
ehaienl ,  demanda  au  président  de  BeUiévre ,  s''il 
K  changerait  pas  la  face  des  alTaires  en  donnant 
ou  soufflet  au  duc  d'Elbeuf.  — Je  ne  crois  pas, 
rr/jondit  le  magistrat ,  que  cela  puisse  changer 
autre  chose  que  Ui  face  Je  Monsieur  le  duc. 

Plus  lard  en  1652,  ce  même  due  deBcaufortse 
ktlit  pour  une  querelle  de  préséance  aTec  son 
beau-frère,  le  duc  de  Nemours,  et  le  lua  d'un 
coup  de  pistolet.  Ils  avaient  chacun  quatre  seconds 
qui ,  selon  l'usage  ,  se  battirent  en  même  temps 
qu'eux.  Le  marquis  de  Villars,  qui  secondait 
Nimours ,  lua  aussi  son  adversaire  d'iléricourt , 
qu'il  n'avait  jamais  vu  auparavant. 

On  lit  dans  les  Mémoires  de  M."*  de  Mottevaie, 
que.  Irais  ans  auparavant,  ce  Deaufort  étail  allé 
ivec  six  de  ses  amis ,  insulter  grossièrement  le  duc 
lie  Candallc ,  et  avait  ensuite  refusé  de  se  battre 
ivec  lui ,  sous  le  prétexte  qu'd  ^lait  son  cousin  ger- 
main. Peu  de  temps  après ,  cet  honorable  chef  de  la 
Fronde  obtint  la  survivance  de  l'amirauté  (223) . 

Le  cardinal  de  Retz  était  la  l^te  de  cette  sédition , 
dont  Beauforl  était  l'un  des  bras.  Le  célèbre  coad- 
piteur  savait  manier  l'épéc  aussi  bien  que  l'inlrigue, 
comme  on  en  peut  juger  par  ses  piqiians  Mémoires, 


224  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

et  il  iiMiésitail  pas  à  dégainer  en  <!lianip  clos  pour  ses 
opinions ,  comme  sous  Louis  XIII ,  le  cardinal  de 
Guise  prétendait  le  faire  pour  ses  procès  (224). 

Vers  la  fin  de  1643 ,  il  s^éleva  une  violente 
querelle  entre  la  belle  duchesse  de  LongueYille^ 
sœur  du  grand  Condé ,  et  la  duchesse  de  Mont* 
bazon  ,  belle  -  mère  de  madame  de  Cheyreuse , 
toutes  trois  célèbres  par  les  intrigues  dont  elles 
remplirent  la  cour  d^Ânne  d^Âutriche ,  régente  du 
royaume.  Le  sujet  de  celle  querelle  qui  décida  la 
chute  de  la  faction  des  Importons,  était  un  billet 
doux  d^une  main  de  femme ,  qu'on  supposa  tombé 
de  la  poche  du  comte  de  Goligny ,  au  moment  oii 
il  sortait  du  salon  de  Madame  de  Montbazon.  Ce 
billet  fut  attribué  à  Madame  de  LongucTilIe ,  qui 
apprit  bientôt  que  des  propos  peu  charitables 
avaient  été  tenus  sur  son  compte ,  par  Madame  de 
Montbazon.  Non  contente  des  excuses  qu'elle  força 
celle  dernière  à  lui  faire  par  ordre  de  la  reine , 
elle  exigea  du  comte  de  Goligny ,  son  amant  en 
titre ,  d^appeler  en  duel  le  favori  de  Madame  de 
Montbazon ,  ce  célèbre  duc  de  Guise  dont  j'ai  fait 
connaître  le  caractère  au  précédent  chapitre.  Le 
combat  eut  lieu  en  plein  jour  à  la  place  royale. 
Le  comte  de  Goligny  blessé  mortellement  d'un 
coup  d'épée ,  mourut  peu  de  temps  après.  Les  deux 
seconds ,  d'Estrades  et  de  Bridieu ,  se  battirent  en 


CtliMTItl!  M.  —  22fl 

t«tnp«  :  ce  dernier  fui  bleni.   Singulière 

iCUalité  1   L'amiral  ilc  Coligny,  la  praniére  et  la 

i|)]iis  illiiiilrc  viirlime  du  lu  Saint- Riirlliél^my ,   est 

•Tgh  sous  les  jriix  cl  par  \v»  ordres  d'un  duc  de 

risc.  A  70  ans  dc-IA ,  c'est  encore  de  In  main  d'un 

itt-Uls  de  ce  duc  do  (luise,  que  p^ril,  dans  un 

ici ,  le  petil'ftU  de  l'amiral  de  Coli^y . 

Madame  de  Longneville  iilturliiiit  un  grand  pris 

il  ce  combnt ,  dont  on  dit  m^mc  tpi'ellc  voulut  i^lre 

limoîn  derrière  une  jalousie.   HUv  n'en  recueillit 

^'•ulre  fruit ,  outre  la  jicrte  de  son  favori ,  qu'une 

idianson  fort  omére  dont  elle  fut  l'objet  i>   cette 

iwxasion ,  et  que  rapporte  Madame  de  Motteville 

idaiis  SCS  filr'-rnoires. 

■  Le  duc  de  Guise  ne  fut  p.is  plus  inquiéta  pour  le 
meurtre  de  Coligny  ,  cptc  ne  l'avait  Hé ,  sous  le 
«ègne  procèdent ,  le  chevalier  de  Guise ,  son  oncle , 
|iour  celui  des  deux  baroui  du  Lus.  Code  violation 
édits  sÈvèrcs  du  fou  roi  Louis  \til,  qui  avait 
eoîtié  la  vie  aux  comtes  de  Itoutteviile  et  de  Ros- 
madec ,  domin  lieu  seulement  k  quelques  informa- 
ilinns  du  Parlement ,  qui  nV-mpi^clu^renl  pas  le  duc 
;de  GuÎM  de  se  montrer  en  public  cl  de  suivre ,  un 
I  m  après ,  le  dxiv  d'Orl/'aikS  nu  siège  de  (îravclineii. 
I  D  cat  vrai  que  Ricliciieu  t-tait  mort  l'année  pré- 
eMenlr.  Quant  ti  d'Dsirades,  second  de  Coligny , 
Bridicu,  il  devint  par  la  suite  ma* 
\i 


226  —  HISTOIRE  DES   DUELS.  — 

réchal  de  France.  Foyez,  à  Tégard  de  ce  d^Es« 
trades,  la  note  281  de  la  page  242. 

Maiarin,  dont  le  caractère  politique  fut  la  finesse, 
comme  celui  de  Richelieu  avait  été  la  violence ,  en 
usait  à~peu-près  de  même  que  son  prédécesseur  à 
regard  des  duellistes,  en  substituant  toutefois  les 
procédés  italiens  à  Téchafaud.  Il  ne  s^occupail 
guéres  de  ceux  qui  se  battaient  ou  s'assassinaient, 
que  quand  sa  politique  y  était  intéressée.  C^esl  ce 
dont  le  comte  de  Rochefort,  qui  était  passé  àscm 
service  après  la  mort  de  Richelieu,  son  premier 
maStre ,  cite  aussi  plusieurs  exemples  dans  ses  Mé^ 
moires.  En  voici  qui  pourront  Caire  juger  et  delà 
politique  du  cardinal ,  et  de  la  vie  privée  que 
menait  encore  alors  la  plus  haute  noblesse. 

c(  Le  hazard  ayant  voulu  que  je  fisse  coterie  avec 
le  comte  dllarcourt,  cadet  du  duc  d'EIbeuf  d*au«- 
jourd^bui ,  je  me  trouvai  un  jour  engagé  dans  une 
débauche,  où  après  avoir  bu  jusques  à  Texcés, 
on  proposa  d'aller  voler  sur  le  Pont-Neuf.  Cétaient 
des  plaisirs  que  le  duc  d'Orléans  avoit  mis  à  la 
mode  en  ce  temps-là.  Le  chevalier  de  Rieux ,  cadel 
du  marquis  de  Sourdeac,  qui  répugnait  comme 
moi  à  cette  partie ,  ne  fut  pas  plutôt  arrivé  sur  le 
Pont-Neuf,  qu'il  me  dit  que  pour  ne  point  faire 
comme  les  autres,  il  nous  fallait  monter  sur  le 


-ClIAPITRR    XX.—  227 

[llin  ni  <1e  bronxc ,  et  que  de  -  \ii  nous  verrions 
nt  il  notre  aise  ce  qui  se  passerait.  AussitAt  dit , 
■sitùt  fait  ;  nous  grimpons  du  côté  du  cheval ,  et 
lus  servant  des  r^nes  pour  mellre  le  pied,  nous 
Pftnes  si  bien  que  nous  nous  assîmes  tous  deux  sur 
le  cou.  Les  autres  étaient  cependant  à  guetter  les 
passans,  et  prirent  quatre  ou  cinq  manteaux.  Mais 
quelqu'un  qui  avait  Hè  voR-  ayant  été  se  plaindre , 
Ici  ftrcIierB  vinrent ,  et  nos  gens  ne  trouvant  pas  la 

(partie  égale ,  s'enfuirent  d'une  grande  vitesse.  Nous 
nvnuliïmes  faire  autant;  mais  les  rénea  ayant  cassé 
IMS  le  chevalier  de  Bicux ,  il  tomba  sur  le  pavé 
faidant  que  je  demeurai  perché  comme  un  oiseau 
ée  proie.  Les  archers  n'eurent  que  faire  de  lanterne 
Bunle  pour  nous  découvrir.  Le  chevalier  de  Bieux 
<]m  l'était  blessé ,  se  plaignait  comme  s'il  eut  été 
(Mi'i  de  fendre  l'âme,  et  étant  accouma  au  bruit, 
ils  m'aidèrent  à  descendre  malgré  moi   et  nous 
menèrent  au  Châtelet.  » 
I         ftochcfori  raconte  ensuite  comme  quoi,  grilccs 
^■A  l'intervention  de  Messieurs   de  Marillac  et  de 
Vibzarin ,  il  réussit  h  se  tirer  de  ce  mauvais  pas , 
~  Dmobstant  une  information  du  Parlement  et  après 
quatre  mois  de  détention  dans  un  cul  de  basse  fosse. 
Quant  à  Rieux  ,  il  avait  été  assez  peu  généreux 
piiur  se  tirer  d'embarras  aux  dépens  de  son  compa- 
r  qui  il  fit  enanrtc  de  rejeter  tout  l'odieux 


r- 


228  —  mSTOIRE    DFS  DUELS.— 

de  cette  affaire.  Rochefort  alla  de  ce  pas  le  pro- 
voquer en  duel  ;  et  comme  il  ne  voulut  pas  se 
battre ,  il  lui  donna  du  plat  de  son  épée.  Il  s^adressa 
ensuite  au  comte  d'Harcourt,  qui  se  rabattant  sur 
sa  qualité  lui  opposa  le  même  refus.  Il  s^adjoignit 
alors  un  capitaine  du  régiment  de  la  marine  , 
nommé  Des  Planches ,  voisin  du  comte  d^Harcourt, 
en  Picardie ,  et  qui  vivait  mal  avec  lui.  Nos  deux 
compagnons  coupèrent  ses  arbres  et  dépeuplèrent 
toute  sa  terre  de  gibier.  Rochefort  alla  ensuite  offiîr 
ses  services  à  un  autre  seigneur  du  même  pays, 
le  comte  de  Créquy-Bernieulles ,  contre  le  marquis 
de  Sourdeac,  frère  du  chevalier  de  Rieux,  son  com- 
pagnon à  Pexpédition  du  Pont-Neuf.  «  Ils  étaient 
non  seulement  en  procès,  dit-il ,  mais  ils  se  faisaient 
la  guerre  dans  les  formes.  Ils  allaient  effectivement 
en  partie  Pun  sur  Pautre ,  et  souvent  il  y  avait 
quinze  ou  seize  cents  hommes  de  chaque  côté , 
comme  si  Pon  eut  voulu  donner  une  bataille  rangée.» 
c(  Je  crus ,  continue  notre  auteur ,  que  j'en 
avois  assez  fait  pour  témoigner  mon  ressentiment. 
Etant  revenu  à  la  cour,  M.  le  cardinal  me  demanda 
d^oii  je  venois.  Je  n^osois  pas  lui  avouer  la  vérité  ; 
mais  je  fus  tout  surpris  quand  il  me  dit  que  j^avois 
bien  fait ,  et  quUl  m^en  estimoit  davantage  ;  cpie 
Le  Sens  de  Folleville  qui  étoit  un  gentilhomme  de 
ce  pays ,  lui  avoit  tout  conté  ;  que  je  n^avois  que 


-CHAPITRE    XX.-  229 

bire  (le  rien  craindre ,  et  qu'iiu  etnitrairo  je  pouvois 
tieuiipter  sur  sa  protection.  Je  le  renterciai  de  sa 
ruté,  etc.  » 

liieiilôt  après  le  eomie  d'Ifarcourt  qui  cherehait 

K<l0ule5  les  oceasiona  de  se  venger  de  Rocheforl , 

"'fcri  dépêtTha  un  de  ces  bravaches ,  comme  il  n'en 

manquait  pas  alors ,  nommé  Bréanté  ,  proche  pn- 

reut  de  ce  marquis  de  Hréaulé ,  qui  sYtait  rendu 

célèbre  par  des  prouesses  extraordinaires  en  fait 

de  duel ,  au  siège  de  i!ois-Ie-Duc ,  et  dont  il  sert 

)wI6  au  chapitre  ^XIX.  Ce  Brèauté  avait  loujnuni 

ila  bouche  le  nom  de  son  parent,  dont  il  raeonlait 

le*  exploits  et  la  mort  glorieuse  en  champ  clos , 

Briîoutant  qu'on  n'aurait  pas  de  lui  ai  bon  marché 

^Ht  autres  Tan  far  o  un  ad  es  semblables.  11  vint  donc,  de 

Il  part  du  comte  d'Hareourt,  chercher  querelle  à 

fiocliefort  qu'il  blessa  gricTcment.  Blcssil-  lui-même 

jll  la  cuiâse,  il  avait  emporté  IV-péc  de  sou  adversaire 

tes  son  patron ,  oii  cette  victoire  fut  célébrée  par 

e  partie  de  débauche. 

I  Rochefurt   avait  reçu  un  coup  d'épéc  qui   lui 

tjaal  traversé  les  poumons  et  loul  le  corps  de  part 

I  part,  le  mit  long-temps  en  danger  de  mort. 

K  M.  le  cardinal,  dit-il,  qui  baissait  le  comte  d'ilar- 

lurt  et  sa  maison ,  parce  qu'elle  lui  avait  toujours 

opposée ,  se  déclara  uuverleniciit  pour  moi , 

A  dit  eu  présence  de  tout  le  monde  :  que  Bréaulé 


230  -*  mSTOIAE  DES   DI7BLS«  — 

n'avait  qu'à  se  bien  cacher ,  ei  que ,  a^il  tombdl 
entre  ses  mains ,  il  lui  apprendrait  h  queieHer  les 
gens  de  sang  froid.  Il  n'en  demeura  pas  là  y  et  pour 
faire  dtpil  au  comte  d'Iiarcoart ,  plutôt  que  par 
Tamiliè  qu'il  avait  pour  moi ,  il  m'envoya  son  chi*- 
rurgien  et  une  bourse  de  cinq  cents  écus.  Des 
Planches  vint  en  outre  m'annoncer  que  le  cardinal 
Pavait  fait  appeler ,  pour  lui  dire  de  se  rendre  en 
sa  terre  avec  quelques-uns  de  ses  amis,  lorsque 
la  campagne  serait  finie  ,  et  de  faire  tout  ce  qu^ 
pourrait  pour  faire  enrager  ce  comte  ;  que  Soik 
Eminence  souhaitait  que  je  fusse  de  la  partie ,  dèa 
que  je  serais  sur  pied.  En  effet,  l'étant  allé  fe« 
mercier  après  ma  guérison,  il  me  dit  qu^il  aerail 
bien  aise  que  je  fisse  ce  voyage.  » 

Rochefort  se  rendit  en  effet ,  après  la  campagne^ 
à  la  terre  du  comte  d'Harcourt,  de  concert  avec 
Des  Planches  qui  se  faisait  escorter  de  plusieufs 
soldats  de  sa  compagnie ,  pour  y  recomm^K^^ 
leurs  avanies.  Mais  il  arriva  que ,  dans  la  route ,  ila 
prirent  querelle  ensemble  en  sortant  de  table ,  se 
jetèrent  des  assiettes  au  visage  et  se  battirent  à  coupa 
de  poings  faute  d'épées.  On  se  sépara  fort  ennenûftw 
La  partie  néanmoins  fut  renouée  bientôt  apréa. 
Des  Planches  qui ,  sous  un  prétexte ,  avait  envoyé 
Kochefort  braconner  seul  sur  les  terres  du  comte 
d'Uarcourt ,  se  mit  en  embuscade  avec  ses  gens  i 


d  lui  envoya  une  (lét:liarj!;e  de  ilvriiére  une  iiaie. 

Il  essaya  ensuite  de  s'en  excuser,  en  lui  assurant  qu'il 

BTiiil  cru  tirer  sur  les  gêna  du  comte  d'Uarcourt. 

«  J'avais  résolu ,  dit  noire  auteur ,  en  partant  de 

diez  lui ,  de  tirer  raison  d'une  telle  siipercliene 

dont  je  n'étais  pas  la  dupe;  mais  M.  le  cardiual  à 

qui  j'avais  dit  le  sujet  pour  lequel  je  m'Étais  retiré 

I     H  promptement,  m'en  lit  une  si  expresse  d^feuse 

^L|Be  je  o 'osai  jamais  y  contrevenir.  » 

^B  Le  cardinal  n'avait  garde   d'exposer  ainsi  des 

I     gens  d(»ntU  savait  tirer  un  tel  parti.  CeDcsI'laiiehcs 

M  fut  cassé  de  son  réginienl  qu'après  la  guerre , 

pour  une  querelle  avec  son  colonel.  Il  reçut  alors 

<iuroi  lui-même,  devatitqui  il  avait  osé  se  présenter, 

me  verte  réprimande  et  l'ordre  de  se  retirer  dana 

V  M  terres,  «  d'oii  il  ne  sortit,  dît  RocheFort ,  que 

^nttur  venir  épouser,  k  Paris,  la  fille  de  M.  de  Rrillae, 

H  tonacillcr  de  la  grande  Chambre.  Mais  sa  femme 

n'syaol  pas  eu  te  pouvoir  de  le  retirer  de  la  dé- 

bwtrhe,  il  creva  cinq  ou  six  ans  après,  ïi  furee 

de  boire  (225).  » 

Tels  étaient  les  aigrefins  du  temps ,  et  le  cardinal 
Mazarin ,  leur  protecteur.  Rouhefort  en  était  le 
l>  pe ,  comme  les  Vitaux ,  les  Lngarde  Valon  et  les 
Boulteville  sous  les  trois  régnes  précédens ,  comme 
le  duc  de  Richelieu,  les  olievaiiersd'Eon  et  de  Saint- 
Georges  sous  les  règnes  qui  vont  suivre.  Chacun  de 


282  -^HISTOIRE  DES  D0BL6. — 

ces  personnages  semble  reproduire  très-fidélemeiil 
dans  son  caractère ,  toutes  les  nuances  des  mœurs 
du  temps  où  ils  s^escrimaient. 

Vers  cette  même  époque,  eut  lieu  à  Bruxelles,  oii 
était  le  prince  de  Condé ,  le  duel  qui  coûta  la  TÎe  à 
son  écuyer  Beauvais ,  à  la  suite  d^une  querelle  avec 
un  gentilhomme  qu^il  avait  voulu  devancer  en  moDr 
tant  un  escalier  chez  le  prince.  On  se  battit  deux 
contre  deux.  L^un  des  seconds  fut  tué ,  et  Beauvais 
reçut  lui-même  un  coup  de  pistolet  à  la  tête ,  dont 
il  mourut  quelques  jours  après.  Beauvais  avait  plu- 
sieurs enfans  d^une  femme  avec  laquelle  il  n^était 
pas  marié,  cntr^autres  une  iillc  nommée  Uraniei 
qui  épousa  en  1682,  Louis -Thomas  prince  de 
Savoie  ,  comte  de  Boissons  ,  fils  aine  du  prince 
Eugène-Maurice,  dont  il  va  être  ci-après  parlé. 
Le  prince  de  Condé  fut  voir  son  écuyer  au  lit  de  la 
mort ,  et  fit  tous  ses  efforts  pour  le  déterminer  à 
recevoir  un  prêtre,  et  à  légitimer  ses  enfans  en  épou- 
sant sa  concubine  ;  il  n^en  put  jamais  rien  obtenir. 

Malgré  de  tels  exemples  dont  le  bruit  retentissait 
sans  cesse  à  la  cour  et  ailleurs ,  le  duc  de  Navailles , 
pair  et  maréchal  de  France ,  et  dont  un  des  ancêtres 
avait  perdu  la  vie  dans  un  tournoi ,  avait  le  courage 
de  faire  alors  profession  publique  de  n^accepter 
aucun  duel.  Il  raconte  lui-même  dans  ses  Mémoires, 


-cniPiTnE  XV.  — 


233 


Miàf.  fil,  P^S^  '56,  qu'il  fut  mi  jour  provoqué 
Kpniclanl  la  campagne  de  1654,  riYlaiit  encore  que 
Seutcnanl'génèral ,  par  un  de  ses  colléffues,  M.  de 
U  Salle ,  à  l'occasion  d'une  diflicultù  de  préséance 
dans  le  commandement.  Ilrcj'usa,  dit-il,  pnrcequ'il 
imail promis  à  Dieu ,  et  qu'il  ne  tioulait  pas  iléso- 
héir  aux  ordivs  du  roi. 
Y.U  1661 ,  le  m^me  duc  de  Navailles  fui  encore 

^t|rpelè  en  duel  par  le  prince  Eugéne-Miiurice  de 
SftToie ,  comte  de  Soissona ,  à  la  suite  d'un  démêlé 
Mr«emi  entre  leurs  femmes  ,  dames  d'honueur  de 
h  reine,  qui  se  disputaient  l'Iionneur  de  lui  pré- 
KDter  la  chemise  i\  sa  toilette.  Le  duc  de  Navailies, 
b^dil  Madame  de  Motleville ,  i-efusa  comme  c/iréiien. 
^F-'tie  roi  Jit  semblant  d'exiler  le  comte  de  Soissons. 
La  femme  de  celui-ci  Était  Oljnipe  Mancini ,  nièce 
de  Mazarin ,  dont  il  eut ,  outre  Louis-Thomas  ci- 
dessus  nommé ,  le  célèbre  prince  Eugène ,  dont  les 
talens  militaires  furent  si  funestes  à  la  France.  Le 
plus  puni  fut  encore  le  duc  de  Navaillca  ,  qui ,  après 
•Toiressuyé  les  plus  humiliantes  djsgriîces,  fut  aussi 
iCurcè ,  lui  et  la  duchesse ,  de  quitter  la  cour  (226) . 
£n  1063,  dit  le  Président  Hènault,  eut  heu  le 
duel  des  deux  Lafrclte,  Saint- Aignan  et 
Argenlieu;  contre  Chalais,  Noirmoutiers ,  d'Anlin 
et  Flamarcns.  »  Ce  duel  en  cfTct  iit  grand  bruit ,  et 
quelques-unes  de  ses  circonstances  peuvent  témoi- 


» 


234  —HISTOIRE  DBS  DUELS.— 

gner  du  cas  qu^on  faisait  à  la  cour  des  édita  pro« 
hibilifs ,  depuis  même  que  le  Grand-roi  y  avait  mis 
son  nom.  En  voici  les  principaux  détails  tirés  des 
Mémoiivs  de  Rochefort. 

<(  M.  de  La  Frette  atné  était  au  bal  au  Palak 
royal.  En  sortant,  il  poussa  M.  de  Chalais,  à  qui  il 
en  voulait  pour  une  maîtresse.  S^ils  avaient  eu  des 
épées ,  il  serait  arrivé  du  désordre  ;  mais  chacun 
étant  habillé  pour  le  bal ,  ils  nouèrent  la  partie  pour 
se  battre  le  lendemain  trois  contre  trois.  Le  roi  en 
fut  averti ,  et  envoya  le  chevalier  de  Saint-Aignen, 
pour  dire  à  La  Frtlle  qu^ii  lui  défendait  les  voies 
de  fait ,  et  que  s^il  passait  outre ,  il  lui  ferait  couper 
le  cou.  Saint-Âignan  qui  était  son  cousin  germain  ^ 
rayant  trouvé  ,  lui  fit  son  compliment  ;  à  quoi 
La  Frette  répondit  quMl  était  trop  de  ses  amis  pour 
rompre  une  partie  qui  était  faite,  ajoutant  qu^il 
valait  bien  mieux  qu^il  en  liA  lui-même,  et  que 
Chalais  trouverait  bientôt  un  homme  à  lui  donner. 
Saint- Aignan  ,  sans  considérer  qu^il  venait  de  la 
part  du  roi ,  accepta  la  partie  et  Ton  manda  à 
Chalais  de  chercher  un  homme  de  plus.  Les  huit 
combattans  furent  La  Frette,  Ovarti  son  frère  cadet, 
depuis  appelé  d^Âmilly  qui  était  lieutenant  aux 
gardes,  le  chevalier  de  Saint- Aignan,  le  marquis 
de  Flamarens  d^une  part  ;  et  d'autre  part,  le  prince 
de  Chalais ,  le  marquis  de  Noirmoutiers  son  beau^ 


» 


frcre,  le  mar(Hii8ii'Anliii,lrèredeM.  de  Mutilespan, 
d  le  vk'omte  d'Argeuliew .  Le  combal  ne  devint 
fuDcsle  qu'au  marquis  d'Âiilin  ,  qui  fut  lue  luut 
raîde.  Le  roi  Fui  dans  une  fuiivuac  colère ,  surtout 
contre  le  cltevalier  de  Siiiut-Aigiian  qui  était  aussi 
plus  k  blâaier  que  les  autres.  Cependant  leur  sort 
fut  tgai  ;  car  il  fallut  i]uMs  aongcassent  lous  à  quitter 
le  royaume  (327). 

Le  duc  de  Saint-Aignan ,  quoiqu'il  fût  très  en 
(àTcur ,  ne  voulut  rien  faire  pour  son  fds ,  disant 
qu'il  n'avait  que  ce  qu'ilmùrilait.  Les  deux  La  Frelle 
qtii  s'étaient  réfugiés  h  Rome ,  furent  plus  heureux. 
Eo  1670,  la  duchesse  de  Chaulnes  pria  son  mari 
tfâ  y  était  ambassadeur ,  de  faire  une  démarche 
^rc»  du  Pape  en  leur  faveur,  «  Clément  X ,  dit 
Saiol-Simon ,  s'entremit  pour  solliciter  leur  grAce 
de  Louis  XIY,  avec  offre  de  le  relever  de  son 
lenncnt  contre  les  duellisics.  Le  roi  n'y  pouvant 
«miscntîr  pour  les  conséquences,  voulut  bien  néan- 
IBoins  les  laisser  revenir  à  Paris,  it  la  charge  do 
changer  de  noms.  Waîs  un  jour  il  arriva  que 
Mousicur,  frère  du  roi,  mécontent  qu'on  eût  fouillé 
tout  le  Palais  royal ,  pour  rechercher  son  premier 
maître  d'hûtel  à  l'occasion  d'un  autre  duel,  s'en 
plaignit  amèrement ,  ajoulant  qu'on  n'y  regardait 
de  si  prés  pour  les  deux  La  Frelte,  dont  on 
Idénut  le  séjour  à  Paris.  Le  roi  rt'pondil  gravement 


23ft  —  HISTOIRE  DBS  DUELS.  — 

que  la  chose  u^étail  pas  possible,  que  néannuMiii  îl 
s'en  ferait  informer.  Il  ordonna  en  effet  qii^oa  les 
reclierchàt  tous  deux ,  mais  après  leur  avoir  fait 
donner  avis  de  disparaitre  pendant  les  recherches , 
pour  revenir  aussitôt  après.  Mémoires  de  Sainl^ 
Simon,   Tom.  J. 

Voltaire  s'exprime  ainsi  dans  le  Siècle  de 
Louis  XIF'y  au  sujet  du  duc!  du  chevalier  de  La- 
Irette  avec  le  prince  de  Chalais  :  «  Ce  fameux 
combat,  qui  eut  lieu  en  1663 ,  fut  ce  qui  détermina 
Louis  XIV  à  ne  plus  pardonner.  Son  heureuse  sér 
délité  corrigea  peu-à-peu  notre  nation  et  même 
les  nations  voisines  qui  se  conformèrent  à  nos  sages 
coutumes ,  après  avoir  pris  nos  mauvaises.  U  y  a 
dans  TEurope  cent  fois  moins  de  duels  aujourd'hui 
que  du  temps  de  Louis  XIII.  »  Il  n'y  a  de  vrai  dans 
ce  passage  que  la  remarque  qui  le  termine.  Louis  XIH 
avait-il  donc  épargné  les  édits  contre  les  duellistes  ? 
£t  en  fait  de  sévérité,  Téchafaud  de  Boutteville  et 
de  Rosmadec  n'était-il  pas  autrement  significatif  que 
le  court  exil  des  deux  La  Frctte  ?  Pourquoi  donc 
la  sévérité  de  Richelieu  aurait-elle  été  moins  heu* 
reuse  que  celle  de  Louis  XIV  ?  L'effet  se  produitrîl 
en  sens  inverse  de  la  cause  ?  Si  Ton  a  vu  moins  de 
duels  sous  Louis  XIV  que  sous  Louis  XIII ,  il  y  en 
avait  eu  moins  sous  Louis  XIII  que  sous  Henri  IV  ; 
comme  il  y  en  eut  moins  ensuite  sous  Louis  XV  (]ue 


^  aUFITKB  XX.  —  2S7 

Lrait  XIV,  €t  MNit  Louit  XYI  qne  «mm 
IxNnt  XV.  Cetl  im  progrès  dont  h  canN  sHdenliEe 
«Tcc  1a  filirdie  graduelle  de  la  raiaon  huaname.  Od 
Terra  cependant  que  la  tévérité  suÎTÎt  tous  ces  dÎTcrs 
régnes ,  une  progretâon  également  décroisunle. 

Quoique  Voltaire,  ainsi  (pie  beaucoup  d'autres 
Ustofiens,  aient  représenté  Louis  XIV  comme  ayant 
«i  imposer  aux  duellistes  par  la  sagesse  de  ses  édits 
d  sa  fermeté  à  y  tenir  la  main ,  il  serait  difficile  de 
ciier  d^autre  exemple  de  sérérité  sous  son  règne , 
fat  rezécution  à  Toulouse,  en  1689,  d^un  marquis 
de  La  Donie ,  condamné  pour  avoir  tué  déloyale- 
Baenl  en  dud  son  beau  frère.  Si  cette  rigueur  fit 
ipidque  effet  sur  le  public ,  elle  n'en  fit  guères  sur 
le  patient.  Comme  son  confesseur  l'exhortait  k  de- 
aModer  pardon  à  Dieu  du  crime  qu'il  avait  commis: 
Stmdis  I  mon  père,  lui  répondit-il ,  appete»^vùus 
tfime  le  plus  beaufait  d'armes  de  la  Gascogne  ?••• 

On  ne  saurait  pourtant  méconnaître  que  cette 
■èccMité  pour  les  duellistes  de  se  cacher ,  et  quel- 
fois  même  de  se  condamner  k  un  exil  plus  ou 
long,  n^ait produit  quelques  bons  effets;  ne 
fat-ce  cpi'en  les  obligeant  à  prendre  des  précautions 
et  en  les  empêchant  de  braver  trop  ouvertement  la 
BMirale  publique.  Mais  il  y  avait  de  la  part  du  roi 
trop  d^négalités  et  trop  peu  de  franchise  dans  cette 
sévérité  à  laquelle  il  voulait  faire  croire,  pour  qu'on 


238  —  HISTOIRE  DES  BUVL^w  -^ 

ait  pu  avec  justice  lui  faire  honneur  de  résultais 
qu^il  n^a  réellement  pas  obtenus.  De  nouveaux 
exemples  d'une  date  postérieure  au  dud  des  La 
Frette  ,  vont  le  démontrer  suffisamment. 

En  1689 ,  eut  lieu  un  combat  assez  célèbre  que  le 
Président  Hénault  a  noté  dans  son  Abrégé  clirono- 
logique,  celui  des  comtes  de  Brionne  et  d'Uautefort. 
Le  dernier  avait  provoqué  le  premier  par  le  motif 
qu'il  refusait  d'épouser  sa  sœur,  après  avoir  paru  la 
rechercher  en  mariage.  Tous  deux  furent  blessés. 
Le  Grand-Prévôt  informa.  Le  Parlement  évoqua 
TafTaire  ;  les  deux  accusés  tinrent  prison  quelque 
temps  ;  mais  tout  se  termina  sans  autre  dommage 
pour  eux.  âicmoùvs  de  M.^  de  Lafayette^ 

Saint-Simon  parle  aussi ,  dans  ses  Màxnoires  p 
Tom.  ly  II  cl  III y  de  diverses  affaires  d'honneur 
qui  eurent  heu  vers  la  fin  du  règne  de  Louis  XIV^ 
et  dont  les  suites  furent  toujours  à-peu-près  lea 
mêmes. 

Lors  du  célèbre  démêlé  qui  éclata  en  1694 ,  rela- 
tivement aux  préséances  des  ducs  et  pairs ,  les  duce 
de  Luxembourg  et  de  Richelieu  se  lancèrent  force 
factums  à  la  tête  ;  puis  quand  on  fut  las  de  grif- 
fonner ,  on  se  provoqua.  «  RicheUeu ,  ayant  ren* 
contré  au  palais  le  duc  de  Luxembourg  qui  était 
capitaine  des  gardes ,  fut  droit  k  lui ,  et  lui  dit  qu'il 
ne  le  craignait  ni  à  pied ,  ni  à  cheval ,  ni  lui  ^  uî  sa 


—  cHAPirnE  \x.  —  239 

lequelle,  ni  h  la  cour,  ni  h  la  ville,  ni  m^tnc  à 
l'irmée ,  quand  bien  mfmc  il  irait ,  ni  en  aucun  lieu 
du  monde.  »  L'afTairc  bc  termina  par  des  excuses 
réciproques  et  la  rétractation  des J'aciums. 

Il  En  I69S,  ilarrivali  Mcudon,  eliezleDaupliin, 

une  scène  fort  étrange.  On  jouait  après  souper,  et 

noDseigneur  était  allé  se  coucher.  Il  survint  un 

i     cmip  qui  occasionna  une  dis]nile  entre  le  prince  de 

»Conti  et  le  Grand-Prieur  de  Vendôme  (arriére  petit- 
É)  Ak  Henri  IV  et  de  Gabrielle  d'EsIrèes).  Celui-ci 
f  l'iTant  pris  avec  aigreur,  s'attira  une  cruelle  répartie 
■iti  le  prioce  de  Conti  (anrail  k  bout  portant  et  sa 
fiiiélilé  au  jeu ,  et  son  courage  h.  la  guerre,  l'un  et 
liutre  à  la  vérité  fort  peu  nets.  Là-dessus  le  Grand- 
Prieur  s'emporte ,  jette  les  cartes  et  lui  demande 
ulîsEBction  t'épée  k  la  main  de  celte  insulte.  Le 
prince  de  Conti ,  d'un  sourire  de  mépris ,  l'avertit 
qn'il  lui  manquait  de  respect ,  mais  qu'en  même 
l«nps  il  était  facile  k  rencontrer ,  allant  partout  et 
loujouraseul.  L'arrivée  de  Monseigneur,  toutou  en 
ï  de  chambre ,  que  quelqu'un  alla  avertir , 
k  tous  deux.  Il  envoya  aussitôt  rendre 
''fwnpte  au  roi  de  ce  qui  venait  d'arriver.  Le  lende- 
main le  Grand-Prieur  fui  envoyé  à  In  ISasUlIe,  et 
u'ra  sortit  qu'à  la  cliargc  de  faire  ses  excuses  au 
pfÎDCc  de  Conti.  »  Celui-ci  usait  du  privilège  île 
prince,  comme  le  comte  de  Soissonssous  Henri  IV, 


J 


240  ^  HISTOIRE  DES  DT7ELS.  -^ 

«  toutefois  la  qualité  de  légitime  ches  un  prince , 
peut  lui  donner  droit  d^insulte  envers  celui  qui 
ne  Test  pas. 

L'année  précédente ,  1697,  Emmanuel-Maurice, 
fils  aine  du  comte  de  Latour  d^Âuvergne  ,  lieu- 
tenant-général,  et  lui-même  Grand^croix- profite 
de  Tordre  de  Malte ,  avait  eu  une  rencontre  aree 
le  chevalier  de  Caylus ,  nom  célèbre  en  eaciime. 
u  La  querelle ,  dit  Saint-Simon ,  était  venue  pour 
du  cabaret  et  des  gueuses.  D^ Auvergne  acheva  de 
se  déshonorer  en  courant  éperdu  par  les  rueS| 
Tépée  à  la  main ,  dont  il  s'était  misérablement  servi. 
Caylus ,  qui  était  fort  jeune  et  s^était  bien  battu ,  se 
sauva  hors  du  royaume ,  et  le  comte  d^ Auvergne 
profita  de  cette  occasion  pour  que  son  fils  n^y  rentra 
plus.  »  Il  fut  pendu  en  effigie  à  la  Grève,  et  moiimt 
peu  d'années  après.  Caylus  fit  fortune  en  Espagne, 
et  ne  revint  en  France  que  sous  la  régence. 

c(  £n  17C0 ,  le  roi  ordonna  que  les  comtes  d^Uiés 
et  d'Albert ,  pour  s'être  battus  contre  les  comtes  de 
Bantzaw,  danois ,  et  de  Schartzcnberg,  autrichien, 
se  remettraieiil  à  lu  Conciergerie  :  ils  prirent  Itt 
large.  Barbexieux  envoya  courre  après  son  beau- 
frère  qui ,  sur  sa  parole  ,  se  remit.  Le  comte  d'Al- 
bert ne  revint  ({ue  long-temps  après  dans  la  même 
prison.  11  fut  cassé  pour  sa  désobéissance ,  et  le  roi 
voulut  que  Monseigneur  disj>osat  de  sQn  régiment 


—  ntti-iTiiE  ST.—  241 

df  rfrajfon*.  A  la  fin  ils  sortirent  l'un  et  l'autre  ; 
nuis  d'Albert  ne  piil  Jninais  être  rétabli.  11  /tait  plus 
■pie  bien  avoi-  Madame  de  Luxembourg  ;  Ranliaw 
niiwi.  lïc-lii  vint  la  querelle  dont  la  raison  fui  açue 
ilclnnl  le  monde  et  fit  tm  Mrange  bruit.  » 

^iiil-Sttnon  raconte  encore ,  à  la  date  de  1709, 
li'  Irait  suivant,  l'un  des  demien  de  ce  régne  et 
)Kiit-étre  le  plus  singulier  en  fait  de  duel.  «  M.  de 
lluÎMenil ,  éruyer  du  roi ,  accompagnant  S,  M,  dans 
snii  voyage  A  Nancy,  surprit  un  individti  trichant 
MJcu  ;  il  le  démasqua  en  pleine  compagnie.  Celuî- 
ci  en  demanda  raison.  Boisscuil  lui  répondît  qu'il 
w  «e  battait  pas  arec  un  fripon  ;  —  Celn  peut  éire , 
f»pli(|Ufl-t-il ,  mais  je  n'aime  pas  qu'on  me  le  dise, 
Ilsaftérent  auMilàt  sur  le  terrain.  BoisscuJly  rem- 
Itourîa  deux  coups  d'èpÉe  de  l'un  desquels  il  pensa 
mourir.  Le  joueur  prit  la  fuite.  Personne  n'ignora 
f cite  aventure.  Le  roi  qui  la  sçut  des  premiers,  par 
himlé  pour  Roisseuil ,  la  voulut  toujours  ignorer,  cl 
jintia  blessure  pour  ime  maladie  ordinaire  (228).» 
Je  renvoie  aux  Éclaiitiisemens  hisioriques  la 
plaisante  histoire  dn  duel  de  Lafontaine  avec  un 
•iciK  capitaine  de  dragons  qu'il  croyait  l'amant  de 
M  femme.  Ce  trait  n'est  pas  le  moins  original  de 
oetn  qu'on  remarqiic  dans  la  \ic  de  l'auteur  de 
tsnl  de  naÏTCT  et  spirituelles  êpigrammes  contre  In 
(223). 


242  *—  HISTOIRE   DES   DUELS.  — 

On  trouvera  le  récit  dHui  grand  nombre  d^autres 
affaires  d^honneur  dans  les  Mémoires  du  temps, 
et  notamment  dans  ceux  d^Artagnan ,  officier  des 
mousquetaires  ,  qui  nous  a  laissé  aussi  ses  Cote- 
fessions  comme  le  comte  de  Rochefort ,  dont  il  eut 
plus  d^une  fois  Thonneur  d^étre  le  rival  ou  le  com- 
pagnon d'aventures  (230) . 

Telle  fut  il  Tégard  des  duels  la  politique  réelle  de 
Louis  XIV  y  et  la  manière  dont  il  fit  exécuter  sei 
nombreuses  ordonnances.  Son  indulgence  se  signala 
même  envers  plusieurs  femmes  qui  jouèrent  le  rèk 
de  duellistes,  comme  on  le  verra  au  Cbap.  XXYUI. 
Jamais  sous  son  règne  un  officier  n^eut  impunément 
refusé  un  duel  ;  jamais  aucun  chef  militaire  n^eot 
souffert  qu^on  s^abstint  d^en  proposer ,  dans  tous  les 
cas  où  Fusage  avait  consacré  cette  forme  de  répa- 
ration. L^officier  chassé  du  régiment  aurait  çu 
tout-à-fait  mauvaise  grâce  de  se  plaindre  en  couTi 
où  ses  doléances  auraient  été  fort  mal  reçues;  d 
tout  cela  nonobstant  les  édits  et  ces  scandaleuses 
gratifications  promises  aux  délateurs  dans  le  code 
pénal  militaire,  y.  ci-dessus y  Pag.  219  e/  220. 

Du  reste  cette  extrême  susceptibilité ,  déplorable 
source  de  tant  de  querelles  entre  les  particuliers ,  se 
rencontrait  jusques  dans  les  relations  des  souverainSi 
et  pouvait  s'autoriser  de  leurs  exemples.  On  vit 


'CHAPITRE  IX.  —  243 

menacer  l'Espagne  d'une  guerre  pour 
nccs  diplomatiques,  et  exiger  de  la  cour 
Rome  les  plus  liumilimitcs  satisfactions  pour  une 
Tclle  de  laquais  (231). 

La  guerre  est  le  duel  des  rois,  avec  celle  difTé- 
lieu  d'une  victime  ,  il  lui  faut  des  héca- 
ibes  ;  que  les  champs  clos  sont  des  provinces ,  et 
le  le  peuple,  comme  ces  C/iampions  gagés  du 
lyen  Age ,  se  bal  souvent  pour  des  intérêts  qui  ne 
it  pas  les  iriens.  En  duel  comme  h  la  guerre  ,  il 
>mve  ordinairement  que  le  vainqueur  n'est  guéres 
moins  k  plaindre  que  le  vaincu,  Lnuis  XIV  en  £l 
PexpérieDce.  Son  règne ,  comme  celui  de  la  plu- 
part des  conquérans,  fut  partagé  À-peu-prés  par 
^ales  portions  entre  les  succès  et  les  revers.  Ses 
furent  heureuses  tant  qu'il  combattit  pour 
ler  des  limites  naturelles  à  la  France ,  qui  jouit 
mcore  aujourd'hui  du  fruit  de  sesconqui^les.  Mais 
Il  fortune  commença  k  lui  devenir  infidèle ,  quand 
il  tira  l'èpée  pour  abaisser  les  Pyrénées.  Son  règne 
commencé  dans  la  gloire  s'éleignil  dans  l'humilia- 
lion.  Le  prestige  de  l'autorité  s'était  évanoui  avec 
relui  de  la  victoire.  Quand  le  Grand-roi  mourut , 
l>  Monarcliie  parut  descendre  dans  le  sépulcre  avec 
lui.  Ce  peuple  qui  tremblait  <i  aon  aspect  insulta  son 
cercueil;  el  le  Parlement ,  où  il  entrait  le  fouet  à  la 
main,  s'en  vcugca  sur  son  Icslanu'ul. 


Linnea 
Hirionne 


CHAPITRE    XXI. 


Duels  au  XVIII. •  fièole.  —  Régence.  —  Règne  de 
Louis  XV.  —  Dernier  édit  contre  le»  duels.  — 
Principaux  duellistes.  —  Tolérance  cnnssante.  — 
Révolution  dans  les  mœurs.  —  Influence  de  la 
philosophie. 


Un  monument  qiie  n'ont  arrosé  ni  les  larmes,  m 
le  sang  des  peuples  y  a  été  éle^é  par  le  siècle  de- 
Louis  XIY  dans  cette  littérature  admirable ,  magni- 
fique ,  mcréèe ,  qui  a  mérité  à  ce  prince ,  plutAt 
que  ses  conquêtes,  le  surnom  de  Grand ,  et  qui  tens 
toujours  son  plus  beau  titre  de  gloire.  Ces  (raifiibles 
triomphes  ont  illustré  la  France  sans  TappauTrir , 
et  les  reyers  de  la  fortune ,  qui  ont  renversé  nos 
trophées  guerriers ,  n^ont  jamais  flétri  nos  lauriers 
littéraires.  Le  Génie  des  lettres ,  des  sciences  et  des 
arts ,  bien  plus  sûrement  que  celui  de  la  guerre ,  a 
conquis  à  la  France  le  premier  rang  parmi  les 
nations.  L^Europe ,  qui  a  toujours  repoussé  la  do- 
mination de  nos  armes ,  s'est  depuis  long-temps 
soumise  à  notre  influence  civilisatrice.  Louis  XIV 


:.-  245 

^vait  pW-parée  è  devenir  française  «nus  led  pat 

pgaiitcsqucs   de  NnpoUon  ,   rommu  l'Asie    était 

■  devenue  grecque  dnns  la  course  d'Alexandre  (232) . 

Le  18.*  siède  fui  une  époque  de  criticisme  à  la 

foispoUlique,  moral  et  religieux.  Pendant  son  cours, 

Ici'orpssocialsubil  une  complète  dissolution.  C'était 

■  opérattofi  préliminaire  d'une  rénovation  dont  Is 

terme  marqué  dans  les  dé-crets  providentiels  était 

Dct:i>nipli  ;  c'était  le  préalable  nécessaire  d'une  ré- 

[»»tne  radirale ,  comme  la  refoule  sert  à  dég.içer  ui» 

uiclil  précieux  des  souillures  qui ,  pendunt  un  long 

uiBge,  en  ont  terni  Téclot. 

Celle  époque  ne  fut  qu'un  pénible  el  laborieux 

1  nTinteoietit  ;  et  si  on  la  considère  indépendamment 

L  de  SI  r£sullats ,  on  pourra  dire  qu'elle  est  la  plus 

Idffdorahle  de  nntre  histoire.  Quand  clic  eommcnça, 

B  Inng  despotisme  avait  iibiUardi  toutes  les  âmes  ; 

0  flail  las  de  contrainte,  r)LS3a.sié  de  grandeurs, 

de   gloire  et  on  uc   respirait  plus   que   le 

.   L'exemple  de  Pliilippe  d'Orléans,   régent 

b  royaume  pendant  le  iniuOrilé  de  Louis  XV, 

■  ttlraiaa  toute   la  eour   dans  cette   voie  funeslc. 

Louii  XIV  avait  appelé  sou  neveu  ,  un  fiuij'aj-on  de 

■fices.  Celui-ci  o"o  rien  oublié  de  ce  qui  pouvait 

jimifier  un  tel  surnom.  A  la  gal«ntcrie  majestueuse 

fi  polie  de  l'ancienne  coitr ,  il  fit  suceédcr  une 

drbuidie  cynique.  Le  libertinage  ne  fut  plu»  un 


246  —  HISTOIRE   DE5    DUELfl.  — 

ffcandale ,  mais  une  mode  ;  on  tira  vanité  du  vice  et 
on  rougit  de  la  pudeur  comme  d\m  préjugé. 

Insouciant  par  caractère ,  voluptueux  par  prin- 
cipes ,  le  Régent  jouissait  du  présent  sans  soucis 
pour  Tavenir.  Simple  dépositaire  du  pouvoir ,  il 
lui  importait  peu  qu^il  s'altér&t  moralement  dans  ses 
mains ,  pourvu  qu^il  en  conservAt  le  mécanisme 
matériel  au  jeune  enfant  dont  il  exerçait  les  droits. 
Il  s^habitua  donc  à  fermer  les  yeux  sur  tout  ce  qui 
ne  blessait  pas  directement  son  autorité.  Ainsi  on  le 
vit  s^affranchir  à  Tégard  dos  duels  de  ces  faux  sem- 
blans  de  sévérité  que,  pour  Thonncur  des  principes, 
affectait  Louis  XIV.  La  tolérance  devint  plus  franchci 
et  ne  chercha  plus  à  prendre  le  masque  d'une  feinte 
colère.  On  se  trouva  donc  beaucoup  plus  k  Taise 
pour  se  battre.  L'exil  volontaire  ou  forcé  ne  fut  plus 
à  craindre.  Il  ne  resta  que  le  Parlement  qui  continua 
d'informer  pour  la  forme ,  mais  avec  lequel  il  fut 
toujours  assez  facile  de  s'arranger. 

La  publication  récente  des  Soui^enirs  de  la  mar- 
quise de  Créqui ,  a  jeté  un  jour  nouveau  sur  cette 
histoire  du  18.*^  siècle,  sujet  qu'on  croyait  épuisé. 
Les  citations  suivantes  sont  le  tableau  le  plus  piquant 
qui  puisse  être  présenté  de  l'esprit  du  temps ,  de  la 
poUtique  du  Régent  sur  les  duels ,  et  de  la  singulière 
manière  de  procéder  des  juges  du  Point  d'honneur. 


■BE  sxi.  —  247 

Il  La  fermel6  rigoureuse  cl  salutaire  àe  Louis  XIV 
lavutsibienamorli  ta  fureur  des  ttucls,  eu  arr<!lant 
I  et  torrent  de  sang  qui,  depuis  les  derniers  Valois, 
I  trait  entraîné  dans  Kablme  une  si  grande  partie  de 
ftliiiobletse  de  Franre,  qu'on  n'avnilpas  nui  parler 
d'un  seul  duel  depuis  dix-sept  ans  (233) .  » 

a  Six  semaines  ou  deux  mois  penl-étre  après  la 
mort  du  roi  ,  on  apprit  que  deux  ofReiers  aux 
Girdes  françaises  Tenaient  de  s'escrimer  impcrli- 

Inemmenl  sur  le  quai  des  Tuileries,  au-dessous  de  la 
teiTuse ,  en  plein  jour  cl  en  plein  soleil  d'Ht.  Mois 
«HDine  il  se  trouva  que  e'étail  deux  jeunes  gens  de 
■mille de  robe,  IM.Ieducd'Orl^ansselrouvasibien 
Mp^tré  dans  ses  obligations  et  ses  combinaisons 
piËtiques  envers  Messieurs  du  Parlement ,  qu'il  se 
eonlmU  de  les  renvoyer  du  r/rgiment  des  Gardes  et 
de  leur  faire  passer  quinie  jours  en  prison,  1,'nn 

kfeux  était  M.  Ferrand  dont  le  père  était  conseiller 
i  la  première  des  Enquêtes  ;  et  l'autre  un  fits  de 
H.  Girardin  ,  l'intendant  de  manne  à  Toulon, 
raurai  l'occasion  de  reparler  de  celui-ci  qui  fut 
Uessé  grièvement  ;  et  c'était  pour  la  possession  d'un 
cbal  d'Angola  qu'ils  s'étaient  battus  J>  Pi-pée.  M.  le 
Régent  se  les  fil  amener  pour  les  chapitrer  ;  et  vu  le 
beau  sujet  de  la  dispute ,  il  leur  dit  qu'ils  n'auraient 
â  s' attaquer  qu'avec  les  ongles.  Le  tribunal  de  la 
iConi>£t8i>lie  ne  s'tlail  pas  soucié  d'inter\eiiir  dans 


248  ^  HISTOIRE  DES  OUEL8.  — 

leur  aiïairc  ,  sous  prétexte  que  Tun  de  ces  deux 
assaillans  u^était  pas  gentilhomme  ,  et  qu^il  aurait  jhi 
décliner  la  juridiction  des  justes  du  Point  d^honneur  ; 
ce  qui  n'était  guèrcs  à  supposer ,  et  ce  qui  fit  penser 
que  la  judiciaire  des  maréchaux  de  France  avait 
été  rouilléc  par  le  défaut  d^excrcice  (234) .  » 

c(  Si  nous  savions  combien  la  N  oblessc  des  autres 
pays  nous  envie  cette  juridiction  de  nos  maréchaux^ 
et  combien  les  étrangers  admirent  cette  institution 
du  Point  d'honneur  qui  n'existe  qu'en  France^  nous 
en  serions  plus  orgueilleux  que  de  leur  avoir  fourni 
PEncyclopédic  et  Vllonnne  aux  40  ècus.  Cette 
autorité,  qui  ne  s'étend  que  sur  ki  Noblesse,  a  son 
origine  dans  la  souveraine  juridiction  que  la  Gon- 
nétablie  exerçait  jadis  sur  lesjugemens  par  chain* 
pions —  Kcoutez  le  récit  d'une  autre  belle  affaire 
qu'on  plaida  l'année  suivante  à  la  Connétablie.  » 

c(  M.  l'abbé  d'Aydie,  qui  n'avait  d'un  abbé  que 
le  costume  et  deux  prieuis^  commandataires ,  avait 
reçu  d^un  jeune  commis  des  finances ,  un  coup 
d'épée  dans  la  cuisse.  C'était  chez  une  demoiselle 
de  l'Opéra.  Madame  la  duchesse  de  Berry ,  fille  du 
Bégent ,  lui  fit  quitter  le  collet  pour  la  croix  de 
Malte.  On  a  parlé  de  lui  pendant  long-temps  sous  le 
nom  du  chevalier  d'Aydie ,  et  puis  sous  celui  du 
comte  de  Riom  ;  car  c'est  un  même  personnage  et 
le  même  favori  de  cette  folle  princesse  (23>). 


I  poursulLe , 


Depttift  qii'il  avait  repris  l'épée ,  le  n 

fuinDccs  ^-hiit  L'Oiiliimtillcmcnl  h  i 

Tuukùt  loujtiuTB  le  faire  s'aligner.  IM.  d'Ajdie  se 

Ijattil  \oloiitten>  quoire  uu  cinq  fois  ;  mais  la  du- 

«-licsa«deBcrry  liitil  par  en  prendre  de  l'iiiquiÉtude. 

J'^ilc  fit  déitoDcer  la  querelle  au  Point  d'iionnour,  et 

voilà  ces  deux  champions  assignas  devimt  la  C<m- 

D^taUle.  Celait  le  mart-chsd  de  Chamilly  qui  prë- 

sidait  le  tribunal;  et  tout  aussitùl  qu'il  eut  appris 

cjiie  TadvcrBaire   du   clievaliejr  n'était  pas  gentil- 

iHHUmc, il  s'écria  :  <i  Que  diable  vicut-il  faire  iti?.., 

Ll  fiQurt/uoi  /loas  oftpelle-t-il  Monseigneur}..,  Est- 

te  ifiic  lu  pentes  que  nous  serons  ton  jiiga?  Est-ce 

Tue  tu  nous  pivnds  pour  un  évctjae  ou  pour  un 

g        ganle  des  tcaaujc  ?  Nous  ne  voulons  pas  que  tit 

^B    tiwti  ojtpeUes  Monseigneur. ->..  El  puis  lu  nous 

^H.  tieiu  fUre  que  lu  t'appcl/es  Boulon.  Est-ce  que  la 

f^f   prkrnds  te  moquer  du  monde?...  —  Et  le  voilà 

il«nt  une  abominable  colère,  paroc  que  ce  jeune 

thumuie  avait  pris  la  liberté  de  l'appeler  Monseî- 
peur,  el  qu'il  se  domiait  des  airs  de  s'appeler 
l^uloD.  Il  ne  sortit  pas  tie-là.  Mais  il  est  bon  de 
■ovDÎr  qi¥e  cette  qualification  de  Monseigneur  n'est 
iiTorilée  par  nous  aux  maréchaux,  que  pan'e  qu'ils 
■ont  les  yigea  de  la  Noblesse,  et  que  les  uncieiia 
a'iioiaieDt  pas  ii  se  la  voir  dunuer  par  des  roturiers. 
Jl'iuub  dirai  du  reste ,  et  saut  respect  pour  le  bAtuu, 


250  —  HISTOIRE   DES   DUELS.  — 

que  le  maréchal  qui  se  montrait  si  pointilleux ,  ayait 
nom  Bouton  de  Chamilly.  » 

a  Le  tribunal  eut  la  malice  de  recommander  au 
père  de  la  duchesse  de  Berry  ,  de  vouloir  bien  faire 
emprisonner  Tamant  de  sa  fille  au  fort  de  Ham ,  et 
par  lettre  de  cacliet ,  afin  de  lui  apprendre  à  se  con- 
former aux  édits  ;  et  pour  deux  ans ,  portait  la  ce* 
dule,  attendu  qu^il  avait  accepté  de  se  battre  avec  un 
roturier.  La  duchesse  de  Berry  lui  fit  avoir  sa  grâce 
au  bout  du  semestre.  Le  commis  avait  été  renvoyé 
libre  comme  le  nuage ,  parce  qu'il  n'était  pas  justi- 
ciable du  Point  d'honneur.  Mais  la  princesse  du 
chevalier  d'Aydie  le  fit  traquer ,  claquemurer , 
poursuivre  par  les  gens  du  Parquet ,  et  la  méchante 
ne  prit  nul  repos  qu'elle  ne  l'eut  fait  pendre  ;  ce  qui 
s'effectua  le  19  juin  1719 ,  à  l'horreur ,  au  scandade 
et  à  l'animadvcrsion  de  tout  Paris.  »  Sou%^nirs  de 
MJ^  de  Crcquiy  Tom.  I,  Cliap.  X. 

Un  mois  après ,  jour  pour  jour ,  cette  Messaline 

expirait  elle-m(?mc  h  l'âge  de  vingt-quatre  ans 

Voilh  donc  quelle  était  encore  au  18,®  siècle  la  ma- 
nière dont  on  entendait  les  lois  sur  le  duel  !  Entre 
l'échafaud  de  Boulle>ille  et  cet  atroce  gibet  élevé 
par  la  fille  du  Régent  à  la  vengeance  d'un  amant , 
il  y  a  toute  la  distaïK^e  qui  sépare  le  grand  nom  d'un 
Richelieu,  d'avec  celui  d'un  Pliilippe  d'Orléans. 
Quel  progrès  depuis  un  siècle  ! . . . 


.-  251 

1717,  eut  lieu  un  autre  duel  qui  ne  (ît  pas 
is  de  bruit  que  celui  de  Fcrraiid  et  de  Girm-diii. 
r  Coiiladi'3  ol  Brillae,  dit  Saint-Simon,  ne  pou- 
raipnl  8c  souffrir  Vua  raulre.  Le  samedi  1 2  juin  ,  ils 
e  r«»direnl  dan»  une  nie  iiihabilùe  prùa  l'orangerie 
«les  Tuileries,  et  1^  se  ballirenl  bel  et  bien.  Brillae 
Fui  légèrement  blessé  et  disparut  aisément.  Contadcs 

ÉTut  dangereusement,  et  il  fallut  le  reporter  ehe» 
.  Ce  fut  un  grand  vacarme.  On  les  eiiIcTa,  on 
Jia  Conlades  dans  le  fonds  de  Thùlcl  de  Nuailles. 
(Il  se  mil  en  compagne  pour  lui.  Les  Orammont, 
Noailles,  les  Villars,  le  premier  Président  et 
■n  d'autres  en  Tirent  leur  propre  affaire;  et  le 
Bégenl  n'ayait  pas  moins  d'envie  qu'eux  de  les  ca 
Urer.  II  encoàtadu  temps,  des  peines  et  de  l'argent, 
cl  l'nflaire  s'en  alla  en  fumée.  A  la  fin  de  tout, 
Conlades  et  Brillae  parurent  une  fuis  au  Parlement 
pour  la  forme ,  et  il  ne  s'en  parla  plus.  »  Comme 
d'F,slrades  qui  avait  été  le  second  de  Coligny,  ce 
Conlades  devint  aussi  maréchal  de  France. 

ILes  choaes  se  passèrent  encore  de  m^mc  k  l'égard 
de  deux  autres  seigneurs,  Jonzac  et  Villetle,  frère  de 
U  comtesse  de  Caylua ,  qui  s'étaient  battus  en  pleia 
jour  sur  le  quai  des  Tuileries.  Ce  dernier  quitta  le 
riiyaurae ,  mais  l'autre  en  fui  quille  pour  se  caciier 
liirlquc  temps,  fut  absous  cl  ne  perdit  point  soB 
rniplui  à  la  cour.  Aient,  de  Saùu-Siitioti ,  'font  Xf^m 


232  ^  HISTOIRE   DES    DUELS.  — 

Duclos  s'exprime  ainâ  dans  ses  Mémoires  sea^ets, 
sur  les  senlimens  du  duc  d^Orléans  à  Tègard  des 
duels.  «  Si  le  Régent  eut  eu  dessein  de  maintenir 
les  lois  et  le  bon  ordre,  il  aurait  profité  du  duel  entre 
Ferrand ,  capitaine  au  régiment  du  roi,  et  Girardin, 
capitaine  aux  (lardes,  pour  faire  un  exemple  ;  mais 
il  se  contenta  de  leur  faire  perdre  leurs  emplois. 
Sans  s'expliquer  trop  ouvertement ,  il  insinuait  </ue 
les  duels  étaient  un  peu  tivp passés  de  niode  (236).» 

c(  L'habitude  d'obéir  sous  Louis  XIV ,  dit  Vol- 
taire ,  fit  la  sûreté  du  Régent  et  la  tranquillité  publi- 
que. »  Mais  celui-ci  ne  comptait  pas  d'une  manière 
trop  absolue  sur  ce  moyen  passif  de  gouyemement 
Il  sut  prendre  encore  d'autres  précautions  contre 
l'active  mobilité  du  caractère  national  :  il  lui 
donna  pour  aliment  l'agiotage ,  comme  il  lui  avait 
donné  pour  distractions  des  orgies.  L'Ecossais  Law 
de  Lauriston  qu'il  mit  à  la  tête  des  finances ,  avait 
commencé  à  se  faire  connaître  comme  habile  duel- 
liste^ avant  les  exploits  d'un  autre  genre  qui  lui 
valurent  une  si  triste  célébrité.  Néanmoins  la  paix 
régna  dans  la  rue  Quincampoix  où  il  avait  établi  ses 
tripots.  On  n'y  vit  pas  de  duels  ;  mais  il  arriva  qu^un 
jour  la  sûreté  en  fut  compromise  par  un  assassinat. 
Entre  des  joueurs  acharnés,  le  poignard  est  une 
arme  plus  logicpic  que  ri'pée.  Il  se  trouva  que  Tua 


drs  mcurlii 
beau 


rs  imil  le  t'omte  ilo  liorn ,  ji-une  el 
r  belge,  (ipparlennnt  pnr  iillianre  niix 
premières  maisons  de  la  cour  el  mùmc  ii  celle  du, 
Jt^gfrnl ,  qui  n'en  fut  pas  moins  inexorable  en  celle 
«,-irconstance.  It  r^sisla  qux  actives  sollicitations  des 
personnages  les  plus  élevés  en  crédit  et  en  dignilé, 
miiiquels  se  joignirent  des  dames  de  haut  parage, 
clonl  <|uelques-unes  traitaient  le  comte  de  liorn  en 
fiiiiori.  La  peine  de  la  roue  tut  prononcée  contre 
!r  coupable ,  et  le  duc  d'Orléans  ne  consentit  m^e 
pas,  malgré  les  clameurs  de  tant  de  familles  qui  se 
cnnaienl   déshonorées  par   cette  condamnation , 
it  ngner   une    commutation    de    cet  ignominieux 
supplice. 
On  8Taîl  cru  jusqu'à  présent  que  Philippe  ne 
^B     l'était  montré  aussi  inflexible    en  cette  occasion  , 
^H    ijucpour  l'amour  de  Laiv,  et  dans  riutérét  de  sa 
tH^     bloque.  Mais  la  marquise  de  Créqui ,  parente  du 
nmdamné ,  el  l'une  des  illustres  solliciteuses  dont 
le  wle  avait  si  mal  réussi ,  a  donne  dans  ses  Souvenirs 
Va  autre  motif  k  cette  sévérité  qui  nVtail  pas  dan» 
I» habitudes  du  Régent.  Suivant  elle,  le  corote  de 
Hom ,  qui  n'aurait  fait  que  tuer  dans  une  rixe  un 
luiT  qui  l'atait  volé ,  avait  ^tÉ  sacrifié  au  ressen- 
timent personnel  du  duc  d'Orléans  qu'il  avait  osé 
hnver  dans  la  circonstance  suivante.    «  Celui-ci 
'Vanl  un  jour  surpris  en  lèle  h  tête  aver  la  comtesse 


254  —  HISTOIRE  DES   DVELft.  *^ 

de  Parabére ,  Tune  de  ses  favorites  j  —  Sortez , 
Monsieur,  lui  dil-il ,  iVun  ton  méprisant  :  —  Nos 
ancêtres  auraient  dit  :  Sortons,  lui  répliqua  fière- 
ment Tamoureux  jeune  homme  ;  et  dès  ce  moment 
là  y  sa  perte  fut  assurée  (237).  i> 

a  La  fureur  des  duels,  dit  encore  M"^^  de  Créqui, 
était  si  fort  encouragée  par  la  Caiblesse  et  rincurie 
du  duc  d^Orléans ,  qu^on  n^entendait  parler  que  de 
jeunes  gens  tués  ou  blessés  ;  et  toutes  les  lamîUea  &ï 
étaient  dans  Tinquiétude  et  la  désolation.  La  nôtre 
eut  k  regretter  la  perte  du  chevalier  de  BreteuS 
qui  était  le  plus  aimable  jeune  homme  du  monde, 
et  qui  fut  tué  par  un  de  ses  camarades  au  régiment 
des  Gardes.  Grêlait  encore  un  des  amis  les  plus  (avo- 
risés  de  M.°>®  de  Parabére,  et  Ton  ne  saurait  ima- 
giner combien  elle  en  avait  perdu  de  cette  ma- 
nière. »  Souvenirs,  Tom.  I,  Cliap.  XV. 

Louis  XY  reçut  à  sa  majorité  des  mains  du  Ré- 
gent un  sceptre  souillé  et  une  couronne  flétrie. 
Il  ne  trouva  pour  composer  sa  cour  que  das  roués 
et  des  femmes  perdues ,  et  pour  guides  de  ses  pre- 
miers pas  que  des  professeurs  de  débauche.  Placé 
dans  de  telles  conditions ,  le  jeune  monarque  aurait 
eu  besoin  d^une  vertu  surhumaine  pour  échapper  à 
une  influence  aussi  délétère.  Un  assez  bon  naturel 
Teu  préserva  d^abord  pendant  quelques  années. 


—  CHAPITRE    XXI.  — 

I  règne  eut  d'heureux  cnmmem 


2r«> 

qui  lui 

il  décerner  le  litre  de  Bieit-Aimv.  On  n'aurnil 

alors  que  celui  qui  s'anuonçiiil  comme  le 

'Hus  de  son  siccli; ,  en  deviendrait  le  Sardanapalc. 

Dans  la  première  année  de  sa  majonlè,  Louis  XV 

loiivcja  les  aneiens  édits   cotilre   les  duels  par 

le  déclaration  du  mois  de  Tivricr  1723.  L'article  6 

>rlait  qu'en  cas  de  prévention  de  duel  par  uoto- 

:té ,  nul  ne  pourrait  être  renvoyé  absous  qii'aprcs 

plus  ample  inrormé  d'un  an,  pendanl  lequel 

temps  il  dcTaîl  garder  prison.  D'après  l'article  8, 

lout  gentilliomme  qui  en  avait  frappé  un  autre , 

devait  être  puni  de  dégradation  d'armes  et  de  no- 

cl  de  quinze  ans  de  j)rigon L'article  9 

si  conçu  : 

«  Nous  jurons  et  promenons  en  foi  el  parole  de 
roi  qu'il  ne  sera  accordé  aucune  rémission ,  pardon 
ou  abolition  pour  crime  de  duel.  Uéreudons  Irès- 
npreasémeni  h  tous  princes  et  seigneurs  près  de 
nous,  d'employer  aucunes  prières  ou  sollicitations 
en  TaTCur  des  coupables  du  dit  crime ,  sur  peine 
d'encourir  notre  indignation.  Protestons  de  rechef 
que  ,  ni  en  faveur  d'aucun  mariage  ou  uaissance  de 
princes  ou  princesses ,  ni  .pour  queiqu'autre  consi- 
d^alion  ,  nous  ne  permettrons  sciemment  être 
expédiées  aucunes  lettres  contraires  k  notre  pré- 
Knie  volonté,  etc. ,  elc (238). 


256  —HISTOIRE    DES    DUEtS. — 

Le  roi  avait ,  selon  Tusagc ,  juré  la  m^me  chose 
il  son  sacre.  Ce  serment  fut  avec  tous  les  autres  en- 
registré par  les  historiographes  ;  mais  on  chercherai! 
vainement  des  traces  de  son  eiEcacitè  dans  les 
archives  des  cours  de  justice. 

Néanmoins ,  le  Parlement  de  Grenoble ,  par 
arrêt  du  16  septembre  1769,  condamna  à  la  peine 
de  la  roue  un  conseiller  de  cette  cour^  nommé 
Du  Chelas,  pour  avoir  tué  en  duel  un  sieur  Lambert 
Begfiin,  capitaine  au  régiment  de  Flandres.  Maû 
cette  condamnation  prononcée  par  contumace, 
ne  fut  exécutée  qu^en  effigie.  La  mémoire  de  Fho- 
micidé  fut  supprimée  par  le  même  arrêt.  Tout  cela 
ne  faisait  de  mal  à  personne.  Le  bras  delà  justice 
ne  s^appésanlit  sérieusement  que  sur  le  malheuren 
domestique  du  conseiller  qui  avait  assisté  son 
maitre.  On  le  marqua  sur  Pépaule  et  on  l'envoya 
expier  aux  galères  cet  acte  de  fidélité. 

Pendant  cette  période  honteuse ,  où  la  débauche 
ennoblie  par  l'exemple  du  Monarque  secoua  toute 
pudeur  et  toute  réserve ,  où  Ton  vit  la  galanterie 
dégénérer  en  crapule  et  les  prostitutions  dorées  de 
la  cour  surpasser  en  eifronterie  celles  des  rues ,  les 
querelles  eurent  souvent  pour  sujet  des  roueries  de 
boudoirs  et  des  intrigues  de  ruelles.  QuMmporte 
qu^un  sang  peu  généreux  ait  parfois  teint  cette  boue  ? 


—  cHApmiE  sxi.  —  257 

rCewrnil  salir  sa  plume  que  d'es&aycr  de  la  remuer. 
Lldnns  un  toile  sur  ces  Uiqjitudes;  de  pareils  ta- 
l'McBux  sont  indignes  delà  gravilé  de  Phisloire. 

Le  duelliste  de  celte  époque  dont  la  haute  pou- 
I  tion  cl  les  belles  manières  allircnt  le  plus  les  regards, 
I  c'en  le  duc  de  Richelieu ,  le  roué  par  excellence  , 
I  b  corrupteur  de  Louis  XV ,  qui  recul  de  aa  main 
f  h  première  et  la  dernière  de  ses  favorîtea. 

Drà  les  premières  aimées  de  la  Régence  en  1716, 

L  i  yàne  âgé  de  vingt  ans ,  Kichelieu  sVtail  battu 

[  «notre  le  comte  de  Gacé ,  fils  atné  du  maréchal 

[  et  Matignon ,   k   la    suite  d^utie  querelle  au  bal 

fc  l'Opéra.  Ils  mirent  i'épée  h  la  main  en  pleine 

nie,iou8  un  réverbère  :  tous  deux  furenl  blessés. 

U  Parlement  informa;  mais  le  Régent,  afin  de 

kl  ioustrfûre    k   sa   juridiction  ,    a^empressa   de 

l«  eoToyer  pour   quelques  jours  à   la   Bastille. 

L'affaire  fut  terminée  par  un  plus  ample  informé. 

[  Mmoiivs   de   Sain l -Simon ,   Tom.  XIF ,  et  de 

[  Bichilieu,  Tom.  1. 

"  M.  de  Richelieu ,  dit  la  marquise  de  Créqui , 
I  M  mourait  d'enyie  de  chercher  noise  ^  à  propos 
I  f  une  challemite ,  au  comte  de  Bavière ,  colonel 
u  «crince  de  France ,  tué  depuis  d'un  coup  de 
I  cuon  k  la  bataille  de  Laufelt,  en  1743.  Trouvant 
I  ^  la  conduite  du  Régent  n^étail  pas  découra- 
[  |nul( ,  il  allô  s'élablir ,  eu  grand  équipage ,  sur  la 
17 


258  —HISTOIRE   DES   DUELS.— 

route  de  Paris  à  Chantilly,  par  où  deTait  déboucher 
M.  de  Bavière  ;  et  comme  il  avait  eu  grand  soin  de 
faire  encombrer  et  barrer  la  route  par  ses  voitures , 
il  en  résulta  des  querelles  entre  les  valets.  Les 
maîtres  descendent;  on  se  parle  avec  hauteur;  on 
se  provoque ,  et  voilà  nos  deux  rivaux  Tépée  à 
la  main.  —  Halte  -  là  !  Messieurs,  de  par  le  Roi, 
s^écria-t-on  dans  la  foule  ;  assignés  vous  êtes  à  la 
Cùnnétablie  de  France  au  teime  de  huitaine  par 
nous  clamant  et  proclamant  le  cheualier  dAui^rajr, 
lieutenant  de  Nos  Seigneurs  les  maréchaux  de 
France  et  greffier  du  Point  d^honneur.  Il  fallu! 
rengainer,  et  se  donner  parole  d'honneur  de  ne 
pas  se  rejoindre ,  et  même  de  s^éviter  jusqu'au  mo- 
ment  de  Taudience  ,    où  toute  la  jeune  noblesse 

avait  afflué  des  quatre  coins  de  File  de  France 

Tous  les  jeunes  seigneurs  étaient  là  sans  épée, 
tête  nue ,  dans  un  grand  silence  ;  et  nos  cousins 
nous  dirent  que  rien  n'était  plus  imposant  que  ce 
vieux  Sénat  de  juges  du  point  d'honneur.  Il  ne 
s'agissait  pourtant  que  d'instrumenter  pour  ou 
contre  deux  étourneaux.  Mais  leurs  ancêtres  appa* 
raissaient  derrière  eux ,  et  la  postérité  se  trouvait 
en  regard.  Le  duc  de  Richelieu  fut  obUgé  de  Eedre 

des  excuses  au  comte  de  Bavière Devenu  doyen 

des  maréchaux  de  France ,  il  fit  à  son  tour  mettre 
à  la  Bastille  le  marquis   de  Créqui ,  mon  mari , 


—  cirApiTiiE  xsr.  —  250 

r  l'empèclier  Je  s'aller  battre  en  duel.  Sou- 
,  Tom.  l,  Chap.  X. 
•  Ci'llc  l'-pretive  que  venait  de  subir  Richelieu  , 
I  tribiiTinl  du  Point  d'honneur ,  n'avail  pas  f&it 
ir  lui  grand  effet,  si  l'on  en  juge  par  cette  autre 
tDGcdole  relative  au  m^me  personnage. 

Le  comte  Albani ,  neveu  du  pape  Clament  XI , 
e  trouvant  ii  la  cour  de  France,  cbercliait  à  s'in- 
loduire  prés  de  la  marquise  de  Créqni-Blancherort, 
Ipvcnte  de  l'Auteur  des  Souvenirs ,  et  dont  l'accès 
■'était  pas  aussi  facile  que  celui  qu'on  trouvait  auprès 
'(te  la  plupart  des  dames  de  ce  temps.  Ne  sacbant 
«ooimenl  s'y  prendre,  il  alla  consulter  Richelieu  qui 
Je  fit  habiller  en  domesli([ue ,  et  l'adressa  comme 
kl  n  la  marquise  avec  les  plus  pressantes  recom- 
mandations. Elle  le  prit  à  son  service,  et  bientôt 
une  entreprise  fort  hardie  de  son  prétendu  laquais, 

Ià  laquelle  elle  n'échappa  que  par  une  assez  rare 
prtMnce  d'esprit ,  vint  Itii  apprendre  à  qui  elle 
•tait  affaire.  Le  duc  de  Richelieu  fil  l'étonné ,  et  ne 
voulut  pas  convenir  de  cette  nouvelle  rouerie.  On 
l'coïoya  encore  une  fois  à  la  Bastille.  «  A  sa  sortie, 
•Eli' Auteur  Acs Souvenirs ,  le  marquis  d'Aumont, 
parentdeM.^^deCréqui,  à  peine  âgé  de  seixcans, 
Icgralifia  d'un  bon  coup  d'épêe  dans  la  hanche. 
D  m  faillit  mourir ,  et  l'on  crut  long-lemps  qu'il  en 
I  naisnixhoWiiux.  Souvenirs,  Tarn,  I ,  Chap.  XII, 


260  —  HISTOIRE   DES  DUELS.  — 

En  1734,  nu  si/^ge  de  Philipsboiirg ,  le  duc  de 
Richelieu  se  battit  encore  avec  le  prince  de  IJxen, 
^on  parent,  et  le  tua.  Celui-ci  avait  tué  quelque 
temps  auparavant,  de  la  même  manière,  le  marquis 
de  Ligneville ,  oncle  de  sa  propre  femme.  Voici 
le  sujet  de  sa  (juerelle  avec  Richelieu. 

Ou  soupait  chez  le  prince  de  Conti.  Richelieu 
qui  avait  éprouvé  beaucoup  de  fatigue  dans  la 
journée ,  conservait  encore  quelques  traces  de 
sueur  au  front.  Le  prince  de  Lixen  ,  en  réponse 
à  quelques  épigrammes  de  celui  -  ci ,  lui  dit  de 
«^essuyer  ,  et  ajouta  qu^il  était  étonnant  qu^il  ne 
fût  pas  entièrement  décrassé ,  après  Favoir  été  en 
entrant  dans  sa  famille.  Le  duc  de  Richelieu  visait 
de  s^allier  à  la  maison  de  Lorraine  y  en  épousant 
la  princesse  Elisabeth- Sophie  ,  fille  du  duc  de 
Guise.  Richelieu,  dont  le  véritable  nom  était  Yi*- 
gnerod,  montrait  d'habitude  une  exlréme  suscep- 
tibilité sur  de  semblables  articles.  Il  ne  voulut  pas 
différer  sa  vengeance  d'un  seul  instant.  A  minuit , 
les  deux  adversaires  se  rendirent  à  la  tranchée, 
ce  Ce  lieu ,  dit  Lacretelle ,  qui  devait  le  plus  leur 
rappeler  que  leur  sang  appartenait  à  la  patrie, 
fut  le  champ  de  bataille  qu'ils  choisirent.  Le  prince 
de  Lixen  resta  sur  la  place.  Le  maréchal  d'Asfdd 
n'osa  punir  Richelieu  (239) .  » 

En  second  rang ,  et  immédiatement  après  Riche- 


■     ^aUPrrRE  XXI.—  261 

Itu,  ÔQ  aperccvail  h  la  mur  de  Lnnh  XV  un  per- 
■niina^  beaucoup  moins  considérable  ;  mais  qui 
|nrYint  à  se  créer  une  grande  fortune  avct;  des 
moyens  qui  semblaient  renouvelés  de  l'époque  de 
flcari  m. 

Lancclol-Maric-Joscpli  Du  Yiglian ,  seigneur  de 
Liturriéres  ,  était  un  gentilhomme  Xaiulongcois 
<  C|iii  c'avait  que  hi  cnjia  et  l'épée,  dit  M.""  de 
Criqui  ;  mais  comme  il  était  ce  qu'on  appelle 
Aûrmant,  il  eut  bicnlùl  les  plus  belles  et  les  plus 
(gr(-ablet  chnses  du  monde  h  sa  disposition.  »  Il 
i'èchspiMi  du  eolLége  du  PIcssis  [rour  aller  bnllre  le 
pstide  Paris  où  les  cochers  de  fiacre  le  ramassaient 
iloivie,  par  des  pluies  battantes,  pour  avoir  le 
jlwàr  de  Toilurer  gratis  un  autsi  joli gan on. Cent 
1  la  femme  d'un  tailleur  qui  court  ohei  lut 
^13  l'inlcnlion  de  lui  fuirc  une  st^éne ,  au  sujet  d'un 
■^oire  de  4()0  l'rancs  qu'il  ne  payait  pas  h  son 
Bari,  et  <fui  laisse  sur  sa  cheniini^e  us  billet  de 
NO  francs  qu'i-Ile  allait  toucher  ailleurs,  tant  elle 

t  fascinée  par  un  regard  de  cet  Adoiiis. 

Quand  M.  de  Létorrières  eut  ses  vingl  ans,  it 
voulut  se  glisser  ii  In  cour ,  et  présenta  à  cet  elfet  ses 
(Ruvesmi  vérificateur  Cbérin.  Mais  comme  il  savait 
fue  ses  meilleurs  Ulres  étaient  sur  son  visage ,  il 
dKrcha  à  rencontrer  les  regards  de  Louis  XV ,  qui 
l"*])!!!!  eu  effet  remarqué,  deiuanda  à  son  <.-onscilii'r 


262  —HISTOIRE  DES   DUELS.— 

Chérin  ce  que  c'était  qu^un  genlilhomme  du  Poitou 
nommé  Létorrières.  Le  conseiller  répondit  qu^il 
aurait  de  la  peine  à  monter  dans  les  carrosses, 

parce  que  ses  preuves  n^étaieot  pas  tout-à-fait 

—  //  est  charmant ,  interrompit  ce  prince ,  et  je 
permets  qu'il  nie  soit  présenté  sous  le  titre  de 
vicomte.  Chérin  l^inscrivit  pour  un  certificat  par 
ordre;  et  M.  le  vicomte  de  Létorrières  eut  les 
honneurs  de  la  cour. 

Il  eut  bientôt  après  un  procès  important  au 
Parlement  de  Bordeaux  contre  MM.  de  Pons.  Sa 
cause  n^était  pas  soutenable  ;  mais  le  duc  d'Orléans 
trouva  moyen  de  faire  évoquer  l'affaire  au  conseil 
des  parties  casuelles  ;  et  les  sires  de  Pons  ont  perdu 
leur  procès.  Il  gagna  autant  de  procès  qu'il  en  en- 
treprit contre  les  ducs  de  Uolstein ,  les  princes  de 
Brunswick,  etc.  ,  etc....  Enfin  l'archevêque  de 
Paris  l'appelait  le  serpent  du  paradis  terrestre» 
«  S'il  a  jamais  affaire  à  mon  officialité,  disait-il,  je 
le  ferai  masquer  d^un  capuce  de  la  tête  aux  pieds, 
comme  un  pénitent  noir.  »  Bref,  la  prude  M.*^*  de 
Créqui  déclare  qu'on  ne  saurait  imaginer  le 
nombre  des  succès  en  tout  genre  de  ce  persoiH 
nage ,  qu'on  n'appelait  plus  que  M.  le  Charmant; 
et  elle  ajoute  qu'elle  n'en  parle  elle-même  quà 
son  corps  défendant* 

Ce  Létorrières  était  un  spadassin  de  Feq^ièce 


I.-  263 

b  plus  élégante,  comme  on  l'élaît  assez  gdai^ra- 
temenl  alors  ;  car  le  genre  féroce  îles  Vitaux  et 
«les  Lagarde-Vnlon  était  passé  de  mode.  Une  fois 
qu'on  avait  eu  quelijue  chose  h  démêler  a^ec  lui, 
on  n'avait  giiêres  rien  de  mieux  à  Faire  que  de  se 
battre.  i(  Aussi  bien,  dit  M."""  de  Créqui,  toutes 
[(lis  qu'il  avait  des  appels  au  tribunal  du  Point 
d'Iiunneur,  on  était  assuré  d'avance  d'avoir  ii  lui 
^ra  des  excuses  et  des  réparaliuns  exorbitante»; 
ce  qu^oQ  attribuait  à  la  bonne  gn'ice  av«c  laquelle 
il  Bvail  suUicilé  Nos  Seigneurs  les  maréchauic.  n 

Cependant  l'épée  de  AI.  le  Charmanl  n'exerçait 
pu  la  mi:me  fascination  que  son  regard ,  et  n'était 
JIM  toujours  heureuse ,  comme  on  va  le  voir. 

En  I77â,  il  reçut  du  comte  de  Mculan  un  coup 
d'èpée  dont  il  pensa  mourir.  Il  s'»visa  bienlùt  après 
d'adresser  ses  hommages  à  une  jeune  prince^e  des 
pIu)  jolies  et  des  plus  considérables  de  la  cour  , 
Uademoiselle  de  Soissuns.,  Victoire-Julie  de  Savoie- 
Cari^an.  Celle-ci  en  devint  si  éperdu  ment  amou- 
reuse ({ue  la  maréchale  de  Soiibise ,  sa  tanlc ,  fut 
obhgéc  de  la  faire  renfermer  k  l'abbaje  de  Munt- 
;,  sou» la  garde  d'un  exennpt  delaPrévùté.  On 
[grille  entr'elle  et  son  amunl,  eunanie  on  avait 
pour  l'obbessc  de  Cikclles,  l'une  des  filles 
R^j!;ent.  Mais  les  grilles  s'abaissaient  ou  s'amoU 
icnt  devant  le  beau  Létorrlérce.  On  surprit  un 


2S41  —HISTOIRE  DBS  D0BL8. — 

message ,  on  dècouirrit  une  échelle  de  corde.  En&i 
la  famille  Soubise  finit  par  recourir  à  Tépée  d'un  de 
ses  gentilshommes,  le  baron  d^Ugeon ,  pour  mettre 
notre  amoureux  à  la  raison.  Un  cartel  fut  lancé  et 
accepté.  <(  Mais  la  partie  fut  ajournée  ^  dit  M."^  de 
Créqui  y  pour  cause  de  la  dernière  maladie  du  Roi, 
auprès  de  qui  notre  Galaor  de  Xaintonge  aTait 
obtenu  de  s^établir  et  de  s'enfermer  pour  le  soigner 
de  sa  petite  Térole  pourprée  ;  ce  qui  fit  révolter  les 
gens  de  cour ,  attendu  qu'il  n'aTait  jamais  eu  iea 
entrées  de  la  chambre.  » 

c(  Louis  XV  mourut,  et  cet  infirmier  du  roi  a*em* 
pressa  d'aller  ferrailler  atec  le  champion  de  SaTme, 
qui  lui  fit  deux  blessures  en  un  seul  coup  d'épée  dans 
le  côté  droit.  On  pansa  M.  de  Létorriérea;  on  ferma 
sa  porte ,  et  on  publia  qu'il  avait  pris  la  maladie  du 
roi.  Les  blessures  étaient  des  plus  grarea  ;  ce  qui  iM 
Fempécha  pas,  après  deux  autres  jours  de  pan* 
sèment,  d'aller  escalader  les  murailles  de  Fabbaye 
de  Montmartre,  et  d'y  passer  la  nuit  auprès  de 
Mademoiselle  de  Soissons ,  sous  la  grande  arcade 
cintrée  qui  conduit  du  cloître  au  cimetière. «....• 
Il  parait  que  la  princesse  était  (Nrudemment  rentrée 
chez  elle  avant  le  point  du  jour ,  et  cette  mal- 
heureuse enfant  n^a  jamais  plus  revu  son  bel  ami. 
Les  plaies  de  celui-ci  s^étaient  rouvertes;  tout  aoo 
sang  s^écoula  pendant  la  nuit  :  il  ne  TOuhU  a4ro- 


—  CHAPITRE    XVI.  —  285 

ment  appeler  aucun  secours.  ï.c  leixlcmain  il  fui 
tpou*6  tlciiclu  raidc  mon  sur  lrn  dalles  du  i-loitre. 

On  èloulTM  cetlc  horrible  afluirc Ce  cadavre 

tait  nwgnilîqnc  ;  on  fil  rapporter  M .  de  Lélorrièrcs 
dmi  son  lit,  et  l'on  dit  qu'il  était  mort  de  la 
pctile  vérole.  » 

«  Mademoiselle  de  Soiuons  Tiil  ^gnrée  par  amour 
a  par  inexpérience,  ainsi  qu'il  y  panit  naturetle- 
tDcnl  et  mallicurciiseinent  au  bout  de  quelques 
mw,  Oh  tUl  qu'elle  avait  l'esptl-rance  cl  peut-élro 
I*  promesse  d'obtenir  la  protection  du  roi  pour 
*pm»cr  M.  de  Létorrièrcs  qui  venait  dV'tre  créé 
iwrqui»  ci'Olbreuse.  Elle  a ,  ce  me  semble ,  i-pousô , 
éepm,  M.  le  prince  héréditaire  d'Hilbourgtiauscn 
MdcCobourg-  » 

«  Le  marquis  de  Lflorrièrcs  et  d'OIbreuse  élait 
devenu  Mestre  de  camp  de  cavalerie.  Commandeur 
Jnflrdresunisdc  St. -Lazare  et  de  N.  D.  du  Mont- 
Cirmel,  conseiiler-d'Etat  d'épte  ,  Grand-Scnèchnl 
4'Auiiis,  cl  de  plus  abbé  commandataire  de  In 
T^té  de  VendAme.  Il  avait  fini  par  se  trouver 
lire ,  et  cependant ,  il  ne  laissa  pas  de  quoi 
IJCT  «e«  crénnciera,  »  Mém.  de  M."  de  Ci-équi, 
'om.  r. 

Parmi  les  ferrailleurs  d'un  ordre  plus  secondaire, 
I  remarquait  encore  le  comte  de  Turpin-Criss^ , 
l'on  appdwt  ausû  le  beau  Tuqjiu,  cl  Puidlniu  du 


266  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — • 

Sl.-Foix  y  Auteur  des  Essais  historiques  sur  Paris. 
II  a  parlé  des  duels  dans  cet  ouvrage  en  austère 
moraliste.  Il  a  même  proposé  un  moyen  fort  bizarre 
de  les  empêcher  et  qui  consistait  «  à  faire  battre 
des  champions  gagés  en  décernant  aux  vainqueurs 
une  médaille  pour  récompense.  Les  gentilshommes 
qui  se  battraient  seraient  tenus  de  porter  la  mé- 
daille j  et  les  duels  tomberaient  ainsi  par  la  honte 
et  le  ridicule.  »  Par  une  inconséquence  asses 
commune  ches  les  écrivains ,  notre  auteur  se  per- 
mettait sans  scrupule  ce  qu'il  blâmait  si  sévèremeiA 
chez  les  autres.  11  avait  été  mousquetaire,  et  s^eii 
croyait  autorisé  à  faire  parade  d^une  insolence 
cynique  qui  lui  attirait  à  chaque  instant  de  nou- 
velles affaires,  où  il  était  presque  toujours  mait- 
heureux. 

Saint-Evremont ,  qui  mourut  la  même  année 
que  naquit  Saint- Foix  ,  1703,  s^était  également 
rendu  célèbre  comme  bretailleur ,  et  Ton  ne  par- 
lait dans  les  salles  d'armes  que  de  la  botte  de 
St.-E\'remout.  A  son  exemple ,  TAuteur  des  Essais 
était  sans  cesse  en  quête  d'afTaires  d'honneur  comme 
on  recherche  les  bonnes  fortunes ,  et  quand  il  ea 
avait  trouvé ,  il  en  profitait  ou  les  repoussait  selon 
son  caprice  du  moment. 

Un  jour  au  café  Procoi>e ,  rendez-vous  littéraire 
du  temps ,  voyant  quelqu'un  qui  prenait  une  ba- 


—  ClIAl'lTBE   X\l.—  267 

nroise  k  l'heure  du  dîner ,  il  s'écrie  bien  haut 
qiiec'csl  un  pauvre  dîner  qu'un  dîner  fait  avec 
nne  bavaroise.  L'autre  se  Fàclie  ;  un  duel  a' ensuit  ; 
Siint-Foix  rembourse  un  coup  d'ép^e  cl  obtient 
de  son  adversaire  d'en  rester  \k.  Mais  il  lui  répèle 
«core  :  Quand  vous  m'auriez  blé,  avoues.  Mon- 
sieur, que  ce  n'en  serait  pas  moins  un  pauvre  tîîner 
(jaun  dîner Jait  avec  une  bavaroise. 

lloe  autre  fois ,  s'adressant  à  un  gcnlilhomme , 

il  lui  demande  pourquoi  il  puait  si  fort.  La  réponse 

de  celui-ci  est  un  cartel  que  Saint-Fois  refuse  en 

lui  disant  :    Quand  vous  me  tueries,  vous  n'en 

pueriez  pas  moins;  et  si  Je  vous  tuais,  vous  en 

pueriez  davantage. 

Dana  une  autre  circonstance,  il  lui  prend  fan- 

i»c  de  provoquer  un   bomme    de  loi  dont  les 

iniéres  et  la  figure  lui  déplaisaient.  Il  l'aborde  en 

i  disant  ;    Qu'il  voulait  avoir  affaire  avec  lui. 

Celui-ci  prenant  cette  proposition  équivoque  dans 

sens  tout-ft-fait  pacifique  ,  ne  se  fait  pas  prier  , 

an  convient  d'un  rendex-vous.  Ce  malentendu 

lena  une  série  de  quiproquo  des  plus  plaisants, 

0.  se  lennina  pour  Sainl-Foix  par  une  mystification 

qui  oe  le  corrigea  pas. 

Tels  étaient  les  duels  à  la  Cour  cl  à  la  faille.  Ces 
idcux  mots  désiguaieal  la  France  ;  on  ne  s'occupait 


208  -*  HISTOIRE  DES  DUBU.  — 

guéres  alors  de  la  Province  et  de  œ  qui  s^y  panait. 
C^étail  là  pourtant  que  le  bras  de  la  justice  awt  ses 
coudées  un  peu  plus  franches ,  son  action  se  trou- 
vant moins  souvent  paralysée  par  les  influences  dd 
cour.  11  suffira  d^cn  citer  un  exemple. 

£n  1764 ,  une  querelle  survenue  à  Toccasion  do 
la  vente  d'un  cheval ,  éclata  entre  deux  habitana  de 
Saiut-LÔ ,  les  sieurs  de  Bricqueville  et  de  La  Mau«- 
gcrie.  La  lutte  s^était  engagée  le  18  février  en  pleine 
rue  par  des  coups  de  pieds  et  de  poings,  et  avait 
lini  par  des  coups  dY*pée  et  de  pistolet.  Un  attrou-< 
pement  ayant  séparé  les  combattans ,  La  Maugerii» 
fut  emporté  du  champ  de  bataille  griéyemeni 
blessé. 

On  porta  plainte  de  part  et  d^autre.  Plua  de  deux 
cents  témoins  furent  entendus;  il  y  eut  diveraea 
sentences  de  la  Connétablie  et  nombre  d^arréta  du 
Parlement.  Ce&  arrêts  furent  cassés  sur  le  pourroî 
de  La  Maugerie  et  Tafiaire  renvoyée  aux  Requêtes 
de  THôtel,  où  il  intervint,  le  Umars  1768,  arrél 
défmitif  qui  confirma  la  sentence  de  la  Coimétablie  ; 
déclara  Bricqucviile  atteint  et  convaincu  d^avoir 
excédé  La  Maugerie  de  plusieurs  coups  d^épée  ;  lo 
condamna  en  cent  livres  d'amende,  en  36,000  livret 
de  dommages-intérêts,  ctàs'cloigtierpendant  vingi 
ans  à  une  distance  de  trente  lieues  au  moins  de  la 
ville  de  SainL'Lô^ 


—  CHAPirnE  lïi-  — 

On  voit  que  celte  alfairo  ii'ii  pas  duré  moimde 
«]UBlre  années.  Néanmoins  la  décision  qui  l'a  Icr- 
ninée  est  fort  remarquable.  De  pareilles  mesures, 
quoiqu'elles  passent  h  côté  de  la  législation  sur  les 
duflï,  portent  avec  elles  un  cachet  de  prévoyani 
tt  ilVquitÉ  qu'on  trouve  rarement  dans  les  monu- 
Difns  judiciaires  de  cette  épo(iue. 

Les  longs  débals  qui  éclatèrent  ciiîrc  le  Parlement 
■le  Rrclagne  et  le  duc  d'Aiguillon  oeensionnèreul 
"1*M  cette  province  une  grande  fermentation.  Des 
Sul«  d'encre  et  de  fiel  répandus  dans  de  nombreux 
pattipldels  entretenaient  l'irritation  des  esprits.  Le 
cours  de  la  justice  fut  interrompu  ;  et  comme  toute 
h  noblenc  du  pays  prît  fait  et  cause  dans  cette 
■Bure,  on  vit  couler  le  sang  dans  des  rixes  jour- 
uliéres  et  dans  de  nombreux  duels  (240) . 


Ce  fut  pendant  le  trop  long  règne  de  Louis  XV 
qu'on  vit  se  préparer  cette  grande  révolution  dans 
le»  mœurs  et  la  politique  ,  dont  le  principe  remon- 
tait au  siècle  précédent.  En  France,  la  gloire  seule 
est  l'escuse  de  la  Ijrannie.  Ce  n'est  qu'à  ce  prix 
qu'on  y  tolère  les  despotes.  Sous  Louis  XIV  des 
chants  de  victoire  étouflaienl  les  plaintes  de  la  servi- 
tude. Le  joug  de  sou  successeur ,  quoique  bien 
plus  léger,  parut  insupportable,  dépouillé  qu'il  était 
des  lauriers  de  la  gloire.   On   avait  pardonné  au 


270  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — > 

Grand- roi  d^avoir  dit  :  V Etal  y  c*est  moi;  mais  oti 
s^indigna  quand  un  gouverneur  osa  dire  à  son 
arriére-petit-fils,  en  lui  montrant  le  peuple  assemblé 
flous  ses  fenêtres  :  Sire,  tout  ce  peuple  est  à  "vous. 

Bientôt  ce  même  peuple  apprit  à  rougir  d^un  tel 
maître ,  bien  moins  encore  parce  qu'il  vivait  en 
Sardanapale ,  que  parce  qu'il  parut  rapetisser  la 
France  à  sa  taille  dans  l'ignominieux  traité  de  1783. 
Ce  peuple  veillait  pendant  que  le  Monarque ,  sourd 
au  bruit  des  murmures  avant-coureurs  de  la  chute 
du  trâne ,  sVndormait  sur  l'oreiller  des  voluptés. 
Tandis  que  les  classes  supérieures  s'abdiquaient 
dans  la  débauche ,  les  classes  inférieures  marchaient 
par  la  science  à  l'émancipation.  Les  unes  s^eni- 
vraient  à  la  coupe  du  plaisir  y  les  autres  à  celles  da 
savoir  ;  ccUes-ci  fondaient  leur  avenir ,  celles-là 
continuaient  à  vivre  du  passé. 

Néanmoins  les  mœurs ,  en  se  relâchant  de  plus 
en  plus,  parurent  s'adoucir.  L'immoralité  fit  des 
progrés ,  mais  la  férocité  diminua.  On  vit  s'élever 
des  sérails ,  mais  on  abattit  beaucoup  de  gibets. 
Le  poignard  italien  ,  importé  par  une  Médicis  | 
commença  à  perdre  de  son  prestige ,  et  les  orgies 
du  sang  firent  place  à  celles  du  vin  et  de  la  luxure. 
11  n'y  avait  plus  de  duc  d'Orléans  qui  poussât  à 
l'échafaud  les  complices  abusés  de  ses  maladroites 
conspirations ,  abandonnant  au  Cerbère  des  têtes 


[.  -  271 

g^èrcuses  pour  sauver  la  sienne;  mais  un  prince 
de  ce  nom  faisail  une  Sndome  de  non  palais,  où 
l'oD  retrouvait  jnsf|u'aui  Gllesde  Lolh  (241). 

On  a  vu ,  dans  les  chapitres  précédens ,  le  tableau 
de  la  sociî'lé  française  avec  ses  principes ,  ses  idées , 
ses  mœurs  et  sa  police.  Au  18-' siècle  il  s'est  ren- 
conlr*  de  hautes  intcHigcnces ,  des  réformateurs  au 
R^ard  hardi ,  à  la  plume  de  feu  ,  qui ,  jetant  les 
yeiii  sur  tout  ce  passé  de  quatorze  siccles ,  et  n'y 
apercevant  que  des  ténèbres  dans  Tordre  moral  et 
dugong  dans  l'ordre  physique  ,  se  sentirent  profon- 
Jimenl  émus.  Us  s'écrièrent  toul  d'une  ymn  que  ce 
iiVlaient  pas  lit  les  vénlablcs  destinées  de  l'homme 
sir  la  terre;  qu'il  n'y  tenait  pas  le  rang  qui  lui 
appartient;  que  l'absurdité  était  partout  à  la  place 
de  la  raison,  et  la  force  au  lieu  du  droit.  Ce  langage 
^ODa  d'abord  par  sa  nouveauté;  mais  le  peuple 
iqui  il  s'adressait  lui  prt'la  une  oreille  attentive. 

Les  réformateurs  s'en  prirent  d'abord  k  l'ordre 
politique ,  puis  à  l'ordre  social  tnut  entier.  Les 
principes  du  gouvernement  et  des  sociétés  furent 
jetés  avec  toutes  les  inslitulions  dans  )e  creuset  de 
reuunea  ;  et  comme  l'autorité  monarchique  avait 
placé  aa  source  au  sein  de  la  divinité ,  on  ne  craignit 
pas  de  s'élever  justju'au  plus  haut  des  Cicux  pour 
ialerrogcr  la  divinité  t-Uc-m^me.  Le  résultat  de 


272  —  HISTOIRE  DBS  DUBLS.  — 

l^examen  fut  une  négation  hardie  de  tous  les  prin- 
cipes qui  avaient  reçu  la  consécration  des  siècles  ; 
on  fit  partout  table  rase.  Mais  sur  ce  sol  nu,  personne 
n^essaya  de  construire  un  nouvel  édifice ,  et  parmi 
tant  de  démolisseurs  il  ne  se  trouva  pas  un  seul 
architecte. 

La  grande  figure  qui  domine  tout  ce  siècle  est 
celle  de  Voltaire.  Il  en  fut  en  quelque  sorte  le  roi, 
et  pourrait  presque  lui  donner  son  nom.  Il  tenait  k 
Ferney  une  cour  européenne  ;  il  correspondait 
avec  tous  les  Souverains ,  échangeant  avec  eux 
force  coups  d'encensoir ,  et  en  recevant  aussi  des 
encouragemens  plus  positib ,  quoique  moins  philo- 
sopliiques  (242). 

L'arme  de  Rousseau ,  son  rival,  était  la  logique; 
la  sienne  était  le  sarcasme ,  arme  moins  noble  ; 
mais  bien  plus  puissante  et  surtout  plus  française. 
On  admirait  Rousseau ,  on  se  passionnait  pour 
Voltaire  :  Tun  ne  s^adressait  qu'aux  intelligences, 
l'autre  parlait  aux  passions  :  celui-ci  s'escrimait  de 
l'épée  y  celui-là  frappait  sur  le  corps  social  à  coups 
mille  fois  répétés  de  poignard  et  de  stylet. 

L'Heraclite  Genevois ,  quoiqu'infiniment  plus 
éloquent ,  fut  bien  moins  populaire  que  le  Démo- 
cri  te  de  Ferney.  Vain,  léger,  vicieux,  immoral; 
cynique  dans  l'expression ,  essentiellement  moc- 
queur  ;  sans  bonne  foi  dans  la  controverse  ;  ardent 


E  xsT.  -  273 

ri cmporlr  ilanslapnl^miqiip;  hninniTOl  vimlicnlif; 
tlMniT  (In  pouvoir,  souple  et  rampant  au^  pieds 
dts  rois,  de  leurs  TaToris  et  de  leurs  Favoriles  ;  aWde 
At  distinctions  aristocratitiues  et  de  faveurs  d'anti- 
chambres ,  Voltaire   était  la   complète  personnî- 
ficilinii  de  son  siècle.  Bousscau  ,  plus  ausière ,  se 
fcnlt-rmail  dans  sa  dignité  d'homme  et  de  philo- 
tBf'he.  Sa  logi(]iie  était  inflexible,  et  tl  la  poussait 
pM|u'k  SCS  plus   cslri*mea  limites.   Rigoureux  et 
)lu  dans  les  principes ,  il  s'égarait  quelquefois 
ilâtisl'csagération  des  rnnsécjuences.  Il  posait  har- 
iliraent  des  théories,  sans  trop  songer  à  la  possibilité 
^  prtsrnte  de  leur  application.  Il  n'y  avait  d'actualité 
^n»  dana  sa  morale  ,  comme  quand  il  foudroyait  les 
VIrIs,   réhabilitait   le  lien   conjugal   et  réformait 
'     fédacation.  En  pnlilique  ,  il  se  préoccupait  peu  du 
prtaent;  son  regard  d'aigle  semblait  percer  dans 
'«mir ,  et  se  fixer  exclusivement  sur  l'ère  de  la 

locratîe  républicaine. 
Houssenu  préparu  la  réforme  pohlique  ;  Voltaire 
iplît  une  révolution  religieuse.  Il  poussa  l'al- 
le  jusqu'à  l'outrage.  La  philosophie,  sous  sa 
iimf,  eut  un  caractère  railleur,  sophistique  et 
élroil;  u  mais  elle  mena  néanmoins,  dit  Château- 
Mit,  h  ce  dégagement  des  préjugés  qui  devait 
remiîr  au  véritable  Christianisme  (243).  » 
qu'U  y  cul  de  vraiment  prodigious  ,  c'est  que 
là 


274  —HISTOIRE  DES  DUELS.— 

ce  fut  bien  moins  le  Peuple  qui  applaudit  k  ces 
réformes  encore  au-dessus  de  son  intelligence,  que 
ceux-mémes  qui  avaient  rivé  sa  chaîne  ,  et  dont 
les  mains  en  serraient  encore  étroitement  les  deux 
bouts.  Cette  Aristocratie,  qui  naguères  avait  accueilli 
Luther  avec  tant  d^enthousiasme ,  fut  encore  la  plus 
puissante  auxiliaire  de  la  Pliilosophie ,  qui  n^était 
que  l'application  des  principes  de  la  Réforme  reli- 
gieuse à  la  Réforme  poUtique  et  sociale.  Les  domi- 
nateurs eux-mêmes  avaient  soif  d'un  nouvel  ordre 
de  choses  ;  car  on  se  lasse  de  régner  plus  vite  en- 
core que  de  servir —  Une  société  nouvelle  s'ou- 
vrait devant  eux  ;  ils  s'y  jetèrent  en  aveugles,  sans 
s^occuper  cette  fois  des  places  qu^ils  pourraient  y 
occuper.  Du  scepticisme  des  sens ,  ik  se  plongèrent 
dans  le  scepticisme  des  idées  et  des  doctrines.  Ds 
n^  trouvèrent  pas  le  repos ,  mais  leur  ruine. 

Cette  grande  réaction  morale  sera  bientôt  suivie 
d^une  réaction  matérielle.  La  Philosophie  a  opéré 
la  première ,  et  la  Révolution  de  1789  va  se  charger 
de  la  seconde.  Mais  ce  qui  fut  toujours  Técueil  de 
notre  nation ,  cet  enthousiasme ,  dont  le  plus  dan- 
gereux est  encore  l'enthousiasme  du  bien,  fera  mal- 
heureusement avorter  Fœuvre  de  notre  régénération 
sociale.  On  n^avait  pas  assez  songé  à  ménager  chei 
ce  peuple  qu^on  voulait  émanciper  une  transition 
nécessaire  entre  un  long  esclavage  et  une  liberté 


—  CHAPITRE   CTI,  —  273 

proTÎséc.  Atissi  celtp  liberté  va-l-elle  devenir  une 
,  un  di-lire ,  une  fr^n^sic.  Ce  sera  clans  des 
a  inexpérimentées  un  instrument  de  mort  qui 
tuera  ceux-mêmes  qui  voudront  s'en  servir. 

n  y  a  péril  pour  les  sociétés  quand  la  force  seule 
K  charge  de  tirer  les  conséquences  des  prémices 
postes  par  rintclligence.  Celle-ci  suit  ordinairement 
une  règle ,  celle-lk  n'eu  connait  aucune  :  l'une  pro- 
chIc  htcc  synllicse ,  l'autre  n'apercevant  qu'un  cûlé 
ilï  l'objet  qu'elle  veut  faire  passer  violemment  de  la 
llitorie  h  l'application ,  le  juge  mal  et  le  dénature 
roliérement  dans  l'opération.  Le  domaine  de  la 
niMu  fui -il  donc  jamais  un  champ  clos  ou  un 
champ  de  balaille  ;  et  les  armes  de  la  logique  une 
torche  ou  un  glaive.''...  Ce  n'était  pas  à  l'école  de 
Hobbes  et  de  Spinosa  à  venir  installer  celle  de  Bacon 
fl  de  Leiboitz.  Un  sophisle  avait  osé  dire  :  Tout 
iltvient  légitime  et  l'erlueux  pour  le  salut  public. 
KouBseau  répondit  à  Helvetius  :  Le  salut  public  n'est 
riai,  si  tous  les  particuliers  ne  sont  en  sûreté.  Une 
MKmblée  politique ,  dont  la  grande  maxime  d'élat 
brenl  les  supplices,  plaça  pourtant  l'image  deRous- 
■Mu  dans  le  lieu  de  ses  séances.  Elle  avait  oublié  de 
taire  graver  au  bas  celte  autre  maxime  de  l'auteur 
du  Contrat  50c m/ qu'elle  a  ai  mal  compris  :  La  liberté 
tenait  encoiv  trop  e/ièrement  achetée ,  si  elle  ne  tle- 
tWt  eodier  tpie  le  sang  tl' un  seul  homme  (244). 


CHAPITRE    XXII. 


Règne  de  Louis  XVI.  —  Son  esprit  de  réformes.  — 
Opposition  des  courtisans.  —  Duels  à  la  coar  et 
en  province.  —  Désuétude  des  anciens  édita.  — 
Duellistes  célèbres.  —  Rapports  de  leur  caractère 
«vec  la  physionomie  morale  de  chacpic  siècle. 


Lbs  vertus  de  Louis  XVI  apparurent  comnie 
tin  anachronisme  dans  la  cour  fastueuse  et  dissolue 
de  son  prédécesseur.  Son  austérité  étonna  comme 
une  innovation;  elle  blessa  comme  un  reproche; 
elle  alarma  comme  une  réforme.  L^avarice  gémit i 
Torgueil  murmura.  Tous  les  intérêts  compromâ 
se  groupèrent  en  masse  et  organisèrent  de  concert 
la  résistance.  La  royauté  n^étant  plus  le  Veau  dW^ 
cessa  d^étre  une  idole,  et  la  foi  monarchique  s^aSû- 
blit  visiblement  quand  elle  n'eut  plus  pour  aliment 
le  faste  et  la  prodigalité.  Le  roi  voulait  sincèrement 
tarir  cette  source  honteuse  de  désordres  danÉ  Itê 
finances  et  de  corruption  dans  les  mœurs;  mais 
ce  fut  envain  qu'il  s'applicpia ,  dés  les  premières 


—  cuiPiTun  ïiK.  ~  277 

Moahi  (le  son  règne  ,  &  d^iorrasacr  le  trâiic  de 
telle  daugcrcusc  étreinte  d'abus  siitis  nombre  qui 
l'y  atlacliaiciit  comme  le  lierre  aux  vieux  murs. 
S*  Diaiu  Irnp  fuible  ne  put  sufTire  à  la  peine ,  et 
U  Feu  des  révoluliuus  dévora  tout. 

Louis  XV'l  ne  fui  pas  assL'i  comprîa  du  peuple 
Hle  fui  Irop  de  la  cour.  Tout  lui  devint  emiemi , 
\  les  prf'veutîons  populaires  ,  et  Ica  oppositions 
Itrîtôeiuics.  lunucentc  et  Tatalc  victime ,  il  su  vit 
Mlnniié  k  expier  des  fautes  qui  u'iituient  pus  les 
es.  Celui  qui  fut  toujours  si  avare  du  sung  Im- 
versa  le  sien  sur  récliafaud ,  et  le  plus  liutméte 
4-1  liummes  lut  le  plus  uudbeureux  deâ  Rois  (24-5) . 


Dés  les  premières  années  du  nouveau  règne , 
seutiment  de  la  grande  lutte  qui  s'annon- 
jl|^r  taul  de  sinistres  pri»<ige.s  prt'ovxupnit  déjà 
les  imaginations.  La  tiauquillilé  régnait 
is  le  calme  nVtait  qu'à  la  surface. 
^Minbres  nuages  s'amoncelaient  k  Thorison,  el 
h  Tcm  respirait  à  peine  k  l'ap^iroclie  de  ces 
(  lourdes  et  suffocantes  avant- coureurs  des 
».  Les  querelles  particulières  absorbées  dans 
(m  abstractions  politiques  semblaient  avoir  perdu 
leur  aigreur  avec  leur  importance.  L'ipée  reposait 
dans  le  fourreau  pendant  celle  active  [uroientation 
dia  câ^ril^  Ot  Uiédiluit  dans  uu  silence  sulenuel 


278  —  MSTOIBE  DES   DUELS.— 

sur  les  droits  du  citoyen,  et  Ton  préludait  dans 
Je  calme  de  Texamen  aux  tempêtes  de  la  discussion. 
L^  Auteur  du  Tableau  de  Pans  qui  ne  pouvait 
deviner ,  en  1780 ,  les  véritables  causes  de  ce  chan- 
gement remarquable  dans  les  mœurs  du  temps, 
en  a  donné  les  explications  suivantes  : 

ce  Aujourd'hui  la  canne  a  remplacé  Fépèe  qu^on 
ne  porte  plus  habituellement ,  et  Ton  ne  connais. 
plus  ces  disputes  et  ces  querelles  si  familières,  il  ^ 
a  soixante  ans ,  et  qui  faisaient  couler  le  sang  pouP* 
de  simples  inattentions.  Les  mœurs  ont  opéré  es 
grand  changement  bien  plus  que  les  lois.  On  n^au— 
rait  réussi  qu'avec  peine  à  interdire  le  port  d'armea* 
Le  Parisien  s'est  désarmé  de  lui  -  même  pour  si 
commodité  et  par  raison.  Le  duel  était  fréquent;  3 
est  devenu  rare.  Les  lois  sévères  de  Louis  XIYn^ont 
pas  eu  autant  de  force  sur  les  esprits  que  la  douce 
et  paisible  lumière  de  la  Philosophie.  Les  Parisiem 
ont  senti  qu'ils  ne  devaient  pas  se  déchirer  comme 
des  bétes  féroces  pour  une  chimère  qu'on  appelle 
Point  d'honneur.  On  se  contredit,  on  se  dispute; 
on  y  met  même  quelque  fois  un  peu  d'aigreur; 
mais  on  ne  croit  pas  qu'on  doive  pour  cela  se 
couper  la  gorge.  » 

«  L'esprit  des  duels ,  dit  encore  le  même  auteur, 
est  dérivé  d'abord  de  l'esprit  des  tournois.  Il  agita 
ensuite  notre  orgueilleuse  noblesse ,  puis  il  eal 


!  XXII  —  279 

tendu  chez  les  bourgeois.  H  est  relégua  maintenant 
parmi  les  soldais  aus  Cardes.  On  croit  devoir  le 
conserver  encore  dans  les  garnisons.  Culte  fureur 
fpii  égarait  noire  vaine  nation  ,  il  n'y  a  pas  un 
aéclc ,  semble  s'être  concentrée  là  dans  son  der- 
nier asile  (246) .  » 

Mercier  s'esl  trop  liiUé  de  conclure  d'une  simple 
ffllermittence  dans  la  fièvre  des  duels  que  cette 
Biladie  s'était  lout-h~rail  exilée  de  la  société  civile, 
loin  d'être  reli-gué  parmi  le»  soldats  aux  gardes, 
a  allons  voir  le  Duel  envahir  jiiscpi 'aux  marches 
ia  Irânc,  et  des  priuccs  du  sang  rojal  payer  un 
fcibul  inaccoutumé  ,  non  seulement  k  l'antique  pré- 
^gé  du  Point  d'honneur ,  mais  encore  à  l'Egalité 
bOoreDe  en  croisant  l'épée  avec  des  inférieurs  en 
inde  et  en  dignité. 

'  De  tous  les  auteurs  qui  ont  parlé  du  combat 
Uébre  qui  eut  lieu  entre  le  duc  de  Bourbon  et  le 
»mte  d'Artois ,  le  baron  de  Bcaenval ,  confident  de 
3e  dernier,  et  qui  a  joué  le  r»Mele  plus  actif  dans 
Oulc  cette  affaire  ,  devait  sans  contredit  être  le 
bicuz  informé.  Il  n'en  est  aucun  d'ailleurs  qui  soît 
entré  sur  ce  sujet  dans  des  dt:tails  aussi  circons- 
tanciés. Veici  la  substance  de  son  récit  qui  fait  la 
_  niatîire  d'un  long  chapitre  ao  Tome  II  de  ses  Mé- 
toires,  et  qui  fera  parfaiteiiietiL  conuuttre  (gomment 
B  traitaieul  alors  à  lu  cour  les  aRaiia  d'Iiomieur. 


280  —  HISTOIAE   DES    DUELS.— 

((  A  un  bal  donné  à  TOpéra  le  mardi  gras  de 
Tannée  1778  ,  le  comte  d^ Artois  donnait  le  brasà 
Madame  de  Canillac,  tous  deux  masqués  jusqu^aux 
dents.  La  duchesse  de  Bourbon  (née  princesse 
d^Orléans  )  vient  à  les  rencontrer  ,  et  les  ayant 
reconnus  s^attache  à  leurs  pas  en  les  poursuivant  des 
mots  les  plus  piquans  que  la  liberté  du  masque 
puisse  autoriser.  La  duchesse  de  Bourbon  avait  pris 
en  antipathie  M."^*"  de  Canillac,  par  le  double  motif 
que  celle-ci  avait  été  la  maîtresse  de  son  mari  et 
qu'elle  Tétait  devenue  du  comte  d^Artois,  sur  qui 
elle  se  trouvait  elle-même  avoir  des  prétentions* 
M."^^  de  Canillac  s^esquiva  dans  la  foule ,  et  la 
duchesse  de  Bourbon ,  s'emparant  alors  du  comie 
d'Artois,  prit  la  barbe  de  son  masque  et  le  leva  avec 
une  telle  violence  que  les  cordons  qui  Tattachaieiit 
se  cassèrent.  Hors  de  lui,  furieux,  il  saisît  de  la 
main  celui  de  la  duchesse ,  le  lui  écrase  sur  le  visage 
et  la  quitte  sans  proférer  un  seul  mot.  » 

«  Cette  aventure  fut  d^abord  à  peine  remarquée, 
et  la  duchesse  de  Bourbon  ne  songeait  pas  à  s'en 
formaliser.  Mais,  deux  jours  après,  piquée  de  quel* 
ques  propos ,  elle  dit  chez  elle ,  en  pleine  table ,  au 
miUeu  d'un  nombreux  souper ,  que  le  comte  d'Ar- 
tois était  le  plus  insolent  des  hommes,  et  qu'elle 
avait  pensé  appeler  la  garde  au  bal  de  TOpéra  pour 
le  faire  arrêter.  » 


I 


<(  Le  propos  du  souper  se  répiiiidil  bieolnl  dims 
le  monde  el  lil  une  grande  sensation.  Les  fcnimiis 
(urloul ,  doiil  le  procédé  du  comte  d'Artois  révol- 
liiil  l'amour  propre  ,  prirent  fait  cl  cause  cl  se 
ilteliuînércnt  contre  lui.  Elles  disaient  publique- 
nifiil  <]u'on  ne  pouvait  en  resler  là ,  et  selon  leur 
coutume  ordhtaii-e,  elles  voulaient  k  toute  force  que 
M,  le  duc  de  Bourbon  se  battit.  M.  de  Maurcpas, 
^ui  le  prince  de  Coodé  alla  parler  de  cette  all'airc, 
iDuIut  a'eu  mfler  et  lui  donna  une  tournure  dont  il 
ttail  diflicilc  de  comprendre  le  motif.  11  (lait  en 
Bégucialion  que  M.  le  prince  de  Condè  viendrait 
vtK  tous  les  siens  faire  des  excuses  au  roi  ,  et  il 
>'agtBsail  d'articuler  que  jamais  ni  lui  ni  ce  qui  lui 
>ppartenail,  ne  manquerait  ^  S.  M.  et  à  la  famille 
rojttle.  Or ,  c'était  ce  taoifamiUe  myale  qui  faisuit 
l>  pierre  d'achoppement.  » 

it  Eiifm ,  le  samedi  matin ,  le  roi  ordonna  à  M.  Ib 
prince  de  Condé  de  se  rendre  à  Versaillea  avec 
Mutifieur  et  Madame  la  duchesse  de  Cuurbun,  et 
bayant  fait  entrer  dans  son  rabinet  où  était  M.  le 
tumic  d'Artois ,  il  signiiia  non  pas  en  père  mais  en 
fi,  qii'U  voulait  que  le  passé  demeurât  dans 
fciiibli  et  surtout  qu'on  n'en  reparlit  plus.  lie  duc- 
deBourbon  voulut  prendre  la  parole  ;  mais  le  roi 
'ui imposa  ailencc ,  et  tout  le  monde  surlil  niéeon- 
>m  :  cela  devait  cire,  u 


282  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

c(  Comme  M."'*  la  duchesse  de  Bourbon  en  assu- 
rant le  roi  que  son  intention  n^ayait  jamais  été  de 
lui  déplaire,  n^avaitpas  ajouté  et àla famille  rojate, 
M.  le  comte  d^Àrtois  ne  lui  avait  fait  aucune  répa- 
ration. Par  conséquent  elle  se  tenait  toujours  pour 
offensée ,  et  M.  le  duc  de  Bourbon  se  croyait  obUgé 
d^en  demander  raison ,  tUnsi  que  ras^aient  décide 
te$  femmes. 

c<  Pappris  bientôt  que  M.  le  duc  de  Bourbon  était 
Tenu  à  Bagatelle ,  maison  de  campagne  du  prince , 
et  s^était  informé  de  hii  au  concierge.  Pallai  le  len- 
demain à  Versailles  dans  Tintention  de  FaTertir  de 
cette  démarche  et  surtout  des  propos  que  tenaient 
les  courtisans  et  qui  étaient  parvenus  à  leur  comUe. 
En  arrivant  j'aperçus  Campan  (secrétaire  du  cabi- 
net) qui  me  fit  un  signe  de  tête  et  me  dit  que  la  reine 
voulait  me  parler.  Il  m'introduisit  prés  de  S.  M.  qui 
d'abord  qu'elle  me  vit,  me  dit  :  Eh  bien.  Baron, 
que pensez-^ous  de  la  situation  de  monfrère7  Que 
peut-on  faire  7  Et  quel  parti  va-t-^U  prendre} 
—  Madame,  lui  répondis-je ,  il  n'y  en  a  quun.  Il 
faut  qu'il  se  batte,  —  Je  pense  tout  comme  vous, 
reprit-elle ,  et  le  Roi  aussi.  Mais  croyez-^vous  que 
mon  frère  adopte  ce  moyen  ?  —  Madame  ,  répli- 
quai-je ,  i7  ignore  parfaitement  tout  ce  qui  se  passe; 
mais  mon  intention  était  de  l'en  av^ertir  aujounPhui; 
car  j'aimerais  encore  mieux  le  voir  mort  que  dé$^ 


l 


—  CHAPITRE    XXII.—  283 

honoré.  Cependant  comme  c'est  un  grand  parti, 
y.  Jtt,  trouvera  bon  peut-être  que  je  prenne  l'a\iis 
de  M.  le  chei'alier  rie  Crussol  (capitaine  des  gardes 
du  prince).  —  Oui,  me  dit  la  reine  en  me  congé- 
diant ,  voyez  M.  de  Crussol  et  arrangez  tout  avec 
ki  (247). » 

<i  Je  rencoDtrai  le  chevalier  chez  le  comte  Juin 
de  PoUgnac  où  il  était  avec  Vaudreuil.  Tous  iroi»  ; 
furent  d'avis  comme  moi  que  le  prince  devait  se 
battre,  et  Crussol  ajouta  :  D'autant  que  les  choses 
n'iront  pas  plus  loin;  car  aussitôt  qu'ils  auront 
[épée  il  la  main ,  je  leur  montrerai  l'ordre  écrit  et 
ligné  flu  roi  d'en  demeurer  là.  El  sur  cela  il  tira  un 
papier  de  sa  poche,  qui  en  effet  i^lait  im  ordre  de  la 
main  de  S.  M.  —  Comment  !  C/tet'alier,  lui  dis-je, 
c'est  donc  une  comédie  que  vous  voulez  Jaire  jouer 
h  S,  A.  R>  7  Quant  à  moi  je  vous  déclare  que  je 
n'y  donne  point  mon  approbation.  —  Çuappelea- 
vous  ,  reprit  Crussol ,  c'est  assez  pour  le  Prince  de 
te  présenter.  Son  affaire  est  de  -venir  sur  ie  pré ,  et 
eetle  du  roi  est  d'empêcher  les  suites  qulpeuvent  en 
arriver.  Le  comte  Jules  et  Vaudreuil  appuyèrent 
cette  opinion. — Ma  foi,  Messieurs,  leur  répliquaï- 
je ,   vous    ne  me  ferez  jamais  comprendre  celte 

monde  là.  n 
n  Sur  cela  les  ayant  quittés  ,  je  pris  le  chemin  de 

l'ipparlemCQl  du  prince.  £u  rèHëchissant  à  ce  qui 


J 


284  —  HISTOIRE   DES    DUELS.  — 

se  passait ,  je  crus  démêler  que  TafiTaire  <lu  combat 
avait  déjà  été  traitée  j  qu^on  l^avait  décidée  avec  la 
belle  restriction  de  Tordre  écrit  du  roi ,  et  qu^on 
avait  cliargé  la  reine  de  me  sonder ,  plutôt  que  de 
me  parler  ouvertement.  A  tant  de  petitesses  je  re- 
connus rhomme  de  robe  et  le  doigt  de  M.  de  Mail- 
repas  qui  dirigeait  tout.  » 

«  Je  trouvai  M.  le  comte  d'Artois  dans  son 
cabinet;  je  Tinformai  de  la  visite  du  duc  de  Bourbon 
k  Bagatelle ,  et  je  lui  fis  un  détail  exact  de  touA  les 
propos  de  Paris ,  sans  rien  pallier  de  ce  quUls 
avaient  de  fâcheux  pour  lui.  Il  m^écouta  sansm'in- 
terrompre ,  et  quand  j^eus  fini  il  me  demanda,  pour 
la  forme  et  avec  beaucoup  de  sang  froid  y  ce  qu^il  y 
avait  à  faire. — P'oici  comme  je  pense  ,  lui  répondis 
je  :  P^ous  sentez  que  M.  le  duc  de  Bourbon  ne  vien^ 
dra  pas  vous  fUtaquet'  à  Versailles.  Puisqi^'U  a 
paru  vous  indiquer  le  bois  de  Boutogtie  en  allant  à 
Bagatelle,  cUst  là  qu  il  faut  vous  monUnr.  Demain 
montez  à  cheval  à  dix  heures  du  matin  et  allez-^ 
vous  y  promener  une  lieure  ou  deux»  Il  y  a  à  potier 
que  Mm  le  duc  de  Bourbon  se  fait  ins  traitée  dû  vos 
démarc  lies ,  et  que  vous  le  i^ncontrerez  pendant 
votre  promenade.  Si  vous  ne  le  tiouy^ez  pas  ,  venez 
dincr  chez  moi;  ce  sera  lui  donner  toute  facHité, 
ma  nmison  n  étant  quà  quatre  pas  du  palais 
Bourbon.  —  Tout  cela  me  cornaient  fort^  iœ  ré- 


—  cn\piTnK  s\ii.—  2S5 

IKindit  le  prince ,  cl  me  serrant  la  mnin  :  J'irai  lilner 
thcz  vous,  ajouta-t-il ,  et  vous  savez  bien  que  ce 
~    a  m'CC  un  grand  plaisir.  » 

I  Je  monlai  en  voiture  pour  retourner  i  Paris  , 
d'après  la  ri-solution  que  j'nvais  prise  de  ne  me 
)omt  trouver  a»  romlint ,  Jt  cauac  de  cet  ordre  du 
toi  qui  me  désolait  plus  encore  en  cet  instant  où  je 
venais  de  trouver  le  prince  aussi  ner^■eux  que  je 
(lOuvais  le  désirer.  Je  m'affligeais  davantage  qu'on 
fil  tourner  contre  lui  une  occasion  dont  il  pouvait 
r  un  si  grand  parti  pour  sa  ri^putation.  » 
(  Je  me  couchai  fort  agité  de  tout  ee  qui  devait 
Kpasscr  le  lendemain.  Je  me  levai  de  bonne  heure, 
M  sur  les  onze  heures  il  m'arriva  un  piqueur  de 
H.  le  comte  d'Artois ,  an  grand  galop.  11  me  dit  que 
5.  A.  R.  m'attendait  au  bois  de  Boulogne  à  la  porte 
dw  Princes.  Je  partis  sur  le  champ ,  et  à  la  descente 
6e  l'Etoile  je  trouvai  La  Vaupalière  qui  m'arrêta 
pour  me  dire  avec  enthousiasme  :  Ils  se  sont  battus 
ftmime  ^eux  grenadiers  d'infanterie.  Je  joignis 
hicntôl  M .  le  comte  d'Artois  qui  se  promenait  h,  pied 
Ma  Crois  d'Armenon ville.  II  courut  à  moi  et  se  jeta 
dans  mes  bras,  ce  qui  me  Et  venir  les  larmes  aux 
ïïux-  d'autant  qu'aux  bonlf-s  qu'il  rae  témoignait , 
*^  joignait  un  certain  air  d'embarras  occasionné 
pw  les  louanges  des  gens  qui  l'entouraient.  » 
"  Impatient  d'^lre  instmll ,  je  pris  à  part  le  chc- 


286  —  S1STOIRE   DES  DUBLS.  ~ 

yalier  de  Crussol ,  en  lui  disant  :  Coniez^moi  donc 
comment  cela  s* est  passé.  Ils  se  sorU  donc  battus?; 
Et  l'ordie  du  roi,  et  tous  les  beaux  arrangemcns 
d'hier,  qu  est-ce  que  cela  est  devenu?.*  Au  diable 
sifjr  comprends  rien. 

c(  —  Ce  matin,  me  répondit  le  cheyalier,  afanl 
de  partir  de  Versailles,  j'ai  fait  mettre  en  secret 
sous  un  coussin  de  la  voiture  sa  meilleure  èpèe. 
Quand  nous  sommes  arrivés  à  la  porte  des  Princes , 
j'ai  aperçu  M.  le  duc  de  Bourbon  à  pied ,  avec  asseï 
de  monde  autour  de  lui.  Dés  que  M.  le  comte 
d'Artois  l'a  yu,  il  a  sauté  à  terre,  et  allant  droit  à  lui| 
il  lui  a  dit  en  souriant  :  Monsieur,  le  public  prétend 
que  nous  nous  clierchons. —  M.  le  duc  de  Bourbon 
a  répondu  en  ôtant  son  chapeau  :  Monsieur,  je 
suis  ici  pour  recevoir  vos  ordres.  —  Pour  exécuier 
les  vôtres,  a  repris  S.  Â.  R.  » 

«  Ils  sont  entrés  dans  le  bois  où  ils  ont  bit  une 
vingtaine  de  pas.  M.  le  comte  d'Artois  a  mis  l'épée 
à  la  main,  et  M.  le  duc  de  Bourbon  aussi.  Ils  allaient 
commencer,  quand  M.  le  duc  de  Bourbon  adret- 
sant  la  parole  à  son  adversaire  lui  a  dit  :  Fous  ne 
prenez  pas  garde.  Monsieur,  que  le  soleil  vous 
donne  dans  lesjreux.  —  Fous  auez  raison,  a  rér 
pondu  S.  Â.  R. ,  allons  vers  le  mur  qui  est  plus 
loin;  nousjr  trouv^eix>ns  de  V  ombre  puisqu'il  ri  y  a 
pas  encore  de  feuilles  aux  arhes.m 


—  cniPiTiiK  Txir.  —  287 

R  Sur  cela ,  chacun  a  mis  son  épéc  nue  sous  son 
bru,  et  les  detix  princes  ont  marche  Tun  à  côté 
de  l'autre    en    causant   ensemble  ,    moi    suivant 

IM.  le  comte  d'Ârlois,  et  M.  de  Vibraye  M.  le  duc 
de  Bourbon.  Tout  le  monde  est  demeuré  k  la  porte 
de»  Princes.  » 
H  ArrÎTés  au  mur,  M.  de  Vibraye  leur  a  re- 
présenté qu'ils  avaient  gardé  leurs  éperons,  et  qu'ils 
pourraient  les  géncr.  J'ai  àté  ceux  de  M.  le  comie 
d'Artois,  et  M.  de  Vibraye  ceux  de  M.  le  duc  de 
Bourbon ,  service  qui  a  pensé  lui  couler  cher  ; 
cir  en  se  levant  il  s'est  attrapé  sous  Tœil  h  la  pointe 
de  l'épée  que  M.  le  duc  de  Bourbon  tenait  encore 
■DUS  le  bras  :  un  peu  plus  haut  il  avait  l'œil  crevé. 
It!  éperons  ûlés,  M.  le  duc  de  Bourbon  a  demandé 
permission  à  M.  le  comte  d'Artois  de  quitter  son 
Aabit,  soua  prétexte  qu'il  le  gênait-  M-  le  comte 
«l'Artois  a  jeté  le  sien  ,  et  l'un  et  l'autre  ayant  Ut 
Irine  découverte  ont  commencé  à  se  battre,  n 
Il  Us  ont  reaté  assex  long-temps  k  ferrailler.  Toul- 
^-coup  j'ai  vu  le  rouge  monter  au  visage  de 
».  A.  R. ,  ce  qui  m'a  fait  juger  que  l'impatience 
^  gagnait.  En  elFet,  il  a  redoublé  et  pressé  assez 
%.  le  duc  de  Bourbon  pour  lui  faire  rompre  la 
ttesure.  Dans  cet  instant ,  M.  le  duc  de  Bourbon  a 
ftaneelé,  et  j'ai  perdu  de  vue  la  pointe  de  l'épée  de 
M.  le  comte  d'Artois,  qui  apparemment  a  passé 


288  ^  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

SOI18  le  bras  de  M.  le  duc  de  Bourbon.  Je  Tai 
cru  blessé,  et  me  suis  avancé  pour  prier  les  princes 
de  suspendre.  M.  de  Vibraye  en  a  fait  autant. 
—  Ce  nest  pas  h  moi  à  ayoir  un  avis ,  a  répondu 
S.  A.  R. ,  c'est  à  M.  le  duc  de  Bourbon  à  dire 
ce  qu'il  veut;  je  suis  à  ses  ordtvs. — Monsieur, 
a  répliqué  M.  le  duc  de  Bourbon  en  baissant  la 
pointe  de  son  épée ,  je  suis  pénétré  de  reconr 
naissance  de  vos  bontés,  et  je  n'oublierai  jamais 
l'honneur  que  vous  m'avez  fait.  M.  le  comte 
dWrlois  ayant  ouvert  ses  bras  courut  l'embrasser, 
et  tout  a  été  dit.  » 

<c  Je  rejoignis  le  Prince  arec  M.  de  Crussol , 
et  peu  de  temps  après  nous  montAmes  tous  à  cbeval 
pour  venir  diner  chez  moi.  En  arrivant  à  la  bar- 
rière du  Cours ,  nous  trouvâmes  M.  le  prince  de 
Condé  et  M.  le  duc  de  Bourbon  qui  avaient  éti 
s'habiller ,  et  qui  revenaient  au-devant  de  S.  A.  R. 
Du  plus  loin  qu'ils  Taperçurent,  ils  sautèrent  à  terre 
de  leur  voiture ,  et  M.  le  prince  de  Condé  courant 
h  la  botte  de  M.  le  comte  d'Artois,  les  yeux  rem-- 
plis  de  larmes ,  lui  dit  d'une  voix  entrecoupée 
des  choses  rcs]>c(^tucuses  et  infiniment  touchantes. 
M.  le  comte  d'Artois  marqua  de  son  côté  beau- 
coup de  sensibilité,  de  manière  que  tout  ce  qui  était 
Ifi  fut  on  ne  peut  plus  attendri.  Les  Princes  se  sé- 
parèrent, et  charim  continua  son  chemin.  » 


■  -cnKvnnE  ^Tri.  -  289 

^B      »  rtiTnis  rrril  avimt  le  rombal  une  leltre  k  !a 
^B    Krinc,  pour  lui  soumetlre  une  id^e  qui  m'était  Tenue 
^     il'ciigaji;er  M,  le  comlc  d'Artois  h  terminer  ooble- 
nifiil  celle  affaire  par  des  excuses  à  IM."'  la  du- 

|<'lics»e  de  Bourbon.  Kn  arrivant  chei  moi  je  trouvai 
Campan ,  son  secrétaire,  qui  m'apportait  In  réponse 
^mn  leltre.  C'était  une  approbalion  complète  de 
1»  dtmarr-he  en  question.  » 
"  Muni  de  cette  autorité,  je  dis  à  M.  le  comlc 
(l'Arlois  qu'il  n'y  avait  pas  un  moment  à  perdre 
'1  qu'il  fellait  aller  chex  M."'  la  ducliesse  de 
Bourbon  lui  faire  des  excuses  ;  que  cette  démarche, 
"prés  ce  qui  venait  de  se  passer,  ne  pouvait  être 
nllrïbuée  qu'à  la  déférence ,  Jl  la  galanterie  qu'on 

(tnit  atix  femmes  et  le  raccommoderait  avec  elles , 

miarju'elles  étaient  surtout  déchaînées  contre  lui. 
IVe  le  Irouvai  Irés-docile  k  rcl  avis,  et  nous  nous 
irr^Ames  sur  le  champ  Ji  pied ,  par  le  boulevard  , 
rrni  le  palais  Bourbon,  n 

I  Je  lui  recommandai  de  mettre  beaucoup  d'ai- 
ince  el  de  grAce  dans  sa  contenance,  ainsi  que 
htra  sort  discours ,  et  surtout  de  commencer  par 
ri  dire  qu'il  profitait  du  premier  moment  dont  il 
mu-ail  di.iposer,  pour  venir  ^r  mettre  à  ses  pied.r. 
r  l'Accompagnai  jufiqti'Ji  la  porte  du  palarsBourbon , 
il  ji"  le  laissai  entrer  avec  le  chevalier  de  Crussol. 
I  j  resta  un  demi-quart  d'heure,  et  me  rejuiguit 
19 


290  —  HISTOIRE   DES   DUELS.  — 

sur  le  boulevard  où  je  rallendais.  Crussol  me  dit 
qu'il  avait  été  parfait  ,  et  que  M.™^  la  duchesse 
avait  été  bien  dilTôrenle.  » 

c(  En  rentrant  chez  moi,  je  trouvai  le  comte  Jules 
de  Polignac  qui  arrivait  de  Versailles  et  <jui  me 
dit ,  de  la  part  de  la  Reine ,  qu'il  fallait  que  M.  le 
comle  d'Arlois  écrivit  au  Roi  sur  ce  qui  venait  de 
se  passer.  Il  était  tard  ;  tout  le  monde  mourait  de 
faim.  Je  laissai  chacun  se  mellre  h  table  ,  et  je 
courus  minuter  une  lettre  que  le  prince  copia  de 
sa  main  après  le  dmer ,  et  qu'il  envoya  au  Roi  par 
un  de  ses  gens.  » 

«  J'ai  oublié  de  dire  que,  dans  l'audience  que 
j'avais  eue  de  la  Reine ,  elle  m'avait  consulté  pour 
savoir  s'il  ne  fallait  pas  envoyer  M.  le  comte  d'Artois 
à  la  Bastille  au  cas  qu'il  se  battit  ;  ce  que  j'avais 
totalement  rejeté  ,  comme  inutile  ,  en  disant  qu'il 
suffirait  de  l'exiler  pendant  huit  ou  dix  jours  à 
Choisy,  pendant  qu'en  même  temps  on  exilerait 
le  duc  de  Bourbon  h  Chantilly.  » 

«  M.  le  prince  de  Condé  ne  mit  pas  assez  de 
réserve  dans  sa  conduite.  Au  lieu  de  se  renfermer, 
il  ouvrit  sa  porte  à  tout  Paris ,  et  l'affluence  au 
palais  Bourbon  fut  énorme  ;  ce  dont  le  roi  el  la 
reine  furent  très-choqués.  Je  me  crus  moi-même 
obhgé  de  faire  comme  tout  le  monde.  M.  le  prince 
de  Condé ,  instruit  que  c'était  moi  qui  avais  fait 


I 


-nuPiTRE  sxn.-  291 

Il  Ictlre  (le  M.  le  comte  (i'Arlois  au  roi ,  me  recul  à 
bras  ouverts.  M.  le  duc  de  Bourbon  se  crul  acquitté 
psr  une  révérence.  Pour  M.""  la  duthesHe  elle  con- 
lerra  avec  moi  l'air  d'ironie  qui  ne  ravail  pas  quittée 
depuis  le  commencement  de  eelte  alTaire.  » 

«  Le  lendemain  M.  le  comte  d'Artois  reçut 
Tordre  d'aller  en  exil  à  Choiay ,  et  M.  le  duc  de 
Buurbon  h  Chantilly.  Ils  y  restèrent  huit  jours.  » 

'(  M.  de  Crussol  eut  presque  tout  l'honneur  de 
nHlealTairc,  et  je  n'en  lirai  que  celui  d'être  con- 
Itnt  de  moi  ;  ce  qui  me  suffira  toujours  (248) .  » 


Le  prÎDce  de  Condé ,  le  m<?me  que  celui  dont  il 
TÎtnt  d'être  parlé  k  l'occasion  du  duel  de  son  fils, 
I*  duc  de  Bourbon ,  avec  le  comte  d'Artois ,  se 
mciura   aussi   en   champ   clos    avec   ie    vicomte 
<l'Agout,  simple  capitaine  de  ses  gardes.  Celui-ci 
fà  était  en  même  temps  capitaine  aux  Gardes- 
Françaises,  s'était  attaché  k  une  jeune  veuve  de  la 
I       four  de  la  princesse  Louise  de  Condé ,  et  lui  avait 
^m  ptimis  de  l'épouser.  Mais  ayant  cru  dét^ouvrir  que 
^P^ttle  dame  partageait  en  secret  ses  a&eclions  entre 
~  **  prince  cl  lui ,  U  éclata  en  reproches  et  retira 
•■  promesse  de  mariage.  Celle-ci  s'en  plaignit  au 
Prtiice  de  Condé,  et  lui  fil  un  récit  qui  l'indisposa 
k^otilre  le  vicomte  d'Agotil ,  au  point  d'exiger  de  lui 
IMOQ.  M.  d'Aguut  la   présenta  un   quitrt 


292  —  HISTOIRE    DKS    DUEL».  — 

d'heure  après  ,  cl  Tayanl  remise  entre  les  mainii  du 
prince  y  il  lui  demanda  respectueusement  quel  pou* 
vait  être  le  motif  d'une  pareille  disgrâce.  —  Ccst, 
répondit  le  prince,  ifue  je  ne  veujc  sou ffiir auprès 
ilc  moi  ni  les  menteurs  ni  les  calontniateurs.  —  Je 
"VOUS  prie  y  Monseigneur,  de  tous  soutenir  qu'au 
moment  oit  je  tous  ai  fait  cette  demande,  je  n'avais 
plus  V honneur  d'être  à  votre  sennce,  mais  que  je 
suis  gentilhomme.  —  Je  vous  entends ,  Monsieur, 
et  je  suis  prêt  à  soutenir  ce  que  je  vous  ai  dit  par 
toutes  les  voies  qui  pounvnt  vous  coni^nir.  — - 
Monseigneur ,  j*ose  compter  sur  vos  bontés. 

Dès  le  soir  même ,  le  vicomte  d'Agout  alla  à 
Versailles  s'assurer  de»  plus  liautes  protections  en 
cas  d^èvénemens  malheureux ,  et  le  lendemain  se 
présentant  k  la  portière  de  la  voiture  du  prince  qui 
relayait  à  Sèvres  :  Monseigneur ,  lui  dit*il ,  je  viens^ 
recevoir  vos  ordres*  —  Demain  ,  Monsieur,  à  neuj 
lieures  du  matin,  je  serai  à  l'entrée  du  bois  de 
Boulogne,  près  la  porte  Maillot. 

M.  d'Agout  ne  manqua  pas  de  s'y  trouver  avec 
son  frère ,  aide-major  aux  Gardes  du  roi.  Le  prince 
arriva  avec  un  gentilhomme  de  sa  cour ,  et  tous  les 
quatre  se  rendirent  dans  une  allée  écartée.  Le 
prince ,  en  se  présentant  sur  le  champ  de  bataille , 
remit  à  M.  d'Agout  un  paquet  contenant  la  décla- 
ration qu^Jl  avait  été  l'agresseur  dans  le  combat  et 


I 


l'avail  provoqué ,  avec  des  tultres  de  i 

tlation  pour  les  dilR-rcules  cours  étrangères,    ok  | 

Bun  adversaire  pourrait  se  retirer. 

Ceiui-ci  reçut  le  pnquct  avet:  respect  et  rccon^  1 
naiaeaBcevtmit  bas  suu  habit.  Monsieur,  lui  dit  le  I 
prince,  en  quiunnl  votre  habit,  c'esl me dîn- rl'eit 
Jairr  autant.  — MvHSi-igneur ,  jt^  ii'ui pas  lu  droit 
aérien  ejtgcrile  ^oUv  ailles  se,  jii  m'en  mjipone  à 
sa  to}  aulé ,  el  n'ai -voulu  que  lui firuuver  la  mienne. 
Le  prince  de  Condt  st:  déshabilla  aussittil.  Tous 
deux  mirent  IY-|>ée  à  la  main,  et  le  combat  eo  m - 
meu^ra  de  ta  part  de  M.  d'Agoitt  avec  un  atjtiarue- 
meut  que  pouvait  expliquer  sa  position  particubère. 
Le  prince  reçut  aussitôt  une  U'gère  blessure.  L« 
létnoiiM  se  jetèrent  alors  cuire  les  combatlaos  pour 
les  séparer.  M.  d'Agout  fut  promu  peu  de  temps 
après  au  grade  de  major  des  Gardes ,  sur  la  recom- 
ntandabon  mi'mcdu  prîuec  deCondé  (240). 

Cette  kiTiure  ûl  grand  bruit  h,  ia  cour,  où  ell» 
fui  néanmoins  diversement  jugée.  Les  uns,  n'en 
apercevant  que  le  c6tû  cbevalcresque ,  louaient  Ift  ( 
prince  d'avoir  si  noblement  réparé  ses  torts ,  et  !«  I 
comparaient  à  François  I."  qu'il  avait  miîme  I 
réellement  surpassé.  D'autre»  ne  virent  qu'un  daik" 
gereux  précédent  et  un  sacrifice  impulitii^uc  aux  j 
idies  nouvelles ,  dans  cet  oubli  des  distances  entre 
un  prince  du  sang  et  un  simple  officier. 


204  —  HISTOtRE   DES   DUEL9. — 

Quant  fiu  Monarque  ,  dans  cette  circonstance 
comme  dans  la  précédente  ,  le  serment  de  son 
sacre  cl  ses  principes  sincèrement  religieux  ne  lui 
permettaient  pas  d'avoir,  comme  ses  prédécesseurs, 
deux  opinions  ,  Tune  odicielle  ,  Tautre  secrète. 
Mais  il  est  facile  de  comprendre  toute  la  difficulté 
de  sa  position.  Ce  ne  sera  pas  là  du  reste  le  seul 
ni  le  plus  grave  embarras  où  Pauront  jeté  succes- 
sivement toutes  les  fautes  de  sa  famille. 

La  grande  renommée  du  chevalier  d'Eon , 
comme  duelliste  appartient,  plus  encore  au  règne 
précédent  qu'à  celui-ci.  Il  était  né  à  Tonnerre , 
en  octobre  1728 ,  et  avait  pour  père  le  subdélégué 
de  cette  ville.  Il  fut  successivement  avocat,  cen- 
seur royal,  écrivain  politi(fue,  capitaine  de  dragons, 
diplomate  et  maître  d'escrime. 

Ce  fut  en  cette  dernière  qualité ,  et  sous  couleur 
de  donner  des  leçons  au  Grand-duc  de  Russie, 
qu'il  fut  d'abord  envoyé  à  St.-Pétersbourg  avec 
une  mission  secrète  dont  il  s'acquitta  avec  assez  de 
succès  pour  obtenir  le  titre  de  secrétaire  d'ambas- 
sade. Il  reçut  aussi  en  récompense  de  ses  services 
diplomatiques ,  le  brevet  de  capitaine  et  la  croix  de 
Saint-Louis.  On  l'envoya  ensuite  en  Angleterre ,  où 
il  fut  un  instant  ministre  plénipotentiaire,  et  eut 
rhonneur  de  contribuer  beaucoup  à  l'ignominieux 


I 


—  ciuriTBE  xxir.—  295 

Irailé  de  1763,  œuvre  bii-n  digne  assurimeiU  du  la 
coop^tton  (l'un  paruil  [>enioiiitiige. 

Le  dte?a!ier  d'Eon  cxcrllait  dans  1l'3  eseniccs 
du  rorpa  el  surloiil  dans  l'arl  de  Teserime.  Il  enl  de 
nombreux  diicU ,  oii  su  merveilleuse  adresse  lui 
gnmiiUssail  d'avuucu  un  triomplie  assuré.  Yti-s  la 
Gn  du  régne  de  LouiaXV,  d  ^luit  culture attacbO  •> 
la  K-^liuti  française  ii  Londres.  Il  trouva  mauvais 
que  lambassadcur  ciimle  de  (juerchy  voulut  ré- 
duire SCS  di'penscs  ;  il  lui  en  fit  une  scène  violeiile 
dans  laquelle  il  s'oublia  jug(|i)'ii  lui  dotiner  un  souf- 
flet. Sur  les  plaintes  de  l'ambassadeur ,  il  fui  d^iridé 
au  ciuiscil  dp  Versiiilics  que  le  clicTalier  d'iiou  serait 
enleva  et  ramrnÈ  en  France.  Mais  Louis  XV,  avec 
qui  il  *tait  en  correspondance  secrète,  lui  ajant 
dounO  avis  de  cette  rèsolutiun,  il  se  retira  dans  la 
otié  de  Londres  où  sa  pers<iuue  devenait  inviolable. 
S'^Qt  oïisè  d'en  sortir  un  jour  pour  se  batlrc  en 
pleine  rue  avec  un  français  «ommi;  de  Vergy,  il 
eut  beaucoup  de  peine  h  se  retirer  des  mains  des 
conslables  qui  voulaient  l'arrêter  pour  avoir  Iroublè 
tti  peu'.v  liu  lloî. 

IX'burrassè  des  aiTaires  politiques,  noire chevalii'r 
se  livra  enliéremcnt  ii  l'csercice  de  l'escrime.  Un 
coup  de  fleuret  qu'il  reçut  un  juut  au  sein  dans  un 
assaut,  produisit  une  tumeur  ghmduleusc  qui  exigea 
UQO  opération  cbirurgienle.  Ce  Tut  lit  ce  [[ui  donna 


296  *-  HISTOIRE    DES   PUELS.  — 

lieu  au  bruit  qui  commença  à  se  répandre  qu^ 
n'était  pas  du  sexe  masculio.  Chacun  fit  ses  con- 
jectures sur  ce  chapitre  qui  dc\int  Tobjet  de  paris 
considérables.  L^incertitude  s'augmenta  de  Tindif- 
férence  que  d^Eon  affecta  pour  tous  ces  bruits  > 
et  de  son  refus  obstiné  de  satisfaire  par  une  expli* 
cation  catégorique  à  la  curiosité  publique. 

Il  parait  que  le  duc  d'Aiguillon  ,  ministre  des 
affaires  étrangères ,  avait  cm  dcTOÎr  profiter  de  ces 
bruits  pour  défendre  à  Tex-diplomate  de  reparaître 
en  France ,  si  ce  n'est  en  habit  de  fenmie.  On  s^est 
épuisé  en  conjectures  sur  les  motifs  d'une  mesure 
aussi  singulière.  D'Eon  chercha  k  faire  croire  que 
c'était  pour  mettre  à  couvert  Thonneur  du  cemie 
de  Guerchy  qu'il  avait  si  gravement  insulté  ;  mais  il 
se  pourrait  bien  que  ce  fut  plutôt  pour  metire  II 
couvert  Thonneur  du  cabinet  de  Versailles,  en  re-> 
jetant  sur  une  femme  la  honte  étemelle  du  trail6 
de  1763. 

QuoiquMl  en  soit ,  ce  ne  fut  qu'après  la  mmi 
de  Louis  XV  et  la  disgrâce  du  duc  d^Âiguilloa  ^ 
que  le  chevalier  d'Eon  fut  autorisé  k  revenir  en 
France,  à  la  charge  du  secret  le  plus  inviolable 
sur  tout  ce  qui  lui  avait  été  confié  ;  mais  il  ne  profila 
de  cette  permission  qu'en  17/7,  après  la  mort  du 
comte  de  Guerchv. 

Rentré  en  France ,  il  présenta  au  premier  nû- 


•itire  Mnurepas  une  requëlu  ussex^  cIcikIuc  ,  |ioiir 
obt«iir  la  rivocalioti  de  Tordre  <]iii  lui  nvHÎl  tté 
pr^cMemment  donni  de  porter  des  liiibils  de  femme. 
Cïlle  pièce  bizarre  se  trouve  en  entier  rajutnrtèc  hu 
luiiie  V  des  Souvenirs  de  la  marquise  di;  Crèquî. 
Un  y  lit  des  passages  tels  que  ceux-ei  : 

Il  Je  suis  forcé  de  vous  représenter  trés-liumbie- 
■ntnl,  Monseigneur,  que  le  temps  de  mun  noviciat 
lemclleélanl  entièrement  révolu,  il  m'est  impossible 
de  passer  k  la  profession.  J'ai  bien  pu,  par  obèis- 
•auce  aux  ordres  du  feu  roi  et  de  ses  ministres, 
nitcr  en  jupes  en  temps  de  paix  ;  mais  en  temps  de 
guerre,  cela  m'est  impossible....  11  importe  k  la 
|leire  de  l'dlustre  maison  de  Guercliy  de  me  laisser 
Hitiauer  mon  service  militaire.  Du  moins  c'est  la 
façon  de  penser  de  toute  l'armée  et ,  j'ose  dire ,  de 
toute  l'Europe  instivite....  J'ai  toujours  pensé  et 
^^^  comme  Achille  :  je  ne  fais  point  la  guerre  aux 
^■Virls ,  et  je  ne  tue  les  vivans  que  lorsqu'ils  m'ulla- 

^■uent  lea  premiers,  etc. ,  etc » 

^ft  Le  cnmle  de  Guerchy  était  bien  mort  en  eiïcl , 

^Bnis  il  avait  un  Ëls  vivant ,  qui  se  montrait  disposa 

"Ir  braver  la  redoutable  épée  du  clievalîer  d'Eoti , 

el  plua  jaloux  de  venger  l'honneur  de  son  père , 

qu'occupé  des  chances  inégales  d'une  pareille  lutte. 

I  leodreasc    malemelle   s'alarma   de  l'imminent 

uigcr  qu'allait  courir  un  Gis ,    l'uiiiquc  rejeton 


I  gucrr 
b|leirc 
BUontii 


298  —  însToinE  DES  nuELS.  — 

de  la  raniillc.  La  comlessc  de  Gucrchy  coiinilic 
jcicr  aux  pieds  du  Minisire ,  pour  le  supplier  de 
faire  cnsorle  d'empêcher  celle  renconlre.  CcluMÎ 
cnil  cpi'il  n'y  avail  pas  de  moyen  plus  sûr  à  prendre 
que  de  maintenir  ce  qu'avail  ordonné  son  pré- 
décesseur, el  la  rcquélc  du  chevalier  d'Eon  fat 
mise  à  néant. 

II  fallul  prendre  son  parti  el  se  résigner  au  co»- 
Uime  féminin.  Aussi  bien  noire  chevalière ,  p» 
ordre ,  se  trouvait  élroilcmcnl  enchaînée  aux  to- 
lonlés  ministérielles,  par  le  brevel  d'une  penskiB 
de  12,000  francs,  fruil  de  la  munificence  du  ï« 
roi ,  cl  ([u'on  pouvait  lui  relircr  d'un  Irait  de  plume 
si  elle  s'était  montrée  récalcitrante.  Celle  posilioo 
é([uivo(|ue  attira  h  d' F^on  des  scènes  de  toute  espèce,  j 
Il  cul  h  ce  sujet  une  violente  querelle  au  spectacle,  ^ 
cl  pour  en  prévenir  les  suites,  on  l'envoya  à  li 
citadelle  de  Dijon. 

A  la  révolution  de  1789  ,  le  chevalier  d'B»» 
retourna  en  Angleterre  ,  où  il  se  créa  bienlW' 
d'abondantes  ressources  en  donnant  des  leçon» 
d'escrime.  H  mourut  à  Londres,  le  21  mai  1810» 
âgé  de  79  ans.  Son  sexe  redevint  alors  le  sujc* 
d'une  controverse  toute  nouvelle.  Plusieurs  arlidc» 
qui  parurent  dans  le  Journal  de  l'Empire,  les  I» 
et  21  juin  1810,  approfondirent  ctW^  grave  qi^ 
lion  ,  cl  l'opimou  Ircs-coucluanlc  en  pareille  m*' 


c  itii  père  ElvsOe.  cdlèhre  itiirurgicii ,  flim;;é 
raiilopsic  ttu  dérunt  ,  vînt  lermiiicr  ciilin  la 
ii-ussioii  en  donnant  gain  de  cause  aux  partisans 
lu  masculinité  (250). 

La  marquise  de  Créqui  parle  ainsi  du  clicvnlier 

£un  dans  ae9  Sotii-enirs  :  v  II  allait  horriblement 

iibit  d'une  robe  de  femme,  une  mi-chantc  robe 

avec  la  croix  de  Saint-Louis  sur  le  cœui , 

ec   ses   cheveus     gris    dèrisoirement    prostitués 

ut  une  comelle  sale.   II  allait  ainsi  faire  assaut 

irmcs  en  public ,  hélas  !  de  pair  à  confrère  aYCc 

pr**ol  de  salle ,  uu  histrion  d'escrime ,  un  mu- 

K  appelé  Saint-Georges.  Quel  oubli  de  la  di- 

Dobîiiaire,  et  quelle  incouccTable  dislrarlion 

lutorilé  royale!....  ))  L'auteur  de  ce  portrait 

ffen  récrie  pas  moins   sur   ce  qu'elle  appelle 

ssibilitc  sloiqne  de  IM.  de  Gucrdiy,  et  s"é- 

quc  l'ambassadeur  de  France  ait  montré  de 

|mgnancc  h  croiser  l'èpée  avec  ce  personnage, 

^aii,  dit-elle,  cha-alier  de  Snint-Lotiis.  Les 

1  du  siècle  précédent  s'autorisaient  du  mi.^mc 

le  pour  refuser  de  se  battre  avec  ceux  qid 

lient  pas.  Brantôme  trouvait  celle  prétention 

iplaisanle,  et  la  manière  dont  il  s'en  mo<pic 

it  faire  croire  qu'il  eut  traité  de  minic  la 

[oe  de  M.""  de  Créqui ,    s'il  en  avait  été 

Mtcmporain.  »  y.  li-ilv^sus ,  Pag.  l'2H. 


800  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

Qui  n'a  entendu  parler  de  ce  Saint-Georges  qui 
s'appelait  aussi,  comme  d'Eon,  le  chevalier  de  Sainl- 
(  xeorgcs  ?  Ces  héros  de  salles  d^armes  jouiaraieDl 
alors  d^une  vogue  prodigieuse.  On  les  applaudissait 
avec  fureur  dans  les  assauts  publics  ;  on  les  exaltait 
dans  les  journaux  ;  on  se  les  arrachait  dans  lesbou- 
doirs.  On  était  loin  de  traiter  avec  une  égale  dis- 
tinction les  plus  habiles  guerriers.  Les  noms  de  ces 
chevaliers  d'industrie  sont  écrits  partout.  Accueillis 
dans  toutes  les  biographies,  ils  sont  destinés  à  passer 
à  la  postérité  dans  le  même  cortège  ou  Ton  admire 
ceux'des  vainqueurs  de  Fontenoy. 

D'Eon  et  Saint-Georges ,  qui  se  donnaient  ainsi 
en  spectacle ,  au  grand  scandale  de  la  marquise  de 
Créqui ,  pouvaient  alors  passer  pour  rivaux ,, quoi- 
que celui-ci  fut  de  dix-sept  ans  plus  jeune.  Il  était 
né  le  25  décembre  1745,  à  la  Guadeloupe.  Son 
père  M.  de  Boulogne ,  fermier-général ,  qui  Tavait 
eu  d'une  négresse,  le  mil  de  fort  bonne  heure  entre 
les  mains  du  célèbre  maître  d^armcs  Laboissière- 
A  15  ans  il  battait  déjà  les  plus  forts  tireurs.  Il  n^ 
larda  pas  à  obtenir  tous  les  succès  possibles  aupr^ 
des  femmes  qui  ne  s'effrayaient  pas  de  ses  cheveim  ^ 
crépus ,  et  de  sa  couleur  beaucoup  plus  foncée 
ne  l'est  ordinairemenl  celle  des  mulâtres. 

Saint-Georges  devinl  successivement  écuyer 
M.*°^  de  Moutcssou  ({ue  le  duc  d'Orléans  av 


—  ni*prrrp  wix.  —  301 

fpoiisfe  m  8«rret ,  puis  capllaine  des  gardes  de  son 
Gl»,  le  duc  de  Chartres  qiii  en  fît  Sun  ami  intime,  <>  et 
rpii  le  corrompait,  dit  la  Biographie  universelle , 
bniicoup  plus  qu'il  ne  pouvait  lui-m^me  corrompre 
ce  prince,  n  En  1776,  il  se  présenta  comme  clief 
il'iine  compagnie  de  capitalistes  pour  régir  l'ac^- 
li^ic  royale  de  musicpic.  Mai«  les  actrices,  et  h 
Ifur  lêle  M.*""  Aniould  ,  (luimortl  cl  Rosalie, 
l^cmpressérent  d'adresser  un  pl.icel  h  la  Reine,  poin: 
W  rcprisenler  que  leur  /(oN»ru relieurs  privilèges 
IM  leur  permellaieul  pas  dVlre  «oumiscs  à  la  direu- 
tonii'un  mulâtre. 

On  croit  que  le  refus  qiie  Saint-Georges  éprouva 
*n  cette  circonslance  peut  avoir  contribué  à  le 
mulre  plus  accessible  au\  opinions  révolutionnaire» 
qui  étaient  d'ailleurs  celles  de  presque  loua  le» 
hommes  de  couleur.  Il  prit  part  h  toutes  les 
Wripies  de  répo«|ue ,  et  joua  im  rôle  principal 
itos  Ic«  manœuvres  donl  le  foyer  était  alors  au 
hlai»  royal.  Envoyé  h  Tournm,  en  1791  ,  avec 
uni:  mission  secrète  du  dtic  d'Orléans  près  des 
*niigrts  qui  s'y  rassemblaient ,  il  en  fui  fort  mal 
»«nieilli.  On  le  repoussa  ilc  toutes  les  tables  d'hôte , 
ci  le  conHnandant  de  la  \-ilIelui  fit  même  défendre 
de  se  montrer  en  public. 

Siint-Georges  eul  le  bon  esprit  de  se  retirer  sans 
f»i[t  dr  bruit,  et  il  chercha  }i  joner  un  ri\lc  pins 


302  —  lUSTOlRE   DES   DUELS.  — 

lionornblc  dans  hi  cnnipagnc  qui  s^ouvrit  Tannée 
Hiiivnnte.  Il  leva  lui-mémc  \in  régiment  de  chasseurs 
t^  elicval  qiril  commanda  dans  l^armée  de  Du- 
moiiricz.  Quoiqu'il  eût  dénoncé  celui-ci  à  la  Coa- 
Ycntion ,  il  n'en  fui  pas  moins  arrêté  comme  suspect 
peu  de  temps  après  ,  et  ne  dut  sa  délivrance  quW 
9  Thermidor.  Celui  qui  avait  eu  une  existence  si 
brillante  mourut  dans  Tobscurité  et  dans  un  état 
voisin  de  la  misère ,  le  12  juin  1799 ,  à  Page  de  54 
ans.  11  existe  une  notice  sur  Saint-Georges  k  la  tête 
du  Traité  de  l'art  des  armes,  par  Laboissière  fils. 

On  a  cité  des  prodiges  incroyables  de  Tadresse 
de  Saint -Georges.  Un  de  ses  moindres  tours  de 
fon^e  était  de  frî\i)per  deux  écus  jetés  en  Tair  avec 
deux  pistolets  diAV-rens.  Il  excellait  de  même  dans 
la  musique  et  dans  la  plupart  des  arts  d'agrément. 
Du  reste  il  avait  des  qualités  morales  qui  ne  per* 
mettent  pas  de  le  ranger  dans  la  classe  commune 
des  spadassins ,  comme  ses  devanciers.  Il  était  d^uik 
caractère  doux  ,  humain  et  désintéressé ,   et  Foi» 
cite  de  lui  des  traits  peu  ordinaires  de  bienfaisance 
et  d'humanité.  Chose  plus  rare  encore,  on  lui». 
rendu  la  justice    qu'il    n'avait  jamais   cherché  ^ 
abuser    envers  qui  que  ce  fut  de  sa  force  extra- 
ordinaire dans  le  miiniement  des  armes. 

Cet  homme  est  le  dernier  grand  artiste  en  es — 
crime ,  qui ,  grâces  Ix  la  légèreté  de  ses  contem.— 


ïit.  -  .ira 

■fOnins  autant  peut-i-tre  qu'ù  son'  adresse ,  ail  pu 
Ifltrindre  k  une  aussi  haute  renommée.  Le  siècle 
niviinl  Ta  devenir  plus  sfricus ,  cl  riassera  comme 
Iflsdoivent  IV'trc  de  scmblablea  rairitts  (351). 

,  H  sV'Iait  olors  formé  nu  Palais  royal  une  pclite 

ir  maie  de  celle  de  Versailles  ,  et  ([ui  bienlôt  en 

wrba  loute  l'influence.  On  relronvail  dans  le  ca- 

cre  des  habitues  de  ce  palais ,  un  mcJange  ilc 

i  des  roués  du  Régent  et  des  seigneurs  UutU 

aopelita  soupers  de  Louis  XV.  Il  s'y  joignait  une 

"uwice  de  plùlusopliismc  qui  érigeait  le  TÎec  en  prin- 

•^ct  la  corruption  en  svslcme.  On  raisumiailla 

uiJuuche  autant  qu'on  la  pratiquait.  Les  romans 

I      w  Faublas  et  des  Liaisons  dangareusus  ,  sortis 

^^us  deux  de  cette  école,  sont  une  peinture  asseK 

^Bwe  de  la  société  d'alors,  et  surtout  de  celle  où 

m  inaicDt  leurs  auteurs  Louvel  et  Laclos  (252) . 

Les  derniers  vesligcs  de  la  chevalerie  avaient 

'lisfraru  partout ,  pour  foire  place  à  une  certaine 

'Muilé  qui  n'en  était  que  la  parodie.  Toutefois, 

le  lUage  austère  de  Louis  XVI  en  imposait  aux 

«Hwtisans,  et  les  obligi'ail  h  une  certaine  réserve. 

Uséïcre  économie  du  monaïque  ,  son  goût  {mur 

'"  ^ic  privée  avaient  banni  l'appared  de  la  repré- 

wniiiion  souveraine.  Le  vice  et  le  scandale  que 

"i'Wrbail  plus  l'éclat  de  la  majesté  royale ,  cesse- 


304  —  TIISTOIRB  DES  DUELS.— 

ren!  de  se  monirer  ci  d^rcouvert.  La  comiplion 
rougissant  dVIIe-m^tne  fut  obligée  de  rcT^r  des 
formes  et  de  s'étayer  des  conyeuances.  C'était  dans 
les  mœurs  à -peu -près  la  même  hypocrisie  qiie 
celle  qu^avait  introduite  dans  les  consciences  le 
rigorisme  des  dernières  années  de  Louis  XFV. 

La  Cour  perdit  avec  le  prestige  de  son  fiaste 
une  grande  partie  de  Fascendant  qu'elle  avait  m 
long -temps  exercé  sur  la  Ville.  L'étiquette  dis- 
parut; toutes  les  conditions  se  mirent  peu-à-peu 
nu  même  niveau ,  et  le  Tiers-Etat ,  qui  s'était  8)p- 
gulièrement  grandi  et  avancé  par  la  richesse  et 
Finstruction ,  se  trouva  bientôt  en  mesure  de  sou- 
tenir la  concurrence  avec  les  classes  supérieures. 

La  guerre  de  Flndépendance  des  Etats  -  Unis 
acheva  de  mettre  en  vogue  les  idées  d'égalité  qui 
ressortaicnt  déjà  de  la  situation.  Elle  produisit 
France ,  sur  la  Noblesse ,  un  effet  analogue  à  cdii 
des  Croisades.   La  plupart  des  grands  seigneu 
de  la  cour  qui  y  prirent  part ,  rapportèrent  d 
Nouveau-Monde  des  principes  et  des  goûts  lo 
nouveaux.    Les  idées  américaines  repassèrent 
France  avec  les  restes  de  Texpédition  ,   et 
vèrent  les  esprits  parfaitement  disposés  à  les 
cueillir.  Rient At  elles  se  livreront  combat  avec  I 
idées  anglaises  qu'on  allait  aussi  chercher  de  l'aul 
coté  du  détroit  ,  dans  des  voyages  devenus  à   S^ 


—  CHUPCTRE  X\lt.  —  305 

ide  ;  el  l'on  verra  celte  lulle  produire  ce  gou- 
■nement  anormal  qui  fui  appelé  Rf-puitlicain. 
Un  des  seigneurs  qui  bc  faisaient  le  plus  remar- 
er  par  son  enthousiasme  pour  les  instiluliont 
mocratiqueg ,  ^lait  le  due  de  Lausiin ,  qui ,  sous 
snom  de  duc  de  Biron,  paya  de  sa  t<^te  cet  engoue- 
mt.  Il  conliauB  néanmoins  de  donner  le  ton  ii  la 
lur  par  l'^égance  de  se|  manières  et  l'éclat  de  ses 
IHHinet  fortunes.  C'était  aussi  un  duelliste  renommé 
M  io  digne  émule  en  long  points  du  maréchal  de 
tichelieu.  On  peut  en  juger  par  ses  Mémoires  dont 
Il  publication  Ct ,  il  y  a  quelques  années  ^  une  asseï 
pinde  lennation  dans  le  inonde  (253) . 

Uq  autre  cor;pliée  non  moins  célèbre  de  bou- 
^ir»  el  de  salles  d'armes,  fut  le  comte  Alexandre 
it  Tilly ,  qu'on  appelait  aussi  dan«  «on  tempe  h 
^iuu  Tilljr.  Ses  Cotifessiont  puliliées  sous  le 
m  de  Mémoires ,  peuvent  passeï'  pour  un«  con- 
tinuation de  celles  de  Lausuci  dont  il  était  lui- 
B^  la  doublure.  On  y  trouve  un  grand  nombre 
^  duels  relatils  pour  la  plupart  à  des  intrigues 
dt  ruelles  qui  composent  le  fonda  de  ses  récits, 
vn  ne  pourrait  gtières  en  excepter  que  les  scènes 
*)>■  il  ne  fut  pas  acteur,  t«lle»  qu'une  alTaire  où 
1*  c)ieTBlier  de  BoufUers  rwiil  un  coup  d'épée 
"u  ticomte  de  R  onclH-rnllcs ,  jmi  sujet  <le  la  cbnn- 
«w  Les  Jeuiios  Cens  du  Sit*.le ,  dans  latpielle  c« 
-20 


306  —  HISTOIRE  DES   DUEL9.  — 

dernier  sVtc'iit  apparemment  reconnu  ;  telles  qu^une 
autre  rencontre  où  le  célèbre  Champceuetz  se  fit 
donner  un  coup  d^épée  pour  des  vers  qui  n'étaient 
pas  de  lui.  Tilly  eut  lui-même  avec  ce  dernier 
ime  querelle  littéraire  qui  faillit  aussi  finir  d'une 
manière  tragique. 

Ce  personnage ,  qu'on  retrouvera  en  Amérique , 
au  chapitre  XXXIX,  pour  jouer  un  râle  de  flibus- 
tier à  l'égard  d'une  riche  famille  de  Pliiladelphie  y 
eut  une  fin  digne  de  sa  vie.  Après  avoir  couru 
les  aventures  et  fait  le  métier  de  Lovelace  dans 
plusieurs  cours  de  l'Europe ,  il  finit  par  se  ruiner 
au  jeu ,  commettre  des  escroqueries ,  et  se  brAler 
la  cervelle  à  Bruxelles  en  1816  ,  pour  échapper 
à  ses  créanciers. 

Un  chapitre  de  ses  Mémoires  qui  présentent 
parfois  des  aperçus  piquans  et  quelques  faits  eu» 
rieux,  est  consacré  h  des  réflexions  morales  sur 
le  duel,  fort  extraordinaires  sous  la  plume  d'un, 
tel  personnage ,  et  qui  rappellent  assez  les  incon- 
séquences de  Poullain  de  Saint-Foix.  En  voici  le^ 
principaux  traits  : 

((  La  France  est  la  patrie  des  duels.  J'ai  par—' 
couru  la  plus  grande  partie  de  FEurope  ;  ^^A 
voyagé  dans  le  Nouveau-Monde  ;  j'ai  vécu  paritÊM 
des  militaires  et  des  courtisans ,  et  je  n'ai  rencontra 
nulle  part  ailleurs  cette  funeste  susccpiibilUé ,  qui^^ 


~c.«Kvnr,v.  XXII.-  307 

I  fihnqite  pns ,  crî-e  des  oiTenscs ,  des  insullps  et 
HprovocalioQS.  D'où  vieut  dom*  cette  disposition 
pirliculiére  aux  Franraîa,  dont  le  cnrai:lére  eat  trop 
lublc!  pour  ^Irc  vindicatif ,  de  se  battre  en  duel 
^r  des  sujets  la  plupart  du  temps  si  peu  sérieux  ? 
Ctit  rMucalion ,  c'est  elle  seule....  » 

H  Vous  avez  eu  une   discussion   avec  un  ami 

'blime.  Quoiqu'elle  n'ait  pas   excédé    les  bornes 

me  ccriaîite  chaleur ,  les  femmes  y  ont  aperçu 

\nuances  injurieuses  ;  vous  aimerez  mieux  tuer 

ami  ou  vous  faire  tuer  par  lui  que  d'être  soup- 

fonnè  de  manquer  de  courage  parles  femmes  qui 

■  fcoonaissentsibien.  » 

u  jeu ,  il  est  survenu  un  coup  douteux  ;  il 
J  a  eu  malentendu.  Un  particulier  de  la  galerie 
I  louri  sardoniquement,  il  a  parlé  tout  bas  avec 
*  sœur  qui  a  chuchoté  avec  sa  cousine  ;  fait«s- 
y>m  tuer ,  car  voua  pourriez  passer  pour  un  fripon 
M  jeu ,  et  rien  n'éclaircil  mieux  une  telle  question 
^u'im  roup  d'épée.  » 

Votre  femme  est  -  elle  une  coquette  fieffée , 

Utei-vous  tuer  par  son  amant  ;  cela  lui  rendra 

Vous  avez  vous-même  séduit  la  femme 

létc  homme  qui  vous  témoigne  quelque 

quelque  humeur,   tuez -le;  car  lui 

*ï*nl  ravi  le  bonheur  cl  la  paix,  ce  n'est  guércs 

^  peine  de  marciiander  sa  vie.  « 


308  —  ms'joinr.  iu:s  uurrs. — 

c(  Ces  tableaux  fionl-ils  chargis.'...  bien  \iv\i  : 
et  je  n^ai  pas  parlé  de  cette  classe  odieuse  de  gens 
appelés  Spadassins  qui  font  un  métier  du  duel , 
et  dont  le  regard  insolent  est  une  offense  qui  dés- 
honore presque  autant  lorsqu^on  s^en  Tenge  qutt 
quand  on  ne  s'en  venge  pas.  »  Mémoifesde  Tilljr, 
Tom.  /,   Ch.  nu  (254). 

Du  reste ,  les  duels  k  la  fin  du  18.'  siècle  pa- 
rurent assez  souvent  avoir  perdu  leur  caractère 
sérieux,  et  la  gaietù  française  fit  plus  d^ufie  fois 
dégénérer  les  provocations  en  plaisanteries. 

Beaumarchais ,  qui  se  vante  dans  ses  Mémoires 
d^avoir  un  jour ,  en  Espagne ,  voulu  forcer  par 
un  duel  un  gentilhomme  de  la  cour  à  épouser  une 
de  ses  sœurs  ^  ce  qui  par  parenthèse  ne  lui  réussit 
pas ,  s^exprime  ainsi  au  sujet  d^un  cartel  qu^il 
avait  reçu  d'un  de  ses  adversaires  dans  le  procès 
Goësnutti  :  c(  Je  n'ai  piis  dénoncé  le  cartel  de 
Bertrand  au  ministère  public ,  comnne  beaucoup 
d^honn^'tes  gens  me  le  conseillaient.  Il  est  encore 
vrai  que  je  n^ai  pas  sanglé  un  coup  dV*pée  d 
la  cuisse  à  Bertrand ,  faute  d'avoir  trouvé  chec  II»- 
du  cœur  k  pen;er  ;  mais  j'ai  fait  sommer  à  ino 
tour  ce  capitan  par  un  caiiel  timbré  de  se  rendr 
en  champ  clos  dans  la  salle  du  palais  ,  où  mon  pr< 
cureur  Fa  vaiucmcnt  attendu  deux  jours  do  suite. 


—  CHAPITBE  \5il.  —  3(13 

On  i.'OiiitHit  l'espëdient  dont  s'avî^i*  un  jour 
^iastru ,  U  propos  d'une  [irovocation  en  duel 
e  lu  part  d'un  n)<;dei:ln  qu'il  avait  Imilî'  de  char- 
plan.  Prélcndanl  qu'une  ipiurclie  mMiiiile  devait 
vider  mcdiialtmcut  ,  il  proposa  h  sun  adver- 
laîre  d'avaler  luus  deux  i-ii  mi'mc  If^mps  deux 
>îlules  dont  l'une  serait  emiioisonuée ,  et  dunl  le 
réglerait  le  chois.  La  peu  position  ne  fui  paa 
IBrceplée,  el  le  duel  en  reslu  là. 

Un  jeune  provincial  se  trouvant  au  liai  de  la 
,  fui  l'ohJL't  de  qiielipies  plaisanterie»  sur  an 
«vanicrc  uri^iuale  de  danser.  —  Mvnsifur,  dît-il    | 
Aénnieiil  k  l'un  de  ceux  qiiî  le  raillaient ,  s!  je 

!  viat,  je  me  bals  bien.  —  Alors,  rt'plitiiia    ' 
l'autre  avec   un  grand  sang  froid,   hâtiez ~ vous    l 
m}outs  H  ne  dansez  jitinnis, 
M. de  Malscignc,  oUicicr  aux  Oanlea-Franraisc», 
»)itnu  depuis  par  le  rûlc  ttu'il  joua  lors  de  l'insu^ 
n  de  Naney,  te  battait  fort  souvent-  Un  jeiir   ' 
K  j)  eut  une  querelle  si  violente  avec  un  autre  ofTicier 
I  (]u'ib  résolurent   de    se  biillre    dans    la    chambra  | 
f  iBéme  où  ils  étaient.  Après  qiiehpies  boites,  l'ad- 
,  Ytreaire  de  M.  de  Malaeigue  Le  pressa  de  smi  ép69, 
d  iinit  par  le  lui  enfoncer  dans  le  cAté  droit  du   { 
ctiu  et  Tcneloua  à  la  porte,    ifestfort  bien  ,  ilon- 
Mur,  lui  (Ut  Maiwigne,  main  la  tvlmite  est  OlJjUHc. 
\.f  marquis  de  Teiilcniac ,  geiitîllioinme  Unston , 


310  —HISTOIRE  DES   DUELS.— 

héritier  du  nom  et  de  la  bravoure  du  compagnon 
de  Beaunianoir  dans  le  célèbre  combat  des  Trente, 
assistait  un  jour  à  la  Comédie  française  et  se  tenait 
dans  les  coulisses,  selon  la  mode  du  temps.  Le 
parterre  trouvant  qu^il  se  montrait  trop  à  découvert 
se  mit  à  crier  dans  un  eiitr^acte  :  Annoncez , 
annoncez ,  V homme  à  riiahit  gris  ,  annoncez  ! 
M.  de  Tenteniac  s'avance  alors  d'un  pas  grave 
au  bord  du  Théâtre ,  fait  un  profond  salut  qui 
produit  aussitôt  le  plus  grand  silence ,  et  dit  d^uQ 
ton  élevé  :  a  Messieurs,  j^aurai  Thonncur  de  vous 
donner  demain  V Insolence  du  partent  corrigée, 
pièce  en  autant  d'actes  quMl  vous  plaira.  L^auteur 
demeure  rue ,  etc.  »  Et  il  se  retira  respec- 
tueusement ,  accompagné  d'unanimes  applaudis- 
semens ,  à  la  place  qu'il  occupait  précédemment. 
11  resta  chez  lui  toute  la  journée  du  lendemain  ; 
mais  personne  ne  songea  à  prendre  au  sérieux 
cette  provocation,  dont  la  forme  originale  et  le  côté 
spirituel  firent  oublier  la  témérité. 

Les  exemples  ci -dessus  cités  ont  assez  prouvé 
qu'à  Paris  les  lois  prohibitives  du  duel  étaient 
tombées  dans  la  plus  complète  désuétude.  Il  en. 
était  à-peu-près  de  même  en  province. 

En  1 778 ,  la  petite  ville  de  Châteaudun  fut  I<? 
théâtre  d'un  violent  démêlé  qui  éclata  entre  deus. 


—  CHAPITRE   XSIl.  —  311 

lie  SCS  prinopaiix  liabilaiis.  Uii  sieur  de  Viaiiiville, 
aridcti  Cdiiseillcr  au  PiiHeincnl  de  McIk,  ae  croit 
iiMuIlt  par  un  geslo  ftjuivoque  (|iie  lui  fuit ,  en 
pauaiil  dans  la  puc ,  le  sieur  de  PruiiCTille ,  sim 
Tuisia,  Celui-ci  portait  une  ipie  -.  Vraiiiville  rentre 
cliei  lui ,  prend  la  siumie ,  et  ayant  rejoint  Pru- 
ncTille  dans  la  rue,  un  comliot  s'engage  entr'eux. 
Tom  deux  sont  blessés.  Vrainvdle ,  qui  l'avait  été 
pliii  griéTcmciit ,  mourut  dans  les  quarante  jours, 
>)ur  la  plainte  de  sa  famille,  un  prui-'ès  rrimmel 
l'eulama  au  Parlement.  L'aTOcal-géntral  SégHÎer, 
■lui  portait  la  parnlu  dans  celte  adaire,  n'a  pas 
triiciilè  dans  son  plaidoyer  un  seul  mot  du  duel , 
m'  des  lois  qui  le  proserivaienl.  II  s'est  unique- 
■neot  Bttacliè  Ji  discuter  s'il  y  avait  eu  ou  non 
iMSsiliat  prémédil^,  et  si  le  dîfiml  i^tuit  mort  de 
'*  blesnirc  eu  d'une  fluxion  de  poitrine.  U  6DiL 
Il  disant  :  «  Voilà  pourtant  un  combat  :  notre 
ninitlêre  nous  vUigc  de  requîrir  qu'il   soîl  fait 


«  itijonclions 


:  de   Pruncville  avec  dé- 


de  plus  à  l'arenir  user  de  pareilles  loics  de 
^1.  La  justice  sera  satisfaite  ,  et  voire  jugcmeut 
■établira  le  calme  dans  la  ville  de  Cliiïleaudun.  i> 
le  16  janvier  1779 ,  ai-ri?t  conforme  à  ces  con- 
<^lusi(>nR  qui  m  décharge  Pruneville  de  l'accusation , 
't1  néanmoins  lui  enjoint  d'être  plus  circonspect, 
irtc  dépens  contre  k  famille  Vrainville.  » 


312  ^HISTOdllC   DES    DUELS.— 

En  1780,  un  sieur  Diol  de  La  Valette,  avocat 
à  Loudun ,  reçut  un  cartel  du  cheralier  de  La 
Coudraye ,  garde  du  corps ,  qui  Taccusaît  d'a^r 
mal  piuié  de  lui\  Vainement  l'autre  nie  les  propos  ; 
son  adversaire  insiste.  Sur  la  plainte  de  ravocml^ 
intervient  une  sentence  qui   a  fait  défenses  aux 
parties  d^en  venir  à  aucunes  voies  de  fait  jsurtoui 
qui  puissent  tendre  au  duel.  »  Lie  chevalier  n^ea 
continue  pas  moins  de  harceler  Tavocat,  et  de  lui 
faire  des  scènes  partout  où  il  le  rencontre.  Nouvelle 
plainte  ;  nouvelle  ordonnance  du  Juge  qui  mel 
Tavocat  sous  la  sauve-garde  de  la  justice ,  hii  per- 
met de  porter  des  armes  pour  sa  défense  et  décréta 
le  chevalier  de  prise  de  corps.  Celui-ci  prend  b 
fuite,  et  néanmoins  se  porte  appelant  de  la  sentence. 
Le  16  juin  1780,  arrêt  contradictoire,  la  Grande 
Chambre  et  la  Toumcllc  assemblées  ,  qui  a  Eût 
défenses  à  La  Coudravo  d'insulter  ou  méfaire  à 
La  Valette  ,  lui  enjoint  dYtre  plus  circonspect  » 
le  condamne  en  trois  cents  francs  de  dommage»^ 
intérêts  api^licables  aux  {>auvrcs  de  Loudun  ;  fai- 
sant   droit   sur    les   conclusions   du    Procureur* 
général  ,  déclare   nulles  les  sentences  des  Juges 
de  Loudun ,  et  leur  fait  défenses  d^en  rendre  do 
pareilles  à  l'avenir  en  leur  hôtel  (255) .  » 

Ces  exemples  qu^on  pourrait  muhiplier  sufliscnl 
pour  donner  la  clef  de  la  jurisprudence  du  temps. 


—  CHAPITRE    SSCI.—  213 

irnn  les  lois  qui  (léfendaicnt  iiun-sculemcut  le«luel, 
lit  m^e  la  simple  provocation  ,   ne  trouvHÎeiit 
pKret  plus  d'appui  dani  le  pouvoir  chargé  de  les 
^iliquer  que  daiis  celui  dont  elles  émanaient. 

On  a  vu  dans  le  chapitre  précédent  quelle  £UÎt 
Il  manière  de  procéder  des  Irihiinaux  du  Point 
d'honneur.  Cette  juridiction  ,  certc!) ,  avait  bien 
tilfl  dégénéré  de  ce  qu'elle  avait  dû  ■'■Ire  clans  son 
Bxiiliitiott  primitive.  Cet  auguste  sénat  de  maré- 
duui ,  qu'on  avait  eliargè  de  veiller  h  l'honneur 
lie  la  Noblesse ,  ne  savait  m^nic  pas  conserver  aa 
prupre  di^iité.  Ces  hauts  el  puisions  Soigneurs 
'ft'cttient  que  des  automates ,  que  le  pouvoir  ou 
h  hveur  faisaient  mouvoir  à  leur  guise  ;  et  quand 
H  Inir  arrivait  de  montrer  de  l'énergie  ,  c'était 
jeter  l'insulte  cl  le  mépris  à  la  tête  des  justi- 
ùhles,  doimaiit  eux-m£mcs  l'esemple  des  méfaits 
^'il*  étaient  chargés  de  punir. 

Ce  trdiunal  ne  présentait  pas  un  aspect  plus 
digne  aux  derniers  temps  de  sou  existence.  Ou  en 
jugera  par  ces  deux  exemple»  : 

H  arriva  un  jour  au  comte  «le  Tilly ,  c'était  en 
I"S8,  d'aller  se  battre  i  la  frontière,  avec  un  vi- 
("Bile  de  Tilly-Blani ,  pour  une  discussiou  généa- 
"■^({ue.  Celui-ci  ne  voulait  pas  le  reconnaître  pour 
*°ti  pireuL  Quuiqu'il  se  battit  tous  les  jours  sau» 


314  — MISTOrRE  DES    DUELS.— 

coup  férir  à  la  barbe  de  Nos  Seigneurs,  la  singii- 
larité  du  fait  attira  cette  fois  leur  attention.  Tilly 
prétend  d^ailleurs  qu^avant  de  partir  pour  la  fron- 
tière ,  il  avait  donné  par  lettre  avis  de  son  projet 
au  Roi  et  à  la  Famille  royale.  A  son  retour ,  un 
exempt  de  la  Connétablie  vint  Tappréhender  au 
corps ,  après  Tavoir  long-temps  poursuivi  et  traqué 
de  châteaux  en  châteaux.  Il  subit  un  interrogatoire 
et  passa  trois  mois  à  la  prison  de  FAbbaye-Saint- 
Germain  j  d'ail  il  ne  serait  sorti  qu^à  la  fiiveur 
d^unc  auguste  intervention  (256). 

Le  prisonnier  s^était  si  mal  trouvé  de  cette 
épreuve  qu^l  en  avait  gardé  une  furieuse  ran- 
cune envers  Tillustre  tribunal.  Il  en  distilla  tout 
le  fiel  dans  un  savant  Mémoire  quMl  adressa  mi 
Parlement,  par  Tcnt remise  du  conseiller  d^Espré- 
ménil,  et  qu'il  lit  ensuite  remettre  à  P Assemblée 
Constituante. 

((  C'était,  disait- il,  une  véritable  inquisition  k 
laquelle  sY-tait  soumise  la  noblesse  française ,  sous 
Forgucilleux  prélcxle  qu'elle  était  jugée  par  ses 
pairs.  On  avait  fait  dégénérer  un  office  purement 
militaire  en  une  autorité  judiciaire  et  civile ,  dont 
les  abus  étaient  notoires —  La  plupart  de  ces  grands 
seigneurs ,  affaiblis  par  Tàgc  et  les  infirmités ,  attei- 
gnaient cette  palme  élevée  au  bout  de  leur  carrière, 
quand  leurs  mains  débiles  allaient  bientôt  la  laisser 


—  CHAPITRE   \MI.  — 

^'Iwpper.  Sans  éludes  prt^limiunirtjs  des  lois  cl  de 
la  justice,  leur  honneur  iiini:,  leur  loyauté  cfac- 
volernquc  n^éUient  pas  un  fannl  assex  brillnnl  pour 
InHairer.  Les  points  difficiles  étaient  résolus  par 
un  pManI  de  mntire  des  requêtes,  ennemi  naturel 
de  l»  noblesse ,  étranger  à  la  tacite  qu^il  avait  à 
nmplir  par  ses  principes  et  son  éducation.  C'était 
Ijiniun  autre  dédale  pour  les  juges  et  les  parties, 
qtund  il  était  vénal ,  passionné  ou  séductiblc.  » 

"  Venaient  ensuite  une  armée  de  subalternes  et 

it  9uppàts  qui  fermaient  les  avenues  du  tribunal , 

<l  n'en  ouvraient  facilement  les  portes  qu'avec  des 

i  d'or,  ils  vendaient  la  faveur  et  les  délations , 

ïipuséa   qui   faisaient   absoudre  ,   et  les  faux 

qui  faisaient  condamner.  Tourbe  famé- 

pie  €l  mercenaire  qui  vivait  de  fiel,  de  présens 

Itorqué»,  de  larcins  et  de  rapines  !   »  Mciiioùts 

'TiUj,   Tom.II,  Chap.XXII. 

Il  sufTirait,  pour  compléter  ce  tableau  qui  n'est 

Burèment  pas  trop  cbargé,  de  nommer  celui  qui 

le  tribunal   du   Point   d'honneur  jtiB<iu'à 

|)ie  de  sa  mort,  en  1788.  C'était,  nouvelle 

conséquence  de  ce  temps  !  le  duc  de  Ricbcltcu , 

'jen  de»  marécbaux  de  France  ;  Richelieu ,  ce 

"V^Mon  doré ,  qui  non-seulement  aimait  tant  à 

■fraiUer  lui-mi'me ,  comme  OD  l'a  vu  au  précé- 

""UL  diftpitrc  ;  mais  qui ,  encore  si  l'uti  eu  croit  ses 


316  —  HISTOIRK    DES    DUBLfi. — 

Mémoires ,  faisait  battre  en  son  honneur  jusqu^aux 
grandes  dames  de  la  cour  ;  Richelieu  ,  le  plus 
vicieux  des  courtisans ,  le  souteneur  et  le  confident 
de  rinfàme  comtesse  Du  Barri,  qui  veillait  pour  die 
au  chevet  de  Louis  XV  agonisant  ;  génie  infernal 
apposté  à  un  lit  de  mort  pour  en  chasser  le  re- 
pentir ;  audacieux  émissaire  de  Timpiété,  qui  venait 
au  moment  suprême  s^inteq>o8er ,  comme  il  Tavait 
déjà  fait  k  Metz ,  entre  une  conscience  corrompue 
par  lui  et  le  dernier  cri  du  remords  (257). 

Voici  comme  ce  digne  chef  de  la  Connétablie 
remplissait  ses  devoirs  et  le  cas  qu^il  faisait  de  sa 
présidence.  M.  de  Marcellus,  gentilhomme  Bor- 
delais ,  père  du  comte  de  Marcellus  d^aujourd^huj, 
assistant  à  Paris ,  au  spectacle  ,  fut  insulté  par 
un  individu  qui  lui  cracha  au  visage.  Il  alla  s^en 
plaindre  sur-le-champ  au  duc  de  Richelieu  qui 
se  trouvait  en  loge  au  même  spectacle.  Celui-ci 
lui  répondit  bniscpiement  en  lui  fermant  la  porte 
au  nez  :   P'ilain,  va  te  laver* 

M.  de  Marcellus  professait  des  principes  reli- 
gieux qui  ne  lui  permettaient  pas  de  se  venger 
par  un  duel.  L'affaire  n'eut  pas  d^aulres  suites. 
Mais  la  convocation  des  Etats-généraux  ayant  eu 
lieu  peu  de  temps  après,  M.  de  Marcellus  fut  élu 
député.  Plusieurs  gentilshommes  de  sa  province, 
qui  avaient  reçu  le  mcme  mandat ,  lui  rqpro- 


—  rniriTRE  x\it,—  317 

[  thrrptil  ntnrs  1q  rnndnilc  quSl  nvnit  tenue  dans 
I  h  (irrnnslanoe  dont  il  vient  dVtre  parl^ ,  et  lui 
I  drolnr^rent  fjii'ils  no  siégeraient  pas  avec  lui. 
I K.  de  Marcclliis,  ne  «aclianl  comment  sortir  d'vme 
iMIe  position ,  du!  se  résigner  i  mettre  Tépée  i  la 
I  avec  l'un  de  ccti\  qui  lui  tenaient  ce  langage, 
I  il  eut  le  mallieur  de  suecombcr  (258) . 


►  Telles  furent  les  mœurs  des  derniers  Icmps  de 
ncienne  monartrliie  française.  Les  duels  n'en  for- 
iul  pas  wulemenl  un  simple  épisode  ;  ils  en  sont 
t  caractère  le  plus  saillatil  et  le  plus  distinctif. 
I  Irait*  si  différen*  de  tous  ces  grands  duel- 
)  p«M^  en  renie  depuis  le  16.*  siède,  dans 
■  chapitres  précMens,  ne  présentent -ils  pas  un 
ène  moral  digne  d'attention  ?  Ne  semblent- 
k  pas  reproduire  chacune  des  phases  de  la  grande 
période  faimanitaiie?....  H  y  a,  par  exemple,  un 
progrès  bien  frappant  dans  la  nuance  si  tranchée  du 
Caractère  de  Saint-Georges,  mort  dans  la  dernière 
année  du  IS-'ciécle,  quand,  en  le  prenant  pour 
type  de  «on  6po<{ue  ,  on  le  met  en  parallèle  avec  le» 
Tilaux  ,  les  Lagarde-Vcilon,  les  Biissi  d'Amboise,  les 
(outteville,  les  Beau  for  t ,  les  {tîclteiieu,  les  d'Eon. 
m(;me  progression  décroissaiile  se  fait  remarquer 
lans  ie  rang  social  de  ces  divers  personnages  qui 
Hit  cm  devoir  cherelier  la  célébrité  dans  une  (elle 


318  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

Yoic.  Il  y  a  loin  du  fils  du  cliancclier  Duprnt  à  celui 
du  subdék;gué  de  Tonnerre ,  et  du  comle  de  Mont- 
morency-BouUeville  à  Saint-Georges  le  mulâtre. 

Il  va  néanmoins  se  rencontrer  sur  cette  route  du 
progrés  social  un  grave  accident  de  terrain.  A  peine 
si  les  monceaux  de  ruines  et  de  débris  qui  Ten- 
combrcnt,  permettront  le  passage.  Là  des  monu- 
mens ,  des  cités  entières  ont  disparu  ;  là  une  onde 
fougueuse,  dont  la  couleur  est  celle  du  sang,  s^est 
creusé  un  lit  profond.  Sur  cette  terre  désolée,  les 
Omar  et  les  Genseric  sont  venus  se  donner  la  main 
avec  les  égorgeurs  de  la  Saint-Barthélémy.  Tristes 
excès  de  la  période  révolutionnaire  qui  va  clore  le 
18.^ siècle,  excès  à  jamais  déplorables,  mais  re^ 
présailles  trop  cruelles  d^excés  analogues  dans  le» 
temps  antérieurs  ! 

Le  corps  social  a  passé  trop  brusquement  d^un 
régime  extri^mc  à  un  autre  ,  d^une  température 
glacée  à  une  atmosphère  incandescente ,  de  pro-* 
fondes  ténèbres  à  une  éblouissante  clarté.  La  Révo^ 
lution,  ce  fut  le  premier  bond  de  la  béte  fauve 
qu^on  lance  dans  Taréne  ;  ce  fut  Texultation  fré- 
nétique de  Tesclave  qui  vient  de  briser  sa  chatne; 
ce  furent  les  saturnales  de  la  Liberté. 


CHAPITRE     XXIIf. 


Ernlation  Je  1789. — Duch  poliiiques.  —  Décret 
d^MiiiBistic  du  17  sepletiibrc  1792,  pour  fait  d6 
duHs.  —  Aclre  dt-crel  du  29  Messidor  an  II.  — 
iaùf,Tation.  —  Cliûte  de  L' Aristocratie.  — Ses  con- 
•éijaences. 


