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JOURNAL ASIATIQUE
NEUVIÈME SÉUIE
TOME IV
JOURNAL ASIATIQUE
RECUEIL DE MÉMOIRES
D'EXTRAITS ET DE NOTICES
RELATIFS À L'HISTOIRE, À LA PHILOSOPHIE. AU\ LANWES
ET À LA LITTÉRATCRE DES PEUPLES OIIIENTAUX
ET PUBLIE PAR LA SOCIETE ASIATIQUE
NEUVIÈME SÉRIE
TOME IV
PARIS
IMPRIMERIE NATlOPiALE
ERNEST LEROUX, ÉDITEUR
M DCCC XCIV
JOURNAL ASIATIQUE.
JUILLET-AOÛT 1894.
PROCES-VERBAL
DE LA SÉANCE GÉNÉRALE DU 21 JUIN 1894.
La séance est ouverte à 2 heures par M. Barbier
de Meynard , président. Le procès-verbal de la séance
générale du 22 juin iSgS est lu, et la rédaction en
est adoptée.
M. le Président rappelle en ces termes les pertes
que le Conseil a éprouvées pendant le courant de
l'année :
«En ouvrant cette séance, je dois adresser en
votre nom, Messieurs, un dernier hommage à la
mémoire de deux membres du Conseil que la mort
nous a enlevés et qui, par des voies différentes, ont
tous deux contribué au bon renom de notre Société
et aux progrès de nos travaux.
« M. Edouard Foucaux , que nous venons de perdre
il y a à peine quelques semaines, était, après notre
vénéré président honoraire M. Barthélémy -Saint
Hilaire, le doyen de la Société; il lui appartenait
depuis cinquante-quatre ans. Chargé du cours de tibé-
tain à FEcole des langues orientales vivantes pendant
plus de vingt années , professeur de sanscrit au Collège
6 JUILLETAOÛT 1894.
de France depuis 1862, M. Foucaux nous laisse
Texempie dune rare assiduité dans Taccomplissement
de ses devoirs. Son principal titre est d'avoir fondé
en France renseignement de la littérature tibétaine,
ouvrant ainsi une voie nouvelle, à la fois, à la philo-
logie orientale et à Tétude du bouddhisme du Nord.
Je nai pas qualité pour apprécier la valeur scienti-
fique de ses travaux, c'est un soin dont son digne
continuateur M. L. Feer s acquittera mieux que
moi. Qu'il me suffise de rappeler, parmi les plus es-
timables publications de M. Foucaux, une gram-
maire tibétaine, le texte et la traduction de la version
tibétaine du Lalitavistara qui a fourni de précieuses
données à l'histoire de SakyaMouni , quelques drames
traduits de Kalidasa, et plusieurs autres travaux qui
laisseront leur trace dans l'histoire religieuse et litté-
raire du monde hindou.
« La modestie de M. Foucaux égalait son amour
de l'étude; étranger à toute coterie scientifique
comme à toute visée ambitieuse, il partageait son
temps entre ses recherches érudites et le culte des
beaux-arts qu'il appréciait en fin connaisseur. Bien
que depuis longtemps il n'assistât plus à nos séances,
il n'avait parmi nous que des amis, et sa mort nous
laisse de sincères regrets.
« Le D' Leclerc n'était connu que d'un petit
nombre d'entre nous. Ancien médecin-major de
l'armée d'Afrique, il avait pris sa retraite depuis
longtemps et passait la plus grande partie de l'année
en province, dans son pays natal. Il n'en a pas moins
PROCÊS-VERBAL. 7
compté parmi les collaborateurs les plus assidus du
Journal asiatique. Nous lui devons, entre autres
contributions savantes, une notice sur la version
arabe de Dioscoride par le médecin syrien Honeïn ,
un mémoire sur Aboul-Casis, une étude prépara-
toire sur Ibn Beïtar, un mémoire sur Apollonius de
Thyane et plusieurs notices de bibliographie critique.
Son Histoire de la médecine en Orient restera , malgré
un cerfain désordre de plan et quelques erreurs de
détail , un document toujours utile à consulter pour
la connaissance du grand mouvement scientifique
qui, propagé par les médecins et traducteurs sy-
riaques , a transmis la science grecque à l'Europe du
moyen âge. Le Dictionnaire des simples d'Ibn Beïtar,
cpie M. Leclerc fiit chargé de traduire de Tarabe
pour les Notices et Extraits de TAcadémie des Inscrip-
tions, en 1877, n'a pas une moindre importance
pour l'étude de la botanique et de la pharmacopée
orientales; c'est aussi une mine de renseignements
pour nos dictionnaires arabes , si insuffisants encore
en ce qui concerne la technologie des sciences natu-
relles. L'union de deux spécialités si différentes chez
le même savant est bien rare , et nous saurons tou-
jours gré au D' Leclerc d'avoir donné à ses études
médicales et à sa connaissance de la langue arabe
une aussi utile direction. Il a continué parmi nous,
avec une compétence peut-être plus étendue, les
recherches de Sanguinetti et de Clément Mullet, et
son nom restera honorablement associé à notre his-
toire. Pùisse-t-il aussi trouver des continuateurs dans
8 JUILLET-AOÛT 1894.
les rangs de notre armée d'Algérie où l'érudition
compte aujourd'hui des représentants distingués !
« Je tenais , Messieurs , à donner un dernier sou-
venir à ces deux confrères regrettés , puisque vous
n'entendrez pas aujourd'hui le rapport que votre se-
crétaire consacre à nos travaux avec tant d'autorité
et de talent. J'espère qu'il n'aura pas de nouveaux
noms à ajouter, dans un an, à la liste de nos pertes
et qu'il ne nous entretiendra que des travaux entre-
pris ou encouragés par vous. Ce sera la meilleure
preuve que, malgré ses soixante et onze ans, la So-
ciété asiatique est en pleine vitalité et qu'elle pour-
suit vaillament sa marche dans la voie que ses il-
lustres fondateurs lui ont tracée. »
M. Rubens Duval lit le rapport de la Commission
des censeurs pour l'exercice iSgS. Des remercie-
ments sont votés aux membres de la Commission
des fonds, à MM. les censeurs et au bibliothécaire.
M. Darmesteter donne lecture d'une notice sur
les Parthes à Jérusalem qui sera insérée dans le Joar/ia/
asiatique (voir p. 43).
M. Chavannes fait une communication sur le
grand historien chinois Se-ma-T'sien. Après avoir
brièvement tracé la biographie de cet écrivain qui
vécut à la fin du deuxième et au commencement du
premier siècle avant notre ère , il étudie ses procédés
de composition et met en lumière le vif intérêt de
ses mémoires , où se trouvent conservés , dans leur
forme originale, les documents les plus divers,
poésies et dissertations , requêtes au trône et décrets
PROCÈS-VERBAL. 9
impériaux, inscriptions lapidaires et pièces de chan-
cellerie, propos célèbres et chansons populaires.
M. Chavannes montre que Tœuvre de Se-ma-T'sien
est la source de renseignements la plus abondante
et la plus pure pour toute Thistoire de la Chine de-
puis les temps les plus reculés jusque vers Tan loo
av. J.-C.
M. Textor de Ravisi offre à la Société la première
série des travaux du Congrès des orientalistes, tenu
à Lisbonne en septembre 1892. Il exprime le re-
gret qu'à la suite des ditFérends survenus après le
Congrès de Stockholm, une confusion se soit pro-
duite dans Tordre numérique des congrès. M. de
Ravisi conteste au futur Congrès de Genève le droit
de s'intituler 10® Congrès international des orien-
talistes, et annonce qu'il publiera prochainement sa
protestation dans une lettre adressée à M. Naville
qui doit présider la réunion de Genève. — M. le Pré-
sident, après avoir fait remarquer que M. Textor de
Ravisi vient d'exprimer une opinion qui lui est per-
sonnelle, rappelle que si la Société asiatique a cru
devoir s'abstenir d'une participation officielle aux
congrès de ces dernières années, elle n'en donne pas
moins volontiers son adhésion à toute réunion d'orien-
talistes sérieux où les progrès de la science et les
bons rapports personnels sont également en honneur,
et qu'à ce titre il ne doute pas qu'un grand nombre
de membres de la Société ne soient heureux de se
retrouver à Genève au mois de septembre.
La séance est levée à 4 heures et demie.
JUILLET-AOÛT 1894.
RAPPORT
DE LA COMMISSION DES CENSEURS SUR LES COMPTES
DE L'EXERCICE l8g3,
LU DANS LA SEANCE GENERALE DU 21 JUIN 1894.
Messieurs ,
Pour l'exercice 1898, les recettes et les dépenses ordi-
naires , comparées avec celles de l'année précédente , ne pré-
sentent pas de différence notable. Les dépenses extraordi-
naires ne comprennent qu*une somme de.5oo francs payée
pour la réorganisation de la bibliothèque. C'est pour cette
raison que le compte courant à la Société générale , qui , au
3i décembre 1892 , se soldait par un avoir de 19,287 fr. 89 ,
s'est trouvé porté au 3 1 décembre dernier à la somme de
28,576 fr. 47. Sur cette somme votre Commission des fonds
a affecté à la réserve 1 2,564 fr. 7^, prix de 3o obligations
nominatives du chemin de fer de l'Est-Algérien , laissant les
16,000 francs de surplus disponibles pour les publications
de la Société.
Cette année , en effet , il y aura lieu de pourvoir aux frais
du troisième volume du Mahâvastu. Vous savez, en outre,
que votre Conseil a voté Timpression de la Chronique de
Michel le Syrien et d'une traduction française du Kitâb-al-
tanbih; il a accordé aussi une subvention de 1,200 francs par
volume à la publication de V Histoire de Se-ma-T'sien.
Les fonds que les dépenses ordinaires de notre Société
n'absorbent pas pourront être employés à ces publications
avec d'autant plus de facilité , que la réorganisation de notre
bibliothèque est maintenant achevée. Comme le fait ressortir
RAPPORT DES CENSEURS. 11
le rapport de M. Speclit, c'est grâce au zèle du ]>ibliothé-
Caire, M. Drouiii, que celte entreprise a pu être conduite à
son terme en un temps relativement court et sans exiger de
trop grands sacriûces. La dépense totale, répartie sur plu-
sieurs années, s'est élevée à i ,7^7 Tr. 85.
Nous vous proposons, Messieurs, de voter des remercie-
ments à votre bibliothécaire et à votre Commission des fonds.
ïï. ZOTENBBBG, R. DuVAL.
12 JUILLET-AOÛT 1894.
RAPPORT DE M. SPECHT,
AU NOM DE LA COMMISSION DES FONDS,
ET COMPTES DE L'ANNÉE 1893.
Messieurs ,
La réorganisation de notre bibliothèque a coûté cette an-
née la somme de 5oo francs. Avec les sommes dépensées
dans les (rois exercices précédents , les frais du catalogue et
du nouveau classement des livres se sont élevés à 1,747 ^r.
85 cent., dépense minime pour le travail matériel qu'il a
fallu faire faire pour placer tous les volumes dans un ordre
parfait qui permet de les trouver de suite à l'aide d'un cata-
logue sur fiches qui pourra être toujours tenu au courant.
Lorsqu'on se reporte à une trentaine d'années environ , on
se souvient que nos livres étaient empilés au hasard dans les
salles qui étaient attribuées à la Société asiatique , quai Ma-
laquais. Notre bien regretté confrère Stanislas Guyard avait ,
il est vrai , fait rue de Lille le classement des livres , mais les
déménagements successifs de notre bibliothèque avaient mis
nos volumes dans un grand désordre. On ne saurait donc
aujourd'hui trop remercier notre bibliothécaire, M. Drouin,
qui a consacré presque tout son temps avec un dévouement
désintéressé pour mener à bonne fin le classement définitif
de la bibliothèque de la Société.
Les comptes de cette année n'offrent rien de particulier.
Les dépenses se sont élevées à 18,087 ^^' 7 5 et les recettes,
toujours à peu près les mêmes, ont été de 22,376 fr. 33.
HAPPOUT DE LA COMMISSION DES FONDS. 13
L'encaisse au 3i décembre dernier était de 38,576 fr. 47.
On a acheté depuis 3o obligations nominatives du chemin
de fer de l'Est-Algérien pour la somme de 1 2,564 Tr. 74. Les
1 6,000 francs qui restent doivent faire face aux frais d'im-
pression du troisième volume du Maliâvastii et des deux
autres ouvrages dont votre Conseil a décidé la publication.
14 JUILLETAOÛT 1894.
DEPENSES.
COMPTES
Honoraires du libraire pour le recouvrement des coti
salions 666^ oo°
Frais d'envoi du Journal asiatique 3 1 5 oo
Ports de lettres et de paquets reçus.. . . loo 45 > i.4o8^ 45
Frais de bureau du libraire 97 oo
Dépenses diverses soldées par le libraire. 2 3o oo
Honoraires du sous-bibliothécaire i,300 oo
Service et étrennes 2^3 oo
Ghaufiage, éclairage, etc 85 55
Reliure et frais de bureau 846 lo ) 2,534 8o
Contribution mobilière 76 o5
Contribution des portes et fenêtres .... 1760
Assurance 67 5o
Réorganisation de la bibliothèque 5oo 00
Frais d'impression du Journal asiatique, 7.377' 5o*
Indemnité au rédacteur du Journal asia-
tique 600 00 . „ ^
} 8,577 5o
Indemnité pour la rédaction de la table
de la Vni' série du Journal asia-
tique 600 00
Société générale. Droits de garde, timbres, frais de
conversion 67 00
Total des dépenses de 1893 13,087 75
Espèces en compte courant a la Société générale au
3i décembre 1893 28^576 47
ENSEMBLE 4 1 «664' 2 2''
RAPPORT DE LA COMMISSION DES FONDS. 15
NNÉE 1893.
RECETTES.
1 13 cotisations de 1898
5 1 cotisations arriérées
6 cotisations à vie
io3 abonnements au Journal asiatique
Vente des publications de la Société . . .
Intérêts des fonds placés :
1** Rente sur l'État 3 p. 0/0
' 4 1/2 p. 0/0 ....
Legs Sanguinetti (en rente 4 1/2 p. 0/0). .
q"* 64 obligations de l'Est (5 p. 0/0) .
3° 20 obligations de l'Est (nouveau]
(3 p. 0/0)...
4° 60 obligations d'Orléans ( 3 p.o/o) .
5" 58 obiigat. Lyon-fusion ( 3 p. 0/0).
6° 60 obligations de l'Ouest
7** 3o obligations Crédit foncier i883
(3 p. 0/0)
8** 10 obligations communales 1880.
Intérêts des fonds disponibles déposés à
la Société générale
Souscription du Ministère de l'Instruc-
tion publique
Crédit alloué par l'Imprimerie nationale
en dégrèvement des frais d'impression
du Journal asiatique
3,390' 00"
i,53o 00
1,740 00
2.060 00
1.061 20
1,800 00
45o 00
4 10 00
i.dSi 76
288 00 I
864 00
782 42
864 00
432 00
1/44 00
108 95
3,000 00
3,000 00
\
f -.^c
9,781' 20
7,595 i3
5,000 00
Total des recettes de 1893 22,376 33
Espèces en compte courant à la Société générale au
3i décembre de l'année précédente (1892] 19*287 89
Total égsd aux dépenses et à l'encaisse au 3 1 dé-
cembre 1893. . * é i 41*664^21*'
10 .lUlLLKTAOClT 1804.
OUVKAGES OFFERTS ii LA SOCIÉTÉ.
(Sëancc du 21 juin 1894.)
Par riiidiu Office : The Indian Antiquary. Mardi 189/1.
London; in-^".
— Epijraphia Indica, vol. II. Calcutta, iSgS, et vol. III ,
January and Mardi 189^; iii-4°.
Par le Ministère de l'instruction publique : Bibliothèque des
Ecoles françaises d'Athènes et de Rome, A. Baudrillart.
— Les divinités de la Victoire, en Grèce et en Italie, Paris,
189^; in-ii\
— L'origine française de l'archiiectare gothique en Italie,
— Les origines des cultes arcadiens, par Victor Bérard. Pa-
ris, 189^; in/i".
Par la Société : Mémoires de l'Académie impériale de Saint-
Pétersbourg, tome XLI, n" 4. Saint-Pétersbourg, 189^; in-
— Bulletin de l'Institut égyptien, 3' série, n'* 4. Le Caire,
i894;in-8\
— Journal de la Société finno-ougrienne , Helsingissâ, iSgS ;
in-S".
-^ Actc$ de la Société philologique , t* XXXIii, années 189.3
et 1894; in-8\
— Royal Asiatic Society, Catalogue ofthe Library. London ,
l893;in-8^
— Bulletin de la Société de Géogmphie, 4' trimestre. Paris,
i894;in-8«.
— Comptes rendus , u°' 7-12. Paris, 1894; in-8°.
— The Geo-raphicalJournal, July-December 1893, January-
May 1894, London; in-8''.
=— n.vuc ajriiainc, 1" et 3* trimos'.res. Alger, 1894; in-8''t
OUVRAGES OFFERTS. 17
Par la Société : Revue des études juives, janvier- mars.
Paris, i894;iii-8'.
— Rendiconti délia Accademia dei Lincei, vol. m* fasc. 3 et
d« Roma, 1894; in-8^
— Journal asiatique, mars-avril 1894. Paris; in-8*.
— Journal ofthe Peking oriental Society, voi. III , number 3,
Peking, 1893; in-8'.
— Congrès des Sociétés savantes; discours de MM, Jjevasseur
et Spaller, Paris, 1894; in-8*.
Par les éditeurs : Revue critique, n" 31 -a 5. Paris, 1894;
in-8\
— Polyhiblion, parties technique et littéraire, mai et juin
i894;in.8«.
— L'Oriente, n"* 2 , aprile 1894. Coma; in-8*.
— Tung Pao, mars et mai 1894. Paris; in-8*.
— Bulletin archéologique , année 1893, n* 2. Paris; in-8*.
— Bolletino, n* 202. Firenze, 1894; in-8°.
— Le Muséon, juin 1894* Louvain; in-8°.
Par les auteurs : Laurent , La magie et la divination chez
les Chaldéo- Assyriens, Paris, 1894; in-8*.
— Matgoisi, Le Tao de Laotseu, Paris, 1894; in-8*.
— K. F. Johansson, Der Dialect der sogenannten Shâkhâz-
garhi Redaktion der vierzehn EJikte des Kônigs Açoka (Ex-
trait). Leide, 1892; in-8*.
— W. Crooke, An introduction to thepopular Religion and
Folklore of Northern Jndia. Aliahabad, 1894; in-8*.
— Harfouch , Le drogman arabe. Beyrouth , 1 894 ; in-8*.
— F. Hoernle, The Bower manuscript, part 11, fasc. I.
Calcutta , 1 894 ; in-8*.
— L. Pekotsch , Praktisches Uebungsbuch zur gràndlicheren
Erlernung der Osmanisch-Tûrkischen Sprache, sammt Schlussel,
Wien, 1894; in-8».
— M. Th. Houtsma , Elu tàrkisch-ambisches Gbssar. Leide ,
1894; in-8».
rr. !i
18 JUILLET-AOUT 1894.
. Par ie baron Textor de Ravisi : La liste de» 3 séries de
Mémoires qui seront publiés par le Congrès des Orientalistes
tenu à Lisbonne en 189 a ; in-S**.
— La première série de ces Mémoires qui sont au nombre
de vingt et un ; in-8*.
TABLEAU DU CONSEIL D ADMLNlSTRATION. Ï9
TABLEAU
DU CONSEIL D'ADMINISTRATION
9 r #
COKPORMBMENT AUX NOMINATIONS FAITl» DANS L'ASSRMBLEE GENERALE
DU 31 JUIN 1894.
PRESIDENT HONORAIRE.
M. Barthélémy-Saint Hilai^ie.
PRESIDENT.
M. Barbier de Meynard.
VICE-PRÉSIDENTS.
MM. E. Senart.
Maspero.
SECRÉTAIRE.
M. James Darmesteter.
SECRÉTAIRE ADJOINT ET BIBLIOTHÉCAIRE.
M. E. Drouin.
TRÉSORIER.
M. le marquis Meichior de Vogué.
COMMISSION DBS FONDS.
MM. Drouin.
Specht.
Clermont-Ganneau.
2.
$0 JUILLET-AOÛT 1894.
CENSEURS.
MM. ZOTENBERG.
Rubens Duval.
MEMBRES DU CONSEIL
MM. J. Haléyy. \
Michel Bréal.
Berger.
HooDAs. ^ Élus en 189/i.
GORDIER.
DiEULAFOY.
ZoTENBERG.
Lancereau.
l'abbé Barges.
FoucAux.
J. Derenbourg.
Gh. Schefer. \^ Élus en iSgS.
L. Feer.
J. ViNSON.
GuiMET.
Rubens Duval.
le D' Leclerc.
A. Barth.
H. Derenbourg.
Sylvain LÉvi. ^ Élus en 1892.
Glément Huart.
RODET.
Devéria.
Oppert.
1
«
LISTE DES MEMBRES. 21
<iaàa
SOCIÉTÉ ASIATIQUE.
I
LISTE DES MEMBRES SOUSCRIPTEURS.
PAR ORDRE ALPHABÉTIQUE.
Nota. Les noms marqués d'un * sont ceux des Membres à vip,
f
L'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres.
MM.*Abbadie (Antoine d') , membre de l'Institut , rue
du Bac, I 2 0, à Paris.
Adda Fredj, instituteur, rue d'Israël, 27, à
Constantine.
Allaoua BEN Yahya , professeur au Collège , h
Mostaganem.
Allotte de la Fuye, chef de bataillon du
génie, à Rennes.
Alric, vice-consul de France, à Mossoul.
AssiER de Pompignan, lieutenant de vaisseau,
boulevard Malesherbes, 1 10, à Paris.
AuROUx, juge de paix, à Constantine.
*Aymonier (E.), chef de bataillon d'infanterie
de marine, rue du Général-Foy, ^6 , à Paris.
22 JUILLET. AOÛT 18Q3.
Bibliothèque Ambrosienne , à Milan.
Bibliothèque de l Université, à Utrecht.
Bibliothèque universitaire , à Alger.
Bibliothèque Khédiviale, au Caire.
MM. Barbier de Meynard , membre de Tlnstitut , pro-
fesseur au Collège de France et à TEcoledes
langues orientales vivantes, boulevard de
Magenta , 1 8 , à Paris.
Barges (Tabbé), professeur honoraire de la
Faculté de théologie de Paris, rue Mde-
branche , 1 1 , à Paris.
Barré de Lancy, premier secrétaire-interprète
du Gouvernement pour les langues orien-
tales , rue Caumartin , 3 2 , à Paris.
Barth (Auguste), membre de Tlnstitut, rue du
Vieux-Colombier, 6 , à Paris.
Barthélémy, au Consulat de France, à Alep
(Syrie).
Barthélemy-Saint Hilaire , ancien Ministre des
Affaires étrangères, membre de l'Institut,
boulevard Flandrin , 4 , à Paris.
Basset (René), professeur d'arabe à l'Ecole des
lettres, rue Michelet, ^9, à TAgha (Alger).
Beauregard (OUivier), rue Jacob, 3, à Paris.
Beck (l'abbé Pranz-Seignac), rue Duranteau,
3 1 , à Bordeaux.
Bekermann (Joseph), à Firlej, par Radom (Po-
logne russe).
Belkassem ben Sedira , professeur à TEcole des
lettres, à Alger.
LISTE DES MEMBRES. 21
MM. Bénédite (Georges), attaché au Musée du
Louvre, rue du Val-de-Grâce , 9 , à Paris.
*Berchem (Max van), privat-docent à lUniver-
sité de Genève.
Berger (Philippe), membre de ilnstitut, rue
du Foui% 8 , à Sceaux.
M"* Berthet (Marie), professeur à TEcole normale
d'Alençon, rue des Promenades, 9, àAlençon.
VIM. Besthorn (G.), Guidbergsgade , 9, à Copen-
hague.
BiNGER (le capitaine), gouverneur de la Côte
dïvoire.
Blonay (Godefroy de), rue Cassette, 23, à
Paris.
Bœll (Paul), publiciste, me Royer-Collard,
1 6 , à Paris.
B01SSIER (Alfred), rue Calvin, à Genève.
BoNZON (Jacques), rue Spontini, i3, à Paris.
BossouTROT, interprète militaire, détaché à
l'Administration centrale de larmée tuni-
sienne, à Tunis.
BouRDAis (labbé), professeur à la Faculté libre
d'Angers, au château des Bordes, par le
Grand-Pressigny ( In dre-et-Loire ) .
*BouRQUiN (le Rév. A.), à Lausanne.
Bréal (Michel), membre de Tlnstitut, profes-
seur au Collège de France, rue d'Assas, 70 ,
à Paris.
BuDGE (E. A. Wallis), litt. D. F. S. A., au Bri-
tish Muséum , à Londres.
»
*
24 JUILLET-AOÛT 1894.
MM. BiJHLER (George), professeur à Tlnstitut orien-
tal , à rUniversîté de Vienne,
Bureau (Léon), rue Gresset, i5, à Nantes.
BuRGESS (James), Sutton place, 2 a, à Edim-
bourg.
M"' BuTENSCHŒN, avenue dléna, 28, à Paris.
MM, Galassanti-Motylinski (de), à la Direction des
affaires indigènes, à Gonstantine.
Gahussi (H.), contrôleur civil suppléant, à
Sousse (Tunisie),
Casanova (Paul), attaché à la Bibliothèque na-
tionale (Cabinet des médailles), rue de
Douai, 5o bis, à Paris.
Castries (le comte Henri de) , capitaine attaché
à rÉtat-major général du Ministre de la
Guerre, rue de Grenelle, yS , à Paris.
Cernuschi (Henri), avenue Velasquez, 7, parc
Monceaux, à Paris.
Chabot (labbé J.-B.), rue Claude-Bernard, 47,
à Paris.
Gharencey (le comte de), rue Barbey-de-Jouy,
2 5 , à Paris.
*Chavannes (Emmanuel-Edouard), profe^sseur
au Collège de France, quai de Béthune,
Su, à Paris.
Cheikho (L.), professeur à l'Université Saint-
Joseph, à Beirouth (Syrie).
Chwolson , professeur à fUniversité de Saint-
Pétersbourg.
LISTE DES MEMBRES. 25
MM. GiLUÈRE (Alph.), consul de France, à Trébi-
zonde.
Glercq (L. de), rue Masseran, 5, à Paris.
Glermont-Gânneâu , membre de ilnstitut, se-
crétaire-interprète du Gouvernement, pro-
fesseur au Goliège de France, avenue de
rAbna , i , à Paris.
GoHEN SoLAL, profcsscur d arabe au Lycée, à
Oran.
GoLiN (Gabriel), professeur d arabe au Lycée
d'Alger.
GoLiNET (Philippe), professeur à l'Université,
à Louvain.
CoRBETT (Fréd. H. M.), bibliothécaire du Mu-
sée de Colombo. Royal Golonid Institute,
Northumberland avenue , à Londres.
*GoRDiER (Henri), professeur à l'Ecole des
langues orientales vivantes , place Vintimille ,
3 , à Paris.
CouLBER, commandant en retraite, rue de
l'Académie , à Bruges.
Courant (Maurice), interprète de la Légation
de France, à Tokyo (Japon).
*Groizier (le marquis de), boulevard de la
Saussaye , i o , à Neuiliy.
* Dan ON (Abraham), à Andrinople.
*Darmesteter (James), professeur au Collège
de France, boulevard de Latour-Mau-
bom'g, i8, à Paris.
26 JUILLET-AOÛT 1894.
MM. Decodrdemanche (Jean -Adolphe), rue Taille*
pied, k, à Sarcelles (Seine-et-Oise).
Delattre (iabbé), rue des Récoliets, ii, à
Louvain.
Delondre , rue Mouton-Duvernet , 1 6 , à Paris.
*Delphin (G.), professeur à la chaire publique
d'arabe, à Oran.
*Derenbourg (Hartwig), professeur à TEcole
des langues orientales vivantes, rue de la
Victoire, 56, à Paris.
^Des Michels (Abel), boulevard ftiondet, i4,
à Hyères.
Devéria (Gabriel), secrétaire d ambassade,
interprète du Gouvernement , boulevard
Pereire, i 5, à Paris.
DiEULAPOY (M.), ingénieur en chef, impasse
Conti , 2 , à Paris.
DiLLMANN , professeur à fUniversité de Berlin ,
Schill Strasse, 1 1 a, à Berlin.
Donner , professeur de sanscrit et de philologie
comparée à TUniversité de Helsingfors.
Drouin , avocat , rue de Verneuil , i i , à
Paris.
DuKAs (Jules), rue des Petits-Hôtels, g, à
Paris.
* DuRiGHELLO ( Joscph-Auge) , antiquaire , à Sidon
(Syrie).
DuTT (Romesh Chunder), attaché au Service
civil du Bengale, 3o, Beadon street, à Cal-
cutta.
LISTE DES MBMRRES. 37
MM. DuvAL (Riibens) , rue de Sontay, 1 1 , à Paris.
*FARGUEs(F.),àTéhéran.
* Favrê (Léopoid) , rue des Granges , 6 , à Genève.
Feer (Léon), attaché au département des ma-
nuscrits de la Bibliothèque nationale, rue
Félicien-David, 6, à Auteuil-Paris.
Fell (Winand), professeur à l'Académie de
Munster.
Ferrand (Gabriel) , agent résidentiel de France ,
à Mananjary (Madagascar).
FertA (Henri), chancelier de la Légation de
France, à Téhéran.
*FiN0T (Louis), archiviste paléographe, attaché
à la Bibliothèque nationale , rue Claude-Ber-
nard, 49, à Paris.
Flach, professeur au Collège de France^ rue
de Berlin, 87, à Paris.
FoucHER (A.), agrégé des lettres, rue de Vau-
girard, A 07, à Paris.
*Fryer (le major George), Madras StafF Corps,
Deputy Commissioner, British Burmah.
*Gantin, ingénieur, élève diplômé de TEcole
des langues orientales vivantes, rue de la
Pépinière , 1 , à Paris.
Gaudkfroy-Demombynes, rue Cassini, i4, à
Paris.
* Gautier (Lucien), professeur d'hébreu à la Fa-
culté libre de théologie, à Lausanne.
28 JUILLET-AOÛT 1894.
MM. Graffin ( l'abbé), professeur de syriaque à
rUniversité catholique, rue d'Assas, Ay, à
Paris.
Greenup (Rev. A. W.), Culford Heath, Bury
S' Edmund's (Angleterre).
*Groff (William N.), à Ghizeh (Egypte).
Grosset, licencié es lettres, à la Faculté des
lettres, à Lyon.
*GuiEYssE (Paul), député, ingénieur hydro-
graphe de la marine, rue des Ecoles, 42,
à Paris.
* GuiMÉT ( Emile ) , au Musée Guimet , place d'Iéna ,
à Paris.
'^Halévy (J.), rue Aumaire, 26, à Paris.
*Hamy (le D'), membre de l'Institut, conserva-
teur du Musée d'ethnographie , rue Geoffroy-
Sain t-Hilaire , 36, à Paris.
*Harkavy (Albert), bibliothécaire de la Biblio-
thèque impériale publique, à Saint-Péters-
bourg.
Harlez (C. de), professeur à l'Université, à
Louvain.
Hebbelynck (Adolphe), professeur à l'Univer-
sité, à Louvain.
Hélouis , consul de France en mission , avenue
des Ternes , 5 1 , à Paris.
Henry (Victor), professeur à la Faculté des
lettres de Paris, rue Notre -Dame -des -
Champs, io5,àParis.
LISTE DES MEMBRES. 29
MM. * Hériot-Bunoust (labbé Louis), Palazzino Cor-
sini, Basilica San Giovanni in Laterano, à
Rome.
H^ROLD (Ferdinand), licencié es lettres, an-
cien élève de TEcole des chartes, boulevard
Saint-Germain, i3a, à Paris.
HoRST (L.), rue des Veaux, ao, à Sti-asbourg.
UouDAS , professeur à l'École des langues orien-
tales vivantes, avenue de Wagram, 29, à
Paris.
HuÂRT (Clément), drogman de TÂmbassade de
France , à Constantinople.
Imbault-Huart (Camille), consul de France,
à Canton (Chine).
Jeanmer ( A.) , chancelier du Consulat de France,
à Bagdad.
Jéquier (Gustave), à Neuchâtei.
*M"*''Kerr (Alexandre), à Londres.
MM. Karpp (S.), élève de TÉcole des hautes études,
avenue de Messine, 10, à Paris.
Kesseler (Charles), place Saint -Charies, à
Tunis.
KouLiKOVSKi , professeur de sanscrit à l'Univer-
sité de Kharkov.
Lambert (Mayer), rue Guy-Patin, 5, à Paris.
Lancereau (Edouard), licencié es lettres, rue
de Poitou , 3 , à Paris.
'30 JUILLET-AOÛT 1894.
MM.*Landberg (Carlo , comte de) , docteur es lettres ,
au château de Tùtzing (Haute-Bavière).
*Lanman (Charles), professeur de sanscrit à
Harvard Collège, à Cambridge (Massachu-
setts).
Lavallée- Poussin (Gaston de), professeur à
rUniversité, à Gand.
Ledoulx (Alphonse), premier drogman de T Am-
bassade de France, à Smyrne.
LefÈvre (André), licencié es lettres, rue Haute-
feuilie , 2 1 , à Paris.
LefÈvre Pontalis, rue Montalivet, 3, à Pa-
ris.
Leriche (Louis), à Rabat (Maroc).
Leroux (Ernest), éditeur, rue Bonaparte, 28,
à Paris.
* Lestrange (Guy), piazza Indipendenza , 22, à
Florence.
Levé (Ferdinand), rue Cassette, 17, à Paiis.
LÉvi (Syl.), maître de conférences à TEcole
des hautes études, place Saint-Michel, 3, à
Paris.
LiÉTARD (le D"), médecin inspecteur des eaux,
à Plombières.
LoiSY (l'abbé), amnônier, rue du Château, 19 ,
à Neuilly (Seine).
LoRGEOU (Edouard), consul de France à Ran-
goon (Birmanie).
LuciANi , sous-chef de bureau au Gouvernement
général, à Alger.
LISTE DES MEMBRES. 51
MM. * Machanoff, profeisseur au Séminaire rdigiëùx ,
à Kazan.
Malati Dôbresco , élève de l'Ecole des hautes
études, à Paris. ^
Mallet (Dominique) , boulevard Raspail, 218,
à Paris.
*Margoliouth (David-Samuel), professeur d'a-
rabe à l'Université, New-GoUege, à Ox-
ford.
Marrache, rue Laffon, 10, à Marseille.
Marre (Aristide), chargé du cours de malais
et de javanais à TEcole des langues orien-
tales, à Vaucresson, près Saint-Gloud.
*Maspero, membre de Tlnstitut, professeur au
Collège de France, ancien directeur général
des Musées d'Egypte, avenue de l'Obser-
vatoire , 2 4 , à Paris.
Massieu de Clerval (Henri), rue Mademoi-
selle, à Versailles.
Malnoir (Chartes), secrétaire général de la
Société de géographie, à Paris.
Méghineal (l'abbé), rue de Sèvres, 35, à Pa-
ris^
Mehren (le D*"), professeur de langues orien-
tales, à Copenhague.
Meillet (Antoine) , agrégé de grammaire , élève
de l'Ecole des hautes études, boulevard
Saint-Michel, a 4, à Paris.
Mélétie Dôbresco, supérieur de l'Eglise rou-
maine, rue Jean-de-Beauvais , 9, à Paris.
32 JUILLET-AOÛT 1894.
MM. Mercier (Ë.)f interprète-traducteur assermenté,
membre associé de TEcole des lettres d'Alger,
rue Desmoyen , 1 9 , à Gonstantine*
^ Merx (A.), professeur de langues orientales, à
Heidelberg.
Michel (Charles), professeur à FUniversité,
avenue d'Avroye , 1 1 o , à Liège.
MicHELET, colonel du génie en retraite , rue de
rOrangerie, 38, à Versailles.
* Mission archéologique française , au Caire.
MM.*Mocatta (Frédéric D.), Connaught place, à
Londres.
MoNTET (Edouard), professeur de langues
orientales à l'Université de Genève, villa des
Grottes.
Morgan (J. de) , directeur des Musées d'Egypte ,
au palais de Ghizeh.
MouLiÉRAS, professeur d'arabe au Lycée, à
Oran (Algérie).
MuiR (Sir William), Dean Park House, à
Edimbourg.
*MuLLER (Max), professeur, à Oxford.
Neubauer (Adolphe), à la Bibliothèque Bod-
léienne , à Oxford.
NouET (l'abbé René), chanoine, rue Saint-
Vincent , 2 5 , au Mans.
Oppert (Jules), membre de l'Institut, profes-
seur au Collège de France, rue de Sfax, a ,
à Paris..
LISTE DES MEMBRES. 33
MM. Ottavi (Paul), vice-consul de France, à Mas-
cate.
* Parrot-Laboissiére (Ed.-F.-R.), Barrière S^-
Catherine , par Moulins.
*Patorni, interprète principal à la division, à
Oran.
Pereira (Estèves), lieutenant du génie, Poço
do Borratem , 4 , à Lisbonne.
*Perrdchon (Jules), élève diplômé de TEcole des
hautes études , rue de Varennes , 1 4 , à Paris.
Pertsch (W.), bibliothécaire, à Gotha.
Petit (l'abbé), à Romescamps , par Abancourt
(Oise).
Pfungst (D"" Arthur), Gaertnerweg, 2, à
Francfort-sur-le-Mein .
*Philastre (P.), lieutenant de vaisseau, inspec-
teur des affaires indigènes en Cochinchine,
à Cannes.
Piehl (le D"" Karl), professeur d'égyptologie à
rUniversité, à Upsal.
*PiJNAPPEL, docteur et professeur de langues
orientales, à Middelbourg.
Pin ART (Alphonse), à San-Francisco.
Platt ( William ),CaHis Court, Saint-Peters , île
de Thanet (Kent).
Pognon, consul de France, à Bagdad.
PoussiÉ (le D'), rue de Valois, 2, à Paris.
PuiETORius (Frantz), Lafontaine strasse, 17, à
Halle.
IV. 3
»
*
34 JUILLET-AOÛT 1894.
MM. Prym (le professeur E.), à Bonn.
Quentin (labbé), aunriônier au lycée Louis-le-
Grand, rue Saint Jacques, 1^3, à Paris.
Uaboisson (l'abbé), rue de Viiliers, 8o, à Levai-
lois.
Rat (G.), secrétaire de la Chambre de com-
merce, à Toulon.
Ravaisse (P.), chargé de cours à TEcoie des
langues orientales vivantes, avenue Kléber,
39, à Paiîs.
Regnaud (Paul), maître de conférences pour
le sanscrit, à la Faculté des lettres, à
Lyon.
* Régnier (Adolphe), rue de Grenelle, 35, à
Paris.
Remzi Bey (le colonel Hussein), professeur à
rÉcole impériale de médecine » à Gonstanti-
nople.
Reuter (le D' J. N.), docent de sanscrit et de
philologie comparée, à TUniversité de Hel-
singfors.
*Revillout (E.), conservateur adjoint au Musée
égyptien, professeur à l'Ecole du Louvre, à
Paris.
*Reynoso (Alvaro), docteur de la Faculté des
sciences de Paris, à la Havane.
* Rimbaud, rue de Versailles, 89, an Chesnay,
près Versailles.
LISTE DES MEMBRES. 35
MM* RiviÉ (rabM), curé de Seint-François^Xavier,
boulevard des Invalides, 89, à Paris.
RoDST (Léon), ingénieur des tabacft, rue des
Botiiangers , 3o , à Paris.
RoOKR^BoniiAND; candidat en théologie, à Mon-
treux.
* Rolland ( ë« ) , rue des Fosgéft*âaint>Bernard , 6 ,
à Paris.
Roque -Ferribr, chancelier du Consulat de
France, à Tauri» (Perse).
RosNT (Léon de), professeur à l'École des
langues orientales vivantei, avenue Du-
queane, 47, à Paris.
RoTH (le professeur), bibliothécaire en chef de
rUnivcrsité, à Tubingen.
*Roi]SE (W. D. H.), Christ's Collège, à Cam-
bridge.
Rylands (W, F. S. A.), secrétaire de la Société
d'archéologie biblique , Great Russell street ,
37, Bloomsbury, à Londres.
Sabbathier, agrégé de TUniversité, rue du
Cardinal-Lemoine , i5, à Paris.
SAtVAîRE (Henri), correspondant de Tlnstitut,
consul honoraire, à Robei*nier, par Mont-
fort-sur-Argen5 (Var).
ScHEFER (Charles), membre de llrtstitut, pro-
fesseur de persan et administrateur de FEcoie
^s langues ori^itales virante», rue de Lille, 2 ,
à Paris.
36 JUILLET-AOÛT 1894.
MM. ScHMiDT (Valdemar), professeur, à Copen-
hague.
Schwab (M.), bibliothécaire à la Bibliothèque
nationale , cité Trévise , 1 4 , à Paris.
Senart (Emile), membre de Tlnstitut, rue
François I", 1 8 , à Paris.
*SiMONSEN, rabbin, à Copenhague.
SiouFFi, consul honoraire de France, à Damas.
SociN, professeur à fUniversité, Schreber-
strasse , 5 , à Leipzig.
SoNNECK (de), interprète principal à rÉtat-major
de l'armée , au Ministère de la guerre , à Paris.
Specht (Edouard), rue du Faubourg-Saint-
Honoré, 19 5, à Paris.
Spiro ( Jean) , à Vufflens-la-Ville, près Lausanne.
Steinnordh (J. H. W.), docteur en théologie
et en philosophie , à Linkôping.
Strehly, professeur au lycée Louis-le-Grand ,
rue de Vaugirard , 1 6 , à Paris.
Strong (Arthur), lecteur d'assyrien à l'Univer-
sité , à Cambridge.
Tailleper, docteur en droit, ancien élève de
l'Ecole spéciale des langues orientales, bou-
levard Saint-Michel, 81, à Paris.
Talou , employé à l'Administration de la dette
ottomane, à Constantinople.
Teutsch (Alfred).
Textor DE Ravisi (le baron), rue de Turin,
38, à Paris.
LISTE DES MEMBRES. 37
MM; TouHAMi BÊN Larbi, interprète judiciaire asser-
menté à Ksar et-Tir, Sétif (Algérie).
Tronquois (Emmanuel), rue Denfert, iS bis,
à Paris.
*TuRRKTTiNi (François), rue de THôtel-de-Ville,
8 , à Genève.
TuRRiNi (Giuseppe), professeur de sanscrit k
rUniversité de Bologne.
Vasconcellos-Abreu (de), professeur de sanscrit,
rua Barata Salgueiro, i 5, à Lisbonne.
Vaux (Bernard de), rue de TUniversité, 8, à
Paris.
Verîies (Maurice), directeur adjoint à TEcole
des hautes études, rue Notre-Dame-des-
Champs, 97*", à Paris.
ViLBERT (Marcel), drogman de l'Ambassade de
France, à Constantinople.
ViNSON (Julien), professeur à TÉcole des
langues orientales vivantes, rue de VerneuH,
52 , à Paris.
VissiÈRE (Arnold), premier interprète de la
Légation de France, à Pékin.
Vogué (le marquis Melchior de), membre de
rinstitut, ancien ambassadeur de France à
Vienne, rue Fabert, a , à Paris.
Wade (Sir Thomas), à Londres.
Wilhelm (Eug.), professeur, à léna.
*Wyse (L.-N. Bonaparte), villa Isthmia, au Cap
Brun, par Toulon.
38 JUILLET-AOÛT 1804.
MM. Z0ERO8 Pacha, général de brigade, profes-
seur de clinique à la Faculté de médecine
deConstantinople, rue Âgha Haman , à Péra.
*ZoGRAPHOS (S. Exe. Christaki Effendi), avenue
Hoche, 22, à Paris.
ZoTENBERG (H.-Th.), bibliothécaire au dépar-
tement des manuscrits de la Bibliothèque
nationale, avenue des Ternes, 96, à Paris.
II
LISTE DES MEMBRES ASSOCIÉS ÉTRANGERS
SUIVAirr L«ORDRE pES NOMniATIOlfS. •
MM. Rawlinson (Sir H. C), à Londres.
Weber, professeur à l'Université de Berlin.
Salisbury (E.), membre de la Société orien-
taie américaine, 287, Church street, à New-
Haven (Etats-Unis).
III
LISTE DES SOCIÉTÉS SAVANTES ET DES REVUES
AVEC LESQUELLES
LA SOC^TÉ ASIATIQUE ÉCHANGB SES PUBLirATIONS.
Académie de Lisbonne.
Académie db Saint-Petersbodro.
Royal Asiatic Society of London.
LISTE DES SOCIÉTÉS SAVANTES ET DES REVUES. 99
Royal Asiatic Society op Bengal , à Calcutta.
Deutsche MORGENLiENDiscHB Gesellschakt, à Halle.
ÂBfERicAN Oriental Society, à New-Haven (Etats-
Unis).
Royal Asiatic Society op Japan , à Tokio.
Bombay branch of the Royal Asiatic Society, à
Bombay.
Societa Asiatica italiana , à Florence.
Reale Accademia dei Lincei, à Rome.
John Hopkins University, à Baltimore (Etats-Unis).
Soci^.TÉ finno-ougrienne, à Helsingfors.
Société de géographie de Paris.
Société de géographie db Genève.
Royal Geographical Society, à Londres.
Société des sciences de Batavia.
Société historique algérienne.
Deutsche Gesellschakt fur Na'Àjr- und Vœlker
KUNDE Ostasiens, à Tokio.
Société de philologie, à Paris.
Provincial Muséum, à Lukhnow.
Indian Antiquary, à Bombay.
POLYBIBLION , à Parfs.
Revue de l'Histoire des religions.
American journal op ARCHiEOLOGY, à Baltimore.
40 JUILLET-AOÛT 1894.
IV
LISTE DES OUVRAGES
PUBLIAS PAR LA SOCIETE ASIATIQUE.
En vente chez M. Ernest Leroux , éditeur, rue Bonaparte , 28 , à Pari^.
Journal asiatique, publié depuis i8aa. La collection est en
partie épuisée.
Chaque année a5 fr.
Choix de fables arméniennes du docteur Vartan, en armé-
nien et en français, par J. Saint-Martin et Zohrab. 18a 5,
in-8» 3fr.
Eléments de la grammaire japonaise, par le P. Rodriguez,
traduits du portugais par M. C. LanJresse, etc. Paris,
i8a5 , in-8°. — Supplément à la grammaire japonaise , etc.
Paris, i8a6, in-8*. (Épuisé.) 7 fr. 5o
Essai sur le Pâli, ou langue sacrée de la presqu île au delà
du Gange, par MM. E. Burnouf et Lassen. Paris, 18a 6,
in-8^ (Épuisé.) i5 fr.
Mbng-tseu vel Mengium, latina înterpretatione ad interpre-
tationem tartaricam utramquc recensita insiruxit, et per-
pctuo commentano e Sintcis deprompto illustravit Stanis-
las Julien. Latetiœ ParisloruM , 18a 4* 1 vol. in-8^. . 9 fr.
Yadjmdattabadha , ou LA Mort d*Yadjnadatta, épisode
extrait du Ramàyana^ poème épique sanscrit, donné avec
le texte gravé, une analyse grammaticale très détaillée,
une traduction française et des notes, par A.-L. Chézy, et
suivi d'une traduction latine littérale, par J.-L. Burnouf.
Paris, 18a 6, in-4*f avec quinze planches 7 fr. 5o
OUVRAGES PUBLIÉS PAR LA SOCIÉTÉ ASIATIQUE. 41
Vocabulaire de la langue géorgienne, par J. Klaproth.
Paris, 1827, iii-8' , 7 fr. 5o
Élégie sur la Prise d'Édesse par les Musulmans , par Ner-
sès Klaietsi, patriarche d* Arménie, publiée pour la pre-
mière fois en arménien, revue par le docteur Zohrab.
Paris, i8a8, in-8» 4 fr. 5o
La Reconnaissance de Sagountalà, drame sanscrit et prà-
crit de Câlidàsa , publié pour la première fois sur un ma-
nuscrit unique de la Bibliothèque du Roi, accompagné
d'une traduction française, de notes philologiques, cri-
tiques et littéraires, et suivi d*un appendice , par A.-L.
Chézy. Paris, i83o, in-^"*» Rvec une planche lo fr.
Chronique géorgienne, traduite par M. Brosset. Paris, Im-
primerie royale, i83o, grand in-8** 9 fr.
Ghrestomathie chinoise (publiée par Klaproth). Paris,
i833, in-8' 7 fr. 5o
Eléments de la langue géorgienne, par M. Brosset. Paris,
Imprimerie royale, 1837, iii-S" 9 fr.
GÉOGRAPHIE d'Aroulféda, texte arabe pub!ié par ReinauJ
et le baron de Slane. Paris, Imprimerie royale, i84o,
in-4' a4 fr.
Radjataranginî, ou Histoire des rois du Kachmîr, publié
en sanscrit et traduit en français, par M. Troyer. Paris,
Imprimerie nationale, 3 forts vul. in-8'' ao fr.
Précis de législation musulmane, suivant le rite malékite,
par Sidi Khalil, publié sous les auspices du Ministre de la
guerre, 5* édition. Paris, Imp. nat. , 1 883 , in-8*. ... 6 fr.
42 JUILLET-AOÛT 1894.
COLLECTION D'AUTEURS ORIENTAUX.
Les Voyages d*Ibn Batoutah , toxle arabe el traduction par
MM. C. Defrémery et Sanguinetti. Paris, Imprunerie na-
tionale , 4 vol. in-8°. Chaque volume 7 fr. 5o
Table alphabétique des Voyages d'Ibn Batoutah. Paris,
1869, in-8' a fr.
Les Prairies d*or de Maçoudi, texte arabe et traduction
par M. Barbier de Meynard (les trois premiers volumes
en collaboration avec M. Pavef de Courteille). 9 vol. in-8".
(Le tome IX comprenant Tlndex. ) Chaque vol. . . 7 fr. 5o
Le Mahâvastu, texte sanscrit, publié pour la preiiiière fois,
avec des Introductions el un Co.umentaire , par M. Em. 3e-
narl. Volumes I et If. 2 forls volumes in-S". Chaque vo-
lume a5 fr.
Chants populaires des Afghans, recueillis, publies et tra-
duits par James Darmesteter. Précédés d'une Introduction
sur la langue, Thistoire et la littérature des Afghans.
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Journal d'un voyage en Arabie (i883-i884), par Charles
Huber. Un fort volume in-8°, illustré de dichés dans le
texte et accompagné de planches et croquis. . . . < . 3o fr.
Nota, Les membres de la Société qui s*adresseroiit directement
au libraire de la SociëtJ, M. Ernest Leroux, rue Bonaparte, 28, à
Paiis, auront droit ù une remise de 33 p. 0/0 sur les piix de tous
les ouvrages ci-dessus , à Texception du Jonrnal asiatique.
LES PARTHES X JÉRUSALEM. 43
LES PARTHES A JERUSALEM,
PAR
M. J. DARHESTETER.
I
Un tableau continu des rapports d'Israël avec la
Perse, depuis Tavènement de Cyrus et le retour de
Babylone jusqu'à la conquête arabe, formerait un
des chapitres les plus instructifs de l'histoire intel-
lectuelle et religieuse des deux races durant cette
période de féconde activité qui a duré douze siècles.
Cette étude se diviserait naturellement en trois
parties, correspondant aux trois grandes périodes
de l'histoire de la Perse : période achémt'nide , pé-
riode arsacide ou parthe, période sassanide. Mais la
géographie y introduirait une division non moins
importante que celle que dicte la chronologie. Car,
depuis le retour de la captivité , Israël se divise en deux
branches : la branche juive de Judée et la branche
juive do Babylonie. Cette dernière seule est soumise
d'une façon directe et continue aux influences venues
de la Perse. L'autre ne leiu* est soumise directement
que sous le règne des Achéménides ; dans les pé-
riodes suivantes elle n'en reçoit que le contre-coup ,
4'4 JUILLET-AOÛT 1894.
généralement par l'intermédiaire des écoles dont les
maîtres et les élèves vont et viennent entre les uni-
versités de Palestine et cdles de Babylonie.
On a reconnu depuis longtemps, eri gros et d*une
façon générale, l'existence d'actions et de réactions
entre la pensée juive et la pensée persane, et cest
dans la littérature religieuse que ces actions se
montrent le plus clairement. C'est surtout durant la
dernière des trois périodes perses , la période sassa-
nide, de l'an 226 à l'an 65a de notre ère, qu'elles
paraissent continues et puissantes, soit qu'il n'y ait
là qu'une apparence, due au fait que les documents
qui nous restent sont plus riches pour cette période,
soit que l'apparence réponde à la réalité même. On
sait combien de reflets le Talmud nous présente de
la civilisation et du folklore sassanidè; et d'autre part
nous avons essayé de montrer, après MM. Bréal,
Halévy et Paul de Lagarde, que les derniers rédac-
teurs de l'Avesta connaissaient la Bible ou le système
biblique , qu'ils s'en étaient inspirés dans leur con-
ception de l'histoire du monde, et que la donnée
biblique est un des éléments multiples qu'ont jetés
dans leur creuset les créateurs du Mazdéisme sassa-
nidè ^ J'ai aussi montré ailleurs^ que le syncrétisme
historique des premières chroniques arabes , ces essais
d'assimilation et de synchronisme entre les grands
faits légendaires ou historiques de la Perse et ceux
d'Israël , ne sont pas une création des historiens mu-
^ Zend Âvesta (dans le Musée Gaiinet)^ vol. III, introduction.
'Textes pehlvis relatifs au Judaïsme.
LKS PARTHËS X JÉRUSALEM. 45
sulmans, postérieure à la conquête arabe, mais re-
montent plus haut, et ont été élaborés, à Fombre
des imiversités sassanides, entre les docteurs juifs
et les Mages.
Pour les deux premières périodes — Achémé-
nides et Arsacides — les documents font à peu près
défaut. La première a laissé seulement quelques
traces historiques dans la Bible : dans lés fameux
chapitres du second Isaïe où le prophète salue Cyrus
et polémise peut-être contre le dualisme; dans les
livres d'Esdras et de Néhémie, et, indirectement,
dans les livres, à couleur persisante, d'Esther et de
Daniel. Mais d une influence proprement dite de la
Perse achéménide sur la pensée juive, il ny a pas
de trace apparente. Nous connaissons d'ailleurs si
peu de chose de Thistoire dlsraël durant la longue
période qui va do lavènement de Cyrus à la conquête
d'Alexandre et à Tentrée en scène de l'hellénisme,
que toute conclusion positive serait hasardeuse, et
tout ce que nous pouvons , c'est de constater provi-
soirement l'absence de tout indice visible d une ac-
tion achéménide sur le Judaïsme.
Une dynastie grecque, les Séleucides, recueillit
l'héritage des Achéménides. Cette dynastie, bientôt
battue en brèche par les réactions nationales, suc-
combe en Babylonie devant les progrès de la dy-
nastie parthe ou arsacide qui prend définitivement
possession de la capitale grecque, Sëleucie, au mi-
lieu du second siècle avant notre ère. En Judée, la
46 JUILLET. AOCT 1804.
dynastie grecque disparaît devant une insurrection
nationale qui assure pendant près de quatre-vingts
ans Tindépendance juive sous une dynastie indigène ,
celle des Maccabées^ Mais cette période d'indépeti*
dance nationale n est qu*un court inte«inèdc entre
deux dominations étrangères : en Tan 3 7 avant notre
ère , 1 avènement de Tiduméen Hérode , créature dôs
Romains, marque Tinstailation à Jérusaiem de la
domination romaine qui durera jusqu'à la conquête
arabe.
Je n'ai pas à parler ici des actions multiples exer-
cées par rhellénisme sur la pensée juive : c'est tout
un monde. Je veux seulement appeler lattention sar
certains rapports historiques qui se soiit établis à
une certaine époque entre les Juifs de Palestine et
les Parthes et qui peut-ctre ont laissé leur trace dans
l'histoire religieuse dé la Palestine au premier siècle
de notre ère.
II
C'était en l'an â 1 avant le Christ, durant l'agonie
de la dynastie maccabéenne. Le dernier pontife ad-»
monéen, le faible Hyrcan, était un jouet aux mains
d'Hérode. Pendant plus de vingt-cinq ans, le frère
d'Hyrcan » l'aventureux Aristobule , qui , à défaut de
l'esprit de sainteté , disparu sans retour, de lancétro
Mattathias , avait du moins encore dans les veines le
^ De Tan i4o, date de l'investiture de Siméon Maccabée, à
l'an 65 y date de la réduction de la Judée en ethnarchie tributaire
par Pompée; on miettx à l'an ^7, date de Favèûefflent âttèroée.
L£S PARTHBS À JÉRUSALEM. 47
sang guerrier de Judas Maccabée , avait lutté , sans se
Jasser, mais sans succès, contre la fortune de Tldu-
méen, protégé de Pompée. La guerre de César et de
Pompée lui avait rendu des chances : car, en 69,
César lavait envoyé en Palestine avec deux légions
reconquérir son royaume sur les Pompéiens. A peine
arrivé, Aristobule avait péri empoisonné par ses en-
nemis, mais il avait trouvé dans son fils Antigone
im héritier de ses ambitions.
A la mort de César, une occasion splendide s offrit.
La guerre civile divisait de nouveau Tempire, et le
parti républicain, se sentant plus faible, faisait
appel à l'étranger, aux Parthes. En 6 21 , Cassius leur
avait envoyé un ambassadeur, Labienus, pour com-
biner un mouvement commun contre les triumvirs.
Cassius et &rutus périrent à Philippes, la môme an-
née , avant que les Parthes se fussent décidés. Mais
Labienus, resté à la cour d'Orodès, réussit enfin à
le convaincre et, en 4 1 , le colosse asiatique s ébranla.
«La politique parthe, dit Renan, n avait pas Tesprit
de suite de celle de Rome ; mais ses apparitions mo*
mentanées étaient terribles. L'organisation féodale,
presque germanique, de larmée, prêtait à des in-
vasions de cavalerie iiTésistibles ^ » En Tan 60, ime
armée parthe, conduite par Pacore, le fils d'Orodès,
et par Labienus, envahit la Syrie, dont le gouver-
neur, Decidius Saxa, est vaincu et tué. La Syrie,
pressurée jusqu'au sang par les gouverneurs de la
République, acclame le jeune souverain parthe.
* Histoire du peuple d'Israël, V, 206*
48 JUILLET-AOÛT 1804.
Jadis Ântigone, après la mort tragique de son
père, s était réfugié avec ses sœurs auprès d*un des
roitelets du Liban, Ptolémée, prince de Ghalcis,
qui avait épousé une de ses sœurs. Au moment de
l'invasion parthe, Ptolémëe venait de mourir; mais
le fds de Ptolémée, Lysanias, en neveu dévoué, alla
trouver le chef parthe et lui promit mille talents et
cinq cents femmes du harem d*Hérode et des fa-
milles hérodiennes, s'il renversait Hyrcan et établis-
sait Antigone roi à Jérusalem ^ Les Parthes se mirent
en marche allègrement : Pacore s avançait le long
des côtes et le satrape Barzapharnès par les terres.
Mais, sans les attendre, Ântigone avait rassemblé ses
partisans dans la région du Garmel, avait marché
sur Jérusalem et investi le palais royal. Hérode et son
frère Phasael repoussèrent son assaut avec vigueur
et, après un combat dans le bazar de Jérusalem,
contraignirent Antigone àse retrancher dansle temple.
Hérode , pour le surveiller et le serrer de près , établit
une garde de soixante hommes dans les maisons voi-
sines du temple : mais le peuple était pour le chef
national et mit le feu à ces maisons. La fête de la
Pentecôte approchait: le peuple, affluant dans la
ville de tous les côtés du pays, grandissait le nombre
des combattants et chaque jom^ le sang coulait.
Antigone aJors proposa de faire entrer les Parthes
comme médiateurs. C'étaient des médiateurs gggnés
d'avance. Barzapharnès envoya un corps de cinq
* Bellwn Jttdaicum j l ^ i3.
LES PARTHES À JÉRUSALEM. 49
cents cavaliers. Les Hérodiens comprirent que ia
résistance était inutile : Hérbde s'enfuit en emme-
nant ses femmes; son frère Phasaei se laissa prendre
et se brisa la tête contre un mur dans sa prison ; le
grand prêtre Hyrcan lut livré à son neveu Ântigone
qui, voulant rétablir en sa personne la monarchie
maccabéenne dans sa plénitude — sacerdoce et
royauté — fit couper les oreilles à son oncle pour le
rendre incapable d approcher désormais les autels ^
Pour proclamer son double caractère de roi et de
pontife, il frappa des monnaies bilingues, à son nom
grec d*Antigone et à son nom juif de Mattathiah,
sur ime face la légende : BAZIAEQZ ANTirONOY,
sur l'autre la formule ancienne : Snan jnDn nTinD
D'»mn'»n "innn, « Mattathiah , le grand prêtre, et le con-
seil des Juifs ^».
Pendant trois ans Jérusalem et la Judée eurent
l'illusion d une renaissance nationale. Mais la fortune
de Rome reprenait le dessus. Ventidius, envoyé en
Syrie, avait refoulé les Parthes au delà de FEuphi^ate;
Hérode, réfugié à Rome, recevait du Sénat, sur la
proposition d'Antoine et d'Octavien , le titre de roi
des Juifs, et le dernier des Maccabées était déclaré
ennemi de la République [ig ans avant le Christ).
Même avec l'appui de Rome, il fallut à Hérode deux
années pour conquérir le royaume que le Sénat lui
avait octroyé, à charge de le prendre. Antoine lui
envoya deux légions sous les ordres de Sosius , gou-
* Lcvitique, XXI, 17, sq.
' Renan, loco cit,, V, 209.
IV. ^
IMMIMBUB «ATiUSALk.
50 JUILLET-AOÛT 1894.
verneur de Syrie; Jémsdem , assiégée par une armée
de près de soixante mille hommes et ravagée par la
famine — on était dans i année sabbatique — tint
cinq mois. La ville prise, ses défenseurs se réfù*
gièrent dans le temple, qu'ils défendirent avec un
courage obstiné. Le temple fut emporté et noyé dans
le sang. Les assiégés se faisaient massacrer en glori-
fiant le temple et annonçant au peuple une déli^
vrance divine^.
11 y avait déjà vingt-cinq ans que la Judée était
déchirée entre les partis politiques, sans que le cœur
même de la nation y eût pris jusque-là grand inté-
rêt- Tant que la lutte durait entre des Hasmonéens
également profanes ou dégénérés , entre un Aristo-
bule et un Hyrcan , le peuple assistait en spectateur
indifférent ou écœuré : mais cette fois la question se
posait entre un Maocabée et un Iduméen , entre la
royauté nationale et un esclave de Rome, entre Je*
hova et les oppresseurs du monde. Aussi le siège de
Tan 37 avant le Christ fut comme une première
répétition générale du grand siège de Titus, et laissa
entrevoir les exaltations de Tan 70. Antigone avait
été fait prisonnier et réservé pom* le triomphe d'An-
toine : mais, malgré les exécutions sommaires et les
spoliations qui frappaient les partisans de iHasmo*
néen, Jénissdem ne pouvait se résigner à subir Hé*
^ HokXd Te ive^fiiiov 'zsepï tô Upàv, xai isroAAà êic* evÇrffticf, roO
èi^^oVf œs pvaofiévov rSv xtvSvvuv avToùf to0 &tov (Joseph, Anti-
quités, XIV, 16, 2, éd. Richter).
L£S PARTHES K JÉRUSALEM. 51
rode tant qu*Âotigone vivait , avoue Josèphe , malgré
sa partialité pour Hérode ; il fisdlait donc qu' Antigone
périt : « Antoine , dit Strabon , fit conduire à An-
tioche Ântigone» roi des Juifs ^ et le fit décapiter; ce
fut le premier des Romains qui osa faire mourir un
r(H de la sorte, parce qu'il crut quil ny avait point
d'autre moyen de changer i esprit des Juifs et de
faire accepter Hérode qui avait été établi à sa place ;
car les tourments mêmes ne pouvaient les obliger à
• donner à Hérode le nom de roi, tant ils étaient en-
thousiastes d'Antigone^ 11 pensa qu en le déshonorant
ainsi, U obscurcirait sa mémoire et atténuerait faver-
sion contre Hérode ^. »
III
Durant les longs jours d'oppression et de honte
qiii suivirent, les patriotes durent souvent se reporter,
avec un regret mêlé d'espérance , vers ces alliés loin-
tains dont la présence dans les murs de la cité sainte
avait suffi pour rétablir un temps la gloire antique.
Si, même aux heures les plus tristes, ils ne dirent
jamais — car ce n'était point dans leur esprit de le
dire : — « le Ciel est trop haut », ils durent dire plus
d*une fois : « les Parthes sont trop loin ». On se rap-
pela longtemps cette courte et splendide apparition
des héritiers de Cyrus, qui semblaient être encore,
comme jadis, les libérateurs nés d'Israël, choisis par
Dieu pour affranchir son peuple et glorifier son saint
I OUtùôs \Uya tï UppopoOp mtpi toS ttptiTov fiaatXicM,
* Cité dans Joseph, Antiquités, XV« I, i.
4.
52 JUILLET-AOÛT 1894.
nom. Quand les cavaliers bardés de fer, venus des
confins de f Orient, montèrent les rues de la ville
haute, aux cris mêlés de : Vivent les Parthes! Vive
Mattathiah , roi des Juifs ! Vive Jéhova ! et envoyèrent
leurs offrandes au sanctuaire, comme le faisaient
tous les étrangers qui passaient à Jérusalem ^ mais
comme aucun ne dut jamais le faire devant un peuple
plus sympathique, on se répéta, on commenta dans
toutes les synagogues et sur les marches du temple
les acclamations dlsaïe à Cyrus^ :
« Ainsi dit fEternel à son oint, à Cyrus ♦
«Moi, devant toi, j'irai; j'aplanirai les chemins
tortus, je briserai les portes d'airain , je ferai éclater
les barreaux de fer;
« afin que tu saches que je suis TEtemel, qui t'ap-
pelle par ton nom, le Dieu d'Israël.
« Pour l'amour de Jacob , mon serviteur, et dls-
raël, mon élu, je t'ai appelé par ton nom; je tai
désigné et tu ne me connaissais pas ...
a Afin que Ion sache du soleil levant au couchant
qu'il ny en a point d'autre que moi, que je suis
l'Eternel et qu'il n'en est d'autre ...»
Et Cyrus répondait :
«Oui, certes, tu es le Dieu caché, le Dieu d'Is-
raël, le Sauveur! »
Le prestige de l'alliance parthe était tel qu'A sur-
' Même les Romains. Le refus de recevoir les offrandes des Ro-
mains fut le signal de la grande insurrection.
* Isaîe , XLV, i , 2 , 3 , 4,6, 1 5.
LES PARTHES X JÉRUSALEM. 5^
vécut même à la déception de Tan 70 et à la neutra-
lité malveillante de Vologèse. Vologèse, prince aux
ambitions théologiques et qui rêva le premier la con-
stitution ou la restitution d un livre religieux pour la
Perse, était animé contre les Juifs d'une jalousie
dogmatique. Il avait guerroyé contre leur prosélyte
Izate, quand il introduisit le judaïsme à la cour
d'Adiabène , et s'il ne prit pas part au siège de Jéru-
salem, c'est que Vespasien, à qui il ofiFrait le secours
de sa cavalerie, crut prudent de refuser les dons du
Parthe, Malgré tout, l'impression resta vivante en
Israël que le Parthe , l'héritier de Cyrus et l'ennemi
invincible de Rome, était l'instrument prédestiné des
promesses divines. Cette pensée consolait encore les
Juifs, même quand fut écrasée l'insurrection de Bar-
Kokheba, dernier effort du Messianisme révolution-
naire. « Les destructeurs du temple tomberont devant
les ParthesN, disait R. Juda, un des hommes qui
avaient vu la sanglante répression d'Adrien. Et quel-
ques années plus tard, R. Simon, fds de Yokhai,
répétait : « Quand le cavalier Parthe attachera son
cheval aux tombes de Palestine, tu peux attendre
l'arrivée du Messie^. »
Cette heure unique de l'an Ix 1 mit en face Hérode
et les envoyés de Pacore , l'homme qui devait pour
* En hébreu, les Perses, D^D"1D» le terme «Perse» désignant les
maîtres de l'empire iranien à toutes les époques. — Graetz, Ge-
schichte derJuden, IV, 472 (2" édj .
'Dans le texte, le cheval perse, >D1D D1D; cf. note précédente.
54 JUILLET-AOOT 1894.
deux générations de Juifs et de Judéo-Chrétietis re-
présenter Tidéai de 1 abomination , et les envoyés
d'un peupie illustre qui venait de TOrient au secours
dlsraëi. Les robes blanches des Mages qui accom-
pagnaient les armées furent-belles vues au milieu des
cuirassiers de Pacore montant vers le temple? A tout
le moins, le peuple lointain dont les autels étaient
ou passaient pour servis par les Mages avait paru
en sauveur dans la cité sainte, en face de Todieux
Hérode. Cette rencontre directe de la Judée et des
Parthes , cette rencontre unique se faisait à une heure
où Tâme de la nation était tendue tout entière dans
une immense attente, qui, restant nationale ches les
uns, allait devenir spirituelle chez les autres; et Ton
peut se demander si de cette chevauchée éblouissante
et rapide il ne resta pas dans une partie de la nation
une grande et symbolique image : les Mages étaient
venus de TOrient, à la face d'Hérode, saluer le Mes-
sie d'Israël,
NOTE SUR LA CHRONOLOOIÊ DU NÉPAL. 55
: • 1 ■ .1 1 I ■ ■ - 1^ - ■■! S3
NOTE
SUR
LA CHRONOLOGIE DU NÉPAL,
PAR
M. SYLVAIN LÉVL
La chronologie ancienne du Népal, fondée par
les découvertes épigraphiques de Bhagvânlâi In-
drâjî\ enrichie par les recherches de M. Bendail^,
paraît être désormais fixée par les ingénieuses et sa-
vantes combinaisons de M. Fleet^.M. Fieet suppose
un partage singulier du pouvoir royal entre deux
dynasties parallèles , étahHes dans la même capitale
et dans des palais distincts , la famille Licchavi ou
Sûryavamçî de Mânagrha et la famille Thâkurî de
Kailâsakûtabhavana. Le fondateur de la dynastie Thâ-
kurî , Amçuvarman , mahàsâmanta et plus tard ma-
hârâjâdhirâja, règne A. D. 635, 689, 6l\t\ et 6/19
^ Inscriptions from NepâL . . by Pandit Bhagvânlâi Indrâjî and
Dr. G. Bùhler, Ind, Antui., IX (1880); réimprimé à part avec un
appendice important sous ce titre : Ttventj-three inscriptions from
NepâL . . edited. . . by P. Bhagvânlâi Indrâjî together with some
considérations on the chronology of Népal translated from Gujarâti
by Dr. Bûhler. Bombay, i885.
* A Jonrney of literary ami archœological research in Népal and
Northern India (1 884-1 885 ) , by Cecii Bendfidl. Cambridge, 1886.
^ Corpus inscriptionum Indicarum, vol. 111, by J. F. Fleet. Cal-
cutta, 1888. — Appendice IV: The Chronology of the Eariy Rulers
of Népal, p. 177-193.
56 JUILLET-AOÛT 18Q4.
OU 65o; H a pour consorts, dans la dynastie Lic-
chavi, le maharaja Çivadeva I,A. D. 635, et Vfsa-
deva, vers A. D. 63o-655. Son successeur Jisriu-
gupta règne A. D. 653; en même temps que les
Licchavis Dhruvadeva maharaja A, D. 653 et Cam-
karàdeva, vers A. D. 655-68o. Après Jisnugupta la
dignité roysde passe à une autre branche des Thâ-
kurîs : Udayadeva, vers A. D. 676-700 , puis Naren-
dradeva , vers A.D.700-724, associés respectivement
aux deux rois Licchavis Dharmadeva,,vers 680-70 A,
et Mânadeva, A. D. job et 732. Le tableau dressé
par M. Fleet traduit clairement aux yeux cette com-
binaison.
Famille Licchavi
Famille Thâkurî
ou
de
Sûryavamç]
' de Mânagrha
Kailâsakûtabhavana
1
1
Çivadeva I
1
Vrsadeva
1
Amçuvarman
maharaja
vers 63o-655
mahâsâmanta.
A. D. 635
puis
1
mahârâjâdhi-
Dhruvadeva
Camkaradeva ,
râja.
•
maharaja
fils
A.D. 635, 639,
A. D. 653
du précédent,
vers
A. D. 655-680
Dharmadeva ,
644, et 649
ou 65o
Jisnugupta
aVD. 653
fils
Udayadeva
du précédent.
vers 675-700
vers
A.D. 680-760
Narendra-
Mânadeva ,
deva,
(ils
fds
du précédent,
du précédent.
A.D. 705 et «7 3 2
vers
A.D.7<
>o-724
NOTE SUR LA CHRONOLOGIE DU NÉPAL. 57
Les documents consultés et mis en œuvre par
M. Fleet sont de trois catégories : les inscriptions,
les chroniques locales (vamçâvalîs), le témoignage
du pèlerin chinois Hiouen-tsang. Les inscriptions,
datées presque toutes avec précision, ne donnent
cependant qu'ime chronologie relative; elles se ré-
partissent en deux ou trois séries datées d'ères in-
certaines , arbitrairement identifiées à 1 ère vikrama ,
à rère des Guptas ou à Tère de Harsa. L'inscription
du Golmadhi-tol, découverte et publiée par M. Ben-
dall ^, a paru résoudre la principale difficulté. Elle
est datée de samvat 3 1 6 ^, et le roi Çivadeva qui
en est lauteur, et qui prend le titre de « bannière de
la race des Licchavis , bhattâraka , maharaja » , y men-
tionne avec de pompeux éloges le mahâsâmanta
Amçuvarman; c'est pour répondre à la demande
d'Amçuvarman et pour lui donner rme marque d'hon-
neur qu'il prend la décision promulguée^. Calculée
de l'ère Gupta (3 19 après J.-C), la date de Im-
scription équivaut à 635 (ou 637 ) A. D. Précisément
Hiouen-tsang, qui visite le Népal en 637^, men-
tionne Amçuvarman comme un roi « des temps ré-
cents ». L'accord est donc parfait. Ce premier résultat
^ Jowrney, p. 72.
' Ou 3i8; le chiffre des imités est douteux. Cf. Bendall, loco cit.
* Anena prakhyâ[lâmala]vipula . . .parâkramopaçamitâmitavipak-
saprabhâvena mahâsâmantâmçuvarmmanâ vijnapitena mayaitadgau-
ravâd. . . (lignes 5, 6» 7).
* Au mois de février 637, d'après Gunningham, Ancient Geo-
graphy of India, Appendix A. Approximate chronology of Hwuen-
Thsang's traveis.
58 JUrLLBT*AO0T IS04.
permet de résoudre un second problème. Les in-
scriptions d'Âmçuvarman sont datées de samvat 34
et 39; ramenées à Tère de Harsa qui part de 606-
6o7,eiiesrépondentàran64o-64i et645-646A.D.,
et cadrent ainsi fort bien avec ia donnée fournie par
l'inscription deÇivadeva. Enfin ime indication astro-
nomique contrôle et vérifie rhypothèse. L'année sam-
vat 3 A avait un mois pausa intercalaire et deux astro-
nomes éminents admettent cette intercalation comme
possible en Tannée 64 1 •
Une difficulté subsiste cependant. Le pèlerin
Hiouen-tsang, si bien informé d'ordinaire, plaoe le
règne d'Amçuvarman avant son voyage au Népal en
637. Son témoignage est formel. L'expression j|£ fÇ
kin-tai « proche génération • désigne expressément le
passé, et MM. Chavannes, Devéria, Specht sont
unanimes à accepter la traduction de St. Julien :
« Dans ces derniers temps il y avait un roi appelé
Amçouvarman » . Il est dès lors téméraire de prolonger
jusqu*en 65o le règne d'un prince déjà décédé en
637. Sans doute , il est aisé d'incriminer la véracité
du pèlerin. Sur la foi de Beal, autorité fort discu-
table , le pandit Bhagvanlal pense que Hiouen-tsang
n'est pas allé au Népal. «Si cette supposition , comme
il semble fort probable , est correcte , la contradiction
entre les termes de Hiouen-tsang et les dates des
inscriptions admet une explication. Il devient pro-
bable que ses informations ^ sur les particularités de
* Ind. Ant., XIII, 422.
NOTE SUR LA CHRONOLOGIE DU NÉPAL. 59
la condition politique du Népal étaient inexactes ou
qu il les a mal comprises. » Dégagé ainsi de cette
impasse, M. Fleet admet que «Amçuvarman prit
rang et titre de souverain à la mort de Harsavar-
dhana , alors que , au témoignage de Ma Touan-lin ,
le royaume de Ganoge tombaen anarchie. Et Amçu-
varman est probablement le roi du Népal qui vint
avec 7,000 cavaliers au secours du général chinois
Wang Hiouen4s*e ^. » La mort de Harsavardhana sur-
vint vers 655^; Amçuvarman régnait donc encore
à ce moment.
L exactitude de Hiouen-tsang est , une fois de plus,
victorieusement établie par une série de témoignages
indépendants , empruntés à des ouvrages chinois , en
partie nouveaux, en partie aussi traduits de longue
date, mais négligés ou ignorés des indianistes. L'his-
toire des Tang, au chapitre aa î , traite du Népal et
de ses relations avec la Chine sous cette dynastie;
le passage, légèrement modifié dans les recensions
diverses, a été transcrit presque tout entier dans
ï Encyclopédie T'ong-tien^ que Ma Touan-lin copie
à son tour. Abel Rémusat a traduit la notice de Ma
Touan-lin dans ses Nouveaux mélanges asiatiques^, dès
1 8 2 9 , et M. Bushell a traduit le chapitre original de
Thistoire des Tang dans une des notes jointes à son ar-
ticle sur ï Histoire ancienne du Tibet d*après les sources
* Fieet, op. laad,,^n 190.
* Cf. I-tsing, Les JRe/i^fitfdit^mtntfnM^ trad. Ed. Ghtvannes,p. 19,
n. a.
' T. I, p. 193.
60 JUILLET-AOÛT 1894.
chinoises, en i88o^ Une autre notice , presque con-
temporaine de Hiouen-tsang , se rencontre dans un
ouvrage encore inédit étudié par M. Specht dans ses
leçons à TEcoie des Hautes Études : le Ghe-Ma-fonr
tchi (les Pays du Bouddha), compilé par Tao-suen
en 65o ^, répète à peu près textuellement le chapitre
de Hiouen-tsang sur le Népal, mais ajoute un dé-
tail important sur les destinées postérieures de ce
pays. «Actuellement, dit-il, ce royaume est sous la
domination des Tibétains ^. » Il résulte de ces docu-
ments que, antérieurement à Tannée 6^7, Narendra-
deva régnait déjà sur le Népal , quand l'envoyé Li Y-
piao traversa ce royaume pour se rendre dans l'Inde;
ce prince était encore sur le trône en 65 1 et même
en 655, quand il prêta secours à l'ambassadeur
Wang Hiouen-ts'e contre l'usurpateur qui avait suc-
cédé à Harsavardhana Çîlâditya.
Nous n'avons pas, jusqu'ici, d'inscription de Na-
rendradeva; la seule mention épigraphique de ce
prince se rencontre dans une inscription de Jayadeva,
datée de samvat l53 et qui donne la généalogie
royale^. Jayadeva est le fils de Çivadeva (U), fils de
Narendradeva , fils d'Udayadeva. En deçà de ce prince ,
la généalogie change brusquement de direction par
* Journal of the Royal Asiatic Society, new séries, XII, p. 5 2 9.
* Bunyiu Nanjio, Catalogue of the Chinese Tripitaka, n" 1470.
* Bhagvânlâl Indrâjî, n° i5; Fleet, loc, laud., p. 18Ç. La lec-
ture corrigée de M. Fleet supprime la mention des « treize princes >
entre Udayadeva et Narendradeva , et rétablit entre eux une filia-
tion directe.
NOTE SUR LA CHRONOLOGIE DU NÉPAL. 6i
une transition obscure, passe à Vasantadeva , Mâna-
deva, etc. , et laisse de côté par une omission encore
inexpliquée Amçuvarman. Narendradevay est célébré
comme un roi puissant : « Le fier Narendradeva était
honoré par tous les princes des hommes inclinés de-
vant lui , et la poussière de leurs diadèmes rangés en
guirlande autour de lui retombait sur Tescabeau où
il appuyait ses pieds. » Udayadeva n'est au contraire
mentionné que d'un mot , comme le père du roi Na-
rendradeva. Le même nom se retrouve dans une in-
scription d' Amçuvarman , datée de samvat 3 9 . Amçu-
varman y désigne , pour veiller à l'exécution de ses
ordres, le yuvarâja (prince héritier) Udayadeva.
M. Fleet , à la suite de BhagvanlaP, déclare que les
dates semblent empêcher d'identifier ce personnage
avec rUdayadeva de la lignée Thâkurî; mais la dif-
ficulté ne résulte que de Terreur initiale commise
par les deux savants, et qui les entraîne à fixer le
règne de Narendradeva cinquante ans après sa date
réelle. La valeur de l'ère employée par Amçuvar-
man et ses successeurs reste donc à déterminer. La
donnée astronomique du mois pausa intercalaire
peut suffire à résoudre le problème dans les étroites
limites de temps où la recherche est désormais per-
mise.
Pour admettre une intercalation du mois pausa
en l'année 64o A. D. , il faut d'une part accepter les
éléments fournis par le Brahma-Siddhânta , et né-
' Bhagvânlâl Indrâjî, n° 7; Fleel, p. 180*
62 JUILLET-AOÛT 1894.
gliger d autre part une règle formelle de ce système^;
un mois lunaire qui commence et finit dans ie même
mois solaire reçoit, d'après Brahmagupta, le nom
du mois solaire précédent. Le mois intereaié dans
pausa, en 64o A. D., doit recevoir le nom de mâr-
gaçira 2 , et Tannée n*a qu un seul pausa. L astrono-
mie est donc d'accord avec les autres documents
pour exclure réquivsdence proposée : 34 samvat
d'Amçuvai'man = 64 o A. D, En principe, un pausa
intercalaire n'est même jamais possible dans un CB-
lendrier strictement scientifique^; mais il p«il et
doit arriver dans le système des intercalations
moyennes. Le calcul fondé sur les éléments de cha-
cun des trois siddhântas, Sûrya, Brahma, Arya
(avec ou sans les corrections) , donne un résultat iden-
tique. Les années à pausa intercalaire dans le 3 8' siècle
du Kali-Yuga (599-699 A. D.)sont les années 3^30 ,
37491 3787 qui répondent respectivement à 629,
648, 686 A. D. La première, 6^19, est seule pos-
sible, puisque les deux autres tombent sous le règne
des successeurs d'Amçuvarman, Si Tannée 34 d'Am-
çuvarman équivaut à 629, Tan o de cette ère équi-
vaut à 594 ; c est de là qu'il faut dater le règne d'Am-
çuvarman. Comme la plupart des fondateurs de
dynasties, Amçuvarman prend pour époque d'une
ère nouvelle Tannée de son avènement. Les inscrip-
tions d' Amçuvarman s'étendent jusqu'à Tannée 39 ;
* Jacobi, The Compntation of Hindu dates, Epigrapkia Indica, I,
4o5, n. 7.
« Ibid. , 4 1 6.
NOTE SUR LA CHRONOLOGIE DU NÉPAL. 63
la Vamçâvalî de Wright et celle de Bhagvânlâl lui
assignent un règne de 68 ans; celle de Kirkpatrick^
qui parait mériter une attention particulière, le fait
régner 4a ans, c est-à-dire jusqu'en 636-637- L ex-
pression employée par Hiouen-tsang « en ces der-
niers temps » reçoit ainsi une éclatante confirma-
tion.
Après la mort d'Aqfiçuvarman , le Népal paraît être
en proie à des rivalités dynastiques. Les Licchavis
reprennent possession du pouvoir; un Licchavi oc-
cupe le trône en 637» au moment où Hiouen-tsang
visite le pays. Le fds d'Amçuvarman , Udayadeva , est
expulsé, peut-être mis à mort par son frère cadet (le
Jisnugupta des inscriptions? samvat 48 = 64^/3 A.
D.), et le fils d'Udayadeva, Narendradeva, s enfuit
chez les Tibétains, qui prennent son parti et le réta-
blissent sur le trône, en lui imposant des liens de
vassalité. L'intervention des Tibétains dans les af-
faires du Népal s'explique naturellement; la reine du
Tibet n'était autre que la grand'tante de Narendra-
deva et la fille d'Amçuvarman. Le célèbre Srong-
tsan-Gampo avait épousé deux princesses également
belles, également pieuses , également illustres dans
les légendes du bouddhisme tibétain , adorées toutes
deux comme les incarnations de la bienheureuse
Tara. L'une était l'infante Wen-tch'eng, proche pa-
* Kirkpatrick, An Account oj the kingdom of Népal j i8i i, in-4°.
La Vamçâvali de Kirkpatrick est la seule à donner le nom de Çi-
vadeva (Seo Dec Burmah)« transformé chez Wright et Bhagvân-
lâl en VicvadevavarmaD.
64 JUILLET-AOÛT 1894»
rente de Tempereur Tai-tsong, (k)nt Srong-tsan-
Gampo avait pendant longtemps demandé là main
sans succès, et qu'il obtint seulement par la force
des armes en 64 1 ^. L'autre, que Srong-tsan-Gampo
avait épousée plus tôt , était la fille d un roi du Népal ,
longtemps méconnu sous sa forme tibétaine. M. Gaur
Das Bysack traduit son nom par le sanscrit Prabhâ-
varman^; le pandit SaratChandraDas donne d'autre
part l'équivalent sanscrit Jyotivarman *. Le second
terme du nom, varman, toujours rendu en tibétain
par go-cha^y se prêtait aisément à la restitution ; le pre-
mier, plus vague , a dérouté les recherches. Les liOt-
savas ont, comme Hiouen-tsang, traduit le mot am^ii
« rayon » par le terme générique de « lumière «^. Am-
çuvarman était donc le beau-père du grand roi tibé-
tain Srong-tsan-Gampo. L'Inde et la Chine se trou-
vaient en contact à la cour du Tibet . Ce rapprochement
paraît avoir étrangement facilité et multiplié les
communications entre les deux pays : la plupart des
pèlerins chinois qu'I-tsing nous fait connaître pas-
sèrent, à l'aller ou au retour, par la route du Tibet
et du Népal. L'aide prêtée par les Tibétains et les
* Bushell, J. Roy. As, Soc.» XII, 4d4.
* Gaur Das Bysack, Notes on a Baddhist nionastmyat Bhot BagOn
in Howrali. J. As. Soc. Bengdl, LIX, p. 54.
^ Sarat Chandra Das , Con^rlbations on Tibet. J. As. Soc. Bengal,
L, p. 220.
* liiouen-tsang explique le mot Amçuvarman par ^ 1^ «iu^
mière-.casque»».
NOTE SUR LA CHRONOLOGIE DU NÉPAL. 65
Népalais à Tambassadeur chinois Wang Hiouen-tse,
dans la guerre contre ie succeteeur de Harsa, était
également une conséquence de cette politique matri-
moniale ^.
Nous croyons utile de joindre à cette note la tra-
duction du passage qui a trait au Népal dans T^f^-
toire des Tang , chap. 221. Les indications de M . Spech t
nous permettent de signaler les variantes qui se ren-
contrent dans les deux recensions de cet ouvrage ,
datant du x* et du xi* siècle, et aussi celles duTong-
tien, rédigé au x* siècle et copié par Ma Touan-lin.
Le royaume de Ni-po-io (Népad) est droit à i*ouest
du Tou-fan (Tibet) ''^. Les habitants ont coutume de
raser leurs cheveux juste au niveau des sourcils ; ils
se percent les oreilles et y suspendent des tubes de
bambou, ou de la corne de bœuP; c'est une mar-
que de beauté que d'avoir les oreilles tombant jus-
qu'aux épaules. Ils mangent avec leurs mains, sans
employer de cuillers ni de bâtonnets. Tous leurs
ustensiles sont faits de cuivre. Les marchands , tant
^ Sur les relations postérieures du Népal avec la Chine, voir
Histoire de la conquête du Népal par les Chinois (1793), traduite du
chinois par M. Camille Imbault-Huart, Journal asiatique, 1878,
2 , 348-377.
* La Nouvelle histoire des Tang insère ici : « Dans la vallée de
Lo-ling, dans ce pays on trouve en abondance le cuivre rouge et le
yak.» — Cf. Hiouen-tsang : «Ce pays oi&e une suite de montagnes
et de vallées. . . Oix en tire du cuivre rouge, des yaks. »
' Le T'ong-tien supprime j la corne de bœuf». '
rv. 5
mrtmmmn mtioiiau»
*
fie JUILLET-AOÛT 1894.
ambulants qu'établis, y sont nombreux; les eultivaT-
teurs, raréfia Ils ont des monnaies de cuivre qui
portent dun côté une figure d'homme, et au revers
un cheval ^. Us ne percent pas les narines des bœufii*
Ils s'habillent d une seule pièce de toile qui leur en-
veloppe le corps. Ils se baignent plusieurs fois par
jour. Leurs maisons sont construites en boià, les
murs en sont sculptés et peints. Ils aiment beaucoup
les jeux scéniques^, se plaisent à souffler la trom-
pette et à battre le tambour*. Bs s'entendent assez
bien au calcul des destinées et aux recherches de
philosophie physique^. Ils sont également habiles
* La N. H. ajoute i « parc^ qa ib nQ savent pas labourer avec
des bœufs».
* « Dans le commerce en fait usage de monnaies de enivre rougfe. i
H. T. — La N. H, change le sens par suite d'une ponctuation erro-
née : «Ils ont des monnaies de cuivre qui portent dun côté une
figure d'homme, et au revers un cheval et un bœuf, et qui n'ont
pas de trou au milieu. » Le T'ong-tien , antérieur à la N. H. , ponc-
tue comme nous faisons, et introduit dans le second memlMPÇ de
phrase, pour rendre le sens plus Qet, le mo( pi «oariiies»,
3 Rémusat traduit ainsi l'expression po-M |^ d^ ; Bushell la
rend par «jeux de hasard t (games of chance). Les deux mots ré-
unis formeni une }^utioi| commç en témoigne le Pçi««nBft'^rim'fo9«
Po est le jeu en général; hi s'applique particulièrement aux jeux scé-
niques. Il serait curieux de constater au Népal dès ce moment un
goût attesté dans les temps plus modernes par les drames recueillis
ou signalés au Népal. Cf. BendaU, Joumey,f, 18; ^* CtAaUfu
»f tke Bnddhitt sanskrit mss,, Cambridge. Add. \ko^% ^^k^\ i658;
1695. — Pischel , Katalog der Bibliothek der Dentschen Mûrgmi, GeuXL,
* La N. H. et le Tong-tien (et Mat. trad. Rémusat) suppriment
cette dernière proposition.
* L'expression iruf^hia «le pldn et le videi désigne ^raisea^Ua*
blement une science de ee genre. -^ La N. fl. dit seulmn^ati «fls
s'entendent à raisonner, à mesurer, à ftdre \» caleftdrier. §
NOTE SUR XA CHRONOLOGIE DU NÉPAL. 07
dans Tart du calendrier. Ils adorent cinq^ esprits cé-
lestes, et sculptent leurs images en pierre; chaque
jour ils les lavent avec une eau purifiante. Ils font
cuire un mouton et loffrent en sacrifice. Leur roi , Na-
Img-ti-po (Narendradeva), se pare de vraies perles,
de cristal de roche, de nacre, de corail, d ambre ^;
il a aux oreilles des boucles d'or et des p^idants de
jade , et des breloques à sa ceinture , ornées d un Fou-
tou^ [Buddha?]. U s asseoit sur un siège à lions [sim-
hâsana]; è l'intérieur de la salle on répand des fleurs
et des parfums. Les grands et les officiers et toute la
cour sont assis à droits et à gauche par terre ; à ses
côtés sont rangés des centaines de soldats en armes.
Au milieu du palais il y a une tour de sept étages ,
couverte de tuiles en cuivre. Balustrades, grilles,
colonnes , poutres , tout y est orné de perles et de
pierreries. A chacun des quatre coins de la tour est
suspendu un tuyau de cuivre; en bas, il y a des dra-
gons d or qui jettent i eau. En haut de la tour on
verse de leau dans des auges; de la bouche des dra-
gons elle sort en jaillissant comme d'une fontaine.
• La N. H. omet le mot i cinq ».
' Le 7* t. rem^ace eette ëimmération par ces simples mots t
« Le roi porte un grand nombre d'ornements ds pierres pvécieusas
«t dj6 p^es. »
' Les deux syllabes /on-tou ^ ^ sont fort embarras3antes|ell^
se ràae^ntrenjt dans les deux rédactions* Le T> t, (et Mat.) pré-
sentent pour le premier caractère une variante inacceptable : tchang
1^ i armes». M. Bushdl traduit 1 1 H porta un Bouddha taillé dans
une pierre précieux.» Rémusat ne traduit pas. La transcription
fon^rto», dut saïucrti httddhn <9st p^u vraispmblabl« au vp* fiècl^ ,
alors que le nom de Fo était si familier à ln CbiPfK»
5.
^8 JUILLET-AOOT 1894.
Le père de Na-ling-ti-po fut renversé du trône par son
frère puîné ^; Na-ling-ti-po s'enfuit pour échapper à
son oncle. Les T'ou-fan lui donnèrent refuge et le ré-
lablirent surson trône; il devint en conséquence leur
vassal. Dans la période Tcheng-kouan (642-647)» Li
Y-piao, officier militaire de Tempereur envoyé en
ambassade dans Tlnde, passa par ce royaume. Na-
ling-ti-po le vit avec une grande joie; il sortit avec
Li Y-piao pour aller voir l'étang A-ki-po-li^; cet
étang a environ vingt pas de circonférence ^ ; leau y
bouillonne constamment. Quoiqu'elle s'écoule en
courant, elle entraîne pêle-mêle les pierres brûlantes
et le métal échauffé. Elle n'a jamais de crues ni de
maigres. Si on y jette un objet, il en sort de la va-
peur et de la flamme; si on y met un chaudron, la
cuisson se fait en un instant*. Dans la suite, quand
Wang Hiouen-ts'e fut pillé par les Indiens , le Népal
* La leçon de la N. H. prouve qu'il s'agit du frère puîné du père
de Norcndradeva. La N. H. substitue à tchouen ^t « rebdie usur-
pateur» le mot cha ^ «mettre à mort».
' Le T'ong-tien laisse de coté la description du château d'eau et
les aventures de Narendradeva , et reprend ainsi : « Il y a dans ce
pays une mare nommée A-hi-po-mi*^ avec la variante }]({ mi sub-
stituée à jf^ li de Y Ancienne Histoire,
Hiouen-Tsang, qui décrit aussi cet étang, le place au sud-est de
la capitale.
' Le pao vaut 1 m. 576. La N. H. dit : «H est large de plusieurs
dizaines de tchang (dix pieds chinois).»
^ La N. H. passe sous silence l'affaire de Wang Hiouen-ts'e et
ajoute: «La vingt et unième année, il envoya un ambassadeur
présenter le tribut » Malheureusement les articles énumérés
sont difficiles à identifier.
NOTE SUR LA CHRONOLOGIE DU NÉPAL. 6^
envoya de la cavalerie avec les T ou-fan; ensemble ils
mirent les Indiens en déroute et remportèrent un
succès. La seconde année de la période Yong-hoeî
(65 1) leur roi Çi-li-Na-lien-to-lo (Çrî Narendra) en-
voya de nouveau une ambassade présenter ses hom-
mages et ses présents.
OBSERVATIONS.
Le témoignage des voyageurs et des savants' confirme
brillamment Texactitude et iaprécision des relations chinoises.
Sans prétendre en donner un commentaire justificatif, nous
ne croyons pas inutile de signaler quelques rapprochements
curieux.
* Pnncipaux ouvrages sur le Népal :
Notizle laconiche di alcuni usi, sacnfizi ed idoli nel regno di Népal ^ rac-
colie neW ttnno i744,par le R. P. Constantin d'AscoH , missionnaire capucin
au Népal. En mss. à Rome, Bibliothèque Victor-Emmanuel. Msy. délia
Scala. iA6-35 (Miscellanea Indico-Malabarica, partie IV).
Description du royaume de Népal, par le P. Giuseppc , préfet de la mission
romaine, communiqué par John Shore. Asiatic Researches , vol. 2. (Cette
notice serait identique à la précédente , d'après une note de Tëditeur.)
Rose*s Briefe ûber dos Kônigreich Népal, Beitrâge zur Vôlker-und Lànder-
kunde von Forster und Sprengel, 1. 111.
Kirkpatrick. An Account ofthe kingdom of Népal. 1811, in-A°.
Hamilton Buchanan. Relation oj NepauU 1819, in-^*.
Oliphant. A Journey ta Katmanda, London , 1862 , in-16.
Daniel Wright. History ofNepaul translated front the Purhatiiya, Cam-
bridge, 1877, in-A*.
Minayeff. Le Népal et son histoire. Journal du Ministère de l'Instruction
publique, (Saint-Pétersbourg), 1878, I.
Oldiield. Sketches front Népal, London , 1 880 , 2 vol.
Le Bon (D' Gustave). Voyage au Népal, Tour du monde, i886, I.
Bcndall (Cccil). A Journey of literary and archaological research in Népal
and Northern India, Cambridge, 1886.
Temple (R.) Hyderabad, Kashmir^ Sikkim and Népal, London, 1887,
2 Yol.
16 JfjiLLÈf.AOOî 1*«4.
MdfiKiAlËd. «^ Cf. Hœrnle dftiti Prwêiiingê fffthe Àtiûiie
Society qfBengalj 1887, P' ^^^^ 18S8, p. li^i — Bendidl,
Zeitsch, d. Deutsch: Mora, Ges,^ XXXVI, 1882, p. 65 1 et
Catalogue ofsanscr. mss. Cambridge , Introd. , xxxix. Les mon^
nàies qui portent le nom dé Çry ÂmçîiVàrman sont éh eiiivre
et poHcrtît sur là fece tiiï lioii ttàë ( ?) , att rcVert xtaé yfstthé de^
bout. D autres ont à la face une û^fii àsdsf^ lëtl JtttiblMl
croisées , le bras droit levé , le gauche posé sur la hanche , et
toujours au revers le lion ailé (pris pour un cheval par les
Chinois, si toutefois Terreur ne vient pas des numismates
européens).
AèiTAeLÔai9# •— «L astronomie « eu pltttôt son rejeton dé-
généré et sa cocbpagne ordinaire chea ks nations supefftti-
tieuies t l'astrologie judiciaire semble être leur eèoupation fa-
YOrite t et die s'est répalidue si prefondémtot ehez les individus
de tout rang qu*un étranger serait tenté de conclure qoe l'ho-
roscope et le calendrier déterminent, en la plupart des cas,
leur ligne de conduite tant civile tfaë mar(d« , et c[tt6 le peuple
est universellement dirigé pAt âëS «déViilsS. KifkpdtMk,
Architecture. • — Lés témoignages sont uAâmîiièi sur
î'halnletë des Népalais à faire les briques , sur le c(»ons pitto-
resqiie et leâ ekrieHses sculptures dès maisons^
Château d'eau. — H est curkux de lire pardièlement à
cette descriptioil ce pàsi^age dé h DéitHpîièk ivt Néptkl par
le P. Giuseppe (As. t\ës. It , 354- de là trad. fi'àiiç.). « Dàififi un
mur du palais de Rathmandou » qui ferme la cour, il j à une
grande pierre d'une seule pièce , d'environ quinze pieds dé
loil^ëtu' et qiiâtrë oti citicj d'épaiààfeur. Oh voit à son Som-
met quatre trous carrés , placéâ k é^alè distance les unâ des
autres ; on verse de Teau dans ces trous , et comme cnacun
d'eux répond à un canal qui aboutit dans la ceur, ehaonn peut
tirer de l'eau pour apaiser sa soîf. »
Science grammaticale. — Hiouen-tsang vante les toi-
NOTE SUR LA CHRONOLOGIE DU NÉPAL. 71
naiisances d*AiliçuTarman. m II se distingtiait par la solidhé
dé son savoir et k sagacité de son esprit. Il avait eomposë loi*
mtené iin Trmié tut la oonnaissanee des sons (Çabda-vidyâ-
çâstra). »L*œuvre d!AqEiçavarmaa a disparu, mais les pandits
népalais en ont gardé le souvenir. Kirkpatrick, qui ne con-
naissait pas plus que ses informateurs les itfmoirej de tiiouen-
tsang, ^crit \ « Les Pandits ae Bliatgaon datent rintroduciion
de la première grammaire sahscrite au Népal du temps
dunghoo Burmah, de la postérité de Pussoopûsk Deo; mais
il n^est pas facile de déterminer avec quelque exactitude Te-
poqueou ce pnnce fleurissait (Népal, p. 220). »
La Vamçâvali de kirkpatrick , trop négligée , complété et
corrige parfois les autres. Le roi qu'elle appelle exactement
Çivadeva-varman (Seo Deo Burmah) et dont elle fait le pré-
décesseur de Âipçuvarman , qui aurait épousé sa fille , appar-
tenait à la postérité de Nevesit (= Nimisa, le premier roi de
la dynastie Somavamçî) ; il aurait expulsé les Guptees (Guptas)
du Népal. Quant à Pusoopûsh Deo , compté dans les ancêtres
d* Amçuvarman , c'est Paçupreksadeva , le quatrième de la
dynastie Somavamçî.
Histoire. — - H convient encore de remarquer, à Thonneur
de la tradition locale , que les Vamçâvalîs ont gardé le sou-
venir de la période troublée qui précéda le règne de Naren-
dradeva. « Candraketudeva , père de Narendradeya , fut cruel-
lement abattu et pillé par ses ennemis. »
Géographie. — Je n'ai pas pu retrouver la mention d'un
étang analogue dans le voisinage de Patan. Les deux fontaines
du même genre signalées par les voyageurs modernes se
trouvent loin de la capitale, dans l'Himalaya. L'une [Hamil-
ton, Népal) est au pied du Gosainthan, à quatre jours de
marche de Nayakot vers le nord. «Le lieu est appelé Bara
Nilkantha. Il y a là huit sources jaUlissantes , dont une est
chaude et émet de sa surface ime flamme bleue. » L'autre
(Montgomerie, Journal ofthe Geograph. Soc, London, 1876,
vol. XLV, p. 356) est à Muktinath, sur la pente de hautes
72 JUILLET-AOÛT 1894.
montagnes neigeuses ; il en jaillit des eaux thermales sulfu-
reuses qui, au dire des indigènes , sont parfois accompagnées
de flanmies. La transcription du nom A-ki-po-li est très in-
certaine. On pourrait conjecturer : Agnivàri.
Religion. — Les détails donnés paraissent se rapporter à
Çiva (Paçupati) et au culte tantrique. Les «cinq esprits du
ciel » sont peut-être une interprétation erronée des images du
dieu Pancânana, Çiva aux cinq faces. Le sacrifice du mouton »
ou plutôt du bélier, est un des rites réguliers du tantrisme.
La ferveur bouddhique de Narendradeva , garantie par la
Vamçàvalî , serait attestée par le Buddha suspendu en breloque
à la ceinture du roi.
LA PROPRIÉTÉ EN MAGHREB. 73
^ r
LA PROPRIETE EN MAGHREB,
SELON LA DOCTRINE DE MALER,
PAR
M. ERNEST MERCIER.
Sidi Khelil , dans son chapitre « Des terres mortes »,
après en avoir donné la définition en ces termes :
« Celles qui ne sont grevées d aucun droit particulier »
(jajr^x^^ ui ^ U) , pose comme règle que la pro-
priété des terres mortes s'acquiert par leur mise en
valeur (-^Ua?) ; puis il définit leurs servitudes légales ,
et, arrivant aux concessions de TEtat, s'exprime
comme suit :
« (On devient encore propriétaire des terres mortes)
par le fait d une concession du prince; mais les terres
de culture des pays conquis par les armes (d'Anoua)
ne peuvent être concédées à titre de propriété melk
(complète). »
En se reportant au chapitre de « la guerre sainte » ,
section « du butin » , on trouvera le surplus des élé-
ments nécessaires à la question. Nous reprendrons
plus loin les passages utiles.
n JUILLET'AÔÛt I894<
Constatons , tout d abord f que le» eontrées sur les-
quelles la domination de Tlslam s est établie sont de
deux sprtes :
1* Celles qui ont fait Tobjèt de traités passés dvec
les habitants, sans quil y ait eu conquâte par les
armes , ou après la victoire des Musulmans. La terre
y est appelée Ard'-es-Solah (^.^\ jo^l) et Thabitant
est dit Solhi (jai.ô);
î2** Et celles dont les habitants ont fui avant la
conquête, ou refusé de se ^umettre après la défaite
et de reconnaître la domination de Tlslam. La terre ,
datii ce cas 4 eftt appelée Ai'd-^ei Anoua (fjiiûl jtt^l)
et rbabitant Anoui ( jyiâL)^
Les dispositiohs légales s'àpjdi^ant aux unes èl
aux autres ^ont parfaitement défihids et ekpotfées
dans Touvrage d*Ël Maouerdi appelé El Ahhani es-
SottUahia, mais comme ôe légiste appartient à Técole
Chafalte^ on a fait reioiarquer que le Maghreb estime
versellement soumis au rite de Malek, et qu'il fallait»
pour bien juger la question , ne s'appuyer que sur
la doctrine dé cette ^côlë. C est ce que nous allons
faire*
Constatons ensuite qile les terres se divisent elles^
méme^ en deux catégories soumises ehacund à un
régime différent : ' .
i"* La terre mise en valeur et, par conséquent ,
OGCtipée (ou provisoirement abaliddnnée)^ c'est le
Mâamour(jjpMft)i comprenant la grande dt la petite
culture;
s"" La terre morte réunifiant les oonditions d être
LA PROPlilÉf É Efï MAGHREB. 1i
îiîtJ)ï*odtîctiYé , tiôh en valeur, abandonnée et sans
maître. C'est \e Mcruâte (O^y^).
Xê Màamottt* fest essehtielle*riéht Melk et son prô^
priétaire jouit de tous les droits attachés à là prô*
priéiè pritée.
Le Mouate est, sauf les réserves indiquée^ plfl^
loin, à la disposition du prince (Imam) des musul-
itiàJi* (}tli petit le èdhcédéf ëh tôtttè propriété-, de
plus, quiconque le toèf éti tâléttf détient pWpH^
taira des parties par lui rendues à la vie.
Examinons maintenant les f ègiêS légales s*applî-
ifàtaii ft beè Aexit éatégoriéB ddns le§ pays éri deh^ril
de TArabie qui ont passé sous le gouvernement de
1 Islam , et cela conformément a là doctrine de. Sidi
khdil et de ies pïu$ fcélèbfêS cdmrtlehtateilrs.
Dans le chapitre de la « guerre sainte » , section
« du butin » , Sidi Khelîl a dit en parlant des terres :
Tfàdatitiôn i » Par lé èéul fkît dé la conquête , la
terre se trouté frappée de séquestre ((jpi^), sétris qtie
rassentimeftt des combattante ëôit nécessaire ^ non
plus que îâ r^tificatiôh dii prinde^ *
TôUt dVb6i*d, rèttittrqtiôriji ! T fcpi'il h*èst ques-
tion ici que deë pays d*Anduà, ë'est4-dire dont là
conquête par les armes n'a pas été suivie de la 8oli-
IhiSâlérl des hâbittttitëj îi^ tfue T^prèssiOft Odakf,
76 JUILLET-AOOT 1894.
que nous avons rendue par « séquestre », a été géné-
ralement traduite par « hobousée » , en attribuant à
ce mot le sens qu'on donne d'habitude aux «ho-
bous».
Passons maintenant en revue les commentaires
sur ce texte :
L — El Bennani, interprétant le commentaire de
Zourkani, s exprime comme suit :
^jjf^ 1jM3 j^^-^a^ Uil JU y^j\ i i^JJi^ ^3>y^
j.^ U3^ VjLij j^^««* ja4»'W l^}3^. V»:^ 3^
Traduction : « Le cheykh Moustafa er-Remaci, au-
teur d'une glose du commentaire du cheykh Tatai
sur Khelil, a dit : « Ce point est à examiner de près,
car je n'ai pu trouver par qui a été formulé ce prin-
cipe que (la terre, dans ce cas), se trouve frappée
de Ouakf par le seul fait de la conquête.
«En effet, les Imam ont discuté la question de
savoir ce qui devait être fait par le prince, c est-à-
dire s'il partagerait (la terre) comme le reste (du bu-
tin) ou s'il l'abandonnerait pour être (administrée)
par les représentants de la communauté musid-
mane.
«Le sens du mot Ç(3j) est donc ici tla laisser
LA PROPRIÉTÉ EN MAGHREB. 77
impartagée», et Ton ne doit pas donner à Ouakf
Tacception spéciale (gU^^Ï ) caractérisée parie terme
jM^^ (constitution hobous). »
U. — Es-Saïdi {^>Nft3Ua3\), interprétant le com-
mentaire d'El Kharchi , dit de son côté :
Tradaction : « Notre auteur dit : « Une fraction de
la terre « hobousée » ; or, dans la définition dlbn
Arfa , le terme « hobousée » ne se trouve pas. Il y a
donc lieu de conclure à sa suppression , d'autant plus
qu aucune partie d un bien hobousé ne peut devenir
propriété particulière. Aussi certains de nos cheykhs
ont-ils décidé que, par « la terre hobousée », il fallait
entendre « les terres mortes ».
Voici enfin ce que dit Dessouki , en visant les pas-
sages ci-dessus reproduits :
^;Vr 4-Jm cUVr JJà jX Uc^ {jy>^^ ^ «ùy.3)
(.a^A«.Vr tja&j ^y) ii4^\ y> \»yà5 y.^\i^\ jw
Traduction : « Par ces mots « en se conformant à
73 J«ïtL»T-AO0T 1B94,
Tinterprétatio» con^^orée » , i auteur se met en eoii-
tradiction avec (çew qui eut dit : « ïhmm pairtagerit
la terre entre les guerriers de h fpi, ÇOmme fe rwrte
du butin. »
• Quant à isen ^pressien n par le 3aul fait de ia
conquête», elle se réjGfere au passuge de Mowtafa
er-Remaci : « Je n ai pu trouver, etc. (voir ci -devant) »,
qui a été confirmé pap El Bennani , etc. .
Il résulte de ces citations que le sens du mot
Ouakf , pris par nos auteurs dans l'acception générale
de « hobous » , a soulevé de nombreuses objections
de la part des légistes autorisés. El Bennani déclare
catégoriquement , en se basantsur l'opinion du cheykh
Moustafa er-Remaci, que, dans l'espèce, le mot
Ouakf ne veut dire autre chose que « suspension de
partage ». Es-Saïdi , de son côté , conclut qu'il ne peut
être question dun hobous ordinaire, et que l'auteur
a sans doute voulu désigner ainsi le prélèvement à
faire sur une partie des terres mortes. Enfin on ne
peut retrouver lauteur originaire de cette formule.
Voyons maintenant les textes siu* la question des
terres d'Anoua.
jn. *^ Voici ce que cUt Derdir :
LA PROPRIÉTÉ EN MAGHREB. 79
Traduction : « P^ ie fait qu'il a été frappé des
charges et contributions spéciales imposées, TAnoui
(le vaincu qui ne s'est pas soumis par traité) a re-
pris la qqalité dliomme libre , et celui qui 1q tue est
tenu d'une amende de cinq cents dinars.
« L'Anoui , dans ce cas , ne peut être empêché de
disposer de sa fortune par donation ou axunône, ni
d'en faire Tobjet d*un legs , etc.
« Quant à la terre seule, exclusivement aujs^ autres
valeurs, exceptée de cette disposition, par son ex-
pression : « elle demeure séquestrée (au profit des
Musulmans] » , les héritiers du défuijt n ont riçn à y
prétendre , car le sultan peut la donner à qui il veut ,
et Timpôt qui la grève revient au Beit ei Mal.
«
«MdiSf pour ce qui est de la fortune du défunt
-— laquelle comprend les terres mortes qu'il a pu
rendre productives — le tout revient à ses héritiers
et, s'il nen existe pas parmi 1^$ siens, aux Musul-
mans.
« Telles sont les règles qui s'appliquent à la terre
et â la fortune de TAnoui. »
80 JUILLET-AOÛT 1894.
IV. — Voyons maintenant ce que dit lauteur, à
l'égard des gens qui se sont soumis :
^Jlc âLLft^ ^^i.\/^
^j^p^Bv ww^HM ^^r^^^Êm
jU* U^jp-frla jf\ 4Lk»^jir jJLc. y 2J» ct>Upi ji&
<^'-^bvjf*)"*' ^J"^ <^ o^ ^*^3 ^*"^ <-*^ 3^ sif*)"*^
j-B» \9to Ve^t»^ t»*^ y \i^^J^ J^ jJ«i C(.Up^ jJ^
rfjL» tijlj <03 oU jl» j*4--43 ji? Vûj ^W^ 4^^3
a^l Wû c;**j» Js ^^3 è^ ^^3 ^V» ç«a* '**ejii^
LA PROPRIÉTÉ EN MAGHREB. 81
^1 a^.>»»,ftJL5 ûl^'^^ jy^3 ^^ <0^ ^ AÂiiij ^ VI»
Traduction : « Quant aux règles s appliquant aux
gens qui se sont soumis , il est indispensable de les
diviser en quatre catégories , selon le mode qui a été
appliqué pour les redevances à eux imposées :
« 1** La Djezia leur a été imposée en bloc, sans
distinction entre Timpôt foncier et la capitation.
« a** Elle a été constituée par la capitation seule-
ment.
« 3® Ou par Timpôt foncier seulement.
« 4° Ou par les deux ensemble, déterminés simul-
tanément.
« Dans le premier cas , c est-à-dire la Djezia étant
imposée en bloc sur les terres et les personnes, c'est-
à-dire frappée sur le pays avec ce qu'il contient
comme terres et comme habitants , sans déterminer
ce qui incombe à chaque individualité , ni préciser
les charges des personnes en les distinguant de celles
de la terre , les habitants conservent l'absolue dispo-
sition de leurs terres, et peuvent les partager et les
IV. 6
lnriklltMllt IftdONAlt.
8S JUILLET-AOÛT 1894.
vendre sans opposition; la JDjezia, d autre part, ne
doit pas être augmentée si la population augmente,
tii diminuée si elle diminue; ils ont le droit de lea
léguer en entier par testament et a fortiori en partie ,
et la recueillent par héritage ainsi que tous autres
biens.
« £t s'ils ne laissent pas d'héritiers parmi les leurs,
lesdits biens écherront aux gens de leur religion , se-
lon les règles qui seront consacrées à cet égard chez
eux.
« Dons le second cas , c'est^^-dire si la contribu-
tion à eux imposée a été répartie entre les habitants ,
à raison de tant par tète , par exemple , soit en oon-
fondant avec cette capitation Timpôt foncier, soit
en n'en parlant pas; de même dans le troisième cas,
c'est-à-dire si la contribution a été répartie sur les
terres en y englobant les personnes, en stipulant,
par exemple, que chaque parcelle cultivable sera
grevée de telle somme; et aussi dans le quatrième
cas , c est-à-dire si la répartition a porté sur les deux
simultanément :
« Les terres et les autres biens des habitants restent
à eux ; ils peuvent les vendre et en hériter, à titre de
fortune propre, dont ils seraient les maîtres s'ils
étaient devenus musulmans.
«Seulement, si l'un d'eux vient à mourir sans
laisser d'héritier selon la loi religieuse des siens , ses
terres et ses autres biens seront dévolus aux musul-
mans.
« Ils n'ont le droit de disposer, par legs , que d'un
LA PROPRIÉTÉ EN MAGHREB. 83
tiers, s'ils n'ont pas d'héritier, le surplus revenant
aux musulmans.
« Mais , si le défunt possède un héritier, il a le
droit de léguer l'intégralité de ses biens. . . (Suit
l'exposé de divers cas.)
«... Et si la Djezia a été répartie sur les terres , . . .
(les possesseurs) ont le droit de les vendre ; mais le
Kharadj (impôt foncier) annuel qui les grève reste à
la charge du vendeur dans les deux cas et n'est pas
imposé à l'acquéreur; seulement, s'il (le vendeur)
vient à mourir ou fait profession de l'Islamisme,
l'obligation de servir la rente cesse, tant à son égard
qu'à l'égard de l'acquéreur.
« Si le Solhi (ayant accepté par soumission la do-
mination musulmane) se convertit à l'Islamisme,
ses terres , de même que tous ses autres biens , lui
restent comme propriétés personnelles , et il est af-
franchi des redevances qui lui avaient été imposées.
« L'Anoui a le droit de construire des églises , etc.
« Le Solhi (outre ce droit) a celui de vendre même
le terrain sur lequel l'église est édifiée, etc. Quant
à l'Anoui , il ne peut le faire , attendu que ce terrain
est séquestré par le fait de la conquête » , etc.
V. — Citons encore un passage de Derdir :
G.
84 JUILLET-AOUT 1894.
J^JLJ «iiWl lî^lj ^Vbcu»! gy e*^3j>t J/^ k,UMi\^
fj^Ji» 6^,^ ytj5 jV J^mAI j^C^-Jl gà». 'iO)iy»
Tradactioii : « Quant à la terre de grande culture,
Timpôt dont elle est frappée devra être employé aux
dépenses que fauteur indiquera bientôt.
« La décision , à cet égard, (de la terre) appartient
au prince ou à son représentant.
« La terre de grande culture ne peut être recueillie
en héritage , car elle ne constitue pas une propriété
privée.
ff Si un des hommes qui la cultivent vient à mou
rir en laissant des héritiers , lusage établi veut que
les fils aient s«uls le droit d en jouir, à lexclusion
des filles, ainsi que cela se passe dans diverses bour-
gades du Saïd , et on doit laisser à ces gens la pra-
tique de cet usage , d après ce qui semble juste. En
LA PROPRIÉTÉ EN MAGHREB. 85
effet, un usage de ce genre et une coutume (consa-
crée) sont assimilables, dans ce cas, à un ordre du
prince.
« La conséquence des faits qui précèdent est que
le prince ou son représentant n a pas le droit d'em-
pêcher les héritiers d en prendre possession , ni de la
donner à qui bon lui semble (contrairement à la
formule qui le lui accorde); et il est évident qu'il
ne peut avoir ce droit, parce qu'il aurait pour ré-
sultat d'ouvrir la porte aux difficultés et au désordre ,
d'autant plus que l'auteur de ces héritiers possédait
un droit d'une nature déterminée, et enfin parce
que la coutume qui a la même force qu'une décision
des princes du temps passé a admis le principe sui-
vant : « Quiconque possède une chose , cette chose
« revient à ses héritiers avant tout autre , et à ses
« enfants mâles à l'exclusion des filles » , et cela en
tenant compte des avantages d'intérêt général.
« Mais , s'il n'a pas laissé d'héritier, il appartient à
l'administrateur de statuer, » etc.
VI. — Le même auteur, après avoir énoncé que
le butin doit être partagé entre les guerriers , après
prélèvement du cinquième, dit :
^yO\ ^ jjm ^1 e^3j4Dd u^ <ù^ (<iAiû) jaiy
86 JUILLET-AOÛT 1894.
(îMhO-^1 îMJ^b) ^>-ep3 ^ J*^^ (J-^^ 3^)yft)^
^jU* >-• iMwl U5 4<.jAl J»l ^Aiû ^3^ Uj jL^Y
^1 JW c;w Wbft
Traduction : « Le passage « du séquestre apposé sur
« la terre » , ainsi que « du prélèvement du cinquième
« et autres charges », si cela est imposé, c'est-à-dire
s'il y a eu combat sur place , et qu'il y ait eu déci-
sion rendue, notamment lorsque les habitants ont
fui, etc., doit être apprécié dans les deux hypothèses,
comme suit :
« Quand les habitants ont évacué le pays avant la
sortie des troupes du territoire de Tlslam , tout ce
qu'iïs ont abandonné constitue un produit de guerre
qui doit être déposé au Beit el Mal.
«De même, s'ils ont émigré après le départ de
l'armée et avant son arrivée dans le pays, il faut,
d'après El Badji, déposer au Beit el Mal l'impôt
foncier des terres, le cinquième qui appartient à
Dieu et à son prophète, la contribution de ^erre
imposée soit aux Anouis , soit aux Solhis , le produit
de l'expédition, la dîme des tributaires, l'impôt des
gens qui se sont rendus , celui pour lequel des guerriers
ont conclu le traité et ce qui a été enlevé aux commer-
çants. M
LA PROPRIÉTÉ EN MAGHREB. 87
VIL — Voici maintenant deux dernières citations
de Derdir répondant au texte de Khelil, sur les
« terres mortes », cité en premier lieu et complétant
les principes posés au paragraphe IV :
yv^ y^\ ^jjù ^ JI3 ûivuij 1^ **Mi oy^y
Tradaction : « Quant aux terres impropres à la
culture des céréales et qui ne constituent pas des
biens-fonds appartenant à des infidèles — soit pro-
prement les terres mortes — (le prince) en fait con-
cession en tout bien et propriété, même si elles sont
aptes à être complantées d arbres.
« Mais il ne peut concéder en toute propriété les
terres de culture , car elles se trouvent frappées de
séquestre par le fait de la conquête.
«Quant aux terres (des pays soumis) par traité,
rimam ne peut, en aucun cas, les donner en con-
cession. »
Dessouki ajoute à ce qui précède lappréciation
suivante ;
88 JUILLETAOÛT 1894.
Traduction : « Si I auteur dit qpie ilmam ne peut
la concéder (la terre), c'est parce quelle constitue
une propriété au profit de ceux auxquels elle appar-
tient. Le prince n a donc aucune action à exercer
sur elle.
« Quant à Texpression : « en aucun cas » , elle si-
gnifie que ce principe s applique aux terres cultivées
c«mme aux terres mortes. »
Nous croyons avoir reproduit les passages des
meilleurs légistes de Técole malékite sur la question.
Husieurs autres, fort estimés, tels que Abd el
Baki, El Kharchi, le cheykh Yahia Ech-Chaoui et
autres, ont été bien plus loin que les précédents, et
ont posé comme principe que dans les pays d'Anoua ,
toute terre de culture devait être recueillie en héri-
tage par les héritiers des possesseurs, mais cette
opinion ayant été contestée en partie, nous nous
sommes borné à citer ceux qui n'ont pas donné
lieu à des controverses.
Essayons maintenant d'extraire de ces documents
un peu touffus les conséquences logiques des faits
qu'ils énoncent.
I. REGIME DES TERRES DANS LES PAYS D*ANOUA.
1 ** N'est réputé Anoua que le pays dont les habi-
tants ont fui avant ou après la conquête musulmane,
avec ou sans lutte; ou encore, dont les habitants
sont revenus ou sont restés , après avoir été vaincus
LA PROPRIÉTÉ EN MAGHREB. 89
et nont, dans aucun cas, accepté par une soumis-
sion explicite la domination de ilsiam. Us ont voulu ,
en quelque sorte, rester hors la loi.
Remarquons qu'ils ont pu continuer à y résider
en conservant la pratiqpie de leur religion , qui les
place dans la catégorie des infidèles, et y construire
même des élises, le tout sous certaines restrictions.
a* Après prélèvement du butin de guerre et fixa-
tion des redevances et taxes auxquelles ils seront as-
sujettis, ils conservent la pleine et entière propriété
de leurs biens, et la sécurité de leurs personnes. La
terre ne peut être partagée comme butin.
3** Les terres mortes de TAnoua sont à l'entière
disposition du prince; cependant quiconque les met
en valeur en devient régulièrement propriétaire , fût-
il Anoui.
4** Les terres cultivées ou propres à la culture
des céréales sont frappées de séquestre demeurant
impartagées et ne peuvent faire l'objet d'une con-
cession du prince en toute propriété; elles restent
cependant en la jouissance de leurs possesseurs,
mais ne peuvent, en droit, être recueillies par leurs
héritiers.
La rigueur de ce principe a été singulièrement
atténuée et on en a même contesté le texte.
11 est certain que, dans la pratique, les Anouis
ont conservé la jouissance et la disposition de leurs
propriétés foncières.
Nous voyons même Derdir déclarer que le prince
90 JUILLET-AOÛT 1894.
ne doit pas s opposer à la dévolution de» terres au
profit des héritiers du défunt, qu'il ne peut user du
droit de les distribuer à qui bon lui semble et qu il
faut consacrer lusage qui, dans diverses localités,
exclut les femmes de Thérédité sur les terres.
Derdir constate encore que le détenteur a un
droit déterminé sur sa terre, et que ce droit ne peut
disparaître par sa mort ; il rappelle en outre le prin-
cipe d'après lequel les héritiers recueillent les droits
du détenteur d'un bien.
5* En se soumettant, TAnoui acquiert les préro-
gatives du Solbî , et en devenant musidman , il n'est
plus soumis qu aiix règles de la législation islamique.
IL RÉGIME DES TERRES DANS LES PAYS DE SOLAH.
1** Les gens qui se sont soumis par traité, même
en restant infidèles , conservent l'intégrale propriété
de leurs terres et le droit d'en disposer, à la condi-
tion d'acquitter les charges qui lem* sont imposées
(Djezia).
Derdir déclare que le prince ne peut , en aucun
cas , en disposer, et Dessouki dit qu'il n'a pas d'ac-
tion sur elles , et que cette immunité s'applique même
aux terres mortes.
a** Les droits et coutumes locales pour les suc-
cessions, selon la religion à laquelle appartiennent
les vaincus solhis , s'exercent dans toute leur pléni-
tude.
LA PROPRIÉTÉ EN MAGHREB. 91
S*ils n*ont pas d*héritier selon leurs lois, les terres
en déshérence sont dévolues aux gens de leur nation ,
si la Djezia leur a été appliquée en bloc.
Dans les autres cas, les terres en déshérence sont
dévolues aux musulmans.
Le propriétaire qui n a pas d*héritier, selon la loi
du pays , ne peut léguer qu un tiers de ses terres ,
les deux autres tiers étant dévolus aux musulmans;
mais s'il a des héritiers, il peut léguer la totalité.
3** L'impôt foncier grevant les terres reste , en cas
de vente, à la charge du vendeur, jusqu'à sa mort.
A son décès , ou s'il devient musulman , cette charge
disparaît à l'égard de tous.
4** En devenant musulman, le Solhi cesse d'être
soumis aux charges qui lui avaient été imposées à
titre de Djezia, et reprend l'intégralité de ses droits.
Tels sont les principes légaux qui ont dû s'ap-
pliquer, dès l'origine, aux terres, dans l'Afrique sep-
tentrionale. Les historiens du moyen âge le disent
plus ou moins explicitement , et les faits le prouvent.
La Berbérie a été d'abord Solhïa , puis , par le fait
des révoltes indigènes , est devenue Anouïa en maintes
régions. Mais, après une période de cinquante an-
nées de luttes, tous les Berbères ont adopté l'Isla-
misme et acquis les droits complets des musulmans.
On se rappelle , du reste , que la grande révolte kha-
redjite a éclaté dans le Maghreb El Akça vers 8/io ,
parce que le gouverneur de cette province avait voulu
92 JUILLET-AOOT 1894.
appliquer le Kharadj aux indigènes qui n'avaient été
astreints qu'à la dîme des musulmans.
Les vice-rois Aghlebites de Tlfrikiya, puis le grand
Abd el Moumen firent cadastrer les terres afin de per-
cevoir la dime, sous la forme d'impôt fixe, des pos-
sesseurs.
Mais l'immigration des Arabes hilaliens et les
guerres intestines des Berbères ont profondément
modifié ia population primitive. La Tunisie a été
particulièrement troublée par les révoltes et les pil-
lages des Arabes, si bien que le gouvernement haf-
side a fini par les mettre hors la loi , les traiter comme
des infidèles incorrigibles , et appliquer à leurs terri-
toires les règles de l'Anoua.
Puis sont venus les Turcs dont les procédés gou-
vernementaux ont fait bon marché des dispositions
de la loi musulmane : ayant besoin de terres pour y
installer des tribus Makhzen et des colonies d'Abid,
ils ont pris ce qui leur convenait, sans s'inquiéter
des droits des anciens occupants.
Aussi avons-nous trouvé l'Algérie profondément
troublée sous ce rapport, et il était d'autant plus dif-
ficile à nos premiers administrateurs de s'y reconnaître
dans ce chaos que les chefs indigènes passés à notre
service ne pouvaient nous renseigner qpie sur les
traditions du système turc.
De là sont nées de fâcheuses erreurs qui ont pesé
lourdement sur nos agents, animés de la meilleure
volonté , erreurs qui ont abouti à cette étrange inven-
tion des terres arch et des terres melk, sanctionnée
LA PROPRIÉTÉ EN MAGHREB. 93
par le sénatus-consulte de 186 3, la loi de iSyS, et
les modifications par lesquelles on a essayé de
Taniender. La terre appartenait, d après ce système,
à Dieu., représenté par Tlmam qui la distribuait à
son gré ; ou bien elle avait été expropriée au profit
de Tétat musulman , par le fait de la conquête , et le
résultat était identique.
Notre goût de Tunité et des formules , presque tou-
jours inexactes et dangereuses, a assuré le succès
de ces erreurs, quon fera disparaître difficilement.
94 JUJLLET-AOÛT 1894.
a|B
LE CHANTRE DES OMIADES^
NOTES BIOGRAPHIQUES £T UTTÉRAIHES
SUR
LE POÈTE ARABE CHRÉTIEN AHTAL,
-^ • •
PAR
HENRI LAMMENS S. J.
Ch€Ufue famille a un chantre de sa
gloire; celui des Omiades est AhtaL
Paroles du calife 'Abdalmalik.
AVANT-PROPOS.
•
L'auteur de ces notes pourrait s'appliquer un mot de Mon-
taigne et dire avec plus de vérité que l'original Gascon.: « J'ai
faict ici un assemblage de fleurs estrangiëres , n'y ayant fourni
du mien que le filet à relier. »
Le fond de notre travail n'est , en effet , qu'une traduction
de la notice arabe qui termine le quatrième fascicule du
Divan d'Ahtal, sorti l'année dernière des presses de rtn-
primerie catholique de Beyrouth. Nous n'avons eu qu'à mettre
en œuvre les riches documents tirés du Kitâh al-Agânî* et
si consciencieusement réunis par le docte éditeur. Le divan
d'Ahtal lui-même et ceux de ses émules , Garîr et Farazdaq ,
ont dû également livrer leur contingent pour la biographie
du grand poète chrétien. Certaines questions que le P. Salhani ,
' La plupart de nos dictionnaires et manuels d'histoire , on ne sait pour-
quoi, s obstinent à écrire Ommiades et Abassides, L'orthographe Ondadts
( un seul m) et Abbassides (deux b) est seule conforme à fétymologie.
* Cest toujours IVdition de Boûlâq que nous citons, excepté pour le
XXI** volume.
LE CHANTRE DES OMIADES. 05
publiant en Orient, avait écartées ou seulement indiquées,
ont été abordées ou ont reçu des développements plus éten-
dus. Tels sont, par exemple, les chapitres intitulés : 7Vi6a
et pays de Taglib, La question religieuse sous les Omiades, La
corporation du rdwia, etc.
Le cadre lui-même a été quelque peu élargi. Sans perdre
de vue le héros principal , nous avons essayé de reconstituer
le milieu dans lequel il a vécu , de rétablir la physionomie det
personnages : princes , hommes d'État , guerriers , poètes , avec
lesquds il a été en relations. Dans ce but, nous avons de
nouveau, la plume à la main, dépouillé le recueil d'Aboûl-
Farag dlspahan , notant tout ce qui , dans les notices des con-
temporains, servait à jeter la lumière sur l'époque si curieuse
des premiers califes omiades.
Une notice de Ahtal ayant déjà été donnée ici même (Jour-
nal asiatique, janvier i834) par Caussin de Perceval, nous
avons plus d'une fois emprunté ses expressions. Le lecteur
reconncdtra sans peine ce « style simple et dépourvu de toute
prétention, mais toujours approprié au sujet ^ ».
Plus heureux que Tauteur de V Essai sur l'histoire des Arabes,
nous avons eu sous les yeux le divan d'Ahlal lui-même , enfm
rendu à la lumière *. Puissent ces notes biographiques et lit-
téraires contribuer à l'intelligence des poèmes du chantre des
Omiades et attirer l' attention du monde savant sur la belle
édition qu'en a donnée mon savant confrère et ami, le
P. A. Salhani I C'a été mon ambition. Que ce soit aussi mon
excuse auprès de ceux qui seraient tentés de m'accuser de
témérité pour avoir osé entreprendre ce travail loin des biblio-
thèques et des grands centres littéraires !
