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DES
SCIENCES NATURELLES
ZOOLOGIE
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PALÉONTOLOGIE Division of Mollusks
Sectional Library
COMPRENANT
L'ANATOMIE, LA PHYSIOLOGIE, LA CLASSIFICATION
ET L'HISTOIRE NATURELLE DES ANIMAUX
PUELIÉES SOUS LA DIRECTION DE
M. EDMOND PERRIER
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EXTRAIT
PARIS
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MASSON ET CF, EDITEURS
LIBRAIRES DE L'’ACADÉMIE DE MÉDECINE
120, Boulevard Saint-Germain (6e)
Conditions de la publication des Annales des seiences naturelles
HUITIÈME SÉRIE
BOTANIQUE
Publiée sous la direction de M. Pn. VAN TTEGUEM.
L'abonnementest fait pour 2 volumes gr. in-8°, chacun d'environ
400 pages, avec les planches correspondant aux mémoires.
Ces volumes paraissent en plusieurs faseicules dans l'intervalle
d'une année.
ZOOLOGIE
Publiée sous la direction de M. EpmMonD PERRIER.
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Prix de l'abonnement annuel à chacune des parties, zoologie
ou botanique
Paris : 30 francs. — Départements el Union postale : 32 francs.
ANNALES DES SCIENCES GÉOLOGIQUES
Dirigées, pour la partie géologique, par M. HéBerr, et pour la partie
paléontologique, par M. À. MizNE-EDWARDS. |
Tours 1 à XXII (1879 à 1891).
Chaque volume..............-..:.. 15 1r.
Cetle publieation est désormais confondue avec celle des Annales
des Sciences naturelles.
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DEUXIÈME SÉRIE (1834-1843). Chaque partie, 20 vol. 250 fr.
TROISIÈME SÉRIE (1844-1853). Chaque partie, 20 vol. 250 fr.
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SEPTIÈME SÉRIE (1885 à 1894). Chaque partie, 20 vol. 250 fr.
GÉOLOGIE, 22 volumes....... RARE Le SNS 330 fr.
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DUPTT US A, N° 497
“mme THÈSES
PRÉSENTÉES
À LA FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS
POUR OBTENIR
LE GRADE DE DOCTEUR ÈS SCIENCES NATURELLES
mn.
R. ANTHONY Dh
DOCTEUR EN MÉDECINE, AO fre
PRÉPARATEUR AU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE, - a.
LAURÉAT DE L'INSTITUT
—
1° THÈSE. — INFLUENCE DE LA FIXATION PLEUROTHÉTIQUE SUR
LA MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES ACÉPHALES
DIMYATRESS
2° THESE. — PROPOSITIONS DONNÉES PAR LA FACULTÉ,
Soutenues le juin 1903 devant la Commission d'examen.
RAR Dee CO up Président.
MAD Cv M ds
MATRUCHOT (Re CETPRISRESS
QUerelriere iris tsle
PARIS
MASSON ET C*, ÉDITEURS
LIBRAIRES DE L’ACADÉMIE DE MÉDECINE
120, BOULEVARD SAINT-GERMAIN
1905
UNIVERSITÉ DE PARIS
FACULTÉ DES SCIENCES DE PARIS
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Doyen... us ee P. APPELLE. 20 Mécanique rationnelle.
Doyen honoraire........ G. DARBOUX, Profes. Géométrie supérieure.
1 { L. TROOST.
Professeurs honoraires. } Ch. WOLF.
| LIPPMANN............ Physique.
| BOUT eus res Physique.
| BOUSSINESQ.......... Physique mathématique et
+ Calculdes probabilités.
PICARDEEEREERRE EC.. Analyse supérieure et Al-
s gèbre supérieure.
IMHABOINCARE NE NE Astronomie mathématique et
k Mécanique céleste.
Yves DELAGE........ Zoologie, Anatomie, Phy-
siologie comparées.
G-:BONNIER En Botanique
DASTRE- 6-0 Physiologie.
DIMM obassagoct eco Chimie. .
GARDES EEE nv Eee Zoologie, Evolution des êtres
organisés.
KOPNIGS Re rreec re Mécanique physique et ex-
, périmentale.
| VÉLAIN.............. Géographie physique.
IRCGOURSATEAPEE ANRT Calcul différentiel et calcul
ProlessEUTS re ere ( intégral.
ACEATINP EEE ao ce Histologie.
PÉDIATRIE A Physique.
MALDER TN AMIE Chimie organique.
HÉMOISSAINECE CEE Chimie.
JOANNIS-RRRR EE "ete Chimie (Enseignt P. C. N.)
TANID DR eee rec Physique — —
WALLERANT......... Minéralogie.
ANDOMBRETEr-- rc. Astronomie physique.
PAIINRMERE- Se -0"0E Mathématiques générales.
HAUTE EE EC eCcRe Géologie.
PACURTEEE CETTE. Physique.
TANNERV 0... i0r Calcul différentiel et caleul
intégral.
RARENIRPR CPE Application de lAnalyse à
la Géométrie.
HOUSSAMEF ECC CE Zoologie.
LAN RUN Re rene Chimie biologique.
NS EME ee M rAbre Zoologie, Anatomie, Phy-
siologie comparées.
/ PUISEUXS CR" RE" Mécanique et Astronomie.
(MARIFANNENTE CREER" Chimie analytique.
LCÉDUCE MENACE .… Physique.
| HADAMARD.......... Calcul différentiel et calcul
Professeurs adjoints DH RP
rolesse J 2 M MATRUCHOMEEPERATE Botanique.
MICHBIRE RES PET Minéralogie.
DAGUILLON.......... Botanique.
| BOUVEAULT......... Chimie organique.
\MBOREEEr"- PACS RE Théorie des fonctions.
SBCLÉLAIRE 0 te eee re 5e A. GUILLET
A LA MÉMOIRE DE MON MAITRE
E. J. MAREY
À M. LE PROFESSEUR
Eu. PERRIER
DIRECTEUR DU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE
INFLUENCE DE LA FIXATION PLEUROTHÉTIQUE
SUR LA
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES
ACÉPHALES DIMYAIRES
Par R. ANTHONY.
INTRODUCTION
Sans doute la Morphologie (avec ses subdivisions, Morpho-
logie externe, Anatomie, Histologie), l'Embryogénie et la
Physiologie ont par elles-mêmes un grand intérêt; toutefois,
l'étude des formes, des processus de développement et des
fonctions ne fournit en somme que des matériaux dont la
synthèse permet l'explication des formes animales et l'établisse-
ment des lois qui les régissent. On supposait déjà depuis
Lamarck, et de nombreux travaux ont contribué après lui à
‘établir d’une façon qui semble définitive, que ce sont les
causes matérielles, mécaniques, physiques où chimiques qui,
agissant sur les organismes et les organes au cours de leur
développement, déterminent la forme adulte. La Morphogénie
est précisément cette science qui s'occupe de rechercher les
causes matérielles des dispositions morphologiques.
Ses moyens d'investigation sont, comme pour les autres
sciences, la méthode d'observation et la méthode expéri-
mentale. |
En observant simplement les faits de développement, on peut
en effet arriver à surprendre les causes morphogéniques sur le
166 R. ANTHONY
fait pour ainsi dire, parvenir, comme je l'ai montré pour les
Tridacnes, à suivre la progression des changements de forme
sous l’action continue de la pesanteur, par exemple, sur un orga-
nisme en vole de croissance : c'est le mode d'investigation qui à
été Jusqu'à ce Jour le plus employé par les morphogénistes; il
le sera souvent au cours de ce travail.
Lorsque la succession des faits embryogéniques ne peut être
constatée, on peut encore par l'observation simple des faits mor-
phologiques chez l'adulte, arriver, dans une certaine mesure,
à découvrir les causes morphogéniques. Soit par exemple une
série d'animaux qui, appartenant à des phylums très différents,
vivent et se développent dans des conditions analogues ; s'ils
possèdent un certain nombre de caractères communs, on pourra
induire que ces caractères sont en relation avec ces conditions
d'existence communes et saisir ainsi la nature de ces rapports,
c’est-à-dire les causes déterminantes de ces caractères. J'aurai
souvent recours à cette méthode comparative, surtout pour les
cas où 1} m'aura été difficile de suivre le développement. On
concoit d’ailleurs, sans qu'il soit besoin d'y insister, combien
l'observation des faits morphologiques seule est inférieure à
l'étude du développement au point de vue de la valeur des hypo-
thèses formulées.
En Morphogénie, comme partout ailleurs, la méthode d'ob-
servation ne peut suffire; elle a besoin du contrôle de la
méthode expérimentale. On change au cours du développement
les conditions d'existence d'un organisme et, l’âge adulte une
fois atteint, on recherche quelles ont été les modifications
morphologiques corrélatives aux changements provoqués dans
la marche du développement.
Rappellerai-je que la voie morphogénique n’est pas nouvelle,
et que nombreux sont les auteurs qui s'y sont déjà engagés?
Sans remonter à Lamarck, qui l'un des premiers à tenté d’ex-
pliquer rationnellement les formes vivantes, il est indispensable
de citer dans cet ordre d'idées et plus près de nous, l'École néo-
lamarckienne d'Amérique avec Cope, Osborn et tant d’autres.
l'École allemande de Roux dont les travaux sont connus de
tous. En France, les recherches morphogéniques retrouvent
actuellement, auprès de nombreux savants, l'accueil favorable
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 167
qui, depuis plusieurs années, n’a cessé de leur être réservé à
l'étranger.
Au point de vue plus spécial de l'application de la méthode
expérimentale à la Morphogénie, on ne peut passer sous silence
les travaux de Fick, un véritable précurseur qui, dès 1857,
étudiait expérimentalement à l'Université de Marburg, la genèse
de la forme du crâne et plus généralement des os. Quant aux
travaux de mon regretté maître E.-J. Marey, ils sont aujour-
d'hui devenus classiques.
J'omets volontairement bien des noms que, dans une étude
bibliographique de la question, on ne pourrait se dispenser
de citer. Je veux montrer simplement que ce genre de recher-
ches est loin d'être nouveau, que les meilleurs esprits, ceux qui
se sont montrés le plus positifs et le plus ennemis des spécu-
lations métaphysiques, n'ont pas craint de s'y adonner.
Les auteurs de l'École de Roux semblent s'être bornés dans la
plupart des cas à l'étude morphogénique de la différenciation et
de la tectologie des blastomères. On ne saurait nier cependant,
et les morphogénistes américains l'ont bien compris, que l'évo-
lution ontogénique de lindividu et de ses organes ait aussi son
intérêt à ce point de vue. Mais il importe alors d'en faire une
étude vraiment cinématique, en ÿ comprenant toute la succes-
sion des changements qui se produisent dans l'organisme pen-
dant son existence, aussi bien pendant sa croissance que pen-
dant sa décrépitude. Ainsi définie, l'ontogénie est, on le conçoit,
plus variée suivant les différents animaux ; elle sort des limites
trop restreintes qu'on lui assignait naguère et embrasse les
différents stades morphologiques par lesquels un individu passe
depuis la fécondation de l'œuf jusqu'à la mort par sénilité.
Ce qui à plus spécialement attiré mon attention au point de
vue morphogénique, ce sont précisément les stades de déve-
loppement qui se succèdent depuis l'établissement de la vie libre,
ceux pendant lesquels l'animal est soumis aux causes extérieures
les plus nombreuses et les plus variées, ceux pendant lesquels il
acquiert véritablement ses caractères particuliers.
J'ai voulu que dans ce mémoire les descriptions des disposi-
tions morphologiques soient autant que possible suivies de leurs
explications rationnelles. Cet essai d’interprétations a été lidée
168 R. ANTHONY
directrice de ce travail, et, les faits ne doivent-ils pas être eonsi-
dérés surtout en vue de l'explication qui peut en ressortir et des
généralisations auxquelles ils conduisent?
J'aurais tout naturellement voulu employer pour ces recher-
ches de Morphogénie, comme je l'ai d’ailleurs fait déjà à l’occa-
sion d'autres études analogues sur les Mammifères (1), non
seulement la méthode d'observation mais aussi la méthode expé-
rimentale. Mais les expériences de Morphogénie sont malheu-
reusement à très longue échéance, en raison de l'obligation où
l'on est d'attendre l’âge adulte pour constater les résultats obte-
nus d’une expérience faite sur l'animal jeune {et l'on sait com-
bien lente est la croissance des Acéphales). Celles que j'ai entre-
prises sur ces animaux sont done encore actuellement en
cours : des mémoires ultérieurs seront consacrés à l'exposé de
leurs résultats.
Bref, ce mémoire contiendra trois sortes de résultats : d’abord
des faits positifs qui n'avaient pas encore été mis en lumière
concernant la Morphologie, l'Embryogénie et la Physiologie des
animaux dont je me suis occupé; ils ont leur importance en
eux-mêmes. En second lieu, au point de vue morphogénique,
des tentatives d'explications rationnelles. En troisième lieu,
enfin, les indieations qui en découlent au point de vue des
affinités.
Certains naturalistes purement descripteurs ne voudront
peut-être retenir parmi mes résultats que les faits positifs, sous
le prétexte que l’on ne peut savoir comment et sous l'influence
de quelles causes se sont constituées les formes animales, et que
l'on ne peut faire à ce sujet que des hypothèses. Il serait
superflu de défendre ici la valeur et l'importance de l'hypothèse
comme moyen de recherche et d’insister sur les différences
fondamentales qui existent entre les vues 4 priori et les hypo-
thèses destinées à relier les faits d'une façon d’ailleurs toujours
provisoire. Celles-ci, même fausses, ont souvent conduit à des
recherches intéressantes, à l'établissement de données positives
(4) Je fais ici allusion à mes travaux sur la Morphogénie du crâne et
l'origine des tendons, parus en 1902-1903-1904, dans les Comptes rendus de
l'Académie des Sciences, les Comptes rendus de la Société de Biologie, le Journal
de Physiologie et de Pathologie générales, le Bulletin de la Société d’Anthropo-
logie, etc.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 169
que la connaissance des faits seuls n'aurait jamais pu permettre
de découvrir. Dans le cas spécial de la Morphogénie en suivant
les stades de développement et en appliquant la méthode expéri-
mentale, on peut d’ailleurs donner aux hypothèses le maximum
de probabilité.
Néanmoins, probabilité n’est pas certitude, et, c'est sous ces
réserves expresses que se présentent les conclusions formulées
ici relativement à la Morphogénie et aux affinités naturelles.
Avant d'aborder le sujet de ce mémoire, il est de mon devoir
de témoigner ici de toute ma reconnaissance à l'égard de mes
maîtres, MM. les professeurs Marey et Edm. Perrier, sous les
auspices desquels j'ai accompli mes derniers travaux.
Je dois également exprimer à M. le professeur Giard, ma plus
vive gratitude pour les conseils et les encouragements qu'il ne
m'a point ménagés au cours de mes recherches.
PREMIÈRE PARTIE
CHAPITRE PREMIER
But de ce mémoire.
Je me suis proposé dans ce mémoire de faire une étude
aussi complète que possible, étant donnés les matériaux que
j'avais à ma disposition, des caractères d'adaptation et de
convergence des Mollusques Acéphales dimyaires actuels fixés
en position pleurothétique. Leur connaissance, restée jusqu'ici
très imparfaite, pourra peut-être aider à mieux comprendre
les formes fossiles, les Rudistes par exemple, sur lesquels les
paléontologistes ont tant discuté et discutent encore. Dans la
atégorie des Dimyaires pleurothétiques fixés peuvent être grou-
pées un certain nombre de formes à affinités familiales diffé-
rentes-et dont l'énumération sera donnée plus loin.
Mon intention eût été de traiter en même temps et d'une
facon également complète, de leur morphologie, de leur embrvyo-
génie et de leur physiologie, mais je n'ai malheureusement pu
me procurer pour la troisième partie de cette étude qu'une
quantité bien restreinte de documents.
J'ai fait en sorte que ce mémoire contienne dans leurs grandes
lignes les monographies des types dont je me suis OCCUPÉ; mais
désirant conserver l'orientation générale que j'ai essayé de
donner à mes travaux antérieurs, je n'ai pas voulu me borner
aux simples constatations de faits morphologiques, embryolo-
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 171
giques où physiologiques, ni donner une trop grande place à
ceux de ces faits qui, n'étant pas particuliers aux animaux dont
je m'occupe, ne pouvaient avoir en raison de leur généralité
que peu d'intérêt au point de vue de l'explication possible de
leurs formes, et me paraissaient au contraire de nature à
compliquer l'idée d'ensemble que l’on peut s'en faire.
J'ai voulu, en un mot, leur appliquer les méthodes de
recherches de là morphogénie, c'est-à-dire, par les procédés
ci-dessus indiqués, essayer de me rendre compte des facteurs
déterminants possibles de leurs formes et, de par le’fait que
j étudiais l'influence des causes mécaniques sur la morphologie,
j'ai naturellement été amené à saisir un grand nombre de ces
faits de convergence sur lesquels A. Giard (04) a été l'un des
premiers à attirer l'attention.
À ce propos 11 m'a semblé plus naturel et plus logique d’étu-
dier l'effet d’un ensemble de causes connexes, c’est-à-dire d’un
mode de vie déterminé sur des organismes d’affinités diffé-
rentes, que d'examiner l'action de causes variées sur des orga-
nismes de même souche. Par cette méthode. J'ai pu mettre en
évidence ces nombreux faits de convergence, qui prouveraient
déjà par eux-mêmes, l'efficacité réelle des causes matérielles
en morphogénie. Les résultats que m'aurait donnés l'autre
méthode eussent 6{6 moins intéressants et surtout moins
frappants. C'est cette considération qui explique que J'aie
choisi comme groupe spécial d'étude les Dimyaires fixés en
position pleurothétique, de préférence aux Cardiidæ où aux
Cyrenidæ par exemple, qui constituent des familles natu-
relles, dont les divers éléments sont adaptés suivant différents
sens.
Dans le deuxième chapitre de ee mémoire, je donnerai
un certain groupement des Mollusques Acéphales dont la
signification exacte à besoin d'être nettement précisée.
L'on à souvent dit, et avec raison, que l'idéal pour toute
classification systématique serait d'être un arbre généalogique
parfait. Inutile d'ajouter qu'il est vraisemblable que cet idéal
ne sera Jamais atteint, en raison de l'insuffisance des docu-
ments embryologiques et surtout paléontologiques qui sont à
notre disposition ; néanmoins il est entendu que tous nos efforts
172 R. ANTHONY
doivent y tendre. Pour se rapprocher autant que possible de ce
but. il est évident qu'une classification doit être basée sur ceux
des caractères morphologiques qui mettent le mieux en relief
les rapports de parenté ou phylogéniques. Or, quels sont les
caractères qui mettent le mieux en relief les rapports phylogé-
niques, Si ce ne sont ceux qui ont le moins varié au Cours
des générations, ceux qui, par conséquent, ont le moins subi
l'action modificatrice des causes morphogéniques? Chez les
animaux, d'une façon générale, les organes de mouvement ou
de soutien, les museles et les différentes pièces squelettiques
sont, on le sait, ceux qui possèdent la plus erande plasticité ;
leurs caractères ne doivent done pas être choisis pour servir de
base aux classifications systématiques.
Pour le cas particulier des Moilusques Acéphales, de toutes
les nombreuses classifications proposées, celle qui découle des
recherches de Pelsencer et de Ménégaux (1), basée sur la struc-
ture de la branchie, paraît être de beaucoup la préférable, en
ce sens que c’est elle qui semble rendre le mieux compte des
affinités familiales des diverses formes. Je l'admettrai donc
d'une facon générale dans ce travail : je reconnais d'ailleurs
qu'il convient toujours, pour l'établissement d'une classification
phylogénique, de tenir compte, si possible, de tous les carac-
tères sans exception, tout en attribuant à chacun d'eux une
valeur d'autant plus grande qu'il est moins variable.
De ceci il résulte, qu'il n'est pas juste de croire que les clas-
sifications doivent être basées sur les caractères les plus impor-
tants au point de vue vital : des organes ou des systèmes essen-
tiels au fonctionnement de la vie, peuvent être très plastiques,
très profondément modifiables par les causes extérieures, et,
on arriverait ainsi à rapprocher par le fait de leurs conver-
gences des animaux très éloignés au point de vue de leur
origine.
A côté de ces classifications à signification phylogénique et
en dehors d'elles, ne peut-on admettre sans tomber pour cela
(1) IL est évident que le principe de toutes les classifications des Acéphales
basées sur les caractères des dents de la charnière ou des impressions MuSsCU-
laires, et qui sont si commodes pour les paléontologistes, ne peut ètre admis
au point de vue zoologique. :
D —
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 173
dans l'erreur de d'Orbignv (52) qui divisa les Acéphales en
Orthoconques et en Pleuroconques, qu'il est intéressant de
constituer des groupements animaux pour létablissement
desquels on se basera non plus sur les caractères les moins
variables, mais tout au contraire sur ceux qui possèdent la plus
grande variabilité. De par le fait même de leur origine, les
groupements ainsi obtenus n'auront en eux aucune signification
phylogénique etaucune valeur au pointde vue de Ki systématique
rationnelle. Bien plus, ils en seront exactement lantipode (1).
En effet, à l'encontre des classifications. vraies qui placent au
premier plan les caractères familiaux, ils mettront en relief
les caractères de convergence, et, alors que les premières
réunissent des individus de même souche et à adaptations
différentes, les deuxièmes rapprocheront des individus de diifé-
rentes souches présentant, par le fait de Paction des mêmes
‘auses extérieures, des caractères identiques.
C'est un groupement du genre de ces derniers que Jai essayé
de faire, bien loin de vouloir par conséquent présenter une
nouvelle classification systématique des Acéphales. Prenant les
choses à un point de vue tout autre que mes prédécesseurs
dans l'étude de ces animaux, je n'ai pas cherché à mettre en
relief les caractères de parenté, mais surtout ceux de conver-
gence; j'ai essayé de montrer comment des types de souches
très différentes pouvaient, placés dans les mêmes conditions,
soumis aux mêmes agents morphogéniques, arriver à se res-
sembler, et, pour un groupe de ces Eypes convergents, Les
Dimyaires, fixés en position pleurothétique, fai poussé dans
ses détails l'étude de ces analogies.
MI
Division du sujet.
Le plan de ce mémoire sera le suivant :
D'abord j'ai cru devoir, ainsi qu'on Pa vu, le faire précéder
(4) Néanmoins, comme on le verra par la suite, ils permettent souvent
d'arriver indirectement à des notions importantes sur les affinités.
174 R. ANTHONY
d'une introduction, dans laquelle ilm’a paru nécessaire d'exposer
l'idée générale directrice de mes travaux, ce qu'il faut entendre
par la Morphogénie, son objet, ses méthodes.
Après avoir précisé le but que je me proposais de remplir,
j'indique ensuite la provenance des matériaux que J'ai uti-
lisés et les méthodes, tant générales que spéciales, que J'ai
employées, aussi bien pour mes recherches de Morphologie,
d'Embrvogénie et de Physiologie, que pour celles de Morpho-
génie.
Ces préliminaires posés, je passe en revue dans le cinquième
chapitre les différents {ypes de constitution des Mollusques
Acéphales, en rapport avec leurs conditions d'existence et leurs
attitudes. J'ai donné à ce chapitre le nom d'/atroduction à
l'étude générale de la morphogénie des Mollusques Aréphales.
I m'a paru très important et à nécessité beaucoup de travail, de
recherche de tout ordre (anatomie proprement dite, histologie,
physiologie, embryogénie, examen x situ des animaux). Cest
dans ce chapitre qu'est exposé le groupement des formes
convergentes dont il vient d'être question. Une fois ee travail,
que lon peut appeler en quelque sorte un travail de mise au
point, accompli, il ne me restera qu'à choisir parmt tous les
types énumérés un groupe de formes convergentes me parais-
sant plus intéressantes que d'autres à étudier en détails: je
me réserve dailleurs ultérieurement de faire la même étude
sur les autres groupes, dans Pespoir, un peu trop ambitieux
peut-être, d'arriver à constituer ainsi un essai de morpho-
logie et de morphogénie générale et rationnelle de tous les
Acéphales.
Mon choix s'est fixé sur les Dimyaires fixés en position
pleurothétique, pour des raisons qui seront expliquées ulté-
reurement. Leur étude fait lobiet de la deuxième partie de ce
travail que j'ai divisée en autant de chapitres, inégaux dail-
leurs, que le groupe comprend de familles naturelles. Dans un
dernier chapitre, jindiquerai les déductions qu'on peut tirer
de ces études relativement à lFexpheation des Dimvaires fossiles
fixés en position pleurothétique.
Ce dernier chapitre sera suivi des conclusions qui seront
relatives aux Dimyaires fixés en position pleurothétique seule-
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 175
ment; le chapitre IT de la F* partie ne comporte pas en effet
de conclusions spéciales, par le fait qu'il est lui-même un
résumé des résultats obtenus dans les recherches que Je
poursuis depuis cinq années sur les Mollusques Acéphales en
général.
III
Matériaux utilisés.
Les matériaux que j'ai utilisés pour cette étude, entreprise
au début de l'année 1899, proviennent des établissements sui-
vants : 1° Muséum d'histoire naturelle de Paris (laboratoire
d'Analomie comparée et de Malacologie, où je me suis procuré
les formes actuelles, coquilles sèches et parties molles : labo-
ratoire de Paléontologie dont la collection n'a servi pour
l'étude de quelques formes fossiles); 2° École Nationale des
Mines (laboratoire de Paléontologie où se trouve, Je crois, une
des plus belles collections de Rudistes du monde que J'ai lar-
gement mise à contribution) ; 3° Faculté des sciences de Paris
(laboratoire de Géologie) ; 4° Faculté des sciences de Grenoble
(laboratoire de Géologie où j'ai spécialement étudié les formes
enroulées de la fin du Jurassique et du Crétacé inférieur telles
que Diceras, Requienia, Toucasia, étenr
Toutes mes recherches de Physiologie ont été accomplies à
la Station physiologique du Collège de France à Boulogne-
sur-Seine, où, depuis 1899, j'ai été le collaborateur de mon
regretté maitre le professeur E.-J. Marey.
Plusieurs laboratoires maritimes de Zoologie ont mis soit
leurs matériaux, soit même leurs locaux à ma disposition ;
ce sont ceux de Saint-Waast-la-Hougue (chaire d'Anatomie
comparée du Muséum d'histoire naturelle de Paris) où J'ai fait
quelques expériences de physiologie qui ne pouvaient être faites
à la Station physiologique du Collège de France; du Portel
(chaire de Zoologie de la Faculté des sciences de Lille), de
Banyuls (chaire d’Anatomie comparée de la Faculté des sciences
de Paris). Dans les deux premiers de ces laboratoires, j'ai
176 R. ANTHONY
|
rassemblé moi-même de nombreux matériaux et fait de nom-
breuses observations éthologiques.
En dehors de ces laboratoires, j'ai aussi recueilli d'im-
portants objets d'étude en Bretagne (Finistère), sur les côtes
de la baie de Douarnenez, depuis Douarnenez jusqu'à Morgal
(e*est à où j'ai fait toutes mes observations sur les Moules
dites de roches) et à l'embouchure de FAulne et de la rivière
du Faou.
Enfin, j'ai utilisé plusieurs collections particulières que
MM. Dautzenberg et Bonnet ont aimablement mis à ma dis-
position.
J'exprime ici toute ma gratitude aux directeurs des différents
laboratoires dont je viens de citer les noms, pour l'amabilité
avec laquelle ils ont bien voulu mettre leurs matériaux d'étude
et leurs collections à ma disposition: Je dois une reconnaissance
toute particulière à M. le professeur Douvillé, de l'École Natio-
nale des Mines, dont la compétence est si connue relative-
ment aux Rudistes, pour toutes les facilités de travail et les
précieux conseils qu'il m'a donnés.
J'adresse également mes remerciements les plus vifs à
M. Ch. Gravier, qui m'a procuré et a même récolté exprès pour
moi, au cours de sa mission dans le golfe de Tadjourah, les
nombreux exemplaires de Tridacnes et de Chames qui m'ont
permis de mener à bien mon travail, et à MM. Chevalier et
Decorse auxquels je dois de nombreux exemplaires d'Æthéries
provenant de leur mission dans l'Afrique équatoriale. C'est de
ces mêmes explorateurs que je tiens aussi en grande partie les
renseignements précis que Je donnerai ultérieurement sur le
mode de vie des Tridacnes, des Chames et des Æthéries.
ID
Exposé des procédés de recherches.
Les recherches que j'ai accomplies peuvent être divisées en
quatre catégories :
2. Des recherches morphologiques ;
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 177
5. Des recherches embryogéniques ;
y. Des recherches physiologiques :
9. Des recherches morphogéniques.
Je vais indiquer ici les procédés que j'ai employés dans ces
divers ordres de recherches, pour ne point avoir à y revenir
lorsqu'il sera question des résultats.
a. Procédés de recherches morphologiques. — Sous le nom de
recherches morphologiques, je comprends évidemment non
seulement les recherches de morphologie extérieure, mais aussi
celles d'anatomie et d’histologie que j'ai dû faire.
Pour la morphologie extérieure, il m'a suffi le plus souvent
d'observer les formes soit de la coquille, soit des différents
organes visibles sans dissection préalable. Toutefois dans bien
des cas l'observation pure et simple à été insuffisante à me ren-
seigner. Certains détails, comme, par exemple, ceux de la sur-
face interne de la coquille, m'apparaissaient d’une facon insuffi-
samment nette el il m'était difficile de me rendre compte de
leur valeur. Pour les mettre en évidence et les comprendre, j'ai
dû confectionner soit en plâtre, soit en cire ou en gélatine, des
moules internes; pour les formes fossiles je me suis servi des
moules internes naturels, lorsque j'ai pu m'en procurer. Sur ces
moules internes, artificiels où naturels, j'ai pu, comme sur la
coquille elle-même. et plus facilement, prendre des mesures,
faire des sections souvent très instructives au point de vue des
conséquences morphogéniques à tirer (Voyez Tridacnes et
Hippopus).
De même, pour étudier la cavité palléale dont la forme change
dans une si grande mesure avec les différentes adaptations, et
ses nombreux replis, j'ai dû employer encore la méthode des
moulages soit au plâtre, à la cire ou à la gélatine. J'ai appliqué
plus spécialement cette méthode à l'étude de la cavité palléale,
si compliquée chez les Tridarnidæ, et c'est gràce à elle que j'ai
pu aussi étudier en détail la forme de la même cavité palléale
chez les Moules et les Modioles, par exemple, ainsi que chez les
Mytüilimorphes des différents phylums.
Tous ces moulages peuvent S'accomplir suivant les procédés
ordinaires connus de tous ; toutefois, il me semble intéressant
ANN. SC. NAT. ZOOL. 1, 12
178 R. ANTHONY
d'indiquer ici la façon dont je mY suis pris pour obtenir le
moulage de la cavité palléale des Mytilus et des formes voisines,
pération qui nécessite l'emploi d'une technique un peu spé-
ciale. Je commence par choisir un animal bien vivant ; à l’aide
d'une vrille d’ouvrier en métaux, je perfore de deux trous l’une
des valves de la coquille en ayant soin de pratiquer les perfora-
tions à une certaine distance de la masse viscérale ou du muscle
adducteur postérieur; puis
| après avoir déchiré le manteau
au fond des orifices à l’aide d'un
instrument quelconque , une
aiguille lancéolée par exemple,
je plonge l'animal dans un li-
quide fixateur où je le laisse
seulement quelques minutes,
dans le seul but de le faire mou-
Fig. 1. — Schéma destiné à montrer Ja rir en contraction : après un
facon dont on peut mouler la cavité - Pre
palléale d’un Acéphale. Les grisailles lavage rapide à l'eau courante,
uen chape de Gr cétemé je Lui tie solidement Les valves
nues coaptées à l'aide d'un fil. La flèche à l'aide d'un fil afin de les main-
se Rodin lequel on verse le {nircoaptées (Voy. fig. 1). Cela
fait, j'entoure de plâtre la co-
quille en ayant soin de laisser libre les deux orifices précités.
A l'aide d'un petit cornet de papier jouant le rôle d'enton-
noir, je verse très lentement — en ayant soin, afin d'éviter
la formation de bulles, d'imprimer de temps en temps à la
coquille de petites secousses, — du plâtre tres liquide, de la
cire fondue ou de la gélatine par l'un des orifices, et, je conti-
nue cette opération jusqu'à ce que la masse du moulage appa-
raisse par l'autre ; je bouche alors ce dernier avec de la cire à
modeler et je verse par le trou d'entrée un léger excès de
masse. Après une attente de quelques heures, je brise la chape
entourant la coquille et détruis cette dernière ainsi que les
parties molles de animal à l'acide azotique fumant, par
exemple s'il s'agit de plâtre; 1l ne me reste plus alors que
le moulage interne de la cavité palléale. Les quelques détails
que je donne sur la technique de cette opération un peu
délicate m'ont paru utiles à consigner; pour d'autres cas spé-
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 179
Claux je me suis inspiré des circonstances et il pourrait paraître
superflu d'insister davantage sur cette question.
Dans beaucoup de cas et aussi souvent que je l'ai pu, à propos
des T'apes notamment, j'ai suppléé à l'insuffisance de l’observa-
tion visuelle pure et simple qui ne donne souvent que des à
peu près, par des mensurations précises et exactes faites sui-
vant les règles ordinaires de Ia biométrie.
Pour lutilisation de mes chiffres, Je me suis naturellement
conformé aux méthodes rationnelles employées en statistique,
faisant tantôt des moyennes, tantôt des sériations.
Au point de vue anatomique, j'ai employé les deux méthodes
connues: la dissection que pour les petits sujets je pratiquais
à la loupe binoculaire de Zeiss, et la méthode des coupes que
Je faisais tantôt sans inclusion préalable sur des animaux
durcis à l'alcool formolé. |
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(Gros animaux comme les Tridacnidés et les Pinna) (1), tantôt
après inclusion à la paraffine ou au collodion pour les animaux
de plus petite taille. Les coupes d'animaux durcis à l'alcool for-
molé étaient effectuées comme de juste à main levée: celles après
inclusion étaient faites les premières de préférence au micro-
tome parallèle de Minot, les secondes à un microtome à glisse-
ment quelconque. Les coupes après durcissement à l'alcool for-
molé pouvaient être, en raison de leur grande taille et de leur
épaisseur, examinées à l'œil nu ; l'examen decelles au collodion
et à la paraffine nécessitait toujours l'emploi d’un microscope
à faible grossissement ou d'une loupe très forte.
Le collodion m'a paru pour l'étude de l'anatomie microsco-
pique topographique, souvent préférable à la paraffine parce
qu'il permet l'inclusion d'animaux plus considérables que cette
dernière et modifie peut-être moins les formes et les rapports
des parties. Le fait qu'il ne permet pas de faire des coupes aussi
(1) J'ai conservé, pour les collections d'Anatomie comparée du Muséum, un
certain nombre de ces coupes. De très grandes Pinna m'ont été très aimable-
ment procurées dans ce but par mon ami M. Boutin, pharmacien-major à
l'hôpital militaire de Bizerte.
180 R. ANTHONY
minces que la paraffine ne constituait pas pour mon cas particu-
lier un gros inconvénient.
Avant l'inclusion je pratiquais le plus souvent la coloration en
masse au carmin boracique; lorsque je colorais les coupes une
fois faites et que j'avais affaire à de très petits animaux, J'em-
ployais presque constamment l'hématoxyline ou le bleu de mé-
thylène comme colorants nucléaires, léosine comme colorant
plasmatique, vieux procédés extrêmement simples, insuffisam-
ment précis peut-être pour qui veut faire de la fine cytologie,
mais qui, de tous ceux que j'ai expérimentés, mont semblé
donner encore le meilleur résultat pour le but auquel je visais.
L'emploi des coupes m'a donné de très bons résultats et
elle complète très utilement, à mon sens, méme pour les très
gros animaux, les renseignements que la dissection donne, en
ce sens, qu'à l'encontre de cette dernière, elle ne change pas les
rapports des organes les uns avec les autres, rapports utiles à
connaître d’une facon très exacte, en raison des conclusions
que l'on peut en lirer au point de vue morphogénique. Pel-
seneer (91) et Kellog (92) avant moi ont d’ailleurs employé avec
succès et préconisé cette méthode pour l'étude des mêmes
animaux.
Parmi les coupes que j'ai effectuées, il en estune, la coupe
sagittale passant entre les deux valves, qui m'a paru partieuliè-
rement instructive, je la donnerai souvent au COUFS de ce
travail, et, c’est par elle que Je schématiserai, en quelque sorte,
l'ensemble de l'organisation d'un Acéphale.
J'ai fait pour les galeries d'Anatomie comparée du Muséum
un grand nombre de coupes sagittales d'Acéphales qui, rappro-
chéesles unes des autres, permettent de saisir d'un rapide coup
d'œil les principaux caractères morphologiques du groupe. J'en
ai représenté quelques-unes dans ce travail.
En raison du genre d'études que Je poursuivis, les recherches
histologiques proprement dites ne devaient dans mon travail
tenir que peu de place. IL est heureux, d'ailleurs, qu'il en ait été
ainsi, car, n'ayant eu le plus souvent à ma disposition que des
matériaux non fixés et conservés depuis longtemps dans l'alcool
souvent trop faible, il m'eût été très difficile d'obtenir, au point
de vue ustolegique, des bons résultats satisfaisant.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 181
Comme pour l'anatomie microscopique, j'ai généralement
employé pour mes recherches histologiques les méthodes des
coupes à la paraffine et au collodion. Cette dernière surtout m'a,
pour les cas où j'opérais sur des matériaux mal fixés, comme
ceux que l’on trouve le plus souvent dans les collections
lorsque l’on s'adresse à des animaux rares, rendu de réels
services.
Au point de vue histologique J'ai plus particulièrement exa-
miné la structure des muscles adducteurs, sur laquelle j'ai fait
paraître, en 1903, une note générale dans le Bulletin de la Société
Philomathique, et pour l'étude que j'ai faite de ces museles sur
les Chames et Æthéries, j'ai utilisé les matériaux recueillis et
fixés par MM. Ch. Gravier, Chevalier et Decorse au cours de
leurs missions. Je n'ai pas tardé à m'apercevoir que, pour
cette étude spéciale, la dissociation simple me donnait des résul-
tats supérieurs à ceux obtenus par la méthode des coupes :
celles à la paraffine notamment nécessitent l'emploi d'un
réactif qui, éclaireissant toutes les parties d’une façon égale,
empêche de distinguer nettement, même après coloration,
les parties claires des parties sombres des fibres striées. Le
chloroforme employé comme éclaircissant à la place du xylol,
du toluène ou de l'essence de cèdre, quoique donnant un
résultat supérieur pour le but que je me proposais d'attendre,
laissait cependant encore beaucoup à désirer. J'ai donc été
amené, pour cette étude des fibres musculaires, à employer
presque uniquement les dissociations. Pour ces dernières J'utili-
sais l’action de l'acide azotique fumant à 20 p. 100 dans l'eau
distillée et agissant 12 à 24 heures. J’examinais ensuite sans
colorant, dans l'eau distillée légèrement additionnée d’al-
déhyde formique, cette dernière substance étant destinée à
rendre possible la conservation des préparations.
Pour mon étude générale de la structure des muscles adduc-
teurs des Acéphales, j'ai toujours opéré lorsqu'il s'agissait d’ani-
maux de nos contrées sur des portions de muscles frais, prises
sur l'animal vivant et plongées directement sans fixation préa-
lable dans l'acide azotique dilué. Pour les Dimyaires fixés
en position pleurothétique {(Chames et Æthéries), n'ayant eu à
ma disposition que des pièces conservées dans l'alcool, après
182 R. ANTHONY
ou sans fixation préalable, les dissociations à l'acide azotique
dilué ont semblé me donner des résultats moins bons, mais
j'ai toujours pu néanmoins me rendre suffisamment compte
de la striation et de sa forme.
Pour conserver mes préparations je lutais à la benzine ou le
sulfure de carbone caoutchouté (solution très épaisse). Je recom-
mande en passant ce dernier procédé pour la conservation, des
préparations dans l’eau ou la glycérine antiseptisée : la benzine
caoutchoutée est très solide, imperméable, plus propre et plus
facilement maniable que la paraffine ou la cire. Elle ne fond
pas aux températures extérieures et peut être employée en
couche mince.
Les préparations de muscle strié d'Acéphale, et, cela est sur-
tout important pour les muscles à striations obliques, doivent
être examinées à un très fort grossissement en diaphragmant le
plus possible. J'ai eu souvent recours aussi, pour les observations
de ces striations musculaires, à l'emploi des objectifs à immer-
sion; la lumière polarisée m'a rendu également des services
réels.
Tout dernièrement, M. Marceau, de Besançon, à qui J'avais
signalé l'intérêt que pouvait présenter l'étude détaillée, à la
fois histologique et physiologique, de la striation chez les
Mollusques Acéphales et qui, après mot, s'est occupé également
de cette même question, m'a dit que les striations lui étaient
apparues avec une grande netteté sur des coupes colorées
à l'hématoxyline au fer. Bien que reconnaissant la qualité de
ses résultats, il ne m'a pas semblé qu'ils soient supérieurs à
ceux que j'ai obtenus par la simple dissociation. Cette der-
nière méthode est plus rapide, plus simple, moins artificielle et
a l'avantage de permettre de voir une fibre entière avec son
relief.
6. Procédés de recherches embryogéniques. — Les premiers
stades embrvyologiques ne sont pas de ceux qui m'intéressent
pour le but que je me suis proposé de remplir; Je me suis
borné à l'étude des stades avancés et plus spécialement des
prodissoconques et des coquilles définitives à Pétat très jeune.
Dans la plupart des cas, je n'ai pu me procurer que des coquilles
vides et il n’y a guère que chez les Jeunes Mytilus edulis Linn.,
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 183
.
et les Glochidium d'Anodontes que j'ai pu observerles animaux
eux-mêmes. Pour les autres, j'ai dù me contenter des coquilles
provenant des sables de dragage de Saint-Waast-la-Hougue que
M. Malard, chef des travaux au laboratoire maritime du Muséum,
m'a procurées. Pour l'étude spéciale des formes Jeunes de Chames
et d’Æthéries, je me suis servi des matériaux rapportés pour moi
par M. Ch. Gravier (Chames) et par MM. Chevalier et Decorse
(Æthéries). De plus, sur de nombreuses coquilles de Chames
et d'Æthéries appartenant aux collections de Malacologie du
Museum et provenant les premières de l'Océan Indien, les
secondes des fleuves d'Afrique (missions diverses), Jai rencontré
certaines formes jeunes mais déjà fixées qui m'ont permis de
contrôler mes résultats déjà obtenus. Enfin M. le professeur
Joubin a eu l’obligeance de mettre à ma disposition un
certain nombre des jeunes coquilles recueillies par F. Bernard
et qu'une mort prématurée à empêché ce dernier d'étudier.
Parmi ces coquilles j'ai trouvé une valve d’une jeune Chame
vraisemblablement actuelle, ce qui m'a permis encore de con-
trôler une fois de plus mes diagnoses. M. le professeur Douvillé
enfin a bien voulu me communiquer une forme Jeune très
intéressante semblant être une Dunya.
La difficulté de pouvoir mettre un nom sur une forme jeune
d’Acéphale recueillie dans des sables de dragages ou à la sur-
face d’un polypier n'échappe à personne. Comme F.Bernard, jy
suis à peu près toujours arrivé d’une facon certaine en me
basant à la fois sur lhabitat, les ressemblances avec les
formes adultes et surtout, lorsque je possédais une série, sur les
transitions insensibles. Enfin, sur certains exemplaires adultes
bien conservés on peut apercevoir le contour et la forme des
coquilles jeunes jusqu'à la prodissoconque même parfois. [l'est
alors facile de se baser sur ces formes et ces contours pour
déterminer les jeunes exemplaires. Lorsque J'ai pu avoir de
Jeunes animaux munis de leurs parties molles, Je les ai étudiés
soit par la méthode des dissections à la loupe stéréoscopique,
soit par celle des coupes après décalcification à l'acide azotique
à 20 p. 100, coloration en masse au carmin boracique et inclu-
sion au collodion ou à la paraffine ; dans d’autres cas, j'ai rem-
placé la coloration en masse par des colorations sur les coupes
184 | R ANTHONY
toujours à l'hématoxyline ou au bleu de méthylène et à l'éosine.
Ces deux méthodes {dissections et coupes) combinées m'ont
donné de très bons résultats se complétant les uns les autres.
Pour l'étude des coquilles sèches, j'ai beaucoup emprunté à
la technique de Félix Bernard, c'est-à-dire que, comme lui,
je faisais à la loupe le triage des jeunes coquilles que je recueil-
lais, à l'aide d'un fin pinceau de blaireau humecté, dans les
sables ou sur les polypiers pour les jeunes Chames. Mais, pour
ce travail j'ai remplacé la loupe ordinaire dont se servait F. Ber-
nard par la loupe stéréoscopique de Zeiss qui n'existait pas au
moment où 1l fit ses recherches et dont je ne saurais faire trop
d'éloges. Je nettoyais à l’eau de Javel très diluée (1) les jeunes
coquilles recueillies, puis je les examinais toujours à l’aide de
ce même instrument qui m'a rendu de grands services, aussi
bien pour le triage que pour l'étude, en me permettant de
voir des détails qui sans son secours m'auraient peut-être
échappé.
y. Procédés de recherches physiologiques. — Vs ont consisté
au premier chef en observations éthologiques que j'ai pratiquées
comme Je lai dit pour les animaux marins sur différents points
de nos côtes françaises. Pendant mes nombreux séjours au bord
de la mer, J'ai pris de nombreuses photographies d’ani-
maux en place et l’une d’entre elles sera reproduite dans ce
travail.
(qe)
Malheureusement il m'a été impossible d'observer vivants et
in situ les animaux qui précisément m'intéressaient de la façon
la plus spéciale, à savoir les Dimyaires fixés en position pleuro-
thétique. J'y ai suppléé par les renseignements très précis qui
m'ont été fournis, ainsi que je l'ai dit, pour les Chames par M. Ch.
Gravier, pour les Æthéries par MM. Chevalier et Decorse surtout.
Avant son départ pour la mer Rouge, j'avais mis complètement
M. Ch. Gravier au courant de mon travail et des recherches
que Je poursuivais, de telle sorte que les renseignements qu'il
m'a fournis m'ont rendu presque autant de services
que si je les avais recueillis moi-même. Bien plus, il m'a
(1) faut prendre soin de diluer extrèmement l’eau de Javel. Trop concen-
trée elle dissoudrait les jeunes coquilles ; lorsqu'elle est extrêmement diluée,
le nettoyage est plus long mais offre toute sécurité.
RE EE
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 185
rapporté, aussi souvent qu'il Pa pu, les animaux dans leur
position naturelle les uns par rapport aux autres, des blocs de
Chames, des bouquets de Vulselles où de Malleus, ete. Ces
matériaux et les photographies qu'il m'a communiquées ont été
pour moi de la plus grande utilité au point de vue des études
éthologiques.
Outre ces observations sur le mode général de vie, j'ai dû
faire des recherches de physiologie spéciale.
A ce sujet se posait une question éminemment intéressante en
raison des conséquences qu'elle peut avoir au point de vue mor-
phogénique : celle du mode et plus particulièrement de la direction
de l'ouverture et de la fermeture des valves chez les Acéphales.
Il s'agissait en un mot de savoir si, l’une des valves étant
supposée immobile, l'autre valve s'abaissait souslinfluence de la
contraction d’un ou des deux adducteurs dans le même plan que
celui dans lequel elle s'était élevée sous l'influence du ligament,
ou, au contraire, si au moment de la fermeture elle ne s'inchinait
pas, soit en avant, soit en arrière, basculant en quelque sorte
autour d'un axe dorso-ventral. :
Lorsque ce mouvement de bascule est lent et très accusé
on peut s'en rendre compte de visu comme cela à lieu pour les
Myes, les Lutraires et plus encore les Pholades. Mais l'inspection
seule est insuffisante quand le mouvement de bascule est
rapide et peu accentué. Pour pouvoir le saisir et l’analyser J'avais
d’abord pensé à employer la chronophotographie.
Pour cela sur un bloc de cire molle ou de glu marine, je dis-
posais l'Acéphale que je voulais étudier de façon que son plan
sagittal, c'est-à-dire le plan passant entre les deux valves, soit
parfaitement horizontal. Souvent même sur la valve supérieure
je fixais à la cire horizontalement encore et parallèlement
à la charnière une petite tigelle métallique suffisamment légère
pour ne pas gêner par son poids les mouvements, mais d’un ci:
mètre suffisant cependant pour ne pas vibrer au moment de la
fermeture. D'un côté, soit à l'avant, soit à l'arrière, Je fixais à la
valve inférieure près du bord libre immédiatement en dessous
et parallèlement à la première tigelle une autre tigelle sem-
blable. Toutes deux dépassaient la coquille de longueurs égales
186 R. ANTHONY
(Voy. fig. 2). J’immergeais l'animal ainsi préparé dans un
aquarium dont les parois strictement planes et verticales étaient
faites de glaces polies ; l'animal était placé de facon que le bord
libre de ses valves soit en avant. Devant cet aquarium je
braquais un chronophotographe à pellicule (modèle de Marey
ou de Lumière), et, dès l'ouverture spontanée de l'animal
je commençais à prendre des images successives Jusqu'à l’ou-
verture complète. Puis priant un aide d’exeiter le sujet en
Fig. 2. — Représentation schématique du dispositif employé pour l'inscription
chronophotographique des mouvements des valves chez un Acéphale.
expérience, Je continuais à prendre des images successives pen-
dant la fermeture de ses valves, en avant soin de tourner cette
fois plus rapidement la manivelle de lappareil, la fermeture
surtout lorsqu'elle est provoquée étant toujours plus rapide que
l'ouverture (1). Je développais et fixais ensuite la pellicule ainsi
obtenue suivant les procédés photographiques ordinaires ; puis
Je projetais successivement toutes les images sur une feuille
de papier blanc fixée au mur en avant soin que les contours
du bloc-support, de la valve immobile et de sa tigelle, soient
toujours superposés; pendant les projections des différentes
images, Je marquais les différentes positions de la valve
mobile et de la tigelle qu'elle supportait. Sur le graphique aimsi
obtenu il m'était facile de voir si pendant la fermeture la
Uüigelle de la valve mobile cessait à un moment quelconque d’être
parallèle à celle de la valve fixée, et si par conséquent il y avait
eu ou non rotation autour d'un axe dorso-ventral et quelle
(4) Le fait de tourner à la main la manivelle de l'appareil ne pouvait avoir
aucun inconvénient, puisque, pour ce que je recherchais,*la notion de temps
m'était indifférente.
|
/
|
(
{
il
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 187
avait 66 la valeur de cette rotation. Plus simplement on peut
remplacer ces graphiques obtenus par projection des images par
de simples mesures au compas d'une tigelle à l'autre en différents
points symétriques sur les images elles-mêmes. Pour les cas où
Fig. 3. — Représentation schématique du dispositif employé pour l'inscription
graphique des mouvements des valves chez un Acéphale.
la rotation était très faible, ce procédé chronophotographique ne
m'a pas donné — et cela en raison des difficultés de placer
l'appareil exactement en face de l'animal en expérience, de
prendre des mesures exactes et de superposer exactement les
images pendantles projections, — les résultats que J'enattendais,
et je lui ai préférédans la plupart des casl'inscription graphique
x ee 1 4 1 2
à l’aide d’un stylet.
Ce procédé n'a pas lexactitude mécessaire et la précision de
la méthode chronophotographique dans laquelle aucun orga-
nisme mécanique n'est interposé entre l'image représenta-
tive obtenue et l'objet qui la donne, mais il a l'avantage d'am-
plifier considérablement le mouvement et de rendre la rotation.
lorsqu'elle est faible, plus appréciable. J'opérai de la facon
{
188 R. ANTHONY
Suivante : Sur un bloc de plomb, par l'intermédiaire de cire
molle ou de glu marine, je fixais un Acéphale par une de ses
valves. Sur la valve libre après l'avoir soigneusement desséchée
je fixais à l’aide d'une goutte de glu marine une petite tigelle de
cinq à dix centimètres de long (suivant la taille du sujet en étude)
sans poids appréciable par conséquent et se terminant par
une petite plume à double plicature de la forme indiquée sur
la figure 3. Cette plume, qui était introduite dans une fente du
bambou, était soiten celluloïde, taillée dans une pellicule chrono-
photographique hors d'usage, soit mieux encore en métal, taillée
dans une mince feuille d'acier très légèrement trempé. J'orien-
tais cette plume sur la valve de l'animal de facon que sa direction
soit parallèle à la charnière. La position de la tigelle de bambou
sur la valve n’est pas indifférente. Il ne faut pas en effet quelle
soit placée sur l'axe de rotation possible dorso-ventral de la
valve, mais nettement en dehors. Pour la Lutraire, par exemple,
où la rotation est très considérable, on placera la tigelle à une cer-
taine distance de l'axe # y au point marqué d’un x (Voy. fig. 13).
On conçoit de plus que si j'avais orienté la plume de façon que
sa direction soit perpendiculaire à la charnière, ilY aurait eu des
acerocs et des ressauts sur le plan où l'inscription devait se faire
chaque fois que la plume aurait progressé dans un certain sens
la pointe en avant. Au-dessus de la plume je disposais une plaque
de verre enduite de noir de fumée que je maintenais à l’aide d'une
pince de bois soit horizontalement, soit légèrement oblique
lorsque l'amplitude du mouvement d'ouverture était consi-
dérable.
Pour pouvoir plus commodément conserver mes tracés, J'ai
remplacé souvent la plaque de verre par une petite plaquette
de bois bien plane et bien polie sur laquelle, à l'aide de punaises
nombreuses, je tendais aussi bien que possible une feuille de
papier spécial pour inscriptions ; graphiques, préalablement
noircie à la fumée : cette feuille de papier offrait l'avantage de
pouvoir être noircie au cylindre, ce qui assure, comme l’on
sait, la régularité de la répartition du noir de fumée.
Une fois prise dans la pince je descendais la plaque de verre où
la plaquette de bois parallèlement à elle-même jusqu'à ce qu'elle
soit arrivée au contact de la plume, l'animal étant au repos;
me, TT
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 189
lorsqu'il écartait ses valves, la plume se déplaçait en se rappro-
chant du support; lorsqu'il Les rapprochait, elle faisait le même
chemin en sens inverse, revenant au point de départ. Le
tracé une fois obtenu, Je le fixais suivant le procédé habituel
par le: passage dans du vernis blanc à clichés. La double plica-
ture de la plume avait pour but de lui permettre de décrire dans
son déplacement une ligne droite et non un are de cercle
qu'elle aurait mfaillement tracé si elle n'avait été coudée qu'une
seule fois. De cette facon dans les différentes positions de la
plume, l’une des deux courbures compensait l’autre et la ligne
était une droite.
Mais Je ne tardais pas à m'apercevoir qu'une plume ainsi
faite, quoique donnant des indications acceptables, avait à mon
sens des défauts qui diminuaient dans une certaine mesure la
valeur des renseignements fournis. D'abord il était impossible
qu'elle n’eût un certain jeu au point où elle se reliait à la tigelle,
et ce jeu, quelque léger qu'il fût, déformait nécessairement quel-
que peu le tracé, ce qui ne laissait pas d'avoir des inconvénients,
l'appareil étant destiné à mettre en évidence des déviations
souvent extrêmement peu considérables.
De plus, lorsque les mouvements d'ouverture étaient très
amples, comme cela à lieu chez les Pectens par exemple, l'angle
de la plicature de la plume pouvait venir toucher la plaque de
verre où le papier enduit de noir de fumée, salir ou effacer
même complètement le tracé obtenu quelques moments aupa-
ravant.
Pour parer à ces inconvénients j'étais obligé d'incliner la
plaque destinée à recevoir l'inscription et de calculer son ineli-
naison de telle sorte que l’extrémité seule de la plume la touchât
et la touchàt toujours dans quelque position que ce fàt. Cela
n'était pas toujours facile à réaliser.
Pour mes dernières expériences j'ai trouvé plus simple et plus
avantageux de me faire construire par Fun des mécaniciens du
laboratoire du professeur Marey une plume spéciale dans laquelle
tout jeu était supprimé et grâce à laquelle on pouvait inscrire sur
un plan toujours horizontalles mouvements de la plus grande am-
phtude. Cette plume avait de plus l'avantage de pouvoir inscrire
aussi bien, si on le désirait, sur un plan vertical. Toutefois, bien
190 R. ANTHONY
que l'inscription verticale donnât des résultats aussi précis et aussi
exacts que l'inscription horizontale, j'évitais en général de l’em-
ployer, ce procédé n’offrant aueun avantage sur celui que Jjem-
ploie habituellement, et présentant au contraire de nombreux
inconvénients, dont les principaux sont les suivants : d’abord
la nécessité de l'emploi d'une tige doublement coudée, à angle
droit, ce qui est le seul moyen de pouvoir prendre des tracés
tout en laissant l'animal dans l'eau, ce qui est indispensable:
ensuite la fatigue plus grande pour Panimal qui n’ouvrait que
difficilement ses valves en raison de la longueur du bras de
levier au bout duquel se trouvait l’objet destiné à être soulevé.
L'idée de cette plume dont je me suis servi pour mes dernières
expériences n'est pas neuve. Plusieurs fois en raison des nom-
breux avantages qu'elle présente, je l'ai vu employer comme
instrument d'usage courant à l’Institut Marey, où l’on exige dans
les recherches qui y sont faites, en raison même de leur nature et
de leur but, la précision la plus absolue. Il me semble toutefois
utile d'indiquer brièvement 1er sa construction, pour pouvoir
donner une idée exacte de la précision à laquelle je me suis
astreint, el pour montrer les légères modifications que J'ai dû
faire subir à l'instrument en usage à l'Institut Marey pour
pouvoir l’approprier au but spécial que Je voulais atteindre.
L'instrument que j'ai fait construire est composé de deux parties
métalliques, l’une supérieure, l'autre imférieure (Voy. PL L fig. 1).
réunies par une légère tigelle faite de bambou ou constituée
de préférence par une paille. La partie métallique supérieure se
compose d'une petite pièce métallique formée de trois branches
dont une horizontale et deux verticales se réunissant à angles
droits. La branche horizontale porte en son milieu une petite
douille destinée à recevoir la paille et les branches horizontales
présentent sur leurs faces internes deux godets symétriques
destinés à recevoir une petite goupille qui ÿ tourne librement.
Au milieu de cette goupille est soudée à angle droit une aiguille
dont l'extrémité inscriptrice est rectiligne et terminée en pointe
fine, alors que l'extrémité opposée est courbe, un peu déviée
latéralement pour pouvoir se replier le long de la paille. Elle est
destinée à jouer le rôle d’un contrepoids.
La partie métallique inférieure est composée d'une petite
0 — = ©
——_—_ ce.
Te
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 191
douille dans laquelle s'enfonce la tigelle. Elle se termine infé-
rieurement par un certain nombre de branches divergentes et
malléables qui, engluées de cire à modeler, où mieux de glu
marine, servent à maintenir l'appareil fixé sur la valve de
l'Acéphale que l'on étudie.
Le fonctionnement de cet appareil est aisé à concevoir et les
avantages qu'il présente sont évidents : tout jeu y est sup-
primé et de plus la longueur, que l'on peut rendre aussi consi-
dérable que lon veut, de la tige inscriptrice, fait que l'on est
toujours assuré d'avoir un tracé complet même sur un plan
horizontal et quel que soit l'amplitude des mouvements d'ou-
verture de l'animal étudié. De plus, l'appareil peut être, malgré
sa complication relative, d'une légèreté extrème. La figure 1
(Planche 1) montre, l'appareil fixé sur une valve operculaire de
Pecten marinus Linn. et prèt à fonctionner.
