Skip to main content

Full text of "Journal asiatique"

See other formats


Google 


This  is  a  digital  copy  of  a  book  thaï  was  prcscrvod  for  générations  on  library  shelves  before  it  was  carefully  scanned  by  Google  as  part  of  a  project 

to  make  the  world's  bocks  discoverablc  online. 

It  has  survived  long  enough  for  the  copyright  to  expire  and  the  book  to  enter  the  public  domain.  A  public  domain  book  is  one  that  was  never  subject 

to  copyright  or  whose  légal  copyright  term  has  expired.  Whether  a  book  is  in  the  public  domain  may  vary  country  to  country.  Public  domain  books 

are  our  gateways  to  the  past,  representing  a  wealth  of  history,  culture  and  knowledge  that's  often  difficult  to  discover. 

Marks,  notations  and  other  maiginalia  présent  in  the  original  volume  will  appear  in  this  file  -  a  reminder  of  this  book's  long  journcy  from  the 

publisher  to  a  library  and  finally  to  you. 

Usage  guidelines 

Google  is  proud  to  partner  with  libraries  to  digitize  public  domain  materials  and  make  them  widely  accessible.  Public  domain  books  belong  to  the 
public  and  we  are  merely  their  custodians.  Nevertheless,  this  work  is  expensive,  so  in  order  to  keep  providing  this  resource,  we  hâve  taken  steps  to 
prcvcnt  abuse  by  commercial  parties,  including  placing  technical  restrictions  on  automatcd  qucrying. 
We  also  ask  that  you: 

+  Make  non-commercial  use  of  the  files  We  designed  Google  Book  Search  for  use  by  individuals,  and  we  request  that  you  use  thèse  files  for 
Personal,  non-commercial  purposes. 

+  Refrain  fivm  automated  querying  Do  nol  send  aulomated  queries  of  any  sort  to  Google's  System:  If  you  are  conducting  research  on  machine 
translation,  optical  character  récognition  or  other  areas  where  access  to  a  laige  amount  of  text  is  helpful,  please  contact  us.  We  encourage  the 
use  of  public  domain  materials  for  thèse  purposes  and  may  be  able  to  help. 

+  Maintain  attributionTht  GoogX'S  "watermark" you  see  on  each  file  is essential  for  informingpcoplcabout  this  project  andhelping  them  find 
additional  materials  through  Google  Book  Search.  Please  do  not  remove  it. 

+  Keep  il  légal  Whatever  your  use,  remember  that  you  are  lesponsible  for  ensuring  that  what  you  are  doing  is  légal.  Do  not  assume  that  just 
because  we  believe  a  book  is  in  the  public  domain  for  users  in  the  United  States,  that  the  work  is  also  in  the  public  domain  for  users  in  other 
countries.  Whether  a  book  is  still  in  copyright  varies  from  country  to  country,  and  we  can'l  offer  guidance  on  whether  any  spécifie  use  of 
any  spécifie  book  is  allowed.  Please  do  not  assume  that  a  book's  appearance  in  Google  Book  Search  mcans  it  can  bc  used  in  any  manner 
anywhere  in  the  world.  Copyright  infringement  liabili^  can  be  quite  seveie. 

About  Google  Book  Search 

Google's  mission  is  to  organize  the  world's  information  and  to  make  it  universally  accessible  and  useful.   Google  Book  Search  helps  rcaders 
discover  the  world's  books  while  hclping  authors  and  publishers  reach  new  audiences.  You  can  search  through  the  full  icxi  of  ihis  book  on  the  web 

at|http  :  //books  .  google  .  com/| 


Google 


A  propos  de  ce  livre 

Ceci  est  une  copie  numérique  d'un  ouvrage  conservé  depuis  des  générations  dans  les  rayonnages  d'une  bibliothèque  avant  d'être  numérisé  avec 

précaution  par  Google  dans  le  cadre  d'un  projet  visant  à  permettre  aux  internautes  de  découvrir  l'ensemble  du  patrimoine  littéraire  mondial  en 

ligne. 

Ce  livre  étant  relativement  ancien,  il  n'est  plus  protégé  par  la  loi  sur  les  droits  d'auteur  et  appartient  à  présent  au  domaine  public.  L'expression 

"appartenir  au  domaine  public"  signifie  que  le  livre  en  question  n'a  jamais  été  soumis  aux  droits  d'auteur  ou  que  ses  droits  légaux  sont  arrivés  à 

expiration.  Les  conditions  requises  pour  qu'un  livre  tombe  dans  le  domaine  public  peuvent  varier  d'un  pays  à  l'autre.  Les  livres  libres  de  droit  sont 

autant  de  liens  avec  le  passé.  Ils  sont  les  témoins  de  la  richesse  de  notre  histoire,  de  notre  patrimoine  culturel  et  de  la  connaissance  humaine  et  sont 

trop  souvent  difficilement  accessibles  au  public. 

Les  notes  de  bas  de  page  et  autres  annotations  en  maige  du  texte  présentes  dans  le  volume  original  sont  reprises  dans  ce  fichier,  comme  un  souvenir 

du  long  chemin  parcouru  par  l'ouvrage  depuis  la  maison  d'édition  en  passant  par  la  bibliothèque  pour  finalement  se  retrouver  entre  vos  mains. 

