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INSTRUCTION
SOMMAIRE
SUR. LA MANIERE DE CULTIVER
JLJEIS
ET D’ ELEVER
LES VERS A SOIE.
I IMPRIME’ PAR ORDRE DE M.L’INTENDANT
A L Y O N y
CEsz Aime Delaroche , Libraire-Imprimeuf
du Gouvernement & de la V ilie , rue Merciere,
à la C^ouronne d or.
M. D C C. L V.
A
1
. ■■ '
I If J
AVERTISSEMENT.
Il
a paru différents Ouvrages ,
imprimés ^ ou manufcrits, touchant
la maniéré de cultiver les Mûriers ■,
& dé élever les V'ers à Soie ; mais
ils contiennent des détails infinis ^
& d'ailleurs ces Ouvrages ne Jont
point aufijî répandus qu'il fierait à
defirer qu'ils le fuffent.
Une Inflrudion dans laquelle
on s'attacherait cl mettre fimple-
ment fious les yeux ce qu'il efi
principalement néceffaire de fiçavoir
fur cet objet , ne fiçauroit être que
très - utile ; & c efi ce qui a déter-
miné à donner celle-ci. On la
Aij
iv AVERTISSEMENT.
divifera en autant de parties quil
fera nécejfaire , afin de fixer les
idées J & de ne fie répéter que le
moins qu il fera pofftble.
INSTRUCTION
SOMMAIRE
Sur la Maniéré de cultiver
LES MURIERS.
PREMIERE PARTIE,
R
Des Ttrrcins qui font propres aux
Mûriers.
expériences faites depuis
T I nombre d’années , ne per-
S mettent plus de douter que
les Mûriers & les Vers à Soie ne
réuffiffent en France dans toutes les
Provinces. Les climats chauds, à la
A iij
6 Maniirc de cultiver
vérité femblent être plus convenables ;
mais on éleve auflî avec fiiccès des
Vers à Soie dans des Provinces où
le climat fe trouve beaucoup plus
froid que dans d’autres.
L E Mûrier réufîit dans toute forte
de terrein , dans des terres humides
& argileufes , dans celles qui font
graffes , & dans les fablonneufes , à
quelques expofitions* qu’elles fe
trouvent ; mais alors les feuilles
font plus ou moins propres pour la
nourriture des Vers à Soie ; & la
meilleure réglé qu’on puifle indique^
pour faire une plantation utile à
tous égards , c’eft que le Mûrier
demande la même terre & la même
expofition que la Vigne , c’eft-à-dlre ,
une terre noirâtre , légère & douce.
Us Mûriers.
7
fablonneiife , ou calllouteufe , dont
l’expofition foit au midi ou au levant,
& éloignée d’autres arbres ou haies
qui pourroient priver les Mûriers
du grand air & du Soleil. Mais il
faut avoir attention :
I « . A ce que la terre où l’on femc
la graine , ait été bien cultivée , &
qu’elle ait été même améliorée à
l’avance , comme celle où l’on
voudroit femer de la laitue ; qu’elle
foit meuble , & plutôt fablonneufe
que forte. ^
2,*^. A ne choilir jamais un terrein
extrêmement gras & amendé , pour
mettre les jeunes plants ou pourrette
en pépinière ; ils périroient pour la
plupart lors qu’on les tranfplanteroit
à demeure dans une terre légère ,
A iv
s
Maniéré de cultiver
maigre & fablonneufe , qui eft celle
qui leur convient le mieux. Les
Mûriers ne réulîiflent jamais fi bien
que lorfqu’ils font plantés dans une
pépinière dont la terre eft de quel-
ques degrés moins bonne que celle
où ils doivent être plantés à demeure.
Il faut cependant avoir attention que
le terrein de la pépinière ne foit pas
trop maigre- & fans fubftance, parce
qu’alors il ne produiroit que des jets
foibles ôc languiflants.
I?es Mûriers les plus propres à la
nourriture des Vers à Soie.
Le Ver à Sole fe nourrit de la
feuille de Mûrier , de quelque efpece
qu’elle foit : il y en a cependant de
meilleures les unes que les autres;
Us Mûriers.
9
& d’ailleurs, comme les dilFcrcnts
âges des Vers à Soie demandent une
feuille plus ou moins nourriflante ,
il convient de planter & de cultiver
les quatre efpeces de Mûriers fui-
vantes : fçavoir,
Le Mûrier blanc , appelle Mûrier
d’Efpagne , qui porte du fruit blanc ,
des feuilles grandes comme la pau-
me de la main , rondes , fîniiïant en
pointe en forme de cœur , & dont
les feuilles font d’un verd foncé ,
plus épaiffes que celles des autres
Mûriers , & chargées d’un fuc grolîier
& nouniflant,
L E Mûrier rofe , appellé celui
de Rome , porte un fruit d’une
couleur cendreufe : il a les feuilles
prefqu’aulïl grandes que le Mûrier.
ÎO
Maniéré de cultiver
d’Efpagne , & à peu près de la même
figure , mais d’un verd plus clair.'
Elles font plus luifantes, plus minces,’
plus tendres , & plus propres à la
nourriture des Vers à Soie à tout
âge & en tout temps.
L E Mûrier franc , provenant de
la femence du Mûrier d’Efpagne ^
produit un fruit couleur de gris de
lin , des feuilles de la même forme
que celles du Mûrier d’Efpagne
mais moins grandes , & propres
comme les feuilles du Mûrier rofe ,
à donner aux Vers à Soie dans tous
leurs âges.
Enfin le Mûrier commun , pro-
venant de la graine de fon efpece,
ou de celle du Mûrier franc. Il pro-
duit une mûre noire , ou rouee : les
r «s
Us Mûriers. 1 1
feuilles en font plus petites , plus
difficiles par conféquent à cueillir ,
& leur fuc eft peu nourriffant.
Ces quatre efpeces de feuilles font
bonnes de leur nature , & peuvent
être données , en commençant par
relies qui ont le moins de fuc , ainfi
qu’on l’expliquera à l’article de la
nourriture des Vers à Soie ; cepen-
dant comme la greffe perfeéHonne
la feve , on confeille d’enter avec
la greffe des Mûriers rofes , ceux qui
ne font point de l’efpece du Mûrier
d’Efpagne , & d’en enter une certaine
quantité , de quelque efpece qu’ils
folent , avec la greffe du Mûrier
d’Efpagne , afin d’avoir les efpeces
& les qualités de feuilles qu’on
donne par préférence aux Vers à
12
Man'urc de cultiver
Soie , dans le temps oii ils en man-
gent beaucoup.
De la Graine du Mûrier , de la maniéré
de la préparer & de la femer , & des
autres moyens de multiplier cetarbre>
L A femence de Mûrier n’eft autre
chofe que la graine qu’on trouve
dans les groffes mûres blanches qui
tombent des arbres.
Pour faire la graine , on met dans
un baquet les groffes mûres blanches
qu’on a ramaffées,& qui font tombées
des meilleurs arbres , & on le^ y
laiffe vingt - quatre heures. On les
y écrafe enfuite avec les pieds , où
avec les mains ; on y verfe de l’eau
à mefure , on la laiffe repofer , on
jette toute l’ordure qui eft deffus
les Mûriers.
on verfe l’eau enfuite en inclinant
le baquet pour que la bonne graine
refte au fond , 6c on continue à y
mettre de l’eau ôc à la jeter , jufqu’à
ce que la graine foit nette ; après
quoi on la fait fécher , 6c on la vanne
pour en ôter toute la pouffiere.
Cette graine ne fe conferve qu’une
année.
La graine peut fe femer auffi-tôt
qu’elle a été recueillie , c’eft à-dire ,
vers le mois de Juillet ; mais on
préféré les mois de Mars 6c d’Avrif.
Pour femer la graine , on fait fur
la terre préparée pour la recevoir ,
des rayons de cinq à lix pouces de
largeur , 6c de trois à quatre de
profondeur , bien unis , diftants de
♦
deux pieds les uns des autr.s j on
14
Manière de cultiver
feme la graine dans ces rayons ,
comme celle de laitue , mais moins
dru , & on la couvre d’un demi-
pouce de terre.
La planche où l’on feme la graine,
doit être à l’abri du mauvais vent,
foit par une muraille, ou par une haie.
On peut encore fe procurer des
Mûriers par boutures &: par provi-
gnement ; ces arbres en font fulcep-
tibles comme bien d’autres ; & tous
les Jardiniers fçavent comment les
boutures & le provignement fe font ;
mais il eft fi aifé de multiplier \et
arbre au moyen de la graine , la
pourrette coûte li peu , & elle ell
fi aifée à tranfporter , qu’il femble
qu’on peut s’en tenir à la femencô
des Mûriers.
lis Aîûriirs.
*5
De la Culture de la Pourrette.
L A culture de la pourrette après
la femence , confifte feulement à
arracher les herbes , à aïrofer à
propos , fur -tout pendant les cha-
leurs ; à répandre au commencement
de l’Hy ver fur les planches , un peu
de fumier , & à couvrir les planches
avec des claies ou de la paille , pour
les garantir du froid.
I L y a des gens qui prétendent
auflî qu’il convient dans les premiers
temps de garantir ces jeunes plants
de la trop -grande chaleur , qui les
iecherolt &: les brûleroit.