Beyrouth (Syrie), 25 mars 1894.
* Defirmcry, dans le JouîtwI asiatique , 1878, 11, 897.
* A moins d'avertissement contraire , tous les manuscrits cités en ce tra-
vail appartiennent à la bibliothèqae de rUuiversitë catholique de Beyrouth.
96 JUILLET-AOÛT 1894.
I
LA TRIBU ET LE PAYS DE TA6LIB.
Dans la partie dé la moyenne Mésopotamie com-
prise entre les villes de Circésiimi , de Sangâr et de
Mossoul au nord , et celles de *Âna et de Takrît au
midi, dans une sorte de presqu'île formée par le
Chciboras, le Tigre et TEuphrate, habitait au pre-
mier siècle de Thégire la puissante tribu de Taglib,
dont le nom reviendra si souvent dans le cours de
cette étude ^ Leur territoire, composé de vastes
plaines à peu près désertes , était loin cependant de
présenter laspect de désolation qu'il oflFre de nos
jours. Le long des fleuves magnifiques qui en for-
maient la limite ou qui le traversaient, comme le
Tartâr^, on rencontrait des cantons d'une grande
fertilité, où « le froment et les palmiers poussaient à
Tenvi^ ».
Là s'était groupée la masse de la nation. Quelques
familles étaient allées se fixer à Hîra et à Koûfa^.
^ Pour la détermination du pays des Banoû Taglih, cf. Agânî,
passim, spécialement X, 98; XI, 62; Xlll, i54; XX, 127, etc. —
Hamdâni (p. i33), édit. Mûlier, Brill, 1891, signale des B. Taglib
dans les montagnes de Sangâr.
^ Agânî, Xin, i5/i; Dictionnaire géographique de Yâqoût (édit.
Wûstenfdd), 1, 921.
* Divan d'Ahtal, p. 222, 1. 1.
* Agânî, XI, 1. 3. — Tabarî (i" séries, viu) 2490, 1. 1; 2482;
2^89, etc.
LE CHANTRE DES OMIADES. 97
Dautres avaient passé le Tigre pour s'établir dans
TAdarbi^n ^ Le nombre de ces dernières était assez
considérable pour qu'elles fussent en état d'envoyer
deux mille cavaliers au secours de leurs frères de
Mésopotamie^. A part les membres de la tribu éta-
blis dans les villes de l'Iraq, les Taglibites étaient
demeurés nomades, comme au temps où leurs an-
cêtres parcouraient les déserts du Bahraïn et du
Nagd^
Vers l'an 64o de J.-C, Taglib était toujours une
tribu nombreuse et presque entièrement chrétienne *.
Sa puissance inspirait encore tant de respect qu'un
écrivain arabe n'a pas craint de dire que , si l'islam
avait tardé à paraître, les Taglabites auraient tout
envahi ^.
Décimés par le terrible Hâlid, fils de Walîd, et
par ses lieutenants , ils n'avaient jamais pu être domp-
tés ^. Après la reddition d'Edesse , alors que toute la
Mésopotamie courbait la tête sous le joug des vain-
qpieurs, seuls ils avaient osé mettre des conditions
à leur soumission et, en cas de refus, menacé de
passer en masse sur les terres de l'empire grec *'. La
' Agânî, XI, 1. 5.
* Voir plus loin la guerre entre Qaïs et Taglib.
' Séjour primitif des B. Taglib avant leur arrivée en Mésopotamie.
* Ibn Haldoûn, U, 3oi (édit. de Boûlâq).
^ J^UlJI wJli^^ oJLâf:)! kiJ3 ^y^:è\ tk^l p, cité par Tabrizi
dans son commentaire sur la mo allaqa de Koltoûm.
» Cf. Balâdorî, I, iio; 248; 2^9 (édit. de Leyde).
^ Us commencèrent même à exécuter leur menace.
IV. 7
98 JUiLLËT-AOÛT 189 4.
première condition fut le libre exercice de leur culte ;
la seconde, Texemption de l'odieuse capitàtion ou
im^fi^t imposée aux populations vaincues et tribu-
taires.
Le calife *Omar leur accorda la dernière demande ,
se contentant de doubler pour eux la taxe exigée des
musulmans sous le nom de dîme aumônière , Miù^ào
ou «t^) ^ Quant à la religion, tout en accordant aux
adultes la faveur de mourir dans le christianisme, il
voulut les obliger à ne plus baptiser leurs enfants^.
Les Taglibites ne tinrent aucun compte de cette
clause restrictive et continuèrent à pratiquer la rdi-
gion chrétienne comme par le passé.
Cette constance irrita au plus haut point les dis-
ciples du Prophète. lis allèrent jusqu'à prétendre
qu'on n'était plus tenu à rien envers les Banoù Ta-
glib , qui avaient eux-mêmes violé le pacte primitif.
«Pour moi, disait 'Âli, le gendre de Mahomet, je
sais bien ce que je ferais de cette tribu chrétienne.
Puisqu'ils s obstinent à baptiser leurs enfants , je mas-
sacrerais tous leurs guerriers et vendrais le reste
comme esclaves ^. » Heureusement Taglib était en
mesure de faire respecter ses convictions religieuses.
^ Balàdori, I, 76; 181.
' Ibid», 182, 1. i3; Tabarî (p. i489, 1. 1 s) parie seulemeot de
la défense de baptiser les enfants, nés de parents devenus mu-
sulmans, condition acceptée, paraît-il. par le Taglib. Plus loin
(p. 2609, 1. 10) il mentionne l'obligation abacdoe de ne bi^tiaer
personne.
^ Balàdori, I, 181, etc.
LE CHANTEK DES OMIADES. 00
Quelques Taglibites cependant passèrent à là re-
ligion des vainqueurs^, mais le nombre de ces défec-
tions Ait toujours fort restreint , et dans la première
moitié du premier siècle de Thégire , Timmense ma-
j<mté de la tribu, comme nous lavons dit, était
chrétienne.
II
NAISSANCE ET JEUNESSE D'AHTAL.
Vers Van 64o^ de J.-G., buit ans après la mort
de Mahomet , quatre ans après la prise de Jérusalem ,
dans le temps où ^Âmr, fi]s de ^Âf , commençait la
conquête de TËgypte , naquit à Hira ^ le poète qui
devait à jamais illustrer le surnom d'Ahtal et la tribu
de Taglib. Son véritable nom était Giàt (d autres^
disent Gowaït), fils de Sait, fils de Tàriqa, fils de
Sîhân , fils de ^Amr, fils de Fadaukas , fils de ' Amr,
fils de Mâlik, fils de (^osam, fils de Bakr, fils de Ho-
baïyib, fils de ^Amr, fils de Ganm, fils de Taglib.
Nos écrivains ne sont pas tous d accord sur la suite
des ancêtres d'Ahtal. D'aucuns y suppriment des
intermédiaires et font Târiqa fils de *Amr, fils de
^ Tabarî (i" séries, viii), 2/^76, 6; 2^82 ,16; 2609, i4; »5o7,
9 , etc.
> L'Agânî nous reprësenUnt Ah|âi comme un jeune bomine déjà
célèbre 90us le règne de Mo*âwia, nous ayons cm pouvoir, à k
suite du P. Saihani, nous arrêter à cette date de 64o.
»Ag.,VU. »7o.
' Ibn Qotaîba, 'Aini, tstc.
100 JUILLET-AOÛT 1894.
Sihân, fils de Fadaukas, fils de Màlîk, fils de Bakr,
fils de Hobaïyib, etc.^ D'après Maïdâni^, le troi-
sième nom de cette liste généalogicpie serait non pas
Sait, mais Salama, fils de Târiqa. En ce cas, Âhtal
aurait compté parmi ses ancêtres im des plus illustres
chefs arabes. Le roi Norman , fils de Mondir, ayant
envoyé aux tribus du désert quatre lances destinées
aux plus vaillants guerriers , Salama eut Tinsigne hon-
neur d*en recevoir une ^.
Le Kitâb al-Agâni nous a conservé le nom de la
mère d' Ahtal ^. Elle s appelait Laîlâ et appartenait à
la tribu chrétienne de Yâd, depuis longtemps éta-
blie en Mésopotamie^. Notre Gîât n'était pas le pre-
mier Arabe qui ait porté le surnom d Ahtal. On en
connaît quatre autres, et parmi eux le firère du cé-
lèbre Farazdaq, poète lui-même; circonstances qui
ont contribué à le faire confondre avec le poète de
Taglib \
Ce nom d' Ahtal a plus d une fois exercé la saga*
cité des écrivains arabes. Ils rapportent à ce propos
des anecdotes où nous croyons que l'imagination a
* Cf. Divan , 333 , notes. D'après Sokkarî, c*est le diminatif v^ts^
et non t-^..;:L qu'il faut lire. Cf. le passage cité Divan, p. 44 > 1* 1 1*
» Ag., Vn, 169.
* Ag., VU, 169.
* Ag., VU, 170.
' Alliée aux B. Taglib (Tabarî, 2476, 2; 2476, etc.); une
partie est même signalée comme étant leur tributaire (Ibid,, 3483 ,
i3; 2609, ^^)'
^ Cf. Divan, note a. Quand nous citerons le Divan sine addiio^
£*eai toujours à cdui d' Ahtal qu'il faudra se reporter.
LE CHANTRE DES OMIADES. 101
eu plus de part que le souci de la vérité historique.
Le champ de la littérature anecdotique est celui où
ces auteurs se meuvent avec le plus d'aisance. Tous
ces petits faits ne sont d*ailleurs pas entièrement dé-
nués d'intérêt. D'après le célèbre critique et gram-
mairien Âboû ^Obaïda, Giât s'étant permis de tour-
ner en ridicule un Arabe de sa tribu, celui-ci l'aurait
traité d'insolent ou de bavard, le mot arabe « ahtal »
(JlidÉi.1) comprenant les deux significations. D'autres
parient d'un, certain Taglibite, nommé *Otba, en
tournée pour recueillir de quoi payer le prix du sang.
Le jeune Ahtal s'étant mis à parier à tort et à travers ,
l'Arabe aurait demandé le nom de ce précoce « ba-
vard » (ahtal). Et le nom lui serait resté ^.
On le voit, les deux anecdotes ne sont au fond
que des variantes d'un même fait. De plus , s'il suf-
fisait, pour garder le nom d' Ahtal, d'avoir reçu du
premier venu l'épithète de bavard ou d'insolent, il
est permis de penser que le nombre des Ahtal serait
plus considérable dans l'histoire de l'Arabie.
Nous ne pouvons donc pas nous contenter de
cette méthode par trop facile d'interprétation. H
ne faut pas être grand clerc es choses orientales
ni avoir longtemps pratiqué les écrivains arabes
pour savoir à quel point ils abusent de l'explication
historique. Lexicographes, grammairiens, scoliastes,
traditionnalistes , tous y ont recours. Mettez-les en
face d'une locution obscure, d'un proverbe dont
' v^ill ioiji., I, 458. Ag., VII, 170.
103 JUILLET-AOOT 1894.
Torigine est inconnue , d'un nom propre à la forme
étrange S immédiatement ils inventent une anec-
dote etf ce qui est plus regrettable, ils la font pré*
céder d autorités et de références qui lui donnent
un faux air dauthenticité. Quand les critiques
arabes sont arrêtés par un surnom de poète, la
méthode employée est d'ordinaire la suivante : ils
parcourent les œuvres du mattre et y découvrent
asses facilement un vers dans lequel apparaît, sous
une forme ou sous une autre, le nom qu'il s'agit
d'interpréter.
Le procédé est assez connu pour qu'il soit inutile
d'en donner ici des exemples ^. Ne pouvant l'appli-
quer (et pour cause) à notre poète, les grammairiens
arabes se sont rabattus sur l'explication historique.
Nous venons de donner des exemples de ces tenta-
tives. L anecdote suivante repose sur une base plus
solide. Il y est question de deux vers que Gîàt a bien
réellement prononcés et elle explique d'une façon
naturelle l'origine de ses démêlés avec Ka^b , fils de
(jo'aïl.
^ Par exemple le'nom d'Ëmmaûs, j»l>». Dans les premières an-
nées de l'hégire, cette localité fut désolée par une peste aflfrease,
conaue sous, le nom de «peste d'Ëmmaûst; elle emporta plus de
2 5,000 musulmans. Le docte Asma'î dit gravement qu^dle reçut ce
nom parce qu'elle fut générale (i*) et fit des ravages {^^y); expli-
cation copiée avec empressement par les écrivains postérieurs. Gf.
un article sur £mmaûs du P. Van Kasteren S. J. , dans la Revoe
içC^plÙI Si^jSm . Beyrouth, 1889, p. ^»4-
* Par exemple l'explication du nom de Nâbiga. Cf. Journal asia'
tique, 1868, II, 206.
LE CHANTRE DES OMIADES. 105
Ce dernier musulman , quoique Tagiibite , passait
alors pour le premier poète de sa tribu. Partout il
était accueilli avec les plus grands honneurs. On lui
dressait une tente séparée ; on formait avec des cordes
une espèce d'enceinte et on la remplissait de bestiaux
dont on lui faisait présent. Or, un jour, il y eut grand
mouvement dans le campement occupé par la fa-
mille d'Ahtal, les descendants de Mâlik , fils de ùo-
sam ^ : Ka'b venait les honorer de sa présence. Pen-
dant que dans la tente d'honneur le poète présidait
au festin, les femmes faisaient entendre de joyeuses
acclamations, auxquelles se mêlaient les mugisse-
ments des bêtes qu'on parquait dans l'enclos réservé.
Le jeune Giât, exclu du banquet, regardait tout ce
mouvement et s'efforçait de recueillir l'écho des
vers déclamés à l'intérieiu* de la tente. Tout à coup,
cédant à un mouvement d'étourderie , il fait sortir
les bestiaux de l'enceinte et les chasse dans la plaine.
'Otba, le même Tagiibite qui, d'après une version
citée plus haut, lui avait déjà fait entendre des pa-
roles fort dures, lui adressa cette fois encore les plus
vifs reproches et s'empressa de faire rentrer les bes-
tiaux. Mais à peine a-t-il tourné le dos que Gîât les
lâche une seconde fois , et cela sous les yeux de Ka^b
lui-même, sorti pour connaître la cause de tout ce
bruit. Le poète ne put dissimuler son dépit : « Ce
garçon est un sot (Ah ta!) », s'écria-t-il. Gîât, en qui
le génie satirique paraît s'être éveillé de bonne heure ,
' Voir plus haut la généalogie du po^te.
104 JUILLET-AOÛT 1894.
riposta par le distique suivant, où ii joue siu* ie nom
de son adversaire ^ :
Tu portes le nom du moindre des os (du corps humain)
et ton père s'appelait scarabée.
Ta place dans Waïl' est celle de la teigne sur le croupion
du chameau'.
Ka*b fut sensiblement mortifié en entendant ces
vers. «J avais toujours cru, dit-il, que je ne serais
vaincu que par un poète de grand renom. Quant à
ces deux vers, il y a longtemps que je m attendais à
une attaque de ce genre , lorsque ce garçon s'en est
emparé*. » Gaut, le père d'Ahtal, s'empressa dofifrir
des excuses à Ka^b : « Ne faites pas attention, dit-U,
aux paroles de mon fils, c'est un jeune sot (ahtal). »
Dans la suite, comme l'adolescent continuait à se li-
vrer à son goût pour la poésie, Gaut, redoutant pour
son fils une lutte trop inégale, lui dit : « Que signifie
cette manie? Crois-tu donc pouvoir tenir tête à Ka*b? »
Et pour donner plus de poids à ses admonestations ,
il alla jusqu'à battre le jeune poète.
Quoi qu'il en soit, depuis ce moment la guerre
éclata entre les deux, guerre d'épigrammes et de sa-
tires, attestée par plusieurs pages du Divan*. « Voyez,
dit un jour le fils de Go*aïl en désignant Gîât, voyez
^ La signification de i^ou est bien connue; J^JlaL est le dimi-
nutif de JuLaL, scarabée.
* Ancêtre commun des tribus de Bakr et de Taglib.
» Ag.,VlI, 170.
* Ag., loco, cit.
* Par exemple p. 328; 329, etc.
LE CHANTRE DES OMIADES. 105
ce. visage où brille le feu de la fièvre. » Âhtal répondit
par une grosse injure à l'adresse de Ka^b et de sa
mère. « Comment s appelle ta mère ? » demanda ce
dernier. « Laïlâ » , répondit le jeune homme. Ce nom ,
extrêmement répandu parmi les femmes de l'Arabie ,
était également celui de la mère de Ka^b. Aussi, s'em-
parant de cette coïncidence, il s'écria : «Je com-
prends; tu veux couvrir ta mère en lui attribuant le
nom de la mienne ^ — Jamais ! répliqua Gîât. Puisse
Dieu refuser sa protection à celle qui t'a donné le
jour ! » Et depuis lors, ajoutent les chroniqueurs que
nous analysons, il garda le surnom d'Ahtal^.
Nous venons de donner, principalement d'après
le Kitâb al'Agânîf les anecdotes accompagnant l'ex-
plication traditionnelle de ce nom d' Ahtal, destiné
à une si grande célébrité. Peut-être ce nom a-t-il une
origine beaucoup moins pittoresque que ne paraissent
le soupçonner le smohaddit et les râwia, dont Ahou 1-
Farag nous a transmis les dires avec sa candeur ac-
coutumée. Heureusement nous ne sommes pas obli-
gés de nous en contenter. « Ahtal » n'a pas seulement
les significations signalées plus haut ; il se dit encore
de celui qui a des oreilles flasques et vacillantes.
C'est l'opinion d'Ibn Qotaiba , de Damirî et d'autres
écrivains^. Cette explication si naturelle deviendra
^ Cette réponse trahit chez les Arabes une malheureuse tendance
que nous aurons à stigmatiser plus loin. Sur la fréquence du nom
de Laîlâ, cf. Ag. , 1, 168, 1. aS.
« Ag., vil, 170.
' Cf. Divan, p. 335, notes a, b, etc.
106 JUÎLLET-AOOT 1894.
définitive le jour où un texte permettra d'attribuer
à notre poète ce défaut corporel ^ Les satires de (jarîr
ne renferment rien qui nous édifie à cet égard.
Nous savons peu de chose sur la jeunesse de Gîât.
De bonne heure il perdit sa mère Laïlâ, qui laimait
beaucoup et s'amusait parfois à le faire danser et
sauter sur ses genoux. Elle l'appelait « daubai » *,
terme de tendresse assez bizarre pour nous , désignant
un àne petit de taille et ne grandissant pas. Garîr,
son adversaire , s'empara plus tard de ce surnom , au
grand déplaisir d'Ahtal , qui protestait : « De quel
droit ce maudit Garîr m'appelle-t-il Daubai? Ma
mère , il est vrai , m'a donné ce nom quand j'étais
tout petit, mais il y a longtemps que je l'ai perdu ^. »
Laïlâ ne tarda pas à être remplacée par une ma-
râtre. Celle-ci accordait à peine à Âhtal la nourriture
et réservait pour ses enfants ce qu'il y avait de meil-
leur. Elle l'employait à des soins pénibles et l'envoyait
garder les chèvres *. Un jour, Gîât aperçut chez sa
belle-mère une outre pleine de lait et un sac conte-
nant des dattes et des raisins secs. Pressé par la faim ,
il s'avisa d'éloigner adroitement cette femme et de
s'approprier ces aliments. «Mère, lui dit-il de son
ton le plus caressant, tu sais combien de fois nos
voisins sont venus te visiter et ne cessent de te faire
* Ce texte , Ibn as-Salyid (cité par Salhani , Divan , p. 335 , note a )
prétend l'avoir cherché en vain.
* Mozhir de Soyoûtî, II, 217.
^ Ag., XI, 60.
* Ag., VII, 179.
LE CHANTRE DES OMIADES. 107
toutes sortes de politesses. Tu ferais bien, si je ne
m'abuse, daller les voir aujourd'hui, d'autant plus
qu'ils ont un malade. — Merci, mon enfant, ré-
pondit la belle-mère , tu as bien fait de me rappeler
ce devoir de société. » Là-dessus , elle mit ses meil-
leurs habits et sortit. Le jeune pâtre profita de son
absence pour boire le lait et manger les fruits. A son
retour, ne trouvant plus rîen, elle comprit qu'elle
avait été jouée, et saisit un bâton pour châtier le
mauvais plaisant ; mais il s'enfuit et , en courant , il
improvisa ces deux vers :
Une peccadille a été commise par Gîât qui a pris le lait et
les raisins de cette vieille.
Elle crie , elle se désespère , elle me maudit , mais que me
font ses malédictions ?
Ce furent, paraît-il, les premiers vers qu'il com-
posa ^
III
RELIGION D'AHTAL.
Tous les écrivains arabes attestent qu'Ahtal ap-
partenait à la religion chrétienne. « C'était , dit l'A-
gânî ^, un chrétien de Hîra , fermement attaché à sa
religion. » Nous en aurons des preuves nombreuses
dans le cours de cette étude. Il avait la coutume de
porter ostensiblement une croix sur la poitrine , ce
i Ag., vn, 179.
« Ag., VIT. i83.
108 JUILLET-AOÛT 1894.
qui 1 avait fait surnommer « porte-croix » ^. Hus tard ,
quand la faveur du prince lui fut venue, il paraissait
à la cour des califes tête haute , et fendait les rangs
pressés des courtisans en étalant à leurs regards la
croix d'or suspendue à son cou. Les habitués du pa-
lais de Damas ne se distinguaient pas en générai par
leur rigorisme religieux 2. Ce spectacle pourtant dut
plus d une» fois irriter leurs susceptibilités musul-
manes. Mais telle était la faveur dont il jouissait au-
près des princes de la maison d'Omaïya quon ne
paraît pas lavoir inquiété à ce sujet. Personne n au-
rait même osé lui en faire des représentations par
crainte de s exposer au ressentiment de sa muse
mordante.
n est regrettable que nous n'ayons pour nous gui-
der dans ce chapitre que les maigres renseignements
laissés par les chroniqueurs musulmans. Ils ne parient
qu'à regret du héros chrétien et évitent surtout de
donner des détails sur sa religion , sujet qui leur est
souverainement antipathique. Le Divan du poète ne
nous offre pas non plus les lumières que nous avions
le droit d'en attendre. Il ne renferme que de loin en
loin des allusions à la religion de l'auteur. Peut-être
le rigorisme musulman , qm a fait subir plus d'une
retouche aux œuvres des bardes de l'âge d! ignorance,
^ Cf. Hizânat al-adab, III , 672 ; Divan de Garir (ms. de U biblio-
thèque de l'Université Saint-Joseph de Beyrouth), p. 1 10; Qàmous,
etc.
* Les musulmans de MMine et de la Mecque les traitaient de
païens.
LE CHANTRE D£S OMIADES. 109
a-t-il soigneusement revisé les poésies du Tag^ibite,
élagué les vers trop ouvertement chrétiens, et sup-
primé les pièces contenant ime profession de foi. Il
y est pourtant fait mention de la croix, de Thostie
et de saint Sergius, patron des Taglibites. Voici d'ail-
leurs le vers le plus explicitement chrétien de tout
le divan :
J*en jure par le Dieu des chrétiens , celui qu ils invoquent
le jour de leur fête , par le Dieu des musulmans , réunis dans
leurs mosquées ,
Par le Dieu des anachorètes , du haut de leurs eniiitages
contemplant le ciel, libres des convoitises et des sollicitudes
terrestres ' I
Plus loin ^, répondant à *Abdalmalik qui lappe-
lait à rislam , il proclama qu il « continuerait à se
prosterner au lever de 1 aurore » , paroles dans les-
quelles il est permis de voir une allusion discrète au
sacrifice de la messe. Mais, en dépit du laconisme
des chroniqueurs musulmans, le peu qu'ils nous
disent suffit pour montrer combien Ahtal prenait
au sérieux son titre de chrétien et s'efforçait d'en
remplir les moindres obligations. On le voyait fré-
quemment assister aux offices et recevoir les sacre-
ments. Son ennemi Garîr ne manqua pas de le lui
reprocher.
«Jamais, lui dit le poète de Tamîm, nous ne
nous sommes inclinés devant un prêtre pour rece-
* Divan, 71, i. 5.
* Divan, i54 « 1. 4*
110 JUILLET-AOÛT 1894.
voir ThosUe, ni devant un monarque pour payer
tribut ^»
Gîât ne s en tint pas seulement aux pratiques ex-
térieures; il se montra toujours un fils dévoué de
rÉglise et professa pour les ministres de sa religion
la soumission la plus entière et la plus profonde vé-
nération. On lui apprend que Tévêque passe dans le
voisinage ^. « Allons , dit-il à sa femme , alors enceinte ,
va baiser le bord de la robe de notre pasteur; sa bé-
nédiction nous portera bonheur. » La fenune se hâta
d'obéir; mais, malgré son empressement, quand elle
arriva, Tévêque était déjà parti*.
Le rude enfant du désert, fier et intraitable en
face des conquérants, devenait doux comme un
agneau en présence des ministres de sa religion* Lui
qui traitait d'égal avec les plus qualifiés dentre les
disciples du Prophète acceptait sans murmurer les
reproches que les prêtres de sa tribu croyaient devoir
lui faire , et les punitions parfois humiliantes qu'ils
lui infligeaient. Un musulman , nommé Aboû ^Abd-
almalik , nous a transmis le trait suivant dont tt fut
témoin oculaire. C'était en Mésopotamie. En dépit
de tous les avertissements , le poète s'était laissé aller
à son penchant pour la satire et avait déversé le rir
dicule sur un membre de sa tribu. La victime le dé-
' Divan de Garir, 128. Le terme ^y^ dont se sert Gartr est pea
exact, les Taglibites n'y étant point astreints.
* jCs»o^ il5λ4U t)^» ajoute le narrateur.
^ Le « mohaddit », ou Aboû'l-Farag lui-même, peu favorable à Ahtal,
n'ont pu résister à la tentation de faire de l'esprit à cet endroit.
Cf. Ag., Vn,i83.
LE CHANTRE DES OMIADES. lil
fera au tribunal du curé. Ce dernier manda le poète ,
lui reprocha son manque de charité, puis, le saisis-
sant par la barbe, il le frappa avec son bâton. Ah|al
accepta humblement la correction , qui fut assez vive
pour lui arracher des gémissements plaintifs ^ Le
musulman avait vu la ville de Koûfa s émouvoir à
l'annonce de l'arrivée du poète; il lavait vu comblé
dlionneurs par lomiade Bisr, gouverneur de Tlrâq^.
Aussi ne put-il s empêcher de lui dii^e : « Les choses
ont bien changé depuis que tu as quitté Koûfa. —
C'est vrai , répondit Âhtai , mais quand il s agit de
religion , j entends m'humilier et me soumettre'.»
Le fait suivant s est passé à Damas , probablement
sous le règne de *Abdalmalik, c est-à-dire à une
époque où Ahtal avait atteint 1 apogée de la gloire.
Un jeune Qoraïchite, allié à la famille du Prophète,
avait accompagné son père dans un voyage à Damas.
Arrivant pour la première fois en cette capitale, il
en visitait les monuments , les églises et les mosquées.
Un jour, la curiosité le poussa dans Téglise de Da-
mas^, quand, dans une des salles attenantes au
* Le texte porte : rr*-^' *c»*^ ^ 'is^^j^i*
* Frère du Cïdife ^Abdaimalik ; son nom reviendra fréquemment
dans la suite.
* Ag.,VII, 179.
* Quelle est cette église? La cathédrale (actuellement la grande-
mosquée), dont les chrétiens possédaient encore la moitié, a dû
toujours appartenir aux orthodoxes ou mdcbites. Or, Ahtal était
probablement jacobi te. Damas ayant alors un évéché jacobite [Bibl.
or. d'Assemani, II, 344; Chronicon ecclesiasticum de Barhebraeus,
I, 2iG), cette secte a dû y posséder des églises et parmi elles une
plus remarquable appelée l'Eglite.
112 JOILLET-AOÛT 1894.
temple, il nest pas peu surpris d'apercevoir Âhtai,
ce poète chrétien qu'il avait vu quelques jours au-
paravant, assis à côté du calife. Le Qoraïchite s'ar-
rête en face de lui et le salue avec respect. Ahtal prie
le visiteur de se faire connaître. Sachant à qui il a
affaire, il lui dit : «Jeune homme, tu es de nohle
race, j'attends de toi ime faveur. — Elle t'est ac-
cordée d'avance, père de Mâlik», répondit l'ado-
lescent. Ahtal reprit': « Le curé m'a consigné ici, va
le prier de m'accorder la liberté. » Le Qoraïchite y
alla. Quand le curé connut la qualité de son visiteur,
il le reçut avec beaucoup de politesse. «Je viens,
lui dit ce dernier, te demander une faveur. — Et
c'est. . .? — De donner la liberté à Ahtal. » Ici le
visage du prêtre s'assombrit : «De grâce, s'écria-
t-il, n'intercédez pas pour cet homme, il ne mérite
aucunement l'intérêt que vous lui témoignez. C'est
un scélérat qui ne respecte rien et attaque l'honneur
de tout le monde par ses satires. » Mais le noble
Arabe insista tellement qu'à la fin le prêtre se leva ,
prit son bâton et se rendit à l'église. Arrivé tout près
d' Ahtal , il leva sur lui sa canne et l'apostropha ainsi :
« Ennemi de Dieu ! diras-tu encore des injures à ton
prochain ? Poursuivras-tu encore les femmes de tes
satires? — Je ne le ferai plus, répondit Ahtal, je
ne recommencerai plus »; et ce disant, il baisait les
chaussures du prêtre ^ Quand ils lurent sortis, le
^ Au lieu de <^*xiêwt du texte imprimé, G. de Percevai a dû
lire (^«x^Lwi avec un (hâ). Aucun dictionnaire, à notre connais-
LE CHANTRE DES OMIADES. 113
musulman lui dit : « Père de Mâlik , tout le monde
t'estime, le calife te comble de faveurs, tu occupes
à la cour une position élevée, et tu fhumilies devant
ce prêtre jusqu'à lui baiser les pieds ? — C'est la re-
ligion, répondit Âhtal , c'est la religion ! ^ »
Cette humble soumission du grand poète était
d'autant plus louable que ses coreligionnaires lui
offraient parfois des exemples bien différents. L'in
gérence de l'élément laïque dans le gouvernement
spirituel des communautés chrétiennes a toujours
été une des principales plaies de l'Église orientale.
Dès le temps d' Ahtal , il ne manquait pas de chré-
tiens, influents à la cour, qui prétendaient dicter la
loi aux patriarches et aux évêques , diriger l'élection
des premiers pasteurs , et leur arracher des conces-
sions peu conformes à l'esprit des canons ecclésias-
tiques^. De ce nombre était le propre médecin du
calife *Abdalmalik, un N'estorien, nommé Sarhoûn.
N'ayant pu arracher une certaine faveur à son pa-
triarche, il obtint contre lui, du calife, un décret de
destitution et de bannissement , condamnant le pré-
lat à être relégué dans un couvent jusqu'à la fin de
ses jours ^.
Ces exemples ne paraissent pas avoir exercé d'in-
fluence sur Ahtal. Soumis aux plus humbles repré-
sance, ne signale cette signiiication de ^^ j^^wt . Nous avons suivi
Il traduction de l'illustre orientaliste français.
' Ag., VU, i8j.
^ Assemani, BibL or., IV, 97.
•^ Ibid,t 100.
IV. 8
114 JOILLëT-AOOT 1804.
sentants de la religion chrétienne, en face des mu-
sulmans il affirmait hautement sa foi. Se trouvant à
Koûfa, il traversa le quartier des Banoû Rowàs^, au
moment où , du haut du minaret , le muenin annon^
çait la prière. Gomme il passait devant la mosquée,
de jeunes musulmans lui dirent par manière de
plaisanterie : « Voyons, père de Mâlik^, n'entreras-tu
pas pour prier avec nous? » Le Taglibite n'entendait
pas la plaisanterie , quand il s'agissait de religion ; il
répondit par ce vers énergique î
Je prie la où me surprend Theare de la prière ; la vérité
ne réside pas chez les Banoû Rowàs '.
L*omiade Hitôm l'entendit un jour réciter ce vers :
Si ta veux faire des provisions (pour Tautre vie), tu n'en
trouveras pas de meiQeures qae les bonnes œuvres.
« Holà! père de MMik, cria le prince, ce vers sent
l'islam l •— Prince , répondit Ahtal , je n'ai jamais cessé
d'être musulman^ dans ma religion^. »
Certains passages du Divan pourraient faire croire
queÂhtal s'est mis à l'aise avec la morale évangélique^.
' J'ai vainement cherdié des renseignements sur ks Banoâ Ro-
wàs.
« Ag., VII, i84.
^ Cf. Divan, i58, 1. ii.
* n joue sur ia signification étymolf^ique de l'arabe motUm.
«^ Ag., VU, i83.
^ C'est ia pensée du savant D' Th. Nôldeke dans son intéressant
compte rendu du Divan de Ahtal para dans ia Wwmt Z^itatknjif,
d* Krmde d, Morgenlandes , mai 1891.
LE GHÂNTRK I>ES OMIADËS. U6
Les yepg de la page 4 3 surtout sonnent d*une ma*
nière assez étrange dans une bouche chrétienne. £n
les prenant à la lettre , on serait tenté de oondure
que le chantre mésopotamien a pratiqué le christia*^
nisme à la façon de son brillant et romanesque pré*
curseur de Kinda, le prince poète Imroûlqaïs^
Mais o*est ici surtout le lieu de se rappeler qu à ré-
poque des Omiades , le « naàlb » avait déjà. beaucoup
perdu de sa signification primitive. Dès lors ii sa
transformait insensiblement en procédé littéraire ou
lieu commun poétique. Amoureux ou non , le poète
arabe n était pas libre de priver sa qasida d'un or^
nement qui occupe dans les vieux modèles une
place si considérable. Si la conduite du Taglibite
avait été légère , nous en aurions eu Tun ou lautre
écho dans la chronique du désert. Or on ne trouve
pas la moindre petite anecdote scandaleuse sur le
compte d'Ah^al dans le « Livre des Chansons », où il
y en a tant. Et pourtant on ne peut pas soupçonner
Aboù'i-Parag de partialité pour le héros chrétien.
Ahtai resta donc fidèlement attaché à sa foi. Ce
ne fut pas néanmoins sans luttes. Celles-ci se sont
peut-être renouvelées plus fréquemment que les
écrivains musulmans n*ont jugé à propos de nous
^ Comme on a révoqué en doute la réalité du christianisme d'Im-
roû'lqafg, voiei un \en de Doàr EomniA on 09 peut plii« nipUeite
sur ce point :
^ ^;Ui jU ffi J-? j^ia-^^i ^y^\ jLi Oû,
Manuscrit de l'Univers. S. Joseph da Beyimutli, p. 57.)
8.
116 JUILLET-AOÛT 1894.
le dire. *Abdalmalik , en véritable Omiade, avait en
matière de religion des idées très avancées. Au fond
la doctrine du Coran le laissait indifférent. Cepen-
dant, soit caprice de despote \ soit pour éviter les
reproches des musulmans pieux, qui ne lui pardon-
naient pas son intimité avec un chrétien , ce calife
libéral essaya plus d une fois ^ d'attirer son favori à
fislam. Un jour que celui-ci venait de lui réciter un
brillant panégyrique : « Pourquoi, lui dit le prince,
ne te fais-tu pas musulman ? - — J'accepte , répon-
dit le poète en riant, si Ton m'accorde l'usage du vin
et la dispense du Ramadan. » ^Âbdalmalik, dont la
proposition avait été très sérieuse, prit mal la plai-
santerie. «Sache-le bien, répliqua-t-il, une fois mu-
sulman , si tu négligeais une seule des obligations de
Tislam, je te ferais trancher la tête! » — Sans se
laisser déconcerter, Ahtal répondit par ces vers :
Non I jamais je n'observerai le jeûne du Ramadan , ni ne
mangerai la chair des victimes.
Jamais je ne pousserai vers la vallée de la Mecque au temps
du pèlerinage une jeune et robuste chamelle.
Jamais je n*irai crier comme un âne : Allons I à la prière ! '.
Mais je continuerai à boire la bienfaisante liqueur et me
prosternerai au lever de Taurore *.
«Mais, demanda le prince, quel attrait a donc
^ Mas'oûdî (V, 210) assure qu'il était enclin à verser le sang.
* On verra plus loin de nouvelles tentatives.
^ Ahtal reproduit ici une partie de l'appel du muezzin.
* Divan, i56, i54; Ahsîhî, I« 97; Hizânat ,1, 321; Ibn Has'iq
(ms. de rUn. S. Jos. Beyr.], p. 29.
LE CHANTRE DES OMIADES. 117
pour toi cette maudite boisson? — Sire, répondit
Ahtal, quand j'en ai bu, je ne me soucie pas plus
de ta personne que des courroies de ma sandale.
— Improvise des vers sur cette pensée , dit le calife
décidément de mauvaise humeur, ou je te ferai sau-
ter la tête des épaules ! » Le poète dut s'exécuter ;
heureusement sur cette matière il n'était jamais pris
au dépourvu :
Si mon commensal me fait à deux reprises vider trois
coupes dun vin généreux,
Je me lève, traînant les pans de ma robe, comme si j'étais
ton maître, ô maitre des croyants \
On a relevé dans les œuvres d'Ahtal certaines ex-
pressions s'accordant mal avec ce que nous venons
de dire de la rigueur de ses convictions chrétiennes^.
Deux vers surtout ont été incriminés. Le premier
est peu embarrassant. Partisan dévoué des souverains
omiades, le barde de Taglib proclame qu'à la ba-
taille de Siffîn le ciel est intervenu pour faire triom-
pher la justice de leur cause :
Le jour de Siflin , quand leurs regards le suppliaient , Dieu
les exauça en leur envoyant des secours ^.
Le second vers est plus difficile à expliquer; il ne
^ Divan, i54t ^* S*
* Cf. le second compte-rendu consacré par M. Th. Nôldeke à
l'édition du P. Salhani dans la Wiener Zeitschrijï,
^ Divan, 174.
118 JDILLET-AOÛT 1894.
serait pas déplacé dans la bouche dun bon musul-
man. Le poète y interpelle les Banoû Âsad :
Vos épaules, dit-ii, n*ont pas reçu Tempreinte du sceau
prophétique et les chaires (des mosquées) repoussent vos
encombrantes personnes*.
La signification de ce vers nous parait singuliè-
rement diminuée par le fait qu'il n'est peut-être pas
la propriété de notre poète. H a dû être composé,
au moins en partie , par un de ses contemporains , le
célèbre Oqaï^ir^. Gomme il avait eu en son temps
un vif succès , Ahtal se sera emparé d'un trait de sa-
tire bien connu et l'aura retourné contre les Asadites.
Au surplus, ces expressions et d'autres semblables
donneraient le droit de conclure , non pas que la foi
du chrétien ait eu des moments de défaillance, mais
qu'il n'a pas toujours su se défendre d'emprunter les
expressions du milieu dans lequel il vivait.
S'il nous a été facile de montrer que Ahtal fut
non pas un chrétien de cour, mais qu'il resta « fer-
mement attaché à la religion de ses ancêtres », comme
s'exprime rAgânî ^, il est moins aisé de déterminer à
quelle fraction de la grande famille chrétienne il a
^ Divan 3i6, i. lo. A ia page 2 43, 7, il y a un autre vers assez
étrange au point de vue chrétien. Avouons cependant que la
fréquentation des S^l^ donne lieu de suspecter sa conduite. Dès
lors , déjà ces endroits étaient habituellement des lupanars. Cf. Ag. ,
patèim.
' Cf. Ag., X, 94.
3 Cf. Ag., VII, i83.
LE CHANTRE DES OMIADES. 119
appartenu. Au tu* siècle de J.-C, outre la religion
catholique, encore appelée orthodoxe et melchite ^
deux sectes importantes, les jacobites et les nesto-
riens , se partageaient les chrétiens de TOrient. U s'agit
de préciser et de montrer laqudle de ces commu-
nautés peut réclamer le poète de Tag^.
Apres les conciles d'bphèse (43 1) et de Ghsd-
cédoine (45 1), les nestoriens, proscrits par les em-
pereurs byzantins, repoussés par les catholiques,
anathématisés par les monophysites ou jacobites,
tournèrent toute leur activité vers TÂsie orientale.
S'ils ne parvinrent jamais à faire des établissements
considérables sur la rive syrienne de TEuphrate, en
revanche, au bout dun demi-siècle, ils eurent amené
à leur communion presque toutes les contrées si-
tuées au delà de ce fleuve. La Basse-Mésopotamie ,
la Chaldée, Tancien royaume de Hîra, TÂrabie,
furent les premiers pays envahis par le flot montant
du nestorianisme; de là, il couvrit la Perse, Tlnde
et jusqu'à la Chine et la Tartarie, Quand Ahtal na-
quit, le catholicos nestorien de Gtésiphon avait sous
lui près de aoo évêques, dont ao métropolitains.
La conquête nestorienne fut-elle complète, ou faut-
il admettre Texistence de quelques centres d'ortho-
doxie au milieu de ces contrées désormais acquises
* Ces termes ne sont plus synonymes ; melchite désigne les chré-
tiens de rite grec en communion avec Rome, orthodoxe les Grecs
non unis. Ponr le mot melchite, cf. nos Remartf uei sur let mots fran-
çais dérivés de l'arabe, p. 163 , et notre brochure i Le rôle des lan^s
orientales dans l'étymologie contemporaine, p. 28,
120 JUILLET AOÛT 1894.
à l'hérésie? Rien n'autorise cette dernière supposi-
tion. «Si quelques parties plus saines résistèrent
dans le principe aux envahissements du schisme et
de l'hérésie, leur résistance ne dut pas être de longue
durée et elles ne paraissent pas avoir triomphé long-
temps des conséquences de l'isolement, toujours et
partout si funestes, mais surtout en religion ^. »
Quant aux Arabes chrétiens, ils étaient irrémé-
diablement perdus pour l'orthodoxie. La conquête
musulmane aggrava encore cette situation et elle fut
accueillie avec bonheur par les nestoriens et les ja-
cobites, fatigués de la domination tracassière de
Byzance^.. En retour, les nouveaux maîtres leur ac-
cordèrent certains privilèges dont les nestoriens bé-
néficièrent surtout. S'il faut en croire le hachémite
^Abdallah fils d'Isma^il dans sa fameuse lettre à^Abd-
almasih le Kindite^, les prédilections des disciples
du Prophète pour les sectateurs de Nestorius seraient
encore plus anciennes. «Parmi tous les chrétiens,
dit-il, ils sont les plus sympathiques aux musulmans
et s'en rapprochent le plus par leurs croyances. Le
Prophète les a loués et s'est lié envers eux par des
engagements solennels. Il a voulu reconnaître de la
sorte l'assistance que les religieux nestoriens lui
avaient prêtée en prédisant la haute mission à la-
quelle il était appelé. Aussi Mahomet leur portait-il
^ La Chaldée, par l'abbé P. Martin.
* Voir à cet égard un texte significatif dans Barhebrasus , Chro-
nicon ecclesiasticum , éd. Abbeloos et Lamy, I, 17^.
^ Première édition , Londres, 1880, p. 6.
L£ CHANTRE DES OMIADES. 121
raffection la plus sincère et aimait-il à s'entretenir
avec eux, »
Tout cela nous fait suffisamment entrevoir l'ex-
tension et les succès du nestorianisme en Arabie.
On ne peut donc pas prendre au pied de la lettre
Taffirmation de Barhebraeus, assurant que tous les
chrétiens arabes étaient jacobites K
Il nous reste à voir si les Taglibites sont parvenus
à se soustraire aux ardeurs du prosélytisme nestorien ,
allant à cette époque même chercher des adeptes
jusque dans les steppes glacées du nord de la Chine.
Le territoire de la tribu de Taglib n'était pas loin
de Ctésiphon, siège du cathoUcos. Tout près de là,
les contrées de Mossoul et de Takrît renfermaient,
comme de nos jours, de nombreuses communautés
nestoriennes. A différentes époques , les Banoû Taglib
ont plus ou moins gravité dans l'orbite de la Perse '^.
Or les souverains de ce pays , dans un but politique
facile à comprendre, favorisaient le nestorianisme
dans leur empire, afin de détacher complètement
leurs sujets chrétiens de leurs coreligionnaires d'Oc-
cident^.
» JJoJt ytaxài gjb (éd. Salhani), p. i48.
> Cf. Ag., Xm, 178, etc.
^ En 616, quelques années avant la naissance d'Ahtal, le roi de
Perse détruit les églises des orthodoxes en ses États, et les oblige
à professer le nestorianisme, uniquement pour indisposer la cour
de Byiance (cf. Théophane, Chronographie ; Migne, Pair, grœc,
t. CVfll, p. 654). Après la prise d'Édesse, il imposa à la ville un
évéque nestorien (Barhebraeus, Chronicon ecclesiasticnm, I, 2 64;
III, 66; Rubens Duval, Histoire d'Édesse, dans le Journ. asiat.,
1891, I, 435).
122 JUILLET-AOÛT 1894.
Le « Livre des Chansons ^ » assure de son côté
que Ahtd était un chrétien de Hîra. Or, bien avant
ie VII* siècle, les chrétiens de Hira, les ^Ibadites du
moins^, professaient le nestorianisme. Un texte de
Mas^oûdi ne laisse aucun doute à cet égard ^.
On le voit, le nestorianisme d*Ahtal a pour lui
d assez sérieuses probabilités. Nous ne croyons pas
cependant pouvoir adopter cette opinion.
L'affirmation très catégorique de BarhebraBUB
prouve du moins, selon nous, qu'une bonne partie
des Arabes, ceux de Mésopotamie surtout , les mieux
connus de Técrivain monophysite, étaient jacobites.
Ce n*est que depuis Tislam , et grâce à la faveur des
princes musulmans, que Thérésie nestorienne par^
vint à faire des adeptes en ces provinces. La partie
moyenne du « Gazira », où campaient les Taglibites,
était particulièrement un centre actif de jacobitisme.
On peut ajouter que de tous côtés ils touchaient
«^ des pays dont le monophysitisme n est pas douteux*
Tels étaient Edesse et la province environnante. Tels
les Tonoûhites établis sur le territoire d'Atra^ en
plein pays taglibite, tels encore les Banoû Ta^laba,
voisins méridionaux de Taglib ^.
Depuis la mort de Jacques Baradée, la Mésopo-
» vn, 170.
* Cf. c^^t (s^^ 3^« pu* le P* Cheikho, p. 607.
^ Prairies d'or. II, 838, éd. B. de Meynard»
* G. de Perceval, Essai, II, 43. — Atra, chez les Armbes yàil,
plus d'une fois mentionné par Ahtal.
* BihL or., rV, 607.
LE CHANTRE DES OMIADES. 123
tamie romaine avait été définitivement gagnée au
parti jacobite , qui de là étendit ses conquêtes vers
le sud. Il était répandu è Gireesium, à Gaiiinique
(Âr-Raqqa) , à Rhœsina ^, à Ghaboras, iocfdité située
sur le fleuve de ce nom. Toutes ces villes avaient
des évéchés jacobites , ainsi que Âmid , Hîra et Koûfa ^.
A f ouest du pays de Taglib, les Gassanites étaient
également infectés de Thérésie eutychienne ^ et Damas
comptait une communauté de cette secte , gouvernée
par im évêque*.
Mais nous avons heureusement des données posi-
tives, indiquant clairement à quelle secte apparte-
naient les Banoû Taglib. Dans sa « Ghronique ecclé-
siastique^», Barhebraeus les signale formellement
comme relevant delà juridiction de son église. Nous
parlons des Taglibites habitant la moyenne Mésopo-
tamie, qui seide nous intéresse, comme ayant été
la résidence habituelle d'Ahtal. Quant aux fractions
de la tribu fixées en Iraq ou au delà du Tigre , elles
ont pu se laisser plus ou moins envahir par le nes-
torianisme. Au témoignage de Barhebraeus s'ajoute
celui du nestorien *Amr, fils de Mattâ; parmi les
sièges épiscopaux des monophysites , cet écrivain
* Encore nommée Rkasina civitas (^^<js. o«l^)et Theodosiopolis.
Cf. Bihl. or., n, 327; Oriens Ckristianns de Lequien, l[, 970, 78,
sqq.
» Bibl. or., II, 344.
» Bibl, or,, TV, 606.
* Bibl or., U, 33i; 344.
^ Pars I, 296; in, 124.
124 JUILLET-AOÛT 1894.
nomme *Ana sur TEuphrate, évêché dont « relevaient
les Taglibites nomades ^ »,
^ Mais nestorien ou jacobite, Ahtal ne fut jamais
un sectaire. Il y avait à Damas, nous venons de le
voir, une communauté jacobite. Cependant, lorsque
, le poète arrivait en cette ville , il allait fréquemment
réclamer l'hospitalité de l'illustre maison des Man-
soûr^, dont le chef Sergius, connu des Arabes sous
le nom d'Ibn Sarhoûn ou Sargoûn, remplissait de-
puis de longues années auprès des califes omiades
fimportante fonction de secrétaire d'Etat^. Dans cette
famille , si connue par son attachement à la foi ortho-
doxe, grandissait alors un jeune fils de Sergius, ap-
pelé Jean. Ahtal s'entretint sans doute plus d'une
fois avec cet adolescent, qui devait plus tard dans
de savants écrits réfuter Nestorius et Eutychès, et
illustrer à jamais le nom de Damascène.
Un jour que Ahtal se présentait à l'audience de
^Abdalmalik, le prince lui demanda où il logeait :
« Chez Ibn Sarhoûn , répondit le poète. — Ah ! s'écria
^\bdalmalik, tu connais les bons endroits; et que te
> JJL (^IC* lJJi3 fy So\a ^UII bt^t]^ . Le P. L. Gheikho a eu
l'obligeance de me copier sur le manuscrit du Vatican le passage
dont j'extrais cette incise. Cf. Bïbl, or., IV, 607.
^ Voir, pour plus de détails, lés notes des pages 346 et 3^7 du
Divan.
^ Les écrivains arabes l'appellent : secrétaire des califes , chef de
l'administration , préposé au divan des impots et à ceLvà de l'armée
(Tabarî, II, 2o5, 1. 10; 837, 1. 11). Théophane l'appdle uytpt-
xès XoyoOirnt xcù Xiav ^xeic&fievos t^ aUr^if À^ijEiifAé;^» (lisez *Abdal-
mdik).
L£ CHANTRE DES OMIADËS. 125
fais-tu servir? — Du pain de semoule, comme
celui que vous mangez; les viandes les plus délicates
et du vin de Baït Ras ^ — Ne te souviens-tu pas, re-
prit en souriant ^Âbdalmalik, combien de foLs je me
suis fâché contre toi à cause de ta passion pour cette
liqueur? Fais-toi musulman, je te comblerai de
biens et te ferai compter sur Theure 10,000 dir-
hems^. — Mais comment me passerai- je de vin?
demanda Ahtal. — Hé! quel charme, dit le calife,
peut donc t oflfrir cette boisson , qui n a d'abord qu'im
goût amer et qui, ensuite, plonge dans Tivresse? —
Quoi que vous en puissiez dire, répliqua Ahtal, il
existe entre ces deux extrêmes un point de jouis-
sance , en comparaison duquel tout votre empire n a
pas plus de prix , à mes yeux , qu une gorgée d*eau de
FEuphrate. »
Cette saillie inattendue dérida le calife qui , chan-
geant de conversation, dit au poète : « N'iras-tu pas
saluer Haggâg? il vient de m'écrire pour réclamer
ta visite. » Ahtal tenait peu à faire la connaissance
du farouche gouverneur de l'Iraq, auprès duquel
son rival Garîr était tout-puissant. Aussi demanda-
t-il au calife si c'était un ordre ou une simple invi-
tation. — «C'estun désir que j'exprime, répondit
^ Cf. Divan de Nâbiga, XXVI, v. 9; Divan d' Ahtal, 207, i. 19.
* Don considérable pour un prince avare comme 'Abdalmalik
(Mas'oûdî, V, 110; Ag., XV, i58; Tarîh al-hamis, II, 307). Le
grand Mo'âwia avait coutume de dire : « Un Omiade qui ne soigne
pas ses finances ne ressemble pas à ses ancêtres» [Tabarî, t. U,
p. 208, 1. 5).
1S6 JUILLET-AOÛT 1894.
^Abdsdmalik. -— * En ce cas, dit le poète , Votre Majesté
me permettra de préférer le séjour de Damas à ce-
lui de Koûfa, et le moindre des dons de Témir des
croyants aux plus beaux présents de Ha^gâg. Je me
trouve entre vous deux , comme Thomme dont parie
le poète :
« Qui achète un âne et le préfère comme monture
à un vieux cheval. »
Le prince fut si content de cette réplique qu'il
lui fit compter 10,000 dirhems et l'engagea à faire
le panégyrique de son lieutenant. Le poète s'exé-
cuta ; il composa une qasida qui est loin de compter
parmi ses meilleures, et il l'envoya en Iraq par
l'entremise de son fils ^
Le calife ^Ali , gendre et cousin du Prophète , avait
coutume de dire : « Les Taglib ne sont pas chré?
tiens; ils n'ont emprunté au christianisme que la
coutume de boire du vin. » Quoi qu'il en soit de cette
parole, évidemment exagérée, Ahtai, comme le iao-
teur a pu s'en apercevoir, ne démentait pas sous ce
rapport son origine tag^ibite. Il ne faisait d'ailleurs
que continuer les traditions des vieux poètes Bé*
douins, qui tous, à en juger d'après leurs poésies,
étaient d'intrépides buveurs^. Gomme ce héros du
désert dont parle la mo^allaqa de *Antar, qui « faisait,
en buvant , tomber les drapeaux des marchands de
VAg.,vn, 174.
* Dans ses Prolégomènes, Ibn HaidoÀn a cru devoir affirmer le
contraire. H n'y a pourtant qu'à ouvrir l'Agânî , et les poètes «iit^
islamiques, par exemple Nàbiga, XXVI, 9? XKXI, 7, etc.? Imroàl-
qaïs, XVII, 5, etc.
L£ CHANTRE DES OMIADËS. Ii7
vin^», ou comme Tarafa, qui accueillait ses hôtes
avec ces vers : « Dès le matin , quand tu te présenteras
ches moi» je toffiîrai une coupe pleine de vin, et
aurais*ta déjà savouré cette liqueur à longs traits,
ta recommenceras avec moi. »
Garîr ne pouvait manquer de reprocher à Abtai
sa passion pour le vin. Celui-ci n'eut garde de nier.
Gomme Tami de Mécène, il attribuait au vin une
grande vertu inspiratrice; il plaignait bien sincère-
ment ceux de ses confrères musulmans qui croyaient
devoir s'en priver et il leur conseillait à Toccasion
d'avoir recours à ce moyen pour donner plus d'éclat
à leurs compositions.
Motawakkil était un poète modarite, originaire
de Koûfa. Il avait paru non sans éclat à la cour de
MoWia et de Yadd , qui avaient apprécié son talent.
Fier des palmes cueillies dans la cité des califes,
dès qu'il apprit la présence de Ah^al à Roûfa , il brûla
de se mesurer avec ce rival. « Allons I dit-il à l'un
de ses amis, allons le provoquer à une joute poé-
tique 1 » Quand ils i eurent salué, ils le prièrent de
leur faire entendre quelques-unes des productions
de sa muse. Ahtal s excusa et leur déclara qu'il ne se
sentait jpas disposé ce jour-là« Motawakkil crut. de-
voir insister et s enhardit jusqu'à lui dire : « Père de
Mâlik, je me fais fort d'opposer à chacune de vos
pièces une qasîda égaie ou supérieure aux vôtres. »
^ Les marchands de vin, chez les AnJbes., éieyaieat un drapeau
sur leur tente pour annoncer qu'ils ea avaiait à vendre. La chute
de ce drapeau indiquait que leur provision était épuiiée. ( R. Basset.)
128 JUILLET-AOÛT 1894.
La provocation produisit son effet. Ahtal se sentit
piqué : «Qui es-tu?» demanda-t-ii à son interlocu-
teur. Celui-ci s*étant nommé : « Eh bien ! reprit Ahtal,
je t'écoute. » Motawakkil n'attendait que cette invi-
tation et il déclama trois de ses qasîdas. Il paraît
bien qu'elles ne déplurent pas au barde de Taglib ,
puisqu'à la fin il dit à Motawakkil : « Si de temps à
autre tu te réchauffais les entrailles avec un verre de
vin , tu serais le roi de la poésie ^. »
^Abdalmalik n'ignorait pas les habitudes de son
favori. Par une froide matinée^, il arriva à ce prince
de citer le vers d' Ahtal :
Celui qui le matin boit trois rasades sans mélange d*eau se
sent porté à la générosité.
« Oui, continua le prince, je me le représente, à
cette heure matinale , enveloppé dans son manteau ,
le visage tourné vers le soleil , assis dans une des ta-
vernes de Damas. » Sur l'ordre du calife , on alla voir
et tout se vérifia comme ^Abdalmalik l'avait indiqué^.
N'entreprenant pas ici le panégyrique d' Ahtal >
nous convenons sans difficulté que sa passion pour
le vin fait tache dans une vie qui ne manque pas
de grandeur. Mais avec le P. Salhani* nous croyons
également qu'il faut se garder de prendre à la lettre
^ Littér. : «si le vin a6ojait dans ton ventre». Le P. Salliani pro-
pose de lire oocvJ au lieu de u>a^ . Âg. , XI, 39 ; Hizàna , III , G 1 3.
* Ce détail est dans i'Agânî.
'' Ag. , VIÏ, 173; Sarîsi, comment.
* Divan, 339, 7.
LE CHANTRE DES OMIADES. 129
les renseignements que nous transmettent sur ce
point les ennemis du poète. Que Ahtal ait eu pour
le vin un goût très prononcé , son Divan latteste en
cent endroits. Quant aux excès dont ses rivaux ont
voulu le charger, leurs accusations sont trop intéres-
sées poiu* être accueillies sans contrôle.
IV
MARIAGE D'AHTAL.
La discipline des chrétiens arabes sur le mariage
paraît avoir été singulièrement relâchée et le divorce
couramment pratiqué chez eux. Imroûlqaïs , le trop
célèbre prince de Kinda , ne se gênait pas pour ren-
voyer ses femmes ^ Doraïd, fils de Simma, dont le
christianisme est assez probable'^, n hésita pas non
plus à convoler à de nouvelles noces , du vivant de
sa première femme ^. Dans la vie si mouvementée
de Farazdaq, nous voyons que ce poète, déjà marié
à Nawâr, s'avisa de réclamer la main d'une jeune
Saïbanite chrétienne^, qui lui fut accordée sans dif-
ficulté. Cette facilité des divorces^ tenait à bien des
causes. Il ne faut pas se le dissimuler, à Tépoque
* Ag. , XXI, 174 eX passim.
* Les PP. de Coppier et Clieikho sont encore plus afTirmalifs.
» Ag.,Xin, 5.
* Du temps de notre poète , plusieurs familles saibanites avaient
gardé la foi chrétienne. Cf. Ag. , Vï, i5i.
^ Rapprochez encore Ag. , 11, 3/i, 1. 1, où No'man force 'Adî b.
Zaïd à répudier Hind.
IV. 9
lllfBIltCa:* lATIUlALIt.
130 JUÎLLET-AOÙT 1894.
d'Ahtal surtout, letat religieux des chrétiens arabes
était des moins satisfaisants. Abandonnés à eux-
mêmes, plongés dans Tignorance, en contact per-
pétuel avec les populations musulmanes, ils ne pou-
vaient attendre que peu de secours de la part d'un
clergé dont le schisme et Thérésie avaient grande*
ment diminué l'ascendant moral. D'ailleurs, pour
tout dire en un mot , depuis la séparation d'avecles
catholiques , la notion de Tindissolubilité du mariage
chrétien semble avoir été obscurcie dans TEglise
orientale ; témoins les Grecs « orthodoxes » , qui se
montrent encore sur ce point d*une déplorable con-
descendance.
Ahtal avait épousé une femme appartenant comme
lui à la famille taglibite des Banoû Mâlik^ ËUe lui
donna plusieurs fils; famé s appelait Mâlik; ce qui
valut au père le surnom d'Aboû M àlik. Malgré cela
il la répudia , on ne sait pour quelle raison , et en
épousa une autre , qui venait elle-même d'être répu-
diée par son mari^. Cette seconde union ne fut pas
heureuse. A^tal , entendant un jour sa femme palier
en soupirant de son ancien époux, fit ces deux vers i
Chacun de nous passe sa vie dans la souffrance , comme si
le contact du lit nous écorchait la peau.
Elle regrette son premier mari , et moi je regrette ma
première femme \
^ Elle est mentionnée, Divan, 93, 5.
^ Cela confirme ce que nous avons dit de la fréquence des di-
vorces ches les Arabes chrétiens.
^ Divan, SSg, i5.
LE CHANTRE DES OMIADES. 131
AHTAL ET LES OMIADES.
•
Depuis quelque temps déjà la réputation d*Ahtal
s était répandue dans l'Iraq; un écho en était peut-
dtre parvenu jusqu'à Damas. Mais, appartenant à
une tribu chrétienne qui n avait pas de représentants
influents à la cour, il aurait probablement continué
à languir encore longtemps dans lobscurité; tout
au plus aurait-il pu briller sous la tente des chefs
du désert ou dans les cours des gouverneurs de
Basra et de Koûfa, quand une circonstance vint
fort à propos servir les espérances de sa naissante
ambition. Ka*b fils de GoVil , celui-là même qui avait ,
bien involontairement sans doute . éveillé en lui le
génie de la satire, se. chargea de le produire à la
cour, « moins peut-être par générosité que par ma-
lice et pour se débarrasser lui-même d'une commis-
sion épineuse ^ ».
En toute rencontre, les Ansariens ou Ansars
s étaient montrés ennemis acharnés de la famille
d*Omaïya. Mo^âwia ne se faisait pas illusion sur leur
compte. Le jour où ils vinrent lui offrir leur soumis*
sion, il les apostropha ainsi : « Troupes d* Ansariens,
vous avez menacé ma fortune à la bataille de Sifiîn
^ C. de Percevait Notice, p. 9. Dans lo» pages suivautes, nous
emprunterons encore plus d'une fois les expressions de rillustn
orientsdiste.
132 JUILLET-AOÛT 1894.
et j'ai vu briller la mort au bout de vos lances. Vous
m'avez percé de vos railleries , plus aiguës que lalène
du cordonnier ^ » Tant que Mo^âwia vécut, les An-
sariens se bornèrent à une opposition sourde; le
pouvoir des Omiades était trop solidement établi
pour qu'ils pussent rien entreprendre; mais, lui
mort, ils se promettaient bien d'avoir leur revanche.
En attendant, leurs poètes continuaient à déverser
le ridicule sur les califes syriens. Mo^âwia, en fin
politique, voulait bien ne pas prendre ombrage de
ces attaques ; mais il était décidé à réprimer énergi-
quement toute tentative de révolte ^.
Encouragé par cette longanimité, un jeime Ansa-
rien , *Abdarrahmân , fils de Hassan , le chantre de
l'islam , feignit dans ses vers une vive passion pour
Ramla, fille du calife^. Le vieux Mo^àwia aurait en-
core laissé cette hardiesse impunie ; mais Yazîd , son
fils et successeur désigné, était d'un tout autre ca-
ractère. Ce jeune prince n'avait rien de la modéra-
tion de Mo^âwia. Il était plutôt la fidèle image de sa
mère, ime fière Bédouine de Kalb, qui l'avait élevé
dans la sauvage indépendance du désert. Il avait rap-
* Mas*oûdî, V, 46. Nous employons la traduction de M. Barbier
de Meynard. — • Oà Vivien de Saint Martin a-t-il trouvé que les
Ansariens ou « Ansars sont une tribu arabe qui forme la première
population de la Mekke (sic) oii il y en a encore quelques restes»?
(Dict. de géogr., s. v.)
* Tabarî (II, 2i4i 1* i4) cite de lui cette phrase : «Je m'in-
quiète peu des paroles , tant qu'on n'en vient pas à la révolte ou-
verte. » Cf. encore i6id., 208, 1. 5.
* Ag., XIV, 122.
LE CHANTRE DES OMIADES. 133
porté de cette éducation les défauts comme les
qualités des enfants du désert : éloquent, poète,
mustdman peu convaincu , d'une franchise rare , im-
puissant à maîtriser sa colère ^; il détestait les Ansa-
riens qui le lui rendaient bien. Dès qu'il connut Tau-
dace de *Abdarrahmân , il courut chez Mo^âwia et le
pressa vivement de sévir contre Tinsolent Médinois^.
Le vieux monarque, on Ta vu, ne pouvait pas être
taxé de tendresse excessive pour les Ansariens; mais
beaucoup plus maître de lui-même , il fit remarquer
à son fils combien il serait impolitique de poursuivre
des gens aussi considérés que les Ansariens : « D'ail-
leurs, ajouta-t-il en terminant, je me réserve d'agir
quand la députation de ces derniers arrivera de Mé-
dine •'*. »
Quand elle fut introduite, MoWia prit à part
*Abdarrahmân et lui dit : « On m'a rapporté que tu
peins dans tes vers ton amour pour Ramla, fille du
commandeur des croyants. — Il est vrai, répon-
dit ^Abdarrahmân , et si j'avais connu quelque beauté
plus illustre, dont le nom pût donner plus d'éclat
à mes compositions, je l'aurais célébrée. — Hé
bien ! dit Mo^âwia , que ne chantes-tu Hind , sa sœur,
ï Mas'oûdî, V, i5i; Ibn al Atîr, IV, 53; Falirî, 137.
* Les vers de TAnsarien (Ag. , XIV, 122) sont très passionnés
et expliquent l'indignation de Yazîd. Plus tard le calife Walîd dé-
fendit aux poètes sous les peines les plus sévères de nommer dans
leurs vers une parente du souverain , ou même une femme attachée
au service du pdais (Ag. , VI, 36; 39, etc.). Voir aussi Ag., I, 78.
' Gomp. Ag. , VI , 169, etc. , une histoire analogue ; les caractères
de Mo'âwia et de Yazîd y paraissent encore mieux.
134 JCILLET-AOÛT 1894.
qui là surpasse en attraits ? » L'intention du calife ,
en invitant *Abdarrahmân à chanter à la fois les
deux sœurs , était de le mettre ainsi en contradiction
avec lui-même , de manière que le public vît claire-
ment que tout cela n'était qu'une fiction poétique.
Mo^âwia cherchait de la sorte à éviter un éclat.
Mais Yazîd , qui en voulait personnellement à *Abdar-
rahmân \ ne fut pas satisfait de cette combinaison;
il lui fallait une punition retentissante, capable de
rabattre lorgueil de l'aristocratie médinoise. Il jeta
les yeux sur Ka*b fils de Go^aïl et l'engagea à faire
une satire contre les Ansariens* Ka*b , qui était mu-
sulman, s'excusa, alléguant le courroux du calife;
il lui répugnait en outre d'attaquer des hommes qui
avaient été les défenseurs du Prophète ^. « Mais , s'écria
Yaaîd impatienté, si tu ne veux pas t'en charger,
indique-moi quelqu'un qui le fera à ta place. —
J*ai vôtre homme, reprit Ka*b, c'est un jeune poète
de notre tribu, plein de talent, une vraie langue de
vipère * ; chrétien de religion , il sera d'autant plus à
l'aise pour attaquer les Ansariens. - — Nomme-le
moi, dit le prince. — C'est Ahtal », répondit Ka*b.
Yazîd le fit venir et lui déclara ce qu'il attendait
de lui. Ahtal fut d'abord effrayé de la commission.
Mais le prince le rassura : « Je prends tout sur moi » ,
^ Cet Ânsarien avait violemment attaqué un Omiade, proche
parent de Yazîd. Cf. Ag., XHI, i5o-i54; XIV» i53» où celte his-
toire est longuement racontée.
• Ag., Xra, i54.
^ Littéral. : une langue de taureau.
LE CHANTRE DES OMIADES. 136
hn di^il. Âhtal se mit à l'œuvre et fit une diatribe
virulente.
Dieu maudisse cette engeance , ces fils de juifs \ dans les
vallons entre Golâgil et Sirar.
Leurs yeux enflammés brillent comme la braise , quand
le vin bouillonne.
Les grandes et belles actions sont Tapanage de Qoraià,
la honte s*abrite sous le turban des Ansariens I
A d'autres les hauts faits 1 Ce n'est point votre affaire ;
prenez plutôt vos pelles , descendants de Naggâr * !
Les guerriers vous connaissent par derrière, ô fils de paysans
avSisl
Veux-tu connaître la généalogie d*lbn al-Forai^a' : c'est un
ànon fils d'une ànesse et d'un âne.
Ce« vers eurent un prodigieux retentissement.
Tout le monde les répétait. Les Bédouins remplis-
sant la cour et la ville de Damas * jouissaient surtout
de rhumiliation de ces citadins de Médine, quils
traitaient de paysans et de juifs, et qui, à ces titres,
leur inspiraient le plus profond mépris.
Il y avait alors dans l'entourage des princes
omiades un personnage considérable, nommé Nor-
man fils de Basîr. Par haine pour *Alî^, il avait, quoi-
^ Les juifs avaient longtemps formé la principale partie de la
population médinoise.
' Banoû Naggâr, famille d' Ansariens.
' Surnom de Hassan fils de Tâbit,le plus grand poète ansarien.
Cf. Divan, 3i4.
* La dynastie omiade se montra toujours très favorable aux Arabes
du désert.
* Ag. , XIV, 120,
136 JUILLET-AOÛT 1894.
que Ansarien , embrassé la cause des Omiades. Seul ^
parmi les « défenseurs » du Prophète, on l'avait vu à
la journée de Sifiîn combattre dans Tarmée de Mo-
*âwia . Ce calife Testimait et l'aimait ^. Yazîd lui-même
oubliait en sa faveur la haine quil portait aux An-
sariens et lui témoignait une particulière confiance.
Quand Norman eut connaissance de la satire d'Ahtal ,
il se présenta devant Mo^âwia, ôta son turban et
montrant au cdife sa tête nue , il lui dit : « Com-
mandeur des croyants, voyez-vous quelque chose
dont je doive rougir .^^ — Que signifie ce langage?
demanda le calife, je ne vois en toi rien que d'hono-
rable. — Hé bien! reprit Norman, Ahtal a pré-
tendu que la honte se cache sous nos turbans. —
Comment! s'écria le prince, il aurait dit cela? Je
te permets de lui faire couper la langue; à moins
que mon fils ne lui ait accordé sa protection. »
Aussitôt il donna Tordre d'arrêter Ahtal. B avertit
en même temps Yazîd de ce qui venait de se passer
et l'engagea à prendre le poète sous sa sauvegarde.
L'arrivée de l'officier du calife à la demeure d' Ah-
tal y causa le plus grand trouble ; sa femme le crut
perdu*. Pour lui, il pria l'envoyé de l'introduire chez
Yazîd. « I^rince, lui dit- il, ce que je redoutais est
arrivé. — Sois sans crainte», lui répondit Yazîd.
* Ag., XIV, 119. D'après Mas'oûdî (V, 46), d'autres Ansariens,
mais en petit nombre, auraient imité l'exemple de No'mân.
* kg., XIII, 162; XIV, 119. Il gouverna longtemps Koûfa au
nom des Omiades (Tabarî, II, 216; Mas'oûdî, V, 128, etc.), puis
Hims.
^ Divan, 92, 5.
LE CHANTRE DES OMIADES. 137
Sans retard il alla trouver son père et n'eut pas de
peine à obtenir la révocation de Tordre donnée Un
gracieux distique de Yazîd fait allusion à ces événe-
ments :
Dans sa détresse Ahtal appela au secours ; avec quel em«
pressement n'ai-je pas répondu à son appel !
Ma vue dispersa la foule de ses ennemis , un mot de ma
bouche arrêta la langue des calomniateurs \
Ahtal ne marchanda pas à son auguste protecteur
l'expression de sa reconnaissance; il trouva pour le
chanter des accents venus du cœur, et tranchant
sur le ton des autres panégyriques plus ou moins of-
ficiels.
Père de Hâlid ', tu as détourné de moi un effroyable mal-
heur; sans toi ma chair était mise en lambeaux.
Tu as éteint la fureur de No mân , s' apprêtant à me faire
sentir les effets de sa vengeance.
Mais quand il aperçut derrière moi le fds d'une noble mère ,
impuissant à m*atteindre , il recida et contint ses transports.
Il venait de rencontrer celui dont la protection , comme
une corde fortement tressée , rompt les intrigues des calom-
niateurs.
Patron fidèle , aimé de ses hôtes , accourant au secours du
dient qui l'implore *.
Dans les vers suivants , le chantre de Taglib pro-
1 Ag., XIU, aS; XIV, 122.
» Ag., XIII, i54.
^ Konya de Yaiîd.
* Divan, 4, 3.
138 JUÎLLET-AOÔT I8Q4.
teste de son inaltérable dévouement à la personne
de Yazîd :
Non, jamais je n'oublierai Yazid, jusqu à ce que me pres-
seront les parois de la tombe.
Dieu te récompense (prince), de ce que tu as fait pour un
malheureux délaissé ,
Opprimé , en butte à toutes les attaques , exténué comme
s*îl avait été brûlé par le simoun du désert.
Qu'il t'accorde la récompense et le pardon de Joseph , la
rétribution d'Aaron et de David !
Ou encore la protection répandue sur Noë dans Tarche
quand Dieu 1 exauça au jour de i épreuve I ^
Appartenant à une famille où le talent poétique
se transmettait comme un héritage, de père en fds^,
Norman voulut répondre à la satire d'Ahtal. Le Ki~
tdb cd-Agâni nous a conservé ie commencement assez
pâle de cette réplique :
Fais savoir aux hordes de Tag^b, fdle de Wâïl, établies
près de l'Euphrate et sur les bords du Xes\ATy
Que le signe de la honte s'étale sur leur nez comme la
marque sur la cuisse de Tâne.
Aboû'l-Farag prétend que la crainte empêcha
Ahtal de continuer ses attaques contre No mân et
îes Ansariens. La vérité est que le Divan de notre
poète ^ contient une réponse bien différente de celle
^ Divan, 147, 6. A la page 286, 2, le poète dit encore : tSans
l'intervention de Yazîd, fils de Timâm, ja succombais victime de
ma langue. »
* Voir sa notice dans Ag. , XIV, iig-iSo.
» P. 3i3.
LE CHANTRE DES OMIADES. 139
qu'on lui prête dans le « Livre des Chansons ^ ». H
était d'ailleurs en cour plus que jamais. Un prince
comme Yazîd, ami du vin et de la poésie, devait
apprécier la société du barde mésopotanaien. Aussi
paraît-il Tavoir pris comme compagnon habituel de
ses voyages *. Peut-être même le poète se trouvait-il
à Hawwârin dans la province d'Émèse^, quand ce ca-
life y mourut , après un règne de moins de quatre ans.
Les bons musulmans ne le regrettèrent pas *, témoin
ce vers qu'un Bédouin prononça sur sa tombe :
Tombeau situé à Hawwârin, tu renfermes le pire des
hommes ^
Quant à Ahtal, il tint à payer un dernier tribut
de reconnaissance à la mémoire dun prince qui
l'avait comblé de bienfaits, et il lui consacra une
élégie, la seule que renferme son Divan. Nous n'en
possédons que ce court fragment ^ :
Par ma vie ! Hàlid ^ a conduit jusqu'à la tombe le cercueil
d'un prince expérimenté et généreux ^
» Ag.,Xni, i5d.
^ D'après certain récit, Ahlal aurait même accompagné Yazid à
la Mecque; mais cette anecdote a tous les caractères d'un apocryphe.
Cf. Divan, 369.
^ Devenu chez Ibu al-Atir, IV, 53 : tHawrftn de la province de
Damas»; même confusion dans j.^^ ♦ iH ^^^1 I1 1 3oo.
* Le Fahrî accole même à son nom l'épithète de tlf>*J-» .
' Mas'oûdî, V, 127.
* C'est ce qu'il est permis d'inférer du terme de qasîda , dont se
sert Mas'oûdî (loco cit.) pour désigner cette élégie.
' Fils de Yazîd.
' Le texte de ce vers diffère dans Mas'oùdi, loeo ciL
140 JUILLET-AOUT 1894.
Yazîd repose à Hawwârîn, séjour qu'il ne quittera plus.
Que les pluies du matin rafraîchissent la tombe et Thôte
qu'elle abrite I
Ses affranchis poussent des cris à la vue de la mère de
Hâlid \ Enveloppée d'habits de deuil, elle pleure le glorieux
et magnanime héros ,
Et reçoit les condoléances de ses amies qui viennent en
foule , les vêtements déchirés , ne gardant que le voile et le
manteau *.
Mo*âwiaTI, fils et successeur, ne fit que paraître
sur le trône. Les neufs mois du règne de Marwân
furent employés à reconquérir la Syrie et TÉgypte.
Mais parmi tous les souverains omiades, celui qui
montra à notre héros la plus éclatante faveur fut le
fils de Marwân, ^Abdalmalik. Poète lui-même, ce
prince aimait « la poésie et les panégyriques , où sa
gloire et ses hauts faits étaient célébrés^». Jeune
encore il vint du Higàz en Syrie dans le seul espoir
dy retrouver certaines poésies de Nâbiga. Il lui ar-
riva , jusque dans la chaire de Médine , de citer, au
lieu des versets du Coran , les vers de ce poète *. La
vie du chantre de Tag^ib est en majeure partie
rhistoire de ses rapports avec ce csdife et le relevé
des bienfaits qu*il en a reçus. Nous avons déjà tou-
ché ce sujet et nous aurons à y revenir fréquemment.
Sous le règne de Walîd, Ahtal était déjà vieux et
cassé ; ce qui ne l'empêcha pas de célébrer ce prince
* Fahita, épouse de Yazîd.
* Divan, 289.
^ Mas'oûdî , V, 210.
* Ibid., V, 280; Joum. as,, 1868, H, 262.
LE CHANTRE DES OMIADES. 141
en plusieurs panégyriques qui nous sont restés. Mais
ce calife illettré \ bâtisseur infatigable et musulman
plus convaincu que ses prédécesseurs ^, paraît avoir
été moins sensible aux charmes de la poésie que les
premiers souverains omiades.
Ainsi que les califes , les autres membres de la fa-
mille d'Omaïya comblaient Ahtal de prévenances.
Bi^r et Hisâm , le premier frère , lautre fils de *Abdal-
malik , se distinguèrent surtout sous ce rapport. Après
les louanges du calife régnant, celles de Bisr re-
viennent le plus fréquemment dans les vers du chantre
de Taglib. La suite de cette étude montrera Tinti-
mité des rapports établis entre le prince et le poète.
Bisr avait tout ce qu il fallait pour mériter les sym-
pathies et les éloges d' Ahtal : il était généreux, ami
du vin, protecteur des poètes et des musiciens. Hi-
sâm , au contraire , n'avait rien de la munificence et
des goûts artistiques de son oncle ^. Naturellement
avare, il garda jusque sur le trône ces dispositions,
peu dignes d'un souverain. Visitant un de ses vergers
en compagnie de ses courtisans , ceux-ci se permirent
de manger les fruits de toute espèce dont il était
rempli , en s'écriant : « Que Dieu bénisse Témir des
croyants ! » Hisâm leur dit : « Comment Dieu béni-
rait-il en ma faveur un jardin que vous mettez au
* Cf. Aboû'l-Farag J30JI g-^b ^«gv-ag (édit. Salhani), p. 195, etc.
Rien dans l'Agânî n'indique que des rapports se soient éta1)lis
entre Wjdîd et Ahtsd.
* Tabarî, II, 1271.
3 Mas'oûdi, V, 466.
143 JUILLKT-AOÛT 1894.
pillage? » Il appela alors son intendant et lui ordonna
d'arracher tous les arbres fruitiers, et de planter des
oliviers , afin que personne n'en pût manger les fruits ^ .
Il n est donc pas étonnant qu'un prince qui avait
des goûts si vulgaires n'ait que médiocrement ré-
munéré le talent poétique. Un jour Ah^Uui récitait
des vers qu'il venait de composer à sa louange. Hi-
sâm lui donna 5oo dirhems. Le poète, trouvant le
présent mesquin , sortit et employa la somme entière
à acheter des pommes qu'il distribua aux enfants du
quartier. Cette action fut rapportée à Hisâm qui se
contenta de dire : « Tant pis pour lui ; il n'a fait de
tort qu'à lui-même^. » 5oo dirhems étaient, parait-*
il, le maximum des libéralités de Hisâm. Ce prince
ayant fait le pèlerinage de J a Mecque, Farazdaq Tac-
compagna et revint avec lui après les cérémonies.
Pour récompenser cette assiduité, Hisâm lui fit
compter 5oo dirhems. Le poète de Tamîm accepta
l'argent, mais il répondit à ce cadeau par une épi-
gramme mordante qu'on peut lire à la page 76 de
son Divan ^.
VI
AHTAL ET LA POÉSIE ARABE.
Au moment où la gloire darde ses premiers rayons
sur le front de notre héros, il ne sera pas hors de
» Mas'oûdî, V, 478.
» Ag.,Vn, 180.
' Voir aussi Ag. , IV, 110, 1. 17. — Ah^l a dû peu connaître
LE CHANTRE DES OMIADES. 143
propos de voir où en était alors la poésie arabe.
L'avènement de Tislaui, il faut en convenir, avait
été loin de favoriser son développement. Si la nou-
vdle religion inspira le Médinois Hassan, fils de
Tâbit, en revanche elle imposa silence à Labid et à
bien d autres. L'islamisme affectait des dehors 'trop
austères; il confondait la poésie comme la musique
parmi les profanes divertissements qui avaient amusé
l'âge d'ignorance* Quelle poésie les nouveaux con-
vertis pouvaient-ils écouter ou composer, quand le
Coran était là, le Coran , ce type éternel de la beauté
littéraire , tellement que ni les anges ni les hommes
ne sauraient écrire une phrase qui égalât la première
venue du livre sacré! Pour sa part, Mahomet se
montra plutôt hostile aux poètes. Un jour, voyant
passer l'auteur d'une mo^allaqa, le Prophète s'écria :
« Mon Dieu ! préserve-moi du démon qui agite cet
homme ! » *Ali pensait sur ce point comme son
maître et cousin. Gâlib, père de Farazdaq, lui ayant
présenté son jeune fils, dont il vantait les disposi-
tions pour la poésie : « Tu ferais mieux, répondit le
gendre du Prophète, de lui faire apprendre le Co-
ran ^. » Mahomet ne pardonna jamais aux poètes
l'opposition que la plupart d'entre eux avaient faite
à sa doctrine, et lors de la prise de la Mecque, il
*Abd-«l 'azÎE. Ce jeune prince résida constamment en Egypte, où,
comme ses frères à Damas et à Koûfa, ii accorda la plus large
protection aux poètes.
* Ag. , XIX , 6 et 48. Voir, Ag. , VII , 1 3o , le sentiment de Maho-
met sur Amroûlqaïs.
144 JUILLET-AOÛT 1894.
excepta de lamnistie générale un Qoraïcbite qui
avait composé contre lui des vers satiriques.
Mais ce qui porta à la poésie les coups les plus
rudes, ce fut le changement opéré par le Coran dans
la situation et les habitudes des Arabes. Il fallait aux
poètes, pour les inspirer, la sauvage indépendance
du désert, les luttes de tribu à tribu, les razzias, la
fastueuse hospitalité des princes de Hîra et de Gas-
sân, les longs festins arrosés de vins syriens, enfin
les concours poétiques de *Okâz. L'islam avait mo-
difié tout cela : de la réunion de *Okâz il ne restait
plus que le souvenir; les grands chefs du désert
guerroyaient avec leur tribu sur les champs de ba-
taille de la Perse, de ilnde, de l'Afrique septentrio-
nale et de TËspagne. Devant qui les poètes auraient-
ils chanté ? Les califes eux-mêmes avaient abandonné
TArabie pour se fixer à Damas.
C'en était fait de la poésie arabe. Elle n'aurait
plus compté que des panégyriques froids et officiels ,
ou serait dès lors tombée dans l'afféterie qui, sous
les Abbassides , signale son irrémédiable décadence.
Mais un demi-siècle après l'apparition de l'islam,
quand les premières ferveurs de la foi musulmane
se furent refroidies , et que l'empire arabe se trouva
réuni sous l'autorité tolérante des Omiades , il y eut
comme une renaissance poétique. On vit surgir toute
une pléiade de bardes bédouins, Ahtal, Farazdaq,
Garîr, DoûVromma, Kotaïyr, Râ^î, etc. Tous sont
nés au désert, cette grande école de la poésie; c'est
au désert que leur talent s'est manifesté et développé.
LE CHANTRE DES OMIADE^ 145
S'ils ont paru à la cour de Damasc, c est parce que
cette cour était devenue pour eux ce qu était autre-
fois pour les Â^^à , les Nàbiga, les Hansâ, les Hassan
bin Tâbit la célèbre foire de ^Okâz, ou les cours de
EBra et de Gassàn. Us s y retrouvaient d ailleurs dans
un milieu vraiment arabe. Les califes omiades, les
premiers du moins, avaient gardé les habitudes des
chefs du désert ^ Tout Bédouin , quel qu'il fût , pourvu
qu'il récitât des vers, était accueilli avec empresse-
ment. Il abordait librement le souverain sans avoir
à coudoyer cette tourbe d'eunuques, d'esclaves, de
chanteuses , de musiciens et de tous les parasites des
royautés despotiques qui, plus tard, encombrèrent
les palais de Bagdad et de Samarra.
Quelle fut, dans cette renaissance de la vieille
poésie, la part d'Ahtal ? Nous essayerons de la déter-
miner en citant, malgré leur vague et leur manque
de précision , les jugements des sommités de la cri-
tique arabe. Dès maintenant il nous est permis d'af-
firmer qu'elle fut considérable. Entouré de brillants
rivaux, il n'en vit pas sa gloire obscurcie. Chrétien,
sans sacrifier aucune de ses convictions religieuses ,
il sut, par son beau talent, commander le respect et
l'admiration à des contemporains ne partageant pas
ses croyances. Plus tard , la postérité reconnaissante
rangera son Divan immédiatement après les immor-
telles « mo^allaqat ».
^ Les courtisans se comportaient à l'égard du prince avec ia plus
grande liberté « le reprenaient « répliquaient, etc. 'Abdidmalik mit
rf. lo
146 JUILLET-AOÛT 1894.
Ge talent n a jamais été contesté. D un avis una-
nime Ahtal , Farazdaq et Garîr forment une triade
poétique , à laquelle , depuis Tapparition de Tislam ,
on ne peut rien comparer. On s accorde beaucoup
moins siu* le mérite comparatif de ces trois grands
hommes. Chacun d'eux eut ses admirateurs passion-
nés qui lui décernèrent la palme ^. Voici une ap-
préciation du célèbre grammairien Asma^î : « Garîr,
dit-il, a eu à ses trousses quarante-trois poètes, s'ef-
forçant tous de le mordre. Pour lui , il s en débarras-
sait sans le moindre effort : seuls Farazdaq et Ahtal
purent tenir devant lui ^, » L autem^ du Kitâb al-
Agânî est plus explicite et déclare qu'à son avis ,
Ahtal est inférieur aux deux autres ^. Nous verrons
plus loin ce qu'il faut penser de cette assertion.
Il y avait chez lomiade Hisâm une réunion litté-
raire à laquelle assistaient les trois poètes rivaux. Le
jeune prince , poiu* jouir de l'embarras de ses invités ,
dit à l'un d'entre eux, nommé Sabba : «J'entends
beaucoup parler de la guerre d'épigrammes et de
satires que se font ces trois rimeurs , guerre dont je
ne vois ni la raison ni l'utilité. Ne me diras<tu pas
lequel l'emporte sur les autres ? » Sabba aurait pré-
féré répondre à n'importe quelle autre question ; il
ne se dissimulait pas qu'une explication catégorique
certaines bornes à cette licence. Nous verrons pourtant Ahtal garder
avec lui son franc parier.
1 Ag., VII, 170.
» Ag., VU, Ao.
> Ag., VU. 58.
LE CHANTRE DES OMIADES. 14*7
lui vaudrait l'inimitié de deux des trois poètes : « Ga-
rir, dit-ii, puise dans une mer, Farazdaq taille dans
un roc; quant à Ahtal, il excelle dans Téloge et la
poésie héroïque. — Voilà, s écria Hisâm, des gé-
néralités 4iui ne nous apprennent rien. — Je n ai
pas autre chose à dire » , répondit Sabba. Le prince ,
s^adressant alors à Hâlid fils de Sa^ân, le pria de
trancher la question. Sa réponse, quoique moins
laconique et incomparablement plus pompeuse , tut
encore moins satisfaisante; il ménagea si bien les
éloges et distribua si adroitement Tencens aux trois
poètes, quil était impossible de deviner lequel avait
ses préférences. Seul, Maslama, frère de Hisâm, se
déclara satisfait^ et félicita Hâlid de Télégance de sa
diction et de la sûreté de son goût. Quant à Hisâm ,
il .partit d'un éclat de rire ; « Fils de Safwân , dit-il ,
j'ai rarement vu un tour d'adresse comme celui que
tu viens d'exécuter; tu as contenté les trois poètes.
Assurément tu es un homme habile 2. »
La question de prééminence entre Garîr, Faraz-
daq et Ahtal passionnait alors les esprits. C'était sur-
tout entre les deux premiers qu'elle s'agitait, soit
parce qu'étant plus jeunes, ils avaient devant eux
plus d'avenir, et que d'ailleurs la publicité de leur
inimitié attirait particulièrement les regards, soit
parce que Ahtal , ne professant pas la religion domi-
^ Qaïrawânî, cité dans Magâni al-adab, V, 20/4, suppose à tort
que le £iit s'est passé sous le califat de Hisâm.
* Ag.,VIT, 73.
10.
148 JUILLET-AOÛT 1894.
nante, inspirait un intérêt moins vif et moins gé-
néral. Ce qui montre, dit Gaussin de Percevai^
combien le goût pour la poésie était commun parmi
les Arabes, c est que cette question était discutée
non seulement par les gens de lettres , dans le calme
du séjour des villes, mais encore parmi des soldats,
au milieu des fatigues et des dangers. On rapporte
que Mohallab, faisant la guerre aux Azraqites, en-
tendit un jour dans son camp un grand tumulte. Il
en concevait de l'inquiétude, lorsqu'on vint lui en
apprendre la cause. Une contestation s'était élevée
entre ses- soldats au sujet du mérite comparatif de
Garîr et de Farazdaq. Ils allaient prendre leur gé-
néral pour juge, quand Mohallab les arrêta en leur
disant : « Voulez-vous donc m exposer au ressenti-
ment de ces deux chiens hargneux qui me déchi-
reraient à belles dents ? Je me garderai bien de pro-
noncer entre eux; mais je vous indiquerai des juges
qui ne redoutent ni Garîr ni Farazdaq. Adressez-vous
aux Azraqites; ce sont des Arabes^ qui cultivent la
poésie et qui sont d'excellents connaisseurs. » Le len-
demain , les deux armées étant en présence , un Az-
raqite sortit des rangs et vint provoquer en combat
singidier un guerrier des troupes de Mohallab. Un
soldat, qui avait été des plus ardents dans la discus-
sion de la veille , accepta le défi , mais avant de se
* A qui nous empruntons la traduction du récit suivant, pris
dans rAgânî, VII, 3 9 et 55.
* C'est-à-dire des Bédouins. Seuls ils étaient censés posséder le
génie poétique , à l'exclusion des Arabes sédentaires.
LE CHANTRE DES OMIADES. 149
battre, il voulut absolument savoir le sentiment de
TAzraqite sur la question qui les divisait.
Longtemps encore après la mort des trois poètes,
on continua à discuter sur leur mérite respectif. Sous
le califat d*Amîn , fils de Zobaïda, prince voluptueux
et sans goût pour les lettres, une de ces discussions
eut lieu dans lantichambre même du souverain. Le
jugement, cette fois rendu en vers, laissait comme
d'habitude la question ouverte ; il se terminait ainsi :
Tous les trois sont excellents; leurs éloges ou leurs at-
taques ont trouvé un puissant écho \
D'autres critiques sont heureusement plus expli-
cites et assignent franchement le premier rang à
AhtaL De ce nombre sont des grammairiens de la
plus haute valeur, comme Aboû *Amr as-Saïbânî^,
Voûnis, Aboû *Obaïda, dont les noms seuls sont
une recommandation ; Aboû *Amr, presque contem-
porain de notre poète ; Abou*Œ>aïda, vrai Pic de la
Mirandole, qui, à la fin de sa fructueuse carrière,
pouvait se vanter d'avoir composé plus de deux cents
ouvrages.
Voici ce que rapporte ce docte maître : Un indi-
vidu vint trouver le grammairien Yoûnis et lui posa
cette question : « Quel est le meilleur des trois
poètes ? — C est Ahtal » , répondit Yoûnis sans hé-
siter. Nous voulûmes savoir, continue Aboû *Obaïda,
^ Ag., IX, 46.
* Ainsi nommé pour le distinguer d'oii autre grammairien , Aboû
*Amr, fils de *Alâ.
150 JUILLET-AOÛT 1894.
de quels poètes il s^agissait : « Nommez ceux que
vous voudrez , reprît Yoûnis , Ahtal l'emportera tou-
jours sur eux* » Étonnés d'une affirmation si caté-
gorique et d'entendre le maître assurer que les sa-
vants étaient unanimes pour accorder la prééminence
à Ahtal , nous le priâmes de nous donner ses auto-
rités. Il nous cita plusieurs savants des plus respec-
tables. « C'étaient, ajouta-t-il, des hommes entendus
aux choses de la littérature, non pas comme vos
maîtres qui ne sont ni grammairiens, ni Bédouins.
Voici ce qui les engageait à se prononcer en faveur
d'Ahtal. C'est qu'en général sa poésie est plus cor-
recte et plus soignée , et qu'il a composé le plus grand
nombre de pièces d'une certaine étendue, irrépro-
chables d'un bout à l'autre, pouf le fond et pour la
forme. » Un assistant objecta que Hammâd et Gan-
nâd ^ ne partageaient pas cette manière de voir. « Ceux
que vous m'opposez , reprit Yoûnis , ne sont ni gram-
mairiens, ni Bédouins, et 'n'entendent rien aux fi-
nesses de la littérature , tandis que les savants dont
je vous parie ont blanchi dans l'étude de la langue
et en connaissent tous les secrets. Ce sont eux qui
en ont fixé les règles et (Ucté les lois du bon goût. »
En contrôlant cette assertion du maître, dit Aboû
*Obaïda, nous trouvâmes dans les œuvres d'Ahtal
dix qasîdas irréprochables, à côté desquelles on pou-
vait en mettre dix autres, de bien peu inférieures
* Hammâd, le célèbre râwia, comme nous le vei^ns, donnait la
préférence à notre poète. «Quant à Gannâd, nous avons inutilement
cherché des renseignements sur ce personnage.
LE CHANTRE DES OMIADES. 151
aux premières. Nous n en rencontrâmes que trois de
cette force dans ie Divan dé Garîr et aucune dans
celui de Farazdaq ^
Nous voici bien loin des appréciations vagues et
générales des Sabba et des Ibn Safwân , et nous ne
voyons pas ce qu'on pourrait opposer à un jugement
si solidement motivé. En résumé, les critiques d'un
caractère indépendant sont favorables à Âhtai ^. Les
autres sont évidemment préoccupés du désir de mé-
.nager les opinions de leurs interlocuteurs , et surtout
de ne pas accorder à un chrétien d odieuse mémoire ?
la prééminence sur des musulmans.
C'est que, depuis les Omiades, un grand change-
ment s'était opéré dans l'opinion musulmane. Le
siècle de Haroûn ar-Rasîd, le siècle par excellence
des grammairiens et des critiques, ne ressemblait
en rien à l'époque de Yazîd et de ^Abdalmalik. Si la
cour de Damas avait applaudi le poète de Taglib,
c'est qu'elle était composée de Bédouins assez peu
fanatiques et d'hommes de guerre dont beaucoup
avaient pris part au sac des deux villes saintes , brûlé
la Caaba et attaché leurs chevaux au tombeau de
Mahomet^. Certes les préjugés religieux ne devaient
pas empêcher ces gens de goûter les vers d'un grand
» Ag., VIT, 170-174.
« Cf. Ag.,VII, 171.
* A cause de son manque de respect pour la religion domi-
nante.
^ Nous devrons revenir sur ces événements quand nous aurons
à parler de la situation religieuse sous les Omiadcs.
152 JUILLET-AOÛT 1894.
poète I fôt~il chrétien. Sous les Âbbassides, la civili-
sation arabe avait atteint son apogée. On reléguait
dans lombre les chrétiens qui avaient préparé ce glo-
rieux mouvement ^ Les disciples rougissaient main-
tenant de leurs initiateurs et s'e£Forçaient de les faire
oublierai Aussi la plupart des critiques de ce temps
sont-ils embarrassés quand ils ont à parler d'Ahtal.
Leur appréciation peut en général se résumer ainsi :
ce serait le premier des poètes^ depuis Tislam , s'il
n avait été chrétien. L auteur de rAgâni lui-même,
rhonnéte et judicieux Aboûl-Fara^, « malgré sa tolé-
rance peu commune'.», na pu surmonter le préjugé
général et il a pris à regard d*Ahtal une attitude pres-
que hostile, contrastimt sensiblement avec la sym-
pathie prodiguée à Garir et même à Farazdaq.
C'était aussi lappréciation du prince ^Omar, fils
de ^AbdaraeizjLe fils du calife ^Abdalmalik, Solaï-
mân, lui demanda un jour lequel il préférait de
Garîr ou d'Ahtal. *Omar était d'une piété bien rare
' Certains contemporains font de même; témoin un ouvra^
absolument prodigieux du D' 6. Le Bon , La civiU$a$itm des Arabes,
Paris, iS84.
* Tabarî,dans son immense reeneil, ne cite pas oin» SMile fois le
nom d'Ahtal , tandis que les noms et les vers de Garfr et de Faraz-
daq reviennent firéquemment. Qalqaf andi (iL;Lx-5' ^ ^^âkA^t ^uo
LfiJ^I, p. 2i5 de notre copie), en pariant des- proverbes jqu'un écri-
vain doit connaître, cite ceux de G. et de F. A^tal n'est pas nommé.
Nous croyons cet ouMi volontaire, à moins qu'on ne l'attribue à la
rareté des manuscrits de notre poète , dont un seul , cdui de Saint-
Pétersbourg, a survécu. Cela revient peut^tre «u même.
' M. Barbier de Meynard dans Journ, aiiat., 1.874, II, 161.
LE CHANTRE DES OMIADES. 153
chez un Qmiade. Parvenu au califat, il sujpprimera
les pensions des poètes pour les accorder aux pauvres
et aux famiHes des comipagnons du Prophète. Con-
sacrant tout son temps à Tétude . du Coran et aux
exercices dei dévotion, il regardait la poésie comme
une occupation indigne dun bon musulman. Aussi
pna-t-il son royal cousin de le dispenser de répondre.
Mais celui-ci insistant pour avoir son opinion :
« Ahtal, dit le prince, a été gêné par son iniid^té,
tandis que Tislam a mis tous les avantages du côté
de Garir, et pourtant vous avez pu voir comment
Ahtal la traité. — G'est-àrdire, s écria Solaïmàn,
que vous accordez la préférence au chrétien ' ! »
Un autre jour, des courtisans étaient réunis dans
Tantichambre de Maslama, frère du même Solaï-
màn. Bientôt on vint à parler de la célèbre triade
poétique et, comme d^habitude, les avis étaient par-
tagés. A la fin, rassemblée, d'une commune voix,
convint de s'en remettre à la décision d'Abou 1 *askar.
« J accepte , dit ce dernier. Je les <^ompare à de nobles
coursiers qui ont souvent lutté ensemble. Celui qui
remporte toujours, c'est Ahtal; celui qui le serre
d'assez près et arrive constamment le second, c'est
Farazdaq; Garîr est le coursier qui tantôt devance
les vents, tantôt se laisse battre par ses rivaux 2. » Et
à l'appui de son assertion, Aboû'l \iskar cita deux
» Ag., VII, 181.
* Naturdiement les partisans des deux autres poètes ne gardent
pas les mêmes proportions. Cf. les notices de Garir, Ag. , VII, 38 , et
de Farazdaq, VUI, 186.
J54 JUILLET-AOÛT 1894.
vers où il croyait remarcpier cette inégalité du talent
deGarîri.
«Les poètes islamites^, disait Aboû *Obaïda, sont
au nombre de trois : Ahtal est le premier, viennent
ensuite Garîr et Farazdaq^. » Aboû *Amr et Salama
fds de *Yâs* donnaient de même la préférence au
poète chrétien. Le premier le comparait à Nâbiga à
cause de la coiTection de sa poésie^. Personne, au
jugement d'Aboû 'Obaida , « n approchait autant de la
manière des. poètes antéislamiques , par son style
toujours noble et soutenu, par la concision et lex-
pression de ses vers^ ». « S'il avait vécu un jour dans
lage d'ignorance, disait Aboû *Amr, je ne lui con-
naîtrais point de rival''. » Eloge absolument extra-
ordinaire pour qui connaît ladmiration fanatique,
professée par les Arabes pour 1 âge héroïque de leur
littérature. Le même savant citant un vers qu'il trou-
vait délicieux : « Ahtal lui-même, ajouta-t-il, n'aurait
pas mieux dit^. »
On connaît la haute position qu'occupe Asma^î
parmi les critiques arabes. Dans une de ses leçons,
le célèbre professeur comparait entre eux Garîr et
Farazdaq, et mettait le premier au-dessus du se-
' Ag..
VU.
178.
« C'esl
t-à-dire ceux
qui
ont vécu
depuis
l'islam.
" Ag.,
vn,
172.
' Ag..
VII,
171.
* Ag..
VII,
38, 1
72.
• Ag..
VII,
174.
' Ag..
VIÏ,
17».
• Ag..
vu,
172.
#
LE CHANTRK DES OMIADES. 155
cond. Un de ses auditeurs lui posa ia question sui-
vante : cMais que penseat-vous donc d'Ahtai?» As-
ma^ s'arrêta quelques instants, comme pour se
recueillir, puis il se mit à déclamer une tirade choi-
sie dans les œuvres d'Ahtal ; après quoi il ajouta :
« Si tu entends dire qu un autre a jamais fait ou
refera de tels vers, ne le crois pas ! » Puis il rappela
le mot d'Aboû *Amr, cité quelques lignes plus haut,
et faisant appel à ses souvenirs personnels : « J'ai
entendu, dit-il, mon vénéré maître, Aboû 'Amr,
citer des vers et me dire : « Aucun poète depuis Tis-
«lam na atteint ce degré d'inspiration, pas même
« AhtaP. »
Hammâd « le rhapsode » avait coutume de dire :
« Les princes de la poésie arabe sont les deux cheikhs
de Wâïl, A^sâ le cymbalier des Arabes'^ dans Tâge
d'ignorance, et Alitai depuis l'islam. » A ceux qui
l'interrogeaient au sujet du poète chrétien, il répon-
dait : « Ne me pariez pas de cet homme ! ses vers
m'ont fait aimer le christianisme ^. » Un certain Aboû
Haiya vint trouver Aboû *Amr et lui montra un de
ses vers dont il se montrait tout glorieux. « Te voilà
bien fier , s'écria le vieux critique , tout comme si tu
étais Ahtal en personne ! '^ »
Nous nous abstenons de citer d'autres hommages
rendus à la mémoire d' Ahtal par les plus grandes
^ Extrait d'un ouvrage manuscrit d'Asma'î , «IwKjftJt SJyA ^IxS^,
propriété d'un habitant de Damas.
* Sur ce titre cf. Ag., VIU, 77.
' Ag., VII, 171, 17Q, 180.
* Ag.,VII, 17.3.
156 JUILLET-AOÛT 1804.
autorités de la langue arabe. On pourra les lire dans
la notice du Kitâb al-Agâni^, ou dans l'édition du
P. Salhanî^, qui les a recueillis avec grand soin.
Nous ne pouvons pas cependant omettre les témoi-
gnages de *Omar, fds de Sabba : il est trop honorable
pour notre héros, et lui assigne un rang à part dans
la littérature arabe. «Aucun poète, dit-il, na su
rendre ses épigrammes mordantes , comme Ahtal ,
tout en respectant les lois de la plus délicate pudeur. »
Le Taglibîte disait de lui-même : « Je n ai jamais fait
de satire qu'une jeune fille ne pût réciter devant son
père*. 1» Et il disait vrai. Parmi les vers qui nous ont
été conservés, à peine en trouverait-on quatre ou
cinq où il s'écarte de la réserve qu'il s'était imposée
à cet égard. Cette retenue est d'autant plus digne
d'éloges que la satire arabe s'est de tout temps dis-
tinguée par la licence la plus effi^née. « Dans leurs
passions ardentes et haineuses , les Arabes ne trouvent
jamais dé mots assez forts pour déchirer et couvrir
de honte ceux qu'ils haïssent. Il faut renoncer à
rendre, même en latin, les expressions trop éner-
giques dont ils se servent parfois; on pourrait même
dire :
L'arabe dans les mots brave rhônnèteté ,
Mais le lecteur tatin vent être respecté *. »
* Au 8* volume si firéquemment cité dans cette étude.
* Divan, S4o-345.
' Ag., vn, 178.
^ Boucher, Divan de Farazdaq, f, 64» notfi 5. Voir aussi la po-
lémique du vieux Nâbiga Ga*dî avec Laâà AhyaliA, Ag., VU, i33,
sqq.
LE CHANTRE DES OMIADES. 157
Il y a plus. Les satiriques arabes ne peuvent
borner leurs attaques à la personne de leurs adver-
saires. Us croiraient n avoir rien fait, tant qu'ils n'ont
pas couvert de boue et d'ordure sa mère , sa femme
et ses filles. Les deux plus illustres représentants de
la poésie contemporaine, Garîr et Farazdaq, pour
ne citer que ces noms plus connus, ont laissé en ce
genre les plus tristes exemples. Telle était la force
de rhabitude que , même dans un âge avancé , Garir
s'oublia complètement sous ce rapport. C'est ce qui
lui valut de la part du prince Walîd^ d'être bàtonné ,
garroté et exposé sur la place publique de Médine
pour servir de risée à la populace^. Par moments
Garîr lui-même rougissait de ces débordements^.
Mais, si trop souvent les expressions grossières et
obscènes déshonorent le talent de Garîr et de ses
confrères musulmans , Farazdaq , lui , dépasse toutes
les bornes. Son Divan est réellement immonde. On
dirait, par moments, une coulée de boue infecte et
empestée. Son traducteur. Boucher, que personne
assurément ne suspectera de pruderie excessive , est
obligé non seulement de gazer, d'adoucir habituelle-
ment le réalisme et la brutalité de l'original, mais
encore de supprimer des tirades entières. Il faut
donc savoir gré à Ahtal d'avoir su résister à l'entraî-
nement ; d'avoir, malgré les provocations de ses adver-
» Ou de 'Omar, fils de 'Abdal'azîz, Ag., VII, 73.
« Ag.,VU,69.
3 Ag., VII, 56, 59.
158 JUILLET-AOÛT 1894.
saires , dédaigné de retourner contre eux les armes
déloyales dont ils faisaient, à son détriment, un si
fréquent usage. Pour nous , nous pensons être dans
le vrai en affirmant qu'il doit à sa religion cette ré-
serve , cette chasteté de langage , qui ne furent jamais
dans les mœurs ni dans les traditions poétiques de
l'Arabie^.
Terminons la série des témoignages en faveur
d'Ahtal par un suffrage de la plus haute valeur, ce-
lui de ^Abdàlmalik. Ce cdife ne fut pas seulement
vm grand prince , il fut encore un des plus fins litté-
rateurs de son temps. Son érudition poétique, en
particulier,^ était très étendue. Le célèbre Sa*bî avouait
que le seul homme qui l'eût surpassé sous ce rapport
était ^Abdalmalik ^. Poète lui-même, doué du juge-
ment le plus sûr et du goût le plus délicat, ce prince
pouvait en remontrer à Garir et à Farazdaq^. Quand
on songe que la cour de Damas comptait alors des
poètes de la valeur de Garîr, Farazdaq, DoûVromma
Kotaïyr, Râ^, Nàbiga le Saïbanite, Motawakkil ^, le
nègre Nosaïb^, on voit combien il est honorable
* Nous ne connaissons dans l'histoire iitléraire de cette époque
qu'un seul exemple contraire : celui du poète nègre Nosaib. Cf. Ag. ,
I, 129, 1. 22; i4o.
« Fahrî, i48 (éd. Ahlwardt); Ibn ai-Atîr, IV, 214.
3Ag.,Vn, 63.
* L'Agânî (IX, 39) dit qu'il loua les deux premiers souverains
omiades; contemporain de Ahtal, qui l'appréciait, il n'aura pas
négligé *Abdalmalik.
^ Habituellement fixé à la cour de *Abdal *azîz , ce poète a paru
aussi à Damas. Cf. Ag. , 1 , 1 4o , etc.
LE CHANTRE DES OMIADES. 159
pour Ahtal d'avoir été distingué au milieu de cette
brillante réunion, et d'avoir joui auprès d'un tel
prince, si juste appréciateur du mérite, de la pkis
constante faveur.
Des écrivains musulmans étonnés, scandalisés à
la vue de l'auréole poétique qui entoure le front du
chrétien, ont prétendu que sa réputation était sur-
faite. D'après eux, Ahtal est inférieur à ses rivaux;
mais la grande famille de Rabfa s'est emparée du
nom de ce poète, né en son sein, et l'a hissé sur un
piédestal usurpée Cette explication peut être spé-
cieuse , mais il n'est pas malaisé d'y répondre. Nous
connaissons la solidarité qui a toujours existé entre
les Bédouins de même origine. « Rien ne saurait
donner une idée assez nette , assez vive de cette dça-
bia, <îomme il l'appelle, de cet attachement profond
que l'Arabe ressent pour ses contribules , de ce dé-
vouement absolu aux intérêts , à la prospérité , à la
gloire, à l'honneur de la communauté qui l'a vu
naître. Ce n'est point un sentiment comme notre
patriotisme, sentiment qui paraîtrait au fougeux
Bédouin d'une tiédeur extrême : c'est une passion
violente et terrible ; c'est en même temps le premier,
le plus sacré des devoirs, c'est la véritable religion
du désert 2.» Dans 1^ notice de Asga\ l'auteur de
* Ag. » VII, 4o; XIX, 48. Cette insinuation a été répétée par un
certain nombre d'écrivains arabes : cela devait arriver, étant donnés
le serviiisme avec lequel ils copient leurs devanciers et leur désir
de ravaler un chrétien.
* Dozy, Histoire des musulmans d'Espagne , I, lo.
160 JUILLET-AOÛT 1894.
i'Agani nous donne à ce propos des détails fort si«
gnificatifs. Ce Bédouin avait eu le malheur de naître
avec une généalogie des plus douteuses. Dès lors
il perdait tout droit à Testime des gens de sa tribu ;
il était moins que rien. Mais^ en grandissant, cet
Arabe sans état civil, cet homme de néant , sentit la
flamme poétique s allumer en son sein, ses vers
fiirent remarqués. Or, observe Aboûl-Farag , à cette
époque, les poètes de renom appartenaient tous à
Rabf a ou aux descendants de Qahtân. Modar se ré-
clama immédiatement de Asga^ et les Solaïmites Tac-
cueillirent avec les plus grands honneurs ^
Que Rabfa se soit donc intéressée à son poète,
nous le concédons. Nous verrons plus loin vm Bé-
douin musulman de Rabf a , appartenant à une tribu
hostile aux Taglibites, conjurer Ahtal, au nom de
leur commune origine, de modérer ses attaques
contre Garîr, pqur ne pas attirer sur sa tête les ven-
geances de Modar. Que Rabf a ait été justement fière
d' Ahtal et se soit montrée jalouse de sa gloire, nous
sommes encore prêt à laccorder. Mais comment
admettre qu'elle ait pu inspirer ses propres senti-
ments aux autres Arabes ? et cela en faveur d'un chré-
tien dont les opinions antimusulmanes n étaient un
mystère pour personne. L'intervention patriotique
de Rabî*a n'explique rien , à moins de convenir que
Ahtal occupe à bon droit, sur le Parnasse arabe, la
place que les meilleurs critiques lui assignent.
» Ag. XVII, 3o.
LE CHANTRE DES OMIADES. 161
Un passage d'Asma^î ^ nous permet de nous rendre
compte jusqu'à un certain point de la manière de
composer de notre poète. Son premier jet était d'or-
dinaire très abondant; il lui arrivait d'improviser
d'un trait quatre-vingt-dix vers. Ensuite venait le tra-
vail de la revision : il était long, laborieux; le poète
corrigeait, modifiait et surtout retranchait, si bien
qu'à la fin il lui restait une trentaine de vers qu'il se
décidait à livrer au public. Le trait suivant montrera
également combien était lent chez lui le travail de la
composition et de la correction.
Âhtai se trouvait à la cour de ^Âbdalmalik.
«Prince, lui dit-il, le fils de Maraga^ a prétendu
qu'il ferait votre éloge en trois jom^s; pour moi, j'y
travaille depuis un an, et encore je n'en suis pas
satisfait. — Fais -le -moi entendre, dit le calife.
— J'ai le gosier trop sec, répondit le poète, veuillez
me faire apporter à boire. — Qu'on apporte de
l'eau, dit *Abdalmalik. — De l'eau! s'écria Ahtal,
c'est la boisson des ânes; d'ailleurs je ne manque
pas d'eau chez moi. — Qu'on lui donne du lait ! —
Pour cela, non! il y a longtemps que je suis se-
vré. — Qu'on apporte de l'eau miellée ! — Breu-
vage de malade ! — Que veux-lu donc ? s'écria le
calife impatienté. — Du vin, commandeur des
croyants! — Comment, malheureux! suis-je donc
dans l'usage de présenter du vin? Sans l'estime
» Ag.,VII, 171.
* Sobriquet de Garîr.
IV. 11
J62 JUILLET-AOÛT 1894.
que j ai pour ton talent, je te traiterais comme tu
le mérites. » Ahtal , sorti , avisa un officier du palais :
«Allons! lui dit-il, le prince des croyants me de-
mande des vers; j'ai la voix rauque; verse-moi à
boire! • Son désir fut promptement satisfait. « Encore
une rasade! fit Ahtal; une troisième! pour mettre
d'accord les deux premières , et les empêcher de se
battre dans mon estomac ! » U lavala d'un trait et
réclama une quatrième rasade : «Tu mas laissé,
ajouta-t-dl, danser sur trois pieds; je me trouve dans
un équilibre instable; un quatrième verre arrangera
tout. » Après ce quatrième coup , il rentra dans lap-
partement du calife et déclama son grand panégy-
rique, généralement considéré comme son chef-
d'œuvre ^ A cause de l'importance du poème, nous
en citons les passages principaux.
Mes contribules sont partis à la hâte; ils s'en allèrent le
soir ou sur le matin , emportés par cette humeur voyageuse
toujours mobile.
Après ce départ je suis comme si j'avais bu du vin d*Emèse
ou de Gadar^,
Versé abondamment d une amphor^ brune , goudronnée ,
bien pleine , dont le goulot a été débarrassé de soq cachet de
terre.
Tel un joyeux convive étourdi par les ardeurs du vin , et
n'ayant pu dissiper les vapeurs de la boisson ;
Tel encore un honune brisé de doideur, ou sous le charme
d'un enchantement.
Tels étaient mes regrets et ma peine , quand je les suivais
' Ag.,X, 4.
* Gadar, iocaiité syrienne, cf. Yâqoùt, U, 643.
LK CHANTRE DES OMIADES. 163
du regard pendant qu'ils s*eu allaient en troupes des deux
côtés de Kaukab ^
Après ce début traditionnel et une dizaine de
vers consacrés au « nasib » , le poète aborde Téloge du
cdife.
Un imâm dont les faveurs ne nous ont jamais mancpié ,
que le Seigneur a rendu victorieux. Qu'il jouisse de ses vic-
toires !
B s*élance au plus fort du danger; la fortune raccom-
pagne : c est lui le calife de Dieu , de lui nous attendons la
pluie.
Il mûrit longuement ses desseins et les exécute avec éner-
gie : la prudence et le courage ne Tabandonnent jamais.
Le soin de veiller sur tous lui est confié ; sa résolution prise ,
rien ne peut le surprendre.
L*Euphrate, quand ses vagues battent le rivage, entraî-
nant les arbres dans leur tourbillon ,
Quand , soulevés par les vents de Tété , ses flots bondissent
par-dessus la proue des navires ,
L*Euplirate, descendant impétueusement, et par mille
circuits des montagnes grecques ', dont les masses rocheuses
cachent ses eaux ,
N'est jamais plus généreux ni plus majestueux que notre
souverain , paraissant dans Téclat de sa grandeur * . . .
Les descendants d'Omaïya sont les soutiens de la justice ;
^ Ou Kaukabâ , nom d'une localité.
^ Partie de TArménie, alors encore sous le sceptre de Byzance.
' Passage imité de Nâbiga Dobyâni; Hassan b. Tâbit avait déjà
imité cette tournure (Ag. , IV, 12).
11.
164 JUILLET-AOUT 1894.
évitant la honte , magnanimes ; quand le danger les menace ,
ils l'attendent de pied ferme.
Si l'imivers est enveloppé de ténèbres , ils trouvent un re-
fuge et une issue.
Dieu les a aidés en leur donnant la fortune ; toute autre
fortune, en comparaison de la leur, est petite et méprisable.
Elle ne les enfle pas , parce qu'ils en sont dignes ; d'autres
s'en seraient prévalus.
Terribles dans leur colère tant qu'on leur résiste , ils sont
les plus cléments des hommes après la victoire.
Leurs ennemis ne peuvent soutenir le choc de leurs armes ;
en eux point de défauts ^ !
Ils sont plus prompts que les vents * à secourir les malheu-
reux qui les implorent.
Enfants d'Omaïya , vos bienfaits sont universels , complets ,
sans reproche et sans arrière-pensée.
Ikifants d'Omaïya , j'ai pris votre défense contre les des-
cendants de ceux qui ont accueilli et défendu le Prophète '.
J'ai repoussé loin de vous les fils de Naggàr et leur ai fait
reconnaître les prérogatives de Ma add ; trop longtemps leur
insolence était restée impunie.
flnfin la crainte de mes vers les réduisit à la soumission ;
la parole pénètre plus profondément que l'aiguille.
Fils d'Omaïya, écoutez ce conseil : que Zofar * ne conti-
nue pas à résider tranquillement parmi vous I
Traitez-le en ennemi : au dedans et au dehors , tout chez
lui n'est que trahison.
Sa vieille haine se réveillera , comme la gale cachée qui
finit par faire éruption.
' Littér. : dans leur bois il n'y a point de faiblesse.
^ ^l^yt (j!5^L^. Comp. Mobarrad, Kâmil (éd. Wright), p. 439 :
' A savoir : les Ansariens. Cf. Divan, 3i4<
^ Chef qatsite , ennemi de Taglib. On verra plus loin l'histoire
de ses demies avec cette tribu.
LE CHANTRE DES OMIADES. 165
Nojos f&mes tes auxiliaires. Prince des croyants, lorsqu'à
Damas t'arrivèrent des messagers,
Tapportant la tête du fils de Hobàb\ sur la poitrine du-
quel s'ëtalait la marque du glaive.
Ses oreilles fermées n'entendent plus la voix qui l'appelle ;
ii ne rompra plus le silence , aussi longtemps que la pierre ne
parlera pas.
Son cadavre git sur les bords du Hassâk ^ ; entre lui et sa
tète se dressent le Yahmoun et le Sowar ^.
Quand les Taglibites apportèrent (à Damas) ce sanglant
trophée , les Gassanites de Sobr et de Hazn lui demandèrent :
(Comment t'ont traité les petits gardiens de chameaux V . . »
Le reste de la qasida étant consacré à une vio-
lente satire contre les tribus de Qaïs, nous ne sui-
vrons pas le poète plus loin. Pendant cette déclama-
tion, on aurait pu voir *Abdalmalik se redresser avec
fierté. Quand elle fut terminée: «Veux-tu, dit-il à
son favori, que je publie un manifeste pour te dé-
clarer le premier des poètes arabes ? — Il me suf-
fit, répondit Ahtal, que Témir des croyants m ait
rendu ce témoignage. » Une grande coupe se trouvait
en ce moment placée devant le calife ; il commanda
qu'on la remplît d*or et qu'on la donnât à Ahtal. Il
le fit ensuite couvrir de robes d'honneur^ et accom-
^ Principsd lieutenant de Zofar.
* Rivière ou monticule de Mésopotamie, où les Taglibites rem-
portèrent une victoire sur les Qaîsites ; Hobâb y fut tué.
* Noms de montagnes.
^ Hobâb avait dit que les Ta^ibites n'étaient que les gardiens
de ses chameaux. Sobr et Hazn étaient deux tribus gassanites,
partant, ennemis des Qaîsites. Pour arriver à Damas, il fallait
traverser leur territoire.
' Le texte ajoute : tdlement qu'il disparaissait sous le nombre.
16Ô JUÎLLET-AOOT 1804.
pagner par un de ses officiers qui disait à haute voîx :
« Voici le poète du commandeur des croyants ! Voici
le plus grand de spoètes arabes ! » Depuis lors *Abdal-
malik avait coutume de dire : «Chaque famille a
un chantre de sa gloire; celui des Omiades, c*est
Ahtsd^»
— •
Le calife avait été surtout sensible au trait Sui-
vant :
Terribles dans leur Colère , tant qn^on leur résiste , ils Sont
les plus cléments des hommes après la victoire.
Ce vers a eu une célébrité étonnante, et a même
excité Tenvie des plus puissants d*entre les califes
abbassides. Le fondateur de cette dynastie, Aboù'l
^Abbâs, sollicité d'entendre un poème en son hon->
neur, répondit : « Hé ! que pourrait-on dire de moi,
qui égalât le vers dix fils de la chrétienne en l'honneur
des enfants d'Omatya ? ^. » On rapporte encore que
Hâroûn ar-Rasid demanda un jour à ses familiers
quel était , à leurs yeux , le plus beau vers composé
à la louange des califes omiades ou abbassides. On
discuta longtemps , les avis étaient partagés. Hâroûn
trancha la question. « Le plus beau vers, dit-il, est
celui d'Ahtal : «Terribles dans leur colère », etc. ^.
Le fait suivant, cité dans les Prairies d'or'^, montre
* Pour ce récit, nous avons combiné ensemble Agftnî, VU, 172
et 176.
« Ag.,Vn, 179.
» Ag., X» 5.
* VI, 64, traduction de M. B. de Meynard.
LE CHANTRE DES OMIADES. 167
à quel point les vers d'Âhtal faisaient impression sur
Tesprit de ^Âbdalmalik. Quoique déjà avancé en âge,
ce prince avait conservé un goût très vif pour les
femmes ^ Connaissant cette inclination , le gouver-
neur de l'Afrique lui avait envoyé une esclave d'une
rare beauté. Quand on la lui présenta, il venait de
recevoir une lettre de son lieutenant Haggâg, campé
en face des rebelles et sur le point d'en venir à une
action décisive. La dépêche tomba des mains du
prince. «En vérité, dit-il à lesclave, ta beauté est
idéale! — S'il en est ainsi, répondit cette femme,'
quel motif peut te retenir? — Par Dieu! s'écria
^Âbdsdmalik , ce qui me retient , c'est ce vers d'Ahtal :
Des soldats qui pendant la guerre serrent les attaches de
leurs manteaux contre les séductions des femmes *.
« Eh quoi ! je me livrerais au plaisir, quand un en-
nemi redoutable se prépare à attaquer Haggâg , quand
les plus vaillants guerriers de l'Arabie ont déjà perdu
la vie ? Que Dieu m'en préserve ! » Et l'esclave lut
éloignée.
Les poètes arabes se piquaient peu de modestie
et disaient tout haut le bien qu'ils pensaient des pro-
ductions de leur muse. Chacun revendiquait naïve-
ment pour soi le premier rang. En ce temps-là,
observe Fulgence Fresnel, la fausse humilité n'était
pas encore inventée. Ces mœurs littéraires, qui con-
1 Cf. Ag., XXI, 8,1. 1 (éd. R. Brûnnow) : Osî^^ JUUI J^^ ylS',
* Divan, 120, 2.
168 JUILLET-AOÛT 1894.
trastent si violemment avec les nôtres, plus raffinées
assurément, mais beaucoup moins sincères, étaient
anciennes dans la nation, et il ne parait pas qu'on y
trouvât à redire. «On ne doit pas, dit Ibn Rasiq^,
se louer ni se vanter soi-même. Gela est permis seu-
lement aux poètes, quand dans leurs vers ils se
mettent au-dessus de leurs rivaux, et personne ne
songe à s'en formaliser.» Pratiquement, les poètes
étendaient bien au de là des limites de la « mofâhara »
ou de la « monâfara » la concession que lusage leur
"faisait- de se grandir eux-mêmes. Le vieux Nâbiga
prétendait qu aucun poète n'était « capable de fendre
sa pouissière^ ». Dans la xxvii* ode de son Divan
(vers 1 6), il déclare être de ceux « qui ne louent ja-
mais que les rois ». Ayant , après un voyage à Médine ,
corrigé dans ses vers la faute nommée iqwà, il disait
en partant : « Quand je suis sorti de Médine, j'étais
le premier des poètes. » Hansâ , la reine de l'élégie
arabe, proclamée par la bouche de Nâbiga la plus
grande des poétesses, osa déclarer l'éloge incomplet'.
Son rivai, Hassan bin Tâbit, fut encore moins satis-
fait et réclama le premier rang. Dans une autre cir-
constance , le chantre de l'islam se déclara sans dé«-
tour le plus incomparable des poètes. Garir ne faisait
de même aucune difficidté de se mettre au-dessus^
* îb^I v'^t P* ii« nis. de l'Université Saint-Joseph de Bey-
routh.
* Divan de Nâbiga, V, 3 (éd. Hartw. Derenbourg).
' C de Percevai; Essai, II, 5ia.
* Cf. Ag. ,11, Sg , 1. 2 , et 6o, 1. 1 4 « où Hptaîa se dit le premier
des poètes.
LE CHANTRE DES OMIADES. 1Ô9
de ses contemporains. Parfois il poussait ses préten-
tions encore plus loin. ^Âbdalmalik ayant voulu avoir
son opinion sur le mérite de Zohaïr, de Tarafa,
d*Imrou Iqaïs , de Farazdaq et d'Âhtal , le fils de Ha-
taâ fit successivement leur éloge en termes pompeux :
«Tu les as si bien loués, dit le prince, que tu nas
rien réservé pour toi-même. — Si, commandeur,
des croyants, répliqua Garîr; moi, je suis la cité
des vers, la patrie doù ils sortent, et à laquelle ils
reviennent. J excelle dans tous les genres, tandis que
les autres ne brillent chacun que dans un genre par-
ticidier. »
Le lecteur sera donc moins surpris de voir Âhtai
se rendre pleinement justice à lui-même et prononcer
avec non moins de conviction que le poète latin son
eùcegi monamentam. « La tribu, disait-il, dans laquelle
le talent poétique est le plus développé est la tribu
des Banoû Qaïs bin TaHaba ^ ; la famille qui compte
dans son sein le plus de poètes distingués est celle
d*Aboû Salama, et le meilleur des poètes, cest Im-
dividu qui est dans ma chemise^. » Un vieux Qoraï-
chite le voyant sortir de chez le calife s approcha de
lui et lui demanda quels étaient les princes de la
poésie arabe : «Ce sont, répondit Ahtal, ces deux
chiens de Tamimites' qui cherchent à se mordre.
— Et vous, père de Mâlik, dit le Qoraïchite, quel
' Elle avait vu naître le grand k*ik,
« Ag.. VII, l^i.
' Ciarir et Farazdaq, tous deux de Tamîm.
170 . JUILLET-AOÛT 1804.
rang occupex-vous P -*— Ma foi! répliqua-Ml, je suis
plus fort qu'eux ^ »
Tout en se mettant résolument avant tous ses
contemporains, il n allait pas cependant, comme
Garîr, jusqu'à se préférer aux grands poètes de Vdge
dH^norance : « Quel est, lui dit un jour un des petits-^
fils de ^Abdalmalik , quel est le meilleur des poètes ?
•— G est, répondit«il, celui qui écrase dans la satire
et qui immortalise dans le panégyrique. -^ Et à
qui, selon vous, demanda le prince, convient cet
éloge ? — A A^iâ » , répondit Ahtal. Puis comme on
continuait à l'interroger, il assigna le second rang à
Tarafa ; pour lui il se contenta du troisième *. Dans
une autre circonstance cependant ^ il se plaça immé*
diatement après A*^ * .
Admis à l'audience de Bi^r, fils de Marwân, il
trouva ce prince en compagnie de R4*î, célèbre poète
de la tribu qaïsite de Hawâzin. Bi^r, qui prenait
plaisir à mettre les poètes aux prises^, lut pose à
brûle-pourpoint la question suivante : « Qui l'emporte
de vous deux , Râ^î ou toi ? — • Moi , répondit Ahtal ,
je suis meilleur poète et de plus noble extraction
que lui. — Que dis -tu à cela?» demanda Biir en
se tournant vers Râ*î. Le Bédouin , qui était un des
princes de Modar*^, fut piqué de voir un chrétien
» Ag.^VII. 173.
» Ag.,vn, 179.
» Ag.. VII. 179.
* Ag., VII, i85.
» A^.,VI[, 45,1.22; XX> 170*
LE CHANTRE DES OMIADES. 171
de R^fa lui disputer la palme de la noblesse. Il
répondit : « Passe encore pour la poésie I mais pour
ce qui regarde la naissance, quand il pourra citer
parmi ses ancêtres des femmes comme celles dont
descend le prince, je m avouerai vaincu.» Quand
Âhtal fut sorti, un de ses amis lui exprima son
étonnement de ce qu'il eût osé dire à Yoncle de
Témir^ qu'il était de meilleure extraction que lui.
« Que voulei8-vou8 ? répondit le poète ; les trois verres
d'Aboù Nastoûs^ ont si bien opéré que je ne savais
plus où j'étais^. »
En d autres circonstances, Ahtal proclamait sa
supériorité en termes encore plus explicites. «J'ai,
dit-il , surpassé mes concurrents dans la satire , dans
le panégyrique et dans les poésies erotiques , de ma*
nière à leur enlever lespoir de m'atteindre. » Et ce
qui montre Testime qu'on avait de son talent , c'est
que ses interlocuteurs musulmans, de qui nous te-
nons ces détails, loin de protester, ajoutent qu'il
avait le droit de parier de la sorte *.
Les provinces mésopotamiennes et l'Iraq avaient
longtemps retenti du bruit des exploits militaires de
Mohallab. Homme véritablement supérieur, il mé-
* Bisr avait eu pour mère une femme de Hawâzin; de là le titre
d'oncle donné à Râ*î. Cf. Ag., IV, 77 et suiv., où le calife Walîd
appdle Toraih son onde; VII, 54, 65, et le même recueil passim,
* Nastoûs, corruption de kvaaidatos, officier chrétien de la cour
de Damas; peut<^tfe Anastase, fils d'André, gouverneur d'Édesse,
tnis à mort par Môhammad, frère de *Abdalmalik.
» Ag.,Vn, 175.'
* Ag., VII. 177.
172 JUILLET AOÛT 18Q4.
ritera plus tard i admiration d un preux chrétien , le
Cid Campéador, qui en son palais de Valence se fera
lire le récit de ses hauts faits ^ Cet illustre capitaine
avait laissé un. grand nombre de fils, tous actifs et
entreprenants. L'un d eux , nommé ^Abdaimalik, exer-
çait la charge de préfet de police à Basra, quand
notre poète le rencontra. «Je me sens, lui dit-il,
une violente envie de composer pour vous un pané-
gyrique. Faites-moi donc un cadeau pour me délier
la langue et me mettre en verve. Par Dieu! je jure
de vous revêtir d un manteau dont l'éclat ne s'efiFa-
cera pas jusqu'au jour de la résurrection ! — Père
de Mâlik, répondit le jeune homme, j'ai la plus
grande estime poiu" ton talent; je sais que tu n'as qu'à
vouloir pour tenir ta promesse. Mais tu dois con-
naître la situation de notre famille. Que dirait le
calife s'il apprenait que je provoque par des cadeaux
les éloges des poètes? Il croirait que je cherche à me
mettre en évidence , cela pourrait causer ma perte« »
Le jeune préfet de police se rendait parfaitement
compte de la situation. Depuis quelque temps l'om-
brageux Qaggâg faisait surveiller de près les fils de
M ohallab et cherchait tous les moyens de les desser-
vir à la cour de Damas ^. Moins clairvoyants, les
^ Cf. Doxy, Recherches sur V histoire de t Espagne, lî, 35; Hist,
des mandmans d^Espagne, I, i55.