Mentionnerai-je enfin que séduit un instant par la précision,
l'exactitude et je dirai même l'élégance des méthodes d’inscrip-
lion optique qui comme la chronophotographie offrent l'avan-
lage de la non interposition d'un organisme mécanique entre
l'image obtenue et l’objet qui la donne, j'avais songé à les uti-
liser pour cette étude. Mais dans mon cas particulier leur appli-
calion pratique soulevait de telles difficultés que j'ai dû y renon-
cer; je l'ai fait avec d'autant moins de regrets que J'étais très
Satisfait des résultats obtenus par l'inscription graphique.
À propos des méthodes physiologiques, je dois citer aussi les
mulilations que j'ai pratiquées dans le but de rendre des
Isomyaires fonctionnellement Anisomyaires ou Monomyaires,
pour pouvoir étudier ensuite sur ces animaux ainsi transformés
les modifications survenues dans le fonctionnement des valves.
J'ai expérimenté uniquement dans ce cas sur des Anodonta
cygne Linn. et des Cardium norwegicum Speng. J'ai choisi
les premiers en raison de la facilité que l'on a à se les procurer
et à les faire vivre dans les aquariums d’eau douce, et aussi en
raison de la facilité d'exécution de l'opération, les fibres du
muscle adducteur antérieur (celui que je supprimais le plus
souvent el de préférence {totalement ou en partie pour me rap-
procher des conditions naturelles des Anisomyaires et des Mo-
nomyaires) s'insérant {oujours très près du bord libre sur une
192 R. ANTHONY
1
surface plane et non pas, comme chez les Unios, au fond d’une
cavité. Le Cardium Norwegicunr Speng. présente également
ce dernier avantage. Comme l'Anodonte, il est facile à se pro-
eurer en hiver et est assez robuste; Île laboratoire de Sant-
Waast-la-Hougue m'en à fournit en assez grand nombre. En
rasant au scalpel et intérieurement l'une ou l'autre valve d'un
de ces animaux maintenu ouvert à l'aide d'un petit coin de
bois, je pratiquais le décollement du muscle adducteur d'une
de ses insertions. L'animal, en général, se remettait assez vite
et vivait quelques jours pendant lesquels je pouvais étudier le
mode d'ouverture et de fermeture de ses valves, que je com-
parais à ce que l'on constate d'une part chez les Isomyaires nor-
maux, d'autre part chez les Anisomyaires et les Monomyaires.
5. Procédés de recherches morphogéniques. — Comme 1l à été
dit dans l'Introduction de ce travail, Jai voulu mettre, pour mes
recherches morphogéniques, à contribution l'observation et l'ex-
périmentation.
L'observation consiste simplement, on le sait, en la mise en
œuvre des matériaux fournis par l'étude des faits morpholo-
giques, embryogéniques el physiologiques : elle n'offre rien de
spécial dans son application ici et je n'y insisterai pas.
J'ai tenté aussi desexpériences morphogéniques, mais COMME
ces expériences, ainsi que Je l'ai dit, sont par essence même des
expériences à très longue échéance. ilne me sera pas possible,
à mon grand regret, d'en relater ici les résultats, qui feront
l’objet de mémoires ultérieurs. Je me bornerai à les signaler.
Dans une première série d'expériences, Jal essayé de faire
vivre dans des conditions anormales, c'est-à-dire éloignées les
unes des autres sur des plaques de verre de très jeunes Myli-
lus edulis Linn. provenant de lizone supérieure des rochers de la
baie de Douarnenez et habituées à vivre réunies en bouquet.
J'employais pour cela Île procédé qui consiste à tapisser de
plaques de verre Île fond d'un cristalloir contenant ces jeunes
animaux. Ils se fixaient d'eux-mêmes sur les plaques de verre
qu'on recueillait ensuite et qu'on disposait dans des aquarium à
eau de mer.
Dans une autre série d'expériences, et pour tenter de réaliser
dans une certaine mesure les conditions d'existence des Acé-
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 193
phales fixés en position pleurotéthique, J'ai fixé à l'aide de
ciment par une de leurs valves à la facon des Huitres ou des
Æthéries, sur de grosses pierres de très Jeunes Anodontes,
de très jeunes Unios et même de très jeunes Dreyssensies, que
Je conserve dans des bassins et des aquariums au laboratoire
d'Anatomie comparée du Muséum et à la Station physiolo-
gique, me réservant d'étudier dans quelques années seulement
peut-être les modifications consécutives à ce changement de
position. Ce dernier ne va pas sans entraîner une certaine
gène chez les animaux soumis à l'expérience : sur dix sujets,
il en meurt environ huit et même souvent davantage, et, J'ai
remarqué que la résistance était d'autant plus grande que la taille
du sujet était moindre.
J'ai essayé aussi de faire vivre des Cardium ROTICEGICUIR
Speng, chez lesquels j'avais, comme il à été dit plus haut,
détaché le muscle adducteur antérieur d'une de ses insertions,
afin de pouvoir voir après plusieurs années les modifications
résultant de cette mutilation.
Enfin au laboratoire maritime de Saint-Waast-la-Hougue
j'ai inclus dans des blocs de plâtre des Tapes decussatus Linn.
laissant un simple passage aussi étroit que possible pour les
siphons. Ces animaux ont, on le verra plus loin, les siphons
séparés, et, J'ai voulu reproduire pour eux les conditions d’exis-
tence des T'apes pullastra Mig var. perforans et même des Pho-
lades.
Le bloc d'inclusion est fait en deux parties, deux valves
réunies par une petite quantité de plâtre étendue sur la ligne
de jonction ; on peut les séparer à volonté et constater de temps
en temps les modifications extérieures subies. La même expé-
rience à été répétée à la Station physiologique du Collège de
France sur des Anodontes.
Dans toutes ces expériences où l'on emploie le ciment ou
le plâtre, il est bon de mettre, les premiers Jours du moins,
dans l’eau courante les animaux et le bloc qui les supporte ou
les contient.
Tels sont les principaux procédés de recherches que Jai
employés au cours de ce travail. J'ai cru devoir, pour ne point
ANN. SC. NAT. ZOOL. 1, 15
?
19% R. ANTHONY
encombrer les résultats de détails qui leur soient étrangers, en
indiquer du moins le principe et traiter dans ce chapitre spécial
la partie purement technique de la question. Peut-être aurai-Je
à reprendre, au moment d'indiquer les résultats, quelques
petits points de détails de ces techniques qui, si j'en avais parlé
maintenant, n'auraient pu être saisis avant que les questions
anatomiques et physiologiques fussent traitées.
CHAPITRE II
INTRODUCTION A L'ÉTUDE GÉNÉRALE DES CARACTÈRES
DE CONVERGENCE ET DE LA MORPHOGENIE
DES MOLLUSQUES ACÉPHALES-:
Puisque l'étude des eauses (morphogénie) ne doit ralion-
nellement venir qu'après celle des faits, il est naturel de se
demander d'abord st la morphologie, l'embryogénie et la phy-
siologie des Acéphales sont actuellement assez avancées pour
justifier l'étude de leur morphogénie.
Si l'on consulte un récent traité d'Anatomie comparée ou
de Zoologie, on peut croire qu'actuellement l'organisation,
c'est-à-dire la morphologie des Acéphales est suffisamment
connue dans ses grandes lignes. Les études générales de mor-
phologie extérieure, d'anatomie, d'histologie dans lesquelles
on s'est occupé de ces mollusques, les monographies com-
plètes ou partielles dont ils ont été l'objet sont nombreuses
et la plupart du temps d'une grande exactitude ; les plus petits
détails y ont été le plus souvent, particulièrement dans les tra-
vaux récents, mentionnés el Siminutieusement décrits qu'il sem-
blerait même que les zoologistes aient pu croire depuis quelques
années que rien plus n'était à faire sur ces animaux tant leur
étude paraît avoir été délaissée d'un accord presque com-
mun. Toutefois, ce dédain de la plupart des zoologistes
mare =
Roma = s
rene
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 195
contemporains à l'égard des Acéphales me semble loin d'être
justifié et, en entreprenant ce travail, je n'ai pas tardé à m'a-
percevoir que si d’une part certaines questions générales avaient
été insuffisamment creusées, d'autre part, certains groupes par-
ticuliers (Ætherüdæe, Chamidæ, Triducnidæ. par exemple, pour
n'en citer que quelques-uns) étaient très insuffisamment
connus au point de vue même morphologique. J'ai dû, de
mon mieux, combler ces lacunes par des recherches per-
sonnelles ; seules celles qui se rapportent aux Mollusques
Acéphales Dimyaires fixés en position pleurothétique, trouve-
ront place 1c1 dans la deuxième partie de ce travail.
En compulsant la bibliographie de la morphologie des
Acéphales durant ces dernières années, on rencontre à peu
près louJours les mêmes noms, ceux de Lacaze-Duthiers, de
Pelseneer, de F. Bernard, de Dall, de Drew, de Ménégaux, etc.,
qui sont les auteurs des travaux anatomiques les plus
récents ayant trait à ces animaux. Pour l'indication de
leurs mémoires, ainsi que de ceux des autres auteurs,
on se reportera à l'indice bibliographique placé à la fin de
cette étude.
Comme leur morphologie, lembryogénie des Acéphales à été
l'objet de nombreuses recherches dans lesquelles on constate le
même souci d'exactitude que dans les travaux de morphologie.
Toutefois on est obligé de reconnaitre que les faits embrvogé-
niques, touchant les Mollusques Acéphales, sont encore moins
complètement connus que les faits de morphologie et que les
lacunes à combler sont là plus nombreuses encore.
Comme pour tous les groupes animaux, d’ailleurs, l'embryo-
génie des premiers stades, qui en somme ne varie entre deux
groupes voisins que d'une façon relativement peu importante,
a été faite d'une façon suffisante. Celle des stades finaux, au
contraire, des formes dites jeunes, qui intéresse surtout le mor-
phogéniste et le phvlogéniste, semble avoirété systématiquement
laissée dans l'ombre. Les remarquables travaux, de Jackson,
de Munier-Chalmas et de F. Bernard sur le développement de
la coquille en général, ainsique quelques mémoires se rapportant
à des types particuliers, tel celui de Jackson (88) pour l'Huitre,
196 R. ANTHONY
viennent à peu près seuls éclairer l'histoire des derniers stades
de leur développement.
Il y à done beaucoup à faire encore dans cette voie, et un
certain nombre des résultats que j'ai déjà obtenus, pour difté-
rents types, se trouveront brièvement indiqués au cours de ce
chapitre.
Quant à leur mode de vie, à leurs mœurs, au fonctionnement
de leurs organes, à leur physiologie, en un mot, elle est à peu
près inconnue; bien plus, les zoologistes semblent, à part de
trop rares excepÜions, laisser dans l'ombre, d’une façon presque
systématique, toutes ces questions pourtant si intéressantes : on
ne se rend guère compte de la facon dont vit et se meut un
animal dont beaucoup de naturalistes ont disséqué ou examiné
les organes par les procédés de l'anatomie microscopique et de
l'histologie.
Il y a toutefois à signaler plus particulièrement dans cet ordre
d'idées le remarquable travail de Coutance sur la physiologie
des Acéphales, dans lequel il s'occupe plus spécialement du
Pecten mazimus Linn., et les recherches de Jolyet et Sellier sur
les contractions des muscles adducteurs. Quant au mémoire de
Picri sur les Tapes? I renferme, à côté de faits intéressants, la
relation d'expériences sans grande portée, à mon sens du moins,
ettendant à établir l'action des différentes substances de la ma-
bière médicale sur l'organisme des lanimaux étudiés par cel
auteur. Les autres travaux $e rapportant à la physiologie des
Acéphales seront énumérés à l'index bibliographique.
En résumé, il semble, et à un examen superficiel, que les
Mollusques Acéphales soient actuellement bien connus; mais
lorsqu'on considère les choses de plus près, avec l'idée de
vouloir comprendre leur organisation, de saisir, en un mot, leur
morphogénie, ons aperçoit, d'une part, qu'il y a dans le domaine
des faits aussi bien morphologiques qu'embryogéniques et phy-
siologiques, beaucoup de lacunes, ce qui rend toute explication
souvent difficile; d'autre part, que certains autres faits. dont
l'étude a été poussée très loin, n'ont, au point de vue des expli-
cations morphogéniques, qu'une importance minime.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 197
Cette insuffisance réelle de documents, opposée à son abon-
dance apparente, tient en grande partie à ce défaut d'idées
générales qui fait que certains naturalistes, restant complète-
ment et volontairement étrangers à Lout ce qui peut mener à
une explication possible des formes, pensent qu'actuellement
rien plus n’est à faire en morphologie en dehors de la eytologie
la plus fine. IIS s'occupent uniquement à des constatations de
points de détails, alors qu'ils passent souvent à côté de faits
importants sans les soupçonner.
Avant de commencer cette étude générale des caractères de
convergence et de la morphogénie des Mollusques Acéphales, il
ne me semble pas superflu d'indiquer la façon dont je com-
prends l'orientation de ces animaux. Cette façon me semble si
rationnelle et si simple que j'aurais même jugé superflu d'en
parler si je n'avais rencontré dans des mémoires même très
récents et postérieurs au travail de Nætling (02) sur ce sujet,
des opinions qui m'ont paru vraiment extraordinaires. Il m'a
semblé utile, en raison de cet état de choses et pour éviter toute
confusion, de bien dire une fois pour toutes ce que j'entends
par région antérieure, postérieure, ventrale et dorsale d'un
Mollusque Acéphale.
Pour déterminer lorientation des Acéphales, les conchylio-
logistes s'en tenant à l'examen de la coquille seule, procèdent
généralement de la façon suivante. Supposons que l'animal ait
comme l'Anodonte ou la Tridacne une forme sensiblement
allongée : 1ls mènent le grand axe et toute la région qui con-
tenant la charrière se trouve d'un côté de cette ligne est pour
eux la région dorsale, toute celle qui se trouve de l’autre côté,
le bord libre, est la région ventrale. Cette façon de procéder,
dans laquelle on ne tient aucun compte des organes les seuls
importants au point de vue de lembryogénie et de la mor-
phogénie, me parait devoir être abandonnée par les anato-
mistes. C'est elle qui à conduit à dire que la Tridacne et l'Hip-
popus élaient retournés dans leur coquille, et j'espère facile-
ment montrer qu'il n'en est rien. En réalité, lorsqu'il s'agit
d'orienter un Acéphale, il faut uniquement tenir compte,
comme on le fait d’ailleurs pour tous les autres animaux, de la
198 R. ANTHONY
position de sa bouche (stomodeum) et de celle de son anus
(proctodeum) pour déterminer son axe longitudinal. Les
organes internes doivent seuls entrer en ligne de compte,
comme l'a très bien fait remarquer Lacaze-Duthiers dans son
mémoire sur les Tridacnes, à l'exclusion de la coquille avec ses
diverses parties, crochets, corselet, lunule et bords libres. Cette
dernière n’est en somme, en effet, que le produit de sécrétion du
manteau et son crochet, qui semblerait devoir en être consi-
dérée comme la partie la plus importante puisqu'elle est le
centre véritable de la calcification, n'affecte pas de rapports
constants avec les organes internes : chez le Cardium edule
Linn., par exemple, en face du crochet sont l'estomac et le
foie: chez les Tridacnidés, c’est la bouche. Quel que soit l'Acé-
phale auquel je m'adresse, je me sers, suivant en cela l'exemple
de Lacaze-Duthiers (03) et de Nœtling (02), de la position de sa
bouche et de celle de son anus pour déterminer son axe longi-
tudinal : la bouche marque la région antérieure, l'anus la région
postérieure. J'appelle bord dorsal celui qui va de la bouche à
l'anus en passant par le cœur, bord ventral celui qui va de la
bouche à l'anus en passant par la cavité palléale. Les côtés droit
et gauche se définissent d'eux-mêmes et répondent aux valves.
En appliquant aux Tridaenidés cette méthode très simple d'o-
rientation, je crois être arrivé, comme je le montrerai au cours
de ee chapitre, à rendre plus simple et plus intelligible Ki mor-
phologie de ces animaux et à préciser les raisons de leur appa-
rence parfois paradoxale. Comme on le voit, je ne lens
nullement compte, pour l'orientation, du crochet. Je définirai
la lunule, la région située entre le crochet et la bouche; chez
les Tridacnidés, elle est nulle puisque la bouche est au crochet.
J'appliquerai à tous les Acéphales cette méthode d'orientation
que Jai cru indispensable d'indiquer ici une fois pour toutes.
Au point de vue du sens général de leurs adaptations, on peut
diviser les Mollusques Acéphales en un certain nombre de
catégories renfermant chacune des types convergents mais à
affinités familiales très différentes. On peut considérer comme
les deux principales de ces catégories :
Les Dimvaires qui ont deux muscles adducteurs ;
DRE AE RE
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 199
Les MoxomyaIREs qui ont un seul muscle adducteur, les
seconds dérivant très certainement des premiers.
Si celte division à au point de vue qui est envisagé ici, et
qui est celui des adaptations, un grand intérêt, elle n’a, ne crai-
gnons pas de le répéter, au point de vue systématique général
aucune valeur, et, c’est à tort que dans les traités de Zoologie
les auteurs se basent encore quelquefois sur les caractères tirés
du nombre et du développement relatif des muscles adducteurs
pour établir la classification des Acéphales. Les organes de la
vie de relation, et les muscles plus que tous autres, sont d'une
façon générale en effet trop malléables pour servir de bse à une
classification zoologique; on doit leur préférer les organes les
plus fixes, les moins changeants, ceux sur qui les causes mor-
phologiques ont eu le moins de prise, ceux qui par conséquent
ayant le moins varié dans le cours des générations nous appren-
nent le plus sur là phylogénie des êtres, toute classification,
on le sait, devant se rapprocher dans la mesure du possible
d’un arbre généalogique.
Bref, les termes dimynires et monomyaires ne doivent indi-
quer que des types généraux d'organisation en rapport avec
des conditions d'existence déterminées, types convergents que
l'on peut rencontrer dans tous les groupes, dans toutes les
familles d'Acéphales par le fait de causes identiques agissant
sur des êtres appartenant à des phylums différents. C’est
ainsi que les Arches parmi les Filibranches, les Cardiums et
les Cyrènes parmi les Eulamellibranches sont des Dimyaires.
D'autre part, les Placunes sont des Monomyaires filibranches,
tandis que les Mulleries tout aussi monomyaires ont des bran-
chies treillagées d'Unionidés.
Dimyaires.
Les Dymiaires peuvent être répartis en deux sous-catégories :
Les HoxouYaiREs où IsomyYaIREs, dans lesquels les deux mus-
cles sont égaux où à peu près.
200 R. ANTHONY
Li
Les HéréRoMYAIRES où ANISOMYAIRES, dans lesquels les deux
muscles sont franchement inégaux, chacun de ces trois types
d'organisation, Dimyaires isomyaires, Dimyaires anisomyaires
et Monomyaires répondant à des conditions d'existence déter-
minées.
1. ISOMYAIRES.
La forme Dimyaire isomyaire, que, par abréviation, j'appel-
lerai au cours de ce travail Diisomyaire, et dont il va être
question d'abord, est la forme la plus primitive des Acéphales.
Les Imisomyaires comprennent eux-mêmes, au point de vue
du sens général de leurs adaptations, deux grands types :
Le TYPE EUTHÉTIQUE OÙ NORMAL;
Le TYPE PLEUROTHÉTIQUE.
1° DusomYAIRES EUTHÉTIQUES. J'appelle normal le premier type
pour plusieurs raisons. D'abord, la plupart des animaux sont
d'une façon générale euthétiques, ce qui constitue par conséquent
la règle. De plus, en tenant compte des formes fossiles, aussi
bien que des formes actuelles, on voit que le plus grand nombre
des Acéphales diisomyaires le sont également. C'est aussi le
cas parmi les Acéphales actuels de ceux dont l’organisation
est la plus primitive, et, il en devait être de même incon-
testablement des formes ancestrales, les Mollusques les plus
primitifs connus étant nettement euthétiques. Enfin les Acé-
phales qui sont pleurothétiques à l'âge adulte présentent à un
moment donné de leur évolution ontogénique les caractères
anatomiques des animaux euthétiques ; cela sera démontré au
cours de ce travail pour les Diisomyaires fixés en pleurothé-
tisme. Les formes pleurothétiques sont toujours, en somme,
chez les Acéphales, des formes euthétiques modifiées.
Le mot euthétique vient de deux mots grecs : eù — bien, et
zidnu: — position, animaux en bonne posilion, c'est-à-dire en
position normale, habituelle.
Les euthétiques peuvent être définis : ceux qui dans les con-
ditions normales de leur existence se trouvent constamment
placés de telle façon que leur plan sagittal (bucco-ventro-
ano-dorsal) soit perpendiculaire au plan sur lequel 1ls reposent
ou progressent; les lois de la pesanteur faisant que les animaux
|
{
!
il
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 201
ne peuvent, à part exceptions, reposer ou progresser que sur
un plan sensiblement horizontal ou légèrement incliné, on peut
être amené à dire que les euthétiques sont ceux dont le plan
sagittal est vertical dans les conditions ordinaires de la vie.
L'ancêtre hypothétique qui aurait donné naissance aux Acé-
phales d'une part et aux Gastéropodes diotocardes de l'autre, de-
vait vraisemblablement posséder, comme l'ont encore aujour-
d’hui les Mollusques les plus primitifs (Chitonides, par exemple),
un pied rampant à la facon de celui des Chitons et des Gasté-
ropodes. Cet animal devait done progresser à la manière de ces
derniers, c'est-à-dire le ventre sur le sol, et dirigeant en avant
son extrémité antérieure, comme sont naturellement amenés à
le faire pour chercher leur nourriture les animaux qui se dé-
placent parallèlement à un plan. De ce mode de locomotion,
Sagittal par conséquent, il a dù résulter deux choses : d'abord
l'allongement antéro-postérieur dans le sens de la progression,
ensuite la symétrie par rapport au plan sagit{al; ce dernier ca-
ractère se rencontre également chez les Chitonides et les Gasté-
ropodes diotocardes les plus anciens, tels que le Bellérophon, par
exemple, le rejet latéral de la masse viscérale étant une modi-
lication secondaire qui se produit chez les Gastéropodes plus
évolués et dont on n'a pas à s'occuper ici. Cette symétrie par
apport au plan sagittal s'établit parce que l'animal, placé
dans un milieu homogène et se tenant posé sur sa sole ventrale,
les deux régions de son corps situées de chaque côté de cette
base de sustentation sont soumises aux mêmes influences méca-
niques; la pesanteur, ainsi d'ailleurs que toutes les autres
forces physiques pouvant s'exercer dans un milieu homogène,
s’exercent de la même façon en « qu'en 4, en d qu'en 4, de telle
sorte que le plan sagittal, dont la trace sur le papier est repré-
sentée par 7 (fig. #) est le lieu géométrique des points {els que
a, 0, c, d. Wen résulte que de chaque côté du plan sagittal les
deux moiliés du corps sont symétriques, c'est-à-dire de même
surface el sensiblement de même poids : la charge se répartit en
quelque sorte d'elle-même; on appelle ces deux moitiés du
corps droite et gauche. Les Aréphales dinyaires euthétiques sont
donc obligatoirement symétriques Dar rapport à leur plan sagittal
(Voy. fig. 4). Ils le sont, pour les mêmes raisons que le {as que
202 R. ANTHONY
l'on obliendrait en faisant tomber verticalement, avec une
vitesse toujours égale et sur un plan parfaitement horizontal,
du sable fin strictement homogène par une ouverture située
exactement au-dessus d'une cloison verticale, le serait par
rapport à cette cloison. La pesanteur
semble donc jouer, comme on le voit, le
plus grand rôle dans la morphogénie gé-
nérale des Dimvyaires euthétiques vivant
sur des plans horizontaux.
Un Acéphale diisomyaire euthétique est
donc essentiellement caractérisé par un
contour sagittal sensiblement circulaire
ou du moins ovalaire à grand axe antéro-
postérieur et la similitude et Pégalité des
deux moitiés droite et gauche de son
COrps.
2e
Fige he Schéma enr ) Les Diisomwaires euthétiques peuvent
expliquer la symétrie par J
rapport au plan sagitl être abdominothétiques ou céphalothé-
chez les Dimyaires euthé- : :
tiquesabdominothétiques. tiques; les premiers sont ceux qui dans
les conditions ordinaires de la vie repo-
sent sur le bord ventral de leur plan sagittal (Nucules): les
seconds sont ceux qui reposent sur Le bord céphalique ou buccal
de ce même plan sagittal (Fapes). Les uns et les autres sont,
comme on la vu et pour les mêmes raisons, symétriques par
rapport à ce plan.
2. Düsomyaires euthéliques abdominothétiques. — Les Diso-
mvaires euthéliques abdominothétiques sont libres comme la
Nucule ou fixés d’une facon relative et ils le sont alors comme
les Arches à laide d'un organe filamenteux spéeml appelé
byssus.
Abdominothétiques libres. — Les abdominothétiques libres
sont en général considérés comme des animaux marcheurs et
quelque peu fouisseurs.
Dans les traités généraux de Zoologie et d'Anatomie com-
parée, ilest même dit que la Nucula. qui peut être considérée
comme le type de ce groupe, possède une véritable sole pé-
dieuse analogue à celle des Gastéropodes que son mode de vie
lui aurait probablement permis de conserver, souvenir de ses
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 203
ancêtres les plus immédiats. En réalité, les recherches récentes
prouvent qu'il n'en est rien. Les Nuculidæ ne possèdent pas
de sole pédieuse analogue à celle des Gastéropodes, et il en est
de même des Pectuncwlus. Quant au pied des Trigonidæ, qui
semblent être également, au point de vue de l'attitude, des ab-
dominothétiques, il a subi des modifications l'éloignant davan-
lage du pied reptateur.
Le pied des Nuculidés diffère par des caractères morpho-
logiques très importants de celui des Mollusques rampants
(Gastéropodes) et leur locomotion, quoique s'effectuant dans
une position analogue à celle qui caractérise ces derniers,
en diffère par des caractères physiologiques essentiels. Cette
locomotion, qui à été étudiée ces temps derniers, d'abord par
Drew, ensuite par un jeune naturaliste, F. Vles et enfin par
moi-même, dont les observations corroborent absolument
celles des précédents auteurs, est une sorte de fouissage,
l'animal restant en position abdominothétique et progressant
en avant. Quand on le trouve en place, 11 est en général
enfoncé dans le sable, ne laissant paraitre que ses deux cro-
chets à l'extrémité d'un sillon tracé qu'il vient de parcourir. Il
est inutile d'insister ici davantage sur le mode précis de loco-
motion de la Nucule, étant donné qu'il importe peu pour le
point de vue auquel je me place, qu'il soit fouissement ou
replation, puisqu'en tous cas, il est toujours abdominothétique.
Pour de plus amples détails sur ce point, le lecteur peut d'ailleurs
se reporter à la récente note de F. Vles sur la locomotion de la
Nucule (Voy. Bibliographie). Il est probable que le Pectunculus,
sinon les Trigonüdiæ, ont un mode de locomotion absolument
comparable à celui des Nucules et qu'il faut dès maintenant
renoncer à l'attribution à ces Acéphales qui se trouvent être
en fait les plus primitifs, d'un pied reptateur de Gastéropode.
Les abdominothétiques sont dépourvus de siphons, ils ont
une seule ouverture palléalé et, pendant la fermeture, leurs
valves sont absolument coaptées.
Tous sont des animaux à organisation très primitive sem-
blant dans notre faune actuelle comme des survivants des âges.
passés. Leur aspect primitif n'a rien qui doive surprendre :
en effet, bien que le pied de ces animaux ne soit pas à propre-
204 R. ANTHONY
ment parler reptateur, que Fon se place au point de vue de la
forme aussi bien qu'à celui de la fonction, 1 n’en est pas moins
vrai qu'il se rapproche plus que celui de tous les autres Acé-
phales de celui des Chitonides. La forme spéciale qu'il affecte
semble n'être, en somme, qu'une assez légère modification du
pied reptateur des ancêtres directs des Acéphales en vue d'un
mode de locomotion tout spécial qui ne peut être comparé au
Fig. 5. — Coupe sagittale de Pectunculus glycimeris (Linn.). — 1, bouche ; 2, anus;
3, pied; #, muscle adducteur antérieur ; 5, muscle adducteur postérieur; 6, cœur
contenu dans le péricarde et traversé par le rectum.
fouissement des Céphalothétiques, mais que, par certains points,
l'attitude dans laquelle il s'effectue a pu ètre rapprochée de la
reptation des Acéphales primitifs descendants directs sans
doute des Mollusques plus primitifs encore dont les Chitonides
actuels peuvent nous donner une idée. Ils devaient être euthéti-
ques, abdominothétiques et rampants. Des deux lignées auxquel-
les ils ont donné naissance, celle des Gastéropodes et celle des
Acéphales, la première est restée euthétique (en faisant abstrac-
tion de la torsion) et abdominothétique. L'autre a modifié plus
lard dansdiverssens son attitude, mais les plus primitifs des Acé-
phales actuels tout en modifiant légèrement la forme de leur
pied par l'usage spécial qu'ils ont dû en faire, sont restés comme
leurs ancètres euthétiques et abdominothétiques ; tout d'ail-
leurs dans leur organisation, les branchies foliacées particu-
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 205
lièrement s'accordent pour faire des Nucules des animaux
voisins, malgré leurs modifications secondaires, du type
ancestral.
Quant aux Pectuneulus et aux Trigonies, qui me semblent
aussi devoir rentrer dans ce même groupe, ils possèdent des
branchies filamenteuses, c'est-à-dire des
organes respiratoires arrêtés au premier
stade de la modification partant des bran-
chies foliacées du type nucule, pour
aboutir aux branchies lamelleuses et fenê-
: trées des Cardiums et même par régression
aux cloisons musculaires des Septibran-
ches. Les Diisomyaires abdominothétiques
libres représentent en somme le type d'or- PRADA EN ONE Pots
ganisation le plus primitif des Acéphales du moule interne d'Arca
telragona Poli destinée
actuels. à montrer l’aplatissement
Abdominothétiques firés. + On peut dorso-ventral sous l'in-
flueñce de la pesanteur
encore les appeler byssifères, parce que x y. Trace du plan sa-
chez eux la fixation se fait à l'aide d'un au VRAI
organe filamenteux spécial, le byssus, qui
ne semble être autre chose que le produit de sécrétion durei
et aggloméré des glandes du pied, la glande à byssus semblant
être l’analogue de l'ensemble des glandes du pied des Gastéro-
podes.
Ge groupe est personnifié par la famille des Arridæ, à l'excep-
üon d'une part des Pectuneulinæ, lesquels semblent en somme
être des A7cidæ qui, par le fait de conditions d'existence par-
liculières, seraient redevenus libres et chez lesquels le pied
aurait pris une forme et une constitution se rapprochant de
celle qu'il possède chez les Nucules, d'autre part des Dimyidæ
qui seraient des Arcidæ secondairement fixés en pleurothétisme
comme nous le verrons.
Les Arches sont des animaux qui habitent, en général, la zone
du balancement des marées ou les régions immédiatement
suivantes. Elles sont fixées généralement soit sur le sol, soit
sur des rochers ou des débris de coquille, à une certaine distance
is unes des autres, et on les prend à la drague.
L'abondance de nourriture au lieu où eiles vivent semble
206 R. ANTHONY
pouvoir être considérée vraisemblablement comme une des
causes de leur immobilité, à la suite de laquelle le pied semble
devoir avoir diminué de volume, réduit la surface de sa sole ;
ses glandes distantes et séparées vraisemblablement chez les
formes hypothétiques primitives se seraient rapprochées et
aggelomérées, et leur sécrétion ayant pris, pour une raison qui
nous échappe, un caractère spécial de dureté en aurait fait ce
qu'on appelle le byssus.
Les Arches ont été considérablement modifiées dans leur
forme par ce genre de vie, el pour citer un seul exemple, une
Fig. 7. — Coupe sagittale d'Arca barbata Linn. — 1, bouche; 2, anus: 3, pied:
4. muscle adducteur antérieur; 5, muscle adducteur postérieur; au milieu le
byssus compact surmonté de ses rétracteurs antérieur et postérieur. La coupe n’a
pas passé par le cœur.
espèce méditerranéenne, l'Arca tetragona Poli, que le labo-
ratoire de Banyuls m'à fournie en assez grand nombre, affecte
la forme représentée dans la figure 6. Elle est affaissée en
quelque sorte sous son propre poids. On trouvera une modifi-
cation analogue dans la morphogénie des Tridarride.
Les Arcidæ sont à tous points de vue des formes très primi-
tives. A leur sujet, la question suivante peut se poser :
Dérivent-elles d'animaux analogues aux Nucules? Je ne Île
crois pas etilme parail plutôt que leur descendance puisse être
établie de la facon suivante : au début de la série des Acéphales,
il semble que lon doive placer, ainsi qu'il a déjà été dit, un
groupe d'animaux primitifs à branchies foliacées et à cœur
dorsalement placé par rapport au tube digestif, comme les
Nucules, mais chez qui le pied n'ayant pas subi les mo-
difications qui caractérisent celui de ces derniers animaux
posséderait encore les caractères du pied vraiment replateur
des Gastéropodes. On peut désigner sous le nom de Pronu-
|
"#0
TE … A A < _,_ — ç — — —
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 207
culidie ee groupe hypothétique. Les Pronuculidæ auraient donné
naissance à deux séries divergentes, des abdominothétiques
libres et des abdominothétiques fixés. Les premiers com-
prennent, comme on la vu, d'abord les Nwewlide. Les se-
conds, adonnés à la vie sédentaire, auraient vu leurs glandes
pédieuses s'agglomérer et le produit de sécrétion de ces glandes
se solidifier. Ainsi se serait constitué le groupe des Protarcide,
qui auront donné d’une part des formes anisomyaires, les 17/yti-
lidæ, et par une complication de la circulation branchiale
(Voy. Ménégaux) des formes isomyaires les Arcidæ. De ces
dernières, une branche divergente, les Pectuneulinæ, aurait
fait retour à la vie libre, tandis qu'une autre branche encore
aurait constitué, par l'intermédiaire de formes analogues à nos
Limopsis actuels, les Dimyidæ (4), fixés en position pleuro-
thétique (Voy. le tableau de la fin de ce chapitre).
Outre les Arcidæ, dont les affinités probables viennent d’être
brièvement indiquées, le groupe des abdominothétiques bvssi-
fères comprend un certain nombre de formes moins impor-
lantes, qui sont incontestablement des Céphalothétiques reve-
nus à l’abdominothétisme et chez lesquelles le byssus aurait
réapparu.
6. Düsomyatres euthétiques céphalothétiques. — Dans cette
catégorie des Céphalothétiques, qui comprend le plus grand
nombre des Acéphales, je puis ranger les animaux fouisseurs
à quelque degré que ce soit, aussi bien les Anodontes et les
Unios, qu'on trouve tantôt et par exception posés sur une de
leurs valves, tantôt et le plus souvent, enfoncés l'orifice buc-
cal en bas, dans le sable ou la vase, que les Pholades et les
Tarets qui passent toute leur vie dans les galeries qu'ils se sont
creusées, lélargissant à mesure qu'eux-mêmes grandissent et
n'en sortant Jamais.
Suivant le degré de leurs modifications, sous l'influence de
l'enfouissement céphalothétique, on peut diviser pour la com-
modité de la description ces animaux en trois groupes.
1) Le premier groupe comprendra un certain nombre d'Acé-
phales, que l’on range parfois parmi les Asiphoniens ou Inté-
(1) Les Dimyidæ semblent être (rès anciens puisqu'on en trouve déjà dans
le Bathonien.
208 R. ANTHONY
oripalliés, ce qui pourrait tendre à les faire passer à tort pour
de vrais abdominothétiques.
En réalité, ils font incontestablement partie intégrante des
Céphalothétiques et forment la transition aussi bien au point de
vue morphologique qu'au point de vue éthologique et fonc-
tionnel, entre le premier de ces groupes et le second. Dans ce
groupe de transition, il semble que lon puisse placer les Unio-
nidæ. les Carditidæ, les Astartidæ, les Crassatellidæ, les Cyre-
nids, les Cyprinidæ, ete, qui constituent aussi ce que beau-
coup d'auteurs appellent les Submytilareu.
Pour se rendre compte de ce qu'est exactement le mode
de vie céphalothétique le plus simple est de s'adresser aux
Unionidés qui de tous les animaux faisant partie de cette pre-
mière catégorie de transition sont ceux dont il est le plus aisé
d'observer le mode de vie; un grand nombre d'Unionidés vivent
dans beaucoup de rivières el de cours d’eau de notre pays:
Si l'on regarde avee soin le fond vaseux où sablonneux d'une
rivière habitée par des Unios ou des Anodontes, on peut y voir
deux choses, d’abord de larges sillons tortueux et peu profonds
qui sont la trace de la progression de ces animaux, à l’aide de
leur pied; ensuite, çà et là de petits groupes de papilles courtes
et peu mobiles, émergeant au fond de l'eau de la surface hbre
de la vase et la dépassant à peine de quelques millimètres. Les
sillons y aboutissent. De plus près on voit que ces papilles sont
disposées sur deux rangs, séparés par une fente qui parait
profonde. Au delà des papilles, la fente se continue de l'autre
côté d'une mince cloison. On voit done, en résumé, deux orifices
dont l'un, le plus considérable, est entouré de papilles. Par ce
dernier s'établit un courant d'entrée; par le second, un courant
de sortie qui fait tourbillonner les particules solides contenues
dans l'eau aux alentours. Une telle disposition à la surface de
la vase, au fond de l'eau, indique à coup sûr la présence d'un
Unionidé enfoui verticalement la région buccale en bas et ne
laissant dépasser qu'une toute petite partie du bord postérieur
des lobes de son manteau. Cette région postérieure est d’ailleurs
la seule où normalement les bords libres du manteau ne soient
pas rapprochés et coaptés, la seule par conséquent qui permette
à l'eau d'entrer et de sortir.
À
;
|
|
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 209
Si on suit le bord palléal d’un Unionidé, on voit qu'en dehors
de la région cardinale, les deux lobes du manteau sont libres. Ils
ne sont réunis l'un à l'autre que par deux commissures, l’une
assez forte, qui se trouve au point où les branchies se ter-
minent en arrière, l’autre d'importance secondaire et située
dorsalement par rapport à la précédente.
Ces trois commissures déterminent trois orifices ; l’un très
considérable, antéro-ventral et même légèrement postérieur,
qui sert à la fois à la sortie du pied et à l'entrée de l'eau dans Ja
cavité palléale ; l'autre postérieur, qui sert à la sortie de l'eau de
la cavité palléale ; le troisième orifice est un orifice supplémen-
taire dépendant de l'orifice expirateur. Le premier de ces trois
orifices tend chez les Unionidés à se diviser en deux : un orifice
antéro-ventral considérable servant exclusivement à la sortie du
pied et un orifice postérieur servant à l'entrée de l'eau. Anato-
Miquement, ces deux orifices sont confondus, mais au point de
vue physiologique ils sont séparés, puisque quand le second.
l'orifice inspiraleur, est largement ouvert, le premier, l'orifice
pédieux, est fermé par le rapprochement et l'accolement des
deux bords du manteau. De plus, là partie du bord palléal qui
dépend de la région qu'on peut en somme appeler inspiratrice,
estgarnie de papilles, alors que les bords de lorifice pédieux en
sont totalement dépourvus. |
Les Unionidés ne possèdent done pas de siphons morpholo-
giquement parlant, mais ils vivent néanmoins enfouis en cépha-
lothétisme, laissant émerger les papilles postérieures de leur
manteau, rudiment d'appareil siphonien en voie d'apparition et
vers lequel ils tendent incontestablement. Cette disposition des
orifices palléaux (confusion de l'orifice pédieux avec l’'orifice
inspirateur), caractérise les céphalothétiques de la 1°° calégorie.
Comment les Acéphales ont-ils pu être amenés à passer de
l’abdominothétisme au céphalothétisme? Comme il à été dit,
la Nucule, lorsqu'on la rencontre en position normale, est
enfoncée dans le sable de telle sorte que les bords libres de
sa coquille sont inférieurs, le plan sagittal étant perpendicu-
laire à la couche de sable (abdominothétisme) : ses crochets sont
visibles à l'extérieur. Supposons que, pour une raison quel-
conque, un animal plus ou moins analogue à la Nucule s'enfonce
ANN. SC. NAT. ZOOI.. 1, 14
210 R. ANTHONY
davantage en profondeur dans le sable. De par ce fait que le
pied sort toujours de la coquille par la région antérieure de
celte dernière, et que c'est par lui que s'accomplit l'enfouisse-
ment, la région antérieure de l'animal se portera obligatoire-
ment en bas, et la région postérieure restera en haut. A partir
de ce moment, le céphalothétisme aura remplacé l'abdomino-
thétisme. C'est probablement quelque chose d'analogue qui à
dû se passer en réalité. Pour des raisons que noûs ignorons,
tenant probablement à la nature des substratums, des Acéphales
abdominothétiques, vraisemblablement des byssifères, ont fait
de leur pied un usage qui en à amené à nouveau le développe-
ment, le byssus est disparu, et ces animaux ayant dû avoir à
enfoncer davantage en profondeur, leur région antérieure s'est
par ce seul fait portée en bas, ils ont en quelque sorte basculé
en avant et sont devenus céphalothétiques (1).
Voyons maintenant comment l'organisation caractéristique
des céphalothétiques à pu prendre naissance. Pour cela prenons
l'animal abdominothétique dont.les deux lobes du manteau sont
séparés sur toute leur longueur. Au point de vue de ses bran-
chies comme à celui de beaucoup d'autres de ses organes cel
Acéphale présente des caractères primitifs indiseutables. Ses
branchies sont filamenteuses (Pectunculus) où même foliacées
(Nucule) et flottent librement dans la cavité palléale unique.
Par le fait de l'enfouissement céphalothétique, les orifices d'en-
trée et de sortie de l’eau se trouvent rapprochés et limités à la
région postérieure située en haut. Pour que l'eau, arrivant par
l'orifice d'entrée puisse aller jusqu'à la bouche située en bas, il
est de toute nécessité que le courant d'entrée et le courant de
sortie se canalisent en quelque sorte : une cloison se forme entre
les deux. C'est à cela que se rattache la complication de la bran-
chie filamenteuse qui ne larde pas à devenir fenestrée.
Les filaments se réunissant par des anastomoses et les bran-
chies devenues ainsi lamelleuses adhèrent par leurs bords au
manteau d'une part, à la masse viscérale de l'autre, divisant la
(1) Certaines formes fossiles de Trigonies présentent dans la région posté-
rieure de leur coquille des traces incontestables de siphons, disposition cadrant
parfaitement avec les modifications du pied de ces animaux qui rappelle celui
des Céphalothétiques [Voy. Pelseneer (91)].
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES D11
cavité unique en deux cavités, l'une antébranchiale ou palléale
proprement dite, l'autre rétrobranchiale. La première reçoit
l'eau chargée d'oxygène et de matières alimentaires ; ces der-
nières sont recueillies par les palpes buccaux et l'eau traverse
alors les lames branchiales par les fenêtres dont elles sont per-
cées; c'est là que que se fait l'hématose. Une fois dans la cavité
rétrobranchiale, l'eau impropre à la respiration se charge des
produits d’exsécrétion et des déjections qu'elle déverse à l'ex-
térieur. Cette division en deux parties de la cavité palléale qui
produit un réel perfectionnement de l'organe respiratoire est le
premier stade dans la différenciation des siphons. La division
de la cavité primitivement unique se poursuit Jusqu'au bord
palléal en arrière et détermine ainsi la production de deux ori-
lices, l'un inspirateur et pédieux, l'autre expirateur.
Lorsque l'animal est enfoui ne laissant émerger du sable ou
de la vase qu'une petite partie du bord postérieur de son man-
teau, cette petite partie plus que toute autre se trouve exposée
aux contacts étrangers, ce qui peut y déterminer la production
de petites papilles probablement sensitives, analogues à celles
qui viennent d’être signalées chez les Unionidés et qui chez les
Céphalothétiques plus évolués atteignent des dimensions consi-
dérables. On les rencontre chez les Unios et les Anodontes à
orifice inspirateur seulement, l'orifice expirateur en étant
dépourvu. On peut done dire que la complication de la branchie
et là première apparition des siphons semblent être liées à
l'existence céphalothétique.
À cette apparition débauche Siphonale s'ajoutent chez les
Céphalothétiques de la 4° calégorie d’autres modifications en
‘apport encore avec le céphalothétisme qui sont, par exemple :
la transformation du pied qui perd sa forme élargie et son
byssus pour prendre l'aspect spécial en fer de hache, en soc de
charrue qui à fait donner aux Acéphales la dénomination
générale de Peléeypode ;: l'allongement antéro-postérieur de la
coquille, son raccourcissement dorso-ventral qui amène le cœur
au contact du tube digestif qui le traverse, ce qui n'existe pas,
“Comme on le sait, chez les Nucules dont le cœur est dorsal par
rapport au tube digestif comme chez les Gastéropodes, et son
élargissement bilatéral. Chez les Céphalothétiques de ce premier
19
212 R. ANTHONY
groupe, les valves sont encore au moment de la fermeture
parfaitement coaptées comme chez les Abdominothétiques et
le ligament très développé allongé d'avant en arrière.
On voit done combien il est facile de passer des Abdomino-
thétiques aux Céphalothétiques par l'intermédiaire des Unio-
nidés et plus exactement de tout ce groupe qu'on appelle les
Submytilacea. Le retour à la vie Hibre qui a comme conséquence
Fig. 8. — Coupe sagittale d'Unio pictorum Linn. — 1, bouche; 2, anus; 3, pied;
4, muscle adducteur antérieur; 5, muscle adducteur postérieur: 6, cœur.
la perte du byssus et la nécessité consécutive de l'enfouisse-
ment, semble pouvoir expliquer ce passage. L’Anodonte qui
présente déjà tous les caractères des Céphalothétiques est un
type de transition vers les formes nettement siphonées. La
tendance manifeste qui s'accentue davantage dans les groupes
suivants semble donc être le calibrage dans un tube; l'animal
tend à devenir un corps allongé parcouru par deux courants
d'eau parallèles et de sens inverse.
2) Le deuxième groupe de Céphalothétiques comprendra les
formes vraiment siphonées en tout analogues aux précédentes,
avec cette seule différence que les siphons existent réellement.
De plus, le siphon inspirateur qui chez les Unios communiquait
largement avec l'orifice du pied, est ici fermé ventralement.
Les Cardüdæ, les Donacidæ, les Veneridæ (sauf certains comme
les Tapes pullastra Ulg. var. perforans, les Mactridæ (sauf Lutra-
ri), les Tellinidæ peuvent être rangés dans ce groupe tout artifi-
ciel, d’ailleurs, puisque d'une part les Cardüdæ confinent au pre-
mier groupe et les T'ellinidæ au troisième. Ces animaux vivent
enfouis dans le sable ou la vase et présentent tous une organisa-
tion générale très voisine de celle des types du groupe précé-
dent. Comme il a été dit, leurs siphons sont complets; de plus
ils sont parfois très développés, longs, ayant la forme de deux
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 213
tubes musculeux, l'un d'entrée, l'autre de sortie, terminés par
des couronnes de papilles sensitives, parfois même d'organes
de sensibilité spéciale.
Comment peut-on expliquer rationnellement cet allongement
des siphons qui caractérise les Céphalothétiques de ce deuxième
groupe.
Ne peut-on admettre qu'il puisse arriver qu'au cours de son
développement, l'animal vivant dans un sable vaseux très
liquide soit entrainé par son propre poids par exemple et s'y
enfonce davantage. Il faudra toujours, en {ous cas, pour que
l'entrée et la sortie de l’eau puisse se faire, qu'une petite partie
de son individu reste à la surface de la couche vaseuse; dans
ces conditions, les siphons s'allongent, s'éürent, et les efforts que
fait l'animal ne peuvent-ils être considérés comme favorisant le
développement de la musculature? Nous arrivons ainsi au type
du Curdium edule Linn. par exemple, où les siphons sont
déjà constitués quoique encore assez réduits.
A mesure que les siphons s'allongent, leurs muscles rétrac-
teurs se développent davantage, leur surface d'insertion s'élar-
git; elle s'enfonce de plus en plus à l'intérieur de la coquille
par le fait des mouvements répétés de rentrée et de sortie que
l'animal fait effectuer à ses siphons. C’est le sinus palléal qui se
conslitue, et, s’il est à peine ébauché encore chez le Cardium
edule Linn., il sera très marqué chez les types suivants plus
évolués, auxquels on donne parfois le nom de Sinupalliés.
À partir de ce moment où les siphons sont constitués, deux
directions peuvent être suivies: certains animaux se développent
dans une vase très hétérogène mêlée de gros graviers ou de
débris de coquilles, d’autres, au contraire, dans une substance
très homogène, vase molle, sable fin, ou roche. Chez les pre-
miers les siphons habitués à serpenter en quelque sorte entre
les pierres, à chercher leur route, si Je puis m'exprimer ainsi,
acquerront une plus grande liberté, l'un par rapport à l’autre,
ne se soudant pas, restant même divergents, comme c'est le cas
des Tapes decussatus Linn.; chez ceux. au contraire, qui se
développent dans une substance plus homogène, l'adaptation à
la vie en galeries, est plus avancée que chez les précédents,
les siphons sont rectilignes et parallèles, allant par le plus
214 R. ANTHONY
court chemin à la surface libre. Ils s’'accolent comme les canons
d'un fusil de chasse, chez les Tapes pullaster Mig. par
exemple, et l'animal tout entier, en quelque sorte, tend à se
calibrer, s'allongeant d'avant en arrière, diminuant au contraire
Fig. 9. — Coupe sagittale de Tapes decussatus Linn. — 1, bouche ; 2, anus; 3, pied;
4, muscle adducteur antérieur ; 5, muscle adducteur postérieur ; 6, cœur. Les deux
siphons sont séparés. C’est le type de vase hétérogène.
sa longueur dorso-ventrale, augmentant son diamètre trans-
versal.
J'ai étudié biométriquement la forme de la coquille chez
Tapes decussatus Linn. et chez Tapes pullaster Mtg., lun
vivant dans le gravier grossier, l'autre dans le sable fin homo-
Fig. 10. — Coupe sagittale de Tapes pullastra Mtg. — 1, bouche: 2, anus;
3, pied; 4, muscle adducteur antérieur; 5, muscle adducteur postérieur ; 6, cœur.
Les deux siphons sont réunis. C’est le type de vase homogène.
gène. Malgré le caractère général que je compte conserver à ce
chapitre, 11 m'a paru intéressant de résumer ici les résultats de
cette étude. J'ai pris deux lots de ces animaux, l'un de 100 T'apes
decussatus Linn., provenant des pierrailles du vieux port de
Saint-Waast-la-Hougue, lautre de 100 Tapes pullastra Mig,
provenant des sables fins d'Aumeville-Crasville près Saint-
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 215
Waast-la-Hougue. Sur la valve gauche de chacun de ces ani-
maux j'ai mesuré avec beaucoup de soin, à l’aide d’un pied
à coulisse, la distance dorso-ventrale maximum (en prenant
comme point de repère dorsal le point le plus proéminent du
crochet), et la distance antéro-postérieure maximum. J’obte-
13
RENE EN" CC TEST Ar 14 Jé JE? e0 TE VA
Fig. 11. — Le trait plein indique le Tapes pullasltra Mtg.; le trait pointillé indique
le Tapes decussalus Linn.
nais ainsi la hauteur et la longueur maximum de mes animaux,
que je désignais par H et L. En divisant par L, la quantité H
| préalablement multipliée par 100 afin d'éviter l'introduction
de décimales gênantes pour les calculs, j'obtenais une certaine
quantité T, un indice comparable à celui que Nœtling (99) calcula
sur les arches. Calculé sur 100 Tapes decussatus Linn., cet indice
| m'a donné une valeur moyenne de 76.82, et sur 100 T'apes
pullaster Mig. une valeur moyenne de 65.92. Ce qui revient à
dire que les Tapes pullastra Mig. sont par rapport à leur hauteur
plus longs que les Tapes decussatus Liun., ce qui paraît d’ailleurs
{
216 R. ANTHONY
avec une grande évidence au seul examen du profil sagittal des
coquilles.
Si, au lieu de faire la moyenne brute des indices, on recherche
quel est l'indice qui existe Le plus souvent chez Tapes decussatus
Linn. ou chez Tapes pullastra Mig., c'est-à-dire la fréquence,
on voit que pour le premier de ces animaux l'indice 75 à été
rencontré 22 fois sur 100 et pour le second l'indice 6% à été
rencontré 14 fois sur 100. Le tableau de la figure 11 repré-
sentant la courbe des variations de cet indice dispense d’ailleurs
de plus amples explications. Le Tapes pullastra Mig. marque
donc par la forme de sa coquille, comme par celle de ses
siphons, un stade plus avancé que le Tapes decussatus Linn.
dans l'adaptation à la vie en galerie. Il commence déjà à
prendre la forme du trou dans lequel il vit et l’on concoit que
creusé dans une substance molle et homogène ce trou doive
avoir une section géométriquement arrondie, à l'encontre de
celui creusé dans le sable mêlé de graviers, et dont un obstacle
peut déranger à tout instant la régularité. se calibre en quelque
sorte, sa coquille s'allonge d'avant en arrière, se raccourcit
dorso-ventralement, augmente son diamètre bilatéral et ses
siphons s’accolent. Il tend, en un mot, à prendre la forme d’un
cylindre dont le périmètre serait partout égal.
Dans le second groupe de Céphalothétiques, ainsi que dans
le premier, lorsque l'animal rapproche ses valves, il les coapte
d’une facon parfaite et le ligament est toujours très développé,
allongé d'avant en arrière et externe. Ce n’est que dans certaines
formes (Wactridæ) plus évoluées et tendant au troisième groupe,
que la partie élastique du ligament tend à devenir interne, à
se réduire, à prendre en un mot la forme que nous verrons
chez Lutrari. On attribue parfois aux Abdominothétiques, aux
Céphalothétiques du premier groupe et à quelques-uns de ceux
du second, la dénomination d'intégripalliés, venant de ce que
leur impression palléale est dépourvue de sinus, opposée à celle
de sinupalliés s'appliquant aux Céphalothétiques de la troisième
catégorie et à quelques-uns de ceux de la seconde, venant de
ce que leur impression palléale présente un sus plus ou moins
profond. Ces deux expressions sont extrêmement défectueuses
et doivent être évitées. Elles tendent en effet à impliquer l'ab-
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 217
sence ou la présence de siphons, alors qu'en réalité l'absence
de sinus n'est pas toujours liée à celle des siphons. Ces derniers
peuvent exister très nettement sans qu'il y ait de sinus palléal.
C'est le cas de la plupart des Cardiidæ, tels Cardium edule Linn.
Cardium norwegicum Speng., Cardiumtuberculatum Linn., pour
n'en citer que quelques-uns. En réalité, le sinus palléal, qui
n'est autre chose que la limite d'insertion des muscles rétrac-
teurs des siphons, n'existe que lorsque ces derniers sont suffi-
samment aliongés.
Les dénominations d'asiphoniens et de siphoniens ne sont guère
préférables aux précédentes : l'on peut dire que les Siphoniens
commencent avec la deuxième catégorie des Céphalothétiques.
Ces expressions ne peuvent, sous aucun prétexte, entrer dans
aucune classification systématique rationnelle : elles expriment
des caractères vraiment trop variables avec les conditions
d'existence, puisqu'on voit dans là même famille naturelle des
Cardüdiæ, par exemple, des animaux à siphons très courts comme
le Cardium edule Linn., et des animaux à siphons très longs
comme l’Adacna de la mer Caspienne. De même parmi les
Unionidæ (Céphalothétiques de la première catégorie), dont
l'Anodonte peut être considéré comme le type, se trouvent de
véritables Siphoniens, les Muteles.
3) Le troisième groupe comprendra les formes chez lesquelles
le céphalothétisme, l'enfouissement et la vie en galeries ont
amené les modifications les plus profondes. On peut y ranger,
par exemple, le T'apes pullastra Mig. var. perforans de la
famille des Veneridæ, les Psammobiidæ, qui ne sont, eux, que
des Tellinidæ plus évolués dans le sens de l'adaptation à l'en-
fouissement et au céphalothétisme, les Myidæ, à l'exception
de Corbula qui est devenue secondairement pleurothétique,
les Solenidæ, les Anatinidæ. les Gastrochænidæ, les Pholadidæ.
les Teredinidæ et aussi les Septibranches. Au point de vue
éthologique, ces animaux différent grandement par la nature
des substances dans lesquelles ils s'enfouissent : les uns,
comme Mya, se trouvent dans l'argile ou la vase molle des
estuaires ; d’autres, comme Lutraria, se rencontrent dans le
sable fin avec les Solen. Les Psammobia se trouvent souvent
dans le sable grossier mêlé de débris de coquilles avec le
218 R. ANTHONY
T'apes decussatus Linn., vers lequel ils convergent d’ailleurs par
l'indépendance de leurs tubes siphonaux; le T'apes pullastra Mig.,
var. perforans est fréquemment rencontré dans les roches cal-
caires molles; les Gastrochæna dans les roches plus dures ou
dans des galeries creusées dans l'épaisseur même des coquilles
vides d’autres Lamellibranches, d'Huîtres, par exemple, ou de
Gastéropodes. Quant aux Pholades, elles habitent généralement
des roches dures ou de largile compacte; les Tarets enfin
creusent, on le sait, leurs galeries dans le bois.
De ces différents modes de vie paraissent avoir résulté des
différences d'organisation secondaires. Toutefois ces animaux
ont un certain nombre de caractères communs : c'est d'abord
la longueur remarquable des siphons chez tous, sauf chez les
plus évolués des Solenidæ, le genre Solen, par exemple, où la
longueur démesurée de la coquille et par conséquent du corps
tout entier en compense la brièveté ; leur accolement en canons
de fusil, qu'on à déjà vu chez le Tapes pullastra Mig., sauf chez
certains groupes, comme les Psammobüdæ et les Soleno-
curlus, par exemple parmi les So/enidæ où ils sont très diver-
gents par le fait d'un mécanisme analogue à celui qui en
produit la divergence chez le Tapes decussatus Linn. qui a,
d'ailleurs, le même mode d'existence; leur tendance à égaliser
leur diamètre avec le diamètre du corps, tendance qui atteint
son maximum chez le Taret; la nature des valves qui ne restent
épaisses chez la Pholade que dans la région antérieure et leur
transparence ; leur réduction qui s'accuse déjà chez les Pho-
lades et qui atteint son maximum chez le Taret où elles sont
réduites à leur extrémité antérieure seule, leur bâillance
qui, nulle chez les T'apes pullastra Mig. par exemple, devient
appréciable quoique modérée chez les Psammotia et atteint son
maximum chez les Pholades, les Gastrochænes et les Tarets ;
la position interne (sauf chez quelques-uns, les Psammobia) et
la réduction du ligament qui, déjà très réduit chez les Lutraires,
disparaît complètement (du moins sa partie élastique) chez les
Pholades ; la régression du pied et sa transformation en une
ventouse dont l’ébauche peut être nettement vue chez le Tapes
pullastra Mig. var. perforans et qui atteint son maximum chez
les Pholades ; et enfin la canalisation des courants d’eau d'entrée
mr
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 219
et de sortie qui, chez les Septibranches où la branchie est trans-
formée en une sorte de cloison musculaire, devient parfaite.
Par quel mécanisme ces différentes modifications qui carac-
térisent les Céphalothétiques du troisième groupe ont-elles pu
se produire? L’allongement des siphons, leur accolement en
canons de fusil, a déjà été expliqué et ces caractères existant
déjà dans le groupe précédent ne font que s'affirmer ici. Mais,
à partir du moment où l’on atteint ce troisième groupe, les
siphons augmentent de volume.