Lorsqu’on arrofe avant que les
pknts foient fortis , ou lorfqu’ils
çpmmencenï àparoître , U faut avoir
i6
Manier e de cultiver
attention à fe fervir d’un anofoir ,
afin que l’eau ne détrempe point trop
îa terre , ne découvre pas la graine ,
ou ne déracine & n’entraîne les
petits Jets.
S I l’on s’apperçoit lorfque les
Jeunes jets commencent à fortir de
terre , qu’ils foient trop prefles , il
faut les éclaircir , pour que ceux qui
relient puilTent prendre la nourriture
fuffifante.
Du Temps de mettre la Pourrette en
pépinière , de Ja Culture , & de
la Greffe.
La. Pourrette fe tranfplante dans
les pépinières au mois de Mars ou
d Avril,
Elle ell en état d’y être iranf-
plantée un ou deux ans apr,.s qu’elle
h
les Mûriers.
»7
a été femée , fi elle efl: greffe comme
lin tuyau de plume : mais comme
tous les jets n’ont pas pouffé avec
la même vigueur , on ne doit tranf-
planter que ceux qui font de cette
groffeur , & laiffer les autres fc
fortifier jufqu’à l’année fuivante.
La Pourrette de la groffeur mar-
quée ci-deffus , peut fe tranfporter
auloin fort aifément, & fans qu’elle
en fouffre. Pour cet effet on enliaffe
les jets par centaine ; on enveloppe
les racines avec un peu de terre , &
on arrofe pendant la route la toile
qui les enveloppe , ou la caiffe où l’on
peut les mettre , & à laquelle on
fait des trous deffus & deffous,
E N plantant la pourrette , il faut
couper le bout des groffes racines ,
B
i8
Maniéré de cultiver
jurqu’au niveau de celles qui ne
forment qu’une efpece de barbe ,
& couper le jet à quatre ou cinq
pouces de terre.
La meilleure façon de planter la
pourrette dans les pépinières , efl; de
tirer au cordeau des tranchées ou
rigoles , de fix à fept pouces de pro-
fondeur & autant en largeur , dans
lefquelles on arrange les racines
qu’on recouvre enfuite en foulant
également la terre qui les environne.
Mais on peut aufîi planter à la che-
ville , pourvu qu’on ait eu l’attention
de faire miner , à un pied & demi ou
deux pieds , tout le terrein où l’on
veut planter la pourrette : & quant
à la diftance à mettre entre les jeunes
plants , on ellime qu’elle doit être
Us Mûriers.
19
de deux pieds & demi en tout fens ,
obfervant de les planter en échi-
quier , ce qui donne plus de facilité
pour les travailler.
La culture à faire à ces pépinières
fe borne à en arracher les herbes ,
à remuer la terre quatre ou cinq
,fois l’année , & à l’arrofer dans le
temps des grandes chaleurs : mais
lorfque les jeunes plants ont com-
mencé à pouffer , s’ils ont produit
deux ou trois jets , il faut n’en laiffer
qu’un & choifir celui qui paroît être le
plus vigoureux & le mieux dlfpofé
pour former la tige. Dans les mois de
Juillet , Août ou Septembre , il faut
étayer ce jet, de tout ce qu’il a pouffé
à un pied feulement de terre : & fi
l’on s’appercevoit au mois de Mars
Bij
20
Maniéré de cultiver
fuivant , c’eft-à-dlre , un an après la
plantation dans la pépinière , que de
jeunes plants n’euffent pas pouffé ^
vigoureufement , il faut les couper ,
à cinq ou flx pouces de terre ; les f
racines fe fortifieront davantage , & j
le jet n’en deviendra que plus beau» ;
On peut enter les Mûriers fur
branches , trois ans après qu’ils ont
été plantés à demeure dans les terres ;
mais il vaut beaucoup mieux enter
fur pied , lorfque les arbres font
dans la pépinière. |
L A faifon d’enter les arbres dans '
la pépinière , eft au commencement ^
de Juillet ou au plus tard dans les |
premiers jours d’Aout , en choififfant |
un temps fec & chaud : on peut aufîi |
enter dans le Printemps ôc aufli-tôt j
Us Miiriers.
tl
que l’on peut fe procurer les premières
greffes de cette faifon ; mais il faut
toujours , pour greffer ces jeunes
plants , que le jet ait environ deux
pouces de circonférence , parce que
s’il étoit trop petit , on ne fçauroit
y placer la greffe. Il convient de
greffer par préférence avec des greffes
de Mûrier rofe, dont l’efpece eff très-
bonne ; & il fufîit d’avoir une dou-
zième partie des Mûriers d’Efpagne.
L A greffe à éeuffon & à la flûte
font également convenables ; mais
lorfqu’on greffe à éeuffon , il faut
que ce foit à un demi-pied de terre ,
ou le plus bas qu’il eft pofîible , pour
que l’endroit greffé puiffe être enterré
lorfqu’on tranfportera l’arbre
Lorsque l’on greffe la pourrette
11
Maniéré de cultiver.
dans le mois de Juillet ou d’Août ,
il faut néceffairement couper dans
le mois de Mars ou d’ Avril fuivants ,
les jets qui auront pouffé à deux
ou trois pouces au deffus de l’ente ,
parce qu’il faut que le Mûrier
pouffe toute la hauteur qu’il doit
avoir dans une année : mais fi l’on
greffe dans le mois d’ Avril , comme
l’arbre aura fait tout fon crû' dans
la m.ême année , il devient inutile
de le couper l’année d’après ; il
fuffira d’en pincer le jet lorfqu’il |
aura atteint la hauteur de fix pieds ,
afin de l’arrêter & de faire grofiir
la tige.
Its Mûriers
^3
Du temps & de la maniéré de planter
les Mûriers à demeure.
\ '
Un arbre qui efl depuis trois ans
dans la pépinière , s’il eft bien venu
& s’il a bien réuffi , peut avoir envi-
ron quatre pouces & demi de circon-
férence & fix pieds de haut , qui eft
à peu près la hauteur à laquelle on
a dû le tenir. S’il eft de cette groffeur,
fl les branches & l’écorce font unies ,
de la couleur d’un verd d’eau , la
tête petite , les branches d’un pouce
de groffeur, montant en demi-cercle,
& les bourgeons gros , il eft de
bonne qualité & en état d’être tranf-
planté. Mais au contraire fi l’arbre
eft moufle ux , l’écorce feche & de
couleur gris - brun , la tête groffe ,
14
Maniéré de cultiver
boffue , cicatrifée , les branches
minces, allongées horizontalement &
la pointe pendante vers les raeines ,
l’arbre eft alors de mauvaife qualité ,
& il vaut mieux le jeter que de lui
faire occuper une place à laquelle
il eft plus utile de mettre un bon
arbre.
La faifon de planter le Mûrier à
demerire , eft au Printemps , c’eft-à-
dire , depuis le commencement de
Mars, jufques vers le mois d’ Avril, fi
le terrein eft d’une nature légère ; &
en Automne, depuis la fînd’Oélobre,
Jufques vers la fin de Décembre , fi
la terre eft forte & fujette à retenir
l’eau. Mais les connoifîeurs préten-
dent qu’il vaut toujours mieux planter
en Automne , parce que l’arbre
pouffant
les Mûriers.
^5
pouffant quelques chevelus pendant
l’Hy ver , il avance beaucoup plus ;
au lieu qu’étant planté au mois de
Mars , & la feve montant tout de
fuite , il ne pouffe pas fi bien, ni avec
autant de vigueur.
Les creux pour planter les arbres,
doivent avoir environ fix pieds en
quarré , fur deux pieds & demi de
profondeur. S’ils font dans une terre
forte , il faut leur donner plus de pro-
fondeur;mais il faut toujours les faire
faire quatre ou cinq mois d’avance ,
dans quelque faifon que l’on plante.
La diftance des arbres doit varier
fuivant la nature du terrein , & la
façon dont les arbres font plantés.
En bordure , le long d’un champ ,
eu pour former une avenue, on peut
l6 Maniéré de cultiver
mettre les Mûriers de quinze à dix-
huit pieds les uns des autres & à la
même diftance des fofles.
Si l’on remplit une terre fertile
& qu’on veuille enfemencer , il faut
les mettre de trente-fix à quarante
pieds. Si la terre étoit d’une qualité
médiocre , on pourroit les mettre
de vingt-quatre à trente pieds ; mais
s’il n’y avoir aucun labour à y faire ,
on peut les mettre de quinze à dix-
huit pieds de dillance les itns des
autres.
Il faut avoir attention d’arracher
les arbres le plus adroitement qu’il
fera poilible , afin d’avoir toutes les
racines , fans en offenfer aucune ; 6ç
Il l’on doit les tranfporter au loin ,
il faut envelopper les racines dans de
I
Us Mûriers.
17
la paille , & les conferver le plus
fraîchement que l’on pourra ; mais
avant que de planter l’arbre , il faut
avoir attention de couper les racines
qui pourrolent avoir été froiffées ,
déchirées ou rompues , ainfi que le
fimple bout de toutes les autres.
Il faut aulîî couper à cet arbre toutes
les branches qu’il a poiuTées , à l’ex-
ception de deux ou trois des mieux
difpofées , que l’on laiffe pour former
la tête , en les réduifant à deux ou
trois pouces de longueur. Mais il
faut faire en forte de laifier à chaque
branche un ou deux yeux , c’eft-à-
dire,un ou deux petits bourgeons,
d’où fortent ordinairement les bran-
ches , ôc préférer les bourgeons qui
feront placés en dehors de l’arbre ,
• C ij
z8 Manière de cultiver
parce qu’on lui donne par là plus
facilement la forme qu’il doit avoir.