' Cf. Divan de Farazdaq , 76 et 77 ; se rappeler que Mohailab avait
été partisan du fils de Zobaîr. Hag^â|; était un Qaîsite fimatique ; à
ce titre il devait chercher à perdre les fils du grand capitaine yémé-
nite. Voir encore Tabarî, D, iiSg, ii43 et 1182, et Ag., XX, i3.
LE CHANTRE DES OMIADES. 173
firères de ^Âbdalmalik ti*eurent pas plus tôt appris ce
qui s^était passé qu'ils i accablèrent de reproches
pour avoir repoussé TofiBre du poète. « Je lui ai donné
mes raisons, répondit le jeune homme, il aura ac-
cepté mes excuses ^ »
On récitait au calife ^Âbdalmalik le vers de Ko-
taïyr :
Ce ii*est pas sans luttes , mais à la pointe de Tépée que le
prince a ramassé sa couronne.
Le prince parut le goûter beaucoup, quand Âhtal
prenant la parole : «Emir des croyants, dit-il, je
pense avoir trouvé mieux que cela. — Et qu as-tu
trouvé? demanda le calife. — Voici :
A rentrée du mois sacré nos princes s'avancent, souve-
rains d*un empire antique qu'ils possèdent de plein droit'.
« Je dépeins le califat comme vous revenant de
droit, tandis que, d après Kotaïyr, vous lauriez con-
quis de force. — Tu as raison, Ahtal», répondit
le calife, frappé de la justesse de lobservation ^.
De ce qui précède le lecteur pourra conclure
quelle place immense Ahtal occupait parmi ses con-
temporains. Son influence ne fut pas limitée aux
enfants de Taglib ; elle s'étendit jusqu'aux tribus ri-
vales et , parmi tous les Arabes descendus de Rabi^a ,
il n'y en eut aucun qui se montrât indifférent à cette
' Ag., VII. 177.
* Divan, 2 4, 4-
» Ag., VII, 173.
174 JUILLET-AOÛT 1894.
gloire de famille ^ On connaît les longues guerres
allumées entre lés tribus sœurs de Bakr et de Taglib.
Les Bakrites s'étant établis au nord du pays de Taglib ,
les relations des deux peuples n en devinrent pas i^us
cordiales. Du vivant même d'Ahtal il y eut entre les
Tag^ibites et les Banoû Saibân aidés par certains chefs
Ta*labites des escarmouches et des rencontres san-
glantes^. Même après la condusion de la paix, la ré-
conciliation n avait jamais été complète. Après l'ap-
parition de Tislam, la séparation s'était de plus en
plus accentuée, les Bakrites ayant embrassé la nouvelle
religion , tandis que les Tagiibites restaient fidèles au
culte de leurs pères. Aussi notre héros nourrit-il assez
longtemps contre les descendants de Bakr de vives
préventions dont son Divan garde les traces^. Plus
tard (peut-être après la fatale guerre qaasite) , il revint
à des sentiments plus justes et plus en harmonie
avec la situation de sa tribu. Il finit même par s'iden-
tifier avec les Bakrites au point de considérer les vic-
toires de ces derniers comme ayant été partagées
par leurs cousins de Taglib*. De leur côté, les en-
fants de Bakr accueillaient le poète avec la plus
grande distinction. Souvent ils le prenaient pour ar-
bitre de leurs différends. Ahtal se rendait à la mos-
quée; là les parties venaient lui exposer le sujet de
» Ag., Vif, 4o; XK, 48.
' Ag., X, 99, et Bakrî, 38i.
^ Divan, i66, 282 et 283. Certains Bakrites ne lai pardon-
nèrent jamais ces vers. Cf. Ag., VU, i83.
* Divan, 226, 4.
LE CHAI^TRE DES OMIADES. 175
ia contestation et sa décision était accueillie avec le
plus profond respecta
C'était surtout , on la vu , auprès des Omiades que
son crédit était solidement établi. Cette faveur extra-
ordinaire causa plus d une fois Tétonnement et 1 en-
vie des musulmans. «Comment, dit Tun deux à
Aboû *Amr, comment un infidèle , un chrétien a-t-il
pu déverser le ridicule sur des musulmans? —
Qu'aurais- tu dit, répondit le vieux critique, si tu
lavais vu revêtu de superbes habits de soie , portant
au cou une croix d'or suspendue à une chaîne de
même métal et ayant encore sur ia barbe des gouttes
du vin qu'il venait de boire ^ ? »
Le passage suivant du «Masâlik al-absâr»^ rend
d'une façon encore plus expressive les sentiments
des contemporains musulmans d'Ahtal et nous donne
sur sa personne des détails méritant d'être relevés :
« Quoique chrétien , astreint à porter la ceinture du
tributaire ^^ il recevait des fils de Marwân laccueil le
plus empressé ; il avait la principale part dans les ca-
deaux qu'ils faisaient. Avec leurs libéralités il se pro-
curait des robes de soie et portait sur sa poitrine une
croix d'or. 11 avait le pas sur Haggâg lui-même. Rien
' Ag., VII, 179 et 187.
> Ag.,VII, 177.
^ Manuscrit du British Muséum.
* Cette ceinture, nommée « kostîg » , est en laine ou en poil; elle
doit se porter extérieurement et par-ciessus la tunique. Il est dé-
fendu aux tributaires de porter ostensiblement une ceinture en
soie. Cf. notre Synonymie arabe, n° 1126. Malgré Taffirmation du
Masâlik, il est douteux que Ahtal se soit astreint à mettre le ^mS,
176 JUILLET-AOÛT 1894.
négalait la somptuosité de ses repas; il aimait à vider
des coupes au bruit des symphonies musicales, ne
montait que des chevaux de race, possédait d'im-
menses troupeaux et des biens considérables. Il oc-
cupait la première place auprès de ^Abdalmsdik et
son crédit à la cour était immense. »
[La suite au prochain cahier.)
NOUVELLES ET MF'LANGES. 177
NOUVELLES ET MÉLANGES.
NOTICE SUR W. WHITJVEY.
C'est avec un sentiment de douloureuse surprise que nous
avons appris la mort de M. Whitney. Pendant plusieurs an-
nées sa santé avait donné de T inquiétude : on le savait luttant
contre une affection du cœur. Mais , depuis un an , les nou-
velles étaient devenues rassurantes. Dans ces derniers temps
surtout, il s'était remis au travail avec une telle ardeur, ce
qui , hier encore , nous venait de lui portait si peu la marque
de la lassitude , et on le savait si riche de projets , qu'on pou-
vait croire la crise définitivement conjurée. L'illusion ne de-
vait pas avoir longue durée : le 7 juin , un retour subit du mal
l'enlevait dans sa soixante-huitième année.
William Dwight Whitney était né le 9 février 1827 à
.Northampton, dans l'Etat de Massachusetts. De i843 à i845 ,
il acheva ses études et prit ses grades à Williams Collège.
Outre une bonne instruction classique, il y avait acquis ce
fonds de solides connaissances en physique et en mathéma-
tiques qu'il devait un jour si bien mettre en valeur dans ses
études orientales. En attendant , il dut les employer à dresser
des comptes, d'abord, pendant plus de trois ans, dans les
bureaux de la Banque de Northampton, ensuite sur le lac
Supérieur, dans ceux du Geological Suivey des Etats-Unis,
auquel il fut attaché pendant l'été de 1849. Mais déjà s'était
révélée sa véritable vocation : sans maître , en prenant sur ses
loisirs , il s'était adonné à la philologie orientale et , cette
même année, il publiait un premier essai sur la structure
grammaticale du sanscrit, d'après P. de Bohlen, un savant
un peu oublié depuis, mais qui, alors, était un initiateur.
IV. 1 2
i-4rai)iitBiB xATio.i*Lr..
J78 JUILLET-AOÛT 1894.
Dans l'automne de 1849, ^ ^ rendit à New Haven, pour y
poursuivre ces études auprès de M. Salisbury, qui les avait
introduites à Yale Collège , et , un an après , il passa en Eu-
rope pour les complëter. Pendant trois ans, de fin i85o à
18 53, il étudia successivement à Berlin et à Tubingue, sous
la direction de M. Weber et de M. Rotli, d*abord comme
élève , bientôt comme coi^aborateur, poussant de méthodiques
et fructueuses enquête» à travers des champs bien définis de
la littérature (Whitney a toujours su choisir) , celui de la lit-
térature védique surtout , qu*on conunençait alors à débrouiller,
et réunissant les matériaux de cette édition de TAtbarvaveda
qu*il devait publier peu d années après en collaboration avec
M, Roth.
11 était encore en Allemagne, quand il fut appelé à la
chaire de sanscrit de Yale Ck>llege, à New Haven, dans TEtat
de Connecticttt. Il retourna en Amérique dans Tautomne de
18 53 et, dès Tannée suivante, inaugura cet enseignement
qui, continué sans interruption, pendant quarante ans, jus*
qu*à sa mort, a fait de Yale Collège le berceau et le centre
des études de linguistique et de philologie orientales aux
Etats-Unis. On peut même dire plus : de toutes les branches
de ce haut enseignement aujourd'hui si florissant de Tantre
coté de TAtlantique, même parmi les plus étrangères en
apparence à sa spécialité (par exemple, Tétude des langues
américaines) , il en est bien peu qui ne doivent rien à Whitney
et qui ne relèvent par quelque côté de la forte discipline de
son esprit.
C'est que lui-même d^abord, ni comme professeur, ni
comme publiciste^ ne se borna jamais à la linguistique et au
sanscrit. A Tépoque ou il débuta, les universités américaines
n étaient pas encore aussi ridiement dotées qu'elles Tout été
depuis. La chaire de sanscrit à die seule ne rapportant pas
de quoi vivre, il joignit à son enseignement celui des langues
modernes jusque-là abandonné à la routine et, allant au plus
pressé, il commença a en créer l'outillage, toute une série de
manuels et de textes qui répandirent l'étude scientifique de
NOUVELLES ET MÉLANGES. 17»
ce» langues, des langues germaniques et de Tallemand en
particulier. Et ce qu'il avait ainsi commencé par nécessité,
il le continua par goût. Encore vingt«trois ans après, il pu-
bliait une grammaire scolaire anglaise qui est un chef*
d œuvre. Plus tard encore , au moment où sa santé était au
{dus bas , il accepta de diriger et dirigea de la façon la plus
effective la grande entreprise du Centary Dictionary ofthe En-
glish Languagê, Le premier volume fut publié en 1889, et la
préface, qui est de lui, fut écrite dans les rares répits que lui
laissaient la maladie et la souffrance.
En second lieu, deux autres institutions savantes fournirent
un champ plus étendu à Tactivité de Whitney : la Société
orientale américaine, fondée en i84a , à laquelle il appartint
dès i85o, dont il fut le bibliothécaire de i855 à 1873, le
secrétaire correspondant de 1867 à i88ii et, plus tard, le
président; et TÂssociation philologique américaine, dont il
fut un des fondateurs en 1869 et le premier président. De
Tune et de Tautre on peut dire qu'il fut Tâme et de beaucoup
le plus laborieux de leurs collaborateurs.
L*œuvre laissée par Whitney est considérable et ce n'est
pas ici le lieu de la décrire en détail. On trouvera à la fin de
cette notice une liste de ses principales publications , qui n'a
aucune prétention à être complète. Les plus importants de
ses travaux détachés , publiés avant 1878 dans la Nation, dans
la Norik American Review et dans d'autres périodiques, ont
été réunis en deux volumes dans ses Oriental and Lingaistic
Studies. Ceux qu'il a insérés depuis en plus grand nombre
dans ces mêmes revues, dans le New Englander, dans la
Contemporary Review, dans les Proceedings de la Société orien-
tale américaine , dans les Proceedings et dans les Transactions
de l'Association philologique, dans Y American Journal ofPki'
lology, dans le Journal de la Société asiatique italienne , etc. ,
n'ont pas été recueillis. Mais il faut espérer cpie l'un ou l'autre
de ses nombreux disciples se chargera d'acquitter cette dette
de l'école philologique américaine envers celui qui fut son
maître incontesté.
12
180 JLILLET-AOÛT 1894.
Je n'essayerai pas non plus ici de caractériser cette œuvre.
Tous ceux qui s'intéressent à nos études ont le souvenir vivant
de cet esprit fait de clarté et de logique , allant droit au but ,
à ce qu'il regardait comme essentiel , sans réticences et , parfois
aussi, sans ménagements. Parmi ses aînés et ses contempo-
rains, plusieurs ont fait montre d'un savoir plus vaste et ont
touché à plus de choses : nul ne l'a surpassé en exactitude et
en précision. Il est une infinité de cpiestions que Whitney n'a
jamais remuées ; mais il ne faut pas beaucoup d'expérience
pour voir que cette abstention est en grande partie voulue ;
c[u'elle est un effet de sa sobriété, de son aversion pour les
complications inutiles et pour tout vain étalage ; car, chaque
fois qu'il s'est trouvé en face d'un problème , il l'a traité , à
son point de vue , d'une façon exhaustive. En linguistique , il
était de ceux qui ont des convictions fortes. Pour lui, non
seulement le langage était un pur fait de convention , existant ,
selon sa formule, Q-éaei et non ^^ei, mais îl n'hésitait pas,
avec sa rigueur ordinaire , à remonter suivant cette ligne jus-
qu'aux origines , qu'il regardait comme un problème abordable
à l'expérience et faisant légitimement partie de la linguistique,
[l accordait que notre connaissance de ces origines resterait
sans doute toujours pleine de lacunes ; mais il n'y admettait
aucun autre facteur que ceux dont nous pouvons encore au-
jourd'hui contrôler l'action , aucune de ces facultés latentes ,
irrationnelles dont la physiologie conmaence seulement d'en-
trevoir le jeu. Bref, il n'y voyait rien d'obscur ni de mysté-
rieux. Et ici nous touchons à l'une des limites de cet intrépide
esprit. Car il y a certainement quelque chose de mystérieux
dans les origines du langage.
Comme sanscritiste, si l'on fait abstraction de ses essais
sur le Veda et de ses admirables travaux sur l'astronomie
hindoue, Whitney fut avant tout grammairien, et, dans la
grammaire, ce qui l'intéressait surtout, c'était l'histoire. Le
grand dictionnaire de Saint-Pétersbourg, auquel il a con-
tribué fidèlement juscpi'à la fin, lui doit beaucoup et, pro-
bablement, autant pour la partie moi^hologique que pour
NOUVELLES ET MÉLANGES. 181
le vocabulaire. De l^aveu unanime, sa Grammaire sanscrite,
qui est, je ne dirai pas, le plus achevé de ses ouvrages (car
tout ce qui est sorti de sa plume , jusqu'à la moindre notice ,
est également achevé), mais en tout cas celui qui repose sur
la base la plus large , est l'efFort le plus vigoureux qu'on ait
encore fait pour retracer le développement de la langue , pour
la jauger en cpielcpie sorte à ses diverses périodes , à l'aide de
cette méthode statistique à laquelle son nom restera attaché ,
pour en établir enfm la théorie réelle dégagée de la doctrine
parfois bizarre des grammairiens indigènes. Peut-être a-t-il
surfait l'autorité des textes vis-à-vis de cette doctrine. Ce qui
parait moins contestable, c'est qu'il a été parfois trop dur
pour cette dernière. Et ici je suis obligé de noter ce que je
regarde comme le deuxième point faible chez Whitney : un
certain manque de sympathie ou , si l'on veut , d'indulgence
pour les efforts de pensée d'un peuple enfant. Avec ses habi-
tudes de précision, de rigueur inflexible et presque mathé-
maticpie, son esprit était peut-être moins fait que tout autre
pour bien comprendre la demi- science des anciens Hindous,
avec ses ruses et ses prétentions puériles. D'eux à lui il y
avait répulsion native. Aussi a-t-il été souvent beaucoup trop
dédaigneux et même injuste à leur égard, et, dans ses ap-
préciations de leur philosophie , de leur grammaire , de leur
astronomie, lui est-il arrivé plus d'une fois de verser l'enfant
avec le bain, comme disent nos voisins d'outre-Rhin. Mais
qui oserait lui reprocher aujourd'hui ce qui n'était après tout
que l'excès des plus rares qualités ? Qui voudrait se plaindre
de l'àpreté qu'il a parfois mise dans ses polémicpies ? Devant
sa fin prématurée, il ne reste que le souvenir du savant cpii
fut vine des plus belles intelligences de notre époque , mieux
que cela , qui fut un caractère , et qui n'a jamais écrit une
ligne qui ne fût l'expression d'une conviction.
M. Whitney était membre honoraire des Sociétés asiatiques
du Bengale et de la Grande-Bretagne et d'Irlande , de la So-
ciété orientale allemande et de la Société philologique de
Londres. 11 était membre associé ou correspondant des Aca-
182 JUILLET. AOÛT 1894.
demies de Beiiin , de Saint-Pëtersbourg , des Liacei de Rome.
En 1 88 1 , ii avait été nommé Chevdier de 1 ordre prussien
« pour le mérite » , en remplacement de Cariyle. Depuis 1877,
il était correspondant de l'Institut.
«
LISTE DES PRINCIPAUX OUVRAGES DE WHITIVBY \
i849« ^'^ ^^ grammatical straciure ofike Sanskrit ( d'après
P. von Bohlen; publié dans la Bibliotheea sacra)»
1862. Tahellarisché Darsteîlnng der gegmseitigêh Verhàlt-
nisse der Sarphitâs des Fiik, Sàman, Weissen Yajw and Athar-
van [Indischê Studien, II).
i855. Atkarvaveda Sanhita heraasgêgeben von R» Roth und
W. D. Whitney. Berlin. : .
t858. Alphabetisches Verzeichniss der Versanfànge der
Atharva SarpJiitâ (Indischê Studien, IV).
1860. The Translation of the Sàrya Siddhânta, a Teœt-
Book of Hindu Astronomy» with Notes and an Appendiw, hy
Rev. EbenezerBurgess. New Haven (publié parla Société orien-
iale américaine. La traduction et les notes sont en réalité de
Whitney).
1863. The Atharva-Veda Prâtiçâkhya, or Çaanakïyâ catm-
râdhyàyikâ : Tewt, Translation and Notes. New Haven (publié
par la Société orientale américaine).
1867. Language and the Study of Language, a Course of
lectures on the principles oflingaistic science (3* édit. , Londres,
1870; une traduction allemande par M. Joliy).
1871. The Taittirlya- Prâtiçâkhya, with its Commentary,
the Tribâshyaratna : Text, Translations and Notes (publié par
la Société orientale américaine).
1873. Notes on Colebrooke's Essay on the Vedas (dans Tédi-
tien des Miscellaneous Essay s donnée par M. Cowell).
^ Cette liste, pour la période de maturité de Wliitiiey, ne contient que
Ui ouvrages pttÛiés à part L'énumération dea articles de revue, pour la
même période, prendrait au moins deux pagea de (Jus.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 183
1873-1875. Oriental aniUngmstieStuiiês, First and tecond
Setiei, Londres.
1875. Life and Growtk of Language (tteiâmi en français,
La vie du langage dans la Biblioth, scient^, internationale: en
allemand, en italien, en hollandais, en suédois).
1 877. Euentials ofBnglish Grammar. For the ose ofêchooU.
Boston.
1879. A Sanskrit Grammar, including botk tiiê classital
language and thê older dialects of Veda and Brahmana. Leipzig
(traduit en allemand par M. Zimmer).
1881. Index verboram to Ae pubUshed Text ofAe Aiharva-
Veda. New Haven (publié par la Société orientale américaine).
i885. The Roots, Verb-formt, and primary Derivatives of
the Sanskrit language. A Sapplêment to the Sanskrit Grammar,
Leipzig.
1889. A Sanskrit Grammar, etc. , . second [revised and
exlended) édition. Leipzig.
1889. The Century Dictionary of the English Language.
Vol. I (avec une préface de Whitney).
189a. MaâD Muller and the Science of language : a Criticism.
New-York.
Sa traduction de TAtharvayeda, avec notes critiques et
exégétiques, est annoncée comme devant paraître en automne
prochain.
A. Barth.
BIBLIOGRAPHIE.
EiN TURKISCn-ARABISCHES GlOSSàR, NACtt DÊR lEïDÊNBR HaND-
SCBRIFT aERAVSGËGEBES VSD SRLAVTËRT, VOn M. Th. HoutsmA.
Lpiden,BriH, i89'j,in-8'.
La bibliothèque Wamérienne de Leyde, dont les trésors
ont été si souvent exploités au profit de Térudition orientale ,
184 JUILLET-AOÛT 1894.
vient de fournir à Tétude des dialectes turcs un document
qui méritait d*être tiré de l'oubli , et que M. Houtsma a pu-
blié avec une exactitude digne de tout éloge. C'est un ma-
nuscrit de peu d'étendue , sans nom d'auteur, et qui renferme
deux vocabulaires : l'un turc, expliqué en arabe; l'autre mon-
gol, expliqué en persan. Le savant éditeur s'est borné au
premier vocabulaire , qui est d'ailleurs le plus important et
occupe les deux tiers de l'original. Il porte la date de 643
de l'hégire (i345), ce qui est un âge respectable pour un
texte turc , et le rend presque contemporain de la version sel-
djoukide de Yousouf et Zuleïkha , réputée le plus ancien mo-
nument de cette langue. M. Houtsma pense avec raison que
le vocabulaire a été rédigé en Egypte, sous la dictée d'un
maître ^ et pour répondre à un besoin que les immigrations
incessantes de la race turque rendaient chaque jour plus
impérieux.
Le texte est divisé en quatre sections. L»a première, la
plus développée , renferme en vingt-quatre chapitres le dic-
tionnaire proprement dit; les mots y sont rangés non par
ordre alphabétique , mais par catégories d'objets : ciel, terre,
arbres, animaux, aliments, costume, etc. La deuxième sec-
tion donne l'inipératif des verbes qui, dans les dialectes
turcs i est toujours le radical ; la troisième section traite de la
conjugaison , et la quatrième des particules et suffixes les plus
usités. On comprend qu'un vocabulaire composé de la sorte
serait d'un usage fort incommode , aussi faut-il savoir gré à
M. Houtsma de l'avoir remanié en groupant tous les mots
selon l'ordre alphabétique , et d'avoir réservé pour une sorte
d'introduction grammaticale les explications , d'ailleurs assez
confuses et trop souvent incomplètes , du lexicographe arabe
anonyme. La distinction que celui-ci établit dans sa préface
entre le dialecte du Qyptchaq , qui est l'objet principal de
son livre , et le dialecte turcoman plus étroitement apparenté
au turki, amenait tout naturellement une comparaison avec
le Codeai Comanicns si habilement publié par M. RadlofT.
Grâce à cette confrontation scrupuleusement conduite pour
NOUVELLES ET MÉLANGES. 185
chaque mot, M. Houtsma a réussi à fixer, autant que faire
se peut , les formes toujours flottantes de Torthographe éty-
mologique. Il aurait pu tirer aussi un utile parti , au moins
pour l'élément turkmani du Kitab elidrak d'Abou Hayyan ,
ouvrage composé au commencement du xiv* siècle sur le
même plan que celui de Leyde et renfermant, comme ce
dernier, un abrégé de grammaire et un vocabulaire ^
La partie phonétique (p. 8 à 18] est traitée avec soin et
donne lieu à des observations d'un intérêt général pour toutes
les variétés linguistiques de la famille tartare. Moins impor-
tant est le chapitre consacré à la grammaire. A remarquer
cependant le diminutif en ij^kina ou kinè: kutchukina, tout
petit; aîkina, petite lune (nom propre). A remarcpier aussi
parmi les formes verbales le participe en aghân qui indique
la fréquence ou la continuité dans l'action , comme (^Ul^
tchezaghân, «devant écnre habituellement», lequel donne
naissance au futur, par Télision du noun final, et l'adjonction
du pronom personnel , comme ^U^ «j'écrirai » , ^^U^ « tu
écriras » , V^^y»- <* nous écrirons ». Il faut signaler aussi comme
particularité intéressante un participe futur intensif en ^^t«>
datohi : J^ f^^SùJ^gueldatchiyd « l'année qui viendra ensuite » ,
c'est-à-dire dans deux ans.
Une liste très utile à consulter pour la lecture des chro-
niques arabes et persanes du moyen âge est celle des noms
propres. M. Houtsma les a réunis en deux groupes, noms
simples et noms composés , et il en donne l'explication d'après
la version arabe , sauf les cas ou celle-ci est notoirement fausse.
Comme on le sait , les noms de fauves , hon , tigre , panthère ,
ou d'oiseaux de proie, faucon, épervier, etc., ont toujours
joué un grand rôle dans l'onomastique turque. Faut-il y re-
trouver le souvenir d'un totémisme préhistorique , comme le
veut M. Houtsma, ou simplement une mode guerrière com-
^ Une édition d^aillcnn asseï mckliocre de cet ancien tctle a paru à
Constanlinople dans ces dernières années; voir rartidc de M. Cl. Hoart,
Journal asiatique , décembre 1892, p. 326.
186 iCILLBT.AOÛT 1894.
mune à toutes les civilisations primitives, c*est ce que je
n'ose décider, en inclinant pourtant vers cette seconde hypo*
thèse. En revanche, je considère comme incontestable la dis-
tinction que Tëditeur établit entre les noms composés : Guêuk'
bûroa^le loup bleutd*Emad ed-din, Mangou-hêrdi nï étemel
a donné » , nom de Thistorien bien connu , et les noms doubles ,
c'est-à-dire simplement juxtaposés , conmie QUidj-arslant sabre>
lion » , Timottr'bogha « fer-taureau » et tant d'autres. Cependant
le lexicographe anonyme parait hésiter un peu quand un de
ces deux noms présente un double sens , par exemple pour
les noms dont le premier élément est i£b hek ou pek. Cest
ainsi qu'il explique le nom propre Bek-Timour par t prince
Timour » ou par « fer solide » , Bek-Tach par « Prince-pierre »
ou par «pierre dure». M. Houtsma aurait bien fait de pré-
ciser aussi le sens de ^^Jj ou ^^,^ propre aux titres honori-
fiques , de tou ytu très rare conmie synonyme de ^^^ tehêri
«armée», àe ^\^yalat encore plus rare dans le sens d'«riv
(cf. le nom propre ^^l^ ^U expliqué par l'arabe ^^p \y^ i^
«l'homme à l'arc solide»). Mais d'aussi légères omissions ne
diminuent point le mérite de cette riche nomenclature, ni
de la partie lexioographique en général dont nous devons la
restitution à M. Houtsma. Les quelques observations qui
vont suivre et que je soumets à l'appréciation de ce docte
orientaliste sont plutôt des lectures peut-être préférables que
de véritables corrections.
Page 1 du texte. — Il faut sans doute metti^ ^^t avant Ma
y^ comme l'indique la traduction arabe #U{ e^ « abtritt »«
La rédaction du paragraphe laisserait croire que ^^f est
l'abrégé de ^^1 , ce que ni l'auteur ni l'éditeur n'ont voulu
dire*
Page A -^ Je crois q^e Ij^ doit être traduit ici par hjonté
oa pudeur, et non par pluie : comparer avec outghanmaq « avoir
honte ».
Page 1 — La plante nommée en turc « herbe du fiancé »
Jb^\ ^l^^est la marjolaine, plutôt que la sarriette. Ce sont-^
il est vrai, deux sœurs, mais qu'on se rappelle les vertus
NOUVELLES ET MÉLANGES. 187
aphrodisiaques attribuées à la marjolaine dans Tantiquitë et
le moyen âge.
Page ir — Le mot Jt^K n est pas traduit. Cest probable-
ment une variante orthographique du turki jLt^^^l àlaichîl
« bigarré , cendré ». — Ihid. Il y aurait une petite différence à
établir entre ^^yA», ■ masse d*arme • et jU*» « massue de bois »
(osmanli, topouz).
Page \à — L. 3; anlieade Li^lirel^. — lhii,,\.\^,
le texte arabe ajoute que la formide ach houboun s*emploie
aussi pour accélérer railtire d*une bète de somme.
Page H — L'espèce de caillé noir, nommé gara qourout ,
est coulé dans des boyaui lavés it!^«.Jm J^y^Û) i et non pas
m gereînigte sache, comme le dit le traducteur.
Page fv — Au lieu de JJULJt , lire JuUjJI « le poivre ».
Page Yr — La leçon jkyt^ doit être une faute de copie ,
pour ts^yju « chaudronnier ».
Page n* — Aux différentes significations de abouchqa,
ajouter celle de « mari » que Tauteur a sans doute visée dans
l'équivalent Aa^y> .
Page ^A — iji^ ^ aussi le sens de « don nuptial du fiancé
A sa future » : Si^yyi\ ^ .
Page M — lUady pour il-aUfy « il a pris le pays » n'est ex-
pliqué ni dans la liste des noms propres , ni dans le vocabulaire.
Page r* ^* (fi^ • H y ^ pour ce mot une méprise évidente
provenant soit de l'auteur arabe, soit du copiste qui aurait
confondu csLw dame avec le nom de nombre sia en arabe,
ce double sens existant aussi dans le turc jj\ . Il y a donc
une ligne à effacer dans le texte , en ne conservant que la lin
de l'article où se trouve l'explication exacte i La iU^^UJl; yji
jii\ i^yxJ^ owi» , et , en effet , le mot elty est l'équivalent de
qatoun, qadyne. Quelques autres méprises provenant du lexi-
cographe arabe ont été exactement signalées par le savant
éditeur (voir Einleitung, p. 3).
A. BARniBR DE Mrynard.
188 JUILLET-AOÛT 1894.
NOTE SUR LA VERSION SYRIAQUE
DU COMMENTAIRE DE THÉODORE DE MOPSUESTK
SUR L'ÉVANGILE SELON SAINT JEAN.
(Lue dans la séance da i3 avril.)
Je demande la permission d'entretenir la Société asiatiqae
d'une publication que j'ai commencée il y a quelques mois. Il
s'agit du Commentaire de Théodore de Mopsaeste sur VEvangilc
selon saint Jean , ouvrage dont le texte grec est aujourd'hui
perdu, mais qui heureusement, comme beaucoup d'autres
monuments de la littérature gréco-chrétienne, nous a été
conservé dans une très ancienne version syriaque.
Théodore de Mopsueste fut un écrivain excessivement fé-
cond. Nous savons par des témoignages formels * cpi'il avait
écrit , outre un bon nombre de traités dogmatiques ou polé-
miques, des commentaires sur prescpie tous les livres de
l'Ancien et du Nouveau Testament , ce qui lui valut même ,
auprès des Syriens qui l'ont toujours eu en haute estime , le
titre d'Interprète par excellence (\<L:3^(Vj&n r^i^ieSisn
K^cnXt^. Néanmoins , malgré le grand nombre des ouvrages
sortis de la plume de cet auteur, à part le Commentaire sur
les XII petits prophètes *, il ne nous est parvenu de lui que
de courts fragments que les patientes recherches des érudits
ont recueillis , soit dans les textes des Conciles , soit surtout
dans ces compilations exégétiques connues sous le nom de
Chaînes des Pères, Tous ces fragments réunis occupent à
peine deux cents colonnes de la Patrologie grecque de Migne
(t. LXVI).
On savait par divers auteurs ^ que les écrits de Théodore
avaient été traduits en syriaque ; mais , jusqu'à ces dernières
* Voir O. Fritzsche, De Theodori Mops. vita et scriptis; Halae, i836.
* Kdité par Mai', Scriplorum vel, nova coHeclio , t. VI; Romae, iSSa.
' Cr. 'Ebedjésus, Catalog. Ubr, eccL; apud Assémani, Bibt. or., t. III,
part. I , (M^es 3o et suiv.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 180
années, aucun des manuscrits appointés en Europe ne con-
tenait les ouvrages de cet écrivain. Quelques fragments seule-
ment, épars dans la collection du British Muséum, avaient
été recueillis et publiés , en 1 869 , par M. Sachau *. En 1 889 ,
M. F. Baetbgen signala au Congrès des orientalistes de
Stockholm* un manuscrit de Berlin [Sachaii 2 17) qui ren-
fermait le Commentaire sur l'Evangile selon saint Jean, Tout en
faisant ressortir l'importance du texte , il notait les lacunes
de la dernière partie, et regrettait que la négligence du
scribe moderne , qui a exécuté le manuscrit de Beriin , en-
levât à ce dernier toute valeur critique. Depuis lors , la Bi-
bliothèque nationale a fait l'acquisition d'une copie de ce
même ouvrage , provenant de source différente et exempte des
défauts signalés par M. Baetligen dans ceUe de Berlin.
Le manuscrit cpii la renferme est catalogué sous le n° 5o8.
C'est un beau volume en papier, mesurant Sa centimètres
sur 23. 11 est composé de 18 cahiers mai^ués vi^-i^, et
foniiés de 10 feuillets chacun, à l'exception du dernier qui
en a 13. Le premier feuillet et les trois derniers sont blancs ,
en sorte que l'ouvrage occupe seulement 1 78 feuillets numé-
rotés , en syriaque , au verso de chacun. Chaque page renferme
29 lignes d'une très belJe écriture, du genre dit chaldéen.
Le texte est entièrement vocalisé selon le système nestorien.
Des notes marginales indiquent la répartition de l'Evangile
dans l'office liturgique. L'ouvrage commence au verso du
folio \^ avec ce titre :
•i^^cniAi^ i^zaXrLn y^xrxif^m ^ononKfVx
' TheoJori Mopsuesivni Jrinjmeniu syritivUf cd, otijuc in lat. vcrtit Ed.
Sachau ; Lipsiae , 1869.
^ Voir Actes du Congrès; section sëmilique, B, pages 107-11 G.
190 JUILLBT-AOÛT J894.
Le commentaire est reparti en sept Truites [H^*vson^!so]
de ]a manière suivante ^ :
Premier traité [fol. o a]; il est précédé d*une Préface
[K^Vvâ^n CQO^n uoÂra p^m] et dune Introduction
[t^^Vv&A C^VxXsw], chap. I-II, 22;
Deuxième traité
Troisième traité
A 6], chap. II, aS-v;
, chap. vi-viii;
, chap. ix-x;
6
Quatrième traité [oxSk b
Cinquième traité ["s\J3 a], chap. xi-xn;
Sixième traité [i^SkJa h], chap. xm-xvii;
Septième traité [vxn a], chap. xviii-xxi.
Le Commentaire se termine au fol. vkJO h. De ionguel
clausules nous apprennent que la copie a été achevée le a g oc-
tobre i886 , par un diacre du nom d'Elias , moine du monas-
tère de Rabban Hormizd.
Le texte de ce manuscrit, que je reprodtds dans ma pu-
bUcation, ne diffère pas, quant au fond, de celui signalé par
Baethgen , dont je noterai les variantes de quelque impor-
tance. Comme dans ce dernier, Thistoire de la fomme adul-
tère (vin, 1-1 1) fait défaut.
Si le manuscrit est récent , il n'en est assurément pas de
même de la version cpi'il contient. Nous savons en effet que
révèque d'Ëdesse , Ibas ( mort en ^67 ) , traduisit pendant sa jeu-
nesse, du grec en syriaque, la plupart des ouvrages de Théo-
dore , du vivant même de cet écrivain (mort en 4^9 ). Les écrits
de Théodore qui ne furent pas traduits par Ibas le furent, à la
même époque , dans la célèbre Ecole des Perses , à Édesse '.
Ma^na , contemporain d'ibas , s'attacha particulièrement k la
traduction des Commentaire$ de Théodore. C'est donc à lui
qu'il convient de faire remonter l'original de la version du
Commentaire sur saint Jean, si l'on n'aime mieux en attribuer
* Celte divisioa appartient à l'ouvrage primitif. Voir Pair, Gr, , t. F A V 1 ,
coL 5i.
'* Cf. Wright, art Syriac Literatare; Encyclop. frrifawiîca, t Wll,
p. 839-83 1.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 191
le mérite à Ibas. Ce Commentaire Ait, en effet, le plus célèbre
et le plui répanda des écrits exégétiques de Théodore. Cest
à lui que sont empruntées la plupart des citations alléguées
dans les controverses qui s'élevèrent au sujet de Torthodoxie
de Tauteur; c'est de lui que nous avons les fragments les
plus nombreux et les plus étendus. Il est donc naturel de
penser que ce fut une des premières œuvres auxquelles durent
s'attacher les traducteurs de Théodore. Ce ne sont pas seule-
ment les raisons extrinsèques que je viens d'indiquer et
d'autres , que je passe sous silence , qui militent en faveur de
cette opinion. Un examen sommaire du texte lui-même , Tab*
sence des héllénismes et, qui plus est, des mots grecs qui
se rencontrent si fréquemment ches les écrivains syriens d'une
époque postérieure , m'ont confirmé dans cette manière de
voir. Quel que soit l'auteur de cette version , nous sommes en
présence d'un monument appartenant à la meilleure époque
de la littérature syriaque. La publication de ce texte n'a donc
pas seulement le mérite de faire revivre l'œuvre d'un des
hommes les plus remarcpiables de son siècle ; elle n'intéresse
pas non plus uniquement, comme ferait la publication du
texte grec , ceux qui s'occupent de la théologie , de l'histoire
ecclésiastique ou de l'histoire de l'exégèse, mais elle ofiFre
un véritable intérêt philologique au point de vue de la lexico-
graphie syriaque , grâce à la comparaison que l'on peut établir
entre le texte et les fragments grecs qui nous ont été con-
servés, et qui représentent à peu près le tiers de Touvrage
complet.
De plus, dans ce Commentaire, le texte du quatrième
Evangile se trouve reproduit prescpie en entier, verset par
verset. On se trouve donc en présence d'im témoin assez an-
cien de l'état du texte évangélique, soit du texte grec, soit
du texte de la version Pesîttâ, la seule qui ait été en usage
chez les Nestoriens. Le texte allégué s'accorde généralement
avec cette dernière. Il présente cependant cpielques variantes.
11 y aura lieu de rechercher si elles proviennent du texte grec
ou au contraire de l'état de la version syriaque à cette époque.
192 JUILLET-AOUT 1894.
Je ne puis m'étendre , dans cette courte note, sur Tauthen-
ticité et l'intégrité ^ de Touvrage en question. Renaudot af-
firme ', sur l'autorité d'un auteur syrien , que les Jacobites ont
corrigé les Commentaires de Théodore, en retranchant ou
modifiant tout ce qui pouvait sentir le nestorianisme. Je crois
pouvoir assurer c[ue le texte , tel cp'il est dans le ms. 3o8 ,
n'a subi aucune altération de ce genre et que son authenti-
cité ne saurait être mise en doute. E^e a été d'ailleurs recon-
nue par F. Baethgen , et elle est justifiée par la comparaison
des Iragments grecs avec le texte syriacpe , dont cet auteur a
donné un spécimen'. J'ai constaté que la version est faite
d'une manière très littérale. Ce caractère est surtout frappant
dans l'examen des fragments tirés des Actes des conciles , où
les citations devaient précisément être faites avec plus de soin ,
puisqu'il s'agissait de discuter l'orthodoxie de Théodore.
J'ose donc espérer que la publication de cet important
ouvrage sera accueillie favorablement par tous ceux qui s'in-
téressent aux études syriaques.
D' J.-B. Chabot.
' A propos de robservaiion faite par M. Baethgen (o/>. cit., p. ii3), au
sujet du dernier verset (XXI , aS ) , je ferai remarquer que le ms. de Paris
porte plus correctement :
••• 003^
* Lilurg, orient. , 11 , G a a .
' Ouv.cit, p. iiA-iiC.
Le Géixint :
RUBENS DUVAL.
JOURNAL ASIATIQUE
SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
LE CHANTRE DES OMIADES.
NOTES BIOGRAPHIQUES ET LITTÉRAIRES
SUR
LE POÈTE ARABE CHRÉTIEN AHTAL,
PAR
HENRI LAMMENS S. J.
(suite.)
VII
AHTAL ET GARÎR.
Nous devons au lecteur de lui faire connaître
deux personnages dont le nom est venu fréquem-
ment SOUS notre plume, et qui occupent une place
considérable dans ce récit. Il est temps aussi d aborder
rhistorique d une rivalité , célèbre dans Thistoire lit-
téraire des Omiades. Elle domine toute la dernière
partie de la vie de notre héros , et a contribué , plus
que toute autre cause , à faire de lui un des princes
de la satire chez les Arabes.
La renommée de Garîr et de Farazdaq avait com-
mencé à se répandre dans Tlraq, vers le temps où
rv. i3
laraiMBUB unoiAti.
194 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
celle du poète chrétien croissait en Mésopotamie et
en Syrie. Ahtai en avait souvent entendu parier, mais
ne connaissait pas encore leurs vers. D envoya rainé
de ses Gis^ Mâlik, en Iraq avec la misâon expresse
d'apprécier leur mérite, et de recueillir quelques-
unes de leurs productions. Maiik fit le voyage, en-
tendit les vers de Farazdaq et de Garir, et retourna
chez son père, qui s'empressa de faii demander com-
ment il avait jugé les deux adversaires. «J'ai trouvé,
répondit ladolescent, que Garir puise dans la mer,
et que Farazdaq taille dans un roc ^. — Celui qui
puise dans la mer, dit Ahtai, a le premier rang. . D
fit alors ces deux vers dans lesquek il donne la pré-
férence à Garir.
Xai porté un jugement impartial, basé sur des ^e]lseîgIlc^-
ments positifs :
Farazdaq a rencontré dans Sâ propre tribn mi serpent à
la morsore terrible '.
L'arme du ridicule, ohserveC. de Perceval, dont
la morsure est » profonde chez nous , n était pas moins
redoutable dans les villes arabes, et jusque sous les
tentes des Bédouins. Nous en trouverons des preuves
dans la vie m6me des personnages qui nous occupent.
Un jeune poète s'avisa de £dre des vers contre Ea-
razdaq. Effirayés des suites de son impnidenoe, ses
' Ces comparanoos se prf.vntfiit pour la 9eeamà& ibis^ elet le-
▼iendront an pea plus loin. PlasifeDrs des récits de YÉk^m^ idée-
tiqoes pour le fbad, ne diffèrent <pe par las noms des personnages
mis en scène.
« Ag., Vn, i85; X, 1.
LE CHANTRE DES OMIADES. 105
parents se saisirent de lui et remmenèrent devant
Farazdaq. « Ce jeune homme, lui dirent-ils, est à ta
disposition. Coupe-lui la barbe, bâtonne4e, fais^lui
ce que tu voudras, nous ne conserverons contre toi
nianimosité, ni désir de vengeance. » Farazdaq ré^
pondit qu*il lui suffisait , pour sa satisfaction , de voir
combien ils craignaient son ressentiment ^. Lie même
poète engagea un jour Hâlid, de la tribu de Kalb, à
faii réciter les épîgrammes que Garir avait faites contre
lui. Quand le Kalbite Teut satisfait, Farazdaq lui
dit : « Récite-moi maintenant les réponses que je lui
ai opposées. » Le Bédouin avoua qu'il ne les savait
pas. «Comment! s écria Farazdaq, tu as appris par
cœur les vers que mon ennemi a composés contre
moi» et tu n as pas appris en même temps ceux par
lesqueb je lui ai répondu? Par Dieu ! je vais diriger
mes satires contre les enfants de Kalb et déverser
sur eux un ridicule qui les couvrira jusqu^à la fm
du monde, à moins que tu ne tHnstalles chez moi
pour écrire toutes mes répliques et ensuite me les
répéter. » Hâlid y consentit, de peur d'allumer son
courroux. Farazdaq le retint un mois entier et ne
lui rendit la liberté que lorsqu'il fut en état de lui
réciter toutes ses réponses à Garîr ^.
Ahtal venait de se déclarer pour ce dernier, quand
Bisr, fils de Marwân, fut nommé gouverneur de
Koùfa. Le poète, intimement lié avec les princes de
la maison d'Omaiya, vint en cette ville présenter
» Ag., XIX, 11, 49.
' A§., XIX, 11.
i3.
196 SEPTEMBRE-OCTOBRE J8d4.
àes hommages au nouveau gouverneur. Bisr ne voulut
pas manquer une si belle occasion de brouiller les
trois plus grands poètes de l'époque ^. 11 invita donc
le Taglibite à décider entre Garîr et Farazdaq. Sans
avoir lu Horace, Ahtal connaissait par expérience
« rirritabilité des poètes )i. Il s excusa d'abord. Bi^r
insista et ne put en tirer que ces mots : < Faraedaq
taille dans un roc, et Garir puise dans la mer. » Ce
dernier, trouvant apparemment Téloge trop peu em-
phatique, se montra mécontent^, et son méconten-
tement se traduisit par une satire contre lefls de la
chrétienne :
Fou que tu esl Biâr a décidé c[ue la sentence d*un ivrogne '
h*était pas acceptable.
Abandonnez (ô Taglibites) les fonctions d*arbitre, qui ne
vous conviennent pas : aux Banoû Saïbân de prononcer 1
N*est-ce pas eux qui ont tué votre Kolaïb pour venger la
mort de la chamelle d*une cliente ^ ? Vous êtes de race mêlée ,
fils de Tag^ aux yeux louches '^,
Âhtal répondit vivement à cette attaque injusti-
^ Il recourait pour cela aux plus étranges moyens. Parfois il
obligeait un poète à attaquer un de : ses confrères , à qui il com-
mandait ensuite de répondre. Cf. Ag., VU, 44* 67.
^ Les éditeurs égyptiens de rAgânî mettent en marge : c Tdie
est la leçon de tous les manuscrits , quoiqu'on ne voie pas la rai-
son du mécontentement de Garîr. » Nous ne la voyons pas non plus.
* Avec le P. Ssdhani, nous lisons {j\yjS^ et non {^^y»»>j, comme a
constamment TAgânî.
* Allusions à la guerre bien connue d'Al-Basoûs.
^ Ag., Vu, 44; X, 3. A la page 76 de son Divan manuscrit,
Garîr dit encore :
LE CHANTRE DES OMIADES, 197
fiable , et depuis lors ils ne cessèrent de se déchirer
Tun i autre ^
On comprend que le Tag^ite ait été offensé de
la Conduite de Garîr. Aussi, depuis ce moment,
cessa-t-il de le ménager. D autres motifs, dun ordre
bien différent, déterminèrent également cette réso-
lution. Des membres influents de la famille de Fa-
•
razdaq intervinrent en faveur de ce dernier. Âhtal
était alors à lapogée de la gloire; son talent incon*
testé, la faveur du calife en faisaient larbitre de la
poésie et rendaient ses attaques particulièrement
redoutables. Craignant donc quil ne continuât à
rabaisser leur parent, ils lui envoyèrent i,ooo dir-
hems, des habillements, une mule et du vin, en lui
faisant dire : c Ne récite point de satires contre notre
poète; dirige plutôt tes traits contre ce chien qui
attaque la famille de Dârim^. Tu as précédemment
élevé Garîr au-dessus de notre ami; élève maintenant
notre ami au-dessus de Garîr. » Ahtal consentit d'au-
tant plus volontiers à cette palinodie que lui-même
avait à se plaindre de Garîr. Aussi Bisr lui ayant
encore demandé ce qu'il pensait des deuxTamimites,
il se prononça cette fois clairement en faveur de
Farazdaq^,
> Ag., Vn, i85, et Divan, p. 273. Nous avons essayé de conci-
lier les documents recueillis par l'auteur de l'Agânî; il nous assu*
rera plus loin que les deux poètes se sont vus pour la première fois
à la cour de Damas.
* Ancêtre de Farazdaq.
^ Divan manuscrit de Gaiîr, p. iii4; Ag., Vil, ââ, iS5; X^ 3;
Divan d'Ahtsd, 65 et 2'jà*
198 SRPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
Il lui fallait, pour le faire, une certaine dose de
courage. Telle était la terreur inspirée par la fougue
satirique de Garîr quun seigneur arabe ayant .pro-
mis une forte récompense au poète qui se pronon-
cerait en faveur du Darimite , il ne s'en trouva qu un
seul qui osât gagner la prime ^. *
^ La guerre était donc déclarée entre Garîr et le
vieux poète chrétien K Les admirateurs et amis de ce
dernier n'étaient pourtant pas sans crainte sur Tissue
de cette lutte, o J'ai un sage conseil à te donner, lui
dit un, Arabe de Saïbân ; car malgré la différence de
religion et les haines héréditaires qui nous séparent,
je me rappelle que tu es, comme moi, issu de Rabf a.
Tu fais des vers satiriques contre Garîr; tu prends
parti contre lui dans sa querelle avec Farazdaq.
Pourquoi te jeter entre ces deux combattants P La
langue de Garîr peut dire des choses qu'il n'est pas
permis à la tienne de proférer. Les injures qu'il pro-
digue aux descendants de Rabî*a, tu ne peux les
rendre à la race de Modar, dans laquelle réside la
souveraineté , et qui a donné naissance au Prophète.
Cesse donc, si tu veux m'en croire, de lutter avec
des armes inégales contre un si redoutable adver-
saire. — Tu raisonnes juste, répondit Ahtal, mais
je jure par la croix et i'hostie que je saurai toujours
concentrer mes attaques sur les seuls descendants
de Kolaïb ^, de manière à ne pas envelopper dans le
»Ag.,Vn,67.
« n était déjà sur le aécfin, \^\ SJ dit l'Agânf , etc.
' Branche de Tamim dans laquelle était né éarîr.
LE CHANTRE DES OMIADES. 190
ridicide, que je verserai sur eux toute la postérité de
Modar. Sois persuadé, au reste, que ies connaisseurs
qui savent goûter ies bons vers ne s'embarrassent
pas lorsqu'ils lisent ou entendent réciter une satire
piquante et bien faite, si elle est lœuvre d un mu-
sulman du d'un chrétien ^ »
Âhtal et Garir faisaient ainsi depuis quelque
temps entre eux assaut de sarcasmes et d'outrages,
mais ne s'étaient pas encore vus , quand le hasard
les mit en face l'un de l'autre. Les poètes avaient la
coutume de se rendre chaque année à la cour. Ils
récitaient au prince une pièce de leur composition ^
et touchaient la pension annuelle qui leur avait été
assignée. Garir, quoique habituellement fixé dans
l'Iraq^ auprès de Haggâg, ne parait pas avoir négligé
ces lucratives excursions. Dans un de ces voyages à
Damas , il s'arrêta dans un campement de Taglibites.
Il descendait de sa monture , couvert de ses habits de
voyage et la figure à moitié couverte par le « litâm » ,
de manière à ne laisser paraître que les yeux*, quand
il est abordé par un Bédouin, qui lui demande le
nom de sa tribu. «Tamîm», répond Garîr. Le Bé-
douin reprend : « N as-tu pas entendu parler de ma
satire contre ce diable de Tamimite ? », et il se met
à la réciter. «Et toi, dit Glarir, n'as-tu pas entendu
1 Ag.,VII, 173.
' Farazdaq fait allusion à cette coutume à la page 69 de son
Divan, édit. Boucher. Cf. Ag., VII, p. 46, 1. 22, 2 3.
' Ou dans le Yamâma , sa patrie.
* Sur le |»UJ, cf. nos t Synonymes arabes», n*^ 11 65, il était
impossible de distinguer les traits d'un |^JU«. Cf. Ag., IV, 93.
200 SEPTEMBRE-OCTOBRE 18d4.
ia réponse de ce diable de Tamimite?», et il lui ré-
cita de même la réponse. Ils restèrent ainsi quelque
temps en présence , chaque attaque étant immédia-
tement suivie de la riposte. A la fin le Tag^ite , im-
patienté, s'écria : « Mais qui es-tu donc? Puisse Dieu
ne pas te bénir ! Je gage que tu es Garîr. — Je le
suis effectivement. — Et moi, je suis Ahtal ^ 1 »
Les deux rivaux ne paraissent pas alors avoir
fait plus ample connaissance^. A quelque temps de
là, Garîr attendait à la porte de ^Abdalmalik, pen-
dant que Ahtal était auprès du prince ; ayant enfin
obtenu audience, il entra et s'assit. Ahtal, qui lavait
entendu annoncer, se mit à le regarder fixement.
Garîr s'aperçut de ce mouvement de curiosité et lui
demanda qui il était. «Je suis, répondit Ahtal, ce-
lui qui a empêché ton sommeil et humilié ta race«
— C'est pour ton malheur, alors, répliqua le Ta-
mimite , qui que tu sois ! et se tournant vers le calife ,
il ajouta : Prince des croyants (Dieu prolonge vos
jours aux dépens des miens!), quel est cet homme?
— Père de Hazra^, répondit le calife en riant, c'est
Ahtal. » Alors Garîr jetant sur son rival un regard
méprisant: «Dieu te confonde 1 s'écria-t-il , fils de la
chrétienne 1 Si tu m'as empêché de dormir, il eût
certes mieux valu pour toi que je dormisse tran-
quillement, plutôt que de veUler, pour t'accabler
de mes satires. Tu as, dis-tu, humilié ma race; mais
» Ag., vn, 182.
* Le JjJ ayant empêché Ahttl de reconnaître son interlocuteur.
» Le teite imprimé de T Agânî portp Hana.
LE CHANTRE DES OMIADES. 201
comment i aurais-tu fait, toi, issu dun sang voué à
l'opprobre, accablé sous le poids de la colère divine,
assujetti à un tribut humiliant? Homme de néant M
comment aurais-tu abaissé ceux au milieu desquels
résident la prophétie et le califat, et dont tu n'es que
le moindre des esclaves. Commandeur des croyants,
permettez-moi de réciter une satire contre le fils de
la chrétienne. »
Garîr était très ému en prononçant ces invectives.
Craignant un éclat plus regrettable, le prince se
contenta de répondre : « Je ne m'y oppose pas, mais
que ce ne soit pas ici, en ma présence ! » Garîr bon-
dit de sa place et sortit brusquement. «Lève-toi,
Ahtal, dit ^Abdalmalik au poète, va rejoindre ton
adversaire , car il est sorti furieux contre nous , à
cause de toi! » Ahtal se leva, assez peu rassuré; il
savait que la faveur du calife pourrait n'être qu'une
protection insuffisante contre les violences de Garîr,
capable, en un moment d'exaltation, de se porter à
toutes les extrémités. ^Abdalmalik n'était pas non
plus rassuré. Aussi recommanda-t-il à. l'un de ses
chambellans d'observer ce qui se passerait entre eux.
A sa sortie du palais , Garîr appela son écuyer, qui
lui amena son cheval noir. La menace à la bouche ,
il monta le noble animal qui se cabrait sous lui. Ce-
' Littér. c homme sans mère » , invective tout à fait bédouine. Le
Divan manuscrit de Garîr reproduit une partie de ce récit (p. Soi).
Il paraphrase à sa manière i'Agânî , c'est-à-dire en y ajoutant force
injures, où figure l'inévitable ^y^ : c'est sa manière de comprendre
la t couleur locale».
302 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1804.
pendant Âhtal , ayant quitté Tappartement du calife ,
ne dépassa pas le seuil de la porte du palais, der-
rière laquelle il se dissimula jusquau départ de
Garir. Le chambellan, en rentrant, raconta le tout à
^Abdalmalik qui ne put s empocher d'en rire : t Vrai-
ment, dit-il, cet enragé de Garir est un brave. Si le
chrétien s était présenté à lui , ma foi ! il n en aurait
fait qu une bouchée ^. »
Ahtal eut plus tard Toccasion de prendre une
éclatante revanche. Haggâg le trop célèbre Ueute«
nant de ^Abdalmalik, avait envoyé à ce prince une
députation dont Garir faisait partie. Le calife lui
donna audience et voulut que son poète favori y
assistât. Quand il entra, le prince lui dit, en dési-
gnant Garir : Voilà celui qui ta souvent injurié! »
Garîr, se levant, vint au-devant de son adversaire
et lui adressa ces paroles (nous les traduisons' lit-
téralement, parce qu'elles caractérisent assez bien le
genre du Tamiraite) : « Oh as-tu laissé les pourceaux*
de ta mère ? — Oh ! répondit Ahtal , ils sont à paître
avec les ànons^ de la tienne. Mais sois sans crainte,
» Ag.,V, 69; VU, 66,»qq.
* Cet animtd, nous l'avons déjs^ dit* occupe dans les ss^tirçs de
Garîr une place prépondérante.
' Rapprochei de cela le nom de ilà\yM ^I fils de Yéne$$e, donné
à Garîr par ses nombreux ennemis , appdlation remplacée tantôt
pa U\^\ J^, ou ^c^ Ji^ ( Ag. , VU, 45) , ou ybl ^^1 (Ag. ,
VU, 63; XVI, 117). Rapprochez également ce vers d'Ahtal mou-
rant :
et p. ia4« 1* a« 3, de son Divan.
LE CHANTRE DES OMIADES. 5K)3
à ta prochaine visite, nous te réservons un bon mor-
ceau de lard. » Repoussé de ce côté, Garîr se tourna
vers le calife : « Prince , dit-il , il exhale lodeur du
vin ^ — C'est vrai, répondit Ahtal.
Pourquoi m'en faire un crime ? C^est la boisson du gfrand
Chosroès. Les tiens connaissent des boissons beaucoup plus
étranges *.
'Ces derniers mots faisaient allusion à un fait peu
honorable pour la famille de Garîr. Aussi *Abdal-
malik, voyant la tournure que prenait le d^bat, crut-
il devoir intervenir. « Assez! cria-t-il aux deux poètes.
Pour toi, Garîr, continua-t-il, débite-moi plutôt quel-
qu une de tes compositions poétiques. » Le Tamimite
récita trois qasidas en Thonneur de Haggâg. On y
remarquait entre autres le vers suivant :
Quelle main a étouffé la révolte ? Quelle videur est com-
parable à la valeur de Haggâg ?
Le prince fut piqué de ces éloges pompeux , trop
exclusivement décernés à un subalterne, sans qu'on
en fit remonter la ^oire au souverain. « Non, Garîr,
s*écria"t-il , ce n'est point à Haggâg, mais à sa religion
et à son calife que Dieu a donné la victoire. » Puis
se tournant vers Ahtal : « A ton tour maintenant ! »,
lui dit-il. Ahtal choisit dans son grand panégyrique
1
Garîr lui-même, quoique musulman rigide (cf. Ag. , VU, 38,
5i], ne dédaignait pas de recourir au vin pour se mettre eQ verve.
Cf. Ag., VII, 5o; XVI, 118.
* Divan, i55.
204 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
de la maison d'Omaïya le passage commençant par
ce vers :
Terribles dans leur colère , tant qu*on leur résiste , ils sont
les plus cléments des hommes après la victoire \
^Abdalmsdik était ravi. « Voilà, s*écrîa-t-il, un chant
de triomphe, capable de fondre une barre de fer^ ! »
Le Divan manuscrit de Garir nous a conservé le
même trait, mais en y ajoutant des détails signifi-
catifs que nous ne croyons pas pouvoir omettre* La
députation de Haggâg était conduite par son propre
fils, Mohammad. Le jeune homme avait, parait-H,
parmi ses instructions , celle de reconunander Garîr
au calife. La mission était délicate, ce prince étant
mal disposé à Tégard des poètes de Modar, qui
avaient presque tous embrassé le parti du fils de
Zobaïr. Il connaissait le nom et les vers de Garîr *,
et n'approuvait pas les éloges hyperboliques par lui
décernés au gouverneur de l'Iraq. ^Âbdalmalik reçut
avec honneur Mohammad et le fit asseoir sur un
tapis, à ses pieds. Quand Garir fut introduit, le sou-
verain, affectant de ne pas le connaître, demanda à
Moliammad le nom du nouveau venu, « Émir des
croyants, dit le fils de Haggâg, c'est Ibn id-Hatafâ*.
— Ah! oui, fit le prince, le panégyriste de Haggâg.
— Et celui de Votre Majesté, ajouta timidement
> Divan, io4, 1. 8; cf. Ag., VH, 66.
»Ag.,Vn, x8i.
' Divan manuscrit de Garîr, ad*
* Hatafft, nom de i'aîeui de Garir.
L£ CHANTRE DES OMIADES. 205
r
Garir. Daignez, Sire, me permettre de vous réciter
.mes vers. — Récite-moi, dit le prince en appuyant
sur les mots, ce que tu as composé en Thonneur de
Hag^â^. » Après avoir écouté la première pièce,
^Abdalmalik ajouta quelques mots d approbation.
« n paraît, continue Garir, qu'Ahtal était dans l'assis-
tance, placé derrière ou même devant moi, mais
je ne l'avais pas aperçu. Le calife, avec une insis-
tance marquée, réclamait toujours des vers en l'hon-
neur de Haggâg. Quand, sur son invitation, j*eus ré-
cité une seconde qasida , je remarquai que son regard
s'assombrissait. Cependant, pour obéir à un nouvel
ordre, je commençai le troisième panégyrique de
Haggâg. Arrivé au vers : « Quelle main a étoulFé la
révolte? » je fus interrompu par Ahtal qui me cria :
tEt le commandeur des fidèles, ô fils de Marâga^,
qu'en fais-tu donc ?» A ces mots je reconnus Ahtal.
Je fus tellement saisi que je me cachai le front avec
le revers de ma manche.
« J'achevai pourtant la pièce jusqu'au bout. ^Abdal-
malikme donnal'ordredem'asseoir.Puis s'adressant
à Ahtal : o Allons ! dit-il , récite-nous l'éloge du prince
des fidèles !» Il se dressa alors triomphant en face
de moi, et lui que personne n'égala jamais dans
le panégyriq]ue2, il débita son splendide poème.
* Sur ce nom, cf. Ibn Hallikân (éd. de Slane), p. 162, et Tâg
al-'arous, VI, 29. Parmi les différentes significations, nous préfé-
rons celle dîâneae, comme nous l'avons indiqué dans une note pré-
cédente.
^ Ce sont les paroles mêmes de Garîr : ^UJI ^J^l >«dbJU.
20B SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
sans trembler : il me semblait qu'il allait me dé-
vorer ^ »
Interrogé sur ce qu'il pensait du mérite de Fa-
razdaq, d'Ahtal et du sien propre, le même Garîr fit
cette réponse : a Farazdaq, en semesurant avec moi,
a entrepris une tâche au-dessus de ses forces. Ahtal
excelle dans le panégyrique, il a plus d audace que
nous tous et sait mieux frapper ses adversaires dans
les endroits sensibles. Pour moi, je suis la cité des
vers 2. » Il était tellement frappé de la supériorité de
son rival dans la satire que, pour l'expliquer, il re-
courait aux suppositions les plus arbitraires : < Par
Dieu! disait-il, le fils de la chrétienne n'est pas seul;
il a derrière lui cinquante poètes au moins, tous
bédouins. Quand il veut m'attaquer, il les réunit chez
lui; chacun improvise des vers; Âhtai choisit ce qu'il
y a de meUleur et en compose une satire^. » Quand
nous ne le saurions pas déjà, ces paroles suffiraient
pour nous dévoiler les angoisses du Tanoimite,
puisque, dans les satires d'Ahtal, il voyait l'œuvre
collective de cinquante poètes « tous bédouins ».
Ahtal n'aurait donc été qu'un plagiaire. Eln pro-
férant cette accusation , qu'il a peut-être reproduite
trop souvent^, Garîr laissait voir quelle idée il se
faisait de la probité littéraire de ses compatriotes. A
1 Ag.,vn, 172.
« Ag., vu, 172.
» Ag., vn, /lo.
* Cf. Ag., VII, 72 , i. 9, où il accuse un autre poète de se faire
assister pour lui répondre.
LE CHANTRE DES OMIADES. 200
toutes les époques , le plagiat a été un des fléaux des
lettres arabes. Dans les temps héroïques surtout, où
la tradition orale était seule gardienne constituée -des
œuvres poétiques , rien n*était plus facile que de s at-
tribuer les compositions d*autrui , et , sui* la fin du
viH* siècle, nous voyons le calife Yazîd lui-même
recourir à ce facile expédient ^ Les coupables n'étaieiït
pas seulement des rimeurs aux abois , des poètes fa-
méliques , mais les premières illustrations du Parnasse
arabe, comme les Farazdaq, les Kotaïyr, les Doûr-
Romma, et tant d autres'^. Tout le monde n avait
pas Térudition d un Hanimâd pour reconnaître les
vers volés et les restituer séance tenante aux véri-
tables auteurs^. D ailleurs certains en étaient venus
à ne plus rougir de ces procédés indélicats. « Le
meilleur des vols, disait cyniquement Farazdaq, est
celui pour lequel on ne coupe pas les mains. » Garîr
lui-même , toujours prompt à lancer à ses adversaires
laccusation de plagiat, n avait pas, sous ce rapport,
une réputation intacte , et le savant éditeur d'Ahtal
a plus d une fois surpris le chantre de Tamîm , paré
des dépouilles de son confrère mésopotamien*. Quant
à Hammàd, ce rapsode si habile à dévoiler les su-
percheries littéraires , sortant de son rôle de râwia ,
il n'hésitait pas , en certaines circonstances , à puiser
dans les trésors de sa vaste mémoire, et à donner
* Ag. , VII, 52, 59.
* Ag., VIII, 195 et passim,
» Ag., V, i65.
* Cf. Divan d'Ahtal, 374, 375 et notes.
IV. i4
MraiWHftlB BATtOXALB.
910 SEPTEMBUE-OGTOBRE 1894.
comme siennes les œuvres de ses prédécessem*s ^.
Il n'était pas rare d'entendre des poètes se reprocher
mutuellement des plagiats très réels ^. Parfois ces
plagiats avaient toute une généalogie. Ainsi DoûV*
Romma s était approprié un vers de ^Aggâg, sans
soupçonner que ce dernier lavait lui-même em-
pninté *.
Nous ne prétendons pas cependant que tout soit
absolument original dans les œuvres d'Ahtd, et qu'il
ne doive rien à ses prédécesseurs. Au contraire^
nous connaissons plus dun endroit où, usant de son
droit, il a imité les grands poètes antéislamiques ,
tels que Labid, Nâbiga et Ka^b, fils de Zohaîr; mais
de là à l'accusation absurde portée par Garir, il y a
loin. Nous ne croyons donc pas devoir réfuter cette
cedomnie, contre laquelle protestent les œuvres du
poète taglibite, remarquables par l'unité de facture
et d'inspiration. Jamais ses nombreux ennemis n'ont
osé de son vivant l'accuser de plagiat, et aucun écrir
vain ne s'est fait l'écho de cette accusation de Garir,
trop intéressé pour mériter créance. Et cependant ,
on la vu, les critiques musulmans ne sont pas tendres
pour le chrétien.
* Ag., V, 172.
« Ag., vn, 80; vin, 195.
» Ag., XXI.
LE CHANTRE DES OMIADES. 3U
t^
VIII
AHTAL ET FARAZDAQ.
Ahtal , sans calculer les suites de son intervention ,
s*était déclaré le champion de Farazdaq. Au moment
où il prenait cette grave détermination, il ne con-
naissait encore de son nouvel ami que certaines corn*
positions poétiques. Celles-ci s étaient promptement
répandues dans le public , grâce au soin que prenait
Farazdaq de parcourir les villes de Tlraq, tandis
que son rival se confmait , on ne sait pourquoi , dans
le Yamâma, sa patrie ^ Si Ahtal avait connu plus
intimement le fils de Gâlib , peut-être aurait-il con-
tinué ses sympathies à son adversaire , ou se serait-il
renfermé dans le rôle de spectateur, comme son
âge déjà avancé et sa condition de chrétien semblaient
ïy engager. Farazdaq, disons-le sans détour, était
absolument indigne de Tamitié (}u grand poète. Li-
bertin , cynique ^, se faisant un jeu d attaquer Thon-
neur des femmes les plus vertueuses, abusant de la
terreur qu inspirait sa muse prdurière, avec cela
poltron au delà de toute expresûon^, iplus timide
^ Cf» Divan manuscrit de Garir^ p. 2^^
' Cf» Ag. s XIX t 1 2 , où Ton cite un trait de cynisme absolument
révoltant. Avec cela, Farazdaq était un musulman pieux et con-
vaincu. Sa c dévotion» pour les tgens de la maison» était sans
bornes. Cf. sa notice dans Ag. , VIII, 186.
» O-UJI j^y^l ^^ ^ù^yU\ yli'. Ag., XIX, 29, 1. >5. Cf. ibid.,
p« 25, 4o.
212 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
qu'un moineau^ », il était, parmi ses coreligionnaires
eux-mêmes, Tobjet de la répidsion générale.
Un chef arabe lui ayant fait un cadeau considérable ,
un Bédouin observa que c'était trop pour un tel
homme : « Trente dirHems, dit-il, lui suffiront; dix
pour les courtisanes, dix pour manger, dix pour
boire ?. j>
On ne pouvait mieux résumer les besoins et les
aspirations de ce triste personnage. Vindicatif, hai-
neux, s étant fait comme un besoin de la calomnie
et de Tinjure , il s est peint lui-même dans ce vers ,
le premier peut-être qu'il ait composé :
Qui! est doux de cracher sur un eanemi, et de faire
tomber sur lui , de ses lèvres , une bave aussi abondante que
la trombe d'un jour d'orage 'î
D'après le Livre des Chansons, son honnêteté lit-
téraire était au niveau de sa moralité. Le plagiat ne
l'efiPrayait pas, nous le savons déjà; mais il s'ingéniait
pour ainsi dire à y joindre les circonstances les plu9
révoltantes. Il entendit un jour un adolescent noouné
Ibn Mayâda réciter un distique où ce poète vantait
ses aïeux : « Il faut que tu m'abandonnes ces vers,
lui dit Farazdaq, ou je poursuis la mère de mes at-
tires jusque dans son tombeau. » Le jeune Bédouin
trembla devant cette menace, le nom de sa mère
^ Ainsi parle ie commentateur ancien ëesoa Divan (éd. Boucher) ,
p. 30.
* Divan de Farazdaq , 74.
' Ibid,, p. 328; trad. Boucher.
LE CHANTRE DES OMIADES. 213
ayant déjà été plus d'une fois traîné dans la boue^
«Prends-les, s*écria-t-il, et puissent-ils ne pas te pro-
fiter! »'Farazdaq se les appropria en effet, en substi-
tuant seulement le nom de Dârim, son aïeul, à celui
de lancétre dlbn Mayâda^. Le biographe Ibn Hal-
likân ne trouve à Farazdaq qu'une seide qualité :
c est d avoir été constamment attaché à la famille de
^Ali. Il espère que ce dévouement suffira pour effacer
les fautes de sa vie et lui mériter le paradis.
Tel était le personnage dont Ahtal embrassa la
querelle. Sans doute il ne voulut voir en lui que Ten-
neihi de Garir, le poète de Modar stigmatisant les
tribus qaïsites^ et exaltant la famille de Rabfa*. Il
ne lui déplaisait pas non plus de se mesurer avec
un rival aussi redoutable que Garîr, rien que de l'oser
étant considéré comme la preuve d'un talent incon-
testable^. Quoi qu'il en soit, Ahtal resta jusqu'au
dernier soupir fidèle au descendant de Dârim; nous
le constaterons plus loin.
Voici en quelles circonstances les nouveaux amis
se rencontrèrent pour la première fois. Farazdaq se
rendait à l'une de ces réunions annuelles , où les plus
* Ag., II, 90 et 95. Attaquer la mère, c'était mettre en question
la pureté de la race, le premier bien du Bédouin.
* Ag., II, 91; XIX, 6; plus loin, p. 36, il est fait mention d'un
autre plagiat de Farazdaq, perpétré dans des circonstances ana-
logues.
' Cf. Divan de Farazdaq, p. 76. La pièce de la page 170 est
tout ce qu'il y a de plus virulent. De pareils excès de langage n'au-
Taient jamais été tolérés chez un chrétien.
^ Cf. son Divan, p. 307, 2 24 « sqq.
^ Ag., XX, 168.
^14 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
grandi j^oèteft de refnpii*e venaîeni préseiitôr leurs
hommages au calife ^« Etabli dans Tlraq, il devait,
pour se rendre à Damas, traverser le territoire des
Tà^bites , répandus par la Mésopotamie. A la tom-
bée de la nuit , il arrive à luh de learé c&mpements et
aperçoit une belle tente dé cuir écariate^, telle quon
en dressait pour lei grands personnages. Apprenant
qu elle appartenait à Ahtal , il s y présenta* Gelui^i
reçut avec distinction Thôte que la Providence lui
envoyait* Il lui offrit le repas du soir* Vers la fin du
couper, il lui dit : «Vous autres musulmans, vous
uWceptei pas notre boisson* •«^ Peut-âtre , insinua
Fafazdàq; verse<-moi un peu de la boisson dont tu
fais usage 1 * Pendant le repas, quand îl arrivait à
Ahtal de citer un vers , son hôte achevait aussitôt la
pièce à laquelle la citation était empruntée* Étonné
de rencontrer un homme d'une si grande érudition
poétique ) il lui demanda à quelle tribut appartenait.
« A celle de Tamîm , répondit Farazdaq. -**- Tu es
donc de la tribu de nlon frère Faraedaq, s écria
Al}taii Gonnaîtrais-tu quelqu'une de tos productions?
•^^ J en connais un bon nombre », répondit^ii, et il
se mit à en réciter des tirades entières.
Ahtal était de plus en plus intrigué. Enfin « après
de nombreuses libations, Fardidaq s écria : «Je suis
^ *Abdalmalik ou Walîd , Ahtal n'ayant pas survécu à ce demitr.
Le sroiiaste de Faraxdftq se trompe en assurant que son poêle n'a
pas paru à ia cour de Damas avant l'avènemeat de Solaîmàn.
> Cf. Ag., YIII, 5o; et le Divan d'Imro'lqaîs (édit. de Sbne),
texte français , p. 8. A la foins de X>kâz , on Cessait à Nâbign une
tente de cuir rouge.
LE CHANTRE DES OMIADES. 215
lauteur de cette satire i» , et il se mit à déclamer des
Ters contré Garir. Aussitôt Ahtal se prosterna devant
son hôte , lui baisa la tête et lui reprocha de ne s'ôtre
pas fait connaître plus tôt. Farazdaq, à son tour, se
prosterna devant Ahtal, se trouvant honteux, comme
il Tavoua dans la suite « qu'un homme dun si rare
talent parût se mettre au-dessous de lui. Puis ils
continuèrent à converser familièrement, à réciter
•
des vers, tout en se versant de nombreuses rasades.
« Ma foi ! dit Ahtal , toi et moi nous sommes assuré-
ment plus forts que Garir ; mais il faut avouer que
ses satires ont plus de vogue. » Et à Tappui de son
dire, il citait un vers^ qu*il avait composé contre
Garir. « Je ne pense pas , continua-t-il , qu on ait ja-
mais trouvé rien de plus mordant; pourtant ce vers
n est apprécié que des connaisseurs. Pour me répondre,
uarîr n a trouvé que ceci :
Quand on réclame l'hospitalité du Taglibite , il se gratte
le bas du dos et cite des proverbes.
Et malgré sa vulgarité, ce trait est redit à satiété
par les valets et les gens de bas étage. » La conclusion
des deux poètes fut que leur rival avait pour lui les
faveurs de la foule 2. Ajital n avait pas tort. Au dire
^ Cf. son Divan, p. 22Ô, 1. 1.
* D'autres avaient déjà fait cette remarque. Un jour Garîr, de-
mandant à un érudit quel était le meilleur poète , de lui on de Fa-
razdaq , reçut cette réponse : c Tu es lô meilleur aux yeux du vul-
gaire; mais auprès des savants, Farasdaq a la supériorité. Ag. ,
VII, 72, 1. 12,
216 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
de certains écrivains peu suspects de partialité pour
notce héros, comme Ibn Rasiq, le vers du chrétien
serait le trait le plus comique de la satire arabe ^.
Malheureusement aucune traduction* n'en pourrait
voiler le réalisme.
Bientôt Âhtal appela les gens de sa tribu et leur
annonça que son hôte était Farazdaq. On s empressa
damener au pc4» étranger u„ gld nombr.. d.
chameaux dont on lui fit présent. Le lendemain
matin, Faraz4aq les répartit entre les pauvres.de la
tril)u et continua sa route 2. Plus, tard', dans une
pièce adressée à un chef bakrite , le descendant de
Dârim rappela cette cordiale hospitalité :
J'aimais Bakr iils de,Wàïl; mais cet amom* s*est encore
accru , ainsi que le désir de chanter ses louanges.
Depuis les bienfaits de (Taglib) leur frère, quand on a
fait agenouiUer ma chamelle, devant une tente auprès de
laquelle les hôtes s'assemblent'.
Ahtal, on le voit, connaissait les dispositions de
Topinion musulmane à son égard, et en prenait phi-
losophiquement son partie sans trop essayer de
lutter contre le courant. Témoin cette anecdote con-
servée par Mobarrad *.
On s'entretenait alors beaucoup d'un poète du
* Cf. Divan, p. 3 25, note c; on y trouvera un exemple du goût
(le certains littérateurs arabes. »
* Nous avons combiné Ag., VU, 178 et 186.
' Divan de Farazdaq, 226.
* Kâmil, p. 32 2.
LE CHANTRE DES OMIADES. 217
Higâz, nommé Kotaïyir^ célèbre par son. talent^,
mais encore plus par ses excentricités. Partisan en-
thousiaste des ^Alides^, professant les opinions relir
gieuses les plus extravagantes ^, il affichait un orgueil
et des prétentions ridicides^. On s'en amu^itet on
lavait surnommé TAntéchrist ^. Comme il était très
petit de taille , un satirique avait dit :
Lorsque Kotaïyir se tient debout, un pou est assez grand
pour lui mordre le bas du dos \
Ahtal avait dû entendre parler de Kotaïyir, quand
ce dernier se présenta à i audience de ^Abdalmaiik,
qui, comme toujours, avait près de lui son poète
favori. Le calife admettait volontiers dans son inti-
mité Texcentrique Higâzite, mais il ne pouvait lui
pardonner d'être Rafidite et partisan obstiné de *Alî.
Aussi chercha-t-il à Thumilier, et se tournant vers
Ahtal , il lui demanda ce qu il pensait des vers que
Kotaïyir venait de déclamer*. «C'est, répondit le
chrétien, une poésie de Higâzite, affamé et engourdi
par le froid de Syrie ^. Si vous le permettez, sire, je
^ Caussin Tappelle Kéthir.
^ Certains critiques Tassocient même à la fameuse c triade poé
tique». Ag. , VIII, 27.
^ Cf. Ibn HaUikân (éd. de Boulaq), I, p. 548.
* Ag., VUI, 32, 34.
s Ag., Vm, 28.
« Ag., VIII,35.
' Ag.,XIV, 81.
^ On était en hiver, saison assez rigoureuse à Damas.
^ Cette parole d'Ahtal eut du succès. Ibn ar-Riqà' s'en servit plus
tard pour caractériser le genre de Kotaïyir. Cf. Ag., VIU, i83.
218 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
le secouerai un peu. — Prince des croyants , demanda
Kotaïyir, quel est cet homme? — C'est Ahtal, répon-
dit ie caiife. » Alors Kotaïyir s'adressant à Ah lad :
« Tout doux ! s'écria-t-il, pourquoi n as-tu pas secoué
l'auteur de ces vers ^ :
Ne recherche pas l'alliance de la tribu de Tag^b, celle
des Zang est de beaucoup préférable.
Quand on réclame Thospitalité du Taglibite *, il se gratte
le bas du dos et cite des proverbes.
En entendant cette citation, continue Mobarrad,
Id poète chrétien se tut et ne souffla mot.
Farazdaq ne montrait pas la même résignation
que son ami. Un jour ils étaient ensemble à Koûfa,
occupés à boire , quand se présenta un jeune Bédouin.
Apprenant qu'il était du Yamâma, pays de Garîr,
ils lui demandèrent s'il connaissait quelques-uns de
ses vers. Le nomade répondit par un vers obscène
de Garir, atteignant à la fois l'honneur d' Ahtal et
celui de Farazdaq. Ce dernier bondit indigné. « As-
tu entendu, père de Màlik, dit-il, le rôle qu'il m'at»
tribue à ton égard, et cela sans respect pour ton
âge ? » L'adolescent, comprenant alors à qui il avait
affaire , s'écria : « J'implore contre vous la protection
divine ! » Cependant Ahtal parvint à calmer son bouil-
lant confrère, et tous les deux rassurèrent l'Arabe,
* C'est-à-dire Garîr.
* Variante fournie par Mobarrad : il c^JUi ^fJ^ \ù\ (gJJcJ\y,
Nous avons suivi la*leçon de l'Agânî et de Mas'oûdî, YI, iSa. Cf.
encore Journal asiatique, i853, 1, p. 558.
LE CHANTRE DES OMIADES. 219
le firent asseoir et le gardèrent en leur compagnie
le reste du jour ^
Quoique habitué à violer les plus saints engage^
ments, Farazdaq garda constamment rattachement
qu il avait voué au généreux Taglibite. £n toute oc-
casion , il proclamait bien haut la supériorité du ta-
lent de son ami; dans le panégyrique surtout, il ne
lui connaissait pas d'égal. Comme ii entrait à Koûfa,
un individu lui fit cette demande : « Quel est, depuis
Tislam, le poète qui excelle le plus dans le panégy-
rique? — Pourquoi cette question? dit Farazdaq.
— C'est, répondit Thomme, que nous avons eu une
discussion à ce sujet. — Eh bien! dit Farazdaq,
dans f éloge, Ahtal femporte sur tous les poètes
arabes ^. »
Interrogé par ^Abdalmalik pour savoir quel était,
depuis 1 apparition de la religion musulmane , le plus
grand des poètes : «Sire, répondit-il, pour le pa-
négyrique, il suffit de nommer le fils de la chré-
tienne ^. »
Un jour pourtant, s'il faut en croire certains
renseignements du Kitâb al-Agânî, le penchant de
Farazdaq pour la calomnie , reprenant le dessus , se
serait exercé aux dépens d'Ahtal. Hammâd le râwîa,
on Ta vu , préférait ce dernier à Garîr et à Farazdaq.
Mécontent de cette préférence, le Dârimite ne put
s'empêcher de dire au célèbre rapsode : « Tu le pré-
» Ag., VIl/178.
* Ag.,VII, 172.
' Ag., VU, 181.
220 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
fères, parce qu'il est débauché comme toi^ — Si]
était question dmconduite, répliqua Hammâd, je
n'hésiterais pas un instant à t accorder la palme ^. »
L amitié qui avait uni les deux poètes passa, après
leur mort, à leurs familles respectives. Labta, laîné*
des fils de Farazdaq, passant. par Hira, demanda
aux Taglibites établis en cette ville une hospitalité,
généreusement accordée. Quand on lui demanda ses
titres et qualités, il répondit :: « Je suis le fils du
panégyriste de votre tribu, de celui qui a dit :
En faveur de Taglib il s'est levé, dans Tamim, un poète
qui accable ses ennemis de sa poésie mordante.
«Alors tu es le fils de Farazdaq?», reprirent les
Taglibites. «Je le suis», répondit Labta. «^ons,
s'écrièrent-ils, descendants de Taglib, récompensez
en la personne de son fils le poète qui a défendu
votre honneur! » Aussitôt on lui amena cent cha-
melles; Labta les accepta et poursuivit sa route ^.
IX
LA QUESTION RELIGIEUSE SOUS LES OMIADES.
Le lectem' qui nous a suivi jusqu'ici se sera sans
doute demandé l'explication de la position exception-
^ L'insinuation n'était pas sans quelque fondement. Cf. Ag. , Y,
166, 169 et 170.
» Ag.,Vn, 172.
' n est le premier sur la liste des enfants du poète , ^donnée par
TAgânî, et agit partout comme Taîné.
* Ag., XIX, i3.
LE CHANTRE DES OMIADES. 221
nelle occupée par Ahtal au sein d'une cour et d'une
société musulmanes. Elle causa plus dune fois Téton-
nement et ie scandale des écrivains arabes, qui ne
pardonnèrent jamais aux Omiades l'éclatante pro-
tection accordée à ce chrétien. Ibn Rasiq a fort bien
résumé leurs impressions. Dans son Cours de Lit-
tératare, quand il arrive au nom d'Âhtal,il ne peut
plus retenir les expressions de colère se pressant
sous sa plume. « Le maudit chrétien! s'écrie-t-il , son
talent poétique et la faveur de *Abdalmalik l'encou-
ragèrent jusqu'à railler ouvertement les musulmans
et leur religion. » Puis après avoir cité les vers d' Ahtal :
«Non, jamais je n'observerai le jeûne du Rama-
dan » , etc. ; il ajoute : « Ce sont là d'abominables ex-
cès, tristes effets d'une indifférence religieuse et d'une
tolérance déplorable. Mais les rois ne s'arrêtent pas
à ces bagatelles. Ahtal osa encore attaquer les Ansa-
riens. Si son génie poétique ne feùt sauvé , il en fal-
lait infiniment moins pour lui valoir la mort. Il ré-
pliqua de la façon la plus inconvenante aux satires
de Garîr, attaqua l'honneur des plus illustres musul-
mans. De tels excès auraient été sévèreiuent punis ,
même chez un descendant de *Alî. Que dire alors
d'im chrétien ?^ »
Pour élucider ce problème historique, nous cher-
cherons à nous rendre compte de la situation des
chrétiens de l'empire arabe à l'époque où vivait
notre poète. Les antécédents des Omiades et leur
^ Ms. sup. land., p. 29.
322 SEPTEMBRË-OGTOBRE 1804.
politique religieuse nous aideront également à ré^
pondre à la question. Ce sujet n ayant guère été
traité avec développement ^ on nous permettra dû
nous y arrêter.
Quelle était donc , vers la fm du viii* siècle , la po-
sition des chrétiens orientaux vivant sous le sceptre
des califes de Damas? S'il faut en croire certains
éorivainç^, elle était des plus florissantes. « Les novL-»
veaux maîtres (ainsi s exprime le D' G. Le Bon) trai-
taient les vaincus avec une grande équité et leur
laissaient la liberté religieuse la plus complète. Sous
leur bienveillante protection, les évêques grecs et
latins [sic) jouissaient dune tranquillité quils n*a-
valent jamais connue^.» La vérité nous oblige à
dire que cette appréciation est beaucoup trop opti-
miste.
Depuis 636, date de la prise de Jérusalem, le
sort des chrétiens de Tempire arabe était rég^é par
la charte ou capitulation du calife *Omar*. D après
ce document, les vaincus gardaient leurs églises,
mais elles devaient rester ouvertes à Tinspection per-
manente des musulmans; défense était faite den
^ Du moins à notre connaissance. C'est à Beyrouth que nous
écrivons ces lignes » loin des lecours que noui foonuivient ie» grandes
bibliothèques.
* Comme Sédiliot.
' La civilisation des Arabes, p. i36. Paris, i884; iivre sans
grande valeur sciantifiquei SédiUot y est cité commo < pu des sa*
vants les plus compétents en la matière ».
* Les divers codes musulmans , en parlant des tributaires chré*
tiens , ne font que la commenter.
LE CHANTRE DES OMIADËS. 223
bâtir de nouvelles, de se servir de cloches, d'exhiber
en public aucun emblème religieux. Suivaient d autres
articles, encore plus humili^ints^ comme de porter
une grosse corde en guise de ceinture, de ne pas
monter à cheval , de ne pas porter d anneaux, d avoir
des vêtements différents de ceux des musulmans , etc.
Tout cela sans préjudice d'un tribut assez lourd : le
chrétien devait le payer debout au musulman, qui
le recevait assis ; ce dernier avait soin de le secouer
et de Fapostropher par ces mots : « Ennemi de Dieu ,
paye la capitation ^ I » En somme , la situation reli-
gieuse, comme la fort bien observé M. A. Goguyer,
pouvait ainsi se résumer : «liberté des cultes; mais
infamie à qui ne se reconnaissait pas citoyen de Tis-
lam ^ I »
On le voit, la liberté garantie par cette conven-
tion dont nous n'avons donné que les grandes lignes
était loin d'être complète. En réalité, elle maintenait
la plus rigoureuse distinction de races, et réduisait
les chrétiens à la condition de vaincus, comme nous
entendrons Garîr le rappeler à Ahtal lui-même. Nous
voudrions dire qu'elle resta lettre morte. Mais toute
l'histoire de l'Orient, la législation des musulmans
seraient là pour nous donner un démenti ; et aujour-
^ «Extremely hard and humiliating». Cf. The city. of Herod and
Saladin, par V. Besant et E. H. Palmer, d'ailleurs très favorables
aux conquérants arabes.
* Cf. Journal asiatique , 1861^ II, p. 483. Les expressions sont
un peu adoucies dans les textes primitifs, comme Tabarî, 1" série,
VÎII,p. 2406.
^ Dans la préface de sa traduction de r«Alfiya», d'Ibn Màlik.
224 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
d'hui encore, nous la voyons en pleine vigueur dans
plusieurs endroits des États musulmans. Tout ce que
la tolérance des premier; califes delà maison d'Omayia
put faire fut d adoucir quelques-unes des stipulations
les plus humiliantes pour Tamour-propre de leurs
sujets chrétiens, de ceux-là surtout qu'il leur impor-
tait de ménager.
Il faut convenir que ces princes apparaissent dans
Thistoire islamite comme un vrai phénomène. Tout ^
leurs antécédents, leurs souvenirs de famille, con-
tribuait à en faire des musulmans fort tièdes. Âboù
Sofiân , père du fondateur de la dynastie, avait fait à
Mahomet la guerre la plus acharnée et retardé de
vingt ans le triomphe de Tislam. 11 commanda l'ar-
mée qui battit le Prophète à Ohod et celle qui l'as-
siégea dans M édine. 11 ne se soumit que lorsqu'il vit
sa cause perdue , et alors encore quand Mahomet le
somma de le reconnaître comme l'envoyé de Dieu^
il fallut, pour porter la conviction dans cette âme
obstinée, faire luire un cimeterre à ses yeux. Hind,
5a digne compagne, s'était fait, avec les oreilles et les
nez des musulmans tués à Ohod, un collier et des
bracelets; ouvrant le ventre de Hamza, oncle du
* Prophète, elle en avait arraché le foie et l'avait dé-
chiré à belles dents ^
^ Telle est du moins la tradition , avidement accueillie par les
ennemis des Omiades , et contre laqùdle le P. de G<^pief a le cKm-
rage de s'inscrire en faux. Voir ses arguments dans la traduction
du Divan de Hansà, étude sur les femmes poètes de ranciâùne
Arabie, p. lit, etc. ,
LE CHANTRE DES OMIADES. 225
Mo'àwia était cligne de tels parents. Depuis son
enfance, il n avait eu d autre pensée que d'arriver au
pouvoir. Il était prêt pour cela à employer tous les
moyens, même à simider des sentiments de ferveur
musulmane. Aussi, quand Tislam s implanta définiti-
vement en Arabie, le fils d'Aboû Sofiân comprit qu'il
devait se rapprocher du Prophète, et, quelques mois
avant la mort de ce dernier, il eut .fhabileté de se faire
nommer son secrétaire. Le moyen lui réussit à mer-
veille, et le peuple, comme le remarque Mas^oûdî,
«célébrait sa mémoire, et le plaçant au premier
rang, en a fait le secrétaire de la parole divine; exal-
tant ce titre, et le lui décernant à lui seul , il en a
dépouillé les autres et les a laissés dans l'oubli ^ ».
Parvenu au califat, après en avoir dépouillé la
famille de Mahomet, il n'eut plus qu'un objectif :
celui de s'y maintenir. Il s'appliqua donc à gagner
le cœur de ses sujets. Le Higâz, où l'influence de.s
« gens de la maison » et des Ansariens était prépon-
dérante, le Higâz lui resta constamment hostile.^. Il
en était autrement en Syrie , parmi les Bédouins que
la conquête y avait fixés. Entre eux et le prince, il y
avait communauté de vues, de sentiments et d'in-
térêts. Alors, comme aujourd'hui, la religion musul-
mane avait eu peu de prise sur ces enfants du dé-
sert. Mahomet l'avait plus d'une fois constaté, non
sans. regret. A part le précepte de la guerre sainte,
le Coran était demeuré pour eux lettre morte; ils
* Prairies d'or, V, 87.
« Fahrî, 34.
IV. i5
mrBIMRBIB «ATIU\ALB.
226 3EPTEMBRE.0CT0BIIE 1894;
répugnaient aux rites qu'il impose et ressentaient une
haine profonde contre les nouyeaux nobles de Mé-^
dine et de la Mecque, qui n avaient d autres titres
que d avoir été les compagnons du Prophète.
Un prince comme Mo^âwia ne devait guère être
disposé à molester les populations chrétiennes, for*
mant alors la majorité des habitants de la Syrie. H
ne voulait pas payer par in. persécution les services
des Bédouins chrétiens, qui, comme la puissante
tribu de Taglib, s'étaient, dès le principe, firanche-
ment ralliés à sa cause. La Syrie, d'ailleurs, nepou^
vait se passer du concours des chrétiens, et il fallut
laisser entre leurs mains la plupart des services ad-
ministratifs, dont seuls ils connaissaient le méca-*
nisme. Pour ce qui est des sciences et des arts, ce
ne fut que sous les Âbbassides, c est-à-dire après nn
long siècle passé à Técole des vaincus , que les Arabes
purent s affiranchir partiellement de leur tutelle»
Mo^àwia parait s être rendu compte de cette situa-
tion. Dans certaines provinces, où les chrétiens for*
maient l'immense majorité de la population , il n'hé-
sitait pas à leur confier le gouvernement^* Dans
d'autres localités, il ny eut de changé que la garni-
son et le gouverneur grec, remplacé par un émir
arabe. La plupart des employés chrétiens restèrent
en place et dans les différents divans; on continua
même à se servir de la langue grecque. Un tremble-
ment de terre ayant ruiné le plus vénéré des sano-
* Assemani, Bibliotheca orimitaLis, III, pars seciinda, ^S.
LE CHANTRK DES OMIADES, SS7
tuaires d*Édesse , connu sous le nom de ÏÉgUse (M*
cienne ^, le calife , à la prière des chrétiens , se chaif;ea
de la faire restaurer 2, Par cette sage politique il
voulait déshaHtqer ses sujets chrétieilf de regarder
du côté de la cour de Byzance ^ qui cherchait à s V*
roger sur çux , une espèce de protectorat^ Les troupes
grecques occupaient encore quelques points de la
i^rie et leurs invasions périodiqiles , combinées avec
les attaques des chrétiens, cantonnés dans les mon*
tagnes de l'intérieur ^« menacèrent plus d'une fois
lexistence de 1 empire arabe. Aussi , pour être libre
d achever la guerre contre la famille du Prophète,
Mo'awiâ n'hésita-t-il point à conclure avec lempereur
de Constantinople un traité aux termes duquel il
s engageait à lui payer chaque jour un tribut^ con-
sistant en mille pièces dW, un cheval et un esclave'.
Son fils Yazid porta beaucoup plus loin Tindiffé'
renée religieuse. La haine qu'il avait vouée aux An-
sariens rejaillissait sur la religion, dont ils étaient
les représentants les plus autorisés^ Il s affranchit os^
tensiblement des préceptes de la loi musulmane et«
« sous son règne, on commença à boire du vin en
' Histoire dEdeste, par M. B. Duvii. Joufr. asiai,, 1891, K,
p. 101,
^ « Kaï xr/^ei avrèv Maétas (ntovSif râSv XptaltavSp. » Théophane
(Migne), p. 724. Si nous avons bien compris, ie fait est unique
dans les annales musulmanes.
^ Les Melchites du moins , car Nestoriens et Jacofoites détestaieot
ie régime impérial qui les avait peu ménagés.
* Balâdorî, 169; Théophane, 734» etc.
* Théophane, 722.
i5.
228 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
public ^ ». Mais ce qui a surtout rendu sa mémoire
odieuse aux musulmans, ce fut la manière dont il
réprima la révolte de Médine.
La population de cette ville était, en majeure par-
tie, composée des parents du Prophète, des Ansa-
riens et des Émigrés, De plus , une traditioh , attribuée
au Prophète, disait : « Celui qui tirera Tépée contre
les Médinois, Dieu^et les anges le maudiront. »Sans
se laisser arrêter par ces considérations, Yazid fit
marcher sur le Higâz une armée avec ordre d'em-
ployer, pour dompter la rébellion , les moyens les plus
énergiques. Médine devait être livrée trois joiurs au
pillage, et Ton ferait trancher la tête à quiconque re-
fuserait de se reconnaître par serment l'esclave dfe
Yazîd. Après la bataille de Harra, où périrent plus
de cent des anciens compagnons de Mahomet, les
soldats de larmée syrienne commirent les plus hor-
ribles excès à Médine, et montrèrent combien ils
étaient au-dessus des préjugés musulmans. Embar-
rassés de leurs chevaux, ils lés entassèrent dans la
grande mosquée renifermant le tombeau du Prophète
et les lièrent à la chaire même où il avait prêché.
La population de la Mecque eut à souffrir ensuite
«les horreurs d'un siège rigoiureux; les machines de
guerre firent pleuvoir une grêle de pierres sur la
Ka^ba, et avec les pierres, du feu, du bitume, des
étoupes enflammées. La Ka^ba s'écroula , et l'incendie
dévora le saint édifice^. »
» Mas*oûdî» V» 157.
' Mas'oùdî, V, 166; trad. Barbier de Meynard.
LE CHANTRE DES OMIADES. 229
Aussi comprend-on l'indignation des écrivains
musulmans quand ils viennent à parler de ce « mau-
dit^», de ce «débauché, meurtrier de Hosaïn, le
petit-fils de TApôtre » , quand ils rappellent « ses ma-,
lédictions contre *Alî , son impiété et ses excès en
toutes choses, qui ont attiré sur lui la menace ter-,
rible d'exclusion de la clémence divine , menace di-
rigée contre ceux qui ont rejeté l'unité de Dieu et la
mission de son envoyé^ ».
Les chrétiens, en revanche, eurent à se louer du
gouvernement de Yazîd. On ne signale sous son
règne, d'ailleurs assez court, aucune mesure vexatoire
contre eux. Tout entier à ses plaisirs et à la guerre
contre les rebelles, quand il l'aurait voulu, il n'au-
rait guère pu s'occuper des non-musulmans.
Au rapport de Barhebraeus ^, dans plusieurs pro-
vinces de la Mésopotamie et de la Syrie, les gou-
verneurs chrétiens furent maintenus comme k
Ëdesse, longtemps administrée par Anastase, fils
d'Andréa
Après la mort de Mo*âwia II, le califat passa à la
branche omiade des Marwanides. Leurs antécédents
ne devaient pas leur assurer les sympathies des mu-
sulmans sincères. Hakam , aïeul de ^Abdalmalik , avait
souvent couvert de boue le fondateur de l'islana ,
occupé à prêcher sa nouvelle religion. A la prise de
» Fahrî.
« Mas*oûdi\ V, 167.
^ Chronicon Syriacum, 118.
* R. Du val, Histoire d'Edesse, 'j'j.
m SEPTÊMBRE-OCTOBRC 1894.
la Mecqtxe, il ^ joignit àii cortège du Prophète,
» marchant derrière laif contrefaisant ses gestes et
cherchant à le ridiculiser. On jour même , il poussa
l'indiscrétion ju^u'à épier Mahomet, en tête à têt«
avec une de ses femmes, et ne se gêna pas pour
(fivulguer ce qu il arait vu. Telle Ait Tindignation
du Prophète qu'il mau<&t publiquement Hakam et
Texila à Tâif, où il resta jusqu'au califat d^ X>tmàn.
 la naissance d'un enfant, on avait coutume depré^
êmt^ lé nouveau-né à l'Apôtre , qui le bénissait et
faisait des vcbux en sa faveur. Quand on lui porta le
fils de Hakam , il le repoussa en disant : « Airière le
■ maudit , fil^ de maudit P. »
Ce maudit, fils de maudit, était Marwân, le
propre père de 'Âbdalmalik ^,
La jeunesse de 'Abdalmalik avait d'abord annoncé
qu'il répudierait la politique religieuse de ses prédé-
eesseilrSi Témoin indigné des insultes faites aux deut
villes saintes , il les avait énergiquement blâmées. Ex»
clusivement adonné à l'étude des sciences coraniques»
il était cité parmi les plus célèbres théologiens de
Médine, et son assiduité aux exercices du ctdte
l'avait fait appeler la «colombe de la mosquées.
Mais le jour où il apprit que son père s*était assis
sur le trône des ôalifes de Damas, il ferma le Coran :
« Désormais , s'écria^t41 , il n'y a plus rien de commun
entre nous ! », et bientôt il put avouer à un de ses
* La qualification de ^jjt^\ ^IosaI appliqitéd aux Otniades n'est
pas rare. Cf. Ag., IV, 92.
LE CHANTRE DES OMIADES. 231
confidents que « le crime ne lui faisait plus éprourer
de remords ^ ».
Il ne tarda pas à prendre ime de ces résolutions
devant laquelle Yazîd lui-même aurait peutrétre
reculé. On sait Timportance du pèlerinage de la
Mecque dans la religion musulmane. Or cette ville
était au pouvoir de ^Abdallah, fils de Zobaïr, qui,
8 étant fait proclamer calife, exigeait des p^erins le
serment de fidélité. ^Abdalmalik résolut de détourner
ce péril, et il renouvela pour tous ses sujets la dé^
fense , déjà portée par son père Marwàn , d'sdler en
pèlerinage à la Mecque^.
Après les deux villes saintes du Higâz, aucune cité
n était plus vénérable, aux yeux des islamites, que
Jérusalem. Pendant les premières années de sa pré-
dication , Mahomet avait ordonné de se tourner vers
cette ville pendant la prière. Le fils de Marwàn ré-
solut d'en faire Ja rivale de la Mecque, et des tradi-
tionalistes complaisants rapportèrent une parole du
Prophète , consacrant d'avance cette innovation con*
sidérable. Jérusalem ne possédait qu'une misérable
mosquée en bois, élevée par le calife ^Omjj^ sur le
mont Moriah'*. Le prince omiade, sur son emplace-r
ment, éleva le monument auquel est resté attaché , on
ne sait pourquoi , le nom du successeur d'AboûBakr.
C'était peu pour *Abdalmalik d'avoir, en suppri-
* Fahrî, i46.
« Ya'qoûbî (éd. Houtsma), II, 3ii; j^-i^ gjb, II, 3o4 etSia.
Ibn Batrîq , ms. cit
» Arculphe, p. 781 (Migne, Pair. LaU, ULXXXYIU).
232 SEPTEMBRE-OCTOBilE 1 894.
mant ie pèlerinage, enrayé le mouvement en faveur
du fils de Zobaïr; il résolut d attaquer la révolte
jusque dans son foyer.- Ldii qui avait jadis blâmé les
entreprises de Yazîd contre Médirie, il voulut porter
là guerre sur le territoire inviolable de la Mecque^.
Le choix qu'il fit deHaggâg comme général indiquait
suffisamment avec quelle énergie il entendait la
mener. Pendant huit mois ,- les pierres plurent sur là
Ka^ba et la ruinèrent en grande partie 2. On se battit
jusque dans la grande mosquée , qui fut remplie de
sang et de carnage. Contrairement aux prescriptions
du Coran, ^Abdalmalik fit. frapper des monnaies à
figures ,' copiées sur le type byzantin ; exemple imité
plus tard par les Zenguides , par des Âtabecks et des
princes Ayouhites^.
On le voit, le calife n'était pas homme à subor-
donner les projets de sa politique à des considéra-
tions religieuses. ATégard des chrétiens, il se montra
d'abord bienveillant, comme ses prédécesseurs. Lé
poète Nàbiga des Banoû Saïbân recevait laccueil
lé plus honorable à la cour; et pourtant, au juge-
ment ppu suspect d'Aboûlfarag, l'inspiration du
Saïbanite était franchement chrétienne*;
Un autre fait^ rapporté par Barhebraeus montre
» Ibn al Atîr, IV, 146; Fahrî, i46.
' Q>n Batrîq, ms. cit,
^ Cf. Recueil de Tancienne Académie des inscriptions, XXVI,
p. 557, et Journcd asiatique, mai 189^ , p. 679.
* Ag., VI, iSa, sqq.
^ Nous l'empruntons à peu près textuellement kï Histoire dEdetâè,
de M. R. Duval; locà cit. /77, etc.
LE CHANTRE DES OMIADES. 233
combien les califes d alors continuaient à apprécier
les services de leurs sujets chrétiens. Athanase, no-
table d'Edesse, était un homme profondément in-
struit et doué dune rare intelligence. Sa notoriété
de savant étant parvenue à ^Abdalmalik, ce calife le
désigna comme gouverneur de son jeune frère , *Abd-
alWz, qu*il accompagna en Egypte. Il devint bien-
tôt l'arbitre de Tadministration de Tempire arabe.
11 arriva à un tel degré de richesse qu il possédait
Ix ,000 esclaves , de nombreuses maisons , des villages ,
de for et de l'argent en aussi grande quantité que si
c'eût été des pierres. Avec le revenu de Ixoo bou-
tiques qu'il avait à Edesse, il fit construire en cette
ville la magnifique basilique de la Mère de Dieu, et
bâtit à Postât d'Egypte deux grandes églises. Il refit
entièrement le baptistère d'Edesse, où il déposa
l'image du Sauveur Jésus , envoyée jadis au roi Abgar;
il y installa des fontaines semblables à celles qu'on
avait faites pour « l'Eglise Ancienne ^ ». Toutes ces
* Les chrétiens orientaux se purifiaient , avant le service divin , à
une fontaine située devant l'église. Dans la Syrie septentrionale , on
trouve encore , parmi les ruines d'églises des v* et vi* siècles , des
cuves en pierre ayant servi à cet usage. Saint Jean Chrysostome
( In epist. ad Ephes. ) atteste que les fidèles n'auraient pas voulu « re-
cevoir la sainte hostie dans leurs mains, sans les avoir lavées •. Un
manuscrit arabe de la Bibliothèque vaticane contient ce passage,
attestant la pratique des ablutions parmi leâ chrétiens orientaux :
«La première condition pour la prière, c'est de laver le corps et
de le purifier de ses souillures, selon la parole des «Saints-Pères :
« Quand le fidèle se lève du sommeil , qu'il se lave d'abord et prie
t ensuite Dieu y son créateur. • Saint Grégoire a dit dans le même
sens : «Après ie lever, il faut d'abord àe purifier, puis on pourra
134 SEPTEMBRË-OCTOBRE 1894.
restaurations semblent indiquer que les Omiades n ap-
pliquaient pas rigoureusement la défense de 'Omar
concernant la construction de nouveaux sanctuaires
chrétiens.
Les richesses d'Âthanase excitèrent lenvie; il fîtl
dénoncé comme prévaricateur. Mais ^Abdalmedik
n écouta pas ses calomniateurs; seulement, comme il
aimait extrêmement Targent ^ il demanda à Âtha-
nase de partager avec lui , en disant qu'il ne convenait
pas qu'un chrétien possédât des biens aussi considé*
râbles. Le chrétien consentit volontiers et se montra
si prodigue que le calife satisfait l'arrêta en disant :
« C'est assez ^. »
Quand ce prince voulut agrandir la mosquée prin^
cipale de Damas , il ofiErit aux chrétiens qui en pos*
sédaient la moitié de la leur racheter à prix d'or.
Ils refusèrent et le calife n'insista plus^.
Ce qui montre encore que le christianisme jouis*
sait d'une certaine tranquillité, c'est que nous assis-
tons sous ce règne à l'une des principales phases de
l'activité intellectuelle de la Syrie chrétienne. Un
instant comprimée par les guerres des Perses et la
conquête arabe, la littérature syriaque se développe
• entretenir ie Pur par essence. • £n résumé, pour prier, il faut ia
pureté de l'âme et celle du corps.! — LiUmninaHondêsintdUgenetÊ,
par le prêtre Raitîd Âboûl BarakÂt
1 Tous les écrivains arabes sont d'accord sur ce point; nous l'aYons
dit plus haut
* Barhdbrseus, Chron, Syriac,, p. ii8.
* B^âdorî , 1 25. A la page précédente, cet annaliste nous apprend
que les chrétiens possédaient alors à Damas an moins quinieégiiiet.
LE CHANTRE DES OMIADES. 935
librement sous les Omiades, et nous ia voyons pro-
duire sdors un de ses écrivains les plus féconds et les
plus justement célèbres , Jacques d*Edesse , contem-
porain d'Ahtal.
Mais, plus que tout le reste, la vie et les poèmes
de ce dernier jettent une vive lumière siu* la tolé*
rance , ou mieux sur Tindifférence religieuse des en*
fants d*Omayïa^. Devant quel prince musulman,
auU*e que les successeurs de Mo^âwia, un chrétien,
invité à embrasser Tislamisme , aurait-il pu répondre :
Jamais je nuirai, comme un âne, braire Tappd à la
prière * ?
Ou faire contre les Ansariens , ces saints de Tislam ,
une diatribe aussi violente que celle que nous avons
déjà mise sous les yeux du lecteur^.
Ce ne fut pas la seule fois qu'il prit les Ansariens
à partie, et dans son grand panégyrique de la dynastie
d'Omayïa, il trouva moyen de parodier un vers de
Hassan , fils de Tâbit , qui se vantait que « les siens
avaient accueilli et défendu le Prophète ». ( Divan ,
io5, 1. Il,)
* Tous les critiques qui se sont occupés du Divan d'Ahtal ont
signalé son importance au point de vue historique.
* Ce vers renferme peut-être une allusion aux paroles de Gowaïria ,
fille d'Aboû Gahl, adversaire de Mahomet. Le jour de la prise de
la Mecque , entendant le muezzin Balâl faire l'appel à la prière , elle
s'écria : «Dieu a été miséricordieux envers mon père, en ne per-
mettant pas qu'il entendît Bsdâl braire au haut du tem|de. • On at-
tribue la même expression à Aboû-Sofiân. Cf. ^ ^ fjJSi\ ï^oJ\ t^\^
ibydUIJGCt.p. 47.
' Cf. Divan, 3i4*
23Ô SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
• Ailleurs , pariant de la mort de Hosaïn , fils de *Ali ,
il rappelle aux Omiades que 'Obaïdallah , fils de Ziâd ,
les « a délivrés d'un serpent^ ». Mais la haine quils
avaient vouée à la race de *Alî garantissait Timpunité
àlaudacieux poète qui s enhardissait à parier, et non
sans ironie, des « chaires des mosquées » et du « sceau
de la prophétie 2 ».
Un édit de *Omar avait défendu aux chrétiens
Taccès et le séjour de la péninsule arabique. Vrai-
semblablement , les premiers successeurs de laustère
prince des croyants tempérèrent la rigueur de cette
prohibition. Ainsi nous voyons le chrétien Aboû
Zaïd comme confident auprès du calife 'Otmân',
et le musicien chrétien Honaïn de Hîra , invité par
ses collègues du Higâz, mourir à Médine dans la
demeure dune arrière-petite-fille de Mahomet*.
Quoi qu'il en soit, il est à peu près prouvé qu*un
contingent Tag^ibite prit part au dernier siège de la
Mecque. Ahtal y fait sans doute allusion en rappelant
que les guerriers de Taglib « ont foidé les lieux sainte »
de Tislam ^. Quand on saura que cette vaillante tribu
marchait au combat , précédée de la croix et de l'image
de saint Sergius®, on comprendra combien ce sou-
venir devait être désagréable aux musidmans, pour
* Divan, 193, 9.
* Divan, 3i6, !• 10.
» Ag., XI, ai.
* Ag., II, 137.
* Divan, 5o, 1. h.
* Divan, 309 et notes a et c. Actuellement encore « Iç Dom e^ fe
culte de S. Ser^ius (ll<ir5aHlù) sont très populaires en OiienK
LE CHANTRE DES OMIADES. 237
le moins , autant que le vers d'Ahtal où le Prophète
est cité d*une façon assez irrévérente^
Aussi le texte d'Ibn Rasiq, cité plus haut, rend-il
parfaitement, selon nous, le sentiment de haine
profonde que les musulmans ont voué à la mémoire
de ce poète, haine qui rejaillit jusque sur *Abdal-
malik. Ce serait pourtant une erreur de croire que
la conduite de ce prince était uniquement inspirée
par l'esprit de tolérance. La muse mordante du Ta-
glibite servait trop bien les calculs des califes de
Damas, en ridicuhsant le parti irréconciliable des
Hachimites et des Ansariens, représentants -nés de
l'orthodoxie la plus étroite. Un poète musulman
n'aurait pas eu , pour cette tâche , l'indépendance né-
cessaire , comme on a pu s'en convaincre par l'attitude
de Ka*b , fils de GoVil.
D'ailleurs ^Abdalmalik avait d'excellentes raisons
pour ménager la vaillante tribu de Taglib. A Morg
Râhit, elle avait combattu sous la bannière de Mar-
wân et contribué pour sa part à la victoire. Pendant
les guerres civiles qui remplirent une grande partie
du règne de ^Abdalmalik , les Taglibites avaient gardé
à ce prince la plus constante fidélité, fidélité bien
méritoire, surtout en Mésopotamie, où ils furent
presque seuls à soutenir la cause des Omiades contre
l'effort combiné des Arabes de Modar et des parti-
sans du fils de Zobaïr. *Abdalmalik ne pouvait pas
l'ignorer, et la faveur par lui témoignée au grand
* Divan, 32 1, 1. h.
288 SEPTEMBRE-OCTOBRE 18^4;
poète de Tagîib était, croyons-nous, en partie desti-
née à reconnaître les longs et loyaux services de sa
tribu.
Cependant, dans la seconde moitié de son règne,
les disjpositions bienveillantes de ^Âbdalmalik envers
les chrétiens se modifièrent ^ Les motifs de ce chan-»
gement nous sont inconnus. On établit sur les chré- •
tiens un nouvel impôt, ingénieusement appelé tadU
ou égalisation ^. Tous devaient déclarer au pouvoir
leurs biens, leurs vignes, leurs oliviers, le nombre
même de leurs fils. « Ce fut , dit la chronique syriaque
du patriarche Denys^, lorigine de tous les maux
pour le peuple fidèle. Depuis lors, les descendants
d*Agar affligèrent les fils d'Aram dune servitude, rap-
pelant celle d'Elgypte. »
« Le gouvernement des provinces de TOrient fiit
confié à deux généraux arabes : Haggâg eut la Perse
et TArabie. Mohammad, frère du calife, fut préposé
à la Mésopotamie. Ce dernier était un zélé musul-
man qui persécuta les chrétiens. 11 fit périr Mo'id,
chef des arabes Ta'labites^, qui refusa de se convertir
à Tislam , fit brûler pour la même raison les chefs ar**
' R. Duval, op. laad,, 78.
* «£o enim censu Ghristianonim res ad seqnitatem juris revoeaH
eoiiteiidebant principei Saraeeni». Assemmi.
' Apud Assemanii Biblioth, orient. II, io4>
^ Ou Bànoû Ta'laba, branche principale de la grande tribu de
Bakr. Ils occupaient une partie du désert situé entre le royanine
de Hîra et celui de Gassân; ils étaient nomades et dépendaieai 4a
diocèse jacobite de Hîra. Ils eurent notamment, comme évéque,
Georges, le contemporain de Jacques d'Édesse. Cù R. Duval, 79,
note 1* »
LE CHANTRE DES 0MIADE8. 239
méniiens dans l'église où il les avait rassemblés , et
mit à mort Ânastase, fils d'André, gouverneur d'E-
desse^».
Hag^àg voulut également signaler son zèle et se
mit à empêcher l'élection des évéques. Jusqu'à sa
mort, l'église d'Arménie resta sans pasteur, c'est-à^
dire pendant dix-huit ans ^.
L'an 700, tous les employés chrétiens fiirent ren-
voyés , et les registres officiels désormais rédigés en
langue arabe ^. Quand il fiit question de rebâtir la
gra^nde mosquée de la Mecque, en partie ruinée*
pendant le dernier siège , ' Abdalmalik voulut se servir
des colonnes du sanctuaire de Gethsémani , près de
Jérusalem. L'illustre Sergius Mansoûr, père de saint
Jean Damascène , n'obtint qu'à grand'peine la révo-
cation de cet ordre arbitraire , en s'engageant à faire
envoyer d'autres matériaux précieux par l'empereur
Justinien ^.
Après la mort du vénérable patriarche Sophronius,
l'église de Jérusalem demeura plus d'un, demi-siècle
privée de pasteur. Le pouvoir n'était sans doute pas
étranger à cette vacanpe prolongée , comme ce fiit le
fait pour le patriarcat d'Antioche , au commencement
du règne de Walîd.
^Abdalmalik étant venu dans l'Iraq pour étouflfer
* R. Duval, op. laud»
* Barhebrœust op. laud,, i38» note 2.
3 Balâcjorî, i38.
* D'après Théophane, elle aurait même été brûlée, circonstance
que les écrivains arabes ne mentionnent pas.
^ Théophane» 742.
240 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
la révolte de Mos^ab, le catholicos nestorien Anan-
yesus vint lui présenter les félicitations d usage. Le
prince lui demanda brusquement ce qu il pensait de
la religion des Arabes. Peu accoutumé à déguiser sa
pensée, le prélat répondit : « C*est un état politique
fondé parle glaive, et non ime religion confirmée
par des miracles, comme la religion chrétienne et
celle de Moïse. » Le calife, indigné, commanda qu'on
lui coupât la langue, et Ion aurait exécuté cet ordre
sans l'intervention de quelques personnages influents
à la cour ^ L'historien ne les nomme pas; mais Ahtal,
qui accompagnait le prince en cette expédition, na
pas dû manquer cette occasion d'employer son cré-
dit.
Ces vexations n'étaient que le prélude d'autres
plus graves, qui signalèrent l'avènement du cadife
Walîd. Vers cette époque parut un nouvel édit récu-
sant le témoignage d'un chrétien contre un musulman,
et fixant pour ce dernier le prix du sang au double
de celui d'un chrétien 2. La cathédrale de Damas fut
enlevée de force aux chrétiens , et sur son emplace-
ment s'éleva la grande mosquée^. Mais ce règne,
nous l'avons déjà dit, ne rentre qu'incidemment dans
le cadre des événements dont nous avons à nous
occuper.
On le voit, la liberté dont jouirent les chrétiens
^ Barhebraeus, Chron. eccles., II, i36 et i4o.
'R. Duval, loco cit.
^ Balâdorî, 125; Mas'oùdî, V, 36 1. Souvent modifié, ce bÂti*
ment vient de brûler complètement.
LE CHANTRE DES OMIADES. 241
SOUS les Omiades, était loin d'être complète. Trop
souvent à leur égard la protection du pouvoir fut
intermittente et nominale; par moments celui-ci se
montra plutôt hos^e. Ce qu'on peut dire de plus
exact, c'est que dans toute l'histoire musulmane , ce
fut pour les vaincus la période la moins dure. La li-
berté qu'on voulut tien leur laisser ne paraît appré-
ciable que lorsqu'on la compare au régime franche-
ment intolérant des Abbassides ^
* Cf. The city of Herod, p. 98. Barhebrasus, Chron, eccles., III,
ibà, affirme le contraire. Il est vrai qu'il se place au point de vue
jacobite. D'ailleurs il se réfute lui-même, sans s'en apercevoir,
presque à chaque page.
[La fin au prochain cahier,)
IV. • iG
turaiMKaiR BATiitxiitit.
242 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
3^
DESCRIPTION DE DAMAS,
PAR
H. SAUVAIRE,
CORRESPONDANT DE L'INSTITUT.
(suite.)
CHAPITRE IV.
Sur les madraseh hanafîtes.
(Fol. 12). La madraseh lAsadiyeh. — On a vu
précédemment sa position [au C/iara/ méridional],
son afifectation aux deux sectes hanafite et châfé^te
[et la biographie de son fondateur]. Parmi les Hana-
fîtes, Tâdj ed-dîn ebn el Wazzân y donna des le-
çons. [Il vécut jusqu'à dépasser les quatre-vingt-dix
ans et mourut en Tannée 645.] Après lui, la chaire
fut occupée par quatre professeurs hanafîtes.
La madraseh lIqbâliyeh. — Il a déjà été fait
mention de son emplacement, à propos de ïlqbâUyeh
châfé^îte, [ainsi que de son fondateur].
[J'ai vu Tinscription suivante gravée sur le hn-
teau^ de sa porte : Après le bctsmcdah, «L'émir
«très illustre Djamâl ed-dauleh Iqbàl, affranchi de
DESCRIPTION DE DAMAS. 243
a la khàtoûn très illustre Sett ech-Châm, 611e d'Ay*
«yoûb, que Dieu le reçoive en sa miséricorde! a
« constitué en waqf cette madraseh bénie pour ies
«jurisconsultes disciples du flambeau de ik noble na-
« tion, Âbou Hanifah, que Dieu soit satisfait de lui!
« Il a constitué en waqf en faveur de ladite madra-
« sA : le tiers du bourg connu sous le nom d es-
« Samoâ^x; le tiers d*une mazraah au nord de
« Baydar Zabc&i; cinq qirâts et un tiers d'une vigne
« connue sous le nom de Moûmal (sic^ pour Mouay-
« yed?) ed-din , à el-Hacfit [m, pour el-Haditah, dans
A la Ghoûtah); un qirât de Mdikbah {sic) Zar' Ma-
a hât, sur une route qui conduit de Zar^ à Bosra. Et
« cela le 24 doul qa'deh de Tannée 6o3. «J^.
Je dis : « Cette madraseh est actuellement Thabi-
tation du chaykh 'abd El-Latîf ebn Ghams ed*dtn ,
célèbre sous le nom de Qizil bâch (tête rouge). »
[Bahâ cd-dinj^^'abbâs^, puis Tâdj ed-dîn ebn
Sawâr y donnèrent des leçons et, après lui, huit
professeurs dont le dernier fut [Nadjm ed-dîn^*" ebn]
^émâd ed-dîn, et-Tarsoûsy, [qui fit sa première le-
çon le jour de lundi 2 4-chawwâl de Tannée 734].
La madraseh l Amédiybh. — A la vieille Sâléhi-
yeh, dans le voisinage de la Maytoûr[iyeh] *, du côté
de Touest; on n'en connaît pas Tétat. Ebn Xoûloûn,
dans son Histoire de la SâUhiyeh^ dit qu'ebn (qâdy)
Ghohbeh, dans ses Annales, s'exprime ainsi sous
Tannée 821 : « Et à Touest de la Mayloâr[iyeli] se
trouve une madraseh appartenant aux Hanafîtes et
16.
244 SEPTEMBRE-OCrOBRK 1894.
qu on appelle YÂmédiyeh. Il m'a été raconté par
quelqu'un qui la vue qu elle est florissante et que
des eunuques se tiennent à sa porte. 9
L'inspecteur [nâzer) de ce collège, ie [ci-devant]
qàdy en chef el Mohebb ebn el Qasîf, iè hanafîte,
m'a dit que c'était une turbeh et peut-4tre une ma-
draseh qu'on a cherché à dissimider par crainte des
jurisconsultes.
La madraseh la Baoriyeh. — En face de la Cheb-
liyeh [sise à ia montagne], auprès du pont de Ko-*
hayl, appelé maintenant pont dé la Chebliyeh, Elle
fût construite [en l'année 638 ^] par [l'émir j Badr
ed-dîn, connu sous le nom de Lâlâ ebn ed-Dâyah^.
Il faisait partie [ainsi que ses frères] des [plus
grands] émirs de Noûr ed-din [Mahmoud], fils de
Zenky.
[Je DIS : « Vers l'année yào» cette madraseh fut
transformée en grande-mosquée, où se fit la khotbek
du vendredi. Son waqf consiste en la moitié du bain
(situé) au village de Masoûn, et dans le jardin à
proximité du pont de Kohayl. Ainsi lai-je vu écrit
au haut de son linteau. »]
Elle fut habitée par [le chaykh Ghams ed^dUn]
sebt ebn ei Djawzy [Yoûsef, fils de l'émir Heusâm
ed-din Qizoghly], l'auteur du Mér'ai eZ'Zaman\
[Il avait pour mère Ràbé^ah, fille du chaykh Dja-
mal ed-dîn Âboul faradj ebn el Djawzy. Il vint à
Damas vers l'année 600.]
Ce collège eut comme professeurs Zaky ed-din
DESCRIPTION DE DAMAS. Î45
[ZakaryA] ebn *oqbah, Sàfy ed-din [Yahya] ebn
Faradj* et Ghams ed-din [Mobammad ebn *aly ebn
Hâchem] ebn Djabril[qui mourut la nuit du (lundi
au) mardi i3 rabf i" de Tannée 781 (Ma, a 5 dér
cembre i33o)]^.
Je nmAi ; «L^état de la Badriyeh, connue parmi
les habitants sous le nom de djâm^, a changé : son
toit est tombé; les vestiges de sa construction ont
disparu; l'on a disposé de ses matériaux et elle est
devenue une ruine entre les ruines. Nous appartenons
à Dieu et c'est à lai que nous retournerons ^^. Quant à
son waqf , il a été réuni à celui du djâmé^ elMozaf-
féry^ connu sous le nom dei grande mosquée de la
montagne. »
Ebn Cbohbeh Taqy ed-dîn a dit : « Il m'a été ra-
conté que le chaykh ^émâd ed-dîn ebn Katîr ayant
eu des paroles et une discussion avec Borhàn ed-din ,
fils du gardien [qayyem) de la Djawziyeh, Ibrahim
s'écria en s'adressant à son interlocuteur : « Quand
« tu serais couvert de poils depuis la tête jusqu'au ta-
« Ion, les gens ne croiraient pas que tu es acliary^^
« et que tu as eu pour maître ebn Taymiyeh ^2, »
La madraseh la Balkhiyeh. -. — Elle était connue
anciennement sous le nom [de Djazyet el-Lanîsah
et aussi sous celui] de maison d'Abou'd-Dardâ ^^,
que Dieu soit satisfait de lui ! Elle fut construite par
Kakaz ed-Doqâqy, aprè^ l'année 52 5 [pour le
chaykh Borhân ed-dîn Abou'l Hasan *aly el Bal-
khy] ^*. Elle se trouve en dedans de la Sâdéfiyeh. A
U6 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1804.
Torigine, sa porte était située auprès du bain de bâb
el barîd; on fit ensuite l'entrée par la Sâdériyeh, Elle
est connue sous le nom de maison du chaykh Borhân
ed-dîn el Balkhy. Il y professa et eut pour successeur
Badr ed-dîn [Yoûsef] ebn el Khedr. Après ce der-
nier, sept professeurs banalités y donnèrent des le-
çons.
La madraseh la Tâdjiyeh. — - Dans la zftwyeh
orientale du Jjâm^ omayyade, à Touest de la maison
(d'enseignement) de la tradition la ^orwiyeh. Elle
était connue sous le nom debn Sénân, ensuite (elle
le fut) sous celui de la Salâriyeh, [La maqioûrah la
Tâdjiyeh a été reconstruite sous le règne d'el Mo*ar-
zam,*en Tannée 6 a 4*]
Elle eut pour professeur le savant célèbre Tâdj
ed-dtn el Kendy ^^.
Je dis : « Cet emplacement appelé la Tâ^^eh a
peut-être été constitué en waqf par le sayyed Tâdj
ed-dln el ^adim , le même qui immobilisa la moitié
de ]a qâsâriyeh la Chctriyeh et ses dépendances pour
les mouaddens de la grande-mosquée omayyade,
pour le 5o6* (qui est) en face du tombeau de Sîdy
Yahya, (à lire) le jour de vendredi, et pour la da-
chicheh ^^. L'acte de waqf existe. Dieu est plus savant. »
La madraseh la Nâghiyeh. — Elle était connue
sous le nom de mosquée d'en-Nâch^**". Elle fut con-
struite [dans le courant de Tannée 55o et qudques]
par Témir en-Nâch ed-Doqâqy.
DESCRIPTION DE DAMAS. S47
'ezz ed-din [Abou ^abd ÂUah Mohammed], le ha*
nafite ^^, [fut le premier qui] y donna des leçons et,
après lui , huit professeurs hanafites.
Je dis : « Elle m'est inconnue. Dieu est plus sa-
vant. »
La madraseh la Djalauyeh. — Il sy trouve la
turbeh (fol. i a v**) du fondateur, le qâdy en chef
Djalâl ed-dîn Abouti maflkher Ahmad^*, fils du
qâdy en chef Heusâm ed-dîn er-Râzy. Elle est conti-
guê à rhôpital de Noûr ed-din [el mârestân en-noâry) ,
du côté nord. [Elle comprend dans son waqf un
feddân et demi dans el qaryet es-SâhéUyeh.]
Je dis : «Cette madraseh (m')est également in-
connue. Non , je me trompe; il a été écrit que c'était
celle sise en face de la maison de Moustafa Djéléby,
inspecteur des biens [nâzer el amouâl), et couverte
de palissades ^^. On dit que c'était un esclave noir
de Noûr ed-dîn ; il n'en est pas ainsi. C'est par elle
qu'on entre dans la maison de *abd El ^azîz ebn el
Gharâbîly. Dieu est plus savant. »
(Djalâl ed-dîn) y donna des leçons ainsi qu'à la
Kbâtoûniyeh [intra muros] , à la Rayhâniyeh et à (la
madraseh d')el Qassain, Il mourut l'année ^45.
La madraseh la Djamaliyeh. — Au penchant du
Qâsyoûn. Elle fut construite par l'émir Djamâl ed-
dîn Yoûsef. On ne la connaît pas, non plus que la
biographie de son fondateur, ni le nom de quelqu un
qui y ait professé.
Je dis : « Elle est située au quartier de la monnaie
248 SEPTEMBKE-OCTOBRE 1894.
[mahallet cs-sekheh)* C'était rhabitation du chaykii
hanafite ^abd Es-Samad; puis elle devint celle du
cbaykh Zayn ed-din ebn Sultan. »
La madraseh la Djaqmaqiyeh. — Elle est con-
nue. [Elle renferme la turbeh et vis-à-vis, du côté
du nord, sa kbânqâh.j Elle est au nord de la mos-
(juée-cathédrale omayyade; à côté d'elle 3e trouve
une kliânqâh dont elle est séparée par le cbemin
[conduisant, du côté du couchant, aux deux madra-
seh, la Zakériyeh et la ^âdéliyeh et, du côté du le-
vant, à la grande-mosquée omayyade et autre]. Lés
fondements en furent jetés par [el *aiam] Sandjar el
Héîâly et par son fils Cbams ed-dîn; maïs en Tan-
née •761*® el malek en-Nâser Hasan l'en dépouilla.
Puis il donna Tordre de la reconstruire. Ce qui eut
lieu. On y puvrit deux fenêtres à Torient et on là
construisit en pierres blanches et noires (oiloç)^^;
elle atteignit le plus haut degré de beauté ^2. *ezz ed-
dîn ebn chaylih es-SaUmiyéh [hanbalîte] y donna des
leçons [en moharram de Tannée 769]. Ellle devint
ensuite une khânqâh, puis fiit consumée par Tin-
cendie pendant la guerre. Après que 1^ nyâhéh de
Damas eut été confiée à Sayf ed-dîn Djaqmaq [en
chawwài de] Tannée 822 , cet émir, [qui fit son en-
trée en doul qa'deh], se mit à la reconstruire et à
Tagrandir du côté du sud; ii y fit pratiquer des fe-
nêtres vers la Kallâseh et du côté du nord; il bâtit
pour les Soûfys le couvent sis en face. Il fit de la
madraseh une turbeh et y organisa un miAd après la
DESCRIPTION DE DAMAS. 240
prière du vendredi. Au sud de la turbeh , il installa
une école pour les orphelins. [H constitua en waqf
le marché qu'il avait restauré en dedans de bâb el
Djâbyeh, le moulin des ctdjâm construit par lui au
Wâdy et le kliân au nord du mosalla : partie pour la
turbeh , partie pour lui et ses enfants et partie pour
d autres objets.] Il mourut en cha'bàn de Tannée
824^.
Les fonctions de supérieur et de professeur furent
données à 'émâd ed-dîn , fils du sayyed *adnân 2*.
Je dis ; « Quant aux premiers constructeurs :
Sandjar, son fils Ghams ed-din et el malek en-Nâser
Hasan , ils sont oubliés. Mais Dieu ne laisse pas perdre
la récompense de ceux qui ont accompli de bonnes œuvres^^.
Dieu est plus savant, »
La madraseh la Djarkasiyeh. — On lappelle
aussi lo. Djahârkasiyeh. Elle est commune aux Hana-
fîtes et aux Châfé'îtes; suivant quelqu'un, elle est
exclusivement pour les Hanafîtes. Elle fut constituée
en waqf par Djarkas Fakhr ed-dîn es-Salâhy, et ren-
ferme son tombeau. Il était nâîb au nom d'el *âdel à
Bânyâs (Panéas) et au Bélâd ech-Chacpf2^ Il faisait
de nombreuses aumônes, jouissait d'une grande in-
fluence et était doué d'un esprit élevé. Il bâtit au
Caire la grande qaysâriyeh (qui porte son nom).
on connaît (comme ayant été du nombre) des
professeurs de cette madraseh le qâdy Taqy ed-din
Aboul fath Mohammad ebn'abd El-Latîf es^bky^^
le châfé^îte.
850 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1804.