En même temps le volume du corps de l'animal lui-même
diminue; le processus de calibrage en un mot s'accentue,
Fig. 12. — Coupe sagittale de Pholas dactylus Linn. — 1, bouche : 2, anus; 3, pied
transformé en ventouse: #, muscle adducteur antérieur; 5, muscle adducteur
postérieur ; 6, cœur.
l'animal tendant à remplir complètement la galerie dans
laquelle 1l vit. Les valves déjà allongées du Tapes pullastra
Mtg. s'allongent davantage chez la Lutraire, leur courbure
latérale augmente et il arrive à un certain moment que l'animal
complètement calibré arrive à prendre cet aspect allongé et
vermiforme qui caractérise les animaux vivant dans des galeries,
à quelque groupe, à quelque phylum qu'ils appartiennent, les
Vers en général, les Cécilies et même les Tarets. En même temps
les valves qui, au moment de la fermeture étaient parfaitement
coaptées chez Tapes pullastra Mtg. et chez tous les Céphalo-
thétiques précédents, restent constamment bâillantes. Cette
bâillance, qui était encore modérée chez les Psammobies, s’ac-
centue chez les Lutraires et devient considérable chez les Pho-
lades. Elle tient sans aucun doute à ce fait que les siphons
ayant augmenté de volume par le fait du calibrage dont il a
été parlé plus haut, écartent davantage postérieurement au
moment de leur sortie les bords de la coquille, qui au con-
traire se rapprochent antérieurement. C'est à cette bällance
220 R. ANTHONY
continuelle que doit être rattachée la régression du ligament
encore très étendu et allongé dorsalement chez le Tapes
pullastra Mg. En effet, par le fait de leurs dimensions consi-
dérables, les siphons lorsqu'ils sont étalés, écartent posté-
rieurement les valves, ce qui distend le ligament dans toute
sa région postérieure ; bientôt il finit par disparaître, ou mieux
il ne se forme pas dans toute la région distendue. Les
siphons étant d’ailleurs le plus souvent hors de la coquille,
cette dernière reste toujours bâillante, et les nouvelles couches
calcaires qui se forment pendant son accroissement se dis-
posent de telle façon que les deux bords postérieurs des valves ne
peuvent plus se coapter même lorsque les siphons sont rétractés,
ils prennent cet aspect de bords évasés très nettement caractérisé
chez les Myes et les Anatines. D'autre part, lorsque le pied effec-
tue sa sortie par la région antérieure de la coquille, il se produit
une bâillance antérieure pendant laquelle les bords postérieurs
de la coquille tendent au contraire à se rapprocher, exerçant
une certaine pression sur les siphons. Il résulte en somme de
tout ceci, que chacune des valves dans les différents mouve-
ments qu'elle accomplit, tourne autour d'un axe 77, passant
par le crochet (Voy. fig. 13), et que le ligament sans cesse
distendu dans sa région postérieure se réduit en quelque sorte
(igament fibreux) à un point, à un pivot situé exactement en
face des crochets. C’est ce que l’on observe chez les Lutraires où
par la chronophotographie et l’inscription graphique, et su vant
les procédés énoncés au chapitre T, j'ai mis en évidence cette rota-
tion autour de l'axe zy pendant les mouvements des valves. Chez
ces animaux, le ligament élastique est, comme l’on sait, interne
et extrêmement réduit. La bâillance étant surtout postérieure,
c'est-à-dire se produisant d'une façon plus étendue et plus con-
tinue en arrière qu'en avant, les deux valves de la coquille sont
le plus souvent au contact en avant qu'en arrière. C’est ce qui
explique la présence de dents exclusivement dans la région cardi-
nale et dans la région latérale antérieure; les dents postérieures
disparaissent toujours (Voy. Lutraria elliptica Lmck.). On pour-
rait croire que le ligament doive être complètement détruit par
le fait de cette bâillance exagérée, alternativement postérieure
et antérieure. Il n’en est rien; chez les Lutraires, il se conserve
Q
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 291
par le fait de la fonction qu'il possède encore, et qui est celle
de l’écartement passif des valves. Mais par sa distension déme-
surée 1l s'est en quelque sorte rompu au point que chez Lutraria
elliptica Lmck. par exemple, sa partie élastique est formée de
deux troncs de cône s’insérant aux deux valves par leur plus
grande base et S'opposant par leur base plus petite. Ces deux
Fig. 143. — Vue intérieure d’une valve gauche de Lutlraria elliplica Lmck. —
A, muscle adducteur antérieur; P, muscle adducteur postérieur; xy, axe de
rotation dorso-ventrale. La petite croix indique l'endroit où doit être placée la tige
inscriptrice.
troncs de cône sont simplement disposés l'un en face de l'autre
séparés par une fente.
Si l’on se rapporte à l'explication qu'a donnée F. Bernard
de la rotation des crochets, on concoit facilement pourquoi le
crochet des Céphalothétiques de la troisième série, dont le liga-
ment interne tend à être symétrique par ‘apport au plan coro-
nal, est très réduit, et absolument droit.
Du fait que chez les animaux comme la Lutraire chacune des
valves bascule autour de l'axe zy, le ligament fonctionne de
moins en moins; en effet, la bâillance postérieure étant conti-
nuelle, les valves sont en quelque sorte continuellement entr'ou-
vertes, elles ne se rapprochent que sous l'effort de la contraction
du muscle adducteur postérieur; mais pendant ce rapproche-
ment les valves tournant autour de l'axe xy S'écartent en avant.
Si à ce moment le muscle adducteur antérieur se contracte, elles
S'écarteront à nouveau en arrière. En somme, lorsqu'elles sont
bâillantes en arrière elles sont rapprochées en avant et inver-
sement; la bâillance alternativement antérieure et postérieure
s'effectue par l'effet de la contraction alternative des muscles
229 R. ANTHONY
di mm
adducteurs qui suffisent ainsi à écarter les valves, etle ligament
élastique ne fonctionne plus pour ainsi dire.
Sion considère la figure 13 représentant une valve de Lutraire,
on s'aperçoit que les muscles adducteurs sont disposés suivant
le type des animaux de la catégorie précédente, €'est-à-dire ne
sont pas situés sur la même ligne que le ligament, le point de
pivotement. Cette condition est, on le conçoit, défavorable au
mouvement de rotation; aussi lorsque le mouvement s'accom-
plit sont-ce les fibres Les plus ventrales de Padducteur postérieur
et les plus dorsales de l'adducteur antérieur qui fonctionnent
le plus. Par ce fait, elles se développent alors que les autres
tendent à disparaître ; ilen résulte que les museles tendent en
somme à se déplacer, de facon à se mettre en droite ligne avec
le point de pivotement, eest ce qui se produit chez la Pholade
oùle muscle adducteur antérieur est devenu tout à fait dorsal.
Les conditions sont à ce moment les plus favorables pour le
mouvement de bascule. Mais pendant que ce mouvement s'ef-
fectue Le ligament élastique est sans cesse distendu d'un côté et
écrasé de l'autre; de plus, comme 1} à été dit, son rôle est nul,
les muscles suffisant à écarter les valves; dans ces conditions,
il ne peut se développer, e’est ce qui existe chez les Pholades où
la partie fibreuse du ligament seule existe. C'est le type qu'on
peut appeler Pholadoïde. À ce caractère de première impor-
tance s'ajoute la diminution d'épaisseur de la coquille, sa colo-
ration blanchâtre et sa transparence qui caractérisent d’une
facon générale les animaux enfouis. Une seule région de la
coquille, Fantérieure, devient rugueuse et reste plus épaisse:
quant à la postérieure, S'amineissant progressivement, elle finit
par disparaître et Pantmal a alors l'aspect complètement vermi-
forme qu'atteint Le Taret qui semble le terme ultime de Fadap-
tation à l'enfouissement céphalothétique et à la vie en galerie.
Chez tous ces animaux céphalothétiques, et par le fait des
excitaltions extérieures, la sensibilité se porte, comme 1l à été
dit, sur lextrémité des siphons et ce sont les Pholades qui attei-
enent le maximum de spécialisation dans ce sens. L'extrémité
de leur siphon s'arrondit, prenant un aspect de symétrie radiure
qui les font ressembler à une Actinie, par exemple lorsqu'on
n'y regarde pas de très près. Le pied enfin, déjà réduit chez les
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES “A
Lutraires, disparait faute d'usage, ou se transforme en ventouse
comme chez les Pholades, les Gastrochænes eUles Tapes pullastra
Mig. var. perforans.
Chez d'autres Pimmobilité semble avoir provoqué la réappa-
riion du byssus qui chez les Céphalothétiques n'existe plus
Fig, 14 — Vuc intérieure d'une valve gauche de Pholas dactylus Linn. —
4, muscle adducteur postérieur; 5, muscle adducteur antérieur.
d'ordinaire qu'à l'état de vestige, les Sariraridæ en sont un
exemple.
En résumé, 1! semble que lon puisse établir Le tableau suivant
qui rend compte des modifications graduelles des Acéphales,
sous l'influence de l'enfouissement céphalothétique. Naturelle-
ment les tvpes énumérés 1er ont été choisis dans différents phy-
lums et il ne faut nullement donner à cette sériation la valeur
d'une filiation naturelle possible.
\Valves coaptées au moment de la fermeture.
! Un seul orifice palléal. Pied byssifère.
Valves coaptéesau moment de la fermeture.
Céphalothétique, 1° catég. : Ano- Deux orifices palléaux (1) (4 pédio-inspira-
NUE NÉE ) teur, 1 expirateur). Pied adapté au fouis-
\ sage. Ligament externe.
Valves coaplées au moment de la fermeture.
Céphalothétique, 2 catég. : Tapes \ Trois oritices palléaux. Siphons de dia-
FT CULE OU LOSC SERRE mètre réduit. Pied adapté au fouissage.
Ligament externe.
(Valves bâillantes. Siphons de diamètre très
« fort. Pied encore adapté au fouissage. Li-
gament élastique réduit et interne.
Valves bâillantes. Siphons de même dia-
mètre que la coquille. Pied transformé en
Céphalothétique, 3° catég.: l'holas. © ventouse. Partie élastique du ligament
disparue. Muscles sur la même ligne que
le ligament fibreux.
Valves bâillantes, très réduiles. Siphons
Céphalothétique, 3° catég.:Teredo. : très longs et très gros. Pied nul. Liga-
ment disparu. Corps vermilorme.
Abdominothétique : Arca........
Céphalothétique, 3° catég.: Lutra-
(1) I est fait abstraction ici de l’orilice postérieur supplémentaire.
22 R. ANTHONY
Enfin il estutile de dire que ladaption au fouissage n’atteint
pas seulement les Diisomyaires. Le Lihodomus par exemple,
est un Dianisomyaire voisin des Hytilus adapté secondairement
à l’enfouissement céphalothétique ; il converge ainsi vers les
Diisomyaires dont il vient d'être question, par une tendance
manifeste au développement des siphons,
ainsi que le montre là figure 15.
9° [rISOMYAIRES PLEUROTHÉTIQUES. Le
mot pleurothétique vient de deux mots
grecs : 7hivo6v == CÔtÉ, flanc, et sibnu — je
place. Animaux reposantsur le côté, sur le
flanc. Les Pleurothétiques peuventen effet
ètre définis ceux qui, dans les conditions
normales de leur existence, se trouvent
constamment placés de telle façon que
leur plan sagittal (bucco-ventro-ano-dor-
sal) soit parallèle au plan sur lequel ils
reposent ou progressent.
Les lois de a pesanteur faisant que les
animaux nepeuventfacilementengénéral,
Fig. 15. — Coupe sagittale < F - ; SJ e
de Lithodomus lithophagus Là part desexceptions quine nous intéres-
Linn.— 1, bouche:2,anus; sent pas, reposer que sur un plan sensible-
3, pied ; #4, muscle adduc- 3 RUN t SRE
teur antérieur; 5, muscle menthorizontaloutrèslégèrementincliné,
adducteur postérieur ; 6, ee LR RAP A LE Ne
cœur:8, siphon expirateur. On Peut être amené à dire que les Pleuro-
thétiques sont ceux dont le plan sagittales
sensiblement horizontal dans les conditions ordinaires de la vie.
Les Mollusques Acéphales dimvaires ne sont pas Les seuls ani-
maux qui présentent parmi eux des formes pleurothétiques; les
monomyaires d’abord le sont presque tous. En outre, on sait
qu'il existe des formes pleurothétiques de Poissons téléostéens ;
ce sont tous ceux que l’on désigne sous le nom de Pleuronectes,
la Sole, la Limande, le Turbot, la Flondre, ete. Tous les Echi-
nodermes enfin seraient, d'après l'hypothèse d'Edmond Perrier,
des Vers adaptés à l'existence pleurothétique et les Vertébrés
eux-mêmes devraient, d'après le même auteur, avoir à leur
origine des ancêtres pleurothétiques (1).
(4) Voir au sujet de la Pleurostose chez les Poissons téléostéens et les Tuni-
ciers À. Giord [04}, page 171.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 227
Quoi qu'il en soit et quel que soit le groupe dans lequel on
l’envisage, le pleurothétisme semble toujours secondaire, les
pleurothétiques provenant tous d’ancètres euthétiqués. Quelles
sont les causes qui ont pu amener des animaux euthétiques, à
mener une existence pleurothétique ? Elles sont variables suivant
les groupes, mais pour les Mollusques dimyaires, il semble que
les choses puissent être expliquées très simplement de la ma-
nière suivante : On doit remarquer tout d'abord que si on prend
un Disomyaire euthétique quelconque, soit un abdominothé-
tique, soit un Céphalothétique de la première ou de la deuxième
catégorie el qu'on l'abandonne à lui-même, il reposera tout
naturellement et de par le fait de sa forme seule, sur une de
ses faces latérales, une de ses valves. Si donc un animal primi-
tivement euthétique se trouve placé sur un substratum dur,
comme par exemple un rocher situé dans la zone de balancement
des marées où dans un rapide d’un grand fleuve, il sera dans
l'impossibilité absolue, étant donnée la dureté du substratum,
de s’enfouir, et, par le fait de sa forme même, 1] prendra la
posiüon pleurothétique.
La cause possible du pleurothétisme étant connue, reste à
décrire les modifications anatomiques que ce mode d'existence
peut amener dans un organisme d'Acéphale dimvaire. IL suf-
fira ici de les indiquer par anticipation, en quelque sorte, leur
étude détaillée devant faire l'objet de la deuxième partie de ce
travail.
En première ligne de ces modifications il faut mettre la
subütution d’une symétrie coronale à la symétrie sagittale des
autres Acéphales. Il à été expliqué un peu plus haut, comment
il se faisait que les animaux euthétiques aient obligatoirement
une symétrie sagittale. Pour les mêmes raisons, les Pleurothé-
tiques tendent à avoir une symétrie coronale : la bouche est
toujours antérieure, l'anus postérieur et la ligne qui les rejoint
détermine avec sa projection sur le sol un plan de part et d'autre
duquel, l'animal étant supposé placé dans un milieu homogène,
les influences mécaniques extérieures s'exercent identiquement :
la pesanteur entre autres s'exerce encore ici de la même facon
en € qu'en 4, en d qu’en 4 et le plan coronal devient le lieu
géométrique des points tels que 4, b,cet d. I en résulte que
ANN. SC. NAT. ZOOL, 1, 15
226 R. ANTHONY
de part et d'autre de ce plan, les deux moitiés du corps doivent
être symétriques et que Le côté ventral et le côté dorsal doivent
tendre à se ressembler et à figurer des côtés latéraux; les
anciens côtés latéraux d'autre part, soumis à des influences
différentes, deviennent dissemblables, l'un, tantôt le droit,
tantôt le gauche, devient supérieur, l'autre prend les caractères
d'une face inférieure, et la symétrie ancienne tend à s’effacer.
Ce processus de substitution de symétrie due au pleurothétisme
peut être aussi nettement suivi chez tous les Poissons pleuro-
nectes que chez les Acéphales dimyaires.
Chez les Acéphales pleurothétiques les principales manifes-
tations de la disparition de la symétrie sagittale et de son rem-
placement par une symétrie coronale, sont la régression des
muscles rétracteurs du pied toujours plus avancée du côté corres-
pondant à la valve devenue inférieure et le plus grand déve-
loppement du lobe du manteau correspondant à cette mème
valve.
Les Acéphales dimyaires pleurothétiques peuvent ètre
divisés en deux catégories :
Les formes libres,
Les formes fixées.
Toutes deux accusent la tendance plus où moins marquée
à la symétrie coronale, mais la fixation à amené chez les
secondes l'apparition de caractères SPÉCIAUX.
1° Düsomyaires pleurothéliques el libres. — Hs sont peu nom-
breux et on peut citer parmi eux les quelques types isolés
suivants :
Quelques espèces d'Arca (fam. des Arcidæ).
Corbula (fam. des Myidæ).
Myodora
Pandora (fam. des Anatinidi).
Gresslya (A)
Outre le caractère de la symétrie coronale commune à tous
les Pleurothétiques, les Diisomyaires pleurothétiques libres
présentent, lorsqu'ils proviennent de formes siphonées, une
réduction de l'appareil siphonien et au moment de la ferme-
(1) La Gresslya devrait peut-être plutôt être rapprochée des Pholadomyidæ.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 227
ture, leurs valves ne restent plus bâillantes ; ils perdent en
somme les caractères des Céphalothétiques, dont ik ne font plus
partie etacquièrent par contre un aplatissement de la valve supé-
rieure qui tend à prendre Ja forme d’un opercule, un creusement
de la valve inférieure, Ces modifications se voient très nettement
chez les Corbules qui ne sont en somme que des Céphalothé-
tiques adaptées à l'existence pleurothétique et qui, ainsi que l’a
dit Douvillé, retournant à l'enfouissement el au céphalothé-
tisme auraient donné les Myes. Les modifications qui caracté-
risent ces animaux se retrouveront chez le Pecten marinus
Linn., monomyaire pleurothétique.
2° Düsomyaires pleurothétiques et firés. — Les Diisomyaires
pleurothétiques et fixés peuvent être répartis de la façon sui-
vante :
Dimyidæ (se rattachent à la fam. des Arcid el plus spé-
cialement peut-être aux Pectunculinæ)
Chondrodontidi (se rattachent aux Pinnid:e d'après Douvillé),
aux Dianisomyaires par conséquent.
Myochamidæ (se rattachent à la fam. des Analinideæ) .
Chamostreidæ (se-rattachent à la fam. des Anulinidi).
Chamide (se rattachent probablement à la fam.. des Cardiidi) .
Ætherüdæ (se rattachent à la fam. des Unionidæ).
Budistæ.
Par quel concours de circonstances des Diisomyaires ont-ils
pu aboutir à la fixation ?
ILest d'abord à remarquer que loutes ces formes ont des con-
ditions d'existence à peu près identiques, qui se résument à
ceci : une température élevée et des eaux très agitées et peu
profondes. En effet, d’une part, on trouve ensemble sur toute
la côte sud d'Australie des Myochamidæ et les Chamostreidæ.
animaux exclusivement actuels. D'autre part, parmi les C'Aa-
midie, les Cham actuelles se rencontrent surtout dans la mer
Rouge, l'Océan Indien, la mer des Antilles, les côtes du Paci-
fique et de l'Atlantique, suivant une large zone s'étendant assez
loin de part et d'autre de l'Équateur, où avec les Polypiers elles
contribuent à la formation de récifs. Quant aux Diceras. Requie-
na, Toucasia et autres formes fossiles analogues qui semblent,
Jusqu'à plus ample informé, devoir être rallachées à ce groupe,
228 R. ANTHONY
ds vivaient à la fin du Jurassique et au début du Crétacé sur des
récifs analogues aux récifs actuels et où les conditions d’exis-
tence étaient apparemment les mêmes.
Les Dimyidæ du Bathonien et de FEocène supérieur accom-
pagnent toujours la faune des mers chaudes et la seule Dinrya
actuelle a été draguée dans la mer des Antilles.
Quoique fluviatiles les Æthéries vivent dans des conditions
absolument comparables à celles des animaux précédents, leur
aire de répartition est, au point de vue de la latitude, à peu près
la même: on les trouve dans la zone équatoriale africaine el
son voisinage, dans les rapides des erands fleuves, le Nil, le
le Sénégal, etc, où les eaux sont violemment agitées.
Quant aux Rudistes du Crétacé supérieur, 1 étaient également
comme les Chamidæ des animaux de mer chaude, de récifs.
IL est facile de concevoir comment cette condition d'existence,
une haute température, à pu amener la fixation des Acéphales
dimyaires. Une température élevée favorise, comme l'on sait, la
surproduetion de calcaire dont la fixation semble être une consé-
quence naturelle, les animaux ne pouvant, en raison du poids
qu'acquiert ainsi leur coquille, se déplacer que difficilement el
se trouvant condamnés à passer leur existence placés au mème
endroit. Il paraît naturel de penser que le contact prolongé avec
le substratum doive par un processus que nous ignorons, d'ail-
leurs, amener la fixation, laquelle est toujours pleurothétique,
puisque l'Acéphale, en raison de la forme même de sa coquille,
qui est généralement aplatie d'un côté latéral à l'autre, tran-
chante sur les bords, ne peut être posée, comme il à déjà été
dit, que sur l’une de ses valves.
Le choc des vagues brise et détruit bientôt les formes les
moins solidement fixées ; les plus solidement fixées se sélec-
tionnent ainsi naturellement et c’est de cette façon que sem
blent avoir dû se constituer les types pleurothétiques fixés.
Nous avons vu quelles ont été les conséquences du pleuro-
thétisme sur la morphologie de l'animal (substitution de la
symétrie coronale à la symétrie sagittale). Voyons maintenant
quelles sont celles de la fixation. C’est d’abord la tendance à
l'acquisition de la forme arrondie. Il est à remarquer, en effet,
que comme toutes les formes animales fixées, d’une façon géné-
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 299
rale (Balanes, Anthozoaires, Ascidiens, par exemple) les
Dimyaires fixés et pleurothétiques tendent d’une facon générale
à arrondir leur base (Voy. à ce sujet Jackson (91) et Hæckel).
Comment peut-on expliquer cet arrondissement ? Supposons
le cas, qui est d’ailleurs le plus fréquent, où le plan sur lequel
repose l'animal est horizontal : l'arrondissement peut être
expliqué par l'homogénéité des conditions ambiantes: par le
fait qu'il est fixé, l’animal n’a aucune raison de s'allonger ou
de se raccourcir dans un sens plutôt que dans l'autre, antéro-
postérieur ou dorso-ventral, comme l'animal qui se déplace:
l'action de la pesanteur qui seule peut agir sur lui est préci-
sément dirigée perpendiculairement au plan horizontal sur
lequel il repose et ne peut, par conséquent pas modifier la
forme de son périmètre. Le Dimyaire pleurothétique fixé sur un
plan horizontal, et{out animal d'une facon plus générale, s'arron-
dit pour les mêmes raisons qu'une goutte de cire chaude tom-
bant sur une table de marbre.
Si le plan sur lequel repose l'animal est légèrement incliné
sur l'horizontale, les conditions seront les mêmes, sauf en ce
qui concerne l’action de la pesanteur, et la base de l'animal au
lieu d’être une circonférence sera une figure voisine de l’ellipse,
ellipse dont l’excentricité croîtra avec l'angle d’inclinaison du
plan sur l'horizontale.
Outre l'inclinaison du plan de fixation, différentes autres
causes peuvent intervenir encore pour altérer la forme du péri-
mètre de base : des obstacles existant dans le voisinage de
l'animal au moment de son développement, ainsi qu'on voit le
fait se produire souvent chez les Æthéries qui, très nombreuses
sur un espace restreint, se gênent mutuellement dans leur déve-
loppement, peuvent aussi en effet être des causes d’altération
de la forme circulaire.
Il sera montré en détail, dans la deuxième partie de ce travail,
comment la forme circulaire s'établit chez les Dimyaires fixés
en position pleurothétique.
L'acquisition de la forme arrondie n’est pas la seule consé-
quence de la fixation pour les Dimyaires pleurothétiques, il faut
Y ajouter la disparition progressive du pied faute d'usage, et les
modifications des valves dont l'une, l'inférieure, tend à prendre
230 R. ANTHONY
la forme d’un cornet contenant l'animal ; l’autre, la supérieure,
tendant à s’aplatir, à devenir operculaire. Il semble qu'il faille
admettre que ces modifications sont dues à l’action de la pesan-
teur qu'Edm. Perrier (04) explique de la façon suivante : « Le
Mollusque suspendu à cette valve (operculaire) devient de plus
en plus convexe du côté de la valve appliquée sur le sol, valve
qui se moule sur lui et devient ainsi extérieurement de plus en
plus convexe par une action indirecte de la pesanteur. »
Telles sont les modifications morphologiques principales
qu’entraîne le pleurothétisme d’abord, la fixation ensuite chez
les Dimyaires; je n’y insisterai pas davantage ici; l'étude des
Dimyaires fixés pleurothétiques devant faire l’objet exclusif
de toute la deuxième partie de ce mémoire, les questions de
détail y seront traitées. Je me bornerai tout simplement à faire
remarquer, pour le moment, que le plissement des branchies
des Æthéries, comparable à celui des fraises et des collerettes
du xvi° siècle, peut être rapporté, comme pour les formes
monomyaires d’ailleurs, à l'arrondissement. À l’arrondisse-
ment semble se rattacher aussi le passage du cœur ventrale-
ment par rapport au tube digestif.
2. ANISOMYAIRES.
Les Dianisomyaires sont, comme leur nom l'indique, des
Acéphales dont les deux muscles adducteurs sont inégaux,
l'adducteur postérieur étant considérable, l’adducteur antérieur,
au contraire, très réduit.
Parmi eux, on ne peut guère distinguer, au point de vue du
mode d'existence, comme parmi les Isomyaires, les deux caté-
gories des euthétiques et des pleurothétiques. Tous les Acé-
phales franchement anisomyaires connus sont euthétiques,
et, en outre, ils semblent vivre le plus souvent en position
céphalothétique. Il semble toutefois qu'il y ait à cette règle
quelques exceptions ; c’est d’abord celle constituée par le genre
Bartlettiu, d'une adaptation toute spéciale, et dont la morpho-
logie et la morphogénie probable seront exposées en appendice
à la fin de ce chapitre. C’est ensuite celle du genre Chon-
drodonta qui, d’après Douvillé, serait une Pinna fixée. Enfin,
Dennese nnue-——u 0
A A A TT
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 24
les Chames elles-mêmes sembleraient, au cours de leur déve-
loppement, passer par un stade rappelant les Lithocardium,
qui sont des formes franchement anisomyaires.
Par le fait qu'ils sont euthétiques, les Dianisomyaires sont,
pour les mêmes raisons que les Diisomyaires, euthétiques
symétriques par rapport à leur * an sagittal. En effet, leurs
valves sont égales et semblables, & Len est de mème de loutes
les parties droites et gauches de leur corps.
Outre ces deux SN res, inégalité des deux muscles adduc-
teurs et symétrie sagittale, il convient de citer comme leur
appartenant, d'abord ce fait, conséquence directe de l'inégalité
des deux adducteurs, que chez eux l'extrémité antérieure de la
coquille, celle où se trouve placé, chez les Isomyaires, l'adduc-
teur antérieur, tend à se rapprocher du crochet et même à se
confondre avec lui, ce qui fait que chez les Anisomyaires très
évolués le musele adducteur antérieur réduit et la bouche se
trouvent placés au niveau du crochet; puis la présence d’un
byssus que l'on constate chez toutes les formes anisomvyaires
actuelles et qui existait aussi, vraisemblablement, chez les fos-
siles ; la régression du pied enfin, en rapport avec la présence
du byssus.
Il semble évident que les Anisomyaires proviennent des
Isomyaires et qu'ils tendent aux Monomyaires. Ils se rattachent
aux premiers par les animaux de forme #nodiole el aux seconds
par ceux de forme avirule.
La forme anisomyaire est très répandue chez les Acéphales,
et beaucoup d’entre eux convergent vers ce genre d’organisa-
üon. Il est superflu, il me semble, d'insister sur ce fait que
toutes ces formes anisomyaires sont simplement convergentes
et n'ont entre elles aucun lien de parenté comme semblent
encore trop souvent le croire ceux qui mettent les Dreyssensia,
par exemple, parmi les Mytilus. Les mêmes causes ont sim-
plement produit les mêmes effets dans des groupes différents.
Certains Anisomyaires, comme les Dreyssensia, qui pourraient
bien provenir des Cyrènes, les Byssocardium et les Tridacnes
qui très certainement dérivent des Cardium, possèdent un
byssus, bien que les animaux desquels ils paraissent provenir
aient perdu depuis longtemps cet organe par le fait de l'adapta-
202 R. ANTHONY
tion à l'enfouissement céphalothétique. Il est possible que, pour
des raisons que nous ignorons, le byssus se soit développé à
nouveau, comme cela d’ailleurs se produit pour les Saricavidæ
qui restent céphalothétiques, chez certaines Cyrènes el certains
Cardium, et que ces animaux s'étant trouvés soumis aux mêmes
causes aient subi les mêmes modifications que celles qui, dans
le phylum de Protarcidæ, ont fait les Mytilus.
Ci-joint un tableau des principales formes convergentes
anisomyaires.
Phylum Phylum Phylum Phylum Phylum
es HE des des des
Protarcidæ. des Carditidæ. | Cyprinidæ (?). | Cyrenidæ (?). Cardiidæ.
Modiolimor-| Area obli- | Mytilicar- | Hippopo- Lithocar-
phes. qua (Gray). dia. dium. dium.
Modiola.
|
du |
Mytilimor- | Mytilus Myoconcha.| Dreyssen- | Byssocar-
phes. Septifer (?). sia (1). dium.
Congeria.
|
Tridacna
Hippopus.
2
(1) Une raison qui pourrait faire éloigner les Dreyssensia des Gyrènes estlasui-
vante : chez les Dreyssensia les siphons sont complètement développés alors
qu'ils sont encore à leur premier stade d'évolution chez les Cyrènes. Pour faire
descendre les Dreyssensia des Cyrènes, il faudrait pour le moins admettre, ce qui
n’est pas impossible, le développement secondaire des siphons chez ces formes
anisomyaires.
On va d'abord examiner cette première question de l'origine
probable des Anisomyaires pour pouvoir examiner ensuile la
facon dont les modifications qui les caractérisent ont pu se
produire.
Il semble en effet de toute évidence, comme il à été dit plus
haut, que les anciens Acéphales aient été des Diisomyaires d'un
type différent et plus primitif que celui des Nucules qui se trou-
vaient être, de tous les Acéphales actuels, ceux qui possèdent le
plus de caractères communs avec les Gastéropodes diotocardes.
J'ai appelé Pronuculidæ ces formes Acéphales hypothétiques
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 233
et on pourrait leur attribuer comme caractères, ainsi que Je lai
dit, les branchies foliacées, le cœur dorsal au tube digestif des
Gastéropodes, avec peut-être un pied vraiment replateur n'ayant
pas encore subi les modifications spéciales qui ont fait le pied
des Nucules.
En se plaçant au point de vue de la réparlilüon géologique
on s'aperçoit, de plus, que les plus anciens Acéphales semblent
avoir été des Diisomyaires.
L'anatomie comparée et la paléontologie ne sont pas les
seules qui s'accordent à nous donner toutes les raisons de croire
que les formes diisomyaires aient été les plus anciennes.
L'embryogénie vient encore apporter à celte opinion sa part
d'arguments. En effet, tous les Anisomyaires sont, à un certain
moment de leur existence, des Isomyaires plus ou moins parfaits
et chez une forme donnée, telle que Mitylus edulis Linn. ou
Dreyssensin polymorpha Bened. par exemple, il est facile de
suivre la série des stades de développement qui nous conduisent
d'une prodissoconque, et même d’une Jeune coquille définitive
à peu près équilatérale, à la forme si caractéristique et si nette-
ment inéquilatérale de l'adulte en passant par une forme ana-
logue à la Modiole. J'ai constaté ces faits sur les Mytilus edulis
Linn. qui vivent à la baie de Douarnenez (Finistère) dans la
zone du balancement des marées, et que dans le pays on appelle
moules de roches par opposition avec les moules dites de vase qui
vivent à l'embouchure des rivières et présentent une forme
moins irrégulière. Les résultats de ces recherches seront exposés
brièvement plus loin.
En résumé donc, l'anatomie comparée, la paléontologie et
l'embryogénie s'accordent pour faire des Anisomyaires des types
de formation secondaire.
Comment peut-on expliquer la transformation d'une forme
isomyaire en une forme anisomyaire ? Quels sont, autrement
dit, les facteurs mécaniques qui ont pu déterminer cette trans-
formation qui artificiellement peut êlre considérée comme se
faisant en deux stades, l'un, le premier, que l'on peut appeler la
modiolisation, l'autre plus avancé auquel on peut donner le nom
de mytilisation?
Avant d'entreprendre l'étude de la marche et l'explication
DL R. ANTHONY
des processus de modiolisation et de mytilisation, 1l est imdis-
pensable de définir ce que j'ai appelé l'angle de modiolisation et
l'angle de mytilisation des Anisomyaires.
Si on trace, en le suivant exactement, le contour extérieur de
C.
77L.
?:
117.
Fig. 16.— Angles de modiolisation et de my-
tilisation. — I, Arca barbala Linn.:; Il, Mo-
diola gallica Dautz.; II, Mytilus edulis
Linn.; cpa, angle de modiolisation; », angle
de mytilisation.
la coquille d'un Acéphale di-
myaire quelconque, en ayant
soin de marquer les points
culminants de lumbo et des
extrémités antérieures et
postérieures on obtient trois
points, tels que r, 4, p.
En réunissant € à p et p
à « on obtient un angle
pa dont la valeur, très
appréciable chez un Isomy-
aire, devient chez un Ani-
somyaire de plus en plus pe-
üite par le fait de la diminu-
ton de volume et du refou-
lement du muscle adducteur
antérieur. C'est l'angle de
modiolisation.
Quand il est réduit à 0
c'est que le muscle adducteur
antérieur est situé à peu
près sur le crochet et que
l'extrémité antérieure et le
crochet se confondent. La
coquille à alors acquis la
forme en coin, ou en poire,
qui caractérise la moule.
J'appelle alors angle de
mylihsation Vangle que fait la direction de la charnière avec
celle du bord ventral. Le sommet de cet angle est représenté
par le crochet et l'extrémité antérieure de la coquille réunis.
Douvillé s’est occupé de l’origine de ce qui vient d'être appelé
la modiolisation et il donne de ce fait l'explication suivante : Il
suppose un Isomyaire muni d'un byssus, comme le sont encore
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 9239
les arches, comme semblent l'avoir été les Protarcidæ descen-
dants directs des Pronurulidie et ancètres communs vraisem-
blablement de tous les Acéphales à l'exception de la Nucula et
peut-être aussi des Trigonies.
Il le suppose fixé dans une région littorale où les eaux sont
très tourmentées. De ce fait pendant son développement, sa
croissance, cet animal sera sans cesse secoué à l'extrémité de
son byssus. Or ce dernier, par le fait même de la position de la
glande byssale qui est plus rapprochée de l'extrémité antérieure
du corps que de son extrémité postérieure, exercera une pression
continuelle sur le muscle adducteur antérieur dont il détermi-
nera l’atrophie ou pour mieux dire empêcherale développement,
l'obligeant à se rapprocher de plus en plus du crochet. Comme
conséquence le manteau diminuera détendue dans cette région
antérieure et la coquille prendra alors naturellement, puisqu'elle
se moule sur le manteau qui la sécrète, la forme caractéristique
des Anisomyaires. Cette ingénieuse hypothèse me paraît très
soutenable, et, elle est d’ailleurs parfaitement d'accord avee les
faits. En effet, d’abord tous les Dianisomyaires actuels, e’est-à-
dire les seuls dontil soit possible de connaître l'anatomie, sont, à
part les cas particuliers, des Bartlettia et des Chondrodonta,
byssogènes ; de plus, la plupart des Anisomyaires marins sont
des animaux vivant dans la zone du balancement des marées:
de plus encore, chez les Anisomyaires il semble que la partie
disparue du muscle adducteur antérieur soit précisément celle
qui se trouve le plus près de la région byssale; enfin au point
de vue particulier, les Mytilidæ, qui constituent un groupe
important parmi les Anisomyaires, semblent bien évidem-
| ment avoir avec les isomyaires byssogènes des carac-
ières communs. À cette action invoquée par Douvillé, qui me
paraît infiniment probable, il me semble que l'on pourrait en
ajouter une autre secondaire, c’est celle de la force centrifuge :
lorsqu'un Acéphale est suspendu par son byssus et secoué par
les flots de la mer, il est évident que la masse viscérale tend à se
porter de plus en plus à la périphérie et cette action peut servir
Jusqu'à un certain point à expliquer la forme élargie en arrière
des Modioles et des Moules. Outre cela, même si l'animal est
suspendu au-dessous d’un plan horizontal, ce qui dans la pratique
TL
un
236 R. ANTHONY
arrive rarement il est vrai, la pesanteur peutaussi Jouer un rôle
et contribuer également à donner à ces animaux leur forme
spéciale. Cette succussion continuelle de l'animal au bout de son
byssus peut avoir aussi pour conséquence la dissociation de ce
dernier, dont les filaments sont très écartés chez les Moules, les
Modioles, les Dreyssensia, alors qu'ils sont coalescents, forment
un corps en quelque sorte compact chez les Diisomyaires bysso-
gènes comme les Arches. Nous retrouverons le byssus compact
chezles Tridarnes qui comme les Arches et en raison deleur poids
sont à l'abri de toute succussion. Le type modiolimorphe est
donc caractérisé par la présence d’un byssus, le rapprochement
de l'extrémité antérieure et ducrochet et la diminution du musele
adducteur antérieur.
Pourprendre des exemples concrets, je dirai les résultats que
j'ai obtenus en mesurant sur quelques Acéphales d’affinités
voisines, l'angle de modiolisation. C'est d'abord sur PArca bar-
bata Linn. qui est un Disomyaire à peu près parfait, où il
atteint une moyenne de 34° sur cent individus. C'est ensuite sur
la Modiola adriatica Lmck. qui est une Modiole dépourvue de
drap marin el qui fait passage aux formes équilatérales. Je me
suis procuré cent exemplaires adultes de cette espèce dans les
collections du Muséum. En moyenne brute, la valeur de l'angle
de modiolisation chez cet animal est de 7°,5. D'autre part, la
valeur de cet angle que j'ai rencontrée le plus fréquemment est
aussi 7°,3 (vingt-cinq fois sur cent). Si au lieu de prendre la
Modiola adriatica Lmek. on s'adresse à la Modiola barbata Linn.
qui existe à Saint-Waast-la-Hougue et, qui, pourvue d'un drap
marin très développé, s'éloigne davantage par sa forme des
Isomvaires, on trouve que la moyenne de l'angle de modioli-
sation calculée sur cent individus adultes est de 6°,5 alors que
l'angle le plus fréquemment rencontré est celui de 5° qui à été
trouvé vingt-huit fois sur cent cas.
De l'Arca barbata Linn. à la Modiola adriatira Lmck et de
la Modiola adriatice Lmek. à la Modiola barbata Linn. l'angle de
modiolisation s’abaisse done. tombe à zéro dans cent pour cent
des cas chez toutes les espèces de Aytilus et son abaissement à
zéro peut même être considéré comme la définition de la forme
mytilimorphe (Voy. fig. 16).
a
0 TE TT
/ MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 27
Le tableau suivantmontre, sans impliquer aucune opinion sur
la filiation réelle, Pabaissement graduel de l'angle de modioli-
sation etle passage de la forme isomyaire à la forme anisomyaire.
D
ANGLE DE MODIOLISATION.
L Moyenne. Fréquence.
|
TC ORTOMLAINRE EL A OR LL AUX 340
|
Modiola-adriaties Lmck:. 2221: | 7.5 | 70,5
Moov arouta nn EU | 60,5 | 59
MS eds ÉTAIT UNIL. | o° | 0°
La mesure de l'angle de modiolisation permet donc de mettre
en évidence un rapprochement graduel de lextrémité anté-
rieure de la coquille et du crochet, depuis les formes isomyaires
jusqu'à la Modiole et mème la Moule.
La modiolisation s'étant ainsi produite, la réduction graduelle
du muscle adducteur antérieur et la confusion du crochet avec
la partie antérieure de la coquille peut transformer ce type
modiolimorphe en type mytilimorphe.
Ce dernier, dans un cas particulier, et par le fait d’un genre de
vie tout spécial, aboutit à la forme Tridacne.
L’explication des phénomènes par lesquels à pu se pro-
duire le passage des formes isomyaires aux Modioles, vient
d’être donnée ; 11 n'y sera pas revenu. Mais quelles sont
les causes mécaniques qui ont pu produire la transformation
du type modiolimorphe en type mytlimorphe, qui ont pu
amener le bord antérieur de la coquille et le crochet à se
confondre ?
Pour pouvoir répondre à cette question, que j’examinerai
plus spécialement pour le phylum des Hytilidæ, 1 est indispen-
sable d'attirer l'attention sur les conditions habituelles d’exis-
tence des Mytilus edulis Linn.
238 R. ANTHONY
Au point de vue éthologique, les Mytilus edulis Linn. de
nos côtes océaniques, et plus particulièrement celles que j'ai
étudiées :sur les côtes du Finistère, comprennent deux types
principaux bien distincts : les unes vivent soit fixées aux bouées
flottantes, soit agglomérées à l’aide de leur byssus, en paquets,
qu'on rencontre le plus souvent aux embouchures des rivières :
ces agglomérations sont constituées de telle façon que les ero-
chets de tous les individus qui les composent sont dirigés
vers le centre; les autres vivent fixées à des rochers à l’aide
de leur byssus, le crochet dirigé vers le substratum et serrées les
unes auprès des autres. Les Moules de la première catégorie, qui
vivent dans des eaux tranquilles, sont en générallisses, de forme
régulicre et de grande taille, avee un angle de mytilisation assez
élevé. On les appelle souvent, dans le pays, Moules de vase
et ainsi que l’a justement fait remarquer Pelseneer (93) elles
rappellent la Mytilus qallo-prorinciolis Lmck. de là Méditer-
ranée. Celles de la deuxième catégorie sont plus petites,
irrégulières, de surface souvent rugueuse ; leur angle de myti-
lisation est plus réduit et leur crochet, non seulement est aigu,
mais encore est souvent recourbé en avant (Voy. PI I). Ce sont
ces dernières qu'en Bretagne on désigne sous le nom de Moules
de roches, par opposition aux premières.
Malgré ces différences de forme foutes deux font incontesta-
blement partie de Pespèce Wytilus edulis Linn. qui à si souvent
été subdivisée à tort par les conchyliologistes (voy. à ce sujet
Pelseneer (95).
J'ai étudié d'une facon plus particulière, sur les côtes de la
baie de Douarnenez (Finistère), les conditions d'existence de
ces Moules, dites de roches. Si Fon parcourt une des plages de
la région nord-est de celte baie, où les rochers, constitués de
schistes siliceux très durs, forment des pointes déchiquetées
qui, à marée haute, s'avancent dans la mer et sont complète-
ment découverts à marée basse, on s'aperçoit que ces rochers
sont recouverts de petites Moules de forme irrégulière, et dont
la coquille est lapissée parfois d’incrustations d'algues calcaires
ou de Balanes.
Leur disposition sur Îles rochers est la suivante :
Supposons la coupe schématique faite d'un rocher à marée
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 239
basse, depuis le sommet de la falaise, où la flore et la faune
terrestres commencent, Jusqu'au sable de la plage.
Supposons que le niveau des plus hautes mers soit à mi-che-
min de la paroi verticale. Au point de vue des algues et des ani-
maux qui vivent sur ce rocher, son profil peut être divisé en deux
régions : d'abord une région inférieure, sans cesse découverte
Fig. 17. — Coupe schématique d’un rocher de Pentrez (Finistère) à marée basse.
Les parties indiquées par un trait plein sont celles que recouvrent les Moules.
et recouverte chaque jour par la mer, qui est surtout caracté-
risée par la présence des Fucus resiculosus Linn. et serratus
Linn.; ensuite une région supérieure, arrosée chaque jour par
les embruns à marée haute, et recouverte seulement aux très
grandes marées, qui est caractérisée par la présence de Pelretia
canaliculata Dec. et Thur., algue brune sensiblement moins
vigoureuse que la précédente ; parfois même, et dans les régions
les plus élevées, cette deuxième zone estdépourvue de toute algue.
Dans l’une et l’autre de ces régions, on peut signaler là présence
de Mytilus edulis 1ann., accompagnant d’autres nombreux
animaux, dont l'énumération n'a pas d'intérêt au point de vue
spécial auquel nous nous plaçons ici. Dans ces deux régions,
les Moules sont réparties de façons très différentes. Dans toute
la région inférieure, là où les Fucus sont nombreux, très vigou-
940 R. ANTHONY
reux et très développés, recouvrant complètement le substratum
comme une sorte de chevelure (1), on peut apercevoir, en les
écartant, une couche continue, une nappe pour ainsi dire de
Moules, s’étalant sur tout le rocher, aussi bien sur ses parties
saillantes que dans ses anfractuosités.
Dépassons la zone des Fucus : là seulement où il y à une
région en retrait, une anfractuosité, une fissure (IT), on est sûr
de rencontrer des Moules.
Plus on monte, plus elles deviennent rares et petites, et
bientôt on ne les trouve qu'en regardant avec soin et minutie
dans les fentes les plus profondes. À partir d'un certain point
même, on n'en rencontre plus.
Ce qui est figuré sur cette coupe, qui est celle d’un rocher de
Pentrez, peut également se constater en un point quelconque du
littoral, depuis Douarnenez jusqu'à Crozon (lieux dits Lestrevet,
Pentrez, Cameros, Kerrie, Porz-Lous, Rostegoff, Lecaon, etc.).
De l'observation de ces faits, deux conclusions sont à
tirer :
1° Que la variété de Mytilus edulis Linn., qui vit sur les
rochers de la baie de Douarnenez est adaptée à des conditions
d'existence spéciales consistant en une immersion et une émer-
sion alternatives. En effet, tous ces individus passent une partie
de leur existence (d'autant plus grande qu'ils habitent une
région plus élevée du rocher), au moment des marées basses,
complètement hors de l'eau; on n'en trouve aucun dans les
flaques où l'eau est d’ailleurs à une salure très variable par
le fait des évaporations et des pluies, et pourrait peut-être,
par ce simple fait, ne pas convenir à leur existence. Quoi qu'ilen
soit de l'importance de cette variabilité de salure, pour Pexplica-
tion de la non-existence de Moules dans les flaques, 1l est un fait
certain, et que j'ai souvent expérimenté par moi-même, c'est
qu'une Moule prise en un point quelconque de la surface du
rocher et mise brusquement au fond de l'eau, même renouvelée,
ne tarde pas, dans la plupart des cas, à périr au bout de
quelques jours. Les formes de Mytilus, au contraire, qui, comme
le Mytilus galloprovincialis Lmek., de la Méditerranée, vivent
toujours sous une certaine couche d’eau, se sont adaptées à
d'autres conditions d'existence et ne pourraient vraisemblable
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 241
ment supporter celles qui sont indispensables à la vie des indi-
vidus dont il vient d'être question.
2° Que, quoique n'étant pas continuellement immergées, les
Moules doivent, pour vivre, être constamment maintenues à
l'humidité. :
Voyons si loutes celles que nous avons rencontrées sur notre
profil remplissent ces conditions. D'abord, celles qui vivent
dans les régions inférieures, uniformément répandues à la
surface du rocher, ne sont hors de l'eau qu'un temps très court,
puisque lorsque la mer monte, cette région est recouverte la
première, el qu'au moment où la mer descend, elle est décou-
verte en dernier lieu. Pendant le court intervalle où elles se trou
vent à découvert, les Moules n’ont donc pas le temps de se dessé-
cher à l'air, ni même au soleil, d'autant plus que les Fucus, très
touffus, les recouvrent complètement, empêchant encore ainsi
l'humidité de disparaitre et les rayons du soleil de les atteindre.
A mesure que l'on monte, le rocher se trouve êlre découvert
chaque jour pendant un temps de plus en plus long, les algues
deviennent de moins en moins touffues et vigoureuses, et à
partir d'un certain niveau même, disparaissent complètement.
Les Moules ne se voient plus alors à la surface des rochers, on
ne les rencontre plus guère que dans les fentes et les anfrac-
tuosités, où le soleil ne pénètre pas el où l'humidité à quelques
chances de se conserver,
ÎLest évident que les jeunes Moules, dont les facultés de dépla-
cementsont, comme je l'ai observé, très considérables, beaucou
plus que celles des Moules adultes, se rendent d’elles-mêmes
pour y effectuer leur développement dans ces anfractuosités où
les conditions sont plus propices à leur existence, et, que celles
qui, par hasard, sont restées sur les parties convexes des rochers
meurent rapidement par dessiccation. En résumé, outre l'im-
mersion et l'émersion alternatives, l'humidité continuelle est
nécessaire aux jeunes Moules de roche pour leur développe-
ment et leur existence, et, comme cette humidité ne peut exister
que dans des anfractuosités, c'est là que les Moules viennent
d’elles-mômes se fixer, se pressant les unes contre les autres.
Il a été dit plus haut quelle était l'attitude des Moules fixées au
substratum. Cette fixation se fait louJours de telle sorte que la
ANN. SC. NAT. ZOOL. 1, 16
242 R. ANTHONY
région antérieure et le crochet confondus soient du côté de ce
substratum, tandis que la région postérieure du corps, celle par
laquelle se font l'entrée et la sortie de l'eau, soit dirigée du côté
opposé, c'est-à-dire en haut. C'esten somme le céphalothétisme.
Ilen résulte que les Moules agglomérées dans des espaces res-
treints, se pressent les unes contre les autres; leurs extré-
mités antérieures se resserrent de plus en plus, tandis que leurs
extrémités postérieures, celles qui forment la périphérie, s’élar-
gissent, s'épanouissent comme des fleurs dans un bouquet. Ce
mode d'existence caractérisé, en somme, par la compression
de l'extrémité antérieure, est particulièrement marqué chez les
Moules de roches des régions supérieures.
Existant chez des animaux du type modiole, il à pu, en déter-
minant le resserrement de l'extrémité antérieure, amener la
confusion des points & et €, et ipso facto La transformation du
tvpe Modiole en type Moule, c'est-à-dire faire descendre Jusqu'à 0
la valeur de langle de modiolisation. Ce premier résultat
acquis, les conditions d'existence restant constantes, ‘s'accusant
même davantage, un autre résultat a pu être obtenu, c’est celui
de la diminution de valeur de Fangle de mytilisation. Égal chez
les Moules de vase recueillies à l'embouchure de la rivière du
Faou à 45°, il tombe chez les Moules de roches de la zone infé-
rieure, dont il vient d'être question plus haut, à 38° en moyenne.
(Ces moyennes ont été faites sur 100 individus de chaque caté-
gorie pris au hasard). Parmi ces dernières, celles de la zone
supérieure qui se trouvent être les plus comprimées arrivent
même à avoir une extrémité antérieure contournée, c'est le
Mytilus incurcatus Pen. Pelseneer (93) a montré comment ces
différentes espèces ne sont que des variétés dues à des habitats
différents.
Si lon s'adresse à un autre phylum qui comprend lui aussi
des formes mvtiliformes, les Dreyssensudæ, on voit que les
choses se passent tout à fait de même façon. En effet, chez les
Dreyssensin polymorpha Bened. vivant distantes les unes des
autres, le long des parois verticales des bassins d’eau de Seine
de Gentilly, l'angle de mytilisation calculé sur 100 individus
est égal à 58°,28 en moyenne. L'ayant mesuré par contre sur
quelques spécimens faisant partie d'un groupe formé d’indivi-
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 243
dus fixés en bouquet sur un caillou et appartenant aux collec-
tions de Malacologie du Muséum d'Histoire naturelle, j'ai trouvé
qu'il était au contraire en moyenne de 4#%° environ. Les pre-
mières de ces Dreyssensia rappellent par leur forme les Moules
de vase de Bretagne, ou, mieux encore, les Mytilus galloprovin-
cialis Lmck. de la Méditerranée; les secondes sont analogues
aux Moules de roches de la baie de Douarnenez.
En résumé, le type mytilimorphe semble devoir sa consti-
tution même (réduction à 0 de l’angle de modiolisation) à la vie
en groupes, l’agglomération, laquelle amènerait encore en plus,
lorsque le resserrement des individus les uns contre les autres
devient, par le fait de circonstances extérieures, extrêmement
considérable, la réduction progressive de l’angle de mytilisation
qui est d'autant plus fermé que l'agglomération est plus serrée.
La vie agglomérée aurait été l’origine de la formation du
type myülimorphe. Le type une fois constitué, les conditions
extérieures ont pu imposer un autre genre de vie aux
Mytilimorphes, dont la forme s’est modifiée en conséquence
(Voy. Dreyssensia du bassin de Gentilly).
Outre ces deux modifications principales, agglomération peut
en produire encore d’autres secondaires. Au nombre de ces
dernières, il convient de citer : l'élargissement de la partie pos-
térieure de la coquille corrélatif du rétrécissement de sa partie
antérieure, lallongement postéro-umbonal de l'animal, qui
est l’analogue de lallongement antéro-postérieur des Diiso-
myaires céphalothétiques, la disparition du drap marin res-
semblant à un revêtement pileux qui existe chez la Modiola
barbata Linn., et qui se retrouve chez la variété dite de roches
de Mytilus edulis Linn. à un certain stade de développement,
comme 1l sera montré plus loin. Ce drap marin disparait dans
la région antérieure de la coquille par le fait de la pression
réciproque des individus et dans la région postérieure par l'action
balayante et polissante en quelque sorte des vagues de la mer.
Cela est si vrai que l’on peut voir que les individus qui se sont
développés dans des positions et dans des régions telles que
les vagues se brisent avant de les atteindre, derrière un rocher
ou une touffe d'algues qui les abrite par exemple, ont conservé
souvent ce drap marin Jusqu'à un âge auquel leurs congénères
244 R. ANTHONY
l'ont en général perdu depuis longtemps. La chose est si remar-
quablement nette qu'il ne semble pas que l'on puisse attribuer
à une autre cause qu'à l’action de la vague, La disparition du
drap marin sur la partie postérieure de la coquille des Wytilidæ.
Sans cesse balayées par les flots, les Moules littorales s’usent de
la même facon que les Chames se roulent sur les récifs des
mers tropicales.
Les Moules de vase n’ont pas plus que les Moules de roches de
drap marin, quoique vivant dans un milieu extérieur moins
agité. Cette particularité tendrait à faire admettre qu'elles l'ont
perdu jadis, à une période de leur développement phylogénique
où elles vivaient fixées sur les rochers, dans la zone de balan-
cement des marées. De plus, l’action continue d'un courant,
comme celui existant à l'embouchure des fleuves, exerce aussi,
comme l’on sait, une action doucement polissante (Voy. Æthe-
ria Petrelinnii Bet.).
Dans tout cet exposé, j'ai cherché à montrer comment la
forme Moule à pu provenir d'une forme Modiole, provenant
elle-même d’une forme Isomyaire ; j'ai cherché de plus à expli-
quer les causes de cette transformation. Mais outre ces argu-
ments trés de l'anatomie comparée, il en existe d’autres à
l'appui de cette manière de voir, que l'embryogénie peut nous
fournir et grâce auxquels le processus d’anisomyairie {modioli-
sation et mytilisation) peut, en quelque sorte, être pris sur le
fait.
C'est encore sur les Moules de roches de la baie de Douar-
nenez que J'ai effectué cette étude d’embryogénie dont les ré-
sultats vont maintenant être très brièvement résumés. Je ne
m'y occuperai naturellement que de l'établissement de la forme
générale à l'étude de laquelle seule ce chapitre est consacré, et,
je n'aurai en vue que la coquille. Tous les matériaux dont je
me suis servi pour cette étude ont été recueillis par moi-même
sur les roches de Pentrez ou de Cameros (baie de Douarnenez).
Chez le Mytilus edulis Linn. la prodissoconque est subsymé-
trique, possédant un provinculum garni de dents transversales
et divisé en deux parties par une fossette primitive légère-
ment plus rapprochée de l'extrémité postérieure que de l'extré-
mité antérieure. J'ai souvent observé cette prodissoconque
TT TT —
A ee ai
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 249
Il Il PE
ayant des dimensions comprises entre p°t " de millimètre.
Je n'y insisterai pas davantage, mes observations coïneidant
avec celles des auteurs, notamment celles de F. Bernard (98).
Au stade prodissoconque fait suite ce que certains auteurs ap-
pellent le stade népionique, suivi lui-même du stade néologique.
La distinction de ces deux stades me semble quelque peu
artificielle ; leur hmite est difficile à concevoir, et même à saisir
chez les Acéphales d’une façon générale. Chez le Mytilus edulis
Linn. en particulier la délimitation semble impossible, aussi
n'emploierai-je pas ces dénominations et me contenterai-je de
parler seulement de la coquille définitive faisant immédiate-
ment suite à la prodissoconque.
Les plus petites coquilles définitives qu'il m'a été donné d’ob-
/
mur l ee
server ont été des individus de - de millimètre de longueur
(
dans leur plus grande dimension. Ces coquilles n’ont pas préci-
sément l'aspect de Disomyaires parfaits com-
see ae:
plètement équilatéraux ; elles forment, en quel-
que sorte, au point de vue morphologique, la
transition entre les Diisomyaires et les Diani-
somyaires. La coquille est lisse, le pied long
et très agile; lanimal se déplace sans cesse, P:
brusquement, et ne semble pas faire un usage Fig. 18.— Jeune Myk-
important de son byssus. lus edulis Linn.
ee (valve droite, vue
L'angle de modiolisation que J'ai réussi à intérieure) de 1/4de
mesurer, grâce à la chambre claire, chez quel- millimètre environ.
= NE ; F y — apc, angle de
ques individus m'a paru égal à 29° en moyenne modiolisation.
etenviron (Voy. fig. 18).
I Jp .
A - de millimètre, la forme est à peu près la même, mais le
point et le point « se rapprochant, l'angle de modiolisation
tombe à 25°.
| Le à
A ë millimètre, la forme a encore peu changé, mais la ten-
dance à l'anisomyairie s’est encore accentuée.
Ü
€
A 7. de millimètre, à peu près, on voit apparaître un drap
246 R. ANTHONY
marin analogue à celui dont on à constaté la présence chez
Modiola barbata Linn. Comme chez ce dernier animal, il se
développe surtout sur les régions dorsales et postérieures. En
même temps, les points c et « se rapprochent de plus en plus.
Sur deux ‘individus où je lai mesuré, l'angle de modiolisation
était égal à 12 et à 14°. A ce stade, la forme générale de l’ani-
mal rappelle à s'y méprendre la Modiola barbata Linn. adulte,
avec la seule différence que
chez cette dernière l'angle de
modiolisation est plus réduit
encore (Voy. fig. 19).
À partir de ce stade, à me-
sure que les individus grandis-
sent el sont, par conséquent,
par le fait qu'ils ne disposent
Fig. 19. — Genre Mytilus edulis Linn. que d’un espace restreint, obli-
(valve droite, vue extérieure) de 1 mil- Pie
limètre. — epa, angle de modiolisation. 565 de se serrer de plus en plus
On aperçoit le drap marin et le byssus. [as uns contre les autres, l'angle
de modiolisation diminue pour
atteindre 0, lorsque la longueur totale de l'animal est de
l "1e : È
; centimètre environ. Un peu avant ce stade, la jeune Moule,
19
à moins, comme il à été dit plus haut, qu'un accident du
rocher ne l'ait protégée contre la vague, à perdu son drap
marin par le fait probablement de l’action polissante des
vagues.
Lorsque l'angle de modiolisation à atteint 0, l’angle de myti-
lisation qui chez les individus de : centimètre atteint en
moyenne 50°, diminue de plus en plus à mesure que l’animal
augmente de taille pour s’abaisser sur les formes adultes de
3 à 4 centimètres Jusqu'à 38° environ et en moyenne.