Pour planter l’arbre , fi c’eft dans
tme terre légère , & que le creux
n’ait environ que deux pieds & demi
de profondeur , on doit commencer
par jeter dans le fond un demi-pied
de bonne terre , c’eft-à-dire , de
celle qui eft fur la furface des champs
labourés ; on y pofe & on y arrange
les racines , & on remplit enfuite le
creux de la terre qui en a été ôtée ,
& dans laquelle on confeille de
mettre une demi-charge de fumier.
Mais fi l’arbre devoir être planté
dans une terre forte , graffe , ou argil-
leufe , comme le creux doit être alors
plus profond , il convient d’y jeter
quelques fagots de feuxilageS;COup3S,
Us Mûriers.
29
plufieiirs jours auparavant , fur la
buis , fur le chêne , fur l’orme ou
fur quelqu’autre efpece d arbre. Ces
feuillages qu’on couvre de terre
légère avant d’y mettre l’arbre ,
rendent la terre meuble , font que les
racines s’y étendent plus facilement ;
& d’un autre côté lorfque ces feuil-
lages fe pourrlflent , ils fervent de
fumier & tiennent la terre fraîche.
Des foins que demande le Mûrier
planté à demeure.
La terre où eft planté le Mûrier
exige trois ou quatre cultures au
pied des racines & à la diftance de
fix pieds au tour , pendant les dix
premières années , fi c’efl: une terre
neuve en friche ; mais fi c’efl une
C iij
30
Maniéré de cultiver
terre enfemencée , la culture ordi-
naire peut fuffire. Il eft à propos
de ne rien femer les premières années
dans la mêine diftance de fix pieds ,
afin que les Mûriers prennent plus
de nourriture. Il feroit aufli fort
utile de pouvoir les arrofer les trois
premières années, deux ou trois fois
pendant les grandes chaleurs de l’Eté,
/ avec de l’eau de riviere ou de ruif-
feau , fi l’on ne peut avoir de celle
d’une mare bourbeufe. On regarde
comme néceffaire pour un meilleur
fuccès & pour avoir une feuille plus
abondante , d’enterrer tous les trois
ans , à un pied de profondeur , une
demi-charge de fumier d’écurie , qui
ne foit pas trop fait , & d’en aug-
menter la quantité jufqu’à une charge
Us Mûriers^
3»
par pied , lorfque le Mûrier a plus
de trente ans. Les feuilles de Mûrier,
ou couches , qu’on retire de dcflbiis
les Vers à Sole , font le meilleur fu-
mier , & il en faut 1^ moitié moins
que du fumier ordinaire : mais au
lieu de fumier , on peut enterrer au
pied de l’arbre quelques paquets de
buis , lorfqu’on en a.
On confellle de ne pas dépouiller
la première année les Mûriers de
leur feuille, qui les garantit de l’ardeur
du Soleil , & de ne point les tailler
cette première année , parce que la
feve en couleroit par la taille , mais
feulement de couper tous les bour-
geons qui fortiront depuis le pied
de la tige jufqu’à la tête , & de ne
commencer qu’au mois d’Avrll de
Maniéré de cultiver
3^
la fécondé année , à leur former la
tête , en coupant les jets du centre ,
ceux qui le traverferoient ou qui
pencheroient vers les racines , & en
n’en laiffant à la même hauteur , que
trois ou quatre des plus vigoureux
& des mieux difpofés pour arrondir
l’arbre. Mais fi l’on s’apperçoit la
première ou la fécondé année qu’un
Mùr-ier n’ait pas pouffé des jets aufli
vigoureux que les autres , il faut
en couper les branches à quatre ou
cinq pouces de la tige.
O N doit continuer jufqu’à la dou-
zième année à tailler l’arbre , en
s’occupant toujours à lui donner une
belle forme ; mais enfuite il fuffit de
le tailler tous les trois ans.
1 1. eff fur - tout indifpenfable en
les Mûriers.
33
plantant le MCirier à demeure , d’y
mettre un échalas pour le foutenir
contre les grands vents & empêcher
que les racines ne fe dérangent ;
mais il faut mettre de la paille entre
l’échalas & la tige , pour garantir
l’écorce de l'arbre , & l’entourer
avec des ronces , pour le préferver
des beftiaux.
On ne croit pas devoir omettre
de parler d’un accident qui arrive
quelquefois après que les Mûriers
font plantés- dans les lieux où on a
la facilité ou le foin de les arrofer
fouvent. On en trouvera peut-être
quelques-uns dont la feuille jaunit
malgré l’attention qu’on apporte à
leur culture , & quelquefois même
quoique les Mûriers voifms foient
3 4 M.anhrt Je cultiver les Mûriers.
en bon état ; cela provient de ce que
la terre fur laquelle portoient les
racines s’étant affaiffée par la pluie
ou les arrofages , les raçines fe trou-
vent dans un vuide , & ne peuvent
pas prendre une nourriture fuffifante.
Lorfque cela arrive , il convient de
déraciner l’arbre avec précaution ,
& le replanter fur le champ , de
façon à faire porter les racines fur,
la terre qui fe feroit affaiffée.
Fin de la première Partie,
1 ♦ ^ : il
INSTRUCTION
SOMMAIRE
Sur la Maniéré d'élever
LES VERS A SOIE.
SECONDE PARTIE.
De la Qualité de Graine quil faut
mettre couver ^ relativement à cc^
qu on a de feuille de Mûrier.
O M M E il eft effentiel de
|c:i proportionner la graine
feC'=â!3==â qu’on met couver, avec
la quantité de feuille dont on s’eft
alTuré , il convient toujours de pefer
la graine.
36
Aîanurc d'èlever
O N compte qu’il faut communé-
ment fêize à vingt quintaux de
feuilles pour une once de graine
qui réuffit bien. Mais Ci l’on mettoit
couver une grande quantité de
graine , il ne faudroit peut-être pas
autant de feuille pour chaque once
attendu que fi l’on met, par exemple,
fjx onces de graine , il périra fx
fois plus de Vers que fi on n’en
mettoit qu’une once , à caufe de la
grande attention qu’exige l’éducation
de ces infeéles.
I L femble qif on peut parvenir
aifément à fçavoir le nombre de
quintaux de feuille qu’il y a environ
fur les arbres dont on fe feroit affuré.
Pour cet effet il faut dépouiller
entièrement un fçiil arbre , & en
Us Virs à Sou.
37
pefer la feuille. Le poids qu’en aura
produit un arbre, plus ou moins gros,
peut faire juger de ce qu’il y en a
fur chacun des autres , fuivant leurs
différentes grolfeurs^ ou qu’ils feront
plus ou moins chargés de feuilles.
Lorfqu’on a mis plus de dix onces
de graine , il faut en faire plufieurs
chambrées ; une feule donneroit trop
d’embarras. Mais il convient de
n’élever que peu de Vers à Soie à la
fols dans les commencements , oii les
pratiques néceffaires ne font pas
encore bien connues.
On prétend qu’une once de graine
bien foignée produit , fi elle a un bon
fuccès , quatre - vingt livres de
cocons.
38
Manière d'élever
Temps de faire couver la Graine.
Il n’y a point de temps fixe pour
commencer à faire couver la grai-
ne , cela dépend des faifons ôc des
climats.
La feule attention qu’on doive
avoir , eft de ne jamais faire cou-
ver la graine , que lorfque la feuille
des Mûriers commence à paroître
fur les arbres plantés à demeure ,
afin d’être afluré de ne point man-
quer de feuille pour la première
nourriture des Vers à Soie , ainfi
que pendant tout le temps qu’ils
vivent.
On pourroit la msettre couver
un peu plutôt fl l’on avoit des pépi-
nières de Mûriers : la feuille paroît
les V ers à Sçie
39
plutôt à ces jeunes arbres , & les
Vers à Soie feroient en état de faire
leurs cocons avant les plus grandes
chaleurs de l’Eté , qui leur font fort
contraires.
Maniéré de faire couver la Graine.
Pour faire couver la graine , il
faut la mettre par trois onces dans
un fachet , ou dans un morceau de
linge qu’on noue enfuite , & on tient
le nouet aifé , de façon qu’il y ait
autant de vuide que de plein.
Ce fachet , ou nouet , doit être
tenu dans un endroit chaud , oii la
chaleur fe conferve à peu près la
même pendant environ dix jours
que les Vers mettent à éclore: s’ils
n’étoient point éclos dans ce temps là,
il faut augmenter un peu la chaleur.
40
Maniéré d’élever
Pour entretenir le degré de cha-
leur néceffaire , on met le nouet
pendant la nuit fous le matelas d’un
lit où l’on couche ; & pendant le
jour on porte le nouet fur fol , &
âffez près du corps pour lui confer-
ver un degré de chaleur convenable ,
mais il faut avoir attention de ne pas
le mettre fur la chair.
D’autres mettent le nouet à côté
d’une cheminée où l’on entretient
un feu à peu près égal ; ou bien dans
les petites chambres que les Boulan-
gers ont derrière le four.