Je dis : « L auteur (en-No^aymy) nen a pas indiqué
la position* Ëlie est sise au bout du marché , par-dessus
(le nahr) Yazid, auprès de la grande-mosquée nou*
veile. Son emplacement est très connu. »
Ebn Khallikân s exprime ainsi *^^ : «Âbou Man^
soûr Djahârkas ebn ^abd Allah, en*Nâséry es-Salàhy,
surnommé honorifiquement Fakhr ed^din , était un
des grands-émirs sous le règne de Salâh ed-dîn (Sa-
ladin). H était généreux , avait une grande influence
et était doué d*un esprit élevé. D construisit au Caire
la grande qaysâriyeh^^ qui porte son nom. J'ai vu
nombre de marchands qui avaient parcouru le
monde : a Nous n avons jamais rencontré , disaient-ils ,
fc rien qui Tégale en beauté, en dimensions et en soli-
« dite. » n bâtit par-dessus une grande mosquée et un
rab^^^ (fol. 1 3 r**) suspendu. H mourut à Damas dans
un des mois ^^ de Tannée 6o8 (laii-iaia) et fut
enterré à la montagne de la.Sâléhiyeh, où sa tur*
beh est renommée ^^.
« Djahârkas — par un fathah sur le ^im , uafathah
sur le hâ, \m aUf suivi d'un ni, puis \m kâf avec
fathah, puis un sin sans points diacritiques — a en
arabe la signification de [ester, c'estrà-dire] qaatre
personnes; c'est une expression persane. »
[On ]it dans ebn Khallikân : c Djahârkas laissa en
mourant un fils en bas âge, qu'el ^âdd confirma
dans les postes dont son père était investi, en lui
donnant un administrateur; mais il ne survécut pas
longtemps à son père et mourut, dit-on, Tan-
née 609 ^^. » — Ebn Katk rapporte sous Tannée 635 :
DESCRIPTION DE DAMAS. 251
s
« Le grand-émir Sârem ed-dln Khotiobâ ebn 'abd
Allah , et-Tennîsy ^*, mamloùk de Gharkas [sic) et son
nâîb après lui , avec son fds , à Tebnln et dans les autres
forteresses , (mourut et) fut enterré aveo son maître aux
Coupoles [qobâb)de Gharkas, situées au penchant (du
Qàsyoûn), vis-à-vis de la turbeh de Khâtoùn et ren-
fermant son tombeau. » — G'est lui qui les bâtit
après que Fakhr ed*din fut mort. .11 acheta le kafr
(village) qui est au Wâdy Barada et le constitua en
waqf à la turbeh. Son tombeau, sur la grande route,
est surmonté d'une immense coupole.]
Le waqf constitué en faveur de la Djahârkoâiyeh
consiste en vingt qîrâts^^ du village de Bayt Sawa^^,
dans la Ghoûtâh, [en une portion s'élevant h douze
parts et au tiers de la mazraah], en Kafr elWàmid
à ez-Zobdân ^"^j et en loyers [ahkâr) de maisons, à
la Sàléhiyeh , dans le voisinage de ladite madraseh.
La madraseh la Djawhariyeh. — Au quartier
appelé hârat el balâtah^^, à Test de la turbeh d'Omm
es-Sàleh. [G 'était une maison appartenant au grand-
émir Mohammad et la maison de la dame ^adrâ.]
Elle fut construite par [le fils de cette dame] le sadr
Nadjm ed-dîn [Abou Bakr ebn Mohammad] ebn
*ayâch, et-Tamîmy, [el Djawhary,] qui mourut [en
chawwâi de^^] Tannée 696 [à un âge avancé] et fut
enterré dans sa madraseh.
[J ai vu sur le linteau de sa porte Imscription
suivante qui y avait été gravée : Après le basmalah,
« Gette madraseh bénie est le waqf du serviteur quia
S52 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
y»
« besoin de (la miséricorde de) Dieu, qu'il soit exalté!
« Abou Bakr ebn Mohammad ebn Abî Tâher ebn
«*ayâch ebn Abîl makâreni, et-Tamîmy, el Djàw-
«hary, en faveur du rite d'Abou Hanifah, que
« Dieu soit satisfait de lui ! La construction en
«lut achevée et la première leçon donnée en l'an-
icnëe676*«.i»]
Après Heusâm ed-dîn er-Râzy, cinq autres profes-
seu rs en occupèrent la chaire,
La madraseh la Hâdj^biyeh et la rhanq^h qu elle
RENFERME. — Ail sud de la madraseh la ^omariyeh.
Je dis ^^ : ^ Elle est située à la Sâléhiyeh et fut
construite par Témir Nâser ed-din Mohammad, fils
de [l'émir] Mobârak, el Ynâly, dawâdâr deSoûdoûn
[en-Noûroûzy]. [Du vivant de son maître,] il s'était
mis en route [pour Mesr] porteur dun cadeau*^ de
la part de ce Soûdoûn; mais celui-ci mourut trois
jours après son départ. Il fut nommé petU-hâdjeb et
émir des Turkomâns et se mit à expédier en Egypte
les moutons de la Syrie, réduisant par là à l'extré-
mité les habitants de ce pays ^. Puis [en l'année 853]
il reçut la lieutenance d'el Bîreh. D devint ensuite
grand'hâdjeb [à Damas ^^]. Bientôt après *5, il fut in-
vesti de l'émirat des Turkomâns et des Kurdes*^ et
devint commandant de mille. Sa conduite fut loin
d'être louable. On lui conféra ensuite le gouverner
ment {nyâbeh) d^ Tripoli et de Flamàh. Il mourut
Tannée 878 [Comm. 28 mai làyS) et fut enterré
[dans sa turbeh (sityée)] à proximité de la turbeh des
DESCBIPTrON DE DAMAS. 353
Sobky, au dessous de ia grotte de Gabriel, qui fait
partie du penchant du Qâsyoûn. »
*' Ebn Toûloûn dit : « L emplacement (de ce col-
lège) était une impasse contenant des maisons. (Nâser
ed-din) les acheta de leurs propriétaires. Mais quand
sa madraseh fut achevée , le sultan le soumit à une
amende et la lui confisqua, de sorte qu'il vendit
tout ce qu'il possédait, dans le but de ia dégager. »
Le premier investi de la charge d'imâm [imâmeh]
de cette madraseh lut notre chaykh Abou'l khayr
er-Ramly, auquel succéda notre chaylch le grand sa-
vant Chéhâb ed-dîn el 'askary, puis son fils ez-Zayry
'abd El Qâder et le très docte Chéhâb ed-dîn , tous
deux partageant entre eux les fonctions par égale
part. Elle est actuellement en leur possession. — Le
qâdy banalité Tâdj ed-dîn ebn Wab Chah en fut le
premier khatib. Cette fonction passa ensuite à Chams
ed-dîn et-Tayby; puis, après lui, au chaykh Nadjm
ed-dîn ebn Chakam , auquel a succédé el Kamâl , fils
du qâdy de Naplouse et le détenteur actuel. — Quant
à la chaire de professeur, le premier qui l'occupa fut
le chaykh Kamâl ed-dîn en-Naysâboûry; elle passa
après lui en des mains incapables.
Cette madraseh est une des plus belles de la Sâ-
léhiyeh et même de Damas. Elle est toute en pierres ;
mais son sanctuaire [haram) est jaune et noir; le
reste est blanc. Le mehrâb, les deux fenêtres méri-
dionales, le bassin [bahrah), le minaret et le dallage
sont en pierres de marbre et de sadary (?) . Les plafonds
sont à la manière persane Çadjamiyehy Le fonda-
254 SEPTEMBRE-OCTOBRE 18«4.
leur avait voulu établir un toit en dos d'âne (c^'om-
loân ^) par-dessus le plafond du haram et en avait
mis le bois à nu^^, mais la mort le surjNrit et il ne
put achever.
La madràseh la KHÂTouNnrEH extra muros. —
Mosquée de Khâtoûn, sur le Charaf méridional,
[auprès dun lieu appelé San^â de Syrie, donnant
sur le Wàdy ech-Ghaqrà et très connu à Damas ^].
Elle est connue. Elle fut constituée en waqf ^^ par [la
dame] Zomorrod Khâtoûn, mère de Ghams el ma-
loûk , sœiu* d el msdek Doqâq et épouse de Tâdj el
moloûk Tawry*2.
Je dis : «Il y a apparence que le nalur Tawra^
tire son nom de ce prince ou qu il la reconstruit
La princesse (Zomorrod) suivit les leçons de tra-
dition d'[el Hasan] ebn Qays; elle copia des manu-»
scrits et apprit par cœur le Qof an. Elle bâtit k ma*
draseh la Khâtoûniyeh au haut du Charaf* Ensuite
elle devint la femme de latâbek Zenky^, avec qui
elle resta (f* 1 3 v") sept ans**^ jusqu'à ce quii fiit tué*
Elle fit alors le pèlerinage et devint à Médiitè la pen-
sionnaire de la mosquée jusqu'à sa mort. Elle fut
enterrée dans le cimetière de cette ville [el hcuft)^^
Tannée 5 5 7 ( Comm. 1 o décembre 1 1 6 1 ). Il ne faut
pas la confondre avec Khâtoûn , fille de Mo^n ed-dln ,
dont il va être question.
Je dis : « Cette Khdtoâniyek est située au nord de
la rivière de Bânyâs [nakr Bânyâ$)\ et donne sur
DESCRIPTION D£ DAMAS. 255
Yhippodrome vert. Elle avait autrefois un minaret et
une chaire que j*ai vus jusqu^à la fin du règne des
(Mamiouks) Gircassiens et aux commencements de
ia dynastie ottomane. Le premier qui ia détruisit et
en enleva les marbres et entre autres celui des meh"
rûb fut Sibày. Il plaça ces dépouilles dans sa madra-
seh sise à hâh el Djàbyek el surnommée Djam el djor
wâmi (la Réunion des grandes-mosquées). »
Ce collège eut comme professeur Âboul Hosayn
el Balkhy^\ puis sept autres. [El Khabbâzy] Djalâl
ed-din Abou Mohammad ^omar [ebn Mohammad
ebn ^omar], le hanafite, el Khodjandy^, y donna
des leçons. C'était un jurisconsulte d*un mérite su-
périeur, voué à la vie ascétique, doué dun grand
jugement et très instruit dans la doctrine (hanafite).
H composa des ouvrages sur la jurisprudence et sur
les deux principes fondamentaux ^^ et professa à la
^ezziyeh (située) au Cfearo/* septentrional. Après cela,
il resta pendant un an pensionnaire de la mosquée
à la Mekke. Ensuite, étant revenu à Damas, il donna
des leçons dans cette Khâtoâniyeh jusqu'à sa mort
qui eut lieu à la fin de doul hedjdjeh^ de 1 an-
née 691 [12 décembre 1291). Il avait accompli
sa soixante -deuxième année. H fut enterré dans la
Soâjiyeh (le cimetière des Soûfys). Après lui , la chaire
fut occupée [en Tannée 698] par Ghams ed-dln
[ebn] ei Karîry^^ puis par Sadr ed-dîn el Bosrawy^,
ensuite par Ghams ed-din , qâdy de Malatyah ^, puis
par Badr ed-dîn ebn Toumîrah ^* et enfin par Sadr
ed-dîn el Adamy ^^.
256 S£PT£MBRE-OGTOBR£ 1894.
La mâdraseh là Khâtouniyeh intra muros. — Au
quartier [mahalleh) de la pierre d'or. Elle fut con-
struite par Khâtoûn, filie de Mo^n ed-din [Anar^]
et épouse du martyr Noûr ed-din [Mahmoud, fils de
Zenky],puis du sultan Salâh ed-din (Saladin)^''. Son
frère Sa*d ed-din [Mas^oud ebn Anar] ^ la constitua
en waqf pour elle et ensuite [après elle] pour ses
descendants. Elle mourut sans postérité. C est elle
qui bâtit aussi la khânqâh [de Khâtoûn], en dehors
de bâb en-ndsr, au Commencement du Ckaro/* méri-
dional, sur le Bânyâs.
Je dis : « Cette (mâdraseh) est celle qui est située
à côté du chemin étroit; à sa suite, à louest, se
trouve la grande-mosquée de Tenkez ; dans la direc-
tion sud, actuellement, ïaioûn? et au nord, la rivière
et sa propre porte. Maintenant on y fabrique la
(faïence) Qâchâny^^. »
Je dirai : « Elle a été détruite par Fakhr edrdin
el Qodsy, le màiékite, qui a édifié (v-ft) à sa place
une maison, et elle est tombée dans Toubli le plus
complet. Cette construction (»;l-*) lui a été enlevée
de force par le ketkhoadâ^Sisan Pacha. Il n y a gagné
que le péché. »
Khâtoûn fut enterrée dans sa turbeh , au penchant
du mont Qâsyoûn, au sud de la Djarkasiyeh'^^. Elle
mourut en doul qa*deh de Tannée 58 1 [Comm.
3 avril 11 85)^^
Headjdjet el islam [ou edrdin] occupa la chaire de
ce collège, puis Fakhr ed-dîn el Hawâry, auquel
succédèrent douze professeurs dont le dernier fut
DESCRIPTION DE DAMAS. 25?
Chams ed-dîn es-Safady [en el mohaiTam de lan^
née 84o].
[La madraseh la Dammàguiyeh. — Nous avons
donné ci-devant (chap. m) sa position, sa destination
aux deux sectes , châfé^ite et hanafïte , et la biographie
de son fondateiu*. Ëbn Ghaddâd dit : «Le premier
d entre les Hanafites qui y professa fut el Eftékbâr
el Kâchghary, jusqu'à ce qu'il mourut. C'était un
des disciples du chaykb Djamâl ed-dîn ebn el Ha-
sîry. Il eut pour successeurs : le qâdy ^aziz ed-dîn
es-Sendjâry, qui y établit ensuite comme son sup-
pléant Tâdj ed-dîn *abd Allah el Archad ; Fakhr ed-
dîn Ahmad, qui y resta jusqu'à sa mort; *émâd ed-
dîn Mohammad, à qui on l'enleva pour en investir
Modjâhed [sic) ed-dîn ebn es-Sahnoùn, le khatib
d'en-Nayrab. Il s'y trouve jusqu'à maintenant ^^. Ed-
Dahababy dit dans les ^ébar sous l'année 694 : « Ebn
«Sahnoûn, le khatib d'en-Nayrab, Madjd ed-dîn,
« chaykb des médecins , Abou Mohammad *abd El
« Wahhâb ebn Ahmad ebn Sahnoûn, hanafïte, mou-
« init en dou'l qa^deh » et ebn Katîr s'exprime ainsi
sous la même année : « Le chaykb , l'imam , le savant,
«le moufty, le khatib, Madjd ed-dîn Abou Moham-
« mad ^abd El Wahhâb ebn Ahmad ebn Abî'l fath
«ebn Sahnoûn, et-Tanoûkhy, hanafïte, khatib d'en-
« Nayrab et professeur de la Dammâghiyeh pour les
« Hanafîtes, était un médecin habile et versé dans
« son art. Il mourut à en-Nayrab la nuit du (vendredi
« au) samedi 5 dou'l qa^deh (v, 1 6 sept. 1 agS), âgé
IV. 17
iMPiiKiitaiK >*ria\Ai.ii.
258 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
« de soixante-quiniîe ans. La. prière sur son corps fîit
« faite dans la grande-mosquée de la Sâléhiyeh. »]
La madraseh la Rokniyeh extra mukos* — A la
Sâléhiyeh. Elle fut construite, Tannée 6^\ [Comm.
2 3 janvier laaà), par Témir Rokn [ed^dîn] Man-
koûrès el Falaky, esclave blanc [ghoalâm) de Falak
ed-din, frère utérin del maiek el *âdel. Rokn ed*
dîn était un des émirs les plus vertueux , assidu aux
prières dans la mosquée et avec cela parlant peu et
faisant beaucoup d aumônes. ^
Ed-Dahaby dit dans ses Annales de Vlslamûme :
« Mankoûrès el Falaky, le grand-émir Rokn ed-dîn
el ^âdély, exerça la lieutenance [nyûbeh) en Egypte
au nom del malek el *âdel (et) à Damas une fois. Il
commandait le respect, vivait dans la continence,
était religieux et bon et répandait de nombreuses au-
mônes. Il venait seul aux mosquées , accompagné de
son domestique [tawwâf). Il bâtit au mont Qâsyoàn
une turbeh et une madraseh et leur constitua des
waqfs en grand nombre*^*. »
"'^K Les vœux formés auprès de son tombeau sont
exaucés. Il y avait dans cette madraseh un exem-
plaire '^^ du Qor an , déposé sur le tombeau de Rokn
ed-<lln. Quiconque prêtait un faux serment sur ce
Qor an périssait aussitôt. Mon père m*a informé
comme le tenant d un homme vertueux d'entre les
habitants de la Sâléhiyeh, nommé *eM ed-dtn, que
quelqu'un''^ (^ 'A) ayant fait sur le livre sacré un
j urement faux devint à Tinstant même aveugle : une
DESCRIPTION DE DAMAS. S5g
eau blanche descendit sur ses yeui. Le portier de la*
dite madraseh, qu'on appelle Mowaffeq ed-din,
chaykh vertueux et avancé en âge, m'a également
raconté qu'une fois plusieurs personnes étant en*
trées, lune d'elles, après avoir juré faussement, dit
aux autres : « Regardez , il ne m'est arrivé aucun
« mal. )t Puis le groupe se mit en route vers la viUe,
auprès du banc du Khedr {moftabat el Khedr). Or
voilà qu'un homme passa avec une béte chargée de
bois à brûler, et un morceau de bois pénétra dans
i'œii de l'auteur du faux serment et le lui creva : la
journée ne s'était pas écoulée qu'il avait Tceil ci*evé*
Le fait est prouvé par lexpérience et il n'y a aucun
doute à son égard. Mais ce Qor'ân a été transféré
ailleurs et Ton en a mis un autre à sa place. »
Mankoûrès mourut l'année 6Si [Comm. 6 octobre
12 33), dans le village de Djaroûd"» et fut trans-
porté à sa turbeh dans cette madraseh«
Wadjîh ed-dîn el qâry (le professeur de lecture
qorânique)^* y donna des leçons. Quatorze profes^
seurs lui succédèrent.
La madraseh la Rayhâniybh. — Dans le voisinage
de la [madraseh] la Noûriyeh [un peu vers l'ouest].
Elle fut construite par le kliawâdja Rayhân, l'eu-
nuque, esclave noir du martyr Noûr ed-dîn Mah
moud , fils de Zenky, [en] l'année 565 ( Comm. a à sep-
tembre 1 1 69). [Djamâl ed-dîn Rayhân] était un des
esclaves noirs de ce prince les plus élevés en dignité.
Il fut chargé en son nom de la citadelle (de Damas
»7-
âOÛ SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
et de ta prison , et investi de toute lautorité tant jpour
les détails que pour 1 ensemble de ladministration.
Quand Salâh ed-dîn (Saladin) entra [pour prendre
E)amas], il le gagna à sa cause, au point qu'il lui
livra la citadelle^ dont il était le nâïb.
[J'ai vii gravé sur le linteau de la porte de cette
madraseh, après le basmalah: a Cette madraseh bénie
« à été constituée en waqf par 1 émir Djamâl ed-dîn
« Rayhân , fils de ^abd Allah, pour ceux qui étudient
« la jurisprudence suivant le rite de Fimâm , flambeau
<t de la nation , Abou Hanifah en-No^màn, fils de Ta*
ft bet, que Dieu soit satisfait de lui! et il lui a constitué
ren waqf la totalité dujârdin^ard((/y( soumis à i'im-
« pôt foncier) , connu sous le nom de terre d*el Hawâ-
« fy, la terre appelée Daff el ^ériâb , el Qarinâwy "^^ sur
41 lé territoire d'el Qatâyé*, lés deux Djawrah, exté-
« rieure et intérieure, sur le territoire del Khâmès,
« la demie et le tiers d er-Rayhàniyeh , Técurie connue
« comme ayant été construite par lui^^, au jardin de
viBaqar el waJich (les bœufs sauvages). Ce qui est
« connu et notoire. Quiconque laltérera [le verset)*
« Et cela en cha'bân de Tannée SyS*^ »]
La chaire en fut occupée par Heudjdjet el islam *^,
puis, après lui, par sept professeurs.
La mapb aseh la Zendjâriyeu *^. — En dehors dç
bâh tourna [et de bâb es-salâhieh]. On rappelle aussi
la ZandjUiyeh (tés-Sab^ah^'^. Elle est située vis-à-vis de
«k maison où se distribuent les repas» {dâr el (U-
^émahy^ et renferme son tombeau*^.
DESCRIPTION DE DAMAS. 161
C'est une des plus belles madraseh.
Je dirai : « C'est relie sur ia porte de laquelle oh
voit ce marbre coloré®'' qui est une des mervéilld;
du monde et ces chefs-d'œuvre qu'on dirait une pâte
molle entre les mains de ces artistes. Elle a une chaire
et un minaret. On y célèbre la prière du vendredi.
Elle avait pour khaiibie chaykh ebn et-tlneh. Lors*
qu'il mourut , il n'y eut plus de prône pendant quelque
temps ; puis , à l'époque où ^ les fonctions de qâdy en
chef de la Syrie étaient occupées par *abd Er-Rah-
man èfendi, ce magistrat fit procéder à une enquête
et Ton trouva que la voûte [el qahou) s'était écroulée,
il donna l'ordre de la reconstruire (^j^ v«l), désigna
un prédicateur, et la prière du vendredi se célébra
comme auparavant. Cela eut lieu en ici i [Comnii,
1 1 juin iGo'i). »
La Z^ndjâriyeh fut construite par *otmân *ezz ed-
dîn [ebn] ez-Zandjîly, sâheb de TYaman®^.
[On trouva comme faisant partie de son waqf en
l'année 820 : Deux boutiques Tavoisinant, un mou-
lin à sa proximité et, dans le voisinage du moulin,
une boutique. Ainsi l'ai-je vu en ladite année dans
le rapport dressé par le surveillant [mochedd] des
waqfs, Sîdy Mohammad ebn Mandjak, en Nâséry.]
(Ebn ez-Zandjîly) habita la Syrie du temps d'el
*àdel et fut enterré dans cette madraseh. U a laissé
de nombreux waqfs dans TYaman et à la Mekke où
il a fondé une madraseh ^^. 11 bâtit aussi un rébât à
Médine.
Hamîd ed-dîn es-Samarqandy y professa [jusqu'à
2ÔÎ SEPTEMBREOGTOBRE 1894.
sa mort] ; puis [après lui, en 635] les leçons y furent
données par Kamàl ed-din [*abd Ël-Latif ebn es-]
Sendjâry^^ et ensuite, après lui, par dix professeurs
hanafîtes.
La Safîneh ®^. — Dans la mosquée-cathédrale de
Damas. On ne lui connaît pas de fondateur.
La chaire en fut occupée par Rokn ed-din ebn
Sultftn [jusqu'à sa mort] , puis par Sadr ed-din ebn
^oqbah*^ [jusqu'au moment où, nommé qâdy à Ha*
lab , il partit pour cette rille] , puis par Mbhiy ed*
din<^ [à qui lenleva le qâdy] Tâdj e<klin ['abd El
Qâder ebn] es-Sendjâry, puis par Sadr ed*din de
nouveau [à son retour de Halab], et enfin par ^émâd
ed-din ebn ech^Ghammâ^ (le marchand de ohàxt*
délies).
La mâdraseh la Sibâïyeh. — En dehors de bdh el
Djâbyeh , [au nord du puits d es-Sàrem. Elle renferme
la turbeh et aussi la zâwyeh]. Elle fut construite par
le nâîb de Syrie Sîbây, qui était émires^lâh^ à M^r.
Je dis : « Il en commença la construction en Tant-
née 915 [Comm. 2a avril 1 809) et lacheva en Tan^
née 9!i 1 {Comm. 1 5 février 1 5 1 5). S en fit à la fois
une grande-mosquée , une mâdraseh, ime sâwyeh et
une turbeh. 11 Tédifia en pierres blanches et noires
{ablaq) et en marbre coloré, et ne laissa pas à Damas
une mosquée abandonnée ni un lieu de sépulture
bien conservé, sans en enlever les pierres, les maté-
riaux, le marbre et les colonnes quil voulut et qui
DESCRIPTION DE DAMAS. 303
lui conVinreot, se livrant avec assiduité & ces spolia-
tions. G est au point que les o^oma dé Oamiuf appe-
lèrent cet édifice « la Réunion des grandes -mos-
« quées ^ », Mais il n'en jouit pas : il partit avec d
Ghoûry pour Mardj Dàbeq ^^, où les deux armées
ennemies se rangèrent en bataiUe. Les troupes des
Gircassiens n ayant pu soutenir le choc, (fol. i à v"") el
Ghoûry fut mis en déroute , et Sibây fut tué , sans
pouvoir être enterré dans le lieu de sépulture qu'il
s'était préparé , ainsi que Dieu a dit : « C^ sont là leurs
« maisons f désertes à cause des injustices qu'ils ont corn-
« mises ^^. t Elles sont vides et désertes. Mais Dieu »
qu'il soit exalté ! dem^ire. »
La madras£h la Ghebliyeh sxtka muhos. — <^ Au
penchant du Qâsyoûn , en dessus ^^ du pont de la
Tawra. Elle fut construite ^^^ par Chebl ed-dauleh
Kâfoûr el Heusâmy ^^\ le grec, eunuque de Heusam
ed-dîn ['omar*^^] ebn Lâdjîn, filsde Sett ech-Ghâm.
G'est lui qui poussa [sa maîtresse] à édifier la Cftd-
m^eh extra muros, [qui bâtit la Chebliyeh hanMte;
à côté,] la khânqâh [pour les Soûfys; c'était sa de-
meure]; ia turbeh, le passage couvert (/ï46d(), la fon-
taine {sabil) et le réservoir (mosna^).
Je dis ^^^ : « U ouvrit aussi aux gens un chemin
du cimetière (situé) à Touest de la Châmiyeh extra
muros jusqu'à ia route de « la somx^ du ventricule »
('erjTi el kerch); il n'existait pas de chemin pour se
rendre de là à la montagœ, et l'on suivslit la route
partant de la mosquée d'e^Safy à la ^oqdybeb. ^
16à SEPTEMBRE. OCTOBRE 1894.
[ Ebn Katir dit encore sous l'année 6 5 5 : « Béchàrah
ebn ^abd Allah, Tarménien d'origine, le kâteb, affran«
chi de Chebl ed-danleh el Mo*azzamy, reçut de son
maître l'inspection de ses waqfs , que celui-ci institua
pour ses successeurs, et ceux-ci possèdent actuelle-
ment la charge d'inspecter les deuxChebliyeh. Il mou-
rut au milieu de ramadan de la susdite année. » On lit
dans le fVâfy d'es-Safady, sous la lettre B : a Bechbâk
(Bechtâk?) ech-Chebly, el Heusâmy, le /rd^^6, aflranchi
de Chebl ed-daideh , le fondateur de la madraseh et
de la khânqâh (situées) auprès de la Tawra,.à Damas,
était de race grecque, et un des fils de Béchàrah,
très connu dans cette ville. Il avait une belle écriture;
Ses descendants prétendent à l'inspection de la ma-
draseh et de la khânqâh auxquelles Ghebl ed-dauleh
a donné son nom. Il mourut en l'année 654. Sui-
vant ce que rapporte el Asady sous l'année 6^3,
Ghebl ed-dauleh el Heusâmy Kâfoûr ebn ^abd Allah,
le grand-eunuque, esclave noir de l'émir Heusâm
ed-dîn Mohammad, fils de Lâdjin et de la Khâtoûn
Sett ech-Ghâm , était un des esclaves noirs duGhâteau,
au Gaire. G'estsurlui que sa maîtresse se reposa pour
la construction de la Châmiyeh extra maros. D'après
Abou Ghâmah, il était hanaflte et bâtit la madraseh,
la khânqâh et la tuAeh où il fut enterré auprès du
pont de KohayL »]
Sa mort eutlieu en radjah. « Il était, dited-Dahaby,
plein d'humanité. Il rapporta des traditions d'après
el Hasan el Khochotfy et mourut l'année 6 a 3. Il fut
enterré dans sa turbeh, là-bas. »
DESCRIPTION DE DAMAS. 2Ô5
Les professeurs de la madraseh furent Safy ed-dîn
es-Sendjâry^^ [jusqu'à sa mort], puis douze autres
dont le dernier fut Ghanis ed-dîn [ebn] er-Rady*^.
De ce nombre était Rachid ed-dîn el Bosrawy.^^,
homme éminent et grand savant, auteur de beaux
Vers dont voici quelques-uns :
Dis à celui qui prend des précautions pour ne pas être
atteint par les calamités du temps que les précautions ne
servent à rien.
Ce qui a dissipé mon chagrin, c*est ma croyance que
toute chose a lieu conformément au destin et aux arrêts im-
muables de Dieu.
11 a aussi composé les vers suivants :
Emporte avec toi comme aide ce que tu peux; peut-être
eflFacera-t-il les fautes que tu as commises pendant des an-
nées.
Les jours de bravoure et de passion ont fait oublier ceux
où tu étais le compagnon de l'auteur de notre égarement
(Satan).
El Bosrawy mourut le jour de samedi 3 ramadan
de Tannée 684 (v, 2 nov. laSS). On fit sur lui la
prière de l'après-midi dans, le djâmé* el MozafFéry,
et il fut enterré au penchant (du Qâsyoûn).
Au nombre des waqfs appartenant à la Chebliyeh
est Bayt Nâïm.
La madraseh la Chebliyeh intra muros. — En
face de YAkéziyeh [c'est-à-dire la châfé^îte]. Elle fut
construite par Chebl ed-dauleh Kâfoûr el Mo^azzamy ,
le fondateur de la madraseh précédente.
2Ô6 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
Tâdj ed-dîn ['abd Ër-Rahman ebn abd El Bâqy,
connu sous le nom d'] ebn en-Nadjdjâr ^^'', y donna
[le premier] des leçons; puis cinq professeurs après
lui.
La madraseh la Sâdéaiyeh. — [A fintérieur de
Damas,] à bâb el fcarirf, auprès de la porte occidentde
de la mosquée-cathédrale. Ce fut la première ma-
draseh construite à Damas. Elle fut élevée par Cho-
djà^ ed-dauleh Sàder ebn ^abd Allah, Tannée iigi
{Comm. 9 décembre 1097).
Elle eut pour [premier] professeur *alyebn Zenky
el Kâïsâny^^; puis Aboui Hasan [*aly ebn elHasan]
el Balkliy [le prédicateur] , pour qui fut construite
la madraseh la Balkhiyeh, y attenante ; ensuite , après
ces deux, on compte douze professeurs au nombre
desquels furent Rachid ed-din el Ghaznawy et Borhân
ed-dîn [Ibrahim ebn Mahmoud] el Ghaznawy [connu
sous le nom d'Aboul HauP®^].
La madraseh la Tarkhàniïeh. •« — Au sud de la
Bâdérâïyeh , à Djayroûn..Elle fut construite par Nâser
ed-dauleh Tarkl^ftn , un des grands-émirs de Damas,
qui mourut Tannée 5 20 environ ^^^
El Borhân Aboul Hasan el Balkhy y donna [le
premier] des leçons, puis onze professeurs dont le
dernier fut ech-Chéhâb ebn Fazârah ^^\
La madraseh la Toûmâniyeh. ---^ [A Touest de la
Charîjiyeh,] vis-à^vis de la maison (d'enseignement)
DESCRIPTION DE DAMAS, 367
de la tradition YA'chrafiyeh et de ia Foqqaiyeh. Le fon*
dateur n en est pas connu.
[Son waqf comprend la moitié du village de Qa-»
sîfah, (situé) à Touest dei MoWnas et au sud de
Làhah, dans le Ladjâh, et des boutiques en ruines.]
Le fondateur fut peut-être Toûmân en-Noûry.
[El Asady dit dans sa Chronique , sous Tannée 585 ;
« Toûmân ^^^ ebn Molâ'eb ebn abd Allah, el Ansâry,
el Khazradjy, en-Noûry, Heusâm ed-dîn Nadjm ed-
dauleh , le grand-émir, construisit à Halab une ma-
draseh pour les Hanafites. Le sultan Taimait et avait
confiance en lui. C'était un des musulmans renommés
pour leur bravoure et des plus grands émirs de Noûr
ed-dîn. Il mourut en même temps que le sultan, la
nuit du milieu de cha^bân , à Tell el 'âsyeh , qui fait
partie de Soûr, Il avait passé la centaine. Son tom-
beau est im but de pèlerinages. 11 avait bâti sur la
route de Halab le khân qui porte son nom. »]
La madraseh la Zahériyeh intra muros-Baybar-
siYEH. — Elle est connue. 11 en a été fait mention
ci-devant et nous avons dit qu'elle était commune
aux deux sectes [ohâfé'ite et hanaRte].
Parmi les Hanafites , elle eut pour professeur Sadr
ed-dîn el Adra'y^^^, fauteur du Djâm/ es-saghîr;
puis, après lui, six professeurs, entre autres Rokn
ed-dîn es-Samarqandy*^^, qui était à son époque le
chaykh des Hanafites. 11 fut étranglé et jeté dans le
bassin du collège , et on lui prit son argent. Quelque
temps après , 1 assassin , qui n*était autre qiie le por-
268 SËPTEMRRE-OGTOBRE 1894.
tier, *aly el Hawrâty (el Hawrâny ?) , fut mis à la ques-
tion"^, cela en Tannée 701 , et pendu à la porte de
rétablissement. A la fin de Tannée, la chaire fut oc-
cupée par Nadjm ed-dîn el Qadjqâry "®.
La madraseh (f" 1 5 r®) la ^aprâwiyeh. — Nous
avons déjà vu où elle était située et dit qu elle était
commune aux deux sectes.
Au nombre des professeurs [hanafites] qui y en-
seignèrent lut *ezz ed-din es-Sendjâry"^; puis sept
autres environ y donnèrent des leçons. Le dernier
d'entre eux fut Djalâl ed-dîn ed-Dârémy er-Râzy *'*•
La madraseh là ^azîziyeh. — Dans le voisinage de
la madraseh la Moazzamiyeh [à la Sâléhiyeh]. Elle
fut construite par el malek el ^aziz ^otmân , fils d el
*âdel et frère utérin del malek el Mo^azzam. Il mou-
rut Tannée 63o [Comm, 18 octobre 1 aîa)"^.
Les professeurs de ce collège furent : Sadr ed-dîn
[Ibrahim] ebn Borhân ed-dîn Mas^oûd, puis son
frère Madjd ed-dîn , puis Kamâl ed-dîn [*abd El-La-
tîf ebn *ezz ed-dîn] es-Sendjâry. Mais Tacte de waqf
ayant été mis au jour et stipulant que le professeur
de cette madraseh serait le même que celui de la
Mo^azzamiyeh , Chams ed-dîn [*abd Allah ebn *alâ]
el Adra^y demeura seul chargé dy professer. [Après
lui, le chaykb] Chams ed-dîn [Mohammad, hana-
fîte, connu sous le nom d'] ebn *azîz ^^®, y donna des
leçons; puis Badr ed-din el Hosayny et, de nouveau,
Chams ed-(Jîn el Adra*y.
DESCRIPTION DE DAMAS. 269
La mâdrâseh la ^ezziyeh extra mubos. — Au-des-
sus de la Wérâxfoh. Elle fut construite [et constituée
en waqf au Ghiraf supérieur, au nord de Thippo-
drome du château, en dehors de Damas] , par Témir
*ezz ed-dîn [AybekJ, ostâd ^d-cîdr (majordome) d'el
Mo'azzam, Tannée 6a6 [Comm. 3o novembre 1228).
Il fut du nombre des émirs les plus intelligents et
les plus illustres. El Mo'azzam l'ayant nommé son
lieutenant [nâîb) à Sarkhad , il se montra à la hauteur
de ces fonctions. [Lorsque es-Sâleh Ayyoûb lui prit,
Sarkhad , il lui donna (une autre place) en échange
et il demeura à Damas.] Puis il fut accusé d'entre-
tenir une correspondance avec es-Sâleh Isma^l et on
se saisit [de sa personne,] de ses richesses [et de ses
effets]. Il devint malade et tomba par terre : « C'est
ia fin de ma vie » , dit-il. Puis il ne prononça plus une
seule parole jusqu'à sa mort. Il fut enterré à Mesr, à la
porte de la victoire [bâb en-nasr)^ l'année 646^^^, et
ensuite transporté à sa turbeh (située) au-dessus de
la fVérâqah et enterré dans sa qoabbeh.
[Ebn Katîr dit sous l'année 654 : « L'émir Mozaf-
fer ed-dîn Ibrahim , fils du seigneur de Sarkhad *ezz
ed-dîn Aybek , ostâdâr d'el Mo^azzam et fondateur des
deux ^ezziyeh extra muros et intra muros pour les Ha-
nafîtes, (mourut et) fut enterré auprès de son père,
dans la turbeh qui est sous la qoabbeh, auprès de la
fVérâqah. »]
Les leçons y furent données par Ghams ed-dîn ebn
Foloûs^'-^^ [jusqu'à sa mort], puis par environ qua-
torze professeurs dont le dernier fut Ghéhâb ed-dîn
270 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
ebn el Fasîh ^^. La tnadraseh renferme une maison
(d'enseignement) de ia tradition; ebn ei MozaflFer^^*
et autres y occupèrent les fonctions de chaykh.
La madraseh la *ezziyeh intra muros. — Connue
sous le nom (de madraseh) d'el keuchk (le kiosque) ^^.
Elle fut construite par le même *ezz ed-dîn [Aybek
ei Mo^azzamy] mentionné dans le paragraphe précé-
dent. On rappelait primitivement « la maison d'ebn
Monqed ».
Sa chaire fut occupée par Madjd ed-dîn, qâdy
d'et-Toûr'^® et, après lui, par environ onze profes-
seurs dont le dernier fut Chams ed-dîn ebn el Djaw-
zy^^' [le célèbre prédicateur], puis son fils *ezz ed-
dîn Dâoûd i2«.
La ^BzzrrSH [hanaî^te]. — Dans la grande-mosquée
de Damas. Elle tire son nom du susnommé ^ezz ed-
din. Il avait bâti une madraseh à Jérusalem et stipulé
dans lacté de fondation que, tant que ia ville sainte
serait au pouvoir des infidèles, le revenu du waqf
serait affecté à la ^ezziyeh de Damas , mais que si Jé-
rusalem retournait en possession des musulmans,
c'est là que le revenu serait porté.
Les leçons y furent données , pendant que les in-
fidèles étaient maîtres de Jérusalem , par Madjd ed-
dîn, qâdy d et -Tour, et par trois professeurs après
lui. Lorsque la ville sainte eut été reconquise, la
madraseh n eut plus de revenus et ceux-ci servirent
à lentretien de la madraseh de là-bas [conformément
à la clause stipulée par le fondateur].
DESCRIPTION DK DAxMAS. 271
La madraseu la \alamiyeh. — A lest de la mon-
tagne de la Sâléhiyeh et à louest do la Maytoûriyeh.
Elle fut construite par Témir Sandjar ^alam ed-din el
Mo^azzamy [dans le courant de] Tannée 6fkS [Comm.
g novembre i2 3o).
Après le professeur Sadr ed-dtn [*aly] , connu sous
le nom d'Aboud-dalâlât [el ^abbâsy], il y en eut six
autres dont le dernier fut Charaf ed-dîn el Wâny ^^.
La madraseh la Fathiyeh. — Sur la place de
Khâled ^^^. C'est el malek Fath ed-din, seigneur de
Bârin et parent du seigneur de Hamàh, qui la con-
struisit.
[Il en construisit une autre pour les Ghâfé^tes,
ainsi qu on la vu à propos de leurs madraseh.]
Il y a apparence que ce Khâled qui a donné son
nom à la place était le fils d'Asad ebn Abî'l *aych
ebn Abri Haytam, el Badjaly, el Ghanawy^^^ émir
(gouverneur) de la Mekke pour el Walid, fils de *abd
El Malek , et pour Solaymân *^*. Selon ebn ^asâker,
sa maison à Damas est la grande maison située dans
le carrefour (mora66a*a/i) du tombeau, à proximité
du pied {el qadam) , à la maison du Gharîf ez-Zaydy.
C'est de lui aussi que tire son nom le bain^^^ qui
fait face au pont [(jantarah) de Sénân, à bâb tourna.
Les waqfs appartenant à cette madraseh sont situés
en Egypte ^*\
n (Khâled) était brave et s attirait les louanges;
mais ses dogmes religieux étaient mauvais ^^^. Il mou-
rut [en el moharram de] Tannée i 26 [Comin. 2 5 oc-
272 SEPTKMBRE-OCTOBRE 1894.
tobre 743), après avoir eu les pieds et les cuisses
comprimés , ce qui amena sa mort.
Cette madraseh eut pour [premier] professeiu*
Bahâ ed-dîn ebn ^abbâs, (P i5 v**) puis trois autres
personnes après lui.
Les vers suivants ont été composés par Farrokh-
châh :
Si tu veuK donner aux choses leurs droits et établir à sa
meilleure place le jugement de Téquité ,
Ne laisse pas égarer ton bienfait sur quelqu'un qui n'en
est pas digne ; car ton injustice consiste à mettre une chose
-ht)rs de sa vraie place.
La madraseh la Farrorhchàhiyeh. — Elle est
connue sous le nom de *ezz ed-dîn Farro'dichâh et
fut constituée en waqf par sa mère Khotlkl.ayr [Khâ-
toûn, fille d^Ibrâhîm ebn *abd Allah]", qui était fé-
pouse de Ghâhanchâh, fils d'Ayyoûb et frère de Sa-
lâh ed-dîn. Il mourut Tannée 678 ^^ et fut enterré
à l'intérieur de sa madraseh , au Charaf supérieur^
dans sa qoubbeh. A côté de la Farrokhchâhiyèh se
trouve ÏAmdjadiyeh, fondée par son fils. Les deux
collèges sont destinés aux Gbàfé^tes et aux Hana-
fîtes. Farrokh était brave, intègre, éminent et géné-
reux.
Les Hanalîtes qui y professèrent furent ^émâd
ed-dîn ebn Faklir [Ghâzy] et sept autres, dont le
dernier fut Ghams ed-dîn ebn ^-Safy [el Harîry].
Je dis : K Ij'auteur ne mentionne pas quels sont
les Ghâfé^ites qui en ont occupé la chaire; U na pas
DESCRIPTION DE DAMAS. 273
été non plus question ci-devant de ce collège, dans
le chapitre consacré aux madraseh châfé^îtes '^''. »
La madraseh la Qadjmasiyeh. — En dedans des
deux portes d'en-nasr et d'es-suâdeh. Elle fut con-
struite par [Qadjmâs] le ndîb de Syrie, el Ishâqy, el
Djarkasy (le Circassien). Etant tombé malade à la
Sâléhiyeh, dans le jardin^® debn Dalâmah, il lut
transporté ^^^ à Dâr es-saâdeh (la maison de la féli-
cité), où il mourut. Il fut enterré [auprès de sa fille]
dans sa turbeh [qu'il avait construite dans ladite
madraseh].
Le [premier] qui fut investi des fonctions de
chaykli de ce collège fut Ghams ed-dîn Abou to-
râb 140.
141 [«En doul hedjdjeh de Tannée 888 [Comm.
9 février i483) fut achevée la restauration (i;U) de
la madraseh qu'avait construite (l^yS) le malek el
omarâ 1*2 Qadjmâs el Ishâqy, contiguë à Dâr es-sa-
"^âdeh , du côté de lest , et séparée de cette dernière
par le chemin conduisant à la ^adrâwiyeh. Il en avait
fait d abord une zâwyeh et avait construit à côté une
turbeh. Puis il la transforma en madraseh, où il fit
des cellules [khalâiuy) pour les faqîrs et institua en
qualité de chaykh des professeurs de lecture (qor^â-
nique) et d'imam le grand savant Ghams ed-dîn ebn
Ramadan , le hanafîte. L'emplacement de la madra*
seh était un monticule de terre; or elle atteignit les
plus belles proportions. »
« Qadjmâs mourut dans l'après-midi (^cwr) du
IV. iS
turatiiKKia iatioxalk.
274 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
jour de jeudi 2 chawwâl de Tannée 892 , dans Tëcu-
rie [establ) de Dâr es-saâdeh, et fut enterré le même
jour, au coucher du soleil, dans le mausolée quil
avait construit contigu à sadite madraseh. Il avait
été kâfel ^^^ de la Syrie pendant six ans et huit mois. »]
La madraseh la QassA'iyeh ^**. — [Au quartier
[hâraTi) des (jassâHn (les marchands d'écuelles).]
Elle fut construite par Kholotchfth ^^^ [Khâtoûn],
fille de Kokodjâ, Tannée 5 98 [Comm» a 4 novembre
1196).
[«Jai vu écrit, dit *ezz ed-dîn (ebn Ghaddâd),
sur une pierre au-dessus de la porte de la madraseh,
que la fondatrice s appelait Fâtémah, fille de Témir
Koûkodjâ , et il en est de même dans Tacte de waqf ,
ainsi que m'en a informé l'agent {^âmel) de ce col-
lège, le qâdy Bahâ ed-dîn el Djodjayny. »]
Entre autres clauses qu'elle avait stipulées, (il
était dit que) le professeur de cette madraseh devait
être Thomme le plus savant [des Hanafîles] sur les
deux principes fondamentaux de la jurisprudence
{el aslayn) et, s'il était empêché d'y donner ses le-
çons, il serait tenu de le faire au portique [réwâq)
septentrional de la grande-mosquée de Damas.
Après Chéhâb ed-dîn ['aly] el Kâchy, il y eut'
sept professeurs qui y donnèrent des leçons; le der-
nier fut Heusâm ed-dîn er-Ràzy^*^ Quelqu'un
l'ayant vu en songe après sa mort : « Qu'est-ce que
Dieu a fait de toi P » lui demanda-t4L II répondit par
ce vers :
DESCRIPTION DE DAMAS. 275
Je n'avais d'autre intercesseur auprès de lui que ma croyance
qu'il est unique "'.
La madraseh la QâhiJriyeh. — A la Sâléhîyeh,
sur le bord du nàhr Yazîd, contiguë à [la maison
(d'enseignement) de la tradition] la Qalânésiyeh, con-
nue [acluellement] sous le nom de la khdn(jâh, sé-
parée de celle-ci par lo chemin et à Touest de [la
madraseh] la 'omariyeh.
La madraseh la Qilîdjiyeh. — (Elle est due) à
Sayf ed-dîn Qilîdj en-Noûry qui chargea par son tes-
tament [le qâdy en chef] Sadr ed-dîn ebn Sany ed-
dauleh [le châfé^îte] de la constituer en waqf, et
celui-ci la construisit après la mort du testateur,
Tannée 645 [Comm. 8 mai 1247). ^^^® renferme le
tombeau de Tauteur du waqf, mort lanilëe 643.
Elle est située au sud de la Khadrd '*®, [au sud de la
grande-mosquée omayyade,] au nord de la Sadriyeh
et à louest de la turbeh du qâdy Djamâl ed-din el
Mesry ^^^
Les [premières] leçons y furent données par
Chams ed-dîn [^aly], fils du qâdy des troupes [qdâf
Vaskar) [jusqu'à sa mort], puis par ses enfants et,
après eux deux ^^, par six professeurs.
Et-Taqy, fils du qâdy de Chohbeh, dit dans les
Annales de Vislarmsme : «*aly ebn Qilîdj ebn abd
Allah, ez-Zâhéry, le grand-émir, l'éminent, Sayf ed-
dîn Abou'l Hasan, était un émir jouissant d*une
grande considération et doué de mérite. »•
Ech-Chéhàb el Qoûsy s exprime ainsi : « Il joi-
i8.
270 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
gnait à lesprit de commandement et d'autorité la
solidité du jugement, 'aly ne marcha jamais à la
tête d une armée qu'après y avoir rétabli Tordre. Il
ma récité les vers suivants composés par lui sur la
nécessité de se garder de considérer un ennemi
comme méprisable :
Ne méprise pas un ennemi facile à aborder ; et si tu le vois
sans beaucoup de force ni de vigueur,
(Souviens -toi que) la mouche, dans le fdet tendu, par-
vient à des résultats que ne peut atteindre la puissance du
lion.
« U mourut en cha^bân de Tannée 6&3 , à Damas,
dans sa maison connue sous le nom de Dâr elfoloûs
(la maison des monnaies de cuivre), puis sous celui
de Dâr ed-dahab (la maison dor), lors de Tadminis-
tratioh de Tenkez. C'était la maison de Khâled, fils
d'el Walîd, que Dieu soit satisfait de luil
« U avait bâti à côté de sa demeure, dans la di-
rection du nord, une madraseh pour les Hanafités
et une qoubbeh où il fut enterré. Collège et turbeh
ont été ruinés durant la guerre de Tamerlan ^^^ et la
madraseh n'a pu (fol. 16 r**), faute de waqf, être re-
construite. Il m'est revenu que tout son waqf consis-
tait en une maison [mosaqqaf) située dans l'intérieur
de la ville ; or elle fut brûlée au milieu de ladite
guerre. »
Je dis : « Elle fut la proie des flammes pendant
la guerre du Boiteux (Tamerlan) , l'année 806 {Gomm.
a 1 juillet 1 4o3), et elle resta un monticule de terre
DESCRIPTION DE DAMAS. 277
«
jusque vers Tannée 924 {Comm. i3 janvier i5.i8).
A cette date, Dieu lui destina un homme de bien
qui s occupa deiie : Mohammad Djéléby, qâdy de
Syrie et fils du moufty de l'époque Abous-so^oûd,
lui consacra cent sidtanins^^^ pour transport de terre,
confection de briques et relèvement de quelques-
uns des arceaux et des pieds-droits. L'œuvre, de re-
construction fut arrêtée pendant des années. Puis
notre maître le très docte, ie savant, le dévot, ie
ferme croyant fils du ferme croyant, le chaykh
Ahmad, fils du chaykh Solaymàn, éprouva un vif
désir ^^^ de quitter sa zâwyeh trop étroite , et sa mai-
son au quartier (mahalleh) de la Chélâhah, pour la
madraseh et de reconstruire celle-ci. Il y dépensa de
fortes sommes de ses propres deniers et fut aidé
dans cette entreprise par les plus grands personnages
du royaume. On en apporta les bois de forêts du
sultan , dont la mère contribua de sa fortune à l'œuvre
du chaykh Ahmad. La madraseh fut achevée et at-
teignit la perfection comme beauté , vastes dimensions
et bénédiction. On y célébra les prières [adkâr) bénies ,
durant les nuits des fêtes consacrées, aux anniver-
saires de la naissance du Prophète et dans les réunions
utiles aux grands et au vulgaire. Cet événement eut
lieu vers l'année 9 7 o ( Comm, 3 1 août 1 5 6 2 ). £f Dieu
ne laisse pas perdre la récompense de ceax qui font le
bien '^*. »
La madraseh la QaymAziyeh ^^^. — En dedans
des deux portes d'e/i-iwwr et d'elfaraÂj. Elle fut con-
278 SËPTEMBRE-OGTOBRE 1894.
struite par Sârem ed-dîn Qaymâz en-Nadjmy ^^, qui
mourut Tannée 596 [Gomm. 28 octobre iigg^^"');
il était chargé des affaires ^^ du sultan Saiâh ed-din
et, toutes les fois que ce prince faisait la conquête
dune ville, il la lui remettait pour y établir Tordre.
Il faisait de nombreuses aimiônes : il distribua en un
seul jour sept mille dinars, déclarant que c^était une
dette qu'il avait envers Dieu, qu'il soit exalté ! Il était
renommé pour sa bienfaisance et aimait à acquérir
des titres de gloire en ^^^ bâtissant des hospices {robt)
et des ponts [qanâier^^). Sa maison, dans laquelle il
avait un bain, est Técole actuelle (d enseignement)
de la tradition YAchrc^eh. Elle fut achetée par el
malek el Achraf , qui en fit la maison (d enseignement)
de la tradition, et détruisit le bain, qu'il transforma
en habitation pour le chaykh chargé (jiy professer.
[Quand Qaymâz eut été enterré] , comme on le soup-
çonnait (de posséder) de grandes richesses, on fouilla
ses maisons et ses magasins (hawâsel) et on en retira
des sommes innombrables; souvent aussi il avait en-
foui de Targent, en terre, dans ses boui^s (àyâ^) et
ses villages [qora).
Après Hamid ed-dîn es-Samarqandy, sept profes-
seurs donnèrent des leçons à la Qaymâziyeh. Le der^
nier d entre eux fut *émâd ed^in et-Tarsoûsy ^*^
La madraseh la Morchédiyeh ^^^. — Sur la ri-
vière Yazîd^^^, à la Sâléhiyeh de Damas, dans levoi-:
sinage de la maison (d'enseignement) de la tradition
VAckrafiyeh. Elle fut construite par la fiUe d'[el ma-
DESCRIPTION DE DAMAS. 279
lek] el Mo^azzam Charaf ed-dîn *ysa, fils d'[el malek]
el *âdel, Tannée 654 [Comm. 3o janvier 1 356).
Ebn Chohbeh dit : « Le nom de cette princesse
est Khadîdjah, fiiie de! malek el Mo^azzam, fils de!
*âdel, et sœur germaine den-Nâser Dâoûd^^*. »
Suivant Tâdj ed-dîn ebn ^asàker, « son père lavait
mariée à Khowârezm Ghâh, qui ne consomma pas
le mariage. Elle mourut au jardin de la Mârédâniyeh
en djoumâda a** de Tannée 6 5 o ( Comm. 1 4 mars i a 5 a)
et fut enterrée dans sa turbeh quelle avait construite
dans le voisinage de celle du chaykh el Faranty, à la
montagne (du Qâsyoûn). »
Ed-Dahaby, dans les Annales de Vùlamisme, s'ex-
prime ainsi : «*aly el Faranty, homme vertueux,
doué d'une grande puissance, auteur de prodiges,
adonné à des exercices spirituels et à des actes de
dévotion ^^^. Il avait des disciples et des aspirants
[mourîdoûn) et possédait une zâwyehau penchant du
Qâsyoûn. » Puis il raconte de lui des anecdotes qui
prouvent sa sainteté [wélâyeh). Le chaykh *aly mourut
en djoumâda 2^ de Tannée 621 et fut enterré .au
Qâsyoûn. On a construit sur son tombeau un dôme
[qonbbeh),
La Morchédiyeh eut pour [premier] professeur
Chams ed-dîn ebn ^atâ el Adra^y ^^^; (fol. 1 6 v") puis,
après lui , quatre autres dont le dernier fut Chams
ed-dîn el Harîry.
La madraseh la Mo'azzamiyeh. — A la SMéhiyeh,
sur le penchant ouest du Qâsyoûn , dans le voisinage
280 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
de la madraseh la ^azîziyeh. Elle fut construite par
el malék elMoV-zam*ysa, fils d'el*âdel, hanafîte ^®'',
né au Caire Tannée 678 [Comm. 7 mai 1 182); sui-
vant Tauteur du Miroir da temps ^ il naquit Tan-
née 576. Il apprit par cœur le Qorân, commenta
le Djâni^ el kabîr^^ et autres ouvrages, et composa
de bons vers. H n'avait pas son pareil pour Thumilité;
souvent il s'en allait à cheval tout seul, et sçs troupes
le rejoignaient. Il était très bienfaisant. Sachant par
cœur le Mofass al ^^^, il faisait cadeau de trente dinars
à quiconque avait appris cet ouvrage. Un auteur
rapporte qu'il affecta cent dinars à ceux qui connaî-
traient le Mofassal par cœur, deux cents dinars à
ceux qui auraient appris le Djâm/ el kabir, et trente
dinars à ceux qui auraient retenu Ylydâli^'^^. 11 fit le
pèlerinage en Tannée 621 ^''\ renouvela les bassins
et les citernes, et répandit de nombreux bienfaits
sur les pèlerins. Il bâtit le rempart de Damas ^^'-^ et
la rotonde [târémah) qui surmonte la porte nommée
bâb el djadîd (ou el hadid). Il bâtit à Jérusalem une
madraseh ^"^^ et auprès de DjaYar et-tayyâr^^* une
mosquée; à Maan^*^^, une maison hospitalière [dâr
madîf) et deux bains. Il avait résolu de rendre plus
facile la route des pèlerins , et de bâtir à chaque sta-
tion (*lw) un lieu d'abri [makân^'^^).
El Mo^azzam mourut Tannée 626 ^'^, après avoir
régné à Damas neuf ans et quelques mois. Il frappait
la monnaie au nom de son frère el Kâmel. Malgré
qu'il eût exprimé dans son testament son refus d!être
enterré dans la citadelle, c'est là qu'il reçut ia sépul-
DESCRIPTION DE DAMAS. 281
ture; mais el Achraf len relira et lenterra au pen-
chant (du Qâsyoûn), auprès de sa mère ^'^^, confor-
mément à ses dernières volontés. Sa translation de
la citadelle eut lieu la nuit du (lundi au) mardi
1**^ moharram de Tannée 627 (Ma, 20 novembre
J229).
Ce prince récitait beaucoup les deux vers sui-
vants :
Souvent le grain de beauté qui orne les joues couleur de
rose de la jeune 611e au corps flexible a , tant il est gracieux ,
répandu sur elle une beauté génércde.
Vile a enduit de collyre ses yeux dont les paupières sont
d'une nuance naturellement brune comme lui "'. Elle m'a
donné à boire, dis-je, le glaive qu'elle avait empoisonné.
Madjd ed-dîn, qâdy d et-Toûr, y donna des leçons
[jusqu'à sa mort] et, après lui, dix professeurs dont
le dernier fut Charaf ed-dîn el Adra^y.
La madraseh la Mo'îniyeh ^^^. — Au chemin qui
conduit à [la madraseh] la ^osroûniyeh [châfé'îte],
i\u château fort des Taqafîtes [hesn et-taqafyîn). Elle
fut construite [dans le courant de Tannée 555] par
Mo'în ed-dîn Anar i«i, [qui était] l'atâbek de Madjd
ed-dîn, fils du seigneur de Damas. Il mourut fan-
née 544 ou, a dit quelqu'un. Tannée 555, et fut
enterré dans la qoubbeh de la turbeh ^^^ de la
'^amniyeh, au nord de la maison des pastèques [dâr
el bettikh) ^^\
La Moiniyeh eut poui' professeur Rachid ed-dîn
el Ghaznawy [jusqu'à ce qu'il y mourut], puis, après
282 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
lui, onze autres dont le dernier fut Nadjm ed-dîn
en-No'mâny ^*^.
La madraseh la Mârédâniyeh. — Sur le bord du
nahr Tawra, contiguë au pont blanc [à la Sâléhiyeh] ;
elle est connue. Elle fut construite [dit le qâdy *ezz
ed-dîn el Halaby] par ^azîzat ed-dîn Akhchâourâ ^^^
Khâtoûn, fille del malek Qotb ed-dîn, seigneur de
Mârédîn, et épouse del malek el Mo^azzam, en fan-
née 610. [La constitution en waqf eut lieu Tan-
née 624. Je pense que Qotb ed-dîn Mawdoûd, fils
de latâbek Zenky et frère de Noûr ed-dîn le martyr,
était son père. Dieu est plus savant!]
[On a trouvé comme faisant partie de son waqf
en Tannée 820, d après Tenquête faite par Sîdy Mo-
hammad ebn Mandjak, en-Nàséry : un jardin voisin
du pont blanc; un autre jardin voisin de ladite ma*
draseh ; le nombre de trois boutiques au pont précité
et aussi les enclos avoisinant le collège.]
Une des clauses portait que le professeur de cette
madraseh ne pourrait Têtre d une autre.
La Mârédâniyeh renferme le tombeau de Témir
Sayf ed-dîn Achank, fils d'Azdémir ^®^, qui mourut
le jour de vendredi ao djoumâda 1" de Tannée 816
(V, 1 8 août 1 4 1 3). Le nâîb Noûroûz el Hâfézy et les
émirs assistèrent à ses funérailles. Son frère acheta
des biens qu'il constitua en waqf en faveur de [deux]
lecteurs chargés de lire le Qor an auprès de son tom-
beau et pour la fondatrice de ce collège en Tannée
6a4'. C est ce qua mentionné ebn Ghaddâd.
DESCRIPTION DE DAMAS. 283
Et il acheta pour la madraseh des tapis et se ren-
dit plusieurs fois à son tombeau.
^*^ Quant à la fondatrice de ce lieu [makân), elle
ny fut pas enterrée parce que, après la mort d'el
Mo^azzam , elle revint à Mârédîn , selon ce que nous
apprend ebn Ghohbeh. Un auteur dit qu elle fit le
pèlerinage et demeura fixée à la Mekke où elle finit
par tomber dans la misère , sans qu'il lui restât rien
de sa fortune. Elle devint porteuse d'eau. Quelqu'un
qui l'avait "connue alors qu'elle était à Damas, ayant
passé près d'elle, la vit dans cet état. A son retour
à Damas, il informa l'administrateur des waqfs de
la princesse, chargé de leur entretien. Celui-ci réunit
une somme et la lui envoya. (F° 171^.) «Qu'est-ce
que cet argent ? » demanda-t-elle. On lui répondit :
« Il provient de votre waqf. » Elle répliqua : « Ce
dont j'ai fait l'abandon à Dieu, je ne le reprendrai
pas. » Puis elle rendit la somme, en ajoutant : « Don-
nez à chacun ce à quoi il a droit. » Que Dieu lui
fasse une large miséricorde !
La chaire (de la Mârédaniyeh) fut occupée par
es-Sadr el Khélâty, puis par environ dix autres pro-
fesseurs dont le dernier fut Tâdj ed-dîn el Mârédâny
et ensuite son fils Zayn ed-dîn ^®^.
Le waqf existant actuellement comprend : le jar-
din supérieur des Mohammadiyât ^^^, le jardin infé-
rieur desdites, le loyer [hahr) de la terre du pont
hlanc et de la terre d'^î djanâîn , qui est sise au pont
blanc. Cela est connu (et extrait) du registre de la
comptabilité.
284 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
La madraseh la Moqaddamiyeh intra muros. —
En dedans de la [nouvelle] porte d'el farâdîs. Elle
fut construite par Témir Chams ed-dîn Mohammad
ebn el Moqaddam ^^, pendant le règne de Salâh ed-
dîn. C'est lui qui livra Sendjâr à Noûr ed-dîn; puis
il devint maître de Ba^lbakk. Après être resté quelque
temps en révolte contre Salâh ed-dîn [quilassiégea],
il fit la paix avec ce prince ^^^ et exerça en son nom
les fonctions de nâïb à Damas. 11 était plein de bra-
voure et de courage et assista à diverses conquêtes ^^.
Il fit le pèlerinage. Quand il fiit descendu à Wafàt ^^^,
il arbora Tétendard du sultan Salâh ed-dî» el fit
battre les timbales ^^^. L'émir (chef) du pèlerinage
du'îrâq, (Moudjîr ed-dîn) Tâchtékîn ^^^, lui repro-
cha cet acte en disant : « On n arbore sur nos têtes
que Tétendard du Khalife. » Une mêlée eut lieu et
nombre de gens des deux partis furent tués. Ghams
ed-dîn, atteint dans Toeil par une flèche, tomba à la
renverse et mourut dès le lendemain à Mina, où il
fut enterré, Tannée 583 [Comm. 12 mars 1 187)^^^
Es-Salâh es-Safady dit dans la Tohfah dawy'l albâh ^^"^
qu il mourut l'année 58^. « En apprenant cette nou-
velle , le sultan le pleura et fut très affligé de sa mort. »
L'émir possédait la grande maison située en de-
dans de bâb eljarâdîs et à côté de laquelle se trouve
la madraseh la Moqaddamiyeh. La maison devint
plus tard la propriété du seigneur de Hamâh; puis
celle de Qara Sonqor [el Mansoûry, et ensuite celle
du sultan el malek en-Nâser]. Actuellement elle est
dans les mains de ses enfants. On lui doit aussi une
DESCRIPTION DE DAMAS. 285
turbeh , une mosquée et un kliân ^®* ; tout cela est
[connu} en dedans de bâb elfarâdîs^^^.
Je dis : « La grande maison a été transformée en
un grand nombre d autres qui sont celles connues
maintenant sous le nom de bawwâbeh^^ khawctnd^^^
(le portail de la princesse) et sont devenues le waqf
de la princesse. Dans la suite, une partie a formé
des propriétés particulières et lautre est restée à la-
bandon. 11 serait trop long de donner des explications
à ce sujet ^^^. »
Faklir ed-dîn ei Ghâdy^®^ [hanafîte] donna des
leçons à cette Moqaddamiyeh; il y eut pour succes-
seurs environ dix-sept professeurs dont ïe dernier
fut Chéhâb ed-dîn ebn Khedr^®^, puis el Badr el
Ghazzy, puis Nadjm ed-dîn Mohammad el Bahnasy,
puis le fils de Mohebb ed-dîn , puis le chaykh Ahmad
el Akram, puis son fils le chaykh Ahmad ebn el
Akram.
A ladite madraseh est attachée ime charge de
chaykh des professeurs de lecture (qoranique); elle
fut dévolue à Chéhâb ed-dîn el Kafry.
La madraseh la Moqaddamiyeh extra muros. « —
En face de la iîo/cmjefe, au penchant du Qâsyoûn, [à
Test de la Sâléhiyeli]. G est [une autre que] la turbeh
debn el Moqaddam. Elle fut construite [en effet]
par Fakbr ed-dîn, fils de fémir Chams ed-dîn ebn el
Moqaddam dont il vient d'être question à propos de
la madraseh précédente 2®^.
La chaire en fut occupée [en premier lieu] par
28fr SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
Nadjm ed-dîn ebn Faklir ed-dîn el Ghâdy. Puis les
enfants du fondateur se rendirent les maîtres du col-
lège et pendant un certain temps les leçons fui'ent
abandonnées. Après cela, es-Safy [Yahya] el Bos-
rawy y professa , puis quatre autres dont le dernier
fut Fakhr ed-dîn Aboul Walîd^o^.
Le waqf constitué en faveur de cette madraseh
consiste en des maisons ^^"^ connues à Hamâh; celui
de la précédente comprend el Mohammadiyah et
Djesrîn, dans la Ghoûtah de Damas.
La mâdraseh la Mandjakiyeh [hanapîtb]. — Au
Khalkliâl^os, au sud-ouest de la Soâfyeh. Elle fut con-
struite par Témir Sayf ed-dîn Mandjak el Yoûséfy,
en-Nâséry, un des mamloûks de [en-Nâser] Moham-
mad, fils de Qalâoûn. Il constitua en waqf à cette
madraseh son bain connu , le four à côté et le loge-
ment [rab^) qui les surmonte, en Tannée -776 [Comm.
1 1 juin 187 4). Il fut enterré dans sa turbeh qu'il
avait construite auprès de la citadelle de la mon-
tagne ; il était âgé de soixante et quelques années. Il
fut investi de la charge de chambellan en chef [M-
djeb el hodjdjâb) à Damas 2®®, puis de celle de com-
mandant à Mesr et des fonctions du vîzirat. Quelque
temps après il fut emprisonné, (f^ 17 V*) puis relâ-
jjjj^aio pt chargé de la lieutenance {nyâbeh) de Tri-
poli^", puis de Halab^^^, [puis de Damas,] ^^' puis
de Safad^^^. Mandé ensuite [un mois après] à Mesr*^*,
il reçut la lieutenance de cette ville et la conserva
jusqu'à sa mort^^^. C'était un des grands person-
DESCRIPTION DE DAMAS. 287
nages les plus considérés et jouissant de ia confiance.
Il avait une renommée ancienne et un mérite supé-
rieur; il éleva des monuments de sa piété et répandit
des aumônes. Ayant trouvé un des cheveux du Pro-
phète, que Dieu le bénisse et le salue! il le portait
constamment sur lui. Il était très accueillant, surtout
pour les gens de science.
La Mandjakiyeh eut pour professeur Djamâl ed-dîn
ebn el Qotb 2", puis Charaf ed-dîn el Antâky^^*, puis
son fils et ensuite Qawàm ed-dîn ie Persan ^^^.
La madraseh la Maytoûriyeh. — - A i est de la
montagne de la Sâléhiyeh. Elle fut constituée en waqf
par Fâtémah Khâtoûn, fille de Salâr, Tannée 629
[Comm. 29 octobre i23i). Le Maytoûr oriental fait
partie de son waqf. Elle était située entre le Qâ-
boûn 220 et la Sâléhiyeh , et fut détruite. On acheta à
sa place un endroit à la Sâléhiyeh , où fut érigée une
madraseh pour la remplacer. Celle-ci se trouve [dans
la ruelle] devant la [porte de la] grande-mosquée el
Mozafféry, [du côté de Touest] à proximité de la tur-
beh la Sdrémiyeh.
[Le Maytoûr^^^, dit ebn Ghaddâd, était un champ
{mazraah) appartenant à Yahya ebn Ahmad ebn Ya-
zîd ebn el Hakam; il habitait Arzoûna^^, qui est le
Maytoûr oriental. Ce Maytoûr constitue le waqf de
ladite madraseh.]
Hamîd ed-dîn es-Samarqandy, puis son fils Mohiy
ed'dîn [et ensuite Mojiiy ed-dîn Ahmad] ebn *oq*
bah 2^* y donnèrent des leçons.
i
288 SEPTKMBRE-OCTOBHK 1894.
La madraseh dans la maqsourah hanafite. — Le
waqf constitué en sa faveur tire son nom du qàdy
Fakhr ed-dîn^ l'écrivain des mamioûks^^*.
Je dis : « Peut-être se trouve-t-elle dans ia grande-
mosquée omayyade. »
Jjes leçons y furent données par le qâdy Ghéhâb
ed-dîn , fils du qâdy d el Hesn.
La madraseh la Grande Noôriyeh^^. — Aux
Khawwâsin ^^^. Elle fut construite par el *âdel Noûr
ed-dîn le martyr Mahmoud, Tannée 563 [Comm.
1 7 octobre 1 1 67). Le vrai est qu elle le fut par son
fils es-Sàleh Isma^il; il transporta ensuite à la Noû-
riyeh, dès quelle fut achevée, le corps de son père
qui avait été enterré à la citadelle. C'était une partie
de la maison d'Héchâm, fils de ^abd El Malek [fils
deMarwân]22;.
Elle eut pour [premier] professeur Bahâ ed-dîn
[ebn] el ^aqqâd^^* et, après lui, trois personnes. Puis
Djamàl ed-dîn el Hasîry^^^, le savant célèbre, fut
investi de ces fonctions Tannée 611. En cette an-
née, on se mit à daller la grande -mosquée omay-
yade; les dalles de marbre qui en recouvraient le sol
s étaient brisées et il était plein de creux.
El malek el Mo^azzam prenait des leçons de lec-
ture (qor ânique) d el Hasîry. Celui-ci était originaire
d un village appelé Hasîr, dans le pays de Nédjâr.
11 mourut âgé de quatre-vingt-dix ans. Il y eut une
telle foule autour de son cercueil qu on le porta avec
les doigts. Il fut enterré au cimetière (maqâber) des
DESCRIPTION DE DAMAS. 289
Soûfys. Que Dieu recouvre sa tombe de sa grâce et
de sa faveur! Son fils Qawâm ed-dîn^^® lui succéda,
puis le frère de ce dernier, Nézâm ed-dîn^^^ et en-
suite cinq professeurs dont le dernier fut Chams ed-
dîn es-Safady^^^.
Quand la construction (ijU) de cette madraseh
fut achevée, le poète Wqalah^^ composa ces vers :
Une madraseh dans laquelle il sera donné des leçons de
toule chose et qui restera sous la protection de la science et
de la piété.
Sa renommée s*est répandue à TOrient et à TOccident
par Noûr ed-dîn Mahmoud , fils de Ze^ky
S34
Mahmoud le martyr naquit à Halab le jour de
dimanche 17 chawwâl de Tannée 5ii (1 i février
1118). Il était le plus équitable des souverains de
son temps, le plus ardent champion de la guerre
sainte , le plus avide du bien et le plus religieux de
tous. Le [prince (o^y?^')] d'Antioche étant venu (lui
livrer bataille), il le tua^^^.
Il rétablit la sonnah^^^ à Halab et changea Tinno-
vation introduite dans Tappel à la prière ; il dompta
les hérétiques [er-râfédah) et assiégea Damas deux
fois sans pouvoir s'en emparer. Puis il se dirigea une
troisième fois vers cette ville et s en rendit maître
par capitulation le jour de dimanche 10 safar de
Tannée 6^9 (28 avril 1 1 54) ^^''. 11 en mit les affaires
en ordre et en fortifia les remparts.
Noûr ed-dîn était brun, grand, d'un bel aspect, et
n'avait au visage d'autres poils que ceux du menton.
IV. 19
l)ir*l«m*IB BATIOIIALI.
100 SËPTEMBRfi-OCTOB&E 1804.
Il bâtit des madraseh et des mosquées , défendit de
percevoir les inipx)sition8 [maghârem) qa*on exigeait
à Damas à ia maison des pcLStèqaes et [à celle] des
moutons , ainsi que iti ferma dû mois [daman ech-chahr)
et du mesurage (*JLi3l), et abolit Tusage du vin* fi
constitua en waqf Thôpital [dâr ech-chéfâ), bâtît des
ponts, acheva les murailles {(bl. î8 r°) de Médine,
dégagea la source [qui est] à Ohod^^* [et que les
torrents avaient comblée] et légua en Wàqf aux gens
de science un grand nombre de livres. Il défit au*
près de Hârem les Francs qui étaient ou nombre de
trente mille et purgea TÉgypte des hérétiques (cr-ro-
wâfed). Ce prince était avide de se procurer des
livres et lisait beaucoup. Il bâtit à Mosoul une grande-
mosquée pour laquelle il dépensa soixante-dix mille
dinars» Il se nourrissait du produit de son travail
manuel. Il mourut d*une esquinatioie [el J^awânUf)
le jour de mercredi 1 1 chawwâl 569 (1 5 mai 1 1 7&)«
Au commencement de sa tnaladie, les médecins lui
avaient conseillé la saignée , mais il refusa et , ûûmme
il était très redouté ^ on n*in^ista pas.
A la mort de Noùr ed-dln , el ^émftd el kdteb récita
ces vers i
0 roi dont les jours furent constamment, à cause de son
mérite , parfaits et glorieux t
Les océans de la libéralité qui débordaient et 86 répan-^
daient partout ont baissé depuis que ton doigt est devenu
invisible.
Ton royaume d*ici-bas que tu possédais, tu Tas laissé, et
tu es parti pour entrer en possessioti de la vie future '^.
DESCRIPTION D£ DAMAS. SOI
I] composa aussi les vers suivants : ,
Je m*ëtonne de la mort. Comment est-elle venue vers un
souverain au milieu de sa cour royde '** ?
Et comment la spbère céleste qu! tourne a-t-eHe fait
halle sur la terre, puisque la terre. est le centre de la sphère
céleste P
La madkaseh la Petite Noôriyeh [hanaf!tb]. —
En face de 2*1 la citadelle de Damas. Elle eut pour
fondateur Noûr ed-dîn dont H vient d*étte parié.
Bahâ ed-din *abbâs y donna des leçons, [C*est le
seul que Ton connaisse, dit ebn Chaddâd, depuis le
règne de Noûr ed-dîn jusqu*à celui ^d'el malek el
Achraf, comme y ayant professé; il é!ait khatib de la
grande-mosquée.] Après lui, elle eut neuf profes-
seurs dont le dernier fut ^émâd ed-dîn et-Tarsoûsy ^*^.
La biadraswb l YAOHBfoÛRiYSH* <• — A la Sâléhiyeh*
Elle parait avoir été constituée en waqf par Djamàl
ed-dîn Moûsa ebn Yaghmaiir, el Yâroûqy^^^^un de«
notables émirs. Il fut investi de la lieutenanoe (nyâ*
beh) de Mesr, puis de celle de Damas«
Je DIRAI : « Elle se trouve sur le chemin [selAêh),
à louest de la Saléhiyeh, près du kbân publie (khiti
eS'Sabîl)f du côté sud-ouest, n
Je n'ai pu découvrir la biographie de son fonda«
teur ; mais ed-Dahaby dit dans les ^ébar, sous i année
663 î « Djamâl ed-dîn ebn Yaghmoûr, el Yâroûqy,
naquit dans le Sald Tannée 599. C'était un des no*^
tables émirs. H fut investi de la lieutenance de Mesr
et de celle de Damas. Il mourut en cha'bfln. »
19.
292 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
Voici Qe que rapporte ebn Katîr sous Tannée 6 4 7 ;
« Le 1 G safar, Témir Djamâi ed-dîn ebn Yaghmoûr,
nâib de Damas au nom des-Sâleh Ayyoûb^**, fit son
entrée dans cette ville. Il descendit à la rue [darb)
des cha^ârîn, en dedans de la porte dVi Djâbyeh et,
en djoumâda 2^, ce nâib ordonna de démolir les
boutiques récemment élevées au milieu de la porte
d'el barîd; il défendit d'en laisser aucune sauf celles
qui se trouvaient des deux côtés de la porte, à côté
des murs sud et nord. Tout ce qui existait au milieu
fut démoli. »
«El ^àdel, dit Âbou Ghâmah, avait détruit ces
boutiques, puis on les avait reconstruites. Ensuite
ebn Yaghmoûr les démolit. [11 faut espérer qu'elles
resteront en cet état.] » Il ajoute : « En cette année,
eii-Nâser se mit en route d'el Karak pour Halab.
Aussi es-Sâleh Ayyoûb envoya-t-il à son nâïb à Da-
mas, Djamâi ed-dîn Yaghmoûr, Tordre de détruire
la maison d'Osâmah , à laquelle en-Nâser avait donné
son nom, et son jardin (situé) au Qâboûn, et qui
était le jardin du château. Il lui enjoignit den couper
les arbres et de démolir le château. »
Cette madraseh ÏYdghmoûriyeh comprend un ha-
ram avec deux fenêtres donnant sur la rivière Yazid
et ime porte qui s ouvre vers le nord et devant la-
quelle sont trois arcades [qanâter). A Torient sont
deux petits iwân. Dans la même direction se trouve
im puits dont Teau est très utile aux habitants lorsque
la rivière ne coule plus, et au nord de ces arcades
passe ie chemin public. La madraseh avait été con-
DESCRIPTION DE DAMAS. 2W
_ *
stamment fermée. On dit que son inspecteur [nâzer)
Chéhâb ed-dîn Ahmad ebn Karkar y vit en ce temps-
làun 2*^(?) (foi. 1 8 v**); puis lorsque notre chaykh
ie grand savant Ghams ed-dîn Mohainmad ebn KdL-
madân24<5, le hanafîte, habita ce quartier [mahalleh),
elle fut ouverte et il y donna les leçons; mais, à sa
mort, elle fut cadenassée^*''. »
NOTES DU CHAPITRE IV.
^ Le copiste a écrit JCaJL^ au lieu de tUxxf.
^ Cette inscription existe encore. Voir ci-devant, chap. ni, n. 5o.
^ Il était hhatib de la citadelle.
^ **" Cf. G. Flùgel , Die Classen der Hanejitiscken Rechtsgelehrten ,
p. aSi.
* Au lieu d'e/ Maytoàriyeh, B porte el May tour,
^ Cette date , fournie par ebn Chaddâd , est évidemment erronée.
— Eh-No'aymy nous dit à la ligne suivante que, d'après ebn Kalîr,
en l'année 6i5, d maiek ei Mo'azzam ('ysa) confia l'inspection de
la turbeh la Badriyek [située] vis-à-vis de la madraseh la Chebliyeh,
auprès du pont qui se trouve sur la Tawra et qu'on appelle le pont
de Kohayl, à Badr ed-dîn Hasan ebn ed-Dâyah, de qui la turbeh
tire son nom.
® Il est fait mention de Badr ed-dîn Hasan ebn ed-Dâyah, sous
Tannée 670, dans les HisU or, des Crois,, III, p. 58 et 699. Liii et
ses frères étaient ainsi appelés parce qu'ils étaient les fils de la noor'
rice [dâyah) de Noûr ed-dîn.
' Le copiste de N écrit c^U J) c»^^ ! — L'auteur du Miroir du
temps traitant des hommes illustres, en vingt volumes environ, le
chaykh Abou'l Mozaffer Yoûsef ebn Qizoghly, connu sous le nom de
Sebt ebn el Djawzy, mourut en l'année 654 (Comm, 3o janvier i356].
Cf. H. Khal., V, p. 48i. — Chams ed-dîn Yoûsef portait le nom
d'ebn Qizoghly, c'est-à-dire i petit-fils de la fille». On le nommait
aussi le Sebt, parce qu'il était fils de la fille d' Abou'l faradj *abd
Er-Rahman ebn el Djavirzy, célèbre docteur hanbalîte, qui mourut
S04 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1804.
à Baghdàd Tan 697 (1201), Voir BiographicaL dictionary, II « 96. et
I, 439 [HisU or. des Crois,, I, tx). • — Es-Sebj ebn el Djsiwiy jouit
de la faveur des princes Ayyoûbîtes. Chaque samedi au point du
jour il donnait une séance de prédication auprès du pilier où se
tiennent aujourd'hui les prédicateurs, auprès de la chapdle sépul-
crale de 'aly« fils d'el Hosayn , fils de Zayn el *âbédîn. Les gens pas-
saient la nuit du (vendredi au) samedi dans la grande-mosqu^ et
laissaient leurs jardins pendant Tété, afin d'entendre sa conférence
(mCéid); puis ils se dépéchaient de retourner à leurs jardins, Q pro-
fessa à la *ezziyeh extra maros (sic) que construisit Témir 'ezz ed-dîn
Aybek el Mo'azzamy et qui était connue sous le nom de maison
d'ebn Monqed. Es-Sebt donna aussi des leçons à la Chebliyeh, qui
est située à la montagne , auprès du pont de Kohayl « et il fut chargé
de la Badriyeh, qui est en ftce, et où il habitait* Il mourut la nuit
du (lundi au) mardi ai dou'l hedjdjeh de Tannée 654 (Ma, 9 jan-
vier 1 257)[N, f° 142 v^-iia r"]" ^ Cf. G. Flûgd, looù cit., p. 324.
* §afy ed-dîii Yahya ebn Faradj ebn- 'attâb, hanafîte, el Bosrawy,
connu sous le nom d'el asonad (le noir), y profisssait encore en Tan-
pée67'4 (N,f i43v«).
' Chams ed-din ebn Djabrîl fut enterré au mont Qâsyoùn, dans
la turbeh du chaykh Mowaffeq ed-<lîn. U avait à la Sâléhiyeh nne
çhaiire dans une petite madraseh connue tous le nom de la Badriyeh
et stationnait sous les Heurei avec les témoins, R demeurait à la
Ih&nqâh d'ech-Chanbâsy, au quartier (hàrah) d'W halàtak, où il
mourût (N, f*i 43 v").
w Qor'ân, U, i5i.
^1 ff Poilu i et «ach*arîte». ^" Aboul Hasan 'aly d Ach'ary, iefon*
dateur de la secte des Ach*arîtes, naquit à el Ba^rah en 270 (883*
884) et mourut à' Baghdâd entre Tannée 33o et 34o (941-952).
£1 Ach*ary signifie descendant d'Ach'ar, dont le vrai nom était Nabt,
fils d'Odad, fils de Zayd, fils d'Yach{iob; il fut surnommé tl o^^'iir
(le poilu) parce qu'il vint au monde le corps couvert de poils (Bùh
grapkieal dietionary, II, 227-228). — Cf. G. flûgd, loco eit,, p. 294.
^ Je ne trouve rien dans la biographie d'ebn Taymiyèh d i}ar«
râny, connu sous le nom de Fakhr ed-dîn (Mùgraphical dictUmaty,
m, 96-98), qui puisse édaircir ce passage. Ebn Taymiyèh mourut
à Harrân en 621 (1224) ou, suivant un autre auteur, en 629. **- Le
père d'es-Sebt ebn el Cj'awzy .descendait aussi de la tribu de Taym. »«-
Le récit de Taqy ed-dîn , fiU du qâdy de Chohbeh, est ainsi rapporté
dans N, T 225 v'^-aaô r° i cibrâbîm ebn Blo^ammad ebn Abi Bakr
DESCRIPTION D£ DAMAS. 105
ûhn Ayyoûb, ie cbaykh Borhân ocl-^« fils du chtyib Gkiimt td*
dîn, connu sous le nom d'obn «/ m«gfjm (lis«g : d 9<tx^m), avait des
réponses sans répliqite. Une discussion s'étant élevée dans une réu-
nion entre lui tt ebn Katîr, cdui-ei lui dit i tToi, tu me détestes,
• parce qu9 je suis a(À*ary, » -^ i Lors même, luirépondit*il, que tu
• serais couvert de poils depuis la tête jusqu'aux pieds, personne
• n'ajouterait foi à ton assertion que tu es wlCary (ach*arlte).» -^
Borhân ed-din mourut le jour de vendredi, commencement de sa&r
de l'année 767 (V, 17 octolire i365, caL astr.), dans son jardin à
el Mexseh.
)3 Ce compagnon du Prophète fût investi des fonctions de qâdy à
Damas sous le kludifat de 'otmân en Tannée 3i ou 3a. B mourut
deux ans avant ce khalife. Son tombeau et celui de son épouse 0mm
ed«Dardâ la ftttite (Hodjaymah), à bâb êi'tagkir, sont célèbres à
Damas (Ën^Nawawy, 7i3 et 869 ) Oiod 9I gkàbah, IV, 189, et V,
18Ô).
, 1* Ë4-{^baby dit dans les 'ébar, sous Tannée 548 : • Abou'l Hasan
'aly ebn el Hasan, le hanafîte, le prédicateur, Tascète, professa à la
Sàdériyéh: puis la maison de Toûghân fut trans&rmée pour lui en
madraseh. Il portait le titre honorifique de Borhân ed-dîn. fl avait
aussi donné des leçons à la mosquée de Khâtoûn. Sa madraseh
était à Tin teneur de la Sâdériyeh, • Ëd-Pahaby dit aussi dans V Abrégé
de l'Histoire d^ l'islamiime , sous la même année 548 : c Le chaykh
des Hanafites Borhân ed-din 'aly ebnjel Hasan, el Balkhy. le prédica-
teur, professeur de la Sâdériyeh, a donné son nom à la madraseh
la Balkhiyehw (N, f« 743 v"-i44 r^). — Cf. G. Flûgd, loûo cit.,
p. 3l2.
1^ Le grand savant Tâdj ed<dîn el Kendy Abou'l yomn Zayd ebn
ei Hasan ebn Zayd ebn el Hasan, el Baghdâdy, le grammairien, le
lexicographe, le professeur de lecture qor'âniqne, chay|th des Hana-
fîtes, des lecteurs (du Qor'ân) et des grammairiens de la Syrie, nar
quit à Baghdâd Tannée 5ao. El malek el Mo'axzam travaillait très
assidûment sous sa direction et descendait de la citad(dle pour se
rendre auprès de lui. £1 Kendy mourut le jour de lundi 6 ehavrwâl
de Tannée 61 3 (16 janvier 1317), ^ ^^S® ^^ quatre-vingt-treize ans
un mois et seise jours. Sa maison était située dans la rue des Per*
sans (darb el Wjom). Il fut porté à la Sâiéhiyeh, où on Tenterra
dans sa turbeh, an penchant du Qâsyoûn (N, P i44 v*"i45 v**),»***
Voir sa biographie dans Biograpkieal dictionary, l , 546.
On lit dans la grande-mosquée omayyade, au portique septoi*
296 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
trional « sur un pilier en face de la maqsoûrah d'el Ghazzy, l'inscrip-
tion suivante (n® a 12 de ma collection) :
• Qor'ân « III , 1 1 1 . — Ceci est ce qu'a constitué en waqf et immo-
c bilisé le serviteur qui a besoin du pardon de son seigneur, l'imâm
c très docte, Yargwnent des Arabes, Tâdj ed-dîn Abou'l yomn Zayd
i ebn el Hasan , el Kendy, que Dieu l'accueille et lui donne le paradis
i pour récompense ! Il a constitué en waqf: (un quart et un six)ième
• de neuf parties sur vingt-quatre parties du . . .ndoq (du fondoq?)
c et du bain , les dix boutiques connues sous le nom du fondateur,
«près des boutiques construites par ebn Isrâii, pour (les revenus)
«être dépensés en radjab, cba*bân et ramadan, dans les nuits des
c vendredis, en vêtements et autres; et. une grande maison dans la me
c des Persans pour quatre professeurs de lecture qor'ânique , chargés
c de lire chaque nuit, après la prière ( du ^échâ*)^ la moitié d*un sep-
ctième («06') du sublime Qor'ân. Quiconque le dénaturera après f avoir
ti entendu commet un crime (Qor'. , II, 177). Pour les lecteurs est une
• des chambres (oW^ ^r^) ^^ ladite ruelle. Et ce qui précède a ét^
«écrit le a"" rabi* 2*^ de l'année 639 (sic), > — M. Max van Bercbem
a eu la bonté de me communiquer tout ce qui est encore déchiffrable
de cette inscription.
^* Espèce de brouet fait de froment pilé.
" *" Au f" 170 r", N écrit et-Tâch, Comme les madraseh se suivent
dans l'ordre alphabétique, c'est évidemment ainsi qu'il faut lire.
Nous devrons également remplacer en-N&chiyek par el-Tâekiyek , et
Nâch ed-dîn ed-Doqâqy par Tâch ed-dîn ed-Doqâqy. Il est vrai que
ce titre honorifique est entièrement inusité; mais celui de Néch ed-
dîn ne l'est pas moins.
^^ Le qâdy 'ezz ed-dîn Abou *abd Allah Mohammad ebn AbH ka-
ram ebn *abd Ër-Rahman ebn 'alawy, es-Sendjâry, resta professeur
de la Nàchiyeh jusqu'à ce qu'il fut transféré à la BaVJdyek, dont il
occupa la chaire jusqu'à sa mort, qui eut lieu dans ce collège le
26 cha'bân de Tannée 646; il était âgé de soixante-seize ans (N,
P i44r''et i45 v").
'* Le grand savant Djçdâl ed-dîn Abou'l mafâkher Ahmad, fils du
qâdy en chef Heusâm ed-dîn el Hasan ebn Ahmad ebn el Hasan
ebn Anoûcherwân, er-Râzy, puis ed-Démachqy, hanafîte, fut investi
de la charge de qâdy à Damas, à la place de son père, le 10 sa&r
697, et, ayant laissé la madraseh d'e/ Qa|sd*m et la Chehliyek, il
donna des leçons aux deux madraseh de son père, la Khàtoàniyek
intra muros et la Moqaddamiyeh, Son père étant retourné de Mesr à
DESCRIPTION DE DAMAS. 297
Damas, il fut destitué de sa place de qâdy des Hanafîtes dans la
première décade de dou'l hedjdjeh de Tann^ 698. DjalÂl ed-dîn
mourut à Damas en radjab de l'année 746, à l'âge de quatre-vingt-
treize ans et demi. Il fut enterré dans sa madraseh qu'il avait con-
struite à Damas et qui portait le nom de la Djalàliyeh; c'était sa
demeure (N, P i54 v" et i55 r").
^' wbuJI l^t^ 3* I^e mot wU«* est. rendu comme ici dans Qua-
tremère, Mandoûks, 3* p., p. 8.
.» En rab^ 1". El *alam Sandjar el Hélâly et son fils Ghams ed-
dîn Mohammad evSâyegh (le bijoutier) Airent soumis à une très forte
amende (N,f làQ f).
*^ Le Marâsed dit que le mot el ablaq signifie c blanc et rouge»;
d'après le Qâmoûs, cette expression a le sens de i blanc et noir».
En-No*aymy remplace dans ce passage el ablcuf par c(en pierres)
blanches et noires».
^ Le sultan Hasan avait ordonné d'y établir une école pour les
orphelins, mais son ordre ne put recevoir son accomplissement, car
il fut tué en djoumâda 1" de Tannée 762 (N, f* i46 r").
^ La nuit du [lundi au) mardi 27 cha'bân. Djaqmaq, qui avait
été nommé le 3 cbawwâl de l'année 622 nâïb de Damas, s'étant ré-
volté au commencement de l'année 824, s'empara de la citadelle;
mais il en fut chassé par el Qoûcby. Las du siège qu'il soutenait à
Sarkhad (01^ il s'était réfugié), il sollicita Vamân du sultan. Quand
le sultan revint de Halab le jour de samedi 1 3 cba'bân de l'année
824 (Usez 23, correspondant au S, 23 août i42i) et qu'il fut des-
cendu à la citaddle , il manda Djaqmaq , qui se présenta et baisa
la terre devant le sultan el malek el Mozaffar, fils d'el Mou*ayyad ,
et devant le grand-émir Tatar. Le sultan le fit emprisonner dans la
salle de la citadelle et exigea de lui les sommes qu'il avait prises.
Puis, dans la nuit du (samedi au) dimanche, on lui appliqua,
dit-on , la torture et on lui arracha des aveux au sujet de l'argent.
Le lundi 26 du mois, il fut envoyé à la prison d'el djanâlah et
chargé de fers. Djaqmaq fut mis à mort dans la nuit du (mardi
au ) mercredi , après avoir subi la torture et avoir fait des aveux re-
lativement à ce qu'il {y>ssédait en dépôts et trésors cachés; il resta
jeté dans la citadelle juscp'au soir du mercredi. On le transporta
alors à sa turbeh, où il fut enterré. Tanbak Mîq lui succéda dans
sa charge (N, fol. i46 v"-i47 r^). — Il ne faut pas confondre cet
émir avec. son homonyme Sayfed-dîn Djaqmaq qui régna de 842
à 847 (i438-i453). — La madraseh la Djatfnuujiyeh porte une in-
298 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
•cription (n* 743 de ma cdleotion). On voit par ce qui précède que
ML date ne peut être que 8a3, attendu que I>jaqmaq n'entra à Da*
mai, en qualité de nâXb, qu'en dou'i qa*deh 89 a. —• Il se mit à
conslruire ie (marché) des marchands d'oiseaux (et'toyoàryin) et le
nastfàr? (Fatifàr) et à construire la turbeh qui est à la porte dia
Nâtêfjtn {sic) (N^f^aOi^).
^ Le sayyed 'émâd ed-din Abou Bakr, fils du sayyed 'alA ed^din
Abou'l Hasan, fils du sayyed Borhân ed-dîn Aboa Ithêq Dulliim,
fils du sayyed le «W(/'*adnân, fils du sayyed Amîn ed<<din Ofa*far,
fila du grand sayyed Mohiy ed-din Mobammad ebn 'adnAn, 4 {{o-
sayny, naquit en radjah de l'année 776. Il remplit, pendant que son
frèra en était le titulaire, lei fonctions de suppléant (n^AM) de la
Chanceiierie secrète à Damas. Puis il fut investi de la iesèoA en
radjah de l'année 826. Destitué ensuite en rahf a^ de l'année 837,
il demeura sans emploi , mais en possession de la charge de supé*
rieur de la Djaifauufiy0k et de professeur de la RaytàMtyek» de la
'adrâwiyeh et de la Moifaddamiyek A la mort de son frère, il fîit
nommé kàteb êê^terr, B mourut seixe jours après son frère, le jour
de vendredi i3 radjah de l'année 833 (V, 7 avril i43o) et fût en-
terré au cimetière des Soûfys (N, P 147 r*).
» Qor'ân, XU, 90.
^ Il s'agit sans doute de Ghaqif Amoûn, t citadelle trèa forte
dans le creux de la montagne, près de Bânyâs et sur le territoire
de Damu , entre cette ville et le Littoral •. MarAied. -— £n«No*aymy
ajoute Tehnin et Hoûnln. — Le Bélâd teh^Ckàqif (écrit esh-âiukif)
est indiqué sur la carte de Van de Velde, section 3) il eat oomprîa
dana la province de Saydâ.
" Le jurisconsulte Taqy ed-dîn Ahou'l fiith Mohammed* fili du
q&dy 'alâ ed-dîn 'ahd Ël-Latif . fils du chay^h Sadr ed-din Yabya ebn
'aly ebn Tammàm ebn Yoûsef ebn Moàsa ebn Tammàm ebh Tenlm
ebn |Iâmed , el Ansâry, es-Sobky, naquit à d Mahallah le 17 rati* a'
de Tannée 704 ou , a dit quelqu'un • de Tannée 70&. Il vint plua tard à
Damas et professa à la Châmij^ intra nauroi, à la Roi^ni^ àAS^
'ite et à la Djarkasiyeh. H mourut la nuit du (vendredi au) samedi
18 donl qa'deh de Tannée 744 (V, s avril i344) et fût enterré
dans la turiieh de la famille, au penchant du Qâsyoun (N,f'73ft>
M Biographioal dietionaiy, I, 347*
* Cf. Kfiétat . II, 87. — Maqriiy appdle cet émir Djahâriias ebn
abd AHab, F4br ed-din Ahou'l Biansoûr. •— «L'émir f%\j^ éd.
DESCRIPTION DE DAMAS. 900
dîo Djahârkts était commandant des (mamloûks) Nâsérys (do
Saladin); il ejcerça Tautoritë en Egypte pendant le règne d*d nudek
•l 'axîx 'otmân , fils de Sdâ^ ed-din Yoùsef . fils d'Ayyoûb , Jusqu'à la
mort d'd'afîz (en 69 S). L'émir Fakhr ed-dîn Djahârkas, indinant
à investir du gouvernement ie fils d'el malek d *asîi , se consulta à
ce sujet avec l'émir Sayf ednlui Yâikoûdj d Asady, qui était dors
commandant des (mamloûks) Asadys (d'Asad ed-din Chîrkoùh). El
'axiz avait laissé par son testament le trône à son fils Mohammad,
en désignant dans ses dernières volontés l'émir l'eunuque Bahâ ed^»
dîn Qaraqoùch comme administrateur du royaume. Yâzkoûdj con«
sdlla de confier l'administration des affaires da fils d'd 'azts S d
mdek d A£jd *dy, fils de Sdâh ed^, projet que désapprouvait
Djahàrkas, Puis ils placèrent sur le trône le fils d'd Wx , âgé de
neuf ans, et lui donnèrent le titre honorifique d'd malek d Man*
goûr; ils instdlèrent Qaraqoùch en qualité d*iUâbek. Mais dans leur
for intérieur ils étaient en désaccord et ils ne cessèrent de travai^te
à annider la nomination de Qaraqoùch, jusqu'à ce qu'ils convinrent
unanimement d'écrire au susdit el Afdd de venir à Me^r exercer
les fonctions d*atàhek d'd Mansoûr pendant une durée de s^t ans,
afin que le jeune prince se familiarisât avec l'exercice de la royauté,
à la condition qu'il ne déploierait pas sur sa tête l'étendard royd
et que son nom ne serait mentionné ni dans la kkplheh, ni sur la
monnaie. Lorsque le messager, porteur des lettres des émirs , se fut
mis en rouie pour dler trouver d Afdal , Djahàrkas en expédia un
autre secrètement, en son nom et en cdui des (mamloûks) Salâhys
(de Saladin), avec leurs leltxsps, à d mdek d *âdel Ahou Bakr, fils
d'Ayyoûb. Il écrivit en même temps à l'émir Maymoùn d Qasry,
seigneur de Naplouse, pour lui défendre d'obéir à d mdek d Af|jd
et de lui prêter serment. Le hasard voulut qu'en sortant de Sarkhad
d Afdd rencontrât le messager de Fakhr ed-dîn Djahàrkas. Il lui
prit les lettres. • Retourne , lui dit-il , l'aflEaire est terminée. ■ Et il
continua sa route pour le Caire, accompagné du messager. Quand
les émirs sortirent du Caire pour dler à sa rencontre à Bdhays ,
Fakhr ed-dîn fit préparer un festin pour lequd il réunit un nombre
excessif d'invités, afin qu'd Afdal descendît chez lui. Mais le prince
descendit chei son frère d Mdek el Mo'ayyad Nadjm ed-dîn Mas'oùd.
Djahàrkas, très péniblement affecté, vint lui présenter ses hom-
mages. Le repas chez son frère terminé, d A£id se rendit à la
tente de Djahàrkas et s'assit pour manger. Djahàrkas aperçut dors
parmi les serviteurs d'el Afdal son messager qu'il avait envoyé. H
300 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
demeura stupéfait, ne doutant point que mal allait lui advenir. R
demanda sur-le-champ à el Afdal la permission de se rendre au-
près des Arabes Bédouins , qui étaient en désaccord dans le territoire
de Mesr, afin de rétablir la paix entre eux. Cette permission lui
ayant été donnée, il se leva aussitôt et alla conférer avec Témir
Zayn ed-dîn Qarâdja et l'émir Qara Sonqor, auxquds il fit aj^rouver
le projet de se séparer d'd Afdal. Tous deux partirent avec lui pour
Jérusidem, dont ils se rendirent maîtres. L'émir *ezz ed-din Osa-
mah et l'émir Maymoûn el Qasry embrassèrent leur parti. Ce der-
nier vint à eux à la tête de sept cents cavaliers. Quand ils furent
tous d'accord , ils écrivirent k d malek d 'âdd , Tinvitant à prendre
les fonctions d'atâbek d'el malek d Man^oûr Mohammad, fils d'd
Wz , à Mesr. Pour ce qui est d'd Afdal , dès qu'il fut entré de
Bdbays au Caire, il s'occupa d'administrer le gouvernement et
les affaires du royaume de manière à ne laisser seulement à el
Mansoûr que le nom de souverain. R entreprit de se saisir des
(mamloûks) Salâhys, partisans de Djahârkas, qui s'enfuirent au-
près de ce dernier à Jérusalem. R fit arrêter ceux quHl put et pilla
leurs biens. Lorsque l'arrivée d'd malek el 'âdd Abou Bakr, fils
d'Ayyoùb, eut mis fin (en 696) au règne d'el Afdal à Mesr, Dja*
hârkas s'empara de Bânyâs par l'ordre d'd *âdel. Puis il s'doigna de
lui et eut différentes aventures jusqu'à ce quû mourut. Sa mort et
celles de l'émir Qarâdja et de l'émir Osâmah marquèrent l'extinction
des (mamloûks) Salâhys • (Khétat, II, 88-89].
^ D'après de Sacy, *abd El-Latif, p. 3o3, 443 , et Lane, Modem
E^ptieuis, I, p. 33, le rab" est une grande maison ou hôtd, ca-
pable de loger dix ou quinze familles et construite sur des bou-
tiques ou des magasins.
'* En radjah , suivant ed-Çahaby.
^ Elle porte l'inscription suivante (n" 4i3 de ma collection):
«Au nom de Dieu, etc. Cette turbeh est cdle de celui qui a besoin
« de son grand Maître **, Abou 1 Mansoûr Estâr (quatre) , l'orgueil des
«émirs, le soutien du trône de Saladin, Djahârkas, fils de *abd
« Allah , en Nâséi7, Fakhr ed-dîn. Il mourut à la miséricorde de Dieu ,
«qu'il soit exalté! dans le courant de l'année 608. • — M. Max van
Berchem a relevé sur cette turbeh plusieurs inscriptions dont Tune
' Pent-ètre faut-il admettre avant y^^\ romission du mot vt^^l . On
traduirait alors : «de celai qui a besoin de son Maitre (Dieu), le mnd-
émir», etc.
DESCRIPTION DE DAMAS. 3Q1
porte que €\e gVAnà-efsahsalàr Ëstâr Djahârkas mourut le 30 ràdjab
de Tannée 608 •.
^ Il faut évidemment lire 9 (609), quoique le copiste ait écrit
f S3pt». Ce passage ne se trouve pas dans Tédition d*ebn KhallikAii
de M. de Slane.
^ Khodoba ebn Mo Asa, l'émir Sârem eddîn el Fkrésy, et-Tobaty
(le Thibétain?), el Mawsély, el Kâmély, fut nommé gqpverneur du
Caire Vannée 672 , sons le règne du sultan Salâh ed-dîn Yoûsef , fils
d'Ayyoûb. On joignit ensuite à ces fonctions le gouvernement du
Fayyoûm en Tannée 677. Puis il en fut rdevé et son motasaUem
(sous -gouverneur) partit pour TYaman afin de se &ire remettre
celte province; ce qui eut lieu en djoumâda 1*'. Lui-même se mit
en route le 6 chawwâl de la même année comme gouverneur (u>âly)
de la ville de Zabid dans TYaman. Il avait avec lui cinq cents
hommes et son camarade Témir Bâkhel. Après être resté qaelque
temps dans TYaman, il retourna au Caire et devint un des com-
pagnons de Témir Fakhr ed-din Djahârkas ( Khétat , II, 130]. Cf«
Rawdatayn, 2* p., 36, et ebn Kbaldoûn . texte imprimé, V, 296.
^ En-No'aymy emploie Texpression équivalente : « la demie et le
tiers».
^ « Village dépendant de Damas. » Marâsed,
^^ «Zobdân est, a dit quelquun, un endroit entre. Damas et
Balbakk. Je pense, dit (l'auteur du Mo'djam) , que c'est le suivant :
Ez-Zabadâny (avec un tachdid sur le yâ, indiquant la relation),
arrondissement [koûrak) connu entre Damas el Ba'lbakk. C'est là
que prend sa source la rivière de Damas. • Marâsed,
^ So^ signifie «pavé, dsdle» et aussi «palais». Cf. Quatremère,
Maniloàks, II, 277, n. 3«
^^ La nuit du (lundi au) mardi 9 chawwâl, à l'âge de plus de
quatre-vingts ans (N, f* 1^9 r").
^^ Suivant ebn Katir, la madraseh la Djawkariyeh de Damas fut
ouverte le jour de dimanche 7 ramadan d^ Tannée 680. Voir N ,
f° 1^9 r°. — Le ramadan aurait commencé le L, i5 déc. 1381.
^^ oJLs est de trop, car ce qui suit se trouve dans N.
^ Sur le mot JU0JL3, pi. ••«>U?, cf. Quatremère, Mamloûks, I,
i53. — N porte »wJ^ iUoJu;^ , ce qui indiquerait que le singulier
s'emploie avec le sens du pluriel.
^ La cherté de la viande fut telle que le rati se vendait à Damas
6 derhams(N,f"i5o r*»).
** Il conserva cette charge jusqu'en 867.
30) SEPTEMBRE-OCTOBRE 1804.
^ U^ djottmâda s' At Ytnûit 867 (N.f* i5o 1^).
*• ^î^3lî;N écrit osi;ir^î.
*' Tout ce qai sait, jusqu'à la fin de là notice, n*exi»te pas
dans N.
^ Cf. sar le mot (^yJ^^ Qaatremère, Mamloâks, H, 367.
** Daprëft ebn Katîr (N, f* i5o v*), la Kliàtoûniyek extra mnrûs
est nitoée sur le QauawÂt, an quartier de SaQ*â de TYaman {lire de
la Syrie) et cet endroit où elle se trouve s'appdle «la colHne des
renards t ( tell et-ia*àleh ).
H En Tannée 616 , suivant ebn Ghaddâd.
■* B faut lire Boûry. Tous les historiens ont donné à TftdJ et
moloûk le nom de Boûry. Cf. pour sa biographie, Biographieid dîe-
ti^haryg I^ 173-375. — Il ny a point ici cej^ttdant erreur de
copiste l 'alid El Bftset a àA lui-même lire T^^*^ ^^^^ '^ manoscrit
qa*tt avait sous les yeux ; la preuve en est dans Tétymdogie qii*ll
nous donne4
*> Le mannscrit porte ^^^p; le Maràsed écrit \^ et dit ! t par
ntïfaihah et un alef bref, -^ une des rivières (anhàr) de ]>sinas. Il
en a été question sous (^ùC^ (I* P* i4 1) ». — On lit dans ebn Ba-
toûtah, I, 3 34: cG*est k er-Rabooah que se trouvent les sources
qui arrosent les jardins de Damas. Elles se partagent en sept ca-
nani ( anhâr) , dont chacan se dirige d^un c6té difi^nt. Cet endroit
s'appelle le liéU des dhisiûns. Le plus grand de ces canaux est celui
qui s'appelle Toûrah [sic). Il coule au-dessous de la colline [et-rab-
ouah)^ et on lui a creusé dans la pierre un lit qui ressemble à
une grande caverne. »
^ Badr ed-din dit dans son livre intitulé i el J^awâkeh ed-darrîyek
fts'Strat en-Noûnjeh, qu'en l'année 533,'émftd ed-dîn Zenky s'em-
para de la viile de Hems et épousa 2omorrod KhIitoAn , m^ de
Chams el moloûk Ismall (N, f* i5o v*).
" N (P i5o V") porle neuf ans.
^ Aussi appelé Baqf elgharqad. Cf. Maràsed, I, 16Ô.
>7 N le nomme (f* i5i r*) Aboul Hasan 'aîy d Balkhy.
'* « Kliodjandah , ville célèbre du Ma\vara'n-nahr, sur le bord du
SayhoAn, à dix journées de Safliarqand. Cest une rille très agréaUe
et saine. Au centre coule une rivîèi^, et die est attenante à la
montagne. Elle est plus longue que large* Elle s'étend à flLnê d'une
parasange et est toute composée de maisons et de jardins. 1 Jfa-
râied.
DESCRIPTION DE 9AMAS. 305
»» El aslayn.
^ Cf. Flûgd, loeo du, p. 176. *-^ Cinq jours «vaut U fia da
mois, âu dire d*eba Kattr (N, P tSt r^]*
*^ Chams ed-din ebn es-S«fy, el Harîry» le qÀdy Chams ed-din
Mohammad eba 'otmâa ebn A.bfl I}aftan ebn 'abd El Wahhàb,
el Ansâry, connu ëOu9 le nom d*ebn di Hariry, naquit à Damas le
10 safar de Tannée 653. Il commenta XHédAyelu II fut nommé
professeur de la madrasah la KkâloûMyth eœtta mnrot en Tannée 698
et investi des fonctions de qâdj à Damas le Jour de lundi a du mois
de ramadan de Tannée 699 (ce qui fait commencer le ramadan
le D, 33 mai i3oo). En 08i, il airait donné les leçons à la For-
rûkhchâkijreh. En Tannée 700 « il occupa la cbalre de la Zékàiyek
de Damas en remplacement du qàdy Chams ed-din el Malaty. En
dou'l qa'deh de Tannée 700, il fut destitué par le qâdy Djalâi
ed-din. Cette destitution étant imparfaite attendu qu'elle n'émanait
pas du sultan, mais seulement du vizir et du nûxl, les Jugenumts
c!e DjatM ed-din à cet égard ne sortirent pas à effet Puis le jour
de mardi 5 djoumâda s* de Tannée 701 ', il fut rétabli dans les
fonctions de qâdy en vertu de Tlnvestituie du sultan. Il professa
aussi à la Rachidijek et à la Sâdètiyth, Le courrier de la poste étant
arrive porteur d*un ordre qui le mandait au Caire comme Juge,
Chams ed'dtn se mit en route le Jour de lundi 90 rabf 1*' de
l'année 710 (17 août i3io). Il mourut à Me^r le jour de samedi
3 djoumâda a'deTannée 7^8 (lO avril i328,Cal.astr.)[N, ri7o
r*-v*].
îl est cité comme Commentateur de VHédàyeh dans H. Khai. , VI,
487.
^ Le qâdy en chef Sadr ed-dtn Aboul Hasan 'aly, fils du chaykb
Safy ed-din Âboul Qàsem, haaafite, el Bo^râwy, vint du Caire à
Damas le jour de vendredi 39 dou*l hedjdjeh de Tannée 706 (2tre ^7^=»
V, 3o Jidn i3o7)i investi des fonctions de qâdy des Hanafltes,
outre les chaires (!e la NoûAyeh el de la Moqaddamyeh, dont il était
litalaire. Il rendit la justice à la Noûrijeh; son di[dôme fut lu dans
la maqsoûrah la Kendiyehi à Taogle oriental delà mosquée-cathé-
drale des Omayyades. Il mourut en cha*bân de Tannée 727, âgé de
quatre-vingt-cinq ans [N, f* i5i i^-v").
^ Le jour de mercredi 1 0 djoumâda 3* de Tannée 7 1 5 (Me , 17 sep*
' D après mes oalcnls. le mardi a corresponda att 6 djoumâda a' 701 s»
6 février i5oà.
304 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
tembre 1 3 1 5 ) , la leçon fut donnée à la Kliâtoûniyeh extra maros, en
remplacement du qâdy el Bosrawy, par le charif Chams ed-dîo , qui
avait été qâdy et Ujalib de Malatyab pendant vingt ans (N «fiôi r").
^^ En djoumâda 2*^ de l'année 719, le qâdy Badr ed-dîn Âbou
Nowayrah {sic)^ âgé de vingt-cinq ans, remplaça dans la chaire
de la Kliâioûniyeh extra muros le qâdy Chams ed-dîn Mohammad ,
qâdy de Malatyah, qui était mort (N, f i5i v").
^* « En ramadan de Tannée 8 1 6 , dit d Asady, et le jour de ven-
dredi a 8 du mois (V, a 3 décembre i4i3), me parvint la nouvelle
de la mort au Caire du qâdy en chef Sadr ed-dîn ebn el Adamy. Il
possédait à Damas de nombreuses charges , entre autres la chaire
de la Khâtoâniyeh extra mnros, les Qassâ^in, la Chehlijek et la biblio-
thèque Achrafiyeh dans la grande-mosquée • (N, f i5i v").
Ën-No'aymy ajoute comme utilité: « Ebn Ka^ dit sous l'année SgS :
f En cette année mourut la dame Kbâtoûn « mère d*d malek el
c'âdel; elle fut enterrée dans sa maison de Damas, voisine de cdle
< d*Asad ed dîn Chîrkoûh. » — Et « en cette année , en dou'l hedj-
« djeh , la Kbâtoûn , mère d'd malek el 'âdel Sayf ed-dîn Abou Bakr,
«fils d'Ayyoûb, mourut à Damas, en sa maison connue sous le
« nom de maison d'el 'aqîqy •. Il s*exprime comme si elle était la
mère de Sett ech-Châm ou la femme de son père. J'ignore où est
actudlement sa turbeh , car la maison d'd 'aqîqy est de nos jours
la madraseh la Zàhériyeh , à Test de laqudle se trouve la maison
d'ebn el Bârézy ; bien plus , j'ai vu dans un auteur que XAsadiyek
est située vis-à-vis de la *aziziyeh , à l'est de la mainon d'el *aqîqy ;
et elle est actuellement la maison susmentionnée. Qu*on note cela •
(N,f i5i v").
Il existait à la Sâléhiyeh une autre Khâtoâniyeh dont 'abd El
Bâset ne paraît pas ûdre mention. En effet, parmi les inscriptions
copiées pour M. Waddington , j*en trouve une (n° 387 de ma col-
lection) rdevée sur la porte de la madraseh la Khâtoâniyeh contigué
à la maison [d!enseignem£nt) de la tradition. Elle est ainsi conçue:
« Au nom de Dieu , etc. Ceci est ce qu'a constitué en waqf l'il-
« lustre dame 'esmat ed-din Khad. . • Kbâtoûn, fille du sultan d
« malek d Mo'azzam Charaf ed-dîn 'ysa , fils du sultan el malek d
« 'âdel Sayf ed-dîn Abou Bakr, fils d'Ayyoûb , savoir : une portion
« ( hessah) du bain de la coupe [hcunmâm el ka's) : cinq parties, dçux
« tiers de partie et un cinquième de septième de partie ; — du moulin
«d'et-Tarab, le cinquième; — une maison à la montagne de la
• Sâléhiyeh; — une portion au Qasr (château de) Taqy ed-din:
DESCRIPTION DE DAMAS. 305
«sept parties, une deinie et un quart de partie, un huitième de
«partie et un tiers de dixième de partie; — une portion au village
«d*et-Tazah : deux tiers de partie et un tiers de septième de partie;
« — une portion au Uiân de *âtékah : huit parties et demie; — une
«portion à Djeubbeh 'assài (qui Mt partie) de Qasr Ma%ûlâ; trois
«parties; — d'd Djeuhbeh, une partie et demie; — de la Qarhâ-
«niyeh, sept parties; — et le jardin de la Mârédâniyeh en entier.
« Et cda dans le mois de 4<ni('l hedjdjeh) de l'année 65o. Que Dieu
« fasse miséricorde à la iondatrice de ce lieu ! » — Rectifiée d*après
le texte de M. Max van Berchem.
Toutes ces parties (sahm) s'entendent, comme on le sait, de
vingt-quatrièmes.
^ Sur la lecture «Anar», cf. Biograpkicàl dictionary, I, 673,
et Hist, or, des Crois., I, 760, et III, 673. N écrit partout « Ataxi.
^^ D'après e4-Pahaby, la dame Khàtoûn '^màt ed-din, filie de
Mo*în ed>din Anàr, nâXb de Damas , devint la femme de Noûr ed-din
Mahmoud, à qui elle fut envoyée à Halab, en l'année 5d3. En
safar de l'année 673 , la veuve de Noûr ed-din fut épousée par Sa-
iadin(N,f i52r°).
^^ Sa'd ed-dîn Mas'oûd , frère de *esmat ed-din KhâtoAn , mourut
après elle, eu djoumâda 2^ de la même année (591)4 des suites
d'une blessure dont il avait été atteint au siège de Mayyâfôréqîn.
C'était un des grands-émirs; le sultan le maria à sa sœur Rabi^ah
Khâtoûn. LorsquU mourut, cette princesse devint la femme de
Mozaffer ed-din, seigneur d'Ërbei (N, P iSa v°)..
^^ Je ne sais si le texte est correct. On lit : *$ jLâUJt Jkju; i^\ ^3,
peut-être pour 14^ jLâULJt J^jl^. — L'existence à Damas d'une fa-
brique de ces jolis carreaux vernissés avec dessins de couleurs , ori-
ginaires de la viUe de Qàchân, n'aurait rien de suiprenani.
^^ H s'agit ici de « la turbeh de Djarkas • , suivant l'expression d'd
Asady; ed-Çahaby dit «les coupoles de DjariLas-» (jS^^^mS^ v^) ^
«la qoubbeh de Djarkas». Cf. N, f* i52 r°.
Dans le Kétàb er-raii>datayn , ce mausolée est désigué sous le nom
de iLyw^iCaJI »jJUi (UtU le cimetière de Charkas).
On voit par là que souvent le mot ïpJL» (cimetière) à la signifia
cation de turbeh et vice versa (voir la note 71, qui suit).
^^ Le Miroii' da temps place la, mort de cette princesse en radjab
(N, P i5a r"). Abou Châmah dit dans Les derut Jardins (3* p.,
p. 67 ) : « Quant à la mosquée de Khâtoûn , qui es| à Textrânité du
Charaf méridional t du cûté oiie^t, die tire son nom d'une autre
IV. 30
306 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
Khâtoûn, ancienne, dont il a été fait mention ci-<levant et qài eit
Zomorrod, fille de Djâw^y, sœur utérine d'di malek DoqAq et époiue
de Zooky, le père de Noùr ed*din. • — La mort de Nâser ed»dîn Mo^
hammad, fils de Ghîrkoûh et cousin germain du sultan Saladin,
eut lieu à Hems subitement, sans maladie, le 9 dou'i hedjdjeb
(58i). Le stdtan confirma son fils dans les possessions de son père.
Le corps de Nâser ed*dîn fut transféré par son ^oute, sa oousÎBe
germaine Sett ech-Châm , fille d'Ayyoùb, qui l'efiterra dans m tur*
heh (mcuiharah) qu'elle avait dans sa madraseh, à la %wmyeh. GW
le tombeau du milieu , placé entre ie sien et celui de son frère. -^
Rabî*ah Khâtoùn , fille d'AyyoAb , parvint à un Age avancé et mourut
à Damas dans la maison de son père, la maison d'el *aqîqj, au mots
de ramadan de l'année 643. Elle fut la dernière qui mourut d'entre
les descendants directs d'Ayyoùb (N, f" i52 v^'-iSS r^).
^^ C'est^-dire l'année 674 , ^oque à laqudle ebo GhaddAd écri-
vit son ouvrage intitulé el À*lâ4f el kkttirak, ainsi qu'il nous l'ap-
prend lui-même. Voir N, f* 181 r^ snh fine,
^ Sur la fenêtre de la madraseh , on lit f inscription anivanle
(n" 294 de ma collection) et dont M. Max van Berchem ne poftid*
pa» le teite t
cAu nom de Dieu, atc. Geoi est le waqf eonstitué par le servi»
tenr qui a> besoin de la miséricorde de Dieu, le conquéMint, le
champion de la foi, Rokn eà-èhk Mankoàrès, el ttialéky el -àdély,
el Molny, pour y être enterré. Il a constitué en ifaqf pour les hù-
soins (de la madras^) consistant en huile, ehaaièdles, nattée,
appointements de gardiens et de lecteurs chai^ d'enseigner le
Qor'ân (nuHftyùi) , et tout cela : la totalité de la naaison (située) en
dedans de bâb el/arédù, du c6té Mid de la madraseb la FttUàiyék',
et connue ânctennement sonl le non» <te .••••; le sixième de
tout le janlin ftiisant partk dn iei*ritoire d'en-Nayrab et connu au-
trefois sous le nom du fondateur; le sixième du javdin, le palaia
( j^^^b.) et le moulin sis sur le territoire d'en-Nayrab et aneienne-
ment appelé du qédy. Tout eda, suivant ee qui eat écrit et expli-
qué dans l'acte de waqf. Il n'est licite à penenne eroyant k Diein et
«n jour dernier d'altérer cda et de le chuigeF. Qmoênqw» h dina-
tarera, aprèi l'avmr eÂtendu (Qor. Il, 177 ). Et ccSa en-fannéeêiA* •
^ Le copiste doit avoir omis « Je dist ; car le passage d'e4-X^-
haby est terminé, comme l'indique le mot <f#JiM, et nentf rencei»-
Irons mi autre <^4x3t après ces mots t tel l'on en n mk im antre i
aa plaeet. DViiHeurs ce morceau mUnqne dKns N. •
DESCRIPTION DE DAMAS. 307
^ Bab'ah, Étui , caisse ou armoire dans laquelle se trouve déposé
un qor'âu. Cette expression signifie le }dus souvent le contenu» pla«
tbt que le contenant. C'est ainsi qu'on lit dans N ^ f ^ 1 70 v^ v IJL4
^ il faut admettre que le copiste a omis le mot J^;« sans quoi
ce serait *eu ed-dîn, homme vertueux, qui aurait fait le hxa ser*
ment.
^7 < Djarsdc{/ vUlage de k dépendance de Maloàl dans la GhoA-
tah de Damas. • D'après ebn I^allikân, IV, 345, iDjaroûd est tn
vâlage titiié dans les dépendances de Damas, d^ cÀté de Umms.
Son territoire contient une quantité innoinbrable d'ânes sauvages. »
-- € Maloéiâ, ê^Um iUsant partie des district- de Damas et ayant
des villages. • Maràsed»
'» tf;UJI. N (r "i56 r*) écrit tfjUJî.
'• Peut-être faut-il lire d Farmàwy.
^ Je lis jc^LiL^, au lieu de t^^ qœ portent le manascrit et le
n" 353 hit. Le n* 595 donne xS;i4^.
^ La même inscription, de l'année 5^5, figure deux fois tex>
tnellement dans ma collection, sous les n** ihZ Us et 595. — La
date 535 que donne B est donc erronée.
w N l'appelle (f* 157 r») Heudjdjet ed-dîn. H s'agit probable-
ment du même professeur qui donna des leçons à la Kkâtoûniyeh
inira mnros, sous laquelle N (f* i53 r'*) lui donne le nom dé Heudj-
djet el islam ou ed-dîn.
*^ Ce mot signifie « de couleur vert-de-gris ».
^ Au lieu de la Zandjiliyeh d'es-Sab'ah , N porte la ZandjÛfyek à
es-Sab'ah, Ce dernier nom indique sans doute un quartier de la vifie.
Il en est de nouveau i^it mention au folio 1 63 v"*, où il est dit que
pendant le siège de la ville une partie de la Tcémdniyeh fut incendiée
et qu^avant cette époque les substituts du qâdy hanafîte rendaient leurs
sentences dans la maison de celui-ci (située) à proximité à'es-Sah*ak,
* Sic. Cependant il n'a encore été fait mention d'aucun person-
nage. Le nom du fondateur ne se trouve que plusieurs lignes plus
loin, n faut évidemment supprimer le pronom possessif. Dans N
(fol. i58 r*), an lieu de «son tombeau», on Ut : tune tùrbeh et
une mosquée<athédrale avec kkotheh à laqueHe est affecté un trd-
tement payable par la mosquée^athédrde omayyade».
" I*Ll.^. Opposé souvent à ,^j« cmari)re blanc». Cf. Quatre-
mère, Mandoûks, I, 369.
20.
308 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
^ «ISl i* Litt, «dans les jours dei, expression qu'on rencontre
fréquemment dans les inscriptions et qui signifie < sous le règne » ;
« pendant l'administration • , « sous le gouvernement de • , etc. , suivant
le personnage auquel elle se rapporte.
^* Suivant le qâdy 'ezz ed-dîn (èbn Ghaddâd), die fut construite
en l'aniiée 626 par Tëmir 'ezs ed-dîn Abou 'omar 'otmân ebn 'aly,
ez-Zendjâry, qui était sâheb (gouverneur) de TYaman et s'ëtait trans-
féré en Syrie pendant le règne d'd malek el *âdel Sayf ed-din Abou
Bakr(N,r'i58v«).
En 597, un personnage de ce nom ou plutôt le même (rémir
Vetfaktalâr (grand-maréchal) *ezz ed-dîn, le sa'id ei'So'udâ Abou
'amr (sic) 'otmân, fils de 'aly, fils de 'abd Allah, ez-Zandjîly, était
gouverneur de Jérusalem. Voir Moudjîr ed-dîn, traduction Sau-
vaire, p. 111 et 26a.
^^ « Du côté ouest de la mosquée sont trois madraaeh : celle de
l'émir Fakhr ed-dîn (sic) 'o(mân, fils de 'dy, ez-ZandjUy, n6Xb de
'adan (Aden) , à bàb el ^ornrak. Elle est connue actudlement sous le
nom de moûon de la chaîne, li la constitua en waqf pour les Hana-
fîtes l'année 5791 (£1 Fâsy, apud Wûstenfidd, Die ûkronikenier
Stadt Mekka, II, io4). — Comp. er-BanvdxUayn, 2* p.,. p. 26. Abou
Chàmah attribue en outre à cet émir, qu'il appelle *eu ed-din 'o(mân ,
la fondation d'un rébât, en &ce de sa madraseh de béh el 'omrak,
à la Mekke. — Comme ez-Zandjîly quitta Aden avant l'arrivée 4ù
Toghtékîn en 678 , U faut sans doute lire, dans d Fâsy^ 577 an lieu
de 579.
Ebn Katîr dit sous l'année 877 : « Le nâA de 'adan, Fajkhr ed-dîn
'o{mân ebn 'o|mân ebn ei-ZandjÛy, aaciii de i'Yaman avant l'arrivée
de Toghtékîn dans ce pays et habita la Syriei (N, P iSSjf).
» Kamâl ed-dîn Abou'i fadâU *abd El-U^, fils du qâdy 'aslz éd.
dîn Abou 'abd Allah Mohammad ebn Abi'l karam ebn'abd £r^
Rahman, es-Sendjâry, naquit dans, le mois de djoumÂda 2' de l'an-
née 618. En l'année 646, il succéda à son père qui était mort le
26 cha'bân, comme professeur à la BqlUdyeh et a. la K^tâtoâniyek
intra maros et occupa ces chaires jusqu'en .§aÛLr de l'i^mée 658 1
époque à laq^i^e les Tatârs s'emparèrent de Damas. Les monili-
mans ayant repris possession de la viUe dans les derniers jours de
la même année, il fut réintégré dans ces places:, où il resta jusqu'à
son départ pour Baghdâd en compagnie d.u kludife el Mostanfer,
connu sous le nom à*el asovad (le noir) » et il fut tué à el Fafloû-
djah en l'année 689 (N, f i44 V» et i53 r'V).
DESCRIPTION DE DAMAS. 309
tEl FalUàdjah. D'après d Layt, les Jalloûdjak {plfulédtdj) da
Sawâd en sont les villages. La grande et la petite Falloûdjah sont
deux grands villages du Sawâd de Baghdâd et d'el Koùfah, près de
*ayn et-tamar. Je dis : La plus connue est c^e située sur la rive
de l'Euphrate et auprès de laqudile prend naissance le canal du Roi ,
du côté orienta),! Maràted.
w N écrit la SaftniyeL
'^ Sadr ed-dîn ebn 'oqbah, le juriscQnsidte Abou Ishâq Ibrahim
ebn Abmad ebn 'oqbah ebn Hébat Allah ebn 'atà* d Bosrâwy, mou-
rut à Damas, à Tâge de quatre-vingts ans» en ramadan de l'année
697 (N.f i53v^).
^ Il s'agit sans doute de Mohiy ed-din Ahmad, fils de Sadr
ed-dîn ebn 'oqbah.
^' Vémir es-sélâk ou émir s4làh était le chef des êélâhdâr, officiers
chargés de porter chacune des pièces de l'armure destinée au sidtan
et de la présenter au prince, lorsqu'il en avait besoin. H avait l'in-
spection de l'arsend (sélâh kjiânah)^ de tout ce qui s^y consommait,
de ce qui y entrait ou en sortait. Lorsque le souverain écrivait à
un émir sélah, il lui donnait le titre de JliJt ^j^^ V^^ (Qua-
tremère, Mamloûks, I, iSg). Cf. aussi Khétai, II, 22a.
^ DjcontC el djawâmé',
^^ «La prairie de Dâbeq.» — •Dâbeq, village de Halab, faisant
partie de 'azâr et situé à quatre parasanges de Halab. H s'y trouve une
prairie herbeuse et agréable. C'est là que descendaient les Banou
Marwân lorsqu'ils faisaient l'expédition d'été vers la ville-firontière
d*ei Messîsah. • Marâsed.
^^ Qor., xxYii, 53. — La fin du passage ne se trouve pas dans
le Qor an.
^ N dit « à proximité ».
1^ Au lieu de UjI , N porte l^i^ et ajoute, d'après ebn Chaddâd,
«en l'année 626», alors qu'ed-Dahaby et ebn Katir s'accordent à
placer en 623 la mort de CheU ed-dauleh d Heusâmy.
'0' Ebn î^dlikân (I, 2 85) l'appdle Chebl ed-dauleh KAfoûr ebn
*abd Allah , el Heusâmy, et dit qu'd fonda la madraseh la Chebliyek
et la !i!iânqâh du même nom.
Le biographe ajoute qu'il mourut en radjah 61 3 (juillet 1226)
et qu'il fut enterré près de la madraseh qui porte son nom.
^^* Ed-pahaby l'appelle Mohammad.
^^ « Je dis 1 es^ de trop; car N continue ainsi : « et il ouvrit ■ , etc.
*®* II était aveugle.
310 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
^^* Le chayih Taqy ed-d^n, fils da qâdy de Ghohbeh, dit dans
sa Suite, sous le mois de chawwâl de Tannée 833 t « Chams ed-
din Mohammad, fils du qâdy Badr ed-dki ebn er-Rady, hanafîte,ftit
nommé nâXh (suppléant) de l'inspecteur de la grande-mosquée par
5ayf ed-din Tanbak Miq, lorsque cet émir, qui ie connaissait, fdt
investi de la lieutenance (njâbeh) de Damas. Ghams ed-dîn mourut
la nuit du (mardi au) mercredi le 21 du mois (Me, ra jniHet i43o,
Gid. astr.), comme subitement, dans sa demeure (située) sur le
territoire de Moqra; il était dans la dixaine des soixante • (c'est-à'-
dire âgé de soiiante à soixante-dix ans (N, f* 161 i^-v*).
^^'^ Rachîd ed-dîn Sald ebn 'aly ebn Sa'id, d Bosrawy, banafîte,
était un des ebefs ( imâm) du rite. R mourut en cba'bân de Tannée
684 « âgé de près de soixante ans. Il composa de nombreux outrages
utiles et fit de bons vers (N , f* 160 l'-v*).
Es-Saqqâ'y (f * 36 v*) ne eite pas son pays d'origiûe. R le nomme
Rachîd ed-dîn Said ebn *sdy, le jorisoonsidte hanaflte. tR demeu-
rait dans le voisinage de la madraseh la Ckebliyeh, au pencbant du
mont Qâsyoûn, et en était le supérieur (ehaykh) et le professeur. H
estTautenr des (11) vers suivants. R mourut en ramadan de Tan-
née 684 « à Damas, au QâsyoAn.t
^^"^ R succéda dans la chaire de la Zendjârvfêh, en 650, àKamâl
ed-dîn *abd El-Latif es-Sendjâry. (Voir N, f*i58 V.)
>®* N écrit el Râsâny, sans doute pour el Kâchâny.
• Kâehûn, viHe du Mawaran*nahr (la Transoxiane); à sa porte est
le wâdy d^AjihSikat. • Maràsed.
*** Cest le nom que les Arabes donnent au Sphimc d'Egypte
({ttt. «le père de la terreur»).