Consignes  d'utilisation 

Google  est  fier  de  travailler  en  partenariat  avec  des  bibliothèques  à  la  numérisation  des  ouvrages  apparienani  au  domaine  public  cl  de  les  rendre 
ainsi  accessibles  à  tous.  Ces  livres  sont  en  effet  la  propriété  de  tous  et  de  toutes  et  nous  sommes  tout  simplement  les  gardiens  de  ce  patrimoine. 
Il  s'agit  toutefois  d'un  projet  coûteux.  Par  conséquent  et  en  vue  de  poursuivre  la  diffusion  de  ces  ressources  inépuisables,  nous  avons  pris  les 
dispositions  nécessaires  afin  de  prévenir  les  éventuels  abus  auxquels  pourraient  se  livrer  des  sites  marchands  tiers,  notamment  en  instaurant  des 
contraintes  techniques  relatives  aux  requêtes  automatisées. 
Nous  vous  demandons  également  de: 

+  Ne  pas  utiliser  les  fichiers  à  des  fins  commerciales  Nous  avons  conçu  le  programme  Google  Recherche  de  Livres  à  l'usage  des  particuliers. 
Nous  vous  demandons  donc  d'utiliser  uniquement  ces  fichiers  à  des  fins  personnelles.  Ils  ne  sauraient  en  effet  être  employés  dans  un 
quelconque  but  commercial. 

+  Ne  pas  procéder  à  des  requêtes  automatisées  N'envoyez  aucune  requête  automatisée  quelle  qu'elle  soit  au  système  Google.  Si  vous  effectuez 
des  recherches  concernant  les  logiciels  de  traduction,  la  reconnaissance  optique  de  caractères  ou  tout  autre  domaine  nécessitant  de  disposer 
d'importantes  quantités  de  texte,  n'hésitez  pas  à  nous  contacter  Nous  encourageons  pour  la  réalisation  de  ce  type  de  travaux  l'utilisation  des 
ouvrages  et  documents  appartenant  au  domaine  public  et  serions  heureux  de  vous  être  utile. 

+  Ne  pas  supprimer  l'attribution  Le  filigrane  Google  contenu  dans  chaque  fichier  est  indispensable  pour  informer  les  internautes  de  notre  projet 
et  leur  permettre  d'accéder  à  davantage  de  documents  par  l'intermédiaire  du  Programme  Google  Recherche  de  Livres.  Ne  le  supprimez  en 
aucun  cas. 

+  Rester  dans  la  légalité  Quelle  que  soit  l'utilisation  que  vous  comptez  faire  des  fichiers,  n'oubliez  pas  qu'il  est  de  votre  responsabilité  de 
veiller  à  respecter  la  loi.  Si  un  ouvrage  appartient  au  domaine  public  américain,  n'en  déduisez  pas  pour  autant  qu'il  en  va  de  même  dans 
les  autres  pays.  La  durée  légale  des  droits  d'auteur  d'un  livre  varie  d'un  pays  à  l'autre.  Nous  ne  sommes  donc  pas  en  mesure  de  répertorier 
les  ouvrages  dont  l'utilisation  est  autorisée  et  ceux  dont  elle  ne  l'est  pas.  Ne  croyez  pas  que  le  simple  fait  d'afficher  un  livre  sur  Google 
Recherche  de  Livres  signifie  que  celui-ci  peut  être  utilisé  de  quelque  façon  que  ce  soit  dans  le  monde  entier.  La  condamnation  à  laquelle  vous 
vous  exposeriez  en  cas  de  violation  des  droits  d'auteur  peut  être  sévère. 

A  propos  du  service  Google  Recherche  de  Livres 

En  favorisant  la  recherche  et  l'accès  à  un  nombre  croissant  de  livres  disponibles  dans  de  nombreuses  langues,  dont  le  français,  Google  souhaite 
contribuer  à  promouvoir  la  diversité  culturelle  grâce  à  Google  Recherche  de  Livres.  En  effet,  le  Programme  Google  Recherche  de  Livres  permet 
aux  internautes  de  découvrir  le  patrimoine  littéraire  mondial,  tout  en  aidant  les  auteurs  et  les  éditeurs  à  élargir  leur  public.  Vous  pouvez  effectuer 
des  recherches  en  ligne  dans  le  texte  intégral  de  cet  ouvrage  à  l'adressefhttp:  //books  .google.  com| 


JOURNAL   ASIATIQUE 


NEUVIÈME    SÉUIE 


TOME  IV 


JOURNAL  ASIATIQUE 

RECUEIL   DE   MÉMOIRES 

D'EXTRAITS  ET  DE  NOTICES 

RELATIFS  À  L'HISTOIRE,  À  LA  PHILOSOPHIE.  AU\  LANWES 
ET  À  LA  LITTÉRATCRE  DES  PEUPLES  OIIIENTAUX 


ET  PUBLIE  PAR  LA  SOCIETE  ASIATIQUE 


NEUVIÈME  SÉRIE 

TOME   IV 


PARIS 
IMPRIMERIE   NATlOPiALE 

ERNEST  LEROUX,  ÉDITEUR 


M  DCCC  XCIV 


JOURNAL  ASIATIQUE. 

JUILLET-AOÛT  1894. 


PROCES-VERBAL 

DE  LA  SÉANCE  GÉNÉRALE  DU  21  JUIN  1894. 


La  séance  est  ouverte  à  2  heures  par  M.  Barbier 
de  Meynard ,  président.  Le  procès-verbal  de  la  séance 
générale  du  22  juin  iSgS  est  lu,  et  la  rédaction  en 
est  adoptée. 

M.  le  Président  rappelle  en  ces  termes  les  pertes 
que  le  Conseil  a  éprouvées  pendant  le  courant  de 
l'année  : 

«En  ouvrant  cette  séance,  je  dois  adresser  en 
votre  nom,  Messieurs,  un  dernier  hommage  à  la 
mémoire  de  deux  membres  du  Conseil  que  la  mort 
nous  a  enlevés  et  qui,  par  des  voies  différentes,  ont 
tous  deux  contribué  au  bon  renom  de  notre  Société 
et  aux  progrès  de  nos  travaux. 