Cette étude trop résumée ici du développement ontogénique
de la forme Mytilus edulis Linn. montre bien que cette espèce
dérive sans aucun doute d’une forme isomyaire et qu'avant
de devenir Moule, elle passe successivement par les stades
isomyaire et modiole {modiola adriatira el modiola barbata) ;
elle permet, en outre, de saisir sur le fait pour ainsi dire
_— ET
=. 2 … — — —— — —
— D. A | Te TV
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 247
les causes morphogéniques et de s’imaginer comment réelle-
ment les choses ont pu et ont dù se passer, comment la
forme moule à pu se cons-
tüituer.
Ce processus de mytilisa-
üon n'a pas dù être spécial
aux Mytilimorphes du phylum
des Protarcidæ.
J'ai fait sur de jeunes
Dreyssensit provenant de sa-
bles de la Saône, recueillis à
Saint-Jean-de-Losne, une étu-
de analogue à celle que j'ai
faite sur les Moules de roches
de Pentrez: elle m'a conduit
au même résultat. La forme
mytilimorphe Dreyssensia est
précédée d'une forme mo-
dolimorphe à angle de modio-
lisation évaluable.
Dans la famille des Myti-
lidæ, 11 convient de citer le
; : Fig. 20. — Coupe sagittale de Mylilus edulis
genre Lithodomus dont il à Linn. — 1, bouche; 2, anus: 3, pied:
été question déja et qui est … mage aiduetour air; à muscle
une forme secondairement expirateur (position physiologique).
adaptée à l'enfouissement
céphalothétique et à la vie en galerie. Le Lithodome possède
comme les Diisomyaires un corps allongé, cylindrique calibré,
des ébauches de siphons, et son bord abdominal, au lieu de
rester rectiligne au voisinage du crochet, comme ilest chez la
Moule, se courbe faisant ressembler le profil sagittal de cet
animal à celui d'un Diisomyaire dont le crochet est séparé de
l'extrémité antérieure.
Sous l'influence de conditions d'existence spéciales, certains
types mylilimorphes peuvent prendre des caractères spéciaux.
C'est le cas des Tridacnes.
La Tridacne n'est, en réalité, autre chose qu'une Moule, au
248 | R. ANTHONY
même litre que les Mytilus, les Seplifer et les Dreyssensis. Chez
la Tridlacne comme chez tous ces animaux, la partie antérieure
du corps est, en effet, confondue avec le crochet et le muscle
adducteur antérieur, au lieu d’être simplement diminué comme
chez le Mytilus edulis Linn., est complètement absent comme
d'ailleurs chez certains Mytilus.
Li forme Tridacne est donc une forme anisomvaire où myti-
Himorphe, mais une forme mytilimorphe qui, au point de vue
morphologique, se distingue des autres, par la réduction de
son diamètre postéro-umbonal ou antéro-postérieur, l'aug-
mentation de ses diamètres transversal et dorso-ventral, enfin
l'augmentation considérable de son angle de mytilisation,
qui chez les plus grandes formes de Tridacnes et les Hippopus
peut atteindre Jusqu'à deux angles droits.
La forme Tridacne n'est réalisée que dans deux genres, le
genre Tridacna etle genre Hippopus, très voisins l'un de l'autre,
et, tous les deux constituant la famille des Tridacnidaæ.
Certains naturalistes pourront s'étonner de me voir placer
les Tridacnes et les Hippopus parmi les formes anisomvaires et
en faire les analogues des Moules. Ime semble indispensable
de me justifier à ce point de vue.
De tous temps, les Tridacnes ont frappé les zoologistes
non seulement par leur grande taille, mais encore par la
disposition spéciale de leurs organes. Le premier auteur qui
se soil sérieusement occupé de Forganisation de ces animaux
est Mac-Donald, qui, en 1857, en donna une bonne quoique
incomplète description. En 1865, L. Vaillant, dans un mé-
moire qui reste encore aujourd'hui l'ouvrage le plus complet
au point de vue descriptif, parmi ceux qui traitent de ce suet,
étudia en grand détail leur anatomie.
Un fait l'avait frappé, c'est que lorsqu'on écarte les valves
d'une Tridacne, laquelle, par sa forme générale et à première
vue, rappelle grossièrement un Diisomyaire équilatéral quel-
conque, on constate que l'orifice buecal est au niveau de la
région cardinale où plus exactement du crochet et que le cœur
se trouve être du côté du bord libre des valves, l'inverse par
conséquent de ce qui existe chez les autres Acéphales auxquels
une Tridacne parait ressembler. Considérant done la région
=
—
a A
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 249
droite de la figure 21 comme l'avant, la région gauche comme
l'arrière, le bord inférieur comme le dos et Le bord supérieur
comme le ventre, il conclut, étant donnée la disposition des
organes, que l’animal était absolument retourné dans sa co-
quille.
Cette conception devenue classique depuis lors, fut adoptée
encore en 1898, par Grobben, qui, dans un bon mémoire
Fig. 21. — Coupe sagittale de la Tridacna elongata Linck. L'animal est en position
physiologique, le crochet en bas. — 1, bouche; 2, anus: 3, pied; 5, musele
adducteur postérieur; 6, cœur: T7, orifice inspirateur; 8, orifice expirateur:
9, orifice byssal ; 10, ganglion nerveux viscéral : 41, foie : 12, organe de Bojanus.
donne des détails anatomiques complémentaires sur l'organi-
sation de ces animaux.
Enfin tout récemment, M. Boutan et la Direction des Ar-
chives de Zoologie expérimentale ont publié un mémoire pos-
thume de M. de Lacaze-Duthiers (04), où le savant zoologiste
prend à tâche d'éclaireir la question si obscure et si embrouillée
de la morphologie des Tridacnes. Guidé par le principe de l'unité
de plan de composition des êtres vivants et par cette idée si émi-
nemment vraie que les organes e{ non la coquille doivent servir
de base pour l'orientation d'un Acéphale, il arrive à établir que
la Tridacne, considérée jusqu'ici comme un type aberrant, n'est
pas, en somme, plus aberrante que l'Huître et la Chame, par ”
exemple, et que son organisation rentre bien dans le plan
général de celle des autres Acéphales.
Mais de Lacaze-Duthiers ne va pas plus loin, il montre que la
Tridacne n'est pas le type si particulier qu'on avait voulu en
250 R. ANTHONY
faire, qu'il n'est nullement zetourné, mais il ne donne pas la
véritable signification de son organisation. Plusieurs années
avant de Lacaze-Duthiers, un géologue, M. Tournouer, semble
avoir entrevu la solution de la question, en montrant le passage
des Lthocardium aux Tridacnes par l'intermédiaire des Bysso-
carduon.
L'an dernier enfin, dans une note à l'Académie des Sciences
sur la morphologie et la morphogénie des Tridacnidés, j'expo-
sais la façon dont jecomprends l'organisation de ces animaux.
J'ai appliqué pour leur orientation les notions exposées au
début de ce chapitre. La région de la bouche à été ainsi
dénommée tout naturellement région antérieure, celle de l'anus
et du siphon expirateur région postérieure. Le nom de bord
dorsal à été donné à celui qui va de la bouche à l'anus en pas-
sant par le cœur (ancienne région postérieure), celui de bord
ventral à celui qui va de la bouche à l'anus en passant par la
cavité palléale {ancienne région antérieure). Les régions qui
répondent aux valves ont été désignées comme droite et gauche.
Dans cette orientation, il n'est nullement tenu compte, comme
on le voit, de la coquille, de ses différentes parties et de leurs
rapports avec les organes.
Cette mise en place des Tridacnes, application particulière
de la règle générale émise plus haut, pour l'orientation de ces
animaux, diffère sensiblement de celle proposée par M. Vaillant,
de celle aussi proposée par M. de Lacaze-Duthiers, comme un
simple coup d'œil jeté sur la figure que je publie et sur celle
contenue dans le mémoire de cet auteur, permet de s'en rendre
compte.
Considérons maintenant quels sont les rapports que la
coquille affecte chez ces Acéphales, avec les différentes parties
du corps qui ont servi de base à la mise en place de l'animal.
D'abord en face de la bouche est Le crochet, et en arrière
d'elle est immédiatement placé le pied, puis le byssus. A
l'opposé de la bouche est le muscle adducteur postérieur et le
rectum qui affecte avec lui les rapports habituels.
Il résulte de ceei que chez les Tridacnes la coquille affecte
avec les organes internes exactement les mêmes rapports que
chez le Mytilus edulis Linn. La forme Tridacne est donc de
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES AD
toute évidence une forme mytilimorphe (Rapprocher la figure 21
de la figure 20), mais un mytilimorphe d'aspect spécial dans
lequel les diamètres verticaux ont diminué alors que les dia-
mètres horizontaux (dorso-ventral et transversal) ont aug-
menté.
Il résulte de ceci qu'il n'existe pas de lunule chez les Tridae-
nidæ. La plupart des auteurs, se fiant à une vague ressemblance,
appellent lunule de la Tridacne la région par où sort le byssus et
de Lacaze-Duthiers, tout en semblant cependant entrevoir l'er-
reur, a malheureusement encore employé ce terme dans son mé-
moire précité pour l'appliquer à la même chose.
Qu'est-ce en effet qu'une lunule, sinon la région de la coquille
comprise entre le crochet et l'impression du muscle adducteur
antérieur, c'est-à-dire la bouche qui dans la plupart des cas
affecte avec ce muscleles rapports constants que l’on connaît.
Chezla Tridacna pareonséquentlalunuleserait la région comprise
entre le crochet et la bouche. Or, chez cet animal cette l'ÉSION
est réduite à néant, tout comme chez la Moule d'ailleurs, et, ce
qu'on appelle à tort la lunule de la Tridacne correspondrait chez
les Cardium, par exemple, à une partie du bord libre des valves
partant de l'extrémité ventrale du muscle adducteur antérieur et
se dirigeant vers le siphon inspirateur.
Au point de vue de leurs affinités les Tridarnidæ doivent être
rattachées, ainsi que je l'ai dit plus haut, à la famille des Car-
| dudie; ce sont des Mytilimorphes de Cardium.
Il n'entre pas dans le cadre de cette étude, qui n’est en somme
qu'une introduction, d'énumérer les nombreux caractères de
parenté qui unissent les Tridacna aux Cardium : je me réserve
de le faire dans un mémoire futur qui traiterafen détail la morpho-
logie et la morphogénie de ces animaux. Toujours est-il que
depuis le Cardium jusqu'à l'Hippopus il existe toutes les formes
de passage que l’on peut sérier de la facon suivante :
Cardium.
DS
Lithocardium.
|
Byssocardium.
|
|
Tridacna.
Hippopus
259 R. ANTHONY
—
Le Cardium estla forme isomyaire de la série. Le Lithocardium
(Anisomyaire) y représente la forme modiolimorphe ; c'est un
type exclusivement fossile qui, tout porte à le croire, ne possé-
dait pas encore de byssus ou en possédait du moins un très ré-
duit qui n'a pas laissé de traces sur la coquille.
Quant au Byssocardiun également fossile, c'est une forme à
byssus comme son nom l'indique etcomme le prouve la forme de
sa coquille, mytilimorphe typique n'ayant pas subi les modifi-
cationssecondaires qui caractérisent la Tridacne. L'angle de myti-
lisation plus petit que chez la Tridaene est, chez le Byssocardium,
de 90° environ. Il semble évident que le Byssocardium soit
l'ancêtre direct des Tridacnes.
Quant à l'Hippopus, €'estune forme de Tridaenidé plus évoluée
encore que la Tridacna et dépourvue de byssus.
En résumé, done les Tridacnidés sont des Cardiidæ mytül-
morphes qui présentent, par le fait de l'action de conditions
d'existence spéciales que nous allons exposer maintenant, une
morphologie toute particulière.
Les renseignements que j'ai eus sur les conditions d'existence
de ces animaux proviennent surtout de deux sources. D'abord,
j'ai mis à contribution le savant ouvrage de Saville-Kent (93)
sur la grande barrière récifale d'Australie ; ensuite J'ai utilisé
les renseignements si complets et si précis que M. Ch. Gra-
vier avait recueillis à mon intention au cours de sa mis-
sion dans le golfe de Tadjourah. De ces documents ainsi
que des autres renseignements que jai pu me procurer,
il résulte les faits suivants absolument indiseutables : les Tri-
dacnes se rencontrent fixées parmi les Polypiers, à l'aide de leur
byssus, en céphalothétisme ; fait capital, elles sont isolées, à
l'encontre de ce qui se passe chez les WMytilus edulis Linn.
par exemple qui vivent toujours agrégés, chaque exemplaire
étant toujours distant d'un autre individu. Les Polvpiers les
entourent de telle sorte que, de tout l'animal le bord libre des
valves parait souvent seul avec ses sinuosités, et, les valves
entr'ouvertes laissent quelquefois paraître retournés en dehors
les bords du manteau dont on connait les couleurs éclatantes
qui se mélent à celles non moins vives des iPolypiers et
empêchent souvent de reconnaitre à première vue la présence
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 259
de la Tridacne. Ces animaux sont exclusivement littoraux,
vivant, soit dans la zone de balancement des marées, soit dans
celle qui la suit immédiatement, n'étant recouverts en tous cas
d'une façon permanente que par une mince épaisseur d'eau.
Au point de vue morphogénique il est parmi ces conditions
d'existence un fait capital à retenir, c’est qu'au lieu de vivre
agelomérées en bouquets comme les Hytilus et souvent les
Dreyssensia, les Tridacnes vivent isolées. Cette circonstance, à
laquelle vient s'ajouter le grand poids de l'animal, permet, il me
semble, d'expliquer la forme particulière des Tridacnes qui sont
en somme des formes mytilimorphes étalées, écrasées sous leur
propre masse. En effet, comme il a déja été dit plus haut, si l'on
compare une Pridacna à un Mytilus, on voit que le premier de ces
myülimorphes diffère du second, par l'accroissement de ses
diamètres dorso-ventraux et latéraux et la réduction de son
diamètre antéro-postérieur. Autrement dit, les dimensions
horizontales de l'animal ont augmenté par rapport à ses dimen-
sions verticales qui, elles, ontdiminué. Quant à l'angle de mylili-
sation, 1l s'est ouvert de plusen plus et atteint en moyenne
chez la Tridacna elongata Lmek. adulte par exemple la valeur
de 150°.
Ce processus d'étalement peut être suivi très facilement sur
un seul et même individu par la seule inspection des stries
d’accroissement de la coquille. La jeune Tridarna elongata,
Lmck. de deux centimètres de long par exemple dans ses
plus grandes dimensions {diamètre dorso-ventral), est très aplatie
d'un côté à l’autre par rapport à sa dimension antéro-posté-
rieure, elle est également plus courte dorso-ventralement et son
angle de myülisation très voisin de celui du Zyssocardiun (90°)
ne dépasse pas 100° ou 105°. À mesure que l'animal grandit
les diamètres horizontaux augmentent de plus en plus par
rapport aux diamètres verticaux et l'angle de mytilisation
atteint 150° chez un animal de 13 centimètres (dimension
dorso-ventrale). Chez les formes de plus grande taille, Tridaena
gigas Linn. par exemple (voir les exemplaires de Saint-Sulpice
du Muséum et de l'École des Mines), le poids augmentant, l'étale-
ment augmente dans un même rapport, l'angle de mytilisation
atteint deux droits etle byssus devenu inutile disparait.
254 R. ANTHONY
A cet élalement doit encore être rattaché l'écartement des
deux branchies, et leur forme spéciale en bourrelets. Enfin il
reste à citer le fait que comme les Arches, Les Tridacnes ont un
byssus compact qui semble prendre cel aspect par le fait de
l'immobilité de l'animal maintenu en place par sa forme, son
propre poids et les Polypiers qui l'entourent.
IL est également facile de passer de la Tridacne à F'Hippopus.
Fig. 22. — Coupes coronales médianes de moules internes atificicls. — T, de
Tridacna elongata Lmek.; H, d'Hippopus maculalus Lmck. adultes.
L'AHippopus est en effet un Tridacnidé dans lequel les dimen-
sionshorizontales ontaugmentéencore plus quechez les Tridacna
par rapport aux dimensions verticales.
En effet, si on appelle E indice bilatéral, le rapport de l’épais-
eur bilatérale maximum à la longueur antéro-postérieure
maximum (dimension verticale), ii
+ épaisseur X 100
= longueur antéro-postérieure
on voit que cet indice est de 79 chez la Tridacna elon-
gata Lmek. et de 88 chez l'Hippopus maculatus. Lmck.
De même si l’on désigne sous le nom d'indice dorso-ventral, le
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 299
rapport de la dimension dorso-ventrale à la même longueur
antéro-postérieure,
__ dimension dorso-ventrale X 100
longueur antéro-postérieure
on voit que cet indice est de 207,52 chez la Tridarna elon-
gata Lmck. en moyenne, alors qu'il est de 157,38 chez l'Hip-
popus maculatus Lmek. Les Hippopus différent encore des
Tridacnes par l'étendue de leur angle de mytilisation qui, chez
l'Hippopus maculatus Lmck. adulte, atteint en moyenne 160°.
Enfin, une dernière différence entre les ippopus et les Tri-
dacnes est, qu'alors que les seconds ont un byssus, les premiers
n'en n'ont plus. Il est aisé de déduire de l'ensemble de ces carac-
tères que les Hippopus sont en somme des Tridacnidés chez les-
quels l'étalement, dont on peut suivre par les stries d'accroisse-
ment les différents stades sur la coquille, est plus accentué
encore que chez les Tridacnes ; chez ces animaux à base s élar-
gie, le byssus n'ayant plus raison d'être comme organe de fixa-
üion à disparu. Les Hippopus sont done actuellement le terme
ultime de la série des Cardiidæ anisomyaires.
Avant de clore la question des Anisomyaires, il convient de
s'arrêter un instant sur un type tout à fait spécial et peu connu,
qui me semble devoir être classé parmi eux; je veux dire le
genre Bartlettiu.
Cet animal, que l’on rencontre uniquement dans les rivières
d'Amérique du Sud, semble indubitablement appartenir au
groupe des Urionidæ ainsi d’ailleurs. que les Æthéries africaines
dont il à été question un peu plus haut. Comme les Æthéries, il
est fixé, mais la zone de fixation, au lieu d'occuper toute la
surface de l’une des valves, est limitée à la région qui répond à
l'insertion du muscle adducteur antérieur. L'impression de ce
muscle sur la valve est d’ailleurs infiniment plus réduite que
celle du muscle addueteur postérieur, c'estee qui me fait ranger
la Bartlettin parmi les Anisomyaires. Il semblerait que la partie
hbre du corps de l'animal se soit épanoute en quelque sorte
au-dessus de la zone de fixation très limitée, qui par le fait de la
fixation même, s’est arrondie. Peu à peu, il semble que lépa-
nouissement augmente, que la zone de fixation se rétrécit, la
256 R. ANTHONY
partie qui relie l'animal au substratum faisant de même, de telle
sorte que l’on arrive à une forme monomvaire, la Mulleriu qui
parait fixée au bout d'un grêle pédoncule, répondant à la région
antérieure de Fanimal. Les Bartlettin sont donc ainsi des
formes anisomyaires parüculières donnant, elles aussi, comme
les autres Anisomyaires, naissance à des Monomyaires égale-
ment spéciaux, et par un processus tout différent du proces-
sus ordinaire qui fera l'objet du paragraphe suivant.
Quant aux Chondrodonta que Douvillé vient de nous faire
connaître, elles semblent être également des Anisomyaires,
peut-être des Pinnidiæ Hxés en position pleurothétique.
Il
Monemyaires.
On doit considérer les Anisomyaires comme des types de
transition faisant en quelque sorte le passage insensible des
Disomyaires aux Monomyaires (1). En effet, siles uns, comme
certaines Cardites, Cardila calyqulata Linn. par exemple,
comme les Æippopodium etles Modiola, tendent manifestement
vers les Diisomyaires, d'autres, comme les Mytilus, tendent, par
la perte deleur muscle adducteur antérieur, à se rapprocher de
plus en plus des Monomyaires. La forme Avicule dont les types
les plus anciens (Voy. Bernard, Traité de paléontologie) possé-
daient encore un muscle adducteur antérieur, peut être considé-
rée comme étant précisément à la limite de l’un et l’autre groupe.
Le groupe des Monomyaires comprend entre autresles familles
el genre suivants :
Aviculidæ (2) et ses subdivisions.
Limidæ.
Pectinidæ.
Ostreidæ.
Anomiidæ.
Mulleria (famille des Ætheriidæ).
(1) I semble en effet que les Monomyaires, à part certaines formes spéciales
comme la Mullerie, dont l'évolution probable vient d'être indiquée, dérivent
de formes Anisomyaires mytilimorphes.
(2) Il semble que les différentes tribus (Vulsellinæ, Inoceraminæ, Ambony-
chinæ, etc.) que l’on rattache en général aux Avicules, doivent en être éloi-
gnées. Dans un mémoire ultérieur je compte revenir sur cette question.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES Fa pl
Comme on le voit, dans le groupe des Monomyaires plusieurs
phylums se trouvent représentés tout comme dans le groupe
des Dimyaires. Les Mulleries, en effet, ne sont que des Unionidæ
à un seul muscle, et, sans qu'on puisse déterminer actuellement
d'une façon certaine le phylum auquel doivent être rattachées
les Avicules etles Huitres, il semble qu'il ne faille pas, en rai-
son de la constitution spéciale de leur branchie, leur attribuer
la même origine qu'aux Pectens, aux Spondyles, aux Anomies
et aux Placunes qui semblent plutôt devoir comme les Moules,
et, en raison de la constitution très simple de leurs organes res-
piratoires, être rapprochées des Acéphales filibranches, par
conséquent plus primitifs. Ainsi que la déjà fait remarquer
Pelseneer [91], les Monomyaires sont donc incontestable-
ment polyphylétiques.
Les caractères communs des Monomyaires sont les suivants :
d'abord, comme leur nom l'indique, ils ne possèdent plus qu'un
seul muscle adducteur qui est toujours l'adducteur postérieur,
lequel tend constamment à se rapprocher du centre de figure de
la coquille. Ilen est encore loin chez l'Avicule, s'en rapproche
chez l'Huître et l'atteint tout à fait chez la Placune. De plus, chez
les Monomyaires, la forme générale tend à devenir plus ou moins
arrondie, le profil'coronal à s'aplatir, l'intestin à s'éloigner du
cœur el à passer dorsalement par rapport à lui, comme chez
l'Huître par exemple; le ligament à se réduire et à limiter sa
présence à la région médiane de la charnière: les branchies se
trouvent être généralement plissées, qu'elles soient filamen-
teuses ou treillagées. Jamais il n°y à de siphons (1), et l'im-
pression palléale est dépourvue de sinus. Les Monomyaires les
moins évolués, c'est-à-dire ceux qui se rapprochent le plus de
la forme anisomyaire, possèdent encore un byssus, organe
caractéristique de ce groupe (Avicules et certains Pectinidæ tels
| que le Pecten vurius Linn. et le Pecten opercularis Linn.). Ils
le perdent bientôt et deviennent alors les uns libres (Pecten
marimus Linn.), les autres fixés (Huitres).
y LesDiisomyaires, on l’a vu, sontles unseuthétiques, les autres
(4) S'il existait des Monomyaires dérivant de formes dimyaires céphalo-
thétiques de la 3° catégorie, ils posséderaient évidemment des siphons rudi-
mentaires et le fait n'aurait rien qui doive étonner.
ANN. SC. NAT, ZOOL. 17
—" AT me
258 R. ANTHONY
pleurothétiques: les Dianisomyaires sonttous euthétiques; quant
aux Monomyaires, ils sont tous pleurothétiques. Chez la plupart
d'entre eux, le pleurothétisme est frane et continuel (Ostreidie) ;
chez d’autres, comme les Avicules et les Pertinidæ à bvssus, le
pleurothétisme end seulement à s'établir. On peut dire qu'il
est intermittent.
IL est intéressant de voir, comment les types monomyaires,
possédant les caractères convergents qui viennent d'être Sign à-
lés, ont pu s'établir et comment ces types une fois constitués
ont pu acquérir leurs caractères fondamentaux.
Il suffit de jeter un coup d'œil sur une coupe sagittale de
Mytilus edulis Linn., pour voir immédiatement la disposition
du ligament et des muscles addueteurs : d'une part, la partie
fibreuse dorsale du ligament qui commence au même point
en avant que la partie élastique s'étend beaucoup plus loin en
arrière ; d'autre part, des deux muscles, lun, le plus considé-
rable, le muscle postérieur, se trouve situé en dehors des
limites de la charnière en p; Pautre, l'antérieur, très réduit est
en #. La fermeture s'opère, comme l'on sait, par la contraction
des muscles, et l'ouverture par laction, quelle qu'elle soit
d'ailleurs, du ligament. Supposons, pour la commodité de
l'explication, l'animal maintenu immobile et fixé par une de
ces valves. La valve supérieure peut être considérée comme
un bras de levier dans lequel le point d'appui est au milieu du
ligament fibreux, la résistance au milieu du ligament élastique,
et la puissance quelque part entre p et en un point très
voisin de p, puisque 4 est pour ainsi dire négligeable par
rapport à p en raison de sa petite taille et de son rapprochement
du point d'appui.
La fermeture, ou rapprochement des valves, se produit done |
sous l'influence d’une force F, dirigée de haut en bas et repré- 1
sentant la somme des deux muscles, à laquelle s'oppose la |
force R (force expansive du ligament) dirigée de bas en haut. |
Si on remarque la disposition respective des trois points, |
(point d'appui, résistance et puissance), on voit qu'ils ne sont !
pas sur la même ligne, le point marquant là résistance étant |
rejeté en avant de ry. |
[L résulte de cette disposition des muscles et du ligament qu'il
| |
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 259
doit se passer au moment du rapprochement des valves chez
le Mytilus edulis Linn., ainsi que chez tout autre Anisomyaire
myüilimorphe, puisque le ligament élastique se termine toujours
moins loin en arrière que le ligament fibreux, un mouvement
de bascule (très peu accen-
tué 1l'est vrai mais cepen-
dant suffisant pour avoir
un effet morphogénique)
de chacune des valves
suivant lequel les extré-
mités postérieures s’abais-
sent, C'est-à-dire se pressent
l'une contre l'autre, pen-
Y-
dant lee xtrémités Fig. 25. — Schéma destiné à expliquer les
dant que les extrémités mouvements des valves chez le Mytilus edulis
antérieures s'élèvent, c'est- Linn. — «, muscle adducteur antérieur;
FR PE * Lo p, muscle adducteur postérieur; xy, ligne
à-dire s'écartent. Pour qu il indiquant la direction du bras de levier.
n y ait pas de mouvement
de bascule il faudrait que les trois points soient en ligne droite
suivant 77. Voyons si l'expérience directe confirme les don-
nées de la théorie. Ù
A l'aide du dispositif décrit au chapitre If, j'ai pu inscrire les
mouvements d'ouverture et de fermeture des valves chez le
Mytilus edulis Linn., en avant soin naturellement de placer la
üge inscriptrice le plus loin possible du lieu où Je Supposais
passer l'axe dorso-ventral de ce mouvement de bascule. Au
début de Fexpérience, les valves sont coaptées, puis l'animal,
|
|
ne se sentant plus inquiété, relâche peu à peu ses muscles, les
valves S'écartent et le stylet décrit une ligne. Si, lorsqu'il est
| arrivé en un certain point, on touche le bord du manteau en
quelque région que ce soit, où même si l'animal rapproche
spontanément ses valves, le stylet décrit une autre ligne qui ne
coïncide pas avec la ligne d'ouverture, mais se trouve toujours,
si l'animal est sain et vigoureux, située postérieurement par
rapport à elle (Voy. IE et IV, fig. 31). Au moment de la.
fermeture, chacune des valves accomplit donc un mouvement
3 rotation (si léger, qu'impercepüble à l'œil il n'en existe pas
moins), et, l'expérience confirme la théorie. Suivant les Cas.
la boucle est plus où moins ouverte, mais elle existe toujours
260 R. ANTHONY
pourvu que la tige inseriptrice n'ait pas été posée sur le passage
de laxe même de rotation. Le résultat de ce mouvement de
rotation si léger est aisé à se figurer : les parties les plus anté-
rieures de la coquille tendent sans cesse à s'écarter lune de
l’autre, de telle sorte que Le ligament tend de moins en moins
à exister dans sa région antérieure, sa partie élastique s’amin-
cissant de plus en plus en avant, s’épaississant au contraire
de plus en plus en arrière, ce qui a pour effet de rapprocher la
résistance de la ligne zy. D'autre part, le développement du
muscle antérieur devient de plus en plus difficile, et, Pani-
mal passe donc en un mot insensiblement de la forme
myülimorphe à la forme aviculimorphe, perdant amsi tout
son prolongement antérieur et tendant déjà, et par ce seul
fait, à s’arrondir.
Ainsi donc, on le voit, le mode de rapprochement des valves
peut dans une large mesure contribuer à expliquer le passage
de la forme anisomyaire à a forme monomyaire. D'autres
causes encore, d’ailleurs, peuvent être invoquées comme con-
courant aux mêmes effets : c’est d'abord ce fait, sur lequel,
Jackson (91) et Sharp (88) ont attiré déjà l'attention, que
par sa position même et la brièveté de son bras de levier, le
muscle adducteur antérieur Joue un rôle à peu près insigni-
fiant dans l'acte de rapprochement des valves et le maintien
de leur coaptation; son peu d'importance fonctionnelle est |
done encore pour lui un motif de disparition. Enfin, la pres-
sion réciproque des Mytilimorphes suivant leur région anté-
rieure, conséquence de leur genre de vie, peut aussi dans une |
certaine mesure être invoquée comme facteur déterminant de |
leur transformation en Monomyaires.
Le type Monomyaire, une fois constitué ainsi, acquiert un!
certain nombre de caractères secondaires. Cest d'abord le
rapprochement du muscle adducteur postérieur devenu unique
du centre de figure de la coquille. Cette situation du muscle
unique est, on le conçoit, éminemment favorable au fonction-|
nement des valves, puisque dans le levier formé par une des;
valves, mobile sur l’autre, elle met en ligne droite le point!
d'appui, la résistance et la puissance. Mais le fait qu'une dispo-|
sition est favorable à l'existence ne peut servir à expliquer son
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 261
apparition; quels sont donc les facteurs mécaniques qui lont
produite.
Si, par le procédé qui m'a servi à étudier le mode de rappro-
chement des valves chez le Mytilus edulis Linn., on l’étudie chez
un Monomyaire tel que l'Ostrea edulis Linn. ou le Pecten maxi-
nus Linn. par exemple, on s'aperçoit que les choses se passent
sensiblement de la même façon que chez les Anisomyaires.
Reprenons, en effet, en
l'appliquant aux Mono-
myaires, la démonstration
de tout à l'heure.
Chez le. Pecten marimus
Linn., par exemple, la
fermeture des valves et leur
maintien en coaplation
s'effectuent par la contrac-
ton du muscle unique situé
légèrement en dehors du
à ; Fig. 24. — Coupe sagittale d’Avicula radiata
centre de figure de la co- Desh. — 1, bou che; 2, anus; 3, pied en
quille l'ouverture se pro- dessous duquel est le byssus; 5, muscle ad-
ducteur postérieur; 6, cœur.
duit par le fait de la résis-
tance à l'écrasement du ligament élastique, lorsque la partie
lisse du muscle adducteur à relâché sa contraction.
Or, chez cet animal le ligament est constitué de la façon
suivante : d'abord, s'étendant tout le long du bord droit de la
charnière, est un ligament fibreux qui relie les deux valves ;
dans le levier constitué par la valve mobile, c’est lui qui con-
stitue le point fixe. Outre le ligament fibreux, existe le Higament
élastique qui, par sa force expansive, soulève la valve opercu-
laire chaque fois que par sa contraction le muscle adducteur
ne S'y oppose pas.
Au moment de la fermeture, la valve libre du Pecten mari-
mus Linn. est donc sollicitée à s'abaisser par une force M
représentant le muscle adducteur unique. Là encore le point E
(résistance) est en avant de FM et il doit en résulter une légère
rotation autour de l'axe dorso-ventral (1) (Voy. fig. 25).
(1) Pour la simplicité de la démonstration, il n’est pas tenu compte du poids
de la valve.
262 R. ANTHONY
Comme pour le Mytilus edulis Linn. l'expérience directe con-
firme la conception théorique (Voy. fig. 31. VI). Chez l'Ostrea
edulis Linn. les choses se passent de la même façon quoique
la rotation soit moins accusée (Voy. fig. 31. V),et, bien que Je
n'en aie pas fait l'expérience pour tous les Monomyaires, il
parait évident que tous ceux qui sont construits sur le type
du Pecten doivent présenter la même particularité physiolo-
gique.
En supposant done un Monomyaire quelconque fixé par une
de ses valves, l'autre valve sera seule mobile et constituera au
moment de la fermeture un levier dont le point fixe sera au
milieu du ligament fibreux, la résistance au milieu du ligament
élastique et la force en M (muscle). Par le fait de l'existence du
mouvement de rotation se produisant au moment de la fer-
meture, le ligament élastique tendra de plus en plus à ne pas
se développer dans sa partie antérieure, où les valves ten-
dent toujours à s écarter et, au contraire, à se développer uni-
quement dans les régions où cet écartement est le moindre ou
même n'existe pas, c'est-à-dire à se rapprocher de laxe de
rotation : il résulte de tout ceci une tendance manifeste des
trois points F,E,M à se mettre en ligne droite. Cet idéal une
fois réalisé, il ne peut plus y avoir de mouvement de rotation,
par conséquent plus d'écartement latéral des valves s'opposant
au développement du ligament. La boucle tracée par le stylet
inscripteur, dans mon expérience, esl d'autant moins ouverte
que l'alignement est plus près d'être réalisé : chez l'Huitre elle
est plus fermée encore que chez le Pecten marins Linn..
Ce ne semble donc pas être en réalité — et je ne saurais trop
insister là-dessus — le muscle qui se déplace pour s’aligner avec
les deux parties du ligament, mais le ligament élastique qui se
déplace pour s'aligner avec le musele et le ligament fibreux.
Cette tendance est très manifeste chez le Pecten marimus Linn.
chez lequel, comme pour réaliser cet alignement, le ligament
prend souvent une position oblique en arrière.
De plus, au cours de la monomyairisation, les parties anté-
rieures de l'animal ont été peu à peu et en quelque sorte chas-
sées en arrière, etle muscle s'est, de par ce fait, trouvé entouré
et parait être finalement sensiblement au centre de la coquille.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 263
Même lorsqu'ils vivent agglomérés comme les Vulselles, les
Monomyaires ne peuvent, en raison de leur forme déjà tant soit
peu arrondie, former des bouquets analogues à ceux que con-
stituent les Mytilus et certaines Dreyssensia; ilen résulte qu'ils
ne peuvent, comme ces animaux qui se soutiennent en quelque
sorte les uns les autres, vivre en céphalothétisme et qu'ils
tombent de toute nécessité sur une de leurs valves affectant la
|
h Fig. 25. — Schéma destiné à montrer la marche de la monomyairisation (Pecten
maximus Linn.) — F, ligament fibreux; E, ligament élastique; M, muscle
adducteur postérieur.
position pleurothétique. De cet habitus pleurothétique résulte
l'apparition d'un certain nombre de caractères. D'abord, par le
| fait de la position pleurothétique, le byssus qui, lui, reste atta-
| ché au substratum horizontal, creuse en quelque sorte son sillon,
sa trace, son passage sur la valve devenue inférieure, sur
laquelle on peut voir, chez les Aviculidæ et les Pectinidæ à byssus,
une encoche très nette et très caractéristique qui n'existe pas
sur l’autre valve. Puis, sur les Monomyaires plus évolués, le
byssus devenu inutile, disparait et, avec lui, le dernier vestige
de l'adaptation anisomyaire.
264 R. ANTHONY
De plus, comme chez les Diisomyaires pleurothétiques, la
symétrie coronale tend, pour les mêmes raisons, à remplacer
la symétrie sagittale: les deux valves s’éloignent morpholo-
giquement l'une de l'autre ; chez l'Avicula radiata Desh., lune,
la supérieure, la gauche est toujours plus bombée que l'infé-
rieure., La mème particularité peut être constatée, plus accen-
tuée même, chez le Pecten opercularis Linn. et le Pecten varius
Linn. qui présentent aussi un aplatissement d'une des valves,
l'inférieure, c’est-à-dire celle qui porte l'échancrure byssale.
Tout en réalité se passe comme si l'animal, sans cesse secoué
par les vagues au bout de son byssus, retombait au moment du
calme sur une de ses valves, laquelle prendrait, au cours de son
développement, par le fait de la pression sur le sol, une forme
aplatie. Avec l’aplatissement de la valve droite se produit natu-
rellement, chez l'Avicule et les autres Monomyaires les moins
évolués, l'aplatissement de toute la partie droite du corps, laquelle
se traduit par la réduction progressive de tout l'appareil muscu-
laire de ce côté. Ce processus de réduction de l'appareil muscu-
laire peut être aisément suivi dans la série des Monomyaires.
Prenons comme point de départ un Anisomyaire typique,
bien symétrique par rapport à son plan sagittal, le Mytilus
edulis Linn. par exemple. Si l'on ne tient pas compte des
muscles du manteau, on peut voir qu'il existe chez ces animaux
les muscles suivants :
1 adducteur antérieur.
1 — postérieur.
2 rétracteurs antérieurs du pied.
2 — postérieurs du pied.
2 — du byssus.
Ces muscles sont, comme tous les autres organes de l'animal
d'ailleurs, symétriques parrapportau plan sagittal(Voy. fig. 26,1).
Chez l'Avicula radiata Desh (fig. 26, Il) la disposition est sen-
siblement la mème, avec cette différence que l'adducteur anté-
rieur est absent (passage à la monomyairie), que les rétracteurs
du byssus sont réduits et plus où moins confondus avec les
rétracteurs postérieurs du pied (disparition progressive du
byssus en rapport avec le pleurothétisme des Monomyaires) et
enfin que le rétracteur antérieur du pied du côté de la valve la
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 265
plus aplatie est complètement atrophié, transformé en tissu
fibreux (Voy. fig. 26).
Chez le Pecten opercularis Linn. (fig. 26. III) la régres-
Son est encore plus marquée; avec le byssus, les rétracteurs
Fig. 26. — Régression de l'appareil musculaire chez les Monomyaires sous l'influence
du pleurothétisme. — I, Mytilus edulis Linn.: II, Avicula radiata Desh.
IT, Pecten opercularis Linn.; IV, Ostrea edulis Linn.: p. pied; m, muscle
adducteur postérieur: s, rétracteur supérieur; à, rétracteur inférieur.
du byssus et les rétracteurs du pied ont complètement dis-
paru. Des rétracteurs postérieurs, celui-là seul correspondant
à la valve supérieure existe encore; c'est, nous dit Jack-
son (90), parce qu'il se trouve être dans le plan de traction
(Voy. fig. 26).
Chez l'Oxtrea edulis Linn. (fig. 26, IV) enfin, où le pleu-
rothétisme a alteint son maximum de caractérisation, et où
la fixation existe, le pied et le byssus ont complètement
266 R. ANTHONY
disparu et avee eux toute leur musculature; le muscle
adducteur postérieur reste seul.
- JLa été dit un peu plus haut comment, par le fait seul de la
monomvyairisation, la forme arrondie tend déjà à s'établir. Une
autre circonstance peut amener l'arrondissement à un état de
OS
ne
on
Hors Coupe sagittale de Peclen opercularis Linn. — 1, bouche; 2, anus;
3, pied (la coupe n'a pas passé par le byssus); 5, muscle adducteur postérieur ;
6, cœur.
perfection plus grande, et continuer ainsi, en quelque sorte,
l'œuvre morphogénique de la monomyairisation, c’est la fixation
qui se produit pour certaines formes, comme les Huiîtres et les
Spondyles par exemple. Chez les Monomyaires la fixation pleu-
rothétique tend à amener l'arrondissement pour les mêmes
causes que chez les Dynuaires, et cet arrondissement, poussé
dans ses dernières limites, entraine aussi les mêmes modifica-
tions organiques : €’est ainsi que la branchie se plisse, quelle
que soit d'ailleurs sa structure (Huitre, Mullérie), que le cœur se
projette ventralement par ra pport à l'intestin qui nele traverse
plus.
Comme chez les Dymiaires aussi, outre l'arrondissement, la
fixation pleurothétique entraine l'aplatissement de la valve deve-
nue supérieure, qu'on appelle pour ce fait opereulaire, etle creu-
sement de la valve devenue inférieure (Voy. Edm. Perrier (04).
en nd D QE ee fe
“
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 267
En résumé, donc, les Monomyaires sont tous pleurothétiques
et possèdent de ce fait une symétrie coronale. Au point de vue
de leur adaptation ils peuvent être divisés en trois catégories :
Les byssifères (semblant être les formes primitives et de passage avec
les anisomyaires).
Les libres
Le $ ériver remiers.
Les fixés € semblant dériver des pre
Les 4yssifères possèdent, comme leur nom l'indique, un
byssus qu'ils tiennent de leurs ancètres dianisomyaires, et chez
Fig. 28. — Coupe sagittale d’Osfrea edulis Linn.. — 1, bouche ; 2, anus : 5, muscle
adducteur postérieur ; 6, cœur.
eux c'est la valve inférieure qui est aplatie par a pression sur le
sol auquel le byssus Paccole. Le musele est encore éloigné du
centre de figure de la coquille.
Chez les libres et les firés, c'est la valve supérieure qui est
aplatie; la valve inférieure se creuse, au contraire, le byssus
n étant plus là pour l'accoler au sol et en maintenir rapproché
le bord libre. Comme chez les Dimyaires fixés en pleurothé-
üisme, cette modification est vraisemblablement, comme la
expliqué Edm. Perrier (04) sous la dépendance de Faetion indi-
recte de la pesanteur agissant sur la masse des organes. Le muscle
unique est sensiblement rapproché du centre de figure de la
coquille.
Les formes libres et les formes fixées dérivent vraisembla-
blement de formes byssifères ayant perdu leur byssus.
268 R. ANTHONY
Il est, parmi les Monomyaires, un phylum éminemment inté-
ressant, dont l'évolution semble avoir été toute différente de
celle des autres Acéphales du groupe et qui mérite, de ce fait,
une mention toute particulière, c'est celui des Anomidæ.
Les Anomüdæ sont, comme on le sait, des Monomyaires
fibranches qui présentent une structure de branchie extrê-
mement primitive. Is possèdent un byssus, devenu souvent
pierreux, extrêmement solide, et qui, passant par un orifice
de Ja valve inférieure, S'attache sur des coquilles d’autres
Acéphales, très souvent sur nos côtes sur celles du Pecten
marimus Linn.. Leur valve aplatie est la valve inférieure,
comme chez les Monomyaires byssifères d'ailleurs, les Avicules
et les Pectens à byssus. On comprend aisément comment
l'appheation de animal au substratum, par son byssus, peut
amener cel aplatissementau cours du développement. L'organi-
sation étrange des Anomies semblait une énigme à tousles z0olo-
gistes, lorsque M. de Lacaze-Duthiers (54) fit paraître son
remarquable mémoire dans lequel il explique si nettement leur
morphologie. En se développant, la coquille entoure peu à peu
de ses couches calcaires successives le byssus qui, à un certain
moment, semble sortir par un orifice percé dans la valve.
Comment se fait-1l que les Anomies n'aient pas perdu leur
byssus pour les mêmes raisons que les autres Monomyaires? La
chose semble pouvoir S'expliquer par ce fait, que les Anomies
S'attachent, comme on le sait, très souvent sur Les valves oper-
culaires de Perten marins Linn.. Ces derniers exécutent des
mouvements très violents: dans ces conditions, la persistance
du byssus était utile, pour ne pas dire indispensable, et on peut
concevoir que, afin de ne pas être détachée et lancée au loin,
à chaque mouvement de son hôte, l'Anomie ait augmenté peu à
peu sa sécrétion byssale dont le produit aurait pris une consis-
tance particulière, En se développant, la coquille ayant, comme
chez tous les animaux fixés, la tendance à prendre la forme
arrondie que l'on sait, aurait contourné et entouré le byssus de
ses zones calcaires, et ainsi se serait établie la disposition que
de Lacaze-Duthiers à si bien mise en lumière.
Mais, supposons que certaines Anomidæ aient cessé de vivre
sur le Pecten marinus Linn. et autres animaux analogues, et
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 269
se soient fixés à un autre substratum, un rocher, par exemple.
Dans ces conditions le
byssus devenait inutile,
l'animal reposant sufi-
samment par l’une deses
valves, et ne devait pas
tarder à entrer en ré-
gression. C'est ce que
l'on constate d'ailleurs
très bien chez les Carolia
fossiles, chez lesquels on
peut suivre l'oblitération
progressive de lorifice
byssal de la valve infé-
rieure el la régression
des muscles rétracteurs
du byssus. La régression
de l'appareil byssal est
complète chez la Plu-
cuna où les deux valves
sont devenues sembla-
bles, la valve supérieure
ayant perdu la convexité
qui caractérise les Ano-
müdeæ.
On peut done établir,
au point de vue de l'ori-
fice byssal seul, la série
suivante :
Forme Anomia.
Forme Carolia.
Forme Placuna (1).
En même temps que la
régression de lPappareil
byssal se produit, le mus-
Fig. 29. — Figurc destinée à montrer la progres-
sion du muscle adducteur versle centre de figure
de la coquille. — A, Anomie; C, Carolie; P, Pla-
cune. Le ligament fibreux est marqué par un trait
plein, le ligament élastique par des hachures,
le muscle par un grisé.
(1) Voy. particulièrement à ce sujet le travail de Fischer (80).
270 _R. ANTHONY
cle adducteur unique semble, comme dans toutes les autres
séries de Monomyaires, se rapprocher de plus en plus du cen-
tre de figure de la coquille, et le phylum des Aromüdie pré-
sente ceci de très particulier qu'il est le seul où, dans le genre
Placuna, le centre de figure de la coquille est mathématique
ment atteint par le musele adducteur unique. Chez les Placuna,
Fig. 30. — Coupe sagittale de Placuna sella Lmck. — 1, bouche; 2, anus; 3, pied
5, muscle adducteur postérieur; 6, cœur.
les trois points (appui, résistance, puissance) sont en ligne droite
etilestcurieux de suivre les modifications subies par le ligament
par le fait de Pétablissement de cet état de choses particulier.
Chez l'Anomie, le muscle adducteur est encore loin du centre
de figure de la coquille, et le Higament à une forme allongée et
très légérement courbe. Chez la Carolie le muscle adducteur
s'est rapproché du centre de figure de la coquille, et le Higament
prend la forme très nette d'un croissant à concavité ventrale.
Enfin. chez la Placune, le muscle adducteur à atteint le
centre de figure et le ligament est nettement divisé en
deux parties situées chacune de part et d'autre du musele
(Voy. fig. 29). Cette disposition me semble facile à expliquer
par l'écrasement s'exerçant toujours au même endroit que doit
produire la contraction du muscle unique. C’est un exemple
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 21
de Fadaptation à la compression, analogue à ceux que j'ai
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HN" 2 ao VZ
Fig. 31. — Tracés des mouvements d'ouverture et de fermeture des Acéphales
suivants. — I, Psammobia : Il, Lutraria elliptica Lmck.: IL et IV, Mytlilus edulis
Linn; V, Ostrea edulis Linn.: VI, Peclen maximus Linn.. La flèche qui monte
indique l'ouverture et celle qui descend la fermeture : agrandis du double.
mis en lumière à propos de la morphogénie des muscles des
Vertébrés.
279 R. ANTHONY
La Placune, par sa forme parfaitement arrondie, son muscle
exactement central, son double ligament, est donc la forme la
plus évoluée des Monomyaires, celle qui, en quelque sorte, elôt
la série. C’est le type schématique, parfait en quelque sorte, des
Monomyaires, comme le Pectuneulus que nous avons trouvé au
début de la série des Acéphales est le type parfait et schéma-
tique des Dimyaires, et il est curieux de comparer lun à l'autre
ces deux types simples, tous deux de forme arrondie, l'un qui
ouvre la série et l’autre qui la ferme.
Chez le Pectunculus, les deux muscles adducteurs sont égaux
et la résultante (F) des deux forces qu'ils représentent se trouve
être exactement sur la ligne passant par Pappuret la résistance.
Là aussi les trois points sont donc en ligne ; Pinscription du
mouvement de fermeture est un simple trait, le tvlet passant,
au retour, par le même chemin qu'à laller. n'y a pas de rota-
tion des valves.
Chez le second, la Placune, 1 n°4 à qu'un seul musele adduc-
teur, mais, par contre, il y à deux ligaments dont la résultante
tomberait également sur la ligne déjà nommée, et les trois points
sont encore icien ligne droite. Il semble évident que si j'avais
pu étudier le mode de fermeture de la Placune, je n°v aurais
pas plus trouvé de rotation des valves que chez le Pectunculus.
Enfin, comme {vpe éminemment spécial dans le groupe des
Monomyaires, il convient de citer encore les Mulleries. Ce semble
être des Monomyaires qui, par une exception qui ma paru
unique, dériveraient de formes anisomyaires qui le seraient
devenues, non par le fait de Ta présence d'un byssus, comme
c'est le cas général, mais par le fait d'une fixation pleurothé-
tique étroitement limitée à la région antérieure. Leur mor-
phogénie possible à 616 exposée au paragraphe des Dianiso-
myaires, je n'y reviendrai pas. |
En terminant cette trop longue introduction à l'étude de la
morphogénie des Mollusques Acéphales, il me semble indispen-
sable de bien mettre, une fois pour toutes, le lecteur en garde
contre une erreur d'interprétation possible el qui consisterait
à regarder comme des faits acquis toutes les hypothèses qui
ont été émises ici pour essayer de donner une idée de la
facon dont ces formes diverses ont pu se constituer. Je crois
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 273
aussi devoir le prévenir que cette étude générale que je viens de
tenter de faire est encore loin d'être complète et ne doit point
être considérée comme telle: bien des points de détail ont
été laissés à dessein dans l'ombre, afin qu'en soient plus nettes
les grandes lignes de l'évolution du groupe telle que je la com-
prends, et bien des animaux, bien des types d'organisation
SpéCIaux, où n'ont pu, faute de documents, être examinés,
ou, en raison de leurs particularités mêmes, ont été négligés.
Cette introduction n'a donc pas la prétention d'être un exposé
complet, c'est simplement un ensemble d'indications qui m'ont
semblé importantes.
Enfin, j'ai cru bien faire en résumant dans un tableau
Synoplique qui n'a, comme je l'ai déjà dit, rien de commun
avec une classification systématique, les différents types d’or-
ganisation d'Acéphales envisagés indépendamment de leurs
affinités.
!: Abdomino- \ tunculus.
| ( ‘Libres : Nucula, Peë-
thétiques. }
Byssifères : Area.
Eu- ! 1° Catég. : Unio, Cardi-
thétiques. | ta.
Céphalo- 2e Catég. : Cardium,
Déc | thétiques. | Venus.
+ ... | myaires. 3° Catég. : Lutraria,
. |Dimyaires. / \ Pholas, Teredo.
un
ei
= / Libres : Corbula, Pan-
& dora.
ë
k | Pleurothétiques ....... Fixés : Chama, Æthe-
| ria, Hippurites, Myo-
chama, Chamostrea,
| Dimya.
| Dianisomyaires : Mytilus, Dreyssensia, Tridacna.
Byssifères: Avieula, Anomia, Pecten opercularis Linn.
Monomyaires... : Libres : Pecten maæimus Linn.
Fixés : Spondylus, Ostrea.
AE A
J'ai, de plus, essayé d'appliquer à la connaissance de Ia phy-
logénie les notions morphogéniques précédemment acquises,
d'esquisser la marche de l’évolution possible du groupe des
ANN. SC. NAT. ZOOL. 1,18
274 R. ANTHONY
Acéphales, du moins des formes principales de ce groupe, de
celles que j'ai pu étudier au point de vue spécial auquel je me
suis placé.
Les animaux primitifs abdominothétiques qui paraissent
avoir été les ancètres de tous les Acéphales et qu'on peut se
figurer comme des sortes de Nucules à pied vraiment replateur,
semblent s'être différenciés dans deux directions, celle des
Nueules qui, tout en ayant conservé un grand nombre de carac-
tères primitifs se sont adaptés à un mode de locomotion tout
particulier dont il a été question plus haut, et celle des Protar-
cidæ qui, par la perte de leurs facultés de locomotion, ont vu
leur pied diminuer de volume, leurs glandes pédieuses s'ag-
elomérer et le produit de sécrétion de ces dernières se solidi-
fier. Ces abdominothétiques devenus byssogènes semblent
avoir évolué aussi dans deux sens différents, en faisant abstrac-
tion du phylum particulier des Axomtidæ, les Anisomyaires
(Mytilidæ) et les Céphalothétiques chez lesquels le byssus est
entré en régression. Toutefois l'on doit dire qu'entre ces Pro-
tarcidæ abdominothétiques et filibranches et les Submytilacea ii
ya un fossé profond. On ne connait pas, en effet, ainsi que
Pelseneer l'a, d'ailleurs, constaté pour la branchie, la forme
de passage d'un groupe à l'autre : de la forme abdominothétique
on passe immédiatement aux Céphalothétiques francs, des Fili-
branches les plus primitifs aux Eulamellibranches parfaits.
Certains types de ces Céphalothétiques ont donné naissance,
soit à d’autres Anisomyaires chez lesquels le byssus s'est déve-
loppé à nouveau (Tridacnes qui proviennent des Cardium),
soit à des Pleurothétiques (Chames). Les Anisomyaires prove-
nant directement des Euthétiques byssaux ont donné toute la
série des Monomyaires, sauf un seul type, les Mulleria qui
semblent, par une exception curieuse, provenir directement
de formes fixées en pleurothétisme. Ges hypothèses concor-
dent en grande partie avec celles que Pelseneer à émises au
cours de ses remarquables travaux et auxquelles d'ailleurs il est
arrivé par une voie toute différente.
DEUXIÈME PARTIE
Dans le précédent chapitre j'ai essayé d’esquisser les grandes
lignes de là morphogénie probable des principaux types d'Acé-
phales. On à vu, brièvement exposé, comment sous l’action des
causes extérieures où du fonctionnement particulier de leurs
organes, des animaux appartenant à des groupes naturels très
différents ont pu converger vers des types d'organisation ana-
logues. Reste maintenant pour chacun des différents groupes
énumérés, à reprendre les choses avec plus de détails, en étu-
diant dans ce qu'elles peuvent avoir d'inédit et d'important
pour le point de vue spécial auquel nous nous placons, la
morphologie, Fembryogénie et la physiologie de chaque type.
afin de pouvoir établir ainsi pour chacun d'eux, d’une facon
précise et aussi complète que possible, les caractères de conver-
sence el, autant que faire se pourra, les causes morphogéniques
qui ont déterminé l'analogie de leurs formes.
J'ai choisi pour le moment le groupe des Acéphales diiso-
myaires actuels fixés en position pleurothétique.
On peut se demander Pourquoi J'ai choisi pour cette étude
ce groupe de préférence à tout autre. Les raisons déterminantes
de ce choix ont été les suivantes : d'abord ces animaux sont,
au point de vue morphologique {morphologie extérieure, ana-
tomie, histologie), [très peu connus, comme on le verra plus
loin; de plus, les conditions d'existence élant à peu de chose
près identiques pour tous, on se trouve sans cesse en présence
de faits de convergence remarquablement nets et abso-
lument probants ; les causes morphogéniques sont également
en ce qui les concerne relativement simples et faciles à mettre
en évidence; le fait que le groupe est très nettement circonserit
faisait encore qu'il se prêlail bien à une étude d'ensemble : enfin
276 R. ANTHONY
j'ai pensé que l'étude comparée de ces formes actuelles pouvait
présenter un intérêt spécial pour les géologues et les paléonto-
logistes, en leur fournissant des documents pour l'interpréta-
ion de l'organisation et la détermination des affinités des
Rudistes qui ont tant d'importance pour eux.
J'avais d'abord songé à étudier le groupe des Dianisomyaires
sur lesquels j'ai recueilli de très nombreux et très intéressants
documents ; mais la tâche eût été trop longue pour faire l'objet
d'un seul mémoire, et, J'ai dû y renoncer pour l'instant, me
réservant de reprendre cette étude plus tard : les faits de con-
vergence en outre sont moins nets, et, le groupe est moins net-
tement limité présentant des transitions insensibles vers les
Isomyaires par Îles Modioles, vers les Monomyaires par les
Avicules et autres formes voisines. Les types d’Acéphales
dimyaires fixés en position pleurothétique constituent six
familles, dont voiei les principaux genres M}:
AS MIND D Le Era eee Dimya.
APT PLEIN ER NS MS LE LL EN D Dimyodon.
DO HAMIDEL. Un bete ee Chama.
Diceras.
Heterodiceras.
Requiena.
Toucasia.
Gyropleura.
Bayleia.
Plagioptychus (?).
Etc.
30 MYOCHAMIDÆ ....:-.....-+ Myochama.
40 (HAMOSTREIDÆ. ..-....-"" Chamostrea.
Bo ÆTHERNDÆ(2)........-...-.: Ætheria.
Go Runisre (9)... Mes Hippuriles.
Sauvagesia..
Radiolites.
Biradiolites.
Etc.
70 CHONDRODONTIDE (4#)............ Chondrodonta.
(1) Les noms de genre en italique se rapportent à ceux existant encore à
l'époque actuelle.
(2) Le genre Mulleria qui est Monomyaire, et le genre Bartlettia qui est Dia-
nisomyaire peuvent ètre rattachés en raison de leurs caractères anatomiques
à la famille des Ætheriidæ.
(3) Le principe de la répartition des genres dans les deux familles des
Chamidæ et des Rudistæ sera expliquée et commentée plus loin.
(4) Les Chondrodontidæ semblent ètre, d'après les recherches de Douvillé,
des Dianisomyaires voisins des Pinnidæ fixés en position pleurothétique.
CHAPITRE PREMIER
DIMYIDÆ
Historique. — La première fois qu'il est question de Dinyidæ,
cest dans un travail de Rouault (50), datant de 1850, sur
les fossiles de l'Éocène des environs de Pau. Il y est décrit
l'espèce Diomya Deshayesiana (Rouault). Depuis, en 1886,
Munier Chalmas décrivit une autre forme de Dimyidæ du
Bathonien, dont 1l fit le genre Dimyodon. Tout dernièrement
enfin, Cossman (92) décrivit une Dimya provenant de l'Éocène
supérieur des environs de Paris, la Dimya Bonneti (Coss-
man) (1). L'Anomia intustriata (Rouault), décrite dans le même
mémoire que la Donya Deshayesiana (R), paraît également être
une Dimya quoiqu'il me semble que l'on doive faire toutes
réserves à ce sujet (en tous cas, ce n’est point une Anomie),
l'Acéphale en question pouvant fort bien au surplus être une
Plicatule. En plus de ces formes fossiles Dimya et Dimyodon,
il existe aussi une Dinya actuelle qui a été draguée dans la mer
des Antilles, par le « Blake », et à laquelle Dall (82) en 1882
a donné le nom spécifique de Dinya argentea (Dall). Cet auteur
fournit au sujet de cet animal d’ailleurs un certain nombre de
renseignements anatomiques qui seront énumérés plus loin.
Morphologie.
Pour la description morphologique des Dinyidæ, 1 convient
de se reporter aux figures qu'en ont données Rouault (50),
Munier-Chalmas (86), Cossman (92) et Dall (82). Pour l'étude
personnelle que J'ai voulu en faire, j'ai dû me contenter, en
premier lieu de l'examen de quelques exemplaires semblant se
rapporter à l'espèce Anomia intustriata de Rouault et provenant
de l'Éocène supérieur des localités suivantes : Pont du Louër.