^^® Ebn Chaddâd dit en faisant le dénombrement des mosquées
de Damas : «R existe une mosquée dans le coRège connu sons le
nom de «maison de Tar|iiân> et appartenant autrefois au eharîf
Abou 'abd AUah ebn Abîl Hosayn. Ce coUège fut constitué en waqf
par Sonqor d Mawsây, qui en fit une madraseh pour les disciples
d*Abou Hanffiih. » Ed-Dahaby s'exprime ainsi dans les 'éhar, sous
Tannée 548 : • AbouT Hasan d Balkhy, 'dy ebn d Hasan , lé hana-
iîte, le prédicateur, Tascète, professa à la SAdériyeh; puis on tràns^
forma pour lui en madraseh la maison de l'émir TarUiân. « — Ës-
Safady appdle cet émir Tarkhân ebn MahmoiHd ech-Chaybâny (N,
ri63r'').
'" Le chaykh, le professeur de lecture qoi'âmqne, Chéhâb ed-
dîn Abou 'abd Allah el Hosayn ebn Solaymân ^n Fazârah ebn
DESCRIPTION DE DAMAS. 311
Badr^ «1 Kafry, hanafite^ naquit vers l'année 637 et profesté à là
Tcœhhàniyeh pendant plus de quarante ans. H moiimt^ âgé de
quatre-vingt*deux ans, le jour de lundi i3 djoumâdâ i** de Fan-
née 719 (L, a juillet iSig) [N^PiSgi^'et idS v**].
^'* Ce nom est écrit (^^Ulô et transcrit Doumân dans HuU or,
dit Crois., III, 7a , 7^ et i38. A cette dernière page, il est question
de la mort de notre Heosâm ed-din Doûmân, qui eut lieu , à la date
indiquée par el Asady, à Tell ta 'ayyàdiyeh (près d'Acre) , par le-
quel il faudrait remplacer le Tdl el *âsyéh d'en-No*aymy. Toutefois
Van de Velde indique sur sa carte (section 3) une localité qu'A ap-
pelle el Asîyeh, mais faute d*indicatioa relative à la transcriptiai
des lettres arabes , il est impossiUe de connaître l'ortlu^rtphe dé
ce nom.
i» Leqàdy en chef Sadr ed-din SolaymAn ebn 'abd El'aiîx (ebn)
Wohayb ebn *atâ, Abou'r-rabi*, hànafite, el Adra'y, le ébaykb des
Hanafîtes de son temps et le plut savant parmi eux en Orient et
en Occident, naquit l'année Sgd- li fut investi delà charge de qâdy
en chef au Caire sous le règne du sultan d malek ^-Zâher Bay-
bars. B mourut la nuit du (jeudi au) vendredi 6 cha*bân de l'an*
née 677 (V, 2 3 décembre 1 278) et fut enterré dans sa turbeh, près
de la grande-mosquée d'el Afram (N, f i6ii r**).
La mort de ce qâdy. en chef est mentionnée dans Quatremère,
Mandoûks, I, a' p., 167. Il est appdé Sadr ed-din Al)Oul fadl So-
iaymân ebn Abfl 'ezz ebn Wahîb. . . A4ra*y.' Maqrîzy ijoute qu'il
mourut trois mois seulement après sa nomination , à l'âge dequatra-
vingt-trois ans.
''« Sdâh ed-dlu, dans U Wàfy, l'appel 'obsyd Allah ebn Mo-
hammad, Rokn ed-din âibârehâh, es*$amarqandy (N, f i64 v*).
^'* B écrit idu^, forme passive de «tenter, essayer, éprouver s,
d'où je suppose «mettre à la question, faire 8td>ir la torture 1.
Mais peut-être faiit«il lire ^^JLâ «il fut pendu 1, comme dans N,
^2 64v^
^'^ Le sayyed el Hosayny dit dans la Suite des 'ébco', sous Tan-
née 745 : «En cette année mourut à Damas le chaykh de la litté*
rature, Nadjm ed-dSti 'aly ebn Dâoûd ebn Yafaya ebn Kâmei, éL
Qorachy, d Qadjqâry, hanafite, hhattb de la grande-mosquée de
Tenkez et professeur des Hanafîtes à la Zâhériyek. Vi était ûé l'an
668. • — • Suivant ebn Ka^, le jour de mercredi 6 safar de l'an-
née 71a (Me, 94 février i3aa), le chcykfa Nàdjm wd^dm di Qadf-
qâry donna ia leçon à la Zàkêriyth. dea Haaurfites sur ce verset du
312 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
QoVân (i?, 61) : Diea voua commande de restituer les dépôts à qtd Us
{ippartiennent (N, f* i65 v").
^^^ Le qâdy 'azîz ed-din ('ezz ed-dîn) es-Sendjâry, père de Kamâl
ed-din 'abd Ël-Lajif, mourut le 26 cha'l^ân de l'année 646 (N,
ri53r^).
i'« Le qâdy en chef DjalM ednlîn Aboul mafâkher Ahmad, fils
du qÂdy en chef Heiisâm ed-dîn el Hasan ebn Âhmad ebn d Hasan
ebn Anoûcherwân , er-Râzy, puis ed-I)émachqy, mourut à Tâge de
quatre- viugtrtreize ans et demi , en radjah de l'année 7 45 , et fut en-
terré dans sa madraseh qu'il avait construite à Damas et connue
sous le nom de la Djalâliyek: c'était là quil habitait. H professa à
la Khâtoûniyek, à ia Rayhâniyt^ei aux Qatsâ'in (N , f i55 r**). Cf. ci-
après, n. i46.
. '*' La Mo*azzamiyeh fut construite en l'année 6 a 1 et la madraseh
la 'aztzlyek en l'année 635 (sic) (cf. aussi P 175 v**). Ebn Katîr dit
sous l'année 63o : t El malek d 'azîz 'otmân , fils d'd malek ei ^âddl et
firère utérin (chaqiq) d'd Mo'azzam , était seigneur d'e»-Sobaybeh. fl
était intdligent, peu parieur, soumis envers son frère d Mo'azzam,
et fut enterré auprès de lui. Sa mort eut lieu le jour de lundi 1 o rama-
dan (L, 20 juin 1233), dans son jardin d'en-Nâ'émah faisant partie
de Bayt Lehyâ. » Ed-Dahaby s'exprime ainsi dans les *éhar, sous la
même année : «El malek d *anz *otmân, fils d'd 'âdd, était le
frère germain (de père et de mère) d'el Mo'axzam. C'est loi qui
bâtit la citaddle d'es-Sobaybeh (située) entre Bânyâs (Panéas),
Tebnfn et Hoûnin. Sa mort survint à en-Nà*émah, jardin lui ap-
partenant à Bayt Lehyâ, le 10 ramadan» (N, f 166 r**). — Ebn
Khaliikân fait mention de cetie *€iz(ziyeh (IV, 547)*
^ Au rapport d'd Asady, ebn *azis mourut en djoumâda a'
de l'année 819, au village de Kotaybeh, waqf de la madraseh la
'««%eA(N, ri66r").
Voir sur d Kotaybeh, village non loin de Dnaas, en*Nâbdosy,
p. 4i> Marâsed, note.
^^ En 645 , d'après ed-Pahaby, et en 647 suivant es-Sebt. Mais
ebn Khaliikân place sa mort en djoumâda 1*' 646 et dit qu'il
assista à ses funérailles (II, 43o). L'émir 'ezz ed->dîn Aybek, connn
sous le nom de seigneur de Sarkhad. conserva cette place juaqa'en
644 (n, 428).
'^ El Asady, à propos de la Tarkkâniyeh, &it mentîoii d'un pro*
fessenr surnommé ehn Foloàs; mais au lien de Tappder Chams ed-
din, il le nomme Ismâ'il ebn Ibrahim ebn Ahmad ebn Gbâiy Mo-
DESCRIPTION D£ DAMAS. 313
hammad , Gharaf ed-din Abou'l Fadl ou Aboa>Tâh«r, ech-Chaybftny,
d Mârédâny, ed-Démacfaqy, et dit qu'il naquit à Bomi en rabf a"^
de 1 année Sgà. £1 Mo'azzam lui ayant envoyé l'ordre de dédarer
licite Tusage des boissons enivrantes, fl refusa d'y obtempérer^r Le
prince en colère l'expulsa de la Tarkhâniyeh, U demeura dors
dans sa maison jusqu'à sa mort qui eut lieu en djoomâda i*' 699
et il Alt enterré au Qàsyoûn. £bn Kadr le mentionne parmi les
personnages qui moururent en Tannée 63o. Il composa des ou-
vrages. (Voir N, f i63i^.).
^" Ghébâb ed-din Ahmad ebn d Fasîh, hanafite, mourut au
Caire, à l'âge de près de soiiante-dix ans on les ayant disses, en
cha'bân de l'année 818 (N, f 167 v").
»« Chéhâb ed-din Abou l 'abbâs Abmad ebn d Mozaffer Abi Mo-
hammad ebn d Mozaffer, en>Nâbolosy, naquit en ramadan de l'an-
née 676 et mourut à Damas en rabr 1" de Tannée 768 (N,
f 167 V").
^ £bn Chaddâd s'exprime ainsi : «Au Keuchk; cette madiaseh
est connue sous le nom de maison à'ebn Monqed. ■
^^ Quatremère, Mandoûks, I, 79, 190 et 300, fait mention de
la ville de Tour, près de *akkâ.
^27 En cba'bân de Tannée 837 (dit Taqy ed-dîn, le fiib du qâdy
de Chohbeb) mourut le chaykh Cbams ed-dîn Abou 'abd Allah
Mohammad ebn Chéhâb ed-dîn Ahmad ebn Zayn ed-dîn el Mo-
bârak, el Hamawy d'origine, banalité, connu sous le nom d'ebn
el Djavirzy. Il était venu à Damas depuis plusieurs années. Il obtint
la moitié de la chaire de la *ezziyek extra muros. Il mourut dans
cette madraseh, où il habitait, le jour de mercredi iS du mois (Me«
13 juillet i4ad, CaL astr.). La prière sur son corps fut faile à la
grande-mosquée d'Ylboghâ et il fut enterré au cimetière mis à la dis-
position du public par le sultan d maiek el Achraf , à Touest de la
khânqàh de *omar Chah. Je pense qu'il avait dépassé lea soixante-
dix ans (N, T 167 r**-v°).
^^ N le nomme *ezz ed-dîn 'abd El *aui et lui donne pour suc-
cesseur 'émâd ed-dîn Dâoûd ebn Yahya eba Kâmd , d Qorachy, el
Bosraviry, qui mourut la nuit du (i4 au i5) milieu de cha*bân de
Tannée 684 et fut le père du chaykh Nadjm ed-^lîn d Qadjqâry,
chaykh des Hanafîtes et kfMttb de la grande-mosquée de Tenkes.
'émâd ed-dîn Dâoûd était né êa 698 (N, f 168 1^.).
''« Le kâfez Charaf ed-dîn ^abd Allah ebn Mohammad ebn Ibra-
him, d Wâny, hanafite, mourut en Tannée i6â9 (N, 1* 169^ rT). .
814 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1804.
^ SL^M^. N porte S^it^^ «ia petite piaoet.
«a Es-SalAb l'appdle Khâled ebn 'abd Âflah din ïadd ebs Asad,
Aboal Haytam d Badjdy, d Ghanawy, qui a*eft autre que le c^
ièbre gouverneur de la Mekke Kbâied d Qasry, desceadant de ia
tribu de Badjîlah par cdie de Qasr. Cf. sa biographie dans Bio»
graphioal dUtiênary, I« 48 4»
^^ B écrit par erreur «fils de Solaymâna.
^^ Au rapport d'Aboul Hoiayn er*Râiy, ia nudfon et io'liam
connus sous le nom de Khâled. sur la plaoe dé Khàiêd. doivent
leurapp^ation à Kbàled ebn Asad (N, f 169 r^-v*").
^ Sous la Fathiyeh cbâ'fé'îte, B écrit tdans les DyAr ei Ma^ar-
riyeb» et N «dans les Djrârel Mtiriytkê, e'eet4^ira en l^gyple*
(Voir chap. in, n. 34o*)
^ Il médisait de *aly et jetait du Uâme lur ie puits de ZeniMmt
il était à peu près comme d Hadjdjâdj (N, f 169 v*)l
^'* Ed-Dahaby dit dans les 'ébar, en citant les personnages qui
moururent l'année 578 1 «Et Farrokhchâh, fils de Châhancfa&h ,fils
d'Ayyoûb, fils de GhÂdy, 'eu ed-din, seigneur de Balbakk^ père
du seigneur de cette ville d mdek d Amdjad, et ?ulï6 de Damas
pour son oncle Salâh ed-dîn. H mounit à Damas en djoomâda %**
et fut enterré dans sa ^ubbek qui se trouve dans ta madraseb
(située) sur ie C&oro/'septeiitriond. li était le finàre de Taqy ad<dini,
sdgneur de Hamâh» (N, f 169 v**)*
' ^ Ën-No'aymy fient ia remarque suivante (fol. 170 v*):. tfilm
Ka^ dit dairement que cette madraseb est commune aut ideux
seetes, mais il est contredit par d Asady, puisque oe dernier te»*
mUie ainsi ea citation 1 *£t il fut entervé dans sa tuiMi , auCAoïw^
« supâ'ieur; cette turbeh est à côté de sajiladraseh, qui eit aft^ctée
«aux Hanafttes.»
>* N écrit « dans iâ maison s«
^ Dans une iitière, ia nuit du (dimanche au) iniidi , deux jours
avant la fête , à l'écurie de Dâr es-sa'âdeh. Il y c^bra la tètè et le
lendemain , dans Tapr^-midi , il y oiounit ( N , f* 1 7 1 i^)k «^ lie jour
de mercredi I correspendaint au »i teptémbre, eut Heu la fête à» la
luptopedujeâne de l'année 89 s (N, f 170 V). ^^Le ai seplembve
(1487) tflimba un vendredi.
!*• Mohamm^ d)n Ramadan, d Amâty (d'Amàsydi), ed^M*
machqy, le hanafîte, le Soûiy (N, f 171 r*),
'êùt'ÀmàÊyah, à l'est^sud-ett eu port de Sinopê,'c£ Ahoul fôda»
traduction Guyardi Ht ifv »38.
DESCRIPTION DE DAMAiS. 315
^** Ce que je place ici eàtre deux d:x)cliet8 te tronva dim Itfs
marges du manascrit.
^^^ « Le roi des émirs. • C'était le titre que prenaient quelquefois
les principaux des nâïb. Cf. Quatremère, Mamloàksjl^ a*pM 94-
*" Gouverneur généred. — Sur le titre de kâfel, donné au nâîb qui
tenait lé rang le plus élevé, voir Quatrem^, Mandoûhsg I, a* p.,
94-98.
^^^ N Tappdle la madraseh. les QassâHn,
146 ftLâs,^^^; N écrit <,aJLU^ ■kho$lîchaB.
^^ D'après le très docte Nadjm ed-dîn de Tarsods, un de ceux
qui y professèrent ^t le qâdy en chef Djalàl ed-dîn Ahmad, fils du
qàdy en chef Heusàm ed^^n el Hasan ebo Ahmad ebn d Hasan
ebn AnoÀcherwân, er-Râzy, hanafîte. Né en l'année 65i, il fut in-
vesti, à l'âge de dix-sept ans, des fiDuctions de qâdy à Khartabert
et ftit le substitut de son père dans radmioittration de la justice,
durant les années 696 et 697. Puis, quand œ dernier se transféra «a
Caire, il fut promu qâdy indépendant. U proliessa à la Kjjàtùéniyekr
'esmvyek, à la Zendjâriyeh, à la ^adràuiyeh et aussi à la Moqaddor
miyeh, 11 mourut le jour de vendredi 19 radjah de Tannée 746 (V,
36 novembre i344) (N, f^' i54 r*" et 171 v"*). ^ Cf. n. 118, ci-de-
vant.
« Khartabert, château fort connu sous le nom de château fort de
Zyâd , à l'extrémité du Dyâr Bakr, qui fait partie du Bââd er-Roûm
(Asie Mineure). Il est à deux jours de marche de Blalatyah; l'Eur
phrate les sépare. » Marâsed,
^^^ Ce vers est cité par N dans la notice biographique qu'il
donne, d'après ebn Katîr, d'ebn «d Fowayrah (Badr ed-dia Mo-
hammad ebn 'abd £r-Rahman ebn Mo^ammad, es-Solamy, le ^ana-
fite), qui mourut le 21 djoumâda 1*' de l'année 676 et fut en-
terré à l'extérieur de Damas (f* 171 r°).
^^^ On lit dans ebn Batoûtah, I, 207, que la maison de M6*â-
wyah , fils d'Abou Sofyâti , et celles de ses gens , s*appdaient la Khadrâ,
^*® «J'ai vu sur un auto^aphe des Annales du hâfez *alam ed-dîn
el Berzâly qu'en radjah de Tannée 735 eut lieu la mort de Tépouse
du né^h de Syrie, Tenkez, et que la cérémonie des obsèques s'ac-
complit à la Qilidjijeh hanafîte, voisine de la maison où die fiit
enterrée. iJ'ai vu aussi sur le linteau d'une fenêtre de cet édifice que
je pense être la tnrbeh ( l'inscription suivante) :
«Le [grand*]émir, [le champion da la foi,] le guerrier, Vesfah-
salâr (général en chef), le bienheureux, le martyr, Sayf ed-dîki
316 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
Aboa*l Hasan 'aiy ebn Qilî(^ ebn 'abd AUah, que Dieu [qii*il soit
exalté!] lui fasse miséricorde! a dit ces vers et recommandé dans
son testament de les écrire sur sa turbeh , après sa mort :
( Sur une seconde fenêtre ] .
t Cette maison où nous nous trouvons et qui est la nôtre est la
Vraie maison; tout excepté elle périra.
« Construis donc , autant que cela t'est possible , une maison vers
laquelle tu seras sous peu transféré;
«Et pratique" le bien afin qu*il t*y tienne compagnie, de même
qu'un ami tient compagnie à son ami» (N, f* 17a v*).
Cette double inscription (la seconde en vers) porte dans ma
coUection le n** a44. Le copiste y a iu Jlua) au lieu de Jos^t . J'ai
mis entre des crocbets les mots qui. ne figurent pas dans le texte
donné par en-No'aymy. — M. Max van Berdiem a lûen voula me
&ire savoir, que ces deux inscriptions. gravées sur deux linteaux, et
dont il possède une photographie, sont exactes, sauf ^^f^ ^^ « hien-
t6tt, au lieu de Jl^ ^ et ^«SJI pour ^1.
^^ Sic. N dit (f" 17s v"*) que la madraseh resta à sea en&nts et
qu'ils eurent comme suppléant Fakhr ed-din Ifarfthim ebn Khalifiih ,
d Bosrayry.
"» "iJ^I fo.dLH i.
^'' Le suUaxàa valait autant que le ducat sequin de Venise, c'est-
à-dire la francs environ. Cf. Matériaax,:^ H. Sanvaire, impartie,
168-170.
^ Le texte porte ^; je crois devoir lire V/, que Kasimirski
traduit par « désirer avec avidité b.
*"* Qorftn, IX, lai; xi, 117 et xn, 90; mais au lien de 4KI3,
B aurait dû écrire dA\ (l;t ou aMI mU et, à la placé de XS 1^**»»^ f^,
' ^ Suivant ebn Katîr, la Qaymàtiyeh est à l'est de la citadelle
.(N,ri73v°).
'^ Cest ain&i qu'il £iut lire et non d-Lakhmy. comme Fa écrit le
copiste au folio a v**. — Sârem ed-din Qaymâz en-Nadjmy était un
des jdus grands mamloûks de Nadjm ed-din Ayyoûb (N, f* 173 v*].
— La £unille de Qaymâx, établie à Damas, est spuvent nommée
dans V Histoire de l'Egypte et de la Syrie, 'émÂd ed-din el IsfahAny
* «X4^l, expression sar laqndle on peat voir Quatrepièpe, MamhêkM,
f, 9*p.t^.
DESCRIPTION DE DAMAS. 317
£ût mention de l'émir Sârem ed-dîii Qaymâx en-N«djmy (ms. arabe
714). On lit dans Ihistoire de Nowayry (36* partie, f* 168 r*") que
le sultan d mdek e) Achraf avait acheté la maison de Qaymâz en-
Nadjmy. Aboul mahâsen {Manhel tajy, t. IV, ms. ar. 7^0 , fol.
ii4 r^) parle d'un c(^ège situé à Damas, et appdié là QaymâziyeK
(Quatremère, Mwadoûks, I, 27). — Un Sârem ed-din Qaymftz el
Mas'oûdy est dté par ebn KhallikAn (Ql, a 45, a 48). 11 était gou-
verneur du Caire, ({uand il fut assassiné en 664 (iâ66). Ce n'est
pas le nôtre.
^^^ Le Kétàh er^atodabayn, a* p., aSg» sous l'année 696, &it
mention de la mort de cet émir et donne sa biographie : c Sârem
ed*din Qaymâz en-Nadjmy mourut lé i3 djoumâda i"^ dans sa
maison de Damas. 11 remplissait auprès de Salâh ed-din les fonc-
tions de majordome (osiéà ed-dér)* Il bâtit entre autres rébâts cdui
de Khesfin (datis le Hawrân) et cdui de Nawa (dans le Hawrân),
ainsi qu'une madrasefa à cèté de sa maison. Sa maison à Damas est
cdle dont d malek el Achraf Abou'i fatfa Mousa, fils d'd 'âdd, fit
une école pour (l'enseignement de) la tradition, l'année 63o; ce
prince détruisit le bain qui l'avoisinait et l'incorpora dans les loge-
ments de cet édifice, qui était voisin de la citadelle de Damas, et
en était séparé par le fossé et le chemin. Là se trouve sa madcaseh ,
connue sous le nom de la Qaymàziyek, »
"8 B : *lJL^3 ji^LUI Ux»! 4,-^; je traduis, avec N, ^Ki^,
^^ D'après el Asady, il bâtit le pont (qantarah) situé entre
Hesnîn (lisez I^esfîn) et Nawa (N, f 173 v").
1" Le 8 rabr a"* dé l'année 73a (N, f 174 v°).
^^^ Le copiste de N a écrit par erreur la Bachidiyeh.
^^ La rivj^ère Yazîd est un bras du Barada qui s'en sépare devant
Doummar et qui baigne la Saléhiyeh , au pied du mont Qâsyoûn ;
voir A. von Kremer, Topographie von Domascus, I, p. 4-5; II,
p. 26 [Vie (TOusâma, traduction . de M. H. Derenbourg, p. 4i3,
n. 3)^
« Yazid, rivière (nahr) de Damas qui tire son nom d'Yaiîd, fils
de Mo'âvryah; dérivée de la rivière (nahr) Barada, elle vient au
pied de la montagne, au-dessus de la Tawra.» Marâsed.
^^ Dâoûd, fils de 'ysk, fils de Mohammad, fils d'Ayyoûb, el
malek en-Nâser Sàlâh ed-dîn Aboul ma£l][her, fils d'd malek el
Mo'auam 'ysa, fils d'dl malek el 'âdel Yancien, fils d'Ayyoûb, nâr
quit à Damas en djoumâda 2^ de l'aimée 6o3 et mourut de là
318 SEPTEMBRE-OGTOBRE 1804.
peste Tannée 656. Il fiit enterré au penchant du Qà«yaèn« dassU
turbeb de son père. Il était grand cdlecttonneur de HvMa xtoem
(FatoAt d wafwyàX, I, 3oo).
^^ Le qAdy en chef Ghama ed-dîn Ahoa Mohammad *abd Aliiih ,
fils du chaykh Gharaf edrdin Mohammad ebn *atâ ehn Hasan eba
Djobayr ebn Djàber ebn Wohayb, el Âdra*y, hanafitp. » connn amu
le nom du qâdy *abd Allah, naquit Tannée 699» E^int à Dantas et
étudia la jurisprudence au point qu*il devint le rafs (chef) des Hte
naiitea. B professa à la KhàiQWiiiyêh'nmiytk et à la MorohéJiyeh,
H ffoi nommé qàdy par le snitan d mtààk ^^Zàher. Baybart efrSftr*
lehy« ie 6 djoumàda i** de Tannée 664* fl resta qftdy en chef Jaa«
qu*à sa mort, qui eut lien le jour de vendredi 8 (ebn Kaiir dit 9)
d^eumâda 1*' de Tannée 673 et il fiit enterré an pendiant dn QA»>
syoÂtt (N, f^ 175 r**). H véeut près de quatre-vingts ana (N, foL
1&3 v**).. -^ U étai* né l'année 696. H fiU enterré paèa de U Mo'û^
uttniyêk, au penchant du Qàsyoûn (N, f" 164 r'^tv"). [-* Soivast
G. Fi&gdf looû cit., p. 396, Ghama ed^n mourut en 673.
Ebn Kattr se trompe. Diaprés ie eaiendrier leligieuz, le i*' oio»
harram 673 tomba on samedi (7 juillet 1374) et cènaéqnemawt
le 8 d^onmâda 1*' fat bien on vendredi.
'*^ El malek el Mo^azzam Gharaf ed<lhi ^ysa fut le premier db
la famille ayyoubîte qui ad<^ta le rite d'Abeu Hai^^fiih. Gf; ta bio-
graphie dans Biogiraphiad dietianary, U, 428-43^ *
^ H* Khal. (II, 566) ùÂt mention du commentaire de eepriiice
et ajoute qu il avait Thabitude de donner 100 dinârt à ctmt qm i««
vaient par cœur le Djàmé' $1 kabtr ^ 5o dinars k ceox qui avaient
appris le Djâmfi êê'-ta^hir,
!«• Traité de grammaire par ei«Z«makfaehary, ayiit «à 538
(Comm. 16 juillet ii43). H. K^», VI, 36.
^^ Les ouvrages portant ce titre sont très nombreni. H s'agit
probaUement ici de Vlifdâh, oemmentaire du M^tuwi, par Abon'4
baqâ 'abd Allah ebn d Hasan, d 'okbary, mort en 616 (Cpéun*
19 mars 1919). Gf. H. K^dl,,It 5id, et VI, 38.
1^ Suivant d Asady (N, V 177 v**), ea fut le ix don*! qaUoh
de Tannée Ôi i. B se rendit à la Mekke à dromadinra, aceom^a§ii4
de 'eu ed-dtn Aybek, seigneur de Sar|^ad, de 'émÂd ed-^din ebn
Moèsdi et d'es-Zahir ebn Sonqovv d Hdaby» S^em,«aîgBe«r de
Médine, vint à sa rencontre et lui fit cadeau de dieva^xf qnpnt à
Qotâdah, sdgneur de la Mekke, B s'abstnit de kd Madre^hMi»
DESCRIPTION DE DAMAS. 3U
mage et ne fit pas attention à loi. -^ QotAdah étant mort en 617
ou 618 (Die Ckronikm der Stadt Mekka, II, 3i4), rannée 611 eat
la bonne leçon.
^^ Cette construction est attestée par les deux inscriptions sui-
vantes (n~ 769 et 769 de ma cdiection) :
N* 7 59 (à bâb ChàghoAr, an-idessus d'une eorieuse inscription cou*
fique de l'annëe 55 1). cAu nom de Dieu, etc. (Cemût fd h réw^ltemi
Ê contre Dieu et ien prepkète terûnt oemerts d'ùppnht^. Diea a dit :)
c Certes je donnerai la victoire à me$ eKooyée* ïhea eetfert et pwiisani
c (Qor., Lvu, ai ). A ordonné de Ptnou^er cette porte, le rempart
«et le fossé béni notre jnaitre, le sultan el maiekd BfoV^tsam, b
t conquérant, fe champion de la foi, Gbaraf ed-donnya ou ed-dîn , la
c sultan de Tislamisme et des musulinans, lewvificateur de la justice
f dans luni vers , ^m ^ fils du maître le sdhin el malek d *âdd Sayf ed-
«dîn Abon fiakr, fils d'A3ryoâb, que Dieu éternise son règne! par
c pentir * envers Dieu , qu^il soit mité ! sous la directi<m ( Jy^) du
c viteur qui a besoin de la miséricorde de son seigneur, Mohammad ,
• fils de Qarsaq , el Mo azzamy. . . » .^^ Vérifiée par M. Max van Berchem.
La fin, qui contenait sans doute la date, a disparu.
N** 769 (A bàb charqy, sur la fkce intérieure) :
• Au nom de Dieu, etc. Qor'an, m, 11s. A ordonné de renour
ff vêler ce rempart béni et le fossé, notre maître le suHan d malek
■ el Mo'azzam, juste, savant, champion de la foi, Gharaf ed-dounya
• ou ed-din , le sultan de l'iriamisme et des musulmans , le vivifica-
«teur de la justice dans l'univers, "ysa, fils du maître, le sultan
■ martyr, d malek d âdd Abou Bakr, fils d'Ayyoéb, que Dieu éter*
« nise son règne! pour se rapprocher de Dieu et obtenir ses faveurs ,
■ sous la direction du serviteur qui a besoin de la miséricorde de
« son seigneur, Mohammad , fils de Qarsaq d Mo'axzamy. Et cda en
• l'année 62(?)3.» — Rectifiée par M. Max van Berchem.
La dernière ligne est mutilée.
1» Elle s'appdait aussi la Mo'Azzamiyek. Cf. Moudjîr ed-dln, tra-
duction Sauvaire, p. i56.
"* DjaTar ebn Abt TWeb, cousin du prophète et frère de *a!y,
fut surnommé et-iayyér (cdni qui vole) par Mahomet; il eut les
deux bras coop^ i la bataille d^eA Mo'teh el fut enterrtf dans la
localité de et nom. Cf. Oiod el ffkâhak, I, a86, et en-Nawawy,
p. «9a.
• ^. J^ndînen» à lire tfjM9, comme dans nnscriptlon qd tdt.
320 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
17& tiMa'ân, ville située à l'extrémité du désert de Syrie, en âice
.du Hedjâz, et un des cantons du fialqâ; die est actuellement en
ruines. C'est de là que les pèlerins descendent dans la campagne. »
Marâsed, — Abou 1 féda écrit Ho*ân.
"• El Asady, apnd N, f* 176 v', rapporte qu'el Mo'azzam sui-
vait assidûment les leçons d'ét-Tâdj d Kendy et qu'il descendait de
la citaddle, son livre sous le bras, pour se rendre à la maison de
ce professeur située dans la rue des Persans (darb el *adj(Ufi), — >
Ce prince faisait faire dans ses États la jdiptheh au nom de son
frère d Kâmd et firappait la monnaie à son nom sans faire mention
du sien propre à côté de cdui d'd Kâmd (N, f*^ 177 v^). — Ses
États s'étendaient depuis d *arîch jusqu'à Hems et d Karak.
"'' Sebt ebn d I^'av^ dit qu'il mourut la nuit du (3o dou'l
qa'deb au) 1*' dou'l hedjdjeli 6ii (V, 13 novembre 1337); suivant
un autre auteur, il mourut à Damas à la buitième beure du jour de
vendredi 3o 4ou'l qa'deb 62^ (Biographicàl dictionary, II, 439). B
eut pour successeur son fils d malek en-Nâser Saiâh ed-din Dàoûd.
^^' Suivant ebn Katîr, la Khâtoûn. mère du sultan d malek d
Mo'azzam et épouse d'd 'âdd, mourut le jour de vendredi 30 râbf
1*' de l'année 602 (V, 4 novembre i3o5) et fut enterrée dans sa
<foiihbeh, dans la madraseb la Mo^aziomyeh, au penchant du Qâsyoûn.
— En l'année 606 mourut d mddc d Mogbit Fath ed-dîn *omar,
fils d'd malek d 'âdd, et il fut enterré dans la turibeh dé son
firère d malek d Mo'azzam, au pencbant du Qèsyoûn. — Quand
mourut d malek d I>jawâd Mou'mea (lire Yo'ùnè»), fils de Maw-
doûd, fils d'd malek el âdd, au cbâteau fort de Gbaznâ où îk était
emprisonné, son corps fut transporté à la turbeb d'd Mo^azzam, au
pencbant du Qâsyoûn. — Le même auteur dit, sous l'année 655,
en donnant la biographie d'd mddc en-Nâ»er Dâoûd, fils d'd
Mo'azzam 'ysa, fils d'd 'âdd, en-Nâser, fils d'd *azîz, qu'M l'empri-
sonna au village d el Bouwayda, qui appartenait à son onde patemd
Mohiy ed-dîn Y a'qoûb, jusqu'à ce qu'il y mourut en cette année. B
fut transporté de là et enterré auprès de son père , au penchant dâ
Qâsyoûn. — En l'année 693 , d malek es-^âber Mohiy ed-din Abou
Solaymân Dâoûd, fils d'el malek d Modjâbed Asad ed-din Chir^
koûh, seigneur de Hem^, fils de Nâser ed-dîn Mohammad, fils d'd
malek d Mo'azzam, mourut dans s<m jardin, à l'âge de qoatre^
vingts ans, en djoumâda 2"^, et après que la prière sur son corps
eut été faite dans la grande-mosquée d Mozafiéry, il fut enterré
dans sa turbeb, au penchant du Qâayoûn. — £1 Benâly dit dans
DESCRIPTION DE DAMAS: 321
SA Chronique,- sous l'année 708 : «Le matin du samedi 10 djou*
mâda 3** (le S était le 9 ou le 16), mourut rémiréminoit, savant,
Sayf ed-dîn Abou Bakr Mohammad, fils de Salâh ed-dîn Aboul Hasan
Mohammad, fils d'el malek d Amdjad Madjd ed-dîn d Hasan, fils
du sultan d malek en-Nâser Salâh ed-dîn Dâoûd, fils d'd mdek
el-Mo'azzam Gharaf ed-dîn *ysa, fils d'd malek d 'âdd Abou Bakr
Mohammad, fils d'Ayyoûb, fils de Ghâdy, au penchant dû mont
Qâsyoûn; la prière de midi fiit faite sur son corps dans la grande-
mosquée de la 5âléhiyeh et il fut enterré dans la turbeh la Mo^azza-
miyek, auprès de son père et de ses aïeux. H avait demeuré qudque
temps à Hamâh , puis était retourné à Damas où il se fixa. » ^ —
£s-Safady dit, sous la lettre B : «Abou Bakr, fils de Dâoûd,' fib de
'ysa, fils d'Abou Bakr Mohammad, fib d'Ayyoûb, fils de Châdy,
Sayf ed-dîn , surnommé honorifiquement el malek d *âdel , mourut
dans le mois de ramadan de l'année 682. La prière fiit faite sur
son corps dans la grande-mosquée omayyade et il fut transporté
à la turbeh de son grand-père d Mo*azzam , an penchant du Qâ-
syoûn '. Il était dans la dizaine des quarante (ans) , qu'il n'avait pas
encore atteints*» (N, f° 176 r^-v").
17» On lit dans le texte arabe d'ebn Khailikân i:)^\ , A3ljLai.t et
ylS'^, au iieu de y>i#, *IôliI et yl5l
1^^ Sur la porte d'une ancienne madraseh, au marché de bâb el
barid, près du marché des vanniers (el Khawwâsin), on lit cette in-
scription coufique, couverte de plâtre (n° 328 de ma collection) :
«Au nom de Dieu, etc. A construit cette madraseh bénie le grand-
«émir, Vesfehsalâr (généralissime) Mo'în ed-dîn Anar, fils de 'abd
« Allah , l'affranchi d'd malek le champion de la foi , l'assidu des
« rébâts , le conquérant Toghtékîn , des bienfaits de feu son maître.*
«Et cela eu l'année 624.» — «Cette inscription a disparu.» Note
de M. Max van "Berchem.
Il faut lire 624 ou 544; en tout cas, le nombre des centaines
(600) est certainement erroné.
1^1 Le texte porte Anaz, comme ebn Khailikân, page 34 o du
texte imprimé, et 275 de la traduction; mais M. de Slane (I, 678)
rectifie celte lecture. On trouvera dans les HUt or. des Crois,, I,
760, l'explication de l'origine de la fausse lecture Anaz. Dans ed-
• Cf. Quatremère , Mamloûhs, II, 67.
* On pourrait inférer des mots «qo^il n'avait pas enc<»e atteints» que
Texpression «dans la disaine des quarante» signifie de «trente à quarante
ans».
IV. 2 1
iiirataBUK iatioiau.
322 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
Dahaby, ce nom est vocdisé Onar. Ebn Khailikâii , loco. eit» , jdace
sa mort dans la nuit du (23 an) 28 rabî* s*^ 544 (août ii4g)« Sa
fille ëpoasa Noùr ed-dîn Mahmoud et, après la mort de ce prince,
devint la femme de Saladin.
^ Nous avons vu l'expression maqbercA ayant le aena de tarhdL;
ici, c'est l'inverse. Ct n. 70, ci-devant.
1^ Ë4-I>ahaby dit dans les 'ébar, sous l'année 544 : «L'émir
Moin ed-din Anar, fils de *abd Mlah, eUToghtëkiny, est enterré
dans sa (fonbhek située entre la maison det jtastèqnes et la Càébii^fA.
n mourut en rabi* i**. • Et dans son Abrégé det Annales de litlo'
misme, sous la même année : «Le tombeau de l'atâbdL, le meUk el
omard Moin ed-dîn Anar, se trouve dans la qonhbek qoi est derrière
la maison des pastè^nes, » «Suivant (Abou Ya*la et-Tamimy, dit) Abou
Ghâmah [Rawdatayn, 64 )« il mourut la nuit du (93 au) s 3 rabfi* 3*
de l'année 544 et fut enterré dans Viwân de la maison VAtàiékiyek
qu'il habitait. Puis, qudque temps après, il fut iransféré à la mad*
raseh qu'il avait édifiée». Je dis (c'est Abou Cibimah qui parle) s
«Son tombeau est dans une iioubbeh au cimetière (inaqàber) de la
^awniyek, au nord de la maison des p€Mè<iues actuelle. Son noM est
écrit sur la porte de la ifwhbeh. Peut-être y a-^il été transporté de
là» (N,Pi78 r»V).
>^ Le qâdy Nadjm ed-dfn 'omar en-No^mâny, el Beghdàdy, puis
ed-I>émachqy, hanafite, était, à ce qu'on prétend, an descendant de
l'imâm Abou Hanifah. H vint à Damas avec son père, en proie, tons
les deux, à la plus extrême misère, et as se dirigèrent vers Mesr.
Nadjm ed«dîn entra dans la maison du qàdy hanafîteet devint ekàhed
(témoin ) et méhaUef (chargé de &ire prêter serment). Impfiquénllé^
rieurement dans une affaire de soustraction commise au préjudice de
l'émir Gumuchboghâ, nâA de la dtaddle, il partit pour le Caire et
quand l'armée égyptienne arriva, il vint avec elle et ivmplit pendant
quelque temps le poste de hâi^ es-serr par délégation de Belift ed-
dîn ebn Hedjdjy; puis il fut investi de la heshek en râdu* i^ dei^ai^
née 844. Il fut ensuite nommé inspecteur et professeur de la Mo-
'tniyeh, dont il fit son prétoire et qu'il avait reconstruite api^ qa'dle
avait été la proie des flammes. Après la mort d'Abou Chàmah, il
fut investi de la procure (wékàleh) du trésor public, puis de l'office
de qâdy en remplacement de Ghams ed-<JUn es-Safadyt en safar de
l'année 846. H mourut le 4 saCar de l'année SSo et fut entené au
cimetière (maqéber) des étrangert, à la Qarê&h, au penchant 4il
Moqattam. Il était âgé d'environ soixante ans (N, f* 179 r^V)^
DESCRIPTION DE DAMAS. 323
«» N écrit tAifetâ».
^^^ Le chaykh Taqy ed-dîn dit : fPtmi le» penonnageB qm fidOtt*
rurent dan» h jomb de djoumâdai i*' de l'année 8iJ^ fut Asank
— par un tîn et UB noûn — • fils d'Azdéoiir. Il était venu de son
pays (à Damas) auprès de son frère* depuis peu de temps., moins
d'une année , lorsqu'il mourut le jour.de vendredi so du moci(V,
iSaoùt i4i3); il ûit enterré dans la turbeh de U madraseli la jiUk
rédânijeh, au pont blanc, attendu que la fendatrioe n'y avait pas
été enterrée» {îi. r i8or^).
^^^ Ce passage , jusqu'à la mention des profissaeois exdnsiyiemeiit-,
manque dans le ms. de M, Scfaefer.
^ Le chaykh Taqy ed-dîn, fils du qâdy de Ghi^ibeh» dit daos
la Suite, sous (^oumâda %^ de l'année 83 1 : «Parmi ceux qui mou-
rurent à cette date fiit le chayUi Zayn ed-^n Abou *abd Allah
Mobtmmad, fils du qàdy Tâdj ed^n abd Allah ebn ^«ly, d Mft*
rédâny d'origine, ed^'Démachqy, hfopitCîie, oonnu sous le nom db
fils du qâdy de Soûr. Mé, suivant l'information qu'U m'en i don-
née, l'an 790 , il reçut de son père la chaire et l'in^>ection (luisor)
de la MàrédàMyek , l'inspection de la turbeh la Djarkatiyeh , à la
Sâléhiyeh, et autres. Puis, dans le mens de ramadan 839, il
fut investi de la charge de substitut du qàdy, moyennant le paye-
ment d'une somme. Il mourut, en sa demeure* à la Sâléfaiyeh, le
jour de dimanche 1 1 du mois. Le jour de jeudi 8 de ce mois, il
rendait la justice à la madrtseh la Noûriyek. U fut enterré dans
leur turbeh an penchant du Q&syoôn, à prosimité de la M^'az-
zamiyeh. Son père était mort au mois de rabf 2^ de l'année 799»
(N,ri8or°).
iB^ «Les Mohammadiyât sont un endroit (^>«) à Damas.» Mtk-
ràsed.
190 cf, Biographieal dictionary, IV, àao^ 5o5« Sfio* «^ Ebn el
Moqaddami Mohanunad ebn 'abd £1 Malek ebn el Moqaddam,
l'émir Chams ed-dîn, était un des grands-émirs des deux jcègnen,
celui de Noûr eddîn et celui de Sdâh ed-din (N, P 180 v*).
^^ Saladin lui enleva Balbakk qu'il donna À son firère Ghams
ed-dauleh Toûràn Chah, et lui remit en édiange une plaoa.£of!te
(N, P 180 v<').r— Cf. HisUor. det Croù., U 634, année Ô74.
^^* n fut présent à la bataille de Hettîn et funipart aux combats
de 'akkâ, de Jérusidein et des viM« du Littnral (N, T 180 ^Vf,
i9i ti'att^àt estleltan ou l'on stationna pendant les oérémonies du
pèlerinage. Sa limite s'étend de la montagne qui domine )e Batn
21
324 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
*amah jusqu'aux montagnes situées en face^ jusqu'à ce qui suit les
murs des Banou 'amer. » Marâsed,
*"* Le texte porte \s>\ym»S3\ vv^î uïùb il faut évidemment lire
is»Ur^t. — Ëbn Katîr dit v>W^ (les tambours).
iM Tftcfatékîn signifie, d'après M. de Slane, de brave camarade t.
-^ Cf. sur cet événement, Hist. or. dei Crois,, I, 714, 7i5. — Cet
émir fut blâmé d'avoir agi comme il l'avait fait et destitué de sâ
jdace (N,f i8ov').
^^ Cf. Rawdatayn, a* p., laS, et Hist, or, des Crois., I, 58, 714,
716; lU, io4» io5.
^'^ H. Khal. (Il, 236) mentionne secdement le titre de cet ou-
vrage, sans rien ajouter.
1» On lit dans Y Histoire d'ebn Wftsd [Kàmel, t VU, p. 34)<
cLe khân d'ebn el Moqaddam est voisin de la porte d*elfaràdis*
(Quatremère, Mamloûks, II, 72). — E^-Saqqâ'y (f 70 v*) attribue
cette madraseh à el malek d Hâfe;z Ghyât ed-din Mohammad, fiit
de Cfiâhahchâh , fib de Behr&m Chah , fils de Farrokh Chah , fils de
Cbâhahchâh, fils d'Ayyoûb. Il s'exprime ainsi : cCe prince, connu
sôus le nom de Fils du seigneur de Balbakk , habita constamment
sa maison et sa madraseh colinue sous* le nom de Ia Moq^àda-
miyeh, (et située) à Damas en dedans de bâb elfarâdts. H mourut
en cha'bân de l'année 693 et fut enterré dans sa tnrbdi (sise) dans
ladite madraseh. »
»»» tPeut-êtreendehorst (N,f* 181 r^). .
'^ On lit dans la Description de l'Egypte de Maqrîzy, Û, 317 t
S^S^S dut vUl ^^.
^^ Sur le mot khawand ou hhaioandak t princesse •, voir Quatre*
mère, Mandoiiks, I, 64* 68^
*^ L'inscription (n** 260 de ma collection) qu'on trouve en de-
dans de bâb ei farâdts, sur la porte de la Moifoddamiyeh, prouve
qu'en 990 (1682 ), ultérieurement à.la mort de *abd El Bàset, cette
madraseh fiit l'objet d'une reconstruction. L'inscription se compose
des trois vers suivants :
cô belle madraseh, dont les beautés re^endinent «l qui est
rem{^e de la récitation des litanies et de sanctification 1
tElie a été élevée par ez-Zayn (Zayn edrdin) dont la ^oire est
complète. Il l'a préparée pour la science et l'enseignement.
« Honore une madraseh ayant pour chronogramme : La trwulof
tion des sciences est établie sur ia pins s<^de des bases. — An-
née 990. •
DESCRIPTION DE DAMAS. 3J5
Les lettres-nombres composant le chronogramme sont :
NQLAL /LWMB
5o-ioo-3o-i-3o 70-3o-6-4o-2-
A H K MAL T A S Y S
i-8-ao-4o- L-3o -4oo- 1 ~6o- 1 0-60
Si l'on additionne les chiffires places sous chaque lettre, on trouve
exactem^it 990, comme l'indique la date exprimée en chiffines.
Sur Vabondjad oriental, voir Une mère d^astrplabe, par H. Sauvaire
et J. de Rey-Pailhade, dans le Journal oiiati^ue, p. 7 du tirage à
part.
^ N porte ici, au lieu d'd Ghâ4y« d qâry (le professeur de lec-
ture qor'ânic[ue).
^ Le chaykh Qiéhâh ed-din Ahmad ebn Khedr y donna la leçon
en vertu d'un rescrit du sultan, en el moharram de l'année 774
(N,fi8iv').
^ Taqy ed-dîn el Asady s'exprime ainsi : « Quant à la Moqadda'
miyeh extra mnros (située) à Mardjah Dahdâh et connue squs le
nom de turbeh d'el Moqaddam , e^e fut construite par l'émir Fakhr
ed-dîn Ibrahim, qui mourut en l'année 697 (et fut enterré) dans
ladite turbeh. » L'auteur dit encore , sous la même année : « Ibra-
him, fils de Mohammad, fils de *abd El Malek, Fakhr ed-dîn ebn
el Moqaddam, était brave et intelligent. Il fut investi de la cita-
delle de fiârîn et de plusieurs châteaux-forts , où il avait des lieute-
nants. El malek ez-Zâher Ghâzy, ayant jeté les yeux sur ces places,
les prit et il lui resta Bârîn. Il mourut à Damas et fut enterré dans
la madraseh de la famille, en dehors de bâb elfarâdUn (N, f* 183
r°-v**). — Cf. HisU or. des Crois., I, 77. Aboul féda l'appdle *eiz
ed-dîn Ibrahim.
*•• Il occupait encore la chaire en 674 (N , f 18a v").
*>^ Je lis ;13*>I; B et N écrivent ^Jjjl.
^<>^ Le Khaikhâl fait partie d'un village appdé San'â de la Syrie,
dans la Ghoûtah de Damas. Voir ebn Ghâker.
^ En l'année 748 (N, fol. 182 v°).
^^^ A la fin du règne d'en-Nâser Hasan (année 755) (N, f
182 v"*).
«" En chawwâl de l'année 755 (N, f" 182 v'),
"« En safar de l'année 757 (N , f 182 v*).
«» En djoumâda i*' de l'année 767 (N, f 182. v^j.
3M SEPTËMBRfiOCTOBRÉ 1^04.
»« En dott*l h«dgdj6h de rannée 767 (N, f 18s V).
'^^ Il s*enfuit pendant le trajet et resta caché durant une année
environ. Le nMb de Syrie s'étant emparé de loi l'envoya à Mesr, où
il fut comblé d*hônneurs et mi$ eh liberté. B deineura à Jérusalem
et c'est alors quil y construisit la khânqâh et la mtdraseh. Lors de
sa révolte, le nâXb de Syrie Baydauer, ipn avait taé el malek en-
Nâser Hasan , fit cause commune avec ledit émir Sayf ed-dîn Man-
djak. Tous deux furent saisis et emprisonnés, pais mis eh liberté.
Ensmte, dans les derniers jourâ de l'année 766, Mandjak reçut la
nyàbêh de Tarsoûs , Ait plus tard transféré à Tripoli Tannée 768 et
prOttitt, en safar de l'année suivante, au poste de nàih de Damas,
en remplacement de Baydamor, après le meurtre d'Ylboghâ. Il y
resta sept ans moins quatre mois, puis, en chawwâi de Tàmée 776 ,
il fut mandé à Mesr. . . (N , f 182 v*).
*>« B tnoarut au Caire en dou*! kedjdjeh de l'antiée 776 (N,
f t8i ¥•)»
^^7 Le qâdy en chef Djamâl ed-dîn ebn d Qotb, banalité, étliit
dépourvu de toute science. B eierça les fonctions de mohtoieh avant
ia guerre et eut toujours une conduite détestable. B mourut le Jour
de mercredi a6 (mobarratn) déi'année 81 4 (Me, 30 tnai i^ii) et
fut enterré dans la Moqaddùmfyvk extra maroi, an-éessus de son
fondateur, ce qui fut réprouvé par ia population (N, f* 188 1^).
*^* Le 8 ^r de l'année 81 4. — Cbarif ed*-din Mahmoâd d
Ant&ky, hanafîte, mourut à un âge avaneé, le jour de Mercredi
11 cha*bÀnderannée8iS(Me, 16 novembre i4i 3), à la Sàléhiyek,
où âfîit enterré (N,f* i83 v^).
*^* Dans le mois de rabt 9* de Tannée 8s3, dit el Asady, et le
jour de lundi sa (L, 6 mai i4do) , la leçon Ait donnée par Q^Wâm
ed<lîn Qâsem d *adjamy à la MandjMjek, qui est à à MoiULybé"
(N,fi83v°).
^ tiQâboûn.t L'auteur (du Mo*djam êl hûldân) dit : t Endroit
situé à 1 mille de Damas, sur la route du 'îrâq, atl milieu de jar-
dins. » Je dis I t C'est nu Village où se trouvent un marché et uo
khân dans lequd descendent les caravanes.» MïOfésêd,
"^ *El May tour (fait partie) des villages de Damas.» MarA$ed,
* "* tiArtoAna (est un) des villages de Damas. » MùrAsed,
*** H y professait encore en 674 (N, f i84 r^).
^ Kâteb el mamâUk, — Le jour de dimanche 6 radjah, il
donna des leçons dans la chaire qu'il avait instituée pour hs tia-
nafîtes dans leur mehrâh , en la grande-mosquée de Damas. Fàkhr
DESCRIPTION DE DAMAS. 327
ed-diii^ j*écrivam des mamioûks, Mohammad ebn Fadl Allah, in»
specteur des armées À Mesr, était Copte d'carifine; il emlirassa l'is-
lamisme et fut un très bon mnsuknan. H tdiiint du sidtan da
grandes laveurs. Il avait plus de soixante-dix eoa <piand il mourut
au milieu du mois de radjab de Tannée 739. C'est de lui que tire
son nom la Fakhriyeh de Jérusalem. Après sa mort, le séquestre
fut mis sur ses biens (N, P i8é y°).
Mondji!" ed>-din (traduction Sauvaire* p* i4i) Tappdle Son Al <
tesse Fakhr ed-din Abou 'abd Allah Mohammad ebn Fadl AUah*
^ D'apràs ebn Batoûtah (I« a so) » la Noûriyeh était le plus grand
coUège des Hanafîtes à Damas.
On lit sur la porte de la madraseb* qui est ie lieu de tq>ukure
du sultan Noûr ed^in Mahmoud, Tinscription suivante (n"^ a 38 de
ma collection) :
«Au nom de Dieu, etc. A ordonné la construction (*LdbJ{). de celte
«madraseh bénie noti^ maître le sidtan d malek d *âdd, lecham-
«pion de la foi, Noûr ed-dîn Aboul Qâsem Mahmoud, fils de
«Zenky, fils d'Aq Sonqor, et il a constitué en waqf pour elle, pour
«la turbeh qu^il s'est bâtie ( LàU^ ] à lui-môme, et pour les pension-
« naires d'entre les jurisconsidtes et les professeurs de jurisprudence
« selon le rite de i'imâm ech-Châfé'y, que Dieu soit satisfait de lai !
« la totalité du jardin connu sous le nom de janlin d'el Djawrah à
« Arzah , les quatorze boutiques en dehors de la porte à'el Djâbyeh ,
« le bain nouvellement construit (oorim ) près de la madraseh , connu
« sous le nom du fondateur, ....... waqf, fondation et immobili-
«sation ad œternnm, non susceptible de vente, de donation ou de
« gage , avec le désir d'obtenir les bonnes grâces de Dieu , qu'il soit
« exalté I et dans le but d'acquérir la récompense le jour où Dieu
« récompensera ceux qui font l'aumâne et ne fera pas perdre la ré-
(ttributiou de ceux qui pratiquent le bien. Et cela (dans) le mois de,
«cba'hân béni de l'année 567.»
Sur la porte extérieure du tombeau de Noûr ed-dîn se trouve
l'inscription qui suit, dont le texte m'a été obligeamment commu-
niqué par M. Max van Berchem :
« Au nom de Dieu , etc. A ordonné de construire cette madraseh
«bénie el msdek d 'âdel (le juste), l'ascète, Noûr ed»dîn Abou'l
«Qâsem Mahmoud, fils de Zenky, fils d'Aq Sonqor, que Dieu
« double sa récompense ! Il l'a constituée en waqf pour les disciples
«de I'imâm, le flambeau de la nation, Abou Hanîfah, que Dieu
« soit satisfait de lui ! et il lui a constitué en waqf ainsi qu'abx jo-
328 SEPTEMBRE-OCTOBRE ia94.
« risconsultes et à cdui qui y étudie la jurisprudence : la totsdité du
«bain nouvellement construit au marché au blé, — les deux bains
cnouvdiement construits à la Wérâqah, en dehors du bàh es-sa'
alâmeh; — la maison qui en est voisine. La Wérâqah^Mes ânes et
«le pont? du vizir; — la moitié et le quart du jardin d*el Djawrah
«à el Arzah (dans la Ghoûtah), les onze boutiques (hânoât) en de-
« hors de bâb el Djâbyeh; — la cour qui leur est attenante du c6té
«de Test; — et les neuf champs (hoqoûl) à Dâraya, conformément
« aux dispositions et conditions contenues dans les actes de waïqfl
« (Il a fait cda) avec le désir d'obtenir le salaire et la récompense,
« lorsqu'il se présentera devant Lui le jour du jugement dénier.
• Quiconque l'altérera, etc. (Qor'ân, h, 177). Et cela dans un laps
«de temps qui a pris fin (le mois de) cha'bân de l'année 867. •
^ N porte ^^i^\^ taiiç', «dans la rue des vanniers».
^' Ehn Ghaddâd ajoute : c C'était autrefois une maison appar-
tenant à Mo'âwyah , fils d'Ahon Sofyân. Mo'âwyah possédait aussi
une autre maison, à bâb elfarâdis, au-dessous de la iSo^i/oA; c'était,
dit - on , la maison connue actuellement sous le nom d'ebn d Mb-
qaddam. » Ed-Dahaby dit dans les *ébar, sous l'année 1 26 : < En cette
année, en rabf 2^ mourut le khalife Aboul Walld Héchàm, fils de
'abd El Malek , l'omayyade , aprëis un règne de vingt ans moins un
mois. Sa maison était située auprès des Khawwâsin , à Damas; on
en a fait la madraseh du sultan Noûr ed-dîn. » Le même auteur
dit dans l'Abrégé : «Sa maison était située auprès des KhawwAsin:
c*est aujourd'hui la turbeh et la madraseh d'el malek. el *âdd Noâr
ed-dîn le martyr» (N, T i84 v").
3^^ Ehn Kâtîr dit sous Tannée 596 : «En cette année mourut le
chaykh, le très docte Badr ed-dîn ebn 'askar, ra'fs des Hanafîtea à
Damas. Suivant Abou Châmah, il était connu sous le nom d'ebn
d^'aqqâdah» (N,P 188 v°).
^' « En l'année 611, dit el Asady, Djamâl ed-din Mahmoud d
Hasîry fut nommé professeur de la Noûriyek; el Mo^azzam assista à
sa leçon en rabi 1*'.» — Ed-Dahaby ■ s'exprime ainsi sous Tannée
636 : «Et Djamâl ed-dîn el Hasîry, chaykh des Hanafîtes, Abou'l
mahâmed Mahmoud ebn Ahmad ebn 'abd Es-Sayyed, en-Nédjâry,
mourut en safar, à Tâge de quatre-vingt-dix ans. Il avait occupé
vingt-cinq ans la chaire de la Noûrijreh. » — Suivant ebn Katîr, el-
Hasîry était originaire d'un village appdé Ha^îr et d^ndant de
Nédjâr. Il mourut le jour de dimanche 8 sa&r ( 30 s^tembre 1 238 )
et fut enterré dans le cimetière (maqâber) des Soûfys (N, f* 189 r").
DESCRIPTION DE DAMAS. 329
Ebn Khailikân, qui Tavait rencontré, nombre de fois à Damas,
rappelle Djamâl ed-dîn Abonl Modjâ}ied Mahmoud ehn Ahmad
ebn Es-Sayyed ebn *otmàn ebn Nasr ebn 'abd El Mdek et dit qu'il
était né en radjab de l'année 546 (octobre-novembre ii5i). fl
ajoute qu'il fut enterré dans le cimetière (maqbarah) des Soûfys,
en dehors de bâb en-nasr. DjamM ed-din disait ; c Mon père était
connu sous le surnom à^^n- Nâdjéry, mais il existe à Bokhara un
quartier où se fiibriquent les nattes (Aosor); c'est là que nous ha-
bitions > ( Biographical dicd^iuuy, II , 66 1). — Cf. G. Flûgel , loco
cit. j 3 1 g.
^ A la mort de Djamâl ed-din el Hi|siry en 636, la chaire resta
à son fils Qawâm ed-din Mobammad, qui y eut pour suppléant,
jusqu'à ce qu'il fût devenu grand, Sadr ed-din Ibrahim. Il y donna
alors les leçons et demeura chargé du cdlège jusqu'à sa mort. Elle
eut lieu le 4 chawwâl de l'année 665. fl fut ent^ré à c6té de son
père, au cimetière (maqâber) des Soûfys. fl. était né le ii cha'bân
de l'année 625 (N^PiSg r").
'^^ Le 2 moharram de l'année 698 (9 octobre 1298) mourut le
fils d'el Hasîry, Né/âm ed-din Ahmad, fib du très docte Djamâl
ed-dîn Mahmoud ebn Ahmad, en-Nédjâry, ed-Démachqy, hanafîte.
Il était âgé d'environ soixante-dix ans. Il fut enterré le 3 , jour de
vendredi, au cimetière [maqâber) des Soûfys (N, f" 189 r").
D'après ebn Khaliikân (II, 661), Nézâm ed-din el Hasîry était
originaire de Bokhâra et avait composé une tariqah ou système de
controverse très connue. Il portait le surnom d'en-Nâdjéry, D fut
tué par les Tatars dans la ville de Naysâboûr, lors de leur première
invasion dans le pays. Cet événement arriva en Tannée 616 (1219-
1220).
La date donnée par ebn Khaliikân est évidemment fautive.
^^ Le mardi matin 7 radjab de l'année 832 (Ma, 12 avril 1429),
le qâdy en chef Chams ed-din ej-Safady arriva à l'improviste de Tri-
poli. Après avoir présenté ses salutations au nâXb, il s'en alla, accom-
pagné du grojid-dawâdâr, du hâteb e^serr, du second hâdjeb et de plu-
sieurs émirs, à sa demeure et descendit chez son frère à Mardj
Dahdâh. Il avait passé à Tripoli trente ans moins un mois et qudques
jours. Le jeuili 9 du mois, il revêtit (le costume officiel) à partir de
i'ecori^ [el establ) et, accompagné du qâdy mâlékîte, du hâteb es-
serr, des petits hâdjeb et du dawâdâr du sultan, il vint à la grande-
mosquée, où lecture fut donnée de sau diplôme, daté du 1*' du
mois. Il obtint ensuite la chaire et l*inspection. des Qassà*in, ainsi
330 SEPTEMBRE. OCTOBRE 1894.
qae la chaire et Tinspection de la Sàdériytk, Le jour de mercredi
1 1 ramadan de Tanivëe 8^4 » arriva à Damas la nouvdle de sa des*
titation avec f ordre de le renvoyer comme qAdy à Tripoli. Nommé
de nouveau qàdy à Damas, il Ait destitué de ces ûmctions en sa£ir
de Vannée 846 (N, f" 191 V-igd r").
*** Abou*n-néda Hassan ebn Nomayr, snmommé ^arqalak, ap-
partenait à une brancbe de la tribn de K.alb , établie dans le voisi-
nage de Damas. Il ftit nn grand favori de la familile ayyoubîte et
mourut k Damas vers Tannée 566 (1170). Gf« Bio^aj^ical diotiê^
ncary. II, 56 1, n. 5, et voyez la Kharidah , ms. arabe de là Biblio*
tbèque nationale , n** 1 4 1 4 « fol. a 5 et suiv.
^ Ces deux vers se trouvent dans le Kétàb eMmodatayn, «49,
suivis de deux autres.
^ Le texte porte mdxift (sic). «— Sur la bataille livrée entre les
Francs et les Musulmans en Tan 544 (ii49-iiSo)el dans laquelle
fut tué Raimond de Poitiers , prince d*Antiodie , voir fiist, or, dêê
Crois,, n, a* p. , 177.
'^ La loi traditionndle tirée des pratiques de Mahomet.
^ Suivant Abou GhÂmah {Rawdatayn, 88), en Tannée' 547* il
naquit à Noûr ed-dîn un fils qu*il appcÂa Ahmad et qoi mourut en-
suite à Damas. Son tombeau se trouve derrière cdui de Mo*àwyah ,
en entrant dans Tenclos (iaztrah), au eimetière {maqAber) de hàb
99-iaghir (N,f» i87r^).
^ tNom de la montagne eu dehors de Médine, auprès de
laqudle eut lieu la célèbre expédition. C'est une montagne ronge
appartenant aux Banou Dl Chanâslr et située an nord de Médine. »
Maràsed» ^^ Noér êd-dln fit le pèlerinage de la VLMa en Tan-
née 556.
^* Ces vers te twmvent dans le KéiÂh êP'raiodatajrn, aaS) dans le
second vers le premier mot y est imprimé umoU, au lieu de «su^U.
*** B porte (£ù^aa\ au tieti de ^) du texte imprimé, et l^l^ à la
place de ty»!^.
*^^ Au lieu de aW«en iàcê de», N écrit ^W «dans la grande*
mosquée de ».
*^ Le qàdy en chef 'émàd ed^tn Aboul Hasan 'dy ebn Mohiy
ed-din Abou'i 'abbâs Ahmad ebn *abd £1 Wàhed ebn ^abd £1 Mon*em
*abd £s-Samad, et-TarsoÂsy, hanafîte, fut investi des fonctâons de
qàdy des Hanafîtes à Damas en Tannée 737. H mourut le lundi
dernier jour de dou 1 hedjdjeh de Tannée 7 48 ( 3 1 mars 1 348 ) , dans
son habitation à d Meû^, et fut enterré dans ce village en là
DESCRIPTION DE DAMAS. d31
turbeb du «bay^h {haoz *aiâ ecUdia «â^wâby* B ÂUit aé k J4Mir de
samedi 3 radjab de l'année 669 à Monyet ebn Khasîb , dans ie haut
Sa'îd d'Egypte. Il professa en premier lieu dans la grande-mosquée
de la citadelle de Damas le Jocur de jeudi 35 djoumâda i*' de l'an*
née 730 (J, 3 juillet iSso). Il donna des leçons à la Noûriyek,
à la MotiêdàaadyÉh., à la Bayhàiàjek et à la Qaymànyéi. Au com-
mencement de doul hedjdjeh de Tannée 746, il se démit de ses
fonctions de qâdy et, retiré du monde, U se consacra entièrement,
dans sa demeure, à des actes de dévotion (N, P* 189 v**-i90 r**).
— Cf. Flûgel, Die Cloâsm éat Hanefit. RecktsgeL, p. 33 1.
^ Vostâdâr Djamâl ed-dîn Moûsa ebn Yaghmoûr, d Yâroûqy,
est mentionné par Quatremèret Mandoûks, I, 35, 35, 100, i4o,
334 et 3* p., 33. Né à Qosayr, en Egypte, il mourut à Tâge de
soixante-quatre ans.
*** Es-Sâleh Nadjm ed-dîn Ayyoûb, fils d*el Kâmel, régna en
Egypte de 637 à 647* H avait repris posMssioo de Dama» 4i 643.
^^ Le manuscrit porte j^J^^ «^Xl 1%^ <£,\y ^5^ ^^ ù^ . Ce pas-
page n'étant reproduit ui par N , ni par aucun des deux manuscrits
de Londres , il est impossible de rectifier le mot juij , qui est évi-
demment une faute du copiste. Les caractères qui 8*en rappro-
cheraient le plus seraient peut-être JS^^; on traduirait alors par
« eut en ce temps«là une vision •«
246 ^ jfo jgg poj j'^ qu'on connaît parmi les professeurs de
VYaghnoûriyeh le qâdy Chams ed-dîn ebnel 'ezi. — Le qâdy Ghams
ed-din ebn el 'ezi, hanafîte, Abou *abd Allah Mohammad, fils
du chaykb Charaf ed-dîn Aboul barakât Mohammad, fils du chay^h
'ezz ed-dîn Abou'l 'ezz ebn Sâleh ebn Abî'l 'ezz ebn Wohayb ebn
'atâ ebn Djobayr ebn Kâîn ebn Wohayb , el Adra*y, un des chaykhs
hanafîtes, professa à la Zàhêriyek en rabî* 9* de f année 710. Il
fut substitut de la justice pendant environ vingt ans et le premier
Ijhadh de la grande-mosquée d'el Afi'am. Il donna des leçons à Ja
Mol'azzamiyehj k VYagkmoûriyek , à la Qilidjiyek et à la Zâhériyek,
dont les waqfs étaient placés sous son inspection. Il mourut peu
de jours après son retour du pèlerinage , le jour de jeudi , fin d*el
moharram de Tannée 733 (J, 18 février 1 33 3). La prière sur son
corps fut faite à la grande -mosquée d*el Afram et il fut enterré au-
près de la Mo'axtqmiyek , auprès de ses parents (N, f i65i^).
^^ Je lis (»JUU, au lieu de oJUà que porte le manosctit.
(La suite aa prochain cahier,)
332 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
NOTES
D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE,
PAR
M. E. SENART.
Les récentes découvertes du major Deane.
JTaî eu occasion de rendre hommage en plusieurs
circonstances au zèle que le major Deane (actuel-
lement Deputy-commissioner à Peshawar) déploie
au profit des recherches archéologiques. Ce zèle a
été , dans les derniers temps , récompensé par des
trouvailles épigraphiques aussi nombreuses qu mté-
ressantes. C'est sur ces récentes découvertes que je
me propose aujourd'hui d'attirer l'attention recon-
naissante des indianistes. Le major Deane m'en a
successivement donné connaissance , soit en m'accor^
dant la communication provisoire de quelques-uns
des monuments eux-mêmes — dans le cas où ils
avaient été trouvés en dehors du territoire britan-
nique — soit en m'en voyant des photographies , es-
tampages ou frottis des pierres qu'il avait directe-
ment dirigées sur le Musée de Lahore. C'est dans
cette collection sans rivale pour l'étude des antiquités
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 333
monumentales de i extrême nord-ouest de Tlnde,
que seront réunis sous peu tous ces documents. Je
ne saurais mieux répondre aux intentions du major
Deane, à la confiance amicale dont je tiens à le re-
mercier publiquement ici, quen mettant sans plus
attendre sous les yeux des travailieiu's compétents des
reproductions, aussi fidèles que possible, de ces mo-
numents si précieux.
Ils se répartissent d'abord en trois catégories :
fragments en caractères devanâgari, épigraphes en
caractères du nord-ouest ou kharoshthî , inscriptions
en caractères indéterminés. A l'exception d'un seul,
notre n° i, ramassé à Spinkharra, dans les mon-
tagnes qui sont au nord de Peshawar, tous proviennent
d une même région assez peu étendue , le massif du
Mahaban , qui domine la rive droite de l'Indus au
Nord d'Attok, et les vallées qui s'y rattachent, soit
vers le Sud , soit vers le Nord , dans le pays deBuner.
C'est dans ce massif que le général Abbott a , dès
1 8 5 4 \ cherché avec beaucoup de vraisemblance ( mal-
gré les objections du général Cunningham) à placer
l'Aomos, célèbre par les campagnes d'Alexandre-
Bien que beaucoup des noms que j'aurai à énumérer
manquent sur la carte qui accompagne son mémoire ,
c'est encore, je pense, le document de référence le
plus commode pour la plupart des lecteurs qui sou-
haiteront de fixer leurs idées sur l'aire à laquelle se
réfèrent nos inscriptions.
^ GradxLs ad Aomon, dans Jowiu As, Soe* Benj., XXIil, aog sqq.
334 SEPTEMBRE-OCTOBRE 18^4.
«
Le mont Ban j, Kotkai, Dewaî, PaiosdarravAagram,
Suludheri^ Maini, Dewad, Stdudarra, Tsalaidheri»
toutes ces localités , d après un croquis que ma com^
munîqué M. Deane , sont espacées sur les contreforts
méridionaux du Mahaban ; Cheroorai est au nord de
la montagne, et Ranikot au sud de ce groupe, dans
la vallée de Pandjtar. Bichounai forme seid un point
à part et isolé au nord-ouest du Mahaban; ceslTen*
droit marqué « Bishonye » sur la carte d'Abbott» au
flanc du mont « Ëlum » que M. Deane écrit n Uni ».
Voici diu reste Ténumération des documents qui
m'ont été communiqués, avec le. numéro» qu'ils
occupent sur les planches^ Je les ai groupés suivant
les lieux de provenance, sauf les épigraphes en ckva*
nâgarî et en kharoshthî que j'ai réunies dans la planche
finale. J'ajoute, sous chaque numéro, les quelques
renseignements que ma pu fournir M. Deane. Les
signes (p.), (ph.), (est.), indiquent, dans chaque
cas, si la gravure que je donne repose, soit sur une
reproduction directe de la pierre dle-méme, soit
sur xm^ photographie ou \m estampage communiqués
par M. Deane. Les chiffires ajoutés entre parenthèses
représentent la hauteur approximative des caractères
dans toutes les inscripticms où, étant en possession
des pierres ou des estampages, il m a été possible
de la relever.
1 (ph.). Trouvé dans un ravin près d'rai Ken
appelé Spinkharra et situé, comme je Tai dit tout à
rheure, dansi les montagnes qui sont au nord de
NOTES D'ÉPIQRAPHIE INDIENNE. 535
Peshawar. Ce nest, assure-t-on, qu*un fragment
d'une inscription {dus grande, qui a été brisée par
des fanatiques.
2 (est.) (2 centànètres), 3 (est.) (1 i/a-a centi
mètres), 4 (est.) (le signe ^ mesure 2 cent, i/a) et
5 (ph.), trouvé» prèa du village de Bichounai, sur la
montagne dllm. Les n* 2 et 3 sont gravés sur un
rocher voisin de ruines antiques. On assure quH s y
voit encore une quarantaine d'inscriptions mutilées.
Le n° 4 est inscrit sur ime pierre qui se trouve tout
près du village. Le n** 5 est reproduit d après la pho-
tographie du « verso » dun estampage; la reproduc-
tion que j'en donne a donc été retournée pour resti-
tuer correctement l'aspect du recto.
6 (p.) (1 à 1 cent. i/a). — Provient de Kotkai.
7 (ph.) et 8 (ph.) de Dewai. — 7 «wayfound
fixed in the wall of the doorway of an old tower,
facing inwardst owards the door»; je transcris les
propres expressions du major Deiine, ne me repré-
sentant pas avec une netteté parfaite l'emplacement
qu'elles décrivent. — 8 , à lextérieur du mur de
façade d'une tour. .
9 (ph.), 10 (p.) (i à a centimètres), 1 1 (p.), du
mont Banj . — 9 , trouvé sur la face intérieure du
mur de fond d'une tour ruinée, à environ quatre
pieds du soi , et immédiatement en face dû la porte.
12 (ph.), i3 (est.) (environ 1 cent, i/a), dePa-
336 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
lûsdarra, Tun et l'autre encastrés dans des murs de
constructions ruinées , et 1 3 près de la porte.
\à (p.) (i i/3 à 2 centimètres), i5 (ph.) (i à
1 cent. 1/2 ) , d'Asgram^ — 1 5 était fixé dans le mur
de façade d'une vieille tour* '
16 (p.) (i 1/3 à 2 centimètres), de Suludheri.
1-7 (p.) (1 i/a à 2 centimètres), de Gherorai.
18 (est.) i( environ 2 centimètres), de Maini. —
Trouvé dans un vieux tumulus. Le nom du tumulus
est Karachaidheri, sur la frontière des Gaduns, mais
dans le Ytizufzai anglais.
19 (1 1/3 à 2 centimètres), 20 (1 1/2 à 2 centi-
mètres), 21 (p.) (» centimètre), de Ranikot. — Ge
sont trois faces d une même pierre.
^ A pifepos d'Asgram , M. Deane me communique qudqaes ob-
servations dont je crois devoir r^roduire ici la substance. cAsgram
est à l'ouest de Tlndus et se trouve, par rapport à Embolima,
dans la situation que Ptolémée assigne à Asigramma. Ptolémée le
jdàce seulement plus bas sur l'Indûs qu'il n'est en réalité. Cette
locfliité est séparée du. fleuve par une croupe basse de collines, près
desquelles Tlndus débouche de la montagne pour courir à travers
la plaine jusqu'à Attok. Cette croupe marque, en fait, la fin des
collines qui enferment llndus. Asgram*ne désigne pas un lien ac^
tudlement habité; c'est le nom de ruines. Il ne sendble pas témé-
raire de l'identifier avec Asigramma. J'admets naturellement que
Ptolémée se trompe en plaçant Embdlima comme il le fidt. D pa-
rait très probable que le général Abbott a raison de le chercher
près de l'Amb actuel, et Aomos à Mahaban. Le sommet du Blar-
haban présente des ruines de fortificaticoÉs étendues. J'ai éù^nrfé
un homme pour lever un plan et prendre des mesures. On dit
l'endroit très difficile d'accès. »
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 337
2 2 (p.) (i à 1 cent, i/a) et 23 (ph.) viennent de
Dewal.
2 Ix (ph. ) , de Suludarra.
2 5-3 1 (ph.), deTsaiaidheri. — 26 (environ 1 cen-
timètre) et 27 sont deux côtés dune même pierre.
32 (p.) (1 cent. 1/2) et 33 (p.) (1 cent. 1/2) pro-
viennent de Dewal. Ce sont deux fragments en de-
vanâgarî.
34 (1 à 2 cent. 1/2), 35 (4 à 5 centimètres) et
36 (2 1/2 à 4 centimètres) représentent la part du
kharoshthî, 34 (ph.), provenant de Dewal, 35 (est.)
du mont Banj, 36 (p.), dune colline connue sous
le nom de Kala Sang dans le territoire des Khudu-
khels, en dehors des frontières britanniques.
M. Deane ma bien en outre commimiqué la pho-
tographie d une stèle trouvée la face sur le sol , avec
d'autres pierres , dans un très petit tumulus près de
Taja, une localité située un peu à lest de la colline
de Karamar, à louest de laquelle est Shahbaz Garhi.
Malheureusement la photographie est aune si petite
échelle, et le grain de la pierre de telle nature, que
tout ce qu'on peut démêler, c est que Tinscription ,
de deux lignes , est gravée en caractères du Nord-Ouest.
Avant d en essayer la reproduction et l'interpréta-
tion, il faut attendre que des documents nouveaux
nous arrivent de Lahorè où la pierre a été transportée.
IV. 2 2
iupamitafK katio^ali.
338 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1604.
Je ne lai donc pas comprise dans la présente publi-
cation.
Si nous laissons provisoirement de côté les n" Sa
à 36 qui sont groupés sur la planche V, on voit que
nous sommes en présence de trente et unç épigraphes
de longueur variable, gravées en caractères qui , pour
moi du moins , sont entièrement nouveaux. JPaî le
regret d'avouer que je n'en ai pas jusqu'ici trouvé
la clef. Je ne puis donc, en en soumettant à xnes
confrères en orientalisme des reproductions purement
mécaniques et par conséquent dignes d'une pleine
confiance, que les accompagner de quelques obser-
vations générales.
Les données extérieures et, si je puis dire, maté*
rielles, que nous possédons jusqu'ici sur ces insoripr
tions.sont asse» maigres. Les épigraphe, en devanâ-
garî dans le voisinage desquelles elles ont été trouvées
nous reportent à l'époque de Mahmoud le Ghazné-
vide, soit au commencement du xf siècle; les épi-
graphes en kharoshthi ne sont pas datées avec ccartir
tude, puisque le commencement de l'ère qu'elles
emploient n'est pas déterminé. Elles ne peuvent
guère, suivant les vraiseinblanoes, appartenu- qu'aux
tout premiers siècles de l'ère chrétienne* Des indioes
si discordants nous apportent peu de liuiodàre^
Quelques-unes sont gravées sur le roc; mais pkh
rieurs ont été trouvées encastrées dans des C0DStra6-
tions, à côté ou en face de l'entrée, précisément à
hauteur de l'œil. H y a lieu de supposer que d'autres «
qui n^étaient plus in sita , qui gisaient parmi des dé-
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 339
combres, ont dû primitivem^if occuper un empla^^
cernent anedogue^ et que les unes et les autres avaient
pour objet de renseigner les arrivants sur la destit
nation ou sur les auteurs des édifices dont elles fai-
saient partie intégrante. Malheureusement je ne puis
sur ces édifices , désignés habituellement par le znajor
Deane du nom de « tour » , « tour antique », « tour
ruinée») fournir aucun renseignement précis , faute
d'images et même de descriptions détaillées « Le fait
mêi^cie que nos inscriptions étaient engagées dans
des murs en maçonnerie paraît au moins' exclure
d'abord poiu* elles le rêve d une antiquité reculée à
lexcès; il semble en ramener la date probable quel^
que part dans la période comprise entre les deux
points extrêmes marqués d'un côté , par les inscrip*
tions en devanâgarî, de lautre, par les inscriptions
en kharoshtliî. Il est vrai que les pierres qui les
portent auraient pu être utilisées après coup. Il y
aurait même, en ce sens, un indice à invoquer si^
comme j'ai heu de le penser, le papier blanc qui se
voit sur la gauche du n"^ 9 a ponor but dmdiquer
que ce côté formait le haut de la pierre tefle^ qu'elle
a été trouvée dans la muraille d*où elle a été enlevée.
Mais je n'ai à cet égard pas de témoignage précis; y
en eût-il, que toute possibihté d'erreur ne serait pas
exclue; et il faut bien avouer que, dans plusieuni
cas, remplacement bien en vue, près de la porte ot|
en face de la porte, occupé par les épigraphes, trahit
une intention formelle et paraît écarter la pensée
d'un simple hasard. Jusqu'à preuve du contraire, il
aa
340 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
faut admettre que les inscriptions sont contempo-
raines des constructions et ont pour but de les com-
menter.
L'irrégularité avec laquelle plusieurs sont gravées,
le nombre des petites inscriptions courtes, jetées
sans préoccupation décorative, la présence de carac-
tères isolés qui ont assez Taspect de marques de
maçon, dout indique un emploi fiimilier, courant, et
nous met en présence d*un alphabet d usage habituel
et populaire. Ce qui n empêche pas , pour le remiarquer
en passant, que les caractères, comme en font foi
du reste les reproductions, sont en général,» et sauf
des exceptions comme le n^ 2 2 , taillés avec soin et
précision. Bien que la pierre ne soit pas très dure,
ils ont, j en puis témoigner pour celles que j'ai eues
entre les mains, conservé un aspect surprenant de
fraîcheur et de nouveauté.
Si vague que soit la période où semblent nous
transporter ces monuments, il est clair que, dans
la région à laquelle ils appartiennent, trois &miiles
de langues paraissent a priori avoir chance de se
rencontrer : soit des dialectes hindous, le sanscrit
ou des dérivés, soit des dialectes iraniens, soit enfin
les idiomes scythiques ou turcs des envahisseurs
Çakas et Turushkas , venus du Nord-Ouest. «Tavoue
que la dernière de ces hypothèses est à mes yeux la
plus vraisemblable.
Un point . essentiel pour le déohifiBrement serait
d'être assuré du sens dans lequel les textes doivent
être r^ardés , où en est le haut et où en est ie bas. Je
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 341
n ai, par malheur, quun seul renseignement positif.
Il se rapporte au n"" 12. Au témoignage de Thomme
qui Ta apporté au major Deane, le haut dé iinacrip-
tion , telle qu elle était enchâssée dans la muraille^
est marqué par le morceau de papier blanc* Je be
puis , naturellement , contrôler le degré de confiance
que mérite Tassertion. Deux autres pienreç, les n^ 1
et 9, portent un repère semblable, Uest ççrtaiq pour
la seconde, en quelque position qu'elle fut pu être
découverte, que le papier ne saurait marquer le
haut du texte , puisqu'il est appliqué sur un des côtés ;
et , pour le n"" 1 , la signification de eette marque reste
bien douteuse en présence du renseignement qui le
représente comme un simple fragment d un ensemble
mutilé. D autre part , quelques numéros , le 8 , le 1 o,
le i4, semblent, par la disposition même de l'écri-
ture sur la pierre, exclure Thypothèse dune position
autre que celle que je leur ai assignée dans les
planches.
Je tiens cependant à avertir expressément le lec-
teur que, en dehors du n"" i a , le sens dans lequel
les textes lui sont ici présentés est purement conjec-
tural, fondé soit sur certaines considérations dans le
détail desquelles je n'entrerai pas, puisque aucune
nest absolument. décisive, soit sur l'impression qu'a
pu produire dans mon esprit la manière même dont
sont gravées les pierres que j'ai maniées directe-
ment.
Il semble bizarre que, nantis d'une iiiscripticm
dont l'orientation parait garantie, de plusieurs pour
348 SEPTEMBRE^OCTOBRB 1804.
lôsquelies elle est au moins probable , nous ne soyons
pas en état d'assigner d abord à toutes les autres
leur position certaine. Cette impuissance ^explique
par un fait très frappant et très déconcertant : les
mêmes signes -^ qu'ils aient dans les deux cas la
même vsdeur ou une valeur difiFérente — se trouvent
à plusieurs reprises renversés , soit dans la même in-
scription , soit dans des inscriptions dont la positioti
parait assiïrée.
Les caractères /\et\/, qtd reparaissent sans cesse
côte à côte , peuvent fort bien avoir des valeurs dif-
férentes; il en est probablement de même de f^» 7i
5; 17, 5,àcôtédeU, 7, 4; 17, 3, et4eT»8»ï;
16, 3, à côté de _L, 8, ti;i5, 1. Mais le signe" X
est renversé aun* 1 y qui a X » !• 3 , et"^ , 1. 5 , et au
n" 1 8 qui porte X » à 1^ 1- 1 » «t ^ , à la 1. û. En ad-
mettant que, au li* 18, ïX ^^ *^ît P^* bors de con-
teste-et que, dans le second Cad du n* 17, le signe
soit, non pas renversé, mais couché X, comme fl
reparaît souvent ailleurs, cette difficulté écartée,
une autre subsisterait. Au n** 1 2 , nous trouvons côte
à côte les signes X ©t A ; aux n" 7 et 8 , il faut ad*
mettre ôu X et y\, ou X ^^ V' ^^ ninsîste pas; il
serait aisé de multip&er les exemples.
A côté des signes qui semblent renversés , nou^ en
avons, en plus grand nombre encore, qui appa*
raisseht tournés tantôt de gauche à droite, tantôt de
droite à gauche , comme < et > , j— et — j , >! et [^
(ï2,i), JHet^U (12, 1-2), <^ et > (8, 1-7),
'X et X (8, 1-7), sans parler des cas analogues enti^
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 543
insûriptiom diverses, comme H (lo» i) ®^H(«4» «)»
^(9, 6)et <1 (18, 4), ^{la, à) et l> (7, 4), etc-
Ces cas sont si fréquents quils éveillent forcément
la pensée d'une écriture boustrophédon. Mais cest
une hypothèse que bien des faits viennent rite con*
tredire. Nous trouvons, par exemple, le caractère
<]^ avec la même direction dans deux lignes consé*-
cutives (1 et â) au n"" 6, et X de même aux 1. 3
et à du n" 8.
On peut donc, avec beaucoup de vraisemblance,
admettre que l'écriture suit toujours la même direc-
tion ; il est malheureusement beaucoup plus malaisé
de discerner quelle est cette direction , et si les ca-
ractères comment de gauche à droite ou de droite à
gauche. A ne considérer que le n** 1 ^ , la première
solution semblerait la plus plausible ; mais le n° 1 4
n'y semble guère favorable.
Ce qui est beaucoup plus clair, c'est que ces in-
scriptions en caractères indéterminés nous mettent
en présence de trois systèmes, ou au moins de trois
variétés d'écriture que, en raison de la provenance
des pierres qui relèvent de chaque catégorie, je pro-
poserais provisoirement de distinguer par les noms
de Spinkharra, de Buner et de Mahaban. Le frag-
ment de Spinkharra (n** 1 ) se distingue profondément
de tout le reste , non seulement par l'aspect irrégulier,
cursif des signes qui sont de véritables graffites,
mais aussi par leurs formes qui ne se rapprochent
guère de celles qui s'accusent dans les autres épi-
graphes. A première vue, c'est plutôt à Talphabet
344 SEPTëMBRE>OGTOBRE 1804.
kharoshthî qu'à aucun autre que cette écriture semble
se comparer; à la seconde ligne, le signe ^ serait
exactement un e initkl du nord-ouest; û est vrai
que le signe voisin est identique au ^ de Tidphabet
indien d'Âçoka. Il va sans dire que, isolées et non
justifiées, de pareilles rencontres sont dénuées de
toute espèce de signification.
Des deux autres types, Tun est exclusivement re*
présenté par les quatre morceaux qui. proviennent
de Bichounai (2-5). Ils frappent d abord par un as-
pect très particulier. Tandis que, dans les autres mo-
numents, les caractères sont assez simples, affectent
des formes nettes et rigides, nous nous heurtons ici
à des complications , à des contournements si bizarres
que plusieurs de ces combinaisons feraient penser à
une écriture idéographique encore imparfaitement
dénaturée, si tels exemples, comme celui du sama-
ritain, ne montraient avec quelle rapidité des enjoli-
vements tourmentés peuvent modifier profondément
laspect d'ime écriture. A tout le moins peut-on soup-
çonner des groupes de consonnes assez compliqués^
Cependant, au milieu de ces signes contournés,
un certain nombre, comme | H H^AXHHH
^ J + rV V » d'autres encore , sont si analogues ou
si identiques à des signes usités dans l'autre groupe
qu'U ne parait pas possible d'isoler complètement les
deux séries, qu'il s'agisse de variétés locales d'écri-
ture, ou d'un mélange de deux systèmes d'origine
indépendante.
Parmi les épigraphes du troisième groupe, Û en
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 545
est qui, à première vue, semblent se distinguer de
leurs congénères, comme le n"* 2 5, qui, sur un si
petit nombre de signes, en offre plusieurs qui sont,
ou inconnus, ou du moins très rares dans toutes les
autres^.
Une autre singularité se manifeste parmi les in-
scriptions de cette catégorie; c^est Remploi si inégal,
si irrégulier de points, isolés ou groupés en figures
diverses. Les unes nen ont aucune trace; d*autres,
suitout le n"" 7, en portent en abondance , mais entré
les lignes et seulement dans quelques parties, en
sorte qu on devrait les croire indépendants de récri-
ture , du texte proprement dit, si l'emploi sporadique
de points, soit entre quelques caractères, soit inti-
mement associés à des caractères, dans quelques
autres, ne jetait une nouvelle perplexité dans Tesprit.
Il y a là, en tout cas, un petit problème de plus qui
vient compliquer le problème capital du déchiffre-
ment.
J'ignore comment ce problème sera résolu. Je
doute que ce soit par le simple rapprochement avec
quelque autre système d écriture déterminé. Ce n est
pas que les analogies manquent entre plusieurs des
signes qui nous sollicitent ici et les figures d'alpha-
bets connus. Elles seraient plutôt trop nombreuses.
^ Le n** 2$ provient de Tsalaidheri; le n** 36, qui a la même
origine, paraît aussi accuser qudques particularités, en sorte que
l'on peut se demander s'il n'y aurait pas là la trace d'une variété
d'écriture locale ou localisée, quoique se rattachant en somme au
même système général que les autres morceaux. *
S46 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
Elles font songer tour à tour à certaines lettres de
lalphabet indien d'Açoka (>|+AdA±n îfXt)»
de lalphabet du Nord-Ouest; piusieurs signée sont
identiques au grec, soit de Tàge classicpie, soit de la
période archaïque, et d'autre part, en bien des en-
droits , laspect araméen frappe Tesprit : tantôt on se
croirait en présence de caractères jpehlevis, tantôt,
surtout à Spinkharra , en présence d'une écriture safaï-
tique. Cette écriture fait penser tour à tour aux aiphieh
bets dits asianiques de TÂsie antérieure, Toire au^ runes
de TEurope; par quelques traits elles rappellent ces
inscriptions turques de la Mongolie que MM. Thom-
sen et Radloff ont récemment déchiffrées. S'il étiaJt
besoin de démontrer combien il faut se défier de
ces mirages, on trouverait im avertissement dans la
ressemblance curieuse et qui ne peut guère, pour-
tant , être qu accidentelle , entre un nombre appré-
ciable de nos signes et la notation de la musique
grecque dont Alypius nous a conservé la tradition*.
^ Ce sont, en raison de ia convenance géographique, les coitt-
paraisons empruntées aux alphabets de Tlnde qui sont naturdle-
ment , a priori , les plus justifiables. A cet égard , je ne puis m'em-
pécher d'être frappé du fait que, dans la courte inscription n* 4,
{dusieurs caractères, le premier du moins si on l'isolé de la figure
plus ou moins cabalistique où il est fondu, se rapportent à l'alphabet
d'Açoka : J^ -f" '^ ^t 4*; et le signe qui est à la gauche du -I-
n'est lui-même que 1'^ d'Açoka retourné. Le caractère ^ n'appar-
tient, il est vrai, qu'à la variété de l'dphabet manrya récemment
mise au jour dans les inscriptions de Bhattiprolu (BûUer, Epi^. Ind,
II, p. 323 sqq.). Or ces inscriptions viennent du midi de l'Inde,
de la région de Madras. Mais M. Bûhler n'a-t-il pas reconnu une
ligne en kharoshthî dans les inscriptions d'Açoka au Mysore? Denx
NOTES D'ÉPlGnAPHÏE INDIENNE. 347
Par une bizarrerie assez surprenante, dans ces
épigraphes entre lesquelles plusieurs semblent, en
circimstanees, bien que la portée em. dameure jusqu'à iMMivd cnrdM
très iAdéterminée, seront peutrétre de nature à diminuer encorfi
les scrupules que pourrait faire naître i'éioignement.
Le caractère ^ de nos inscriptions est identique ï Ym de l'al-
phabet indien archaïque, sortont sons sa forme carrée de l'époque
de Kaniihka, QndULB qu'en foit la ? aleor, ii figure ici, paraU^ment ,
reii versé ^. N'est-il pas curieux que ces mân^ ins^ipiions da
Bha|tiprolu offîrent justement pour la première £bis cette particu-
larité d'écrire renversé le caractère "i 7 ?
La seconde observation aurait pour conséquence , si elle est
fondée > de rattacher plus on moins directement les épigrt^hea de
Bhal|iproiu à la région du Nord-Ouest. Mais je n^rche ici avec
une extrême défiance, puisque je m'éloigne de l'opinion de
M. Bùhler, et suis amené à proposer une lecture différente des
siennes, sur la simple inspection, non pas même des estampages,
mais de ses fac-similés. Quoi qu'il en soit et sous toutes réserves,
je profite de l'occasion pour exprimer, vaille que vaille , une double
conjecture qui m'est venue à l'esprit.
M. Bùhier lit au n*" 9 } tenu kama yeiià kahirako râjA <»/fi[k]i. Il
me paraît difliciie de considérer cette lecture, et surtout la tràduç*
tion qui en résulte, comme satisfaisante; ce serait une façon de
dire siogidièrement contournée, même en admettant le rôle, le
sens et l'emploi qu'elle suppose à amki. On sait combien dans cette
écriture le k et Va se ressemblent. Je me demande donc s'il ne
faut pas lire : tena samayena kubirako râjâ anî[ou â]n : «à cette
époque (au moment de cette donation) Kubiraka était roii. Ce
Kubiraka est visé dans un autre numéro, le 6. M. Bûhler lit les
mots qui le concernent : 8a,isa pnto Khubirako ràjd. Il semble que
le fac-similé, pour la lettre indéterminée, n'ouvre la porte qu'à
deux hypothèses n ou q.; la première ne donne rien; sakiia au
contraire fait de KhabircJia le cfils du shâhi; Ce titre dont l'usage
est attesté à l'époque de Kanishka a pu être employé antérieure-
ment et par d'autres dynastes. Justement, le nom même du per-
sonnage paraît se prêter fort bien à cette origine. M. Bûhler le
transcrit ingénieusement Kaheraka, Mais, sur deux répétitions, il
348 SEPTEMBRE. OCTOBRE 1804.
raison de remplacement qu'elles occupaient, avoir
eu un caractère votif qui appelle des tours à peu près
identiques, on ne relève guère de groupements de
signes répétés, rien qui indique le retour de pareilles
formules ou tout au moins la répétition des mêmes
mots ou des mêmes désinences.
On pense bien que j'ai essayé d'analyser les dé-
ments de cette écriture, de dégager approximative-
ment le nombre des caractères; il pouvait y avoir
dans cette statistique des indices sur la langue que
nous avons à chercher ici. Des obstacles de plus
dun genre traversent une pareille tentative et en
rendent les résultats très chancelants. Malgré la
profondeur et la netteté ordinaires de la gravure,
les caractères ont un aspect cursif , l'alignement est
passablement irrégulier, les signes , outre qu'ils sont
assez inégalement inclinés, ne sont pas tracés avec
l'uniforme précision qu'y apporterait un lapicide
habile dans une inscription monumentale. Q devient
est écrit une fois par kh. Cette erreur serait surprenante dans un
nom sanscrit aussi connu que le nom du dieu Kmtera, Le flotte-
ment s'exjdique de lui-même si nous avons affaire à un nom d'ori-
gine étrangère imparfaitement assimilé. Seraitn» rêverie pore de
songer au nom de souche tartare que ramène quelques sièdei plus
tard cKhoubilai khan»? Si ces conjectures ont quelque fondement,
il en résulterait nécessairement que les boîtes à rdiques de Bha||i-
pr(du seraient des monuments originaires du nord-ouest de l'Inde,
qui n'auraient pris le chemin du Sud que postérieurement, et dam
des circonstances que nous ne pouvons déterminer. Ce ne serait
pas, on s'en souvient, la seule trace, légendaire ou monumentale,
qu'ait gardée la vallée de la Krishna des rapports avec le Nord-
Ouest et les Yavanas de ces contrées lointaines. Il suffit de songer
à AmravaU.
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 349
dès lors souvent difficile de décider si Ton est en pré-
sence dune légère variante, purement accidentelle,
du même caractère, ou d'un signe différent. En
bien des rencontres nous sommes hors d'état de juger
a priori si loutil a glissé trop loin sous une impulsion
trop vive, ou si vraiment le trait a été intentionnelle-
ment prolongé. Les hésitations de tout genre sont de
tous les moments. «
Tout ce que je puis dire , c'est que, à moins d'ad-
mettre une variabilité extraordinaire dans la forme
du même caractère ou une multiplicité peu vraisem-
blable de signes pour exprimer le même son, et
même en supposant que , renversé ou tourné en sens
opposés , un même signe représente le même son et
ait une valeur phonétique invariable — il n'est point
aisé de ramener tous les signes qui passent ici sous
nos yeux dans des limites numériques probables pour
un alphabet véritable.
J'ai d'autant moins dû songer à communiquer ici
mes tableaux tout provisoires que bien souvent les
traits peuvent être interprétés de plusieurs façons.
C'est le lieu de signaler une particidarité frappante.
Plusieurs signes apparaissent de temps à autre avec
adjonction d'un trait exceptionnel □ et [j, fl ®t
rV ou rr, ^l ^t 4^ , h ^^ HK » ^t^- Mais le fait n'est
très saillant que pour les deux signes A ®t V • Ici
c'est toute une gamme de modifications secondaires
que nous rencontrons dans une double série assez
exactement parallèle A A ^ \A A A A^ V V
X^NX V V NA'VW 4^* Quelque doute qui plane
350 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
sur le détail , notamment sm* Tinterprétation des deux
derniers signes, il paraît bien probable que nous
sommes eh présence de modifications secondaires dt
deux caractères primitifs. Le précédent du kharosfatht
£dt d'abord penser à une notation vocaliqne ; mais çn
ne s explique pas alors pourquoi ces aocidents sont
si particulièrement nombreux pour deux caractères ,
comment ils manquent complètement pour certains
signes dont le retour n est rien moins que rare. En
attendant que cette énigme soit éclaii^ie, ju cru
devoir signaler le fait; il est peut-Atre de nature à
éveiller quelcpie conjecture utile.
Nous touchons ici du doigt combien Tinterpréta*
tion de plusieurs figures est provisoirement hypo-
thétique : /s/ \^ sont«ils des succédanés de J\ ou
de V ? ^/ estril une simple variante de jsj ? Bien
des ^dA soulèvent des difficultés pareilles. Il faut que
le déchiflfrement précède lanalyse définitive des
traits. Je n'ai donc rien voulu donner ici de mes es-
sais de groupement Ne m ayant pas fourni la clef
du problème , ils risqueraient d'égarer, de prévenir,
plus que d'éclairer les chercheurs.
Je livre à leur zèle ces curieux monuments* La dé*
couveile d'écritures nouvelles dans cette région les
fera songer à la longue énumération d'alphabets du
Lalita Vistara. De cette série , bien des noms sont
assurément aii>itraires, fictifs. Peut-âtre la révélation
de ces pierres va-t-elle nous permettre de donner
tUieprécision inattendue <à quelques-uns de ceux qui
paraissent ou qui, tout au nfiQfns, pçuvvot ccttres-
NOTES D'ÉPIGRAPHÏE INDIENNE. 351
pondre à des réalités historiques. Qui sait si elles
ne fourniront pas des indications précieuses, même
pour rhistoire plus ancienne de Técriture dans
rinde, et pour une période fort antérieure à leur
date probable ?
J'aurais fini ce que j ai à dire pour le moment
des inscriptions eh caractères indéterminés^ si je ne
devais à M. Babelon, le savant et consciencieux nu-^
mismatiste, de pouvoir ajouter à la série un petit
monument conservé dans le dépôt dont il a la garde.
C'est une pierre gravée qui n'avait jamais été catalo-
guée sérieusement , et simplement rattachée par une
mention sommaire à la catégorie des pierres gnos-
tiques. Le souvenir lui en revint fort opportimément
en voyant quelques-unes de mes photographies. 11
me paraît en effet indubitable que les caractères
qu'elle porte appartiennent à la même écriture que
ceux de nos pierres , ou à tout le moins à un système
étroitement apparenté. J'ai donc cru devoir la joindre
à cette série (pi. V, n° 3i bis). Aucun indice n'est à
dédaigner en présence d'un problème nouveau et
ardu. Il se peut que la scène représentée sur un des
côtés , si imparfaite et si grossière qu'en, sait l'exécu-
tion, suggère à des juges compétents quelque con-
clusion utile. Si j'osais, pour ma part, émettre une
impression personnelle, j'avoue que c'est du côté de
l'Iran et de la décadence de fart' hellénistique que
semble nous reporter l'aspect de ce petit monument;
et je me demande si un juge très ingénieux, mon ami
M* Clermont-Granneau, n'e$t pas bien inspiré en
352 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
soupçonnant dans ia scène gi'avée ie souvenir et la
déformation d un type de cortège bachique mené par
Silène sur son âne.
En publiant cette intaille, je me propose tout
particulièrement d appeler l'attention sur les monu-
ments de même ordre et de même caractère qui, à
n'en pas douter, existent dans nombre de collections.
Il est permis d espérer, de ce côté, un précieux sup-
plément de lumières, pour le classement et ImtelU-
gence de toute la série.
P.-S. — Cette notice était déjà imprimée , quand j*ai i^e^
de M. Deane un estampage d*une nouvelle épigraphe pro-
venant de Palosdarra , et à laquelle , pour ia rapprocher des
inscriptions de même origine, je donnerai le n** i3 his. Les
N' 13 bù.
planches étant arrêtées, il m*est impossible d*y comprendre
ce nouveau monument. D'autre part, il a cette importance
particulière que, au témoignage de M. Deane» 3 a été trouvé
NOTES D^ËPIGRAPHIE INDIENNE. 35a
en place, et que, par conséquent, le haut et le bas en sont
ceii;ains. C'est un renseignement essentiel à joindre à ce
premier dossier. Mais tous les caractères , sauf un peut-être ,
se retrouvent dans nos autres inscriptions; ils sont parfai-
tement nets sur l'estampage. Je puis donc, sans remords,
me contenter — pour une fois — d'un dessin de l'inscrip-
tion. Je n'ai pas besoin d'assurer que , avec le concours aussi
consciencieux qu'éclaire de notre confrère M. Drouin, le
soin le plus méticuleux a été apporté à cette reproduc-
tion. La hauteur des caractères est d^environ o m. oa. On
y remarquera la position des signes \/ et ^ , et aussi que
ce dernier, avec son trait accessoire sur la gauche, vient
s'ajouter à la liste des signes composés que j'ai signidés plus
haut.
(La fin de cette notice et la planche n" V paraîtront dans le
pivchain cahier, )
IV. a.'J
DirBIUmBI* ■ATlOStLB.
554 SEPTEMBRR-OCTOBRB 1804.
NOUVELLES ET MELANGES.
NOTE PRÉLIMINAIRE
SDR L'INSCRIPTION DE KIU-YONG KOAN ,
PAR
ÉD. CHAVANNES ET SYLTAIN LEVI.
Dans le village de Kiu-yong koan ( ^ ^ ffi , dépendant
de la prëfectare secondaire de Tch'ang^p'ing ^ 4^ , pro^
vînce de Tche-li), la route de Pëking à Kaigan passe sons
une porte voûtée qui attire l'attention du voyageur par les
sculptures bouddhiques dont elle est ornée et surtout par les
deux grandes inscriptions qui se trouvent gravées sur les
deux parois de la voûte. Ces inscriptions , qui datent de Tan-
née 1 345 , sont écrites en six langues différentes , à savoir :
le sanscrit, le tibétain, le mongol en caractères de 'Pbags-pa
lama, le turc ouïgour, le chinois et enfm une langue totale-
ment inconnue que , sur la foi des auteurs chinois , quelques
sinologues ont cru être du niutchen. Ce monument épigra-
phique présente un intérêt considérable pour la philologie ;
jusqu'ici cependant il na été qu'imparfaitement étudié;
A. Wylie est le seul* qui en ait expliqué une partie (On an
* On trouvera des renseignements intéressants sur Tinscription de Kia>
yong koan dans les articles de M. Devéria ( Examen de la stèle de Yen-t'ai ,
ap. Revue de V Extrême-Orient, t. I, p. 173-186) et de M. Imbault-Hoarl
(Note sur Tinscription bouddhique et la passe de Kiu-yong koan; cf. la
même revue, p. ^86-^93), mais tout ce quW a su jusqu'ici de Tinterprë-
tation du texte lui-même est dû à M. ^VyIie.
NOUVELLES ET MÉLâNGËB. 355
andent Buddhist insoription at Kett-yong kwan; Journal ôf
the Royal Asiatic Society, N. S. , voL V, part i, 1870). Noaê
avons entrepris d*en donner une interprétation fdns complété*
Nous espérons, grâce à Tappui ^*a bien votdti nom pro«
mettre ie prince Rdand Bonaparte , faire reproduire les estam-
pages qae nous avons rapportés dé Chine et mettre ainsi ces
textes à la disposition de tous', nous pabUeron» ensuite le
résultat de no» redierdies en iadsMnt appdi m bienveSlant
concoars de toutes les pei^oimes compétente»; ttoos nous
sommes déjà assuré k prédedMr ccdlabofation de M. i*aea*
démicien W. Radloff pour la partie ooîg^wire*. Notis <5foy«ns
utile de rédiger dès maintenant uM noté préliminaire , afin
que les savants qui voudront étudier ee» inscriptions puissent
profiter du travail que nous avons fait.
Première partie.
LES INSCRIPTIONS CHiNOlSB» ET MOMQOLfiS,
PAR ^.n. OtfATANJfES.
Traduction du texte chinois en petits caractères
qui se trouve sur ta face ouest *«
.... dans le palais des Aé^M (tttsitas) rm jour se réimit la
foule des grands Bodhisattvas et des devafrftjas
en ce temps, il y avait du roi des devas TrayaStrîinçâS (tm
^ La tradnctÎM par M. Addioff des Mxiei ed^oim M peilU «MMCèrM
stra publiée dans le prochain Mim^ro dd Journal êtiaUfOêê
^ Ce texte est une rédaction abrégée du Samanta-mukha-praveça-raçmîi»
vîmalosnîsa-prabbâ-sarva-tatbâgata-Iirdaya-sama-virocana dhlrani sûtra [lA.
Bttayiti Nanjîo, Ctttatoffùe of the Chinese Trîpîtakà, n* 790). Ce «Atrâ itH.
teadoit intégralement dam la publieatia» définfthre (jfas iiMis ptépafMi VU
rioscriptiou de Ki»-yong koan, Kou» dmoaront aussi dan» cette p«bliG«tkNi
un taUeau complet de la dhârani de la face ouest sous ses ûx transcriptions;
ce tableau sera féquivalent de cdui que M. Wylle a dressé pour la dbà-
rani de la face est.
s3.
356 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
fils, dont le nom était Mani)pitakavimala; se livrant à toàtes
les délices , le soma , les fleurs , les concubines , il était j^ngë
dans les passions et les voluptés et avait Tesprit trouhlë et
aveuglé. Pendant la nuit, il se trouva en présence dm génie
à la bouche enflammée qui appda le devarâja par son nom
et Tayertit le devaputra ; il était pro-
sterné contre terre. Toutes, saisies de crainte, lui lavèrent ie
visage avec de Teau et du vin. Alors, plein de respect et de
crainte , il alla en présence de Çakra pour lui demander sa
protection. Quand Çakra eut entendu son récit, il consola,
. sollicitude. Le Buddha a la drogue de la loi qui peut secoa-
rir et sauver. Le devarâja le Buddha reçut
Çakra Tédat brillamment illumina les Mahâsahauas;
Tédat revint, tourna autour du Buddha et rentra par sa
bouche, n dit à Cakra ces mots : « Ecoute attentivement. Ce
raja Manipitakavimala, dans sept jours sa destinée sera ter-
minée ; il tombera dans les enfers où il recevra un châtiment ,
puis dans la maison d*un ouvrier en bambous de la
ville de ( Vâranâsi) , il naîtra dans Tétable sous la forme d*un
porc .... impur; il sera en proie à des vers qui le dévore-
ront; quand la chair de son corps sera entièrement finie, die
se reproduira aussitôt conune avant; il en sera ainsi pendant
sept années. Alors, cette punition étant terminée, il renaîtra
dans un vaste désert, parmi les tortues; H ny aura ni eau ni
arbre et sous la blanche ardeur du soleil, il n*aura a manger
que de la terre brûlante Quand îl aura passé ciiiq
années dans cette vie, il renaîtra dans cette ville parmi les
poissons ... il sera en proie aux chacals et aux loups qui le
dévoreront. Quand il sera près de mourir, il obtiendra de la
pluie et reviendra à la vie^ Quand il aura enduré de tels
tourments pendant trois années entières , il reviendra parmi
les hommes, dans (l'une des) sept dasses infortunée, les
lépreux, les fous et les aveugles de naissance . ; au bout da
soixante années ... (il renaîtra dans une condition) misé-
rable, avec un corps vil et une faible intdligence et il sera
un objet d*aversion pour les hommes. »
I»^ODVELLES ET MÉLANGEA. 357
Çakra ayant entenda ces paroles de Buddha « Que
le Buddha fasse descendre sa protection. «
Le Buddha dit : « Il y a une grande dbârani qui peut re-
médier à tous les ohstades et à tontes les difficcdtës des êtres
vivants , c*est la Samanta-mukha-praveça-raçmi-vimaloçni^-
prabhâ-sarva-tathâgata-hrdaya-sama-virocana (dhârani). G*est
celle qu*ont prononcée simcdtanément les quatre-vingt-dix-
neuf centaines de mille de kotis de nahutas de Buddhas. Le^
êtres animés cpii la voient et qui Tentendent se réjouissent
aussitôt .... les naissances dai^s les mauvaises voies méri-
tées. Comme le feu incendie les herbes sèches, comme le vent
souffle la cendre , de même aussi les actions commises seront
dispersées et supprimées (comme une grande fduie)
enlève les ordures et la boue; comme, lorsque Tor véritabis
est fondu et purifié, les ustensiles peuvent être fabriqués;
comme le soleil répand son édat; conmie le poisson , qui était
hors de Teau , rentre dans Teau , son élément. Pour secourir
le devaputra, je prononce cette .... (Si cpielqu*un peut éle-
ver) une pagode i réparer une ancienne pagode, écrire (cette
dhârani) et Ty placer, présenter des parfums et des fleurs,
exécuter de la musique avec toutes les musiciennes et faire
ainsi son oflrande . . , puis se purifier dans son corps et dans
son cœur, jour et nuit pendant les six divisions du temps Iff
réciter en faisant tous ses efforts, ou la dérouler cent huit
fois, . . (il pourra) supprimer tous les maux, produire tous*
les biens. Si, dès le moment où le soleil parait, il s'assied
tourné vers Torient; s'il enduit Tautel de pâte parfumée; si,'
tourné vers le soleil , il répand des fleurs ; s'il fait Inrûler des
parfums, s'il honore tous les Buddhas de cent huit saluta-
tions, . . (s'il écrit cette) « connaissance du cœur » et la place
dans les pagodes, ce sera comme si (il y plaçait) les reliques*
des corps entiers des quatre-vingt-dix-neuf centaines de mille
de kotis de nahutas de trois milliers (de Buddhas) et il n*y
aura aucune difierence. Les fautes et les actions qui abrègent
la destinée seront supprimées; (en outre,) on aura une longue
vie et la protection de tous les devait.- Quand' un tel homme
558 SEPTEMBKB-OCTO-BRE 1894.
approchera de sa fin, U fera csomma ie lerpeut qui change de
peau; il ira dans la région de TOnest et ne naîtra pas dan»
toutes les; gatis manvaises. *
Le devaputra, ayant reçu cette «connaissance», sortit da
palais; puis il établit une pagode . .offrandes • • observer.
Tont ce qui était faute et obstacle fut soudain supprimé.
Etant touché par la grâce, son corps eut la ooideor de Tor,
ses yeux furent bleus, . . . (sa cbevdbre) fut éclatante et pure*
U alla voir le Buddba. Quand il fut en sa présente, tout son
être ressentit uUe grande joie. U prononça donc une gàtbâ
pour prodamer et célébrer . . • • revenir dans le palais; pleins
de majesté, ils portaient toutes les o£tandes , , Çokra • ».
(Us arrivèrent à) Tendroit où se tenait le Buddha . , • ,
(ik tournèrent autour de lui cent) mi&e fois et firent les o£-
finndes.
Alors VajrapâQi , . (demanda) au Buddha m . • • Qttdks
actions a donc commises dans ses vies antérieures (ce) Maçi-
pifakavimala pour mériter de tdles punitions i •
... (Le Buddha répondit) ; «Autrefois, dans Tlnde du
Sud, dans la ville de Koang^ynen-man, il y avait un Brab*
mane dont le nom était ( Vimala) . .••••• tident de dis*
tinguer, la foi et la sincérité des hommes , un jour •••••• il
y avait un notable dont le nom était K.oang*ming; il conçut
une mauvaise pensée : « . (Puissé*je) le couper en pièces
comme une tortue ou un poisson, remplir sa bouche d'or^
dures. » Quand il eut conçu cette pensée, il fiit atteint aussi»
tôt par la maladie de la lèpre blanche et mourut, U Unpobft
dans Tenfer avici; après un kalpa, il revint naître ,.,.••••
les tourments de Tenfer Jkalasûtra. Puis, cette punition étant
aussi achevée, il revint dans la ville où â avait primitivement'
résidé et fiit au nombre des aveugles de naissanoe. U aa^t
sans yeux; en vertu de causes antérieures, il entendit) un
bhiksu; son cœur conçut la foi: s'approchant avec vénéra^
tion, il s'enquit et s informa. Or ce . . (bliikçu) se conduisait
avec compassion et bonté; le voyant venir, il le reouaiUit;
bien plus, il lui donna i manger; puis» an sa faveur
• * »
NOUVELLES £T MÉLANGES. 350
(il prononça la dhâraçi) .... étant finit il naquit parmi les
Trayastrimças. Gdui qui ëtait alors le notaUe, cest le deva*
puira. Le brahmane , puis le bhiksu icmt des avatars de Maiv*
juçrî. Les rémunérations, les causes . . justice. . • . • (Quand
quelqu'un récitera cette dhâranî) une fois, ce sera comme s'il
faisait le tour des pagodes des vingt Tathâgatas; s'il récite
ce résidence, il plantera Texc^ente ûge. S'il éta-
blit un autel et quHl récite cent huit ... les soufiCrances , les
difficultés et les mauvaises choses seront toutes supprimées
• • suivant. les désirs seront tous téalisëfl; il obtiendra la
compréhension des naissances antérieures ; il naitra dans le
lieu pur . . (Si) chaque jour pendant lès trois périodes de
temps il s'applique à la réciter vingt et une £Qiû».au bout
d'une année .....* tous les Biiddhal. SI le huit, le
quatorze et le quinze (du mob) . . . . fois, quand il récitera
cette « connaissance » et qu'il fera le tour de la pagode , du
sein de la pagode sortira une voix qui consolera le marcheur
et le félicitera entendre cette voix, ses mauvaises
actions et ses infortunes s'évanouiront (il naî-
tra) dans une excellente condition et se rendra parmi les
devas. Si huit mille et cent mille fois il récite avec attention
... (le feu ne) pourra plus le brûler; à sa mort . son prin-
cipe vital ; il naitra ensuite dans le paradis ; il aura un corps
couleur d'or; les Tathâgatas des trois générations le regar-
deront comme un fils •««... grande pagode , la placer et
terre . . le Buddha proncNiça luirmtoie cette
gâthâ :
Dans cette seule pagode placer la «Connaissance du cœuri,
Y établir un pavillon de la Houe et Tomer de banderoles.
C'est comme si on cachait les corps entiers des Buddbas des trois
[générations
Et qu'on en remplit cent mille pagodes; voilà ce qu'il faut savoir.
. . ,samanta-mukha-praveça-raçmi-vimâiosrJîsa-prabhâ(sar-
va-tathâgata-hf daya - sama-viroc«ma dbàra) ni. Cest pourquoi
maintenant nous
300 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
La cinquième (année) tche tcheng S (l'année étant dans
les signes) i yeou, le neuvième mois» en un jour £iiste, Té-
tch*eng, religieux du temple Pao-tsi et originaire de Tch*eng-
tou^ dans le Chou occidental, a écrit (cda).
Traduction da texte chinois en petits caractères
qui se trouve sur la face est.
i" ligne : Oh ! admirable ! Adoration au dharmakàya et aux
trois joyaux. Origine vénérable, principe, mîliea et fin
de tout ce qui a forme et apparence , perpétuellement
heureux , nous . . les trente-sept Bodhi sans obstade . .
le sommeil et l'éveil en définitive ne pas
la roue de la Loi , le Nirvana
a* ligne : notre Buddha, Tunion des religieux, la victoire sur
les six maîtres ', la connaissance profondément bienfai-
sante de la mère qui répond (Âbliidharma) , la longévité .
l'ensemble des lotus , la porte heureuse de la Mahâbodhi
qui augmente et soutient une longue destinée , les huit
actions à Rapilavastu, à Mo-kié (Magadha?), à Và(râ-
nasi). le royaume de Çrâvasti, un. .
établir pour la première fois une pagode .
3* ligne : protéger, sébile à aumônes, . . ayant la forme de
pavillons à étages .. les portiques qui sont des marques
de la majesté et de la vertu qui soumet les démons;
qui constitue le fondement des dix connaissances, qui
constitue le parasol de la roue excellente , qui constitue
la protection miséricordieuse pour les êtres doués de
sentiment, les trois smrty-upasthânas , les dix forces, la
' L*aii i345 de notre ère.
' Tcb*eng-toa est anjoard^hni la capitale de la province de Se-tdi*oaD.
' Les six maîtres sont les ttrthikas du texte tibétain : Pûrana Kâçyapa,
Goçâlipntra Maskarin , Saujàyî Vairatttpatra , Ajîta Keçakambala , Kalcôda
Kàtyâyana, Nirgrantha JSàtipatra.
NOUVELLES ET MÉLANGES. ^61
roue pagode; un, trois, . , cinq, sept. . . ne
pas, les reliques, nous vénérons et adonms.
•
4* Ugne 1 Le saint et sage Fils du cid ^ profite à tous les êtres ;
au milieu de la route n%[ïessaire(?), il répand le bon-
heur Qt Tavantage .. Ferme et confiant dans (?) le
cœur (?) de la Bodhi du Buddha , il a établi un haut stûpa
les trois véhicides, les trois joyaux et ce qui,
pagode, récompense. . . ne pas . . . véhicide, porte,
éclatant, pas deux .
5* ligne : à un deva. &i outre (9) » le maître dans la pagode
a réalisé derechef toutes les vénérables images du Com-
patissant , collection qui a TécUi de Tor brun , feu. Des
mille Buddhas Tathâgatas le principe et la majesté sou-
tiennent et contiennent mutudlement les tentures de
soie qui recouvrent ; dans la victoire des cinq Buddhas
dans le royaume absolument pas ... les reliques
des corps, . . joli, rare, merveilleux, difficile . .
6' ligne : le lotus sans souillure , Téclat du chignon au sommet
de la tête , puis , prenant les dix caractères mystiques ',
suivant la Loi, placer . la porte de la pagode, ce mé-
rite peut supprimer les crinjes de mille kalpas; ou, si
un homme fait fleurir du Tathâgata .... comme la forme
d*Amara - Buddha. .. . paisible; celui-là obtiendra le
mérite . . .
Y Hgne : grands milliers, Tofirande des sept joyaux; Thomme
saint construit une pagode , le mérite Temporte sur ceLi ;
ou, avec ... du ciiivre jaune faire une statue, suivant le
cœur entièrement accomplir, parfaitement; un jeune
garçon , s'amuser devient guide et maître .... terre . . .
loi milieu, clarté ..
* La ligne commençant deux caractères plus hani que les aatrcf , le Fils
rlu ciel dont il est question doit 6tre un empereur mongol.
^ Les dix caractères sont la fameuse formule : Om mani padme bum.
302 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
8' ligne : ce qa*il obtient, c est la paix et la joie , une grande
renommée, le talent de discuter, la rëflexioii correcte,
la longue vie, demeurer dans beau . . . dans les palais,
richesses , joyaux , serviteurs , tous en abondance . . , des
épouses belles, bonnes, »» sages, saintes, sept joyaux,
mille fils ... de naissance en naissance monter dans la
voie des beaux devas , être roi , recevoir de la joie , comme
une victoire insigne
9* ligne : ensuite pouvoir émettre le cœur de la Mahâbodhi,
la fermeté arriver au plus haut point, un corps de dia-
mant, ensuite .... NirvÂna, conune plus haut le Bud-
dha Ta dit; plus de doutes; purifier et balayer la pa-
gode du Buddha; bràler des parfums . . . réunir les
paumes des mains; avec respect, adorer belle
dievélure; tous ont chacun les dix racines.
10* ligne : Autrefois, au temps où le Buddha s était incamé
dans le Jaxnbûdvipa, la pagode de Téléphant précieux
était en ruines et diminuée ; réparer de génération en
génération . . . marche de Tâéphant, enÂiite obtenir
la dignité d^Arhat sous le nc»n de Gardien de Télé-
phant ( gajapàla ? ). Autrefois , lé parCûtement vénérable
et vertueux Açoka « pagodes préoieusés dans
tous
1 1* ligne : le roi bon ,
maître du monde , répondre , affection
Buddha .... à Tépocpie de P faire fleorir, Buddha ,
1 a* ligne : mer, dans dans tout
ce qui est nécessaire; spontanément frais et fertile;
vraiment solide , pierre ........'
i3' ligne : Le maître de Tômpereor, Hi-tch*oang ($|t,
Nandiketu?) fortuné, sage, féliciter
ce qui devient le sens triomphant. ... ....
>
NOUVELLES ET MÉLANGES; 563
i4' ligne : être calme en s* appuyant sur la grande terre et
ne pas transférer notre ,
savoir
i5'' ligne : profiter au monde, éclat complet, homme sage
et parfait comme la pleine lune d'automne
• •••f
1 6' ligne : tous les êtres doués de sentiment trouvent leur
profit et leur avantage, pouvoir, complet, génération...
1 7* ligne : La souveraine aJBTéctueuse et excellente , fenmie
de l'empereur bon, tfës majestueux^ . . une sainte
semence, descendants divins
1 8* ligne :1e maître du royaume, Nan-kia î, ingénieuse-
ment doué de la compréhension des doctrines manifeste
et obscure spécialement a reçu
.... saint sai han
1 g' ligne : qui possède le titre de préposé de la cour correcte
aux interprétations de diamant » haut dignitaire du
grand collège sujet, a tourné ses
forces , a tourné son cœur pour augmenter le bonheur
et ie profit pour tous
20* ligna ; la vertu très intelligente du Fib du ciel réunit et
achève la Bodhi qui n'a pas de supérieure. Avec respect
nous avons reçu
31*' ligne : Tordre impérial de rappeler les textes originaux
. . sanscrits , tibétains , mongols , compiler les livres
saints pitaka, la doctrine . De l'Inde
de l'Ouest, Koan-tso-lo (Vajra) , Té-
tch'eng, en gros .... l'a noté par écrit.
' Ucmperetir boo « très majestueux est h titre pQstbuoie de Bouyamtou
Khan, qui régna de i3ia à i^zo. L'impératrice t sa fisiame, mourut en
1 3a ) ( FiMn «Ae « chap. 1 14 9 p* ^7 )*
■W.*— M^MMM*
364 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
EXPLICATIONS PROPOSJ&ES
POUR QUELQUES EXPRESSIONS DES TEXTES MONGOLS
ECRITS EN CARACTÈRES DE 'PHAGS-PA LAMA ^
n
Inscription en petits caractères de la face est,
ligne : Om svasti engge esen boita ghai^om svasti, qu*il y
ait contentement et bonne santé. — dari beye « le
corps des formes , le rûpakâya. — tchinarta » possé-
dant une qualité. — àdjakwr=ileL fin. — urida = autre-
fois. — djirghalangta = qui jouit des délices. —
mangke — étemel. — nom-an heye de màrgamui = s'in-
cline devant le corps de la loi (dharmakâya). — aZiuait
edjen =^ le maître du peuple. — alus daghan = à son
peuple.
a* ligne : nom = loi. — ene saburghan = ce stupa. — àtchà-
gen = un peu. — yeke «= beaucoup. — ghurban kulghe-
ni t= les trois véhicules (triyâna). — ghMrban sa —
* Je prie les penoonet versées dans la oonoaissance de la langue nongoie
d*ètre très indulgentes pour ce travail ; c*est afin de l'entreprendre qae j*ai
commencé Tétude du josongt^; je ne pouvais donc avoir la prétentioo de
déchifffcr du premier coup une inscriptioo rendue plus diflfictle encore par
remploi de récriture *Phags-pa qui rend très incertaine la séparation aei
mots entre eux; j*avais abordé ces recherches dans Tespoir de trouver un
parallélisme beaucoop plus marqué qull n*est en réalité entre ces textes et
les textes chinois et tibétains; mon attente ayant été déçue, iâ m'a semblé
cependant que Teffort que j*avais fait pour découvrir le sens de qneiquet-
nns des mots de cette inscription servirait peut-être à épargner quelque
peine aux personnes plus compétentes qui tenteront de donner une traduc-
tion véritable; c'est pour cette raison que je me suis décidé à imjmmer
ces notes tout en sentant moi-même leur imperfection. Une vingtaine des
identifications que je propose m*ont été fort obligeamment indiquées par
M. le D* Grube à qui j*ai soumis mon manuscrit lors du Congrès de Genève. —
L'inscription mongole est, comme Tinscription tibétaine, divisée en gàtbâa,
la première par des points , la seconde par des traits verticaux. — E. G.
NOUVELLES ET MÉLANGES, 365
3* ligne : hnrghan daghere boikaghat àndur ^ ayant érigé en
haut les trois stupas. — oldakha = se trouver. ^-^ kàr-
tekhu s atteindre. — âsayaghan-tu = dans la destinée.
— ghurban erêxnis == les trois joyaux. — hugei » après
que. — dughulghan = casque.
4* ligne : amitan » les êtres vivants. — yahukku-in » agir
(au génitif). — eimu ghurban suburghan boskhabii =
de cette manière les trois stupas ayant été érigées. —
Barkhan-u = du Buddha. — sarvavighi = ? — vajira-
panirin amita Çhag^mum Barkhan'nnghadrm =^ de Vaj-
rapâni, des Buddhas Amita et Çàkyamuni. *— nughad
= (marcpie du pluriel). •> — arban Uagun » de dix ré-
gions. — kalaprun » ksdpas. — ndngghan Burkhad-un
= les mille Buddhas. -. — ac{ic^tit=«: bénédiction.
5* ligne : altan = or. — ejin egut-beji = ayant été construit
de cette manière. — nom- an beye ungge-tn khuyar beye-
in çavira = le corps de la loi ^ la relique du corps sans
pareil (advaya) ayant une forme. — nom ?= la loi. —
sagikhtchi = protecteur. — maharaja (?). — kighet =
était. — minggham kalap-od-un nigul = les péchés de
mille kalpas. — nom = la loi. — chasin = le précepte.
— dur ber. — tusa = utilité, avantage. — yeke =
beaucoup. — mle-ji = Faction (accus,). — butugebe =
être accompli.
6* ligne : dengrinerum bakchi-in = du maître des devas. —
suburghan = stûpa. — sàme = temple. — kuiagara nere-
tu sudur kighei tsaghan linga-in gui sadur nughud dotora
= dans le sûtra appelé kùtagara et le sûtra du lotus
blanc. — Burkhan nomlakhu = le Buddha se mit à
prêcher. — alibe = un quelconque. — Burkhan-u sàme
= le temple du Buddha. — taikhu-n chitugheni =
offrant des sacrifices aux idoles.
7' ligne : tedai = aussitôt. — egutgeguldja » ^ranger de
manière a ce que ce soit établi. — arbajin teduî = de
366 SEPTEMBRE-OCTOBRE 18Q4.
dix environ. — tende «= là-bas. «^ ûîil âgei = eompa*-
raison ne pas. — ghurban mingghan yirtitttsa dar*= dans
les trois chiiiocosmes. — ertinis =* les joyaux. — Ar/ioii-
toakhtan = les saints. -— Bnyan^ yertci. *— ghurban er-
tini = les trois joyaux.
8* ligne : dsartchim =la loi. — Bayantu-in =^dn yertaettc.
Inscription en petits caractères de la face ouest,
i'* ligne : om svasti engge esen boltaghai âsalghamdji «= om
svasti , qu'il y ait contentement et bonne Mintë. Suite :
' — djul *s bonheur. — sudar *« sûtra. — * djayaghan =
destmëe. — altan = or. — djaghan *» élëphant. — A:â/-
^^R^* se véhicules. — tchakhun etûkus dur^ à la fin de la
saison. — ûgei = ne pas. — amughulang =■ fëlicité^i —
kurtedjuJshui = atteint. — yeke = très. — tchokkta «
puissant.
2* ligne : tcketkiravard « cakravartî. — Achugi khêotier =
le roi Açoka. — yeke buyantu Burkhan hakehi'in = du
maître Buddha très vertueux. — mhurkhadiyar =»= les
stupas. — • tchimedju ^ ornant. — fekê chérrini =■ les
préceptes (çâsana). -— khejikkulbeji^^ajAniM ordonné
de s'informer. — artekin == autour, près de. — ' mergen
= sage. — neretu (?) = qui a nom. .*^ yekê oUtn =
beaucoup. — un-
3* ligne : dur = en haut. — yeke = beaucoup. — ^ suburkha-
diyar = par les pagodes. — otasi-in « du peu{Ae. —
tchimedju = ornant. — sutu botisivid setéken khan ber =«
le sage khan, éminent Bodliisattva. — uluf-wt = du
peuple. — amitam « les êtres vivants. — amukhu «
être tranquille. — Bayantu-tn ckasin ^^m le précepte du
vertueux. — nom =» la loi.
4* ligne : kidsaghsr =» limite. — kûrtele ^ ^9qa*k. — ^^*ifc«
beaucoup. — 5tt6arMan=sstûpa. -^ ^5Afta<(/it a» ériger.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 367
amiiaii « les être» vivants. -^ dsalghamdi — suite. —
holkkabii = faisait être. — dengri =^ ciel. — djayakhtan
= qui sont destinés. — Bodisivid = Bodhisattva. —
teimu = ainsi. •*- sain àilesi «s les bonnes actions. *^
altan » or. — dettgrUn kiibeghim » le fils du ciel.
5* ligne : Bohisivid (?) = Bocthîsattva. — delekei = la terre.
ajchui — trou, profondeur. — ene suburkhani = ce stu-
pa. — Bodhisivid-nn = du Bodhisattva. — altan dsorik =
volonté d'or. — içhUfigun = de la pierre. — ene subar-
khanî = ce stupa.
6* ligne ; tegas b^agheie^ «» qui a accompli parfaitoment.
**** sàme subarÛani =» temple ei stupa« *- khudakhta=
saint. -*- aaania » ânanda. — - kma »» luna^ «^ adich-
tit s= bénédiction. — geghen *» éclat« — buyu/i «• vertu.
— • nemehka «^ augmenter. — ^ ar&aa =» dix. — êagighul-
dju = Daiisant protéger. — a^ten geghen dur » à Tillu-
mination d*or. — dêorik = la volonté*
7° ligne : ûnen daghe = en vérité , réellement. — ene yeke
buyanu kûdjûn dur = la force de cette vertu considé-
rable. — ulas-an = du peuple. — khan sufu lodhisivid
edjen dur = le khan , éminent Bodhisattva et maitre.
— djirhhalang = délices. — eguri = longtemps. — ne-
mekhu = s'augmenter. — bobughai — que cela soit.
8^ ligne : gerel-un =* de l'édat. — djul » bonheur. — naran
= soleil. — ' metu sss comme. — sain nom =» la loi excel-
lente (saddliarma}. — chas in = le précepte* *— boita-
ghai = que cela soit. — bàtun = comjdet. *— tusa =
profit, avantage.
g* ligne : bukhtas khadukhtan = les saints et vertiietix. -^
ngei namurun tdhakan dergel saran »ne pas ... la pleine
lune de la saison d'automne. — bayanian ttilesi = les
vertueuses actions» — serigun gereli yer ««t par l'éclat
restaurant. — bàrihe = entièrement. — egan a^ long*
308 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
temps. — ^irghakha = se réjouir. — holtugbai «= qœ
cela soit. — edjen =s maître. — alusun khan ^ khan du
peuple.
lo* ligne : erdem = vertu, mérite. — tchimek = ornement.
ffharban erdinis = les trois joyaux. — bayem = vertu.
— adichtit = bénédiction. — bikdja = bhikçu (?). —
àkagét = étant mort. — amitani =3 les êtres vivants. —
djirghalang = les délices. — djokhiyakha = créer. —
holtughai = que cela soit. — kàsektchi s désirant. -—
gegken Buyanta khan sutu . . T^ Tillustre Buyanta khan ,
réminent. . .