'  Les  temps  liaient  aceomplia  ;  Tlieure  de  la  ré- 
nalion  sociale  avnil  snnné.  Tout  ce  sol  de  France 
^  ^fond^nieiil  miné  recélnil  des  feux  soiilerraiiis 
qui  n'attendaient  qu'une  étincelle  pour  s'allumer. 
Timi  cca  élémens  divers,  où  fermenlaienl  l'horreur 
fl  le  mépris  du  passé ,  rimpatieiice  du  présent  et 
le»  espérances  de  l'avenir ,  se  trouvent  réunis  A 
combinés  dans  un  congrès  national.  De  leur  con- 
l»cl  jaillit  à  l'instant  la  flamme  électrique  (pi'ac- 
cotnpagne  un  violent  coup  de  tonnerre.  Ceux  que 
'>  Catastrophe  menace  de  plus  prés  se  précipitent 
pour  la  conjurer.  Hlille  bras  réunis  cherchent  à  pré- 
'«lir  l'explosion  en  la  ctimprimant  ;  mais  ils  n'ont 
Wt  tju'eii  redoubler  la  force ,  et  l'avide  cratère 
'lu  volcan  les  a  tous  dévorés. 


320  —  mSTOIBC   DES  DCCLS. — 

Nous  touchons  ii  une  époque  où  le  Duel  w 
subir  une  grande  métamorphose ,  el  se  reproduire 
avec  une  physionomie  nouTeUe  dans  les  discours 
de  la  tribune ,  dans  Tardente  polémique  des  jour- 
naux et  dans  les  scènes  sanglantes  de  la  place 
publique. 

Déjà  ,  comme  Va  remarqué  TAuleur  du  Tableau 
de  Paris,  dans  le  passage  cité  ci-dessus,  pag.  278, 
le  duel  était  descendu  de  la  Noblesse  dans  la  Bour* 
geoisîe ,  qui ,  bien  loin  de  le  ranger  au  nondire 
des  abus  qu^il  fallait  détruire  ^  n^y  voyait  qu*un 
privilège  quelle  bridait  de  partager ,  par  suite  de 
cet  esprit  d^imitation  si  naturel  aux  Français,  de 
toutes  les  conditions.  Cette  maladie  si  long-leni|if 
concentrée  dans  la  classe  la  moins  nombreuie  de 
la  société  ^  va  donc  désormais  s^éiendre  et  gagner 
toutes  les  autres.  Ce  qui  n^était  qu'un  préjugé  de 
caste  envahira  tous  les  dégrés  de  la  hiérarehie 
sociale.  Le  temps  est  passé  où  un  gentilhonmei 
en  posant  fièrement  la  main  sur  la  garde  de  ses 
épée,  pouvait  imposer  à  celui  qui  ne  rétail  pas. 
Cette  épéc  a  c^ssé  d^étre  une  arme  privilé|^» 
Bientôt  on  la  verra  briller  dans  ces  mains  pléi- 
béïennes  qu^avait  si  long-temps  avilies  le  bâton  d« 
moyen  âge ,  et  ses  prodiges  sur  les  champs  de 
bataille  en  effaceront  Tantique  injure. 

Dès  le  11  septembre  1790,  la  juridicliiMi  da 


-CUAPITRE    X\ltl.-~  321 

PoinI  d'honneur  avait  disparu  nvcc  It^s  autres  tri- 
bunaux d'esceplion.  Cri'f-  pour  prévenir  les  duels 
entre  les  seuls  gentilshommes ,  cl  l'on  a  vu  aux  pré- 
cédeiis  chapitres  comme  il  avait  rempli  celte  mis- 
■iun ,  ce  tribunal  ne  devait  plus  exister  le  jour  ofi 
l'oD  (lët^^rélait  qu'il  n'y  avait  plus  de  noblesse.  De 
r^galilé  devant  la  loi  va  dériver  celle  du  eharop 
dos,  et  Ton  ne  songera  plus  b  voir  un  scandale 
dans  CCS  combats  mi-partis  si  rudement  mis  hors 
Il  loi  par  les  ëdils  de  Louis  XIV  (250). 

Des  colUsioiis  individucDes  vont  devenir  le  pré- 
lude de  ces  chocs  terribles,  où  tes  partis  ne  pouvant 
tt  ooDToincre  chercheront  ii  s'exterminer.  On  verra 
«a  luUes  reproduire  dans  leurs  circonstances  les 
caractères  variés  et  si  tristement  progressifs  de  cette 

blantc  époque. 
I»  Je  n'entrerai  pas  ici  dans  le  détail  de  ces  conflits 
\:  que  faisait  naître  sur  tous  les  points  du 
0)a  profonde  dinsion  des  esprits  aux  prê- 
tes de  la  Révolution .  Ces  incîdens  par- 
:  trouvaient  absorbés  par  les  grandes 
llcten  du  drame  politique  qui  se  jouait  alors. 
I  B  en  est  pourtant  plusieurs  qui  ont  eu  quelque 
I  Mcnlissement ,  suit  k  cause  de  l'importance  des 
I  pcnuiitiagca ,  soit  h  raisuu  de  leur  connexité  avec 
I  quelque  événement  historique.  Ce  sont  ces  der~ 
I  nicn  qu'il  aullira  de  reproduire  ici, 

21 


322.  —  lUSTOIHE    DES    DUEL5.  — - 

La  plus  grando  figure  ,  qui  domine  toute  la 
Révolution,  est  sans. contredit  celle  de  Mirabeau, 
(j^était  lui  qui  en  avait  donné  le  signal ,  et  il  était 
peut-éire  le  seul  qui  aurait  pu  la  diriger.  Il  songeait 
déjà  à  en  enchaîner  le  mouvement,  quand  son 
bras  vigoureux  se  sentit  paralysé  par  le  bras  plus 
puissant  encore  de  la  Mort. 

On  verra  au  cliapitre  XXYII ,  relatif  aux  Duds 
parlementaires ,  avec  quelle  impassibilité  cet  Aigle 
de  la  Tribune  accueillait  les  interruptions  pro- 
vocantes qui  lui  arrivaient  à  chaque  instant  du 
c6té  droit  de  l'Assemblée  Constituante.  C^est  là 
sans  doute  ce  qui  a  donné  lieu  à  cette  accusation 
de  poltronnerie  que  cherchèrent  à  accréditer  ses 
ennemis  politiques.  Mirabeau  pourtant  avait  fait 
ce  qu'on  appelle  ses  preuves.  Rien  n'a  manqué 
à  son  immense  renommée ,  pas  même  la  célébrité 
la  plus  triste  de  toutes,  celle  des  duels. 

Le  plus  grand  orateur  des  temps  modernes  avait 
d'abord  été  capitaine  de  dragons,  et  s^était  dis* 
tingiié  en  cette  qualité  dans  la  campagne  de  Corse. 
Son  orageuse  jeunesse  fut  marquée  par  plus  d'une 
aiTairc  d'honneur.  Il  débuta  ,  dès  l'Age  de  18  ans, 
à  La  Rochelle ,  par  une  rencontre  avec  un  jeune 
oilicier  comme  lui ,  qu'il  blessa  légèrement. 

Un  jour  qu'il  subissait  quelques  mois  d'exil  hors 
de  sa  province ,  il  rompit  son  banc  pour  venir  pro- 


—  CHArlTBE   XXIII.  —  323 

T(K|tier  un  baron  Je  Villrncuvc-Moans  qui  avail 
nuuHé  sa  sœur ,  e(  il  lui  infligea ,  sur  son  refus , 
une  correction  tniHiaîre,  Celle  afl'aire  lui  valut  sa 
fireniicre  incarcùration  et  un  long  prorès. 

Plus  tani,  (laria  Biiii  inslnncc  en  siparation  avci; 

la  romlesse  de  Mirabeau ,  il  cul  alTaîrc  successi- 

n^miTit  k  trois  liabitans  (V\\\  (jui  avaient  pria  parti 

wnlre  biî ,    entr'aiitrea  h  un    comle  de  GalifTct. 

Après  lui  avoir  aussi  donné  inulilemcnl  plusieurs 

Tpndn-vous ,  il  fuiil  par  Talninlcr  eu  pleine  rue , 

l'épée  A  la  main.  Son  adversaire,  après  un  combat 

Iri»-vîf ,  reçut  au  bras  une  blessure  qui  le  traversa 

tic  pari  en  part.  Le  lendemain,  IMirabcau  et  lui 

lurent  consignas  par   le   Grand -Prévôl.  Quelque 

I      temps  apr^s,  d  la  suite  d'explii:alions  salisfaisantcs, 

^■Éne  oDtiére  réconciliation  fut  conclue  dans  la  mai- 

^Pvn  et  par  l'cnlremise  de  M.  de  La  Tour,  premier 

~  pr^idenl  et  intendant  de  la  province.  Slt^moirci 

Ac.  Mirabeau,   Tom.  I ,  II  el  III. 

Dans  la  vie  pid>)iquc  ou  privée  ,  dans  IVnceiDte , 
comme  hors  de  l'enceinte  parlementaire ,  Mirabeau 
ne  BC  piquait  pus  de  se  montrer  très-mesuré  dans 
f«s  expressions.  La  fougue  de  son  imagination 
tl  l'audace  de  son  caractère  renlraiuaienl  souvent 
311-delii  des  bornes  de  la  commune  politesse.  A 
l'*porjHc  du  di-part  du  duc  d''0rl6ans  pour  l'An- 
Rkttrre ,  il  lui  adressa  b  ce  sujet ,  dll  la  Biographie 


824  —HISTOIRE  DES  DUELS.— 

Universelle ,  des  représentations  d^une  insolence' 
énergique.  Il  envoya  aussi  un  cartel  au  préâdent 
de  Frondeville,  qui  avait  déposé  contre  lui  dans 
Tenquétc  relative  aux  affaires  des  5  et  6  oetdbre* 
Cette  provocation  n^eut  pas  de  suite. 

Ce  même  président  de  Frondeville  avait  dit  à 
la  tribune,  dans  la  séance  du  18  août  1790,  en 
faisant  allusion  k  ces  événemens ,  que  les  ^issassùis 
des  Prùices  jjorcoufmcnt  librement  la  capitale  f  d 
étaient  peut-être  assis  dans  rassemblée.  L^auteur 
de  cette  apostrophe  fut  censuré. 

A  Tune  des  séances  suivantes ,  un  membre  vint 
dénoncer  un  pamphlet  dans  lequel  le  président 
de  Frondeville  se  déclarait  lionoré  de  la  censure 
qu^il  avait  encourue.  On  proposa  contre  lui  la  peine 
des  arrêts  ou  de  la  prison.  Il  n^y  avait  pas  encore 
de  précédens  établis  h  ce  sujet.  On  réclamait  d^une 
part  le  maintien  de  Tinviolabilité  du  député^ 
d'autre  part  le  respect  dû  à  TAssemblée.  On  dis- 
tinguait parmi  les  partisans  de  la  sévérité  le  célèbre 
Bamave.  «  Quand  on  s'est  honoré  de  la  censure, 
disait-il  y  la  prison  est  la  peine  la  plus  douce». ••• 
—  Ceci  a  l'air  d'une  guerre  ouverte  de  la  majorité 
contre  la  minorité,  interrompt  M.  de  Faucigny, 
et  pour  en  finir,  il  ny  a  quà  tomber  le  sabra 
à  la  main  sur  ces  gaillards  là.  » 

Cette  sortie  occasionna  un  tumulte  effroyable. 


!  xTiii—  325 

M.  de  Faucigny ,  rcronnaissant  ses  loris ,  fil  aes 
excuMfl  s^Dce  tenaïUc.  Plusieurs  mombres ,  Mi- 
rabcHU  surtout,  n'en  insistèrent  pas  moins  sur  son 
«Tcstatioo  et  celle  de  M.  de  FFondcvillc ,  pour 
lefl  soustraire,  disait -on,  ii  une  Tengeaiioc  plus 
terrible,  celle  du  peuple.  L'Assemltléc  finit  ii6an- 
Bwini  par  accepter  les  excuses  de  M .  de  Fmicigi)y, 
tl  par  ordonner  huit  jours  d'arrêts  k  M.  de  Fruo.- 
Lénille. 

Ces  mesures  ne  rendirent  pas  les  déliliôratîons 
la»  calmes.  Dans  la  s^-ancc  du  13  novembre  sui- 
i,  Mbabeau  donna  lui-miJme  l'exemple  des 
tatités.  U  s'agissait  encore  d'infliger  à  un 
kembre ,  M,  Roy,  une  peine  d'arr/'H  ou  de  pri8()n , 
f'Ipour  uee  exclamation  inconsidérée.  Bamiive  iu- 
âslail  de  nouTeau  pour  une  arrestation  imm^diale. 
Mirabeau  adressait,  du  haut  de  la  tribune ,  au  niai<- 
(|iiÎ9  de  Foucault  qui  s'opposait  h  la  mesure ,  des 
phrases  telles  que  colIc-ci  :  te  P'oilU,  Monsieur  ^ 
ca  que  le  pixifoiid  rm'prU  que  Je  dois  à  i-oiiv  ttOn~ 
duiui  ctà  vos  discourt  m'ordonne  de  ivus  adresser,  » 
Lcj^rf'aidcntle  rappelle  à  l'ordre. 

Mirabeau  insiste  pour  que  M.  Boy  soit  immé- 
diatement coaduit  en  prison.  M.  IMalouel  parait 
Il  la  tribune;  ou  ferme  la  discussion.  Il  veut  parler, 
t'D  'Irinaade  (pi'tl  suit  chassé  de  lu  tribune.  M.  tW.»- 
tuunncl  obtient  lu  parole  pour  un  amendement  ; 


326  —  UISTOIRE    DES   DUELS.  — 

il  propose  de  substituer  les  arrêts  à  la  prison. 
Il  est  violemment  interrompu.  11  demande  alon  que 
TÂssemblée  toute  entière  soit  rappelée  à  Tordre. 

11  s'agissait  dans  ces  orageux  débats,  des  suilet 
d'un  duel  qui  venait  d'avoir  lieu  entre  deux  mein* 
bres  de  PÂssemblée ,  MM.  Charles  de  Lameth  et 
de  Castries.  L^irritation  politique  du  moment  n^étaft 
pas  étrangère  à  cette  querelle,  qui  néanmoins  n^ayak 
pas  pris  naissance  h  la  tribune.  M.  de  Lameth  aTait 
d^abord  refusé  un  cartel  de  M.  de  Chauvigny  de 
Blot.  11  accepta  le  lendemain  celui  de  M.  de  CastrieSi 
et  en  reçut  une  blessure  au  bras  gauche.  Au  pre^ 
micr  bruit  de  cet  événement ,  un  attroupement 
considérable  se  porta  à  Thûtel  de  M.  de  Castries 
qui  fut  ravagé  de  fond  en  comble.  On  allait  mettre 
le  feu  à  la  maison  ;  mais  la  municipalité  et  la  garde 
nationale  arrivèrent ,  et  Tordre  fut  rétabli. 

Pendant  ce  temps,  des  députations  d^assembléei 
populaires  se  succédaient  chez  M.  de  Lameth. 
Dans  les  harangues  emphatiques  qui  lui  étaient 
adressées  selon  Tusage  d^alors ,  on  remarque  une 
énergique  et  imanime  désapprobation  des  duels. 

Le  Moniteur  du  15  novembre  1780,  qui  con- 
tient tous  ces  détails ,  appelle  aussi  le  duel  uut 
préjugé  barbare  qui  ne  mérite  que  la  honte  ou  le 
ridicule  de  Topinion.  Mais  il  parle  avec  un  ton 
de  laveur  de  ce  sublime  mouvement  du  peuple^ 


t'est  assemblé  avec  une  espace  d'onliv,  (jui  s'est 

aitivu/iè  sans  tumulte,  etc.,  eto 

Les  marnes  éloges  se  font  remartiuer  dans  le  dia- 

ffoun  prononcé  le  13  Ji  la  tribune  par  Mirabeau  : 
F  Vous  devez  établir,  dit-il ,  dans  l'cmjure  l'ubéis- 
loce  aux  autorités  légitimes,  et  vous  ne  réprimez 
tas  dans  votre  sein  une  poignée  d'iusulens  cons- 
pirateurs. Ah  \  c'est  pour  leur  propre  salut  que 

j'invoque  votre  sévérité....  Savez-vous  qu''au  mi- 
lieu de  cette  destruction  (  nul  n'osera  dire  la 
dilapidation  )  d'une  maison  proscrite ,  le  peuple 
s'est  religieusement  arrêté  devant  l'image  du  mo- 
narque ,  que  le  portrait  du  chef  de  la  nation  , 
de  l'exécuteur  suprême  de  la  Loi ,  a  été  dans  ces 
momens  d'une  fureur  généreuse  l'ttbjel  de  aB 
vénération  Y....  Savcz-vous  que  ce  peuple  irrité 
.a  montré  à  M.™'  de  Cuslrics,  respectable  par  son 
tge  et  son  malUeur ,  les  égards  les  plus  alTectueui  i' 
SAvez-Tous  que  ce  peuple  en  quittant  celte  maison 
qu'il  Tenait  de  détruire  avee  une  sorte  d'ordre 
tl  de  calme,  a  voulu  que  chaque  individu  vidât 
SCS  poches ,  et  conslalùt  ainsi  que  nulle  bassesse 
n'avait  soudlé  une  vengeance  qu'il  croyait  juste  P... 
Voilà ,  Yoilîl  de  l'houneur ,  du  véritable  honneur 
que  les   pr^ugés    des    gladiateurs  et    leurs    rites 

atroces  ne  produiront  jamais  ! » 

N'e^-ce  pas  ainsi,  que  de  tout  temps  ecituincs 


328  —  histoihe  des  duels.  — 

palettes  intéressées  ont  dépeint  les  pillages  et  les 
émeutes  P  Ce  discours  n^est-il  pas  le  protocole  obligé 
de  ces  imprudens  panégyriques  que  les  courtisans 
populaires ,  les  plus  serriles  de  tous ,  accordent  si 
libéralement  à  des  scènes  toujours  funestes,  fou* 
jours  déplorables,  quelqu'en  soit  le  motif? 

Dans  le  cours  de  cette  séance ,  rAssemblée  reçut 
une  dépulation  de  la  Municipalité  de  Paris  ayant 
à  sa  tête  le  maire  Bailly  qui  donna  lecture  d*un 
arrêté  ainsi  conçu  : 

«  Le  Corps  Municipal ,  alarmé  de  la  fréquence 
des  combats  singuliers  et  des  troubles  qu^ils  exci* 
tent  dans  la  capitale,  a  arrêté  qu^il  serait  envoyé 
à  rAssemblée  Nationale  une  députation  de  douM 
membres,  pour  la  supplier  de  rendre  le  plus 
promptement  possible ,  contre  les  duels ,  une  leî 
qui  rappelle  les  citoyens  aux  règles  de  la  morale, 
et  les  prémunisse  à  jamais  contre  les  suggestions 
d^un  sentiment  incompatible  avec  le  caractère  d'un 
peuple  libre  et  bienfaisant.  » 

M.  le  président  répond  à  la  députation  et  IHnTÎle 
aux  honneurs  de  la  séance. 

M.  Baillj  :  «  Nous  sommes  bien  sensibles  à  l*in- 
vitation  de  TAssemblée  ;  mais  nous  lui  demandons 
la  permission  de  retourner  à  PHôtel  -  de  -  Ville , 
c'est-à-dire  à  notre  poste  et  à  notre  deyoir.  » 
(On  applaudit). 


—  CH*riTRiî  vxiir.  —  829 

*On  sait  que  ce  fui  Dailly,  qui ,  rannèc  prùc6- 
,  avait  présidé  la  célèbre  TÉunion  du  Jeu  tic 
atmc.  En  1793,  ce  peuple  qu'il  croyait  Uhv 
Vbienfaisant  ^  a  payé  de  l'èclmfaud  cet  immense 
rrioe  (260). 

TToe  des  dëputations,  qui  étaient  allÊ  haranguer 
de  Lameth  en  son  domicile,  se  présenta  le  même 
ir  à  l'AsseitiblÉc  Conslttuante.  Elle  apportait 
k  barre  un  arrêté  de  Section  qui  sollicitait  un 
d'eprés  lequel  quiconque  à  l'avenir  pro- 
[uerait  en  duel  un  membre  de  la  législature , 
lit  poursuivi  comme  criminel  de  Icsc-Nation, 
iraleur  de  la  députation  appuya  cette  demande 
n  loDg  discours  dans  lequel  il  demandait , 
{u'au  moment  ou  le  sang  d'un  représentant  du 
jple  venait  de  couler  pour  venger  une  injure 
liculiére,  l'Assemblée  s'expliquât  sur  ce  barbare 
des  duels  auxquels  les  législateurs  doivent 
ijours  se  refuser;  qu'en  m^me  temps  o;t  armât 
^aive  de  la  justice  contre  l'homme  pervers, 
lequel  la  capitale  exerçait  aujourd'hui  ses 
igeances.  » 

Ce  discours  fut  accueilli  par  les  applaudissemens 
tribunes  auxquels  se  mêlèrent  même  ceux  d'une 
tic  de  l'Assemblée.  Ce  fui  alors  que  M.  Roy, 
uté  d'Angouléme,  laissa  échapper  celle  excla- 
JOD  ;  //  nj  a  (fue  des  scélvnils  tfai  puissent 


330  —  HISTOIRE  DES  DUELS.— 

applaudir  !  ^Assemblée  la  prit  pour  elle ,  et  après 
de  longs  débats  elle  en  punit  Pauteur  de  trois  jours 
de  prison.  M.  de  Murinais  réclama  les  arrêts  contre 
M.  Riquetti ,  ci- datant  Mirabeau ,  qui  aTait  in- 
sulté M.  de  Foucault  ;  mais  on  passa  à  Tordie 
du  jour. 

L^éloquent  Barnave  prononça  dans  cette  ora- 
geuse séance  un  discours  beaucoup  plus  digne  et 
plus  mesuré  que  celui  de  Mirabeau. 

(c  S'il  est  un  véritable  moyen  de  prévenir  les  ven- 
geances personnelles ,  disait-il ,  et  douter  de  la  main 
.  des  citoyens  les  armes  qu^ils  dirigent  contre  leurs 
concitoyens,  ce  moyen  est  d^armer  la  loi  contr^eui. 
Qu^elle  punisse  les  injures ,  et  bientôt  on  cessiei^ 
d^en  faire.  Que  ce  soit  vous  qui  donniez  Texemple 
de  la  modération  dans  cette  Assemblée ,  et  bientôt 
vous  la  verres  régner  partout....  J^ignore  commeift 
cela  se  fait  ;  mais  il  existe  un  système  de  provo- 
cation dirigé  contre  les  bons  citoyens.  Celui  qiji 
est  maintenant  gissant  n^est  pas  le  3cul  qui  ait 
éprouvé  de  ces  attaques.  Plusieurs  d^entre  nous  ont 
aussi  été  insultés  aux  Tuileries  et  dans  les  liei|X 
publics.  (Plusieurs  membres  répètent  i  A  la  trir 
bune,  à  la  uibutie  me  me,  nous  a^ons  étéproi'oquési^ 
Je  demande  que  rAssemblée  prenne  des  mesures 
pour  arrtter  Peflet  des  complots  dont  a.étè  la  vic- 
time un  homme  chéri  et  estimé Je  demande 


331 
W-^ae  le  monbrc,  qui  tout  ii  Tlicure  a  profiiiè  de 
1 4J  basses  ipjures  contre  l'Assemblée  ,  suit  arrêté  k 
'l'ioslaiil  m^mc.  »  (Ou  applaudit.)  Moniteur  ilu 
Xânoi^en^re  I7&0,  N.-  319. 

Ce  menibre  avait  paurtatit  tonte  raison  au  fonds, 

quoiqu'il  eùl   tort  en  la  forme.   Depuis  lors  on 

culcndit  sourent   dans  les  débats  parlementaires 

,  letCDtir  le  cri  :  ..^  l'Ahbaje!..,,  Barnave  ne  pré- 

tyail  pas  alors  qu'il  serait  bientôt  suivi  de  cet 

Kcn:  A  l'èckafaud  !  Il  fut  l'une  des  prcnoicres 

limca  de  celle  fatale  violation  de  Tinviolabiliti 

8  députés.  Après  la  prison  qu'il  trouvait  la  peine 

I  b  plas  douce,  vint  la  mort  qu'«n  proclama  aussi  la 

plus  douce  des  peines ,  puisqu'elle  ne  consistait 

plus  que  dans  la  simple  privation  de  la  vie  (26i). 

L*aiiteur  de  cette  exclamation  historique  :  Ce  sang 

Mnû-il  donc  si  pur'.....  paya  de  sa  It'lc  cet  oubli 

des  principes  de  r^tcmellt:  morale  que  n'excuscut 

pas    même    reifervescence   el  l'entraînement  dca 

passions  politiques. 

Trots  mois  auparavant ,  jour  pour  jour,  Barnave 
lui-même  s'était  battu  au  pistolet  avec  Cazalés , 
■on  rival  d'éloquence  et  de  principes,  à  la  suite 
d'une  discussion  politique  également  ùtraAgère  aux 
débats  parlementaires.  Ce  dernier  reçut  h  la  tête 
1d  balle  de  son  adversaire ,  et  n'en  fut  qu'assez 
l^èremcul  bleaeé.  L'énitiutc  du  13  novembre  au- 


832  —  HISTOIKE  DES  DUELS.  — ' 

rait  eu  sans  doute  un  précédent ,   m  c^eùl  été  à 
l^orateur  populaire  que  Taccident  fût  arrÎTé  (2B2). 

J^ai  donné  quelques  déTeloppenens  à  ce  curieux 
épisode  des  débats  si  dramatique»  de  la  première  de 
nos  assemblées  parlementaires ,  parce  qu^on  y  toâI 
déjà  poindre  Taurore  sanglante  du  81  asai ,  parot 
qu^il  fut  le  prélude  de  ce»  effroyables  tempête», 
où  disparut  la  Gironde,  où  la  Monêagne  a^écrouU 
sur  la  Plaine,  et  finit  danaune  dernière  convulaioB 
par  réagir  contre  elle-même. 

Le  fait  suivant  peut  servir  à  caractériser  Tépo- 
que  de  TÂssemblée  Législative,  qui  fut  la  tranaîtieii 
du  régime  constitutionnel  de  1789  à  Tétai  répu- 
blicain de  1793. 

Dans  la  séance  du  15  juin  1792,  M.  Guadet> 
député  de  la  Gironde  ,  se  présenta  à  la  tribune 
pour  dénoncer  un  guet-à-pens,  dont  venait  d^étre 
victime  un  membre  de  la  même  députation  de  la 
part  d^un  de  ses  collègues.  «  J^appelle  FattentioB 
de  TÂsscmblée ,  dit-il ,  sur  un  trés^grand  attentat 
commis  sur  Tun  de  nous.  Depuis  long-temps  des 
patriotes  sont  désignés  au  fer  des  assassins ,  qui 
se  trouvent  au  sein  même  de  la  représeotatioa 
Nationale.  Hier  au  soir,  M.  Grangeneuve  a  été 
assassiné  par  M.  Jonneau  qui ,  Payant  pria  à  part 
d'un  air  de  fraternité  ,  Va  terrassé  et  meurtri  de 


H  —  CHWITBE  XXIII.  —  333 

roii[>3  de  pieds  et  <lc  bâlon  ;  Inul  cela  pour  un 

(lisscntiTTicnt  d'opinion  sur  raffairc  d'Ailes Je 

ncns  demander  rengeance   de  cet  attentat ,  non 

IBU  au  nom  de  M-  Grcmgencuvc ,  mais  au  nom 
4n  Peuple  français....  n 
■  •  Voilk  donc  encore  un  membre  distingué  de  celte 
«èlobre  Gimnde  qui  vient ,  par  l'exagération  de 
IDD  accusation  ,  fonder  un  de  ces  prëcédens  qu'on 
invoquera  l'année  suivante ,  pour  l'envoyer  lui  et 
«MJt  son  parti  à  l'échafaud  !  — 

L'Assemblée  ,  sur  celle  dénonciation  ,  décréta 
iju'unc  enquête  aurait  lieu  dans  la  séance  suivante. 
U  résulta  des  dépositions ,  et  notamment  de  celles 
lie  plusieun  députés  témoins  oculaires,  que  celle 
icène  ^asiossinat  n'était  qu'une  simple  rixe  pré- 
tédée  de  provocations  muluellea.  Dans  une  ex- 
pUcslion  amiable ,  Grangcneuve  avait  dit  à  son 
collègue  qu'd  n'était  qu'un  /"....  t^iédase,  terme 
li'nr^t  du  temps  et  qui  était  au  genre  familier  ce 
(juerépithètc  de  peivers  était  au  style  plus  relevé. 
Cïiui-ci  lui  répondit  :  f^ous  venez  de  m'însulter, 
èlfs-vous  un  galant  homme  ?  —  Oui.  —  Eh  bien  .' 
l'ouvei-vous  demain  au  bois  de  Boulogne  avec 
'''■I  piftoicU.  —  Demain,  it  dî.r  heures,  je  seraià 
^liitemblée,  répliqua  Grangcneuve  en  s'avançant 
^e  b  face  contre  son  interlocuteur.  —  Mais  on 
'^ra  i/ac  2'qus  êtes  un  lâche.  —  El  vous  un  J.  F, 


884  —  HISTOIRE  ms  hvel^  — 

A  ce  propos ,  Jonncau  donne  un  soufflet  à  Gran«* 
geneuTe.  Celui-ci  risposte  en  lui  lançant  un  pa^é, 
puis  un  second.  On  se  prend  au  collet;  mnoent 
ensuite  les  coups  de  canne  et  de  pieds.  Plusieurs 
personnes  étaient  accourues ,  entr^autrea  le  fieuaieus 
Saint-Huruge  qui  frappait  Jonneau ,  aidé  de  Bar- 
baroux ,  autre  Girondin.  Saint-Huruge  s^ëtait  mis 
en  même  temps  h  haranguer  le  Peuple  :  il  Toulail 
exciter  une  insurrection  en  hurlant  qu'on  assas- 
sinait les  députés  patriotes.  On  sait  que  la  GironJe 
était  la  Montagne  de  la  LégislatiTC  et  qu^elle  devint 
la  Plaine  de  la  ConTcntion. 

Guadct  n'en  persista  pas  moins  à  réclamer  un 
acte  d'accusation  pour  assassinat  contre  Jonneau. 
Un  grand  nombre  d'orateurs  furent  entendus ,  en- 
tr'autres  M.  Henri-LariTiére.  «  Jonneau ,  dit^il , 
a  commis  une  lâcheté  en  provoquant  un  homme 
bible  pour  une  misérable  injure ,  puis  une  autre 
lâcheté  en  le  frappant.  Il  aurait  dû  imiter  Turenne 
qui,  provoqué  k  un  combat  singulier,  avait  ré- 
pondu :  «  Demain  on  livre  bataille;  tout  notre  sang  • 
doit  être  pour  la  patria  ;  nous  xf errons  qui  de  nous 
saura  mieux  la  itcjemlrc»  Mais  il  y  a  loin  de  simples 
voies  de  fait  du  ressort  de  la  police  correctionnelle 
à  un  assassinat  prémédité.  Je  demande  que  Jon-* 
ncau  soit  envoyé  pour  trois  jours  à  l'Abbaye,  et 
qu'on  passe  à  Tordre  du  jour  sur  le  reste.  » 


—  CHAPITBF   XXlll.  —  33a 

itAprce  des  débats  fort  nnim^'s  qui  se  jirolon- 
rent  Iréa-nvant  dans  la  nuit  ,  rcUc  proiiosition 
l  adoptée.  Moniteur  des  16  et  M  juin  171*2, 
,<»  168  et  160. 

jCe  SaÎDt-Huruge  ,  dont  il  vient  d'tître  parl^  , 
nniil  joumcllemenl  dans  des  sccncs  de  cette  na- 
«.  U  avail  pourtant  iiVi:  militiiirc ,  et  s'était  m^me 
I  renfermer  pour  duel  au  chflleau  de  Dijon  par 
ciaion  des  Juges  du  l'oint  d'honneur.  Il  venait 
dtasiper  une  grande  forlune  quand  la  révolution 
mmcnça.  U  se  fit  alors  l'orateur  des  vafésetdes 
ipol5  du  Palais-Iloyal ,  où  il  reçut  plus  d'une  fois 
Boufflels  et  des  coups  de  bâton.  Rien  n'Ciaît 
iltant  comme  le  cynisme  de  sa  parole  et  de 
e  sa  personne;  mais  un  geste  un  peu  expressif  lui 
lait  la  bouche.  Il  pérorait  dans  les  rues,  et  sa 
,  retentissait  dans  le  tumulte  comme  le  mugîs- 
enl  d'un  taureau.  It  était  l'âme  de  tous  Ica 
jppemblemens,  et  marchait  k  leur  télé  pour  visiter 
I  maisons  suspectes  et  assommer  leurs  proprié- 
tés. Il  fui  avec  Camille  Desmoulins,  caractère 
une  toute  autre  trempe  ,  le  principal  promoteur 
I  l'iasurrecUon  des  5  el  G  octobre ,  dont  le  signal 
Blîl  du  Palais-Royal. 

Tels  ètaicDl  les  aigrefins  d'alors,  dont  le  ci-devant 
Ut]ui9  de  Saint-Ilurugc  peut  passer  pour  l'un 
■  nudêlcs-    Leur  main  brandissait   une  pique 


336  —  MI&TOIRE   DBS  DUELS.— 

en  guise  d^épée  ;  leur  pauache  était  un  bonnet 
rouge,  et  le  reste  de  leur  accoutrement  une  car- 
magnole, un  large  pantalon  et  des  sabots  (263).. 

Quoique  les  duels  offrissent  toute  espèce  de 
dangers  à  cette  époque ,  où  l^intervention  populaire 
détruisait  toutes  les  chances  d^égalité ,  il  parait 
qu^ils  s^étaient  assez  multipliés  pour  donner  lieu  k 
un  décret  d'amnistie  de  FÂssemblée  Lègislatitei 
dont  Toici  les  dispositions  : 

«  L'Assemblée  Nationale  considérant  que,  de- 
puis les  premiers  momens  de  la  Révolution^  Toppo* 
sition  momentanée  des  opinions  a  déterminé  des 
citoyens  à  des  provocations  qu^ils  n^eussent  point 
faites ,  s'ils  avaient  eu  le  temps  de  réfléchir  et  de  ne 
consulter  que  leurs  sentimens  réels;  qu^il  en  est 
résulté  des  instructions  criminelles  qui  ont  enlevé 
à  la  société  des  hommes  qui  pourraient  lui  être 
utiles ,  et  que  l'indulgence  nationale  a  le  droit  d*y 
rappeler  ;  décrète  qu'il  y  a  urgence.  » 

€(  L'Assemblée  Nationale,  après  avoir  décrété 
l'urgence  ,  décrète  ce  qui  suit  : 

Art.  I.^^  Tous  procès  et  jugemens  contre  des  ci- 
toyens depuis  le  14  juillet  1789 ,  sous  prétexte  de 
provocation  au  duel ,  sont  éteints  et  abolis. 

Art.  II.  Le  pouvoir  exécutif  provisoire  donnera 
les  ordres  nécessaires  pour  que  les  citoyens  dé- 


—  nîAPiTiii:  \Mii.—  337 

I  en  «'ons/'inicnrc  desdils  procès  cl  jugomcns , 

il  mis  sans  dtlai  en  liberté.   » 

n  s'ngissail  hit-n  en  cfTct  au  17  (iècemltrc  1792  , 

punir  k  duc)  quand  l'aganssinat  était  k  l'ordre 

jour.  Dès  les  premiers  jours  de  ce  moi»  de 

[libre  mémoire ,  le  satig  ruisseLail  dans  les  prisons 

mgées  en  boucheries  de    chair  liiimaine.  Los 

urtrcs  en  champ  rios  uY'taient  que  des  baga- 

les  auprès  de  ceux  de  la  place  publique.  CViail 

qtie  Danton  appelai!  ;  La  justice  du  Peuple, 

ip  lo  duel  est  la  raison  du  spadassin. 
Bîenlât  les  féroces  acteurs  de  ces  drames  san- 
has  s'enlregorgent  comme  les  soldais  de  Cadmus- 
t  Bévolution ,  disait  Camille  Dcsmoulins ,  ref- 
mhie  à  Saturne  el  dévore  ses  cnfans.  On  im- 
Ble  sur  l'aulel  de  ki  Liberté  des  hécatombes 
■saînei ,  liùle  réminiscence  de»  horribles  hom- 
que  le«  Druides  gaulois  rendaient  à  leur 
EU  Teulatéa. 

tlaral  s'appelait  ators  If  Di\'in,  el  Robespierre 
'neomiptibie.  Marnt ,  qui  avait  été  médecin  , 
iHait  le  corps  social  comme  te  corps  humain. 
Ni  régime  de  prédilection  était  ta  saignée.  11  dé- 
fendait SX  cent  mille  têtes.  Les  Girondins  vou- 
icnl  aiarcbiinder  ;  on  commença  par  eux. 
Voici  le  portraBt  tpi'a  tracé  de  Robespierre  un 
modcfne  :  «■  Qu'on  s'imagine  un  honnne 
22 


888  —HISTOIRE  DES   DUELS.— 

assez  petit ,  aux  formes  grêles  ,  à  la  physionomie 
eflilée  ,  au  front  comprimé  sur  les  côtés  comme 
une  béte  de  proie;  à  la  bouche  longue,  pâle  et 
serrée ,  à  la  voix  rauque  dans  le  bas ,  fausse  dans 
les  tons  élevés ,  et  qui  se  convertissait  dans  Fexal^ 
tation  et  la  colère  en  une  espèce  de  glapissemeiit 
assez  semblable  à  celui  des  hyènes..  Voilà  R<d)e9- 
pierre.  Ajoutez  à  cela  Tattirail  d^une  coquetterie 
empesée ,  prude  et  boudeuse  y  et  vous  Taurez  pres- 
que tout  entier.  Ce  qui  caractérise  Tâme,  le  regard, 
c^est  en  lui  je  ne  sais  quel  trait  pointu  qui  jaillît 
d^une  prunelle  fauve  entre  deux  paupières  con- 
vulsivement rétractiles ,  et  qui  vous  blesse  en  vous 
touchant  (264) .  » 

Cet  homme  avait  péniblement  concentré  ks 
sombres  accès  de  jalousie  que  lui  avaient  inq[>irés 
les  grands  orateurs  de  la  Constituante.  U  avait 
dévoré  en  silence  les  sarcasmes  amers  que  leur 
dédain  laissa  quelquefois  tomber  sur  ses  obscurs 
sophismes.  Il  s^en  souvint  au  temps  de  sa  puissance, 
comme  il  s^est  aussi  ressouvenu  des  grieb  de 
Favocat  et  même  des  injures  de  Técolier. 

Il  faisait  beau  le  voir  à  la  tribune  des  Jacobms 
quand  il  préparait  une  mise  hors  la  loi.  U  j 
préludait  ordinairement  par  de  légères  plaisan* 
teries ,  afin  de  provoquer  ceux  qu^il  voulait  perdre 
à  lui  répondre.   Quand  il  avait  attiré  la  vicliBKe 


■«»-citAPrT(tE  \\m.  —  339 

(tara  le  piège,  san  Ion,  son  air  cl  sa  voix  chan- 
^'nient  tout--t-c(tup  ;  on  cntcnctait  le  cri  du  chacal 
t[tii  vient  tie  sntsir  sa  praic. 

C'cal  ainsi  qu'il  sacrifia  Pliilippcaus  et  Camille 
Desmoulins  ses  camarades  de  collège,  puis  Danton 
(Inns  lequel  il  \it  un  mal ,  et  malheur  aux  rivaus 
comme  aux  amis  de  Robespierre  (265). 
I  Camille  Desmoulins  nVtait  pas  un  démagogue 
Hvdinnire.  Celte  étoile,  avec  quelques  autres  en- 
core, ne  doit  pas  ^Ire  ronfondue  parmi  ces  astres 
tDJurieux  qui  composent  la  sanglante  constellation 
de  la  Terreur.  Il  fut  le  précurseur  de  Tallieii , 
auquel  il  applanit  les  voies  et  qui  valait  beaucoup 
moins  que  lui.  Ce  fut  Camille  qui  le  premier  osa 
parier  d'un  Comité  de  clcinencc  qu'il  voulait 
joindre  aux  deux  autres ,  pour  en  Tormcr  une  sorte 
Je  Trinité  gouvernementale.  L'ancien  Procureur 
lie  ta  Lanterne  venait  de  voir  immoler  les  Qailly , 
les  Barnave  ,  les  Duport-du-Tcrlre  ,  les  Rabaul- 
Sainl- Etienne.  La  loi  des  suspecla  encombrait  les 
ions.  U  osa  proposer  qu'on  s'arrêlât  pour  réparer 
1  le  mal  qu'il  avait  contribué  ii  créer ,  il  ne 
mandait  k  mettre  en  lumière  que  dix  numéros 
1  Fieux  Co/delier;  au  septième  il  fui  sacrifié. 
I  y  a  dans  le  journal  de  ce  tribun  des  pages 
nt  réioquence  ne  serait  pas  désavouée  par  les 
I  Ue  Aome  el  d'Athènes.  Sa  manière  est  celle 


Hù  ^  HlStQlUE  D£S  bUÉLS.  «^ 

de  TacRc  ,  do|il  il  fait  souvent  le  plus  heureiuc 
usage.  Il  lui  cippruale  ses  énergiques  couleurs  pouif 
tracer  le  portrait  des  Tibéres  et  des  Phalàris  dil 
comité  de  salut  public.  Sa  réplique  à  Barrère  sur 
les  suspects,  est  enlr^autres  uà  morceau  AcheYé» 

Desmoulins  marnait  assez  heureusç^foenl  Tirooiç 
et  le  sarcasme.  11  ne  se  piquait  pourtant  pas  d^étrç 
brave  hors  de  propos  et  de  fournir  àes  r&illeries 
à  coups  d'épée.  XJh  dénivelé  qu'il  eut  avec  Naudel 
et  Désessarls  de  la  Comédie-Frakiçaise ,  lui  donnA 
l'occasion  d'exposer  ainsi  sa  profession  de  foi  à 
c^  siyet. 

Ci  On  peut  braver  la  niort  pour  la  libefté ,  pouf 
)a  patrie ,  et  je  ja\e  sens  U  force  do  passer  le  cou 
bfors  ^e  1^  litière  ^  9I  ^  comme  Tpri^ur  rom^  d^ 
t^pcbre  la  g^fge  au  glaive  d'Aptoâne.  Je  me  sem 
\9k  force  de  saomi?  sur  un  éch^ud  avec  ut\  sentir 
ment  mè|è  de  plaîs^f.  Voilà  Tespéc^  de  courafe 
que  j'aî  reçu ,  laon  pas  de  la  nature  qui  friSBoon^ 
toujours  à  cet  aspect,  mais  de  la  philosophie.  £trf 
^ssasmé  par  le  spadas»n  qui  me  provoque,  c^est 
mourir  piqué  de  la  tarentule.  Il  me  faudrait  passef 
Wà  v^  au  bois  de  Boulogne ,  si  j'é^iis  dbligé  .dç 
rendra  raisqp  k  tous  ceux  à  qui  mfi  (ra^cbi|to  dén 
plaît.  Qi^^Qi^  m'aocyse  de  lâcheté  si  Toin  vwt..-* 
je  crajns  biea  que  le  temps  ne  soit  pas  loin ,  pu 
les  Qccasiçns  de  périr  plus  glorieuseiqeQ^et  ph^ 


s\in.—  $4^ 

■metil  ne  nous  nuii](|ucroiil  iiaS,  Mors  l'amour 
!  la  pHtric  me  fera  retrouver  daiia  mon  sein  co 
lurage  qui  me  ftl  monter  sur  une  table  au  l'alais- 
toyal  et  (iTCudre  le  premier  Va  cocarite  niilioiinle.  n 
C'était  en- 1700  que  Camille  Desmoulins  écrivait* 
morceau ,  et  il  avait  dé^k  ce  pressenlimet)t'  Ab- 
'.  destinée   qui  revient   souveul  suiis  sa  pluttic. 

I  le  retrouve  encore  dans  ce  pnssage  final  de  son. 
irnicr  ttumfTO  du  f'iciuc  Cuiiiclicr  qui  fui  son, 
bni  du  cygne.  C'est  un  discourn  qu'il  met  dans 
Douche  (k  Pîti,  s'exprimanl  ainsi  au  l'itrlcmcitV 
llngklerre  :  "  Sericï-VQus  maintenant'  jaloux,  de 

tibcrtè  dca  Français!'  Aimcricx-vous  celte 
altérée  de  sang  dont  le  Gcand-pr^lre  Hébert, 
lomoro  et  leurs  pareils  osent  (Icnuindcr  que  le 
inple  se  construise,  comme  celui  du  Mexique, 
BOBScmens  de  trois  millions  de  citoyens,  ctdistnb 
ns  cesse  aux  Jacobins  ce  que  disaient  les  pri!tres- 
^gnolali  Mout^'zulna  :  J^^icux  ont  sQif7....n 
èttiiipanoir,  au  lomliat.  di-s  TVcntf ,  s'écriait  aussi  : 
■ai  soif! — Bois  ton  scutg,  lui  répondait  Tenlcniac, 
?  ta  soif  se  passera.  Les  gladiateurs  du,  cirque 
niventionncl  s'enivraient  de  sang,  maîs^leur  suiT 
TU  éiait  que  plus  dévoranle- 

II  y  avait  alors  im  duel  h  mort  entre  le  f'icn.r 
Tonlctier  et  cet  inFAme  journal  connu  sous  le  nom 

'fttIfBwhdsne.  Les  deux  réducleïifa  y  pét-ireht. 


343  —  HISTOIRE  DES  BUEtS.  — 

Desmoulins,  par  rinlempérance  de  ses  sarcasmes, 
s^était  fait  deux  mortels  emiemis.  Il  avait  parlé 
de  soujffler  sur  Robespierre  ,  et  il  disait  de  soo 
lieutenant  :  Saint-Just  regarde  sa  tète  comme  &i 
pierre  angulaire  de  la  République ,  et  U  la  porte 
sur  ses  épaules  a^^eç  respect  comme  un  SaùiiSa* 
crement»  —  Je  lui  Jerai  porter  la  sienne  comme  un 
Saint^DeniSj  avait  murmuré  dans  sa  barbe  le  sëidfi 
du  Mahomet  de  la  Terreur. 

Robespierre  vint  demander  hypocritement  par« 
don  au  club  des  Jacobins,  de  ses  liaisons  aveo 
Camille  Desmoulins,  dont  il  déplorait,  disait-il i 
les  hérésies.  Quant  à  Hébert,  il  lui  reprocha  d^aToir 
été  avec  Chaumette  à  la  solde  de  Pitt  et  Cohourg^ 
pour  avilir  la  Révolution  par  le  cynisme ,  Pun  de 
sa  plume ,  Pautre  de  9on  impiété. 

Ce  n'était  pourtant  pas  des  subventions  de  FAn- 
^leterre  que  vivait  le  Père  Duchesne;  car  il  résulte 
d'un  relevé  des  registres  de  la  trésorerie  que  le 
«ans-culotte  Hébert  recevait  du  ministre  Bouchotle, 
sur  le^Jonds  secrets  de  ce  temps-là,  cent  vingt 
mille  francs  par  an  qu'il  appelait  de  (a  bi'cUse  pçut 
chauffer  ses  fourneaux^ 

C'était  par  cette  terrible  révélation  que  Camilk 
ripostait  à  la  dénonciation  civique  de  sou  ad^er* 
«aire ,  d^avoir  épousé  une  femme  qui  lui  avait 
apporté  quatre  mille  livres  de  rente.  AUfinds-mei^ 


—  ciiAViTnE  x^TM.  —  343 

pèbiTt,  je  suis  il  toi  ilnns  un  momcnl,  criait  le 
yieux  Cordelicr  à  non  ronfrère ,  qiinnd  cctui-ci 
||  menaçait  de  sa  pipe  qu'il  cumparait  k  la  trom- 
||Ale  de  Jéricho,  parce  qu'il  lui  suffisait  île  fumer 
fis  J'ois  autour  d'une  tête  pour  la  Jaire  tomber. 
XJn  autre  jour  Legetnh-e  dénonce  Hébert  aux 
Cobîns  comme  un  columniateur  Ji  gages.  «  Hébert, 
1  Camille,  est  terrassé  et  ne  sait  que  répondre. 
Dmore,  qui  vient  au  sccourâ  de  sud  embarras, 
■r  dit  :  Embrassez-^'Oiis  tous  deux  et  touchez-lit. 
)fHX  là  le  langage  d'un  Bomaia  ou  celui  d'un 
■KariiIe^...  (260).  » 

Telles  étaient  les  formes  usitées  entre  les  sans- 
loties  \  tels  élaient  li;iirs  défis  ,  leurs  cartels  , 
■ts  annes  et  leur  polémittue.  Le  combat  engagé 
%  c«tle  manière  dans  les  feuilles,  dans  les  clubs 
I  k  la  tribune  ,  ne  se  termiuiiit  que  sur  le  champ 
SB  de  l'éfhafaud.  Voyez  ci-aprés  le  Cbap.  XXVII 
Utif  aux  Duels  parlementaires. 
\fys»aà  le  drame  de  la  Terreur  fut  joué,  nu  vit 
lever,  dans  un  des  coups  de  théAlre  si  fréqiiens 
WUc  époque  ,  les  tréteaux  du  Directoire.  Le  pit- 
|e  organisé  vint  après  les  massacres.  Les  orgies 
la  luxure  Hiccédèrcnl  encore  une  fois  à  celles  du 
tt.  On  vil  renaître  la  Régence  en  carmagnole  cl 
BalKits,  la  Régence  qu'on  avitit  aussi  appelée 
Dûvctoire  de  la  Monardiiv  (2fi7) . 


S44  -^HISTOIRE  DES  DOBLi. -« 

Malgré  le  vœu  si  énergiquement  exprimé  deYaal 
TAssemblée  Coosiituante  dans  les  4ébata  occa* 
aionaéfi  par  la  rencontre  de  MM.  de  Caatriea  et 
de  Lameth  9  le  pouvoir  législatif  ne  s^est  jamais 
prononcé  sur  la  question  légale  du  duel ,  peiyiaat 
le  cours  de  la  Révolution.  Le  Code  pénal  du  4  oc^ 
tobre  1791  est  resté  absolument  muet  sur  cçtte  huk 
tière.  C^est  en  vain,  comme  on  le  verra  çi^>apr^ 
Chap.  XX Y,  qu^on  a  cherché  dans  le  décret  d^ 
pistie  du  17  septembre  1792,  rapporté  ci^d 
un  argument  pour  expliquer  ce  silence  en  cç  sent 
que  rhomicidç  et  les  blessures  résultant  d\m  di|e| 
devaient  rester  sous  Tempire  du  droit  convQun. 

Quant  à  la  Convention ,  voici  la  seule  ç^rcans* 
tance  014  elle  se  soit  occupée  du  duel.  L^  3l9  laest 
sidor  an  II ,  elle  Ait  saisie  par  un  référé  du  Iribunal 
crin^nel  de  Versailles,  de  la  questiou  de  savoir  ai 
Tart.  2  de  la  4.^  aectioq  du  Code  pénal  miUmirôt 
punissant  les  meni^ces  par  paroles  ou  par  gçales  c| 
les  voies  de  fait  dVn  militaire  envers  sou  supérieur, 
devait  s^appliquer  à  la  provocation  eu  duel  pur  la 
militaire  inférieur  envers  son  supérieur  hors  le  ca« 
de  service.  I^a  Convention ,  par  le  motif  que  fiai 
dans  le  texte  précité  ne  s^appUquiût  ma%  d^^  dé^ 
clara  qiCil  ny  twaii  Ueii,  b,  déUbércr,  eu  chargeonl 
son  comité  de  législation  dç  lui  proposer  des 
surça  contre  le  duel  et  les  provocations  (268) 


^CHAPITRE  XMIl.—  349 

K-Toule  la  période  révolutionnaire  que  nous  venons 

e  parcourir  n'o  élé,  h  propremeiil  parler,  <|u'uno 

mgue  convulsion.  Ce  fut  le  règne  de  lo  force 

iDS  le  plus  haut  d^gré  de  ruilc-Bse  cl  d'énergie. 

Ce  n'était  pas  encore  assez  que  le  sang  frunçaîs 

P  (p'^ii^^*  '^>  places  publiques  ,    on   le  vit  bienlût 

[couler  par  torrens  sur  les  champs  de  halaille.  Aux 

reux  désordres  de  la  guerre  civile ,  vinrept  »e 

îndre  les  maux  d'une  guerre  extérieure.  L'Aria-: 

IcratJc  avait  appelé  h  son  épée  de  la  spoliation 

B  SCS  anliquei  privilèges.  Mais  son  cartel,  c'ai 

I  manifeste  étranger;  son  c^  amp  clos,  c'est  le 

d  ennemi,  et,  comme  le  duel,  rémigralion  est 

ibcore  pour  clic  une  illusion  de  Thonneur.  La 

dei  Croisades  se  rallume.  Rome  n'est  plus 

dans  Rome  ;  la  pairie  c'est  Cublentz.  Là  se  forment 

les  notiveaux  degrés  d'une  nouvelle   arislocralie. 

Lea   premiers  arrivés  s'érigent  rn  suserains   des 

dentiers  qu'ils  traitent  avec  un  insultant  dédain. 

Pour  -vaincre  leur  répugnance ,  on  leur  avait  en- 

Toyé  une  qucnoudie  et  des  fuseaux  ;  pour  punir 

leur  liésitation  ,  on  ne  leur  épargne  ni  les  mépris , 

lii  le»  d^gnùls.  De  là  de  nombreux  duels  el  m^me 

(l'affreux  suicides  (209). 

Bientôt  la  guerre  commence.  Ce  n'est  pas  unu 
Iniiipe  de  femmes  qui  va  courir  au-devant  de  cette 
ilivaaoïi  de  Coriulans ,  v'cet  une  intrépide  jeuneew 


846  ^  mSTOIRE  DES  DUBLS.  — 

à  peine  sortie  de  Tenfance ,  guidée  par  des 
officiers  improvisés  et  des  généraux  de  vingt  ans* 
Ce  fut  le  temps  des  prodiges.  L^émancipatioa 
plébéienne  est  désormais  consommée,  et  Tégalàé 
civile  a  reçu  la  consécration  de  la  victoire. 

Cest  ainsi  qu^est  tombé  ce  chêne  antique  dont 
Montesquieu  admirait  les  profondes  racines  et  le 
feuillage  majestueux.  Dépouillé  de  ses  rameaux  les 
plus  vigoureux  par  la  rude  main  de  Louis  XI  et 
de  Richelieu,  desséché  dans  sa  sève  par  le  (asis 
orgueilleux  de  Louis  XIV,  gâté  jusqu^au  cœur  dam 
les  orgies  du  Régent  et  de  Louis  XV ,  son  vieux 
tronc  chargé  de  siècles  a  cédé  à  Teffort  de  h 
tempête.  Ne  pouvant  plier  il  s^est  rompu,  et  h 
foudre  Ta  consumé  sans  le  déraciner.  Né  dans  le 
même  sol ,  long  -  temps  couvert  par  son  ombn 
protectrice ,  le  Duel  pourtant  ne  périra  pas  avec  lui. 
Cette  institution,  fille  de  la  Féodalité,  nourrie  et  ré- 
chauffée dans  son  sein ,  lui  survivra  avec  les  autres 
traditions  germaniques  dont  elle  est  inséparable, 
le  goût  de  la  vie  militaire,  la  licence  des  camps,  rot» 
tentation  du  courage,  Tirritabilité  du  caractèfei 
Tamour  des  distinctions,  de  la  renommée  et  du  bruiti 
le  dédain  des  règles  et  Tinsouciance  de  la  vie. 

Bientôt  même  cet  arbre  si  fameux,  dont  le  flot 

9 

populaire  avait  dispersé  les  débris,  se  ranimera 
dans  sa  souche ,  et  le  luxe  stérile  d'une  végétation 


EXMii.—  347 

gourmiinde,  inondant  le  sol  d'un  millier  de  rcjcious 
[inniKitett ,  nihcvera  d'en  dévorer  la  sitbslancc.  Les 
(lécrcls  de  la  Constiluanle  seront  enlcndus  en  ce 
sens ,  non  pas  qu'il  n'y  a  plus  de  nobles  en  France, 
mais  que  tout  le  inonde  doit  l'^Ire.  L'idole  h  peina 
abattue  sera  bienlôt  relevée  par  de  nouveaux  ado- 
raleure.  On  continuera  de  sacrifier  ii  Ilaal ,  el  ce  na 
sera  plus  seidemenl  sur  les  hauts  lieux.  Cette  no- 
blesse qu'on  croyait  morte ,  n'aura  faîl  que  changer 
de  place.  Ccux-mi^mes  qui  l'avaient  renversée  s'en 
disputeront  l'héritage.  L'un  va  s'enrichir  de  ses 
biens,  l'autre  se  parer  de  ses  rubans  ;  celui-ci  s'af- 
'  de  ses  titres ,  celui  -  là  parodier  ses  airs, 
lonne  surtout  n'oubliera  d'exagérer  ses  vice». 
pEn  France ,  les  privilèges  ont  toujours  eu  bien 
iTKnns  d'ennemis  que  d'envieux ,  el  ce  n'est  jamais 
que  par  esprit  de  conquête  qu'on  leur  fait  la  guerre. 
C'est  toujours  l'antichambre  qui  se  pousoe  au  salon. 
On  ne  bail  pas,  on  convoite;  on  ne  lutte  pas  de 
principes ,   mais  d'amour-proprc.  La  vanité  ,   ce 

tif  incurable  de  notre  nation,  y  est  de  tous  les 
tps,  de  tous  les  âges,  de  tous  les  rangs.  Elley 
end  tous  les  masques,  elley  revêt  toutes  les  Formes 
el  s'appelle  de  tous  les  noms.  C'est  un  germe  actif, 
tccond  el  vivace  ;  c'est  un  cire  indestructible,  doiU 
les  reproductions  bizarres  semblent  obOir  aux  lois 
d'une  éterocUc  œètcmpsycuso. 


CHAPITRE    XXÎY. 


///.'  Période.  ~  XIX.""  siècle.  —  Liberté  des.  dM»- 
r^  Qonçulat  et  goiji,vçrQQn^ei4  inipéirial. 

CV^sT  une  question  qui  n^esl  pas  sans  quchpie 
difficulté  cpic  celle  d^  savoir  à  quelle  époque  il 
conviendrait  de  fixer  le  commencement  de  la  troi- 
sième période  de  celte  histoire,  la  lihevié  légaU 
des  duels.  Si  le  sîlei^ce  du  code  pénal  de  1791  ^ 
qu'on  retrouve  dans  celui  de  1810,  devait  être  în-. 
terprété  dans  lo  sens  d\ii>e  abrogation  de  toute 
disposition  prohibitive  des  combats  singuliers ,  cc^ 
serait  Tannée  1791  qu'il  faudrait  choisir.  Maisa-t-il 
pu  ,  d^  fait,  exister  aucune  liberté  pour  les  duels 
pendant  la  période  révolutiounaire  i^  On  a  tu  au 
chapitre  précédent  quel  poids  u|i  nvaivement  po- 
pulaire ,  une  apostrophe  de  c)ub  ou  de  tribune 
pouvaient  jeter  dans  la  balance  entre  deux  a^dver-» 
saircs  d^opinioiis  opposées.  Il  n'y  a  tien  de  plus 
incompatible  avec  la  liberté  du  champ  clos  que 
les  émeutes,  les  proscriptions  en  inasse  et  le  tè- 
girae  des  suspccis* 


—  tHAriTBE  XXIV.  —  349 

la  Terreur  d«  1793  a  lue  la  Libéria  de  1780. 

Dca  SCS  iiremicrs  pas ,  ctllc-ci  Fui  arrcU-e  par  dea 

monccauiL  de  cadavres  ;  Le  pied  lui  a  glissé  dans 

Après  de  lels  prècédens,  le  Dcspolisme  élait  dans 
l'ordre  logique  ;  il  arriva  comme  eons^-qucDce  , 
comme  réaclioa  ou  comme  remède  de  dix  années 
df  violence»  cl  d'anarchie.  El  comme  la  EèvoIuUou 
Mit  lire  l'épée  pour  s'établir  ou  se  consolider, 
iful  un  despoUsme  miUiaira  qu'on  eut  à  subir, 
gtf.-à-cUre  le  plus  dur  el  le  plus  dangereux  de  loua. 
On  se  jeta  dans  les  bras  d'un  despote  pour  se 
Mfcr  de  ceux  de  la  République  qui  nous  en  arait 
mué  des  milliers.  On  préféra  le  jouji;  du  sabre  à 
^i  de  la  hache ,  el  la  vie  des  campa  au  régime 
■  écbafauds.  Enivré  par  le  prestige  des  trophées 
jp-riers,  on  se  jeta  d'un  extrême  dans  un  autre. 
pnmc  aous  Louiâ  XIV,  les  hjmncs  de  la  TÎctoirc 
Brenl  encore  étouffer  les  gémisscmcus  de  la  ser- 
lode.  La  France,  qui  venait  de  subir  les  exagé- 
fioDS  de  la  liberté ,  ^lUil  périr  dans  celles  de  la 

■c  el  succomber  sous  son  formidable  luxe. 

^^  Vo\  de  notre   pa)s  n'est   décidément  point 

IVOrable  au  Deapolismc.  Cette  plante  exotique  n'a 


uns  pu  s  y  t 


;climater.  A  deux  siècles  de  distance, 


jeux  grands  monarques  ont  cherché  ^  l'y  natura- 
JK^  i  Wi^  deux  fois  le  pouvoir  absolu  est  devenu  le 


S50  —  niSTOtRK  VIES  DUCLS. — 

tombeau  de  leur  dynastie.  Cette  grande  et  solenndte 
expiation  n^atteignit  Louis  X[V  que  dans  sa  posté- 
rité ;  mais  plus  éclatante  encore  de  nos  jours ,  eHe 
a  trouvé  une  victime  personnelle  dans  Napoléon. 
Durant  cette  période  de  Tempire,  si  courte ,  mais 
si  riche  de  faits  ;  au  milieu  de  cette  histoire  si  ma- 
gnifique et  si  retentissante ,  les  duels  ne  peuvent 
former  qu^un  épisode  bien  inaperçu.  Us  furent  en 
effet  fort  peu  remarqués  dans  un  moment  où  Pat- 
lention  était  absorbée  par  le  magique  spectacle  que 
présentaient  tous  les  jours  des  luttes  bien  autrement 
sérieuses.  H  n^y  eut  guéres  alors  que  des  dueb 
militaires  dont  à  peine  il  s^est  conservé  qudqiiei 
traces  dans  les  souvenirs. 

Après  la  grande  figure  de  Napoléon ,  le  person- 
nage de  cette  époque  sur  lequel  Tattention  se  fixe 
avec  le  plus  d^intérét  j  c^est  le  maréchal  Ney  dont 
riHustrc  front  porte  la  double  auréole  de  la  gloire 
el  du  malheur. 

Voici  un  fait  de  duel  qui  le  concerne ,  el  quoi* 
qu^il  soit  par  sa  date  antérieur  à  Fépoque  actuelfei 
il  ne  pourrait ,  ce  me  semble ,  être  placé  conve* 
nablement  qu'ici. 

<c  Né  à  Sarrelouis,  le  10  janvier  1769,  la  méat 
année  que  Napoléon ,  Ney  s'engagea  le  1  .*'  fïvrier 
1787 ,  Agé  de  18  ans ,  dans  le  régiment  de  Cok»^ 


—  CM*prT«F.  «If.—  S91 

ién^rAl  ipii  devint  pins  tnni  \v.  A.'  <l«  liusranb. 

ne  belle   tenue  ,  une   grande  clcxti-riti;  it  manier 

,  montant  avec  grâce  et   nmumnrc    1rs 

leTAds  les  plus  (Iniigçrem  ,  eliorgù  de  dompter 

ux  qu'on  d^esp^rnil  de  dresser,  il  fut  bicnli'it 

npiè  do  ses  camarades  pour  son  oplilnde  h 

I  les  ererciees  du  corps.  Aussi ,  était-ce  11  lu 

■i^c  les  corvtes  d'honneur  étaient  rHcrylica.  » 

41  Le  maître  d'armes  des  cliasseurs  de  Vinlimille, 

I  garnison  btcc  le  régimcnl  de  Coloncl-Gën^ral , 

t ,  comme  tous  ceux  d'alors ,  un  crâne  dnn- 

reux ,  toujours  le  sabre  h  la  main ,  redotitnlile 

aux  jeunes  recrues  et  m^mc  ^  d'Iiabiles  lireun  ; 

il  avait  blessé  le  maître  d'armes  de  Ci>lonel-(i6- 

ntral  et  insulté  le  régiment.  Les  sous-ofTicicr*  se 

mirent  pour  punir  l'insolent.  Le  plus  brave  et 

I  plus  adroit  Tut  choisi ,   et  Ncy  ,  fait  brigadier 

s  peu ,  chargé  de  la  vengeance  de  ses  c«nii- 

,  Il  accepte  la  mission  avec  joie.  On  est  sur 

)  terrain,  les  sabres  sont  croisi-s.  Toul-iiMMiup  H 

(  «ml  violemment  tiré  par  la  queue  ,    il  se  rc- 

anie;  c'est  son  colonel  qui  le  menace,  le  fait 

r  el  jeter  au  cachot.  » 

Le  duel  était  puni  de  mort.  Ney  était  pris  sur 

!  fait ,  en  flagrant  délit  ;  le  cas  oc  pouvait  être 

s  gnve  ;  mais  il  était  aimé  de  ses  chefs  et  il  se 

ait  par  délégation.  Où  l'hcrcha  h  le  sauver  :  Ica 


8Bà  —HISTOIRE   DSS   DUSU. -^ 

SOU8  -  officiers  Tinrent  en  masse  ches  le  colonel 
demander  sa  grâce  ;  ce  fut  bicntût  une  affaire  de 
corps.  Déjà  on  craignait  dans  Tarmée  cpi^une  trop 
grande  sétérilé  n^eiaspérÂt  les  soldats»  chex  qui 
fermentaient  aussi  des  idées  de  révcriuAion ,  el  une 
longue  captivité  sauva  Ney  du  conseil  de  guerre* 
Mais  à  peine  sorti  de  prison ,  le  danger  qu^il  ve* 
naît  de  courir  ne  put  Fempécher  de  satîslaire  à 
une  loi  de  Thonneur  :  il  ne  veut  pas  être  prol^ 
par  autre  chose  que  par  ses  armes.  Le  combat  sua* 
pendu  a  lieu  de  nouveau  plus  secrèlement.  Ney 
est  vainqueur  :  un  coup  de  sabre  sur  le  poigpMt 
estropie  à  jamais  son  adversaire,  qui,  réformé  par 
suite  de  cette  blessure,  tomba  bientôt  dans  la  misère. 
Mais  le  brigadier,  devenu  riche ,  B^oubUa  pas  soa 
duel  ;  il  chercha  le  malheureux  qu^il  avait  puni»  par- 
vint à  le  découvrir ,  el  lui  fit  une  penaioa  (270) .  > 
En  mai  1802 ,  il  y  eut  à  Paris,  entre  lea  géniaux 
Rcynier  et  Dcstaing ,  un  duel  dont  les  suites  bireot 
bien  plus  funestes.  L^origine  de  la  qiierdle  r^ 
montait  à  la  campagne  d^Egypte.  Oa  se  battît  aa 
pistolet  \  le  général  Destaing  fut  alleîat  mertelr 
Icment  d^une  balle  à  la  poitrine.  Son  adwiaaiie 
ne  Eut  Tobjet  d^aucunc  rcclierche  \  mais  il  tomba 
en  disgr&ce  prés  du  Premier  Consod  ,  lut  obligé 
de  s'éloigner  de  Paris,  et  u'obciot  de  Remploi  que 
lung-tem|>s  après. 


!  XXIV,  —  3fS3 

1  1812,  ail  Ipmps  de  Mural ,  il  y  eut  un  diicl 
rcninn]uable  h  In  cour  de  N.iplca ,  qui  n'àtait , 
toutes  Cfllca  envaliies  par  la  dynastie  Napo- 
ne ,  qu'une  succursale  de  la  cour  impériale . 
jour  de  Tan ,  le  roi  et  la  reine  de  Naples 
donnaient  aux  ambassadeurs  étrangers  une  aii- 
<limce  d'apparat.  L'ambassadeur  russe  ,  cnmie 
[>ulgoroucki ,  prit  le  pas ,  pour  présenter  son  com- 
]ilimenl,  sur  l'envoyé  de  France  ,  le  baron  Durand 
ili^  Mareuil,  auquel  cet  honneur  appartenait  comme 
Ambassadeur  de  famille.  Celui-ci  conserva  pendant 
la  réccptioa  une  impassibilité  qui  ne  se  remarquait 
{i»s  au  m<^me  degré  sur  tes  fronts  rembnmis  du  roi 
t\  de  la  reine  ;  mais  le  même  jour  il  envoya  un 
cartel  au  comte  Dolgoroucki.  Quoiqu'il  eût  pris 
in  de  ne  signer  la  lettre  que  du  nom  de  Durand, 
\eier  du  génie ,  l'ambassadeur  russe  fit  réponse 
9  prendrait  it  ce  sujet  les  ordres  de  sa  cour. 
\m  général  français  Excelmans  était  alors  ro- 
el  BU  service  de  Naples.  S'élant  trouvé  k  la 
cfition  où  il  avait  été  témoin  de  l'algarade  du 
Me  Dol^oroucki ,  il  crut  devoir  s'adresser  au 
Die  de  Beckcndorf ,  premier  secrétaire  de  la 
|Mit>o  ruase ,  pour  obtenir  raison  de  l'insulle 
le  à  la  Franee,  dans  ta  personne  de  son  jni- 
Mre.  Celui-ci  consentit  au  combat,  et  chacun 
d'amener  comme  l^moin  son  amhnwmdeur. 


854  —  HISTOIRE   DES    DOEI^.  — 

Le  comte  ttolgoroucki ,  voyant  son  secrétaire  en- 
gagé pour  lui ,  se  décide  à  accepter  immédiatement 
Je  cartel  du  baron  Durand.  MM.  de  Beckendorf 
et  Excelmans  ne  se  crurent  pas  pour  cela  dégagés 
de  leur  parole ,  et  convinrent  de  joindre  au  rôle 
de  témoins  celui  de  seconds,  selon  Fancienne  mode 
Napolitaine.  On  se  battit  donc  deux  contre  deu\ 
et  à  Tépée.  Les  ambassadeurs  se  blessèrent  1^- 
rement.  Mais  le  comte  de  Beckendorf  fut  atteint 
d'un  coup  qui  le  traversa  de  part  en  part.  Son 
adversaire  manifesta  alors  le  plus  violent  désespoir. 
Néanmoins ,  le    diplomate  russe  eut   le   bonheur 
de  guérir  d'une  telle  blessure.  Les  deux  ministres 
furent  approuvés  de  leurs  cours  respectives.  Peu 
de  temps  après  éclata  la  dernière  guerre  de  Russie, 
à  laquelle   cet   événement  ne  fut   peut  «"être  pas 
étranger.  Napoléon  le  prit  du  moins  pour  un  aver- 
tissement d'en  accélérer  les  préparatifs  (271). 

En  1813,  il  se  trouvait  dans  Tarmée  un  officier 
connu  pour  rechercher  les  duels ,  où  il  se  montrait 
d'une  habileté  extraordinaire.  Cet  homme  eut  la 
lâcheté  de  se  cacher  dans  un  fossé ,  pendant  un 
combat  très-vif  où  périt  la  moitié  de  sa  compagnie. 
Il  fut  découvert  et  chassé  du  régiment.  Napoléon 
disait  à  ce  sujet  :  Je  nai  jeûnais  compté  sur  un 
duelliste  pour  une  action  d'éclat.  Latour-Maubour^ 
le  bra^e  des  bravées,  ne  s'est  jamais  botta  en  dueL 


—  CHAPITRE  \xiv.  —  355 

.Trlte  ^-taii  aussi  t'opinioii  de  Diimourîcz ,  comme 

le  voit  dans  ses  Alénioiiv.'i ,  Tom.  1.",  P.  72. 

Ile    Fut   auparuvniit    celle    d'un    autre    tacticien 

distingué,  ie  chevalier  de  Fullard  qui  disait,  en 

[liirlaut  des  ordonnances  faites  par  le  duc  de  Gnise 

<:nnlre  les  duellistes  pendant  sa  célèbre  défense  de 

Metz  rontre  Charles- Qui  ni  :  n  Les  brelteurs  étaient 

fi>rt  en  vogue  dans  ce  temps -là  ;  ils  étaient  re- 

l^s  comme  la  lie  et  le  déshonneur  des  troupes , 

^toujours  les  premiers  ii  lâcher  pied  dans  l'oc- 

.    »    Comment,    sur   Poijbe ,    Paris   1728  , 

m,  p.  161. 

déjà  été  parlé ,  au  chapitre  1 .",  du  cartel 

le  roi  de  Suéde,  Gustave  IV,  s'était  un  jour 

d'adresser  k  Napoléon  qui  se  garda  bien  de 

prendre  la  chose  au  aérieuï.  Pour  toule  réponse, 

il  £t  propnscr  au  Monarque  suédois  de  se  passer 

celle  fantaisie  avec  le  premier  maître  d'armes  d'un 

is  régimens,  qu'il  lui  expédierait  en  qualité  de 

stre  pl6nipotcntiaire.  Napoléon  pourtant  était 

c ,  mais  ce  n'était  pas  à  la  façon  de  François  i.<< 

loiivs  lie  Bouirienite. 

^  le  duel  fut  toléré  dans  rannée  sous  le  régime 

>érial ,  ce  ne  fut  que  comme  un  mal  nécessaire, 

1  est  plus  que  douteux  que  la  pohlique  du  chef 

gouvernement  l'eut  souffert  dans  l'ordre  civil , 

s'y  était  fait  pai  liculiércmcnl  remarquer.  Mats 


âSft  -*-  msTOtiiB  Des  bmeis.  -^ 

Wnlcrvenlion  de  l'autorilé  ne  fut  pas  nécessaire. 
La  paix  publique  dérivait  naturellement  de  la 
forme  du  gouvernement.  Y  a-t-il  une  tranquillilè 
plus  profonde  que  celle  de  la  servitude  ? — 

Napoléon ,  en  détrônant  TÂnarchie ,  avait  rude« 
ment  comprimé  les  factions  et  étouffé  tout  ferment 
de  discorde.  Chacun  vivait  en  bonne  intelligence 
avec  son  voisin,  et  toutes  les  dénominations  de 
partis  étaient  ensevelies  dans  Toubli  avec  les  que-» 
telles  d^opinions.  La  vanité  française  trouvait  son 
aliment  te  phis  naturel  dans  les  distinctions  mili* 
taires.  Une  main  de  fer  avait  circonscrit  les  ann 
bilions  privées  dans  des  limites  rationndies.  Une 
politique  de  marbre  glaçait  leur  ardeur ,  et  leur 
turbulente  activité  se  taisait  devant  Timmobilité 
gouvetfiementale . 

L^aréne  brûlante  de  la  presse  périodique  n^étaîl 
pas  alors  ouverte  à  toutes  ces  haines  privées,  à 
toutes  ces  obscures  jalousies  qui  s^y  donnent  au- 
jourdliui  rendez-vous  sous  le  masque  des  intérêts 
publics ,  et  préludent  à  des  scènes  meurtrières 
par  les  plus  ignobles  personnalités.  On  ne  con- 
naissait  pas  encore  cette  fièvre  ardente  du  jour- 
nalisme qui  entretient  si  puissamment  de  nos  jours 
celle  des  duels  et  des  suicides ,  o&ant  dans  les 
honneurs  d'une  publicité  quotidienne  un  nouvel 
appAt  à  la  vengeance ,  et  une  nouvelle  prime  d^en- 
couragement  au  désespoir. 


XXIV,  —  357 

La  contagion  de  l'exemple  gngne  chaqitc  jetir 

I  terrain,  cl  sa  dévorante  activité  se  signale  par 

prust-I} tisnte  effrayant.  Il  est  encore  des  Eros- 

^Vsiles  qni  vculoni  <i  tout  [trix  [ias.tcr  à  la  postérité. 

semblent  s'étudier,  par  rélraiigeté  des  scènes 

et  la  biiArrerie  des  avcnturea,  ii  fixer  l'uHentiotv 

•ur  leur  inutile  et  ubscurc  cxistetU'C-    Us   savent 

qu'il  s'est  auruoe  de  leurs  folica  que  la  presse  ou- 

>lMicrB  d'enregistrer-  Heureux  encore  quand  celle-ci 

[»eul  bie»  iHuis  faire  grâce  dca  Sitions,  pour  s'ea 

uir  aux  réalités  !  Mais  ses  colnnnes  ne  sont  qu» 

op  aouveot  envalircs  par  lc&  élucubrations  ano- 

jrmes  d'écrivains  sans  conscience  qui  font  mélicr 

c  broder  «ur  ta  perversité  humaiiK.  Trop  souvent 

'audacieux  faussaires  y  font  accueillir  des  romans^ 

^«dieux  ou  ridicules ,  dont  le  mélange  impur  vient» 

laque  jour  altérer  les  souices  de  Tbistoire  coo.-* 


Aussi,  n'est-ce  qu'avec  une  grande  réserve  qu'un, 
irratcur  de  fitits  &u  un  peintre  de  mœurs ,  devra 
jpterrager  cette  multitude  de  documens  si  su^ccts, 
.«t  d'autant  plus  dangereux  qu'ils  en  itnposcut  par 
lIb  nombre ,  en  se  co|Maut  les  uu.s  les  autres.  C'est 
que  je  n'aurai  garde  de  pcrdce  de  vue  pour 
il»  époques  qu'il  tne  teste  k  ilécrirc  (272). 


1 


CHAPITRE    XXV. 


Suite  du  XIX.'  siècle.  — Restauration.  — Duels  poli- 
tiques et  littéraires.  —  Interrention  des  tribunaux. 
—  Conflits  de  jurisprudence.  —  Projet  de  loi 
de  1829. 


Mirabeau  avait  dit  à  son  lit  de  mort  qu^il  em- 
portait avec  lui  le  deuil  de  la  Monarchie  ;  Napoléon, 
en  descendant  du  trône,  a  pu  dire  avec  bien  autant 
de  vérité  qu'il  en  emportait  le  secret.  Il  était  en 
effet  devenu  bien  difficile  de  régner  en  France, 
depuis  que  la  Révolution  avait  mis  à  nu  tous  les 
mystères  de  la  royauté,  depuis  surtout  que  PEmpire 
en  avait  usé  tous  les  ressorts. 

Néanmoins ,  le  retour  de  Tancienne  dynastie  dés 
Bourbons  fut  accueilli  avec  un  enthousiasme  que 
bien  des  gens  prétendent  nier  aujourd'hui ,  parce 
qu'ils  se  croiraient  obligés  de  rougir  de  Tavoîr  par- 
tagé. L'invasion  étrangère,  dont  ce  retour  fut  le 
résultat  sans  pourtant  en  avoir  été  le  but ,  ne  parut 
pas  d'abord  blesser  la  susceptibilité  nationale  ;  ce 
ne  fut  qu'après  coup ,  et  comme  par  réflexion. 


—  ciHPiTne  XXV.  —  359 

Mais  ce  ijiii  n'est  ijue  lioj)  vrai ,  i:'(.'sl  tm'il  y  cul, 
sur  Ic9  causes  rutiles  de  cet  eritliutiBiasmc  ,  une 
erreur  Talale  chcx  les  prinni-s  qui  en  étaient  Tulijet. 
Us  changcmeiis  politiques  de  1814  n'étaient  , 
ilans  l'esprit  du  plus  grand  uumbre,  qu'une  grande 
réaction  de  la  paix  coiilic  la  guerre.  Ceux  qui 
ti'nvuitrat  jamius  cunnu  les  Ilourbuns ,  cummc  ceux 
f|iii  les  avaient  oubliés,  n'y  virent  que  cela.  Cel 
julérct  domina  tous  les  autres  par  son  énergie  et 
Hin  actualité.  Sî  ce  fui  sous  ce  rapport  unique 
iju'on  envisagea  ces  changemens  ciiez  ceux  pour 
<]ui  ils  auraient  pu  <:tre  uu  sujet  d'alarmes  ,  on 
j'en  fil  une  idée  bien  dilTérente  dans  un  inonde 
DU  ils  avaient  fait  naître  des  espérances  qui  res- 
■einbluient  beaucoup  k  des  spéculntlnus.  Celte  di- 
Tursité  d'u|)inioiis  sur  un  point  aussi  capital ,  fut 
la  principale  cause  de  celte  fermentation  sourde , 
{irufuiidc  ,  active  ,  incessante  ,  qui  ,  après  avoir 
ii}ptè  S)  long-temps  le  pays,  aboutit  à  l'cxplosiuH 
de  1831»  (273). 

I^  paix  qui  tut  l'objet  de  tant  de  vtpux  et  de 
si  ^ands  sacrifices,  cette  paix,  dont  l'impérieux 
besoin  précipita  la  chute  du  gouvernement  im- 
périal ,  ne  Fut  conclue  qu'entre  les  Peuples ,  et  fut 
loin  (fc  s'établir  entre  les  ciloyuus.  Les  qucicllcs 
privées  vont  se  réveiller  avec  une  iiu^royalilc  ar- 
<lcur,  quand  elles  auront  pour  nlimetit  les  passion» 


8êO  —  BISTOIAB  D£8  D1TSL«.  -— 

politiques ,  et  la  lutte,  qui  avait  cessé  sur  les  champ* 
de  bataille ,  se  continuera  dans  les  champs  des. 

Les  premiers  symptômes  de  coUision  se  maai- 
festèrcnt  à  la  suite  de  la  rivalité  qui  éclata  entre 
les  glorieux  débris  de  Tancienne  amée,  et  cette 
jeunesse  brillante  qui  entourait  le  nouveau  Ir^^, 
entre  ceux  qu^on  appelait  officiers  avant  et  depuis 
la  paix.  On  n^enlendit  long-temps  parler  à  Paris, 
que  de  rencontres  entre  des  gardes-du-*  corps  et 
des  militaires  congédiés ,  qui  ne  pouvaient  vw 
de  sang  froid  ces  nouveaux  venus  jouir  d^un  hoiw 
neur  qu^ils  regardaient  comme  le  prix  de  leurs 
services.  Geux->ci,  qui  n^avaient  pas  encore  eu  Toc^ 
casion  d^étudier  Tart  de  la  guerre  sur  les  chanta 
de  bataille ,  avaient  pu  déjà  se  former  aux  habn 
tudes  du  duel  dans  les  salles  d^arvies,   el  leur 
ardeur  juvénile  leur  valut  souvent  une  supériorilè 
qui  ne  dépend  pas  de  Texpérience  stratégique,  mais 
de  la  vigueur  de  Tàge. 

L^incertitude  et  la  faiblesse  du  nouveau  gou« 
vemement,  les  variations  continuelles  de  sa  poli*> 
tique ,  n^'étaient  pas  de  nature  è  maintenir  à  Tintée 
rieur  cette  paix  et  ce  caUne  admirables  dont  on 
avait  joui  sous  Tempire.  Une  agitation  vague  «mus 
réelle  préoccupa  tous  les  esprits ,  quand  on  ne  vit 
plus  rien  de  solide  dans  les  institutions,  de  fixe 
tlana  les  principes ,  d^asauré  dans  les  existences  i 


—  ciiapitui;  x\v.  —  301 

rien  m^me  ilc  (lé&nitif  dans  les  succèg  cL  Ich  rcvcrii 
dt-s  piiriii).  Ct  jiiii  de  basctilo ,  ces  îiltcnialivta 
coiilinuelleg  de  Itonnc  et  de  nijuiviiii>e  fiirtmic , 
itn  faÎBBiil  pnsMT  tour  h  Uiur  Ich  factions  de  l'ivrcaso 
ilfc  la  \ioleiice  à  rhiimilialion  de  la  dCraile,  nour» 
^■neak-nt  leur  ardeur  au  lieu  de  lYpuiser,  et  eiw 
ffretenaieot  au  sein  de  toutes  les  dusses  une  per< 
[péluelle  îrritatinn. 

La  tribune  qu'on  venait  de  relever  et  la  prcsso 
■  Bouvellcmenl  imancipte  ,  furent  d'abord  l'ar<^no 
■bIi  Ica  partis  ennemis  eommcncèrent  ii  se  mesurer, 
'Ces  lulles  de  la  parole ,  ces  guerres  de  plume , 
que  nous  ont  enseignées  nos  voisins  d'outre-mer, 
ne  se  passent  pas  chez  noua  avec  ce  calme  et  co 
fipgme  naturels  au  caractère  britannique.  La  fouguo 
Irançaise,  furiafiancese,  les  fait  bientôt  dégénérer 
k«n  ^meules  séditieuses  ou  en  sanglantes  querelles. 
I.ea  précédcns  de  17S9  ne  seront  pas  oubliés; 
les  mêmes  symptômes  seront  reproduits  par  des 
causes  analogues,  et  l'on  verra,  dans  un  violent 
•ccéa  de  recrudescence,  se  rallumer  la  fièvre  dea 
duels  politiques  et  parlementaires. 

Parmi  ceux  de  la  première  espèce ,  il  en  ettt 
trois  qui  ont  plus  particulièrement  fixé  l'uttcution. 
L'un  a  coûté  la  vie  à  M.  de  Saint- Mareelliu  , 
jeune  littérateur  d'une  grande  espérance ,  tué  pur 
U.   Fuyau ,   son  ami.    Le  second  fui  égulcmuul 


382  —  niSTOIKE   DES   DUELS.— 

fatal  au  comte  de  Saint  -  Morys ,  lieutenant  des 
(iardes  -  du  -  Corps  ,  tué  par  le  colonel  Barbier- 
Dufay.  On  trouvera  les  détails  de  cette  affaire  au 
chapitre  des  Duels  mililaires.  On  vit  succoniber 
dans  le  troisième ,  M.  Beaupoil  de  Saint- Aulaire, 
jeune  officier  de  cavalerie  ,  auteur  d^un  pam- 
phlet politique  intitulé  :  Oraison  funèht-e  du 
iluc  de  Fcltrv, 

La  police  mihtairc  avait  fait  de  vains  efforts  pour 
empêcher  ce  combat  ;  elle  réussit  seidement  à  le 
faire  suspendre.  M.  de  St. -Aulaire  se  battit  d^abord 
contre  le  fils  du  duc  de  Feltre ,  et  le  blessa  légè- 
rement au  bras.  A  peine  guéri  de  cette  blessure, 
il  eut  à  répondre  à  une  nouvelle  provocation  de 
la  part  d\m  cousin  du  défunt,  M.  de  Pierrebourg. 
Ils  se  rendent  le  17  mars  1819  au  bois  de  Boulogne 
avec  deux  témoins.  Ceux-ci ,  ne  pouvant  empêcher 
le  combat ,  exigèrent  qu'il  cessât  au  premier  sang* 
Une  discussion  s'éleva  sur  le  choix  des  armes. 
M.  de  St. -Aulaire  proposa  le  sabre,  M.  de  Pier- 
rebourg voulait  l'épée  ;  mais  il  céda  à  son  adver- 
saire ,  quoi(pril  n'eût  point  l'habitude  de  cette 
arme.  Les  deux  combattans  paraissaient  du  plus 
grand  sang  froid ,  au  point  qu'ils  changèrent  de 
place  sur  l'observation  de  M.  de  St.-Aulairc  qui 
avait  remarqué  que  le  soleil  donnait  sur  les  yeux 
de  son  adversaire.   M.  de  St. -Aulaire  porta  un 


roup  (le  sabre  sur  le  genou  ciroil  de  M-  île  Pier- 
rebiiurj:,  qui,  profilanl  du  monicnl  uii  son  adver- 
saire ttail  découvert  ,  ratlcigiiit  d'un  coup  de 
poinle  enire  la  dnquîéine  el  sixième  eûtes  du  côté 
droit,  AussitiU  il  jeta  son  snbre  en  disant  :  Je  suts 
bien  Jàché,  je  crains  que  ta  blessure  ne  soit  trop 
prvjontle.  Les  témoins  de  leur  côté  s'écrienl  : 
C'est  bien  malheiirrnx ,  mais  tes  choses  se  sont 
passées  dans  les  règles  .'....  Ne  rroil-on  pas  en- 
leDiIre  Texclamation  de  ce  médcein  <|uî  se  console 
de  la  mort  de  son  malade ,  parce  qu'il  a  succombé 
scloD  Ions  les  principes  de  l'arl  I  —  Le  malheureux 
M.  de  Sl.-Aulaire  expira  un  quart  d'Iicure  après. 

Volt;ûre  a  dit  i  «  On  doit  des  égards  aux  vi- 
vants, on  ne  doit  aux  morts  que  la  \éritÉ.  »  M.  de 
St'Aulaire  avait  mal  parlé  d'un  homme  d'élat,  mort. 
Avait-il  tort  ou  raison  T  C'est  ce  que  décidera  la 
postérité ,  seul  juge  compétent  en  pareille  matière. 
En  allendant,  on  tua  le  jeune  écrivain.  Ce  Tut  le 
preinier  duel  auquel  donna  lieu  aous  la  Restauratioa 
Ansge  de  la  liberté  de  la  presse  (274). 
^ÏVcsqii'en  même  temps  on  vit  surgir  un  nouveau 
^^icnre  de  collisions,  h  propos  de  débals  litlérnires 
ou  scientifiques.  II  y  avait  long-temps  qu'on  n'avait 
,TU  des  exemples  de  l'intervention  du  glaive  dans 
I  domaine  paisible  de  ta  république  des  letlres. 
t  Lon  lie  la  publication  de  VHisloiie  <tc  ta  cam- 


964  -^HISTOIRE  DES   W3KIB. -^ 

pagne  de  Russie,  il  s^éleya  une  ardeale  polémique 
entre  M.  le  comte  Pliilippe  de  Sègur,  auteur  de 
cet  ouvrage,  et  le  général  Gourgaud,  anciea  lâde^ 
de-'Camp  de  Napoléon.  Une  réfutaticm  et  un  cartel 
furent  lancés  tout  à  la  fois  contre  cette  relation. 
Après  quelque  hésitation ,  M.  de  Ségur  accepta 
le  défi  de  son  adversaire,  quoiquHl  ne  fiXt  motivé 
par  aucun  grief  personnel ,  et  il  en  fui  quitte  po^r 
une  légère  blessure* 

Le  duc  de  Rovigo  s^était  montré  moina  scnjh 
puleux  en  pareille  occurrence.  Il  parle  dans  ses 
Aîémoires,  tome  111,  Ghap.  XXVIII,  d^un  cartel 
qu^il  refusa  de  la  part  d^Hl  officier  français,  le 
comte  de  Yilloutreys,  qu^l  avait  personneUemeol 
inculpé  de  la  manière  la  plus  grave  à  Toccasion 
du  désastre  de  Baylcn  en  Espagne  (275), 

La  muse  de  la  poésie  n^est  pas  plus  exeo^pte  que 
celle  de  Thistoire ,  des  bizarres  épreuves  du  chasip 
clos.  On  a  vu  se  résigner  à  y  descendre  Tun  des 
génies  les  plus  élevés  des  temps  modernea.  On  a 
TU  le  plus  sublime  interprète  du  sentiment  reli^ 
gieux  céder  aux  exigences  du  Point  d^hooneiir^ 
et  accepter  Tépée  pour  arbitre  de  Tindépendance 
de  Fécrivain.  Le  colonel  napolitain  Pépé  s^avits 
un  jour  de  demander  raison  par  un  cartel  h  Tauteur 
des  Méditations ,  d^uuc  apostrophe  à  l'Italie  sur 
sa  décadence  et  son  esclavage.  Il  obtint  TbonDeur 


\ 


—  cnArrTep.  xxv.  —  365 

i^^il  sollicitait,  cl  il  eut  l'Qvant.ige  de  blesser  ou 
hras  son  illustre  adTersnire  (276). 

On  lit  dans  un  journal  du  21  février  1829,  lirs 

iHails  suÏTaDs  sur  un  combat  dont  le  sujet  était 

Classiçue  cl  le  tïomanli/jne .  «  Depuis  quelques 

jours  ,  on  s'entretient  dnns  les  salons  de  Paris  d'un 

duel  entre  deux  jeunes  auteurs,  tous  les  deux  gêna 

d'esprîl  et  de  cœur ,  qui ,  h.  propos  d'une  question 

■uremcnl  littéraire  et  déballue  parmi  nous  depuis 

ans  sans  aucun  résultat ,  en  sont  venus  à  sb 

ncr  rendez  -  vous  au   bois   de  Boulogne.  Le 

tambat  a  été  long  et  acliarné.   Chacun  des  anta- 

pistes  a  été  h  deux  doigts  de  la  mort.  Ils  ont 

Ul  feu  l'un  sur  l'autre  quatre  fois  de  suite  et  à 

distances  très-rapprochées.   Le  combat  ne  se 

ferait  terminé  que  par  une  effusion  de  sang ,  si 

I  témoins  n'avaient   pas  menacé   de  quitter  la 

■ce.  On  verra  se  reproduire  des  traits  analogues , 

1  chapitre  XXVI. 

H  y  eut  sous  la  Restauration  fort  peu  d'exemples 
;  fonctionnaires  publics  ,  encore  moins  de  ma- 
ttrals,  quittant  leur  siège  pour  descendre  dans 
■  champs  clos.  C'est  un  progrés  qui  ne  fut  re- 

iHrtjuè  que  sous  le  régime  qui  va  suivre.  Vers 
fin  de  1829 ,  un  juge-auditeur  du  ressort  de 

k  cour  de  Montpellier  et  un  officier  de  gendar- 


306  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

meric  avaient  cm  ne  pouvoir  se  dispenser  de  servir 
de  li'moins  dans  un  duel.  Le  procureur-général, 
instruit  de  ce  fait ,  a  traduit  le  juge-auditeur  devant 
la  cour  qui  Ta  censuré  par  mesure  disciplinaire. 
Le  magistrat  a  été  attaché  à  un  autre  siège  et  Tof- 
fîcicr  de  gendarmerie  changé  de  résidence. 

Le  11  août  1828,  M.  Raynouard ,  commandant 
la  gabarrc  la  Caravane  y  se  battit  au  pistolet  avec 
M.  Garnerey,  peintre  du  roi,  envoyé  à  Navarin 
pour  faire  un  tableau  du  combat  naval  qui  porte 
ce  nom.  Celui-ci  croyait  avoir  à  se  plaindre  de 
ses  relations  avec  M.  Raynouard  pendant  la  tra- 
versée, et  il  régnait  beaucoup  d^aigreur  entre  ces 
deux  Messieurs  à  Farrivée  du  bâtiment  au  lazaret 
de  Toulon.  Le  capitaine  fit  mettre  à  terre  son 
passager  qui  était  malade ,  et  qui ,  privé  de  Tassis- 
iance  du  médecin  du  bord ,  écrivit  pour  demander 
du  secours  ,  et  ensuite  pour  se  plaindre  que  les 
soins  indispensables  dans  sa  position  lui  fussent 
refusés.  Celte  dernière  lettre  écrite  dans  Tirritation 
de  la  fièvre,  eut  pour  réponse  une  provocation 
en  duel  de  la  part  de  M.  Raynouard.  Le  rendei- 
yous  fut  donné  pour  Tun  des  jours  qui  suivirent 
la  sortie  de  quarantaine.  M.  Garnerey,  dont  Tio- 
disposition  n^avait  point  cessé ,  eut  le  triste  avantage 
de  tirer  le  premier ,  et  atteignit  son  adversaire  au 
flanc  droit.  Celui-ci  néanmoins  fit  feu  à  son  tour, 


—  rnvrirri    \\v    —  3(>7 

f't  rrromnicnra  niriiir  s.i  (lrrliar*ç<*  ,  le  premier 
<<Mip  ayant  porlé  obliquement.  Il  mourut  neuf 
jours  après  ,  des  suites  de  cette  blessure  (277). 
On  trouvera  au  chapitre  suivant  un  bien  plus 
grand  nombre  d^affaires  semblables  entre  des  fonc- 
tioDDaîres  publics  de  tous  les  rangs. 

Ce  qui  doit  le  plus  particulièrement  caractériser 
Tépoque  de  la  Restauration  relativement  au  sujet 
de  cette  histoire ,  ce  sont  les  tentatives  des  pou- 
voirs judiciaire  et  législatif  pour  réprimer  le  scan- 
dale des  combats  singuliers. 

Comme  j'ai  déjà  eu  occasion  d'en  faire  la  re- 
marque au  chapitre  précédent ,  le  Code  pénal 
de  1810  a  gardé  sur  le  duel  le  même  silence  que 
ceux  de  1701  et  de  Tan  IV.  Ce  silence,  il  laul 
le  dire,  avait  été  constamment  interprété  dans  le 
sens  d'une  liberté  entière  et  absolue.  Mais  en 
1818,  tout-à-coup  et  comme  sur  un  signal  donné, 
les  foudres  des  parquets  se  réveillent.  Des  mandats 
d'arrêt  sont  requis  et  lancés.  Des  citoyens  qui , 
sur  la  foi  commune,  avaient  fait  ce  que  le  Point 
d'honneur  commandait  et  ce  que  la  loi  ne  paraissait 
pas  défendre ,  se  voient  menacés  d'une  accusation 
capitale.  Ils  sont  appréiiendés  au  corps  selon  la 
coutume,  et  par  provision  placés  sous  les  vcrroux. 
Vaineinent ,  la  cour  de  cassation  saisie  de  leurs 


368  —  msTornc  des  duels.  -» 

pourvois  annuité  les  procédures  commencées  ;  la 
guerre  des  réquisitoires  contre  les  duels  continue. 
Une  longue  lutte  va  m^me  s^établir  entre  la  plupart 
des  cours  royales  et  la  cour  suprême. 

Le  premier  des  arn^ts  de  cette  cour  a  été  rendu 
le  8  janvier  1810,  dans  Taffaire  du  sieur  Bnitus 
Gazelles  qui  avait  tué  en  duel,  à  Montpellier,  le 
24  ao&t  1818 ,  le  sieur  Ferret ,  officier  de  la  légion 
du  Var.  Cclui^i  avait  adressé  le  cartel  suivant  i 
son  adversaire  :  «  Monsieur ,  ayant  appris  que 
vous  vous  étiez  permis  de  tenir  des  propos  sur 
mon  compte,  si  vous  avez  de  Ilionneur  comme 
vous  voulez  le  faire  paraître,  vous  ne  vous  refuserez 
point  à  une  explication  ,  k  une  heure  apràsHoaidî, 
au  café  de  FEsplanade  ;  dix  années  de  salle  ne 
peuvent  vous  faire  redouter.  »  Le  duel  ayant  eu 
lieu  à  Fépée,  le  sîeur  Ferret  avait  succombé. 

Par  arrêt  du  80  octobre  1818,  la  cour  royale 
de  Montpellier  renvoya  Gazelles  devant  la  cour 
d^assiscs ,  comme  prévenu  d^homicide  tH>kmtaipe» 
Gelui-ci  se  pourvut  en  cassation.  La  cour,  sans 
se  prononcer  sur  la  question  du  duel ,  cassa  Farrét 
qui  lui  était  déféré,  par  ce  motif  unique  :  que  la 
cour  de  Montpellier  n^avait  pas  examiné  le  poiol 
de  savoir  si  le  prévenu  avait  été  ou  non  dans  k  cas 
de  la  légitime  défense.  Un  arrêt  tout-à-Aôt  sem- 
blable avait  déj.^  été  rendu  le  27  mars  1818. 


T,M  rmir  de  Tnulniiae ,  h  laquelle  l'afTairc  Cazelles 
Fui  renvoyée,  dédara  en  fail  (pi'il  y  avait  diicl; 
(ju'en  tiruit  l'Iiomidde  commis  en  duel  n'était  pas 
cuempt  des  peines  générales  du  code,  et  renvoya 
fncore  une  fois  le  prévenu  devant  la  cour  d'assises. 

Nouveau  pourvoi  et  nouvel  arrrt  de  la  cour 
de  cassation,  en  dale  du  8  avril  1819,  qui,  abor- 
dant celle  fois  la  question ,  décide  conformément 
Hu\  conclusions  du  procureur-général  ;  h  que  dans 
le  duel  il  y  a  toujours  conveniion  antérieure,  in- 
tmlioD  commune,  réciprocité  et  simultanéité  d'at- 
laqiie  et  de  défense  ;  qu'un  tel  combat ,  quand  il 
a  eu  lieu  avec  des  chances  égales  de  part  et  d'aulre , 
Mins  déloyauté  ni  perfidie,  ne  rentre  dans  aucun 
des  cas  prévus  par  le  code  pénal  ;  »  et  casse  en 
conséquence  l'arrêt  de  la  cour  royale  de  Toulouse. 
On  trouvera  aux  Eclaircissemens  historiques  le 
lexle  entier  de  l'arrêt  de  cassation ,  avec  un  estrail 
lie  l'Hoquenl  plaidoyer  de  M.  le  procureur-général 
Moutre  (278). 
*Le  21   septembre  1821  ,  le   cour  de  cassation 

icida  que  le  A\iv\  pouvait ,  seion  les  circonstances, 

e  qualifié  assassinat.  Voici  l'espèce  de  cet  arrël. 
e  29  juin  1819 ,  le  sîeur  Jean-Baptisie  Treins, 

■fteutenant  d'artillerie  ,   domicilié  à  Eygicton  , 
«rendit  dans  le  bureau  du  sieur  Pierre  Damnrzid , 
Twfttur  de  IVurcgistrcment  au  m^mc  lieu.  A  l'oc- 
24 


870  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

casion  de  quelques  propos  tenus  enir'eux ,  Treius 
provoqua  Damarzid  à  un  combat  singulier  qui  fut 
accepté  pour  le  lendemain  à  cinq  heures  du  matin. 
Lorsqu^on  fut  sur  le  terrain ,  les  témoins  cherchè- 
rent à  concilier  les  deux  adversaires,  qui  persistèrent 
dans  leur  dessein  et  voulurent  se  battre  au  pistolet, 
à  six  pas  de  dislance.  Le  sort  ayant  décidé  que 
le  sieur  Treins  tirerait  le  premier ,  les  assistans  les 
engagèrent  encore  à  s^éloigiier  davantage.  Treins 
s'y  refusa  formellement ,  et  tira  ^on  coup  de  pis- 
tolet dont  la  balle  atteignit  Damarzid  à  Pestomac. 
Blessé  à  mort,  celui-ci  eut  la  force  de  tirer,  à  soa 
tour ,  sur  son  adversaire ,  qui  fut  blessé  au  bras. 
Damarzid  tomba  aussitôt  après,  et  mourut  dans 
la  soirée  des  suites  de  sa  blessure. 

La  cour  royale  de  Limoges ,  contrairement  aux 
conclusions  du  procureur-général ,  renvoya  Treins 
devant  la  cour  d^assises,  comme  prévenu  d^assas- 
sinat.  On  trouvera  aux  Eclaircisseniens  Iiistorigues, 
les  principaux  considérans  de  cet  arrêt,  Tun  des 
plus  fortement  motivés  qui  aient  été  rendus  en  cette 
matière  (279). 

Le  procureur-général  se  pourvoit  en  cassatioB. 
La  cour  rejette  le  pourvoi  par  ces  motifs  :  a  que 
Treins  a  été  le  provocateur ,  qu'il  a  tiré  le  premier 
et  malgré  les  instances  des  assistans ,  à  une  distance 
tellement  rapprochée  qu^il  avait  à-pcu-près  la  cer- 


—  CHAPITRE    XXT. —  871 

.tiliiiJc  (l'altcîndrc  son  Adversaire  ;  que  ces  cîrcons- 
mccs  ainsi  reconnues ,  fout  sortir  le  combat  siii- 
[ulîer  donl  il  s'agil ,  de  la  classe  <les  duels  qui  n'ont 
fMs  été  compris  parmi  les  faits  qualifiés  crimes  et 
t^nis  par  les  lois  actuellement  en  vigueur.  » 

La  cour  de  cassation  a  ici  considéré  le  duel 
jcommeun  aisassiaai,  parce  ^u'on  s'était  lire  de  trop 
dirrï.  La  cour  royale  de  Douai  a  jugé  de  même 
^lAans  une  espèce  où  Ton  imputait  it  l'un  des  com- 
r^ltans  d'avoir  -visé  liop  long-temps.  Le  combat 
^vait  eu  lieu  ii  Ldle ,  entre  le  sieur  L"* ,  négociant 
•4tt  cette  ville  et  le  sieur  H",  son  ami.  Au  pre- 
aicr  coup  de  feu  ,  celui-ci  avait  succombé.  Le 
ieur  L"'  ne  s'élant  pas  pourvu  en  cassation  contre 
Tarr^'l  de  mise  en  accusation ,  comparut,  le  25  no- 
.Venibre  1828,  devant  la  cour  d'assises,  où  il  fut  ac- 
quitté sur  la  déclaration  unanime  du  Jury  (280) . 

Par  un  autre  arrêt  du  19  septembre  1822,  la 
COUT  de  cassation  décida  encore  qu'il  y  avait 
yieurlre ,  et  non  pas  duel ,  dans  l'espèce  suivante  : 
Le  28  juin  1822 ,  les  sieurs  Roqueplane  et 
Durré  se  battirent  à  Marseille  au  pistolet.  Les  té- 
.^oins  voulaient  fixer  la  dislaiice  à  vingt-cinq  pas  ; 
|Bais  elle  le  fut  à  quinze,  sur  les  instances  de  Durré. 
Le  sort  donna  le  premier  coup  à  Roqueplane  qui 
ilira  en  l'air.  Durré  insista  pour  qu'un  second  coup 
(&t  dirigé  sur  lui,  cl  malgré  les  prières  renouvelées 


S72  —  mSTOÎRE   DES  IWELS.  — 

des  lémoiiis ,  le  pislolel  Fui  rechargé ,  fil  long  feu 
deux  fois ,  et  partit  enfin  sans  I^atteindre.  Durrè  tira 
«lors  à  son  tour  sur  son  adversaire  et  l^ètendh  mort. 
La  cour  royale  d'Aix  ayail  renvoyé  Durré  aux 
assises ,  comme  prévenu  du  crime  de  duel  en  con- 
Iravenlion  aux  anciens  édits  de  Louis  XIV  et  de 
Louis  XV  ;  en  second  lieu,  de  meurtre  pour  avoir 
tiré  sur  Roqueplane ,  dans  un  moment  où  il  ne 
ùùwxdt  plus  lui-même  aucun  danger.  Le  procureur* 
général  s^est  pourvu  en  cassation  contre  le  chef  de 
rarrél,  qui  avait  dèdaré  applicables  les  anciens 
édits  sur  le  duel,  abrogés  par  le  code  pénal  de  179 L 
L^arréi  a  en  effet  été  annuité  sur  ce  premier  chef 
et  maintenu  sur  le  second. 

Celte  jurisprudence  peut  donner  lieu  à  de  bieh 
graves  réflexions.  L^arbitraire  qu'elle  semble  con- 
sacrer dans  l'appréciation  des  circonstances  d'un 
combat  singulier  pour  en  déterminer  la  criminalité, 
a  quelque  chose  de  réellement  effrayant.  La  con- 
séquence la  plus  immédiate  de  ces  décisions  n'est- 
elle  pas  de  donner  une  sanction  légale  au  Code 
des  duels  ?  Si  ce  code  avait  été  formulé ,  not» 
aérions  sans  doute  condamnés  à  le  voir  figurer  en 
appendice  à  la  suite  du  code  pénal?...  Maia  il  est 
encore  non  écrit  ;  quelle  sera  alors  l'autorité  qui  en 
fixera  les  régies  et  en  déterminera  Tapplication.'^... 


—  CHAPITRE   \xv.—  373 

Je  ne  pnrle  (wa  de  ccUe  com-emiim  mitèrieute 
entre  deux  duellistes  qui  établit ,  selon  th  cour 
is  cassiitioit,  une  réciprucité  d'allaquc  et  de  dé- 
fense aimuUanées ,  comme  ai  la  vie  des  Immmcs 
'^it  dmis  le  commerce  et  pouvait  Otrc  ta  matière 
it\m  contrai.  Je  ne  parte  pas  de  cttle  6trange  cou- 
IndicHon  cjiii  Tait  ensuite  laisser  i\  l'écart  cette  con- 
wnion  a/ii^iieitic ,  pciiir  déclarer  nteurtrier  celui 
j|ui  lue  siin  adversaire  aprcs  eu  avoir  essuyé  l£  feu  , 
trce  que  /f  rlangcr  est  passé  pour  lui.  Mais  daug 
1  Ici  cumbal  i}uelte  sera  In  distance  Jt  iHCfucIIe 
jpo  devra  se  placer,  cl  e«mbicu  de  sei  ondes  au 
juste  auru-l-uii  pour  se  viser,  afiu  de  n'i'trc  pas 
pulé  assassin  t  On  ne  sera  pas  répréhcnsible  quand 
e  coraliat  aura  eu  beu  sans  dèloytuitè  ni  pcijtdic , 
^Hand  OD  n'aura  viulé  aucune  des  règles  du  cliampi 
los,  quand  il  y  aura  eu  parfaite  î'gabtc  dechan- 
as,  cominc  s'il  pouvait  jamais  y  avuic  des  cbauce& 
IrictcToent  égales  dans  un  duel  \ 

Mais  lorsqu'il  a  plu  à  deux  adversaires  die  cheisir- 
la  distaiu.-e  la  plus  rapprncliÉe ,  et  (^ue  te  sort  n 
té^l<i  «Htr'eus  l'or<lrc  de  cumbat ,  où  seraient  la 
dèluyauli  et  la  perfidie  ?...  Une  fois  le  principe 
du  duel  rcconmi ,  qui  Gxcra  les  limites  de  ce  pactit 
:  uu  de  mort  qiie  tes  [Kulics  simt  autorisées, 
I  &  conclure  f  Qui  les  cmptcttcia  de  jeter  leur  X^h: 
Ljh  ccuia  ou  pitC)  do  vider  leur  fpiereik  pur  tiitc 


874  —HISTOIRE  DES  DUELS.— 

sorte  de  suicide  alternatif?  Voudrait-on  que  Ta- 
dresse  fût  Tarbitre  du  combat  plutôt  que  le  hasard? 
Un  duelliste  de  profession  serait  donc  plus  {ayorisé 
que  rhomme  étranger  au  maniement  des  armes, 
et  que  sa  mauvaise  étoile  a  jeté  dans  les  chances 
d^un  duel  P. ..  Il  est  impossible  de  sonder  les  abîmes 
où  Ton  se  précipite,  à  la  moindre  déviation  des 
principes ,  en  jurisprudence  comme  en  morale. 

Je  n^ai  pas  encore  parlé  des  conséquences  noo 
moins  inquiétantes  qui  pourraient  dériver  de  cette 
maxime ,  que  le  duel  sera  tenu  pour  criminel  selon 
les  circonstances.  Je  ne  sais  s^il  est  en  Europe  un 
Etat ,  sans  même  excepter  la  Turquie ,  où  il  existe 
des  lois  criminelles  diaprés  lesquelles  certaines  ac- 
tions doivent  être  réputées  crimes  selon  des  cîr- 
constances  qu^on  ne  définit  pas. 

Il  faut  le  dire  hautement ,  le  jour  où  de  pareilles 
doctrines  seraient  mises  en  pratique ,  ce  jour  ver- 
rait combler  la  mesure  du  pouvoir  discrétionnaire 
déjà  si  exhorbitant ,  dont  jouissent  en  France  les 
Magistrats  chargés  de  Taction  publique.  Un  td 
arbitraire  serait  surtout  intolérable  dans  les  temps 
de  discordes  civiles,  car  alors  les  circonstances ^ 
ce  sont  les  opinions  (281). 

La  lutte  de  la  cour  de  cassation  avec  les  cours 
royales  s^est  prolongée  pendant  dix  ans.  Dans  cet 


—  ciui'iTBE  XXV.—  375 

intervalle ,  el  le  2ïi  août  1821 ,  celle  cour  a  encore 
rassé  un  arril  de  la  cour  royale  de  Douai ,  purlant 
renvoi  aux  assises  de  St. -Orner  ,  d'un  habitant. de 
ecttc  ville  qui  en  avait  blessé  un  autre  dans  un  duel 
ail  pistolet. 

Le  21  mai  1810 ,  un  arn't  de  mise  en  accusation 
de  la  cour  de  Paris,  avnil  i^galemeiil    été  anuulé 
sur  le  pourvoi  de   M.  Harly   de  Picrrebourg  qui 
aiait  été  arrêté  el  écroué  à  la  Force ,  immédia- 
tement après  son  duel  avec  M.  de  Saint-Aulaîre , 
rapporté   ci -dessus  page   362.    La  cour  royale 
d'Amiens,  h  qui  celte  affaire  fut  renvoyée,  rendît 
xm  arrêt  acmblable  h  celle  de  Paris.  Il  fut  de  non- 
tau  cassé,  sur  le  pourvoi  de  l'inculpé,  par  arrêt 
1  4   décembre  1824  ;    et  la   cour  de    Rouen  , 
iâe  de  l'affuire ,  ordonna  enfin  la  mise  en  liberté 
B  M.  Harty  de  Pierrebourg. 
y  Le  même  jour,  nouvelle  annulation   d'un  arrêt 
le  la  cuur  royale  de  Douai,  sur  le  pourvoi  du 
leur  Burgtt'Camac ,  officier  anglais ,  qni ,  k  la  stiite 
m  cartel  donné  en  Angleterre  ,    était  venu  se 
Jre  k  Calais  avec  un  sieur  Gough ,  son  camarade. 
Selui-ci  avait  reçu  une  butle  dans  le  gras  de  la 
IpDbe ,  et  la  cour  de  Douai  avait  considéré  ce  fait 
Comme  une  tcnlalive  d'Iiomicide.  Ces  dcu\  derniers 
êts  de  la  coiir  de  cassation  oui  été  rendus  sec- 
fions  réunies. 


376  —HISTOIRE  DBS  DUELS.— 

Enfin ,  le  11  mai  1827 ,  la  cour  suprême  cassa 
un  arrêt  de  la  cour  de  Nancy  y  sur  le  pourvei 
d'un  sieur  Laberilie  qui  avait  tué  en  duel ,  d'un 
coup  de  sabre,  le  sieur  Mangin. 

L^aifaire  renvoyée  devant  la  cour  de  MeU ,  fui 
suivie  d^un  arrêt  conforme  au  premier.  Sur  un 
second  pourvoi ,  Parrêt  fut  de  nouveau  cassA 
le  8  août  1828 ,  et  Taffaire  renvoyée  devant  la 
cour  de  Colmar  qui  rendit  encore  le  20  novembra 
suivant  un  arrêt  conforme  à  celui  de  Met», 

La  cour  de  cassation,  dans  son  dernier  arrél» 
avait  décidé  qu'il  en  serait  référé  au  Roi  pour  être 
procédé  à  Tinterprétation  de  la  loi.  On  vit  enfin 
arriver  la  clôture  de  cet  interminable  conflil  d^ 
jurisprudence.  C'était  ainsi  qu'on  procédait  députa 
environ  trente  ans  à  la  cour  de  cassation.  TeUo 
avait  été  pendant  cet  intervalle  la  position  des 
malheureux  inculpés  ,  obligés  de  garder  prisoa 
pendant  qu'ib  avaient  à  subir  ces  ruineuses  invo* 
lutions  de  procédures ,  dont  le  mécanisme  bizarro 
lut  même  asse»  long -temps  un  objet  d'admis 
ration  (282), 

En  résumé ,  la  doctrine  des  cours  royales  ten^ 
dait  à  établir  que  le  meurtre  ou  les  blessure  ré* 
sultant  du  duel ,  étaient  prévus  et  punis  par  les 
dispositions  générales  du  code  sur  les  attentats  è 


V.-  377 

s  personiies.  On  repoussait  avec  cesjstèmB 
t  Duel  (le  la  tangue  législative. 
Le  combat  en  lui-mi'me  et  la  Htinplc  provoralion 
n'étaient  pas  punissables  ,  mnis  seulement  leurs 
^rùleris.  Les  partisans  de  cette  opinion  n'étaient 
pas ,  il  faut  l'aToner ,  Irès-conséqviens  avec  cux- 
0^mcs  ;  cur ,  après  avoir  ainsi  posé  le  principe,  ils 
Reculaient  devant  les  eunaé([ucncc9.  Ainsi  ils  ne 
taHaient  pas  de  comprendre  dans  le»  potirsuilcs 
\et  complices  tels  que  les  témoins.  Ils  laissaient 
ni  k  l'écart  les  dispositions  rigoureuses  du  code 
■  la  tentative.  Or,  législative  ment  parlant,  tout 
|ombat  en  duel  constitue  un  homicide  ou  une 
jMilative  d'homicide  aveu  guel-ii-pens  et  prémè* 
ptalion.  Il  n'y  a  pas  de  milieu. 

Le  principal  pivot  do  cette  doctrine  était  l'opî- 
Ijktn  émise  par  lo  rapporteur  de  cette  partie  du 
(rojel  du  code  pénal  au  nom  de  la  commission 
I  corps  législatif.  Yoici  comme  il  raisonnait  : 
u  Vous  vous  demandez  peut-cire  ,  Mes&icura , 
lurcpioi  les  auteurs  du  projet  de  loi  n'ont  paa 
signÈ  partie  u  lié  rement  un  attentat  aux  personnes 
rop  mol  heureuse  ment  connu  sous  le  nom  de  Duel, 
^est  qu'il  se  trouve  compris  dans  les  dispositions 
ioérales  qiti  vous  sont  soumises.  Nus  mis  en  créant 
Bs  juges  d'exception  pour  ce  crime,  l'avaient  prea- 
}  autobl)....  Le  projet  n'a  pas  dû  particuluriscr 


378  --  HISTOIRE    DES   DOELS.  — 

une  espèce  comprise  dans  un  genre  dont  il  donne 
les  caractères.  —  Si  Thomicide  est  le  résultat  de 
la  défense  à  une  irruption  inopinée,  à  une  pro- 
vocation soudaine  ;  il  peut ,  suivant  les  circons- 
tances, être  susceptible  d'excuse.  — Si  le  duel  t 
suivi  immédiatement  des  menaces,  des  jactances, 
des  injures ,  si  les  combattans  ont  agi  dans  Fébul- 
lition  de  la  colère  ,  ils  seront  classés  parmi  les 
meurtriers.  —  Mais  si  les  coupables  ont  médité, 
projeté ,  arr<^té  à  Tavance  cet  étrange  combat  ;  si 
la  raison  a  pu  se  faire  entendre  et  s^ils  ont  mé- 
connu sa  voix,  ils  seront  des  assassins En  vain 

voudrait-on  invoquer  une  convention  entre  les 
duellistes  et  la  réciprocité  des  chances  quMb  on! 
voulu  courir ,  la  loi  ne  saurait  transiger  arec  uo 
aussi  absurde  préjugé.  » 

Il  est  à  remarquer  que  dans  les  discours  des 
orateurs  du  gouvernement ,  chargés  de  la  présen- 
tation du  projet  de  loi ,  on  ne  trouve  rien  qui 
se  rapporte  à  cette  opinion.  C'est  pourquoi  les 
partisans  de  la  doctrine  consacrée  par  la  cour  de 
cassation ,  repoussaient  Pautorité  de  ce  document, 
comme  ne  contenant  que  Popinion  personnelle 
du  rapporteur ,  ou  tout  au  plus  celle  de  la  com- 
mission dont  il  était  Torgane.  Ils  se  prévalaient 
en  outre  du  décret  de  la  Convention  ,  en  date 
du  29  messidor  an  II ,  rapporté  ci-dessus  page  344» 


—  CHUPITRE   KXV.—  379 

<l  le  préaenlaietit  comme  mlerprélanl ,  dans  le  aena 
de  la  liberté  des  duels,  le  sitcncc  qu'avait  gardé 
le  code  pénal  de  1791. 

Cependant  il  ne  s' agissait  pas ,  dans  Tespèce  sur 
iMjuelle  est  inten'enu  ce  décret ,  d'interpréter  le 
code  de  1791  ,  mais  bien  le  code  pénal  militaire 
1793  relativement  k  l'insubordination  des  in- 
ieurs  envers  leurs  supérieurs.    Le  tribimal  de 
■Versailles  demandait  si  une  proi'ocntion  en  duel , 
fcors  du  service,  était  un  acte  d'insubordination. 
La  Convention ,  qui  d'ailleurs  ne  se  préoccupait 
beaucoup  des  intérêts  de  la  discipline   mili- 
taire ,  déclare  qu'il  n'y  a  lieu  <i  délibérer  «  par  le 
iDolir  que  l'art.  1 1 ,  sect.  IV  du  code  pénal  militaire 
contient  ni  sens  ni  expression  qui  s'applique 
k  la  provocation  en  duel.  »  Elle  a,  il  est  vrai, 
•envoyé  à  sa  commission  de  législation  i'exatnen 
de«  mesures  qu'il  conviendrait  de  prendre  contre 
les  duels  et  les  provocations.    Celte   commission 
s'est  pas  plus  occupée  de  cet  objet  que  celles 
<de  l'Assemblée  Constituante  W  qui  il  avait  été  fait 
!  pareils  renvois.  Mais  il  est  évident  qu'il  ne  s'agit, 
ms  tout  ceci  ,   que  du  duel  proprement  dit  et 
!  la  provocation  au  duel,  indépendamment  des 
blessures  et  des  homicides  qui  peuvent  en  résulter  ; 
et  il  n'y  a  aucun  argument  solide  Ji  en  tirer  contre 
l'upinion  qui  regarde  ces  cas  d'homicides  el  blés- 


880  «-mSTOIBE  DBS  DOBLS. — 

sures  comme  compris  dans  les  disposiUons  générales 
du  code  pénal  qui  ne  fait  aucune  exception  en  fin 
\eur  des  combats  singuliers. 

Les  partisans  de  Fopinion  contraire  repoussaient 
avec  plus  de  fondement ,  Targument  tiré  du  décret 
du  17  septembre  1702,  en  faisant  remarquer  que 
ce  décret  prononçait  à  la  fois  une  cunnUUey  pour 
tous  faits  de  duels  antérieurs  ou  postérieurs  au 
code  pénal  de  1791  ,  et  une  abolition  de  tous 
jugemens  rendus  en  cette  matière,  depuis  le  14 
juillet  1789.  Ce  décret  était  donc  nécessaire  pour 
remplir  le  but  qu'on  se  proposait  dans  Fintérél 
de  ceux  qui  avaient  été  ou  pouvaient  être  pour- 
jiiiV/x ,  ainsi  que  de  ceux  qui  avaient  déjà  pu  élre 
condamnés  pour  duel  ;  car  en  admettant  que  k 
code  de  1791  vali!it  amnistie  pour  des  faita  anté-' 
rieurs  qu^il  ne  considérait  plus  comme  crimes^  il  ne 
pouvait  valoir  aholiiion  des  jugemens  définitifs. 

Enfin  cette  question  si  délicate  et  d^un  m  haut 
intérêt ,  vient  tout  récemment  de  se  reproduire  en 
Belgi(]ue ,  où  les  lois  pénales  françaises  sont  encore 
en  vigueur ,  et  la  cour  de  cassation  de  Bruxelles 
Ta  décidée  dans  le  même  sens  que  les  cours  royales 
de  France.  Ou  trouvera  au  chapitre  XXX  le  texte 
de  cet  arrêt,  dont  les  eonsidérans  sont  nombreux 
et  très- développés.  Ils  renferment  un  argument 
nouveau  et  péremploire  fondé  sur  cette  remarque ,, 


XXV.-  381 

1j|bi  n'avait  pas  encore  (lé  Tailc,  savoir  :  que  l'an- 
cienne législalion  snr  les  duels  était  spéuiale  pour 
Ie4  gentilshommes  et  les  militaires,  lesquels  élaieiit 
Mukjusttciables  des  tribunaux  du  Point  dMionneur, 
Bbmme  on  l'a  vu  aux  Clitip.  X\I  et  XXII;  que 
tes  combats  si  rares  dans  les  autres  classes,  étaient 
laissés  MUS  l'empire  du  droit  commun  qui  ne  les 
punissait  pas  comme  duels ,  mais  comme  homicide 
ou  blessures.  C'est  jusiemcnt  de  cette  manière  qu'il 
lut  procédé  contre  le  ri\al  du  comte  de  Riora  , 
loanl  de  la  fille  du  Régent.  A'.  ci-Hessus  page  250. 
^Lcs  tribunaux  du  Point  d'honneur  ayant  été 
«Mippnmés,cn  1790,  avec  les  autres  juridictions 
d'exception ,  et  l'abrogation  de  toutes  les  lois  spé- 
rîalcs  k  la  Noblesse  ayant  été  la  conséquence  de  son 
abolition ,  il  semble  qu'on  en  devait  conclure  que 
toutes  les  classes  de  la  société  en  France  étaient 
I  [placées ,  quant  aux  duels,  sous  l'empire  du  droit 
lun.  Cet  état  de  choses ,  tel  qu'il  résulte  de  la 
ttrioc  des  cours  royales  de  France  et  de  la  cour 
Cassation  de  Bruxelles ,  n'aurait  donc  en  réalité 
D  de  différent  de  ce  qui  se  pratiipiail  autrerois 
[fégârd  des  classes  non  privilégiées. 

Par  suite  du  référé  qu'avait  ordonné  la  cour 
fc  cassation ,  un  projet  de  loi  sur  le  duel  fui  pré- 
en  ftwicr  1829,  ii  la  chambre  des  Pairs. 


882  —  HisToinc  des  duel&.  — ^ 

Le  gouvernement ,  dans  ce  projet,  a  paru  prendre 
trop  à  la  lettre  les  argumens  sur  lesquels  s^étaient 
appuyées  les  cours  royales,  dont  Popposition  avec 
la  cour  de  cassation  avait  pour  principal  objet  de 
faire  sentir  la  nécessité  d^une  loi  spéciale.  On  traita 
le  duel  comme  un  délit  commun  ;  on  lui  appliqua 
les  peines  du  meurtre  ordinaire  ou  des  coups  et 
blessures,  sans  oublier  le  tarif  de  V incapacité  de 
travail  personnel.  On  n^eut  aucun  égard  au  point 
de  vue  sous  lequel  la  cour  de  cassation  avait 
considéré  les  Caito  qui  se  passent  dans  un  duel ,  et 
qui  ont,  disait-elle,  un  caractère  essentiellemeni 
spécial  par  leur  nature  y  leur  principe  et  leur  fin* 
On  ne  songea  pas  du  reste  à  assurer  aux  citoyens, 
par  des  mesures  convenables  contre  les  provo- 
cations ,  une  satisfaction  légale  qu^ils  ne  cherchent 
ailleurs  que  dans  le  silence  ou  Finsuffisance  de 
la  loi  (283). 

Le  projet  souleva  une  assez  forte  opposition  par- 
mi les  divers  organes  de  la  presse.  Il  a  été  néaa- 
moins  adopté  par  la  chambre  des  Pairs  avec  de 
Ijiombreux  amendemens  qui  n^en  ont  pas  corrigé 
le  vice  radical.  La  session  fut  close  avant  qu^iltit 
pu  être  porté  à  la  chambre  des  députés.  Depuis  ks 
événemens  survenus  en  1880,  il  n^en  a  plus  été  ques- 
tion. On  trouvera  le  texte  du  projet  avec  les  amen- 
demens 9i\i\  Eclaircissemens  historii/ues  (p8i)»> 


CHAPITRE    XXVI. 


DiUinuation  du  mùme  sujet.  —  RéTolulion  de  1S30. 

—  Nouveaux  duels  pnlitupien.  —  Duels  de  jaurna- 
lîsles  ;  d'avocats  ;  de  gens  de  iettres  ;  d'nrtisnns  ; 
de  fonctionnaireB . —  Duel  sans  témoins. —  Duel 
entre   frères.  —  Nouvelles  poursuites  judiciaires. 

—  Pétitions  aux  chambres  sur  les  duels. 


Il  n'entre  aucunement  dans  le  sujet  de  celle 
^isloire ,  d'examJDer  ni  les  causes  ni  les  résultats 
-yolitiques  ou  moraux  de  la  Révolution  de  1830. 
Cel  èuënement  ne  doit  £tre  envisagé  ici  que  re- 
ilivement  à  son  influence  sur  la  paix  intérieure 
n  payi*  Or,  c'est  un  fait  dont  quelques-uns 
^fiteot ,  dont  le  plus  grand  nombre  gémit  pour 
le  présent  et  s'alarme  pour  l'avenir ,  mais  que 
personne  ne  songe  ii  dissimuler ,  que ,  depuis  l'ori- 
gine de  nos  discordes  civiles ,  autant  de  causes  de 
divisons  n'avaient  encore  agité  les  esprits. 

L'anarchie  qui  régne  dans  toutes  les  opinions , 
lu  a  confondues ,  bouleversées ,  brisées  en  un 
nûUier  de  nuances  aussi  tranchées,  aussi  hostiles, 


384  —  HISTOIRE    DES    DUKtS.  — 

aussi  inronoiliables  que  les  milliers  d'intérêts  ou 
de  passions  qu'elles  représentent.  S^il  est  vrai  que 
jusqu^ei  la  guerre  ait  été  évitée  au  dehors ,  eUe  a 
pris  sa  revanche  au  dedans  où  elle  s^est  déchaînée 
avec  une  déplorable  énergie.  Je  ne  parle  pas  de 
Témeute  et  de  sa  répression.  Le  caractère  de  Tune 
el  de  Fautre  a  certainement  offert  de  nos  jours 
quelque  chose  d'inouï.  Mais  les  terribles  chocs  des 
masses  armées  sont  des  épisodes  de  la  guerre  civile 
générale.  Malgré  l'affinité  de  leurs  causes  et  de  leurs 
effets  avec  les  luttes  privées,  ces  scènes  n^entrent 
pas  dans  les  modestes  proportions  du  plan  de  cet 
ouvrage  qui  ne  comprend  que  les  actes  isolés  de 
la  guerre  civile  individuelle.  Le  nond^re  de  ces 
derniers  est  encore  assez  grand ,  les  circonstances 
en  sont  assez  funestes,  les  conséquences  assez  graves, 
et  le  tableau  qui  m'en  reste  à  Gedre  assez  lugubre. 

Depuis  le  court  intervaUe  de  quatre  ans ,  oa 
a  vu  plus  de  duels  en  France  que  pendant  ks 
trente  premières  années  du  10.*  siècle.  Jamais, 
dans  les  temps  modernes ,  cette  frénésie  ne  s'ètak 
montrée  aussi  générale ,  aussi  aveugle ,  aussi  dé- 
Torante.  Puisse -t -elle  avoir  atteint  son  dernier 
paroxisme  ! 

La  plupart  des  combats  singuliers ,  qui  vont 
figurer  dans  celte  triste  revue ,  ont  eu  pour  cause 
les  passions  poUtiqucs.  Ils  semblent  en  suivre  les 


—  CHAPÎTHE  XXVf.  —  885 

nombreuses  oscillations  et  reproduire  avec  une 
grande  yérité ,  dans  leurs  p^'riodes  et  leurs  inter- 
mittences, tous  les  symptAmes  de  Firritation  qui 
travaille  le  corps  social. 

L^ordrc  des  matières  me  paraissant  préférable 
k  celui  des  dates,  je  parlerai  d^abord  des  duels 
auxquels  a  donné  lieu  la  liberté  de  la  presse.  Ceux 
qui  sont  résultés  des  débats  parlementaires  seront 
Tobjet  du  chapitre  suivant. 

Le  plus  remarquable  est  sans  contredit  celui 
qui  fut  la  suite  de  la  polémique  entamée  dans  les 
journaux,  relativement  k  Tarrestation  de  Madame 
la  duchesse  de  Berry.  C'est  de  ce  conflit  et  des 
încidens  auxquels  il  a  donné  lieu  que  m'est  venue 
la  première  pensée  de  cet  ouvrage. 

Le  2  février  1833  ,  plusieurs  rédacteurs  du 
jcnimal  légitimiste  le  Bevemutt,  se  présentèrent 
au  bureau  de  la  Tribune,  organe  de  l'opinion 
républicaine,  pour  demander  satisfaciion  aux  ré- 
dacteurs ,  d'un  article  qu'ils  regardaient  comme 
injurieux  à  l'honneur  de  la  duchesse  de  Berry. 
Ceux-ci  déclarèrent  ne  point  accepter  de  combat 
individuel,  mais  un  duel  collectifauquel  prendraient 
part  un  certain  nombre  de  champions  des  deux 
partis ,  dont  il  serait  fait  choix  sur  une  hste  établie 
de  part  et  d'autre.  Lii-dessus,  débats  et  échange 
de  lettres  dans  les  deux  journaux.  Ce  fut  alors  que 


k^ar 


386  —  HISTOIRE  DBS  DUELS.  — 

d^autres  feuilles  de  la  même  opinion ,  quoique  de 
nuances  diverses  ,  déclarèrent  prendre  le  fait  et 
cause  de  la  Tribune  et  intervenir  politiquement 
dans  la  querelle.  Un  rendez-vous  fut  en  consé- 
quence assigné  entre  M.  Armand  Carrel ,  rédacteur 
en  chef  du  Naliofud,  et  M.  Roux-Laborie,  l'un 
des  rédacteurs  du  Rc\*enant*  Les  témoins  de  celui- 
ci  firent  de  vains  efforts  pour  empêcher  une  lutte 
qui  paraissait  leur  inspirer  d'autant  plus  de  répu- 
gnance ,  qu^aucun  d'eux  n'avait  de  grief  personnel 
contre  M.  Carrel,  dont  le  journal  s'était  toujours 
distingué  par  son  respect  pour  les  convenances. 

Le  duel  eut  lieu.  M.  Roux-Laborie ,  visiblement 
moins  exercé  que  son  adversaire ,  reçut  un  coup 
d'épée  qui  lui  perça  le  bras  droit.  On  s'arrêta  : 
M.  Carrel  dit  alors  qu'il  se  croyait  touclié  égale- 
ment. En  effet,  il  fut  reconnu  qu'il  avait  reçu  une 
blessure  dangereuse  au  bas  -  ventre  ;   on  ne  s'en 
était  pas  aperçu.  A  l'instant  même ,  de  nouveaux 
rendez -vous  furent  proposés  et  acceptés  par  les 
témoins  eux-mêmes ,  bien  qu'ils  se  rendissent  res- 
pectivement la  justice  que  leur  eonduite  avaii  été 
parfaite .  La   lutte  ne  fut   empêchée  que  par  b 
brusque  arrestation  de  tous  les  champions. 

Ce  n'est  pas  tout.  Des  défis  furent  immédiatemeot 
adressés  par  tous  les  écrivains  de  l'opinion  républi' 
caine  à  leurs  confrères  légitimistes  de  la  capitale* 


—  cTuriTBE  T\vi.  —  387 

■Des  aUroupemens  se  formèrenl ,  cl  on  commençait 
k  Yoir  se  propager  dans  les  masses ,  l'exaspéra  lion 
qui  régnait  dans  ccrUiim  journaux.  On  se  porta 
«n  foule  aux  bureaux  du  Hevenanl,  de  la  Quo- 
tidienne  el  de  la  Gazette  de  France,  cpii,  trois 
jours  durant,  eurent  èi  soutenir  un  siège  en  règles. 
Celte  nlTaire  a  tenu  toute  la  capitale  en  suspens 
pendant  la  première  semaine  de  février.  Pcut-^tre 
ne  lui  a-t-il  manqué  pour  devenir  un  grave  événe- 
nenl  politique,  que  d'i'trc  arrivée  quelques  mois 
trop  tard.  On  ne  sait  trop  nn^me  quel  parti  les 
passions  politiques  auraient  lire  de  ce  commence- 
■lenl  d'effervescence ,  si  le  danger  de  la  blessure 
■^e  M-  Carrcl  ne  s'était  promptemeiit  dissipé. 

La  circonstance  la  plus  singulière  de  celte  col- 
lÎHon ,  et  qui  témoigne  de  quelles  conséquences 
Bile  pouvait  être  pour  la  liberté  de  la  presse ,  c'est 
Un  interdit  général  et  Irés-énergiqucmeiil  formulé , 
*|ui  fiil  lancé  dans  la  Tribune,  par  l'opinion  répu- 
blicaine ,  contre  les  feuilles  légilimistcs.  Cet  interdit 
pas  de  suites,  parceque  ceux  qui  s'en  étaient 
lardèrent  pas  à  comprendre  que  toute 
ilrave  ou  restriction  apportée  à  la  liberté  d'écrire, 
ke  pouvait  tourner  qu'il  leur  propre  préjudice. 

La  Gazette  dt;  Ffaitcc,  fidèle  aux  maximes  qui 
'Ccmt  la  base  de  ses  doctrines  en  religion ,  en  morale 
,cl  CD  politique ,  avnîl  opposé  h  toutes  les  provo-- 


888  —HISTOIRE   DES   DUELS.— 

cations ,  une  déclaration  de  principes  dans  laquelle 
elle  désavouait  le  duel  par  les  mêmes  motifs  qui 
Jui  font  repousser  l'émeute  ,  la  guerre  civile ,  et 
généralement  toutes  les  voies  de  violence  collective 
ou  individuelle. 

La  Quotidienne  y  plus  préoccupée  des  traditions 
du  passé  que  consécjuente  avec  ses  principes  re- 
ligieux, parut  n'envisager  que  le  côté  chevaleresque 
de  ce  débat  qu'on  voulait  transporter  de  l'arène 
des  journaux  dans  la  lice  meurtrière  des  champs 
clos ,  et  de  là  sans  doute  sur  un  terrain  plus  brûlant 
encore,  celui  de  la  rue.  Elle  se  montra  donc  dis- 
posée  à  accepter  tous  les  cartels  et  à  faire  face  à 
toutes  les  agressions.  Une  profession  de  foi  où  ces 
sentimens  étaient  nettement  exposés  ,  parut  dans 
ce  journal ,  quoique  avec  des  expressions  de  blâme 
pour  une  lutte  collective  qui  était  quaUfiée  de  non-* 
sens,  d'anachronisme  et  d'impossibilité. 

Par  suite  de  cet  article ,  un  rendez- vous  fui  ac- 
cepté par  M.  de  Brian,  directeur  de  ce  journal ^ 
qui  se  rendit  sur  le  terrain  avec  deux  de  ses  colla^ 
borateurs.  Il  avait  été  arrêté  la  veille  que  le  combat 
aurait  lieu  à  l'épée.  Sur  le  terrain,  une  pièce  de 
monnaie  jetée  en  l'air  décida  lequel  de  M.  de  Brian» 
ou  de  M.  N***,  l'un  de  ses  deux  collaborateurs  ^ 
mettrait  d'abord  l'épée  à  la  main ,  l'autre  ne  pou- 
vant se  servir  de  cette  arme  pour  raison  de  santé* 


—  chApitbe  XXVI.—  389 

H.  fi***  ayant  été  désigné  par  le  sort ,  recul  de  aon 


t  adversaire  une  blessure  bu  hrns  droit,  et  le^  lémnins 
dértaréreiil  que  l'olTuire  élail  terminée  (285), 
A-pcu-près  k  la  mémiî  époque ,  des  rencontres 
,  Jetntttablea  avaient  lieu  k  Cacn  ,  Rouen  ,  Lyon  , 
Marseille ,  Bordeaux  ,  ce  qui  Ht  supposer  un  instant 
Putistcnce  d'un  complot  tendant  à  amener  par  ees 
1(1  tics  partielles  une  collision  générale.  Le  gouver- 
nement s'en  autorisa  nK^mc  pour  commencer  des 
|>oumiilcB  et  ordonner  des  an- estations ,  qui  con- 
l*Tlmèrent  au  muîns  b  calmer  une  aussi  dangereuse 
cnervescenee. 

En  août  de  la  mijme  année,  les  scènes  de  duel 
•^commencèrent  sur  plusieurs  points  du  royaume. 
On  ■  fixé  particulièrement  ceux  qui  eurent  lieu  à 
Ljon,  entre  les  gérans  du  Ptvi-urscur  cl  du  Cour' 
«TÛ-'r,  cl  il  Bourges,  entre  M.  Miclict,  avocat,  et 
•e  rédacteur  d'une  feuille  minisléricllc. 

II  y  eut  une  nouvelle  recrudescence  en  février 
l^j,  et  clic  eut  pour  signal  le  duel  qui  coûta  la 
*>e  à  M.  Dulong,  avocat  et  député  de  l'Kure.  On 
**"»iuïerB  les  détails  de  ce  funeste  événement  au 
<^liupitre  suivant. 

"  Une  déplorable  manie  de  duel  était  dans  l'air 
tvllK  semaine,  disait  un  journal  du  31  janiier  IS3il 
l'p  jour  même  où  M.  Dulong  était  rrap|>é,  au  bois 
de  [loulogoc  ,  par  la  liidle  du  général  Itugeaud , 


390  —  ttlSTOUE  DES  DUELS.  — 

deux  ttudians  en  médecine  se  battaient  à  deux  pat 
d^eux  ,  et  l'un  de  ces  derniers  expirait ,  atteint  ausn 
d^un  coup  de  pistolet  à  la  poitrine.  Ce  matin ,  trois 
duels  eurent  lieu  à  notre  connaissance ,  dont  un 
a  encore  eu  une  issue  funeste  ,  et  tous  les  trois 
avaient  une  cause  politique.  Enfin  y  aujounThui 
encore  le  directeur  d^un  théâtre  du  premier  ordre 
a  dû  se  battre  avec  un  journaliste.  » 

Le  17  février  de  cette  même  année  1834  j  3 
y  eut  une  rencontre  entre  un  avocat  de  Terrasson, 
auteur  d'une  pétition  au  sujet  de  la  réforme  élec- 
torale, et  le  rédacteur  du  Mémorial  de  la  Dordegfte, 
En  juillet  suivant,  duel  à  Agen,  entre  M.  F*** 
et  le  docteur  Vacquié  qui  fut  tué.  Ce  cond>at  fui 
la  suite  de  Félection  de  M.  Merle  -  Massaneau , 
député  ministériel.  M.  Yacquié,  partisan  de  celui- 
ci  ,  s'était  porté  à  des  voies  de  fait  envers  M.  F***| 
qui  appuyait  un  autre  candidat. 

A  la  même  époque ,  autre  duel  entre  un  Teu- 
lonnais  et  un  Marseillais ,  à  Toccasion  des  ovation» 
décernées  ii  M.  de  La  Boulie,  pour  son  ékctioa 
à  Marseille.  Le  premier,  blessé  dangereusement, 
fut  transféré  à  Tllâ tel-Dieu.  Une  foule  de  personnel 
s'y  portèrent  avec  des  oeillets  blancs  à  la  bouton- 
nière ,  et  suspendirent  une  couronne  verte ,  entre- 
lacée de  fleurs  blanches ,  sur  le  lit  du  malade. 
Le  16  juillet  1834,  fl  y  eut  encore  un  combat 


—  ClUPITRE    XXVI.  -*-  881 

à  Marseille ,  entre  M.  Barthélémy  y  rédacteur  du 
Peuple  Souverain,  et  M.  David,  gérant  du  Garde 
National  y  journaux  d^opinions  opposée».  Ce  der- 
DÎer  atteint  d'une  balle  dans  le  ventre  ,  a  succombé 
à  sa  blessure.  Le  différent  était  survenu  à  la  suite 
(TuDC  lettre  peu  mesurée  ,  écrite  par  M.  David 
à  M.  Maillefer,  gérant  du  Peuple  Som^raùi,  qui 
se  trouvait  alors  en  prison.  Celui-ci  avait  inutilement 
sollicité  la  permission  d'en  sortir  pour  se  mesurer 
lui-même  avec  M.  David.  L^un  des  collaborateurs 
du  journal  prit  sa  place.  Le  poète  Barthélémy  y 
ami  du  défunt,  prononça  sur  sa  tombe  un  discours 
eii  Ton  remarque  ce  passage  :  a  Voilà  encore  une 
victime  immolée  à  Teffroyable  divinité  qu'on  appelle 
llionneur.  EUevons  tous  un  cri  de  douleur  et  de 
supplications ,  ua  cri  qui  retentisse  jusqu^aux 
oreilles  de  ceux  qui  font  la  loi.  Périsse  le  préjugé 
qui  tue  !  Périsse  Pexccrable  duel  !  » 

£n  septembre  suivant ,  duel  au  pistolet  entre 
Tancien  et  le  nouveau  rédacteur  de  la  Gazette 
de  Périgord.  Ce  dernier  eut  les  habits  traversés^ 
d^une  balle. 

Une  note ,  communiquée  par  les  témoins  et  in- 
sérée aux  journaux  du  24  octobre  1834,  contient 
les  détails  suivant  siu*  un  nouveau  duel  entre 
joumaUstes  : 

a  Une  rencontre  a  eu  heu  aujourd^iui  à  Cli- 


392  "—  HISTOIRE   DES   DUELS.  — 

gnaiicourt ,  entre  MM.  Capo  de  Feuiilide  el  Victor 
Buhaiii.  Il  avait  été  couveim  la  veille  entre  les  té- 
moins ,  que  le  duel  aurait  lieu  au  pistolet  k  la  dis- 
tance de  vingt-cinq  pas,  que  les  deux  adTersaires 
tireraient  Fun  sur  l'autre ,  et  que  le  sort  désignerait 
celui  qui  tirerait  le  premier.  Le  sort  ayant  fayonsé 
M.  Victor  Bohain  dans  ces  deux  épreuves,  M.  de 
Feuiilide  a  été  atteint  d'une  balle  au  coté  droit  de 
la  poitrine,  a  Je  suis  touché,  a-t-il  dit,  c'est  à  mon 
tour  de  tirer;  et  il  a  fait  feu  sur  son  adversaire  qui 
n'a  pas  été  atteint.  La  blessure ,  quoique  grave, 
ne  parait  pas  mortelle.  » 

M.  Bohain  ,  ancien  rédacteur  du  Figaro,  et  qui 
fut  ensuite  quelque  temps  préfet ,  avait  déjà  figurfe 
dans  un  duel  de  même  nature.  Apres  celui  qui 
vient  d'être  rapporté  et  à  son  occasion ,  il  fut  qucs— 
tion  d'un  nouveau  combat  entre  MM.  Bohain  e^ 
Lcfebvre ,  par  suite  d'une  discussion  relative  à  une 
lettre  dont  il  aurait  été  fait  usage  sans  l^aveu  de 
celui  qui  l'avait  écrite  (286). 

En  novembre  1834,  il  s'éleva  une  très- vive  dis- 
cussion de  principes  entre  le  Bon  Sens  et  le  Eéfof^ 
mateur ,  journaux  républicains  de  nuances  op- 
posées. Les  colonnes  du  journal  ne  suffisant  pas  à 
l'ardeur  de  la  polémique ,  un  pampidet  fut  lancé 
des  presses  du  Bon  Sens  contre  M.  Raspail, 
rédacteur  du  Réformateur ,  qui  riposta  aux  per- 


I 


(VI,  -  303 

■onnalîtés  dont  il  était  l'objet  par  une  accusulîtin 

■(Je  désertion  de  principes  ,   d'nposlasic  ,    de  Ira- 

bïson.clc.,  etc.  M.  Bodde ,  auleur  de  la  pulé- 

mi{[iie  du  côté  du  Bon  Sens ,  demanda  satisraelion 

h    M.  Raspail.  Celui-ci  prolesta  contre  wne  pareille 

Forme ,   et   ne  fil  pas  mystère  de  la   répugnance 

pf  lilosopliique  que  lui  inspirait  le  Duel.  Sur  l'insis- 

laucc  de  plus  en  plus  vive  du  Bon  Sens,  M.  Raspail 

accepta  le  combat,   mais  récusa  pour  adversaire 

M.  Rodde  ,  et  demanda  le  gérant  M.  Cauchois- 

l<cinaire.  Vnc  longue  conlrOTCrse  s'engngea  alors 

sur  le  chois  des  armes  tjue  les  deux  parties  s'attri- 

huQitnt ,    chacune  se   prélendant   originairement 

proToquôe.  Enfio,  M.  Baspail  ayant  accepté  l'arme 

■fil  pistolet,  proposée  par  M.  Cauchois-Lcmaire , 

le  duel  cul  lieu  au  bois  de  Vincennes,  le  30  déccm- 

"K  1834,  sans  résultais  funestes.  Une  note  signée 

<l<niétnoin3  et  insérée  aux  journaux  du  lendemain, 

(■«nlicnl  les  détails  officiels  du  rombal  (287). 

Celte  affaire  fut,  pour  le  Itrfornuiiritr,  une  oc- 
(^«on  de  présenter  une  théorie  fort  curieuse  sur 
'e  duel  et  les  moyens  de  le  prévenir.  Cel  objet 
a  fait  la  matière  de  plusieurs  dissertations  trcs- 
approrondies  dans  divers  N."'  de  janvier  et  de 
février  1835.  La  base  de  celte  Ihéorie  esl  l'exclu- 
>ion  absolue  du  duel  dans  les  querelles  privées. 
U  a'esl  admis  qu'une  excepliun  tcinpoi'au'e  pour 


I 


894  —  inSTOIRB  DES  DUELS.— 

les  débals  politiques,  doctrine  très  -  conséquente 
ayec  Topinion  qui  professe  de  la  manière  la  plus 
absolue  le  droit  d'insurrection*  Quant  aux  duek 
privés  ,  on  propose  ,  pour  les  prévenir^  la  for- 
mation dans  chaque  localité  d^un  Jury  bénéyoh  de 
conciliation,  dont  la  mission  serait  d'éteindre,  par 
arbitrage  amiable ,  toute  querelle  de  personnes  el 
d^intéréts ,  ce  qui  comprendrait  les  procès  de  toute 
nature.  Plusieurs  organes  de  la  presse  provinciale 
ont  répondu  à  cet  appel.  Il  est  bien  à  craindre 
néanmoins ,  qu'une  telle  réforme  ne  soit  qu'une 
généreuse  utopie  qui  viendra  se  briser,  comme  tant 
d'autres,  contre  V IfuLiv^iduaUsme  actuel  (288). 

L'indépendance  du  barreau  n'est  pas  plus  res- 
pectée par  le  tyrannique  préjugé  du  Point  d'hoa- 
neur ,  que  celle  de  la  presse  et  de  la  tribune. 
Il  existe  un  grand  nombre  d'exemples  de  conflits 
semblables  entre  des  avocats.  En  1834,  Iq  Journal 
des  Débats  en  citait  un  qui  avait  été  oMigé  de 
soutenir  son  plaidoyer  l'épée  à  la  main ,  en  pré- 
sence de  plus  de  cent  personnes.  Je  me  bornerai 
à  rappeler  l'un  des  noms  les  plus  illustres  du 
barreau  ,  celui  de  M.  Berryer  ,  à  l'occasion  du 
cartel  qu'il  reçut ,  en  1829 ,  de  M.  Evarisie  Du- 
moulin, rédacteur  du  Conslitutiormel ,  à  la  suite 
des  débats  d'un  procès  entre  ce  journal  et  la 
Quotidienne  (289). 


Le  symptôme  le  plus  frappant  qu'on  remarque 
«liins  celle  universelle  agitalion  ,  c'est  qu'on  ne 
rnnnail  plus  dans  la  société  Française ,  ni  profession 
quelque  paisible  qu'on  In  suppose ,  ni  condition , 
que Iqu' inférieure  qu'elle  puisse  ^tre,  qui  ail  6c1iappi 
k  lu  manie  du  duel.  Le  Point  d'honneur,  cpiî  ne 
fut  si  long-temps  qu'un  préjugé  aristocratique, 
dans  son  essence  comme  dans  son  origine,  non  seu- 
lement a  gagné  rapidement  la  bourgeoisie ,  depuis 
la  fin  du  dernier  siècle ,  mais  il  est  mc^me  de  nos 
jours  descendu  jusqucs  dans  les  classes  populaires. 

Chez  l'habilant  des  villes,  le  bùton  du  moyen 
Age  commence  h  tomber  dans  un  complet  discrédit. 
L'usage  des  armes  naturelles ,  telles  ([ue  le  pied 
ou  le  poing ,  csl  rélégué  clies  le  peuple  des  cam- 
■aagnea  ,  qui  bienlàt  se  civilisera  k  son  tour.  11 
nbaiidonncra  ces  tulles  faciles ,  mais  obscures  , 
étrangères  aux  règles  de  l'arl  cl  par  cela  m^mc  plus 
égales.  11  y  renoncera  ne  fut-ce  que  pour  se  mettre 
à  l'abri  de  l'action  des  tribunaux  qui  n'admettent 
une  excuse ,  quand ,  pour  vider  une  querelle , 
bn  ne  s'est  pas  servi  des  armes  les  plus  meurUicres , 
lelles  que  l'épée  ou  le  pistolet. 

Les  armes  les  plus  utiles  dans  la  guerre,  ont 

ujours  été  celles  qui  donnent  le  plus  sûrement 

mort  ;  dans  les  luttes  privées  ,  elles  sont  le.f  plus 

jMi/ej.  Qu'il  en  ail  élé  ainsi  au  moyeu  âge  oii 


896  —  HISTOIRE   DES   DUELS.  — 

I^on  a  vu  de  quel  prix  était  la  vie  humaine ,  cela  se 
conçoit  sans  peine.  Ne  serait-ce  pas  un  anachro- 
nisme ,  aujourd'hui  qu^on  ne  voit  plus  régner,  dans 
aucune  des  classes  sociales,  les  instincts  féroces,  le 
goût  du  sang,  Témulation  du  meurtre,  mais  bien 
plutôt  la  soif  de  Tor ,  des  emplois ,  des  honneurs 
et  des  dignités  ? 

Je  ne  finirais  pas  vraiment ,  si  je  devais  exhumer 
des  feuilles  publiques  les  divers  exemples  de  san- 
glantes querelles  qui  éclatent  journellement  entre 
nos  concitoyens  de  toutes  les  conditions.  On  a  vu. 
des  savans ,  des  littérateurs ,  de  paisibles  C(Hn- 
mcrçans  et  m<?me  de  simples  artisans ,  sacrifier  sans 
hésiter  et  sous  le  moindre  prétexte ,  à  cette  dévo- 
rante idole  du  Point  d'honneur. 

Déjà,  sous  la  Restauration,  une  question  de  préé- 
minence entre  le  Classique  et  le  Romantique ,  avait 
été  confiée  aux  chances  d'un  combat  sîuguUer, 
comme  l'avait  été,  au  dixième  siècle ,  celle  de  la 
Représentation  entre  héritiers.  Quelque  chose  de 
semblable  est  arrivé  de  nos  jours ,  pour  une  ques- 
tion de  propriété  lilléraire  entre  deux  auteurs  dra- 
matiques ,  MM.  Alexandre  Dumas  et  GaillardeL 
Ils  se  sont  disputés  devant  les  tribunaux  d'abord, 
puis  en  champ  clos,  la  (Kiternité  d'un  drame  intitulé 
Lit  Tour  (le  Ncsic.  Deux  coups  de  pistolet  furent 
échangés  à  la  distance  de  quiuxe  pas.  L^un  de  ces 


H  —  cnArrrnE  ssvi.  —  397 

H  Messieurs  voulait  que  le  rumbut  c  nu  lî  nu  à  t  jusqu'à 
I  la  mort.  Mais  les  témoins  s'y  sonl opposés ,  elles 
Hdeux  adversaires  insistant ,  ils  se  sont  retirés  on 
Bmaportaot  les  armes  (290). 

K  On  lisait  dans  un  journal  du  17  juillet  1833  : 
^b  Une  rencontre  a  eu  lieu  ee  matin ,  entre  un  mar- 
^Bjband  de  soieries  de  la  rue  Saint-Denis,  et  un 
^puarcliand  de  bois,  à  la  suite  d'une  discussion 
Mir  des  opérations  commerciales.  Les  deux  cham- 
pions avaient  fait  choix  du  pistolet  ;  le  marchand 
de  bois  a  été  grièvemcnl  blessé  k  la  télé. 

En  1835  ,  le  tribunal  correctionnel  de  Doulogne- 
wr-Mer  condamna  à  une  amende  de  cent  francs 
un  entrepreneur  de  bains  publics,  pour  outragea 
fQTCrs  un  marchand  Ihïencier  qu'il  avait  inutile- 
Qf^ul  provoqué  en  duel ,  à  l'occasion  de  la  vente 
J'iiD  po^lc  dont  il  était  mécontent. 
L'année  précédente ,  la  ville  de  Douai  avait  eu 

t^  déplorer  les  suites  fimestes  d'un  combat  entre 
tin  marchand  de  draperies  de  cette  ville ,  et  un 
ouvrier  chaudronnier  de  Cambrai,  lis  se  battirent  k 
l^pée  dont  aucun  des  deux  n'avait  l'usage.  A  peine 
étaient-ils  sur  le  terrain ,  qu'ils  se  sont  précipités 
Tun  niT  l'autre,  tête  baissée  cl  la  pointe  en  avant. 
L'ouTrier  chaudronnier  reçut  le  coup  au  côté  de 
flanc  droit. 


I 


89S  —HISTOIRE   DBS   DUBLf.  ^ 

Obligé  de  faire  un  choix  parmi  les  laits  qu^îl 
me  reste  à  rappeler,  je  donnerai  la  préférence  à 
ceux  où  Ton  a  vu  si  souvent  se  mettre  en  scène 
des  fonctionnaires  publics  de  tous  les  rangs.  La 
tolérance  complète  du  gouvernement  à  leur  égard , 
donnera  la  juste  mesure  de  la  liberté ,  pour  ne 
pas  dire  de  la  faveur,  dont  le  duel  jouit  aujour- 
d^iiui  en  France. 

Vers  la  fin  de  1832 ,  plusieurs  officiers  de  police^ 
récemment  décorés  de  Tordre  de  la  légion  d^hon- 
neur,  se  transportèrent  au  bureau  du  Temps,  pour 
demander  satisfaction  d'un  article  où  Ton  avait 
blâmé  la  distinction  dont  ils  venaient  d'être  Fobjet. 
M.  Jacques  Coste,  gérant  du  journal,  voulut  en  vain 
se  prévaloir  des  droits  de  la  presse.  On  se  porta 
envers  lui  à  d'indignes  voies  de  fait  pour  le  forcer 
à  accepter  un  rendei-vous.  Mais  cette  incartade 
brutale  coûta  cher  à  son  auteur  :  on  fut  sur  le 
terrain ,  et  Fofficier  de  police  reçut  une  iialle  qui 
rétendit  mort  sur  la  place. 

Un  autre  journal ,  le  Courrier  Français,  avait 
qualifié  d'imbéciUe  une  ordonnance  de  police 
sur  les  spectacles.  Le  préfet  M.  Gisqœt ,  auteur 
de  Tordonnance ,  se  rendit  auprès  de  M.  CMtelaiD} 
gérant  du  Courrier ,  et  lui  demanda  satisfoctioD. 
Des  témoins  furent  choisis  ;  le  général  Darriiile 
et  M.  Ganncron,  députés,  se  présentèrent  pour 


—  auwTm;  xtvi.—  399 

H.  Cisqiict.  M.  Châtelain  prit  pour  les  siem,  un 
B^înipri^tdrcs  du  Courrier  iA  M.  Carret ,  rétlar- 
BiiT  en  chef  du  Nalionnl.  Ces  Mesaicura  entrèrent 
iconTèrence,  comme  il  est  d'usage  entre  témoins, 
il  résulta  de  leur  discussion  «pie  la  qualification  , 
|oDl  se  plaignait  M.  Gisquet,  ne  raraclérisnil  pas 
nfTense  personnelle  excédant  les  limites  du 
Iroit  d'examen  appartcnanl  à  la  presse ,  qu'en  con- 
l^quence  il  n'y  avait  lieu  ii  en  demander  réparatioa 

les  armes  :  l'affaire  en  resta  là. 
î  Ceci  se  passait  en  février  1834.  Au  moyen  Age , 
M  plaideur  mécontent  pouvait  appeler  son  juge 
duel;  le  juge  ne  provoquai!  pas  ordinairement 
k  plaideur.  Il  n'y  avait  que  le  Prévôt  de  Bourges 
|Hi  eût  cette  facidlé.  Mais  ce  privilège  fut  aboli 
■r  Louis-le-Gros ,  et  l'on  était  alors  en  1145!... 
^oyez  ci-dessus,  Pag.  ^  et  la  note  67. 

En  août  1833 ,  une  question  relative  aux  répara- 

pna  de  l'église  de  St --Germain- l'Auxerrois  occa- 

teona  entre  M.  Cedet-Gassicourt ,  l'un  des  maires 

Paris,  et  M.  Viguicr  ,  son  adjoint,  une  \ive 

pwreile  qui  occupa  les  journaux  etîjui  se  termina 

r  un  duel. 

Dans  ce  m^me  mois  d'août ,  une  chanson  contre 
révolution  de  Juillcl  fut  le  sujet  d'un  combat 
i  pi»tolet  entre  M.  de  Trobrinnt ,  ancien  officier 
!  la  Garde  Royale ,  et  M.  Pélicicr,  chef  de  bureau 


400  —  IIISTOIRE  DES  DUELS.  *- 

à  l'Intérieur.  M.  de  Trobriant  voulait  tirer  en  l'air« 
—  Point  de  Idclie  condescendance,  lui  crie 'son 
adversaire  ,  ajustez  -  moi ,  Monsieur ,  fen  ferai 
autant.  Le  coup  pari;  M.  Pélicier  reçoit  la  balle 
au  front  et  expire.  M.  de  Trobriant  fut  immédiate- 
ment arrêté  et  écroué  à  la  Force. 

Le  2  août  de  la  même  année ,  le  sous-préfet  de 
Bergerac  se  ballit  avec  M.  C***,  receveur  particulier 
des  finances ,  et  le  blessa. 

Ce  fut  encore  dans  ce  même  mois ,  qu^eut  lieu  le 
duel  rapporté  ci-dessus,  Pag.  120,  etdanslequek 
figura  M.  Léon  Pillet ,  rédacteur  du  journal  de 
Paris,  aujourd'hui  maître  des  requêtes  au  Conseil- 
d'Etat. 

En  février  1834,  M.  B***,  sous-préfel  dePAr- 
gcntiére  (Ardèche)  ,  et  M.  T***,  substitut  du 
procureur  du  roi ,  allèrent  sur  le  terrain  échanger 
une  balle  a  la  dislance  de  vingt-cinq  pas.  Ce  der- 
nier reprochait  au  premier  d'avoir  provoqué  sa 
destitution.  La  balle  du  substitut  effleura  le  ventre 
du  sous -préfet,  et  celle  du  sous-préfel  sillonna 
l'épaule  du  substitut.  On  voulait  recharger  les  ar- 
mes, mais  les  témoins  réussirent  à  mettre  fin  au 
combat  (292) . 

En  juin  1834,  M.  C***  ,  substitut  du  procureur 
du  roi  à  Avignon,  se  battit  au  sabre  avec  M.  d'H***. 
11  reçut  trois  blessures ,  deux  au  bras  et  une  à  la 


—  CBUPtTBt  JKVl.—  401 

;  son  iKlvFnairc  fut  biimi  l/-gvr(rinpnl  blewè. 
u  M.  C"*  a  eii  de  graniU  loris,  disait  le  Journal 
d'Avignon ,  en  rapportant  ce  duul ,  mais  il  les  a 
nolilement  r^-jtarés.  » 

En  décembre  1834 ,  pliineura  journaux  par- 
lèrent d'un  duel  entre  un  prt-sidcnl  de  cour  royale 
tt  un  avocat,  dont  celui-ci  aurait  H(:  le  compéti- 
ilcur  nux  élections  muoicipali's.  Le  magistrat  aurait 
blessé  (293). 
On  comprend  sans  peine  quel  efFel  doivent  pro- 
lire  sur  l'opinion,  des  trails  semblables,  de  la  pari 
4e  ceux  qui  doivcnl  au  public  le  premier  exemple 
de  la  dignité,  de  la  inmlcnttion  el  des  botuies 
moHirs. 

L'une  des  inconséquences  les  plus  étranges  parmi 

totiles  celles  qu'où  rencontre  à  cliaque  pas  dans  un 

^reil  sujet,  c'est  que,  lundis  que  des  fouctionoaires 

iHcs  de  tous  les  rangs  dunnent  ainsi  impun6- 

it,  cl  sans  m(îine  cocourir  aucune  disgrAce,  le 

ktal  exemple  de  te  faire  justice  h  soi-même,  lea 

tribunaux  retentissent  encore  par  fois  de  procès 

,pour  duel ,  qui ,  après  avoir  fraïkclii  les  degrés  in- 

iaires,  arrivent  jusqu'h  la  cour  d'assises. 

Le  plus  remarquable  de  ces  procès  est  celui  qui 

intenté  à  M.  le  comte  Léon,  fils  naturel  de 

apolèon ,  cl  dont  les  dém^'l^s  avec  le  colonel  de 

liniialc  de  Sainl-Dcnis ,  «ni  long-lem|)s 

2(1 


■Mbl 

BfaenI 


402  <—  HISTOIRE  DBS  DUELS.  — 

occupé  les  journaux  et  le  Conseil-d^Etat.  II  s^élail 
battu  en  1833 ,  au  bois  de  Yincennes  «  avec  le 
capitaine  anglais  Hesse ,  à  la  suite  d^une  perte  au 
jeu  de  18,000  francs,  éprouvée  par  ce  dernier* 
Les  conditions  du  combat  avaient  été  réglées 
écrit.  Les  adversaires  étaient  placés  à  trente 
de  distance,  et  devaient  marcher  Tun  sur  Paul 
jusqu^à  dix  pas.  Mais  si  Tun  tirait  durant  ce  trajet 
Tautre  devait  s^arréter  et  tirer  de  la  place  où  i 
aurait  essuyé  le  feu  de  son  adversaire.  Ils  avancèrent 
Fun  sur  Pautre  de  trois  pas ,  se  visèrent ,  mais  n 
tirèrent  pas.  M.  Hesse  fit  encore  un  pas,  M.  Léon 
Pimita  et  les  deux  coups  partirent  presque  en  même 
temps.  M.  Hesse  reçut  au  sein  gauche  une  blessure 
dont  il  mourut  trois  jours  après. 

Madame  Hesse,  qui  avait  originairement  porté 
plainte  ,  ne  s^est  pas  présentée  devant  la  cour 
d^assises  de  Paris ,  oii  les  débats  de  cette  affiire 
eurent  lieu  vers  la  fin  d^août  1833.  Sur  une  courte 
plaidoierie  de  M.^  Dupin  jeune ,  M.  Léon  fot 
acquitté  (204). 

Quelques  jours  auparavant,  les  10  et  II  aoAt 
1833 ,  la  cour  d'assises  de  la  Marne  s^était  Clé- 
ment occupée  d'un  duel  dans  lequel  avait  suc- 
combé M.  Lemerle  de  Sezanne.  Les  accusés  étaient 
M.  Demony  ,  chevalier  de  Saint -Louis,  ancien 
adjudant-major  ;  et  son  témoin  ,  M.  DerouMl  i 


—  cb^pithe  sxv(.—  403 

Slfîien  mililnire.  lU  étaient  dèrundiis  par  M.'  Gtiille- 
nitt ,  avocat  du  barreau  de  Paris.  S«n  ronfrêre , 
l,«  Cliaix  d'l',st  -  Ange  jflaitlaît  pour  la  veuve, 
■rtie  civite.  On  a  remarqué  qiie  M."  liuillemin, 
Dut  en  défcDdant  des  duetlisles  ,  condamnait  le 
^ucl;  tandis  que  M.*  Cliaix,  tout  en  faisant  l'apo'  • 
logic  du  duel ,  voulait  faire  condamner  les  accusés 
<|iii  tous  den\  ont  été  arquitlûs  (295). 

Enfin,  plus  H'cemmcnl  encore,  en  octobre  1834, 
tous  les  journaux  ont  retenti  des  débats  judi-* 
claires  qui  eurent  Ucu  Ji  ta  cour  d'assises  de  Paris, 
k  l'oi^casion  d'un  duel  sans  témoins  ,  et  qui  furent 
terminés  par  une  condamnation ,  exemple  inoui 
depuis  tant  d'années. 

Le  sieur  Lethiiilber ,  tenant  avec  sa  femme  une 
maison  de  santé  à  Pantin  ,  logeait  chez  lui  un  aieur 
Watlebaut ,  Se  disant  homme  de  lettres.  Des  liai- 
sons d'amitié  Irés-éiroites ,  fondées  principalement 
iur  la  sympathie  de  leurs  opinions  républicaines, 
t'étaient  établies  entr'eux.  L'ne  mésinlelligence  sur- 
tint en  octobre  1833;  Lelhuillier  en  donna  pour 
cause  des  relations  intimes  qu'il  soupçonnait  entre 
a  feDameetWallebaul.  lin  jour  ,  ii  la  suite  d'une 
•cène  violente  ,  on  convint  de  se  battre  au  pistolet. 
■  Il  fut  résobi  que  ce  serait  sans  témoins  pour  éviter , 
disait  Lelliuillier,  des  tentatives  de  conciliation,  ou, 
I  \VaUet>aiil,  pour  s'épargner  une  coiilidence 


404  —HISTOIRE   DES    DUELS.  — 

relativement  aux  motifs  du  duel ,  el  ménager  ThoD* 
neur  de  la  femme  Lelhuillier. 

On  se  rendit  le  22  octobre ,  entre  midi  et  une 
heure,  dans  un  petit  bois  près  celui  de  Romainviile. 
Là ,  Wattebaut  tenta  de  nouvelles  explications.  Le- 
thuillier  ne  voulut  rien  entendre.  Un  coup  de  pis- 
tolet fut  tiré  par  Wattebaut  sur  son  adversaire.  La 
balle  l'atteignit  de  profil  à  l^œil  droit,  el  traversant 
les  orbites  et  les  fosses  nasales ,  sortit  par  Tœil  gau- 
che. Depuis  ce  iemps  Lelhuillier  fui  frappé  d^une 
cécité  complète.  Watlebaut  Tayanl  vu  tomber  se 
serait  enfui ,  le  croyant  mort ,  a-t-il  dit  :  cependant 
Lethuillier  se  releva ,  et  parvint  à  atteindre  le  cime* 
tière  de  Pantin.  A  ses  cris,  quelques  personnes 
accoururent ,  et  il  aurait  répondu  à  leurs  questions 
qu'ail  venait  de  se  battre  en  duel. 

Cependant  huit  jours  après,  le  l.^^  novembre ^ 
Lethuillier  porta  plainte  contre  Watlebaut ,  Taccu- 
sant  d'avoir  tiré  sur  lui  par  traliison  et  avant  qu'il 
ne  fût  en  position.  11  prétendait  même  avoir  voulu 
se  battre  au  mouchoir  avec  un  seul  pistolet  chargé. 
Wattebaut  fut  arrêté.  11  soutint  qu^il  avait  été  con- 
venu de  marcher  Tun  sur  Tautre  et  de  faire  feu  à 
volonté ,  démentant  sur  presque  tous  les  points  le 
récit  de  Lethuillier.  Traduit  devant  la  cour  d'assises 
de  Paris ,  le  26  octobre  1834,  il  a  été  déclaré  cou- 
pable par  le  jury ,  de  tentative  de  meurtre  avec 


I  —  CTiAPiTRB  x»\r  —  405 

^KÙcenslauccs  a  11^  au  a  nies',  et  coiidaniné  à  dis  ans 
■fc  réclusion. 

[P    Malgré  cet  Rtrét ,  il  est  encore  assez  difTtcile  de 

bien  apprécier  tontes  lus  circoti stances  de  cette 

fcîxBrre  stTaJre.  Le  ptaiguaut  était  le  principal  et 

pour  ainsi  dire  runti|iie  témoin  k   charge.   II  se 

présentait  aux  débats  environné  de  tout  l'intérêt 

que  faisaient  iiattre  la  nature  et  la  gravité  de  ses 

res.  Sa  déclaration  donna  tieu  à  quelques- 

les  de  CCS  vives  émolioas  d'audience ,  dont  le  jury 

i-méme  ne  sait  pas  toujours  se  défendre.  Cepeu- 

int  elle  dut  perdre  beaucoupde  son  poids,  quand, 

IDS  le  cours  des  débats ,   LcthuiUier  diïclura  &ç- 

mslituer  partie  civile   (296) . 

Cette  triste  notnenclalure  de  défis,  cartels  et  cof- 

Bons  si  diverses,  sera  terminée  par  un  dernier 

%ut  qui  prouve  à   quel   point  uous  sommes  er^ 

Vngrés  dans  la  carrière  du  ducL  On  a  pu  quelque- 

fci»  entendre  des  provocations  entre  frères.  Il  était 

fKtque  inoui ,  jusqu^à  ce  jour ,  qu'on  en  fùtvenit, 

■a  cBets.  Voici  en  ce  genre  un  trait  de  férocité 

1^  que  les  journaux  publiaient  tout  récemment 

■Xu  les  termes  suivons  : 

«  Us  événement  aH'rcux  vient  d'arriver  dans 
'fc^èpftrtement  de  U  Dordognc.  Le  25  février  1835, 
''fs  les  quatre  heures  du  soir,  les  deux  frère» 
'"■teste,  de  !a  commune  do  St.-Méard-de-Garçon, 


406  -^  UISTOIRE  DES   DUELS.  — 

arroïKlisscment  de  Bergerac  ,  se  sont  rendus  dans 
la  commune  de  Pizon ,  à  trois  grandes  lieues  de 
leur  demeure ,  et  arrivés  dans  le  bois  appelé  Au, 
Tarnat,  ils  se  sont  battus  en  duel,  au  pistolet 
Le  plus  jeune  a  tiré  à  son  frère ,  dragon  au  11.* 
régiment,  un  coup  de  pistolet  qui  ne  Va  pas  atteiut, 
et  aussitôt  il  Ta  assommé  h  coups  de  bâton  et  ne 
Ta  abandonné  que  lorsqu^il  Ta  cru  mort.  On  espère 
sauver  le  militaire.  Son  frère  a  été  arrêté  et  conduit 
dans  les  prisons  de  Bergerac  (3^7).  » 

Depuis  quatre  ans,  plusieurs  p<[*tilions  ont  été 
présonlécs  aux  deux  Chambres  législatives,  pour  ré- 
clamer une  loi  contre  le  duel.  On  peut  citer  no- 
tamment celle  de  M.  le  pasteur  Gardes  de  Nismes 
qui  a  demandé  que  les  duellistes  fussent  privés  des 
droits  politiques,  he Semeur ,  journal  protestant, 
a  aussi  plusieurs  fois  publié  des  articles  dans  le 
même  sens  (298). 

Dans  la  séance  de  la  Chambre  des  Députés  du 
28  février  1835,  il  a  été  fait  rapport  d'une  autre 
pétition  présentée  par  le  sieur  Monteil ,  et  tendant 
à  ce  quMl  fût  pris  des  mesures  contre  les  duels, 
principalement  contre  ceux  des  fonctionnaires  pu- 
blics. Le  rapporteur,  M.  Teyssèro,  a  proposé,  au 
nom  de  la  commission ,  Tordre  du  jour  sur  cette 
pétition ,  par  le  motif  que  les  mœurs ,  et  non  to 


—  CHAPITRE  xxvr.  ""  407 

lois,  peuvent  seules  dutniirc  rimbitude  du  duel, 
a  Espérons,  a-t-il  ajouté ,  que  dans  un  avenir 
prochain ,  gr&ces  aux  progrès  des  lumières  et  de 
la  civilisation ,  le  Point  d^honncur  consistera ,  non 
k  vider  une  querelle  dans  un  combat ,  mais  à  s^en 
remettre  au  jugement  d^amis  communs ,  et ,  au 
dèfieiut  de  ce  tribunal  de  famille  ^  h  un  jury  de 
conciliation  formé  des  citoyens  les  plus  respec- 
tables de  la  localité.  Espérons  surtout  ({ue  le  Point 
d^honneur  consistera  h  ne  jamais  servir  de  lumoins 
à  ceux  qui  voudraient  sacrifier  à  ce  barbare 
préjugé.  » 

La  Chambre ,  après  avoir  entendu  un  discours 
de  M*  de  Lamartine  contre  Tordre  du  jour  pro- 
posé ,  renvoya  la  pétition  au  ministre  de  la  justice. 
Oa  trouvera  le  texte  de  (*e  beau  discours  aux 
Eclairvissaucns  hà  10/14/ ucs  (20!)). 


CHAPITRE    XXVII. 


Dueb  parlementaires. 


LV.POQUE  de  la  renaissance  du  gouvememcnl 
représenlalif  en  France  louchait  de  bien  près  k 
celle  où  le  duel ,  avec  les  habitudes  féodales  dont 
il  dérive,  fut  le  plus  en  honneur.  Cependant,  il 
n^inspira  gucres  que  du  dédain  aux  orateurs  lea 
plus  célèbres  de  la  première  de  nos  assembléet 
poUtiques.  Quoique,  pour  la  plupart  d'entr^eux,, 
la  parole  fût  une  arme  improvisée ,  ils  surent  s^en 
contenter ,  et  les  palmes  du  courage  civil  suffirent 
à  leur  ambition.  Toutefois,  les  prétextes  ne  man- 
quaient pas  alors.  Tant  d^exaltation  dans  les  esprits^ 
tant  de  préjugés  froissés  et  d^intéréls  compromis , 
tant  de  hardiesse  dans  Tattaque  et  d^opiniàtretè 
dans  la  défense  ,  auraient  pu  excuser  bien  des 
provocations.  On  a  vu  d'ailleurs  au  chapitre  XXIII 
quels  violens  orages  éclatèrent  au  sein  de  la  Cons- 
tituante. Chaque  jour ,  au  milieu  d'irritantes  dis- 
cussions, les  sarcasmes  les  plus  amers,  les  inter* 


—  CHAPITRE   IXVfl.  —  40B 

pellations  \e9  plus  passionnées  s^échangeaîeni  entre 
ces  deux  côtés  si  célèbres ,  qui ,  rivaux  de  lalens , 
de  principes  et  d^intéréts ,  sans  cesse  se  mesuraient 
de  Vœ\\  ,  sans  cesse  s^attaquaient ,  ou  du  geste , 
ou  de  la  voix. 

La  béte  fauve  de  TAssemblée ,  disait  un  écrivain 
moderne ,  Mirabeau ,  fougueux ,  échevelé ,  impu- 
dent y  choquait  ^  blessait ,  renversait  comme  le 
sanglier  ^  aimant  mieux  encore  être  applaudi  par 
•es  passions  dans  son  cœur  que  par  le  peuple  dans 
les  tribunes.  Un  jour  Caillés  Tintcrrompant  lui 
dit  :  M»  de  Mhnbeau  vous  clés  un  baxnird  ci 
wUlh  tout.  —  M.  le  président ,  réplique  froidement 
i^dui-ci ,  faites  donc  taire  M.  de  Cazalès.qui 
m'appelle  un  bavard* 

Mirabeau  est  un  scélérat  et  un  assassin  ,  s^è* 
criait  M.  de  Guilhermy  ;  —  Ce  Mirabeau  est  un 
grand  gueux  ,  répétaient  MM.  de  Lautrec  et 
d^Ambly  9  M.  de  Mirabeau  vous  nous  insultez , 

interrompait  moins  impoliment  M.  de  Viricu 

L^impassible  tribun  opposait  à  toutes  ces  saillies 
insultantes  un  front  d^airain.  Son  regard  d'aigle, 
tranquiUement  fixé  sur  les  interrupteurs,  suffisait 
pour  les  contenir ,  quand  sa  voix  de  tonnerre  ne 
leur  jetait  pas  cet  ordre  superbe  :  Silence  aux 
trente  voix  !  Quelquefois  il  semblait  prendre  plaisir 
à  soulever  d'un  mot  les  flots  tumultueux  de  TAs- 


410  -*  HISTOIRE   DBS  DUBL8.— 

semblée ,  et  y  quand  Torage  paraiflsail  à  son  plui 
liaut  degré ,  d'un  seul  geste  il  savait  le  calmer. 

On  sait  avec  quelle  verre  de  gaieté^  il  recevait 
les  cartels  qui  venaient  Tassiéger  jusques  à  la  tri- 
bune. Gomme  ces  guerriers  qui  ^  jaloux  de  ré- 
server leur  sang  pour  la  patrie^  remettent  les  parties 
d'honneur  h  la  fin  de  la  campagne  y  Porateur  po- 
pulaire renvoyait  les  provocateurs  à  la  fin  de  lu 
session ,  et ,  pour  assurer  leur  tour ,  il  leur  oflirait 
des  numéros  d^ordre  (300). 

Le  vicomte  de  Mirabeau  était  un  zélé  chevalier 
de  Tesorime,  ayant  toujours  flamberge  au  vent 
On  sait  qu^il  fut  constamment  l'adversaire  politique 
de  son  frère  aine,  pendant  la  session  de  PÂssemblée 
Constituante  où  il  se  distinguait  par  sa  pétulances 
«  La  plus  belle  grâce  qu'on  puisse  faire  à  M.  k 
vicomte  de  Mirabeau ,  s'écriait  un  jour  le  baroo 
de  Menou  ,  est  de  croire  qu'il  ti  était  pas  de 
sang  frais.  » 

M.  d'Âmbly  s'exprimait  ainsi  &  la  tribune  : 
«  Elevé  dans  les  camps  depuis  l'âge  de  douze  anSi 
je  n'ai  point  appris  k  faire  des  phrases,  mais  je 
sais  faire  autre  chose*, ••  » 

Dans  l'orageuse  discussion  du  ^eto,  où  le  comte 
de  Virieu  laissa  échapper  une  interjection  éneijgi* 
que  qui  excita  le  plus  violent  liunulte ,  le  Monilatr 
peignait  ainsi  rallilude  d'un  orateur  ecclésiasIiqM^ 


—  (IHAPn-BE   WVIL—  411 

w'-Im  célèbre  :  «  L'abbé  Maury  veul  parler.  —  Ou 

l^lemaude  À  aller  aux  voix.  —  Il  entre  en  l'iiruur, 

■  saisit  la  Iribune  et  l'ébraulc  ,    comme   pour  la 

muer  sur  le  càlù  gauche  loiil  eiilicr  (301).  » 

Le  trait,  qui  concerne  le  Giroiidiu  Graugcneuve, 

A  Ail  suffire  pour  rclraeer  la  pltysiouomiti  de  VAa- 

*cnibl6elégislalive.  P'oyez ci-tkasas ,  Pag.^A'l. 

La  CtmvenUun  eut ,  pour  l'iaviulabilitè  de  ses 
tacmbres,  !e  mi;mc  rcs|iccl  qite  pour  celle  du  mo- 
brque  dont  elle  brisa  le  Irûne.  Le  lorubeau  de 
lUuis  XVI  élait  un  abimc  toujours  bôaut ,  nù  vÏD- 
U)t  tour-h-tour  a^cngloulir  les  plus  inipitojables 
;  EC6  juges. 

Ce  fut  alors  qu'éclatèrent  entre  la  Plaine  et  la 
■Montagne,  ces  horribles  luttes  qui  se  préparaient 
B0UIS  les  clubs  et  se  terminaient  sur  l'écbafaud.  Ta 
^■n  as  menli ,  répli<piait  de  sa  place  le  représentant 
^^acot  de  Nantes,  au  vendéen  Fayau ,  qui  deman- 
dait sa  léte  il  la  tribune.  Nous  sotnnivs  dans  une 
saile  d'armes  !  s'écriait  un  Montagnard  au  milieu 
M^'unc  afTreuse  mêlée.   Ce  n'élait  pas  pourtant  le 
^B^aive   du   spadassin   qu'on  voyait  suspendu  au- 
dessus  de  la  tribune  convenliunnelte ,  mais  la  liacbe 
du  bourreau.  Quand  Talben  donna  le  signal  de  In 
jféflclion  thermidorienne ,  ce  ne  fut  [mis  une  épée 
pie  Robespierre  vît  éliucclcr  dans  ses  mains ,  mais 


412  ^HISTOIRE  DES   DUELS.— 

Quels  athlètes  que  ces  audacieux  ctieb  de  partis^ 
qui  avaient  fait  alliance  a\^c  la  mort,  dont  le  gesl^- 
énergique  ou  la  voix  tonnante  faisait  appel , 
plus  fort  de  la  lutte,  à  leurs  seconds  des  Iribui 
publiques,  et  à  ces  Parques  wres  et  basses ,  qu 
représentaient  là  les  Tricoteuses  /...  Quel»  draon 
que  ceux  où  Ton  voyait  d^autres  organes  du  PeupFi 
Souverain ,  ces  représentans  de  la  Commune , 
clubs  ou  de  Tinsurrection ,  apportant  à  la 
des  insultes,  des  menaces,  des  cris  de  mort,  (mj 
la  tête  de  Féraud  aux  courageux  hommages  du 
président  Boissy  d'Anglas  (302)  !.... 

Au  18  brumaire,  comme  au  18  fructidor,  la  scène 
politique  avait  changé  de  décoration.  Les  formes 
parlementaires  étaient  devenues  une  farce  gnh 
tesque  dont  les  compères,  qui  en  avaient  le  secret, 
Taillaient  les  bonnes  gens  qui  les  prenaient  encore 
au  sérieux.  Les  partis  ne  perdaient  plus  de  temps 
à  se  combattre  k  la  tribune  par  la  parole  ;  on  cher- 
chait h  se  gagner  de  vitesse  pour  opposer  la  force 
à  la  logique ,  et  substituer  au  gouvernement  re- 
présentatif le  régime  des  coups  d^état. 

La  paix  régna  toujours  avec  le  silence  à  la  tri- 
bune impériale.  Le  duel  parlementaire  ne  date 
donc  chez  nous  que  d'une  époque  bien  plus  ré- 
cente ,  celle  de  la  Restauration.  Nous  Pavons  em- 


H  —CHAPITRE   XXVH.—  413 

"  prunli-  tk  l'Angleterre  avec  Ic-s  formes  exotiques 
J<-*  son  gouTernemenI  représentai  if  :  nous  aurions 
ntii'iix  fait  sans  doute  de  n'en  prendre  que  ce  qu'il 
y  avnit  de  bon  et  de  lui  laisser  le  reste.  Mais  ce 
'*^t  presque  loujours  le  conlraire  qui  arriva ,  toutes 
I*?s  fois  que  la  France ,  enuuy^'e  d'être  elle-même, 
Voulut  tailler  ses  mœurs  ou  sa  politique  sur  les  pa- 
'•XJiis  de  ses  voisins. 

A  peine  la  Restauration  cut-ellc  relevé  la  presse 
av«c  la  tribune,  et  proclamé  riniancipalion  de  la 

(pensée ,  comme  de  la  parole ,  qu'on  vit  l'épée  du 
duelliste  prétendre  étouffer  la  voix  de  l'orateur , 
Cn  m^me  temps  qu'elle  essayait  de  briser  la  plume 
*Ie  l'écrivain.  On  verra  de  nos  jours  celte  prélen- 
•«on,  après  s'élre  essayée  en  pratique,  se  poser 
hanliment  comme  une  tliéorie  (303). 

Les  débals  de  la  presse  et  de  la  tribune  étaient 
'oÎQ  de  se  dessiner,  à  l'instant  de  la  renaissance, 
^vec  ce  caractère  de  violence  qu'on  leur  voit  au- 
lounl'hui.  Aussi,  les  duels  politiques  de  la  Rcs- 
*ﻫiralion  ne  sont-ils  pas  ti  comparer  avec  ceux  de 
'V-poquc  actuelle.  Les  collisions  nées  dans  l'en- 
<-'eiiite parlementaire,  s'étaient  toujours,  avant  1830, 
^«miinées  sans  elFusion  de  sang. 

Le  général  Foy  ayant ,  dans  un  de  ses  discours , 
V*àt  avec  quelque  amertume  de  l'ancienne  ^i- 
S''BliuQ,  M.  de  Corday  se  crut  insulté,  comme 


414  —  mSTOTRE   DES   DUKIiT. — 

émigré  ,  et  lui  adressa  de  sa  place  une  apostrophe 
violente.  La  même  chose  est  aussi  arrivée  à 
M.  Adam  de  La  Pommeraye ,  à  Fégard  du  général 
Lafond  qui  lui  paraissait  s^étre  exprimé  avec  peu 
de  mesure  sur  l'ancienne  armée.  11  y  eut  des  carteb 
donnés  et  acceptés  dans  ces  deux  circonstances , 
mai»  sans  résultats  fâcheux. 

Une  autre  fois,  M.  Benjamin  Constant  défia, 
à  la  suite  d^unc  vive  discussion ,  le  comte  FoiiiiD 
des  Issarts.  Ils  échangèrent  deux  coups  de  pistolet. 
M.  Benjamin  Constant,  qu^une  infirmité  empêchait 
de  se  tenir  debout ,  essuya  le  feu  de  son  adversaire} 
assis  dans  un  fauteuil. 

Bientôt  la  scène  change  avec  la  politique ,  et  le 
drame  des  débats  parlementaires  va  s^offrir  avec 
une  physionomie  bien  autrement  passionnée.  L'ar- 
dente polémique  des  journaux  passera  dans  les 
discours  de  la  tribune.  La  fougue  des  interruptions, 
le  fiel  du  sarcasme,  jelcront  le  désordre  dans  les 
discussions  et  les  feront  dégénérer  en  luttes  per- 
sonnelles. Les  hommes  mêmes  les  plus  graves  ne 
sauront  se  défendre  de  ce  fatal  entraînement.  C'est 
ainsi ,  par  exemple ,  que  dans  la  séance  de  h 
Chambre  des  Députés  du  6  avril  1833,  on  entendait 
un  ancien  ministre  de  la  justice  adresser  de  sa  phce 
à  un  procureur-général ,  qui  depuis  liû  succéda  sa 


—  cniPiTiiF.  XXVII,  —  415 

mniid^re,  l'fpilhéte  d^insnlcnt.  Le  président  rap- 
'i  l'ordre  Fauteur  de  l'alTcnsc  ;  mais  au  mi-me 
islant ,  les  amis  politiques  de  ce  dernier  se  levèrent 
ftm  niasse ,  demandant  à  être  tous  en  masse  rappelés 
rk  l'ordre  avec  lui. 

>  Dans  la  même  séance,  un  autre  membre  de  la 
chambre  quabfia  d'impertinenl  le  discours  d'un 
autre  orateur;  mais  k  l'instant  même,  il  en  fit  des 
ticiiscs  à  !a  Chambre  et  à  son  collcgue. 

\]a  noble  exemple  de  modération  avait  été 
<lunnè ,  dans  une  séance  précédente ,  par  uu  dé- 
puté qui  eut  le  trop  rare  courage  de  refuser  le  cartel 
'l'un  de  ses  collègues,  par  des  motifs  dont  il  a  rendu 
'UTTipte  dans  une  lettre  adressée  au  président  de  la 
thambrc   (304). 

Peu  de  temps  après,  la  conduite  politique  et 
ouUtaire  du  maréchal ,  duc  de  Dalmatie ,  ministre 
"^  la  guerre  et  président  du  conseil  des  ministres , 
"A  ,  dans  un  discours  de  tribune  ,  l'objet  d'une 
•dolente  critique.  Le  fils  du  maréchal ,  le  marquis 
■ft  Dalmatie,  se  cnil  obligé  d'en  demander  raison 
I      ■  "auleur  du  discours.  Un  rende»;- vous  fut  proposé 

^*  accepté.  Les  circonstances  de  ce  duel  sont  forl 
^marquables.  Elles  ont  été  publiées  par  les  jour- 
■•m  sous  la  forme  d'un  buUrtin ,  signé  des  témoins 
'W  nombre  desquels  se  trouvait  un  maréchal  de 
fumcc  (305). 


J 


416  —  HISTOfRC  DES   DUBU. -^ 

Le  28  janvier  1834 ,  eut  lieu  entre  M.  Dukmgi 
avocat  à  Evreux  y  et  le  général  Bugeaud ,  tous  dcus 
membres  de  la  Chambre  des  Députés,  le  premier 
duel  parlementaire  qui  ait  eu  un  dénouement  blal. 
Cette  collision  fut  encore  une  suite  de  rarrestalion 
de  Madame  la  duchesse  de  Berry^  comme  celles 
qui  y  h  pareille  époque  de  Tannée  précédente , 
avaient  eu  y  à  Paris,  un  si  grand  retentissement. 
F'ojez  ci'dessus ,  Pag»  885. 

Il  faudrait  plus  de  calme  et  plus  d^imparfiaKté 
que  n^en  comporte  la  situation  actuelle  des  esprits , 
pour  apprécier ,  comme  elles  doivent  Fétre  y  toutes 
les  circonstances  de  ce  déplorable  événement  qui 
a  si  vivement  préoccupé  tous  les  organes  de  Topi- 
nion  publique.  Le  temps ,  qui  calme  les  xLouletirs 
privées  et  les  passions  politiques ,  pourra  seul  per- 
mettre à  la  vérité  de  s'exprimer  dans  un  langage 
exempt  d'erreur  ou  dVxagération.  En  attendant, 
il  est  du  devoir  de  rhistorien  de  n'accueillir  que 
des  faits  généralement  reconnus  pour  vrais ,  et  de 
se  soustraire  autant  que  possible  à  l'influence  des 
préoccupations  contemporaines. 

Dans  une  discussion  relative  à  l'avancement  des 
ofEciers  d'artillerie ,  qui  eut  lieu  h  la  Chambre  des 
Députés  dans  la  séance  du  samedi  25  janvier  1834, 
des  interruptions ,  comme  il  n'en  arrive  que  trop 
souvent,  suspendirent  le  discours  de  M.  Lardiity 


—  CffàPtTRC   XTVft.  —  417 

f|ui  occupait  la  tribune.  Voici  dans  quels  tennes 
il  en  Fut  rendu  compte  le  lendemain  matin  par  le 
Journal  des  Débats  : 

M.  SouLT  :  Il  faut  qii^un  militaire  obéisse. 

M.  Larabit  :  m.  le  président  du  conseil  me  fait 
obaerver  qu^un  militaire  doit  obéir  ;  je  le  reconnais. 
Mais  quand  on  est  dans  son  droit  et  qu^on  veut 
TOUS  faire  reculer ,  Messieurs ,  on  renonce  à  Tobéis* 
tance.  (  F'oix  nombreuses  :  Jamais ,  jamais.  ) 

M.  BoGEAUD  :  On  obéit  d'abord. 

M.  DuLONG ,  au  milieu  du  bruit  :  Faut-il  obéir 
jusqu^à  se  faire  geôlier  (Tumulte)  jusqu'à  Tigno* 
minie  ?. . . . 

n  parait  que  cette  interpellation  ne  fut  entendue 
que  d^asseï  peu  de  personnes,  qu^elle  ne  le  fut 
pat  notimament  de  celui  qui  en  était  Fobjet.  Mais 
de  trop  officieux  collègues  se  seraient  empressés 
de  Pen  instruire,  et  auraient  paru  s^altacher,  dés 
ce  moment ,  h  faire  dégénérer  en  querelle  de  parti 
ce  qui  n'aurait  dû  être  qu'une  simple  affaire  pcr- 
aonnelle.  On  vit  alors  le  général  Rugeaud  quitter 
•a  place  pour  aller  s'asseoir  à  côté  de  M.  Dulong, 
et,  dans  un  instant  de  conversation,  l'apostrophe 
échappée  à  celui-ci  aurait  été  expliquée  ^  dit-on , 
d'une  manière  satisfaisante  pour  TofTensé. 

La  fatale  publicité  donnée  à  cet  incident  par  un 
journal  du  26,  changea  Tétat  des  choses.  M .  Rugeaud 

27 


418  —  HISTOtKB  B»  OUBLI.  -^ 

se  crut  alors  daAs  Tobligation  de  demander  une 
explication  écrite  à  M.  Dutong.  Celui-ci  ne  fit 
aucune  difficullë  de  déclarer,  par  une  lettre  adreMée 
au  journal  qui  seul  avait  rapporté  Tiqpoatroplle , 
que  la  dernière  partie  en  était  fausse  ^  en  ajoulnli 
pour  la  première  :  «  Que,  comme  homme  p<diiiqiM 
et  comme  député^  il  avait  le  droit  de  manifiorter 
son  opinion  sur  un  acte  politique  émané  d'an 
autre  député  ;  HUiis  qu'il  n'avait  pas  entendu  porter 
atteinte  au  caractère  privé  du  général  Bugeaud.  » 
Cette  lettre  remise  au  gtoéral  lui-même,  aunôl 
été  portée  par  M.  de  Rumîgny,  aide-den^amp  du 
roi ,  au  Journal  des  Débats. 

Cet  arrangement  avait  été  convenu  entre  MM.  le 
général  Bachelu  et  le  colonel  Desaix ,  pour  M.  Du- 
long  ;  et  MM.  le  général  de  Rumigny  et  le  colonel 
Lamy,  tous  quatre  députés,  pour  M.  Bugeaud. 

Quelques  heures  après,  le  Bulletin  ministind 
du  soir  publia  l'article  suivant  : 

c(  Le  Journal  des  Débals  a  rapporté  hier  une 
expression  outrageante  adressée  par  M.  Dulong  à 
l'honorable  général  Bugeaud.  Aujourd'hui  on  disait 
à  la  Chambre  que  l'honorable  général  en  a  de- 
mandé raison,  et  qu'il  a  exigé  de  M.  Dulong  une 
lettre  qui  paraîtra  demain  dans  le  Journal  des 
Débats.  » 

Après  avoir  lu  cette  note,  M.  Dulong  se  crol 


—  cii»prr«ï  «vit  —  419 

Mgr  dYrrirc  auJimmal  il^s  Dèhntu ,  pour  qu'il 

fi\l  lionne  aucune  publii-ilé  h  m  tlMaratioii , 

In  lettre  qui  la  runlentiit  fut   retirée  le  Icndc- 

liii  matin  pnr  le  g/'néral  ïtugcaiicl.  Dans  le  rmin 

de  cette  journf'C  du  27  ,  ce  dernier  se  rendit  lui- 

fme  chez  M.  Uiilon;;,  et  aurnit  continué  de  ma- 

Tester  les  dÎNpoAitinns  les  plus  cnnciliantes.  Dana 

Mtirée,  MM.  Georges  l^a  Foyellc  et  le  colonel 

inot,  nouveaux  témoins  choisis  par  M.  Didong, 

«urcnl  une  entrevue  avec  eeyix  du  gtméral  Bugeaud 

qui  avait  déclaré  s'en  rapporter  entièrement  à  leur 

décision.  Mais  on  ne  pul  tomber  d'accord  sur  la 

rédaction  d'une  nouvelle  note  explicative,  et  il  fut 

décidé  que  le  lendemain  on  se  battrait  au  pistolet. 

On  assure  que  le  général  ftugcaud  mit  le  comble 

i  ses  procédés,  en  avertissant  M .  Uulong  que  l'épéo 

serait  peut-i*trc  cntr'eux  une  arme  moins  inégalo 

que  celle  du  pistolet,  sur  laquelle  il  avait  ncqiits  une 

grande  supériorité.    Mais   celte   denûcrc  étant  la 

«eule  dont  son   adversaire  put  attendre   quelque 

ice,  il  Tallut  bien  Tadopter. 

Le  mercredi  28  ,  it  dis  heures  du  matin  ,  les 

IX  adversaires  se  rendirent  au  bois  de  Boulogne, 

lompiiigncs  de  leurs  témoins.   Ceux-ci,    selon 

Tuuge,  réglèrent  les  conditions  du  duel,  d'après 

lescjucUca  les  combnltnns  placés  h   quarante  pas 

,  k  uu  «gnal  donné ,   marcher  l'un  sur 


4S0  —  HISTOIRE   DES    DVEL9.  — 

Taulre ,  chacun  pouvant  tirer  quand  il  le  jugerait 
convenable.  Dés  le  second  pas  ^  le  général  Bugeaud 
fit  feu ,  et  M.  Dulong  tomba  sur  le  coup  ,  sans 
proférer  une  seule  parole.  La  balle  avait  percé  le 
front  un  peu  au  dessus  de  Tœil  gauche  et  étaii 
restée  dans  la  t^*te. 