(1) L'exemplaire d'après lequel Cossman a fait sa description appartient à
M. Bonnet qui me l’a aimablement confié. C'est d'ailleurs le seul exemplaire
certain de Dimya que j'aie eu à ma disposition.
278 R. ANTHONY
Bos d’Aros, villa Marbella, qui ont été aimablement mis par
M. Douvillé à ma disposition.
Sur la plupart de ces exemplaires la région cardinale extrê-
mement mince à été brisée; il en résulte une apparence d'échan-
crure située dans la région cardinale de la coquille; par la pré-
sence de cette échancrure et l'ensemble des autres caractères,
les individus de Bos d’Aros et du Pont du Louër sont abso-
lument semblables aux animaux auxquels Rouault, prenant
vraisemblablement, ainsi qu'on peut s'en rendre compte par
l'examen de la figure qu'il donne, cette cassure cardinale pour
l'échancrure byssale des Anomies, à donné le nom d'Anomia
intustriata (R). Toutefois un certain nombre de valves intactes
que J'ai eu la chance d’avoir, m'ont permis de voir bien nette-
ment qué ces animaux n'étaient en rien des Anomies et de
redresser ainsi l'erreur de Rouault.
Par leur aspect général les formes de Bos d'Aros et du Pont du
Louër semblent bien être, soit des Dimya, soit peut-être des Pl
catules, l'impossibilité de voir les impressions musculaires empé-
chant detranchercatégoriquementcettequestion. Les exemplaires
de Villa Marbella ne présentaient pas davantage d'impressions
musculaires visibles, de telle sorte que dans lincertitude, je
ne décrirai aucune des formes provenant de ces trois localités.
Outre ces exemplaires imparfaits et douteux, et pour lesquels
en l'absence d'impressions musculaires nettement visible, on
pourrait en somme hésiter entre Dinya et Plicatula, J'ai pu
examiner une superbe valve de Dynix Bonneti (Cossm.) indu-
bitable celle-là, provenant du Lutétien des environs de Paris,
que M. Bonnet à mise à ma disposition. C’est justement celle qui
a déjà été décrite et nommée par Cossman. N'avant pu étudier
lexemplaire de Dimyodon Schlumbergeri (Mun.) provenant du
Bathonien d'Hérouvilette, nila Dimya Deshayesiana de Rouault,
ni la Dynia argenteu (Dall) actuelle, draguée par le « Blake »
dans la mer des Antilles, c'est à cela seul que se réduisent
mes documents personnels sur les Dimyidæ.
Coquille. — La Dimya Bonneti (Cossm.) est représentée par
une valve gauche complète et un fragment de valve négligeable.
Cette valve gauche était une valve libre. En effet, d'après les
exemplures décrits et figurés par les auteurs, ainsi que d'après
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 279
ceux moins certains qui m'ont été confiés par M. Douvillé et
dont il vient d’être question plus haut, les Dinyidæ (Dinya et
Dimyodon) sont toujours fixées par leur valve droite et la
zone de fixation très considérable s'étend aussi bien en avant
qu'en arrière (Voy. fig. 57). Chez la Dimya Bonneti (Cossm.)
la valve qu'on possède est à peu près arrondie, quoique, comme
tous les autres Diniydæ, légèrement allongée en arrière suivant
un axe oblique. Sa face extérieure présente à considérer un
crochet peu marqué silué à peu près dans le milieu de son
bord dorsal, et possède aussi des stries d'accroissement très
visibles. Sa face antérieure très légèrement creuse (l'animal avait
comme toutes les Dinya une forme aplatie de droite à gauche)
présente des côtes rayonnantes qui ne sont pas visibles sur la
face extérieure. Ce caractère semble d'ailleurs commun à toutes
les Dimya connues, y compris les fausses Anomia intustriata
de Rouault. D'après Munier-Chalmas (86), le Dimyodon ne pré-
senterait pas ces côtes radiales internes. Sur la Dimya Bonnet
(Cossm.) les deux impressions musculaires sont très visibles :
l'une l'antérieure est plus étroite et plus rapprochée de la région
cardinale que la postérieure. Ces caractères se retrouvent
d'ailleurs chezle Dinyodon Schlumbergeri (Mun.-Chalm) et chez
les Dimya Deshayesiant (Rouault) et argentea (Dall). Toutefois
ces deux derniers animaux présentent en dedans de l'impres-
sion de l'adducteur postérieur une autre impression musculaire
décrite à part par les auteurs et que n'ai pas retrouvée chez
Dinya Bonneti (Cossman).Ilsemble évident que l'interprétation
de ces dernières impressions doit être la suivante : ou la plus
postérieure correspond à la partie lisse du muscle adducteur., et
l'autre à sa partie striée ; ou la plus postérieure correspond au
muscle adducteur, alors que l'autre correspondrait à un rétracteur
postérieur du pied. Cette dernière opinion semble peu probable,
les Dimya devant avoir en raison de leur fixation un pied très
réduit, L'impression palléale, très nette, est dépourvue de sinus.
La région cardinale est très intéressante: d'abord le bord mar-
_ ginal de la coquille est assez fortement épaissi et présente au
| voisinage de la région cardinale, en avant et en arrière, de
très fines dents transversales souvent peu visibles. Au milieu
de la région dorsale à peu près, ces deux bords se reJoignent,
280 R. ANTHONY
laissant entre eux une petite fossette triangulaire, dans laquelle,
malgré la fossilisation, a persisté un reste de Tigament. Cette
disposition de la région cardinale de la Démya Bonneti Cossm.
se retrouve chez mes types incertains ainsi que chez les autres
Dimya représentées par les auteurs. Seul, le Dimyodon Schlum-
bergeri (Mun.-Chalm.) présente de chaque côté de la fossette
ligamentaire une grande dent cardinale garnie elle-même de
pelites denticulations transversales. Ce détail a son importance,
comme on le verra plus loin.
Parties molles. — Je serai bref sur la description des parties
molles de la Dimya argentea Dall. Tout ce que nous en con-
naissons a été dit par Dall (82) et est d’ailleurs, semble-t-il,
un peu insuffisant. Qu'il suffise de rappeler que d'après cel
auteur, le muscle adducteur postérieur semblerait formé de
deux parties nettement distinctes. Les deux lobes du manteau
sont séparés, le pied est absent et les branchies, filamenteuses,
comme celles des Arches, seraient réduites à une seule lame de
chaque côté, chose remarquable et qui aurait besoin, dit Pelse-
neer (88), d'être contrôlée à nouveau.
Les autres détails de l'organisation, ne semblent pas impor-
tants au point de vue des affinités ou de la morphogénie.
Embryogénte.
Les formes jeunes des Dinyidie sont complètement mconnues.
La forme la plus petite de Dimya que je connaisse est ce spécl-
men provenant du Pont du Louër, de détermination incertaine.
C’est une valve fixée sur un gros Foraminifère qui présente à
peu près 3 millimètres de long (diamètre antéro-postérieur).
Cet animal a dù se fixer à un âge très jeune. Il présente les
caractères des formes adultes, avec cette particularité qu'on
semble y voir, fait qui serait très mtéressant, un reste des deux
dents garnies de dentieulations, caractéristiques des Dimyodon.
Les formes adultes recueillies au même endroit ne présentent
plus trace de ces dents.
Physiologie.
Tout ce que lon peut dire au sujet des Dimyüdæ, c'est
qu'elles ont été et sont encore des formes de mers chaudes.
—— 0. es FC EST
De
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 281
Les Dimyodon etles Dimya fossiles les uns dans le Bathonien,
les autres dans l'Éocène, ont toujours été rencontrés avec les
formes ordinaires des mers chaudes.
La Dimya argentea all à été draguée, comme lon sait, dans
la mer des Antilles, dans la zone équatoriale par conséquent.
Ces animaux vivent fixés sur des roches ou des débris de
coquilles, par une de leurs valves, par conséquent en pleuro-
thétisme. La zone de fixation est toujours très considérable,
s'étendant également en avant et en arrière. De plus, les couches
calcaires sont toutes adhérentes au substratum. La valve par Fa-
quelle se fait la fixation est foujours, comme on la dit, a valve
droite. L'étendue de la zone fixée fait supposer que là fixation
doit être très précoce (Voy. fig. 57).
Affinités.
D'assez nombreuses opinions ont 6t6 émises sur la place qu'il
convient de donner aux Dinyide dans la classification.
Rouault (50), le créateur du genre, les considère comme
des formes anormales de Monomyaires, et, se basant sur
la disposition de leur région cardinale ainsi que sur Îles or-
nements extérieurs de leur coquille, 11 les place auprès
des Pecter, des Spondyles et des Plicatules. Dans son traité
de conchyhologie, Woodward (56) adopte cette opinion. Un peu
plus tard, Fischer (83), Zittel (87) et Bernard (95) font de même,
Pelseneer (88) semble suivre la même tendance, et, tout der-
nièrement enfin, Cossman (92) reprit avec beaucoup plus de
timidité, il est vrai, l'opinion de Rouault. Stoliczka d'autre part,
attachant avec raison une plus grande importance à la pré-
sence des deux muscles adducteurs, avait voulu rapprocher
les Dinya des Myochamu«.
De tous les auteurs qui se sont occupés des Dinmyidæ, le plus
aple à donner son avis sur leur position systématique est
incontestablement Dall (82), qui seul à pu étudier anatomique-
ment la Dimya argentea Dall draguée par le «Blake » et dont
la coquille est absolument semblable à celle de la Dimya
Deshayesiana (Rouault).
Il semble par conséquent raisonnable de supposer que les
caractères dont 1l à constaté la présence chez la première de
282 PR. ANTHONY
ces espèces aient aussi appartenu à la seconde. Or, Dall, après
avoir énuméré les caractères anatomiques de la Dimya argenteu,
S'abstient de donner catégoriquement son avis sur ses affinités.
Que convient-1l, en résumé, de penser de la position systé-
matique à donner aux Dimyidæ?
Il est d'abord un fait important de leur organisation à re-
marquer, c'est que ce sont des Filibranches. Ce simple fait
suffit à infirmer Popinion de Stoliczka et à les éloigner des
Myochamidæ qui se rattachent, ainsi que nous le verrons plus
loin, aux Axatinidæ et sont par conséquent des Eulamelli-
branches très évolués.
Quant à la présence de deux muscles adduoteurs, elle me
semble avoir une bien plus grande importance que celle que
Rouault paraît lui attribuer.
Les Acéphales monomyaires provenant indubitablement
d'Acéphales diisomyaires par Fintermédiare d'Acéphales
dianisomyaires, on ne peut admettre que dans un seul groupe
de Monomvaires, et, par le fait d’une anomalie dont on ne pour-
rat d'ailleurs expliquer l'origine, et se transmettant hérédi-
tairement, les deux muscles aient réapparu. ne me semble
pas non plus qu'on doive avec Pelseneer (88) les considérer
comme des ancêtres des Pectinidés, ces derniers ayant dù
passer comme tous les Monomyaires par une forme aniso-
myaire à laquelle ne parait pas conduire la fixation pleurothé-
üique. C’est donc, à mon sens, parmiles Fihbranches dimyaires
que les proches parents des Dinya doivent être recherchés.
n'existe que deux familles de Filibranches dimyaires : les
Trigonideæe etles Arridæ.
La première, en raison de ses caractères tout particuliers, me
semble devoir, jusqu'à plus ample informé, être éliminée, bien
que toutefois les dents de Ta charnière des Donyodon ne soient
pas sans rapports avec celles des Trigonies.
Reste Ia. famille des Arrcidæ. C'est d'elle, en effet, que les
Dinyidæ doivent, à mon avis être rapprochées. Comme elles,
les Dimyidæ sont dimvaires et filibranches, et le fait, S'il est
confirmé, qu'elles ne possèdent qu'une seule lame branchiale
de chaque côté alors que les Arcidæ en ont deux, ne doit pas
les faire écarter de ces dernières surtout lorsqu'on sait combien
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 283
peu d'importance peut avoir ce fait au point de vue systé-
matique : chez certains Lucinidiæ il n'y à qu'une seule lame
branchiale alors que chez d'autres la lame branchiale externe
est, comme on sait, complète.
Au point de vue des dents de la charnière, on pourrait
objecter que chez les Dinyidæ, on ne peut distinguer nette-
ment les dents en séries caractéristiques des Acide. A peut
fort bien se faire qu'elles aient disparu. D'ailleurs sur l'exem-
plaire de jeune Dünya (?) du Pont de Louër dont Jai parlé,
il existe un reste de plateau cardinal portant une série de petites
dents, peu accentuées 1lest vrai, de chaque côté. Le Dinyodon,
d’ailleurs plus ancien que la Dimya, possède de chaque côté
de son ligament une grande dent portant de petites dents
transversales un peu analogues, on l'a dit, à celles que l'on
trouve chezles Trigonies.
Quant au ligament qui semble formé, d'après les exemplaires
fossiles que j'ai eus sous les yeux et d’après la figure de Dall,
d'une petite portion triangulaire logée au fond de la fossette
cardinale, ilne semble pas impossible de le rattacher, en sup-
posant l'intervention d'une réduction, à celui des Pectuneulus
et des Limopsis.
Parmi les Arcidæ, l'animal qui se rapproche le plus des Dimya
est le Lonopsis, dont il existe au Muséum d'Histoire naturelle
un cerlain nombre d'exemplaires provenant des dragages du
« Talisman ». Comme les Dimya, les Limopsis sont aplatis
latéralement, quoique d'une facon moindre: leur contour
Sagittal est arrondi, tout en présentant une légcre obliquité
en arrière; l'impression de l'adducteur antérieur est plus
petite et plus rapprochée du ligament que celle de l'adduc-
teur postérieur, Les seules différences à signaler tiendraient
aux branchies dont les deux lames existent chez les Limopsis,
ainsi que j'ai pu le constater après Pelseneer (88), à la pré-
sence du pied et à la forme différente du ligament, toutes
différences pouvant être expliquées par la fixation el ses consé-
quences.
En résumé, les Dinyide semblent être des Arcidæ fixées
par une de leurs valves, en position pleurothétique. Les Dinyo-
don peuvent être au point de vue anatomique, comme au
284 R. ANTHONY
point de vue géologique d’ailleurs, considérés comme les
formes primitives de la famille.
Morphogénie.
Les Dimyidæe semblent pouvoir s'expliquer de là façon sui-
vante: lArcidé qui s'est fixé en pleurothétisme parait avoir
déjà possédé une forme arrondie et aplatie analogue à celle
du Pectuneulus où du Limopsis. La fixation par ensemble de
la valve à eu pour effet de parfaire en quelque sorte cel arron-
dissement. Chez les Azcidæ du tvpe Limopsis, les crochets étant
droits et le ligament étant disposé d’une façon à peu près symé-
trique de part et d'autre, l'arrondissement à pu s'acquérir très
simplement par la répartition égale suivant les rayons partant
de l'umbo des zones concentriques de substance calcaire. In°v
a pas 11 d'enroulement ni de pseudo-plicature comme chez les
animaux qui seront étudiés plus loin.
Lorsque l'arrondissement du bord cardinal est complet, on
conçoit qu'au moment de lécartement des valves (surtout si cet
écartement est considérable), ces dernières ne peuvent se
toucher que par un point et que le ligament doit tendre à se
réduire à ce point. Cette tendance se manifeste déjà chez les
Pectunculus et les Lunopsis, elle s'accuse davantage chez les
Dimya.
Le pied devenu sans usage chez un animal fixé ne {tarde pas
à disparaitre.
Ainst, la fixation explique à la fois la disparition du pied et
la forme arrondie, cette dernière expliquant en outre la ré-
duction du ligament.
Des conditions d'existence spéciale, des courants lents et con-
üinus (1) par exemple, peuvent dans une certaine mesure expli-
quer ce fait que les zones calcaires successives restent toujours
adhérentes au substratum au Heu de se relever comme dans
lÆtheria Caillaudi (Feruss) ; la forme aplatie de laquelle dé-
pendrait la disparition de la lame branchiale externe dont par le
(4) C'est de la même facon qu'il semble que lon puisse expliquer,
ainsi qu'on le verra plus loin, la forme spéciale de l'Ætheria Pettretini
Bet. :
e]
ta — "ll
A … — 0
D
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES loi
Dall et peut-être aussi celle des dents de la charnière pourrait
également être expliquée de la même façon.
En résumé, il semble qu'on puisse dire que les Dinyidæ sont
des Arcidæ probablement voisins des Limnopsis qui ont acquis
par le fait de la fixation pleurothétique leurs caractères spéciaux.
CHAPITRE II
CHAMIDÆ
Je réunis sous le nom de Chamidæ un certain nombre de
genres dont les principaux ont été énumérés un peu plus haut.
Peut-être ce groupement est-1l complètement artificiel et doit-
on plutôt au point de vue des affinités naturelles mettre dans
une famille les Chama seules, et dans une autre famille
toutes les autres formes plus anciennes telles que les Dicerus,
Heterodiceras, Toucasia, Requiena, ete, ete... C'est l'opinion
de quelques auteurs. La question, en tous cas, est assez
difficile à juger d'une façon définitive, par ce fait que
toutes Les formes que l’on réunirait dans ce deuxième groupe
sont des formes exclusivement fossiles et que leur organisation
ne peut, faute d'éléments de comparaison, être rapprochée de
celle des Chames. On est obligé de s’en tenir à la comparaison
seule des ornements de la coquille, du ligament et des dents de
là charnière. Or, précisément, le ligament et les dents de la
charnière sont de même type dans les deux groupes. Il n'y a que
les ornements de la coquille qui diffèrent, et encore, sont-ils
ares les cas où, chez les formes fossiles, on peutles voir. Mais
je ne crois pas qu'on doive attacher à ces ornements une trop
grande importance : les animaux réunis sous le nom de Vénéri-
de, par exemple, ont des ornementations bien différentes et
on ne peut cependant les séparer en raison de la forme des
dents de leur charnière. Ces différentes raisons m'ont fait
grouper dans la même famille les Chames et les Diceras sous
286 R. ANTHONY
le nom de Chamidiæ. On peut leur attribuer les caractères
communs suivants :
Mollusques acéphales, dimyaires, fixés en position pleurothé-
tique, tantôt par l’ensemble d'une de leurs valves, tantôt par Le
côté antérieur seulement; suivant les cas leur plan sagittal est
par conséquent parallèle ou oblique au plan de fixation. Dans
les cas où leur plan sagittal est horizontal, ils sont fixés dans
des polypiers à la facon d'un nid d'oiseau dans des branches
(Chama brassica Reeve).Ce sont des Acéphales marins, de forme
arrondie, l'arrondissement étant obtenu par une sorte d'enrou-
lement en hélice plus ou moins serrée. La charnière présente
deux dents cardinales à une valve avec une fossette intermé-
diaire, une seule où deux dents cardinales à lautre valve. Les
dents latérales antérieures ont toujours disparu ; les dents laté-
rales postérieures existent.
On peut diviser cette famille en deux tribus :
les Chamineæ,
les Diceralinee.
Cette réunion des Chamineæ et des Diceratinæ dans une seule
et même famille une fois admise, une autre question se pose,
c'est à savoir si les Chames et les Diceras font partie d'une
seule et même lignée. La plupart des auteurs résolvent cette
question par la négative, el je crois qu'ils ont raison. À ce point
de vue, en effet, la question de lornementation peut entrer en
ligne de compte, et, elle est très différente chez les Chames
et les Diceras: de plus enfin, argument capital, les Chames
tout en étant au point de vue de l'adaptation à la fixation pleu-
rothétique moins évoluées que les Direras et surtout les Æe-
quiena, ont au point de vue géologique fait leur apparition
beaucoup plus tardivement qu'eux. En effet, les premières
Chames on fait leur apparition à la fin du Crétacé et existent
encore aujourd'hui, tandis que les Dicératinés constituent un
phylum bien distinct qui à débuté à la fin du Jurassique et n'a
pas dépassé le Crétacé inférieur. Les Chames peuvent en
somme être considérées, et c’est l'opinion la plus généralement
admise, comme les formes de début d’une nouvelle série de
Dimyaires fixés en position pleurothétique et arrondis par
enroulement, qui est en train de se constituer. Elles semblent
PT "
Go 9 oo
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 287
provenir de la même souche que celle qui à donné, à la fin du
Jurassique, la série dont les Diceras ont marqué l'origine.
Dans ce chapitre, j'étudierai, aussi complètement que je le
pourrai et que cela sera nécessaire pour le point de vue auquel
Je me place, les Chaminæ actuelles (Cham).
Historique. — Les Chama ne sont guère connues que par leur
coquille; leur anatomie n'a été que très peu étudiée, leur embryo-
génie et leur physiologie sont presque entièrement à faire.
Au point de vue anatomique on doit signaler le livre de Poli
(91) sur les Mollusques des Deux Siciles, et qui contient quelques
indications sur lanatomie des Chames. Signalons aussi les
quelques renseignements anatomiques trop succincts que don-
nent à leur sujet les traités de malacologie : le moins bref à ce
point de vue est celui de Woodward (56). Différents auteurs
enfin fournissent sur elles quelques renseignements de détails,
tels T. Barrois (85), à propos de l'appareil byssal, Grobben, à
propos des glandes péricardiques, Lacaze-Duthiers, à propos
de l'appareil génital, Ménégaux (90), à propos de Fappareil cir-
culatoire.
Au point de vue embrvogénique les seuls renseignements
que je connaisse viennent de Jackson (90) etde F. Bernard (97).
Sur leur mode de vie et sur leur physiologie spéciale enfin,
on naque peu de détails, et les seuls renseignements précis
que j'aie pu trouver à ce sujet (sur leur mode de vie exclusi-
vement) émanent de Saville-Kent (93) et de François (89).
Étant donné que je n'ai point l'intention de me placer dans
ce travail au point de vue de la nomenclature, je ne décrirai pas
ici, je n'énumérerai même pas les nombreuses espèces actuelles
du G. Chama, renvoyant pour cela aux traités spéciaux de
détermination, comme Reeve où Martin et Chemaitz, par
exemple.
À ce propos toutefois, je me vois dans l'obligation de signaler,
ayant malheureusement eu à en faire l'expérience, l'insuffisance
des monographies de ce genre contenues dans les traités pré-
cités et l'intérêt qu'il v aurait à faire actuellement une revision
complète du G. Chama, au point de vue systématique.
Les espèces sur lesquelles ont plus spécialement porté mes
recherches sont les suivantes :
288 R. ANTHONY
Chama Lazarus Lmck.
Chama brassica Reeve.
Chama iostoma Conr.
La première existe en grand nombre dans les collections du
Muséum (provenant de la Guadeloupe) ; les deux autres ont été
rapportées en assez grand nombre aussi par M. Ch. Gravier, de
sa mission dans le golfe de Tadjourah. Les collections du Muséum
en possèdent également un certain nombre d'exemplaires pro-
venant des voyages de MM. Jousseaume et Coutière, dans Îles
mêmes FÉSIONS.
Morphologie.
Coquille. — Chez les Chames, la fixation se fait tantôt par une
valve, tantôt par l'autre. Dans la plupart des espèces, la valve
fixée est la valve gauche, mais dans quelques autres, la fixation
se fait par la valve droite.
En lous cas, dans la même espèce, c'est toujours la même
valve qui est fixée et il n°y à pas de variations individuelles sur
ce point (}); de plus, quelle que soit la valve qui est fixée, droite
ou gauche, elle possède toujours des caractères déterminés qui
ne sont donc pas propres à la valve droite où à la valve gauche,
mais à la valve libre ou à la valve fixée. Il sera revenu, à propos
des dents, sur ce caractère extrèmement important. La fixation
peut se faire suivant deux modes, soit par la région antérieure
de la coquille seulement, comme chez les Chama Ruppelli
Reeve., et les Chama iostomn (conr.), par exemple, et alors le
plan sagittal est obliquement incliné sur le plan de fixation;
soit par toute la surface de la valve comme chez les Cham bras-
sir Reeve, par exemple, et alors Île plan sagittal est parallèle
au plan de fixation. Dans ce dernier cas, toutefois, la fixation
n'est pas aussi intime que dans le premier, et La Cham, au
lieu d'être appliquée et collée pour ainsi dire au substratum
plan, est fixée à d'autres coquilles, à des branches de polypiers
morts, sy tenant un peu à Ja façon d'un nid d'oiseau dans un
(4) D’après Woodward (56) dans certaines espèces de Chames la valve
jixée serait indifféremment la droite ou la gauche ; je n'ai jamais rien con-
staté de semblable.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 289
buisson. Dans ce dernier cas, el lorsque le plan sagit{al est à peu
près horizontal, le contour valvaire est arrondi. Dans le premier
Cas, au contraire, c’est la surface antérieure fixée seule qui tend à
s'arrondir et le bord qui la sépare de la zone postérieure non
fixée (qui est plus où moins perpendicu-
laire à la zone fixée) décrit une spirale
telle que celle qui est représentée sur la
figure. Dans ces conditions, le contour
valvaire, au lieu d’être arrondi, présente
une forme allongée dorso-ventrale avec
pointe ventrale correspondant au sommet
de l'angle dièdre constitué par les régions
antérieure et postérieure.
L'uneet l'autre valves sont généralement Fig. 32. — Région anté-
épaisses comme dans la Chama brassiea TR EAP à À
Reeve, par exemple: mais dans les CABANE E meprÉsen tele
: : : imite de la région anté-
où la fixation se fait par la légion anté- rieure et de la région
rieure seule, la zone fixée est en ÉULE DIMPSTE A MM ENt ES
amincie.
Les ornements consistent en stries d'accroissement très con-
sidérables portant le plus souvent des épines {rès irrégulières,
aplaties, tuberculeuses ou feuilletées; sur les individus qui attei-
gnent une taille considérable, les ornements extérieurs de la
coquille sont souvent, soit usés par l'action polissante des flots de
la mer (Chama Ruppelli Reeve), soit cachés par des polypiers,
des tubes d'Annélides, des fragments d'Éponges vivant avec les
Chames sur les récifs, et qui rendent souvent la détermination
spécifique de ces animaux extrêmement difficile. Les stries ra-
diales visibles sur les formes jeunes, comme il sera dit plus
loin, ne le sont pas le plus souvent sur l'adulte. Le mécanisme
de leur disparition sera expliqué au paragraphe de l'embrvo-
génie. Extérieurement comme intérieurement, les Chames pré-
sentent des couleurs variées souvent très vives qui changent
d'une espèce à l'autre.
Des accidents du substratum, la pression réciproque des indi-
vidus les uns contre les autres, l'inclinaison du plan de fixation
peuvent, dans certains cas, altérer la pureté de la forme arrondie
que prennent les Chames, suivant leur surface de fixation.
ANN. SC. NAT, ZOOL, 40
290 R. ANTHONY
Des deux valves des Chames, celle qui est fixée est générale-
ment plus profonde, surtout dans la région du crochet, que la
valve libre, qui est plus aplate, tendant en quelque sorte à
prendre la forme operculaire.
Si on considère par sa face extérieure une valve fixée de
Chama brassica Reeve, par exemple, après l'avoir soigneu-
sement débarrassée de toute la gangue qui la recouvre, on
s'aperçoit que son crochet est fortement enroulé en avant et en
hélice, c'est-à-dire nettement prosogjre: Cet enroulement en
hélice du crochet est absolument comparable à celui des
Isocardia où mieux encore des Diceras, avec cette différence
que le pas de l'hélice est chez les Chama beaucoup moins
considérable que chez ces derniers.
Si, toujours par sa face extérieure, on considère une valve libre
du même animal, on s'aperçoit que son crochet est exactement
enroulé comme celui de la valve fixée; mais l'hélice suivant
laquelle se fait cet enroulement, est extrêmement surbaissée,
tellement surbaissée même qu'elle tend à la spire.
Si maintenant, enfin, on regarde en vue postérieure les deux
valves coaptées du même animal (Voy. fig. 33) et qu'on suive
l'interligne valvaire depuis le point de terminaison postérieure
du ligament /, on s'aperçoit que les bords des valves, suivant
lesquels s’insère ce dernier, d'abord au contact l'un de l’autre,
S'écartent à partir d'un certain point /', pour suivre les lignes
d'enroulement hélicoïdal du crochet. En suivant ces lignes, on
aboutit aux points met mr, c'est-à-dire aux crochets eux-mêmes.
A l'intérieur de l'angle m l'm les bords antérieurs des valves
droites et gauches arrivent au contact. Si au lieu de s'adresser
à la Chama brassica Reeve on s'adresse à la Chama 1ostoma
Conr., c'est-à-dire à une Chame chez qui la fixation se fait
par la région antérieure seule, la disposition est absolument
la même, avec cette différence que le crochet de la valve fixée
S'enroule à plat sur le substratum.
La charnière des Chames est très particulière : la valve
fixée, qu'elle soit droite ou gauche, présente toujours deux dents
cardinales séparées par une fossette assez profonde. Pour se
conformer aux notations de F. Bernard et de Munier-
Chalmas, on doit désigner ces dents par les chiffres 2 et #.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 291
La dent # est peu marquée et se trouve immédiatement en avant
de la nymphe ligamentaire : la dent 2, au contraire, est très
puissante et sa face dorsale, qui forme la paroi ventrale de la
fossette, est creusée de sillons assez nets dirigés ventro-dorsa-
lement d'une valve à l’autre avec une légère obliquité d’arrière
en avant. Félix Bernard désigne cette dent 4 des Chames par
le signe 4 4. Cette désignation me semble pour le cas parti-
Fig. 33. — Schéma destiné à montrer l'enroulement des crochets et la division liga-
mentaire chez la Chama brassica Reeve. — 4, valve libre ; 2, valve fixée; 3, ligament :
4, strie d'accroissement,
culier d’une précision trop grande, étant donné qu'il est difficile
de savoir quelle partie de la lamelle 4 lui donne naissance. Ces
dents sont supportées par un plateau cardinal assez bien
développé.
Outre cet appareil cardinal, il existe une dent latérale posté-
rieure (L P 2) qui, sur certains individus, est parfois très peu
marquée. Il n’y à pas de dent latérale antérieure, bien que
F. Bernard (97) en signale une existant parfois à la valve
libre. L'étude de l'embryogénie des Chames, ainsi que celle de
la morphologie des Dicératinés ne semblent pas corroborer
celle opinion ; ce qu'il à pris pour une dent latérale antérieure
est, Sans aucun doute, la dent cardinale { dont un léger vestige
existe parfois chez certains exemplaires de Chames.
La valve libre présente une seule dent cardinale, la dent 3,
qui se loge dans la fossette précitée.
292 R. ANTHONY
Cette dent est très forte, parfois recourbée dorsalement et
présente sur sa face ventrale des saillies et des sillons qui épou-
sent leurs homologues de la face dorsale de la dent 4 à la valve
fixée.
F. Bernard reconnaît dans cette dent 3 deux subdivisions 34
et 34. Pour la même raison que précédemment, nous ne croyons.
pas devoir imiter cette précision trop grande.
ILexiste une dent latérale postérieure L P 1, qui semble sou-
vent être dans la continuation de la dent cardinale.
La formule dentaire du G. Chama serait donc la suivante :
LA (ee LP
V. fibre. A OT LE EN L
V. fixée: Ciara ne
Cette formule ne comporte pas, comme on le voit, de dent
latérale antérieure, et celle que F. Bernard désigne ainsi ne
peut être, à mon avis, qu'une dent cardinale. La question
de sa signification sera d’ailleurs de nouveau agitée au cours
de ce chapitre.
Les impressions des muscles adducteurs sont grandes,
ovales, régulières, légèrement déchiquetées, persillées sur leur
bord interne : celle du muscle antérieur se prolonge sur la face
ventrale de la dent 2. L'impression palléale est entière, ne
présentant qu'un très léger vestige de sinus.
Ligament. — Le ligament des Chames est externe à la facon
de celui des Cardium quoique présentant néanmoins une très
légère tendance à devenir interne. Il ressemble en cela à celui
des Tridacnes. Si l’on considère à nouveau la figure 33 qui |
représente une coquille fermée de Chama brassica Reeve en |
vue postérieure et qu'on suive le ligament en remontant en |
quelque sorte son cours depuis sa terminaison /, on s'aperçoit ||
qu'en /'ilse divise et que ses deux branches divergentes, suivant ||
les deux bords antérieurs des crochets enroulés en hélices, abou- |
tissent respectivement aux points # et" terminaisons des cro- |
chets. Il est inutile de dire, je pense, que la partie du ligament |
seule fonctionnelle est la partie /'/; les parties #1! et nl sont{|
les reliquats du ligament aux différents âges, comme on le verra
plus loin. Elles ont d’ailleurs très souvent disparu, soit empor-||
tées par l’action corrodante des flots, soit recouvertes par les:
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 293
différentes productions calcaires qui enrobent la coquille chez
un très grand nombre d'espèces.
En coupe transversale, le ligament a la forme d’un arc dont
les deux extrémités reposent sur les valves. Ces extrémités
S étendent surtout dans là région postérieure, où la surface
d'insertion du ligament prend une forme élargie avec une
légère pointe ventrale (Voy. fig. 34).
En coupe sagittale, le ligament paraît formé des deux parties
constituant {ous les ligaments d'Acéphales : une partie fibreuse
Fig. 34. — Région cardinale de Chama brassica Reeve, valve gauche. — 2, dent
cardinale 2; 4, dent cardinale 4 ; p, dent latérale postérieure : l, ligament en coupe
sagittale.
dorsale de couleur brune, constituant le point fixe dans les
mouvements de la valve operculaire, et une partie élastique
ventrale, incrustée de calcaire, de couleur nacrée, et présentant
la structure connue des ligaments élastiques d'Acéphales ; c’est
cette deuxième partie qui constitue l'organe actif de l'ouver-
ture des valves. Cette partie élastique s'arrête moins loin en
arrière que la partie fibreuse, au point où l'élargissement de la
surface d'insertion commence.
La composition du ligament est donc constante de / en /'
(Voy. fig. 33). Au delà, c'est-à-dire dans les régions 72/' et nl
où 1l est dédoublé, sa constitution est difficile à étudier. Fait
important à signaler, il n'y a pas de partie fibreuse ventrale
antérieure comme chez la plupart des autres Acéphales. Si cette
partie existe, elle ne peut être que dans le voisinage du crochet,
par conséquent là où le ligament est divisé.
Manteau. — Les deux lobes du manteau des Chames sont
réunis sur tout leur pourtour, ressemblant en cela à celui des
Curdium et mieux encore des Tridacnes par exemple. Sur la
294 R. ANTHONY
= ©
zone de soudure répondant aux bords libres des valves, on
rencontre trois ouvertures. La première en partant de lextré-
mité antérieure de l'animal se trouve située immédiatement
en dessous du muscle adducteur antérieur qui la imite en haut;
c'est l'ouverture dite pédieuse, quoique vraisemblablement elle
ne doive guère servir chez les Chamidés au passage du pied,
cet organe étant très réduit et fonctionnant probablement
très peu; sur les animaux adultes de # à 5 centimètres de
diamètre, elle mesure environ un centimètre de longueur.
Après elle, mais située à mi-chemin à peu près de la distance
séparant le milieu de lanimal du bord inférieur du muscle
postérieur, se trouve l'orifice inspirateur qui se présente sous
la forme d'une fente à peu près arrondie de 5 à 8 millimètres
de long et dont les bords, sur les animaux ayant séjourné dans
les liquides conservateurs, sont invaginés en dedans. Vient
enfin l’orifice expirateur qui possède une forme plus réguliè-
rement circulaire et dont le diamètre est encore inférieur à
celui de l'orifice précédent ; il est limité supérieurement par le
bord inférieur du muscle postérieur et ses bords étaient égale-
ment invaginés en dedans sur les exemplaires que j'ai étudiés.
Ces deux derniers orifices représentent les deux siphons réduits
à leur plus simple expression (Voy. fig. 35).
La lame qui réunit les deux lobes du manteau et qui est
interrompue par les orifices ci-dessus décrits, la commissure
en un mot, est recouverte de courts tentacules tuberculiformes.
Elle est limitée par deux bords saillants qui se réunissent et se
confondent au niveau des adducteurs.
Les deux orifices inspirateur et expirateur ont leurs bords
garnis de denticulations plus fines pour le premier que
pour le second. Leur face externe, celle qui était inva-
ginée sur mes exemplaires, est lisse ; leur face interne égale-
ment; toutefois leur base est intérieurement garnie de ten-
lacules tuberculiformes disposés pour lorifice inspirateur
suivant une seule série, un peu épars pour lorifice expi-
raleur.
Par son pourtour ventral el suivant une ligne qui suit inté-
rieurement le bord saillant précité, le manteau s'insère sur la
coquille par l'intermédiaire de fibres musculaires lisses; c’est
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 295
l'impression palléale qui présente en arrière, comme il a été dit,
un très léger sinus.
Du manteau dépend souvent une double lame dorsale très
mince, s'insinuant entre les dents cardinales de la charnière,
el, qui comprend quelquefois une cavité close entre ses
feuillets. C'est la lame intercardinale dont la présence semble
inconstante et la disposition très variable.
Des deux lobes du manteau, celui qui correspond à la valve
fixée est toujours plus développé que celui qui répond à la valve
hibre. La chose est naturelle, puisque le manteau suit, comme
l'on sait, les inflexions de la coquille qu'il séerète.
La musculature du manteau et plus particulièrement de sa
commissure, est très compliquée. Je l'ai étudiée sur un exem-
plaire de Chama iostoma Conr. En faisant abstraction des
muscles adducteurs qui, en raison de leur importance, feront
l'objet d'un paragraphe spécial; les muscles propres du man-
teau localisés dans la commissure peuvent être répartis en trois
catégories :
4. Muscles radiaux.
6. Muscles longitudinaux (antéro-postérieurs).
y. Muscles circulaires (entourant les orifices).
a. Ce sont les plus superficiels et ce sont eux qui par leurs
insertions déterminent l'empreinte palléale de la coquille. Is
sont disposés en série suivant une ligne courbe continue, depuis
le bord ventral du muscle adducteur antérieur jusqu’au bord
ventral du muscle adducteur postérieur, près duquel la ligne
courbe subit, comme il à été dit, une légère inflexion, vestige
du sinus palléal.
Au niveau de cette inflexion qui se trouve située exactement
en face de l’orifice expirateur, Les fibres musculaires radiales
du manteau, plus nombreuses et plus longues, représentent un
reste du muscle rétracteur des siphons. Ces fibres radiales sont
de deux sortes, les unes externes, peu nombreuses, se dirigent
vers le bord proprement dit du manteau dans lequel elles se
perdent, les autres internes gagnent la commissure palléale,
s'intriquant parfois avec celles du côté opposé dans les ré-
gions où 11 n'y à pas d'orifices. Dans la région des siphons, elles
n'atteignent pas la ligne médiane.
296 R. ANTHONY
B. Les muscles longitudinaux de la commissure palléale
débutent en avant par deux faisceaux qui partent ensemble de
la face antérieure du muscle adducteur antérieur et au voisi-
nage de laquelle ils s’insèrent sur les valves; ils passent de part
et d'autre de l'ouverture pédieuse. Arrivés en un certain point,
à mi-chemin de l'ouverture pédieuse et de l’orifice inspirateur,
sur l'individu que j'ai observé, chacun des deux faisceaux se
divise en deux parties, les parties internes s’entrecroisant et les
parties externes suivant leurs directions premières. Bientôt la
partie interne du faisceau gauche se réunit à la partie externe
du faisceau droit et inversement. Les deux faisceaux ainsi
reconstitués longent les bords de l’orifice inspirateur au delà
duquel ils se croisent à nouveau. Avant d'arriver à cet orifice
ils reçoivent des faisceaux de renforcement dépendant des
muscles radiaux, dont celui répondant à la valve operculaire
est le plus développé sur l'animal que j'ai sous les yeux.
Au delà de l'orifice inspirateur, c'est-à-dire à partir du
point où se fait le deuxième entrecroisement, la disposition est
très compliquée, par suite de l'insertion de la membrane en
Ivre dont 1l sera parlé plus loin. Les deux faisceaux que nous
avons suivis depuis leur origine en avant, semblent ne plus
exister et être remplacés par un faisceau unique partant du
point d'entrecroisement, et qui bientôt se divise en deux
branches entourant l'orifice expirateur ; il passe ensuite en
arrière du muscle adducteur postérieur et vient s'insérer sur
les valves.
y. Les muscles circulaires sont très réduits et constituent des
sortes de sphincters superficiels entourant les orifices inspira
leurs et expirateurs. L'orifice pédieux m'a semblé en être
dépourvu.
Les muscles siphoniens des Chames sont donc, comme on
peut s'en rendre compte, réduits à leur plus simple expres-
Sion.
À cet ensemble de faisceaux musculaires doivent être ajoutés
ceux de la membrane en lyre dont il sera parlé à propos des
branchies.
Toutes les fibres musculaires dépendant du manteau sont
lisses.
ee to AT
“
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 297
Muscles adducteurs. — Les muscles adducteurs sont très con-
sidérables, plus en général, que chez les autres Acéphales, par
rapport à la taille de l'animal ; leur section qui est très étendue
a généralement la forme d'un ovoïde à grosse extrémité ven-
tale et dont l'extrémité dorsale la plus effilée forme parfois
pour le muscle antérieur un léger crochet dirigé en dedans.
La section de ce muscle adducteur antérieur est, en général,
sans que cela soit constant, plus étendue et de forme plus
allongée que celle du postérieur.
Les surfaces d'insertions de ces muscles sont très marquées
sur la coquille ; elles sont à peu près planes, formant même par-
fois un relief légèrement convexe : sur la valve fixée, la partie
en crochet de l'impression antérieure empiète souvent sur la
partie antéro-externe de la dent cardinale 2. Souvent du côté
central l'impression musculaire parail plus où moins déchi-
quetée, et, dans cette région du muscle, les faisceaux de fibres
sont écartés, séparés par du tissu conjonctif; sur les coupes
sagittales de l'animal qui sont transversales pour le muscle,
cette disposition se traduit par un persillage très nettement
visible que l’on retrouvera d’ailleurs plus accusé encore chez les
Æthéries, où, sur l'impression coquillière, il simule une fine
dentelle.
Les deux muscles adducteurs sont souvent dorsalement très
rapprochés l’un de l’autre, conséquence naturelle de la forme
arrondie de l'animal (Voy. lig.135).
Comme chez les Æthéries et les autres formes arrondies telles
que beaucoup de Lucines, l'adducteur antérieur est tout entier
situé ventralement par rapport à la bouche {Voy. fig. 35).
Comme tous les adducteurs d'Acéphales, chacun de ces
muscles comprend deux parties, l'une périphérique par rapport
au centre de figure de l'animal, nacrée et qui peut être consi-
dérée comme un épaississement des muscles radiaux du man-
leau avec lesquels elle se continue, l'autre centrale, d'aspect
opaque; ces deux parties macroscopiquement très distinetes ne
sont cependant pas séparées par du tissu conJonctif, comme
cela arrive pour quelques {ypes, ceux notamment chez
lesquels la différence de structure est considérable, comme le
Pecten (Voy. à ce sujet: R. Anthony. Note sur la forme et Ja
298 R. ANTHONY
structure des muscles adducteurs des Acéphales. Bull. Soc.
Philom., 1904).
Au point de vue de l'anatomie microscopique et de Fhisto-
logie, j'ai examiné avec beaucoup de soin à l'aide des procédés
indiqués au chapitre I (plus spécialement dissociation à l'acide
azotique à 20 p. 100), les muscles provenantdes Chama iostoma
Conr., rapportés du golfe de Tadjourah par M. Ch. Gravier
et fixées par lui au liquide de Perenyi. Lorsque j'en ai le loisir
Fig. 35. — Coupe sagittale de Chama brassica Reeve. — 1, bouche; 2, anus; 3, pied
rudimentaire : 4, muscle adducteur antérieur; 5, muscle adducteur postérieur;
6, cœur; 7, orifice inspirateur; 8, orifice expirateur. En avant du muscle adducteur
postérieur est le ganglion viscéral ; à la base du pied est le ganglion pédieux.
et pour des recherches générales, c'est, de préférence, sur
des animaux frais que j'étudie la structure des fibres muscu-
laires des adducteurs, évitant les fixations et plongeant direc-
tement le tissu frais dans l'acide azotique à 20 p. 100. En dépit
de la fixation préalable au Perennyi et du séjour prolongé
dans l'alcool à 70°, j'ai, dans le cas particulier, pu nettement
découvrir dans les fibres opaques la striation en mosaïque, si
nette chez la plupart des autres Acéphales, et dont j'ai fait l'an
dernier une étude raisonnée (Voy. Indice. bibl. précédente) qui
a été ensuite poussée plus loin au point de vue des détails par
Marceau; les fibres nacrées sont absolument lisses, et, au sur-
plus, la structure des muscles des Chames est identique à celle
que l'on trouve chez beaucoup d'autres Acéphales, notamment
chez le Cardium edule Linn. Il n’y à donc pas lieu d'y insister.
sp
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 299
Quant aux autres parties de l'appareil musculaire constituées
par les muscles moteurs du pied, elles vont être décrites à propos
de ce dernier organe.
Pied. — Le pied est très réduit chez les Chames, mais c'est
dans cette réduction même que réside tout l'intérêt de son
étude. Je l'ai étudié dans les trois espèces dont il a été question
plus haut et où il diffère peu d’ailleurs.
In'estreprésenté que parune petite languette musculaire située
sur le bord antérieur de la masse viscérale qui présente exté-
rieurement, sur mes échantillons, des plissements {ransversaux
nombreux et assez profonds, dus vraisemblablement à la rétrac-
lion sous l'influence de réactifs fixateurs ou conservateurs. À
l'état vivant, cette languette doit être allongée et flexueuse,
rappelant peut-être d'un peu loin, quoique plus courte, le pied
des Lucines. Elle doit être considérée comme représentant le seul
vrai reste fonctionnel du pied. À ce pied rudimentaire se ratta-
chent un certain nombre de muscles, rudimentaires également,
el qui représentent, sans aucun doute, les restes d’un appareil
musculaire jadis plus développé. Suivant les individus. ils sont
plus ou moins réduits, et je vais les décrire dans les cas où ils
atteignent leur maximum de développement.
2. Rétracteurs postérieurs du pied. — Sur la face antérieure du
muscle adducteur postérieur, dans la région qui le séparerait en
deux parties égales, l'une dorsale, l'autre ventrale, on voit un
assez gros faisceau musculaire qui le rencontre suivant un angle
presque droit {Voy. fig. 35). Les fibres de ce faisceau s'écar-
lent lorsqu'elles s’approchent du muscle adducteur et se
disposent suivant une sorte de cône très aplati, les plus péri-
phériques se perdant à sa surface et les centrales, qui sont
les plus nombreuses, s’insinuant entre les faisceaux du muscle.
A partir du moment où ces fibres musculaires entrent dans le
muscle, elles s'écartent davantage les unes des autres, s'amin-
cissent ; le faisceau est comme laminé, et, remarquable exemple
d'une loi que j'ai émise ailleurs, elles sont, à partir de leur
pénétration dans l'adducteur, complètement transformées en
fibres conjonctives qui se perdent insensiblement par atté-
nualion progressive avant d'avoir atteint la face postérieure du
muscle adducteur. Après sa sortie de l’adducteur postérieur, le
A A TS —
300 R. ANTHONY
faisceau musculaire décrit, qui n’est autre chose que les deux
rétracteurs postérieurs droit et gauche du pied réunis,*s'étend
le long du bord postérieur de la masse viscérale, donnant à
droite et à gauche des fibres rares et distantes qui, sur le bord
antéro-inférieur de cette masse viscérale, en dessous du pied,
S'entrecroisent et se confondent. Très espacées en arrière, elles
se rapprochent et deviennent plus fournies à mesure que l'on se
dirige vers le bord antérieur
de la masse viscérale. De ce
Hs DER. A 4
D / mème muscle rétracteur pos-
Z UN
Æ sp] » dé SI æ
Z térieur dépendent aussi quel
HI ques fibres qui viennent se
VA1/ : :
DL y terminer le long du bord
RE
postérieur de la languette 5
(Voy. fig. 36).
Telle est, chez la Chame,
la constitution rudimentaire
du muscle rétracteur posté-
rieur du pied, si développé
chez les Acéphales euthéti-
ques. Pour être complet, il est
nécessaire d'ajouter que sur certains exemplaires on voit, sur
la masse viscérale, quelques fibres dépendant, morphologique-
ment, du rétracteur postérieur du pied et qui n’atteignent pas
le muscle adducteur postérieur, Ce sont des fibres du musele
postérieur qui ont perdu leur portion aborale, et elles se termi-
nent sur les côtés de la masse viscérale par atténuation pro-
eressive. Il y à de ces fibres de part et d'autre (dorsalement et
ventralement) du rétracteur postérieur du pied proprement dit,
C'est-à-dire de part et d'autre de celles qui vont jusqu'au
muscle adducteur postérieur.
8. Rétracteur supérieur du pied. — Ce muscle est encore plus
réduit que le précédent. Le long du bord postérieur de la masse
viscérale, à la réunion de son tiers inférieur avec son tiers
moyen à peu près, existe une petite languette, longue de 3 milli-
mètres environ et large de 2, formée de fibres musculaires diri-
gées dans le sens de sa longueur. Parmi les fibres qui prennent
naissance dans cette languette, les unes, les plus postérieures,
Fig.36.— Musculature du pied chezla Chama
Lazarus Lmck. — 1, branchie; 2, pied;
3. rétracteur antérieur: #4, rétracteur pos-
térieur : 5, rétracteur supérieur (Profil).
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 301
comme on Fa vu, vont faire partie du muscle rétracteur posté-
rieur, les autres plus nombreuses croisent en diagonale celles
du muscle précédent et se dirigent du côté de la bouche. Parmi
elles, .un faisceau plus important que les autres se dirige vers
la commissure buccale, mais ne semble pas, dans la plupart
des cas, aller jusqu'à la coquille pour s'y insérer.
Ces fibres sont les restes du muscle rétracteur supérieur du
pied et, comme on le verra plus loin, à propos des branchies,
la languette 5 n’est que l’amorce sur la masse viscérale de la
membrane interbranchiale,
v- Rétracteur antérieur du pied. — C’est le plus réduit de tous
les muscles du système pédieux. Sur la face antérieure de la
masse viscérale on peut apercevoir quelques rares fibres qui, au
niveau du pied, commencent à devenir plus denses et finissent
par constituer un feutrage assez épais. La plupart de ces fibres,
les plus centrales se déviant de leur direction, pénètrent dans
le pied et y constituent les fibres longitudinales de cet organe,
les autres continuent leur direction et forment ses premières
libres transversales. En coupe, le pied parait done être consti-
tué de fibres transversales et de fibres longitudinales, mais tel-
lement enchevêtrées les unes avec les autres à l'extrémité de
l'organe, qu'il est difficile d'établir leur disposition précise.
L'appareil pédieux est done, comme on le voit, très réduit
chez les Chames, et son développement semble, en général, à
peu près égal des deux côtés. |
Cette description se rapporte aux individus chez lesquels Jai
rencontré l'appareil pédieux le plus développé. Mais il peut y
avoir tous les intermédiaires entre l'absence absolue, d'une
part, de fibres dépendant des muscles pédieux et recouvrant la
masse viscérale, le pied rudimentaire et la languette 5 restant
seules présentes, et, la disposition ci-dessus décrite d'autre part,
Cest chez la Cham lazarus Lmck. que j'ai d'ordinaire ren-
contré l'appareil pédieux le plus développé. C’est chez la Cham
iostoma Reeve que je l'ai trouvé le plus réduit d'une facon
presque constante.
Toutes les fibres musculaires dépendant du pied sont lisses.
Ainsi que T. Barroïis (85), je n'ai pas rencontré de glande
byssogène rudimentaire.
302 R. ANTHONY
Appareil respiratoire. — L'appareil respiratoire est composé de
deux branchies dont la direction générale est un peu différente
de celles que ces organes affectent chez les Acéphales du type le
plus commun, comme le Cardium, par exemple. En effet, l’'ex-
trémité antérieure de chaque branchie semble s'être éloignée du
bord ventral du musele adducteur antérieur pour se diriger du
côté du crochet. Il en résulte que la branchie, au lieu d’avoir
ASS
c É—T
DRE
54
Fig. 37. — Organisation externe de Chama iostoma Reeve. Une fenêtre a été pra-
tiquée dans un des lobes palléaux pour montrer la direction dorso-ventrale de la
branchie et le pied rudimentaire. — 3, pied; 4, muscle adducteur antérieur ;
5, muscle adducteur postérieur; 13, palpes labiaux ; 14, branchie.
une direction antéro-postérieure, présente ici une direction
sensiblement dorso-ventrale (Voy. fig. 37). Au lieu de débuter,
comme c’est l'ordinaire chez les Acéphales, dans l'espace situé
entre les deux palpes labiaux, elle débute en arrière d'eux, et
si, la lame interne a encore une petite partie de son extrémité la
plus antérieure logée entre les palpes, la lame externe n’a plus
aucun rapport de contiguité avec eux. Il sera, d’ailleurs, revenu
un peu plus loin sur cette disposition.
Les connexions des branchies avec les parties anatomiques
avoisinantes sont les suivantes : d'abord l'axe des branchies est
a — © ————
Æ
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 303
parcouru dans toute sa longueur par un gros faisceau qui suil
dans la région dorsale le bord interne de sa lame externe et
vient finalement s'insérer à la coquille auprès du muscle adduc-
teur postérieur ; c'est le suspenseur de la branchie. Elle est rat-
lachée en outre à la masse viscérale par un repli ou meso
riangulaire analogue à celui qui existe chez tous les autres
Acéphales et qui va de l'axe branchial à la paroi de la masse
viscérale. Le bord postérieur libre de ce meso est occupé par le
nerf branchial comme chez les autres Acéphales (Voy. fig. 39).
Une chose remarquable à propos de l'appareil respiratoire
des Chames est cette tendance qu'ont les branchies de ces
animaux à rompre leurs connexions avec les parties avoisi-
nantes, à devenir complètement libres et flotter dans la cavité
palléale, comme cela se produit d'ailleurs aussi dans un
groupe d'Acéphales à tous points de vuetrès différent, celui des
Aviculidés. Cette disposition tend à s'établir chez l'Avicuta
radiata Desh. et, chez les Pinna elle atteint son maximum
de netteté. Chez un Cardium edule Linn. au contraire, par
exemple, chaque branchie est reliée en dedans à la masse viscé-
rale en avant et à son homologue en arrière, en dehors à la face
interne du lobe palléal. Lorsque la zone d'union de la branchie
droite à la ranchie gauche est suffisamment étendue en lar-
geur, elle peut prendre le nom de lame interbranchiale. Cette
lame interbranchiale existe très développée en largeur chez les
Tridacna et les Hippopus. L'ensemble de ces connexions forme
avec la surface des branchies une sorte de cloison très compli-
quée qui sépare en deux parties la chambre palléale : la chambre
palléale proprement dite (ventrale) et la chambre rétrobran-
chiale (dorsale). Cette cloison se continue par la lame de sépa-
ration des siphons.
Si l'on considère une C'hama appartenant à l’une des espèces
que j'ai étudiées, on voit que la cloison formée par l'ensemble
des branchies et de leurs connexions présente fréquemment des
solutions de continuité. La plus importante est celle que présente
souvent la lame d'union du feuillet réfléchi de la lame interne
avec la bosse viscérale ; la lame d'union du feuillet réfléchi de la
lame externe avec le lobe palléal ou la face antérieure de l'ad-
ducteur postérieur en présente également souvent une autre
204 R. ANTHONY
interrompue dans certains cas par un ou deux pelits ponts
membraneux. Si ces deux solutions de continuité existent et se
prolongent tout le long des bords latéraux des branchies, si
en même temps la zone d'union interbranchiale, qui chez les
Chames est très étroite, a disparu (Voy. fig. 39), il arrive que les
branchies se trouvent absolument libres des parties avoisinantes
et flottent dans la cavité palléale, n'étant plus reliées au reste
du corps que par leurs extrémités antérieures et leur méso,
comme cela existe chez les Pinna. La solution de continuité
qui apparaît la première semble être l'interne, entre le feuillet
interne et la bosse viscérale en avant; celle qui se produit
ensuite est celle par le fait de laquelle la branchie rompt ses
connexions avec le lobe palléal. À un troisième stade enfin la
zone d'union interbranchiale disparaît et la branchie peut alors
flotter librement dans la cavité du manteau.
Au point de vue de la disposition de la branchie, il peut donc
ÿavoir parmi les individus que J'ai étudiés trois formes :
2) Celle dans laquelle les solutions de continuité antéro-
internes existent seules. C’est celle qui se rencontre le plus
souvent chez la Chama iostoma Reeve ;
8) Celle dans laquelle les solutions de continuité internes et
externes existent ensemble ;
y) Celle dans laquelle enfin les branchies, retenues par leur |
seule extrémité antérieure, flottent librement dans la cavité
palléale. C'est une disposition que lon rencontre souvent
chez la Chama lazarus Lmck. Dans aucun cas je n'ai trouvé
sur la Chama iostoma Reeve, ni sur la Chama lazarus Lmck.
l'intégrité complète du septum de séparation de la cavité
palléale.
Lorsque la disposition 7 est réalisée, on peut apercevoir une
sorte de membrane s’insérant perpendiculairement sur la com-
missure palléale entre les deux orifices siphoniens et orientée
suivant la direction de la lame interbranchiale. J'ai étudié plus
spécialement la disposition de celte membrane chez la Chama
lazarus Lmck. dans les sujets où les branchies sont com-
plètement libérées de leurs connexions latérales et postérieures.
Chez ces sujets cette membrane a la forme d’une sorte de Iyre
étendue suivant sa longueur sur une surface cylindrique, etJ
|
|
(
TE
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 305
dont les branches en forme de cornes très aiguës s'insèrent
par leurs bords externes sur la face antérieure du muscle adduc-
leur postérieur. Les bords externes du corps de la lyre qui se
continuent avec les bords externes des branches s'insèrent sur
la commissure palléale parallèlement au bord libre des valves
entre les deux orifices inspirateur et expirateur. Le bord infé-
rieur enfin de la lyre s'insère sur la commissure palléale entre
les deux orifices précités. Quant aux bords internes des branches
etau bord supérieur du corps qui présente un petit prolonge-
ment médian, ils sont libres. Dans les cas où les connexions de
la branchie ne sont pas rompues, le bord interne des branches
de la lyre se continue avec le feuillet réfléchi de la lame
externe de la branchie et le prolongement médian du COrpS
s'insinue postérieurement entre les deux branchies en arrière.
La membrane en Iyre est donc le reste de la membrane de
séparation des deux cavités palléales de laquelle la surface
branchiale s'est détachée.
Cette membrane contient une musculature assez nette. En
son centre est un entrecroisement de fibres musculaires duquel
part d'abord un faisceau impair médian très nettement indivi-
dualisé (Chama lazarus Lmck., Chama iostoma Conr.) qui
se dirige vers le prolongement médian. Chez la Chama iostomn
Conr. où, comme je l'ai dit, la lame interbranchiale est géné-
ralement sans solutions de continuité depuis la bosse viscérale
jusqu'à la commissure palléale, J'ai vu que ce faisceau impair
n'était autre chose que la continuation du petit prolongement
postérieur de la masse viscérale dont il a été question à propos.
du pied (5). Viennent ensuite déux faisceaux latéraux à peu
près égaux qui vont s’insérer avée les muscles radiaux sur la
coquille en avant de l’adducteur postérieur, et laissant en
dehors d’eux la couche des muscles radiaux du manteau ; en troi-
sième lieu, deux autres prolongements dirigés en sens inverse et
Qui par rapport aux muscles radiaux se comportent de la même
façon ; enfin deux autres prolongements moins importants qui
entourent lorifice inspirateur de chaque côté duquel ils se
perdent par atténuation progressive.