11* ligne : kesikun nahtchin altan = Tor en feuiUes du boo^
heur. — delgenkseger s= en s^étendant. *— httjikka »
être. — holtughai = que cda soit. — • altam « or. —
tchimek = ornement. — meta ^ comme. *— Bohisivid
khanu = du khan Bodhisattva. — amitana «* des êtres
vivants. — esi-nugud-an = des instructions. — tegan-
tchllen = semblable à. — ahari =: disposition innée.
— no -
) a' ligne : mun djirghalang = les délices de la loi. — iurte-
kseger == en parvenant à. — amin nasun hayon Idiataldi
nemekha holtughai = que pendant toute la durée de la
vie , la vertu et la sainteté s augmentent. — kelakha
amitan = tous les êtres vivants.
i3' ligne : dengri-in ke[ube?) ^ ghuna djarliki yer ene àileji s
par Tédit du fils du ciel, cette action. — kârtele^jjos-
qu'à. — duran = volonté, désir. — kàrgegsen=s xysni
été transporté. — oyo-gha = vase à aumônes, -^delger
= étendu. — oi-ta = dans la forêt. — narin » fin, se-
cret.
id* ligne : sai gan lieou cheou =9 ( cf. le Tibétain). — gim gmg
yi yuan = kin kang i yuan (la cour de Tinterprétation
de diamant).
' Je croi< nécessaire d*ajonter ici trois lettres au texte , afin cTobteB^ le
mot kAb^g^ :s fils.
NOUVELLES ET MELAÎ^GES. 300
DEUXIEME PARTIE.
LES INSCRIPTIONS TIBETAINES
PAR M. SYLVAIN LEVI \
Instription en petits caractères de la face est,
Âh ! de couleur, de foiime au commencement , a la
fin, au milieu triplement inconcevable, possédant la l)ëati-
tude perpétuelle et de plus maintes qualités , ayant la
nature des trente-sept caractères religieux de la bodhi sans
exception , au Dharmakâya de celui qu'on nomme le Buddha
et aussi aux trois joyaux, adoration!
Ceux de qui le sommeil et l'éveil sont en vérité
inconcevables tout comme l'atome, possédant cependant
l'existence tant que le monde écrasé par le sommeil de l'igno-
rance prend le non-être pour l'être (?), les Buddhas des
trois temps, leur naissance, leur illumination, leur mise en
branle de la roue de la loi, leur. . . entrée au nirvana, à ces
quatre actes qui leur sont communs , bommage !
Tous les actes merveilleux et obligatoires de Çàkyarâja
Çàkyasimba, sens de la màtrkâ. concorde des moines du
samglia, victoire miraculeuse sur les Tirthikas, . . . longue
vie bénédiction , etc. , tous ces caractères sont propres
au Dharmakâya. Hommage à lui !
Kapilavastu Râjagrha ..... et Çrâvasti , les huit
lieux de hauts faits, l'état d'inertie, la sébile (?) , le
bouclier, et les insignes de la royauté conquis sur les dé-
' C'est une entreprise téméraire pour un novice d'aborder Tétude d'une
inscription si difficile, rendue plus obscure encore par le nombre et
rétendue des lacunes. Si j'ai péché, ce n'est pas pourtant par présomption.
L'essai de traduction que je publie n'a pour objet que de débrouiller
sommairement le contenu du texte , afin de déterminer en gros le rapport
de la partie tibétaine avec le texte chinois eu petits caractères qui se trouve
sur la face est. — S. L.
IV. 24
370 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
mons , à tous les stupas qui ont Taspect de kûtàgaras possé-
dant toutes les qualités , liommage !
Possédant la nature des dix connaissances fondamentales,
la voie des actes vertueux, les trois smrtyupasthânas et la
beauté des dix forces et du disque , bien orné du parasol de
la pitié, qui embrasse la multitude de fous les êtres réunis,
. . , à tous les . . . nommés stupas du Sugata.
Srotaâpanna, Anàgamin, Arhat, Pratyekabuddha ,
caityas, parasol, en ordre un et trois et cinq et sept, et' des-
sus et dessous huit, et points cardinaux et régions intermé-
diaires, et çaranas, et yànas, et moksadvàra, et trikàya. . .
Pour représenter ayant élevé trois en vue de
savoir recueillir et rejeter aussi les fruits de l'existence , celte
grande porte belle entre toutes a été édifiée pour que tous
comprennent, ainsi dieu, homme ayant élevé en
un lieu d'adoration un stûpa . . .
Ayant parlé en bien des manières pour la propagation des
Saintes Ecritures, ici ce que le maître des créatures a dit
pour que les autres comprennent , . . . sùtra au sûtra
, . . ayant extrait un tant soit peu il a dit. ..'... . remplir
de joyaux les trois mille cakravàlas
Qui élève un stûpa, un vihâra, fùt-il grand comme une
olive , qui ... le mérite de déposer en un lieu de résidence
le corps du Sugata, fût-ce tout juste autant qu'un grain de
rîz, par lui la religion très excellente est accrue; le Kù(agara-
sutra le déclare.. Si jamais les sept précieux corps des Bud-
dhas pouvaient donc s'accommoder à un seul pot de cuivre !
Des enfants, rien qu'en imaginant comme demeure un
vihàra , un lieu d'adoration rien qu'en faisant
un tas de sable acquièrent assurément la plus haute dignité ,
des yeux plus blancs mémo que le blanc lotus de la bonne
loi , des trésors et du grain , et des chevaux et des bœufs et
aussi des véhicules et de paisibles demeures.
Et longue vie , et éloquence , et or, et éclat ... et belle
stature, et grande renommée, et mille fils, et la dignité de
roi cakravartin, et naissance divine, et puissance divine;
NOIJVKLLKS I:T MKLANC.KS. 371
ainsi cela est exposé en cercle d'après le sùtra du Sakhavati-
vyiilia.
Si on fait l'anjali , si on offre des fleurs , une iainpe , . . .
des vêtements, des parasols, des cloches, chacune de ces
bonnes œuvres donne des avantages dix par dix, et on
obtient un excellent corps de diamant de Bodhisattva. Cette
parole est dite d'après le sùtra du Karmavibhâga du Mahâ-
yàna.
La suite de ceci se trouve sur le coté de l'ouest.
Inscription en petits caractères de la face onest.
Om ! salut 1 que devienne prospère ! Ainsi jadis le
Tathâgata cliangeait de résidence. Deux jeunes (enfants)
la bonne action de restaurer un homme au teint
clair comme de l'or naquirent ensuite famille
grand. . . montant. Pour renaître à la fin, au temps
où il est dit notre maître arrivé à obtenir la di-
gnité d'Arhat sous le nom de Gardien d'Eléphant, un enfant
pour avoir donné une poignée de sable s'éleva jusqu'au plus
haut rang. . . roi Acoka de l'enfant. Ce pays fil
... les 84.000 travailler à répandre la doctrine
du Buddha. Sous le nom de Rtse-lna'i-'dabs-su-mkhas-pa
devenu roi . . . le Jambùdvipa
huit. . . d'instructions spirituelles par le roi aussi.
Vainqueur des diverses régions il travailla à
propager la doctrine. Pour avoir médité sur les actions des
êtres vraiment nobles, pour avoir étendu le bien -à tous les
êtres, parmi les dieux il naquit Prajâpati.
Ayant élevé ce caitva avec un vihàra, c'est par le lama
Ti-shri ayant pour nom religieux Cri. . . qiie la bonne con-
sécration a été faite si quehju'un , par le joyau du
ciel , prince descendance , agrandit le beau bois de
catapattras deux anthères. ...... donnant leurs ri-
chesses pour le bien, adeptes de chaque religion. Adorant
24.
37i SEPÏEMBRK-OCTOBRK 1894.
pour le bien. . . créature. . . examiner. . . pour le hunhejir
les quatre régions. . . jour. . .
trésor milliers de rayons lumineux
celui pir rapport à qui la lampe de Tunivers ne saurait équi>
valoir à un dix-millionième , ce soleil de la religion ne s*.oh-
scurcit pas dans les cieux.
du Bhagavat Tarhre aux
souhaits (kalpadruma) court, grand lignéç. . .
descendance en se répandant et grandissant. Tant que le
cercle des transmigrations n'est pas vide, aussi longtemps
puisse-t-il demeurer inébranlable, comme par le maitre du
mont Meru la masse de la terre reste inébranlable, écrasée
par son poids , que par le maitre des hommes tous les puis-
sants soient écrasés sous son pied toujours ; par réclat du
joyau qui est le refuge très précieux à la (in arrivé au
ciel . . . tout le bien. Ayant travaillé avec zèle selon le désir
de son cœur de peu. . . désir. . . lotus. . . décoré. . .
beau . . . approprié ... la sainte mère . . . prince quand elle
se fut divertie tout le temps par le bien , les mérites de toutes
les créatures firent naître comme par un pouvoir magique
des sujets, princes et fils de rois(?). Longue vie et mérite .
comme la lune croissante
action utile intelligent
ses actions eiîaçaient la lune d*au-
tomne ([ui n'est pas constante à répartir également entre
tous sa blanche lumière. Tourmenté par le chagrin de$ mi-
sères devienne
en cent clair d*accord.
Les devaputras qui président à la pluie laissent tomber la
pluie en sa saison si bien que le nom de désordre, de fléau,
de famine n'est plus nommé dans ce monde. Puisse ie
temps se passer à être heureux comme dans ie paradis de
iSukhavati I
De la parole trois ..... ap[iliqué
intelligent Çakya-çramana
pierrerie hu sai gan liu çhriu dben çhri fiiai
NOUVELLES ET MELANGES. 373
kl^in ba la ci ri thi te ma seu tu jun gven la, etc. , à tous les
dénommés le fruit
du bien à ce portail de la doctrine du
véritable Triralna produisant l'adoration l'éloge
de ceci des douleurs qui sont les vagues
de l'océan des transmigrations étant sauvé assurément qu'il
vive pour être heureux au pays de l'éternelle béatitude !
BIBLIOGRAPHIE.
Histoire de la latinité de Constantinople, par M. A. Bciin,
consul général, etc. 2* édition, continuée jusqu'à notre temps
par ie R. P. Arsène du Chatei. Paris, Alphonse Picard et fils,
1894. — 1 vol. grand in-8", 5^7 pages.
D'une série d'articles parus en 1872 dans le Conlcmporain,
Belin avait tiré un volume de 197 pages devenu depuis long-
temps une rareté bibliographique. Jusqu'à sa mort, cet orien-
taliste distingué, dont les lecteurs du Journal (isialujue n'ont
point oublié les solides recherches sur le droit musulman el
les œuvres de Névâï, travailla à préparer une deuxième édi-
tion, en amassant une quantité considérable de documents
qu'il n'a pas eu le temps de mettre à jour. Ce soin pieux
vient d'être rempli par le R. P. Arsène du Chatei, qui s'oc-
cupe depuis longtemps de l'histoire des missions catholiques
dans le Levant et qui était mieux préparé que personne pour
compléter et publier l'œuvre retouchée par l'auteur lui-même.
Rien de plus attachant que l'histoire de l'Eglise latine à
Gonstantinople. Bien que les catholiques romains aient tou-
jours été en minorité depuis le schisme, leur communauté
s'est maintenue, sans se laisser disperser, au milieu d'élé-
ments hétérogènes et fréquemment hostiles. Le sort de leurs
étabhssements de Stamboul, de Galata et de Pérg suit pas
à pas le développement de la ville elle-même.. Dès la fm du
ix* siècle, Basile le Macédonien plaçait sous l'autorité di-
recte du pape Jean Vlll le couvent de Saint-Serge, dont la
374 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1«94.
chapelle porte aujourd'hui le nom de Kutdiak Ayâ-Sofi'i ou
«petite Samte-Sophie » ; c'est une mosquée hien connue des
archéologues, et voisine des ruines du palais d'Hormisdas.
Les Âmalfitains, établis des preiniets dans les Échelles du
Levant, avaient leur église particulière; les Vénitiens, qui
les supplantèrent, eurent les leurs; de même les Génois,
sons Alexis Ul. En 1 2 1() , les Franciscains, bien peu d'années
après la vocation de saint FVançois d'Assise, vinrent s'établir
en Orient : date mémorable, car les autres ordres religieux
attirés par la conquête latine, Bénédictins, Cisterciens, reli-
gieux de Cluny et du Mont-Cassin, devaient disparaître avec
l'empire des Croisés, landis que les Franciscains furent, pen-
dant des siècles , presque le seul clergé latin de Constanlinople.
Après la prise de la ville par les Turcs, on voit le corps
des bourgeois de Galata s'organiser sous le titre de a Magni-
fica Comunità di Pera», communauté qui est devenue plus
tard une simple association reUgieuse, sous le nom de «Con-
frérie de Sainte-Anne». Les égli-es de Galata, les unes dis-
parues, comme Saint- François et Saint-Paul, ou transférées
à Péra, sur le haut de la colline, comme Sainte-Marie Dra-
peris, les autres existant encore, telles que Saint-Benoit,
Saint-Georges, Saint-Pierre, forment la matière de mono-
f;raphics très complètes, très détaillées, où l'on saisit la vie
de CCS communautés étrangères, pour ainsi dire étouffées
sous une domination pesante.
Il ne faut pas oublier, dans l'énumérntion des monuments
où se retrouvent des souvenirs des établissements latins, le
cimetière de Féri-keuï , œuvre à la fondation de laquelle Belin
eut la plus grande part. C'est là que se trouve le carré mili-
taire français , souvenir de la guerre de Crimée ; c'est là que
l'archéologue aime à revoir, encastrée dans les murs de
Tossuaire général, cette pierre tombale de l'an i335, prove-
nant do Fancienne église Saint-François et qui fut retrouvée
en i86/i. à deux mètres de profondeur sous le sol, aux
Grands-Champs de Péra.
Si cet ouvrage oflre une ample moisson à l'historien, !e
NOUVELLES ET MELANGES. 375
cjtë moderne n'en est pas exclu. Les renseignements statis-
tiques et autres sur les couvents , écoles , hôpitaux et les éta-
blissements de tout genre appartenont aux catholiques et qui
se développent sans cesse, sont des plus importants; on les
chercherait en vain dans d'autres ouvrages , moins spéciaux,
partant moins approfondis. Tel est le travail qui appartient
en propre au H. P. Arsène; nous l'en félicitons tout particu-
lièrement , en même temps que du soin qu'il a mis à repro-
duire l'ouvrage de Belin et à le rendre accessible au public.
Des figures intéressantes complètent le volume : anciennes
vues de la ville; photographies donnant Tensembie de Ga-
iata et sa fameuse tour, ou reproduisant les monuments les
plus curieux du cimetière et CiUpruntées à la série des
comptes rendus annuels de cetle institution internationale,
une autre œuvre peu connue et qui honore aussi la mémoire
de Belin.
Cl. Hua ut.
IVestern oniGiy of tue early Ciiikese civilisation , fiom 23oo
15. C, to 200 A. C. , by Terrien de Lacouperie, gr. in-S", /120 p.,
London, Asher, 189^1.
C'est avec un vif sentiment de tristesse que nous prenons la
plume pour écrire ces quelques lignes consacrées au dernier
ouvrage de notre regretté confrère A. Terrien de Lacouperie.
Personne certainement ne s'attendait à ce funèbre événement
qui devait priver la science d'un de ses meilleurs représen-
tants , et le coup qui vient de frapper sa respectable famille
sera ressenti , nous osons l'afTirmer, par tous ceux qui s'inté-
ressent au progrès des études etlinologiques et philologiques.
Pour moi qui ai pu apprécier, par des rapports longs et fré-
quents, les qualités de l'esprit et du cœur du savant sino-
logue breton, je tiens à exprimer ici toute la peine que sa
disparition me cause, tout le regret que j'éprouve de ne plus
le trouver à côté de moi pour travailler au défrichement du
champ , encore si couvert de broussailles , de la sinologie.
370 SEPTEMBRK-OCTOBRL ISO'j.
Les travaux de A. de Lacouperie sont assez connus pour
que je puisse me dispenser de les énuraérer à nouveau. Son
livre sur les monnaies chinoises a reçu des éloges univer-
sels et sans restriction et Ton peut dire qu2 c'est son œuvre
maîtresse, celle où ses qualités remarquai >les se montrent,
pour ainsi dire , sans ombre. Amour de la science, patience
dans les recherches, dédain du convenu, érudition vaste et
solide , tout s'y trouvait réuni , et il eut été vivement à désirer
que le regretté défunt eût appliqué ses grands talents exclu-
sivement à des œuvres de ce genre. Les Western origin ofthe
Chincsc civilisation témoignent aussi des mémos qualités et
d'une érudition aussi étendue que de bon aloi. et, pour ce qui
dans ce livre appartient à l'histoire, iious n'aurions qu'à ré-
péter les mêmes éloges que nous avons exprimés au com-
mencement de cette notice.
Mais tout homme a son côté faible , et celui de notre savant
confrère fut de trop se passionner pour une idée et, sous l'in-
fluence de ce sentiment, de trop croire à son imagination.,
de ne pas observer assez strictement les règles de la critique.
Sous ce rapport, son éducation scientifique oflVait une lacune.
Mais aussi rien n'égalait sa bonne foi , et maintes fois, après des
discussions que nous avions menées par correspondance, il
a rejeté ce qu'il avait professé d'abord avec enthousiasme;
on en trouvera de nombreux indices dans les rectifications
multiples qui terminent s'>n livre.
A. de Lacouperie avait fait une découverte des plus im-
portantes; il avait constaté des rapports incontestiibles entre
les mœurs , les coutumes , l'écriture , etc. , des premiers Chinois
.£t celles des peuples de l'Asie centrale, accado-élamo-chal-
déens. Cette découverte avait une haute importance; la lé-
gende des Chinois autochtones, créateurs exclusifs d'une
civilisation remarquable, avait désormais pris fin. J'ose affir-
mer que ce [)oint est acquis à l'histoire et Ton n'a pas été
peu surpris de voir un savant \ ordinairement mieux informé .
' Voir la lievuc de l'histoire d s rrVujions , mitrs- avril iSq'i- Article de
M. Rcvillc.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 377
mettre encore en doute ce fait indéniable et soutenir des
thèses absolument démodées , telles que celle de Shang-ti iden-
tique au Tien, des six tsongs de Shun, représentant des astres*
l'altéralion des kings par Confucius et autres thèses qu'il est
inutile désormais de combattre. Malheureusement Lacouperie,
par suite des tendances signalées ci-dessus, n'obtint janiai&
autant de crédit qu'il en méritait, non point parce qu'il man-
quait d'art d'exposition , comme un critique Ta soutenu , mais
parce qu'il exagérait inconsciemment les résultats de ses dé-
couvertes, qu'il multipliait les rapprochements insoutenables
(]ui lui paraissaient , à lui , évidents et hors de conteste.
En outre , l'attachement à cette théorie des origines chi-
noises, vraie en partie, le poussait à ajouter foi à des témoi-
gnages qui ne le méritaient aucunement et à poser ses con-
jectures comme des faits authentiques. Bon nombre des points
do contact entre la Chine et l'Elam (?) ont eu leur origine
non point dans une identité d'origine ou des communications
datant de trente -trois siècles, mais dans celles qui se sont
produites au vi* siècle avant notre ère, comme il les constate
lui-même maintes fois dans ses divers écrits. Ainsi les mythes
occidentaux n'ont pas été apportés par les Chinois lors de
leur migration de l'Asie centrale , mais leur importation date
des. relations qui s'établirent à partir du vi* siècle; c'est alors
que l'astrologie , le sabéisme , etc. , furent introduits dansl'Ekn-
pire des Fleurs. Pour attribuer une origine plus ancienne à
l'apport des mythes, légendes, etc., Lacouperie supposait
qu'ils étaient restés consignés dans des registres oubliés au
trésor des Annales du pays de Tcheou, d'où les Tao-sse les
avaient tirés peur les répandre dans le monde. Eh vain je
demandai une preuve de ce fait, un indice : je ne pus rien
obtenir.
Ce n'est point le lieu de discuter, d'énumérer même tous
ces traits de distinction entre les découvertes certaines et les
hypothèses impossibles; nous y reviendrons ultérieurement
dans des dissertations spéciales.
Notons seulement que l'identification du monarque chinois
378 SKPTKMBUK-OCTOliUK 1894.
Iloan^-ti avec le Nakhonti élamite, base du système, est abso-
lument dénuée de preuves , tout comme celle de Sben-nong
avec Sargon.
Le nom adopté de Biik tribes, de tribus baks, constituant
le corps de la nation chinoise à son origine, est le résidtat
d*une méprise étonnante chez un homme de cette valeur *.
Quant au Yi-king, Lacouperie s'était laissé égarer par des
témoignages inacceptables ; la discussion privée que nous en-
tretimnes longtemps allait le remettre sur la vraie voie si la
mort n'eût coupé court si malheureusement à ses travaux.
Après avoir reculé de position en position, notre confrère
se raccrochait encore à ce dire insoutenable que Confucius
avait supprimé une partie du Sliou-king; mais il n'eût pas été
difficile de le lui faire abandonner aussi , car jamais il ne
reculait devant une preuve opposée à ses opinions.
Nous terminerons ici ces remarques; les droits de la vérité
et de la science nous imposaient ces restrictions qui ne doivent
point préjudicier aux mérites réels et considérables du regretté
savant. Ses œuvres d'érudition restent inattaquables; quant
à ses recherches sur les origines chinoises , c'est à ceux qu'il
a laissés derrière lui qu'il appartient de séparer le vrai du
faux , le certain de Tliypotliétique et de l'inadmissible. Noas
ne doutons pas , du reste , que l'on répondra à ses vues en éta-
blissant partout la vérité, dût-elle même être contraire à ses
théories.
C. DR Mariiez.
GalÂl al-dîn al-SvjÛtis idie Dattelrispen àber die Wissenchaft
drr Chronologie» herausg. von (ihr. Fr. Seyboid. Leiden, 1894*
in-8^
On coimait depuis longtemps l'importance des Traités de
Soyouti et les matériaux de toute sorte qu'ils fournissent à
m
' Nolous encore les principes religieux et gouvernementaux tout difTë-
rents chez ces deux races. Les Chinois, eussent-ils même emprunté cerlaioes
cliosos , nVn avaient pas moins une civilisation originale.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 379
l'histoire et à la littérature des Arabes. Parmi ces écrits de
longue haleine , riiistoire des khalifes vTarikh el-khoulafâ^^
le Moazhir, le Ilkan, malgré leur date relativement mo-
derne (seconde moitié du xv* siècle), sont encore consultés
avec fruit à côté des encyclopédies plus anciennes , comme la
Chronique de Tabari, les Prairies d'or de Maçoudi, etc. Si
ses renseignements proviennent en grande partie de sources
accessibles et exploitées de longue date, en revanche on
trouve chez lui bon nombre d'extraits empruntés à des docu-
ments qu'on peut considérer comme à jamais perdus. Il a
en outre le mérite , assez rare chez ses contemporains , de citer
ses autorités et il nous donné ainsi la possibilité de contrôler
son récit et de le compléter. — L'opuscule que M. Seybold
vient de publier fait partie des écrits historiques de Soyouti
et en est comme l'introduction : c'est un exposé succinct des
origines de la 'chronologie chez les Arabes. Dans les trois
courts chapitres qu'il consacre à ce sujet, l'auteur cite d'a-
l)ord les traditions les plus accréditées sur la date exacte de
l'hégire ; il nous fait connaître les tâtonnements qui précé-
dèrent, dans les premières années de l'Islam, l'adoption de
l'ère musulmane , définitivement fixée sous le khalifat d'Omar,
et termine par de curieuses explications sur les noms des
Jours de la semaine et des mois avant la prédication et après
la mission de Mahomet. Presque toutes ces données, il est
vrai , étaient connues, mais il est utile de les trouver réunies .
dans une forme condensée et entourée de tous les témoi-
gnages qui en confirment l'authenticité. Le savant éditeur
a établi son texte avec un soin scrupuleux sur deux ou trois
copies , dont une excellente appartenant à la Bibliothèque de
Berlin. Qu'il nous permette de ne pas considérer sa tâche
comme terminée par la publication du texte seul. A défaut
d'une traduction littérale, il lui reste à faire connaître aux
savants, qui ne peuvent consulter l'original arabe, le profit
qu'ils peuvent tirer des renseignements fournis par un com-
pilateur bien informé, et qui Remporte sur la plupart des
chroniqueurs arabes par une sorte d'instinct de la critique
380 SKPTEMBREOCTOBRK 1894.
Iiistoi-ique. M. Seybold nous annonce une élude d'ensemble
sur l*auteur et son œuvre complète. C'est une promesse qui
sera bien accueillie et dont nous attendons la réalisation
prochaine. B. M.
CHRESTOMATBiE aus orabischen Prosaschriftstellern , heraasge^e-
hen, von D' R. Brûniiow. B(>riin, iSgS, i volume in-12, ix et
3 1 1 pages.
Nous sommes heureux d'annoncer la publication d*un ou-
vrage qui , comme complément à l'excellent abrégé de gram-
maire de M. Socin, rendra de véritables services à Tétude
de Tarabe classique. Les diflerents morceaux dont il se com-
pose n'ont rien d'inédit, mais ils sont choisis avec un sen-
timent très sûr des besoins de l'enseignement, vocalises au
début et gradués de façon à favoriser les progrès de l'étu
diant , en tenant toujours sa curiosité en éveil. M. Brûnnow
s'est préoccupé surtout de faciliter la lecture des textes his-
toriques ; aussi a-t-il tiré de préférence ses extraits des Chro-
niques d'ibn Qotaïbah , de Maçoudi et d'Ibn-'abd-rebbihi. 11
y a joint deux charmantes anecdotes du Livre des chansons
«AghanI», trois chapitres du Qoran et quelques pages de
VAldjarouniyah, ce modèle de clarté et de simplicité dans le
langage grammatical. Faute de place , nous ne pouvons au-
jourd'hui que souhaiter la bienvenue à ce manuel si bien
compris , presque irréprochable au point de >'ue de la cor-
rection et dont l'exécution typographique fait honneur à la
maison Drugulin. C'est simplement faire acte de justice que
de reconnaître la supériorité de la nouvelle Chrestomathie
sur les ouvrages du même ordre qui ont paru dans ces der-
nières années. B. M.
Le Gérant :
RUBENS DUVAL.
380 SEPTEMBRE-OCTOBRE 1894.
historique. M. Seybold nous annonce une élude d'ensemble
sur l*auteur et son œuvre complète. C'est une promesse qui
sera bien accueillie et dont nous attendons la réalisation
prochaine. B. M.
Chrestomathje aus arabischen Prosaschriftstellern , herausgege-
hen, von D' R. Brûnnow. Beriin, iSgS, i volume in-12, ix et
3 1 1 pages.
Nous sommes heureux d'annoncer la publication d*un ou-
vrage qui, comme complément à l'excellent abrégé de gram-
maire de M. Socin, rendra de véritables services à Tétude
de l'arabe classique. Les différents morceaux dont il se com-
pose n'ont rien d'inédit, mais ils sont choisis avec un sen-
timent très sûr des besoins de l'enseignement, vocalises au
début et gradués de façon à favoriser les progrès de l'étu
diant, en tenant toujours sa curiosité en éveil. M. Brùnnow
s'est préoccupé sm*tout de faciliter la lecture des textes his-
toriques ; aussi a-t-il tiré de préférence ses extraits des Chro-
niques d'Jbn Qotaïbah , de Maçoudi et d'Ibn-'abd-rebbihi. 11
y a joint deux charmantes anecdotes du Livre des chansons
« Aghani » , trois chapitres du Qoran et quelques pages de
VAldjaroumyah, ce modèle de clarté et de simplicité dans le
langage grammatical. Faute de place , nous ne pouvons au-
jourd'hui que souhaiter la bienvenue à ce manuel si bien
compris, presque irréprochable au point de vue de la cor-
rection et dont l'exécution typographique fait honneur à la
maison Drugulin. C'est simplement faire acte de justice que
de reconnaître la supériorité de la nouvelle ChrestomaAie
sur les ouvrages du même ordre qui ont paru dans ces der-
nières années. B. M.
Le Gérant :
RuBENS DdVAL.
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1 .
JOURNAL ASIATIQUE.
NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
LE CHANTRE DES OMIADES,
NOTES BIOGRAPHIQUES ET LITTÉRAIRES
SUR
LE POÈTE ARABE CHRÉTIEN AHTAL,
PAR
HENRI LAMMENS S. J.
(suite.)
X
(iUERRE DE QAÏS ET DE TAGLIB.
I^a guerre allumée entre la tribu de Taglib et les
Arabes de Qaïs occupe dans la vie d'Ahtal une place
trop considérable pour qu il nous soit permis de la
passer sous silence. Nous lui devons plusieurs qasidas
et, parmi les autres pièces du Divan, il en est peu où
Ton ne retrouve des allusions aux acteurs de ce drame
sanglant.
Vrai Bédouin , identifié avec Texistence de sa tribu ,
ne vivant que pour elle, le barde mésopotamien ne
peut s^arracher à ces souvenirs de gloire ou de deuil.
Lui-même v fut mêlé d'une façon très intime, comme
n . 25
382 N0VEMBRE4)ÉCKMIiHE U94.
naos aurons à le raconter. Ce n'est donc pas nous
écarter de notre sujet que d'indiquer rapidement les
principales phases de cette guerre mémorable. Initié
de la sorte , le lecteur suivra plus aisément les faits
qu'il nous reste à exposer.
Cette guerre tiesî au fond qu'un épisode dane
rivalité séculaire, dominant toute Thistoire de la pé-
ninsule arabique : nous voulons parler des luttes
entre les tribus Yéménites et celles issues de Modar.
On ne peut trop attirer Tattention sur ce fait capital ,
vrai fil conducteur à travers le dédale de Thistoire
des tribus arabes ^ Pendant de longs siècles, elle
divisa l'Arabie en deux camps ennemis, comme fit,
pour l'Europe du moyen âge ; la querelle des Gudfes
et des Gibelins; avec cette différence que les
haines qui ensanglantèrent jadis les sables du dé-
sert ont survécu à toutes les vicissitudes. L'islam
ne fit rien pour les apaiser. Le Prophète, Modarite^
lui-même ^, se prononça nettement en faveur de Mo-
* Dozy, dans son Histoire des musulmans d^ Espagne, 1, 1 13, sqq.,
en a fort bien exposé les causes « mais en sacrifiant un peo à sa
loquacité kabituelle.
* Ma'addites,. Nizârites, Modarites, Qaîsites, tous noms indi-
quant 1» même fraction du peuple arabe : car Qaîs descendait dé
Modar; ce dernier était fiis de Nizâr et petit-fils de Ma*add. Cf.
Ibn Haldoûn (édit. de Boûlâq, II, i" partie, p. 3oo). Contraire^
ment à l'usage assez généralement reçu , nous croyons devoir pré-
férer le terme de Modarites , pour distinguer ceux-ci des descen-
dants de Rabf a , lui-même fils de Nizftr.
' Cf. Ag., IV, 76, où il refuse aux Yéménites ia naiiâ|iâlité
arabe. — Sur le mépris professé par les Modarites pour les popu-
lations du Yémen, même après l'islam., cf. Ag., I, 167, L i5,
16, 169, 1. 33, etc.
LK CHANTRE DES OMIADES. 383.
dar. Sur les bords du Guadalquivir, dans les plaines
de rinde , tout comme sur les rives de TEuphrate et
dans les déserts syriens, les deux grandes familles
arabes continuèrent à s entretuer \ Aujourd'hui en-
core , Modarites et Yéménites fixé^ en Palestine ont
hérité des haines de leurs ancêtres et le gouverne-
ment ottoman ne parvient pas toujours à prévenir
des collisions sanglantes ^.
En Syrie, à 1 époque qui nous occupe, les Moda-
rites étaient représentés par les hordes connues sous
le nom collectif de Qaïs, et désignant surtout les
puissantes tribu&de ^Adnân, Gatafâi)i » Solaïm et Ha-
wâzin. L'homme le plus considérable parmi eux, ou
comme on l'appelait « le chef de Qaïs » , était pour
lors Zofar, fils de Harit le Kilàbite. Ancien gouver-
neur de la Mésopotamie et de la Syrie septentrio-
nale pour les Omiades ^, il s'était déclaré pour le
pré tendant Mecquois, 'Abdallah fils deZobaïr. Après
la déroute de Marg Râhit, il réussit à occuper la
puissante forteresse de Circésium, située au con-
fluent de TEuphrate et du Chaboras. Cette place de-
vint bientôt le quartier général des Qaïsites et de
' Sons les Abbassides , ces divisions sont parfois entretenues et
eiiploitées, comme moyen de gouvernement. Cf. Tabarî, 3* série,
], 366 sqq. Plus souvent elles causent d'étranges embarras. (Voir
Ibn ai-Atîr, VI, 45, m; Tabarî, lïl, 6a5, 688, etc.)
* Cf. Conder, Syrian stone-lore, 33 1, note.
-^ Ce point est absolument hors de conteste par le témoignage
du *jAy4- g)^ ^^ Solaïmân, fils, de Gâzî Ai-Ayoûbî, manuscrit de
l'Univ. S. Joseph. Dans l'expédition de Yazîd contre les villes saintes
du Higâz, Zo&r avait commandé un corps de ],ooo Arabes.
•2 h .
394- NOVËMBRE-DBGEMBRK 1894.
tous ceux qui refusaient de reconnaître lautorité des
Omiades.
Parmi ces derniers, on distinguait un puissant
chef Solaïmite, *Omaïr fils de Hobâb. Traître lui
aussi à la cause des Marwânides , il se rallia aux re-
belles campés sous les murs de Gircésium. Mais bien-
tôt, ennuyé de Tinaction forcée où il s y trouvait, il
demanda et obtint ïaman de ^Âbdalmalik. Ayant
trahi ce prince une seconde fois, il revint trouver
Zofar, et à la tête des Qaïsites^ il faisait aux Yémé-
nites une guerre implacable.
Descendants de Rabfa, les Taglibites, en cette oc-
currence , se rappelèrent trop leur communauté d'ori-
gine et leurs anciennes relations avec les Arabes de
Modar 2. Quand les gens de^Omaïr allaient en course
sur les terres Yéménites , ils étaient habituellement
accompagnés de bandes Taglibites, qui, en vrais Bé-
douins, ne voulaient pas manquer Toccasion d'une
razia. Leur connaissance des déserts mésopotamiens
rendait de précieux services aux chefs Qaïsites*,
^ C. de Perceval, dans sa notice d'Âhtal (p. i5, sqq.), fait une
méprise, assez surprenante chez un savant aussi versé dans les
généalogies arabes. Trompé par le nom de Qaïs , il a cru quil s'a-
gissait ici de la sous-tribu des Banoû Qdîs ibn Ta'laba (ou Tala-
bites-); tandis qu'il est en réalité question des tribus -qaîsites se
rattachant à Modar. Cette confusion en a nécessairement amené<
d'autres : ainsi Zofar et 'Omair sont des chefs Bakrites, et la cause
de la guerre doit être cherchée dans les anciennes inimitiés entre
Bakr et Taglib.
* C. de Perceval, Essai, II, 272, sqq.
'^ Kâmil, IV, 129; Ag. , XVII, 112; XX, lao; Divan, 36. Las
renseignements contenus dans les lignes suivantes sont ioui puisé»
aux sources originales, qu'il faudrait citer presque à chaque phrase..
LE CHANTRE DES OMIADES. 385
Celle alliance ne devait pas être de longue durée.'
Les guerriers de *Omaïr ne tardèrent pas à accabler
d'avanies leurs alliés chrétiens : ils insultaient les
jeunes filles ^ manquaient de respect aux vieillards
et faisaient main basse sur les troupeaux des Banoû
Taglib. Quand les victimes élevaient des plaintes,
*Omaïr y répondait par des fins de non-recevoir.
Pendant quelque temps , Zofar réussit à prévenir
une collision sanglante. Msdheureusement 'Omaïr
voulait la guerre et ne pariait de rien moins que
d'exterminer la tribu chrétienne. Poussés à bout,
les Tag^ibiles en appelèrent aux armes. La rencontre
eut lieu près de Mâkisin , localité située sur le Cha-
boras, à une journée de Circésium 2. L'issue en fiit
fatale aux chrétiens : plus de 5 00 Taglibites restèrent
sur le champ de bataille^, et il y eut de nombreux
prisonniers, et parmi eux un poète de talent, Qo-
tâmî^.
Cette lutte sanglante se termina par un acte d'une
barbarie incroyable. ^Omaïr parcourait la plaine en
huriant : « Tuez, massacrez! point de quartier! » Au
milieu de la déroute , un Qaïsite des Banoû Qosaïr,
nommé Nadâr, s'écria : « J'accorde ma protection à
^ tyJjJ (^)^y^ ui9!9^-^:<'~^ àe (^^buwl «entrer dans les maisons, de^
mander à descendre chez . . . » , etc.
' Elle est marquée sur la Carte des provinces asiatiques de l'em-
pire ottoman de Kiepert. — D'après un vers dlbn as-Saffâr, les
Saïbanites auraient , ce jour-là , prêté main-forte à Taglib.
' Après la bataille, les Taglibites furent obligés de brûler dp s
monceaux de cadavres. Cf. Divan de Garir, p. 7^.
* n en sera question plus loin.
tel
I
?'*3i.<3îï5
388 JNOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
Quand lesTaglibites virent racharnement de leurs
adversaires, ils mirent sur pied toutes les forces dont
ils purent disposer. Zofar, intervenu depuis quelque
temps, amenait à ^Omaïr des renforts considérables;
d'autres chefs Qaïsites étaient, également accourus.
On se rencontra à Hassâk. La bataille durait depuis
deux jours; les combattants montraient tant d'achar-
nement que la nuit put seule les séparer. Le troi-
sième jour, les Taglibites s'engagèrent par serment à
tenir ferme et, comme signe de leur détermination,
postèrent leurs femmes au milieu des rangs. Quand
au matin *Omaïr vit ces dispositions, il conseilla aux
siens la retraite. On ne l'écouta pas. La charge des
guerriers chrétiens fut tellement irrésistible que
farrnée qaïsite s'enfuit dans le plus grand désordre.
Zofar fut le premier à lâcher pied et ne s'arrêta que
sous les murs de Circésium , menacé , disait-il , par
le calife ^ *Omaïr périt dans la déroute. Sa tête fut
envoyée à *Abdalmalik.
Ahtal célébra bruyamment le triomphe de ses
contribules^. Une de ses odes se terminait ainsi :
Entre l'Iraq et Maabî^, les guerriers de Tag^ib chevau-
chent , armes de leurs lances brunes.
I 'Abdalmalik était en effet sorti de Damas pour aller assiéger
Circésium. Une révolte le rappela et le retint plusieurs mois dans
sa capitale. Cf. Mas'oûdî, Y, 234; Ibn Haldoûn, III, 3i. Chaque
année il faisait contre l'Iraq une démonstration militaire , terminée
d'ordinaire par les premières rigueurs de l'hiver. Cf. Tabarî, II,
797-
* Ibid.: Divan, io6 et i35. Voir également le scoliastede Ahtal,
ibid., 3i.
LE CHANTRE DES OMIADES. 389
\'ers toi, ô prince des croyants, nous poussons nos cha-
melles, montées par les princes de Bakr,
Portant la tête d'un homme qui a séduit^Solaïm et *Amir
et plongé Qfks dans un ahime de maux.
Cinq jours ils ont marché ; au terme de leur course , ils
ont conununiqué des nouvelles plus douces que le yin.
Arrière, fils de SalTàr ! (le poète qui avait chanté Texploit
de Nadàr) ne parie plus de gloire , ne vante plus les serpents
de ta tribu.
Parmi les Taglibites, il s'est dressé un serpent, pareil à
celui de Moïse , le jour où Dieu lui vint en aide.
La renommée a publié qu'entre Ràdàn et Hadr, les Arâ-
qim * ont fendu le crâne des Qaisites,
De ces hommes qui n'ont point répugné à commettre l'in-
justice , qui n'ont fait aucune distinction entre la bomie foi
et la trahison *.
Ces deux derniers vers sont demeurés célèbres.
Dans un cercle littéraire, sous les Abbassides, on
vint à parler de Garîr et de Farazdaq. Un des assis-
tants fit aux admirateurs de ces poètes la proposition
suivante : «Je citerai un distique d' Ah ta l auquel vous
opposerez ce cjue vous voudrez , dans les œuvres des
deux chantres de Tamîm. » Puis il se contenta de
déclamer les deux derniers vers qu on vient de lire.
L'assemblée répondit par le silence à sa proposition
et personne ne releva le défi ^.
Les enfants de Taglib ne jouirent pas longtemps
* «Ce nom . qui signifie serpents, était une désignation collective'
de plusieurs familles Taglibites» (C. de Perceval), comme celles
de Goftam fils de Bakr, de Mâlik, de Talaba, de Hârit, etc. Cf.
Divan, p. 127, 9.
» Ag., Vli, 174.
^ Ibn al-Atîr, IV. i33; Ag.. XI, 58. - •
390 NOV£lilBHË-D£C£MBR£ 1894.
de leur victoire. Exaspéré par ia mort de *Omaïr,
humilié de sa propre fuite, Zofar s apprêta à une
vraie guerre d extermination. Des partis de cavaliers ,
lancés dans toutes les dii^ctions , surprirent et mas-
sacrèrent les Taglibites, dispersés dans les plaines de
• la Mésopotamie. Le châtelain de Circésium marcha
en personne contre le gros de leurs forces , et les at-
teignit au moment où ils se disposaient à passer le
Tigre. La lutte ne fut pas iongue^Un grand nombre
de chrétiens périrent dans les eaux. Zofar avait dé-
fendu de faire des prisonniers, et, selon leur barbare
coutume, les vainqueurs éventrèrent les femmes
enceintes. Le Tigre était rouge de sang. Zofar entra
lui-même dans le fleuve et encourageait ses guerriers.
On lui amena 200 prisonniers dont il ordonna froi-
dement la mort. Quand il n y eut plus à tuer sur les
bords du Tigre, il envoya ses lieutenants à la poui^
suite des fuyards. Cette fatale journée porta à la
malheureuse tribu un coup dont elle ne se releva
jamais.
Cependant Tordre se rétablit dans la Mésopotamie,
et Tautorité des Omiades y fut reconnue, comme
dans le reste de Tempire. Les chefs rivaux se trou-
vèrent même réunis à la cour de ^Âbdalmalik. Mais
ce prince, possédant d ailleurs à un haut degré l'es-
prit gouvernemental ^ ne parait pas avoir compris
de quelle importance il était pour l'avenir de sa dy-
nastie de cimenter l'union parmi les tribus arabes*.
* Comparer le remarquable portrait tracé par FahH, i46, sqq.
* Ag., XI, 59.
LE CHANTRE DES OMÏADES. 391
Or les satires politiques y apportaient le plus grand
obstacle ^
En cette occurrence, le poète fit tCMrt au souve-
rain. Toujours en qiiête de beaux vers , au lieu d'im^
poser aux chefs des tribus Toubli des griefs passés^,
il eut Timprudence -de permettre qu'ils vantassent
devant lui leurs faits d'armes. Ainsi Ahtad déclama
ses poèmes dans lesquels il vantait Taglib aux dépens
de Qaïs ; il s'attaqua spécialement à un poète guerrier,
uahhâf le Solaïmite^. Ce dernier se leva furieux et
se prépara à sortir, en laissant traîner les pans de son
manteau^. Le calife le retint et lui fit jurer qu'il ne
se porterait à aucune action qui pût réveiller les
inimitiés assoupies. Gahhâf en donna sa parole, et
Ahtal à demi rassuré quitta Damas , pour retourner
auprès des siens.
Le Solaïmite ne tarda pas à violer ses engage-
ments. Il réunit i ,000 cavaliers, leur répéta les vers
d' Ahtal et annonça qu'il voulait en tirer vengeance.
« 11 faut combattre , dit-il , ou accepter le déshonneur
dont nous couvre cette diatribe. Que ceux qui ont
du cœur viennent avec moi; les autres peuvent se
retirer! » Tous répondirent : « Nous associons notre
sort au tien. »
* Comme Mas*oû(lî l'a fort judicieusement remarqué (VI, 43 et
45).
» Divan, 286, 1. 8.
* Cétait un indice de colère et de fierté. Cf. Ag., II, 87, 1. 29;
VIII, jgS, 1. 37; XIX, 3=9, etc. . Comparer aussi le vers d'Ahtal,
cité plus loin : «Il marche avec la fierté d'un Qoraîcbite et laisse
traîner les pans de sa robe. •
392 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
Ils se mirent en route le soir même et arrivèrent
avant Famrore à Bisr, vallée habitée par desTaglibites ,
parmi lesquels se trouvait Ahtal. Ils fondirent sur
eux au milieu des ténèbres et massacrèrent tous
ceux qui tombèrent entre leurs mains. Selon leur
coutume, ils ouvrirent le ventre aux femmes en-
ceintes ^ Un fils d' Ahtal, nommé Aboû Giât, perdit
la vie dans cette nuit. Le poète lui-même, tombé
entre les mains des ennemis, ne dut son salut qu'à
sa présence d'esprit. Quand les Solaïmites lui deman-
dèrent qui il était, il se donna pour un esclave de ia
tribu. Comme il était couvert dun manteau de laine
usé et très grossier, on le crut et il fut relâché. A
peine échappé au danger, il alla se jeter dans un puits ,
où il attendit le départ de Gahhâf et de sa bande.
De Bisr, il courut à Damas. Il se présenta au ca-
life , couvert du grossier vêtement de Tesclave , souillé
de sang et de boue, et improvisa la longue qasida
qui ouvre son divan. Prince, disait-t-il :
Gahhàf vient de commettre à Bisr, un attentat que nous
dénonçons à la vindicte divine.
Puis , dans l'égarement de la douleur, accusant de
lenteur la justice des « fds de Marwân » , il prononça
ce vers, où la menace ne prend pas même la peine
de se déguiser :
> Ag., XI, 5 9. — Les Taglibites avaient d^à été .suqnris dans
cette même vallée de Bisr par le célèbre HâlicL^ fils de .Walld. Cf.
TÂrihalhamîs, II, 33i.
LE CHANTRE DES OMIADES. 393
Si les princes de Qoraïch, dans leur puissance, ne
changent pas cet état de choses , on pourra les désavouer, les
quitter \ . .
*Abdainialik tressaillit à ces mots : « Pour aller où ,
fils de la chrétienne ? » , demanda-t-il. « Au feu de
fenfer ! », riposta le poète, qui venait de s'apercevoir
qu'il s'était trop avancé. Cette saillie inattendue dés-
arma le calife. Il se mit à rire : « A la bonne heure !
s'écria-t-il , sans ta réponse, tu étais un homme
mort^! »
Aux cris de désespoir poussés par Taglib à la nou-
velle -da massacre de Bisr répondit chez les Qaïsites
un long cri de triomphe. Cette boucherie fut célébrée
à l'égal dune victoire incomparable. Le Divan de
(îarîr y revient fréquemment. Quant à Gahhâf, *Abd-
almalik le fit poursuivre. Mais, prévoyant forage, il
s'était réfugié dans les provinces grecques, pour y
attendre que le courroux du prince fût apaisé. L'exil
du Solaïmite dura plusieurs années. Cependant les
Qaïsites comptaient de puissants protecteurs à la cour
et, parmi eux, plusieurs princes Omiades, ayant des
mères qaïsites^. Longtemps ^Abdalmalik résista à
leurs sollicitations, quand on apprit à Damas que
les Grecs venaient de faire éprouver aux troupes mu-
sulmanes un échec auquel la valeur de Gahhâf n'était
pas étrangère*. L'empereur de Byzance agissait d'ail-
^ Divan, lo et ii.
' Cf. Dictionnaire géographique de Yâqoût, I, 63 1, sqq.
* Le prince Bisr surtout était un Qaïsite ardent.
* rbn al-Atîr,lV, i35.
394 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 18$^.
leurs activement pour lattacher à son service. Sous
l*empire de ces préoccupations, le calife signa la
grâce de Texilé.
L'âge et les malheurs n'avaient en rien modifié
lardeur de ses passions. Il se présenta à la cour au
milieu des compagnons d armes qui l'avaient suivi
après le massacre de Bisr. Une des premières per-
sonnes qu'il rencontra fut Ahtal. Aux reproches de
ce dernier, le Solaïmite répondit par une tirade de
vers : il rejetait toute la responsabilité sur le Tagli-
bite, ne manifestait aucun repentir et se déclarait
prêt à recommencer. A cette bravade, Ahlal se se-
rait contenté de répondre : « En vérité , tu es un in-
solent vieillard. »
Instruit par l'expérience, *Abdalmalik, pour pré-
venir le retour des hostilités, voidut donner aux
Banoû Taglibune satisfactionquelconque.il obUgea
les Qaïsites à payer le prix du sang. Gahhâf , en par-
ticulier, fut chargé de satisfaire pour les victimes de
Bisr, et Ahtal dut accepter une somme d'argent ou
un certain nombre de chameaux, en compensation
de la mort de son fils^
Il fut plus heureux dans la vengeance qu'il tira
de Zofar. Nous avons laissé le chef de Qaïs derrière
les solides remparts de Circésium. Ses torts envers,
la maison d'Omaïya n'étaient pas moins grands qu'en-
vers les descendants de Taglib. Le soir de la bataillé
* Ag., XI, 60; Ibn al-Atîr, IV, i3/i; Divan de (iarîp (manu-
scrit), 37. *
LE CHANTRE DES OMIADES. 395
de Marg Râhit^ pendant qu'il seiForçait de gagner
les rives de TEuphrate, il improvisa ces vers :
Les Yéménites échapperaient donc à nos lances, et nous
laisserions sans vengeance les morts de Râhîl ?
L*herbe repoussera sur la terre fraîchement remuée , qui
recouvre leurs ossements; mais nos coeurs conserveront à ja-
mais une haine implacable.
Allons! qu on m'apporte mes armes! Je vois que la guerre
ne peut que croître et se prolonger.
Pas de trêve ! etc ' . . .
Le Qaïsite , on la vu , n avait que trop fidèlement
tenu parole. Pendant plus de dix ans, il avait fait
aux Yéménites , aux fils de Taglib et à tous les par-
tisans des Omiades une guerre implacable. Mais
enfin, Thorizon de la politique s étant éclairci en
Syrie ^, le calife put tourner ses regards vers TEu-
phrate et songer à soumettre les révoltés de Tlraq^
Pour ne pas laisser d'ennemis deiTière lui , il voulut
commencer par enlever Circésium*. La place se dé-
fendit avec tant d'énergie qu'il fallut l'assiéger dans
les formes. L'entreprise traîna en longueur. Pressé
d'en finir, le calife accorda à Zofar une capitulation
des plus honorables : amnistie complète pour lui et
ses compagnons d'armes; Maslama, fils du calife,
devait épouser une fille du châtelain de Circésium ;
' Plaine aux environs de Damas.
« Tabarî, li, 483; Mas'oûdî, V, 2o3; Ibn al-Atîr, IV. 64.
^ Ce sont les expressions d'Ibn Haldoûn, III, 33 (édit. de Boû-
Uq).
« Ibid.
396 NOVEMBRE-DECEMBRE 1894.
en outre , ce dernier ne serait tenu de reconnaître
*Abdaimaiik qu'après ia mort du prétendant Mec-
quois, ^Abdaliah^
Les Yéménites, et ils étaient nombreux dans
Tarmée syrienne, trouvèrent que c'était excessif.
Ahtal, qui accompagnait l'expédition, parait égale-
ment avoir été fort mécontent.
Cependant Zofar ne se décidait pas à quitter sa
forteresse. Quand le calife lui eut envoyé, comme
gage de ses intentions jpacifiques, le propre bâton
de Mahomet , alors seulement ie Bédouin consentit
à venir saluer le souverain dans son camp^. Ce der-
nier le fit asseoir près de lui sur un divan élevé , où
il se tenait lui-même. Ils causaient familièrement
quand survint Sorahbîl , fils de Dî'l Kilâ\ noble Yé-
ménite, comme son nom l'indique suffisamment'.
A la vue des honneurs prodigués au Qaïsite , le vieux
guerrier, qui avait blanchi au service des Omiades ,
ne put retenir ses larmes. ^Abdalmalik lui demanda
la cause de son émotion : « Prince des croyants, rér
pondit-il, pourrais-je ne pas pleurer .^^ Le sabre de
cet homme dégoutte encore du sang de mes compàr
triotes , victimes de leur fidélité à vous servir. Et
pourtant ce chef de brigands est sur un trône, et je
me trouve à ses pieds ! — Si je l'ai fait asseoir à me»
» Ihn Haldoûn, III, 36; ibn al-Atîr, IV, ido, Ua.
* C. de Perceval [Notice, 19) met ia scène suivante au palais de
Damas. Le texte d'Ibn Haldoun montre clairement qu'elle s'est
passée sous les murs de Circésium.
^ Son père avait honorablement figuré dans les guerres de Tislani.
Cf. Tabarî, II, 553, sqq. ; C. de Perceval, Essai, III, 292, elfc.
LE CHANTRE DES OMIAOES. 397
côtés , dit ie calife , ce n est pas que je veuille l'élever
au-dessus de toi , c est seulement parce que sa con
versation m'intéresse. »
Dans une tente voisine, Âhtal était en ce moment
occupé à boire. Lui aussi détestait le brigand de
Circésium qu* avait juré , on s'en souvient, d'anéan-
tir la race de Taglib. Apprenant l'insuccès de la
démarche du Yéménite, il s'écria : «A mon tour!
Je vais frapper un coup que n'a pu porter Ibn Di'l
KilâM» 11 se leva, entra chez le calife, et, après
l'avoir quelques instants regardé fixement, il déclama
ces vers :
La liqueur de ma coupe a l'éclat de Tœil du coq; elle
exalte l'esprit du buveur.
Celui qui en boit trois rasades, sans mélange d'eau, se
sent porté à la générosité.
Il marcbc avec la fierté d'un fils de Qoraïch et laisse flotter
les pans de sa robe.
« Père de Mâlik , dit le calife avec bienveillance , à
quel propos viens-tu me réciter ces vers.^ Tu as sans
doute quelque idée en tête. — Il est vrai, prince des
croyants, répondit le poète, bien des idées viennent
m'assaillir, lorsque je vois assis auprès de vous, sur
votre trône, cet ennemi de Dieu, qui naguère encore
disait :
L'herbe repoussera sur la tombe de nos compagnons
d'armes; mais nos cœurs conserveront à jamais une haine
implacable.
Ce vers suffit pour rappeler au calife tout le passé
IV. 26
i«»ai«>Bia %xtKttklk.
398 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
duQaïsite et lui inspira sur ses dispositions présentes
les plus légitimes défiances. ^Abdalmalik, en lenten-r
dant, donna un coup de pied dans la poitrine de
Zofar avec tant de violence qu'il le fit rouler en bas
du Irône. « Que Dieu, sécria-t-il, étouflfe cette haine
dans ton cœur ! — Ali nom du Ciel , tria le malheu-
reux, souyenezt-vous, Sire, de ia sauvegarde que vous
m'avez accordée ! » Zofar avoua depuis qu'il ne s'était
jamais cru aussi près de la mort quau moment où
Ahtal avait déclamé ces vers.
Le poète avait raison de mettre son souverain en
garde contre Zofar. Un des articles de la capitulation
de Circésium stipulait qu'une division de Qaïsites,
commandée par Hodaïl, fils de Zofar, renforcerait
les troupes destinées à réduire les révoltés de l'Iraq.
Mais, dès que les deux armées furent en présence ♦
les Qaïsites passèrent à l'ennemi avec armes et ba-
gages. Cette trahison n'eut d'autre effet que de fournir
à ^Abdalmalik une nouvelle occasion d'exercer sa clé-
mence V
XI
AHTAL ET SABI.
Vers la fin de sa carrière , Ahtal dut partager la
faveur du calife avec un personnage qu'il nous reste
à faire connaître. « Ce calife , dit l'auteur des Prairies
d'or, recherchait la société des hommes de mérite,
^ Ag., VU, 176; Ibn al-Âtîr, IV, lia; Ibn Hddoûh, loeo tiU
LE CHANTRE DES OMIADES. 399
et ii ainiciit à écouter tout ce qui se rattache à This-
toire; mais aucune intimité ne lui était agréable, hor-
mis celle de Sa*bî ^ »
Amir as-Sa*bî de Koûfa était, à cette époque, le
i^présentant le plus autorisé de la science musul-
mane , telle qu'on la concevait alors. On le compa-
rait au célèbre Hasan de Basra, son contemporain.
Il y avait peu de poètes arabes dont il ne fiit en état
de réciter le divan complet. Ayant fréquenté plus de
5 00 des t compagnons » de Mahomet, il avait recueilli
de leur bouche les détails les plus circonstanciés
sur lorigine et les développements de Tislam. Bref,
Sa*bî était une encyclopédie vivante. Avec cela , d un
caractère aimable et enjoué, exempt de pédanterie,
malgré ses grandes connaissances, dune discrétion
à toute épreuve , il avait de bonne heure attiré Tat-
tention du farouche Haggâg qui se letait attaché 2,
La réputation du savant traditionniste- ne tarda
pas à se répandre hors des limites deriraq;elle par-
vint jusqu'à Damas. Pourtant le passé de Sa*bî n'était
pas absolument sans tache ; lors de la révolte de Mohtâr
et d'Ibn ai-As^al;, il avait joué un rôle assez éqtd*
voque'\ Mais 'Abdalmalik savait oublier à propos.
Il expédia donc à Haggâg le message suivant : « Parmi
les joies du nionde, ii ny en a aucune que je n'aie
goûtée. Mais la plus douce de toutes les jouissances
» V, 211.
» Ibn Hallikân (éd. rie Slane), p. 344; Ibn al-Atîr, IV, 2o4; Ag.
XIV, 54. — «iôU^ Juôl ^U», dit de lui j-«J2 g-^b, II, 3i8.
^ Tabarî, H, Gi3; As;., V, i53.
36.
400 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
à mes yeux , c est d'entendre raconter par un ami les
événements du temps passé. Comme vous avez par
devers vous Amir as-Sa^bî, envoyez-ie moi au plus
tôt pour qu'il me fasse goûter ce plaisir. »
Ce billet ne disait pas tout. Le calife nourrissait
alors le projet de proclamer son fils Walîd héritier
présomptif de lempire. Pour cela il fallait obtenir
préalablement le désistement de ^Abdaraziz, dont
les droits à la couronne avaient été solennellement
reconnus. ^Abdalmalik , craignant avec raison de ren-
contrer des résistances chez son frère, voulait, pour
les vaincre, employer lautorité de Sa^bî, et c'était
dans ce but surtout qu'il avait écrit au gouverneur
de l'Iraq ^
Haggâg exécuta 1 ordre et envoya Sa*bî à Damas
avec une lettre extrêmement élogieuse. Arrivé au
palais , le voyageur pria le chambellan de l'introduire.
«Qui estuP» demanda cet officier. — « Amir as-
Sa^bi. » A ce nom, le visage du chambellan prit une
expression de grande bienveillance : « Soyez donc le
bienvenu! » dit-il, et, se levant aussitôt pour entrer
chez le calife, il me força, raconte Sa*bî lui-même, à
accepter son propre siège. H ne tarda pas à revenir et
m'annonça que je pouvais entrer. Parvenu dans les
appartements du calife, je vis ^Abdalmadik assis sur
un siège, ayant devant lui un personnage à la barbe
et aux cheveux tout blancs , également sur un siège.
Je saluai le prince, qui me rendit le salut et me
' Ya'qoûbMl, 334.
LE CHANTRE 1)ES OMIADES. 401
fit signe, avec une sorte de sceptre qu'il tenait à
la main, de prendre place à sa gauche., ce que je fis.
J avais eu soin en entrant de déclarer mon nom et
celui de mon père. A quoi le prince répondit : « Je
ne me rappelle pas avoir donné la permission de
t'introduire. — Boni me dis-je, voilà un avertisse-
ment pour lenvoyé de Tlraq. »
Puis le prince, continuant à septretenir avec le
personnage assis devant lui, lui demanda : «Quel
est à ton avis le plus grand des poètes ? — Moi ! fut
la réponse. » J'oubliai que je me trouvais en pré-
sence du calife; je ne pus plus maîtriser mes senti-
ments : « Prince des croyants, m'écriai-je, qui ose se
prétendre le plus grand des poètes? » L'interruption
de Sa^bî était absolument déplacée. De nos jours en-
core, en Orient, un étranger, un inférieur surtout,
n'a pas le droit d'interpeller son hôte avant que ce
dernier se soit informé de sa santés Aussi ^Abdal-
malik se montra-t-il surpris de la sortie de Sa^bî^.
11 répondit sèchement : « C'est Ahtal. » Et moi , con-
tinue le nai'rateur, je me disais : Voilà un second
avertissement pour fenvoyé de l'Iraq.
J'eus pourtant le courage de m'adresser à Ahtal :
« Ma foi! lui dis-je, l'auteur des vers suivants est en-
core meilleur poète que toi », et je citai un quatrain
* Il serait surtout déplacé de parler d'affaires avant d'avoir ré-
pondu à l'inévitable dJl^. ULp etc. que le maître de la maison est
tenu d'adresser, au. moins une fois, au visiteur.
* L'Agânî dit : ^^ c»-^L-:î (j\ J-Ji (s^ nï* ^^^ «^t* »t^>
402 NOVEMBRE-D^CEMBHË 1894.
de Nàbiga. Ahtal, ayant su du calife qui j*étais, me
répondit : « Si je ne m abuse, le commandeur des
croyants a voulu connaîti'e le meilleur poète de notre
époque; s'il m'avait questionné sur les poètes anté-
islamiques,j aurais pu répondre comme tu Tas fait
ou quelque chose d approchant. — Allons! me
dis-je, voilà qui va de mieux en mieux, c'est la troi-
sième leçon donnée ^ l'envoyé de l'Iraq! »
Alors le calife, se tournant vers Abtal, lui dit :
« Y a-t-il parmi les productions poétiques des Arabes
quelqu'une qui te fasse envie * ? — Franchement
non, répondit le Taglibite; il y a pourtant certains
vers que je voudrais avoir faits; ils sont d'un de nos
poètes chrétiens, jeune encore et peu connu; mais
je me trompe fort ou cet adolescent fera parler de
lui. » Ahtal faisait allusion à ^Omaïr, fils de Siam, de
la tribu de Taglib , plus connu sous le nom de Qo-
tâmî ^ et qui brilla effectivement par son talent poé-
tique soa« les successeurs de ^Abdalmalik ^. Ce calife
voulut entendre les vers que son favori avait en vue.
Ahtal finissait à peine de Jes réciter que oa'bî, pre-
nant encore une fois la parole , dit : « Qotâmî a des
qasidas encore plus remarquables. » Ahtal croyait
^ D'après Ag. , XVII, 162, 'Abdaimaiik aurait posé la même
question à Garîr. Nous lavons déjà observé, le recueil d'Aboûl-fa-
rag est rempli de traits qui ne différent que par le nom des person-
nages mis en scène.
* C'est la prononciation de Rabî'a. D'après le divan manuscril
de ce poète (Bibl. Univ. S. Joseph), les tribus qaîsites prononçaient
Qatâmî.
' Cf. Divan de Qotâmi, msc. , p. 2, et Ag., XX, 11 S.
LE CHANTRE DES OMIADES. 403
sincèrement être seul h connaître les vers d*un poète
dont la réputation, selon lui, ne devait pas avoir
dépassé les limites ^dé^ sa tribu. Aussi fut-il étonné
de rassuratice de Sa^bî et le pria-t-il de s'expliquer.
Celui-ci lui débita une nouvelle pièce du jeuue barde
bédouin. Quand il eut fini : « Ma foi ! s'écria ^Abdal-
malik, cette poésie est en effet plus originale. Ce
Qotâmî a vraiment de la verve et de Tentrain ^ ! »
Ahtsd prit alors la parole : «Sa^bî, me dit-il, tu as
pour les récits des ressources multiples que je ne
possède pas ^. Qu'il te plaise toutefois de ne pas me
mettre mal avec tes :amis; de mon côté, je les lais-
serai en paix. — Enchanté ! répondis-je ; pour ce
qui est de la poésie, je ne le contrarierai plus; oublie
seulement ce qui vient de se passer. » Puis me tour-
nant vers le calife, je lui dis : « Sire, je vous conjure
d'obtenir mon pardon de Ahtal. » Le calife ne put
s'empêcher de sourire et dit à Ahtal qu'jl prenait
Sa'bî sous sa protection. «Prince des croyants, ré-
pondit le poète, je viens de l'avertir; s'il évite de
m'être désagréable, il n'aura jamais quà se louer de
moi. — Sois sans crainte, dit ^Abdalmalik, il ne
te rendra jamais que de bons offices. — En êtes-
vous garant, Sire.'^» demanda Ahtal. « Oui, répon-
dit le calife, si! plaît à Dieu^ ! »
^ Littéralement : Que la mère de Qotâmî aie à le pleurer! isJSJs
jul (^UaXII , une des innombrables imprécations ayant perdu leur
signification primitive et s'employant en bonne et en mauvaise part.
« ,>^\y ;^ UJ Ici, esîoU^I i Ci^ duJ yJ . C'est-à-dire : moi je
ne suis qu'an poète.
^ Ag., IX, i68; XX, iiR, i^o; Ibn Qotaïba, .^4.
404 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
Celte première entrevue fut décisive pour ia for-
tune de Sa^bî. Bientôt il devint le confident le plus
intime du souverain. «0 Sa'bî, lui disait-il, ne me
seconde pas dans ce qui est répréhensible, ne me
dirige pas vers Terreur au milieu de nos réunions.
Point de souhaits ni de vaines formules de politesse
auxquelles je serais obligé de répondre. Ne t'évertue
pas à me préparer de jolies réponses et à m*engager
par là à continuer lentretien. Les plus coupables
d'entre les courtisans sont ceux qui flattent les goûts
frivoles des rois^ »
Nous avons cru devoir citer ces belles paroles qui
honorent autant le prince que son favori. *Abdal-
malik ne sen tint pas là : il confia à Sa'bî d'impor-
tantes missions et des négociations très délicates ^.
Ahtal paraît avoir vécu en bonne intelligence avec
lui. Pourtant il lui arrivait encore de se vanter naïve-
ment devant Sa^bî. Un jour» il s était laissé aller à de
copieuses libations et, selon Ja coutume des Orien-
taux, s'était inondé de parfiims. En cet état, il péné-
tra familièrement dans les appartements privés du
calife, où se trouvait déjà Sa*bî. Apercevant ce der-
nier, il lapostropha en termes d une énergie et d'une
crudité toutes bédouines^. «Victoire! je l'emporte
* Mas'oûdi« V, 211, trad. de M. B. de Meynard.
« Ya^ûbî, II. 334; Mas'oûdi\ V, 270; Ibn HaUikân, 344.
^ L'expression obscène, que nous retrouvons avec regret chez le
grand poète chrétien .^s'étale presque à toutes les pages du Livre de»
Chansons, ce miroir fidèle de la vie bédouine. De la lecture de ce
recueil il ressort qu'on a trop vanté la moralité du désert et que
«les Arabes nomades, contrairement à une opinion accréditée, ne
LE CHANTRE DES OMIADES. 405
stir tous les poètes! — Comment cela?» demanda
Sa^bî. « Quand j ai prononcé les vers suivants :
La villageoise se met à nous verser d'une bouteille aussi
rouge que l'incarnat de ses joues ,
Et quand nos mains font circuler la coupe , il s'en exhale
un parfum que perçoivent les narines les plus bouchées *.
« Eh bien ! Sa*bî, continua Ahtal d'un ton triom-
phant, as-tu jamais rien entendu de semblable? —
Si je ne craignais les suites de ma sincérité, répliqua
le savant, je te dirais ma pensée. — Tu peux être
sans crainte», dit Ahtal. « Dans ce cas, reprit Sa*bî,
je le préfère de beaucoup Fauteur de ce distique. »
Quand Alitai apprit qu'il était de A^sà de la tribu des
Qaïs bin Ta'laba^ il s'écria : «Saint, saint, saint!
j'en jure par la sainte croix, A*sâ est le plus grand
des poètes ^ ! »
XII
AHTAL EN MÉSOPOTAMIE.
■ ■ •
Chaque année, à des époques fixes, Ahtal venait
à Damas faire sa cour au califè et lui réciter ses nou-
sont pas plus exempts que leurs coreligionnaires des grandes villes »
(B. de Meynardj de certains vices extrêmement «odieux».
' Divan, 85.
* Ainsi nommé pour le distinguer d'autres poètes du nom de
A'sâ.
^ Ag. , VIII, 84* A la page 85 , la même scène est placée à K où fa
et accompagnée de plusieurs circonstances invraisemblables; la pre-
mière version est la bonne.
406 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
velles compositions. Puis, muni de iauiorisation du
souverain, il disait adieu au climat « fiévreux » de la
grande cité syrienne ^ et se hâtait de regagner la Mé-
sopotamie. Vrai Bédouin, la vie du désert eut tou-
jours pour lui les plus grands charmes. C'est surtout
après la fin de la guerre de Qaïs que ces séjours au
pays natal furent fréquents et prolongés^. Les traits
suivants nous permettent de reconstituer en partie
la vie qu'il menait alors.
Quand le poète résidait sur les bords de TËuphrate
et du Chaboras, au milieu de ses compatriotes, il se
faisait un point d'honneur d exercer la plus lai^e
hospitalité '. A côté de la spacieuse tente d'écaiiate
qu il habitait se dressait un autre pavillon non moins
vaste, destiné aux liôtes. Un jour, ^ikrima, fils de
Rib^i , vint à passer par le campement de la famille
de Màiik. C'était un noble Arabe, à qui sa générosité
avait valu le surnom de « bienfaisant » , ^jàJLj. Les
califes reconnurent plus tard son mérite en lui con-
fiant le gouvernement de la Mésopotamie et de TAr-
ménie*.
A peine ce personnage eut- il mis pied à terre qu'on
vint apprendre à Ahtal l'arrivée d'un étranger de
distinction. Le poète l'invita à souper. Après le re-
^ • «•>
' c ^y»y ^^yÀuê^ «5-^ * Divan, 12 1, 6.
* Toutes les visites da poète à Koûfa eurent lieu sous le gouver-
nement de Bisr, c'est-à-dire après la pacification de Tlraq.
' Farazdaq a vanté cette hospitalité dans un vers cité {dus haut.
Cf. le Divan de Farazdaq, p. a 35.
* Cf. ^L^J ^y^ du P. L. Cheickho S. J.. p. 467.
LE CHANTRE DES OMIADES. 407
pas^ ne connaissant pas son hôte, il le sonda pour
savoir quelle boisson il pourrait lui offrir. « Tout ce
que tu voudras, répondit ^Ikrima, excepté celle dont
tu fais usage. » Ahtal comprit alors qu'il avait devant
lui un musulman et il le servit selon son désir. Or
le poète avait à son service deux esclaves musiciennes ;
elles se tenaient derrière lui, cachées par un rideau
tendu au fond de la tente. Quand les coupes circu-
lèrent , touchant le rideau avec un bâton qu il tenait
en main , il les invita à chanter les plus beaux airs
de leur répertoire^. A ce signal , elles en tonnèrent des
airs variés parmi lesquels le narrateur, M adâïni , en
signale un composé sur les vers de *Amr, fds de
Sâs^. ^Ikriaia se retira enchante de cette cordiale
hospitalité *.
Ahtal était parfois obligé d'échanger contre le sé-
jour des villes de Tlraq Texistence patriarcsde qu'il
menait parmi les siens. Souvent des messagers de
Bisr, fils de Marwân , l'invitaient à venir à Koûfa pré-
sider des fêtes poétiques. D'autres fois, il y était ap-
pelé par des affaires d'une nature plus délicate. Quand
les Taglibites , dans le cours de leurs razias ^, avaient
commis un meurtre, c'était lui qu'ils chargeaient
* Aujourd'hui encore, en Orient, on ne boit qu'après les repas.
* yxjij\ *i^^\^ littéralement «les plus beaux vers»; A,>^, pluriel
Siiù^\ , signifie aussi ornement.
' Le livre X , 63 d'Ag. contient la notice d'un personnage de ce
nom. Voir aussi ot>^) io)^, III, 596, 600; IV, 3.
* Ag..VU,i87.
^ Rien n'autorise à doubler le z dans ce mot , comme on le fait
trop souvent.
408 novembre;. DECEMBRE 1894.
habituellement de payer le prix du sang. Le poète
alors montait sa robuste chamelle ou descendait TEu-
phrate, dont il a si vivement décrit ia navigation,
et venait solliciter la générosité des riches habitants
de Koûfa.
Un jour, s'étant pour cet objet adressé au Saïba-
nite Gadbân , fils de Qaba*tara , il en reçut le meil-
leur accueil. «Choisis, lui dit-il, entre 2,000 dir-
hems et 2 dirhems. — Que veux-tu dire.^ » fit Âhtal
étonné. « Si je t accorde 2,000 dirhems, reprit Gad-
bân, fort peu de gens voudront encore te donner
quelque chose. Mais si tu ne reçois de moi que deux
pièces d'argent, chaque Bakrite de Koûfa se fera un
devoir de te faire la même gratification. De plus,
nous écrirons à nos frères de Basra, qui s empresse-
ront de nous imiter. Ainsi notre générosité nous coû-
tera peu de chose et ta collecte sera extrêmement
avantageuse. — Accepté ! » répondit Ahtal. « Il e&t
entendu, ajouta Gadbân, que tu iras en personne
ramasser cet argent. »
Cependant le rusé Saïbanite écrivit à Basra à So-
waïd, fils de Mangoûf as-sadoûsi. Notre poète, lui,
se promettait monts et merveilles et on Tentendit
dire que l'arrangement était excellent et que désor-
mais il n'en accepterait point d'autre. Arrivé à Basra
auprès de Sowaïd, il lui exposa le motif de son.
voyage. Ce fut en cette occurence sans doute qu'U
récita une pièce de vers dont seul un distique nous
a été conservé.
H atteste les illusions du poète :
LE CHANTRE DES OMIADES. /lOg
Si je me trouve à Tétroit dans un pays , n'ai-je point der-
rière moi Sowaïd, fils de Man^oûf, et Bakr descendant de
VVàïl ?
Tels ces palais élevés aux solides fondements dont on ne
peut atteindre les sommets*.
Sowaïd répondit par de bonnes paroles; puis il
présenta Ahtai à ses compatriotes en disant : « Voici
le père de Mâiik qui vient implorer votre générosité;
il est Tauteur de ces vers :
Si l'on me dit : tu as fait la paix avec Bakr, j'entends
aussitôt protester ma haine. La parenté (qui nous unit) est
trop éloignée.
(J'entends protester aussi) le sang versé à Wâridàt *. Elles
ne sont plus , les femmes qui pleurèrent alors ; mais les mo-
tifs de haine subsistent toujours.
Entre Bakr et nous il y a de terribles batailles , où le fer
a mordu les crânes.
(Bakr et Taglib) sont deux frères se chauffant au feu de
la guerre; le voile de la mort tout récemment les séparait
encore^.
En entendant ces vers , les Bakrites s'écrièrent tous
dune voix : «Non! jamais, il n'obtiendra rien de
nous! » Ahtal prit philosophiquement son échec et
répliqua par une qasida où Ton lit ces vers :
Qu'on apprenne ceci de ma part aux Banoû Saïbàn : entre
nous il n'y a point de rancune.
' Divan, 3o4. Ces deux vers sont reproduits dans Ag. , XIII, 47,
avec une légère variante , et attribués au fils de Zobaîr.
^ Victoire de Taglib sur Bakr.
^ Divan, 282.
410 lSOVE^iBRE-I)^î:CEMBR£ 1894.
Que Sadoûs * retienne ses deux dirhems I Ailleurs le vent
m'est bon et propice '.
•Quelques années plus tard (c était vers les pre-
miers mois qui suivirent la pacification de Tlraq),
les gens de Taglib ayant commis deux nouveaux
meurtres, Ahtal dut reprendre le chemin de Koûfa.
Il n'y avait pas à songer aux Arabes de Qaïs ou de
Modar. Force fut donc de tendre cette fois encore
la main aux descendants de Bakr.
On parlait alors beaucoup à Koûfa d'un riche baï-
banite nommé Hausab, récemment revenu du Ho-
rasân. Son père Yazîd ^, gouverneur de la ville de
Raïy, s'étant vu attaquer par les Azraqites, Hausab
l'avait laissé aux prises avec les rebelles et s'était enftii
de toute la vitesse de son cheval. Cette lâche déser-
tion coûta la vie à son père et à sa mère. En Iraq , des
sarcasmes et des épigrammes accueillirent le fuyard.
Les poètes surtout ne l'épargnèrent pas. Vraiment,
dit l'un d'eux,
Si Hausab était honune d'honneur et de courage , il au-
rait regardé la mort en face comme ^Isa, fils de Mos^ab*.
Un autre fut plus mordant :
En face des lances menaçantes, Hauàab, pour sauver sa
peau, abandonna son vieux père'.
^ Â la page igS du Divan, il y a une satire contre ce person-
nage.
^ Divan, 120 et 136; Ag., VII, i83.
' Il est nommé par Ahtai, Divan, loS, 4.
* Allusion au dévouement bien connu du fils de Mo^'al).
* Ag. , XV, 129.
LE CHANTRE DES OMIADES. 411
Dans une réunion où se trouvaient Hausab et
•Ikrima « le généreux » , lomiade Bisr, ayant témoi-
gné le désir de posséder un cheval de race : « Prince,
s*écria *Ikrinia,ilest tout trouvé ; prenez la jument de
Hausab, qui Ta dérobé aux poursuites des Azraqites
de Raïy ^ »
Sur ces entrefaites, Ahtal se présenta chez le fils
de Yazid. Le moment était mal choisi. Hausab avait
ses raisons pour ne pas aimer les poètes, et, comme
Saïbanite, il était mal disposé à Tégard des Banoû
Taglib. Aussi reçut-il fort mal leur envoyé ; il recon-
duisit brutalement et lui fit même entendre des
menaces. Un autre Bakrite Saïyar, fils de Bozaï*a,
répondit par des excuses aux sollicitations de Ahtal.
Celui-ci se souvint alors de Ikrima, qui remplis-
sait les fonctions de secrétaire auprès du prince Bisr.
11 lui raconta laccueil qu il avait reçu des deux ha-
bitants de Koûfa : « Père de Mâlik, lui dit *Ikrima,
tu n'entendras de moi ni menaces ni excuses. Je te
donnerai ce que tu réclames, moitié en argent, moi-
tié en biens mobiliers. »
Peu de jours après, un événement, dont nous ne
connaissons pas la nature, réunit à la mosquée les
gens de Koûfa ^. On vint avertir Ahtal. « Si tu veux,
' Ibn al-Atir, IV, 119; Yâqoût, III, 138. Le scoliaste d' Ahtal
afifirme (Cf. Divan, i25, 8) que le père de Hausab fut capitaine
des gardes de Ha^^âg à Basra, quand tous les historiens le font
moiu'ir plusieurs années auparavant dans le Horasftn ; c'est Hauiab
lui-même qui remplit ces fonctions. (Cf. Yâqoût, II, 338.)
^ Une des portes de la grande mosquée servait surtout de lieu de
rassemblement aux Koufîtes. Cf. Divan, 2i4t ii« note du scoliaste»
412 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
lui dit-on, témoigner ta reconnaissance à ^Ikrima,
c'est Toccasion ou jamais. » Le Tagiibite ne se le fit
pas dire deux fois. Il mit une tunique de soie, sus-
pendit au cou sa croix d or et monta un superbe
cheval. Arrivé à la porte de la mosquée, il mit pied
à terre. Hausab et Saïyâr, qui Tavaient vu venir, ne
purent cacher leur dépit. Un chrétien , un Tagiibite
en cet équipage ! Quant à *Ikrima , dès qu'il aperçut
Ahtal , il s'avança vers lui et le salua avec beaucoup
de démonstrations d amitié. Le poète s'arrêta sur les
degrés du temple , se recueillit un instant et débita
l'ode commençant par ces mots :
A qui appartient la demeure située à Hàïl, etc.
Après ce début obligé et la description classique
du campement abandonné, le poète poursuivit ainsi :
Le Gis de Riblt par sa générosité, m'a protégé contre la
haine d'un ennemi et la dureté des avares.
(Noble bienfaiteur), ta munificence oblige toute la famille
de Rabi'a; tu nous dispenses de recourir à des protecteurs
impuissants et trompeurs ,
Dont les mains avides retiennent les dons, sans jamais
se dessaisir de rien ^
Tel le fils de Bozaï a ; tel cet autre qui lui ressemble , digne
d'avoir eu pour mère une gardienne de chameaux, etc.*.
Ce dernier trait atteignait en plein Hausab , qui
dut sans doute alors regretter ses procédés peu cour-
tois. Quant à 'Ikrima, il manifestait ouvertement la
^ Litt. : dont le rocher ne laisse jamais suinter une goutte.
' Divan, i56 et iSg.
LE CHANTRE DES OMIADES. 413
joie que lui causait ce brillant panégyrique. « Voilà,
s'écria t -il, qui m'est plus agréable que des troupeaux
(le chameaux ' ! »
A Koûfa , les habitants recherchaient avidement les
occasions d'obliger le poète , qui , de son côté , ne mar-
chanda jamais l'expression de sa reconnaissance. Un
jour (c'était avant les événements que nous venons
de relater) , un jeune Koufite de condition très humble
le pria instamment d'accepter à diner chez lui. « Fils
de mon frère , lui dit-il , tu n as pas apporté de pro-
visions avec toi , et personne n'est chargé de pourvoir
à tes besoins. » Après quelque résistance, le poète
accepta. Arrivé à la porte de la modeste demeure , le
jeune homme annonça à sa mère, nommée Saqrâ,
que « le père de Mâlik » les honorait de sa présence.
La femme sortit aussitôt pour aller vendre une cer-
taine quantité de lin filé , et avec le produit de cette
vente elle acheta pour son hôte de la viande, du
vin et des plantes odoriférantes. Ahtal fut vivement
touché de cette cordialité et, séance tenante, il im-
provisa (faveur très enviée !) quelques vers pour cé-
lébrer l'hospitalité de la bonne Saqrâ ^.
Après l'incident de la mosquée de Koûfa, *Ikrima
avait exigé que son panégyriste logeât chez ^ui•^ En-
nemi delà contrainte, le Taglibi te aimait à parcourir
seul les rues de la ville. Dans une de ces flâneries,
il passa auprès d'une réunion de jeunes gens occupés
' Ag., Vil, i<S7 (••. ,SS.
^ l)lv:\ii, 290, H.
iS. Ag. , XI, !>(; ,1. i 5.
IV. 27
t«rtliitiiK aATluxAK
414 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
à boire et à écouter une musicienne. Us lui firent
tant d'instances qu il consentit à rester auprès d'eux.
Au bout de quatre jours /Ikrima, ne ie voyant point
revenir, s'imagina que ie poète, mécontent, Tavait
quitté définitivement. Mais quand il sut le motif de
son absence , il envoya aux jeunes gens 1,000 dirhems
et fit à Ah ta! un cadeau de5,ooo dirhems. Ahtai les
eut à peine reçus qu'il alla retrouver ses compagnons
de plaisir et leur distribua cet argent; puis il resta
en leur société jusqu'à la fin de son séjour à Koûfa^
Ahtal, on le voit, afFectU)nnait le séjour de cette
ville. Elle était alors, avec Damas et le Caire, un /les
plus grands centres littéraires du monde musidman.
Les poètes y affluaient pour le moins autant qu'à
Damas. A plusieurs d'entre eux, et des plus qualifiés,
il était interdit , par suite de leurs opinions politiques
ou religieuses , de visiter la capitale syrienne. Chiites,
Azraqites de toutes nuances , sectateurs de *Alî , par-
tisans des Hâchimites ou du fils de Zobaïr, ils ne
pouvaient se résoudre à une démarche non exempte
de dangers, ou considérée comme équivsdent à un
acte d'apostasie. Koûfa ne leur offrait pas les mêmes
inconvénients. Pour des considérations faciles à com-
prendre, la puissance des successeurs de Mo^âwia
évitait de se faire trop sentir à ces Iraqains toujours
mobiles et avides de changements. Le moyen, d'ail-
leurs , de sévir avec un gouverneur libéral et artiste
comme le jeune frère de *Abdalmalik !
» Ag., VIÏ, i85.
LE CHANTRE DES OMIÀETES. ' 415
Aussi les hamfnes distingués se réunissaient de
toutes parts à Koùfa. C'est ainsi qu'avec Garîr et Fa-
razdaq nous y trouvons des poètes de la valeur de
Dour Romma^ Râ^i, Motawakkil , Komaït, Tirim-
mâh, Ibn Mayâda, et d'autres moins brillants peut-
être, mais ayant leur place marquée dans Thistoirc
de la poésie arabe, comme Morra, fils de Mihkân^,
le boiteux Hakam, fils de *AbdaP, ^Owaïf*, Ibn ^Am-
mâr, retenu à Koûfa par la faiblesse de sa vue^, Aboû
Kalda^, pour ne citer ici que des contemporains de
Ahtal. Parmi eux, la dynastie régnante comptait de
chauds partisans, comme Motawakkil, Tirimmâh,
A^sâ des Banoû Abî Rabî^a ^, ^\bdallah , fils de Zobaïr '',
qu'il ne faut pas confondre avec le prétendant mec-
quois de ce nom. En revanche, le parti opposé aux
Omiades comptait dans ses rangs A'^sâ Hamdân,
beau-frère du fameux Sa'bî, et lui-même compté
parmi les « fohoûl ^ » , et Komaït , adversaire déclaré
de tout ce qui, de près ou de loin, tenait à la Sy-
rie^.
Cette réunion de tant de beaux esprits faisait
alors de Koûfa, nous l'avons déjà dit, une des capi-
* Leur présence à Koûfa est fréquemment signalée dans Ag. . XV.
125; XVI, 112, etc.
* Ag., XX, 9.
^ Ag. , II, i5o.
'^ Ag., XVII, io5.
^ Ag., XX, 17^.
* Ag. , X , 1 11 .
' Ag., XVI, iGo.
' Ag.,xm, 33.
'' Ag., V, i46, i58.
416 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
taies littéraires du monde arabe. Les débutants ve-
naient y solliciter les suffrages des vieux maîtres ^ et
se former à leur école ^. D autres y étaient amenés
par des intrigues galantes, comme le trop célèbre
*Omar, fils d'Abî Rabfa^, et Aïman, fils de Harim*,
ou comme le poète nègre Nosaïb *, attirés par les
largesses de Bisr,
Quand on vient solliciter la générosité d*Aboù Marwân^,
on trouve à ses côtés la munificence et la noblesse.
De tous côtés vous voyez affluer les solliciteurs, et leurs
troupes serrées assiègent les portes de son palais '.
Héritier des goûts littéraires des princes omiades ,
le firère de ^Abdalmalik accordait aux artistes la
plus entière protection. Affable, accessible à tout le
monde*, il araiait à s entourer de poètes, de littéra-
teurs et de musiciens. Le soir, il mandait de Hîra un
chrétien, nommé Honaïn, poète et musicien, et,
renfermé avec ses familiers au fond de ses apparte-
ments , vêtu d'un élégant négligé , la tête ceinte d'une
couronne de fleurs, le jeune prince buvait en écou-
tant des chants^.
» Ag.,XV, ii3.
* Comme Komait. Cf. Ag., XV, 124.
3 Ag., I, 67.
* Ag., XXI, 12 (édit. R. Brûnow, I, i3i, i32).
' Ag., I, i32, 142; II, i46.
' *;l5'deBisr.
^ Divan, 89.
® Ag., XXI, 12.
® Ag. , II, i24t et Joorn. asiaU, 1873, II, 4)8.
LE CHANTRE DES OMIADES.' 417
La plupart des poètes qui remplissaient la capitale
de riraq ne songeaient, eux aussi, qu a passer joyeu-
sement le temps, sans trop se soucier de certaines
prohibitions du Coran. Beaucoup, comme Oqaïsir \
Aboû Kalda^ et *Ammâr^, étaient des buveurs de
profession que le guet ramassait souvent ivres-morts.
Entre ces hommes appartenant à des tribus rivales ,
séparés par des divergences religieuses et politiques ,
il y avait un lien commun : la poésie. Sur ce terrain
les haines s'adoucissaient et cédaient la place à la
tolérance.
La ville de Koûfa en offrait alors même un cu-
rieux exemple. Il eût été difficile d'imaginer deux
hommes moins faits pour s entendre que Tirimmah
et Komaït. Le premier, partisan convaincu du gou-
vernement établi, panégyriste ardent des Yéménites ,
était intimement lié avec Komaït, Chiite des plus
exaltés et auteur de violentes diatribes contre la
race de Qahfan*. « Comment, demanda-t-on un jour
au dernier, peux-tu avoir cette intimité avec un
homme dont tant de choses te séparent? — Ce qui
nous réunit, répondit Komaït, cesl ia haine du vul-
gaire^. »
Aussi Alitai , malgré sa double qualité de chrétien
et de Rabfite, paraît-il avoir été bien accueilli par
les poètes de Koûfa. Personne, d'ailleurs, ne pouvait
* Ag., X, 85, sqq.
* Ag.,X, 111.
"3 Ag.,XX, 174.
* Ag.,X, i5G; Mas'oûdî, VI, 36-A5.
^ Ag. ,X, i56; Divan d'Ahtal, 2 6,1.5.
418 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
ignorer en quelle estime le tenaient le calife et le
prince gouverneur.
Ce fut pendant un de ces séjours à Koûfa que
lui arriva l'aventure suivante. Il se trouvait dans un
bain public , quand survint un Arabe de Ïvl branche
saïbanite des Banoû Dohl. Ayant appris le nom de
sa tribu et se rappelant que Farazdaq availplus d'une
fois loué les descendants -de Bakr ^, Ahtal demanda
à TArabe s'il connaissait quelque pièce du poète de
Tamîm. Sm' la réponse aflirmative de l'Arabe, Ahtai
reprit : « Quel grand poète que notre ami Farazdaq!
Mais pourquoi se repent-il si vite de sa générosité ! »
oQue veux-tu dire?», demanda le Saïbanite. Ahtal
cita alors un distique où, d'après lui, Farazdaq re-
tirait dans le second vers l'éloge accordé dans le
précédent. «Quand tout le monde, reprit l'Arabe,
serait d'accord sur ce que tu viens de dire, tu devrais
être le dernier à faire cette remarque. — Et pour-
quoi cela? » demanda à son tour Ahfal. a N*as-tu pas,
reprit le Bédouin , déversé le ridicule sur Zofar, fils
de Hârit, et cepei^lant tu en fais, quelques vers plus.
loin , un épouvantail pour le calife. Tu as dit :
Descendants d'Omaïya, je vous exhorte à ne pas laisser
tranquillement Zofar au milieu de vous ,
Comme un lion dilatant sa poitrine et guettant une proie *.
r
^ Farazdaq avait épousé lladrâ, Saïbanite chrétienne. IHus tard
il choisit de nouveau une épouse dans la famille de Bakr. Cf.* son
Divan, p. 2o5; à la page 224 , sqq. , on lit un splendide éloge 'des
Banoû Dohl.
* Divan, io3 et io5.
LE CHANTRE DES OMIADES. 419
De même tu as voulu louer ^Ikrima, fils de Rib*i ^ ;
et pourtant si tu avais prétendu faire une satire , tu
n aurais pas parlé autrement ». Ahtal fut piqué de
ces critiques, dont la dernière n'était pas sans fon-
dement. Il répondit à TArabe : « Tu peux te féliciter
d'appartenir à une tribu envers laquelle j'ai des obli-
gations. Sans cela j'aurais composé contre toi une
satire qui t'accompagnerait au tombeau. Mais non !
Jamais je n'attaquerai ceux que j'ai une fois loués*, et je
n*amoindrirai en rien l'expression de ma juite reconnais-
sance '.
Maintenant , va-t-en ^ ! »
Aucun document ne nous apprend si, dans ses
voyages en Iraq, Ahtal a visité Hîra, sa ville natale,
distante de Koûfa de trois milles seulement. Depuis
la fondation de cette dernière, la cité royale des Nor-
man et des Moundir était bien déchue de son an-
tique splendeur. Cependant c'était toujours une ville
chrétienne, siège de deux évêchés, jacobite et nés-
torien. Ses nombreuses et belles églises, ses couvents
étaient célèbres dans toute l'Arabie. Elle était habitée
* Ainsi porte le texte d'Ag. , mais il s'agit en réalité de Simâk
l'Asadite, comme nous le verrons plus loin.
^ Cf. Divan, i38, une qasida en l'honneur d'un Solbanite.
* Nous croyons que ce vers appartient à Ahtal, et nous pouvons
ajouter que telle est, actuellement aussi, l'opinion du savant éditeur
de son Divan. Ce qui l'a fait hésiter autrefois, c'est la perturbation
totale de la dernière partie du dialogue dans le texte imprimé d'Ag.
Nous avons fait de ootre mieux pour rendre à chacun des deux inter-
locuteurs ce qui lui revient.
* Ag., Vil, 18.4.
4iO NOVEMBRE-DÉCEiMBUE 1894.
par un certain nombre de familles laglibites ^ parmi
lesquelles Ahtal comptait sans doute des parents.
Ces motifs font peut être engagé à s arrêter dans une
ville , d'ailleurs placée sur sa route. Une chose encore
a pu iy attirer : la réputation des tavernes de Hîra^,
célèbres déjà dans TArabie préislamique. Le grand
A*sâ ne quittait jamais cette ville sans y avoir re-
nouvelé sa provision de vin. Quand un contemporain
d' Ahtal, le poète Oqaïsir, avait gagné quelques dir-
hems, il montait sa mule et s'empressait de venir
les dépenser dans les buvettes de IJîra^. Et un demi-
siècle plus tard le même motif y attirait encore du
fond du ïHgâz le célèbre musicien Ibn Soraïg^.
Si Ahtal faisait de fréquents voyages à Koûfa, il*
paraît avoir beaucoup moins affectionné le séjour de
Basra. Cette ville , presque exclusivement musulmane
et peuplée en majorité par des Arabes de Modar^,
ne lui rappelait que des souvenirs désagréables. Avait-
il fini par se réconcilier avec son ancien rival , Ka*b ,
fils de GoVil? Nous serions tenté de le supposer,
puisque nous les retrouvons tous les deux à Basra
sous le califat de Mo*âwia P'. Ils y gardèrent si peu
de mesure dans leurs satires que le gouverneur *Abd-
allah, fils de ^Âmir, pour mettre fm au scandale, les
1 Ag., VII» 170; XIX» i3.
* Cf. Ag., II, 125.
» Ag.» X, 86, 89,91.
* Ag.,II, 126, 1. 9.
* Sous le règne de 'Abdalmalik , les famille^d'originc rabritc,
qui habitaient celte ville, émigrcrent dans la province de Mossoul.
Cf. Ya'qoûbî, II, 324. Voir cependant Ag., II, 186, 1. /i ; VII, i83.
LE CHANTRE DES OMIADES. 421
fit emprisonner ^ Depuis cette époque, la présence
d'Ahtal à Basra ne nous est signalée quune seule
fois par les annalistes^, et cette fois encore, il n'y re-
cueillit que des humiliations.
Dans ses pérégrinations à travers la Mésopotamie ,
notre héros avait souvent à passer sur le territoire
de Saïbân. Cette importante tribu bakrite s'était,
depuis le règne du grand Mo^àwia, établie au nord
du pays taglibite. Comme il n arrive que trop sou-
vent, le voisinage, loin d'affaiblir les anciens res-
sentiments , avait au contraire contribué à les raviver^.
Mais telle était la puissance de la poésie siu* ces po-
pulations ardentes que le barde de Taglib trouva
toujours parmi les Banoû Saïbân l'accueil le plus
cordial.
Un jour, il fut reçu sous la tente de Sa^id, noble
Saïbanite dont le grand-père était le célèbre Ilâni,
fils de Qabîsa^. Celui-ci traita splendidement son
hôte, et connaissant ses goûts, il lui fit verser les vins
les plus exquis; il voulut même, pour lui faire hon-
neur, qu'il fut servi par ses deux filles encore en bas
âge. Le poète avait été frappé de leurs grâces enfan-
tines. Quelquesannéesplus tard, il recevait denouveau
l'hospitalité du descendant de llâni. Mais ses petites
amies avaient grandi, et les usages musulmans ne
^ Cf. Divan, 290.
^ Quand il vint solliciter les Bakrites de Basra; nous avons ra-
conté plus haut ce curieux incident. Cf. Ag. , Vil, i83. ^
3 (f. Ag., Vil, 170.
^ S»ir ce personnage, voir Porceval, Essai, I, 1G7; Ag, , II, 3o.
422 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
leur permettaient plus de paraître dans les réunions
des hommes. Ahtal s'aperçut de leur absence et de-
manda avec intérêt « ce qu étaient devenues ses
bonnes petites filles ». On lui expliqua la raison de
leur absence. Il prit alors la résolution de mettre
leurs noms dans la première pièce qu'il composerait,
et c'est ainsi qu'ils figurent dans le « nasib «qui ouvre
la qasida de la page 82 ^
Quand il n'était pas en voyage (et on la vu, il avait
des goûts assez nomades) , Ahtal vivait de la vie des
gens de sa tribu. S'il faut en croire un trait inséré
dans la glose de son Divan ^, il ne dédaignait pas de
les accompagner dans leurs courses. Un Taglibite
avait un créancier parmi les Arabes de Dabba. Il
partit avec quelques-uns de ses contribules pour aller
réclamer le payement de sa dette. N'ayant pu trouver
le Dabbite, les gens deTaglib ne trouvèrent rien de
mieux que de saisir sa femme et de l'emmener avec
eux. Malheureusement ils rencontrèrent sur leur
A
route des partis de Banoû Asad et de Banoû Amir.
A leur vue , la femme se mit à crier : « A moi Modar !
A moi Qaïsites ! » Les Arabes accoururent et , ayant
su pourquoi on emmenait la Dabbite, ils intimèrent
•à ceux de Taglib d'avoir à relâcher leur prisonnière.
Ceux-ci, malgré leur petit nombre^, refusèrent d'ob-
tempérer à cette injonction. Une rixe s'engagea; on
' Ag., VII, 179.
^* Avant la pièce de la page 222.
^ Le texte emploie yLî , mot pouvant désigner de trois à dix per-
sonnes. Cf. nos Sjnonymes arabes, n° 1467, Beyrouth, 1889.
LE CHANTRE DES OMIADES. 423
se battit d abord à coups de poing ; puis on ramassa
des pierres; enfin les épées furent tirées. Les Tagli-
bites ne purent pas soutenir 1 attaque et prirent la
fuite. Ahtal était parmi eux. Quand il vit que la si-
tuation devenait critique, il se mit sous la protection
de Simâk, tm des principaux parmi les BanoûAscid,
qui le défendit contre toute insulte. Ahtal reconnut
ce service par une poésie dont les premiers vers sur-
tout sont restés célèbres :
Quel excellent protecteur que Simâk TAsadite, quand,
dans la plaine , Modar combattit ses voisins 1
Simâk a élevé à sa famille un monument de gloire, qui
subsistera jusqu'à la mort ; il faut se bâter de faire le bien.
Je le croyais forgeron , comme on me l'avait appris ; au-
jourd'hui les étincelles ' ont cessé de jaillir de ses vête-
ments *.
Pour comprendre l'allusion contenue dans le der-
nier vers, il faut savoir qu'un des ancêtres de Simâk
passait, à tort ou à raison, pour avoir le premier
travaillé le 1er parmi les Arabes. Ses descendants gar-
dèrent le surnom de forgeron, qualificatif déshono-
rant en un pays où les arts mécaniques sont profon-
dément méprisés^. Aussi le chef Asadite parut-il peu
flatté du compliment. «Mon cher Ahtal, lui dit-il,
tu as voulu me louer, et tu n'as abouti qu'à faire une
satire; tes vers vont donner de la consistance à de
* Que fait jaillir le forgeron en battant le fer.
* Divan, 223; c'est-à-dire que le surnom de forgeron ne lui con-
vient plus.
' Cf Ag., V, 169.
424 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
simples bruits ^ » Dans la suite, les contemporains
d'Ahtal lui reprochèrent ce malheureux vers ^, et la
postérité, par la plume dlbn Qotaïba^, semble avoir
confirmé ce verdict.
De retour chez ses contribules , Alitai passait agréa-
blement son temps. Un jour il s'entretenait avec une
femme de sa tribu; car, observe le narrateur musul*
man , les gens du désert conversaient publiquement
avec les femmes ^ et ne voyaient en cela aucun mad.
Tout en conversant, le poète puisait dans une am-
phore de vin, placée devant lui. L'entretien fut
troublé par l'arrivée d'un tiers, dont la présence
prolongée finit par peser. Cependant Ahlad ne savait
comment faire comprendre à l'intrus qu'il était à
charge, quand ce dernier lui en fournit l'occasion.
Apercevant des mouches au fond de l'amphore, il
crut devoir en avertir Ahtal. Celui-ci répondit par
ce distique :
Qu'est-ce qu'ua peu de poussière , un brin de paille ou
des mouches sur le bord de mon verre ?
Quand j'ai à subir im quidam , sorti on ne sait d'où , dont
la présence m'importune ^ !
L'importun comprit et s'éloigna ^.
» Ag.,VII, i84.
* Voir plus haut l'incident du bain de Koûfa.
^ p\yxJiJ\^ yXjsJl t; !>»•>, msc. , i64.
* Cf. dans Ag., VII, les notices de Gamîl et de SijtySdx!\ ^J^\ pas-
sim, surtout p. 120, sqq. Cette liberté s'étendait également aux
Bédouines musulmanes.
* Divan, 36 1.
« Ag.,VII, i84.
LE CHANTRE DES OMIADES. 425
On connaît le penchant du poète mésopotamien
pour la satire. Provoqué, il ne laissa jamais longtemps
attendre une réponse. Il lui arriva pourtant d'hésiter :
une femme de Taglib, on ne sait pourquoi, faisait
circuler des vers où il était fort malmené. Crut-il cet
adversaire indigne de lui , répugna-t-il à répondre à
une femme de sa tribu, ou bien se souvint-il en cette
circonstance des promesses faites solennellement à
son curé ^ ? Toujours est-il qu'il fit venir le père de
laudacieuse Bédouine : « Père de Dalmâ , lui dit-il ,
ta fille vient de composer des vers contre moi ; à toi
de- larrêter ; sinon il me faudra aviser ! — Je n y puis
rien, répondit le Taglibite, ma fille n'est plus sous
ma dépendance. » Alors seulement Aljtal composa
les vers suivants :
Transmets ceci à Aboù Dalmà : la lance de ton poète est
bien courte; •
Ses coups ne portent point. Je le blesserais ; mais cela en
vaut-il la peine?
Que seulement je le rencontre , ayant mes armes sur moi !
je le coucherai sur le dos sans qu'il ose proférer une parole.
Cette fois Aboû Dalmâ s émut : accompagné de
plusieurs notables , il vint trouver le poète pour ar-
ranger laflairc. Ce dernier ne demandait pas mieux :
« Ce qui est passé , dit-il , est passé. Mais qu'on n'y
revienne pas '^ ! »
Entre autres usages de lage d'ignorance, les con-
•
* Cf. Ag. , VII, i83, 1. 3, sqq. Voir aussi plus haut, p. 112 de
cette élude.
3 Ag., VII, 180.
420 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
temporains d' Ah lai avaient gardé le goût des joutes
poétiques, appelées monafara et mojâhara. «C'était
un moyen souvent adopté pour terminer des contes-
tations de prééminence^. » Pendant qu Ahtad rési-
dait en Mésopotamie, il fut choisi pour présider une
de ces « mofâhara ».
Les deux concurrents «étaient Aus ibn Magrâ des
Banoû Sa^d et Nâbiga, surnommé Ga!dî, pour le
distinguer du grand Nâbiga le Dibianite. Le second
excitait surtout l'intérêt. S'il n'atteignit jamais les
deux cent vingt ans que certaines traditions lui ac-
cordent trop complaisamment , nous sommes obligé
de convenir qu'au moment de cette joute, il devait
être presque centenaire 2. Poète d'un talent incon-
testable, il n'avait jamais réussi dans le genre sati-
rique. Tous ceux qu'il attaqua, observent les cri-
tiques arabes , lui répondirent victoriei^*jement. Ibn
Magrâ, beaucoup plus jeune, était loin d'occuper
dans le Parnasse contemporain le même rang que
son rival ^. Les deux poètes, à ce qu'il paraît, avaient
déjà eu à la « réunion de Mina » une lutte poétique,
terminée à l'avantage d'Ibn Magrâ. De retour en Mé-
sopotamie, ils résolurent de plaider leur cause de-
vant un nouveau jury, dont Ahtal et Ka^b, fils de
GoVil , faisaient partie. Il est probable que le premier
* C.- (le Perceval, Essai ,11^ 565. Voir chez les biographes du
Prophète sa mofâhara avec les Tamimites.
' Contemporain du grand Nâbiga , il vécut asslz pour célébra le
calife de la Mecque, 'Abdallah ibn Zobaïr.
3 Cf. Ag./ïV, i32, 1. i5, ^! i (Nâbiga) lOs^ j-,! j^ >J>
LE CHANTRE DES OMIADES. 427
n'avait pas encore , à cette date , composé de satire
contre Nâbiga ^; sans cela, on comprendrait avec
peine comment son impartialité n eût pas été sus-
pectée. Quoi qu'il en soit, le vieux poète devait en-
core une fois prouver qu'on n'est plus heureux ix son
âge, il fut impuissant à parer les traits de son jeune
adversaire, et le jury décerna la palme à ce dernier ".
C'est alors, selon les commentateurs, qu'Ahtal au-
rait prononcé les vers suivants :
Pendant qu au milieu des miens j'habitais la Mésopota-
mie, malgré la distance, il me revient de Mina que Ibn
Magrà a triomphé.
Je vais prononcer entre le descendant de Ga'da et celui
de Sa'd une sentence décisive , conforme à la vérité.
Aboû Ga'da ^ est un loup vivant de rapines : (Tancêtre de
Aus) *Auf fils de Ka'b l'emportait depuis longtemps en gé-
nérosité*.
.Ahtal était en Mésopotamie, quand il eut con-
naissance d'un vers de Garîr à son adresse :
Tu ne possèdes ni une pierre dans le Nagd , ni un vallon
dans le Gaur du Tihàma.
«Que m'importe.^ riposta l'ardent Taglibite. Le
malheur n'est pas grand, car, par la croix! nous
avons le droit ^ de chanter^ :
' Comme celle de la page 1 9 2 du Divan.
^ Ag.,IV, i3i, i32,sqq.
^ ÂjoO, du loup; le poète joue sur le ^û.««ô deNâbiga.
* Divan, 281.
^ Au lieu de Jy±i\ J ^, je lis ^-î-^ •
« Ag., VÏI, 186.
428 NOVEMBRE-DECEMBRE 1894.
A nous la terre de l'Iraq et son fleuve, où l'on voit la
nef fendre les ondes.
Quand les hommes s'empressent pour la distribution des
présents, les autres n'ont qu'une source de gloire, nous en
avons deux.
Tout ce qui est entre Manbig et Gàf dans le 'Oman nous
est soumis; nos possessions sont donc* plus étendues (que
celles des Banoû Yarbou J \
XIII
LA CORPORATION DES nnÂWIAn.
Avant de raconter les derniers moments du poète,
il nous reste à dire par quelle voie son œuvre nous
est parvenue. A cette époque, comme de nos jours,
la connaissance de 1 ecritui'e était loin d'être générale
chez les Arabes du désert. Quoique Ahtal lui-même
paraisse l'avoir possédé.e^, il est douteux qu'il ait ja-
mais songé à s'en servir pour vulgariser la connais-
sance de ses vers. On fait la même remarque sur
son contemporain Dour Romma^. Mais à défaut de
l'écriture , il y avait la corporation des « ràwia » , réci-
tateurs ou rapsodes, avec lesquels il nous faut main-
tenant faire connaissance.
Parmi les rawia se groupant autour des poètes de
renom, il y avait d'abord ceux qu'on pourrait appe-
ler les rapsodes volontaires. C'étaient des amis du
poète , des admirateurs de son talent : on peut affir-
• Divan, 307, 5. Banoû Yarboû', famille de Garîr.
* Nous l'inférons de Divan , 2 1 6 , v. 5.
^ a JJ3 ja5^^ v^^3 'jV. *^7^J 3^ u^-* Ag., XVI, 1. 9.
LE CHANTRE DES OMIADES. 420
mer qu'en général tous ses contribules se faisaient
un point d'honneur de posséder et de faire connaître
les inspirations du poète de leur tribu. Mais, outre
ces râwia de circonstance, il y en avait d'autres at-
tachés d'office à la personne du poète bédouin , ou
à une famille entière où le talent poétique brillait
d'une façon spéciale^. Pour j^lusietirs, c'était une
sorte de métier, un gagne-pain, parfois même une
préparation au rôle futur de poète ^. Quand ce der-'
nier était riche, sans attendre que le hasard ou la re-
nommée lui amenassent des rapsodes, il s'entourait
d'esclaves chargés de recueillir et de réciter ses
vers',
La corporation des râwia est ancienne en Arabie.
Le ft Kitâb ai-Agâni » nous a gardé les noms de plu-
sieurs rapsodes attachés aux vieux poètes antéisla-
miques. Celui du grand A*iâ était un chrétien *Iba-
dite de Hîra, nommé Jean, fils de Mattâ*.
Les poètes avaient au moins un de ces utiles auxi-
liaires ; d'ordinaire ils en avaient davantage , comme
c'était le cas de Garîr, de Fârazdaq ^, de Kotaïyir et
de bien d'autres. Fârazdaq paraît en avoir employé
un nombre considérable; l'Agânî en nomme une
dizaine.
La première obligation des rapsodes était de re-
' Ag., II, 46, 47.
» Ag.,VII, 78,1.6.
^ Ag. , I, 53.
* Ag., VIII,79.
' Ag., IV, 54; XIX, i3, 26.36.
IT. 28
MtaiBBBM «ATIOIALB.
430 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
cueillir les vers du maître auprès duquel ils remplis-
saient, pour ainsi dire , les fonctions de secrétaires. Le
Livre des Chansons nous représente Garîr au moment
de rinspiration, appelant son râwia et lui dictant des
vers K Farazdaq imposait encore d'autres besognes
aux siens et les faisait coopérer à ses nombreux pla-
giats. Entendait-il réciter des vers dont le tom* ori-
ginal lui plaisait, il criait à son rapsode « d ajouter
cela à son bagage ^ ».
Les vers recueillis , il restait un autre travail non
moins important : celui de la revision et de la ccn>
rection '. L art de la versification était vulgaire par-
mi les Bédouins. Ce serait cependant une erreur de
croire que, dans la chadeiu* de Timprovisation, il n'é-
chappât jamais aux bardes du désert des fautes de
langue ou de prosodie. Les râ^via enlevai^it ces lé«
gères taches , apprenaient par cœur le chef-d'oeuvre
et en répandaient la connaissance.
On le voit , l'aide de ces modestes auxiliaires n'était
pas à dédaigner; parfois môme elle devenait indis-
pensable. Le poète avait-il un extérieur difforme, la
natu]*e l'avait-elle affligé d'un notable défaut de langue ,
il abandonnait à son râwia le soin de réciter ses vers
en public : service chèrement payé, car souvent 3
fallait lui abandonner une bcmne partie des gratifi-
cations ^.
1 Ag., vn, 5o. 52.
« Ag., n, 91; XVI. 116.
» Ag.,IV. 54.
* Ag., IV, 108; XI, i65.
LE CHANTRE DES OMIADES. 431
Voici un fait qui pourra donner une idée de la
prodigieuse mémoire de ces récitateurs. Un jour, en
présence du calife Walîd , Hammâd le rapsode , dont
le nom est venu plusieurs fois sous notre plume, se
vanta de réciter cent qasidas de même rime, toutes
tirées des poèmes antéislamiques. Le; plus étonnant,
c est qu'il exécuta ce tour de force K ^
Doués de beaucoup de mémoire , les râwia mari-^
quaient trop souvent d'autres qualités non moins
précieuses. En général, quand ils n étaient pas es-
claves, ils appartenaient à la classe inférieure des
Arabes : affranchis et petits vendeurs ^. Souvent ils
étaient plagiaires et faussaires : ils supposaient des
qasidas ^ ou s attribuaient sans scrupule la paternité
des poèmes confiés à leur garde ^. Il ne fallait guère
compter sur leur discrétion. Le maître avait-il débité
dans l'intimité d'un cercle d'amis des vers im peu
vifs contre un personnage puissant, ils n'avaient rien
de plus pressé que de les divulguer^. Ames trop sou-
vent vénales^, l'ivrognerie et la débauche étaient éga-
lement dans leurs habitudes ''.
Tel était en particulier Garîr, rapsode de Ahtal.
Il passait son temps à boire, à s'amuser et à fréquen-
ter des femmes suspectes. Quand son patron le cher-
1 Ag., V, i64.
• Ag., Vn, 5o, 1. 17 et 18.
^ Ag., pass., et Jowrn, cLsiat,, 1868, II, p. 256.
* Ag., V, 172.
» Ag., xni, 53.
«Ag.,n, 46.
' Ag., V, 166, 170, etc.
98.
432 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
chait, on lui répondait habituellement que Garîr
conversait avec les femmes. Ahtsd se vengea en com-
posant contre lui une satire ^.
Lorsque le poète Hotaïa fut sur son lit de mort ,
ses proches le prièrent de faire connaître ses dernières
volontés. « Malheur à la poésie ! sécria-t-il, eUe est à
la merci des râwias infidèles ^ ! » Le rapsode Garîr,
ivrogne et débauché, devait justifier les appréhen-
sions du poète mourant.
Dans un savant article publié dans le Jouriud asia-
tique ^, le P. Salhani a établi que le manuscrit d'Ah-
tal « a subi en plus d'un endroit des perturbations
et des transpositions assez graves ». Le docteur Th.
Nôldeke est encore allé plus loin et, dans le Joarnal
oriental de Vienne , il déclare qu'« une grande partie
de ces poèmes s est perdue ; même parmi les pièces
coriservées, il ny en a guère qui soient complètes, et
dans la plupart des autres poèmes plus étendus il
manque des morceaux considérables ». Serait-^ce té-
mérité d*attribuer à Garir une part de responsabilité
dans ces mutilations et ces pertes que la science dé-
plore ?
XIV
MORT D'AHTAL.
Cependant Tâge était venu avec son cortège habi-
tuel d'épreuves et de tristesses. Vers les dernières
^ Divan, p. 267.
* Ag.. U, 59.
* 1893, I, 627-537.
LE CHANTRE DES OMIADES. 433
années du règne de ^Abdalmalik , le grand poète
sentit ses forces diminuer, et, diaprés les attestations
des contemporains, consignées dans le recueil d'A-
boûVarag dlspahan, ses cheveux et sa barbe au-
raient blanchi de bonne heure ^. Mais les ans res-
pectèrent sa beUe intelligence et ne diminuèrent pas
même ses instincts belliqueux. Ce fut dans la der-
nière partie de sa vie, on s en souvient, qu'il inter-
vint dans la guerre d'épigrammes entre Garir et Fa-
razdaq.
La mort du grand cidife, son protecteur constant,
lui fut d autant plus sensible que Walid ne paraît
pas avoir partagé les sentiments de son père à Tégard
du « chantre des Omiades ». A partir de ce moment,
il ne fit plus que de rares apparitions à la cour, où
Ibn ar-Riqâ* le remplaça comme poète roysd^. Le si-
lence commençait déjà à se faire autour de son nom.
Pour lui, il continua à cidtiver les muses. Nous en
avons comme garants les panégyriques composés en
rhonneur du nouveau calife et appartenant ainsi aux
dernières années du poète. Pour la vigueur des pen-
sées et le coloris du style, ils peuvent, croyons-nous,
soutenir la comparaison avec les œuvres de lage
mûr.
Il faut malheureusement renoncer à fixer une date
précise dans la vie d'Ahtal. Nous n'avons pu quïn-
diquer approximativement Tépoque de sa naissance;
nous ne sommes pas plus heureux pour la date de
• Ag., Vn, 38. 172.
' Cf. sa notice, Ag., VIII, 179 sqq.
434 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
sa mort. L auteur de TAgânî, qui a enregistré avec
tant d exactitude Tannée qui vit mourir Parazdaq et
Garîr, n a pas pu ou n a pas voulu en faire autant
pour leur émule de Tag^ib. Nous savons seulement
par lui que lorsque Ahtal prit parti dan» ia querdlè
des deux Tamimites, elle touchait presque à sa fin,
que lui-même était fort âgé et n'avait plus longtemps
à vivre ^. D autre part, il paraît établi que Ahtai a
atteint le règne de Walld , car dans les trois qasidas *
en rhonneur de ce prince, il lui donne les titres si-
gnificatifs de « calife » et d'« imam ». De l'existence
de ces trois panégyriques , nous nous croyons auto-
risé à conclure avec le P. Salhani que Ahtal vécut
encore pendant les trois ou quatre premières années
du nouveau règne. Ces vers fiirent probablement ré-
cités dans ces solennités , où chaque année le cdife
tenait cour plénière, recevait les félicitations des
principaux poètes et leur distribuait des gratifications.
Tout cela nous amène donc à fixer Tannée 710
comme date de la mort d' Ahtal.
Le vieux barde vit-il la fin du règne de Walîd ?
Nous ne le pensons pas. Pourtant Ibn *Abd Rabbihi*
nous le montre assistant à une soirée chez le calife
Solaïmân. Dans ce cas, il faudrait prolonger son exis-
tence jusqu'en 7 16. Mais, outre qu'on ne trouve ja-
mais dans le Divan aucune allusion au califat de So-
laTmàn , il est impossible de concilier cette assertion
» Ag., 38.
' Divan, 186, 202, 26^.
> ù^\ oJLjJi, m, 170.
. LE CHANTRE DES OMIADES. 435
de lauteur du ColUer avec les expressions de TAgânî,
qui nous représente Ahtal à la fin du règne de ^Âbd-
almalik comme étant arrivé au terme de sa carrière.
Nous avons heureusement pour trancher la difficulté
le témoignage de Garîr lui-même. Walîd lui ayant
demandé ce qu'il pensait de son ancien rival : « Sire ,
répondit-il, le fils de la chrétienne est mort avant
d avoir pu donner toute sa mesure ^ » Si ces calculs
sont suffisamment fondés et si nous avons eu raison
de mettre sa naissance vers 6do, Âhtal aurait de la
sorte atteint sa soixante-dixième année.
Nous supposons, sans être autorisé à laffiirmer,
que la mort le surprit au milieu des siens en Méso-
potamie. Sur ses derniers moments nous ne possé-
dons que le détail suivant : Quelqu'un lui ayant de-
mandé s'il n avait pas de recommandations à faire,
il répondit par ces deux vers :
Je recommande à Farazdaq la mère de Garîr et ses ânons.
Aboû MMik descend dans la tombe en bravant ses enne-
mis et leur rage impuissante *.
G est tout ce que les chroniqueurs musulmans ont
bien voulu nous apprendre sur la fin du grand poète.
Sachons-leur gré cependant de nous avoir conservé
ce dernier vers , où il est bien permis de voir un défi
lancé à Tislam alors dans tout Téclat de sa prodigieuse
^ Le texte original (Ag., VII, 60) est bien plas énergique : U«
ysjsJ] ^^ (var. fjlxi ^ U) »;Os-c» ^ U it^Jf^I ^^\ ^JLJ ^j^\
* Divan, 372.
436 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
expansion. Sachons-leur gré surtout de nous avoir
dit sans ambages qu'il moiunit dans la religion chré-
tienne ^. La chose devait être bien notoire pour que
ces écrivains n'aient pas même essayé, comme ils
lont fait pour d autres iUustrations chrétiennes, de
transformer en néophyte de la foi musulmane 1 au-
teur de la satire contre les Ânsars. Ses funérailles,
comme sa mort, furent chrétiennes. Un vers de Ga-
rir, cité plus bas , y fait manifestement allusion.
« Le respect de la mort, si profond chez certaines
races, n exerce pas autant d empire sur les Sémites
ou dû moins il y est souvent domine par la vendetta^. »
Quand donc le fils de Hatafâ , au fond du Yamâma ,
apprit que la mort lavait débarrassé du plus redou-
table de ses rivaux, il manifesta sa joie et composa
une satire pour, insulter à la mémoire de son ennemi.
Nous en extrayons ces quelques vers à titre de docu-
ment :
Aboû Mcdik a visité la tombe; jamais plus ignoble visi-
teur n*y est descendu.
Elles pleurent sur lui celles qui sortent le soir à pas comp-
tés et dont les poumons exhalent un souffle empesté'.
Après ce vers insolent, vient im distique absolu-
ment immonde , puis Garir continue :
^ Hizâna, I, 221.
' B. de Meynard, Jonm. asiat», i874f II, 910.
' Voici rinterprétation de ce vert d'après le Divan msc. de /W
rîr (p. 21 1) : ^-û^ 3-^ ^^1 ^-i J^l# f^y^ )^ (g^ f^^^
LE CHANTRE DES OMIADES. 437
Les filles d*Âboû Màlik se lamentent; on entend retentir
la trompette et la flûte des chrétiens.
Pour moi , j*ai tressailli en apprenant que les cavaliers de
Hodail^ avaient surpris le campement de Taglib, etc. . •*.
Il y avait certes peu de courage à attaquer un en-
nemi que la mort réduisait au silence. Mais le Tami-
mite ne dédaignait pas ces revanches faciles. Quelques
années plus tard, il apprit également la mort de Fa-
razdaq. Â cette nouvelle, il improvisa une satire dé-
butant ainsi :
Farazdaq est mort abreuvé d*outrages par mes vers; il eût
mieux valu pour lui vivre moins longtemps I
Le noble Arabe, chez lequel il se trouvait pour
lors, se montra choqué de cette joie insolente. « Peux-
tu bien, lui dit-il, insulter un homme qui nest plus
et dont la famille était alliée à la tienne ! C'est une
élégie que tu aurais dû faire. Des regrets donnés à
la mémoire de ton rival te feraient plus d'honneur
auprès des Arabes. — C'est vrai, répondit Garîr, je
sais d'ailleurs que je ne lui survivrai pas longtemps,
car nous étions tous les deux sous l'influence du
même astre*! »
Âhtal laissait plusie\u*s enfants des deux sexes.
L'aîné de ses fils, on s'en souvient, s'appelait Mâlik;
ce qui, d'après l'usage arabe, valut à son père le
* FUs de Zofar; il avait joué un rôle actif dans la guerre de
Qaïs. •
^ Divan de Garîr, p. an.
^ Ag., XIX, 45; Divan de Garîr, 334.
438 NOVEMBRE-DÉGEMBRE 1804.
surnom d^Âboû Mâlik. Un autre de ses fils, nommé
Giât, fut tué la nuit de Bisr. C est tout ce que nous
savons sur les membres de la famiUe du poète.
Ils ne paraissent pas avoir jamais joué un rôle pré-
pondérant.
XV
LA TRIBU DE TAGLIB APRES AHTAL.
Le premier [fait de Thistoire de Taglib après ia
mort d'Âhtal est digne des plus beaux temps du
christianisme. H se rapporte au règne de Walid I*',
probablement aux dernières années de ce prince.
Le chef de Taglib ^ Sam^ala, était un variant guer-
rier, homme d^esprit, poète de talent et non moins
bon chrétien. Malgré cette dernière qualité , il av&it
ses entrées libres à la cour, tout comme son compa-
triote et coreligionnaire, le poète Â^tô, objet des
constantes faveurs de Walid et des autres Omiades.
Un jour le calife lui proposa ou mieux lui com-
manda impérieusement d'embrasser l'islam. .Si je
le Élis , répondit le fier Arabe , ce sera non sur un
ordre, mais librement et de plein gré. » Furieux de
cette réponse , le prince ordonna de lui couper un
morceau de la cuisse , le fit cuire devant lui et intro-
^ n appartenait à cette tribu, et non à cdle des JLJU5 ^ comme
le pense M. R. Duval, Joum, asiat., 1892, I* 79* note 1. Cf. Ag.,
X, 99; Kâmil, de Mobarrad, p. Sad; l^t #U«J tj}^}^ ç^US^ms.
du BritislFMuseum , Orientalia, n* 2092, fol. 22 recto, et d'antres
auteurs afiBrmant tous que Sam*ala était TagKbite, c^^JJ^» Noat
aurons à revenir sur cette fréquente confusion entre (^^ el ofrAidr.
LE CHANTRE DES OMIADES. 430
duire de force dans sa bouche. Mais rien ne put
ébmnler la constance du chrétien.
A*sâ eut le courage de célébrer cette mort dans
une pièce dont TAgânî nous a seulement conservé
deux vers ^ Le martyrologe de Taglib eut sans doute •
à enregistrer d'autres noms moins illustres et pour
ce motif n'étant pas parvenus jusqu'à nous.
En dépit de l'assaut formidable livré à la tribu
chrétienne par toutes les forces qaïsites , elle comp-
tait toujours parmi les plus considérables de l'Arabie.
Mais , à partir de cette époque , son importance va di-
minuant, n en devait être ainsi , étant donnée l'hosti-
lité de moins en moins déguisée des populations et
du pouvoûr. Les défections religieuses ont dû égale-
ment se multiplier; témoin le «nisbat» ^^JU3, trop
souvent accolé à des noms franchement islamites;
comme il ressort de la lecture de TAgânî, de Ta-
barî , de Balâdorî et d'ibn al-Atîr, à propos d'événe-
ments appartenant à cette période.
Il fut probablement ^ musulman , le Taglibite Hi-
sâm , fils de *Amr^, fixé à la cour du calife Mansoûr, à
» Ag.,X, 99.
^ Envoyé dans le Sind , Hisâm aura comme mission principide de
s'assurer de la personne d*un Alide , réfugié dans Tlnde. Un chrétien
devait avoir moins de répugnance pour cette besogne. Sur la pré-
sence d'Arabes chrétiens à la cour des Abbassides , voir la curieuse
Correspondance de 'Abdallah bin Isma*îl avec 'Abdabnasih le Kindite
et l'intéressante étude de Sir W. Muir, The apology oj al Kindy,
2* édit. (Londres, 1887, p. 27 et suiv.).
' Ainsi que ^^JiÂxJt yyS^ji «LLam^^ nommé gouverneur d'Adarbîgân
sous Mahdî (Ibn al-Atîr, VI, 20, 1. 28). Ce cdife n*aurait jamais
nommé un chrétien à ce poste important.
#
440 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
qui il offrit un jour sa sœur en mariage. Le prince fut
embarrassé du cadeau ; il se souvenait du vers de éarir :
Ne cherche pas d^alliance dans Taglib ; celle des nègrea est
préférable.
« Si la Tag^ibite , se dit le prince , me donne un
enfant, on lui jettera ce vers à la figure. » Cepen-
dant pour reconnaître les bons offices de 3on cour-
tisan, il lui offrit en retoiu* le gouvernement du
Sind, charge où Hisâm donna des preuves non dour
teuses de dévouement^.
Musulman , il Tétait certainement le Taglibite^Âbd-
arrazzâq , fils de ^Âbdalhamîd , chargé de commander
pendant Tété de 1 77 ï expédition sainte annuelle^.
Le règne de Hâroûn ar-Rasîd est loin d*étre exempt
de troubles. Chaque année est signalée par deux ou
trois révoltes, d'ordinaire étouffées dans des flots de
sang. Ce cadife avait préposé aux redevances (c^U^X^)
de Taglib im certain Roûh, fils de SIdih, officier de
larmée de Mossoul. N'ayant pu tomber d'accord
avec les Tag^ites, il réimit des troupes «et marcha
contre eux. Ils le prévinrent et le massacrèrent avec
la plupart de ses soldats. A cette nouveUe, lefirère*
de Rouh ramassa des forces considérables , tomba
sur les Banoû Taglib , en fit un affreux massacre et
emmena des centaines de prisonniers \
* Tabarî, 3* série, p. 362, suiv. Ibn al-Atîr, V, a4o.
» ftnd-Atir, VI, 5o,l. 27.
* U est appelé Hâtem b. Roûh.
* Ibnal-A^, Vi, 4i.
LE CHANTRE DES OMIADES. 441
Cette boucherie , simple fait divers dans les an-
nales musulmanes, eut lieu Tan 171 de ITiégire^
Sept ans après se passèrent des événements d*une
nature beaucoup plus grave. Fatigué de la tyrannie
des agents du gouvernement^, un chef taglibite,
Walîd, fils de Tarif, leva Tétendard de la révolte.
Jamais plus redoutable assaut n avait ébranlé le trône
des califes^. En peu de temps Walîd eut entraîné
sur ses pas une multitude d'Arabes et de mécon-
tents, défait trois grandes armées envoyées contré
lui, pris d'assaut ou rançonné les plus importantes
viUes de la Mésopotamie et de TArménie. De cette
dernière province pénétrant dans l'Iraq , il y prome-
nait la dévastation. Cette fois Hftroûn trembla sur son
trône.
Sur le conseil des Barmécides , il appela le Saïba-
nite Yazîd bin Maziad, aussi vaillant capitaine que
courtisan maladroit. Le calife ne l'aimait pas et les
Barmécides non plus : sous le règne de Hâdî , il s'était
compromis dans des menées tendant à exclure Ra-
sîd du trône *. Ce qui prouve encore plus toute la
gravité des circonstances, c'est que le calife sortit
* 787 de Jésus-Christ.
' A la bataille où il trouva la mort, Walîd chantait :
Datns son édition d'Agânî, le P. Ssdhani a dû changer ^3^ en
1^^^^ pour ne pas effaroucher la censure ottomane.
' Agâni et Ibn Hallikân l'appellent ^;)>iL j»t^ .
* Ibn tl Atir, VI, 34; Tabarî, ffl, 748.
442 NOVEMBRËDÉGËMBRË 1894.
dut résor « Doûl fiqâr », la fameuse épée de Mahomet ,
et la remit à Yazid en disant : « Prends , avec elle tu
triompheras ^ »
Plus que Doûl fiqâr, le courage et les talents mi-
litaires du nouveau général devaient inspirer de la
confiance. Yazid ne se pressa pas d attaquer son ad-
versaire, n commença par se renfermer dans f inao
tion la plus complète ; puis il lui fit savoir que , Ka-
bfite comme lui, il ressentait pour sa cause les plus
vives sympathies. La ruse réussit et déjà les parti-
sans de Walid commençaient à se disperser.
Mais à Bagdad les Barmécides le dépeignaient au
csdife somme un traître. Le prince lui ordonna d at-
taquer sur-le-champ le chef des rebelles. Yazid obéit.
La lutte fut chaude. Enfin, dans un combat singulier
entre les deux chefs, Walid, mortelleinent blessé,
tomba de chevad. Ce fut pour les siens le sign^d de
la déroute.
Le chef tag^ite avait une sœur nommée Fâria^;
elle raccompagnait sur les champs de bataille, cou-
verte de la cuirasse, le casque en tête et la lance au
poing. Quand la vaillante amazone apprit la mort
de son frère, elle se précipita au milieu des batail-
lons ennemis. Yazid s élança au-devant de la Tagli-
bite, la firappa du bois de sa lance et lui reprocha
1 Ibn Hallikân, U, 376 (éd. Boûlâq).
* On Tappdle encore Fâ|ima et Laiiâ, Walid était-il musulman >
Ya'qoûbî, p. 496, ajoute à son nom Tépithète de ûj^xm - désignant
des sectaires musulmans. D'autro part, Texhibitioa de Qodl fic{âr
£Kit penser à une «guerre sainte •, c'^est-à-dire oon^ un ùifddB,
LE CHANTRE DES OMIADES. 443
de déshonorer sa race. Elle rougit et battit en re-
traite.
' Quant Fâria eut déposé son armure, elle pro-
nonça sur son frère cette touchante élégie :
ô arbres du Giaboras, pourquoi reverdir, comme si vous
ne pleuriez pas la perte du fils de Tarif?
Héros n'aimant de provisions que ceUes de la religion, et
de richesaes que les ëpëes et les lances.
Courage, enfants ^ de T^anîl la mort, je le vms, s attaque
à tous les honunes nobles.
Nous t'avons pleuré comme on pleure le printemps. Ob I
si nous avions pu te racbeter an prix de mille de nos cbefs ' I. . .
A la nouvelle de cette victoire, il y eut grande
fête à la cour de Rasîd. Ce prince se trouvait alors
au Higâz. Pour montrer à Dieu sa reconnaissance,
il fit la visite de tous les sanctuaires de la Mecque *.
Quand Yazîd se présenta au palais, il fut accueilli
avec les plus grands honneurs. Les poètes eurent
ordre de le chanter. Le célèbre Moslim bin al-Walîd
se distingua entre tous : il célébra le Saïbanite en
une longue qasîda figurant en tête de son Divan *.
^ Dans ie texte , il y a le dud.
* Cf. Ag. , XI , 9.
' Tabarî, m, 638; Ibn al Atîr, VI, 53.