Comme la chaleur du vingt-deux
au vins't-'Oiiatrieme cleeré aiî-deffiis
D X O
de la congélation , fuivant le ther-
momètre de Monfeur de Reaumur,
eR le degré ie plus convenable pour
faire
les y :rs à Soie,
faire éclore la graine , il feroit à
fouhaiter que lorfqu’on met la graine
près de la cheminée , ou près d’un
four , on mit auiîi ce thermomètre
à côté de la graine , & qu’on éloi-
gnât oïl rapprochât l’un l’autre ,
de façon à entretenir à la graine ce
même degré de chaleur. Au furplus
les perfonnes qui ne feront pas à
même de pratiquer cette méthode ,
ou qui la trouveront trop embarraf-
fante , pourront fe contenter de
mettre la graine fous un matelas
pendant la nuit , & de la porter fur
eux pendant le jour.
Il a été obfervé que la chaleur
du corps humain peut faire monter
le thermomètre jufqu’au trente-
deuxieme degré demi. Comme la
D
41
Maniéré d' élever
chaleur qu’il convient d’entretenir,
eft celle du vingt-deux au vingt-
quatrieme degré , on peut juger par
le degré de chaleur que prend le
nouet tenu fur la chair même , de
combien il faut l’en éloigner pour
lui donner le degré convenable.
Les Vers naiffent noirs , fi la cha-
leur n’a pas été précipitée ; fi elle l’a
été, ils naiflent roux, ôt ils ne font pas
encore par là à rejeter ; mais s’ils
naifient rouges , ce qui arrive par
une trop grande chaleur , il faut les
jeter & mettre couver de la nou-
velle graine , fi l’on s’en trouve ,
& fi la faifon n’efi pas alors trop
avancée.
E N Languedoc on met jufqu’à
vingt onces de graine dans un même
Us Vers à Soie.
43
fachet , ou nouet. On fe contente
pendant le jour de tenir le nouet
dans un morceau d’étofFe qu’on
chauffe de temps en temps & qu’on
dépofe dans la chambre la plus
chaude , & pendant la nuit on le
m.et fous un matelas. On le place
d’abord au pied du lit , & on
l’avance tous les jours , en forte
qu’au dixième jour la graine fe trouve
placée fous le dos de la perfonne
qui Y ell: couchée.
O N préféré même en Languedoc
cette méthode à celle de porter la
graine fur foi , à caufe de l’inconvé-
nient de la fueur èc de la tranf-
piration.
Après le quatrième jour il
convient d’ouvrir le nouet tous les
Dij
44
Jidaniîrc d'élever
jours ôc de remuer un peu la graine,
pour lui faire prendre l’air.
Il y a des gens qui avant de
mettre la graine couver , la trempent
dans du vin , & la font fecher
enfuite ; mais qn croit cette méthode
contraire à la chaleur que demande
la graine pour éclore.
Graine commençant à éclore.
L A graine eft prête à éclore lorf-
que de noir ou grifatre qu’elle étoit ,
elle devient blanche ; cela arrive
ordinairement dans le neuvième
ou le dixième jour ; alors on la met
de trois en trois onces dans des
boîtes de fapin bien feches , qui
n’aient aucune odeur & dans lef-
quelles on a çolé du papier.
Us Vers à Soie.
4Î
Des perfonnes mettent tout fini-
plement cette graine dans ces boîtes
fur le papier , mais il Q&. plus conve-
nable de l’étendre dans la boîte fur
le linge ou fur quelque morceau de
mouffeline , parce que le linge étant
moins uni que le papier , le Ver a
plus de facilité pour fe dépouiller &
pour fortir de la graine.
Il faut avoir attention que la
boîte foit affès grande , pour que
la graine n’ait qu’environ fept à huit
lignes d’épaiffeur.
On met fur la graine une feuille
de papier découpé & troué , pour
que les Vers fortent par les petits
trous ; mais pour leur en faciliter
davantage les moyens , il convient
d’étendre entre la graine le papiçrj
4<5
Maniéré d'élever
un peu de chanvre ou du lin non
filé, parce que les Vers s’y attachent,
& qu’en fiiivant les fils du chanvre
ils trouvent p’us facilement le moyen
de fortir au delTus du papier.
I L faut avoir attention de tenir
chaudement cette boîte jufqu’à ce
que les Vers à Soie en foient en-
tièrement fortis ; on peut pour cet.
effet l’expofer au Soleil , mais dans
ce cas il faut la couvrir de quelque
linge ou étoffe , pour que la boîte ne
foit pas trop pénétrée des rayons du
Soleil.
Maniéré d'élever les T^’ers à Soie apres
qu'ils font éclos.
Pour fortir les Vers à Soie de la
boîte , à raefure de leur naiffance ,
Us Kcrs à Soie.
47
on étend fur la feuille de papier , des
feuilles de Mûrier : les Vers à Soie
qui fortent par les petits trous , s’at-
tachent aux feuilles; & lorfqu’on voit
ces feuilles fuffifamment chargées de
ces petits animaux , on releve les
feuilles avec les Vers qui y tiennent,
pour les dépofer ailleurs. On conti-
nue à mettre des feuilles de Mûrier
jufqu’à ce que les Vers foient tous
fortis de la boîte , & cette opération
fe renouvelle plus ou moins de fois
par jour , fuivant qu’on s’apperçoit
que les Vers à Soie fortent plus ou
moins vite.
Des Mues ou Maladies des Kers à Soie..
Les Vers à Soie ont quatre mues
ou maladies. La première commence
48
Manière d'élever
ordinairement neuf à dix jours après
leur raiflance , & quelquefois quatre
ou cinq jours plus tard , lorfque le
temps eft froid. Les autres maladies
leur viennent communément de fept
en fept jours , ce qui peut cependant
être avancé d’un jour , fi l’air de la
chambre eft chaud , ou retardé de
deux ou trois jours , ft l’air eft trop
froid.
Les marques de cette maladie
font toujours les mêmes : les Vers
s’enflent un peu , leur tête fur-tout ,
ôc deviennent luifants , froids ÔC
roides ; ils ceffent de marcher & de
manger , reftent en cet état vingt-
quatre heures , quelquefois jufqu’à
quarante , & lis fe dépouillent enfuite
de leur peau. On reconnoît ceux qui
font
\
les Vers à Soie.
49
font fortis de maladie , en ce qu’ils
font plus roux que les autres , &
qu’ils ont le niufeau beaucoup plus
large , qu’ils tournent de tous côtés
& qu’ils vont fur le coté de la daie
ou du rayon , comme pour forcir de
l’ordure où lis font
Temps aiiquel U faut changer les
Vers à Soie.
O N change les V ers à Soie en
les ôtant de la boîte uuns laquelle la
graine a été mife , & à mefiire
qu’ils naiiTent. On les change encore
à la première maladie , à la fécondé
& à la troifieme mais depuis la
derniers maladie jufqu’à ce que les
Vers montent , on doit les changer
tous les deux jours. Changer les
5 O ALiniere d'élever
Vers , c’eft les tranfportertl’un rayon
fur un autre , & les féparer de leur
couche , c’eft-à-dire , de l’efpece de
litiere qui s’eft formée au deflbus
d’eux , par les parties de la feuille
que les Vers ne mangent point.
Maniéré de changer les Vers à Soie,
On chanoe les Vers à Sole en
O
enlevant , & en portant fur les deux
mains , d’un rayon à l’autre , les
feuilles de Mûrier nouvellement
placées , & fur lefquelles les Vers
font montés pour les manger. Cette
opération fe fait alfément , parce
que les feuilles fe détachent fans
peine de l’ancienne couche , & que
les mêmes Vers étant comme atta-
chés fur plufieurs feuilles en même
4-
hs Vers à Soie. ^ l
temps , elles fe tiennent les unes
aux autres.
Mais après la clerniere maladie ,
ôc lorfqu’il eû queftion de porter
les Vers à Soie dans les cabanes ,
on peut les tranfporter fur la main,
ou dans une affiette vernie , pour
qu’ils ne s’attachent point , ce qui
fait perdre moins de temps.
1 1. y a une autre méthode pour
changer les Vers à Soie , c’efi: d’a-
voir des filets de la grandeur des
tablettes , ou rayons , &c bordés à
droit & à gauche de deux petites
baguettes fort légères. En mettant
ces filets fur les rayons , lorfque les
Vers commencent à fortir de mala-
die , & en jettant des feuilles fur
les filets , tous les Vers à Soie qui
E ij
5^
Maniéré d'élever
ne font plus malades , paffent par
les mailles des filets , pour monter
fur les feuilles , alors on leve le
filet des deux mains , & on le tranf-
porte avec les feuilles fraîches &
les Vers , à une autre place. On perd
moins de temps avec ces filets , &
on efi: afiiiré par-là d’enlever chaque
fols tous les Vers fortls de maladie ,
parce qu’il n’y a que ceux-là qui
montent fur les feuilles ; en fuivant
ainfi toutes les tablettes , & en re-
venant enfuite à celles fur lefquelles
il étolt refié des Vers malades , on
efi afliiré de réunir fur les mêmes
rayons les Vers fortis en même-
temps de maladie.
Il faut que les filets folent d’un
fil aflez fin pour ne pas pefer fur
Us Vers a Soie.
55
les Vers , & que les mailles foient
affès larges pour donner pafl’age aux
Vers , mais affes ferrées pour retenir
la feuille de Mûrier qu’on jette
deffus les filets.
Dans tous les changements , il
ne faut jamais tranljîorter l’ancienne
couche d’un rayon à l’autre , mais
au contraire la faire fortir de la
chambre, à mefure quon les débar-
rafle , parce que la fermentation
cauferoit t’op de chaleur.
Mettre enfemhle les Vers à Soie
également avancés.