«  M.  Edouard  Foucaux ,  que  nous  venons  de  perdre 
il  y  a  à  peine  quelques  semaines,  était,  après  notre 
vénéré  président  honoraire  M.  Barthélémy -Saint 
Hilaire,  le  doyen  de  la  Société;  il  lui  appartenait 
depuis  cinquante-quatre  ans.  Chargé  du  cours  de  tibé- 
tain à  FEcole  des  langues  orientales  vivantes  pendant 
plus  de  vingt  années ,  professeur  de  sanscrit  au  Collège 


6  JUILLETAOÛT  1894. 

de  France  depuis  1862,  M.  Foucaux  nous  laisse 
Texempie  dune  rare  assiduité  dans Taccomplissement 
de  ses  devoirs.  Son  principal  titre  est  d'avoir  fondé 
en  France  renseignement  de  la  littérature  tibétaine, 
ouvrant  ainsi  une  voie  nouvelle,  à  la  fois,  à  la  philo- 
logie orientale  et  à  Tétude  du  bouddhisme  du  Nord. 
Je  nai  pas  qualité  pour  apprécier  la  valeur  scienti- 
fique de  ses  travaux,  c'est  un  soin  dont  son  digne 
continuateur  M.  L.  Feer  s  acquittera  mieux  que 
moi.  Qu'il  me  suffise  de  rappeler,  parmi  les  plus  es- 
timables publications  de  M.  Foucaux,  une  gram- 
maire tibétaine,  le  texte  et  la  traduction  de  la  version 
tibétaine  du  Lalitavistara  qui  a  fourni  de  précieuses 
données  à  l'histoire  de  SakyaMouni ,  quelques  drames 
traduits  de  Kalidasa,  et  plusieurs  autres  travaux  qui 
laisseront  leur  trace  dans  l'histoire  religieuse  et  litté- 
raire du  monde  hindou. 

«  La  modestie  de  M.  Foucaux  égalait  son  amour 
de  l'étude;  étranger  à  toute  coterie  scientifique 
comme  à  toute  visée  ambitieuse,  il  partageait  son 
temps  entre  ses  recherches  érudites  et  le  culte  des 
beaux-arts  qu'il  appréciait  en  fin  connaisseur.  Bien 
que  depuis  longtemps  il  n'assistât  plus  à  nos  séances, 
il  n'avait  parmi  nous  que  des  amis,  et  sa  mort  nous 
laisse  de  sincères  regrets. 

«  Le  D'  Leclerc  n'était  connu  que  d'un  petit 
nombre  d'entre  nous.  Ancien  médecin-major  de 
l'armée  d'Afrique,  il  avait  pris  sa  retraite  depuis 
longtemps  et  passait  la  plus  grande  partie  de  l'année 
en  province,  dans  son  pays  natal.  Il  n'en  a  pas  moins 


PROCÊS-VERBAL.  7 

compté  parmi  les  collaborateurs  les  plus  assidus  du 
Journal  asiatique.  Nous  lui  devons,  entre  autres 
contributions  savantes,  une  notice  sur  la  version 
arabe  de  Dioscoride  par  le  médecin  syrien  Honeïn , 
un  mémoire  sur  Aboul-Casis,  une  étude  prépara- 
toire sur  Ibn  Beïtar,  un  mémoire  sur  Apollonius  de 
Thyane  et  plusieurs  notices  de  bibliographie  critique. 
Son  Histoire  de  la  médecine  en  Orient  restera ,  malgré 
un  cerfain  désordre  de  plan  et  quelques  erreurs  de 
détail ,  un  document  toujours  utile  à  consulter  pour 
la  connaissance  du  grand  mouvement  scientifique 
qui,  propagé  par  les  médecins  et  traducteurs  sy- 
riaques ,  a  transmis  la  science  grecque  à  l'Europe  du 
moyen  âge.  Le  Dictionnaire  des  simples  d'Ibn  Beïtar, 
cpie  M.  Leclerc  fiit  chargé  de  traduire  de  Tarabe 
pour  les  Notices  et  Extraits  de  TAcadémie  des  Inscrip- 
tions, en  1877,  n'a  pas  une  moindre  importance 
pour  l'étude  de  la  botanique  et  de  la  pharmacopée 
orientales;  c'est  aussi  une  mine  de  renseignements 
pour  nos  dictionnaires  arabes ,  si  insuffisants  encore 
en  ce  qui  concerne  la  technologie  des  sciences  natu- 
relles. L'union  de  deux  spécialités  si  différentes  chez 
le  même  savant  est  bien  rare ,  et  nous  saurons  tou- 
jours gré  au  D'  Leclerc  d'avoir  donné  à  ses  études 
médicales  et  à  sa  connaissance  de  la  langue  arabe 
une  aussi  utile  direction.  Il  a  continué  parmi  nous, 
avec  une  compétence  peut-être  plus  étendue,  les 
recherches  de  Sanguinetti  et  de  Clément  Mullet,  et 
son  nom  restera  honorablement  associé  à  notre  his- 
toire. Pùisse-t-il  aussi  trouver  des  continuateurs  dans 


8  JUILLET-AOÛT  1894. 

les  rangs  de  notre  armée  d'Algérie  où  l'érudition 
compte  aujourd'hui  des  représentants  distingués  ! 

«  Je  tenais ,  Messieurs ,  à  donner  un  dernier  sou- 
venir à  ces  deux  confrères  regrettés ,  puisque  vous 
n'entendrez  pas  aujourd'hui  le  rapport  que  votre  se- 
crétaire consacre  à  nos  travaux  avec  tant  d'autorité 
et  de  talent.  J'espère  qu'il  n'aura  pas  de  nouveaux 
noms  à  ajouter,  dans  un  an,  à  la  liste  de  nos  pertes 
et  qu'il  ne  nous  entretiendra  que  des  travaux  entre- 
pris ou  encouragés  par  vous.  Ce  sera  la  meilleure 
preuve  que,  malgré  ses  soixante  et  onze  ans,  la  So- 
ciété asiatique  est  en  pleine  vitalité  et  qu'elle  pour- 
suit vaillament  sa  marche  dans  la  voie  que  ses  il- 
lustres fondateurs  lui  ont  tracée.  » 

M.  Rubens  Duval  lit  le  rapport  de  la  Commission 
des  censeurs  pour  l'exercice  iSgS.  Des  remercie- 
ments sont  votés  aux  membres  de  la  Commission 
des  fonds,  à  MM.  les  censeurs  et  au  bibliothécaire. 