M.  Jules  Cloquet,  chirurgien ,  qui  assistait  a 
combat,  s^empressa  de  prodiguer  ses  secours  a 
blessé  qui  fut  ensuite  ramené  ches  lui  dans 
Toiture  de  M.  Georges  La  Fayette.  11  expira  l 
lendemain  29 ,  à  six  heures  du  matin ,  sans  avoK  :] 
repris  connaissance. 

Le  souvenir  des  sanglantes  collisions,  dont  ■.<« 
convoi  du  général  Lamarque  avait  été  le  signaK  , 
moins  de  deux  ans  auparavant ,  pouvait  ta 
appréhender  que  la  cérémonie  funèbre  ne  ae  te 
minerait  pas  sans  de  nouveaux  malheurs.  Mai»  il 
B^j  eut  d^autre  manifestation  que  celle  d'osie 
sombre  douleur  et  d^un  profond  recueillement 
Six  discours  furent  prononcés  par  les  amis  du 
défunt ,  sur  sa  tombe.  Un  sentiment  unanime  j 
domine ,  c^est  celui  de  la  réprobation  contre  ht 
tyrannie  d^un  préjugé  fatal  à  tant  d'hommes  hono- 
rables (306). 

Tel  fut  le  dénouement  de  ce  drame  funeste  au- 
quel on  vit ,  dés  le  début,  présider  une  my siérieuie 


—  CHAPITRE    XXïlT.—  421 

fiilftlil/-.  Envisagé  eouH  le  rapport  politique  ,  il  a 
produit  parloul  une  impression  profonde  qui  pa- 
rait devoir  f-tre  plus  durable  que  celtes  qui  rë- 
rltenl  d'accidens  du  m^mc  genre. 
On  a  pousaé  bien  loiu  la  liardiesse  des  conjec- 
tures et  la  vivacité  des  récrimintitions.  L'histoire 
contcmporaioe ,  qui  voit  encore  ce  spectacle  de 
trop  prés ,  pour  bien  en  saisir  l'ensemble  ,  doit 
lettre  plus  de  réserve  dans  ses  jugemens. ...  C'est 
Men  assez  que  le  duel  jouisse  en  France  de  la  plus 
rande  bberlé ,  il  serait  trop  pénible  de  supposer 
a'il  y  soit  l'objet  de  lu  Eavcur  royale.  Le  maintien 
I  paix  au  dedans,  comme  au  dehors,  n'est-il 
,u  même  prix  et  subordonné  à  un  intérêt  iden- 
,  dans  la  politique  actuelle!*...  Ah!  s'il  fallait 
mettre  la  possibilité  d'une  haute  intervention  dans 
I  ressorts  secrets  de  celle  trogédic ,  elle  n'avait 
|b*uu  seul  moyeu  de  se  produire ,  pour  t'hunneur 
I  trône,  c'était  en  prévenant  une  collision  dont 
t  résultat ,  qucl([u'il  Tùt ,  ne  pouvait  qu'envenimer 
h  haine  des  partis,  sans  en  servir  aucun. 
Un  roi  d'Angleterre,  Charles  I.*',  eut  le  bon- 
lur  d'empêcher ,  entre  les  lords  Rey  et  llamîlton , 
n  combat  ordonné  par  le  Parlement  ;  et  <;uand  les 
s  de  France  pré^daienl  tes  duels  judiciaires  du 
loyen  âge,  il  leur  suiBsait  de  jeter  Leur  sceptr(> 
ice,  pour  st-parcr  les  cotnbiittans.  f'ojes 
Lci-apivs  ,  Cluii>.  XWII. 


422  ^  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

Du  reste ,  il  faut  le  dire ,  aucun  des  acteurs  de  ce 
triste  drame  n^a  paru  comprendre  le  rôle  que  lui 
traçaient  sa  position  et  la  raison  d^accord  avec  un^ 
sage  politique.  Une  expression  trop  vive,  échappée 
dans  la  chaleur  d^une  interruption ,  pouvait  d^au^ 
tant  plus  honorablement  être  rétractée  qu^au  fonds 
elle  n^avait  même  pas  le  mérite  de  la  justene.  Ont 
appelle  geôlier ,  Thomme  préposé  à  la  garde  d^une 
prison  légale  ;  mais  quelle  application  pouvait^on 
faire  de  cette  expression ,  à  propos  d^une  misaioii 
qui  n^a  de  nom  dans  aucune  langue  y  comme  on  ne 
lui  trouverait  d^analogue  dans  aucune  histoire  ? 

Une  lettre ,  cette  lettre  si  simple ,  si  convenable, 
qui  réparait  noblement  une  offense ,  sans  compro- 
mettre rhomme  politique  et  sans  humilier  rhomme 
privé ,  est  rétractée  par  son  auteur  ,  parce  qu^il 
platt  à  un  journal  de  la  présenter  comme  exigée. 
-—  Des  amis ,  dont  la  sage  intervention  avait  amené 
cet  arrangement  y  disparaissent  pour  faire  place 
à  des  témoins  qui  semblent  partager  cette  mal- 
heureuse susceptibilité.  —  On  en  voit  d^autres,  du 
côté  opposé,  encourir  le  grave  soupçon  d^avoir 
mêlé  Taigreur  des  passions  politiques  à  une  affaire 
purement  privée,  et  de  s^étre  montrés  beaucoup 
plus  exigeans  que  le  véritable  intéressé  lui-méme.-*- 
Dans  le  règlement  des  conditions  d^une  lutte  déjà 
trop  inégale,  quel  est  le  mode  auquel  s^arrétcol 


I  16010108?  C'est  celui  uù  tmil  l'avantage  doit 
irparleitir  k  l'Iiabilt:  tiruur  qiii  seul  peut  fuire  feu , 
c  des  chauces  de  succès,  de  la  distuiice  la  plu» 
feignée! 
Ud  avocal ,  qui  n'avait  jamais  inniii^  qti'tiiiu 
plurae,  Bc  voit  ainsi  condunin^- h  se  mesurer  aveu 
un  homme  de  g\ierre,  versé  pnr  pruFcssion  et  par 
habitude  dans  le  manictnent  des  arii»es.  —  El  cette 
lettre,  Cjui  reste  eu  la  possessiuii  do  l'un  des  t^ 
noina,  au  lieu  d'iilrc  remise  6  eehii  qiii  uvnil  le 
tlroit  de  la  rècloaicr  en  £cliangc  du  cunilial  qu'il 
acceptait  ;  cette  IcUpc  ,  ({u'on  a  dit  iH-ût^e  aux 
Tuileries,  on  ne  sait  pnr  qui  ni  pour({iioi,  se  trouve, 
peu  de  jours  après,  publiée  dans  plusieurs  journaux 
de  province.  Ainsi  le  sacrifice  m^me  est  devenu 
lutile ,  et  le  malheureux  Dulong  se  trompait , 
md  il  croyait  racheter  sa  lettre  au  prix  de  son 
;  (307) 


Tel  fut  le  premier  duel  qui  ail  ensangluiilé  la 
tribune  française.  Sera-ce  une  leçon  profitable  , 
ou  bien  un  précédent  qoi  doit  entraîner  les  plus  fu- 
nestes conséquences  pour  l'avenir  '. . .  Il  est  constant 
que ,  dans  les  detix  mois  «pii  suivirent  In  mort  de 
,  Dulong,  il  règiM  diuis  les  dèljttU  de  la  Chambre 
I  Députa  un  loi>  d'ciaspérslion  fort  uflligetHil. 
t  la  aéaoce  du  H  février ,  il  }  cul  échange  des 


424  —  HISTOIRE   DES  DOELS.  «^ 

plus  amères  personnalités  entre  te  comte  d'Argoul, 
ministre  de  Tintérieur,  et  M.  Cabet ,  député  de 
Dijon.  Â  la  suite  d^explications ,  une  formule  con- 
venue de  rétractation  fut  récitée ,  le  lendemain ,  de 
part  et  d^autre  à  la  tribune. 

Dans  cette  même  séance ,  on  entendit ,  sous  la 
forme  d'un  colloque  parliculier ,  une  vive  aller* 
cation  entre  M.  Beslay  fils  et  M.  Barthe  ,  ministre 
de  la  justice. 

Enfin ,  dans  la  séance  du  12  mars  1834^  le  comte 
d^Ârgout  s'écriait  à  la  tribune  :  c<  Puisqu'on  m'in« 
terrompt  sans  cesse ,  je  répondrai ,  s'il  le  faut ,  par 
des  actes  exlror-parlemcntaires  à  des  attaques  extra* 
parlementaires.  »  Plusieurs  voix  :  Explique z-^ous^% 
D'autres  ;  A  l'ordre,  à  l'ordre!  (308). 

Le  duel  parlementaire  ,  comme  le  duel  poli- 
tique ,  serait-il  donc  destiné  à  passer  dans  nos 
mœurs!*...  S'il  en  doit  être  ainsi,  c'en  est  fait  du 
gouYerncmcnt  représentatif  et  de  toute  liberté  en 
France.  Une  fois  le  principe  admis  ,  les  consé-» 
quences  arriveront  en  foule.  L'injure  ne  sera  plus 
même  la  cause  du  duel ,  mais  le  moyen  et  le  pré« 
texte.  L'épée  et  le  pistolet  deviendront  un  instru^ 
ment  d'épuration  à  l'usage  d'une  majorité  op- 
pressive, et  le  champ  clos,  comme  l'échafaud,  aura 
•es  31  mai.  Le  fer  d'un  bretteur  habile  pourra 


Hinément  Irnnclier  une  vie  cliciv  au  (inys ,  lUml- 
i  vois  g^iiércuBC,  el  rendre  h  un  [Hiuvuir 
^anniqiic  le  «:rvi<.-e  commode  de  le  d^barrasacr 
iTun  Irop  redoutable  advcrsnire. 

Oii  bien,  pour  échapper  ù  de  lelles  tnnsêquencr* 
et  rendre  les  clianrL-a  plus  égales,  la  science  de* 
arroci  ne  dcvra-t-cllc  paa  ^trc  tme  des  première* 
ronditions  do  l'admission  dVn  dépulèi'  NWigera- 
t-oo  paa  qu'il  snche  bien  se  biiUre ,  nimme  il  doit 
■avoir  parler  cl  écrire  P  Nesera-t-il  pas  très  riKiu/i- 
Km/  alors  que  les  exercices  du  i-liamp  eli»i  Miicut 
Hf^émenl  obligé  de  toute  éducalion  puliliqtie  ,  qu'il 
y  ail  de*  écoles  de  tir  et  d'cBcrime  ,  comme  d'élo- 
quence cl  de  déclamation  ,  et  que  l'art  du  tuer  son 
homme  loit  enseigné  dans  des  gymnases ,  et  honora 
Hj^na  des  concours  par  des  pidmi's  académiques!' 
^■àlors  Peaceinte  parlementaire  pourra  devenir  une 
^■ir^ne   de   gladiateurs.    Les   dilemmes  seront  dca 
^■Dartcls,  et  les  argumens  des  eoiqis  de  pistolet, 
^t     Voilà  où  aboutiront  cea  druils  poliliijuea  dont 
nous  sommes  si  jaloux,  et  cette  liberté  si  cbéremenl 
acquise.  Qu'a  donc  de  commun  la  puissance  de  la 
parole  avec  celle  du  glaive ,  l'art  des  némostliéncfl 
el  dca  Cicèron  avec  celui  des  Laboissiére  el  des 
_ Donadtcu  l*  L'opinion ,  cette  reine  du  monde ,  dont 
s  bommcs  politiques  briguent  les  faveurs,  s'esl-cHo 
I  «baudunuée  aux  spadaaauisf 


436  ^  mSTOIRB  DB8  DUBU.  — 

Cette  censure ,  ensevelie  sous  des  pavés ,  doil- 
elle  secouer  la  brûlante  poussière  de  Juillet,  el  ss 
réveiller  sous  un  nouveau  nom  ?  Le  sabre  rempla* 
cera-t-il  les  ciseaux,  et,  au  Heu  du  despotisme  d'ua 
ministre ,  les  écrivains  auront-ib  à  subir  rinsoleaoe 
d^un  maître  d'armes  f  Fallait-il  donc  faire  deux 
révolutions I  pour  conquérir  une  telle  liberté,  cl 
briser  une  antique  Aristocratie ,  pour  en  voir  génè^ 
raliser  les  plus  révoltans  abus?  Fallait-41  proclamer 
de  si  belles  théories  des  Droits,  pour  ne  trouvai 
partout  que  la  réalité  de  la  Farce? 


CHAPITRE    XXVIII. 


L'nsTiTL-nos  du  duel  rfpntiduc  en  FAiriific , 
Mirrîe  el  propagée  por  le  Germanisme,  comme 
B  l'a  vu  au  commencemenl  de  relie  hietoira  , 
ng-temps  adoptée  pour  r^glc  ii-pcu-pri-s  unique 
S  la  procédure  judiciRirc  au  moyeu  âge,  s'était 
lus  partie uliércment  conservée  dans  les  mœurs 
îlilaire«. 

'  On  sait  que  la  guerre  fui  long-temps  l'état  normal 
t  l'Europe.  Ost  par  une  longue  guerre  que  los 
Dfnains  la  soumirent  ;  c'est  par  la  guerre  aussi 
■'elle  secoua  le  joug  de  ces  maîtres  du  monde. 

Le  signal  de  la  délivrance  fut  donné  par  la  Ger- 
anie.  De  Ih ,  partit  le  premier  cri  d'émancipation 

de  liberté.  Chez  ces  peuples,  comme  dam  toute 

race  Scythe  ,  chacun  était  soldai  ,  sans  avoir 
Mrtanl  d'autre  règle  A  suivre  que  tm  propre  vo- 
ttté  dans  le  cliois  du  chef  auqiu'l  ou  «'attucliail 
it.  Chaque  individu  Atait  indépendant  c( 


428  —  HISTOIKE  DBS  OUELf  »  *- 

maître  de  ses  actions ,  comme  ratiesieni  César  et 
Tacite  qui  nous  ont  conservé  les  formules  de  ces 
anciens  engagemens.  Ce  ne  fut  qu^aprés  rétablis- 
sement de  la  féodalité  y  comme  on  le  verra  ci-4ipré8 
au  chapitre  XXXIV,  que  le  service  militaire  de-* 
vint  une  des  obligations  du  vasselage,  et  le  premier 
article  de  la  foi  et  hommage  que  le  serf  prétait 
aux  Leudes  et  aux  Antrustions.  ce  La  servitude 
germanique ,  dit  Chateaubriand ,  remplaça  la  ser- 
vitude romaine.  Le  servage  prit  la  place  de  VeS" 
clawige.  C^est  le  premier  pas  de  raflranchissemeiit 
de  la  race  humaine,  et,  chose  étrange,  on  le  doit 
à  la  féodalité  !  Le  serf,  devenu  vassal,  ne  futplui 
qu^un  soldat  armé  ,  et  les  armes  délivrent  ceux 
qui  les  portent  (309).  » 

Ce  fut  ainsi  qu^une  noblesse  toute  guerrière  se 
fit  en  Europe  et  en  particulier  en  France ,  Fhé- 
ritiére  exclusive  et  la  représentante  du  Militarisme 
germanique.  Cette  prétention  avait  pris  de  telles 
racines  qu^elle  fut  presque  indestructible ,  et  que 
TefTet  survécut  même  long-temps  à  la  cause  (810). 

Quand  rétablissement  des  armées  permanentes, 
qui  commença  sous  Charles  YK  et  se  déveloj^ 
principalcnienl  sous  Louis  XI,  permit  de  distinguer 
davantage  Tordre  civil ,  Tespril  guerrier  se  maintint 
long-temps  encore  dans  tout  le  corps  de  la  nation. 


;  xxvTiT.  —  429 

Dclout  temps,  les  (listinclions  militaires  y  ont  ëlë 
l'objrt  (l'une  ardente  émulntion.  En  France ,  ce 
fut  toujours  lin  honneur  bien  plulût  qu'un  devoir, 
àc  verser  son  sang  pour  In  pairie.  La  valeur  y 
ni  intlinctive  cl  non  lièrédilaire. 

Cependant  le  monopole  et  le  privilège  ont  fini 
par  cnvaliir  aussi  la  profession  des  armes.  Ce  fruit 
honteux  de  l'intrigue  et  de  la  corruption  de»  cours 
n'eut  d'abord  qu'une  existence  équivoque  cl  pré- 
caire. Le  droit  restait  toujours ,  et  proleslait  contre 
le  lut  dont  quelque»  exceptions  lempèraient  par- 
bii l'injustice.  Au  temps  des  guerres  de  Louis XIV, 
M  pouvait  encore  Baller  le  soldnl  en  lui  montrant 
diDf  «on  sac  le  bâton  de  maréchal.  Ce  compliment 
pouvait  être  pris  au  sérieux ,  quand  il  sortait  de 
^  bouche  de  Fabert  ou  de  Catinat.  Mais  k  la  Sa 
i"  18,*  «iècle  ,  dans  les  conseils  de  l'infortuné 
^uis  XVI ,  il  s'est  trouvé  un  ministre  qui  a  osé 
oprimer  au  front  plébéien  une  insulte  que  lui 
*^l  épargnée  l'orgueil  de  Lotiis  XIV.  Une  or- 
donnance contresignée  Ségur  apprit  un  jour  k  la 
France  étonnée  qu'on  n'arriverait  plus  aux  grades 
nûlitairea  que  par  la  noblesse ,  tandis  qu'autrefois 
c'était  par  les  grades  militaires  qu'on  pouvait  le 
plus  honorablement  parvenir  au  palriciat  (311). 

Quelque  temps  auparavant,    un  autre  ministre 
de  ta  guerre,  qui  avait  quitté  la  France  dans  sa 


430  ^mSTOIRE  DBS   DUELS.— 

jeunesse ,  à  la  suite  d^un  duel ,  pour  aller  servir  en 
Autriche  et  en  Danemarck  ,  le  comte  de  Saint- 
Germain  ,  avait  introduit  dans  Tarmëe  des  réforma 
non  moins  odieuses.  Il  y  avait  établi  la  discipliDe 
allemande  et  en  particulier  la  peine  du  bâton ,  ce 
qui  faisait  dire  au  soldat  dans  son  énergique  langage  : 
Sandis  !  nous  aimerions  mieux  le  tranchant  (812). 

C'était  par  de  telles  mesures  que  le  pouvoir  iihh 
narchique  s'aliénait  Tarrnée ,  son  plus  solide  appui; 
c'était  ainsi  qu'on  donnait  satisfaction  aux  idées 
philosophiques  sur  l'égalité  sociale,  comme  sous 
Louis  Xy ,  on  répondait  aux  partisans  des  réformes 
en  humanité  et  en  législation  ,  en  leur  jetant  le 
bâillon  de  Lallv  et  la  tête  du  chevalier  de  La  Barre. 
Il  semble  qu'au  milieu  de  l'esprit  de  vertige  qui 
régnait  alors,  on  n'était  occupé  que  d'une  chose , 
c'était  d'amonceler  des  matières  incendiaires  pour 
alimenter  le  feu  des  révolutions. 

L'établissement  de  la  Garde  nationale ,  dont  li^ 
pensée  première  était  de  rendre  inutile  les  milices 
permanentes  et  de  composer  une  force  armée  d'élè-^ 
mena  purement  démocratifjues ,  contribua  beau*-' 
coup  K  réveiller  Tcsprit  militaire  et  h  le  propagea' 
dans  toutes  les  classes.  L'ambition  de  Tépauletle  ^ 
toujours  singulièrement  flatté  la  vanité  nationale -^ 
Auprès  des  femmes  surtout,  il  n'est  pas  de  séductior^ 
plus  irrésistible  que  ccllo  de  l'uniforme. 


H^^^l  xxTiti.  —  431 

^^tfeffjhases  el  les  degrés  divers  «le  IV'nllioiisiiisme 

belliqueux  ne  sont  pas  loujoiira  les  mi^mes.  Il  s'af- 

faisse  ou  se  ranime  à  certains  intervalles.  De  nos 

jours,  un  illustre  guerrier  en  a  signalé  la  rapide 

décroissance ,  dans  un  livre  où  il  a  indiqué  les 

moyens  de  le  ranimer.  11  a  été  jusqu'à  s'écrier  Ji 

la  tribune   qu'un   gouvernement    nouveau   devait 

toujours  faire  la  guerre,  môme  sans  motifs.  Mais 

yDeyrit  militaire  en  France  est  un  levier  d'une  puîs- 

BllDce  incalculable ,  que  tes  gouveniemens  tiennent 

CD  réserve  pour  s'en  servir  selon  les  besoins  de 

leur  politique  (313). 

Du  reste ,  le  ton ,  les  airs  et  les  attributs  guerriers 
piraissent  et  disparaissent ,  prennent  ou  perdent 
Il  Togue ,  et  semblent  suivre  chez  nous  les  légères 
d  capricieuses  oscillations  de  la  mode.  On  voit, 
tclon  les    temps ,    la   taille   de   nos  jeunes  gens 

^*nltem^er  dans  le  frac  mitilaire ,  el  leurs  lèvres 
'HnbrBger  de  la  moustache ,  attribut  caractërig- 
l^uedes  amateurs  du  genre  terrible,  et  qui  faisait 
■"erreille  sur  la  figure  des  Jules  II  cl  des  Richelieu, 
•^s  ce  qui  change  le  moins ,  c'est  la  jactance  du 
wurage.  Là  ,  oii  l'on  n'a  pas  h  l'exercer  contre 
'cDDcDii,  on  a  cherché  k  faire  montre  de  résolu- 
'wn  et  de  sang  froid  dans  les  querelles  privées.  Des 
""tarons  de  salles  d'armes ,  en  singeant  le  Ion  mili- 
•*«,  ne  nous  en  oui  offert  que  la  cnricalure. 


J 


432  —  HISTOIRE  DES  DUBLS. — 

Ce  ridicule ,  que  saisissent  si  bien  les  Trais  mifi- 
faîrcs ,    semble   avoir  rendu  les  duels  beaucoup 
moins  fréquens  parmi  eux.  Comme  on  se  conmit 
mieux  Y  on  s^cstime  davantage  sous  les  drapeaui. 
Le  vrai  courage  croit  volontiers  au  courage.  D 
est  calme ,  il  est  mesuré ,  et  sait* attendre  le  moment 
solennel  de  se  signaler,  sans  en  quêter  ridiculement 
les  plus  mesquines  occasions.  Cette  réforme  dans 
les  mœurs  militaires,  date  de  la  fin  du  dernier  siècle, 
et  nous  avons  eu  surtout  Toccasion  de  la  remarquer 
au  temps  de  PEmpire  où  les  duels  ont  été  si  rares, 
et  oii  Ton  a  vu  Napoléon  se  montrer  n  exaspéré 
contre  le  général  Reynier,  au  sujet  de  son  duel 
avec  le  général  Destaing  (818). 

Cet  état  de  choses  s'est  maintenu  dans  l'armée 
m<?me  depuis  la  paix  ,  et  malgré  les  divirions  iur« 
venues  depuis  lors  dans  les  opinions.  C^esl  là 
d^ailleurs  que  les  passions  politiques  ont  le  moins 
d'empire.  L'uniformité  de  la  discipline ,  les  hdn- 
tudes  de  Tordre ,  et  le  positif  de  la  vie  des  camps, 
offrent  peu  de  prises  aux  théories  et  aux  idées 
purement  spéculatives.  De  tous  les  genres  de  com- 
bats singuliers  si  multipliés  de  nos  jours ,  le  dud 
militaire  est  donc  le  plus  rare ,  et  c^est  ce  qui  doit 
achever  de  démontrer  le  néant  de  Tinstitution. 

Ln  plupart  des  faiseurs  de  projets  de  lois  contre 
les  duels  ,   ont  cru  indispensable  d'admettre  des 


cxcef>Uons  pour  ceux  qui  ont  lieu  tlnns)  l'nrm^'c- 
Lc  duel ,  tlif-oriquemcnt  parlant ,  est  pourtant  bien 
plus  r^pr^hensible  chez  les  militaires  que  pariniit 
nilleiirs.  Ils  abusent  des  armes  conSées  par  la  pairie 
contre  les  ennemis  du  dehors,  pour  venger  leurs 
querelles  personnelles,  et  c'est  avec  raison  qu'on 
a  comparé  un  homme  de  guerre  duelhHe,  à  un 
i-aissier  inMële  qui  se  servirait  des  fonds  de  sa 
caisse  pour  ses  propres  aflaires  (31 -t). 

On  a  vu  ei-deisua ,  quel  cas  les  guerriers  les  plus 
ctièbres  tels  que  Napoléon ,  Dumouriex ,  le  che- 
valier de  Follard ,  faisaient  des  duellistes  de  pro- 
feMÎoo  dans  les  rangs  de  l'armilre.  »  Uu  duel ,  a  dit 
auni  le  prince  de  Ligne ,  est  souvent  une  affaire  de 
digestion  plulût  que  d'honneur.  Il  n^cst  pas  juste 
que  celui  qui  se  porte  bien ,  périsse  des  mains  de 
celui  qui  se  porte  mal  et  qui  n'a  d'humeur  que 
pour  cela.  C'est  assez  dur  d'être  ennuyé  par  les  sots 
«uii  encore  se  faire  luer  par  eux.  » 

Le  m^mc  auleur  propose  ,  pour  diminuer  le 
nombre  des  duels,  un  tribunal  ou  conseil  composé 
d'officiers  qui  seraient  chargés  de  l'examen  préa- 
lable des  affaires  d'honneur.  Celui  qui  aurait  eu 
plus  de  trois  affaires ,  quand  même  il  aurait  raisun , 
•erait  obligé  de  quitter  le  régiment.  »  Ce  tribunal , 

«ile-l-il  en  paHant  de  la  Connétablîe ,  n'aurait 

D  de  cummun  avec  celui  qui,  dans  certains  pays, 


484  «^  HISTOIAB  DBS  DUBLS*  — * 

ne  scrl  qu^ii  olcr  Thonneur  au  lieu  de  le  cotiâerver.9 
Aîèin.  du  prince  ile  Ligne,  Paris  IKi7^  Tom.  IJL 

Dii  rohie,  (|iit)iqu\)n  puisse  faire,  ce  sera  tou- 
jours chez  les  militaires  qu^on  parviendra  le  plus 
diOicilemcnt  à  extirper  les  dernières  racines  du 
duel.  Il  est  bien  douteux  qu^on  fasse  jamais  com- 
prendre à  celui  qui  porte  sans  cesse  une  arme  h  son 
coté ,  qu^il  ne  lui  est  pas  permis  de  s^en  servir  pour 
repousser  une  insulte.  On  a  vu  au  chapitre  XX | 
combien  de  fois  il  arriva  h  Louis  XIV  de  transiger 
avec  la  rigueur  de  ses  édits  qui,  en  fait  de  duel, 
allaient  juscpi^à  offrir  des  primes  honteuses  à  la 
délation.  On  verra  au  chapitre  XXXIV,  combien 
Frédéric  II ,  roi  de  Prusse ,  habituellement  inexo- 
rable sur  les  fautes  de  la  discipline,  se  relàchâil 
aussi ,  dans  Texécution ,  de  la  sévérité  de  ses  rég^e- 
mens  en  cette  matière. 

Toutefois,  diaprés  les  exemples  de  duels,  entre 
militaires ,  qui  ont  déjà  été  cités  dans  le  court  de 
cette  histoire ,  et  ceux  qui  vont  être  rapportée  ci- 
après  ,  il  sera  facile  ,  en  comparant  entr^elles  les 
diverses  époques ,  de  se  convaincre  qu^il  y  a  infi* 
nimentplus  de  progrès,  sous  ce  rapport,  dans  lee 
rangs  de  Tannée  que  dans  Tordre  civil. 

Il  y  avait  en  France ,  avant  la  Révolution ,  des 
régimens  où  le  duel  était  tellement  en  honneur , 


—  CHAPITRE  ïxriii,—  435 

u'on  n'y  soiifTrail  aucun  «ffîcicr  qu'il  ne  juslifiât 


Kwoir   figuré   dans  un   cerlain   nombre   d'aflaircs 

fîDiDnncur.  On  les  complaît  alors,  comme  un  vieux 
soldat  compte  ses  chevrom.  Il  6tail  d^l3age  aussi 
dans  chaque  corps ,  d'essayer  la  valeur  des  nou" 
veaux  venus  en  leur  faisant  mettre  l'èpéc  k  la  main. 
On  appelait  làieuri  ceux  qu'on  chargeait  de  cet 
oBicc.    Les  lâteurs  de  nos  jours  ne  ressemblent 

L)f  lus ,  à  beaucoup  près ,  ^  ceux  d'autrefois. 

H  II  y  avait  aussi ,  dans  quelques  garnisons  ,  <tes 
assofùetions  d'officiers  appelées  CeUotes,  et  qui  con- 
sklaient  à  aoumellre  Ji  certaines  pratiques  bizarres 
lous  ceux  qui  passaient  devant  le  café  où  l'asso- 

^cîalion  tenait  ses  scances.   Un  officier  d'artillerie , 
-H.  de  Paris ,   se  trouvant  à  Verdun  ,   fut  arrêté 
dans  une  rue  et  somme  de  payer  son  tribut  à  une 
Calote.  Quoiqu'il  put  dire  pour  s'excuser ,  il  dut  se 
soumettre  k  l'usage  établi.  L'^-preuve  subie,  il  lui 
prend  fantaisie  d'exiger  du  clief  de  cette  réunion , 
one  nouvelle  représentation  de  la  scène  :  celui-ci 
Lreruse.  Un  duel  s'ensuit  k  l'instant  entr'eux  ;  le  chef 
^nde  la  Calole  succombe.  Un  deuxième  se  présente , 
^■■puis  un  troisième  ;  tous  les  deux  ont  le  m^me  sort. 
M .  de  Paris  remonte  alors  en  voiture  ,  et  on  le 
laisse  partir  (315). 

n  n'existe  plus  rien  de  tout  cela  dsns  les  usages 
(des  nulilnires  de  notre  temps. 


436  —  HfSTOraE  DIS  docls.  ^ 

On  a  TU  ci-de88U8 ,  page  127  >  que  pluneor^ 
anciens  jurisconsultes  en  fait  de  duel ,  tenaient  poia.i 
maxime  qu^un  chef  jnilitaire  ne  pouyait  se  dispensai 
d^accepter  le  cartel  de  son  inférieur.  On  en  jugeiul 
à-peu-prés    de    même    encore   dans  les  derniers 
temps  de  Tancienne   monarchie.    Le   comte   de 
Tilly  en  cite  plusieurs  exemples  dans  ses  Mémoires, 
a  Toutefois ,  ce  cas  était  rare ,  dit-il ,  et  ce  n^était 
que  dans  Thypothèse  d^une  insulte  très-graye.  Le 
subalterne  donnait  alors  sa  démission  ,  et  rentré 
dans  la  classe  des  hommes  privés ,  il  redemandak 
son  honneur  à  celui  qui  le  lui  avait  âté  ;  c^est  ce 
que  ne  dédaigna  pas  de  faire  le  grand  Condè, 
après  la  bataille  de  Steinkerque ,  avec  un  mousque- 
taire qui  mit  son  épée  à  ses  pieds.  »  Gesi  aussi  ce 
qui  arriva  au  petit-fils  de  ce  même  prince  de  Gondè, 
lorsqu^il  accepta  le  cartel  du  vicomte  d'ÂgouIt^  son 
capitaine  des  gardes*  /^.  ci-dessus  y  Pag.  281. 

Un  M.  de  La  Serne ,  capitaine  dans  un  régiment 
d^infanterie ,  s^étant  cru  mortellement  offensé  par 
un  ofRcier-général,  le  chargea  le  soir  dans  une  rue, 
Fépée  à  la  main.  Son  adversaire,  quoique  armé, 
refusa  de  se  défendre,  et,  par  amour  de  Tordre 
et  de  la  subordination  ,  dénonça  son  agresseur. 
Celui-ci  fut  mis  à  FAbbaye  et  s^y  brûla  la  cerveOe. 

Le  vicomte  de  Noailles,  commandant  le  régiment 
des  dragons  du  roi ,  dit  un  jour  à  table  en  présence 


—  ciiAPiTiiE  \xviri.—  437 

de  la  pluparL  des  ofTicicrs ,  qu'il  mépriserait  un 
colcjiid  qui  reruserail  de  se  mesurer  avec  un  oflicier 
qu^il aurait olTensé.  «  Mais,  ajuuta-t^l,  je  perdrais 
Mris  rémission  ,  celui  qui  m'appellerait  en  duel  au 
règiraenl  même.  A  Paris,  tu  liabit  gris,  je  serai 
loujours  aux  ordres  de  celui  qui  voudra  roc  mener 
promener  au  bois  de  Boulogne.  »  Ce  propos  fui  en- 
leotlu  et  retenu  par  M.  de  Bray,  capitaine,  qui  h 
q^x^que  temps  de  là  se  crut  offensé.  11  demanda 
mislaction,  l'oblint,  el  donna  un  coup  dV'pée  k 
(On  chef  qui  vCen  voulut  d'autre  vengeance  que 
de  faire  nommer  son  vainqueur  major  en  second. 
\jc  vicomte  de  N  ouilles  ne  partit  jamais  de  France 

t  d'aucun  pays ,  depuis  la  Hèvolution ,  qu'il  ne  fit 
Ure  dans  les  gascllcs  le  jour  et  presque  l'heure 
•*«  son  départ  :  c'était  ce  qu'il  appelait  offrir  tte 
'^**4ire  sa  coiiijitfs  dans  tous  les  genres.  Nous 
_î***ou¥crons  le  vicomte  de  ]>ioailles  ans  Etats-Unis 
mérique  au  chapitre  XXXIX.  Aléin,  de  Tilly, 
.  I,  Chap.  XIII. 

i  Convention,  par  son  déiTcl<lu  29  messidor 
1*0  11,  rapporté  page  344,  a  reconnu  que  la  pro- 
f  tocatiou  en  duel ,  de  la  part  d'un  inférieur  envers 
<a  mpérieur,  hon  le  cai  de  service,  n'était  défendu 
rpar  aucune  disposition  du  code  pénal  militaire 
f>  1793. 

De  uos  jours,  on  ne  voil  guèics  d'otcmples  de 


1 


488  ««HISTOIBE  DBS  DUBLS.  «- 

semblables  provocations ,  si  ce  n^est  de  la  part 
élèves  des  écoles  militaires ,  qui ,  non  seulement 
battent  entr'eux ,  malgré  la  sévérité  des  défenses 
réglementaires,  mais  savent  garder  asses  long4empa 
rancune  à  leurs  surveillans,  pour  leur  en  demander 
satisfaction  au  sortir  de  Técole  (3i6). 

Sous  la  Restauration ,  on  vit  un  prince  du  siBg 
placé  dans  une  situation  qui  offrait  quelque  aaa* 
logie  avec  celle  du  prince  de  Condé  enTcrt  son 
capitaine  des  gardes ,  le  vicomte  d^Agoult.  Mais  s4| 
y  eut  autant  de  générosité  d^une  part ,  il  y  eut  plut 
de  modération  de  Tautre  ;  il  faut  en  cela  rçcoAUiaitrQ 
un  progrés  réel« 

Il  était  un  jour  arrivé,  dans  un  moment  dliumeufi 
au  duc  de  Berry  de  s'oublier  en  paroles  contro 
M.  de  La  Ferronays,  premier  gentilhomme  de  sa 
chambre.  Il  lui  en  fit  ses  excuses,  lui  offrant  mkû» 
le  genre  de  satisfaction  usité  eqtre  militairea.  Celui* 
ci ,  pour  toute  réponse ,  se  jeta  aux  pieds  du  princQ 
qui  Tembrassa  affectueusement  (317)^ 

Il  y  eut,  vers  le  commencement  de  la  même  épo« 
que,  un  combat  singulier  qui  fit  beaucoup  de  bruit^ 
et  oii  rintervention  de  Tautorité  militaire  a^exerçt 
d'une  manière  tout-à-fait  officielle.  Le  ciMQite  de 
Saint-Morys,  lieutenant  des  Gardes- du -rcorpa^ 
«yait  été  provoqué  par  le  colonel  B«rhier«Dii&ji 


-»  CHAPITRE   XVVIIf .  —  480 

à  Ift  suite  d*une  discussion  politique.  Le  prince 
4e  PoiXf  capitnine  de  la  compagnie,  força  M.  de 
Siunl  -  Morys  dWceptcr  ce  dueV ,  dans  lequel  il 
succomba  le  21  juillet  1817.  Sa  veuye,  née  Vali- 
eourt  et  nièce  du  célèbre  ministre  Galonné ,  porta 
plainte ,  non  seulement  contre  le  colonel  Barbier- 
Dufay  et  lea  témoins  du  combat ,  mais  encore 
eontre  le  prince  de  Poix  qui  Tavait  ordonné. 
L^affaire,  en  raison,  de  la  qualité  de  ce  dernier, 
iat  portée  à  la  Chambre  des  Pairs  où  elle  donna 
Keu  à  des  débals  fort  animés.  La  plainte  de  M  .°^«  de 
Saint-Morys  fut  rejetée.  Cellc-ri  ne  se  découragea 
pas;,  elle  prit  la  voie  civile.  Mais  la  cour  de  Paris 
jugea  de  même ,  et  décida  que  les  anciennes  lois 
sur  le  duel  avaient  cessé  dVtre  applical>les.  Foycz 
ci-dessus ,  page  372 ,  Tarrêt  de  la  cour  de  cassation, 
€o  date  du  19  septembre  1822 ,  qui  a  cassé  un 
arrêt  de  la  cour  d^Aix,  pour  avoir  jugé  le  coiv* 
traire.. 

Le  général  Lamarque  parle  dans  ses  Souvenirs 
fécemmeni  publiés,  d'un  duel  cpii  avait  eu  lieu  en 
1821 ,  entre  ce  même  colonel  Barbier-Dufay  et  le 
iricomte  de  Montélégier ,  aide-de-camp  du  duc  de 
Serry.  Cette  affaire  (ut  suivie  d^une  lutte  judiciaire 
pour  diffamation.  Le  jugement  qui  la  termina , 
condanmaM.  Barbier-Dufay  à  300  francs,  et  M.  de 
Modtélégier  k  25  bancs  d^amendo  seulement.  I/au- 


440  —  1IIST0IRC  DES   DUELS.  — 

teur  sV'st  livré  h  des  réflexions  assez  piquantes 
cette  clifl<6rence  entre  les  deux  condamnations. 

J^ai  une  connaissance  personnelle  d^un  duel  qu 
eut  lieu ,  dans  les  premières  années  de  la  Restau- 
ration ,  au  régiment  des  cuirassiers  de  Condé. 
Deux  officiers,  dont  un  avait  donné  un  soufBeli 
Tautre  ,  commencèrent  d^abord  à  se  battre  au  pi»- 
tolet  sans  s'atteindre.  Ayant  mis  ensuite  Tépée  à 
la  main ,  Toffensé  fut  grièvement  blessé.  Âpres  mni 
rétablissement,  nouveau  duel,  nouvelle  blessure; 
les  deux  officiers  furent  alors  renvoyés  du  régirncBl. 
U  leur  avait  été  enjoint  de  se  battre  au  dernier  sang, 
et  rhonneur  n'était  pas  satisfait.  Il  semble  que  pour 
décider  ainsi  de  la  vie  d'un  homme ,  et  peut-être 
même  de  deux  à  la  fois ,  ce  ne  serait  pas  trop 
d'un  conseil  de  guerre. 

L'anecdote  suivante  ,  dont  la  vérité  m^est  ga- 
rantie par  un  témoin  oculaire ,  témoigne  d'une 
férocité  digne  du  temps  de  Louis  XIII ,  où  Ton  ss 
poignardait  en  se  tenant  par  la  main  ou  en  se  pla- 
çant dans  un  tonneau.  F',  ci-dessus,  Pag*  188. 

Deux  officiers ,  après  s'être  blessés  morlellemeol 
dans  un  premier  combat,  le  continuèrent  placés 
en  face  l'un  de  l'autre  sur  deux  matelas,  et  s'en- 
tretuèrent. 

On  lisait  l'article  suivant  dans  plusieurs  journaux 
du  mois  de  novembre  1829  :  a  Avant  hier  un  dud 


-CHAPITHE   \ 

i  eu  lieu  eolrc  deux  mililnires  qui  purlent  l'uu  et 

■I^Biiirc  un  nom  illustre,  M.  de  M***  cl  M.  de  L' 

lii'achariiemeiit  des  comballaiia  élail  tel ,  que  cinq 

aups  de  pislolct  tir/:s  de  jjart  et  d'antre,  ne  sutHrent 

I  pas  h  leur  ressenlimeiit.  La  sixième  balle  a  frappé 

M.  de  M'**;  on  espère  cependant  que  aa  vie  n'est 

pas  en  danger. 

l'C  due)  militaire  le  plus  remarquable  de  toute 

»^'^poque  de  la  Restauration ,  et  qui ,  je  pense , 
9l*a  été  publié  dans  aucun  journal ,  c'est  celui  qui 
eut  lieu  en  1823,  entre  M.  deC",  «flicier  d'un 
régiment  de  chasseurs,  en  garnison  k  llesdin  (Pas- 

■  de— Calais) ,  et  M.  V*",  de  Cartrassoune. 
■  Pendant  un  séjour  de  son  régiment  dans  cette 
j^mière  ville,  M.  de  C'  avait  fait  connaissance 
oe  la  demoiselle  V*",  et  il  paraissait  la  recher- 
cher en  mariage.  Les  relations  devinrent  si  intimes 
cntr'eux,  que  laD,'"' Vdul  bienlùl  s'attendre 
"  <^'tre  mère.  Le  régiment  quitta  alors  Carcassonnc 
pour  venir  tenir  garnison  k  liesdin.  M.  de  C* 
aurait  de  nouveau  promis  k  la  D.'"'  V"  de  l'é- 
pouser  et  de  solliciter ,  h  cet  effet ,  le  consentement 
Ae  M  famille.  La  conclusion  se  faisant  attendre , 
[  W  frère  de  !a  D.^"'  V**,  nncien  sous-oflicier  du 
génie,  se  rendit  k  Paris  où  se  trouvait  M.  de  C**, 
pour  en  obtenir  une  explication  catégorique.  Uo 
premier  reodes-vous  aurait  même  été  assigné  au 


bois  de  Boulogne,  pour  le  battre.  Ibis»  Mr  k 
promesse  expressément  renouvelée  p«r  M.  de  €1*% 
de  foire  ses  diUgenees  pour  épouser  ki  D«^^  \^^ 
dans  un  délai  fixé ,  le  combat  n^aurait  pat  en  Ken. 

Le  délai  expiré,  M.  V*"^  se  rendit  de  Caroia* 
sonne  à  Hesdin ,  accompagné  de  sa  mère  et  ds 
sa  sœur  ^  pour  sommer  M.  de  C**  de  sa  parafe. 
N'en  ayant  pas  reçu  de  réponse  satisfaisante ,  il  b 
provoqua  en  duel,  et  le  lieu  du  rendes-vMia  taà 
assigné ,  pour  le  lendemain  ^  sur  les  glaeia  de  h 
Tille.  M.  y**  en  prévint  le  colonel  et  obtint  son 
autorisation.  Il  en  prévint  également  le  naire  et 
le  commandant  de  la  ville.  A  Theure  fixée  pour 
le  combat ,  plus  de  1200  personnes  se  trouvèrent 
réunies  pour  en  être  spectateurs.  On  avait  prte  la 
précaution  de  consigner  le  régiment  aux  portes. 

Arrivé  sur  le  terrain ,  M.  V**  somma  dç  boih 
veau ,  mais  inutilement  M.  de  G**  de  tenir  m 
promesse ,  en  le  prévenant  que  sa  force  était  teik 
sur  les  armes ,  qu^il  était  à-peu-prés  certain  de 
le  tuer  du  premier  coup.  Il  lui  fit  même  obeerver 
que  Tépée  lui  offrirait  plus  de  cbancea  que  fe 
pistolet  f  arme  convenue  entr'eux.  Mais  soa  ad« 
versaire  qui ,  depuis  Tentrevue  de  Paria,  ii*«vall 
cessé  de  s^exercer  au  tir  de  cette  arme ,  dédam 
s^en  tenir  au  choix  primitivement  foit. 

M.  de  G**  fut  désigné  par  le  sort  pour  lirorla 


-cHAmBE  xwiii.-  443 

premier ,  el  sa  balle  rasa  lu  léle  tic  M.  V*  *.  Celui- 
î  liru  il  son  luur,  el  atlcigiill  eu  milieu  du  frout 
V'IDu  adversaire  qui  lumba  roidc  morl. 

F,ii  février  1833,  la  fièvre  dca  duels  étail  dans 
Tair  à  Paris,  h  la  suite  de  la  pelile  guerre  civile 
commencée  cnlre  les  journalistes.  Vers  la  fin  de 
ce  mois,  on  entendît  parler  d'une  provocation  d'un 
genre  Irès-extraordinaire  dans  les  annales  du  Poiut 
d'bonneur.  Elle  a  ni^me  Hé  l'objet  d'un  article 
•cmi-olBciel  au  Moniteur,  Un  militaire  du  grade 
tie  marée  bat -de- camp  était  en  instance  près  du 
niitiiilre  de  la  guerre ,  le  marécbal  Soult ,  duc  de 
U»1inalie,  pour  obtenir  de  l'avancement.  Le  mi- 
nislre  n'entrant  pas  dans  ses  vues ,  et  une  pro- 
moiioQ  de  lieul  en  ans-généraux  ,  ayant  eu  lieu  sans 
tfi\\  y  fût  compris ,  il  crut  que  le  duel ,  dont  on 
parlait  beaucoup  alors  ,  était  un  moyen  comme 
un  Bulre  de  forcer  la  main  au  ministre.  L'ùge  et 
1^  [lutilion  de  celui-ci  ne  lui  permettant  pas  de  le 
pfOToquer  directement,  il  envoya  un  cartel  à  son 
'ils  le  marquis  de  Dalmatie  que  nous  avons  vu , 
li^iimois  après,  défendre ,  l'épée  h  la  main ,  l'bon- 
"tur  de  son  père  ,  mais  qui  cette  fois,  s'était  bien 
gardé  d'accepter  pareille  parlie.  Le  provocateur 
"'  alors  insérer  dans  un  journal  nue  lettre  oulra- 
S^EUite  pour  le  marquis  de  Ualoiutie ,  avec  tnenacca 


444  —HISTOIRE  DBS   DtJSLS/-* 

de  lui  appliquer  ce  qu^on  appelle ,  dans  le  langage 
du  duel ,  les  conséquences  d'un  refus  m  Celte  bixam 
affaire  ne  parail  pas  avoir  eu  d^autres  suites. 

On  lisait  dans  le  Courrier  Français  du  23  juillet 
1834  :  a  Une  rencontre  a  eu  lieu  entre  M.  Fischer, 
capitaine  adjudant-major  au  2.^  lanciers,  en  gar- 
nison à  Paris,  et  M.  Gérard ,  capitaine  de  cavalerie 
en  réforme.  Ce  dernier,  atteint  d^une  balle  à  h 
poitrine ,  a  succombé.  » 

Le  23  septembre  1834 ,  il  y  eut  un  duel  entre 
deux  officiers  du  23.^  régiment ,  en  garnison  à 
Tarbes.  Placés  à  cinquante  pas ,  ils  devaient  mar- 
cher Tun  sur  Taulre.  A  quarante,  ils  tirèrent  tous 
deux  en  même  temps.  Je  suis  blessé  à  la  cuisse, 
dit  Fun  des  combattans  ;  on  s^empresse  de  le  se- 
courir. Pendant  ce  temps,  son  adversaire ,  qui  était 
resté  debout,  immobile  et  la  main  collée  à  la  tête, 
tombe ,  mais  c^élait  pour  ne  plus  se  relever.  La 
balle ,  après  avoir  traversé  le  poignet ,  Tavait  frappé 
au  front ,  et  sY'tait  frayé  un  passage  jusqu^à  Poc- 
ciput ,  avec  d^horribles  fracas.  Ce  malheureux 
jeune  homme ,  h  peine  âgé  de  29  ans  et  nouvel- 
lement marié ,  a  respiré  encore  pendant  une  demi- 
heure —  11  portait  la  main  à  la  tète ,  lorsqu^il  a  reçu 
le  coup  fatal.  Peut-être  était-ce  le  geste  de  Pin- 
fortuné  Chénier ,  lorsqu^il  disait  en  face  de  Péc^ia* 
faud  :  Ilj  avait  pourtant  là  quelque  chose  ! 


—  CHArlTRK  XTVIII.  —  445 

D  est  arrivé  plus  d'une  fois  h  des  joumalisles, 
d'avoir  à  rendre  compte  de  leurs  articles  h  dei 
militaires ,  et  même  de  se  voir  sur  les  bras  tout 
un  corps  d'offieiers.  Le  propriétaire  d'un  journal, 
umsi  provoqué  dans  une  de  nos  villes  du  Nord, 
crut  devoir  annoncer  dans  sa  feuille  qu'il  ne  sor- 
Ijrait  pfus  qu'armé  jusqu'aux  dents ,  ofm  d't^c 
M  mesure  de  repousser  la  force  par  la  force. 

Un  officier,  ayant  i-té  un  jour  diffamé  par  un 
journaliste ,  reçut  l'ordre  de  son  colonel ,  M.  G"* , 
d'en  exiger  une  rélractalion  ou  un  combat  à  mort. 
Après  de  longs  pourparlers ,  le  journaliste  se  décida 
pour  la  rétractation ,  ce  (jue ,  dans  cette  profession, 
cm  tient  k  honneur  de  n'accorder  presque  jamais. 

La  chose  s'est  passée  bien  différemment ,  dana 
«ne  cireonatance  à-peu-prcs  semblable,  au  52.'  rép- 
mcnl  de  ligne.  Ce  régiment  se  trouvait  au  mois  de 
fhrier  1834,  à  Dijon.  Un  sous-lieulenanl ,  M-  De- 
"wy,  se  tenant  pour  insulté  par  le  SpecUtieur,  jour- 
mI  ministériel  de  celle  ville ,  en  demanda  raison  au 
facteur,  et,  sur  son  refus  de  se  battre,  lui  infligea, 
CD  pleine  me,  une  correction  militaire.  M.  Demay 
recul  l'ordre  du  lieutenant-général  commandant  la 
■■ividoQ,  de  se  rendre  en  prison  où  il  resta  quinze 
jours.  Le  cx>nseil  de  guerre  le  eondamna  ,  pour  la 
Kràe  des  voies  de  fait,  k  un  franc  d'amende,  i'iiu 
^^,  et  par  suite  d'une  enquête  militaire,  il  dut 


446  —  HISTOIRE  DBS  DUELS.  — 

encore  comparatlre  devant  le  conseil  d*h(mneur  de 
ta  division ,  qui  le  condamna  à  Irois  ans  de  mispea* 
mon  de  son  grade.  «M.  Demay,  dit  le  Journal 
de  Dijon  qui  contient  ces  détails,  est  dèciMrè  de 
Juillet  et  appartient  à  Topinion  républicaine,  n 

Le  14  février  1836,  il  y  eut  à  Paris  une  sorte 
de  duel  mi-parti  ou  quasi  militaire,  entre  M.  le 
comte  de  Langle ,  capitaine  de  la  garde  nationale 
à  cheval ,  et  M.  le  duc  de  Rovigo ,  lieutenant  au 
1  .^^  régiment  des  chasseurs  d^ Afrique.  Le  sujet  de 
la  querelle  était  un  blâme  exprimé  sur  les  déco- 
rations accordées  à  la  Garde  nationale.  M.  de 
Rovigo  reçut  à  la  poitrine  un  coup  d^épée  qui  fut 
jugé  n'être  pas  mortel. 

Voici  un  second  exemple  d^un  combat  analogue 
tiré  d'une  procédure  correctionnelle  que  j'ai  eue 
sous  les  yeux. 

Un  sieur  W** ,  avocat  à  Cambrai ,  soldai  de  k 
Garde  nationale ,  s'était  pris  de  qnerdle  dans  h 
service  avec  un  sieur  R*** ,  capitaine  adjudànl- 
major ,  qui ,  dans  la  dispute ,  le  menaça  de  la  main 
et  le  provoqua  en  duel.  Un  sieur  F***,  sergent- 
major  ,  se  mêlant  à  la  querelle ,  donna  un  soufflet 
au  sieur  W**  qui ,  lui  présentant  l'autre  joue ,  lui 
dit  :  Je  connais  les  lois ,  et  je  ne  m'adiesserai 
qu'à  elles  seules  pour  obtenir  la  trparation  de  vos 
molcnccs. 


k 


«•cnJLpmK  XTvm.—  447 

Le  weiir  F***  fui  traduit  au  conseil  de  dÎH-i- 
^linc  qui  lu  conilnmna  it  vingt-qualrc  heures  do 
prison  ,  pour  avoir  manque,  de  sang  froùl  ilaits 
le  se/vice.  Mnis  le  sieur  W**  ne  se  lin)  pas  pour 
(Btisrait  d'une  pareille  condamnation  ,  et  porta 
plainte  au  tribunal  correctionnel  ,  tant  contre  le 
lur  F*"  que  contre  le  sieur  R"",  avec  qui  la 
[querelle  arait  commcnet. 

Ce  procès  fit  beaucoup  de  bruit  à  Cambrai , 
U  fut  traité  comme  une  affaire  de  corps  dans  la 
Garde  nationale.  Les  prévenus  d^-linaient  la  com- 
pétence de  la  juridiction  ordinaire  et  prétendaient 
nVire  justiciables  que  du  rniiseil  de  discipline. 
Le  tribunal  se  déclara  compétent  h  l'égard  du  sieur 
F*** ,  et  par  le  motif  quM  existait  des  circonstances 
atténuantes ,  et  t/ue  le  pirjudice  causé  n'excédait 
pas  vin ff.~cinq  franc i ,  le  condamna  k  dix  jours 
fie  prison ,  25  francs  d'amende ,  autant  de  dom- 
mages-intérêts ;  et  renvoya  le  sieur  R  •  *  "  devant 
le  ctmseit  d«  discipline ,  comme  pré^-enu  d'injures 
envers  un  infériear. 

Ce  jugement ,  sur  l'appel  de  toutes  les  parties , 
lut  confirmé  par  mrrH  de  Ir  rniir  royale  de  Douai , 
en  date  du  13  janvier  1832. 

Ce  trait  est  un  exemple ,  [larmi  tant  d'autres,  ilc 
cette  lenduice  que  montre  parfois  notre  milice- 
cilojeuue  ^  s'a&similcr  aui  militaires.  Elle  pourrait 


448  —  BI8T0IRB  DES  WHOS:  — 

certes  choisir  y  pour  les  imiter,  un  côté  plus  hono* 
rable.  On  y  voit  aussi  combien  il  y  a  de  gens  qui 
sont  tout  de  feu  pour  déclamer  contre  les  duels , 
et  qui  se  trouvent  de  glace  quand  il  s^agil  de 
punir  tant  soit  peu  sérieusement  les  insultes  qui 
les  provoquent. 

Du  reste ,  il  est  vrai  de  dire  que  de  nos  jours 
les  officiers,  qui  se  piquent  de  savoir  vivre,  ne 
recherchent  plus  les  duels,  et  quand  on  en  entend 
parler  encore  dans  les  régimens ,  c^est  le  plus  ordi- 
nairement parmi  les  sous -officiers  et  les  soldats. 
Les  chefs  de  corps  jouissent  d^un  droit  à-peu-prés 
discrétionnaire ,  pour  les  punir  chez  ces  derniers 
ou  les  autoriser  selon  les  circonstances.  U  est  facile 
de  comprendre  combien  cet  état  de  choses  laisse 
à  rarbitraire  et  diversifie  les  usages  reçus  en  cette 
matière.  Dans  plusieurs  corps ,  il  est  établi  que 
nul  sous-officier  ou  soldat  ne  peut  se  battre ,  sans 
en  avoir  prévenu  le  maitre  d^armes  du  régiment. 
Celui-ci  est  conslilué  juge  en  premier  ressort  du 
Point  d^honneur.  Il  en  référé  ordinairement  à  la  su- 
prême décision  du  capitaine.  C^est  encore  le  maitre 
d'armes  qui  règle  les  conditions  du  combat  auquel 
il  doit  toujours  assister.  II  est  douteux  qu^un  pareil 
homme  puisse  faire  un  bon  juge  de  paix  (318). 


CHAPITRE    XXIX. 


Duels  de  TemiiH-s. 


L'nsAGE  des  combats  particuliers  dont  la  pos- 
non  des  femmes  a  pu  ëlrc  l'objet  ou  le  prix , 
monte  il  ia  plus  haute  antiquité. 
Merub  fut  promise  ti  David  ,  en  récompense  de 
k  ?icloirc  contre  Goliath  ;  Hercule  lutta    contre 
Acheloûs  et  Nessus  pour   Déjanire ,  et  pour  sa 
trmrne   Mégare  contre  Lycus.   Thésée    combattit 
contre  le  Minotaure  pour  Ariadne  ;  Idas  el  Lyn- 
c«us  contre  Castor  et  Follux ,  pour  les  filles  de 
Lfucippus  ;   Paris  contre  Métièlas  pour  Hélène  ; 
Enèe  contre  Turnus  pour  Lavinie,  cX.  tutti  quanti. 
Ctliathènes ,  tyran  de  Sycione  ,   comme  le  firent 
tUBBÎ  bien  d'autres  qui  n'étaient  pas  tyrans,  pro- 
posa ,  pour  prix  de  la  lutte  aux  jeux  Olympiques , 
UmaÎD  de  sa  fille  Agaristia.  Treize  princes,  seloa 
Utrodole  ,  vinrent  combattre   cl  il  nous  importe 
Uwi  peu  de  savoir  quel  fut  le  vainqueur  (319) . 

Au  temps  des  Paladins ,  c'était  aussi  pour  l'amour 
'Ifs  Dames  cl  au  prit  d'un  sourire  et  d'un  ruban , 


^ 


40D  '^mSTOTRE  D1ES   DUBLS. — 

que  les  poiirsuivans  d^armes  quêtaient  les  ayen^- 
turcs  et  jouaient  gaiement  leur  vie  dans  les  dueb 
ou  dans  les  chances  presque  aussi  périlleuses  d 
tournois  qui  en  étaient  I^image.  Réunissanl  dans  u 
bizarre  association  la  haine  et  Tamour ,  ils  avaieKn 
fait  de  ces  deux  passions  ,    les  plus  tyranniqu  ^ 
du  cœur  de  riiomme,  le  principe  de  rhonnei«.r. 
C'était  alors  le  comble  du  mérite  de  combattre  pour 
sa  maîtresse  y  de  se  parer  de  ses  couleurs  et  de  ies 
rapporter  teintes  de  sang.  Cet  esprit  survécut  long- 
temps h  la  chàte  de  la  chevalerie.  Long-temps  on 
^e  fit  honneur  et  gloire  ^  dans  le  monde  fasliionable, 
d^imiter  cet  instinct    féroce  des  animaux  qui  se 
déchirent  pour  une  femelle ,  ou  de  tirer  Tépée  au 
moindre  caprice  d*un  sexe  dont  le  n6tre  aime  à  se 
faire  tour-à-tour  l'esclave  et  le  tyran  (320). 

Au  temps  où  Mercier  écrivait ,  il  parait  que  les 
mœurs,  sous  ce  rapport ,  avaient  déjà  commencé  à 
changer  de  face,  a  On  ne  se  bat  plus  aujourd'hui 
pour  les  femmes,  disait-il  ;  leur  conduite  a  rendu  ces 
combats  ridicules.  Tableau  de  Paris,  Chap,  228» 

Cette  réflexion  est  peut-être  un  peu  trop  absolue, 
comme  beaucoup  de  celles  que  faisait  Mercier; 
car,  à  cette  même  époque,  il  ne  manquait  pas  encore 
iï Hellènes  à  la  Cour  et  à  la  Ville ,  comme  nous 
rapprennent  les  Mémoires  du  temps ,  notanuncDl 
ceux  de  Richelieu ,  de  Lausun  et  de  Tilly  (321)* 


—  CHAPITRE  XXfX.—  461 

Quoi  qu^il  en  soit ,  les  femmes  ont  pris  elles- 
mêmes  leur  revanche.  On  les  a  vues  à  diverses 
époques  chercher ,  dans  les  chances  d^un  combat 
singulier ,  une  vengeance  contre  un  perfide ,  ou  un 
triomphe  contre  une  rivale.  J^aurai  donc  à  parler 
aussi  des  duels  de  Femmes.  Ce  sujet  a  trop  de 
réalité  pour  que  la  gravité  de  cette  histoire  en  soit 
compromise.  Il  ne  pourrait  même  en  être  écarté , 
sans  y  laisser  une  lacune. 

11  serait  inutile  de  remonter  aux  temps  antiques  , 
et  au  siècle  des  Amazones ,  pour  y  trouver  des 
preuves  de  l'esprit  belliqueux  des  femmes.  On  les 
a  vues  souvent  autrefois ,  comme  aujourdliui  , 
combattre  dans  les  rangs  des  soldats  sur  les  champs 
de  batailles ,  ou  se  signaler  sur  la  brèche  à  la  dé- 
fense des  villes.  Les  institutions  politiques  de  cer- 
tains peuples  s'attachaient  même  h  faire  naître  et 
à  entretenir  cet  esprit  par  une  éducation  toute 
virile.  On  connaît  les  lois  de  Lycurgue  et  les  exer- 
cices gymniques  des  vierges  de  Lacèdémone.  f^. 
ci'^pr'ès ,  Chap.  XXXrJI. 

A  Rome  ,  on  vit  quchjuefois  des  femmes  paraître 
dans  le  Cirque  et  y  jouer  le  rôle  de  Gladialriccs, 
Dion-Cassius  nous  a  conservé  le  récit  d'un  combat 
de  ce  genre;  et  Atliénée  parle  d'un  Romain  (jui 
avait  ordonné  par  testament ,  de  faire  eomballre  k 


452  —  mSTOIRB  DES  DUELS.  — 

ses  funérailles  de  belles  esclaves  qu'il  avait  achetées 
à  cet  effet  (322). 

Dans  les  temps  modernes,  on  n'aurait  pas  besoin 
de  recourir  aux  fictions  poétiques  pour  trouver  de 
pareils  exemples.  Sans  parler  des  Clorinde  ,  des 
Armide  ,  des  Djaïda  ,  héroïne  du  roman  arabe 
d^Antar ,  un  grand  nombre  de  nos  villes  n'ont- 
elles  pas  conservé  la  tradition  des  exploits  d'ama- 
zones célèbres?  Lille  a  eu  sa  Jeanne  Maillotte, 
Beauvais  sa  Jeanne  Hachette ,  Orléans  ou  plutôt 
la  France  entière  sa  Jeanne  d'Arc ,  la  Bretagne 
sa  comtesse  de  Montfort  (323). 

Au  moyen  Age ,  le  beau  sexe  fut  toujours  exclu 
des  lices  judiciaires.  Femme,  dit  Bcaumanoir,  ne 
sepuet  combaiu^.  Elle  devait  choisir  un  champion 
pour  soutenir  son  procès ,  sans  quoi  on  ne  recevait 
pas  ses  gages  de  bataille.  Ce  ne  fut  que  plus  tard, 
à  ce  quMl  parait ,  que  le  duel  commença  à  tomber 
en  quenouille  (324). 

c<  On  parle  à  Paris ,  dit  Guy-Patin ,  de  deux 
dames  de  la  cour  qui  se  sont  battues  en  duel  à 
coups  de  pistolet.  Le  roi  a  dit  en  riant  qu'il  n'en 
avait  fait  défense  que  pour  les  hommes. 

M.*"®  de  Yilledicu  a  aussi  fait  mention  d'un 
combat  à  l'épée  entre  Henriette-Sylvie  de  Molière 
et  une  autre  dame.  Toutes  deux  étaient  habillées 
en  homme.  Œuuœs  complètes,  Tom.  VII ^  P.  82. 


—  CHAPITRE   XXIX.  —  458 

On  trouve  dans  les  lellres  de  M."*  Diinoyer, 
les  détails  d^une  rencontre  entre  une  dame  de 
Beaucaire  et  une  fille  de  condition ,  qui  se  battirent 
à  Fépée  dans  un  jardin ,  et  se  seraient  tuées ,  ta 
Ton  n^eût  couru  les  séparer.  Cctait  un  duel  dans 
les  formes ,  et  précédé  d^un  cartel. 

Wulson  de  La  Golombiére  a  aussi  parlé  de  ce- 
combat,  ce  La  même  chose  arriva  encore  à  Paris , 
ajoute^t-il  ,  entre  deux  courtisanncs  assez  belles 
qui  se  battirent  avec  de  courtes  épées  sur  le  boule» 
▼ard  Saint-Antoine ,  et  se  firenl  quelques  blessures 
à  la  gorge  et  au  visage ,  où  Tcnvie  et  la  jalousie* 
quMIes  avaient  Tune  pour  l'autre,  leur  faisaient 
principalement  diriger  leurs  coups.  Une  de  ce» 
femmes  me  montra,  en  levant  son  mouchoir  de 
cou,  la  blessure  qu'elle  avait  reçue  au  cûté  du 
sein  droit  (325). 

Saint-Foi X  parle  dans  ses  Essais  sur  Paris  , 
d^uoe  D.*^^*'  Durieux  qui  se  battit ,  en  pleine  rue , 
contre  un  nommé  Antinotti ,  son  amant-. 

Mais  la  plus  célèbre  des  duellistes  en  jupon- 
est  Tactriee  Maupin  ,  dont  on  a  raconté  en  ce 
genre  des  tours  de  force  vraiment  merveilleux.  Cette 
femme  était  née  à  Paris ,  en  1673.  Son  père  se 
nommait  Daubigny.  Elle  se  maria  jeune,  et  ayant 
envoyé  son  mari  en  province  avec  un  emploi  dans 
les  aides,  elle  entra  en  16U8>  comme  actrice  h 


454  «-  HISTOIRE   DES   DUELS.  «■ 

rOpéra.  Passionnée  pour  rcscrimc ,  elle  se  lia  areo 
Serauc ,  prevot  de  salle ,  et  parvint  bientôt  à  une 
force  à  laquelle  put  à  peine  atteindre,  après  elle, 
le  chevalier  ou  la  chevalière  d^Eon.  Insultée  uq 
jour  par  Tacteur  Duméuy ,  son  camarade ,  elle 
Fattendil  sur  la  place  des  Victoires ,  et  n^ayanl  pu 
le  décider  à  mettre  Tépée  à  la  main ,  elle  lui  em- 
porta sa  montre  et  sa  tabatière.  Un  autre  de  ses 
camarades  Tayant  également  offensée ,  elle  le  forçu 
de  lui  demander  pardon  à  deux  genoux. 

La  Maupin  était  une  Sapho  ,  sinon  dans  son 
esprit ,  du  moins  dans  ses  mœurs ,  et  elle  avait 
reffronlcrie  d'çn  tirer  vanité.  Se  trouvant  un  jour 
dans  un  bal ,  clic  se  permit  envers  une  dame ,  d'in-< 
décentes  agaceries.  Trois  cavaliers  ,  qui  accom^ 
pagnaient  cette  dernière  ,  voulurent  en  vain  la 
faire  cesser  ;  elle  les  provoqua ,  les  força  de  sortir 
avec  elle ,  et  les  tua  tous  les  trois.  Après  celte  expé-t 
dition ,  elle  rentra  fort  tranquillement  dans  la  salle 
de  bal.  «  Elle  obtint  sa  grâce  du  roi  ,  dit  son 
biographe  ;  ce  serait  donc  pour  une  femme  de 
mauvaise  vie  ,  que  Louis-lc-Grand  se  serait  dé-t 
parti  de  sa  grande  sévérité  contre  les  duels,  n 
La  Maupin  se  retira  h  Bruxelles  où  elle  devint  roat- 
trcsse  de  l'Electeur  de  Bavière.  Rentrée  h  TOpéra 
peu  de  temps  après,  elle  mourut  en  1707  (326). 

Dans  te  cours  du  18.<^  siècle,  &  cette  épo^o 


•-*•  CHèPI THE   XXII. -*-  435 

M  le  boàu  sexe  jouait  nu  premier  rùle  à  la  Ceur^ 
comme  à  la  Ville ,  oii  la  galanterie  et  quelque 
chose  de  pis  eorere ,  étaient  uue  si  grande  afluire  ^ 
les  querelles  ,  les  rivalit^'s  et  les  débats  de  tout 
genre  entre  les  femmes,  retentissaient  sans  cesse. 
€k>mme  on  Ta  yu  aux  chapitres. XXI  et  XXli ,  elles 
faussaient  leurs  amans  h  se  battre ,  et  la  moindre 
hésitation  de  leur  part  était  suivie  d^uie  disgrâce 
•ans  Mtout.  Puis  menait  la  comédie  des  larmes  eb 
des  pâmoisons  à  la  nouvelle  du  sang  versé. 

Parmi  les  combats  où  ces  dames  ont  eu  riion- 
•eur  de  figurer  en  personne  ,  je  me  bornerai  k 
nppeler  ici ,  sur  raulorité  de  S4>ulavie  ,  r{'daeteur 
des  Mémoires  du  duc  de  Kirlielieu  ,  le  fumeux 
duel  au  pistolet  cpii  aurait  eu  lieu,  sous  lu  Uégencc, 
entre  la  marquise  de  Nesie  et  lu  cimitcsse  de  Po- 
lîgnac.  Je  passe  sur  les  détails  que  pourront  cher- 
cher à  la  source  même ,  ceux  à  qui  il  ne  sullirait 
pas  de  savoir  que  le  sujet  de  ce  combat  féminin. 
B^était  autre  chose  que  la  possession  du  duc  de 
JUchelieu  lui-même  (327). 

De  nos  jours ,  la  presse  périodique  a  plus  d'une 
foiy  signalé  des  duels  de  femmes ,  dont  je  n'oserais 
pat  toujours  garantir  Fauthenticité.  Ceux  que  je 
i^ais  citer  me  paraissent  les  plus  avérés. 

En  1827 ,  M.'"*'  U*^%  ii  Sl.-Rambert ,  a  reçu  un 
eiXiei  d'une  autrci  dame  pour  se  baltre  au  pistolet. 


458  ^  HISTOIRE  DES  DUELS.  «— 

Vers  la  même  époque ,  une  dame  de  ChAleau* 
roux  ,  indignée  de  ce  que  son  mari  refusait  de  tirer 
par  un  duel  satisfaction  d^un  soufflet ,  se  présenta 
elle-même  en  sa  place  au  combat,  et  blessa  son 
adversaire  d^un  coup  d'épée. 

J'ai  une  connaissance  personnelle  d^un  autre 
combat  ou  deux  dames  se  battirent  encore  en- 
tr'elles  à  Pépée  pour  une  riyalité  de  galanterie. 

En  mai  1828,  une  rencontre  au  pistolet  a  eu 
lieu  à  Paris ,  entre  une  demoiselle  et  un  Garde- 
du-corps.  Ce  fut  la  jeune  personne ,  amante  trahie 
et  délaissée ,  qui  envoya  le  cartel ,  donna  le  rendeir 
vous  et  fit  choix   des  armes.  Deux  coups  furent 
échangés ,  mais  sans  résultat,  par  suite  des  précau- 
tions prises  par  les  témoins  dans  le  chargement 
des  armes.  La  demoiselle  ,  qui  ne  soupçonnait  pu 
de  supercherie ,  lira  la  première  avec  le  plus  grand 
sang  froid ,  et  attendit  ensuite  tranquillement  le  feu 
de  son  adversaire.  Mais  celui-ci ,  après  avoir  feint 
de  viser  un  instant  pour  éprouver  Tintrépidité  de  sa 
Clorindc ,  tira  en  Fair  en  signe  de  réconciliation. 

Dans  le  même  mois ,  un  autre  combat  avait  lieu 
aux  environs  de  Strasbourg,  entre  une  Française 
et  une  Allemande ,  toutes  deux  éperdument  éprises 
d'un  jeune  peintre.  Les  deux  rivales  se  rendirent 
sur  le  terrain ,  avec  des  témoins  de  leur  sexe ,  pour 
vider  la  querelle  au  pistolet.  D^abord  rAllemanda 


—  aiAPiTBE  Titn.—  457 

veut  obslinément  9g  baltrc  è  bout  porUnt.  Moîa 
U  jeune  Française  d'accord  avec  les  (/-moins ,  ne 
I  conaeol  au  combat  iju'à  une  dislnncc  de  vingt-cinq 
.  Elles  tirent  l'une  sur  l'autre  il  cette  distance , 
wec  un  *gal  acharnement,  et  se  manquent.  Alon 
mpétueusc  Allemande  insiste  vivement  pour  rc- 
tnencer  la  partie ,  et  pour  k  baltre  jusqu^à 
la  mort.  Mais  les  ti-moins  s'y  opposent  et  df-sttrmeDt 
le»  deux  ennemies ,  sans  pouvoir  louterois  opérer 
enir'elles  la  réconciliation  d'usage. 

Il  faut  passer  la  mer  pour  rencontrer  le  premier 
de  ces  combats  fi^minins  qtii  aient  eu  un  dénoue- 
ment fatal.  On  en  trouvera  les  détails  ou  Cb.  XXXII 
où  seront  rapportés  les  débats  d'un  procès  criminel 
qui  fui  jugé ,  en  1833 ,  aux  assises  de  Lcinster  en 
Irlande,  yuyez  aussi  pour  les  duels  de  femmes  en 
Scmàinavie,  le  Cl\ap.  XXXÏll  t328). 

^■'  L'amour-propre  si  fort  dans  le  cœur  des  hom- 

^MKS,  et  qui  les  rend  quelque  fois  si  faibles,  prend 

^blus  spécialement  chez  les  femmes  le  nom  de  vanité. 

^HtC  désir  de  commander  d'une  part ,  celui  de  plaire 

de  l'autre  ;  ici  les  rivalités  d'amour  et  de  toilette  ; 

là ,  celles  des  honneurs  et  de  la  fortune  ;  des  deux 

calés ,  et  à  un  égal  degré ,  l'envie  et  In  vengeance  ; 

telle  est  la  grande  et  souvent  l'unique  affaire  de 

ia  TK  cbe»  l'uD  et  l'autre  sexe.  S'il  ea  est  un  que  la 


438  —  HISTOIRE   DES   DUBIJ*  — 

nature  n^u  pas  également  partagé  sous  le  rapport  àt 
la  force,  elle  Ten  a  bien  dédommagé  sous  celui 
de  radrcsse.  Des  charmes ,  voilà  sa  puissance;  des 
pleurs,  voilà  ses  armes;  Tintrigue,  voilà  se»  duels. 
Mais  si  la  retenue ,  si  la  réserve  naturelle  à  ce  sexe 
timide,  ne  devaient  pas  lui  inspirer  la  plu»  invincible 
répugnance  pour  les  voies  de  la  violence  ouverte  ; 
si  les  moralistes  de  cette  école  rénovatrice  qiii  traite 
de  préjugés  absurdes  la  modestie  et  la  pudeur^ 
parviennent  jamais  à  faire  goûter  leurs  idée»  de 
réforme  et  d'émanci{>ation ,  certes,  on  peut  s'*y  at- 
tendre ,  la  mode  du  duel ,  avant  toute»  les  autres^ 
est  destinée  à  jouer  un  rôle  principal  dans  la  vie- 
des  femmes.  Elle  deviendra  une  passion  nouvelle- 
qui ,  comme  toutes  les  autres ,  s^exaltera  clies  elle»- 
jusqu^à  la  frénésie.  On  les  verra  dans  leurs  liabi-> 
tudcs  frivoles ,  courir  aux  armes  sous  les  plus  fri- 
voles prétextes  ;  on  les  verra ,  ardentes  à  se  bsMguei" 
dans  le  sang  d^une  rivale ,  saisir  le  glaive  de  leur» 
débiles  mains ,  et  se  précipiter  en  aveugle»  dans  ces 
lices  meurtrières  où  les  hommes  depuis  si  long- 
temps leur  ont  montré  le  clicmia. 


riN    DU    PnKMlER    VOLUME. 


l 


TABLE  DES  ClIAPITUES 


iRTENLS     DANS     LE     TOMK     PItLMIER. 


Utkosuctios.  —  Plan  de  l'o 

CWI-ITEE   PBEMÎEB.    DéflDilit 

inguliprg  i  la  gucr 


Il  (I.iH,  - 
Hici  les  ( 


p.lg 

Défis 


rombats 

's'-s  lutidemcs.  —  Rencoiilrcs  foi 
I         "»é«s. — Différcucesavctle  ducl|]r<>i)r«iueut  dil.  4 

t***^tT>BU.  De  l'antiquité  relullvement  nu  duel. — 
r  "©mpi  héroïques.  —  Uistoire  grecque  et  romiùno. 
—  Peuple  juif.  9 

tiiAi>ixiie  m.  Jeux  gyinniquei.  —  Lutte.  —  Pugilat. 
—  Combata  du  cirque.  —  Nulle  trnce  du  duel-  IS 

'^fiTRElV.  Le  duol  iastitution  muderae.  —  Recher- 
l'iie»  sur  son  origine.  —  La  Germanie,  patrie  du 
*l«>cL  —  Inyasiou  et  partage  des  Gaules  par  les 
"crmains. —  Conséqueneos  et  réaullula.  20 

"^PITRE  V.  Première  période  de  riiistoire  des  duels 

^n  France,  —  Moyen  âge.  —  Légalité  du  duo!  ou 

k     *^oiid)a(B  jadiciaires. —  Influcnee  des  loin  genuaioea 

K    dniis  les  Gaules,  —  Décadence  du  droit  ruiuaîn.  23 

''■'AriTBB  VI.  Règles  et  rurinalités  du  combat  judi- 
*.'iairc.  —  Epreuves  du  fei-  chaud,  de  Tcau  chaude, 
4«  Toan  froide  et  de  la  croii(,  2li 


460  TABLE  DBS  CHlPmEB.^ 

OupiTRE  VU.  Principaux  duels  jndieîaires  dm  6.*  m 
il.*  sîècies.  35 

Chapitre  VIII.  Décroissance  des  duels  judiciaires 
depuis  le  11.*  siècle  jusqu'au  milieu  du  16.*— 
Derniers  combats  de  ce  genre.  43 

Chapitre  IX.  Tournois  et  joutes.  —  Leur  esprit  ;  leur 
origine  ;  leurs  progrès  \  leur  fin  commune  avec  les 
duels  judicmires.  SA 

Chapitre  X.  Coup  d^œil  général  sur  les  siècles  du 
mo^en  âge  relativement  au  duel.  —  Lutte  de  Fesprit 
religieu\  et  féodal.  —  Révolution  au  12.*  siècle ^ 
dans  les  lois  et  dans  les  mœurs.  —  Croisades.  -» 
Renaissance  du  droit  Romain.  61 

Chapitre  XI.  Continuation  du  même  sujet.  —  Nou- 
velle révolution  morale  au  15.*  siècle.  —  Chute  do 
Tempire  d'Orient.  —  Découverte  de  rimprimerîe. 

—  Fin  du  moyen  âge  et  des  duels  judiciaires.  — 
Puissance  des  institutions  de  cette  époque.       78 

Chapitre  XII.  Résumé  des  deux  chapitres  précédens. 

—  Opinions  des  auteurs  anciens  et  modernes  sur 
les  duels  judiciaires  du  moyen  âge.  —  Erreurs. 

—  Injustices.  —  Objections.  85 

GiAPiTRE  XIII.  Deuxième  période,  —  16.*  siècle.— 
Prohibition  des  duels.  —  Du  duel  proprement  dit, 
ou  duel  volontaire.  M 

Chapitre  XIV.  De  llionneur  considéré  comme  mobile 
principal  du  duel.  —  Acceptions  diverses  de  ce 
mot.  —  Ce  que  cVst  que  rhonneur  en  morale  et 
chez  les  duellistes.  —  Erreurs.  —  Préjugés.  — 
Abus. —  Origine  du  Poiut  d'honneur. —  Son  incom- 
patibilité avec  la  religion  et  la  philosophie.      107 


TMLE   DES    CIlAPmtF-S.  461 

CnApims  XV.  Règles  et  formoliiéH  des  duels.       121 

CniPiTRE  XVI.  Comparnisnn  des  Ib.'  et  Ifi.'  sièrlci. 

—  Politique  des  roîa  de  France ,  depuis  ChnrlesVI 
ius(|B'à  Henri  III ,  à  l'égard  des  duels.  —  Guerre» 
d'itnlic.  —  Guerres  de  religion.  —  Leur  influence 
relative  sur  la  civilisation.  131 

CniPiTHE  XVII.  Principaux  duels  du  16,'  siècle.     142 

CmpiTBE  XVIII,  17.*  siècle.  —  Principaux  duels  dn 
règne  do  Henri  IV.  —  Inefficacité  de  ses  édils.  171 

CntpiTRK  XIX-  Principaux  duels  du  régne  de  Louis 
XIII.  —  Nouveaux  édits.  —  Exemples  do  sévérité. 

—  Politique  de  Richelieu  à  l'égard  de»  duelliste» 
et  de  l'aristocratie.  187 

Chapitre  XX.  Règne  de  Louis  XIV.  —  Analyse  de» 
nouveaux  édita  contre  les  duels.  —  Tribunaux  du 
Point  d'honneur.  —  Politique  de  Maiariu  à  l'égard 
des  duellistes. -—Indulgence  du  roi.  —  Duel»  re- 
tnarquablcs.  20$ 

(^■APiTHE  XXI-    Duels  au   IS.'    siècle. —  Régence. 

—  Règne  de  Louis  XV-  — Dernier  édit  contre  le» 
duels .  —  Principaux  duellistes.  —  Tolérance  crois- 
■anie.  —  Révolution  dans  le»  mœurs.  —  Influence 
de  1a  philosophie.  24i 

Ch«i>itre  XXII.  Règne  de  Louis  XVI.  —  Son  esprit 
de  réformes.  —  Opposition  des  courtisans.  — Duels 
à  la  cour  et  en  province.  —  Désuétude  des  ancien» 
Mits.  —  Duellistes  célèbres,  —  Rapports  de  leur 
caractère  avec  la  physionomie  morale  de  chaque 
siècle.  lia 

CRiriTRK  XXIII.  Kévolutiou  de  1789.— Duels  poli- 


462  TABLV   DBS    CHAPmU.  «. 

tî(|iiOii.  —  Décret  d^amiiistie  du  17  scptombre  1792^ 
pour  fait  de  duciR.  —  Autre  décret  du  20  messidor 
nu  II.  —  Kuu^rntion.  — Chute  de  rAristocraiie. 

—  SoH  ronséqiiences.  319 

Chapitre  XXIV.  Troisième  Période.  — 19/  siècle. 

—  Liberté  des  duels.  -—Consulat  et  gouTemement 
îinpériaL  348 

Chapitre  XXV.  Suite  du  19.*  siècle.  —  Restaura- 
tion. —  Duels  politiques  et  littéraires.  —  Inter- 
vention des  tribunaux.  -— >  Conflits  de  jurisprudence. 

—  Projet  de  loi  de  1829.  3â8 

Chapitre  XXVI.  Continuation  du  même  sujet  — 
Révolution  de  1830.  —  Nouveaux  duels  politiques. 

—  Duels  do  journalistes  ;  d'avocats  ;  de  gens  de 
lettres  ;  d^artisnns  ;  de  fonctionnaires.  — >  Duel  sani 
témoins.  —  Duel  entre  frères. —  Nouvelles  pour- 
suites judiciaires.^-  Pétitions  aux  chambres  sur 
les  duels.  38^ 

Chapitre  XXVIl.  Duels  parlementaires.  40^ 

Chapitre  XXVIII.  Duels  militaires.  W^ 

Chapitre  XXIX.  Duels  de  femmes.  ^^^9 


riN  i)K  LA  table  du  premier  volume. 


.  tSgna. 

10  La  note  (4)  doil  èm  jilncéc  après   cp* 

mots  :  àans  une  rencontre  préméditée 

de  part  et  d'autre . 
a  13   Ali  lieu  de -.^Xx^^.   XUir,  lisez  '.    Ch.lp. 

XXXIX. 
M        20  Ln  note  (53)  doit  étir  pincée  après  Ira 
\  mots  :  en  Gastinois ,  etc. 

*  t\  7  La  note  (58)  doit  être  placée  au  §  suivant, 

après  ces  mots  :  en  matière  civile. 
44  8  Au  lieu  de  t  C'était  une  loi  do  Henri  L", 

lisez  :  c'était  une  loi  de  l'EgliBC  sous 

Henri  I-" 
70  9  Au  lieu  de  :  au  Chap.  XXVUI ,  lisez  .■  au 

Chap.  XXXII. 
70        10  Au  lieu  de  i  le  Chap.  XXIX,   lisez  .-  le 

Chap.  XXXIII. 
181        2i  Au  lieu  de  i  Chnp.  XXXV ,  lisez  .-  Chap. 

XXXV 1. 
171        16  Au  lieu  de  :  Aggrlpinc ,  lisez  t  Agrippine. 
i'i^        11  Au  lieu  de  :  lo  dernier  rejeton,  lisez  :  la 

dernière  souche. 
175  S  Au  lieu,  de  :  dans  le  journal  do  Henri  IV, 

lisez  .-  d.iDB  le  même  jimrnal. 
W  3  Au  lieu  de  :  ce  ne  fuL  donc  pas,  lisez  .*  ce 

ne  serait  donc  pas. 
'31        23  Au  lieu  de  •■  Rochefort  en  était  le  type , 

lisez  i  Beaufort  en  était  le  type. 
-*2        12  Au  lieu  de  .-  nu  Chap.  XXVIII ,  lisez  -•  au 

Chap.  XXIX. 


i 


A6&  XML  tt  ATA.  ^ 

Pages,  lÀgnes. 

274        lA  '^u  Uêu  de  t  qn%  pomraient  y  ocenpcri 

Usez  !  (juHlt  pourraient  y  rempGr. 
375  6  ^u  lieu  de  i  Xe^  contéquencet  des  pré- 

micet  9  lUei  :  les  conséqaenoet  des  pré- 

misMt, 
34i        18  Au  lieu  de  :  Part.  2  de  la  &.«  sectioB, 

lisez:  Part.  11  de  la  &.*  section. 
369        20  jéu  lieu  de  :  le  cour  de  cattation,  lisezi 

la  cour  de  cassation. 
3M        IS  Au  lieu  de  :  entre  des  aTOcats,  lisez  :  che^ 

des  aTOcats. 


-* 


HISTOIRE 


DES  DUELS 


ANCIENS  ET  MODERNES. 


•  •  •  • 


0|>M  afgrcilivr  c^Maiw»  rasiku»  Mwi  pntlÎM..... 


«    «    «    • 


AuJicC  ci?**  acùa»*  f* 
Quo  (ia«M  Pcrue  ■witîu  pwiiwt 
Audict  pu|DM  TÎlki  paraaUaB 
lUra  JuvmCus. 
(  HoftAo  M.  la.  Lè^.  i .  ) 


•    o    «    « 


Lliumme  de  rouraye  dëdaiga*  l«  dkid  ^  d  l'honmc  4e  bitn  l'uUnrf» 

(  lUiviuA*.  HHtite  Ltt^t  S;.  ) 


Otex'mge  du  même  Auteur ^  qui  se  itvui'e  cfie^ 

les  mcuies  Libraires  , 

PROJET      DR     CODE     DE     LA     CHASSE  y 

1  vol.  in-S.*»  — Prix  :  1  fr.  50  c. 


DOUAI ,  DfPRnfERlE  DE  J.  JAGQOAK^ 


1              HISTOIRE 

DES   DUELS 

ANCIENS  ET  MODERNES, 

J 

1 

*i.  M.  FOUOEROUX  DE  CAMPIGNEULI.ES, 

CwHille>  <  !•  Cw  l'ij.le  it  Linù,  mcuJ«^  J'  plu.ieun  8«iM.  .mbio. 

1 

M                   TOME   SECOND. 

i 

^^^ 

P     ICSTTESSIER,  QÏÏSI  DES  AUGBSTINS,  27  i 
l*B.  CHEBliUI.IEZ  ET   C»,  WIE  DE  SEINE,  S7^ 

1                           CENÈVE. 

ft          «ÈWE   MAIS!»   DE   LDMMEltLE,    BUE  DE  LA  CITÉ. 

V                         M  nr.cc  \\\y. 

i 

.,  i  %     »     ,  .»  -^  w  4.  ■    •  • 


..    -  *****  ' 


.1 


HISTOIRE 


DES   DUELS 


ANCIENS  ET  MODEItlMES. 


CHAPITRE     XXX. 


Dut-rs  fil  B.;lt;iqur  el  cii  I!oU;uulo. 

Lts  pri'iniers  pas  qiie  nous  iiltnns  faire  hors  de 
'rancc ,  it  la  rcclierche  des  aucîcns  usages  relalila 
*iix  duels,  cens  conduisent  nnturullcment  dans  les 
•"tiennes  (>rovincea.  des  Pays-Bas.  Nousyrelrou- 
V^ns  encore  la  France,  ([ui  les  a  si  long-trmps 
.piuvcmées;  car  où  ne  la  relrouve-l-cm  pas  iiujour- 
■liui ?  Nous  y  reui'oiilreitHis  siu'tout  uue  t'oiiimu- 
tault  de  mœurs  et  de  syoïpalltie  avec  nos  proviuLts 


1 


6  — ■mromv 

du  Nord|  qui  dîBèrait  Imb 

bdgîques  que  de  mm  yrofincei  du  Midi. 

Le  congrès  de  Vienne  «vail  compoeé,  ea  18IS, 
un  royaume  de  la  Belgique  et  de  la  HoUwide.  Le 
traité  de  Paris  du  31  mai  1814  ^  qui  en  poiail  les 
bases  |K>rtait  :  «  La  Hollande  recetra  un  œcmtne- 
Menf  de  territoire.  y>  Cet  accroissement  était  la 
Belgique ,  qui  dcTcnait  ainsi  Vaccessoùre,  quoique 
sa  population  et  son  étendue  fussent  presque  doubles 
de  celles  de  la  Hollande  dont  on  faisait  le  prindpd^ 
Le  Tasselage  de  la  Belgique  fut  consommé 
Fimposition  d^un  monarque  hollandais  de  cœur 
de  nation ,  qui ,  fidèle  au  protocole  constitutif  de 
royauté ,  gouTcma  V accessoire  à-peu*prés  coi 
une  conquête.  Il  prétendit  lui  imposer  les 
de  son  pays,  son  système  d^impôts,  ses  intérêts 
ses  préjugés  commerciaux,  ses  lois  pénales  miK— 
tairas  sans  en  excepter  la  bastonnade^  et  mènn.^ 
jusqu^à  sa  langue  (829). 

Une  telle  suprématie  était  trop  injuste  et  trop  ab" 
aurde  pour  durer  long-temps.  II  y  eut  duel  et  duel 
à  mort  entre  la  majorité  soumise  et  la  minorilé 
dominante.  Dans  les  prévisions  logiques,  la  victoire 
ne  pouvait  rester  Iong*temps  douteuse.  Le  ehn^d 
renversera  le  emboîter,  disait  le  ministre  anglais  Fittt 
lorsqu^en  1790  on  lui  proposait  une  comfainaiipa 
toute  semblable  entre  la  Belgique  et  la  HoUande. 


j  —  CUlPITRE    JUlX.  —  7 

IiC  cheval  s'est  senti  plus  Torl  que  le  cavalier;  une 
Jiutde  l'en  a  (lébarrassé ,  cl  le  coup  de  fouut  fut 
f^nné  par  la  révolutiou  de  Juillet  (330) . 

<■  Si  la  Belgiqrte  et  la  Hollande  sont  politiqucmcBl 
fBrlant  :  Hes  dissociables ,  elles  ne  le  sont  pas 
Aislenquemcnl.  C'est  pourquoi  je  les  Inisserai 
Réunies  dans  ce  chapitre  qui  comprendra  ce  qu'on 
■celait  les  dix-sept  provinces  des  Pays-Das. 
I  Ce  territoire  se  composait  de  la  plus  grande 
^Mrlie  de  l'ancien  Belgimn  de  César,  c'est-à-dire  1 

dti  pays  desBataves,  desEburons,  desAU'napiens,  I 

des  NervicQS  ,  auquel  il  faut  joindre  celui  des. 
Alorins  et  des  Atrèbates,  qui  Tut  donné  en  dot  par  , 

Oiarlcs-Ze-CAouif;,  à  sa  fille  Juditti ,  mariée,  en 
|B63,  À  iiaudouin  I.",  Grand-Forestier  de  Flandre. 
^tt  conuail  lu  hiiute  estime  tpie  faisait  le  eon- 
|uèrant  des  Gaules  de  ces  dilT^ïcns peuples,  dont 
h>{)iniAtre  résistance  tint  si  long -temps  en  échec 
ItB  arroes  romaines.  Selon  Tacite,  les  Bataves  se 
listinguaient  parmi  tous  les  autres  pox  Icue  bril- 
hnle  valeur  (3S1). 

V  Ce  pays  a  été  le  berceau  tle  la  monarchie  des 
iPrancs.  L'ancienne  ville  de  Tournai,  mentionnée 
lliDS  l'itinéraire  d'Antonin  et  dans  la  onzième  épilre 
is  St. -Jérôme,  fut  l'une  des  premières  conquêtes 
le  Clodioo  sur  les  Romains.   On  y  découvrit  eu 

k       Â 


8  «-  msTomE  des  duel».  — 

1053,  le  tombeau  de  Childeric  !.«',  et  Im  célèbre 
ville  d^ Aix-la-Chapelle ,  limitrophe  duLimboui|;, 
fut  la  capitale  de  Charlemagne, 

Après  rétablissement  des  Francs  dans  lesGaules^ 
leurs  princes  et  notamment  Charlemagne  donDè* 
rent  la  qualité  de  Forestier  avec  une  partie  de  la 
Flandre  Belgique  à  leurs  plus  braves  capitaines. 
A  ceux-ci  succédèrent  les  comtes  de  Hollande ,  de 
Hainaut ,  les  ducs  de  Brabant ,  de  Gueldres ,  eto. 
Puis  les  Pays-Bas  passèrent  successivement  sous  la 
domination  de  la  maison  de  Bourgogne ,  sous  cello 
de  r Autriche  et  de  TEspagne  (332)  « 

Le  comté  de  Flandre  était  entré,  dès  Pan  138&-» 
dans  la  maison  de  Bourgogne ,  par  suite  du  ma«- 
riage  de  Marguerite  ,  fille  unique  du  comte  Louis 
de  Mâle ,  avec  Plûlippe  1.^'  ;  et  en  secondes  noce»  9 
avec  Philippe-/e-£fûrdi,  père  de  Jean^sans^Pcur, 
assassiné  àMontereau,  en  1419.  Philippe--/!^^o;>3 
fils  de  ce  dernier,  lui  succéda,  et  aprés'  lui  Charles^ 
le^Téméraire y  le  dernier  des  comtes  de  Flandre 
et  des  ducs  de  Bourgogne. 

L'archiduc  Maximilien ,  fidèle  à  la  devise  Au* 
trichienne  :  Tu  felix  AuHrià  nube,  avait  épourf 
Marie,  fille  unique  de  Charles-/e- Téménure^  qui 
lui  apporta  la  Flandre  en  dot ,  le  duché  de  Boui^ 
gogne  ayant  été  réuni  à  la  couronne  de  France 
par  Louis  XI  qui  Taurait  acquis  plus  juatemeot 


—  CIIAPITRE    \XX-—  îï 

ei  y  aurait  joint  le  comté  de  riiintlrc  s'il  n'iiv.iit 
paH  in»m]ué  pour  le  DHiipliîii  lu  main  de  VUt- 
riliére  de  Bourgogne  (333). 

En  1409,  le  miiriage  de  Ph\\ippe-le-Bel ,  lits 
de  Maximilien  et  de  Marie  de  Bourgogne  ,  avec 
Jeanne  d'Arragon,  opéra  la  réunion  de  la  souve- 
raineté des  Pays-lîas  ii  la  couronne  d'Espagne, 
i  qui  elle  demeura  ,  sauf  <|uclt|tjes  vicissitudes  suiv 
venuea  lora  des  IraitÉs  de  Niniégue  ot  de  Kiswiek 
en  1678  cl  1697,  pour  retourner  à  ia  maison  d'Au- 
Iriche  lora  de  la  paix  d'Ulrechl ,  en  1713. 

Le  territoire  des  dis-aepl  provinces  de»  Pays-Bas 
comprenait  212  villes  cl  6591  villages.  Au  seizième 
■técle,  sept  des  provinces  du  Nord  secouèrent  le 
jotig  de  l'Espagne ,  sous  la  conduite  de  Maurice  de 
N  nssau  ,  prince  d'Orange ,  et  formèrent  la  répu<- 
t>lii|iie  des  Provinces-Unies  qui  prit  son  nom  du 
Comté  de  Hollande. 

«  Ce  pays  ,  dit  Robertsion ,  était  auparavant  un 
objet  si  peu  considérable  qu'à  peine  s'csl-il  pré- 
Bcnlé  une  seule  occasion  d'en  parler.  Mais  après  le 
traité  de  CAte  au -Cambrés!  s ,  les  maximes  violentes 
et  superstitieuses  de  Plûlippc  II  ayant  été  mises  en 
pratique  avec  une  rigueur  impitoyable  par  le  duo 
d'AIbc,  les  Pays-Bas  secouèrent  le  joug  espagnol 
^r^blirent  leurs  lois  et  leur  ancienne  liberlè.  lia 
lu  défeodircot  avec  un  icle  infutigable  qui  occupa 


10  —HISTOIRE  DBS  DUKLf . — 

les  armes  d'Espagne  pendant  plus  d^un  demi-sièdei 
épuisa  les  forces  et  flétrit  la  gloire  de  cette  mo- 
narchie. »  Ces  provinces  furent  pour  FEspagnede 
Philippe  II  y  ce  que  TEspagne  de  Ferdinand  YII 
devint  deux  siècles  après  pour  la  France  de 
Napoléon. 

Un  empereur  Turc  entendant  parler  des  torrens 
de  sang  que  répandaient  les  deux  peuples,  rtin 
pour  la  domination ,  Tautre  pour  la  liberté ,  crut 
qu'ils  se  disputaient  la  possession  des  plus  grandi 
empires.  Quelle  fut  sa  surprise  ,  lorsqu'on  hs 
montra  sur  la  carte  l'objet  de  tant  de  batailles 
meurtrières  !  Si  c'était  mon  affaire,  dit-il  froide- 
ment, j'enverrais  mes  pioniers,  et  je  ferais  jeUr 
ce  petit  coin  de  terre  dans  la  mer,  —  Mais  ce  petit 
peuple  trouva  ,  dans  sa  topographie  et  dans  le 
courage  que  donne  la  haine  de  la  servitude,  le 
supplément  de  son  infériorité.  On  sait  à  quel  haut 
degré  de  splendeur  il  s'éleva  successivement  après 
son  aflranchissement  ;  on  sait  aussi  le  râle  de  supé- 
riorité qu'il  joua  constamment  dans  les  guerres  cl 
surtout  dans  les  traités  de  paix  sous  Louis  XIV. 

Les  sept  provinces  qui  secouèrent  les  premières 
le  joug  espagnol  avaient  été  la  Hollande,  h 
Zélandc,  la  Gueidre  avec  le  comté  de  Zutphen,  Is 
Frise  qui  comprenait  les  Ommelandes ,  l'Orer- 
Yssel  j  la  seigneurie  d'Utrccht  et  celle  de  Gro- 


—  CHAPITRE  s%x.  —  Il 

DÏngiie.  Le  sn'gnal  de  l'insurrcclion  fui  In  Icnlalivo 
lailc  par  Philippe  11  pour  implanter  le  Saint-Ollice 
dans  les  Pays-Bas.  Une  partie  des  calliuliques  du 
ItrabanI ,  (]ui  n'en  voulaient  pas  d'avantage  que  les 
protestnns  des  provinces  du  Nord,  entrèrent  dans 
la  Ponféd^Talion  et  conclurent,  en  1566,  h  Ger- 
Iruydemberg  la  ligue  des  Cucu.r,  nom  que  leur 
avaient  donné  leurs  ennemis  et  dont  ils  se  firent  un 
litre  d^honneur.  Ce  fut  encore  ainsi  qu'en  1830,  le 
parti  libéral  et  le  parti  catholique  firent  alliance  pour 
renverser  la  monarcliie  de  la  maison  d'Orange. 
En   1568,    l'Inquisition   de   Madrid   porta  une 

kientcnce  qui  proscrivait  en  masse  tous  les  peuples 
4es  Pays-Bas  qui  ne  voulaient  pas  d'elle.  Celte  sen- 
lence  fui  confirmée  par  un  èdil  de  Philippe  11 , 
du  mois  de  février ,  qui  déclarait  tous  les  Belges 
criminels  de   lèse  -  majesté   avec  contiscation  de 

^ corps  et  de  biens,  sans  distinction  de  proleslans 
«t  de  catholiques.  C'est  là  un  exemple  unique  do 
loiile  une  grande  nation  condamnée  à  mort  par 
'  ira  Bcul  arrcl.  On  ne  vit  rien  de  semblable  dans 
les  vengeances  de  Sylla  et  d'Auguste  ,  dans  les 
caprices  de  Néron  ni  dans  les  saturnales  de  1793. 
Philippe  U  dépêcha  aux  révoltés,  pour  mettre 
ion  édit  à  exécution  ,  le  farouche  duc  d'Albe  , 
•Sgne  exécuteur  de  pareilles  œuvres.  Celui-ci  dé- 
buta dans  son  gouvernement  par  le  supj>licc  de» 


12  ^  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

comtes  dTgmont  et  de  Hom.  Ce  nonstre  s^esl 
lui-même  vanté  d'avoir  fait  périr  dix-huit  mille 
personnes  par  la  main  du  bourreau  ,  et  d'avoir 
élevé  les  confiscations  pour  chaque  année,  k  la 
somme  de  huit  millions  d'or.  Ces  mesures  acerbes 
eurent  pour  ce  pays  le  même  résultat  que  produisit 
en  France  la  révocation  de  l'édit  de  Nantes.  L'iiH 
dustrie  et  le  commerce  des  Pays-Bas  se  réfugièrent 
en  Angleterre  ,  où  la  politique  d'Elisabeth  leur 
ménagea  le  plus  favorable  accueil. 

Philippe  II  envoya  ensuite  aux  Flamands  soa 
frère  bâtard  Dom  Juan  d'Autriclie,  pour  succéder 
au  duc  d'Albe  qui,  las  de  massacrer,  avait  lui^ 
même  sollicité  son  rappel.  Le  nouveau  gouveraeur 
avait  ordre  d'essayer  les  voies  de  la  douceur, 
puisque  celles  de  la  rigueur  réussissaient  si  mal 
Mais  celui-ci  entré  en  Belgique  sous  la  peau  de 
l'agneau,  la  quitta  bientôt  pour  celle  du  renard 
et  y  ajouta  même  les  griffes  du  hon.  Il  s'appuyait 
sur  les  Guises  de  France ,  et  les  insurgés  travail* 
laicnt  de  leur  côté  à  s'assurer  le  patronage  d'Eli* 
sabeth.  Dom  Juan  ,  après  avoir  remis  en  pratique 
le  système  de  proscriptions  du  duc  d^Albe ,  fut 
proscrit  à  son  tour  par  les  Etats  de  Flandre  réunis 
è  Bruxelles  en  décembre  1577.  Enfin,  l'admini^ 
tralion  prudemment  paternelle  d'Alexandre  Far- 
nése ,  duc  de  Parme  ,  qui  succéda  à  Dom  JuaU} 


-  MArlTIIF    T«.  —  13 

hnri  en  1^78,  permit  au\  Flnmamls  de  renpirer. 

ivcau  gCMiviTneiir  r^issil ,  h  forre  (l'ndrrssc, 

l^  (Iflaclier  »l<'  In  conr^di-rnlion  les  pruvinees  mé- 

dioiinlrs  qu'il  ciiiisfrvn  nitixi  ii  l'p.xpngnc  ;  ri  il 

Ulul    loiitc    l'Iiubileté   du    pritu-f    d'Ornogc    pour 

ftintenir  l'indtpcndancc  dcn  icpt  provinces  dti 

ord,  f]ui  pemiitcrenl  h  la  di'rfi-ndre  et  pnHcrent 

■  bases  de  leur  nouvel  Fini  dons  la  célèbre  union 

ÉTlrecIrt,  en  1579. 

I^!9   Etals  de  [lollande  ,    vainr|uetin  en  toulca 

renconlres  des  armes  de  IT^pagne,  bc  firent  tlf-C- 

nitiTeinent  reiH^nonitre  par  le  traita  de  Munster , 

en  1648.  La  poswssinn  de  l'Artois  r<:uni  au  eomli 

de  Flandre  par  les  ducs  de  Bourgogne,  puia  con- 

^mXpûs  par  Louis  XI  d'abord,  et  ensuite  par  Louis  AIM, 

^■rt  misai  conGmiéc  k  la  France,    en    1659,  par 

Hl  traita  des  Pyrénées  (»34). 

^^  Il  n'est  pas  de  nations  en  Europe,  si  l'on  en 
excepte  l'Espagne  ,  qui  ce  soient  montrées  aussi 
roDsIamment  fidèles  à  leurs  anciennes  tnu^urs  que 
tes  peuples  de»  Pays-BiiB.  Tels  ils  ont  été ,  tels 
Lmi  les  retrouve  toujours.  Impatiens  de  toute  espèce 
Hdejoug,  ardeiis  zélateurs  de  l'indépendanee  et  de 
Ta  liberté ,  on  leur  a  fait  depuis  long-temps  une 
renommée  il'insuumissinn  cl  mémo  de  légérclé  qui 
I  n'a  rien  de  réel  ;    car   leurs   fréquente* 


14  —  HISTOIRE  DBS  DiniLS.  — 

révolutions  peuvent  s^eipliquer  par  ce  trait  saillint 
de  leur  immuable  caractère ,  qui  consiste  à  ne  rien 
tolérer  de  ce  qui  peut  blesser  leurs  principes, 
froisser  leurs  préjugés ,  compromettre  leurs  in- 
térêts collectifs  et  individuels,  ou  troubler  seule- 
ment leur  bien-être. 

Le  Flamand  est  un  peuple  pour  ainsi  dire  tout 
neuf  encore.  La  servitude  féodale  du  mojren  Age 
ne  lui  a  pas  fait  sentir  comme  partout  ailleurs  set 
plus  rudes  étreintes.  La  suprématie  des  souverains, 
tels  que  les  Forestiers  et  les  Comtes  n^y  fut  pas, 
comme  en  France ,  un  étemel  sujet  de  disputes 
et  de  rivalités  de  la  part  des  grands  vassaux.  Lo 
donjons  y  jouèrent  toujours  un  bien  moindre  rôle. 
Les  guerres  privées  y  furent  rares  ;  elles  ont  été 
remplacées  par  de  longues  guerres  civiles ,  notam- 
ment par  celle  qui  eut  pour  chef,  au  quatonième 
siècle ,  le  brasseur  Arlcvelle ,  et  par  la  grande  lutte 
pour  Findépendance  hollandaise  qui  dura  prèsd*uQ 
siècle ,  et  ne  fut  aussi  h  proprement  parler  qu'une 
guerre  civile ,  comme  Pavaient  été  les  guerres  de 
France  sous  Charles  VI  et  Charles  VU  pour  Tex- 
pulsion  des  Anglais  du  territoire  (335). 

L'Aristocratie  Belge  n^a  jamais  séparé  ses  intérêts 
politiques  de  ceux  de  la  Démocratie.  Jamais  Tune 
n'a  cherché  h  exclure  l'autre  de  la  juste  part  d'in- 
fluence qui  peut  lui  appartenir  dans  le  gouTer- 


—  CHAPITUF,  TXT.—  15 

rt>Rt.  Du  moina ,  si  de  telles  prélenlions  ont 
fu  ^Irc  tievixa  quelque  fois,  coniinc  aux  lrtnp« 
'des  deux  Artcvellc  cl  dcH  Van  iter  Mentch,  ellca 
farent  le  résidlnt  de  l'eiTervescencc  du  momcnl , 
lis  n'ont  jamais  pris  racine  duns  kg  esprits.  I^ 
luvoir  monarchique  n'ayant  point  de  rivaux , 
'avait  aucun  inItrA  à  semer  la  discorde  entre  le 
peuple  et  les  nobles,  pour  profiler  de  leura  divi- 
ûons  d  les  aflaiblir  lea  uns  pur  lei  autres.  Les  Piijs- 
Bas  ne  connurent  ni  de  Louis  XI ,  ni  de  Ricliclicu  ; 
S»  n'eurent  pas  à  subir  ensuite ,  comme  la  rraiice 
de  Louis  XIV  et  de  Louis  XV ,  le  despotisme  du 
sabre  et  celui  des  oiattrcBscs.  La  réaction  du  servage 
fÉodal  ou  des  privilèges  liumiliaiis  qui  hii  suc- 
cédèrent, n'ayant  pas  eu  lieu  de  s'y  faire  sentir, 
OD  ne  vit  éclater  ni  ces  prorondes  divisions ,  ni 
CCS  haines  invdÎT^es ,  ni  ce  duel  acharné  des  deux 
pouToin  patricien  et  plébéien  qui  ont  déchiré  n 
cruellement  la  France ,  surtout  depuis  l'émigration 
de  1760. 

Le  clergé  belge  ,  n'ayant  pus  eu  h  prendre  parti 
dans  une  telle  lutte ,  ne  s'est  pas  trouvé  froissé 
ir  ce  dangereux  cotilacl.  Il  a  conservé  sur  le 
iple  toute  son  influence  primitive  en  ne  parais- 
Miil  jamais  »épurer  ses  intérêts  des  siens.  Aussi ,  <.% 
fui  toujours  un  n'ile  a'iif  et  principal  qu'on  lui 
■  va  jouor  dans  les  révolutions  du  pays.  11  ;  a 


■peu] 
'  «aiil 


16  — -msToniE  des  duels*-» 

même  plus  d^une  fois  exercé  une  influéncfe  dim 
gcanle,  notamment  lors  du  Pairioù'sme  de  1789, 
par  Tentremise  des  Van  der  Mersch  ,  dès  Van 
der  Nolt  et  du  moine  Van  Eupen ,  qui  formèrent 
k  triumvirat  de  cette  courte  insurrection.  Celle 
influence  s^cst  signalée  d'une  manière  plus  re* 
marquable  encore  dans  la  dernière  réTolution 
de   1830. 

La  physionomie  de  ces  divers  éTénemeiis 
est  constamment  la  même ,  et  Tesprit  flamand  s'y 
montre  avec  sa  perpétuelle  immobilité.  Cet  esprk 
semble  avoir  conservé  Timpression  du  caractère 
particulier  des  dififérens  peuples  auxquels  la  Bel- 
gique fut  incorporée.  On  y  remarque  un  mélange 
de  la  fierté  castillane  avec  son  égoïsme ,  ses  haines 
et  ses  préjugés  nationaux ,  du  phlegikie  autrichien 
avec  sa  franchise  et  sa  bonhomie  ^  de  Pimpétuonté 
française  avec  quelques  dispositions  à  Toutrecui-* 
dance  et  Firréflexion.  Tels  étaient  les  Belges,  en 
1336 ,  sous  Jacques  Artevelle ,  puis  sous  Philippe, 
son  (ils,  en  1382;  tels  ils  furent,  en  1586,  sous 
Guillaume  de  1\  assau  ;  tels  ils  étaient  encore  en 
1789  et  en  1830.  I/insurrection  de  1866  eut  pour 
cause  principale  Tctablisscment  de  Tlnquisition  ; 
celle  (le  1789  ,  la  suppression  des  couvens  par 
Jof»eph  II;  celle  de  1830,  la  proscription  de  ren- 
seignement catholique  et  Texclusion  à-peu-préf 


—  CrilMTRE  -xw.—  17 

BOmitWte  du  clergé-  de  loule  ïiarlicipnlion  k  l'ins- 
u-tioii  publique  (336). 

Comme  l'esprit  de  cosle  fut  loujours  /trnnger 
%  tous  CCS  mouvcmcns ,  ils  furent  bien  loin  d'ùclatcr 
tnev.  ce  caractère  d'acharnement  brûlai  qui  a  plus 
^UDC  fois  rouvert  la  France  de  sang  et  de  ruines. 
Dn  ne  connaît  en  Belgique  ni  les  proscriptions,  ni 
»  conflsca lions  en  masse,  cet  actif  aliment  des 
ïvululions.  {■ne  révolte  chez  noa  voisins  ,  cVst 
t  coup  de  boutoir  du  sanglier.  L'émeute  lue  en 
'nnre ,  en  Belgique  elle  pille  et  dévaste, 
t  II  n'y  a  nulle  comparaison  «i  faire  entre  les  ré- 
volutions de  ce  pays  et  les  niMres  ,  parce  qu'il 
n'existe  oucunc  similitude  entre  les  partis  qui  s'y 
disputent  l'influence  et  le  pouvoir.  Quant  aux  sym- 
pathies de  son  gouvernement ,  elles  n'ont  d'autre 
voleur  que  ccfle  des  protocoles  diplomatiques. 

J'ai  cru  devoir  entrer  dans  ces  détails  pour 
l'intelligence  de  ce  qui  va  suivre ,  les  époques  où  la 
Belgique  a  éprouvé  toutes  ces  vicissitudes  étant 
cellca  où  se  rencontrent  les  principaux  exemples 
de  duels  que  je  vais  avoir  Ii  <,ilcr.  Par  les  mêmes 
motifs  ,  je  réunis  ici  les  faits  de  ce  genre  qui  se 
uni  passés  en  Artois  et  dans  les  parties  françaises 
de  la  Flandre  et  du  Hainaut ,  à  l'époque  oit  ces 
provinces  étaient  une  dépendance  des  Pays-Bas 
Is  et  autrichiens. 

2 


1 


18  —  mSTOIRB  DBS   DUELS.  ~ 

Il  n^y  a  aucune  différence  à  signaler  entre  kt 
Pays- Ras  et  les  autres  contrées  occidentales  de 
TEurope ,  pour  Torigine ,  les  progrès  et  la  cessatioD 
des  duels  juridiques  du  moyen  âge.  Tout  ce  qui 
a  été  dit  pour  la  France ,  tout  ce  qui  le  sera  pour 
rAUemagnc  est  appliquable  à  cette  contrée  qui, 
sous  le  nom  de  Gaule-Belgique  et  de  BataTÎe,  le 
trouva  long-temps  partagée  entre  ces  deux  grandes 
divisions  territoriales,  position  funeste  qui,  dam 
les  guerres  anciennes  et  modernes ,  lui  valut  le 
triste  honneur  de  servir  de  champ  de  bataille  à 
ses  trop  puissans  voisins.  Comme  celui  de  h 
riante  Parthenope  ,  le  sol  si  riche  de  la  fertile 
Belgique ,  se  trouve  périodiquement  sillonné  par 
la  lave  dévorante  d^un  volcan  plus  dévastateur  que 
le  Vésuve. 

Les  combats  judiciaires  dans  les  Pays-Bas  peu* 
vent  seulement  offrir  quelques  circonstances  spè- 
ciales  où  Ton  verra  se  refléter  la  nuance  particulière 
qui  distingue  le  caractère  de  nos  voisins.  L^exem- 
ple  suivant  peut  témoigner  de  Tesprit  religieux 
quelquefois  poussé  jusqu^à  la  superstition ,  qui 
régnait  chez  eux  au  moyen  Age. 

On  trouve  dans  VHistoi/^  latine  de  PAbbaye  de 
Cambron  en  Hainaut,  à  la  date  de  1322,  le  long 
et  curieux  récit  d^un  duel  entre  Jean-le-Flamend 
et  im  Juif  nommé  Guillaume  qu^on  avait  cru  cou- 


{ 


—  rWAPITIlE  XTT.  —  19 

verti  BU  clipislîanisinc ,  et  qui  ùlail  accusé  dWoir 
propliané  une  image  de  la  Vierge,  placée  dans 
l'iglisc  de  l'Abbaye. 

Suivant  la  légende,  la  Vierge  de  Cambron  étanl 
nppanie  en  songe  à  Jcan-le-Flamcnd ,  vieux  char- 
pentier des  environs,  lui  avait  révélé  l'insulte  faite 
à  son  image ,  et  lui  avait  dit  qu'il  vengeant  la  vilenie 
H  le  ilexpit  (fue  li  faux  converti  ti  a\'alt  fait.  Sur 
»pioi  le  nouveau  clicvalicr  de  In  Vierge  Marie  s'ache- 
mina aussitôt  vers  l'abbaye ,  et  étant  entré  dans 
réglisc ,  il  reconnut  en  effet  sur  Timage  de  Notre- 
Dame  la  trace  de  cinq  plaies  faites  avec  un  fer 
de  lance.  La  légende  ajoute  même  que  le  sang 
découlait. 
Le  Juif  qu'on  avait  soupçonné  d'être  l'auteur 
ce  sacrilège ,  avait  été  appliqué  &  la  question , 
ne  put  lui  arracher  aucun  aveu.  Jean-le- 
lend  ayant  fait  part  de  sa  vision  à  l'abbé  de 
itnbron  ,  celui  -  ci  lui  persuada  que  la  volonté 
<4e  la  Vierge  était  qu'il  appelAt  le  Juif  en  champ 
clos,  f'a,  lui  dit -il,  digne  champion ,  fais  lui 
sauter  la  cervelle  et  coupe  lui  la  trie.  Le  combat  eut 
lieu  et  le  vœu  de  l'énergique  abbé  fut  accompli  par 
Il  vidoirc  de  Jean-le-Flamend  qui  combattait, 
tjoulc  rhîsloire ,  avec  la  protection  visible  du 
Tria-Haul ,  divind  coopérante  gratid.  Cet  événe- 
ncnl  fui  célébré   par  une   espèce   d'iiëroîde   ea 


I 


20  —  mSTOlBB  DES  DCK|f9-  — 

TraDcais  demi  wallon  j  dont  cliaque  strophe  sert 
de  texte  au  récit.  Ilisior.  Camberon.  Luteiiœ  1672* 
Lib.  I y  Cap.  15  et  seq.  (337). 

Outre  V Histoire  de  TÀbbaye  de  Cambron,  nous 
avons  encore,  pour  garant  de  ce  duel  qui  peint 
si  bien  les  mœurs  belges  de  Tépoque,  une  espèct 
de  Mémoire  en  forme  d^ayis  ou  consultation  sur 
la  pratique  des  combats  singuliers ,  dont  Tauteor 
est  Jean  de  VilUers,  seigneur  de  risle-Adaaii 
chambellan  de  Philippe-le-6on  y  duc  de  Bourgogne 
et  maréclial  de  France,  u  Le  vieux  Charpentier, 
dil-il ,  combattit  un  Juif  qui  avait  donné  à  Timage 
de  N.-D.  de  Ckmbron  un  coup  de  lance  dont 
le  sang  jaillit  au  front.  Le  vieux  Charpentier  en 
accusa  le  Juif  qui  était  un  beau  jeune  homm«  et 
puissant,  et  Tabattit  à  Fescu  et  au  baston,  et  bit 
le  Juif  pendu  au  gibet  entre  deux  chiens ,  comm 
c'est  la  coutume»  » 

£n  1406,  Guillaume  YI,  comte  de  Hollande  d 
de  Hainaut,  autorisa  un  combat  judiciaire  que  n^ 
porte  en  ces  termes  Jean4e-Petit  en  sa  ChroniquSm 
ce  Au  dit  an,  il  y  eut  une  querelle  entre  deux  gentils» 
hommes  de  Hainaut ,  Tun  accusant  Tautre  d^avoir 
tué  son  parent.  Là-dessus ,  le  comte  Guillaume  leur 
octroya  le  combat  en  la  ville  du  Quesnoy.  Le 
vaincu,  obligé  d^avouer  le  fait,  a  été  condamné  pir 
le  Comte  à  être  décapité  comme  criminel ,  ce  qui 


i 


21 


Ibt  promplcment  es^nilé.  »    Cfuvn.  des   Piw.- 
Unics.  Tant.  I,  pag.  337,  Dordivchl  1601. 

<(  Fn  Tautif-e  1358,  dît  Simon  Lcboucq ,  le 
second  vendredi  après  la  Chandetciise  fut  faict  un 
camp  à  oultraoclie  sur  le  marclK^  de  Valcntienne 
entre  Jean  le  Brisscur  de  llaussy  (jui  appela  Jalce- 
marl  de  Berry  de  paix  brisict  d'ung  sien  Trèro  que 
rassaillanl  dtsoit  que  le  tKfeadeur  avoit  occis , 
et  fui  le  dit  de  Berry  vaincu  et  bouté  hors  des 
Ijfhcs  par  le  susdit  Le  Brisscur,  et  lors  les  preuvost 
jurés  et  csclieviua  en  feirenl  jtiBtlce ,  et  ordon- 
m-irnt  Irnîuer  au  relieur  iccluy  de  ISerry,  comme 
■leurdrier  ».    Jiiu't/.  (le  Vuluiit.  Mi.  autogr.  i/e 

rimbrai.  Tem.  I^pts- 128. 
L«  16  février  1375,  il  y  eut  encore  un  autre 
eombal  dana  la  mi'me  ville  entre  Jnkemart  de 
Le  Cappiellc  et  Jean  llciino<[itin  <]iii  avait  tu6  sa 
jnopre  femme.  L'affaire  Cul  lermiu^e  par  une  tran- 
■etîen.  LectAY.  Duels  juiiîc.  du  ^ord  de  la  Fr. 
^  Mais  te  plua  remarquatitc  de  tous  ces  combats 
Hns  la  province  du  llainaut,f 'est  celui  doutValcD- 
■eones  »  eocore  ^lù  le  théâtre  en  1455.  II  csl  rap- 
'^rté  par  un  asscs  grand  nombre  d^crivains.  Les 
chroniqueurs  originaux  sont  Matliicu  de  Goucy 
rt  Olivier  de  La  Marche,  oontemporaiMs  de  l'évinc- 
ail.  On  en  trouve  également  les  délHils  dans  kf 
uvres  de  Draaiûme  cl  de  La  C^Iombiérc ,  dnii-" 


i 


22  —  HISTOIBE   DES   DUBLt. — 

\t% Antiquités  de  Simon  Leboucq  et  éuaVHistoin 
de  Falcnciennes  de  Henri  d^OuItreman,  publiée 
à  Douai  en  1650 ,  par  son  fils  Pierre  â'Oullreman. 

Ce  combat  eut  lieu  en  vertu  d^uitë  ancienne 
franchise  concédée  par  des  chartes  impériales ,  et 
qu'Ohvier  de  La  Marche  définit  ainsi  :  «  Quand 
un  homme  en  a  occis  un  autre  de  beau  faici ,  c^esft- 
à-dire  en  son  corps  defiendant ,  il  peut  yenir  de* 
mander  la  franchise  de  Yalenciennes ,  et  quMl  Teut 
maintenir  à  Tescu  et  au  batton  qu^il  a  faict  k 
meurtre  de  beau  faict.  Sur  ce ,  luy  est  accordée  la 
franchise  et  ne  luy  peult  nul  rien  demander  pour 
ceste  querelle ,  sinon  qu^on  le  maintienne  à  Fescu 
et  au  batton ,  comme  dit  est ,  devant  la  loy  de  la 
ville.  »  11  arriva  qu^au  commencement  de  1495, 
un  nommé  Mahuot  Cocquel,  tailleur  d^habits,  viot 
se  réfugier  dans  la  ville  privilégiée ,  après  avoir 
tué  Philippe  Du  Gardin,  bourgeois  de  Tournai, 
qui  lui  avait  refusé  sa  fille  en  mariage.  Jacotin 
Plouvier ,  parent  du  défunt ,  ayant  découvert  sa 
retraite,  se  présenta  devant  les  magistrats  et  Paccusa 
f(  d'avoir  faussement  et  traîtreusement  meurdri  Du 
Gardin  ,  d^aguét  et  de  faict  appensé  sans  eau» 
raisonnable.  »  Les  deux  champions  furent  aussitôt 
mis  en  prison  ,  et  on  leur  donna  un  breton  i 
chacun  pour  leur  apprendre  le  tour  de  combaure, 

L^ouverture  du  champ  clos  fut  différée  jusqu^tu 


—  ciUPiTRE  sxx.  —  23 

USO  mai  1455,  le  duc  de  Bourgogne,  Philippc-Ie- 

tn  ,  et  son  fîlg  le  duc  de  Charolais ,  ayant  mani- 
lé  l'intenlion  d'y  assister.  Les  deux  princes  s'y 
Irouvéreiit  en  eflel  accompagnés  (l'une  suite  nom- 
breuse. Une  triple  enceinte  fut  élevée  sur  la  place 
du  marché.  Dans  le  parc  du  milieu,  on  aTait  ré- 
pandu une  couche  épaisse  de  sable  ;  c'était  1^  que 
les  cliumpious  devaient  se  battre.  Le  second  parc 
était  destiné  aux  previjt ,  jurés  et  échevins  et  à 
plusieurs  seigneurs  de  raartjuc.  Le  troisième  devait 
recevoir  les  chevaliers,  écuyers,  notables  bourgeois 
|fk  autres  jus<[u 'au  nombre  de  trois  cents.  Les  trois 
teru  de  la  ville  étaient  rangés  te  long  des 
îcades  qui  garantissaient  rhàtel-de-villc. 
y  Vers  neuf  heures  du  matin  ,  les  cliampiuns  ap- 
parurent dans  la  bce.  Ils  avaient  les  cheveux  rasés 
et  étaient  vt'ius  de  petits  pourpoints  de  basane  qui 
ir  serraient  le  coqis.  Jacolin  l'iouvier,  appelant, 
enlra  le  premier  ,  accompagné  de  son  bivlon  et 
d'un  autre  homme  portant  son  éeu  dans  ud  sac. 
En  etitranl  au  parc ,  il  lit  plusieurs  signes  de  croix 
et  alla  s'asseoir  sur  un  siège  couvert  de  drap  noir 
qui  lui  était  préparé.  Mahuot  Cocquel  vint  ensuite 
accompagné  de  ta  même  manière.  Etant  entré  dans 
la  lice ,  il  se  mît  k  genoux  ,  et  fiiisaut  le  signe  de  la 
croix  ,  baisa  la  terre  ;  puis  alla  en  faire  autant  au\ 
quatre  coins  du  parc  ;  après  quui  il  se  plar-a  comme 


24  —  HISTOIRE  DES   DUBL&. — 

Jacolin  sur  son  siège  de  drap  noir.  Le  magistnl 
vint  alors  recevoir  le  serment  des  champions. 
Jacotin  prit  le  livre  des  évangiles,  le  baisa  el  mettanl 
la  main  dessus ,  jura  que  sa  querelle  était  juste. 
Mahuot  Ct  le  même  devoir ,  ajoutant  que  Jacotia 
était  un  faux  el  vilain  menteur;  mais  voulant  baiser 

de  rechef  Tévangile ,  on  le  vit  changer  de  couleur 

• 

et  devenir  très-pale.  Alors  on  fit  oindre  leurs  habits 

de  graisse  depuis  la  tète  jusqu^aux  pieds,  afin  qu^ib 

ne  donnassent  point  de  prise  et  on  leur  frotta  les 

mains  avec  de  la  cendre  pour  que  le  bâton  ne  glissât 

pas  dans  leurs  poings.  Ensuite  on  leur  apporta  à 

manger  dans  deux  tasses  d^argent ,  et  afin  qu^ib 

fussent  certains  qu^il  n^y  avait  ni  poison  ni  maléficei 

on  fit  devant  eux  Tcssai  de  ces  alimens.  On  leur  mit 

à  chacun  dans  la  bouche  un  morceau  de  sucre  du 

même  poids,  de  peur  que  la  chaleur  ne  leur  des* 

séchât  le  gosier.  Cela  fait,  on  les  arma  de  bâtons 

noueux  parfaitement  égaux   en  longueur  et  en 

poids ,  et  de  deux  écus  peints  en  rouge  ;  mais  ib 

devaient  les  porter  la  pointe  en  haut ,  pour  marquer 

qu'ils  n^étaient  pas  gens  nobles. 

Le  prévôt  de  la  ville,  messire  Melchior  Du  GardiOi 
se  mit  alors  à  Tentrée  du  parc,  et  jetant  le  gant  de 
Jacotin ,  il  dit  à  haute  voix  et  par  trois  repriseS| 
faites  'votre  de\^ii\  A  ce  cri ,  les  chanq>ions  mar- 
chèrent Tun  contre  l'autre.  Mahuot  débuta  par 


—  ciunTBf:  \\i.—  sa 

du  uLtlc  dans  les  yeux  du  Mta  udveraairfi , 
le  fra{i(»aiit  eu  même  ttmpit  ilc  son  liâltin ,  îl 
fil  uiic  large  pluie  ii  \a  lî-lc.  Jurotiii ,  sans  perdre 
>nlciioiice  ,  Hc  rue  ii  soit  tnur  sur  Mahuot ,   lui 
Buii  éru  et  le  Icrriuisc;  MAlutot  se  relève, 
est  lerrassé  de  douvcbu.  Jacolîn  adiamé  alon 
sa  proie ,  se  mit  à  lui  verser  du  sable  dans  les 
'jeux  ,  à  lui  mordre  les  oreilles,  h  lui  meurtrir 
lace  i  coups  de  poings.  Philippe-!e-Bt>n ,  qui 
a>olcmplait  ce  hideux  spectacle  ii  travers  les  ja- 
lousies de  sa  fcndtrc  et  qui  entendait  les  tamcn- 
lables  cris  de  Mahuot  Cocquel ,   en  eut  pitié.  0 
envoya  un  de  ses  ofBcicrs  demander  au  magistrat 
s'il  D'^tait  pai  possible  de  recevoir  ce  malheureux 
à  merci  et  de  lui  donner  la  vie  sauve.  Le  magistral 
fut  inflexible ,  alléguant  les  privilèges  de  la  ville. 
CcpcDdanI  Jacolin   continuait  de  torturer  son 
adversaire.  Après  lui  avoir  enlevé  plusieurs  lam- 
beaux de  chair  avec  les  dents  et  les  ongles ,  voyant 
que  aea  hurlcrocns  commençaient  h  attendrir  la 
llilude ,  il  lui  enfonça   des   poignées  de  nb\é 
is  la  bouche  et  lui  tourna  la  face  contre  terre  ; 
ce  qu'il  ne  put  taire  sans  perdre   un  doigt  que 
Alaliuot  lui  coupa  avec  les  dents.  Celte  mutilatiun 
augmenta  la  fureur  de  Jacotin  qui  rompît  le  brus 
et  l'échiné  de  son  ennemi ,  en  sautant  Ji  pieds  joints 
■ur  lui  et  eu  lui  vriaot  :  Hends-toi  donc,  UwOv, 


que 

^Mull 
féant 


26  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

meiirdiier,  et  confesse  lefaict;  comtois,  traitn, 
cannois  que  tu  as  meurdri  mon  parattm  A  quoi 
MahuoI  répondit  enfin  :  Je  le  confesse.  —  PaAt 
Jiauty  traître,  s^écrie  JacoUn,  afin  que  F  on  puisse 
t* entendre.  —  Je  loi  fait,  je  V ai  fait,  dil  Mahuot  ; 
et  se  tournant  vers  la  maison  où  était  le  duc  : 
O  Monseigneur  de  Bourgogne,  je  "vous  ai  si  ton 
senà  en  voire  guerre  de  Gand!.,*  6  Monseigneur, 
je  vous  prie  merchi,  pour  Dieu...  sauvez-moi  k 
ofieî  Le  duc  avait  le  cœur  déchiré;  il  envoya dt 
rechef  supplier  le  magistrat  d'accorder  la  vie  à  cet 
homme ,  ou  du  moins  la  sépulture  en  terre  sainte. 
U  n^ obtint  ni  Tun  ni  Tautre  ,  parce  qu^il&Jlail, 
répondit-on,  que  la  loi  s'accomplit  en  tous  points. 
Jacotin  acheva  alors  son  adversaire  en  lui  assénant 
quatre  coups  de  bâton  sur  la  tète ,  puis  le  tirant  par 
les  pieds,  il  le  tratna  hors  du  parc.  On  le  croyait 
mort  ;  mais  après  quelques  instans ,  il  reprit  ânes 
connaissance  pour  être  confessé  par  un  père  canne 
et  pour  réciter,  dit  Simon  Leboucq,  sa  créanes 
bien  et  intelligiblement.  Il  but  ensuite  quelques 
verres  de  vin ,  pardonna  sa  mort  à  Jacotin  Ploutier 
et  expira. 

Durant  ce  temps ,  le  magistrat  montait  en  la 
chambre  du  jugement,  où  il  donna  sentence  contre 
le  vaincu  qui  fui  condamné  à  être  pendu  et  étranglé, 
comme  meurtrier  ;  ce  qui  fut  aussitôt  publié  i  la 


ht-ettiiquc  et  exécuté  pur  le  bourreau  qui  traîna 
le  cadavre  sur  une  claie  cl  le  conduisit  au  roUeiu; 
Jacotin  Plauvicr  se  présenta  au  magistrat  pour 
lui  demander  s'il  avait  bien  fait  son  devoir.  Le 
prcAÛt  lui  répondit  qu'oui ,  qu'il  pouvait  se  retirer 
où  bon  lui  semblait  et  que  jamais  il  ne  serait  re- 
cherché pour  ce  Tait.  En  sortant  de  l'hûtel-de- ville, 
il  trouva  Mathieu  Charlon,  son  breton,  qui  l'em- 
brassa el  le  conduisit  en  l'église  de  Nolre-Dame-Ia- 
Grande  où  ils  firent  offrande  d'un  c/timn  très- 
pesant.  Quand  il  eut  accompli  ces  devoirs  religieux, 
Jacotin  retournai  l'hùtel-dc-viUe  où  il  se  dépouilla 
J^  ses  habits  de  bataille  ,  et  reprit  ses  vétemens 
liiuires.  Mcssire  Sansc  de  Lalaing  l'hébergea 
sieurs  jours  en  son  hiUcl.  Les  écus,  bâtons  et 
[es  des  champions  furent  placés  dans  la  châ- 
le de  la  maison  écheviifale ,  et  depuis ,  on  les 
tq>endil  derrière  le  siège  du  magistrat ,  dans  la 
Te  du  jugement.  Enfin,  plus  lard  ils  furent 
tés  dans  le  local  où  se  donnait  la  (Question ,  et  où 
ion  Leboucq  déclare  les  avoir  vus  de  son  temps, 
fier  de  La  Marche ,  page  de  Philippe-lc-Iiun  el 
uile  capitaine  des  gardes  de  son  lils,  Charles-le- 
néraire  ,  assistait  avec  ces  deux  princes  à  celte 
tmonie  dont  les  principaux  détails  sont  tirés  de 
JHémoùvs  (338). 
^C'est  il  la  porte  du  moyen  âge  rjue  se  rencontre 


I 


28  «^  HISTOIRE  mS  DUBU.  -* 

ce  hideux  combat.  Geai  un  dernier  effort,  e*ci 
presque  un  fruit  posthume  de  la  Barbarie.  On  w 
voyait  plus  rien  de  pareil  en  France  depuis  lon^ 
temps ,  si  même  il  y  eut  jamais  quelque  chose  qu^sa 
puisse  y  comparer,  f^.  la  note  129. 

Vers  le  milieu  du  14.®  siècle  et  le  commea^ 
cément  du  16.* ,  le  duel  en  Belgique ,  comme  ptr* 
tout  ailleurs  ,  était  à  son  apogée.  La  cmitagioB 
avait  gagné  toutes  les  classes  y  depuis  les  dw' 
pentiers  qui  se  battaient  pour  la  Vierge  Marie  i 
les  tailleurs  qui  s^assommaient  en  Thonneurdei 
privilèges  de  Yalenciennes,  jusqu^aux  princes  soih 
verains  qui  faisaient  entr^eux  échanges  de  carieh 
accompagnés  de  force  démentis. 

Philippe  de  Valois  avait  provoqué  Edouard  ID 
d'Angleterre  ,  qui  s^était  laissé  proclamer  roi  de 
France  par  le  brasseur  Artevelle  (389) . 

En  1402  et  1403,  Louis,  duc  d'Orléans,  fli 
de  Charles  V ,  et  Wallerand  de  Luxend>ourg  i 
comte  de  Saint-Pol ,  faisaient  pleuvoir  nombre  de 
défis  injurieux  sur  Henri  IV  pour  son  usurpalioa 
et  sa  conduite  envers  Richard  II,  leur  parent 

Apres  la  bataille  d'Azincourt,  le  comte  d'Ar- 
magnac et  le  duc  de  Bourgogne,  Jean-sans-Peur, 
voulaient  avoir  leur  revanche  en  champ  clos  W 
Henri  V,  qui ,  prenant  au  sérieux  les  courtoisies  du 


—  cnAi-TTiiE  XXX.—  2y 

flamand  envers  son  bisaïeul  Edouard  111,  se 
it  de  fait  en  possession  de  la  couronne  de  France. 
EniJin  ,  un  d^bat  plus  sérieux  s'était  élevé,  en 
\JtSt5,  entre  Philippe-le-Bon  ,  duc  de  Hourgognc, 
te  duc  llumpbrcy  de  Gloceslcr,  frère  de  Henri  V 
règenl  d'Angleterre  pendant  la  minorité  de  son 
ï?€u  Henri  VI. 

Jacqueline  de  Bavière ,  veuve  du  Dauphin ,  fila 

I  Charles  VI,  et  épouse  en  secondes  noces  de 

lan  de  Bourgogne,  duc  de  Brabant,  s'était  fait 

riever  par  ie  duc  de  Gloceslcr  qui  l'avait  con- 

RÏle  el  épousée  en  Angleterre.  Cetle  femme  qu'on 

Ipelait  Madame  Jacqueline,   était  la  plus  belle  , 

plus  riche  et  la  plus  dissolue  princesse  de  son 

Bps.  Fitlc  unique  de  Guillaume  IV,  comte  de 

iinaut ,  de  Hollande ,  de  Zëlande  et  de  Frise , 

!•  avait  réuni ,  par  son  mariage  ,  toutes  les  pro- 

Bces  des  Pays-Bas  sous  un  seul  gouvernement, 

uf   le    comté    de   Flandre   qui   apparlenait  au 

hc  de  Bourgogne  Philippe-le~Bon ,  cousin  ger- 

de  son  mari.  S'ètant  dégoûtée  de  ce  dernier, 

Re  prit  pour  prétexte  qu'étant  sa  marraine  elle 

lie  pouvait  être  sa  femme  légitime.  «  Elle  se  croyait, 

disait-elle,  en  péché  mortel,  el  elle  tremblait  comme 

la  feuille  toutes  les  fois   que  le   duc  de  Brabant 

rttil  dans  sa  chambre.  >>  Avec  de  telles  dispo- 

'ns  elle  n'eut  pas  de  peine  à  se  laisser  débsu- 


1 


1 


^  HfSTOniB  DCS  DVtLt;  — 

cher  par  le  duc  de  Glocester.  Celui-ci  la  quiia 
bientôt  après  pour  une  autre,  et  Madame  Jac- 
queline sut  encore  trouyer  un  quatrième  mari. 

Le  duc  de  Bourgogne,  indigné  de  Taffront  lui 
h  son  cousin  Jean  de  Brabant,  envoya  un  carid 
au  duc  de  Glocester  pour  le  forcer  à  lui  rendre 
non  pas  sa  femme  ,  mais  le  Hainaut  dont  celui-d 
a^était  emparé  et  auquel  le  duc  Jean  tenait  beaucoup 
plus.  Les  deux  adversaires  s^étaient,  à  ce  sujet, 
écrit  plusieurs  lettres  qui  sont  rapportées  en  en- 
tier dans  V Histoire  des  ducs  de  Bourgogne,  ptr 
M.  de  Barante.  ce  Avec  Paide  de  Dieu ,  disait  TAii- 
glaîs ,  de  Notre-Dame  et  de  Monseigneur  Saàlt- 
Georges ,  je  vous  ferai ,  par  mon  corps  contre  le 
vAtre ,  connaître  et  confesser  que  j^ai  dit  vérité. 
Quant  au  dit  de  Brabant,  si  vous  osez  dire  iqu^ilift 
meilleur  droit  que  moi ,  je  vous  ferai  confesser  ptr 
mon  corps  contre  le  vôtre  que  j^ai  le  meilleur  droit. 
J^assigne  pour  le  camp ,  le  jour  de  la  Saint-Georges 
prochaine  ;  s^il  plait  à  Dieu ,  je  serai  prêt  et  n^ 
manquerai  pas.  » 

Il  y  a  pourtant  manqué.  Après  avoir  ainsi  prii 
jour  pour  le  combat ,  il  était  allé  faire  en  Angleterre 
ses  dernières  dispositions.  «  Le  duc  de  Boui^c^pe, 
dit  Moustrelet,  s^apprétait  de  son  côté.  Tout  habile 
qu^il  fôt  aux  joutes  et  aux  faits  d^armes,  il  selitra 
avec  ardeur  aux  exercices  de  chevalerie.  Il  manda 


—  CTIAPlmE  TîliX.—  31 

\  lui  les  maîtres  les  plus  fameux  ;  h  peine  prenait-il 
le  temps  de  s'asseoir  pour  ses  repas.  Il  avait  fait 
^labtir  une  forge  dans  son  château  il'Hesdin  ;  là  , 
snuB  SCS  yeux  on  fabriquait  toutes  sortes  d'armes  et 
<le  harnais  de  guerre,  magnifiques,  commodes  et 
de  résistance.  i> 

Mais  pendant  ce  temps-là ,  le  duc  de  Bedfort , 
qui  se  disait  ri'genl  de  France  pour  Henri  VI , 
Vippliquait  h  réparer  le  coup  de  ifte  de  son  frère. 
Il  convoque  à  Paris  une  assemblée  de  prélats , 
comtes ,  barons ,  docteurs  et  licenciés  en  droit  civil 
et  canonique ,  et  leur  fait  décréter  que  te  cartel 
est  nul  et  qu'il  n'écket  gage. 

Le  pape  Martin  V  avait ,  à  l'occasion  de  ce  défi , 
adrnsè  k  l'Empereur  et  aux  Princes  chrétiens ,  une 
lettre  Irës-pressante  qui  sans  doute  ne  fut  pas  étrati- 
géte  k  ce  pacifique  résultat.  On  y  remarque  le» 
passages  suivans  :  x  Nous  avons  appris  avec  douleur 
'a  convention  scélérate  qu'ont  faite  cntr'eux  nos 
chers  fiU ,  les  ducs  Philippe  de  Doiirgogne  et  Hum- 
phrey  de  Glocesler,  d'entrer  en  champ  clos  pour  se 
"Itre  en  duel ,  et  ce  par  l'instigation  de  Satan  qui , 
Mn  conteiit  du  sang  des  peuples  cl  des  princes, 
'Wt  encore  dévorer  leurs  âmes —  Nous  vous 
puons  par  les  entrailles  de  la  divine  miséricorde 
•*le  sang  de  N,  S.  J.-C. ,  et  nous  vous  défendons 
(■^élroîtement  d'accorder  sur  vos  terres  aucune 


I 


—  fiMToniE  DIS  mnsiitf.*- 

place  à  aucun  de  ces  ducs  pour  un  ausn  chnI 
combat. . .  Nous  irons  ordonnons  au  contraire,  pour 
riionnenr  du  nom  chrétien ,  de  faire  TOtre  potrible 
afin  de  les  réconcilier,  etc. ,  etc....  »  Cette  kltrecA 
datée  de  Rome  du  29  août  1425.  Le  St-Péft 
écrivit  en  même  temps  aux  deux  champions  pour 
leur  défendre  le  combat  sous  peine  d^excommniii- 
cation  (340). 

On  trouve  dans  les  Anmdes  de  Flandre  de 
Buxclinus ,  d^autres  duels  du  14.*  siècle  d^uns 
importance  plus  secondaire.  11  y  en  eut  un,  en  1 86fi^ 
k  Cantin,  village  prés  de  Douai,  entre  Gilles  de 
Corbie  et  Jean  Morel ,  pour  un  (ail  toulrà-Ul 
semblable  au  duel  de  Valenciennes,  entre  Mabuot 
et  Plouvier.  Le  sénéchal  du  Hainaut,  le  chAteUs 
de  Lille,  le  bailli  et  le  prevât  de  Douai  assislaiiait 
au  combat.  On  se  battit  vigoureusement  de  psrt 
et  d^autre  et  on  finit  ensuite  par  s^accorder.  Le 
même  auteur  rapporte  une  anecdote  oit  Ton  foi 
que  la  curiosité  des  habilans  de  Douai  pour  co 
sortes  de  8})ectaclcs,  fut  cruellement  punie.  Le  jour 
de  Saint-Jacques,  en  Tannée  1810,  une  grande 
foule  était  rassemi)lée  sur  un  pont  pour  assister  à  us 
duel.  Le  ponl  sY^croula  et  entraîna  dans  sa  chAle 
la  plupart  des  spectateurs. 

Un  autre  combat  qui  eut  lieu  à  Lille ,  veis  h 
mtme  époque ,  eut  encore  une  issue  |dus  fiinefllC' 


—  CirApITRE  xxt.  — 
|lon  le  mi;mp  auteur,  Simon  Rymn  acrusait  Jean 
■lila  ,  nublc  Gantois  comme  lui ,  d'a\oir  révélé 
(klibi-ralion  ae<.'rélc  (ks  lïlata  de  Flandre  k 
i  lie  Oand,  et  d'avoir  ainsi  causé  le  meurtre 
1  sien  oiicic.  Jean  Falcula  fut  tué ,  et  personne, 
puUi  Ruxelinus,  ne  doula  de  sa  culpabilité.  CaUo- 
buid.  yifinal.  Lil.  fil  et  FUI.  t)uaci ,  1624, 
Uonstrelct  raconte  encnie  un  Tait  ii-pcu-prÉ5 
plbloblc.  Il  s'est  passé  k  Arrns,  le 20  juin  1430, 
(rc  Maillotin  de  Bours  et  Hector  de  Flavy,  qui 
lit  accusé  par  l'autre  d'avoir  chcrclié  à  lui  faire 
lïller  le  service  du  duc  de  Doiirgognc  pour  celui 
I  roi  de  France.  Le  duc  mil  fin  au  combat, 
concilia  lui-même  les  deux  champions  et  leur 
fendil  toutes  voies  de  fait  sur  peine  de  vie  (341). 
,Ce  n'est  pas  là  le  seul  exemple  de  la  bonne 
^nté  que  montrait  le  duc  de  Bourgogne ,  pour 
paiaer ,  quand  il  le  pouvait,  les  différens  et  em- 
^lier  les  duels.  Ce  prince  aurait  sans  doute  jus- 
!  par  cette  conduite  son  surnom  de  le  Son  , 
B  le  traitement  cruel  que  Min  ûls  fit  subir  sous 
■  ycui ,  en  1466 ,  k  la  ville  de  DinanI  (342). 
«  Un  jour,  dit  Malliieu  de  Coucy,  que  le  f^- 
oi-te^iu  Eberliard  de  1^  IMarck  ,  dont  les  seî- 
leuries  sont  au  pajs  des  Ardenncs  et  du  Luxetn- 
lurg ,  9G  trouvait  en  discorde  avec  deux  seigneurs 
e«)H«.tcs  sires  de  MeidenniT  et  de  Roll ,  le  bon 
3 


I 


34  —  RISTÔniE  BBS  DUELS.  — 

duc  Philippe  le  requit  de  demeurer  en  paix.  H 
voulut  mt^me  (ju'il  prit  pour  arbitre  le  sire  de 
Hautbourdin,  b<Atard  de  Saint-Pol.  Mais,  trouvant 
qu^on  ne  lui  avait  pas  fait  bonne  justice ,  La  Marck 
envoya  un  cartel  de  défi  au  bon  duc.  a  II  me 
semble ,  disait-il ,  que  mes  adversaires  sont  gran- 
dement soutenus  contre  moi  ;  je  suis  un  jeune 
homme,  mais  d'Age  raisonnable,  pau\Te  d^argent, 
et  je  n'ai  pas  assez  de  puissance  pour  endurer  de 
telles  perles.  Ainsi  ,  je  fais  savoir  k  Votre  Grâce 
que,  moi  l'.berhard  de  ï^  Marck,  je  veux  être  votre 
ennemi ,  moi ,  mes  serviteurs  et  les  serviteurs  de 

mes  serviteurs,  elc » 

«  Quand  ce  défi  arriva  à  la  cour  de  Bourgogne 
il  y  excita  de  grandes  risées.  Chacun  se  raillait 
d^un  si  petit  seigneur  attaquant  un  prince  si  puis- 
sant ,  et  demandait  la  commission  d^aller  le  mettre 
à  la  raison.  Le  duc  fit  bonne  réception  au  héraut. 
Mais  à  regard  de  son  maître,  il  fit  si  bien  sans  Tallcr 
combattre  ,  qu^en  peu  de  temps  il  se  trouva  ruiné 
tout  à  plat,  et  honni  pour  avoir  aussi  témérairement 
attaqué  le  puissant  duc  de  Bourgogne  (343).  » 

Les  choses  n^allaient  pas  mieux  en  ce  temps-là 
dans  les  provinces  du  Nord.  Diaprés  les  anciennes 
chroniques  de  la  Frise  et  particulièrement  du  pays 
qu^on  appelle  les  Ommelandes ,  lorsqu'il  survenait 


—  rntpmiE  x\x.~  35 

^tlqiie  diff6rem,  nolammcnl  pour  la  répudiation 

■tfunc  fccimc  pnr  son  mnri,  ou  pour  le  consulat  de 

ville  de  Grnningiic  cl  du  plat  pays,  lous  ceux 

^i  ctaienl  du  nnîme  sang  prennient  les  armes  pour 

chef-  On  citait  la  famille ,  ou  mi?me  la  ville 

4le  Groninguc ,  h  paraître  en  armes  dans  un  certain 

Jour  au  lieu  marijué.  Une  famille  comballait  contre 

lutre,  Cl  le  vainqueur  renversait  le  chAtcau  de 

n  ennemi.  Ces  querelles  entre  familles  entières 

nient  fréquenlea  en   Allemagne   cl   s'appelaient 

•eeydes  (344). 

En    1248,  selon  Basnnge  ,   écrivain  protestant, 

Guillaume  II,  comte  de  Hollande,  depuis  empereur, 

aTKnl  été  reçu  chevalier  par  le  cardinal  Capuccio  , 

l^al  du  pape ,  aurait  prêté  entre  ses  mains  le  scr- 

mt  de   protéger  la  veuve ,   les  pupilles  et  les 

ihelîns ,  et  de  se  battre  en  duel  pour  la  défense 

tous  les  innocens.  DUsert.  Sût.  Chap.  XII, 

72. 

La  plus  horrible  provocation  en  duel  dont  l'hiS" 

In  ancienne  et  moderne  ait  fait  mention ,  est  celle 

'un  père  k  son  61s ,  dont  la  cour  de  Charles-le- 

Téméràrc  fui  témoin  en  1469.   Plusieurs  auteurs 

en  onl  parlé,  eutr'autres  Pont ub-IIc utérus,  I\cr, 

Surguiid,  Vom  Plancher, //wl.  du  duché  de  Bourg, 

'otuâte^  Essai  sur  l^s  mœurs,  et  de  nos  jours 

lie  Darautc.  Mais  Pécrivain  orij^oal  est  Philippe 


I 
1 


n 


M  —  HISTOIRE  D&S  DUSU.  <— 

de  Commîne» ,  qui  tH  lui-même  cet  afireux  scan- 
dale se  passer  sous  ses  yeux. 

Vers  1 456 ,  de  grandes  divisions  avaient  écialé 
entre  Arnold  d^Egmont ,   duc  de  Gueldre  et  de 
Zutphen ,  et  son  jeune  fils  Adolphe  soutenu  par  les 
intrigues  de  Callierine  de  Clèves  sa  mère.  Après 
une  guerre  cruelle  entre  le  fils  à  la  tête  des  gens 
de  Nimégue  et  de  Venloo ,  contre  son  père  que 
défendaient  les  habitans  de  Ruremonde  ^  Adolphe 
avait  reçu  comme  apanage  la  ville  et  seigneurie  de 
Nimègue.  Ne  pouvant  y  vivre  en  repos  ^  il  seretirt 
h  la  cour  de  Bourgogne  où  il  fut  fort  bien  reçu, 
et  épousa  Catherine  de  Bourbon,  belle-aœur  de 
Charies-le-Téméraire.  H  partit  ensuite  pour  un  pé^ 
lérinage  en  Terre-Sainte  où  il  se  fit  recevoir  die» 
valier  de  Saint-Jean-de-Jérusalem.  A  son  retour^ 
en  1463,  il  feignit  ainsi  que  sa  mère,  de  se  récoiH 
cilier  avec  son  père  qui  le  reçut  comme  TEnfaot 
prodigue.  On  se  met  en  liesse ,  on  immole  le  Veau 
gras.  La  cour  de  Gueldre  était  alors  à  Grave,  ville 
du  Brabant-HoUandais.  Le  vieux  duc  venait  de  se 
retirer  pour  se  mettre  au  Ut  pendant  que  les  diver* 
tissemcns  continuaient.  Le  perfide  Adolphe  s^es- 
quive  alors  du  bal.  Il  conduit  une  troupe  de  sicaires 
dans  la  chambre  à  coucher  de  son  père  ;  ils  entrent 
en  brisant  les  portes.  Enfans ,  disait  le  duc ,  je  siàs 
bien  vieux  pour  dimser ,  laissez'^moi  dormir»'^ 


—  CHAPITRE   \\%,-~  87 

fous  êtes  prisonnier,  lui  crièrent  les  conjurés  en 
M  précipitant  sur  lui  l'ùpée  nue.  —  N'cit-il  rien 
arrivé  à  mon  /Us?....  Tel  fut  son  premier  molj 
^Êftr  il  l'aimait  beaucoup  ,  malgré  leurs  ciuelle» 
llKtcordcB.  Au  même  instant  entre  celui-ci  :  JUon 
père,  rendez'Veus ,  lui  crie-t-il ,  il  faut  ifue  cela 
se  fasse  ainsi. —  fhu:  faites -l'ous  Ici  mon  JUs7 
fut  la  Kuie  réponse  du  vieux  duc.  On  le  6t lever, 
I  le  plaça  à  peine  T<^tu  sur  un  ctievaf,  et  on  le 
■duiait  au  i:h&leau  de  Buren  où  il  Tul  jeté  dans^ 
I  cachot. 

b<I^  duc  Arnold  passa  six  années  dans  cette  dure 
ton.  Le  jour  cnlrail  ii  peine  dans  son  donjon  ,^ 
■parfois  Ton  vil  son  fds  ^  travers  les  barreaux  de 
ftluc»nke,  menacer  son  vieux  [>tre  et  vomir  cantr© 
lui  des  injures,  ainsi  qtic  l'a  représenté  un  beau 
tableau  de  Kcmbrandt  |K-inl  d'n|)rcs  les cbroaiquei: 
lODicmporaincs  cl  les  Iraditiuns  du  pays. 
k  Pendant  ce  temps ,  ta  guerre  civile  désola  la 
leldfe.  Cliarles-le-Téméraire,  tpù  favorisait  sous 
^in  beau  -  frère  de  sa  femme  ,  avait  en  vain 
Ble  réeenciher  avec  son  père.  EnTm,  presaé 
r  rinctignation  de  toute  la  clyétienté,  il  résolut 
de  lemiiDCT  cette  guerre  impie.  Il  commanda  au 
duc  Adoljiltc  de  tirer  son  j>ère  de  prisou  et  de 
r  k  Doulens.  Lii ,  Cbarlcs  fil  au  fils,  de  la 
1  du  père ,  des  pruposilions  ftul  acceptables.  Ou 


38  **  UISTOIRE  DBS  DUELS.  — 

lui  offrit  de  le  faire  Maimbourg  ou  gouverneur  da 
pays  de  Gueidre,  en  ne  laissant  à  son  père  quels 
titre  de  duc  avec  le  revenu  de  la  ville  de  Grave 
montant  à  trois  mille  florins  et  une  pension  do 
pareille  somme.  Mais  Adolphe  rejetait  avec  hauteur 
toutes  ces  conditions  et  ne  consentait  tout  au  plm 
qu'à  la  pension, 

ce  Je  les  vis  tous  les  deux ,  dit  Philippe  de  Com* 

mines  ,  en  la  chambre  du  Duc  par  plusieurs  fois, 

et  en  grande  assemblée  de  conseil  ,   où  ils  plai-* 

daient  leurs    causes ,    et  vis  le  bon  homme  vieil 

présenter  le  gage  de  bataille  à  son  fils.    Le  duc 

de  Bourgogne  désirait  fort  les  appointer  et  faT<H 

risait  le  jeune  Adolphe.  Je  fus  commis  pour  porter 

parole  d'arrangement  à  ce  jeune  duc ,  lequel  fit 

réponse  :  qu'il  aimeroit  mieux  avoir  jeté  son  père 

la  tetc  devant  dans  un  puits  et  de  s'être  jeté  après, 

que  d'avoir  fait  cet  appoinctement  ;  qu'il  y  avoit 

quarante-quatre  ans  que  son  père  étoit  duc ,  et 

qu'il  étoit  bien  temps  qu'il  le  fût  aussi ,  mais  très* 

volontiers   il  lui  làcheroit   trois  mille  florins  par 

an,  par  condition  qu'il  n'enlreroit  jamais  dans  k 

duché ,  et  assez  d'autres  paroles  très-mal  sages.  » 

Mémoires  de  Commines.   Tom,  XI  de  la  coU*  di 

Londres  1785,  pag.  228. 

Pontus-Ucuterus  ajoute  qu'après  avoir  proYO» 
que  son  fils  au  combat  singuhcr,  le  duc  Arnold 


i^Éolflra  qu'il  saurait  bien  trouver  un  gcnlilhomme 

•j;iour  lui  scr\ir   de   cliampion  ,  si  sa  vieillesse  et 

s  tortures   de  sa  longue  di!:tentiou   Faisaient  pa- 

lître  la  lulte  trop  inf'gale   entre  suo  ûIb  et  lui. 

en  fui  délibéré  par  le  consi-ll  qui  reconnut  que 

lui  naturelle  ne  pouvait  permettre  un  tel  combat. 

iCharles  alors,  en  vertu  des  pouvoirs  qu'il  tenait 

llu  Pape  et  de  TEmpercur,  rcndil  une  sentence 

^iUuu  le  sens  des  propositions  si  Tavurubles  qu'.V- 

ulpbe  avait  rejetées. 

Le  duc  de  lîourgogne  étant  ensuite  parti  pour 

iras  où  il  se  lit  xuivre  des  dcui  princes  de  GucU 

re  ,    Adulplie    s'échappa   travesti   eu   moine   de 

[.-François,  et  cbercliait  ii  regagner  ses  Etals, 

irsqu'il  Tut  arri^të  au  pont  de  Namur  sur  ta  Meuse, 

L  reconnu  par  l'imprudence  qu'il  cul  de  payer 

a  llorin  pour  son  passage.  Il  fut  conduit  au  cbf'i- 

nxi  de  Namur  ,    puis  ^  Vilvurde  ut  à  (.Jourlraî 

Li  il  resta  renferma'  jusqu'à   le  mort  du  duc  de 

rgognc  au  siège  de  Nancy,  eu  1477. 
Cdui-ci  s'était  empressé  de  mettre  de  telles  cir- 
tmslances  h  profit.  Le  7  décembre  1472,  il  tit 
uuscrire  au  duc  Arnold  un  acte  de  vente  <i  ré- 
aÈté  de  tous  ses  Etats ,  moyennant  92,000  llorins 
l'or  du  Rliin  ,  avec  rétention  d'usulruil  nu  proiit 
lu  vendeur  de  la  moitié  de  ses  domaines.  Trois 
Bois  après ,  le  duc  Ai'uold  mourut  ,  dcshérilaul 


I 

I 


40  ^  HISTOIRE  DES   DUELS.  « 

son  fils  et  reconnaissiini  le  duc  de  Boui^<^e  pouf 
son  unique  héritier. 

Adolphe  fut  remis  en  possession  de  tes  Etats 
par  Marie  de  Bourgogne ,  fille  et  unique  hériliére 
de  Charles-Ie^Téméraire.  Mais  ce  fils  dènalufé  n^eq 
jouit  pas  long-temps ,  il  fut  tué  sous  les  mun  de 
Tournai ,  le  22  juillet  1777,  de  la  main  d^un  fraiH 
çais  nommé  SauYager,  en  s^écriant  :  o  QueUre,^ 
6  Gueldrç!  Ce  fut>  dit  Pontut-Heuterua ,  une  juste 
punition  de  Dieu  pour  le  crime  qu^il  ayail  commia 
envers  son  père.  Rer^  Bungujutic%  lih.  V^  Cap*  1% 

On  croit  ii  up  tel  récit ,  assister  à  upe  révolutidi 
de  palais  Y  à  Saint-Pétersbourg,  aous  Pwl  I-^',  Wk 
h  Tagonie  de  la  monarchie  espagnole,  dma  li^  TÎUd 
de  Bayopne,  squs  Napolépn  (345), 

Pendant  le  16.^  siècle,  ta  guerre  ciTÎle  rendil 
fréquens  les  duels  dans  les  Pays  -  Bas.  Mais  de 
pareils  traits  étaient  absorbés  par  les  acénes  do 
massacres  que  multipliait  la  férocité  du  duc  d^Albe, 
Quoique  rinsurrection  u^ait  éclaté  qu^en  1566  ^ 
la  haine  contre  les  Espagnols  commençait  à  se  pro-; 
duirc  dans  un  grand  nombre  d'occasions.  Cest 
ainsi  qu^en  septembre  1556,  Richard  de  Mérode 
défia  Dom  Rodrigue  de  Benavidèa.  Il  lui  offrit  troîa 
diiférens  camps  à  la  mode  d'Italie^  Les  armes  fu- 
rent refuaéçs.   Il  y  çut  là -dessus  de  QQmbrçmie« 


B  xxit.  —  41 

CÔniuItations.  On  prit  avis  dca  docteurs  Ilalicna 
les  pluB  renomméi  en  celle  partie,  Iclfl  qui;  Mulio  et 
^Kzio.  La  Culomdiéhe.  Thépt.  ti'hoit,  et  de  chn-(tl, 
mtom.  H,   Chap.   II. 

^  En  1 574 ,  au  siège  de  Leyde ,  il  y  eut  un  combat 
singulier  entre  le  prince  Louis ,  frère  de  Guillaume 
de  Nauau,  el  le  comte  de  Gonïagtio.  Le  premier 
avait  dit  que  ceux  qui  obéissaient  aux  Yéniticna 
étaient  des  poltrona.  Voet  de  duell. ,  Chap.  XIII  ^ 
yag.  laO. 

"  «  Au  siège  de  l'Ecluse  en  1 491  ,  on  vit  ausd 
tsietirs  escarmouches  et  combats  en  duel.  Un 
î  de  la  ville,  armé  d'une  hallebarde  et  d'un© 
,  fut  appelé  par  un  soldat  d'Autriche,  ayant 
pe  pique ,  une  èpèe  et  un  poignard-  L'Autrioliien 
ona  de  sa  pique  au  Iravera  du  ventre  du  Suisse, 
[uclle  entra  si  avant  que  cetui-ci  ne  put  a^aider 
1  hallebarde ,  tellement  que  l'Autrichien  le  ser- 
rant de  trop  près,  le  tua  de  son  poignard.  "  Metere». 
fiisl.Selg.Lib.  IX,  f."  671.  La  Haye  1618. 
wL  «  Pendant  le  gouvernement  de  Dom  Junn  d'Au- 
Btichc,  dit  Brantôme,  deux  gentilshommes  français, 
1è  chevalier  d'Oraison  el  le  seigneur  de  Houille , 
le  plus  renommé  tireur  d'armes  qui  Fus!  en  France, 
viurent  demander  le  camp  au  Prince  espagnol 
tttre  MM.  de  Busay  el  de  Fcrvacques  qui  se 
mvoiçitl  dans  le  p arli  du  duc  d'Aleuçon  frère  de 


I 


m 


42  ^  BISTOEBB  DBS   DIffLS.  ~ 

Henri  lU  (depuis  duc  d^ Anjou ,  que  les  însuigés 
de  Brabant  avaient  mi&  à  leur  tète  en  1581).  Dom 
Juan  leur  permit  librement  et  avec  grande  ayse, 
pour  avoir  par  là  quelque  occasion  de  faire  af- 
front à  Monsieur  d\Vlençon  ou  à  ses  gentilshommes. 
Ce  qu^estant  venu  h  la  connaissance  de  celui-cy 
il  mande  à  Dom  Juan  que  la  partie  estoit  trop 
belle  pour  permettre  qu^elle  se  figt  sans  luy  etquil 
vouloil  en  estre  ;  adjoutant  que  si  luy  Dom  Juan 
vouloit  venir ,  il  feroil  le  tiers.  Dom  Juan  qui  ne 
s'esloit  allendu  nullement,  ny  proposé,  ny  advisé 
qu'on  en  viust  là ,  fui  un  peu  esbahy  pour  le  com- 
mencement, voyant  une  telle  conséquence  advenir  « 
Toutefois  comme  brave ,  vaillant  et  généreux ,  eK- 
comme  fils  de  père  ,  accepte  le  defly.  Mais  cç^ 
grands  capitaines  qui  lors  estoient  prés  de  luy  9 
compassaut  bien  toutes  choses ,  comnve  ils  en  sootft' 
maislrcs ,   mcsme  les  soldats  espagnols  qui  com.^ — 
mcnraienl  à  faire  rumeur  et  se  mutiner ,  ne  voa-^ 
lurent  jamais  permettre  que  leur  général  y  poi&T 
un  léger  poinrt  d^honneur,  s'allast  ainsy  perdre 
et  tout  un  Kslat.  Parquoy  il  fust  arresté  et  retenif 
par  les  siens ,  quchpi^inslance  qu'il  fist  de  sortir.  » 
II  parait  (pie  les  chefs  espagnols  avaient  trouvé 
cet  expédient  pour  s'aUribuer  le  mérite  du  duel 
sans  en  courir  les  risques;  car  au  Chap.  XXXVl 
on  verra  un  défi  avorter  de  cette  façon ,  entre  le    1;^^ 


1 

1 


-CniPlTBE    XiX.-  43 

■alicr  de  Vandencsse-La  Pnlice  el  le  marquis 
de  Pescaire  ,  gt-iiëral  de  Clinrles-Quiiil. 

«  M.  de  Sninl-Luf,  dit  encore  uolre  Auteur, 
cslanl  à  Anvers  dans  la  chambre  de  Monsieur  le 
cnmte  d'Alenron ,  il  y  eut  quelques  coups  entre 
lui  et  le  sieur  de  Gauville.  Le  )>riiice  d'Orange  en 
vil  le  jeu  en  sorlanl  el  s'en  ealoiina  forl ,  disant  que 
telles  choses  ne  s'estoieut  jamais  veucs  ny  faites, 
m  la  chambre,  salle  gu  logis  de  l'Ëmperciu:  son 
naître ,  qu'autrement  il  eusl  mal  baslé  pour  Id 
diliaquants.  » 

Amelol  de  La  Uoussayc  rapporte  dans  ses  Slé' 
moins,  Tom,  I,  pog.  50,  que  cçs  quehjiws  coups 
(tout  parle  Branli^mc ,  d'iaient  un  soitlllet.  Saint-Luc 
•unit  alors  répondu  au  prince  d'Orange  qu'il  ne 
lui  appartenait  pas  de  le  bli'uner  en  cela ,  et  que 
■■  lui  Prince  avait  osé  Taire,  du  vivant  de  Cliarles- 
Quint ,  ce  qu'il  avait  fait  de[)uis ,  contre  le  Gis 
de  ce  monarque,  celui-ci  lui  aurait  fuit  depuis  long^ 
l^pi  couper  la  télé.  Œm'ivs  dv  Urartlôme , 
Tom.  XIJ ,  pag.  %il . 

Il  y  avait  eu  aussi  au  temps  du  même  empereur 
Qiarlea- Quint,  un  duel  prés  de  Bruxelles,  entre 
«kus  gentilshommes  français  de  la  suite  du  cardinal 
lie  Lorraine ,  ambassadeur  de  Fraw-ois  l."'.  Ce 
Irait ,  eo  raison  de  la  part  personnelle  qu'y  prit 
Tempereur,  sera  rapporté  au  chapitre  suiviint. 


44  -^  mSTOlKB  DBS  OUBLI.  — 

Le  chevalier  Bayard  défendant  Méiières  en  18S1, 
contre  les  troupes  du  même  monarque ,  avait  ^ale« 
ment  autorisé  un  combat  entre  Anne  de  MontmcH 
reney  et  de  Lorges,  deux  de  set  capitaines,  et  les 
comtes  d^Egmont  et  de  Vaudray ,  seigneurs  bel^ 
du  parti  des  impériaux  (84B)- 

Du  reste ,  ces  sortes  de  combats  entre  militaires 
de  partis  différens ,  participaient  moins  des  duds 
que  des  tournois  qui  eurent  aussi  une  grande  vogue 
à  la  cour  des  ducs  de  Bourgogne.  Les  Aiétt^airei 
d^Olivier  de  La  Marche,  Tun  des  sdgneurs  de  cette 
cour ,  en  donnent  de  longues  et  nombreuses  des* 
criptions. 

On  y  admire  en  première  Ngne  les  prouesses 
du  sire  Jacques  de  Lallaing ,  dit  le  bon  chei^aUer,  le 
plus  renommé  des  poursuivans  d^armes  de  Tépo* 
que.  Il  était  né  au  château  de  Lallaing ,  près  Douai\ 
et  se  fit  dés  ses  premières  années  remarquer  à  h 
cour  du  duc  de  Bourgogne ,  à  Bruxelles ,  par  son 
courage  et  son  adresse  dans  les  joutes  et  tournois. 
Il  eut  Finsigne  honneur  d^étre  choisi  pour  briser 
la  première  lance  avec  le  comte  de  Charolaia,  fils 
de  Philippe*le-Bon  ,  dans  la  joute  rapportée  au 
Tom.  I.®' ,  pag.  58.  Il  se  distingua  encore  dans 
celles  d^Arras,  en  1430,  en  présence  du  duo  el 
de  la  duchesse  de  Bourgogne.  Il  y  avait  à  ce  loumoii 


—  CUAPITBE    XKX.—  45 

^^ficf  cheralient  du  parti  du  roi  de  France  et  aulaiU 
de  cflui  du  duc  de  Bourgnguc.  Les  jointes  durèrent 
cinq  jours.  Les  sires  d'Abrecy  el  de  Meullion  Turent 
èvement  blessés 
En  1445,  Jacques  de  Lallaingcomballit  ii  Gand, 
pied  el  k  eheval ,  le  sigiior  Jean  de  Bonifazio , 
lébre  jouteur  sicilien,  avec  qui  il  rompit  vingt- 
it  lances ,  en  présence  de  Philippe-le-lion  et  du 
d'Orléans.  Après  ce  combat ,  il  se  présenta 
'ant  le  duc  ,  son  seigneur,  et  le  requit  dans  la 
forme  accoutumée  de  lui  donner  l'ordre  de  la  che- 
valerie, ce  qui  lui  fut  ocirojé  sur  le  cliamp.  On 
,Je  vit  encore  se  mesurer  à  Bruges ,  avec  le  même 
ppareil ,  contre  un  écuyer  du  pays  de  Galles  ^ 
leouru  pour  le  combattre,  sur  la  renommée  de 

■  hauts  faits,  et  qui  dut  lui  céder  la  victoire. 

^£n  1446,  il  partit  pour  l'Espagne,  où  nous  le 
Irouveronsau  chapitre  suivant,  ainsi  qu'en  Ecosse 
I  Chap.  XXXUl.  A  son  retour  en  Flandre,  il 
■Banda  congé  an  duc ,  de  terminer  le  cours  de 

■  aventures  chevaleresques ,  par  un  paa  d'armes 
ht  Fontaine  des  Pleurs,  près  Saint-Laurcnt-lez- 
bollon,  qu'il  s'obligeait  de  soutenir  pendant  un 
i  contre  tous  les  nobles  hommes  qui  s'y  préaen- 
meiit.  Dans  cet  espace  de  temps ,  il  rompit  bon 

tre  de  lances,  et  quand  le  terme  fut  arrivé, 
'f£un>t  dans  un  Teslin   tous  les   chevahers  qui 


J 


avaient  (^ombattu  (*onlre  lui ,  prit  congé  d^eux  et 
alla  visiter  «'i  Rome ,  les  tombeaux  des  SS.  Âpàtres. 
Biosçraph .  Un  ivers  • 

La  cour  de  Milan  n^avait  rien  en  ce  temp9*Ià  à 
envier  k  celle  de  Bruxelles.  Elle  possédait  dans  la 
personne  de  Galeotto  Baltazin,  chambellan  du  dac, 
un  digne  émule  de  Taventureux  Jacques  de  Lallaing. 
Comme  il  s'en  allait  de  pays  en  pays  chercher  lei 
faits  d'armes  et  la  renommée ,  il  vint  à  Mons ,  en 
novembre  1445,  dans  le  dessein  de  passer  en  Aih 
glcterre ,  s'il  ne  trouvait  point  d^adversaires  pamd 
les  Bourguignons.  Mais  il  ne  pouvait  en  manquer. 
Le  sire  de  Ternant  entr'autres ,  se  présenta  et  obtint 
la  permission  du  duc  pour  faire  une  entrepriie 
d'armes.  Alors  il  s^attacha  au  bras  gauche ,  connoe 
gage  de  son  emprise,  la  manchette  d'une  dame  en 
belle  dentelle ,  bien  brodée ,  suspendue  à  un  nœud 
de  perles  et  de  diamans.  Son  adversaire  devait 
venir  lui  signifier  son  défi ,  soit  en  touchant  cette 
emprise,  soit  en  l'arrachant.  Dans  ce  dernier  cas, 
c^eiit  été  la  marque  d'un  combat  k  outrance  qui  ne 
se  serait  terminé  que  par  la  mort.  P^.  ci-nlessus 
pagr  12Î). 

Le  signor  Galeotto  Baltazin  parut  chez  le  duc, 
où  l'attendait  le  sire  de  Ternant  ;  Il  s^avanca  avec 
une  profonde  révérence  vers  ce  dernier,  et  lui  dit 
en  portant  la  main  h  son  bras  :  Noble  chevalier,  je 


—  cHÂpiTHB  xmc.  —  47 

touche  le  gage  de  r*otrc  emprise ,  et,  au  plaisir  de 
Dieu ,  f accomplirai  ce  {/ue  vous  désirez  faire ,  soit 
à  pied,  soit  à  chevaL  Les  conditions  de  la  joule 
forent  ensuite  discutées,  écrites  et  scellées,  et  le 
jour  en  fut  pris  pour  le  mois  d'avril  de  Tannée 
suivante ,  en  la  ville  d'Arras. 

L^Italien  retourna  dans  sa  patrie  pour  faire  ses 
préparatifs.  A  son  retour ,  la  lice  fut  disposée  sur  la 
grande  place  d^\rras ,  et,  selon  sa  coutume  ,  le  bon 
Philippe  ne  manqua  pas  d'y  assister.  Le  sire  d'IIu- 
mières ,  en  Fabsence  du  maréchal  de  Bourgogne , 
parut  k  la  tête  des  hérauts  d'armes.  On  combattît 
d^abord  à  pied ,  à  la  lance ,  puis  à  Testoc  et  è  Tépée 
et  enfin  à  la  hache.  On  y  brisa  trois  lances  et  quatre 
èpées.  Le  nombre  des  coups  réglé  par  la  loi  du 
Imimoi  ayant  été  accompli ,  le  duc  jeta  son  bâton 
dans  la  lice ,  et  mit  ainsi  fin  au  combat  qui  recom- 
mença ,  quelques  jours  après ,  à  cheval ,  h  la  lance 
et  à  Testoc ,  et  se  termina  de  la  même  manière  que 
le  premier ,  lorsqu*on  se  fut  rué  le  nombre  de  coups 
convenus ,  dont  il  n'advint  aucune  blessure ,  parce 
que  les  armures  des  champions  se  trouvèrent  d'une 
trempe  supérieure  à  la  vigueur  de  leurs  bras.  Voyex 
aussi ,  dans  les  Mémoitvs  d'Olivier  de  la  Marche  , 
la  description  des  joutes  de  Y  Arbre  d'or  célébrées 
à  Bruges,  en  1466,  pour  le  mariage  du  comte 
de  Charolais. 


48  -*  IIISTOIRC   DES  DUELS.  — 

II  y  avait  encore  en  Flandre ,  au  commencetiietit 
du  15.*^  siècle,  un  célèbre  jouteur ,  devancier  du 
sire  Jacques  de  Lallaing;  mais  plus  célèbre  (Mir ses 
fanfaronnades  que  par  ses  exploits  réels.  C^était  Jeas 
de  Vcrcliin  ,  sénéchal  du  Hainaut.  U  avait  fait  pu- 
blier et  afficlier  dans  toutes  les  grandes  villes  de 
TEurope  qu^il  se  battrait  à  outrance ,  seul  ou  lui 
sixième  avec  Tépée  y  la  lance  et  la  hache ,  ofec 
raille  (le  Dieu,  île  la  Sic»  f^ierge,  de  monseigneur 
St.'-  Georges  et  de  sa  dame.li  avait  assigné  le  camp 
au  village  de  Conchy,  en  Flandre.  II  en  indiqua 
ensuite  un  autre  au  château  de  Coucy ,  où  il  som^ 
mait  tous  chevaliers,  écuyerS|  gentilshommes  de 
noms  et  d'armes  de  se  trouver ,  si  bon  leur  sem- 
blait ,  afin  de  se  battre  à  lui  en  présence  du  duc 
d^Orléans.  Un  Anglais,  nommé  Jean  de  Comou- 
ailles ,  chevalier  de  grand  renom  et  qui  avait  épousé 
la  sœur  du  roi  d'Angleterre  ,  se  présente  pour 
répondre  au  défi.  Mais  Charles  VI  ayant  entendu 
parler  de  ce  combat ,  voulut  qu'il  se  fit  en  sa  pré- 
sence, a  Les  champions ,  dit  Monstrelet ,  s'en 
furent  à  Paris  devers  le  roy  pour  parfaire  leur 
entrcprinsc.  Et  après  ce  qu'ils  furent  entrés  su 
camp  et  curent  fait  la  révérence  au  roy  ,  ils  se  pré- 
parèrent tous  deux  pour  aller  jouster  de  fer  de 
lan(îc  ;  mais  devant  qu'ils  s'esmeussent  ii  courre  fut 
«rie,  do  par  le  roy,  ({ii'ils  cessassent  et  n'allassent 


—  cnAPITBE   Y\\.—  40 

t>fiis  avant  en  faisant  îccllca  armes.  roiirlc(|iid  en- 
ih  fiirenl  Icins  deux  fort  dcsplaisnits.  Et  cic  rcchicf 
Jiitcrii-eId(;ireniUi,dcparleroy,quc  nul  surpciiic 

Pitale  dorcsnavanl ,  en  Inut  son  ruyaume  ,  n'ap- 
Al  autrui  en  champ  clos  sans  cause  raisonnable. 
I^ca  champions  s'en  allèrent  ensuite  loua  deux  en 
Angleterre,  sur  inlenlion  de  poursuivre  cl  accomplir 
Jeun  armes.  Molstrelet.  Citron.  tom.I,  chnp,  02. 
■^Messiro  Jean  de  Vcrcliin  s'en  fut  ensuite  au 
Bjnume  d'Espagne  ,  terre  classique  de  la  che- 
Iplcrie ,  faisant  annoncer  partout  qu'il  ferait  jaâle 
pootrc  tout  venant  ii  l'aller  et  nu  rcinur ,  pourvu 
quG  cela  ne  le  détournât  pas  de  plus  de  vingt  lieues. 
Il  eut  le  bonheur  de  trouver  chemin  faisant  sept 
jnûtcs  où  il  se  conduisit  voillammeiit.  Après  quoi  il 
alla  ofl'rir  un  bourdon  à  monseigneur  Saint-Jucquen 
tn  Galice.  «  On  voit  par-là  ,  dit  Voltaire ,  que  l'ori- 
gnial  de  Don  Quichotte  était  de  Flandre.  »  Essai 

Eflei  mœurs,  (ont,  III,  cliap.  C. 
Obli^  de  circonscrire  ce  sujet  dans  les  limites 
m  seul  chapilrc ,  j'ai  parcouru  brièvement  ce  qui 
•«  trouve  de  plus  digne  d'inlérèt  relativement  aux 
combats  singuliers  dans  l'histoire  des  Pays-Bas  pen- 
dant le  moyen  âge ,  en  y  comprenant  le  16.'  siècle, 
<|ui  n'en  est  sous  bien  des  rapports  (pic  la  cunti- 
iniiiiinn   Voici  un  ^t  du  commencrmcul  du  17.', 


50  —  HISTOIRE  DBS   DUELS.  — 

auquel  la  nécessité  d^abréger  m^oblige  de  borner  kl 
citations  pour  ce  cycle  particulier. 

«  En  1600,  peu  de  temps  après  la  prise  du  fort 
Saint-André,  en  Tile  de  Bommel ,  par  le  prince 
Maurice  de  Nassau  ,  le  marquis  de  Bréauté ,  capi- 
taine d^une  compagnie  de  cavalerie  au  senrice  des 
Etats ,  tenant  garnison  à  Gertruydcmberg ,  reçut 
quelques  paroles  de  mépris  d^un  nommé  Leker- 
bitkem ,  soldat  de  fortune ,  lieutenant  d^une  com- 
pagnie de  Grodenbonc,  gouverneur  de  Boi&4e-Duc. 
Bréauté  était  un  des  braves  gentilshommes  qui  fus- 
sent en  France  de  sa  condition  et  de  son  âge  ;  car  il 
était  encore  fort  jeune.  Mais  Fhistoire  dit  qu'il  re- 
cherchait les  duels ,  et  qu'il  avait  été  obligé  pour 
ce  motif  de  se  retirer  de  la  cour  de  France.  »  Fojtz 
ci-dessus,  pag,  229. 

«  Comme  il  aimait  donc  à  se  mesurer  avec  tout 
le  monde  ,  il  envoya  un  cartel  à  Lekerbitkem  de 
cinq  contre  cinq ,  dix  contre  dix ,  ou  vingt  contre 
vingt.  Ce  fut  cette  dernière  proposition  qu'accepta 
le  lieutenant  de  Grodenbonc.  Bréauté  parvint  à 
sortir  de  la  place  en  persuadant  au  gouverneur 
qu'il  avait  le  consentement  du  prince  Maurice  i 
quoique  celui-ci  lui  eût  défendu  ce  combat,  en 
lui  remontrant  la  légèreté  de  sa  querelle  et  Tinè- 
galité  de  la  personne.  » 

Bréauté  s'était  signalé  d'une  grande  plume  blanche 


—  CHAPITRE    XXX.—  il 

et  Lekefbitkcm  d^me  rouge,  ^'oici  donc  Bréatitè 
cpii  aflrontc  son  ennemi  ,   lui   donne  du  pislolet 
dedann  la  visière  ^  le  tue  et  enfonce  ses  gens  de  telle 
furie  qu^il  en  demeura  cinq  de  morts  sur  la  place , 
dont  le  frère  de  Lekerbitkem.  Mais  Brëautè  fut  mal 
assisté  de  ses  amis  qui  s'enfuirent  quasi  tous  au 
deuxième  eflbrt ,  et  le  laissèrent  lui  quatrième  au 
milieu  de  quinze ,  tellement  qu'il  fut  pris  avec  un 
sien  cousin  et  deux  autres,  et  conduit  à  Bois-lc-Duc. 
Le  gouverneur  (irodenbonc  étant  au-devant  de  la 
porte  de  la  ville  en  attente  du  retour  de  son  lieu- 
tenant, ne  le  voyant  pas  revenir,  demanda  où  il 
était.  On  lui  répondit  qu'il  était  mort  et  son  frère 
aussi.  Hé  !  pourquoi  na\^ez-a^ous  tlonc  tué  ceux-ci, 
dit-ill*...  —  Paroles  aussilût  exécutées  que  pro- 
noncées ;  car  ses  gens  se  jettent  tous  ensemble  sur  le 
pauvre  Bréauté  et  son  cousin ,  et  les  massacrèrent 
tous  deux  de  sang  froid.  D^Audiguier.  De  l'Ane* 
Usage  des  Duels,  chap.  XX. 

Il  y  aurait  ici  un  coup  d^œil  assez  étendu  à  jeter 
Mir  Tancienne  législation  des  combats  singuliers 
dans  les  Pays-Bas.  Là ,  comme  partout  ailleurs ,  le 
droit  de  les  autoriser  dérivait  de  la  souveraineté. 
Vredius  assure  qu^on  ne  pouvait  jamais  se  battre 
autrefois  sans  le  congé  des  comtes  de  Flandre. 
V»ED.  Hist.  coniii.  Fland. 


62  ^HISTOIRE  DBS  DUELS.— 

Les  labiés  de  lois  du  Brabant,  dit  Voet  de  Duett, 
cap.  28,  ne  pcntiellaient  le  combat  judiciaire  que 
sous  certaines  condilions.  Diaprés  ces  réglemens, 
toute  injure  entre  militaires  devait  être  déférée  au 
jugement  des  chefs  de  Farmée  et  conciliée  si  faire  se 
pouvait,  f^ojez  Tédit  de  Philippe  II,  du  22  juin 
1 589 ,  et  ceux  d'Albert  et  Isabelle  ,  de  février  1610 
et  1 1  juillet  1624.  Zypœcs.  Not.  Jur.  Belg. 

On  trouve  dans  un  placard  publié  à  Bruxelles, 
le  23  novembre  1667,  le  préambule  suivant:  «Le 
duel  qui  a  pris  naissance  aux  états  voisins ,  étouflS 
Ih ,  veut  repulluler  et  ficher  de  nouvelles  racines. 
Nous  aurions  crainte  d'attirer  Tire  de  Dieu ,  et  de 
nous  rendre  responsables  du  sang  qui  s^y  prodigue 
si  brutalement ,  si  nous  tolérions  de  si  grands  mé- 
faits. »  Suivent  des  dispositions  qui  déclarent  les 
duellistes  coupables  de  léze-majesté  divine  et  hu* 
maine  ,  les  tient  pour  gens  infâmes  de  fait  et  de 
droit ,  prononce  contre  eux  la  confiscation  de  corps 
et  de  biens ,  avec  protestation  de  ne  faire  aucune 
grâce. 

Un  placard  du  connétable  de  Castille ,  capitaine- 
général  des  Pays-Bas,  en  date  du  31  mai  1667| 
consacrait  une  exception  en  faveur  des  militaires; 
mais  ce  placard  fut  révoqué  par  un  autre ,  donné 
à  Ypres  ,  le  14  août  1671.  Rec.  des  placards 
de  Brab. 


—  CIUPITRE    \XN.—  83 

Il  existe  aussi  uue  loi  contre  les  ducla  tlons  les. 
ConsU't.  Ordin.  Je  Ilolliuule,  itu  lOmai  1641.  F. 
(Svi'œus,  Not.  Jui:  Ilflf;. 

Vocl,  Çuœst.  32,  parle  d'un  Belge  qui,  ayant 

un  duel  avec  un  hi^rètiquc  puiir  cause  de  religion 

Bl  Pavait  tué ,  obtint  sa  grâce  de  Marie-TWrcse , 

■eioc  de  I{tingric ,  et  en  outre  un  emploi  important. 

IjC    mi^me   auteur    cite   un    autre    exemple   d'un 

Ecossais,  nommé  Hanceck,  également  proToqué- 

M  lue  en  duel  par  un  soldat  flamaad  ,  qui ,  pour  ce- 

,  fut  traduit  h  un  conseil  de  guerre  elarquilté. 

reine  Marie-Tliérése ,  dont  il  *icnt  d'Otre  parlé, 

pourtant  l'auteur  d'une  ordonnance  qui  cou- 

Asmnait  celui   qui  avait  donné  un  soutllct  à  ca 

jieceToir  un  semblable  de  la  main  du  bourreau. 

Il  existe  aussi  plusieurs  oliurtes  particulières  de 

lilippe- Auguste  et  des  eumtcs  de  Flaudre,  qui 

fecordent  à  cerlaises  villes  le  droit  de  s'exempter 

lu  duc)  judii'iaire.  11  y  en  a  d'Hutres,  qui  con- 

mnenl  de  trùs-sagcs  dispositions  sur  la  réprcssina 

»  injures  et  voies  de  fait,  nutiimaicut  pour  les- 

Des  d'Ucsdia  el  d'Arras  (347) . 

Le  duel  cesse  maintenant  d'offrir  une  pbysio- 
Knîe  particulière.  IL  va  d'ailleurs  devenir  rare, 
ir  suite  des  défenses  si-vèrcs  dtint  nous  venons 
b  voir  qu'il  doit  ^trc  désormais  l'objet.  On  n'en 


L 


54  «i-  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

trouvera  plus  guéres  d^exemples  chez  des  persoo* 
nages  connus.  Le  Belge  prend  les  lois  au  sérieux, 
et ,  comme  il  est  essentiellement  religieux ,  il  se  fait 
toujours  un  devoir  de  conscience  de  les  observer 
à  la  lettre. 

Cest  ainsi  (}ue  le  duel  s^est  assoupi  profondément 
sous  la  pacifique  et  paternelle  administration  de 
r Autriche.  Il  s'est  réveillé  quelques  instans  pendant 
la  courte  guerre   civile  de  1789   qui  fut  suscitée 
par  le  xèle  religieux  contre  Tesprit  philosophique 
de  Joseph  II ,  mais  dans  un  esprit  diamétralement 
opposé  à  celui  qui  avait  fait  courir  aux  armes, 
en  1566,  contre  le  fds  de  Charles-Quint.  Immé- 
diatement après ,  est  venue  la  réunion  à  la  Franoe 
pendant  la  durée  de  laquelle  la  Belgique  a  vu  se 
confondre  avec   les   nûtres    ses   institutions,  ses 
mœurs  et  sa  politique. 

Un  paroxisme  plus  remarquable  s'est  renouvelé 
de  nos  jours  après   la   révolution    de  1830.  l^ 
écarts  de  la  presse  et  de  la  tribune  sont  venus, 
comme  chex  nous ,  attiser  le  feu  des  passions  el 
exploiter  cette  foule  d'intérêts  toujours  mis  enjeu 
dans  les  révolutions.    La  Belgique  a  ,  comme  la 
France ,  un  duel  parlementaire  à  faire  enregistrer 
par  riiistoire,  et  ce  cas,  que  je  crois  unique,  a 
été  bien  prés  d'avoir  un  dénouement  fatal ,  comme 
celui  qui  s'est  présenté  en  France  Tannée  suivante. 


—  CUAriTRE   XXX.—  55 

Dans  la  séance  de  la  Chambre  des  Rcprùsentans 
du  24  juin  1833,  des  pcrTOHnalitts  furent  ÉL-liangécs 
■entre  MM.  Rogicr  et  Gendcbteu.  Le  20,  un  duel 
iau  pistolet  eut  lieu  ciilr'eux.  Places  b  quarante  pas, 
ils  avaient  la  faculté  d'avancer  chacun  de  diï  pas^ 
H-  Rogier  lira  le  premier  sans  atteindre  son  advcr- 
.jaire-  Celui-ci  restant  k  Irciitc-ciriq  pas  tira  à  son 
<  tour.  La  balle  frappa  M-  Rogier  ix  la  joue  droite,  fit 
.«auler  plusieurs  dents  et  s'amortit  dans  la  bouche. 
,M>  Gendebien  vivement  afTeclé  s'abstint  quelque 
^mps  de  paraître  à  la  Chambre  et  se  retira  il  Mous. 

M.  Gendcbiea  se  vit  peu  après  provoqué  par 
RI  oflicier-g^néral  français ,  h  l'occasiiui  d'uti  dis- 
^Cuur&  où  il  blAmait  le  gouvernement  de  cunller 
tk  des  Étrangers  les  principaux  grades  de  l'armée^ 
/Mais  l'oruteur  de  l'opposition  repoussa  le  cartel, 
hcD  motivant  cette  fois  suu  relus  siu*  T indépendance 
h  de  la  tribuiK. 

Avant  les  scènes  inouies  qui  éclatèrent  à  Paiis^, 

>  k  22  mai  1835  ,  à  la  suite  d'une  séance  de  la 
,  Cliambrc   des  Députés ,  et  dont  le  bruit  retentît 

dans  nos  provinces  au  moment  même  où  j'écris, 
pOtt  pouvait  dire  que  ta  tribune  française  est  un 
.modèle  de  décence  et  de  dignité  auprès  de  celle 

>  de  nos  voisins.  L'exemple  suivant ,  pris  parmi  plu^ 
.«icurs  autres ,  pourra  donner  lise  idée  du  ton 
iliabilucl  de  leurs  débals  parlementaires. 


J 


66  —HISTOIRE   DES   DOELS. — 

Dans  lu  séance  du  16  mars  1835,  h  propos  d^iino 
pétition  contre  Tarrestation  d^un  réfugié  polonais, 
le  chef  de  la  police ,  un  ministre  présent  à  la  séance 
et  plusieurs  députés  entr^eux ,  devinrent  Tobjet  dei 
plus  grossières  invectives.  La  discussion  qui  fut 
longue  roula  principalement  entre  MM.  Gendebien, 
de  Brouckère  et  Ernst ,  ministre  de  la  justice.  Uq 
autre  orateur,  M.  de  HoflschHzt,  voulut  prendra 
la  parole  pour  mettre  un  terme  par  une  motioo 
d'ordre  à  ce  scandaleux  débat.  11  eut  alors  tout 
le  monde  sur  les  bras  et  devint  h  son  tour  Tobjet 
des  plus  vives  récriminations.  Enfin ,  on  passa  k 
Tordre  du  jour.  L'impassibilité  du  président  de 
la  Chambre  fut  le  lendemain  hautement  blâmée 
dans  les  journaux  de  Bruxelles. 

Des  députés ,  appelés  à  représenter  des  principes 
et  des  intérêts ,  ne  devraient  pas  agir  comme  si  les 
passions  de  leurs  conimettans  étaient  comprises 
dans  leurs  mandats.  Au  commencement  de  1831  ) 
des  scènes  d^anarchie ,  de  pillages  et  de  destruction 
ont  éclaté  sur  plusieurs  points  de  la  Belgique, 
notamment  aux  environs  de  Mons ,  à  Bruges  et  à 
Ypres.  Plus  d'un  orateur  populaire  en  a  parlé  à  la 
tribune  d'un  ton  de  faveur  qui  ressemblait  beaucoup 
à  un  encouragement.  Sous  ce  rapport  seulement, 
on  peut  compter  quelques  Mirabeau  dans  le  parle- 
ment Belge.  Aussi  les  scènes  d'anarchie  ont-elles 


wcowtmqicé  k  Bnnellesi  en  1884.  Dei  «ctat  et 
milence  îndiTÎduelle  ont  aum  témoigné  de  Fezat^ 
pénition  des  esprits.  Un  homme  de  la  classe  iiilé« 
rieure  en  a  assassiné  un  autre  en  sortant  du  q^iectade, 
parce  qu^il  refusait  de  se  battre  en  duel. 

Cette  situation  a  attiré  tout  récemment  Tattentioa 
des  pouvoirs  législatif  et  judiciaire.  Le  10  décembre 
1884,  M.  de  Pelichy,  sénateur  belge,  a  interpellé 
le  ministre  de  la  justice  sur  les  tristes  éi^emens 
4pti  "venaient  de  porter  le  deuil  dans  plusieurs  Jik* 
milles.  Il  a  demandé  qu^il  fut  présenté,  dans  le  plus 
court  délai,  un  projet  de  loi  sur  le  duel.  Le  ministre 
a  répondu  :  c<  Je  partage  Topinion  du  préopinani 
•ur  le  duel  ;  mais  une  loi  nouTclle  n^est  pas  néces* 
aaire  pour  le  réprimer.  La  législation  actuelle  doit 
iiiffire.  J'ai  déjà  donné  des  ordres  pour  poursuivre 
les  duels  avec  vigueur.  Depuis  quelque  temps ,  plu--^ 
sieurs  cas  se  sont  présentés  en  Belgique ,  et  les 
tribunaux  ont  appliqué  les  lois  ordinaires.  La  cour 
de  cassation ,  qui  bientôt  doit  être  saisie  de  cette 
question,  confirmera,  je  Tespére,  cette jurispru*- 
dence«  Dans  le  cas  contraire ,  je  m^empresserai  de 
vous  présenter  im  nouveau  projet  de  loi. sur  cette 
matièse.  y^ 

Le  ministre  s'empressa ,  en  effet,  de  donner  par 
une  circulaire  Tordre  aux  parquets  de  poursuivre 
loua  les  cas  de  duel  qui  viendraient  à  leur  con* 


58  -^  HISTOIRE  DBS  DUBL8.  — 

naissance.  Antérieurement  déjà  des  poursuites  sem- 
blables avaient  eu  lieu.  En  1833,  la  courd^appd 
de  Bruxelles,  condamna  M.  Koelman,  d^AnTWS, 
à  un  mois  de  prison  pour  avoir  blessé  son  adversaire 
en  duel.  Mais  la  chambre  d'accusation  de  la  même 
cour  avait  rendu  le  7  mai  1831 ,  un  arrêt  en  sens 
contraire  dans  la  cause  des  nommés  Jean  Overman, 
Louis  Hughe  et  Charles-Alfred  Abousier.  Ce  liit 
contre  cette  décision  qu'il  y  eut  pourvoi  en  cassatioD^ 
dans  Fintérét  de  la  loi  seulement,  de  la  part  du 
ministère  public.  Ce  pourvoi  n'a  été  jugé  que  plus 
de  trois  ans  après,  par  un  arrêt  du  12  février  1835 
qui  a  cassé  celui  de  la  cour  de  Bruxelles. 

Ce  monument  de  jurisprudence  n^est  pas  sans 
intérêt  pour  la  France ,  où  la  cour  de  cassation  ee 
a  adopté  une  toute  contraire.  Il  n'est  pas  non  plus 
sans  autorité  pour  nous ,  puisqu'il  a  interprété  des 
lois  qui  sont  encore  les  mêmes  que  les  nûtres.  On 
trouvera  le  texte  entier  de  cet  arrêt  aux  Éclaù^ 
cisseniens  historiques  (348). 

Va-t-on  voir  se  renouveller  en  Belgique ,  ces 
conflits  de  jurisprudence  qui ,  après  avoir  régné  en 
France  pendant  dix  ans,  ont  abouti  à  une  complète 
tolérance  ?  La  chose  est  à  craindre  ,  et  le  conflit 
existe  même  déjà  entre  la  juridiction  ordinaire  et 
les  tribunaux  militaires.  Plusieurs  cas  de  dueb  ont 


—  CHAPITRE    \XX.—  59 

lé  déférés  à  de«  conseils  de  guerre ,  qui  tous  oui 
déclaré  n'y  avoir  lieu  b  leur  appliquer  aucune 
peine.  En  amIcI  uu  exemple  remarquable  parmi 
'plusieurs  bi lires. 