Il feroit à defirer que les Vers à
Soie fe fuivilTent au même degré de
croiflâmce , & qu'ils eulTent enfemble
les mues ou maladies qui leur font
E iij
54
Maniéré d'élever
ordinaires , rien ne feroit plus com-
I
mode dans la liiite pour tous les foins
qu’ils demandent.
Cela peut arriver lorfque les Vers
font tous éclos le même jour , qu’ils
ont été tenus dans des endroits
également tempérés , &: que leur ^
nourriture a été exaélement la même : i:
mais comme cela eft rare , il eft
néceffaire d’avoir les attentions '|
’fuivantes. é
Il faut mettre les Vers qu’on leve,'
auffi-tôt qu’ils font éclos, dans des /
boîtes féparées , & ne pas mettre en-
femble ceux qui font éclos des jours J
différents : il feroit même à fouhaiter |
qu’on pût féparer les Vers de chaque T
levée ; quelques heures plutôt de |
naiffance avancent beaucoup les li!
Us Vers à Soie.
55
Vers dans les antres différents degrés
par où ils ont à paffer,
Lo.'tSQu’ON change les Vers à
chaque maladie , il ne faut pas mettre
fur un m^me rayon tous ceux d’un
autre rayon , à moins qu’ils n’euffent
mué tous à la fois , & qu’ils ne fulTent
fortis enfemble de leur maladie ; il
faut placer fur un même rayon ,
jufqii’à ce qu’il foit rempli , tous les
Vers à Soie qu’on leve en même-
temps , ou le même jour, de diffé-
rents rayons , & continuer de riiême
à chaque maladie ; au moyen de
quoi , fl vous ne pouvez pas entre-
tenir tous les Vers d’une chambrée
au môme degré de croiffance , vous
y entretenez du moins ceux de
piufieurs rayons , & par-là tous les
F iv
5<5
Manière d'élever
•i
Vers à Soie d’un même rayon arrivent
en même temps à leur maturité &
à la monte.
Lorsqu’on voit que les Vers à
Soie ne font pas également ^avancés ,
on peut y remédier en donnant un
peu plus à manger à ceux qui font
retardés , & un peu moins à ceux
qui font avancés.
Lieux où les Vers à Soie peuvent
être logés , & fur quoi ils peuvent
être placés.
On peut loger les Vers à Soie
dans toutes fortes de chambres , ou
raiz de chaulTées qui ne font point
expofés à l'humidité , au froid , ni
à la trop grande chaleur ; mais il
convient , autant qu’il ell: polîible.
Us Kirs à Soie.
57
que l’endroit foit expofé au levant
ou au midi , qu’il y ait une cheminée
pour échauffer la chambre dans le
belbin , & fur-tout des portes & des
fenêtres qui ferment exaélement.
Les Vers à Soie peuvent être mis
d’abord dans des boîtes , cnfuite
dans des corbeilles plates , fur des
tables y Sc en un mot fur toutes
fortes de planches , ou fur de grandes
claies faites avec de l’ofjer , des
rofeaux ou des cannes : mais quand
on éleve une certaine quantité de
Vers à foie, il devient indifpenfable
de faire conffruire différents étapes
de tablettes , ou rayons , élevés d’un
pied & demi de diffance les uns des
autres. On leur donne toute la lon-
gueur qu’on peut, & la largeur d’une
Manhre d'éUver
5§
toife au plus, &: on les place de façon
qu’on puiffe paffer tout au tour j
au moyen de quoi, on place une plus
grande quantité de Vers à Soie dans
une même piece. D’ailleurs , comme
les Vers à Soie craignent le Soleil
& le grand jour , ils font beaucoup
plus tranquilles fur ces rayons , &
moins expofés au grand jour ; & d’un
autre côté ces rayons deviennent
nécefîaires à la maturité , pour éta-
blir les cabanes dont on parlera dans
la fuite.
Comme les Vers occupent plus
d’efpace à mefure qu’ils groffiffent ,
il faut au2;menter les tables & les
rayons à chaque changement , & en
avoir toujours de prêts aux appro-
ches des mues ou maladies.
m
Us y'ers à Soie.
59
Chaleur à entretenir dans les chambres,
C’cft un des articles qui demandent
le plus d’attention pour la bonne
réuiïïte des Vers à Soie , & pour les
préferver des maux auxquels ils font
fujets.
Ces maux peuvent leur être caufés
par la mauva:ife qualité de la feuille ,
ou par une trop abondante nourri-
ture ; mais ils font plus fouvent
occafionnés par trop d’humidité, par
trop de froid , ou par une trop grande
chaleur.
Suivant les différentes expérien-
ces qui ont été faites , la température
la plus favorable pour les Vers à
Soie , après qu’ils font éclos , eft
celle qui fait monter le thermomètre
1
6o Manicre d’élever
de M. de Reaumur au feizieme deeré
. ^
au deffus de la congélation. On feroit i
affuré d’un heureux fuccès , fi on
vouloit s’affujettir à cette méthode.
Toutes fortes de thermomètres ,
même les plus communs , feroient ,
également bons , & il ne feroit ;
queftion que de marquer fur les j
thermomètres ordinaires par des 1
traits diJHnBs , le point qui corref- ^
pondroit au feizieme degré de celui
de M. de Reaumur , ainfi que les
autres degrés dont on auroit befoin <
pour le temps que la graine eft mife
couver ; ce qui fe feroit aifément^ |
en mettant les deux thermomètres *
à côté l’un de l’autre. Une fois qu’un ,
de ces thermomètres auroit été réglé, |
il ferviroit à en régler plufieurs autres. ^
Us f^crs à SoU.
6i
O N doit avoir attention à cc que
le thermomètre ne monte pas trop
haut par l’efFet d’un trop grand feu ,
lorfque la chambre eft fermée , &
fur-tout par la chaleur que caufe la
fermentation des vieilles couches.
La faifon étant ordinairement fort
avancée lorfque les Vers à Soie ap-
prochent de leur maturité , il arrive
ordinairement que malgré qu’on
rafralchilfe la chambre en y faifant
entrer l’air extérieur , on ne peut
parvenir à faire defeendre la liqueitr
jufqu’au feizieme degré ; mais dans
ce cas il n’y auroit rien à craindre ,
la chaleur naturelle de l’air n’étant
point dangereufe , lorfque celui de
la chamnre eft continuellement re-,
;iouveilé.
6i
Maniéré d'èUver
S’il ne faifoiî point d’air dans le
temps des chaleurs , il faut donner à
la chambre toute la fraîcheur que
l’on peut , en lallTant même les
fenêtres ouvertes pendant la nuit s’il
le falloit.
Au défaut des thermomètres , on
doit au moins obferver que depuis
la première maladie jufqu’à la mon-
tée , il faut entretenir une tempé-
rature moyenne , & qui foit toujours
à peu près la même. Or , comime il
ne fait point allez chaud au com-
mencement , que l’air fe trouve à
peu près tempéré quand les Vers
font vers la troifieme & quatrième
maladie , & qu’il fait chaud enfuite ,
il faut avoir attention de tenir la
chambre fermée au commencement,
Its Vers à Soie.
63
faire du feu jurques vers la troilleme
maladie , & retrancher enfuite le
feu , en tenant cependant fermé pen-
dant quelque temps ; mais depuis la
quatrième maladie , jufqu’à ce que
les cocons font faits , on peut tenir
tout ouvert , en obfervant néan-'
moins de fe conduire félon le temps ;
c’eft-à-dlre , que f le temps varie
pour, le degré de chaleur , il faut
augmenter ou diminuer la chaleur
O
à propos.
J)e la Veuille de Mûrier à donner aux
Vers à Soie.
Le détail dans lequel on eft entré
au chapitre des Mûriers , fait connoî-
tre les différentes efpeces de cet
arbre les plus convenables aux Vers
III—
64 Alaniere d'élevcr
à Soie. II refîe à expliquer quelles
feuilles leur font les plus propres ,
fuivant leurs differents âges , & ce
qu’il faut obferver avant que de leur
donner à manger.
Plusieurs expériences ont fait
connoître que les Vers à Soie nourris
avec une feuille cueillie dans un
terrein fec , réufîlffent beaucoup
mieux , rendent plus de cocons &C
font moins fujets aux maux qui les
font mourir , que ceux qui font
nourris avec une feuille ramaffée
dans un terrein extrêtUvment gras.
D’où il faut conclure qu’une feuille
qui a trop de fuc , eft' la moins
propre aux Vers à Soie , qui , par
leur natire étant d’un.e fubilance
froide , vifqueufe & très - humide ,
ont
hs Vers â Soie,
65
ont befoin d’une nourriture qui cor-
rige cette fubflance. En partant de
ce principe il faut faire attention :
De donner dans les premiers
âges la feuille qui a le moins de fuc ,
parce qu’alors le Ver à Soie demande
moins de nourriture ; de donner d’une
feuille plus nourrlffante à mefure
que le Ver à Soie groffit , &: garder
la feuille de Mûrier d’Efpagne à la
grande feuille pour la donner après
la quatrième maladie , & jufqu’à ce
qu’ils foient mis dans les cabanes.
2°. Dans le cas où l’on feroit
obligé de donner trop tôt une feuille
trop nourrlffante par fa nature , il
convient de diminuer fon fuc.