Il reste en somme que les branchies ne sont plus dans les cas
extrêmes reliées au corps que par Le suspenseur, les mésos et par
ANN. SC; NAT. ZOOL. 1,320
306 R. ANTHONY
la continuité de tissu en haut et en avant avec les téguments de
la masse viscérale.
La figure #, PI XXII de Pol, donne une excellente idée de a
forme des branchies chez la Chama gryphoïdes Lin.
Comme il a été dit au début de ce paragraphe, les branchies
des Chames se divisent chacune en deux lames.
La lame interne débute seule, on l’a vu, entre les palpes
labiaux. Elle se dirige d'abord d'avant en arrière, puis, Chan-
ue geant bientôt de direction, elle suit un
trajet dorso-ventral; après avoir par-
couru une certaine longueur, elle se
recourbe à nouveau en arrière pour se
diriger du côté de l'orifice expirateur,
en avant duquel elle se termine en s'in-
sérant, lorsque ses connexions ne sont
pas rompues à la base de la lame en Ivre.
La lame externe débute en arrière de la
précédente, laissant même entre elle et
cette dernière au niveau de son origine,
un espace libre ayant la forme d'un
Fig — Schéma montrant : 3 : : rue
la disposition des lames triangle isocele à base supérieure, et
branchiales chez les Chami-
dæ (coupe transversale). —
1, lame interne; 2, lame
externe ; 3, nerf branchial :
4, vaisseau efférent ; 5, 6,
vaisseaux afférents. Le bord
dont la présence indique la séparation
et l'éloignement des filaments bran-
chiaux internes et externes en cet en-
libre de la lame interne
présente le sillon décrit. A
signalerles solutions de con-
tinuité entre la branchie
d’une part, et le lobe pal-
léal et la masse viscérale
d'autre part.
J, par exemple que I
fig. 37). Au point de vue de leur
droit. Cette lame, qui part du lobe pal-
léal au voisinage du crochet, suit une
direction dorso-ventrale d'abord, puis
antéro-postérieure ; elle épouse la forme
de la lame interne dans sa deuxième el
sa troisième partie et à la forme d'un
a lame interne a la forme d'un S (Voy.
longueur, ces deux lames sont
donc inégales. Elles le sont aussi au point de vue de leur
dimension transversale, comme le montre la coupe schéma- |
tique transversale (Voy: fig. 38)
de l'organe.
Les branchies des Cham
Cardiums et aussi comme celles
passant à peu près au milieu
des Huïtres et des Æthéries ;
es sont plissées comme celles des
em "© Ge,
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 307
mais les plis sont moins profonds aux deux extrémités de l'or-
gane el plus particulièrement à l'extrémité antérieure que dans
la région moyenne. Au lieu d'être rectilignes, ces plissements
sont eux-mêmes très légèrement sinueux. et dans beaucoup de
cas contournés en S, comme cela peut se voir sur la figure 37.
Sur un exemplaire de Chama iostoma Conr., j'ai compté
pour la lame interne de la branchie gauche 97 plissements
el 83 pour l'externe. Chaque pli du fond d'un sillon à celui du
sillon suivant, comprend environ dans la région moyenne de
l'organe 20 à 25 filaments,
Si nous considérons à nouveau la figure 38, nous voyons que
le bord libre du feuillet branchial interne présente un sillon
assez profond, divisant en deux moitiés les éléments ; ce sillon
n'existe pas au bord libre du feuillet branchial externe, ce qui
semblerait prouver que la lame interne seule possédat un véri-
table feuillet réfléchi, suivant la signification précise que l’on
attribue à ce terme. On retrouve la même disposition chez les
Cardidés et les Tridacnidés qui, par l'ensemble de leurs carac-
tères anatomiques, semblent être très proches parents des
Chames.
Au voisinage du bord libre de la lame externe, les plis s'atté-
nuent et-disparaissent même tout à fait.
Les Chames sont des Eulamellibranches : leurs branchies,
formées de filaments juxtaposés, sont treillagées, c'est-à-dire
qu'elles présentent des jonctions interfilamentaires qui forment
des lignes parallèles à leur surface et, rencontrant perpendicu-
lairement les filaments, déterminent la présence de fenêtres rec-
tangulaires allongées suivant la longueur de la lame. En plus de
ces Jonctions interfilamentaires, il existe des Jonctions inter-
foliaires qui consistent en des lames s’insérant sur les fonds de
deux plissements situés en face l'un de l'autre et divisant la
partie intérieure de chaque feuillet branchial en loges. Pour la
branchie interne, ces cloisons interfoliaires existent dans la
région moyenne de l'organe tous les cinq plis; dans sa région
antérieure, c'est-à-dire à l'origine, elles sont plus fréquentes,
el il en est de même dans la région postérieure, c’est-à-dire à
la terminaison. Ces cloisons interfoliaires croissent d'épaisseur
d'avant en arrière.
308 R. ANTHONY
La branchie externe présente les mêmes cloisonsinterfoliaires ;
loutefois, ces cloisons sont plus nombreuses et à chaque plisse—
ment il en correspond une.
Les cloisons interfoliaires de la branchie interne n'atteignent
pas tout à fait le bord libre du feuillet réfléchi, comme le montre
la figure.
En plus de ces connexions interfilamentaires et interfoliares,
il existe d’autres connexions auxquelles on peut donner le nom
de connexions interplicaturales. Ces connexions réunissent les.
fonds de deux sillons consécutifs. Dans la lame externe, elles.
sont peu développées; dans la lame interne, au contraire, elles.
sont très considérables, et, dans les parties voisines de l'axe,
elles sont très larges et forment une sorte de voile étendu sur
toute la partie supérieure des oouttières.
L'innervation et là circulation des branchies seront décrites.
à propos des appareils nerveux el cireulatoires.
Tube digestif. — La bouche est située immédiatement au-
dessus du musele addueteur antérieur et dorsalement par rap-
port à lui. Nous constaterons chez les Æthéries la présence du
même caractère.
Elle est entourée des quatre palpes labiaux assez courts, dont
les bords antérieurs ét dorsaux sont, sur presque tout leur par-
cours, soudés au manteau, autre point de convergence avec les.
Æthéries. Ces palpes présentent, sur leurs faces d'accolement
et sur cette face seule, des plissements (transversaux. On voit
entre les deux palpes d'un même côté, l'origine de la lame bran-
chiale interne.
Chez la Chama iostoma Conr., où j'ai étudié le tube digestif
en détail, à la bouche fait suite un court œsophage, après lequel
on pénètre dans l'estomac, lequel présente un léger diverti-
eulum antérieur. L'intestin sort de la face ventrale de l'estomac
et sa direction fait un angle à peu près droit avec celle de l'æso-
phage. Il se rapproche de la face latérale gauche, c’est-à-dire
de celle qui répond à la valve fixée ; arrivé à l'extrémité ven-
trale de la bosse viscérale, il se recourbe et remonte parallèle-
ment à sa première direction, en se rapprochant de la face
latérale droite; puis bientôt il regagne le plan sagittal, traverse
le cœur, passe en arrière du muscle adducteur postérieur et se
|
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 309
termine enfin à l'anus situé légèrement au-dessus de l’orifice
Æexpirateur.
Foie. — Le foie est assez peu développé chez les Chames et
ne présente rien de particulièrement intéressant pour le point
le vue envisagé ici. Comme chez les autres Acéphales, c'est une
glande acineuse dont les cæcums ne sont pas dans le cas parti-
culier nettement séparés. Elle est noyée dans la glande
génitale et débouche à l'intérieur de l'estomac par deux orifices
assez symétriques.
Organes génitaux. — Ainsi que l'a vu, en 1859, H. de Lacaze-
Duthiers, les Chames sont des Acéphales monoïques. Exté-
rieurement, il est difficile de distinguer les mâles des femelles,
si ce n'est par l'aspect de la glande elle-même, dont il m'a
semblé que les acini étaient plus visibles chez les femelles. Chez
les mâles, la glande à une apparence unie et homogène qui ne
trompe pas.
Comme chez tous les autres Acéphales, les glandes génitales
sont des glandes en grappe, et, je n'insisterai pas sur leur des-
cription qui ne présente rien de particulier, ni d'intéressant,
pour le point de vue auquel je me place. Ces glandes géni-
tales occupent dans la bosse viscérale toute la place qui
n'est pas occupée par le tube digestif, le foie, l'organe de Bojanus
et les organes de la circulation.
Chez la Chama iostoma Conr., les organes génitaux s'ouvrent
à l'extérieur par deux orifices, l'un droit, l'autre gauche, qui
débouchent dans une petite papille située dans la cavité bran-
chiale, à l'angle que forme la paroi de la bosse viscérale avec
| le méso suspenseur de la branchie. Dans cette papille s'ouvre
| également le conduit exsécréteur de l'organe de Bojanus. En
dedans est le canal génital, en dehors le canal sécréteur
M(Voy. fig. 39).
{
Péricarde où cavité générale.
spacieux chez les Chames ; c'est une petite cavité allongée
d'avant en arrière et qui se trouve située dans la région
umbonale entre les extrémités dorsales des deux muscles adduc-
teurs. Il est limité dorsalement par une partie cardinale du
| sur laquelle s’insère la membrane intercardinale, Sa
[paroi ventrale repose sur la glande génitale et dans ses parois
Le péricarde n’est pas très
310 R. ANTHONY
latérales on aperçoit, par transparence, la couleur brune des
organes de Bojanus.
Dans la région antérieure du péricarde se trouvent les deux
orifices bojano-péricardiques, très difficiles à voir d’ailleurs chez
toutes les Chames.
Grobben (86) à signalé la présence de glandes péricardiques.
Organe de Bojanus. — L'organe de Bojanus à chez les Chames
Fig. 39. — Branchies et régions avoisinantes chez la Chama lazarus Lmck. — 1, bran-
chie (lame interne); 2, branchie (lame externe). On y voit très nettement les
jonctions interfoliaires et interplicaturales; 3, ganglion viscéral d'où part le nerf
branchial suivant le bord antérieur du méso ; 4, glande génitale, vue par transpa-
rence; 5, papille bojana-génitale ; 6 et 8, muscle rétracteur supérieur; 7, muscle
rétracteur postérieur.
une forme allongée dorso-ventralement, son extrémité dorsale
élant plus grosse que son extrémité ventrale. On laperçoit par
transparence dans la paroi latéro-ventrale du péricarde.
L'organe de Bojanus s'ouvre d’une part, dans le péricarde
(région antérieure) ; il débouche d'autre part à l'extérieur, au
niveau de la papille déjà signalée en dehors du canal génital.
Chez les Chames, les deux glandes bojaniennes droite et
gauche sont nettement séparées l'une de l'autre. |
Appureil circulatoire. — L'appareil circulatoire des Chames {|
ne présente rien de particulier. Il a été étudié chez la Chama
Rupellii Reeve par Ménégaux (90).
L'étude que j'en ai faite à porté surtout sur l'espèce Chama
tostoma Conr.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES a11
Le cœur se compose, comme celui de tous les Acéphales bien
évolués, d'un ventricule petit, arrondi, musculeux et épais, que
traverse le tube digestif. Ce ventricule est relié à la paroi ven-
trale du péricarde qui, se relevant en cette région, constitue
une sorte de colonne à base très élargie, au centre de laquelle
se trouve la portion ascendante du tube digestif. Ce dernier
traverse le cœur, labordant donc par sa face inférieure ou ven-
trale, et le quittant par la dorsale. Aussitôt sa sortie du cœur,
l'intestin se dirige en arrière pour longer le bord postérieur du
muscle addueteur postérieur. Le ventricule communique laté-
alement avec deux oreillettes à parois très minces, sensible-
ment égales, et qui ne se réunissent pas ventralement. Les
orifices ventriculo-auriculaires sont munis d'un anneau muscu-
leux très fort dépendant du ventricule et possédant des valvules.
Le ventricule émet deux aortes, lune antérieure, à l'origine
de laquelle est une valvule, l'autre postérieure. Ménégaux a
pu étudier d'une façon plus complète que je n'ai pu le faire
ces artères et leurs branches, ayant eu à sa disposition des
matériaux en meilleur état que les miens et se prêfant mieux
aux injections.
Sur les animaux que j'ai étudiés, l'aorte antérieure suit un
peu à droite (du côté de la valve libre par conséquent), au-dessus
du tube digestif, la dépression cardinale. Sur la Chama Ruppelli
Reeve qui est celle qu'a étudiée Ménégaux et où la fixation se
fait par la valve droite, elle suit un peu à gauche la même
dépression. Bientôt elle donne des artérioles destinées aux lobes
palléaux et dont la plus considérable se rend au lobe palléal
répondant à la valve fixée. De l’aorte antérieure partent aussi,
près de sa naissance, des artérioles destinées à la membrane
interbranchiale.
Vient ensuite l'artère viscéro-pédieuse qui, passant du côté de
la valve fixée par rapport au tube digestif, irrigue les palpes
labiaux, le tube digestif, le foie, la partie antérieure de la glande
génitale et le pied.
À sa terminaison, l'aorte antérieure donne les deux cir-
cumpalléales antérieures qui naissent au niveau de l'extrémité
supérieure du muscle adducteur antérieur qu'elles irriguent.
Elles suivent la commissure palléale.
312 R. ANTHONY
L'aorte postérieure est très courte; elle est située ventra-
lement par rapport au tube digestif et donne bientôtles deux
circumpalléales postérieures qui s'unissent le long de la com-
missure palléale aux deux circumpalléales antérieures. Aupa-°
ravant, elle à émis une branche qui, passant en avant du muscle
addueteur postérieur, l'irrigue ainsi que le ganglion viscéral.
De ces différentes artères, le sang passe dans les lacunes dont
la plus importante estle sinus rénal situé en avant du muscle
adducteur postérieur. Le sinus pédieux est extrèmement réduit.
Du sinus rénal ou lacune médiane, le sang passe dans les
vaisseaux afférents (artères branchiales), lesquels suivent le bord
supérieur des feuillets réfléchis des branchies.
IL y à quatre artères branchiales, deux droites et deux gauches.
De ces quatre grandes artères, le sang se distribue dans le
système capillaire des branchies suivant le mode déerit par
Ménégaux et gagne enfin les vaisseaux efférents ou veines
branchiales, au nombre de deux, l'une droite, l'autre gauche,
situées à la base de la cténidie, dans le méso-branchial et
qui communique largement avec l'oreillette.
Le sang suit donc un trajet en tout analogue à celui qu'il par-
court chez les autres Acéphales : parti du cœur, il passe par les
artères, irrigue les organes, passe dans les lacunes, puis dans
les branchies, où il s'hématose, et, de là, retourne au cœur.
Système nerveur. — Le système nerveux des Chama ne pré-
sente rien de spécial. Je lai particulièrement étudié chez la
Chama iostoma Conr.
Les ganglions cérébro-palléaux se trouvent situés de chaque
côté de la bouche, au-dessus de laquelle passe la commissure
antérieure. Chaque ganglion cérébro-palléal émet en avant un
nerf qui longe la face postérieure du muscle adducteur antérieur
et bientôt se divise en deux branches. C'est le nerf palléal anté-
rieur. Du ganglion cérébro-palléal part également le grand
connectif cérébro-viscéral qui, situé profondément, repose
en avant sur le foie, passe en pleine glande génitale et rejoint
le ganglion viscéral unique constitué par la réunion des deux
ganglions droit et gauche. Ceganglion repose sur la face anté-
rieure du muscle adducteur postérieur comme chez les autres
Acéphales. En dehors des connectifs cérébro-viscéraux, ce gan-
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES Es:
glion émet plusieurs branches : le nerf palléal qui suit laface an-
térieure du muscle adducteur postérieur etgagne bientôt, après
s'être divisé en deux branches, sa face postérieure, et le nerf
branchial qui suit le bord postérieur libre du méso-branchial.
ën plus du nerf palléal antérieur et du connectif cérébro-
viscéral, chaque ganglion cérébro-palléal émet un connectif céré-
bro-pédieux très mince. Les deux connectifs cérébro-pédieux
aboutissent à un ganglion pédieux unique situé à la base du pied
et duquel partent quelques filets nerveux destinés à l'innerva-
tion de cet organe rudimentaire.
L'état des pièces que j'avais à ma disposition ne m'a pas
permis d'étudier les organes des sens.
Embryogéne.
En dépit du grand intérêt qu'elle semble devoir compor-
ter en vue de l'explication possible des formes fossiles, lem-
bryogénie des Chames semble avoir été singulièrement né-
gligée (Voy. Jackson (90) et F. Bernard (97). L'embryogénie des
premiers stades paraît 4 priori devoir se rapprocher beau-
coup de celle que l'on observe chez les autres Acéphales;
nous ne nous en occuperons pas; celle des derniers stades au
contraire nous intéressera, et, plus particulièrement l'histoire
du développement de la coquille.
Sur les polypiers et sur les coquilles des différents Lamelli-
branches rapportés du golfe de Tadjourah par M. Ch. Gra-
vier, J'ai, à l’aide de la loupe binoculaire de Zeiss, pu décou-
vrir des Chames de tout âge, depuis la prodissoconque,
qui à envion 3 de millimètre de long, jusqu'à la forme ayant
1 millimètre et plus (dimensions auxquelles on peut considérer
que l'animal a à peu près acquis les caractères de l'adulte).
Je ne veux point insister sur la difficulté de cette récolte,
sur les accidents de toutes sortes, causes d’amères déceptions,
qui peuvent survenir aux échantillons si petits et si fragiles
que le moindre souffle peut les emporter, mais je üens à
répondre par avance à une question que beaucoup de lec-
teurs se poseront peut-être et à laquelle j'ai déjà répondu, d'ail-
314 R. ANTHONY
leurs, en partie dans la chapitre I, à propos de l'exposé de mes
méthodes de recherches. On pourrait se demander comment,
lorsque l'on à affaire à une forme jeune de Lamellibranche
provenant de la mer Rouge, on peut reconnaitre qu'elle appar-
lient à une espèce du genre Chama? D'abord, si l'animal est
déjà fixé il n'ya pas de doute possible, les Chames étant les
seuls Acéphales dimyaires fixés en position pleurothétique
existant dans la mer Rouge et le golfe d'Aden et leurs formes
jeunes ne pouvant être confondues ne serait-ce qu'à cause de
leur dentition, avec celles des Spondyles, des Huîtres ou de
Plicatules. Lorsque, par contre, l'on à affaire à un animal non
encore fixé, la diagnose est plus délicate et, dans ce cas, on doit
se fier aux ornements de la coquille qui sont précisément
pour les jeunes Chames très particuliers; de plus, par la mé-
thode des comparaisons d'individus de dimensions €rois-
santes, on peut arriver à établir une série de formes qui se
relient les unes aux autres et finissent par aboutir à une forme
adulte connue ; de plus, enfin, les différentes formes aux diffé-
rents stades de développement peuvent bien se discerner sur
les jeunes coquilles de 1! millimètre de diamètre, ce qui permet
de reconnaitre et de déterminer les individus arrêtés à un
stade ontogénique moins avancé.
Ces procédés sont aussi, ainsi que je l'ai dit, ceux qui furent
employés par F. Bernard, et on sait ce qu'ils lui ont donné.
Enfin, ayant comparé les formes de jeunes-Chames que j'avais
recueillies à deux jeunes individus vraisemblablement fossiles
recueillis jadis par Félix Bernard et qu'il n'a pas eu le temps
d'étudier d'une facon complète, je me suis aperçu que j'étais
complètement d'accord avec lui. Je crois par conséquent que
l'identité de mes matériaux ne peut être mise en doute.
IL m'a été impossible de mettre des noms spécifiques sur
ces formes jeunes de Chames que j'ai étudiées. En effet,
M. Ch. Gravier a recueilli des Chames appartenant à plusieurs
espèces différentes dont Je donnerai, d’ailleurs, ultérieurement
la liste, et une forme jeune quelconque aurait pu être attribuée
avec autant de raisons à l'une ou à l'autre de ces espèces.
1° Prodissoconque. — La prodissoconque de Chama sp. —
j'ai pu en recueillir 6 exemplaires — est une petite coquille
TV A _ _— — — — —
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 319
équivalve et équilatérale de de millimètre de long à peu près,
allongée d'avant en arrière. Elle est lisse, dépourvue de tout
ornement et ne possède pas de dents, comme c'est la règle pour
toutes les prodissoconques d'Hétérodontes. A son sommet Je
n'ai pu distinguer la limite du protostracum dont F. Bernard a
signalé l'existence pour plusieurs espèces. D'après Jackson (90);
p. 370, les crochets seraient dirigés en avant. Il ne m'a pas
paru en être ainsi sur mes exemplaires.
2° Dissoconque. — Dansle développement de la dissoconque
ou coquille définitive, il ne me semble pas nécessaire d'admettre
pour le genre Chama, ni pour d'autres d'ailleurs, les deux stades
népionique et néologique qu'a distingués Jackson (90). Ils
seraient d’ailleurs, dans ce cas particulier, difficiles à séparer,
et, il semble plus simple de considérer pour les Chames deux
stades, l'un qui précède la fixation, l'autre, l'adulte, qui la suit.
a. Coquille définitive avant la fixation. — Je n'ai pu en recueil-
lir qu'un seul exemplaire heureusement complet et #4 valves
isolées, 1 droite et 3 gauches, de mème taille. C'est d'après
l'exemplaire complet, qui est d’ailleurs représenté dans la
figure #1, que je fais cette description. Pendant un certain temps,
après le développement de la prodissoconque, la coquille défi-
nilive conserve sa forme équilatérale. Mais bientôt, à partir à
peu près du moment où elle atteint 2 millimètre de diamètre
—
antéro-postérieur, les zones d'accroissement se développent
davantage dans la région postéro-ventrale et de moins en moins
FPE RCE
en avant, ilen résulte que lorsque la coquille à atteint = ou 3 de
millimètre de diamètre, ce qui marque à peu près le stade
à partir duquel elle se fixe, elle affecte la forme inéquilatérale
d'un Anisomyaire très voisin encore des Isomyaires, quelque
chose rappelantun Lithocardium encore peu évolué. Les valves
de cette petite coquille, que l'on peut désigner sous le nom
de forme inéquilatérale où Lithocardioïde, sont à peu près égales
etsemblables, très bombées, rappelant même par leur profil
coronal la forme d'un petit Cardium. Elles ne présentent pas
l'arête dorso-ventrale, si aiguë, qui est la caractéristique des
316 R. ANTHONY
Lithocardium, mais une arrête sensiblement plus mousse ;
ventralement elles se terminent comme eux par une partie
légèrement en pointe ou même en cro-
YARIS chet. À ce stade inéquilatéral les jeunes
Chames ont encore la forme des Acéphales
Ki euthétiques, c'est-à-dire que leurs deux
1e valves sont semblables, qu'elles sont symé-
nig 4 GRR E ont semblables, qu'elles ont ymé
versale de jeune Cha lriques par rapport au plan sagittal. Leur
na sp. avant la fixa- RP RERES ENT Re : SEE a se à
tion. Cette figure est PTNeMentation est très spéciale et ne rap-
destinée à montrer pelle en rien celle des Chames adultes; elle
l’arête mousse dorso- . À . : e
AE consiste en côtes radiales bien marquées,
analogues à celles des Cardium en géné-
ral: mais ces côtes au lieu d'être conti-
nues sont croisées et même souvent interrompues par des stries
d'accroissement très accusées dont le relief est peut-être aussi
marqué que le leur. Il en résulte un aspect d'ornementation
Fig. 41. — Vue intérieure de deux valves (individus différents) de Chama sp. avant
la fixation. — I, valve devant être fixée ; II, valve libre; 1, dent 1; 2, dent 2;
3, dent 3; 4, dent #4: p, dent latérale postérieure. À remarquer les limites de la
prodissoconque ét l’ornementation de la dissoconque, vue par transparence.
extérieure qui rappelle un peu, quoique moins vigoureux,
dans la famille des Veneridæ, celui des Venerupis, auxquels
Jackson (91), F. Bernard (98) et moi sommes d'accord pour
les comparer. Sur de jeunes Chames déjà fixées, représentées
par Rouault dans son mémoire sur l'Éocène des environs de
Pau, on retrouve figurées ces mêmes ornementations qui
d'ailleurs chez les Échinochama adultes sont encore souvent
visibles.
Sur ces jeunes coquilles il m'a été impossible de distinguer
nettement les traces des impressions musculaires, mais 1l est
possible, même probable, que, comme chez les Lithocardium
EE
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES Di7
adultes, le muscle adducteur antérieur soit chez les jeunes
Chames moins développé que le postérieur.
Les dents de la charnière rappellent celles de la Chame
adulte, mais sont moins fortes et plus nettement individua-
lisées.
La formule dentaire est la suivante :
LA c LP
V dr. QAR 2785 ae
V g. ORAN AE
Comme on peut s'en rendre compte, cette formule très voi-
sine, par l'absence de dents latérales antérieures, de celle des
Lithocardium, est semblable à celle des Chames adultes, avec
celte différence qu'à la valve droite il existe du moins sur les
individus que jai observés une dent cardinale de plus, la
dent 1. Chez les Chames adultes, en effet, cette dent 1 n'existe
pas ; dans certains cas, Je Pai vue ébauchée mais jamais elle ne
présente la netteté de celles des formes jeunes avant la fixa-
tion. Chez les Dicératinés, au contraire, cette dent existe et il
est précisément intéressant de rapprocher à ce point de vue les
formes jeunes des Chaminés des Dicératinés. F. Bernard (97)
avait également constaté la présence de la dent cardinale 1 des
Diceras sur les formes jeunes de Chames. Nos observations
concordent donc.
De plus, à ce stade, la dent cardinale # à paru à F. Bernard (97)
comme à moi extrèmement réduite. Elle doit vraisemblablement
prendre son complet développement plus tard (Voy. fig. 41).
Les dents des jeunes Chames à ce stade ont un volume moins
considérable que celle des Chames adultes par rapport aux
dimensions de la coquille. La figure 41 dispense, d’ailleurs, de
plus amples développements.
Comme chez les autres Acéphales, et ainsi que l'ont montré
Munier-Chalmas (95) et F. Bernard (95), le ligament existe au
début dans une petite fosselte triangulaire située au niveau du
crochet et légèrement dirigée d'avant en arrière. Peu à peuil se
développera d'avant en arrière tout en tendant à devenir exté-
rieur. Rien de particulier n'offre, pendant ce stade antérieur à
la fixation, le développement du ligament chez les Chames.
8. Coquille définitive après la fixation. — J'ai pu recueillir un
318 R. ANTHONY
grand nombre de jeunes Chama iostoma Conr. fixées, depuis
ja plus petites jusqu'aux formes adultes, ayant atteint leur
9
l
maximum. Lorsque la jeune Chame à atteint à peu près—- ou 3
de millimètre de diamètre antéro-postérieur, elle se fixe par une
de ses valves; sur l'espèce que
J'ai étudiée à ce propos (Chama
iostorma), la valve par laquelle la
fixation s'opère est la gauche, et
cette fixation se fait heure par
la région antérieure exclusive-
ment. Chez d'autres espèces, —
Chama Brassica Reeve, par
exemple, — la fixation se fait par
toute la surface de Ja valve. Dans
Fig. 42. — Jeune Chama sp. aprèsla l'un et l’autre cas, aussitôt la fixa-
RntRe re libre LE lion produite, la région de la co-
p, prodissoconque; /, limite de
la dissoconque] avant la fixation quille qui est fixée tend manifeste-
caraciépsée par #08 OR ment, par la disposition, de ses
LAN Hi ee zones d'accroissement succes-
sives, à prendre la forme arrondie. J'ai eu la chance de pouvoir
suivre le processus par lequel cet arrondissement s’accomplit.
Comme il vient d'être dit, chez les Chames, comme d’ailleurs
chez tous les autres Acéphales, le Higament qui ue au niveau
du crochet s'étend peu à peu d'avant en arrière. Les zones
d'aceroissement de la coquille, ainsi que l'a reconnu pour
l'ensemble des Acéphales F. Bernard (95), débutent, d'autre
part, en arrière, au point où le ligament s'est arrêté après
chaque période d’accroissement : le ligament S'avance en même
temps qu'une zone calcaire se forme ; le ligament avance
à nouveau et il se forme en même temps une nouvelle zone
calcaire et ainsi de suite. Si le ligament et la coquille croissent
avee une rapidité ou mieux une intensité à peu près égale,
il est facile de concevoir que le premier s'étendra suivant une
ligne à peu près droite d'avant en arrière, qui rencontrera per-
pendiculairement les zones d’accroissement. C'est ce que l'on
observe chez l'Anodonta cygnea Lmck, par exemple, dont le
ligament est à peu près rectiligne. Mais, cet équilibre entre
TT mm,
TE — —— o — — — S
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 319
l'intensité de croissance du ligament et l'intensité de croissance
de la coquille peut, dans certains cas, ne pas exister ; c'est ce
qui se produit, par exemple, pour un certain nombre d’Acé-
phales, comme l’/socardia, par exemple. Chez les Chames les
choses ont une tendance manifeste à se passer de la même
facon. Lorsqu'elles se fixent, quoiqu'encore de petite taille
! 2 ee |
3 US de millimètre) elles sont, au point de vue ontogé-
_
nique, déjà assez avancées et après la fixation, le ligament conti-
nue à croitre avec une inten- 7
sité telle que la coquille
semble ne pas pouvoir le sui 2
vre. Une couche calcaire se
dépose eten même temps Île
ligament parcourt un grand 2
espace le long du bord posté-
rieur de la coquille, avant que
la couche calcaire suivante
n'ait commencé à se dévelop-
EE Il en résulte HUE le liga- Fig. 43. — Schéma destiné à indiquer le
ment au lieu de suivre une mode d’enroulement des crochets chez
noidroite comme tichez enr sr cb entoure
S , côté postérieur; 1, ligament ; 2, couches
l’Anodonta cygnea Lmck, calcaires concentriques.
suit une ligne courbe le long
du bord postérieur de la coquille et que chaque zone calcaire con-
centrique de cette dernière commence toujours de plus en plus
ventralement. Lorsque la coquille à en somme { millimètre de
diamètre, son ligament s'étend suivant une ligne courbe depuis
son crochet le long du bord postérieur de la coquille et les zones
d’accroissement calcaire, au lieu de le rencontrer à peu près
perpendiculairement, comme chez l'Anodonta cygnea Lmck, le
rencontrent suivant un angle très aigu (Voy. fig. 43) (1).
F. Bernard à montré que dans un Acéphale à ligament
rectiligne, les choses se passaient absolument comme, si les
valves tournant autour du higament comme autour d’une char-
nière ets’écartant progressivement l'une de l’autre, la substance
(4) ILest important de ne pas oublier que des phénomènes de croissance de
la coquille et du ligament sont absolument concomitants.
320 R. ANTHONY
calcaire tendait à remplir continuellement l'espace laissé libre
entre les bords.
Chez la Chame, par le fait que le ligament au lieu de suivre
dans son développement une marche rectiligne, suit une marche
curviligne, l'axe autour duquel tournent les valves tend à se
déplacer progressivement d'avant en arrière, restant toujours
tangent au bord ligamentaire ; il s'ensuit que les valves tendent
de plus en plus à s’écarter Pune de l'autre en avant et que le
ligament se fend de plus en plus dans sa partie antérieure,
c'est-à-dire la plus ancienne. En outre, comme chaque nouvelle
couche calcaire tend à remplir constamment l'espace laissé
libre par l'entrebäillement des valves, ils s'ensuit que Papport
de calcaire s'étend de plus en plus en avant à mesure que le
ligament se déplace vers l'arrière, empiétant toujours sur la
partie antérieure divisée de ce dernier. ILest facile de se rendre
compte qu'un enroulement dans le sens de la flèche est le
résultat final de tout ceci et que le contour sagittal arrive à être
complètement arrondi.
En résumé done, la fixation semble provoquer une tendance
à l'acquisition de la forme arrondie qui s’acquiert par enrou-
lement, lequel est rendu possible par la rapidité et l'intensité
de croissance du ligament, qui doit être un fait propre aux
Chamidés comme aux /socardin par exemple.
A mesure que l'animal vieillit, Le point l' se déplace vers l’ar-
rière et la partie / #2 "du ligament décrit une hélice (Voy. fig. 23).
Lorsque la fixation s'est établie, d'autres caractères appa-
raissent. Ce sont d'abord ceux des ornements extérieurs de la
coquille : les couches calcaires concentriques se déposent avec
une telle rapidité et sont tellement serrées que les stries
rayonnantes ne sont plus visibles; de plus, elles deviennent
irrégulières, se couvrent de productions diverses el l'on arrive
ainsi à cet aspect extérieur si particulier qu'ont les Chama
iostoma Conr. par exemple, caractérisé par l'absence de stries
radiales, et la présence de stries concentriques irrégulières
couvertes d'épines, de tubercules ou de lames.
Outre cela, les dents de la charnière changent d'aspect; à la
valve fixée la dent cardinale 2 prend des dimensions CONSI-
dérables ; à la valve libre, la dent 1 disparait, n'existant plus
«à
ss ee
TS — ie TT —
= AT A
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 321
chez l'adulte qu'à titre d'exception, et encore très réduite ; la
dent 3 etla dent latérale postérieure tendent à se confondre ; et,
ainsis'établit la formule dentaire connue du genre Cana adulte.
Physiologie.
N'ayant pu me procurer de Chames vivantes et n'ayant pu,
à plus forte raison, les observer dans leur milieu, j'ai dû
nalurellement laisser de côté l'étude de leur physiologie spéciale
qui, vraisemblablement, ne doit guère différer de celle des
autres Acéphales, et me contenter au point de vue éthologique
des observations des autres. C’est ainsi que je me suis rapporté
aux descriptions de Saville-Kent (93) concernant les Chames
qui vivent sur le grand récif-barrière d'Australie el à celles de
François (89) qui, dans une correspondance qui fut publiée
dans les Archives de Zoologie expérimentale, donne des détails
sur le mode d'existence des Chames d'Océanie. Maïs c'est à
M. Ch. Gravier surtout que Je dois les plus nombreux et les plus
précis de mes renseignements éthologiques. M. Ch. Gravier,
en effet, à accompli durant l'hiver 1903-190%, dans le golfe
de Tadjourah, une mission du Ministère de l'Instruction
publique. Je Jui avais indiqué avant son départ d'une façon
tellement précise les renseignements qu'il m'était utile d'avoir,
que les observations qu'il a recueillies ont à mes yeux une valeur
sensiblement égale à celle qu'elles auraient pu avoir si elles
avaient été prises par moi-même.
Les Chames sont des Mollusques marins qui ontune aire de
réparlition assez étendue suivant une large zone disposée de
part et d'autre de l'Équateur. Elles sont déjà presque rares
dans la Méditerranée et au delà, c’est-à-dire dans l'Océan
Allantique, elles sont rarissimes [Voy. Chama Nicolloni (Dautz)
signalée par Dautzenberg (92)]. I semble qu'il leur faille une
certaine température et ce sont d'ailleurs, comme les Diceras et
les Rudistes de jadis, des Mollusques constructeurs de récifs.
Elles sont fixées en position pleurothétique par l'une de leurs
valves, le plus souvent la gauche, quelquefois la droite sui-
vant les espèces (1).
(1) Je n'ai jamais constaté que dans la même espèce il y ait des individus
fixés les uns par une valve, les autres par l’autre.
ANN,. SC. NAT. ZOOL. AE |
D9 R. ANTHONY
La fixation se fait, pour un certain nombre d'espèces, par la
région antérieure de la valve seulement, pour d’autres par l'en-
semble de la surface valvaire. Chez les premières le plan sa-
gittal est oblique par rapport à la surface de fixation ; chez les
secondes, il est parallèle, C'est-à-dire le plus souvent hori-
zontal. |
Les Chames sont des animaux essentiellement littoraux qu'on
trouve, soit dans la zone de balancement des marées, c'est-
à-dire recouverts d'eau à haute mer, découverts à mer basse,
soit dans la zone qui suit celle du balancement des marées, €’est-
à-dire constamment recouverts d'une certaine épaisseur d'eau
même pendant les marées les plus basses. À basse mer cette
épaisseur ne dépasserait jamais, d'après M. Ch. Gravier, trois ou
quatre mètres.
D'après ce même auteur, les Chames auraient dans le golfe
de Tadjourah deux habitats principaux : 1° sur les parties
mortes des polypiers, et elles semblent rechercher les formes
massives, ceux qui sont eux-mêmes le plus solidement fixés;
ce sont les formes fixées par l'ensemble de leur valve (Chama
brassica Reeve) qu'on trouve fixées aux polypiers comme un nid
aux branches d'un arbre. Elles ne découvrent jamais complè-
tement à mer basse.
2 Sur des plateaux calcaires, et ce sontles formes fixées
par la région antérieure seulement et qui découvrent à chaque
marée. Lorsque les vagues ont dénudé un de ces plateaux cal-
caires dont est formé le sous-sol de la région, on est à peu près
sûr de trouver ce plateau recouvert d'un véritable champ de
Chames fixées d'une façon si solide que l'intervention du
ciseau et du marteau est presque toujours nécessaire pour les
détacher.
Celles qui se trouvent dans la partie haute du plateau, c'est-à-
dire celles qui restent découvertes le plus longtemps à marée
basse, sont le plus souvent logées dans de petites euvettes où
elles peuvent conserver leur humidité, fait à rapprocher des
conditions ordinaires d'existence déjà signalées des Moules de
roche dans la baie de Douarnenez. M. Ch. Gravier a observé de
ces champs de Chames au plateau du Serpent et aux îles Musha.
Les formes de cette deuxième catégorie sont lisses, semblant
— ee 2 ——
|
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 123
_
roulées, alors que les premières, qui vivent toujours sous une
certaine épaisseur d'eau, présentent des ornements qui seraient
très nets sans la gangue calcaire qui les recouvre.
La raison de cette différence d'aspect est aisée à comprendre
et fait songer que peut-être bien des espèces créées en raison
de l'absence de tout ornement à la surface de leur coquille ne
devraient pas exister.
D'après M. Ch. Gravier, les Chames vivant sur les plateaux
calcaires se rencontreraient souventgroupées par deux individus
qui seraient de taille inégale.
En somme, les Chames sont des animaux littoraux recherchant
surtout les eaux chaudes et agitées et par conséquent claires et
bien aérées. C’est l'éthologie habituelle des Dimyaires fixés en
position pleurothétique.
D'après les documents que j'ai consultés, il semble que pour
les Chames les conditions d'existence soient à peu près les
mêmes partout.
Affinités.
La question des affinités des Chames constitue un grave pro-
blème.
La plupart des auteurs s'accordent à faire des Chames des
Cardiüdæ. C’est à côté de ces derniers d’ailleurs qu'on les classe
le plus souvent dans les traités de Zoologie et dans les galeries
de collections.
Voyons sur quoi l'on peut baser cette opinion.
Lorsqu'on écarte les deux valves d’une Chame d'espèce quel-
conque et que l’on dilacère l’un des lobes de son manteau, la
première chose qui saute aux yeux de l'observateur, c’est la
branchie, grâce à laquelle on est immédiatement obligé de
classer l'animal dans le groupe des Eulamellibranches, c'est-
à-dire des Acéphales à branchies tretllagées. On ne tarde pas à
S'apercevoir ensuite que les deux lobes palléaux sont réunis,
ne laissant que trois ouvertures, deux siphonales et une pé-
dieuse, ce qui oblige immédiatement à penser que les Chames
Acéphales fixées en position pleurothétique dérivent d’ani-
Maux primilivement céphalothétiques. La séparation très nette
324 R. ANTHONY
entre l'orifice inspirateur et l'ouverture pédieuse, nous font éli-
miner parmi ces derniers, tous ceux de la première cätégorie
(Submytilacea et surtout les Carditidæ dont on pourrait être
tenté de les rapprocher (1); le peu de longueur des tubes
siphonaux, la disposition du ligament, nous font également
éliminer ceux de la troisième, parmi lesquels, au contraire, doit
être recherchée l'origine des Myochamidæ et des Chamostreidæ
dont il sera question plus loin. Les Chames semblent donc être
dés céphalothétiques de la deuxième catégorie adaptés à la fixa-
tion pleurothétique.
Examinons maintenant les différents organes ef appareils de
Chamidés en essayant de les rapprocher de ceux des animaux
de ce groupe avec lesquels ils peuvent avoir quelque affinité.
Coquille : Un caractère qui au point de vue de la recherche
des affinités peut avoir une grande importance, est celui qu'on
tire de leur ornementation. Sur les Chames adultes, l'ornemen-
tation est difficilement caractérisable. Outre que la coquille est
le plus souvent recouverte de différentes productions qui en
cachent les détails, les épines, les lames et tubercules des stries
concentriques prennent une telle importance que beaucoup
de détails des stries radiales deviennent méconnaissables. Ce
n'est donc pas sur les coquilles de Chames adultes qu'il semble
qu'il faille rechercher les caractères de parenté. Sur les formes
jeunes au contraire non encore fixées, les ornements sont très
spéciaux el se rapprochent infiniment de ceux que l'on rén-
contre à l'état adulte chez certains Vénéridés, comme s'accordent
à l'affirmer Jackson (90), F. Bernard (97) et moi-même; 1ls
n'ont aucun rapport avec l'ornementation des Cardidés ainsi
que Douvillé en fait la juste remarque. Mais la dentition des
jeunes Chames se rapproche absolument de celle des Cardüdæ
adultes, et plus particulièrement de celle du genre Zitho-
cardium, chez lequel comme chez les Chames la dent latérale
antérieure à disparu.
Ligament : Chez les Chames, le ligament est comme chez les
Tridacnes, un peu moins externe que chez les Card.
(1) Il ne serait pas admissible en effet que des Carditidæ aient pris par le fait
de la fixation pleurothétique une disposition caractéristique des formes
céphalothétiques déjà très évoluées.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 325
. Manteau : Nous n’y reviendrons pas, il rappelle absolument
par la disposition de ses orifices, les Céphalothétiques de la
deuxième catégorie, dans laquelle entrent les Cardium.
Branchies : Chez les Chames, nous l'avons dit, les branchies
sont treillagées, plissées et la lame interne possède à l'exelu-
sion de la lame externe le long de son bord libre une gouttière
longitudinale. Chez les C'ardium et chez les Tridacnes ces mêmes
caractères existent. (Voy. au sujet du plissement des bran-
chies des Chames, Tridacnes et Cardiun, Pelseneer (91).
La branchie de la Chame est très semblable à celle d'un
Cardium.
Tube digestif : Le tube digestif des Chames est par rapport à
celui du Cardium edule (Linn.) et du Cardium Noriwegicum
(Speng.) où nous l'avons étudié, extrêmement simple [Voyez à
ce sujet, la figure de Johnstone (00). Mais cette considération
ne suffit pas pour éloigner les Chames des Cardidæ, chez les-
quels d’une espèce à l’autre les plus grandes variations existent
dans la disposition du tube digestif.
Organes excréteurs et génitaux : Les organes excréteurs et
les organes génitaux n'offrent rien de particulier chez les
Chames. Comme chez elles, ils débouchent chez le Cardium
Norwegicum (Speng.) dans une papille unique semblablement
placée.
En résumé, par leurs caractèresles plus généraux, les Chames
sont, Sans qu'il ÿ ait aucune espèce de doute possible à ce sujet,
des Dimyaires céphalothétiques de la deuxième catégorie fixés
en posilion pleurothétique. La forme et la place de leur liga-
ment, la disposition de leurs orifices palléaux le prouvent.
À un point de vue plus particulier, elles semblent être des
descendants de Cardidæ etles arguments qui militent en faveur
de cette manière de voir peuvent être tirés surtout de la cons-
litution des branchies, de la disposition des dents, de la char-
nière.
Quant à la position du ligament, à l'ornementation de la
coquille jeune qu’on ne retrouve pas identique chez les Car-
ddæ et chez les Chames et sur laquelle on s'appuie parfois
pour séparer ces deux groupes, je ne crois pas qu'il faille leur
attacher une trop grande importance. En ce qui concerne l'orne-
326 R. ANTHONY
mentation en particulier, n'en voit-on pas dans à seule famille
des Vénéridés de très différentes (1).
Il me semble, en somme, que les Chames actuelles peuvent
être considérées comme provenant probablement de Cardüde
analogues par leur forme aux Lithocardium, c'est-à-dire
inéquilatéraux. Il est d'ailleurs à remarquer que les Tridacnes
qui viventsensiblement dans les mêmes régions que les Chames
proviennent aussi et avec plus de certitude de formes litho-
cardioïdes.
Leur apparition brusque avec tous leurs caractères dans les
couches de Gosau (Crétacé supérieur) empêche de les consi-
dérer comme des ancêtres des Dicératinés qui ont débuté à
la fin du Jurassique, beaucoup plus tôt par conséquent. Les
Chaminæ et les Diceratinæ semblent être deux branches sœurs
provenant de la même souche, s'en étant détachés à deux
époques différentes, mais ayant évolué à peu près dans le même
sens. L'évolution du phylum des Chames est actuellement
moins avancée que ne l'était celle du phylum des Diceras au
moment de leur disparition.
Morphogéne.
Deux conditions d'existence ont pu contribuer à l’établisse-
ment de la forme spéciale des Chames, c'est à savoir le pleuro-
thétisme et la fixation.
Le pleurothétisme, comme il à été dit plus haut, amène la
substitution d'une symétrie coronale à la symétrie sagittale
primitive. Les deux valves semblables chez les formes eu-
thétiques, deviennent ici de plus en plus dissemblables, la
supérieure tendant à s'aplatir et à prendre la forme opercu-
laire et l'inférieure, par le fait de la pesanteur agissant sur
les organes tendant à se creuser de plus en plus [Voy. Hyatt
(80) et Edm. Perrier (04), à propos du rôle morphogénique de
la pesanteur sur les formes fixées]. En même temps, les deux
extrémités antérieures et postérieures tendent à se ressem-
bler. C’est donc une tendance à l'établissement de cette symé-
(1) Les jeunes Tridacna elongata Lmck. d'ailleurs ont une ornementation
qui ressemble singulièrement à celle des jeunes Chames avant la fixation.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 97
trie radiaire qui parmi les Rudistes atteint la perfection pour
ainsi dire chez les Puonæa et les Barretia.
Quant à la fixation, elle peut, comme je l'ai dit plus haut, se
faire chez les Chames suivant deux modes : 1° par l’ensemble
d'une valve, et alors le plan sagittal est parallèle au plan de
fixation ; 2° par la partie antérieure seulement d'une valve, ce
qui, d’ailleurs, est le cas le plus fréquent, et alors le plan sagittal
est plus ou moins incliné sur le plan de fixation. Suivant l’un ou
l'autre de ces cas, la morphologie de la Chame est modifiée
d'une façon différente. En tous cas, il est certaines modifications
qui sont constantes quel que soit le mode de fixation, c'est à
savoir la régression des siphons caractéristiques des formes
céphalothétiques ancestrales et celle du pied que nous avons
suivie plus haut avec détails.
Comment est-1l possible d'expliquer que certaines Chames se
fixent les unes par l’ensemble d’une de leurs valves et les autres
par la région antérieure seulement.
Les premières, on se le rappelle, semblent, d’après les obser-
vations de M. Ch. Gravier, se trouver uniquement dans les
polypiers (Chama brassica), les autres au contraire sur des
plateaux calcaires plans (Chama iostoma et Chama Ruppelli) .
Les une et les autres affectent très vraisemblablement avant
leur fixation une forme lithocardioïde. Si donc, une jeune
Chame de forme lithocardioïde tombe sur un fond recouvert de
branches de polypiers, on conçoit qu'elle sera arrêtée par ces
branches sur lesquelles elle à toutes sortes de raisons de rester
posée de telle façon que son plan sagittal soit à peu près hori-
zontal à la facon d'un nid dans un buisson. Si, au contraire, elle
tombe sur une surface plane, on conçoit que, de par le fait de sa
forme même, elle ne pourra reposer que sur la partie antérieure
ou la partie postérieure d’une de ses valves. Or, la fixation se
fait toujours par la région antérieure. On pourrait se demander
pourquoi. La raison en est extrêmement simple, semble-t-il :
comme chez tous les Acéphales, chezles jeunes Chames, l'entrée
et la sortie de l’eau se font exclusivement par la région posté-
rieure, Il est donc naturel que cette région soit dirigée en haut ;
si elle était dirigée en bas, l'entrée et la sortie de l’eau ne
pourraient facilementse faire. Les efforts de la jeune Chame non
328 R. ANTHONY
encore fixée, dont le pied doit d’ailleurs être plus développé que:
celui de l'animal adulte, doivent donc tendre à lui faire occu-
per la position qui lui est la plus favorable à l'entrée et à l'éva-
cuation de l'eau. C’est la réalisation de l'attitude avantageuse
sur le rôle de laquelle, dans la constitution des formes ani-
males, Edm. Perrier à tant insisté.
Lorsque la fixation se fait par toute la valve entre les branches.
d'un polypier, c’est le contour sagittal qui s’arrondit et l’arron-
dissement se fait de la façon décrite au paragraphe de l’em-
bryogénie; chez la Chama brassica Reeve représentée dans la
figure 8 de la planche IT il est pour ainsi dire parfait.
Lorsque la fixation se fait par la région antérieure de la valve,
c'est cette région seule qui tend à s'arrondir. Dans ce cas, on
se Le rappelle, la région fixée fait avec la région postérieure qui
ne l’est pas, un angle approchant souvent de 90°. L’arète de cet
angle dièdre qui sépare les deux régions antérieure et posté-
rieure, correspond à l’arête des Lithocardium. Seulement, au
lieu d'être droite comme chez les derniers, elle est courbe,
décrivant une spire ainsi que le montre la figure 32. C'est par
cette direction spéciale de larète valvaire que se caractérise,
dans le cas de fixalion antérieure, la tendance à l’arrondisse-
ment de la région fixée : voyons en effet comment dans ce
cas l'arrondissement s’accomplit. Aussitôt la fixation produite,
la coquille commence à se développer suivant le mode naturel
dont il à été question et caractérisé par l'accroissement rapide
du ligament qui s'étend d'avant en arrière, suivant une surface
courbe, rencontrée par les couches calcaires successives sui-
vant des angles aigus ; les crochets commencent à s'enrouler
en avant. Chaque nouvelle couche calcaire se dirige d'abord
suivant le plan postérieur, c’est-à-dire vertical, puis, arrivée
au point de rebroussement se replie pour suivre la direction
du plan de fixation. Ces points suivant lesquels les couches.
calcaires se replient se disposent les uns à la suite des autres,
mais au lieu de se disposer en ligne droite, 1ls se disposent de
telle facon que la surface de fixation tend à se rapprocher
de plus en plus d’une surface circulaire. Chaque point de
rebroussement est, en somme, sollicité d'une part par le fait
de la fixation, à suivre la direction d’une circonférence,
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 329
d'autre part, il est sollicité à continuer la direction de la zone
d'accroissement, il s'ensuit que la limite externe des deux
zones, fixée et non fixée, serait en quelque sorte la composante
de ces deux directions.
Ainsi s'explique la forme spéciale des Chames fixées par leur
région antérieure, leur pointe ventrale etl’obliquité de leur plan
sagittal.
De plus, par le fait de la pesanteur et de l’action corrodante des.
eaux agités, la surélévation de la partie postérieure au-dessus
du plan de fixation tend à diminuer, et le plan sagittal tend à
devenir de plus en plus parallèle au plan de fixation.
Le rapprochement des deux muscles adducteurs en arrière,
la libération des branchies, l'accolement des palpes labiaux
aux lobes palléaux semblent en rapport avec l'arrondissement.
Il ne semble pas que les plissements des branchies puissent
ètre considérés comme une conséquence de l'arrondissement,
puisque ces plissements existent déjà chez les Cardüun.
Les valves fixées des Chames ne présentent pas la structure
cloisonnée qui est la caractéristique de celles de beaucoup
d'Acéphales fixés, tels les Huîtres et les Æthéries.
CHAPITRE III
MYOCHAMIDÆ
Historique. — Ce sont des animaux rares et vivant sur
une aire de répartition peu étendue. Ils ont été extrèmement peu
étudiés. En faisant abstraction des mentions et des descrip-
lions de coquille qui en sont faites dans les ouvrages de détermi-
nation et de systématique pures, on ne peut trouver à leur sujet
qu'un seul mémoire anatomique de Hancock (33), se rapportant
à la Wyochama, qui est le seulgenre de la famille. Quoique peut-
être insuffisant, ce mémoire constitue, surtout si l'on tient compte
du temps où il a été écrit (1853), un document morpholo-
gique précieux.
390 R. ANTHONY
Inutile d'ajouter que l'embryogénie et la physiologie de ces
animaux sont totalement inconnues.
Il n'existe pas de Myochama fossiles.
La Myochama à Yétude de laquelle je me suis attaché, est
la Myochama anomioïdes Slutch. dont un certain nombre
d'exemplaires (coquilles sèches seules) existent dans les collec-
tions de Malacologie du Muséum et de Paléontologie de l'École
des Mines.
Morphologie.
Coqlle. — Les Myochama anomioides Stutch. sont fixées par
leur valve droite sur les coquilles d'autres Mollusques. La surface
de fixation est large, s'étendant aussi bien sur la région posté-
rieure que sur la région antérieure de la coquille. La valve fixée
est généralement mince, et cette minceur atteint parfois un de-
gré tel que les différents ornements de la coquille sur laquelle la
Myochama vit fixée s'impriment sur la face intérieure dela valve
de cet animal. Les ornements extérieurs de la valve libre con-
sistent essentiellement en stries radiales souvent bifurquées sur
lesquelles on peut apercevoir, les croisant perpendiculairement,
les stries d’accroissement. De plus, comme on l'observe chez les
Anomia, lornementation de la coquille sur laquelle se fixe la
Myochame influe sur l'ornementation de cette dernière. C'est
ainsi qu'aux stries radiales propres de la Myochama viennent se
superposer sur la valve libre d'autres stries qui sont la con-
tinuation de celles, radiales ou concentriques, de la coquille
Servant de substratum. Suivant la position et l'orientation de la
Myochama, ces dernières croisent suivant un angle variable
les stries radiales propres.
Les Myochama sont légèrement nacrées sur leur face inté-
rieure. Leur forme est irrégulière, mais présentant une ten-
dance marquée à l'arrondissement. Toutefois, elle n'a pas
encore complètement perdu sa forme allongée d'avant en
arrière, caractéristique des formes céphalothétiques dont elle
semble provenir. L'allongement porte tantôt sur la région anté-
rieure, tantôt sur la région postérieure; et, le polymorphisme
de ces animaux atteint un degré tel, que je ne serais pas éloigné
de croire que toutes les espèces décrites de Myochama se rap-
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES sd
portent à une seule et même espèce, diversement modifiée par la
forme du substratum et des conditions de fixation multiples.
Les crochets ne sont pas enroulés.
La charnière des Myochama est simple.
Elle ne comprend pas de dents à proprement parler. Souvent
néanmoins, de chaque côté de la fossette ligamentaire, dont il
sera question tout à l'heure, existent deux crêtes allongées mal
Fig. 44. — Reconstitution d'après les données de Hancock de la coupe sagittale
possible de la Myochama anomioïdes Stutch. — 1, bouche ; 2, anus ; 4, muscle adduc-
teur antérieur ; 5, muscle adducteur postérieur; 7, orifice inspirateur; 8, orifice
expirateur ; 9, orifice pédieux; x, quatrième orifice palléal.
limitées sur la valve fixée et qui s’introduisent dans deux ca-
vités semblables de la valve libre. Toutefois cette disposition ne
semble pas constante.
Le ligament, très réduit comme chez les Céphalothétiques les
plus évolués, est logé dans une fossette triangulaire. N'ayant
eu que des coquilles sèches à ma disposition, 1l m'a été impos-
sible de faire de ce ligament une étude telle que j'aurais désiré
la faire. Sur les bords de la fossette s’insère la partie fibreuse
de ce ligament. Quant à sa portion élastique, elle s’insère au
fond de la fossette sur l’une et l'autre valve. À son intérieur est
un pelit osselet de forme pyramidale, dont la pointe est dirigée
dorsalement alors que la base regarde le bord libre des valves.
Les impressions des muscles sur les valves sont étendues, sub-
arrondies et l'impression palléale possède un sinus très marqué.
Parties molles. — Je vais me borner à décrire ici très briève-
ment l'anatomie des Myochamidæ d'après Hancock (53).
Chez ces animaux, les lobes du manteau très inégaux sont
292 R. ANTHONY
minces et translucides ; ils sont réunis, ne laissant entre eux
que quatre orifices, deux siphoniens, un pédieux, et un qua-
trième tout petit situé entre l'orifice pédieux et l'orifice inspira
teur. Les siphons n'ont pas encore complètement disparu et se
présentent sous la forme de deux tubes séparés assez allongés,
surtout l’expirateur. Des deux muscles adducteurs, l'antérieur
estsouvent plus allongé en coupe transversale que le postérieur.
L'après les figures de Hancock (53), la bouche semblerait
dorsalement disposée par rapport au musle adducteur antérieur.
Elle est munie de quatre palpes dont les antérieurs ne semblent
pas, comme chez les Chames, adhérents aux lobes palléaux. Les
branchies seraient, chez les Myochama, assez compliquées ;
elles sont treillagées ; chaque branchie se compose, comme d'ha-
bitude, de deux lames ; la lame interne, semblable à celle des
autres Acéphales, ne présente rien de particulier, la lame ex-
terne, au contraire, très peu développée, est réduite à son
feuillet direct; la disposition est un peu analogue à celle des
Chames, mais la réduction de la lame branchiale externe
semble encore plus accentuée. La membrane interbranchiale
est percée d’un orifice faisant communiquer les chambres
rélro-branchiales et palléales. Les branchies présentent des
plissements transversaux.
Le pied est petit, triangulaire, rappelant un peu celui des
Chames.
L'auteur ne donne aucun détail sur les appareils digestifs, crr-
culatoires et nerveux.
Embryogénie.
L'embryogénie des Myochama est complètement inconnue,
et, les matériaux qui avaient été mis à notre disposition ne nous
ont pas permis de combler cette lacune. Notre plus petit exem-
plaire avait encore 7 millimètres de longueur maxima et ne pré-
sentait aucune différence avec les adultes.
Physiol qgie.
La Myochama anomioïides Stutch. a une aire de répartition
assez restreinte. On la trouve uniquement localisée en un point
oo TS TE OS — A
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 339
des côtes d'Australie. Elle vit fixée, toujours par sa valve droite,
sur des coquilles de Gastéropodes ou d'autres Acéphales telles
que des Trigonies, des Pectunculus. Étant donnés les animaux
sur lesquels elles se fixent, tout fait supposer que les Myochames
vivent non loin des côtes dans la zone qui suit immédiatement
celle du balancement des marées.
On conçoit combien il devait m'être difficile de traiter la
question des affinités des Myochamidæ, n'ayant pu avoir à ma
disposition d'animaux pourvus de leurs parties molles.
J'ai donc dû pour cela me baser uniquement sur les carac-
tères de la coquille, et, quant à ce qui concerne les parties molles,
*
Jai dù tabler sur les seules descriptions de Hancock (53). II
est d'abord un caractère qui semble peu se modifier suivant le
genre de vie, puisque des Acéphales de toutes adaptationsle pos-
sèdent : c'est celui de la présence de la nacre. De quels Acéphales
dimyaires nacrés peut-on rapprocher la Wyochama? Les Trigo-
nies, en raison de la structure primitive de leurs branchies et
la forme spéciale de leurs dents, les Unionidæ, pour des raisons
multiples (deux ouvertures seulement au manteau, existence
fluviatle.…..) doivent être éliminés. Il ne reste plus alors que le
groupe des Aratinidæ. Un autre caractère extrêmement impor-
tant vient encore affirmer la parenté des Myochames et des Ana-
tines, la présence d'un lithodesme dans le ligament élastique.
Or, de tous les Acéphales, les seuls qui possèdent ce caractère
semblent être les Anatinidæ et les Tellinidæ avec leurs alliés.