Le  capitaine  d'arlillerie  Pariset  avail  reprocha 
k  M.  Vaiiderslractcn ,  l'un  de  ses  lieutenans  de  ne 
■pas  le  saluer,  en  ajoutant  ç«'iV  n'était  qu'un  enfant. 
Olui-ci  provoque  en  duel  son  capitaine  qui  refuse. 
Un  autre  capitaine  du  régiment ,  M.  Eenens ,  prend 
ife  fait  et  cause  du  lieutenant ,  et  force  M.  Pariset  de 
èe  battre  avec  lui  en  le  traitant  de  lâche.  Le  rendez.- 
'^ous  a  lieu  dans  un  bois  de  sapin ,  sur  le  champ  de 
Iwtaille  de  Waterloo.  Les  deux  adveniaires  fout  feu 
CD  mOme  temps.  Le  capitaine  Pariset  tombe  ulteiut 
'd'uQ  coup  mortel.  M.  Etinens  traduit  comme  meur- 
^Irier  devant  le  conseil  de  guerre  de  la  3."  division, 
^Véant  h  Bruxelles ,  est  acquitté  par  le  motif  que  le 
IDuel  n'est  puni  par  aucune  loi  (349). 
'  Tout  récemment  les  journaux  ont  annoncé  un 
duel  qui  a  eu  beu  ù  Luxembourg,  entre  tebaroa 
•  de  Tomaco  et  un  capitaine  bollandaîs.  Ce  dernier 
^atteint  d'une  balle  k  la  tOte ,  est  resté  sur  la  place.  Il 
lest  peu  probable  que  ce  cas  ait  donné  lieu  ii  des 
'poursuites.  Il  en  est  de  même  de  beaucoup  d'autres. 
'I^and  il  existe  de  pareilles  incertitudes  sur  dos 
Ipoiuts  aussi  graves  ,  l'action  publrquc  n'a  plus 
'autre  guide  que  le  caprice  e|  l'arbitraire- 


CHAPITRE    XXXÏ. 


Duels  en  Espagne  et  en  Portugal. 


L'histoire  politique  de  l'E^agne  étant  beau- 
coup moins  compliquée  que  celle  des  Pay8-Ba8, 
je  n^aurai  pas  à  me  livrer  à  d^aussî  longs  déte- 
loppemens  pour  en  retracer  Tanalyse  en  cotor 
menrant  ce  chapitre.  Sagonte ,  Numance ,  let 
Asturics  et  Sarragosse ,  voilà  les  quatre  grandes 
époques  de  Thistoire  d^Espagoe  ,  voilà  ses  titres 
à  Tad  mi  ration  de  rEuro|>e. 

Depuis  les  invasions  des  Carthaginois  et  des 
Romains ,  jusqu^à  celles  des  Maures  au  8.®  siècle, 
et  des  Français  sous  Napoléon  au  19.*,  de  longues 
et  cruelles  guerres  ont  désolé  PEspagne ,  et  là ,  plus 
encore  peut-être  que  dans  le  reste  de  TEurope, 
le  sang  humain  a  coulé  par  torrens.  Mais  FE^iagoe 
n'a  jamais  courbé  la  télé  sous  le  joug  étranger; 
elle  n'a  jamais  cessé  dV*trc  elle-même.  Là ,  deux 
colosses,  Carlhagc  et  Rome,  se  sont  heurtés  dans 
leur  course,  et  ont  couvert  de  débris  le  théâtre 


r 


—  cnxpiTBE  xxsr,  —  61 

de  leur  lutte  gigantesque.  Lh  ,  les  pas  rapides  d'un 
conquérant  plus  liabîle  qu'Anniba) ,  plus  ambitieux 
fpie  C^sar,  ont  6tL- enchaînés  par  un  indomptable 
rouragc.  Annibal  cl  Sagonte ,  Scipion  et  Numance, 
Kapolèon  et  Sarragossc ,  voilà  le  plus  sublime 
exemple  et  IVHcrnelle  leçon  îles  peuples  dont  on 
«ttiiquc  l'indépendance. 

La  domination  des  Carthaginois  et  des  Romains 
«n  Espagne  fut  toujours  incomplète ,  équivoque  et 
précaire.  Celle  des  premiers  dura  environ  366  ans , 
si  on  la  fait  remonter  jusqu'à  l'époque  de  la  des- 
truction deTyr  parNabuchodonosor,  en  Tan  567 
avant  J.  C.    Celle  des    seconds   s'étendit    dcpui» 

^l'an  201  avant  I.  C- ,  époque  où  les  Carthaginois 
Kircnt  entièrement  chassés  par  Se ipi on- 1' Africain  , 
jusqu'à  l'invasion  des  Gotbs  et  des  Vandales ,  en 
Tan  de  3.  C.  411. 
_        A  la  domination  des  Gotha ,  succéda  celle  des 
^■^Arabes  en  713  ;  elle  fut  la  plus  longue  et  la  plus 
^E^tendue.  Mais  l'Espagne  n'a  jamais  cessé  d'exister 
^r^DS  les  montagnes   inviolables   des  Asturies.   La 
I  m^me  cause ,  qui  avait  placé  la  Péninsule  sous  le 
B'joug  des  Maures,  devint  encore  le  principe  de  sa 
^t^lélîvrance.    Comme  l'impudicité  du  roi  Rodéric 
F'avait  suscité  le  traître  Julien,  celle  du  chef  arabe 
Mugnusa  arma  l'héroïque  Pelage. 

L'empire  des  Maures  en  Espagne,  n'a  cessé  en- 


62  —  HISTOinC    DES  DUELS.— 

liércmcnt  après  huit  siècles  de  durée  ,  que  ptr 
la  prise  de  Grenade  en  1494,  sous  le  règne  de 
Ferdinand  et  Isabelle.  Cet  événement  fut  presque 
aussi  funeste  pour  ce  pays  que  la  découverte  du 
Nouveau-Monde  qui  avait  eu  lieu  deux  ans  aupa^* 
rayant.  Les  Arabes  s^étaient  fait  pardonner  leur 
domination ,  par  leurs  admirables  conquêtes  dans 
tous  les  arts  des  peuples  civilisés.  Leur  expulsion 
d'Espagne,  où  ils  laissèrent  un  vide  énorme,  h 
replongea  dans  la  barbarie.  Le  moyen  âge  y  re- 
commença, quand  il  finissait  partout  ailleurs.  H 
répandit  sur  la  Péninsule  les  ténèbres  de  son  ign(H 
rance ,  pendant  qu'il  se  faisait  de  nouveau  recon- 
nattre  par  ses  atrocités  en  Amérique. 

En  réunissant  à  ce  tableau  celui  que  présente 
TEspagne  sous  les  rois  de  la  maison  d'Autriche, 
depuis  Philippe  \,^^  qui  monta  sur  le  trône  en 
1515 ,  jusqu'à  la  mort  de  Charles  II ,  dernier  prince 
de  celle  maison  en  1700,  on  trouve  .un  espace 
de  195  ans.  En  1700,  Philippe  V,  petit-fib  de 
Louis  XIV  ,  fut  proclamé  roi  d'Espagne ,  et  la 
maison  de  Bourbon  a  continué  de  régner  jusqti^^ 
la  mort  de  Ferdinand  Vil,  en  1829,  sauf  le  temps 
écoulé  pendant  l'invasion  française  de  1808  à  I8U. 

Le  Portugal ,  ancienne  Lusilanie,  a  suivi  à-peu- 
près  constamment  le  sort  du  reste  de  la  péninsule 
Ibérique.  Los  Lusitaniens,  comme  les  Celtibères, 


—  oiapithë  xxti.—  63 

distinguèrent  pendant  Toccupation  Romaine 
ir  leur  insoumission  el  leur  impalience  du  joug. 
Apres  avoir  é\è  occupé  par  les  Suéves  et  ensuite 
par  les  Maures,  ce  royaume  fut  délivré  de  la  domi- 
nation de  ceux-ci,  dés  le  12.' siècle,  par  Henri 
de  Bourgogne  qui  en  fut  le  premier  roi.  11  con- 
tinua d'avoir  un  gouvernement  particulier  jusqu'en 
1680 ,  qu'il  fut  conquis  par  le  duc  d'Albc  et  réuni 
k  la  couronne  d'Espagne  par  Philippe  IL  U  y 
demeura  jusqu'en  1640,  époque  de  l'expulsion 
des  Espagnols  et  de  l'avènement  de  la  maison  de 
firagance. 

Les  Romains  avaient  la  plus  haute  idée  de  la 
valeur  des  peuples  de  l'Espagne  connus  d'abord 
ious  le  nom  d'Ibéres ,  du  nom  d'anciens  peuples 
de  l'ibèrie  asiatique  qui ,  selon  Varron ,  Pline  et 
Joscphe ,  y  avaient  établi  une  colonie.  U  n'est  pour 
Ainsi  dire  pas  un  seul  des  historiens  de  Rome ,  dont 
les  ouvrages  nous  sont  restés ,  qui  n'aient  parle  avec 
admiration  el  même  avec  une  sorte  d'effroi ,  du 
caractère  indomptable  des  différentes  tribus  espa- 
gnoles, surtout  de  celui  des  Cellibères,  peuples 
de  la  Castille  et  de  l'Arragon ,  des  Cantabres  qui 
occupaient  la  Biscaye  el  la  Navarre,  et  des  Lusi- 
taniens ou  Portugais.  Les  poètes  mêmes  ,  tels  que 
Virgile ,  Horace ,  Lucaio  et  Martial ,  ont  célébré 


J 


64  —  HISTOTRE  DES  DUBL9.  — 

leur  valeur  comme  quelque  chose  de  proverbial. 
Ou  Irouve  aussi  dans  Silius  ItalicuB,  un  morceau 
assez  curieux  sur  les  mœurs  des  Cantabres ,  les 
plus  féroces  et  les  plus  redoutables  de  toute  la  na- 
tion Ibérique  (351). 

Florus  appelle  lesCellibères,  la  force  d* Espagne, 
Tite-Live  dit  que  cette  contrée  était  la  mieux 
opi>ropriée  du  monde  entier  pour  y  refaire  une 
armée ,  à  cause  de  la  disposition  des  lieux  et  du 
caractère  belliqueux  des  habitans.  On  peut  con- 
sulter Scnécjuc,  Diodore  de  Sicile^  Strabon,  Polvbe, 
Dion  -  Cassius  ,  Justin  ,  Ptolémée  ,  Pomponius* 
Mêla,  etc.,  (350). 

Il  existe  dans  Tite-Live  un  monument  important 
de  Tétat  des  mœurs  de  TEspagne,  à  Tégard  dei 
combats  singuliers  ,  au  temps  de  Scipion  ;  c^eat 
celui  des  deux  chefs  Cellibériens,  Orsua  et  Corbis, 
qui  vinrent  mêler  un  combat  sérieux  à  un  spectacle 
de  gladiateurs  ({ue  donnait  le  général  romain.  Cette 
anecdote  est  très-curieuse  ,  quoiqu^il  ne  s^agissepas 
d'un  duel  proprement  dit ,  qui  aurait  eu  pour  objet 
une  querelle  privée.  Voici  la  traduction  littérale 
de  ce  morceau. 

<(  Scipion  revint  à  Carthagène,  pour  y  accomplir 
le  vœu  cp^il  avait  fait  aux  Dieux  de  célébrer,  par 
un  combat  de  i);ludiateurs ,  la  mort  de  son  père  et 
de  sou  oncle.  Ce  ne  fut  pjis  un  de  ces  spectacles  où 


—  fiUTTrniî  i\xf.  —  05 

Tfan  ne  voit  figurer  qm;  ile«  iniiîlrr-*  «l'arme»,  de» 
kIbvm  nu  des  nlTriim  lus,  igni  trafiquent  de  leur 
'^vag.  n  n'y  comparut  que  des  hnmmes  de  bonne 
■volnnlé  et  qui  ne  mcllaient  leurs  services  k  aucun 
;  car  les  petits  ]irinccs  du  pays  sVmprcsscrcnl 
Vy  envoyer  des  <-liBmpioris  qui  pussent  Icsrepré- 
lenter  dignement  et  justifier  In  renommée  guerrière 
e  leurs  peuples.  D'autres  aussi  brûlaient  de  com- 
luttre  pfiur  le  bon  plaisir  de  leur  général.  Il  y  en 
''eut  enfui  qui  se  piquèrent  d'honneur ,  tes  uns  en 
Vadrcsssnt  des  détis ,  les  autres  en  ne  voulant  pai 
psmtlrc  les  refuser. 

Dcui  cousins  germains  d'une  noissnnrc  Irés- 
îUustrc ,  nommés  CorMs  et  Orsua ,  voulurent  pro- 
itler  de  cette  circonstance  pour  mettre  k  la  pointe 
e  leur  épée,  le  droit  qu'ils  prétendaient  tous  deus 
a  gouvernement  d'une  cité  nppcléc  Iben  . .  Scipion 
Toulaîlles  amener  k  des  explications,  calmer  leur 
'  j^greur  cl  les  déterminer  k  s'en  rapporter  li  l'avis  de 
'parens  communs.  Mais  ils  répondirent  qu'ils  n'ac- 
'Ccptcraicnl  jamais,  parmi  les  dieux  ni  parmi  les 
hommes,  d'autre  arbitre  que  Mars.  Corbis  avait  sur 
Orsua  la  supériorité  de  l'Age  et  des  forces;  l'aulro 
ttionimit  tonte  la  présomption  de  la  jeunesse. 
Chacun  d'eux  préférait  In  mort  ii  lliumilialion  de  se 
reconnaître  pour  sujet  de  son  compétiteur.  l,a 
Holencc  de  leurs  reiwcntîmens  ayant  fait  évanouir 


66  —HISTOIRE   DES    DUELS.— 

tout  espoir  de  roiJ<:iliution ,  leur  combat  fut  pour 
rarni^e  un  spectacle  iiioui  et  en  même  temps  un 
nouvel  exemple  des  malheurs  que  cause  parmi  les 
hommes  rambition  du  pouvoir.  Le  plus  âgé  des 
comballans ,  qui  avait  tout  l'avantage  de  Thabitude 
des  armes  et  de  l'adresse ,  triompha  facilement  de 
rinexpérience  de  son  adversaire.  »  ïit.  Liv.,  /i6.38. 
Ce  morceau  ne  laisse  rien  à  désirer ,  comme 
trait  de  nururs ,  tant  à  Tégard  des  Romains  qu^à 
regard  des  lilspagnols.  Il  pourrait  donner  à  croire 
que  les  Goths  et  les  Vandales  n^ont  rien  appris 
de  nouveau  k  ces  derniers  ,  lorsqu^au  5.®  siècle 
ils  leur  apportèrent  avec  Thabitude  du  duel  tous 
les  maux  de  la  barbarie. 

Nous  passerons  sur  cette  époque  qui  n^aurait 
rien  à  nous  révéler  de  nouveau  ni  d^ exceptionnel 
aux  autres  pays  de  l'Europe,  et  nous  arriverons 
aussitôt  au  huitième  siècle  ,  époque  de  rétablis- 
sement des  Maures. 

Il  aurait  assurément  mieux  valu  pour  TEspagne 
et  pour  le  comte  Julien  lui-même,  qu'il  eût  pro- 
voqué en  duel  le  roi  goth  Rodéric  pour  avoir  dés- 
honoré sa  iille  ,  au  lieu  d'introduire  les  Arabes 
dans  sa  patrie ,  les  Arabes  qui  payèrent  ce  service 
avec  la  monnaie  dont  se  payent  les  trahisons. 
Mais  on  n'en  était  pas  encore  au  temps  des  pro* 


—  rniPtTHTî  \\\i.  —  67 

Il07alcrcs<]ucs.  Un  si  minre  év^'oemenl  eut 
cept'itilnnl  jiuur  la  Péninsule  ot  pniir  une  partie 
(le  l'Europe  des  (;Qn3L'<[uenre!i  incalculables.  La 
guerre  de  Troîe,  dont  la  cause  fut  à-pcu-près  la 
même ,  dura  dix  aos ,  mais  ce  fut  pendant  huit 
sicclea  que  l'Espagne  eut  ^  subir  le  joug  des  Maures. 
Grâces  aux  principes  de  l'Islamisme ,  la  fusion  n'a 
|iu  s'opérer  entre  les  vainqueurs  et  les  vaincus  , 
malgré  un  aussi  long  espace  de  temps.  Nous  en 
avons  eu  de  nos  jours  un  nouvel  exemple  dans 
Grèce. 

.Tout  ne  fut  piis  dommage  ,    on  le  sait ,   pour 

|>a^e  dana  celle  longue  occiipalîon.  Du  moins 

il  bien  constant  que  le  remède  fut  pire  que 

mal  et  que  la  Péninsule ,  après  le  départ  des 

Mittires,  ne  présenta  plus  que  l'aspect  d'un  tronc 

mutilé  et  dépouillé  de  ses  plus  ngonreux  rameaux. 

Plusieurs  auteurs  font  aux  Arabes  Phonneur  de 

toriginc  de  la  cbevalerie,    cl  leur  atlribuent  par 

iséquent  l'invention  des  tournois.  Il  n'est  pas  de 

n   sujet   de   discuter  ce  point  ,  sur  lequel  on 

LiTcra  d'amples  éelaircissemcns  dans  les  savantes 

lertations  de  M.M.  de  La  Cume  Sainte-Palaye , 

;  Mémoires  <lc  l'Actul.  tles  Inscriptions.  Je  re- 

rquerai  seulcmeut  que  cette  opinion  ,  tndépen- 

lenl  des  autres  raisons  qui  peuvent  militer  en 

bvcur ,  est  devenue  trés-probablc  depuis  lu  tra- 


68  *-  HISTOIRE  DES  DUELS.  -^ 

duction  donnée  en  anglais,  en  1816,  et  en  franeail, 
en  1819,  du  roman  arabe  iïÀniar,  composé  par 
Asmnï,  au  serond  siècle  de  Pllégyre,  Fan  800  de  J.G. 
C*C8\  là  que  se  trouve  Poriginal  des  Clorinde  et  de( 
Armide,  avec  divers  autres  épisodes  et  descriptions 
de  mœurs  de  la  facture  Homérique.  On  trouvera  des 
frugmcns  de  ce  poème  au  Cliap.  XXXI X  ci-après. 

Malheureusement  il  reste  peu  de  documens  fais* 
toricpjes  sur  les  premiers  ugcs  du  séjour  des  Maures 
en  Espagne.  Après  la  prise  de  Grenade  par  Goih 
%alve  de  (^ordoue  ,  en  1494,  le  cardinal  Ximenès 
donna  Tordre  de  brûler  tous  les  exemplaires  de 
TAlcoran  qu^on  pourrait  trouver.  Les  soldats  îgno- 
rans  ou  superstitieux  prenaient  pour  TAlcoran  loul 
ce  qui  était  écrit  en  Arabe ,  et  jetèrent  au  feu  une 
foule  d'ouvrages  en  prose  et  en  vers.  On  voit  que 
les  Omar  n^étaient  pas  seulement  dans  les  rangs 
des  sectateurs  du  Prophète.  Quelques  manuscrits 
seulement  ont  été  sauvés  et  sont  dans  la  biblio' 
thèque  de  TEscurial ,  mais  ils  traitent  presque  tous 
de  la  grammaire,  de  Tastrologie  et  de  la  tlièologie, 
sciences  en  grand  honneur  chez  les  Arabes.  Giinif 
J^ibL  Àrab.  Hisp. 

c(  Une  galanterie  délicate  et  recherchée ,  dit  Flo* 
rian ,  rendit  les  Maures  de  Grenade  fameux  dans 
toute  PEurope,  et  formait  un  singulier  contraste 
avec  la  férocité  naturelle  à  tous  les  peuples  venus 


•itiî  xxsr.  —  60 

iTAfriquc.  Ces  Musulmans,  qui  dans  les  combats 
BKrttaivnt  leur  gloire,  leur  adresse  il  couper  habile- 
ment des  tvh^s  qu^ils  albiclinieut  h  l'urruii  de  leur 
selle  pour  les  euposcr  ensuite  sur  les  portes  de 
leurs  palais ,  ëkiicot  les.  amans  les  |>lus  tendres,  les 
plus  soumis,  les  plus  passioiuif-s.  Leurs  femmes, 
mioiqu'à  -  peu  -  prés  esclaves,  devenaieul,  lors- 
qu'elles ttnient  aimées,  des  souveraines  absolues. 
CV-lait  pour  leur  plaire  qu'ils  cherchaient  la  gloire  , 
qu'ils  prediguaient  leurs  trésors  ,  leur  vie ,  et  «pi'ils 
rivalisaient  eotr'eux  parla  beauté  de  leurs  fi-tcs  cl 
b  hardiesse  de  leurs  esploils.  Ce  mi-langt:  bixarre- 
dc  douceur  et  de  cruaubé  ,  de  dillicatesse  et  de 
barbarie  venait-il  aux  Maures  des  Espagnols,  ou 
ecux-^i  Tout-ils  pris  des  Maures?  je  l'ignore.  Mail 
«M  remarquant  que  ce  cnroclérc  n'exista  jumais  en 
Asie,  iM-ernicrc  patrie  de  ces  Arabes,  tpi'un  le  h'ouve 
viK'ore  muiss  es  Afrique  »ù  leur  conquête  les  a 
Baluralist-s ,  j'^si  quelque  raison  de  penser  qu'ils  les 
devaient  aux  espagnols.  En  elTet,  avant  l'invaaioiL 
des  Maure»,  la  cour  des  rois  Goths  eu  offre  déjà 
des  exemples.  Apres  celte  l'iwquc ,  bous  voyons  les, 
princes,  les  chevaliers  de  Léoa,  de  Navarre,  de 
Castille  ,  tous  renommés  piir  leurs  amours  autant 
^iie  par  leurs  exploits.  Le  soûl  nom  du  Cid  rappelle 
I  fois  des  idées  de  tendresse  et  de  courage,  u 
.   PfcLLS  hisl.  sur  les  Alauivf, 


70  —HISTOIRE    DES   DUELS.  ^ 

I/auteur  de  Gonzalve  de  Conloue  a  semé  dam 
ce  roman  quelques  épisodes  de  duels  cheyale* 
resques  qu^on  s^est  toujours  accordé  à  ne  coiw 
sidérer  que  comme  de  brillantes  fictions ,  quoique 
le  récit  s^en  trouve  dans  plusieurs  historiens  espa* 
gnols.  La  Colombiére  dans  son  Thcdtre  d'hotmeur 
en  a  aussi  décrit  plusieurs.  Il  faut  mettre  en  pre« 
mière  ligne  le  combat  célèbre  de  quatre  cheYalien 
espagnols  contre  quatre  arabes  de  la  tribu  des 
Zégris ,  rivaux  acharnés  de  celle  des  Abencérages. 
On  sait  que  ce  combat  avait  pour  objet  la  justifi* 
cation  de  la  sultane  Zoraîde ,  accusée  par  les  Zégrii 
d'adultère  avec  T Abencérage  Aben-Haraet,  Uépoux 
outragé  fit  décapiter  ce  dernier  et  exila  tous  les  Aben* 
céragcs.  La  reine  avait  pour  perspective  le  supplice 
du  feu ,  s'il  ne  se  présentait  aucun  champion  pour 
établir  son  innocence  en  champ  clos.  Elle  aurait 
alors  écrit  une  lettre  fort  touchante  à  un  chevalier 
de  la  cour  de  Ferdinand ,  Jean  Chacon  de  Cartha* 
gène,  qui  lui  répondit  de  la  façon  la  plus  galante, 
et  ne  manqua  pas  de  se  trouver  avec  trois  des  siens 
au  jour  et  au  lieu  fixé  pour  le  combat.  C'était  à 
Grenade  mcnie ,  sur  la  grande  place  de  cette  ville, 
en  face  de  TAlhambra.  Toute  la  cour  arabe  y  assis- 
tait ,  ainsi  que  la  belle  Zoraîde  placée  sur  un  échan 
faud  tendu  de  noir  en  face  d'un  bûcher  qui  lui  était 
destiné ,  selon  l'événement  du  combat. 


—  ciiAriTBE  xx^t,  —  71 

Les  liuil  champions  pariirenl  dans  la  lice  à  clie- 

il,  arm^s  de  loulcs  pièces  el  précèilts  Ul'S  juges  du 

combat.  <i  Ils  commeiicL-rcnt  une  si  turlc  bataille, 

dît  La  Colombicre  d'après  le  tcxlc  espagnol,  qtiBv 

ptinnis  l'un  n'eu  avait  *u  de  semblable  ,  co  sorte 

pie  les  juges  et  tous  les  spectateurs  demcuri^reut 

bn  long-lcmps  il  pouvoir  juger  de  tjuel  cûlii  la 

Sctoire    demeurerait.    Mais   ciilin ,  les  valeureux 

Utevolierschrùlieiis,  par  rasaistance  divine,  eurent      | 

fun  nprés  raiilre  victoire  entière  sur  leurs  ennemis, 

il  les  ayant  blessas  mortellement  et  fait  Iri-bucher 

^)a  renverse,  les  ubb^crunl  à  confesser  leur  tra- 

■on.  >.  Thidt.  ,ll>on.,  lt,m.  Il,  c/uif).  32. 

Le  m^me  Auteur  décrit  ensuite  un  autre  coiubal 

|ai   eul  lieu  au  siège  du  Grenade  ,  vers  1491  , 

|Ure  le  jeune  espagnol  Gorilace  el  un  Maure  de 

viHe  qui  était  venu  ditier  tes  Castillans  ;  eclui- 

K  fut  tué.  Le  récit  de  ce  duel  est  eu  vers  arabes. 

pWdinanil   ordonna   au  vainqueur   de  prendre , 

^tour  devise  de  ses  armes,  les  lettres  de  i'Jiv  Maria. 

M.  de  Ch.'iteaubrinod  a  insér*,  dans  \Gi  AvcttUues 

i  dninicr  AbeniTiftgK ,  l'épisode  d'un  întéressatit 

S^bat  entre  son  bèrusAbcn-Hamct,  et  Don  Carlos 

iDl  celui-ci  reclrerchait  la  sœur  en  marTagc.  La 

renité  des  religions  s'npposant  à  cette  union  , 

S)spagmil,  au  lieu  d'un  liymcn  îmftossible ,  pro- 

fi  l'Abencèrage  une  paclic  d'épéo.  «  Mann- , 


73  —  HISTOIRE  DES   DCELS.  "* 

lui  (lit-il ,  œnoncc  à  ma  sœur  ou  accepte  le  combali 
rends-moi  raison  des  lamies  que  tu  fais  versera 
ma  famille. —  Je  le  veux  bien,  répond  Aben* 
Hamct ,  mais ,  né  d'une  race  qui  peut-être  a  com^ 
battu  la  tienne,  je  ne  suis  pourtant  point  chô^ 
valier.  —  Cest-moi,  réplique  son  adversaire ,  fuj 
t  armerai  chei'olier  !  tu  en  es  digne,  n 

H  Aben-Ilamet  fléchit  le  genou  devant  Doa 
Carlos  qui  lui  donne  Taccolade  en  lui  frappant 
trois  fois  Tépaulc  du  plat  de  son  épèe  ;  ensuite  DoQ 
Carlos  lui  ceint  celte  même  épée  que  TAbencérago 
va  peut-être  lui  plonger  dans  la  poitrine.  Tel  était 
ranticjue  honneur,  n 

c(  Tous  dcu\  sYlancent  sur  leurs  coursieTS ,  sor« 
tent  des  murs  de  Grenade  et  volent  à  la  fontaino 
du  Pin.  Les  duels  des  Maures  et  dea  Chrétiens 
avaient  depuis  long-temps  rendu  cette  source  o6« 
Icbre.  C^était  là  que  Malique-Alabès  s^était  battu 
contre  Ponce  de  Léon ,  et  que  le  grand-naaître  da 
Calatrava  avait  donné  la  mort  au  valeureux  Abaya^ 
dos.  On  voyait  encore  les  débris  des  armes  de  co 
chevalier  maure  suspendus  aux  branches  du  PiUi 
et  Ton  apercevait  sur  Técorce  de  Parbre  quelques 
lettres    d^une    inscription    funèbre.    Don    Carlos 
montra  du  doigt  la  tombe  d^Vbayados  à  PAben- 
céragc.  Imite ,  lui  cria-t-il ,  ce  bravée  Ififiilèle  et 
reçoit  lo  baptême  et  la  mort  de  ma  mainm  —  La 


—  chapitbk  xkxi.—  73 

pr(  peut-être,  répond  Abcn-Ilamct ,  mais  l'itv 
ket  ta  Propfiéle..'  u  Et  il  aVlanue  aiir  son  ad- 
>  avec  furie,  Ik  n'avaient  que  leurs  épËca. 
I  choc  fut  terrible  ;  le  castillan  est  renversé  de 
nal  ;  eon  adversaire  quitte  le  sien  et  le  combat 
continue  à  pied.  Aben-Hamct  désarme  Don  Carloi 
qui  l'adjure  en  vain  de  fe  frapper  pour  ne  paa 
lui  devoir  la  vie.  Le  vaincu  propose  à  Lautrec , 
•on  second ,  de  continuer  le  combat  ;  celui-ci  s'en 
excuse  sur  d'anciennes  blessures  et  la  courtoise 
du  chevalier  maure.  Le  combat  se  termine  ainsi, 
nais  AbcQ-tlamet  n'épousa  pas  la  steur  de  Don 
Carlofl. 

Cegrand-maîlrede  Calatrava,  dont  il  vient  dVtra 
parte ,  se  nommait  D.  Kodérie  Telles.  U  s'est  rendu 
tièbre  par  ses  duels  et  tournois  contre  les  Mu- 
maos.  11  combattit  entr'autres  le  frère  b.îtard 
iFlAndalle,  lUs  de  MuUiazen ,  19.''  roi  de  Grenade. 
L  Rodéric  avait  adressé  son  cartel  au  roi  lui-même, 
t  fut  k  qui  des  chevaliers  maures  briguerait 
rboDoeur  de  soutenir  ce  déû.  Le  sort  en  décida , 
cl  ce  fui  U  rciue  qui  tira  les  noms.  Le  roi  fit  au  che- 
valier castillan  une  réponse  des  plus  polies.  Il  assista 
au  combat  avec  toutes  les  dames  de  sa  cour  placées 
sur  les  terrasses  de  l'Alhumbra,  et  après  quelques 
blcMure»,  il  réconcilia  lui-m^nie  les  deux  chuiu- 
pioM  4  les  obligea  de  s'embrusscr. 


74  —HISTOIRE   DES  DUELS.— 

L'autre  (tombât,  qui  fut  fatal  à  Abayados,  anit 
^lù  iirovu(in6  par  ce  dernier  qui  voulait  un  dud 
h  mort  et  ({ui  l'obtint.  Le  grand  -  maître  donna 
son  gant  pour  gage,  et  l'autre  sa  bague.  Lespor- 
niins  étaient  le  maure  Alabès  et  le  célèbre  jouteur 
Ponce  de  Léon.  Ils  se  battirent  en  même  temps 
que  leurs  tcnans  pour  terminer  un  précédent  dud 
commencé  cntr'eux  ,  encore  qucn  ce  temps4hy 
dit  rhistorien  espagnol  ,  les  patrains  n'eussent 
point  acvontnmê  de  se  hallrc»  Âlabez  fut  gricrc- 
nieut  blessé.  AI)ayados  atteint  d'un  coup  mortel 
demanda ,  avant  d'expirer ,  à  se  faire  chrétien.  Le 
grnnd-maitrc  le  baptisa  a\ec  Tcau  de  la  fontaine 
du  Pin  cl  le  nomma  D.  Juan.  Ce  trait  a  été  célébré 
dans  plusieurs  Iiéroïdes  et  ballades  du  temps.  Ilist» 
des  Ghci\  ei\'.  de  Gnmade. 

Un  autre  seigneur  espagnol ,  D.  ZînofTre  de 
Arria ,  fils  d'un  comte  de  Barcelonne ,  fut  provoqué 
par  un  Arabe  du  nom  de  Balzaro  qui  succomba. 

Le  comlc  de  Galera,  grand-maréchal  d'Espagne, 
appela  en  duel  D.  Alphonse  d'Aguilar  qui  avait 
été  chargé  de  Tarrcter.  Mais  le  roi  leur  ayant  fait 
défense  très-ei presse  de  passer  outre ,  Gakra  se 
retira  h  la  (!our  du  Sultan  de  Grenade  qui  permit  le 
combat.  1).  Alphonse  appelé  de  nouveau  fut  dé- 
faillant au  jour  in(li({ué.  Son  adversaire  en  ayant 
pris  acte ,  (it  attacher  le  portrait  de  celui-ci  à  la 


THE    X\XI.  - 

!  de  son  cheval  et  le  Iruina 
I  ville.  TuBQUET,  Hhi.  irF.xp.,li\ 
i  cics  chefs  Espagnols  qui 


75 

ninsi  aulnur  ttc 
.  XXT,  p.  2S0. 
se  disUngua  le 


pilus  penilnnl  la  longue  lutte  de  la  Pt-ninaule  contre 
I  Maures  fut  le  Ciil,  le  héros  de  l'Espagne.  U 
conquit  sur  eux  le  royaume  de  Valence  en  leur 
faisant  la  guerre  pour  son  propre  compte,  et  s'élaut 
I  tiabli   dans   cette  ville  ,   il  y  mourut  la  dernière 
mée  du  onzième  siècle. 
Son  histoire  si    populaire    parmi  les  Espagnols 
s  offre  deux  exemples  remarquables  ,  l'un  d'un 
tuel  proprement  dit ,  l'autre   d'un   combat  judi- 
Ktiaire.   Le  duel  et  le  mariage  du  héros  rastillan 
VBTec  dona  Ximena  ont  ètè  immortalisés  par  l'un 
\4hes  chefs-d'œuvre  de  Corneille.  Ce  sujet  avait  déjà 
été  transporté  sur  le  théâtre  Espagnol  par  deux  au- 
teurs ,  DIamantc  et  Guitain  de  Castro ,  qui  l'avaient 
emprunté  k  Mariana.  Vuici  le  récit  de  l'historien. 
«    Don  Rodrigue   Diaz   de   Bivar ,    surnommé 
le  Cid,  nom  arabe  qui  signifie  Seigneur,  avait  de- 
puis peu  tué  en  duel  le  comte  de  Gormas  en  lui 
passant  son  épée  au  travers  du  corps.  Chimène, 
fille  du  mort ,  fit  tous  ses  elTorts   auprès  du  roi 
Ferdinand  II,  pour  l'obhger  h  punir  Rodrigue  selon 
rigueur  des  lois,  quoiqu'elle  fut  touchée  de  son 
iaérite  et  qu'elle  l'aimât.  Le  roi ,  pour  la  contenter 
t  quelque  manière ,  lui  permit  de  clioisir  ua 


76  —  HISTOIRE  DBS  DUBL8.  — 

champion ,  selon  la  coutume  usitée  en  ce  tentps4à^ 
à  condition  cju^cUc  épouserait  celui  qui  aoftirui 
Yaînqueur  de  ce  confiât  singulier.  » 

Dans  le  texte  de  Mariana  Ghinièiie  demaDda 
au  roi  qu^il  fit  punir  le  Cid  suivant  les  lois  ou  qu^il 
le  lui  donriât  pour  époux,  ce  Ella  misma  requirio 
al  Rey  que  se  le  diesse  por  marido,  oie  casbgaas 
conforme  a  las  leyes ,  por  la  muerte  que  die  a  su 
padrc.»  Maruna.  Hist.  de  JEspàna,  L*  If^,^,  C.  5.* 

Li^historicn  ne  fait  pas  cennaitre  le  sujet  du  dud 
entre  le  Cid  et  le  comte  de  Gorma»;  mais  dan» 
tes  deux  tragédies  espagn€>lcs,  connue  dans  la  pièce 
française ,  c^est  un  soufilet  donné  par  ce  dcraier 
au  père  du  Qd.  Celui-ci ,  pour  se  justifier  de  et 
meurtre ,  dut  s^cxposcr  par  Tordre  du  reî  à  en 
commettre  un  second.  Mais:  cette  feia  du  moins 
îl  u^cut  pas  la  main  aussi  malheureuse  ;  il  réussit 
à  désarmer  Don  Sanclie ,  chanson  de  C^Mméae, 
dont  la  main,  selon  la  condition  du  combat,  de« 
vint  le  prix  de  sa  victoire. 

Or  voit  i>ar  cet  exemple  que  le  duel,  au  cmdém» 
siéi'.le ,  était  déjà  défendu  )>ar  les  lois  de  TEspagne, 
puis({uc  Cliimèue  en  invoquait  la  rigueur  ccMitre  le 
meurtrier  de  si)u  )>ère.  Il  en  était  ainsi  pour  les 
duels  entrepris  satis  le  congé  du  Pruice,  de  même 
qu^cn  France  où  les  rois,  au  15.*  et  16.*  siècles i 
se  réservaient  le  droit  de  les  autoriser  cemme  un 


|rauv< 


—  CHAPITRE  XIÎXI.  —  77 

I  plus  beaux  allribuls  de  leur  couronne.  On 
1  ciïet  dans  la  vie  du  Cid ,  plusieurs  duels 
î  onl  les  caractères  de  combals  judiciaires.  Liii- 
i  soulînt  un  de  ce  genre  pour  décider 
I  la  possession  du  dumainc  de  Talahora ,  entre 
irdiiiand  II  c)  Ramire ,  roi  d'Aragon  ;  le  Gid 
i  son  adversaire. 

Plus  lard ,  deux  jeunes  seigneurs  qui  avaient 
iDusé  deux  Clles  du  Cid ,  Klvire  et  Sola ,  con- 
rent  une  haine  furieuse  contre  leur  beau-père, 
li  les  avait  raillts  de  leur  poltronnerie  en  diverses 
sessions.  Chose  étrange  !  ils  s'avisèrent  de  s'en 
ngcr  sur  leurs  propres  femmes  (ju'ils  dépouil- 
mt  toutes  nues  et  déchirèrent  Ix  coups  de  fouet, 
I  abandonnant  en  cet  état  dans  un  lieu  écarlè. 
'  En  réparation  de  l'affront  fait  au  Cid  et  à  ses 
les  deux  gendres  et  l'un  de  leurs  oncles 
Mnphce  de  leur  barbarie ,  furent  condamnés  par 
t  roi  Alphonse  VI  à  se  battre  en  duel  contre  (rois 
ipitaines  du  Cid,  qui  se  présentèrent  pour  sou- 
air  ta  querelle  et  l'honneur  des  dames.  L'oncle 
1  les  gendres  s'enfuirent  li'ichement  pour  éviter 
t  combat  ;  mais  le  roi  les  força  de  s'y  soumettre , 
l' tous  trois  furent  tués.  Celte  fois  du  moins  la 
wace  tourna  bien,  et  le  ginive  des  duellistes  subs- 
tué  h  celui  de  la  justice,  ne  s'égara  point. 
,  Le  plus  bizarre  de  tous  les  duels  que  l'on  ron- 


78  —  HISTOIRE  DBS  DUELS.  — 

fitiissc  fii(  ordonné  au  XI. ^  siècle  par  Alphonse  I/^ 
roi  (le  Castillc  y  h  propos  du  choix  d^un  bréviaire. 
Celui  dont  on  sVtail  toujours  seryi  dans  les  églises 
d'Espagne  s'appelait  Muzarabique,  du  nom  de  Mu- 
zarabes  qu'on  donnait  aux  indigènes  qui  s^ètaienl 
soumis  aux  Maures  sans  renoncer  toutefois  au  culte 
chrétien.  Le  Pape  soutenu  par  le  Roi,  -voulut  y 
substituer  le  bréviaire  romain.  Mais  le  peuple  et 
le  clergé  de  Tolède  tenaient  à  Tancienne  liturgie. 
La  noblesse  vint  proposer  de  dénouer  ce  nouveau 
nœud  gordien  par  ses  procédés  ordinaires ,  c'est- 
à-dire  par  le  duel.  Cet  expédient  s^étant  trouvé 
du  goût  du  roi ,  deux  champions  armés  de  toutes 
pièces  entrèrent  en  lice.  Celui  de  la  liturgie  mu* 
zarabiquc ,  Jean  Ruys  de  Matanca ,  eut  le  dessus. 
Le  roi  néanmoins  ne  se  tint  pas  pour  battu.  La 
reine  et  farchevc  que  de  Tolède  ayant  sollicité  une 
seconde  épreuve ,  elle  fut  ordonnée ,  quoique 
diaprés  la  loi  celle  du  combat  fut  réputée  en  der- 
nier ressort.  On  jeta  au  feu  un  exemplaire  de  cha- 
que liturgie,  et  les  flammes  d'accord  avec  les  armes 
auraient,  dit-on,  dévoré  le  bréviaire  romain,  tandis 
que  Taulre  en  serait  sorti  aussi  intact  que  Daniel 
de  la  fournaise.  Iioduig.  de  Tolède.  liist.  iVEsp», 
li\'.  6,  c/uip.  26. 

Un  seigneur  castillan ,  D.  Rodrigue  d'Avila ,  fut 
accusé  de  félonie  près  du  même  prince ,  pour  avoir 


'.  xx\i.  —  /y 

j«lé  sur  son  bouclier   les  armes  de  Portugal  , 

Boic]u'il  fiM  vassal  du  roi  de  Casiillu.  L'accusateur 

^it  de  prouver  son  dire  par  témoins  ou  par  le 

■nbat,  à  la  vnloiilé  du  Prince.  D.  Rodrigue  de  son 

lié,  accusa  l'autre  de  conspiration  contre  le  roi  et 

^t  aussi  la  preuve  par  le  duel.  Après  beaucoup 

silation,  Alphonse  autorisa  le  combat  qui  se 

feu  sa  présence  et  qui  dura  trois  jours  avec  un 

il  acliamcment  des  deux  côl^s.  Comme  il  n'y 

k  aucun  avantage  marqué  de  part  ni  d'autre,  il 

renvoya  absous  les  dcus  champions ,  prenant  celle 

indécision  de  la  fortune  pour  un  double  cerliCcat 

d'ianocence  en  leur  faveur.   Pieuhe  Messie  apuit 

t  de  duell.  c.  G,  p.  G6. 

1  onûéme  siècle ,  Major  Munia ,   femme  de 

|lche  m ,  roi  de  Navarre  ,    ayant  été  accusée 

dultérc,  ce  fut,  selon  la  coutume  du  temps,  un 

I  de  duel.  D.  Bamire ,  fils  naturel  du  roi ,  s'offrit 

r  champion;  mais  le  combat  n'eut  pas  lieu. 

1  1266,  UD  chevalier  nommé  Lizana,  offensé 

r  le  roi  d'Aragon  Jacques  1.",  eut  la  témérité 

l'appeler  en  duel.    Le  prince   assiège  le  che- 

'  dans  son  château  et  le  fait  périr  avec  sa 

,  Sec.  d'anectl.  c\p. 

1358,  Pierre  IV,  dit  le  Cérémonieux,  roi 

ragOQ,  eovoie  un  cartel  Ji  Pierre-le-Cruel,  roi 

uCastille.  Il  en  donnait  pour  motif  la  nécessité 


80  — ^  niSTOIRB  DES  DUCLS.  ^ 

dV*pargncr  le  sang  espagnol ,  et  offrait  le  dioii 
cVun  comI)at  h  outrance ,  soit  de  seul  à  seul ,  soit 
de  dix  contre  dix,  de  vingt  contre  vingt,  ou  de 
cent  contre  cent.  Le  roi  de  Castille  tourna  le  caitd 
en  plaisanterie. 

En  1376,  le  même  roi  d^Aragon  reprochait  à 
celui  de  Castille,  Henri  H  dit  de  Transtamare, 
d'avoir  suscité  la  guerre  du  roi  de  Majorque.  Un 
chevalier  Aragonais  se  présenta  pour  soutenir  ce 
dire  par  le  combat  contre  un  chevalier  Castilhn. 
Mais  le  champion  d^ Aragon ,  désavoué  par  un  ca* 
price  de  son  maître ,  fut  obligé  de  retirer  son  défi. 
Cet  Henri  II  avait  délrôné  Pierre-le-Cruel ,  «m 
frère  naturel.  Il  le  poignarda  de  sa  main  au  mo- 
ment où  conduit  dans  sa  tente  après  sa  débite , 
Pierre  s'élançait  sur  lui  pour  l'étrangler.  En  Espa- 
gne ,  comme  partout  ailleurs ,  dans  ces  Ages  de 
barbarie ,  l'humanité  n'était  plus  qu'un  vain  mot. 

Les  souverains  de  ce  pays  étaient  également  pos- 
sédés de  la  fureur  des  tournois.  Le  9  octobre  1S90) 
Jean  l.""^,  roi  de  Castille,  voulut  faire  parade 
d'adresse  et  de  bonne  mine  à  un  de  ces  jeux  que 
les  Maures  célébraient  à  Alcala  ;  il  y  mourut  dHine 
chute  de  cheval. 

I-es  joules  pour  lesquelles  les  seigneurs  Espa- 
gnols semblaient  montrer  le  plus  de  prédilectioD, 


—  rnMrrnE  xxxi.  —  8t 

raient  poiirlaiit  rien  de  bien  noble  on  elles- 
Doa;  clic»  consifltaicnt  h  se  battre  Ji  coups  de 
iaiiï  ou  de  b'ilons  lil'gers  qu'on  se  lançait  en 
ic  de  javelots.  Cela  s'appelait  :  Jeu  ite  cannes. 
On  voyait  aussi  assez  fréquemment  k  celle  épo- 
e ,  figurer  des  seigneurs  Portugais  aux  joutes  et 
tniois  qui  se  faisaient  dans  les  cours  Olrangères. 
t  1414,  trois  chevaliers  de  ce  paya  vinrent  k  la 
iir  de  France ,  sous  Cbarles  VI ,  se  battre  avec 
lis  gentilshommes  gascons  ,  pour  l'amour  des 
tmes. 

'£n  ce  m^me  temps,  il  y  eut  une  autre  joAte  en 
éseiice  du  mt^me  prince ,  entre  un  antre  Portugais 
;GuUlaumc  de  La  Haye,  chevalier  breton. 
iSelon  I.a  Colombiére,  les  pères  du  concile  de 
le  se  seraient ,  en  1432  ,  dooni:  la  récréation 
Bsister  h  un  duel  k  ouirnncc  entre  le  Portugais 
ftn  de  Merle  et  Henri  de  Rnmestan  ,  cbevaUer 
urgilignon.  Le  combat  se  fit  h  pied  et  le  Por- 
|aia  fiil  vainqueur.  La  Colombière  a  emprunté 
trnil  fort  peu  vraisemblable,  en  ce  qui  concerne 
I  pères  du  concile  de  lîâle,  à  la  grande  Histoire 
'^.tjpagne  de  Turquel  de  Mayerne  qui  était  pro- 
Rant  comme  lui. 

L.e  m^mc  Jean  de  Merle  s^étaif  peu  auparavant 
esuré^  ebeval  avec  un  égal  bonheur,  en  la  ville 
rrna,  contre  Pii-rre  de  Beaufremont,  seigneur 


82  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

de  Chariiy,  en  présence  du  duc  de  Bourgogne, 
Philippe-le-Uon.  Thcâl.dhon.,  (ont*  II,  du  16, 
pag.  266. 

Vers  le  déclin  du  moyen  Age ,  l'Espagne  sous  le 
rapport  de  Tordre  intérieur  et  de  la  police  présentait 
^i-{)cu-près  le  inéine  aspect  que  la  France  sous 
Jlenri  II.  Voici  le  tableau  qu^en  a  tracé  Robertson, 
dans  son  Histoire  de  Charles-  Quint. 

<(  En  Castille,  la  funeste  pratique  des  guerres 
privées  était  autorisée  par  les  coutumes  et  les  lois 
du  royaume.  »  Lcg.  Taur.,  til»  16,  cum  cominenL 
jinLon.  Gomezii,  /;•  551  • 

<(  Dans  le  royaume  dMiragon ,  la  loi  autorisa  égt* 
lement  le  droit  de  vengeance  personnelle.  Hyero^. 
Blanca,  de  reb.  Àrag.  apud  Sehott,  "voL  III, p.  733« 
Il  existe  encore  des  actes  de  confédération  entre  les 
rois  d'Espagne  et  leur  noblesse  ,  pour  rétablir  la 
paix  en  vertu  de  la  Trêve  de  Dieu.  » 

c(  En  Tannée  1165,  on  vit  le  roi  et  la  cour 
d'Aragon  se  réunir  pour  abolir  le  droit  de  guerres 
privées.  Zurita,  Annal,  del  Arag»,  %^oL  I,  p.li* 
Mais  le  mal  avait  jeté  de  si  profondes  racines  que 
Charles-Quint,  en  1510,  se  vit  encore  obligé  de 
publier  une  loi  contre  cet  usage.  »  Fueros  ed  obser- 
Qjantias ,  lib.  9,  p,  183.  B. 

Les  ravages  continuels  des  Maures,  dit  encore 


—  CHAPITRE    XHXf.  —  83 

i>l>erlson,  le  fKTiuil  de  iIisL'i|i1iiic  deslroiipes,  les 

^visions  meurtrières  qui  se  rennurelaicnl  sans  cesse 

(pire  le  prince  et  les  nnbîea  ,   et  la   fureur  bdcc 

iquellc  les  barous  se  faisaient  la  guerre ,  rcm- 

p^ssaieitt  de  troubles  et  de  confusion  toutes  les 

'provinces  d'Espague.  Les  dcs(Tiplions  que  doub 

donnent  les  libtoriens  espagnols  de  ecs  anciennes 

mœurs,  épouvantent  l'imaginulion  et  lui  présentent 

idée  d'une  société  peu  diHÏTeule  de  eet  étal  de 

[puble  el  de  confusion  qu'on  a  appelé  l'étal  de 

ure.  Ces  désordres  devinrent  si  communs  qu'il 

Ittail  Ji  peine  (]uelque  communicnlion  ouverte  et 

llkre  d'un  lieu  k  un  autre.  Ainsi  la  sôrcté  el  la  pro- 

iclion  que  les  liommes  ont  clicretié  surtout  à  se 

rurer  en  formant  des  sociélés,  furent  presque 

«Dties.  ZvKvik,  i4rinnl.,elc.,  lom.  f,  pag.  175, 

■  Tant  que  les  inslilulions  féodales  subsistèrent, 

ne  portait  aucune  alteotion   au  maintien  de 

xerdre  et  de  la  polii:e ,  el  il  n'y  avait  que  faiblesse 

Pvl  négligence  dang  l'administra  lion  de  la  justice. 

lies  babitans  des  villes,  dans  l'intérêt  de  leur  propre 

OonserTation ,   cliercliérent  un  remède  eslraordi- 

Itttire  à  cet  élal  d'anardiie  dont  ils  étaient  les  pria- 

^nipaleA  Tictimes,  Dès  l'an  1260,  ils  avaient  formé 

^FtD  Angon,  puis  eu  Castille ,  des  associations  qu'on 

appela  la  Sainte  Confrérie,  Sania  Hermaiultula, 

AisvEOO,  Connu,  in  lieg.  fiisp.  corisiû.,  p,230, 

1012. 


84  —  mSTOIRE   DBS  DUELS.— 

Ces  associations  instituèrent  des  juridictions  ci 
établirent  des  compagnies  dMiommes  armés  quW 
appela  les  archers  de  la  Sainte -Hennandad,  et 
qui  sont  encore  aujourdlnii  la  gendarmerie  de 
l'&pagne.  Sans  aucun  égard  pour  les  justices  sei- 
gneunales  ,  on  traduisait  à  ces  nouveaux  tribunaui 
tons  ceux  qui  violaient  la  paix  publique.  La  tran- 
quillité commença  bientôt  à  renaître.  Les  nobki 
seuls  murmurèrent  de  cette  innovation  comme 
d^une  usurpation  de  leurs  privilèges.  Us  résistèrent, 
menacèrent  les  rois  de  refus  d^impôts.  Mais  réta- 
blissement se  consolida  peu-à-peu  ,  et  il  devinl 
déHnitif  sous  Ferdinand -le -Catholique  ,  dont  h 
politique  porta  le  dernier  coup  ë  la  juridiction 
féodale  des  barons ,  qui  n'était  pas  moins  incom- 
patible avec  Taulorité  du  prince  qu^avec  Tordre 
et  rharmonie  de  la  société,  ânt.  Nebriss.  ,  m. 
Hispan.  ap,  Schott. ,  tom.  II ^  P^S*  849. 

Ferdinand  V  fut  le  François  I.«'  de  TEspagne, 
moins  la  légèreté  de  caractère ,  les  inconséquences 
et  les  boutades  chevaleresques  du  prince  français. 
Il  prépara  le  beau  siècle  de  Charles-Quint  qui  loi 
succéda  en  1516.  Malheureusement  le  despotisme 
superstitieux  de  PhiUppe  11  et  la  faiblesse  toujours 
croissante  de  ses  successeurs,  arrêtèrent  ce  progrés, 
et  conduisirent  insensiblement  TEspagne  &  cet 
état  de  faiblesse  et  d'atonie  où  nous  la  voyons 
aujourd'hui. 


¥ 


T£XS1.—  85 

La  clieraleric  6lail  arrivée  h  son  apogl^e  an  com- 
tnenccment  du  16.'  siècle.  Des  sommcU  les  plus 
élvT^  (le  l'aristocralic  féudale  ,  elle  était ,  comme 
le  duel  de  nos  jours,  descendue  dans  les  classes 
inréricures  et  devenue  littéralement  populaire.  Des 
nuées  de  Dom  Quichotte  ,  dent  le  iHim  seul  est 
d'inTeulîun ,  peuplaient  les  roules  et  les  auberges. 
La  Smiitc-Hcnnamlad  avait  élé  la  Tiwe  de  Dieu 
de  PEsitagoe.  Ce  fut  le  présenatiC  des  crimes , 
comme  le  roman  de  Cervantes  devint  l'antidote 
Folies  du  temps.  L^ine  uonlint  les  liandils, 
Vitre  lit  rentrer  eu  eux-mêmes  les  extravngans. 

La  vie  de  Cita  rie  s- Quint ,  qui  naquit  la  première 
année  du  16."  siècle ,  en  comprend  toute  la  pre- 
mière période  ;  ce  ne  Tut  que  dans  la  seconde  que 
Cervantes  prit  la  plume.  L'effet  de  son  livre  fut 
>)tleclrîque,  parce  que  la  plus  ingénieuse  irome  en 
bit  la  bitse ,  et  qu'il  n'est  pas  de  plus  puissant  cor- 
rectif des  abus  que  le  ridicule.  Ce  fut,  comme  on 
le  Mil ,  une  satyre  dirigée  contre  le  duc  de  Lerme , 
principal  ministre  de  Pliilippe  lll,  fort  cnticbé  de 
die^'aterie ,  comme  tout  le  reste  de  la  natimi.  Celt« 
faisait  aussi  tourner  la  tète  aux  souveraine 
qui  furent  pcul-ctre  les  derniers  h,  s'en  désabuser. 
Cbarlcs-Quiut  avait  trop  de  bon  gens  et  de  poli- 

ipie  pour  aimer  à  se  donner  des  airs  de  capitan. 
uc  {lut  éviter  toutefois  de  pa)  cr  «ou  tiibul  à  la 


86  —  HISTOIRE  DES   DUELS.  ^- 

raode ,  lors  du  cartel  de  Franrois  1.''.  Il  eut  le  lort 
grave  <le  prendre  assez  au  sérieux  ce  défi,  pour 
perdre  en  ambassades  et  en  protocoles  un  temps 
qu^il  savait  d'ordinaire  beaucoup  mieux  employer. 

Il  fut  plus  avisé  à  propos  d'un  autre  défi  qu'il 
avait  reçu  en  1521 ,  à  la  diète  de  Worms,  de  Robert 
deLaMarok,  duc  de  Bouillon,  qu'on  appelait  le 
SangltW  (1rs  A  ni  en  nés  y  digne  homonyme  de  cet 
EbeHiarl  de  La  Marck  que  nous  avons  vu  au  cha- 
pitre pré(*t'dcnt,  s'escrimer  si  bien  en  paroles  contre 
le  duc  de  Bourgogne  ,  Philippe-le-Bon.  Ce  défi 
était  une  inspiration  de  Franrois  I.*"^ ,  qui  avait  été 
jusqu'à  lui  promettre  de  lui  servir  de  second. 
Larrey,  Hisi,  (PAngL,  t.  I^p.  148,  Rotierd.  1697. 

Poutus-Heutcrus  raconte  dans  les  plus  minutieux 
détails ,  riiistoire  d'un  combat  célèbre  qui  se  fit  à 
Valladolid  ,  en  1522  ,  sous  les  yeux  mêmes  de 
Charles- Quint.  Deux  jeunes  seigneurs  de  Sarra- 
gosse,  Pierre  TorelHus  et  Jérôme  Anca,  avaient 
eu  ime  querelle  au  jeu  pour  laquelle  ils  s'étaient 
battus  en  duel  sans  témoins,  neniine  conscio,  To- 
rellius  désarma  son  adversaire  qui  consentit  à  rece- 
voir la  vie  du  vainqueur  ,  à  la  condition  expresse 
que  cela  demeurerait  entr'eux  un  secret  inviolable. 
Néanmoins  il  en  transpira  quelque  chose ,  et  To- 
rellius  irrité  des  malins  discours  dont  il  était  devenu 
l'objet ,  s'en  prit  à  Anca  qu'il  accusa  dejbiinentie 


—  CHAPITHE    XXXI.—  87 

*l  provoipin  malgré  ses  dénùgatîwns  i  un  nouveau 
combat  sin^iUcr.  Comme  ils  voulurent  se  ballre 
cette  fuis  dans  toutes  les  régies ,  ils  présL'nlèrent 
■^quitte  à  l'empereur  pour  le  supplier  do  leur 
leuorder  le  camp  ,  selon  ce  <|ui  ùtail  usité  aus: 
koyaumeade  Casiille  et  d'Aragon.  Ce  prince  les  ren- 
voya au  connétable  de  Castille  qui  avait  ces  sortes 
PsITaiTes  dans  ses  altribuIJons.  Celui-ci  fil  beaucoup 
felTorts  pour  réconcilier  ces  deux  ennemis;  mais 
1  n'y  gagna  rien.  Et ,  comme  selon  In  loi  il  ne  pim- 
lîl  éviter  de  leur  accorder  le  combat ,  il  assigna 
camp  sur  la  place  du  Valladolid  pour  le  !£,9 
lèccmbrc  de  l'année  152iiî. 

t  La  lice  fut  disposée ,  comme  il  ^tnit  d'usage  à 
pUe  époque,  et  la  description  du  cérémonial  et 
fe  préliminaires  observis,  absorbe  plus  de  deux 
loones  in-folio,  dans  le  rtcil  de  Ponlus-llcuterus. 
li^enipcrcur  présidait  eu  personne  ii  cette  eért- 
■onie  à  laquelle  assista  en  grand  curtêge  i'élile  de 
I  uoblesso  espagnole.  Le  combat  fui  des  plus 
Aamés  ;  après  avoir  inutilement  croi»é  le  fer ,  les 
kampions  en  vinrent  it  lutter  corps  à  corps.  Mais 
fcnipereur  les  sépara  en  jetant  dans  la  lice  son 
huii  de  commandement.  Il  leur  adressa  alors  un 
iicours  pour  les  exliorler  à  vivre  enlr'eus  en 
leilleurc  iolelligenee  et  ix  réserver  leur  sang  pour 
bmbnttre  les  eunemis  du  nom  ebrètien.  Mais  il 


88  "*  IIISTOIRE   DES  DUEL8«  ** 

nVn  put  rien  obtenir.  Il  ordonna  qu^on  les  rdinl 
en  prison  jusqu^k  parfaite  réconcilialion  ;  ce  qui  ne 
réussit  pas  mieux ,  car  ils  conservèrent  jusqu^à  la 
mort  leur  implacable  resscntiment.PoNTCs-HsoTEaus, 
Jlcn  Austruic,  lib.  FIJI,  cap,  17,  p.  205. 

Il  a  été  fait  mention  au  chapitre  précédent  d'un 
duel  entre  deux  gentilshommes  français  attachés 
à  l'ambassade  du  cardinal  de  Lorraine,  lorsque 
la  cour  impériale  se  trouvait  k  Bruxelles.  «  L'un 
des  comballans,  selon  le  récit  de  Brantôme,  avaï 
usé  d'une  grande  courtoisie  envers  son  ennemi  qui 
se  trouvait  assez  grièvement  blessé.  Il  Tavait  cliargé 
sur  son  cheval  et  ramené  en  croupe  derrière  lui 
chez  un  barbier ,  Tayant  fait  fort  curieusement 
panser ,  dont  il  se  guérit.  » 

((  L'empereur  ,  ajoute  Brantôme  ,  en  sceut  le 
combat  et  le  trait ,  voulut  voir  ledit  Sourdeval 
qu'il  loua  devant  tout  le  monde  en  sa  salle ,  pour 
sa  valeur ,  sa  courtoisie  et  sa  gentillesse ,  et  lui 
fit  présent  d'une  belle  chaisne  d'or,  n 

Il  serait  difllcile  de  trouver  quelque  chose  à 
reprendre  dans  toute  celte  conduite  de  Charles- 
Quint.  Il  cédait  aux  lois  et  aux  mœurs  du  temps  f 
mais  ce  n'était  pas  d'aussi  bon  cœur  que  son  rival 
François  I.♦'^  F.  tom.  /,  pag,  53, 

La  réputation  du  roi  de  France  était  en  ce  genre 
ri  bien  établie  que  les  amateurs  de  duela  accou- 


raient  li  sa  cour  de  toutes  les  parties  de  l'Europe 
puur  lui  en  donner  le  spedaelv.  C'cal  ainsi  que 
pendant  l'avanl-deniicre  nnnée  de  son  règne,  en 
J446,  deux  espagnols  vinrent  se  ballre  sous  ses 
yeux  k  Fontainebleau. 

L'iiisloire  de  ee  doel  est  rapport àc  avec  beaucoup 

to  détails  dans  un  manuscrit  <|ui  se  trouve  aux 

rliives  de  l'ancienne  Chambre  des  coinples  k  Lille. 

ÎB  ne  connais  que  d'Audiguier  qtiî  en  ait  parlé, 

supposant  par  erreur  que  les  deux  combattans 

lùcnt  Italiens.  Comme  ce  duel  est  le  plus  exlraor- 

naire  de  tous  ceux  que  François  [."'  prenait  laut 

B  plaisir  à  présider,  je  donnerai  quelque  étendue 

celte  citation  qui  ne  peut  manquer  de  paraître 

Tt  curieuse.  Le  récit  du  manuscrit  commence  par 

protocole  suivant. 

«  Dès  le  matin  sera  crjt  pnr  le  héraull  estant 
IDS  le  camp,  comme  le  Roy  a  accordé  cejour- 
lluy  quinzième  jour  de  juillet  1546  k  Julian  Bo- 
léro assaillant,  et  Antonio  More  delTendant ,  le 
unp  en  ce  présent  lieu  seur  et  libre  k  toute  oui- 
•nce ,   pour  mettre  fia  au  différent  et  querelle 
donneur  d'entre  eulx ,  et  est  dclTcndu  h  toute 
rsonne  de  quelque  estât ,   quablé  ou  grandeur 
i^elle  soit,  d'empcst'lier  de  fuict  ny  de  pnrolle 
diet  combat,  ne  donner  aulcun  desluurbîer  en 
iOllQ  affaire  en  quelque  manière  que  ce  suit.  » 


00  —  HISTOIRE    DRS   DOELS.  — 

<(  Après  la  dicte  cryéc  qui  sera  faicte  à  llieure 
un  jKu  devant  que  les  dicts  combatlans  entrent 
dedans  le  camp ,  Tassaillant  premier,  accompaigaé 
de  9on  parrain  et  aultres  de  sa  compaignye,  après 
avoir  honorù  le  dict  camp  en  la  manière  accous- 
tum6e  qui  est  de  faire  un j  tour  par  dehors  d^icelluy 
avec  sons  de  tambourins,  phiffres  et  trompettes, 
entrera  en  son  pavillon  ,  et  le  dict  deflendant  aussy 
en  son  pavillon ,  et  s'accorderont  des  armes  def- 
fensives.  Après  entreront  au  dict  camp  et  iront  faire 
les  sermons  accoutumis. ...»  Suivent  les  formules 
des  deux  sermens. 

«  Kl  (*ela  fai(*t ,  sera  cryé  par  le  Hérault ,  lorsciuo 
les  dicts  combattans  seront  tous  au  lieu  dont  ib 
seront  partiz  pour  faire  les  dicts  scrmens  il  liaulle 
voix  et  cry  publicq ,  et  après  que  les  trompettes 
auront  sonné,  que  chacun  ait  à  faire  silence,  et 
que  tantosl  cjue  les  dicts  combattans  seront  entrés 
au  combat ,  aulcun  n'ait  à  tusser ,  cracher ,  parler, 
ne  faire  signe  de  pied  ny  de  main  ou  de  Foeil  qui 
puisse  nuyre  ou  prèjadicier  à  Pung  ny  à  Paultre 
des  dicts  «'ombatlaiis ,  et  ce  sur  payne  de  vye.  » 

u  Kl  la  dicte  crvce  faicte,  sera  le  dict  hérault 
adverti  par  M.*'  le  Mareschal,  deslors  que  les  dicts 
combattans  seront  prcslz  de  combatre,  pour  crycr 
à  haulte  voîx  :  Laissez  aller  les  bons  combattans,  » 

u  Après  le  quel  combat  faict ,  sera  le  vainqueur 


—  CHAPITRE   XXTf.—  01 

en  grand  trîumplie  it  sim  loclgis  arrom- 
palgné  des  lif-rnuls  d'nrmcs  dn  Roy  les  (picla  ne 
veulent  point  assister  h  aller  «[utrir  les  diels  com- 

iHans  ne  les  melire  an  dîct  f^iimp,  piiurcetjue 

dcsploy  de  leurs  l'olles  d'anncs  sera  réservé  à 

illuy  qui  sera  vainqueur.  » 

L'auteur  de  la  relation  raconte  ensuite  comme 

loi  le  combat  avait  i.lé  remis  du  8  au  lôjuillcl, 
la  demande  expresse  du  roi  d'Angleterre , 
Henri  VIII,  qui  a  ceste  fin  escrypi-it  nu  Itoy,  pour 
donner  le  temps  ii  l'un  de  ses  sujets  milurd  Gauivet 
d'y  assister  comme  parrain  de  Julian  de  Romero. 
Puis  Tient  l'énum^ralion  des  grands  personnages 
qui  parurent  i  la  cérémonie  pour  y  remplir  les 
principaux  rôles ,  tels  que  MM-  de  Guise ,  de 
,  de  Tlieei,  de  Nevers,  de  Laval,  d'Au- 

lie ,  La  Tremoille ,  etc. ,  avec  une  longue  et  mi- 
nutieuse description  de  leurs  insignes ,  costumes 
cl  flcroutremcns.  Il  n'y  eut  pas  jusqu'au  Daupliia 
qui  ne  vînt  prendre  place  à  côté  de  son  père  pour 
jouir  du  spectacle  de  ces  jeux  cruels  dont  il  sci-a 
bientôt  lui-mi-me  la  victime. 

«  Environ  une  heure  après  le  midi ,  le  Roy 
comparut  avec  le  Oatilpliin  et  plus  de  quatre  cent 
^danacs  sur  un  eschautraul,  lequel  avuit  été  dressé 
r  voir  iceluy  combat.  El  Ton  mena  par  devers 
les  combatans  pour  faire  les  scrmeus  en  sca 


pnnci 

MBrissai 


02  —  niSTOIBE  DES  DUELS.  — * 

mains.  El  tcnoii  M.*^  Tadmiral  de  Guyse  le  livre 
des  Evangilles  sur  lequel  les  dicts  combalaDS  ju- 
rèrent en  la  forme  ci  dessus  dicte.  » 

t(  Les  dicts  sermcns  eschevés,  les  dicts  combatani 
retournèrent  en  leurs  papillons,  et  au  même  instanl 
qu'ils  voulurent  monter  à  cheval  pour  le  combal, 
survint  par  voye  de  poste  milord  Ganivet,  TÂnglojs, 
parrcin  du  dict  Julian  y  au  lieu  du  quel  on  avoik 
esté  choisyr  ung  autre  parce  que  Ton  doutoil  de 
sa  venue.  Kt  fust  le  dict  Milord  incontinent  rec« 

m 

par  le  Roy  le  quel  se  retira  d'hors  son  eschaulbuli 
et  avec  luy  M>'  le  Daulpliin ,  et  parla  assez  lon- 
guement au  dict  Milord  qui  luy  présenta ,  coamie 
il  se  dict ,  lettres  du  Roy  d^ Angleterre.  » 

Après  d'interminables  discussions foiic&a/it  ffirc- 
tioii  (Vannes  qui  consistaient  en  trois  épées,un0 
longue ,  une  moyenne  et  une  courte ,  pour  chacun 
des  deux  cliampions,  et  aussi  sur  ce  que  le  cheval 
de  Tun  d'eux  avait  quelques  lignes  de  plus  haut 
que  celui  de  Taulre ,  le  duel  enfin  commença. 

u  Les  deux  combattans  estant  ii  cheval  ils  furent 
pour  (iiiel(|ue  temps  sans  se  heurter  ny  approcher, 
attendant  Tuiifi;  Tautre  ({ui  commenceroit  le  pre- 
mier. Toutes  lois  enfin ,  Julian  donna  le  premier 
rop,  et  fut  le  coudict  tel  c{ue  en  peu  de  temps 
Mauro  blessa  fort  le  cheval  du  dict  Julian  à  la  teste; 
et  si  perdit  le  dict  Julian  ses  dpux  épées  priucipallei 


\-ïxi.  -  93 

:})iclles  il  rompit  la  première  qui  esloit  celle  qui 
iclioil,  en  frappant  sur  le  dicl  Mauro.  L^aiilre 
ty  tomba  des  mains  en  destournanl  ung  cop.  Et 
rur  lors  ud  chalcun  csUmoit  ipie  le  dict  Mauro 
roit  victorieulx ,  d'autant  plua  qiin  le  dicl  Julian 
Blant  son  cheval  fort  blessé ,  et  destitué  de  ses 
ux  plus  longues  espées,  se  mit  ii  pied,  tt  fault 
^  noter  que  le  dîct  Julîan  desmonta  fort  dexlre- 
Bnl  de  dessus  son  cheval  et  d'autre  cuuslel  que 
Esloit  son  adversaire ,  tellement  qu'en  cela  il  ne 
f  sceut  nuyre.  » 

«  Estant  le  diet  Julian  à  pied ,  il  print  la  corte 
pèe  quy  seullemeut  lui  restoit ,  et  tira  soit  à  la 
nonne,  soit  au  cheval  de  son  ennemy  le  quel 
■eval  il  blessa  au  proche  de  l'œil.  Se  voyant  le 
bt  Mauro  aiosy  attaqué ,  il  se  mit  k  contomer  à 
blour  du  camp  galouppant  son  cheval ,  à  une  fin 
iVsloil  de  prolonguer  le  dict  combat  jusques 
irés  le  soleil  retiré,  au  quel  cas  il  fut  demeuré 
Btorieulx ,  puisqu'il  avoit  démonté  Julian  de  son 
teval  et  fait  perdre  ses  principales  armes;  de  la 
lelle  chose  le  dicl  Julian  s'apperrut  bien.  Par 
I  sentant  les  quatre  heures  sunnéus  et  doublant 
tomber  en  tel  inconvénient ,  ît  prînt  de  rechiet 
nir  pour  aller  resercher  le  dict  Mauro ,  combien 
6  jJi  il  fut  longuement  traveillé  à  le  povoir  ren- 
slrcr.  Toutes  foîx  ce  fut  en  vain  ,  le  dict  Mauro 


Oi  ^  HISTOIRE  DES   DUELS.  — 

gnloiippniU  tousjoiirs  à  Tenlour  du  camp  ets^escry- 
ant  piteusement  :  Non  te  quicrc,  signor  Juliano^ 
non  te  {/uicrc ;  et  le  dict  Julian  oscryant  :  Joute 
quierc.  Fit  en  courant  à  longues  passées,  il  releva 
son  cspùc  d^armes  que  luy  esloit  tombée  en  terre 
du  commencement,  et  avec  icelle  et  sa  corte  dague 
pressa  tellement  le  cheval  du  dict  Maure  qu^il  le 
blessa  sur  les  jarretz  dont  le  dict  Maure  s^estonna 
grandement  ruant  quelques  coups  au  conter.  Et 
sentant  le  dict  Mauro  sou  cheval  afTeiblyr,  il  voulust 
descendre  de  dessus,  et  fut  si  peu  advisé  que  il 
desmonta  du  couslel  où  cstoit  le  dict  Julian,  le  quel 
sceut  très-bien  recueillir  Toccasion  qui  se  ofiEroit 
de  adommager  son  ennemy ,  luy  courant  sus  sîtost 
qu^il  fust  en  terre.  Et  le  poussant  roidemcnl  soubi 
luy,  luy  traversa  les  jambes  des  siennes,  et  quant 
et  quant  lui  esta  son  gorgerin,  luy  mettant  et  alTutant 
au  col  sa  corte  espéc  ,  après  luy  avoir  mis  quelque 
peu  de  sable  par  les  yeux  et  en  la  bouche ,  que  fut 
pour  Taveugler.  » 

<i  Lors  commença  k  cryer  le  dict  Mauro  qu'il 
se  rcndoil  à  luy  recognoissant  son  meflait,  et  qu'il 
avoit  mal  faict  d^avoir  délaissé  le  service  d'Angle- 
terre pour  entrer  en  celuy  de  France.  Eln  ces  en- 
trefaictes,  arriva  M>^rAdmiral  de  Guyse,  mareschal 
du  dict  camp  ,  au  quel  le  dict  Julian  demanda 
s'il  tueroit  le  dict    Maure;  ^  quoy  le  dict  sieur 


—  CHAPITRE    HXXI.  —  05 

Admirai  rfpondil  que  non.  El  en  pr/'sencG  d'i- 
eeluy ,  le  ilitt  Maum  se  rendit  de  recliief  et 
ifcssB  sont  tort.  Sur  qii»y  le  dict  Julian  se  leva 
Gt  alla   au  milieu  du   dict  camp  où  il  cryn  par 

plusieurs  fois  :    f'ictoirv  ! VA  cola  faict ,  se 

rangea  avec  le  dict  sieur  Adnura)  afin  que  Tou  ne 
fist  aulcun   lort  ;   le  quel   le   reoeul  soubï  la 

'otectîon  du  Roy  qui  lors  cscrya  ii  hatilte  voix 
que  l'on  ne  Itiy  fist  aulcun  tort  sur  painc  de  la 
hart.  Que  Fust  U  cause  que  aiitcuns  franco;»  se 
vouslurcnt  esmouïoyr  vi^ans  la  diulc  victoire  cl 
que  le  leur  (Mauro)  demcuroit  desliontë. 

Lors  les  aulcuns  parrctns  du  dict  Julîan  ciilrè- 
rent  au  dicl  camp  et  Tindrenl  trouver  Mauro,  le 
quel  ils  désnrmcrent  de  son  Iiarnois.  Et  dicl  alors 
le  dict  sieur  Admirai  au  dicl  Julian  qu'il  admcnast 
son  prisonnier  au  Roy.  A  quoy  le  dict  Julian  satis- 
faisant, vint  trouver  le  dict  Mauro  le  quel  se  pour- 
menoit  par  le  camp  ayant  encore  ses  trois  espée* 
que  le  dict  Julien  luy  osta ,  cl  le  mena  au  dict 
seigneur  Roy  au  quel  il  le  présenta.  Puis  adressa 
son  propos  ii  Madamoisellc  de  Travcs  usant  de 
cca  mois  :  Atadarnoisellc ,  i-ou.t  ta-ez  ce  malin 
eiK'oyé  une  cluihne  d'or  à  Alanro  ,  afin  tju'il  fut 
hou  dvbvoir  contre  nioy.  El  il  t>ous  avait  promu 
t'eus  livrer  ma  leste  avant  rju'ii  fust  vingt-quatre 
haïra,-  mojr  en  contre  c)mnge  ji-  t<ous  tlonne  la 


06  —  HISTOIRE  DBS  DDBL9.  — 

sienne  ri  son  coij}s  parce  quil  ne  vaull  rien,  D 
rcspoiidit  le  dict  seigneur  Roy  au  dict  Julian  qu'3 
OToit  faicl  honneur  à  sa  patrie  par  son  bon  debToir 
dont  il  lui  sa  voit  très  bon  gré  ,  et  Ten  extimoil 
homme  de  bien  jusques  au  boidt.  » 

(c  Cela  faict ,  le  dict  Julian  avec  milord  GaoÎYet 
et  les  quatre  mareschaulx  retourna  au  camp  yic- 
torieulx  ,  faisant  trainer  aprçs  luy  les  armes  de 
Mauro.  Kt  fusl  avec  trompettes,  tambours  et  plti« 
sieurs  autres  instrumens  conduit  victorieulx  en  son 
logis ,  auquel  le  Roy  fit  depuis  donner  une  belle 
chaisue  d'or  de  trois  cens  écuz.  n 

((  Et  le  soir  mesme  Mauro  fut  pillé  et  saccagi 
en  façon  qu'il  demeura  désuni  de  tous  biens  au 
quel,  comme  il  se  dit,  M.*^ le  cardinal  de  Lorraine 
envoya  vingt-cinq  écuz  avec  les  quelz  il  s^est  hon- 
teusement retiré  de  nuict.  Et  à  la  vérité  tous  cetilx 
d'ici  ont  été  merveilleusement  troublez  de  son  re- 
boutemcnt,  car  il  estoit  question  de  Fhonneurde 
France  et  d'Angleterre  dont  Mauro  avait  quitté  le 
service  ,  tellement  q\ie  luy  s'appelloit  le  Franeoys 
cl  Julian  TAngloys.  » 

Que  dire  d'un  tel  récit  auquel  on  avouera  que 
ricii  ne  manque  pas  mcme  une  émeute,  comme  plus 
lard  lors  du  duel  MM.  de  Castries  et  Laroeth.  F, 
lom,  / ,  />fig,  820. 

Cv  seul  Irait  suduail  pour  peindre  toute  Tépoque 


Franroisl.".  ...  Flail-ce  bien  la  pinre  d'un  roi 
'  France  de  présider  un  Ici  spectacle  ?  Il  ne  faut 
fl  juger  les  choses  de  ce  temps  avec  les  idées 
I  DÛIre  ;  c'est  vrai.  Mais  en  Espagne  aussi  peuples 

rois  n'élaient  -  ils  pas  infatués  de  clicvaleric  ? 
!  monarque  Français  était-it  nuire  chnsc  que  leur 
ipistc?  Qu'on  juge  donc  entre  lui ,  d'après  les  taita 
dessus  rapportés,  et  CIiarles-Quint  son  rival  '. 

On  vit  auKsi  1res- fréquemment  des  clievalicrs 
pagnols  ou  portugais  figurer ,  en  champ  clo8 , 
IDS  les  divers  pnvs  étrangers  où  la  fortune  des 
Inès  les  conduisait-  Les  histoires  des  guerres  de 
ice  cl  des  Pajs-Bas,  surtout  celles  d'Italie  sont 
eities  du  récit  des  prouesses  auxquelles  on  se 
Tait  pour  l'aniour  tlvs  Dames  ou  pour  passer  le 
[Dps  dans  les  momens  de  trêves. 
Outre  tes  exemples  déjà  cités  au  volume  précé- 
dcnl  pour  ce  qui  concerne  la  France  ,  on  trouvera 
dans  Vlliftoire  Universelle  de  de  Thou  ,  la  men- 
tion d'un  duel  entre  Henri  Manriquez,  lieutenant 
d'Avila  ,  contre  un  capitaine  français  nommé 
Randon.  Ce  combat  eut  lieu  au  siège  de  Metx , 
en  1552,  avec  autorisation  du  duc  de  Guise. 

On  trouvera  aussi  au  Chap.  XXXVl  tes  détails  de 

l«  rencontre  projetée  entre  Pierre  III,  roi  d'Aragon, 

el  Cliarlcs  d'Anjou ,  roi  de  Naplcs ,  ainsi  (jue  divers 

7 


96  —  HISTOIRE  DBS  DUELS.  — 

traits  ronrernant  des  ofllcicrs  de  Tarmce  espagnole 
commaiul^e  par  Gonzaive  de  Cordoue.  Enfin , 
Turquel,  dans  son  Histoire  d  Espagne ,  rapporte 
plusieurs  duels  de  D.  Jean  de  Pimeniel ,  comte  de 
Maiorca  ,  qui  sYUiit  fait  un  grand  renom  dans  la 
ciiamps  clos  et  qui  finit  par  succomber  de  la  main 
d'un  de  ses  écuvcrs. 

LV'sprit  religieux  se  conciliait  fort  bien  aulrefoii 
avec  les  goûts  chevaleresques.  Non  seulement  les 
combattans  entremêlaient  fréquemment  dans  leurs 
rites  féroces  des  pratiques  de  dévotion  ;  mais  ils 
étaient  prêts  quelquefois  à  faire  du  duel  une  croi- 
sade, et  à  tirer  Tépée  pour  la  cause  de  Dieu.  Cesk 
ainsi  qu'on  lit  dans  la  vie  de  St.  Ignace  de  Loyola , 
qu'il  voulut  un  jour  se  battre  contre  un  Maure 
qui  avait  nié  la  divinité  de  J.  C.  (351). 

Dans  le  siècle  suivant,  en  1641 ,  le  duc  de  Médina 
Sidonia  envoya  de  Tolède  un  cartel  au  duc  de 
Bragance ,  qu'il  fit  publier  partout. 

En  1G9G,  il  y  eut  près  de  Madrid,  un  combat 
de  cinq  contre  cinq.  Ceux  qui  étaient  bien  en 
cour  en  furent  quittes  pour  quelques  jours  d'ar- 
rêts chez  eux ,  les  autres  passèrent  le  même  temps 
en  prison. 

Dès  l'année  1584,  il  avait  été  promulgué  en 
Espagne  un  édit  fort  sévère  contre  le  duel.  Au 
concile  de  Pennafiel ,  en  1302,  on  avait  publié  un 


—  chapitrï  xsxi.  —  99 

conon  qiit  difentlnil  il'np|)cler  en  duel  les  évoques 
et  lea  chanoines.  Cps  [irohibitions  furent  rcnon- 
Tclées  en  ICG9 ,  par  rinTatil  Don  PMro. 
h  En  Portugal,  l'art.  43,  liv.  V,  §  l."du  code 
j^minel  punit  les  duellistes  de  la  peine  de  l'exil 
en  Afrique,  aibitrio pnncipis,  de  la  confiscation 
fies  biens  et  de  la  dégradation  civique.  Il  n'y  a 
d'excnse  pour  les  provocations  que  dans  le  cas 
où  elles  auraient  immédiatement  suivi  le  premier 
inouvcnicnt  de  la  colt^re. 

LDu  reste,  l'opinion  publique  chez  les  Portugais 
■^  d'accord  en  cela  avec  la  lot.  Un  duelliste  serait 
■ccueiili  avec  une  extrême  défaveur  dans  la  société. 
Lorsque  le  cas  s'est  présenté  el  que  les  circonstances 
élaient  graves ,  le  coupable  s'est  vu  fermer  toutes 
les  portes  ;  ses  amis  mêmes  l'abandonnaient  et 
rompaient  tous  rapports  avec  lui. 

Comme  la  loi  sur  les  duels  n'a  rten  d'exagéré 
dans  ce  pays,  elle  est  littéralement  exécutée.  Chacun 
ta  prend  au  sérieux ,  et  la  crainle  qu'on  en  éprouve 
snfUt  pour  qu'on  se  tienne  constamment  sur  ses 
gardes  et  qu'on  évite  avec  soin  toutes  les  occasions 
d'entrer  en  querelle. 

y  Dans  la  noblesse  et  chez  les  militaires  ,  on  voit 

icore  se  présenter  de  temps  à  autre  quelques  ras 

i  qui   ne  surviennent  ordinairement  que 

«  les  premier»  ncccs  de  la  rnlère ,  et  il  est  excès- 


100  ^HfSTOinE  DES   DUELS.— 

sivemcnt  rare  que  les  rencontres  soient  concertées 
de  sang  froid. 

Dans  la  bourgeoisie  on  ne  se  bat  jamais  après 
vingt-quatre  heures  de  réflexion.  Tout  cas  de  rixe 
est  porté  devant  les  tribunaux.  Cette  plainte  s^ap- 
pelle  Qucrclar,  et  Toflensé  ne  réclame  habituelle- 
ment d'autre  réparation  que  celle  qui  lui  est  faite 
û  la  barre  morne  du  magistrat.  Ces  rixes  donnent 
ordinairement  lieu  à  un  échange  de  quelques  coups 
de  cravache  de  part  et  d'autre.  Souvent  les  autorités 
interviennent  d'oflice  et  cherchent  à  concilier  les 
deux  parties ,  en  les  obligeant  à  signer  une  décla- 
ration ou  promesse  de  vivre  en  paix  bene  vii'ere* 
Celui  qui  viole  cette  promesse  encourt  une  amende 
sévère  qui  appartient  toute  entière  à  des  établisse- 
mens  de  charité.  L'opinion  se  contente  de  ces 
formes  de  réparation ,  et  tient  Fhonneur  pour  com- 
plètement satisfait.  On  trouve  des  exemples  de  ces 
réparations  dans  ce  qui  se  passait  au  temps  de  la 
Tfv\'e  de  Dieu  et  dans  ce  qui  arrive  encore  au- 
jourd'hui en  Angleterre  où  le  querelleur,  comme  on 
le  verra  au  chapitre  suivant ,  est  traduit  en  prison, 
s^il  ne  donne  caution  de  respecter  la  poia:  du  roi. 

Les  cas  de  duels  ci-après  sont  peut-être  les  seuls 
qui  se  soient  présentés  en  Portugal ,  depuis  environ 
trente  ans.  Celui  qui  va  suivre  s^est  même  passé  au 
Brésil  pendant  le  séjour  de  la  cour  de  Bragance 


\\\\.~-  101 

Rin-Janelro,  lors  de  l'iuvasion  du  Portugal  par 
les  Français. 

Le  coidIl-  D.  Victorio  de  Limharès ,  alors  colonel 
^un  régiment  de  ligne,  se  Tnisait  remarquer  par 
DQ  esprit  et  ses  taleiis.  Mais  il  était  sujet  Ji  de  coiï- 
Duetles  distractions  qui  furent  cause  qu'uu  jonr, 
[ans  un  bal  où  il  assistuil ,  it  bkssa  sans  le  vouloir 
)  susceptibilité  du  Diarquis  U.  Antonio  de  Lavradio 
|uî  lui  eu  demanda  sntisraetion.  Un  duel  fut  résolu  ; 
nais  le  lendemain  le  comte  de  Limharès  s'élant 
ricvement  blessé  dans  une  cliùte  de  cheval,  son 
lérc.àgé  de  quatre-vingt-deux  ans,  vint  s'olî'rir  pour 
!  remplacer.  La  rétlcsiun  était  venue,  et  le  marquiâ 
b  Lavradio  profita  de  cette  circonstance  pour 
étirer  «on  défi. 

D.  Gaston  de  Camars ,  aujourd'hui  comte  de 
'aypa  et  membre  de  la  c1iand)rc  des  pairs,  aimait 
«aucoup  la  (xiésie.  il  lit  un  sonnet  qui  inilist>osa 
outre  lui  U.  Juan  de  Ciiïtcllo  Druuco,  major  de 
•valcric  et  fils  du  marquis  de  Délias.  Va  duel 
'ensuivi!  et  l'auteur  du  sonnet  fut  blessé. 

La  mime  chose  arriva  ii  D.  Diego  Juse  du.  Sauça, 
BBJor  de  cavalerie,  appelé  eu  duel  par  le  comtu 
la  Ponle ,  alors  capitaine  du  même  corps. 

Deux  bcaux-frércs,  I).  Jean  Wartinho  d'Azevedn 
luntuury  ,  genlilhomuie  de  la  chambre  du  roi 
Vt ,  cl  D.  Mathias  Antonio  da  Sauça  Lohatlio, 


102  —HISTOIRE  DES  DUELS.— 

se  battirent  au  sabre  sans  témoins  et  s'étaient  déjà 
porté»  (le  graves  blessures ,  lorsque  la  police  les 
sépara.  Us  furent  sur  le  champ  traduits  en  prison. 
Le  sujet  de  ce  duel  étaient  des  propos  indiscrets 
tenus  par  Tun  des  deux  beaux-fréres  et  qui  com- 
promettaient la  réputation  de  la  fenmie  de  Tautre. 

En  Espagne  ,  aujourd'hui ,  les  mœurs  sont  bien 
cliangées  auprès  de  ce  qu'elles  étaient  autrefois. 
C'est  de  toute  TEurope  le  pays  où  il  y  a  le  moins 
de  duels,  u  Ce  changement,  dit  M.  de  Laborde, 
s'est  op:ré  assez  promptemcnt.  Les  duels  jr  éudeni 
trcs^fréquens  ;  ils  y  sont  maintenant  fort  rares* 
A  peine  en  entcnd-on  pader.  Les  Elspagnols  parais- 
sent même  aujourd'hui  avoir  autant  de  répugnance 
pour  ce  genre  de  combat  qu'ils  eurent  autrefois 
d'empressement  à  en  chercher  les  occasions.  » 
Jliner.  descrip.  de  l'Esp.y  tom.  F ,p*  375, 

On  a  vu  pourtant  de  nos  jours ,  dans  cette  hor- 
rible guerre  pour  la  succession  de  Ferdinand  VU , 
dont  la  Navarre  est  le  théâtre ,  un  défi  qui  n'appar- 
tient qu'aux  temps  chevaleresques  et  qui  rappelle 
ces  guerres  d'itahe  où  les  Nemours,  les  La  Palice 
et  les  Fayard  prenaient  plaisir  à  se  mesurer  hors 
des  rangs  avec  les  compagnons  du  grand  GonzaWe. 

Le  17  mars  1835,  un  cartel  fut  adressé  par  Don 
C.  O'Donnel ,  général  de  cavalerie  de  Dou  Carios, 


—  cHiprTBK  xx\r, —  103 

lu  brigadier  Lnpez ,  commun  dan  t  une  division  de 
l'armée  de  la  reine  Christine.  Ce  cartel  était  ainsi 
formulé. 

^  H  La  cavalerie  de  l'armée  de  Don  Carlos  désire 
■bec  ardeur  Poccasion  de  se  mi-siirer  contre  celle 
de  Dona  Clirislina.  Mais  comme  les  combats  sont 
■ni^^us,  soit  par  la  position,  soit  par  te  nombre 
dea  eombatlans ,  nous  cticfs  des  deux  partis  nous 
■MonionB ,  à  limitation  des  anciens  chcTiiIicrs , 
Bboiair  un  nombre  égal  ile  soldais  et  décider  seule- 
ment par  I»  valeur,  au  combat  h  Tarme  blartcbe. 
Pour  ma  part  je  jure  sur  l'honneur  de  n'avoir  sous 
mes  ordres  (pie  le  nombre  de  troupes  convenu ,  et 
j'espère  que  mon  ennemi  en  fera  autant,  A  tous  les 
nombreux  amis  et  compagnons  d'armes  que  j'ai 
dans  l'armée  Chtistina,  je  les  sa  Vue  et  leur  souhaite 
toutes  prospéritt's,  hors  iliiHS  les  combats  ;  car  je  ne 
lOnneis  d'ennemis  que  sur  les  champs  de  halaille.  n 
ftCe  cartel  fui  accepté  par  le  brigadier  chiiitiiiox. 
b*empressa  d'en  faire  l'objet  d'une  proclamation  k 
|.|rou|»e  qui  se  terminait  |)ar  le  passage  suivant. 
Tatlends  la  seule  indication  du  lieu  de  ce  duel 
r  TOUS  conduire  au  combaL  La  mort  est  une 
noble  récompense  pour  celui  qtii  se  sunt  dans  les 
veines  du  sang  csiwgnol.  Vous  yerrca  !i  votre  ttte 
dans  ce  duel  romaiiti<[iie  votre  commanda  ut-gé- 
néral. Signe  :  Narcisse  Lopea. 


101  *»  «8T0IRB  DBS  DUBL8.  «^ 

Les  journaux  du  12  avril  1835,  ont  publié  ces 
deux  pièces  singulières,  mais  depuis  ib  n^ont  pu 
fait  connaitre  les  suites  du  cartel.  Peut-être  doil-o& 
à  ce  procédé  chevaleresque  d^avoir  rapproché  deux 
partis  acharnés  à  s^entre-déchirer ,  au  point  de  leur 
faire  conclure  cette  convention  récente  par  suite  de 
laquelle  le  sang  des  prisonniers  doit  être  épargné. 
Du  reste ,  ce  défi  plus  ou  moins  sérieux  n^est  pu 
Tévéncmcnt  le  moins  extraordinaire  d^une  guerre 
qui  avait  pris  le  caractère  d^une  lutte  d^extenni* 
nation,  d'une  guerre  où  Ton  a  vu  un  général,  Etpo»* 
Y-Mina,  prononcer  dans  une  proclamation  la  peine 
de  mort  contre  tout  médecin  qui  aurait  donné  ses 
soins  à  un  blessé  de  Tarmée  ennemie.  Il  n^existe 
que  deux  exemples  d'une  telle  atrocité ,  en  PruaiO 
où  Frédéric  II  s'était  oublié  jusqu'il  prescrire  qud« 
que  chose  de  semblable  pour  les  blessés  en  duel, 
et  en  France  où  un  arrêté  de  la  police  parisienne 
publié  à  la  suite  des  événemens  de  Juin  1883, 
ordonna  aux  médecins  de  lui  apporter  les  nonu 
de  ceux  dont  ils  seraient  appelés  à  panser  les 
blessures  (352). 


chapithe  xxxii 


DucU  en  Angiclerre,  Écc 


et  après  lui  Tacilu  n'ont  sans  doulc  pas 
reoconirè  plus  de  vestiges  du  Duel  priipremcnt  dit 
dans  TancienDc  Drclagiie  que  dans  la  <  jaule ,  puis- 
^^^''il  n'en  est  fait  aucune  mention ,   ni  dans  les 
^^Commentaires ,   ni   dans   la   vie   d'Agrîcola  ;  et , 
^pSoninic  l'origine  des  Bretons  parait  avoir  étiï  la 
Toèmc  que  celle  des  Gaulois ,  U  esl  Iréa-probablo 
que  leurs  moeurs  et  leurs  coutumes  avaient  beau- 
coup de  rapports,  y.ci-apivs  f/i.  ,VJ'.V/'^(353). 
Il  y  a  donc  toute  apparence  que  le  duel  a  eu  en 
ADgleterre  la  m^me  origine  tju'cn  France,  c'csl- 

t^fc-dire  qu'il  y  fut  apporté  par  les  Anglo-Saxona, 
.|WUpleB  de  race  germaine  comme  tes  Francs ,  et 
dont  la  première  descente  eut  lieu  scus  la  con- 
duite de  Hciigîste  vers  450. 

Il  régnait  alors  une  effroyable  corruption ,  non- 
seulement  parmi  les  Saxons  idolàlrcs ,  mais  encure 
chci  les  Bretons ,  quoiijue  déjà  convertis  au  Chris- 


Y 


106  —HISTOIRE  DES   DUELS.— 

tinnismc.  «La  tyrannie  est  sur  le  tràne,  disait  le 
moine  Gilclas ,  écrivain  breton  du  VI.®  siècle,  Tin- 
justice  dans  les  tribunaux ,  IMnfidélité  dans  les  ma- 
riages ;  on  ne  voit  qu^extorsions ,  meurtres  et  adul- 
tères. GihDks  (le  exci'd.  Brilan,  Londinm  1568. 

On  trouve  dans  les  anciennes  lois  des  Saxons 
conservées  en  Angleterre,  des  traces  de  compo- 
sitions ou  amendes  qui  avaient  été  établies  en  Ger- 
manie pour  empt^clier  de  poursuivre  par  la  voie 
des  armes  la  réparation  des  injures ,  comme  od 
le  verra  au  clinpitre  XXXI V.  Ainsi  une  loi  dUna, 
roi  de  ^Vcstsex ,  estimait  la  vie  une  certaine  somme 
d'argent  ou  une  certaine  portion  de  terre  (354). 

Robertson  parle  aussi  des  Lettres  de  Slanes, 
connues  dans  la  jurisprudence  d'Ecosse.  C^étaient 
des  billets  de  sûreté  pour  lesquels  les  parens  d*im 
homme  assassiné,  en  considération  de  Vj^ssy^Iimeni, 
ou  composition  qu^ils  avaient  reçue ,  s^engageaicnt 
h  pardonner  Toflense  et  à  renoncer  à  tout  acte  de 
vengeance ,  tels  que  duels ,  guet-à-pens ,  etc.  Où 
trouve  dans  Madox  ,  Fomud.  anglic. ,  iV.*^  702 
ci  705  ,  deux  actes  de  celte  espèce ,  Tun  du  régne 
d'Edouard  1.**%  Tautre  du  règne  d'Edouard  lU. 

Les  éj>rcuves  par  les  élémens ,  tels  que  Feau  et 
le  feu  ,  appnrlieunent  aux  anciennes  mœurs  des 
Saxons.  Elles  s'appelaient  Ordalies  y  du  mot  teu- 
toui(|ue  Urdaly  cpii  signifiait  jugement  en  général 


—  CHAPITRE    XXXII.—  107 

C«  preuves  ont  élé  fitablic»  en  AngUlerre  avec 
celles  du  comhiit  sur  la  Cn  de  la  monarcliie  sa- 
xonne.   h'Oirlnlie  ne  fut  abolie  qu'en  1219,  par 
un  statut  de  la  3.*  année  du  règne  de  Henri  111. 
Bapiv-Tmoibas,  Nist.  d'Aiigl.,  lom.  I ,pag.  M5. 
I        On  cite  une  reine  de  la  Grande-Bretagne  (jui ,  à 
^Rpexemple  de  plusieurs  impi^ratrircs  d'Allemagne,  se 
B^rait  soumise  il  T^prcuvc  de  VOiiliilie.  Emma,  fille 
de  Ricliard,  due  de  Normandie  et  veuve  d'Elhel- 
rede  II  et  de  Cnnut  I." ,  fut  accuaie  d'un  commerce 
criminel    avec    Alwin ,    évi'qiie    de  Winthestcr. 
Son  fils,  lîdouard  1.",  ajant  prètù  l'oreille  à  cette 
accusation,  la  reine  s'en  purgea  en  mari'liant  pieds 
nuds  et  sans  en  recevoir  aucun  dommage,  sur  des 
charbons  ardcns.  L'évfque  de  ^\inclles(e^  9e  serait 
^Bèlusë  à  subir  la  m^me  Épreuve  ,  en  cilanl   une 
H|ttre  écrite ,  en  887 ,  par  le  pape  Etienne  YI  à 
^T^MchcT<îquc    de  Mayence   pour   condamner  cet 
usage.  Labhev  ,  Hht.  <V,1tigl.,  tom.  II ,  png.  217. 
On  trouvera  au  chapiireXXXlV  la  mention  d'un 
duel  entrepris  par  un  jeune  seigneur  Anglais  pour 
purger  d'une  accusation  semblable  Guneliilde,  fille 
tle  Carnit  et  femme  de  l'empereur  Henri  Ili. 

Les  Bretons  impatiens  de  la  domination  romaine, 
s'étaient  donnés  successivement  aux  Pietés  et  aux 
Kcusaais ,  puis ,  pour  se  débarrasser  de  ceux-ci ,  aux 


108  —HISTOIRE  DES  DUELS.— 

Anglo-Saxons  et  en  dernier  lieu  aux  Danois.  Les 
Anglo-Saxons ,  dont  la  première  descente  eut  liea 
sous  la  conduite  de  Hengiste ,  vers  450 ,  donnèmU 
leur  nom  aux  Iles-Britanniques,  dont  ils  renoiH 
Tclèrcnt  entièrement  la  face.  Ils  y  portèrent  leiui 
mœurs  et  leurs  usages  qui  s^y  établirent  avec  dW 
tant  moins  de  contradiction  que  les  vainqueurs  en 
avaient  exterminé  les  habitans ,  dont  une  colonie 
réfugiée  en  France  vint  donner  son  nom  à  la  pitH 
vince  de  Bretagne. 

Les  Danois  ,  comme  on  le  verra  au  chapitre 
suivant ,  se  distinguaient  parmi  les  nations  gernis- 
niqucs  par  la  pratique  du  duel.  11  était  en  grand 
honneur  chez  leurs  rois  ou  chefs  militaires.  Aussi 
le  plus  ancien  combat  singulier,  dont  rhisUure 
d^Vnglcterre  ait  fait  mention ,  est-il  attribué  à  Fun 
des  princes  danois  qui  se  partagèrent  le  royaume 
avec  les  souverains  d'origine  saxonne.  Ce  combit 
si  célèbre  dans  les  annales  britanniques,  quoique 
révoqué  en  doute  par  plusieurs  historiens ,  aurait 
eu  lieu  entre  Edouard  11  et  Canut  I.^',  surnommé 
le  C^raiid ,  qui  se  disputaient  le  royaume. 

Les  deux  compétiteurs,  à  la  sollicitation  des  prin- 
cipaux chefs  de  leurs  armées  fatigués  de  combattre 
inulilcinent  pour  leur  querelle ,  se  seraient  décidés 
h  la  vider  cutr'cux  seuls.  Us  se  seraient  à  cet  effet 
rencontrés  dans  la  petite  ile  d'Ainey  formée  pir 


ïxii.  -  109 

ht  Saveme ,  près  de  Gloccsier.  Ils  comballirenl 
avec  IVpée,  le  casque  et  le  bouclier  k  la  vue  des 
leux  années  rangées  des  dcuit  cAlés  sur  les  deux 
Edmond  avail  sur  Canut  la  aupériorilé  de 
f  force  el  de  la  taille.  Mais  celui-ci  rachetait  ce 
lavantagcpar  une  plus  grande  adresse.  Lcsbou- 
ien  se  brisèrent  dans  la  lutte  qui  Tut  longue  el 
baméc.  Le  Danois,  qui  commenrait  ix  perdre 
1  Icrrain  ,  proposa  le  premier  de  ta  terminer  par 
I  accommodement.  f-'aîHimt  piince ,  dil-ïl  à  son 
adversaire,  nm-ons-nous  pas  assez  combatla  et 
fait  preuve  égale  de  coumge.  Témoignons  notre 
modération ,  et  après  nous  être  partagé  le  soleil  et 
veur  de  cette  journée,  quittons  le  champ  de 
pour  nous  partager  le  royaume.  Ils  jelèrenl 
I  leurs  épéea  et  sVmbrassèrent  cordialement. 
I  le  partage  qui  cul  lieu  ensuite ,  le  Nord  du 
j  Tut  cédé  à  Canut  et  le  Sud  demeura  à 
lond  (355). 

I  combat ,   dont   on  fixe   la  date   &   l'année 
n'a  pas    empécltè    Jean    Seldcn ,    auteur 
I  du  17.'  siècle ,  de  soutenir  dans  un  Traité 
r  roTÏginc  du  duel  que  l'usage  en  était  inconnu 
i  Angleterre  avant  la  conqui?te  de  Guillaume  de 
kormandie.  11  cite  à  l'appui  de  celte  opinion  le  déii 
;  celui-ci  avait  adressé  h  tlarold  qui  lui  dispu- 
1  la  couronne ,  et  dont  ce  dernier  fut  tellement 


110  ~  HISTOIRE   DES   DUELS.—* 

irril/'  qiril  Tnillil  se  venger  sur  le  porteur  du  cartel. 
O  (Irfî  ,  dont  parlent  la  plupart  des  historiens,  eut 
ii\Mi  immédiatement  avant  la  célèbre  bataille  d^Has- 
tin^.s  ({lie  le  prince  Harold  perdit  avec  la  vie,  le 
4  octobre  lOGft.  Guillaume  lui  proposait  ou  la 
médiation  du  Pape,  ou  s^il  préférait  la  voie  des 
armes ,  un  combat  en  champ  cloa.  Le  prioce 
anglais,  ajoute  Selden,  n^aurait  osé  se  soustraire 
h  rappel  du  chef  normand  ,  si  la  nation  avait  fait 
dépendre  riioimeur  et  le  sort  du  royaume  d^un 
combat  singulier  (356). 

Mais  on  sait  que  ces  sortes  de  provocations  per^ 
sonnelles  entre  souverains  ne  tiraient  pas  toujours  i 
conséquence ,  et  comme  on  Fa  vu  au  comm^- 
cément  de  celte  histoire  ,  les  exigeances  du  point 
d^honneur  étaient  loin  d^étre  aussi  absolues  pour 
eux  que  pour  leurs  sujets.  L^opinion  de  Selden  ne 
me  parait  pas  plus  fondée  même  en  Tappuyant  de 
cette  remarque ,  qu^il  ne  se  serait  trouvé  aucune  loi 
sur  les  duels  dans  les  anciens  codes  des  Saxons  du 
temps  d'Alfred-le-Grand,  d'Edmond  !.«'  et  d'Edgar. 
Alfred  et  Edmond  furent  h  la  vérité  de  sages  législa- 
teurs ({ui  cherchèrent  &  réprimer  les  meurtres  et  les 
violences.  Mais  Edmond,  qui  le  premier  établit 
en  Angleterre  la  peine  de  mort,  publia  en  046  un 
statut  qui  témoigne  de  Texistence  de  ce  préjugé 
germanique   par  lequel   les   injures   personnelles 


—  cnApiTnE  xïxii.  —  III 

I  devenaient  communes  i\  toute  la  Tainillc  de  l'ofTeiisé. 
11  ordonna,  pour  désarmer  la  vengeance  dea  pii- 
rens,  que  l'ofTenscur  leur  scrail  livré  et  ne  sortirait 
de  leurs  mains  qu'après  avoir  payé  ta  compo- 
sîlioo  réglée  parles  lois.  Laurcv,  fiist.  ifÂngl., 
KM».  /  (357). 

I)  eiiste  d'ailleurs  dans  le  code  des  luis  publiées 
par  St. -Edouard  ,  le  dernier  des  ruis  Saxons,  ptu- 
itcurs  régicmens  sur  les  duels  et  les  duellistes,  u  Ces 
lois,  dit  Larrey,  ne  furent  qu'un  recueil  de  celles 
(l'Edgar  et  des  autres  rois  ses  prédécesseurs.  Elles 
furenl  appelées  common  htws ,  et  elles  devinrent 
plus  sacrées  aux  Anglais  que  ne  l'avaient  jamais 
t,M  le»  lois  romaines  à  tous  les  sujets  de  l'empire. 
Guillaume  lui-m^me ,  quoiqu'il  joignit  le  droit 
de  conquête  k  ceux  que  lui  donnait  le  testament 
d'Edouard ,  dut  adopter  les  réglemens  de  son  pré- 
décesseur. 11  est  vrai  de  dire  néanmoins  qu'il  y  mêla 
les  mœurs  et  les  coutumes  normandes.  Il  voulut 
même  que  la  justice  se  rendit  dans  la  langue  du 
TBÎDqueur,  usage  qui  passa  du  barreau  au  parle- 
ment où  il  existe  encore.  Il  est  également  certain 
que  Guillaume  encouragea  singulièrement  les  voies 
de  violence  en  gouvernant  bien  moins  avec  son 
sceptre  qu'avec  son  épée  ,  et  en  exagérant  toutes  les 
conséquences  du  régime  féodal  au  profit  des  sei- 
s  normands  qui  l'avaient  accumpagné  (358). 


112  ^  HISTOIRE  DSS  DUELS.  — 

IjC  duel  était  alors  très  pratiqué  en  Normandie, 
comme  il  Test  encore  aujourd'hui  plus  qu'en  au* 
rune  nuire  province  de  France,  et  le  duc  Guil- 
laume nYluit  pas  le  dernier  à  l'autoriser  par  ion 
exemple.  Il  ne  serait  donc  pas  étonnant  que  la 
propagation  de  cet  usage  en  Angleterre  où  il  n'était 
peut-iHrc  que  très-rarement  pratiqué ,  comme  eo 
France  aux  temps  de  la  première  race ,  ait  été  un 
des  résultats  de  la  conquête  et  de  la  fondation  delà 
nouvelle  monarchie.  Ce  qui  achève  de  rendre  cette 
conjecture  très-probable ,  c'est  une  formalité  fort 
remarquable  qui ,  selon  Basnage ,  fut  conservée 
dans  la  cérémonie  du  couronnement  des  rois  d'An- 
gleterre. Un  héraut  d'armes  parait  à  cheval  armé  de 
pied  en  cap,  et  jette  son  gantelet  pour  ofiRrir  le  dud 
à  quiconque  voudra  contester  que  le  duché  de  Nor- 
mandie appartient  aux  rois  d'Angleterre.  Basnage, 
Dissert,  sur  les  duels ,  pag.  123 ,  Basic  1 740. 

Quoiqu'il  en  soit  ,  le  combat  judiciaire  s'était 
établi  au  moyen  Age  dans  les  institutions  britanni- 
ques ,  et  ou  trouvera  dans  les  exemples  qui  seront 
rapportées  ci-après,  les  preuves  qu'il  s'y  maintint 
beaucoup  plus  long-temps  que  partout  ailleurs.  Les 
bornes  élroitcs  d'un  seul  chapitre  m'obligent  à  res- 
treindre le  plus  possible  ces  citations. 

On  trouve  dans  le  Glossaire  du  chroniqueur 
anglais  Spelmann ,  le  récit  d'un  combat  judiciaire 


—  CHAPITnF.   XT\II.  —  113 

en  109fi,  en  présence  de  Guillaume  II , 

dit  le  Koux  ,  fils  cl  successeur  de  Guillaume-lc- 

Con«|ti^ranl.  Guillaume ,  comte  d'Eu  ,  était  accusé 

psr  Godefroi  Bayuard  d'un  complot  tramé  avec 

Rolïcrl  Mulbrer,  comte  de  Nortliumberland ,  pour 

Iflrôner  le  roi  el  proclamer  en  sa  place  Etieune 

rAlhermale.   Cette    accusation  Fut  le  sujet  d'ua 

EOrnbat  qui  eut  lieu  aux  fîtes  de  l'Epiphanie  dans  U 

rille  de  Salisbury ,  en  présence  du  roi  et  de  tous 

I  barons  du  royaume,  Le  comte  d'Eu  ayant  été 

fcincu,  eut  les  yeux  cl  les  testicules  arrachés  par 

S  du  roi  el  de  l'assemblée ,  et  son  écuyer  fut 

udcment  fouetté,  puis  pendu,  ti  Jusxu  que  ideb 

I  et  concilii,  eiiciiiiitur  îlli  occuli  tcsliculiqiie 

tbscindunlur;  dajiifero  siio  fViUelhino  de  Aldori, 

Eh>  amilœ  ejus ,  sœi'iter  flagellato  el  suspenso.n 

Ile»!  SpeLMAsK,  Ms.  in  Biblioth.  Lond.  (359). 

En  1163,  sous  le  régne  de  Henri  II,  le  comte 
l'Kssex  fut  accusé  devant  le  rni  par  Robert  de 
Ifonlfort,  son  parent,  d'avoir  par  trahison  laissé 
tomber  l'étendard  qu'il  porlnît  dans  une  bataille 
F  donnée  en  1157,  contre  les  Ecossais,  li  oITrit  de 
justifier  cette  accusation  par  le  combat ,  el  le  comte 
d'Esscx  l'accepla.  La  scène  se  passa  dans  une  petite 
ilc  près  de  Tabbayc  de  Redding,  en  présence  d'un 
jp-and  nombre  de  spectateurs.  Le  comte  d'Esscx  fut 
laivt  pour  mort  sur  le  champ  de  bataille.  On  le 
S 


114  «-HISTOIRE    DES   DUEtS. — 

porta  il  Tabbayc  pour  lui  rendre  les  derniers  de* 
\oirs  ;  mais  on  s^aperçut  bienlôl  qu'il  donnait  en- 
core ([uelques  signes  de  vie.  Au  lieu  de  Fatlacber 
au  gibcl ,  comme  cela  se  pratiquait  en  France ,  on 
le  mit  entre  les  mains  des  médecins  et  des  cliirur- 
gicns  dont  les  soins  lui  rendirent  bientôt  la  santé. 
Néanmoins  le  comte  d'Essex  se  regardant  comme 
mort  au  monde,  ne  voulut  plus  quitter  Tabbaye 
et  il  y  acheva  tranquillement  ses  jours.  Labret. 
Jiist.  (Vjéngl.y  tom.  II,p(fg,  378. 

Fn  1350 ,  lettres  patentes  d^Edouard  III ,  portant 
autorisation  de  se  battre  en  duel  entre  TAngiaii 
'  Viscomt  et  Robert  de  La  Marche,  bâtard  de  France. 
Rymeiv  ,  Fa'dcra,  toni,  III  y  png.  54  (360). 

Le  A  décembre  1361  ,  sous  le  roi  Jean  ,  il  y  eut 
h  Paris ,  aux  lices  de  Fabbaye  Saint-Germain-des- 
Prés ,  un  duel  entre  les  ducs  de  Lancastre  et  de 
Brunswick.  Le  roi  prit  connaissance  du  4iff<^r^l 
de  ces  seigneurs  et  leur  permit  le  duel  pour  en 
décider.  CVtait  un  combat  h  outrance.  Il  se  troun 
une  infinité  de  personnes  pour  en  être  spectateurs. 
On  cite  comme  un  de  ceux  qui  se  distinguèrent  par 
une  rare  intempérance  de  curiosité ,  Févéque  de 
Paris ,  Jean  de  Meulan.  Pour  n'être  pas  le  dernier 
à  prendre  part  au  spectacle  ,  il  vint  coucher  à 
Pabbaye  la  veille  du  combat.  Il  dut  se  munir  au- 
paravant de  la  permission  de  Tabbé  de  St. -Germain, 


—  CniTITRE   IY\It.  —  115 

Kirnias  de  Lniidin;  et  ooliii-ci  ne  rrmscnlit  b  la 
lUcr  qu'en  échnnge  d'une  reconnaissance  signée 
0e  l'év^uc ,  porlniU  (jiic  son  entrée  el  son  séjour 
l'abbnye  ne  tireraient  pas  h  consf-qucncc 
Contre  SCS  privilèges.  D.  Fei-iciës,  TUst.  de  Parif , 

.  f,  li\'.  13,;)rtg.  648. 
*  Rirhard  II ,  qui  pnr\int  au  Irùne  en  1377  ,  se  ai- 
<DAla  par  un  grand  icle  pour  maintenir  la  pain  pu- 
lliqne  el  privée  dans  son  royan  me  ;  il  fut  cependant 
Ifthne  (les  dissentions  civiles  qui  lui  arrachèrent 
B  trt^ne  el  la  vie,  Dans  le  commencement  de  son 
Higne,  il  avait  parcouru  l'Anglelerre  en  cherchant 
^aappaiserlcB  discordes  et  rccunimandnnl  l'oubli  des 
injures.  En  1392,  il  força  le  romle  d'Arundel,  qui 
t'était  porté  le  dénoncialcur  du  duc  de  Lancaslre, 
h  demander  pardon  à  ce  dernier  en  plein  parle- 
nt. 

En  1398.  nouvelle  dénonciation  de  Ilereford, 

tnte  de  Derby  contre  le  duc  de  Norfolck,  qu'il 

■cuse  d'avoir  tenu  des  discours  înjorieui  au  roi 

isune  conversation  qu'ils  avaient  eue  ensemble. 

î  renvoya  cette  alTnire  à  l'examen  du  parle- 

t>t.  Les  deus  parties  ayant  comparu,  s'offrirent 

MiiectiTcmcnt  le  duel  qui  fut  autorisé  scion  l'usage 

I  temps.  Le  16  septembre  1398,  jour  fixé  pour 

combat ,   une   bec   et  un   amphithéùtre  furent 

)  k  Covcnlry  où  il  se  rendit  une  foule  de 


116  —  niSTOIRE   DES  DUELS.  — 

seigneurs  et  de  chevaliers  cl  un  prodigieux  con- 
cours (le  tous  les  points  du  royaume.  Les  deui 
comhaltaus  parurent  dans  la  lice  avec  ie  cérémonial 
actruutunié,  et  dcjii  ils  croisaient  leurs  épées  lors- 
qu\)n  \i\  entrer  le  roi  tenant  la  sienne  haute.  On 
enlcuillt  en  même  temps  un  héraut,  qui  marchait 
devant  lui ,  crier  :  Àrivtc  !  Aussitùt  les  combattans 
baissèrent  la  pointe  de  leurs  épées.  Le  héraut  lut  i 
haute  voix  la  défense  du  roi ,  portant  que  S.  M. 
avait  pris  la  (]uerelle  des  parties  sur  son  compte  et 
leur  diTcndait  toutes  voies  de  fait.  Tous  deux  fu- 
rent ensuite  exilés  du  royaume  (3G1). 

Lors({ue  la  nouvelle  de  la  fni  tragique  de  Richard, 
assassiué  en  1 4(M)  par  ordre  de  Henri  IV,  usurpateur 
de  la  couronne ,  parvint  en  France ,  elle  y  excita 
la  plus  violente  indignation.  Le  roi  Charles  VI,  dont 
Bi(*liard  avait  épousé  la  fille,  en  éprouva  une  nou- 
velle atteinte  de  frénésie.Wallerand  de  Luxembourg, 
comte  de  Saint-Pol ,  qui  avait  épousé  la  sœur  durci 
massacré,  et  Louis,  duc  d'Orléans ,  dont  le  fils  en 
épousa  depuis  la  veuve,  envoyèrent  h  Henri  IV  des 
cartels  conçus  dans  les  termes  les  plus  injurieux, 
mais  qui  n'eurent  aucune  suite  (362). 

Ce  fut  pourtant  sous  le  régne  de  Richard  que  fut 
rédigée  une  nouvelle  compilation  des  lois  sur  le 
combat  judiciaire.  Thomas  de  Wodstock,  duc  de 
Glocesler ,  oncle  du  roi ,  Tun  des  plus  ardens  fàu- 


—  CtUPtTIlE    XÏXIt    —  117 

t  des  troubles  (|iii  agitèrent  snin  rùjçnç  ,  se 
•Iwrgen  lui-mt;mc  de  lu  r/'iliger.  Il  pronoiim  U  ce 
iujct  un  discuiira  Toit  curieux  qu'un  Irouve  dtins  le 
B/ossaire  de  Spcimnnu ,  a<."  Campus. 
<  On  a  TU  au  chapitre  prî'cétlcnl ,  pn^c  91  ,  la 
nrl  cju'a  prise  Honri  Vllt  au  fameux  duel  des  deux 
Btpagnols  prôsidé  en  1546  par  François  I.*',  roi 
le  France,  en  y  envoyant  une  espL'ce  d'ambas- 
■deitr  pour  servir  de  parrain  à  l'un  dts  com- 
tatlanft. 

I  En  1547,  sous  le  ri^gne  d'Edouard  VI.  fils  et 
Bccesseur  (l'Henri  VII!,  deux  gentilshommes  Ecos- 
iais,  nommift  Ne\\'lon  el  Ilamillun,  s'accusaient 
lécîprotpicment  d'avoir  fait  une  satire  conlre  le  roi. 
b prièrent milordGrey,  son  lieulcnanl  en  Ecosse, 
le  leur  peroietlre  de  se  purger  par  duel.  Coloi-ci 
B  leur  accorda  cl  vokilul  mi'me  présider  le  rombat. 
^  dressa  uut  lice  où  les  cbnmpions  cntrèrcul,  ayant 
^ur  armes  le  bouclier,  l'épie  et  le  poignard.  La 
Irictoire  annbla  d'abord  se  déclarer  pour  ilamlllon, 
î  mena  sou  ennemi  ballant  jusqu'au  bout  de  la 
:.  Il  n'avait  plus  qu'un  pas  U  faire  pour  le  pousser 
dehors  et  rester  maiire  du  camp  ,  lorsque  Newion 
lui  donna  d'un  revers  sur  le  Jarret  et  le  porta  par 
lerre.  Il  se  jeta  aussitôt  sur  son  ennemi ,  et  tiranl  son 
ignardil  lui  m  per^a  le  cœur.  Quelques  gciilils- 
,   amis  et  pyreus  du  vaincu,   voulaient 


118  —  IIISTOIBB   DBS    DUELS.—- 

prendre  sa  place  et  le  venger ,  mais  on  n^eul  point 
crègArd  à  leur  demande  qui  fut  jugée  contraire  aui 
lois  du  duel.  On  proclama  Newton  victorieux ,  et 
milord  (}rcy  lui  fit  présent  d^une  chaîne  d^or  et 
d\nie  coUc  d'armes.  Mais  il  ne  jouit  pas  long-temps 
de  sa  victoire  ;  il  fut  assassiné  peu  de  jours  après 
par  les  amis  dMIamilton  qui  le  mirent  en  pièces.  Oa 
est  frappé  de  Fanalogie  de  plusieurs  circonslanees 
de  ce  combat  avec  celui  de  Jarnao  et  La  Qialâi-< 
gncraye  qui  eut  lieu  la  même  année  1547,  et  qui 
est  Tun  des  derniers  duels  judiciaires  qu'on  ait  vus 
en  France. 

Kn  1571 ,  on  ordonna  encore  un  combat  juri-» 
dique  en  Angleterre  sous  l'inspection  des  juges  du 
tribunal  des  plaids  conwwns.  Mais  la  reine  £Hsa« 
betli  inter{)osant  son  autorité  ^  ordonna  aux  parties 
de  terminer  leur  différent  à  Tamiable.  Cependant, 
afin  de  conserver  leur  honneur ,  la  lice  fut  fixée  e| 
ouverte  et  Ton  observa  avec  beaucoup  de  céré-« 
monie  toutes  les  formalités  préliminaires  d^un  com-» 
bat.  Spelmann,  Gloss.^T.^  Campus* 

Yoici  un  autre  trait  qui  appartient  au  même 
règne ,  mais  (jui  eut  des  suites  plus  sérieuses. 

c(  Kn  1 583  ,  deux  seigneurs  irlandais ,  de  la  fit- 
mille  d'O'Connor ,  Mîic-Cormock  et  Mac-Gil- 
Falrick  ,  n'ayant  pu  s'accorder  sur  un  difiércnt , 
vinrent  supplier  le  lord  Député  et  le  cposeil,  de 


î  XXXII.  —  1)0 

leur  accorder  le  duel.  Ils  oblJurcnl  ce  qu'ils  de- 

[Ivandaient;  maïs  ou  ne  les  y  força  pas,   comme 

■le  suppose  Sullivan.  Le  combat  se  fit  dans  la  c 

Il  cSiltcau  de  Dublin,  en  prf^SL'ncc  du  g«i 

ks  seigneurs  du  (-oiiseil  et  des  principaux  officiera 

de  guerre.  Mac-Corinock  recul  deux  blessures  k 

h  jambe  cl  une  dans  l'œil  sans  avoir  pu  atteindre 

nenncBii.  Bientôl  redoublant  d'efforts,  ilsaisitau 

jorps  Mac-Gil-Patrick,  et  cherclie  à  le  terrasser; 

■kaîs  ceUii-ci  plus  fort  parvient  à  le  désarmer ,  cl , 

tte  la  propre  Épée  de  ce  malheureus ,  il  lui  coupe  la 

■te  fpi'il  porte  toute  sai>«:1aute  aux  lords  Justiciers. 

dann  i  Jliil,  d'Aiigl. ,  loin,  II,  pag.  40i. 


Les  duels  en  Angleterre,  comme  en   France, 

tomme  ce  Italie  et  dan»  prcstpie  toute  l' Europe, 

aient  fait  des  progris  extraord  in  aires  au  com- 

tenccmeiit  du  17."  sici-le.   u  Ils  (taieut  devenus 

Ifr^quciis,  dit  Larrey  ,  qu'en  1G14,  souslc  rè^e 

I  Jacques  I-",  la  Chambre  L'IoUée ,  l'une  des 

quatre  cours  souveraines  de  Westminster,  dut  s'as- 

srmbler  exlraordinoiremcnl  pour  aviser  aux  moyens 

—de  les  réprimer.  Le  (hevalier  Bacon  ,  qui  faisait 

Hors  les  foni'tions  de  premier  avocat-gtn^rid  de 

■t  M. ,  saisit  l'occasion  du  procès  de  deux  mal- 

1  pttbùieos  traduits  ii   le  suite   d'uQ  duel 

naol  la  cour ,  pour  attaquer  de  front  cet  usage.  Il 


120  *-  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

sut  prendre  par  son  faible  celle  chambre  si  féodale 
en  lui  peignant  les  inconvéniens  de  rcxtensioo  du 
duel  à  la  classe  des  personnes  de  bas-métier  base 
miulùititl  puMms.  11  prélendit  d'ailleurs  que  estait 
une  manie ,  ou  ignorée  ou  condamnée  des  païens 
eux  mêmes,  de  Rome  et  de  la  Grèce,  ces  deux  répu- 
bli(pies  si  sages  et  si  jalouses  de  la  véritable  gloire; 
que  les  Turcs  encore  aujourd'hui,  ou  n^en  comuus- 
saient  ]>as  la  pratique  ou  la  punissaient.   Il  citait 
pour   preuve    de   cette  vérité  un  fetfa  du  divan 
rendu  contre  deux  Dassas  dont  Tun  avait  été  tué 
par  Tautre ,  le  divan  ayant  également  fait  le  procès 
au  mort  et  au  vivant.  U  ajoutait  que  cette  fureur 
avait  malheureusement  été  autorisée  dans  les  an* 
ciennes  guerres  de  N  a  pies ,  par  le  fameux  combat 
d\ui  certain   nombre   d^Espagnols   contre   autant 
d'Italiens,  par  les  (jolhs  et  les  autres  nations  bar- 
bares du  >iord ,  et  enfin  par  les  Espagnols,  gens 
cruels  et  vindicatifs.  Enfin ,  il  soutenait  que  même 
dans  les  cas  où  Ton  demande  le  duel  pour  ter- 
miner une    querelle  ,    il    n'est  pas  juste  de  l'ac- 
corder ,   parce  (]ue  c'est  tenter  la  providence.  » 
La  iM>ur,  sur  de  si  sages  remontrances,  défendit 
les  duels  et  déclara   coupables  d'homicide  et  de 
lèze-Majeslé  tous  ceux  cjui  contreviendraient  di- 
rectement ou  indirectement  à  Tédit.  Làrret,  HisU 
d'AngL,  loin,  11 J,  fjcig,  702. 


gicler 


I  —  CUM'ITllE    XXXll.  — 

Cette  iiraliibitiun  est  ,  selmi  toute  nppnrence  , 
la  premicre  dont  le  duel  ait  Hé  l'objcl  en  An- 
gleterre. Il  y  fl  lieu  de  croire  qu'elle  fut  bien  vile 
iblîée ,  pLiîsfjue  l'Iiisloirc  de  ce  pays  nous  ollrc 
t  exemptes  de  pareils  combats  bien  postérieurs 
1  règlement  de  la  Chambre  Etoilée.  C'eat  ainsi 
qu'un  véritable  duel  judiciaire  fut  sur  lepoint  d^avoir 
lieu  la  sîsicine  année  du  règne  de  Cliarles  1.*' , 
Lm^est-ji-dire  en  1630,  eimrou  80  ans  après  que 
HShtfSge  en  eut  cessé  en  France.  La  scène  se  passa 
cotre  David  Ramsey  et  le  lurd  Kcy,  k  la  suite  d'uae 
accusation  de  conspiration  portée  par  celui  -  ci 
contre  le  premier  et  le  marquis  d'ilamillon.  Tous 
MX  demandèrent  à  se  juslIËer  par  le  combat,  et 
I  cause  en  fut  plaidée  avec  une  grande  solennité 
i  ia  Chatnbiv  peinte  de  Westminster,  Rcy  et 
Ky  comparurent.  Celui-ci  donna  k  l'aulrc  un 
lenti  et  le  traita  d^iiJVime  calomniateur  ;  mais 
j  soutint  son  accusation  et  se  déclara  prêt  à 
Hiepler  le  combat.  Âpres  les  discours  du  grand 
Mar6cbal  et  de  VAlWntPj  ou  avocat  du  roi  ,  on 
entendit  les  témoins;  on  prit  l'avis  des  juges  de 
.paix.  Le  duel  allait  être  ordonné ,  mais  U  fut  cm- 
'  par  l'intervention  du  roi  qui  mit  fin  ii  la 
icédure.  On  lit  dans  une  lettre  de  ce  prince 
Hamdtun  son  grand  écuycr ,  ce  passage 
u-quoblc  à  plus  d'un  litre  :  «  Tout  était  disposé 


122  —  HISTOIRE  DBS  OUBliS.  «-« 

pour  cela ,  le  jour  pris ,  le  lieu  assigné ,  les  armes 
apportées ,  mais  je  n^ai  pa»  jugé  à  propoa  de  per« 
mettre  qu'il  y  eut  du  sang  ré|mndu  pour  cette  que« 
rellc.  »  LvRREY,  Ilist.  d'AngL,  u  F,  p.  42tl  (363). 

Voct  de  duell.  cap*  28,  en  parlant  de  ce  condlMt 
ajoute  que  ce  fut  à  la  sollicitation  de  plusieuis  ecclé^ 
siastiqucs  que  Charles  I^'  s'entremit  pour  Tempécher. 
Sept  ans  plus  tard  on  en  vit  encore  un  exemple. 
RusiiwoRTii ,  Observ.  on  ihc  staUU,,  p^'  266. 

Ainsi ,  si  Ton  ù\e  en  Tannée  1574  Tépoque  du 
dernier  combat  ordonné  |>ar  justice  en  France , 
y.  loin.  I y  pag.  51  ^  on  trouvera  que  sous  ce  rap 
port  le  progrès  social  était  bien  en  arrière  du  DÂIre 
chez  nos  voisins  d'outre-mcr  ,  puiscfu^l  iaudrail 
supposer  que  Fusagc  du  duel  juridique  y  a  survécu 
de  près  d'un  siècle  k  son  abohtion  en  France.  Si  Toa 
ne  considère  comme  juridiques  que  les  combat» 
ordonnés  par  la  justice  ordinaire  et  non  par  des 
juridictions  exceptionnelles  ou  par  des  souverains, 
il  faudrait  fixer  en  1571 ,  l'époque  d'un  des  deraien 
de  ces  combats  en  Angleterre.  Il  fut  alors  ordonné 
par  la  cour  des  plaids  communs,  commori  pleaSy 
dans  une  contestation  civile.  Mais  en  ce  cas,  notre 
supériorité  sur  l'Angleterre  serait  plus  grande  en- 
core, caries  derniers  duels  ordonnés  en  France, 
en  justice  réglée ,  (latent  de  la  fin  du  quatorzième 
siècle ,  tels  ({uc  ceux  d'un  père  accusé  d'avoir  vioK 


E  xxxit.  —  123 

rUIe  qui  comballil  contre  son  gendre  en  1354, 

Carouge  contre  Legris  aussi  pour  viol  eu  138Q , 

m  autre  indÎTitlu  accusé  d'cmjxiisonDcnicnt  en 

llUM,  toutes  causes  purement  crimincllea  et  noQ 

'ile».  y.  tom  I ,  page  45  el  la  nota  1 29. 

!l  y  a  bien  plus  encore  :  chose  cju'on  aurait 

le  à  croire ,  si  l'on  ne  connaissait  la  scrupuleuse 

itë  des  Anglais  h  leurs  \icilles  lois,  l'uncieiiDe 

Jalioa  sur  les  combats  judiciaires  fut  encore 

kfoquée  et  appliquée  en   1817.  Voici   à  quelle 

«ecasion. 

L'D  nommé  Tlioruton,  poursuivi  criminctlemeot 
pour  le  meurtre  d'une  jeune  fille  par  le  frère  de 
CcUe^,  Fui  acquitté  par  le  jury.  U  y  eut  appel 
«KevaDt  la  cour  du  banc  du  roi.  \Jx,  Tbomton 
otTril  de  se  justifier  par  le  combat  singulier.  Lea 
juges  ajaiit  consulté  la  loi,  reconnurent  que, 
^loique  tombée  en  désuétude ,  clic  u'étail  pas  for- 
lemcnl  abrogée.  En  conséquence  ils  ordon- 
:nlle  duel.  Mais  l'adversaire  se  déxisla  de  l'ap- 
combat  n'eut  pas  beu.  On  songea  alors  k 
r  la  loi ,  et  ce  ne  fut  qu'en  1819  que  le 
ml  en  prononça  l'abrogation.  Taiixanhieh, 
pén.  de  Fr,  et  d'Angl.,  pag^  23.  PwU  1824. 

»  loumnis  eurent  aussi,  pendant  toute  la  duréu 
1  moyen  âge ,  uue  grande  vogue  en  Angleterre. 


124  ^  HISTOIRE   DES   DUELS.  — 

N7'nnmoins  Henri  II ,  au  12.^  siècle ,  hésitait  encore 
il  les  autoriser.  Il  se  contentait  de  permettre  aux 
seigneurs  anglais  de  passer  la  mer  et  d^aller  s^exercer 
chez  les  autres  nations.  Richard-Cœur-de-LîoD , 
son  (ils  et  son  successeur ,  passe  pour  les  avoir 
établis.  Un  statut  de  ce  prince  en  date  de  1189, 
«  ordonne  aux  hommes  d^armes  du  royaume  de 
faire  dans  les  tournois  Tapprentissage  de  la  guerre, 
afin  que  les  Français  nMnsullent  pas  les  Anglais 
comme  des  apprentis  qui  n^avaicnt  aucune  expé- 
rience. »  Celait  de  la  pu  ri  de  Richard  ,  une  rémi- 
nis(*ence  du  tournoi  de  Messine  qui  tourna  mal  pour 
les  Anglais,  comme  on  le  verra  au  Chap.  XXXVI. 

Ainsi  encouragés ,  ces  exercices  ne  tardèrent  pas 
h  faire  fureur  en  Angleterre,  comme  ailleurs.  lien 
résulta  souvent  des  désordres  et  de  graves  accideos. 

En  1216,  vers  Tépoque  où  les  Anglais  ayant 
chassé  Jean-sans-ïerre  pour  avoir  révoqué  la  con- 
cession de  la  Orande  Charte,  lui  substituèrent  Louis 
de  IVancc,  fils  de  Philippe- Auguste ,  un  toumm 
eut  lieu  près  de  Londres  entre  plusieurs  seigneurs 
français  et  anglais.  Il  en  coûta  la  vie  à  cfuelques- 
uns  de  ces  derniers,  entr^autres  au  comte  Geoffroy 
de  Mandeville  qui  mourut  des  suites  de  ses  bles- 
sures. Mathieu  Paris,  en  parlant  de  ces  divers  com- 
bats ,  les  appelle  Hasiilucidia  Mcnsœ  rotundœ. 

En  1279 ,  sous  Edouard  I.^' ,  un  tournoi  célèbre 


» — CHAPITBE   xxxir,—  125 

ftit  ex6cut£  au  chAteau  de  Kcnil%vorlh.  On  y  vint 

lie  tous  les  poÎDts  de  l'Europe-  Le  fameux  Roger 

■  de  Morlimer  y  parut  k  la  ttHe  de  cent  chevaliers  de 

r  fai  Table  ronde,  qui  cotuballircnt  pour  l'honneur 

dce  armes  et  pour  l'amour  des  dames, 

En  1286,  Guillaume  de  Varenne ,  fUsatnëdu 
comte  de  Surrey  ,  fut  tuî.'  dnns  un  tournoi ,  à 
Croydon ,  où  il  fut  attiré ,  selon  Thislorien  qui  en 
bil  mentioa ,  de  dessein  pr^'médilè  et  par  suite 
cTun  lâche  guet-à-pens.  Larrey,  Hist.tTAngl., 
tom.  II,  pag.  571  cl  579. 

L'année  suivante,  un  aulre  tournoi  d'un  genre 
fort  extraordinaire  fut  donné  a  Boston.  Teoanset 
•ssaillansy  parurent'  habillés  en  chanoines,  Celte 
cérémonie  n'était  qu'un  prétexte  pour  piller  la 
foire  qui  se  tenait  dans  la  ville.  Pour  mieui  réussir 
dans  cette  opération,  on  mil  le  feu  à  plusieurs  quar- 
tiers, et  on  Gt  main-basse  sur  ceux  qui  cherchaient 
à  porter  secours.  L'incendie  faillit  dévorer  la  ville 
entière.  Un  seul  homme ,  celui  qui  avait  publié 
le  tournoi,  paya  de  sa  l^lc  cet  audacieux  brigan- 
dage. Voyez,  pour  les  exploits  en  Ecosse  de  Jacques 
de  Lallaing ,  seigneur  Flamand ,  la  noie  84. 

L'esprit  chevaleresque  du  roi  Richard  !.",  qui 

institua  les  tournois  en  Angleterre,  est  célèbre  dans 

l'histoire.   Au  nombre  de  ses  nombreuse-s  aventures 

-figure  une  espèce  de   lutte  ou  joule  è  coups  de 


126  —  nisrotRE  dks  duels.  ^ 

cannes  qu^il  eut,  en  1100,  h  Messine,  arec  la 
célèbre  français  Guillaume  Desbarres  ,  et  qui  faillit 
dégénérer  en  un  combat  sérieux ,  puis  une  ren* 
contre  cor|>s  k  corps  avec  le  sultan  Saladîn  dans 
une  bataille  en  Palestine ,  et  enfin  le  défi  à  un 
combat  de  six  contre  six  quMl  fit  vaguement  pro- 
poser, en  1195,  au  roi  de  France  Philippe-Au- 
guste. Le  duc  d^Vutriche ,  dont  il  avait  foulé  aux 
pieds  Télcndard  au  siège  de  Saint- Jean-d^Acre, 
6c  vengea  sur  lui  de  cet  outrage  en  le  retenant 
prisonnier  à  son  retour  de  la  Terre-Sainte.  Il  lui 
on  olTril  ensuite  réparation  en  champ  clos;  mais 
celle  fois  Richard  crut  devoir  refuser  la  partie. 

Kn  1416,  douze  Portugais  vinrent  combattre  en 
Angleterre  un  égal  nombre  d^Anglais.  Ils  y  reçurent 
Pacrueil  le  plus  distingué ,  surtout  de  la  part  des 
dames. 

L^m  des  plus  fameux  jouteurs  de  cette  époque 
fut  Jean  de  Astliley,  écuyer.  Il  chercha  en  France 
nombre  d'aventures  au  nombre  desquelles  on  re- 
marque un  combat  qu'il  soutint  en  présence  du 
roi  Charles  VII  ,  le  28  août  1438,  sur  la  place 
Saiul-Aiitoine  ,  h  Paris  ,  contre  Pierre  de  Massé 
qui  fut  lue.  Il  se  mesura  encore  avec  le  même 
avantage  ,  le  30  janvier  1442  ,  dans  la  ville  de 
l^ondfos,  en  présence  de  Henri  VI,  contre  Plû- 
lippe  Boyie  ,  aragonais.  Le  roi  ,  en  récompense 


—  CIIAPITBE   SXSII.—  127 

vîcleire,  lui  donna  une  pension  de  100  marcs, 
le  créa  chevalier.  Foyez  aussi  i  la  note  86  les 
iloils  du  sire  de  Courteney.    La  CoLOMDii:fiF. , 

d'hon.,  loin.  II. 
On  trouvera  dans  les  diiTércnles  liisloires  d'An- 
terre  et  dans  le  Glossaùv  de  Spelmonn ,  un 
ind  nombre  d'autres  tournois  cùlôbris  depuis 
îl  jusqu'en  1468.  Celui  de  rcUc  dernière  annte 
Cl  en  présence  d'Edouard  IV  cl  dura  trois  jours. 
y  vit  figurer  le  fameux  bAtard  de  Bourgogne  qui 
vaincu  par  milord  Woodeville,  baron  de  Scalcs, 
■e  de  la  reine.  Edouard  111  prit  pari  en  personne 
:uxdeia42,  1350 el  ISQ2.  f'.  tom.  I ,pag.  57. 

•Ta  mode  des  tournois  se  passa  beaucoup  plus 
n  Angleterre  qu'en  France  où  il  y  en  eul 
«  80US  le  règne  de  Henri  IV ,  en  1605.  On  n'y 
1  pas  ensuite  la  manie  des  duels  s'y  déchaîner 
rec  cette  ftireur  qui  fut  un  des  nombreux  fléaux 
i  nog  guerres  civiles  et  religieuses.  Les  combats 
hrliculiers  n'onl  jamais  été  trca-communs  dans  ce 
■  où  ils  s'accordent  assez  miil  avec  le  sang  froid 
lie  phlegme  britanniques.  On  en  a  vu  fort  peu 
exemples  à  l'époque  qui  suivit  la  cessation  des 
iurDois  et  des  combats  judiciaires  ,  m^mc  nu 
Uieu  des  discordes  civiles  qui  agitèrent  si  souvent 
9  pays. 


128  —  HisTOinr  des  dukls.  — > 

11  serait  superflu  de  revenir  ici  sur  les  défis  des 
ducs  de  C}Ioccsler  et  de  Brabant ,  dont  il  a  été 
amplement  parlé  au  Chap.  XXX. 

Eu  novembre  1509,  deux  gentilshommes,  le 
fils  aiué  du  baron  de  Warlon  et  un  écossais  nommé 
Stuart ,  se  battirent  sans  témoins  et  s^entretuèrent. 
a  Ce  fut ,  porte  Tliistoire ,  à  la  suite  de  démentis 
cprils  s'étaient  donnés  en  jouant  aux  cartes.  Ik 
nommèrent  un  certain  champ  oii  ils  allèrent,  et 
s'^aidèrout  mutuellement  à  passer  un  fossé,  com- 
mandant à  leurs  laquais  de  se  tenir  de  coté  avec 
leurs  cho\aux.  Ils  visitèrent  les  épées  Tun  de  l'autre 
et  leurs  pourpoints,  et  puis  s'étant  embrassés  ils 
se  mirent  à  ;:;cnoux  ,  et  après  avoir  faict  leurs 
prières  dirent  quels  chirurgiens  ils  vouloicnt  avoir. 
Cela  fairt ,  ils  se  jetèrent  Tun  sur  Tautre  h  coups 
<respécs ,  et  après  s\Hre  donné  deux  ou  trois 
csto(*s ,  ils  tombèrent  tous  deux  morts  sans  parler. 
Le  roi ,  ceux  de  la  cour  et  de  leurs  amis  en  ayant 
oui  iiailcr,  furent  fort  tristes,  et  le  roi  commanda 
qu'on  eut  ii  les  enterrer  tous  deux  sans  cérémonie. 
iMi.TMiiN ,  ///a7.  (Irs  l\t)  s-Bas ,  liv,  39,  y**.  671. 

In- ton  ,  coudre  et  général  de  Cromwell ,  que 
phfsicMU's  historiens  appellent  le  sage  et  vaillant 
Irelon  ,  rc<  ut  un  eartcl  de  lord  IIollcs  ,  membre  (lu 
pai'lenu'ut  et  Tun  des  chefs  du  parti  presbytérien. 
Lu  puritain  austère,  il  rèptindit  que  sn  conseieuce 


—  CHAPITBE  TXXtt.  —  129 

ne  lui  pcmiettaîl  pas  de  se  battre  en  duel.  Holles  lui 
répliqua  en  le  prenant  par  le  nei.  :  Ta  conscience 
deî^rait  te  dit/enclr-e  cl\i^'oir  des  torts ,  si  elle  ne  te 
permet  pas  de  les  répatvr.  Villemaix  ,  liist.  ilc 
Ci'omwell.  Flotte  ,  Essais  de  philosophie. 

Blackstone  ,  Comment,  laws  of  Engl. ,  voL  V^ 
p€ig-  530,  place  au  premier  rang  des  outrages 
Faction  de  prendre  quclqu^un  par  le  nez ,  comme 
ailleurs  c'est  celle  de  le  tirer  par  les  oreilles.  Irclon 
néanmoins  se  montra  insensible  k  ce  procédé  de 
lord  Holles.  Il  mourut  peu  après  en  1651 ,  au  siège 
de  Limerick ,  après  avoir  refusé  une  pension  de 
2,000  livres  sterl.  décrétée  en  sa  faveur  par  le  par- 
lement. Son  corps  reçut  les  bonneurs  de  la  sc'pul- 
lure  de  Westminster,  d'où  il  fut  tiré  en  1G60  pour 
être  «ittaché  au  gibet  avec  celui  de  Cromwell , 
ton  beau -père.  Hume  et  Aikins  ,  Hist,  d'AngL^ 
iom.  XVIII y  pag.  407, 

Ce  fut  sans  doute  à  Toccasion  de  ce  défi  ou 
d^autres  semblables  que  Cromwell  publia  Tordon- 
nance  suivante  dont  ou  ne  saurait  trop  admirer 
la  sagesse. 

a.  Le  Duel  sur  des  querelles  particulières  étant 
une  chose  désagréable  ii  Dieu,  malséante  aux  chré- 
liens  et  contraire  h  tout  bon  ordre  et  gouvernemcnl, 
pour  empêcher  que  ce  mal ,  qui  commence  i\  cir- 
culer en  cette  nation,  ne  s^y  eulrclienue  ihivantage  , 

U 


130  —  mSTOIRE   DES   DUCtS. — 

il  esl  oriionnù  par  son  Altesse  le  seigneur  Protecteur 
de  la  irpublique  (i\\nglcterre ,  Ecosse  et  Irlande, 
par  Pavis  et  ronscntement  de  son  conseil ,  que  tous 
ceux  (|iii ,  après  le  10  juillet  prochain  ,  appelleront 
on  feront  appeler  par  message,  parole,  écrit  ou 
nuire  voie,  aiH'epIcroiil  earlel  ou  le  porteront, 
seront  mis  en  prison  sans  autre  formalité,  pour  y 
demeurer  six  mois  entiers  jusqu'aux  prochaines 
assises,  et  n\'n  sortiront  qu^en  donnant  caution  de 
se  conduire  pendant  un  an  paisiblement  et  en  gens 
de  hien.  » 

Teu  de  temps  après  la  Chambre  Etoilée  con- 
damna il  5, (KM)  livres  sterl.  d'amende,  un  gentil- 
homme qui  avait  provoqué  en  duel  le  duc  de  Nor- 
thumberland. 

Les  duels  sont  encore  aujourd'hui  sévèrement 
défendus  par  les  lois  anglaises ,  et  riiomicide  qui 
en  résulte  est  considéré  comme  félonie,  mais  arec 
iHiirficv  cil  rival ,  vieille  formule  employée  pour 
modérer  les  peines  d'après  un  ancien  droit  dont 
jouissait  le  clergé.  «  Il  est  des  cas,  dit  le  criminaliste 
anglais ,  où  le  meurtre  accidentel  commis  pro  se 
ilcj'cntlcndo ^  rend  coupable  du  crime  d'homicide, 
comme  par  exemple  celui  qui  donne  la  mort  à  un 
autre  en  combattant  régulièrement  avec  lui.  »  Sui- 
vent des  distinctions  fort  subtiles  et  assez  bizarnïS, 
et  des  conseils  aux  parties  de  fuir,  de  se  cacher  de^ 


—  aiAriTBE  xxsri,—  131 

^e  an  imir,  un  fossù ,  etc. ,  poor  éviler  le  combnl, 
mimenl,  laws  ofEiiglund. ,  vol.  f^I,  pag,  83, 

Dans  les  temps  plus  modernes ,  on  rencontre 

!x  peu  de  duels  qui  se  fassent  particulièrement 

taiarqucr.  11  y  a  sous  ce  rapport  progression  sensî- 

jAemeDt  décroissante  chez  nos  voisins  dVutrc-mcr, 

kèrac  en  matière  pollliquc  où  les  passions  sont  les 

lus  irritables;  c'est  re  dont  on  se  convaincra  quand 

■'agira  ci-après  des  duels  parlementaires. 

Tout  ce  cycle  peut  comprendre  le  17'  et  le  18." 

|ëclc9 ,  et  présente  h-peu-prés  la  m»?me  pliysio- 

jnmie.  En  conséquence,  je  me  reuTermerai  dans  de 

{Wurteficitatious. 

II  existe  dans  la  bibliotlièque  de  St. -Orner ,  sous 

N-"  808,  un  manuscrit  de  Ilendricq,  bourgeois 

I  celte  ville ,  où  Ton  trouve  le  récit  d'un  duel 

^rc  deux  Anglais,  qui  fil  événement  dans  la  loca- 

M,  Ters  le  commencement  du  17.*  siècle. 

Les  lords   Douglas   et   Kennedy   ètniciit  deux 

Bciers  de  l'armée  anglaise  au  service  du  prince 

Rurice  de  Nassau,  dans  la  guerre  de  l'indépen- 

tuyre  des  Pays-Bos.  Ils  curent  une  querelle  dont 

brigine,  comme  celle  d'Achille  et  d'Agamemnon  , 

Mratt  avoir  été  lu  possession  de  quelque  Briséis  qui 

reste  n*aimatt  ni  l'un  ni  l'aulrc.  Une  préférence 

prince  JMuuricc  envers  l'un  deux  ,  les  ftl  écloler. 


1 32  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

Dos  (iï^fis  sVnsuivirent.  11  fui  d^ahord  question  deflê 
ballre  <mi  Ani^lrierrc  ;  le  roi  Jacques  I.*'  en  ayaiil 
('\v  informe» ,  leur  fil  drfcnscs  expresses  d'en  Ycnir 
aux  mains.  Ils  se  d(''tcrminèrent  alors  à  franchir 
le  (Uiroit.  Rlanl  abordes  â  Calais,  ils  comptaient 
y  faire  leur  expédition  ;  mais  le  gouverneur ,  sur 
les  ordres  qu'il  avait  rerus  de  la  cour,  chercha  à 
les  faire  arrêter.  Ils  se  retirèrent  alors  à  St.-Omrr 
et  choisirent  pour  champ  clos  une  lande  h  peu  de 
distance  de  la  ville ,  qui  sert  aujourd'hui  de  champ 
de  manœuvres  aux  troupes.  Le  combat  se  fit  à 
cheval  et  h  Tépée ,  et  Kennedy  succomba.  Il  y  eut 
dispute  ensuite  pour  la  levée  du  corps ,  entre  la 
justice  du  village  où  il  était  gisant,  et  le  bailiagede 
Sl.-Omer. 

Ceci  se  passait  le  11  décembre  1610.  Les  deux 
adversaires  durent  s'entourer  des  plus  grandes  pré- 
cautions pour  parvenir  h  leurs  fins ,  car  le  10  avril 
précédent  on  avait  pubhé  a  St.-Omer,  par  ordre  de 
l'archiduc ,  une  ordonnance  qui  défendait  le  due] 
sur  peine  de  la  hart  (364). 

II  y  eut  il  Londres ,  en  1661 ,  une  querelle  d'am- 
bassadeurs ({ui  fit  beaucoup  de  bruit  et  qui  faiOit 
entraîner  les  plus  formidables  conséquences.  La 
plupart  des  historiens  en  ont  parlé ,  mais  il  n'en  est 
aucun  qui  Tait  fait  d'une  manière  plus  complète 
que  Basnage. 


—  ciurnuK  \x»t[  —  133 

Philippe  [V  avait  envoyé  le  baron  ilc  Halteville 
I  en  ambassade  en  Angleterre  où  était  le  comle  d'Ks- 
rades  de  la  part  de  la  Fninoc.  Le  comte  de  lïralié, 
I  ambassade  tir  de  Suède,  vint  k  Taire  sa  première 

■  entrée  k  Londres.  Les  deux  ministres  voulurent  se 

■  disputer  le  pas.  L'un  et  l'autre  sYtudtèrcnt  ii  faire 
mdre  la  file  ii  Icui's  équipages  immédiatement  à 

fit  Builc  du  ministre  suédois.  Les  gens  du  baron  de 
BatteviUc  avaient  coupé  les  truits  des  chevaux  de 
Tainbassadeur  français  ;  et  pour  éviter  une  pa- 
|. veille  mésavcnlnre ,  lui-mt'me  avait  fait  doubler 
I  siens  avec  des  chaînes  de  fer,  ensoile  que  le 
comle  d'Estrades  demeura  immobile. 
Le  roi  de  France  rappela  aussitt'il  son  ambas- 
^■tdeur  cl  fit  sortir  du  ro<iaumc  le  minisire  d'Espa- 
I  avec  une  précipilaliim  el  une  hauteur  qui 
l2>K'gércnt  ses  jours  ;  car  il  mourut  en  arrivant  i 
iambrai.  Philippe  IV  qui  sentait  son  alTaiblisso- 
KOt ,  el  qui  avait  fait  la  pais ,  afui  de  mourir  plus 
iquillcmenl,  envoya  le  comte  de  Fueules  à  Paris 
donner  satisfaction  h  Louis  \1V-  BAs^Ar.E, 
Anual.  des  Prov.-Vuies  ,  toni.  I,  pag.  657.  La 
ilaje  1709. 
^B  Je  cite  ce  trait  comme  un  exemple  négatif  en  fait 
HBc  duel ,  et  pour  qu'en  le  comparant  k  ce  qui  s'est 
passe  k  la  cour  de  Naplcs,  en  1812,  dans  une 
occurrence  analogue ,  entre  un  ambassadeur  rus>;e 


pour 


134  —IIISTOIur   liES  DUELS.— 

et  un  iiiiiiislro  fraiirais,  on  puiiisc  juger  de  la  diffé- 
ri'ine  des  loinps  et  des  persoiiiiuges.  frayez  loin.  I, 

L'aiiibassiidiMir  de  Louis  XIV  ,  le  comlc  d^Es- 
lrad(*s  ,  avait  pourtant  fait  ses  preuves  dans  une 
querelle  (|ui  nVtait  pas  la  sienne,  celle  du  due  de 
(luise  :ive('  le  comte  de  Coligny.  Il  avait  cette  fois 
bravé  la  rigueur  des  édits  du  roi  sou  naaitre,  qui 
peut  rtre  lui  aurait  su  gré  dans  cette  autre  cireons- 
tance,  de  sa>oir  soutenir  les  armes  à  la  main  riion- 
neur  de  sa  couronne.  /'.  ibid, ,  png.  224. 

Vaï  l'Ecosse  et  en  Irlande ,  les  mœurs  publiques 
au  temjis  ])risent  se  prononcent  fortement  contre 
Tusage  des  combats  singuliers,  et  ils  y  dcvienoent 
fort  rares.  La  catastrophe  du  colonel  Campbell, 
pendu  en  Irlande  pour  fait  de  duel ,  a  laissé  dans 
ce  tiays  une  profonde  impression.  Le  combat  s^était 
rjassé  sans  témoins ,  et  le  colonel  avait  tué  son  ad- 
versaire. Il  fut  condamné  et  exécuté,  malgré  les 
pleurs  de  sa  femme  et  de  tout  son  régiment  composé 
d'Kcossais  de  son  propre  clan. 

Kn  Kcosse  ,  un  (rcmibat  qui  avait  eu  des  ré- 
sultats aussi  funestes,  donna  lieu  à  un  procès  dont 
tous  les  journaux  ont  retenti.  Celui  qui  avait  eu 
le  mallieiu*  de  tuer  son  adversaire  fut  poursuivi 
par  voie  (l'i/iilict/ncni  et  acciuitté  par  le  jury,  sur 
une  éloquente  plaidoierie  de  lord  Erskiue. 


—  CBM'ITRE    \XXII.  —  ld-> 

Les  duels  oui  or(liiiuin'mi.-nl  lieu  un  pistolet,  et 

|p  plus  communément  cotre  cetii  qui  prélenclcnt 

)t  la  qualilicalion  de  gonilv/naii ,  qui  s'a[)pliquc  cti 

ftogletcrre  ii  tous  ceux  qui  n'étnnt  pas  nobles  se 

>icnt  néanmoins  digues  de  l'c'trc.   Uu  reste,  la 

noblesse  britannique  est  bien  loin  d'atl.icher  au  duel 

mt^mc  importance  qu'autrefois.  Elle  se  contente 

uvciit  de  faire  des  excuses.    C'est   ainsi   qu'un 

nèral  franrais  assistant,  il  y  a  quelques  unnùes ,  h 

I  banquet  dîplomaliipie  k  Londres,  entendit  Ttin 

»  convives ,  lurd  Cliiuidos ,  insulter  dans  l'ivresse 

nation  française.  Il  le  somma  de  ac  rttraelcr ,  et 

r  Mn  refus  il  lui  lança  en  pleine  table  uncbou- 

tlo  au  visage.  Tous  les  convives  se  levèrent;  un 

Iwel  fut  jugé  indispensable  cl   un  rendez -vous 

■igné  pour  le  lendemain.  Le  général  franrais  s'y 

DUTB  le  premier.  Lord  Cliandos  s'y  présenta  éga- 

meiit;  tnuis  ce  ne  fut  que  pour  faire  des  excuses 

intîler  le  général  ù  un  nouveau  banquet.  Celui-ci 

^ut  les  excuses,  mais  refusa  noblement  l'invi- 

iioD  (365). 

Le  duel  en  Angleterre  n'est  pas  poursuivi  et 
nui  comme  duel ,  mais  comme  boniieide  ordinaire 
Fec  ou  sans  prémédilulioii  selon  les  cireonstauecs, 
U  premier  cas  le  crime  s'appelle  inurdeivr,  au 
icoud  manslau(^hler-  Dans  les  cas  les  moîus  graves. 


136  -^HISTOIRE    DES    DUELS.— 

la  proct'diire  ri'arrétc  des  les  commencemens, 
comme  duiis  les  cas  de  suicide ,  par  une  déclaratioi 
de  non  lieu  du  Coroner.  On  sauve  ainsi  le  principe 
en  même  temps  qu^on  en  élude  rapplication. 

Cependant ,  les  champions  ne  sont  pas  toujoun 
rassurés  sur  les  suites  que  peuvent  entraîner  leur 
désobéissance  aux  lois.  Ils  redoutent  encore  asm 
les  oonsécjuenccs  d'un  bill  ofailaindcr,  pour  chcN 
clier  à  s'y  soustraire  en  venant  se  battre  sur  le  coih 
tincnt ,  surtout  en  France. 

Il  a  déjà  été  fait  mention  au  tome  !.•',  pag.  375, 
d^un  combat  (|ui  se  fit  à  Calais ,  entre  les  sieun 
Cough  et  Burgh'Camac,  et  de  Tarrét  de  cassatiot 
du  4  décembre  1824,  qui  en  a  été  la  suite.  Le  fait 
suivant  s'est  passé  à  Boulogne  en  1829  ^  et  a  au» 
été  Tobjct  de  poursuites  criminelles,  terminées  par 
un  arrct  de  non  lieu  de  la  cour  royale  de  Douai. 

Le  sieur  Crowther ,  lieutenant  en  demi^solde 
au  service  britannique,  se  trouvant  à  Boulogne , 
voulut  se  faire  cidmettre  dans  une  société  ou  cercle 
anglais ,  que  présidait  le  colonel  Conwai.  Ayant 
appris  que  son  admission  souffrait  des  difficultés, 
parce  cpi\)u  lui  imputait  d'avoir  reçu  à  Cbeltenliam 
des  coiq)s  de  cravac^lie  sans  en  avoir  exigé  répa- 
ration ,  il  en  écrivit  au  colonel  Conwai  ainsi  qu'au 
iicur  Helsham,  capitaine  de  la  milice  irlandaise, 
qu^on  lui  avait  iudiijué  comme  l'auteur  de  cette 


—  CHAPITRE   XXKII.—  137 

!TJIiiUon.  Hcisliam  offrit  de  rétracler  ce  qu'il  nvaîl 

,  si  Crowlher  poiivnit  donner  des  preuves  de  la 

Klé  du  fait  qu'on  lui  imputait.  Celui-ci  accepla 

Me  condition  cl  se  disposait  h  partir  pour  Londres, 

i  de  s'y  procurer  les  journaux  où  il  avait  fail 
l6rer  dans  le  temps  une  somnanlion  h  l'Iiornmc 
lï  l'avait  attaqué  et  qu''il  ne  connaissait  pas  ,  d'in- 

[uer  son  nom  et  sa  demeure.  Mais  ayant  parlé  de 
Ue  alFaîrc  au  sieur  Molony ,  l'un  de  ses  amis , 

icier  des  gardes  du  roî ,  celui-ci  le  détourna  de 
^projet  par  le  molif  qu'il  n'avait  aucune  preuve 
fe ,  et  que  c'était  à  l'auteur  de  Timpulution  à 
■ouver  la  vcrilé, 

Helaham  ayant  refusé  de  souscrire  à  celle  con- 

I  fut  proToqué  en  duel  par  Crowlher.  H 

itaa  d'abord  de  se  battre  avec  lui  k  rause  de  la 

ne  de  Cheltcnham.  Mais  l'autre  insistant  et  le 

naçanl  de  l'insulter ,  il  déclara  n'accepter  le 
(tel  que  par  pure  condescendance.  Le  rende*- 

is  fut  fixé  pour  le  premier  avril  18^9 ,  au  pied  de 
EfM>Ionne.  Les  deux  adversaires  s'y  Irouvèrenl 

Mtmpagnés,  Ciovrther  du  sieur  Mulony,  clHels- 

n  llu  sieur  Grady  fils. 

Le  vicomte  Bury  ,    ami  d'Helsliam  ,  se  trouva 

Bi  au  lieu  du  combat  avec  le  docteur  Dunand 

t  Boulogne,  pour  le  cas  où  los  secours  de  l'arl 

ùenl  été  ucccssaircs.  Les  témoins  avuieut  déoidà 


188  —HISTOIRE  DES   DUELS.— 

que  le  combat  aurait  lieu  par  étiquetle  selon  b 
coutume  anglaise,  c^cst-à-dire  au  premier  saitg. 

Un  débat  sY*ngagea  entre  ceux-ci  sur  le  choix 
des  pistolets.  Molony  en  présentait  qui  étaient  à 
percussion  ;  Grady  obtint  lu  préférence  pour  Ici 
siens  qui  étaient  à  pierres.  Ceux-ci  étaient  auni 
il  double  détente ,  et  quoique  Grady  eài  averti  de 
cette  circonstance ,  il  parait  que  Crowthcr  n^j 
fit  pas  attention ,  car  au  signal  donné  son  pistolet 
partit  avant  qu^il  eut  mis  en  joue  son  adversaire. 
Celui-ci  fit  feu  immédiatement  après,  et  Crowtlicr 
ayant  reçu  la  balle  dans  le  cou ,  tomba  mort  i 
rinstant. 

Lii  police  de  Boulogne  ayant  commencé  des 
poursuites,  Ifelsham  disparut,  mais  revint  bientôt 
après  pour  répondre  aux  mandats  de  la  justice. 
La  cour  royale  de  Douai ,  qui  avait  abandonné  sa 
jurisprudence  première  depuis  la  dernière  décision 
de  la  cour  de  cassation ,  déclara  qu^il  n^y  avait  lieu 
à  suivre  par  arrêt  du  24  juillet  1829. 

Eu  1830 ,  le  sieur  Ilelsham  ,  sur  une  plainte 
de  la  famille  Crowther ,  fut  poursuivi  eu  Angle- 
terre pour  le  même  fait  devant  le  tribunal  de  spécial 
conifiiission.  Il  lit  lever  alors  au  greffe  de  la  cour 
de  Uouai  une  expédition  des  pièces  de  la  procé- 
dure pour  établir  sa  justification. 

Si  les  duels  civils  sont  laissés  par  la  loi  anglaise 


—  ctiipiTHE  sxxii.—  139 

niB  l'empire  du  droit  commuu  qui  punit  l'homi- 

:  cl  les  blessures,  il  n'en  cal  pus  de  tni-mc  dis 

I  entre  militaires.    Ils  sont   l'objet  d'un  titre 

k:îal  dans  le  co<le  appelé  les  jiiiivtes  de  guenv, 

«ite  injure  est  sùvèrcmcnl  punie ,  tout  duel  et 

e  loul  cartel  expressément  défendus  sous  peînc 

I  la  perte  du  grade  et  d'emprisonnement  h   la 

:r(tion  de  la  cour  martiale ,  avec  assimilation  aux 

trevenam,  des  seconds,  témoins,  promoteurs 

I  porteurs  de  cartels  et  même  de  tout  chef  ou 

|)érieur  qui  aurait  souffert  uu  duet.  On  trouvera 

texte   de    ce    règlement   aux   Evlaircissemens 

ittoriques  (3C6) . 

^Ceux  de  nos  militaires  qui  ont  eu  le  malheur 
;  prisonniers  de  guerre  en  Angleterre,  con- 
rvcront  un  incfTaçable  souvenir  de  ces  cloaques 
B  réclusion  appelés  pontons,  où  les  confmail  un 
lUTcmemcnt  qu'on  appelle  quelquefois  humain 
t  généreux.  Ces  sépulcres  flotlans  ne  furent  pas 
i  l'abri  des  tristes  passions  que  l'homme  porte 
rtotil  dans  son  cœur.  Lh,  éclataient  fréquemment 
■ardentes  querelles,  d'horribles  colhsions ;  l<i ,  la 
e  ,  la  haine ,  la  vengeance  se  ressentaient  de 
ffaltation  naturelle  des  esprits  et  des  insuppor- 
Mes  souffrances  du  corps.  Les  duels  y  étaient 
rribles.  lis  avaient  tout  le  ponton  pour  témoin. 
I  bireur  est  si  ingénieuse  et  la  soif  du  sang  u 


140  —HISTOIRE  DBS  DUELS. —• 

Umt  irinstinct  !  Les  champions  qui  Toulaienl  le 
mesurer,  iravaicnt  ni  épées  ni  sabres  ;  mais  ils  pre- 
naient (les  compas  de  mathématiques  et  des  rasoin. 
Une  branche  de  compas  attachée  au  bout  d^un 
bâton  y  tenait  Heu  d'épée  ;  ime  lame  de  rasoir , 
emmanchée  à  Teitrémité  d^un  bout  de  fagot,  fi- 
gurait un  sabre  :  reflet  de  ces  armes  était  horrible. 
£.  D.  GoRDii^RB,  France  mariUme. 

II  y  aurait  lacune  dans  cet  ouTragc  consacré  k 
la  triste  nomenclature  de  tous  les  genres  de  conflits 
qui  désolent  Thumanité  ,  si  je  passais  sous  si- 
lence une  espèce  de  lutte  où  Ton  n^emploie  que 
les  armes  naturelles  et  qui  est  si  populaire  ehei 
les  Anglais.  Le  bo.ringy  \isiblement  emprunté  av 
pugilat  des  anciens  ,  est  le  duel  de  John  Bull. 
Il  nV'st  pas  un  anglais  de  la  classe  immédiatemenl 
au-dessous  de  celle  des  gentleman  qui  n^en  coa- 
naisse  la  théorie,  et  il  en  est  peu  qui  n^y  joigocDl 
la  prali({ue. 

Lorsijue  deux  boxeurs  se  préparent  à  lutter  en- 
semble ,  ils  se  défont  silencieusement  de  leurs  habiU 
qu^ils  coniient  aux  spectateurs,  relèvent  les  manches 
de  leurs  chemises ,  se  posent  à  deux  pas  Tun  de 
Fautre  les  deux  poings  fermés ,  Tœil  fixe  et  le 
jarret  tendu.  Les  coups  de  poings  volent,  plcu- 
vent  avec  la  rapicUtc  de  Torage ,  les  champioui 


—  CHAPITRE  jtxxn.  —  141 

conscnmnl  toujours  leur  sang  froid  el  leur  gravité. 

Le  combat  ne  se  termine  gndTcs  que  par  l'épui- 

lotal  des  forces  de  l'un  d'eus.  Conlusion«, 

irtrisBurea ,  perle  de  sang  par  le  nez ,  les  yeux  , 

itx>uche  et  les  oreilles ,  tels  snnt  les  résultais  les 

ordinaires  de  la  lutte.  Queliiuefoia  il  en  coûte 

membre ,  un  œil  et  méroc  la  \ie. 

;es  batteries  affrays  sont  punies  d'amende  et 

Dprisonnement  par  la  loi  anglaise.  Blachstonc  , 

tmenl.  laws  of  EngL,  v.  f-'l.  Mais  les  mœurs 

,  plus  puissantes  que  la  loi  qui  reste  le  plus 

mairement  sans  application. 

Il^es  pajsaiis  des  comtés  de  Norfolck  el  de  Suf- 

k.  Bc  livrent  de  véritables  combats  en  champ 

,  hampiiig  niatches ,  au  poing,  au  bâton   ou 

lutte.  On  y  retrouve   imiU-s   d'une   maniera 

mère  les  règles  et  les  usages  usités  dans  les  an- 

s  duels  Scandinaves.  Edinburch  Review  1834, 

41 , /jog.  78  cf  jcç.  (367). 


)n  voit  bien  rarement  chez  nos  voisins  des 
mples  de  ces  duels  politiques  dont  la  polémique 
journaux  est  si  souvent  chex  nous  l'occasioD. 
liberté  de  la  presse  a  bien  aussi  ses  excès  de 
lire  côté  du  détroit,  mais  elle  est  mieux  comprise, 
m  sait  en  supporter  les  incoDvéniens  avec  plus 
patience  et  de  sang  Troid.  On  ne  voit  gucrcs 


142  —HISTOIRE  DES  DUBL9. -- 

éclater  de  pareilles  collisions  que  là  où  se  concentre 
la  principale  activité  de  la  vie  sociale  chez  noi 
voisins ,  c^cst-h-dirc  dans  les  débats  pariementaircs. 
C^cst  là  que  Ton  peut  étudier  avec  le  plus  de  fruit 
la  physionomie  particulière  des  mœurs  britannique! 
sous  le  rapport  des  duels. 

Lliabitudc  des  discussions  orageuses ,  Tusage 
de  parler  de  sa  place  au  parlement ,  de  s^'infer- 
roniprc  et  de  s'interpeller  dans  la  chaleur  des 
débats ,  a  donné  lieu  plus  d^une  fois  à  des  alterca- 
tions personnelles  (Vunc  nature  plus  ou  moins 
grave.  La  plupart  se  sont  pourtant  terminées  sans 
filchcux  résultats. 

L\m  des  plus  anciens  défis,  dont  les  débals  parle- 
mentaires aient  été  le  sujet ,  c^est  celui  qui  fut 
donné  en  plein  parlement  par  le  célèbre  duc  de 
Marlhorougli  à  lord  Powlet,  en  1712.  Les  suites 
en  furent  cmpc'chécs  par  Tintervention  de  la  reine 
Anne.  Rapin-Tiioiras  ,  Hist.  d'Ângl.,  tom.  XII, 
p(if^,  55R. 

La  mrmc  année  ,  lo  duc  de  Mnriborough  ftit 
encore  rinsligatcur  d'un  autre  duel  entre  le  duc 
dMlaiTiillon,  chef  des  Torys,  et  lord  Mohun^Fun 
des  principaux  \Vi;;hs  du  parlement.  La  querelle 
n'avait  (Vautre  cause  réelle  que  Firritation  politique 
du  moment ,  quoiqu'elle  eut  eu  pour  prétexte 
quelques  propos  tenus  l\  l'occasion  d'un  procès  qoi 


:  \x\u.  —  143 

hrisaît  les  deux  parties.   Ils  curcnl  pour  seconds 
\e  gî-néral    Maoarlney  et  le  cfitoncl  ITamilton  qui 

tballircnt  en  m/me  temps  qu'eux  ,  selon  l'usage 
roduit  en  France  par  les  mignuns  de  Henri  II) , 
ia  qui  commençait  Ji  tomber  en  désuétude,  f. 
i.  /,  pot^-  Ifil. 
CLe  combat  eut  une  issue  bien  runcstc.  Les  deux 
ma,  le  duc  d'Hamillon  et  lord  Mobun,  reslèrciit 
k  U  place.  Ce  tragique  événement  fit  grand  bruit 
Ui'S'^'C"'^-  ^^  procès  criminel  fut  commencé 
e  les  deux  seconds  du  duel ,  et  le  général  Ma- 
rlncy,  que  le  bruit  public  accusait  d'avoir  lu£ 
duc  d'Hamillon  en  trahison  ,  fut  proscrit  pm: 
reine  Aime ,  et  n'eut  d'autre  ressource  que  de  se 
bgicr  en  Hollande.  RAnN-TiioinAS,  loco  ciUUo, 
|.  074  (368). 

lainaîs  les  débats  parlementaires  n'avaient  pré- 
llè  un  aspect  plus  animé  que  dans  les  sessions 
1 1778  à  17S0,  où  les  discussions  s'envcnimcretit 
m  point  extrême  et  prirent  toute  la  couleur  d'une 
imoaité  personnelle. 

En  1778 ,  lord  Germaine  irrité  de  quelques 
Érsonnalitt-s  de  M.  Temple  Luttrel  son  collègue 
h  Cliambrc  des  communes  ,  le  provoqua  en 
lel  à  haute  voix  en  plein  parlement.  Tous  deux 
it  rappelés  à  l'ordre ,  et  le  président  leur  de- 


I4i  —  fllSTOIHE   DES  DUELS.  "— 

mnndn  leur  parole  clMionncur  de  ne  donner  aucune 
siiiu*  ^1  cette  afTaire.  Lord  Germaine  le  promit. 
AI.  Lutlrel  ne  s^y  décida  que  lorsqu^il  se  ¥it  sur 
le  point  (Fctre  arri^'tè  et  conduit  dans  la  prison  du 
sergent  (Varmos.  Hume  et  Airins,  Hist.  d'jingf,, 
toni.  A'IA'* 

Dans  tous  les  débats  de  la  session  du  parlement 
en  1 788  ,  on  se  permit  les  plus  licencieuses  invec-  i 
tivcs ,  et  il  parait  que  le  projet  des  membres  de 
l'opposition  était  de  pousser  les  choses  à  Teitrême. 
Kn  consé(]uencc  de  quelques  paroles  dites  le  pre- 
mier jour  de  la  session  et  in&dèlement  rapportées 
par  un  journal ,  M.  Adam  appela  en  duel  M.  Fox 
et  le  blessa  légèrement.  Ibidem, 

Ce  fut  h  celte  même  époque  que  lord  Georges 
Gordon  s\ic(]uit  dans  la  Chambre  des  communes 
une  si  triste  célébrité.  11  n^était  ni  wigh  ni  tory, 
mais  d'une  sorte  de  tiers-parti  qui  n^était  représenté 
que  i)ar  lui.  11  était  avant  tout  Anglican  jusqu^au 
Cuiatismc.  Un  bill  de  tolérance  religieuse  ayautété 
promulgué  en  1778,  il  n'eut  plus  de  repos  qu'il  ne 
Tcut  l'ait  rapporter  ou  modifier.  Associations,  péti- 
tions, assemblées  populaires,  tout  fut  par  lui  mil 
on  (iMivre.  Dans  ces  réunions  extra-parlementaires, 
tomnic  à  la  (liambre  ,  il  traitait  les  ministres  et 
nu*  me  le  roi  de  pa pin  tes.  11  se  permettait  à  cliaque 


Miflnl  ks  anronsmcs  les  pins  violcns  et  les  plus 
ArussiAres  personnniilijs.  Peu  [iii  importait  d'être 
Appela  il  Tordre.  Il  trcti  continuait  pas  moins  sci 
iliatribes. 

Le  2  jnili  17S0,  il  convoqua  à  Saint-Georges^ 
Fields,  une  assemblée  populaire  où  il  se  réunit 
|Mus  de  cent  mille  personnes,  qui  de-là  se  ren" 
dirent  tumultueusement  au  parlement  pour  y  pré-* 
■nier  une  pétition  contre  l«  bill  de  tolérance. 
iGordon  déposa  la  pétition  sur  le  bureau ,  et  de-* 
taianda  quVlle  Fût  sur-le-cliamp  prise  en  considé-' 
ration  ;  ce  qui  était  contraire  aux  usages  parler 
tnentaires.  Cette  proposition  fut  rejetéc ,  et  lu  dis-- 
Cussion  njouniéc  nu  mardi  suivant.  Gordon  vive-" 
ment  interpellé  de  disperser  sa  troupe ,  le  promit. 
Mais  le  jour  lise  pour  la  discussicni ,  un  nouveau 
nsscmblement  plus  considérable  encore  que  \e 
premier,  se  forma  et  vînt  assiéger  te  parlement  qui 
refusa  de  délibérersous  l'empire  d'une  telle  violence. 
Un  membre ,  te  ciipitaîne  Herbert ,  fit  obsenef  que 
Gordon  portait  Ji  son  chapeau  une  cocarde  bleue, 
iigne  de  rnllicment  adopté  par  la  multitude,  et  S 
ajouin  que  s'il  ne  l'ûlaît  pas  a  l'instant,  il  allait  la 
[t  nrrachor.  Le  tribun  s'cséculn  de  bonne  gnîce  el 
itsa  cocarde  dans  sa  pocfie.  Au  sortir  de  la  séance, 
s  voiture  fut  traînée  en  triomphe. 
Daus  la  soirée  du  même  jour,  rémeulc  prit  Fe 
10 


146  —  HfSTOIBS   DES   DUCU.  — 

<*.arartère  «riine  véritable  ÎDSurrcf^lîon.  Les  pmoni 
furcnl  furcécs,  un  grand  nombre  de  maisons  sacca- 
dées cl  plusieurs  membres  du  parlement  violemmenl 
mallraitùs.  Le  lendemain  ,  la  populace  maiiresae 
de  I^ndres  et  de  Westminster  continua  le  pillage 
et  mit  le  feu  sur  plusieurs  points.  On  allait  Forcer  h 
banque,  quand  une  proclamation  du  roi  portanl 
autorisation  de  faire  feu  sur  les  rebelles  sans  Tinter- 
\ention  de  Tantoritè  civile ,  mit  fin  au\  désordres. 
Gordon  fut  arrêté  et  poursuiifi  comme  coupable  de 
haute  trahison  et  acquitté  en  1781  ,  après  une  élo- 
quente plaidoierie  du  célèbre  Erskine. 

On  trouve  des  analogues  avec  ces  scènes  aÎD- 
gulières  dans  les  débats  de  nos  deux  premières 
assemblées  législatives.  V.  tom.  I,  chap.  XXIII. 

Vers  répoquc  du  plus  haut  crédit  du  célèbre 
ministre  Pitt^  il  y  eut  un  duel  entre  lui  et  M.  Tiemey, 
membre  de  la  chambre  des  communes.  H  n'en 
résulta  aucun  accident. 

En  1809,  lord  Castlereagh  etTillustre  Canning» 
tous  deux  ministres ,  se  battirent  à  la  suite  d^uoe 
vive  querelle;  le  dernier  fut  blessé.  La  démission 
de  Tun  et  de  l'autre  avait  précédé  cette  afiaire. 
IIlme  et  AïKiNs ,  IJist.  (VÀngL,  iom»  XX. 

En  1829 y  lord  Wellington,  alors  premier  mi- 
nislre,  envoya  un  cartel  à  lord  Winchelsea,  Tuii 
de  ses  collègues  à  la  Chambre  des  pairs,  quiTavait 


jtxxti.  ■—  147 

:iis^  d'avoir  manqua  h  sa  pnrnlp  h  l'oocnsion  tic 
lablÎMctni-nl  d'une  imitersilO  h  Londres.  Le 
mbnl  ii'ciil  niiciinc  suite  fAclieiisc. 
On  ne  voil  pa»  qu'aucun  de  ces  hauts  personnages 
I  *l*  inijuiélé  h  celte  occasion.  On  ne  sait  ce 
II)  serait  arrivé  s'il  t  avait  eti  homicide ,  seul  cas  où 
jurisprudence  anglaise  autorise  les  poursuites 
iininelles  en  mntirre  de  dui-l. 

fTtom  In  séance  dn  10  février  1834,  il  sVIeva  Ji  ta 
Siambre  des  comnuincs  un  débat  (fune  nature 
S'S/rrieiise  et  dont  les  circonstances  méritent  d'être 
lârliculicremenl  remarquées.  Void  le  compte  qu'en 
tt)t  rendu  les  journaux  an^lain. 
M-  Hili ,  menthre  ministériel  du  parlement ,  dans 
ri^unioQ  puhlrtpic  d'éleclenrs,  accusa  toute 
I  d^ptitation  irlandaise  d'avoir  volé  publiquement 
iOntre  le  biU  relatif  aux  troubles  d'Irlande  liiat  nrt, 
I  Tapprouvaul  en  secret.  Celte  impul.-ilion 
lieu  d'abord  it  des  explications  extra-par- 


k  Dnw  la  séance  du  5  février  18:34,  M.  O'Connctl 
Merfïclla  lord  Altbnrp ,  chancelier  de  l'Ecliiquier , 
■ir  la  réalité  du  fiul.  Lord  Allliorp  répondit  vnguc- 
Htii.  Pressé  davuntaj^e,  notamment  par  M.  Scheil 
lin  des  députa  irlandiiis,  le  minisire  se  leva  et 
piposdit  que  ce  ilemirr  Ouil  précisément  du  nom- 


148  -- HISTOIRE   DES   BUELS.  ^ 

hrc.  Je  (hxlarc  à  la  f arc  du  Ciflel  du  pays,  s'écrit 
alors  M .  Sclieil ,  f/uc  ce  pn^pos  est  une  infâme 
calomnie.  Une  grande  confusion  s'ensuivit.  Lord 
Altliorp  cnergiqucmcnt  interpellé  de  tous  le»  bancs 
de  la  salle  a  assuré  ({U'il  tenait  le  fait  d'une  personne 
digne  de  foi  et  qu'il  en  assumait  personnellement 
toute  la  responsabilité. 

Arrivée  h  ces  termes,  la  question  prenait  une 
gravité  que  l'impression  de  ce  qui  venait  de  se  passer 
en  France  (le  duel  de  MM.  Dulong  et  Bugeaud) 
rendait  plus  sensible  encore.  A  partir  de  ce  moment 
tous  les  moyens  de  conciliation  ont  été  essajéspar 
les  membres  de  toutes  les  opinions.  Sir  Aobert 
Peel  a  cherché  à  donner  à  la  réplique  de  lord 
Althorp  un  caractère  officiel  qui  la  dépouillait  de 
toute  personnalité.  M.  O'Connel  a  proposé  un 
comité  d'enquête  ;  sir  Francis  Burdett  a  demandé 
aux  deux  adversaires  de  déclarer  qu'ils  se  soumet- 
taient h  la  décision  de  la  Chambre  et  renonceraient 
h  tout  autre  mode  de  satisfaction. 

L'Orateur  Speaker  a  essayé  d'obtenir  cette  décla- 
ration en  ménageant  l'honneur  des  deux  parties, 
et ,  sur  leur  silence ,  la  Chambre  a  décidé  i 
l'unanimité  que  lord  Althorp  et  M.  Scheil  seraient 
placés  sous  la  garde  du  Sergent  d* amies,  et  dé- 
tenus jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  pris  l'engagement 
de  renoncer  à  toute  provocation.  Cet  ordre  a  été 


—  cnArîTBE  xxxii   —  149 

létlinlemenl    exécuté.    Les  oollégiics   de    tord 

ibhorp  se  sont  nsseniblés ,  lord  C.pcy  esl  arrivé. 

deux  advcr^uires  n'ont  l'ait  la  déclarntiop  de- 

inifx  que  bien  avant  dnns  la  nuit ,  et  ils  unt  ^lé 

icueîllîs  k  leur  rentrée  par  les  félicitations  de  la 

lambre  el  de  TOralcur. 

Le  14  féïricr,  M.  Grote  n  présenté  le  riipport 

I  la  commission  des  privilèges  sur  celle  aflaire , 

.  a  déclaré  avoir  acquis  la  certitude  de  Tinno- 

bnce  de  M.  Scheil.  Lord  Altborp  s'est  levé  el  a 

qu'il  avait   pcul-étre    agi    avec   imprudence  , 

nme  ministre  ,  mais  que  ,  placé  entre  sa  posilinn 

ministre  el  son  caractère  (i'bommc ,  il  n'avait 

kll  liésiter  ii  sacrifier  la  première  au  9(mh  de  son 

mnetir  privé.  Du  reste  ,  il  a  déclaré  ne  conserver 

leun  doute  sur  Tinnorence  de  M,  Scheil  et  des 

itrcs  membres  de  la  députation  irlandaise  qu'il 

trait  accusés.  M.  Siheil  a  pris  3a  parole  li  son  tour 

a  terminé  son  discours  en  disant  :   "  Fiissé-je 

r  mon  lit  de  mort ,  je  me  présenterais  devartt 

eu  ea  niant  l'accusatioii  qu'on  a  portée  contre 

»  y,,   np  npplauchsstmcs. 

Après  une  déclaration  de  M.  Stanley,  membre 

i  cabinet ,  qui  trouve  compléle  et  proclame  hau- 

ment  la  justificalion  de  M,  Scheil,  la  Chambre  a 

tnné  son  approbation  au  rapport  de  la  cammi»- 

»n.  The  Momwg  Çhi-onivle,  \^  J'chi-uary  1834. 


150  <«>  HISTOIRE   DES   DUBXJ.  «• 

L'uiitii'c  1834  fut  en  Angleterre  ,  comme  et 
France  ,  une  année  fatale  pour  les  provoeationa 
parlementaires. 

Eu  mars  il  y  eut  un  défi  entre  M.  Stanley,  doal 
il  Tient  d'être  parlé  ,  et  lord  Alcomb  ;  TaBiEÙre 
s'est  arrangée. 

Le  13  du  même  mois  et  à  Toceasion  des  prov(H 
cations  antérieures,  M.  Duckingham  annonça  à  h 
Chambre  des  communes  qu'il  présenterait  le  26  mai 
suivant  un  projet  de  loi  contre  les  duels  (369). 

Vers  la  fin  de  cette  même  année  1834 ,  les  jour- 
naux anglais  ont  rendu  compte  d^une  démarche 
assez  significative  de  la  part  de  sir  Robert  Peel| 
récemment  nommé  premier  ministre.  L^honorable 
baronnet  ayant  lu  dans  le  Morning  Cfifvnicle  lo 
com[)tc  rendu  d'un  discours  prononcé  dans  une 
réunion  politique  par  le  docteur  Stcphen  Lus* 
hington,  membre  de  la  Chambre  des  communes, 
crut  y  apercevoir  des  allusions  offensantes  à  h 
personne,  Le  12  décembre  1834  ,  il  écrivit  au 
docteur  une  lettre  où ,  après  avoir  retracé  la  phrase 
du  journal ,  il  ajoutait  ;  u  Je  vous  in\ite  à  vouloir 
bien  m'npprcndrc  ai  les  expressions  que  j'ai  citées 
sont  exactement  celles  dont  vous  vous  êtes  servi,  n 
Le  docteur  ayant  répondu  que  rien  n'avait  été 
plus  éloigné  de  sa  pensée  que  l'intention  de  faire 
des  allusions  oflensuulcs  pour  la  persouoe  de  Tho* 


—  CtlAptTBE   SXSII,—  131 

toerablc  liaruiiiK'l ,  celui-ci  fil  publier  celle  cor- 
■Brpondaitce  duns  les  jiKirnaux.  Oa  devine  assci 
Icut  élé  le  K'SuUnt  d'uue  (elle  d*marc?ie,  si  U 
ié|Miii»e  dti  dvH'lciir  avait  (:%(■  mutiis  modOK-e. 

M.  l'ecl  ne  larda  pas  à  se  retrouver  dam  la 
lèccsailé  de  mctlre  de  nouveau  la  main  b  la  plume 
^ir  adresser  une  missive  Diialuguc  k  M.  Hume, 
i  «vail  dit  de  lui  il  la  Cliumbre  des  communes 
na  la  s^'ancc  du  ^0  mars  1835 ,  qitc  sa  cundulte 
lail  pas  celle  d'uu  luimme  d'honneur,  M.  Hume 
Il  tiré  d'alliiire  eu  Kpiimln»!  au  miiiislrc  qu'il 
iviùl  pa9  eu  liitiaiUvn  d'attaquer  son  houiicui: 

La  fierté  de  celle  attitude  n'a  pas  prôsprvé  le 
■un  minislére  de  M.  PecI  d'une  cliùte  qui,  des 
n  avènement,  parut  ùiL-vîtalilc.  M^gré  loule  sa 
Kilurion,  il  a  diV  fuirc  rcirnile  devant  les  phalanges 
rréea  il*unc  o)>posilioii  liabilcmeiil  dîrigL'e. 
PeM  do  lein]M  après  ,  Éelala  un  T^rilflble  duel 
fflcmetilaire ,  le  plus  remarquuble  de  luus  ceux 
l'on  ail  vus  en  Angleterre  daus  le  cours  du  siècle 

Bhtel. 
Lord  Alvanley   avait,   dons   un   discours  ii  la 

ihambre  des  pnii-s ,  perlé  avec  pew  de  m(-nagemoiil 
M.  Dauiei  O'CuuneU ,  oiteï  de  l'uppositioti  irlati- 
isc  fi  la  Chambre  des  communes.  Celui-ci  lui 

{|90jls  CD  lui  iufligeaul  l'^ucrgiquc   fpilliélc  de 


\^2  •=?  HISTOIRE   DES   DUELS. -^ 

hloaivd  bujfoon,  qui  ne  se  tri^duit  qu^imparbiU- 
pieiil  e(i  français  par  celle  de  paillassen 

I^e  nuble  lord  demanda  par  écrit  une  cxpliculioa 
à  M.  O'Connel ,  qui  ne  répondit  pas.    Plusieurs 
membres  du  club  de  Broocke  ,  dont  ce  dernier 
faisail  partie ,  avaient  déjà  proposé  que  des  mesures 
fussent   prises  pour  que  lord  Alvanley   obtint  la 
satisfaclion  qu'il  demandait.  Les  directeurs  du  club 
s'y  étant  refuses ,  celui-ci  publia  une  nouvelle  letlre 
injurieuse  à  son  adversaire.  M.  Morgan  O'Connell, 
fils  de  riionorable  député  d^Irlande,  vint  en  de- 
mander raison  ii  son  tour  à  lord  Alvanlev.  Oa 
•  •         •  t/ 

convint  d\in  rendez-vous.  Les  deux  témoins  étaient 
pour  lord  Alvanley  ,  le  colonel  Bamer  ;  et  pour 
M.  O'Connel,  le  colonel  Hodges.  La  distance  tut 
fixée  à  douze  pas.  Au  premier  feu,  M.  O^Conodl 
a  seul  tiré  ,  parce  que  le  signal  n^a  pi|S  été  bien 
compris  par  lui  ou  par  son  adversaire.  Les  armes 
furent  rechargées  et  les  deux  coups  partirent  en- 
semble ,   mais  sans  résultat.   Le  témoin  de  lord 
Alvanley  a  alors  déclaré  qu'il  consentait   bien  à 
un  nouveau  feu,  mais  qu^ensuite  il  emméaerait le 
ngble  lord ,  ce  qu^il  fit  après  une  seconde  épreuve 
qui  n'eut  pas  plus  de  résultats  que  la  première. 
L'affaire  s'est  ainai  terminée  ,  mais  sans  excuses  ai 
explications. 

Avant  cette  rencontre ,  le  colonel  Bamçr ,  témoin 


—  CHAPITME    TtXSII.  —  1"^ 

^e  lord  Alvanlcy,  avuil  icril  à  N.  O'Connel  pour 
le  prier  de  lui  Taire  conuailre  les  motiTit  de  non  refus 
d'urcfirder  satisfaction  auuobte  lord,  M.  O'CunnetI 

i  répondit  qu'il  n'avait  jamais  refusé  de  fournir 

plicaUoa  pour  touto  injustice  qu'il  aurait  pu 
Bimettrc;  maïs  qu'il  récusait  les  voies  du  duel 
mme  antipalliiques  h  ses  principes  et  au  serment 

■'il  avait  fait  de  ne  jamais  les  employer ,  depuis 

iW  avait  eu  le  mallieur  de  tuer  un  homme  ea 

tabat  singulier.  Tlie  Courrier  caid  True  Sun, 

may  1835. 

Le  lendemain,  M.  Morgan  O'ConnolI  reçut  pour 

!  m^me  sujet  de  nouvelles  provocations ,  une 
llr'autres  d'un  M.  d'israeli.  Deux  autres  fils  de 
lonorabis  député  d'Irlande  forent  également  pro- 

bl|ué9  et  un  couflil  sérieux  aliail  s'engngor;  mais 
police  y  pourvut  par  rarrestation  de  MM-  O'Con- 
n.  Son   chois  ne  manqua  pas  de  tomber  sur 

ippo»lion,  comme  cela  était  arrivé  h  Paris,  en 
lier  1833,  dans  une  cireonslauce  à-peu-près 
nhlable.  MM.  O'ConncIl  n'obtinrent  leur  liberté 

l^aprés  avoir  fuurni  caution  de  ne  pas  troubler 

fpaîj^  du  ivi  (370). 

^^Angletcrre  a  eu  aussi  ses  duels  de  femmes. 
n'eu  citerai  qu'un  seul  parce  qu'il  est  au- 
pliuue  et  que  toutes  sus  circouslauces  sonl  d^s 


1 54  ^  niSTOIRE  DBS  DUBLS.  — ' 

plus  singulières.  Les  Toici  telles  qu^elles  sodI  ri* 
sultécs  des  débats  de  la  cour  d^assisea  de  Leioslier 
en  Irlande ,  publiées  dans  tous  les  journaux  an- 
glais. 

Deux  femmes  de  Dublin ,  jalouses  Pune  de  Paa* 
tre,  se  rencontrèrent  le  6  décembre  1833  sur  la 
place  du  marché  do  cette  ville ,  après  a^étre  hh 
tées  mutuellement  pendant  plus  d^un  mois.  Uiroe 
d'elles  s'étanl  emportée  jusqu^au  point  de  dcmncr 
un  soufflet  à  sa  rivale  ,  celle-ci  lui  en  demandi 
raison  et  lui  ofTrit  le  choix  des  armes.  Quatre  joun 
après ,  le  coroner ,  appelé  à  visiter  un  cadavre  de 
femme,  découvrit  sous  le  sein  droit  une  blessure 
profonde  de  trois  pouces  et  demi ,  qui  avait  pénétré 
obliquement  jus({u'au  cœur.  C^ était  Marguerite  Sjl- 
vian,  ennemie  jurée  de  Jessy  Rosa  Crauby.  G^est 
donc  sur  cette  dernière  que  s^est  portée  de  suite 
Tatlention  de  la  justice.  Rosa  Craubj  répond  aTOC 
assurance  aux  questions  qui  lui  sont  adressées  ; 

W.  le  président.  —  Quel  âge  avez- vous  ? 

L^accusée.  —  La  demande  est  peu  galante. 

AI.  le  président.  — 11  ne  s^agit  pas  ici  de  galao- 
tcrie  ;  uu  sujet  plus  sérieux  nous  occupe. 

L'accusée.  —  Comme  les  réponses  ne  sont  pu 
obligatoires,  (]ue  je  sache,  vous  me  permetlrei, 
M.  le  président,  de  profiter  de  la  liberté  dont  je 
peux  jouir  ù  cet  égard. 


^chahtâe  WMÎ.  —  ISS 

'Tsklenl.  —  WiHs  ne  \uulcx  tiuno  poînl 

'i'r*.'  \  •  '{T'I  *'Z*'  ' 

V  lioii.t  ilil  t'ila  :  nn:!»  jo  ne  \i»î* 

iiM-<  »>ité    (11*  rti]»|i rendre  à  tous  li-s 
|iii  whjI  i«;i  |>ré>i-n5  :  t-nvoyci-nuii  vi»lrc 
.er,  cl  je  le  lui  gliâicrai  dans   le  tinau  de 
»  oreille. 

Pour  satisfaire  au  rd^irne  de  la  |>r<'\i'nne,  le 
greffier  se  dérange  de  ^a  plaec  afin  irt-r«Miter  sa 
confidence,  et  la  transmet  ensuite  au  prt'si.leni,  qui 
]a  couche  sur  le  pripier.  I/iiiterruiiafitire  euntinuc  : 

D.  Quelle  es^l  la  profession  de  \otre  mari.'  R.  Il 
n^en  a  point.  —  D.  Il  s'oL-cupe  pourtant  de  i]uelipic 
chose?  —  R.  Non,  mun»ieur,  il  ne  »\ieeupe  de 
rien;  à  moins  cpic  vous  ne  vouliei  regarder  i-oiiuno 
une  occupation  les  tourmens  cpril  fait  endurer  à  sa 
inalheureuse  compagne  ,  cl  les  allentions  cpTil  u 
pour  les  autres  femmes. 

Edouard  Crauby  ,  interrogt^  sur  les  motifs  du 
jalousie  qu^il  a  pu  donner  a  sa  fenune ,  refuse  de 
s^eipliquer ,  et  une  décision  de  la  cour ,  priivoquée 
par  son  défenseur,  le  dispense  de  répondre,  à  cause 
du  lien  étroit  qui  Tunit  à  raccusée. 

L'accusée  se  retire ,  et  Tun  procède  ù  Taudition 
des  témoins. 

Up  huissier.  —  Au  nom  de  la  loi  et  par  le  roi , 


166  —  iiistoihe  des  duels*  — 

Jaincs-NicL  Hervey  el  Georges- Arlliur-Necl  Diclson, 
comparaissez  ! 