On peut y parvenir en ne donnant
cette feuille qu’ après l’avoir gardée
F
<56
Manitre. d'élever
deux , trois & jufques à quatre jours,
dans des facs , ou dans des cuviers ,
ou enfin le temps nécefîaire pour
qu’elle ait perdu cette abondance de
fuc & d’humidité intérieure , funefîe
aux Versa Soie dans tous les temps
de leur vie , mais encore plus lorf-
qu’ils font jeunes. En général il
vaut mieux donner la feuille fanée
que trop fraîchement cueille , parce
qu’ alors les Vers la mangent avec
trop d’avidité & s’engorgent.
Il ne faut jamais ramaffer la
feuille mouillée de la rofée , de la
pluie , ou des brouillards ; ces fortes
d’humidités peuvent faire devenir
les Vers à Soie ce qu'on appelle
gras ; ainfi il faut attendre pour ra-
ntaffer la feuille , qu’il ne refre plus
Us Vers à Soie.
67
de rofée , & que les brouillards fe
foient dilîipés.
Si par une pluie continuelle pen-
dant plufieurs jours on étoit forcé
de ramaffer la feuille , il faut abfo-
lument la faire fécher en l’étendant
ou en la preffant avec des linges ,
mais jamais auprès du feu.
Il ne faut jamais donner la fécondé
feuille que pouffent les Mûriers après
avoir été dépouillés de leur première
feuille.
On peut à la naiffance des Vers
à Soie , &c jufqu’à la première ma-,
ladie feulement , leur donner de le
feuille de jeunes Mûriers qui font
en pépinière.
On doit avoir attention à ce que
ceux qui ramctile- i.t la feuille aient les,
F ij
68 Manière d'élever
mains propres > & qu’ils n aient
point touché de l’ail , du mufe &
d’autres odeurs fortes , & ne jamais
ramaffer & donner la feuille fur
laquelle il eft tombé une efpece de
rouille ou manne.
Comment il faut donner à mander
aux Vers à Soie.
Lorsque les Vers commencent ^
à éclore , & jufqu’à leur première
maladie , on peut leur donner la •
feuille coupée affez menu avec un
couteau ; on la coupera encore ,
mais moins menu de la première à la
fécondé maladie ; enfuite on leur la ^
donnera entière.
Plusieurs perfonnes dans auain
temps ne coupent la feuille ; cette
I
I
ï
Us f^ers à Soie.
69
précaution n’eft abfoliiment nécef-
faire que dans le cas où la feuille
fe trouveroit trop avancée & dure \
il doit fiiffire alors de choifir la plus
nouvelle , la plus tendre , ou celle
des Mûriers qui font en pépinière.
Il eft d’autant plus aifé de fe procurer
fuffifamment de la feuille tendre ,
que les Vers en mangent fort peu
dans les premiers temps ; & d’ail-
leurs la feuille étant entière , il de-
vient plus aifé de lever les Vers à
Soie pour les changer. II y a même
des perfonnes qui pour les lever
plus facilement , au lieu de couper
la feuille , la jettent dans la boîte ,
en petits bouquets.
Les Vers à Soie doivent toujours
avoir à manger , mais il faut faire
70
Manière d'éUver
attention de ne point prodiguer la
feuille ; il fuffit de leur en donner
deux fois par jour depuis la naiffance
Jui'qu’à la première maladie , en cou-
vrant légèrement de feuille tous les
Vers à Sole.
Trois fois par jour , depuis la
première maladie jufqu’à la quatriè-
me , en augmentant toujours la
quantité de la feuille, à mefure que les
Vers groffiffent ; enforte que depuis
la derniere maladie jufqu’à la matu-
rité , on en met chaque fois de la
hauteur de près de trois pouces , &
toujours en la répandant uniment ;
& on doit leur en donner alors
quatre ou cinq fois par jour. On
s’accoutumera aifement à connoltre
la quantité de feuille qu’il faut donner
Us l^crs à Soie.
7*
chaque fois , en obfervant fi la cler-
nlcre qu’on a donnée , a été mangée
trop-tôt, ou ne l’a pas été tout à fait.
On doit avoir attention de donner
toujours la feuille aux mêmes heures,
mais en moindre quantité pendant le
temps des mues ou des maladies
des Vers à Soie : outre que cette
feuille trop abondante feroit pour la
plupart inutile & perdue , elle fur-
chargeroit & fatigueroit par fon poids
les Vers à Soie , qui font , pour ainfl
dire , alors fans mouvement. Enfin
lorfqu’ils font dans les cabanes, il ne
leur en faut donner que très-peu à la
fois , & feulement pour couvrir ceux
qui ne font pas encore montés , &
prendre garde en l’y jetant , de ne
pas ébranler ceux qui font déjà
7^
Maniéré d'élever
’â
montés & qui ont commencé à
travailler.
Lorsqu’on s’apperçoit que quel-
ques Vers font déjà fortis de maladie,
on peut difcontinuer de leur donner
à manger, jufqu’à ce que tout paroiffe
forti , ce qui arrive ordinairement
vingt-quatre heures après , li les Vers
à Soie ont été tenus également
avancés.
Au furplus on ne cefle de donner
à manger aux Vers à Soie pendant
ces vingt-quatre heures environ ,
que pour retarder ceux qui font trop
avanc s , & pour donner aux autres
le temps de les atteindre : m.ais
comme cette pri vation de nourriture'
aux Vers entièrement fortis de ma-
ladie , ne peut que leur être nuifib'e,
ou
Us Vers à Soie.
73
on feroit encore mieux de porter
fur d’autres rayons tous les Vers à
Soie qui font fortis de leur mue ,
afin de pouvoir alors leur donner la
nourriture dont ils ont befoin.
Lorsque les Vers font dans les
cabanes , il faut leur donner très-
peu à manger , & ne pas leur donner
alors de la grande feuille , parce
que les Vers pourroient faire leurs
cocons delTus.
Des maux qui font périr les Vers
à Soie.
On a déjà obfervé que les maux
des Vers à Soie leur viennent ordi-
nairement d’une mauvaife nourri-
ture , ou donnée mal à propos, par le
trop d’humidité , par le froid , ou
G
O
74
Maniéré d'élever
par une chaleur exceffive , d’où U
réfulte qu’on préviendra une partie
de ces maladies , fi on pratique
exaftenient ce qui a été prefcrit.
Il relie cependant à faire con-
noître les Vers qui font attaqués
de ces maux , & ce qu’on en doit
faire. Ces Vers s’appellent Vers Gras^
Vers PaJJîs ou Arpettes , Vers Jaunes^
& Vers Mufcadins,
• Vers Gras.
Les Vers Gras , qu’on peut trou-
ver à chaque mue , n’entrent point
eux-mêmes en maladie ; au lieu de
refier à la même place , comme ceux
qui font bons , qui muent & qui fe
dépouillent , ils marchent , mangent
jEoujours , ne fe dépouillent point &
hs Vers à Soie.
75
continuent à groffir , pendant que les
autres ne fçauroient manger. On
diftingue les Vers gras en ce qu’ils
font beaucoup plus blancs , qu’ils
font comme onûueux , & qu’ils ont
le mufeau plus étroit , plus pointu
& plus luifant. Ils périffent un ou
deux jours après le temps de la
mue : mais comme en crevant ils
faliroient les autres , ce qui leur
feroit nuifible , lorfqu’ils font dans
cet état , & qu’on les voit courir
fur la feuille fraîche , il faut les ôter
& les jeter.
V îrs Maigres , appelles Palîis , ou
Arpettes.
On ne voitguere de Vers appelles
Pajjis , ou Arpettes , qu’après la
Gr ij
Maniéré d'élever
76
troilieme ou la quatrième maladie.
Ces Vers celTent de manger , de-
viennent mous , fe rapetilTent en
tous fens de la moitié , & périlîent
dans trois ou quatre jours.
Vers Jaunes.
Les Vers Jaunes ne paroiflent que
lorfque tous les Vers font prêts à
monter j au lieu de mûrir , ils s’en-
flent , & il leur vient fur la tête ôc
le long du corps , des taches d’un
vilain jaune doré qui s’étendent &
leur gagnent enfin tout le corps. Il
faut auffi abfolument les jeter , atten-
du qu’en crevant ils faliroient leurs
ypifins.
Us Vers à Sole
77
Vers Mujcadins
On prétend que les Vers peuvent
devenir ce qu’on appelle Mufcadinsy
à tout âge , c efl-à-dire , depuis leur
nailTance , &: même lorfqu’ils font
renfermés dans leurs cocons. îls
deviennent roides , & meurent
prefque dans le moment. Leur cou-
leur ell: d’abord d’un rouge vineux ,
& fe change bientôt en blanc.
O N n’en trouve ordinairement
que peu à la fois , jufqu’au temps de
la maturité ; mais le mal ell prefque
général dans les chambrées qui ne
commencent à en être attaquées que
quand les Vers font mûrs & qu’ils
montent ; alors la plus grande partie
périt avant que d’avçir travaillé ; ôi
G iij
?8
Manicre d'éUver
fl cette maiadie ne leur vient qu’après
avoir commencé leurs cocons , ou
après les avoir achevés , dans le
premier cas le cocon eft prefque
inutile , 8c dans le fécond cas il rend
fort peu.
Chofes nuijîhles aux Vers à Soie ,
attmtions recommandées.
Le froid , l’humidité , d’un autre
côté la trop grande chaleur & une
mauvaife ou trop abondante nour-
riture font très-nuifibles aux Vers à
Soie. On a déjà obfervé comment
on pourroit les en préferver.