M.  Darmesteter  donne  lecture  d'une  notice  sur 
les  Parthes  à  Jérusalem  qui  sera  insérée  dans  le  Joar/ia/ 
asiatique  (voir  p.  43). 

M.  Chavannes  fait  une  communication  sur  le 
grand  historien  chinois  Se-ma-T'sien.  Après  avoir 
brièvement  tracé  la  biographie  de  cet  écrivain  qui 
vécut  à  la  fin  du  deuxième  et  au  commencement  du 
premier  siècle  avant  notre  ère ,  il  étudie  ses  procédés 
de  composition  et  met  en  lumière  le  vif  intérêt  de 
ses  mémoires ,  où  se  trouvent  conservés ,  dans  leur 
forme  originale,  les  documents  les  plus  divers, 
poésies  et  dissertations ,  requêtes  au  trône  et  décrets 


PROCÈS-VERBAL.  9 

impériaux,  inscriptions  lapidaires  et  pièces  de  chan- 
cellerie, propos  célèbres  et  chansons  populaires. 
M.  Chavannes  montre  que  Tœuvre  de  Se-ma-T'sien 
est  la  source  de  renseignements  la  plus  abondante 
et  la  plus  pure  pour  toute  Thistoire  de  la  Chine  de- 
puis les  temps  les  plus  reculés  jusque  vers  Tan  loo 
av.  J.-C. 

M.  Textor  de  Ravisi  offre  à  la  Société  la  première 
série  des  travaux  du  Congrès  des  orientalistes,  tenu 
à  Lisbonne  en  septembre  1892.  Il  exprime  le  re- 
gret qu'à  la  suite  des  ditFérends  survenus  après  le 
Congrès  de  Stockholm,  une  confusion  se  soit  pro- 
duite dans  Tordre  numérique  des  congrès.  M.  de 
Ravisi  conteste  au  futur  Congrès  de  Genève  le  droit 
de  s'intituler  10®  Congrès  international  des  orien- 
talistes, et  annonce  qu'il  publiera  prochainement  sa 
protestation  dans  une  lettre  adressée  à  M.  Naville 
qui  doit  présider  la  réunion  de  Genève.  —  M.  le  Pré- 
sident, après  avoir  fait  remarquer  que  M.  Textor  de 
Ravisi  vient  d'exprimer  une  opinion  qui  lui  est  per- 
sonnelle, rappelle  que  si  la  Société  asiatique  a  cru 
devoir  s'abstenir  d'une  participation  officielle  aux 
congrès  de  ces  dernières  années,  elle  n'en  donne  pas 
moins  volontiers  son  adhésion  à  toute  réunion  d'orien- 
talistes sérieux  où  les  progrès  de  la  science  et  les 
bons  rapports  personnels  sont  également  en  honneur, 
et  qu'à  ce  titre  il  ne  doute  pas  qu'un  grand  nombre 
de  membres  de  la  Société  ne  soient  heureux  de  se 
retrouver  à  Genève  au  mois  de  septembre. 

La  séance  est  levée  à  4  heures  et  demie. 


JUILLET-AOÛT  1894. 


RAPPORT 

DE  LA  COMMISSION   DES  CENSEURS   SUR  LES   COMPTES 

DE  L'EXERCICE    l8g3, 
LU  DANS  LA  SEANCE  GENERALE  DU   21   JUIN  1894. 


Messieurs , 

Pour  l'exercice  1898,  les  recettes  et  les  dépenses  ordi- 
naires ,  comparées  avec  celles  de  l'année  précédente ,  ne  pré- 
sentent pas  de  différence  notable.  Les  dépenses  extraordi- 
naires ne  comprennent  qu*une  somme  de.5oo  francs  payée 
pour  la  réorganisation  de  la  bibliothèque.  C'est  pour  cette 
raison  que  le  compte  courant  à  la  Société  générale ,  qui ,  au 
3i  décembre  1892 ,  se  soldait  par  un  avoir  de  19,287  fr.  89 , 
s'est  trouvé  porté  au  3 1  décembre  dernier  à  la  somme  de 
28,576  fr.  47.  Sur  cette  somme  votre  Commission  des  fonds 
a  affecté  à  la  réserve  1 2,564  fr.  7^,  prix  de  3o  obligations 
nominatives  du  chemin  de  fer  de  l'Est-Algérien ,  laissant  les 
16,000  francs  de  surplus  disponibles  pour  les  publications 
de  la  Société. 

Cette  année ,  en  effet ,  il  y  aura  lieu  de  pourvoir  aux  frais 
du  troisième  volume  du  Mahâvastu.  Vous  savez,  en  outre, 
que  votre  Conseil  a  voté  Timpression  de  la  Chronique  de 
Michel  le  Syrien  et  d'une  traduction  française  du  Kitâb-al- 
tanbih;  il  a  accordé  aussi  une  subvention  de  1,200  francs  par 
volume  à  la  publication  de  V Histoire  de  Se-ma-T'sien. 

Les  fonds  que  les  dépenses  ordinaires  de  notre  Société 
n'absorbent  pas  pourront  être  employés  à  ces  publications 
avec  d'autant  plus  de  facilité ,  que  la  réorganisation  de  notre 
bibliothèque  est  maintenant  achevée.  Comme  le  fait  ressortir 


RAPPORT  DES  CENSEURS.  11 

le  rapport  de  M.  Speclit,  c'est  grâce  au  zèle  du  ]>ibliothé- 
Caire,  M.  Drouiii,  que  celte  entreprise  a  pu  être  conduite  à 
son  terme  en  un  temps  relativement  court  et  sans  exiger  de 
trop  grands  sacriûces.  La  dépense  totale,  répartie  sur  plu- 
sieurs années,  s'est  élevée  à  i  ,7^7  Tr.  85. 