A  cette  sommation  ,  les  deux  témoins  s^ayancenl. 
Voici  la  déposition  de  N  ed  Dickson  : 
«  Je  sais  que  ,  depuis  long-temps ,  les  6poui 
Crauby  vivaient  en  fort  mauvaise  intelligence  :  le 
mari  passe  pour  débauché ,  et  la  femme  pour  très- 
jalouse.  Le  6  de  ce  mois ,  en  passant  sur  la  place  du 
manrhé  ,  j^apercus  celle  demicre  qui ,  appuyée 
contre  une  pyramide  de  sacs  de  blé ,  parlait  d^une 
manière  des  plus  véhémentes  à  la  veuve  SjlviiD. 
Cuncux  de  connaître  le  sujet  de  leur  conversation, 
car  elles  étaient  ennemies  déclarées,  el  ne  coo- 
\crsaient  jamais  ensemble ,  je  me  plaçai  derrière  les 
siics.  11  était  environ  six  heures  et  demie  du  soir;  les 
marchands  amhulans  s'étaient  retirés,  et  la  place 
était  déserte  de  ce  côté.  — Vous  me  Pave*  enlcrè, 
disait  la  première ,  cY'st  mon  mari  ;  maintenant  il 
ne  m^aime  plus,  il  ne  regarde  plus  ses  enfans.  Quand 
il  rentre ,  il  a  Pair  soucieux  ;  si  je  lui  parle,  il  ne  me 
répond  point  ;  si  je  l'embrasse  ,  il  me  repousse. 
\ Ous  m'avez  rendue  la  plus  malheureuse  des 
fcnnues  et  vous  me  devez  une  réparation  pour  tant 
(le  maux.  — (]e  n'est  pas  ma  faute  ,  répondit  aa 
ri>ale,  si  voire  époux  me  trouve  h  son  gré,  el  si 
mon  caractère  lui  plaît  mieux  que  le  vôtre. — N'avea- 
\ous  point  de  houle,  reprit  Kosa  Crauby,  de  dé- 


—  CHAPITRE   XXXtI.—  l57 

tourner  un  père  de  famille  de  ses  devoirs  et  de 
rafTection  qu'il  portait  ii  sa  fenimc  et  aux  pauvres 
mnocens  qui  lui  doivent  le  jour  .^ 

<(  Elle  continua  queU{ues  minutes  sur  ce  ton.  A 
tousses  reproches,  la  veuve  Svlvian  ne  répondait 
que  par  un  dédaigneux  silence ,  ou  par  des  éclats 
de  rire  méprisans.  Enfm  Rosa  sY*cria  :  Je  ne  puis 
plus  vivre  ainsi  ;  il  faut,  ou  que  vous  quittiez  cette 
ville,  ou  que  je  vous  tue  :  choisissez  !  — Je  ne  rerois 
dWdres  de  personne,  répliqua  fièrement  la  veuve. 
—  Eh  bien  !  reprit  Rosa,  vous  écouterez  peut-être 
le  soin  de  votre  conser>'ation  :  je  vous  déclare  que 
01 ,  dans  huit  jours  ,  je  vous  trouve  encore  h  Dublin, 
vous  ne  respirerez  pas  le  neuvième.  —  Quoi  !  vous 
prétendriez  m^assassiner  ?  —  Je  prétends  tout ,  je  ne 
connais  plus  rien  ;  je  serais  capable  d'aller  vous 
égorger  jusque  dans  ses  bras.  —  J'en  avertirai  la 
justice.  —  Ne  le  faites  pas  ,  ou  je  vous  étrangle  de 
mes  propres  mains  !  —  Jamais  je  n'ai  entendu  de 
pareilles  menaces.  —  Jamais  je  n'ai  vu  une  dépra- 
vation si  grande. — Vous  m'insultez  !  —  Ne  ni'avcz- 
Tous  pas  déjà  insultée  vous-même ,  ne  m'avcz-vous 
pas  outragée  dans  ce  (jue  j'ai  de  plus  cher  ?  Et 
pensez-vous  que  je  puisse  supporter  long-temps , 
sans  murmurer,  sans  me  plaindre,  et  surtout  .sans 
me  venger,  le  poids  des  tourmens  dont  vous  m'ar- 
cablex?  11  n'v  a  qu'un  moven  raisonnable  de  nous 


138  «-IltSTOIRE  DES  HUSLS. -* 

mcUrc  (l^acroril  :  vous  ne  voulei  point  renoncer  k 
vos  prétcnlious  sur  mon  mari ,  et  moi ,  je  ne  veui 
point  vous  Tabandonncr.  Vous  avez  appris  ii  tirer 
répée  ;  je  ne  possède  pas  le  même  talent^  mais  Tin* 
digiit^tion  soutiendra  mon  courage ,  c^t  le  ciel  me 
donnera  de  l'adresse  en  faveur  de  la  justice  de  ma 
cause.  Décidez-vous  promptement.  Demain  matin 
de  bonne  heure ,  si  vous  y  consentez ,  nous  nous 
retrouverons  dans  le  champ  des  Deux^Poteaux,  i 
un  quart  de  lieue  de  Leiplip.  S'il  le  faut,  je  voui 
supplierai  même  de  ne  point  me  refuser  ce  mojea 
de  terminer  nos  dilTèrens  ,  je  me  jeteraî  k  vos 
genoux ,  et  je  vous  demanderai  en  grâce ,  au  non 
de  Dieu,  de  m'épargner  un  meurtre  ;  car  maintenant 
j^ai  Tespril  à  moitié  tourné ,  et  je  ne  sais  pas  à  quoi 
le  désespoir  pourrait  me  porter.  » 

L^accusée  rentre  :  sesyeux  sont  rouges  et  gonflés; 
elle  parait  avoir  beaucoup  pleuré.  M.  le  président 
rengage  h  se  calmer,  et  surtout  k  se  rassurer.  uVous 
nous  avez  promis  tout  à  Theure ,  lui  dit^il ,  de  nous 
révéler  les  moyens  que  vous  comptiez  employer 
pour  vous  défaire  de  votre  rivale.  Je  vous  rappelle 
rengagement  que  vous  avez  pris.  » 

I/aceusie.  —  Je  voulais  d'abord  la  tuer  dans 
la  rue,  d'un  coup  de  pistolet,  et  me  tuer  après 
elle  ;  mais  j'ai  abandonné  celte  idée.  —  D.  P(Hir 
<piello  raison.* —  R.  Parce  qu'elle  aurait  déversé 


sn.  -  159 

'  h  liontc  et  le  (li.'shnnnetir  sur  mes  cnfans.  —  D.  A 
quel  aulre  parti  tous  ^^Icsvows  ensuite  arrêtée  i* — 
A  celui  d'un  duel.  Les  hommes,  me  suis-je  dit, 
se  battent  entre  eux  pour  les  motifs  tes  plus  futiles, 
pourquoi  tes  Temmcs  dc  kg  Jiailraipnt-elles  pas 
aussi  ,  surtout  fjuand  elles  en  ont  le  plus  grave 
sujet!*  Ce  n'est  pas  Iq  courage  qui  leur  mnuquc  , 
c'est  ta  singularilè  du  fait  qui  les  étonne  et  qui 
souvent  les  effraie  ;  car  la  morl  ne  se  pr^ente  pas 
h  leurs  yeux  sous  un  aspeet  plus  hideux  que  celui 
sous  lequel  elle  vous  apparail.  D'ailleurs  le  duel 
me  semLlail  pallier  la  vJoIenee  du  moyen  auquel 
j'avais  recours.  —  D.  Savcx-vouB  faire  des  armes  ? 

—  R.  Non  ,  monsieur.  —  D.  Cependant  vous  vous 
He»  battue  à  l'épée? —  R.  Il  est  vrai.  — D.  Pour- 
quoi elioisir  une  arme  que  voua  ne  Bovet  point 
manîeri' — R.  Quand  on  ne  veut  que  donner  ou 
recevoir  la  mort ,  il  est  inutile  de  la  donner  ou  de  la 
recevoir  avec  talent,  avec  grâce.  —  D.  Pourquoi 
D'avei-vous  pas  préféré  plutât  le  pistolet  ?  Il  ne  faul 
qu'avoir  le  coup-d'œil  juste  pour  exceller  dans  le 
tir,  tandis  qu'il  n'en  est  pas  de  même  de  l'épée. 

—  R.  «MTc  Jwsàation  :  Je...  je...  n'aime  pas  les 
«nnes  qui.-,  les  armes  Ji  feu.  —  1).  Quoi  !  pour  me 
•ervir  (le  vos  propres  expressions ,  vous  ne  craignez 
ni  de  donner  ni  de  rerevoir  la  mort ,  et  vous  ave» 
peur  de  vous  servir  d'un  pistolet  s*  L'accusée  js^rde 
le  ailcDCc. 


160  —HISTOIRE   DES   DUELS. -^ 

M.  le  président.  —  Qui  a  porté  la  premim 
belle  ?  —  Je  ne  saurai  vous  le  dire ,  jY'tais  ln»p 
émue.  Nous  avons  eommeiieé  en  même  temps 
Tune  et  Tautre.  Mon  cœur  battait  d'abord  avec 
force  y  et  ma  vue  se  troublait  ;  mais ,  après  avoir 
reçu  une  blessure  assez  profonde  k  Tépaule  gaudie, 
je  '  repris  toute  ma  fermeté  ,  et  je  me  précipitai 
furieuse  sur  mon  ennemie ,  qui  me  fit  encore  à  la 
main  droite  une  autre  blessure^  Je  redoublai  de 
vigueur,  et  lui  donnai  un  coup  qui  n^aurait  su-  * 
rement  pas  porté  ;  mais  par  malheur  elle  voulut  le 
parer,  et  ramena  sur  sa  poitrine  Tépée  qui  sra 
éloignait.  Elle  jeta  un  grand  cri ,  et  tomba  à  la 
renverse.  La  croyant  morte,  je  m^enfuis  sans  re- 
garder derrière  moi.  Je  ne  sais  comment  elle  aura 
pu  regagner  son  logis 

Le  procureur-général,  dans  un  discours  quia 
duré  plus  de  deux  heures ,  s^est  attaché  priaci' 
paiement  à  démontrer  que  Tassassinat  était  mani- 
feste ,  puisque  le  meurtre  avait  été  précédé  d^uoe 
longue  préméditation ,  et  que  Faccusée  déclarait 
ellc-nirnic  son  intention  de  se  défaire  h  tout  pris 
lie  la  veuve  S>lvian. 

Le  (UTenseur  a  fait  valoir  la  franchise  des  aveux 
de  sa  <*lientc  et  les  circonstances  qui  limitaient  en 
sa  faveur  ;  il  a  [>rouvé  (|uVIle  ne  pouvait  être  ac- 
cusée de  moni  tre  :    1 .«   Parce   qu^elle  s'était  ex- 


—  CIIATTrBF,  XWIt    —  Ifil 

j»osfp  atilanl  cl  plus  nirme  que  sa  rivale  ,  qui  avait 

sur  elle  l'immense  nviinlage  de  savoir  se  servir  d'une 

arme  qu'elle  ,  Rosa  ,  n'avail  jamais  appris  fa  manier; 

2."  pnrcc  qu'elle  ne  pouvait  i^lre  convaincue  de 

diicl ,  et  que  la  loi  u'ayant  poinl  prévu  le  duel 

itrc  femmes,  elle  devait  être  absoute. 

l^e  jury ,  après  une  tr6s-courlc  délibération ,  a 

iquîtlë  Jcssy  Rnsa  Crauby ,  b  ta  majorité  de  dix 

BiK  contre  deux. 

Weltc  sentence  n'a  pas  élé  plutâl  connue  au  de- 
kn ,  que  des  nrat  unanimes  se  sont  fait  entendre. 
BÎthummes,  qui  allendaient  Taecusée  )i  sa  sortie 
i  l'audience ,  se  sont  emparés  d'elle  ;  l'ont  placée 
ir  un  brancard ,  malgré  sa  résistance  ,  et  l'ont 
triée  ainsi  en  triomphe  jusque  chez  elle  ,  aux 
ïplaudissemcns  de  la  multitude. 

^Ou  peut  conrlure  des  nombreux  exemples  cités 
ne  le  duel  n'a  jamais  en  en  Angleterre  le  même 
bvetére  qu'en  France.  Si  la  comparaison  est  loin 
Itire  II  notre  avantage  ,  cela  tient  bien  ccrlai- 
it  à  des  différences  essentielles  dans  le  ca- 

rtérc  cl  les  mœurs  des  deux  peuples  ;  mais  cela 

nt  surtout  it  la  jurisprudenct^  des  tribunaux  bri- 

Buiqucs  sur  les  injures  privées. 

Le  magistrat  anj^lait  ne  refuse  ni  ne  marchande 
(  reparution  d'aucun  tort.    Lfi  ,  le  jury  ,  il  qui 

il 


162  —  nrsToiRE  des  dubls.  — 

sont  (liTérécs  les  muses  criminelles  de  tous  les  dé- 
grés el  inrmc  en  certains  cas  des  causes  civiles, 
comprend  toute  IV'tenduc  de  sa  mission.  Là ,  on 
est  bien  moins  souvent  tenlé  de  chercher  dans 
les  huzards  d^un  combat  une  satisfaction  qu^on 
est  assuré  d^obtenir  par  les  voies  légales;  là,  on 
peut  plaider  en  toutes  matières  sans  craindre,  ou 
la  capricieuse  indifTérence  du  juge ,  ou  les  malins 
commentaires  de  Topinion. 

L^infidélité  conjugale ,  par  exemple ,  esl  envi- 
sagée dans  les  mœurs  graves  de  nos  voisins  d^outr^ 
mer  bien  plus  sérieusement  que  partout  ailleurs. 
On  sait  à  quel  taux  énorme  s^élcvent  ordinairement 
les  condamnations  pécuniaires  en  matière  dWul- 
tère  criininal  conversation,  et  Ton  se  souvient  qu'un 
monarque  lui-même  n'a  pas  craint  de  déférer  au 
parlement  un  procès  de  cette  nature. 

La  caricature  en  Angleterre ,  au  lieu  de  servir 
à  d'ignobles  passions ,  y  fait  Toflice  de  Tancienne 
comédie  française  ;  casligat  riderulo  mores.  Une 
de  celles  qui  eurent  le  plus  de  succès  à  Londres 
dans  ces  derniers  temps,  représentait  un  mari  qui, 
après  avoir  provoqué  en  duel  le  séducteur  de  sa 
femme ,  recevait  de  lui  le  coup  mortel  en  s^écriant: 
Je  suis  satisfait. 

Une  des  nombreuses  JRcvucs  qui  se  publient  dans 
la  Grande-Bretagne ,  ayant  inséré  en  1823  quel- 


»-  CHAWTRK  xxxtt.  —  163 

qncs  lignes  offensantes  pont  la  femme  d'un  gcfi- 
tleman  ,  lYcrivain  poursuivi  eti  justice  fui  con- 
damné p«nr  le  jury  h  une  indemnité  de  10,000  liv. 
Blerl.  (250,000  francs). 

Un  anglais  nommé  Watson  ,  ayant  insulté  un 
juge  de  paix  qui  venait  de  prononcer  contre  lui 
une  sentence ,  fut  condamné  pour  ce  fait  à  3,000 
livres  sterl.  de  dommages-intérêts  (75,000  francs). 

On  pourrait  multiplier  à  Finfini  des  exemples 
semblables  qui  prouvent  avec  quelle  sévérité  les  tri- 
bunaux britanniques  répriment  les  injures  privées. 
LÀ  tout  est  grave  ,  tout  se  passe  au  sérieux.  En 
général  on  y  fr.ippe  fort  sur  la  bourse  ,  et  c'est 
là  frapper  juste  (371). 


CHAPITRE    XXXIII. 


DiH»ls  en  Daiioniarck  ,  Islande ,  Suéde  et  Norwpgc. 


Nors  arrivons  à  TEurupe  ccnlrale,  à  la  Icrre 
clas$i(}iie  du  duel,  nous  sommes  dans  Fancienne 
Germanie.  Les  peuplades  qui  en  habitaient  la  partie 
septentrionale  appelée  Scandinavie ,  laquelle  com- 
prend le  Danemarck,  la  Suède  et  la  Norwègp;  cellw 
(|ui  occupaient  les  contrées  limitrophes,  telles  que 
le  Holslein  ,  le  Jutland  ,  le  INIecklembourg  et  la 
Hassc-Saxc ,  d'où  sont  sortis  les  Anglo-Saxons  cl 
les  Normands ,  se  distinguaient  parmi  toutes  les 
tribus  germaines  par  leur  férocité.  C'était  Ih  que 
semblait  s'clre  conservé  sans  aucune  altération  le 
type  des  mœurs  primitives  que  ces  hordes  sauvages 
avaient  apportées  de  l'ancienne  Scythie. 

\u  fonds  de  ces  solitudes  immenses  ,  mysté- 
rieuses ,  inexplorées,  se  cachait  appuyée  aux  glaces 
polaires  et  protégée  par  d'affreux  climats,  une  iné- 
puisable pépinière  de  barbares,  ojfficma  hominuni, 
toujours  hostile  h  la  domination  grecque  ou  ro- 


—  cn.ii'iTnp  wxrrr  — 

aine.  Depuis  les  icmps  lus  plus  reculés  ,  c 

ri'paircs   du   Nord   inucccssiltles  aux    armes   des 

conquéraDS  de  l'univers,  comme  ils  l'uTaicnl  éli 

Ëea   de  Cynis,   de   Darius,   de  Philippe  cl 
andre-Ie-Grand,  vomissaient  périodiquement 
Midi  l'excMant  de  leurs  populations  ({u'ulti- 
raicnl  sur  les  lerrca  de  TEmpirc  lesjouissanccadu 
luxe  et  de  la  civitisalion.  Les  premières  mi^alions 
nbrigèreat  nature llemcnt  vers  les  parties  les  plus 
lentrionales  en  longeant  la  mer  Balliquc.  Elles 
iblaicnt  soumises  aux  luis  naturelles  qui  règlent 
passage  de  ces  grandes  troupes  d'oiseaux  du 
tl,  qu'on  voit  loujours  prendre  leur  vol  vers  des 
Hrta  analogues  h  ceux  d'où  les  cliasscol  les  varia- 
%  des  saisons.  L'une  des  plus  andennes  eut  lieu 
I  la  couduile  d'Odin   ou  Wooden,  à  qui  ses 
ploîls  Ctent  dCcerncr  des  honneurs  divius  cl  qui 
^le  Mars  de  la  Scandinavie. 
jes  peuples ,  qui  ont  étC-  nos  pères  et  qui  existent 
lore  sous  laul  d'autres  noms  dans  les  deux  pre- 
a  parties  du  globe,  n'ont  pns  eu  d'historien», 
me  ces  Grecs  cl  ces  Rumains  dont  le  nom  cfTacé 
r  leurs  armes  viLloricuscs  de  la  carte  de  l'Europe, 
State  plus  tpie  dans  des  mouumens  littéraires  qui 
1  reodu  leur  langue  immortelle.  Nous  u'iivuns 
C  nujounl'lnii  sur  les  vainqueurs  d'autre  It'moi- 
jc  que  celui  des  vaincus  assez  peu  inlércssi-s  sans 


166  «-  HISTOIRE  DES  DUELS.  -^ 

doute  h  en  flatter  le  portrait.  Nous  ne  connaisscmi 
sur  ces  races  liyperborées  des  Scythes,  desGétes, 
des  Da(*es  ,  des  Sarmatcs  ,  quelquefois  Taincui , 
plus  souvent  vainqueurs  et  toujours  indomptables, 
que  ce  que  nous  en  ont  appris  Hérodote ,  Ctésias, 
Pausanias,  Dion-Cassius ,  Diodore  de  Sioile,  Stra- 
bon,  Plutarque,  etc.,  tous  historiens  ou  géographes, 
et  mi^me  plusieurs  poètes. 

Parmi  ces  derniers,  le  plus  remarquable  est  Ovidoi 
Condamné  à  vivre  avec  ces  peuples  dans  un  long 
et  douloureux  eisil,  mieux  que  tout  autre  il  a  en 
le  loisir  et  la  facilité  dVn  étudier  les  mœun. 
L'auteur  dos  Tristes  qui  mourut  à  Tomes ,  sur  le 
Pout-Euxin ,  vers  PemboucliuFe  du  Danube ,  nous 
a  laissé  une  peinture  assez  sombre  de  ces  contrées 
inhospitalières.  Ce  qui  s^  rencontre  de  plus  pré-i 
cieux  pour  le  sujet  de  cette  histoire ,  c^est  ce  dis^ 
tique  significatif  où  le  poète  dit  qifon  ne  con-» 
naissait  d'autre  droit  parmi  ses  hôtes  que  l^injuste 
intervention  du  glaive ,  et  que  \e\xr  forum  se  cliaH'* 
geait  souvent  en  une  arène  sanglante. 

Adclc  qiiod  injustuin  rigide  jus  dlcîtar  ense, 
Dautur  et  in  medio  vulncra  sirpè  foro. 

Ces  peuples  n'invoquaient  d'autre  dieu  que  celui 
des  combats.  Thcmis  avec  ses  attributs  eut  été  pour 
çux  une  divinité  tout  aussi  rationnelle,  en  auppo- 


—  CHAPITRE    XXXIII.—  167 

sant  que  Tèpée,  qu^on  lui  mcltail  dans  la  maÎQ 
droite,  n^était  qu^un  coulrc-poids  pour  la  balance 
quVlle  tenait  de  Faulro. 

Quelques  temps  auparavant ,  les  Romains  avaient 
fait  aussi  connaissance  avec  deux  tribus  célèbres 
d'origine  Scythe  ou  Sarmate,  venues  des  bords 
de  la  Scandinaire  ,  les  Cimbres  et  les  Teutons. 
Ce  fut  la  première  irruption  germaine  qu^ait  vue 
le  Midi  de  l'Europe  ,  vers  Fan  de  Rome  040. 
Elle  s'est  divisée  en  deux  branches  dont  Tune  , 
après  avoir  ravagé  les  («aules,  se  jeta  en  Espagne 
d'où  elle  fut  chassée  par  les  Ccllibéricns;  Taulre , 
après  avoir  passé  sur  le  corps  de  plusieurs  armées 
romaines,  avait  pénétré  en  Italie  où  elle  fut  exter- 
minée par  Marins.  L'a.spect  féroce,  la  haute  stature, 
la  force  de  corps  ,  les  armes  et  la  manière  de 
combattre  de  ces  nouveaux  ennemis,  étaient  pour 
le»  Romains  un  grand  sujet  d'étonnement.  Aucun 
de  ceux-ci  ne  se  montrait  empressé  d'accepter  les 
nombreux  défis  en  combat  singulier  qui  leur  arri- 
vaient à  chaque  instant  des  rangs  opposés. 

Quelquefois  même  ces  défis  consistaient  à  offrir 
aux  Romains  de  convenir  d'un  jour  et  d'un  lieu 
déterminé  pour  combattre  avec  un  certain  nombre 
de  troupes  ,  comme  celui  ({ue  Boiorix  ,  roi  des 
Ombres ,  vint  adresser  h  la  tOte  du  camp  h  Marius , 
qui  Taccepla.  Plltarch.  ,  i/t  Mario ,  j)ai^>  140. 


108  —HISTOIRE  DES   DUELS.  « 

Après  lu  double  victoire  des  Romaini  sur  kâ 
Cimbrc^ct  les  Teutons ,  ou  vit  un  horrible  spcctack 
c[ui  prouve  cpie  le  suicide  nY'Iait  pas  plus  étranger 
que  le  duel  aux  mœurs  de  ces  barbares. 

Les  Teutons  s^tant  mis  en  ligne  les  premiers ,  fu- 
rent les  premiers  exterminas.  Pendant  la  déroule,  iea 
femmes  grinçant  les  dents  de  rage  et  de  douleur,  et 
jetant  d'affreux  hurlemens ,  frappent  également' 
avec  des  haches  et  des  épées  sur  ceux  qui  fuieot 
el  sur  ceux  (]ui  poursuivent  ;  elles  se  font  liacher 
en  pièces  et  montrent  jus<]u^à  la  mort  un  invincible 
courage.  Plltarch.  ,  loco  lU ypag.  127. 

Arrivés  h  leur  tour ,  les  Gimbres  éprouvent  lo 
mcme  sort.  Leurs  femmes  surpassèrent  encore  ea 
(H>uragc  et  en  desespoir  celles  des  Teutons.  De* 
bout  sur  leurs  charriots,  vêtues  de  robes  noires 
et  armées  de  longues  piques,  elles  attaquaient  les 
fu}ards,  massacrant  leurs  fils  ou  leurs  pères,  leurs 
frères  ou  leurs  maris.  Elles  étouffaient  leurs  pcliti 
enfans  de  leurs  propres  mains  ,  les  jetaient  soui 
les  roues  des  charriots  et  sous  les  pieds  des  chevaux, 
et  se  tuaient  ensuite  elles-mêmes.  Les  unes  s'entre* 
gorgèrent  avec  les  armes  dont  elles  s'étaient  saisies, 
les  autres  s'étranglèrent  avec  leurs  cheveux  dont 
elles  se  firent  des  cordes  qu'elles  attachaient  aux 
arbres  ou  au  limon  de  leurs  charriots.  On  en  vit 
une  qui  s'était  accrochée  au  bout  de  son  tiœou 


—  CHkPlTRB    XXMll.—  109 

is  deux  fils  pendus  h  ses  jikrds.  Les  liomnics 
fnutc  (l'arbr€9  où  ils  puBs<!iil  sit  pendre  ,  se  (luasniL'til 
au  cou  (les  sœudâ  coulnne  ([u'ila  ulUioliaienl  eux 
Mme»  ou  aux  jambes  des  birurs,  ol  piquant  ensuite 
Bto  aiiimaux  ils  étaient  ëcra^i^s  ou  ùlrangif's.  Ce 
qui  put  Échapper  It  ce  désastre  de  Cimbres  et  de 
Teutons  se  relira  vers  la  grande  presqu'île  Scan* 
dinavc,  d'où  ils  étaient  venus.  Onus,  lib  F,  cay,  26. 


Florus,  Mb.  m , 


•ap. 


S  est  impossible  de  suivre  toutes  les  traosfor- 
a  quVnt  subies  les  diverses  cuntr^iis  du  nord 
t  lu  Gurmanie,  au  milieu  de  ces  inondiiliuns  si 
(kqucntes  de  populations  étrangères  qui  se  suc- 
ient  le»  unes  les  autres ,  se  poussant  et  se 
|)ouB8ant ,  comme  le  flux  et  le  reflux  de  In  mer , 
ndantles  siècles  qui  ont  précédé  cl  suivi  immÉ- 
t  la  chàte  de  l'Empire  lomoin.  La  con- 
•ion ,  que  des  révolutions  si  Tréquentcs  et  si  pru- 
ides  ont  jetée  dans  les  récits  des  historiens ,  no 
ne  que  doutes  et  incertitudes.  Cependant  les 
eienncs  chroniques  nationales  du  Danemarck  el 
I  la  Suède  font  remonter  h  des  époques  assez 
lOuléea ,  la  série  des  premiers  cheFs  on  princes  de 
Ipays.  Qnuique  l'existence  dt^  ces  pcrsuiuiages  el 
plus  forte  raison  les  ai:tes  qu'on  leur  allribue 
Ù^UX  rien  d'aulliciiliquc ,  il  se  U-ou\o  dans  ces 


170  —  niSTOlRE    DES  DUELS.— 

récits  dos  traits  de  mœurs  qui  offrent  une  couleur 
\raiincut  originale  et  qu^on  ne  saurait  considérer 
romme  de  pure  imagination.  Tels  sont  ceux  qui 
nous  montrent  l'usage  des  combats  singuliers  au 
fonds  des  plus  anciennes  traditions  Scandinaves. 
Les  rois  ou  chefs  militaires  s'en  faisaient  une  habi- 
tude et  aimaient  à  se  mesurer  ainsi  non  seuIemeDt 
cutr'eux  ,  mais  même  avec  leurs  propres  sujets 

Va\  voici  quel({ues  traits  lires  des  diverses  chro- 
niiiues  des  anciens  peuples  du  Nord. 

Je  passe  sur  l'histoire  du  fabuleux  Haldan , 
prince  et  géant  suédois ,  dont  on  raconte  eutr'autres 
merveilles  ({uc  voulant  ravir  une  fille  de  son  pays, 
et  ayant  affaire  h  douze  champions  qui  la  gardaient, 
il  coupa  lui  chone  et  s'en  servit  contre  eux  comme 
d\mc  massue.  Olacs  Magnls,  Ilist.  gent.  scpicnU, 
Ub.  /',  chap.  \XI, 

L'an  9GC  avant  J.  C. ,  Skiold,  fils  de  Lolher, 
roi  de  Dancmarck ,  combat  contre  Skat ,  prince 
des  Saxons,  pour  la  main  d^Alwidc  ,  fille  d'un 
chef  germain. 

Le  roi  Ifadding  tue  en  combat  singulier  Taslon, 
chef  d'une  troupe  de  brigands.  An  816  avant  J.  G. 

Le  roi  Frothon  1.^'  répond  à  l'appel  de  deux 
soigneurs  danois  ses  sujets  ,  et  les  tue  Tun  après 
l'autre.  An  762  avant  J.  C 

L'an  595  avant  J.  C.  Le  roi  (lelgon  tue  en  duel 


—  CHIPITBE    XXMir.  —  171 

mding,  chef  des  Saxons,  qui  l'avait  provoqué 
îr  été  vainni  par  lui  en  bataille  raiigév. 
P  Vers  la  iiii*me  époque,  Ubbon,  Tut»  des  chefs 
de  Tarméc  danoise  ,   provoqué   par   un  Vandale 
d'une  forée  et  d'une  grandeur  fxtraordinairea ,  se 

Fuit  avec  lui  el  le  tua.  Les  Vandales  furent  alors 
ïîgés  de  payer  tribut  aux  Danois. 
Attila  II  ,   roi  de  Suéde  ,  qui  rfgnait  vers  l'an 
du  monde  8367,  appela  en  duel  F"rowin ,  préfet 
de  la  Jutlie  ou  Julland  ,  cl  le  terrassa. 

L'ail  433  avant  J-  C. ,  Ilordenwil ,  souverain  du 
Jutland  ,  appelle  en  duel  Coller  ,  roi  de  Norwège  , 
et  le  lue.  Cette  nx^me  province  du  Julland  fut 
réunie  au  Danemarclc,  h  )n  suite  d'un  duel  entre 
Rov  ,  prince  danois  ,  et  Ilunding ,  chef  des  Sa- 
■tau.  Albert  Krantk,  rer,  Cermanit. Script.  Sa- 
Htfiia,  lib>  I,  cht^,  IF',  pag,  7. 

HV^ennand  ,  roi  de  Danemarek  ,  était  devenu 
Hviigle,  et  son  Gis  Uffon  passait  pour  insensé.  Le 
roi  des  Saxons  voulut  en  profiler  pour  s'emparer 
de  la  couronne.  Il  assembla  une  grande  armée 
et  fit  proposer  un  duel  entre  son  fils  et  celui  du 
roi  ,  pour  décider  b  qui  appiirliendrail  la  cou- 
ronne. Uffon,  présent  au  discours  des  andiassadeurs, 
Eortaiil  tout-Ji-coup  de  l'espèce  d'imbécdtilé  où  nn 
"le  croyait,  j^llcz  dire  à  wVe  maiti-e ,  a'écrie-l-il , 


]  72  —  II ISTOIRE  DES  DUBLS.  — 

que  TT'crmand  a  un  fils  en  état  de  lui  succéder  et 
quil  ojjrc  non  seulement  de  se  battre  contre  leJUs 
de  votre  souverain ,  mais  encore  centra  tel  second 
quil  voudra  choisir  parmi  les  bravas  de  son  pays* 

On  convint  que  le  champ  de  bataille  serait  dans 
Pile  formce  par  le  fleuve  Eyder.  Le  combat  eut 
lieu  en  présence  des  deux  armées  et  du  vieux  roi 
aveugle ,  (pii  avait  juré  de  se  jeter  dans  la  rivière 
si  son  ills  succombait.  Uflbn  triompha  des  deui 
champions  qui  entrèrent  en  lice  avec  lui.  I^es 
Saxons  se  soumirent  dcs-lors  au  joug  qu^ils  avaient 
voulu  imposer  à  leurs  voisins,  u  Ces  combats  sin- 
guliers, ajoute  rhistorien,  étaient  presque  toujours 
plus  décisifs  (pie  des  batailles  générales,  et  les  diffé- 
rens  entre  les  princes  se  terminaient  promptcment 
et  sans  beaucoup  d^eflusion  de  sang.  »  Au  333 
avant  J.  C.  Ibîd. ,  chap,  VJy  pag*  8  et  seq.  (372). 

Frothon  11  ayant  entrepris  de  réunir  la  Norwêge 
à  ses  états ,  appela  en  duel  et  vainquit  dix  des  prio- 
cipnux  seigneurs  norwégiens.  Il  lui  restait  à  triom- 
pher de  Roger ,  roi  de  celle  contrée,  prince  fameux 
pur  sa  fore  e  et  son  adresse ,  et  surtout  par  la  répu- 
tation qu'il  avait  croire  magicien  et  invulDèrablc. 
Frothon  le  combalùl  et  le  terrassa ,  et  la  Norvège 
fui  le  prix  de  ^es  virloircs. 

l'Eric  ,  seigneur  de  Norwêge  et  favori  de  Frotlion, 
cul  à  combattre  les  armes  à  la  main  tous  les  seigneurs 


(Mil-  173 

TIii  parti  opposi!-.  Il  resta  Taiiir(iieur  ilans  tous  ces 
ddcis  qui  étaient  olorfl  fort  comniims,  ajoute  Vhia- 
torieii ,  puisque  l'olTcnsÈ  irnvnil  aiii'iiii  autre  movcii 
«l'obtenir  salisrnction.  Il  uiirail  pu  ajouter  que  lu 
force  6t)til  la  seule  loi  du  temps  Juan.  Mabten.  , 
tChrm.  Norwfg. 

tL'on  I"  de  J.  C. ,  Alaric,  roi  de  Suède,  en  guerre 
BC  Gesliblind ,  roi  des  Goths  orientaux ,  loi  oITrit 
de  dtcider  leur  querelle  dans  un  combal  singulier. 
Mais  Eric,  fevori  et  gtnéral  de  Frollion  ill ,  mi 
de  Danemarck,  allié  de  GestiblJud  ,  ne  voulut  pas 
que  le  roi  qui  était  dans  un  fige  avancé,  s'exposilt 
ainsi  k  une  mort  certaine.  Il  se  proposa  lui-même 
pour  le  remplacer.  Les  dcus  ehampîons  en  vinrent 
aux  mains  en  présence  des  armées.  Eric  fut  d'abord 
asaez  dangereusement  blessé  ;   mais  devenu  plus 
terrible  par  ses  blessures,  il  s'élnnra  sur  son  ennemi 
çl  lui  porta  un  coup  furieuTt  qui  Tétendil  mort  it 
I  pieds.   Frothon  établit  Eric  ,   roi  de  Suède 
ityennani   un    certain    tribut.  Joaines  Magï^us 
Kft.  rcr.  Suec.,  cbnp.  II!. 
rFrotboD  III,  qoi  Fui  tué  l'an  IS  de  J.  C.   pai 
!  sorcière,  après  avoir  régné  quatorze  ans  sui 
iDanemarch ,  la  Suéde ,  r.\ngk-lerre  cl  l'Irlande 
l  une  loi  qui  punissait  les  voleurs  du  supplice 
I  la  croix,  et  soumeltait  toutes  les  cou  lest  niions 
IK  chance»  du  combal  singulier.   Ce  prince  fut 
liaomoias  surnumoié  le  l'acijiijiiv  (373). 


174  —  IfISTOiRK   DES    DUBLt. -^ 

Le  bnrdc  Iliarn,  ayant  charmé  les  Danois  par 
ses  po^\sies,  en  fut  i*lii  roi  au  prt'judice  deFridlef  II, 
Iirrilier  du  Iroue.  Celui-ci  cul  recours  à  l'expé^ 
dienl  à  la  mode  et  appela  en  duel  son  compétiteur 
qui  périt  de  sa  main.  Olaï  Rldbekii  ,  Atlanùca 
L'f)sal,  1685 ,  iti-f^. —  Lyscander  de  Antiq.  Danic, 

Ce  même  Fridlef  fut  ensuite  provoqué  par  uo 
enchanteur  nommé  Gunholme  qui  passait  pour 
savoir  charmer  le  fer  et  Tacier ,  et  nVn  pouvait 
être  percé.  Son  adversaire  s'en  étant  aperçu ,  se 
serait  servi  du  pommeau  de  son  épée  pour  Ta»- 
sommer.  On  sait  que  cette  opinion  des  armes 
charmées  se  maintint  en  Europe  pendant  tout  le 
cours  du  moyen  âge.  Ibiihim. 

En  Tannée  47  ,  les  Saxons  refusèrent  de  payer 
h  Frothon  IV ,  roi  de  Danemarck,  le  tribut  auquel 
ils  s'étaient  soumis  envers  UfTon  ,  vainqueur  de 
leurs  champions,  comme  on  Ta  vu  ci -dessus. 
Ilama,  chef  de  leur  révolte,  appela  de  nouveau 
en  duel  le  roi  danois  qui  accepta  le  dé6  ;  mais 
Slarcather  son  amiral ,  ne  voulut  pas  laisser  corn- 
hatlre  le  roi  contre  un  homme  de  la  lie  du  peuple; 
il  prit  sa  phice ,  et  luttant  corps-à-corps  avec  le 
chef  saxon  ,  il  h'  vainquit  à  la  manière  des  athlètes. 
On  prétend  (pie  ce  combat  se  donna  près  de  llam- 
b()ur<]j  (*t  que  celte  ville  tire  son  nom  de  la  défiiile 
de  Ilama.  Ce  (*oml)at  a  été  décrit  d'une  manière 


—  CHAPITBE    \SX]II.—  175 

rt  pilloresqiie,  par  Albcrl  Kranlz  ;  on  en  Irouver;» 
leste  aux  Éclaircissemctts  hislorit/ue.i  (374). 
L'an  133,  un  fameux  athlète  de  l'armùe  de 
■ic  m,  roi  de  Suède,  difie  Hnldan  II,  roi  de 
memarck  qui  le  terrassa  d'un  eoup  de  massue- 
Le  même  Halilan,  en  l'année  140,  lue  aucoes- 
remenl  de  la  mi^me  manière  Siwold  et  Harlhben, 
^«9  Suédois  qui  t'avaient  provoqué.  "  Il  était 
B-ordinairc,  dit  l'auleur  de  V Abrégé  chronolo- 
}ue  de  l'Histoire  du  Nord,  de  voir  dans  ces  temps 
Msiers  des  gens  de  néant  appder  en  duel  les 
nonnes  riches  ou  de  quelque  nom ,  uniquement 
us  la  vue  de  s'approprier  leurs  biens  ,  leurs 
imes  et  leurs  fdles.  »  C'était  le  droit  du  plus  Tort 
ss  toute  sa  primitive  simplicité.  Lacombe,  Abr. 
bron.,  tom,  J. 

.'an  201 ,  Haldan  III  veut  épouser  Guritlic ,  fllle 
i^oD  et  héritière  du  royaume  de  Danemarck. 
s  celle-ci  .l'ajourne  jusqu'il  ce  qu'il  ait  fail  quel- 
action  d'éclat.  Heldan  s'en  va  alors  défier  Alver, 
ice  suédois,  sort  vainqueur  du  combat  et  re- 
it  épouser  Gurithe.  C'est  là  dèjji  de  la  vraie 
Valérie.  Po^tanus  et  Medhshis.  Ilisl.  Danic , 
II.  —  Zeileh  de  rcgiio  Danic ,  cap.  If. 
Bxon-le-Grammairicn  ,  historien  danois  du  12." 
|ple,  parle  encore  de  combats  du  même  genre 
(re  deux  Danois  IJogin  et  Ililliin.  Celui-ci  avait 


170  -^HISTOIRE  DES  DVCLS.— 

reçu  la  vie  de  Tniitre  dans  une  première  rencontre. 
SV'tanl  battu  de  nouveau  sept  ans  après,  ils  s'en- 
tretuèrciit.   S\xo-Gramm\t.  ,  flist»  Danic ,  Ub»  H, 

Il  n'y  a  pas  jiisqu'h  Tlslande,  ccUc  UlUma  Thulc 
des  Anciens,  soumise  aujourd'hui  au  Danemarck, 
oîi  Ton  ne  rencontre  le  duel  èrigè  en  însUtiition. 
Am«;rimus  Jonas,  astronome  islandais,  disciple  de 
Tycho  -  Hrahè  ,  auteur  d'une  histoire  dMsIande  , 
imprimée  en  1 643 ,  nous  apprend  que  le  combit 
avait  lieu  jadis  dans  cette  tic  pour  les  controverses 
d'héritages  et  répétitions  de  dots.  Les  biens  du  vaincu 
étaient  adjugés  au  vainqueur ,  et  celui  qui  refunit 
1c  combat  était  traité  en  vaincu.  Ârtsgr.  lossSy 
Histor.  cl  elcscn'/fl.  IslaïuU  p.  37.  Amslelod.  1643. 

Le  dernier  et  le  plus  mémorable  des  duels  en 
Islande  eut  lieu  entre  les  deux  poètes  Gunnlang  (a 
la  langue  de  serpent)  et  Rafn.  Ils  se  battirent  pour 
la  main  de  la  belle  Helga  aux  cheveux  blonds,  et 
tous  les  deux  moururent  dans  le  combat.  Le  sort 
de  ces  deux  jeunes  amans  excita  un  commisération 
universelle  ,  et  il  fut  arrêté  dans  l'une  des  plus 
grandes  assemblées  populaires  qui  aient  eu  lieu  en 
Islande  et  (raprês  Tavis  des  sages  de  ce  pays,  que 
drsoniHiis  le  duel  >  serait  complètement  aboli  (374)- 

r.el  iis:ige  était  conforme  à  ceux  de  la  métropole 
ou  le  rt)nil)at  judiciaire  sV'tait  établi  comme  dans 
les  aiilrrs  coiUrécs  de  l'Kurope. 


çl  rcmp 


—  cnAptTftE  xKsiii.  —  177 

Selon  Saxon-Ic-rirnmmniricn,  !n  jireuve  par  le 

combat  aurait  ^-lé  nliulic  en  Dnncmarck  dès  081 , 

çl  remplacée  par  celle  du  fer  chaud ,  coutume  aussi 

uirde,  mais  moîus  barljare.  Ce  fui  sans  doute  la 

itqiience  de  rélablisacmeiit  du  cliristianifime  qui 

ne  pénétra  que  vera  celte  époque  dans  celle  partie 

de  l'Europe.  Mais  celte  réforme  ne  parait  pas  avuir 

^jçu  plus  de  succès  que  celle  qu'avait  tentée  Char- 

BSemagne,  au  siècle  précédent  /'(i|c2  loin.  l,fi,  34, 

B^<>f67. 

^L    Les  anciennes  lois  suédoises  étaient  fort  larges 

^Mlans  l'indiralion  des  cas  de  duels  connus.  On  peut 

^«n  juger  par  celles  que  rapporte  J.  0.  Stiernhook, 

jurisconsulte  de  cette  nation.   L'une  de  ces  lois 

s'exprime  en  ces  termes  : 

i  Si  un  homme  dit  Ji  un  autre  ces  mots  outra- 

wnta  ;  yous  n'êtes  pas  un  homme  igal  aux  autret 

î'owj  n'a%-ez  pas  le  coeur  d'un  homme, 

I  (pie  l'autre  réponde  ;  Je  suis  un  homme  aussi 

Ion  tjue  vous;  qu'ils  i^e  rencontrent  sur  le  grand 

lemin-  Si  l'agresseur  paraît,  et  que  l'oiTensé  soit 

scDt,  que  celui-ci  soit  réputé  pire  encore  qu'il 

b'm  été  appelé  ;  qu'il  ne  soîl  poinl  admis  ii  dunner 

témoignage  en  jugement ,  soit  pour  un  homme ,  soit 

pour  une  femme,  et  qu'il  n'ait  pas  le  droit  de  faire 

^Lfu  testament.  Si,  au  conU-airc,  la  personne  qui  a 

^Ur'jii  l'injure  paraît ,  et  que  celui  qui  l'a  faite  a'ah- 


178  —  niSTOIRE    DES   DOELS. — 

simte  ;  que  l'offcnst'  appelle  son  adversaire  trois  fois 
à  haute  \oi\  ,  et  (|iril  fasse  une  marque  sur  la  terre  : 
alors  que  relui  qui  s'est  absenté  soit  réputé  infâme, 
pour  avoir  pron(»ncé  des  mots  qu'il  n'a  osé  soutenir. 
Si  tous  les  deux  paraissent  armés  comme  il  convienl, 
et  que  TofTeusé  soit  tué  dans  le  combat ,  Fagresseur 
paiera  pour  sa  mort  une  demi-composition.  Maisa 
ra<;rcsseur  est  tué ,  que  sa  mort  ne  soit  imputée  qu'i 
sa  témérité.  La  pétulance  de  sa  langue  lui  aura  été 
fatale.  Qu'il  reste  sur  le  champ  de  bataille,  sans 
cpTil  soit  exigé  pour  sa  mort  aucune  composition.  » 
Lcx  Vplandicu  apitd  Stiernhook  de  jureSuenonum 
ci  Colliorum  velusto y  L'b»  /,  cap.  f^II^  pag.li* 
Jlolmiœ  1682,  m-4.o 

En  Norwége,  celui  qui  refusait  de  donneras* 
tisfaction  k  un  gentilhomme  ,  sur  un  terrain  où 
trois  chemins  se  croisent ,  perdait  sa  loi,  et  ne 
pouvait  plus  jamais  se  défendre  par  serment  m 
servir  de  témoin.  Loccemls  ,  Leges  fVest^Gothicœ* 
Upsal ,  in-J^. 

Un  recueil  de  lois,  publié  en  1817,  à  Clopen- 
hague,  et  intitulé  :  Gula-things-laws  ,  Leges  Gukh 
tliiiigcnscs ,  contient  plusieurs  dispositions  relatives 
aux  duels.  La  lievue  d* Edimbourg  a  rendu  compte 
de  ce  recueil  en  1820.  L'auteur  de  l'article  a 
démontré  «  que  Fliypothése  de  Montesquieu ,  sur 
la  liaison  du  combat  judiciaire  avec  les  preuves 


—  ciUptthe  xsxnr.  —  179 

pilîvea,  ne  ponvnil  t*lre  npittic.ililc  h  \a  Scan- 

îi  l'e  mode  de   décider  les  diflïreiis  ne 

tidait   pas  d'un  9)slt-me  régulier  ,  mais  i^lait 

b1»Ius  souTCUt  exlra-judtciairc.  Quoique  les  Sagan 

Tiissenl  plusieurs  exemples  de  duels  pour  des 

disrussior^  où  il  s'agisaait  de  proprî^-lè ,  de  délies , 

de  contrais,  d^isurnpions,  il  «'"arrivail  pas  moins 

fréquemment  qu'on  seballit  pour  de  simples  în- 

tfts.  Ctiacun  pratiquait  lu  maxime  du  roi  Frolhon, 

t  la  Jorce  dans    les   contvstations  est  un  bien 

nllmr  arbitre  que  les  paroles  (375) .  » 

ft  parait  que  dans  ces  eonlrées  modèles  et  véri- 
lemenl  elassiques  en  fait  de  duels,  on  tenait  il 
teïrvcr  toute  la  pureté  primitive  des  anciens 
^63.  Ainsi  on  ne  pemicllait  pns,  comme  partout 
leurs,  de  se  battre  par  procureur.  «  Il  serait  dilTi- 
fe,  dit  la  Revue  d'Edimbourg,  de  eiter  un  seul 
impie  de  l'emploi  d'un  champion  en  Scandinavie, 
soins  qu'on  admette  l'autorité  d'une  ballade  da- 
Ew  dans  laquelle,  selon  l'intrigue  ordinaire  des 
nans,  une  femme  est  justifiée  par  le  bras  de  son 
•nt  d'une  accusation  calomnieuse.  Il  est  singuber 
e,  conformément  aui  routumcs  tciitoniqiies,  on 
ccordflt  pas  de  ibampion  nu  sexe  le  plus  faible. 
le  femme  appelée  par  nn  bomme  au  combat  était 
Bgée  de  se  battre  en  perNomic.  Ou  inventa  nu 


180  —  HISTOIBB   DES   DUBLS.  >-« 

singulier  eipèilient  pour  égaliser  jusqu^ii  un  certain 
point  la  force  des  rombattans.  L^liomme  était  pour 
ainsi  dire  planté  dans  un  trou  creusé  dans  le  lerrain 
et  asficz  profond  pour  qu^il  y  fût  enfoncé  jusque 
la  ceinture.  Cela  donnait  un  grand  avantage  à  la 
femme  qui  pouvait  tourner  autour  de  lui  et  loi 
frapper  la  tête  avec  une  courroie  ou  une  fronde 
garnie  d^unc  grosse  pierre  à  son  extrémité.  L^bomme 
était  muni  d'une  massue  ,  et  si  en  cberchant  à 
atteindre  la  femme  il  manquait  trois  fois  son  coup, 
de  manière  que  la  massue  frappât  trois  fois  le  sol, 
il  était  déclaré  vaincu.  Edimburgh  Ilet'iew,  aoà 
1820,  lom.  XXXIV,  p.\l%  et  siiw. 

Le  législateur  du  Danemarck ,  Cbristiem  V,  pu- 
blia vers  la  fin  du  17.®  siècle,  un  code  de  lois  qui 
est  encore  aujourd'hui  en  vigueur.  Le  chapitre  8.* 
du  livre  VI,  traite  du  duel  en  quelques  articles 
dont  la  sagesse ,  la  simplicité  et  la  précision  laissent 
bien  loin  en  arrière  tout  le  luxe  verbeux  des  ordou- 
nanres  contemporaines  de  Louis  XIV.  On  trouvera 
aux  Eclaircissemens  hislonques ,  le  texte  latin  de 
ce  chapitre  (376) . 

Les  lois  de  Suède  de  la  même  époque  présentent 
avec  celles  du  Danemarck  cette  différence  remar- 
quable que  celles-ci  s'appliquaient  à  toutes  les 
classes  de  citoyens ,   tandis  que  les  premières  ^ 


—  CK*piTnE  xxxrn—  181 

imme  celles  de  Louis  \l  V,  ne  s'occupaietil  que  de 

qui  se  passuil  f>ormi  les  membres  de  la  noblesse. 

Le  Duel  cnirc  GeniUshommcs ,  dit  l'aulcur  An 

Yyibirgè  ehivnolegù/iie  de  rilisluirc  du  Nord,  est 

puni  d«  mort  en  Suède ,  et  la  mémoire  du  défunt 

comme  du  survivant  est  notée  d'ioftlmic.  Si  aueuti 

des  deux  anliigonistes  n'est  tué ,  ils  sont  uundnmiiés 

à  dcu^  ans  de  prison ,  au  pain  et  k  l'eau  et  à  une 

iBKBde  pécuniaire.  Toutes  les  uflàîrcs  concernant 

point  d'honneur  sont  renvoyées  b  la  cour  nalio- 

Ic  <ic  chaque  parlic,  où  l'on  oblige  Tagresseur  k 

rétracter  el  k  lairc   une  réparation  pidiliquc 

IPofleDsé.  Lacomde,  Abivg.  v/imu.^tûin.  11. 

L'époque  du  régne  de  Gustave  H,  dit  le  Grand , 
nilciii[»orain  de  Louis  X 111 ,  fut  celle  de  la  plus 
•»de  ferveur  du  duel  dans  toute  l'Europe.  Ce 
Hiartpie,  jalnux  ,  comme  tous  les  princes  guer- 
tn ,  de  maiitlenir  une  bonne  discipline  parmi 
■  troupes  et  de  réserver  le  sang  de  ses  braves 
mtre  l'entiemi ,  avait  défendu  le  duel  sous  des 
aines  sévères  qui  n'avaient  produit  ipie  peu 
teflel.  On  cite  k  cette  occasion  l'anecdote  suivante 

souvent  exploitée  depuis ,  dans  les  romans  el 
ir  le  tliéàtre. 

Au  temps  de  l'expédition  d'Allemagne  que  les 
uédois  infectèrent  de  la  euntagion  du  duel  qui  y 


182  —  IIISXOIJIE    1»FS    DUELS.— 

élait  assoujiir  ilepuis  long-lciiips  ,  cutnme  on  ie 
verra  nu  cliapUre  suivant,  Ciuslavc  apprit  un  jour 
que  deux  ulUeiers  de  son  armée  s'étaient  donaé 
un  rendeZ'Vous.  IJ  s'y  trouve  le  premier  :  les  cora- 
baltaus  arrivent  k  leur  tour;  mais  déconcertés  k 
la  vue  du  roi  ,  ils  veulent  se  retirer.  Au  même 
instant  ils  aperçoivent  le  bourreau  qui  se  tenait 
debout  auprès  d'une  potence  au  pied  de  laquelle 
était  un  cercueil  ,  le  tout  destiné  au  survivant. 
A/ainlenantj  Messieurs,  leur  dit  le  roi,  vous  pouviez 
cotfimeiiccr.  On  pense  bien  que  le  duel  eu  resta  li. 
Gustave  avait  sans  doute  emprunté  Tidée  de  cet 
expédient,  aux  combats  judiciaires  du  moyen  âge 
où  Ton  voyait  toujours  s'élever  dans  la  lice,  soit 
une  potence  ,  soit  un  bûcher.  Alors  il  n'y  avait 
pas  besoin  de  bourreau  ,  le  survivant  eu  faisait 
l'office.  On  avait  vu  d'ailleurs  au  siècle  précédent 
les  généraux  de  François  I.*'  en  user  à-peu-prés 
de  même  en  Piémont ,  en  forçant  les  duellistes  à 
prendre  pour  champ  clos  un  pont  très-étroit  jeté 
sur  une  rivière.  /'.  ci-aprcs  c/uip,  XAW'/^'J  (377). 

Le  duel  au  temps  présent  n'offre  rien  de  par- 
licuhèrement  remarquable  en  Suède  et  en  Dane- 
marck.  11  n'y  est  pas  plus  fréquent  que  dans  les 
Etals  voisins  de  la  Confédération  germanique  y  où 
nous  allons  le  suivre.  Ou  le  retrouvera  dans  cette 


^CHAPITRE  xyxiîi.  —  183 

partie  cenlrale  de  l'Europe ,  avec  ties  caraclères 
à-peu-près  identiques  pour  les  temps  modernes  , 
mais  avec  des  nuances  bien  moins  tranchées  dans 
les  temps  antérieurs.  Les  souverains  de  ces  contrées 
ne  se  feront  pas  un  titre  de  gloire  ,  comme  les 
chefs  Scandinaves  des  habitudes  du  champ  clos. 
L^influence  méridionale  sur  les  mœurs  se  fera 
particulièrement  remarquer,  et  plus  on  avancera 
Ters  le  Midi,  plus  on  sentira  s'adoucir  cette  aprité 
primitive  du  Nord.  On  verra  s'effacer  graduel- 
lement le  vieux  germanisme  des  enfans  d'Odin. 
11  avait  bien  pâli  déjà  aux  temps  de  César  et  de 
Tacite  dans  les  physionomies  d'Ariovisle  et  d'Ar- 
miuius. 


CHAPITRE    XXXIV, 


Duels  en  AHcmagno;  Autriche.  —  Pruiio, -«Baviàrc, 
—  Etats-Confédérés, 


Dr  mémo  que  le»  Cîmbrei ,  lea  Teutoni ,  l« 
Alains,  les  Hérules,  les  Lombards,  les  Angles oii 
Saxons  occupèreQt  le  nord  de  la  GcrmaDÎe,  uno 
foule  d^auires  tribus  barbares»  de  la  même  origine, 
tels  que  les  Huns ,  les  Vandales ,  les  Golhs ,  les 
Suèvcs ,  les  Francs ,  les  Burgundes ,  les  Allemands, 
se  répandirent  dans  les  provinces  du  midi.  Ces 
derniers  donnér<3nt  leur  nom  h  la  plus  grande  part» 
de  la  vaste  contrée  du  centre ,  comme  les  Francs 
le  firent  pour  la  partie  occidentale. 

Tous  ces  peuples  vivaient  ensemble  dans  un  étal 
de  guerre  continuelle ,  se  renouvellant  et  se  pout^ 
saut  les  uns  les  autres  comme  les  flota  de  la  mer. 
Tacite  remarque  que  quand  une  tribii  gennaine 
voulait  entrer  en  guerre  avec  Tautre ,  elle  cherehiit 
h  faire  queUpie  prisonnier  qui  put  combattre  avec 
un  des  siens,  et  qu'on  jugeait  par  révéncmeoi  de 


r  combat  du  succès  de  l»  guerre.  Alcxandrc- 
lL--<irai](l,  Belon  Pliilarfjuc,  fit  prt<-i*"^nieii1  la  mi'mc 
rlio»e  avant  d'aller  comliatlre  Dnrius  (378). 
1^  Depuis  cette  invasion  des  Cimbres  et  des  Teutons 
I^DÏ  avait  révëI6  aux  maîtres  de  l'uuivera  des 
'ennemis  dignes  d'eux  ,  une  foule  d'expéditions 
romaines  plus  ou  moins  in  truc  lu  eu  ses  ,  avaient 
inutilement  menacé  celle  terre  de  l'indèpendancc. 
rKî  Cé*ar,  ni  Drusus,  malgré  aon  surnom  de  Ger- 
■toanicus ,  ne  purent  y  faire  de  solides  conquf-les. 
Cnligula  ne  s'y  présenta  avec  deux  cent  mille  hom- 
mes que  pour  fuir  sans  combattre.  Les  Ariovistc, 
,Jc»  Arminius  et  les  Civilis  pouvaient  placer  leurs 
IDnii  k  cdtù  de  ceux  des  plus  habiles  chefs  de 
himèe  romaine. 

•  l>éjk  bien  auparavant,  un  autre  moyen  que  lu 
rce  des  armes  avait  ét6  tenté  sous  Auguste  pnur 
mmctlre les  Germains.  On  avait  cherché  à  changer 
■  mœurs  de  ces  peuples  féroces  <|ue  la  force  dca 
mes  ne  pouvait  dompter.  Avec  beaucoup  de 
ttUence  el  de  ménagement,  par  des  cliangemcna 
iiccessifs  et  imperceptibles,  on  voulait  les  rendre 
tomains ,  avant  qu'ils  se  fussent  aperçus  iju'Us  no 
{■semblaient  plus  h  leurs  anc(!'lres.  Suivant  Vcllcius- 
telcrculus,  un  lieutenant  de  César,  Scnltus  Sa- 
InitiHia ,  avait  commencé  ce  grand  ouvrage  «veo 
RKlijues  sucucs.  Mais  il  eut  pour  sueeesseur  Quin- 


IS6  —  HISTOII^E   nu  DUCLf . — 

tilius  VariiN  ,  |M!rs<»iinage  beaucoup  moins  adroit , 
C'K  qui  ne  «^c  doutant  pas  a  quel  peuple  il  avait 
afTaire,  s'a\isa  de  vouloir  brusquer  les  rëfunnes  et 
liuil  par  loi  il  perdre. 

Varus  afliclia  d\tbonl  la  prétention  de  faire 
renoncer  ic4  peuples  germains  à  Tusiige  des  Dueb. 
Il  voulut  s\Ti;;er  en  arbitre  de  leurs  diffèrens,  et 
k*ur  faire  goûter  les  formes  de  la  jurisprudence 
romaine  ;  c'était  là  précisément  ce  qui  leur  répu- 
i;nait  le  plus.  Néanmoins  ils  feignirent  de  s\' prêter 
de  bonne  grâce.  On  les  vovait  accourir  en  foule 
à  Taudience  de  Varus ,  plaider  devant  lui ,  se  sour 
mettre  à  ses  jugeroens  et  le  remercier  de  Theureui 
cliangemcnt  (|u'il  avait  intro<luit  dans  leurs  mcnin. 
C'était  une  comédie  qu'ils  jouaient  et  autant  de 
procès  imaginaires  qu'ils  inventaient  pour  douDcr 
au  gouverneur  le  plaisir  de  juger  et  entretenir  m 
sécurité.  Hientôt  après  quand  tout  fut  disposé  |MHir 
l'insurrcctitMi,  ils  se  levèrent  en  masse  au  signal 
d'Anniiiius  et  anéanlirent  Varus  et  ses  légions- 
Vellliuîj-I'aikrc,  Hisior.,  lit},  II ^  cap,  1 18  (379). 

Apro  les  arnie'j  roinaineii,  vient  la  féodalité  dont 
le  berceau  se  lioiive  encore  dans  la  belliqueuse 
Ijermaiiie  l'aciie  en  <i  si;;iialé  l'origine  dans  (*cs 
ioinilc.s  ou  Noluhluiio  qui  engageaient  leur  f<ii 
au  i)nA  ou  chef,  pour  le  ssuivrc  à  la  guerre  et  que 


*- CHAPITRE    XXIUV.—  187 

celui-ci  récompensait  en  leur  partageant  les  terres 
des  vaincus  pour  lesquelles  on  lui  rendait  liommagc. 

L^hislorien  romain  a  encore  remarqué  que  la 
plus  grande  injure  chez  les  Germains  était  de  dire 
de  quelqu^un  qu'ail  avait  abandonné  son  bouclier. 
Cette  susceptibilité ,  qui  s'accorde  si  bien  avec  les 
mœurs  toutes  guerrières  de  ces  peuples,  était  même 
consacrée  par  leurs  lois  dont  la  rédaction  est  bien 
postérieure  au  temps  où  Tacite  écrivait. 

ce  Dçs  peuples  guerriers,  dit  Roberlson,  étaient 
extrêmement  sensibles  à  tout  ce  qui  pouvait  blesser 
leur  réputation  comme  soldats.  Si  un  homme  eu 
appelait  un  autre  lièvre,  ou  s'il  l'accusait  d'avoir 
laissé  son  bouclier  au  champ  de  bataille ,  il  était 
condamné  à  payer  une  grosse  amende.  Lcg.  Salior. 
tUm  32  f  §  4,  6.  Par  la  loi  des  Lombards,  si 
quelqu'un  appelait  un  autre  arga,  c'est-ii-dire , 
qui  n est  bon  à  rien,  celui-ci  pouvait  sur-le- 
champ  défier  Tautre  au  combat.  Leg.  Longobm 
/.  1 ,  tîL  5,  §.  1.  Par  une  autre  loi  des  Salieus,  si 
quelqu\m  appelait  un  homme  cenitus ,  terme  de 
reproche  équivalent  à  celui  iïarga,  l'amende  qu'il 
était  obligé  de  payer  était  fort  considérable.  Tit.  32, 
§.  1.  On  peut  voir  dans  Paul  Diacre  l'impression 
terrible  que  celte  expression  outrageante  lit  sur 
Tun  de  ses  concitoyens ,  et  les  funestes  cllcls  qui 
iuitireut  cette  insulte.  De  Gcàl,  Long.  l.  0,  c  24. 


188  •*  HISTOIRE  DBS   DUELS.— 

Ainsi  CCS  principes  du  point  d^honneur ,  que  nous 
sommes  portés  à  regarder  comme  un  raffiBemeiit 
moderne ,  et  Tusagc  des  duels  qui  en  esl  une  suite, 
furent  le  résultat  des  idées  et  des  mœurs  de  nos 
ancêtres ,  dans  un  temps  où  la  sociabilité  n^afait 
encore  fait  ches  eux  que  très-peu  de  progrès.  HisL 
de  Charles^ Quint,  totn.  I ,  pag.  372.  Paris  1827. 

L^influencc  du  cluîstianisme  lit  s^élendre  Tusage 
des  compositions  en  denrées  ou  en  argent  qui 
diminuèrent  les  cas  de  duels  par  la  satisTactioo 
quelles  donnèrent  aux  oflenscs.  ce  Ce  fut,  dit  Ro- 
bertson,  le  premier  expédient  ({u^un  peuple  grfMBor 
imagina  pour  arrêter  le  cours  du  reasentimcDl 
personnel  et  pour  éteindre  ces Jaidœ  ou  vengemcei 
cruelles  qui  se  transmettaient  de  parens  à  parois, 
et  ne  s^appaisiiient  que  par  le  sang,  n  Uorigioe 
de  cet  usage  remonte  jusqu^au  temps  des  ancieot 
Ocrmains  et  n^a  pas  échappé  aux  remarques  de 
Tacite  (380). 

Ces  taxes  furent  d^abord  établies  par  une  con- 
vention volontaire  entre  les  parties  opposées,  ce 
qui  les  fit  appeler  com/yo.v{7iWi5.  La  loi  des  Frisons, 
tit.  H ,  §.  1 ,  laissait  toute  la  composition  à  la  di»- 
rrétion  de  rodensé  avec  lequel  Toffenseur  denit 
s'arranger  comme  il  pouvait,  quoquo  modo poluefi* 

La  seconde  manière  dont  on  fixa  ensuite  ces 
amendes  fut  de  s^en  remellre  à  la  décision  de  quel- 


nv.  -  18» 

tfUB%  arbitres  ;  de  Ik  vient  le  nom  J'amialilc  com- 
IMiutcur ,  amicabiUs  com/iosiuir.  Oit  trouve  un 
«xempli:  de  ces  mMiatioiis  <)»n8  une  de  ces  formules 
du  VI.'  néclc,  nppek-es  J-'ormulte  Àiidcga^enses  , 
qui  se  trouvent  BU  recueil  de  I).  Bouquet,  tom,  IV, 
pag.  566.  Ces  arbitres  devinrent  pur  la  suite  do 
virilables  juges,  et  le  droit  de  régler  les  cumposî- 
lions  fui  une  des  principales  branches  des  juridic- 
tions seigneuriales. 

Ce  fut  alors  que  s'élnblil  une  prestation  d'un  autre 
genre  qui  devînt  l'accessoire  de  la  composition. 
On  l'appela /ra/um  nu  amende.  Elle  existait  d/ji 
(lu  temps  de  Tacite  (381).  Mais  alors  elle  se  payait 
è  l'Etat.  Plus  lard ,  elle  devint  le  profit  Je  celui 
qui  rendait  la  justice  et  fut  une  véritable  âpice , 
en  sorte  qu'une  fois  le  procès  commencé,  toute 
riconcibation  était  interdite  sans  le  consentement 
du  seigneur  justicier  à  cause  de  son  droit  acquis 
xaji-eilum.  On  en  trouve  un  exemple  remarquable 
dans  une  charte  accordée  b  la  ville  de  Fribourg 
en  Briagnw,  en  1120  (382). 

On  en  trouve  encore  un  autre  exemple  dons  un 
décret  de  Clotuire  U  de  59<i,  cité  par  Montesquieu, 
Eiprildes  Lois.Uv.  XXX,  clui/i.  19,  qui  dcfcndit 
en  eas  de  vol  de  recevoir  des  compositions  t'ii 
secret  et  sans  ordonnaure  du  juge. 

(juand  une  composition  avait  été  acceptée ,  toute 


190  -*  HISTOIRE  DES    DUELS.— 

espèce  d^lioslilités  devait  cesser  immédialenient^  et 
rofTcnsé  devait  confirmer  par  serment  sa  récon- 
ciliation avec  la  partie  adverse.  La  loi  des  Lombards, 
/iV.  I y  fît.  19,  §.  8,  en  contenait  une  disposition 
expresse.  La  partie  lésée  devait  même  remettre  k 
celui  qui  avait  payé  la  composition  un  billet  de 
sûreté  dont  Marculfe,  /iV.  //,  §.  18,  nous  a  con- 
servé diverses  fonnules.  Toute  infraction  k  cca 
règles  était  traitée  comme  un  acte  de  rébellion  à  h 
loi  et  punie  de  peines  sévères.  Foyezla  loi  des  Lom- 
bards, /iV.  I,  fit.  25,  §.  21 ,  et  le  capitulaire  de 
Oiarlemagne ,  de  Tan  802 ,  chap.  XXXII. 

La  môme  chose  avait  lieu  en  France.  Grégoire 
de  Tours  donne  les  détails  d^un  procès  oii  une 
partie  perd  la  moitié  de  la  composition  qu^elle  anit 
obtenue,  pour  sVtre  ensuite  fait  justice  à  eUe-méme. 
Gregor.  Turon  ,  /zV.  VII y  chap.  47. 

On  trouve  de  nombreuses  dispositions  qui  s^ap- 
pliqucnt  à  ces  formes  de  procéder  dans  toute  Fan- 
cienne  législation  germanique,  notamment  dans  les 
lois  Salicpie,  des  Angles ,  des  Bavarois ,  des  Frisons, 
des  Burgundes  ou  Bourguignons ,  des  Lombards  et 
des  Allemands.  Celte  dernière  loi  permettait  de  se 
faire  justice  à  soi-même  ,  mais  seulement  dans  le 
premier  mouvement  de  la  colère. 

a  Toutes  ces  lois  barbares,  dit  Montesquieu, 
étaient  d'ime  précision  admirable.  On  y  distingue 


—  CHAPiTRK  xxxnr.  —  191 

a^ec  finesse  les  cas  ;  on  y  pèse  les  circonstances.  La 
loi  se  met  à  la  place  de  celui  <{iii  a  été  ufTensè,  et  de- 
mande pour  lui  la  satisFcU  tion  (|ue  dans  un  moment 
de  sang  froid  il  aurait  demandé  lui-mc^me.  »  On 
trouvera  aux  Eclaircisscmvus  hisioriquvs  quelques 
citations  de  ces  vieux  et  iuléressans  monumens  de 
la  législation  de  nos  pères  ,  qui  pourraient  faire 
iionte  à  la  plupart  de  nos  réglemcns  de  i>olice 
modernes  (383). 

Lorsque  ces  codes  eurent  été  établis  avec  les  tri- 
bunaux qui  devaient  les  appliquer ,  le  duel  nY^xisla 
plus  que  comme  preuve  des  accusations  criminelles, 
quand  on  n'en  trouvait  pas  d^autrc ,  ou  (pie  Tesprit 
féodal  en  lutte  avec  Tesprit  religieux  fit  rejeter  le 
serment  et  la  preuve  par  les  élémens  ou  Ordalie, 
qui,  sans  être  plus  décisive  que  Tautre,  épargnait 
au  moins  le  sang  humain.  Le  zèle  des  seigneure 
allemands  pour  défendre  le  duel  judiciaire  sans 
cesse  attaqué  par  le  clergé ,  fut  le  même  qu^en 
France  et  en  Italie  comme  on  le  verra  encore  ci- 
aprés  au  chap.  XXXVI. 

Dans  tout  le  cours  du  moyen  Age  l' Allemagne 
fut  désolée  par  les  guerres  privées  que  se  firent 
entr'eux  les  seigneurs.  La  Trêve  de  Dieu ,  Trelgi 
Dei  ,  vint  aussi  en  tempérer  la  violence  comme  en 
France.  Un  édit  de  Tempereur  Guillaume  de  1255 


192  —  niSTOlAB  DBi  DUELS.  ^ 

Ict  défendit ,  mais  sans  succès ,  et  ce  ne  fut  qu^eii 
1405  y  qu^on  en  vit  cesser  entièrement  Fusage  par 
rétablissement  d^une  juridiction  souveraine  qui  de- 
vint Toriginc  de  la  Cionfédération  germanique. 
Datt,  de  puce  pubL  imper»  ,  Ub»  lit  et  IF.  — 
Pfeffel  ,  liisU  du  droit  pubL  d'Allem^  —  Lscooq 
DE  Vellkrmy,  Traité  du  droit  pybl.  de  VEmp. 

Les  efforts ,  que  fit  aussi  Charlemagnc  pour  res- 
treindre Fusage  du  combat  judiciaire  en  Allemagne 
comme  en  France,  n^eurent  pas  plus  de  succès, 
et  ses  trop  faibles  successeurs  se  hâtèrent  de  la 
remettre  en  honneur  et  de  les  encourager  mèine 
par  leurs  exemples. 

En  janvier  820 ,  Bera ,  comte  de  Barcelonne 
et  gouverneur  de  Catalogne  pour  Louis-Ie-Dè' 
bonnaire,  vint  à  Aix-la-Chapelle  se  purger  par 
duel  en  présence  de  PEmpereur ,  d^une  accusation 
de  fraude  cl  de  trahison.  11  succomba  ,  mais  il 
reçut  grâce  de  la  vie  et  fut  exilé  k  Rouen  (38i) 

c(  Du  temps  de  LothairCf  fils  du  Débonnaire, 
dit  La  Colombièrc ,  la  pratique  des  duels  était  lurt 
fréquente  en  Allemagne  et  les  gages  de  batailles*; 
jetaient  par  les  gentilshommes  de  la  même  façon 
quY*n  France.  Le  même  empereur  remit  le  divorce 
ciu'il  voulait  faire  d'avec  sa  femme  Tlielberge ,  à  la 
dérision  des  nrmes,  et  présenta  ses  gages  de  bataille, 
quoi(|ue  le  pope  Nicolas  lui  fit  grande  instance  du 


—  CnjPITBE   TXXIY    —  193 

contraire.  Au  lieu  du  rombal ,  on  se  conienta  de 
l'^retive  par  l'cnu  bouilbnlc  que  le  champion  de 
rimpèralricc  ronsenlil  à  suliir  pour  elle  el  qui  lui 
fut  favorable.  Lultiaire  rcpril  sa  femme  ;  mais  deux 
an.o  après  clic  ûl  elle-même  l'aveu  de  sa  faute,  et 
Lolhaire  voyant  que  ces  preuves  ne  prouvaient 
rien ,  en  abolit  Tusage  (386) . 

Othon  i." ,  fds  de  Henri-l'Oiseleur ,  premier  roi 
de  Germanie,  lequel  descendait  lui-m(?me  d'un  chef 
de  ces  Saxons  dècimîs  par  Cttarlemagne ,  s'empara 
de  la  couronne  impériale  qui  écrasait  le  faible  front 
des  descendans  de  ce  grand  monarque.  Ce  fui  lui 
qui  ordonna  en  942,  ce  duel  célèbre  dont  il  a  déjà 
été  fait  mention  au  tome  I.",  page  38,  et  dont 
l't^jcl  était  de  décider  une  question  de  droit  sur 
■It  Kprisentalion  en  ligne  directe . 
^  «  C'était  un  sujet  de  doute  et  de  dispute,  dit 
l^hifltorïen ,  que  de  savoir  si  les  enfana  du  fils  de- 
vaient être  comptés  parmi  les  enfans  de  la  famille 
el  pouvaient  hériter  k  égale  portion  avec  leurs 
ies ,  dans  le  cas  où  leur  père  viendrait  h  mourir 
idaDt  que  le  grand  père  serait  encore  vivant. 
tint  une  assemblée  pour  délibérer  sur  cette 
ion ,  el  l'opinion  générale  fut  qu'on  la  ren- 
lit  à  l'examen  et  à  la  décision  des  juges,  Mais 
tpereur  voulant  suivre  une  meilleure  méthode 
\t  la  vue  de  Wuiter  honorablemeiU  luit  peupU 


194  '  — itisToni«  DBS  nttLs.^ 

et  ses  nôhles  ^  ordonria  que  la  question  aef  Ait  déri-^ 
dëe  par  le  combat  entre  deux  champions.  Cehii 
ipti  combattit  en  fayeur  du  droit  des  enfans  fîit 
irictôrieux  ;  et  Ton  établit  par  un  décret  perpétod 
qu^iis  partageraient  à  Fayenir  Théritage  avec  leur! 
Dvcles.  »  WnrmnrD-CoiiBEiTt  apiid  Liurierb,  Préf, 
des  ordonn.y  iom.  I ,  pag.  38. 

Ce  même  Othon  fit  prou'ver  par  le  duel  Tînao- 
ée6cc  de  sa  fille  unique.  Heureusement  lé  chann 
pion  de  la  princesse  fat  tainqueur.  DiTmOKi 
Chràn.,  pag.  399. 

Cet  eidperear  ayait  établi  dans  séê  états  une  loi 
de  policé  non  moins  bicarré.  En  cas  de  cètîmié 
délits  y  les  gens  de  là  haute  noblesse  étaient  con-' 
damtiés  k  porter  un  ohien  galeux  sur  les  épaules; 
ceux  de  la  bourgeoisie  une  selle  ;  les  ecclésiastiques 
tkù  gros  missel  et  lés  paysans  utie  chai^rue.  Cet 
Othoi^  L^  fut  surnomme  le  Grand  /  FlAnoABD^ 
LviTFHARb  et  Bxiiofrius,  AnnaL  Écclés. 

Othon  II ,  fib  du  précédent ,  surnommé  le  San^ 
guinairey  fut  un  prince  aussi  lâche  que  cruel.  Dans 
ime  expédition  en  France  qu^il  yint  rayagei^  en  974 
jusqu^aux  portes  de  Paris ,  il  fuyait  honteusement 
deyant  Geofiroi ,  comte  d^Ânjou ,  lequel  ne  poiH 
yant  Tatteindre ,  lui  enyoya  un  cartel  pour  le  forcer 
à  s^arréter.  «  Mais ,  dit  Thistorien  de  sa  yie ,  Olhoa 
refusa  le  défi ,  soit  qu^il  cr6t  sa  dignité  au-dessus 


m-.-  195 

d*iiit  combnt   avec   Geoflroî ,   toil  quêtant  cruel 

il  ne  fùl  point  courageux,  ji  Di-thmar  ,  loco  citato, 

U.  III,  Francforl-sur-VOihr  1727,  in-foUo. 

ftieti  nVst  plus  horrible  qn^un  duel  dont  parle 

tnar  et  qui  eut  lieu  aous  Othon  1(.   Un  certain 

Bile,  nommé  Waldo  ,  arcusa  devanl  l'empereur 

(.  autre  comie ,  nommé  Gi!-ro ,  qui  fut  aussilAl  mît 

Kprison.  Tous  les  princes  furent  appelés  à  Ma^* 

ïourp ,  pour  assister  au  combat  des  deux  comtes 

i  eut  lieu  dans  une  île.  Waldo  reçut  deux  bles- 

es  i  la  t^te  ;  mais  il  n'en  poiirsim-it  son  ndrer- 

re  c|u'aTec  plus  d'ardeur  et  finit  par  le  terrasser 

tn  coup  qu'il  loi  porta  ii  la  If'le.  Alors  on  demanda 

\to  s'il  t\s\\\  encore  en  étal  d<?  comballre  ,  et 

Bitne  il  déclara  ne  pouvoir  le  faire ,  il  fut  déca- 

R  par  les  mains  d'un  bourreau,  carnlfice  quodam, 

par  Tordre  de  l'empereur  et  des  juges  (386). 

Othon  III  succéda  à  son  père  Othon  II ,  à  l'âge 

t  trois  ans.  Ce  fut  lui  qui ,  en  1)88,  au  colloque 

I  Vérone  et   !>ur   la   réclamation    des  seigneurs 

talie ,  rétablit  le  duel  judiciaire  dans  certain  ras 

|(  oo  avait  essayé  de  lui  substituer  le   serment. 

\  totn.  /,  ptig.  92  el  95,  et  la  note  142. 

iCe  «ouTerain  eut  pour  femme  Marie  d'Aragon 

î  fut  la  Messaline  de  son  siècle.  Les  hislnriens 

sa  lie  racontent  qu'elle  entretenait  prés  d'ellv 

^  jeune  garçon  déguisé   en   GUe ,  lequel  ayant 


196  —  NISTOIRB  DES  DUELS.  -* 

été  découvett ,  fut  condamné  à  être  br61é  tîf. 
Bienlàl  après ,  elle  s^avisa  de  jouer  le  rôle  de  la 
femme  de  Putiphar  à  Tégard  d^un  comte  de  Mo- 
déne ,  qui ,  nouveau  Joseph  ,  avait  résisté  à  ses 
cajoleries.  Elle  Faccusa  près  de  son  mari ,  d'avoir 
voulu  la  séduire.  Le  comte  admis  k  se  purger  par 
la  voie  du  combat  judiciaire ,  fut  vaincu  et  con- 
damné k  perdre  la  tête.  Au  moment  de  mourir, 
il  révéla  4  sa  femme  toute  la  vérité  et  lui  confia 
le  soin  de  venger  sa  mémoire.  Celle-ci  prit  la 
tête  sanglante  de  son  mari ,  qu^dle  fît  cacher  par 
un  de  ses  gens  sous  son  manteau ,  et  se  présenta 
à  Taudience  publique  de  Tempereur  pour  lui  de- 
mander justice  de  ce  meurtre  juridique.  Othon 
frappé  de  sa  douleur ,  lui  demanda  de  qui  elle 
avait  à  se  plaindre.  — Devons ,  César j  lui  dit-elle, 
et  faisant  rouler  devant  lui  la  tête  de  son  mari, 
Foilà,  ajoule~t-elle,  Vosuvre  d'une  horrible  inùfukéj 
et  je  suis  prête  à  soutenir  par  lépreux^  du  feu 
l'innocence  de  mon  mari  contre  son  meurtrier, 
L^empereur  y  consentit.  On  apporta  un  brasier  où 
rougissait  une  barre  de  fer.  La  comtesse  Taurait 
prise  sans  s^émouvoir  entre  ses  mains  et  n^en  aurait 
éprouvé  aucun  dommage.  Puis  se  tournant  vers 
Othon  épouvanté  d^un  tel  spectacle ,  elle  eut  la 
hardiesse  de  lui  demander  sa  propre  tête,  selon 
Varrêt  qu'il  avait  rendu  contre  lui-même ,  puisque 


^cHAwniB  TXTnr.—  197 

était  COOTaificu  par  celte  épreuve  d^avoir  fait  périr 
tm  innocent.  Mais  ce  mari  désabusé  se  contenta  de 
CTondamner  lui-même  sa  coupable  épouse  à  être 
brûlée  vive ,  ce  qui  fut  exécuté  à  Modènc  ,  en  998. 
Othon  j  s'il  faut  en  croire  Albert  Krantz ,  fut  long- 
temps inconsolable  de  la  mort  du  comte.  Il  se  serait 
imposé  lui-mén>e  une  forte  amende  à  titre  d'aumône, 
se  que  qui  prœcipitassct  senlcntiam  magno  œrc 
mulctai^it.  Quant  à  la  veuve ,  il  aurait  clierché  à  la 
eonsoler  en  lui  faisant  hommage  de  quatre  châteaux 
€11  Italie.  Alb.  Krantz,  Saxon la,  lib.  ly,  f^^»  94. 
Le  judicieux  Muhatori  ,  de  Aritiq.  IlaK  ,  regarde 
eette  histoire  comme  une  fable.  Néanmoins  plus 
de  vingt  auteurs  dignes   de    foi    Font   rapportée 

comme  vraie.  Ployez  Clspimanus,  in  Othone  III. — 

« 

SiGOMCS,  Hisl,  Italie. — •  Baromus  ,  Annal,  Eccles. 
—  DiTHMAR  ,  Script,  rcr,  Germanie.  —  Maimdourg, 
Hisl.  (le  In  (lit:a(l,  de  rEmp,, 

Cunégonde,  femme  de  rempereur  Henri  II,  fut 
plufl  heureuse,  lorsqu'accusée  d'avoir  eu  commerce 
avec  le  diable  qu'oft  voyait ,  disait-on ,  sortir  de 
son  Ut  tous  les  matins  sous  Ta  forme  d'^un  beau 
soldat,  elle  s'avisa  pour  se  justifier,  de  l'expédient 
à  la  mode  du  temps ,  cpii  était  de  saisir  des  barres 
de  fer  rouge  qu'elle  tenait  comme  un  bouquet  de 
fleurs,  dit  Baronius ,  Annuf,  Eccles.  —  /'.  ausyi 
Suiuus  e£  BoLLANDts ,  3.*  mcus,  mnrl.j  an.  lOM. 


106  «-mSTOlilB   DES   DUBLS.  «« 

En  1043  ,  l'impératrice  Gunehilde ,  feamie  da 
Henri  III  cl  fille  de  Canut  I.",  roi  d'Angtetem, 
fut  encore  accusée  d'infidélité  envers  son  mari. 
((  Personne  n'osait  s'offrir  pour  son  champion  «  dit 
La  Colombicre  ,  à  cause  de  la  structure  gigantine 
de  Faccusateur  nommé  Rodinger.  Elle  lui  oppoA 
un  certain  petit  garçon  qu'elle  avait  mené  ano 
elle  d'Angleterre.  Celui-ci,  par  un  miracle  dirin, 
ne  pouvant  atteindre  plus  haut ,  coupa  bravement 
les  jarrets  du  calomniateur  ;  ce  qui  fit  voir  pubti* 
quement  Tinnocence  de  l'impératrice.  Malgré  b 
victoire  de  son  champion  ,  Gunehilde  quitta  b 
monde  et  finit  ses  jours  dans  un  cloître.  Elle  a  t\i 
mise  quelque  temps  après  au  nombre  dea  saints,  n 
La  Colombière,  Thédt.dhoniinj  tom%  II,  p^^lBi^ 
—  L  An  RE  Y,  Hist^  d*AngL,  tom,  II  xp%  208  (387). 

Ce  m^Mne  Henri  III ,  à  propos  d'une  réclamation 
de  Henri  l.^',  roi  de  France,  au  sujet  de  quelques 
provinces  démembrées  du  royaume,  lui  Ct  offrir 
de  décider  la  question  par  un  duel ,  ce  que  celui-ci 
refusa. 

«  Au  commencement  du  12.*  siècle,  Malhilde^ 
femme  de  Tempereur  Henri  V ,  fut  de  nouveau 
accusée  d'adultère  par  un  gentilhomme  allemand, 
maître  de  la  garde  -  robe  impériale.  Raymoad 
Bérenger ,  comte  de  Barcelonne ,  s'offrit  de  coiih 
battre  pour  Timpératrice  contre  son  dénonciateur, 


—  CHUPITIIK   XKXIT.—  1Ô9 

^  le  réfultal  du  duel  fut  favorulilc  à  l'aCcuK^-e.  » 
^M-  Ullo*  tlel  veio  hori.  milii'tii. 


II  y  avait  en  Alliïniagiie  des  lices  établies  ct.&iiéM 
par  des  ordonnance»  imi)6ri<ilc3  dam  ccrtuinef 
TÎlles,  telles  que  Wmtïbourg  ei»  Fmnconie,  Huile 
et  Anspach  en  Souabc.  Ces  cliarapa  clos  élaienl 
aoumis  à  des  n'-glemens  fort  biziiires.  [I  étail  fait 
expresse  défense  nui  Giles  et  aux  mineurs  de  douze 
am  d'assister  aux  combals.  Pendant  qu'ils  avuîeut 
ticu,  des  eccIi'SJasticpies  portant  une  bicrre  cpii  altro- 
dail  le  vaincu,  chantaient  Tallice  des  moiU.  Les 
vieilles  archives  de  ces  véritables  cours  maitiaUs 
relatent  une  foule  de  faits  curieux.  On  voit  dans 
celles  de  IlDlle  qu'en  lOO.ï,  Georges  Ilail  et  Jodocus 
se  battirent  au  camp  de  la  ville,  et  que  celui-ci 
mourut  de  ses  blciusurcs;  que  deux  antres  Mua- 
chingeu  et  Knppcmburg  furent  ai-Cordis  par  le 
sénat;  qu'enCu  un  uoninié  Grcutler  vainqueur  de 
Bavasleilcr,  se  traîna  à  deux  genoux  jusqu'à  t'églisc 
Piotrc-Dame  fart  lïloîgnve  de  lu  liic,  pour  y  rcodre 
ses  actions  de  grâce».  Le  malbeiircui  y  arriva  avec 
tcsgcDouK  dans  un  horrible  tint,  /L\c\s  Sïtvics , 


ifl.  Bohci 


1  rang 


,  duc  de  Bohtiue , 
des  saints,  «uiait 


qui 


l\tt  mi 
t  paru 


*  par 
dans 


f  de  cet  lices ,  oit  ta  providence  tie  svcail  sifjualéo 


200  —HISTOIRE  DES  DVELS. — 

par  un  miracle  éclatant  en  sa  fa^veur ,  s^il  faut 
croire  Dubraw  en  son  Histoire  de  Bohême.  U  avait 
pour  adversaire  Radislas  qui  arriva  sur  le  pré  armé 
de  lOMtes  pièces ,  la  lance  sur  la  cuisse  et  un  grand 
coutelas  au  côté.  Venceslas ,  au  contraire ,  n^élait 
Yétu  que  d^un  harnois  léger  par-dessus  le  cilice  qu'il 
ne  <[uittait  jamais.  Radislas  avait  déjà  la  lance  ea 
arrêt  et  s^apprétait  à  charger  son  adversaire  avec 
vigueur,  quand  il  aperçoit  en  son  lieu  et  place  deux 
anges  debout  devant  lui ,  et  en  même  temps  il  crmt 
entendre  une  yoix  qui  lui  crie  :  jérréle  !  Saisi  de 
terreur,  il  se  jette  la  face  contre  terre,  demamle 
grâce  et  se  remet  à  la  discrétion  de  Venceslas,  qui 
le  traite  en  vainqueur  généreux.  «  Le  bruit  de  ce 
miracle ,  ajoute  rhistorien  ,  se  répandit  partout, 
surtout  à  la  cour  de  l'empereur  ;  les  uns  en  furenl 
pénétrés   d'admiration  ,    et  quelques    autres  s^cn 
moquèrent.  Hœc  in  Germarnam  celer iter  nunùata 
et  in  aulam  Cœsaris,  apud  alias  admiratione,  apud 
quosdam  irrisione  affeceiuiit.    Dubrawius,  HiA* 
Bohem.,  lib.  III,  p.  187.  Francofurti  1688. 

St. -Venceslas  ne  fut  pas  aussi  heureux  en  936. 
Le  28  seplembre  de  celte  année,  sa  mère  Drt- 
bomire ,  la  Frédégonde  de  FAIlemagne ,  de  concert 
avec  son  second  fils  Boleslas ,  Tattira  dans  un  Ceslia 
pour  le  faire  assassiner.  Il  se  réfugia  dans  une  église 
où  il  fut  suivi  par  son  frère  qui  le  poignarda  sani 


—  CHiprTBE  sxxiv.  —  201 

■ecofitrer  celte  Fois  des  anges  k  iV'pte  flanilxjyiitile 

lui  barrer  le  pnssage.  WITIKl^n ,  lli'st.  Sujoii., 

.  J.- — Sigruert  el  Heiimanmis,  Corit.  wl un.  930, 

jptuJUnsTisius  ,  Scn'/it.  rcr.  Germanie. 


Frédéric  I.",  dit  Barberousse  ,  qui  occupa  le 

IrAne  impérial  de  1152  ii  IISO,  conrirma  encore 

l'ancienne  législation  snr  le  duel.  Mais  son  petit-fils 

ftSMdëricil,  qui  régna  de  1210.'i  1250,  fit  tous  ses 

^BHforls  pour  en  corriger  les  abus.  It  fut  le  premier 

I      qui  établit  en  Allemagne  quelques  régies  de  police. 

A  la  diète  d'Egra ,  en  1219 ,  il  Cl  jurer  ans  grands 

«eïgneurs  de  l'empire  de  ne  plus  piller  et  rançonner 

lea voyageurs,  ni  faire  de  la  fausse  monnaie  qu'ua 

regardait  alors  comme  le  privilège  le  plus  impor- 

Rut  de  la  puissance  Féodale. 
Frédéric  II  accorda  aux  habîtans  de  plusieurs 
lies  de  l'empire ,  notamment  k  ceux  de  Vienne , 
des  espèces  de  chartes  d'affranchissement  qui  leur 
permettaient  de  s'esempter  d'accepter  le  duel.  Il 
lublia  ensuite  la  belle  collection  de  lois  connue* 
lOus  le  nom  de  Constitutions  Siciliennes  ou  IVapo- 
,  et  qui  furent  rédigées  en  latin  par  Pierre 
wvignes.  Elles  contiennent  sur  le  duel  plusieurs 
ffispositions  rcslriclives  dont  on  trouvera  le  teite 
:  Ecfairviisemens  historiques  (388). 
r^ous  avons  déjà  eu  occasion  de  remariiuer  au 


202  ^HISTOIRE  OBI  DUBLf. -^ 

lomc  I.^' ,  page  SS  j  que  Ilenri-rOiseleur  ,  pcrt 
d^Olhon  !.*%  ne  fut  pas,  comme  on  Ta  cru,  V'uh 
venteur  des  tournois.  On  en  trouve  une  preun 
sans  réplique  dans  les  Pcuidectœ  trtumphales  de 
Modius  de  Bruges ,  qui .  en  parlant  de  Pordonnance 
do  ce  prince  portant  établissement  des  tournois  eo 
Allemagne ,  ajoute  que  cet  usage  y  était  inconnu, 
4ftioiqui//ùl  li'ès'praiiqué  parla  noblesse  de  Franct 
et  d'Angleterre  (389). 

Ilcnri-rOiscIeur  publia  sur  les  tournois  un  ri« 
gicment  en  douze  articles  ,  d'après  lequel  il  en 
devait  ^tre  célébré  tous  les  trois  ans  au  moim. 
<(  A  iceux,  dit  Fabvyn,  devaient  être  reçus  princes, 
seigneurs ,  barons  et  gentilshommes  de  noble  ex<- 
tractioii;  exclus  et  forclos  les  blasphémateurs  du 
saint  nom  de  Dieu  ;  ceux  qui  de  fait  et  pensée 
médiraient  de  la  personne  de  l'empereur  ;  celui 
qui  outragerait  de  fait  ou  de  parole  Fhonneur  d^une 
femme;  ceux  qui  auraient  trahi  leur  seigneur ,  ou 
se  seraient  rendus  coupables  de  parjure  ou  de  foi 
mentie  ;  quicon(]ue  aurait  surpris  en  trahison  son 
ennemi  a\'unt  que  ilc  lavoir  défié,  arracherait  sei 
vignes  et  ses  bleds ,  briganderait  ou  tiendrait  kf 
chemins —  Tout  gentilhomme,  qui  se  trouvait  dam 
un  de  ces  cas,  était  démonté,  prive  de  son  cheval, 
barulé  et  pour  note  d'infamie  condamné  à  che- 
vaucher hors  la  barrière  ,  le  tournois  durant,  à 


—  ca»rnnE  xxxiv.—  203 

morgue  de  rassemblée.  »  FkD\  \  n,  Tluài.  H'hoiin, 
l.dn  cAcv.,  //A.  .V,  ct,ap.  l/l,  f,t,f-.  1774. 
I  Le  premier  de  ces  luumoig  cul  lii'u  ù  Magdc- 
vrg,  PU  prÉseiice  de  (leiiri-l'Oiseltur ,  le  I  ,*'  dî- 
hnclicaprcH  IcHRuiit,  du  Tan  938;  le  deniivr  se  fit 
||^~o^mfl,  en  lifil.  Fabvjii  en  dénombre  jusqu'^ 
nie-tix.  Il  y  arriva  comme  partout  de  nombreux 
icideni  :  on  cite  ciitr'uutrcs  le  prince  Fréd^-riL- , 
^gr«ve  de  Tliuringt; ,  qui  y  fui  Im^  d'un  coup 
f  lanue. 

tft  Let  charlt'S  et  cbroniques  du  temps ,  dit 
ji  de  Laveaux  ,  tradueltur  de  l'Ui'-toi'e  Jes  /1lle~ 
pnds  de  Schmidt,  nous  prouvent  sutlisammcnt 
H  fet  meurtres  étaient  très  -  fr^qucus  dans  ces 
Ktes  d'exercices  et  qu'il  y  arait  peu  Je  touruois 
l  il  De  restât  plusieurs  chevaliers  sur  la  place, 
fîlii  pourquoi  les  pepea  et  les  évi^qucg  s'èlevéreut 
|0C  lant  d'ardeur  contre  ces  jeux,  u 
m  Quoique  presque  toutes  les  grandies  Tamillea 
Aileoiagne ,  dit  eucore  le  méoie  auteur ,  perdîa- 
Rl  des  princes  dans  ces  exercices  railituires ,  il 
tse  faisait  cependant  aucune  rite  ,  aucune  assem- 
^  de  la  noblesse  où  il  n'y  eut  des  tournois.  Dans 
i^diélea  mêmes  on  y  employait  les  momeas  de 
pir.  u 

iM-  de  LavenuK  rapporte  ensuite  un  grand  nom- 
<fi  de  ces  louniuis  c61èbri^3  chez  plusicuri-  peuple* 


204  —  mSTOIRB  DES   DVSLt.-» 

de  r Allemagne,  surtout  chex  les  Saxons,  oii  dim 
le  cours  d^uuc  seule  année  on  compta  jusqu^à  seiie 
chevaliers  qui  y  furent  tués  (390). 

Quand  les  tournois  cessèrent  en  Allemagne,  œ 
fut  prescfuc  une  révolution.  «  Ce  fut  alors,  dit  Sé- 
bastien Munster,  surnommé  le  Strabon  de  rADe- 
magne  ,  que  Ton  vit  le  commun  de  la  noblesR 
dégénérer  et  se  plonger  en  tous  vices  et  dennt 
tout  le  monde.  L^ignominie  qu^ils  recevaient  publi- 
quement en  ces  tournois,  servait  comme  de  caveçon 
et  de  pas-d'ùne ,  pour  retenir  les  gentiMiommes 
aux.  termes  de  Thonneur  et  de  la  vertu.  Par  Tab»- 
lition  de  Tusage  d^iceux ,  ils  se  sont  prostitués  en 
toute  vilenie  sans  tenir  ni  voie  ni  sentier.  »  Seusv* 
Munster,  Cosmograph,,  liu^  HI» 

Le  droit  moderne  en  Allemagne  se  compote 
du  droit  romain ,  du  droit  canon  et  des  lois  de 
FEmpire.  Quand  le  duel  cessa  d^étre  judiciaire  vers 
la  (in  du  moyen  âge ,  on  admit  les  règles  du  droit 
canon  qui  lo  défendaient ,  notamment  celles  dn 
concile  de  Trente  qui  n^étaient  pas  reçues  dins 
toute  la  chrétienté  surtout  en  France.  Voyez  iomJ, 
paf^.  67.  En  1668,  époque  des  ordonnances  de 
Louis  XIV\  où  Ton  vit  réglementer  contre  les  coib- 
bats  singuliers  en  France ,  en  Angleterre ,  en  Et- 
pagne  et  dans  les  Pays-Bas,  une  loi  de  PEmpiie 


tint  ajouter  aux  prohibitions  canoniques  des  peines 
temporelles  contre  le  duel  ;  mais  elle  ne  fut  pas 
promulguée.  Des  réglcmens  spéciaux  qui  appar- 
tiennent au  dmit  particulier  de  FAUemagne ,  ont 
été  publiés  au  17."  et  18.®  siècles.  MArmcRos^^ie 
erim.y  pag.  448!  —  Berliciiius  ,  part.  IFy  conc.  27. 
—  FiUiiîïAcius ,  quœst,  18.  —  Mexochius  ,  de  arb. 
cas*,  cap*  362. 

(Tétait  absolument  le  m^me  luxe  qu'en  France , 
ee  qui  dénote  assez  le  même  insuccès.  Cela  s'ex- 
plique par  Pextréme  sévérité  de  ces  divers  réglc- 
mens qu'on  appelle  en  Allemagne  Duell  mandate, 
mandats  de  duels.  11  y  eut  en  Autriche  des  mandats 
de  duek  de  1651  ,  1682,  1712  et  1750;  dans 
la  marche  de  Brandebourg,  il  en  fut  promulgué 
m  1652,  1688,  1713  et  1721. 

En  Bavière,  il  y  en  eut  un  très-célèbre  en  1779* 
Ce  dernier  mandat  punit  les  auteurs  d'un  défi  , 
même  s'il  n'y  a  pas  eu  de  duel,  de  la  perte  de 
leurs  charges  et  emplois;  ceux  qui  n'en  ont  pas, 
d^une  captivité  de  trois  ans  et  de  la  perte  de  leurs 
biens;  ceux  qui  n'ont  pas  de  biens,  d'une  captivité 
de  six  ans.  Si  le  duel  a  eu  lieu  ,  même  sans  résultats 
iMsheux,  il  y  a  peine  de  mort.  Un  code  pénal  fut 
publié  en  Bavière  en  1813,  mais  il  est  muet  sur  le 
duel;  ce  qui  n'a  pas  empêché  les  tribunaux  du 
pays  d'appUquer,  quand  le  cas  s'est  présenté,  le 


20G  —  HMTOIHK  DKS  DUBtf  •  '— 

mandat  de  1 770  ,  comme  n^étant  pas  abrogé  pr 
le  code  pénal.  Le  silence  de  la  loi  générale  s'inter- 
prète de  même  en  Belgique,  ^.ci-dessus  pag.Si. 

Kn  1803  ,  un  nouveau  code  pénal  fut  publié 
en  Autriche.  On  y  trouve  sur  le  duel  des  dispo- 
sitions d^me  clarté  et  d'une  précision  remarquables 
et  dont  je  renvoie  le  texte  aux  Eclaircissemem 
historiques  (39 1  ) . 

£n  Prusse,  le  code  Frédéric  punissait  le  survitsnt 
dans  un  duel  de  la  peine  capitale  portée  contre 
Tassassinat  ou  de  celle  de  Thomicide  simple  à 
raison  de  Tintention.  Dans  tout  autre  cas,  le  pro* 
vocateur  encourait  la  réclusion  dans  un  fort  pour  un 
espace  de  trois  mois  à  six  années.  Tit.  20j  euri.  668. 

U  était  de  plus  enjoint,  sous  une  peine  grave, 
aux  chirur^ens  et  médecins  appelés  à  donner  des 
secours  à  tout  individu  blessé  en  duel ,  d'en  faire 
la  déclaration  au  juge  du  lieu.  On  a  vu  la  même 
chose  à  Paris  dans  une  ordonnance  de  police  à 
Toccasion  de  nos  derniers  troubles  civils.  Mais  il 
est  plus  Tacilc  d'imaginer  de  semblables  mesures 
que  de  les  faire  exécuter,  f '.  ci-dessus  page  1(M. 

On  trouve  dans  un  règlement  fait  en  1 744  pour 
la  cavalerie  prussienne ,  cette  disposition  non  moiiH 
sinp;ulière.  <<  Si  quelque  officier  souffre  une  injure 
sans  y  paraître  sensible,  le  colonel  en  informera  le 
roi  qui  le  fera  casser ,  sans  déroger  cependant  « 


Mv.  -  207 

dit  concemanl  le»  diiels  donl  S.  M.  confirme  ici 
lolc  la  Torce.  ii  Pnrl.  8,  chup.  8,  art.  0. 
"Le  code  pénal  artuel  de  la  Prusse,  publié  en 
Vi,  punit  ceux  qui  portent  un  déti  d^une  prison 
l'trois  it  six  ans.  Cetle  peine  est  d'un  an  b  Iroii 
■  pour  ceux  qui  l'acceptent.  Si  du  duel  est  rè- 
lllée  la  mort,  la  peine  est  celle  du  meurtre  or- 
loaire ,  et,  dans  le  cas  contraire ,  une  réclusion  de 
i  ans  au  moins  qui  peut  m^me  être  perpétuelle. 
'y  a  lieu  ta  outre  k  la  dégradation  de  tous  titres, 
«meurs  et  emplois ,  cl  en  cas  de  fuite  k  In  con- 
eetion  des  biens,  Les  témoins  encourent  aussi 
le  peine  de  5  ans  de  réclusion  ,  qui  est  doublée 
I  cas  de  meurtre  par  suite  du  duel.  En  1828,  il 
encore  été  publié  un  onlfe  de  cabinet  contre 
i  duels  entre  militaires. 

•D  est  vrai  de  dire  du  reste  que  dans  la  jurîs- 
'odence  allemande  la  peine  de  mort  en  maliéra 
S  due!  est  purement  comminatoire.  Aucun  tribunal 
l  manque  jamais  le  cas  échéant  d'infliger  cette 
Ikie ,  mais  ce  n'cal  que  pour  ta  forme  :  le  con- 
nnè  est  envoyé  dans  une  forteresse ,  et  apréa 
l  AD  OU  deux  le  souverain  hiï  fait  grâce. 
Z-e  trait  suivant  fera  suffisamment  connaître 
innient  Frédéric  II  faisait  exécuter  ses  ordon- 
Btoes  si  vantées  relativement  aux  duels  et  à  la 
iciplioe  militaire.  »  L'n  capitaine  nommé  5***  cul 


206  —  HISTOIBE  DES   DUELS. —^ 

le  malheur  de  tuer  un  autre  officier  en  duel.  On 
le  prit ,  et  on  le  mena  h  la  grande  garde.  Frédéric 
ne  pouvait  s^cmpécher  de  lui  faire  faire  son  procès 
scUm  les  lois ,  et  il  devait  périr.  Ce  prince  qui  aîmatt 
le  capitaine,  parce  que  c^était  un  brave  homme, 
songea  aux  moyens  de  le  sauver.  Il  fit  insinuer 
secrètement  aux  officiers  de  ses  amis  qu^il  ne  sertit 
pas  fâché  que  le  prisonnier  s^échappât.  Us  dis- 
posèrent tout  pour  cette  fuite.  Afin  de  la  faciliter, 
Frédéric  fit  venir  le  capitaine  qui  était  de  garde 
ce  jour-là ,  et  lui  dit  :  Ecoutez  ,  si  vous  laissez 
écliOjyper  S***  cette  nuit,  vous  pouvez  compter  sur 
ma  parole  que  vous  serez  pour  viiigl-quatre  heures 
aux  arrêts.  Le  capitaine  comprit  les  intentions  du 
roi.  Vers  les  minuit ,  il  engagea  le  prisonnier  à 
prendre  un  peu  Tair  devant  le  corps-de-garde.  Ses 
amis  étaient  à  quelque  distance  avec  une  chaise  de 
poste  ;  ils  s^approchèrent ,  lui  rendirent  compte  de 
leurs  préparatifs,  et  remmenèrent.  Le  lendemain, 
le  capitaine  fil  au  roi  le  rapport  de  cette  évasion,  et 
Frédéric  qui  feignit  d'être  fort  en  colère  contre  lui, 
renvoya  aux  arrôls  pour  vingt-quatre  heures.  »  Fk 
de  Frcdcnc  II ,  loin,  IF,  pag,  307.  Strasbourg t 
TiTuUcl  1787. 

Ce  roi  philosophe,  ce  Salomon  du  Nordj  comne 
rappelait  Voltaire  ,  ne  souffrait  point  que  des 
roturiers  fussent  officiers  dans  ses  troupes ,  si  ce 


—  cnAPtruE  XTTiv.—  209 

"n'est  dans  quelque»  rorps.  LoTMqii'aui  revues,  i) 
vnyait  «le  nouveaux  ofliciers ,  il  leur  dem.-uidait 
leur  nom ,  et  quand  ils  n'élaieiil  pan  nnLIes ,  il  leur 
donnait  un  léger  coup  de  cjtnne  sur  IV'paulc  et  les 
renvoyait.   Ibidem,  page  329. 

\'oiei  un  aiilre  Irait  bien  dilT^rent  du  régne  de 
Jnsi'pli  II,  que  je  trouve  dans  un  opuscule  trop 
peu  connu  cl  que  je  viens  de  découvrir  k  l'instant 
senlemcntoiircchiipilrevn  être  livré  ii  l'impression. 
«  Un  olBcîer  nvnit  reçu  un  souIHet  d'un  de  ses 
camarades;  l'empereur  les  fit  venir  tous  les  deux 
il  Vienne,  l'n  jour  de  parade,  il  se  montra  sur 
le  balcon  de  son  palais  avec  l'officier  offensé ,  et 
en  pr^ence  d'une  foule  immense  rtisscmbléc  sur 
la  place,  il  l'embrassa.  Au  m^me  instant,  on  vit 
sur  un  échafuud  dressé  au-dessous  du  balcon ,  le 
bourreau  appliquer  un  soufflet  it  l'officier  qui  avait 
frappa,  et  sur  le  champ  il  fut  conduit  dans  unft 
■brlereaae.  Vuilà  un  jugement  cl  une  conduite 
dt^Gs  d'un  grand  souverain  (392) .  n 

Quant  il  l'élal  acliicl  de»  mœurs  cl  de  l'opinion 
relativement  au  duel  en  .Allemagne ,  on  en  jugera 
par  les  réflexions  suivnnlcs  que  j'extrais  d'une 
Mire  autographe  d'un  savant  publiciste  prussien, 
le  (locteur  Gnns ,  professeur  de  droit  il  l'uniTcrsité 
de  lÏM-lin.  Celle  lettre,  qui  trouve  assurément  dans 
le  nom  de  son  auteur  une  garantie  phis  que  suffi- 
U 


210  —  HISTOIRE  DBS  DUELS.  — 

saille,  est  d'ailleurs  enlièrement  conrorme  Ji  tous  les 
autres  documens  que  j^ai  recueillis  sur  TAIIeinagDe. 

((  Le  duel  ne  se  pratique  pas  dans  toutes  les 
classes  de  la  société.  Les  paysans,  les  petits  bour- 
geois, les  banquiers ,  les  nègociaus ,  les  iudustrieb, 
même  leurs  commis,  ne  se  battent  jamais,  et,  si  leur 
honneur  est  lésé,  c'est  par  le  moyen  des  actions 
en  injures  injuriarum  actiones  qu'ils  cherchent  à 
le  rètabhr.  On  voit  quelques  exemples  de  duels 
chez  les  emplo}  es  ,  les  artistes ,  mais  ils  sont 
rares.  Les  classes  de  la  société  où  les  duels  ont  leur 
siège  proprement  dit,  sont  celles  des  étudîans  et 
des  officiers.  C'est  la  guerre  de  trente  ans  et  surtout 
le  séjour  des  Suédois  en  Allemagne  qui  a  mis  cette 
habitude  en  vogue  dans  les  universités.  Je  sais  bien 
qu'on  cite  les  Staluta  des  universités  de  Padoue, 
de  Paris,  d^Oirord,  d'Ingolstadt ,  de  Wittemberg 
pour  prouver  que  le  duel  est  bien  antérieur  k  h 
guerre  de  30  ans  ;  il  faut  néanmoins  considérer 
que  les  rixes,  même  celles  à  issue  violente,  ont 
eu  lieu  dans  tous  les  siècles,  mais  que  ces  combats 
ne  sont  pas  encore  des  duels  (393) .  » 

c(  Cette  habitude  des  duels ,  qui  a  été  extrême- 
ment forte  au  18.*^  siècle  dans  les  universités,  se 
ralentit  un  peu  à  présent ,  et  on  peut  espérer  qu'elle 
cessera  tout- &- fait,  lorsque  la  vie  publique  des 
hommes  sera  d'une  telle  importance  que  les  élu- 


irv.  -  211 

diann  n'aionl  |)liifl  ni  le  vouloir ,   iii  le  besoin  de 
s'itiflitiier  une  classe  à  [Hirl, 

u  Les  duels  enlre  li'S  ofTiciers  sonl  beaucoup 
,  c«r  leur  position  est  bcaurotiji  plus  cm- 
NiiTsssante.  Si  un  officier,  dont  Tbonneurcst  atla- 
i,  ne  se  bal  pas,  on  le  chasse  du  régiment;  s'il 
ehal,  il  est  enfermi!:  dans  une  forteresse.  » 
Celte  allernali\e   bizarre  que   l'inennséquence 
)  législateurs  a  créée  dans  bien  des  pays  ,  est 
iexludlemenl  (-erilc  dans  une  loi  prussienne,  telle 
que  le  W'glemcnl  de   1744  cité  ci-dessus  et  qui 
ordonne  k  tout  olTicicr  île  paraîtra  sensible  à  une 
injure,  k  peine  d'être  cassé,  et  néanmoins  lui  dé- 
fend le  duel.  Montesquieu,  dans  ses  Lettres  Per- 
sonnes, a  fait  la  mi^nie  remarque  sur  ce  (jui  se 
passait  en  France.  «  Si  l'on  suit  les  lois  de  l'honneur, 
écrit  Usbeck ,  on  péril  sur  un  échafaud  ;  si  l'on  sviit 
I,     celles  de  la  justice,  on  est  banni  de  la  société  des 
^bbomtnes.  U  n'y  a  d'autre  alternative  que  de  mourir 
^Pou  d'être  indigne  de  vivre.  »  Lettre  LXXX. 
r      Le  duel  n'est  donc  pas  très-fréquent  en  Alle- 
magne si  l'on  en  excepte  la  Prusse  et  ta  Bavière , 
L  et  surtout  les  Universités,   C'est  en  Autriche  qu'il 
^BMt  le  plus  rare.  Partout  il  se  concentre  presque 
V exclusivement   dans   les  classes  nobles,   militaires 
I      el  un iversil aires. 

Les  étudions  se  battent  loiis  les  joiirs  cl  pour 


212  —HISTOIRE   DES    DUELS.— 

lii  moindre  chose ,  h  Gœltingue  surtout  où  il  est 
arriva'  (juclquefois  de  voir  jusqu^i  trente  dtiebdans 
un  jour.  Le  roi  actuel  d'Angleterre  et  pluflienrs 
princes  de  la  cour  britannique ,  qui  ont  fréquenté 
cette  université  ,  s'y  sont  battus  plusieurs  foi». 

Depuis  quelques  années,  une  espèce  de  tribunal 
d'honneur  a  été  établi  parmi  les  étudians  pour 
examiner  les  cas  de  duels.  Il  a  même  été  rédigé 
pour  ce  tribunal  un  code  spécial  appelé  Comment 
où  la  plupart  des  cas  sont  prévus. 

Quand  l'affaire  n'est  pas  des  plus  graves ,  voici 
à -peu -prés  comment   le»  choses  se  passent.  Le 
combat  une  fois  arrêté ,  les  champions  se  rendent 
avec  leurs  témoins  dans  quelque  auberge  ou  esta* 
minet  de  campagne  et  s'enferment  dans  une  salle 
particulière.  Là ,  les  bras  nuds ,  les  nnains  gantées^ 
la  tête  couverte  d^un  large  feutre ,  le  cou  protégé 
d'une  énorme  cravate  y   et  le  ventre  d'une  large 
ceinture  ,  ils  féraillent  quelque  temps  jusqu'à  ce 
que  les  témoins  décident  que  Thonneur  est  satisfait. 
L'arme  ordinaire  du  combat  est  tépée  germaine, 
espèce  de  rapière  très-longue  qu'on  n'aiguise  pas, 
quand  la  cause  du  duel  est  légère.  La  large  co- 
quille ,  qui  forme  la  garde  de  ces  espadons ,  est 
une  sorte  de  bouclier  qui ,   avec  raccoutreroenl 
des  champions,  rend  les  blessures  assez  rares.  Il 
&ut ,  pour  le  mol  de  béte ,  24  marches  ^  c'est-à- 


-4.a*i.iir,e  x%xxy.~  213 

lire  auluiil  de  coupa  du  lY'pi-v  ^eiinaluu.  Puiir  le 

d'infâme,   il  faut  vingl-qufltrc  l'uup.s.  On  se 

lal  rarement  au  pialolel.  A  Wurlzboiirg ,  l^iia  eb 

îrlaDjea ,  on  ne  se  bal  qu'au  fleurit  et  rarement 

l^atolet,  maiajaniaia  k  )V-ptegcrmiiiite. 

L'Éludianl,  qui  a  tué  sou  adversaire  dnus  un  duel, 

l  chassé  de  l'Univcrsilé.  On  Lui  impusic  le  consml 

1  s'ea  aller ,  tonsilinm  abctuuU ,  cl  il  est  furuA 

de  céder.  Son  renvoi  tvlc^alio  s'aftieiie  en  mauvais 

laliu  et  il  est  envoyé  à  une  autre  Université.  En 

loB  de  récidive ,  il  ne  peut  plus  se  présenter  dans 


'  Dans  le  petit  nombre  de  combats  qui  uni  eu 
uue  issue  funeste ,  on  cile  celui  du  comte  Puchlo- 
nusko  qui  tua  son  adversaire.  T«us  les  journaux 
InnrAÎs  en  ont  \i»r\h  en  1834. 

Quelques  années  aupanivant ,  ît  y  avait  iiGœl- 
liiigue  un  spadassin  célèbre ,  uummé  l.nderf,  d'une 
■giljlè  et  d'une  force  iiHisculaire  élunnautes.  IL 
passait  pour  le  plusliabîte  féraîlleur  de  LWlIcmagnc, 
et  éUil  la  terreur  de  rUoivcrsîté.  Il  eut  une  foule 
de  duels  ou  l'avantage  lui  resta  toujours.  Il  lui. 
arrivait  souvent  de  couper  des  nuiiiis  et  des  bras 
k  KB  antagonistes  pur  la  violeiKe  du  mouvcmcnk 
qu'il  isiprimait  ii  son  épée  gerniuiiie. 

L,  Voici  quelques  traits  les  plus  dignes  de  i-omarqtn.- 


21 A  —HISTOIRE    DES    DUELS. — 

choisis  parmi  les  combats  singuliers  qui  onl  eu  lieu 
le  plus  récemment  en  Allemagne. 

En  novembre  1833,    on  trouva  dans  un  bob 
écarté ,  prés  de  Dreisen ,  ville  de  Prusse ,  dans  h 
marche  de  Brandebourg ,  le  cadavre  du  HeutOMiil- 
colonel   Frédéric   de   Keunaw  percé  d'un  coup 
dV^pée  et  baigné  dans  son   sang.  On  Tavait  cru 
d^abord  assassiné  ;  mais  une  instruction  judiciaire 
fit  connaître   quMI    avait  péri  victime  d'un  duel. 
Voici  dans  «{uelles  circonstances.    Un  conseiller 
nommé  Von  Zahn  recherchait  en  mariage  la  fille 
d'un  baron  de  lloller,  sur  laquelle  avait  aussi  jeté 
ses  vues  un  baron  de  Linsmar ,  ami  de  Von  Zahn. 
Celui-ci,  pour  écarter  son  concurrent,  eut  recours 
à  une  ruse  diabolique.  Il  avait  des  relations  avec  k 
lieutenant-colonel  Frédéric  de  Keunaw  qu'il  safait 
habitué  à  manier  les  armes ,  tandis  que  Linsmar, 
son  rival,  en  ignorait  Tusage.  Il  sut  adroitement  mé- 
nager des  rapports  entre  Tun  et  Tautre ,  et  souflSaat 
entr'eux  la  discorde  ,  il  les  amena  au  point  de  se 
battre  en  duel,   il  voulut  lui-même  aervir  de  té- 
moin k  son  ami  Linsmar  qu'il  comptait  bien  voir 
succomber  ,  et  il  sut  arranger  les  choses  de  ma- 
nière h  rendre  impossible  toute  conciliation.  Mab 
la  fortune  vint  déjouer  cet  infernal  calcul  eo  se 
déclarant  pour  le  moins  adroit. 

Les  investigations  de  la  justice  réussirent  beu- 


—  CHAPITBE    ÏSXtV.  —  215 

*teU9cmenl  k  percer  ce  mystère  d'iniquité.  Le  ju- 
gement qui  inlervinl  condamna  ie  conseiller  Von 
Zalin  b  la  peine  de  mnrt  pour  avoir  provoqué  le 
iduel  dans  son  intérêt  piirlicuîier,  et  À  dix  années 
Kulemenl  de  réclusion  dans  une  Torlerease  l'auteur 
I  meurtre  ,  le  baron  de  Linsmar ,  fjour  sa  part 
Ktiie  et  attentla  son  ignorance  r/es  lois  sur  le  Duel. 
Selon  l'usage  constant  en  cas  de  duel,  ces  peines 
ODt  été  commuées  par  le  roi ,  et  réduites  i  30 
innées  de  réclusion  pour  Von  Zalio,  et  à  8  auiiû'ea 
pour  le  baron  de  Linsmar. 

Plusieurs  journaux  allemands  du  mois  de  no- 

membre  1834,  ont  publié  de  longs  détails  sur  un 

■double  duel   accompagné  de  circonstances  assez 

nomanesqiies ,  qui   aurait  eu   lieu  dans  les  Etats 

prussiens.  Un  baron  de  Traulmanstlorf  enlrclenail 

des    rclnlions    d'amour    avec    la    jeune    rnmiesse 

-Xodoïska  de  K"*,  veuve  d'un  général  polonais. 

WU  n'attendait  que  sa  nomination  il   une  place  de 

necrélaîre  d'ambassade  pour  répouscr.  Mais  dans 

Pinlervalle,  un  baron  de  Ropp  veut  faire  h  son  tour 

■gréer  ses  hommages  à  ia  jeune  veuve ,  et ,  dans 

:  pièce  de  vers  qu'il  lui  adresse,  il  cherche  k 

r  du  ridicule  sur  son  rival.  Celui-ci  en  ayant 

é  informé ,  lui  envoie  un  cartel.  Ropp  l'accepte; 

aïs  arrive  au  lieu  du  rcnde»-vou3  il  obtient  de 

s  battre  pour  lui  un  de  ses  amij.  Ti'aulinansdorr 


216  -*  HISTOIRE  DBS  DUELS.» 

succombe  :  sou  lémoin  iudigiiè  de  la  lâciielé  de 
Ropp ,  le  provoque  et  le  force  de  Dielire  Tépèe 
à  la  main  avec  lui.  Mais  ce  témoin  n^étail  autre 
({ue  Lodoïska  elle-même  qui  avait  pris  un  dégui- 
sement masculin  pour  assister  soo  amant.  Elle 
tombe  atteinte  d^un  coup  mortel ,  et  Ropp  Tay ant 
reconnue  à  ses  derniers  accens  ^  tourne  son  épèe 
conlre  lui-même ,  et  leurs  derniers  soupirs  s^ex^ 
baient  en  même  temps. 

Dans  le  cours  de  la  même  année  ,  le  comte 
Prosper  d'Aubrée  ^  attaché  à  Tambassade  française 
«I  Bade,  cl  le  comte  Gustave  de  Blucher,  petit-'fiia 
du  célèbre  fbld-marécbal  prussien  ,  eurent  une 
vive  discussion,  à  la  suite  de  laquelle  ils  Tinrent 
se  battre  en  France  dans  Tile  du  Rhin ,  entre  Kelh 
et  Strasbourg.  Us  avaient  pour  témoins,  les  comlea 
Edgar  de  Luckner  et  Emmanuel  de  Groucliy, 
M.  Prosper  d'Aubrée  fut  tué.  11  n^avait  que  27  ans. 

Le  13  novembre  1834,  le  journal  de  Francfort 
publiait  Tarticle  suivant  :  u  Rien  n'est  plus  rare 
qu'un  duel  dans  la  pacifique  république  de  Franc-* 
fort.  Ou  n'en  avait  pas  vu  un  seul  depuis  celui  qiâ 
eut  lieu  eu  18-U  ,  entre  un  oSicier  polonais  msU 
traité  par  un  oillcier  de  hussards,  et  dans  lequel  ce 
dernier  resla  sur  la  place  frappé  d'une  balle  à  la 
tête.  Mais  dimanche  dernier  deux  officiers  du  bt- 
taillon  des  troupes  de  li^e  de  Francfort ,  MM.  de 


i  XXXIV.-  217 

SL-liweiscr  et  Surraxiu ,  se  sont  bulliia  au  salire.  Le 
|jrcu>ier  a  eu  la  muitié  du  nez  empurlé.  Ces  deux 
mcsoieurs  suiit  aux  arrOls  forcés.  Ou  îi^uore  encore 

(quelle  est  la  peine  qui  les  sllend.  Mais,  comme 
'Je  balaillon  faisait  partie  tious  Tenipiie  du  i-^gimeiit 
du  priuce  l'rimat  et  a  conservé  le  règlement  mili- 
Isire  français,  ou  espère  qu'il  en  sera  de  même 
quant  à  la  juridiclion.  » 

M.  de  Rotachild,  peu  de  temps  après  avoir  ilé 
rèèbaron  par  l'empereur  François  11,  Tul  provoqué 
1  duel  par  un  seigneur  de  Vienne ,  à  qui  il  avait 
efusé  de  prêter  de  l'argent  ;  il  riTiisa  ce  singulier 
xlel,  et  fui  uppruuvt^  généralement  (394). 

Je  crois  ne  pouvoir  mieux  lermîner  ce  chapitra 
que  par  la  citation  suivante  du  célèbre  ouvrage 
de  Madame  de  Staël  sur  rAllemagne. 

»  La  marche  philoBopliique  du  genre  humain 
parait  devoir  se  diviaer  en  qunlre  ères  différentes  : 
les  temps  héroïques ,  qui  fondèrent  la  civilisation  ; 
le  poiriotisme,  qui  &t  la  gloire  de  l'antiquité;  la 
chvvalcrie,  qui  fut  la  religion  guerrière  de  l'Europe  ; 
et  l'amour  de  la  liberté,  dont  t'Iiistoire  a  commencé 
vers  l'époque  de  la  réformation.  j) 

ti  L'Allemagne,  si  l'on  en  excepte  quelques  cours 
ivides  d'imiter  lu  France ,  ne  fut  point  atteinte  par 

latuité ,  rinuiiuralilé  cl  l'incrédulité,  qui,  dcjmis 


218  —  HISTOIRE  DBS  DUELS.  — 

la  régence ,  avaient  altéré  le  caractère  naturel  dci 
Français.  La  féodalité  conservait  encore  chei 
les  Allemands  des  maximes  de  chevalerie.  On  s^j 
battait  en  duel ,  il  est  vrai ,  moins  souvent  qu^en 
France ,  parce  que  la  nation  germanique  n^est  pis 
aussi  vive  que  la  nation  française ,  et  que  toutes  les 
classes  du  peuple  ne  participent  pas,  comme  en 
France,  au  sentiment  de  la  bravoure  ;  mais  Topinioa 
publicpie  était  plus  sévère  en  général  sur  tout  ce 
qui  tenait  à  la  probité.  Si  un  homme  avait  manqué 
de  quclcpie  manière  aux  lois  de  la  morale  ,  dix 
duels  par  jour  ne  l'auraient  relevé  de  Testime  de 
personne.  On  a  vu  beaucoup  dliommes  de  bonne 
compagnie ,  en  France ,  qui ,  accusés  d^une  action 
condamnable,  répondaient  :  //  5e  peut  que  cda 
soft  mal,  mais  per'sonne  du  moins  n'osera  me  k 
(lire  en  face.  Il  n\  a  pas  de  propos  qui  suppose  une 
plus  grande  dépravation  ;  car  où  en  serait  la  société 
humaine  s^il  sufTlsait  de  se  tuer  les  uns  les  autres 
pour  avoir  le  droit  de  se  faire  d^ailleurs  tout  le 
mal  possible  ;  de  manquer  à  sa  parole ,  de  mentir, 
pourvu  qu^on  n^osât  pas  vous  dire  :  «  Vous  en  avei 
menti  ;  »  enfui,  de  séparer  la  loyauté  de  la  bravoure, 
et  de  transformer  le  courage  en  un  moyen  d'im- 
punité sociale  f  » 

u  L'esprit  de  chevalerie  règne  encore  chei  !« 
Allemands  pour  ainsi  dire  passivement  ;  ils  scmi 


—  CIIAVITRE   XXXIV.—  219 

ii:a|>ablt;s  de  trtimjicr ,  et  leur  lovnult;  serelnuive 
«tniis  Ions  les  r»|)|)()rls  iiitinifs;  mnis  celte  ^iiergto 

:vcre,  qui  commandnit  aus  lioititnes  lanl  de  sa- 
crifices, aux  femmes  tant  de  vertus,  el  raisaît  de 

»  vie  enlièrc  une  truvre  sainte  où  dominait  loujoui'S 
la  mi?me  pensée;  celle  énergie  chevaleresque  de» 
lrmj>9  jadis  n'a  laissé  dans  l'Allemagne  qu'une 
empreinte  uffacÈe.  Bien  de  grand  ne  s'j  fera  désor- 
mais que  par  Timpulsion  libérale  qui  a  succéda 
doDS  l'Europe  h  la  chevalerie.  » 

Il  n'est  pas  étonnant  d'entendre  Pilluslrc  CIiA- 
tcaubriand  s'écrier  :  ii  J'aime  l'Allemagne,  j'admire 
I  vertus  domestiques,  ses  mœurs  hospitalières, 
«on  sentiment  poétique  et  religieux ,  et  son  amour 
de  la  science.  On  y  éprouve  cette  puissance  îiivi- 
Mble  qui  vous  cache  le  positif  du  monde  elle  pro- 


Hisme  de  la  vie.  »  Etudes  fu'sioi 


iques. 


Ajoutons  qu'il  n'est  pas  de  cour  en  Europe  plu» 
|iure  que  celle  de  Vienne ,  comme  il  n'y  avait  pas 
(l'administration  plus  paternelle ,  de  mœurs  plua 
louées  et  plus  palriarchales  que  celles  du  dernier 
empereur  François  II ,  dont  on  vient  d'annoncer  la 
lort.  Jamais  et  eu  aucun  len][>s,  dans  aucune  des 
cours  de  l'Allemagne,  on  ne  vît  de  ces  débauches  et 
de  ces  atrocités  qui  ont  si  long-temps  déshuiiuré 
celles  de  France,  d'Angleterre,  de  Russie  el  d'Italie. 
£t  l'uu  parle  d'aller  lègcnérct  un  tel  peuple  ! 


CHAPITRE    XXXV. 


Duels  en  Suisse. 


Lfs  Ilulvétiens,  peuple  de  race  germaine,  don- 
nèrent leur  nom  à  cette  partie  de  la  Gaule  Iran- 
salpiue  où  le  Khône  ci  le  Rliiu  prennent  leur  source. 
Ils  ne  Poccupaient  pas  encore  au  temps  de  Polybe. 
Leur  d^*placemcnl  parait  devoir  être  fixé  à  Fépoque 
de  la  première  invasion  des  Cimbres  dont  le  débor- 
dement les  accula  aux  montagnes  qui  séparent  k 
( jcnnanie  de  la  Gaule  et  de  Tltalie.  Polyb,  ,  lib.  X, 
cap,  8.  —  Strabon,  lib.  I^,pag*  135.— Plctascb. 
in  Mario,  pag.  139.  — Du  Bcât,  UisU  anc^  Jts 
J^ctip.  {le  VEur,,  liw  IF' y  chap.  4. 

Le  gouvernement  de  rilelvétie  au  temps  de 
Jules-Cèsar  ressemblait  assez  à  celui  qu^eQe  poi« 
bède  aujourd'hui.  Le  général  romain  la  troutt 
divisée  en  quatre  cantons ,  m  quatuor  pagos.  Les 
liiibitans  de  Tun  de  ces  cantons  appelé  Tigurinus, 
qu'on  croit  le  canton  de  Zurich,  ayant  fait  vcrtf 
Tau  5S  avant  J.  C. ,  une  première  irruption  dans 


(— (TIHPITRE   XXXV.  —  221 

ks  Hauleg  sous  la  rondnîtc  d'un  chef  nommé 
Divicon  ,  avnienl  surpris  et  laillè  en  pièces  une 
armée  romaine  cl  fnil  pnsser  sous  le  joug  le  consul 
L.  Casaiiis  avec  un  grand  nombre  de  prisonniers. 
On  leur  avait  demanda  des  otages  ,  et  Divicon 
avait  répondu  :  Les  Siu.tscs  en  reçoivent ,  mats  n'en 
donnent  pas. 

Dés  les  premières  années  du  gouvernement  de 
César  ,  une  armée  beaucoup  plus  considérable 
Toulut  tenter  le  passage  sur  les  terres  de  la  province 
romaine ,  pour  aller  s'élablir  dans  le  midj  de  la 
Gaule  ;  mais  elle  fut  repoussée  et  taillée  en  pièces. 
Ce  Tilt  le  premier  exploit  de  César  dans  les  Gaules 
vl  celui  dont  il  parle  avec  le  plus  de  complaisance 
dans  ses  Commentaires.  On  peut  juger  de  l'impor- 
tance qu'avait  alors  la  nation  belvétienne  par  le 
dénombrement  des  forces  de  l'expédition  d'après 
un  état  en  langue  grecque  trouvé  dans  le  camp  des 
vaincus.  Elle  montait  à  trois  cent  soixante  -  huit 
mille  personnes ,  dont  quatre-vingl-douie  mille 
combattans ,  et  il  n'en  rentra  en  Suisse  que  cent-dix 
mille.  Les  Helvétiena ,  d'après  le  témoignage  même 
du  vainqueur  ,  étaient  les  premiers  des  peuple.^ 
Celtiques  pour  la  valeur  guerrière.  Ils  se  trouvaient 
trop  i  l'étroit  pour  leur  nombre  et  leur  murage  dans 
lin  Mpacc  de  soixante  lienca  de  long  sur  quarante- 
cinq  de  large,  et  n'aspiraient  qu'i  en  sortir  (395). 


222  —  HISTOIRK    DES    DUKL».  — » 

Le  projet  de  celle  expédition  avait  été  poiir 
Orgetorix  ,  qui  tenait  le  premier  rang  parmi  les 
Ilelvétiens  par  sa  naissance  et  sa  fortune ,  un  pré- 
texte de  chercher  à  s^emparer  du  rang  suprême. 
II  sY'tait  (îoncerlé  à  cet  effet  avec  Dumnorix  d'Au- 
lun  et  Casticus ,  chef  des  Séquaniens ,  h  qui  iL  avait 
inspiré  la  même  ambition.  Mais  les  Helvétiens  ayant 
découvert  les  menées  d^Orgetorix  ,  s^assurérent  de 
sa  personne  et  se  préparaient  à  lui  faire  son  procès. 
Le  feu  devait  être  la  peine  du  coupable.  Le  jour 
fixé  pour  le  jugement ,  Orgetorix  convoque  pour  j 
assister  jusqu'à  dix  mille  personnes  prises  dans  sa 
famille  et  dans  sa  chentelle ,  et  en  impose  assex  par 
ce  moyen  pour  se  soustraire  au  jugement.  La  cité 
de  son  cûté  recourt  aux  armes  pour  que  force 
demeure  à  justice ,  et  les  magistrats  rassemblent  le 
plus  de  monde  possible  dans  les  campagnes  voisines 
pour  Topposer  au  parti  d^Orgetorix.  Mais  la  mort 
de  celui-ci  mit  lin  aux  débats.  On  le  soupçonna 
de  s'être  empoisonné.  César,  Comment.,  lib.  I, 
cap,  2  et  4. 

Tel  est  le  plus  ancien  monument  qu^on  trouve 
dans  les  historiens  romains,  sur  les  formes  judi- 
ciaires de  rilelvétie. 

Tacite  a  rendu  le  témoignage  suivant  de  la  nation 
Suisse.  Uch'clia,  gallica  gens,  olini  armis  vins- 
que,  mox  nieniorid  nominis  clavaAX  rend  compte 


!  x\xv.-  223 

Kcnixiîtp  <lu  Irnitcment  cruel  que  ce  peuple  éprouva 

■  de  la  part   de    Cécinn  ,    lieiilenant   de  Viteliius, 

p^ur  avoir  pris  le  parti  de  Galha  contre  ce  dernier. 

Des  ambassadeurs  hclvéliens  essayèrent  envaiti  de 

Bècliir  l'empereur,  dont  la  suite  se  porta  envers 

eux  k  d'indignes  Iraitcmens.   On  ose  leur  mettre 

KTépée  et  le  poing  sous  le  nez  ;    te/a   ac  numus 

■m  ora  Irgatonim  intentant.  Un  pareil  traitement 

■eut  encore  été  supportable  de  la  part  des  com- 

BpagnoDS  de  gloire  d'un   César ,  mais   de  la  part 

■jfes  compagnons  de  table  d'un  Viteliius!...  Taut.  , 

l»>Mr. ,  lib.  I,  cap.  67,  68  (■(  69. 

P     Lct  Helvéticns  décimés  par  les  armes  romaines , 

allèrent  en  s'affaiblissant ,  et  Cliarlemagne  trouva 

leur  pays  tellement  dépeuplé  qu'il  y  transféra ,  en 

I  804 ,  une  partie  des  Saxons  échappés  à  ses  armes 

^victorieuses.    Mezebay  ,  Abieg.   chioii.  ,    toin.  l, 

'g,  283.  Antsterd.    1712. 


LIIelTélie  deyint  ensuite  une  province  germa- 
que.  Au  commencement  du  14.'  siècle,  Guil- 
:  Tell ,  SloufTachcr  .  Furst  et  Mcicchtal  la 
livrèrent  du  joug  autricliien.  Trois  cantons , 
Pnterwald,  Ury  et  Schwytz,  ayant  proclamé  leur 
ndépendance,  formèrent  la  première  Confédération 
isie.  Ce  dernier  canton  eut  la  gloire  de  donner 
k  nom  Ji  la  nation  régénérée,  parce  qu'il  avait 


6té  le  tliéAtre  des  deux  principaux  combats  ou  h 
liberté  renit  la  sanction  de  la  victoire. 

I^c  gouverneur  autrichien  Gessier ,  le  tyran  de 
la  Suisse ,  n^avait  relevé  le  défi  que  lui  porta  Giiil* 
laume  Tell  en  lui  montrant  la  flèche  cachée  qu'il 
lui  destinait  y  si  la  première  s'était  égarée  sur  la 
tète  de  son  (ils ,  qu'en  le  mettant  aux  fers.  Mais  il 
n'échappa  pas  plus  tard  au  trait  vengeur  du  héros 
hcivéticn  qui  le  tua  comme  on  tue  les  tyrans  (398). 

Les  Suisses  assurèrent  leur  indépendance  par  des 
exploits  d'une  valeur  inouie.  Ils  renouvelèrent  deux 
fois  le  dévouement  de  Léonidas  au  défilé  de  Mor- 
garten  ,  où  nOO  des  leurs  arrêtèrent  Tannée  autri- 
chienne ;  et  plus  tard  en  1444,  1,200  Suisses 
périrent  à  Bottelem,  après  avoir  fait  éprouver  k 
Farméc  française  une  perle  de  6,000  hommes.  Ce 
trait  de  courage  leur  valut  l'admiration  et  la  dan- 
gereuse amitié  de  Louis  XI  qui  prit  des  troupes  à 
sa  solde ,  premier  exemple  des  Capitulations  que 
les  rois  de  France  ont  imitées  depuis. 

Ia's  Suisses  aciievérent  de  s'assurer  un  rang  dis- 
tingué dans  la  polilicjue  européenne  par  la  glorieuse 
guerre  qu'IN  soutinrent  contre  le  dernier  duc  de 
Roiugognc,  Charles  dit  le  Hardi,  le  Guerrier ,  le 
Tcnihlc,  le  Tvmôrairc.  qui  venait  de  faire  trem- 
bler la  Fraiire  el  sa  capitale  après  la  virloire  de 
Monllhrry.  Abandonnés  par  Louis  XI ,  leur  alli^, 


(T  -  225 

'  CM  inlrépidps  monlagnard.s  NuppK'cnt  an  nombre 
por  l'iiilr^pidilé,  et  les  cliampa  célèbres  de  Granson 
cl  «le  Moral  devicnncnl  le  terme  de  la  course  aven- 
lurcuac  de  rimpëlueux  Bourguignon  ,  qui  la  vit 
bientôt  après  se  terminer  avec  so  vie  devant  Nancy , 
où  il  retrouva  encore  les  Suisses  et  leur  indomptable 
roura^c. 

Le  sujet  de  celle  guerre  avait  Hè  une  querelle 
entre  un  unisse,  marchand  de  peaux,  et  les  péagers 
d'uo  seigneur  voisin ,  vassal  du  duc  de  Bourgogne. 
Va  ossuaire  célèbre  en  conserva  le  souvenir  jus- 
qu'en I7yS ,  que  des  soldats  de  la  république 
rrançaisc  crurent  l'Iionneur  national  intéressé  k 
renverser  ce  monument  de  la  victoire  d'un  peuple 
libre  sur  un  tyran. 

François  I."  éprouva  encore,  en  1515,  le  cou- 
rage des  Suisses  il  la  célèbre  bataille  de  Marignan, 
que  le  maréchal  de  Trivulce  appela  un  combatde 
gèans.  Us  furent  vaincus  malgré  des  prodiges  de 
valeur ,  laissant  quatorze  mille  morts  ou  blessés  sur 
le  champ  de  bataille.  Mais  celte  fois  ils  ne  com- 
ballaient  pas  dans  leurs  montagnes  et  pour  la 
liberté.  Ils  veillaient  dans  l'intérêt  de  la  cour  de 
Jtomc  à  la  porte  de  l'Italie,  dont  ils  défendaient 
rentrée  aver  cet  intrépide  sang  froid  et  celle  iné- 
branlable fidélilt'  qu'on  retrouva  toujours  en  eux  , 
quand  un  leur  confia  la  garde  du  palais  des  rois. 
-— 15 


226  —  niilTOIRB  DBS  DUELS.— 

Les  mœurs  suisses  n^ont  rien  qui  les  distingue  de 
celles  des  autres  peuples  de  PEurope,  pendant  d 
depuis  le  moyen  Age  ,  relativement  aux  duels. 
«  Libres  sur  le  sol  natal ,  dit  Mexeray ,  ils  serrent 
partout  ailleurs.  »  Néanmoins  ils  gardent  à  titre 
de  privilèges  leurs  usages  nationaux  partout  où  le 
besoin  de  vivre  les  force  à  accepter  une  solde 
étrangère.  En  voici  un  exemple  remarquable 
donné  par  un  des  régimens  suisses  de  la  garde  de 
Louis  XVI ,  quelques  années  avant  le  licenciement 
de  1792. 

Deux  officiers  de  ce  régiment ,  le  chevalier  d'Er- 
lache  et  le  comte  de  Salis  étaient  liés  de  la  plus 
étroite  amitié.  Un  jour  au  spectacle  quelques  paroles 
vives  qu'autorisait  leur  intimité ,  firent  croire  qu^ 
s'était  élevé  entr'eux  une  querelle  qui  pouvait  avoir 
des  suites.  Des  officieux  leur  firent  envoyer  immé- 
diatement des  gardes  de  la  Connétablie.  Le  len- 
demain ils  comparurent  au  tribunal  des  maréchaux 
de  France ,  qui ,  persistant  toujours  malgré  leurs 
explications  à  les  considérer  comme  brouillés ,  leur 
enjoignit  de  se  réconcilier  et  de  s^embrasser,  ce 
qu'ils  firent  de  la  meilleure  grâce,  puisque  cette 
affaire  n'avait  à  leurs  yeux  aucune  importance. 

Cependant  les  officiers  du  régiment  regardant 
cette  intervention  du  tribunal  des  maréchaux  de 
France  comme  une  atteinte  à  leurs  privilèges  et  use 


—  cujjpitbe  wxv.  —  227 

THtlaltnn  do  leurs  capitulations ,  s'assemblent  et 
«notent  que  In  récondliation  serait  considérée 
nulle ,  éinnt  faite  sous  Tautorilé  d'un  tribunal  in- 
compétent, et  que  les  deux  «(liciers  seraient  tenus 
de  se  lintlrc  en  présence  d'un  certain  nombre  de 
}tun  rnmaradcs ,  sous  peine  d'(?lre  renvoyés  el 
dénoncés  aux  Cantons  comme  complices  d'infrac- 
tion aux  prérof!;ntivrs  nationales.  Ceux-ci  durent 
M  soumettre  h  cette  étrange  décision.  Le  duel  eut 
lieu  et  se  termina  par  un  coup  d'épée  que  reçut  le 
eomle  de  Salis  et  qui  mit  ses  jours  dans  le  pliis 
prand  danger-  Son  malbeurcux  ami  témoigna  le 
plui  violent  désespoir,  et  lui  prodigua  pendant  sa 
maladie  tous  les  soins  de  l'amilié.  Tous  deux  cn- 
Yoycrent  ensuite  d'un  commun  accord  leur  démis- 
noD  ;  mais  on  ne  voulut  pas  l'accepter.  Ils  cédèrent 
aux  instances  du  corps  où  ils  continuèrent  de  jouir 
d'une  estime  générale.  Ptirii  ,  T'enailles  el  tes 
Provinces,  tom.  tl ,  pag.  94. 


La  législation  suisse  n'esl  pas  plus  uniforme  ii 
l'égard  des  duels  qu'en  toute  autre  matière  civile 
et  criminelle-  Chaque  canton  a  ses  lois  de  police 
particulière,  et  jouit  d'une  entière  indépendance 
«o  tout  ce  qui  n'est  pas  contraire  aux  dispositions 
du  pacte  fédéral.  11  y  a  surtoul  de  notables  dif- 
lèrcnce*  entre  les  caotonB  de  la  Suisse  orientale 


228  —  mSTOlBE   DF5   DimL5.  — 

oij  Ton  parle  allemcind  et  ceux  de  la  partie  occi- 
ili'iilaU'  (|iii  se  servoiil  de  la  langue  française. 

l.rs  hornf's  rtroites  de  ce  chapitre  m'obligent 
il  nr  i'<»nsi(l6rcr  plus  particulièrcmenl  que  ce  qm 
se  passe  anjourd'luii  dans  trois  Cantons,  Bàle, 
Vaud  et  (  icnrvc.  Il  v  a  assez  de  ressemblance  dans 
les  lois  et  les  mœurs  des  étals  compris  dans  chacune 
des  deux  priui'ipales  divisions  de  la  Suisse,  pour 
qu'à  Taidc  des  document  particuliers  à  un  ou  deux 
Cantons ,  on  puisse  tirer  des  conclusions  générales 
à  regard  du  corps  entier  de  la  Nation. 

Le  canton  de  Uale  est  un  de  ceux  où  la  langue 
Allemande  esl  en  usage.  Sa  population  n'^est  que 
de  43,000  ùmes,  donl  12,000  pour  la  ville  qui  lui 
a  donné  son  nom.  Jusqu'aux  troubles  qui  ont  agité 
ce  canton  en  ISiîl  et  qui  Tonl  séparé  en  deux 
parties ,  Haie  ville  et  Baie  campagne  ,  le  duel  y 
était  à-peu-près  sans  exemple.  De  dix  en  dix  ans 
à  peine  y  entendait- on  parler  d'une  provocation, 
et  encore  était-on  sur  que  d'une  manière  ou  d'autre 
on  parviendrait  h  en  empêcher  les  suites.  Drt 
troupes  fédérales  vinrent  alors  occuper  Bàle  pour 
y  maintenir  Tordre  ,  et  les  divisions  politiques 
donnèrent  lieu  à  plusieurs  duels  entre  des  olFiciers 
de  la  garnison  et  des  militaires  balois.  En  voici 
qurhpies  exemples. 

l  n  habitant  de  Baie,  membre  du  tribunal  cri- 


—  CHAPITRE    XXÏV.  —  229 

Utel  ci  eu  KK^rnc  temps  liciileiiunl  dnns  la  milifïe 
lurgeoiae,  se  troiivunl  dans  un  cnTé  avec  quel- 
les amis,  fut  provoqué  en  duel  par  un  uffi<'îer 
I  (roupcs  TMèralcs.  On  alla  se  baltrc  ii  Siuiil- 
[Hiis,  terre  de  France.  Le  provocateur  fut  blessé 
kl  mnia. 

Un  aide-major  bâiois  ayant  appris  qu'un  officier 
isse  avait  tenu  des  propos  insutlnn?  pour  la  garde 
Id^  don!  il  faisail  partie,  Fa  sommé  de  se  ré- 
fcter  ou  d'accepter  un  rendci-vous.  Celtu-ci  n'u 
iulu  faire  ni  l'un  ni  l'autre ,  e1  quoique  provoqué 
îu  rien  se  m  eut  par  son  advcrsiiire  ,  il  a  persisté 
'■l'affaire  en  est  reslûe  16. 

ÏLe  tn^mc  aide-major  eut  encore  une  diflïcutté 
c  UQ  autre  oDicier  suisse  et  tous  deux  conviurenl 
kller  se  bnllre  sur  le  territoire  du  grand-duché 
I  «adc. 

Un  magistral  de  BAIe  campna;ne  ayant  insulté 
H  un  arlii-le  de  journal  «m  ollîriur  bernois,  il 
ksun-it  nne  rencontre  dans  laquelle  le  magistrat 
Ibis  fut  blessé  ii  la  joue. 
meus  officiers  supérieurs  ,  Piin  de  liàle  ville  , 
BMtc  de  BAIf  rampajjuo,  à  rocciisiou  du  partage 
M'arscnal  entre  les  dcuTc  cantons ,  allèrent  encore 
i  battre  h  Saint -Louis  en  France.  Le  dernier 
I  blessé. 
'IVpuis  1821  ,  hi  k-islatiou  de  H/ilc  puuil  le  duel 


230  —  niSTOIRE   DES    DUELS.  — * 

de  un  H  ([iialre  ans  de  détention ,  dont  la  durée 
doit  s'élever  de  quatre  û  huit  ans,  en  cas  de  bles- 
sures grîives  ;  et  si  les  blessures  sont  mortelles,  il 
y  a  lieu  à  une  peine  de  huit  à  douse  ans  de  fers. 
Mais  ces  peines  ne  sont  qu^une  pure  menace  et 
n'ont  jamais  été  appliquées.  On  yient  de  proposer 
un  nouveau  projet  qui  les  fait  descendre  de  plu- 
sieurs dégrés  dans  la  vue  d^en  faciliter  rapplication. 
Les  injures  privées  sont  très-rares  dans  ce  canton 
entre  les  personnes  qui  ont  reçu  de  Féducalioib 
Elles  donnent  aussi   rarement  lieu  à  des  actions 
judiciaires  dans  les  classes  inférieures.  Quand  lo 
cas  se  présente  ,  le  juge  saisi  de   la  plainte   or- 
donne une  ré|>aration  d'honneur  séance  tenante; 
il  y  joint  une  légère  amende  et  dans  les  cas  les 
plus  graves  un  court  emprisonnement. 

Le  duel  est  encore  plus  rare  dans  le  canton  de 
Vaud ,  pays  de  langue  française  et  qui  compte 
180,000  habitans.  Il  n'est  l'objet  d^aucune  pro- 
hibition particulière  et  reste  ainsi  y  k  raison  de  ses 
résultats  éventuels,  sous  l'empire  du  droit  commun. 

On  n'en  cite  guères  qu'un  seul  qui  ait  fi\é  fat- 
tcntion  dans  le  cours  du  siècle  actuel.  11  eut  des 
suites  bien  malheureuses  quoi({ue  la  cause  en  ail 
été  des  plus  minimes.  La  querelle  s^était  élevée 
au  sujet  d'un  chien  de  chasse.    Les  adversaires 


—  CUAPITRE    XXYV.  —  231 

tenaient  tous  deux  le  rang  le  plus  distingué  dans  la 
•uvi^lé.  Un  combat  cul  lieu  dans  lequel  l'un  d'eux 
resta  sur  la  place.  Un  piocès  criminel  fui  d'abord 
instruit  par  contumace  contre  le  survivant ,  qui 
obtint  ensuite  un  sauF  conduit  ptiur  venir  la  purger. 
Il  fui  cundanmé  à  la  peine  de  plusieurs  années 
de  fers  et  s'expatria  de  nouveau  pour  éviter  de  la 
subir.  Il  attendait  en  pa^s  étranger  l'expiration  du 
Icnne  de  vingt  ans  fixé  par  le  code ,  pour  la  pres- 
cription, cl  qui  était  près  de  s'accomplir,  lors- 
qu'À  la  sollicitation  de  ses  enfans ,  le  Graud-Conseil 
lui  accorda  sa  grâce  eu  1827  ou  1828. 

La  législation  du  caiilon  de  Vaud  contient  sur 
les  injures  privées  des  dispositions  assez  remar- 
({uables  dont  on  trouvera  le  texte  aux  Eclaiivis- 
semcns  hisioriijues  (397). 

La  difiaroalîon  écrite  est  l'objet  d'une  loi  spé- 
ciale qui  régie  la  police  de  la  presse.  La  poursuite 
n'a  iieu  que  sur  la  plainte  de  riitl'cnsé.  Depuis 
quatre  bus  que  la  presse  est  pleinement  bbrc  dans 
le  canton  de  Vaud ,  ou  n'y  a  vu  qu'un  seul  exempte 
de  procès  de  ce  genre. 


I 


he  canton  de   Genève   qui    comprend  50,000 

ilana ,   dont  lu  moitié  est  renfermée  dans  les 

de  U  ville  ,  se   rapproche   beaucoup  de  la 

iiicc,  dont  il  a  fait  partie  pendant  15  ans,  soit 


232  —HISTOIRE  DES   DUELS.— 

par  ses  mœurs  et  ses  habitudes ,  soit  par  sa  Kgit- 
iatiou.  Néanmoins,  le  préjugé  du  point  dlionncur 
est  loin  d'y  exercer  le  même  empire.  L'amour- 
propre  y  est  moins  susceptible  et  impreasionnable 
même  dans  la  haute  société  qui  ne  le  cède  en  rien 
à  celle  de  France  ,  pour  le  ton  et  la  polîtesBe. 
Le  Genevois  est  réfléchi  :  il  se  donne  le  temps  de 
peser  le  pour  et  le  contre  avant  de  se  livrer  à 
une  première  impression. 

Les  actions  judiciaires  pour  injures  privées  se 
circonscrivent  en  général  dans  la  classe  inférieure, 
et  on  n'en  voit  guères  d'exemples  que  de  la  part 
des  gens  h  gages  ou  des  femmes    d'artisans  qui 
peuvent  croire  leur  réputation  rétablie  par  un  ju- 
gement.  On  n'applique   d'autre  loi  que  le  code 
pénal  français  de  1810.  Il  n'y  a  point  de  législation 
spéciale  qui  punisse  la  difTamation  par  la  voie  de 
la  presse.  Les  condamnations  se  bornent  à  quel* 
ques  légères  amendes  et  à  quelques  francs  de  dom- 
mages intérêts  envers  le   plaignant.    On  trouvera 
aux  Edaivcissernens  historiques  un  tableau  statis- 
tique des  procès ,  pour  injures  privées ,  qui  ont  eu 
lieu  à  Genève  depuis  dix  ans  (398). 

On  ne  se  souvient  pas  dans  ce  canton  qu'aucun 
conflit  particulier  soit  résulté  de  la  politique  et  des 
discussions  parlementaires.  Les  rivalités  d'amour 
ont  eu  bien  rarement  de  pareilles  suites.  On  ne 


s'est  guère»  battu  de  mémoire  dMiomire  que  piiur 
tics  querelles  de  lidile  ou  de  jeu  ,  et  puur  quelqui» 
_J)ravndes  mililniics. 

'  Pannï  les  Irails  de  ce  genre   dont  le  souvenir 

l  corscpvt ,  Toirî  les  plus  remarquables. 

y  a  environ  45  ans ,  deux  Genevois  de  In  pre- 

;  classe  de  la  soeitlè,  se  fiant  h  leur  loyauté 

ïciproquc ,    se  battirent  sans  témoins  k  la  fluilc 

l'une  rivalité  d'amour,  et  en  faisant  tenir  h  l'écart 

urs  cochers  qui  les  avaient  amenés  au  lieu  du 

mdei-vous.  Le  combat  fut  terminé  par  un  voiip 

irrè,  mais  qui  n'eut  aucune  cousiqucnce  grave. 

On  cite  aussi  deux  amis  qui,  seul  ii  seul  dans  leur 

(Cambre,  s'étant  pris  sérieusement  de  querelle  sur 

un  démenti,  en  vinrent  immédiatement  aux  mains 

1  ne  »e  relircreut   qu'après   que   l'un   d'eux  fui 

l)te>>é  ,  sans  que  personne  se  fût  douté   de  leur 

Siercation. 

Lors   de  l'organisation  de  la  Garde  Nationale 

rançaise  il  y  a  environ  80  ans ,  on  vil  plusieurs 

tdueis  parmi  quelques  jeunes  gens  oisifs  qui  s'y  li- 

^traicnt  par  passe  temps  et  comme  pour  faire  l'cssiii 

de  leurs  nouvelles  armes.  Mais  ces  écarts  passagère 

d'uD   enthousiasme   juvénile    n'eurent   jamais   de 

suites  fâcheuses.  Un  officier  des  mihces  genevoises  , 

|)|]uî  s'él&ît  tait  souvent  remarquer  dans  ces  déinons- 

rlmlîoos,  eut,  en  1810,  une  all'airc  plus  sérieuse 


234  —  IIISTOIRE    DES   DOCLS. — 

avec  un  jeune  homme  d^un  rang  èk^é  :  tous  dnn 
furent  blesst'rs.  Cet  officier ,  homme  du  resie  fort 
hraye  et  loyal ,  est  le  premier  aujourd'hui  k  traiter 
le  duel  de  préjugé  et  à  en  blâmer  riaunoralité. 

En  1812,  deux  jeunes  gens  des  meilleures  la- 
milles  de  Genève  échangèrent  quelques  coups  de 
pistolet  sans  résultats ,  à  la  suite  d'une  perte  au  jeu. 

£n  1816 ,  un  combat  semblable  eut  encore  lieu 
et  se  termina  de  même. 

En  1819,  un  membre  du  tribunal  de  Genève 
se  battit  pour  un  démenti  avec  un  officier  de  la 
milice  qui  fut  blessé  à  la  main. 

tin  1822,  deux  jeunes  avocats  faisant  partie 
d\me  société  de  droit  ,  à  la  suite  d'un  propos 
insultant  proféré  par  Tun  d'eux  dans  une  délibé- 
ration de  la  société  ,  se  rendirent  à  la  frontière 
pour  se  battre  ;  mais  on  ne  fit  que  se  mettre  en 
garde.  L^aflaire  se  termina  par  une  explication 
dont  TofTensé  fut  satisfait. 

En  1829,  on  vit  à  Genève  un  duel  pour  ain« 
dire  littéraire ,  mais  qui  parut  alors  un  fait  unique. 
Un  littérateur  distingué,  auteur  de  notes  historiques 
d'un  grand  prix ,  se  trouva  offensé  par  un  article 
inséré  dans  une  Revue  française.  Il  s^en  prit  au 
correspondant  de  celle  Revue,  à  Genève,  savant 
historien  et  d'une  réputation  plus  qu'européenne. 
Celui-ci ,   sans  vouloir  se  reconnaître  auteur  de 


I  —CHAPITRE  XXXV.—  233 

rarlicle ,  consentit  ii  donner  la  satisfaction  qui  lui 
est  demandt^.  Une  renronlre  au  pistolet  eut  lieu 
sur  le  territoire  du  caiitoi».  Deux  coups  de  pistolet 

Aartireiit  ensemble  ii  un  ^gnnl  donné,  mais  aucun 

Il4'eux  ue  porta.  Dans  une  seconde  décharge,  le 
pistolet  de  ToiFensé  fit  faux  feu  et  son  adversaire 
tira  en   Tair.    L'alTaire   dut  en  rester  iJi ,  malgré 

■le  regret  de  rofTcusè   de  ne  pouvoir  la  pousser 

ijplus  loin. 

L'  Le  seul  combat  singulier  qui  ait  eu  un  cnractéro 
grave  h  raison  de  sea  circonstances  et  de  ses  ré- 
sultats, eut  lieu  en  1818  entre  deux  Français  du 
département  du  (ïard ,  <i  la  suite  de  quelques  pro- 
lenua  par  l'un  sur  la  niuilresse  de  l'autre.  On 
battit  près  de  la  ville  en  présence  de  deux  témoins 
genevois,  eufiena  militaires,  réputés  pour  que- 
relleurs d'habitude.  Le  plus  jeune  des  combattans 
fut  tué.  Son  adversaire  et  les  deux  témoins  prirent 
b  fuite.  La  clameur  publique  s'éleva  contre  ce 
duel  ;  on  parlait  de  coups  de  canne  donnés  avant 
ie  combat  à  la  victime,  comme  pour  l'étourdir, 
ou  criait  à  la  trahison...  Une  procédure  criminelle 
fut  commencée.  Des  mandais  d'amener  furent  dè- 
lés  contre  le  meurtrier  et  les  deux  témoins  ; 
lis  ils  n'ont  pu  jusqu'ici  être  mis  à  exécution ,  et 
ils  sont  restés  annexés  â  la  procédure  justiu'i  l'cx- 
piratiOD  du  terme  de  la  prescription. 


d^ 


^     fut  Cl 

beerni 
P«uis 


236  —  HISTOIRE   DES    DUELS.  — 

C^est  là  le  seul  exemple  de  poursuites  judiciaires 
pour  duel  cpron  ait  pu  découvrir  au  greffe  du 
tribunal  de  Genève  depuis  au  moins  vingt  ans. 
IXi  reste ,  il  n'y  a  pas  plus  de  loi  spéciale  sur  cet 
objet  dans  ce  canton  que  dans  celui  de  Vaud. 
Le  code  p6nal  français  de  1810  y  est  encore  en 
vigueur  avec  celte  seule  modification  que  les  juges 
sont  autorisés  pour  tous  les  cas  k  faire  descendre 
les  peines  au-dessous  du  mininum  (399) . 

Depuis  que  j'ai  rcimi  ces  documens,  les  journaux 
français  ont  publié  les  détails  suivans  sur  une  col- 
lision funeste  qui  s'csl  élevée  en  août  1834,  cuire 
doux  hommes  de  lellrcs  résidant  à  Genève.  L'un 
d'eux,  M.  Sambuc  ,  qui  s'élait  fait  remarquer  k 
Paris  dans  les  premiers  temps  de  la  révolution  de 
1830  par  Texallalion  de  ses  opinions  républicaines, 
paraissait  dévier  depuis  quelque  temps  de  la  ligne 
politique  qu'il  s'était  primitivement  tracée.  Ce 
changement  d'opinion  se  signala  plus  particulière- 
ment dans  un  procès  qu'il  intenta  h  Tun  de  ses 
anciens  amis.  M.  Allier  ,  rédacteur  de  VEwope 
Centrale  y  journal  qui  se  publiait  à  Genève,  fut  l'un 
de  ceux  cjui  lui  en  témoignèrent  hautement  leur 
désapprobation.  M.  Sambuc  s'en  vengea  par  un 
cartel ,  et  Ton  se  rendit  à  Crassier  sur  la  frontière  de 
France^  pour  vider  ce  (lilférent. 

Les  témoins  avaient  ainsi  iixé  les  conditions  du 


—  CH^FtTBF.    \V\V.—  2;Î7 

ocl.  Deu\  barrières  dcvaiciil  tire  placées  à  ïio^- 

ii(|  pas  l'une  de  l'aulre.  ChacMin  des  tronibnltuns  , 

s'être  éloigné  de  vîngt-cint]  pas  de  la  limite  , 

nii  rnpproclierail  et  lîrerait  ii  volonté  ;  mais  le 

r  qui  aurait  tiré,  devait  se  rendre aiiprés  de 

I  barrière.   Les  roup^f  qui   feraient  fiuiK  feu  ne 

l^viiienl  pas  compter.  Le  sort  avait  décidé  qu'on  se 

Irvirait  des  pistolets  de  M.  Allier.  Ce  réglemcut 

i  fait,  les  combattans  partirent  au  signal  con- 

.  Sambuc  arrivé  h  quatre  pas  environ  de  la 

Vmile,  tandis  que  M.  Allier  était  à-peu-prés  arrivé 

à  laoJennc,  lira  le  premier  et  manqua  son  adversaire, 

iKjis  se  rendit  immédiatement  h  In  plaee  prescrite. 

Hi>  Allier  tira  ii  son  tour,  mais  sun  pistolet  étant 

Kce  qu'il  parait  en  mauvais  état,  brûla  sucnesûve- 

ment  trois  amorces.  M,  Sambuc  consentit  alors  & 

donner  l'arme  dont  il  s'était  servi.  Elle  fut  chargée 

et  remise  ■)  M.  Allier  qui  tira  ainsi  une  quatrième 

H8.  Le  coup  partit  et  attei^it  M.  Sambuc  h  la 

tftTtie  supérieure  droite  de  la  Icle.  Conduit  à  Nyon, 

I  expira  deux  jours  aprcs. 

M.  Dumont ,  traducteur  et  commentateur  de 
mtham,  l'un  des  publicistcs  les  plus  célèbres  de 
mcTC ,  a  donné  le  plan  d'un  nouveau  code  pénal 
mur  ce  canton ,  <l'après  les  principes  exjiosés  dans 
!8nnmbreuinu\rngcs  sur  la  législation.  Son  pro- 


238  —  HISTOIRE  DKS  DUKLS.  ^ 

jet  classe  le  duel  parmi  les  délits,  et  le  punit  de 
quatre  ans  de  bannissement.  La  peine  serait  doublée 
en  cas  d^homicide.  Tout  proyocateur  serait  puni 
de  deux  ans  de  prison ,  s^il  a  eu  des  torts  grayes. 
On  appliquerait  la  même  peine  k  celui  des  deux 
adversaires  qui  refuserait  de  souscrire  à  la  dédsion 
des  témoins.  Tout  cas  de  duel  frauduleux  ou  sans 
témoins  resterait  soumis  au  droit  commun  qui 
punit  le  meurtre ,  les  blessures  ou  les  coups.  Enfin, 
M.  Dumont  est  d^ayis  que ,  hors  le  cas  d^homicide, 
le  délit  de  duel  ne  doit  donner  lieu  è  aucune  pour- 
suite d^office  de  la  part  du  ministère  public. 


cesl 


CHAPITRE    XXXVI. 


Bfrl»  en  Itnlie  ;  RoyDilme  dp  Nnples  el  do  Sir 
États  Romains,  Loiuljiirdie ,  Piémonl,  lies  de  i 
daigne  et  de  Corse. 


St  l'oQ  remoule  aux  plus  anciennes  traditions 
W  premiers  peuples  de  l'Italie ,  on  n'y  rencontre 
'mitres  vestiges  du  duel  que  le  combat  des  Huraces 
1  dea  Curiaces  entre  Albe  et  Rome  pour  la  aou- 
eraineté  du  Latium.  En  péDétraal  davantage  en- 
Dre  dans  les  temps  fabuleux ,  on  trouve  le  combat 
inngulier  de  Turnus  et  d'Enée  el  une  image  nssc* 
fidèle  des  joutes  du  moyen  âge  dans  la  lutte 
cesie  entre  Entelleel  Darés,  Ces  personnages  ii'i 
18  doute  existé  que  diins  l'imagination  des  poêles 
des  historiens  romains.  Mais  Iniil  re  qui  concerne 
les  Horaces  et  les  Curiares  aussi  bien  que  Romuli 
Itii-m^me ,  le  fondateur  de  la  Ville  flernellc  n 
giières  d'autres  garanties  que  ce  m^me  témoignage. 

Romniiis  passe  pour  s'^trr   débarrassé  par 
meurtre  de  son  frère  Rcmus,  ïoii  compélileur 


240  —  HISTOIRE   DES  DUELS.  — 

gouvernement  du  nouvel  Etat.  Il  nVst  pas  bien 
certain  d\iprès  le  riVil  même  de  Tite-Live,  «  ce 
meurtre  eut  lieu  en  trahison  et  h  la  manière  italienne 
moderne  ou  s'il  fut  la  suite  d'un  comhat  entre  les 
deux  frères.  Des  deux  traditions  citées  par  This- 
torien ,  la  seconde  qui  suppose  le  cond^at ,  est  la 
plus  probable  (400). 

La  conduite  de  Sextus  Tarquinius  envers  Lu- 
crèce, celle  d'Appius  envers  Virginie,  ne  furent 
pas ,  comme  elles  le  seraient  de  nos  jours,  le  sujet 
d'une  rencontre  en  champ  clos ,  mais  le  signal  de 
deux  grandes  révolutions. 

Ce  n'est  qu'au  temps  des  premières  invasions 
de  ritalic  par  les  peuples  Celtiques  de  la  Gaule, 
qu'on  commence  à  rencontrer  des  exemples  au- 
thentiques de  défis  ou  provocations  en  combat 
singulier  d^ennemis  h.  ennemis.  Dès  la  plus  haute 
antiquité ,  c'était  là  chez  les  peuples  d'origine  ger- 
manique non  seulement  un  mode  de  venger  les 
injures ,  de  terminer  les  procès ,  mais  encore  d'in- 
terroger le  sort.  l)e-lk  vient  qu'on  en  fit  ensuite  un 
Juge f fient  (le  Dieu, 

I-'an  de  Rome  3G2 ,  une  armée  de  ces  Gaulois 
depuis  long  -  temps  établis  en  Etrurie  ,  assiégeait 
Clusinm,  principale  ville  de  celle  province.  Fabius 
qui  avait  été  envoyé  vers  eux  comme  ambassadeur 
se  mcle  aux  assiégés,  et  lue  dans  une  sortie  l'un 


—  rnAriTRF  nxtvi.  —  241 

ilirh  ^niilois  avof  lequel  il  roml)»!  rnr[)S-U- 
rni|t<i,  lîrcnmis ,  nlicf  de  rexpfililîon ,  prend  net 
iictp  pour  une  vi'ulalion  «lu  ilroil  des  gens  el  rmni 
sVii  venger  par  l'incendie  de  Rome. 

Quelques  annLxs  plus  lard,  ['an  de  Rome  3fl2 , 
d.-itiH  une  seconde  invasion  des  Gaulois.  Tiin  d'eux 
d'une  taille  et  d'une  forri;  ctiranrdinaires  dffie  le 
plus  hrave  des  Romains.  T,  Miinliu^  se  prèsenle, 
le  lue  et  lui  enlève  une  cliaine  d'or  qui  lui  valut 
di^iis  le  surnom  de  Toiquntits.  Les  Gauloit 
prirent  ce  rèsullal  pour  im  présage  funeste  et  se 
relirèrenl  sans  romliallre. 

En  4(U ,  nouveau  défi  el  nouvelle  lultc  entre 
UD  «titre  Gaulois  et  M.  Valérius,  qui  en  sort  en- 
core vainqueur  et  ajoute  h  son  nom  celui  de 
Con'u.i,  d'un  corbeau  qui  pendant  l'action  sérail 
venu  prendre  sa  difcnse  contre  le  Gaulois.  L'avan- 
tage dans  tous  ces  combats  ne  manque  jamais  d'ap- 

^Btrtenîr  ii  la  nation  de  riiisloricn  qui  les  raconte. 

^|(A  Is  suite  de  ces  défis  de  IV-trangcr,  les  troupes 
romaines  avaient  pris  goût  pour  les  combats  par- 
ticuliers, et  cette  mode  avait  fait  assez  de  progrés 
pour  compromettre  la  discipline.  Le  consul  T, 
Manlius  se  vit  obligé  d'\  mettre  ordre  en  défendant 
:i  qui  que  ce  fut  de  combattre  hors  des  rangs , 
ne  qiiif  extra  orilînem  piignaret.  Cet  ordre  do 
Ahmliuf  fut  ffllul  ■>  son  fdsqui,  lU-l'ii-  par  le  Tusrulan 


242  —  HISTOIKE   DES  DUELS.  — 

Meliiis ,  rrui  pouvoir  imiter  rexemple  de  son  père 
cMi  arrcpUint  le  cartel  d^in  eiiiiemi.  'Comme  son 
|)(Te  ausr^i ,  il  fut  vainqueur ,  mais  il  paya  de  sa 
tête  sa  di'sobèissanre.  Le  père  avait  disparu  pour 
faire  plarc  au  consul   (401). 

Les  Romains  n\>nt  pas  connu  d^autres  duels  que 
ceux-là.  CV'tait  chez  eux  de  la  logique  plutôt  que 
du  respect  pour  la  vie  humaine.  On  ne  prévoyait 
pas  alors  qu^il  viendrait  une  ^"poquc  de  haute  civi- 
lisation où  le  îiec  plus  ultra  de  la  vengeance  con- 
sisterait à  recevoir  la  mort  de  la  propre  main  de 
son  ennemi.  Quand  on  avait  une  injure  à  venger, 
on  se  conduisait  comme  Milon  envers  Clodius,ou 
bien  Ton  attendait  qu^il  se  publiât  quelque  taUe 
de  proscription  où  Ton  courait  inscrire  le  nom  de 
son  ennemi  ,  comme  dans  nos  temps  moderoes 
on  glissait  celui  d'un  riche  voisin  sur  une  liste 
dVanigrés. 

Sous  les  empereurs  ,  les  tribunaux  n'offraient 
déjà  plus  que  des  ressources  assez  équivoques  i 
ceux  qui  avaient  à  invoquer  leur  justice.  Un  poète 
comique  en  a  fait  la  remarque. 

Nescis  quam  meticulosa  res  sit  ire  ad  judicem. 

Plact. 

11  faut  bien  se  garder  du  reste  déjuger  des  mœurs 
des  Romains  par  les  écrits  de  leurs  pliilosophes  qui 


—  thapithe  xxxvi.  —  243 

miivuiit  ^'laieiil  loin  cus-mOmcs  île  niellre  leur 
cdikIiiiIc  vm  lianiioiiii^  avec  leurs  maxiint^s.  Ou  a  vu 
au  tome  l.",  page  117,  celle»  de  Sénéque  et  clo 
I^K'èrnii  sur  la  vciigcaucc.  On  peut  y  joindre  ces 
tlcux  vere  de  Martial  si  applicables  aux  duettistes  : 

Noio  vinim  facili  tpii  redimit  saiijïiiinc  ramam  ; 
Hanc  ïolo  Inudari  i|iii  sine  Marie  polesl. 

Martial  écrivait  aous  Pomitien  ,    dont   il  a  Tait 
kilogc  pendant  sa  vie  et  la  satyre  après  sa  mort. 


l  Si  les  Romains  n'ont  pas  connu  le  duel  propre- 
fit  dit ,  ils  s'en  sont  bien  dédommages  par  les 
ibata  des  gladiateurs.   On  a  tu  au  tome  [,", 
:  16,   en  quoi  consistèrent  ces  cruels  passe- 
temps  des  compatriotes  de  Sénèque  et  de  Cicéron. 
Quand  il  y  eut  disette  de  chair  humaine ,  ils  mirent 
^au»  prises  des  bétes  fauves.  Ce  qu'ils  pr^Kraienl 
^Htant  tout,  c'étaient  les  combats  mixtes  d'hommes 
^^R  d'animaux.  Ce  furent  les  premiers  chrétiens  qui 
Breut  presque  tous  les  frais  de  ves  représentations. 
I.'ampliillicûtre,  où  furent  immolés  des  hécatombe» 
de  martyrs,  existe  encore  presque  en  entier  dans  la 
lapitalc  du  monde  clirélien.  Ainsi ,  L'un  des  cliefs- 
fVuvrc  les  plus  remarquables  de  In  rivitisation  de 
icienne  Rome  que  le  temps  ail  épargné ,  est  uit 
lonumcnt  de  sa  barbarie  ! 


244  —  msTOiBS  dbs  do^ls.  •=- 

Celte  civilisalion ,  qui  n'avait  d'autre  règle  qoc 
le  rationalisme  et  d^autre  flambeau  que  la  philo- 
sophie paycnne  ,  aTait  atteint  son  dernier  période, 
quand  rEyangilc  apparut  pour  renouTeler  la  face 
de  la  terre.  Cette  merveilleuse  cÎTÎlisation  n'anil 
produit  d'autre  fruit  qu'un  effroyable  luxe  dont  les 
écarts  incroyables,  prodigieux ,  inouïs,  menaçaient 
une  société  dégénérée  d'une  complète  dissolution. 

Luxuria  incubait  victuin  que  ulciscitur  orbem. 

1/an  du  monde  1656,  un  déluge  universel  Tint 
purger  la  terre  des  crimes  de  ses  habitans.  Plus 
tard,  en  2138,  cinq  Tilles  de  Judée,  Sodoinei 
Gomorrhe,  Adama,  Seboïm  et  Segor,  sont  déyorto 
par  le  feu  céleste,  selon  la  Genèse.  Strabon porte 
à  treiie  le  nombre  de  ces  villes  qu'il  dit  s'être 
abîmées  dans  un  lac  formé  par  une  éruption  vol- 
canique. Strabo,  de  situ  orbis ,  Ub.  V^ 

A  quarante  siècles  environ  de  son  origine,  le 
monde  est  cxindamné  à  subir  encore  une  de  ces 
grandes  exécutions  de  la  providence.  On  a  pu  juger 
des  mœurs  de  Sodomc  par  la  conduite  de  ses  ha- 
bitans envers  les  compagnons  de  Loth  et  par  celle 
des  filles  de  ce  patriarche  envers  leur  propre  père. 
Cependant,  quelque  hypothèse  que  puisse  créer 
l'imagination ,  il  n'est  pas  facile  de  croire  que  ces 
villes  aient  jamais  surpassé  tout  ce  que  nous 


ïsvi,-  245 

\oi)G  de  Ih  Uome  des  (lésHrs,  Les  ïaint)ueiir3  de 
I  J'uaivers  avaient  rapporU-  et  ciitussé  p^L'-niùle  daits 
■,leur  capitnle  loua  les  vires  duii  naliniis  subjuguées, 
Itftvec  leurs  rivlies  dcpoiiiHcg.  Lk  se  forma  un  iiii- 
!  Toyer  de  corrupliun,  où  l'on  vit  dwis  une 
longue  fermcnlalion  8>x;il(cr  jusqu'à  un  df-grè 
inouï,  les  él^mens  les  plus  aiitils  d'une  complète 
«lÉsorganisation  socîule. 

Ce  n'est  pas  te  feu  cOleale  qui  va  dévorer  la  mci- 
^rne  Sodume,  c'est  la  torche  incendiaire  d'Alarie, 
jt'esl  la  foudroyante  ^'pée  d'Attila.  L'un  se  dit  ponssi^ 
ners  Rome  piir  nue  force  invincible  ,  l'antre  se  fait 
pppclcr  la  terreur  de  rniiivera  et  le  fli^au  de  Dieu , 
UeUis  orbis  et Jlitgellum  Dei.  Genséric  parlant  du 
port  de  Cartlingc,  abandoime  sen  vaisseau  au  ra- 
Bcice  des  fluls  pour  aborder,  disait-il ,  où  le  pnns- 
l  U  colère  divine,  i/uô  Deux  impnUrU  (402). 
y,  Lu  moitié  de  la  population  curopËenne  fut  mois- 
lonnée  pur  la  fuuts  impitoyable  de  ces  «balteurs 
fJiomiDes,  cl  celle  de  Rorh:  ,  qui  devait  com- 
reodre  au  moins  quatre  millions  d'Iiubitans,  fut 
léduile  h  80,000.  Quand  il  n'y  avait  plus  d'en- 
tcmis  à  fgorgcr,  rinraligiible  ^pèe  des  Barbares 
B  luurnftit  coulr'eus  mèmcN ,  et  c'était  par  le  duel 
lU  le  suicide  qu'ils  se  consolaient  de  leurs  défaites. 
s  liistoricns  romains  portent  ii  240,000  la  perte 
les  Cimbrcs  et  des  Tcutun&  dans  leur  première 


246  —  HISTOIRE  DES  DUELS.  — 

expédition  contre  Tllalic.   Mais   le   désespoir  des 
vaincus  cl  surtout  celui  de  leurs  femmes ,  eut  plus 
de  part  à  celle  boucherie  que  le  glaive  des  soldais 
de  Marius.  Quand  en  405 ,  la  victoire  de  Stilicoa 
fit  manquer  la  première  attaque  des  Goths  contre 
Rome,  30,000  barbares  s'égorgèrent  dans  la  retraite. 
Zo'/iM.,  lib.  V^  p.  802. —  Oros.  ,  lib,  VII y  cap.  37. 
En  présence  de  ces  scènes  de  carnage ,  auprès 
de  ces  grandes  immolations ,  qu'élaient-ce  que  des 
meurtres  individuels  ?  Qui  pourrait  suivre  le  cours 
des  infortunes  particulières,  absorbées  qu^elles  soal 
dans  le  torrent  des  calamités  publicfues  :  La  musc 
de  riiisloire  aurait-elle  une  larme  h  donner  à  la 
perte  d^un  homme ,  lorsque  des  nations  en  maasQ 
disparaissent  de  la  face  de  la  terre  ? 

Quand  Touragan  du  Nord  eut  dispersé  les  débris 
impurs  de  la  grandeur  romaine  ;  quand  les  enfaus 
de  la  Scylhie  furent  transplantés  sur  ce  sol  illustre 
de  rautiquc  civilisation  ,  la  loi  évangélique  vint 
dompter  ces  populations  farouches  et  renouveler 
leurs  mœurs.  Le  christianisme,  après  avoir  triompîié 
de  Rome  par  le  sang  de  ses  martyrs ,  triompha  des 
vainqueurs  de  Rome  par  la  douceur  et  la  pureté 
de  sa  doctrine.  Les  Goths  ,  quoique  les  plus  re- 
doutables d'entre  les  barbares  par  leur  férocité, 
furent  les  premiers  que  la  morale  du  Christ  conquit 


—  CIMPITBË    XSXVI,—  247 

li  la  civitisaliuii.  L'empereur  Valent  avilît  cni  les 
vaguer  eu  leur  euvojant  de  bunnc  liuure  des  mis- 
hîoniiaircs  ariens  qui  Kpiuidi rciit  parmi  eus  lus 
premières  semences  <le  In  Tui.  C\'st  niiisi  que  les 
vis  qui  gouvenièreiil  la  péiùiisule  nprês  l'invasion 
des  Oslrogullis  ou  Gotlis  uritnlauK  ,  professcrciil 
(Parisnisnie.  Le  plus  illuslre  Tul  mins  runtrcdit  Th^o- 
doric,  vainqueurct  successeur  de riKrulcOdoacrG, 
iremicr  roi  de  l'Italie. 

Les  mœurs  de  ces  nouveaux  liabilnn:^  /'t.iiciit 
Ûtjh  bien  adoucies  sous  le  n'-giie  de  Théodoric 
U  commencement  du  VI. "  siéile,  si  l'on  en  juge 
nr  une  de  ses  lellres  <[ue  noua  a  cuiHcrv^es  son 
sitiislrc  Cassiodorc.  Voici  ce  (ju'il  Écrivait ,  par 
■  plume  de  ce  dernier,  aux  tribus  barbares  de 
1  Hongrie  soumises  f>  ta  moaarcbic  des  Ooths. 

«  Vous  dcvcï  exercer  voire  valeur  conirc  les 
nneniis  cl  non  contre  vons-nn'mos,  Ln  dilKrenl 
itgev  ne  doit  point  vous  porter  aux  dernières  ex- 
Irtoit^s.  Repnsez-vous  sur  lu  justice  qui  fait  la 
loÏQ  cl  la  tranquillité  du  monde.  Pourquoi  nves- 
Tous  recours  aux  duels ,  puisque  les  charges  ue  sont 
point  vénales,  ni  les  juges  ctirrupliblcs  dans  mes 
éUta  !*  Quittez  les  armes,  piiis(|ue  vous  n'avez  point 
«Temiemis  réels.  Vous  commettez  un  crime  en 
levanl  la  main  et  l'épéc  coulre  vos  parcns  pour 
lesquels  il  est  glorieux  de  mourir Pourquoi 


218  —  UISTOIRE    DES   DOELS. — 

VOII.S  servir  d'une  main  armée  ,  puisque  tous iTei 
une  langue  pour  défendre  yotrc  cause  i*  Imitez  les 
Coths  qui  savent  également  combattre  les  étraupn 
et  i>ruti(iuer  la  modération  et  la  douceur  dans  leur 
nation  (403).  » 

Ce  n'est  plus  dans  ce  style  que  les  souyeraina 
acluels  correspondent  avec  leurs  sujets.  On  cher- 
eherait  envain  de  pareils  monumens  dans  nos  ftjea 
de  civilisation  ;  ils  apparaissent  dans  ces  cycles 
hislori(|ues ,  comme  les  pyramides  ou  les  oasis  dans 
les  solitudes  égyptiennes. 

Lu  savant  distingué  de  Tépoque  actuelle, 
M.  Ampère,  a  découvert  récemment  à  Cassel  en 
W'cslphalie  ,  sur  la  couverture  intérieure  d^un  ma* 
nuscrit  provenant  de  l'ancienne  Abbaye  de  Fulde, 
un  Fragment  de  poésie  gothique  relatif  à  un  duel 
du  règne  de  Théodoric  entre  un  père  et  sou  fil8« 
Ce  fragment  assez  étendu  ,  dont  le  grand  style  rap^ 
pello  Técole  homérique,  est  écrit  en  haut  Allemand 
M.  Ami>ère  en  a  donné  une  traduction  qu'ion  trouve 
au  tome  III  des  E tuiles  liisioriqucs  de  M,  de  CIuU 
teaubriand  (404). 

Ces  belles  lois ,  dont  le  génie  précoce  de  Thé(H 
doric  avait  doté  T Italie  et  une  partie  de  T Allemagne» 
s'étaient  bientôt  évanouies  avec  la  monarchie  des 
Goths  au  miheu  de  ces  guerres  d'extermination 
qui  étaient  l'état  normal  de  cette  époque. 


wsvt.—  249 

Les  LumbiirJs  ,  la  plus  faillie ,  mais  In  plus 
guerrière-  des  tribus  germaines ,  scluii  Tin-ile  (4()5), 
uvuietit  etiTnlii  l'ilalie  eu  568  ,  sous  la  «^unduito 
d'Albuiti ,  leur  rui ,  qui  y  avait  été  ap|icl6  pur 
'eunuque  Narsca  mécontent  de  Juslinicn.  C'élniciil 
les  anciens  fp'cnilcs  tjui  habilaicnl  la  SciindiiiaviQ 
cl  qui  s'appelèrent  ensuite  Loiighaiih  du  nom  de 
leurs  longues  pertuisanes  qu^ils  nummnieni  barilvn, 
U  s'établirent  dans  la  partie  de  l'Italie  lung-temps 
appelée  la  Gaule  cisalpine  et  lui  donnèrent  leur 
C'est  dans  les  monumens  de  leur  K''^i!>laliun 
[pi'on  retrouve  les  traces  les  plus  étendues  du  duel 
et  de  la  féodalité  germaniques. 

Il  Rolliaris ,  qui  usurpa  le  Irûne  en  638 ,  dit 
Sigonius,  rappela  dans  ga  mémoire  et  rétablit  les 
anciennes  lois  de  ses  pcrea  qui  n'étaient  pas  écrites. 
Cc9  lois  étaient  semblables  à  celles  des  nations  qui 
jfll^iMient  du  Nord,  u  Sicon.  ila  i-eguo  JtuL,  t'A. 
m  et  114 . 

■V  C'apréfi  les  lois  de  Rotharia,  les  peines  en  matière 
criimnellt:  étaient  des  amendes  el  le  combat  servait 
de  preuve.  En  matière  civile,  celui  qui  avait  possédé 
un  bien  meuble  ou  immeuble  pendant  cinq  ans 
devait ,  en  cas  de  revendication  ,  se  purger  par 
duel.  Ces  m^'mes  lois  consucrcnl  le  droit  ded  femmes 

■voir  des  champions.  i.('^.  Luii^.,  lili.  If,  lit. 35. 

ha  coinbat  le  plus  remarquable  de  telle  époquo 


250  —HISTOIRE   DES   DUELS.— 

esl  celui  qui  eut  lieu  vers  626 ,  pour  purger  d^adul- 
tère  (lundeberge,  femme  de  Kliaroald,  ou  plutôt 
d\\rio\vald ,  comme  Tobserve  judicieusement  Mu- 
ralori .  Ce  duel  esl  rapporté  d'après  Paul  Diacre  par 
Frédégaire ,  dont  voici  la  traduction. 

((  La  reine  Gundeberge,  épouse  de  Kharoald, 
roi  des  Lombards,  princesse  remplie  de  vertus, de 
grâces  et  de  beauté ,  avait  chassé  de  sa  présence 
un  Lombard  nommé  Adalulf ,  qui  avait  osé  lui 
proposer  Tadultère.  Celui-ci  dans  son  dépit,  va  h 
clénoiircr  au  roi  et  lui  dit  quV*lle  veut  Tempoisonner 
pour  épouser  ensuite  le  duc  Tason ,  son  amant. 
Kharoald  trop  crédule  exile  son  épouse  et  la  Eût 
enfermer  dans  une  tour ,  quoiqu'elle  soit  la  parente 
des  rois  Francs.  Mais  un  envové  de  Clotaire  dit 
h  Kharoald  :  2\t  pounnis  mettre  un  tcmie  au  scan- 
dalc  de  cette  ajjalrc.  Ordonne  que  cet  homme  (jM 
t\i  mpj)orlé  de  tels  propos,  se  présente  anné  et  quwi 
autre  homme  prenant  parti  pour  la  reine,  se  mt' 
sure  contre  lui  en  combat  singulier,  afin  que  le 
juf^enient  de  Dieu  prononce  entre  les  deux  cham- 
pions et  fasse  connaître  si  la  fvine  Gundeberge 
est  innocente  nti  coiqudyle  de  celte  faute*  Ceci  ayant 
plu  à  Kharoald  et  aux  principaux  des  Lombards, 
il  enjoint  à  Xdahilf  de  s'armer  pour  combattre,  et 
lui  cousin  i\e  (  iundcbcrgc ,  nommé  Pitton  ,  attaque 
Adahdf.  Ayant  donc  combattu  ensemble,  Adalulf 


tel 
Ici 


—  CHAPITRE   XÏSVI.—  231 

Cfll  lut  par  PitloQ.  Cnndeberge  cal  aussitôt  nn»- 
pelte  de  l'esil  après  trois  ans  el  replncéc  sur  le 
trône.  FHEtiEoAB. ,  Chroiiic,  tiiap.  Ll  {406). 
Griinoald,  en  668,  fit  quelques  cluuigcmona  aux 
lis  de  Rotlmris,  cl  eonfirniH  aux  femmes  adul- 
tères le  droit  de  choisir  un  champion  pour  réparer 
leur  honneur. 

Luitprand,  en  713,  affermit  l'usage  du  duel, 
is  supprima  la  conQseation  des  bicua  du  vaincu. 
'«  Nous  ne  sommes  pa?  assurés,  porte  sa  lai,  du 
jugement  de  Dieu,  et  nous  avons  appris  que  des 
■nooccns  ont  péri  en  défendant  une  cause  juste; 
mais  cette  coutume  est  si  ancienne  dans  lu  nation 
des  Lombards  que  nous  ne  pouvons  la  changer, 
maigre  son  impiété.  On  voit  que  la  foi  antique, 
que  le  fatalisme  germanique  commencent  à  s'é- 
llintnler  (407). 

Chartemagnc  mit  fin  au  royaume  des  Lombards 
en  détrânant,  en  774,  Didier,  leur  dernier  roi. 
Une  grande  partie  se  dispersa  comme  les  Juifs  dont 
ÏIb  devinrent  les  émules  dans  l'art  du  Iralic  et  de 
rru«ure. 

Charlemagne,  comme  on  l'a  vu  ci-dessus  p.  192, 

de  \ains  etibrls  pour  abolir  ou  restreindre  l'usage 

du  combat  judiciaire  tant  en  Italie  qu'en  France. 

furent  les  seigneurs  ituliens  qui  niirenl  le  plus  de 

[Clialeur  à  lui  représenter   la  oéceesilé  de  revenir 


252  *—  HISTOIRE   PES    DUBLfl.  — 

k  rancienne  coutume.  Les  réglemens  que  publia 
à  cette  occasion  Chariemagne ,  ont  fait  Tobjet  de 
plusieurs  capitulaires  ajoutés  à  la  loi  des  LombarcU. 
Leg,  Longob.,  liw  II ,ut.  55,  §.  23. 

On  trouve  dans  le  Traité  de  Paul  Voët ,  Ténu* 
mération  des  cas  assez  bizarres  où  le  combat  judi- 
ciaire avait  lieu  suivant  les  lois  des  Lombards  (406). 

D^Audiguicr  parle  d'un  combat  singulier  de 
Fan  807 ,  entre  Evrard  de  Médicis ,  chevalier  fran- 
çais ,  première  tige  de  cette  illustre  maison ,  et  un 
brigand  nommé  Mugel  qui  désolait  un  canton  du 
territoire  de  Florence  qu'on  a  toujours  depub 
appelé  Mugello,  Celui-là  au  moins  était  un  boa 
duel,  un  duel  tel  qu'on  en  voyait  aux  temps 
d'Hercule  et  de  Thésée.  Les  Médicis  ont  bien  dé- 
généré depuis.  Ane,  usage  des  Duels ,  chap.  A'X* 

Vinrent  ensuite  les  Olhons  qui  s'emparèrent  de 
ritaUe  ,  quand  l'Empire  eut  passé  dans  la  race 
germanique.  Ce  fut  encore  sur  les  réclamalions 
pressantes  de  la  noblesse  italienne  qu'Othon  II, 
dans  la  célèbre  assemblée  de  Vérone  ,  en  988  > 
rétablit  l'usage  du  combat  dans  toute  sa  rigueur 
primitive  et  sans  exception  pour  personne ,  pas 
même  pour  les  femmes  et  les  ecclésiastiques.  Les 
réflexions  de  l'Auteur  de  V Esprit  îles  lois  k  cet 
égard  ont  été  rapportées  et  discutées  au  tome  I/S 
chap.  Xll  et  en  la  note  140. 


—  ciulpithe  ïytvi.—  203 

LVmperetir  Fr^cU-ric  1,",  dil  Barherousse,  fil 
Ava  règlemcns  confîrmntifs  des  duels ,  comme  on 
l'a  vu  ci-deasus  png.  201 .  Son  fiîs,  le  cruel  Henri  VI, 
accnrda ,  en  1195,  à  la  ville  de  Pavie  le  tlroil 
d'életlion  du  conseil  chorgt  de  lu  police  des  champs 
clos.  Mais  Frt'déric  II ,  son  successeur,  fil  tous  ses 
efforts  pour  corriger  ce  qu'il  y  avait  de  plus  ré- 
voltant dans  CCS  usages ,  comme  on  peut  le  voir 
par  plusieurs  articles  de  ses  Consiitiitioiis  Napo- 
litaines rapporlies  en  la  note  388. 

A  cette  même  époque  les  épreuves  par  les  élé- 
mens  ou  Ordalies  se  mêlaient  à  celles  du  combat , 
mais  elles  commençaient  aussi  ^  décroître. 
^D  En  1103  ,  Luilprand  ,  préirc  de  Milan  ,  avait 
^■iccusé  de  simonie  Grosulan  ,  son  archevêque , 
crflrant  de  prouver  son  accusation  en  traversant 
un  bùclier  enflammé,  ce  qu'il  fit.  Le  Papea'étant 
fait  informer  de  celle  aiTaire ,  n'en  prononça  pas 
moins  l'absolution  de  l'archevêque  et  exila  son 
accusateur.  MuRAToni,  Scriptor.  ivr.  Italie. 

Georges  Acropolite ,  dil  Logolhele ,  parle  d'un 
archevêque  d'Italie  qui  engageait  un  de  ses  diacres 
k  se  soumettre  à  l'épreuve  du  fer  chaud.  Celui-ci 
B^lArit  de  prendre  le  Fer ,  mais  de  la  main  du  prélat 
Vipit  alors  n'insista  plus  cl  convint  qu'il  ne  fallait 
pas  tenter  Dieu.  Logotu.  ,  apiul  fijsaril.  Ilistor. 
Scn'ptor. 


254  —  HISTOIRE   DES   DITELS.  — 

En  1137,  on  avait  fait  à  Amalfi  la  découverte 
d'un  manuscrit  des  pandectes.  L'influence  de  cet 
événement  sur  la  civilisation  de  TEurope  et  ia 
cessation  des  combats  judiciaires,  a  été  examinée 
au  tome  I.^^,  page  73  et  suiv. 

Lorsfiu'à  la  suite  de  cette  découverte ,  il  se  fut 
établi  des  écoles  où  Ton  enseignait  le  droit  romaiiii 
la  vieille  législation  des  Lombards  reçut  un  coup 
mortel.  Cependant ,  comme  il  arrive  toujours  dans 
toutes  les  révolutions,  soit  morales ,  soit  politiques, 
les  anciens  usages  rencontrèrent  de  chauds  par- 
tisans. L^un  des  principaux  fut  Charles  dit  Tocco, 
fameux  docteur  Napolitain  ,  qui  continua  d'eo- 
seigner  le  droit  lombard ,  et  soutint  qu'on  devait 
surtout  conserver  l'usage  des  duels ,  quand  même 
il  serait  mom'ais»  Maffei  ,  délia  Scienza  caval- 
leresca  y  lib,  II,  cap.  3,  pag*  165. 

Aux  13.®  et  14.*^  siècles,  s'escrimaient  de  leur  in* 
tarissable  plume  les  jurisconsultes  Balde,  Bartolle, 
Alcial ,  Mulio ,  Pozzo ,  Paris  de  Puteo  et  une  foule 
d'autres  qui  firent  du  duel  Tobjet  de  longues  et 
profondes  dissertations  où  Ton  retrouve  toutes  le? 
bizarreries  et  les  subtilités  du  temps.  Il  ne  faut  pas 
confondre  avec  ses  lourds  compilateurs  qu'on  ne 
lit  plus  ,  le  docte  Scipion  Maffei  ,  auteur  d'un 
excellent  Traité  contre  les  duels  ,  intitulé  Ddla 
Scienza  carallcresca.  Rome  1710^  in-i.^ 


—  CHAPirnE  sxsvi.  —  255 

Ce  qui  contribua  le  plus  h  faire  cesser  co  Italie 
Tusagc  des  combala  judiciaires,  ce  fut  l'établis- 
•  flement  des  communes  qui  commença  dés  le  11.* 
■iécle  et  ne  fut  imil^  en  France  qu'au  siècle  suivanl. 
Déjli  sous  Frédéric  1.^',  l'iiistonen  allemand  OUion 
de  Freisingcn  représentait  ainsi  l'état  de  l'Italie  : 
Lc9  villes  ont  tant  d'amour  pour  la  liberté  et 
^c  haine  contre  l'insolence  du  pouvoir,  qu'elles  ont 
icoué  toute  autre  autorité  que  ri^llc  de  leurs  ma- 
Ùtrals,  de  sorte  que  luule  l'Italie  est  actuellement 
mplie  de  ailles  libres.  A  peine  y  a-t-il  un  seul 
noble ,  le  marquis  de  Mont-Ferral ,  qui  ne  soît  pas 
raoumis  au  gouvernement  d'une  cité.  »  De  Gest. 
'  Frùlvr.  I,  lih.  11 ,  iuip.  13 ,  f>n^.  453. 

Du  reste ,  les  communes  de  France  ne  purent 
jamais  atteindre  au  même  degré  d'indépendance 
que  celles  d'Italie ,  qui  non  seulement  s'adminis- 
traient ,  mais  se  gouvernaient  elles-mêmes  et  jouis- 
^liaient  d'une  pleine  souveraineté.  Telle  fut  l'origine 
PP^es  nombreuses  républiques  qu'on  vit  succcssive- 
ment  dans  la  péninsule  pendant  le  cours  du  moyen 
âge-  P'ojez  MuRATom ,  .-fini,/,  liai.,  toin.  W, 
pag.  5  et  159. 

F  Toutes  ces  causes  réunies,  sans  omettre  les  croî- 

ides  dont  il  a  été  parlé  au  tome  I."',  chap.  X, 

i)lirent,  comme  partout  ailleurs,  la  puissance 

•dale  en  Italie,  et  par  contre-coup  l'usage  des 


256  *-  nisToiRF  Dcs  buëls.  — 

rdinbats  jiKliCiaires  8>n  ressentit.  Celte  puisnnre 
st»  réveilla  pourtant,  avec  tous  les  désonlres  qiri 
rarrcimpngncnt ,  dans  le  cours  du  13.^  siècle,  lu 
milieu  dos  querelles  qui  s^élerérent  pour  la  wo 
ccssion  au  trône  de  Naples ,  après  la  mort  de 
Fr/>dcric  II.  Mainfroi,  son  fils  naturel,  masacn 
Pcmpcrcur  Conrad.  Appelé  par  le  pape  Urbain  IV, 
Charles  d'Anjou,  frère  de  Saint-Louis,  Tainquil 
et  tua  Mainfroi  et  s'empara  de  la  couronne  de 
Na])l(^s  au  préjudice  de  Conradin ,  dernier  rejeton 
de  la  maison  de  Soiiabe  ,  qu'il  fil  décapiter  sur 
la  place  publique  de  Naples,  en  1269. 

Ce  prince ,  âgé  de  17  ans,  jeta  son  gant  du  haot 
de  Técliafaud  sur  la  place  publique  pour  défier 
son  meurtrier ,  et  appeler  sur  lui  la  vengeance  de 
sa  famille.  Un  cavalier  eut  la  hardiesse  de  prendre 
ce  gant  et  de  le  porter  au  gendre  de  Mainfroi, 
Pierre  III ,  roi  d'Aragon.  Celui-ci  vengea  la  mort 
de  Conradin  par  lesV<?pres  Siciliennes,  en  1282. 
Il  releva  ensuite  le  défi  de  ce  jeune  prince  par  un 
cartel  qu'il  envoya  h  Charles  d'Anjou  ,  âgé  déjà 
de  00  ans  et  qui  l'ac^cepla ,  quoique  Pierre  n'en  eut 
que  40.  iMais  celui-ci  éluda  ce  combat  par  une  ru«e 
moins  chevaleresque  que  castillanne  dont  Meieny 
rend  compte  en  ces  termes. 

<(  Il  s'avisa  d'un  vilain  stratagème  qui  lui  conserva 
la  Si<ile  aux  dépens  de  son  honneur.   Il  envoya 


—  CltlPITHB    XKÏVf.  —  257 

offrir  il  Charles  de  viiiilcr  re  grand  diflïretit  par 

cDmbttt  (le  leurs  personnes ,  asatstf s  chucun  de  cenl 

tJievaliers  d'élite.  Celui  -  ci  plus  brave  qu'avisé  , 

lepla  le   dffi  malgré  le  Lonseil  et  les  défensoB 

iléréesdu  Pape.  Le  roi  d'Angleterre,  Edouard  !.•', 

ircnt  de  tous  les  deux ,  leur  assura  le  camp  b 

rdennx.  Le  jour  fut  assigné  au  I  ."juillet  1282, 

sur  cette  parole  d'un  perfide,  Charles  leva  ira- 

■udcRiment  te  siège  de  Messine  et  accorda  la  trêve 

int  son  ennemi  sut  profiter.  Cependant  le  pape 

déploya  loulc«  les  foudres  de  son  autorité  sur  la  t^te 

de  l'Aragnnais,  l'excommunia  et  le  dégrada  de  la 

royauté.  Mais  à  tout  cela  d  était  bien  préparé,  et 

r  raillerie  du  pape  il  ne  se  faisait  plus  appeler 

ifl  le  chevalier  d'Aragon.  » 

«  Le  jour    du    combat    venu  ,   Charles   entra 

ina  le  camp  avec  ses  cent    chevaliers  et  y  de- 

eura  depuis  le  soleil  levant  jusqu'au  soleil  cou- 

l^tnl.  L'Aragonaia  n'avait  garde  de  paraître;  mais 

par  le  soir  il  arriva  en  posie  ,   et  s'en  étant  allé 

iver  le  sénéchal  de  Itordeuux ,  il  prit  acte  de 

qu'il  s'était  présenté ,  et  lui  laissa  ses  armes  en 

loignage.  Cela  fait ,  il  se  relira  en  grande  hâte 

fwgnant  d'avoir  peur  de  quelque  surprise  du  roi 

4e  France.  Bel  acte  de  cttmpnrulion  et  digne  d'ua 

rince  h  qui   ses  sujets   uni    donné    le    nom  de 

17 


288  —  fltSTOlRB  DBS  DUBtf.— - 

Brantôme  prétend  que  Pierre  arrÎTa  un  moment 
avnnt  le  coucher  du  soleil.  «  Il  entra  au  camp, 
dit-il ,  et  n^y  trouTant  point  son  ennemy  y  brafe 
et  piafle  dedans  à  la  mode  espaignole ,  prend  acte 
de  son  dcbvoir  et  diligence  et  s^en  retourne  comme 
il  était  venu.  » 

Il  avait  été  convenu  que  la  peine  du  vaincu 
ou  de  celui  qui  manquerait  au  rendez-vous  sertit 
dVtre  réputé  parjure  ,  faux ,  infidèle ,  traitre , 
éternellement  infâme  ,  indigne  du  nom  et  des 
honneurs  de  roi ,  incapable  de  toute  dignité,  con- 
damné enfin  à  n^avoir  désormais  pour  toute  suite 
qu^un  seul  sergent  ou  valet.  Rymer  ,  Fœdera» 
tom,  ly  pars  II,  pag.  213. 