Les vents , le bruit du tambour ,
des moufquets , du canon 5c du ton-
nerre leur font aufîi du mal lorfqu’ils
font montés , en ce qu’ils peuvent
les Vers à Soie.
79
les faire tomber. Il faut dans ces cas
avoir attention à bien fermer les
portes & les fenêtres , pour que l’air
ne foit point agité.
O N doit auiîl avoir attention
pendant la monte, à marcher douce-
ment , fl les planchers ne font qu’en
planches , & s’ils font pliants , afin
de ne jamais ébranler les Vers déjà
montés ; ceux qui n’ont point com-
mencé leurs cocons tomberoient &
ne remonteroient plus ; & à l’égard
de ceux qui aurolent déjà commencé
leur ouvrage , comme le fil fe cou-
peroit par le moindre ébranlement ,
ils abandonneroient leurs cocons &
ils en iroient commencer d’autres ,
qu’ils ne pourrolent achever, n’ayant
plus affès de matière.
G iv
8o
Manière d'élever
Il faut éloigner des Vers toutes
fortes de fumées & d’odeurs défagréa-
bles , même celles qui font fimplement
fortes , comme le tabac , le nuife , le
gingembre , les épiceries , l’ail &
autres odeurs.
C’est une erreur de croire que
les parfums raniment les Vers à Soie:
il eft vrai qu’on les voit alors s’agiter
& courir plus vigoureufement , mais
ce n’eft que pour fuir des odeurs
qui leur font pernicieufes , ou pour
éviter une fumée qui les étouffe.
La fumée du bols & principa-
lement la vapeur du charbon étant
fort nuilibles aux Vers à Soie , il faut
avoir attention , lorfqu’on efl obligé
d’échauffer l’air par le feu , de ne
point faire un feu trop clair à la
Us Virs à Soie.
8i
cheminée , ni aucune fumée ; & fi
l’on met 3u feu dans une terrine ou
réchaud qu’on promenne dans la
chambre , il faut n’y mettre que de
la braife bien alumée , & la couvrir
même avec un peu de cendre pour
empêcher toute fumée & toute
vapeur. •'
On répétera ici qu’on ne fçauroit
avoir trop d’attention à faire fortir
fur le champ des chambres , les cou-
ches qui fe trouvent fous les Vers à
Sole : la fermentation , principale-
ment lorfqu’il fait chaud , occafionne
une mauvalfe odeur , &: d’ailleurs
cette fermentation échaufferoit trop
la chambre.
Il faut empêcher l’entrée des lieux
où font les Vers à Soie , à toutes
8i
Maniéré d' élever
fortes d’infeûes , & principalement
garantir les Vers à Soie des poules
& des fouris qui les mangeroient.
On prétend qu’une goutte d’huile
répandue fur un Ver à Sole efl: ca-
pable d’infeéler tous les autres ; ainfi
il faut l’ôter aufîl-tôt, de même que
le papier & la feuille de Mûrier que
le Ver à Sole pourroit avoir touchées»
Il fe trouve quelquefois des Vers
qui ont été falis par l’eau dont ceux
qui font montés fe vuident toujours
avant de travailler ; comme ces Vers
ainli falis ont la peau rude & n’ont
point alTez de flexibilité pour monter,
& pour fe tourner & retourner pour
former le cocon , il faut les mettre
dans un baquet & les laver avec de
l’eau , en les y remuant à poignée
Us Vers à Soie.
83
pendant quelques injnutes ; on les
inet enluite au Soleil pour les faire
fecher , & lorfqu’ils font fecs on les
tranfporte dans la cabane ; ils
montent diligemment alors fur les
rameaux.
quoi on connoit que les Vers à Soie
font prêts à monter.
C’est ordinairement neuf ou dix
jours après la derniere maladie que
les Vers font prêts à faire leurs
cocons. On connoît qu’ils demandent
à monter lorfqu’ils jauniffent un peuj
qu’ils ceffent de manger , que leur
mufeau s’alonge & qu’ils deviennent
tranfparents & de la couleur de la
foie meme ; ils marchent plus vite
qu’à l’ordinaire , ils s’arrêtent de
$4
Maniéré d'élever
temps en temps , & on voit qu’ils
contournent la tête & une partie du
corps, comme pour. chercher à s’ap-
puyer. C’eft alors feulement qu’il
faut les porter dans les cabanes ;
mais on ne fçauroit trop s'attacher
à profiter du moment , & les obferver
d’heure en heure , même pendant
la nuit ; fi on tardoit trop à les y
mettre , ils fe racourciroient , & fi
on les y mettoit trop - tôt , ils ne
pourroient pas y prendre la nourri-
ture dont ils auroient encore befoin,
attendu qu’on doit les mettre beau-
coup plus épais dans les cabanes ,
& leur donner beaucoup moins de
feuille.
Us V :rs à SoU. 8 5
Cabanes pour la montée des Vers à Soie,
Aussi-tôt qu’on voit que les
Vers commencent à être prêts à
monter , il faut fim le champ & dili^
gemment faire les cabanes ; il efl
même à propos d’en avoir quelques-
unes de faites , & de préparer les
rameaux d’avance.
Les cabanes peuvent être faites
de branches de bruyere , genêt ,
buis ou de tel arbufle que l’on peut
trouver fans épines , mais dont
l’écorce foit rude , attendu que fi
elle étoit unie , les Vers à Soie
monteroient bien difficilement.
On prépare les rameaux en ôtant
de la tige , fur la longueur d’environ
un demi-pied , tous les brins qu’il
s 6
Manière d'élever
pourroit y avoir & qui empêche-
foient les Vers de monter facilement,
& on ne laiffe que le bouquet qu’on
coupe quarrément. Et comme ces
rameaux doivent contrebuter de
haut en bas fur les rayons , il faut
que les rameaux , depuis le pied
jufqu’au fommet , foient plus longs
que les étages ou rayons ne font
diflants les uns des autres.
Après avoir fait fécher tous les
rameaux & les avoir battus pour en
faire tomber toutes les feuilles , on
les range par files fur les étages. .
Ces files doivent être en travers
des étages, éloignées l’une de l’autre
de neuf à dix pouces , & de quatre
à cinq pouces des bords. On fait
tenir les rameaux en les appuj^ant par
les Vers à Soie.
87
le pied, diftants d’environ un pouce
les uns des autres fur l’étage qu’on
garnit , & en forçant le bouquet
contre l’étage fupérieur ; mais il faut
en écarter les branches & les entre-
laiTer avec celles d’une file à l’autre ,
pour qu’elles tiennent ferme. Une
attention indifpenfable lorfqu’on en-
trelaffe ces petites branches , c’eft
qu’elles ne foient pas h ferrées entr’-
elles , qu’il n’y ait par - tout une
didance ou efpace , où les Vers à
Sole pulffent commodément placer
leurs ouvrages & faire leurs cocons.
Les cabanes doivent être dreffées
fur des rayons ou étages qu’on aura
nétoyés de leur ancienne couche ;
& il faut toujours commencer par
garnir de rameaux les étages les plus
88
Manière d’élever
élevés ; fans cette précaution , il
pourroit tomber de la vieille couche
par les joints des planches fur les
cabanes inférieures ; d’ailleurs en
appuyant & en forçant les rameaux
deffiis , on déransieroit les Vers oui
pourroient déjà avoir commencé
leurs cocons , & on pourroit peut-
être même faire tomber ceux qui
feroient montés & oui n’auroient
±
point encore commencé à travailler.
Comme il fe trouve toujours des
Vers raccourcis , qui auroient de la
peine à monter fur les rameaux , il
convient de mettre du chiendent qui
foit fec , ou de petites branches ,
qu’on lailTe coucher dans les coins
des cabanes, ou d’efpace en efpace,
pour recevoir les Vers à Soie qui
ne.
Us F^crs à Soie.
89
ne pourroient grimper fur les ra-
meaux plus élevés.
Temps de lever les Cabanes.
Les Vers mettent ordinairement
trois ou quatre jours à faire leurs
cocons ; mais comme fur un rayon ,
ou étage , ils ne montent pas tous en
même temps , il feroit dangereux
d’ôter les cabanes avant que tous
les cocons eulTent été achevés , &
d’un autre côté , il ne convient point
non plus de lailTer trop long-temps
les cabanes ; mais on peut & on doit
les ôter une douzaine de jours après
que les vers ont commencé à faire
leurs cocons.
H
90
Maniéré d'élever
De la maniéré de faire la Graine.
Les cocons qui font fermes, d’une
Soie plus unie , plus ferrés & les
plus approchants de la couleur de la
tulle , font les plus propres pour en
tirer la graine ; ôc comme la graine
eft produite par les papillons femel-
les , après qu’elles ont été accouplées
avec les mâles , il faut y deftiner
autant de cocons d’une efpece que
d’autre.
On diHinffue les cocons mâles en
O
ce qu’ils fe terminent en pointe par
les deux bouts , & qu’ils font plus
gros par le milieu.
Ceux des fémelles au contraire'
font ronds par les deux bouts , &
étrangles par le milieu,.
les Vers à Soie.
9*
Une livre de cocons produit
communément une once de graine ,
ce qui doit fervir à fe régler pour
la quantité de graine dont on veut
s’affurer pour la récolte lors pro-
chaine.
Après^ avoir choifi la quantité de
cocons néceffaires , on doit les dé-
pouiller d’une envéloppe cotonneufe
ou efpece de duvet qui les couvre ,
ce qui donne plus de facilité aux
papillons pour en fortir ; on les perce
enfuite avec une éguille pour les
enfiler à un fil de foie , & on fuf-
pend ces cocons ainfi enfilés pour
attendre que les papillons les percent
& en fortent.