* Cf. Ag., XI, 9. — Ibn al Âtîr, VI, 4i et 5i. — Ibn Hallikân,
n, 236 et 274. — Tabarî, El, 63i et 638. — Ya*qoûbi, 496. —
Divan de Moslim b. cd-Wsdid (éd. de Goeje, i5). — Divan de
Hansâ, 173. — Uyi'y4f$)^ ms., etc.
Wsdid était-il Ta^ibite? Oui, répondent Ibn al Atîr, le ms. de
ïw)4^^b et cdui de la Hmlr' de Bohtori (ms. de Leyde, p. 173);
lAgânî et Ibn Hallikân le disent Saïbanite, et le Divan de. Moslim
b. fld-Wsdîd est assez favorable à cette ^inion. Ibn Hdlikftn a mani-
444 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
La mort de Walid ne pacifia pas la M ésopots»nie;
Le pays de Mossoul était devenu un véritable repaire
de brigands et de révolutionnaires , et le gouverne-
ment devait y entretenir une nombreuse garnison,
d'habitude commandée par un des meilleurs géné-
raux de l'empire. Voisins de Mossoul, les Taglibites ,
croyons -nous, furent souvent mêlés à ces soulève-
ments ^. Â la fin , Hâroûn se résolut à Êdre abattre ses
remparts , pour empêcher les rebeUes de profiter de
cette place ^.
festement copié rAgâm. H reste donc cette dernière aatorité. Voici
pourquoi je crois devoir -m'en écarter ici :
(a) Étant donnée l'étroite union rdiant les membres d'une même
tribu, il est peu probable qu'en une circonstance aussi critique, on
ait opposé Saïbanite à Saîbanite. Notre version se comprend mieux ,
les B. Saîban ayant toujours été des < cousins • assez firoids pour
Taglib.
(b) Quand on désigna Yazîd pour combattre Wsdid, un poète
(d'autres disent la sœur du chef rebdle) chanta :
l^i*? JÂiJ {yAxi J5I3
c'est-à-dire qu'à Taglib, fille de Wâîl, on opposa Bakr, la seconde
fille de Wâîl, représentée par la branche principale des B. Saibftn.
(c) Ibn Hallikân, d'après un auteur plus ancien, place la famille
de Walîd parmi les Arâqim, clan exclusivement taglibite. En outre,
parmi ses ancêtres, il en cite plusieurs qui sont aussi ceuxd'Ah|al;
car au lieu de JJU i^ yS ^^ u^S*" {^ ô;^ (^* » il ^^^^ peut^tre
lire dJU ^^yyS ^Ji ^Ubu» ^^ Mi^^ ^^^, (Voir plus haut la généa-
logie de notre poète. )
(d) Dans l'àégie de Fftri'a, on cite le Ghaboras sur les bords du*»
quel habitaient les Qals et les Taglib , à l'exclusion des B. Saibftn.
^ Cf. le texte du géographe Hamdftnî : »t ^.â Jl«-^ ^^-^^ <J*e^
*^*J^*^ c/^t p* i33. Ces mots de «7JU3 ^ ï\y^ font penser à l'eods-
tence d*un groupe de Taglibites indépendants cantonnés dant 1m
montagnes.
« Ibn dAttr, VI, So; Tabarî, lU, 6i5.
LE CHANTRE DES OMIADES. 445
Ce prince avait à sa cour un seigneur tagiibite,
nommé Mâlik bin Tauq bin ^Âttàb^ En naviguant
sur TËuphrate, la flottille du calife arriva à un en-
droit où des roues établies sur le fleuve détermi-
naient un courant dangereux. Mâlik conseilla à
Hâroûn de descendre sur le rivage. Lavis fut heu-
reusement pris en considération; car, quelques in-
stants après , la barque qui avait porté le souverain
chavira. En reconnaissance , le calife céda à son cour-
tisan les terres environnantes avec le droit d y bâtir
une ville portant son nom. Ce fut lorigine de la pe-
tite cité de Rahba, sur TEuphrate, au-dessous de
Circésium.
Plus tard Mâlik oublia les devoirs d'un bon vassal.
Hàroûn le fit saisir et jeter dans les prisons de Bag-
dad. Il allait prononcer sa sentence de mort, quand
le Taglibite, poète comme le sont tous les Bédouins,
improvisa une élégie si touchante quelle arracha
des larmes au calife , qui le renvoya comblé de pré-
sents ^.
Sous le règne de Mamoûn, Mâlik agrandit sa pe-
tite capitale. C'est ainsi que nous interprétons cer-
tains historiens affirmant que la fondation de* Rahba
appartient au règne de ce calife. Profitant des trou-
bles qui accompagnèrent lavènement de Mamoûn,
le Taglibite guerroya vigoureusement contre ses voi-
sins Qaisites et en quelques mois il les força tous
> Le v>^' à^ (VII, 459) dit si9^, au lieu de v^» à torl
selon nous.
' Yâqoût, II, 765.
IV. 29
446 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
à reconnaître son autorité ^ Motawakkil le nomma
au gouvernement de Damas. Telle était sa généro-
sité qu'au coucher du soleil on ouvrait toutes les
portes de son palais et les passants étaient invités à
prendre part au repas de Témir 2. En 269 de ITiégire,
Rahba fut prise par Ibn Âbi Sàg, et Âhmad,fil8 de
Mâlik, qui y commandait, dut s enfuir en Syrie ^.
Un des descendants de Mâlik , le qàdi Âboû Moham-
mad ^Âbdalwahhâb ^, se distingua dans la jurispru-
dence et la poésie ^.
Quelques années après ^, le taglibite Hasan, fils
de *Omar, fds de Hattâb, bâtit la ville appelée de
son nom « Gazirat ibn *Omar » , sur TEuphrate. Il la
gouverna et son frère Ahmad après lui. Elle passa
ensuite sous Tautorilé des gouverneurs de la Méso-
potamie''.
En 2 5/1, Hasan, arrière-petit-neveu du fondateur
de « Gazirat », à la tôte de forces considérables, dont
faisait partie Hamdân , (ils de Hamdoûn , ancêtre des
émirs hamdanites, marcha contre le fameux chef
de rebelles Mosâwir. Il ne fut pas heureux : ses sol-
dats l'abandonnèrent et lui-même se sauva à grand*
peine ^.
» Ibn al-Ath", VI, 112.
* Ibn Sâkir, c»l«Vt ot^, U, Ui.
* Ibn sl'Aûr, Vil, i43; Tabarî, m, aoSg, i. i5.
* De Slane, à tort, l'appcdle (S:l^t de même Aboû'l fidâ rattaclie
MMik b. Tauq à U^.
' Ibn Hidiikân (éd. de Slane), d23.
* 260 deThégipe.
' Yâqoût, n, 79, et Ïj^'j4 S;^» ms.
Ibn ai-AtÎT, VH, 66.
LE CHANTRE DES OMIADES. 447
Six ans plus tard, les gens de Mossoul chassèrent
leur gouverneur Âsâtikin , un des principaux émirs
turcs au service du calife. Celui-ci transmit ses droits
au taglibite Haïtam bin ^Abdallah bin al-M o^ammar,
qui se mit à la tête d'une armée pour prendre posses-
sion de son gouvernement. Après de nombreuses
escarmouches avec les gens de Mossoul, il fut obligé
de se retirer. Asâtikin s adressa alors à un autre
taglibite, Isaac, fils d'Ayoub^ Quoique à la tête de
20,000 hommes et ayant avec lui Hamdân, fils de
Hamdoûn , la tentative dlsaac ne réussit pas mieux
que la première^.
Ce même Isaac eut peu de temps après des dé-
mêlés avec Isaac, fils de Kondâg^» aspirant lui aussi
au gouvernement de la Mésopotamie. Ces démêlés
aboutirent à des luttes armées où Ibn Kondâg em-
ploya avec un égal succès la trahison et la force ou-
verte^. Enfin le taglibite Isaac forma contre son ad-
versaire une coalition où entrèrent Hamdân, fils de
Hamdoûn , Témir des Saïbanites et une foule d'Arabes
de Taglib, Bakr, Rabfa et des tribus^yéménites. La
fortune de la guerre tourna cette fois encore contre
les Taglibites ^.
En Tannée 288 , Isaac, fils d'Ayyoub, mourut gou-
verneur du Diâr Rabî^a et eut pour successeur l'émir
^ Frère du taglibite Hasan et arrière-petit-neveu du fondateur de
Gazîrat.
« Ibn al-Atîr, VII, 96.
» Ou Kondâgîq.
* Ibn al-Atîr, VII, 119; Tabarî, III, 1642.
* Ibn al-Atîr, Vil, i3o; Tabarî, lU, 1991.
29.
448 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
taglibite ^Abdallah bin al-Haïtam bin ^Abdallah bin
al-Mo*ammar ^
Nous l'avons déjà observé , le gouvernement des
Abbassides , aux tendances très centralisatrices et des-
potiques , pesa de tout son poids sur ces populations
lidèles et dut, de la sorte, arracher un certain nom-
bre d'apostasies individuelles. Les pages précédentes
en ont fourni quelques exemples.
« Les chrétiens , dit M. Rubens Duval , eurent
particulièrement à souffrir de la cruauté du calife
Mansoûr. Il fit périr Isaac, patriarche d'Antioche,
et son successeur Athanase Sandalius, qui avaient
pourtant été élus à sa demande. . . Il ordonna de
marquer les chrétiens dun fer rouge sur le cou, le
front , les mains , la poitrine ou les épaules. Un grand
nombre des habitants cherchèrent un refuge sur le
territoire romain. Il était difficile, en ce temps de
persécution, de trouver des évêques^. »
Le calife M otawakkil imagina de placer des dia-
blotins en bois sur les portes des chrétiens; il fut
interdit de leur donner un emploi public, de les
admettre dans les écoles ; leurs tombes furent rasées
et ces mesures ridiculement vexatoires étendues pçur
édit à tout lempire^.
L'islamisme — nous ne sommes pas les premiers
^ Ibn al-Atir, VII , 1 8 1 , où le nom propre ^.juu» est à corriger en
' Joai-n. asiaU, 1892, I, p. 83. Hâroûn ar-Rasid voulut aussi
prendre quelques mesures contre les chrétiens. Cf. Tabarî, IIÏ,
712, 1. 19.
* Cf. Ya'qoùbi, 59/4; Ibn al-Atir, VU, 18 et 25.
LE CHANTRE DES OMIADES. 449
à le constater — « Tislamisme est la plus grande puis-
sance unificatrice qui ait jamais existé^ ». Les dévots
« cousins » du Prophète qui régnaient k Bagdad,
continuateurs de la politique religieuse de *Omar,
souffraient surtout de voir des populations exclusi-
vement arabes professer une religion différente de
fislam et ils prirent des mesures en conséquence.
Ainsi Mahdî força les Tonoûhites établis près d'Alej
à se faire musulmans ^.
Cependant les écrivains de cette époque nous re-
présentent le christianisme comme continuant à être
la religion dominante parmi les Banoû Taglib ^. Du
temps de 'Amr le Nestorien, ils avaient encore des
évêques , résidant à Ana sur fEuphrate , comme nous
favons établi plus haut.
Sous le règne de Motawakkil, les Banoû Taglib
furent engagés dans une guerre assez sérieuse : di-
visions intestines ou luttes avec une des tribus appa-
rentées de Rabfa? Les deux suppositions peuvent
être déduites de quelques expressions, malheureu-
sement trop laconiques , figurant en tête de certaines
pièces du Divan de Bohtorî. Ce poète, issu de Taïy,
était par les femmes parent des Taglib , qu il appelle
ses « oncles ^ ». Peut-être pour cette raison engagea-t-il
Fath , fils de Haqân , le confident de M otawakkil ^, à
' Phil. Berger, L Arabie avant Mahomet d'après les inscriptions.
« Balâdorî,!, i45.
* C. de Perceval, Essai, III, 524.
^ Divan de Bobtori (éd. de Constantinople) , p. 3, ]. ii.
' Cf. Ya'qoûbî* p. 6o5, 1. 5.
450 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
pacifier la malheureuse tribu et à obtenir pour elle
da calife Toubli du passé ^ L mtervenlion de Fath
fut couronnée de succès et Bohtorî en prit occasion
pour remercier le souverain d'avoir mis fin à ces
luttes fratricides où :
La jeune mariée repoussait dédaigneusement son époux ,
revenant le soir partager sa couche , sans avoir pris Mi re-
vanche ;
Haine rappelant Tâge d'ignorance , fierté digne d*ime fille
de Kolaïb , devant laquelle des guerriers ne peuvent demeurer
indifférents '.
Le tout-puissant favori n'était pas non plus oublié
et son intervention pacificatrice était célébrée en
termes magnifique) :
Fils de Taglib, quelle peine je ressens en voyant votre
patrie déserte !
Les habitants ont abandonné le pays ainsi que les campe-
ments de Sangâr, abreuvés par la pluie 4 . .
Malgré sa sévérité à punir de pareils méfaits, le prince
des .Croyants a oublié vos torts.
Et (conduite digne du Commandeur des fidèles) il vous' a
de nouveau comblés de bienfaits.
L*intervention du fils de HaqÂn a été pour vous ce qa*est
la pluie à une terre brûlée par la sécheresse.
Tu as sauvé les Arâqim ' après qu*un redoutable aerpent
leur eut instillé le plus subtil des poisons.
Avec la paix tu leur as assuré ce qui leur restait de vie,
avant que la guerre n'eût achevé leur perte.
* Voir le titre de la pièce de la page 37.
' Divan de Bohtorî, p. 3.
^ Surnom de plusieurs familles taglibites; il désigne ici tout
Taglib; le poète s'adresse à Fath.
LE CHANTRE DES OMIADES. 451
Leurs députés reconnaissants sont venus te remercier des
bienfaits dont tu n as cessé de les combler.
Non I jamais je ne vis de spectacle plus imposant que le
jour où de toutes parts ils assiégèrent ta porle.
Au bout de là salle d^audience, dès qu'ils t'aperçurent, ils
ralentirent leurs pas et modérèrent Tardeur avec laquelle ils
étaient entrés.
Mais, après les premières salutations, ils se précipitèrent
sur cette main rayonnante, habituée à répandre des bien-
faits \.. .
Les Taglibites ne jouirent pas longtemps de la
tranquillité relative que cette paix leur assurait. La
moyenne Mésopotamie, trop voisine de Bagdad,
allait devenir une arène sanglante , où se videraient
les querelles des émirs turcs, persans, kurdes et
arabes, tous avides de commander au successeur
nominal de Mahomet. D'ailleurs, resserrés entre les
tribus plus sédentaires de Qaïs et de Modar, qui oc-
cupaient les cantons les plus fertiles 2, ils quittèrent
sans trop de regrets les déserts mésopotamiens. Une
fraction resta fixée autour des centres taglibites de
Rahba et de Ciazîrat ibn *Omar^. Une autre fraction
se retira peut-être sur les terres grecques, comme
avaient fait les tribus chrétiennes de Gassân, To-
noûh et Yâd.
Les Taglibites eux aussi, on s'en souvient, avaient
' Divan de Bohtorî, 38; Magânî'i adab, V, i/i6.
* Ag., XI, 1. 3, /|.
^ A propos d'un événement arrivé en 2 5 1 de l'hégire ( 865 de J.-C),
la région du Chaboras est toujours désignée du nom de ^^L-^ ^^t
Ujo. Cf. Tabarî, ÏU. i6i5, 7.
452 NOVEMBRE-DÉCEMBftE 1894.
autrefois pris ce parti, quand, sous le calife *Oinar,
on voulut violenter leur conscience ^.
Quoi qu'il en soit , au commencement du x* siècle ,
nous trouvons les principaux clans taglibites fixés
dans le Bahraïn, leur pays d'origine, quils avaient
quitté à Tépoque préislamite poiu* s'établir sur les
rives de TEuphrate et du Ghaboras. Ils y rencontrè-
rent les deux puissantes tribus de Solaïm et des Ba-
noû *Oqaïl bin Amir bin Sa*sa*a. Les auteurs que
nous analysons ajoutent qu'ils les surpassaient de
beaucoup en nombre et en importance f preuve évi-
dente qu'en dépit de leurs malheurs , les contribules
d'Ahtal formaient encore une nation respectable.
Gomme tous les Arabes du Bahraïn, ils furent
bientôt enveloppés dans la révolution des Garma-
thés, dont celte province était le quartier général*.
Servant comme auxiliaires dans leurs armées, ils
prirent part à la plupart de leurs expéditions mili-
taires. Avec eux ils allèrent à la Mecque, et sans
doute ils ne furent pas les moins ardents à brûler la
Ka^ba, à briser la pierre noire et à souiller le puits
de Zimzim ^. Plus d'un Taglibite dut répéter dors ie
vers d'Ahtal:
Nous avons foulé les sanctuaires de la Mecque et entasse
montagnes sur montagnes ^.
* Ibn Haldoûn, Histoire arabe (éd. de Boulâq), IV, 337, où, au
lieu de t^JL^â, Talab, il faut parlout lire w«.iL»:r, Taglib.
' Ibn Haidoûn, loco cit., p. 91.
^ Ibn Haldoûn, IV, 100.
* Divan, 5o, 4.
LE CHÂNTRË DES OMIÂDES. 453
Circonstance remarquable : pendant qu ils com-
battaient dans les rangs de Tarmée carmathe , leurs
frères, les Hamdànites, commandaient les troupes
opposées par le calife à ces révolutionnaires^.
A la fin de la tourmente soulevée par les héré-
tiques carmathes , les Arabes du Bahraïn reconqui-
rent leur indépendance , mais ce fut pour se diviser^.
Les Banoû Taglib se souvinrent-ils de Tinjuste guerre
que leur avaient faite les Solaïmites sous la conduite
du farouche ^Omaïr, fils de Hobâb? Toujours est-il
que, s unissant aux Banoû ^Oqaïl, ils les obligèrent
à quitter le Bahraïn. Les Solaïmites passèrent en
Egypte et dans les contrées de Tunis et d'Algérie,
où ils forment encore le fond de la population
arabe ^.
Mais Tunion avec les Modarites de *Oqaïl ne pou-
vait être durable. Les Banoû Qosaïr *, les Banoû
Kiiâb , tribu du trop fameux Zofar, étaient étroite-
ment apparentés aux ^Oqaïlites et comme eux issus
de *Amir bin Sa'sa^a. Aussi le désaccord ne tarda-t-il
pas à se mettre entre ces alliés d'occasion. Com-
mandés par la famille princière des Banoû Abî'l
Hasan^, les Taglib expulsèrent du Bahraïn les
hordes *oqaïlites et les obligèrent à se répandre
' Ibn Haldoûn,IV, 87, 1. 3.
* Ibid,, 91.
^ Ibn Haidoûn, Hist, des Berbhes (éd. de Slane], I, 28.
^ A la bataille de Mâkisîn, un Qosairite avait, le premier, donné
l'exemple d'éventrer les femmes taglibites.
' Ibn Haidoûn, loco cU,, 92 , 1. 21.
454 NOVEMBRE-DËCËMBRE 1894.
dans l'Iraq et les pays de TEuphrate dont ils s'em-
parèrent ^
Profitant des troubles de cette époque et de ia
supériorité incontestée de sa tribu , un chef tag^-
bite^, nommé Osaïgir, maître dune partie de. la
Mésopotamie, osa intercepter la caravane des p^e-
rins de la Mecque.
Pendant que les Taglibites lassaient en maîtres
dans le Bahraïn, leurs frères, les Banoù Hamdân
bin Hamdoûn, étendaient leur domination depuis
Mossoul jusqu'à Hamâ, et Homs, depuis les rives
du Tigre jusqu'à celles de l'Oronte. Nous n'avons pas
ici à refairei'histoire de cette puissante dynastie ; on
la retrouvera dans les annalistes et chronic[ueurs du
temps ^. Autour d'eux s'était fixé un groupe impor-
tant de Banoù Taglib. Vers cette même époque,
d'autres clans taglibites plus ou moins considérables
sont signalés le long du Ghaboras par Ibn Hauqal^
et Hamdânî ^.
La dynastie hamdànite périt sous les coups des
Arabes de ^Oqaïl. Après leur expulsion du Bahraïn,
ces nomades s'étaient établis près de l'Euphrate et
dans les déserts séparant ia Mésopotamie de la Syrie*
> Ibn Haldoûn, 91, et v^t <^L>^\ îLJyjut i oJ^! i^tt^J, ma.
arabe n** 655, f i38 r^ de la Bibliothèque nationale.
* Ibn Haldoûn, loco cit,, 101, 1. 21. Nous lisons (^J^ au lieu
de cS!^^ notre auteur ayant l'habitude de confondre les deux tri-
bus. De même, p. 2 43, le hamdànite i-JU? ^t devient chex lui ^^t
ù. Celle de uJLid( a toujours joué un rôle fort effacé.
> Mas*oûdî, Ya*qoi!d>î, Ibn Hddoûn, Tabarî, Ibn al-Âtîr, etc.
* P. 149.
' P. l32.
LE CHANTRE DES OMIADES. 455
Longtemps ils payèrent tribut et fournirent des
auxiliaires aux armées des émirs hamdanites. Enfin ,
profitant de la faiblesse des derniers représentuits
de cette famille taglibite, ils se révoltèrent et par-
vinrent à leur enlever la souveraineté ^
A son tour, la puissance ^oqaïlite fut obligée de
reculer devant les Seljoucides, qui la refoulèrent du
côté du Bahraïn. Dans Imtervalle, les Ta^ib, pour
des causes ignorées de nous ^, avaient beaucoup
perdu de leur importance. Les ^Oqaïlites les rédui-
sirent facilement à la condition de tributaires et ils
Tétaient toujours vers Tan 65 1 de Thégire (ia&3
deJ.-C.3).
A cette époque ce qui restait de Taglib s'était- frac-
tionné en plusieurs parties. La principale, croyons-
nous , se répandit dans le désert de Syrie. Sans doute ,
depuis leur séjour dans le Bahraïn, le christianisme
s'était complètement éteint parmi eux, aucun autre
culte que f islam n'étant depuis ^Omar toléré dans
la péninsule arabique.
^ Ibn Haldoûn, Histoire, IV, 2 54, suiv.On cite d'un des princes
de la dynastie *Oqaïlite une parole vraiment digne d'un chef bé-
douin :
Gf. i^ï^^t J^\ôJJ^ JL^^U.^) J^oJi £;b, p. 39, lithographie au
Caire, i3o6 de l'hégire.
' Peut-être la dispersion d'une partie de la tribu. L'établisse-
ment des « Farasân * dans le Yémen a dû avoir lieu vers cette
époque.
' Ibn Haldoûn, IV, 91, et v*^^t itdiUj, ms. cité plus bant.
456 NOVEMBRE-DËCEMBRE 1894.
C'était du moins le cas pour les Farasân, sous-
tribu de Taglib, établis à Farasân, groupe d'îles de
la mer Rouge sur la côte yéménite du Tihâma,
entre Djedda et Hodaïda^ Ils avaient été chrétiens,
disent les géographes arabes, et dans ces iles on
voyait encore les ruines de plusieurs églises. Atti-
rées par leur réputation de courage, plusieurs autres
familles arabes étaient venues les joindre. Ils s'oc-
cupaient de transporter les voyageurs en Abyssinie 2.
En 681 (1 282 de J.-C), près de Homs, lesTatars
livraient bataille aux: troupes musulmanes. lis al-
laient l'emporter quand les Banoû Taglib, sortant
d'une embuscade préparée , mettent le désordre dans
leurs rangs et les obligent à la fuite ^ ; circonstance
d'où il nous paraît permis de condure que les Tag-
lib formaient encore luie masse importante.
Leur présence en Syrie vers cette époque est éga-
lement attestée par Qalqasandi *. Cet écrivain si-
gnale des fractions de cette tribu à Bosrâ (Haxu^n),
à Zora'^ et à Qariataïn , localité sur la route de Homs
à Palmyre.
A partir du xv* siècle, je n'ai plus retrouvé ie
^ Voir la carte du lieutenant-colonel Chesney : A map oj Arahia
and Sjrria,
* Hamdânî, p. 53; Yâqoût, III, 874.
^ Hist. des Dynasties de Barhebreus (éd. Salhâni), p. 5o4. Ni
Aboû'i fédâ (lY, i5] ni j^^^^JL ^;b (II, 379) ne signaient la pré-
sence des B. Taglib. Ce silence est étrange.
* f^ù^'H] ^uo, ms. p. 227.
^ Localité dont il m'a été impossible de retrouver la position,
à moins qu*ii ne fiedlie lire ïjJLi (Haurân).
LE CHANTRE DES OMIADES. 457
nom de la tribu d'Athal dans les documents à ma
disposition. J ai vainement essayé de combler cette
lacune. Directeur du journal arabe Al Bachir de
Beyrouth, je fis dans ses colonnes un appel aux lec-
teurs , les priant de me transmettre « les renseigne-
ments qu'ils posséderaient sur la situation actuelle
ou sur la disparition de la tribu arabe chrétienne
des Banoû Taglib ». Cet appel parut une fois dans
le journal. A sa réapparition , la censure turque s'émut
et elle supprima ces lignes évidemment compromet-
tantes. Sachant par expérience que les mots ara6e et
chrétien ont le don d'agacer nos farouches censeurs,
je remaniai mon appel en ce sens et six mois après,
dans le même journal, j'essayai une nouvelle tenta-
tive pour obtenir des informations sur la tribu dis-
parue. La censure veillait toujours et elle arrêta au
passage cette indiscrète demande de renseignements.
Le P. Louis Cheikho ^, si compétent dans les
questions concernant l'histoire des tribus arabes, ne
croit pas cependant à la destruction complète de
cette intéressante peuplade. Il m'assure même que
le British Muséum possède un catalogue des tribus
arabes actuelles, rédigé au commencement de ce
siècle et mentionnant Taglib comme une tribu en-
core puissante.
Quoi qu'il en soit, mes recherches dans plusieurs
ouvrages modernes et dans les relations des explora-
teurs européens n'ont pas abouti. Je n'ai rien trouvé
^ Je lui dois la communication de plusieurs textes intéressants
qui ont servi a la rédaction de ce chapitre.
453 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
non plus dans les copieux index du Snrvey of JVes-
tern Palestine f ni dans la'Notijce sur les tribus arabes de
la Mésopotamie parue dans le Journal asiatique ^, ni
dans la Description du pachalik de Bagdad, par Rous-
seau. Ce dernier auteur, en parlant de A^na , pendant
plusieurs siècles siège d'un évâché taglibite, nous
apprend que «c'est un joli village sur TEuphrate,
presque tout peuplé d'Arabes , auxquels les agréments
du lieu semblent avoir communiqué un airplus gra-
cieux que ne l'ont ceux qui habitent le i*este du pays ».
J'ai seulement ouï dire à des personnes ayant
longtemps fréquenté les nomades du Hauran et du
désert de Syrie que ces derniers leur ont parié dune
horde arabe plus ou moins chrétienne, établie sur
les confins du Na^d, vers le golfe Persique, et qua-
lifiée du nom de « motanassira »•
«Depuis les frontières syriennes, dit Palgrave,
jusqu'aux vallées du Nedjeb , on rencontre une tribu
fort étrange, partout la même, partout distincte des
autres clans et bien connue des habitants du désert.
Ce sont les Solibah dont le nom même, dérivé du
mot salib qui signifie « croix » , semble indiquer Ton-
gine chrétienne. D'autres preuves viennent au reste
confirmer cette supposition ; ainsi jamais ils ne pren-
nent part aux guerres et aux disputes des nomades;
jamais ils ne contractent avec eux de mariages ni
d'alliances; ils vivent principalement de chasse.
Quoique l'influence du christianisme sur eux soit
' 1879, I, 255 1 suir.
L£ CHANTRE DES OMIÂDËS. 459
presque effacée, ils gardent encore un des signes
distinctifs de notre croyance, une antipathie pro-
fonde contre le mahométisme , dont ils ne se con-
tentent pas de négliger les rites , comme la plupart
des Bédouins, mais qu'ils désavouent hautement. »
Malheureusement les lignes suivantes du voya-
geur anglais ne permettent guère de rattacher les
Solibah aux Banoû Taglib. « Evidemment, continue
Palgrave, ils n'appartiennent pas au tronc arabe.
D'après leurs propres traditions, ils seraient venus
du Nord , et ils ont en effet plus de ressemblances
avec les Syriens qu'avec les Arabes : les traits de leur
visage , la blancheur de leur peau , leur insouciante
gaieté forment un contraste frappant avec la sombre
et inquiète physionomie des autres nomades ^ »
Des recherches ultérieures , nous osons l'espérer,
seront plus heureuses; et l'un de nos confrères, en
secouant la poussière des manuscrits, nous donnera
bientôt de plus amples détails sur les Banoû Taglib
depuis le xvi* siècle ^. Il pourra sans doute confirmer
l'existence de cette tribu ou nous dire quand et com-
ment elle a disparu de la scène de l'histoire.
^ Une année de voyage dans l'Arabie centrale, I, i?>'].
' Antérieurement à cette époque , les éléments de Thistoire tagli-
bite sont épars dans les chroniques arabes , éditées pour la plupart ,
les plus importantes du moins. Dans ce chapitre, nous n'avons pré-
tendu donner qu'une esquisse , poser quelques jalons , sauf à com-
pléter plus tard le travail , si les circonstances nous sont favorables.
460 NOVËMBRE-DÉCEMBRE 1894.
DESCRIPTION DE DAMAS,
PAR
H. SAUVAIRE,
CORRESPONDANT DB L'INSTITUT.
(suite.)
CHAPITRE V.
Sur les madraseh des Mâlekîtes.
La [madraseh la] Zâwyeh [mAlékîte]. — C'est un
waqf du sultan Salâh ed-dîn. Elle est contiguë à ia
inaqsoârah hanafite , du côté ouest de la grande-mos-
quée omayyade.
Les leçons y furent données par Djamài ed-dîn
ebn et hâdjeb ^, puis par cinq professeurs dont le
dernier fat Badr ed-din [Abou Bakr] et-Toûnésy.
La madrase» la Charâbîchiyeh ^. — Dans ia rue
des cha^ârin , tout contre le bain de Sâleh et au nord
(du marché) des marchands d'oiseaux [et-tayoûrym)
[en dedans de bâb el Djâbyeh]. Elle fat construite
par Chéhâb ed-dîn ebn Noûr ed-dauleh ebn Mahâ-
sen, ech-Charâbîchy ^, le marchand, le grand voya-
gem' [es-saffâr). Il mourut en Tannée ySi*.
DESCRIPTION DE DAMAS. 461
La chaire fut occupée par Tàdj ed-dîn ez-Zawâ-
wy ^, puis par Sadr ed-dîn el Bârédy ®.
La madraseh la SamsAmiyeh. — Au quartier [ma-
haUeh) de la pierre dor, à Test de la maison (d en-
seignement) du Qor an la fVadjîhiyeh[y au sud de la
Masroûriyeh châfé*îte et au nord de la Khdtoâniyeh-
^esmiyeh hanafîte].
Je dis : « C'est celle sur laquelle mit la main, vers
Tannée 968 [Comm. q2 septembre i56o), Sénân er-
Roûmy, inspecteur [nâzer) deThôpital. Actuellement
on ignore remplacement de la Samsâmiyeh (jadis si)
connue. »
Le sâheb (vizir) Chams ed-dîn Ghîrbâl le converti
[el moslémâny) lui constitua en waqf une chaire [durs)
et désigna pour y donner des leçons Nonr ed-dîn
ebn *abd, en-Nadîr*^. (Chams ed-dîn) mourut Tan-
née 734 [Comm. 1 1 septembre i333)^.
La madraseh la Salahiyeh®. — Elle fut construite
par [le sultan el malek en-Nâser] Salâh ed-dîn [Yoû-
sef, fils d'Ayyoiib] près de Thôpital en-Noûry (de
Noûr ed-dîn).
Les leçons y furent domiées par Djamâl ed-dîn,
connu sous le nom de l'âne des Mâlékites, puis par
ebn el hâdjeb, puis par Zayn ed-dîn ez-Zawâwy ^® et
ensuite par Djamâl ed-dîn ez-Zawâwy ^^
IV. ."îo
laraiiHtKiK batioials.
462 NOVËMBRE-DÉGEMBRE 1894.
NOTES DU CHAPITRE V.
^ Tie chaykh Aboa *amr, le mâlékîte , *otmân ebn 'omar ebn Abî
Bakr ebn Yoûnès , ed-Dowany ', puis cd Mesry, le très docte Aboa
amr ebn elhâdjeb (le fils da chamb^an) , dont le père était cham-
bellan (hàdjêh) de rëmir 'ezz ed-dîn ebn Moûsek eflhSalâh]^, s'était
fixé, en l'année 617, à Damas où U domia dea leçons aux Mâle-
kîtes dans la grande-mosquée. Il partit pour l'Egypte en l'année 638
et mourut en 646 à Alexandrie. Il fut enterré dans le cimetière qai
se trouve entre le phare (manàrah) et la viUe. Il est l'auteur d'an
Abrégé «ur la jurisprudence et d'autres ouvrages. Ebn Fi\ff^^^*^^
fait son doge (N, fol. 199 r^-v*).
Ebn Khallikân donne la biographie d'ebn el hâdjd) (D, igS) :
U mourut le jeadi 96 chawwâl 646 (11 £âviier ladg» Gai. astr.);
il était né en l'année 670 (1176) à Asna, petite ville de la province
de Qoûs , dans le haut Sa'îd d'Egypte.
H. Khd. cite de lui de nombreux ouvrages.
Cf. aussi 6. Flûgel, loco cit, p. 276.
* Lors de son premier voyage à Damas, en l'année 726 (i336)«
ebn Batoûtah descendit à ce collège. Il en reparle à propos des ma-
draseh appartenant aux Mâlékîtes. 11 y en avait trois, dit^il: la
Samsâmiyeh, où demeurait et rendait ses jugements le qâdy en chef
des Mâlékîtes , la Noûriyeh et la Ckarâbéchiyeh, Cf. traduction Oe-
firémery, I, 188 etaai.
' Ce mot signifie marchand de charhoûch (Jti^jâ, au pluriel
j^l^ et J*^\yA), C'était, d'après Maqrîxy, une coiffore ressem-
blant à une couronne et de forme triangulaire. Voir Dosy, Dîc-
tionnaire des vêtements, p. 230.
^ Le j our de jeudi 2 4 safar ( 5 novembre 1 333 ). B. fut enferré dans
le lieu que son père avait constitué en waqf en dehors de hàk M-t«-
ghir, en face de la grande-mosquée de Djarrâh. Son aom eatier
était Ghéhâb ed-dîn Ahmad ebn Noûr ed-dauleh *dy ebn Abîl madjd
ebn Mahâsen ech-Charâbîchy (N, fol. 200 r^),
* Jk^<>Jt . — Ce nom ethnique peut dériver de Dawyn , un des vOIages
d*08tawa, dans la dépendance de Nays&boûr; de Dawnaq, village pfèi de
Nahâwand ; de Doûn , village situé près de Dioawar, on encore de Dodnth ,
village dépendant de Hamadân et placé à dix parasanges entre cette ville
et Dtnawar.
DESCRIPTION DE DAMAS. 463
^ Tâdj eà-àln 'abd £r-Rahman ez-Zawâwy y donnait encore ses
leçons en l'année. 674* **- N renvoie pour sa biographie à l'artide
précédent , dans lequd il ne mentionne cependant que Zayn ed*din
ez-ZawAwy et T^àmêl ed<din Abou Ya qoûb ebn Yoûsef , ez-Zawâwy.
£x-Zawâwy signifie originaire de Zawâwah, i petite ville entre
l'Éfrîqiyeh et le Maghreb». Mords^.
^ Il succéda à ed-Çababy comme chaykh de la Tenhéxiyeh, Voir
chap. n, n. 49 1 et la note i33 , où il faut lire el Eàrédy, car N (fo-
lio 34 v**) ^>eUe ce nom ainsi : un bà suivi d*an alrf, on rd, et un
dâi sans point diacritique. — B écrit ici d Bârécy.
^ N (fol. 200 v") rappelle Noûr ed-dUn ebn 'obayd, en<Na^r.
' E mourut (an Caire) dans la nuit du (vendredi an) samedi
8 cbavirvirâl (S, 1 1 juin i334 , Cal, astr.), à l'âge de soixante-dix à
quatre-vingts ans , et fut enterré dans la turbeh de Qara Sonqor, en
dehors de bâb en-nasr. On lui avait extorqué 1 million de derhams.
Son administration fut bonne. H supprima l'usage de battre les
scribes de verges. H embrassa l'islamisme en l'année 701. On ne
lui reproche que d'avoir altéré le dinar bahckoûry('è); ce qui causa
un grand dommage aux gens (N, fol. 300 v°).
^ fl J'ai trouvé écrit de la main du chaykh Taqy ed-dîn, le fils du
qâdy de Chohbeh, el Asady, qu'en nommant les madraseh mâlé-
kîtes , il désigne celle-ci sous le nom de la madraseh la Noûriyeh •
(N, fol. 201 r°). Comp. la note 3 ci-devant.
^^ Le chaykh Zayn ed-dîn Ahou Mohammad 'abd Es-Sdlâm ebn
'aly ebn 'omar, ez-Zawâwy* fut, lorsqu'on institua à Damas, en l'an-
née 664 1 un qâdy particulier pour chaque rite, nommé qâdy des
Mâlékîtes , malgré son refus. Forcé d'accepter ces fonctions , il mit
pour condition qu'il ne gérerait pas de waqf et ne recevrait aucun
émolument pour rendre la justice. Il mourut la nuit du (lundi au)
mardi 8 radjab de l'année 681 (L, 12 octobre 1282), à l'âge de
quatre-vingt-trois ans (N, fol. 201 r°-v°). — Cf. aussi la note 5
qui] précède.
Zayn ed-dîn est mentionné par Quatremère, Mamloûks, I, 3* p.,
33.
" Ed-Dahaby dit dans les ^éhar, sous l'année 717 : «En cette
année mourut à Damas , à l'âge de quatre-vingts et quelques années ,
le qâdy des Mâlékîtes , le très vieux [mo^ammar] Djamâl ed-dîn Mo-
hammad ebn Solaymân ebn Sowayr, ez-Zawâwy. U avait exercé pen-
dant trente ans les fonctions de qâdy. Plusieurs années avant sa
mort, il fut atteint de pardysie, puis, devenu infirme, il fut rem-
3o.
/lOl NOVEMBRE-DÉGEMBRE 1894.
placé clans son emploi , vingt jours avant sa mort , par Fakhr ed-
dîn Abou'l 'abbâs Ahmad ebn Sdâmah ebn Ahmad , éL Iskandary,
qui mourut en l'année 7181 (N, fcd. aoi v*].
On lit au folio suivant (202 r**) : «Leqâdy en chef Djamti ed-dîn
Abou *abd Allah Mohammad ebn Solaymân ebn Yoûsef , ei-Zawâwy,
qâdy des Mâlékites à Damas depuis l'année 687, vint du Maghreb
à Mesr, puis arriva à Damas comme qâdy en l'année 687. B était
né en 639. n restaura la Snmsâmiyek pendant son administration
et renouvda la construction de la Noûrij^, 11 mourut à la madrasek
la Samsâmiyeh le jour de jeudi 9 djoumàda 3^ de l'année 717 (J,
18 août i3i7, Cal. astr.), et fut enterré an cimetière (maqéher) de
hâb et-saghir, vis-à-vis de la mosquée ^en-Nâramy (de l'orange]. »
DESCRIPTION DE DAMAS. hùb;
CHAPITRE Vl.
Sur les madraseh des HanbalItes.
La madraseh la Djawziyeh. — - Au marché au blé
[ , à proximité de la mosquée-cathédrale]. Elle fut con-
struite par Mohiy ed-dîn , fils de Djamâl ed-din [ Abou 1
faradj] ebn el Djawzy, el Bakry ^ Tannée 5 80 ^. Il
eut la tête tranchée ainsi que ses fils Tâdj ed-dîn,
Djamâl ed-dîn et Charaf ed-dîn , lorsque Hoûlâgoû ,
roi des Tatars, étant entré dans Baghdâd, fit mettre
à mort le khalife, la plupart de ses enfants, le chaykh
des chaykhs et majordome [ostâd ed-dâr) Mohiy ed-
dîn précité et ses fils. C'était un savant rédacteur. 11
occupa la charge de la hesbeh^ à Baghdâd et fut l'am-
bassadeur des khalifes. Il acquit de grandes richesses,
Ed-Dahaby dit dans ses Annales de Vislamisme : « Le
sâheb (vizir), le grand savant, le majordome [ostâd
dâr) du khalifat, Mohiy ed-dîn Yoùsef, fils du chaykh
Djamâl ed-dîn Abou'l faradj ebn el Djawzy, naquit
en doul qa^deh de Tannée 5 80 (janvier-février 1 1 85)
et suivit les leçons de son père et de plusieurs autres.
Il professa, rendit des fetwas, engagea des contro-
verses, devint un jurisconsulte éminent et fit des
prédications. Occupant le premier rang, plein de
majesté, servant de guide sûr et inspirant le respect,
il s'exprimait avec éloquence, observait une règle do
vie digne d'éloge et se faisait aimer du peuple. Il
466 NOVEMBRE -DÉCEMBRE 1894.
exerça les fonctions de majordome (el ostâd-dâriyeh)
pendant tout le règne d el MostaSem. »
Ghams ed-dîn ebn el FaVhr s exprime ainsi : « Pour
ce qui est de sa persistance dans ses décisions (rycb^fc*)
et de son intelligence , le récit s en est transmis suc-
cessivement des uns aux autres; cest au point que
le sultan el malek el Kâmei a dit : « Chacun a besoin
[dun surplus] d'intelligence, excepté Mohiy ed-dîn
[ebn el Dj.awzy], car il a besoin de moins, et cela
à cause de la sévérité de son silence, de- sa perse*
vérance et de sa force d'âme. » On raconte de lui à
ce sujet des choses extraordinaires : un jour qa*0
passait à bâb el barid, une boutique du petit marché
s'écroula et les gens poussèrent des ci:is de firayeur.
Un morceau de bois tomba sur la mule que montait
Mohiy ed-din : il ne se retourna même pas et resta
impassible. Quand il soutenait une discussion, pas
un de ses membres ne faisait un mouvement -*-
« Il construisit à Damas une grande madraseh. D eut ia
tète tranchée , après avoir d'abord été lié , en présence
d'Hoûlâgoû^^ en safar de l'année 656 (février-mars
i !2 5 8 } , et , avec lui , environ soixante-dix notables des
plus marquants (f" i y r^) de Baghdftd subirent le
même sort; de ce nombre étaient ses fils : le mchtO'
seb Djamâl ed-dln ['abd Ër-Rahman, Gharaf ed-dln]
*abd Allah et Tâdj ed-dîn *abd El-Karîm. .
Sayf ed-din el Baghdâdy donna des leçons à la
Djawziy€h,ipm'& quatre professeurs. Ensuite les qftdys
hanbalites s'en transmirent la chaire.
[ On connaît comme waqf appartenant à cette mad«
DESCRIPTION DE DAMAS. 467
raseh : Dayr (le couvent de) ^osroûn, un village au-
près d'el Qosayr, dSux feddâns au village de Bâlâ et
une terre au village d'Yaldâ.]
La MADRASEn LA DjAmoûsiyeh ^. — A Touest de la
^oqaybehy en dehors de Damas. On ne lui connaît ni
fondateur, ni professeur.
[Il lui a été constitué en waqf : le tiers de la bou-
tique située à la grande ^oqaybeh; le jardin connu
sous le nom d'et-Tabarziyeh ; le petit jardin du plomb
[djonaynet er-rasâs'^); la rente [mohâkarah) du petit
jardin (situé) aux bancs des chemins [masâteh et-to-
roq); la rente du jardin (situé) à Djesrîn; la rente de
Tamar ebn el amîr; Abou r-Ramly, au voisinage de
la madraseh; la rente voisine de celle-ci, au nom
d'ebn Noûr ed-dîn; et le jardin (sis) en dessus du
bain des roses [hammam el ward), en la possession
des enfants de Nézâm ed-dîn.]
Je DIS : « Elle a été dégagée par le sayyed Mah-
moud , fils du sayyed Tâdj ed-dîn es-Salty, qui s'en
est emparé et Ta anéantie. // ny a de force et de puis-
sance quen Dieu^. »
La MADRASEH LA Charîfiyeh ^. — Auprès de l'an-
cienne Qabâqébvfeh ^^. Elle fut construite par Gharaf
el islam Vbd El Wahhâb [fils du chaykh] Abou'i
faradj , le hanbalîte , [*abd El Wâhed ebn Mohammad ,
el Ansâry,] ech-Chîrâzy, puis ed-Démachqy, chaykh
(chef) des Hanbalitesà Damas ^^ [après son père ^^, et
leur rap]. Il mourut [la nuit du (samedi au) diman-
che 1 7 safar de Tannée 536 (D, 21 septembre 1 1 4 1).
468 NOVËMBRE-DÉGEMBRE; 1894.
il était entouré de respect , accueillant , ferme et jouis-
sait d une entière considération. Jurisconsulte et pré-
dicateur, il composa le Monta\hab sur la jiuîspni-
dence, les Mofradât et le Borhân sur les principes
fondamentaux de la religion ^^. [Il bâtit à Damas une
madraseh qu'on appelle la HanbaUyeh.] Il fut enterré
[auprès de son père, au cimetière [maqâher) des
martyrs, dans le cimetière [maqâber) (situé)] à bdb
es-saghîr. ,
La chaire de cette madraseh fut occupée par Nadjm
ed-dîn , son fils ^* ; puis , après lui , par environ qua-
torze professeurs , dont le dernier fut Borhân ed-dîn
ebn Mofleh ^^.
[Le waqf constitué en faveur de la Charîfiyeh com-
prend le jardin et la portion [hessah) à ei Hoûlah^*
et la terre (située) dans la région de Halboûn et de
*asâl.]
La madraseh la SAhébiyeh ^'^. — Au penchant [du
Qâsyoûn , du côté est]. Elle fut construite [à la mon-
tagne de la Sâléhiyeh] par Rabfah Khâtoûn, fille de
Nadjm ed-dîn Ayyoûb et sœur de Salâh ed-din, [d^el
*âdel] et de Sett ech-Châm. Elle mourut Tannée 643,
à lage d'environ quatre-vingts ans, et fut enterrée
dans cette madraseh, quelle avait élevée. Elle fut
l'épouse de SaM ed-dîn Mas^oûd , fils de Moin ed-din
[Anar], à qui la maria ^^ son firère le stdtan Salâh
ed-dîn, en épousant lui-même, après la mort de
^oûr ed-dîn, la sœur de Mas^oùd, 'esmat ed-din.
Au service de la princesse se trouvait la savante,
DESCRIPTION DE DAMAS. 469
la juste Amat El-Latîf , fille d en-Nâseh le hanbalite.
G est elle qui conseilla à Rabf ah Khâtoûn de bâtir
cette madraseh et de la constituer en waqf aux Han-
balites.
Ebn Khallikân dit i« • « La mort de Rabî'ah Kbâ-
toûn eut lieu à Damas ^^. Elle vécut assez longtemps
pour être contemporaine ^^ de princes qui étaient à
son égard dans des rapports de parenté rendant le
mariage illicite ^^, tels que frères , neveux et petits-
neveux, au nombre de plus de cinquante, sans
compter ceux qui , dans les mêmes rapports de pa-
renté» n avaient pas de souveraineté. Ainsi Arbèles
appartenait ^^ à son époux Mozaffer ed-dîn , seigneur
de cette ville; Mosoul, aux fils de sa sœur; Khélât et
cette région [nâhiyeh)^ aux fils de son frère; le Dja-
zîreh euphratien (la Mésopotamie), à el Achraf, fils
de son frère ; le pays de Syrie , aux fils de sa sœur,
et rÉgypte, le Hedjâz et TYaman, à ses frères et à
leurs enfants. Celui qui voudra y réfléchir les con-
naîtra tous. »
La chaire fut occupée par le hanbalite Nâseh ed-
dîn^* et par son fils Sayf ed-dîn 2^, puis par les en-
fants de celui-ci et, après eux, par cinq professeurs
dont le dernier fut Chams ed-dîn èbn Mofleh ^®, l'au-
teur des Forou'^'^. '
[Ce que Ton connaît actuellement de son waqf
est : la plus grande partie du village de Djobbeh
'assâl , le jardin qui se trouve en dessous de la 5dA^-
\)iye\, le moulin et la rente [hakourah) de la majeure
partie de ce quartier avoisinant la madraseh.]
470 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
Là mâdrâseh la Sadriyeh. — Elle fut construite
par Sadr ed-dîn Abou'l fath As*ad ebn ^otmân [ebn
Wadjîh ed-dîn As^ad] ebn el M onadjdja, et-Tanoûkhy,
le notaire Çadl^^). Né en Tannée 5 98 {Comm. le
1^' octobre 1201), il mourut le 1 9 ramadan de Tan-
née 667 (Comm. le 29 décembre i2 58) et fut en-
terré dans ce collège, il possédait de la fortune et
faisait beaucoup d aumônes. La Sairiyéh est située
dans [le commencement de] la rue du basilic [àoarb
er-rayhân), auprès de^ la turbeh du qâdy Djamàl
ed-dln el M esry, du côté du djâmé' omayyade ^. Il
constitua à celui-ci de nouveaux waqfs en grand
nombre, entre autres les magasins entre les piliers
Çawâmid), des deux côtés, à la porte de ï addition
[bdb €Z'Zyâdeh)\ le bazar des orfèvres [éS'&Agkak)
actuel, etc.
Le fils de son firère Sadr ed*dtn y donna des le-
çons; puis le fils de ce dernier, Wadjîh e<Wîn*^.
La MADRASEH LA DyÂ'ÏYEh[ — MoHAMMADnTËH]. •*—
Au penchant du Qâsyoùn , [à la montagne de la Stté-
hiyeh,] à Test du djàmé^ el MozaflFéry. Elle fat con-
struite par Dyâ ed-dîn [ Abou *abd Allah] Mohammad
ebn *abd El Wâhed [ebn Ahmad ebn 'abd Er-Rah-
man], el Moqaddasy, un des plus grands savants. U
naquit [à ed-Dayr el mobârak] Tannée 567 [Comm.
Ix septembre 1171). Il est Tauteur des AUiâm^^^ des
Fadâïl el a mal el mokhtârah ^ et d autres ouvrages**.
Sa modestie et sa piété étaient extrêmes.
Ed-Dahaby dit (fol. 1 9 V*) : « G*est Timâm, le sar
DESCRIPTION DE DAMAS. 471
vant, le hâfeZy largument {el headjdjeh), ie tradi-
tionniste de la Syrie, le chaykh de la sonneh, Dyà
ed-dtn. Il composa des ouvrages, en corrigea, en ré-
futa et se prononça avec justice. C'est à lui quon
recourait dans ces sortes de choses. Il bâtit une mad-
raseh à la porte du djàmé^ el Mozafféry, au pen*
chant du Qâsyoûn , et fut aidé dans cette œuvre par
quelques gens de bien ; il lui légua en livaqf ses livres
et ses volumes du Qor'àn ^. »
< n la bâtit, dit un autre auteur, pour les tradi-
tionnistes et les étrangers qui arrivaient, malgré son
état de pauvreté et son peu de ressources. Quand il
en avait bâti une partie, il s'en sdlait recueillir de
quoi continuer; il y travaillait de ses propres mains
et, par scrupule, n acceptait rien de personne. »
Il mourut [le jour de lundi 28 djoumâda u** de]
Tannée 643 ( L , 10 novembre 1 2 4 5 ) [ et fut enterré
au penchant du Qâsyoûn] .
L'édificateur de ce collège y donna des leçons,
puis Taqy ed-dîn ebn *ezz ed-dîn^^ et ensuite, après
eux deux , six professeurs dont le dernier fut Chams
ed-dîn el Qabâqîby, el Mardâwy*^ Dyâ ed-dîn était
un dévot et un ascète. Jamais il ne toucha aux reve-
nus d un waqf , ni n'entra dans un bain. Il mourut
l'année 6^3 au mont Qâsyoûn et y fut enterré. H
légua la madraseh à Vamîn (rhomme de confiance)
des Hanbalîtes. *ezz ed-dîn et-Taqy y donna des le-
çons, puis Chams ed-dîn, le khatîb de la montagne.
[Son waqf comprend : la plupart des magasins du
marché supérieur [es-soûq elfaaqdny) , des boutiques ,
472 NOV£MBRË.OÉGEMBR£ 1894.
un petit jardin à en-Nayrab, une terre à Saqbâ*®, —
on prend pour les habitants de ce village ie tiers du
blé de bourgs ^^ constituant le waqf de la maison
(d*enseignement) de la tradition VAckrafiyéh de la
montagne — ed-Dayr, ed-Douwayr, el Mansoûrah,
et-Tolayl et ech-Ghebréqiyeh.]
[ La madrâseh la Dyâ^îyeh— MAHÂsiwiYBH. — « Dyâ
ed-din M ahàsen , dit ebn Ghaddâd , était un homme
juste; il bâtit cette madrâseh et la constitua en waqf
pour celui qui serait le chef (amir*®) des Hanba-
lites et y donnerait les leçons. Le premier qui y
professa fut le chaykh ^ezz ed-din , fils du chaykh
et-Taqy; puis, après lui, le chaykh Ghams ed-din, le
hhatib dé la montagne. 11 en occupe la chaire jusqui
présent » (année 67/i). Peut-être s agit-il d'ech-Gharâ-
bîsy [sic], père de Noûr ed-din^^ et le fondateur de
la Charâbîsiyeh [sic) mâlékite, ainsi que de la tuii>eh
en face du djâmé* de Djan-âh. Quon en prenne
note. » — Jai vu dans les ^ébar ded-Dahaby ; t*âï
chah, fille de Mohammad ebn el Mosallem, la Har-
râniyeh , sœur de Mahâsen , mourut en chawwftl , à
Tâge de quatre-vingt-dix ans» » — «Tai vu aussi dans
les Clas&es des Hanbalîtes : « Mahâsen ebn 'abd £1
Malek ebn ^aly ebn Monadjdja, et-Tanoûkhy, el Ha-
mawy, puis es-Sâléhy, le jurisconsulte, Timâm Dyâ
ed-din Âbou Ibrahim , vivait d une chékârah ^ qu'on
ensemençait pour lui dans le Hawrân. H mourut
dans la nuit du (3 au) k djoimiâda 2^ de Tannée 643
et fut enterré à la montagne de Qâsyoûn. »]
DESCRIPTION DE DAMAS. 473
La[mADBASEHLA] VmARIYEH [— CHAYKHnEH]. -^— [A
la montagne,] au milieu du couvent des Hanbalites.
Elle fut construite [et constituée en waqf] parle chaykb,
le grand Abou 'omar, père du qâdy en chef Ghams
ed-dîn [le hanbalite]. Ce fut un des wafy (saints) cé-
lèbres. Son nom entier est Mohammad ebn Ahmad
ebn Mohammad ebn Qodâmah ebn Meqdâm , frère de
Mowaffeq ed-dîn. Il naquit {à Djammâ'îl^^] Tannée
5 a 8 {Comm. i*' novembre ii33). Il était résigné
sincèrement à la volonté de Dieu, quil soit exalté!
supérieur aux autres, savant, adonné à la contem-
plation et à lascétisme. Tout le monde était unanime
à reconnaître son grand jugement , sa piété , sa crainte
de Dieu. Que Dieu soit satisfait de lui et lagrée ! 11
mourut à Tâge de quatre-vingts ans. Ses dernières
paroles furent celles-ci : Diea vous a choisi la religion
{que vous professez); ne mourez donc pas que vous ne
soyez musulmans ^^.
Le père du chaykh , Ahmad *^, exerçait les fonc-
tions de prédicateuràDjammâ'îl, (village) dépendant
de Jérusalem. Lorsque les Francs s emparèrent de la
ville sainte , il émigra à Damas et descendit dans la
mosquée ^^ d'Abou Sàleh, en dehors de bâb charqy.
Ensuite il monta sur la montagne , bâtit le couvent
et habita lui-même au penchant du Qâsyoûn. (Ces
hommes justes) étaient connus sous le nom de Sâlé-
liiyeh (pi. de Sâléhy), parce quils avaient logé dans
la mosquée d'Abou Sâleh. On dit ensuite le mont
des Sâléhiyeh [djabal es-Sâlélàyeh). 11 ny avait alors
sur le penchant (du Qâsyoûn) aucune construction,
474 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
si ce n*est le couvent d el Hawrâny. Et c est pour ce
motif qu on Tappela la Sâiéhiyeh.
Je dis : « Observez la cause de cette dénomination
de Sâléhiyeh. Ainsi elle appartiendrait à Tépoque
islamique; toutefois ses sarâb [sarâbât)^ c'est-à-dire
ses puits , peuvent avoir existé dans Tantiquité pour
sei^vir aux maisons ^^, aux jardins et aux enclos ^^.
Dieu connaît mieux la vérité là-dessûs. »
Le père du chayUi mourut à Tftge de soixante-
sept ans.
Je dirai : Ebn Radjab^^, dans sa Suite, dit : « Dans
la soirée du (dimanche au) lundi a 8 rabf i'' de Tan-
née 607 (D, 19 septembre 1310), le chaykh Abou
^omar réunit sa famille et , s étant tourné vers la ^ebleh
(la direction de la Mekke), il lui recommanda de
craindre Dieu et de redouter sa colère , et lui fit réciter
la sourate Yâ Sut ^. Ses dernières paroles furent : Diea
vous a choisi la religion [que vous professez); ne mourez
donc pas que vous ne soyez musulmans. Il mourut , que
Dieu , qu*il soit exalté I lui fasse miséricorde 1 et fut
lavé dans la mosquée. Ceux qui parvinrent jusqu'à
Veau qui avait servi à laver son corps s en impr^nè-
rent, tant femmes qu'hommes. Personne ne manqua
à son enterrement : qâdys, émirs, ^olamâ, notables,
commun du peuple ; ce fut un jour de fête. Lorsqu'on
sortit du couvent pour procéder à ses funérailles , ii
faisait une journée excessivement chaude. Mais un
nuage s avança qui ombragea la foule jusqu'à son. tom-
beau et ion entendait un bourdonnement pareil à
celui des abeilles. Sans el Mobàrez el Mo^tamed, ech-
DESCRIPTION D£ DAMAS. 475
Ghodjâ^ ebn Mohftreb et Ghebled^lauleh el Heusâmy,
pas un morceau de sou linceul ne serait parvenu
jusqu'à son tombeau; seulement cea émirs entou-
rèrent le mort de leurs sabres et de leurs massues.
Après qu'il eut été enterré , un des hommes justes
[sâléhîn) vit (f* ao r^) en songe, cette même nuit, ie
Prophète , que Dieu le bénisse et le salue ! « Quicon-
que, disait-il, visitera Abou'omar la nuit du vendredi
accomplira le même acte que s'il visitait la Ka^bab.
Enlevez donc vos sandales avant d'arriver jusqu'à
lui. » On fit le dénombrement des personnes qui
avaient assisté à ses funérailles; ellesr étaient vingt
mille.
Ed-Dabâ (ed-Dyâ?) a mentionné d'après *abd El
Mawla ebn Mohammad qu'il récitait auprès du tom-
beau du chaykh la sourate de la Vache; U était seul.
Lorsqu'il fut parvenu à ces paroles de Dieu» qu'il
soit exalté! : Ni une vache vieille , ni une génisse^^, je
me trompai, dit-il; et le chaykh me reprit de son
tombeau. Je fus saisi de crainte et de frayeur, ajoute-
t-il, et me levai tout tremblant. Puis, quelques jours
après, celui qui lisait le Qor'ân mourut. Cette anec-
dote est très connue. Quelqu'un , récitant auprès du
lieu de sa sépulture la sourate de la Caverne ^^, l'en-
tendit qui disait du fond de sa tombe : H n'y a de
Diea que Dieu.
Abou Ghâmah dit dans son Modayyel ^^ : « La pre-
mière fois que je m'arrêtai devant son tombeau et
lui fis visite, je trouvai par l'assistance de Dieu, qu'il
soit exalté ! un immense attendrissement et des larmes
476 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1804.
bienfaisantes. J avais avec moi un compagnon; c'est
lui qui me fit connaître le tombeau du chaykh : il
éprouva les mêmes émotions. »
Le littérateur Âbou ^abd Allah Mohammad ebn
Sa'id, el Moqaddasy, a consacré à Télégie d'Abou
*omar un poème dont voici quelques vers ;
Après que mes yeux ont perdu de vue Abou ^oniar, ia
terre habitée ne présente plus que des restants de cidte.
D*où vient que ses mosquées sont aujourd'hui envaliies
par la poussière ? On dirait qu après avoir réuni tant de
monde , elles ont été rasées.
Qu'ont les mehrâh à être délaissés, après une si intime
fréquentation , comme si jamais on n*y avait récité le Qor an ?
Tous les yeux le pleurent; car de chaque œU H était la
prunelle.
Il était dans chaque cœur la lumière de la direction; et
il n'y a plus maintenant dans tous les cœurs que les feux qu'il
a allumés.
Tout être vivant que nous avons vu est en proie à Taf-
lliction; chaque mort qui a joui de sa vue est dans Tallé-
gre&se.
Puisse la tombe que tu habites ne pas cesser d*étre arro-
sée par des nuages dont les ondées répandent le pardon et
la rémission des péchés I
Il opéra des prodiges et eut des révélations et des
vertus supérieures^, dont on ne trouve peut-être pas
les pareils dans les biographies des saints [wafy).
Plusieurs auteurs mentionnent que le chaykh Abou
^omar fut Y axe (qotb) et le chef (imam) de son époque.
Six ans avant sa mort, il devint Yaa^ (le chef des
mystiques de son temps).
DESCRIPTION DE DAMAS. 477
Au nombre des Hanbalites qui professèrent à la
'omariyeh, furent : le cfaaykh Taqy ed-dîn *^, puis son
fils *ezz ed-dîn ^ el, après eux, huit professeurs aux-
quels succédèrent Borhân ed-dîn ebn Mofleh^'', lés
jours de dimanche et de mercredi; *alâ ed-dîn él
Mardâwy, le limdi et le jeudi; Taqy ed-dîn el Dja-
râ*y, le jour de samedi; et ebn *obâdah, le jour de
mardi.
Elle compta aussi parmi les Châfé^îtes qui y don-
nèrent des leçons : le chaykh Khattâb ^, puis Nadjm
ed-dîn, fils du qâdy de *adjloûn, puis son frère ^*
Taqy ed-dîn, les jours de samedi et de mardi, au-
près du puits.
Je dis : «Ensuite, le chaykh Yoûsef el 'aytâwy;
puis son fils, le chaykh Ghéhâb ed-dîn Ahmad, et,
pour les Hanafites qui en occupèrent la chaire, le
chaykh *ysa el Baghdâdy, puis Zayn ed-dîn el *ayny,
de même dans Viwân septentrional. On institua pen-
dant quelque temps pour les Mâlékîtes une chaire
qui fut ensuite supprimée.
Parmi les jeux de mots que Ton a faits est celui-
ci : « Nous avons une madraseh dont le bassin a une
journée de longueur. » En effet, le nahr Yazîd y cir-
cule pendant un jour et plus.
La madrâseh la *âlémah et la maison (d'enseigne-
melnt) de la tradition. — - A Test du rébât en-Nâ-
séry, [à Touest du penchant du Qâsyoûn ,] au-dessous
de la grande-mosquée d'el Afram. Elle fut constituée
en waqf par la chaykh esse juste, savante [el ^âlé-
IV. 3 1
iMraiiiF.kiB ukiikHitt,.
478 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
niah), Amat Ël-Latîf, fille du [chaykh] hanbdîte en-
Nâseh. [C'était une femme éminente et elle composa
des ouvrages.] G est elle qui dirigea Rabfâh Khà-
toûn [fille de Nadjm ed-din Âyyoûb et sœur de Sse
lâh ed-din] vers la fondation de [la madraseh] la
Sâhébiyeh [au Qâsyoûn] pour les Hanbalites. Plu»
tard, lorsque Rabfah Kbâtoûn mourut, Amat Eli-
Latif fut condamnée à des amendes , jetée en prison
et enfermée étroitement. Puis elle fut mise en liberté ,
et el Achraf, seigneur de Hems ^ Tépousa. [E^e
partit avec ce prince pour er-Rahbah et Tell Bâ-
cher.] Elle mourut Tannée 653 [Comm. lo février
] 2 55). On lui trouva [à Damas] des trésors enfouis
et des joyaux [précieux dune valeur approximative
de six cent mille derhams, indépendamment des
biens mealk et des waqfs].
(Fol. 20 v^) La chaire de ce collège fut occupée
par Mohammad ebn Hâmel ^^ puis par Yoûsef Axt-
Nâseh«2.
[Le waqf de cette madraseh comprend : le jardin
(situé) au pont de la cane [djesî el battah), le second
marais {ghaydah) et Tenclos (y^) d'ebn Sobh, au-
près de la Châmiyeh, ]
La madraseh la Mesmâriyeh. — Au sud de la'
Grande Qaymariyeh, à Tintérieur de Damas, près du
minaret de Fîroûz. Elle fut constituée en waqf par
le chaykh Mesmâr ^ el Hélâly, el Hawrâny, le pro-
fesseur de lecture (qorânique)**, le marchand. B
jouissait d^une grande fortune. Il mourut le [jour de
DESCRIPTION DE DAMAS. 479
dimanche] 6 ramadan de Tannée 5&6 (D, 16 dé-
cembre 1 1 5 1 , Gai. asir.).
Jb dis : « Le minaret de Firoûz est celui qui vient
detre reconstruit (^^^^a*.) maintenant avec la madra-
seh (pour être transformés) en mosquée. Il a été re-
construit par *aly Djélél^^ le deflerdâr (contr^eur gé-
nérai des finances), qui lui a constitué des waqfs et
y a établi deux imâms et un mouadden. Que Dieu
agrée cette bonne oeuvre de sa part .et de tous ceœi
qui font le bîent »
Le waqf constitué en faveur de oette madraseh se
compose de lenclos du même nom [et dont la limite
va] depuis le chemin de la grande-mosquée de Ten-
kez jusqu'au cimetière [maifâber) des Soûfys, jusqu'au
chemin où se trouvent les Qanawât, jusqu'au chemin
qui conduit à la madraseh de Ghàd Bek [et dont
on connaissait anciennement le jardin] , ainsi que de
V enclos de la ruelle (^UJl J^aii.), connu sous le nom
de la Sâqyeh, sur le terrain de la mosquée des roseaux
[îïuisdjed el aqsâb^).
Ce collège eut pour professeur Wadjîb ed-dîn
As^ad, qui est appelé Mohammad ebn el MonaC^dja
ebn [Abri] barakât ebn el Moumel, et-Tanoûkhy,
el MaWry, puis ed-Démachqy, le qâdy Aboul
ma^âly. C'est pour lui que le chaykh Mesmâr bâtit
la madraseh. Il naquit Tannée 5 1 9 [Comm, 7 février
I 1 25). Il composa les ouvrages suivants : la Kéfâyek,
commentaire de ÏHédâyeh, en dix-sept volumes; la
Khélâsah^^r sur la jurisprudence ^ et la ^ontdah^'^. Il
fut investi des fonctions de qàdy du Hawr&n sous le
3i.
480 NOVËMBRE-DKGEMBUE 1804.
règne de Noûr ed-din. Sa postérité compte des sa-
vants et de grands personnages. Devenu: aveugle sur
la fin de ses jours, il mourut Tannée 606*® et fut
enterré au penchant du Qàsyoûn. Après lui la chaire
fut occupée par Wadjîh ed-dîn *®, puis par son fils
Sadr ed-din [ebn Monadjdja] , puis par le fib de
celui-^i , Zayn ed-din , puis par son frère Wadjih ed-
dîn '® et par Nâseh ed-dîn ''^ Ensuite Nâseh ed-din y
professa seul. Puis il y eut après lui dix professeurs
dont le dernier fut *ezz ed-dîn''*^, petit-fils de Wa-
djih ed-din. Dieu donne son assistance pour ce qui
est vrai.
Ebn Radjah dit : « J ai lu de Técriture d'es-Sayf
ehn el Madjd, le hâfez, ce qui suit : L'imâm, à qui
Dieu fasse miséricorde! c est-à-dire le chaykh Mo-
walTeq ed-din m a rapporté comme le tenant du qâdy
Ahoul ma*âly As*ad ehn el Monadjdja : J'étais un
jour, dit celui-ci, auprès du chaykh Abou t-tanft
chez qui était venu ebn Tamîm : « Malheureux que
tu es! s'écria- t-il , les Hanbalites, quand on leur dit-:
(• Sur quoi vous appuyez-vous pour prétendre que le
« Qor an consiste en une lettre et un son ? » répondent :
«Dieu a dit : Alef Lâm Mim'\ Hâ Mim Kâf Yâ
\iyn Sâd'^^ », et le Prophète, que Dieu le bénisse et
le salue! s'est exprimé ainsi : «Quiconque lira le
« Qor'ân en l'épelant aura pour chaque lettre dix
« bonnes œuvres. » Le Prophète, que sur lui soit le
salut! a dit encore : « Dieu rassemblera les créatures-»,
et Âbou Tamîm menlionna le hadit. Et vous, lors*
qu'on .vous dit : « Qu'est-ce qui vous fait dire que le
DESCRIPTION DE DAMAS. àS\
Qor an est un sens [mana) en lui-même, vous ré-
pondez : « Suivant el Akfatal ''®, le discours est dans
« le cœur. » Or les Hanbalites apportent (à lappui de
leur opinion) le livre sacré et la loi traditionnelle
[sonneh)\ ils citent les paroles de Dieu et de son en-
voyé. Vous autres, vous dites : « Suivant ce que rap-
« porte el Akhtal», un ignoble poète chrétien. —
« N avez^vous pas honte dune si vilaine action? Vous
a basez votre religion sur le dire d-un chrétien el
« êtes. en dissentiment avec les paroles de Dieu el de
« son envoyé. » — « J'ai cherché dans les Diwâns
« (Recueils de poésie) del Akhtal , dit Abou Moham-
«mad ebn el Khachchâb "^"^ ; c'est Téloquence [el ba-
((yân) qui vient du cœur (qu'on y lit). Ils ont altéré
« le mot et dit : le discours (el kalâm). » •
La Monadjdjaïyeh "^. — Zâwyeh connue sous le
nom d'ebn el Monadjdja, dans la grande-mosquée
omayyade. Le waqf constitué en sa faveur doit son
nom au grand savant Zayn ed-dîn [Abou 1 barakât
el Monadjdja], fils de ^otmân, fils d'AsW ebn ei
Monadjdja, et-Tanoûkhy*^^. Il fiit le chef incontesté
de son rite *® et aussi très versé dans la langue arabe
et les autres sciences. Assidu à la prière el au jeûne,
il était plein de gravité et de majesté et passait une
partie de la nuit en prières. Il apprit la syntaxe d'ebn
Mâlek^^ et commenta le Moqn^^^; pendant près de
trente ans , il siégea dans la grande-mosquée omay-
yade pour rendre des fetwas et travailler de son propre
mouvement. Comme on demandait à [Djamâl ed-
482 NOVEMBRE-DECEMBRE 1894.
din] ebn Màlek de faire un commentaire du livi*e
intitulé la khélâsah^, il répondit : tEbn ai Mo-
nadjdja (fol. a i ) vous le commentera. »
Ledit Zayn ed-din y professa , puis Ghams ed^in
[ebnJ'abdEl Wahhâb^.
Je dis : « Le waqf d'el Monadjdja est mentionné
dans les registres de la comptabilité parmi les fon-
dations pieuses de son inspecteur [nâzer) ^abd El Ka-
1 im ebn *awn et de son secrétaire Abou 1 djawd ebn
*awn. Puis Tinspection revint à Âboul khayr ebn el
Mou ayyad après *abd El Karim ; tout cda sans sti-
pulation de la part du fondateur. Le revenu du waqf
s'élève à environ cent saltanins chacpie année ; lacté
en existe. Ce waqf est constitué en &veur du ter-
rain? [el hcufah). Dieu est plus savant, et cest lui
qui donne son assistance pour ce qui est vrai ®*. »
NOTES DU CHAPITRE VL
^ Ebn Khallikân doxine (I[, 96-98] ia biograpbie du pire de
Mobiy ed«dîn, Aboul fiirftdj *abd £r-Rabmui ebn Abtl fibwn 'aly
ebn Mobammad ebn 'aly ebn 'obayd Allab ebn d Djawiy, qui des-
cendait du khalife Abou Bakr. Né en l'année 5o8 (iii4-iii5} en-
viron, ou en l'année 5 10, il mourut à Baghdàd la nnit dn (Jeudi
au] vendredi 13 ramadan de l'aimée 697 (juin laoi). -^ D^apiès
le biographe, ei Djawzy est le nom ethnique formé dn port d'el
Djawz , lieu bien connu. — On lit dans le Maràsed : t Nakr el DJaw: ,
canton contenant des villages et des jardins et situé entre Hidnb et
el Bîreh qui est sur l'Euphrate ; c'est une dépendance d'd Bîrali. »
— M. de Slane dit que le port d'd Djawz était probablement le nom
d'un quai sur les bords du Tigre, à Baghdàd on près de cetle
ville.
DESCRIPTION DE DAMAS. 483
H est fait mention de Mohiy ed-dîn (Abou 1 Mozafler Ypûsef , fils
de Djamâl ed-dîn Abou'l fSeuradj ebn d Djawzy) dans Biographiccd
dictionary, IV, 1 3 1 et 1 3 2 .
Le père de Mohiy ed-dîn , le hàfri Djamâl ed-dîn Aboul fiu*adj ,
avait lui-même construit une madraseh appelée aussi la Djawziyek,
à bâb el barîd, car on lit sur la porte du mahkameh (du quartier)
des grainetiers (el botoûriyeh) ou madraseh d'ebn el Djawiy, l'in-
scription suivante (n* 2^9 <le ma collection) t
cA ordonné la construction (ii)U) de cette madraseh bénie le
• serviteur qui a besoin de la miséricorde de son Seigneur Tout-
• Puissant, le qàdy des qàdys de la rdigion, le chaykh de l'isla-
c misme et des musulmans , le grand savant , le hé^ez Abou'l farMlj
• *abd Ër-Rahman ebn Abi'l Hasan 'aiy ebn Mohammad ebn d
• EVjawzy, dans le désir de voir la face de Dieu, qu'il soit exalté!
« Et cela en l'année 578.
« Au nom de Dieu clément et miséricordieux.
« Ceci est ce qu'a constitué en waqf le grand sAkeb ( vizir) Madjd
• ed-dîn Mohammad ebn d Hasan, d Djawzy, en faveur de cette
• madraseh fortunée, pour ceux qui étudient la jurisprudence sui-
• vant le rite de l'imâm Ahmad, que Dieu soit satisfait de lui ! et il
« lui a constitué en waqf les sept boutiques voisines de la maison
«d'ebn abî 'osroûn et les deux mazra^ah (situées) au territoire d'd
• Malîhah. Que Dieu accepte son acte et louange à Dieu seul ! »
^ L'année 5 80 est cdie de la naissance de Mohiy ed-dîn. On lit
dans N que la Djawziyeh fut construite après l'année 63o, aux
Nachchâbîn (marché des fabricants de flèches en bois), sous le
règne d'el maiek es-Sâleh 'émâd ed-dîn (fol. 207 r*).
Mohiy ed-rlîn fut investi de la hesbeh de Baghdâd en l'année 6 1 5 et
devint , en 64o , ostâdâr d'el Mosta'sem , charge qu'il exerça jusqu*à sa
mort. En l'année 628 , il fut envoyé de Baghdâd en qualité d'ambassa-
deur auprès d'el malek el Mo'azzam à Damas et apporta de la part
du khalife ez-Zâher bé-amr Allah des robes d'honneur et des di-
plômes pour les fils d'el 'âdel. Il fut investi en l'année 632 des
fonctions de professeur des Hanbalîtes à la Mostansér^eh , avec
d'autres chaires (N, fol, 207 v*).
• J'ai vu écrit de la main de Taqy ed-dîn, fils du qâdy de
Chohbeh, dans sa Chronique : • En djoumâda 1*' de l'année 810 fpt
achevée la reconstruction de la madraseh la Djawziyeh qui avait
été peu de temps auparavant, durant le gouvernement (nyâbeh) de
Tanbak, détruite par un incendie. Elle avait été (déjà) reconstruite
/ir4 NOVEMBKK-DGCEMBRK 1804.
m
à l'époque oà le qâ ly Chams ed-din en-Nâbolosy exerçait les fonc-
lions de q.'dy des Hanbalîtes» (N, fol. s 17 v*].
Le qâdy Gbams ed-dîn de Naplouse, Mohammad ebn Ahmiid
ebn Mahmoud, vint à Damas après l'année 770. li siégea ensuite à
la Djawziyeh comme témoin («x^ân.! j**^) ^ ^^ cessa de monter
en grade. H fut investi en rabf a*^ de Tannée 796 et fut tour à
tour destitué et replacé. H avait une haUjcJi pour la lecture de
l'arabe en présence des hommes éminents. Il professa à la maison
(d'enseignement) de la tradition VAckrafiyeh au penchant (de la
montagne] et à la Hanhaliyeh, Il mourut la nuit du (vendredi au]
samedi la moharram de Tannée 8o5 (12 août i4oa], dans sa de-
meure, à. la Sâléhiyeh où il fut enterré (N, fol. aia v**).
^ Nom -de la charge exercée par le moktaseh; voir chapitre n,
n. 82.
^ On lit dans le Fawât el wafayât, II, p. 8 : «31 juuvl^ ^ j
il ^^ 51 JU !i!3 ^ ^ ^ JU !3! ^,15'.
^ ySt^)i»y± «XJLe • chez Hoûlâgoû ». Peut-être le copiste a-t^il omis
un mot après «xJLe , J^«> (entrée] , par exemple , c'est-à-dire t lors de
l'entrée d*Hoûlâgoû à Baghdâd».
" D*après Tordre alphabétique, cette madraseh devait prendre
rang avant la Djawziyeh et c'est ainsi, en effet, qu*eUe est placée
dans N, où die vient en tête des madraseh hanbalîtes. Toutefois
il Tappelle la KhâmoûckiyeK,
' Ou du plombier [er-ralsâs),
■ Comp. Qor'ân, xviii, v. 87.
^ N Tappelle la Hanbaliyeh-Achrajiyeh-Chartfiyeh, Elle devrait
porter le nom de Charafiyeh, puisque son fondateur fut Chanif el
islam.
*• Voir ci-devant fol. 1 1 r", sous la Petite Qàymariyek,
" Au lieu de ^a,mù<^, N écrit pLâJl^.
^* Son père, Abou'l faradj ech-Ghîrâzy 'abd El Wâhed ebn Mo-
hammed ebn 'aly, mourut le jour de dimanche 18 dou'l hedjdjeh
de Tannée 486 (D, 8 janvier 1096 , Cal. astr.] (N, fcd. a 19 r^).
^' H. Khal. ne fait pas mention de ces ouvrages.
'« Nadjm ed-dîn ebn 'abd £1 Wahhâb ebn *abd £1 Wâhed ebn Mo-
hammad ebn 'aly, ech-Ghirâzy d'origine, ed-Démachqy, d AnAAry,
Ic.chaykh Nadjm ed-dîn Abou'l *alâ, fils de Gharaf di islÀm, fils du
chaykh Aboul faradj , le chaykh des Hanbalîtes de son temps, naquit
Tannée h^S. H ne fut investi d'aucune charge de la part du snllan.
DESCRIPTION DE DAMAS. 485
Il mourut ie 13 rabî* 2' de Taniiée 586 et fut enterré au penchant
du Qâsyoûn (N, fid. 219 r^V).
" Le successeur de Ghams ed-dîn en-Nâbolosy dans les fonctions
de qâdy, le chaykh des Hanbalites Ibrahim ebn Mohammad ebn
Mofleh ebn Mohammad ebn Mofarradj, er-Ràmîny d'origine, d
Moqaddasy, puis ed-Démachqy, l'imàm, le ra^i des Hanbalites,
Boj^ân ed-dîn et Taqy ed-din Abou Ishâq, naquit Tannée 7^9. Il
]»*ofessa à la maison (d*enseignement) de la tradition YAchrafyeh
de la Sâléhiyeh, à la Sdhéhah et dans d*autres madraseh. Il com-
posa des ouvrages. Il devint sur la fin de ses jours le chaykh des
Hanbalites. Il tenait un mCâd, le matin du jour de samedi, au
mehrâb des Hanbalites, dans la (mosquée] omayyade. En radjah de
l'année 801, il fîit promu qâdy indépendant. Il mourut ie jour de
mardi 27 cha*bân de Tannée 8o3 (Ma, 1 2 avril i^oi) et fîit enterré
aui pieds de son père, à la Raiodah (N, fol. 212 v"-2i3 r"*).
** mEI Hoûlah, nom donné à deux cantons de la Syrie : Tun est
une des dépendances de Hems , à Bârîn , entre Hems et Tripoli ;
Tautre est un. arrondissement entre Bànyâs et Soûr, de la dépen-
dance de Damas; il renferme des villages.» Maràsed,
»' N Tappeile la Sâhébak.
^* Quand l'émir Sa'd ed-dîn mourut, Saladin maria Rabiah
Khâtoùn à el malek Mozaifer ed-dîn, seigneur d^Arbèles, avec qui
elle demeura à Arbèies plus de quarante ans, jusqu'à la mort de
ce prince. Elle se retira alors à Damas et habita jusqu'à sa mort
dans la maison d'el 'aqîqy, qui était edie de son père Ayyoûb ( N ,
foi. 223 r").
" II, p. 6i3.
^ En cba'bân 643 (décembre-janvier 12 45- 12 46).
'^ Je lis ôh^«>) et non c>5^«>! , comme Ta fait par inadvertance
le savant traducteur d'ebn Khallikân.
" Le copiste a écrit ^^^ ^^ au lieu de ^^^ ^^.
^ Le texte porte U, que je supprime, avant o^jo.
^^ En-Nâseh ebn el Hanbaly y donna la leçon en radjab de
Tannée 628. Ce fut un jour de fête. La fondatrice y assista der-
rière le rideau (N, fol. 2 23 v"). — En-Nâseh ebn el Hanbaly,
AJk>u'1 faradj 'abd Er-Rahman, fils de Nadjm, fils de *abd £1
Wahhâb, fils du chaykh Aboui faradj, ech-Chîrâzy, el Ansâry,
hanbalite, prédicateur et moufly, naquit à Damas Tannée 554. U
fit des voyages et composa des prônes, des séances et une Histoire
486 NOVEMBRE-DECEMBRE 1894.
des prédicateurs, H anisU avec le sultan Salâh ed-dîn à la conquête
de Jérusalem. Il professa dans plusieurs madraseii, entre autres
dans celle de son aieul, la Hanhaliyek, et à la Mesmâriyek, Puis
la sAhébah Rabf ah Kh&toûn lui bâtit à la montagne une madraieh
appelée^ Sâhébak; il y donna la leçon et ce fîit un jour de fête. Il
est l'auteur de divers ouvrages. H mourut à Damas le jour de sa-
medi 3 el moharram de Tannée 634 (6 septembre laSG), et fut
enterré dans la turbeh de sa £unille, an penchant deQâsyoân (N ,
f<d. 220 r*).
^ Yahya, fils d'en-Nâseh *abd Ei^Rahman, fils de Nadjm, fils
du Hanbalîte, le chaykh . l'imâm Sayf ed-din, fils d'ea-Nlieh,
mourut le 17 chawwâl de Tannée 673 (N, toi, 390 v*).
^ Le chaykh, le qâdy suprême Ghams ed<4lîn Mbhammad «bn
Mofleh ebn Mohammad ebn Mofarradj , er-Ràmîny, mourat à TAge
de cinquante et un ans, à la SHéhiydi, en radjabde Tannée 763.
Il composa des ouvrages (N, fid. 39^ yT),
>7 H. Khal., IV, 4 161 tLes Forof (Principes dérivés) sur la
jurisprudence hanbalîte, en deux volumes, par le chaykh Ghana
ed-dîn Abou *abd Allah [Mohammad] ebn Mofldi, le hanbalîte ,
mort en 763» (Comm. 3i octobre i36i).
* N porte el mo^addel (le certificateur de la moralité des té-
moins).
^ On lit dans B ^f^^^ et dans N o^la^ Jl , ce qui prouverait que
ces deux expressions sont synonymes.
^ N remplace tfy«^l par ;i5^) «le bon (djâmé')». Voici le pas-
sage tel qu'on le trouve dans N :
«Il avait été investi pendant quelque temps de Tinipection
nazar) du «bon djâmé*» et avait fait beaucoup de choies nou-
vdies, entre autres le marché des chaudronniers {soûq «n-R«AAdj<n),
au sud du djâmé*; il transféra le bazar des orfèvres (es-Sàghak)
à la place qu'il occupe actudlement. B se trouvait auparavant
à Tendroit qu'on appelle Yancienne Sâghah. H reconstruisit les ma*
gasins qui sont entre les piliers de Yaddition et enridiit le djânaé*
de biens considérables. On a dit de lui qu'il pratiquait Tart de
Talchimie et qu*il avait réussi à produire de Targent; mais Je ne
crois pas (c'est ebn (Catir qui parle] qu'il y soit parvenu. Dieu con-
naît mieux la vérité. » — Ebn Mofleh dit dans ses Clastn des ffa»-
baUtes : « As ad ebn 'otmân ebn As^ad ebn el Monadjdja , et-Tanoûkhy,
puis ed-Démachqy, constitua en waqf sa maison dont U fit pour
les IJanbalîtes une madraseh appdée la Sadr^ek; U lui constitua
DESCRIPTION DE DAMAS. 487
des waq£i et y fut eaterrë. Cesi lui qui renouvela ies magasins (do-
kâkin) au marché (ne) de Y addition, entre lei piliers, des deux
côtés, et bfttit dans le mur sud de la grande-mosquée les bou-
tiques (hawànit) des chaudronniers» (N, fol. aaS r**).
'^ Ce paragraphe est évidemment incorrect dans B. H doit être
rectifié comme toit, ainsi qu'on le dit dans N : cLe premier qui y
donna des leçons fut son frère Wadjîh ed«dîn ebn Monadjdjt,
comme suppléant du fib de son frère Sadr ed-din; puis, après lui,
le fils de Wadjîfa ed-dîn (N. fol. 336 i^). — - Wadjîh ed-dSn ebn
d Monadjdja, Ifohammad ebn 'otmàn ebn As'ad ebn el Monadjdja,
fut le fondateur de la maison (d'enseignement) du Qor an la fVa-
djUûy^,9 Voir chap. i et sa note 3s.
EnrNo*aymy donne ici (foL saS v^-3a6 v**) un artide intitulé la
WodjÛdy^ et qn'il consacre aux biografdiies des ]»*ofesseurs han-
balites qui donnèrent des leçons à la Sadrvfik.
H. Khal. fait mention ( III , 1 68 , et VI , 478 ) de deux ouvrages com-
posés par l'aïeul d'As*ad, Wacljîh ed-din As'ad d[>n el Monadjdja,
ed-Démachqy, hanbalite, mort Tannée 606 [Comm^ 6 juillet 1309].
^ Voir sur les Ahkàm, ouvrage traitant de la jurisprudence han-
balite, par le chaykh hanbalite, le hâjez, Timàm Dyà ed-dîn Mo-
hammad 'abd El Wâhed, el Moqaddasy, mort l'année 643 [Comin,
39 mai 1345), H. Khal., I, p. 177.
Le Fawât el wajayât (II, 396) donne ainsi sa biographie : «Mo-
hammad ebn 'abd El Wâhed ebn Ahmad ebn 'abd Ër-Rahman ebn
Ismâll, le hâfez, Vargument, Timàm Dyâ ed-din Abou 'abd Allah
es-Sa'dy, ed-Démaohqy, e«-SAléhy, auteur de nombreux ouvrages,
naquit à ed-Dayr el mobârak l'année 669. Il fit d'abord le voyage
de M^r en 695, puis se rendit à Baghdâd et à Hamadân, revint
à Damas, se rendit ensuite à Isfahân , à Marou, à Halab, à Harrân ,
à Mosoul et rentra à Damas. Dès son retour, il se mit à composer
ses ouvrages, au nombre desquels sont : le Kétàb 9I tJihàai, 3 vo-
lumes; les FadâU el a*mâl, 1 volume; el AhàdU el mokhiârak (les tra-
ditions choisies), en quatre-vingt-dix parties; ies FadâÛ ech-Ckâm
(les mérites de la Syrie) , en trois parties (etc.). 11 bâtit une madraseli
à la porte du djâmé' el Mozafféry et fut aidé par des gens de bien.
Il lui constitua en waqf ses livres et ses volumes. Elle fut pillée à
l'époque des malheurs qu'éprouva la Sâléhiyeh lors de l'invasion
de Ghftxàn. La mort du chaykh Dyâ ed-din eut lieu Tannée 643. »
— Comp. aussi en-No*aymy, fol. 336 ¥"-337 v*.
^ H* Khal. fiiit mention de cet ouvrage (IV, p. 446), niais sous
488 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
le titre de Fadâîlel <£mâl seulement; el mojMàrak se rapporte peut-
être à el Ahâdit, que B aurait omis, et formant le titre de l'oa-
vragc mentionné dans le Fawât el wafayàt.
^ H. Khal. en cite un grand nombre.
^ AdjzA', proprement c Sections» (du Qor^àn). Ces sections sont
au nombre de trente et forment autant de vdumes rdiéi séparé-
ment et contenus dans un étui. La Bibliothèque de Marseille en
possède plusieurs exemplaires dépareillés.
^ B écrit Gbars ed-dîn. N ne lui donne pas le nom.de Taqy ed-
din. On lit (fol. 338 r"*) : cMohammad ebn Ibrahim ebn *abd Allah
ebn Abî 'omar, el Moqqadasy, le khatih 'ezz ed-din Abon 'abd AUah ,
fib du cbaykh el 'ezz, professa à la madraseh de son-aienl.et rsiii-
plit les fonctions de hJiaUb au djâmé' el M(ttafféry. Il mourut le
jour de lundi 30 ramadan de Tannée 648 (lire 748=L, 94 décem-
bre 1347) et fut enterré dans la turbeh de son aieol le diaykh
Abou *omar. »
^^ Chams ed-dîn el Qabâqéby, Mohammad ebn Mohammad eiin
Ibrahim ebn 'abd Allah, el Mardâwy, le chaykh. l'imAm Chams ed-
din, connu sous le nom d'd Qabâqéby, puis d*^-Sâl^y, occupa la
chaire de la . Dyâ'ïyeh qui est a . c6té du djàmé* . el Moiafi&ry. il
mourut le jour de mercredi 18 dou*l qa'deh deTaimée 8s6 [lire
le 38=Me, 3 novembre 1428) et fut enterré & la Sâléhiyefa (N,
fol. 338 v'').
• Marda, par un def bref, village près de Naplouse*» Maràtjtd,
— Voir Victor Guérin, Samarie, t. II, p. 163.
^ tSaqlé, un des villages de Damas, à la Ghoûtah.» Jfaré-
$ed.
" À\ (âs^xi.l;)«> JUj) ^W^ f^ «âJlS IfJU^ jNih^j;jenesaii8ij*ai
bien compris le mot ^l^ .
*^ Sic, Mais je suppose qu il faut lire amin . (l'homme de eoa- .
ûance] , comme plus haut.
^^ Dans le paragraphe consacré à la Ckaràbtch^réi (clii|ft. y), le
père d*ech-Gharàbîchy (Ghéhâb ed-din) est appelé Noâr.fid-daideh.
" Ce mot ne se trouve pas dans le Qâmoàs. Ici il me paraii aii-
gnifier tune pièce de terre, un champ».
^ •DjammâHl, viUage situé sur la montagne de Napiouse et fai-
sant partie du territoire de la Palestine. Entre Djammâ^ et Jém-
salem , il y a une journée de marche. De ce village est originaire
rimâm Mowaffeq ed-dîn ebn Qodftmah ainsi que sa famille.. Ceat
un ^'aqf constitué en leur faveur et qui a toute une .histoire.» Ma»
DESCRIPTION DE DAMAS. 489
i^ed, — Van de Vdde, sur sa carte (section 5), et Victor Guérin
dans Samarie, t. II, p. 173 , écrivent le Yiom de ce village par un* n
à la fin.
Suivant d'autres, Abou *omar serait né au village d'AksâwyÂ(?).
C'est lui qui âeva son frère Mowaffeq ed-dîn ; il le traita avec bonté
et pourvoyait à tous ses besoins. Il vint de ce* pays (la Tmre-Sainte).
Ib descendirent à la mosquée d'Abou Sâleh, puis ils se transpor-
tèrent de là au penchant (du Qàsyoûn) , oh il n'y avait d'autre con-
struction que le couvent d'el Hawrâny (N, fol. 339 v**).
** Qor'ân,ii.'n6.
^ B écrit <x^t yA 3 . Je crois devoir lire «x^t yA j .
D'après le hâfez ed-Dahaby, dan»ies 'ébar, le père du chaykh Abou
*omar et du chaykh el Mowaffeq mourut en l'année 558, âgé de
soixante-sept ans (N, fol. 339 r").
.** Le texte porte Jy-ç «au logis»; mais il faut, je présume, lire
Jvjrsc, comme plus bas. — Au fol. 89 r^, il sera fait mention
d'Abou 'omar à propos de la grande-mosquée de la montagne,
«La mosquée d'Abou Sâleh, dit ebn Chaddâd dans son livre
(intitulé] el A^lâq el IJiatirah, est ancienne.» Puis : «Abou Bakr
ebn Sanad Ahmadoûnah, Tascëte, s'y tenait assidûment. Il y laissa
en mourant son compagnon Abou Sâleh, de qui elle tira son nom.
Elle fut habitée par une réunion d'hommes justes. Il s'y trouve un
puits et elle a un waqf et un imâm. » — Le chaykh Taqy ed-dîn ,
connu sous le nom de fils du qâdy de Chohbeh , dit dans sa Chro-
nique, sous Tannée 53o : «Abou Sâleh le dévot, Mofleh ebn *abd
Allah, le chaykh, le dévot Abou Sâleh, le hanbalite, le fondateur
de ]a mosquée d'Abou Sâleh en dehors de bâb charqy, fut le com-
pagnon d'Abou Bakr ebn Sanad Ahmadoûnah, ed-Démachqy. Il
opéra des prodiges et eut des stations et des états ". Il resta une fois
quarante jours sans boire. Suivant ebn Katîr, il mourut en djou-
mâda 1"» (N, foL 229 v°-23o r°).
^^ Je lis c:»MoJ), au lieu de c»)^!^! que porte le manuscrit.
^^ y^\y^, pi. de i^^5l^, ne se trouve pas dans le dictionnaire
arabe-francais de Kazimirski. Bocthor le donne sous enclos, avec
^iCw comme synonyme.
^^ Le hanbalite Zayn ed-din Akou*l faradj 'abd Er-Rahman ebn
Ahmad, el Baghdâdy, vulgo ebn Radjah, mourut en Tannée 795
* Cf. sur ces termes de soûGsme les Prolégomènes d'ebn Khaldoùn, III ,
p. 87.
490 NOVEMBRE-DÉGËMBRË 1804.
( CoMM. 1 7 novembre i Sga ). — ]1 s'agît ici de U Saiu ( Js»& ) doimée
)ar ebn Radjah aux Taha^ d këMkaliyek du qftdy Abou 1 Hoaayn
Mohammad] ebn [Mohammad ebn d Hosayn] Abou Ya*l«, le
lanbi^te, d Fairà [mcart en martyr Tannéii 5a& (Comm. 33 bo-
vembre ii3i)]. C£. H. Khai., IV, pw i35.
^ G»t la xxxvi*. Elle est récitée comme priera dea agonisants.
w Qor'àn, u, n. 63.
" Laxvni*.
^ n s'agit probablement ici do Tart^ Aki Okêmah (H. {yial.,
II, p. io6), qui est une Suite (J^) du TcLrVjh Démack^ (Histoîre
de Damas). — Peut-être fiiut-il lire JshS.
^ Au lieu de Taqy ed-dîn , N dit 'eis ed^in. — 'abd ^ ^asla
ebn 'abd El Malek ebn *otm4B, d Moqaddasy, le jansconsolte *flu
ed*dln Aboa Mobanomad, professa à la madraseb du cbaykb Abou
'omar et donna des leçons de tradition. Il mourut lo 1 1 4ott.*i <{a*doh
de Tannée 634 (N, fol. 23k i^).
•• Voir cî-devant, note 36.
^ Borbân ed*^n, le qàdy, le grand savant, notre diaykb Aboii
Isbàq Ibràbim, fils du cbayk^ Akmal ed-<^ Mohammad, fils de
l'imâm, le cbaykh des musidmans Gbaraf ed-din Abou Mohammad
*abd Allah, fils du cbaykh, le qâdy suprême, Abou *abd Aliah Mo-
hammad, fils de Mofleh, fils de Mohammad, fils de Mofarradj»
er-Ràmîny, d Moqaddasy, ^-SMehy, naquit le jour de lundi
3 5 djoumâda i*" de Tannée 816. H professa à la madraseb d'Aboa
*omar (située] k la Stiéfaiyeh, à la maison (d'enseignement) de la
tradition VAehrafiyeh, où il habitait, à la HanbuUyeh^ h la Marner-
riyek, à la Djawtiyek et ao djâmé" d Moxafféry. H composa des ou-
vrages. Il conserva le poste de qàdy, avec les fonctions y rattachées ,
jusqu'à la réintégration de son neveu N^m ed-dln dm Mofleh,
l'année 85 a. Borbân ed-din partit pour Meor où TaYaii précédé son
fib Akmal ed-dîn. Rétabli qàdy, il revint à Damas et fit son entrée
le jour de lundi ag ralû* 2^ de Tannée 853. Le jour de lundi 26 ei
moharram de Tannée 863 arriva de Mesr à Damas la nouvelle de
sa destitution. Dans la suite, U iîit de nouveau nommé qàdy et
conserva cette charge jusqu'à sa mort, qui eut lieu la nuit du (mardi
au) mercredi 4 cha'bân de Tannée 884 (Me, 20 octobre 1 4791 Cal.
astr.), en sa demeure, dans la maison (d'ensdgnement) de la tra-
dition VAchraJiyeh, au penchant (du Qàsyoûn). Il fut enterré à la
DESCRIPTION DE DAMAS. 401
Rawdah, auprès de son père et de ses aïeux (N, fd. ai6 ¥'^-317 v").
— Voir ia biographie de son père ci-devant, n. i5.
'^ En djoumâda i*" de Tannée 8^7 et le jour de dimanche 30 du
mois (D, i5 septembre idd3), Zayn ed-dîn Khattâb el 'adjloûny, le
châfé'ite, donna la leçon à la madraseh d*Abou 'omar. Le qâdy Bahft
ed-din ebn Hedjdjy avait créé pour lui une chaire et lui avait assi-
gné un traitement mensuel de 1 5o derhams; mais Tinspecteur ( nâzer)
s*y 0{:^9sa. Puis , un accord étant intervenu , on lui fixa 90 derhams
par mois (N, fol. 33 1 v").
Notre chaykh . le très savant, le moufiy des musulmans, Zayn
ed-dîn Khattâb , fils de l'émir *omar ebn Mohanna ebn Yoûsef ebn
Yahya, el Ghézâry, el *adjloûny, puis ed-Démacbqy, le châfé'îte,
naquit vers Tannée 807 ou 808 , dans la ville de 'adjloûn. U pro-
fessa à la Châmijreh ejctra nmros , après la mort de notre chaykh
Badr ed-din, fils du qâdy de Gbohbeh; à la madraseh la Roknijreh
chaj^iie, à la Kallâsek, comme suppléant, et dans d'autres collèges.
U mourut dans sa demeure (située) au nord de\a.Bâdérà'tydi, de la
maladie appelée ed-deqq, au tiers de la nuit du (dimanche au) lundi
20 ramadan de Tannée 878 (L, 7 février 1674* Cal* astr.).Leqâdy
châfé'ite Qotb ed-dîn el Khaydary fit la prière sur son corps dans la
grande-mosquée , à la porte de la prédication , ayant derrière lui le
nàih de Syrie Djâny Bek Qalaqsis. Il hit enterré sous la madantk (le
minaret) el hassiyeh, à Test de la mosquée dV/ Bass, au bord du
cimetière de hâh es-saghir, sur le grand chemin conduisant à la
mosquée de l'orange, à Torient de la turbeh de Qotb ed-dîn el
Khaydary (N, fol. 77 r*»).
^^ Au lieu de «son hrèrei, N porte «le frère dei.
^ Sa biographie est donnée par es-Saqqà*y (fol. 63 v°) : «El
malek el Achraf Mozaffer ed-dîn Abou'l fath Moûsa , fib d*el malek
el Mansoûr (Ibrahim), fils d'd malek el Modjâhed Asad ed-dîn
Chîrkoûh, seigneur de Hems. Après la mort de son père, il devint
souverain de Hems et de ses dépendances.
c Lorsqu el msdek en-Nâser Yoûsef prit possession de Damas en
Tannée 648, il lui enleva Hems et lui donna en échange Tdl Bâ-
cher, qui resta en son pouvoir jusqu'à la prise de Halab et de la
Syrie par Holâwoû (sic)^ en Tannée 658. £1 malek en-Nâser s'en-
fuit de Damas et les troupes se dirigèrent vers TEgypte. El malek
el Achraf, ayant gagné le camp (ordoà) d'Holâwoû sur le territoire
de Halab, se fit connaître et exposa la conduite d'el maiA en-
Nâser à son égard. El Achraf était d'une extrême beauté et possé-
492 NOVEMBRE-DECEMBRE 1894.
(lait une grcmde facilité d'élocution. C'était encore un jeune homme.
Son langage et sa physionomie plurent à Holâwbû , qui ordonna de
lui rendre Hems et tout ce qu'il possédait en premier lieu et le
nomma son nâîb en Syrie avec juridiction' sur les autres lieute-
nants. Il prit donc livraison de Hems et, étant venu à Damas, il se
réunit avec les commandants des Tatars. On n'entendait dire que
du bien de lui. Cela continua jusqu'à ce qu'il apprit l'arrivée d*el
msdek el Mozaffar Qotoz. Après avoir envoyé prendre de lui un sauf-
conduit, il se présenta. Le sultan alla à sa rencontre, lui souhaita
la bienvenue et le confirnia dans la possession de Hems et de ses
dépendances. R assista à la seconde bataille, livrée à Hems en
Tannée 65 9, ayant avec lui lé seigneur et l'armée de Halab, et s'y
distingua. Les Musulmans remportèrent la victoire. El malek ea-
Zâber le confirma dans ses possessions. U ne cessa de mériter des
éloges par sa conduite et mourut à Hems dans les derniers jokirs
de Tannée 661 (lire 663).
< Asad ed-din Chirkoûh l'ancien eierça la souveraineté à Hems en
Tannée 563; Noûr ed-dîn ebn Zenky lui avait fait don de cet£e
ville. Lorsqu'il partit pour l'Egypte dont il reçut le vizirat, Hems
sortit de sa possession et d malek en-Nâser Salâh ed-dîn en devint
le souverain; ce prince en gratifia Nâ^er ed-din Mohammad, fils
d'Asad ed-dîn, qui y reçut le titre honorifique d'el Mansoâr, en
Tannée 570 (sic), EUe demeura en son pouvoir jusqu'à sa mort,
en Tannée 58 1, et passa alors à son fils el mdek el Modjâhed Asad
ed-dîn Cbirkoûh, âgé de douze ans, jiisquà ce qu'il mourut, Tan-
née 687, après un règne de cinquante-six ans. Son fils el midek el
Mansoûr (Ibrahim) posséda Hems cette même année jusqu'à sa
mort en 644* H eut pour successeur, jusqu'en 663, d malek cl
Acbraf Moûsa dont nous venons de parler.
«J'ai vu entre autres les Arabes bédouins qu'il fit pendre en
Tannée 660 depuis er-Rastan jusqu'à el Qâboûn. Voici dans qddlës
circonstances : les Khafâdjah et les Ghazyah arrivaient jusqu'au
Wâdy er-Rabî'ah, entre Hems et Qârâ, et enlevaient les caravanes
de marchands et autres. Qudiques hommes se postèrent sur leur
chemin avec des pigeons d'el mdek el Achraf; ils devaient, dés
qu'ils les verraient, lâcher les pigeons. Le. prince et les troupes de
Hems se tenaient prêts. A l'arrivée des pigeons annonçant que les
Bédouins étaient parveniis à td endroit , où ils avaient laissé lenrs
bagages , et avaient passé en un détachement au nombre de cin-
quante individus, el Achraf envoya dnquante cavaliers an lien èè
DESCRIPTION DE DAMAS. 493
sa trouvaient les bagages et, aprèft les avoir pris, ils demeurèrent
là. Une caravane de marchands marcha en avant jusqu'au Wâdy
er-Rabi*ah. Caravane et Bédouins arrivèrent tous à la fois et ceux-ci
se mirent à s'en emparer. El malek el Achraf avait posté ses sol-
dats tout autour d eux. Les cinquante furent tous &its prisonniers
et pendus depuis le khAn dW-Rastan jusqu'à ei Qâboûn. A chaque
khân il y avait deux pendus. Ayant vu qu'au khân de Qârâ il n'y
en avait qu'un, j'en demandai la raison; il me fut répondu que
son camarade s'était enfui, bien qu'ayant les deux mains rongées ^
et que les chevaux n'ayant pu le rattraper, il s'était sauvé. *
nEr-Rastan, petite ville ancienne entre Hamâh et Hems. Elle
éta^it située sur la rivière d'el Mimas, qui est e/ ^ds^ (l'Oron te);
elle est actuellement en ruines. Il s'y trouve des restes de monu»
ments qui indiquent son importance. Elle est sise sur une hauteur
dominant l'Oronte. » Marâsed.
^^ Ebn Hâmel le traditionniste, Mohammad ebn El Mon'em
ebn *émÂd ebn Hâmel, Chams ed-dîn Abou *abd Allah, el Har-
râny, mourut dans le mois de ramadan de l'année 771. Il con-
stitua en waqf ses 5ec/ioR5 (dvL Qov kn) , klei Dyâ'îyeh. Il était chaykh
de la tradition à la 'âlémah (J^, fol. 2 33 r").
^^ Yoûsef ebn Bakr Zakariyâ Yahya ebn en-Nâseh *abd er-Rahman
ebn el Hanbaly^ ech-Chîrâzy d'origine , es-Sâléhy, était d'une famille
célèbre par ses savants et ses hommes éminents. — Notre chaykh ,
le chaykh Taqy ed-dîn, fils du qâdy de Chohbeh, dit : «C'est le
chaykh d'illustre origine, le professeur Chams ed-dîn Abou'l ma-
jiâsen et Abou'l Mozaffer. Il lut investi de la charge de chaykh de
la 'âlémah et de son inspection (naçar), ainsi que de l'inspection
de la Sâhébak, et professa à ces deux madraseh. 11 mourut le
jour de vendredi 6 cha'bân dellannée 761 (V, 8 octobre i35i. Cal.
aslr.), à la Sâléhiyeh, et fut enterré au penchant du Qâsyoûn» (N,
fol. 2 33 r^-v").
^^ Ebn 'asâker, dans son Tari'Ji, l'appelle el Hasan ebn Mesmâr,
el Hélâly, etc. Il faisait dans la grande-mosquée de Damas, à la
halqah des Hanbalîtes, la prière des tarâwih (N, fol. 233 v*).
^ Moqrj. M. de Slane (Biographical dictionarj, I, p. 675) donne
la différence qu'il y a entre ce terme et celui de (fâiy. L'un indique
le professeur qui enseigne le Qor'ân en le lisant lui-même à ses audi-
teurs ; Tautre celui qui se le fait lire par ses élèves et corrige les fautes
qu'ils peuvent faille. La même différence existe entre CeU^et C&y^.
Le premier signifie apprendre en écoutant les leçons du maitre et la
IV. 32
mraitiiuMr. utioialb.
494 NOVEMBRE-DECEMBRE 1804.
second, répéter les leçons aa professeur, qmjait à leur sujet des ob^
servations,
^ N écrit el qasab,
M H. Khal. ( VI, 478) dit que ie qàdy Wadjfh ed-dîn As'ad ebn
ei Monadjdja, ed-Démachqy, mort l'année 606 [Comrn, 6 juiUet
1309), composa sons le nom de la NéhAyeh un commentaire de
VHédàyeh Jfl forûà' (sm* les branches dérivées du droit hanbaitte)
par ebn d Khattâb Mahfoâz et-Tonbftdy, le hanbalite. I^ même
bîMiograpbe cite encore de Wadjîb ed-dln (n[, 167-168) la Khé-
lâsahftlforoû\
^ H. Kbal. n'attribue à Wadjîb ed-dtn aucun ouvrage pcnrtant
ce titre.
^ Agé de quatre-vingt-sept ans.
*^ Le copiste a évidemment fait ici une répétition. — Dana N,
l'article d'd Monadjdja est parfois supprimé.
^ Au rapport d'el Asady, ie qâdy Wadjîb ed-dîn Abou'l faradj
'omar, fils du qâdy Wadjib ed-dîn As'ad ebn el Monadjdja, y pro-
fessa en l'année 6 a 5. Ebn Ka|ir dit sous Tannée 64 1 : «Le chaykh
Gbams ed-dîn Aboul faradj 'omar, fib d'As'ad ebn d Monadjdja,
et-Tanoû^hy> ^ Ma'arry, le ^anbalîte, était anciennement qAdy de
Harrân. Il vint ensuite à Damas, professa à la Mesmûriyeh et fut
investi d*emplois sous le règne d*el Mo'azzam. Sa mort eut lieu le
7 rabî' i*' de cette année. Son frère el *eu mourut, après lui, ea
dou'l hedjdjeh, et fut enterré dans sa madraseh qui est à la mon-
tagne.» — Ebn Mofleb dit dans ses Classes : t'omar, fils d'As'ad,
fils d'el Monadjdja, fib de Baraltât, fib à'd Moumel, et-Tanoûkhy«
le qâdy Chams ed-dîn Aboul fotoùh et Abou'l Khattâb. fila da
qâdy Wadjîh ed-dîn, vint à Damas et professa ^ la Mesmâriydi, Il
mourut le 17 rabî 2^ de Tannée 64 1 et fut enterré au penchant du
Qâsyoûn» (N,fol. 234 r°-v").
'^ Nâseh ed-dîn Abou'l faradj *abd Er Rahman, ^i de 'abd £1
Wahhâb , fib du chaykh Abou'l &radj , ech-Ghirâzy, d Ansâry, pro-
fessa à la Mesmârijreh conjointement avec Wadjîb ed-dîn, pois aeid*
après la mort d'dbn Monadjdja, à ce que je pense (dit d Aaady).
Plus tard la Sâhébak fut construite pour lai. H mourut Tannés 634
(M, fol. 234 r"). — Voir ci-devant, note 24.
^ Le qâdy *ezz ed-dîn Mohammad ebn Gbams ed-dîn Ahmad ebn
Wadjîh ed-dîn mourut en djoumâda i** de Tannée 746 (N, fe-
Uo 335 >°).
DESCRIPTION DE DAMAS. 495
^ Les sourates ii, m» xxix, xxx, xxxi et ziiii commencent par
les lettres A, L, M.
Les lettres H, M forment le commencement des sept sourates
XL à XLTI.
"^ C'est par les cinq lettres K, H, Y, S S que commence la
XIX* sourate.
^^ L'imprimerie catholique de Bayrout publie du Divfàn d'el
Alfhtal une édition sur laquelle on trouve une intéressante notice
dans Journal atiatùfue, mai*juia 1893. La vie de ce poète .arabe
chrétien du i*'' siècle de lliégire a été donnée par Caussin de Per-
cevsd dans le même Journal, avril i83d.
^' Abou Mohammad 'abd Allah ebn Ahmad , el Baghdâdy, vul^o
ebn el Khachchâb, grammairien, mourut en Tannée 567 [Comm,
[\ sept. 1177). H. Khal. cite de lui de nombreux ouvrages.
'* D*après ebn Batoûtah (I, 2 3o), il y avait dans Tintérieur de
la Sâléhiyeh une madraseh hanbalite , connue sous le nom de mad-
raseh d ebn Monadjdja. < Les habitants d*es-Sâléhiyeh suivent tous
le rite de Timâm Ahmad , fils de Hanbal* »
^^ il mourut à Dama? le jeudi 4 cha'bân de Tannée 695 (J, 6 juin
1 296 , Cal. aslr.) , à ^k^<& de soixante<[uatre ans. — Es-Saqqâ*y, qui
donne sa biographie (fol. 71 v°), dit qu'il fut enterré au Qâsyoûn,
avec sa femme, sœur de Sadr ed-dîn.
^^ <.^«xll iuv^^ j(jJ) o»|aM . Cf. Biographical dictionaiy, I, 55.
^^ Djâmal ed-dîn Mohammad ebn Mohammad ebn 'abd Allah
ebn Mâlek, et-Tây, le célèbre grammairien, auteur de VAlfiyeh,
connue sous le nom d'AlJiyeh ebn Mâleh, était un des hommes les
plus versés dans (1 étude de) la syntaxe. Un grand nombre de gens
profitèrent de sa science. Il mourut à Damas en cha'bân de Tan-
née 672. Son fils Badr ed-dîn Mohammad, qui était parvenu au
même degré de connaissance de la syntaxe que son père, mourut
en Tannée 686 {E:i-Saqqâ*y, fol. 66 v°). — Cf. aussi le commen-
taire de VAlfiyeh d'ebn Mâlek par S. de Sacy.
^^ H. Khal. ne fait pas mention de ce commentaire.
^ Dans N , on lit « TAlfiyeh ».
"^ Chams ed-dîn Abou 'abd Allah Mohammad ebn 'abd El
Wahhâb ebn Mansour, el Harrâny, le jurisconsulte, fut le premier
hanbalite qui rendit la justice à Mesr. Il exerça les fonctions de
substitut du qâdy au nom du qâdy en chef Tâdj ed-dîn, fils de la
fille d'cl A'azz. Ayant quitté TLgypte pour se rendre à Damas, il y
donna des leçons de jurisprudence dans une halqah lui appartenant
33.
496 NOVEMBRE-DECEMBRK 1804.
dans la grande-mosquée. Atteint de paralysie quatre mois avant sa
mort, il perdit Tusage de tout le c6té droit et sa langue s*alourdit.
Il mourut ia nuit du (jeudi au) vendredi, entre les deux *échâ
(prières du soir), six nuits s'étant écoulées de djoumâda i*' de
Tannée 676 (V, 16 octobre 1376, Cal. astr.), et fut enterré k'bàb es-
saghir[fi, fol. 237 r').
^^ Ebn Batoûtah cite encore (1, 231) la madraseh la Nadjmijrek
comme étant le principal collège des Hanbalites. — 'Abd El Bâset
tte donne ce nom qu*à une kbânqâh et à une turbeb.
-■ 'Tiç.
■»
DESCRIPTION DE DAMAS. 497-.
CHAPITRE VIL
Sur les hadraseh (écoles d'enseignemrnt)
DE LA MÉDEaNE.
La Dakhwariyeh ^ — Dans Tancien bazar des
orfèvres [es-Sâghah el ^atùjàh), près de la Khadrâ,
dans la rue [darb) d*el *amîd, au sud de la grande-
mosquée. Elle fut construite par Mohaddeb ed-dîn
*abd El Montera [ebn *aly ebn Hâmed], connu sous
le nom d'ed-Dakhwàr ^. 11 naquit Tannée 565 [Comm,
2 5 septembre 1 1 69). 11 a composé des ouvrages sur
la médecine^. On dit que, pour les évacuations [el
estefrâgh), il occupa le premier rang dans l'art (mé-
dical)*.
Ed-Dakhwâr obtint les faveurs des souverains et
acquit de grandes richesses. Il copia de son écriture
mansoûb (neskhy oriental ^) plus de cent volumes. Il
fut investi des fonctions de chef [ryâseh) des deux
eqlini (rÉgypte et la Syrie). Atteint d'un relâchement
et d'un embarras de la langue , il se soigna lui-même
et eut recours aux électuaires. Une fièvre survint;
ses forces furent ébranlées; il resta un mois sans
pouvoir parler et perdit un çeil. Il mourut ensuite
en safar de l'année 6a8 [Comm. 9 novembre \%io)
et fut enterré au penchant (du Qâsyoùn). Son tom-
beau est 3urmonté d'un dôme que supportent des
•i"
/^%
M.
S.498 NOVEMBRE-DECEMBRE 1804.
colonnes , au pied de la montagne , à lest de la Rok-
idyeh. La inadraseh fut construite par lui Tannée 621.
Le fondateur y donna [le premier] des leçons,
puis Badr ed-dîn [Mohammad], fils du qâdy de
Ba^lbakk , puis trois professeurs au nombre desquels
— Dieu connaît mieux la vérité — fut er-Rahaby*.
Fjcdit er-Rahaby était un homme d'un mérite supé-
rieur, li fit aussi des vers excellents; en voici quel-
(pes-uns :
Les habitants de ce bas monde sont conduits de vive force
à la mort et ceox cpi restent ^ ne réfléchissent pas à la sitim*
tion de ceux qui s'en vont.
On dirait des troupeaux qui ignorent qu'ils foulent aux
pieds le sang répandu des autres.
Je dis : « Le jardin ded-Dakhwâr est situé auprès
et au nord des terres appartenant à la grande-mos-
quée omayyade et disant partie de Qasr el-Labbâd.
li a pour limite séptentrionsde le nahr Tawra. En la
possession des enfants^ de la Halabiyeh, il fidt partie
du quartier [tnahalleh) de la mosquée des roseaux
[masdjed el qasab). »
La madraseh la Rabuyeh^. — A Tonest de [la
porte de] l'hôpital de Noûr ed-din et de la^SoM-
hiyeh, à l'extrémité méridionale du chemin.
. Je dis : « On la désigne actuellement sous le nom
de la mosquée bâtie par Mohammad Bey, qtdy en
chef de Damas, et où il a établi une école {malUah).
Qu'on en prenne note. »
IjQ madraseh fut construite par *émâd ed-dln
DESCRIPTION DE DAMAS.
[Abou 'abd Allah] Mohammad ebn 'abbâs [e]
Abmad], er-Rab'y '", [ed-Donayséry]. B moumt
Donayser^' [ie 2 safar de] l'année 686 {19 mars
1387]. âgé de quatre-vingts ans. Il est l'auteur de el
Maqâlah el inorcbédak (Dissertation) sur l'exposé des
médicaments simples '*, d'une Ardjoâzeh {^o^me com-
posé sur le mètre rat^az) sur la thériaque (^t^jJI)
dite elfâroâif ", d'une traduction en vers des Prolé-
gomènes connus d'Hîppocrate , et du Kétâh el mat-
roûditoâs '*. Il avait une bdle conduite , une grande
dévotion, et se rendait très utile.
itk MADRASEH LA LoBOÛDIYEH[-NADJMrn!H]. En
dehors de la porte de la ville et conliguë au jardin et
au bain d'el Falak [el Mouchlry]. Elle fut construite
par Nadjm ed-dln Yahya [ebn Mohammad] ebn el-
Loboùdy '^, [en] l'année 664 [Comm. i3 octobre
I 365]. Il était le plus grand savant de son époque
dans les sciences philosophiques et doué d'une viva-
cité d'esprit et d'une sagacité excessives. U mourut
l'année 631 "*, à l'âge de cinquante et un ans. D
commenta le Molakhkhas d'er-Râzy '' et les Apho-
rismes [Fosoùl] d'Hippocrate. Il fut enterré dans sa
turbeb sur la route d'el Mezzeh.
Je dis : ■ Cette madraseb est située à l'orient du
jardin d'ech-Chomoûliyât et de celui d'el-Loboûdy ;
l'un et l'autre sont un waqf de la grande-mosquée
omayyade. Ils se trouvent auprès du pont du petit
canal {nahr) qui sort du bain [fol. 3 1 v°) d'el Falak ,
en face de la porte da cet établissement. On ne voit
00 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
lus actuellement que des traces et des ruines. Il
,: existe des vestiges de la porte et de la fenêtre; bien
plus , les traces du cimetière (c est-à-dire de la turbeh)
([ue renfermait la madraseh subsistent jusqu'à pré-
sent. »
Djâmâl ed-din ez-Zawâwy^^ y donna des leçons.
NOTES DU CHAPITRE VIL
^ N écrit la Dahhwâziyeh et, plus bas, il nomme le fondateur
ed-Dakhwâi ; mais, au folio 289 v", il donne une Remarque aax
termes de laquelle le nom de cette école de médecine s'écrit par un
râ sans point avant le yâ à deux points par-dessous.
* Le docteur Leclerc, Histoire de la médecine arahe, II, p. 177*
Tappdle Abou Mohammad *abd Er-Rahîm ebn 'dy ebn Ahmad Mo-
haddeb ed-dîn ebn ed-Dakhouâr et dit quil naquit en 1169, à
Damas , où son père 'aly était un oculiste de renom. — La biogra-
phie de ce médecin se lit dans le Fawàt el wafayàt (I, 345) : «*abd
£r-Rahman ebn 'aly ebn Hâmed ebn ech-cbaykh Mohaddeb ed-dîn«
le médecin ed-Dakhwâr. chaykh des médecins et leur rdfs à Damas.
Il constitua en waqf sa maison (située] à l'ancienne Sàghah comme
madraseb pour (renseignement de) la médecine. Il naquit Tannée
565 [Comm. 35 septembre 1169) et mourut l'année 637.. H fîit en-
terré dans sa turbeb , au Qâsyoûn , en dessus A'el Majlpûr, Jl était
boiteux, n composa des livres , entre autres Son traitement
était le même que celui d'el Mowaffeq 'abd El *azîx , car apiès la
mort de celui-ci, il avait été diminué de cent dinars par mois. • . »
Ed-Dahaby dit dans la Chronique el 'ébw, parmi les personnages
qui moururent Tannée 638: «Et d Mohaddeb ed-Dakhwâr, 'àbA
Er-Rahîm ebn *aly ebn Hânied, ed-Démachqy, le chaykh de la
médecine et le fondateur, en faveur des médecins, de la madraseh
située à l'ancienne Sâgkah, naquit Tannée 565 et étudia la méde-
cine sous el Mowaffeq ebn el Moutrân (le fils de Tévéque) et er-
Hady er-Rahaby. » — Ebn Katîr, dans ses Annales, s'exprime en ces
termes, sons ladite année 638 : « E4-Pakhwâx le médecin, le fon-
DESCRIPTION DE DAMAS. 50:
dateur de la poMwdzij'eA, Hotuddeb ed-dîn 'abd Er-Rahîm ebn '
ehn Hâmed, connu son» le pom d'ed-D«khwfti, le chajrkh des i
decins à Damas, avait constitué en waqf m maison (sise) dan^
rue des palmiers {oa de» abeilles, J.,JLJ1 wjj), ik[Ht>iimiléde l'an-
cienne S&gkah, pour les médecins de Damas, comme madras^ à
leur usage. 11 mourut à 1'^ de soiianle-trois ans. > — Au rapport
d'el Asady, même année. ed-Dakbwii composa jdusieurs ouvrages
sur i'art médical. euUe autres : le Kétib ef hetbak: un abrëgé du
Hâay d'Abou Zakarij'àer-Rliy; un traité [mafdiaAjaurrâvacuation;
DD Abrégé d'el Aghiny, et autre*. Ebn Abi Osaybtfah lai a consacré
uD article très éteudn; suivant cet auteur, le père d'ed-Dakhwâr
était un oculiste célèbre, de même <[ue son frère Hftmed ebn 'dy.
Lut-méœe , dons les commencements , eier^t la profession d'ocu-
liste. 11 fut au service d'el milelt el 'âdel et te consacra assidûment
à celui de Saf;r ed-dîn ebn Chokr (le viûr). Dans une maladie dont
fut atteint d 'édd l'année 6 1 o , ce prince le gratifia de sept mille
dinars égyptiens. El Klmd étuit tombé malade, il le traita et reçut
de lui douie mille dinars, quatorze mules avec des colliers d'or,
des vêtements d'honneur en satin (a^foi), etc.; cda en l'année Cil.
El 'àdel lui conféra les fonction < de chef [rfâieh) des médecins de
l'Egjpte et de la Syrie. El Achraf l'ajant envoyé chercber. il se
rendit auprès de lui l'année 6ii. Le prince le combla d'honneurs
H lui donna un fief dont le produit s'élevait annuellement à quinie
cents dinars environ. Dans la suite, ed-Dakhwàr fut atteint d'un
embarras de la langue et d'un relàcliement. Il vint à Damas lorsque
el Achraf se rendit maître de cette lille l'année 6iG; ce souii'rain lui
donna le poste de chef [lyàseli) de la médecine et établit pour lui
une salle destinée a l'enseignement de son art. Puis sa langue devint
embairassée au point qu'on ne pouvait presque plus com|)rendre ce
qu'il disait. Il mourut en saikr et fut enterré dans une turbeh lui
appartenant, au Qisyoùn, en dessus à'el Stayioûr, à l'est de la
Bohaijeh (N.fol. î38r'-ï°).
' H. Klial. mentionne ses ouvrages. 11 l'a[q>elle Hohaddeb ed-din
'abd Er-ltahîm ebn 'aly, ed-Démacfaqy, comme ebn Cfaaddâd, ebn
Kalîr. ed-Dahaby. etc.
^ ^-■j-.m «Iki^ . Voir, sur l'écriture appelée mantoàh , les saraules
notes de H. de Slane dans Bioy^kieal dictionary. 11, 35i, et IV,
ââg.
■ En l'année 6C7, dit ebn Ka{ir. (mourut) l'habile médecin
m
02 NOVEMBRE. DECEMBRE 1804.
iharaf ed-dîn Aboa i Hasan *aly ebn Yoûsef ebn Haydarah, er-
ahaby, cbaykh des médecins à Damas et professeur de la JDo&A-
wâriyeh en vertu d'une disposition testamentaire du fondateur de
cette école(N, fol. 238 v").
Cf. aussi Histoire de la médecine arabe, p. i65. «A l'époque oà
écrivait ebn Abî Osaybé'ah, c est*à-dire vers le milieu du xm* nède,
Cbaraf ed^în occupait encore la position de professeur à k Dakk-
wâriyeh,» — P. i63, le docteur Leclerc donne la biographie de
son père Rady ed-dîn (Abou'l Hadjdjâdj Yoûsef ebn Haydarah) er-
Rahaby, mentionné dans la note 2 ci-dessns comme ayant donné à
ftd-Dakhwâr des leçons sur la médecine.
7 Au lieu de jLJl de N, B porte jLJt*
' ^t (ne). Je crois devoir lire A^\. Avec ^1 on tradoirait 1
«D'abord en la possession des Hdépinst.
* N la nomme la Donaysayriyeh [fie).
^^ Ebn Katir supprime l'adjectif rdatif er-Rab'y.
*^ Le manuscrit porte jm^^J^ (sîc). — « Donayser est une viUe cé-
lèbre; (un) des cantons d*d Djazîreh, au-dessous de la montagne
de Mârédîn. Le sol en est chaud et l'air sain. » MarAsed»
^ Cet ouvrage est cité par H. Khd.. VI, 52 ; mais le manuscrit
traduit par G. FI uegel portait apparemment iijlàyil ^à ^ au lien de
X^i>^i ^^<> i, de sorte que la traduction du titre est, par suite, er-
ronée. Le nom donné par le bibliographe est *émâd ed-dfn ed-Do-
nayséry (Abou 'abd Allah Mohammad ebn *abbâs, l'habile médecin
{tabib).
' 'S H. Khd., I, 246 : j);tJUt jl^^jJt i V}^;!, par le médecin
(hahîm) 'émâd ed-dîn Mohammad ebn *abbAs ebn Ahmad ed-Do-
nayséry, mort l'année 686. — On trouve sa biographie dans ie
Fawât el wcifayAt, II, 175: c Mohammad ebn 'abbâs ebn Ahmad
ebn Sftleh , l'habile médecin *émâd ed-dîn ed-Donayséry, chi£Stte ,
naquit à Donayser Tannée 60 5. H composa (les ouvrages précitée)
et mit en vers les Prolégomènes de la connaissance (tic) par Hîppo-
crate, etc. Il habita Damas et servit à la citaddle sons le règne
d'en-Nâ^er, puis au grand hèpital. Son père était prédicateur à Do-
nayser. — Ed-Donayséry mourut l'ann^ 686. • — Il profenait en-
core à la Donaysényeh en 67 i [ebn Chaddâd), <— Suivant e4-9e-
haby, *émâd ed-dîn mourut le 2 safar. Il était né Fannée 6o5 ou
606, d'après ebn Katîr, et parvint à l'âge de quatre-vingts ans (N,
fol. 24o r").
^ j.i^kf>^j^l i V^> manuscrit de M. Schefer, fdL iho^. —
DESCRIPTION DE DAMAS.
Le Fawât el wafayâi n'en fait pas mention. — Il £Aut sans doi
traduire par : un Livre sur les hennaphrodites.
>^ IjC docteur Leclerc (II, p. 160) donne la biographie de Nedjem
od-din Abou Zacharya Jahya ebn Mbhammad ebn EHobondy. Il
(^tait encore en vie en l'année 1167 (^^^ <^c l'hégire).
^^ Cette dernière date se trouve dans H. Khal.. I, 3oii« comme
étant odle de la mort de Nadjm ed-dhi , mais il s'agit lÀ de son père
Chams ed-<lin (Mohammad) ebn 'abdân, mort, en effet, en Tannée
621 (Comm. ah janvier i3a4)* — D'après Y Histoire de la médecine
arabe, Nadjm ed-dîn ebn el-Loboûdy était au service d'dMansoûr,
prince Ayyoûbîte de Hems. — El Mansoâr Ibrahim , fils de Chîr-
koûh II, régna à Hems de 687 (laSg) à 644 (i344).
>' H. Khal., YI, 113 : tLé Molakkkkas de Fakhr ed-dîn Mo-
hammad ebn 'omar, er-Râzy, mort en l'année 606 (Comm. 36 no-
vembre 1261), eut au nombre de ses commentateurs Nadjm ed-dîn
ed-dîn ebn el-Loboudy, dont il est fait mention sous el Ichârât , et
Chams ed-dîn el-Loboûdy, cité à propos de er-Ra'v el-mo*tabar.
'^ Djamâl ed-dîn es-Zawâwy fut le premier qui donna des leçons
à la Loboûdijeh, qu'il quitta pour voyager. D fut tué aux Qasab,
sur la route de Hems. B eut pour successeur el Maghréby; ce der-
nier s'y trouve encore (en 674) (N, fol. sâo v*).
NOyEMBRE-DÉCEMBRI;: 1894.
NOTES
D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE,
PAR
M. E, SENART,
(suite.)
J'arrive aux inscriptions rédigées en caractères
connus. Elles ne laissent pas que de présenter des
difficultés, moins capitales poiutant que les précé-
dentes.
Et tout d'abord , les deux épigraphes en devanâ-
garî ne sont que des fragments, et de bien courts
fragments. Au moins nous arrivent-ils précisément
à l'heure oui une excellente notice de M. Aurei Stein
sur « les Çâhis de Caboid » , fondée sur son édition
nouvelle des chroniques du Kashmir, nous apporte
des notions plus précises et mieux coordonnées sur la
dynastie à laquelle elles se réfèrent.
Les deux pierres sont certainement incomplètes
par le haut et par la gauche; il est sûr que 3a se
continuait par la droite; les traces de lettres qui
paraissent à la fin des lignes 3 et il en témoignent ;
poiu* 33, ce nest guère moins probable : quel qu*il
NOTES D'EPIGRAPHIE INDIENNE. 5
iïit, ie caractère douteux qui, à la dernière ligne;
vient après ifVf semble suivi de traces d'un autre
caractère tronqué. Par le bas je ne sais rien qui per-
mette de décider positivement si elles se continuaient
ou non; raifirmative est pourtant beaucoup plus
vraisemblable; car les deux textes semblent, à l'en-
droit où ils se terminent pour nous, engagés* dans
un développement étendu. Ni Tim ni l'autre ne nous
ibumissent, du reste, que quelques mots détachés;
encore sont-ils, par fortune, assez significatifs.
On va voir que l'on ne saurait isoler les observa-
tions qu'appellent les deux morceaux.
En voici d'abord la transcription en devanâgarî
moderne :
32
»^ • *^ ^^
^?)« lïT^ .
Si clairs quen semblent d'abord les linéaments,
la transcription du dernier caractère de la seconde
et de la quatrième ligne reste pour moi incertaine.
Je m'en console un peu par cette raison que, même
assurée, elle ne nous apprendrait pas grand'chose,
puisque de part et d'autre c'est la première lettre
d'un mot perdu. Les deux premiers signes de la
quatrième ligne ne sont pas non plus sans difficulté;
bien que le premier ait souffert dune cassure, et
que, dans le groupe, ïm sanscrit affecte un contour-
X, j50A NOVEMBRE-DECEMBRE 1894.