Le  pape  Martin  IV  mettait  une  telle  importance 
à  empêcher  ce  combat ,  qu^aprés  avoir  inutilement 
dépéché  à  Charles  d^ Anjou,  le  cardinal  Gaiétan, 
depuis  Boniface  VIII,  pour  Ten  détourner,  il  sV 
dressa  au  roi  d'Angleterre  pour  quMl  eût  à  défendre 
le  camp ,  le  menaçant  même  d^excommunication 
en  cas  de  refus.  Celui-ci  protesta  d^abord  quHl 
abdiquerait  plutôt  sa  couronne  que  de  présider  un 
tel  combat ,  mais  il  finit  enfin  par  laisser  faire  son 
sénéchal  de  Bordeaux ,  qui  y  tint  la  cour  en  son 
nom.  Cette  lettre  du  pape,  la  réponse  d^Edouard  I** 
et  les  autres  actes  relatifs  à  cette  affaire ,  se  trouvent 
au  recueil  de  Rymer  ,  loco  citato. 


i  de  Frnnre,  Pliilippe-le-Hardi,  accotn- 
|iagnn  son  neveu  Clinrlts  datis  la  lice,  t-e  qui  fît 
sans  (loule  si  grande  peur  h  l'Aragonais.  Celui-ci 
totil  firr  du  succès  de  celte  farce  plus  digne  d'un 
écolier  que  d'un  monarque,  ae  rail  h  lancer  des 
fhctiim  contre  son  adversaire  qui  lui  rispota.  On  se 
fil  ainsi  une  guerre  de  plume  et  les  detts  princes 
inondèrent  l'Europe  de  manirestes.  Chacun  prit 
parti  selon  ses  intérêts  et  ses  affections.  Le  grave 
Alcial,  après  avnîr  pesé  le  pour  el  le  contre,  a 
trouvé  le  cas  douteux.  Dabitaliimfult  utrtus  causa 
etsct  juslior.  Alciat.  ,  ele  aing.  certam. ,  cap.  41 . 
Depuis  celte  époque ,  les  maisons  d'Aragon  et 
d'Anjou  se  diBputèrent  pendant  près  de  deux  siècles 
la  couronne  de  Naples.  La  victoire  étant  restée  à 
la  première ,  le  roi  de  France  Cliarles  YIII  vint  b  la 
fin  du  15."  siècle,  comme  héritier  de  Louis  XI, 
cessionnaire  dt;3  droits  du  dernier  prince  de  la 
maison  d'Anjou ,  réveiller  la  querelle  et  léguer  à 
■es  successeurs  des  guerres  ruineuses  qui,  après 
un  demi-siècle ,  se  terminèrent ,  comme  toutes  nos 
guerres  modernes  dans  la  péninsule,  au  désavan- 
tage de  la  France. 
H  Louis  1." ,  qui  fut  le  chef  de  la  seconde  maison 
B^Anjou  au  trûnc  de  Naples,  ne  s'est  pas  montré 
plus  avisé  que  Charles,  son  prédécesseur,  chef 
de  la  première  lirani-he.  Kn  1382 ,  il  se  laissa  auiii 


260  —  mSTOIKE  DES  Dunj.  *- 

duper  pnr  un  clùfi  de  son  compétiteur  Charles  lU, 
dit  de  Duras.  Après  avoir  échangé  ensemble  une 
série  de  cartels  de  plus  en  plus  bizarres  où  ils  s^eii- 
tredonnaicnt  force  démentis ,  ils  convinrent  d*un 
rendez-vous.  Mais  Charles,  au  lieu  de  s^y  rendre, 
profila  de  Télat  de  famine  et  de  maladie  où  toutes 
ces  temporisations  avaient  placé  Tarmée  de  soo 
adversaire  pour  Fattaquer  h  Timproviste  en  ba* 
taille  rangée.  Louis  y  fut  blessé  et  mourut  pea 
de  temps  après.  On  trouve  dans  d^Audiguier  touf 
les  détails  de  cette  affaire  avec  les  formules  de 
cartels  échangés  entre  les  deux  princes.  Ane.  usag* 
des  Duels,  chap.  XII T. 

Robert  d'Anjou,  dit  le  Sage,  petit -fils  de 
Charles  !.•',  mort  en  1343,  défié  par  le  vicomte 
de  Milan  qui  ^assiégeait  dans  G^nes ,  refusa  le 
cartel.  Il  en  fit  de  même  à  Tégard  de  Frédéric, 
roi  de  Sicile ,  qui  pour  ce  défi  fut  excommunié  par 
le  pape  Jean  XXIL  Muràtohi  ,  Script,  rer.  Italie* 

A  cette  époque ,  comme  au  temps  présent , 
cVtait  à  Naples  que  le  duel  semblait  s^étre  cen* 
tralisé.  Cette  ville  était  la  salle  d^armes  de  Htalie. 
Là,  se  dessinaient  les  plus  habiles  maîtres  d^escrime, 
là,  dissertaient  les  plus  subtils  docteurs  de  laScienza 
cm»alleresca.  Albéric  Balbiano,  connétable  de  Na- 
ples, institua  sous  Tinvocation  de  Saint  Georges  > 


-cniPiTivE  xsivr.  -  261 

ilron  des  clievaliers,  une  esuèce  d'ordre  mitî- 
ire  dont  la  tnissiun  principale  i^tnil  la  dfTcnBe 
)  l'antique  instilulion  du  duel.  Lca  nouveaux 
levalierB  vivaient  de  pillage  ,  raDçnnnaienl  le 
lye  et  otîmient  le  comlmt  k  loua  ceux  qui  ne 
trouvaient  pas  anti^raîla  de  leur  visite 
Derius,  professeur  de  droit  à  Bologne,  noua 
conservé  la  formule  de  riîeeption  du  clievalier 
qui  on  doit  dire  en  le  rrapjjiint  de  Tipte  :  «  Le 
Hip  qtic  je  VUU9  donne  est  le  dernier  outrage 
te  vous  devez  soufl'rîr  avec  patience.  »  t'oyez 
Iaffei  ,  dctla  Svienza  ca%-aUei-e.ica, 
tt  Aux  combats  d'un  h  un,  dit  LaColombiére, 
B  Italiens  Taisaient  merveille.  lia  avaient  des  coups 
et  quelques-uns  savaient  faire  tomber  Tèp^e 
mains  des  plus  forts  ennemis.  D'après  Aleiat, 
(t^hanpîon  ainsi  désarmé  ne  devait  attendre  aucun 

.rtier.  /'uj  es  tome  I,  page  124  et  la  note  169. 
I  Si ,  par  l'établissement  des  communes ,  l'Italie  fut 
larrassée  de  bonne  heure  de  ces  guerres  privées 
donjons  qui  désolèrent  la  France  jiisc]u'à 
XI,  elle  eut  en  revanche  beaucoup  à  suuf- 
de  luttes  acharnées  entre  celle  foule  de  petites 
E|Mibliques  enfantées  par  les  communes  et  qui  se 
'oraienl  dans  l'anarcliie  ou  se  déchiraient  dans 
flétcrncllcs  collisions. 
Vers  le  même  temps  surgirent  les  Guelphcs  et  les 


262  «^  HISTOIKE   DBS   DUELS.  — 

Gibelins ,  factions  rivales ,  qui  pendant  près  de  trois 
siècles  couvrirent  Pltalie  de  sang  et  de  ruines.  On 
fait  remonter  leur  origine  assez  incertaine  h  PèpKH 
que  de  la  guerre  entre  Lothaire  II  et  Roger ,  rm  de 
Sicile,  qui  soutenait  Fanti-pape  Anaclet,  de  1180 
k  1138;  mais  ce  ne  fut  que  dans  le  siècle  suivant, 
lors  des  démêlés  de  Grégoire  IX  et  de  Frédéric  II , 
que  leur  fureur  fut  à  son  plus  haut  période.  Les 
Guelphes  soutenaient  la  cause  des  papes  et  les 
Gibelins  celle  des   empereurs  germaniques.  Les 
premiers  représentaient  la  Démocratie  italienne , 
les  autres  TAristocratie. 

Depuis  les  concessions  de  Pépin  et  de  Charlc- 
magne ,  le  Saint-Siège  était  devenu  une  dualité  qui 
renfermait  le  pontife  et  le  souverain.  L^un  invoquait 
le  dieu  de  paix,  l'autre  le  dieu  des  armées.  On 
croyait  encore  voir  sYlever  au  Panlhéon  les  auteh 
de  Minerve  et  de  Bellonne.  La  Rome  des  papes 
n^avait  pas  cessé  d^tre  la  Rome  du  Polylhéisine. 
Tandis  que  le  pontife  lançait  Tanathéme  contre 
les  meurtriers  des  champs  clos  et  des  tournois, 
le  souverain  les  encourageait  sur  les  champs  de 
bataille.  Il  combattait  tout  à  la  fois  armé  des  foudres 
spirituelles  et  temporelles.  On  vit  même  encore  au 
16.®  siècle  ,  le  célèbre  Jules  II  commander  une 
armée  et  rapporter  du  combat  dans  une  église 
comme  ex  voto  un  boulet  qui  avait  failli  le  tuer. 


-CHAPITRE   XKVI.- 


Tout  ce  qui  précède  peut  expliquer  comment 

I  Français ,  lors  des  expéditions  de  Charles  VIII , 

|e  Louis  XII,  de  François  !.'■  et  de  Henri  11, 

Irouvèrent  Tusage  du  duel  si  bien  établi  et  devenu 

général  dans  la  péninsule. 

  celte  époque  de  transition  du  moyen  âge , 
I  pontiGcat  de  Léon  X ,  les  mœurs  des  peuples 
liions  et  espagnols  au  milieu  desquels  vivaient 
■  troupes  françaises ,  formèrent  avec  tes  nàtrcs  un 
lièlaDge  unique.  Ou  peut  facilement  distingiier  dans 
que  nos  armées  en  rapportèrent  en  France .  une 
imbinaison  de  l'honneur  chevaleresque  desCastil- 
n  avec  l'égoisme  rusé  des  disciples  de  Machiavel. 
Proscrits  de  bonne  heure  par  les  souverains  et 
rtout  par  les  papes,  les  duels  se  réfugièrent  aux 
amps,  derrière  leshalcs  et  les  buissons,  où  souvent, 
lieu  de  se  ballre,  on  s'assassinait.  Ces  rencontres 
pienl  lieu  sans  témoins,  ou,  si  l'on  en  amenait, 
pétaient  des  comb a ttan s  de  plus  qui  formaient  une 
irtîc  liée.  Tous  liraient  l'épée  en  même  temps  et 
dui  qui  avait  le  ptulàt  fmi  allait  aider  aux  autres, 
Hortc  qu'une  seule  partie  se  trouvait  souvent 
!0>r  à  la  fois  deux  ou  trois  adversaires  sur  les 
as.  Ce  fut  celte  belle  mode  que  nos  guerrier* 
pportérenl  en  France  et  ce  fut  au  duel  des 
ignons  de  Henri  111  en  1547  ,  qu'un  en  Qt  le 
essai-    /^.   tome  f ,  pryc   161. 


264  —  HIStOIRB   DES  DUELS.  «^ 

u  L'on  s'advisa  à  Naples ,  dit  Brantôme ,  el  s^uw 
fort  aujourd'iiuy  d^unc  autre  manière  de  combats 
qui  se  font  par  appels  et  seconds  hors  des  lilles 
aux  champs ,  aux  forêts  et  entre  les  haies  el  buissons 
d'où  estoit  venu  ce  mot  :  Combatere  à  la  mazxa^ 
Or  ces  combats  sont  fort  désapprouyés  par  les 
docteurs  duellistes ,  d'autant  qu'ils  se  faisoîent  sans 
armes  défensiTes  et  couvrant  le  corps  que  Poq 
requiert  fort  en  champ  clos,  disant  qu'autrement 
c'est  combattre  en  betcs  brutes  qui  se  Tont  eq 
aveugles  se  précipiter  à  la  mort.    »    JKémoivsà 
ioui: fiant  tes  (fuels. 

Montaigne  raconte  ainû  une  anecdote  de  famitle 
qui  se  rapporte  au  même  sujet  el  qu'il  fait  précéda 
de  quelques  réflexions,  ce  C'est  aussy  une  espèce 
de  lâcheté  ,  qui  a  introduit  en  nos  combats  sin* 
guliers  cet  usage  de  nous  accompaigner  de  se^ 
conds  et  tiers  et  quarts.  C^estoient  anciennement 
des  duels ,  ce  sont  à  cette  heure  rencontres  et 
batailles....  Outre  l'injustice  d'une  telle  action  et 
vilainie  d'engager  à  la  protection  de  vostre  honneur 
autre  valeur  et  force  que  la  vostre,  je  treuve  du 
desadvantage  à  un  homme  de  bien  d'aller  mesldp 
sa  fortune  à  celle  d'un  second —  Partout  où  il  y  s 

compaignic  le  hasard  y  est  confus  et  mcsié » 

«  J'ay  interesi  domestique  à  ce  discours;  car 
mon  frère  y  sieur  de  Matecoulom  ,  fust  coavic  i 


—  CHAPITRE    XflVT.  —  265 

tme  h  seconder  un  geulilhotnme  qu'il  ne  con- 
ÎS3QÎ1  guén;s.  (  Je  voudrois  ({vi'un  mt:  ftet  raison 

ces  luis  d'honneur  qui  \nTil  si  souvent  cliucquaiil 

troublant  celles  de  la  rnÎROD.)  Après  s'estre 
faict  de  son  liomme ,  voyant  les  denx  maiatres 
I  la  querelle  en  pîcds  encore  et  etiliere,  il  alla 
•charger  «on  cumpagnon .  Que  poovoii-ii  moins  ? 
EToit-il  BC  tenir  coy  et  regarder  dcfl'aire  ,  ai  le  sort 
lut  linsy  voulu ,  celuy  pour  la  deffcncç  duquel, 
itlà  veoui'-..  AuBsy  fViit-il  dclivr^  dcsprisona 
Italie  par  une  bien  soudaine  et  solcmne  rccom- 
indalion  de  noalre  roy.  Indiscrète  nation  !  Nous 
t  nous  contentons  pas  de  faire  savoir  nos  vices  et 
Nés  au  monde  par  réputation  :  nous  allons  aux 
liions  étrangères ,  pour  les  leur  faire  voir  en  pré- 
DCe.  Mettes  trois  François  aux  déserts  de  Lybic , 
I  ne  seront  pas  un  mois  ensemble  sans  se  harceler 

a'esgratigner.  »  Montaigne,  Essuis ,  In:  Il  ^ 
ç.  637.   Paris   1604 

«Voici,  dit  Brantôme,  un  miracle  de  trois  combats 
ul-à^-coup  que  j'ai  ouys  conter  )t  Naples  d'un 
tnlilhommc  plein  de  foy  et  vérité  et  de  là  mcsmc. 
[!e  gentilhomme  appelé  par  un  nuire  pour  quelques 
irolea ,  s'en  fust  luy  tout  seul  au  camp  où  il  trouva 
ipjielant  avec  un  second  et  tiers.  11  tue  son  ennemy 

s'en  voulant  retourner.  Toul  beau ,  lui  dit  (e 
COQâ ,  U  me  Hesplaii  oit  fort  île  n'ofoir  vengé  la 


286  —  HISTOIRB  DES  DUBLt.  — 

mort  de  mon  ami.  A  quoi  Taulre  tout  firoidemeiil  : 
S* il  ne  tient  qu'à  cela,  je  le  "veux,  et  Tenant  aux 
mains  le  gentilhomme  le  tue  auasy  de  gallant 
homme.  Le  tiers  aussy  caillant  que  les  autres  luy 
dit  :  Fraiment ,  si  "vous  n'étiez  si  las  ,  il  me  plairoii 
île  vous  oster  la  moitié  de  vostre  heur  et  honneur, 
mais  remettons  la  partie  à  demain.  A  quy  le  gea- 
lilhomme  :  Nenny,  je  ne  suis  las.  J'ayme  autant 
me  battre  tout  c/uâud  et  à  ceste  heure;  pourquoj 
passons  nous  nos  fantaisies.  L^autre  le  prit  au 
mot.  Le  Napolitain  lui  en  fit  comme  aux  deux 
autres ,  et  le  tua  de  pareil  heur ,  les  laissant  là  tous 
trois  morts  à  la  garde  de  Dieu.  » 

Le  même  auteur  parle  encore  d\m  comte  Claudio 
qui  rencontra  un  jour  à  la  campagne  quatre  soldati 
italiens  se  battant  deux  contre  deux  dans  un  parc 
h  moutons  dont  ils  avaient  fait  un  champ  clof« 
Il  voulut  les  séparer,  mais  ceux-ci  le  chargéreot 
avec  furie  et  il  n^eut  que  le  temps  de  se  mettre 
en  défense.  Il  en  tue  deux  et  oflre  aux  autres  d^en 
rester  \h.  Ceux-ci  refusent,  un  troisième  tombe 
mort ,  cl  le  quatrième  grièvement  blessé  n'échappe 
que  pour  servir  de  témoin  à  ce  brillant  exploit. 

Les  Mémoires  touchant  les  Duels  du  sire  de 
Bourdeille ,  ubbé  de  Brantôme ,  sont  en  grande 
partie  consacrés  au  récit  des  exploits  des  duellistes 
italiens  que  le  narrateur  salue  toujours  des  noms 


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—  CHAPITB2    XXXVI.—  2fi7 

les  plus  glorieux  ,  comme  tlant  sans  rivaux  dans 
«elte  partie.  La  plupart  de  ces  tiauls  faits  oiit^të 
rei:ueiUis  par  lui-même  lorsqu'il  alU  au  siège  tic 
Ite  ,  en  1565  ,  comme  amnteur  apparemment 
luisfju'il  itail  abbô.  II  fut  même  témoin  oculaire 
de  quelques-uns.  Son  frère  ,  le  capitaine  Boui^ 
deille ,  dont  il  parle  souvent ,  eut  plusieurs  affaires 
de  ce  genre  en  Piémont. 

<(  J'en  ai  ouy  beaucoup  discourir,  dit-il  ,  d 
iprÏB  de  grands  capitaines  ilal  ieiia  <pu  ont  élf:  jadis 
1e«  premiers  fondateurs  de  ces  combats  et  de  leurs 
poinctitlcs,  et  en  ont  très  bien  sreu  le»  théoriques 
et  pratiques.   Les  Espaignols  aussy,  mais  non  tant 
'eux,  Aujourd'huy  nos  braves  franrois  en  sont 
meilleurs  maistres.  Les  Italiens  qui  sont  un  peu 
plus  froids  et  advîsés  en  ces  cboses  que  nous  autres 
et  aussy  un  peu  plus  cruels ,  ont  laissé  celle  ins- 
truction aux  donneurs  et  cspargneurs  de  vies  que 
ie  plus  beau  ît  l'endroict  de  soa  ennemy  vaincu  est 
Ue  le  laisser  là  estendu,  en  ayant  soin  de  l'estropier 
des  bras  et  des  jambes  avec  une  grande  eslalilade 
»ur  la  naze  et  le  visage  pour  servir  de  mémoire.  » 
Selon  Paul  Yoct,  c'est  en   Italie  que  l'art  de 
aurait  pris  naissance.  11  en  fait  même  re- 
nier l'origine  au  temps  de  l'ancienne  Rome  , 
'après  un  texte  de  Valèrc-Maxime  {409).  Il  est 
irtoiu  qu'au  15.'  et  16.'  siècles,  les  plus  liabiles 


268  —  msTOiBE  DES  Dinsu. — 

prévôts  (le  salles  d^armes  étaient  italiens.  On  panait 
les  .Vlpcs  pour  aller  étudier  Fart  de  se  tuer  propre- 
ment ,  comme  plus  tard  on  passa  le  détroit  pour 
aller  apprendre  à  penser,  a  Nous  allons ,  dit  Mon- 
taigne j  étudier  en  Italie  Part  de  rescrime  et  Teier- 
cons  aux  dépens  de  nos  vies.  Avant  que  de  le 
sçavoir  ,  nous  trahissons  nostre  apprentissage. 
L'honneur  du  combat  consiste  en  la  jalousie  du 
courage  non  de  la  science.  »  Montaigne  ,  Essais^ 
/iV.  //,  chap.  27  y  pag.  629. 

Jarnac,  en  1547,  se  prépara  pendant  plusieuis 
mois  à  se  battre  contre  La  Chataigneraye.  Ce  fut« 
dit  Brantôme,  du  capitaine  Gaize,  italien,  qu^il 
apprit  son  coup  de  jarret  qui  depuis  porta  soo 
nom.  Ce  coup  était  décisif  à  une  époque  où  ToQ 
combattait  encore  couvert  d^armures  et  où  il  suffi- 
sait d'avoir  mis  son  homme  hors  de  combat ,  pour 
en  être  le  maître  et  en  faire  à  sa  guise,  u  IJa 
autre ,  dit-il  encore ,  le  seigneur  Pierre  Stroui 
(depuis  maréchal  de  France)  ,  lorsque  mon  oncle 
La  Chataigneraye  avoit  reçu  défenses  du  roi  Fran- 
çois L^i^  d'en  venir  aux  mains  avec  Jarnac,  luj 
conseilla  de  fausser  cet  ordre  et  de  tuer  son  homme 
iii  ognimodo.  C'esloit  un  conseil  italien.  » 

«  La  dernière  fois  c|uc  je  fus  à  Milan  ^  continue 
noire  auteur,  tournant  au  secours  de  Malthe,  j'y 
demeurai   un   mois  pour  apprendre  à   tirer  des 


\x\vi.—  269 

armes  du  grand  Tajipe  ,  irés  bon  tireur  alors. 
Mais  Je  jure  que  tant  qtic  j'y  fus ,  il  ne  se  passa 
jour  que  je  ne  visse  une  vingtaine  de  quadrilles 
I  ceux  qui  avoienl  querelles,  se  pourmener  par 
>ille ,  et  se  rencontrant  se  haltoient  et  se  luoieni 
bien  qu'une  inrmitë  restait  cstcndue  en  place 
r  le  pavé ,  mesme  qu'on  en  a  tus  qui  se  louoient 
mme  serviteurs  et  vallets,  s'allant  offrir  h  ccus 
1*118  senloient  avoir  querelle  et  vivant  de  cela 
inme  locataires  &  ce  mAtier.  n  La  même  chose 
ifiassail  en  Espagne,  f^ojez  la  note  352. 
Cette  férocité  dans  les  mœurs  et  celle  déloyauté 
kis  tes  procédés,  qui  se  propagèrent  en  France 
i  16.'  siècle,  existaient  déjh  bien  antérieurement 
i  Italie.  Brantôme  parle  d'un  certain  comte  de 
irtinengo,  Vénitien  au  service  de  France,  grand 
telliate  et  déterminé  sicaire  qui  en  usait  parfois 
rvera  ceux  qui  avaient  affaire  à  lui ,  comme  ce 
iron  de  Vitaux ,  seigneur  de  la  cour  de  Henri  111 , 
ntt  il  a  été  parlé  au  tome  1." ,  chapitre  XVII. 
On  peut  encore  juger  de  l'ilalie  de  celte  époque 
V  la  manière  dont  s';  prit  Lampugnano,  pour 
liner  ,  en  1476  .  le  duc  de  Milan  Galeas 
rie  Sforce.  «Il  le  fit  peindre,  dit  Brantôme, 
is  un  tableau  fort  au  vif  contre  lequel  il  donnoit 
la  dague  k  toutes  fuis  qu'il  y  pcnsoit  et  s'cs- 
^oit  de  la  sorte ,  et  tant  ainsy  continua  que  se 


270  —  niSTOfBB  DES  DUBLS..— 

voyant  bien  asseuré ,  il  ne  failKt  Paborder  éam 
une  église  et  liiy  en  donner  sept  coups  à  bon  e»' 
cicnt  dont  il  tomba  mort  par  terre  foui  eslendu. 
Quel  essay  !  le  sieur  de  Montaigne  n^en  a  jamais 
faict  ni  escrit  de  pareil  parmi  les  siens.  » 

Il  n^est  aucune  des  plus  célèbres  renommées 
militaires  de  Tépoque  qui  ne  se  trouve  mêlée  à  des 
combats  particuliers  en  Italie ,  soit  pour  y  prendre 
part ,  soit  pour  les  autoriser.  On  y  voit  figurer  trois 
rois  de  France ,  les  deux  Nemours  dont  Tun  Louu 
d^Armagnac,  dernier  rejeton  de  la  race  Mérovin- 
gienne, tué  à  la  bataille  de  Cérignolles  en  1503, 
Fautre  Gaston  de  Foix ,  tué  à  celle  de  Ravenne  en 
1512,  puis  les  Lautrec,  les  Trivulce,  lesStrozxi, 
les  Chabanne  La  Palice ,  les  Bonnivet ,  les  de  Guise, 
d^une  part  ;  les  Gonzalve  de  Cordoue ,  les  Pescaift, 
les  Philibert  de  Châlons  ,  prince  d^Orange ,  de 
Faulre. 

En  1528,  quatre  Florentins  combattirent  devant 
ce  dernier.  L^un  d^eux  criait  à  son  adversaire  qu^il 
avait  mis  par  terre  de  se  rendre.  Je  me  rends  à 
M.  le  prince  y  répondit  celui-ci,  —  //  ny  a  ici 
d'autre  prince  que  moi,  répliqua  Tautre ,  et  il  fallut 
qu^il  se  rendit  dans  une  autre  formule. 

Gaston  de  Foix,  duc  de  Nemours,  la  veille  de 
la  bataille  de  Ravenne  qu^il  gagna  et  où  il  fut  tué 
h  FAge  de  23  ans ,  avait  défié  le  vice-roi  de  Naples 


—  CHÂirraE  KHTvi.—  271 

'Je  sa  personne  à  la  sienne;  maU  il  lui  fut  répondu 
par  le  marquis  de  Padulphe  «  que  le  YÎce-roi  ne 
se  fiait  pas  lant  k  sa  personne  qu'il  put  y  condes- 
cendre. » 

Voici  un  Irait  où  le  m^mc  duc  de  N^emoura  et 
le  capitaine  Bayard  ont  joué  un  rôle  aascr  remar- 
quable et  qiie  BrantAme  raconte  en  ces  termes, 
d'après  la  yie  de  Bayant  par  son  loyal  serviteur. 

«  Lorsque  M.  de  Nemours  esinit  à  Ferrare ,  il  y 
euM  deux  braves  et  gallanls  capitaines ,  qui  avoient 
nom  AxeTedo  et  Saincte-Croix ,  les  quels  par  la 
grande  renommée  de  la  valeur  et  prudliommie  de 
ce  brave  prince,  ayant  une  grande  querelle,  s'ad- 
vîsérent  de  lui  demander  )e  camp;  ce  qu'il  leur 
accorda  fort  courtoisement  l'ayant  préféré  aux 
Espaignols  k  lui  grands  adversaires  voire  k  leur 
roy  Ferdinand.  » 

<(  Le  jour  assigné  pour  le  combat,  la  diichessie 
de  Ferrare  (Lucrèce  Borgia)  s^y  voulut  trouver, 
la  quelle  estoit  pour  lors  des  plus  accomplies  prin- 
cesses de  la  chrestienté.  Aussy  M.  de  Nemours  en 
estoit  épns  vm  peu  beaucoup ,  et  en  porloît  ses 
couleurs  gris  et  noir  cl  tmc  faveur  qu'il  avoil  sur 
•oy  k  la  bataille  de  Ravennc.  Le  combat  ayant 
esté  donc  galamment  entrepris,  la  capitaine  Saincle- 
Croiic  reçut  un  tel  coup  sur  la  cuysse  qu'il  en 
eust  tout  le  haut  coupé  jusqu'il  l'os  dont  jaillit  si 


Z73  —  BISTOIIB  DBS  DCBLS.  — 

grande  abondance  de  sang ,  qu^'ainsT  qu^9  cuydi 
marcher  pour  se  Tenger ,  il  lomba.  Quoy  voyant 
Azevedo  lui  dit  :  Rtrnds  toi  Saincte-Ctmx ,  oii  ft 
te  tuerai.  Mais  il  ne  respondil  rien  ;  aîns  tenoit 
toujours  son  espée  au  poing  délibéré  plulosl  mourir 
que  de  se  rendre.  Sur  quoy  Madame  la  ducbese 
pria  à  joinctes  mains  M.  de  Nemours  qu^il  fisl 
départir  le  combat.  I^lais  il  luy  respondit  k  cda  : 
Madame  y  vous  ne  doubtez  point  combien  je  vous 
suis  serviteur  y  mais  en  ceci  je  ne  puis  rien  et  ne 
dois  ni  offenser  la  ior  du  combat ,  ni  honnestemetU 
prier  le  vainqueur  contre  la  raison  ,  ny  hty  osteree 
qui  est  sien  par  le  liazard  de  la  vie.  Mais  le  parrain, 
par  une  invention  toute  gentille ,  s^advança  et  dit  : 
Seigneur  Azes^edo ,  je  connois  bien  au  cœur  de 
Saincte^C/Xfir ,  monJiUeul,  qu'il  mtKirroif  pluiost 
que  de  se  rendre;  mais  je  me  rends  pour  Uiy. 

Ainsy  demeura  victorieux  Azevedo  qui  en  readii 
grâces  à  Dieu ,  et  fust  mené  en  triomphe  avec  clai- 
rons et  trompettes  au  logis  de  M.  de  Nemours 
qui  le  festoya  avec  grand  honneur.  Et  fust  soudain 
pansé  Saincle-Croix  et  ses  gens  remportèrent  atec 
ses  armes ,  les  quelles  Azevedo,  s^estant  oublié  de 
les  emporter  avec  hiy ,  envoya  demander  pour 
s\*n  triomplier.  Mais  on  ne  les  voulut  rendre;  dont 
les  plaintes  estant  venues  i  M.  de  Nemours  H 
au  duc  de  Ferrare,  le  bon  capitaine  Bavard,  qui 


au  vu 


—  rn^piTBE  xxxvt.  —  273 

mil  eMf  !c  mcsirc  cl  ^nrdc  du  ramp ,  eiist  commis- 
in  d'aller  dire  à  Saincte-Croix  qu'il  cusl  il  les 
que  s'il  y  conlredisoit ,  il  scroit  rapporté 
iiis  le  camp  où  luy  seroil  sa  plnye  descousiie, 
le  metlroil  en  la  même  sorle  et  estai  que  son 
ennemy  l'avoil  laissé.  Quoy  voyant  Saincto-Croix 
fiist  forcé  de  les  rendre  à  M.  de  lîayard  qui  les  porta 
au  vainqueur  ainsy  que  la  raison  le  vouloit.  fie 
Bayat-d  par  son  loyal  sen'ileur.  D'AuniGuiEii , 
XXyi.  La  Colombier Ë,  lom.  Iî,cha\>.  XFl. 
On  trouve  encore  dans  les  écrits  de  BrantAme 
el  La  Colombicre  ainsi  que  dans  les  Mémoires  du 
maréchal  deLamarck,  la  description  d'un  <;ombat 
Knlrc  deus  Espagnols  Dom  Péralle  et  Dom  Aidano , 
l'un  du  parti  tie  Louis  Xll ,  Tautre  du  pape  Jules  IL 
M.  de  Chaumont,  lieutenant-général  du  roi,  leur 
avait  octroyé  le  camp.  Les  deux  champions  étaient 
secondés  chacun  par  un  Albanais  dont  im  resta  sur 
la  place.  Ces  mcmes  auteurs  rapportent  encore  une 
foule  d'autres  combats  du  même  genre  où  furent 
tués  plusieurs  seigneurs  de  distinction  (409). 

Dom  Ferdinand  d'A valus ,  marquis  de  Pcscaire  , 
général  des  troupes  de  Charles-Quint ,  reçut  un 
cartel  de  Jean  de  Chabannes  Vandcncsse ,  b  l'occa- 
don  du  pillage  de  Corne  que  Vandenessc  lui  avait 
,rendu  à  composiliou.  n  Pour  réponse,  dit  d'Au- 
Ktdigiikr  ,  le  marquii  luv  manda  que  s'il  vouloit 
t  18 


1 


274  -*  HISTOIRE  DBS  DUELS.  — 

seiislcnir  que  ce  sac  fut  advenu  par  son  cooh 
mandemeiU  ou  permission ,  il  a\oit  menti.  La  mort 
de  Vandcnesse  tué  peu  après  à  la  retraite  de  Roma- 
gnano  avec  Bayard  ,  laissa  impunie  Farrogance 
dont  le  marquis  avoit  voulu  couvrir  sa  lâcheté.  » 
Selon  Brantôme  ,  Pescaire  n'aurait  été  empêché 
de  répondre  au  défi  que  par  l'opposition  unanime 
de  son  armée  dont  il  était  le  pèœ  et  le  plus  aimé 
général*  BbaktÔmb,  Mém,  sur  les  Duels ,  pag.  212. 
D'après  les  maximes  de  chevalerie  en  vigueur 
il  cette  époque ,  on  tenait  pour  lâcheté  de  refuser 
un  cartel  d'ennemi  à  ennemi.  Je  laisse  à  penser  ce 
qui  pouvait  en  résulter  pour  la  discipline  militaire. 
Pescaire ,  que  Brantàme  appelle  le  grand  chasseur 
des  Français  en  Italie,  a  mérité,  quoiqu^en  dise 
d'Audiguier,  la  réputation  d'un  des  plus  braves  et 
des  plus  habiles  généraux  de  son  temps.  Il  ne  refusa 
pas,  comme  on  le  verra  ci-après,  de  jouter  dans 
un  tournoi  qui  fut  presque  un  duel ,  contre  le  duc 
de  Nemours,  adversaire  plus  digne  de  lui.  Cette 
fois  il  aima  mieux  vaincre  et  faire  prisonnier 
François  1.*'  à  la  bataille  de  Pavie  ,  que  prêter 
le  collet  h  un  simple  capitaine  du  roi  de  France. 
François  l.^^  lui-même  eut  été  plus  avisé  s'il  eût 
suivi  les  avis  de  Lautrec  et  ceux  du  brave  et  sage 
maréchal  de  Chabannes  La  Palice,  qui  était  frère 
de  ce  Vandcnesse  et  à  qui  cette  funeste  bataille 


1  xxxvt.  —  275 

9tan  In  vie,  miilliPiir  |i1ii!t  irrfparnlile  nssiirémenl 
M!  la  raptivil^  tlu  roi.  On  connail  la  clioti.son 
ipulairc  faite  ii  Toccasion  de  ciHe  mort.  C'Mait 
ni  que  noire  trop  I6gùre  nalioii  sr  consolait  de 
perle  de  ses  li^ros. 

Datard  Ggura  aussi  pour  sa  part  dans  deux  duels 
I  Italie.  On  verra  par  le  rf'cit  naïvpmeni  original 
k  lo^al  senîiait  dans  sa  /'ie  tir  Jioynrd,  récit 
produit  par  Itroulôme  dan»  sq»  Atihuoii-es  sur  les 
■els  ,  fomment  le  chevalier  sans  pctir  et  sans 
l|iroclie  se  comporlail  en  cliamp  clos. 
I  n  Pnrmi  les  fairts  mémorables  <\ii  M.  de  Bavard , 
•c  parle  d'un  beau  combat  de  luy  qu'il  fisl  au 
^aumc  de  Nnpies,  contre  un  gallant  capilains 
(MÎgnol  qui  se  nommoit  D.  Alonxo  de  Solo-Maior, 
l|ue1  ayant  eslë  prisonnier  de  guerre  de  M.  de 
lyard  et  en  a^anl  pris  quelque  méconleniemeni , 
pliant  qu'il  l'avolt  très  mallraité  el  non  en  cava- 
ir  qu'il  dcvoit  être.  C'éluit  pourtant  contre  raison 
pW  disoit  cela  ;  car  au  monde  il  n'y  eusl  plus  cour- 
n  que  M.  de  Bayard.  Par  quoy  luy  bien  ennuyé 
npropfls qu'en  tenoil  l'Espaignol,  l'envoya  deffier 
BM  personne  ti  la  sienne  en  ramp  clos;  ce  que 
Rilre  accepta ,  fust  à  pied ,  futtl  it  cheval  el  brava 
Wt,  el  qu'il  ne  se  desdiroil  oncques  de  fe  qu'il 
^il  diol  de  Iny.  Le  jour  donc  assigné  ëtanl  venu, 
i.  de  I-a  Palice  ncfiompagiii-  de  dem  cent  gentils- 


276  —  HISTOIRE   DES    DUBLS.  ^ 

hommes,  emmena  M.  de  Bavard,  monté  sur  un 
beau  coursier ,  et  yeslu  tout  de  blanc  par  humiliîê, 
Encores  n'esloit  venu  le  seigneur  Alonzo.  On  en- 
voya le  haster  par  un  trompette  qui  estoit  au  sei- 
gneur La  Palicc  ,  et  qu^on  appelloit  La  Lune , 
au  quel  il  demanda  en  quel  estât  estait  le  seigneur 
de  Bayard  ;  il  respondit  qu^il  estoit  à  cheval  en 
habillement  d'homme  d'armes.  Comment ,  dit-il, 
c'est  à  moj  à  eslii^e  les  armes  et  à  luy  le  cfiamp. 
Trompette ,  va  luy  dire  que  je  veuljc  combattre  à 
pied.  Or ,  quelque  hardiesse  que  montrast  le  sei- 
gneur Alonzo ,  il  eust  bien  voulu  n^en  estre  pas 
venu  si  avant.  Il  vouloit  combattre  à  pied  parce 
qu'il  n'estoit  si  adoict  à  cheval  que  M.  de  Bayard, 
et  qu^il  sçavoit  que  ce  jour  là  estoit  son  accès  de 
fiebvre  quarte  qu^il  avoit  gardé  deux  ans  ,  dont 
estant  plus  foible  il  pensoit  en  avoir  meilleur 
marché.  )> 

c(  La  Lune  vient  vers  le  bon  chevalier  auquel 
il  dit  :  Capitaine  j  il  y  a  bien  des  îiou\^elles  ;  voslre 
homme  dict  à  ces  te  heure  quil  veut  combattre  à 
pied  et  quil  doit  eslire  les  armes,  Aussy  estoit-il 
vray,  et  comme  il  avoit  esté  auparavant  conclud  que 
le  combat  se  feroit  à  cheval ,  par-là  scmbloit  advis 
que  le  seigneur  Alonzo  vouloit  fuyr  la  lice.  Quand 
iceluybon  chevalier  eust  escouté  le  trompette,  il 
demeura  pensif  un  bien  peu ,  car  le  mesme  jour 


I 


xxsvi.  —  277 

BToit  eu  sa  fieb^re.  Nëanmoings  d'rm  couraige  de 
lyon  ,  respondit  :  La  Iaihc ,  mon  amy,  allez  le 
haster  et  luy  dicies  qu'il  ne  dcinctiivin  pas  pour 
cela  que  mijourd'/tur  ne  répare  mon  honneur 
ajrâant  Dieu  ;  et  si  le  combat  iw  hty  plai.il  à  che- 
val, je  le  ferai  tout  ainsy  qu'il  atlvisem. 

l\  y  eust  pour  garde  du  camp  M.  de  La  Palîce 
î  Irès-Iiieii  s'enlcndoît  en  ces  choses  là,  el  Tespai- 
lol  D.  Francisque  dWlteméxe.  Chacun  se  mit 
^à  genoux  pour  prier  Dieu  ;  mais  M.  de  Bayard 
\mt  courba  de  son  long  pour  baiser  la  lerrc,  el  en 
^#e  levant  fil  le  sigue  de  la  croix  ,  puis  niarcha  droiet 
à  son  ennemy  aussy  asseuré  rorrime  s'il  fusl  esté 
dans  un  palais  à  danser  parBiî  les  dames.  <> 

D.  Alonzo  de  son  costé ,  s'advança  aa  de- 
it  el  luy  demanda  :  Segnar  Bnjanlo  que  me 
lieres  ?  Il  luy  respondit  :  Je  veux  tteffendre 
mon  honneur,  el  sans  plvis  de  paroles  s'appro- 
chèrent el  se  ruérenl  chacun  plusieurs  coups. 
Tous  deuT  sToient  bon  pied ,  bon  œil  et  ne  vou- 
loîent  ruer  coup  qui  fusl  perdu.  Si  jamais  feurent 
'veus  en  champ  deux  champions  mteuls  semblans 
preudhummcs,  croyez  que  u»u.  Plusieurs  coups 
K  nièrent  l'un  sur  l'autre  sans  eul\  atteindre.  Le 
bnn  chevalier  voyant  qu'il  ne  hiy  pouvoil  porter 
dommage  s'advisa  d'une  Itnesse  ;  il  laissa  passer  le 
coup  de  son  ennemy  en  tenant  son  estoc  es  l'aii'» 


278  —  HISTOIRB   DES   DUELSi — 

el  le  prenant  à  descouvert ,  luy  va  donner  un  n 
merveilleux  coup  dedans  la  gorge  que  nonobstaDt 
la  bonté  du  gorgerin  ,  Festoc  entra  de  quatre  bons 
doigts  ,  si  qu^il  ne  le  pouvoit  retirer.  D.  Alonzo  sa 
sentant  frappé  h  mort,  saisit  au  corps  M.  de  Bayard 
qui  le  prit  aussy  comme  par  manière  de  luicte ,  el 
se  pourmenérent  si  bien  que  tous  deux  tombèrent 
à  terre  Fun  près  de  Tautre.  Mais  M.  de  Bayard, 
diligent  et  soudain ,  prit  son  poignard  et  le  mit 
dans  les  nazeaux  de  son  ennemy  en  luy  escrianl  ; 
Rendez^vous  seigneur  Alonzo  ,  ou  vous  êtes  morî% 
Mais  il  n'avoit  garde  de  parler,  car  déjà  es!oit 
trespassé.  » 

c(  Lors  son  parrain  commença  à  dire  :  Segnor 
Bajardo  ja  es  mueno  y  vencido  hav^ejs;  ce  quy 
fust  trouvé  incontinent,  car  plus  ne  remua  pieds 
ne  mains.  Quy  fust  bien  desplaisant ,  ce  fust  le 
bon  chevalier  ,  car  s^il  eust  eu  cent  mille  éciis , 
il  les  eust  voulu  avoir  donnés ,  et  qu^il  Peust  pu 
vaincre  vif.  Ce  néanmoins  ,  en  reconnaissant  la 
grâce  que  Dieu  luy  avoit  faicte ,  se  mit  à  genoux 
le  remerciant  très  humblement ,  puis  baisa  par  trois 
fois  la  terre.  Après  tira  son  ennemy  hors  du  camp 
et  dict  à  son  parrain  :  Seigneur  D.  Diego  en  aj-je 
assez  Jaict  ?  le  quel  respondil  piteusement  :  Hoiio 
y  demasiado  >  Segnor  Bajardo  ^  por  la  honra  de 
Espagna.  Vous  savez ,  adjouta  le  chevalier  Bayard, 


;  xx%vi.-  279 

qu'il  est  k  moy  à  faire  du  corps  ii  ma  vulonlé  ; 
tnulerois  je  vous  le  rends  el  vrajinenl  je  vouldroia 
mon  honneur  sauf  qu'il  fusl  autrement.  » 

^11  Bref  les  Espaignols  emportèrent  leur  cliam- 
npion  en  luraenlablcs  plaints,  et  les  François  em- 
menèrent le  leur  avec  trompeltfs  et  clairons  jus- 
quVn  la  garnison  du  bon  seigneur  La  Police,  où 
avant  autre  cliuse  le  bon  chevali<!r  alla  h  l'É^lisu 
Mjgeeinereier  N  otre-Scîgneur.  i> 

^^  Il  est  parlé  dans  la  f j>  ile  Bayait/,  par  le  président 
d'Eipilly,  d'un  autre  combat  qu'il  soutint  en  Italie 
contre  un  gcntilbomme  milanais  nommé  lliacinllio 
Simoneta.  Le  loyal  seniieur  oe  dit  rien  de  celte 
•anecdote  dont  l'époque  devrait  être  fixée  irers 
ITannée  1499.  Alciat  et  La  Colombiérc,  qui  en  font 
lUssi  mention  ,  n'en  nnt  donné  aucun  détail. 
I.  le  marquis  de  Fortiit  d'Urlian  y  a  suppléé  dans 
B  F'ie  de  Crillim  où  il  dit  qtte  ce  Simoncla  était 
tétri  de  sufTisance  et  de  vanité ,  el  qu'ayant  ulfeusè 
layard  il  eu  fut  tué  en  champ  clos,  fie  de  C/iUon  , 
.  If,  pag.  ail  (410). 
Il  a  été  bit  mentioa  ri-dessus ,  page  H ,  d'ut» 
wmbal  de  deux  capitaines  français ,  autorisé  ,  en 
I&21 ,  par  le  chevahcr  Bavard  ,  contre  deux  sei- 
;iicurs  Qmnauds ,  {tendant  te  siège  de  Mczîéres. 
>n  trouvera  aussi  eu  la  note  34(> ,  quelques  détail» 
lar  les  tournois  auxquels  a  pris  part  lu  boa  chcvuliett 


280  —  HISTOiRB   DES  DUELS.  — 

Chose   digne   de   remarque   !    Dans   un  siëck 
où   les  duels  élaient  autorisés  par  tant  d^illuslrci 
exemples ,  on  ne  vit  jamais  le  chevalier  Bayard 
iigurer  dans*  un  seul  combat  de   français  conUt 
Trançais.  u  II  est  facile  de  juger,  dit  M.  le  marquis 
de  Fortia  d'Urban ,  par  les  pieuses  démonstratioiM 
de  Bayard  qu^il  ne  soupçonnait  rien  de  répréhensible 
dans  ces  combats  où  il  s^agissail  de  querelles  per^ 
sonnellcs.  Il  les  croyait  permis  devant  Dieu,  comme 
ils  Tétaient  devant  les  hommes.  Cétait  le  préjugé 
commun  de  son  temps.  »   Fie  de   Crillon ,  loco 

çUato  y  page  364. 

Lors  de  l'expédition  du  duc  de  Guise  ,  sous 
Henri  11,  en  1557,  il  y  eut  un  duel  à  Ferrare  en 
présence  du  duc  Hercule  d'Est  et  de  son  frère  le 
cardinal.  On  se  battit  aux  flambeaux  dans  une  salle 
close  que  le  duc  avait  fait  préparer  à  cet  effet. 

  la  même  époque ,  un  capitaine  gascon  nommé 
Prouillan  se  battit  au  Monle-Rolundo  près  Rome, 
avec  un  capitame  italien  au  service  de  France.  «  Le 
subject  de  leur  querelle  étoit  grand ,  dit  Brantôme , 
car  Prouillan  s'esloit  cschappé  à  dire  que  tous  les 
Italiens  esloienl  b....  ;  c'csloit  trop.  M.  de  Pieaoe 
fusl  parrain  de  Prouillan  et  Paulo  Jordan  de  Pltalien. 
Celui-ci  fut  vainqueur  et  s'en  alla  à  Rome  où  il 
entra  avec  grande  resjouissance  et  applaudissemeos 
des  siens  et  grands  cris  qu'un  chascun  faisoit  * 
F'icloria!  Victoria!  llionor  délia patiia  saU'a*  a 


-CNAPiTRi:  xxwi.-  281 

Le  Piémonl  fui  occupù  jiar  les  armées  rriiiii'HiM:<i 

Liil  la  plus  gnmdf  pnriii:  île  In  prcniii^re  p^TÎode 

16.'  siéfle.  "  l.e  duel  y  aToit  la  plus  grande 

;ue,   dit  Brantâme  ,  eî  bien    qu'on   disoit  ca 

™*erbe  :   Gardez-i'iMS  li'tin  liulît  tht  Pii-iiioiU. 

'estoit  à  chaque  iiisluut  des  «buâ ,  insolences ,  es- 

iDdales,  esclandres,  superebcrics,  cslretlcs,  aller- 

Il3  el  meurlrea.  ii  Noire  auteur  en  donne  pour 

!uve  une  foule  de  duels  qu'il  raconte  avec  sa 

prolixité  ordinaire  ,  nolammenl  plusieurs  alTaîres 

de  son  frère  le  capilainc  Bourdeillc ,  grand  brelleur 

du  temps,   et  le  combat  de  ucs  deux  oQiciers  Piè- 

mODlais  au  sujet  de  la  mort  de  sou  oncle  La  Cba- 

■■îgneraye,  dont  il  a  èlé  parlé  au  tom.  1.",  png.  48. 

■    Le  prince  de  Melfe-Caraccioli,  qui  commanda 

en  Piémont  pour  François  I."^,  depuis  15-45  jus- 

qiiVn  1550,  lit  divers  nSglemens  pour  amorlir  les 

duels  sans  en  obtenir  beaucoup  de  succès.  Comme 

lieu  le  plus  ordinaire  des  rendez-vous  était  le 

du   Pô  hi  TurÎQ ,   te  gouverneur  s'avisa  de 

difendre  sous  les  peines  les  plus  sévères  de  se  battre 

partout  ailleurs  que  sur  le  garde-fou   même  du 

poni ,  comme  aussi  de  porter  secours  ix  celui  qui 

ant  le  dessous  ou  perdant  seulcnienl  l'équilibre, 

iSombcroit  dans  la  rivière  (411). 

Le  meurtre   de   deux   ambassadeurs   français  , 
:<Siucoa  et  Fr{'gosc ,  ordonné  en  i^A'l  par  Du  G&sl , 


duels 


2S2  -*  HISTOIRE  DES   DUELS. — 

gouverneur  de  Milan  pour  Charles-Quiul ,  fui  le 
signal  d'une  nouvelle  guerre  entre  ce  monarque 
et  François  I.^'.  Il  avait  été  aussi  le  sujet  d^un 
cartel  envoyé  à  Du  Gast  par  M.  de  Langeay, 
prédécesseur  de  CaraccioH  dans  le  gouvemenieat 
du  Piémont.  Des  manifestes  furent  publiés  k  celte 
occasion  et  envoyés  à  la  chambre  impériale  oii 
M.  de  Langeay  voulait  obtenir  justice  du  refus  de 
son  adversaire.  Mais  la  mort  du  premier  arrivée 
sous  ces  entrefaites ,  mit  fin  au  débat. 

Les  choses  ne  se  passaient  gucrcs  mieux  en  Savoie 
où  les  souverains  donnaient  eux-mêmes  Texemple. 
Dans  un  des  fréquens  démêlés  survenus  entre 
Amédée  V,  dit  le  Grand,  comte  de  Savoie,  et  le 
dernier  dauphin  de  Viennois ,  Humbert  II ,  qui  fit 
en  1343  cession  du  Dauphiné  à  la  France ,  celui-ci 
ayant  reçu  un  cartel ,  fil  cette  réponse  au  héraut 
qui  le  lui  apportait  :  Mon  amyy  di  à  ton  maistre 
(jfue  la  vertu  d'un  Prince  ne  consiste  point  en  ta 
force  corporelle  et  gués' il  se  veut  tant  vanter  d'eslrt 
fort,  nerveux  et  robuste,  je  luj  responds  que  je 
naj  taureau  qui  ne  soit  plus  fort  et  roide  que  luj  : 
Par  quoy,  quand  il  s'y  voudra  esprxru\^r ,  je  luy 
en  env^oycrai.  »  Ce  trait  est  rapporté  dans  la  ChrO' 
nique  de  Savoie. 

De  Thou ,  dans  son  Histoire  Universelle  sous  h 


\vi,-  283 

'  date  de  juin  1590,  parle  d'un  caïk-l  iidressii  par 
un  autre  Améd^-e  ,  dm;  de  Savuie  i  un  f;ciiti1lioiiimo 
pommé  Saint- Jcui's  ,  et  qui  non  plu»  uVut  paa 
l  «le  sttilea. 

Charles  de   Crétjui  ,  duc  de  Lcadigiiières  ,  pair 

rt  maréi-lial  de  France  ayant,  en  lQtJ7,  einpurlâ 

le  fort  dc8  lïaneaux  aur  le  duc  de  Savoie,  Don» 

Philippin,  frère  bâtard  du  duc,  faillit  ^trc  pris  et 

^Ltte  réussit  h  s'éclinppcr  qu''t;n  cliangcanl  d'iiabita 

^B^vec  un  soldat  qui   fut  trouvé  parmi  les  morts. 

Pliilippin  n'avait  pas  pris  garde  «ju'il  laissait  ii  va 

•otdat  une  riche  écliarpe  de  femme  qui  fut  remise 

I     à  Créquî. 

Kl    Le  lendemain ,  il  envoya  un  trompette  pour  rË- 
Hnlsmer  les  morts  ;  Créqui  chargea  celui-ci  de  dire  à 
philippin  qu'il  fût  plus  soigneux  it  l'avenir  de  garder 
le«  faveurs  des  dames.  Piqué  de  celte  plaisanterie, 
I     Philippin  envoya   un  cartel  à  Crèqui  qui  s' (tant 
^feferésrnté  au  rendes-vous,  ny  trouva  pas  Philippin 
Ht|ue  le  duc  son  frère  avait  empêché  de  s'y  rendre. 
L'année  suivante ,   Créqui   fut  fait  prisonnier  du 
duc  de  Savoie  et  la  querelle  de  l'écharpc  recom- 
mença. On  convint  d'un  nouveau   rendez -vous 
I  le  fort  des  barreaux  d'où  Pliilippin  au  lieu 
rik  son  écharpe  ne  rapporta  qu'une  blessure  à  la 


Le  duc  de  Savoie ,  qui  s'était  upposé  au  premier 


284  —  niSTOinE  des  duels.  — 

rendez-vous  ,  trouva  mauvais  celte  fois  que  son 
frère  dut  Tavantage  de  la  vie  à  Créqui ,  d^autant 
plus  qu'on  accusait  celui-ci  de  s'élre  vanté  d'avoir 
eu  du  sang  de  Savoie ,  et  il  lui  signifia  qu^il  eut 
à  recommencer,  quand  il  serait  guéri.  En  consé- 
quence, nouveau  combat  qui  se  fit  dans  un  ilôt 
du  Khone  au-dessous  Saint-André ,  et  oii  Philippin 
resta  sur  la  place.  D.  Montfkucoîc,  tom.  f^,  p,  394. 

Selon  Brantàme  ,  Créqui  aurait  achevé  soi 
homme  étant  par  terre ,  et  notre  auteur  ne  manque 
pas  de  le  blâmer  d'avoir  la  première  fois  laissé  la 
vie  à  Philippin.  Mais  d'Audiguier ,  qui  raconte 
ce  duel  dans  les  plus  grands  détails,  assure  que 
«  Créquy  luy  planta  l'espée  dans  le  corps  de  telle 
roideur,  qu'il  le  renversa  et  le  cousut  contre  terre.w 
Puis  il  ajoute  :  «  Tous  ceux  de  sa  part  luy  crièrent 
alors  qu'il  le  tuast;  mais  le  second  de  ïHiihppin 
au  contraire  demanda  sa  vie.  Créquy  dit  à  Philippin 
qu'il  la  demandasl  lui-même,  mais  c^en  estoit  déjà 
faict.  Les  religieux  de  Saint- Pierre -Chastel  lui 
refusèrent  la  sépulture  selon  les  constitutions  de 
PEglise.  Le  duc  de  Savoie  ,  par  remords  de  cons- 
cience ou  par  advis  de  son  confesseur ,  avoit  des^ 
péché  un  courrier  pour  dcflendre  le  combat ,  mais 
il  esloil  arrivé  deux  heures  trop  tard.  »  D'Audiguier, 
j^nc.  usasse  des  Duels  ^  chap.  XIX, 

Pirantômc  parle  encore  d'un  capitaine  de  Savoie^ 


(V.,  -  285 

inmmé  Viry  «  qui  s'advisa  d'envoyer  une  dcIGaiice 
1  duc  de  Bourbon ,  ce  qui  fusl  trouvé  fort  iiou- 
Mii ,  mauvais  et  eslrange  de  la  part  d^un  simple 
ntilliomme  envers  un  aussy  grand  Prince.  » 

Pendant  que  les  Italiens  trouvaient  amplement 

ttalisfaire  dans  les  duels    leurs   gofits   innCs   de 

ingcancc,  ils  avaieni  aussi  les  tournois,  genre  de 

l'^ectacle ,  qui  llallait  leur  vanit6  et  où  ils  croyaient 

■gnaler  leur  courage  qui  coitsisle  beaucoup  plus 

CD  jactance  qu'en  réalité.  La  perCdie  italienne  fit 

plus  d'une  fois  dégénérer  ces  combats  en  véritables 

duels,  cl  m^me  quelque  chose  de  pis.  C'était  ii  Cé- 

mne  que  se  réunissaient  les  plus  renommés  joù- 

lurs.  Gabr.  Naudœls,  fie  Stutiio  militari ,  JV".' 07, 

En  1190,  il  y  eut  k  Messine  un  tournoi  célèbre 

aire  les  Français   et  les  Anglais.    Ceux-ci  s'en 

ouvéreul  fort  mal  et  éprouvêrenl  une  perte  con- 

■dérable.  Ce  fut  Va  la  source  de  la  mésintelligence 

i^i  éclata  plus  tard  entre  Richard  Coeur-de-Lyon 

d  Philippe-Auguste ,  tous  deux  présens  au  tournoi. 

yoytfz  ci-dessus  pag.  125  (412). 

Les  tournois  d'Italie  les  plus  remarquables  eurent 
lieu  pendant  les  eipédilions  françaises  en  Itabe  au 
16/  siècle.  Ils  participaient  tout  îi  la  fuis  de  la  joAlo, 
du  duel  et  même  de  la  guerre,  car  c'était  le  plus 
ordinairement  d'ennemi  it  ennemi  qu'on  comballail, 


286  —HISTOIRE    DES    DUXL§.  — • 

soit  pour  faire  montre  de  courage,  soit  pour  Famoiir 
lies  (lames ,  ou  seulement  pour  passer  le  temps. 

I/un  des  plus  remarquables  de  ces  combats  est 
relui  du  g^*néralissime  espagnol ,  marquis  de  Pes- 
caire  avec  le  duc  de  Nemours,  Gaston  de  Fois. 
Voici  quelques  traits  du  récit  qu^en  a  fait  Brantôme 
dans  la  Vie  de  ce  dernier  au  tome  IX  de  ses  Œu%rcs 
complètes* 

ce  Le  marquis  de  Pescaire,  qui  estoit  certes  un 
très  brave  et  très  généreux  prince ,  ayant  receu  la 
renommée  des  vaillantises  de  M.  de  Nemours  se 
Toulu  esprouver  contre  luy  pour  en  augmenter 
sa  gloire,  et  pour  ce,  en  toute  gentillesse  de  ca- 
valier, l'envoya  deffier  un  jour  lui  et  quatre  contre 
autant  ou  davantage  à  donner  coups   de   lances 
à  fer  esmoulu  ,  fusl,  ou  pour  Tamour  des  Dames, 
ou  pour  la  querelle  générale.  Le  combat  e«t  aus- 
sitost  accepté  et  le  trompette  pris  au  mot.  Par  quoy 
M.  de  Nemours   paroit  devant  Ast   où   estoit  le 
marquis  qui  se  présente  en  fort  belle  contenance, 
la  quelle  bien  qu'elle  fusl  très  belle  ,  comme  dict 
est ,  ne  paraissait  pas  tant  que  celle  de  notre  prince. 
II  avoil  esté  réglé  que,  qui  par  accident  tueroit 
le  cheval  de  son  compagnon  paicroit  500  esciis. 
S'estant  donc  tous  deux  mis   sur   le    rang  et  en 
carrière  ,  coururent  de  fort  bonne  grâce ,  et  si  ru- 
dement qu'ils  en  rompirent  leurs  lances  et  les  esclals 


Lda! 
1" 


xxicvt.  — 
«>n  nllèreni  fort  haut  en  l'qir  sans  s'endommager 
l'un  l'autre.  Après  la  course  levèrent  leurviaiérc 
el  a'enlr'embrassérenl  Tort  coudoiscment  et  se  mî- 
nnl  h  deviser  ensemble  pendant  cjuc  les  autres 
nisoiei]t  leurs  rourscs.  » 

((  Ce  fust  le  sieur  de  Aassé  qui  courut  après  contre 
le  marquis  de  Malespina,  lequel  rompît  sa  lance 
sur  le  dict  de  Vossè ,  et  en  perçant  son  liaussc-col 
mtra  bien  demi-pied  de  lance  dedans ,  dont  ce 
jeune  seigneur  mourut  quelques  jours  après.  » 

Ensuite  courut  le  capitaine  Manetz  contre  Dom 
Albe  dont  il  reçut  un  coup  de  lance  au  cou,  duquel 
il  mourut  le  qualriéme  jour. 

n  Le  dernier  qui  courut  fusl  Du  Moucha,  enseigne 
de  M.  de  Finars ,  de  Tasge  de  50  bonnes  années 
contre  le  quel  se  vint  présenter  le  comte  Carafle  , 
napobtam,  nepvcu  du  pape  pour  lors  (Paul  IV), 
au  quel  le  seigneur  Du  Moucba  féril  si  ^rand  coup 
de  lance  qu'il  lui  perça  le  bras  el  le  corps  de  part 
en  part,  de  sorte  que  la  lance  se  monstroit  outre 
par  derrière  plus  de  quatre  pieds,  dont  le  seigneur 
comte  demeura  mort  sur  le  citamp.  Et  ainsy  se 
déroesia  le  combat  par  victoire  doubteuse  et  chacun 
se  retira,  n 

n  y  eut  encore  en  1502 ,  un  autre  combat  demi- 

idael  et  demi-tournoi  de  13  Français  contre  13  Es- 

ignols  et  Italiens,  >idu  quel  ccus-ry,  dit  Brant6me, 


288  —HISTOIRE   DES   DUELS. — 

s'en  donnent  tout  rad\autiige  et  gloire  ainsy  mesme 
qirils  Pont  es(!nt;  maid  les  François  ne  content 
pas  ninsy.  »  Au  nombre  des  Français  figuraient 
Bavard ,  Chabanncs  La  Palice ,  d'Urfc ,  Torsy  et 
Mondragon.  Us  avaient  été  désignés  par  le  sort. 
D'après  les  lois  de  la  chevalerie  il  était  expressément 
défendu  de  tiivr  aux  chevaux •  D'un  autre  côté, 
celui  qui  était  démonté  était  censé  hors  de  combat 
et  ne  pouvait  plus  y  prendre  part.  «  Les  Espagnols 
pourtant ,  dit  Brantôme ,  n'observèrent  cette  belle 
loy  ;  car  s'estant  fort  bien  amusés  à  tuer  les  chevaux 
ils  en  abattirent  jusqu'au  nombre  de  onze ,  et  ne 
se  trouvèrent  à  cheval  que  messieurs  de  Bâyard 
et  d'Urfé.  Celte  tromperie  ne  servit  de  rien  aux 
Espaignols  ;  car  oucques  plus  leurs  chevaux  ne  vou- 
lurent passer  outre  voyant  les  autres  chevaux  morts, 
quelques  cou{»s  d'esperons  qu'on  leur  donnast.  » 
Les  deux  cavaliers  français  manœuvrèrent  habile- 
ment pendant  plus  de  quatre  heures  en  se  faisant 
un  rempart  des  chevaux  de  leurs  compagnons  et 
gagnèrent  ainsi  rheure  fixée  pour  la  durée  du 
combat  (413). 

Dans  un  assaut  subséquent  consenti  par  Gon- 
zalve  de  Cordoue  entre  12  Français  et  12  Italien?, 
<'eux-ci  furent  presque  tous  culbutés  au  premier 
choc  ;  mais  par  une  autre  violation  plus  perfide 
encore  des  lois  de  la  chevalerie,  les  cavaliers  Av- 


—  ciiAriTBE  xxwi.  —  2oB 

thoiilt»  se  gliW-rciit  entre  les  combattant  et  perçant 
le  ventre  aux  chevaux  de  leurs  ennemis  à  Taide  de 
iililels ,  ussurèrent  une  facile  victoire  à  leurs  cham- 
pions- Il  n'v  avait  plus  moyen  de  continuer  k  jouter 
contre  de  pareils  adversaires.  /-'.  Guichabdis,  Hht. 
tl'f/alie;  u'ExPiLLï,  TU-  de  Bajard  et  Muhatori, 
Annales  d'Italie. 

Il  y  eut  en  1507,  un  vf'ritable  tournoi  Icnu  h 
Milan,  par  Galéas  de  Sainl-Séverîn  cl  aulrcs  sei- 
gneurs dp  Lombardie.  n  Le  roi  Louis  XII ,  dit  Jean 
(l'Aulon,  ètoit  ]h  présent  en  son  cschalTaud  :  Les 
Dames  à  pleins   eschafTauds  y  (toienl  aussi   tant 
^^gorgiales  que  c'esloit  une  droiirlc  faycrie.  »  Jeah 
^fcAiTOK,   fie  de  Louis  XII,  /mg.  270. 
^B   Louis  II,  fils  de  Louis  d'Anjou,  roi  de  Naple*' 
^■l  de  Sicile  ,  et  le  prince  Charles  son  frère  reçurent 
^^Pordre  de  la  chevalerie  dnns  un  tournoi  célébré  en 
I      France,  en  1388,  et  y  combattirent  avec  Charles  VI 
ClIcducd'Oriéiins.  A',  la  note  S5  du  tome  I  (414). 


Aujourd'hui  les  duels  sont  aussi  rares  en  Italie 
u'ils  étaient  communs  aux  15. •  et  16. •  siècles; 
;  n'est  plus  Tépée  qui  tranche  les  dilTérens  par- 
Iculiers  ou  philiM  qui  les  venge ,  c'est  le  poignard. 
I  A  Mcwiiic  ou  fi  N  aples ,  dit  Rousseau ,  un  attend 
1  homme  au  coin  d'une  rue  et  on  le  poignarde 
r  (linrièrc.  Cela  s'appelle  ^tre  brave  en  ce  pays 

le 


590  —HISTOIRE  DES   DUELS. — 

là  ;  et  riionneur  n^y  consiste  pas  à  se  faire  tuer  par 
son  ennemi ,  mais  h  le  tuer  lui-même.  »  Aoui'. 
JJéloisCy  Lettœ  LVll. 

On  ne  rcconnaitrail  plus  dans  ritaiicn  de  nos 
jours  celui  du  moyen  âge.  Il  n^est  pas  de  peuple 
moins  accessible  à  la  tyrannie  des  préjugés.  Pour 
lui  le  quen  dira-t-on?  est  un  mot  yide  de  sens. 
Cette  opinion  d^autrui  dont  on  est  esclave  ailleurs  ^ 
n^exerce  en  Italie  aucune  influence  sur  les  actions 
privées.  Aussi  n'y  voit-on  presque  personne  songer 
à  exposer  sa  vie  pour  une  injure  de  peur  de  passer 
pour  lâche.  On  trouve  bien  plus  simple  de  con- 
centrer sa  vengeance ,  de  la  dissimuler  habilement 
et  d^attendre  patiemment  une  occasion  de  Texercer 
à  coup  sur  et  sans  danger  pour  soi. 

c(  C'est ,  dit  Beccaria ,  de  la  nécessité  des  suffrages 
d'aulrui  que  naquirent  les  combats  singuliers  qui 
s'établirent  précisément  dans  Tanarchie  des  lois.... 
Mais  c'est  en  vain  qu'on  a  cherché  à  arrêter  les  duels 
par  la  peine  de  mort  ;  elle  ne  détruira  point  une 
coutume  fondée  sur  ce  que  les  hommes  craignent 
plus  que  la  mort  même.  Pourquoi  le  peuple  imite- 
t-il  rarement  les  grands  dans  Tusage  des  dueb.^ 
C'est  parce  qu'il  a  moins  besoin  de  l'estime  des 
autres  que  ceux  qui  étant  d'un  rang  plus  éleré 
se  voyent  avec  plus  de  défiance  et  de  jalousie.  » 
Bjbccaru  f  Traité  des  délits  et  des  peines,  §  AT. 


■HK   IXXVI.  —  291 

LYmule  de  Reccnna  ,  le  publicîste  ilnlien  Filan- 

,  tout  en  blAmaiil  le  duel ,  propose  de  le  con- 

Itrer  non  comme  «n  crime ,  mnis  comme  un  dol 

B  la  part  de  l'agresseur,  el  comme  une  faute  àt 

I  part  de  l'oiTensé,  s'il  a  tué  ou  mutilé  son  ennemi , 

~  ee  que  pait-eiiv,  dit-il ,  //  pouvait  se  dispenser  de 

faite.  "  On  ne  doit ,  ajoule-l-il ,  supposer  ici  que  la 

hnle,  parce  que  l'action  qui  a  produit  l'un  de  ces 

BÉeus  maux,  n'a  pas  ètè  entièrement  libre,  parce 

H^ue  l'offensé  a  été  pour  ainsi  dire  forcé  par  Topi- 

nion  de  recourir  au  duel....  Enfin,  celui  des  deux 

qui  aura  violé  les  lois  de  l'honneur  relatives  au  duot 

a  puni  comme  assassin.  »  Ces  distinctions  subtiles 

t  assez  peu  logiques  se  ressentent  de  l'ancienne 

icole  italienne.  Filakoiehi  ,  Science  de  la  Légist,, 

n.  r,  pag.  156,  Pnns,an  f'II  (415). 

Celle  révolution  que  nous  venons  de  remarquer 

hns  les  mœurs  italiennes,  aurait  commencé  vers  le 

nilieu  du  XG.'  siècle ,  k  l'époque  de  la  renaissance. 

I  Quand   Bajard   acquérait   le   haut    renom    de 

prouesse  ,   dît   M.    de  Cliûleaubriand ,  c'était  au 

milieu  de  l'Ilalie  moderne,  de  l'ItaUe  dans  toute 

U  fraîcheur  de  la  civilisation  renouvelée  ;  c^était 

4  l'époque  où  l'on  déterrait  les  statues  et  les  monu- 

mena  de  l'anliquilé ,  tandis  que  les  Gonzalve ,  les 

Trivulce,  les  Pcscaire,  les  SUozxy  combattaient, 

t/ue  les  aiiistes  se  faisaient  justice  de  leurs  rifouX 


292  —  niSTOIKE  DBS  DUKLS. — 

h  coups  dv  poignatri,  »   Chatfaubri.knd  ,  Eluda 
/n'storù/urs ,  lom,  //-',  pof;.  255. 

Ce  ne  fut  pourtant  pas  dans  celte  forme  nouvelle 
que  Michel-Ange  de  Caravage  voulut  tirer  Tcn- 
geancc  du  chevalier  d'Arpino ,  dit  le  Josepin ,  son 
ennemi  et  son  rival,  qui  avait  blàiné  avec  peu  de 
mesure  un  de  ses  tableaux.  Il  lui  envoya  un  cartel 
que  Tautre  refusa  par  le  motif  que  celui  qui  le 
provoquait  n^était  pas  comme  lui  chevalier  de  Saint 
Michel.  Caravage  se  pique  au  jeu  et  court  à  Malte 
se  faire  recevoir  chevalier  servant.  Là,  il  eut  une 
violente  querelle  avec  un  chevalier  de  distinction 
et  fut  mis  en  prison.  II  s^échappa  et  vint  se  réfugier 
à  Rome  où  il  avait  déjà  tué  un  jeune  homme.  Il  eut 
encore  quelques  affaires  fâcheuses  que  lui  attin 
la  violence  de  son  caractère,  et  finit  par  mourir 
sur  un  grand  chemin  en  1609,  à  TAge  de  40  ans. 

Le  grand  nombre  de  révolutions  qu^à  subies 
ritahe,  ces  rivalités  continuelles  entre  une  foule 
de  petites  répubhques  qui  sVn  étaient  partagé  le 
sol  au  moyen  âge,  ces  guerres  d'un  demi-aècle 
où  elle  fut  le  champ  de  bataille  de  la  France  et 
de  TËspagne ,  ont  dû  influer  sur  le  caractère  des 
habitans.  Attaqué  au  dehors  par  mille  ennemis, 
déchiré  au  dedans  par  des  discordes  civiles ,  partout 
ayant  à  craindre  dq  perfides  alliés,  des  maîtres  et 


ïvi.-  293 

3c3  iTrana,  l'Italien  pour  se  dtrcntire  a  dû  opposer 
ia  ruse  à  la  forre.  Trop  faible  pour  provoijner  tnnl 
d^ennemis,  il  a  dû  cherctierà  lea  surprendre  philût 
HH^li  les  combattre.  De-lit  l'art  des  n^gocintions ,  cet 
Bpril  d'intrigue  cl  cette  politique  sourde  que  con- 
naît si  rarement   un   peuple  guerrier.    L'école  de 
Machiavel  a  fait  le  reste  ;  des  carrefours ,  cet  auteur 
a  fîttil  passer  Tassassinat  dans  les  cabinets  de  la  di- 
lomatie.  Par  lui  le  meurtre  est  devenu  une  sdenee 
Dsaie  Tescriine  est  un  art. 
>J}*autrcs  auteurs  italietis,  outre  ceux  des  13.*  et 
'  siècles  cités  ci -dessus,  page  254,  ont  traité 
Emalière  du  duel  et  des  injures  privées  dans  un 
HÎl  qui  se  trouve  souvent  beaucoup  moins  d'ac- 
d  avec  les  intérêts  du  la  morale  qu'avec  la  morale 
I  intérêts.  Tels  sont  Antonio   Massa  ,    le    poète 
nponio  TorcUi ,  Pigna  ,  Daria  Allcndolo  ,  Suxio 
htaMirandolu,  Fausto  da  Loujinno,  Poasevino, 
laldo  Corsa  et  le  marquis  Fabio  Albergoti.  Parmi 
K  productions  de  ces  auteurs  il  en  est  deux  assca 
larquables,  La  première  a  pour  titre  :  Tratiato 
nie  privalc    mppacijicazioni ,     CoriTggio    là35 
1."  ;  la  seconde  :   Tratlalo  fiel  modo  di  riililore 
ice  le  ïnitiiiuizie  piii'atc.  Bergamo  1587  «Vi-S." 
i^«z  au  surplus  la  liste  complète  de  cuii  auteurs 
I  MiPPKi,  (ktlaS^irnzn  cas-allensin  l'Oritl/ . 
^vnlo   1717. 


294  *— KISTOIHE  DES   DUELS.— 

AU  temps  présent ,  les  Etats  Romains  sont  le  pays 
de  ritalie  où  les  exemples  de  combats  singiilicn 
sont  les  plus  rares.  Ils  sont  sévèrement  défendus  par 
les  canons  des  conciles  dont  les  dispositions  ont 
déjà  été  précédemment  citées,  notamment  celles  do 
concile  de  Trente.  Vojez  la  noie  100.  11  n'y  a 
guères  de  duels  à  Rome  que  parmi  les  étrangers 
qui  la  fréquentent  et  qui  ont  le  plus  de  facilités 
pour  se  soustraire  à  Faction  des  tribunaux. 

Aujourd'hui  comme  autrefois ,  c^est  encore  à 
Naples  qu'on  se  bat  le  plus  souvent ,  et  que  Fart 
de  rescrime  est  le  plus  en  honneur.  On  n'y 
connaît  plus  de  docteurs  dont  la  plume  s'exerce 
théoriquement  sur  ce  sujet,  mais  la  pratique  n'y 
a  rien  perdu  pour  cela.  II  y  eut  en  1812  à  la  cour 
du  roi  Murât,  un  duel  célèbre  entre  les  ambas^ 
sadeurs  de  France  et  de  Russie  et  où  les  seconds 
niirent  aussi  l'épée  à  la  main  selon  l'ancienne  mod« 
napolitaine.  Ce  combat  a  été  rapporté  au  tome 
I.«S  page  353. 

D'après  des  notes  recueilles  en  Savoie  près 
d'un  savant  magistrat  de  ce  pays ,  le  duel  n'est  pas 
très-fréquent  en  Piémont.  II  Tétait  davantage  avant 
l'occupation  française ,  et  il  n'est  pas  sans  exemple 
que  des  magistrats  chargés  de  le  punir ,  se  soieol 
rendus  eux-mêmes  sur  le  terrain  avant  l'audience. 
A  celte  dernière  époque ,  tout  docteur  et  élève  d© 


»vi.  -  205 

•l'L'niversilé  portait  l'épÉe  dont  il  se  croyait  par- 
là  m^me  autorisé  h  se  servir  en  tontes  rencontres. 
Aujourd'hui  le  duel  n'a  giicres  lieu  qu'entre  le* 
militaires  du  grade  d'ofHdcr  ,  car  les  soldats  se 
baltcat  Irés-raremeiit ,  ou  bien  encore  entre  ofB- 
ciers  et  bourgeois.  Il  est  à-pt'u-prcit  inuui  qu'uD 
homme  marié  ou  d6j^  avancé  en  âge ,  ait  été  forcé 
d'aectpler  un  duc)  ;  ce  sont  prcsijue  toujours  ou 
,  des  éludiuns  ou  de  jeunes  avocats  ([ui  se  mesurent 
,«*ec  des  officiers  de  leur  ilgc. 

I  En  Piémout  comme  eu  Sa\oie  ,  c'est  ordinai- 
rement dnns  les  repas  ,  dans  les  bals  ,  que  les  que- 
relles prennent  naissance.  Les  rivalités  d'amour 
Jf  jouent  le  principal  rôle.  Les  duels  d'opinion 
ou  duels  politiques  sont  inconnus,  du  moins  on 
n'oserait  point  avouer  que  ce  fût  lii  le  motif  du 
■Jcombal.  Les  duels  h  mort  sont  des  plus  rares  ; 
Terme  ordinaire  est  le  sabre  o>i  t'épée,  celle  du 
pistolet  n'est  pas  encore  enticrcmenl  à  la  mode. 

Quoique  le  duel  soit  puni  de  mort  par  led 
royales  ConsUuaions  Sardes ,  on  ne  connaît  aucun 
c»s  où  il  cit  ail  été  fait  api^icalion.  L'otTicier  qui 
refuse  un  cartel  est  cbassé  du  corps.  S'il  se  bat ,  it 
cal  condamné  Ji  trois  ou  six  mois  de  Fenesircllcf 
(  forteresse  du  Piémont  )  ,  eut-d  même  tué  son 
itlversaire.  Les  bourgeois  vont  se  battre  ît  la  fron- 
ire;  on  fci-mc  les  yeux  sur  leurs  rencontres  cl 


296  —  HISTOIRE   DES   DUELS*  — 

une  courte  absence  les  met  à  Tabri  de  toutes  pour<* 
suites.  Il  en  est  même  qui  croient  pouvoir  négliger 
cette  précaution. 

Les  mœurs  de  la  Savoie  et  du  Piémont  relative* 
ment  aux  injures  privées  ressemblent  beaucoup  à 
celles  de  la  Suisse.  Ce  n^est  guéres  que  dans  la 
classe  des  paysans  que  des  délits  de  cette  nature 
donnent  lieu  à  des  actions  judiciaires.  Il  y  a  une 
nuance  particulière  pour  le  Piémont  où  Parme 
familière  de  la  P'endeUa^  le  stylet,  fait  plus  souvent 
son  olBce  qu'en  Savoie  (416). 

On  trouvera  aux  Eclaircisscwens  hisioriqucs  un 
tableau  complet  de  la  législation  actuelle  sur  le  duel 
pour  le  Piémont ,  la  Lombardie ,  le  duché  de  Mo- 
dénç  et  le  royaume  de  Naples  (417). 

C'est  en  Corse  que  ce  goût  pour  la  vengeance 
semble  être  entré  le  plus  profondément  dans  les 
mœurs.  Ce  pays,  avant  d'être  réuni  k  la  France 
au  siècle  dernier ,  fit  long-temps  partie  de  Pltalie , 
et  il  en  a  conservé  Tespril  cl  le  langage.  Les  Corses 
pratiquaient  encore  le  duel  au  temps  de  Brantôme 
qui  en  rapporte  un  exemple ,  dont  il  fut  lui-même 
témoin  :  c<  Deux  soldats  se  battirent ,  dit-il ,  en  ma 
présence  ,  en  enragez  et  vrays  corses ,  la  quelle 
nation  certes  a  renom  des  plus  courageuses  et 
braves  de  Pltalie,  sans  faire  tort  aux  autres.  Estant 


—  CHAPITRE   XXXVI.—  Î197 

entrés  dans  le  camp  fort  solemnellement ,  ils  ti- 
rèrent plusieurs  coups  sans  se  blesser.  Quoy  voyant, 
le  plus  fort  et  bon  lutteur  s'en  vint  aux  mains  et  aux 
prises,  et  tous  deux  toml)èrent  ensemble.  Le  mal- 
heur fust  pour  le  plus  fort  qui  en  tombant  se 
rompit  un  bras,  re  (jui  fust  fort  heureux  pour  le 
plusfiaible.  Ce  fust  à  eux  de  s'aider  de  la  poin<ie  de 
leurs  dagues  entées  aux  murions  ,  et  s'en  entre- 
donnèrent  tant  parmy  le  visa<;e  ,  dans  le  cou  et 
aux  bras,  que  tous  deux  demeurèrent  outrés  de 
playes  et  n'en  pouvoient  plus.  Les  parrains  les  sé- 
parèrent en  si  misérable  et  pileux  estât.  Il  y  en  eut 
un  qui  rendit  TAmc  au  bout  d'un  mois ,  dont  son 
compagnon  en  cuyda  mourir  de  tristesse  et  d'enuuy, 
estant  redevenus  comme  auparavant  grands  amis.  » 

La  Corse  ,  sous  la  domination  de  (lénes  qui 
précéda  sa  réunion  à  la  France,  fut  livrée  à  tous 
les  genres  de  brigandages.  On  ne  pouvait  obtenir 
satisfaction  de  cette  république  de  marchands,  chez 
qui  tout  s'achetait  à  prix  d'or  ,  sans  nu-me  en  ex- 
cepter rimpunité  de  tous  les  crimes,  (/.hacun  alors 
prit  le  parti  de  se  faire  justice  à  soi-même.  I)e-là 
Torigine  de  la  terrible  f^endclta,  si  féconde  encore 
aujourd'hui  en  scènes  tragiques ,  surtout  chez  les 
montagnards  qui  forment  un  peuple  h  part  de 
rhabitant  des  villes. 

Jusqu'au  dernier  siècle ,  la  /  aulclia  avait  cou- 


298  —  niSTOIKE   DES    DUELS.— 

flcrvé  quelque  chose  des  anciennes  formes  chcTa- 
leresques.  Les  partis  ou  familles  se  déclaraient  la 
guerre.  Il  y  avait  échange  de  cartels  avant  d^en 
venir  aux  mains.  Puis  c^étaient  des  rencontres, 
des  combats ,  des  embuscades  ,  des  sièges ,  des 
champs  ravagés  ,  des  maisons  en  cendres ,  des 
femmes  et  des  enfans  égorgés.  Des  familles  entières 
disparaissaient  dans  ces  grandes  scènes  de  duels. 
Les  haines  se  perpétuaient  de  génération  en  géné- 
ration jusqu'à  Textinclion  complète  d'une  des  races 
ennemies,  à  moins  d'une  paix  régulière  stipulée 
par  actes  authentiques ,  comme  il  en  existe  dans 
les  archives  d'Ajaccio. 

Aujourd'hui  le  Corse  qui  veut  se  venger,  sur- 
prend son  adversaire  à  Timprovistc ,  l'assassine  cl 
gagne  les  bois  où  il  échappe  long- temps  aux  re- 
cherches de  la  justice.  Il  devient  alors  Bamielto, 
proscrit  ;  et  s'il  est  pris  et  condamué  le  préjugé  na- 
tional Tabsout  et  on  lui  donne  l'épithcte  d'Ao//a- 
ralo.  Cette  passion  de  la  vengeance  semble  ,  en 
Corse  ,  absorber  toutes  les  autres.  Le  vol ,  par 
exemple  ,  y  est  aussi  rare  que  le  meurtre  y  esl 
commun.  Quand  au  duel  on  n'en  connaît  pas 
d'exemples  mrme  dans  les  hautes  classes  de  la 
population  indigène. 

La  justice  est  impuissante  contre  la  ^endetta. 
Long-temps,  le  chef  du  parquet  de  la  cour  de  Basiia 


—  CHAPITRE    XXXVt.—  299 

I  reçu  du  ministère  des  instructions  partimlicrcs 
pour  fermer  les  yeux  sur  l\'îvasion  des  haïuUtll  et 
même  pour  leur  procurer  les  moyens  de  quitter 
nie.  Ce  fut  aussi  le  motif  du  régime  cxce])tionnel  oii 
Fut  long-temps  placée  In  Corse  relativement  h  Tins- 
litution  du  jury  qui  n'y  est  établi  que  depuis  la 
résolution  de  1830.  Il  ne  se  passe  pas  de  sessions 
fc  la  cour  d^assises  de  Bastia  où  Ton  n^ait  <H  juger 
des  F^endetta^  Dernièrement  à  une  séance  où  lo 
jury  venait  de  prononcer  un  verdict  d'acquittement, 
cm  entendit  le  plaignant ,  fils  d'un  juge  de  paix  , 
crier  d^une  voix  terrible  à  l'accusé  :  Le  jury  t\ib^ 
soui  et  moi  je  te  condanuic.  L'auditoire  frémit 
connaissant  toute  la  portée  de  ces  paroles  (418). 


CHAPITRE    XXXVII 


Duels  en  Grùce ,  Iles  lonienues ,  Ile  de  Malte. 

La  Grèce  ancienne  ,  comnie  la  Grèce  mocleme, 
csl  de  toutes  les  contrées  de  l'Europe  la  plus  étran- 
gère à  Tusage  des  duels.  Sous  ce  rapport,  comme 
sous  beaucoup  d'autres  ,  les  Grecs  senïblenl  ne 
faire  ({u'un  seul  peuple  avec  les  Romains^  et  la 
plupart  des  observations  placées  en  UHe  du  chapitre 
précédent  leur  sont  applicables. 

Plusieurs  traits  disséminés  dans  le  cours  de  cet 
ouvrage ,  appartiennent  à  Thistoire  grecque  el  ser- 
vent à  caractériser  ces  combats  singuliers  qu'on 
rencontre  si  rréqueniment  au  fonds  des  plus  an- 
ciennes traditions  de  ce  pays.  Ainsi ,  les  exploits 
d'Iïercule,  de  Thésée,  de  Persée  el  autres  per- 
sonnages  des    temps    mythologiques  ,    quand   ils 
combattaient  des  monstres  ou    des   brigands,   ne 
ressemblaient  en  rien  à  nos  duels  modernes.  Celait 
ordinairement  i\  la  voix  de  la  patrie  ou  de  l'hunia- 
nité  souiîrante  ([ue  ces  héros  prenaient  les  armes 


—  CH»PIT11E    XXS111,  —  30! 

"h  lion  pour  faire  moiilre  de  cuiii-agc  ou  salisrairc 
iiit  ressentiment  particulier.  Le  cumbnt  de  l'auli- 
guité  fabuleuse  qui  ressemblerait  le  plus  au  duel 
t  celui  d'KU'OcIe  el  de  Polynice  \m\iT  le  1r6ne  de 
Ibébcs.  Mais  ce  ne  fut  lii ,  comme  on  l'a  dtjà  vu 
fécédemment  au  lomc  I.",  page  4,  quViii  épisode 
lerrier  ,  et  le  combat  singulier  des  deux  frère» 
8  ne  ressemble  pas  plus  à  un  duel  que  celui 
de  Corbis  et  Orsua  qui  combeltireiit  en  Espagne 
devant  Seipion  peur  la  souveraineté  de  leur  pays. 
^&yfz  ci-dessiii  page  65. 

^Jc  ne  reviendrai  pas  sur  les  divers  combats  qui 
l  i\é  célèbres  dans  les  poèmes  d'Homère  et  où 
[Braient  des  demi  dieux,  ainsi  que  les  principaux 
tonnages  de  la  guerre  de  Troie.  Il  a  suffi  de  les 
tDtionner  aux  cbapîtrcs  I,  U  et  XXIX  du  tome 
.  Aucun  de  ces  traits  des  âges  héroïques  n'a  de 
toporl  avec  le  duel.  Il  en  est  de  m^mc  de  ces  luttes 
vidueUes  qu'on  trouve  dans  les  Ages  pns- 
ieurs  et  qui  survenaient  d'ennemi  k  ennemi,  à 
la  suite  d'un  déG  ou  d'une  rencontre  sur  le  champ 
de  bataille.  Le  combat  de  Pittnius  rentre  Phrinon, 
mentionné  au  lome  1,",  page  5,  révèle  déjii  cet 
fil  de  ruse  et  de  supercherie  qu'on  a  si  souvent 
proche  à  la  nation  grecque.  Le  Irait  de  Thèmis- 
ole  indiqué  il  la  page  10,  est  une  preuve  sans 
pliquc   de  l'absence   complète   du   préjugé  du 


302  —  HISTOIRE    DES    DURU.  — 

point  d'honneur  dans  les  mœurs  helléniques.  Dans 
nos  li'mps  modernes ,  tout  homme ,  ne  fut-il  même 
pas  militaire  ,  qui  eut  souffert  comme  le  lièroi 
athénien  un  outrage  tel  que  celui  d^Eurybiade , 
aurait  été  déshonoré  dans  tout  pays. 

Les  Gaulois,  qui  envahirent  plusieurs  fois  laGrèce 
et  pillèrent  dans  une  de  leurs  expéditions  le  riche 
temple  de  Delphes ,  ne  purent  y  naturaliser  le  duel 
qu'ils  avaient  emprunté  dans  leurs  fréquentes  com- 
munications avec  les  Germains.  Leurs  mœurs  fé- 
roces étaient  pour  les  peuples  envahis,  un  sujet 
d'étonnement  et  d^horreur ,  et  c^est  dans  ce  sens 
qu^en  parlent  les  historiens  de  cette  dernière  nation. 
f^'ojez  Atiienée,  Dipnosoph,  j  lib.  XII  (419). 

Les  Grecs  n^ont  pas  été  aussi  étrangers  aux  autres 
genres  d^épreuvcs  connues  sous  le  nom  û! Ordalies, 
sans  cependant  les  prendre  pour  arbitres  de  leun 
causes  civiles  ou  criminelles.  Ils  ne  les  considéraient 
que  comme  des  présages.  C^était  une  façon  d^in- 
terroger  le  sort ,  comme  les  auspices  et  les  anis- 
piccs.  Dans  VAntIgouc  de  Sophocle ,  des  gardei 
oflrent  de  prouver  leur  innocence  en  maniant  le 
fer  (!haud  et  en  passant  îi  travers  les  flamme». 
Slrnbon  parle  des  prêtresses  de  Diane  qui  mar- 
chaient sur  des  charbons  ardens  sans  se  brûler. 
Str^do,  (le  si  lu  orbis ,  lib,  V, 

Aristole  dit  que  celui  qui  jurait  devait  écrire 


^n  serment  sur  un  billet  qu'on  jetait  dons  l'eau. 
t  papier  sum.igeait  si  le  jurement  était  véritable , 
t  disparaissait  s'il  était  faux.  Cela  pourtant  devait 
ttaucnup  moins  dépendre  de  la  nature  du  serment 
[ue  de  la  qualité  du  papier. 

H  y  avait  pour  ces  épreuves  des  temples  consacr(-s 
lUx  dieux  Palifjues.  11  en  existait  un  Irés-anciea 
l  «O  Sicile  qui  fut  long-temps  considérée  comme 
partie  intégrante  de  la  Grèce.  On  y  voyait  deux 
bassins  d'eau  bouillante  très-profonds  et  qui,  dit- 
on  ,  restaient  toujours  pleina  sana  jamais  déborder. 
On  Taisait  dans  ce  temple  des  sermcns  solennels ,  et 
les  parjures  y  étaient  sur  le  champ  punis  de  quelque 
grande  peine.  Diodoh.  de  Sic.  ,  ÏJiiior.,  Ub.  II. 
C'est  il  CCS  temples  que  se  rapportent  ces  vers 

(de  Silius  Italicua  : 
N'est-ce  pas  là  l'origine  des  épreuves  de  l'eau 
froide  et  de  l'eau  bouillante!*  Cette  hypothèse  est 
•u  moins  plus  probable  que  celles  de  l'évéque 
Htncmar  qui  a  cherché  ses  analogies  dans  les  eaux 
du  déluge  et  dans  celles  de  la  mer  rouge  où  furent 

L  submergés  les  Egjpliens.  Him-.mab.  ,  Opéra,  Ub.  f'II, 
p<,S.^m.Parisus\m{. 


Et  qui  pra^senti  domitant  perjura  Pt 

Peclora  supplieio 

PuniçQf.,  lib.XIV, 


304  -^RiSTOiitR  DES  Dnin.!r. — 

Knfiii ,  \le\aii(lrc-lc-(iraiid  pnrail  avoir  eu  lui- 
niriiio  lin  s4Mip(*oii  de  ce  mode  guerrier  d^inlerroger 
le  sovX ,  umU'  clieK  les  (lermains  au  lémoignage  de 
Tiu'ittî.  /  oyi'z  ci^lfssus  page  185  et  la  noie  SK* 
Il  lit  roinbntirc ,  dit  Plutarque ,  deux  de  ses  sddati 
dont  l*un  rcprcscntait  l^armée  des  Grecs  cl  Tautre 
celle  des  Pei-ses.  Le  champion  des  Grecs  ayant  été 
vainqueur ,  Alexandre  regarda  comme  certaine  b 
défaite  de  Uarius.   Plltxroiu,  in  Âlvxand^ 

Ce  qu'on  trouve  de  plus  remarquable  dans  In 
Annales  de  la  (irèce,  relativement  au  sujet  de  cette 
histoire,  ce  sont  les  jeux  gjmniques  dont  les  plus 
célèbres  étaient  ceux  d'Olympie ,  en  Elide ,  qui 
se  célébraient  tous  les  quatre  ans.  Ce  furent  là  les 
tournois  de  Tantiquité. 

Les  difTérens  peuples  de  la  Grèce  y  envoyaient 
leurs  députés.  Toutes  les  villes  épuisaient  leurs 
trésors  pour  briller  dans  cette  illustre  assemblée  oii 
la  mngnificonre  et  la  variété  des  jeux  attiraient  les 
nations  et  les  rois. 

La  frlo  s'ouvrait  par  des  courses  ii  pied  et  à 
cheval.  Gcllc  des  chariots  était  la  plus  noble  et  la 
plus  intércssiuito  parce  que  c'était  sur  des  chars 
qu'on  croyait  que  les  dieux  et  les  héros  allaient 
aux  <*niTihals.  Los  rois  y  venaient  disputer  le  priï 
et  Ton  \il  des  fonnncs  Spartiates  remporter  la  paltnc 


de  In  Ticioirc.CepHi  tnntd^-sir^  ^Init  nnc  coiirnnno 
tl'itlivicr.  Le  vHîtiquctir  éltiit  conduit  au  sou  dci 
JnArumens  dans  le  stade  qui  retenliXHait  <rnp]ilaudis'- 
(Biens.  Sa  patrie  associée  h  sa  gloire  lui  décernait 
i«on  retour  une  pompe  triomphale.  Il  entrait  par 
be  liréehe  faite  à  la  murniile,  comme  un  coti' 
[nérant  dans  imc  ville  prii^c  d'assaut ,  et  il  par- 
fDurait  les  plaeea  et  les  rues  monté  sur  un  char 
t  quatre  chevaux. 

h  A    Pes    courses   succédaient    les    combats    des 

bhlclcs,  qui  consiMaieiil  dans  la  lutte,  le  piigitnt 

le  paniralium.  Le  pugilat  était  un  etereicc  de 

jbrce  et  d'adresse  où  Ica  Alhicles   comliattaient  îi 

lupB  de  poings.  Dans  la  suite  ils  s'armèrent  de 

Wsles,  espèces  de  gantelets  garnis  de  plaques  de 

de  plomb  ou  d'airain.  Le  grand  art  des  coni- 

gitans  était  de  défigurer  le  visage  de  leurs  adver- 

pres  ;  il  éliiit  glorieux  de  leur  Taire  sortir  un  œil 

c  la  télé  ou  de  leur  briser  la  mdehoire.  Plusieurs 

imbaient  morts  on  mourans  sur  l'arène,  f'ojez 

la  nule  27  le  trait  concernant  le  lutteur  Arrachion. 

La  lutte  était   un  exercice  qui  se  faisait  dans 

Xyste ,  portique  couvert,  où  deux  Alhlélcs  em- 

iloyaient  la  force  et   l'adrewc  pour  se  terrasiier 

m  l'autre.  L'origine  de  re  eiimbaf  est  attribuée 

)l(Tliésèe ,  du  moins  ne  fut  lui  qui  en  fit  un  exercice 

l'iidreMc  triomphait  souyent  de  1»  force,  het 


866  —  HISTOIAB   DKS  DOELS. — 

luUeurs  étaient  Duds ,  oints  d^huile  et  d'une  pous- 
sière qii^on  tenait  en  réserve.  Quand  le  lutteur 
terrassé  entraînait  son  adversaire  dans  sa  chute, 
on  recommençait  le  combat.  Il  fallait  le  terrasser 
trois  fois  sans  tomber ,  pour  remporter  la  palme. 
Le  vaincu  élevait  le  doigt ,  et  ce  mouvement  éliît 
un  aveu  de  sa  défaite.  II  y  avait  deux  espèces  de 
lutte  ,  Tune  où  les  combattans  luttaient  debout  | 
l'autre  où  ils  se  roulaient  à  terre. 

Le  Pancratium  était  le  combat  qui  demandait 
le  plus  de  force  ;  il  participait  du  pugilat  et  de 
la  lutte.  Les  combattans  pour  vaincre  pouvaioit 
employer  le  secours  de  leurs  pieds ,  de  leurs  dents 
et  de  leurs  ongles.  Aussi  Taréne  était  souvent  en- 
sanglantée. Dans  ces  jeux  inhumains,  les  yainqueuri 
obtenaient  les  applaudissemens  de  toute  la  Grèce. 
Toutefois ,  il  y  a  encore  loin  de  ces  exercices  i 
ceux  des  gladiateurs  que  les  Grecs  n^ont  pas  connus. 

Lucien ,  le  plus  original ,  le  plus  spirituel  et  le 
plus  ingénieux  des  moralistes  de  Tancienne  Grèce, 
a  saisi  avec  sa  sagacité  habituelle  le  côté  ridicule 
de  ces  usages  ;  les  luttes  et  les  lutteurs  lui  ont  fourni 
dans  ses  Dialogues  des  morts  y  des  traits  d^une  satyre 
mordante  et  pleine  de  verve.  «  Â  qui  donc  en 
veulent  ces  jeunes  gens,  dit  Anacharsis  à  Solon, 
de  se  mettre  si  fort  en  colère ,  de  se  rouler  dans 
la  boue  comme  des  pourceaux  et  de  chercher  i 


—  nr*PiTiiE  «T\ii.  —  807 

éVloiiffer  dun*  leurs  rudes  étreintes''...  Ils  s'entre* 
rhnc|iicnt  rommc  des  béliers  ;  l'un  élevant  son 
homme  en  l'air ,  le  laisse  tomber  h  terre  dans  une 
seconsse  violente  et  le  tenant  ù  la  gorge  rempi'fhe 
de  se  relever  ,  de  sorte  que  je  crains  qu'il  ne 
l'Houffc,  quoifjue  Vautre  lui  Trappe  sur  l'épaule 
pour  en  obtenir  merci ,  s'arouant  vaincu.  Après 
s'être  bien  frottfs  d'huile,  ils  se  couvrent  de  boue 
M  ils  me  font  rire  quand  je  vois  qu'ils  esquivent 
les  mains  de  leurs  compagnons  comme  des  an- 
^îlles  que  l'on  presse.  En  voilii  qui  se  roulent  dans 
le  sable  tomme  des  poules  avant  que  d'en  "venir 
an  combat,  et  couverts  de  poussière  ils  s'enlre- 
fassent  à  coups  de  pieds  et  poings  sans  essayer  de 
•c  Tenverscr  comme  les  premiers.  L'un  crache  ses 
dents  avec  le  sable  cl  le  sang  d'un  coup  qu'il  a  reçu 
sur  la  mâchoire,  l'autre  sa*ite  en  l'air  comme  un 
baladin  et  Tnit  voler  des  nuages  dépoussière,  sans 
*|ue  l'homme  velu  <Ic  pourpre  rjui  préside  &  ces 
nerrices  se  melle  en  peine  de  les  séparer.  »  Ll'oiE!!, 
Diaiog.  VII. 

Les  jeux  olympiques  se  célébraient  tous  les 
quatre  ans  et  cet  espace  fominit  ime  olympiade, 
manière  de  supputer  les  années  qui  fut  en  usagd 
en  Grèce  juiwjii'k  la  3()4.',  espace  qui  comprend 
1216  ans,  depuis  l'nn  7T0  avant  l'ère  chrélieniie 
jus(|tte9  \l  fan  340  de  Jéons-^^lirisl.  Cfs  jeux  le 


808  —  1ÏISTOIRB   DES   DirSILS.-* 

célt'braicnl  vn  Thonneur  de  Jupiter  et  prenaient 
son  nom  du  temple  fameux  qu'il  avait  h  Olympie. 
Il  y  avait  aussi  des  jeux  isthmiens  qui  se  donDaieot 
en  rhonneur  de  Neptune  dans  Tisthme  de  Corinthe*, 
des  jeux  néméens  dédiés  à  Hercule  dans  la  forêt 
de  Néméc ,  et  les  pylhicns  à  Apollon  en  mémoire 
de  sa  victoire  sur  le  serpent  Python.  ^.  Scaugee  de 
emendat.  tempor.,  Ub,  I el  V.  Robinet,  Dict*  liislor. 

Les  jeunes  gens  étaient  formés  de  bonne  heure 
à  ces  divers  exercices  dans  des  écoles  publiqueif 
appelées  gymnases  ou  palestres,  et  ils  étaient  sounui 
à  toute  la  régularité  de  la  discipline  militaire.  Les 
filles  elles-mêmes  participaient  à  ce  genre  d'édu- 
cation ,  et ,  d'après  les  lois  de  Lycurgue  ,  dlei 
paraissaient  toutes  nues  dans  le  Xyste  péle-mèle 
avec  les  horaimes.  Euhipid.  ,  in  Andromach.  Pur- 
TÀRCH.  ,  Apophiliegm, ,  in  Lycnrg. 

De  même  que  le  satyrique  grec  Lucien  a  décril 
les  gymnases  d^hommes,  le  poète  latin  Properce 
a  tracé  le  tableau  suivant  des  palestres  féminins  k 
Lacédémone  : 

MuUa  tuœ ,  Sparte,  miramur  jara  palestre, 
Sed  mage  virginei  tôt  bona  gymnasii, 

Quod  non  infâmes  exercet  corpore  ludoi 
Inter  luctantes  nudic  paella  viros. 

Cùm  pila  veloces  fallit  per  brachia  jactus , 
Increpat  et  versi  clavis  adunca  trochi, 


—  CBAT-mip.  TXTvn.—  S09 

Pulveruleutaquoade'Ltremns  atntrK'niiuamelns, 

Et  patitur  duro  vuliiera  PnnurAllo. 
Nuiic  ligat  ad  cesluiu  gaudculîn  bracliia  loris; 
Missile  uunc  diâc>  pondus  iii  orW  rutnt,. 
Propert.,  lit),  m,  Eleg.  13. 

Il  n>st  pfi9  surprenant  que  des  peuples  flerés 
de  cette  maniùre  aient  ndnùs  pnmiî  leurs  fables 
ecUc  des  Aniazoncs,  q«e  Its  romanciers  grecs  ont 
fiiit  venir  de  Scylhie,  sur  li;s  bords  du  fleuve  Ttier- 
mudoon,  dans  In  Cappaduce.  De  graves  auteurs, 

^|ris  fpie  Hérodote ,  Hîppofratc ,  "Oiodorc  du  Sifiîe 
Cl  Justin  ont  parlé  fi^rieuscmeiit  de  ces  fcmmus 
gnerrières  qui  se  brûlaient  k  mamelle  druitc  pour 
mieux  lancer  le  javelot.  Ils  ont  célËbré  lus  exploits 
et  la  beauté  de  leur  rciue  Aniiopc ,  d'Orylliie  qui 
lui  succédb  et  Fut  vaincue  par  Thésée ,  rfe  Pen- 
thésilée  luéc  bu  siège  de  Tioie ,  etc.  Mais  plusieurs 
autres  auteurs  ont  fait  juslicu  de  loulcs  ces  fliMes. 
f^ojvz  SriiAiroN  de  situ  orbis,   lib,    yit  et  Xltl ; 

»Palbi'Ratiis  rfc  incredihiL  histor. ,  pag.  118.  ^nu- 
Klod.  Elzevlr.  1649,  in-12-. 
'    Quintc-Curce  a  été  jusqu'à  ressusciter  tts  Ama- 
sones  dont  on  ne  pnrlait  phis  depuis  long-temps , 
pour  faire  rechercher  i  Thalcstrfs ,    leur   reùie  , 

Il'iilliHnce  d'Alexandre,  et  faire  amener  à  ce  priuL-e 
«ne  centaine  de  filles  viîtucs  en  guerrières.  Mais 
Mltti  erreur  n  été  relevée  par  Arrieii ,  et  ces  lilk-s  , 


810  —  BisTOiRK  Dw  noms.  — 

s'il  est  vrai  qu^on  eo  ait  amené  à  Alexandre ,  ne 
pouvaient  être  que  des  Sauromates ,  peuplades 
Scythes  dont  les  femmes ,  selon  Hérodote ,  étaieot 
aussi  belliqueuses  que  leurs  maris.  Qoint.  OniT.| 
Histor.,  Ub,  V,  cap*  5.  Ârriàn.  ,  in  AlexoMià.^ 
lib.  IV,  pag.  327,  Leyd.  1704,  in-folio. 

Le  témoignage  d^Âlexandre4e-Graad  lui-màne, 
qui  se  connaissait  en  valeur  guerrière ,  n^est  pu 
plus  favorable  à  ces  exercices  que  celui  de  Luciea 
et  de  Properce.  Voyant  k  Milet  un  grand  nombre 
de  statues  de  lutteurs ,  vainqueurs  aux  jeux  olyv* 
piques ,  Ou  étaient  donc  vos  braises ,  s^écria-t-il , 
quand  les  Perses  assiégeaient  leur  ville  ?  PLUTÀxai.| 
Apophthegm* ,  in  Alexand^ 

Cest  à  Tépoque  des  croisades ,  à  la  fin  du  XI.* 
siècle ,  qu^on  doit  fixer  la  date  de  Timportation  du 
duel  dans  la  Grèce  moderne.  Je  ne  reviendrai  pai 
sur  ce  qui  a  été  dit  au  tome  L^',  chap.  X,  de^  mœurs 
des  croisés ,  de  leur  licence ,  des  désordres  et  de 
la  corruption  qui  signalèrent  leur  passage  à  travers 
FEmpire  grec  qu'ils  traitèrent  à-peu-près  coaune 
la  Palestine.  Quoique  le  terme  de  leur  course  fut 
Jérusalem ,  ils  s^emparèrent  de  Constantinople  ea 
1203,  en  furent  chassés  et  la  reprirent  en  1204, 
fondèrent  TEmpire  latin  qui  eut  cinq  empereurs 
et  prit  fin,  ca  1261 ,  lors  de  la  reprise  de  Coofr 


—  CBAnTBE    XÏÏVll.—  31  t 

tantinople  par  Michel  Paléologue.  Toule  celle 
é[io((ue  du  Bos-Hmpii't:  n'est  qu'ui>e  lun«au  série 
d'horribles  guerres,  d'aflVeux  massacres,  delâdits 
assassitiHU,  de  hideuit  supplices,  de  crimes  cl  d'al- 
lenlats  de  loute  espilcc. 

D'Audiguier  el  La  Colombièrc  onl  décrit  plu- 
Lwetir^épisodes  di;s  guerres  des  (-ruisi^,  et  ont  rap- 
irté  plusieiirB  df'fis  et  renconli'es  entie  ceux-ci 
let  Grecs  ou  les  Sarraziiis,  nolammciit  an  sif'ge 
RMnlioGhc.  Ces  anecdutcs  n'ofTreut  rien  de  re- 
irquable  (420). 

H  a  déjà  él6  observé  au  tome  I.",   page  57, 
re  TEmpire  grec  n'adnpta  (jue  fort  tard  l'usage 
8  loumois  qui  eut  à  peine  le  temps  de  s'y  établir. 
i^ojez  la  note  79. 

Il  n'y  avait  pas  encore  200  ans  que  Constan- 
lÏBOple  était  rentrée  sous  la  doniinalitiu  des  ('irpcs, 

[qu'elle  fut  prise,  en  1453,  par  Maliomet  II, 
inr  Constantin  Paléologne  ,  qui  s'ensevelit  coura- 

isemcnt  sous  les  débris  de  son  IrÔBe  et  de  aa 

Cet  érétiement  fui  l'époque  d'une  ère  BouTelle 

d'une  grande  rc^olulion  eu  Euro|>e.  LxCrétHi 

^IropreiDCnt  dite  ,    c'est-à-dire  la   presqu'île  dit 

Pélopfliiése  ou  Mor^e  ,  a  subi    |H:nduHt   près  de 

«juati'C  siècles  le  joug  musulman  ,  et  vient  d'eu  t'tre 


délivrée  de  nos  jours,  iprés  des  prodiges  de  brt* 
Toure  qui  rappelenienl  les  siédes  de  Tbéqûriock 
et  de  Léonidas,  si  les  stigmles  d'uoe «usa kHigiii 
senrilude  profoodénieiit  anpreinls  dans  les  ombui 
de  ce  peuple ,  pouTsieni  être  effiicés  psr  le  seul 
courage  guerrier.  Quant  k  la  captale  de  TEoipire , 
elle  attend  aussi  sa  déUffance  ateo  les  sicli^  pro- 
vinces qui  Tentourent.  Cette  heure  si  long-lempi 
désirée  est  peut-être  k  la  veille  de  sonner^  h^imtu^ 
biiité  a  désormais  cessé  pour  TOrient  ;  àtj/k  lu 
événemens  semblent  y  niarcher  ausà  vite  que  dan 
potre  Europe  occidentale*   L^islamisme  n*a  pha 
d'autre  soutien  que  les  jalousies  diplomatiques  d» 
princes  chrétiens*  Qu^un  isul  mot  soil  prmionoii 
et  c^en  est  fait  du  trône  de  Mahmoud  qui  déjii  da^ 
mine  bien  moins  mi  aéraîl  c|ue  Tsutocrate  de  k 
Russie, 

La  plupart  des  illustres  voyageurs  qui  ont  viaM 
la  Grèce ,  depuis  M.  de  Chateaubriand  jusqai 
M.  de  Lamartine,  n^y  ont  rencontré  que  rombis 
d^un  grand  peuple  qui  semble  errer  pâla  et  àt^ 
colorée  au  milieu  des  ruines  gigantesques  de  m 
gloire  éclipsée.  CVst  dans  leurs  ouvrages  c^esl  dsai 
V Histoire  d^  la  Grèce  de  M.  de  Pouqueville  quï 
faut  étudier  les  mœurs  des  modernes  Hellànes  qui 

renemblent  beaucoup  k  celles  d^un  peuple  asrf 


—  CHAPITRE    XXÏVII.—  313 

qu'il  s'agit  de  reconquérir  à  la  civilîsntion.  On  ne 
trouve  dans  ces  divers  Périls  aucune  trace  de  duels 
i\  moins  qu'un  ne  duuoe  ce  nom  ^  quelques  ^-pi' 
•udea  isolés  de  pillages,  de  piraleries  et  de  scènes 
d'anarchie  qui  ont  succédé  dans  cette  trop  mat- 
lieiireusc  conlrée  aux  avanies  musulmanes. 

Toutefois ,  je  m'estime  heureux  de  pouvoir  citer 
le  fait  suivant  lire  d'un  journal  grec  intitule  VAmi 
mIb  la  Loi,  sous  ta  date  de  janvier  1U26 ,  F4 ."  176. 
(E  Deux  jeunes  Souliolles  de  la  garnison  de 
Issolonghi  se  trouvant  un  jour  à  table ,  prirent 
lt|uerelle  et  Étaient  prélsJi  s'alitr  battre.  Fiwe,  dit 
plus  jeune,  si  lu  es  un  brave,  nvus  n'aiviis pas 
soin  de  nous  battre  l'un  contre  l'autre,  et  de 
lus  exposer  ainsi  à  mourir  acec  ignominie.  Mais 
archons  à  l'ennemi,  et  là  nous  verrons  quel  est 
plus  braire  de  nous  deux.  —  A  la  bonne  heure, 
vèpoadit  l'autre.  Aussitôt,  ils  tirèrent  leurs  sabres 
coururent  vers  le  camp  des  Turcs.  Le  plus  âgé 
>rés  avoir  tué  cinq  des  soldats  ennemis ,  tomba 
i-méme  atteint  d'une  balle  :  mais  le  pUis  jeune, 
^^i  en  avait  déjà  tué  dix ,  voyant  son  compagnon 
ndu  par  terre  ,  se  dirige  vers  lui ,  l'emporte  sur 
i  épaules,  et  gagne  les  retranchemens ,  n'ayaot 
ttlé  que  blessé  d'un  coup  de  pistolet  dans  sa  retraite- 
Voilà  uu  trait  de  générosité  antique  et  qui 
Ivappclle  l'anecdule  de  Pid&o  et  Yarenus  des  C'om- 


814  —  JIISTOIUI  DSI  DVILt.— 

mémoires  de  Céaur.  /^,  iome  Ip  page  11.  Une  tdle 
conduite  ches  un  peuple  de  pillards  et  de  forbans, 
comme  on  n^appeUe  que  trop  souTent  les  Greci 
de  nos  jours,  pourrait  être  offerte  pour  modèle 
k  beaucoup  d^autres  trop  fiers  de  leur  civiliaatioa 
qui  peut-être  Sera  pitié  à  leurs  descendans. 

L'tle  de  Malte  ,  quoiqu^on  y  parle  la  langus 
italienne,  m^a  paru  devoir  être  claaeée  dans  es 
chapitre  avec  les  lies  Ioniennes ,  parce  que  topogra- 
phiquement  et  moralement  parlant ,  elle  m  plus  de 
rapports  avec  la  Grèce  qu'avec  Tltalie. 

Cette  ile ,  après  avoir  successivement  «ppartena 
aux  Carthaginois ,  aux  Romains ,  aux  rois  de  Tunii 
et  aux  Espagnols ,  ne  commença  k  avoir  de  Tioi- 
portance  que  lorsque  Charles-Quint  la  donna  aux 
chevaliers  de  Saint-Jean  de  Jérusalem  en  1530. 

Les  mœurs  des  insulaires  se  sont  ressenties  de 
ces  variations  dans  le  gouvemement.  Le  duel  ne 
parait  avoir  été  connu  k  Malte  que  lorsque  les  die- 
valiers  s'y  furent  établis.  BranlAme  cite  quelques- 
uns  des  combata  qui  eurent  lieu  dans  cette  ile, 
«ntr'autres  une  querelle  d'on  chevaKer  espagani 
liommé  D.  Juan  de  Gusman  avec  un  de  aea  com- 
patriotes qui  n'était  pas  chevalier.  «  "N^e  pouvant, 
dit  notre  auteur,  se  battre  h  Malte,  en  Italie,  ni 
•en  aucun  lieu  de  la  chrcstienié ,  à  cause  du  dernier 


—  CIIIPITHB    XXXVII.—  315 

concile  de  Trente,  ils  s'assignùrtiiit  le  rombdl  à 
Lft  Vallonné,  pa^s  du  Grand  -  Seigneur,  et  en- 
\o_véi'enl  dcmaiider  le  camp  ù  un  Saugiac ,  renégat 
espagnol  qui  là  coininaudoit  en  quelque  place ,  ce 
qu'il  leur  accorda  eu  toute  acurcté.  Mais  la  justice 
cl  iaquisition  du  royaume  de  Naplcs  l'osant  sceu , 
leur  en  fil  la  dclTtinsc  sur  peine  de  la  vie  par  ban- 
dons et  allÎL'Iica ,  si  bien  qu'ils  n'osèrent  passer 
oullre.  u 

Au  temps  des  chevaliers,  le  duel  élnil  proscrit 
sévéremeul  à  Malte.  11  y  avait  pourtant  dan»  la 
ville  un  lieu  {irivîU^gié  pour  tes  duellisles  oii  l'on 
pouvait  se  ballre  impuuLment,  Ou  l'appelait  la 
Straiia  strewt,  étroite  et  longue  ruelle  qui  n'avait 
de  largeur  que  tout  juste  autant  qu'il  en  fallait  pour 
que  deux  hummes  pussent  se  uiclhc  en  garde  et 
croiser  le  fer.  Us  ue  pouvaient  reculer,  et  les  tL^muins 
arrêtaient  les  passans  pour  empèelier  qu'on  ne  les 
dérangeât.  On  avait  toléré  cet  usage  'd  Malle,  afin 
de  diininuer  le  nombre  des  duels  et  pour  qu'on  ne 
pût  attribuer  i  une  rencontre  fortuite  les  combats 
qui  auraient  beu  partout  ailleurs.  Du  reste,  il  y 
avait  peine  de  tnort  contre  quiconque  se  présen- 
terait dans  la  Slrada  WeLla  avec  des  poignards 
ou  des  pistolets. 

Le  duel  était  donc  tout  à  la  fois  iuterdil  et  toléré 
à  Malte  ;  mais  celte  tulérooce  u'éuit  qu'indirecte  : 


S16  •— HI8T0IAB  DES  DVBtS.  -« 

on  n^osail  point  Fayouer,  on  en  parlait  avec  une 
aorte  d^embarraa  honteux ,  comme  d*un  attentat 
contraire  à  la  charité  chrétienne  et  malséant  dam 
le  elieriieu  d^un  ordre  religieux  et  hospitalier. 

Voici  une  anecdote  fort  curieuse  relatÎTe  à  celle 
célèbre  Strada  stretta;  malgré  sa  couleur  ftnia»- 
tique  elle  ne  paraîtra  pas ,  je  Fespére  ,  déplacée 
dans  ce  chapitre. 

Il  y  avait  à  Malte ,  un  commandeur  espagnol 
nommé  Dom  Louis  de  Lima  Vasconcellos,  frère 
de  Dom  Jaimez  de  Lima  Soto-Maior ,  ambassadeur 
dTspagne  à  Paris,  depuis  1747  jusqu^en  1764. 1 
se  prit  un  jour  de  querelle  avec  un  autre  ceiiH 
mandeur  français ,  nommé  de  Foulquerre ,  qui 
entrant  avec  lui  dans  une  église ,  arttt  offert  de 
Teau  bénite  à  une  jeune  dame  dont  TEspagasl 
suivait  les  pas. 

Ce  Foulcpierre  était  Tun  des  principaux  habitués 
de  la  Strada  sîretta  et  passait  pour  entretenir  ptr 
ses  principes  et  ses  exemples  la  fureur  du  duel  parmi 
les  chevaliers  français,  ses  compatriote».  Néan- 
moins ,  provoqué  au  combat  par  le  commandeur 
espagnol ,  il  se  rendit  à  la  Strada  stretia  d^asseï 
mauvaise  grâce  ,  et  k  peine  j  fut-il  qu^  s^écria  ea 
voyant  son  adversaire  se  mettre  en  garde  :  Comment, 
segnor  commaridador,  vous  tirez  Vépé^  un  f^en* 
dtvdi-Saint  !  Ecoutez,  il  y  a  six  ans  qme  je  ne  me 


—  f,n*piTinî  ixxvLt.—  317 

\  dit  conjexsionnnl ,  je  suis  èpouituité 
de  i'éuit  de  ma  conscience.  Mais  dans  trais  jours 
»'....  Interrompu  brusquement  par  son  adversaire 
quJ  ne  voulut  rien  entendre  et  foroè  <lc  se  mettre 
en  défense,  le  rommandeur  de  Foulquerre  tomba 
bientôt  percé  de  part  en  part.  L'n  f'endrediSaùu , 
('écna-l-il  a\ant  d'eipirer  !  Puisse  le  Ciel  vous 
pardonner!.,.  Portez  mon  èpée  à  Téte-Foulqtws , 
et  faites  dire  cent  messes  pour  le  ivpos  de  mon  eiine 
dans  la  chapelle  du  cltdteau. 

L'Espagnol  ne  fit  pas  grande  attention  à  cei 
paroles.  11  fît  Ha  déclaration  au  chapitre  de  l'Ordre 
dans  la  forme  convenue,  et  trois  jours  après  il  fut 
promu  k  la  dignité  de  Grand-Prieur  de  Majorque. 
Dans  la  nuit  du  vendredi  au  samedi  suivant,  il  se 
retrouva  en  songe  dans  la  Slrnda  stretta,  et  crut 
entendre  le  commandeur  lui  adresser  de  nouveau 
d'une  vois  défaillante  ces  paroles  ;  Portez  mon 
Tête'Foulgucs,etc....  Cette  vision  se  répéta 
lepuis  r^uliérement  et  avec  les  mêmes  circons- 
Unces  tous  les  vendredis. 

Vasconcellos  ne  savait  ce  que  c'était  que  Tète- 
Foulques  ,  mais  s'en  élanl  informé ,  des  chevaliers 
Poitevins  lui  apprirent  qu'on  appelait  ainsi  un 
TÎeux  château,  situé  !i  quatre  lieues  de  Poitiers, 
i«u  nulieu  d'une  forêt ,  tt  dont  on  racontait  dans 
■le  pays  des  choses  cxiraordinaires.    On  y  voyait 


_    d'uni 


SIS  *-  ff fSTomff  D«8  mn.î.  — 

hcancoiip  d'objet*  cwriciix  notamment  Parmufe  A\t 
Fameux  Foulques  Taillefer  arec  les  armes  de  loin 
les  gtieiTÎcrs  qu'il  araît  tués.  Du  reste  ,  Viisagc 
îmmérmorial  de  tous  les  Foulqnerre  à  qui  appar- 
tenait ce  ch&teau ,  ar ail  toujours  été  d^y  faire  di- 
poser  les  armes  qui  leur  avaient  servi ,  soit  k  h 
guerre ,  soit  dans  les  combats  singniiers. 

Le  Grand-Prieur  ne  sachant  comment  se  débar^ 
rasser  de  sa  vision ,  se  décida  enfin  à  se  rendre 
à  ce  château  de  Tête -Foulques  avec  Fépée  da 
commandeur.  I!  n'y  trouva  pour  habitant  qu'un 
concierge  et  un  chapelain  à  qui  il  fit  part  de  Tobjel 
de  sa  visite ,  et  qui  l'introduisirent  dans  une  grande 
salle,  appelée  Varmurie,  où  Ton  n'entrail  januô. 
Des  deux  cAtés  d'une  immense  cheminée ,  étaient 
placés  le  portrait  de  Foulques  Taillefer ,  Grand-* 
Sénéchal  de  Poitou ,  et  celui  de  sa  femme  Isabelle 
de  Lusignan.  Le  sénéchal  était  représenté  armé 
de  toutes  pièces  et  saisissant  sa  rondache  armoriée 
de  trois  Nons  léopardés,  momés  et  dîfbmés.  La 
plupart  des  épées  étaient  réunies  et  ajastées  en 
trophée  au  bas  de  ce  portrait. 

Le  Grand- Prieur,  après  y  avoir  déposé  Pépée 
du  défunt  qu'il  avait  apportée ,  se  mit  à  réciter  sofl 
bréviaire ,  comme  il  est  d'usage  parmi  les  chevaliers 
profés.  La  nuit  était  venue  et  il  allait  se  retirer , 
quand  fixant  les  deux  portraits  du  sénéchal  et  de 


—  rnAriTRE  xînvii.—  319 

sa  femme,  il  croil  y  voir  remuer  des  yeuï  el  des 
lèrres  et  hientAt  enlcndre  relie  ronTersalion  en- 
tr'eiix  1  Bl'amie ,  disait  le  sénéchal  ,  que  vons 
sicmhle  ile  l'oullrecurdative  ilu  Kastillan,  le  quel 
se  wenl  héberger  el  gobergrr  en  mort  c/iasiel,  apretz 
kavoyr  occiz  h  commandeur  el  sans  luy  vouUoir 
octroyer  conjécion  ?  —  Mesaire ,  rfpondit  aigre- 
ment le  portrait  féminin  ,  m'est  eîAviz  qu'ieeiiij 
Kastillanjistforfaiclure  en  ce  rencontre,  el  vraye- 
ment  seroU  mal  à  poinct  qu'il  se  dexpartist  de 
cèaiits  sanz  t/ue  le  gnnt  luy  jectiez. 

Vasconcdlo3  se  retourne  alors  vers  la  porte  , 
mais  cHe  se  trouve  barrée  par  le  sénéchal  qui  lui 
jette  rudemenl  un  gaolelet  de  fer  au  -visage  et  tuï 
présente  sdencieuscment  la  poinle  de  sa  rondache. 
L'Espagnol ,  obligé  de  songer  à  la  défense,  arrache 
une  épéc  du  trophée  d'armes;  elle  se  trouve  être 
celle  du  commandeur  qu'il  venait  d'y  déposer ,  et 
tombant  sur  son  fantastique  adversaire,  il  lui  sem- 
blait l'avoir  pourfendu  ;  mais  lout  aussîtt^t  il  res- 
sentit au  dessous  du  cœur  un  coup  de  pointe  qui 
le  brùIa  comme  un  fer  rouge,  et  il  s'èvanouil. 
lorsqu'il  reprît  ses  sens,  il  se  trouva  chez  le  con- 
cierge qui  élait  venu  l'enlever  de  la  salie;  mais  il 
n'avait  aucune  blessure  ,  et  celle  qu'il  avait  cm 
recevoir  n'était  qu'une  fascination. 

Le  Grand-Prieur   étant   retourné  en  Espagne , 


•unpi  continué  d^étre  obiédè  de  cel  étrange  (Sm- 
ebeniar  qui  ne  céckità  aucun  rem^e,  ni  à  aucune 
pratique  de  dévotkm.  Il  avurail  que  dan»  la  nuit 
de  chaque  vendredi,  il  n^âmt  jamaia  manqtaé  de 
ae  retrou¥er  aux  priiea  avdc  oe  mém^  Foulquei 
Taillerer  et  de  reaentir  ce  brûlant  coup  d^épée 
qu^il  avait  cru  recefoir  dans  Vt^mÊurie  du  chéleta 
de  Tëte-Foulquea  (421). 

AujounThui  Ttlé  de  Malle ,  c6inme  lea  Uei  lo^ 
niennes ,  est  soumise  à  la  dominaiioa  Anglaise.  La 
mœurs  et  la  législation  britanniques  j  exercent  me 
influence  exclusive.  On  v^y  remarque  rien  au  lenfi 
présent  dans  les  principes  el  dans  les  usages  es 

les,  qui  soit  iusceptible  dediinner  lieaàès 

itions  particuUéreSé 


'•  t 


CHAPITRE     XXXVMI. 


1  Russie  et  en  Pntngne. 


Les  Russes  occupent  mijourd'hiiî  In  plus  ^ande 
partie  de  l'anuiennc  Sc\l!iic,  de  cette  terre  du  Nord 
autrefois  si  féconde  en  populations  barbares,  de 
ce  payi  de  fabrique  humaine  ,  ojfîcinn  hominum  , 
comme  rappelaient  les  Romains,  dont  les  produits 
depuis  les  temps  les  plus  reculÉs  se  versaient  h  flots 
pressés  et  inlarissables  sur  l'Ouest  et  le  Midi . 

Toute  celte  partie  de  l'Europe  septenlrionale 
serait  donc  la  terre  primitive ,  le  véritable  berceau 
du  duel ,  suivant  ce  qui  a  été  observé  au  chapitre 
XSXIII,  et  surtout  selon  le  distique  d'Ovide  rap- 
porté k  la  page  166. 

Toutefois,  les  historiens  sont  loin  d'être  d'accOrd 
■ur  la  position  eiacle  de  l'ancienne  Scythie  ;  ce  quî 
n*a  rien  d'étonnant ,  puisque  la  plupart  des  Scythes 
ilaîcnl  des  peuples  nomades  qui  changeaient  de 
place  k  chaque  instant ,  ii-peu-près  comme  ces 
«tpppea  arides  qu'ils  habitaient  et  que  le  Tent 
21 


S8S  «A'HiiivniB  ras  wtkA.  •-• 

du  nord  chasse  devant  lui.  On  a  le  plus  commii- 
nément  distingué  cette  vaste  contrée  en  deux  partiel 
principales ,  la  grande  et  la  petite  Scythie.  La  pre- 
mière devait  comprendre  le  plateau  septentrional  de 
TAsie,  aujourd'hui  appelé  Tartarie  ;  on  désignait  pv 
la  seconde ,  dont  les  limites  sont  plus  incertaines, 
la  partie  méridionale  de  la  Sarmatie  européenne , 
et  les  terres  adjacentes  aux  Palus  Méotides  et  ta 
Pont-Euxin  vers  Fembouchure  du  Danube.  Ceit 
de  ce  dernier  pays  fommnt  le  littoral  de  Tanciaiie 
Mysie  y  qu^a  parlé  Ovide.  Ceit  la  Moldavie  et  k 
y^achi^  d^aujourd'huL 

Quelques  auteurs  ont  étendu  les  limilefl  de  la 
Soyihie  juLsqu^à  la  Germanie.  Rudbeck,  entr^autrcsi 
^  prétendu  q;ae  la  Suéde  était  la  véritable  Scytkîe 
des  Ancien»  et  quei  s'il  y  a  eu  des  peuples  appeUi 
Ççytbea  entre  la  mer  ^oîre  et  la  Bier  Babiqae, 
ç^est  pfurcq  qu^ib^aveienl  été  «lubj^igiiée  pi^^ks  vén^ 
tables  Scythes  qui  habitaient  le  nord  de  FEurope. 
{luDBECRii ,  AtUuitica,  tome  I^  pi  57,  VpsaL ,  1679» 

Du  reste ,  si  Ton  veut  étudier  à  fonds  toutes  ki 
questions  aussi  ardues  que  compliquées  qui  se 
rattachent  k  cette  matière ,  on  consultera  avec  frul 
la  savante  Histoire  des  anciens-peuples  de  t Europe^ 
par  le  comte  Do,  JBuat  s  tomes  IV  cl  /^.  Paris 9 
Desaitu,  1772. 

Je  q^e  bomeraii,  pc|iir  9e  paa  trqp  étendie  et 


:  XTXvnr.  —  323 

Biijel,  h  prisenler  ici  les  observations  im^dilcs  que 
l'illustre  Polonais  Lolewt;!  n  bien  voulu  m'adresaer 
flur  la  race  Slave,  d'où  sont  sorlis  les  Polonais, 
les  Litbuaniens  et  une  partie  des  Busses. 

H  Les  Slaves,  connus  sous  ce  nom  depuis  le  VI.* 
siècle  ,  furent  indigènes  de  toute  cette  étendue  qui 
est  entre  la  mer  Baltique  et  le  Danube.  Ils  portaient 
le  nom  de  G^tes  ou  Daces  au  Midi  ;  au  Nord ,  ils 
avaient  d'autres  dénominations  variables ,  telles  que 
V^édes,  Lysicns,  etc.  » 

<i  Lorsfju'ils  prirent  le  nom  de  Slaves  vers  550 , 
Qs  étaient  partagés  en  différentes  sectes ,  cultes  et 
religions.  Ceux  des  environs  de  Kiow  étaient  tout- 
à-rail  idolâtres.  Ailleurs,  ils  furent  plutiït  dtisles, 
cl  leur  mythologie  ne  présentait  que  des  obscurités 
impénétrables.  Aux  environs  de  l'Oder  eï  de  la 
Vîstule ,  il  y  avait  schisme  armé  ènlre  ceui  qui 
eoterraîbnt  leurs  morts  et  ceux  qui  brûlaient  les 
cadavres.  Vers  l'embouchure  de  l'Oder,  il  existait 
une  autre  secte  qui  observait  un  culte  indien  avec 
on  mélange  de  cbrisUanismc.  Vous  savez  que  les 
lois  des  Indiens  ,  même  de  Manou ,  admettaient 
lea  épreuves  connues  sous  le  nom  de  Jugâmens 
de  Dieu,  mais  je  ne  saurais  vous  dire  si  les  Slaves 
lés  ont  pratiquées.  Il  existe  un  passage  remarquable 
dans  Helmold  ,  écrivain  du  12.*  sièclt ,  sur  les* 
tribunaux  slaves  qui  plaidaient  devant  leur  divinitë' 


SStA  —  RISTOIKE   DBS   DUKLS.  — 

Prove  ou  Pravop  qui  signifie  Droit.  »  f^.  Helmolim 
Chronicon  Sclavorum ,  a^i/ii  scriptor,  rer.  Bivns» 
^^'ic•  de  LeibnilZj  tom»  Il.Hatioi'er,  1707,  m-foUo» 

c(  Pour  les  Slaves  qui  ont  pris  le  nom  de  Rusaiens 
ou  Russes  ,  il  faut  consulter  Evers  ,  Histoire  de 
Russie,  et  mieux  son  analyse  par  P&àwda  Rcsii 
intitulée  :  De  la  loi  priiuitù^e  des  Rut/ieniens.  Ces 
ouvrages  sont  en  Allemand.  On  y  voit  coQunent 
les  lois  étrangères  furent  établies  en  Russie.  » 

En  remontant  dans  les  Annales  Moscovites  de- 
puis le  régne  de  Pierre  I*%  on  retrouve  k  chaque 
pas  les  vestiges  des  mœurs  féroces ,  des  Goths,  des 
Huns  et  des  Yandaks,  lorsqu^ila  vinrent  se  par* 
tager  les  dépouilles  de  la  civilisation  romaine  qui, 
dans  le  cercle  où  elle  gravitait,  se  trouvait  avoir 
atteint  cette  limite  où  les  extrêmes  se  toucbeat^ 
C^est-à-dire  à  la  barbarie ,  son  point  de  départ. 

Saint  Wolodimir  ou  Wlodomir  fut  le  premier 
souverain  de  la  Russie  converti  au  christianisme. 
Les  Mahométans ,  les  Juifs ,  les  Grecs  et  les  Latins 
tâchèrent  à  Penvi  de  Pattirer  dans  leur  religion. 
Lit-dessus ,  il  fit  examiner  par  ses  ambassadeurs 
laquelle  était  la  meilleure.  Ceux  qu'il  avait  envoyés 
pour  cela  à  Constanlinople,  charmés  de  la  manière 
dont  ils  virent  célébrer  le  service  divin  ,  en  firent 
yn  rapport  avantageux  à  leur  maître  qui  embrassa 
k  religion  grecque.  11  abandonna  alors  ses  femmes 


;  TUTvni  —  325 

cl  SCS  concubines  au  nombre  de  plus  tic  huit  cents, 
et  épousa  la  princesse  Anne  ,  stpur  des  cmpereurt 
Basile  et  Constantin.  Il  prit  le  nom  de  Basile  4  son 
hoptème  et  fit  embrasser  In  religion  grecque  aux 
Moscovites  dont  il  di^truisit  les  idoles. 

Ce  prince  étant  en  guerre  avec  tes  Petcliénfgues, 
leur  rlief  lui  proposa  de  la  lermîncr  par  un  duel. 
AVolodimir  l'accepta  :  deux  gnerrievs  entrent  eo 
li<.e  et  combattent  en  prfsciice  des  deux  armées.  La 
victoire  demeura  au  cliampiun  moscovite.  CnoBtEn, 
Polonfa. —  IhmBEBSTF.iN ,  de  leh,  Mu-icwitic, 

Quant  aux  duels  judiciaires,  ils  furent  pratiqués 
dans  les  provinces  russes  vers  la  m^-me  époque 
qu'en  Pologne ,  comme  on  le  verra  cî-après. 

En  prenant  l'histoire  de  la  Russie  au  rt-gne  de 
V\tm  \."  qui  en  est  réellement  le  fondateur,  on 
retrouvera  encore  la  mi'mc  férocité,  sans  que  la 
emiisation  dont  il  chercha  h  doter  l'Empire  ait 
paru  beaucoup  Tadoucir.  Ce  prince  fut  appelé 
/«  Grmi/f;  on  aurait  pu  le  surnommer  le  Cruel, 
tout  aussi  jiistcmenl  que  son  homonyme ,  le  roi  de 
Castillc,  qui  n'a  pas  du  moins  trempé  ses  mains 
dans  le  sang  de  son  propre  fils. 

Pierre  I."  faisait  de  l'ordre  public  en  Russie 
avec  des  supplices  el  des  tortures ,  el  il  ne  dé- 
daignait pas  de  faire  lui- m  ("me  l'ofrue  deJ>ourreau. 
Voici  un  écliautitlou   de  ws  procédés  espédilifs 


82A  ->n9T<^B  PM  9VSU.— 

à  l'occasion  d^une  émeute  des  StriliU ,  ses  garder 
prétoriennes.  II  les  fit  envelopper  et  désarmer  par 
les  troupes  étrangères  et  par   celles  qui   étaient 
restées  fidèles.   Dans  un  même  jour ,  deux  raille 
furent  pendus  et  environ  cinq  mille  eurent  la  télé 
tranchée.  Le  czar  donna  le  signal  de  TexécutioD, 
en  prenant  une  hache  dont  il  coupa  lui-même 
une  centaine  de  tètes,  ordonna  à  ses  courtisaDi 
de  suivre  son  exemple  et  abandonna  le  reste  à 
d^autres  bourreaux  moins  distingués.  Toutes  cet 
têtes  furent  mises  sur  des  pointes  de  fer  autour  des 
murs  de  Moscou ,  et  on  en  composa  un  charnier 
pareil  à  celui  de  la  Sublime-Porte  à  Constantinople. 
DucLOs,  Mém.Sccrets,  tom,  II ^p* 318.  Paris  1791. 
L^autocrate  Russe  ne  mettait  pas  beaucoup  de 
recherche  dans  ses  formes  envers  les  femmes,  m 
anême  à  Tégard  des  membres  du  haut  clergé  de 
son  empire.  11  soupait  un  jour  chez  MenzicoflTqui, 
de  garçon  pâtissier ,  était  devenu  son  ministre  et 
son  favori.  11  y  vit  une  jeune   esclave    nommée 
Catherine ,  fille  d'un  paysan  de  Livonie ,  que  Mcn- 
zicofi*  avait  retirée  des  mains  d'un  soldat  qui  en 
avait  fait  sa  femme.  11  la  trouva  à  son  gré,  lui  dit 
en  sortant  de  table  de  prendre  le  flambeau  pour  le 
conduire  dans  sa  chambre ,  et  lui  fit  partager  son 
lit.  Il  en  fut  tellement  satisfait  qu'il  songea  bientèi 
à  lui  faire  aussi  partager  son  trône.  Lorsqu'il  fiil 


—  CHAPITHB   SX5VIII.  —  827 

décidé  à  lYpuuser ,  il  fit  vemr  l'ardievi^que  de 
Nuvogorod  pour  procéder  à  la  uèrèmonie  du  ma- 
riage. Celui-iû  voulant  profiler  do  celle  circons- 
tance pour  obleitir  tiii  titre  pliiR  élevé,  représenta 
au  czar  qu'une  tulle  ronction  n'apjHirtGnait  qulhl 
un  palriarcbe.  Pierre  ,  pour  toute  réponse ,  lui 
^>pliqua  quelques  coups  de  canne  et  l'arclievi^que 
donna  la  bénédiction  nuplinlc.  Jbii^em,pageiidO. 

11  n'y  a  rien  de  plus  bizarre  que  la  conduite 
de  Pierre  I,"  but  un  point  délicat  qui  dcTail  l'in- 
téresser au  plus  haut  degré  non  seulement  comme 
mari  ,  mais  surtout  comme  souverain.  Lorsqu'it 
eut  épousé  Catherine  qui  déjà  se  trouvait  élre  1« 
ime  légitime  d'un  soldat  de  MenzicolT,  ta  nol^^ 
Vslle  impératrice  conlinua  de  voir  en  secret  «ont 
premier  mari.  Lo  czar  les  ayant  surpris  ensemble, 
leur  donna  des  coups  de  bâton  cl  envoya  le  mari 

iSibérie.  Jbidcm ,]iag.Z'2S. 

Voilii  ou  en  était  le  point  d'honneur  en  Bunie, 

t  commencement  du  18.*  siècle.  On  peut  voir 
dans  le  même  auteur ,  comment  l'autocrate  en  us» 
envers  sa  première  femme ,  rimpératrice  liudoxie, 
et  envers  la  princesse  Marie,  sa  propre  sœur.  Il' 
répudia  la  première  et  la  fit  ensuite  condamner 
par  uue  assemblée  d'évoqués  à  recevoir  Ib  disci- 
pline par  les  mains  de  deux  religieuses,  ce  qui  fut 
exécuté  eu  plein  cliapiirc.  La  seconde  fut  éj|;ale- 


988  -«HliTOimB   IIB8  BlfKLft.^— 

ment  condamoée  à  recevoir  cent  coups  de  bi« 
guettes  qui  lui  furent  appliqués  sur  les  reins  eo 
présencç  du  cwav  et  de  toute  la  cour. 

Duelos  s'est  livré  à  des  déyeloppemeos  ânes 
étendus  sur  Thistoire  de  Russie  qui  avait  de  8<m 
temps  tout  rintérét  d^une  nouveauté  depuis  le  rè« 
cent  voyage  de  Pierre  I.*'^  à  Paris.  Il  raconte  um 
anecdote  fort  curieuse  et  presque  incroyable  do 
la  longanimité  du  ciar  comme  époux. 

Ce  prince  avait  accueilli  à  sa  cour  un  gentilhomme 
breton  nommé  Yillebois,  qui,  ayant  fait  la  contre- 
bande maritime  dans  son  pays,  s^était  vu  obligé 
de  s'es^patrier.  Yillebois  avait  d^abord  été  pr^poiè 
en  Russie  au  commandement  de  quelques  galérei; 
plus  lard,  il  s^ était  insinué  dans  la  confiance  do 
Tempereur  qui  le  chargeait  souvent  de  commissions, 
Vn  joqr ,  peu  de  temps  après  son  second  maria{;€, 
le  czar  Tenvoya  à  Strelemoitz ,  maison  de  plaisance 
QÙ  était  la  csbarine ,  pour  lui  communiquer  une 
affaire  dont  elle  seule  devait  avoir  connaissance. 
Le  CQinmissionnaire  aimait  à  boire  ,  comme  son 
mattre;  le  firoid  étant  très^vif,  il  avait  bu  chemia 
faisçinl  beaucoup  d^eau^de-vie.  Â  son  arrivée,  il 
fut  introduit  immédiatement  près  de  Timpératrice 
qui  était  au  lit ,  et  qui  avait  fait  retirer  ses  femmes. 
Yillebois  commençait  à  s'acquitter  de  sa  mission; 
mais  à  la  vue  d'une  femme  jeune  et  belle ,  dans 


-ciupiTBE  \TS\vm.  —  S29 

un  élal  plus  que  négligé,  une  nouvelle  ivresnc  le 
saisit;  ses  idées  se  confondent,  il  oublie  le  »iijcl 
du  meBsage,  le  lieu,  le  rang  de  In  personne,  et 
ne  précipite  sur  elle.  Etonnée,  elle  crie,  appelle 
au  secours;  maia  avant  qu'on  Mt  arrivé,  tout  ce 
qu'on  eut  voulu  empêcher  était  fait.  Villebois  est 
saisi  et  jeté  dans  un  cachot.  Le  czar  instruit  do 
loutes  les  particularités  de  l'événement ,  accourt 
sur  les  lieux  ;  il  Tait  comparaître  Villebois ,  Tin- 
terroge  et  admetlani  pour  excuse  son  étal  d'ivresse , 
»e  contcnle  de  l'envoyer  sur  les  galères  qu'il  com- 
mandait auparavant  ;  six  mois  après  il  lui  rend 
lotîtes  ses  bonnes  grâces.  I.a  czarine  lui  pardonna 
sans  doute  aussi ,  car  dans  la  suite  clic  le  combla  de 
faveurs  et  se  chargea  même  de  le  marier  (422). 

Un  dernier  trait  servira  k  faire  bien  connaître 
la  cour  de  Russie  et  l'état  des  mœurs  a  l'époque 
de  Pierre  I".  On  lit  dans  les  Mémoii-cs  rèccramenl 
publiés  sous  le  nom  de  la  marq^iise  de  Créqui ,  que 
U  Clarine,  lors  du  voyage  de  Pierre  I,"  fa  Paris,  était 
accompagnée  d'une  suite  nombreuse  composée  de 
dames  de  la  plus  haute  naissance  dont  plusieurs 
allaitaient  des  poupons  ;  et  lorsqu'on  avait  l'air  de 
s'en  apercevoir,  elles  vous  disaient  à  l'envi  l'une 
de  l'autre  avec  une  fierté  jubilaloire  :  «  C'est  S.  M. 
l'Empereur  qui  m'a  fait  l'honneur  de  me  faire  cet 
enfapt  là.  11  Mém.dti  iil.'^de  Civtfui,  loi».  I. 


880  —  mcionui  d»  pubuu— 

Ce  souveraioQ  est  uéanmoms  Tauleur  de  té^ 
mens  trés-sévéres  contre  les  duels,  dont  on  troutort 
le  texte  aux  Eclaircissemens  historiques  (428).  T* 
au  surplus  Lascbbrti  ,  Mém.  sur  la  Russie. 

Pierre  I.®'  eut  pour  successeur  Catherine  I,  m 
seconde  femme ,  qu^il  a^ait  épousée  après  la  ré- 
pudiation de  rimpëratrice  Eudoxie.  Elle  d^enipsrt 
du  trâne  au  préjudice  de  Pierre  II  Alexiowilz ,  et  k 
Faide  de  son  ancien  maitre  Menzicoff.  Catberios 
passe  pour  n^avoir  pas  renoncé  à  cette  pren^éro 
inclination  et  pour  avoir,  de  concert  aTeo  ce  faYorii 
ménagé  à  Pierre  I.*'  un  de  ces  genres  de  mort 
dont  rinvention  a  été  trouvée  assez  bonne  pour  c» 
faire  par  la  suite  plus  d^une  application  aux  auto- 
crates russes. 

La  nouvelle  impératrice  commeaça  son  régne 
en  faisant  abattre  les  potences  et  les  roues  dont 
son  époux  avait  couvert  la  B:ussiQ,  tardive  ex^a- 
tion  de  sa  conduite  envers  Tinfortuné  prince  Alexis^ 
fils  de  son  mari,  qu^elie  fit,  en  manâtre  impitoyable,. 
sacrifier  aux  intérêts  du  sien.  Peu  de  temps  après 
celte  horrible  exécution ,  ce  fils  ohérî  fut  tué  d^ua 
coup  de  tonnerre  entre  les  bras  de  sa  nourrice. 

Néanmoins,  sa  fille  Elisabeth  monta  sur-  le  tràoe 
après  les  régnes  de  Pierre  II  et  d^Anne  Iinraoovma, 
fille  d^I wan  qui  était  frère  de  Pierre  I*'*  Elisabeth  aidée 
d'un  français  nommé  Lefprt  y  son  favori ,  s^empara 


—  CBiPlTBE    \XXVIII-—  331 

de  la  couronne  impériale  par  un  coup  de  main , 
le  6  il^ccnibre  1741  ,  et  cavoya  le  lllulnirc  Uvau  VI 
&  Sclilussclbourg,  prison  ordiitairc  des  autucrales 
dépossédés,  où  il  mourul  assassiné  le  IQ  juillet 
1764 ,  par  ordre  de  Catherine  II. 

Les  cruautés  de  Pierre  I.*"^,  celles  de  lîircn , 
ministre  d'Anne  Iwanonna ,  avaient  produit  une 
telle  lassitude  eu  Russie  qu'il  s'eusuivil  une  espèce 
de  réaction  Fort  remarquable  sous  Elisabeth.  L^abo* 
lilion  de  la  peine  de  mort  sous  son  régne ,  est  peut- 
être  l'iTénemenl  le  plus  eilraordiuaire  de  Thisloire 
de  Russie.  Elle  fui  la  suite  d'un  tœu  que  la  ciarinc 
avait  fait  h  l'image  de  Saiut-Nicolas  ,  de  ne  signer 
aucune  sentence  capitale.  Celle  mesure  aurait 
exercé  une  influence  incalculable  sur  l'avenir  do 
la  Russie,  sans  la  réaction  en  sens  contraire  qui 
s'accomplit  sons  Catherine  U- 

Elisabelh  régna  jusqu'en  1762.  Pendant  sa  longue 
administration  ,  la  mort  lente  de  ta  Sibérie  sup- 
pléa celle  des  échafauds;  on  porte  h  dl\-sept  mille 
le  nombre  des  Russes  qui  allèrent  alors  en  peupler 
les  déserts.  On  vit  retrancher  deux  mille  langues, 
autant  de  paires  d'oreilles ,  fendre  des  nez ,  couper 
des  pieds  et  des  mains,  donner  le  knoul  aux  femmes 
grosses,  attacher  des  hommes  en  croix,  et  sans 
les  tuer,  les  abandonner  au  fd  de  Peau  sur  let 
fleuves  qui  traveiseut  les  déserts.  Pendant  ce  temps, 


dS2  —  HISTOIRE  DES  01TEL8.  -^ 

rîmpératrice  s^agenouillait  devant  Timage  de  Sainte 
Nicolas  ou  de  la  Vierge,  lui  parlant  et  rinteirogeant 
pour  savoir  dans  quelle  compagnie  des  Gardes  eHe 
irait  prendre  le  favori  du  jour.  Elle  n^eul  aucuii 
époux  en  titre ,  mais  elle  avait  pour  mari  secret 
un  soldat  qui  jouait  bien  du  serpent ,  et  pour 
fieivoris  déclarés  tous  ceux  qui  lui  tombaient  sous  la 
main.  Cette  vie  se  termina  par  des  excès  plus  dé- 
gradons encore,  ceux  de  Tivrognerie.  La  mémoire 
d^Elisabeth  est  adorée  en  Russie.  Elle  y  est  sur- 
nommée la  Clémente.  G^est  une  clémence  relative. 

C'est  dans  le  long  règne  de  Catherine  II ,  sur- 
nommée la  Grande,  que  se  trouve  la  meilleure 
étude  des  mœurs  russes  au  18.*  siècle. 

Sophie  d'Anhall  Zerbst,  née  à  Stettin  en  Po- 
meranie  ,  le  25  avril  1729 ,  avait  épousé  le  fils 
d'Anne  Petrovs^na ,  fille  ainée  de  Pierre  I.«^,  qui, 
ayant  été  adopté  par  Elisabeth ,  lui  succéda  sous 
le  nom  de  Pierre  lll.  En  devenant  Grande-duchesse 
de  Russie,  Sophie  quitta  sa  religion  et  son  nom 
pour  prendre  celui  de  Catherine  Alexiowna.  Sa 
conduite  fut  quelque  temps  un  modèle  de  régularité 
au  milieu  de  la  cour  dissolue  d'Elisabeth. 

Après  plusieurs  années  de  mariage,  la  Grande- 
duchesse  n'avail  pas  encore  eu  d'enfans.  Un  jour, 
le  chancelier  Butuscheff  vint  lui  notifier  au  nom 


—  cniTiTRE  :(\Tviii.—  335 

h  qui  il  desline  le  titre  de  Tzarewilch.  Pendant 
re  icmjïs,  IV-nergiqtie  activité  de  Callierinc  a  su 
prévenir  !e  danger  qui  la  menace.  L'empereur 
absent  de  sa  capitale ,  ne  devait  plus  y  rentrer.  Sa 
femme  se  souvient  du  coup  de  main  d'EUsabclli, 
elle  cndoa*e  un  uniforme ,  s'arme  d'une  *pée  à 
laquelle  un  simple  oflieier,  Potemkin,  obtient  d'at- 
tacher sa  dragonne  ;  elle  soulève  les  Gardea  h  clicvat 
avec  le  secours  des  cinq  fri^rts  OrlolT,  ses  favoris. 
La  révolution  s'accomplit ,  Pierre  lli  est  déposé 
et  emprisonné.  Catherine  proclamée  autocratrice 
se  hàle  d'eipédier  à  son  mari  Alexis  Orloff  qui 
revient  déposer  aux  pieds  de  sa  maitressc  la  cra- 
■vatle  du  prisonnier;  c'ilait  l'instrument  de  son  «ip- 
plice.  Les  Orloff  étaient  lespctîls-fHs  d'un  StrtiîlK, 
et  les  Slrélitx  les  Mamcloucks  des  autocrates. 

Le  premier  acte  de  la  nouvelle  souveraine  est 
de  rapporter  Tâdit  d'Elisabeth  qui  avait  aboli  la 
peine  de  mort  en  Rusaie.  Le  &ut  venait  de  précéder 
ie  droit. 
_,  Catherine  continue  de  marcher  dans  cette  Toie, 
Hl  elle  adopte  pour  forme  invariable  de  gouver- 
nement les  supplices  et  la  corruption ,  armes  ordi- 
naires des  despotes  qui  sntent  raisonner  la  tyrannie. 
Le  sang  coule  par  torrcns  sous  son  règne  ,  et  il 
s'y  commet  des  atrocités  qiii  n'ont  d'analo^e  dans 
aucune  hiatoirc.  Elle  accueille  les  Jî-suites  et  cor- 


respond  avec  les  Philosophes.  La  recomnaîssMicé 
de  ceux-ci  lui  décerne  par  Torgane  de  Voltaire, 
de  d' Alemberl  et  de  Diderot,  les  titres  de  Sémiratms 
du  Nord,  d* Etoile  polaire,  de  CiUherine4arGrande. 
Mais  cette  étoile  du  Nord ,  a  dit  une  to»  contem-» 
poraine ,  ne  s'est  élevée  sur  cet  empire  sauvage  que 
pour  réclairer  de  cette  lueur  fousee  et  blafarde  que 
répandent  les  aurores  boréales.  On  peut  voir  du 
reste,  à  la  note  342,  à  quel  prix  s'achetaient  cet 
louanges  de  nos  philosophes,  qui  s^étaient  fait  assel 
peu  philosophiquement  les  historiographes  à  gagci 
des  autocrates  russes. 

Cependant ,  dans  les  premières  annéeè  de  son 
règne  ,  Catherine ,  à  la  suite  d^Un  congrès  coin 
voqué  à  Moscou  dans  la  salle  du  Kremlin ,  avait 
fait  rédiger  cette  célèbre  Instruction  du  Code  pii- 
bUée  à  20,000  exemplaires,  et  répandue  en  Europe 
au  bruit  des  acclamations  louangeuses  de  toute  U 
lilléralurc  subventionnée*  En  France ,  on  Pappeia 
la  Men'cille  des  siècles ,  et  Frédéric  de  Prusse  en 
déclarait  Tauteur  supérieur  à  Lycurgue  et  à  Solon. 
C'était  faire  beaucoup  trop  de  bruit  pour  ce  qui 
ne  devait  rester  qu'un  projet  :  ci  Catherine  trembla^ 
dit  M."**^  la  duchesse  d'Âbrantès ,  comme  une 
femme  qu'elle  était,  à  la  première  menace  de  la 
noblesse  rassemblée.  Au  premier  rugissement  du 
peuple  prononçant  le  mot  liberté,  U  souveraine 


~c.tîktiTKT.  xxwiii.—  337 

•esin  immoliile;  tmit  8'arr(?la  <-omme  elle,  et  ses 
ïflsles  plans  pliiluntropique.^  Turent  frappas  de  mort 
Jês  leur  crtatioa.  Le  congrès  se  termina  par  la  dis- 
IribuUon  aux  députés  de  médailles  d'or  h  l'efTîgie  de 
rimpéralrice.  Ceux  qui  les  rerurenl  les  avaient  dèjk 
vendues^  desJuîFs  polonais  avant  de  quitter  Moscou. 
Quel  commentaire  à  Y  Instruction  du  Code  !  n 

On  lit  du  reste  sur  le  frontispice  de  ce  monument 
celle  maxime  d'une  haute  sagesse  :  Il  faut  t/u'un 
gqnvememenl  soit  tel  qu'un  citojen  ne  puisse 
craindre  un  nuire  citoyen ,  mais  que  tous  craignent 
la  loi.  Cette  pensée  me  parait  admirable  de  vérité , 
de  logique  et  de  précision.  Je  ne  connais  rien  qui 
lui  soit  comparable  dans  les  codes  d'aucun  peuple , 
ni  dans  les  écrits  d'aucun  publiciste.  Voilà  ce  qu'il 
faudrait  écrire  en  t^tc  de  toute  loi  sur  le  duel  ! 

Le  chapitre  M ,  article  234 ,  contient  sur  ce  genre 
de  délits  la  disposition  suivante  :  <c  Quant  au  duel , 
le  meilleur  moyen  de  le  prévenir  est  de  punir 
l'ngresscur,  et  de  déclarer  innocent  celui  qui  sans 
qu'il  y  ait  eu  de  sa  faute ,  s'est  vu  forcé  de  défendre 
son  honneur. « 

*    Voici  maintenant  ce  qu'on  trouve  dans  im  ukase 
■fe  Catherine  postérieur  à  Tinstruction  ; 
'    n  Celui  qui  insultera  ou  frappera  un  bourgeois 
at-ec  la  main  di-tnrmêe,  lui  paicrA  ce  que  le  bour- 
geois paie  annuellement  k  l'Ktal.  » 


888  —  HlftTOIRV  DBS  DUSU.  — 

r(  Celui  qui  insultera  ou  bien  outragera  la  femme 
ou  la  fille  d^un  bourgeois,  paiera  le  double  pour 
la  femme  et  le  quadruple  pour  la  fille  de  ce  que 
le  bourgeois  paie  annuellement  à  TEtat.  » 

Ce  tarif  de  Catherine  pour  les  injures  est  asseï 
remarquable  ;  il  y  a  là  quelque  chose  des  anciennes 
compositions  germaniques. 

On  cite  peu  de  duels  sous  ce  règne,  mais  les 
noirceurs,  les  trahisons,  les  empoisonnemens,  les 
guet-à-pens ,  les  exécutions  publiques  ou  secrètes 
se  succèdent  par  milliers  et  absorbent  les  scènes 
bien  secondaires  des  champs  clos.  Je  passe  sous 
silence  des  anecdotes  relatives  à  des  combats  sin- 
guliers de  peu  d'intérêt ,  pour  en  citer  de  bien 
plus  extraordinaires  où  il  u^  en  eut  pas. 

Le  règne  de  Catherine  fut  moins  une  autocratie 
qu^une  lénocratie,  c'est-à-dire,  un  gouvememeot 
de  débauchés ,  un  régime  qu'exploitaient ,  sous  k 
titre  d'aides-de-camp  de  T Amazone  moscovite ,  des 
favoris  bien  autrement  avides  et  despotes  que  les 
courtisanes  de  VOEU  de  Bœuf.  C'était  Tenvers  des 
sexes  à  Pétersbourg  et  à  Versailles.  Mais  si  des 
jurons  retentissaient  quelquefois  aux  oreilles  de 
Louis  XV,  Catherine  avait  à  dévorer  des  coups 
de  canne.  Celui  qui  se  passait  cette  licence  envers 
elle,  était  Grégoire  Orloff,  le  plus  redouté ,  quoique 
le  moins  aimé  de  ses  favoris.  Sa  main,  sans  être 


inii.  —  839 

ann^e  d'un  ^nntclet  de  fer,  laissa  plus  d'une  foit 
sur  les  hrtta  de  l'impératrice  des  traces  profondes 
de  tes  rudes  ùiroinles 

Lrfl  amans  de  Catherine  ne  se  d^-cimaient  point 
dans  des  duels  rommc  les  mignons  de  Henri  lU. 
Ils  nvaieiit  pour  se  supplnnler  des  mojens  plus 
expi^diliTs  et  plus  sûrs.  On  jugera  de  leur  audace 
par  les  deus  traits  suîvans. 

La  Clarine  aimait  à  passer  sucressiTcment  entre 
les  bras  des  cinq  rrércs  Orloff;  mais  les  deux  pré- 
ffrréa  ulaicnl  (îrégoire  cl  Alexis.  Elle  venait  de  leur 
adjoindre  le  Tameux  Polemkin ,  ce  galant  ofitcier 
(les  Gardes ,  qui  avait  attaché  sa  dragonne  h  IVpée 
dont  elle  s'arma  pour  arracher  la  couronne  k  son 
mari.  Néanmoins,  Icsdeus  premiers  conservaient 
encore  toutes  les  apparences  de  leur  faveur ,  quand 
éclata  an  palais  une  scène  des  plus  singulières  qui 
ctit  pour  résultat  l'éloignemeDl  momenlanà  du 
nouveau  favori. 

Jouant  un  jour  au  billard  avec  Alexis  OrloST, 
Potemkin  prit  de  l'humeur  en  perdant  quelques 
parties  et  laissa  échapper  de  ce»  mots  injurieux 
qu'il  est  impossible  de  ne  pas  comprendre.  Alesis 
naturellement  brutal  répondit  par  une  inaiille.  La 
querelle  s'échauiïa  ;  Potemkin  reçut  ii  l'œil  un  cqup. 
As  ift  queue  de  billard  que  tenait  OrloH'.  La  bita- 
nii«,ilfiiii0rav«.  On  aipar»  les  deu»  wIveTsairu;^ 


lis  étaieiit  igfllemeni  furieux,  et  dans  aa  coléie 
PotemkÎD  eut  le  tort  de  ittéler  le  nom  de  FimpA^ 
rairice  à  sa  querelle.  Quoiqu^il  fût  tard,  Alexis alb 
^r  le  champ  trourer  son  frère.  Instruit  par  hd, 
Gi^égoire  se  rend  k  Tinstant  même  cliex  Catherine , 
•t  du  ton  de  hauteur  dont  il  lui  parlait  quand  1 
Tonlaît  être  obéi ,  il  exigea  sur  l'heure  Fexil  de 
Potemldn  ,  et  Catherine  frémissant  dé  colère  n^ov 
le  refuser.  Elle  sacrifia  TamAnt  aimé  à  Tamant 
détesté ,  et  avant  le  jour  Potemldn  était  en  route 
pour  Smolenrico,  sa  patrie,  où  il  devait  passer  le 
temps  d^un  exil  indéfini*  H  ne  rentra  en  fiiteor 
qu^uh  an  après  et  avec  tm  cril  de  moins* 

n  s^est  passé  juiqu'au  renyoi  définitif  d'Orloff, 
les  scènes  les  plus  scandaleuseé  entre  Potemldn  et 
lui.  Orloff  ne  gardait  pas  plus  de  mestire  enrefs 
aon  rival  qu^envers  Catherine  elle-même.  Viwê 
celui-ci  demeurait  impassible  pouf  ces  nouveaus 
griefs,  comme  il  Pavait  été  pour  son  exil  et  la  perte 
dé  son  oeil.  Il  se  contentait  pour  toute  vengeance 
d^accabler  le  fougueux  Orloff  de  tout  le  poids  de 
son  immense  faveur. 

La  retraite  de  ce  dernier  fut  décidée  à  roccanoD 
du  trait  suivant,  plus  extraordinaire  encore  qud 
le  précédent* 

Potemldn  avait  cédé  Catherine  à  Lanskoî,  aimaol 
mieux  gouverner  Tétat  quç  le  cœur  d'une  sultaoe 


—  ciupiTBi!  xMvrii.  —  341 

■uFannée.  Grégoire  OrlolT  de  son  cùIé,  n'ayant  plus 
rien  de  mieux  ii  fuire,  iivait  tiiti  par  se  marier  et 
s'était  mis  k  voyager.  Il  vint  ii  la  cour  de  Louis  XV, 
k  Versailles  ;  il  s'y  présenta  avec  un  frac  de  gros 
drap  lout  uni^  el  avec  un  Ion  el  des  manières  tt 
favenant,  dans  l'intention  innnitestc  d^insullcr  le 
roi  de  France  dont  le  ministre,  M.  deChoîseul, 
B^était  exprima  rtieemmcnt  d'une  manière  peu  flat- 
teuse sur  le  compte  de  Catlierioe.  Dans  cette  cour, 
eu  mille  épf'cs  se  levaient  au  moindre  signe  d\ine 
prostituée ,  il  ne  s'c<t  pas  trouvé  un  seul  homme 
pnur  punir  cette  insolence. 

En  passant  h  Lausanne  pour  retourner  en  Ruasî», 
OrloET  perdit  sa  femme.  Le  jnur  de  son  arrivée  & 
PÉtersbourg  ,   nn   donnait    une  fc'te    au  palais  de 

^-Txa^co-Zt•lo  :  il  lui  prend  fantitisie  de  s'y  présenter 
•«a  grand  deuil  ,  la  clievelnrc  en  d^Hordre  et  le 
visage  couvert  d'une  piikur  de  morl.  Il  apparait 
comme  un  spectre  aux  regards  de  Catherine  qui 
prenait  part  a  la  fête  ,  appuyée  sur  le  bras  de 
XiaBskoi.  Eh!  bien,  Kaltaga,  lui  dit-il  d'un  air 
égaré,  x<ous  avez  donc  toujours  le  g'>ût  de  la  danse  7 
youlez-a-ous  Toiseraxcc  moi'J  vous  hésitez....  Est- 
ce  que  mon  habit  vous  fait  peur?  El  il  fixait  alter- 
nalivemeul  son  habit  noir  et  CalUerine.  .Vof  (ci-vo«/, 
lui  crie-t-il  d'uue  voix  lugubre ,  que  ma  femme 
.élttit  inoile,  iesavii:z-voux'i.,,.  Et  si  vous  le  st{- 


vi&z,  comment m^x-^vous  asi  damier  cetteféie}.** 
Et  il  prend  une  chaise  qu'il  brise  sur  le  parquel. 

Lanskoî  veut  s^ëlancer  Ten  lui ,  Catherine  le  re- 
tient avec  force ,  et  répond  à  Orloff  d^une  voix 
tremblante  qu^elle  ignorait  que  sa  femme  fut  morte. 
•^ Oui,  elle  csi  morte,  ajoute  celui^cî,  en  aecouaol 
la  tête  et  joignant  les  mains ,  eUe  est  marte,  et  moi 
je  suis  resté..:  Je  suis  bien  malheureujc,  Katinga, 
car  je  f aimais  bien  ma  femme,  je  Vaimaisanw 

passion Et  cet  homme  féroce  pleurait  c<muBe 

un  enfant. 

Tout -è -coup,  ses  yeux  rencontrent  ceux  de 
LaMkoi ,  et  il  se  met  à  rira.  Ah,  ah  f  wnlà  donc 

le  nouveau,  "venu Hum  !  fnms  êtes  bien  jeune, 

mon  enfant»  Pauvre  étaumeau ,  comment  voas 
éies^^ous  laissé  prmtdre  au  trébucfiet?  Et  redou- 
blant ses  éclats ,  il  tint  des  discours  tellement  iiH 
sultans  pour  Timpéralrice  et  d'une  si  grande  licence 
que  Lanskoî ,  dont  les  sœurs  étaient  dans  la  pièce 
voisine ,  paraissait  décidé  à  employer  la  force  pour 
le  mettre  dehors.  Il  l'entendit ,  et  le  regardant  avec 
une  expression  de  mépris  accompagnée  d'un  geste 
significatif. — Fais  un  pas  seulement,  et  je  te  jette 

par  celle  fem^U-e — •  Orloff,  O/iaff!  s'écria 

Catherine  en  fondant  en  larmes ,  et  s'adressent  k 
Lanskoî  :  Que  lui  veaa>tu  ?  il  est  fou. —  Oh  !  ami, 
je  suis  fou,  dit  Orloff,  avec  un  rire  amer.  Puis 


—  CHAPITRE   TITVIII.—  343 

il  ajoute  en  se  baissant  vers  l'impératrice  :  ^tais 
qui  m'a  ivndujbu  ?  I^'cst-ce  pas  pour  tôt,  Knlinga, 
que  j'ai  été  légiciric ,  assafnln  ?  Et  mnintennnt , 
femme ,  tu  dix  que  je  suis  fou  .',.,,  Et  il  leva  ^a 
main....  Cattieriiie  jela  un  cri  et  retomba  sur  son 
sofa.  OrloH"  s'uloigne  alors  en  silenctr,  et  se  retire 
en  traversant  les  grouiies  joyeux  sur  lesquels  il  jette 
des  regards  qui  glacent  d'épouvante. 

Catherine  fol  lonp;-teiniJS  terrifiée  de  celte  ap- 
parition. Orloll'reviul  encore  quelquefois  à  la  rour, 
et  elle  n'osait  pas  loi  en  iulerdiie  l'entrée.  Enfin, 
elle  se  décida  ,  après  lu  rttoup  de  plusieurs  scènes 
de  ce  genre ,  k  le  faire  partir  de  force  pour  Moscou 
où  il  mourut  dans  un  délire  frénétique  vers  le  com- 
meacement  d'a-vri!  1785. 
■  Dans  aucune  de  ces  incroyables  silunliona,  comme 
IHûs  ta  balnillL*  k  coups  de  rpieucs  de  billiard 
iftHrc  Ali'Tiis  et  l'otcmtctn  ,  on  nVnlcndît  prononcer 
le  mot  de  duel  on  de  carlel.  S'il  en  avait  été  au- 
trement ,  Cniherine  aurait  eu  plus  de  nerf  pour 
sauver  ses  favoris  de  leurs  fureurs,  que  Henri  111  ne 
montra  de  résolution  pour  empi'cher  ses  mignons 
de  ne  décliirer  ou  pour  venger  leur  mort. 

Peu  de  temps  après ,  Lanskoî  subitement  attaqué 
d'une  maladie  violf  nie ,  mourut  lui-m(*me  en  quel- 
ques jours  dans  les  bras  de  Calherine ,  el  rassura 
Potemkin  devenu  jaloux  ,  non  des  afledioas  de 


S4i  -*-  USTOUE  DES  DUELS.  «— 

la  femme ,  mais  de  cellea  de  la  souYeraiDe.  Le  dé- 
sespoir de  Catherine  fut  affreux  ;  elle  poussait  des 
cris  aigus  et  sauvages,  refusait  toute  nourriture^ 
s'ensevelissait  dans  Pombre  et  parut  quelque  temps 
insensée  de  douleur.  On  croit  que  ce  fut  alors 
que  Potemkin  Tépousa  en  secret. 

Parmi  les  favoris  déclarés  de  la  Messaline  russe, 
on  en  cite  jusqu'à  douze  qui  eurent  des  noins 
célèbres ,  sans  compter  d'obscurs  caprices  qu'eUe 
aimait  souvent  à  se  passer  en  secret.  Comme  les 
douze  Césars ,  ils  ont  peut-être  trouvé  un  Suétone 
dans  une  femme,  dont  la  plume  sévère  a  tracé  de 
celle  cour  un  tableau  qu'on  croirait  presque  fan* 
taslique  ,  tant  il  est  horrible.  Voyez  Ctaherin&lU 
par  MJ^  la  duchesse  d'Ahratilès ,  p«gr»  209  et  pat^ 
^i/n,  Paris   1834. 

Les  richesses  dévorées  par  ces  vampires  de  la 
Russie  dépassent  tout  calcul.  Catherine  leur  je- 
tait à  chaque  instant  des  millions  en  pierreries, 
en  roubles,  en  somptueux  palais,  en  paysans; 
car  c'est  ainsi  qu'on  compte  dans  ce  pays  où  les 
hommes  ont  une  monnaie  courante. 

Les  frères  Orloff  reçurent  45,000  paysans  pou« 
vant  produire  un  revenu  de  40  millions.  Potemkin 
fut  gratiCé  d'un  palais  estimé  600,000  roubles, 
d'un  habit  brodé  en  diamans  qui  en  valait  200,000. 
U  reçut  pendant  les  dix-huit  années  de  sa  faveur 


—  CHM-ITBE    \X!i.Vlfl.—  345 

50,000,000 de  roubles  el  200,000  paysans.  Ou  éva- 
lue la  Tui'lune  (ju'il  luîssa  à  sa  morl  h  300,000,000 
tle  francs.  Sa  tuble  seule  lui  eu ùlHJt  1,000  luuhles 
par  repas.  Le  rouble  en  or  valait  iilors  riiiq  fraucs. 
S'il  élail  possible  d'évaluer  le«  prudigalitès  de  Ca- 
iherine  pour  lous  ses  favoris  réunis,  elles  dépas- 
Bcraient  la  somme  fabuleuse  de  plusieurs  milliards. 

Parmi  les  atrocilés  que  ce  monstre  femelle  faisait 
marcher  de  pair  avec  ses  dévorantes  débauches, 
on  cite,  outre  le  meurtre  de  son  mari,  celui  de 
la  femme  de  son  fils  <jui  fut  depuis  Paul  I.".  Elle 
la  fit  périr  avec  $on  fruit  par  les  mains  d'une  accou- 
cheuse de  son  choix,  trouvant  ainsi  le  secret  de 
placer  la  mort  dans  les  sources  mêmes  de  la  vie. 

Après  celte  exécution,  elle  fait  croire  à  ce  fila 
désolé  que  sa  femme  portait  dans  son  sein  le  fruit 
d'un  adultère.  Catlierine  s'y  connaissait.  Ce  trait 
::Aatanique  est  d'une  affreuse  vigueur  dans  la  réunion 
hle  ceux  qui  forment  son  portrait. 
.1  On  cite  encore  le  supplice  d'un  de  ses  favoris 
qui  ,  pour  sV'lre  marié  sans  sa  permission ,  fut 
arraché  du  lit  conjugal  avec  sa  compagne  et  tous 
deux  battus  de  verges  jusqu'à  la  mort  ;  celui  d'une 
iille  de  l'impératrice  Elisabeth  ,  qu'Alexis  OrloIT 
vint  enlever  dans  les  états  de  Toscane,  par  un  de 
ces  hardis  coupa  de  main  qui  depuis  servit  du 
modèle  au  gwl-ijpeas  d'Elenheim.  La  malheureuso 


"MB  '*-  RlSTOtAB  DE!  VÛKLS.  — 

eut  un  sort  pire  que  celui  de  la  fille  de 
Après  avoir  été  défliiotiorée  par  son  bourreau ,  dk 
fut  cruellement  fustigée  et  jetée  dans  un  cadiot 
des  bords  de  la  Newa  oii  une  inondation  du  fletm 
Tint  finir  ses  tourmens  (424). 

Cest  au  génie  de  Potemldn  que  sont  dûs  lo 
événemens  qui  donnèrent  un  vernis  éclatant  aux 
dernières  années  de  ce  règne  célèbre.  C'était  Idi 
qui  caressait  dans  ses  rêves  la  conquête  de  Cods- 
tantinople.  A  sa  mort,  Catherine  trouva  plus  facik 
et  plus  court  de  se  jeter  sur  la  Pologne.  Ce  futaa 
gAteau  que  la  diplomatie  européenne  voulut  jeler 
à  la  hyène  du  Nord,  pour  détourner  ses  regarà 
du  chemin  de  Bysance ,  après  avoir  eu  soin  toute- 
fois de  s^en  réserver  une  bonne  part. 

L^amante  de  Poniatowski  lui  avait  dit  un  josr 
dans  un  de  ses  ébattemens  :  Tu  seras  roi  !  EUe 
lui  tint  parole ,  et  lui  fit  donner  à  garder  pour  elle 
le  trône  de  Pologne.  La  Sémiramis  de  Tzarco-Zelo 
avait  pu  lui  appliquer  alors  avec  un  légère  variante, 
ce  vers  que  Ninus  adresse  à  la  Sémiramis  de 
Babvione  : 

Quand  il  en  sera  temps ,  je  t^en  ferai  descendre. 

Le  drame  de  J'exéculion  de  la  Pologne  fut  divisé 
en  trois  actes.  £lle  mourut  de  trois  coups  de  pot- 


I  —  cnsprTBE  xxsviTi.  —  347 

l^aivl  que  lui  porta  Catherine  par  les  dignes  mainii 
des  Repnin  ,  des  Diewili  et  des  Suwarow-  Ces 
trois  bourreaux ,  dceoris  du  nom  de  généraux 
russes,  y  eiercérent  des  alrocil^s  fabukuses.  Dre- 
witz  choisissait  les  plus  nobles  d'enli-e  les  Polonais , 
leur  coupait  lui-minie  les  mains  et  les  leur  allach&it 
derrière  le  dos.  Il  s'en  faisait  précéder  à  son  enlrée 
à  Varsovie  ,  ou  bien  il  les  faisait  écorehcr  tous 
vivans,  de  manière  à  ce  que  leur  peau  représentiît 
Dur  eux  Phaliit  polonais.  D'autres  ^'taiciit  enchaînés 
cAle-à-càte  par  gradation  de  laille,  et  leurs  idtea 
décollées  avec  une  adroite  svniél lie ,  servaient  aux 
jeux  de  ee  monstre ,  digne  111s  de  ces  barbares 
Scythes  qui  buvaient  jadis  dans  le  erâne  de  Icura 
ennemis. 

Ce  tigre  à  face  tiumaine  était  sans  courage. 
Jamais  il  ne  comballait  de  sa  personne.  Pris  deux 
fois  par  un  héros  polonais ,  le  jeune  Pulawski , 
deux  fois  il  en  obtint  ta  vie  qu'il  lui  demanda  h 
genoux.  Ce  fut  ^  la  suite  do  cette  campagne  qu'on 
\it  éclater  à  Moscou,  les  premiers  symptômes  de 
la  ftesie  russe ,  qui  n'était  que  le  choléra  moderne 
donl  nous  a  gratifiés  une  nouvelle  extermination 
polonaise. 

Le  dernier  soupir  de  la  Pologne  s'exhale  sur 
le  champ  funèbre  de  Maciéjowice.  Son  intrépide 
défcuscur  Koiuiueko ,  couvert  de   blessures  ,   est 


S48  «^msTOiRB  WÊé 

retrouvé  parmi  les  cadaYres  de  tes  frères.  Pragt 
est  emporté  d^assaut  par  Suwarow  qui  fail  égoi^ 
hommes ,  femmes ,  enfilas  et  vieillards  au  nombre 
de  vingt  mille.  Il  entre  à  Varsovie  précédé  de 
quinze  bourreaux ,  portant  quinze  tètes  illustres 
pour  trophées.  Catherine  récompense  ses  exploits 
par  le  grade  de  feldHOUuréchal. 

En  1706 ,  au  milieu  des  préparatifs  d^une  guene 
contre  la  France ,  la  ciarine  succombe  à  une 
attaque  d'apoplexie  et  laisse  le  trâne  à  son  fils 
Paul  1.*' ,  que  sa  politique  ombrageuse  tenut 
éloigné  d^elle  de  son  vivant ,  le  faisant  "voyager 
comme  on  dit  en  Russie.  On  connaît  la  fin  tragiqse 
de  ce  prince  dont  le  régne  fut  court  et  qui  mourot 
en  1801 ,  comme  meurent  ordinairement  les  au- 
tocrates. 

Son  fils ,  Alexandre  L^' ,  fivait  des  idées  che* 
valeresques  et  même  philosophiques  ,  mais  non 
pas  de  celles  qui  font  une  loi  à  un  fils  de  punir 
les  meurtriers  de  son  père.  Cet  aSîreux  scandak 
au  début  de  son  r^gne  ,  attira  sur  lui  d^odieux 
soupçons  qui  ne  sont  pas  plus  éclaircis  que  k 
genre  de  mort  dont  il  finit  lui-même  sa  carriéie 
à  Taganroik. 

Parvenu  au  tràne  à  Tàge  de  24  ans ,  il  fut  k 
premier  souverain  russe  qui  ait  toléré  le  duel  doot 


«-cHXPîTiiE  xxTvm.—  849 

fa  pratique  sympalliisait  avec  Bon  goM  pour  lu 
chevalerie.  H  ne  sf-rissait  contre  les  duellistea  que 
lorsque  la  discipline  niililaîre  y  ùtnlt  inl^ress^e  , 
notamment  quand  un  chef  avait  ^lè  provoqué  par 
un  subalterne  pour  alFaire  de  service. 

Les  duels  tes  plus  remarquables  de  cette  époque 
formeraient  un  volume.  £n  voici  quelques-uns  qui 
m'onl  paru  offrir  un  caractère  particulier. 

Le  chevalier  de  Saxe  se  trouvant  à  la  cour  de 
Catherine  11 ,  portait  ombrage  au  prince  ZoubolT 
qui  était  alors  favori  en  titre.  Un  jour,  M.  de  Saxe 
était  à  cheval  à  une  promenade  fréquentée  par  !■ 
cour  le  premier  mai  de  chaque  année.  Le  jonne 
prince  Scherbatuff  le  rencontre ,  l'aborde  et  s'in- 
forme de  sa  santé.  Le  chevalier  lui  répond  avec 
hauteur  ,  fait  volte-face  et  disparah.  Le  soir ,  il 
•y  avait  spectacle  h  l'Ermita^  (chAteau  impérial). 
Le  prince  ScherhalolT,  qui  sortait  à  peine  de  l'en- 
iuce,  avait  été  choqué  de  l'insolence  de  M.  do 
Saxe  ;  il  l'arrête  au  sortir  du  spectacle  ,  l'apos- 
trophe vivement,  et  bientôt  le  lumuhe  devient  si 
gtand  autour  d'eux ,  malgré  la  présence  de  l'impé- 
Mtrice,  que  Zouboif  crul  p()u%oir  profiler  de  cette 
occasion  pour  donner  à  M.  de  Saïc  l'ordre  de 
quitter  immëdialement  la  Russie. 

L'affaire  en  resta  lii  jusqu'à  l'avènement  au  trâne 
de  l'empertiur  Alexandre.  Zouboff  disgracié  ren- 


SBO  -MiuvoimB  DBf 

contre  alors  le  cheTalier  en  Allemagne  ;  odin-ci 
kii  envoie  un  cartel ,  prétendant  que  c^étail  lui  qui 
Tavait  empêché  de  laver  Tinjure  qu^il  ayail  reçue 
du  prince  Scherbatoff.  Le  duel  a  lieu,  et  Zoubol 
est  légcrement  blessé.  A  la  nouTelle  deaa  déEsôte^ 
St^herbatoff  demande  à  TempeMur  la  permission 
de  voyager ,  et  celui^ei  tout  en  devinant  le  motif 
de  celte  demande ,  la  lui  accorde  à  Tinstant.  Scher* 
batoff  retrouve  le  chevalier  à  Prague ,  le  provoque 
à  son  tour  et  le  tue  en  combat  singulier* 

On  a  vu  au  tome  L«' ,  page  353,  quelle  avait  été 
en  1812  la  conduite  du  ewnte  Dolgorouddy  am- 
bassadeur de  la  cour  de  Russie  ii  Naples,  enven 
celui  de  France,  le  baron  Durand' dé  Mareuil.  Ea 
1808  y  le  père  de  ce  même  personnage  fut  èm[doyé 
en  Finlande ,  comme  général-major  (maréchal-dé^ 
camp  )  lors  de  la  dernière  guerre  des  Russes  arec 
les  Suédois.  Sa  hauteur  et  sa  présomption  déplai- 
saient h  la  plupart  de  ses  compagnons  d'armes; 
mais  il  jouissait  à  la  cour  de  la  plus  haute  faveur 
et  chacun  s^empressait  autour  de  lui. 

Pariùi  les  principaux  officiers  de  Tannée  de 
Finlande ,  se  trouvait  un  vieux  militaire  biaochi 
sous  le  harnois  qui  se  nonunait  Zass,  avait  rang 
de  lieutenant  -  général  et  commandait  un  corps 
d'armée.  Il  reçut  un  jour  du  prince  Dolgoroucli 
un  ordre  qui   coitoariait  CAtiér^etnent  son  plaa 


Kviii.  -  351 

d'opérations,  et  il  rcTusa  d'obéir.  Ce  refus  donna 
lieu  à  une  cxplicalion  Iréa-vive  qui  finît  de  la  part 
de  Dolgoroueki  par  une  provoculion  en  duel. 

Eu  ce  moment  mcme,  on  enlendîl  gronder  le 
canou  suédois  ,  et  Ton  apporta  la  nouvelle  que 
l'ennemi  allaquail  une  redoute  russe  près  de  Niens- 
cliaiilz.  Prince ,  dit  alors  Zass  ii  son  adversaire , 
^lous  ne  pouvons  nous  battre  en  duel  dans  un 
moment  où  le  devoir  nous  appeih  ions  deujc  à  la 
tétede  tios  troupes;  ce  serait  donner  un  mauvais 
exemple  aux  soldats  et  un  avatitago  aux  Suédois, 
Mais  voici  ce  que  je  vous  propose;  allons  nous 
placer  dans  les  embrasures  de  celte  batterie  sur 
latjuelie  l'ennemi  paraît  concenUer  son  attaque. 
Nous  jr  resterons  jusqu'à  ce  <juui\  boulet  vienne 
rent'erser  l'un  de  nous  deux. 

Dolgorouckî  accepta  :  ils  partirent ,  se  placèrent 
le  plus  en  évidence  qu'il  leur  fut  possible,  revêtus 
de  leurs  insiguea,  afin  de  servir  de  point  de  roirc 
aux  Suédois  qui  redoublèrent  d'efforts  ^  leur  vue. 
Depuis  plus  d'une  demi  heure  une  grêle  de  boulets 
et  d'obus  venait  tomber  on  plein  sur  la  batterie  : 
les  deux  adversaires,  debout  l'un  vis-à-vis  de 
l'autre,  une  main  appuyée  sur  la  hanche  ae  mesu- 
raient d'un  regard  fier  et  immobile  ,  lorsqu'un 
boulet  vint  couper  en  deux  le  prince  DolgoroucLi, 
Toute  l'arioée  apploudil  'à   ce  nouveau  genre  de 


duel ,   et  Tempereur  Aleiiandre   en  fut   pénétré 
d^admiralion. 

Ce  trait  ne  vaut  pourtant  pas  celui  des  dent 
centurions  de  César,  Pidfio  et  Tareiiua,  ni  cefaâ 
des  jcfunes  Souliottes  rapporté  au  chapitre  pré- 
cédent, n  y  a  là  du  courage  Btihé  doute ,  mais  c'mI 
celui  du  suicide,  et  si  tous  les  officièTs-généraui 
se  comportaient  ainsi  devant  Tennetni  ,  on  peut 
penser  quel  avantage  lui  serait  assuré.  G^est  trahir 
son  pays  que  de  ne  pas  tovdit  lui  faire  le  sacrifice 
de  ses  ressentimens  privés.  Ce  grand  intérêt  doà 
passer  même  avant  celui  de  llidnneur. 

Voici  un  dernier  trait  d^un  genre  non  moini 
singulier.  Le  cdmte  Théodore  de  Tolstoy  état 
un  navigaleut  plein  de  hardiesse  et  d'intrépidité. 
Pendant  un  voyage  qu'il  fit  autour  du  Monde,  I 
souleva  contre  le  capitaine  l^équipage  du  vaissetu 
qu^ii  montait ,  et  il  fut  pour  cela  relégué  dans  use 
lie  déserte  de  TAmérique  ,  ce  qui  le  fit  surnomoê 
VAttiéricain.  Sa  vie  pleine  d^avetitures  dénote  âne 
force  de  caractère  extraordinaire  et  que  d'autre 
circonstances  auraient  peut-être  pu  développera 
son  avantage .  II  s'est  battti  dit-sept  fois  en  dud, 
et  il  a  presque  toujours  eu  l'avantage  sur  ses  adrer* 
saifes.  C'était  la  terreur  de  Moscou. 

S'élûnt  un  jour  pris  de  qdetelle  avec  un  officier 
de  marine ,  il  lut  envoya  un  cartel  que  celui-<i 


refuM ,  donnanl  pour  raisnn  que  le  r«mle  (lait 
Irop  connu  pour  son  adresse  cl  que  les  chances 
dti  combat  seraient  cnlr'eux  trop  inégales.  Tolsloy 
tiii  proposa  alors  de  se  battre  an  pistolet  k  bout 
porlant;  mais  roflîcier  de  marine  déclara  qu'il  ne 
consentirait  il  se  ballre  qu'à  la  manière  des  marins, 
c^esl-à-dire  que  les  adversaires  se  prendraient  au 
corps  et  se  jcteraieni  k  i'onu  ,  la  vicloire  devant 
rester  à  celui  qui  parviendrait  ii  surnager  dans  cette 
lutte  aquatique.  Tolsloy  répondit  qu'il  ne  savait 
piLS  nager  ;  mais  son  adversaire  lui  ayant  Fait  en- 
tendre que  cVlait  avoir  penr,  il  se  jelle  sur  lui, 
le  saisit  dans  ses  brn9  et  l'enlratitc  dans  la  mer. 
On  parvient  bientôt  i  les  repécher  encore  vivans  ; 
mxis  l'olficiiT  de  marine  ,  soit  de  frayeur,  soit  par 
la  violence  de  la  chute,  Tut  retiré  souQrnnt ,  et  deux 
jeun  après  il  n'existait  plus. 

Les  hordes  de  Cosaques  asiatiques  et  européens 
forment  une  partie  notable  de  la  population  russe , 
et  jouent  un  rAle  important  dans  l'armée  comme 
troupes  légères.  Parmi  ces  dernières,  les  plus  nom- 
breuses sont  celles  du  Don.  Voici  un  trait  qui 
•emble  annoncer  de  leur  part  beaucoup  moins  de 
ftrocilé  que  ne  leur  en  donne  leur  K-putalion  , 
surtout  depuis  la  double  visite  qn^ils  firent  eu 
Fnuce  en  181^  et  lâld. 


3M  — BtnofitB  DES  Dimts. — 

Toutes  les  fois  qu^une  querelle  porte  les  Cost- 
ques  à  s'altaquer  inulueilemenl ,  ils  oombaUent 
avec  leurs  poings  comme  en  Angleterre  ;  jamais 
ils  nVmpioient  le  couteau,  ni  le  poignard,  ni  tout 
autre  instrument  tranchant  Cet  usage  forme  un 
trait  tellement  caractéristique  des  mœurs  de  celte 
nation  qu^il  a  donné  occasion  à  un  pari  trés- 
remarquable  entre  deux  conseillers  privés  de  Ca- 
therine 11 ,  Teplof  et  Gelagin.  On  venait  dénoncer 
à  rimpératrice  le  meurtre  d^une  jeune  fidle  par  un 
moine  cosaque  du  couvent  de  Saint-Alexandre- 
Newski.  Teplof  paria  contre  Gelagin  que  ce  moine 
n^était  pas  Cosaque.  Il  fut  en  effet  reconnu  pour 
être  Russe.  Interrogé  par  Catherine  conunent  il 
avait  pu  si  bien  deviner,  ce  C^est  que ,  dit-il ,  jamaii 
Cosaque  ne  tuera  une  femme,  et  s'il  le  faisait,  ce 
serait  avec  la  main  et  non  avec  un  couteau.  » 
Clarke,  f^ojage  en  Russie» 

Le  même  auteur  en  parlant  des  Kalmouks,dtt 
que  ces  peuplades,  quoiqu'elles  soient  portées  à 
la  colère,  sont  très-* sociables  entr'elles  et  vivent 
dans  la  meilleure  intelligence,  ^oyez,  pour  les 
autres  tribus  asiatiques,  le  chapitre  suivant. 

Telles  sont  les  mœurs  de  la  Russie,  tel  est  Télat 
actuel  de  ce  grand  empire  relativement  au  sujet 
de  cette  histoire. 

En  présence  de  ce  tableau  de  là  cour  de  Samt- 


—  rn^piTRE  xxxvrn.  —  355 

ri^iersbourg  (loiil  je  n'ai  pu  tracer  qu'une  esquisse 
hieii  K^Rère;  k  la  vue  de  ces  incroyable!!  d^rdres 
qui  oui  d('sIionnrt  les  règnes  si  ndmirés  de  Pierre  I.", 
d'Elmliclh  et  des  deux  Catiierines,  la  France  de- 
vrait juger  pcut-élrc  aveo  quelque  indulgence  ses 
souverains  de  la  m(>me  èpnque.  Qui  pourrait  gagner 
il  la  comparaison,  des  favoris  ou  des  TaToHles, 
lies  Orloff  el  des  Ponipadour,  des  exils  en  Sibérie 
et  des  lettres  de  cachet ,  des  prodigalités  de  Péters- 
liotF  et  de  celles  de  Versailles ,  des  prostitutions  du 
l'arc-au-Cerf  el  des  bacchanales  de  Tsarco-Zelo  !* 
Pendant  que  la  monarchie  française  était  tempér^-e 
par  des  rliansons,  l'aulocratic  russe  l'était  par  le 
poignard  coDime  le  dcspolisme  turc  par  le  lacet, 

Il  me  reste  ii  parler  de  la  Pologne,  s'il  existe 
cucore  Bujuurd'liui  une  Pologne  ailleurs  que  dans 
les  fastes  de  l'hisloire  el  dans  la  stërde  admiration 
des  conleniporaiiis.  ^ious  avons  vu  naguéres  res- 
susciter cette  héroïque  nation  pour  mourir  une 
quatrième  fois  de  la  main  d'un  nouveau  Suwarow. 
Praga  devint  encore  le  théâtre  de  la  gloire  el  le  loni' 
beau  des  Sis  de  PulawsLi  et  de  Kosciusko.  Notre  di' 
plomatie  contemporaine  est  jalouse  de  la  honte  de 
Louis  XV;  elle  a  laissé  écraser  la  Pologne  à  qui  elle 
aurait  bien  voulu  peuj-clre  aumi^ner  la  protection 
deKs  |>TOlocoles,  comme  elle  le  fait  pour  laTurquie, 


8S6  —  iifanromB  ras  9u«l8*  — 

comme  elle  s^esl  bien  lard  aura  résignée  k  le  faire 
pour  la  Grèce  ;  maïs  le  cœur  (ut  a  failli,  et  la  voii  de 
la  t>eur  a  parlé  plus  haut  que  celle  de  rinlérél. 

Un  ministre  français  avait  fait  entendre  à  la  tri-* 
bune  ces  paroles  tiistoriques  :  La  naùonaù'iê  polih 
naise  ne  périra  pas  ;  et  quelques  jours  après  on 
entendit  sortir  de  la  même  bouche  ces  mots  noa 
moirts  mémorables  :  L'ordre  ivgne  à  f-^arscni'e. 
Grêlait  Tordre  des  catacombes ,  c'était  la  paix  de 
la  solitude  dont  les  Néron  et  les  Domitien  gratifi- 
aient le  monde  au  temps  de  Tacite. 

Ecoulons  encore  ici  Lelewel  :  c'est  une  des 
gloires  de  la  malheureuse.  Pologne.  Sa  voix  n'a 
pas  seulement  l'autorité  de  la  science ,  mais  encore 
celle  de  l'infortune.  H  peut  parler  de  Tanlique 
splendeur  de  sa  pétrie ,  celui  qui  a  risqué  sa  léte 
pour  lui  restituer  son  nom  ;  il  peut  peindre  ses 
mœurs ,  ses  coutumes  et  ses  usages ,  celui  dont  Ths- 
bile  main  en  a  déjà  buriné  l'histoire.  Assis  sur  une 
terre  étrangère ,  nourri  du  pain  de  l'exil ,  ce  grand 
homme  peut  s'écrier  avec  ses  compagnons ,  comme 
les  Israélites  sur  le  bord  des  fleuves  de  Babylone  : 

Illîc  sedimus  et  flevimns  douce  rccordaremur 
Sion,  PSALM.  cxxxvi. 

Encore ,  si  les  vengeances  moscovites  leur  per- 
mettaient d'y  respirer  en  paix^  si  elles  n'exploi- 
taient pas  ou  la  peur  ou  la  ruse  pour  poursuivre 


—  CHAPITH!    \X\VIII.—  357 

de  pays  en  pnys  cea  inrnrtunès  débris  éolisippf-s 
aii\  réactions  des  gihcis  nu  à  la  foudre  des  t^haiiipK 
dv  batailles.  Heureux  les  diTiiîers  llls  de  la  l'ologiie 
qui  n'uni  pas  vu  se  chuiigcr  coiitr'eun  en  haine 
luricuiie  la  froide  iudifférence  dos  cabinels  ! 

«  L'état  Kodal,  dit  M.  Lelcwd,  dans  la  lettre 
eulograptie  qu'il  a  bien  voulu  m'adrcsscr,  a  cer- 
tainement des  relations  intimes  avec  le  duel  ;  mais 
j'îidople  l'epiniun  et  l'cipression  de  l'historien 
miglnis  Hallam  (nu  plutùt  du  moraliste  Hall)  <|ui  dit 
que  s'il  faut  clierclier  en  Kuropc  un  élat  h  Toppo- 
eite  ÙM  feuclalisntc ,  on  a  la  l'ulugne.  Il  a  trés-hien 
opprécié  IVlal  social  de  notre  p;»y3.  En  Pologne, 
l'homme  ne  dépendait  point  de  l'homme.  Le  ci- 
toyen n'élail  engagé  dans  aucune  dépendani'e  en- 
\er8  ses  cooeiluyens ,  nî  mi^mc  envers  le  souverain. 
Celui-ci  n'avait  aucun  ttroil  sur  les  terres  qui  appar- 
Icnaieol  en  pure  piopritlé  allodi^ilc  ^  leurs  pos- 
sesseurs. Quant  aux  autres  classes  d'habitaus ,  il 
faut  remarquer  que  l'esclavage  fut  supprimé  ;  mais 
avec  le  temps ,  te  seiva^e  des  paysans  s'est  aggravé. 
Il  fui  tel  aux  16. ■  et  Ï7.'  siècles  tpi'ils  rcdevinrcnl 
presque  des  esclaves,  u  l'ojez,  pour  plus  amples 
dé\eloppemen3  sur  ce  sujet,  I'Essm  historique  de 
Lelcwcl  sur  la  léi^islulion  pulonaise,  depuis  730  jus- 
qu'en 1430 ,  inséré  dans  le  Tableau  de  la  Pologne, 
par  Mittlc^Siuii,  t.  AI,  édil,  dti  Lùoiiai'd  Citodsko. 


858  —  HISTOIRE  DES  DUBLSi  — 

On  voit  dans  cet  ouvrage  que  la  Pologne  fui 
décliirée  par  une  espèce  de  schisme  législalif ,  la  loi 
nationale  et  celle  du  pays  allemand  ,  source  de 
longues  contestations  entre  les  nobles  et  les  cita- 
dins. La  législation  nationale  ne  connaissait  pas  les 
combats  juridiques  ,  et  celle  de  TÂlIeniagne  les 
introduisit.  Sous  le  roi  Alexandre,  en  1505,  les 
statuts  de  la  diète  abolirent  toutes  les  pratiques 
judiciaires  de  la  législation  allemande. 