I L faut être très - attentif à né
paffer l’éguille que dans la fuperficie
Hij ,
92
Adanicre d'élevcr
du cocon , afin non-feulement de ne
pas percer les Vers , mais encore de
ne pas introduire l’air dans les cocons.
Lorsque les papillons fortent des
cocons , on les prend .avec les doigts
par les ailes ou par le corps , fans
trop les prefîer , ôt on les porte dans
une corbeille fur un morceau de
drap noir , ou de quelqu’autre étoffe
de laine de la même couleur. Aufîî-
tôt qu’ils y font, les mâles s’accou-
plent avec le femelles ; on les tranf-
porte alors tous accouplés fur un
autre morceau de drap ou d’étoffe
noire , ou fur du linge , & on les y
laiffe enfemble pendant quatre à cinq
heures , après quoi on détache les
mâles , qu’on jette par les fenêtres.
Mais il convient de ne lever les
Us Vers à Soie.
9j
papillons de deffus les Cocons &
de ne les mettre enfemble que le
matin , afin d’en pouvoir fuivre les
opérations & de ne les laifTer accou*
plés que le temps néceffaire.
Après avoir féparé les femelles
des mâles , il faut placer les femelles
fur des morceaux de drap ou d’autre
étoffe de laine noire , fufpendiis à la
muraille ; elles y attachent leurs
œufs , enfuite elles tombent &
meurent. Et comme il pourroit
arriver que quelques œufs fe déta-
chaffent , il faut avoir la précaution
de faire un repli au bas des morceaux
de drap pour recevoir les œufs qui
pourroient tomber.
Lorsque tous les œufs font faits
on les laiffe quelques jours à l’air'
94
Manière £ élever
pour leslaiffer fécher ; on plie enfiiite
les morceai;x d’étolFe auxquels ils
font attachés , & on les met dans
quelque armoire ou autre endroit
fermé , jufqu’au Printemps fuivant ,
qu’on les détache avec un fou marqué
pour les nettoyer & les faire éclore.
On recommande de les détacher avec
un fou marqué , parce qu’avec un
couteau on pourroit endommager
les œufs. Mais pour conferver la
graine , il faut la garantir de l’humi-
dité qui la pourrit , de la gelée qui
tue le germe , & de la trop grande
chaleur qui pourroit la faire éclore
avant le temps.
Il y a des perfonnes qui croient
qu’au bout de trois ans il faut faire
venir la graine d’un autre pays
Us Virs à Soie.
9 T
prétendant qu’après ce temps elle
dégénéré , Sc qu’il efl arrivé quel-
quefois que la récolte a manqué par
cette raifon.
D’autres perfonnes foutiennent
au contraire que la graine recueillie
dans le pays même où l’on doit élever
les Vers , eft toujours infiniment
meilleure , parce qu’elle efl comme
naturalifée au pays , au climat & aux
Mûriers qui doivent nourrir les Vers
qu’elle produit. On ajoute à cette
raifon que la graine qu’on fait venir
des pays étrangers, ne réufîit que très-
médiocrement la première année ;
que d’ailleurs ceux qui en font com-
merce , peuvent vendre de là graine
de deux ans , qui par cette raifon
a perdu fa fécondité ; qu’elle peut
96
Maniéré d’élever
provenir de fimelles qui n’ont point
été accouplées avec des mâles , &
qui par conféquent n’eft point fé-
conde ; 6c que d’un autre côté ceux
qui font de la graine pour en vendre,
y emploient les plus mauvais cocons.
De la nécejjîté de faire périr les Ders
dans les cocons , pour les conferver
jufquau temps qu'on tire la Soie.
Comme le papillon ne fçauroit
percer le cocon pour en fortir , fans
en rompre la contexture , 8c qu’alors
il n’eft plus poffible d’en tirer la
Sole , il convient d’étouffer le Ver
dans le cocon avant qu’il fe cHange
en papillon.
Pour cet effet , auff-tôt que lés
cocons ont été détachés des cabanes
6c
& qu’on a choifi ceux qu’on deftine
à taire la graine , on renferme tous
les autres cocons dans de grandes
corbeilles ou paniers , couverts de
papier , arrêté avec une ficelle ; on
met les corbeilles ou paniers dans
un four immédiatement après que
le pain en a été tiré ; on les y laiffe
une heure ou deux , iufqu’à ce qu’on
n’entende plus le bruit que ces in-
feâes font en remuant dans leurs
cocons ; & lorfque les paniers ont
été retirés du four , on les enveloppe
dans de groffes couvertures , pour
achever d’étouffer les Vers que la'
chaleur du four n’auroit pas encore
fait périr. Mais comme le degré de
chaleur pourroit être encore trop
fort à la fortis du pain , principa--
I
ç8 Maniéré d'élever
lement fi le four avoit déjà été
chauffé plufieurs fois le même jour,
il convient pour l’effayer , de mettre
le bras dans le four , & fl la miain
ne peut pas un petit moment en fou--
tenir la chaleur , il faut attendre que
le four foit moins chaud.
Cette méthode a fes inconvé-
nients : fi le four n’étoit point afl’ès
chaud , tous les Vers ne mourroient
point , & s’il y avoit trop de cha-
leur , il y auroit à craindre que la
Soie ne fe brûlât.^
Pour ne point s’y expofer , il y
a des perfonnes qui préfèrent un
autre moyen. Ils expofent pendant
quatre ou cinq jours de fuite , les
cocons à la plus grande ardeur du^.
Soleil , ÔC les y laiffent , chaque jour,.
lis Vers à Soie.
99
pendant quatre ou cinq heures. On
prétend que les Vers y périfient im-
manquablement ; & pour plus de fu-
reté , après avoir retiré les cocons
fur les trois heures après midi , on
les enveloppe dans des couvertures
bien chaudes , & on les porte tout
de fuite dans un lieu frais. La cha-
leur concentrée dans les couvertures
étouffe plutôt les Vers ; elle les
defféche entièrement , & ils ne con-
fervent plus aucune humidité ; au
lieu que la trop grande chaleur du
four fait crever le Ver dans le cocon,
ce qui gâte la Soie.
L’Auteur de ce dernier fentiment
= ne confeille l’ufage du four , que dans
le cas oïl un temps de pluie ne permet
pas d’expofer les Vers au Soleil , qui
: lij
r
r
}
lOO Maniéré d" élever , &c.
ne paroît point alors ; mais dans ce
cas il recommande de ne laiffer dans
le four aucune braife , ni aucune
cendre trop chaude , & d’avoir tou-
jours l’attention d’ôter des cocons
tout le duvet ou fleuret qui les
enveloppe , ce qui fe fait en tournant
au tour des cocons avec le pouce
& fans y employer les ongles. Sans
cette précaution le feu pourroit
prendre aifément au duvet dans le
four ; & d’ailleurs ce duvet n’efl:
propre qu’à être filé au rouet ou à
la quenouille.
Fin de la Seconde Partie,
TABLE.
PREMIERE PARTIE.
Des Mûriers.
Es Terreins qui fontpropresaux
Mûriers , Page 5
Des Mûriers les plus propres à la non*
riture des Vers à Soie , 8
De la graine de Mûrier ^ de la maniéré
de la préparer & de la femer ^ &
• des autres moyens de multiplier cet
arhre ^ il
De la culture de la Pourrette ^ 15
Du temps de mettre la Pourrette en pépi*
niere ^ de fa culture & de la Greffe^
16
Du temps G de la maniéré de planter
les Mûriers à demeure ^ 23
Des foins que demande le Mûrier planté
à demeure ^ 29
Table.
SECONDE PA RT lE.
Des Vers a Soie.
E la quantité de graines qicil faut
mettre couver ^ relativement à ce qiion
a de feuille de /Aûrier ^ P* 3 î
Temps de faire couver la graine ^ 38
Mankre de faire couver la graine ^39
Graine commençant a éclore 44
Maniéré de lever les Vers à Soie apres
quils font éclos y 46
Des mues ^ ou maladies des Vers à
Soie y 47
Temps auquel il faut changer les Vers
à Soie y 49
Maniéré de changer les Vers à Soie ^ 50
Mettre enfemble les Vers à Soie égale^
ment avancés y 53
Limx oîi les Vers a Soie peuvent être
Table.
loges y & fur quoi ils peuvent être
placés y 56
Chaleur à entretenir dans les chambres y
59
De la feuille de Mûrier à donner aux
Vers à Soie y 6 3
Coniment il faut donner à manger aux
Vers à Soie y 6g
Des maux qui font périr les Vers à
Soie y y y
V irs Gras 5
V zrs maigres y appelles Paiiis ^ ou Ar-
pettes 5
V zrs Jaunes y 7»
Vers Mufeadins , y ^
Chofes nuifibles aux Vers à Soie , &
attentions recommandées , 78
A quoi on connoit que les Vers à Soie
font prêts à monter gj
T A B L E.
Cabanes pour la montée des Vers à
Soie , 85
Temps de lever les cabanes ^ 89
De la maniéré de faire la graine ^ 90
De la néceffité de faire périr les V zrs
dans les cocons pour les conferver
jufquau temps quon tire la foie y
99
Fin de la Table.
^ ERRATA.
Page 35. qualité y lifez quantité.
Page 46. d'élever ^ liiez de lever.