La parenté des Myochama avec ces deux groupes très voisins
est done des plus probables. Elle S'affirmera bien davantage
lorsque l’on aura fait remarquer que, comme les Anatinideæ
et les Tellinidæ encore (à l'exception des Psammobia), les
Myochamidæ possèdent une lame branchiale externe dépourvue
de feuillet réfléchi et dorsalement ascendante. Au point de vue
du développement de la nacre, elles tiennent le milieu entre les
Anatnes si admirablement nacrées et les Tellines à coquille
porcelainée.
Enfin, le sinus palléal qu'elles possèdent encore vient avec la
394 R. ANTHONY
longueur de leurs siphons fournir un nouvel argument à cette
manière de voir, en indiquant bien nettement, ainsi que leur
ligament externe, qu'elles proviennent de Céphalothétiques de
re troisième catégorie.
En résumé donc, les Myochames semblent être des Anati-
nidæ modifiés par la fixation pleurothétique.
Morphogénie.
Quelles modifications la fixation pleurothétique a-t-elle fait
subir à ces animaux qui semblent avoir été primitivement des
Céphalothétiques de la troisième catégorie.
Le pleurothétisme seul semble d'abord avoir amené, comme
c’est le cas général, une substitution de la symétrie coronale à la
symétrie sagittale. Cette substitution se manifeste par une dis-
semblance des deux valves, dont l'inférieure, fixée par toute son
étendue, épouse le substratum.
De plus, le côté antérieur et le côté postérieur tendent à se
ressembler. De même, le lithodesme symétrique, par rapport
au plan sagittal et asymétrique par rapport au plan coronal des
Anatines, tend à devenir symétrique par rapport à ce dernier
plan en prenant la forme d'une pyramide presque régulière
à base carrée et orientée comme il l'a été dit.
La fixation, d'autre part, amène, elle aussi, un certain nombre
de modifications. C’est d’abord l'arrondissement de la surface
de fixation. Cet arrondissement s'accomplit d’une façon assez
simple : par le fait que l'animal duquel dérive les Myochames
semble avoir été un Céphalothétique de la troisième catégorie,
son ligament devait être assez réduit dans le sens antéro-posté-
rieur et situé exactement en face de crochets, comme cela existe
chez les Anatines, par exemple. De cette disposition il résulte,
comme l'on sait, que la croissance de la coquille doit se faire
chez des animaux de ce type d’une façon symétrique, c’est-à-dire
qu'elle croît à peu près autant en avant qu'en arrière et qu'il
n'y a pas la moindre tendance à l’enroulement des crochets
en avant.
Lorsque des animaux de ce type se fixent comme le font les
Myochames par toute la surface d'une de leurs valves, la forme
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 3930
arrondie s'acquiert, par une simple disposition régulière des
couches calcaires, lesquelles deviennent de plus en plus étroites
en arrière eten avant, et, au contraire, de plus en plus larges
dans la région ventrale. On conçoit que par ce processus, en
tout analogue à celui par lequel s’accomplit l'arrondissement
des Dimya, la coquille puisse arriver à prendre un aspect tout
à fait arrondi sans qu'il y ait enroulement ou pseudo-plicature ;
les crochets restent droits et le ligament déjà réduit presque
à un point, et pour des raisons tout autres expliquées précé-
demment, chez les Céphalothétiques ancestraux, conserve à peu
près sa forme.
Enfin, toujours sous l'influence de la fixation, les siphons et
le pied diminuent.
La grandeur relative du pied, des siphons et l'arrondissement
encore imparfait des Myochames montrent que ce sont, comme
le prouve d'ailleurs la date de leur apparition, des formes
éminemment récentes.
CHAPITRE IV
CHAMOSTREIDÆ
Historique. — Comme les Myochamidæ, les Chamostreidæ
sont des animaux rares et, comme eux, ont été extrêmement peu
étudiés.
Le seul mémoire anatomique qui les concerne est encore de
Hancock (53), et contient les principales indications morpho-
logiques intéressantes ayant trait à ces animaux.
Leur embryogénie et leur physiologie sont comme celles des
Myochamidæ totalement inconnues.
Il n'existe pas de formes de Chamostreidæ fossiles connues.
La Chamostrea à l'étude de laquelle je me suis attaché est la
Chamostrea albida Lmck dont quatre exemplaires (coquilles
sèches seulement) existent dans les collections de Paléontologie
de l'Ecole des Mines.
3306 R. ANTHON
Morphologie.
Coquille. — Les coquilles de Chamostrea albida Lmcek. pré-
sentent extérieurement une teinte rosée et leur intérieur est
généralement nacré. Tous les exemplaires qu'il m'a été donné
d'observer étaient fixés par la valve droite, et Hancock (53)
avait, d'ailleurs, fait la même constatation sur ceux qu'il avait
eus à sa disposition. De plus, la fixation se fait toujours par la
région antérieure, et, comme chezla Chama Ruppellü Reeve par
exemple, la région postérieure fait un angle dièdre à peu près
CL ZA
LLL LL LL
ZI
Fig. 45. — Coupe transversale de Chamostrea albida Limck. en position fixée. Les
hachures indiquent le substratum. — f, surface antérieure fixée ; 4, muscle adduc-
teur antérieur ; 5, muscle adducteur postérieur.
droit avec cette région antérieure fixée; il en résulte une sorte
d'arète courbe parcourant la valve fixée depuis le crochet
jusqu'au milieu de l'impression palléale ventrale, arête qui
rappelle celles que nous avons vues chez beaucoup de Chames
et qui, chez les Toucasia et les Gyropleura attemt son maximum
de netteté.
Les ornements extérieurs de la coquille consistent en stries
d'accroissement très nettes sans la moindre trace d'épines ou de
stries rayonnantes. Dans la région antérieure de la valve les
striesd'accroissement ontl'apparence plissée, froncée en quelque
sorte. Les crochets sont très visibles et nettement prosogyres.
Le contour sagittal, allongé dorso-ventralement, se termine
dans la région ventrale, comme chez les Chames fixées par leur
région antérieure, par une partie anguleuse correspondant à
l'arète courbe dont il vient d'être question.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES A1
La charnière de la Chamostrea albida Lmck. est très spéciale.
À la valve libre elle présente une cardinale antérieure qui s'in-
troduit dans une cavité correspondante de la valve fixée : en
arrière de la dent, est la surface d'attache du ligament élastique.
A la valve fixée, en arrière de la cavité, est une autre cavité
plus spacieuse sur là paroi supérieure de laquelle $'insère égale-
ment le ligament.
Étant donné l’état des matériaux que j'avais à ma disposition,
Je n'ai pu étudier ce ligament, d’ailleurs relativement réduit,
comme je l'aurais désiré. Tout
ce que je puis dire à son sujet,
c'est que sa partie élastique est
interne. Elle s'insère, d'une
part, sur la surface signalée
de la valve libre et sur la paroi
supérieure de la cavité liga-
mentaire de la valve fixée,
d'autre part, sur la face supé-
rieure d'un osselet réniforme
Fig. 46. — Reconstitution d'après les
données de Hancock de la coupe sa-
dont la concavité est dirigée gittale possible de Chamostrea albida
Lmck. — 1, bouche ; 2, anus : 3, pied;
en arrière el dont l'une des 4, musele adducteur antérieur : 5, mus-
extrémités emplit la cavité cle adducteur postérieur: 7, orifice
L : AS expirateur: 8, orifice inspirateur:; 9, ori-
ligamentaire de la valve fixée. fice pédieux.
Chez les Chamostrea albida
Lmck., les impressions musculaires sont très nettes. Celles
des addueteurs sont grandes et celle de l'adducteur antérieur
est très allongée dorso-ventralement. L'impression palléale est
dépourvue de sinus.
Parties molles. — C'est encore uniquement d'après Han-
cock (53) que je vais résumer l'anatomie des Chamostreidæ.
Elle à, d'ailleurs, beaucoup de rapport avec celle des
Myochanmide.
On y retrouve les quatre mêmes orifices du manteau, mais
là, les tubes siphoniens sont beaucoup plus réduits que chez
les Myochamu.
La position de la bouche par rapport au muscle adducteur
antérieur est la même.
Les branchies aussi sont identiques à ce qu'elles sont chez
ANN. SC. NAT. ZOOL. ie
339 R. ANTHONY
les Myochama, avec cette différence toutefois que le feuillet
réduit est libre du côté externe, comme cela se passe souvent
chez les Chames.
On retrouve, en somme, chez les Chamostreidæ les mêmes
caractères généraux que chez les 17 yochamideæ.
J'ai cru bien faire en essayant de reconstituer la coupe sagit-
tale de ces animaux en me servant des dessins publiés par
Hancock (53) et des indications anatomiques qu'il donne.
Embryogéme.
On ne connait rien de l'embrvogénie des Chamostreidæ, mais
tout porte à croire que le développement de la forme générale de
la coquille définitive doive se faire d'après un processus très
analogue à celui qui se produit chez les Chames fixées égale-
ment par la région antérieure de la valve.
Physiologie.
Il n'y à également que très peu de chose à dire sur l'éthologie
des Chamostrea, et la question semble épuisée lorsque l'on à noté
que leur aire de répartition est à peu près la même que celle des
Myochama, et qu'elles vivent fixées dans les conditions énoncées
plus haut. Toutefois, la fixation, au lieu de se faire sur les valves
d'autres Mollusques, se fait directement en sénéral sur le rocher,
eLil ne serait pas étonnant que, ainsi que les Chames fixées
par la région antérieure de leur coquille, elles soient des ani-
maux de la zone du balancement des marées, alors que les
Myochames seraient, comme Îles Chames, à zone de fixation
totale des animaux ne découvrant jamais.
Affinités.
En dépit des hésitations de Hancock (53), qui fut, à mon
avis, trompé par des caractères de convergence avec les
Chames, je crois qu'il n'est pas possible d'hésiter à rapprocher
les Chamostrea des Anaiinidæ. Leur parenté avec ce groupe
me semble appuyée par les mêmes raisons, que celles qui en ont
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 339
fait rapprocher les Myochumna. Leur mode de fixation, et
peut-être la forme possible des types ancestraux, comme
nous allons le voir, peuvent expliquer les différences entre les
Myochames et les Chamostrées, ces dernières étant de beau-
coup les plus évoluées.
Morplogénie.
Étant donné que les Chamostrea sont toujours, comme le sont
un certain nombre de Chames, fixées par la région antérieure
d'une de leurs valves, leurs caractères morphologiques peuvent
s'expliquer d'une façon tout à fait analogue à celle dont on
explique ceux des Chamidés fixés de la même facon.
Toutefois, 1l est intéressant de faire remarquer qu'étant donné
que les animaux, dont les Chamoslreidæ proviennent possèdent
un ligament interne, on ne trouve pas chez ces Chamostreidæ la
spirale ligamentaire des Chames et des Dicerus.
Ce fait du ligament interne n'empêche pas d'expliquer l'en-
roulement de la coquille. D'ailleurs, n°y a-t-il pas des formes
voisines des Anatines, les Verticordiüdæ, qui, par l'enroule-
ment très accentué de leurs crochets, rappellent les /socardia?
Les Chamostrea ne pourraient-elles provenir de formes ana-
logues, et ne pourraient-elles, au cours de leur développement,
avoir un stade précédant la fixation et se rapprochant plus
ou moins du stade lithocardioïde des Chames, ce qui expli-
querait la constance de leur fixation antérieure ?
CHAPITRE V
ÆTHERIIDÆ
La famille des Æheriidæ comprend les trois genres suivants :
Ætheria (Düsomyaire vivant dans les fleuves de l'Afrique
équatoriale : Niger, Nil, Sénégal, ete.).
Bartlettia (Dianisomyaire vivant dans les fleuves de la Sud-
Amérique équatoriale).
340 R. ANTHONY
Mulleria (Monomyaire vivant dans les fleuves de la Sud-
Amérique équatoriale: Smith (98) et Woodward (98)-en ont
récemment cependant décrit une forme vivant en Asie, aux
Indes anglaises.
Ces deux derniers genres s'éloignent du cadre de mes
recherches. Leur morphogénie possible à d’ailleurs été briève-
ment exposée dans la première partie de ce travail.
Les conchyliologistes ont divisé le genre ÆTheria en nom-
breuses espèces que Bourguignat (80) répartit en quatre sous-
genres. ILme semble qu'il y ait là une exagéralion considérable ;
toujours est-il qu'après une revision soignée de ce genre, Je
suis arrivé à penser que toutes les Æthéries pouvaient être
considérées comme constituant une seule et même espèce,
toutes les formes différentes que l'on observe étant des modi-
fications dues à l'action mécanique des eaux et au genre de vie.
Au surplus, on trouvera dans le travail de Bourguignat (80),
cité dans la bibliographie, l'énumération de ces nombreuses
‘espèces.
J'ai groupé les formes différentes que peuvent présenter les
Æthéries en trois catégories correspondant à trois genres de vie
différents et bien déterminés, et, pour lesquelles je prendrai
respectivement comme types les rois espèces suivantes des
auteurs :
Ætheria tubifera Sow.
Ætheria plumbea Sow.
Ætheria Petretinn Bgt.
Dans le premier groupe je comprends toutes les formes à
épines tubuleuses vivant dans les eaux relativement tranquilles,
comme par exemple l'Ætheria lubifera Sow. Certaines de
ces formes peuvent atteindre des dimensions considérables par
l'allongement de leur talon, comme l_Ætheria Caillaudi
Féruss.
Dans le deuxième groupe je comprendrai les formes érodées,
usées, roulées, vivant dans les courants violents et les rapides,
comme l_Ætheria plumbea Sow.
Le troisième groupe, enfin, comprendra la seule espèce
Ætheria Petretini Bgt. qui possède l'épiderme, que les formes
du groupe précédent ont souvent perdu, mais n'a pas d'épines.
re ge mms EE
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 341
Elle vit exclusivement fixée dans les conduites d’eau de
Ramlé (Haute-Égypte).
Les Æthéries sont des formes relativement récentes; elles
ont fait leur apparition à l’époque quaternaire.
Historique. — Ce sont des animaux très peu connus au point
de vue anatomique, et je n'ai pu trouver à leur sujet qu'un
seul mémoire anatomique, d'ensemble d’ailleurs insuffisant,
contenant même quelques erreurs, celui de Rang et Caillaud
datant de 183%. Pour être complet, ajoutons les détails que,
dans un récent travail, Reis (02) donne sur le ligament des.
Ætheride.
L'embryogénie et la physiologie de ces animaux m'ont paru
totalement inconnues.
L'étude anatomique plus complète, que je crois avoir faite de
ces animaux, m'a été rendue possible par ce fait que le Muséum
d'Histoire naturelle en possède un certain nombre d’'exem-
plaires bien conservés provenant de différentes missions et
que M.Joubin à mis aimablement à ma disposition. En outre,
les Æthéries étant très communes dans les fleuves de nos
colonies africaines, 1l m'a été facile de m'en procurer en assez
grand nombre, fixées et conservées d’après les procédés dont
usent couramment les, histologistes, grâce à l’amabilité de
M. Chevalier et du D' Decorse, médecin de l'armée coloniale.
Pour l'observation des coquillessèches, j'ai utilisé les collections
du Muséum et de l'École des Mines.
Morphologie.
Coquille. — Les Æthéries sont des Acéphales fixés par une
de leurs valves, qui est tantôt la droite, tantôt la gauche, avec
une fréquence à peu près égale ; dans la même espèce certains
individus sont même fixés par une valve alors que d’autres le
sont par l’autre, contrairement à ce qui se passe chez les
Chames où tous les individus de la même espèce m'ont semblé
toujours fixés par la même valve. La fixation se fait par une
région très étendue de la coquille, s'étendant autant en avant
qu'en arrière. Cette dernière est subarrondie et, comme
beaucoup de coquilles d'Acéphales fluviatiles, elle est extérieu-
342 R. ANTHONY
rement verdâtre, et intérieurement toujours admirablement
nacrée, comme celle des Unionidæ en général.
Étudions séparément les caractères de cette coquille dans les
trois formes : plumbea, tulifera et Petretinu.
Bien que la forme {ubifera semble devoir être considérée
comme la forme souche, nous commencerons, pour la com-
modité de la description, par la forme plumbeu.
2. Forme plumbea. — Dans la forme plumbea la coquille est,
extérieurement, d’un vert sombre, et sa nacre interne d'une
couleur que l'on peut qualifier de plombée ; il semblerait qu'elle
ait été frottée de mine de plomb; c'est vraisemblablement en
raison de cette particularité, et peut-être aussi en raison de la
densité de sa coquille, que le nom de plumbea lui à été donné
par Sowerby. Lourde et compacte, peu boursouflée, cette
coquille rappelle souvent à première vue, et avant qu'on ail
écarté ses valves, par son aspect condensé en quelque sorte,
l'Ostrea edulis Linn. ou la Gryphea angulata Lmek. Sur cette
forme on ne rencontre pas les épines tubulées caractéristiques
de la forme {wbifera ; le mécanisme deleur disparition sera expli-
qué plus loin. Toutefois, il est certains cas dans lesquels on en
trouve des vestiges, ce qui m'autorise à supposer, avec Rang
et Caillaud (34) d'ailleurs, que les épines tubulées sont carac-
téristiques du genre ÆZtheriu et que, lorsque l'on n'en trouve
pas, c’est qu'elles ont disparu mécaniquement.
La valve libre tout entière, et les bords de la valve fixée,
sont profondément érodés. roulés en quelque sorte. La forme
du contour sagittal de la coquille qui est, comme il à été dit,
subarrondie, est très variable, presque carrée dans certains cas,
plus allongée dans d'autres, gauche et tourmenté, d'une forme
indéfinissable dans quelques autres, semblant, en.un mot,
épouser la forme du substratum sur lequel elle repose. La valve
fixée, qui est toujours plus épaisse que la valve libre, présente
souvent, et surtout dans la région dorsale, un feuilletage tres
serré, un peu analogue à celui des Huitres et qui, comme la
dit Jackson (90), est caractéristique de formes acéphales fixées. |
Si on considère postérieurement une Ætheria de forme |
plumbeu fermée et préalablement dépourvue de son ligament, |
on s'aperçoit d'abord que les crochets sont absolument introu- |
angle plus aigu. Il résulte de Fig. 47.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 349
vables, ayant disparu probablement par le fait des érosions:
on peut deviner toutefois leur place en se guidant sur le sens
et la direction des stries d’accroissement. Un peu en arrière de
cette place, où devraient exister les crochets, on voit que la
valve fixée présente une sorte
de sillon assez profond dont
les bords sont arrondis etdont
les parois ne tardent pas à
s'accoler; ce sillon se dirige du
substratum à l'espace interval-
vaire et d'avant en arrière. La
valve libre présente aussi un
sillon dirigé de la même façon
que celui de la valve fixée et
aboutissant au même point de
l'espace intervalvaire. Ce sillon
est plus court en général que
celui de la valve fixée et forme
avec le plan intervalvaire un
Ætheria plumbea Sow. (vue pos-
ett lis ti FAURE térieure). — I, le ligament a été enlevé
celle GISPOSILION Qu à eut pour laisser voir la pseudo-plicature ;
point de rencontre les deux II, ligament en place ; a, arète liga-
F mentaire : s, valve supérieure ; ?, valve
sillons formentun angleouvert inférieure.
en avant (Voy. fig. 47). En
suivant le bord cardinal de Ja valve fixée, lequel à une épaisseur
appréciable, on rencontre immédiatement en avant du sillon
une sorte de gouttière très peu profonde et dont le fond serait en
coupe une portion de circonférence de rayon très étendu. Cette
gouttière est parallèle au sillon et existe aussi, quoique très
courte et peu marquée, sur la valve libre. Enfin, en avant de
cette gouttière, et parallèlement à elle, existe sur l'une et
l’autre valve une sorte de bourrelet très peu marqué, arrondi.
Le contour du bord cardinal d’une valve d’Æthérie ou, ce
qui revient au même, la coupe du talon chez la forme {wbifera
offre donc l'aspect représenté sur la figure 48 ; l'épaisseur déme-
surée de la valve inférieure fait que ces différentes inflexions,
sur lesquelles s'étend, ainsi qu'on le verra, le ligament, devien-
nent un sillon, une gouttière et une crête.
344 R. ANTHONY
Si on considère maintenant une valve libre ou fixée d’'Ætheria
plumbea Sow. par sa face intérieure, on y remarque d'abord
l'aspect nacré et les boursouflures qui ont déjà été signalées ;
on y voit, en outre, les traces des insertions des muscles adduc-
teurs antérieur et postérieur, déchiquetées sur leur bord
intérieur, celle du muscle antérieur étant souvent, fait très
important, divisée en deux parties, l'une ventrale, plus allongée,
l'autre dorsale, plus courte. L'impression palléale est très nette,
discontinue, et sans sinus. La charnière est nulle, en tant que
l'on désigne par ce terme l'ensemble des dents de la région
cardinale, et il n’y a que dans certains cas que l’on remarque
la présence d'une sorte de crête allongée, postérieure, qui
pourrait peut-être représenter la grande dent latérale posté-
rieure des Unio, bien qu'il semble plutôt que cette crête,
contingente d'ailleurs, soit un simple accident en rapport
avec la forme tourmentée de l'animal. Enfin, le bord cardinal
donnant insertion au ligament présente un aspect tout spécial
en rapport avec le sillon, la gouttière et la crête décrits plus
haut. C’est d'abord une sorte d'éperon (sillon), puis, plus avant,
une ligne courbe convexe (gouttière), enfin une ligne courbe
concave (crête). (Voy. fig. 18, PL. IT.)
Je n'ai point eu la prétention de faire ici une description
complète et détaillée pouvant servir à la systématisation des
coquilles d’Æthéries. C'est simplement une vue d'ensemble que
j'ai voulu donner, m'occupant seulement des caractères qui, au
point de vue de la compréhension de la forme Æthérie, peuvent
avoir une certaine importance, et négligeant naturellement les
multiples accidents que peuvent présenter les coquilles de ces
animaux et qui sont en rapport avec la forme du substratum.
Toutes les formes que J'ai groupées dans la même catégorie
que lÆtheria plumbea Sow. ont, quant à leur coquille, la même
forme générale que lÆ1heria plumbea Sow. elle-même.
B. Forme tubifera.— Dans cette forme, qui semble devoir être
considérée comme la forme originelle, la coquille est plus
légère que dans la forme précédente, feuilletée, très boursou-
flée sur sa face intérieure, donnant souvent même la sensation
d'une sorte d'écume qui semble avoir valu au genre son nom
d'Ætheria. La valve libre est très mince, la valve fixée est au
Er
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 349
contraire souvent plus épaisse, présentant parfois ce que les
conchyliologistes appellent un talon et qui n’estautre chose qu'un
accroissement en épaisseur de la zone de fixation. Ce talon, dont
la production sera expliquée ultérieurement et qui peut
parfois être très développé, est muni de cloisons transversales
très nombreuses qui ne sont autre chose que des zones d’ac-
croissement et que lon peut comparer à celles de certains
Rudistes et de certaines Huitres.
La couleur extérieure des valves est d’un vert clair; à
leur surface on distingue un épiderme toujours très bien
conservé; elles sont recouvertes d’épines tubuleuses qui pour-
ralent peut-être Jouer un rôle dans la fixation de l'animal.
Comme l'a fait remarquer Simroth (90), les épines tubuleuses
qui garnissent le bord libre pourraient jouer le rôle de siphons
et servir au passage de l’eau lorsque le poids des couches de
limon empêche les valves de s’entr'ouvrir. Jamais ces coquilles
ne sont roulées comme le sont celles des Æthéries de la forme
plumbea ; leurs plus petits ornements sont souvent même admi-
rablement bien conservés. La nacre interne ne présente pas la
teinte plombée de celle des animaux se rattachant à la forme
précédente. Les impressions musculaires et la région cardinale
n'offrent rien de particulier.
n’y aurait plus rien à diresurles Æ#heria de forme {uhifera,
si une espèce, qui me semble devoirse rattacher à cette forme,ne
présentait par le fait du développement considérable de son
talon un intérêt tout particulier. Il s’agit de l'Ætheria Caillaudi
Féruss. que je crois devoir décrire en détail, du moins au
point de vue de sa coquille. La valve fixée de Ætheria Cail-
laudi Féruss. présente un talon considérable qui peut atteindre
parfois jusqu'à 50 ou 60 centimètres de long, et la valve fixée
prend alors l'aspect d'une colonnette au sommet de laquelle
se trouve une loge contenant l'animal. Cette colonnette est en
général plus étroite à sa base qu'à son sommet où elle s'élargit,
prenant ainsi en quelque sorte l'aspect d'un cornet de papier ou
d'un tronc de cône renversé. La concavité qui la surmonte est
en général assez profonde ; son ouverture, qui répond naturel-
lement au plan sagittal de l'animal, au lieu d’être orientée sui-
ant un plan horizontal (en supposant l'animal fixé perpendi-
346 R. ANTHONY
culairement à son substratum) comme chez les Rudistes, est
orientée suivant un plan très oblique, se rapprochant même
sensiblement de la verticale. Le contour de cette cavité est
elliptique, et, les deux extrémités du grand axe de lellipse
sont placées de telle façon qu'elles marquent le point le plus
élevé et le point le moins élevé de ce contour. À Pintérieur
de cette cavité, on retrouve les mêmes détails (impressions
musculaires, etc.) que ceux qui ont déjà été signalés à lin-
térieur des valves des autres Æthéries. La pointe lhigamentaire
y est cependant beaucoup plus développée.
Le bord supérieur de la cavité est souvent légèrement évasé
en dehors et présente quelquefois de ces longues épines
tubulées dont la cavité semble communiquer avec la cavité
palléale et auxquelles Simroth (90) à attribué le rôle que lon
sait. Si on fait une coupe longitudinale de cette valve pas-
sant par le grand axe de l’ellipse, on s'aperçoit que la colon-
nette comprend des cloisons transversales légèrement con-
caves, tout à fait analogues à celles des Rudistes et de certaines
Huîtres (Voy. fig. 23, PL. IT). Sion fait maintenant une
coupe transversale de la colonnette passant à peu près par
son milieu, on s'aperçoit que cette coupe n'est pas circulaire,
mais affecte à peu près la forme d'une circonférence
aplatie sur une certaine longueur de son parcours; la ré-
gion aplatie correspond à la partie la plus inférieure de
l’ellipse figurant le contour sagittal. En un des points où la
partie courbe rencontre la partie droite, il existe une inflexion
en pointe suivie d'une cavité, puis d’une légère convexité. On
reconnait à ces détails la place du ligament. Sur la colonnette
ils se traduisent par un sillon suivi d'une gouttière et d’un
léger bourrelet. On peut dire en résumé que la colonnette pré-
sente deux faces : une face que l’on peut appeler /unulaire,
puisqu'elle va du crochet (ou de la place qu'il devrait occuper)
au muscle adducteur antérieur et qui est aplatie, et une face
que lon peut appeler dorso-ventrale et qui est arrondie. La
première présente nettement les traces des cloisons transver-
sales; la deuxième, couverte d'épines tubulées, présente des stries
d'accroissement qui correspondent à ces cloisons transversales,
les unes et les autres marquant les stades successifs du déve-
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 347
loppement de la coquille et les positions qu'elle occupait aux
différents âges de l'animal.
La valve libre est aplatie; elle recouvre l'ouverture de la
loge comme un opereule (Voy. fig. 2%, PL. IT). On y reconnait
les mêmes détails que sur la valve fixée (impressions des muscles,
pointe ligamentaire, ele.) ; sa région lunulaire se prolonge par
une sorte de talon muni, comme celui de la valve fixée, de
Fig. 48. — Coupe transversale du talon de l'Æfheria Caillaudi Féruss. — 1, sub-
9
D,
stance fibreuse du ligament; 2, substance élastique ; 4, arète ligamentaire.
cloisons transversales. Ce talon est très aplati et le contour
de sa coupe transversale présenterait à cela près les mêmes
détails que celui de la valve fixée. IE devrait théoriquement
descendre plus bas qu'il ne descend en général, mais 11 à
toujours été détruit par des érosions continues dans toute sa
partie inférieure. En résumé, la valve libre est analogue à la
valve fixée, avec cette différence qu'elle est beaucoup plus
aplatie.
y. Forme Petretini (Voy. fig. 20 et 21, PI. III). — Dans
l_Ætheria Petretinü Bet., la coquille est mince, assez régulière
(c’est la moins irrégulière des Æthéries), et il semblerait même
qu'elle tende à reprendre la forme allongée d'avant en arrière
des Unionidie normaux. Elle n’est Jamais roulée, et possède
toujours, sur la valve libre du moins, un épiderme verdàtre qui
laisse voir nettement les stries d'accroissement. La valve fixée
présente toujours une large surface de fixation, est plane et
relativement peu épaisse. L'intérieur des valves ne présente
rien de particulier.
Sur la valve libre le crochet est nettement visible et les pre-
348 R. ANTHONY
miers stades de développement de la coquille peuvent même y
être reconnus.
Il est évident qu'à aucun moment de son développement
lÆitheria Petretinii Bet. n'a possédé d'épines tubulées. Ces
épines, qui d’ailleurs semblent dues à des reploiements des zones
d'accroissement postérieures’ à la fixation, ne se produisent
qu'assez tard; elles ne semblent pas avoir eu le temps de se
développer en raison de l'action polissante des eaux que ces
animaux ont eu à subir sans discontinuité depuis leur naissance.
Enfin lÆteria Petretinii Bgt. possède une légère inflexion
antérieure que l’on retrouve souvent chez les formes jeunes
d'Æteria Caillaudi Féruss. |
Ligament. — Si on considère en vue postérieure une coquille
fermée d'Æ{heria de forme plunbea, on y voit très nettement
le ligament. La partie seule visible, c'est-à-dire dorsale, de
ce dernier se présente sous la forme d’une sorte de triangle
isocèle dont le sommet répond au point de l'interligne valvaire
où se rencontrent les deux sillons des valves, et dont les côtés
égaux répondent aux sillons eux-mêmes (Voy. fig. 47). Le
lroisième côté est dirigé en avant. Au lieu d'être plan, ce
triangle est incurvé de telle sorte qu'il peut être comparé à une
portion de cône (le cône ayant été sectionné par un plan pas-
sant par son sommet et le diamètre, ou une corde de la circon-
férence de base). Cette surface triangulaire conique présente
de nombreuses lignes parallèles à son côté antérieur et, qui, se
trouvent être dans le prolongement des stries d’accroisse-
ment des valves considérées dans la région postérieure de la
coquille.
Le long des sillons des valves, au delà du côté antérieur du
lriangle, on voit des débris de substance ligamentaire qui ne
sont autre chose’ que les restes du ligament, tel qu'il existait à
un stade moins avancé du développement de la coquille.
À l'intérieur de la concavité du triangle ligamentaire, 1l existe
une autre partie du ligament qui n’est pas visible sur la coquille
fermée et qui le sera très nettement sur une coupe sagittale de
l'animal. En effet, en sectionnant le ligament entre les deux
valves, on s'aperçoit qu'il est formé des trois parties suivantes :
d'abord, postérieurement, une partie noire mince qui s'insère
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 349
jusqu'au fond du sillon ligamentaire, e’est le triangle déjà
décrit; en deuxième lieu, une partie d'apparence argentée
formée de lamelles disposées les unes à côté des autres, et
dont chacune présente de petites stries transversales. Cette
partie s'insère au fond de la gouttière à fond arrondi, qu'elle
remplit, et ses lamelles sont disposées par rapport à la partie
fibreuse comme le montre la figure 48. En troisième lieu,
enfin, une partie noire lamelleuse qui s'insère sur la crête
mousse disposée antérieurement par rapport à la gouttière
précitée (Voy. fig. 48). Les deux parties (1 et 3) sont for-
mées de substance non élastique; la partie (2) incrustée de
calcaire est formée de substance élastique. C’est la partie (1)
seule qui est visible sur l'animal lorsque les valves sont rap-
prochées et qui constitue le triangle ligamentaire ci-dessus
décrit; elle recouvre les deuxième et troisième parties. Aux
paragraphes où seront traitées lembryogénie, les affinités et la
morphogénie des Æthéries, il sera montré comment ces trois
parties correspondent aux trois parties du ligament des Unio-
nidæ, et comment elles ont pu prendre la forme spéciale qu'elles
affectent 1er.
Chez les Ætheria de forme {ubifera, le ligament offre le même
aspect que chez les précédentes. Toutefois, chez lÆTheria Cail-
laudi Féruss, qui n’est, en réalité, autre chose qu'une variété
d'Ætheria tubifera Sow., le ligament prend, en raison du grand
développement du talon, un aspect tout spécial. Lorsque la
coquille est fermée, on voit toujours le triangle ligamentaire et
ses débris le long de ses anciennes positions ; si l’on regarde
séparément l'une des valves, on voit qu'elle est parcourue
dans toute sa longueur par l'ancien ligament actuellement sans
fonction. La valve fixée en effet présente, suivant une des gé-
nératrices du cylindre auquel elle peut être assimilée et à la
limite de la région aplatie avec la région bombée, une sorte
de trainée ligamentaire composée, ainsi que la constaté
Reis (02), des trois bandes {deux non élastiques extrêmes, dont
l'une répond à larête ligamentaire, etune élastique médiane) qui
ont déjà été mentionnées (Voy. fig. 23, PL IT). À Pintérieur
de la valve, la première traînée se prolonge par léperon
ligamentaire déjà décrit. Cette trainée représente les positions
350 R. ANTHONY
Je
successives que le ligament à occupées aux différents stades de
développement de l'animal. La même disposition se répète sur
la valve operculaire et les deux traînées ligamentaires se font
face, réunies seulement dans la région lxplus proche de l'animal,
chaque partie avec son homologue.
I m'a semblé utile, en traitant de la coquille et du ligament,
de distinguer trois formes principales d’Æthéries. Au point de
vue de l'anatomie des organes internes, aucune différence n'exis-
tant entre les Æthéries des différentes espèces, cette distinction
n'a pas lieu d'être faite.
Muscles adducteurs. — Les muscles adducteurs, surtout l'an-
lérieur, sont de section assez considérable (1). Cette section
a généralement la forme d'un ovoïde à grosse extrémité ven-
trale pour le muscle postérieur; elle à au contraire la forme
d'une ellipse très allongée pour le muscle antérieur, ellipse dont,
dans certains cas, le grand axe serait recourbé suivant une ligne
qui affecte souvent l'aspect d'une branche d'hyperbole. Les
surfaces d'insertion sont généralement planes; dans certains
cas elles sont convexes.
Du côté central, la coupe de ces muscles adducteurs présente,
comme ceux des Chames d'ailleurs, un aspect déchiqueté per-
sillé comme si le tissu conJonctif s'était infiltré peu à peu entre
les faisceaux de fibres, cette disposition étant encore plus accusée
que chez les Chames. Il semblerait que ces muscles disparaissent
peu à peu du côté central. Parfois même, on voit de véritables
ilots de substance musculaire détachés, et, très souvent, la
section transversale du muscle antérieur ou sa surface d'in-
sertion, ce qui revient au même, semble divisée en deux, quel-
quefois même en plusieurs tronçons; la division en deux du
muscle adducteur antérieur est extrêmement fréquente. On la
retrouvera d’ailleurs plus accusée encore dans tout un groupe
de Rudistes.
(1) Cette assertion est en désaccord avec ce que dit P. Pelseneer aux
pages 113 et 141 du fascicule Mollusques in Traité de Zoologie de Raph. Blan-
chard ; d’après cel auteur le muscle adducteur antérieur des Æthéries serait
très réduit et même souvent nul. Il y a donc lieu de croire que les exem-
plaires d'Æthéries que Pelseneer a eu entre les mains aient été exceptionnelle-
ment déformés. Il se plaint d'ailleurs dans un autre mémoire (91) de n'avoir
pu étudier, faute de matériaux, l'anatomie de ces animaux.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 391
Comme chez les Chames et comme chez les Acéphales de
forme arrondie, d'une façon générale, le muscle adducteur
antérieur est tout entier situé ventralement par rapport à la
bouche. L'explication possible de cette disposition sera donnée
au chapitre traitant de la morphogénie.
Au point de vue de la structure, chacun de ces muscles com-
Fig. 49. — Coupe sagittale d'Æthema plumbea Sow. Dans la région dorsale est le
ligament avec ses parties caractéristiques. — 1, bouche ; 2, anus; 4, muscle
adducteur antérieur; 5, muscle adducteur postérieur; 6, cœur.
prend encore, comme tous les adducteurs d'Acéphales, deux
parties : l'une périphérique, qui, sur les animaux frais, doit être
nacrée, l'autre centrale qui, sur les mêmes animaux, doit pré-
senter l'aspect opaque. Ces deux parties sont macroscopique-
ment très distinctes, même sur les animaux mal fixés et ayant
séjourné longtemps dans l'alcool faible.
La partie nacrée, beaucoup moins considérable que la partie
opaque, n'en est pas séparée par du tissu conjonctif, et la
ligne de démarcation de ces deux substances est une ligne
courbe légèrement concave en dedans.
J'ai examiné, après dissociation dans l'acide azotique à
20 p. 100, des fibres nacrées el des fibres opaques provenant des
Æthéries rapportées par MM. Chevalier et Decorse de leur mis-
sion au Chari et fixées par eux suivant les procédés courants de
l'histologie. Un séjour prolongé dans Palcool avait rendu les
détails de structure de ces fibres difficiles à constater. Toutefois
j'ai pu me rendre compte des faits suivants : les fibres opaques
présentent la structure en mosaïque habituelle de Ta zone
352 R. ANTHONY
intérieure des muscles adducteurs d'Acéphales, et les fibres
nacrées sont absolument lisses.
Manteau. — Le manteau à naturellement la même forme que
la surface intérieure de la coquille, puisqu'elle est le produit de
la sécrétion de son bord. Il est constitué de deux lobes complè-
tement séparés suivant leur pourtour, sauf en une toute petite
région dorsale correspondant à la zone ligamentaire et au
point de terminaison des branchies situé un peu ventralement
par rapport au musele adducteur postérieur (disposition des
céphalothétiques de La première catégorie (Submytilacea).
La cavité palléale comprend donc en réalité deux grandes
issues, l’une palléale ou d'entrée, antérieure et ventrale, l'autre
branchiale ou de sortie, postérieure. Des deux lobes du man-
teau, celui qui correspond à la valve fixée est généralement le
plus développé. Cela est naturel puisque cette valve fixée est géné-
ralement plus creuse que la valve libre. Dans la région cardi-
nale où les deux lobes se rejoignent, on aperçoit le moulage en
relief des éperonsligamentaires qui sont en creux sur la coquille.
Le manteau s'insère sur la coquille, suivant une impression
discontinue dépourvue de sinus. Son bord libre est formé de
deux lèvres, l'une extérieure, coupante et mince, l’autre inté-
rieure, plus épaisse et garnie de petits tubercules disposés sur
un seul rang. Cette disposition est tout le long du bord palléal
identique à elle-même.
La musculature du manteau est très simple: elle comprend,
outre les deux muscles adducteurs qui ont été décrits à part,
de pelits faisceaux musculaires dont l'ensemble des impres-
sions constitue l'impression palléale. Au lieu d'être, comme chez
la plupart des Lamellibranches, accolés les uns aux autres, for-
mant une impression palléale continue, ces petits faisceaux
musculaires sont séparés, et limpression palléale discontinue.
Chacun des faisceaux musculaires est constitué de deux sortes
de fibres, les unes allant à la lèvre extérieure, les autres à la
lèvre intérieure du manteau.
Les fibres musculaires du manteau sont lisses.
Pied. — Chezles Æthéries, le pied à complètement disparu,
il n'en existe pas la moindre trace, el ce que Rang et Caillaud
(34) décrivent comme tel dans leur mémoire est tout simple-
EEE AR ne pt Me “— - Ur M me ee À We =
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES PE
ment la bosse viscérale qui, chez ces animaux. est extrêmement
proéminente.
Chez la plupart des exemplaires, j'ai observé les rétracteurs
postérieurs du pied existant encore avec une grande netteté.
L'ensemble de ces deux muscles à pris la forme d'un petit fais-
Fig. 50. — Ætheria plumbea Sow. extraite de ses valves. Une fenêtre a été pratiquée
dans un lobe palléal pour montrer la cavité rétro-branchiale et le péricarde. —
4, muscle adducteur antérieur; 5, muscle adducteur postérieur; 6, cœur (ventri-
cule et oreillettes) ; à, branchies (on voit le mésobranchial et les jonctions inter-
foliaires); p, impression palléale discontinue.
ceau en y, dont la branche solitaire dirigée en avant se perd, par
de fines fibres en éventail, sur le bord postérieur de la bosse
viscérale. Ses deux branches postérieures vont tantôt, rappe-
lant ce que l’on observe chez les Chames, aborder à angle droit
la face antérieure du muscle adducteur postérieur, et leurs fibres
se perdent alors entre deux faisceaux, tantôt se terminer im-
médiatement au-dessus de ce muscle adducteur postérieur et
s'insérer sur les valves. Dans certains cas les deux branches.
qui représentent, l'une un rétracteur postérieur droit, l'autre
un rétracteur postérieur gauche, sont égales et paraissent éga-
lement musculaires. Dans d’autres cas, au contraire, celle de
ces deux branches qui répond à la valve fixée est atrophiée et
n'est plus représentée que par un tendon. Cette particularité
m'a semblé se montrer surtout dans les gros spécimens.
C'est tout ce qui reste chez les Æthéries de l'appareil muscu-
laure du pied,
Appareil digestif. — Xci encore, comme chez les Chames, la
ANN. SC. NAT. ZOOL. PR
394 R. ANTHONY
bouche est entièrement située dorsalement, ainsi qu'il à été
dit, par rapport au muscle adducteur antérieur.
Cette bouche a la forme d’une large fente transversale, en-
tourée de palpes labiaux finement striés sur leurs faces d’acco-
lement, lisses sur leurs faces externes. Leurs bords dorsaux
sont sur tout leur trajet soudés au tégument, dans l’espace
situé entre le manteau et la bosse viscérale.
Après un court mais très large œsophage, on pénètre dans
Fig. 51. —T rajet du tube digestif d'Ætheria plumbea Sow. l'intérieur de la bosse
viscérale. — À, bouche; 2, anus; 5, muscle adducteur postérieur.
un estomac spacieux et de forme irrégulière, possédant à son
intérieur un certain nombre de piliers entourés à leur base ven-
trale d’un repli semi-lunaire. Dans cet estomac débouchent des
conduits hépatiques, et, de sa face ventrale part l'intestin,
dont la direction fait à peu près un angle droit avec celle de
l'œsophage. Cet intestin, suivant à peu près le plan sagittal du
corps, longe à une certaine distance le bord antérieur, puis la
courbure ventrale et enfin le bord postérieur de la bosse viscé-
rale. À partir d'un certain point, il se replie postérieurement
et revient sur lui-même, s'insinuant entre son trajet précé-
dent et le bord postérieur de la bosse viscérale ; lorsqu'il à
atteint la base de cette dernière, il quitte brusquement le
plan sagittal et s’infléchit nettement à gauche (du moins sur
l'animal sur lequel je lai disséqué), contournant ainsi
la première partie de son trajet. Après en avoir fait Île
demi-tour, il passe en dedans d’elle, formant une CIrCONVO-
lution qui lui est concentrique et toujours située dans le plan
sagittal. Quelquefois, au lieu de présenter cette inflexion à
gauche, il se porte directement à droite et passe en dedans
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 39)
de la première partie de son trajet. Quoi qu'il en soit, que la
lixation se fasse par la valve droite ou la valve gauche, le sens
de ce mouvement ne m'a jamais paru renversé. Il m'a semblé
toutefois que, lorsque la fixation se faisait par la valve gauche,
la légère inflexion gauche n'existait pas aussi nettement accusée ;
du point où nous l'avons quitté, l'intestin se replie deux fois
pour se relever enfin et, quittant la masse viscérale, se di-
riger, par une ligne légèrement courbe, du côté de la région
postérieure de l'animal. C’est le rectum, qui ne traverse pas le
cœur, mais est placé dorsalement par rapport à lui: suivant la
disposition normale chez les Acéphales, ce rectum contourne
en arrière le muscle adducteur postérieur et se termine par un
anus placé comme le montre la figure.
L'intestin postérieur est parcouru par un Lyphlosolis très
marqué comme chez les Unionidés {Voy. fig. 54). Il est à re-
marquer aussi que tout le long de son trajet, l'intestin posté-
rieur est dévié du côté de la valve fixée (Voy. fig. 54). Il n'existe
ni cæcum stomacal, ni tige cristalline.
Foie. — Le foie des Æthéries est une glande en tube, comme
d’ailleurs chez tous les autres Lamellibranches, mais les cæcums
y sont remarquablement distincts les uns des autres.
Cette glande est formée de lobes nettement séparés, entou-
rant l'estomac et noyés dans la glande génitale. Elle m'a paru
dans la plupart des cas un peu plus développée du côté répon-
dant à la valve fixée.
Les canaux exsécréteurs du foie débouchent dans la r'Églon
antérieure del'estomac, comme chez la plupart des autres Lamel-
libranches.
Apparel respiratoire. — Les deux branchies des Æthéries
sont absolument semblables et égales.
Elles sont divisées chacune en deux lames dont les externes
sont toujours plus étroites que les internes. Comme celles des
Chames, elles ont généralement la forme d'un S$S allongé
dorso-ventralement, mais, comme les Æthéries sont beau-
coup plus polymorphes que les Chames, l'S qu'elles forment
est tantôt très accusé, d’autres fois extrêmement allongé, si
allongé qu'il peut arriver qu'il ne soit même plus reconnais-
sable, la branchie prenant une direction à peu près antéro-
356 R. ANTHONY
postérieure avec une légère incurvation à concavité dorsale.
Alors que chez les Chames, les branchies tendent à rompre
leurs connexions avec le manteau, la masse viscérale et elles-
mêmes et à flotter librement comme cela se voit chez les Avi-
cules ou les Pinnes dans la cavité viscérale, les branchies des
Æthéries ont conservé toutes leurs connexions. Leurs lames
externes (feuillet réfléchi) sont intimement unies avec le lobe
palléal ; leurs lames internes sont danslarégion antérieure unies
à la bosse viscérale et dans la région postérieure entre elles par
l'intermédiaire d’une lame interbranchiale linéaire. Il résulte
dececi que chez les Æthéries le grand septum interpalléal cons-
titué par les branchies et leurs connexions, est absolument
sans autre solution de continuité que les fenêtres formées par
l'entrecroisement des filaments et des jonctions interfilamen-
taires.
Les branchies, au lieu de débuter, comme chez la plupart des
Lamellibranches, entre les palpes labiaux, débutent, comme
chez les Chames un peu en arrière, mais leur disposition se dif-
férencie de celle qu'on observe chez ces dernières par ce fait
que les deux lames de la même branchie débutent à peu près
au même endroit et non l’externe sensiblement en arrière
de l'interne. |
Les branchies se terminent en arrière, au-dessous du muscle
adducteur postérieur. Leur terminaison constitue la commis-
sure palléale unique divisant l'ouverture du manteau en deux
orifices, comme on l’a vu.
Enfin les branchies sont reliées au corps, d’abord par les con-
nexions dont il a été question plus haut, ensuite par un repli
ou mésobranchial très développé ressemblant beaucoup à
celui des Anodontes.
Les branchies des Æthéries sont plissées, et ce caractère, qui
saute pour ainsi dire aux yeux dès qu'on entr'ouvre les valves
d'une Æthérie, est peut-être pour quelque chose dans l'erreur
que beaucoup semblent être tentés de faire et qui est de rap-
procher les Æthéries des Huitres, d'en faire des Huîtres à deux
muscles, ainsi qu'on à fait souvent des Dimyidæ, des Percten
à deux muscles. Ces plissements, très accentués dans la r'ÉgION
postérieure de la branchie, le sont beaucoup moins dans la
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES Jo
région antérieure, c'est-à-dire au voisinage des palpes labiaux,
où elles sont à peu près planes. Sur un exemplaire adulte
d'_Ætheria plumbea Sow., j'ai compté du côté droit, qui se trou-
vait être celui répondant à la valve fixée, 133 plissements sur
la lame externe et 158 sur la lame interne. Ces nombres, qui
d’ailleurs sont approximatifs, doivent varier suivant les indi-
vidus. Aux bords libres des branchies les plis-
sements s'interrompent; le bord libre de la
lameinterne seul est parcouru par une dépres-
sion en gouttière longitudinale.
Au point de vue de la structure, les bran- {
chies d’Æthéries sont sensiblement des bran- : HN)
chies d’Anodonte, mais des branchies d'Ano- OU
donte plissées. J'ai compté sur Æ{heria
plumbea Sow les filaments que comprenait
un pli du fond d’une gouttière au fond de la
suivante, et, j'ai trouvé que le nombre en variait
de treize à dix-huit. Les tigelles chitineuses qui 2
les soutiennent sont plus solides et plus épaisses Fig: 52. — Fragment
de surface bran-
dans les filaments des gouttières que dans ceux
des crêtes. Comme chez tous les Eulamellibran-
chiale (près de l’ex-
trémité antérieure
de l'organe) d'Æthe-
ches, les filaments sont réunis les uns aux
autres par des Jonctions interfilamentaires qui
les croisent perpendiculairement, déterminant
ria CaillaudiFéruss
montrant les fila-
ments et les jonc-
tions interfilamen-
taires.
ainsi à la surface de l'organe des fenêtres rec-
tangulaires à grand axe perpendiculaire au
grand axe de la branchie. Ces jonctions interfilamentaires sont
le plus souvent dans la continuation les unes des autres de
telle sorte que leur succession forme des sortes de lignes paral-
lèles à son bord libre.
En plus de ces Jonctions interfilamentaires, il existe des
Jonctions interfoliaires, c’est-à-dire allant, dans chaque bran-
chie, du feuillet direct au feuillet réfléchi. Elles se présentent
sous l’aspect de cloisons longitudinales {Voy. fig. 50). Ces
cloisons interfoliaires sont de deux sortes : les unes, les gran-
des, qui parcourent toute la hauteur de l’espace interfoliaire
commençant au niveau de l'axe branchial pour aller jusqu'au
bord hbre ; les autres, les petites, qui commencent simplement
393 R. ANTHONY
au milieu de l’espace interfoliaire. Les premières se rencontrent
tous les deux plissements et les secondes s'intercalent entre elles,
de telle sorte que, si l’on fait une coupe de la branchie près de
son axe, On voit que chaque chambre interfoliaire comprend
deux plissements, alors qu'elle n’en comprend qu'un seul, au
Fig. 53. — Coupe très grossie de la lame interne d'une branchie d'Ælheria Bourqui-
gnati Rchbr.. En bas, feuillet direct; en haut, feuillet réfléchi. — 1, filament
branchial; ÿ.p, jonction interfilamentaire: /f.v, jonction interfoliaire; €, cavité
branchiale ; o, œuf.
contraire, si la coupe passe près du bord libre. Les cloisons
interfolaires de la lame interne sont beaucoup plus larges que
celles de la lame externe, de telle sorte qu'alors que les feuillets
de la première restent considérablement distants ceux de la
seconde paraissent presque accolés.
Enfin, outre ces deux sortes de jonctions qui viennent d'être
décrites, il en existe encore une troisième catégorie que nous
pourrons appeler, comme pour les Chames, Jonctions interpli-
caturales: ces jonctionsrejoignent les fonds de deux gouttières
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 399
voisines du même feuillet. Elles sont larges et assez près les
unes des autres, laissant entre elles des fenêtres arrondies.
Elles sont plus accusées sur la lame interne que sur la lame
externe et sur le feuillet direct que sur le feuillet réfléchi. Les
branchies droite et gauche paraissent semblables.
La circulation branchiale sera étudiée à propos de l'appareil
circulatoire.
Cavité générale. — Le péricarde, seul reste chezles Acéphales
de la cavité générale, est assez spacieux.Il n’est pas traversé par
le rectum et les figures 49 et 50 renseignent suffisamment
sur sa forme. Dans sa région antérieure se trouvent les orifices
bojano-péricardiques.
Système circulatoire. —1. Cœur. —Chezles Æthéries, comme
chez tous les autres Acéphales, le cœur est dorsal, situé au voi-
sinage de l'extrémité dorsale du muscle adducteur postérieur. Il
est logé dans un péricarde assez vaste et est formé d’un ventri-
cule et de deux oreillettes. Le ventricule est dorsalement situé
par rapport aux oreillettes qui sont situées en dessous de lui et
de part et d'autre.
La paroi du ventricule est épaisse, musculeuse, et, sur les
animaux que J'ai eus à ma disposition, elle était, probablement
par le fait de l’immersion brusque dans l'alcool, fortement con-
tractée, ce qui donnait à cet organe une forme sensiblement
arrondie ; celle des oreillettes est au contraire mince et la cavité
de chacune de ces dernières est beaucoup plus vaste que ne l'est
celle du ventricule. Les deux oreillettes sont sensiblement
égales. Contrairement à ce qui se passe chez l'Anodonte et
l’'Unio, desquels, comme on le verra plus loin, il y a lieu de
rapprocher les Æthéries, le cœur n’est pas traversé par le rec-
tum, mais se trouve situé ventralement par rapport à lui.
Le ventricule présente quatre ouvertures: deux supérieures
dont l’une est antérieure et munie d’une valvule, l’autre posté-
rieure, et qui conduisent dans les aortes antérieures el posté-
rieures ; deux latérales inférieures, l’une droite, l'autre gau-
che, par lesquelles les oreillettes communiquent avec le
ventricule.
Les oreillettes présentent chacune deux orifices, l'un supé-
rieur par lequel elles communiquent avec le ventricule, l'autre
300 R. ANTHONY
inférieur par lequel elles communiquent largement avec Île
grand vaisseau branchial efférent.
2, Système artériel. — Comme il à été dit, partent du cœur
deux gros troncs vasculaires, l'aorte antérieure, qui à son ori-
gine possède une valvule et l'aorte postérieure.
L'aorte antérieure, après sa sortie du cœur qui s'effectue dans
le plan sagittal, se place au-dessus du tube digestif. Elle ne
tarde pas à prendre bientôt, avant même d'avoir dépassé les
limites du péricarde, une direction latérale qui est tantôt
droite, tantôt gauche. Puis elle donne une branche princi-
pale, l'artère viscérale, qui irrigue la masse viscérale tout en-
tière, et les palpes labiaux; elle donne aussi auparavant Îles
deux circumpalléales antérieures très réduites.
L'aorte postérieure sort également du cœur dans le plan
sagittal, mais ne le quitte pas. Elle reste toujours et continuel-
lement en dessous du rectum, c’est-à-dire ventralement située
par rapport à lui.
Arrivée au niveau du bord dorsal du musele adducteur pos-
térieur, l'aorte postérieure se divise en deux branches qui
suivent les arêtes des angles dièdres que fait la face posté-
rieure du muscle adducteur postérieur avec le bord du man-
teau. Ces deux branches, qui sont les circumpalléales posté-
rieures, irriguent en passant l’'adducteur postérieur, le bord du
manteau et, par des branches internes, le rectum ; elles se
continuent en avant avec les circumpalléales antérieures.
3. Système veineur. — Des artères, le sang passe dans les
lacunes dont la plus importante est le sinus rénal, situé en
avant et en bas du muscle adducteur postérieur. L'absence du
pied entraine celle du sinus pédieux. Des lacunes, le sang est
ramené, par l'intermédiaire des artères branchiales, aux bran-
chies où il s'hématose. Les artères branchiales suivent Îles
bords des feuillets réfléchis.
Des branchies, le sang est ramené au cœur par l'intermé-
diaire des vaisseaux efférents qui, suivant les mésobran-
chiaux, vont finalement se jeter dans la veine branchiale en
communication avec l'oreillette.
Organes excréleurs. — Les organes excréteurs, ont comme
chez les Unionidés, la forme de ARS sacs repliés et à deux
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES
301
orifices. D'une part, ils s'ouvrent par deux ouvertures situées
dans la région antérieure du péri-
carde, seul reste de la cavité géné-
rale des Mollusques Acéphales, d'au-
tre part dans le prolongement antéro-
externe de la chambre palléale, c'est-
à-dire dans l'angle que fait le méso-
branchial avec la paroi de la bosse
viscérale. Cet orifice est très réduit
et est situé notablement en dessous
et un peu en dehors de loriice de
sortie de la glande génitale : et par
rapport à la bosse viscérale, 11 se
trouve situé à peu près à l'union de
son quart antérieur avec ses trois
quarts postérieurs.
Organes génilaur. — Les sexes
semblent être chez les
Ætherudæ, bien que je ne puisse me
déclarer d’une façon absolument po-
sitive sur ce point, étant donné le peu
de valeur de mes matériaux pour les
études histologiques. Comme chez les
Unionidés, tous les interstices laissés
entre les organes sont comblés par
des ramifications de la glande géni-
tale qui s'étend même jusque dans le
manteau.
La glande génitale s'ouvre dans la
cavité branchiale par deux très petits
orifices situés à un millimètre et demi
séparés
Fig. 54. — Coupe
c transversale
d'Ælheria plumbea Sow. pas-
sant au niveau du cœur. — B,
branchie; C, cœur; G, glande
génitale: 1, intestin (l'intestin
postérieur est muni d'un typhlo-
solis ; M, manteau dont le lobe
correspondant à la valve fixe
est le plus développé; N, con-
nectif cérébro-viscéral: 0, oreil-
lette; P, cavité péricardique ;
R, organe de Bojanus: S, sinus.
au-dessus et un peu en dedans des orifices bojantens. Ces orifices
ont la forme de fentes allongées d'avant en arrière.
Les œufs que j'ai eu la chance de pouvoir observer seront
décrits à propos de l'embryogénie.
Système nerveur. — Le système nerveux comprend, comme
toujours trois paires de ganglions : les deux cérébro-palléaux qui
sont petits ; lesdeux viscéraux, plusgrands, sont plus développés
302 R. ANTHONY
et tendent à se confondre; les deux pédieux qui sont extrème-
ment réduits et très rapprochés de la bouche.
De chaque ganglion cérébro-palléal partent : le nerf palléal
antérieur longeant la face postérieure du muscle adducteur anté-
rieur; deux nerfs destinés aux palpes labiaux ; la commissure
cérébrale qui passe au-dessus de la bouche ; le grand connectif
cérébro-viscéral. Dans la région antérieure de l'animal, c'est-à-
dire au niveau de la masse viscérale, les deux connectifs sont
naturellement, et par le fait de la présence de la bosse viscérale,
très distants lun de lautre; à parüur du moment où la masse
viscérale finit en arrière, ils se rapprochent et marchent parallè-
lement l'un à l'autre jusqu'aux ganglions viscéraux. Le ganglion
cérébro-palléal donne enfin le connectif cérébro-pédieux très
fin et très court qui aboutit à un ganglion pédieux très réduit
situé immédiatement en dessous de la bouche.
Chaque ganglion viscéral donne, outre le connectif cérébro-
viscéral déjà décrit, un nerf branchial qui suit le bord posté-
rieur du mésobranchial et un nerf palléal qui, suivant la face
antérieure du muscle adducteur postérieur, se divise en deux
branches, l’une latérale, Pautre postérieure. L'état de mes
matériaux ne m'a pas permis de pousser plus loin létude de
ces différents filets nerveux.
Embryogénie.
I m'a été impossible de faire, faute de matériaux, l'étude des
premiers stades de développement des Æthéries. Il est facile de
concevoir, en effet, qu'il ne doit pas être aisé de se procurer des
larves d'Æthéries, voire même de formes jeunes non fixées, et,
comme on le verra par la suite, d'ailleurs, il seraitmalaisé, même
si on en rencontrait, de savoir si l’on à réellement affaire à des
Æthéries.
J'ai donc dù me borner à l'étude des stades déjà fixés.