La  Pologne  eut  aussi ,  comme  tant  d'^autres  pars 
d«  TEiirope,  ses  reines  adultères  avec  des  champions 
pour  établir  leur  innocence  à  coups  d'épée  ou  de 
massue.  Iledwige  ,  femme  de  Jagellèn,  Grand*duc 
de  Lithuanie  ,  à  qui  Cromer  et  les  autres  historieoi 
polonais  donnent  le  titre  de  sainte ,  se  trouva  dans 
ce  cas  en  1390.  Douze  des  principaux  seigneurs  du 
pays  voulaient,  selon  la  mode  étrangère  ,  la  purger 
d^accusation  en  champ  clos.  Mais  la  loi  du  pays 
prévalut.  Un  jugement  rendu  dans  les  formes,  con- 
damna Taccusateur  à  se  placer  sous  un  banc  en 
posture  de  quadrupède ,  et  dans  cette  position  à 
désaboyer  ses  propos  ;  c'est-à-dire ,  à  déclarer  pu* 
bliquement  quil  avait  menti  comme  un  chien. 
Chômer,  Po/o/t/a.  ^  Dlugoss.  ,  Ilistor.  Polon,, 
lib,  III,  cap.  4.  Franco/uni  171 1 ,  in-folio. 

ce  Le  combat  de  deux,  continue  Lelewel,  fui 
connu  sur  le  c/iamp  de  guerre  dans  toute  la  Sla- 


—  cbapithe  xxrv-iri.  —  3oU 

ironie  el  en  Pologne  ;  mais  le  duel  du  poînl  d'hon- 
neur pns  plus  que  le  duel  judiciuirc  ne  fut  reconnu 
parla  loi  naliunate.  Cependonl,  malgré  la  dt'fense 
légale ,  les  seigneurs  qui  cherchaient  à  se  distinguer 
des  autres,  professaient  In  théorie  du  point  d'hon- 
neur et  la  pratiquaient.  Cromer  dît  que  du  temps 
de  Sigismond  I.^'suruoramé  l'Ancien  ou  le  f^iena; 
il  fallait  la  permission  du  roi  pour  se  battre  en  duel. 

^  Je  TOUS  recommande  le  petit  et  précieux  ouvrage 
^e  Cromer  intitulé  Polonia  en  deux  livres;  il  se 
trouve  dans  In  Jiépiil>lif/w  des  Elzévirs,  » 

On  trouve  dans  In  Chronitjnc  de  Hongrie  de 
.^huroL'ius,  un  passage  impurlant  qui  conlîrme  Kctte 
itfeniarqiie  de  M.  Lclewcl,   relative  à   ranliquilë 

\Jéa  duel  sur  te  champ  tle  gaeirc  en  Pologne ,  et  qui 
témoigne  de  Pinfluence  qu'exerçait  déjà  sur  celte 
coutume  le  chriatinnismc  lout  récemment  établi  dans 
:«epa^9.  Il  s'agissait  de  savoir  en  Tannée  1022,  sî  la 
iPoméranie  paierait  un  tribut  ii  la  Pologne.  Cette 
'gestion  devait  se  décider  par  le  duel  ;  mais  Misea , 
duc  de  Pologne ,  el  ses  fils  répugnant  comme  chré- 
tiens à  se  Boumeltre  à  cette  condition,  un  chef  polo- 
nais nommé  Bela  s'offrit  de  combattre  en  leur 
place,  et  le  duc  de  PoinéraDie,  qui  élait  pa)en  , 
ayant  été  vaincu,  s'avoua  coupable  (425). 

Ce  Irait  s'applique  également  au  combat  judi- 
ciaire ,  et  il  y  a  toute  appareuce  ({ue  l'usage  de  ce 


aOO  —mnoiRB  DB9  pans.  «• 

geare  d'épreuve  faisait  partie  des  mœurs  slaves  et 

en  fut  extirpé  par  les  prédications  chrétiennes. 

Bodinus  et  Camerarius,  au  témoignage  de  Voet 
de  duclUsj  cap.  F  et  VI,  s'accordent  à  dire  que 
]a  preuve  par  le  combat  était  également  pratiquée 
en  Moscovie ,  s'il  n'en  existait  pas  d^autre ,  ii  d^ 
causa  allier  non  liqueret,  (426) . 

Voyez  au  surplus  le  savant  Commentaire  du 
baron  d'IIcrberstein  de  rébus  Muscoviticis ,  apud 
rcr*  MuscoK'itic.  scriplor.  var.  Francofuiti  1700. 

<(  La  Lithuanie,  dit  encore  Leiewel,  qui  étendait 
sa  domination  sur  la  Russie  par  la  défense  des  li- 
bertés des  villes  contre  les  usurpations  des  Czars,  fut 
changée  en  une  monarchie  féodale  par  Gedimin  vers 
1320.  Sa  réunion  avec  la  Pologne  en  1383 ,  affaiblit 
ce  nœud  féodal  et  le  fit  dissoudre.  Â  Tépoque  de 
l'union,  en  1569,  le  vasselage  des  citoj'ens  fut  sup- 
primé déGnitivemcnt.  On  conserva  toutefois  le  ser- 
vage des  paysans.  Depuis  lors,  Tétat  de  la  Lithuanio 
et  ses  institutions  furent  les  mêmes  qu'en  Pologne,  m 

«  Les  institutions  républicaines  repoussaient  U 
susceptibililé  de  l'honneur  personnel ,  et  la  langue 
ne  possédait  guéres  d'expression  analogue  à  celle 
du  Point  d  honneur.  Elle  accepta  le  terme  étranger 
honor  pour  exprimer  une  idée  étrangère.  Le  répu- 
blicanisme exigea  que  le  caractère  du  citoyen  fut 
^iitacl.  Le  mol  çzczé  qu'il  faut  lire  tzchestz  et  qui 


—  CtllMTBE    \1\V1I1.—  !îfll 

est  il  l'oppnsitc  de  t'infamie  zbczvzescié,  zhezeciiiè, 
exprimait  une  idée  sublime  :  vile  iR'signail  l'homme 
vertueux ,  loyal ,  irréprochable ,  sanx  tâche ,  et  ipii 
réunissait  dans  sa  personne  toutes  les  qualités  du 
parfait  citoyen.  » 

C'était  là  la  i'crlu  dont  parle  Montesquieu,  f. 
tome  I,  page  107;  c'était  VInVgcr  viiœ  scclcrù 
que  punis  d'Horace,  ou  le  Juste  de  rialoii  ,  ou 
enfm  Aristide. 

«  Chacun,  continue  Lelewel,  devait  rechercher, 
conserver  et  défendre  sa  considération ,  et ,  s'il  était 
déshonoré  comme  citoyen ,  il  lui  était  impossible 
de  rétabliras  czézé  par  le  combat.  Le  calomniateur 
qui  outrageait  la  czézè  d'autrui ,  perdait  la  aienne 
et  était  réputé  infâme.  » 

u  Mais  les  seigneurs  qui  fondèrent  raristocratie, 
Bc  battaient  quelquefois  eotr'eux.  Le  fameux  duel 
entre  Samuel  Zboronski  et  Jenn  Tencsiuski  au 
château  de  Cracovic ,  qui  eut  Heu  à  l'arrivée  do 
Henri  de  Valois  et  causa  la  mort  de  Vanowski, 
est  généralement  connu.  » 

u  Du  temps  de  Sigismoad  III  vers  1600,  le  vieux 
Zamoiski  voulait  provoquer  en  duel  le  duc  Charles 
de  Sudermanie  qui  avait  usurpé  le  In^ne  de  Suéde. 
Mais  Charles  refusa  le  Ciirlel  par  le  motif  qu'il  y 
avait  trop  de  di^lance  d'un  simple  gentilhomme  à 
uO  duc.  Zamoiaki ,  qui  avait  refusé  le  titre  de  prince, 


360 

gcure  dïprcuve  fainit  parli'  oblenîr 

en  fia  extirpe-  par  Ici  prèd'  ^irer  en 

Bodiniw  et  Camerar    ^  Dal  n  ci* 
ile  ducltis^  cap.  y  f 

la  preuve  par  le       /  /    -  ,  sèparakni 

en  Mc«oTic.  r  ,.    '  3é,dernoii. 

causa  altier  i    '  .  j^  ^-  Vn 

^•enl  peu  de  cas.  u 

VoTcm  r  .       ,  , 

•     ^  «  je  puise  dans  un  opuscule 

..  seigneur  italien   et   dédié  au  oac 

^jtwick   Ce  seigneur  dont  je  ne  me  rappelle 

^  le  nom .  Tovai^eant  en  Polosrne ,  fut  accueilli 

-"     jioc  de  grandes  dênionatrations  de  cordialité  chei 

J^  puissant  prince  Zborowsld.  Il  y  devint  bientùk 

Tobjet  des  plaisanteries  de  la  maison ,  et  on  alla 

m^me  jusqu^à  en  faire  un  Téritable  jouet.  Ob  en 

jugera  par  le  trait  qui  Ta  suÎTre.  » 

CL  Un  jour,  à  la  suite  d*iin  somptueux  diner, 

on  lui  barbouilla  tout  le  corps  de  miel  et  on  lâcha 

sur  lui  des  ours  bien  dresses.  Lics  ours  se  mirent 

à  léoher  le  miel .  et  faL^ient  éprouver  au  patieut 

par  le  jeu  lîe  leurs  lanzues  des  sensations  insup- 

porl.ihles  dont  il  avait  beau  se  défendre.   PenJâut 

ce  temps-là ,  il  tiait  l'objet  de  la  risée  de  toute  la 

comp.î^iie.  !ik:  .;iïê  d'un  tel  traitement,  il  voulut 

à  l'iii<i.i:ii  pren-.lr'?  cons:^  de  son  hôte  qui  redoubla 

d'insi.uiocs  pn-r  le  retenir  et  fit  même  démonter 

le»  rouos  de  sa  voiture.  C'était  la  civilité  nationaie- 


—  CnÂPITRB   XXXVMt. — 

L'Italien  rfussît  enfin  li  s'esquiver  tic  celle 
et  k  peine  en  riil-il  driiors  qu'il  envoya  un  rartd 
il  Zborowski ,  avec  une  copie  de  sa  gfntniogie 
pdur  prouver  que  l'illustration  de  sa  familli-  était  au 
moins  6gale  h  la  sienne.  Le  duc  rt>giiant  de  BruQB- 
wick  consentit  sur  sa  prière  à  lui  servir  de  témoin  ; 
mois  Zborowski  n'eut  gnrde  d'accepter  le  due! ,  et 
rien  ne  put  le  dÉtermincr  à  se  battre.  » 

"  Cependant  les  combats  de  deux,  surtout  dans 
les  temps  de  la  décadence  de  la  république ,  furcnl 
fréquents.  Les  Jésuites  aimiiient  la  gymnastique  et 
le  combat  su  b^^lon  ,  et  cela  pouvait  avoir  son 
influence.  On  se  battait  pour  montrer  son  adresse 
ovi  par  suite  d'une  querelle ,  surtout  lorsqu'on  se 
trouvait  échauffé  par  la  boisson.  On  se  passait  de 
témoins ,  et  on  ne  suivait  aucune  régie.  L'arme 
était  le  sabre  et  souvent  l'adresse  terminait  le  com- 
bat sans  elTusion  de  sang,  n 

M  Je  me  souviens  d'avoir  entendu  parler  ,  élant 
encore  jeune  cnrant ,  d'un  duel  qui  eut  lieu  au 
temps  de  Stanislas- Auguste  et  qui  causa  un  granil 
flcandalc.  Le  motifdu  combat  qui  se  fit  au  pislolcl , 
était  une  ofiense  k  rhonncur  personnel.  Il  fut  trcs- 
acbarné  et  ne  se  termina  que  par  la  mort  d'un 
des  comballans.  Le  surrivanl  fut  condamné  comme 


«  Il  est  vrai  de  dire  que  les  combats  singuliers 


.    I 


ê 


384  «-miTOfRB  DBS   DUKLS.  — > 

n'ont  commencé  à  deyenir  frèquens  qti^aprcs  la 
chute  de  la  république ,  et  malheiireuaenient  notre 
émigration  contribue  beaucoup  à  les  multiplier,  n 

Cette  mélancolique  réflexion  de  notre  ilUutre 
exilé  pourrait  s^appuyer  de  trop  d^exemples.  Mon 
respect  pour  de  nobles  infortunes  me  fait  un  de? oir 
d^étre  sobre  de  citations.  Je  ne  rapporterai  qu'un 
seul  fait  qui  s'est  passé  récemment  parmi  les  réfugiés 
polonais  du  dépôt  de  Bourges. 

Le  18  août  1834,  deux  officiers,  M.  Miecxnie- 
kowski,  lieutenant  au  I.*' régiment  de  chasseufs 
à  cheval ,  âgé  de  30  ans ,  et  M.  Stuart ,  sous- 
lieutenant  au  2.^  lanciers,  âgé  de  21  ans,  eurent 
une  querelle  pour  un  motif  frivole.  Le  lenderoaio, 
les  deux  adversaires  se  rendirent  sur  le  terraio. 
Les  conditions  étaient  qu'ils  marcheraient  l'un  sur 
Tautre  et  pourraient  avancer  jusqu^à  une  distance 
de  huit  pas,  qu'ils  tireraient  chacun  deux  coups 
et  que  si  ni  l'un  ni  l'r»  Ire  n'était  touché,  on  dé- 
clarerait l'airaire  terminée ,  ou  bien  que  le  combat 
continuerait  au  sabre.  M.  Stuart  tira  le  premier, 
et  frappa  sou  adversaire  qui  tomba  sans  faire  un 
mouvement.  La  balle  était  entrée  par  l'œil  et  ^lail 
restée  dans  la  telc  (427). 

c(  On  se  battait  beaucoup  plus  sous  Napoléon 
que  sous  les  Russes  ,  ajoute  encore  M.  Lelcwol 
en  terminant  sa  lettrie  ,  et  on  se  bal  dans  l'épi- 


—  citAriTBE  \K\viii.  —  365 

^lîoh  par  oisiveli;,  par  suile  de  cet  ftal  de  soiif- 
fraiice  et  de  déinoralisiition  qui  rend  luules  les  sus* 
cepllbjlités  ai  farilemenl  irritables,  n 

Du  rcite ,  pns  une  plainte  dans  celte  noble  lettre 
«juc  je  conserre  comme  le  plus  précieux  monu- 
oient  de  i'amilié  d'un  grand  homme  ,  pas  une 
parole  d'impatience  ou  mi'ine  <!c  surprise  pour  ces 
douloureux  mécomptes  qui  oui  accueilli  sur  la 
terre  d'ail  les  vénérables  débris  du  la  nationalité 
polonaise.  Il  faut  être  Russe  ou  diplomate  pour  ne 
pas  comprendre  une  telle  magnanimité. 

Pendant  la  lutte  héroïque  engagée  nagiiéres  entre 
la  Pologne  et  la  Rus»e ,  il  y  eut  plusieurs  rencontres 
îndÎTiduelles  qui  rappellent  tes  anciens  combnls 
sur  le  cJuimp  de  guerre  dont  a  parlé  M,  Lclewcl. 
Dans  la  campagne  de  1831 ,  un  cousin  du  dernier 
prinee  PoninlOMski  ,  capitaine  commandant  un 
escadron  de  lanciers,  eombatlit  seul  k  seul  avec 
un  chef  cosaquo ,  chacun  en  face  de  leur  escadron . 

Je  terminerai  ce  chapitre  par  un  dernier  Irait , 
fort  remarquable  tiré  d'un  journal  anglais.  Il  pourra 
donner  une  faible  idée  de  ce  que  les  malheureux 
Polonais  avaient  à  endurer  dans  la  vie  publique  et 
privée  de  leurs  oppresseurs ,  et  de  i'anlipalhte 
profonde  qui  séparait  les  deux  peuples. 

Un  jeune  oITieier  polonais  qui,  du  temps  de 
TEmpire ,  avait  servi  dans  la  Garde  impériale  frau- 


—  mSTOIRB  DES  DUBLt»  — 

çaise ,  recherchait  en  mariage  une  jeune  el  belle 
personne  de  Varsovie  qui  fut  enlevée  par  un  offi* 
cier  russe.  Après  de  longues  et  inutiles  rechercheii 
le  lieu  de  sa  retraité  fut  révélé  par  une  femme 
de  cliambre  complice  de  renlèyement.  L^officiw 
russe  offrit  d^épouser  la  jeune  fille ,  mais  celle-ci 
jrefusa.  Il  envoya  alors  un  cartel  à  son  rival  qui 
Faccepta. 

Le  lieu  du  combat  fut  fixé  dans  une  forêt  i 
quatre  lieues  de  Varsovie.  A  huit  pas  de  distance, 
on  piqua  des  sabres  en  terre.  Les  adversaires  placés 
à  une  distance  plus  éloignée  et  armés  chacun  d'un 
pistolet  devaient  marcher  Tun  sur  l'autre  jusqu'au 
but ,  mais  pouvaient  tirer  à  volonté.  Le  Russe  fit 
feu  le  premier ,  traversa  la  poitrine  de  son  en- 
nemi et  lui  fit  perdre  Téquilibre.  Viens  te  faiit 
tuer,  misérable  y.  s^écna.  l'ofiicier  polonais,  il  me 
reste  encore  assez  de  vie  pour  {arme lier  la  tienne. 
Mais  le  Russe  remonta  à  cheval  et  se  liala  de 
s'éloigner.  Ses  témoins  indignés  dirent  à  ceux  du 
blessé  :  Coûtez  à  sa  poursuite  ^  point  de  piuê, 
c*est  un  déloyal ,  nous  i^ous  l'abandonnons.  Ils 
ne  perdirent  point  de  temps  ;  poussant  leurs  che- 
vaux à  toute  bride ,  ils  reparurent  bientôt  et  leurs 
sabres  ensanglantés  apprirent  à  leur  ami  que  son 
adversaire  ne  devait  plus  exister.  Un  instant  après, 
l'officier  JTusse  qui  n'était  que  blessé,  fut  apporté 


«CBiprmE  xxxviii.  —  367 

dans  une  aubei^e  uù  l'un  venait  de  dOposer  le 
polunais  mourant.  Celui-ci  h  l'aspect  de  son  en- 
nemi recouvre  un  resle  de  force ,  se  lève ,  saisit 
une  fpée ,  s'élance  vers  son  rival ,  le  frappe  ot 
expire. 

L'officier  russe  a  survécu  à  ses  blessures  et  a 
encore  traîné  une  déplorable  existence  pendant 
environ  dix  années.  Les  deux  Polonais  témoins 
du  combat  fureut  obligés  de  s'exiler.  On  rendît 
Ia  jeune  lille  it  ses  parcus.  JUackvi-ood' s  Magazine. 
\Sepix:mb.  1834  (428). 


•rr-' r- 


CHAPITRE    XXXIX. 


T)i\ch  en  Asie ,  Afrîqne ,  Amcrîqtie  et  Océanîe. 


•  Je  réunis  ces  quatre  parties  du  Monde  dans 
un  seul  chapitre.  Il  faudrait  pourtant  plusieurs 
\ctlumes  pour  approfondir  un  tel  sujet.  Mais  je 
n^ai  qu'une  rapide  esquisse  à  tracer  des  mœurs 
des  principaux  peuples  étrangers  à  notre  Europe. 
hh  où  l^anlique  civilisation  s^est  retirée ,  là  où  la 
civilisation  moderne  n^a  pas  encore  pénétré,  ces 
mœurs ,  en  ce  qui  touche  le  sujet  de  cette  histoire, 
se  ressemblent  à-peu-près  partout. 

Toutes  ces  innombrables  populations  peuvent 
être  classées  dans  trois  grandes  divisions  à  raison 
du  culte  qu'elles  observent ,  le  paganisme  ou  boud- 
hisme  ,  Tislamismc  et  le  christianisme. 

Là  où  s'est  établie  la  religion  chrétienne  ,  on 
retrouve  les  mœurs  de  l'Europe  sur  les  injures  et 
les  susceptibilités  du  point  d'honneur.  L^islamisme 
s'appuie  sur  la  doctrine  du  fatalisme.  Il  recom- 
mande la  justice  en  théorie  et  ne  pratique  en  réalité 


—  CHlLVITKE    XS\[S.—  309 

que  la  Force.  Dnns  le  paRniiismc  cl  le  boiidlitsme 
on  rclroiive  d'une  part  l'i-lal  de  nalure  avec  lous 
les  f'cnrts  de  la  férocité  (irimilive  ,  cl  d'nnlrc  part 
les  absurdités  du  fùlîcliisme.  Il  faut  toutefuis  faire 
uDu  escepUon  pour  la  Cliine- 

Occupons  nous  d'abord  de  l'Asie.  On  rcticonlrc 
encore  ici  les  Scythes  dont  l'Asie  est  le  vi-rital>le 
berceau.  C'est  d'eux  que  sont  sortis  les  Chinois, 
les  Torlarcs  el  les  Turcomana,  qui  tomposenl  In 
phis  grande  partie  de  la  population  asiatique. 

Ce  serait  déjà  un  bien  long  travail  que  de  pré- 
lenter  ici  seulement  l'analyse  des  savantes  recher- 
ches auxquelles  s'est  livré  sur  l'origine  de  ces 
peuples   1;    comte  Du  Buat ,    dana   son   Histoire 

»Cficivnne  fies  peuples  de  l'Europe.  Si  l'on  consulte 
cet  oiiTrage  notamment  au  tome  III ,  lîv.  IV ,  on  se 
convaincra  de  l'analogie  qui  existe  entre  l'origine 
des  Germains  cl  eelle  des  Cliinuis  et  desTorcomans, 
et  par  conséquent  de  U  similitude  que  devaient 
présenter  leurs  mœurs  h  des  époques  reculées. 

u  On  trouve,  dit  M.  Du  lluat,  dans  les  environs 
et  au  nord  de  la  mer  Caspienne,  des  monumens 
antiques  qui  ne  nous  permettent  pas  de  doulor 
que  celle  région  n'ait  été  habitée  autrefois  par 
une  nation  policée  ,  savante  dans  plusieurs  arts  et 
iDjme  IcUréc.  Cet  état  s'nppcluit  le  Lî-Kcn,  et  fut 
24 


870  —  HiJproniE  oes  mncL».  — 

ensuite  noTrim6  Ta-'tsin.  Il  était  connu  des  Chinois 
dans  le  temps  des  J/an  >  une  de  leurs  dynasties 
qui  commence  207  ans  avant  notre  ère.  » 

c(  Ces  peuples  n^étaient  autres  que  des  Huns, 
appelés  depuis  Tarlares.  Les  historiens  chinois  en 
content  des  merveilles  incroyables.  Selon  eux ,  la 
capitale  des  Ta-tsins  avait  cent  lieues  de  circon- 
férence et  contenait  cinq  palais  à  dix  lieues  de 
distance  Tun  de  Tautre.  La  richesse ,  le  commerce 
et  les  forces  militaires  de  ces  peuples  étaient  en  pro* 
portion.  Chaque  jour  le  roi  se  transportait  dans  un 
ces  palais  pour  y  rendre  la  justice.  Devant  son  char 
se  tenait  un  oflicier  qui  portait  un  sac  dans  lequel 
on  jetait  les  placels  qu^on  lui  présentait.  Le  roi  les 
examinait,  lorsqu^il  était  rentré  dans  son  palais.  Lei 
habitans  de  ce  pays  étaient  grands  et  bien  faits 
comme  les  Chinois  j  ce  qui  leur  avait  fait  donner 
le  nom  de  Ta4sins.  Ta  signifie  grand,  et  tsin  désigne 
la  Chine.  »  Hist,  ancienne  des  peuples  de  l'Europe, 
Liv.  IF ,  chap.  3,  pa§.  334,  —  Tables  chronol.  de 
Vemp,  Cliin. ,  /iV.  /,  §.  8 ,  pag.  27. 

«  Les  Aorses,  dit  encore  M.  Du  Buat,  méri- 
tèrent plus  que  les  Romains  rattenlion  des  auteurs 
chinois.  Pline ,  Tacite,  et  Strabon  en  ont  aussi  fait 
mention.  Ils  formaient  plusieurs  royaumes  dont 
le  moins  puissant  mettait  sur  pied  deux  cent  mille 
hommes  de  cavalerie.  C'est  la  ménie  nation  que 


—  cHAPiTBK  xx\n.—  871 

Toflrph  dit  ttre  sortie  de  la  Scytliie  asiatique  pour 
s'élnblir  près  des  Palus  IMéoltdes.  » 

(1  Si  l'on  joint  aux  peuples  que  je  viens  de 
nommer ,  les  Daces ,  les  G^tes ,  les  Parlhes  ,  les 
Etsedons ,  les  Sannalcs  et  les  Lygiens ,  on  nura 
i-peu-prés  le  dînombremcnl  de  lous  les  peuples 
auxquels  Tinvasion  des  Vve-Chi  ou  CItinois ,  im- 
prima un  mouvement  violent  qui  les  dissémina 
vers  tant  de  contrées  difTi.^ renies.  Celte  invasion 
des  Yïe-Chi  mil  fin  à  l'ancienne  domination  d'un 
autre  peuple  Irés-puissant ,  les  Su  ou  Suions  dont 
Tacite  a  décrit  les  mœurs.  »  Germania,  cap.  14, 

(I  Les  Suions  fugilifs ,  comme  le  furent  ensuite  les 
Ilérulcs ,  passèrent  comme  eux  dans  la  Scansie. 
Ils  y  portèrent  leur  langue ,  la  doctrine  et  les  fables 
de  leur  Bouàha.  De-là  l'histoire  et  la  religion  de 
fl'ooHen  ou  Odin  cjut  n'est  autre  chose  que 
Boudha.  »  Ibidem  ,  prig.  353. 

On  sait  que  le  Boudliisme  s'étend  encore  sur  la 
plupart  des  contrées  que  n'a  pas  envahies  l'isla- 
mîsnie  avec  lequel  il  se  partage  l'Asie  à-peu-prês 
par  égales  portions.  Il  régne  en  particulier  dans 
plusieurs  parties  de  la  Bnuekarie  et  de  l'Indoslan  , 
el  surtout  dans  le  vaste  empire  de  la  Chine.  Les  lois 
de  Manou  recueillies  et  publiée^<i  par  M.  Loiselenr 
de  Longchamp  contiennent  sue  les  rixes,  batailles 
et   injures  privées ,    des   dispositions   fort  rcmar- 


372  -«'  HISTOIRE  DBS  DUBI-S»  — 

quables  dont  on  trouvera  quelques  citations  wÈ, 

Evlaircissemens  historiques  (429). 

La  Cliine  mérite  une  mention  particulière  pannî 
tes  contrées  asiatiques  soumises  à  Finfluence  du 
Boudhisme.  Cest  sans  contredit  le  pays  qui  esl 
resté  le  moins  en  arrière  dans  les  voies  de  la  civilisa* 
lion.  Elle  le  doit  à  ses  trois  principaux  philosophes 
et  législateurs,  aux  doctrines  de  Fohi,  de  Lao-tsée 
et  de  Koung-tsèe  dont  on  a  fait  Confucius. 

Trois  sectes  qui  prennent  leur  nom  de  ces  phi- 
losophes ,  forment  avec  le  boudhisme  la  base  de 
la  religion  et  de  la  morale  des  Chinois. 

Ne  faites  pas  aux  autres  ce  que  "vous  ne  i»oii- 
driez  pas  qu'ion  vous  fit,  tel  est  le  principe  fon- 
damental de  la  doctrine  philosophique  de  Con- 
fucius. Le  grand  objet  de  ses  leçons  esl  de  porter 
les  hommes  à  un  amour  tendre  et  mutuel ,  com- 
plément de  tous  les  devoirs ,  source  et  perfection 
de  toutes  les  vertus  sociales. 

La  guerre  est  une  des  institutions  pour  lesquelles 
Confucius  montre  Taversion  la  plus  décidée.  D 
voudrait  qu^on  n'y  eût  recours  que  dans  une  né- 
cessité absolue  et  après  avoir  épuisé  tous  les  moyens 
de  conciliation.  Ce  raisonnement  était  lié  aux 
grands  principes  de  ce  philosophe  sur  la  tolérance^ 
la  haine ,  la  vengeance  et  le  pardon  des  injures  ; 


:  wxm.  —  373 

n  Teut  non  seulement  qu'on  les  oublie,  mais  encore 
qu'on  y  réponde  par  des  bieitHiils ,  c'esl-à-dire 
qu'on  rende  le  bien  pour  le  niiil.  Notice  fie  l'Y- 
Iking, pag.  425.  —  Lun-t'u,  part,  VII >  pag.  108. 

Confucius  poussa  celte  tolûrance  morale  jus- 
qu'aux usages  les  pins  indilTiTcns  de  la  vie  sociale. 
((  La  sagesse  et  la  pruliité  ne  plaisent ,  disait-il , 
souvent  qu'autant  qu'elles  se  plient  aux  attentions 
de  la  bienséance.  De-Ui ,  le  code  de  la  politesse 
dea  Chinois. 

n  y  a  en  effet  en  Chine  un  code  spécial  qui  règtc, 
m^e  dans  les  plus  minutieux  détails,  les  moindres 
rapports  des  citoyens  entr'eux.  On  ne  s'étonnera 
pas  que  dans  un  pays  soumis  à  une  telle  police, 
le  duel  soit  inconnu. 

Le  code  des  lois  criminelles  définit  avec  une  «d- 
nirable  précision  presque  toules  les  nunuces  de 
[  -ilèlils,  et  se  distingue  surtout  p»r  une  graduation 
RijSe  peines  qu'on  regrette  souvent  de  ne  pas  ren- 
contrer dans  les  lois  pénales  des  peuples  les  plua 
■Tancés  dans  In  civiliselino. 

La  peine  de  mort  dans  les  matières  de  grand 
criminel  n'est  pas  prodiguée ,  comme  cHe  l'esl  en- 
core de  nos  jours  dans  la  plupart  des  Etats  de 
notre  Europe  moderne-  »  Faut-il ,  dit  Voltaire , 
recourir  aux  lois  de  la  Cbinc  pour  voir  comlnen 
le  sang  des  hommes  csl  ménttgô  ?  H  y  a  plus  de 


372  --  HIWOIBF 

quakies  dont  on  Inr    .«  tribunaux  de  cel  cmfi'itc 
Etlaircissemems  /    .oa»  plui  de  quatre  miUe  am 

pas  un  TÎIlageoÎB  à  VexlrèmiVè  dt 
La  Chine  «s  envoyer  son  procès  ii  l'Empereur 
les  eonlr^  .*  examiner  troii  fois  par  un  de  ses  tribu- 
Boudb'  .^pf'és  quoi  il  signe  Tarrét  de  mort  ou  de 
Mi|/  j^utation  de  peine  ,  ou  de  grâce  entière,  u 
t*  iii^r^i*E  1  Comment,  sur  le  /<V«  des  délits  et  des 
^es,  tom.  IF,  pag.  869,  édit.  de  1770. 

La  peine  ordinaire  en  matière  correctionnelle 
est  le  bambou  qui  est  en  Chine  ce  quo  le  Knout 
est  en  Russie.  C^est  ce  qui  a  fait  dire  à  Monlesquiea 
avec  plus  dVsprit  que  de  justice  :  u  J^ignore  ce 
que  c^est  que  Thonneur  chez  cette  nation  à  qui 
on  ne  fait  rien  faire  qu^à  coups  de  bâton.  »  Mon- 
tesquieu aime-t-il  mieux  les  peuples  qui  usent  de 
Fépèe,  du  pistolet,  du  poignard,  du  stylet.  Une 
faut  pas  d^ailleurs  aller  aussi  loin  qu^cn  Chine  pour 
trouver  Pusage  du  bâton  adopté  comme  moyen 
de  gouvernement. 

Le  nombre  de  coups  est  toujours  indiqué  par 
la  loi  et  proportionné  &  la  gravité  du  délit.  Ainsi 
les  injures  verbales  ,  réciproques  ou  non ,  donnent 
lieu  à  Tapplicalion  de  10  coups.  L^action  de 
frapper  de  la  main  ou  du  pied  est  passible  de 
20  coups.  Celui  qui  arrache  plus  d'un  isun 
(3  ceulimclres  8  millimétrés)  de  cheveux ,  est  pnui 


—  cniPiTiiE  xxxis.—  375 

de  50  coups.  Le  d^lit  de  jck-r  des  nrdures  au 
visage  eal  puoi  de  W)  coups.  Enfin,  cewx  qui  je 
battent  doivent  recevoir  lumme  punition  autant 
de  coups  qu'ila  en  Ont  porté.  /'.  Thomas  Stadstoh, 
J.ois  criminelles  da  ta  Chine,  tom,  II ,  chop.  f^ 
Paris  182». 

On  connaît  l'ancienne  et  constante  répugnance 
des  habitaiis  de  VEmpiie  céhUe  h  lier  des  rap- 
ports avec  les  Européens.  L'étonnemenl  que  leur 
causent  les  perpétuelles  contradictions  de  notre 
conduite  avec  nos  principes  moraux  et  religieux, 
surtout  en  ce  qui  concerne  l'humanilâ  et  les  iu- 
jures  publiques  cl  privées,  entre  pour  beaucoup 
dans  cette  politique  traditiounellc  de  la  cour  de 
Pi-king  (430). 

Après  Tempirc  chinois  viennent  en  Asie,  dana 
Tordre  de  la  force  et  de  la  puissance,  les  deux 
grands  boulevards  de  l'islamisme ,  la  Perse  et  la 
Turquie.  Le  colosse  russe  pèse  déjà  de  tout  son 
poids  sur  ces  deux  états  jadis  si  puissnns  ;  ses  deux 
bras  étendus  vers  l'Orient  et  rOceidenl  en  détachent 
cliaquc  jour  quelques  parcelles.  Dejh  m^me  te  vas- 
selage  moscovite  est  étnlili  k  Constautinople  et  h 
Téhéran.  L'immobilité  de  l'îslamîsmc  a  produit 
tout  cela  ;  ses  desttiiîcs  sont  accomplies  i:l  un  nou- 
vel uvcnir  se  prépare  pour  l'Oitenl. 


876  —  aMTOlAE  DBfl  DOSLS.  -* 

Oii  sait  que  la  Perse  est  en  étal  de  achisme  reli* 

gieui  avec  la  Turquie.  L^uné  a  pris  Ali  ei  Fautn 

Omar  pour  interprète  de  TÂlcoran.   Uantipalhie 

de  ces  deux  sectes  entr^elles  est  peut-être  plus  pro« 

fonde  encore  qu^envers  les  cultes  les  plus  dissidens. 

Il  y  a  lieu  de  s^aflliger  et  même   de  s^étonner 

qu^un  pays,  qui  a  eu  Zoroastre  pour  législateur, 

soit  tombé  sous  le  stupide  joug  de  la  loi  de  Mahomet, 

On  n^est  pas  d^accord  sur  Tépoque  où  a  paru  ce 

grand  philosophe  que  les  uns  font  contemporain 

d^ Abraham,  les  autres  de  Moïse,  d'autres  de  Cyrus, 

Le  savant  Iluet  a  même  cru  qu^il  n'était  autre  que 

Moïse  lui-même ,  et  Grégoire  de  Tours  ne  Teut  voir 

en  Zoroastre  que  Cham ,    Tun  des  fils  de   Noé« 

Enfin ,  plusieurs  auteurs ,  pour  concilier  la  chra« 

nologic ,    ont  admis  deux  Zoroastres  ,   dont  luQ 

aurait  été  Vauteur  et  l'autre  le  réformateur  du  culte 

des  Mages  (431), 

Quoiqu'il  en  soit ,  Zoroastre  est  encore  aujour- 
d'hui en  grande  vénération ,  même  parmi  les  sec- 
tateurs de  rislamisme  ,  dans  la  Perse  et  dans 
l'Indostan.  On  lui  attribue  un  ouvrage  qui  reu- 
ferme  sa  doctrine  et  qu'on  appelle  le  Z end- A\  esta, 
\\  est  divisé  en  vingt  et  un  livres  qui  portent  des 
noms  différens.  Le  SocI-hIcv  en  est  un  abrégé  divisé 
en  cent  articles  appelés  poitcs.  Le  docteur  Hyde  cd 
0  donné  une  traduction  laline,  et  un  exemplaire  du 


THE  XXXIX-  —  377 

Xend-Avesta  en  snnBcril  a  fié  apporté  en  France 
pur  Aiii)uc-til-Ditpcrron  qui  en  a  publié  une  Ira- 
duclion  fraoçatac.  En  voici  quelques  cilationa  : 

Jour  et  nuit  pciisc  à  Tuirc  du  Lien.  La  vie  eA 
courte.  Si ,  devant  servir  aujourd'liui  Ion  procimin, 
tu  allcnds  à  demain,  fuis  pénitence.  Sad-derlJ'port. 

((  Fais  en  sorte  de  plaire  au  Feu  ,  de  plaire  à 
l'eau ,  de  plaire  à  la  terré  ,  de  plaire  aux  bestiaux, 
de  plaire  aux  arbres,  de  plaire  a  rhomme  pur,  etc.» 
FemlidadS.idé ,  furganl  IX,  pag.  361 . 

On  se  rend  coupable  si  on  se  permet  la  raillerie , 
la  médisance,  les  discours  calomnieux,  ai  entraîné 
par  la  colère  ou  se  répand  eu  propos  injurieux. 
leschu  Sad-der ,  pag-  30  fi  suiy.  —  Sad-dvr, 
port.  AX/7,  fiag.  477. 

On  commet  VAgnéivfté  en  formant  la  résolution 
de  frapper  et  V Eumvifschtc  en  l'exécutant.  Au 
premier  cas,  on  est  puni  de  cinq  eoups  et  dans 
l'autre  de  dix.  U  y  a  dix  ou  quinze  coups  pour  un 
second  délit,  quinxe  ou  trente  pour  un  troisième 
cl  ainsi  de  Buile  par  gradation.  f'eitdidadSadé , 
fars.iy.pag.-lMV. 

Si  en  frappant  un  cause  une  blessure  qui  dure 
plus  de  deux  jours  de  guérisoit ,  c'est  un  Aredosck, 
&i  l'on  8  frappé  par-derrière ,  c'est  un  Khor.  Pour 
le  premier  Aivdo>.ch ,  on  subil  quinze  coupa ,  pour 
le  deusiéiae  trente,  ctsucccssivemeut jusqu'il  deux 


9JS  —  HISTOIRE  DES  DUCL8.  — 

cents.  Le  nombre  de  coups  est  de  trente  pour  le 
premier  Khor,  cmquanle  pour  le  deuxième  cl 
ainsi  de  suite.  Les  coups  s^appliquent  ayec  une 
courroie. 

On  rencontre  dans  les  historiens  grecs  et  romaios 
des  traits  qui  annoncent  que  le  duel  sur  le  champ 
de  guenv  fut  autrefois  pratiqué  en  Perse  et  dans 
rinde ,  notamment  pendant  l'expédition  d'Alexan- 
dre qui  tua  d'un  coup  de  lance  dans  une  lutte 
individuelle  le  persan  Spithrobates ,  et  qui  aurait 
reçu  aussi  un  défi  de  Porus ,  roi  des  Indes,  f^'ojez 
DiODOR.  DE  Sic.  ,  lib,  III ,  et  Quint •  Cuit.  , 
Ub.   VIIT. 

Ce  pays  a  conservé  quelque  chose  des  anciennes 
compositions  en  usage  chez  les  barbares  et  surtout 
chez  les  peuples  d'origine  Scythe.  c<  En  Perse, 
dit  Chardin ,  un  meurtrier  est  encore  aujourd'hui 
Kyré  aux  parens  de  celui  qu'il  a  tué  et  ils  le  mettent 
à  mort  de  leurs  mains.  S'ils  refusent  pour  compen- 
sation une  somme  d'argent,  le  souverain  tout  absolu 
qu'il  est,  ne  peut  pas  faire  grâce  au  meurtrier.  » 

Le  même  voyageur  a  été  témoin  d'une  fêle 
donnée  a  Ispalian  pour  la  réception  d'un  ambas- 
sadeur. Elle  fut  ornée  d'exercices  de  lutteurs  et 
de  gladiateurs,  u  La  lutte ,  dit  cet  auteur ,  faisait 
paiiic  de  l'éducation  des  gens  du  commun  ,  les 
autres  apprenaient  à  manier  le  sabre  et  à  tirer  de 


Kxsii:.  -  379 

l'arc...  La  lot  morale  des  Persans  admet  sept  pré- 
ceptes principaux  ;  le  premier  est  de  ne  donner 
aucun  égal  ù  Dieu,  le  deuiième  de  ne  pris  tuer.... 
Leur  respect  pour  la  vie  liumniiie  ct<t  tel  que  ceux 
qui  la  perdent  de  la  main  d'autrui ,  sont  révéra» 
comme  martyrs.  Ils  uut  des  mnrtyrs  militaires  cl 

des  martyrs  civils Chaudin  ,  l  oj  âge  en  Perse , 

tom.  Illtpog.  An,  é(lii.\lS5,  in-i." — f'ojagei 

de  Taventicr,  Uw,  f,  chap,  f'ci  X,  ,  ,..,„ 

..I 

La  doctrine  de  l'Islamisme  repose  sur  le  dogme 
de  la  fatalité  et  ne  reconnaît,  par  voie  de  consé- 
quence ,  d'autre  principe  et  d'autre  arbitre  des 
BClions  humaines,  que  laj'orve.  C'est  aussi  par  la 
force  des  armes  que  la  loi  de  Mahomet  s'eal  établie. 
Elle  est  donc  conséqueute  avec  sou  principe.  Ce- 
pendant le  Coran  ,  qui  du  reste  vaut  beaucoup 
mieux  que  la  manière  dont  on  l'entend  et  surtout 
dont  on  le  pratique,  renferme  des  maximes  qu'on 
pourrait  comparer  pour  la  pliilantropie  k  celles  de 
Confucius  et  de  Zoroastre,  En  voici  quelques-unes  : 

«  Recherchei  qui  vous  chasse,  doiinei  à  qui 
TOUS  Ole,  pardonnez  k  qui  vous  offense,  faites  du 
bien  k  tous ,  ne  contestes  point  avec  les  ignoraus.  i> 
Mahomet  aurait  dû  peut-îlre  aussi  recommander 
de  ne  point  disputer  avec  les  savaitsj  mais  aluis 
il  n'y  avait  point  de  savuns. 


S80  ■—  HfmHAB  DBS  wnsts,  «» 

c<  Si  vous  TOUS  vengex ,  que  la  yengeance  ne 
passe  pas  l'offense.  Ceux  qui  souffiriront  ayec  pa- 
tience ,  feront  une  action  plus  méritoire,  i»  Coran, 
tom.  II,  Cliap.  XVI,  'vers.  127,  pd^«  24,  trad.Je 
Sa\^ary.  Paris  1786  ,  i>i-8.« 

u  O  croyans  !  ne  tous  moquex  point  de  im 
frères  :  souvent  celui  qui  est  Tobjet  de  ves  raîlleneB 
est  plus  estimable  que  vous.  Ne  vous  diffamea  point 
mutuellement ,  ne  vous  donnes  point  de  noms  vib. 
Un  terme  de  mépris  ne  convient  point  à  celui  qui 
a  la  foi.  Ceux  qui  ne  se  corrigent  paa  de  ces  vices 
•ont  prévaricateurs.  »  Ibidem,  chapm  IX,  'vers.  L*', 
j>ag.  303. 

Il  n^y  a  rien  qui  dans  tous  les  temps  ait  caué 
plus  de  surprise  aux  Musulmans  que  nos  préjuj^ 
du  point  d'honneur  et  nos  usages  sur  le  duel. 
J'ai  cité  au  tome  I.*' ,  page  57 ,  le  mot  d^un  ambas- 
sadeur turc ,  à  propos  d^un  tournoi  dont  il  avait 
été  témoin  à  Paris. 

On  en  trouve  ime  preuve  bien  plus  remarquable 
encore  dans  les  Leltres  du  baron  de  Busbecq  y  am- 
bassadeur de  la  cour  de  Vienne  prés  de  Soliman  II, 
en  1560.  Ce  savant  diplomate  était  né  à  Comincs 
en  Flandre,  patrie  du  célèbre  historien  de  Louis XI. 
Il  était  fils  naturel  du  seigneur  de  Busbecq,  petit 
village  voisin  ,  et  fut  élevé  à  la  cour  d^ Autriche 
par  les  soins  de  Charles  -  Quint.  Ses  talens  et  la 


—  ciiAprxnE  xsxnt.—  881 

bonne  coniluite  le  firent  bienlôl  élever  nux  plus 
liants  emplois.  Il  fut  succcssiveioenl  umbassadeur 
de  Ferdinand  l." ,  à  la  cour  de  Constantinoplc  ; 
puis  k  celle  de  France  où  il  oondnisit  la  princesse 
Elisabelli ,  fiancée  au  roi  Cliarles  IX.  Il  mourut 
en  1592,  à  Saint-Germain  près  de  Rouen,  k  la 
suite  d'une  indigne  avanie  qui  lui  ftit  fuite  par  des 
soldats  ivres.  11  était  Tami  cl  le  correspondant  de 
tous  les  savans,  ses  contemporains,  et  en  parti- 
culier de  Juste-Lipse  et  de  Scsliger.  Sa  mémoire 
fiit  long-temps  cltère  aux  gens  de  lettres  dont  il 
était  le  protecteur  et  aux  bons  citoyens  dont  il  ^tait 
Teiemple. 

Il  B  laissé  eotr^autres  ouvrages  une  relation  de 
SK  légation  en  Turquie ,  écrite  en  latin  avec  une 
grande  pureté  de  style,  et  aussi  recommandable 
par  la  fidélité  que  par  Tinlén't  du  récit.  On  y 
trouve  l'anecdote  suivante  relative  à  Vi.'libeg  san- 
giac  de  Hongrie  pour  le  Grand-Seigneur.  Celui- 
ci  ayant  eu  de  très-Tifs  dém(''lés  avec  un  autre 
sangiac  voisin  nommé  Arslambeg^  l'avait  plusieurs 
fois  provoqué  k  se  mesurer  avec  lui  en  champ 
clos.  Il  fut  pour  ce  fait  mandé  à  Constanlinople  et 
réprimandé  dans  ces  termes  en  plein  divan  par  les 
Bâchas  ;  ii  Quoi  1  lu  as  osé  appeler  en  combat 
singulier  ton  compagnon  de  service  !  manquait-il 
donc  de  chrf'tiens  contre  qui  tu  pus  tirer  l'épée  l" 


882  —  HIWOIRR  DES  tnîKLS.  — 

Vous  qui  \ivcz  tous  deux  du  pain  de  Sa  HautesM, 
TOUS  nuriex  osé  mellre  voire  vie  aux  hasards  d^uo 
combat  !  de  quel  droit  1*  Et  où  en  aTez-^TOus  pris 
rexemplc  f*  Ignoriez  -  vous  que  quelque  fut  celd 
qui  aurait  succombé ,  c^était  une  perte  pour  votre 


maître  1*  >» 


Après  cette  mercuriale ,  les  Bâchas  firent  mettre 
en  prison  Vélibcg  qui  n^en  sortit  que  plusieurs 
mois  après ,  et  perdit  la  plus  grande  partie  de  son 
honneur  et  de  son  crédit. 

Busbecq  ajoute  cette  réflexion  :  «  Parmi  nom 
il  y  a  bien  des  gens  qui  se  font  un  nom  pour  avoir 
tiré  Tépée  contre  un  de  leurs  concitoyens,  sans 
avoir  vu  jamais  le  visage  de  Tennenii.  O  temps! 
6  mœurs  !  Les  vices  prennent  la  place  de  la  verta^ 
et  ce  qui  mérite  châtiment  tourne  à  honneur  et 
gloire.  »  BcsBECQuit,  Légation,  Turc.  Epist.  Illf 
png,  200.  Amstclod, ,  Elzéi*ir.  1660  ,  m-32. 

On  comprend  bien  que  dans  un  pays  où  Ton 
se  sert  d^une  logique  pareille  à  celle  de  ces  Bâchas, 
il  ne  peut  être  question  du  duel.  Aussi  Brantôme 
s^cn  formalise-l-il  beaucoup  dans  ses  Mémoires  où 
il  dit  :  «  Les  Turcs  se  moquent  fort  de  nos  que- 
relles, duels  et  tueries.  Au  combat  de  feu  mon 
oncle  La  Chataigneraye ,  parmy  la  grande  et  su- 
perbe assemblée  qu'il  y  avoit,  s'y  trouva  quantité 
d'ambassadeurs ,  voire  celui  du  grand  sultan  So« 


—  ciiAriTBT;  WTTx.—  383 

Ivman  ,  )e  quel  s'cstonmi  fort  du  ce  combat  de 
fraiirois  k  françoit) ,  et  surtout  de  favory  de  ray  k 
uo  autre ,  les  allant  le  roy  cspuser  à  un  tel  carnage 
el  massacre.  »  â/èiii.,  loin.  .Vf,  pa^.  198. 

La  Circassie  est  une  des  provinces  de  l'empire 
turc  qui  fit  partie  de  celle  contrt'e  jadis  appek'C 
Tn-tsin,  dont  il  a  été  parlé  ci-dessus.  La  relij^ion 
Hctuclle  des  Circassîcns  est  un  mélange  de  paganisme 
et  de  clif tstianisme .  Ils  sont  três-helti[|ucux  el  re- 
ligieux observateurs  du  serment-  Les  familles  et  le> 
tribus  se  lient  par  des  sermcus  d'union.  Ce  serment 
a  pour  cfTel  principal  de  terminer  avec  une  justice 
réciproque  tous  les  différens  qui  peuvent  s'élever 
entre  les  membres  des  deux  tribus.  Jouriuil  ih  la 
Soc.  asial.  de  Londres  ViiAi. 

Quant  auK  combats  singuliers  sur  le  champ  de 
guerre,  on  peut  voir  dans  les  histoires  des  croi- 
sades les  défis  asscx  rarement  suivis  d'effet ,  qui  s'é- 
changeaient entre  les  paladins  chrétiens  et  lescbe- 
vnliera  sarrazins ,  notammenl  ceux  des  Godefroî 
et  des  Tancréde ,  et  les  rencontres  de  Bichard- 
Cœur-de-Lion  avec  Saladin  ,  dont  il  a  été  parlé 
au  chapitre  XXXII. 

On  trouvera  aussi  dans  Paul-Emile,  Branlâme  et 
d'Audiguier  le  long  récit  du  siège  d'Antioche  par 
les  croisés ,  et  les  cartels  de  défia  adressés  par  les 
chevaliers  chrétiens,  au  cht-f  sarrazin  Corhanc  qui 


884  -^mntMit  dis  mnoa.  «- 

j  commandait ,  avec  la  réponse  qu^il  leur  fit.  Bti5« 
Tâiwe  ,  Mcm,  sur  les  Duels ,  pga.  200.  d^Audiguiek  , 
jlnc.  usage  des  Duels,  Paul  *  Éifiu  ,  Histm  Je 
France,  tom.  I. 

Quand  on  entend  parier  de  duels  en  Turquie,  ce 
n^est  que  parmi  les  étrangers  qui  s^y  trouTent.  Oa 
peut  lire  dans  les  Mémoires  du  duc  de  Rovigo,  les 
détails  d^un  duel  quHl  eut  à  Smyme ,  et  à  la  suite 
duquel  le  pacha  lui  signifia  Tordre  de  partir  dans 
les  vingt-quatre  heures.  Mémoires ,  tom*  FIII^ 
chap.  XVI. 

J^ai  déjà  parlé  au  tome  I.^'^  du  roman  bédouio 
Û^Antar  qui  passe ,  depuis  sa  récente  publication 
en  Europe ,  pour  Tun  des  plus  anciens  et  des  plus 
précieux  monumens  de  la  littérature  arabe  au  temps 
des  kalifes  où  Ton  sait  qu^elle  fut  si  florissante.  Ce 
roman  poème,  écrit  du  style  le  plus  pur  et  le  plus 
élevé,  peut  être  mis  au  nombre  des  productions 
les  plus  parfaites,  a  dit  sir  Williams  Jones  dans  ses 
Commentaires  sur  la  poésie  asiatique.  Il  a  été  com- 
posé vers  Tan  800  de  noire  cre ,  et  il  nous  transmet 
une  foule  de  faits  et  d'opinions  dont  Tépoque  est 
intérieure  h  Mahomet.  I/aiileur  est  Asnia'i  le  gram- 
mairien ,  lecteur  du  kalife  Âroun-^al-Hacbed  i  qui 
il  était  chargé  de  raconter  des  histoires. 

Le  héros  de  cette  épopée  n'est  pas  un  personnage 
imaginaire.  Antar  est  connu  dans  tout  TOneot, 


—  m*piTiie  ixiiK.—  385 

comme  un  guerrier  cf  iùbre  cl  comme  l'niileiir  d'un 
(li-'S  sept  moallacats  (  poomen  )  suspendus  Ji  lit 
Mecque  dans  la  Caabn,  muison  carrée,  bâlie  selon 
les  Musulmans  par  Abraham  et  son  fils  Ismaèl. 
L'historien  Alboulfeda  en  fait  mention.  On  peut 
consulter  à  ce  sujet  la  notice  du  savant  orientaliste 
M.  Hammer,  dans  son  catalogue  raisonné  des  livres 
de  la  Bibliothèque  ImpCriale  de  Vienne,  et  la  tra- 
duction en  anglais  A^Aiitar,  par  Terrick  Ilamilton. 
II  en  a  paru  une  traduction  française  en  1819, 
i  Paris,  chez  Arlhus  Bertrand.  3  vol.  in-S". 

Le  roman  d'.4niar  présente  le  développement 
d'une  grande  moralité.  On  y  voit  un  homme  ,  privé 
désavantages  de  la  figure  et  de  la  naissance,  qui 
parvient  par  la  force  d'âme  et  par  un  indomptable 
courage  à  être  jugé  digne  du  premier  rang  parmi 
les  hommes.  On  retrouve  dans  les  mceurs  des  chefs 
arabes,  dans  celtes  d'Antar  surtout,  une  analogie 
frappante  avec  celles  de  nos  paladins  du  moven 
Age.  Aniar  combat  toujours  à  cheval  ;  son  coursier 
■e  nomme  Ahjer;  son  ^pée  qui  vient  d'Asie,  c'est 
D/iamy.  Les  guerriers  arabes  s'esercenl  dani  les 
tournois ,  et  se  défient  avant  de  combattre.  Les 
femmes  sont  pour  eus  des  espèces  de  divinités  qui 
influent  sur  toutes  leurs  actions.  Elles  imposent  des 
preuves  il  leurs  amans  cl  tous  s'y  soumellent  avec 
joie  et  respect. 

25 


L'épisode  le  plus  altachanl  de  ce  lÎTre  singulier 
est  celui  de  Khaled  ei  Djaîda  ^4  présente  une 
uarnition  complète,  et  l^on  y  trouTe  clairemeot 
exposés  rindépendance  dont  les  femmes  joiiissaieDt 
autrefois  en  Orient  ainsi  que  Tappareil  des  mœurs 
chevaleresques  de  TArabie  après  Mahomet.  Cet 
épisode  est  dans  les  mêmes  proportions  que  le 
roman  qui  est  fort  étendu.  Je  ne  puis  en  présenter 
qu^une  courte  analyse,  en  consenrant  toujours  au- 
tant que  possible  le  texte  original. 

Khaled  et  Djaîda  étaient  enfans  de  deux  frères. 
Des  raisons  de  famille  avaient  fait  cacher  le  sexe  de 
cette  dernière  qui  fut  élevée  comme  un  garcoo 
sous  le  nom  de  Djouder,  et  formée  de  bonne  heure 
à  la  pratique  de  tous  les  exercices  en  usage  panai 
les  cavaliers  arabes.  Quand  Khaled  et  Djaîda  furent 
en  âge  d^étre  mariés ,  leurs  mères  résolurent  de  les 
unir  ensemble  et  se  préparèrent  à  révéler  à  Khaled 
le  véritable  sexe  de  sa  cousine.  Ici  commence  Tea- 
trevue  et  le  récit  : 

<(  Khaled  alla  aussi  voir  son  cousin.  Il  la  salua, 
la  pressa  contre  son  sein  et  lui  donna  un  baiser 
entre  les  deux  yeux,  croyant  que  c^était  un  jeune 
homme.  Il  prit  le  plus  grand  plaisir  à  être  avec  elle 
et  resta  dix  jours  chez  son  oncle ,  pendant  lesquels 
il  eut  des  engagemens  et  jouta  de  la  lance  avec  les 
jeunes  guerriers.  Quant  à  sa  cousine ,  dès  qu^elie 


—  c;n*piTnF  xsxix.—  387 

eut  TU  rombioti  Khalcd  /tait  bcnu  et  vaillant,  elle 
devint  passion n^-ment  amoureuse  de  lui....  » 

[ci  Djaïda  fuit  cunfidonce  de  ses  amours  h  sa 
mère  qui  en  parle  h  celle  de  Klialed.  Celle-ci  ayant 
proposé  k  son  CIs  la  main  de  Pjaïda,  il  la  refusa  (out 
net ,  ne  pouvant  se  résoudre  à  vuir  une  femme  dans 
celle  qu'il  avait  traitée  comme  un  compagnon  , 
et  aussilùt  il  prit  congé  de  stm  oncle.  Instruite  de  ce 
d^nrl,  Djaïda  devint  furieuse.  <(  Méie,jemesciis 
mourir,  dit-elle,  et  ce  misérable  K/ialed  vit  encore  ! 
je  veux,  si  Dieu  m'en  accoivie  le  pouvoir ,  lui  faire 
goûter  l'ivresse  de  la  mort,  l'amertume  de  la  puni- 
tion et  de  la  torture.  » 

Il  Parlant  ainsi  elle  se  leva  comme  une  lionne, 
mit  son  armure ,  monta  son  cheval  en  ajoutant  à  sa 
mcre  qu'elle  partait  pour  la  chasse.  Rapide,  elle 
parcourut  sans  s'arrêter  les  rochers  et  les  mon^ 
lagnea  ;  elle  courut  vers  les  habitations  de  son 
cousin....  Déguisée,  elle  se  présente  aux  exeruices 
du  combat ,  défie  plusieurs  cavaliers  et  étonne  tous 
les  spectateurs  par  son  adresse  et  sa  bravoure. 
Khaled  voulut  aussi  se  mesurer  avec  elle  ;  loua  deux 
déployèrent  toutes  les  ressources  de  l'attaque  et  de 
la  défense  jusqu'au  moment  où  les  ténèbres  de  la 
Dutt  les  séparèrent ,  sans  qu'on  sût  qui  des  deux 
£iail  vainqueur —  Djnîdn  demeura  Iroîs  jours  cliex 
son  cousin.  Cliaquc  malin  ,  clic  se  préscnloil  devant 


388  •^aisTOiBS  dbs  dokls. — 

lui  et  ne  cessait  de  le  tenir  sous  les  armes  juaqa*! 
la  nuit.  Sa  joie  fut  grande  ;  toutefois  elle  ne  se  fit  pas 
connaître ,  et  sa  visière  fut  toujours  baissée  comme 
celle  d^un  cavalier  du  Hijaz.  » 

u  Le  matin  du  quatrième  jour ,  Khaled  passant 
près  des  tentes  réservées  aux  hôtes ,  vit  Ejaïda  moiH 
tant  k  cheval.  U  la  salue  et  lui  dit  :  Noble  Arabe, 
au  nom  Je  Dieu  qui  "vous  a  donné  une  si  grandit 
dextériié  dctns  les  armes ,  dites^moi  qui  "vous  êtes 
et  à  quels  nobles  princes  vous  êtes  cdlié?  Djaida 
sourit ,  et  levant  sa  visière  :  K/uded,  répondit-elle, 
je  suis  une  femme  ei  non  pas  un  guerrier.  Je  suis 
Djaida  qui  s'est  offerte  à  vous  et  que  vous  iwez 
refusée.  Elle  dit  et  tournant  bride  lout-à-coup, 
elle  piqua  son  cheval  et  courut  k  plein  galop  vers 
son  pays.  » 

ce  Khaled  tout  confus  se  retira ,  ne  sachant  que 
faire  y  vi  ce  quHl  deviendrait  avec  Tamour  pas- 
sionné qui  s^était  tout-ii-coup  développé  en  lui. 
Il  se  sentit  de  Thorreur  pour  toutes  ses  habitudes 
et  ses  go&ts  guerriers  qui  Tavaienl  réduit  à  la  triste 
situaticm  où  il  se  trouvait.  Son  éloignemenl  pour  les 
femmes  s^était  converti  en  amour.  » 

Khaled  fit  part  de  ses  nouvelles  dispositions  h 
sa  mère  qui  Fencourage ,  et  court  se  jeter  dans 
les  bras  de  sa  belle-sœur,  en  lui  demandant  de 
Bouveau  pour  son  fils,  la  main  de  Djaida.  Mais 


—  CHAPITRF    XWIX.  —  889 

ceUe-ci  toujours  piquée  ,  repousse  Ji  pon  loiir  ces 
propositions  el  proteste  «pi'elle  ne  sera  iamais  4 
Khaled  ,  rlilt-elie  boiri'  la  coitpc  de  la  moil. 

Ce  n'étaienl  que  paroles  de  femme.  IlîentAt 
Tiennent  les  caprices ,  el  la  belle  Arabe  en  fit 
endurer  de  bien  cruels  au  pativre  Khaled. 

«  Mon  père,  dit-elie  à  Znbir  qui  ne  voolait 
pas  que  sa  fille  restât  sans  mari,  si  mon  coum'h 
dèiire  de  m'ohtcnir  en  mariage,  je  n'eitUvrai pax 
dans  sa  tente  jusffu'ù  ce  au'il  soit  en  mesure- 
d'égorger  à  Ui  J'éte  fie  mes  noces  un  millier  da 
chameaux,  de  ceux  quiappanienaent  à  Gheshm^ 
pis  de  Malik  ,  surnommé  le  branelisseur  de  tances. 
Khaled  «e  soumit  à  cette  conditioa  ;  il  partit  k 
l'instant  suivi  d'un  millier  de  cavaliers  avec  Icsipicls. 
il  vainquit  la  tribu  cl'Aarair,  Après  avoir  blessé  en 
trois  endi'oils  le  brandisseur  de  lances  et  lu&  uti 
grand  nombre  de  ses  héros ,  il  pilla  leurs  bien» 
el  rapporta  de  leur  pays  jilus  de  richesses  encore 
que  Djaïda  n'en  avait  demandées.  Mais  quand  il  vint 
les  déi>flser  k  ses  pieds ,  elle  lui  tint  ce  discours  :  Si 
vous  désirez  niiwoirpour  épouse,  obéissez  d'aboirl 

A  toutes  mes  volontés /e  i-tux-  que  le  jour  de 

mon  mariage,  lajille  d'un  prince  tienne  la  bride  d» 
mon  chameau ,  ajut  que  je  sois  honorée  au-dessus 
de  toutes  les Jilles  de  l'Arabie.  » 

Il  Kheled  obéit  encore.  Le  ;ittar  mûinii  il  |Mi'lil 


^  VISTOtRB  DBS  J>imLft.  — 

avec  ses  cavaliers  ^  traversa  les  plaines  et  les  yallies 
et  alla  attaquer  la  tribu  -  famille  de  Moawich, 
fils  (le  Miial.  11  se  jeta  sur  eux  eomme  un  torrent 
de  pluie,  et  se  faisant  jour  avec  son  épée  au  milieu 
des  cavaliers ,  il  fit  prisonnière  Amima ,  fille  de 
Moawich.  » 

«  Âpres  avoir  accompli  des  faits  cpie  les  jrius 
anciens  héros  n^avaient  pu  mettre  à  fin  ,  après 
avoir  dispersé  toutes  les  tribus  et  enlevé  les  richesses 
de  tous  les  Arabes  de  cette  contrée ,  il  rentra  dan 
son  pays.  Mais  tandis  que  tous  ses  compagnons 
se  livraient  aux  divertissemcns  et  aux  festins, 
Khaled  accompagné  de  dix  esclaves ,  se  mit  k  par- 
courir les  lieux  sauvages  et  marécageux  pour  aller 
attaquer  les  lions  à  lui  tout  seul  dans  leurs  ci- 
vernes ,  pour  surprendre  les  lions  et  les  lionnes 
avec  leurs  petits ,  et  en  distribuer  la  chair  préparée 
à  ceux  qui  assisteraient  à  ses  noces*  » 

a  Djaïda  eut  connaissance  de  ce  projet.  Elle  m 
déguisa  sous  une  armure ,  monta  à  cheval ,  quitta 
les  tentes  et  courut  vers  Kbaled  dans  le  désert 
L^ayant  rencontré  dans  une  caverne ,  elle  se  jelt 
sur  lui  avec  Timpétuosité  d^une  béte  sauvage  et 
Tattaqua  en  lui  criant  avec  force  :  Arabe  descends 
de  ton  che\*al ,  rends  moi  ta  cotte  de  tnailles  et 
ton  armure,  ou  si  lu  tardes  h  le  faire  y  je  te  passe 
celte  lance  au  trai^ers  de  la  poitrine^  » 


~~  CBiPiTnE  TcxTcnt.  —  SOI 

Klialcd  était  d^termint-  à  lui  rcsiMer.  Ce  fut  alors 
qii'tk  9c  livrèrent  le  plus  fiiricnx  rombal.  Il  dura 
plus  d'une  heure  ;  après  quoi  le  guerrier  api-rrul 
dans  les  yeux  de  so»  advei-saire  quelque  chose 
qui  l'effraya.  Par  ta  foi  d'un  Arabe,  s'ôcria-t-î!  , 
€}uel  cavitUer  ii:i  désat  éies-vous  donc  ?  Je  sens 
que  «oi/v  atutque  cl  fos  coiipx  sont  iinîxistiblfx^ 
—  A  CCS  rools ,  Djaïdn  leva  su  visîèrc  et  luissa  Toir 
n  figure.  Par  la  fui  d'un  Arabe ,  dit  Khalcd , 
cst-ii  quelqu'un  dans  cette  contrée  qui  tous  ait 
dt-fiér,  où  eU-s-t'OHs  venue  teiitrment  ici  potir  me 
faire  voir  jusquoit  l'a  l'olrc  hrai-omc? — Je  ne 
sais  venue  dans  ce  tiéseit,  répondit  Djaïda  ,  que 
pour  vous  ailler  il  chasser  les  hctes  saitvngcs  ,  rf 
i^în  -qite  vos  guerriers  n'aient  aucun  nprvche  à 
•VOUS  faiiv  si  vous  m'avez  pris  pour  femme.  » 

«  A  ces  mois,  Kliakd  se  seiilit  ptnùlrè  d'^ton-- 
nemeut  et  d'admirnlion.  Tuus  deux  desi.-endircnt 
i\c  t-tieTal  el  enlrèrcnt  dan»  une  oavcrne.  Là, 
Khalcd  saisit  deux  biHes  fi^roces  el  Djaïda  s'em- 

l>ara  d'un  lion  et  de  deux  lionnes Djaïda  se 

seulit  heureuse  d'être  auprès  de  Khaled.  Alain- 
tenant,  dit-elle  ,  je  ne  i'ohs  pernielierai  de  cuiller 
nos  tentes  e/u'apris  nnlir  mariage.  Ils  repartirent 
msuitc  en  toute  hâte  pour  se  rendre  ii  leurs  liabi- 
latious.  Les  tèlei  se  cutilinuérent  et  tous  les  nssixtans 
l'eriirenl  itn  arcncil  ma^iiiriqite-  Le»  Utivs  raimient 


388  —  lusToms  des  dous.  ^ 

retentir  les  cymbales ,  les  esckiTes  brandissaient 
leurs  épées  en  Pair ,  et  les  filles  ainsi  que  les  demoi* 
selles  chantaient  jusqu^au  soir.  Ce  fut  au  milieu 
de  ces  réjouissances  que  Djaïda  et  Kbaled  furent 
mariés.  'Amima ,  la  fille  de  Moawich ,  tint  la  bride 
du  chameau  de  la  jeune  épouse  dont  la  gloire 
fut  également  célébrée  par  les  femmes  et  par  Ici 
hommes.  )i 

La  Revue  Fixmcaise  a  donné  en  juillet  1830  une 
analyse  étendue  du  poème  àHAntar.  M.  de  Lamar^ 
tine  en  a  aussi  publié  quelques  firagmens  dans  son 
f'ojrage  en  Orient, 

Les  Arabes  ont  encore  aujourd'hui  des  jeux  pu* 

blics  qui  ont  quelques  rapports  avec  ces  anciens 

exercices.  On  les  nomme  Djerids  du  nom  d'une 

javeline   que    lancent  en   courant  les    cavaliers, 

M.  de  Lamartine  a  été  témoin  de  plusieurs  de  ces 

courses   pendant   son  dernier  voyage  en  Orient. 

Voyez  au  tome  II  de  ses  Souvenirs  la  poétique 

description  du  Djerid  et  du  magnifique  costume 

semi*  guerrier  et  semi- féminin   d'une    Amazone 

d'Alep,  M."*^  Jorelle,  femme  d'un  consul  européen. 

Aujourd'hui  encore  les  Arabes  ou  Bédouins  ne 

sont  pas  aussi  étrangers  que  les  Turcs  au  préjugé 

du  point  d'honneur.  Voici  ce  qu'en  rapporte  un 

voyageur  célèbre. 

u  Dans  la  vie  privée ,  chaque  homme  ou  du 


—  CHAPITRE    KXIIT.  —  393 

moins  chaque  famille  ,  est  le  juge  et  le  vengeur 
de  sa  propre  cause.  Celte  susicpliliililé  de  l'houacur 
cjui  calcule  l'outrage  plulAt  que  le  tort,  envenime 
Its  querelles  de  ces  Arabes.  L'honneur  de  Icura 
femmes  et  celui  de  leurabarbes  se  blessent  aisément. 
Une  parole  de  mi^pris  ne  peut  cire  expiée  que  par 
le  sang  du  coupable,  et  telle  est  la  pulicnce  de 
leur  haine  qu'ils  attendent  dea  mois  et  mt'me  des 
années  entières  l'occasion  de  se  venger.  Les  barbares 
de  tous  les  siècles  ont  admis  une  amende  ou  com- 
position pour  le  meurtre.  Mais  en  Arabie  ,  lea 
parcns  du  mort  sont  les  maitrcs  d'accepter  la  salis- 
faction  ou  d'exercer  de  leurs  mains  le  droit  da 
représailles.  Leur  profonde  méchanceté  refuso 
même  la  tétc  de  l'assassin.  Elle  substitue  un  innocent 
«u  coupable,  et  rejette  la  peine  sur  l'individu  le 
meilleur  et  le  plus  considérable  de  la  race  dont 
ilfl  ont  k  se  plaindre.  S'ils  viennent  ii  bout  de  le 
tuer ,  ils  se  trouvent  exposés  à  leur  tour  au  danger 
des  représailles.  Les  membres  de  l'une  ou  de  l'autre 
famille  passent  leur  temps  h  combiner  de  noira 
projets,  et  ce  n'est  quelque  fuis  qu'au  bout  d'un 
demi  siècle  qu'on  solde  ce  compte  de  la  vengeance. 
Cet  esprit  sanguinaire  qui  ne  connaît  ni  lu  pitié , 
ni  le  pardon  ,  s'est  pourtant  alTaibli  par  les  maximes 
de  l'honneur  qui  exige  dans  tuutcs  les  rencontres 
privées  une  soilc  d'égalité  d'âge  et  de  forces,  do 


394  —  mSTOIKK  DS9  mnBjB.^— 

nombre  et  d'armes.  »  Niémtsr,  Descript.  deVArabk, 
pageW. 

La  relation  du  dernier  Toyage  de  M.  de  Lamar- 
tine^ qui  fait  en  ce  moment  one  si  grande  sensation 
dans  le  monde  littéraire ,  contient  une  descriptioD 
intéressante  des  mœurs  et  des  coutumes  des  diffé* 
rentes  tribus  du  Liban ,  telles  que  les  Maronites  et 
les  Druzes.  Les  Maronites  pratiquent  le  christianisme 
primitif.  Les  Druzes  ne  sont  ni  chrétiens ,  ni  mu-* 
sulmans  ;  leur  religion  comme  leur  caractère  offre 
quelque  chose  d'indéfinissable.  Ces  peuples  ont 
établi  parmi  eux  une  poUce  admirable  et  Tirent 
dans  la  plus  parfaite  union.  C'est  parmi  les  Druzes 
qu'a  fixé  son  séjour  la  célèbre  lady  Stanhope, 
nièce  de  Pitt,  femme  aussi  indéfinissable  qu'eux. 
f^ojrage  en  Orient ,  tome  II. 

J'aurais  encore  infiniment  h  m'étendre ,   si  je 
n'étais  renfermé  dans  d'aussi  étroites  limites,  sur 
la    physionomie   particulière    que   présentent   les 
mœurs  dans  toute  celle  partie  méridionale  de  l'Asie 
qui  avoisine  la  mer  des  Indes  et  renferme  tant  de 
nations  si  diiférentes  et  autrefois  si  célèbres.  Là 
régnent  en  suzerains  les  Anglais,  comme  les  Russes 
dans  la  partie  septentrionale.  Le  principal  état  de 
rindoslan  est  celui  du  Grand  Mogol  qui  ne  gou- 
verne que  sous  le  bon  plaisir  de  l'Angleterre,  et 
avec  le  sort  de  Tippoo-Sacb  en  perspective. 


Les  Mognia  sonl  de  la  secte  musulmane  d'Ali 
comme  les  Persans  ,  cl  la  plupart  den  cnutiimes  de 
ces  derniers  leur  sont  communes.  «  En^n^ral, 
dil  Pabl)^  Prfv•^l,  les  Mo3;oia  el  tous  les  Maures 
indiens  ont  l'iiumeur  noble,  les  manières  polies, 
el  la  contersalion  fort  agréable.  On  remarque  do 
la  gravité  dans  leurs  actions  et  dans  leur  liahil- 
letnent  qui  n'est  point  sujet  au  caprice  des  modes. 
Ils  ont  en  horreur  Tinccste,  rirrognerie  el  toutes 
sortes  de  (juereilcs.  Hiftoire  gênéralr  tics  foyagr-s, 
tom.  X,  png.  203.  Edii.  1752,  in-i.- 

X.es  Mngols  sont  comme  les  anciens  Romains 
passionnés  pour  les  combats  d'animaux  cl  mt'me 
aussi  pour  les  combats  mixtes  d'iinmmcs  el  de 
b^t  es  féroces.  L'exemple  suivant  fera  juger  comment 
les  choses  s'y  passaient  à  l'époque  du  voyage  de 
Mandcsiu  en  1638. 

Sclia-Coram  qui  régnait  alors,  avait  un  goùl  par- 
ticulier pour  ces  cruels  exercices,  mais,  k  la  dif- 
férence des  Néron,  des  Domîlien  et  des  Culigula, 
il  Toulait  que  le  combat  fàt  volontaire  de  la  part 
des  hommes  qui  paraissaient  dans  la  lice. 

Mandeslo  fut  témoin  de  plusieurs  de  ces  lombals 
cxi-cutés  en  présence  du  Grand  Mogol.  Un  jour  , 
après  nvoir  fait  combattre  un  taureau  sanvage  contre 
un  lion,  puis  un  liun  contre  un  tigre,  le  principal 
niinislrt:  s'avauçu  \urs  le  Peuple  cl  déclara  du  nom 


S96  —  HISTOMB  DBS  OUMÈM.  ^ 

de  l'empereur  que  m  parmi  tes  sujets  il  se  trou?ait 
queiqu^un  qui  eût  asses  de  cœur  pour  âfiTronter 
une  des  bêles,  il  obtiendrai!  pour  récompense  la 
dignité  de  Kan  et  les  bonnes  grâces  du  sultan. 
Trois  Mogols  s^élant  offerts ,  le  ministre  déclara  que 
^empereur  n^admeltait  pour  armes  que  le  cimeterre 
et  la  rondache  sans  c6le  de  maille ,  afin  que  le$ 
avantages  fussent  égaux.  Le  Grand  Mogol  eut  été 
loui-à-faii  conséquent  en  interdisant  toute  espèce 
d^armes  à  ses  Tolontaires ,  et  en  les  obligeant  de 
combatlre  unguibus  et  rostro. 

Ilamh  des  Mogols  étant  alors  entré  en  lice  contre 
nn  lion ,  en  fut  attaqué  si  violemment  qu^il  lui  lui 
impossible  de  se  serrir  de  son  arme  pour  se  dé- 
barrasser des  rudes  étireintes  de  son  ennemi.  0 
allait  périr ,  s'il  n'eut  tiré  im  poignard  qu'il  teosit 
caché  et  dont  il  porta  au  lion  un  coup  dans  h 
gueule ,  qui  le  força  de  làclier  prise.  Il  l'abattit 
ensuite  avec  son  cimeterre. 

Sa  victoire  fut  célébrée  par  de  grandes  accla- 
mations. Mais  l'empereur  l'ayant  fait  appeler,  lui 
dit  avec  un  sourire  amer  :  //  est  vrai  que  tu  as 
vaUlamment  combattu  ;  mais  nat^ais-je  pas  réglé 
les  amies  ?  D'où  vient  que  tu  as  usé  de  ruse? 
Tu  ne  t'es  pas  conduit  en  1u>mme  d^ honneur  et 
tu  as  tué  mon  lion  en  assassin.  Là-dessus,  il  or- 
donna qu'on  lui  fendit  le  tendre ,  et  il  fit  promener 


—  CHAPITRE   \XÏ1T.—  307 

le  corps  par  toute  la  ville  pour  servir  d'exemple. 
Ibidem,  pag.  81   c/ 82. 

Le  même  recueil  décrit  divers  autres  combats 
du  m^me  genre ,  notamment  des  combats  d'él6- 
plians  fort  en  vogue  îi  Siam.  On  trouve  aussi  dans 
une  relation  latine  d'un  voyage  hollandais  aux  Iles 
Molucqucs,  d'intéressans  détails  sur  des  exercices 
gymniques  auxquels  les  liabitans  se  livraieut  en 
présence  et  en  l'honneur  du  commandant  de  l'ex- 
pédition. De  Bby  ,  Descript.  Ind.  Orient,  /».  276, 
Fnuicojhrti  1607, 

S'il  fallait  en  croire  Montaigne ,  inhnimcnt  plus 
digne  de  foi  comme  moraliste  que  comme  géogra- 
phe ,  il  y  aurait  eu  un  tout  petit  coin  de  l'Indostan 
où  le  duel  était  prestju'en  aussi  grand  honneur  de 
■on  temps  qu'à  la  cour  de  France. 

«  Au  royaume  de  Nnrsingue,  dil-il ,  non  seu- 
lement les  gens  de  guerre,  mais  aussy  les  cour- 
tisans, d esmcsl en t  leurs  querelles  à  coups  d'espëe. 
Le  roy  ne  refuse  point  le  ramp  k  qui  se  veull 
battre,  et  il  y  assiste  quand  ce  sont  personnes  de 
quahté  ,  eslrennant  le  victorieux  d'une  chaisne 
d'or;  mais  pour  la  quelle  coiiqucsrir  le  premier 
à  qui  il  en  prend  envie  peult  venir  aux  armes 
avecqnes  celuy  qui  la  porte ,  et  pour  s'cstrc  dé- 
faict  d'un  combat  il  en  a  plusieurs  sur  les  bras.  » 
HoTtTïtRnp. ,  EtsaiSf  lit:  //,  chtip.  XXf'H. 


98S  -^msTomc  dbs  dsbl».  — 

Alexandre  de  Rhodes  rend  un  témoignage  tout 
opposé  d^une  contrée  de  Tlndoslan  située  dans  li 
presqu^ilc  orientale,  Narsingapatan  se  trouTant  dans 
la  presqu'île  occidentale,  au  royaume  de  Golcond& 
«  Les  soldats  du  royaume  de  Tonquin,  dit-il ,  d^a3* 
leurs  fort  courageux  contre  Tennenii ,  traitent  les 
duels  de  barbarie.  »  Itin,,  Ub.  II,  c«6.  Puffendoiup, 
Droit  de  la  Nat.,  /iV.  rill,  chap.  IK,  §.  8. 

On  connaît  le  mode  tout  à  £ait  singulier  adopté 
au  Japon  pour  terminer  les  querelles  particulières. 
Les  deux  adversaires  conviennent  de  a^ouvrir  le 
Tentre  en  même  temps  ;  la  palme  de  Phonneur  est 
pour  celui  qui  s^expëdie  le  plus  vite.  Le  duel  et  le 
suicide  sont  frères  :  les  Japonais  les  ont  réunis. 

Les  querelles  sont  rares  dans  ce  pays ,  parce  que 
la  police  y  est  parfaitement  faite.  Chaque  rue  d'une 
^lle  a  ses  officiers  et  ses  réglemens.  Le  principal 
officier  d^une  rue  se  nomme  tOttona.  S^il  survient 
quelque  contestation  entre  les  habitans  de  sa  rue , 
il  appelle  les  parties  pour  leur  proposer  un  ac- 
commodement ;  mais  il  n^a  pas  le  droit  de  les  v 
contraindre.  Il  punil  les  fautes  légères  en  mettant 
les  coupables  aux  arrrls  ou  en  prison.  Hisi.  géné- 
rale des  Voyages  y  tom,  X,  pag.  572. 

Toutes  les  fois  qu'il  sYlcve  une  rixe  dans  une  rue, 
les  voisins  les  plus  proches  sont  tenus  de  séparer 
les  comballans.  Si  Tun  des  deux  adversaires  vient 


—  CnAMTBE    STXTT,  —  3îM> 

è  luer  Taulrc,  il  pnie  ce  rrlme  de  m  U'ie,  n'eul-il 
taix  que  se  dcfendrc,  et  les  trois  famUlcs  les  pliin 
voisines  du  lliùùlre  du  meurtre  subissent  une  espèce 
tl^arrèls  Forcés  de  plusieurs  mois  ,  se  trouvant 
bloqu£-s  dans  leurs  maisons  dont  la  police  fait  cnn- 
damncr  les  portes  et  les  fenèlres.  Tous  les  autres 
babitans  de  la  rue  ont  aussi  pnrl  h  la  punition. 
Ils  sont  condarani^s  à  de  nides  corvÉes  plus  ou 
moins  longues ,  ii  proportion  de  ce  qu'ils  auraient 
pu  faire  pour  arrêter  la  querelle. 

A  la  mort  du  plus  simple   Japonais ,   tous  les 

membresde  sa  compagnie  sont  appclt's  pour  rendre 

témoignage  qu'il  est  décidé  nalurcllemcnt.  A  Nan- 

gasaki  et  dans  quelques  endroits  du  Ximo ,  l*usage 

est  de  visiter  les  cadavres  pour  s'assurer   qu'ils 

d'odI  aucuDe  marque  de  mort  violente.  KtEiri'Fn, 

f^oyage  au  Japon,  toffi.  //,  pag.  71.  La  Haye 

1732,  iH-12. 

|h     11  existe  en  France  une  loi  établie  sur  le  même 

ri'piiiicipe ,  c'est  celle  du   10  vendémiaire  an  IV  qui 

rend  une  commime   rc»iponsablc  de  tout  atteolat 

cfHnmis  par  allroupcmcns  sur  son  terriloirc  coutrc 

I    le>  personnes  et  contre  les  propriéti!-s. 


Le  point  de  contact  le  plus  remarquable  que 
présentent  les  mœurs  des  peuples  asiatiques  avec 
celles  des  Européens  du  movcn  Age,  c'est  l'usage 


400  -«RiffroiiiB  DBS  Myn««  -» 

des  ^rem'cs  dans  les  insUlutîons  judidairei.  Ce 
seul  fait  suffirait  pour  prouTcr  PhomogèDéîlé  de 
leur  origine.  Un  grand  nombre  d^obtenrations  cu' 
rieuses  ont  £16  faites  à  cet  égard  par  les  Toyageon. 
Ainsi ,  pour  n^en  citer  qu^un  petit  nombre ,  ki 
Siamois,  afin  de  connaître  de  quel  c6té  est  la  justice 
dans  les  affaires  civiles  et  criminelles,  se  servent 
de  certaines  pilules  purgatives  qu^ils  font  avaler 
aux  deux:  parties  ;  celle  qui  les  garde  le  plus  long* 
temps  dans  son  estomac  sans  les  rendre,  gBgne  soa 
procès.  C'est  là  sans  doute  que  Ckigliostro  a  pris 
ridée  de  son  duel  médical.  ^*  tom»  I y  pag.  908. 
Saint-Foix  ,  Essais  sur  Paris 3  tom.  Ij  pag.  217* 

u  Nous  ne  voyons  pas,  dit  Voltaire,  tju^aucon 
peuple  de  TÂsie  ait  jamais  adopté  les  jugemensde 
Dieu  par  Tépée  ou  par  la  lance.  Ce  iut  une  coutume 
inventée  par  les  sauvages  qui  détruisirent  Tempire 
romain.  En  revanche ,  les  épreuves  si  connues 
autrefois  sous  le  nom  de  l'eau  bouillante  et  du  fer 
chaud  étaient  trés-pratiquces  dans  Tlnde.  Tout  nous 
vient  d'Orient ,  le  bien  comme  le  mal.  L'épreuve  la 
plus  commune  était  celle  de  l'eau  bouillante,  etc. 
Voltaire,  Fixigmens  sur C Inde ,  a^'t»  XXX. 

c<  On  trouve  encore  au  bout  de  l'Orient ,  dit  le 
même  auteur,  dans  le  Malabar  et  le  Japon,  des 
usages  semblables  fondés  sur  la  simpUcité  des  pre- 
miers temps  et  sur  la  superstition  commune  à  toutes 


—  cirtiiTiiE  \x\T\.~-  401 

les  nations.  »  Essai  sur  les  inœiiis  et  l'rs/iril  des 
mitions ,  lom .  /,/irt^.  231.  Ed.  de  1770. 

K  Au  royaume  de  Tliibul,  dit  Diiclos,  lorsque 
deux  parties  sont  en  |irocès  oit  jt:tle  dans  uuc  l'hau- 
dtérc  d'eau  bouillante  deux  pièces,  l'une  blanche 
cl  l'autre  noire.  Les  deux  parties  plongent  ensemble 
le  bras  dans  l'eau  ;  celui  qui  rencontre  la  pièce 
blanche ,  obtient  gain  de  cause ,  et  pour  l'ordinaire 
lis  sont  tous  deux  eslropi^s.  Mém.  de  l'Acad.  des 
Insc. ,  tom.  ,\'K,  pa^.  C19  et  luiV. 

Si  dans  les  instllulîons  judiciaires  de  l'Asie,  un 
procès  peut  coûter  un  membre,  dans  cetlcs  de  l'Eu- 
rope on  est  aouTcnt  exposé  k  perdre  toute  sa  for- 
tune. On  a  raison  de  plaindre  les  plaideurs,  car  ils 
sont  malheureux  partout  (432). 

Les  marnes  observations  sont  applicables  h  plu- 
sieurs |>euptes  de  l'Afrifpic.  »  Les  hommes,  dit 
encore  Duclos ,  ont  toujours  aimé  h  prendre  le 
aorl  pour  arbitre,  et  les  peuples  les  plus  anciens 
ont  eu  leurs  épreuves.  Elles  sont  encore  pratiquées 
en  Ethiopie  et  dans  les  royaumes  de  Congo  et 
d'Angola.  Ce  n'est  pas  que  ces  nations  aient  pris 
ces  usages  des  anciens  peuples;  maïs  il  y  a  dans 
Tesprit  humain  des  germes  universels  de  folie  ipii 
^closent  d'eux-mêmes.  »  Ihiilrm. 

L'Afrique  n'est  giiOres  suseeptible  que  de  deux 
20 


^IS  —  HISTOIRE  DBS  DOTSLS.  — 

grandes  divisioDs ,  rislamisme  cl  le  paganisme ,  sans 
compter  quelques  points  maritimes  occupés  pardes 
colonies  européennes.  Au  paganisme,  appartiennent 
la  plupart  des  peuples  du  Congo,  de  la  Nigritie, 
de  la  Guinée,  de  la  Cafrerie  et  de  Tintérieur  de 
TAfrique  avec  la  grande  Ue  de  Madagascar.  Uisla- 
misme  comprend  le  reste. 

u  Le  sauvage ,  dit  Robertson ,  ne  croit  pas  avoir 
seulement  le  droit  de  venger  ses  propres  injures, 
il  embrasse  avec  la  même  vivacité  les  querelles  de 
ses  parcns,  de  ceux  avec  qui  Phonneur,  TintérA 
ou  le  sang  Ta  lié....  La  seule  apparence  d\iQ 
dommage  ou  d^un  affront  fait  à  sa  famille  ou  à  sa 
tribu,  allume  dans  son  cœur  une  fureur  subite ,  ctil 
en  poursuit  les  auteurs  avec  un  ressentiment  impla- 
cable. Il  regarderait  comme  une  lâcheté  de  remettre 
ce  soin  en  d^aulres  mains  que  les  siennes,  et  comme 
une  infamie  de  laisser  à  d^autres  le  droit  de  décider 
quelle  est  la  réparation  qu'il  doit  exiger  ou  la  ven- 
geance qu'il  doit  tirer.  RoiiERTSCv,  Hisl.  de  CluuiiS-^ 
Qui/U^  Jnl/ocL,  toni»  Jj  pag.  58. 

Les  Arabes  a.siatiques  passèrent  en  Afrique  vers 
Tan  ^S  de  J.  C.  ,  environ  cent  ans  après  que 
Bélisaire  en  eut  chassé  les  Vandales  qui  s^y  étaient 
élablissous  Genséric,  deux  siècles  auparavant.  Les 
ravages  et  les  dépopulations  que  ceux-ci  y  exer- 


—  rR*PITBE    SSSIV.—  403 

cèrrnl ,  seraient  presque  FabuleiiT ,  si  les  traocs  nVit 
existaient  encore  aujourd'hui.  Les  ruines  de  Car- 
tlinge,  d'I'tique ,  d'IIippone  et  de  tant  d'autres 
cit6s  célèbres  qui  s'étendaient  le  Inng  des  cAles  de 
la  Barbarie,  en  sont  de  muets  el  /'Inqucns  lëmuins. 
Ces  contrées  jadis  si  florissautes  ne  sont  plus  qu'un 
■»aa(e  dî'sert.  Quand  les  Vandales  assiégèrent  Hip- 
pone  qui  leur  opposa  une  vive  risislance ,  ils  ne 
trouvèrent  d'autre  moyen  de  s'en  rendre  maîtres 
que  d'enlasaer  des  monceaux  de  cadavres  contre 
les  remparts  pour  infecter  la  place.  Cinq  œillions 
d'hommes  périrent  dans  cette  guerre.  S.  Auenst.  , 
opcr.,  tom.  X ,  pag.  372,  édit.  161G.  —  Procop.  , 
apad  Bysant.  script.,  tom.  1,  pag.  315, 

IjCB  mœurs  des  Arabes  d'Afrique  onl  beaucoup 
de  rapports  avec  celles  des  peuples  du  m^me  nom 
restés  en  Asie,  lisse  disent  aussi  descendus  d'Ismaël. 
Us  sont  ordinairement  maigres  ,  aces  et  basanés  ; 
ils  ont  un  regard  farouclie  et  portent  une  longue 
barbe  qui  est  parmi  eus  une  chose  sacrée  ;  c'est  par 
leur  barbe  qu'ils  jurent  ;  In  salir  ou  même  y  porter 
la  main ,  est  ii  Iturs  ]  evtx  la  plus  grave  injure. 

It  y  a  une  assez  gronde  différence  entre  les 
Arabes  habitons  des  villes  et  ceux  de  la  campagne. 
Les  premiers  sont  policés ,  font  te  commerce  et 
cultivent  les  sciences  el  les  arts.  Les  autres,  plus 
connus Eous  le  nom  de  Bédouins,  ne  vivent  que  de 


404  —  «TiTOItB  on  DVKLS.  •- 

rapines  et  de  brigandages ,  et  sont  reiiroi  des  catin 
vanes.  Ils  mènent  une  TÎe  nomade ,  passent  leoit 
nuits  sous  des  tentes  et  les  joumëea  à  chetal.  Di 
aiment  passionnément  leurs  chemux  dont  ils  font  h 
généalogie  y  bien  que  souvent  ils  ignorent  le  non 
de  leur  propre  père.  Au  reste ,  ils  vivent  parmi  eui 
en  bonne  intelligence,  et  ils  n^en  veulent  qu^so 
étrangers  qu'ils  Tolcnt  sans  les  tuer.  Le  duel  al 
inconnu  parmi  eux.  A  la  guerre,  ils  ont  conserri 
Tusage  des  combats  singuliers,  et  ils  aiment  passioa* 
nément  les  jeux  guerriers  qui  en  sont  le  sinuilacie. 

Ces  peuples  sont  la  terreur  des  cAtes  septca* 
trionales  de  TAFrique ,  à  qui  ils  ont  fait  donner  k 
nom  de  Barbarie  ou  Etats  barbaresques*  Ils  aUi* 
quent  indifféremment  les  Turcs  et  les  GhrétieDs; 
on  est  toujours  leur  ennemi  dès  qu^on  possède 
quelque  chose.  Cest  ce  qui  rendra  toujours  fort 
problématique  la  réussite  de  toute  entreprise  de 
colonisation  dans  ces  contrées. 

Les  principaux  Etats  barbaresques  sont ,  k  Voo 
cident ,  les  royaumes  de  Fei  et  de  Maroc ,  et  k 
Torient,  ceux  d'Alger,  de  Tunis  et  de  Tripoli. 

Le  principal  et  pour  ainsi  dire  Tunique  pen- 
chant de  ces  peuples  est  le  toI.  II  n^y  a  parmi  ki 
Marocains  ni  amitié  ni  confiance  ;  ils  ne  connaissent 
que  les  passions  féroces  qui  portent  la  division 
dans  les  CuniUes  et  le  trouUe  dans  les  sodélés. 


—  CHAriTBE  xxxrt.—  4nri 

Les  gens  du  peuple  se  volent  cntrVux  avec  beau- 
coup d'adresse.  CuiMnn  ,  f'oyage  à  Mui-oc. 

Voici  un  trait  d'une  gruuilc  sagesse  cl  qu^on  ne 
devait  pas  s'attendre  h  rcnrunlrer  dans  un  pnys 
d'une  si  tiaute  civilifiotion  au  &iéL-le  des  Massinissa 
et  des  Jugurtha  ,  et  «n'-nic  enrorc  au  temps  des 
Maures  conqu^-caDS  de  Tlispagne ,  mais  qui  est  bieiv 
(k'cbu  de  celle  ancienne  spluudeur  depiu's  qu'il  a 
élé  la  proie  des  Bî-douins. 

lîn  1690,  une  querelle  s'ttaiil  Élevée  entre  Ala- 
horact  et  Maimiin,  tuus  deux  fiLs  de  Mulcy-Ixmar'l, 
roi  de  Marne ,  i\s  en  vinrent  aux  muins.  Celui-ci  les 
fit  cumparaiire  en  sa  présence  chargés  de  chaînes; 
cl  leur  tînt  ce  discours  :  Je  suis  bien  aise  de  vous 
l'oir  encore  au.  monde,  fous  dt^-iez  pt-irliv  la  vie 
dans  ivire  combat.  Il  seutble  que  vous  afcz  cru 
n'avoir  plus  de  père  ,  on  bien  vous  avez  oublié 
i/ue  Je  le  suis-  Dou.r  comme  dvs  agiieau.v  dci'Wit 
moi,  vous  êtes  des  Wons  rugissoMS  dès  que  je  suis 
éloigné.  Je  vis  encore,  et  voas  osez  prendtv  les 
armes  .'...,  11  se  lit  ensuite  apporter  des  bâtons  et 
leur  ordonna  de  se  battre  en  sa  présence.  Anec- 
dotes Africaines ,  tom.   f,  pii^-  137^ 

La  prise  d'Alger  par  les  Fruu^ais  a  été  certai- 
nement le  plus  beau  l4iil  d'armes  des  temps  mo- 
derato- Ses  conséquences  en  Taveur  du  commerce 
européen,  sont  inappréciables.  On  s'en  était  aussi 


406  ^HlfTOIKB  DSS   mJBIit.— 

promis  des  mer? eillet  dans  rinlérét  du  commerce 
national  et  de  la  cÎTilisation.  Mais  un  mauyais  génie 
a  soufflé  sur  tout  cela  ;  toutes  ces  illusions  semblent 
détruites ,  et  déjà  la  France  entend  sans  s^èmoa- 
voir  mettre  en  question  Tabandon  de  sa  glorieuie 
conquête. 

Quel  est  Pesprit  qui  dirige  Fadministration  d^ÂI» 
ger  ?  G^est  le  provisoire  qui  plane  sur  toutes  nos 
institutions,  qui  paralyse  toutes  les  actions ,  comme 
il  desenchante  toutes  les  idées.  Qu^STons-nous  porté 
h  Alger  depuis  bientôt  cinq  années  d'occupation , 
si  ce  n^est  des  exemples  d^injustice  et  de  cruauté 
qui  nous  ont  aliéné  les  naturels  du  pays  ?  Le  duel 
même  n^a  pas  été  oublié. 

i(  La  manie  des  combats  singuliers  a  passé  li 
mer  ,  disait  le  Sémaphoœ  de  Marseille  du  10 
août  1834.  II  y  a  eu  jeudi,  1."  août,  une  ren- 
contre ,  à  la  porte  Babeloned,  entre  M.  Tintendant 
civil  Genty  et  M.  de  Maisonneuve  ,  inspecteur- 
général  des  finances.  Les  témoins  étaient ,  pour 
M.  Genty,  M.  le  baron  Bondurand,  intendant  en 
chef  de  Tarmée  ;  pour  M.  de  Maisonneuve ,  M.  le 
colonel  Duvergcr,  ciief  de  l'état- major  général. 
L'affaire  s'est  arrangée  sur  le  terrain.  A  la  suite 
de  cette  rencontre ,  M.  Genty  s'est  retiré  à  la  cam- 
pagne, laissant  l'administration  ^  M.  Bondurand.  » 
«  Les  duels  se  multiplient   d'une   manière  ef- 


-,:iiAriTn,:   xvM^    -  407 

fraraiilc ,  disait  f'Eiliùmur  ilc  Tniiliin  ,  ir»prôs 
une  lettre  d'Alger  du  27  décembre  1834.  Le  pré- 
jugé et  le  faut  poiitt  d'Iiimneur  ont  OunJuil  sur 
le  terrain  deux  jeunes  pt-ns  pleins  de  vie ,  dVs- 
pérance  et  d'Iionneiir ,  M.M.  Massoii ,  I)::iitcvint 
du  gtnie,  et  Desmolins ,  proprii^liiirc.  Dans  ctllu 
lulle  barbare  et  surtout  absurde  au  lU."  siccle  , 
M.  Desmolins  a  siiceombt'.  n 

Vers  la  niL^me  époque  ,  un  autre  duel  a  vu  ItCti 
au  bois  de  lîouloipic,  entre  deux  fonctionnaires 
supérieurs  qui  aTaicnl  ^lé  cmployfs  h  Al^i'r.  I-« 
contestation  avait  pris  naissance  au  sein  de  lii  com- 
mission instituée  ii  Paris,  pour  etaminer  la  question 
de  colonisation  (433). 


L'Amt^rique  se  divisait  natureUcincnt  il  y  a  pcw 
d'années  en  peuples  sauvai|;cs  ou  indigènes,  et  en 
colonies  europ'^cniics  se  prèlondant  eivilisî-es.  Il  y 
a  une  catt-goi-it:  de  plus  k  faire  aujoiird'Iiui.  f'ii 
y  compte  plusieurs  Etats  libres  et  ind^-pcndatis 
formas  d'anciennes  colonies  dêlaebi^cs  de  la  mère- 
pairie.  Les  Ftats-t'nîs  oiU  donné  le  signal  et  ont 
servi  de  modèle.  Malheureusement  le  modèle  n'a 
pas  loujuurs  été  fidèlement  imité.  Cela  s'explique 
par  des  ditTèrcnces  essentielles  dans  les  positions 
gtographiejucs  et  dons  les  caractères  des  peuples. 
Les  inslilutions  républicaines  ue  s'aevlioiatenl  ja- 


3 


406  —  UISTOIRB  DES  OUBLS.  — > 

mais   aussi  parCeiiteineni  dans  le  Midi  que  dans 
le  Nord. 

Quand  IWmérique  fut  découverte,  on  n^y  ren- 
contra d'autres  traces  du  duel  dans  les  mœurs  des 
inc^éncs,  que  celles  qui  ont  pu  être  observées  chei 
tous  les  autres  peuples  sauvages.  Ce  que  Robertsoo 
a  dit  ci-dessus  des  naturels  de  TÂfrique  s^applique 
entièrement  à  ceux  de  rAmérique ,  sauf  quelques 
nuances  qui  se  distinguent  à  peine. 

Ainsi ,  au  Mexique ,  Cortei  a  observé  une  grande 
propension  de  la  part  des  cbets  ennemis  à  sortir 
des  rangs  pour  venir  défier  les  plus  braves  £spa« 
gnols  à  la  manière  des  Gaulois  et  des  Germains. 
Leurs  instances  duraient  peu  ,  et  la  plupart  se  hâ- 
taient de  faire  retraite  lorsqu'on  se  disposait  b  leur 
répondre.  Il  y  avait  dans  leur  fait  plus  de  fan- 
faronnade que  de  bravoure  véritable.  Il  y  eut  pour* 
tant  un  de  ces  aventuriers  qui  fut  tué  h  la  suite 
d^un  défi  semblable  par  un  jeune  espagnol  à  peine 
âgé  de  17  ans,  nommé  Jean  Nunez  de  Marcado. 
Hist.  générale  des  Fojages  ^  tom*  XII,  V^*  ^'^* 

Le  caractère  le  plus  distinctif  des  Péruviens  au 
temps  de  la  découverte ,  était  une  disposition  re« 
marquable  à  la  paresse,  à  Tindifférence  et  à  Tapa* 
thie.  Rien  ne  pouvait  les  en  faire  sorlir  ,  ni  la 
crainte,  ni  Tintérét,  ni  la  cupidité,  ni  Pambibon. 
Chez  un  tel  peuple,  il  ne  pouvait  rien  exister  qui,  de 


—  CHAPITRE   XXÏLX.—  409 

près  ou  de  loin ,  rcsscmblùt  le  moins  du  monde  k 
ce  qu'on  appelle  le  point  d'honneur. 

Au  Brésil ,  on  connaît  les  comfiositions  ger- 
maines ou  plutôt  les  •veitge^nci-s  du  sang  des 
mœurs  Iifbraïqncs.  S'il  s'élève  une  querelle  et  que 
quelqu'un  y  pèrisac ,  son  meurtrier  est  livré  aux 
parens  du  mort  qui  l'immolent  ^  Icnr  vengeance. 
Ensuite,  les  deux  familles  s'assemblent,  pleurent 
et  se  réconcilient  dans  un  repas.  Ravnal,  Bût. 
plulos.  et  polit.  >  tom.  II, 

On  trouve  à-peu-près  les  m^mcs  observations 
dans  la  relation  du  vojnge  de  Léry. 

Un  autre  auteur  s'exprime  d'une  manière  plus 
générale  encore.  «  Les  habitans  de  l'Amérique  du 
sud  sont  implacables  dans  leurs  rcsseutimens ,  et 
le  temps  ne  peut  éteindre  ,  ni  mi^me  affaiblir  le 
désir  d'une  juste  vengeance.  C'est  le  principal  hé- 
ritage que  les  pères  en  mourant  laissent  à  leurs 
enfans ,  et  le  soin  de  venger  un  alTront  se  transmet 
de  génération  en  génération.  »  Chahlevoix,  Joant, 
hisl.,  yag.  334.  Paris  1744,  irt-4." 

Les  sauvages  indigènes  de  rAmérique  n'occu- 
pent plus  aujourd'hui  qu'une  trop  petite  place 
sur  cette  terre  arrosée  de  leur  sang  depuis  tant  do 
siècles,  pour  qu'il  y  ait  lieu  de  s'occuper  de  l'étal 
actuel  de  leurs  mœurs  (434). 

Dans  loultis  les  parties  où  les  r.urupéeiis  ont 


4IV  HinMliB  Bfes  MtiOnBJf^"^ 

pénétré  «t  ont  fmnfr  det  élaKIiflftenieDS ,  ib  y  otil 
apporté  leurs  mœurs  et  leurs  ooulamei  indigénesy 
sans  oubKer  surtout  leurs  passions  qui  dans  ks 
colonies  s^exaltent  jusqu^àu  plus  haut  degré.  Sois 
€0  rapport ,  TAniérique  a  bien  cessé  d'être  on 
KouTeau-Monde ,  mais  c*est  'encore  un  monde  à 
part.  Dans  ce  pajrs  où  l^omme  n'est  «pi^une  choie, 
le  mot  humanité  est  rayé  du  dictionnaire  ;  on  y 
traiterait  la  philanthropie  de  niaiserie  si  on  ne  la  pre- 
nait assez  au  sérieux  pour  en  faire  un  crime  d^élat 
Là  on  ne  connah  que  deux  espèces  d^aristocratie, 
celle  de  Pargcnt  et  celle  de  la  peau.  Des  deox, 
celle-ci  est  la  plus  intraitable.  Elle  est  la  pient 
angulaire  de  tout  le  système  colonial ,  et  rien  oc 
saurait  peindre  Textravagance  de  ses  prétentions. 

R  y  a  peu  d^années ,  un  fonctionnaire  de  Tordre 
judiciaire  de  ma  connaissance ,  s^étant  permis  d^ia- 
Titer  k  diner  chez  hii  un  mulâtre,  fut  presque  h 
Tietime  d^une  émeitte.  Il  fut  fort  heureux  d^en  être 
quitte  pour  être  traduit  au  conseil  colonial  qui  le  fil 
embarquer  et  renvoyer  en  France. 

Pour  un  Colon  la  plus  grave  de  toutes  les  injures 
est  dY'tre  appc!è  mulâtre.  G^est  un  crime  digne  de 
mort ,  si  Pinjure  sort  de  la  bouche  d^un  homme  de 
couleur ,  et  un  cas  de  duel  au  dernier  sang  si  elle 
est  adressée  par  un  blanc.  Le  général  Haïtien 
Lapoinle  fit  un  jour  scier  les  jambes  à  un  nègre  qui 


I 


SIX.-  411 

l'avait  appelé  mulâtre.  MALENFAnT ,  Constd.  sur 
Saint-Domingue,  p.  ^\.  Paris  1815.  f^o^ez  sur  le» 
mœurs  haïtiennes,  lc3  Mémoiivs  de  M.  le  général 
Pampiiilc  Lacroix  el  V Histoire  de  Saint-Domingue, 
par  M.  Charles  Malo. 

Comme  toutes  les  passions  aont  portées  dans  les 
colonies  k  un  digré  bien  supérieur  ii  ce  qu'elles 
-peuvent  être  partout  ailleurs  ,  la  manie  du  duel 
y  est  poussée  jusqu'à  la  frénéaie.  On»e  bâti  chaque 
«nstant  parmi  les  Colons,  el  les  gens  de  couleur 
te  mesurent  aussi  très-souvent  cntr'ciix.  Les  duels 
>OBl  lieu  le  plus  ordinaiirement  au  pistolet ,  el  it  n'est 
■pas  un  Colon  qui  n'ait  fait  une  étude  approfondie 
de  cette  arme  ;  la  plupart  s'en  servent  avec  une 
grande  habileté.  Souvent  les  combats  se  passent 
comme  au  moyen  Age,  en  public,  avec  apparat 
et  grand  concours  de  spectateurs. 

Les  fasliionables  de  salles  d'armes  aux  Colonies 
prennent  souvent  plaisir  à  s'attaquer  aus  militaires 
étrangers  en  relilche  ou  en  garnison.  Un  olËcier  de 
marine  résolut  un  jour  de  donner  une  leçon  h  un 
-^rsoniiage  de  cette  espèce.  Il  lui  emporta  son 
chapeau,  ce  qui  lui  valut  un  cartel  comme  il  s'y 
était  bien  attendu.  Il  s'empressa  d'accepter,  k  con- 
dition qu'on  se  battrait  au  pistolet  et  ii  bout  portant. 
Le  spadassin  refusa  et  fut  déslinnoré. 

£u  1829,  il  y  eut  k  Saint-Pierre  Martinique  un 


412  —  HISTOIAB  DBS  DinOLS*  — 

duel  entre  M.  T.*** ,  subtiitut  du  procureur  du  roi, 
et  le  comte  de  P*"*^*,  pour  des  plaisanteries  que  celui- 
ci  s'était  permises  dans  un  bal.  Deux  coups  de 
pistolet  furent  tirés  en  même  temps,  et  le  comte 
de  P***y  qui  néanmoins  passait  pour  être  d^une 
grande  force  sur  le  pistolet,  fut  atteint  d^une  balle 
au  cœur  et  expira  sur  le  coup. 

Deux  hommes  de  couleur  qui  avaient  pris  que- 
relle ensemble  aux  Antilles  françaises,  vinrent  jus- 
qu'à Paris,  en  1834,  vider  leur  différent  par  un  duel 
au  bois  de  Yincennes.  Celte  rencontre  eut  lieu  entre 
AIM.  Gicéron  et  Bissette.  Une  contestation  s'élen 
sur  le  choix  des  armes  qui  resta  à  ce  dernier.  Il 
opta  pour  le  sabre  et  blessa  son  adversaire  au  bras. 
Une  note  communiquée ,  selon  un  usage  assez  sia- 
gulier  qui  commence  à  prendre  racine,  fut  adressée 
aux  journaux  sur  cette  affaire. 

Il  y  eut  en  1830,  à  la  Jamaïque ,  un  duel  fort 
extraordinaire  entre  deux  Colons  anglais  qui  s^étaut 
enivrés  dans  une  orgie  ,  convinrent  de  se  battre 
immédiatement  aux  flambeaux  et  au  fusil  à  lajaiwt 
des  lankées,  porte  la  relation.  Les  témoins  prenant 
en  considération  l'état  d'ivresse  des  deux  cham- 
pions, avaient  eu  la  précaution  de  ne  charger  les 
armes  qu'à  poudre.  Néanmoins,  les  deux  cou|>3 
étant  partis  à  un  signal  donné  ,  Tun  des  deux 
Anglais  tomba  mort  le  corps  traversé  d'une  balle 


—  rHAriTRE   XWIX.  —  413 

q«ii  était  entrûe  par-derrière.  La  douleur  el  la 
B)ir|jnse  des  lémoitis  fut  au  Lomble.  On  fil  des 
rcclierches ;  biciilùl  on  dt'cuiivrit  un  nègre  cnché 
derrière  un  arbre  ii  peu  de  dislance  du  liou  du 
combat  et  armé  d'une  carabine  qu'il  venait  de 
décharger.  C'était  un  acte  de  vengeance  que  ce 
malheureux  venait  d'exercer  pour  un  motif  non 
moins  singulier.  Celui  des  deu\  colons  qui  ^tait 
encore  vivant,  passant  la  veille  devant  un  gibet  où 
était  suspendu  le  cadavre  d'un  nègre ,  lui  avait  mis 

■<ine  pipe  à  la  bouclie  el  avait  continué  son  chemin. 

lUn  ami  de  ce  nègre  l'ayant  aperçu ,  avait  résolu  de 
Tenger   cet   outrage   et   ayant  entendu  parler  du 

>duel  projeté,  il  avait  pro6té  de  cette  occasion  pour 
etsayer  de  le  faire  sans  danger  pour  lui.  Protégé 
par  l'obscurité ,  il  était  venu  se  poster ,  armé  de  sa 
carabine ,  en  face  de  celui  h  qui  il  destinait  la  balle 
Il  dont  elle  était  chargée;  mais  dans  les  ténèbres  il 
K  trompa  de  victime,  el  ayant  fait  feu  au  signal 
donné  pour  que  l'esplosion  de  son  coup  se  con- 
fDndit  avec  les  deux  autres ,  il  atteignit  par-derrière 
celui  qui  lui  tournait  le  dos,  au  lieu  de  frapper  celui 
plus  éloigné  qui  lui  faisait  face. 
.  Voici  un  dernier  trait  qui  achèvera  de  peindre 
ir  les  mœurs  des  Colons ,  dont  il  est  assez  difficile  de 
se  faire  une  idée  ,  même  approsimalive  ,  dans 
l'élot  actuel  de  nos  mœurs  en  Europe.   Il  est  tiré 


414  -*  «mens  mBB  0MBL#« -^ 

d'une  Reî^ue  de  Londres,  et  il  est  aion  rapporté 
par  un  capitaine  de  la  marine  anglaise  qui  en  (iit 
le  témoin  oculaire. 

c(  Peu  de  temps  après  mon  arrirée  en  Amérique, 
mes  affaires  m^appdérent  à  Kingstown  ,  dans  Tlle 
de  la  Jamaïque ,  et  quoique  je  n'eusse  pas  une 
seule  lettre  de  recommandation,  je  fus  accueilli  au 
bout  de  quelques  jours  dans  les  meilleures  sociétés 
de  la  ville.  A  cette  époque  (1817),rhospitalité  amé- 
ricaine s'exerçait  d'une  manière  on  ne  peut  plus 
aimable  envers  les  étrangers.  Un  jour ,  un  des 
plus  riches  négociaps  de  la  ville  .m'invita  à  diner; 
nous  étions  vingt-cinq  à  table  :  il  y  eut  de  la  joie, 
de  l'entraîné ,  du  bonheur.  On  chanta  plusieurs 
chansons,  et  au  moment  où  l'Amphitryon  proposait 
à  la  société  d'aller  rejoindre  les  dames ,  quelqu'un 
demanda  qu'avant  le  café ,  le  capitaine  Stewart  eût 
la  bonté  de  chanter  une  chanson  gaélique.  Celui- 
ci  assura  que  quoique  Ecossais ,  il  parlait  avec  diffi* 
xmlté  la  langue  de  ses  compatriotes,  et  qu'il  ne  savait 
pas  une  seule  chanson  montagnarde.  Celte  réponse 
satisfit  tout  le  monde ,  excepté  M.  Henri  d'Egville , 
qui  le  premier  avait  demandé  la  chanson.   » 

«  M.  d'Egville  était  un  colon  de  Saint-Domingue, 
qui ,  lors  de  la  révolution  qui  eut  lieu  dans  cette 
ile,  vint  chercher  bien  jeune  encore  un  refuge  à  la 
Jamaïque.  C'était  un  homme  auquel,  à  la  première 


Kix.-  415 

Tuc ,  V01I4  eussiez  donne  plus  de  ciiiquautc  ans ,  k 
cause  lie  ses  longs  et  noirs  sourcils,  de  ses  ycuc 
éteints,  cl  de  son  teint  basané;  mais  avec  un  peu 
d'altention,  il  était  facile  de  voir  qu'il  n'avait  pas 
(li-pussû  la  quarantaine.  11  était  d'un  cmbonpbint 
remarquable ,  et  il  n'était  pas  mal  aisé  de  distinguer 
que  l'iulempéraiice ,  et  non  les  années ,  avait  éteint 
le  feu  de  SCS  yeux.  » 

<(  Cependant  d'£gville  insista  fortement  pour 
que  le  capitaine  chantât  une  clianson  écotsaise; 
l'amphitryon  et  quelques  convives  intervinrent  et 
firent  de  vains  oËTorts  pour  faire  entendre  raison  k 
d'Bi^ille.  Au  milieu  du  tumulte  que  causa  cette 
Bcâiie  fâcheuse,  Stcwarl  prononça  (juelques  mois 
en  souriant ,  et  dit  qu'il  allait  tâcher  de  se  rappeler 
une  clianson.  Le  silence  se  rélabbt  alors ,  non  sans 
peine ,  et  le  capitaine  qui  avait  annoncé  sa  chanson 
tous  le  litre  de  la  Dometles  montagnes  d'Ecosse, 
entonna  une  ode  d'Anacréon.  Il  est  impossible  de 
décrire  l'eflut  que  produisit  celte  ruse  ;  l'éducalion 
de  dXg^'ille ,  comme  celle  de  tous  ceux  qui  ont  été 
élevés  auY  colonies ,  se  borne  à  la  connaissance 
d'une  ou  deux  langues,  et  à  quelques  agrémens 
extérieurs  ;  de  sorte  que  l'ode  d'Anacréon  pouvait 
fort  bien  passer  pour  une  chanson  montagnarde, 
avec  d'autant  plus  de  raison  que  le  vin  commençait 
à  faire  perdre  la  tète  à  la  plupart  des  convives. 


416  —  fffsrofnB  m»  mmu.  — 

Quatre  ou  cinq  personnes  de  la  sociëlé  connaissaient 
h  noble  langue  dans  laquelle  chantait  le  barde  de 
Samos ,  et  ceux-ci  derînant  Tartifice  du  capitaine 
se  contentèrent  de  sourire.  » 

«  La  prétendue  chanson  écossaise  finie ,  ks 
braTOs ,  les  applaudissemens  éclatèrent  aTec  eiH 
thousiasme ,  mais  nul  ne  se  montra  plus  empressé  à 
témoigner  sa  satisfaction  que  d^E^grille.  » 

<c  L'heure  de  se  retirer  arriva  :  comme  je  derais 
prendre  du  cûté  de  la  baie  pour  retourner  chez  moi, 
j^accompagnai  le  capitaine  Stewart,  qui  devait  se 
rendre  à  bord  d'un  beau  vaisseau  des  Indes  qu'3 
commandait ,  et  qui  était  &  la  Teille  de  mettre  k 
la  voile  pour  TEurope.  En  cheminant ,  je  le  ièlicilii 
de  son  ingénieux  stratagème ,  et  d'avoir  si  bien 
amusé  la  plupart  des  convives  en  substituant  une 
ode  grecque  à  une  chanson  montagnarde.  » 

a  Le  capitaine  me  dit  que ,  peu  d'années  après 
être  entré  au  service ,  il  avait  presque  entièrement 
oublié  ses  études  classiques  ;  mais  qu'en  1814 , 
ayant  passé  quelques  mois  en  station  sur  les  cèles 
occidentales  de  Tendroit,  il  avait  renouvelé  connais- 
sance avec  ses  amis  de  la  Grèce  et  de  Rome  ;  et  vous 
▼oyez  y  continua-t-il ,  que  Tun  d'eux  est  parvenu 
k  me  tirer  d^in  mauvais  pas,  car  M.  d'Egville  est 
un  homme  dangereux ,  c'est  un  dueHiste  de  pro- 
fession. » 


'.  wax.  —  417 

—  Un  diiellisic!  m'érnai-je. 

—  Oui ,  monsieur ,  un  duelliste  ;  et  un  homme 
de  celle  sorte  ne  devrait  jamais  dtrc  admis  dans  une 
société  de  gens  comme  il  faut.  Mais  le  misérable 
d'Egville  est  plus  qu'un  duelliste  ;  c'est  tm  assassin  ; 
ciir  c'est  ainsi  que  j'appelle  nn  homme  qui ,  k 
force  de  a'escrcer  au  pislolet,  est  sûr  rie  percer 
l'as  rie  cœur  h  la  distance  de  vinf;t  pas.  Cet  homme 
aVst  fait  une  telle  habitude  du  duel ,  qu'on  le  Toit 
rire,  plaisanter  et  prendre  une  prise  de  tabac  au 
moment  de  faire  feu  sur  son  adversaire.  On  l'a  vu 
s'accoutrer  d'une  façon  bizarre  pour  attirer  les 
regards ,  afin  de  provoquer  les  gens  qu'il  voyait 
rire  de  aon  costume.  \\a  h  rendre  compte  du  sang 
de  plus  de  vingt  victimes  ! 

Les  paroles  du  capitaine  avaient  fait  sur  moï  une 
■vive  impression  ,  et  je  l'éroutais  sans  l'interrompre. 
(I  Quelques-uns  de  cce  spadaisins  ont  une  cons- 
cience, continua-l-il  ;  mais  lui,  il  est  dépourvu 
de  tout  sentiment  humain.  On  peut  dire  qu'il  est 
sans  cesse  en  quête  de  nouvelle»  victimes ,  et  il  n'est 
jamais  plus  heureux  que  lorsqu'il  se  trouve  k  la 
dislance  de  quinze  pas  de  son  adversaire.  Il  est 
bien  étrange,  n'est-ce  pas,  que  ce  d'F.gville  quia 
tué  tant  de  braves  gens  ,  cherche  encore  a  ajouter  h 
aes  crimes  i'  »  Stewart  s'arrêta  un  instant ,  cl  puis  il 
reprit  d'une  voix  que  l'émotion  rendait  tremblante  : 
27 


c<  Tandis  que  moi ,  qui  ai  eu  dans  tua  jéunelse  le 
malheur  de  tuer  uh  homme  en  dud ,  je  n^ai  phis 
maintenant  un  moment  de  repoe  ;  cet  affligeant  soih 
Tenir  me  poursuit  sans  cesse.  »  H  se  fit  encore  quet* 
ques  inslans  de  silence,  et  puis  le  capitaine  conlî- 
nua  :  a  Et  cependant,  diaprés  ce  qu'on  est  convena 
d'appeler  Thonneur,  le  bon  droit  fut  de  mon  cAlâ» 
Un  de  mes  camarades  de  collège,  appelé  Camé* 
ron  ,  aTait  insiiltë  une  dame  au  spectacle  ;  je  pris 
la  défense  de  cette  dame ,  et  Caméron  leva  la  nuda 
sur  moi.  Je  hiî  demandai  raison  de  cet  outrais  ; 
la  rencontre  eut  Ueu  le  lendemain ,  et  quoique  je 
n'eusse  jamais  tiré  le  pistolet ,  au  premier  coup  de 
feuj^atteignis  Caméron  à  la  poitrine.  Monmalhe»- 
reux  ami  tomba  ,  et  après  quelques  instans  d'ago* 
me ,  il  rendit  le  dernier  soupir  entre  mes  bras. 
Le  souvenir  de  cet  affireux  événement  remplit  mei 
jours  d'amertume  ;  pendant  mon  sommeil  je  vois 
en  songe  le  corps  de  Caméron  lutter  contre  le  tré- 
pas ,  j'entends  le  ràle  de  la  mort  qui  s'arrache  péni- 
blement de  sa  poitrine  ,  et  quand  je  suis  souffraol, 
ou  mé^e  seul ,  je  le  vois  tomber  frappé  du  coup 
mortel ,  et>son  pistolet  fumant  qui  s'échappe  de  n 
faible  main.  Souvent,  pendant  une  belle  nuit| 
quand  l'Océan  est  éclairé  par  les  rayons  de  la  lune , 
je  crois  voir  son  cadavre  sortir  du  fond  des  eaux  et 
s'élever  au-dessus  de  l'horixon.  n 


\ 


—  cnAPirne  itxxix.  —  419 

«  Nous  marcliûmcs  quelque  temps  en  silenre ,  li~ 
ytHU  nos  réflexions,  et  nous  ntleignimes  la  clialnupe 
qui  «levait  porlt-r  mon  onmjingncm  à  boril.  Je  me 
prt-parais  Ji  prenilre  congé  t)e  lui ,  quand  il  m'invita 
k  nller  nvee  lui  ù  boni  du  Plunleiir  (i.-'est  le  nom  du 
vniMeau  delà  compagnie  dea  Indes  dnni  il  triait  It^ 
rapilaine.  )  Comme  il  avait  [>lii  en  ahnndnncc  dans 
1b  journée  ,  el  qu'on  voyait  de  tous  ci^téa  dans  l'air 
des  nuages  de  mousquitcs  ,  j'acceptai  avec  plaisir  la 
proposition  de  mon  compagnon,  pour  lequel  je 
meaenlaia  déjii  un  vifatlachcmeat.  Jemonlai  donc 
avec  lui  dans  la  chaloupe  ,  et  quelques  minutes 
après  nous  Étions  sur  li;  navire.  » 

Cl  Le  Planteur  ayant  reçu  toute  sa  cargaison  ,■ 
Stcwart  était  peu  occupa  ;  aussi  nous  passâmes  toute 
la  matinée  à  deviser.  Le  cnpit.tine  était  un  homme 
fort  aimable  ;  i)  avait  souvent  des  idées  singulières , 
el  si  elles  n'élaient  pas  toujours  justes,  elles  étaïent- 
du  moins  originales,  n 

—  Qui  peut  donc  ainsi  venir  a  nous  dans  ime 
légère  embarcation ,  s'écria  Stewarl  en  regardant 
dans  Ba  lunette  P  C'est ,  Dieu  me  pardonne  ,  le 
capitaine  Wiltborpe. 

■ —  Quel  homme  est-ce? 

—  C'est  un  officier  au  service  de  la  république 
de  Colombie ,  et  le  digne  ami  de  notre  duelliste.  Le 
bruit  court  qu'il  a  lue  un  officier  d'un  coup  d« 


420  ««i-  HlilO»B  DBt  BVXLf .  —     * 

pistolet  chargé  de  quatre  quartiers  de  balle  réunis. 
Il  est  facile  de  devioer  le  but  de  sa  Tisite. 

c(  La  petite  embarcation  était  parvenue  au  pied 
du  navire ,  et  celui  qu^elle  portait  demanda  si  le 
capitaine  Stewart  était  à  bord.  Sur  la  réponse  affir* 
malive,  il  monta  rapidement  Téchelle.  Wilthorpe 
(car  c^ttait  lui)  avait  une  tounfure  efféminée ,  et 
pour  déguiser  ce  défaut ,  d^immenses  favoris  et  une 
énorme  paire  de  moustaches  lui  ombrageaient  le 
visage  ;  il  portait  la  tête  haute  y  et  cherchait  k  se 
donner  un  air  militaire.  Vous  eussiez  dit  d^un 
aoldat  qui  veut  imiter  un  officier.  » 

—  Ai-je  rhonneur  de  parler  au  capitaine  Stewart? 
dit  Wilthorpe  en  s^avançant  vers  nous. 

—  Oui ,  monsieur^  dit  le  capitaine,  en  s^inclinant 
légèrement. 

—  Dans  ce  cas ,  reprit  Wiltliorpe ,  je  Toudrais 
avoir  Thonneur  de  vous  entretenir  en  particulier. 

—  Je  ne  sache  pas ,  répondit  Stewart ,  qu'il 
puisse  y  avoir  entre  nous  aucune  affaire  dont 
monsieur  ne  puisse  être  informé. 

—  Oserai-je  vous  demander  si  monsieur ,  reprit 
Wilthorpe  en  tournant  ses  yeux  vers  moi ,  a  Thonneur 
d'être  votre  ami  ?  et  il  appuya  sur  ce  dernier  mot. 

—  Ceci ,  monsieur ,  n'est  d'aucune  importance 
pour  vous.  Veuillez  dire  promptement  quelle 
njBaire  vous  amène  ici. 


;   XKsix.—  421 

A  ces  mois ,  WiUhori>e  kva  la  léte  de  toute  sa 
liaulour ,  se  posa  dans  sa  cravule ,  et  prenant  un  air 
grave ,  tira  ientemenl  de  la  pocliu  d'un  portefeuille  , 
uti  petit  billet  qu'il  pr^-sciila  au  capitaine,  en  disant  ; 
«  Ayei  la  bonté,  nionneur,  de  lire  ceci,  n  Slewart 
lut  ces  mots   : 

n  Le  porteur ,  monsieur  le  r.-ipituine  Willlioipe  , 
mon  ami,  est  charge  de  l'aiTaire  d'hotuieur  entre 
le  capitaine  StG\Yart  cl  moi. 

Sif^nè  :  Henri  D'Ecvo-le.  » 

n  Je  ne  sais,  me  dit  Stcwnri,  ce  qu'on  pourra 
I  ^nser  de  ma  conduite  ;  mais ,  ayant  une  Toiit  ven>6 
le  sang  de  mon  semblable  ,  ma  conscience  m& 
défend  d'accepter  un  antre  duel.  D'ailleurs,  la  vie 
«rt  un  trop  beau  présent  de  la  divinité  pour  que  je 
consente  ii  en  faire  le  sacrifice  en  donnant  satis- 
faction il  im  homme  que  je  méprise.   » 

«  C'était  assurément  une  belle  n^solntion  ;  maia 
Stewart  ne  dcTait  pas  tenir  sa  promesse.  Une  heure 
après,  mon  ami  se  rendit  sur  le  port  pour  donner 
SCS  deruiers  ordres  avant  de  mettre  k  la  voile  ;  je 
raccompagnai.  Nous  avions  à  peine  mis  pied  K 
terre,  que  d'Egville,  que  nous  n'avions  pas  aperçu, 
parut  devant  nous  et  appliqua  un  coup  de  cravache 
•u  visage  de  Slewnvt  ;  aiissitt^t  il  monta  sur  un 
cheval  qui  l'alleudiiit,  et  s'enfuit  an  galop.  Ceci 
ae  passa  eu  préscuce  de  plusieurs  personnes ,  et  en 


4S0  —uticnB 

bien  moins  de  tempt  que  nous  n^cn  avons  nùi  à 
le  raconler.  » 

c(  Je  parvins  à  entraîner  dans  nui  maimo ,  sitoèe  à 
quelques  pas  de^là ,  le  capitaine  qui  ilail  dans  un 
état  d'exaspération  difficile  à  décrire.  Je  le  aupplisi 
de  se  calmer  ;  mais  rien  ne  pouvait  modérer  m 
fureur.  Il  se  promenait  k  grands  pas  dans  mon 
appartement ,  il  murmurait  des  expressions  de  co^ 
1ère.  Tout-à-coup  il  s^arréta.  «  Oui ,  c^est  résolu, 
dit- il,  je  délivrerai  le  monde  d'un  assassin,  aui 
dépens  de  ma  vie  «  »  Et  puis ,  serrant  ma  main  arec 
une  force  presque  convulsive  :  «  Voulea-vous, 
contînua-t-il ,  me  servir  de  second  ?»  Je  fis  ua 
signe  affirmatif  ;  et  il  m'instruisît  avec  le  plus  grsnd 
sang-froid  du  projet  qu'il  avait  conçu.  D'Egvilk 
•  devait  périr  dans  cette  rencontre ,  mais  le  trépas  de 
mon  ami  était  également  inévitable.  » 

ce  Le  projet  était  si  affreux,  que  je  refusai  d'abord 
de  servir  de  témoin.  Mais  après  quelques  momens 
de  réflexion ,  je  crus  avoir  l'espérance  que  mon 
ami  ne  périrait  pas  dans  cette  rencontre.  «  Je  serti 
votre  second ,  »  lui  dis-je.  Stewart  ne  répondit 
rien ,  mais  il  m'embrassa.  Puis  :  «  U  faut  envoyer, 
dit-il  d'une  voix  ferme ,  quatre  matelots  creuser 
à  une  fosse  qui  puisse  contenir  deux  corps.  Ayes  la 
bonté  d'écrire  mon  testament  ;  vous  transmettret 
mes  ordres  au  lieutenant  du  PUmtwr.  N'oublies 


—  CIIAPITBE    \\\l%.  —  «KJ 

pas  que  noire  rendez- vous  esl  pour  six  heures ,  H  le 

lieu  sur  la  baie ,  tierricre  le  rocher  d'Iguannu,  a 

Et  il  Borlil.  » 

H  J'allai  aussilAtJi  la  demeure  de  dTgville,  et  Je 
rfus  biciitt\t  en  sa  présente,  n 
'  »  Quoiqu'il  ïiil  deux  heures  après-midi ,  je  te 
ilrouvai  en  Irain  de  déjeuner.  II  se  leva  quand 
j'entrai,  et  m'invita  k  m'asseair  à  sa  table.  Je  k 
^Temeretai,  et  lui  dis  <pie  le  capitaine  Stewart  m'avait 
ichargé  d'tm  message  pour  lti>.  » 
t  —  Eh  !  consent  il  eitCti  à  se  battre  avec  moi?  Je 
m'^lonne  qu'un  oflicier  de  sou  rang  m'ait  donné 
itBDl  de  peine  pour  le  forcer  à  agir  comme  un 
ikomme  d'honneur. 

I  — Vous  avez  deviné  la  cause  de  ma  visite.  Vous 
nous  IrtHiverez  donc  au  lieu  qu'6  choisi  le  capitaine 
|\Vilthori?e. 

—  Vous  pouvez  y  compli;r. 
'     — A  siï  heures,  derrière  le  rocher  d'Iguanna, 
'     — A  six  heures,  j'y  serai. 

>  «  Je  fis  une  iiiclinalion  ,  et  je  le  quittai.  En  sor- 
JanI ,  je  l'entendis  appeler  snii  domestique ,  lui  de- 
'mander  de  préparer  ses  pistolets  ;  el  en  mifme  temps 
rH  envoya  chercher  Willlmi'pe  qui  était  dans  la  suite 
Mie  billard.  » 
■     H  A  six  heures,  d'F.g\ille  ,  Willhorpe  ,  Stewart 

et  moi ,  uous  étions  sur  la  baie  ,  derrière  l 


immense 

I 


421  ^Hi0xoiK  x>es  DqCLS. — 

rocher  noir  d'Iguanna.  A  quelques  pas  de-là,  lur 
les  bords  de  la  mer ,  on  voyail  un  mooceau  de  terre 
fraîchement  remuée ,  et  une  fosse  capable  de  con- 
tenir deux  cor|>s.  Les  combattans  devaient  se  placer 
en  travers  de  la  fosse  ,  tenir  chacun  de  la  main 
un  coin  d'un  mouchoir ,  et  {aire  feu  à  un  signal 
donné.  La  mort  de  tous  les  deux  était  par  coih 
séquent  inévitable.  » 

«  Le  soleil  brillait  encore  dW  vif  éclat.  Je  ik 
Stewart  jeter,  comme  pour  la  dernière  fois,  un 
regard  mélancolique  sur  Tastre  étincclant  du  jour, 
et  il  me  sembla  que  ses  lèvres  murmuraient  une 
prière  ;  néanmoins  sa  contenance  restaût  ferme, 
assurée.  II  n^en  était  pas  ainsi  de  d^EgviUe  ;  celui-d 
semblait  comme  frappé  d^immobilitè  et  de  stupeur. 
Cependant  Wilthorpe  et  moi  nous  chargeâmes  les 
pistolets  ;  ensuite  il  fut  convenu  de  décider  à  tête  ou 
pile  qui  de  lui  ou  de  moi  donnerait  le  signal  de 
faire  feu ,  car  je  redoutais  quelque  noire  perfidie  de 
la  part  de  roflicier  colombien.  Wilthorpe  jeta  eo 
Tair  une  pièce  d^argent  ;  Je  dis  :  Tête  !  et  la  pièce 
s^étant  tournée  de  ce  câté ,  ce  fut  à  moi  à  donner  le 
triste  signal.  Alors  on  s'avança  vers  la  fosse  ;  d'£g- 
fille  et  Stewart  se  mirent  de  chaque  côté  ;  chacun 
prit  un  bout  du  mouchoir  ,  et  nous  mimes  les 
pistolets  dans  leurs  mains.  Cétait  un  moment 
terrible.  » 


—  ciuiiTBB'xxxix.  —  425 

—  McMicure,  ^Ics-TOità  prêta:'  m'écriai-jc. — 
Oui ,  r^pondircnl4lN  d'une  v^^x  k  peine  inlcIUgibiii. 
«  Noa  yeux  mouillés  de  tonnes  liaient  imtemcnt 
Gsé«  sur  eux.  La  pliysionodùc  de  Siewart  £lait 
calme  et  assurée,  et  une  prurofajc  pâleur  se  peignait 
■ur  relie  de  d'Egville  ;  il  n^ipinbla  que  aes  dents 
claquaient,  il  était  aisé  de  voif  (ju'il  s'cfl'ori'ait  de 
faire  bonne  contenance.  U  était  en  proie  à  une 
émotion  visible ,  el  qui  croissait  par  dégrés.  Je  ne 
me  pressai  point  de  donner  le  Funeste  signal-  Son 
agitation  devenait  de  plus  en  plus  forte;  bientôt  je 
vis  SCS  traits  s'altérer  profondément ,  ses  dents  cla- 
quer avec  force,  et  tout  son  curpsircnibla  comme 
la  feuille  ;  puis  le  moucboir  et  le  pistolet  s'échap- 
pèrent de  ses  mains;  ses  genoux  plièrent  sous  lui, 
SCS  jambes  refusèrent  de  le  P^rAnMrijjjÉpmba  et 
roula  dans  le  tombeau.  »  '  '  '^-"'' 

(I  Henri  d'Egville ,  le  redoutable  spadassin  qui 
avait  versé  le  sang  de  plus  de  vingt  victimes,  qui 
trouvait  du  bonheur  dans  un  duel ,  était  maintenant 
étendu  sans  connaissance  sur  la  terre  qu'il  avait  si 
long-temps  souillée  de  ses  crimes;  on  eut  dit  qu'il 
avait  été  soudainement  frappé  de  mort.  Stewart, 
voyant  le  misérable  état  de  son  ennemi,  dit  avq 
un  accent  plein  de  noblesse  et  de  générosité  j 
créature,  tu  es  un  objet  trop  digne  de  p 
exciter  ma  colère  !  et  à  l'instant  il  jeta  son  pistolet 
loin  de  lui.  » 


k 


—  CHAPITRE    XXXÎX.  —  427 

TTient  sous  ce  tilrc   :    Vc  la  (Irniocidlic 

par  M.  (le  rocciucvillc  ;  je  ne  puis 

'e  lecteur.  Tout  ce  que  je  pourrais 

^^  faire  apprécier  ce  peuple,  me 

"^V  '  ce  court  passage  que  je  viens 

>^  ^^^*^         »  'ins  confondent  dans  leur 

^   y»  la  liberté ,  et  il  est  im^ 

oir  Pun  sans  Fautro. 
éehauflc  sans  cesse 
.  »  Cet  esprit  républicain 
..iciU  de  celui  qui  se  donne  ce  nom 
m9  certains  pays  de  TEurope  (435). 
On  sait  que  les  lois  de  police  et  mémo  les  cou- 
tumes ,  varient  beaucoup  dans  les  divers  Etals  dont 
te  compose  la  Confédération  américaine.  Je  ré- 
péterai ce  que  j^ai  déjà  dit  au  chapitre  XXXV, 
pour  les   cantons  suisses ,   qu'il  serait  impossible 
d'examiner  en  détail  pour  chacun  d^eux  ce  qui 
s'y  passe  relativement  au  duel.  Je  suivrai  donc  iei 
le  même  plan. 

A  une  époque  encore  peu  éloignée ,  les  duels 
étaient  trcs*fréquens  aux  Etats-Unis.  L^isolement 
des  individus,  la  grande  dislance  qui  existe  entre 
la  plupart  des  habitations  et  les  villes  où  siègent 
les  tribunaux,  ont  fait  éprouver  à  chacun  le  besoin 
de  ne  se  reposer  de  la  défense  de  sa  personne  et 
de  sa  propriété  que  sur  ses  forces  individuelles. 


426  —  HISTOIRE  DES  DUEL».  — 

c<  J'entraînai  mon  ami  Tere  la  chaloupe  qui  n'était 
pas  éloignée  de  la  baie,  et  nous  nous  embarquâmes, 
laissant  le  misérable  spadassin  aux  soins  de  soo 
digne  ami.  »  Monihtj  Magazine.  Januar.  183L 

La  nation  des  Etats-Unis  est  assurément  ceDe 
qui  tient  aujourd'hui  le  premier  rang  en  Amé- 
rique. L'élude  de  ses  mœurs  est  un  sujet  digne 
du  plus  haut  intérêt ,  et  il  me  reste  à  les  interroger 
pour  achever  ce  chapitre ,  et  remplir  le  cadre  de 
cet  ouvrage. 

Quoiqu'on  ait  beaucoup  écrit  sur  la  Nord-Amé- 
rique ,  elle  n'est  pas  encore  connue  en  Europe, 
comme  elle  devrait  l'être.  Elle  y  rencontre  chaque 
jour  ou  d'aveugles  enthousiastes  ou  des  détracteuis 
passionnés.  C'est  sur  les  lieux  mêmes  que  ce  peuple 
doit  être  étudié,  et  il  est  impossible  de  s^en  rapporter 
entièrement  à  Topinion  des  voyageurs  et  des  pu- 
blicistes  sur  son  caractère  et  même  sur  ses  insti- 
tutions. On  a  fait  beaucoup  de  bruit  d'un  ouvrage 
publié  il  y  a  peu  d'années  en  Angleterre ,  par 
Mistriss  Troloppe  qui  a  parlé  des  Américains, 
à<peu-près  comme  lady  Morgan  parle  habituel- 
lement dans  un  autre  genre  de  la  France  et  des 
Français.  A  mon  avis,  le  meilleur  ouvrage  moderne 
qui  se  soit  exprimé  avec  convenance  et  impar- 
tialité sur  les  Etutb-Unis ,  c'est  celui  qui  a  été  publié 


—  oiapithe  xxsrx.  —  427 

tout  récemment  sous  ce  lîlrc  :  De  la  tléinocmlic 
en  Ainèiiquc ,  par  M.  de  Tocqucville  ;  je  ne  puis 
qu'y  renvoyer  le  lecleur.  Tout  ce  que  je  pourrais 
en  Gxtniire,  pour  fuirc  apprÉ<;icr  ce  peuple,  me 
parait  renfermé  dans  ce  court  pnssage  que  je  viens 
<l'y  lire  :  «  Les  Américains  coorondent  dans  leur 
e^qirit  le  cliristianismc  et  la  liberté  ,  et  il  est  im- 
possible de  leur  faire  concevoir  l'un  sans  raulro. 
Chez  eux,  le  zèle  religieux  s^éuhauITe  sans  cesse 
RU  foyer  du  patriotisme.  »  Cet  esprit  républicain 
est  bien  dilFérent  de  celui  qui  se  donne  ce  nom 
dans  certains  pays  de  l'Europe  (4â5). 

On  sait  que  les  lois  de  police  et  même  les  cnu- 

lumes ,  varient  beaucoup  dans  les  divers  Etats  dunt 

j  compose  la  Confédération   américaine.  Je  rè- 

lÉlerai  ce  que  j'ai  déjà  dit  au  chapitre  XXXV, 

tour  les   cantons  suisses ,   qu^il  serait  impossible 

»d*examîner   en  détail  pour  chacun  d'eux  ce  qui 

ftaVf  passe  relativement  au  duel.  Je  suivrai  donc  iù 

i  m<?me  plan. 

A  une  époque  encore  peu  éloignée ,  les  dueU 

(éUienl  trés-fréquens  aux  Elals-Unis.    L'isolement 

des  individus,  la  grande  distance  qui  existe  entre 

la  plupart  des  habitations  et  les  villes  où  siègent 

les  tribunaux,  ont  fait  éprouver  à  chacun  le  besoin 

■ide  ne  se  reposer  de  la  défense  de  sa  personne  et 

[  de  sa  propriété  que  sur  ses  l'orccs  individucllei. 


428  -^HlflTOMB  DBS   DOBLS. — . 

Le  congrès  ne  s^est  occupé  de  lois  générales 
sur  cette  matière  qu^en  ce  qui  concerne  les  mi- 
litaires ;  il  a  suivi  à  cet  égard  la  législation  anglaise. 
f^ojez  ci'^dessus  page  190  et  la  note  366. 

Mais  la  législature  de  chaque  Etat  a  porté  à 
diTcrses  époques  des  lois  particulières  pour  la  ré- 
pression du  duel.  La  première  de  ces  lois ,  dam 
Tordre  chronologique ,  remonte  au  temps  du  ré- 
gime colonial  et  fut  TOtée  en  1719,  dans  TElit 
du  Massachussets.  Elle  a  été  depuis  remise  en 
vigueur  par  deux  promulgations  successives ,  Tuoe 
en  1784,  Tautre  en  1805.  Diaprés  ses  termes, 
toute  personne  convaincue  d^avoir  pris  part  d^une 
manière  quelconque  à  un  duel ,  est  suspendue 
de  ses  droits  politiques  pendant  vingt  ans ,  et  le 
corps  de  Findividu  tombé  dans  le  combat  est  aban- 
donné aux  cabinets  d^anatomie. 

L'Etat  de  Tennessee  vient  d^adopter  une  cons- 
titution dont  Fun  des  articles  est  ainsi  conçu  : 
c<  Toute  personne  qui  se  sera  battue  en  duel ,  qui 
aura  porté ,  envoyé  ou  accepté  un  cartel  sera  inha- 
bile à  remplir  les  fonctions  rétribuées  ou  hono- 
rifiques. » 

A  N  ew-Yorck ,  les  duels  sont  rares  et  la  crainle 
de  la  peine  de  mort  portée  contre  les  duellistes  est 
assez  puissante  pour  prévenir  toutes  discussions 
qui  pourraient  entraîner  à  des  voies  de  fait. 


—  CHAPITRE    \XXIT.—  429 

En  Virginie,  on  a  pris  le  parti  d'exiger  de  tout 
fonctionnaire  public  le  serment  de  ne  jamais  »c 
batlre  en  duel.  Le  Chief- Justice  de  cet  Elal 
écriTait  en  1833,  à  M.  Livingston,  ambassadeur 
des  Etals-Unis  k  Paris ,  que  u  depuis  cette  mesure 
le  duel  autrefois  si  fréquent  y  était  maintenant 
presque  inconnu,  et  que  l'opinion  publique  à  cet 
égard  était  entièrement  changée.  » 

En  octobre  1834,  les  journaux  de  la  Nouvelle- 
Orléans  annonçaient  n  qu'on  avait  le  projet  d'y 
établir  des  cours  d'honneur  destinées ,  au  moyen 
de  réglemens  spéciaux ,  <S  réprimer  la  manie  du 
duel  qui  allait  toujours  croissant.   » 

M.  Livingston  ,  qui  vient  de  cesser  ses  fonctions 
d'ambassadeur,  a  publié,  en  1831,  un  opuscule  sur 
les  moyens  d'cmpi!cber  les  duels,  fojez  aussi  le 
Système  lîe  Législation  pénale  du  même  auteur, 
1  -vol.  iVi-S.",  Paris,  Itaynouard  1829. 

Voici  ce  qu'on  lisait  dans  une  noie  adressée 
d'Amérique  à  l'Institut  de  France,  par  M.  Dupont 
de  Nemours. 

«  La  dÎTersitë  des  opinions  politiques  rend  les 
duels  assex  tréquens  dans  les  Etats-Unis  de  l'Ame., 
riquc  septentrionale,   » 

«  II  y  a  quelques  années  que  le  général  Hamilton, 
homme  de  l'esprit  le  plus  distingué,  ancien  ministre 
des  fînaDces ,  a  péri  de  la  main  du  colonel  Burr 


430  —  HtlTOniV  DB8  DOKLS.  — 

dans  un  de  ces  duds.  Deux  ans  auparaTant  le  fib 
aine  de  ce  même  général  avait  été  tuè  de  même,  n 

«  La  plupart  des  Etats-Unis  ont  établi  contre  ks 
duels  la  peine  de  mort  destinée  aux  meurtres  volon* 
taires.  Cette  peine  n^est  que  comminatoire,  parce^ 
qu^on  Tévite  en  choisissant  pour  le  lieu  du  combat 
un  Etat  dont  on  n'est  pas  citoyen  ,  et  en  se  reliraot 
ensuite  dans  celui  dont  on  est  justiciable,  mais  qui 
n^a  point  à  connaître  d^ùn  délit  commis  hors  de  son 
territoire  ;  car  les  lois  en  ces  matières  ne  sonl  pas 
encore  applicables  ë  la  république  entière  :  chacun 
des  dix-huit  Etats  confédérés  a  les  siennes.  » 

c(  D'ailleurs ,  Pexpérience  de  TEurope  a  prouié 
que  la  mort  intimide  peu  des  gens  qui  ne  se  battent 
que  parce  quMIs  ne  craignent  point,  ou  Teulent 
fiiire  croire  qu^ils  ne  craignent  pas  la  mort.  » 

«  Les  mœurs  des  Virginiens  les  disposaient  en- 
core plus  aux  duels  que  les  autres  Américains ,  et 
l'étendue  de  leur  pays  y  rendait  moins  commode 
leurs  voyages  hors  de  la  frontière  :  quand  on  veut 
se  battre ,  on  fait  semblant  d^étre  pressé.   » 

c(  La  législature  de  Virginie  a  cherché  dans  la 
nature  du  cœur  humain  une  peine  moins  cnielle, 
qui  inspire  aux  juges  moins  de  pitié  et  qui,  par 
cette  raison  même ,  devienne  plus  efficace.  » 

«  Elle  a  considéré  qu'un  homme ,  qui ,  pour  des 
sujets  souvent  frivoles,  ou  des  différences  d'opinion 


—  cnuPiTBK  xï-îiv.-  431 

qne  les  lois  lolérenl,  autorisent  m^me,  s'expose 
h  mourir,  ou  à  tuer  9<m  semblable,  est  tombé  dans 
une  véritable  et  dangereuse  folie.  En  conséquence , 
la  loi  actuelle  déclare  insensés  et  mineurs  les  liuel- 
lisies  et  leurs  tî-nioirif;  les  destitue  des  Fonctions 
publiques  dont  ils  auraient  été  revêtus ,  les  met  dans 
l'incapacité  d'en  occuper  d'autres,  et  ordonne  qu'il 
leur  sera  nommé  rfcu.r  tuteurs  qui  prendront  l'ad- 
ministration de  tous  leurs  biens  ,  qui  décideront  de 
l'argent  qu'on  peut  leur  confier,  et  sans  le  con- 
sentement desquels  ils  ne  pourront  faire  aucune 
dépense.  Je  n'ai  pas  entendu  dire  que  depuis  celle 
loi  il  y  ait  eu  aucun  duel  en  Virginie,  n  Biblîoth. 
Vniv.,  1816,  tom.   1,  png.  429. 

J'ai  promis  au  tome  I." ,  page  306  et  437,  de 
revenir  ici  sur  le  compte  de  deux  fameux  duellislea 
MM.  Louis  de  Noailles  et  Alexandre  de  Tilly. 
Ces  personnages  se  IrouTaicnt  a  Philadelphie  pen- 
dant le  temps  de  l'émigration.  Le  \icomle  de 
Nuaillcs  était  admis  chez  M.  William  Bingham  , 
l'un  des  plus  riches  négocians  de  la  Pensylvanie, 
elqui  était  en  même  temps  sénateur.  11  y  présenta 
le  comte  de  Tilly  qui  bientôt  plut  singulièrement 
à  Madame  et  i  M.'"*  Maria  Alalhilda  ,  sa  lille 
unique.  L'adroit  séducteur  avança  si  bien  ses  af- 
faires qu'il  persuada  k  cette  jeune  personne,  encore 
mineure ,  de  s'unir  Ji  lui  par  uu  mariage  clandestin 


432  —  HisTomv  dm  dobls..  *> 

qui  fui  contracté  le  11  a^ril  1709.  Dans  Fade 
reçu  par  un  ministre  du  culte  protcatanl  qui  se  laisia 
gagner ,  Tilly  prit  un  faux  prénom ,  afin  d^avw 
une  porte  ouverte  pour  quelque  faux-fuyant. 

Quand  ce  mariage  fut  connu ,  la  famille  Bingham 
tomba  dans  le  plus  violent  désespoir.  La  mère  en 
mourut  de  chagrin,  et  cet  événement  a  pu  con-* 
trîbucr  aussi  à  la  mort  du  père  en  1804.  Il  y  eut 
entre  les  parties  de  longs  pourpariers  et  des  dis- 
cussions très-animées  pour  amener  la  rupture  de 
ce  nœud  clandestin.  Dans  une  de  ces  explications, 
M.  Baring,  chef  de  la  maison  de  banque  sous  ce 
nom  à  Londres ,  et  membre  du  Parlement ,  s'em- 
porta jusqu'aux  voies  de  fait  cuvera  celui  qui  avait 
si  indignement  abusé  de  la  confiance  de  ses  hôlea. 
Le  comte  de  Tilly  céda  enfin  à  des  arguroens  de 
ce  genre,  et  finit  par  souscrire  un  engagement  en 
forme  de  traité  qui  fut  rédigé  par  M.  de  Noailles. 
Voici  cette  singulière  transaction  copiée  sur  la 
pièce  originale. 

Je  demande  les  choses  suivantes  : 

«  l.o  Cinq  mille  livres  slerl. ,  argent  comptant, 
pour  payer  mes  deUes.  » 

«  2.**  Vn  traitement  annuel  de  cinq  cents  livres 
slerl. ,  payable  où  je  voudrai.  » 

«  3.**   Je   demande   en   outre   que    M.    Barinij 
m'écrive  ou  me  fasse  dire  par  le  général  de  Xonillei 


(xis  -  433 

qu'il  m'a  poustr  ilnna  iiii  iiKimctil  de  liimiillc.  A 
vta  conditions,  jv  mVngngr  ii  «jnillcr  immfiiltalc- 
menl  rAmériqiie.  »  A/t-m .  tle  Tilly  ,  t.  HI,  p.  255, 
Cette  iiffnirc  (il  grnnd  bniîl  daus  rAiictcti  lomme 
dnns  ti;  Nouvenu-Mondc  ,  à  cause  des  relations 
itnineDscs  du  la  inaitton  lîitigliatn  dans  les  deux 
li^misplièrcs.  Ct-lalcnt  là  les  cseinptca  d'iionneur 
et  de  dùlicnlesse  t|u'ollaicnt  donner  nu-dctà  des 
mers  des  gentilshommes  franrnis,  qu'on  a  tus  aux 
ciinpilres  XXII  et  XX\III,  si  cliatomllcus  sur  le 
point  d'Iiiinnenr.  C'est  avec  des  traits  semblables 
qu'on  peut  se  faire  une  idée  exacte  de  tous  ks 
élÉmens  (]ui  doivent  entrer  dans  l'organisation  d'un 
ducllislc. 

Les  combats  singuliers  aux  Elals-Uois  ne  pr6- 
Laenteut  du  reste  dans  leurs  circonstances  rien  de 
l'fMrlicubércment  remarquable.  On  y  connaît  pou 
d'exemples  de  duels  parlementaires,  quoique  les 
disnissions  des  deux  chambres  soient  souvent  trés- 
animf-es.  Du  moins  les  contlits  qui  peuvent  survenir 
Bonl  ordinairement  le  rêsullnl  d'un  premier  mou- 
vement ,  et  il  est  rare  que  les  choses  aillent  bien  loio 
après  un  instant  de  réflexion.  En  18^,  les  journaux 
parlèrent  de  violens  et  scandaleux  dùbata  entre 
deux  membres  du  Sénat  qui  se  gourmèrcnl  i\  la 
sortie  d'une  séance, 

Unns  te  eours  de  féTrier  1S3&,  M.  Labrnuob, 
28 


^ 


4S4  — insit>iiiE  DBS  fumLS.  — 

président  de  rassemblée  législative  de  la  Lottisiaiie, 
nu  moment  où  il  montait  au  fauteuil ,  fut  attaqaè 
par  M.  John  Grymes,  esq. ,  qui  leva  sa  canne  su? 
lui  pour  l'en  frapper.  Pour  prévenir  le  coup ,  il  lira 
de  sa  poche  un  petit  pistolet  et  Gtfeu  surTagresseur, 
mais  sans  Talteindre.  M.  Grymes  dirigea  aussitôt 
sur  le  président  un  pistolet  de  cavalerie  légère, 
chargé  à  balle  et  à  plomb.  La  balle  efiBeura  la  téta 
d'un  des  membres  de  la  chambre  siégeant  à  càté 
du  président,  et  deux  plombs  allèrent  frapper  le 
bras  et  la  main  de  cdui-ci.  La  chambre  nomma 
immédiatement  un  comité  chargé  d'instruire  contre 
Tauteur  de  cet  attentat  (436). 

il  y  a  moins  de  quatre  siècles ,  rAmérique  s'est 
offerte  aux  regards  de  l'Europe  comme  une 
vierge  sortant  dans  tout  l'éclat  de  son  imposante 
majesté  du  sein  de  la  création.  Elle  était  fière  de 
sa  magnifique  couronne  végétale ,  et  de  ses  fleuves 
immenses  qui  enfermaient  son  sein  dans  leurs  vastes 
réseaux.  Elle  comptait  de  florissans  états  dont  la 
civilisation  n'avait  rien  à  envier  à  celle  du  moyen 
Age  où  nous  croupissions  encore  quand  le  Nouveau- 
Monde  fut  découvert.  Ce  fut  alors  que  le  vautour 
européen  rasant  les  mers  vint  s'abattre  sur  celle 
proie.  L'Amérique  fut  envahie ,  ravagée,  dépeuplée 
parce  qu'elle  avait  de  l'or  ;  elle  a  subi  le  joug  d'une 


—  cHikPmc  Trn«.  —  435 

pntjrfi^  d*  fltbiialiert .  pnrcc  ipi'clle  n'avxtt  pM  fie 
fer.  Ce»  alroctlrs  fabulrusn ,  ces  barbaries  exeirècs 
sur  dts  peupW  sans  clHense ,  malçrf  l'ang^lique 
inlerceasioD  de  Timmortel  LasCaïas ,  sont  la  hoDie 
^lernelle  de  la  civilisalion.  Ce  crime  de  lése-hu- 
nuiiiléa  été  cruel lem en l  expié;  l'or  de  l'AmMque 
B  corrompu  nos  mœurs,  et  un  mal  inconnu  qu^eile 
fiOKs  a  l^iè ,  a  vicié  nuire  sang.  C'esl  la  robe  de 
Neasus  qu'elle  a  jclèe  sur  rEurojïe. 

Quant  à  l'Océanie  ,  dont  il  me  reste  h  parler 
pour  avoir  rempli  le  programme  de  ce  chapitre , 
il  me  suffira  de  remarquer  que  chez  le^  indigiines 
la  Férocilè  esl  plus  grande  encore  que  cher  aucun 
peuple  sauvage.  La  Nouvelle -Hollande  est  aussi 
pauvre  de  prodiiclions  naturelles  que  d'habilans. 
Les  rares  peuplades  qui  s'y  trouvèrent  k  l'époque 
-de  la  découverte,  étaient  au  physique  et  au  moral 
en  rapport  parfait  avec  leur  affreux  climat,  et  leur 
•ol  inhospitalier. 

La  Nouvelle-Zélande  présente  un  aspect  beau- 
coup moins  sauvage.  Les  Zélandais  sont  essen- 
tiellement belliqueux;  leurs  chants,  leurs  danses, 
leurs  jeus  ne  respirent  que  la  guerre.  Depuis  peu 
de  temps ,  ils  ont  adopté  l'usage  des  armes  Ji  feu 
qui  font  ilan.i  leurs  lana;*  des  mv«,içes  terribles.  Ces 
iauidaires  sont  ennemis  implacables  M  épar^enl 


488  --aiSTOIMI  DB8  DUSLS.— 

rarement  les  vaincue.  Plus  d^un  équipage  européen 
en  a  fait  la  Irisle  expérience.  Diaprés  les  récenlcs 
découvertes  du  capitaine  Dumont  d^UrviUe,  ce 
serait  dans  leurs  parages  qu^auraient  péri  les  yais- 
seaux  de  Tinfortuné  Lapeyrouse.  V.  les  F^oyages 
de  Cook. 

Dans  ces  contrées  toutes  guerrières  deux  vaillans 
adversaires  Cbounghi  et  Pomaré  se  sont  long-temps 
disputé  le  pouvoir.  Ce  dernier  dans  un  engagemeat 
individuel  avec  son  compétiteur,  fut  frappé  d'une 
balle  en  1826.  Le  féroce  Chounghi  lui  coupa  la 
léte  y  et  en  but  le  sang  qu^il  laissa  découler  dans  ai 
main.  Eyriès,  Voyages  motlernes,  tom.  P^J^p,88y 
Paris  1823. 

Une  telle  contrée  a  été  jugée  digne  par  les  An- 
glais de  servir  de  bagne  à  la  métropole  et  de  re- 
cevoir Técume  de  son  exubérante  population. 

Quoique  composée  de  tels  élémens ,    la  popu- 
lation de  Sydney  ou  Botany-Bay  présente ,  dit'-oD 
aujourd'hui ,  un  coup  d'œil  étonnant  et  pourrait 
avec  avantage   soutenir  toute  comparaison  avec 
plus  d'une  cité  de  la  même  importance  dans  noire 
Europe.  Ce  sont  du  reste  les  mœurs  de  TAngle- 
terre   avec  une  police   extrêmement  sévère,  qui 
ne  laisse  guères  de  liberté  aux  combats  singuliers 
et  aux  actes  de  vengeance  privée.    Il  existe  en 
Angleterre  un  recueil  intitulé  Jnnual  Register  de 


—  CHAPITRE   XL.  —  487 

1756  à  1834 ,  destiné  à  publier  dans  les  plus 
minutieux  détails ,  les  duels  de  la  Métropole  et 
des  Colonies.  Il  s'en  trouve  quelques-uns  dont 
celles  de  la  Nouvelle-Hollande  ont  été  le  théAtrc. 
Je  regrette  de  n'avoir  pu  consulter  un  document 
de  cette  importance  (437). 


>J 


CHAPITRE    XL. 


Conclusion.  —  Progrès  comparatifs  de  la  ciTilisntion 
universelle  à  l'égard  du  Duel.  —  Des  moyens  de  le 
prévenir  par  les  mœurs  ;  difficulté  de  le  punir  par 
les  lois.  —  Considérations  sur  rinviolabilité  de  la 
vie  de  l'homme  et  l'avenir  des  sociétés. 

De  tout  ce  qui  précède,  de  la  statistique  générale 
du  duel  dans  toutes  les  contrées  connues  et  sur- 
tout dans  celles  de  l'Europe,  il  est  facile  de  conclure 
que  c'est  la  France  qui  tient  le  premier  rang  parmi 
les  nations  pour  la  pratique  des  combats  singuliers. 
Ce  n'est  non  plus  qu'en  France  que  cette  infraction 
à  la  loi  naturelle  n'est  pas  directement  ou  indi- 
rectement réprimée  par  la  loi.  C^est  pourtant  la 
France  qui  marche  à  la  tête  de  la  civilisation  eu- 
ropéenne :  elle  le  dit  du  moins ,  et  souvent  elle 
le  prouve.  La  question,  si  elle  pouvait  s'agiter  de- 
vant un  jury  désintéressé  ,  serait  susceptible  de 
controverse  en  ce  qui  touche  sinon  l'élégance,  du 
moins  la  gravité  des  mœurs. 

Après  la  France,  c'est  l'Angleterre  qui  se  préseule 
la  première   dans  Tordre  du  progrès  social.  Là 


—  CHAriTBE    St.—  4dW 

BiiHon  briinnnique  pourrait  aussi  aspirer  au  pre- 
B)ier  rang  après  nous  dans  la  carrière  du  duel. 
Viennent  ensuite  parmi  les  Elals  du  premier  et 
du  secoïKl  rang  et  dans  un  ordre  décroissant,  les 
Pays-Bas,  la  ['ussie,  la  Suùde  et  le  Dancmarck  , 
l'Italie,  la  Prusse,  rAulriclie  et  l'Espagne.  Quant 
i  la  codiQcatioD ,  ceux  qui  m^nternicnt  lu  piilme 
pour  la  spécialité  du  duel ,  ce  sont  l'Autriche  et  te 
Daaemarck.  l'ojez  les  notes  376  et  391.. 

Tous  les  auteurs  qui  ont  écrit  sur  le  duel ,  s'ac- 
cordent à  reconnaître  l'exlrénne  difRcullé  ou  pour 
mieux  dire  l'impossilnlilé,  de  Vcxlirper  par  Us  lois. 
Ce  D^estpas  pourtant  qu'il  s'en  suit  rencontré  qui 
aient  professé  le  dogme  de  raDai>chie  dans  les 
champs  clos ,  en  repoussant  toute  mesure  légis- 
lative eo  celle  malière.  Loin  dc-lii  ;  le  plus  grand 
sombre  signale  comme  une  laciute  dnngcrcusc,  et 
m^me  comme  un  scaivJale ,  l'absence  de  dispQ- 
•iliuns  de  ce  genre  dans  un  code  de  lois  crinn- 
Belles.  Mais  il  en  est  peu  qui  soient  d'accord  sur  ce 
que  ces  dispositions  devraient  contenir  pour  leur 
assurer  quelqu'elTicacilé. 

Plusieurs  projets  ont  été  présentés,  et  il  en  est 
quelques-uns  qui  paraitraieni  biiuirres  si  j'avai&à 
les  reproduire  ici.  Les  plus  remarqiulilfs  sont  ceux 
de  iMM.  DumonI  de  riciiéve,  Livinaglon  et  Loîscau, 


44D  —  HrSTOlKB  DBS  OOKLS.  «« 

outre  celui  qui  fut  présenté  ,  en  France ,  à  la 
Chambre  des  pairs ,  en  1820.  Voyez  ta  noie  284. 

J^ai  déjà  eu  occasion  de  faire  connaître  le  pre« 
mier  de  ces  projets  au  chapitre  XXXY ,  page  237. 
Quant  à  celui  de  M.  Livingston,  c^est  inconles* 
tablemcnt  le  plus  logique  et  le  plus  applicable. 

M.  Livingslon  s^éléve  avec  raison  contre  rassimi- 
lation  du  duel  au  meurtre  ordinaire  dans  la  pénalité, 
c<  Si  Ton  veut  qu^il  soit  puni ,  dit-il ,  il  doit  rètre 
sous  son  propre  nom.  »  Toutefois ,  il  propose  dans 
rarticlo  17  de  son  projet,  de  considérer  comme 
assassinat  tout  homicide  commis  dans  un  de  ces 
duels  atéiHoùvs  où  Tune  des  parties  a  donné  la 
mort  à  Tautre  sans  aucun  risque  pour  elle-même, 
comme  lorsqu^il  a  été  convenu  qu^on  se  servirait 
de  pistolets  dont  un  seul  serait  chargé.  Cette  dis« 
tinction  me  parait  pécher  quelque  peu  sous  le 
rapport  logique.  Si  Ton  devait  considérer  comme 
assassinat  tout  duel  suivi  de  meurtre,  oit  les  chances 
n'auraient  pas  été  égales  ,  dans  quelle  ralégurio 
devrait-on  placer  un  combat  où  riiabilelé  dans  le 
maniement  des  armes  ne  serait  que  d'un  seul  cùtc  ^ 
/'oyez  au  surplus,  au  chapitre  précédent,  ce  qui 
a  été  dit  de  la  législation  des  divers  Etats  de  TUnion 
américaine  sur  les  duels. 

Quant  au  projet  de  M.  Loiseau ,  avocat  h  la  cour 
de  cassation,  auteur  d'une  brochure  qui  a  paru 


—  CHAPITRE    )il.     —  441 

en  1829,  il  l'occasiun  du  projcl  de  lui  snumis  u 
la  Chambre  des  pairs,  il  me  |>arail  beaucoup  au- 
dessous  des  deui;  premiers.  I\I.  Luiscau  proposo 
duns  ce  projet  formulé  pur  arlîiies,  d'assimiler  lu 
duel  au  meurtre  el  aux  blc^urcs  ordinairea,  aveu 
une  eKccpliuii  en  faveur  des  militaires  pour  qui  il 
serait  autorisé  à  ccrlainea  conditions.  Or,  c'est 
précisément  dans  l'armée  que  la  potili([ue  de  plu- 
■ieurs  gouvernemeus  a  toujours  clicrelxj  à  les  pré- 
venir par  tous  les  moyens  possibles  notamment  en 
Prusse  et  en  Angleterre.  f''ovez  l'Og.  139  cl  206. 

Je  ne  viens  pas  ki  proposer  mou  projet  apréa 
ceux  de  tnut  d'habiles  publidstus  tpii  mil  pru- 
foodémcut  médité  sur  cette  malicrc.  Ce  n'est  pua  Ui 
d'ailleurs  que  se  trouvera  la  plus  graude  diUieulU^ , 
le  jour  oi]  notre  gouvernement  croira  devoir 
écouter  des  vccus  qui  viennenl  de  haut  et  dont 
paguères  encore  nous  entendions  l'énergique  cx- 
ression  h  la  tribune  nalionatu.    A',  ia  note  2Q0. 

Ce  qui  dans  le  moment  actuel  devrait  le  plus 
■rieusenient  préoccuper  uu  législateur  habile  , 
prévoyant  et  jaloux  de  triompher  de  ce  raucer 
icial  que  tant  d'inutiles  remèdes  ont  l'uil  juger 
iDcxlirpable ,  ce  serait  d'agir  gruducllemeut  aur 
l'ofMniun,  ce  serait  de  disposer  les  mœurs  ii  recevoir 
itiie  loi  que  leur  intérêt  ap|>clle,  mais  à  laquelle 
elle»  Bout  loin  d'i>lrc  préjHirées.  l'uutc  mesure  tégi»< 


#4tt  —  wsvoiu  un  mmui.  *- 

latnre  prise  au  temps  actud  ccmlre  les  dudi  ne 
pourrait  être  que  protisoire.   H  serait  urgent , 
par  exemple ,    que  le  gourerttemeiit  fit  donnor 
Pexemple  par  les  fimctiMmaires  publics   dont  1 
di^ose.  Il  serait  temps  de  fiùre  cesser  le  scandde 
de  ces  duels  pour  faits  de  diaige  ou  autres ,  qu'on 
Toit  se  reproduire  chaque  jour ,  moins  escue 
dans  Fétat  militaire  que  dans  Tordve  civil  et  judi- 
ciaire. Un  ordre  du  jour  du  ministre  de  la  guerre, 
Vient  de  proscrire  le  duel  entre  les  -officiers  de  dif- 
férens  grades  dans  riatërét  de  la  discipline  (438). 
Je  ne  sache  pas  que  M.  le  garde  des  sceaux  ail 
encore  songé  à  prendre  des  mesures  pour  em- 
pêcher des  préddens  de  cour  royale  et  même  des 
officiers  amoyibles  du  parquet  de  prêter  le  collet 
à  des  avocats.  V.  le  chapitre  XXFI  et  la  note  293. 
Quand  ces  mesures  seront  prises ,  il  sera  temps 
d^aviser  &  d^autres  expédiens.    On    commeneen 
peut-être  alors  à  s'occuper  d'assurer  aux  citoyens 
dont  on  attaque  Thonneur ,  une  satisfaction  aa 
moins  égale  à  celle  sur  laquelle  ils  ont  droit  de 
compter  pour  ce  qui  concerne   des  biens  d^un 
beaucoup  moindre  prix.  Qu'on  jette  un  regard  sur 
notre  système  de  lois  de  police  relatives  aux  injures 
privées ,  et  qu'on  se  demande  ,  s'il  est  un  citoyen 
arisé  qui  voulût  courir  la  chance  d'une  lutte  ju- 
diciaire pour  obtenir  l'espèce  de  satisGEiction  qu'elles 


—  chapituf:  XI..  —  44S 

lui  promeltent  !  Croirnil-on  nitinc  que  dnns  cet 
étrange  système,  une  parlîe  civile  soit  placîc  pour 
la  défense  de  ses  intéréis  sous  tii  tulellu  du  rainislére 
public  ?  Qu'elle  n'ait  pas  plus  dt;  libre  arbitre  qu^ua 
miueurl'  Et  qu'il  ne  lui  suit  purmis  d'intervenir  au 
procès  que  pour  répondre  de  fritis  énormes  qu'elle 
ne  peut  faire  clle-nii-mc  ,  mais  cpi'un  fonclionnaire 
qui  peut  avoir  d'autres  intéréls  que  les  siens,  ft^ra 
sans  elle  et  malgré  elle  (439) . 

u  Si  le  législateur,  a  dit  Benlliam,  cul  toujours 
appliqué  convenablement  un  s\»li'inc  de  salis- 
faction,  on  n'eut  pas  vu  naître  le  duL-l  qui  n'a  été 
et  n'est  encore  qu'un  supplimenl  à  l'iusullisancc 
dea  lois.  Jebem.  Bb^thah  ,  Trailè  de  la  Icgisl.  dv, 
et  pen. ,  tom.  II ,  pag.  325. 

Mercier  se  plaignait  en  ces  termes  de  la  législation 
de  son  temps  sur  les  injures  privées  :  «  N'usl-il  pas 
Traî  que  la  loi  actuelle  ne  protège  guéres  que  les 
iulérèts  pécuniaires,  qu'elle  ne  s'occupe  que  des 
dommages  appréciables  ji  prix  d'argent ,  et  que 
l'intérêt  le  plus  cher  h  l'homme ,  la  plus  sacré ,  celui 
de  l'honneur  n'a  d'autre  protection  que  celle  qu'il 
est  obligé  d'emprunter  de  son  courage.  »  Tabkaa 
de  Paris,  chap.  CCCXLIII. 

Joignons  h,  ces  graves  autorités  celle  plus  impo- 
sante encore  du  sage  et  vertueux  Sully. 

K  Je  priais  le  roi ,  dit-il ,  dans  la  ieltrc  que  je  lui 


itAA  —  HISTOIRE  DBS  DUELS.  — 

écrivais  sur  la  nécessité  de  renouveller  Tédit  coDlre 
les  duels ,  de  défendre  qu^on  poursuivit  autrement 
que  juridiquement  toute  parole  d^injure  et  dé- 
fense ;  mais  aussi  de  faire  en  sorte  que  la  justice 
qu'on  obtiendrait,  fut  assez  prompte  et  assez 
bonne  pour  appaiser  le  complaignant  et  faire  re- 
pentir  l'agresseur*  » 

Quant  à  nos  cours  de  justice,  qu^elles prennent 
exemple  des  tribunaux  d^Ângleterre,  ^vojyezp,  161; 
que  nos  magistrats  aussi  veuillent  bien  se  pénétrer 
de  ce  passage  dVn  publiciste  illustre. 

ce  II  faut  infliger  des  peines  trés-rigoureuses  à 
ceux  qui  osent  faire  quelqu'une  de  ces  injures  aux- 
quelles on  attache  une  grande  ignominie  dans  le 
pays  où  Ton  vit.  Autrement,  je  ne  vois  pas  comment 
un  magistrat  peut  user  avec  raison  de  sévérité  contre 
ceux  qui  repoussent  les  atteintes  données  à  leur 
réputation  conformément  à  la  coutume  et  aux  idètô 
reçues,  pendant  que  lui-même  néglige  de  punir 
ces  sortes  d^insultes  qui  déshonorent  si  fort  dans 
Tesprit  du  commun  des  homtmes.  »  Puffendorf, 
Droit  de  la  NaL.,li^.  Il  y  ch.  /^,  §.  12. 

Tout  Etat  qui  voudra  fonder  la  paLx:  civ^ile,  sur 
des  bases  solides ,  adoptera  en  matière  d'injures 
privées  lui  système  de  législation  plus  rationnel  et 
mieux  entendu  (|ue  celui  qui  a  été  suivi  jusqu'à 
ce  jour  en  Europe. 


La  base  de  ce  système  pourrnit  élre  un  genre  itc 
peine  connu  clans  l'ancien  ctroil  rrnnrnis  ,  mnis 
donl  il  ne  resle  qu'un  veslige  presqiie  imperccp- 
lible  dans  le  code  acluel ,  c'eal  le  bnnnissemcnt  à 
l'inl^'rieur.  Cette  mesure  a  le  double  avantage  d'agir 
comme  peine  et  comme  remède.  Il  n'est  pourtant 
qu'un  seul  ces  où  notre  code  pfnal  de  1830 
l'autorise  assez  limîdemenl ,  c'est'  celui  où  uu  ma- 
gistrat aurait  Été  Frappé  dans  l'exercice  de  ses  fonc- 
tions. D'après  l'article  229,  le  coupable  peut  ftrc 
condamné  h  s'éloigner  temporairement  h  une  dis- 
tance de  deux  myriamclres  seulement  du  domicile 
du  magistrat.  Selon  la  gravité  des  cas  el  le  plus 
oti  moins  de  probabilité  de  la  récidive ,  le  bannis- 
Kment  s'étendrait  aux  différentes  circonscriptions 
territoriales  depuis  la  commune  jusqu'au  dcpar- 


Meis  il  ne  sufGra  pas  d'avoir  garanti  par  une 
bonne  loi  l'Iionneur  des  citoyens,  il  faudra  n'en 
lîonfier  l'application  qu'A  des  magistrats  conscien- 
cieux qui  n'opposeront  pas  leurs  caprices  h  ses 
volontés ,  qui  ne  chercheront  pas  à  l'éluder  par 
une  indififérencc  coupable  ou  par  une  connivence 
plus  coupable  encore  avec  lea  préjugés  vulgaires. 
Il  faudra  en  un  mol  garantir  les  justiciables  de  ce» 
dénis  de  justice  cju'oii  sait  toujours  colorer  de 
^écieux  prétextes;   car  c'est  encore  bien  moins 


^46  —  mSTOfBB  DES  DUELS.  — 

les  institutions  qui  manquent  aux  hommes  que  les 
hommes  aux  institutions. 

Il  sera  temps  alors  de  s^occuper  d^une  loi  sur 
le  duel.  Le  législateur  pourra  parler  en  maître , 
et  il  sera  sûr  d'être  obéi.  Quand  il  ne  s^agira  plus 
que  de  déterminer  les  bases  de  la  loi ,  la  question 
sera  bien  simplifiée.  Il  sera  d^abord  nécessaire  de 
reconnaître  au  délit  de  duel  un  caractère  spécial, 
et ,  comme  dit  Livingston ,  de  le  punir  sous  soa 
véritable  nom.  La  pénalité  n^admettra  aucune  peine 
affîctive.  Comme  le  duel  est  un  abus,  une  corrup- 
tion du  principe  de  Thonneur,  corruptio  optimi 
pessima ,  c^est  par-là  même  qu^il  faut  le  punir. 
Le  duelliste  serait  donc  atteint  dans  sa  considération 
personnelle ,  or ,  c^est  de  ce  côté  qu^il  doit  être  k 
plus  vulnérable.  Il  serait ,  selon  les  circonstances, 
déclaré  déchu  à  perpétuité  ou  à  temps ,  du  titre  de 
citoyen  et  inhabile  à  toute  fonction  publique.  En  cas 
de  récidive,  la  peine  du  bannissement  pourrait  être 
apphquée.  Celui  qui  se  constitue  en  état  de  rébel- 
lion ouverte  contre  le  repos  de  la  société,  n^est  pas 
digne  d'y  rester  et  de  participer  à  ses  avantages. 

Mais  m'objeclera-t-on  quels  moyens  efficaces  le 
législateur  aurail-il  de  disposer  l'opinion  à  une 
bonne  loi  sur  le  duel  ?  Malgré  toutes  les  précau- 
tions, une  telle  loi  ne  serait-elle  pas  trop  forte  pour 
le  tempérament   aclucl  de  notre  société  f  El  si, 


—  CHAPITBE  XI..—  447 

comme  loutes  les  précédentes ,  celte  loi  reste  sans 
Pïéciilion,  ne  sera-ce  pas  un  nouvel  aveu  d'im- 
puissance, un  nouveau  mensonge  législnlif  ajoulè 
j)  lanl  d'autres,  et  l'hypocrisie  16gale  n'est -elle 
pas  la  pire  de  toutes? Celle  objection  est  sé- 
rieuse ,  et  loin  de  moi  rinleiilion  d'en  dissimuler 
la  gravité.  Je  dirai  plus,  elle  est  conforme  à  celle 
du  savant  publiciste  prussien  dont  j'ai  di^jà  cité 
l'opinion  sur  les  duels  en  Allemagne,  f'ajez  page 
209  et  la  noie  393. 

«  Quant  à  moi,  dit-il ,  j'ai  les  opinions  du  code 
français,  je  ne  le  punirais  pas  (440).  C'est  peut- 
^Ire  le  seul  moyen  de  le  faire  cesser  ;  car  rien 
n'est  plus  misérable  que  des  peines  dont  on  se 
moque  en  ne  les  appliquant  pas  ,  et  une  impunité 
qui  est  la  conséquence  nécessaire  du  mensonge  de 
la  loi.  Que  dire  d'un  pays  où  les  lois  mentent  ?  a 
Gans,  Lell.  autograplt.  du  Ï9  juin  1833. 

Je  réponds  que  les  lois  menlent  quand  elles  sont 
en  contradiction  avec  leur  principe,  quand  elles 
feignent  de  proléger  des  intérêts  dont  elles  n'ont 
nul  souci ,  quand ,  par  exemple ,  elles  consacrent 
dans  leurs  dispositions  sur  le  meurtre  le  principe 
de  l'inviolabilité  de  la  vie  humaine  ,  et  qu'elles 
donnent  elles-mêmes  l'exemple  de  cette  violation 
en  décoriint  le  meurtre  légal  d^un  nom  digne  de  la 
chose,  celui  de  vùulicte publique.  A  qui  un  légis- 


448  —  mrronic  dys  nmts.  «- 

Inlcur  fera-t-il  croire  qu^ît  a  horrciir  du  sang,  quand 
il  le  donne  lous  les  jours  en  spectacle  sur  la  place 
publique?  Ne  devrail-on  pas  supprimer  le  meurtre 
ofliciel ,  Tassassinat  légal ,  pour  avoir  le  droit  de 
proscrire  le  meurtre  individuel ,  Tassassinat  privé , 
en  duel  comme  partout  ailleurs  ?  Quand  on  ne 
verra  plus  un  fonctionnaire  public  qu^on  appelle 
bourreau,  tuer  les  gens  en  cérémonie,  la  vengeance 
particulière  cessera  peut-être  de  les  immoler  dam 
des   combats    singuliers  ;  on  y  regardera  h  deux 
fois  pour  sacrifier  la  vie  d^un  compalriole  aux  in* 
tér^ts  de  son  honneur ,  quand  on  la  verra  préférée 
h  un  intérêt  bien  plus  cher  encore,  Pinièrét  générai. 

Quelle  est  donc  la  destinée  le  riiomme  en  pa- 
raissant sur  la  terre?  Quelle  est  rimporlance  de 
sa  vie  ?  Est-ce  un  simple  accident ,  est-ce  un  pur 
don  du  hazard  que  Ton  reçoit,  que  Ton  perd, 
sans  aucune  conséquence  pour  le  passé ,  le  présent 
ou  Tavenir,  sans  aucune  importance  réelle  pour 
rhumanité  toute  entière  ?  L'espèce  humaine  n'e«it- 
clle  qu'une   simple   variation   du   genre    animal  / 
N'a-t-elle  sur  les  autres  espèces  d'autre  avantage 
que  de  raisonner  le  meurtre ,  que  de  tuer  avcr  le 
fer ,  quand  celles-ci  n'ont  que  leurs  armes  natu- 
relles, les  dents  et  les  ongles,  pour  sYntre  di*- 
rhirer  ?....  Voilà  des  questions  dont  la  solution  se- 


—  CHAPITRE   KL.—  449 

mit  l>>en  aflli|;eat)te  sans  doute ,  si  Ton  ne  consullait 
(|uc  les  traités  de  philosophie ,  les  masimes  du  ra~ 
tionaiUme ,  l'hisloire  des  anciens  peuples  ou  les  an- 
ciennes religions  qui  ont  pr^'cédé  le  Christian  inné. 

Et  DOS  maîtres  nos  prédécesseurs  en  civilisation , 
ces  Grecs  et  ct-s  Romains  qui  encourageaient  la 
suppression  ou  l'oLposilion  de  part,  qui  accordaient 
droit  de  'vie  et  de  mort  aux  pères  sur  les  enfans , 
aux  maîtres  sur  les  esclaves,  qui  s'étaient  fait  un 
jouet  de  la  vie  humaine  et  de  l'Iiomicide  un  spec- 
tacle ,  nous  ont  donné  la  mesure  de  leurs  principes 
en  cette  matière.  A  Athènes  et  à  Rome,  Thommc 
serrait  à  l'homme  comme  une  chose  ;  c'est  un 
meuble  qu'on  brise  quand  il  devient  inutile,  un 
animal  dont  ou  se  dèfail  quand  il  est  à  charge,  une 
plante  que  l'on  coupe  quand  elle  gène ,  ou  un 
vermisseau  qu'on  écrase  ilu  pied  selon  son  caprice. 

Dieu  aurait-il  donc  créé  l'homme  k  son  image 
pour  de  pareilles  destinées  ?  Et  si  ce  ne  sont  pas  Ik 
les  destinées  de  l'homme,  quel  est  le  peuple  qui 
en  aurait  reçu  la  révélation  :*  Quelle  est  la  tradition 
religieuse  qui  nous  les  aurait  couservéesi'  Est-ce 
l'ancienne  loi  de  Moïse.' —  Là.  je  trouve  écrit 
cnmme  règle  immuable,  rorame  principe  général 
et  qui  n'admet  daits  ses  termes  aucune  exception  : 
«  Tu  ne  tueras  point.  »  Non  ot-cù/e.t.  C'est  là  la 
vonaiccMiw)  divine  de  la  vie  huoiaiRe-  Ce  que 
S» 


Di€U  «  créé,  l'homnic  ne  pcul  le  détruire.  Je 
TOÎ8  encore  dans  Thisloire  du  peuple  juif  que  Gain 
tua  son  friTe  Abel ,  et  qu^il  fut  pour  cela  maudit 
de  Dieu ,  lui  et  toute  aa  race.  Mais  d'^autre  part, 
je  trouTC  le  meurtre  établi  partout  dana  les  mœun 
des  Israélites ,  et  leur  législateur  lui-même  tue  un 
homme  en  trahison.  Voyez  tome  I,  page  12.  Ce 
peuple  valait  donc  beaucoup  moins  que  sa  loi.  Non 
seulement  il  extermine  les  nations  dont  il  convoite 
le  pays,  mais  il  se  décime  lui-même  par  des 
immolations  en  masse  ;  des  tribus  entières  sont 
moissonnées  par  le  glaive  ;  le  sang  coule  sous  le 
moindre  prétexte  et  au  moindre  signe  d'un  chrf 
ou  d'un  prophète ,  qui  parle  au  nom  de  Dieu. 

Il  y  a  plus,  ce  peuple  admet  dans  sa  loi  des 
Tcnf^mrs  du  son  g.  Tout  meurtrier  volontaire  doit 
être  livré  à  la  famille  de  celui  qu^il  a  tué  et  misa 
mort.  Propinquus  occisi  statim  ui  irwenerit  eum 
juguliihil.  KiMEK.,  cap.  XXXF'y  v.  16  et  17. 

Point  de  refuge ,  point  d^asile  pour  le  meurtrier. 
Mittent  scuiores  et  arripient  eum  de  loco  rejugii, 
tracent  que  in  manu  proximi  eu  jus  sanguis  effusus 
est ,  et  morietur,  Decter  ,  cap.  XIX ,  t>.  12. 

La  Bible  consacre  en  termes  formels  la  peine  du 
talion.  Elle  demande  membre  pour  membre,  dent 
pour  dent,  œil  pour  œil.  Exod.  ,  cap^  XXI ^  r.  îi» 

Tel  est  le  peuple  à  qui  EMeu  a  intiiiié  cdie 


T! -.  -  451 

défense  ;  ?fnn  occidex.  Exoo. ,  XX,v.  13;  k  qui  il 
a  ()il  :  A/ea  e.tl  tillio,  et  fgo  relribuam.  Deutm.  , 
cfj}>.  XX-VtlI ,  i>,  35  ;  pour  qui  a  élé  fait  ce  pré- 
cepte ;  IVon  oderif  fralfem  tuun  in  corde  tuo.  Ifon 
qnoei-es  ultioitem ,  nf:c  niemor  cris  injuriœ  riViurM 
tunrum.  Leïit.  ,  cap,  XIX,  v.  17  et  18. 

La  nation  juive  n'a  donc  eu  que  des  idées  confuses 
et  imparfaites  sur  la  vériliiblc  destinée  de  l'homme , 
MIT  rimportaiicG  cl  la  di^iitè  de  son  être.  Il  fallait 
qu'un  Dieu  lui-mi'me  se  fil  homme  pour  apprendre 
à  l'homme  ce  qu'il  était  et  le  convaincre  par  sa 
morale  et  son  exemple  (441). 

Qu'aurait  dit  cet  admirateur  d'FTomére  qui  trou- 
vait que  les  héros  de  l'Iliade  avaient  dix  coudées  de 
haut,  s'il  avait  lu  l'Evangile?  —  Qu'esl-ce  donc 
que  cette  race  humaine  pour  la  rédemption  de 
laquelle  un  Dieu  vient  sur  la  terre  et  meurt  sur  une 
croix  ?  Qu'est-ce  que  ce  corps  chétif  cl  périssable 
k  qui  la  divinité  s'unit  dans  un  incompréhensible 
mystère ,  el  à  qui  elle  promet  une  seconde  vie  qui 
doit  Olre  éternelle  i*...- 

Le  Christ  ne  se  contente  pas  de  reproduire  le 
priceple  de  l'ancienne  loi  :  Tu  ne  tueras  point, 
il  met  l'homme,  m>'me  le  Samaritain  ,  même  le 
Gentil ,  sous  la  snuve-garde  de  la  chanté  ;  il  défend 
l'injure  et  proscrit  la  vengeance.  /^.  tom.  J,p,  1 10. 

Le«  premiers  chiéliciis  ont  scellé  leur  foi  de  leur 


452  ^nsTOfiii  VB8  ik«ls.  -^ 

sang.  Ces  témoins  se  sont  laissés  égorger ,  el  ils  ont 
ainsi  rendu  de  leur  culte  le  plus  sublime  témoi- 
gnage au  dire  de  Pascal.  Mais  après  avoir  ëè 
persécutés ,  iU  devinrent  eux-mêmes  persécuteun. 
Comme  le  christianisme ,  le  paganisme  eut  ses  mar- 
tyrs. Libaniusnous  a  conservé  la  lamentable  hisloirc 
des  réactions  chrétiennes  sous  Théodose,  comme 
Lactanee ,  celle  des  réactions  païennes  sous  JuKen. 
On  vit  le  peuple  transporté  de  cette  rage  aveu^e, 
obéissant  à  cet  instinct  de  la  destruction  qui  le  suit 
partout ,  s^acharner  au  meurtre  des  femmes ,  dei 
enfans ,  des  vieillards ,  k  la  ruine  des  temples  et  dei 
plus  beaux  monumens  de  Fantiquité  païenne  (442). 

On  vit  ensuite  se  déchaîner  les  haines  des  sectes 
dissidentes,  s^allumer  les  bûchers  des  héréliquci 
et  partout  couler  des  flots  de  sang  qui  ont  souillé 
le  berceau  du  christianisme ,  et  qui  sont  deveom 
là  semence  trop  féconde  de  ces  guerres  religieuses, 
de  ces  proscriptions  en  masse ,  dont  Faction  et  h 
réaction  se  sont  étendues  jusqu^à  nos  jours. 

Ce  n^était  pourtant  pas  là  la  profession  de  foi  des 
premiers  chrétiens ,  quand  ils  demandaient  compte 
aux  empereurs  de  leurs  sanglantes  persécutions. 
€<  Aimant  notre  prochain  comme  nous-mêmes, 
écrivait  à  Marc-Aurèle  le  philosophe  chrétien 
Athenagoras ,  nous  avons  appris  à  ne  point  frapper 
ceux  qui  nous  frappent  y  k  ne  point  faire  de  procès 


-cMU'iTnB  Ti..-  458 

k  cCHï  qui  nous  cléi>niij lient.  Si  l'on  nous  donne 
un  soufflet ,  nous  (cndoiis  l'autre  jmie  ;  w  l'mi  noua 
demande  noire  tunique ,  nous  offrons  encore  noire 
manteau*...  Nous  avons  renoové  k  tus  spei'iacles 
eusunglantés ,  croyant  qu'il  n'y  a  guères  (le  rfttl^ 
rence  entre  regiirder  le  meurtre  et  le  commettre. 
Noua  tenons  pour  liomicides  les  femmes  qui  se  font 
avorter  et  nous  pensons  que  c^est  lucr  uo  enHint 
que  de  l'exposer.  Nous  sommes  égaux  en  tout , 
obéissant  k  la  raisoa  sans  prËlendrc  la  gouverner,  n 
ATHBsicoti. ,  Li^at.  pro  Christian.  Oxfoi-â  1700, 
in-8.'',c(  apiid  Bibiioîh.  Piitr.  —  Fleury  ,  Hist. 
ecclesiast. ,  tom.  I,  li\'.  III,  pftf;.  389. 

C'est  dans  cet  acte  célèbre  d'expiation  impoié 
par  un  yéritable  apôtre  de  l'Evangile  à  l'empereur 
Tbéodose  aprùs  le  ma»<sacre  de  Thcssalonique  , 
que  se  rèvéte  l'esprit  et  la  pitissnuce  de  la  religion 
proleclrice  de  l'Iiumanité.  Ecoulons  cuoore  ii  cet 
égard  la  baule  parole  de  Châlcaubtiond  : 

Il  C'est  là  un  de  ces  faits  complets,  rares  dans 
Iliisloire  où  les  trois  vérités,  religieuse,  philoso- 
phique et  poliiitjue,  ont  agi  de  cuncerl.  L'action 
de  Saint  Ambruise  est  une  artion  féeonde  qui 
renferme  déjà  les  actions  d'itii  mOnde  k  venir  ; 
c'est  la  révélation  d'une  juiissanee  engendrée  dans 
la  décomposition  de  toutes  lus  autres.  >■  EtitJta  lu's- 
loritfiics,  iQin.  II. 


454  *-  BISTOI&B  DBS  DUSU.  •* 

Au  18.*  siècle,  il  s^esi  trouTé  des  phUaiilhropet 
qui  n^oDt  pu  pardonner  à  Théodose  de  s^élre  laissé 
faire  la  leçon  par  un  prélre.  S^ils  avaient  vécu  alors, 
ce  prince  leur  aurait  fermé  la  bouché  avec  une  ckf 
de  chambellan* 

Pourquoi  donc  le  sang  a-t-il  encore  coulé  après 
la  victoire  du  christianisme  ?  Pourquoi  le  nouveau 
culte  n^a-t-il  pas  accompli  sa  mission  de  paix  sur 
la  terre  ?  C'est  que  Phomme  a  manqué  à  la  loi, 
C^est  que  le  christianisme  même  n^a  pas  encore 
été  compris,  ni  sincèrement  appliqué  ,  et  j'entends 
aujourd'hui  de  graves  publicistea  s'écrier  que  sa 
mission  est  terminée  ! . . . . 

c<  11  3'est  établi ,  dit  l'illustre  auteur  des  Etudes 
historiques^  une  libation  de  sang  perpétuelle.  La 
guerre  l'a  répandu  ainsi  que  la  loi.  L^homme  s'eâ 
arrogé  sur  la  vie  de  l'homme  un  droit  qu'il  n'ayait 
pas ,  droit  qui  a  pris  sa  source  dans  Tidée  cod« 
fuse  de  l'expiation  et  du  rachat  religieux.  La  ré« 
demption  s'étant  accompUe  dans  l'immolation  du 
Christ ,  la  peine  de  mort  aurait  du  être  abolie  : 

£l.I.E    M$    s'est     perpétuée     QUE    PAR     UNE     SORTE    DK 

CRIME  LÉGAL,  Le  Christ  avniit  dit  dans  un  sens  ath 

solu  :  Vous  NE  TUEREZ  PAS.  ))  Etudes  hîstor.  loc.  cit. 

Une  fois  que  le  droit  de  vie  et   de   mort  fut 

conservé  dans  le  monde ,  malgré  l'appUcation  qui 


—  CHXPITTIF   o ,  —  435 

en  avait  élé  fuite  au  Juste  par  cxcelltncc ,  on  vil 
les  iioiDtnes  s'ingénier  h  truuver  des  prétextes  pour 
a'inimoter  les  uns  les  autres,  tanlul  par  le  gtaive 
lies  combats  ,  taulàt  por  celui  de  la  justice.  Ou 
inventa  les  crimes  de  lèie-divinité,  de  lèzc-majoilé, 
de  léze-iiiiliun.  Kn  Espagne  et  eu  Italie ,  oit  biîilait 
pour  crime  d'itérésie;  on  décapitait  en  Angleterre 
pour  erime  de  haute  trahison ,  et  en  France ,  ii  la 
fin  du  siècle  dernier  pour  incivisme  ,  fanatisme  ou 
conspiration.  Depuis  le  supplice  de  Jésus-Chnst 
jusqu'à  vclui  de  Louis  XVI,  est-il  une  seule  de 
ces  exécutions  (pti  ait  obtenu  le  suffrage  de  la  pos- 
tèritéi'  Loin  dc-lk ,  elle  a  été  jusqu'il  réhnbililer 
de  vrais  coupables ,  uniquement  parce  que  le  litre 
de  leur  condamnation  appartenait  k  la  polttî<iue 
ou  k  la  religion. 

Qu'esl-il  adrcim  de  tontes  ces  immolations? 
En  C8t-il  une  seule  qui  ait  prt)fit'^  aux  partis  qui 
^cu  Étaient  fait  un  instrument  po[i)ir[iif  i^  N'esî-il 
pas  Trai  plulût  qu'elles  ont  fondé  de  funestes  pré- 
Cédeus  qui  plus  tard  ont  été  invoqués  contre  ccux- 
k|4b  mêmes  qui  s'en  étaient  servis.  Les  massacres  de 
'  ..'la  terreur  ne  fureut  qu'une  réaction  de  ceux  de 
la  Saint-Darthéléroi ,  et  le  décret  de  proscription  dos 
prêtres  une  rcprésaîlle  de  la  révocatien  de  l'édit 
de  Nantes.  Quand  les  liirondiii.i  furent  envoyés  k 
l'échafaud,  ils  iinoquaiciit  K-nr  juviolabilili);  une 


vois  t^éleYa  qui  fil  la  rainan|iie  qu'eux -mèinet 
«Taient  provoqué  la  mite  en  ju^iemeat  de  Harat 
a  Votre  exemple  a  Cul  planche ,  d  leur  cria-1-OD , 
Patere  legem  quam  ipse  tukris.  G'esl  aiofi  que  Toa 
a  TU  toutes  les  factions  s^entre  détruire ,  comne 
ces  insectes  qui  se  dèroreîit  jusqu^au  dernier, 
quand  ils  ont  fiut  leur  palure  d'un  cadavre. 

Aujourd'hui  encore,  les  souvenirs  de  93  ne  sont* 
ils  pas  le  plus  insurmontable  obalacle  à  la  propa- 
gation des  théories  républicaines  ai  séduisantes  pour 
des  cœurs  généreux  ?  Qui  les  repousse ,  si  ce  n'est 
le  spectre  sanglant  de  la  Terreur  f  Que  voitH>n  eotn 
-cette  forme  de  gouvernement  et  la  France ,  si  os 
n'est  une  mer  de  sang  P....  (443). 

Une  agitation  sourde  fermente  au  aein  du  corps 
social  en  Europe.  Le  pillage  est  au  fonds  de  la  po* 
litique  des  partis.  La  plupart  se  contenteraient  du 
trésor  public  ;  il  en  est  qui  voudraient  y  joindre  les 
propriétés  privées.  Les  moyens  d'action  sont  ks 
supplices  et  les  émeutes.  Faut-il  s'en  étonner,  quand 
tout  s'est  matérialisé  dans  les  gouvememens.  L'or 
et  le  glaive,  la  corruption  et  l'échaCsud  sont  encore 
tout  le  secret  de  leur  politique ,  et  ils  osent  même  le 
dire  tout  haut  !  De  tous  les  partis  qui  se  disputent 
en  France ,  la  scène  politique,  y  en  aurait-il  un  qui 
consentirait  à  inscrire  sur  sa  bannière  le  précepte 
de  l'ancienne  et  la  nouvelle  loi:  Tune  tueras  poùu? 
Qu'il  s'avance ,  l'avenir  est  à  lui. 