Nous  vous  proposons,  Messieurs,  de  voter  des  remercie- 
ments à  votre  bibliothécaire  et  à  votre  Commission  des  fonds. 

ïï.  ZOTENBBBG,  R.  DuVAL. 


12  JUILLET-AOÛT   1894. 


RAPPORT  DE  M.  SPECHT, 

AU  NOM  DE  LA  COMMISSION  DES  FONDS, 

ET  COMPTES  DE  L'ANNÉE  1893. 


Messieurs , 

La  réorganisation  de  notre  bibliothèque  a  coûté  cette  an- 
née la  somme  de  5oo  francs.  Avec  les  sommes  dépensées 
dans  les  (rois  exercices  précédents ,  les  frais  du  catalogue  et 
du  nouveau  classement  des  livres  se  sont  élevés  à  1,747  ^r. 
85  cent.,  dépense  minime  pour  le  travail  matériel  qu'il  a 
fallu  faire  faire  pour  placer  tous  les  volumes  dans  un  ordre 
parfait  qui  permet  de  les  trouver  de  suite  à  l'aide  d'un  cata- 
logue sur  fiches  qui  pourra  être  toujours  tenu  au  courant. 
Lorsqu'on  se  reporte  à  une  trentaine  d'années  environ ,  on 
se  souvient  que  nos  livres  étaient  empilés  au  hasard  dans  les 
salles  qui  étaient  attribuées  à  la  Société  asiatique ,  quai  Ma- 
laquais.  Notre  bien  regretté  confrère  Stanislas  Guyard  avait , 
il  est  vrai ,  fait  rue  de  Lille  le  classement  des  livres ,  mais  les 
déménagements  successifs  de  notre  bibliothèque  avaient  mis 
nos  volumes  dans  un  grand  désordre.  On  ne  saurait  donc 
aujourd'hui  trop  remercier  notre  bibliothécaire,  M.  Drouin, 
qui  a  consacré  presque  tout  son  temps  avec  un  dévouement 
désintéressé  pour  mener  à  bonne  fin  le  classement  définitif 
de  la  bibliothèque  de  la  Société. 

Les  comptes  de  cette  année  n'offrent  rien  de  particulier. 
Les  dépenses  se  sont  élevées  à  18,087  ^^'  7 5  et  les  recettes, 
toujours  à  peu  près  les  mêmes,  ont  été  de  22,376  fr.  33. 


HAPPOUT  DE  LA  COMMISSION  DES  FONDS.  13 

L'encaisse  au  3i  décembre  dernier  était  de  38,576  fr.  47. 
On  a  acheté  depuis  3o  obligations  nominatives  du  chemin 
de  fer  de  l'Est-Algérien  pour  la  somme  de  1 2,564  Tr.  74.  Les 
1 6,000  francs  qui  restent  doivent  faire  face  aux  frais  d'im- 
pression du  troisième  volume  du  Maliâvastii  et  des  deux 
autres  ouvrages  dont  votre  Conseil  a  décidé  la  publication. 


14  JUILLETAOÛT  1894. 


DEPENSES. 


COMPTES 


Honoraires  du  libraire  pour  le  recouvrement  des  coti 
salions 666^  oo° 

Frais  d'envoi  du  Journal  asiatique 3 1 5  oo 

Ports  de  lettres  et  de  paquets  reçus.. . .  loo  45    >      i.4o8^  45 

Frais  de  bureau  du  libraire 97  oo 

Dépenses  diverses  soldées  par  le  libraire.  2  3o  oo 

Honoraires  du  sous-bibliothécaire i,300  oo 

Service  et  étrennes 2^3  oo 

Ghaufiage,  éclairage,  etc 85  55 

Reliure  et  frais  de  bureau 846   lo    )     2,534  8o 

Contribution  mobilière 76  o5 

Contribution  des  portes  et  fenêtres ....  1760 

Assurance 67  5o 

Réorganisation  de  la  bibliothèque 5oo  00 

Frais  d'impression  du  Journal  asiatique,  7.377'  5o* 

Indemnité  au  rédacteur  du  Journal  asia- 
tique        600  00     .      „  ^ 

}     8,577  5o 

Indemnité  pour  la  rédaction  de  la  table 
de  la  Vni'  série  du  Journal  asia- 
tique       600  00 

Société  générale.  Droits   de  garde,  timbres,  frais  de 

conversion 67  00 

Total  des  dépenses  de  1893 13,087  75 

Espèces  en  compte  courant  a  la  Société  générale  au 

3i  décembre  1893 28^576  47 

ENSEMBLE 4 1  «664'  2  2'' 


RAPPORT  DE  LA  COMMISSION  DES  FONDS.      15 


NNÉE  1893. 


RECETTES. 

1 13  cotisations  de  1898 

5 1  cotisations  arriérées 

6  cotisations  à  vie 

io3  abonnements  au  Journal  asiatique 
Vente  des  publications  de  la  Société . . . 

Intérêts  des  fonds  placés  : 

1**  Rente  sur  l'État  3  p.  0/0 

'  4  1/2  p.  0/0 .... 

Legs  Sanguinetti  (en  rente  4  1/2  p.  0/0). . 

q"*  64  obligations  de  l'Est  (5  p.  0/0) . 

3°  20  obligations  de  l'Est  (nouveau] 

(3  p.  0/0)... 

4°  60  obligations  d'Orléans  (  3  p.o/o) . 
5"  58  obiigat.  Lyon-fusion  (  3  p.  0/0). 

6°  60  obligations  de  l'Ouest 

7**  3o  obligations  Crédit  foncier  i883 

(3  p.  0/0) 

8**  10  obligations  communales  1880. 