Avant d'entreprendre cet exposéembryologique, je ne dois pas
toutefois passer sous silence l’heureux hasard qui m'a mis en
présence d'œufs d'Æthéries. En effet, parmi les Mollusques rap-
portés par la mission Chevalier, se trouvait un lot d’Æthéries
CÆthena Bourquignati Rehbr. et d'Urionidæ que compte
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 303
déterminer M. le D'T. de Rochebrune), recueillis par le
D’ Decorse, en janvier 1903, dans les Rapides du Bas-Gribingi.
Les branchies de ces Æthéries et de ces Unionidæ étaient bour-
rées d'œufs qui se trouvaient sensiblement au même point de
leur développement, d'ailleurs très avancé. Les œufs des Æthé-
ries étaient d'un diamètre environ six fois plus faible que ceux
des Unionidæ et leur surface, au lieu d'être lisse, était recou-
verte de rugosités assez régulières qui pourraient être com-
parées à de courts piquants. Chez les Æthéries comme chezles
Unionidæ la cavité branchiale joue donc le rôle de cavité incu-
batrice, c'est là un point important établi.
IL est regrettable que la récolte du D° Decorse n'ait pas été
faite quelques jours plus tard, au moment précis où les larves
écloses ne sont pas encore sorties de la cavité branchiale de la
mère. Cela nous aurait peut-être permis d'observer des glochi-
dium d’'Æthéries. Il serait intéressant, en effet, de savoir si les
Æthéries présentent ou non comme les Unionidæ, le stade glo-
cladium. Leurs affinités avec ces derniers, qui seront exposées
plus loin, permet en tout cas de le supposer, et la présence dù-
ment constatée de ce glochidium eût constitué un fort appoint à
cette manière de voir déjà si probable et qui consiste à faire des
Æthéries des Urionidæ fixées.
La figure 53 représente une coupe d'un feuillet branchial
d'Ætheriu Bourquignati Rehbr. dont L cavité contient des
œufs.
Les matériaux que j'ai utilisés pour mon étude embrvyo-
génique des Æthéries sont constitués par de jeunes Æthéries que
J'ai trouvées fixées sur des coquilles d'adultes appartenant au
Muséum d'Histoire naturelle. ai pu me procurer tous les stades,
depuis celui qui n’atteint que # où 5 millimètres en diamètre
antéro-postérieur maximum jusqu'à la forme adulte la plus
développée. Les espèces dont j'ai pu observer les formes jeunes
sont les suivantes : Æ{heria plumbea Sow. et Ætheria
Caillaudi Féruss.
Quoique n'ayant pas eu à ma disposition d'individus non
encore fixés, il m'a été possible, grâce à la netteté des stries
d'accroissement, de me rendre un compte exact de la forme
que ces animaux affectent avant la fixation.
904 R. ANTHONY
Quelle que soit l'espèce envisagée, la jeune Æthérie est avant la
fixation absolument semblable à une Anodonte. Comme elle,
elle est nacrée, de couleur verdâtre extérieurement, franche-
ment allongée d'avant en arrière, parfaitement symétrique par
rapport à son plan sagittal, et sa charnière est dépourvue de
dents ou ne possède qu’une longue dent latérale postérieure très
peu accentuée, dans laquelle on pourrait peut-être voir la lon-
gue dent latérale postérieure des Unionidæ. Souvent à ce stade
la jeune Æthérie présente une sorte de vallonnement dorso-
ventral que l'on retrouve chezbeaucoup d'Unionidés adultes.
C'est à peu près lorsque l'animal à 2 à 3 millimètres de long
(longueur antéro-postérieure) que la fixation se produit. Au
lieu d’être, comme souvent chez les Chames, uniquement anté-
rieure, la fixation est chez les Æthéries toujours à la fois
antérieure et postérieure. La figure schématique 57 permet
de se rendre aisément compte de cette disposition et la
figure 25 PI IT, montrent très nettement sur une jeune Æthe-
ria les limites de la zone fixée.
À partir du moment où la fixation s’est produite, l'animal
commence à s'arrondir et cet arrondissement s'accomplit par
l'intermédiaire d’un processus auquel j'ai donné le nom de
pseudo-plicature parce que, comme on l’a vu précédemment, le
bord dorsal de la coquille adulte semble s'être replié sur lui-
même.
Les zones d’accroissement de la coquille que le manteau
sécrète, comme on sait, dans toute la région de la valve, ne
donnant pas insertion au ligament, commencent peu à peu à
remonter dorsalement par rapport à ce dernier. Lorsqu'un
certain nombre de couches se sont produites, 1l existe en arrière
du ligament un véritable pli en forme d’éperon au fond duquel
se trouve l'extrémité postérieure ligamentaire. Ce ligament, qui
se développe, on le sait, d'avant en arrière, est donc, par le fait
de cette pseudo-plicature de la coquille, hmité en quelque sorte
par cet obstacle dans sa croissance antéro-postérieure. Toute-
fois, comme il se forme toujours néanmoins de la substance
ligamentaire nouvelle, il arrive que, dans quelques cas, l’extré-
milé postérieure du ligament parvient à contourner la plicature,
et, c'est pourquoi, chez les adultes, on voit parfois la substance
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 369
ligamentaire fibreuse s'étendre sur le bord postérieur du
sillon ligamentaire et mème le dépasser un peu. D'autre part,
les couches de substance élastique augmentent également ;
gênées dans leur développement antéro-postérieur, elles
Fig. 55. — I, disposition du ligament chez l'Unio: IT, disposition du ligament chez
une jeune Ætheria Caillaudi Féruss peu de temps après la fixation ; IE, dispo-
siion du ligament chez une Æfheria Caillaudi Féruss adulte.
repoussent d'une part en avant le bord cardinal de la coquille
qui s’incurve, d'autre part en arrière le ligament fibreux
dorsal qui se rompt, se détachant de son point d’origine
au niveau du crochet, et on arrive ainsi à avoir la dispo-
sition représentée dans la figure 55 de la coupe du ligament
chez les Æthéries adultes. Cette figure donne en effet Les diffé-
rents stades de développement du ligament et la constitution
de l’arête ligamentaire chez les Æthéries.
Après la fixation, la coquille continue sa croissance, et,
la plicature s’accentuant et se resserrant, chaque nouvelle couche
tend à parfaire cette forme arrondie qu'elle n'atteint jamais
complètement, en raison des obstacles nombreux qu’elle ren-
contre.
Chez certaines Æthéries, la croissance semble être très lente
306 R. ANTHONY
el ne pas dépasser une certaine limite. Chez d’autres, au
contraire, les formes à long talon (Æ{heria Caillaudi, Féruss.),
les couches calcaires se succèdent rapidement et, lorsque l'animal
a atteint une certaine taille, ces couches calcaires concentriques
cessent d'adhérer au substratum et se relèvent ; il en résulte
une forme en cornet, des couches calcaires venant à mesure,
comme chez l'Huitre, combler la partie inférieure de ce cornet ;
la forme connue de l_Æheriu CaillaudiFéruss. se constitue avec
son long talon coupé de cloisons transversales, son arète ligamen-
taire, son ligament longitudinal et sa valve operculaire dont la
partie inférieurese détruit peu à peu (Voy. PL IN fig. 22; 23; 24).
Physiologie.
Comme pour les Chames, il m'a été impossible pour les
Æthéries de me procurer des spécimens vivants et d'observer par
moi-même leurs conditions d'existence. Mais, là encore, J'ai
pu avoir des renseignements précis. Ils proviennent de
MM. Chevalier et Decorse, qui ont pu les observer longuement
au cours de leur mission en Afrique équatoriale. M. T. de
Rochebrune, assistant au Muséum, et mon excellent ami le
lieutenant de cavalerie Zerbini, m'ont aussi fourni des rensei-
oenements précieux à ce sujet.
Le genre Ætheria est exclusivement africain. On le trouve
uniquement dans les grands fleuves de l'Afrique équatoriale.
Il en à été recueilli, par exemple, des exemplaires dans le Nil,
en amont des cataractes, dans le Sénégal, le Niger, le
Congo, etc.
Les Æthéries vivent fixées par une de leurs valves, tantôt
la droite, Lantôt la gauche avec une égale fréquence, et dans la
même espèce on trouve des imdividus fixés par lune et d’autres
fixés par l’autre valve; leur surface de fixation très étendue
s'étend, ainsi qu'il à été dit, aussi bien antérieurement que
postérieurement, au contraire de ce quise passe chez les CAa-
mostrea et la plupart des Chames fixées par leur région anté-
rieure seulement. De la facon dont elles sont fixées résulte en
grande partie, comme on le verra plus loin, la morphologie
des Æthéries.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 307
D'après ce que m'ont rapporté les différentes personnes
avant voyagé en Afrique, la forme roulée, aplalie et compacte
est particulière aux rapides, aux cataractes, en somme aux en-
droits où les eaux sont très agitées. La orme, au contraire,
épineuse, légère el souvent à long talon, rappelant les Hippu-
rites, se trouve dans les eaux tranquilles et parfois même
vaseuses ; ceci est d’ailleurs d'accord avec l'opinion de Simroth
(90). Lorsqu'un fleuve à cours rapide fait une anse à un certain
endroit, dans cette anse les eaux sont plus tranquilles et la
vase s’y accumule; c’est là que l'on rencontre les Æthéries à
long talon formant des sortes de bouquets dont Ia base
est souvent attachée au substratum rocheux du fond. Lorsque
les eaux sont basses, on voit alors ces Æthéries enfoncées
dans la vase de telle sorte que la loge contenant l’animal
émerge seule à peu près au-dessus de son niveau. Lorsque
les pluies violentes arrivent, entraînant une quantité de
limon plus considérable que d'habitude, les Æthéries sont subi-
tement recouvertes et périssent. Simroth (90), dans une note
intéressante sur les Æthéries des chutes du Congo dit que celles
qui se trouvent fixées dans les endroits où les eaux sont tran-
quilles, se trouvent parfois recouvertes d’une couche de limon
qui empêche par son poids l'ouverture de la coquille. L'entrée
et la sortie de l’eau se feraient alors, d’après cet auteur, par
les épines tubulées du bord, dans lesquelles doivent pénétrer des
prolongements du manteau. (Il est peut-être intéressant de
rapprocher cette particularité des canaux des Rudistes).
Enfin, il est une forme d’Æthérie, lÆtheria Petretinn Bet.,
dont les caractères morphologiques spéciaux ont été signalés
et qui présente un mode de vie également spécial. L'Æ%eria
Petretinii Bgt. a été exclusivement rencontrée dans les tuyaux
de conduite en fonte de Ramlé, près le canal de Mahmoudieh,
en Égypte. Sa forme spéciale est sans aucun doute en rapport
avec son mode de vie tout particulier dans une eau peu agitée
mais sans cesse animée d’un mouvement régulier et toujours
dans le même sens.
En résumé, 1l semble que deux conditions d'existence soient
particulières aux Æthéries : 1° la chaleur des climats tropi-
eaux; 2 les courants rapides et les eaux tourmentées, pour la
368 R. ANTHONY
)
forme plumbea:; les eaux tranquilles et vaseuses, pour les
formes tubifera et sa variété Caillaudi; le cours régulier.et con-
{inu des conduites d’eau de Ramlé, pour lÆheria Petre-
lin Bgt.
Affinités.
L'opinion des personnes étrangères aux sciences naturelles et
auxquelles on présente une coquille d'Ætheria plumbea Sow..
par exemple, est immédiatement que Panimal en présence du-
quel on les met est une Huiître. Or, comme on Fa vu d’après
l'exposé des caractères des Æthéries, cette opinion ne peut
être soutenue. En dehors de la disparition d'un des muscles
adducteurs de l'Huître, ce qui pourrait n'être en somme qu'un
caractère d'adaptation, 1lest à noter le mode de vie (aquatique
pour les Æthéries), la forme et la structure de la coquille et
de la branchie qui éloignent d’une facon complète les Æthéries
des Huitres. Le seul caractère commun qu'aient ces animaux
est la fixation pleurothétique qui, comme on le sait, peut se
produire chez des animaux aussi différents que possible.
Considérant la fixation pleurothétique et la présence des
deux muscles, Lamarck en fit des Chamidés. Comme on a pu
le voir au cours de ce travail, cette opinion ne peut être soutenue.
Actuellement on s'accorde en général à faire des Æthéries
des Unionidæ, el voici quels sont les arguments qui peuvent
maintenant être fournis à l'appui de cette manière de voir.
On peut les tirer à la fois de leur morphologie, de leur embryo-
génie et de leur physiologie; nous allons Jes examiner :
1° MorPHoLOGIE. — 4. Coquille. L'aspect général de la coquille
est à peu près le même chezles Æthéries que chez les Unionidæ.
On y trouve, chez les formes non roulées comme lÆ#heria
Petrelini Bet. où l'Ætheria Caillaudi Féruss, le même épi-
derme verdâtre. Comme les Anodontes, les Æthéries n'ont pas
de dents à leur charnière. Enfin, comme les Unrionidæ, elles
ont la coquille superbement nacrée à l’intérieur. Cet argument
uré de la présence de la nacre à une grande valeur. Les seuls
Acéphales nacrés sont, en effet, avec les Unionidæ, qui sont
des Eulamellibranches, et les Anatinidæ, autres Eulamelli-
branches qui ne peuvent avoir avec les Æthéries aucun rapport
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 309
de parenté, des Filibranches comme les Trigonies, les Ano-
mies, les Avicules et leurs alliés, auxquels on ne peut songer
lorsqu'il s’agit d'établir les rapports de parenté des Æthéries.
8. Branchies. Les branchies des Æthéries présentent, ainsi
que les figures permettent de s'en rendre compte, les mêmes
caractères généraux que celles des Unionidés. Ce sont, comme
celles de ces derniers, des branchies d'Eulamellibranches.
Leurs caractères parliculiers consistent uniquement dans leurs
plissements, que arrondissement peut expliquer et les
Jonctions interplicaturales qui en sont la conséquence. Les
branchies des Æthéries, comme celles des Urionidæ, jouent le
rôle de cavité incubatrice.
+. Orqunes génitaur. Au point de vue sexuel, les Æthéries
paraissent être dioiques comme les Urionidæ ; elles sont très
probablement vivipares et, en tout cas, leur branchie joue,
comme 1} à été dit, pour les produits génitaux Le rôle de cavité
incubatrice, caractère très spécial aux Unionideæ.
2° EMBRYOGÉNIE. — Par leur embrvoginie, les Æthéries sont
absolument des Unionidæ.
Sans revenir sur le fait très important et déjà signalé de
lincubation branchiale commune aux Unionidi el aux Æthé-
ries, Je me contenterai de rappeler que la jeune coquille des
Æthéries est, avant la fixation, semblable à celle des Unionidæ.
Ce n'est qu'à partir du moment où la fixation s'est pro-
duite qu'elle perd ses caractères spéciaux (Vo. fig. 25 et 26,
PCT).
3° PaysioLo@ie. — Au point de vue du mode d'existence,
enfin, les Æthéries se rapprochent encore des Unionidæ.
Comme eux, elles habitent exclusivement les eaux douces. Or,
parmi tous les Acéphales qui habitent les eaux douces, les
Unionidæ sont les seuls auxquels on puisse comparer les
Æthéries.
En résumé, la présence de la nacre, la constitution de la
branchie, l'existence fluviatile et surtout le développement
embryogénique ne permettent d'élever aucun doute sur les affi-
nités réelles des Æthéries, qui ne sont en somme que des Unio-
nidæ adaptés à un genre de vie spécial.
ANN. £C. NAT. ZOOL. 1, 24
370 R. ANTHONY
Morplogénie.
Par la mise en action de quels facteurs cette transformation
a-t-elle pu se produire, des Unionidæ ont-ils pu devenir des
Æthéries? Supposons que, par un procédé quelconque, des
Unionidæ semblables à ceux qui vivent dans la vase des grands
lacs de l'Afrique équatoriale se soient trouvés transportés dans
un des fleuves avec lesquels ils sont en relation, tels le Nil,
le Niger, le Congo. Ces fleuves sont, on le sait, en certaines
régions, parsemés de rapides, de chutes, de cataractes, où Peau
sans cesse renouvelée et oxygénée est particulièrement favorable
à l'existence, Les Urionidæ qui s'arrêtent en ces régions ne
tardent pas à pulluler, et comme, grâce au mouvement conti-
nuel de l’eau, la vase ne peut se déposer dans ces rapides, ïls
ne peuvent, comme leurs congénères des lacs, s'enfouir et
prendre la position céphalothétique ; fatalement, et de par le
fait de leur forme même, ils tombent sur une de leurs valves.
D'autre part, l'eau en ces régions est sans cesse chauffée par
les rayons du soleil tropical, et, cette élévation de température
provoque, pour les animaux qui nous occupent, une surpro-
duction de calcaire qui semble devoir aboutir, Fanimal étant
en pleurothétisme, à la fixation. Par le fait de la sélection
naturelle, les formes solidement fixées et celles qui se trouvent
placées en des points d’où le flot ne peut les entrainer, seules
se perpétuent, les autres sont arrachées et périssent.
Chez les Unionidæ la fixation se fait par l’ensemble de la
valve, simplement à cause de la forme aplatie de cette der-
nière, de même que chez les Chames, par exemple, la forme
lHithocardioïde primitive entraine la fixation antérieure. C'est
la fixation pleurothétique qui est chez les Æthéries l’origine de
toutes les modifications morphologiques.
Ainsi qu'il a été dit plus haut. le pleurothétisme tend à faire
disparaître la symétrie sagittale et à la remplacer par une
symétrie coronale. Cette tendance s’accuse par ce fait, chez les
Æthéries, que les deux valves qui, chez les Unionidés, sont sem-
blables, deviennent ici dissemblables, lune tendant, comme
chez l'Ætheria Caillaudi Féruss, par exemple, à s’aplatir, à
RE TS A
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 311
devenir en un mot operculaire, alors que l’autre s'allonge en
forme de colonne, se creuse sous l'influence indirecte du poids
des organes qu’elle contient (Voy. à ce sujet Hyatt (80) et
Edm. Perrier (04). En même temps le côté antérieur et le côté
postérieur tendent manifestement à se ressembler, indice cer-
ain de l'établissement de la symétrie coronale. Ces modifica-
ions caractérisant la coquille se constatent aussi sur les parties
molles : les deux lobes du manteau sont franchement inégaux
(Voy. fig. 54).
La fixation d'autre part tend, comme on sait depuis Jackson
(90) et Hæckel, à faire prendre aux organismes la forme
arrondie. Or, comme chez les Æthéries la fixation est à la fois
antérieure et postérieure, c'est la surface totale de l'animal
qui s’arrondit et non pas seulement la région antérieure, comme
chez certaines Chames et chez les Chamostrea.
Ce mode de fixation, ainsi que le développement antéro-
postérieur du ligament, l'absence de tendance à lenroulement
que présentent tous les Urionidæ, déterminent le mode
d'arrondissement qui est celui de la pseudo-plicature. Ia été
indiqué plus haut comment se produisait cette pseudo-
plicature, par l'extension postérieure et dorsale toujours crois-
sante des zones calcaires. Il a été vu comment la formation
d'une arète ligamentaire pouvait en résulter : le ligament est
arrêté en arrière dans sa croissance antéro-postérieure par
le fait de cette pseudo-plicature; sa partie élastique repousse
en avant le bord cardinal de la coquille qui s'incurve, en
arrière la partie fibreuse dorsale qui se rompt, se détachant de
son origine. Ainsi s'explique la constitution du bord cardinal
des Æthéries qui, comme on sait, présente d’arrière en avant
un profond sillon où s’'insère l'extrémité postérieure de la
partie fibreuse dorsale du ligament, une concavité où se loge
le ligament élastique et une convexité légère sur laquelle s'in-
sère Fa partie ventrale du ligament fibreux. Ainsi s'explique
également le triangle ligamentaire dorsal, qui n’est en réalité
autre chose que la partie fibreuse dorsale du ligament détachée
de son origine umbonale.
À l'arrondissement se rattachent également un certain nom-
bre de caractères particuliers aux Æthéries. C'est ainsi que
D. R. ANTHONY
s'explique le passage du tube digestif dorsalement par rapport
au cœur, Entrainé par le déplacement de l'extrémité posté-
rieure, le tube digestif s'est peu à peu rapproché de la région
cardinale tout en s'éloignant du cœur, comme cela se passe
chez les Huîtres : de même, par le fait de l'arrondissement, les
branchies se sont plissées comme une collerette autour du cou,
les palpes labiaux se sont accolés par leurs bords dorsaux aux
parois palléales; les deux muscles adducteurs antérieur et
postérieur se sont rapprochés par leurs extrémités dorsales,
de telle sorte que, comme chez les Chames, le muscle rétrac-
teur postérieur du pied se trouve souvent au niveau du milieu
de l'adducteur postérieur au lieu de se trouver nettement en
avant de lui. A la fixation, d'autre part, doit être rapportée
la disparition du pied qui est entré en régression faute d'usage
et l'absence totale de papilles siphonales qui figurent, chez
les Unionidés céphalothétiques, une première ébauche de
siphons.
La pseudo-plicature est également la cause enfin du rappro-
chement du muscle postérieur du ligament, rapprochement qui
a pour conséquence la diminution de volume et d'importance
de ce muscle adducteur postérieur devenant ainsi de moins en
moins efficace au moment de la fermeture. De même, dans
l'adducteur antérieur et pour la même raison, toute la partie
dorsale tendra à disparaître faute d'usage, alors que la partie
ventrale au contraire, la plus active, tendra de plus en plus à
se développer. Il en résulte en quelque sorte un déplacement
dorso-ventral de ce muscle le long du bord des valves. Au lieu
de se trouver situé dorsalement par rapport à la bouche
comme chez les autres Acéphales, il se place de plus en plus
ventralement par rapport à elle; son impression s'étend le plus
possible vers la région ventrale, se divise même souvent en
deux parties extrêmement nettes (Voy. fig. 56, 1).
L'origine des cloisons de la valve inférieure à été expliquée
au chapitre de l'embryogénie par le relèvement des couches
calcaires.
RÉ
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES +13
CHAPITRE VI
CONSIDÉRATIONS MORPHOGÉNIQUES SUR LES FORMES
FOSSILES DIMYAIRES
FIXÉES EN POSITION PLEUROTHÉTIQUE.
Les notions que nous venons d'acquérir sur la morphologie
et la morphogénie des formes dimyaires actuelles fixées en
position pleurothétique semblent pouvoir, dans quelque me-
sure, éclairer sur la signification probable de certaines parties
des formes fossiles également dimyaires, pleurothétiques et
fixées.
Ces formes se rapportent aux familles suivantes :
Dimyidæ, Chamidæ, Rudistæ, Chondrodontide.
Dimyidæ. — Les Dimyidæ fossiles sont à tous points de vue
semblables aux Dimyidæ actuels. Ilen a été question plus haut ;
il est donc inutile d'y revenir.
Chamidæ. — Quant aux Chamideæ, je comprends dans cette
famille toutes les formes enroulées dont les caractères ont été
donnés plus haut, c'est-à-dire, outre les CAama, les formes
exclusivement fossiles suivantes : Diceras, Heterodiceras, Re-
quienia, Toucasia, Apricardia, Valletin, Gyropleura, Bay-
leix, etc., qui constituent, à côté des Chaminæ, la tribu des
Diceratinæ.
Je n'ai pas l'intention de faire une monographie de ces der-
niers, mais d'insister seulement sur les détails que l'étude des
Chaminæ m'a permis de mieux comprendre, renvoyant pour
le reste aux travaux si complets et si remarquables de Douvillé
et à ceux de Pâquier.
Le caractère commun de toutes ces formes, caractère qu'elles
partagent d’ailleurs, comme l’on sait avec les Chaminés, est
l’enroulement, la division ligamentaire qu'il produit, et lab-
sence de la dent latérale antérieure. Leurs caractères propres
914 R. ANTHONY
et qui permettent de distinguer les animaux de la tribu des
Diceratinæ de celle des Chaminæ est, outre une ornemen-
tation toute différente, la présence constante à l’âge adulte de
la dent cardinale 1 qui, comme nous l'avons vu, disparaît
généralement après la fixation dans le genre C'hama (Noy. em-
bryogénie des C'hama).
Un autre caractère particulier de ces animaux est l'étendue
du pas de leur hélice qui est généralement beaucoup moins
aplatie que celle des Chames qui tend souvent à la spire. Cet
enroulement beaucoup plus che fait que chacune des bran-
ches provenant de la bifidité du Higament, au lieu de décrire une
spire ou une hélice à pas très court, décrit comme la coquille
elle-même une hélice à pas très étendu. [en résulte que l'angle
formé par les deux branches divergentes du ligament est beau-
coup plus ouvert qu'il ne l'est généralement chez les Chames
(Moy ::PINIIENS-215):
Chez quelques formes, telles les Reguienia etles Tourasia, Va
valve supérieure reste aplatie et le ligament y marque sa place
suivant une spire.
Comme les Chames, ces animaux, au lieu d'être fixés par la
région antérieure et postérieure de leur coquille, le sont seule-
ment, ainsi que je l'ai vu d’une façon qui m'a semblé constante,
par leur région antérieure. Mais, alors que chez les Chames et
chez les Chamostrea d'ailleurs, les couches calcaires successives
de la valve fixée restent d'ordinaire au contact du substratum
auquel elles adhèrent, 1! n'en est pas toujours ainsi chez les
Dicératinés. C'est ainsi que si, chez les Gyropleura, es choses
se passent généralement de cette facon, chez les Diceras, les
Heterodiceras et les Requienia par exemple, les couches cal-
catres S'écartent au bout d'un certain temps du substratum.
Il en résulte qu'à partir d’un certain point la coquille s'élève
en quelque sorte et la spire de la valve inférieure devient une
hélice à pas très étendu; et au lieu d'être la partie fixée seu-
lement, c'est le contour sagittal tout entier qui tend alors à
S'arrondir.
Chez les Toucasia, les couches successives, tout en ne restant
pas fixées au substralum, v restent accolées, et c'est ce qui
explique la carène et la région antérieure constamment aplatie
D) L
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 219
de ces animaux qui, par leurs autres caractères, sont si près des
Requienia.
Chez les Direras et les Heterodiceras, la dent 2 de la valve
gauche, qui répond à la grande dent de la valve fixée des
Chames, qui est, comme on sait, sur sa face postérieure creu-
sée de petits sillons, est souvent creusée sur sa face ventrale
d’un profond sillon. Elle est très longue et parfois même recour-
bée dorsalement. Ce sillon qu'elle présente, ainsi que son grand
développement, semble devoir être en rapport avec la fixa-
tion de l'animal. Dans un autre groupe en effet, celui des
Monomyaires, les Spondyles, qui par tous leurs caractères se
rapprochent des Pectens et qui vivent, eux aussi, fixés en po-
sition pleurothétique, présentent deux grandes dents recour-
bées et munies chacune d’une encoche. Ces dents sont mème
tellement grandes et recourbées que souvent l’on ne peut sé-
parer les deux valves sans briser la coquille. Les Hinnites pré-
sentent déjà une ébauche de la disposition caractéristique des
Spondyles. Ce point de convergence des Diceras et des Spondy-
lidie était intéressant à signaler.
Au sujet de ces formes fossiles que J'ai rangées parmi les
Chamidæ (Wibu des Diceratinæ), il est un certain nombre de
questions, dont je ne m'occuperai point, létude des formes
actuelles ne m'avant fourni aucun renseignement à leur sujet,
c’est à savoir : le mode d'insertion du muscle adducteur pos-
térieur qui, chez les Diceras, les Requienia, les Toucasia. s'in-
sère sur un plan situé en dessous du plateau cardinal et sur
une légère apophyse myophore analogue par exemple à celle
des Cucullæa parmi les Arridæ et, qui, chez les Æeterodi-
ceras remonte au contraire dans le plan du plateau cardinal;
la fixation, qui est indifférente par lune ou l'autre valve
chez les Diceras, la dentition étant caractéristique de Ia valve
droite et de la valve gauche, l’une ou Fautre pouvant être
fixée, caractère qui est parfaitement réglé, au contraire, chez
les autres formes de ce groupe dans lesquelles la valve fixée
a toujours la même dentition comme chez les Chama; les
canaux de la coquille des Baylein analogues à ceux des Ru-
distes.
Les seuls caractères sur lesquels létude que Jar faite des
310 R. ANTHONY
Chaminæ m'a éclairé sont, en somme, le processus d’arron-
dissement et les modifications dentaires.
En me plaçant donc uniquement à ce double point de vue, il
me paraît qu'on puisse dire des Diceratinæ, comme on la dit des
Chaminæ, qu'ils proviennent d'animaux chez lesquels les
crochets avaient déjà une tendance manifeste à lenroulement
en avant, comme chez les /socardia par exemple, c’est-à-dire
d'animaux chez lesquels le ligament se développait avec une
grande rapidité et une grande intensité par rapport aux cou-
ches calcaires successives de la coquille; chez eux comme
chez les Chaminæ, cette tendance héréditaire à l’enroulement
est accentuée par le fait de la fixation antérieure. L'arrondisse-
ment qu'elle entraîne se fait tout naturellement par enroule-
ment, puisque la tendance naturelle est déjà lenroulement.
La fixation antérieure semble avoir été déterminée chez
les Dicératinés comme chez les Chames par la forme même de
leur coquille avant la fixation qui semble avoir été aussi aniso-
myaire el lithocardioïde, ainsi que tend à le prouver l'absence
de dent antérieure.
L'allongement du pas de hélice qui caractérise certaines de
ces formes semble en rapport avec une croissance plus
rapide du ligament par rapport aux zones calcaires que chez les
Chames, el avec ce fait que les différentes couches calcaires suc-
cessives, au lieu de rester toujours adhérentes au substratum
comme chez les Chama, les Gyropleura et le Chamostrea, se
redressent de plus en plus.
Bref, en résumé, les Dicératinés semblent, par tous les ca-
ractères, être très proches parents des Chaminés, et 1} semble
que lon puisse admettre pour les deux tribus une origine com-
mune.
Rudistes. — Je comprends dans cette famille toutes les
formes fossiles dimyaires fixées en position pleurothétique,
chez lesquelles l'arrondissement semble s'être fait non par un
enroulement, mais par pseudo-plicature (1). La plupart des
auteurs les réunissent aux Chanideæ (Chaminæ et Diceralinæ) :
j'ai cru bien faire en les séparant provisoirement, et, les raisons
de cette manière d'agir seront données plus loin. Elles com-
prennent les principales formes suivantes, toutes fossiles
TE TT
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES di
Monopleura, Caprotina, Polyconites, Hippurites, Sphærulites,
Sauvagesia, Bournonia, Radiolites, Birudiotites, Lapetrou-
sia, ele., qui s'étendent dans toute la hauteur du Crétacé.
Pas plus que pour les Diceratinæ, je n'ai l'intention de faire
ici une monographie complète des Rudistes, qui contiendrait
beaucoup de redites étant donnés les travaux de Douvillé aux-
quels je ne puis mieux faire que de renvoyer.
Ce ne sont plus les Chames actuelles qui m'ont éclairé sur
l'appréciation des caractères morphologiques des Rudistes,
mais bien les Æthéries, Mollusques acéphales fluviatiles devant
être incontestablement rattachés aux Unionidæ, qui sont par
conséquent très loin des Rudistes au point de vue des affinités,
mais qui présentent des caractères de convergence si remar-
quables avec eux qu'on ne peut guère hésiter et par analogie à
conclure des unes aux autres.
Les caractères communs des Rudistes sont nombreux. Au
premier chef est la présence d'une arête ligamentaire qui dispa-
rait chez les formes les plus évoluées, de canaux plus où moins
développés dans le test dans les formes les plus spécialisées, de
deux dents cardinales à la valve libre et d'une seule à la valve
fixée, etenfin d'une particularité sur laquelle on n'a pas insisté
encore et dont l'importance est cependant considérable et qui
est à savoir le fait que la fixation semble se faire, non comme
chez la plupart des Chames, les Diceras et les Chamostrées,
par la région antérieure d'une des valves, mais par Pensemble
de la valve comme chez les Æthéries ; ajoutons-v encore cette
forme spéciale de la coquille dont la valve supérieure est
aplatie opereuliforme et dont la valve inférieure très allongée,
munie de cloisons transversales, prend la forme d'un evlindre
droit.
Les caractères de convergence que les Æthéries ont avec les
Rudistes sont les suivants : d'abord l'arête Higamentaire que
les Æthéries possèdent, quoique à un degré moindre, comme
les Rudistes; la forme des valves dont la supérieure prend Ta
(4) Chez certaines formes, comme le Plagioptychus, par exemple, il est par-
fois difficile de se rendre compte si l'arrondissement s’est accompli par enrou-
lement ou par pseudo-plicature. L'étude des Dimyaires fixés en pleurothétisme
n'ayant pu me renseigner à leur sujet, je ne m'en occuperai pas ici.
318 R. ANTHONY
forme aplatie d'un opereule et l'inférieure S'allongeant pré-
sente de nombreuses cloisons transversales; la réduction du
musele adducteur postérieur et l'allongement ainsi que la divi-
sion en deux parties du muscle adducteur antérieur ébauchée
chez les Æthéries et qui atteint chez les Sphærulites une si
grande netteté (Voy. fig. 56); enfin la fixation par la tota-
lité de la surface d'une valve. Les Æthéries ne possédant mi
canaux du test, ni dents à la charnière, il ne sera done
question à propos des Rudistes ni des uns n1 des autres (1 E
Le mode d'existence des Rudistes est très comparable à celui
que nous constatons chez les Æthéries; stles uns vivaient jadis
sur les récifs battus par les flots des mers chaudes crétacées, les
autres vivent actuellement dans les rapides des fleuves de
l'Afrique équatoriale. I n’est done pas étonnant, étant donnée
l'identité des conditions d'existence, que les uns et les autres
aient pris des caractères communs. Les Æthéries proviennent
incontestablement, ainsi qu'il à été prouvé au cours de ce
Laval, d'Unionidæ aplatis bilatéralement et de formes telles
qu'abandonnés à eux-mêmes ils reposent Loujours sur une de
leurs valves et de telle façon que leur plan sagittal soit horti-
zontal : c'est ce qui explique que pour elles la fixation se fasse
par l'ensemble d'une des valves. IPest vraisemblable que les
Rudistes, chez lesquels la fixation semble se faire également
par l'ensemble d'une des valves, proviennent aussi de formes
aplaties bilatéralement à crochets droits, à ligament al-
longé rectiligne d'avant en arrière, et se raltachant peut-
ôtre aux Cardide. C'est ce mode spécial de fixation qui sem-
ble avoir amené, par un processus qui à 616 déjà exposé, chez
les uns comme chez les autres, la formation de l’arète liga-
mentaire (conséquence de l'arrondissement) dont l'évolution
a été étudiée chez les Æthéries. À son début chez les Capro-
tines, elle atteint son complet développement chez les Sphæru-
lies, entre en régression chez les Radiolites et les Biradiolites où
l'arrondissement est à peu près géométriquement parfait.
La disparition de l'arète ligamentaire, due à l'arrondisse-
ment de plus en plus parfait du contour sagittal, amène comme
(4) I y aurait peut-être cependant lieu de rapprocher des canaux des Ru-
distes la particularité signalée par Simroth (90) et dont il a dèjà été question.
A pm Li
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 319
Fig. 56, — Evolution des muscles adducteurs chez les Æthéries et les Rudistes. —
I, Ælheria plumbea Sow. :; 11, Sphærulites radiosus Desm.: IT, Biradioliles
cornupasiaris d'Orb.; a, arèle ligamentaire ou sa place: #4, muscle addusteur-
antérieur ; 5, place du muscle adducteur postérieur.
380 R. ANTHONY
conséquence nécessaire celle du ligament déjà réduit chez les
Æthéries. La valve supérieure est alors un véritable opercule
qui, au moment de l'ouverture, n’est plus mû d’un mouvement
angulaire, mais bien d’un mouvement parallèle à lui-même.
La formation de l’arète ligamentaire rapproche, chez les Ru-
distes comme chez les Æthéries, le muscle adducteur postérieur
du point de rotation de la valve et, à mesure que ce muscle s'en
rapproche, son action tendant à devenir de moins en moins
efficace, il entre en régression. Déjà légèrement réduit chez les
Æthéries, 1l diminue encore chez les Sphœrulites où il est souvent
difficile de trouver une trace évidente de ses impressions, à
quelque valve que ce soit. Il me semble donc, et je me permets
d'insister tout spécialement sur cette opinion à laquelle l'étude
dos Æthéries m'a conduit, qu'à partir des Sphærulites radiosus
Desm. le muscle adducteur postérieur doit être extrêmement
réduit. En même temps que, chez les Æthéries, le muscle adduc-
teur postérieur, se rapprochant du point de rotation, tend, en
raison de son inutilité croissante, à disparaître, le muscle
adducteur antérieur, au contraire, tend, par un mécanisme
déjà expliqué, à se répartir, en quelque sorte, de chaque côté
de ce point de rotation et à remplacer fonctionnellement
l'adducteur postérieur disparu. Déjà, chez PÆthérie, on le voit
allonger son impression, écarter en quelque sorte ses fibres,
contourner le bord antérieur de la valve et, chez beaucoup
d'individus, 1lest nettement divisé en deux parties. Chez le
Sphærulites, la même division de ce muscle S'observe ; ses
deux parties sont plus étendues que chez lPÆthérie, et la
partie la plus ventrale atteint et dépasse même souvent de son
bord distal la ligne médiane dorso-ventrale. Chez l'ÆHippurites
cornu vaccinunt Goldf., le muscle antérieur est déjà en face
de larête ligamentaire. Chez les Æadiolites et les Biradiolites,
ne peut-on admettre que sa partie la plus ventrale, s'écartant
de sa congénère, ait atteint le bord postérieur de la coquille,
de telle sorte que les deux parties du muscle adducteur anté-
rieur se trouvent réparties de part et d'autre de larôte.
Suivant done cette conception naturellement explicable, à
laquelle les faits observés chez les Æthéries semblent donner
quelque fondement, les Spheruliles posséderaient un muscle
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 381
adducteur postérieur très réduit, et les deux muscles des Radio-
liles et des Biradiolites seraient non un addueteur antérieur et
un adducteur postérieur, comme le veulent les auteurs, mais
un adducteur antérieur dédoublé.
On conçoit combien cette manière de voir, donnée sous
toutes réserves, doit changer, si des faits ultérieurement cons-
tatés la confirment, l'idée que l’on doit se faire de l'orien-
ation du Rudiste à l'intérieur de sa coquille.
Myochamidæ et Chamostreidæ. — Les familles des Myocha-
midæ et des Chamostreidæ ne présentent pas de formes fossiles ;
il n'y à pas lieu d’y insister 1er.
Chondrodontidæ.— Ces formes exclusivement fossiles n'ayant
rien d'analogue dans la nature actuelle, il n'en sera pas
question.
CONCLUSIONS GÉNÉRALES
(Relatives à la deurième partie) (1).
1° Les Mollusques Acéphales qui, dansles conditions ordinaires
de leur existence, sont orientés de telle sorte que leur plan
sagittal (bucco-ventro-ano-dorsal) soit parallèle au plan sur
lequel ils reposent, sont dits pleurothétiques, par opposition
avec ceux dont le même plan sagittal est perpendiculaire au
plan sur lequel ils reposent'et qui sont dits euthétiques.
2 Il peut exister des formes pleurothétiques dans tous les
groupes, parmi les Dimyaires comme parmi les Monomyaires.
3° Les Acéphales pleurothétiques peuvent être libres comme
la Pandora et le Pecten marimus Linn. ou fixés comme les
Rudistes et les Huitres.
ï° Les Acéphales dimyaires fixés en position pleurothétique
sont les suivants :
1. Dimyidæ ;
>, Chamidæ;
3. Myochamidæ;
x. Chamostreidæ;
5. Ætheriidæ (à l'exclusion de Auwleria, qui estune forme
monomvaire) :;
6. Rudistæ :
1. Chondrodontidæ.
(Les groupes avant des représentants actuels sont en carac-
tères gras.)
5e Les affinités de ces différents groupes sont les suivantes :
1) Dimyidæ. — Les Dimyidæ sont incontestablement des
(1) Ainsi qu'il a été dit, la première partie ne comporte pas de conclusions
spéciales, étant elle-même un ensemble de conclusions et un résumé. — De
plus, désirant donner à ces conclusions un caractère exclusivement général,
je n'y rappellerai pas les faits positifs morphologiques, embryogéniques ou
physiologiques établis au cours de ce mémoire.
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 3093
Arcidæ (dimyaires, filibranches, dents de la charnière rappe-
lant chez les Dimyodon et les jeunes Dinrya celles des Per-
tunculus. Ligament rappelant probablement celui des Limopsis.
Lobes du manteau libres comme chez tous les Arcidæ).
2) Chamidæ. — Les Chamidæ (Chaminæ et Diceratinæ) sont
très probablement des Cardüdæ (Eulamellibranches, trois ou-
vertures palléales dont deux courts siphons chez les Chames
comme chez les Cardin. Dentition des jeunes Chames rappe-
lant sensiblement celle de Cardium adultes, chez lesquels la
dent latérale antérieure aurait disparu (Lithocardiunr) |. Une
forme originelle lithocardioïde, semble aVoir donné deux
branches divergentes : l’une qui, à la fin du Jurassique, aurait
donné le phylum des Diceratinæ par la conservation de Ja
dent cardinale 1, l'autre qui, à la fin du Crétacé, aurait donné,
par la suppression de cette même dent cardinale 1, le phylum
des Chamidæ. Par beaucoup de caractères fondamentaux, les
Chamidæ se rapprochent des Tridacnidæ (branchies, dentilion,
ligament, ouverture palléale, ornement de la coquille) qui pro-
viennent aussi vraisemblablement d'une forme lithocardioïde.
Je ne serais donc pas éloigné de croire que les Chamidæ et les
Tridacridæ, qui sont aussi voisines des Cardium, aient une
origine commune : les uns se seraient adaptés à la fixation
pleurothétique, les autres à la fixation euthétique et byssale.
Le tableau suivant rend compte des relations familiales pos-
sibles de ces différents groupes d'animaux.
Forme lithocardioïde
_ originelle.
Diceratinæ.
Byssocardium.
Tridacna.
fiippopus.
Chaminæ.
304 R. ANTHONY
3 et 4) Myochamidæ et Chamostreidæ. — Ces deux familles
sont incontestablement des Anatinidæ. (Persistance des siphons
surtout chez les Myochama ; eulamellibranches avec forme spé-
ciale de la branchie: quatre ouvertures palléales comme chez
les Anatinidæ ; nacre ; Hithodesme.)
5) Ætherüdæ. — Les Ætherüidæ sont incontestablement des
Unionidæ. (Existence fluviatile; nacre; épiderme verdàtre ;
constitution du ligament:; structure de la branchie qui, comme
chez les Urionidæ, joue le rôle de cavité incubatrice ; deux ou-
vertures palléales seulement comme chez les Urionidæ ; forme
des individus jeuñes qui sonten tous points des Anodontes de
taille réduite.)
6) udistie. — Semblent devoir être considérés comme des
Cardidæ (??) avant avec les Chames et les Diceraxs des rapports
de parenté simplement collatéraux:; ne dérivent très probable-
ment pas, comme chez les Diceras, les Chames et les Tridacnes,
d'une forme lithocardioïde, mais bien au contraire d’une forme
nettement équilatérale et homomyaire à crochets droits et à
ligament rectiligue. L'ignorance dans laquelle on est de lorga-
nisation anatomique et des formes Jeunes de ces animaux ne
permet pas de se prononcer catégoriquement sur leurs affinités.
1) Chondrodontidæ. — Les Chondrodontidæ se rattache-
raient, d'après Douvillé, aux Pinnidæ.
6° Au point de vue éthologique, les conditions d'existence
des formes Acéphales dimvaires fixées en position pleurothé-
tique peuvent se résumer ainsi: eaux agitées et très chaudes.
7° La fixation pleurothétique peut en effet, chez eux,
s'expliquer de la manière suivante : supposons ces animaux
qui, tous, proviennent d'organismes euthétiques, se trouvant
placés sur un fond dénudé par les flots et par conséquent dé-
pourvu de vase où de sable; 1ls ne pourront S'y enfoncer et, par
le fait même de leur forme, tomberont et reposeront sur une
de leurs valves. C'est le pleurothétisme.
Supposons en outre qu'ils se trouvent, ce qui est générale-
ment le cas, dans des eaux très chaudes où la sécrétion du
calcaire est abondante, ils ne larderont pas à se fixer, et, puis-
qu'ils sont déjà en pleurothétisme, la fixation sera pleurothé-
lique. Par le fait de la sélection naturelle, les formes les moins
ee RE
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 38)
solidement fixées disparaîitront, et se constitueront ainsi les
formes pleurothétiques fixées.
L'agilation et la haute température de l’eau semblent donc
être les facteurs de la fixation pleurothétique.
8° La fixation pleurothétique peut se faire, tantôt par une
valve, tantôt par l'autre. Dans certains genres, la fixation se
fait toujours par la même valve ; dans d'autres, elle se fait in-
différemment par l'une ou l'autre valve. C'est le cas des Æthé-
Fig. 57. — Schéma indiquant le mode de fixation en pleurothétisme des différents
types d’Acéphales dimyaires. — 1, Dimyidæ, fixation totale: II, Myochamidæ,
fixation totale : II, Chamidæ, fixation antérieure : IV, Ætheriidæ, fixation totale.
La zone fixée est indiquée par des hachures.
ries où, dans la même espèce, certains individus sont fixés par
une valve et d'autres par l’autre. En tout cas, sauf chez les
Diceras, la valve fixée, qu'elle soit droite ou gauche, a tou-
Jours des caractères qui lui sont propres et ilen est de même
de la valve libre.
9 La fixation se fait soit par l'ensemble d'une des valves
(Myochama, Ælhéries, Rudistes, certaines Chames, et dans ce
dernier cas elle est tout à fait spéciale), soit par la région
antérieure seulement d’une des valves (Dimya,Chamostrea, a
plupart des Chamidæ).
10° Le mode de fixation totale où antérieure est déterminé
par la nature du substratum et la forme de la valve qui se fixe.
Lorsque la valve est lithocardioïde et le substratum plan, la
fixation est antérieure [Chama iostoma Conr. Chama Ruppellii
ANN. SC. NAT. ZOOL. 1, 29
386 R. ANTHONY
Reeve, Chamostrea]. Lorsque, la valve étant lithocardioïde,
le substratum est hérissé d'irrégularités (polypiers), la fixa-
tion peut être totale Chuma Brassira Reeve. Lorsque la valve
est à peu près plane, quelle que soit le substratum, la fixation
est toujours totale (Æthéries, Rudistes, Hyochama, Dimya).
11° Les modifications dues au pleurothétisme (caractères de
convergence) consistent surtout en la substitution d’une
symétrie coronale à la symétrie sagittale.
Les deux valves droite et gauche, ainsi que les lobes du
manteau, tendent à devenir de plus en plus dissemblables, Pin-
férieure prenant, par le fait de l'action indirecte du poids des
organes, la forme d'une coupe creuse el la supérieure celle
d'un opercule. En même temps, les côtés antérieurs et posté-
rieurs de la coquille tendent à se ressembler.
12° Les modifications dues à Ia fixation (caractères de con-
vergence) sont l'arrondissement, la perte du pied et la rétrogra-
dation des siphons, vestiges de ladaptation céphalothétique
ancienne (Myochama et Chamostrea).
13° L'arrondissement peut s'accomplir suivant trois pro-
cédés, directement (Dimyidæ, Myochamidæ), indirectement, et
alors il peut se faire par enroulement (Chamidæ, Chamostreidæ)
ou pseudo-plicature (Ætherüdæ, Rudistes).
1% L'arrondissement direct semble être en rapport avec un
ligament primitivement réduit, des crochets droits et une
coquille sensiblement symétrique par rapport à une ligne
dorso-ventrale partant du crochet.
13° L'arrondissement par enroulement semble en rapport
avec une coquille ayant déjà une tendance marquée à l'enrou-
lement en avant des crochets et par conséquent avec un liga-
ment curviligne.
16° L'arrondissement par pseudo-plicature semble en rap-
port avec une coquille à ligament longitudinal antéro-postérieur
et droit. |
17° De plus, la fixation totale semble favoriser l'arrondis-
sement direct et l'arrondissement par pseudo-plicature, alors
qu'au contraire la fixation antérieure semble favoriser larron-
dissement par enroulement.
18° L'arrondissement entraine les modifications suivantes
MORPHOLOGIE DES MOLLUSQUES 387
caractères de convergence): rapprochement des extrémités
dorsales des deux muscles adducteurs; diminution, chez les
formes à arête ligamentaire, du musele adducteur postérieur,
qui semble finir par disparaître, et augmentation parallèle du
muscle adducteur antérieur qui tend à s'éloigner de larète
ligamentaire (position ventrale par rapport au tube digestif
chez l'ensemble des Dimyaires fixés et pleurothétiques), à faire
en somme, en suivant le bord ventral, le tour de la coquille, à
se répartir enfin de chaque côté de l'arète ligamentaire (Radio-
lites) ; plissement de la branchie (Æthéries) et sa libération des
parties avoisinantes (Chames) ; accolement des palpes labraux
aux lobes palléaux ; éloignement du rectum du cœur ; (chez la
forme très évoluée des Æthéries, le rectum passe dorsalement
par rapport au cœur).
19° Dans le cas de pseudo-plicature chez les Æthéries, le liga-
ment, arrêté dans sa croissance antéro-postérieure, augmente
d'épaisseur dorso-ventralement, et, sous la pression de la sub-
stance élastique, la couche fibreuse dorsale éclate.
20° Chez les Æthéries, l’arête ligamentaire est la conséquence
de larrondissement par pseudo-plicature. Elle caractérise
les formes chez lesquelles l'arrondissement s'obtient par ce pro-
CessUs. |
21° Chez les Æthéries, l'arête ligamentaire est occupée par l'ex-
trémité postérieure de la substance fibreuse dorsale du higament.
29° Chez les Acéphales fixées en pleurothétisme, lorsqu'au
bout d’un certain temps les zones calcaires cessent d’être adhé-
rentes au substratum, la vàlve inférieure se développe en lon-
gueur (Æthéries, Hippurites) et chaque zone calcaire Y
détermine une cloison transversale [cameraled structure de
Jackson (90).
23° Dans la régression du pied et de sa musculature, ce sont
les muscles adducteurs postérieurs qui persistent le plus long-
temps (Chames, Æthéries).
24° En résumé, les caractères communs des formes Acéphales
dimvaires, fixées en position pleurothétique sont les suivants :
symétrie coronale substituée à la symétrie sagittale ancienne
(pleurothétisme), forme arrondie (fixation), réduction des appa-
reils siphoniens et pédieux.
388 R. ANTHONY
25° Les Diceratinæ fossiles, qui, au point de vue familial,
semblenttrès près des Chamninæ, semblent également avoir une
morphogénie semblable à la leur.
26° Les Rudistes, au contraire, qui ne semblent pas pouvoir
provenir, directement du moins, des Dicératinés, mais consti-
tuer plutôt une branche divergente ayant avec ces derniers des
ancêtres communs, paraissent avoir une morphogénie vraisem-
blablement très analogue à celle des Æ{heriidæ actuelles.
Comme elles, ils se fixent le plus souvent par l'ensemble d’une
de leurs valves, s'arrondissent par pseudo-plicature et semblent
présenter la même régression du muscle adducteur posté-
rieur, accompagnant le même développement progressif de
l'adducteur antérieur.
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niques. Rev. Scientif.
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Rouen.
. Puscu, Pol. Palæont. Stuttgardt.
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. Raxc, Mémoire sur quelques Acéphales d’eau douce du Sénégal. Nouv.
Ann. Mus., t. II.
. Raxe et Carrraur, Mémoires sur le genre Æthérie. Nouv. Ann. Mus.,
3esérie, vol. II
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R. ANTHONY
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. Zirrec, Handbuch der Paläont. (Mollusca und Arthropoda). München
und Leipzig).
5. Zirrez, Die Bivalven der Gosaugeb. Denk d. K. K. Akud. Wiss. Wien.
Bd. XXV.
EXPLICATION DES PLANCHES
PLANCHE VII
Fig. 4. — Pecten maximus Linn. muni de l'aiguille inscriptrice et prêt à
inscrire son mouvement d'ouverture. (Station physiologique du Collège de
France.)
Fig. 2. — Mytilus edulis Linn. de la zone supérieure (Pentrez).
Fig. 3. — Dreyssensia polymorpha Bened. réunies en bouquet provenant de la
Seine. (Collections de Malacologie du Muséum d'Histoire Naturelle. )
Fig. 4. — Mytilus edulis Linn. type de vase. (Embouchure de la rivière du
Faou.)
Fig. 5. — Mytilus edulis Linn. type de roche, zone supérieure (Pentrez).
Fig. 6. — Dreyssensia polymorpha Bened. type isolé. (Bassin de Gentilly.)
Fig. 7. — Dreyssensia polymorpha Bened. type aggloméré provenant du bloc
représenté dans la figure 3.
PLANCHE VIII
Fig. 8. — Chama brassica Reeve valve fixée montrant les dents dela charnière.
(Golfe de T 1h. Gravier. — Collections de Malacologie
du Muséum d'Histoire Naturelle.)
Fig. 9. — Chama brassica Reeve valve libre montrant les dents de la charnière.
(Golfe de Tadjourah. — Mission Ch. Gravier. — Collections de Malacologie
du Muséum d'Histoire Naturelle.)
Fig. 40. — Diceras valve fixée montrant les dents de la charnière. (Collections
de Paléontologie de l'École des Mines.)
Fig. 14. — Diceras valve libre montrant les dents de la charnière. (Collections
de Paléontologie de l'École des Mines.)
Fig. 12. — Heterodiceras fixé sur un polypier. (Collections de Paléontologie de
l'École des Mines.)
Fig. 13. — Diceras vue postérieure des deux valves montrant la division du
ligament et l’'enroulement des crochets. (Collections de Paléontologie de
l'École des Mines).
Fig. 1%. — Myochama anomivides Stutch. fixée sur la valve d'un autre Acéphale.
(Collections de Malacologie du Muséum d'Histoire Naturelle.)
Fig. 15. — Vue intérieure d'une valve de Myochama anomioides Stutch. (Collec-
tions de Malacologie du Muséum d'Histoire Naturelle.)
Fig. 46. — Chamostrea albida Lmck. valve fixée montrant les dents de la
Char nière. (Collections de Paléontologie de l'École des Mines.)
Fig. 17. — Chamostrea ulbida Lmck. valve libre montrant les dents de la
charnière et le lithodesme. (Collections de Paléontologie de l'École des
Mines.)
396 R. ANTHONY
Fig. 48. — Ætheria plumbea Sow. valve fixée, vue intérieure, montrant les
impressions musculaires, le ligament et son arète. (Collections de Malaco-
logie du Muséum d'Histoire Naturelle.)
Fig. 19. — Ætheria plumbea Sow. valve libre, vue intérieure, (Collections de
Malacologie du Muséum d'Histoire Naturelle.)
PLANCHE IX
Fig. 20. — Ætheria Petretinii Bgt. valve fixée, vue extérieure montrant la
surface de fixation. (Collections de Malacologie du Muséum d'Histoire
Naturelle.)
Fig. 21. — Ætheriu Petretinii Bgt. valve libre, vue extérieure montrant la
régularité de la forme générale. (Collections de Malacologie du Muséum
d'Histoire Naturelle.)
Fig. 22. — Ætheria Caillaudi Féruss. valve fixée, face ventrale montrant les
stries d’accroissement. (Collections de Malacologie du Muséum d'Histoire
Naturelle.)
Fig. 23. — Ætheria Caillaudi Féruss. valve fixée, face lunulaire montrant les
cloisons {ransversales, la loge terminale, le ligament longitudinal et ses
trois bandes. (Collections de Malacologie du Muséum d'Histoire Naturelle.)
Fig. 24. — Ætheria Caillaudi Féruss. valve libre, face lunulaire montrant
l'aplatissement de la valve, l’arête ligamentaire et la réduction du talon.
(Collections de Malacologie du Muséum d'Histoire Naturelle.)
Fig. 25. — Ætheria Caillaudi Féruss. Forme jeune peu de temps après la fixation.
Valve fixée, vue extérieure destinée à montrer l’étendue et la disposition de
la surface de fixation, les limites et la forme anodontoïde de la coquille
non fixée. (Collections d’Anatomie comparée du Muséum d'Histoire Naturelle.)
Fig. 26. — Ætheria Caillaudi Féruss. Forme jeune peu de temps après la
fixation. Valve libre, vue extérieure. (Collections d'Anatomie comparée du
Muséum d'Histoire Naturelle.)
Fig. 27. — Bartlettia stefanensis Mor. valve fixée, vue intérieure destinée à
montrer la forme du ligament et la réduction de la partie antérieure.
(Collections de M. Ph. Dautzenberg.)
Fig. 28.— Mulleria lobata Féruss.valve fixée, vue intérieure, destinée à montrer
la forme du ligament et la réduction ad ae de la région antérieure.
(Collections de Malacologie du Muséum d'Histoire Naturelle.)
CORRIGENDA
Aux pages 21% et 215, au lieu de pullaster, lire pullastra.
A la page 232, au lieu d’Area obliqua, lire Arca obliquata.
Aux pages 301, 302, 304, au lieu de Chama 1ostoma Reeve, lire
Chama iostoma Conr.
Aux pages 378, 379, 380, au lieu de Sphærulites, lire Hippurites.
A la Planche IX, intervertir les chiffres 25 et 26.
TABLE DES MATIÈRES
Pages
LCI MERS ASS OPEN PT TRS AS PR SR AE 165
PREMIÈRE PARTIE
DUR ENS EP ee MR RP Re TR RU EUR À CAR qe tee rt ne 170
AB utide’cernreMOILe Re ee RE rer RAP 170
DEP PAVISIONE UE S UE EE PRE NS Pr MANN Ps 173
Matériau eus SRE NE EE EE 175
IV. Exposé des procédés de recherche................... 176
CHaPiTRE [I — Introduction à l'étude générale des caractères de conver-
gence el de la morphogénie des Mollusques acéphales. 194
NE SE CR ne Se OR RE RTE à, 199
ES RER TR Re EE or TES 256
DEUXIÈME PARTIE
SE BIEN M Mn esta SU Dai avadre Dane Det ea 200 à en re ah 277
CU D nr en ER ARE RL ne Lee 285
AS M Cha nnide RORAT E AT RS de Son 329
0 CAO ITA ME A CR Re. Le ue a d'au ct 335
dE. A M ae de Dur one ee 339
— VI — Considérations morphologiques sur les formes fossiles
Dimyaires fixées en position pleurothétique........... IE
D SSI ERMÉRAESS REX 2 OR IN ER PRUn AR on NT RE RM AA 382
DEUXIÈME THÈSE
PROPOSITIONS DONNÉES PAR LA FACULTÉ
BOTANIQUE. — DÉVELOPPEMENT COMPARÉ DES MUSCINÉES ET DES
CRYPTOGAMES VASCULAIRES.
GÉOLOGIE. — MoRPHOLOGIE DES RUDISTES.
Vu et approuvé : Paris, le 10 Mai 1905.
Le Doyen de la Faculté des Sciences,
Pauz APPELL.
Vu et permis d'imprimer :
Le Vice-Recteur de l’Académie de Paris,
L. LIARD.
CorBEIL, — Imp. En. CRéTk,
Ar 4 0
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;
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Zool. T. I. PL VIII
18
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19
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ZOOLNT UP IX
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LE Barox HULOT, Secrétaire général de la Société
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ÉrRancer : 28 fr. — Prix du numéro : 2 fr. 50.
Chaque numéro, du format grand in-8, composé de 80 pages et accompagné de
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bibliographie et le compte rendu des séances de la Société de Géographie. Cette
publication n’est pas un recueil de récits de voyages pittoresques, mais d’obser-
vations et de renseignements scientifiques.
La chronique, rédigée par des spécialistes pour chaque partie du monde fait
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