■^  CllAI-ITIlE   XL.—  457 

n  exnle  au  Ictnps  actuel  une  école  cIl-  pnbliuistes 
qui  réclament  aveu  îtislaiice  la  proi'lamulion  im- 
médiate du  grand  principe  de  l'inviolabilité  de  la 
vie  bumaine.  A  leur  télé  est  te  vertueux  Trney,  dont 
les  principes  en  ce  point,  <^'omme  en  tous  les  autres, 
ne  se  sont  jamais  démentis.  Dans  ks  rangs  de  ces 
apàlres  de  Thumanité  on  distingue  les  Paslortl , 
les  Chateaubriand,  les  Lamartine  et  les  La  Mennaia. 
Les  écrits  de  M.  Paslorel  eonlre  In  peine  de  mort 
sont  connus  ;  on  a  pu  juger  des  senlimena  de 
l'auleur  des  Etudes  historir/uct  pur  le  passage 
rapporté  ci-dessus.  «  Notre  ii-gislalion  criminelle 
est  toute  enlit-^re  Ji  refaire  ,  a  dit  Lamartine  ,  la 
peinedemort  surtout  à  effacer.  Ayons  le  courage  de 
tenter  cette  suppression  du  sang  dans  nos  lois. 
Une  législation  sanglante  ensanglante  les  mœurs; 
une  législation  de  douceur,  de  ihiirité,  d'indul- 
gence, de  repentir,  d'épuration  et  non  de  vea- 
geance  et  de  mort ,  les  tempère  et  les  adoucit.  » 

L'auteur  du  J'oyageen  Oiietil  disait  encore  tout 
récemment  :  «  L'heure  serait  venue  d'allumer  le 
phare  de  la  raison  et  de  la  mornlc  sur  nus  tempêtes 
])oIiti(]ucs,  de  formuler  le  nouveau  symbole  social 
que  le  monde  commence  à  pressentir  et  à  com- 
prendre, le  symbole  d'amour  et  de  charité  entre 
les  hommes,  lflpoliti(]UC  évangéliquc  (444).  » 

11  est  un  penseur  profond ,  au  coup  d'œil  d'uigle. 


496  —  ttlSTOIRB  DBS  IKrBI.S.  — 

k  la  pensée  hardie,  à  la  voix  mâle  et  austère,  qui 
a  sondé  cette  plaie  la  plus  funeste  de  noire  gèn^ 
ration,  le  hideux  iniUuidaalisme.  Voici  le  conseil 
qui  s^échappait  naguères  de  ceUe  plume  de  feu. 
ce  Si  qiielqu^un  meurt ,  ne  dites  pas  comme  ce 
mouton  qui  voit  le  loup  enlever  son  frère  :  Qu'estr 
ce  que  cela  me  fait  à  moi ,  j^en  aurai  plus  d'Iierbe. 
Ceux  qui  parlent  ainsi ,  seront  la  proie  de  la  bête 
qui  vit  de  chair  et  de  sang.  »  Paroles  tTun  croyanU 
II  est  dans  une  autre  école  des  génies  également 
supérieurs  qu^on  regrette  de  ne  pas  voir  partager  de 
telles  convictions.  Que  dire  d^entendre  des  pliiloso- 
plies  de  la  trempe  des  de  Maistre  et  des  de  Bonald, 
ces  ardens  zélateurs  du  calhoUcisme  ,  professer  des 
principes  diamétralement  opposés.  Le  cœur  se  serre 
quand  on  entend  Tun  appeler  le  bourreau ,  la  clef 
de  lyoÛLe  de  Vèdlfice  social^  et  l'on  a  peine  à  com- 
prendre Tautre  quand  il  ne  voit  dans  la  peine  de 
mort  appliquée  au  sacrilège  que  Vaclion  de remoj er 
le  criminel  à  son  juge  naturel.  Qui  vous  en  a 
chargé  ?. . .  Qui  vous  a  constitué  le  pourvoyeur  de 
l'éternelle  juslicc  ?  De  quel  droit  venez-vous  placer 
votre  échafaud  enlre  le  repentir  de  Tliomme  et 
la  vengeance  du  Ciel  ?  Je  concevrais  votre  langage 
dans  la  bouche  d'un  matérialiste  ou  d'un  athée  pour 
qui  la  mort  n'est  que  le  néant  ou  le  sommeil  éternel. 
Mais  vous ,  qui  crpyess  aux  peines  et  aux  récom- 


—     '—-CHAPITRE    lA.—  "iSO 

penses  Ae  Pautre  vie ,  quelle  incouséqiienue  est  In 
T^lre  !  Non  ce  ii'esl  pas  Dieu  qui  condamne  ce 
criminel  que  vous  lui  renvoyez;  c'est  vous,  <]ui 
tvex prononce  son  arrêt,  el  Ditn  uVn  esl  plus  que 
l'enéculeur. 

A)i  !  ne  faites  pas  intervenir  la  divinité  dans  vus 
jeux  cruels,  dans  vos  tortures  «t  vos  supplices,  ou 
si  vous  invoquez  soa  saint  nom,  que  oesoîl  pour 
proclamer  ses  préceptes  divins  qui  dérendi?nt  à 
l'homme  de  disposer  de  sa  vie  et  de  celle  de  son 
semblable  ,  qui  commandent  la  cliarilé  et  pros- 
crivent la  vengeance.  Ccssex  de  blasphémer  Dieu 
et  de  le  travestir,  en  lui  prùtanl  vus  tristes  passions 
el  vos  préjugés  aveugles,  en  l'appelant  Dieu  des 
■nnées,  Dieu  vengeur  ou  exlerminaleur....  II  y  a 
bien  de  la  vérité  dans  ce  mot  d'une  Femme  célèbre  : 
u  Si  Dieu  a  fait  l'homme  a  son  image ,  l'homme  le 
lui  rend  bien.  » 

J'ai  dit  quels  sont  les  vœux  de  l'opinion  pour  la 
suppression  graduelle  de  la  peine  de  mort.  Us  ont 
toute  l'autorité  de  la  raison ,  toute  la  force  que  peut 
donner  l'énergie  de  l'expression ,  toute  l'impor- 
tance qu'Us  peuvent  emprunter  de  l'illustratioii  des 
hommes  qui  se  sont  chargés  de  les  formuler.  11  me 
reste  encore  a  parler  de  nos  espérances.  Ces  vtrui 
seront-ils  entendus.*  Et  alors  pouvons-nous  espérer 
de  voir  le  légialuteur  attaquer  séricuseuienl,  logique- 


400  —  HISTOIRE   DES   DUBLS.  ^ 

ment  et  efficacement  cette  lèpre  invétérée  du  diiei, 
qui  depuis  tant  de  aiéclet  ronge  le  corps  social  ? 
II  semblerait  que  TaffirmatiTe  ne  peut  être  douteuse^ 
quand  on  aperçoit  à  la  tête  des  aCEaires  des  hommes 
qui  se  sont  signalés  par  des  écrits  célèbres  contre  la 
peine  de  mort  et  qui  peut-être  leur  doivent  leur 
renommée  et  leur  fortune.  Mais  les  principes  au* 
jourdMmi  changent  avec  les  positions.  La  logique 
de  Fattaque  est  tout  autre  que  celle  de  la  résis- 
tance ,  et  ce  qui  était  bon  pour  s^emparer  du  pou- 
voir, ne  Test  pas  pour  le   conserver.    On  croit 
très-politique   de  maintenir  la  peine  de  mort  en 
politique,  sinon  en  réalité  du  moins  comme  une 
menace.   Immédiatement  après  la   révolution  de 
1830,  une  proposition  fut  faite  à  cet  égard  à  la 
Chambre  des  députés.  Elle  fut  accueillie  et  prise  en 
considération  avec  un  enthousiasme  général  ;  mais 
quelqu^un  s^étant  avisé  d'observer  que  la  première 
application  devait  sVn  faire  aux  ministres  signa- 
taires des  ordonnances ,  il  ne  fut  plus  question  de 
la  proposition.  Ceci  rappelle  ce  vole  d'un  conven- 
tionnel qui ,  après  avoir  prononcé  la  peine  de  mort 
contre  Louis  XVI,  en  demandait  la  suppression 
pour  l'avenir .  11  est  un  homme  qui  avait  fait  la 
même  demande  à  TAssemblée  Constituante ,  cet 
homme  c'est  Robespierre  (445) . 

Naguères  encore ,  un  débat  aotennel  s^ost  engagé 


—  CIUMTRB    TCL.  —  461 

i  la  Chambre  des  députés  aur  ce  grave  siijcl,  à 
propos  (le  la  pénalité  (Ihiis  la  loi  sur  la  TcsponsaLilîlé 
ministérielle.  On  demiin<]a  la  siipprrsxion  do  Taniole 
qui  infligeait  la  peine  capitale  nn  ministre  privari- 
caletir.  La  plupart  des  oratt-iira  appuyèrent  cette 
proposition  par  d'ùloqiiens  disioors.  Les niinislrcf 
trouvèrent  que  la  peine  de  mort  était  une  fort 
bonne  chose  appliquée  même  •■  de?  ministres,  cl 
comme  d'ordinaire  la  majoritù  fui  de  leur  ayis.  La 
proposition  avait  été  repoussée  en  1830,  comme 
inoppoitune  ;  elle  l'a  é\è  eu  1835  ,  comme  ptë- 
maluive  (446). 

Tnutefois  que  les  amjs  de  l'humanité ,  du  progrès 
social  et  de  la  gloire  nationale  ne  perdent  pas  cou- 
rage. Un  grand  pas,  un  pas  immense  a  été  fait 
depuis  cinq  ans.  Le  bon  sens  populaire  a  renversé 
l'èchafaud  politique  ;  peu  importe  que  la  sanctiou 
législative  ne  soit  pas  encore  intervenue.  Il  serait 
bien  hardi  celui  qui  songerait  h  le  reconstruire. 

Non ,  en  dépit  des  sinistres  prédictions  d'un 
poète  politique  ,  nous  ne  reverrons  plus  le  triatigie 
d'acier  décimer  les  citoyens  et  déshonorer  nos 
places  publiques  dont  il  est  pour  jamais  exilé.  NoHi 
cette  hideuse  machine,  digne  création  des  philan- 
thropes du  18."  siècle  (417)  n'y  étalera  plus  se-i 
deux  grands  bras  maigres  cl  rnugcs,  h  la  lionlc  de  la 


I 


4lBS  —  msToms  des  dubu.  — ^ 

civilisation  du  19«.  Il  faudrait  un  aulre  courage  qu« 
celui  d^un  transfuge ,  pour  accomplir  cet  exécrable 
Tœu  ou  réaliser  cette  impuissante  menace.  Peuple 
généreux ,  dont  le  bras  terrible  a  bien  au  dans  un 
instant  de  colère  renverser  un  trône ,  tu  ne  le  80uf« 

frirais  pas  ! 

Te 

Purpurei  metuunt  tyranni , 
Jujurioso  ne  pede  ptoruâs 

S  tantom  columnam 

HoRÀT.  )  Ub^  Jj  od.  19. 

Nul  pouvoir  en  France  n'a  résisté  à  cette  fatale 
épreuve  de  la  justice  politique.  Elle  n^a  sauvé  ni 
Ténergique  Convention  ,  ni  le  trône  Impérial ,  ni  la 
Restauration  à  qui  de  si  belles  destinées  étaient 
promises ,  et  qui  pour  avoir  accepté  ses  dangereux 
services ,  n'a  pas  su  les  accomplir. 

Peut-être  dans  plus  d'un  conseil  secret  de  la 
haute  politique ,  a-t-on  rêvé  depuis  lors  de  placer 
de  nouveau  l'intérêt  du  moment  sous  la  protection 
des  supplices  ;  mais  il  est  une  yoix ,  celle  de  Tin- 
fortuné  Charles  I.«'  qui  vient  glacer  plus  d'un  cou- 
rage. Planez  garde  à  la  hache!....  Que  ce  cri 
formidable  soit  la  leçon  de  Tavenir ,  puisqu'il  ne 
l'a  pas  été  du  passé  ! 

O  vous  dont  j'ai  dit  les  vœux  et  les  nobles  espé- 
rances ,  vous  dont  je  me  fais  gloire  de  partager  les 


—  CTAPITBI!    TL.  —  463 

généreuses  syinpolhics ,  vous  tous,  flmis  el  com- 
pngnona  «l'^gCi  qui  appaiicnei  h  ce  10.»  siècle, 
qui  doit  voir  tact  de  prodiges  el  réniiaer  tiiiil  d^cfipé- 
rnnces,  c'est  à  vous  qu'il  apparlicul  d'nchevcr  celte 
rt'g^niTotion  sociale  déjà  si  lieureusemeni  cmb- 
iticnrfe  ! 

No»s  qui  n'avons  rien  de  commun  avec  les 
sanglantes  folies  de  l'autre  siècle,  ni  comme  victimefl, 
ni  comme  complices ,  c'est  l\  nous  de  commencer 
une  ère  nouvelle.  «  Nous  montons  sur  la  scène  du 
monde ,  a  dit  l'un  des  noires ,  k  imc  époque  pleine 
d'avenir ,  cl  bientôt  nous  l'occuperons  seuls.  Nous 
aurons  <i  Gxer  pour  de  lon;^s  siècles  le  sort  de  la 
civilisation.  Calmes,  rcli^cux  et  forts,  préparons- 
nous  dignement  h  cette  grande  mission  (448).  n 

Dégage  on  s- nous  surtout  de  cet  i'goïsme  «ec  el 
Froid  qui  nous  isole  dans  la  vie ,  el  nous  en  fait 
perdre  tout  le  cliarmc.  Aimons  nos  frères ,  pra- 
tiquons la  cliarilé ,  ne  séparons  jamais  leurs  in- 
téréts  desnàlres.  Soyons  unis,  el  nous  serons  forts. 

Souvenons-nous  que  «  l'esprit  publie  fut  tou- 
jours chc2  un  peviplc  en  proportion  égale  avec  Ie« 
mooiirs  privées,  »  Waltëb  Scott,  fie  df.  Napolêoii. 

Souvenons-nous  que  "  le  progrc§  avant  de  ec 
manifester  dons  le  monde  social ,  doit  auparavant 
fl'acciimpUr  dans  le  monde  des  inlclligences.  » 
Lamcnkus  ,  Nouveaux  méltuigrs. 


Ne  perdons  pat  de  Tue  enfin  que  la  guerre, 
comme  me  récriyaîl  naguère!  .tm  aèlé  phOanthrope, 
le  comte  de  Sellon  de  Genève  ^  que  la  guerre , 
dis-je  ,  le  bourreaix  el  la  'duel  ae  liennent  par  la 
main ,  que  les  cbampa  de  balaillea ,  lea  diampi 
clos  et  réchafaud ,  c^est  tout  un. 

Chea  let  barbares  qui  furent  noa  pères  et  qui 
nous  ont  légué  le  Duel  atec  la  guerre  et  les  sup- 
plices ,  rhonneur  ne  consistait  que  dana  Je  dédain 
d^une  vie  purement  i^ysique.  Ghes  bous^Hunh 
neur  doit  consister  à  saTCnr  ftâre  un  bon  vmfgt 
de  Pexistence  dont  nous  connmsiOM  nûeux  la 
prix  parce  que  nous  Temployona  mieux.  Noua 
nous  sommes  à  jamais  dégagea  de  cea  langes  du 
matérialisme ,  de  cette  grossière  isnTeloppe  de  Pea- 
lance  des  sociétés.  L'Age  du  spiritualiame  a^ouirs 
devant  nous  ;  nous  entrons  dana  la  ^inîe  des  vé- 
ritables destinées  de  l^omme  »  et ,  comme  nés 
devanciers ,  nous  ne  cherchons  plus  k  fiûre  une 
ridicule  parade  d^indiJOTérence  pour  le  bîeniaitde 
la  vie ,  pour  ce  premier  don  du  wi  ^  d'où  dé- 
rivent les  premiers  des  liens  naturels^  la  paternité 
et  la  filiation ,  ainsi  que  le  plus  précieux  des  avan- 
tages sociaux,  la  qualité  de  ciloy^u 

FIN   DES   CnAPITBES, 


NOTES 

ET  ÉCLAUCISSËMËNS  HISTOBIQUES. 


(1)  Je  donne  celte  défïnitian  du  Duel  comne  !■  nianns; 
Voici  celle  île  Ducange  ,  d'aprti  Jean  de  Linlano  :  Pugna 
torporaSis  deiiLerata  hiric  irtdè  dtloruntf  tui  iHirgalïonâM  j  fff(H 
riant  Vtl  oïlii  aggrtgaliimem.  DuCiBOB,  Clou.  ,v,*  DutU. 

Voici  maioicnant  celle  de  Bonicina  :  Puipia  lingalarù  de- 
liierata  ab  ulrdgue  pailM  ,  i/ionre  et  ex  çondiclo  iiucepla  cum 
fjtricala  occiiioiùi ,  l'et  mutilaliaHÙ  aut  i-ubirrii.  Cette  dctiùéia 
définition  eit  pTéfcnUte  4  l'autre.  Bon  1.CIBI ,  lom.  I,foL  597, 

Duel  rient  de  ducUion,  mot  de  la  l>aue  loliniié.  Plante  s'en 
•ert  pour  beUum  ei  monomaclUa  ,  Amfbith.  ,  ocl.  II,  tcen.  I. 

fojea  Vowos,  aper.  magn.  oraL  ,  tib.  IF.  TaoLoaA», , 
Sr«tagm.jurU.  unù'., la.XLtllI, Cap. Xyi. Fb»o». , Part. /, 
lib.  I,  dUp.  a.  FUTD-i ,  de  veii.  ligmf. 

Fuit  tiùm  prior^Ha  illù  steadit  duellum  iiveniuM ,  ut  veritai 
fuce  e»c<  duhia  ,  fieret  manifttta  ,  tu  ùiaoccnlia  cuiiptt  lula 
farel ,-  M  improiiu  caltiniiualor,  p<mai  tuent  une  teiHtrùaUi. 
Vait,  de  duellû.  Cap.  I ,  pag,  a.  Ubrajccli  lâSS.  Bocaaoi  ^ 
(fa  duea.  ,  Cap.  1. 

(^)   l'ayez  lome  II,  pag.  a^i  >  et  Plotakch.  ,  in  WoMtUi). 

(3)  /(  iram  Phrinone  Aûumeaiium  date  cerialunàt,  eui  in 
catùdt  piscii  imaguitcida  eral ,  nU  in  âtadium  dcUdU  ,  «t  «ctl- 
tnoiu  le  pitcan  pcure  ,  euBi  reli  iiivoluil ,  nci/uo  n  tilricare  nu- 
tUnteia  coa/ècii.  Alciat  d'aprài  Thocididb,  de  lingid,  cei>- 
buw.   Cap.  XXXIX. 

(4)  Le  combat  dei  Trente  eut  lieu  an  i35a;  il  Ml  f,ta6- 
toiement  counu ,  *e  uauiaut  d^ccil  ilaut  pieii(ue  lout  lei  bii- 

30 


ton«n8|  notamment  dans  MmtmmAM^Mr^  cknm.,  tom.  m, 
fiag.  903  f  éUit.  1719.  kwqvKTtv^  ton.  m  f  pag.  166.  Gdn^ 
en  a  donné  les  détails  les  plat  éteadsa  et  les  pims  exacts  est 
ViLTy  Hisi.  de  France,  Xiqm.  IX,  peg.  11  ec  avÎT»,  d'aptes 
DAEOBvmiy  ^tft.  tU  BrtL 

Richard  Bembro ,  capitaine  anglais  ,  mminiidant  de  k 
garnison  de  Ploërmel  >  br&lant  da  désir  de  Teiiger  la  mort  de 
TThomas  Dagarne ,  son  compagnon  d^antea,  tué  derant  Aarsj, 
portait  la  terrenr  et  le  rarage  dans  tons  les  eorironSy  masia- 
ciant  indistinctement  les  marchands  ^   les  nrtîaans  et  les 
laboomirs.  Le  sirs  de  Beanmanoir,  gentilhomase  breton, 
demanda  nne  conférence  à  Bembro  aTec  on  sovf  conduit ,  et 
l'ayant  ebtenne,  il  Ini  reprocha  de  frire  moÊivmùe  guerre  en 
•ttaqnent  des  gens  incapables  de  se  défendre.  Le  fier  An^ais 
ne  crat  intnfté  rt  répondit  à  Beanmanoir  qn^  ne  Ini  appai- 
tenait  pas  Ini  et  les  sfena  de  ae  pamngtmer  (comparer)  aai 
Anglais»  Beanmanmr  répliqna  par  un  défi  4}m  litt  eccepté  par 
BembMK  Le  Ken  d«  rendex-Tons  f^t  tndiqné  piéa  d'en  chêae 
#ntre  Plofinnel  et  Jœseiin.  Il  iPy  tronva  trente  oombattans  des 
deux  oftiéa.  Lee  historiens  en  donnent  la  liste  arec  qaelqacf 
^NMriantea  sar  denz  nomSi  et  sans  tomber  d*accord  sar  le  poist 
de  ssToir  si  le  combat  eat  Hem  à  pied  on  à  cheTSl.  Toate  la 
«obleaae  de  la  contrée  y  asslaia  a^cc  des  sattf-condnits. 

Atant  de  donner  le  s^àl ,  Bembro  eat  m  acrvpale;  il  firt 
ttOBTer  Beanmanoir  et  Ini  £t  qn*il  croyait  ce  combat  ùrigdtet 
«l'ayant  pas  obtenu  le  con^  des  princes ,  et  proposa  de  re- 
mettre la  partie  à  nne  antre  fois.  Mais  le  Breton  répondît  qa^ 
JM  s*en  retonmerait  point  aanr  mener  tes  mains,  ef  sçmw  fd 
mndr  im  pins  hetk  tome.  Les  compagnons  de  Beanmanmr  lareat 
de  l*aTis  de  lear  commandant.  Bembro  inaistant  anr  ce  qae» 
aana  le  congé  des  Princes,  la  qnerelle  de  cenx-ci  ne  seisit 
pas  terminée,  celnl-ci  répliqna  qa'H  ne  ^agUsaU  pas  de  k 
^fuereOe  des  princes,  mais  de  l'honneur  de  la  Bretagne, 
Là  desaas  le  combat  comment  et  fiât  des  plus  acharnés. 


—  3  — 
PrMijae  rnni  In  Angluîi  retitrenl  nue  le  iliamp  île  bitiîlle; 
crux  qui  te^piraient  encore  forent  esiommé»  on  égorgé*  p«r 
le  TaiHqncnr.  Bcnibro  fut  tué  de  la  main  d'Alain  de  Knë- 
renrecb  au  momoni  où  ii  l'élan^aii  lur  BeaumaDOir.  Cefui-ci 
ayant  reju  une  bleitnrc  qui  lui  tuuil  perdre  beaucoup  d* 
aang  ,  demanda  k  boire,  Btauuuinoir,  boii  ton  lang  ,  lui  cria 
l'un  dti  iieni,  <i  la  loi/  se  paisera.  Velï  attribue  ce  propoaà 
Geoffroi  Duboli  ;  d'autrca  biilorieni  le  mènent  ilani  la  bouche 
dn  si(e  de  Tenienûu:. 

Mer^iai  rapporte  en  note  qne  Bertrand  Dn  Gnetclin  emt 
pitti  lard  lin  duel  arec  le  même  Benibro  qn'il  lua.  Vely  relèTe 
celle  erreuf  et  liûi  obiciter  que  l'adveriaire  de  Da  Gueidin 
fut  Guillaunte  Bembio,  parent  île  Richard, qui  fut  réellement 
taéau  eoia\ut AeaTreme.DAtataTui, Hùt. de Bivt.^SAr.VUt, 
Clup.  XXXIV.  FaoïssiKD,  fie  Je  Du  Gueidin.  M.  S. 

Quant  au  combat  ietSijX ,  aucun  de)  a nieuri  précédemment 
citéi  ne  le  lappoile.  Héhavi-t  le  mentionne  eu  ion  Abrégé 
chivn.,  à  la  date  de  ti^i-  Il  eut  Hgu  1«  6  mai  de  cette  année, 
devant  le  cbllean  de  Montendre  en  Xainionge  Le  roi  Charlei 
Vil  avait  cboîii  Arnauld  Guilbem  de  Barbazen  ponr  £tre  chef 
des  tix  autrei  cbevalien  franjaii  et  conibatlre  autant  de  che- 
Taliert  angldîa  dont  le  cbcf  était  milord  Scalei  ou  de  l'Escale. 
On  le  battit  ï  U  l'ie  dei  deux  armée*  de  France  et  d'Angle* 
terre,  et  en  préience  de  Jean  de  Harpedène,  aénéchal  da 
Xainionge  ;  et  dn  comte  de  Ruiland ,  commiiuirei  délégué!^ 
l'un  par  le  nn  de  France ,  l'autre  par  le  roi  d'Angleterre. 
Charles  VII  récompenïa  celte  victoire  et  lea  autres  exploits 
de  Barbaidn  contre  lei  Anglaii  par  des  honneurs  dignei  d« 
loas  les  deux.  Tar  lettre*  patentes  du  10  mai  i^ïa,  il  fut 
■utori]^  â  se  qualîEer  chci-alitr  ioia  reproche,  à  porter  trois 
Beu's  de  lys  lam  barre  dana  »es  armeii  et  voulant,  porte  le 
charte  ,  911 'ii  toïl  enscvely  en  VfgUte  de  Smnct-Denyï,  en  nowpe 
cluiiielle  et  à  aottre  c6lé,  etc.  Celte  cliartc  est  rjpporttfe  toute 
eolière  par  Moaxai ,  v.*  Barbtami. 


—  4  — 

.    (5)  /  oyei  TfTK-Li¥»  et  PLWàmQVi. 

(6)  Voyez  lom.  II*,  pag.  167. 

(7)  Voyez  LjlBrbt,  Hht.  éTAn^.,  tom.  TI,  p«g.  67?. 

(8)  '  Voyez  Datsigity,  HigL  ww.  de  t Europe  ^  t.  Il ,  p.  171: 

(9)  Voyez  Ift  note  S76. 

-  (10)  Ge  cartel  fat  envoyé  ptr  François  I.«r  à  CharleM^Mit 
qui  l'eyent  âiit  pritoiinler,  s'était  conduit  à  son  égard  moins  ea 
roi  qu'en  corsaire ,  et  lui  ayait  fint  reprocher  par  son  ambts- 
aadenr  d*avoir  Tiolë  sa  parole  dans  Texécutlon  des  condttîoei 
alipiilëes  ponr  sa  rançon;  ce  qui  n*était  que  trop  Trai.  ¥m» 
1^8  !.•',  pour  recourrer  sa  liberté ,  arait  tout  promis,  et 
«quand  il  se  tit  libre,  il  n'exécuta  rien.  T!  8*excusa  sur  la 
Yiolence  morale,  et  le  roi  chcTalier  crut  avoir  mis  son  honnear 
à  couvert  par  un  défi.  Un  chevalier  romain  n'aurait  pas  ima- 
giné cet  expédient  au  temps  de  Régulns. 

Voici  la  formule  du  cartel  1  ce  Nous  François  par  la  grâce  de 
Dieu,  etc.  à  vous  Charles  par  la  mesme  grâce  roy  des  Espagnes, 
TOUS  faisons  entendre  que  si  vous  voulec  charger  que  iamais 
ayons  faîct  chose  qu'un  gentilhomme  aimant  aon  honnear  ae 
doive  faire,  nous  disons  que  vous  avez  menti  par  la  gorge  et 
qu'autant  de  fois  vous  le  direz,  vous  mentirez  :  estant  detli- 
béré  de  deffendre  nostre  honneur  jusqu'au  bout  de  nostre  vie» 
protestant  que  si  après  cette  déclaration ,  en  aultres  lieax, 
vous  écrivez  ou  dites  paroles  qui  soient  contre  notre  honnear, 
la  honte  du  délai  du  combat  en  sera  vostre  ^  veu  que  veaant 
au  dict  combat ,  c'est  la  fin  de  toutes  les  escritnros.  t» 

Du  reste ,  cette  afifaire  se  passa  en  paroles.  Malgré  maints 
messages ,  on  ne  put  de  part  ni  d'autre ,  tomber  d'accord  sar 
les  formes  et  les  conditions  du  combat. 

Tous  les  historiens  ont  parlé  de  ce  cartel.  V,  D'AvDionm,' 
Jnc.  Usag.  des  Duels,  et  Vsly,  Uist,  de  Fr. ,  tom.  XXI V, 
pag.  225, 334  et  suir. ,  et  VoLTaïas,  Essai  sur  les  Ateeurs. 

(11)  Voyez  He VÀULT,  j4br.  chron,,  pag,  5o4,  édù.  lySa,  iii-ia. 

(12)  Voyez  Chap.  XXIV,  pag.  355. 


{131  Consuevemnt  çuoqui  lumpio  cièo  ad  vêtianm^prviit 
eatuâ  intiiUc,  covcrialionem  lurf^iites,  ax  pi'omeau'oiit  ecrtart  in- 
vica»,  mUd  hatiul  viia  cura.  Dion.  Sicul  ,  Rcr.  aiui^. ,  lib.  Vt. 

MarlÙ  tludio  et  auiaua-um,  anicm  imiielu.  En  imfKer  h  ^piii 
tôt  iiTÎekl,  adunati  ivgaai  pariter  inriint,  Aperli  i/uidcui  niliil- 
fua  firameJUali.  Undi  contri  te  militare  voiciuiùM  uuuuuelî 
at/niii  UactaLiUi  fitml.  Stixio,  de  iiiu  Orbit ,  lib.  ly. 

Sic  igiOtr  Gain  vêtent  Cnecit  iilii  npmhendimtur  ai^n  in 
tjutdem  adiia  tocictmem  Geruuini  Jrairrs  à  Taeilo  vocmntiir 
fmni/ue  el  ebrietatit  tl  coaUiitioiiii  nomine  acvuiantur.  R&Mm,  de 
munibus  vêler.  GaU. 

Foya  anisi  Athihée,  DipHoioph. ,  là.  f,  et  M  qaia  été 
dit  dca  eipédïtioiii  f>aut(naei  en  Grèce ,  tara.  II ,  pug.  3o*, 

(14)  l'<yat,leiChap.XletXin,  et  fMuim, 

(lli)  Les  tcitei  cités  en  la  note  li  ont  Éait  croire  k  (luel- 
(|uei  écrivains,  Dolamment  i  M.  de  Morinconrl,  aulciir  d'une 
Hittoiie  de  la  Guide,  récemment  publiée  ta  trois  voliimei 
in-S.°,  (|u«  le  Duel  existait  chei  les  (iiuloia  urant  l'invasion 
des  GermaiRs;  mais  ces  lûet  tanglantei  n'èuicuc  pai  de 
vériubles  dueU. 

C'était  plutilt  chei  l'ennemi  que  anr  le  territoire  qae  lea 
Gaulois  M  liirsicnl  enu'eux  à  ces  ■clr«  de  violence*.  L'an  de 
Rome  ^3 ,  une  nombreuse  umée  de  Gaulois  deiant  laquelle 
siaient  [ui  les  Ronitins,  s'exteTniitii  toute  entiése  en  faca  de 
l'ennemi  ûIj  Builc d'une  de cei rtxei do  lable.TiTE-LiT»,  {iit.X. 

(Ifî)  l^n;'»lIoiiàaE,  (V)'ii«,ct  IcCUap.  XXXVII. 

(17)  La  ylupari  de*  philesoplios  ont  bit  l'éloge  dn  saiciila. 
An  temps  de  Taciio ,  c'était  on  moTen  d'éviter  la  con&acation, 
prtliaiH  Jestinandi. 

(15)  foyez  TnuCTDtne,  et  le  Cliiip.  XXXVU. 
Sonate   répondait  à   quelqu'un   ijui   l'engageait  à  poiter 

plaints  en  )ustice  pour  un  coup  igu'il  aiait  re^u  de  lu  tusib 
d'un  brutal  ;  Si  un  ane  wi  «ijir/i.i/vc  du  iiied ,  me Jènei-voiit 
filaidtr  contre  bu  ? 


—  «  — 

(19)  Cette  )olie  ode  est  U  sa.*  dn  Ut.  I. 

(20)  Vorez  CoMiLA»  db  Bftf.  i^M.^  Hh.,  V,  C^.  XUF. 
(U)  Ce  combet  est  rapporté  aa  Ckap.  XXXIf  pi^.  65. 

(22)  yoyn  BAsviLOB  »  DâMerr,  «mt  Im  Affb ^  CSuip.  L« 

(23)  Dûù  9iie  C0M  0d  AhdjTÊÊnm  mmm  f  EgrtdmmÊt 
Jhràt.  Cûmfm€êâetam0igro€(mmarr$xàC0fn 

nuim  Abd0iin»0ifpcU  cm».  Gbvm.|  G^,  /#%  v«  8. 

(24)  Cùm  qmcirctÊmtpejnnm  kàf  Mtfm  tfftt  eC 

•^  is. 

(25)  Keres  JvwTs ,  Cbep.  VU  et  XVI»  tt  VOimmt  ém 
Juifs,  de  JocBW* 

(26)  Fcyt%  lelAredbt  Jloèi,  lir.  I,  Cka^  XVH. 

(27)  Le  TJeil  gnteUe  ea  préeeatat  poiar  owfcigtte  lkrè% 
Itti  Jette  sott  cette  o«  gaatelet  de  Sui  mm  ecm»>ce  pet  là 
Torigiae  dm  )et  da  gant  daaa  ati  diaala  WÊudmKmm  \ 

Voîd  iMi  trait  qai  t^iaoigaa  do  Vtnàmm&m^tz  da  tm 
•omiNitt  chea  loe  Graca.  AMmùàam  teMa«  «ikléia  maà 
ianané  toaa  aaa  adveiaairea  aajt  îant  olyaipi^^ea»  lie  darner 
^mi  lai  restait  i(  Taincie  arait  élé  mit  lic»a  de  oaoïhat  ci 
a^était  atome  Tabicm  \  mait  «arptemaat  AjimicUtfMa  ^  tiail 
ceaté  de  le  pretter,  il  le  prit  à  la  gorge  e%  rétrmngkaiflc 
•et  onglet^  ht  prix  de  la  Tictoîre  lut  méamimoÛMi  adjagé  à 
Arrachiom ,  <|ai  fat  déclaré  Ttimatur  aprèa  aa  n«ort. 

(28)  Kqres  Chap.  XXXII,  pag.  i^xk 

(29)  Dana  lea  premiers  tiéclet  de  Rome  «  om  iaimolait  dti 
captift  tmr  lea  tombeaux^  Gkea  lea  Trojaaa,  les  kwamu 
a^oaTraîemt  lot  Teiaea  poar  anotas  do  loar  asa^  lat  Mchtfi 
de  leart  maris.  La  chote  ae  paate  oacore  plaa  aécieiacaieal 
chea  let  Toafoa  da  Malahar^ 

I/emperear  Commode  prit  part  ea  poiaoMic  aaa  comhitt 
de  gladiateart.  Fqym  Bérodim,  Ltr^  I  et  kt  ujarfan  é 
^mJûuHcêâ,  an  tomel,  pag.  45i, 

(30)  Ces  témoignagea  acait  rapporiéa  «sa  Cba^  ttyip 
at  XXXIV  leifwm. 


kl  Gauki,  Lit.  I,  |i3g.  9,  in-4.*. 

(32)  yoya.  G.Boo».  Tu.os.  ;«i«™,  la  noie  36  et  1» 
Ctup.  X.pig.  6ij. 

(33)  Koj  ei  Cbap.  XI  el  XIII ,  peg.  Si  «  î^î. 

(31)  rc.;es  les  [ciieiûlëiHnCbap.  XXXIV  et  lUxaMU 
379  et  33o. 

(35)  l'iy-M  TiciT.  Germonûit,  Cap.  P/. 

(36)  CloTJt  n'av«il  lucune  teinture  Je  1  tciUMiitdA  IVeiir 
•ure.  Cbarle[nB(;iie  inime  ne  invait  pai  signer  «on  noin,  fayea 
cepeniUnt  lur  ce  point  ce  qu'a  dit  Ciutbi(i«iiiabu,  EiuiL 
Via.,  tom.  m. 

(37)  t'ojex.  Il  noto  cî'deNUS  et  te  Cliap.  XI,  pag.  St. 
(3S)   f'o)ez  MoiTTinjviEii  t  Esprit  Jet  Loii,  LtT.  XXVIH, 

Chip.  VU. 

(39)  foja  Chap.  X ,  pag.  73. 

(40)  l'of-ci  MosTtiKjuiBV ,  fipnï  f/ci  £011,  Lir.  XXVIO, 
•t  RoisaTiOB  t  //iM.  £/c  Charla-Quiiilf  tom.  1. 

(41)  La  loi  GomhUe  ne  fut  qu'une  oidoiinnnce  de  réfor- 
vation.  Le*  loii  laliqucs,  lipuaitas  el  autre!  lois  biibaras 
tlisLiient  long-lcmpt  aup«iiis«nCi  maift  on  cioil  iiu'rllea  nO 
firent  rédigùei  que  tom  Cloiii.  t-'ojei  Leg.  Lansub. ,  lit. 
tl',  ait.  =3. 

(42)  f^or  e:  t'ordonnanctt  de  Philipp^-ls-Bel  tut  1m  cAtt- 
vonics  du  iluel  apuii  Duca.>oa,  G^ij.  v.'  DutUuin,  et  Bur 
xici,  Ditsert.  tur  Ut  Diieli,  pag.  ijOfliaiie  I74p> 

(43)  f'ojrn  la  note  a?. 

(44)  ro^M  Tom.  I , pag.  t6i ,  «l  Ton.  II ,  !>■£.  l64^ 

(45)  fo,«Unole4î. 

(46)  Toutes  cet  liirmaliciïa  étaient  le«  mêmes  d«nt  tonta 
l'Entope  et  a'obser>aieut  à.  in  letlie  avec  one  pottclualit» 
Minirqiuble.  t'oya,  le»  Cbap.  XXXt  et  XXXII. 

(47)  yoyei  Bituuisaii.,  CuitCume  de  ËvuifoiiU  et  lei 
Auuts  dt  JiiHtalcin. 


—  8-— 

(48)  On  peut  TOtr  \m  direnef  formnlet  de  oeê  ûémmti» 
clans  Bba VMiLVOiB.  Voici  celle  des  Assises  de  Jértttalem  .*  «  Le 
gnarant  que  l'on  lie? e  »  si  corne  es  parfur  doit  respoadre  à  qo| 
ly  lieve  :  n  Tu  menu  ,€lje  suis  prêt  de  défendre  mom  cors  co»- 
tre  le  tien,  elle  rendi'oi  mori  ou  recréant  en  une  ourc  dou /oêt  , 
et  vessi  mon  gaige.  »  Lors  s*a|>enoaTlle  l'apeleoir ,  et  loi  tead 
■on  gaîge.  i»  Chap.  LXXIX  et  LXXXVIL 

(49)  Foyez  tome  I  »  pag.  45. 

(50)  yojre*  BBA.UIUSOIB.  |  snr  la  Couiume  de  JBem0oint, 
Chap.  LXI|  pag.  3i5. 

(51)  Le  sort  du  Tsinca  était  le  même  pertoat  cà  le  combat 
)«diciaire  était  pratiqué.  On  ne  différait  qae  aor  le  genre  de 
•npplice  I  la  décollation  on  la  pendaison.  Dana  quelques  Uenz 
comme  à  Cambrai ,  on  traînait  snr  la  claie,  f^ajrez  note  55. 

En  continuant  cet  usage i  Saint-Louis,  dont  TaBtipatkie 
contre  les  duels  se  réréle  dans  tons  ses  édita  ,  uurait-il  foala 
dégoiiter  les  duellistes  par  la  crainte  du  supplice?  Un  maré- 
chal de  France  tenta  la  même  chose  en  Piémont.  (Foyx*  noie 
4ii).  Mais  c*est  là  un  faux  calcul  *,  dans  Tordre  moral  comae 
dana  Tordre  politique,  le  bien  ne  fient  jamaia  de  l'excès 
du  mal. 

(52)  Quelle  que  soit  l'opinion  qu'on  puisse  aroir  aujonrd'hai 
sur  l'authenticité  de  l'histoire  du  Chien  de  Montargis,  elle 
n'en  a  pas  moins  été  tenue  pour  yraie  par  lea  plua  grarei 
historiens.  Elle  est  et  elle  restera  long-temps  encore  une  dei 
légendes  les  plus  populaires  de  notre  pays.  Les  circonstances 
de  cette  affaire  sont  trop  connues  pour  qu'il  soit  utile  de  les 
rappeler  ici.  Tous  les  chroniqueurs  qui  ou  ont  parlé ,  s'accor- 
dent à  dire  que  le  roi  Charles  V  présida  le  combat  qui  se  pasu 
dans  l'ile  Notre-Dame  à  Paris,  l'an  1371.  Le  cheyalier  Macaire 
yaincu  par  le  chien  d'Aubry  de  Montdidier,  fut  enroyé  sa 
gibet.  D.  MovTrAVCOH  dans  ses  Motuanens  de  la  Monardu 
franc, y  tom.  III,  pag.  69,  en  a  donné  une  grarure  d'après 

un  tableau  conserré  an  château  de  Montargis.  Il  a  puisé  sou 


r^titiInnad'Acuiavtiii.^oc:.  I/mii;.  dci  Ihicli ,  Ctiap.  XXIII, 
lequel  a  été  reproJuii  a  loa  tour  |mi  1..v  CouoHiihHE ,  TAftK. 
ilhon.,  tom.II.Cbip.  XXtIl,  |.rig.  Soo.  Lci  ccii*ùii>  origl- 
oiux  «onl  Olivier  de  U  Udiilio  ei  Julei  Source 

(iiS)  Ce  técit  te  uouïc  auai  liam  Li  CoLowdàm», 
Thrdt.  d'hon.  L'eciÎTiin  oiiginil  ed  Jeun  de  Bouidigae  , 
auteur  de  VlJiiloirt  tic  Poitou,  dont  le  texte  lalin  se  troui* 
■D  recueillie  O.  Bouquet,  Scripbir.  rtr.  /raitcic,  lom.  IX ^ 
pag.  aC  el  37.  Dan«  l'Jri  de  viiifter  Ut  dMist,  Ingelgeiiu  e« 
appelé  Geofiroi, 

(54)   Voytzc6%<^u\e\tiViReattildtt  Orâann, 

(âa)  Ce  fut  l'an  1076  que  l'établit  U  commune  de  Cimbrd.' 
«  Il  existe,  dit  M.  Lsolat,  dam  la  Lcwc  uir  la  Dad» 
judiciairti  du  nord  de  ta  Fr.  ,  dont  il  m'a  tait  l'iionneuc  ila 
n'olTriT  la  dédicace ,  une  ordonnance  ré^^teinentaïre  fort  cu- 
rieuse qui  n'a  jaumia  été  imprimée.  Elle  est  «an*  date  et  ae 
trouTe  écrite  'a  U  tuite  de  la  loi  Godefroï  avec  r.e  titre  :  OeM  li 
ordvnnance  et  ii  usaîgei  det  ^liaut  de  balaidc ,  campel  cl  det 
caiiifiiunt  Je  le  cite  de  Cambray.  Elle  contient  36  art.  doul 
l'un  prescrit  en  cm  tcrmei  de  (raln«r  le  raincu  lur  la  claie  ; 
El  ijna/ui  U  baluiUe  eiljaile,  li  prouvas  doà  a\'oir  afipanllitt 
etporveat  aucoittt  mon  ligueur,  kevid,  goheiiaui  el  traii  ioii/Ji- 
aanttuent  pour  celuyj'aire  traùner  là  vaincus  est. 

{66)  On  trouve  un  tuez  grand  nombre  il«  cet  choftea 
mentionnées  dans  une  foula  d'biitoirei  et  de  cluoniqiiet. 
Le  Recueil  des  Ordonaaacct  en  contient  une  fort  curieuae 
de  Philippe  ■Auguste ,  donnée  ponr  le  Languedoc. 

(57)  Je  luis  tombé  ici  dam  une  orreur  qui  m'en  com- 
mune avec  M.  TaiEaai,  dans  m  !•;.' Lciirc  tur  VHiil.de  Fr., 
où  il  fait  de  BjlJcric  un  évéque,  quoiqu'il  ne  lui  a|iparllenn« 
en  réalité  que  le  litre  modeste  de  ainiple  cluntre.  M.  Leoi^t 
leléie  avec  sa  ugacité  ordinaire  celte  erreur  dans  la  prébce 
de  son  édition  de  Bii.i>ekic»  Cambrai  i3j4  i  d'jprci  le* 
BoUaadiMçi  et  D.  Bit£I. 


.    (88)  Voftik  RiLOVBiv»  GImsmô«v.«  CT<iyiVn>, 

(60}  r^r<«D.  I.«ll'AiaantT,4MMbf.,tMi^Vin,etla 

Vie  d9^  Cnlhtif  fMtf  M.  de  Fèrtia^ 
IdÊL  leMre  d*Y?M  d0  QwrWt  tt  trowe  an.  Meatil  de  Dti 

CBBMI9 ,  ^iMk  Frmne.,9  wrifi..,  tooi.  IV,  peg.  fl4s. 
Oa  y  9eaianyi,e  ce  peiMge  qel pvoiive  combien  U.doclite 

eoBiae  UdiKipUee  eoclMMtiqae  wraieiU  tpajoart  été  oppor 

âéet  «oie  dAelei  màlgté  Ket  <c«Kti  imdjlfidmile  de  qnelqicft 

ipembree  da  de^  y 

iddi  jiur^knU  ùOerfifenMf.  rsbdtrtÊm  nobU  quod  «ocIm 
fWJtm  dtÊm.  ptrugemUth  mfmomfÊckim  etnutifupriu  Qaod  m* 
^mnUê  valdè  nUraii  mmttê,  dm.  mowmmchhi  vix  œa  mm/jumik. 
^inc  êqnguùUê  ^ushm  trqmigi  Ww^.  JmdipHim.  vtrà.  umgàék 
mr%fmnda  Pçtrum,  ëutodU»  ojcneot.  ^igàqre  prakSbeq/L  M 

latkani  conirà  Theoèergam  rtgùum  :n.M<(momaiAuim,m  kgm, 
m>n  asuÊmùmu  quam  mnêoce$wtX$.  mfttros.  mjnimè  «coqpw» 
«fgnoscimus». n, 

(60)  «Mentleeseiilaiiicle.etftàBOaottlliE  faLpIedtit^u^ 
kabuimm  i»  a»iio  pn»terito  »  et  dîctpuo  est  ibi ,  ju  ptlM 
ipparet,  qiu>d  am  ille-qoi  crimea  in^erit,  an»  lile  qpii  ae  tiIi 
de£en4ere ,  i^vare  ae debeaii  meli^.Tiaimi  est  «t  in  caflif(k 
cem  (ÎLStibtu  parier  coAtendanfc,  qp&m  perindaia  jic^tieal 
Ifi  abscostfo.  Leg.  Ltmgo^,,,  bb.  //,  dt^  LF  ^  f .  aS.. 

(61)  a  Arma  qobqne  non  ierret  ;:  dîrepte  non  xepetiereti 
ani  sanguinic  tsI  cnjiuUbe»  ]»roxîini  «ûniv^  nitor  ezîsteaa 
percnssoribua  cogeretiuc  iadnJgere.  •...••Qaod  qal  noUel 
ehristianîtate  priTaretnr  et  exeuntem.  de  aiecnio  nnllus  ▼»- 
taret  neç  tepuIlaraB  traderet.  u.  Tela  sont  les  termes  de  la 
Trh^  de  Dieu,  ordonnance  eccléatastiqiie  rendse  soas  le 
règne  de  Henri  L*',  et  qoî  devint  loi  da^  xoysome.  Fcjcz 
lom.  I,  pag.  68. 

(62)  Ceue  ordonnance  fiU  csndiuB  pour  la  réfocmation  de 
la  coiAtume  d*Orléan«» 


—  !1  — 

(C3)  ATant  celM  wdotiiuDcc ,  en  lajS,  Saini-Losii  aiaii 
permis  un  duel  )iou[  !■  juitification  de  Hugues  de  LsaJgnnn, 
comio  de  U  Uu-clie,  acciuédevant  lui  de  Uatiiion.  Malliiuu 
Paris  qui  cite  ce  fait  ajoute  que  le  combat  n'eut  ]ia*  lieu. 

En  laSf ,  Saint-Louii  accorila  bue  tiabiiana  de  Suini-OmM 
«ne  cbtrle  qui  le«  dùpensoit  do  ■«  hattre  en  duel  lion  d« 
leur  TiJle.  SiyU  du  Parlanent,  pavt.  I|  CItAp.  XVI. 

(64)  £d  1393,  luifani  la  Chromqut  de  yaiigû  ,  ua  dael 
C^Utiio  aiait  eu  lieu  ■  Giwri  le  jour  do  la  Pentecàie  en  pifr- 
MDce  du  lUi.  Le  dûbat  s'était  Élevé  entre  loi  comte*  de  Foix  et 
d'Aimagnw  pour  !■  autceuion  de  Bàam.  Toui  deux  entrérenl 
CD  Jice  et  conbatlireni  à  clioal  j  maia  le  rolj  à  la  prière  du 
comte  d'Artois ,  St  ceuer  le  couibAi. 

(60)  Ce  fut,  laloD  Bashaob,  Diuert.  tùst.,  à  cause  il* 
l'oppoxilion  de  la  noblcsac  du.  royaume,  cooime  il  arriva 
■ous  dtarlemofine  ,  ton*  OtUon  et  aoua  Saint-Louis  qu* 
Fbilipi>e-Ie-Bel  fut  forc4  de  revenir  sur  son  ordonnance  d« 
i3o3.  Il  chetcba  à  râgnkriier  un  liéaonlre  qu'il  ne  poitvaîl 
sni^antir. 

(66)  c'est  JuiïMc  uaa  Uast»  qi^,  dans  aon  histoïM 
de  Cborlei  VI ,  témoigne  en  ces  letmet  de  l'innocence  da 
JjCpris  :  n  Depuia  ou  sceut  véritable  ment  i^u'il  n'aïaît  oiio 
^ues  commis  le  cas  et  qu'un  autre  l'avait  Faict,  lequel  uio«a 
rut  de  la  maladie  en  aon  lict  ei  en  l'article  de  1*  mott,  U 
confessa  devant  gens  que  ce  avjJi-il  l'uû.  u 

(67)  a&ia,rMiiiait.v,Eip>iid<ii  Lou,lÀi.  XXVUI.ClMp, 
XVUI. 

(68j  ftgra  BiAVT&x(  ,  a'Aifi>iCGt£a  et  I»  pUpatt  dea 
kislorieoa, 

(69)  yoftt  BiJtBTd»,  Duc.  tur  le*  DueU ,  pag.  66. 

(70)  Braiiiôme  dit  que  Henri  II  refusa  le  camp  toiu  ù  i-lta, 
Lef  circonstances  de  ce  du,el  aont  assci  curieujet.  Il  eut 

lieu  le  aS  aoAt  1549 ,  en  grand  appareil ,  et  lut  précédé  de 
loute*  le*  cétémoniet  en  lujge  en  |urcil  cas.  Fendille  taUcK 


par  d*Àgnarre  demaiida  grftc«  de  la  Ha  et  liif  }eté  bot  èm  camp 
par-dcnma  l^nceînte  comme  mn  mc  db  Mbi#j  porte  la  telatioÉ. 
Cette  reletioa  a  été  imprimée  à  Sedan  en  i^Sao  afec  tomi  let 
dëtaîli  de  la  procédure.  Bf.  Fortia  d^Urbatt  Pa  leprodaite  eiî 
m  yk  de  CnlUm,  tom.  m,  pag.  5o  et  toir. 

(71)  La  conspiration  dont  FaeiereccBaaitAJbeit  de  Layaes 
est  celle  -de  Laa&ole  et  Coconat,  qni  eot  lien  en  1574. 

Cette  circonatanca  n^ett  pat  la  «eale  oh  Charles  IX  se  senit 
aenri  de  l*épée  des  dnellistes  ponr  se  débarrasser  de  cevx  «fd 
lai  portaieat  ombiage.  Georges  de  Villeqnler,  neren  de  cda 
fai  an  jonr  poignarda  sa  femme  en  plein  Lovrre ,  feçat  Pte- 
dce  dn  rot  I  dans  nne  partie  de  chasse ,  de  proroqoer  en  dnd 
le  jeune  Lîgnerollcs  ,  favori  et  confident  du  dnc  d^Anjoe, 
et  le  tua.  On  connaît  auui  les  exploita  dn  Cinienz  Maarerel 
fn*on  appelait  publiquement  à  la  eoar  I0  Taetir  du  Jki.  Ai- 
QUSTiJL,  HitU  dôFr.,  tom.  VI,  psg.  336. 

(72)  Cette  erreur  qui  fnt  commune  aux  Meaeray,  sax 
Vely  et  aux  Anquetil  a  même  été  encore  tout  récemment  re- 
produite par  les  auteurs  du  Recueil  des  anciennes  Loisjrmnf^ûseff 
MM.  IsAMaaaT  et  om  Causr.  yojm  tom.  Vn,  png.  199. 

(73)  Il  ne  parait  pas  dn  reate  que  rordonnance  restrictifs 
de  Charles  VI  ait  été  motirée  par  la  duel  de  Garronges  et  dt 
I«egris.  D'Audiguier  affirme  quelle  fiu  la  suite  de  Pextrarsgfliit 
défi»  publié  par  Jean  de  Verchin,  sénéchal  dn  Hainaut ,  et 
qni  fit  dire  à  Voltaire,  Essai  sur  Us  Mœurs ,  qoe  l'original  dt 
Hoo  Quichotte  était  de  Flandres.  Fojre^  an  tom.  Il ,  Chjp. 
XXX. 

(74)  Le  récit  de  d'Audiguier  est  fort  long  et  surchargé  de 
fastidieux  détails.  Il  suffira  de  ssroir  qa*un  de  ces  appels 
eut  lieu  psr  autorisation  du  roi  entre  lea  aienra  de  la  Per- 
rine  et  de  Vanlay.  Celui-ci  proroqua  Tautre  pour  en  aroir 
été  accusé  d'un  vice  infâme  que  l'histoire  ne  dit  point.  Le 
iour  fixé  pour  le  combat ,  François  !.•'  se  rendit  en  grand 
appareil  arec  toute  la  cour  pour  le  présider»  mab  Vaniiif 


—  Î3  — 
Si  r.iute.  n  Qnelquet-nns  ont  cru,  dit  d'AudiguIer,  qnt  ce 
ne  fui  pu  liiDie  île  courage,  mnii  parce  que  Vanlay  nviit  t^ié 
a  jTCrti  que  le  roi  lui  en  TOulaii  a  l'occasion  de  M."">  la  rtgenio 
et  qu'il  reùt  fait  plulâl  cambaiCre  par  un  bourrenn  qae  pat 
son  ennemy.  u 

En  i5Î7,  François  I."  assiiia  i  on  combat  réel  entre  tet 
aicnrs  i!c  Veniera  et  Je  Satiay.  Ce  combat  eut  lieu  à  Monlina. 
On  tin  d'abord  l'ëpce  i  maia  ni  lui  ni  l'autre  ne  xacbant  l'eit 
Mrvir ,  on  s'arma  de  poignarda.  Le  roi  lii  alora  cesser  le  com- 
bat en  jetant  le  Mton  ;  mais  Venieri  aFtii  reja  une  blectura 
ilont  il  mourut  quinte  ]ttat$  tprii.  Ànc.  Uiag.  detDueli, 
«bap.  ÏXV. 

(75)  fojei,  far  l'origine  et  lea  d^veloppeinen*  de  la 
ctieraletie  ,  la  (aTanie  iliuertation  de  MM.  de  U  Corne- 
Sle.-Paleye  Mimoini  de  fAcad.  du  Inic.  et  da  ieUti-ttura. 

(76)  fojezhAtitmr,  /hit.  dAngUi.,  tom.  Il,  pag.  477. 

(77)  tfyc%OrtoYt.waodes«ii-F<'dtrieI,Cap.XXyin, 
t^S-  *'^ 

l'iqex  antd  tom.  II,  pag.  9oa. 

(78)  f'o/es  HènaiiU ,  Meuray ,  Fefy  et  Ampiaîl. 

(79)  «  Diù  «nté  Manuelem  Comneniiim  in  uni  fuére  Ia> 
dicri  quidam  ludi  Suetonio  haMid  vocati,  pcr  crrorem  i  q>i- 
bBadam  dicti  acttexi  ;  bodU  rocabulo  minus  letina  Torneu'. 
jnaita  appellau.  »  Vobt  ,  Je  dutU. ,  Cap.  /. 

(80)  foyn  Hkh»OLT.  Abr.  cfcion. 

(81)  Voici  le  texte  de  l'acte  du  ii.*  Concile  général  de 
X.atTan  du  i4  de*  calendes  d'airil  1179:  DeialabUet  Uiat  min- 
dinai  vetjtrioj  quai  vuigù  tomcameata  vobml  in  ipdiul  miiilet 
<x  condicttt  convemrc  lolenl,  tt  ad  oiunlalionan  virium  luanwi, 
et  audaeiœ  Itmtrc  congixdi,  undè  maries  hominum  cl  animai-uM 
pmnda  iitpè  f/roivai'unt  ,Jieri  prohiirinui. 

(82)  Long'tempi  avant  Js  peltief;tcri<e(/e  C/uUont ,  Geoi- 
froy'Ie-Bcl  dil  Flantafteoct ,  chef  de  la  brandie  de  ce  nom , 
<iui  tigna  en  Airgictcrie  ,  lïiit  dit  faire  un  c^lCbie  (ournoi 


^  14  — 

«HT  kl  fçrèté  d«  Môiit-Sl^Bllicliel  t-  •«  Hcntmmmàiè.  Ce  cmM 
fHt  avtn  aéneux  q«e  IHistio  et  c(»fttm  la  vie  à  platientU 
cettx  qui  y  prirent  iitrt. 

£aii74,UyMtàBeMRaini«m  toutméidam^é  pn HêêûU, 
foi  d*Aiigleterre  f  oà  figurèrent  dix  mille  co«ilMmMi|  ta 
yhiâflaft  rtMèreot  nir  te  plaee* 

Ém  ifl4o  f  k Knp , |irès  Cologne  ,  nn  tooraoi  coûta  II  ?ièi 
eoixsMte  cBersiiert» 

(S3)  «c  Ass  rcgUtrts  de  la  ccMtr  il  ee  troeve  q«e  ledkt  Ai* 
gmste  prit  f  mm  moii  de  mai  1909  de  MM.  Iionii ,  m  fit  iH 
et  PUlippe,  coiate  de  Bologne,  eoti  file  pefaé  qae  nai  M 
congé  ils  nirment  ea  ««ciin  tonmoy  ;  qne  éliê  fVa  ftiioîMl 
linéiques  est  aeprèt  d'cex ,  ile  lee  poàrraieiit  elier  toit  mm 
y  porter  deê  anaei  aiasy  qne  dtevaliere ,  mhm  ankmm  o 
lulecretet«rBMt.»FABTT«.TMéL  êTketm^ppêg.  i9o3L 

Ea  1960  »  Adot-LoBitt  eelon  ICatvisv  Paait  »  at  vit  obligé 
de  défendre  lee  tonmoie  poar  devz  aae.  Son  eaceeaieer,  PU- 
lippe-Ie-Hardi  y  ordonna  an  toamoi  es  1979  en  l'hoaeearéi 
fNTÎnce  de  Saleme,  fils  dn  roi  de  flictie,  Chariee  d'Aafoa.Ui 
des  princes  da  eeag  y  £it  tellement  autltraité  fv^  y  cmnâ 
/crtuns  (k  la  vie,  OvnjLkvnm  na  N ASOie.  f^  dt  PUfpt- 
U^ardiy  Chep.  XXV. 

(84)  Voyec  ear  les  entrée  exploite  de  Jaoqnee  lie  LslisiB, 
en  Espagne  et  en  âcossOi  LâCoLone.  TfUéU  €thomu^  «M.  Di 
Cbap.  XXXI. 

(Sô)  Les  détails  originaux  des  (étee  et  tonraoîe,  célébréf 
à  Cambrai  en  présence  de  Gharies  VI |  ont  été  iccaeiiUs  par 
nn  abbé  de  St.-Aebert  9  contemponda  et  eéeioia  ocaleiief  A* 
ae  tronyent  dans  les  pièces  justificatîree  de  i*ihg9oire  ds  Ci»- 
hrai^  par  CiLnrBirrian  ,  pag.  5i  et  54* 

Charles  VI  aimait  les  jeux  militaires  et  tons  lee  ezerckei 
Tiolens  arec  passion.  Il  conbettit  encore  ea  penoone  arec  le 
dnc  cl*OrIéanS|  son  frère,  dans  an  toaraoi  célébré  en  iSSSi 
et  qni  dure  trms  joure.  Loais  II  d'Aajon ,  roi  de  tf  aples,  et  le 


—  IS  — 

(irince  Charlei,  son  frère,  7  réfutent  l'ordre  <l«  lj  clienlcrie 
Pluiienc*  dtmex  I  dit  le  moine  deSaint-Denii,  en  la  yie  de 
Charla  VI 1  accoinpignércnt  lei  rheitlien  juiqn'il  la  barrière 
et  tirèrent  de  leur  >cin  diverse*  livrées  deruliansct  île  galon* 
«le  loie  [K>ur  récompeiuer  la  valear  de  cei  nolilea  cliampioni, 
I.ea  Hamef  même*  formaient  nne  etpèce  de  iiibanal  qui  dé- 
ceniaît  les  cottronnes  au  Tsinquenr,  Ufiiicl  let  iaûa,  (lit  la 
chronique,  coauru  il  etlaii  accoiaïunê,  et /M  erii  Monl/o/re  l 
moiiU  hautemtnl. 

(36)  Il  y  eut  divei*  aairci  duel*  da  tempi  de  Charlea  VI, 
dont  fui  le  Uoiistrelet,et  d'aprèl  \ai  V  ki.ttit.1 .  Hist.  de  Paris, 
tom,  [I,  liT,  XIV,  pag,  7D0,  ï'oj^i  noiammentceuz  de  l'anfilnit 
JeandeCourlenay,  contre  les  leigneois  de  laTtcmouilleet  de 
CXtr}.  Ce  dernier  fut  ajourné  à  la  cour  pour  l'être  battu  «ans 
le  congé  du  roi  ;  tiuùi  eniuia ,  dit  La  Colombiére,  U  roi  U 
reprit  engrâce  et  rroufa  Aon  ce  qa'd  ai/ait  J'iàu 
(S7)   y<^ei\'%^i.UUU  de  Fiance. 

(8S)  Il  f  eni  notamment  plaiicnra  cirrouieli  aon«  Loui* 
XIV,  qui,  par  ces  exercices,  aimait  à  entretenir  «a  coor  d«ns 
le  golït  des  tubitndei  militairei.  V-oltaisb.  Euai  wr  la 
Mveurt,  Cbap.  XCIX, 

(S9}  Pour  se  faire  une  idée  complète  dei  toumoia  atw 
âi<erM9  époques  de  l'andenne  tnonarcbie,  il  faut  contulter 
le  Thi4lrt  d'honneur  et  de  Chevalerie  de  Lk  Cou)m«i1>e, 
qu'on  peut  regarder  comme  le  recueil  le  plus  complet  en 
cette  matière. 

(90)  L'ignorance  au  moral ,  la  force  au  phyaîque ,  c'était 
là  tout  lo  moyen-ige  ;  aussi  fut'U  l'dge  d'or  du  duel. 
CJi)   yoycs  l'Encyclopédie  nUlhod.  i«  FcoiLilité. 

(92)  Le  lÎTce  Je  l'abbé  Ouboa,  que  Monteiquieu  (rai» 
liabitaeUemeni  arec  tant  de  oévérité  ,  contient  sur  cette  ma- 
tière des  documena  qu'on  consulterait  avec  plus  de  fruit  que 
YEiprit  dei  lait  lui-même. 

(93)  yoyez  Hi»*ni.T.  Akr.  cUrm.,  p.g.  V,  iiUt-  de  175», 


•*.  !6  — 
(M)  yajraliovTànnLtJaLn,  Hùtaù^  de  Cane. ,  gom,  de 

(95)  Fbr^tom.lypÉK.setniT.ceqiiis'etf  puiéamaMh 
pèt  de  VéfOBBe  tout  OiImni. 

(96)  Lêt  prevTêt  ptrticaUéret  te  troateat  à  diaqae  pti 
êrnuB  l'histoire.  Le  plan  drconacrit  de  célIe-ci  pennct  k  pebe 
de  les  indifiuer. 

(97)  En  généiml ,  Grégoire  de  Toart  en  ynremeni  Bini- 
tenr,  et  je  dois  conrenirqn'il  laisse  an  lecteur  même  le  soinds 
juger  les  actes  qa'U  se  borne  à  exposer  arec  «ne  niÛTe  simplicité. 
Comme  la  remarqae  en  a  déjà  été  fiûte  an  tome  I,  page.  35, 
mt  ne  troete  dans  son  Utto  que  deux  cet  de  duels  fort  nies 
•lors.  A  l'égard  dn  premier  il  signale  le  repentir  que  le  roi 
Contran  a  manifesté  dPsToir  fiût  égorger  dans  nn  duel  na  de 
eea  oflkiers  pour  le  meurtre  d*nn  buffle.  Voici  à  Tégstd  da 
second  le  discours  qu*il  met  dans  la  bouche  de  Boeon,  dénia- 
dant  à  Contran  à  se  Justifier  par  le  duel  d^aToir  ÀTorisé  le 
yerti  du  prétendant  Gondebaud.  «  Tu  Donodana  et  tes,  ia  re- 
^ali  solio  résides  9  et  nullas  ad  ea  quse  loqnetia  anaus  est  tes- 
pondère.  Insontem  enim  me  de  bftc  cansft  ptofiteor.  At  n  eit 
aliqnis  similis  mihi  qai  hoc  crimen  impinfpit  oec«ltè  |featat 
aune  palàm  et  loqnatnr.  Tu  rex  piissîme  ,  ponens  Koe  m  dd 
ftu&io^  ut  ille  discernât  cùm  nos  in  ualna  eam|n  planide 
vident  dimicare.  »  Gaaooa.  Toaoïr. ,  lt6.  yit,  Cëp.  XIV, 

Il  est  parlé  dans  la  Tie  de  Saint-Austragésîle  »  ârcheTéqse 
de  Bourges ,  mort  en  6a4  «  ^'i^n  ^^^^  V^^^^  devait  avoir  ea  pré- 
aence  du  roi  Contran.  Mais  son  ennemi  ,  courant  contre  loi, 
fit  une  chute  de  cheval  qui  empêcha  le  combat.  Bollaso* 
in  vilà  Su,''/iusttvig, 

(98j  Ce  prclst  fit  des  remontrances  à  Gondeband  an  sniet 
de  son  ordonnance  de  Sot  institutive  du  duel  indîciaire.  Ce- 
lui-ci loi  répliqua  qu'il  n'y  avait  pas  plus  de  mal  de  termiser 
les  iliifcrens  particuliers  psr  le  duel  que  ceux  des  rois  par  It 
f»ucrre ,  et  il  se  prévalut  de  l'exemple  du  combst  de  Dsrid 
contre  Goliath.  Foyez  Us  txm*re$  de  St,'Avit^  in-^*  Paiis^  i6}3. 


—  17  — 
(09)   r'")e:UtmMtsd,,g,Aai-d,éJit.del!«hte,  ,666. 

(100)  y-ofn  HiBAVLf.Mrchtxn. ,  p«fi,îî5.  ti/ii.dt  ,75,. 

(101)  f'ojt,  u  texie  dei  Cantiùutiont  napoUlainei  e»  la 
noie  as. 

(10-J)   ^ojes  Je  Cpitulâire  Ae  801  ,  .yrt,  île  D.Iuï*. 

(103)  On  ne  lannit  trop  »'*tonner  qtie  le  gnnd  tégnt  de 
ChirUmagne  n'iii  p»  encore  trouvé  cbcï  nom  un  bIjiori«n; 

(104)  rorc:b,nou6,. 

Il  y  eut  luin  dei  imf  j  ,/a  tvi ,  et  det  Wtfef*  ^aitumnet 
qu'on  exige«ii  d«i  p«nîei  en  <|uci«ll«  pont  prérenit  entr'ellct 
lei  collUioni. 

(105)  /'otaIIuiktuiv,  //ji(m/e  de  C/iarhi-Quinl,  tom,  t, 

(106)  To^n  encore  loi  r6flenon3  sur  l'étu  cempu<iir<ls 
la driliHtioii  HUiferaelkal'éprilileidBeU,  tom. II,ti*|[.  4IB, 

(107)  ^o/ei  IM  «uTre»  d'-i/HH:  f-Hu-i/w ,  «/«ni  tf.i/op; 
Jt^ioat.  Seiifiur, 

(108)  ^oja  U  formule  Je  <l«i  tirée  Jca  Atiùei  dt  Jém- 
taleia  en  U  note  48. 

(109)  ^<i;-TsMiCBAvn,//ùt.(^OwM<:/ef,ctRoBn*MW^ 
Kù*.  dt  ChaHn-Qiam,  ton.  I. 

(110)  D«>  écrÎTuiM  modernei  ont  MmwauqDs  !•*  P>«< 
declet  n'iTueni  ianisi*  6té  perdaea.  C«»  aloù  qns  da  »M 
{ttari  00  *eut  teUre  rtùMoire. 

(111)  L-e  iadidenx  Biimmi  ,  dan*  u  Ditttrt.  htu.  mrUê 
Attt,  conlevie  en  Tiia  l'inlBeDCe  de  U  décoarerte  d«  droit 
renun  \ai  la  cetutâon  de*  dneli  jadiciairci,  en  objectant  (|aa 
ccue  époque  fat  celle  de  l'MiblineaMat  dea  lonraoU.  Ceit* 
abfectîan  pr«a>e  pcécit^meni  contre  100  npinloa,  |iuUi|ue  lei 
•Mtfaei*  étaient  aae  «oiK  de  figan  dei  duel*  da«tlaè«  k  nm- 
placer  la  réaUi^;  d'aillenrt  le*  ttratnoôj  n'éuienl  pn  du»  ma' 
hUie  d>  décider  lei  pneé».  • 

(113)   rorei  le  Btfurg  dfi  Onkmnamt, .  fa».  I.  fé^J'^ltl' 
(113)   f'fyrzDfaazTiHitl.da  Drmlftmt^t.     '''* 

31 


i 


^  IS  — 

(114)  ««  Le  pen  de  loinièfet  ^1  g«IMc  tét  boannct  dfiif 
CCS  siècles  de  lénélifM,  étÊêt  €m  éép*r  dMM  In  eddérf». 

tiqnei Ut  poMédaieal  ttal»  1m  rirtetid*  la  fvmptadfeaw 

aacteDiie.  Ce  fiit  tnr  Ict  Mâshnet  de  cet  ttmti&m  tfÊàmu* 
qu'ils  formèfeiu  «a  coda  da  laie  loaJMniB  a«K  gfaadt  fifa- 
4pc<  de  réqaiié.....  «  »*aet  éo«e  «pae  étMHMnc  ^aa  la  jarfi- 
pradeBcaaccléiiaiti^aa  iilt  ^ataaaa  Pa^at  da  faJMhaiiaa  d 
^a  retpact det  peaplet.  «  RûEMM-rtom^iMÊiêt.  4m  rftaràitjfcâa, 
lam.  I,  peg.  tt. 
;  <il6)  £^»«r^fc»IeM,tif.XUItaM9.XXVHL 

(116)  rcresUaaMé}. 

<I17)  £ipril4k$Lai$p  Lifw  It  Char*  ^US^ 

(1 18)  Loaîs  XI  accaeilllt  aa  Fiaaea  Tart  ém  inaipriaMrie, 
#t  Prea^aû  I«S  Ir  pini  dbt  lf«yat|a«rait«a«hi 
lu  .prami^  aaa  layuM^  CgATaiHiaf  agp>» 

f  taai*  IV» 

(119)  Ja  daia  plaearid  la  fadâfaaàos  ^laaaaMard^ 
qalia<ro»fa  Mpiiii  fÊ^i^mM^  fasariii 

fa'apcit  Pimpraetioa  da  «isti;  Ja  i 
dlMatafac'fdiité^  C^êM  liySÉÉi'aa  w  wiww  ■■  ^»  «nv^f 
taatat  lei  édiliaae  de rj;^Mi* a# Iw  JfaMW,  ladbMlda 
Mittd ,  aooasé4*avait  abaaé ^  ii.fiapia  ftUa  ,  «ai  piMài it 
da  1454.  Vokaha ,  fai  la.  cHa  «ipféa  la  TWdav  érto* 
da  U  Colomètèrê  a*afaic  fatfffit  la  falaa^aa  vente 
laïaaie  oà  il  aanit  troaté  iSfi^ac  aaa  1454.  Caat  la  dael^ds 
MiaTftar  at  da  Biakaat  Coe^^  aat  liaa  à  ValuaMWia 
aa  i4i5  »  y*oa  yeat  f lae  taMiaiaat  fuypdar  coanaa J^  dit 
4af Bien  daeto  otdoaaée  par  fanica» 

I  (120)  La  figaear  dee  iattJtaliaai  dm  aïojaaant  viia' 
dMdtywlaa  aa  gfaad  écriveiai  da  aa  ^à  aatta  dpafa»  !• 
civittMtioa  était  aa  pfcgffairtaa  Mceadaatas  la  jaiblaietii 
vanatilité  det  iettitntioat  lodaniae  appartjtadiaiaat  A  la  pi- 
liade  datcaadABCe.  CaA.TaAvaaiA«ar< 
(121)  UivÂV&T,  Mr.  cAiap.  peg*  lia. 


—  19  — 
(15Î)  Le  coinitile  BoulainTiIler«,(|ui  n'Mt  pat  jotjicct 
en  celle  matiète,  ■  dit  :  •>  L'ij^noranctt  a  élé  la  principale  causa 
Ae  II  chuie  de  la  noblcsie.  En  effet  ni  lei  princes,  ni  les  «i- 
gneuri,  ni  let  rois  mime,  ne  connaiaiaiene  ce  qui  leurap. 
I>«rtenaii  qnc  par  l'uuge  et  li  poiieMion ,  aucun  ne  unh  lire 
ni  itgner  ion  non.  »  Dt  l'aïK.  gom:  de  U  France,  ton.  I, 
pag.  3a8. 

(123)  RoaialtOB  ,  J^ùtoirei/E  Charla-Quinl  ,tam.  T. 

(124)  Malgré  la  tendance  si  oppostedei  mœuri  moderne*) 
nous  aroni  enlendu  de  nos  joar»  une  sorte  de  réhabilitation 
«rRcietle  de  cette  logigue  du  moren-ïge  qui  amt  conaicré  la 
supériorité  de  \tJorce  sur  le  drnit. 

(126)  yoytz  MoNTEiQviBV,  Eiprit  dei  Loù,  Lii.  XXVin, 
Chap.  XVII. 

(l2fl)  fof'M  tom.  I  ptg.  ga  et  U  note  i4<». 

(127)  ^<ycï  1,  note  63. 

(128)  La  {«bleue  de  Louis  le  Ddbonnairo,  contribua  prrÎB* 
cîpileuiant  ï  multiplier  lej  duel)  lous  U  denii^me  race. 

.   (129)   roxezlt.aou  i,q. 

(130)  n  Quiconque  a  lu  Grégoiie  de  Tourt,  Ftéd'gaûei 
lc(  Annale*  de  St.-Bcitin  ,  »tii  que  du  VI. •  an  X.*  aièctea,  la 
Tiiiiabie  histoire  de  la  lociété  e»t  dans  celle  des  églitei.» 
GviioT ,  Prt/'are  de  la  CoU.  da  Mêmoim. 

forez  auui  dam  le  BecutU  des  ane.  Loîi /rarlçaûet ,  par 
UH.  UaNibaT  et  Db  Cidit,  Ioiu.  V  et  VU  in  p.  p.'  plaaieura 
•avantet  diuerutiont  aot  le*  setTÎcei  lendu*  par  le  clergé  à  la 
ôriUsaiion  depuis  le  régne  de  Cloiis- 

(131)  Sdpion  MaiTei  tu  auteur  d'un  liire  curieux  sut  le* 
dueU,  qui  s  pour  litre  :  DeILt  Scicnta  Cavalkrttco. 

yoyci  U  notice  des  autres  auleurs  iialieni,  ton.  II,  pag.  29), 

(132)  Le  Livre  de  La  Beraoditre  a  pour  tiite  ■-  Pu  CobUmI 
de  leid  à  teul^  celui  de  Sararon:  Traici  dei  Duelt  ;  ct\ai  d* 
Dupicii  1  7>uiU  de  la  Science  mililaire  ;  celui  de  Ba*nage  : 
Vmei-iuUQit  Uttoriqut  tur  Ut  DacU.  Je  doi*  ajoulei  à  celle  liii* 


-»»  — 

\m  des»  Tkèàtrt  éThamnemr  ti  éê  €%mmkine ,  de  Fabtyn  et  èa 
La  ColombiéM.  V%  lineitoctlvl-ci  eit  em  deuv«l«net  Hi-f». 
Le  premîeff  ttaite  ezcluivelBeet  de  lé  adenee  héreldi^Be;  le 
aecond»  qeoî^ee  écrh  ea  iiyle  diika  et  iocomctf  côetef 
«ne  foele  de  fiMieceriem  f«l  ie  fv|>^6iteiit  eMx  deelt  et  au 
toernois  de  Metet  lit  dpefeet  et  de  toes  lev  pe^t. 

(133)  yioyêM  tom.  I ,  pag.  te. 

(134)  Xfli  en  ee  perticmller  eoet  lee  yeux  vne  l^rechaie 
de  BL  SflleviUe»  et  une  emtre  de  M.  Loieeaii ,  eTocet  à  la  coir 
de  ceeaatioft.  €et!ie  dereièfe  eeeteneit  ma  pre jet  de  loi  dent  îl 
e  éfié  perlé  teaie  H,  page  44e.  Depide  Pfmpretaioii  de  moa 
premier  Teleiee,  M.  le  mer^ab  de  Vbrtia  iPOrbaB  a  bien  ▼oala 
n^nbetaer  aa  FS>  dit  Orflto ,  en  t roit  ToImaBea  ia-8»,  enrichie 
de  aoitea  d*«ne  grande  émdftien  oè  ae  trovrent  reUtét  lee 
frindpenn  dnela  de  fidsabirede  France  cteaaéa  eoaa  cfaaqie 
tégne.  Je  regrette  de  n'aToir  paa  en  pina  tdt  cmmaiBatnce  de 
«et  envrage  ^aé  donne  beenconp  pIna  qne  eon  titre  ne  pronec. 
U  m'anrait  épargné  de  longnet  et  laberienaee  inetierchea, 

(135)  Jn  ne  parle  id  que  dea  écrite  <|id  ont  enHugé  le 
dnei  aona  le  tappert  Ueiniifne.  Qnant  à  enm  qni  eppartiea- 
neniàla)nrîepfndenoe,  fd  eonfent  en  oocatfon  de  dtarkf' 
ylnn  anciene  en  detei  eenn  de  Dnefonrimne  et  de  Biiv« 
jiAvoia. 

<136)  I?hiiteire  de  Charlet-Qnhit  n  pem  en  1769  :  l'aa- 
tenr  eat  «on  en  1793. 

(137)  J^avone  n*eveirln  le  cbef-d'eenTre  de  Rebertaoa 
qnTaprèa  rimpreaaion  dea  prennera  cbapltrea  de  cet  onnage. 
•    (198)  On  a  adreaaé  de  née  }eure  bien  d'entrée  reprecket  à 
Blenteequien*  En  général  en  n*a  pea  en  eaaen  d*^eid  aa 
tempe  oè  il  éerîvait. 

(139)  Fhj^%^dm9\MOèJkmedel'Bafn^dgsl4df,}nikt^ 
dee  démêlée  de  Meateeqnieu  arec  la  Sorbonne. 

(1  M)  m  Ab  ItaHaa  prooeribna  eet  ptudamamm  nt  imperater 
aanctna  mntafà  lege  teinne  indignnm  deetnterec  »  Ug- 
Umgoh.^  m.  II 9  ta.  LXr,  Cap.  XXXIF. 


—  î»  — 

•  Ciim  in  hoc  sb  omnilini  impcTinlcj  nure*  paturcntu .  w 
MbiJ.  Ceti  te  paiwit  â  l'atM-mblcB  de  \iroaj\e. 

(141)   ^1^(2  lome  I,  p*K.  66. 

(112j  IdOB(e«iiaicii  parle  ici  axec  beaucmip  tFop  ie  coin- 
^jiunceJesOLhon.Voici  le  texte  daUconitiiutiorurOilion  IT. 
Quneumi/ue  Uge  irM  eliom  i-oinanA  in  oauii  ivg'io  ilalico  hoiito. 
vittrii  hae  oamia  ut  ia  hit  cafiiiuUt  pcr  pugnain  deca-iàimu. 
çBicivare  pracipimus. 

(143)  f'oyti  le  Hecueil  ilei  CapiMiUires,  éiÙi.  de  tUm», 

(144)  Fq;ei  tiouiDmeiitletilerniei:icliiip.du.lîr.XXVIlI. 

(145)  L'opinion  U  ^u&commune  (ilace  la  fin  du  moycn- 
Ige  H  la  priie  de  Coniiantinople  en  i^&îj  il'iuuies  ia  Gxeni  à 
b  (lécou.TeTtfl  du  nanreau  monda  en  140^ 

(146>  Cotte  réaction  d'humanité  i^iii  (Tcat  manîleiléc  d'un» 
monii^re  ouiai  éclatante  à  la  aiuia  de  reiplonion  de  juillet 
iS!k>,  eat  un  phcnoroâno  unique  Jana  l'kiiuiire.  Elle  a  UÎoin- 
j/tià,  et,  elle  coDiiauera.  Je  iiianiflieT  dei  paation*  ^lilîqiiea 
et  dea  exigence)  de*  pactis. 

(147)  Le  déioidre  bit  pooaié  à  tin  tel  point,  qu'on  regtett* 
■érieuaemsnt  que  le  duel  eQi  cvasé  d'ftie  iuridii)ue.  D'Aii- 
digukCr  iLCompoié  son  livre  I  DtV Ancien  uiage  deiDacU,  paut 
•Bgifiet  Louû  XJII  à  rétablir  cette  iniiituiion.  fi'vf.tt  toin.  I^ 
-  Wî-  "Qî- 

(t4S)  Parmi  ces.  dcrÎTaJna,  BranlAme  eib  colui  dont  la  cy. 
■urne  est  le  plu)  choquant.  On  en  tronrara  plu)  d'uneicnipl» 
auK  chapitre»  XVII  et  XVIIU 

(149)  11  eit  peu.  d«  biaillaa  en  Fiuice  oiune  se  conaer\enb 
encore  de  pjreillea  traditioat.  Jutqn'an  XVII*  siècle  il  u'j;  eut 
chcs  nom  aucune  police  j  la  vie  comme  la  lorluie  det  ci? 
(Djenj  n'ï  jouisMit  d'aucune  garantie  réelle. 

(150)  a  Le  coi ,  déairam.  faire  vivre  ■■.  nobleaM  en  boan» 
^ix  et  union,  etleiadre  eLWaopïr  le*  qperelles-ct  n<»*ei  ...., 
firohibe  et  défend  tiéi-eipreifément  à  touigentih  horamei  et 
Auuet  I  que  wiu  couleur  deaiiij.uua  cttorti  ^u'il*  [OtinBienft 


prétendre  leur  «voir  ètéfiûu»  iU  ■*«s6at  à  fiUre  ««case  tnem- 
blé«  de  persoopet  et  ports  dWflMt ,  me  pareilleaMmt  tuajtt 
Je  Tokler  leuri  qoerellet  par  afmei  b«  coaiWcl  Let^vdlet 
Toyes  de  fût,  le  dict  teigeciir  déCuMl  à  toatse  penoBvea, de 
qaelqae  qo4lité  oa  cooaHtkm  q«^U  eaîeat,  aor  peine  de  la  ▼«. 
Et  pour  ce  que  la  aenroe  et  foedeoMitt  de  qoerelle  procède 
erdinairement  dfs  déinentfec  qi|i  «e  àomnétn  »  ledkt  êtip/tu 
inlûlM  et  défend ,  aar  lea  peines  qne  deesaa ,  ^«e  œlmy  àqii 
Udkte  démentie  anre  ea|é  doaâée,  mtm  rmante  parlai 
>npea>  m^t  se  retire  défera  MM*  lea  eomnmMMmê  et  auié- 
c1mw(  de  France ,  povf  en  décider  aiaai  qm^  TonoAt  en  eitia 
de  raison^  ^ 

(151;  Esprù  dbt  Loi^,  Ut.  VIO,  Ohnp.  Vn« 
(16^  Je  parle  de  rnbMqn*  IVNafint  Icnu  1m  {oondAVOt 
Jicnimir  dans  1«  polénûqne  dee  partie. 
(|53)  yoyêM^omnàjitliom.M^L 
(154)  L.  aa  M  Dt  <<<;  4i<  y»  tn/liaiiil  ■ninia>«  . 
(15^  Matth*»  oi^.  Vi  v«  39* 

(IM)  «I  Encore  a«J[,Vm,«aiécUi»  —  oWea wiit  cet» ce»» 
Tenance,  qu'ojn  n*aiiroit  {anuûa  parti  «a  aeml  coup  de  canne  à 
foelqa'an  qni  n*a?oit  paa  la  doa  toaraé,  on  aHrarait  pea  foak 
i^ezpoeer  k  frapper  Mcc  «n  hktfm  sor  la  nanga  4*oa 
•n  n^  poafoit  toucher  qa*aTec  U  auûa.»  Sommmvv  db , 
4$  Créf»  »  tom.  IY|  Ciiap.  VI,  pag«  «50. 

(157)  Matth^»  Ct,  v^  T.  a^ 

(158)  Foyez  Cbap.  XL. 

(159)  Dominam  Deam  tamm  aaa  itatiMe» 

(160)  Hosina»  ded^^O^I,^ Imrimhwm,  Ct^JOU. 
(16i)  Sinnç., d9VÂ,Uh.U,C^ XXXIl. 
(162)  Jrafiavr  ireifU.  UonAT. 
{%ti3ù  U  teztf  de  Gicéffoa  parte  :  PMiem 

aaMidt  qtie  J'ai  traduit  par  fùùd  «niommm\ 
(164)  6noTiva,4icf.XVI|37^ 


—  23  — 

(iSCj  In  (n«t!iiirD  geminoi  imnuni  pontterB  ceirua 
Projecil Vl»o.  Eiieid.  ht.  I'. 

(107J  On  iroueera  dans  la  coim  de  ccMe  biMoite  de» 
tzemplei  même  content poraini  de  ccs^uangci  tuites. 

(168)  M  Dulong,  disputé  de  l'Eure,  en  a.fai(  d«  tuM  joun 
■ne  ftineite  expérience. 

(lo9)  n  Divino  judicio  Irîbnendum  qui  hune  catiun  iitbii* 
voluil.  *  Alcijit.,  de  ling.  cerf.  Cap.  Xtlt. 

(170)  Une  cour  rojmie  a  auui  jugé  ite  noijourt^  qu'il 
■Mit  dcl-ifauté  i.  *i>eT  lon  adveriaire.  l'oyez  tom.  I,  pag.  37t. 

(171'}  <■  Qu'en  veut-lu  taire  de  ce  ung  ,  bdte  féfoce  * 
«eux-iu  le  boire!  u  Rocuiav,  Leiireà  D'AUmbcrl. 

(472)  Un  trait  de  ee  génie  ett  rapporté  au  cli«|ntre  d«a 
Durli  luHilaireJ  ,  lom.  I,  piig.  440. 

(173)  La  jurisprudence  actuelle  tend  aitui  i  coniiddrar 
celMetp^ce  de  duel  comme  déloyale  ,  quoiqu'il  loii  trat  da 
djte  qu'il  n'f  en  ait  point  où  lei  cbancet  aoiçnt  plua  rigoui 
leusemeut  égalet. 

(174)  yojet  BiibtBui  ,  Diicourt  tur  la  Duels. 

(i7o)  Li.KKkTiDttKt,DuComiiadtieulàseid.  Part.  11^ 
Cbap.  VII,  pag.  16.  Alciàt  de  tiigut.  certain.  Cap.  XXVII. 

(176)  BiANTaMi,/>ùc.<M'^  Ou(^.0B.a.plu9ienri  fois 
•uayé  d'aitflchet  aux  dicoratioat.J'orJret  ({oelquei  prîvilégea 
phis  pontifs  que  celui  d'attaclier  un  ruban  it  ion  habit.  Soua 
le  régime  impciial ,  Ici  décorés  jouirent  d'une  ppniiun  et  ilu, 
droit  de  porl^d'armea  sani  rétribution.  Ili  ont  encore  aujour- 
d'bui  le  privilège  de  foire  élerer  leu»  eaEa(il  un  itûi  (I« 
réiac. 

(177)  M.  Léon  PiHet  est  aujourd'hui)  je  crois,  maître  dea 
leinéte*  au  conietl  d'éut. 

(178)  foyei  le  récit  du  duel  ou  lournw  lipporté  au 
Win.  II,  pjg.  46,  entre  lË  cbe'alicr  d«  Ternant  et  l'IiaTien 
Galcolio  BalULJn. 

(179)  Nou  i«iUeinenl  l'impât  Aeruil-ptrmaïKiii ,  nuit  il 


I 


-14^ 

f  ttft  iOêgal,  car  oa  coinoiâa$«  à  !•  Im^r  êêmm  le  cbMmdet 
£lite  géoéraaz. 

(MO)  Là  tyrannie  de  mcMies  reneontn  mam  beaaôMp 
*plat  forte  opposition  qae  celle  de  Loaia  XI.  Uj  m  lahi  èi 
jpatience  chei  noiu  poor  tupporter  le  deepotianie  «iaiMériel 
qae  le  despotisme  royal, 

(181)  Le  mal  Ténérieuiqu^  appelle  dftiterA  leamliEf 
mtUnUf  commença  à  Atre  oonev  taiTent  lea  réfpatree  de  psf- 
lement  en  1494.  Hànkvir ,  Jirm  dknm%f  peg«  «91, 

(182)  «  A  Naples  on  assassine  som  eapem  deniAce  ans 
kome.  Cela  s'appelle  être  brate  en  ce  piQ^^^UU  «  RovssuOf 

(183  Plus  heureux  que  Ghaiiem^ne, Gkerlea  Vfll  nsat 
de  tronver  un  historien  digne  de  lui  dans  M  «  4e  Sé£ur« 

(184)  F'i^cz  note  lo. 

(185)  RoaaaTSOV»  JFfsfoiyvil»  Cftffnb^-QuMC^tOBi,  I« 

(186)  Vblt,  i^Mtoirv  d^  Frodce. 

(187)  ^of»  le  texte  de  lV>rdonn«  àe  1S66  i  U  note  tâo. 
LhôpiUl  avait  quitté  les  sceanx  en  iâ68. 

(188)  DAvoiovisai  Jmc^  U$ag^  dta  Jh^H»^  Bu^mftiiit 

■ 

JHs€.  sur  Us  DneU» 

(189)  JSd  lu  récemment  une  réhsViliiatioa  de  U  mteoiie 
de  Catherine  de  Bflédîcis  dans  Tifûlonne  des  Fra»K«M|  4» 
H,  ikSùmontlf^  Celle  de  Charles  IX  ne  se  font  aena  doute  pu 
long-temps  attendre. 

(190)  «  Les  grands  seigneurs  |  devenus  oi«i£i  dans  leurs 
terresjt  commencèrent  à  s*y  plaire  moins  ;  ils  se  repprocbèreai 
de  la  cour  où  ils  furent  attirés  par  les  charges  et  par  les  biea<« 
fMtSyOt  où  IVm  clierchs  à  les  reteuir  per  le  plaîaic.  Iiix4f  lt^ 
Jàr.  chron* 

(191)  Dùc^  uir  le*  Duidi,  pag.  lyÂ* 
(193)  Jhidem  »  pag.  a86i 

(193)  IHdem,  pag.  207. 

(194)  Ihidmf  ^ig.  a8o. 


—  JS  — 

(195)  lii<lem,pêg.  aai. 

(196)  FiLitiBn,  Hùtaire  de  Paris,  tato.  H,  pag.  iiaS. 

(197)  Mbibkav,  yfir.  </o  /'Aiif.  dt  /'iw»,  tom.  III, 
Dt  Thod,  iï^.  un»'., Li>.  Vl.Cliap.  LXXVUl. MàKoûntik  U 
rtine  Maioobiiti,  pag.  tai  cl  auiv. 

(19S)  BBasT&iiB,  Duc.  surlts  Duclt,  pog.  iiûet  iuIt, 

(199)  Jfi:^eoi,p«g,  191. 

Ce  trait  ta  auui  rippoité  aux  Elmltt  hioor.  de  Ca^TSAV- 

(3Q0)  Cea  «cBndalcui  monumenB  de)  déi^Umen*  d'un 
toi,  furent  détniiu  lois  du  aoulèvenieiil  papnlûie,  ^uiiuiiit 
l*aiiatiinil  du  duc  do  Guiae  itux  éuti  de  BluU. 

(?01)  Diic.  tur  Ut  DtKlt ,  fn,  !>3^ 

(202)  l'efei  aux  Éludât  hulort  l'admirable  labJMB  d«  l'a». 
tuiinat  du  <ii)c  de  Ouite  rui  éuu  de  Bioi), 

(203)  AicqDBTii. ,  Uù\.  de  fra/ie* ,  loin.  VII ,  pag.  73. 

(204)  f  oj'M  pour  le  duel  de  risJe-UajîianK.  Bbantôhi, 
fiff. iur  ^ Oiicji ,  pag.  60,  cl d'AoDiooiBB ,  ^iic.  I/m£.  dea 
VutU,  pig.  4ia.  Celui-ci  n^ittibae  pw  ce  duel  bux  ni6aie4 
motifs  qu*  Brantàme, 

(200)  Au  momeiil  où  j'écrii ,  la  drame  exploite  k  r«Dvi 
«ette  6poque.  Malheuceusement  U  létitt  liUloii%ue  h'mi  qu« 
trop  touient  déSguriîc.  Il  est  pourtant  Uieo  lupei&u  d«  dur* 
ger  un  paieil  tableau. 

<20G)  L»  récit  de  ce*  di>er*  duelt  «e  tiooira  auM  *ie« 
quelques  larianiea  duu  le  ThciU.  d'Iwii  in  La  CobOMUiKii 
tom.  U.Clup.  XLII. 

(207)  Viu.  iiir  /»  £>in:/i,  pag.  334.— Ce  m&nie comte ds 
SoîMons,  re^ut  un  jour  un  cartel  du  comte  d'Auvergne,  de  la 
Bioiioa  de  Valoii.  Moii  indigné  de  ce  que  le  cojdIc  aireciait 
IVgalitâ  entre  lui  et  un  prince  légiliioc ,  il  t'en  plaignit  au  toi 
Jlcnri  IV  qui  eûla  Valois  en  Autcrgne.  Ahqubtil,  Jùtt.  da 
t'rance  ,  tara.  VIII ,  [lag.  3o. 

(205)  Ob  trouYcn  nue  loule  d'«ttU:ea  iraiu  Boaloguci  do 


—  »  — 

férocité  dAns  NkàMmkr ^Aèr.  de  tSuf.  dà  Frmnce^èom^V^ 
pag.  199.  itVQvm&y  Mù^  tk  F^aftce^  to«.  .VII,.  pig.  6.. 

'  (309)  DjkVDiouvn  évalan  à  ^«atonè  niiUfi  lo^  hcmbImc  4» 
grâces  acoocdéet  poa^  4PKil  aOM  ll«wi:iy.  Jnc.  Umg.  du 
Dath^  Chap.  3s. 

(211)  To«M ces  é4îts etantrae  mr leidaels ont  éf^ i^as&. 
Hws  «B  recueit  en  an  Tolnme  !«•»•  Forù  1689.  On  les  troart 
-*Msi  sniZecMol  <£0r«ic«^Iocl»7?i0i^.iper  BU^  Isambbst  et 
Da  Ca  VST. 

(^12)  Un  ao^e  prince  d»  Qhabûs  Qu»  es  t603,  le  ^adpal. 
tenant  dn  dnel  célèlire  de  q[aatre  cootre  qsatre  rapporté  sa 
tom.  I,  pag.  nS^êtsahr^ 

fZl'SD  lia  moaoaanie  du  dnel  semble  cTors^evmr  été  héré- 
■dKtairedans  certaines  Amitiés.  On  Temuencore  deoz  Ea  Fceu» 
ij^nver  dans  lethul  de  166S  dté  ea  U  MU»  précéetense» 
'     (914)  Ko^iBs  k  nota  916; 

(215)  Le  retour  des  dacs  d'Hsllnin  et  de  linaoonrt  hk 
entorisé  par  letlres-|i8tentes  dn  «4  >b*^  1697. 

(tM)  Ltetenr  des  Mémoim  dt  Bods^brt^  d^ÂrUÊgmm. 
et  antres  personnages  psendonymes»  estStodras  des  Conrtils. 
Vof€at  son  article  dans  la  Biognphia  md^eneUc  de  Michand,  at 
dans  le  Bictùmnaire  des  Anonywê€9^  de  Barbier.  Ces  Mùhoùts, 
*fnoiqne  traités  de  romans  dans  ces  artidea  »  ont  été  dtéi 
pinsienrs  fois  psr  de  grares  historiens»  entr'antres- par  Aa- 
'^etil.  On  y  trouve  diverses  anecdotes  rebtÎTea  aux  nombnoa 
duels  de  Rocfaefort  et  d*àrtagnan  sons  Bicfaelieii  et  Massris. 
A  fai  suite  dVne  de  ces  affaires,  BxcheHen  |  qm  renaît  de  £iiie 
exécuter  tes  comtes  de  BontterîUe  et  de  Hosmadec  ,  s*étak 
^m  obligé  de  fiûre  incarcérer  pour  la  forme  Rocbefort-,  toa 
confident.  Celui-ci  rend  compte  à  cette  occasion  des  motift 
particniiers  de  celte  exécntimi.  611  dot  i*0a  croire ,  ces  pei;- 


•  w  2T  w 
•ennagH  annlMt  été  TÎettmea  de*  rei«enrinieni  de  RtchelleB 
contre  les  Condéi  doni  ils  étiient  pfwliei  p^rcni. 

(217)  On  lioui«  giir  ce  oiiet  >l«t  f •i|;ea  ac}niiril>lei  d<(<i 
le  IV.<  TOl.  dei  Suidci  hiitor,  de  CK*Ti:itr«iiAai>. 

(318)  Ce  MditarisHU!  compiuerB  touM  la  ptiîode  de  tVm- 
pire,  f'fya  le  Chdp.  XXIV. 

(219)  On  iroHro  bien  pluj  de  lageue  dans  le  trùt  de 
Joteph  II  npporlé  nu  tooi.  Il ,  pig.  aoij. 

(230)  L'inatituiion  de  la  jniidiction  des  naréchinv  4a 
Fnnce  Temonle  i  Cliarle*  IX.  yoyt%  l'Ordonnaace  de  i5é6 
portée  à  la  noie  i5o. 

(221)  L'auteur  de  «elie  pièce ,  qui  eit  génératcmeDl  mi- 
«fiocre,  eil  La  Monnoye. 

(222)  n  Noua  loininei  injusiea ,  dit  Cbitcaubriand ,  Étad. 
hiilori^uci,toni.lV,  pag,  43i.  (jaind  nou«  jugeont  noi  deram* 
ciera  par  dea  lumières  qu'ils  ne  pouraicni  avoir  ei  par  dea 
idée*  qui  n'étaient  p*<  encore  nëu.u  Ce*  rcHexioni  aont  rratea 
dan*  leur  généraliléi  mail  je  ne  puis  lei  admettre  dans  l'ap- 
plication qu'en  fait  ISlloïtre  écrirain  aux  écarts  de  b)  cour  dtt 
Louii  XIV. 

(223)  Le  procédé  do  Beaufort  consiiia  1  aller  renversct 
«ne  table  à  Uqaetle  le  duc  de  Candslle  était  utia  avec  pl«> 

(234)  Le  caidinal  de  Reta  cite  déKS  cncoiuuncM  «&  il 
•Vu  battu  e&  duel  dans  sa  icuaease. 

{325)  yoj-e»  tai  }<»  Mématreide  Roch^ort ,  (HT  SAMoKi* 
jtM*  CooaTiLz,  la  note  9i6 

(226)   VoyezltiMémoirtiJuducdeSai'aiUti. 

Selon  tel  Mèmoirti  dt  madame  dt  MoUéi'itlc  et  de  Sl.-Sums» 
le  prétexte  de  cet  eiit  aanit  été  une  hardiesse  de  mailiime 
de  NaTailles,  qui  avait  fait  supprimer  une  communication 
entre  lea  apparlemens  du  loi  et  ceux  des  filles  d'Itonnear  de 
U  reine, 

(327)  Etocfaefoit  amre  dant  son  récit  «[«'il  lUvui  d'abonl 


—  Î8^ 


trovfé  cImm  loi  yiailo»rfy  pnéiMlB  <•  la 
C»  yi  lui  fatoi»€tte  préféf  •■ta  »  c^wi  y^ 

p»wt  U£rettti|,<|MffaUMHr  AlvMlMkfltkMMMv^tfa 
•kM.  Colvi-d  MraU  e«g4  ^pia^  C0l  tester  ocmb^m  Ot  de  mit 


..i^MM  yw>»l»qmi  iPtaii;  éUiBé»  t«M  a^.iiMr  ^  MaJnllM 

fH  iMi  nuyripûi  cU  Bl^f^  •»  ^  •••  ttraOwb  4%M  ■■ii^ff 

UÊtm  pUînalB.  Gtlai-d ▼Mudt  daptrte  WM  ia«^  Matff» 

.4k  Paj-^GMai^aa  iâS4*  Fi»wnaé  |Mir  itateH—  »  il  iii  mÊtcit 

a»  bean  matin  an  chinugiea  aiaiû  4t  iPKt  II  •  iaHiwMi 

.^Jléianaîf  ai>  fpar  an»  •ppiiatîaa,  »t  fp»  déc  tort>  ai^iir  linioB^ 

,^laptf^di>aMfyu»  do-airfial,  a»  lai  wayoi  aaa  jpwlf 

.  foar  ^M  lat  cbaaottduc^ooi^fafieat^ffiUa  •ati^Bas.Cett» 

-ipUâMBianii  6icéfiiéclv»le  pnMOBGOMJE»  a^rMUrttarfMl»' 

..     (228)  ya  tgaii^  ja^ftipaanng»»  à  pm  prta.aaiWiWt^ 

amyé  4r  aAt.  ipoTH  «"^«^  puante  — i>Mi  Mttitépfwpaiyc 

ceUM.qaî;  poawîen^  Ut»^  n,  cnallanao^  répeaiv*  Pécaptr  4e 

-fcaait  W  4c  ««.iélîMeat^aUiA  dnivulaaMya,  X^i-  tiptste 

•  ^  **S  pr<ainri<  riaw.aw  fflk>a4#  la  capital*  par  «n  Immu  par- 

aDnnage>  diplooutiqa^  conni^  par  T^rigiB^iaé  à&  aaa  koa& 

]BNHa««â(uX  aû#.à,la  porta  poar  a*è|«a  paraMtw 4p  tôckar  aa 

jfra  arec  aiana^et  de-  le-  jeter  p^  les  (Mièin»a«  a*ii  aaaift  ^j  tt- 

r  paôtenaer.  Il  oourat  Mre  par]»  de  «amiSiaïaatare  ^  soa^pfV^VjL 

ir  priapt  de  liv  dire  ce  qu'il  anui  àfidra*  CeloLci  lai  répoaiiit 

^fement  i  Dtimef  UmU  et  ^  /e  pui»  «mi«^  cwuipi0b>  c^etc  i'e 

(229)  Qn  conaak  nndifféreaca^  et  toute  U.  a^ia  de«  it- 

.  <royablea.di«ira(Ctjiopa.deXafontaiiie  eaitara  aa,  feiDaie..IUàae, 

le  ma^  Mçoate  néanmoina.  na.  tiagiijlier  trait  da  ialooaie  de  U 

part  de  ce  aiari  si  déboanaire  et  ai  iasouciant  aur  la  mofaie  dOi 

liea  copîagal*  U«  raptainft  de  4cigpaa«  nomi^  Ppv^^>^ 


l 


-  Î9  _ 

vieux  miliuire,  Toysil  aiaiilAmenl  maiUme  Lafontaine.  Son 
mati  Ht  s'tn  ÉpwceTttii  point;  mBλ  on  l'en  fit  «pprcevoir.  On 
lui  periHitta  néne  ^m'ÎI  Jenit  li  son  honneur  (l'oiger  un« 
Mli«fiirtlon.  Pftoorapé  Ae  cette  idée  ,  le  bon  Laronixine ,  ijui 
aimait  uni  i  ilormir,  te  Idie  <le  gT*ni(  malin ,  il  trmter  te 
ca|MUinc,  U  prenc  de  l'hiMIIer,  de  prendre  son  ^p4e  et  d«  ■• 
•■livre.  Ilisonent,  et  ne  lont  pas  plustOt  horsde  la  *tl1«,  qtt»' 
LafonUin«ilil  ■  Poignini;  Il  /imt  qiit  je  mt  halle  avec  uni  ; 
on  m'a  aiiurt  qiÊt  fa  nepouvaù  m'en  rKtfvnter.  Il  lot  eneipli-' 
qui  (iriéTcment  leiDMSr,  et  MU*  lui  ilonner  1«  tempitlerépii'' 
tfatj,  il  met  IVpée  i  U  main.  Le  rapîlsjne,  forcé  de  le  <Wfen- 
■be,  fait  MKier  d'an  lenl  coap  l'éixïc'  de  Laibntainv,  et  profite' 
de  l'initant  où  ion  adverinire  est  déurmé  pour  entrer  4n  ei-- 
|ilicaiian  ircc  lui  ei  tui  faire  sentir  le  ridicule  île  sa  conduite. 
Il  proteiie  au  anrplus,  <|ue  ptuM]u'il  a  pu  trouhler  iitnai  M 
trani|killité,  tl  n«  lemettra  plui  Ic)  pieds chea  \ui.Au  ron(ratr«t 
iiu  dit  La/ormàne, /'ni  yitil  ce  qu'rma  txigf  Ht  mai  :  maii  ae~ 
luelieiMent  jt  vaur  qw  luui  foyet  plut  ijue  jumaïi  aiiidu  f-kn 
moi, laiu quoi/*  Mtéaarai  encart,  La  récoacilUtioo  faientièr» 
•t  parfaite. 

(230)  L'antenrUet  M^Bioiretd'.^riagnan,cemmc<l«tcaK 
de  Rxlitfofi,  est  S*aoKJit  dm  CocaTit-i!,  dont  l'autociiè- 
hiiloii^i  eti  d'aiseï  peu  de  Taleitr ,  comme  la  remarque  •» 
a  déjà  été  faite  en  I*  note  ai6. 

(231)  I^  Journal  Ueli-étitpus , dt  Fétrier  17^0,  pa^.  109, a 
porté  le  )ugenieDt  niivani  nr  la  politique  de  Louit  XIV  h 
l'égard  det  duelliste*  :  «  Ce  prince  a  publié  nombre  d'édîn 
contre  lei  combat*  lingiilierti  il  fMraiatah  *  cet  égard  fort 
jaloux  de  son  autorité  ,  maii  il  n'était  pasflcbé,  dans  le  foml 
<lu  cœur,  de  voir  la  noblesia  Tort  délicate  tnr  le  point  d'iimi* 
neur.  Aussi  on  voyait  bien  des  gens  s'exposer  à  U  rigueur  des 
édits,  pour  «Tolf  iiuelque  part  k  t'«itime  intérieure  iix  *oa- 

(Î32)  piyaXtt  Élutlei  hiKor.  de  CaATEiiJ»iii*»D,  tom. 
lV,p-g.<36. 


.(S33)  Le  tédttggr  dt  Simwmn^à»' ■■Jiwg de  Cké^' 
iTttl tm»pé à  cel éiprd  «bmI  Mini ^««  VoltirfTOi fait  trop 
«n^éfé  ISnflaeiioe  ôméSuéè  fMritXIV.  FbfM.  umb.1,  fi^ 
•|6.  n  a*6tt  pM  mom  plat  tafci  db  dto  fA  I^tvéatnnt  db 
LqniiXV,o»»%fU  pt  mtmim  fÊém  <'mi  awa  a— liepaii 
din  tffpifraii»»  téoMÎM  c— K »n  wmn  ■»•»!  ippuiiéi à  fefa 


(l3A)vXi»  coot»  4a  Titlf  aPtvalt  pat  meiltewe  opftaioB  ^ 
la  vi«rqa|9a  d^Gréqai  db  ta  jaridictieii  da  pohtt  Jhaaaear. 
jq9nts  la  paiMga  da  ait  aiéaMifiM  dlé  aa  «ooi.  n,  pijp  StS» 

..(S35>  f>^^  tar  oa  lUaip at  laÉ  axMvapfMaa da  la  da- 
cliilMa  di.  Banj4  te  Jf(fiiiÉv*da  MBptg  aaiÉÉnMBt  caaa  de 
Daclaib 

..(236)  J'aaiai  plot  d^MMfiotetaeiM  èranÉirtw  dacteer  Ut 
Jltoifli^tJtcrwii,  pabUéttaat  laao«daDaeloa»ptr8aBlinB^ 
^fdaa  l»  Bàfgttftkk  mtkurwÊUê  f  »  par  touraaa  da  Mmf, 
■iloa  la/MsfjMPiaaùvdMilaâilpatf  daBàfidar. 

:  Ct37}  &M«PClwvd^ik«Mr9UM9ACM9li^tal■.I»Glulp.ZIV 
tl  XV««VpMf9f  ajaata  raa|aar,daBt.aa#ttoM|  bm  cMt  aa 
)oar  catta  aiéma  réponte  qa^  Teaait  dTappraadfa  at  qi^aa 
ittribaait  aa  caata  da  Cbabot  aafan  M.  la  priaot  de  CStati. 
«-•iloa  €im  Voltaira^  lai  Tëpoadif^arfl'Sr  avai^tta  viaaa  \wSi 
f»i  aPappalati  SftWaioa  et  qai  dûaiti  M  m'jr  a  ràm  db  mmmm 
mm  tt  êoleiL  » 

'.  ^8)  fTayn  eu  Meéuea  dêê  OtdbnHaneêt  sq  aatra  éàit 
d*aTril  i7a3t  tar  laa  injarat  et  lat  Toîat  da«fiâta  dent  les  dii- 
pafîtioiia  aoat  fort  ■aget* 

i  (239)  UoaBTa&ba»  H»ml  du  XVm.«  êiMâ^  umb.  U^^Êi, 
1».  ^■ 

. .  (240)  Ihidmn^  tonu  IV  «  pag.  lai. 

(241)  Gaito»|  d'Orléaaa,  Mre  de  Loaia  Xm,  fat  l'tae 
d'aae  foale  d'intrigues  co|i)tie  la  miaisièia  de  Richaliea,  qnt 
n'osait  tVn  prendre  qu*à  ses  iastramens.  Les  parties  de  plaisir 
de  ce  prince  consistaient,  salon  les  méaMùat  da  temps,  k 
aller  arec  9^  affidés ,  Toler  des  aiaateaai  sar  le  Pùot-Meat 


»  31  — 

^^1)  Scion  DbcIm  ,  Voltaire  éuît  à  U  solde  île  l'impé- 
ratrice Éliiibeib ,  et  l'entremetteur  était  le  clicvalicr  il'Eon. 
AtriHoirei  lecrtU,  toro.  Il,  pag.  3iî. 

(^43)  Êtudei  }iituyfii]ati  ,toia.  IV, 

itVi)  ftOuMBit; ,  Conm»  loci'oL 

(Î4i>)  n  te  TOi  reganlerait,  comme  un  it«(  sucera  le»  |i1d« 
heoreus  de  l'cxpédiiioii  ,  qu'elle  pût  iue  tctminde  sani  ittill 
en  eût  coDlé  la  lic  à  un  seul  homme,  m  Jnitrucliom*  i 
la  Pry  rouie,  ierita  de  la  moin  tic  Limii  XVI. 

•>  Non ,  Monsieur,  ce  n'eit  pat  moi  ^oi  ai  fait  eonler  te 
•ang.  u  Répaïue  de  touîs  XVI  ou  prrtideal  de  la  Convention. 

(246)  MsaciB»,  TaMeaude  ParU,  Chap.  CLXXXVlI«t 
HCXLI,  CI  lom.  Xn,  ptg   aSl. 

(^47j  S'il  faut  ajouiet  foi  «a  récit  de  Bevenval ,  la  rcina 
lui  aurait  ciprimé  mtme^ur  leUiv  une  opinion  bien  pluj  cx- 
|>reuive  encore  lar  la   néceiiilé  d'un   duel   entre  IcJ  deua 

(%4S)  On  lrO«Te  dam  un  de*  nunriros  de  1834,  de  U  Rav 
rilivipectifc ,  nne  relation  asset  étendue  d«  ce  duel  célèbre. 
>   (249)  Cette  relation  eic  tirée  ila  recueil  inlliuté  :  PariSf 
yeruiiUei  et  la  Protvicei,  tMn.  I,  pag.  tgS.  Édit.  de  iSa.'i. 

(2o0}  Vo^es  lei  Mémoiiti  publié*  loui  le  nom  du  cbe- 
valier  d'Eon. 

(Î51)   yoytt  t'articte  St.-Ceorga,  dani  la  Biograplue  unw. 

(23!1)  Foya    dan*    lea    Mèmoiiti  du    comte   Alcijnilra 

Da  Tit.LT  tes  confidence»  i  lui  fiitei,  par  l'auteur  dei  I^iùoiu 

dangereuiei ,  lui  Ic«  moiifi'de  cette  publication.  A'^ealuiii 

J'arU  Louvet ,  dam  la  BiografAie  unit-erielU, 

(753)  Cei  HénairM  ont  paru  en  1819  en  d<H«  lot.  tn4*. 
Lear  vogue  a  été  tin  puiuant  encottngcmcnt  pour  le*  pnbli  • 
catioti*  de  cette  nature  qui  n«  ae  «ont  que  trop  louUiplice* 
depuii. 

(7â4)  Cette  nonle,  a  part  le*  démenti)  qu'elle  p««i  '•• 
cetoit  du  caraclére  de  celtû  qui  la  profeue ,  a  quelq«e  cboM 


—  »  — 

de  pivt  déciiif  peut-être  contre  les  doeU  q«e  Péloquece 
aiêeie  de  J.- J.  Rostsera. 

(KS)  Cet  deux  errétf  |  tree  let  etpècee  qui  y  oet  dmaé 
lien  I  sont  repportéa  dam  U  CoHedion  de  Juritpmdmn  de 
DtvifimT. 

(SM)  Cette  iater?eiitUni  était  œlle  de  U  reine  llerie- 
Antirfnettei  aHl  fiuu  ee  croire  Tilly. 

(257)  Ce  iîit  de  It  main  de  Riclielien  que  I.oaia  XV  le^tt 
•a  première  et  ta  dernière  maltrette ,  la  dndiesse  de  Cliàteaa- 
roBS  et  la  comtetae  Du  Barri.  Ce  fnt  loi  qui  ,  lora  de  la  ma- 
ladie dn  roi  i  MetSy  cherdia  de  concert  OTec  la  dnchene, 
â  éloigner  de  lui  let  teconrt  et  let  conaeilt  de  U  religion. 

(268)  Je  croit  cette  anecdote  inédite.  Je  la  cite  d'ivre! 
vn  témoignage  digne  de  foi. 
'    (259)  rayes  l'article  i3  de  Pédit.  dé  i65i  cité  ci-detiai» 

■ 

peg.  ai3« 

(260)  On  connaît  let  drconttincet  de  Pezcntioa  de  BaîIlTf 
ibnt  Patrodté  le  ditpnte  à  i^niqnité  de  ta  oondamnatioB. 

(261)  Ce  tont  let  termet  dn  détret  de  PaiecmMée  ooai- 
litBante. 

(282)  Foye»  au  Chap.  det  Duèb  pariemÊcntmireê ^  tom.If 
pég.  406,  d^auttet  traita  dé  l'époque  de  faeaeiiiblée  coaid- 
taante. 

■  * 

(263)  P^ojre»  au  Journal  de  U  Rh^obtÊioHf  de  Puvoboxki  i 
iet  détailt  det  dirert  confliu  indindnela  prodnsu  par  l'efier* 
Tetceuce  det  pattiont  politiqnet  du  tempe. 

(26A)  Ce  morceau  est  de  M.  Cliarlet  Nodier* 

(265)  yoyezVHist.parlem,dtURévolulùmJraneaùct^ 
IflM.  Bûchez  et  Roux, 

(266)  royez  le  f^ieux  Corddkr,  de  CamiUe  DeamouUnf , 
dans  la  ColU  des  Mémoùts  rtlatifs  à  U  Réuoiution /huÊemx  ^ 
de  MM.  Berrille  et  Barrière. 

(267)  Cette  époque  ne  prétente  ancna  trait  remarqntble 
en  lait  de  dueit 


~  33^ 

tî6S)  Ce  *fcfêt,  qni  n'«  pii  été  intéeé  an  BuBflm  dcsLoù, 
■e  trouie  ilanl  la  CMtcliaa  de  Baudouin,  tom.  XLIV,  pag.  asj. 

(?(Î9)   rb^ïi  VHiit.  de  rÉmignuiim ,  par  M.  de  Uontrol. 

(270)  Ce  trait  eit  tiré  dei  Alcmoirçt  du  maréchal  Nef, 
tom.  I,  pag.  17. 

(^71)  II  eiîiuît  <1a  lempt  de  l'empire  un  mijar,  de  B***. 
qui  aimait  beaucoup  te*  iluelf.  Un  jonr,  la  b^le  de  ion  pia- 
tolel  Tient  l'amortir  contre  quelquet  pi^ei  de  monnaie,  qua 
•on  adieriaire  aiaït  dans  la  poche  :  foui  aitz  U,  lui  dil-il, 
A  l 'argent  bien  placé. 

(272)  Celte  fièvre  de  publlcationa  paeudonjoiea  au  mo- 
fneni  où  j'écris  et»  noiei  (  diïcembre  iSSi),  comnieiice  poor- 
bni  ^  di'crolire.  Le  dé);out  public  en  a  bit  juitice. 

(773)  Cette  peniéc  a  é\é  fort  Iiabitemenl  développée  dana 
nii  article  de  la  Bévue  européenne,  par  M.  L.  de  Carné. 

(?74)  Le  motif  de  ce  dael  fut  un  reproche  adresié  par 
U.  Fayau,  à  M.  de  St-Mdrcellin,  d'écrire  dani  te  Contervauur, 

(275)  Le  mime  duc  de  Roriga  éprouva,  pendant  aon 
•é)Our  k  Smyme ,  de  grand*  déMgrémeui  à  la  ntite  d'un  duel 
■rec  un  ofEcier  franjait.  Il  en  e*l  parte  dau*  «ea  Mémoira. 

(276)  Le  cbefalier  de  Boufflen,  dut  auasi  mettre  Vépia 
k  ta  main ,  pour  ta  cbanion  :  Lei  jeurui  Gens  du  Siècle,  foyet 
tom.  I ,  pag.  3oJ. 

(277)  Tout  lei  iournau  du  tempi  ont  donné  let  détail* 
de  ce  fnnette  conbai. 

(278)  n  Ce  (jn'il  faut  pour  détruire  ce  cruel  préjugé,  a  dit 
H.  le  procureur-généril ,  c'eit  lit  toice  de  l'éducation  et  de  U 
norale ,  c'eit  de  Taire  «entir  de  bonne  heure  à  la  )ena«*M  CO 

~^ue  ce  préjugé  a  d'jbaurde  et  de  barbare,  c'eit  aortout 
avant  tout  de  bire  du  peuple  binait  an  peuple  religiesk.» 
H  Cet!  au  poBtoii  Icgitlalif,  a  dit  la  cowr  de  caïaaiion  dan* 
aon  arr*i,ii  ing"i  *'i'  convientdecompléter notre  légisUtims 
pat  «iiel<iirepre*ii«e,que  U  religion,  U  norate,  l'intérél  de 
U  «Oct<ité  et  c«lui  ds*  tamille*  puiiiueat  réclamer,  at  4  réglor 
32 


par  quelles  meHirM  doivent  être  iicéT«A«i.ott  -{mM  des  Ut 
qui  ont  un  caractère  tpécial  par  leur  nttnre  9  lemr  principe- et 
leur  fin.»  81  ait,  /Zéc.  deê  Arrêté,  1819 »  première pertîe^ 
pig.  lU. 

(%79)  Après  âToir  reconntt  Talirog^oii  dee  ewiennei  Ui 
tir  le  duel»  le  tcmr  de  Liaogee  e  posé  en  principe  «qee  le 
deel|  en  loi-mèniey  ne  conititaait  ni  crime  ni  délit,  que  aei 
riadiau  teult  tombaient  dans  les  prénaione  de  U  loi  pèaak; 
qu'en  effet  1  on  ne  peut  tuppoeer  que  le  iégieleteiir  ait  touIi 
conitituer  chaque  citoyen  juge  et  Tengenr  de  aa  propre  que- 
relle I  donner  à  chacun  d'eux  droit  de  TÎe  et  de  mort  tar  ki 
•ntret ,  et  répandre  ainsi  dans  Focdre  aocial  d'intarissaUcs 
■ources  de  haine  et  de  jrengeence  »  etc* 

(280)  Ce  combat  avait  une  cause  bien  firiTole ,  L'^^  arail 
plaisanté  H**  «nr  mê  rapports  avec  une  dame.  Celui-ci  rarait 
unité  d*en£uit.  H'^  7  avait  répondu  par  Tépithète  de  polissoo. 
Bu  le  termio  les  témoins  ne  purent  obtenir  U  rétmctatîoB  ds 
ce  pcopoe.  Un  cultitatenr,  occupé  à  labourer  son  champ,  as 
]|eu  à  leurs  genoux  pour  les  empêcher  do  te  battre  ,  il  ùx 
repoussé. 

.  (281)  Les  difficultés  que  présente  cette  metière,  et  que  je 
pB  puis  qu*énonoer  sommairement,  semblent  inextricaUsSi 
J*ai  indiqué  au  tome  H ,  pag.  4^9  et  saiv.  lea  moyens  dVa 
retondre  quelques-unes. 

(^2)  Depnis  cette  époque,  une  loi  noiiTeUe  est  venae 
iréglerles  conflits  de  jurisprudence,  et  e  apporté  d'heuieax 
chaagemens  au  mode  .d*interpréution  des  lois» 
(    &S&)  Fuyez  rairèt.du  8  avril  1819  cité  à  ie  note  vfi* 

(284)  Voici  Je  texte  du  pn^et  de  loi  sur  le  duel,  préseaté 
à  le  chambre  des  pairs ,  le  14  février  1809  : 
-  Anv.  i.«v  Lorsque  des  blemnres  auront  été  faîtes ,  on  Itn- 
^nn  homicide  aura  été  commit  dans  un  combat  aingnUer 
«être  deux  personnes ,  soit  à  l'arme. blanche,  aoit  avec  des 
à  fes,  let  laits  tenmt  coastalét  et  les  inculpét  teroat 


—  35  — 
îMtTTOgpi  et  arrêté* ,  «'il  y  •  liou ,  tuiT*nI  lei  formel  prM- 
criiei  par  le  code  d'iniiniciion  eriminellF. 

9.  Si  ta  chambre  d'accuntlon  reconnali  qu'il  existe  contra 
le  (irérenn  desintlitesmfKssna  du  lait  ïncriniiné,  elle  tentent 
l'alfafre  derint  la  cour  d'iisiaei  ,  Ion  mf  me  qu'il  ne  ('agirait 
que  de  tileï«ure>  qni  n'aDciieni  occaiionné  aitcune  maladie  ou 
h>ca|iaciié  de  ti»ji1. 

Elle  no  pourra  avoir  égard  j  aucnne  det  eiceptiooa  qaii 
•iti  termes  do  code  pénal ,  Qtent  an  Tait  le  caraciire  de  la  cri- 
Diinalitë. 

3.  Le  iury  <era  toiijauri  interrogé  aur  ta  queition  «le  urotr 
1^1  eKine  dei  ciTConiUncei  qui  rentlrnl  le  fait  excuttble. 

Indépendamment  des  fait*  d'ciciue ,  énoncé!  au  code  pétut*' 
Mra  conilitétée  comme  drconitance  qui  rendrait  le  fait  escti' 
Mille,  la  prorocation  par  outragea  et  injures  grave). 

Si  \a  céponic  du  jury  eai  ailiaiatire  aur  cette  quetlion ,  tit 
cour  prononcera,  canfarméRient  a  l'article  3a6  du  code  pénat.' 
Tontefoit ,  a'il  y  a  un  homicide ,  lei  coupablei  leronl  interdit! 
deë  droiii  ciTk|uea ,  civil*  et  de  Ikmille,  pendant  un  tempi  qui 
ne  pourta  excéder  dix  ant,  ni  étie  moindre  de  cinq  an*.  Il< 
pourront  n'être  interdits  que  d'une  p«rlie  de  cet  droita,  et 
pour  un  tempi  qni  ne  pourra  excéder  cinq  ana,  ni  <tra 
moindre  de  troia  ana ,  s'il  n'a  été  bit  que  des  blessures. 

Le  projet  a  été  adopté  dans  la  séance  du  14  mira  ■  le  mi- 
joiité  de  gS  voix  contre  yS,  mais  jTec  pluiteuri  amendemeiu» 
dont  ie  plus  important  était  celui'Ct  : 

•c  Sont  compcia  dîna  les  fait!  que  le  code  pénal  qualifia 
délits  ou  crimes,  ou  leniatiiesde  crime>,el  puniicommeteli, 
les  faiii  résultant  du  duel  entre  deux  ou  plusieurs  peiMttnes  f 
aoii  que  le  duel  aitea  lieu  à  l'druie  blanclie,  on  avec  leiumet 
à  feu.  » 

(2âf))  Quelques  mois  plua  tard ,  un  maître  des  requîlet 
«H  conseil  d'état,  dénon{a  anx  ttlbuniux  un  article  difla- 
matoire  de  la  Quotiiiûnim.  L«  directeur  du  journal  ne  mao- 
qni  pas  d'oQtir  nne  réperation  en  cbainp  clos  qui  lut  reluiée. 


~  S6  — 

y<^ez  let  diT.erset  profenÎ6iu  de  foi  de  U  Qu^Udieimt  mt 
le  duel ,  aux  numéros  3  ^  4 1  ^  t  ^  '^^  7  fi&vrier  1^31. 

(286)  En  férrier  i833|  «n  «Toué  firovoqiiA  es  d«el,  cv 
pleine  me,  le  substitut  d«  prqcuettr  da  roi  prè«  le 
de  CbarleTille.  U  avait  été  eApemrant  fNMweiiiTi  pour  si 
epTers  le  président  de  même  tribanel  |>  et  le  léqeialloive  de 
eubstitat  était  le  motif  de  cette  profocetioiu  I«*SEvaeé  fiitceiK 
damné,  correctionnellemeiit.  â^  dnq  ena  d*em|iriaQeMmeeb 
Cazetiedei  7\î6unaux^  çmaraiftSS»  «««alÔo» 

(287)  Le  balle  de  BdU  CaeqlMÎa-Lemeîfe  empeite  lecoUei 
di  rhabît  de  M.  Rcspafl. 

(288)  Teett  cette  tliéesîe,  fwe  te  iftyiirmaiiÉi  eeoetfeeé 
^défelepperdenaeeeleegM  série  de  aaseéroe,  «Vi  pes  ee 
4e  aaite,ei  le  joecMl  liî-fliè»e  a  Ueatte  e|née  cessé  de 
fieraltre. 

<289)  Be  ieiUH  i83S|  ke  feimuiex  fireei  »eetioBd*BB 
4eel»  oii  figeraient  plesieers  arocats  de  PoUiers,  et  ^  doeaa 
eiième  Uee  à  des  fMNurseitee  |ediciairee«  • 
:  (3iM))  Geitte  eiaira»  «oaïuee  cela  eei  éereev  chuage,  e 
ité  robjet  d^■ll  ertkle  offidel,  signé  ^e  Déeselm  et  iasésé 
4ens  tous  les  )oanuiiXé   • 

.   <29â)  La  pfolioe  ee  oonteeteèe  dreseer  pieeèe-^cMI  de 
cet  éTéoemeot.  Un'y  eut  ascèse  posissiee  fedicieiiew 
.    (292)  LesdétaUsdeeette  affûreeet  étéfsppoKtéeparle 
jkfunmt  de  rjrdêcke. 

(293)  U  s'était  éleré,  à  Poccasioa  des  dlectioBa»  sm  pe- 
Mmiqae  înilente  entre  M.  Le^agneer,  préaidest  de  dumbce 
k  U  Gosr  royale  de  Meie»  et  Bi.  Domés,  avocat  à  le  mésM  ceer 
fsécrk  de  M»  DornéSi  qet  contenait  ratteqse  et  le  vépoese  ds 
M*  Legagnesc  f  ont  été  insérés  teztoeUeaMst  dess  r/sdih 
pendani  dt  la  MoêeUe ,  ds  lo  déceedire  1834,  svec  ss  pceoé^ 
^Forbalt  contenant  toss  les  détaile  ds  dsel,  et  ^aé  de  éi 
téoHsns.  Le  combet  est  lies  es  pistolet}  M»  Legegseer  cet 
le  eeisie  dieîle  t«nrefiée  d'eee  baUe» 


—  37  — 
^19à,)   foyez  la  Cautu  de  Fiance  <Ia  a8  aofit  i83J.    '  ' 
{in)  Ibidtm. 

(296)  Foyet  ta.  CnscMe  dtt  TrOunaui  (tu  aS.MIobre  i834. 

(297)  liidem,  mtf a  i%i5. 

(298)  f'o^es  pliuiciui  numéro!  d«  leptemlire  iSII. 

(299)  On  [cmjrquc  les  [«isnget  suirans  dans  le  iJJKOlira, 
de  M.  An  Lamartine. 

n  Un  nouTcL  organe  ils  collision  l'est  conttilné  ontra  les 
titoyeni  dan)  la.pr(iM  et  dans. le  jouinoliime.  L'iiijure  main- 
leoant  «stéctite,  elle  retentit  dans  toute  la  Franue  el  pro- 
voque des  récrimina lioni  et  dci  venf;eance>.  La  loi  doit  mul' 
liplleriesprécsuliol» contre deioccaïiona  qiù  leninltiplieni.ii. 

n  Je  aais  qu'il  y  a  plui  de  courage  a  reAtser  un  duel  qu'L 
«n  accepter  dix.  Dans  un  paya  oii  l'honneur  est  plus  clicr  igii» 
laTie,  c'est  le  courage  de  ce  rcTui  quu  la  loi  doit  suppléer. 
Klte  doit  elTrayer  par  dus  peines  réelles,  par  des  amendea. 
■aineuses,  tes  provocateuii  et  les  (Amoias ■. 

u  A  débux  de  la  Ugialation  que  Ton  déclare  impuiManttf^ 
•mployon*. cette  force  d'aMOciacton  ,  la  force  la  plus  irrttil' 
tible  des  temps  modccnea^  cl  que  noua  vovotii  ri  heurcoM- 
nent  appliqué  à  l'amorti  sterne  ni  îles  vices  populaires  chez 
les  peuples  voisina.  Des  sociétés  de  tempiSriuice  ont  presque 
éteint  t'ivreisc  en  Angletorro  «t  en  Am^iique.  Le  vice  a  été 
vaincu  pai  t'smour  propre.  J'ose  espiïrer,quedes  assoiiatioua. 
du  même  genre  itouf  la-  suppreiaion  du.  duel,  préviendraient 
«c  crime  de  nos  moiui's  et  épargneraient  le  sang  humain,  u 

Le  13  mata  iS3S,  il  fut  bit  rap|>ori  a  la  chambre  des.députéf,. 
-d'une  tiouielle  pâtiiion  de  M.  de  Rougement,  contre  les  duels. 
Vordie  du  jour  fut  encore  proposé,  mai*  U>  Dupin  ,  pr<- 
•ident  de  l^cliambre, quitta  le  fauteuil,  et  dans  un  diicour* 
-tréc-iemaTqiiable,  deroand.)  ei  olilinl  le  renvoi  de  la.  pétition. 
■n  ministre  de  la  jtutiïe.  Uaas  la  siSance  du  19  juin  suivant, 
|«  mime  renvoi  fut  ordonnA  sans  discnuien  pour  une  yt- 
liiiiiii  de  U.  Baril,  biioutier  à  Paiis. 


—  38  — 

(300)  Voy»  r«riMe  MiibMB|  dans  U  Bù>gràfikk 

(301)  Séance  da  ai  ocidive  1790W  Monùteur^  u*  99$. 

(302)  yoyn  les  débâti  de  laCmi? eatKNi  MtiiMuileiMitoat 
^ndant  lea  derniert  mois  de  1794  »  M  lea  ÉUidtê  kiaêorifteM 
de  ChAteaubriand. 

(303)  Fojrt^  ton.  I ,  pag.  388. 

(304)  Cette,  lattire  était  de  M.  Raynonard ,  dépaté  et  le- 
Cfétairerg^néral  du  miaittre  de  la  jnttice  ,  qui  a«rait  été  fie- 
^•qiié|iar«oii,co)légiie»M.daLadr«|.doiit  il  «Tait  deoMadé 
lê.irappal  à  |*oidre« 

(305)  Y<Mçl  celte  piéca  enfpyé^-àionf  lea  iomnums  i 

m  Lea  attaquée  directea-de^Af^i  V»:  eokwel ,d»  BdqaamUti 

•caotitt  le  nsiuréclial  miaiatve.^  la  gaeive^  dana  aon  dîaMait 

du  ieadi  i3  jnia  à  la  chambre  dea  députée  »  uyuut  leada  îa* 

diapen^bla  pipar  m*  léjpargaiade  Palaialie»  le  beaabid*ana 

aatislâctîoii  1  ape  .rencontre  a  ea  lien  au  boia  de  Boalogee 

,  «ntre  caa  bpnprablei  adyertaireu  qui»  api^  airoir  choî  l'épée 

pour  arme,  oui.  coauneocé  iiii:;Maibal  ^ui  •  dmré.  plai  da 

dix  mînates.M.  de  Oalmatîetflyaot  dauf  un  mouvemenii  rea- 

contré  une  pierre,  eit  tombé  à  lafenTerae»  M«  Briq^OfiDa  i^ett 

ulora  empreiié  de  lui  tendre  la  OMÎUy  et  de  le  replacer  aar  la 

bon  terrain.  Le  combat  a  reoeaunancéb  Cette  fixa  Fépée  de 

AL  BriqneYiile  t'éiant ,  après  une  aatea  longue  lutte  »  eagif»^ 

;daaa  celle  de  M«  de  DalaMtie,  a*est  échappée  de  aea  mains. 

Il  «*eft  avancé  droit  tur  son  adYersaîrei  qui  lui  remit  aon  onne 

UTec  empressement.  Après  un  instant  de  repoa  que  néceadtait 

«ue  attaque  aussi  Ti?e ,  le  combat  reprit  de  noureau.  hm  aé- 

TOrsaires  se  précipitèrent  l*an  sur  Tautre»  etarrÎTèrent  bieatèt 

.à  aa  saisir  corps  à  corps.  Daas  cette  aitoation  lea  témoinai  qai 

•étaient  d'une  part  pour  M»,  le  marquis, de  Oalmatie^  JL  le 

■laréchal  Clauzel  et  le  général  Jacqneminot,  d'autre  psn, 

JUL  le  général.  Excelmans  al  M»  Baeot^  député  ^.ae  jélércat 

ontr'euzi  etdédarèi^nt  qu'eu  gens  d^honeanc  ila.ue^defaiaat 


enç.igetneni  h 


—  39  — 
pal  p«nneltre  la  conlînuaiiot 
■litre.  Le  1  deux  coinlutuni  te  *onC  «ouniii  ^  celle  déciiion , 
et  le  Hnt  «^paTÏ)  en  se  donnant  léciprot^uement  Ici  mafqaea 
d'ane  ùutcbe  et  loyale  estime. 

Signet:  maréi^hal  Cddibl,  JACQviMiBftTi 

C.    BtCOT,  ExCEUtA», 

(306)  Les  ptua  remarquables  de  ces  diicouii  fatentpr*- 
nancéa  par  MU.  Dupont,  BTOcat,  Tardicu  ,  député  de  b 
UeuTthe ,  el  Armand  Cairel  ,  directeur  du  Kaiiooal.  lit  ost 
été  ropportci  dans  loua  les  journaux  du  lemps. 

(307)  Il  y  eut  autant  d'à reugle ment  de  la  pari  des  pnttia 
à  précipiter  la  catastrophe  de  Dulong,  que  de  tÉmétUé  j  en 
placer  les  cause*  dans  tes  lianlei  régions  île  la  |iolili(|ue.  C'eit 
la  funeste  entraîneirent  de  no*  discordes  ciiilei  qu'il  ÙM 
•eut  accuser  du  sing  leraé. 

(SOS)  On  a  attribué  à  celle  occasion  dans  le*  joarnanx 
ptusienn  duels  au  conite  d'Argout ,  nn  enlr'aulre*  qu'il 
«nrail  en  ciant  préfet  du  Gard ,  av«c  te  grand  prëvAl  de  son 
dépailement ,  et  où  ce  dernier  aurait  succombe. 

(309)  Étudti  hiilorifua,  tom.  II. 

(310)  f'oj-n  tom.  I  ,  pag.  Hj. 

(311)  U.  Philippe  de  Ségur,  dana  ses  Souvenirt,  tom.  I, 
ftg.  3o8,  a  esijyi  de  iuslifier  U  méinoire  de  aou  père,  de 
cette  iaipoliiique  ordonnance. 

(312)  l'ojtz  l'article  du  comte  de  Sl.-Germein  dans  la 
ttiogra/'lûe  wiiVcrje/fc. 

(313)  «  La  gloire  est  an  ciment  si  puissant,  a  dit  le 
géni^ral  Lamarqne,  elle  enTironne  un  irAne  d'une  li  lirilUnte 
■aréole,  elle  fait  pousier  des  racines  si  profondes  à  une  dy- 
aaatte  nouvelle,  qu'il  ost  politique  de  vouloir  la  guerre  m<m« 
■an*  motifs-  •>  Séance  de  la  Cluuaii-e  da  Dé^mlit  du  i5  jan- 
vier i83t. 

(31&)  Cette  comparaison  cit  de  M.  Salaville, auteur  d'una 
brochure  sui  le  duel ,  qui  a  para  en  i&aq. 


(315)  Parit,  rêrmUkM.  H  k*  Fra^rnsM.  Édtam.  dt  lU. 

ton.  n,p«g.  19^ 

'  (316)  Lt  fnrear  dn  daely  pttmil  les  élèrM  de«  écoici  9iB- 
Uiret,  Tfl  quelquefois  si  lotiii  qa*on  Uns  «  tu  «sgttiitt  le^ 
Wig«ettet  de  leun  fafUt  ^poiic  t'en  «ervir  ca  «luivip  dot  k 
*diiiut  d^Aiitret  avoiet. 

(317)  M.  de  C1iAtea«brieBd|  qui  reppeyrte  ce  tnh  ^eatki 
'Mèmcùrf  sur  k  dite  de  Berry,  ea  nfiporie  »n  teisbleUe  enue 
tienri  IV  et  Schomberg.  Première  pert..  Ut.  I ,  CSbipu  XII. 

(S18JI  n  7  eut  à  Angeitt ,  en  1809^,  un  dmal 
célèbre ,  entre  deen  coloaelf  »  poor  mae  qiaer«tl#  ^d 
leléreaaer  riioaaear  de  leaie  r^îiaeiif^  On  ee  beitît  à  e»» 
'tranqi  i  plasieare  coapt  de  pUteleit  farant  écheagéi  «■• 
Vfltteindre^  On  mil  enenîle  l'épèe  à  U  meJiv  et  epcèt  aa  comi 
\Êt  de  Tiagt  nûaateei  le  comte  de  Iaa>oaiie|a  ,  eokeed  de 
a8.«  léger,  fut  tné. 

(319)  Qa  iroareia  plaikert  mil»  iatéreeaaae  ear  le  njei 
'de  ce  chapitre  daat  le  DiiçtiMumr9  des,  Fomm^s  célèiru^ 

(3t0)  raye^  r&ikcwv  de  U  C&ewalpKb  ,  par  MH.  d» 
Le  Carne-Ste.-Peleje,  eux  Mémcires  4f  V Académie  dnJbuek 

(321)  DiTefstnSudece«M«aûx(0Btdiècit6«aaCh«p. 

zxn. 

*  (3SS)  Per  id  tempai  fiiciam  eti  malieraa»  cevlamee«M.^ 
CàBi|cradele  pagnaniaenl  esaent  qaa  ob  ean  caaaem  iaia 
cmteraa  nobîlÎMÛDaa  Saminaa  coaTÎciia  coaseclatm ,  caataa 
att  ne  qnm  malier  niquàm  in  reliqaaoi  teopaa  naneribwi 
gla&loria  fangereiar^  Dio,CA»êivê^BùUrom^id^lJaX\\ 

Quidam  letlamenia  formoaiBÛama  HMlîevea  qaaa  ea^rat  ce 
pugum  geaeve  confiigere  inter  se  slilaîl.  ATaav  «  U^  IV» 

(323)  Dans  aoire  hisleire,  U  esl  pea  d^iréaniaent  mîK 
turcs  imporiana  oà  Von  n^iii  va  igarer  dea  Ceauaee  ^pMlqae- 
foia  même  an  premier  rang.  Leur  béroSsaie  aVal  encore  ft> 
gnalé  dans  les  dernières  guerres  de  la  rèrolaliQii^ 


—  41   — 
(3'2i)  BEtuMAHoiii  Coiu.  de  Be<i>v.,  Ch.>p.  LXU. 
(S'ÎS)    7-A^«(™  rfAonn.«rferAn..,lom.  H. 
(3^6)   Bingr.  anûf,,  art.  Matit>in. 
(327)  Mràoo-ci  iA<  lAïc  a!t  Richtlûu,  win.  Il, 
(3Î8)   ro;«i  auiii  «D  Uun.  I,  p»t;,  >%t  >  la  notice  t«r  !• 
tbevalier  dïloB,  dont  1«  aese  •  ct£  û  l«ng-temp«  Kn  graift 

(32Q]  Uoairôtt,ilu  «  aoAl  1814,  avait  rtmla  appJkaliIe 
k  ta  Belgique  la  code  loUitaiie  bollandaîa.  Plu)  laril,  nn  autre 
ttHtb  ptetciiTil  l'aiage  de  I*  langue  kollandaite  poar  lea 
•ciea  publics  dgni  lonte  l'ctenilae  du  royaume  de*  PayaBaa. 

<330)  Tout  c«>a  B  éii  païUilemeni  dtielopiié  dam  u» 
éciit  de  M.  Nothomb,  membre  de  la  clwnbre  dea  repi<iea> 
la»*  belgct. 

(331)  Omniam  harum  gsnlîum  vifMM  prsKipBl  Battfi, 
Ik  mor.  Ge™.  Cap.  XXIX. 

(332)  M.  le  chanoine  de  But  ei  plnaienra  uitrea  crilii)U«i( 
«ni  tiiceminenl  attaqué  rnittcnce  deijhreiiien  de  Flandre). 
Ceit  un  point  de  conuaTCcse  iûitoiique  qui  nVu  |ia«  de  œoa 
■«jet. 

(333)  Conme  l'a  lemarquA  Chateaubriaud ,  la  polilique 
de  Louia  XI  n'était  paa  de  l'a^randii  au  dcUoci,  nuis  de 
cODililnei  la  monaichie  «baolKe  tur  lea  luinea  de  U  (èodalitt. 
SiMil./ua.,  tom.  VI I  pag.  uf. 

(334)  J'ai  cru  nécesBure  d*eDlre[  dan*  ce*  délailt  biito- 
rique*  pouf  t'inietligence  de  ce  qui  va  laÎTrc.  Ce  conri  pré- 
KmiBaïre  ■  éti  l'objet  d'une  ciîtique  dca  plu  bienTeillante* 
de  la  pari  de  M,  le  baron  de  Reîlîenbeig ,  ancien  recteur  de 
ItJniTeraité  de  LoBiain,  à  qui  je  r>ii  soumii  pendant  l'imprca- 
ùondet  inUt.K.de  Keillenberg  ricuseiuttoutle  témoignage 
de  RoberuoiT  et  celui  de  Voltaire ,  en  ce  qui  louche  l'impor- 
tance  des  Fays-Baa  afani  Philippe  U< 

M,  de  ReiSfenberg  le  propoia  de  réhabiliter,  soua  cerlaina 
npporU  ,  U  méraoiie  du  duc  d'Albe  ,  qu'il  croit  calomnié. 


Cett  BB  point  de  nut  hittariqa*  qvM  a  éàik  îpâiqmé  itm  u 
•Btante  HùêmPêdê  la  Toimn  ifor, 

(335)  ArtSTelle,  et  aelott  d^luiCree  Artevelde,  état  te 
gentUhoaune  ^  iPéteit  Mt  iflcrira  deM  la  aiécièr  de  bnnevi 
poBr  aniTer  eux  aiegîmetBi^  amBJrfpBlee  et  aagnMBler  aoi 
lef  BeBce.  Cette  iBflBBBce  deebnmefi  est  edcocv  trée-gmèi 
BBJOBrd^hai  ob  BelgiqBe.  Bile  {oœ  nm  riMa  pincipel  daaf  tel 
électioBt.  Ob  b  BBid  testé  léoeaunent  de  léhaliilîteff  la  aè* 
moire  dTArtereUe. 

(S30)  8i  cette  BiclBtieB  Butait  pat- eacafaAtécoBacNaaiB 
de  fait ,  oa  peat  dire  BéaBiaelBa  «{ae  le  clergé  en  natie  poa* 
wt  l'èntreroir  e«  foad  de  la  politiqaa  de  la  nuûaon  d*Ûcan^. 

(337)  Ob  troare  aae  ifttératiaBte  deacrîptîoa  de  ce  dad 
dans  aae  aotîce  intitalée  :  Re^êrehês  mtr  Isa  Juifs  dès  Pn^s-Bs^ 
par  M.  le  baraa  de  Rûffeaberg.  jtrMixs  Aûfort^tfej  ,toai.  V, 
pag.  3o3. 

(338)  Cette  notice ,  est  à  pen  de  chose  prés ,  conforme  s 
celle  de  M.  Legtay ,  dans  sa  Lettrû  air  ies  Dtseis  fudicààres. 

(339)  Cette  proTOcatioB  fut  rédproqae.  J^o^^cs  ton.  I| 
pag.  6  et  la  note  7. 

(340)  RATVALDit  LinXLn,  %^^^HiâU  des  Papes^UmVl^ 
pag.  83. 

(341)  yojrez  Bababtb  i  Hisi.  dès  Ducs  de  Bourgogitek 

(342)  Le  dac  de  Charolais  fit  mettre  le  feu  à  la  TÎUe,  et 
son  père  eat  le  barbare  coarage  de  se  fidre  porter  ea  Utléie 
poar  assister  k  ce  crael  spectacle, 

(343)  y^yez  BAaAKTBi  HùL  des  Ducs  de  Bourgogtte, 

(344)  Foxez  Basvâox  ,  Disseri*  kittor, ,  et  Roacarsov» 
BùL  de  CharUs-QuifU ,  tom.  I. 

(345)  Il  exisie  plusieurs  chartes  qui  dispensent  les  nlles 
de  Flandres  des  lois  sur  le  duel.  On  en  cite  une  de  1117,  de 
Gaillanme  de  Normfindie ,  comte  de  Fiandrea  ,  et  une  aatre 
de  Philîppe*âttga8te»  de  1187  accordée  à  la  Tille  de  ToarniL 
Poaniv  I HSit.  cfe  Toccmot  |  tom,  II 1  pag.  ia« 


t-  43  — 

(366)  En  i5i4,  J«8n  Je  Héiiio  ■  Lii'tiiril ,  sei|;nenr  de 
Boaisu,  m  Hninaut ,  asiisUit  j  Brugci  à  un  I>«l  nusqué  <le  la 
cour  dé  l'eaipereDr  Chotlei-Quint.  Pousté  a  buut  p^r  le>  ■ga- 
leries il'un  niwque,  il  l'appela  en  chani]!  cloa  pour  le  lea- 
demaîii  :  Je  y  ici'oy,  Ëouuu  ,  lui  répliqua  le  masque  en  loi 
«errant  fortement  la  main.  Le  lenilemain,  Jean  de  Hénin 
courut  au  rendez-foua ,  où  il  trouva  un  ctieialier  armé  de 
ie  toutes  pîdces  qui  l'attendiùt.  Quelle  fui  m  lurpriie ,  quand 
le  clievalier  a;ant  levé  m  Tisicre,  il  reconnut  Ici  traiu  d* 
l'empereur  qui  lui  dit  en  riani  :  Comte  de  Boiam,  i/uand  fe 
voui  ditoit  que  je  y  aeray.  Le  comte  se  précipita  aux  genoux 
du  monarque^  et  lui  demanda  comme  gritce  particulière  d« 
prendre  pour  cri  de  tes  armes  le  ;  Je  y  leray  Bouiiu ,  en  «on- 
venir  étemel  de  l'honneur  insigne  qu'il  avait  bien  *outu  loi 
faire.  Celte  deiise  est  encore  celle  des  armes  du  comle  Man- 
ricc  île  Caraman,  poasesseur  actuel  du  domaine  de  Boussn. 
^njiù^i  hiit.  du  Sord  de  la  France. 

(367)  «  Plusieurs  villes  des  Pays-Bas ,  dit  M.  de  ReifTen. 
berg,  araient  autrefois  le  privilège  du  champ  clôt,  Bruges  eo 
jonisaait,  et  c'est  une  des  raixons  qui  ajoutèrent  ■  l'importance 
de  cette  Tille.  Le  champ  de  bataille ,  dans  le  Hainaut ,  était 
Valenciennes.  En  Hollande  c'ëiaicnt  Leyde,  Delft,  Lu  Haye  et 
Marlem.  Ce  dernier  Était  le  plus  cèLèbre.  La  maison  de  Wat- 
aenaere  a  long-temps  poBséJÉ  la  chargi?  de  Kred-lf''aanUr, 
c'est-à-dire  d'inspecté  ni  des  duels,  u  HUtoire  duCommurcu  de* 
Payi-Bai  aux  X^.'  et  AT/.'  tiède ,  pag.  35. 

(34â)  L'arrêt  de  la  cour  de  Bruxelles  a  été  rendu  dana 
l'intérêt  de  la  loi  SEulemonL  Ses  consîdérani  sont  Irès-éten- 
dus.  Ils  reproduisent  les  mêmes  srgunicni  que  ceux  îles  coure 
royales  de  Franco ,  à  l'excepU'»'  <^  celui-ci  qui  m'a  para 
entièrement  neuf. 

■  Attendu  d'ailleurs  que  l«s  dispoiiiionc  dei  lois  antérieure* 
■ut  le  duel,  étaient  rcstreinlei  aax  combau  dans  lo*queb 
figuraient  des  gentilsbommei;  que  le*  combat*  singulierieutie 


.4ivMl»Mt  a>KÎtlii0afc  ytoinny  te  ■•lli^i■ 
iJKltfihtfto  fnadnîft»  pir  là  Btfhrtinii  fnpiriii^  «tifiâmi^ 

.xiMîiidvMi  il«-  hdMiM  di^dippoiiiioM.4u8  le».  kfeaiM* 


.     (3A9Jir<9(Mà.U.itf^»43a,l>HdBt-dib  jow.d«.B^^ 
ilii,giMUir«  d»  Fgmc»,  4»  ijetdHuw  fmfflrgton—  dodtfifc 
.feiftritv  oivtttMa  tapéfiewev 
..    (?aO>  CMWfcfcmairtèaÉMWWy  iiiPiwIi  tym  mumÊtu^  fiait ipa 

r    IimtcaMft&aii^tid«iwMt«MiÛÉC0'P«dk 

ea  Bspagntp.  à. qaelyiM nq<nc<t nrè>.y  on. milwB  da-tosMi. 

(?52>  li  aaôMe.  eotre  ie<  oMt«it.  etptgaol—  e%  iialieBMi. 
I^lns  d*uA  trait  dp.  coii6Mriiiité..CeftauiM4||L'oi&  ]f  pgati^we  «tnL 
«deprâ  loBg-tempa.  1&  terrible  f^tndttta,.  Des  eîciiiet  y  Cml 
•frofeMion  paibjtqi^  de  ae  loeer  pmur  L'esofces  e«.  profit  dai. 
.fertiet  infcéreiiéei»  on  iea  appelle  Banâderu. 

(352}  Si  l*oa  ea  croU  lytelqeet  liittocieiia;,  PAnglatane^ 
eorait  eu  aussi  set  amazooei.  Voy^z  les  exploite  de  kLaeiaa 
iVoedicéy  à  la  tète  de  citM|  eùllft  englaite^dena  I^Ajuun«  Wsl 
éTJfigU^  tom.  II 9  pag.  27. 

(354)  U  loi  d*iiia  (/«  ^MKatvi(iftiis.ettd«.liiiÂtidaie  ûbiÀ^ 


—  45  — 

'J^aytt  ini>i  celtci  <l'Edniani)  Jini  le  ilnd^m?  «i<c>«  rfe  Bomi- 
cidto ,  et  ce]J«s  il'KJoiuid*daiis  le  onutfme  i/e  ;wce  rrgit,  tpad 
L*Hna[>  I  pBg-  3,  ?a,  196  et  laS. 

(355)  Selon  Ripin-Thoiru  il  n'y  ■niait  pu  en  de  cooibtt 
entre  Eilmond  et  Canut  1  miia  un  limple  Aéh.  Il  cite  â  l'appni 
de  celle  opinion  Etbe1r«i)e,H9niiiignRelMathien  de  Weti- 
vinsrer. 

(3^6)  Sblbbs  ,  «f  lU  duetto  or  ting.  Comb,,  C.  VI. 
(3â7)  H  En  Anfileterro ,  dit  Robertton ,  lei  principes  de» 
Saxon*  lur  la  vengeance  personnelle  ,  lur  le  droit  de*  gu«Te« 
priiÉcs  et  lur  U  composition  due  à  la  partie  oHenfie ,  païaîi* 
•aient  avoir  <té  à  peu  pi4)  loi  mimes  qne  ceux  des  peuple*  dn 
continent,  a 

(358)  D'iLiYMn.! ,  Hittor.  of/end.  prvpert.  Gip.  t^II, 

(309)  Es  1109,  A6&  ite  Louii-le-Groi,  roi  de  France,  k 

Henri  T.*',  roi  d'Angleterre.  Ducbbsve,  Hiit.  de  Fr.,\(ttn.  IV, 

Chap,  XV, pag.  396.  GoreOT,  CWt  A  Màn.,  tom,  VIII, pag .54. 

(360)  On  trouTC  daiu  le  mime  recneil  et  dani  !a  col- 
lection bien  ptui  co(nplette(/iu<A»/tMonù,un  grand  nombre 
de  monuioeni  teinfalablei. 

(361)  Rapin-TIioîra*  a  relevé  k  ce  lujet  une  errear  «M 
Polfilara  Virgile ,  qai  avait  attribué  la  dénonFiation  an  comtA 
de  Norfolk.  Hùt.  d'^ngt.,  tom.  III ,  pig.  ïiS. 

(362)  LaanBT,7/ùt.  <rjn^'.,  ton.  II,  pag.  76B. 

(363)  foyez  au  tom.  I ,  pag.  5o  le  récit  d'nn  Juel ,  dont  1* 
M)et  fut  abaolument  le  même ,  et  qui  eut  lieu  en  ptéience  d« 
loi  Charles  IX. 

(364)  Tous  les  détail*  du  duel  de  Doogla*  et  Kennedy, 
■ont  rapporté*  d'aprt»  la  mttinscrit  d'Hendrick ,  dans  le*  fa. 
néiér  tàitori'pia  dt  Si.-Omtr,  par  M.  Pieta,  LibUolhécaire  do 
cette  fille. 

J'ai  auiri  rencontré  ,  dans  le  pcécienx  d*p&l  de*  archivei 
de  l'ancienne  cbanlte  de*  complet  11  L 
leilrcile  tarlcl  Ue  Konbroï ,  comte  de  Ni 


mal  d'un 

igliaoi,  mu^cbat 


tf Aagjeterm ttia  e<Wfcte àê  Békmmn »  ééë  ée  Comej.  Gècuttl 
••I  écrit  cUnt  la  forme  ofdrâiAre«Il4||iktédâ  loiavtieriSI}. 

(36Ô)  On  Ut  dam  la  via  da  onite  d*IIaiBUtM«  placée  ea 
tête  det  JfaaMwr»  da  caaitedeOiaaiaiOBt,  par  M.  Aager,!! 
Mît  iltigatter  tar  la  aMoléie  doat  oelal-ci  épèvaa  la  aoerdif 
L*aatia.  l<e  comte  de  OramaMmt,  apcéa  «voir  po«r  eiaii  At 
cooda  cette  «aioa,  avait  chaagé  d*avU.  Il  diercba  aiiêiBe  è 
iffuqahrer  de  Loadfet  poar  t'Éfinmchir  ide  'cet  éufftgtmeA 
Hait HamiltoB  le  toivit  i  et  abocdaat le  oomteVui  nMMaeatoèa 
SMttait  le  pied  earlevaiweaa  qai  devait  le  taaieaer  eaFIruoe: 
IWamyrAi  Monaimar,  M  dit-il|  d'aa  tim  aigniftcatiryvoat 
eMWfli  9M0I9M0  dboM. -- C'ait  am,  rdpliqaa  l*a«re /fia  M 
^ipouÊtr  mmdemoiêelh  voftvjoBuryetilreumnuiàliaHlretoi 
il  a^exécaia  de  bonae  grâce. 

.  (3fi6>  ▲aT.i«r.-ABcaa  officier  o«idiaat«*«BlB|ariemu 
OTapOf  oa le.pgovoqaera  de gertea ea  depanleoyaoBipeiiet 
poar  aa  officier,d'étre  mit  aaa  arrAlti  etpo«r  va  aoldatyd^ltiv 
•mpriaonaé  et  denuader  pardoa  4* la  partie  offeneée» ea  fié* 
eanoe de  toa  offider  comoiaadaat;  •*-'    * 

a»  Aacmi  officier  oa  aoUat  ae  doaaera  ai*  nVureiia  de 
eortelitoatpeiae'ipoar  aaofllGief^d^êfre  oané»  et  poaria 
eoldati  de  taliîr  «ae  peiae  corporelle  à  la  diaorétioA  de  la  co«r 
aurtiale. 

3*  Toat  cffider  qai  aonfirira  qa*aae  peraosae  ee  batte  ea 
diiel  f  '  aeta  coaaidéré  comme  aatear* 
■  4*  Il  ea  aéra  de  même  de  celai  qai  en  inaoltera  aa  aatra 

poar  avoir  refuaé  an  cartel  1  etCt|  etc 

,    (367)  f^o^  la  aote  375. 

(368>  f^oy^  VUist»  itAngL  1  de  Hox a  et  Smo&btt; 
'  (369)  Lea  joamauz  da  a3  juin  x834  oat  parlé  de  ce  profeti 
doat  la  base  éudt  Tin tti talion  de  coara  d'hoanear,  poar  \ager 
lea  querelles  entre  partiénUers.  Lea  peitiea  poar  lea  fonction- 
«airea  deraient  être  la  privatioe  dea  emploie»  et  poar  lea  par- 
ticaliera,  celle  dea  droita  dvila  et  poiitîqvet.  Il  paiatt  qae  ce 
projet  n*a  pat  ea  de  faite. 


—  47- 
(370}   LenjonrnRUxangUùiIumt 

toure  II  corrcsponilniice  qui  eut  lieu 
(371]  Lei  mœur*  anglaisci  ont  ci 

réprimer  l'arileurdes  gens  à  humeur 


3  ont  publié 
Je  ce  (Ivfi. 
e  moyen  d« 
tdiquc  CI  queielleu^e. 


Il  consiitB  i  lei  consiiKrer  caoïroc  absens.  Oii  oppose  i 
lencc  tjitimilique  i  touiea  tcurt  pToiotitions,  On  tait  *em- 
Uanl  lie  ne  Ici  voir  ni  les  entendre,  et  on  agit  en  tontenver* 
eux  coairoe  l'ili  n'exîitaicnt  paa,  CeU  l'appelle  emvfv  à 
Covailiy. 

(37?)   foyi  aniû  l'.45r.  chron.,  de  LicowiK. 

(373)  SoBi  le  mémo  roi,  on  (cigniur,  nommé  Greppa, 
«ccuié  d'iToir  violé  la  reine ,  appela  en  duel  ton  acciiuieBr^ 
qnoiqae  le  fait  fût  constanl.  Saio  Gi-amm.,  Hùt,  Jan.,  L,  IL 
Froihon  puae  pour  le  lë^ilaieur  dea  dueli  icandinavei.  On 
til  dana  Voit  de  dueliU,  Cap.  fl  :  n  Protlio  eam  tnlit  legcm 
Ht  omnei  lilei  lingutari  ceriamine  deceniereotur  tpecionai 
liribui  quam  yerbia  conHigendum  eate  raïui.  u 

D'aprÉi  cette  loi ,  leacombattana  devaient £tre  reaencaJans 
■n  petit  espace  couvert  par  une  peau  de  neuf  aune*  de  loa- 
gueur.  Celui  dont  le  pied  lenlemeni  a'éciiioit  de  l'eapace, 
élail  conaidéré  comme  Taincu.  Êdinhurgk  Rewiew ,  aoAt  iSio. 

(374)  yo)-n  le  recueil  dea  lois  intilnléi  Legci  Guialhia- 
gtiats,  cité  BU  tom.  II,  ]>ag.  178. 

(375)  Les  paysans  norwégieni  se  battent  entr'eun  au  cou- 
teau. Cette  arme  pend  tonjourt  à  leur  ceinture.  On  ataure 
qn'arant  de  combattre  ,  chacun  tance  aon  couteau  contre  uua 
table  ,  et  que  le  point  d'honneur  leur  défend  d'enloncer 
Tarme  dans  le  corps  i!e  l'adiersaiie  ptua  «vaet  qu'elle  n'eat 
entrée  dans  le  tioïs.  Eigiiiiut  du  If<ii^d,  par  M.  AxrL». 

(376)  Art.  )*'■  Duellatomm  uierquc  liim  protocani , 
qniaquii  ut  equeasiie  pedei,  tum  proiocatiu ,  aeu  voce ,  sive 
lilieria,ab  oRiciiiiuis  renoiendiel  bonis  ommbn«,<ina  morte 
pro  drcomslantiis  cauts  cognitte,  mutclundi  sunlo> 

3.  Propugnaioresbii^dopiaiiqui  in  loco  eonfliïiioniiptwiii 


^«8  — 

tarant  I  «iti  deœrtttwot  inigaft  fvobibeant ,  poosâ  mvktaitor 
connmili* 

3.  81  ^it  pffOTOCgtkMit  hand  ptnierit  smllit  iàeà  imborui 
ccNlUBieUit  lacenuidmt  ctUK 

Leg^  dmde*  Ed.  HoyMmd,  Bmamm  1710. 

(377)  Ce  trait  àê  OvMTa  a  été  Pèbict  tf'ka  MMceaa  et- 
Henx ,  imliUé  par  la  iUime  èriiÊtmigm,  €m  oMnra  18S4. 

(378)  Alexafldtr  ëinkatarva  cwb  furaiimai  legtDm 
daot  prodasdt  adl^tqaoïmBi  alteraum  pefaonam  aailiaim» 
alter  Daitt...».  P&vTAftC«»|  imviU  Ah»%  la^wf. 

Vold  le  texte  de  Tadte  e  Bjaa  geatia  ^àA  beUvai  est  cip- 
Hrmai  ^ao^ao  OMido  iaterceptafli  ona  elcctt»  popakriaa 
aaoraai  patriit  qaeatcaai^aearadi  coauidttmt.Victoria  haja 
tal  illiat  pro  prttjadido  acdpitar.  ih  Mer,  Gmm.,  lik  L 

(379)  «  At  ilU  in  maubA  feritate  Tertatiariflû  aatas  ^ 
meadado  genat ,  rimakatet  fictaa  Xitàmm  wiiM  et  aaac  fM* 
Tocantet  alter  atterem  injariAi  aaac  ageatea  gfatiaa  faedien 
roHMaA  jattitiA  finiiat  et  aolita  arada  ditœnd  {«•  tendai- 
leatar,  ia  aamnuun  •ocofdiaai  perdaaira  Qriiicfillaw.  » 

(380)  «  Saadpere  taai  Initniciriai  aen  patria»  aea  ynifim^ 
qnàm  amidtiat  aeceaee  ett|  nec  iaplacabilea  damât.  liaitar 
•nim  etiam  hondckliam  oerto  ameatomaa  ac  p^coni—  ai- 
■Mro  9  redpit  qae  aatiafiietioneai  mai?ena  domna.  •  Taot^ 
de  MoTm  Gérai*!  Cap,  XXlm 

(381)  <i  Lerioribat  delictit  pto  OKido  poawtfaaiy  eqaanDB, 
peconim  qae  namero  convicti  malctaatar.  Bue  makt»  it^ 
Tel  cÎTiuti  I  part  ipâ  qai  Tindicatar  rai  propiaqni  ejat  cnot- 
TÎtnr.  «•  Tacit.,  ibidem, 

(382)  Robertaon  cite  cette  charte  d'apcéa  Scsiimnri 
Histor,  Zaringo-Bad,  v«  5»  pag.  55. 

(383)  «  Si  qait  iageaaaai  hooûaeoi  tali  pnMaaiptioiie 
percustarit  per  tuigalot  ictat»  tiagulot  aolidoa  aolfat.  » 

«  Si  quit  ingiennum  hominem  per  capitloa  arripaerîti  d  ib^ 
maaa,  II  tolidoi  îaferat  \  ù  «tiàqa«t  IV*  M «kt»  ai 
soUdot  VI.  M 


«  Sif»r>ai  infrcnBBDi  hominem  pvgno  pefCUHiirit,  cfeïitda 
fiiiiei  accipiil.  ■>  Leg.  Burgund..  uï.  V. 

«  Si  quii  lioiDinein  libErnm  aubità  snrgent«  rii)  pcrcniferit 
♦t  litoren  «nt  nilnu»  feceril  pro  uni  TerilS  componal  «I 
toliilf»  Il  :  Si  duLii  soliao)  VT  :  li  ire«  IX  ;  li  qnaïuor  XH  ; 
ai  Terùatnpliùs  non  numeranlui,  leiiait  cantentut.  u 

n  Si  t\n\»  alium  pu^no  percuiierir  componat  iolido*  lit,  «I 
aUpam  iledetii  lolitlot  tV.  »  Leg.  Langni,  lii.  f'i,  Cip    fil, 

Li  loi  de*  Bjvaroii  icconlait  une  coin|)oiilion  double  k 
plusienii  bniîlJeSfdont  clic  Honnc  lei  nomt ,  tellei  que 
Hozidta,  0*i«,Sagiiiia  ,  elr.  Elle  en  accoriliit  une  qaadrapl« 
av(  Agîiotlingseï  qui  étnieni  de  la  tare  ducale,  »ftc  na 
«ippifinent  d'an  tien  en  su(  pour  le  duc  lui-même. 

(3$4)  R  In  palaiin  quoqiie  Sera  coines  Bareinonen.'iit,  cùn 
impFiereiur  ■  qnodam  Sunili  et  infideltUtii  itrguerciur,  cum 
«ai|PTnKcunJunile|;em  propriiin,ut  potëqnia  ulcrqueGotbn* 
eral,  equeitri  proelio  congrenus  eal  et  Ticlai.  »  Tnioaa,  ût 
Itlâ  Liidovici  pïi. 

En  S3i  le  duc  Bernard  demanda  an  mémp  monarqne  i  te  {m- 
lifierpaTdue),nwv  Franrij  loAVo,  d'une  accuiattûn  temblable.' 
AncBA  champion  oe  l'éunt  oITert  p«ur  le  combattre  il  faC 
déclara  innocent  dan*  une  aiMnbtée  prëiid^e  par  l'eapereur 
i  TIiJonTlIle.  DccniivB ,  Script,  rtr.  franc.,  (om.  Il,  fatio  3oS>' 
(3S5)  La  CotOMtiâkl,  ThéiU.ifhoim.etdeChei'  tom.II. 
(386)  Ce  duel ,  dit  DKbmar,  fut  blumë  de  font  le  monde 
ai  ce  n'en  d'Adalbert ,  arctietèqae  da  Magdebourg  et  du  Uar- 
gTBTe-Tbiorti. 

Il  paraltnii  que  Ici  dueli  avaient  troaré  plui  de  {**enr  prèa 
dei  évêqset  lUenianda  ,  qu'en  ancnn  autre  pay*  de  ta  chré- 
tienté. Une  conititution  de  Burfliardui ,  ét#que  de  Wormi ,' 
ctdonnut  mâiae  ie  combat  dans  ceruinei  ci rconi tance*.  En 

£x  n^ira  liicHi  dunlHU  ttilîmoniû  tho  fligaiilur  ad  fMgnam 
(1  ruw  diitllo  litim  ilrctiiinnt ,  tt  cu/ut  ramjiiv  Jt^dtril  ffndM. 

33 


X3S7)  VHuioirt  ikê  Àlkmmuh^  tnSmit»  de  Schaûdc  «  v» 
li.  de  Ijifemz  »  omtîeBt  «m  §fnà  womhn  èm  traîti  fin  et 
ttoiMcnrieu  «m  CUt  de  dpelf  qe^îl  «inic  îflipoeAle  de  ce- 
lirodeire  id.  le  iMl  bernerai  à  dlv  lecenbec  d»  DtaMri  frète 
de  Bemerdt  dec  deSuM,  efeemade  eee  leieeem  aeeuid 
âraeld ,  ^  VwecmaA  dlleidélM  eatere  PeapaM».  DHiur 
f»t  ted  par  MW  edferaaire.  le  «lleni  «booi«  le  défi  de  Ro- 
delphe  de  Seei^  à  rafif  wur  Heari  »  tid,epff«e  Feriirac- 
«rpcé,  M  fit  remplioer  per  me  cbaspâm*  Gee  deas  tnnis  tom 
tiret  de  le  Chramqmê  f  de  LaaAertat  » ess  enaèee  1048 eiio^ 
(38^  ti  ProBdîCtani  îglmr  probetkHiie  modiinr  pcr  ygiim 
^delioei  fBO  \tLrt  Praecoram  TifeelMe  hMSt/màm  edébantir 
tàm  cifcà  priiidpalea  peraooea  eam  ailii  ûiTioeai  effsceado 
^«àm  dfcàperaeees  taetànm  isvfeem  prodactorwÉi  tàn  n  à- 
Tilîbet^pUai  ie  Griflûealilvet  cnuia»  decMMte  ^àUnntm 
eablatnm.  w  (km$L  Sk^^  Uh.  MI 9  dt.  H. 

M  BSonomachiam  qa«  velgariter  daellDni  dicitar  paeds  ^u- 
bnadani  caaîbnt  ezceptis  inter  baronet  regai  Boalr«  dftioù 
■abiectoa  ia  perpetaaia  Tolamat  locam  nos  feeVereb  Ab  bifat 
eetem  aaactionia  lauaaailate  prwdedJame  luMakiidaty  et  a 
per  pMftMdoaea  aoa  pottiit  fiudsat  coaipciobeffi  »  taac  daate 
ad  pegnti  iadkiaa  ladidit  pcttcadeaiibat  deeeeadataK^liîtf., 
9k.XXIU. 

(389)  m  DecrerU  idem  impanier  gtetificatarae  heapitibtt 
«ait  mertM  Germmmê  ad  tmm  dum  ùuoUtum^  eed  aobîlititi 
GalH»  BrâcaBBiM^ae  atSiatam  indaoerei  eolettaHms legîbai 
eqaettri  decardoae  certandi..«...«  »  Pmmdecu  friMa^i  ia-Cv 
f^wKof.  1586. 

<399)  Le  même  aateer  rapporte  plnaiean  textee  d*£îaii 
Sjrltws^  qai  proaTonf  qael  iri6le  important  joaeieac  let  teer- 
noit  dant  la  ne  dea  aeiKoean  alleamadt.  Albert  Mergrata  de 
Brandebourg,  {oAta  à  ontrance  inaqu'à  dîx-aept  fioéa.  L*em- 
perear  Masinûliee !.•* aiouêt  cet  ezerdcea  avec  paaaioo  ety 
figura  toafeatea  pertoane. 


-^  fil  — 

.  Tbi#TTÎ,  iiebf^^qnp  H^  Miyince,  donna  on  tournoi  en  cette 
Tillp  en  1480,  et  il  écritit  au  pape  S'ixté  ,que  coinnie  on  en 
•xclnaii  les  gens  d'une  Inconiluîta  notoire,  cela  contribuait 
1  ramener  bennconp  de  monde  dnna  le  droit  chemin,  Uitt.  dtt 
jHUinamlt,  tom.  V,  )Hig.  48) 

Wichmann,  >tchevC<juc  de  Migdebonrf;,  condnroruît  an 
cancriiire  ces  exetcîrci,  £n  1 175,  un  fili  de  Thierri  Margrafa 
de  Misnie ,  uyani  àti  loi  duni  une  joute,  ce  prélat  lefuu 
d'absoudre  le  mort  de  l'excommunication ,  à  molni  que  toit 
pire  et  plusiouri  teigneurt  de  sa  rumilte  ne  promissent  pai 
•ermont  de  no  plus  faire  de  lournoin,  Chivitic,  Moiuù  Streni 
ofHuI  Ml(r«m«  ,  Ftr.  Gei-m.  Seri/it. ,  tom.  II. 

(391)  f  i\o.  Celui  qui,  pour  quelque  canse  que  ce  soit^ 
ptoToquc  quclqu'nn  à  se  baitte  avec  de»  armes  raenrtriëre*,  et 
qui ,  après  un  semblable  AéR  se  présente  au  combat,  commet 
le  délit  de  dael. 

■  41.  Si  le  délit  reste  sum  suites,  la  peine  est  ta  réclusion 

■  4a.  S'il  en  i^snlle  une  bleuure ,  la  rdclnsioi  ier«  de  ciHi| 

■  43.  S'il  j  a  meurtre ,  la  réclusion  sera  de  dii  à  *ingl  au«^ 
M  le  cadavre  du  mon  sera  g^ktoU  lion  du  cimetière. 

i4t.  Dans  tons  les  cas  le  ptovocatenr  doit  étro  |>nni  plu 
M^vé  rement. 

1 45.  Celui  qui  8  contribué  i  la  proiOMtion ,  on  qui  menaça 
de  méprit  celui  qui  rcfuie  an  duel ,  est  puni  de  prison. 


Técli 


\f}.  Les  témoins  du  duel  sont  pnnis  d'un  an  ! 
<B(it  la  giattu-  de  ce  qu'ils  ont  fait  c 


In  (pal  qot 


(392)  L'uuleur  de  cei  opi 
le  litre  Je  :  Hfjlaioni  d'uii  lut 
la  Miuiqut ,  '■  J'"  fl  ^  l>'"l 

pjles,  pTOcbe  patent 

meiulifc  d«  l'Institut 


li:   qui  a  paru  en  iSia  aomt 

du  monde  sur  tci  SpectacUi, 

M.  le  comte  Je  Forlia  de 

énr table  insiquii  de  Fonia  d'Uili«ii| 


(393)  Uilfl«ci/'i$JWoiir||fc»lMkZLI.|M«.78eli^4 
contient  nna  notice  en  pine  gnnd  intifét  wmt  Icn  dnele  dent 

les  nnireraicéa  «lleouiadet.  £Ue  a  trop  d'éfeadiM  powèucid 

nnnlyaée*  Let  OMrpOMliOM  omumms  eoae  to  Moai  é&  MundÊm, 

•ont  MMimiaet  à  nne  eipèce  èe  ténlemot  nppaM  fîbef ,  fd 

contient  do  nonUunnuoi  diipoeiliQni  «nr  te  4neL  0'n|lfèt  et 

codop  fininre  la  plnt  gnwo  «C  U  fnnKficntioa  do  Anar 

AMife(ienneliéte). 

(394)  Il  ternit  fiidle  de  Hudliplior  cee  cttotione  ponr  l*é|io- 
^no  nuiderne;  meit  ie  m'en  «bftien»,  rnnioffîté  dee  fonnini 
#è  M  ponnièit  lea  pniier  n^éunt  pât  tott}4mre  «no  gerantit 
«ifiSsante. 

iS96)  Qoà  de  cêMMk  Helfoln  qmo^no  roliqvoo  Gellm  m- 
iKtepieiçeduttt.  Cbiae.  Comm,,  U.  #.  e«  a» . 

(396)  Je  parle  ^«  ee  trait comoM  ae  liant  HtfûnMentè 
fhiaioire  de  U  SnisaOi  mait  mm  lion  préînger .anr  mm  «nitaf 


(397)  «  L*inînre ,  qni  ne  con^sto  pet  dont  rnccntatioa 
fpédale  d'nn  cruno  coaunia ,  eat  dé  la  conpétODoe  dn  {nge  de 
pain.  Dana  le  oaa  oontraiie,  la  connaiaaanco  en  appaitientaa 
IlilMuai  Qîfil.^La  ptenTO  dea  fints  in)nrioax  a'oat  pat  adnûie. 
— 8i  la  demande  en  réparation  otttrottféo  fondée,  la  défendev 
•at  tann  de  comparaître  ponr  dédaver  qne  contra  la  Téiité 
il  a  bletaé  PiMMinear  dn  demandenr.  En  cat  de  folna  il  atf 
condamné  à  dix  îoura  de  priaoa.  «• 

Lea  procéa  en  réperatioa  d'hoaneor  aoat  extrêmonMnt  rarei 
dana  le  canton  de  Vend.  Le  magîatrat  qni  m*a  donné  coa  dé- 
tailai  n*a  m  qn*nn  aenl  exemple  oà.  IWEure  ait  été  paniria 
}ttaqn*à  aon  dernier  terme  pendant  hait  ana  q«*il  a  aiégé  aa 
Iribanai  de  Laaianne. 

(398)  Il  y  ent  à  Genève,  de  1819  à  i8a8  daiu  nu  espace  de 
dix  anai  qnatre  procéa  en  dénonciiUha  calomnieuse,  aoixante- 
dottse  en  ajomnieê,  et  cent  trente-dens  en  i/^uresetmemmcm* 

(399)  Je  doit  U  plupart  dea  renaeignement  dont  j'ai  §ml 


—  53  — 
■Mge&MM  chiffre,  ;>   la  tiienTeilIanre  de  M.  GuJIUnn* 
Prëvôl,  juge  iD  tribunal  ciril  ilc  Gcnéie. 

Du  reste ,  cet  honorable  niagiitraE  eit  penniilë  i|He  toat* 
pouDuil»  pour  ilufl ,  aauf  le  ca<  de  d^loyautiS  ei  île  pertûtie^ 
•enit  «ana  réiultau  ilerant  lei  ttibunsui  de  son  paji. 

(400)  Inde  cum  altercaiione  congreasi  ccrlamîne  îrarnia 
«d  ceedem  TCTluniut.  T.  lÂv.  Lih.  I. 

(401)  Meiiui  arail  ■dresat' ca  iMR  ^Manlio»  :  VU  M  M 
Ipie  congredi  macnto  uc  noitro  duoroM  jam  hinc  erento  cei- 
'■atnT  «luantùin  equei  iMinna  Romann  preestcL  Ibidem, 

(402}  Foyn  te  niagniRquc  tableau  de  ce»iniaaù>ii9iUiia 
■et  EluJet  hitlorîipKi  de  M.  île  ChMcoubriand. 

(403)  CiMiODOK.,  £j'Â,  Tlt ,  Ep.  x\,  p.ig.  43. 

(A04)  Ce  morceau  est  d'une  grande  bemlé.  Comtoa  il  eu 
4leiidn  cl  qu'il  ae  tiou«a  aujourd'hui  dam  un  litre  qui  eai 
•ntre  lea  maini  de  tout  le  manda  ,  j*  ■n'âbitiena  de  le  tepro- 
dnire. 

(40â)  •  Contra  Langobardoi  paucila*  nobîlilat  qnod  plu- 
rinii  ac  valeniiiainiia  nationibut  cincti ,  non  pe>  obanjmnn 
»eà  prtelSa  et  petictîtando  tuli  snol,  ■■  TaciT.,  de  mor,G«rtn.f 
Cap.  XL. 

(400}  k\moin,HiH.  tk  f)-ance.  Li».  tr,  Cbap.  XX, dt» 
cette  anecdote  avec  quetquea  fatiantea.  11  donne  pour  cliam- 
pîon  à  la  reine  ion  câuiûi  Aribert. 

(407)  «  Sed  propter  coniueiadinem  gentil  noatr»  Lang»- 
bardonm  I^geH  împiaro  «eiare  noa  poaaumas.  »  L^-  taigo6.t 
Lib.  I  de  Monomach. 

(lOS)  Mulicii  accnuw  de  toblato  per  *enenum  narita 
lîcebat  ae  purgare  per  jnranientntn  >el  per  campîonem.  Irera 
qui  alium  cucidlwn  Tocauet  tenelwlor  pet  dueltun  probato 
Temm  id  etae.VosT  dt  Dueit.  Cap.  yi^-^Ug-  Long,  de  Malef. 
lih.  1.  _  Ftrtdor.,  til.  17. 

(409)  p.  Rntiliui  coniul  etemplnm  aecntua  e>  Inda  C. 
4«i«lii  Scaui  docMnbM  gladiatoriua  acceuili*  titamll  U- 


—  £4  — 

^me  infertsdi  iclM  tiUrtilitaara  l«gtbmt  iageBftr«TiU  Won-dt 

ihielLCap,y, 
Athéoie  fait  hosMor  4e  TinfCiilkM  de  IVtcrime  à  llcf- 

mippat  de  Mantinée* 

(410)  Voyez  %%t  cette  vie  de  CrilU»  »  publiée  à  Fluîi m 

i8a5»  lavote  i34, 

(4H)  f^q^esBÀAVTAM^ZMfc,  jMribff  l'kMlh 
(&i2)  Ko^es  hàMMMt  9  jyûc  d'Jttgjkt.^  to««  n, 

(413)  Cea  diTft  coatoi  ecttit  a«irt  rapportée  d— •  b  Vie 
de  Bayaid  par  le  loy^  JcnvMa^  et  vepredaitep«r  M.  de  fiortii 
drUrben  dana  m  ykd$  Cr^Um,  mm.  Il»  f  tft. 

(414)  Oo  contmltem  «fec  firait  ev  le*  d«ele  M  lei 
dtt  moyen-âge  en  Iulît|  VHùêoin  dbt  ildjpMMiyMt 
par  M«  de  Siaoïoedi. 

(415)  ml/êxiMme^êmhprmétriimêktkPÊmm^iktfîà^ 
fifmif  hl>roê9Uiim4$c$tkoà9Mlfp^tmm  4^mk  et  h  t^iiti 
tmm'ê  1$  dUfx^,  m  Gwaieat  doac  cf  paMkiile  aV-vU  n 
dsM  le  d«el  qaVtt  «M o»  nmm/mÊfP^ 

(41tt)  Je  dok  cea  fenaeigeemeat  as  wiisa  aMf^klHtfn 
aiVidcMiBé  «««  aar  la  Saiw»  »  VU  Om^Ummm  grtvtt»  jage* 
Gtaéve. 

(417)  Le  chapiue  V  dea  coaaliiBtioiia  dm  Pitetat ,  dt 
ij  octobre  1642 ,  contient  cin<}  artklea  aar  le  daeU  La  pnae 
de  aort|  arec  confiacatlon  de  biena^  eat  pronoacée  cOitre 
toate  pertonne  qui  donne  oa  accepte  an  cartel  »  wèaie  cœtie 
ceux  qni  aerriraienf  dç  accondaoa  punidpavaîeat  pu  <}boî  qae 
ce  toit  aa  coabat. 

La  Lombardie  eat  aoamiae  aaioaid^ai  an  oode  péaal  n- 
trichien ,  dont  lea  di^iaiîiîoiia  aar  le  dael  acwic  dtéea  ca  U 
aoie  391. 

Le  liTre  V,  titre  V  da  code  d'EM»  pablié  ea  1791  pwtf  U 
duché  de  Modène  »  contient  qaatre  artklea  aar  le  dael  qu 
•embient  calquéa  aar  les  conacitutions  da  Piéaoat. 

Le  rojaame  de  Naplea  eat  aoaaua  ponr  le  dael  à  qaaue 


—  ÛJ  ^ 
gragmaltquet  de*  j  juin  1540,  J  ileteinliie  i63i,9  nai  et  iS  Aé- 

La  [ixctaiéit  pnagnuUique  infligeait  MH  doeltictet  la-peia» 
de  mon  -,  U  MConUe  a  réiliut  ceue  peina  >•  uiie  reltS^atioB  6» 


e  amenda  de  deux  rnilJo  Aut 


I^  uoiuènie  fitagmaùiiiu  double  la.  peine  de  U  cél^golioa 
«I  de  l'ameiula  en  caa  de  récidive. 

EnfiA  le  c|uuriènie  pragmaiiiiut ,  puni.de  dix  •ni.  de  r£l^ 
aujon  et  de  deux  mille  diuiU  d'-imende,  le*  tecondi  i|ni 
coinbutent  en.  inéiiie  tempt  que  la*  partie)  principale*. 

(4LS}  Je  doîi  U  plupart  de  ces  intéreiiaïuidocBmeBi  tat 
U  Cône  A  l'eitiâme  obligeance  de  M.  Eougeroiu  neieu ,  in*' 
peclenr  géniraj  de»  financea,  j  qiii  une  auai  longue  récidcncs 
en  Cor*e,  ■.peunia.d'étudîM  avec  fiait  le*  qimiwa  de  repaya. 
(419).  fcTTcx  auwi  lai  lea  ntauxi  de*  ancien*  GuiloU  IH 
■otc*  de*  clupiue*  IV  et  V. 

C420)   rojes  lom.  U ,  pag.  Saî. 

(ISlJ  J'ai  puiaé  ce  Irait  dana  le*  Somtniri  de  la  maryuiM 
tle  Ci-igui,  ^Bl  le  t^ppoiU  d'»Eiii*  de»  Mi'Hoirci  inéiUt  da 
Caglio.!™. 

(422J  Docto»,  «<■«,  icoeu,  «an.  li,  Lif.  YI ,  pag.  338. 
^itit.  dt  lyi)). 

(423)  Le  code  pénal  militalM,  irapriné  l|Oor  la.pîemiÉT» 
bU  à  Daulzick  le  3o  mars  i7.6d'«piè»  l'original  «giift  Je  I* 
■laîn  de  Pierre  If',  toniicni  uiLcbapilrc  ans  k  di>el  où  l'oa 
semariiu  le*  diipociiiont  tiÙTanle*  : 

Ajit.  6,  Quiconque  jKOvoq^eia  ton  anncmî  sd  daal ,  »er«. 
|CndiL,  loi»  même  qpe  le  duel  n'aura  paaen  lieu, 

7.  Le*  Umeip*  doiw»i.»ut»i(  1«  oiÈine  peine  *'ili  n'onl  p*« 
Uit  ton»  leur»  efibil»  pour  cmpitlier  le  combat. 

8,  En  cal  de  diipBlei  et  de  «oiei  de  iaii,  l'a(y;te»*enr  doit 
deaiander  publiquement  pardon  *  roUenu: ,  en  i>rËtence  du 
tribunal  miUuite. 

La.  Celui iDÙ donne  lui  M>urH«i,doit  ubii  lapeiuedutalioB, 
<H  gifiacKc  de*  tiawU*  de  l'oUtiu*. 


(404)  Vof^  OAmimll,  par  Ifr^  la^aolMtMdPAtaMèa. 
(425)  Le  chrUtianiime^fut  éubli  en  FolofÇM  e»  çfiflw  H  m 
!•&<«■  FoMennîe  ^*mi  coniscBceaieiit  dm  Xn.«  tiède* 

(436)  BoMwvt,  êàBi^fUk.ir,  p«g.743.^CAUMufii 
•  Hor.  5ii5eM.,  C.  JTM. 

(437)  M.  I.el«w#,  à  ^al  l'ai  oMmmiqvé  c«  dMfte 
Afant  l'imprettîoii  des  aotatt  wH  iiit  TOflULn|«cr  ^«e  pmli 
4cnt  WaMmU  pow  Wafvwtki  »  et  ^w  Sboivwaid  aVPiil 
pat  la  titra  da  |iriaca« 

(438)  M.  Lalawel  a  ralavé  «M  a«ti«  «rvasr  teM  Partiia- 
^•Êfkim  da  qaal^aaa  vou  |M>loaait  chéa duM oa  chaplMiio- 
tamiMBt  pov  la  bmi «Mâchas  ttaa da  tstmà,  ^aa  fw  Mt 


(439)  «UaBraluMM,aafi«ia  à  ItewBd#  daSopaaM, 
avoir  oatnié  sa  kaaiaw  da  la  daaaa  Milicaiia»  dt  iS 
fioar  aa  hoMoia  da  la  claaaa  caiaianaata,  da  ta  paar  a 

aoAdra.  m 

•  Poar  a?air  laiarié  aa  haai^a  da  la  anéaM  riam  fat  hii 
ma  Dwîd)a  tara  condaaHié  à  ta  paaat  d^aaMada.  » 

«  Si  UB  homme  reproche  à  an  entra  d*étre  Itorgaa,  boimit 
aa  d'enâr  nne  infirmité  tembleble ,  biea  qaHI  dite  la  fMté| 
il  doit  payer  l'amende  d*an  carchapana.  » 

«  S  an  homme  égratigne  la  peaa  d*ana  partoaae  de  m 
cUsae ,  et  iHl  lait  couler  ton  Mng ,  il  doit  èua  coadatiié  à 
loo  panât  d^amende  ;  ponr  nne  blessure  fui  a  pénétré  daas  k 
chair  à  six  nichcas  *,  pour  la  fracture  d*nn  ot,  aa  bâPuittcaicaT  ■ 

Manava'DarmtL-SaMtrm,  Liv»  VllL 

(430)  n  Les  Chinoit  tout  aatureUaaMnt  Tiadicatlfty  lil 
Oéroellî,  mais  ils  ne  se  fengent  qu'uTOC  méthode  tant  aa  ftair 
aux  Toies  de  fiiit.  i>  La  ■▲«?■«  JSfiji.  fgènèrmU  des  Fçyt^t 
tom.  VII ,  pag.  3. 

(431)  J^ojreM  le  TrmU  de  M.  PAttoret  tar  Zoioatm  |  Ctt* 
fiicius  et  Mahomet. 

(433)  f^ojrn  sur  les  épraarat  la  chapitra  YI  aa  ton.  U 


<43S>  Ortef  A 


d*e*cUTC«  m 

|lqa«  Wgtrie  ^  '*B"*  *"■■  " 

(136)  1^  io"»*!  « 
|««  déuiU  nivaM  (Bf 
ian*  le»  derajett  marâ  d«  lïW  : 

Ua  toiu-lieaieuBC  de  mniac  rcMoaiaîi  la  ifritre  k  botd 
d'un  b*[ejuiTipear.ïéuat|iriide  qaeiTUearec  tnriiputifen 
dont  ileni  éuicDl  6*Tea,  bb  dael  f»i  lauitdt  proposé.  On  ta 
bit  mtnrt  »  une.  Le  licoteiunt  rr^it  iTabord  ane  balle  à  la 
liancbe,  U  fait  fen  lai-méme ,  et  l'aD  dei  deui  Mrti  tomba 
rjide  mort.  Le  ttcaui  le  priwrne  ponr  trengcr  êon  frère  tt 
•uccombe  à  ««a  toar.  Le  ttoiiiéme  luTTiont  m  bai  •»»«  Ifl 
téoioia  dD  lieaienaai,  ei  le  frappe  d'une  balle  «  1*  poitrine, 
EnHn  le  Ifenlenant,  i^uoiqae  fpuîié  par  la  perts  de  «on  —n/lt 
a  encore  !■  force  Je  le  mesuier  itcc  ton  dernier  anlagont*M( 
qu'il  bleue  tnortellement. 

(U7)  Un  outrage ,  récemment  publié  tur  le  Groanlmdt 
^r  M.  Corail  •'explique  aiiui  anr  lea  mœuri  de  co  [Mf*  i*!** 
tàreBent  an  duel, 
a  Lei  GroenUDdui  n'ont  teconri  ni  au  {riitolBl ,  ni  k  Vif** 


^m 


«tant  % 
.    m,  km  p#prii  dM  tég?<fcdit^to>  tnlwHhiatloi»! 

colonel  a  oté  pcoroqmor  Ofidwl  «OftM|iér|««r,  |Jfi 

Miri  flKdieoXf  qid  canif  p^poffiic  «misM  klii  dl^cii^ 

cMDt.  aiérilial  wMBWiitkMiiaDiuilc-ot  céwAno^  Iojbbbim 
:«init  d'MoiHMff  qfM-  oo  U—kumuiIé  roloapi  jM^tndwit  dcricl 
.«»copsti|  d#-g««PKQaciiàaAnféri9«r9f|«i|iowr«i|MJirfjl 
.é»  l'ftsioriié-4oii»  l^ouiM^  ki.lo&.«à«oii  8!<ic4^  %«aila  oo»- 

4otcoa4fl»^4ii^ réponde  àcoilo  ptovocafios t  ^  aen-pMi  pas 
ilÉ,porto  4#  aoAOwploi,  oiilaaiiéaQipt»  ofib^tsidet  cQffpt|f« 

••  te  «mt  p«i  oppotéâ  àcotanoMCOBtaii  giinUiOBt  ]m  vsén 

de  rigocmr  peadanft  <|idiiie  iofMei.«f  ••  m. 

(439)  Sw  ct^poui^  çomm0  mu  beaucoup  dlN^tret.,  toa» 
,90tre  légitlalioa.tiir  la.  procédure,  cofuîpelle.eat  â  refaûe* 

(440)  Il  &*ett  poa  bien  ceruin  qp^  le  codl»  français  aU 
Urdetsua  iwe-  opinion.  Ce  point  dn  ettte  a  ét^  long-temps  co» 
trorertë..  To^rcz  le  chiipitre  JU^V»  et  l'arrêt  du  la»  cour  de  casr 
•ation  (leBelgiqn^i  rapportift  en  Unotie  34A.. 

(441)  yoy€2i  le  Cçmmfimoirc  de  (a  i9i!&fei  pan  O.CalmeL 
(44^  C^tia  r4dcllan  e^été  décrite  admicableim&nt.  dans  l«i 

,  ttudes.  kUtoriqu/^  de  M.,  de  €haleaabriaiid«. 

(443)  Une  école  d'écrixaifia.  i*éteit  pcopoaé  de  noa  jonxi 
la  triste  tache  di&  séhabilitec  la  mémoire  dea  liAmiB^a  de  saog 
les  pi  na  célèbres  de  l*époqfie  sévola^oonaire.. 

(444)  «.  Liiommey  dit  Becçaria.  ^  n*a  pu  (dk>nner  à,  on  êMUt 
lK>mme  le  droit  de  disposer  de  sa  vie.  Si  cela  était ,  commcni 
le  principe  l'accocderait-il  avec  la  jnaiime  qiii  déiseod  le  vé- 


—  50  «« 
cUie  1  Ou  l'homme  peut  dUpoiet  de  >a  propre  vie ,  ou  il  nVi 
|iu  ilonner  à  d'auirea  un  ilioii  qu'il  n'amîi  pu  iDÎ-mAoïe.  ■ 
l'nùlè  lit*  dHùl  et  lia  /KÙift 

(A4â)  Le  diKOuri,  qui  conikeM  te  voeu  Je  Robetplerte, 
eut  du  3o  moi  i7qi<  Il  l'a  (i>|i[ielé  liu-mime  loi*  de  iod  toM 
pourU  moti  de  LouU  XVI. 

(146)  Cette  diuDnion  a  eit  lieu  dau  la  idance  du  «i  ■°*** 
iSiS.  L'iuleuT  de  la  piopoiition  élJÂt  U.  Chappaii  JUonh 
brille,  a  J'élablinia  bb  premier  oïdte  el  on  th^e  abioluCi 
d■Mi^■l|  fiBiiolalulitâ  de  la  tie  humaine.  11  n'apparliesl  ea 
eflet  qttt  Dieu  de  repxenJre  ce  que  lut  leul  a  pu  donner.  • 

Le  dioil  de  grlce,  par  la  manière  dont  le  gou<ememen| 
IVeicTce  depui*  tB3o,  tempère  autant  <]ue  pouiUo  Ihutteiible 
rigueur  de  notre  code  crimiiicl  i  mail  c'est  une  politique  qui 
»'a  d'autre  gamolie  de  dnrâe  (|ue  U  rolonli  d'un  homme. 

(447)  On  aiiure  que  l'tnTcnieur  de  cette  uacUioe  eu  mMt 
de  chagrin  de  lui  SToir  tu  donner  son  nom.' 

(448)  Cette  citation  en  tirûedSindiicounaur  l'fxffïtfenee 
Ju  Couragt  cû-U,  par  M.  Corne,  iiriiident  du  uibNnal  de 
Doiui  I  •)»  a  obtenu  l«  |irU  ptoftai  «u  celM  queniao  par 
U  Sodélé  de  U  morale  ductienne. 


FIN  UfiS  noTEt. 


•  >.  • 


•  -i       » 


*   »  ••.     1  • 


••lii    .î  *4  ti^t    ff-»!  *■  T    fi;.'     -S-^^-t"  I    I.'.    .*    .«,•!    » 

contnnvê  mâu 

-li'-J'       .  .  ;  ;'      >     •■■     ■     '  ■     ■■    •   ■      ■_  -••    i" 

.  '      .     lîi  ..  -   :  J   .-■i...-    . ■■        ..,...'■ 

r.,  :.      ::    '.t   *  I  jl   ...  '■■!:.#  r    .',    ..  .    '      ^ 


'j'*!  ■* *■  4  •'»;  ^    'i 


•  / 


1... ':  ' 


•      •     I 


'  SnMMMi 
Caàfmm  XYT^T   Dwb  w  DiBMMtrdL*  lifavrie. 

CUlnn»  XXXIT.  9«ib  es  ABMMgâe ,  Aotriebe  | 
P^«sM  »  BtYièra,  Etalt-CoandèrAk  184 

Céafisu  XXXV.  Dvdt  «a  SoiMe. 


OunTiK  XXXVI.  Dntli  n  Itidie  i  royauHM  èb 
Kapkft  et  de  Siotle  »  EUU-Rooiaint  »  Lbmbirdie» 
PSteooC  »  Uet  te  SardUdgM  «I  do  Cône.       239 

CkAFiTAS  XXXVU.  Dueli  en  Grèce»  Uos  loiiîeiioei» 
ne  de  Halle.  30» 

CiAPiTU  XXXVUI.  Dnds  eo  Rastie  et  eo  Pologne. 

321 

CiApiTMB  XXXIX.  Doeb  ea  Am»  »  AInc[ae ,  AmM* 
^m  el  Oeéenie.  3i(& 


CflAPmc  XL.  CoMluion.  —  Progrès  comparatiffl 
de  U  dvilisatioa  oniTendle  à  Tégard  da  du«l.-« 
Dei  moyens  de  le  priTenir  par  les  mœurs  ;  difiî- 
calté  de  le  penîr  par  ka  lois.  —Considérations 
aar  nnTiolabîlité  de  la  TÎe  de  rkoniiDe  et  TaTcnir 
des  fociétéi.  63S 


rm  DE  ti  TÀBLI. 


mimmimmimmmmmmÊmÊmÊÊtmii/iÊmmÊiimmmimÊmÊiÊmmmmimt 


ERRATA. 


M       '  ô  Smpprimet  la  nota  231. 

110       IS  Am  lieu  de  :  En  t^appayanl ,  lUet  :  en 

Tappnyanl. 
124       26  j/ulieude:  HasUhicidia,  Usez:  hasti* 

ladia. 
U2       23  Au  tieu  de  :  Rca  est  ,  i!ms  :  res  lit. 
273       2i  Supprimez  la  noto  A09. 
ÏS7       10  Supprimez  ces  moiê  :  (Oa  platAt  da  mo* 

raliM  UaU.  ) 


f 


h  P 


t  \