Intérêts  des  fonds  disponibles  déposés  à 

la  Société  générale 

Souscription  du  Ministère  de  l'Instruc- 
tion publique 

Crédit  alloué  par  l'Imprimerie  nationale 
en  dégrèvement  des  frais  d'impression 
du  Journal  asiatique 


3,390'  00" 
i,53o  00 
1,740  00 

2.060  00 

1.061  20 


1,800  00 
45o  00 
4 10  00 

i.dSi  76 

288  00    I 

864  00 

782  42 

864  00 

432  00 
1/44  00 

108  95 
3,000  00 


3,000  00 


\ 


f  -.^c 


9,781'  20 


7,595   i3 


5,000  00 


Total  des  recettes  de  1893 22,376  33 

Espèces  en  compte  courant  à  la  Société  générale  au 

3i  décembre  de  l'année  précédente  (1892] 19*287  89 


Total  égsd  aux  dépenses  et  à  l'encaisse  au  3 1  dé- 
cembre 1893. .  *  é i 41*664^21*' 


10  .lUlLLKTAOClT  1804. 


OUVKAGES  OFFERTS  ii  LA  SOCIÉTÉ. 
(Sëancc  du  21  juin  1894.) 

Par  riiidiu  Office  :  The  Indian  Antiquary.  Mardi  189/1. 
London;  in-^". 

—  Epijraphia  Indica,  vol.  II.  Calcutta,  iSgS,  et  vol.  III , 
January  and  Mardi  189^;  iii-4°. 

Par  le  Ministère  de  l'instruction  publique  :  Bibliothèque  des 
Ecoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rome,  A.  Baudrillart. 

—  Les  divinités  de  la  Victoire,  en  Grèce  et  en  Italie,  Paris, 
189^;  in-ii\ 

—  L'origine  française  de  l'archiiectare  gothique  en  Italie, 

—  Les  origines  des  cultes  arcadiens,  par  Victor  Bérard.  Pa- 
ris, 189^;  in/i". 

Par  la  Société  :  Mémoires  de  l'Académie  impériale  de  Saint- 
Pétersbourg,  tome  XLI,  n"  4.  Saint-Pétersbourg,  189^;  in- 

—  Bulletin  de  l'Institut  égyptien,  3'  série,  n'*  4.  Le  Caire, 
i894;in-8\ 

—  Journal  de  la  Société finno-ougrienne ,  Helsingissâ,  iSgS  ; 
in-S". 

-^  Actc$  de  la  Société  philologique ,  t*  XXXIii,  années  189.3 
et  1894;  in-8\ 

—  Royal  Asiatic  Society,  Catalogue  ofthe  Library.  London , 
l893;in-8^ 

—  Bulletin  de  la  Société  de  Géogmphie,  4'  trimestre.  Paris, 
i894;in-8«. 

—  Comptes  rendus ,  u°'  7-12.  Paris,  1894;  in-8°. 

—  The  Geo-raphicalJournal,  July-December  1893,  January- 
May  1894,  London;  in-8''. 

=—  n.vuc  ajriiainc,  1"  et  3*  trimos'.res.  Alger,  1894;  in-8''t 


OUVRAGES   OFFERTS.  17 

Par  la  Société  :  Revue  des  études  juives,  janvier- mars. 
Paris,  i894;iii-8'. 

—  Rendiconti  délia  Accademia  dei  Lincei,  vol.  m*  fasc.  3  et 
d«  Roma,  1894;  in-8^ 

—  Journal  asiatique,  mars-avril  1894.  Paris;  in-8*. 

—  Journal  ofthe  Peking  oriental  Society,  voi.  III ,  number  3, 
Peking,  1893;  in-8'. 

—  Congrès  des  Sociétés  savantes;  discours  de  MM,  Jjevasseur 
et  Spaller,  Paris,  1894;  in-8*. 

Par  les  éditeurs  :  Revue  critique,  n"  31 -a 5.  Paris,  1894; 
in-8\ 

—  Polyhiblion,  parties  technique  et  littéraire,  mai  et  juin 
i894;in.8«. 

—  L'Oriente,  n"*  2 ,  aprile  1894.  Coma;  in-8*. 

—  Tung  Pao,  mars  et  mai  1894.  Paris;  in-8*. 

—  Bulletin  archéologique ,  année  1893,  n*  2.  Paris;  in-8*. 

—  Bolletino,  n*  202.  Firenze,  1894;  in-8°. 

—  Le  Muséon,  juin  1894*  Louvain;  in-8°. 

Par  les  auteurs  :  Laurent ,  La  magie  et  la  divination  chez 
les  Chaldéo- Assyriens,  Paris,  1894;  in-8*. 

—  Matgoisi,  Le  Tao  de  Laotseu,  Paris,  1894;  in-8*. 

—  K.  F.  Johansson,  Der  Dialect  der  sogenannten  Shâkhâz- 
garhi  Redaktion  der  vierzehn  EJikte  des  Kônigs  Açoka  (Ex- 
trait). Leide,  1892;  in-8*. 

—  W.  Crooke,  An  introduction  to  thepopular  Religion  and 
Folklore  of  Northern  Jndia.  Aliahabad,  1894;  in-8*. 

—  Harfouch ,  Le  drogman  arabe.  Beyrouth ,  1 894  ;  in-8*. 

—  F.  Hoernle,  The  Bower  manuscript,  part  11,  fasc.  I. 
Calcutta ,  1 894  ;  in-8*. 

—  L.  Pekotsch ,  Praktisches  Uebungsbuch  zur  gràndlicheren 
Erlernung  der  Osmanisch-Tûrkischen  Sprache,  sammt  Schlussel, 
Wien,  1894;  in-8». 