^i ^'v'^nement du trait de droite, à sa partie supérieure,
qui ne se retrouve pas dans ïm de hammira, ii me
semble malaisé de lire autre chose que kamuuiL —
Dans ie groupe qui suit , je suppose que , si le graveur
a, par une fantaisie au moins peu commune, laissé
à iV sanscrit sa forme intégrale, c'était pour noter
du n>éme coup la long par la retombée du trait sur
la droite de ia haste. — En fait de restitutions , une
seule paraît hors de doute, cest la syllabe rà devant
jye. C'est mon ami M. Barth qui ma fait remarquer
la présence d'un e final dans ce mot et dans pariçe-
shîbhûte. A vrai dire, il est quelque peu douteux dans
râjye.
33
Pour ie premier signe, atteint par la cassure, de
la ligne a, M. Barth conjecture jti, peut-être comme
finale de parameça'=^parameçvara (j'imaginerais plu-
tôt qu'il faut chercher ce titre plus bas, en complé-
tant meçvara après para de la ligne 3 ) ; c'est à lui que
je dois la lecture j pour ia première consonne de
cette troisième ligne ; j'avais d'abord transcrite. Quant
à ia voyelle, ii estime que ce pourrait être simplement
un â long. J'incline plutôt à lire jo, pour nétre pas
obligé d'admettre qu'on ait écrit de deux façons dif-
férentes le sonjâ , k deux signes de distance. Il serait»
NOTES D*ÉPIGRAPHI£ INDIENNE. 507
d'autre part, bien tentant de restituer purement et
simplement ie titre habituel [râ]jâdhirâjâ. — J^hé-
site à attribuer au graveur Torthographe bhatâra[ka].
Le /, en composition, s'écrit parfois ^^'au lieu de
( . Peut-être est-ce après tout bhatfâra quïl faut lire,
11 n'existe de toute façon nid doute sur le titre que
nous devons reconnaître ici. Beaucoup plus regret-
table est l'incertitude qui plane sur le dernier signe
du fragment. La lecture de est assurément la plus pro-
bable, encore que, dans cette hypothèse, ïe soit
faiblement indiqué ; en tout cas , la lecture pu , qui , au
lieu d'un Bhimadeva, nous donnerait un Bhimapâla,
paraît exclue. — Ce qui est à peu près certain , c'est
que, devant la première lettre du fragment, il faut
restituer ka. Mais cela ne nous donne pas le nom de
cette famille royale à laquelle était rattaché dans le
protocole ie Çâhi Bhîma.
Heureusement le titre même de Çâhi et le nom de
Hammira nous fournissent d'abord quelques lu-
mières; ils nous reportent à cette dynastie des rois
Çâhis du Caboul ou plus exactement du pays de
Gandhâra dont nous avons des monnaies et qui a
déjà beaucoup exercé la sagacité des antiquaires. Et
en effet le mont Banj, sur les pentes duquel nos
pierres ont été relevées , est situé dans le voisinage et
un peu au nord de Und, sur Tlndus, emplacement
reconnu de l'ancienne Udabhânda qui est donnée
comme la capitale de ces chefs.
Les renseignements qui nous sont parvenus sur
eux remontent à trois sources : le témoignage d'Al-
508 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1804.
biruni, les indications accidentelles de la Ràjata-
ranginî et les monnaies. Il me suffit de renvoyer au
résumé critique qu'a tracé M. A. Stein de ce que
nous savons sur leur compte. C'est, bien entendu,
la dernière dynastie, celle des Brahmanes Çâhis,
qui est ici en cause.
L'identité de notre alphabet épigraphique avec les
caractères des monnaies de Bhimadeva ne permet
pas de douter que nos fragments ne soient exac-
tement contemporains des princes qu'ils mention-
nent. D'autre part , si , comme tout semble l'indiquer,
on a eu raison , dans le « Hanunira » des monnaies et
de la Râj ataranginî , de reconnaître Mahmoud le Ghaz-
névide désigné par son titre sanscritisé d'« Emir » ,
notre fragment 3 a où parait son nom ne saurait
être antérieur à celui qui fut le dernier, tout au
plus Tavant-dernier, roi de la dynastie Çâhi, c'est-
à-dire  Trilocanapâla , son contemporain et sa. vic-
time. L'année de cette défaite n'est pas encore déter-
-minée avec une précision rigoureuse. Mettons , comme
l'admet Elliot, que ce soit la campagne de ioi3.
Trilocanapâla y survécut quelques années et , au té-
moignage de Kalhana (éd. A. Stein, VU, 65), il fit
les efforts les plus honorables pour ramener la vic-
toire.
C'est à ces années de grâce que se réfère le n' 3 a
si , comme il y a heu de le supposer, il mentionne un
«ouvrage entrepris» {'' karmam prârabdham) par le
roi ou sous son règne, alors que déjà «le royaume
avait été démembré» {râjye pariçcshibhûte) par les
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 509
conquêtes de Hammira.En tout cas, les termes caté-
goriques dans lesquels il est ici fait allusion au dé-
membrement, et la formule respectueuse çri-deva
dont est accompagné le nom de Hammîra , donnent
à penser que l'inscription à laquelle appartenait ce
fragment n'était pas un document officiel émanant
directement de la chancellerie du vaincu, mais une
épigraphe placée par quelque particulier ou tout au
plus par un fonctionnaire agissant en son nom privé.
L'allusion au royaume démembré prouve d'ailleurs
que l'auteur se rattachait par des liens de sympathie
et de dépendance «Via dynastie hindoue.
Les titres souverains attribués à Bhîma Çâhi dans
le fragment 33 , paramabhattâraka y adhirâjâ ou même
râjddhirâjâ, puis probablement parameçvara , sont
pour confirmer cette impression.
Ce n'est assurément pas à Bhîmapâia, le fds de
Trilocanapâla, que ces qualifications ont pu être
appliquées; il ne paraît pas avoir exercé de pou-
voir indépendant. Les vraisemblances s'accordent
ainsi avec les traces graphiques pour les rapporter à
Bhîmadeva, le troisième successeur de l'auteur de
la dynastie.
Il est antérieur à Trilocanapâla d'une cinquantaine
d'années au moins. Il n'y a guère d'apparence que
nos deux fragments soient séparés par un intervalle
aussi long. Un point fixe paraissant assuré par le
fragment n° 32 , il faut admettre que le n° 33 n'est
pas d'une date sensiblement différente; que, consé-
quemment, Bhîmadeva y était nommé, non comme
IV. 33
.;>
■Ail.
510 NOYEMBRE^DÉGËMBRE ISOft.
contemporain, mais oolume membre d*mie vamçâ-
v€di plus ou moins cdmplàfe. B serait, à vrai dire,
bien tentant de voir dam ie n"^ 33 un morceau de
ia même inscription à la suite de laquelle appartenait
le n''32. Je reconnaii» que Thypothèse neya pas sans
quelques difficultés. Les caractères du h"" 3^ parais-
sent un peu, très peu, plus .grands que ceux du
n"* 33; ces derniers semblent gravés d'une main
plus sûre et d un burin plus net. Il est vrai que ie
fragment a plus souffert , 6t que Tusure des arêtes
peut être pour beaucoup dans cette impression.
D'autre part , là pierre est bien la même dans les
deux cas ; mais Tindicé n^est pas déoisif. Je n ose
donc être très affirmatif; mais je ue puis me dé-
fendra d'incliner à cette conjecture.
Quoi qu'il en soit, un point parait hors de ques-
tion , et c'est ie point capital , à savoir que nos deux
fragments se rapportent à la dynastie des Çâhis du
Gandhâra et sont contemporains des dernières an-
nées dans lesquelles elle traîna, avant d'achever de
disparaître, une existence compromise et amoindrie,
qu'enfin , à les placer autour de i o 1 5 , nous ne ris-
quons de nous tromper que de très peu d'années.
Nos morceaux en Kharoshf hî nous reportent beau-
coup plus haut, encore que nous ne puissions pré-^
ciser de combien de siècles.
N** 3 4 . — L'inscription . est certainement com-
plète par le haut et par les côtés. Quant à la pwtie
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 511
inférieure, cest douteux parce que, malheureuse-
ment, la transcription, Imterprétation de la troi-
sième ligne est extrêmement incertaine. A en juger
par Taspect général, et à voir la commencement
de la troisième ligné remonter pour éviter, semMe-
t-il, la cassure, on est tenté de croire qu'elle était
bien la dernière. Je n ose à oQt égard rien décider :
sapi aoo ve^khasa masasa di
vase athame 8 isme khanasa .
nagàchati^ daça . . trasa îma .
Ligne i . -^— Le bas de la haste de 1^ se confond
avec la tête du it) de la ligne suivante. Je suppose
que c'est le crochet apparent sur la gauche qui ex-
prime lannsvâra. Le jambage de gauche du signe
([ui marque les centaines est beaucoup plus court
que d'ordinaire. Mais il suffit de se reporter à Tin-
scription de Pandjtar (Cunningham, -Arc/i, 5arv., V,
pi. XVI) et à celle de Hashtnagar (Vincent A. Smith,
Grœco-Rom, influence on India, pi, X) pour se con-
vaincre que ce trait peut varier de longueur; cette
particularité ne jette aucun doute sur la valeur de la
ligure. Le premier trait vertical de^ unités est lui-
mênie quelque peu anormal et semble presque, à
sa partie inférieure , traversé d'une barre horizontale ;
j'estime que ce ne peut être qu'un accident de la
pierre.
Ligne a . •— ' Je ne propose qu'avec hésitation la
lecture sme. Cependant ïm s'écrit quelquefois vèr-
33.
512 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
ticaleinent comme dans danamakho de Tépigraphe
n° a de mes Notes d'épigraphie indienne, fascicule III,
où mu a la forme d ; et quelle autre vdeur que e
pourrait avoir le trait vocalique , puisquHl ne dépasse
pas vers la gauche? Après Tingénieuse interprétation
qu a donnée M. Bûhler [J. R. As. Soc, , juillet 1 896 ,
p. 535) des caractères içe chunami à Zeda, cette
finale e n'a pas lieu de surprendre; et on ne peut
guère hésiter à reconnaître ici la formule équivalente
dans isnie klianasa = asmin ksJiane. Il est probable
seulement quil faudrait khanasif au locatif; maLs je
ne découvre aucune trace de la voyelle. Il est vrai
qu'il se peut que F* ait été suivi d'un autre caractère.
La pierre porte certainement une trace d'entaille ; la
question est de savoir si elle est ou non accidentelle,
et je n'ose la trancher.
Ligne 3. — Dans cette ligne presque tout est pro-
blématique. Le second signe que je lis ga est mal
aligné, on ne s'explique pas pourquoi, et la cassure
du haut empêche de savoir si nous sommes réelle-
ment en présence de la boucle du f • Après l'ïii, il
est difficile de savoir si ce qui apparaît comme un
signe ri avec un trait vocalique en haut à gauche
est vraiment un caractère ou simplement une dété-
rioration de la pierre. Les éraflures d'aspect anadogue
qui se prolongent en biais au-dessous me font in-
cliner à la seconde hypothèse, d'autant plus que le
pronom imafh donne une fin admissible, si l'épi-
graphe se terminait bien avec cette ligne. Dans Tin-
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 513
tervaile, ii y a deux caractères que je n'ose même
pas transcrire, et il n'en est guère parmi les autres
dont je me sente tout à fait certain : pour lire cha,
je suis obligé d'admettre une variante ^ de la forme
Y ; le <ra n'a pas la rigidité qui faudrait; et le signe
suivant ne peut s'interpréter d qu'en le supposant
beaucoup plus incliné que de raison. A la rigueur
on pourrait être tenté de lire m, tandis que, pour le
sixième caractère , on hésite entre ç et y. Pour comble
de malheur, je n'ai à oflBrir de nagachatra aucune
interprétation convaincante. Je ne puis que me ré-
férer à l'expression samanachatra de l'épigraphe Vu
du Lion de Mathurâ (d'après Biihler, J. R, As. Soc, ,
juillet 189/i, p. 536); encore ce rapprochement,
s'il est justifié, serait-il de nature à écarter la signi-
fication spéciale de « monument funèbre » qu'attribue
à ce terme M. Bùhler dans le passage cité.
Tel qu'il est, le déchiffrement partiel que je pro-
pose a pour principal avantage de découvrir dans
cette ligne les deux termes essentiels que nous de-
vons y attendre : l'indication de l'objet donné, à la-
quelle correspondrait le premier substantif étayé du
pronom imam, et l'indication du donateur dont le
nom au génitif se terminerait par trasa.
Il ne résulte en somme de ces observations qu'une
traduction fragmentaire :
L'an 3 00, le huitième (8) jour du mois Vaiçâkha, à cette
date, ce nâgacchattra [don] de Daça(ott Daya) . . Ira.
N° 35. — Je transcris :
514 NOVfiMBRË'DÉCRMfinË 1ft04.
danamukho
maka^akaputrasa vayira
samyatsaraye loa bhuho
•«•
Ligne i . — Sur lexprensiôn ian(mukhd']e renvoie
à un ]^récédent cahier de ced Noîes (III, pi 9t çt
suiv.).
Ligne a. — Il n'y a lieu, je pense, d^attacher
aucune importance à une éraflure de la pierre qui
forme comme un appendice vocsdique k Textrémité
de gauche du croissant de Ym initial. Bien que le
trait traverse le jambage gauche du ^ et non pas le
droit , comme d ordinaire , la lecture du nom vaytra ,
c'est-à-dire vajra, ne peut guère laisser de doute.
Ligne S. • — Ce qu'il e^t plus difficUd de ftavoir,
c est si , Àu début de ôétte ligne , il mfthque un ioul
signe ou bien deux, et s'il faut entenchré vayiruM
ou vayirakaêa, âvec le suffixe ka comme dan« ma-
kddaka. La chose est de peu de Conséquence. ^-^
L'5 initial de sanimtsara parait moins détruit sur
l'estampage que smr notre planche. En revanche , ïs
du groupe tsa n'y est pas plus clair; je pense pour-
tant que personne n'hésitera sur la leoture. Lft smie
difficulté réside dans les deux caractères de là fin. D
est d'autant plus f&cheux que le dernier ait souffert.
Mais, si l'on compare l'inscription suivante OÙ lis- re-
paraissent , on ne peut guère douter qu'il n'ait eu la
forme ^ , car ils sont gravés cette fois le plus net-
tement du monde. Ils n'en sont pas plus aisés à tran-
scrire , et surtout à interpréter. En Ce qui èôneeme
NOTES D'ÉPIGRAPHIE INDIENNE. 515
le premier, la voyelle eât très claire ; quant à la con-
sonne, ce ne peut être qu'un /r ou un bh* La compa-
raison de agrabhaga à la troisième ligne du vase de
Wardak ( Dowson , J. R. As, Soc. , XX , pL X) Jointe à
ce fait que danft notre présente épigraphe le Je est très
nettement écrit "]n , me paraissent ne laisser place qu'à
la lecture bka. Je lis . ho le second signe , en admet-
tant que le trait dô Ï6 eit ajouté au pied de i'^^, au
lieu d'être inscrit au-dessous de la boucle; je ne
vois guère quelle autrô interprétation on pourrait
tenter.
Mais comment entendre les deux syllabes bhuho?
La place qu'elles occupent ici serait de natm*e à y
faire chercher quelque indication de calendrier ^ ;
mais elles sont, au numéro suivant, introduites en
tout autre voisinage. Il est permis de se demander
si ces deux syllabes ne représentent pas le commen-
cement de deux mots écrits en abrégé , et si le trait
horizontal qui au n** 3 6 est inséré entre les deux figures
n'a pas pour but de le rappeler smâ yeux. Peut-être
^ Je profite de cette occasion pour appder Tattention sar une
autre expression, peut-être de nature analogue, obscure aussi à
coup sûr, qui reparait dans les inscriptions du Nord-One!{t, par
exemple à la pretnière ligne du vase de Wardak. Dowson la lisait,
je ne sais trop pourquoi, stehi. Le fac-similé donne plutôt vrekL
N'est-ce pas çrehi qu'il faudrait lire, ^jl *" ^^^^ ^® ^"ï.^ ^^® ^®
comparerait alors très naturellement au mot çrâhe ou çrâhi que
MM. Fleet et Kielhorn ont tdUr à tour relevé (Ind, Antiq., XXII,
p. 22 2, et XXIU, p. 2 2 4) dans des inscriptions de provenances
très diverses. Il me semble que le rapprochement, tout hypothé*
tique qu'il soit, mérite d'être signdé à ceux qui reprendront l'étude
de cette locution jusqu'à présent complètement inexpliquée.
516 NOVEMBRK-DÉCEMBRE 1804.
l)Ourrait-on alors essayer de compléter 6fcâ[^i] 1w[ta] ;
ce serait une formule de bon augure, équivalente
aux locutions siddhaih ou siddhir asta, usitées ailleurs.
En somme , notre inscription constate une « Do-
nation de Vajraka, fils de Màrkandaka, Tan i oa . . . •
N** 36. — Cette inscription, très bien gravée en
assez gros caractères, est justement celle qui, en
somme, rend le moins à Tinterprétation. Ce nest,
en eflfet, qu'un court fragment, un simple tronçon
de ligne, et par surcroît le dernier signe est tout à
fait indistinct. Celui qui précède, bien qu atteint,
ne peut être qu'un *f (w), qui, avec les précédents,
donne savaha^sarvajha « l'omniscient », un titre du
Buddha, en sorte qu'on attendrait le signe du gé-
nitif: savahdsa. Mais je ne puis dire que la restitu-
tion, à examiner la pierre de près, paraisse bien
plausible. Des trois signes qui forment le mot pré-
cédent, celui du milieu est le plus clair;. il a tout à
fait l'aspect du 4 [d] et paraît bien être accompagné
d'un tt. Avant lui se présente un caractère dont la
boucle est d'un tracé un peu ondulé et déconcertant ,
où l'on n'ose reconnaître ni un y (i), étant donné
Yl très bien formé qui précède, et où l'on hésite à
chercher un 'J [e), en voyant combien le signe 2,
qui suit a la tête — qui devrait être identique —
plus régulière; c'est cependant la valeur e qui est
certainement la plus probable. Si nous avons dès
lors eda comme commencement du mot, nous ne
pouvons guère hésiter à lire ka le signe suivant; il
NOTES D^ÉPIGRAPHIE INDIENNE! 517
est vrai que le trait de gauche en haut est recourbé ,
et s'écarte ainsi de la forme normale ; mais c'est une
singularité qui se retrouve ailleurs ; et , pour ce qui
est du trait de droite, simplement obUque au lieu
d'être cassé à angle droit , le vase de Wardak , pour
ne citer que ce terme de comparaison , offre , à dé-
faut d'analogie décisive , plus d'un cas qui fait tran-
sition et jette un pont entre les deux types extrêmes.
— Pour le commencement, si l'explication n'est
rien moins que claire, la lecture est nette.
Nous avons , en somme :
— yavaiiapipaîakhaana hhu-ho eduka savana[sa)
C'est-à-dire en sanscrit, abstraction faite de la
formule bhaho , quel qu'en soit le sens :
Notre pierre aurait donc marqué l'emplacement
d'un « reliquaire du Buddha ». Quant à l'adjectif
yavanapippalâkshayânâïh , si les composants en sont
individuellement clairs, le sens, l'application, tout
enfin en demeure complètement obscur.
Nous sommes du moins presque certains d'être
en présence d'un débris bouddhique.
11 est bien fâcheux que nous soyons toujours aussi
mar édifiés sur lere ou les ères employées dans ces
monuments. Ces dates de loa et aoo ne nous ap-
prennent rien de positif. Il est au moins probable
518 NOVEMBRË-DÉGEMBRË 1804.
que notre n** 33 est exactement contemporain de
Guduphares et de son inscription de Takhh i Bahi
érigée en 10 3. Je suppose que notre n"" 3 A est bien
datée dans la même èré| ce n-est pos seulement
parce que les deux pierre^ appartiennent au même
rayon; On ne peut manquer d'Ôtre frappé combien
laspect de Técritufe a changé de Tune à Tautre;
combien, dans la plus anclennd, sanft être plus habi^
lement gravée , elle «st formée avec plus de scrupule
et de précision; Combien elle est danii la âeconde
plus cursive, plus insouCiMse de mettre tn ftaâiie
les particularités qui distinguent et individualisent
chaque lettre.
Considéré de ce point de vue, le n"" 36 tient en
quelque sorte une poûtion intermédiaire, quoique
en se rapprochant sensiblement du n® 35 avec lequel,
d autre part , il partage lemploi de la myStériouse for-
mule bhaho.
NOUVELLES £T MÉLANGES. 519
■■»*■■■> ■ ■■***■■
NOUVELLES ET MÉLANGES.
SEANCE DU Q NOVEMBRE 1894.
La séance est ouverte à à heures et demie, soos la prési-
dence de M. Bari)ier de Meynard.
Lecture est donnée du procès-verbal de la séance du 1 1 mai
dernier; la rédaction en esl adoptée.
M. le Président annonce à la Société la perte qu^eHe vient
dé faire en la personne dé son ^crétaira M» J« Darmesteter,
et prononce l'allocution suivante :
Messieurs ,
La mort ne se iâsse pas de faire des vides dans
nos rangs et jamais pettt-âtre la Société asiatique n a
éprouvé coup sur coup des atteintes plus cruelles.
11 y a deux ans à peine « noud perdions notre illustre
président M. Ernest Renan, et aujourd'hui, cest
celui qui lui avait consacré les pages éloquentes dont
vous n avez pas perdu le souvenir, c'est notre sa-
vant et cher secrétaire James Darmesteter, qu'une
fm soudaine enlève à nos travaux et à notre a£Pec-
tion.
Avec quelques*uns d entre vous , je lai accompagné
jusqu'à sa dernière demeure; mais, pour obéir à une
pieuse décision de la famiile , le jour des funérailles ,
notre douleur est restée muette. C'est ici, devant
cette place vide , que je dois lui adresser nos derniers
»20 NOVEMBRE-DÉGEMBRË 1804.
adieux et rappeler tout ce que nous devons à cette
existence si courte et si bien remplie. Vous n at-
tendez pas de moi que je la retrace en détail. Je
parle à des confrères qui connaissent et apprécient
autant que moi les services rendus par ce collabo-
rateur dévoué qui, pendant vingt ans, a vécu de
notre vie scientifique et frayé une voie nouvdle aux
études orientales. Pour signaler la valeur de ses tra-
vaux, il suffirait den faire Ténumération , et notre
Société pourrait sans doute en revendiquer la meil-
leure part. Vous me permettrez cependant, Messieurs ,
de remonter jusqu*aux débuts d'une vie pleine pour
nous d'enseignements et de motifs de consolation.
D'autres déjà en ont raconté les commencements
pénibles , les difficultés de la première beure. Gomme
son frère aîné qui, lui aussi, a disparu jeune en lais^
sant une trace profonde, J. Darmesteter a été, dans
le meilleur sens du mot, le fils de ses œuvres. U
naquit en 1 8^9 , à Château-Salins , où leur père exer-
çait la profession de relieur. Espérant am^iorer la
situation de sa famille et donner à ses enfants une
éducation plus libérale, cet bonnéte travailleur vint
se fixer à Paris. Malgré les déceptions qu il y ren-
contra, il ne recrda devant aucun sacrifice pour as-
surer l'avenir de ses deux fils. Tandis qu Arsène Dai^
mesteter se préparait par fétude de Thébreu au
ministère du rabbin , son jeune frère devenait le plus
brillant élève du lycée Gondorcet et enlevait le prix
d'honneur de rhétorique au concours générai de 1 866.
Mais les succès de collège n'exemptent pas les dés-
NOUVELLES ET MÉLANGES. 521
hérités de la fortune des incertitudes et des déboires
de la vie. J. Darmesteter, avec sa nature impression-
nable et sa vive imagination, en souffrit plus que
d autres. Après avoir obtenu les deux diplômes des
baccalauréats es lettres et es sciences et celui de li-
cencié des lettres, on le voit hésiter entre différentes
voies, passer de Tétude du droit et de la philosophie
à la poésie et à des essais de théâtre jusqu au jour
où son frère aîné, le prenant parla main, le dirige
A ers rÉcole des hautes études où lui-même venait de
se faire une place distinguée. Dans cette pépinière
de sujets d'élile, J. Darmesteter étudie la grammaire
comparée avec M. Michel Bréal, le sanscrit avec Hau-
vette-Besnault et Bergaigne. Dès lors, ses incerti-
tudes cessent, sa vocation se décide : c'est TOrient
qui sera son domaine et, par ce choix, il devient
un des nôtres.
C'est en i 8-7/1 qu'il fut reçu membre de la Société
asiatique et, comme si la fatalité l'avait déjà marqué
pour une fin prématurée, ses deux parrains furent
(iuyard et Bergaigne, tous deux frappés en pleine
sève de talent, alors qu'ils contribuaient si vaillam-
ment aux progrès de nos études. Notre nouveau
confrère ne prit pas tout d'abord une part très ac-
tive à la rédaction du Journal asiatique : des travaux
déjà commencés ou en préparation absorbaient son
activité. Après avoir donné à la Société de linguis-
tique des Notes de philologie iranienne^ qui promet-
^ Mémoires de la Société de Hngaistiqae de Paris, fasc. iv, p. 3oo-
317.
52S NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1804.
taient un philologue de premier ordre , il mettait la
dernière main à sa mythologie de ÏAvesta^ Dans ce
mémoire qui iut sa thèse à TÉcole des hautes études ^
il montre , avec une pénétration et une vigueur d'in^
tuition peu communes, le râle que jouent dans les
mythes avestiques les deuit Amachaspands ou génies
qui personnifient la santé et Timmoriatité et que le
dualisme mazdéen oppose aux deux démons de la
maladie et de la mort. Il remonte à Torigine de cette
conception , la suit dans ses transformations et jette
ainsi les hases de sa théorie de YAve$ta. Le principal
mérite de cet essai est non seulement de donner une
interprétation plus complète et plus lumineuse du
mythe primitif, mais surtout de lavoir retrouvé à
travers ses métamorphoses étranges et d'avoir déter^
miné dans quelle mesure chaque peuple se Test ap-
proprié. L'Académie des inscriptions lui décerna à
juste titre le prix Delalande-<juérineau.
Les obscurités qui enveloppent le panthéon ira-
nien , loin de la décourager, semblaient aiguiser sa
curiosité. Deux ans plus tard, en 1877, il fit pa-
raître dans la Bibliothèque de TÉcole des hautes
études de nouvelles recherches sur le principe fon-
damental et le développement du dualisme iranien ^ ;
elles lui valurent le grade de docteur es lettres.
Fidèle à sa méthode d'investigation historique, il
^ HàvrvatJt mt AanuiT^T» ^wi $ur la wftM^gUdêîAitetta,
(Bibliothèque de TÉcoie des hautes études, fasc. xxiii. Paris, 187$.)
' Obmazb mt Abmmâk, Uurs •rîjjtnat H kv JUilMfe, (BiÛiO'
thèque de l'École des hautes études, fasc. xux. Paria, 1877.)
31
I
4
NOUVËLLEB ET MÉLANGES. 523
cherche 1 origine de cette conception religieuse dan3
la période antérieure à la séparation des Hindous et
des Perses et ia poursuit dans son évolution à travers
les âges : il fait voir comment l'ancien démon de
lorage, grandissant en puissance et en attributs mé-
taphysiques à régal de son antagoniste le principe
du bien, finit, selon Ténergique expression de Tau-
teur, par n'être plus qu'Onnazd retourné. Le maz-
déisme se révèle ainsi non plus comme une création
indépendante due à Tinspiration d'un prophète , mais
comme le développement logique et continu des
croyances dont l'Inde a été le berceau. On ne peut
s'étonner que, par sa nouveauté et sa hardiesse, cette
thèse ait rencontré des contradicteurs et provoqué
un débat où , de part et d'autre , on s'est laissé entraîner
quelquefois au delà du but. Mais si nombreuses et si
frappantes sont les analogies sur lesquelles elle s'ap-
puie , qu'elle entraîne la conviction et n'a rien à re-
douter, au moins dans ses données principales, d'un
déchiffrement plus complet des textes pehlvi.
Les limites de cette notice ne me permettent pas
de m'arrêter sur d'autres travaux que M. Darmes-
teter fit paraître successivement et qui augmentaient,
chaque jour, sa réputation de savant et d'écrivain.
Qu'il me suffise de citer son Mémoire sur la Légende
d'Alexandre, sa critique impartiale des Anticfuités ira-
niennes de Spiegel et de XUistovre dç la Perse anti^jue
de Justi ^ Ses travaux si variés et si solides lui va-
^ Il faut joindre à cette liste les ouvrageni luivants : Coup d*œil
svLT l'histoire de la Perte i Le Mahdi depuis. Us origines de tlslam.
524 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
lurent les suflfrages du inonde savant, et il en reçut
un témoignage des plus honorables de la part d'un
des maîtres de Tindianisme , M. Max MûUer, qui le
chargea de la traduction anglaise du Zend Avesta
pour la grande collection des Livres sacrés de l'Orient,
Le premier volume, qui renferme le VenMad, parut
en 1 880 \ précédé dune introduction, qui est, à eUe
seule, une œuvre capitale par le développement que
lauteur a su donner à ses théories sur la restaura-
tion de la religion de Zoroastre et Tâge qu'il faut
assigner à la rédaction de ï Avesta^ telle qu'elle nous
a été transmise. Cette thèse, que M. Darmesteter a
reprise plus tard avec un grand renfort de preuves
nouvelles , est peut-être celle qui fait le plus d'hon-
neur à Toriginalité de son esprit; celle aussi qui a
soulevé le plus grand nombre d'objections. J'y re-
viendrai bientôt en pariant de son édition française
de ï Avesta. Mais, dès son apparition et quelles que
fussent les réserves faites sur le fond de la question,
les juges les plus compétents s'accordèrent à louer
les grandes qualités de la traduction : fidélité au
texte, sûreté de méthode et heureux emploi de la
tradition combinée avec les ressources de l'étymo-
clans la collection eizévirieiine d'E. Leroux; Jemmd et la légtnde
de Jemshid [Jowrn. asiaU, 8' série, t. VIII); Points de contact entre
le Mâhâbliaiata et le Shàh-Naineh [ibid,, t. X, p. 6); Les Inscription
de Caboul (ibid, (. Xî, p. 491) ; L'apocalypse de Daniel (dans les Mé-
langes Renier, p. 4 o5 ) ; Souvenirs bouddhistes sur l'Afghamstân ( Joam.
iisiat. , 8' série, t. XV, p. io5); La grande inscription de (Jandakar
(ibid.t t. XV, p. 196).
^ The Vendidad, tome IV des Sacred books oj tke Eait.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 525
logie. Un des plus autorisés parmi ces juges n'hé-
sitait pas à déclarer que « ce travail auquel il ne
manque que d être écrit en français est un titre
d'honneur pour la philologie française ».
On doit njettre sur la même ligne les Études ira-
niennes \ en deux volumes, que M. Darmesteter fit
paraître en i883 et qui furent un de ses principaux
titres à la chaire du Collège de France. Dans le pre-
mier volume , consacré à l'histoire de la langue per-
sane , il passe en revue les périodes successives des
idiomes iraniens; il démontre que l'ancien perse et
le zend ont eu une vie indépendante l'un de l'autre
et que le véritable berceau du persan moderne doit
être placé au cœur de l'Iran , dans le Fars actuel.
C'est surtout en abordant les difficiles questions du
pohlvi qu'il déploie ces qualités d'ordre et de clarté
qui, chez lui, facilitent et rendent presque attrayante
la lecture des sujets les plus ardus : vous vous rap-
pelez , Messieurs , son ingénieuse explication de l'az-
varech et avec quelle irréfutable logique il relègue
le prétendu parsi au rang d'un dialecte pehlvi tran-
scrit, assez maladroitement du reste, en caractères
zend. Tout ce qui se rapporte, dans ce volume, à
la phonétique et à la morphologie de l'iranien est
conduit de main de maître avec une richesse d'exem-
ples qui dénotent de vastes lectures et une érudition
toujours sûre d'elle-même. Le deuxième volume ren-
' Etudes iraniennes, par J. Darmesteter; t. I : Grammaire kisto-
rique du persan ; t. II : Mélanges d'histoire et de littérature iranienne,
(Paris, Vieweg, i883, in-8'.)
IV. 3-i
526 NOVËMBRË-DÉCEMBRË 1894.
ferme, outre quelques morceaux inédits, plusieurs
articles de critique et de philologie qui avaient paru
déjà dans des revues spéciales, mais en les donnant
pour la secondé fois au public, lauteur les a re-
fondus et enrichis d observations nouvelles. Il y a
joint aussi des fragments non encore publiés sur les
mythes et les légendes de la Perse; ce sont autant
de monographies du plus vif intérêt, qui se recom-
mandent par un style net, incisif et semé de traits
heureux. Les Essais orientaux, parus la même année ^,
sont également un recueil de mélanges dont quel-
ques-uns, comme la Légende d' Alexandre, le Dieu
suprême dans la mythologie arienne, etc., étaient déjà
connus , mais il s'ouvre par un beau morceau d'élo-
quence où l'auteur revendique chaleureusement pour
la France une grande part dans les découvertes de
l'orientalisme moderne.
Tant et de si beaux titres scientifiques ouvrirent à
M. Darmesteter, en 1 885, l'accès du Collège de France
où l'ancienne chaire de persan fut dotée d'un pro-
gramme plus large et plus approprié à son nouveau
titulaire. Ces titres, depuis dix ans déjà, vous les aviei
reconnus en le nommant membre de votre Conseil
et en lui confiant bientôt après la rédaction des rap-
ports annuels, tâche honorable, mais d'autant plus
difficile qu'il y avait été précédé par des savants tek
que Burnouf, MohI et Renan. Personne plus que
le nouveau secrétaire n'était capable de continuer
^ Essais orientaux, par J. Darmesteter. (Paris, i883, in -8%
278 pages.)
NOUVELLES ET MÉLANGES. 527
la tradition de ces maîtres, et, pour me servir dune
heureuse expression qu il appliquait à ses devanciers ,
chacune de nos séances générales devenait, grâce à
lui , une fête de lesprit. S'il mit quelques interrup-
tions dans laccomplissement de ce devoir, son
voyage dans Tlnde et malheureusement aussi TafFai-
blissement progressif de sa santé en furent la cause.
Nous ne saurions , Messieurs , garder un souvenir trop
reconnaissant de cette preuve de zèle dévoué que
M. Darmesteter nous donna en rédigeant, pendant
dix années, les annales de Torientalisme français.
Notre éminent confrère M. Bréal a dignement re-
connu Timportance de ce service qu'il apprécie dans
les termes suivants : « On sait avec quelle supériorité il
s'est acquitté de sa mission ; comme M. Renan , mais
avec une connaissance plus intime des hommes et
des choses, il savait démêler dans chaque ouvrage
ce qui s adressait au public lettré en général , ce qui
contribuait au progrès de la pensée humaine. Au
milieu de ces énumérations qui auraient pu fatiguer
si] s'était borné à Toffice de rapporteur, il semait
des aperçus qui lui étaient propres et il surprenait
quelquefois les auteurs eux-mêmes en leur montrant
le point essentiel par où leur travail méritait de durer.
Aux appréciations des hommes et des livres il ap-
portait, selon l'exemple de son prédécesseur, une
bienveillance d'autant plus méritoire que, par son
tour d'esprit naturel , il aurait plutôt été disposé à la
sévérité. »
Ce voyage dans llnde auquel je faisais allusion,
34.
528 NOVËMBRE.DËCEMBRt: 1894.
qui nous priva pendant plus d'un an de sa collabo-
ration, fut pour J. Darmesteter une suite d'ovations
de la part de la colonie des Parsis de Bombay et lui
fournit en même temps une excellente préparation
à son œuvre maîtresse, la traduction française de
ïAvesta. C'est là aussi qu'il recueillit les matériaux de
son travail sur les chants afghans^, que vous avez jugé
digne de figurer dans la Collection d'aatears orien-
taux publiée par la Société asiatique. De ce livre , qui
dépasse de beaucoup les promesses du titre, je re-
tiens surtout l'introduction qui constitue une œuvre
philologique complète et de haute portée. Par le
rattachement de la langue afghane {poachtoa) au ra-
meau iranien des langues aryennes, se trouve résolu
un problème linguistique qui avait donné naissance
h d'étranges illusions. Désormais il ne sera plus per-
mis ds nier que l'afghan est le descendant direct
soit du zend, soit d'un dialecte étroitement apparenté
au zend. On admire avec quelle habileté, de la solu-
tion de ce problème en apparence si éloigné de la
littérature avestique , M. Darmesteter a su tirer des
lumières inattendues sur le pays d'origine, ou tout
au moins sur la langue du livre sacré de l'Iran.
La traduction française de YAvesta, qu'il publia
dans les Annales du Musée Gaimet^, a été le couron-
' Chants populaires des Afghans, recueillis, publiés et tradaîts
par J. Darmesteter, préciklés d'uue introduction sur la langue,
l'histoire et la littérature des Afghans, 1890, 1 fort vol. in-8*.
^ Le Zend Avesta, traduction nouvelle avec commentaire kistoriqme
et phUoloffiffae, — i*' vol. : la Litui^ie; 3* vol. : la Loi, IcSpopiSe,
NOUVELLES ET MÉLANGES. 520
nement de sa vie, la synthèse d'un labeur de vingt
années, un modèle d'érudition et de style que l'In-
stitut a estimé à sa juste valeur en lui décernant le
prix biennal , la plus haute récompense dont il dis-
pose. Permettez-moi de rappeler les données fonda-
mentales de ce grand travail. Pour fixer avec une
entière certitude le sens souvent si obscur de FAvesta ,
il n y a plus à compter sur la méthode linguistique ,
ni sur les hypothèses étymologiques qu'elle donnait
pour base à son interprétation. On doit y substituer
la méthode traditionnelle et historique; c'est, par
conséquent, l\ l'ensemble de la littérature parsi qu'il
faut s'adresser pour pénétrer la signification réelle du
texte. La démonstration rigoureuse qu'il a donnée
du caractère liturgique du Yasna suffirait pour assu-
rer à son œuvre une incontestable originalité; mais
elle reçoit une valeur nouvelle des fragments re-
cueillis à Bombay qui enrichissent d'un dixième au
moins le texte accepté par la tradition. Quant à
la thèse sur la rédaction de VAvesta que l'auteur
a développée avec tant de finesse et souvent avec
tant d'éclat, vous savez. Messieurs, tout ce qu'elle
renferme de neuf et d'osé, et les objections qu'elle a
soulevées ne vous ont pas surpris. Elle peut se ré-
sumer en quelques mots. La source d'inspiration de
YAvesta reste toujours la vieille Veligion des Aché-
ménides, mais profondément influencée, après la
le Livre de prières; 1892. — 3' vol. : Origines de la littérature et
de la religion zoroastriennes ; appendice à la traduction de VAvesta ;
1893. Paris, Leroux, in- 4°.
530 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
conquête d'Alexandre, par les idées néo-platoni-
ciennes et bibliques; c*est toujours Tantique théo-
logie zoroastrienne , mais remaniée d'abord par un
roi arsacide contemporain de Néron ou de Vespa-
sîen, et, plus tard, façonnée à lesprit du temps par
Ardéchir, le fondateur delà dynastie des Sassanides,
au m* siècle de notre ère. Ainsi expliqué, YAvesta
devient à son tour un document d'un prix inesti-
mable pour l'histoire de la philosophie alexandrine
et du gnosti'cisme , et mieux encore pour l'étude du
grand mouvement religieux qui remplit les trois pre-
miers siècles de Tère chrétienne. Quelles que soient
{es retouches que la découverte de nouveaux frag-
ments introduira, un jour, dans ce système, on ne
peut qu'admirer le talent avec lequel l'auteur le déve-
loppe et le soutient : l'élévation des idées générales,
la sûreté et la profondeur des recherches , la perfection
du style en font un modèle d'érudition élégante, je
dirais presque une œuvre d'art. Pleine justice lui a
été rendue par la critique étrangère , trop souvent ou-
blieuse de nos travaux. « L'ouvrage de.M. Darmesteter,
a dit un savant ordinairement enclin à la sévérité
(M. Geldner) , fera époque dans l'histoire des sciences
religieuses. » M. Max Mûller n'est pas moins affir-
matif dans les éloges qu'il lui décerne ^ : « Par celte
traduction, M. Darmesteter s'est montré le digne
successeur d'Kugène Bumouf. Son interprétation des
textes obscurs de YAvesta est presque de la divina-
^ Lettre adressée au Times en date du ao octobre 1894*
NOUVELLES ET MÉLANGES. 531
tion, mais de la divination fondée sur des faits et
sur la méthode inductive. Par sa merveilleuse et
quasi poétique faculté de composition, il était à
peine inférieur à Renan, tandis que, par la soli-
dité de sa science et la sûreté de son jugement, il
perpétuait la grande tradition des Quatremère et
d'autres savants illustres. »
Je ne dois pas oublier que je n'ai à parler ici que
de Torientaliste et de la part considérable qu'il a
prise à nos travaux. Si je n étais pas obligé de rester
dans ces limites , j'aimerais à suivre ce brillant esprit
dans toutes les directions où il a pris son essor. Je
voudrais citer une de ces pages pleines d'émotion
que rhistoire du peuple juif lui a inspirées, ou bien
celles qu il a écrites en Thonneur des prophètes , en
revendiquant pour les voyants d'Israël la gloire d'avoir
proclamé et légué à l'humanité les deux grands
dogmes de l'unité divine et du messianisme. Dans
une sphère moins haute et d'un accès plus facile, je
retrouverais le fin connaisseur de la littérature an-
glaise , qui a tracé pour tous une esquisse vivante du
théâtre anglais, le commentateur de Macbeth qui a
su joindre à son édition devenue classique une étude
sur le génie de Shakespeare , que Taine n'aurait pas
désavouée.
Faut- il croire, comme on l'a dit, que M. Dar-
mesteter, malgré le culte qu'il avait voué aux études
orientales , ait fini par s'y trouver à l'étroit et qu'il
ait spontanément recherché de plus vastes horizons?
Cette détermination, si elle a été la sienne, ne^peut
532 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1804.
qu augmenter nos regrets, car les conséquences en
onl été fatales. iUen ne lui manquait pourtant de ce
qui peut satisfaire Tambition d*un homme d*étude :
une situation assurée dans le haut enseignement, un
nom déjà acclamé, de chaudes amitiés qui lui fai-
saient dédaigner quelques dénigrements obscurs. Rn-
fîn, dans ces dernières années, une union, qui avait
rapidement transformé des afi&nités littéraires en un
vif cl réciproque attachement , lui avait apporté, avec
la consolation de ses deuils de famille, les douceurs
et le charme du foyer domestique. Tout semblait
conspirer à lui faire une existence enviable; mais
déjà le ressort de la vie était brisé en lui. Si vi-
goureux que fût cet esprit d'élite, il ne pouvait, dans
sa frêle enveloppe , résister à un eflFort trop prolongé.
Au moment où il achevait pour le Journal asiatùiae
la publication de cette curieuse lettre de Tansar
qui apportait une confirmation inattendue à ses vues
sur le mazdéisme, il crut ne pas devoir refuser la
direction d'une revue périodique qui venait d'être
fondée. Ses débuts y firent sensation et il déploya
dans fe domaine des spéculations politiques les qua-
lités supérieures dont ses travaux d'érudition avaient
eu jusque-là le privilège exclusif. C'était trop de-
mander, non pas à sa vaste intelligence, mais à ses
forces physiques.
Et pourtant , si lourd que fût son labeur quoti-
dien, il ne voulait pas qu'on pût croire que son assi-
duité à nos réunions en souffrît. Vous vous le rappe-
lez, Messieurs, il était encore parmi nous à notre
NOUVELLES ET MÉLANGES. 533
dernière assemblée de juillet; malgré mille pénibles
préoccupations, il était venu tout exprès pour nous
lire son travail sur les Parthes à Jérusalem , qu'il avait
préparé pour cette séance générale. C'était, et peut-
être en avait-il le pressentiment, la dernière preuve
de bon vouloir qu*il donnait à la Société qui avait
vu éclore son talent et fortifié sa vocation.
Nous ne devions plus le revoir. Ni Tair vivifiant
des champs, ni la tendresse et les soins de celle qui
était si digne de le comprendre et l'aimer n'ont pu
triompher d'un mal d'autant plus difficile à com-
battre qu'il le dissimidait aux autres et à lui-même.
Le 1 9 octobre dernier, il a rendu le dernier soupir,
»^ l'âge de quarante- cinq ans, sans crise suprême,
sans agonie, comme s'il n'avait plus même la force
de souffrir.
Cette mort prématurée est un deuil cruel pour la
haute culture et les lettres françaises. Aux regrets
unanimes qu'elle a inspirés parmi nous sont venus
se joindre ceux de l'étranger et nous en recevons
chaque jour les témoignages sympathiques. Mais
nulle part elle ne sera ressentie plus douloureuse-
ment que dans nos rangs : elle brise une de nos
forces vives et laisse interrompue une tâche que les
meilleurs hésiteront à continuer. La célébrité que
J. Darmetester devait aux travaux dont je n'ai pu
donner qu'une faible idée rejaillissait en partie sur
notre Société ; il était pénétré du rôle important qui
nous est dévolu; par son enseignement et ses écrits
534 NOVEMBRE-DÉCEMBRË' 1894.
il a puissamment contribué à le grandir. Gardons,
chers confrères, gardons dans nos cœurs le pieux
souvenir de Tabsent ; mais ne nous laissons pas abattre
par les disgrâces du sort : rapprochons-nous et tra-
vaillons plus courageusement que jamais à raccom-
plissement de nos devoirs scientifiques en nous inspi-
rant de son exemple , avec la conviction que c'est le
meilleur hommage que nous puissions rendre à sa
mémoire.
Sont reçus membres de la Société asiatique :
MM. HoLÂS Efendi, demeurant à Constantinople, me As-
maiu-Mesdjid ,11, présenté par MM. Clément Huart
et Barbier de Meynard;
Bloghet ( Edgard] , élève de TEcole des langues orien-
tales, demeurant à Paris, rue de T Arbalète, 35,
présenté par MM. Barbier de Meynard et Qer-
mont-Ganneau ;
le docteur Aurel Stbin , principid du collège de La-
hore, demeurant à Lahore (Inde anglaise), pré-
senté par MM. E. Drouin et R. Duval;
Caudel (Maurice), élève diplômé de TÉcole. des
langues orientales, bibliothécaire de rÉcole des
sciences politiques , demeurant à Paris , me Fiat-
ters, 16, présenté par MM. Hondas et Barbier de
Meynard ;
T. WiTTON Davies, principsd de Midland Baptist
Collège, demeurant à Nottingham (Angleterre),
présenté par MM. Jos. Halévy et E. Drouin.
M. Bubens Duval présente le 4' fascicide des Apocryphet
éthiopiens concernant les légendes de saint Tertag et de saint
Sousnyos, traduites en français par M. René Basset.
M. Ollivier Beauregard offre à la Société un volume dont
NOUVELLES ET MÉLANGES. 535
il est l'auteur, intitulé: Iai caricature égyptienne, hûtoriqae,
politique et morale, publié à Paris (in-8', iSgd). M. le Pré-
sident adresse à M. Beauregard les remerciements de la So-
ciété.
M. L. Feer lit une notice sur des lettres et papiers d*Abel
i\émusat, dont la Bibliothèque nationale vient de faire Tac-
quisition. (Voir ci>après, p. 55o.)
M. Oppert lit un mémoire sur la métrologie assyrienne.
La séance est levée à 6 heures.
OUVRAGES OFFERTS À LA SOGIET^.
(Séance du 9 novembre 1894»)
Par l'India Office : BibUotheca Indien, N. S. , n- 834, 837,
8^9 , 84o. Calcutta, 1894.; in-8'.
— Aîn-i-Akhari , fascicules m, iv, v du tome III. Cal-
cutta, 189^; in-8*.
— Indian Antiquary. December 1893, part IL April,
May, June, July 1894. Bombay; in-4°.
— Epigraphia Indica , May, July 1 894 ; in-4**.
— Census of India, General Report by J. A. Baynes,
3 volumes. London, 189^-1893; in-4*.
Par le Gouvernement néeiiandais : Bijdragen , 5* Volgr. x ,
3-4 , S'Gravenhage , 1 894 ; in-8".
— Naamlijst der Leden op i Jiini , 1894; in-8°.
Par le Ministère de Tinstruction publique : Publications
(le l'Ecole des langues orientales, Zuhdat Kaschf el Mamalik,
tableau politique et administratif de l'Egypte, de la Syrie et du
Hidjàz, sous la domination des sultans Mamloâks du xiit* au
XV' siècle, texte arabe publié par Paul Ravaisse. Paris, 1894;
in.4'.
— Les Français dans llnde, par J. Vinson, 1894; in-4*.
— Mission scientifique au Caucase, Etudes archéologiques et
historiques; tome I"; Les premiers âges des métaux dans VAr-
530 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1804.
ménie russe; tome II: Recherches sar les origines des peuplas dn
Caucase. Paris , 1 889 ; in-4**
— Mémoins de la Mission archéologique du, Caire, tome V,
4* fascicule; tome VI, 4' fascicule; tome VIII, 3' tascicuie,
tome X, a' fascicule; tome XV, 1" fascicule, et tome XIX,
1'* partie, 1" fascicule [Corpus inscript, arabic, par Van Ber-
chem). Paris; in-4°.
— Mission Pavie, Exploration de tlnithChinie, tome I*' et
tome II, 1" et a' fascicules, 1894; in-4^
— Mission scientifique en Perse, par J. de Morgan, t. î**",
1894; in-4*.
— Annales du Musée Guimet, tome IV: Recherches sar le
bouddhisme, par J. P. Minaycff, traduit du russe par A. de
Pompignan. Paris, 1894; in-4'*.
Par la Société : Zeitschrifï der deutschen morgenlândischen
Gesellschajï y 48 Band, 11 Heft. Leipzig, 1894; in-8^
— The Journal of the Asiatic Society, Jidy and October
i894;in-8\
— Société de géographie : Rulletin, 1" trimestre. Paris,
1894; in-8».
— Comptes rendus, n*** i4 et i5. Paris, 1894; in-S*.
— Recueil de l'Académie de Tam-et-Garonne , années 1893
et 1894. Montauban ; in-4°.
— Atti deir Accademia dei Lincei, Genaio à Agosto, Komà^
1894; in-4*.
— Rendiconti, séria V, vol. III, f. 5-8. Roma, iSgdîin-S^
— Pâli Text Society, The Mahabodhi-Vamsa, éd. by S.
A. Strong. London, 1891 ; in-8''.
— Paramata Dîpraid, part V : The Commentary on Ae
Therigatha, éd. by J. P. Minayeff, traduit du russe par A. de
Pompignan. Paris, 1894; in-8^
— The Dhatu Kalhâ Pakarana, and its commentary by.
Fj. R. Gosmcratona, 189a ; i^-8^
— Journal ofthe Pâli Text Society, by T. W. Rbys Davids.
London , 1 893 ; in-8'*.
NOUVELLES ET MELANGES. 537
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ciety (1871-1872), 1880, part II, vol. VIII et IX. Coiombo,
1873, 1886 et 1888; m.8*.
— American Journal of Philology, April-July, October
1894. Baltimore; iii-8".
— Bulletin de V Institut égyptien, fasc. 9 et 10, 1893 ; in-S"*.
— Journal of the Buddhist Teœt Society oflndia, vol. II,
paii; 1. Calcutta, 189^; in8^
— Transactions of the Asiatic Society ofJapati, vol. XXII,
part I, 1894* Yokohama; in-8*.
— Journal ofthe Bombay branch cfthe R, A. S., vol. XV,
XVUl et Prof. Petersons Report on the sanscrit mss. Bombay;
iIl.8^
— The Padniapuràna , vol. III, 1894. Puna; in-8*.
— Sanscrit critical Journal, n"' 7-12, August 1894* Wa-
kiug; in-8°.
— Jourmd ofthe Asiatic Society of Bengal, vol. LXUI,
part 1 , n"' 1 et 2 ; part II , n" 1 ; part III , n* 1 . Calcutta .
1894; iii-8°.
— Proceedings, .lanuary-June 1894; in-8°.
— Proceedings of the American Oriental Society at New-
York. March 1894. New Haven; m-8*.
— Transactions of the American Philological Association.
Vol. XXIV, 1894. Boston; in-8^
— Mittheilungen , in Tokio, 54 lleft, avec supplément,
caliicr 1, 1894; gr. in-4**.
Par les éditeurs : Le Muséon. Tome XIII , n° 4 , août 1 894 ;
in 8^
— L'Oriente, Luglio 1894* Roma;in-8°.
— Journal des Savants, mai, juin, juillet et août 1894*
l^uis; in-4°.
— Revue critique , n*" 29-45. Paris, 1894; in-8°.
— Bolletino, n°* 2o5-2i2. Fiorenze, 1894; in-8°.
— Revue archéologique, mai- juin et juillet- août 1894
Paris; in-8°.
538 NOVEMBRE-DECEMBRE 1804.
— Polybihlion, parties technique et littéraire. Juillet à
octobre. Paris, 1894; in-8^
— Revue de l'histoire des religions, mai-juin i8g4; in-8*.
— Revae sémitique, octobre i8g4* Paris; in<8*.
— Le Globe, février-mai. Genève» iSgd; in-A*.
— Revue indo-chinoise illustrée « n**' 8- 1 o. Hanoi, 1 8g4 ; in-4*.
— El Instructor, par Â. V. Del Mercado. Aguascafientes ;
in-4°.
— Geographical Journal, août -octobre -novembre 1894*
London; in-8°.
— Jewish Theological Seminary, Foarth BienmaL A. Ko^
hut, Light ofShade and Ijomps o^ Wisdom, compoaed by Ne-
thanel ibri Yeshaya.. New-York , 1894; in-8'.
— Catalogue of thé Arabie books in tke BriliA Muséum, by
Eliis, vol. I. London, 1894; in-4'.
— Supplément to the Catalogue ofthe Arabie manuscripls in
the British Muséum, by Ch. Rieu. London, 1894; in-4'*.
— Diverses publications religieuses en langues africeUnet,
par ia Société biblique. London; 1894.
— Catalogue ofthe Hebrew books in the British Muséum,
acquired during tfie years 1868^1892, Supplément, by S. van
Straelen. London, 1894; in-4*.
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toire et description, Paris , 1 898 ; in-4*.
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Mithra, Fasc. I, textes littéraires et inscriptions. Bruxdles,
1894; in-4*.
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A. Bamnïi y Catalogue des monuments et inscriptions de TÈgypie
ancienne. Vienne, 1894; in-4*.
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tienne, les langues sémitiques et les langues indo-européennes
d'après les travaux de M. C, Abel, Louvain, 1894; ia-8*.
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scription et tradaction des textes» i** livraison. Helsingfore
1894; in.8'.
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stantinople, iSgA; ia-8*.
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1894. PariA; in-8'.
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CEscurial en Espagne, Le Caire, 1894; in-8'.
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nisie, traduits d'après le recneU du Dr. H. Stumme. Paris,
1894; in-8-.
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syrie. Bagdad. 1894; in-8".
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Geschichte von Hang-Tuwah, Luzerne, 1894; in-8*.
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540 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1804.
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— Fr. Gîese, Untersackungen ûber die A4dâd, Beriin,
1894; in-8'.
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uew édition. London, 189^; in-8^
— Dr. J. Lippert , Studien auf dem Gebiete der gnechisch-
arahischen Ubertsetzungslitteratur. Braunchweig, 189^; grand
in.8^
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Caire , 1 894 ; in-8".
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Le Caire, 1894.; in-8".
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d'Egypte, Le Caire, 1894; in-8*.
— Ollivier Beauregard, La caricature égyptienne, histo-
rique, politique et morale. Paris, 1894; in-8*.
— René Basset, Les apocryphes éthiopiens traduits enfirm»
çab. Paris, 1894; in-8*.
SKANCE DU 14 DÉCEMBRE 1894.
La séance est ouverte à 4 heures et demie , sous la prési-
dence de M. Barhier de Meynard.
Il est donné lecture du procès - verbal de la séance du
9 novembre dernier; la rédaction en est adoptée.
£st reçu membre de la Société asiatique:
M. le docteur Juan M. Dihigo, professeur de langue grec-
que à rUniversité de la Havane (Ile de Cuba), de-
meurant à la Havane, présenté par MM. Bréal et
Sylvain Lévi.
M. ie Président présente à la Société un traité de numis*
NOUVELLES ET MÉLANGES. Ml
matique des monnaies des Omeïades et des Abbassides,. ré-
digé en turc par Gbâlib Edbem, auteur de plusieurs autres
ouvrages de numismatique orientale. Ce nouveau traité fait
partie de la collection des catalogues du Musée impérisd de
Constantinople. Il en sera rendu compte dans le Journal asia-
tique,
M. Sonneck fait hommage à la Société d'une brochure
contenant le texte arabe de la loi sur le recrutement de
Tarmée tunisienne, avec traduction française de M. F. Pa-
lorni , membre de la Société.
L'Imprimerie catholique de Beyrouth fait également hom-
mage à la Société d'uii volume contenant le Divan des poé-
sies arabes de Saïd Djermanos Feriiàt, archevêque maronite
d'Aiep au xvii* siède, nouvelle édition par Saïd ei Khoury
el Chartouni, ainsi que des quatre fascicules du Divan des
poètes arabes chrétiens , par le P. Cheikho.
Des remerciements sont votés par la Société aux dona-
teurs.
M. Halëvy fait une communication sur les deux mots assy-
riens alla et sa-gaz. Le premier a été , jusqu'à ce jour, con-
sidéré par les assyriologues conune exprimant l'interjection
hélas! Mais ce serait simplement un nouveau pronom démon-
stratif sémitique, ayant le sens de ce, cet, cela et qui serait
l'origine de l'article arabe al resté jusqu'à présent inexpliqué.
Quant au second mot, que l'on avait pris pour deux idéo-
grammes signifiant, l'un (sa) «corde» et l'autre (goz) «mas-
sacre » , c'est , en réalité , un substantif assyrien dérivé du
verbe sagasu «massacrer, tuer». Dans la correspondance
d'Amënopbis , on lit souvent ameli sagaz qui doit être traduit
« hommes de massacre » ou « brigands ».
M. Halévy cherche en outre à expliquer le nombre a 64
(donné par les historiens arabes d'après les Mazdéens),
comme étant la durée de la dynastie des Achkaniens ou Arsa-
cides, au moment de l'avènement d'Ardéchir 1" Papekân
(aïo av. J.-C). Il montre à cet égard que : d'une part, ce
nombre ( a64 ) coïncide avec le nombre des années qui se sont
IV. 35
ixraijmus B&noiAui.
542 NOVEMBRE-DÉGEMBRB 1804.
ëcoulëes, d*après les Perses, entra Zoroasfare et Alexandre,
nombre qm se compose de 958, plus les six ans aticerdés aa
règne d'Alexandre — et, diantre part, ce même nombre 26i
se trouve être la représentation de Tespace de tempa ëcoidë
entre le règne de Vologèse I^'.et lavènemant d'Aifdéohir I*
qui est, d'après les Orientaux, de 3 lo après Jésus-Christ; ce
ifà fait rononter le point de départ de ce caiaal à Taii 54
avant Jésus-Christ, c'est-à-dire à la date de ravènement de
Vologèse l*\ n voit dans la fixation de cette dernière date la
confirmation de la tradition du Dlnkart qui attanbne à Vo-
logèse la première collection des textias de ïAvuia*
M. Haîévy termine sa commonioation en appelant l'atten-
tion des indianistes sur les quatre noms de pays mentioimës
dans les Jâtakas pdia (voir Jownal of tkt PaU Temt Somty,
1891-1893, p. a5 et sniv.). Ces noms sont Béomn, Serama,
Seiiva, Kebuka, D'après lui, ces quatre mots correspondent
respectivement à Bavri (la Babylone légendaire des Parais) ,
au pays de Salm (l'Asie occidentale des Perses); au paya de
Sèrv (roi du Yémen dont les filles ont épousé les GÎm de
Féridoun) et à la région du Caucase appelée cbea les Pertes
Kahakh. M. Halévy fait remarquer que l'ensemble de ces
noms appartient à la légende, rdativement moderoe, des
Parsis.
M. Rubens Duvsd fait une commnnication sur le mot era-
-niéen "^riDD, dans lequel M. Siegmund Frsnkd, dans aes
Beitmge zam aramœischen Wôrterbach, a cherché un mot
grec. Ce mot est écrit dans le Tdmud, Bâbâ SàthrA, 'jà. b,
^"^riDD. Dans le Taimud et le targoum de Job,fl eat indiqué
comme une plante possédant la vertu de rapprocher. lea
lèvres d une plaie et de cicatriser les Uessnros. M. Dorai
n'hésite pas à identifier ce mot au mot syriaque ^iMotA»,
ou en deux mots ^fl IMD, qui, dans La chimie an moyen
âge, publiée par M. Berthelot, et dans les gloses du Lmàqmê
de Bar Bahlokl, désigne le sang-dragon, résine fournie par
le calamus draco et qui avait la vertu de cicatriser les blea-
sures. C'est ce que remarque Ibn Beilar, sons le nom arabe de
NOUVELLES ET MÉLANGES. ^3
cet iugrédient, ^^^;^> p<>, littéraiement :< le sang des deuas
frères , répondant an syriaque ^ik IfUD « Vittgrédim^ d^ dÊUPS,
Un syno»yme3yriaqne ëtajt AiT^ m jxtù^tùuffwdmiéit glaive,
c*est à-dire le remède contre les blessures faites par ieglidye.
D autres synonymesëtaient Jbujif Ijof , (^JuJl |«>; |^Ih>^^ |^,
traduction littérale de «sang-dragon»; ^^=(:)'^c^, les deax
choses, équivalent de ^tL MD et de \^i^^ f^; ^Nt) et
pxle; ce dernier mot était comppsë de ji^ |^, f« eovtedu
sang, comme Ta reconnu M.Nœldeke. V^, 0ÙYii lyonto que,
dans le targoum d*Ësther, le mot ^llflDD n*eat pAS le plu-
riel d*un singulier '^inDD, comme ouIecr<Ht,maîs riofinîtif
du verbe dérivé "^nOD, oindre, parfumer, et signifia fogft^»,
de parfumer.
Quelques remarques sont faites au sujet des divers sens de
ce mot en arabe , par M. Barbier de Itfeynard.
M. Karppe donne lecture d*aa fragment de son travail sur
ia cosmologie chaldëenne. U constate la pauvreté qui existe
entre celle-ci et la cosmologie biblique. Les résultats déjà
acquis dans cet ordre de rechercbes prouvent qu*bn pour-
rait édifier lé système général de la mythologie sémitique
par la même mëtiiode qui a ouvert un cbamp si vaste à la
inytliologie indo-européenne. On éclairerait ainsi. la Bible
d'une lumière nouvelle et on aiderait à la solution des pro-
blèmes dont dépendent Torientation future et la niéthode de
l'assyrlologie.
La séance est levée à 6 beures.
OUVRAGES OFFERTS À LA SOCIETE.
(Séance du 1 1 décembre 189 i.}
Par r[ndia Ofiice: Bibliotheca Indien, New séries, n*' 843-
846. Calcutta, 1894; in-3*.
— New séries. Index of the Maasir-al-ulama , vol. I, fas-
cicules IX et X. Calcutta, 1894; in-8*.
— Archœological Survey of India» South Indian Baddhist
Antiquaries, by A. Rea. Madras, 1894; gr. in-4*.
35.
544 iNOVEiViâRË. DÉCEMBRE 1894.
— List of the Architectaral and Arekaeologieal Remains
in Coorg, by A. Rea. Madras, 1894; gr. in-4*.
— Indian Antiqnary, September, October. Bombay, i8gâ ;
— Epigraphia Indica, September 189^; in-^"*
Par la Société : Journal oj the Asiatic Society of Bengale
AugM^t 1894 ; in-S",
— Proceedings , July, August 1 894 ; in-8*.
— Rendiconti délia Reale Accademia dei Lincei, séria V,
vol. m, fasc. 9^ Roma, 1894; în-4''.
— A tti detta Reale Accademia dei Lincei, septembre , 1 8g4 •
Roma; in-4*.
— Smîthsonian Institution, Bibliography ôf tke Wakashan
Languages, by Pflhing. Washington, 1894; in-8*.
— Le même, Tke Pamukey Indians of Virginia, by îns.
G. Pollard. Washington , 1 894 ; in-8'.
— Le même , The Maya Year, by C. Thomas. Washingiou ,
1894; in- 8*.
— Bulletin de la Société de géographie, a' trimestre. Paris,
1894 ; in-8'.
— Comptes rendus , n" 16,1 894 ; in-8*.
— Zeitschrift der deutschen morgenlândischen GeselUchafk ,
48 Band, m Heft. Leipzig, 1894; in-8''.
— Retue des eViufe^ jaim^ juBlet-septembre iSgi- Paris;
in-8-.
— Journal de la Société Jinno-ougrienne , XIL Hdsingfors,
1896; in-8*.
— Mémoires de la Société Jinno-ougrienne , VI, Vil et VIII.
Heisingfors, 1894; in-8".
Par les éditeurs : Revue indo-chinoise illastrée, jnin. Hanoï ,
1894; iii-4'.
— Bolletino ai3-ai5 et Liste générale des ouvrages ivp>u
en 1892: Firenze , 1 894 ; in-8*.
— Voung Pao , juillet et octobre 1 894 ; in-8'. '
NOUVELLES ET MÉLANGES. 545
-r Le Muséon, novembre iSgA; in-8".
— Polybibîion, parties technique et littéraire, novembre
1 894 ; in-8\ .
— Journal des Savants, septembre etpctobre 1894; i^-8^
— Bolletino di legiskizionc e di statlstica doganale e com-
merciale, Laglio , settembre 1894*» in-4*.
— A merican Journal ofA rchaeohgy, July-September 1 89 4 ;
in-8^
— The Geographical Journal, December. London, 1894;
in-8°. ■
— L'Oriente, ottobre 1894. Roma; in-8*.
— Revue critique, n** 5 1 et 5a. Paris, 1894; in-8°.
Par les auteurs : J. Oppert, Adad (extr. , broch.), 1894;
in-8«.
— Wiedmann , Syrjànisch-deatsches Wôrterbuck. Saint-Pé-
tersbourg , 1 880 ; in-8°.
Anna de Lagarde, Paul de Lagarde, Erinnerungen aus sei-
nem Lehen. Gôttingen, 1892; in-8°.
— La même , Katalog der Bibliothek Paul de Lagarde , Gôt-
tingen, 1892; in-8°.
— Sédillot, Histoire générale des Arabes, tomes I et II.
Paris, 1877; in-8**.
— Major David Price , Essay towards theHistory ofArabia.
London , 1 894 ; in-8''.
— H. C. Millies, Récherches -sur les monnaies des indigènes
de r archipel indien et de la péninsule malaise. La Haye, 1871 ;
in-8-.
— L. W. Powel , Annual Report oj the Bureau ofEthnology,
1 888 1 889 ; in-folio.
— R. von Erkert , Die Sprachen des Kaukasischen Stammes,
Wien, 1895; in-8'.
— A. Zeidel , Praktisches Lehrbuch der Arabischen Umgang-
sprache, Syrischen Dialekts, Leipzig, 1894; in-8*.
— Le même, Diwân de Monseigneur Djermanos Férhât
(arabe). Beyrouth , 1894 ; in-8".
54G NOVËMBRE.DÉGëMBBE 1894.
— Isniaïl Ghalib Effendi , Catalogue det moimnaiêi nuual-
mânes [en tare), Constantino|de , 18^4; ûv-S*.
— F. Patorni, Loi dm 15 Redjeb sur le recnUmneni de
àrmee tunisienne. Oran^ i8^;mS*.
NOTE PRÉLIMINAIRE
SUR L'INSCRIPTION DE KIU-YONG KO AN.
{•OIT».)
TROISIÈME PARTIE ^'
LES INSCRIPTIONS OOÏGOURBS,
PAR M. L'ACADÉMICIEN W. RADLOÎV K
Inscription en petits caractères de lafacê ett.
i^ ligne : leurs couleurs ( ?) , corps , nombre.. ••.»•• parties
prononcées (?) reconnaissant les ûgi^es de la. pos-
session pure , apprenant les paroles ceux q[ui s'indinent
lisent cette écriture (nomlouk) ; pour <fae les lecteurs
de cette écriture, parc^e qu'ils necomprenneiit pas son
sens, (puissent) la comprendre
a* ligne : et (puissent) trouver le lieu de là possession oon-
* Cf. le Journal asiatique de septembre-octobre 1894* p* 364^73. M. le
docteur G. Hnth, privat-docent à ri^nivcnité de Reriin, veut bien noos
promettre pour le prochaîn cabîer du Journal asiatique la traduction dos
inscr^tions mongoles.
' M. Radlofi nous a obargé de provenir le lectenr qêe m Midiictioa
devait être considérée comme un simple eafai pronuiie. Ce tiocte oaS^ùar
présente de grandes difficultés, non seulement parce ijne rinsqnption ost
assez endommagée, mais aussi parce qu^dle a été évidenmient écrite par
personne qui ne savait qu'imparfaitement la laagtte otSfoafÊ.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 547
nue et attendre est le fait (le camarade?).
Voilà entendant ceci ; les chemins , sm^ lesquels va
chacun des trois raisonnables , des trois souriants , sont
les trois portes de salut , c*est connu.
3* ligne : Pour lire leur ....... dans une nuit pesante, di-
sant : vous trois camarades arrivait au but après cela
un jeune homme. ,%, . sept.>^ < . . H des yaûikbani
cinq sages méndel après cda pt^drkiU hetirtkîep aussi
i* ligne : le Bouddha tontes les l>eautés et les bons
noms des garçons aiiimés , des gai^ns avipcarbes
en haut pressant le Daghtriskai , lesimi^fes des
dïxyigottr{i) du makr(iH[7) sont posées
5' ligne : écoutant leur place et leur beauté il disait : sur le
chemin où Ton passe, on (doit) poser la beauté des
Bouddhas, la douceur pour réjouir. .... quand
le montrant leur s*oSre , cela sera une rencontre
pour celui qui arrive .....
6' ligne : passant le^ ..... . par la beauté de tous les ar-
bantsi, mon aïeul enseignant le savoir, sa faiblesse...
disant : c*est une gorge Bouddha. Ce maître indique à
remplissant leurs fautes je (les) veux faire suivre
du Bouyan, donné par les animés heureux. '
7' ligne : en couvrant le tsaidi ^ qui eist UH appui
du le Bouyan agrandi et désigné , les nourris-
sants ..... apportant les animés entrants au cœur et
au des sept vertus, sachant leur sable (?) et le
tsaidi surpasse chaque savoir; c*estrextérieur excellent
de . . .
8' ligne : qui a trouvé le bonheur des Bouddhas un
long souvenir, la possibilité de vivre, une longue vie..
. . . selon son désir une ordou excellente et un palais.
» cailya(?). B.C.
5)8 NOVEMBHË-DECEMBRfi 1804.
Ses biens, sa richesse, ses champs et son Kouirak{i)
sont nombreux et étendus.
9* ligne : pour multipliant les chevaux (?), lui le
possesseur des troupeaux qui a une figure brillante
d*or qui a un fils, qui a des soins admirables,
un cœur rempli, un être étemel et bon, le roi qui a
une roue (cakravarti), tpus les mourdir(?)t parmi les
Tengri (deva) il est né et se manifestant
lo* ligne : ..... établissant la doctrine pour tons les corps
et cœurs, vivant le nombre (des ans) resté il lisait. . .
. ... un bonheur brillant il trouve par cela. . .
souriant, écoutant les chansons (?), allumant une lu-
mière blanche s*indinant
1 1' ligne : parure, cloches, fourrure, habits; il de-
mandait avec dix couleurs différentes pre-
mièrement il tenait la semence des Bouddhas , écoutant ,
aimant homme rouge les joues (?) d*or au pied
ayant le nom attendant
1 2* ligne : son haut(?) bonheur il témoignait, surpassant son
sansar( ?) ^ à un autre temps ramassant les disci|des(?)
du Bouddha victorieux , du maître chaque conJbat. . .
.... écoutant, faisant faire nombreux édairant
les sarin(?) des successeurs sur le yirtintsa(?) ' il les
faisait entrer.
Inscription en petits caractères de la face ouest»
1 ** ligne : en haut sillamat kirbet nommé étant
adroit karak quatre-vingts ans je veux vivre di-
sant , lui qui sait son être complet , qui dissipe grands
cadeaux le karmi comme sublime
a* ligne : ..... dans le. ... . du Bouyan il mou-
' Samsara (?}. E. C.
' Eft-cele mot mongol yirîinUott «monde»? E. G.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 549
rut; lui qui est avide de. .... qui parmi les premiers d'un
haut nom comme un homme (héros) est chaud
3* ligne : dans une position âevëe un tel
Bouyan qui a posé un tchaidir (une tente?') sur les
excellents , qui arrive au pied
i* ligne : le lama doué d'un asaî{ ?) , il lui faisait faire un . .
• . . marchant sur le chemin de ce Bouyan , excellent
par son intelligence et se trouvant au haut le
aimak la splendeur du klian ie suMime Bodbisattva . ;
tout arrivant , sans cesse
5* ligne : les montagnes Arhaktchirin(?) où sont-elles? Du
mont somur^ immédiatement (?) prenant les flèches et
Tare d*or, avec ses pieds d'or le foulant et détruisant
ceux d'entre eux qui se meuvent je veux disant
un seul jour
6* ligne : je lui donnais la force de la clarté purifiante, le
chemin juste de la plaine ôgàslàk le nombre
des livres le nombre des. .... sur le yirtintsou (?) *
je veux me cacher aux êtres animés il est profi-
table l'homme heureux est pur.
7" ligne : ..... sa lumière sans égale . . . ; . sota garçon
animé une longue beaucoup de vertus au
khan beaucoup de de sa splendeur la
mesure de sa
8' ligne : l'homme sur le yirtintsou (?) ^ je veux créer I
de la plaine ..... son bâton de toi la
splendeur vient, vous disiez. ... ; tous les fruits les
semences d'or s'étendant
9' ligne : au Endet{f) d'or le Endet rouge plaisait (?);
ie nom de celui qui prend le Ansar disait : la
' N*est-ce pas plutôt an caitya ? E. C.
' Le mont Sumeru ( ? ). E. C.
* Cf. p. 5^8, note a.
51(0 NOVEMBRE-DËCEMBRE 1^04.
bonne ëeriture (nomlouk)'dxxnLnt pour Télemitë
son camarade (afiaire) loagtempi... je veux trouver;
pour prendre les dix mSle êtres animésMe^ terre.
lo* ligne :avec un sens ayant la connaissance pesante,
le Asaî[}) ayant^le BouymHk pesant mâle jours
un tranchant, coupant je veux, être fiskùant des-
cendre le cœur des jeunes gens, la pluie dn che-
niin(?]
1 1* iigne : trouvant les .... • dti oomnMindfttont des
ennemis, après ayant dit Jiikuk{)), Ift.vobtilitë
sa vie très longue (?) son osil tourmente
..... le grand de
13* ligne: à rassemblée desjnstét camarades.'. ... 1 ... de
la ville (balgassoun) Teîg^iing. ...» les camarades de
la bonté.
i3* ligne : Les marcheurs opt détmiiaient leoraété» et leurs
automnes, les bons de Yaban (plûne) Sàmak
ils étaient heureux.
I
i4* ligne : targtt[f) Bôdbisattva le Sylatkfd Jagroa
je le touchais I le tarmasini-tii' Mkasiri, le silà
satkân le tiyenn le Bayoungou je touchais..
1^
PAPIERS D'ABEL RÉMDSAT.
I. — Travaux.
La Bibliothèque nationale a fait récemment TacquiBition
dune liasse de papiers, dont récriture^ à trois ou quatre
exceptions près, est de la même main; et cette main ne peut
être que celle d*Abel Rémusat, bien que son nom n appa-
raisse nulle part. Des autographes d'un des fondateors de la
Société asiatique ont sans doute , pour les membres de cette
NOUVELLES ET MÉLANGES. 551
Société, un intérêt spéeial, et tout ce qui tort de là plume
d'un homme de la valeur d*Abel Rëmusat se recommande à
l'attention de quiconque attache du prix à l'érudition et à la
culture de l'espiit^ H mê parait donc à propos d'andyser un
dossier qui, si je ne me trompe, jette un jonr-utt^pcnii nou-
veau sur l'activité littéraire et sur les travaux exécutés ou
simplement projetés d'un des plus illustres rèpréfsentants de
Torientalisme français.
*
L Je signale tout d^aborâ le manuscrit du> discours pro-
noncé par Abel Rémusat , le 1 6 janvier 1 8 1 5 , pour l'ouverture
du cours de chinois au GoMège de Prà&oe; diécours qui me
parait être un fait de grande iimportaaiôe dans l'histoire dét
études orientales. Le manuscrit , tout entier de la main d*Abd
Rémusat, porte, outre ses propres corrections» qiadques cor-
rections ou annotations d'une autre main, traoées soit au
crayon , soit à la plume. Une analyse de ce discours par Sil-
vestre de Sacy a paru dans le MomY^ar du i" février i8i5 *.
Mais le discours lui-même a-t*il été publié? Et, s'il ne l'a
pas été, ne conviendrait-il pas de l'imprimer?
II. Cette pièce, c[ue j'ai citée la première en raison de
son importance , n'est pas la plus anoi^me 4^ recueil. On y
trouve , en effet , quatre pages mutilées qui appartiennent à la
préface de la première publidition d'Àbd Rémusat, \Eê$a\
sur la langue et là littérature ckinovsêi paru en l8i i, à Paris.
Le texte de ce fragment s'écarte un peu, maiff très peu, de
' Cette axudjM* jointe à faiialyte dn diiooan èa Chésy pour TouTer-
ture du cours de sanàorit , qui eut lieu le laéne jeuf cpit oiUe du ooun
de chinois (les deux chaires avaient été créées et les deux professeurs nom-
mes simultanément, 29 novembre i8ià), a été réimprimée sous ce titre:
«De lonverture dn ooun de sanscrit et de chkioîi, au GoDège royal de
France», dans lÊ»yIHiùOttr$ , ûpiniom et rupfM» ^êiCtpàtM^ h harm SU-
vestre de Sacyj Paris, iii-8% i8a3 (p. i&9|-ii3). — -Leattlnûls dp discours
d'Âbel Rémusat reproduits dans ce mcMrceau sont entièrement cpnformes an
manuscrit de notre dossier ; on n*y remarque que deUx ou trois diangements
de mots insignifiants.
552 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1804.
celui qui a été imprimé ; ia différence la plus grave consiate
dans Tabsence de la dernière page du texte publie.
m. Plusieurs pièces distinctes , mais formant un ensemble ,
ont trait aux travaux d*Abel Rémusat sur les livres de Confu-
cius. Ce groupe se compose :
1** D'une lettre adressée au président, non dénommé, de
la Commission des travaux littéraires de Tlnititat; Tautear
rend compte du travail qu'il a accompli , et demande qu*ane
partie au moins de ce travail soit publiée par les soîni de la
Commission ;
a" D'un «Article i^> intitulé : Sêcte des leUris; Corfaeius
chef de cette secte, qui parait être resté inachevé à dessein et
rempilacé par :
S"* Une Notice sur les quatre livres moraux œmmamiment
attribués à Confucius, correspondant a ce qui a été insërë,
en i8i8, dans le tome X des Notices et extraits des mo'
nascrits de la Bibliothèque du Roi, etc., comme préface à
la publication du texte et de la traduction de L'invariable
milieu. — Cette notice est représentée, dans le dossier, par
plusieurs fragments, savoir: i"* un feuillet sur lequdi il ny a
que quelques lignes; a"* treize pages contenant le texte de
la notice à peu près tel qu'on le lit dans les pages 269-278
du volume X des Notices et extraits, etc., jusque vers le mi-
lieu de ia traduction française de la Préface de la traduction
des quatre livres faite par ordre de f Empereur (de Chine);
S** trois feuillets renfermant une partie plus ou moins grande
du texte mandchou et de la traduction française de ladite
Préface; 4** un feuillet portant la fin de la notice, confimne
dans l'ensemble à celle de la notice imprimée , mais beancoiq»
plus brève.
La Nouvelle biographie générale, publiée par Firmin l)idot,
dit à propos d'Abel Rémusat: « 11 s'est peu occupé de Gonfa-
cius et de sa doctrine. 11 a traduit cependant l'un des quatre
livres moraux , sous ce titre : L'invariable milieu. * Notre dos-
sier nous prouve au contraire qu'Abel Rémusat s*est beanr
NOUVELLES ET MÉLANGES. «3
coup occupé de Con^cius, et que l*étude approfondie des
quatre livres moraux a été le fondemeiit de sa connaissance
du chinois. Dès 1808, il en avait copié le texte entier; il en
avait fait une double traduction latine et française en uti-
lisant et contrôlant les traductions des missionnaires; il
avait enfin dressé un vocabidaire de tous les mots qui s* y
.trouvent. S*il a demandé qu*un de ces quatre livres au moins
fût publié, et si ce minimum lui a été accordé , il ne s'ensuit
pas que son ambition ait été satisfaite et qu*il se soit consi-
déré comme quitte envers Gonfiicius. Je ne puis croire
qu'Abel Rémusat ait abandonné ce grand travail comme une
œuvre de jeunesse; et je pense que, s'il est resté inédit, il
faut l'attribuer aux « obstades presque insurmontables » dont
paiie l'auteur dans sa lettre au président de la G)mmi8sion
des travaux littéraires. Gomme aucune publication, que je
sache , n'a remplacé celle qu'Abel Rémusat avait préparée —
le Mencius de Stanislas Julien , qui n'en aurait jamais pu être
que le complément, ne la remplace certainement pas — je re-
grette vivement qu'elle ait avorté ; car elle eût rendu de grands
services, quand bien même on eût pu y signaler quelques
imperfections.
IV. Un article sur la langue mongole de 1 1 pages et un
« chapitre iv sur la langue ouïgoure » de 25 pages sont, sans
contredit, des fragments de la première rédaction des Re-
cherches sur les langues tartares parues en 1820. Il n'y a rien
qui appartienne au second volume de ces Recherches, lequel
n'a jamais paru , mais qu'un avis inséré dans le tome II du
Journal asiatique (1" semestre de 182a, p. 2Ô2) annonce
comme fini et prêt à être mis sous presse.
Au travail sur la langue mongole se rattachent un court
fragment, L'oraison dominicale en langue mongole, et deux
forts cahiers intitulés : Vocabulaire mongol-allemand traduit
en français et Glossaire mongol-allemand. Le premier, daté de
septembre 1821, et en entier de la main d'Abel Rémusat,
ne renferme que la partie mongole (ou plutôt kalmouke);
554 NOVEMB&EDEGEMBRE 1804.
on quart des mots tout au plu» est ponrrU de la slgnificatioii
française. Le deuxième cahier né non» ùSre que. la traduc-
tion française deb termes duvocabidairérdo y trouvé deux
écritures différentes , dimt auooiie n'éii-ode d'Abd Aé-
musat. . i
■ I • .
V. La Bibliothèque nationale pioMède â*Abel Réomsat,
sons le n"* a 1 70 du Nouveau fonds chinois, une cc^pie du vo-
cabulaire pentaglotte- bcfodàhkj^é ' Mmi*hàii^^fimf'i^^
qui est le n"* logS du même fonds. L*aut8nr y a leprôdàît
tous les termes du vocabulaire dans leur .écriture- originale:,
en y ajoutant une traduction latine et parfois une trédnotîoii
anglaise ou française et de courtes notes. Or notre dosim
renferme qudques feuSIes sur lesquelles les preanein^moto
de ce vocabulaire sont transcrits de leurs langues respectives
avec des explications ttés* détaillées, {dus une feuille inqirî-
mée où se trouvent r^poduites en- gravure les ienses 790-
798 du ms. n"" 1093 \ et une autre feuiUé gravifte portant des
caractères devanâgari, tibétûns, mandchous, chinois. Gee
fragments nous foumisseDi la preuve qu'Abd Rëmusat avait
sérieusement pensé à la publication du texte de cevcMudso-
laire pentaglotte accompagné d'une transcription et d'une
traduction des termes dont il se compose, avec des exjdica-
tions très détaillées. De ces grands projets il n'est sor^ qne
la publication à Vienne , en 1 81 d « dans les Afiitef de' fOrfsst^
des 73 premières pages du ms. n" 3170. Les mots du veô»'
bidaire y sont donnés 'en transcription, avec une tradocfiop
française et de rares et courtes explications. Vme jdancUe= dm
médiocre exécution reproduit lin premiers mots dm voeabo-
iaire dans les cinq laàgues sous leur forme ori^naie.'H n*
* Ces termes, au nombre de neuf, occopent le folio' 77 du tome fl de ce
volome b" i»93 du Nomté» fonds ekÎM&U, et k trtmtent «m ptgw 97'i-
373 de U copie d*Abel Bésumat, n* 3170 dudit VonâM^^lMnmirm^fÊt
nous indiquons ont été ajeniés au crayon dans le Tolma* n* la^ nir StSr
niidas Julien, qui a également reproduit au crayon, en caracUie^ detànà-
gari, tous les mots sanscrits donnés, dans ce volàmé, en ctnfillWst lib4*
tainsa
NOUVELLES ET MÉLAH^GES. 5M
pas douteux que cette publication était loiu de répondre eux
aspirations de l'auteur.
VI. Un fragment de huit feuillets intitulé : Dictionarii
à-glotti Liber primus, nous prouve aussi que Tinfatigable
sinologue avait dfitrepris la composition d*un dictionnaire
cbinois-mandchou-inougol-turc. Dana le firstgtnent dont il
s agit, la partie mandchoue •> chinoise est. seule complète; mais
deux colonnes réservées, foné. au mongol, l!«atre.«uturc,
surtout la seconde, présentent un certain nombre de mots
clairsemés. Les mots dans, ce dictionnaire devaient être, non
pas rangés suivant Tordre alphabétique, mais dassés par ma-
tières « comme dans les glossalreaindiefis Anuirakoça, etc.
Notre fragment présente les titres : Ot reboê aadestibus, Dt
stellis,
A cet essai on peut rattacher, quoiqu*U ne {Mraissa pas y
être intimement lié, une lettre adressée à «lliigr...» aur
«les secours qu'on pourrait trouver à Paris pour l'impres-
sion d'un dictionnaire chinois - mandchou -ùiongol*. Cette
lettre dont nous n*avons que le brouillon a- tvèlle été expé-
diée? Se rapporte-t<elle à un projet sérieux? £31e semble
avoir été écrite à la demande de Kamenski, ou mieux de
l'empereur de Russie, Alexandre, en faveur de Kamenski,
vraisemblablement l'auteur du dictionnaire en question. Ces
deux personnages y sont expressément dénommés : le desti-
nataire de la lettre ne l'est pas; il est simplement désigné
par les titres et abréviations « Mgr «et « V. E ^ ».
Vll-VIIÎ. Il me reste à parier de deux pièces asses cu*^
rieuses, mais que je qualifierai, si le mot n est pas trop fort,
d'énigmatiques.
( VII). La première est un « Avertissement du traducteur »
qui «offre au public» un ouvrage de «M. JuUus von Kia-
' C'est peut-être labbé de MontMqmon. Le (Nrojet de lettre daterait de
la première Restanratîou.
556 NOVEMBRE-DECEMBRE 1804.
proth , orientaliste déjà célèbre en Allemagne par des travaux
nombreux , et dont les talents ont eu une heureuse occasion
de s'exercer dans un voyage qu*il a fait en Sibérie, le long
de la frontière de la Chine , c'est-à-dire dans le pays même
dont il nous fait ici connaître la langue et Thistoire d'une
manière sommaire. . . voyage dont il a déjà commencé de
publier la relation . . . >. Je ne vois pas bien à quel écrit de
Klaproth cette note a rapport; et je ne sache pas que la tra-
duction annoncée ait paru. L'auteur de • l'avertiasement > si-
gnale assez complalsamment les jugements sévères de Klap-
roth sur Langiès qui, est -il dit, saura bien se défendre.
Toutefois Langiès aurait eu aussi à se défendre contre Abel
Rémusat ; car une page du dossier signale des erreurs com-
mises par cet orientaliste, en masquant, il est vrai, son nom
sous des caractères qui paraissent appartenir à la sténogra-
phie, mais en le désignant de telle sorte qu'on ne peut le
méconnaître.
( VIII). L'autre pièce est relative a la création d'un Joanal
universel de la littérature et des sciences. Elle se compose de
quatre pages auxquelles on peut en joindre deux autres sur
le Journal des Savants dont Abel Rémusat devint un des ré-
dacteurs en 1818. La création d'un Journal nmVenel devait
hanter l'esprit de notre sinologue ; car la piè<^ dont il s'agit ,
bien que non datée , parait avoir été écrite au lendemain des
traités de paix de 1 8 1 5 , et le titre de journal quelle met en
avant diffère à peine de celui de la feuille créée en 18a 9 par
Saint-Martin avec le concours d'Abel Rémusat — feuille qui
commença à paraître le 1" janvier sous le titre du « l'Universel,
journal de la littérature , des sciences et des arts » , et devint ,
le 1" décembre suivant, sous le titre simplîfijé de l'Universel,
un journal politique destiné à disparaître dans la tempête de
i83o, puisqu'il n'alla pas plus loin que le a 7 juillet. Abe!
Rémusat aurait-il donc prémédité longuement cette malen-
contreuse incursion dans la politique? Nous ne le pensons
pas. La note sur la création d'un Journal universel a peut-être
NOUVELLES ET MÉLANGES. 557
un rapport lointain au journal de 18a 9; mais nen aurait-
elle pas un plus proche et plus direct au Journal asiatique, et
ne pourrait-elle pas être considérée comme la première ma-
nifestation du courant d'idées et de réflexions qui aboutit à la
fondation de la Société asiatique P II est remarquable que le
nom de cette Société ne se trouve nulle part dans le dossier
sous la plume d'Abel Rémusat. £lle n'est pas. même citée
dans une petite note qui n'est pas écrite de sa main, mais
qui est bien de lui; car c'est le texte de l'avis inséré en 182 3,
avec la signature A. R. , dans le tome II du Journal (p. 179)*
pour annoncer la traduction, par Moris, du Voyage de B,
Bergmann chez les Kalmouks. En un mot, on ne trouverait
pas dans ces autographes d'Abel Rémusat une allusion quel-
conque à la Société ou à sa fondation, si Ton ne voyait,
comme je crois l'apercevoir, dans l'idée de créer un « Journal
universel de la littérature et des sciences», la conception
vague et indécise et comme la forme embryonnaire du futur
Journal asiatique.
IX. Si , dans ce dossier, il n'y a rien sur la Société asia-
tique qui soit d'Abel Rémusat , il s'y trouve du moins quatre
pages d'une écriture fine et serrée, et d'une main autre que
la sienne , où il n'est question que de cette Société. On s'y oc-
cupe de la préparation de la séance annuelle de 182^; on y
examine ce qui a été fait et ce qui reste à faire pour exécuter
les décisions du Conseil qui a « ordonné l'impression de six
ouvrages et la gravure de deux corps de caractères orien-
taux ». Le sixième des ouvrages désignés pour l'impression
est le Mencias de Stanislas Julien, dont le premier volume
porte, en effet, la date de 1824. — L'écriture de ces quatre
pages atteste qu'elles sont de Saint-Martin.
Je laisse de côté quelques notes insignifiantes, une lettre
de Cil. Weiss, bibliothécaire de Besançon, adressée à un
«Cher ami», probablement Abel Rémusat, mais qui n'a pas
trait ïi r orientalisme , et quatre pages venant de Langues ou
de son fils, où il n'est question que de mythologie gréco-
romaine et de politique contemporaine (181 4).
n. 36
tNraiiMait aArtoiiLB.
558 NOVEMBRE. DÉCEMBRE 1894.
Ce dossier est assurément peu foomi. E ne t*este pas grand
chose des papiers d*Abel Rémusat. La faible portion qui nous
est parvenue n*en a que plus de prix et nous laisse entrevoir
des travaux bien plus considérables que ceux dont ses pu)>ii-
cations nous donnent Tidée. Quelle œuvre n'eùt-il pas ac-
complie si le fléau de i832 ne nous Tavait £as ravi dans sa
quarante^-quatrième année I
IL — Correspondance.
Aux renseignements fournis par le dossier analysé ci-
dessus nous pouvons en ajouter d*autres puisés à une source
bien différente — un recueil de lettres adressées par Ahel
Rémusat à son intime ami François Jeandet. Ce recueil est
un don fait à la Bibliothèque nationale, en juin 1893, par
M. Abel Jeandet , fils de François et filleul d*Abel Rémusat ; il
forme le n"" 65 1 8 des Nouvelles acquisitions du Fonds firan-
cais.
3
François-PhUodès Jeandet, né à Verdun-snr-le-Doubs, le
26 novembre 1788, avait à peine trois mens de moins
qu*Abei Rémusat, né le 5 septembre de la même année. Il
y avait entre eux un lien de parenté ; ils suivirent ensemble
les cours de TÉcole de médecine de Paris , et c*est alors qu*ils
se lièrent d'une étroite amitié. Jeandet, pris par le service
militaire, pendant que Rémusat était réformé,, fit, comme
chirurgien sous-aide major dans la Grande armée , les cam-
pagnes de 1807, 1808, 1809; et les lettres de son ami le
suivent à Ëlbing, à Spandau,à Krakau,à Berlin, à Stettin,
dansTiie de Rugen. Sur cpiarante-quatre lettres dont se com-
pose le recueil, il y en a vingt qui furent ainsi envoyées k
i* armée. Une grave blessure à la tête reçue le 9 ju31et 1 809
sur le champ de bataille de Wagram mit' fin à la carrière
militaire de Jeandet qui revint terminer ses études à Paris ,
se fit recevoir docteur et , sauf de courts séjours dans la ca-
pitale , passa le reste de sa vie à Verdun , exerçant la méde-
cine.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 559
Nous ne pouvons nous étendre sur cette correspondance
pleine de témoignages d'anùtié, où éclatent la vivacité d'es-
prit et Térudition de rhomme illustre qui en est Tauteur, où
le latin et le français alternent, émaillés de citations grec-
ques, hébraïques, chinoises, etc. Nous nous bornerons à ea-
extraire ce qui touche à la carrière littéraire d'Âbel Rémusat ,
à ses études , à sa vocation d'orientaliste.
La signature varie beaucoup dans ces lettres; elles en
présentent huit espèces différentes, sans compter celles qui
n'en ont aucune. Le mode le plus fréquent — il se présente
vingt fois -— consiste dans le mot chinois ming « lumière ^ » ,
et donna lieu à quelques plaisanteries de Jeandet. Rémusat
lui répond : «Malgré votre raillerie, je continue de signer
Lumière, niot que vous devez reconnaître pour Tinitiale de
Minh-ko-tseu, et que j'applique avec un timbre. »
Dans une liste d'ouvrages « français » qu'il communique à
sou ami, après lui en avoir donné une de livres latins (c'est-
à-dire romains), on trouve les suivants : «Psalmi Davidis;
— ' Porta Mosis hebraice et latine; — Alcoran, arabice, pre-
tiosum ms. ^- Konh-fou-tseu opéra sinice et latine a me
scripta ; — Menh-tseu opéra sinice. » Le « pretiosum ms. ■ de
« l' Alcoran » doit être le « pretiosus liber » qu'il annonce ,
dans une autre lettre , lui avoir été envoyé par son parrain
avec cette laconique missive: «Paris, 33 mars 1809. —
A. -P. Piqué à Al^el Rémusat, salut. — Je vous envoie, mon
cher fdleul , T Alcoran. »
Abel Rémusat, qui possédait pour tout dictionnaire chi
nois celui qu'il s'était fait lui-même, eut en 1811 l'espoir
d'en acquérir un ; il en donne la nouvelle à Jeandet dans une
lettre latine datée du vu* mois et du xii* jour avant les ca-
lendes (autrement dit du 31 août) : « Lexicon tandem sinico-
latinum, tamdiu affectatum, acquirere possum ope et curis
eruditissimi Julii Berolinensis *, optimum quidem, carac-
teresque sinicos ultra M ccc in latinum versos comprehen-
' m-
'^ Klapmtb apparcmaiciil.
36.
500 NOVEMBRE-DÉGËMBRe 1804.
deiitcin , sed pretio enoimi , et facilitâtes fere exsuperantem.
Ëi tamen emendo operam dedi, nunc Gnignesio ^ penitus
irrisurus, caeterisque sinologis adaequatas auxiliis, fduriinos
maximosque libros in lucem editanu. > Je crains fort qa*il
n'ait attendu longtemps son lexique; car la lettre du 37 jan-
vier 181 3 finit ainsi : «Les Oiûgonrs de Klaproth sont ar-
rivés , ainsi que ma caisse et mon nouveau dictionnaire, b
Mais peut-être ce « nouveau Dictionnaire * ëtait-il un second
instrument de travail mis à sa portée.
Si ses espérances de 181 1 n'ont pas été trompées à Ten-
droit du lexique, elles Tout été cruellement sur un antre
point, ou, du moins, la rédisation en a subi un long retord.
Car on lit dans une lettre du 1 1 octobre de cette même an-
née : «Je vous dirai qu'un des livres de Koung-tsen sera
bientôt imprimé à Paris en chinois, par mes 8<Hns, et accom*
pagné d'une version latine et d'une traduction française, le
tout sans qu'il m'en coûte rien. » Hélas! le volume qui ren-
ferme L'invariable milieu porte la date de 1818. Or Abel
Rémusat en avait sollicité l'impression en 1808 : c'est donc
dix ans après les premières démarches et sept ans après
qu'on lui eut , selon toutes les apparences , fait entrevoir un
succès prochain , qu'il a obtenu satisfaction.
Une autre lettre de 181 1 (la novembre) donne des ren-
seignements sur les travaux d'Abel Rémusat et sur ceux
d'un autre orientaliste qu'il ne nomme pas : «Le poème
(épique , dit-il , est entièrement oublié , et l'homme supérieur
s'occupe en ce moment d'un ouvrage qui, pour être beau-
coup moins relevé , n'aura peut-être pas une issue plus rédle;
c'est l'histoire de Géorgie, traduite de l'arménien, avec des
notes extrêmement savantes. L'impression doit en commencer
à la lia du mois, et je n'en ai pas encore vu un morceau.
L'auteur a pris sur lui de ne m'en rien lire , sûr de me dé-
dommager de cette privation avec usure et convaincu d'ail-
leurs que les fortes résolutions perdent de leur énergie par
' De Guignes donl le dictionDaire devait alors être aoiu |>r«:Me.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 561
l'expansion. Vous avez dû recevoir sous bande son extrait de
V Essai sur la lanrjue chinoise, ei je suis étonné que vous ne
m'en ayez pas parlé dans votre dernière. J*ai aussi ma disser-
tation Sar Vétud'j des langues chez les Chinois, qui, composée
de deux feuilles d'impression, vous coûterait quatre sous, si
je vous l'envoyais par la poste; mais, persuadé que votre
retour ne saurait être longtemps différé, je vous garderai
l'exemplaire que je vous destine. »
«L'homme supérieur» dont il s'agit ici doit être Saint-
Martin, qui était alors dans sa vingt-et unième année. Abel
Uémusat et Saint-Martin furent grands amis, et je crois que
l'amitié était sincère de part et d'autre. Mais il parait que
l'amitié la plus sincère et la plus vive n empêche pas de voir
les travers des gens et même d*en rire, à l'occasion, avec
plus ou moins de malice. La lettre du 27 août i8i3, dans
laquelle Abel Rémusat raconte la soutenance de sa thèse de
docteur en médecine , se termine par ce P.-S. : « Saint-Martin
est malade », et , à la fin d'une lettre écrite peu après (1 1 sep-
tembre), on lit : « Saint-Martin a été malade et n'est pas
venu pendant huit jours, et justement au moment de ma
réception . . . Voyez un peu quelle fat-alité !» Le « fat alité »
de 1 8 1 3 est-il autre que « l'homme supérieur » de 1 8 1 1 ?
J'ai mentionné la soutenance de la thèse de docteur d'Abel
Rémusat sans y insister, parce qu'elle n'a pas trait aux
études orientales. iMais il est une autre soutenance, posté-
rieure à la sienne de quelques semaines, dont il parle, et
qui ne doit pas être passée sous silence. Un de ses condis-
ciples s'était avisé de prendre pour sujet « la médecine chi-
noise ». Voici ce que dit à ce propos Abel Rémusat : « M. L. . . ,
auteur de la thèse sur la médecine chinoise, est venu me
rendre visite. C'est un homme fort modeste et qui a de
])()nnes raisons pour l'être. Je l'ai tour à tour caressé avec
bonté et écrasé par le faste de mon érudition. Il m'a témoigné
un repentir sincère de sa faute et m'a dit qu il n'aurait pas
pris un tel sujet s'il avait su qu'une personne comme moi existât
(compliment fort bien tourné comme vous voyez). Je lui ai
562 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
pardonné sa témérité; j'avais assisté à son acte, et je l'avais
jugé dès lors. C'est un des plus anciens élèves de rËcole. . . •
Mais l'affaire n'en resta pas là. Abel Hémusat avait inséré
dans le Moniteur^ k propos de cette thèse , un article où l'éioge
tempérait le blâme. L publia , a la suite de sa thèse
imprimée, quelques remarques sur les observations des pro-
fesseurs, en invoquant l'article du Monitear, dont l'auteur,
disait-il, «n'est pas étranger k la médecine». D'où grande
indignation du docteur-médecin sinologue. « Mimm ac inso-
]etis! • s'écrie-t-il dans une lettre latine à Jeandet; et il dit,
répète en latin, en français, que cette thèse n'est qu'une
compilation faite sans discernement, un t ouvrage qui devait
être fait autrement , fait par nn autre on n*ètre pas fait ».
Dans cette même lettre du ii septembre 181 3, il est
question d'une « lettre de Lintz • qui « est faite et déjà entre
les mains du Mahà-gourou ». Cette expression indienne donne
à supposer qu'il s'agit d'orientalisme; mais dans une lettre
du 1 3 juini 8 1 4 ( raffaire dura longtemps ) , Rémusat demande
à Jeandet s'il « persiste dans la résolution de mettre son nom
à la lettre de Lintz » , ce qui semUe écarter l'orientalisme ,
car Jeandet ne fut jamais orientaliste , que je sache. Cepen-
dant la lettre du 8 décembre 18 14 — dont nous donnerons
tout à l'heure un long fragment, tendrait à nous y ramener;
car elle se termine par ce P.-S, : « La lettre de Lintz continue
(le s'imprimer et paraîtra pour récompenser le zèle de Tami
de M. Deguignes. » Qui est cet « ami de Degoignes » ? — Est-
ce Langlès (la lettre du 8 décembre semble favoriser cette
supposition) ? Et qui est le Mahà-goorouP Est-œ encore Lan-
f^iès ? — Mais qui est Lintz ? Et de quoi s'agi^il dans cette
lettre qui préoccupe si fort Abel Rémusat, k laqndlle s*inté-
resse Jeandet , et dont on parle pendant quinze mois? Autant
de questions que je suis obligé de laisser sans réponse.
Un mot maintenant sur le Collège de France. Il paraît
qu'Abel Rémusat fit, dès 181a, une tentative pour y arriver.
Cela résulte d'une lettre très découragée du ao septembre,
où il commence par faire allusion à des chagrins dont la
NOUVELLES ET MÉLANGES. 563
cause parait être distincte de i*ëcheo qu*ii annonce en ces
termes : « 1 j'affaire du Collège de France est à vau-reau; ma
proposition n'a pas ri à M. Lefèvre-Gineau , qui s'y est for-
nieilenient refusé et a promis les oppositions de tous les au-
tres professeurs en cas que je fisse la demande. Tant pis pour
ces messieurs et pour moi ; je n'y pense plus ; et j'enverrais
(le bon cœur la littérature à tous les diables , si j'étais assez
adroit pour raboter une planche ou assez vigoureux pour
scier du bois \ »
«Je n'y pense plus», dit Abel Rémosat; mais je crois,
malgré tout , qu'il y pensait encore et qae s'il a obtenu en
181/I «plus» peut-être que ce qui lui avait été durement
refusé en 181a, c'est qu'il y avait toujours penië. Voici en
quels termes il annonce à son ami l'heoreux succès de ses
efforts (8 décembre) :
«... Je vous apprends , mon cher ami , que , par une or-
donnance du 29 novembre dernier, S. M. a créé deux nou-
velles chaires au Collège Royal, l'une pour la langue et la
littérature chinoise, et l'autre pour la langue et la littérature
sanscrite, et qu'elle a nommé pour les remplir MM. Âbel
i\ëmusat et Chézy. Je suis actuellement au fort des visites et
cérémonies de mon installation, et je n'ai trouvé ce moment
pour vous écrire que parce que j'ai cru ne devoir pas tarder
à vous annoncer cette nouvelle qui, du reste, ne m'est par-
venue qu'il y a deux jours officiellement. Vous voyez que le
Roi m'accorde bien plus que je ne lui demandais , bien plus
que je n'osais ambitionner et même bien plus que je ne mé-
rite. Les choses ont tourné avec un bonheur si rare que, pour
vous en donner un exemple , M. Langlès disait hier à quel-
(ju'un que je pourrais peut-être, à l'imitation de Chézy, faire
des démarches pour une chaire de chinois, mais que M. De*
guignes avait résidé là ans à la Chine et avait fait le Diction-
naii^, et qu'ainsi il devait être préféré. Le malheureux ignore
' Celte phrase, communiquée par M« A. Jcandet, est reproduite dans Li
Nouvelle biographie générale (article Rémusat) , mais sans qu'on dise h quelle ^
occasion elle a été écrite.
biW NOV£MBUr:-DÉC£MBRE 18Q4.
encoix; (|uc la foudre est lancée et prête à l'écraser avec son
irialencoiitreux protégé. Ainsi , non pas à la première , mais
à la suivante lettre que vous m'écrirez , vous voudrez bien me
donner le titre de Lecteur Royal ou de Professeur au Collège
Royal de France , ou Tun et l'autre si vous l'aimez mieux.
Mes appointements, (du) reste fixés à 6,000 francs, courent
à dater du 1" janvier 181 5. •
Est-ce jalousie , envie ou quelque autre sentiment difficile
à définir P Jeandet parait avoir éprouvé autre chose qu*une
joie pure et simple en apprenant le succès de son ami , qui
lui écrit le 7 octobre 1 8 1 5 : « Que voidez-vous que je vous
dise de mon état? J eh suis content, quoiqu'il ne dépasse en
aucune manière mes prétentions et mes espérances. H faut
même que vous m'ayez cru un bien pauvre homme , puisque
vous avez été si étonné, si émerveillé de ce que vous appelés
mon élévation au professorat. Je vous verrais arriver beaucoup
plus haut, avant d'en être surpris, et surtout sans cesser
pour cela de vous écrire. Soyez ministre, pour voir; et vous
trouverez que sans doute je ne vous écrirai pas davantage.
mais que bien certainement je ne vous écrirai pas moins. Au
reste , comme ce serait une grande puérilité que de vous
donner ici mes titres que j'avais joints par plaisanterie à la
dernière lettre que je vous écrivis il y a qudques mois , je
vous avertis que vous les trouverez sur le frontispice de mon
Programme que vous avez dû recevoir, et que je vous ren-
verrai sous bande, si le premier exemplaire a été perdu, à
la condition que vous ne donnerez pas à la poste plus d^UN
sou pour le retirer. »
Ce Programme est sans doute le Programme du coart de
langue et de littérature chinoise et de tartar^-maadchott, Paris ,
1815, in-8', qui figure dans la liste des ouvrages d*Abei Bë-
musat. Mais est-il le discours d'ouverture prononcé le 16 jan*
vier 181 5 ou une publication distincte? Je ne saurais le
dire.
i\'y a-t-il rien qui soit relatif à la Société asiatique dans
cette correspondance qui va jusqu'à i8a8? Si I les lettres des
NOUVELLES ET MELANGES. 5Ô5
1 7 octobj e 1 823 et 7 février 1834 sont écrites sur du papier de
la Société. Seulement elles n'ont aucun rapport à ses affaires.
11 n'y est question que du projet formé un instant par Jeandet
de venir se fixer à Paris. Aussi les mots imprimés : Le secré-
taire de la Société ont-ils été consciencieusement biffés. La
Société asiatique est donc représentée dans ce recueil, mais
par les deux feuilles de papier qu elle a fournies.
L. Feer.
MOTS GRECS ET LATINS
DANS LES LIVRES HEBREUX DU MOYEN ÂGE.
(Note iae le i3 avril 189^.)
Un savant dont le nom nous est cher à divers titres, feu
Arsène Darmesteter, a démontré , par un article de la Ronia-
nia (t. I, p. 93-96), comment l'admission des mots grecs et
latins dans les anciens livres rabbiniques ne s'est faite qu'avec
certaines altérations \ Si de telles constatations ont été notées
pour les contemporains du monde romain , combien ces chan-
gements ont dû s'aggraver pour des oreiUes déshabituées d'un
tel langage! Peu à peu, par suite de pérégrinations forcées,
le sens des mots étrangers échappa aux hébraïsants. C'est un
fait qui devient sensible chez les commentateurs du moyen
âge , même chez le français Raschi et l'espagnol Maïmoni.
Raschi était pourtant un philologue; mais il faut lui par-
donner, vu les circonstances de lieu et de temps, de n'avoir
pas eu de notion du grec. Aussi fait-il dériver, par exemple ,
le mot p^'llp (plur. de K')1p = HavX(ij, tige) du mot hébreu
TlpD, «source» (B., haha Kamma, f. 92 •). Une autre fois,
Raschi considère comme persan le mot itÇ^(as, mal transcrit
' Par contre, une liste de «mots hébreux passés dans le grec et le latin n
est donnée par M. Ulysse Robert, dans son édition du Codex lugdanensis.
Introduction , p. cxxiv. Pour la diversité d'origine de ces mots, notons un
singulier passage du Midrasch Sifré, sectiim Berakkah, S 3^3 , sur le vers. 2.
du Deutéronome, ch. xxxiii.
566 NOVEMBRË-DÉGËMBRE 1894.
d'abord en DK^tODDDK , puis mieux en DtC^DODK (Abéda zara ,
f. 39-; Jïd/m,f. 66*).
On remarque avec plus d'ëtonnement que le pbilosoplie
de Cordoue et médecin de Saladin ignorait le grec. Dans ]o
commentaire de Maïmoni sur la Mischna , le mot «oAs/xiW ,
cité au tr. Sota (IX, i5), a pour équivalent arabe le mot
y")î<n (g;^)» «chronologie!, sens auquel le commentateur
a été entraîné par le contexte \
Haï Gaon, dans son commentaire sur la Mischna (tr. Oho-
loth, XVII, 3) , et après lui le 'Arakh (Lexique) expliquent le
mot N^D^IO^D (qui dérive de XaroneTov^ carrière) conmie un
mot composé : K^DIO ^Sd , « plein d*os ». H est à peine besoin
d'ajouter que c'est im contresens. Quant au D préformatif
de ce mot, c'est un préfixe servile, conune dans les mots
mc?D ou n*l^3SD, selon la remarque de Jac. Levy (Targum-
W., s. V.),
A titre de simple curiosité , rappelons l'explication du mot
D^*?1p"itD (Mercurius) , telle que la donne le commentaire rab-
biniquc sur le Talmud de Jérusalem (tr. Sanhédrin, VI, 1,
f. a a''); il décompose ce mot en deux termes chaldéens,
Dlb^p 1C, « maître (objet) de la louange», dans le sens
d'idole; ou bien, en prenant le mot DH'^p «louange» dans
un sens ironique, par une sorte d*euphémisme , on le qualifie
de «honte».
Plus tard , on se rendit mieux compte des mots non sémi-
tiques; mais que de confusions encore! Ainsi le commen-
taire nommé Pné-Mosché explique un passage (jer. Baha
bathra, IX, 4) ou il est dit : ^b^2b t!^D113, «il a été pris au
service de Y autorité »f ^ovXij. Le commentateur ajoute ces
mots : « Ce terme a le sens de supériorité ; c'est un mot grec
(|ui entre dans la composition du nom de Constantinople , la
capitale de Constantin , et l'on indique ainsi que cet homme
a été pris au service du souverain. » C'est que le rabbin auteur
' Sur cette lacune que Maïmoni partage avec Ratfchi, voir Znni, JPeif-
schrifi far die Wixsenschnfi dès Jndenthmu , t. I (Beriin, iSaS), p. 186-
a88.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 567
du Pné'Mosché a confondu ^ovXtj avec ^ôXiç, tout en attri-
buant par tradition le sens exact au premier de ces termes.
Enfin citons seulement deux exemples concernant le latin.
Au Talmud de Jërusalem (tr. Sanhédrin, X, 2), on trouve le
mot N^ltD, mula, avec le sens spécial de «mule d airain»; le
commentateur l'explique par ïjTlîn "IX^^ID pC^'?» miliarium,
ou « bouillotte »! — Le mot brachiale, « bracelet », transcrit
"T'''D"i3 (avec un second 1 au lieu de *?) dans la Mischna du
tr. Kélim (XXVI, 3), est appelé par le commentaire «une
sorte de tablier sur les genoux » , parce qu'il songeait au mot
hébreu Q'»'>D-)3 1
Pourtant, dès le xi* siècle, Natlian b. Yehiel de Rome com-
posa le 'Aroakh, dictionnaire liébreu-rabbinique , avec expli-
cation des mots grecs et latins, plus ou moins naïvement
transcrits en caractères carrés. Cette dernière partie spéciale
a été , comme on sait , traitée un peu plus à fond au milieu
du XV II* siècle par Benjamin Mussafia , sous le titre de Mussaf
ha'aroakh, «supplément au lexique», ayant pour contem-
poniiii et émule dans cette voie Jean Buxtorf. Puis vient
David de Lara, avec Tœuvre suivante : « //r David, sive de
couvenientia vocabulorum rabbinicorum cum graecis et qui-
busdam aliis linguis europœis» (Amstel. , i648, in-4'). Plus
tard, en 1668, ce lexique a été développé en un volume in-
fol.; malheureusement il s'arrête à la lettre "».
Après un intervalle de temps d'environ deux siècles, ces
études reprennent leur essor. Les œuvres qui leur sont con-
sacrées sont, par ordre chronologique, celles de Bondi (Des-
sau, 1813), de Léopold Zunz (Berlin, 1818), de J. M. Lan-
dau (Prague, 1819-1840), d'Ant. Th. Hartmann (Rostock,
1825-1826), d'Isaîe Beiiin, publiées par Rafaël Seeb Gins-
burg (Breslau, i83o), de S. L. Rappoport (Prague, 1862,
in- 4"; t. I, seul paru), de Menahem de Lonzano, édité par
Ad. .îellinek (Leipzig, i853) , les quatre volumes de Jac. Lévy
(Leipzig, 1872 à 1889) complétés par Fleischer, ceux d'A-
iexandre Rohut (Vienne, 1875-1892), les publications con-
sidérables de Mose Lattes (Torino, 1879; ^oma, 1881;
5ft8 NOVEMBRE-DÉGEMBRE 1804.
TorÎQO, i884), de J. Fûrst (Strasbourg, 1890), enCn de
M. Jastrow (New- York, i886-i8ga).
Grâce à tous ces travaux, les mots grecs et latins des livres
rabbiniques ont pu être détermines, lus et exj[diquës, avec
une précision digne de la science moderne , lorsque toutefois
les nombreux copistes ne les ont pas' estropiés au point de
les rendre méconnaissables.
Moïse Schwab.
BIBLIOGRAPHIE.
The Discourses of Philoxems bishop of Mahhàg ,a. D» k85'5i9 ,
ediied from syriac manuscripts of the sixth and seveoth centuries
in the British Muséum , with an english tran^tion , by E. A. Wai.-
Lis BuDGE, litt. D.f F. S. A., etc.f published onder the direction
of the Royal Society of literatnre of the United Kingdom. London ,
Asherand C^ iSgi. Vol. I, the syriac text; in-8*, vii*625 pages,
avec /i planches.
I
Ce nouveau volume de M. Budge répond aux <)ésirs de
tous les amis de la littérature syriaque, qui s*accordaient à
regretter que , panni tant de publications entreprises en ces
derniers temps , personne n'ait songé k donner aux écrits de
Philoxène la place d'honneur qu'ils méritent.
Philoxène, autrement dit Xénaias, naquit au village de
Tahal , dans le Beith Garmai , vers le mUieu du v* siède. U
étudia dans la célèbre école d'Édesse , au temps de Tévèque
Ibas, et fit preuve d'indépendance et d*éneigie de caractère
en ne se laissant point entrûner vers le nestorianisme à la
suite des chefs de cette école. Ordonné évéque de Mabboug
(Iliérapolis), en 485, par Pierre le Foulon, patriarche d*An-
tioche , il devint le plus fervent apôtre du monophysitisme ,
auquel il apporta l'appui de son zèle infatigable et les res-
sources d'un esprit extrêmement subtil. Très passionné dans
ses controverses , il ne semble pas qu'il ait été d'aussi bonne
NOUVELLES ET MÉLANGES. 569
foi que beaucoup d*autres partisans de la même doctrine ^
Après avoir beaucoup souffert pour son parti, il fut banni
par Tempereur Justin, en 5 19, avec d'autres évêques mono-
pli y sites. Il mourut pendant son exii, à Gangres, en Paphla-
gonie, vers 523.
On comprend tout l'intérêt que présentent les écrits d*ttn
tel homme, et quelques personnes reprocheront peut-être à
M. Budge de n'avoir pas préféré aux traités ascétiques de
Phlloxène ses traités dogmatiques, celui De V incarnation ,
par exemple. 11 nous eût ainsi fait entrer dans le vif des con-
troverses qui ont rempli la vie de l'auteur. Mais d'autres , au
contraire , se réjouiront de lire ces Traités où l'écrivain , n'étant
pas limité par les termes de la controverse, a pu donner une
plus libre expansion à ses talents littéraires ; et c'est ce qui
constitue le principal mérite de la publication. Philoxène,
en effet, figure au premier rang parmi les écrivains syriens
les plus corrects et les plus élégants. Assémani lui-même , qui
parait avoir eu une antipathie profonde pour l'homme , juge
ainsi le littérateur : « Scripsît syriace , si quis alius , elegantis-
sime atque adeo inter optimos hujutce linguae scriptores a
Jacobo Edesseno collocari meruit *. »
Le volume de M. Budge renferme la série complète des
traités de Philoxène sur la vie et les mœurs chrétiennes^ Ils
sont au nombre de treize. Le second et le troisième étaient
déjà connus par une traduction allemande ^, mais aucun
n'avait encore été publié dans le texte original. Leur ana-
lyse nous entraînerait trop loin. Elle trouvera d'aOleurs sa
place dans le compte rendu d'un second volume dans lequel
M. Budge promet de nous donner prochainement, avec la
' C*est lui qui inventa , bien plus pour éluder les arguments de ses adver-
saires que dans un but de conciliation , la célèbre formule jft^ft^ 'M*a (oiie
double nature) devenue comme Tessence même du symbole de la foi mo-
iiophysile.
* Bibl. or., t. Il, p. ao.
' Philoxenus von Mabu^ àber den Glauben , vou Fr. Baethgen , dans la
Zeitschrifl fur Kirchenfjeschichte de Kiel, t. V, p. laa-i.SA.
570 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
traduction anglaise de ces traites, des extraits d'autres ou-
vrages pouvant servir à édaircir certains points concernant
les doctrines et les controverses de Philoxène.
En attendant l'apparition de ce second volume, ceux qui,
sans être initiés à la langue syriaque , voudraient avoir une
idée des doctrines ascétiques dé l'auteur, pourront lire la
traduction ci-dessus mentionnée , ou , mieux encore , le long
traité imprimé par Mai \ sous le nom dlsaac de Ninive, mais
qui nest, en réalité, comme je Tai démontré ailleurs^, que la
version grecque très fidèle , quoique un peu libre , d'une lettre
de Phiioxène , lettre qu'on peut regarder comme un excellent
résumé de tous les écrits de cet auteur.
La publication est faite d'après huit manuscrits du Britisb
Muséum dont les plus anciens, écrits en Egypte, paraissent
être contemporains de Phiioxène. Le texte établi par M. Budge
représente donc les traités dans l'état où ils sont sortis de la
plume de leur auteur. Tontes les variantes ont été indiquées
au bas des pages. On y rencontre parfois des lectures qui
semblent préférables à celles adoptées dans le texte. L'édi-
teur fera sans doute connaître dans son intro^jluction les raii-
sons qui ont dicté son choix. On trouve aussi un certain
nombre de fautes d'impression qui ont échappé à son atten-
tion ^ ; mais quelle publication de ce genre en est exempte ?
Ce qui frappe surtout en lisant le texte de Phiioxène , c'est
l'abondance , peut-être exagérée , du style jointe à une sou-
plesse merveilleuse et à une pureté sévère qui exclut presque
tous les mots d'origine étrangère. On rencontre aussi des
formes grammaticales regardées jusqu'ici comme inusitées,
surtout dans la construction des verbes avec leur régime par
l'intermédiaire des prépositions ; mais point ou peu de mois
* Patrum uova biblioiheca, t. VU! , pari, m , p. 157-187.
^ Dam ma diMertatioa De S» hêoci Ninivilae vita» tciiptit ft docUiiM,
p. i5.
'Une erreur typographique plus grave a, dans Tesempiaire qœ j*ai
entre les mains, f^t disparaître an tirage les pages 36 et 97, 3o et Si* qui
se trouvent remplacées par les pages 18 et 19, aa et ai ainsi lépéléea.
NOUVELLES ET MÉLANGES. 571
nouveaux. C'est la grammaire plus que le lexique qui profi-
tera de la publication de ces textes.
Outre leur mérite littéraire, ces Traités offrent un réel in-
térêt pour r histoire si compliquée des versions syriaques de
la Bible. Philoxène avait donné , vers 5o8 , une nouvelle ver-
sion du texte grec des Écritures, qui eut la plus grande
vogue ; elle ne nous est parvenue dans sa rédaction primitive
qu'à Fétat fragmentaire, sans doute à cause des retouches
successives qu'elle eut à subir; die fut même entièrement
refondue, quant au Nouveau Testament, par Thomas d'Hé-
raclée. Or les Traités de Philoxène renferment précisément
des citations nombreuses et assez étendues du iNouveau Tes-
tament, qui pourront donner lieu à une étude très intéres-
sante que M. Budge ne manquera sans doute pas de faire
dans l'introduction de son second volume auquel il est inu-
tile de souhaiter un succès assuré d'avance.
D' J.-B. Chabot.
Inscriptions Je l'Orkhon, déchiffrées par Vilh. Thomsen, professeur
de philologie comparée à l'Université de Copenhague , i '•livraison ,
in-S**, Helsingfors, 1894, 54 pages. (Extrait des Mémoires de la
Société Jinno-ougrienne ) .
La découverte du déchiffrement des inscriptions en carac-
tères runiformes d'Orkhon , par M. Vilhelm Thomsen , semble
aujourd'hui un fait accompli. Grâce à l'alphabet donné par le
savant professeur de Copenhague, M. Radloff a pu traduire/
les deux stèles de Kosho-Zaïdam et donner le glossaire des
quatorze cents et quelques mots qui se trouvent dans les in-
scriptions d'Orkhon. La langue est du turc pur, et sauf pour
un très petit nombre (une douzaine environ d'origine incon-
nue et quelques noms de dignité tirés du chinois), tous ces
' Radloff : Alltàrkirsche Imchriften der Moncjolei : Die Denkmàler von Ko-
sho-Zaidam , texte , transcription , traduction et glossaire en deux livraisons ,
in-4°. Saint-Pélersbonrg , 1894, 17a pages.
572 NOVEMBRE-DÉCEMBRE 1894.
mots se retrouvent dans la plupart des autres dialectes turcs ,
notamment Touïgour, Taltaï , le djagataï et rosmanli. Il y aura
sans doute quelques modifications à faire à la traduction de
Radloff et M. Thomsen lui-même, qui prépare, de son côté,
une transcription et une traduction en français des textes,
fait pressentir qu il n* accepte pas complètement celles du sa-
vant russe ; mais , sauf des points de détail , on peut considérer
comme acquise à la science la découverte de M. Thomsen.
Cette découverte fait donc honneur au savant danois, déjà
connu, du reste, par des travaux phUologiques de premier
ordre sur le finnois et sur le français du moyen âge.
La première livraison est consacrée à l'étude de Talphabet
avec de nombreux exemples pour justifier la lecture proposée
et se termine par quelques considérations sur Torigine pré-
sumée de cette écriture. C'est sur ce dernier point spéciale-
ment que nous voudrions appeler Tattention des savants.
On sait que les caractères des inscriptions découvertes dans
la vallée de TOrkhon à Kosho-Zaïdam , à Kara-Balgasoun et
dans la vallée de Tlenisseï (voir le Journal asiatique, février
iSgS) sont d'une forme particulière rappelant au premier
abord les runes d'Europe et que , pour cette raison , ils peu-
vent recevoir, provisoirement du moins , Tappellation de ra-
niformeSj celle d'alphabet turc étant évidemment insuffisante
pour les caractériser. Quelle est leur origine? A quel al-
phabet connu se rattachent ces caractères P Après avoir passé
en revue les diverses opinions déjà émises à ce sujet,
M. Thomsen rejette toute idée de ressemblance et de com-
munauté d'origine avec les runes Scandinaves et du nord de
l'Europe (bien qu'il y ait incontestablement des lettres com-
munes, comme I eo, a; t^ ye, o, u; A Ar et c; ^ t), et il
n'hésite pas à rattacher l'ancien alphabet turc au système
araméen. « La source d'où est tirée l'origine de l'alphabet
turc , sinon immédiatement , du moins par intermédiaire , est
celle de l'alphabet sémitique que l'on appelle araméenne.
C'est ce que prouvent quantité de ressemblances spéciides
dans ia forme et la valeur des lettres , ainsi que la direction
NOUVELLES ET MELANGES. 573
de droite à gauche de récrilure. » Ainsi , en principe , i'écri-
ture turque est d'origine araméenne» c'est-à-dire sénoiitique;
reste à savoir à quelle époque, par quelle voie, dans quelle
contrée cette écriture a été empruntée à l'araméen. Il est
plus que probable que c'est non pas dans la région iranienne,
comme le pense M. Thomsen, mais dans la région touranienne,
c'est-à-dire dans la Transoxane ou le ïokharistan (Bactriane)
qu'a du se faire cet emprunt. Nous avons , par les monnaies
trouvées entre la mer d'Aral et Tlndus , de nombreuses variétés
d'alphabets qui sont incontestablement d'origine sémitique,
bien que différant entre eux pour une même région; mais
le stock du langage monétaire est très réduit et se borne à
quelques noms propres avec le titre royal; aussi ne trouve-
t-on sur les légendes que des caractères simples. Il devait en
être tout différemment du moment qu'il s'agissait d'inscrip-
tions en plusieurs lignes : on se trouvait alors en présence
d'une langue non sémitique écrite avec des caractères sémi-
tiques et on devait s'attendre à voir des signes complexes
créés pour rendre des sons nouveaux. C'est ce qui est arrivé
dans l'écriture indienne dite dn nord-ouest ( indo-bactrien ou
kharoshthi), dont le fond est certainement araméen et qui a
été obligée de s'enrichir de quantité de caractères, soit par
des appendices , soit par des signes nouveaux. Sur les trente-
huit caractères composant l'écriture turque de l'Orkhon et de
l'Ienisseï , il n'y en a guère que dix à douze qui soient primaires
et qu'on puisse rattacher à la forme sémitique, le surplus a
été inventé et créé par les scribes pour rendre la variété de
sons qui caractérise la langue turque. Quand nous parlons de
« forme sémitique » , il faut s'entendre sur la valeur de ces
mots. Rien n'est plus séduisant et par suite si trompeur que
les ressemblances graphiques entre des lettres de deux al-
phabets différents; aussi doit-on être très prudent dans les
identifications de ce genre. Si l'on compare les caractères
turcs que l'on peut considérer comme primaires avec les
lettres araméennes connues , on remarque qu'il n'y en a qu'un
très petit nombre que l'on puisse rattacher à la forme sémi-
IV. 37
574 \OVEMBRR-DKCKMBRE 1804.
tique , et encore faut-il choisir les caractères archaïques coipmc
pour /, k, p, r, i, car pour ies autres, signes comme. h,.d»
m, n, c'est seulement dans le pelilvi de Tépoque sassani(l^
que l'on trouverait leur équivalent.
Comment expliquer, pour un même a^hftbet turc , le mé-;
lange de . formes^ araméennes. . séparées entre elles .par. {du-»
sieurs siècles? On se heurte là à bien des difficultés. Dans
son tableau comparatif de la page 49» M^Thornsen désigafi
par a, p, s les .alphabets araméens, pelili^ et sogdien^ tout
en donnant la préférence à Talphabet petdv}..Mai9 le.(>ehlvi
lui-même a été. employé dai^s Tlran pendant huit à œuf
siècles et il se divise au point de vue graphique, en : p$klm
arsacide (qui comprend })lusieurs variétés réparties ^ur (pwtre
siècles), chéaldéo-pehlvi et peklvl sassa^ide, M. Thomsen.rer
connaît avec juste raison que l'alphabet turc aa pu prQndro
naissance qu a Tépoque où ce peuple a coouxiencé à JQuer
un rôle dans TAsie centrale, c'est-àndire vers le .milieu,, do
vi' siècle de notre ère, après s'être mis en contact avec^los
peuples iraniens et la civilisation iranienne ;. mais alors V^st
au pehlvi de jcette époque, c'est-à-dire. au. pehlvi sass^niid^,
qu'il faudrait le comparer. Or, dans ce cas,.U.ny 9-f4i|s que
trois lettres (b^d, m) qui puissent supporter la çoiDjèarai^^om.
La conclusion de; tout ceci (car je ne veux pas ipsist^F 4^-
vantage) est que si l'alphabçt turc est d'origine directc^Qi^nt
ariiméenne, il fait partie du. groupe des divers; alpt.flibfl^.qui
avaient cours, en Transoxane (ancienne Sogdia^e) dqw^ia
conquête d'Alexandre, ^t q^i, se déformant peu à peu., et
chacun individuellement , onjt donné naissance ao^^ épiilnres
des monnaies des Khoudat de Balkli, de {a rëgipp .imd.de
i'Oxus, de la Khovarezmie et de. la Xranso^ane. G*est. de
ces régions que l'alphabet turc a émigré à la. fin ,da vi* siècle
vers le nord jusque dans la vallée de l'Ienisseï et en MongoUis
(Orkhon), ayant commencé toutefois par l'Ienisseï pu, piu^fùs-
sent se trouver les formes les plus anciennes. .t
Je me permettrai de rappeler ici ce que j'ai dit ailleurs
(voir Hevue numismatique , 1891, p. 466 et suiv.) à pn^posde
NOUVELLES ET MELAiNGES. 575
monnaies trouvées sur les bords de l*Jli et qui , frappées à la
manière chinoise, avec le trou carré du milieu, font partie
d'une série monétaire portant les mêmes emblèmes et se ré-
partissant sur plusieurs siècles. Ces monnaies ont une lé-
gende en caractères araméens d'une évidence manifeste,
mais qui ne ressemblent en rien, par leur forme penchée et
arrondie , aux caractères raides et anguleux de TOrkhon. J*ai
exprimé Topinion, que je crois encore exacte, que cette écri-
ture existait en deçà de l'Iaxarte au moment de l'arrivée des
Turcs sur les bords de ce fleuve et qu elle fut adoptée par
eux pour la frappe de monnaies destinées à circuler dans cette
contrée. Le voyageur chinois Hiouen-thsang, en sortant de la
Khashgarie et avant d'aller dans l'Inde, a rendu visite, vers
l'an 63o de notre ère, au khaqân des Turcs qui campait sur
les bords du fleuve Tchui ^ La relation de cette entrevue
nous a été conservée par le biographe chinois. Les monnaies
en question ayant été Irouvées dans la même région, il y a
tout lieu de croire qu'elles ont été frappées par ces mêmes
peuples et qu'ainsi l'alphabet monétaire emprunté par les
Turcs à la contrée transoxienne vers 55o avait pénétré un
siècle plus tard jusque sur les bords du lac Balkhash où il
restait confiné , pendant que l'alphabet runique parvenait plus
au nord pour devenir l'écriture lapidaire des Turcs orientaux
de l'Altaï et de Karakorom.
E. Drouin.
' A environ 5oo li du lac Issik-koul. Voir Histoire de la vie de Hiouen-
thsang , Irad. St. Julien, i853 , p. 5/i , et The Ufe oj Hiuen-ihsang y trad.
S. Beal, 1888, p. [\2. Le khaqân des Turcs s'appelait Ye-hoa ou Che-hou,
D'après l'historien chinois, ces Turcs étaient ignicoles; on trouve, en effet,
des traces du pyrée sur leurs monnaies. Cf. Tomashek, Skythen , 11 {1888),
p. 52; Bretschneider, Mediœval Researches ^ 1888, I, p. 227.
Le gérant :
RUBENS DUVAL.