—  M.  Th.  Houtsma ,  Elu  tàrkisch-ambisches  Gbssar.  Leide , 
1894;  in-8». 

rr.  !i 


18  JUILLET-AOUT  1894. 

.  Par  ie  baron  Textor  de  Ravisi  :  La  liste  de»  3  séries  de 
Mémoires  qui  seront  publiés  par  le  Congrès  des  Orientalistes 
tenu  à  Lisbonne  en  189  a  ;  in-S**. 

—  La  première  série  de  ces  Mémoires  qui  sont  au  nombre 
de  vingt  et  un  ;  in-8*. 


TABLEAU  DU  CONSEIL  D  ADMLNlSTRATION.  Ï9 


TABLEAU 

DU  CONSEIL  D'ADMINISTRATION 


9  r       # 


COKPORMBMENT    AUX    NOMINATIONS    FAITl»   DANS    L'ASSRMBLEE    GENERALE 

DU    31    JUIN    1894. 


PRESIDENT  HONORAIRE. 

M.  Barthélémy-Saint  Hilai^ie. 


PRESIDENT. 

M.  Barbier  de  Meynard. 

VICE-PRÉSIDENTS. 

MM.  E.  Senart. 
Maspero. 

SECRÉTAIRE. 

M.  James  Darmesteter. 

SECRÉTAIRE  ADJOINT  ET  BIBLIOTHÉCAIRE. 

M.  E.  Drouin. 

TRÉSORIER. 

M.  le  marquis  Meichior  de  Vogué. 

COMMISSION   DBS   FONDS. 

MM.  Drouin. 
Specht. 
Clermont-Ganneau. 


2. 


$0  JUILLET-AOÛT  1894. 

CENSEURS. 
MM.  ZOTENBERG. 

Rubens  Duval. 

MEMBRES  DU  CONSEIL 

MM.  J.  Haléyy.  \ 

Michel  Bréal. 
Berger. 
HooDAs.  ^    Élus  en  189/i. 

GORDIER. 

DiEULAFOY. 

ZoTENBERG. 

Lancereau. 
l'abbé  Barges. 
FoucAux. 
J.  Derenbourg. 

Gh.  Schefer.        \^     Élus  en  iSgS. 
L.  Feer. 

J.  ViNSON. 
GuiMET. 

Rubens  Duval. 
le  D'  Leclerc. 
A.  Barth. 
H.  Derenbourg. 

Sylvain  LÉvi.        ^     Élus  en  1892. 
Glément  Huart. 

RODET. 

Devéria. 
Oppert. 


1 

« 


LISTE  DES  MEMBRES.  21 


<iaàa 


SOCIÉTÉ  ASIATIQUE. 


I 

LISTE  DES  MEMBRES  SOUSCRIPTEURS. 

PAR  ORDRE  ALPHABÉTIQUE. 
Nota.  Les  noms  marqués  d'un  *  sont  ceux  des  Membres  à  vip, 

f 

L'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres. 

MM.*Abbadie  (Antoine  d')  ,  membre  de  l'Institut ,  rue 

du  Bac,  I  2  0,  à  Paris. 
Adda  Fredj,  instituteur,   rue  d'Israël,   27,  à 

Constantine. 
Allaoua  BEN  Yahya  ,  professeur  au  Collège ,  h 

Mostaganem. 
Allotte   de   la  Fuye,  chef  de  bataillon   du 

génie,  à  Rennes. 
Alric,  vice-consul  de  France,  à  Mossoul. 
AssiER  de  Pompignan,  lieutenant  de  vaisseau, 

boulevard  Malesherbes,  1  10,  à  Paris. 
AuROUx,  juge  de  paix,  à  Constantine. 
*Aymonier  (E.),  chef  de  bataillon  d'infanterie 

de  marine,  rue  du  Général-Foy,  ^6 ,  à  Paris. 


22  JUILLET. AOÛT  18Q3. 

Bibliothèque  Ambrosienne  ,  à  Milan. 
Bibliothèque  de  l Université,  à  Utrecht. 
Bibliothèque  universitaire  ,  à  Alger. 
Bibliothèque  Khédiviale,  au  Caire. 
MM.  Barbier  de  Meynard  ,  membre  de  Tlnstitut ,  pro- 
fesseur au  Collège  de  France  et  à  TEcoledes 
langues   orientales   vivantes,    boulevard  de 
Magenta ,  1 8 ,  à  Paris. 

Barges  (Tabbé),  professeur  honoraire  de  la 
Faculté  de  théologie  de  Paris,  rue  Mde- 
branche ,  1 1 ,  à  Paris. 

Barré  de  Lancy,  premier  secrétaire-interprète 
du  Gouvernement  pour  les  langues  orien- 
tales ,  rue  Caumartin ,  3  2  ,  à  Paris. 

Barth  (Auguste),  membre  de  Tlnstitut,  rue  du 
Vieux-Colombier,  6 ,  à  Paris. 

Barthélémy,  au  Consulat  de  France,  à  Alep 
(Syrie). 

Barthélemy-Saint  Hilaire  ,  ancien  Ministre  des 
Affaires  étrangères,  membre  de  l'Institut, 
boulevard  Flandrin ,  4 ,  à  Paris. 

Basset  (René),  professeur  d'arabe  à  l'Ecole  des 
lettres,  rue  Michelet,  ^9,  à  TAgha  (Alger). 

Beauregard  (OUivier),  rue  Jacob,  3,  à  Paris. 

Beck  (l'abbé  Pranz-Seignac),  rue  Duranteau, 
3 1 ,  à  Bordeaux. 

Bekermann  (Joseph),  à  Firlej,  par  Radom  (Po- 
logne russe). 

Belkassem  ben  Sedira  ,  professeur  à  TEcole  des 
lettres,  à  Alger. 


LISTE  DES  MEMBRES.  21 

MM.  Bénédite    (Georges),    attaché    au   Musée    du 
Louvre,  rue  du  Val-de-Grâce ,  9 ,  à  Paris. 
*Berchem  (Max  van),  privat-docent  à  lUniver- 
sité  de  Genève. 
Berger  (Philippe),  membre  de  ilnstitut,  rue 
du  Foui%  8 ,  à  Sceaux. 

M"*  Berthet  (Marie),  professeur  à  TEcole  normale 
d'Alençon,  rue  des  Promenades,  9,  àAlençon. 

VIM.  Besthorn  (G.),  Guidbergsgade ,  9,  à  Copen- 
hague. 

BiNGER  (le  capitaine),  gouverneur  de  la  Côte 
dïvoire. 

Blonay  (Godefroy  de),  rue  Cassette,  23,  à 
Paris. 

Bœll  (Paul),  publiciste,  me  Royer-Collard, 
1 6 ,  à  Paris. 

B01SSIER  (Alfred),  rue  Calvin,  à  Genève. 

BoNZON  (Jacques),  rue  Spontini,  i3,  à  Paris. 

BossouTROT,  interprète  militaire,  détaché  à 
l'Administration  centrale  de  larmée  tuni- 
sienne, à  Tunis. 

BouRDAis  (labbé),  professeur  à  la  Faculté  libre 
d'Angers,   au  château  des   Bordes,    par  le 
Grand-Pressigny  (  In  dre-et-Loire  ) . 
*BouRQUiN  (le  Rév.  A.),  à  Lausanne. 

Bréal  (Michel),  membre  de  Tlnstitut,  profes- 
seur au  Collège  de  France,  rue  d'Assas,  70 , 
à  Paris. 

BuDGE  (E.  A.  Wallis),  litt.  D.  F.  S.  A.,  au  Bri- 
tish  Muséum ,  à  Londres. 


» 
* 


24  JUILLET-AOÛT  1894. 

MM.  BiJHLER  (George),  professeur  à  Tlnstitut  orien- 
tal ,  à  rUniversîté  de  Vienne, 
Bureau  (Léon),  rue  Gresset,  i5,  à  Nantes. 
BuRGESS  (James),  Sutton  place,  2 a,  à  Edim- 
bourg. 
M"'  BuTENSCHŒN,  avenue  dléna,  28,  à  Paris. 

MM,  Galassanti-Motylinski  (de), à  la  Direction  des 
affaires  indigènes,  à  Gonstantine. 

Gahussi  (H.),  contrôleur  civil  suppléant,  à 
Sousse  (Tunisie), 

Casanova  (Paul),  attaché  à  la  Bibliothèque  na- 
tionale (Cabinet  des  médailles),  rue  de 
Douai,  5o  bis,  à  Paris. 

Castries  (le  comte  Henri  de)  ,  capitaine  attaché 
à  rÉtat-major  général  du  Ministre  de  la 
Guerre,  rue  de  Grenelle,  yS ,  à  Paris. 

Cernuschi  (Henri),  avenue  Velasquez,  7,  parc 
Monceaux,  à  Paris. 

Chabot  (labbé  J.-B.),  rue  Claude-Bernard,  47, 
à  Paris. 

Gharencey  (le  comte  de),  rue Barbey-de-Jouy, 
2  5 ,  à  Paris. 
*Chavannes  (Emmanuel-Edouard),  profe^sseur 
au  Collège  de  France,  quai  de  Béthune, 
Su,  à  Paris. 

Cheikho  (L.),  professeur  à  l'Université  Saint- 
Joseph,  à  Beirouth  (Syrie). 

Chwolson  ,  professeur  à  fUniversité  de  Saint- 
Pétersbourg. 


LISTE  DES  MEMBRES.  25 

MM.  GiLUÈRE  (Alph.),  consul  de  France,  à  Trébi- 
zonde. 

Glercq  (L.  de),  rue  Masseran,  5,  à  Paris. 

Glermont-Gânneâu  ,  membre  de  ilnstitut,  se- 
crétaire-interprète du  Gouvernement,  pro- 
fesseur au  Goliège  de  France,  avenue  de 
rAbna ,  i ,  à  Paris. 

GoHEN  SoLAL,  profcsscur  d arabe  au  Lycée,  à 
Oran. 

GoLiN  (Gabriel),  professeur  d  arabe  au  Lycée 
d'Alger. 

GoLiNET  (Philippe),  professeur  à  l'Université, 
à  Louvain. 

CoRBETT  (Fréd.  H.  M.),  bibliothécaire  du  Mu- 
sée de  Colombo.  Royal  Golonid  Institute, 
Northumberland  avenue ,  à  Londres. 
*GoRDiER  (Henri),  professeur  à  l'Ecole  des 
langues  orientales  vivantes ,  place  Vintimille , 
3 ,  à  Paris. 

CouLBER,  commandant  en  retraite,  rue  de 
l'Académie ,  à  Bruges. 

Courant  (Maurice),  interprète  de  la  Légation 
de  France,  à  Tokyo  (Japon). 
*Groizier  (le  marquis  de),  boulevard    de    la 
Saussaye ,  i  o ,  à  Neuiliy. 

*  Dan  ON  (Abraham),  à  Andrinople. 
*Darmesteter  (James),  professeur  au  Collège 

de    France,    boulevard    de    Latour-Mau- 

bom'g,  i8,  à  Paris. 


26  JUILLET-AOÛT  1894. 

MM.  Decodrdemanche  (Jean -Adolphe),  rue  Taille* 

pied,  k,  à  Sarcelles  (Seine-et-Oise). 
Delattre  (iabbé),  rue  des  Récoliets,    ii,    à 

Louvain. 
Delondre  ,  rue  Mouton-Duvernet ,  1 6 ,  à  Paris. 
*Delphin  (G.),  professeur  à  la  chaire  publique 

d'arabe,  à  Oran. 
*Derenbourg  (Hartwig),   professeur  à  TEcole 

des  langues  orientales  vivantes,  rue  de  la 

Victoire,  56,  à  Paris. 
^Des  Michels  (Abel),  boulevard  ftiondet,  i4, 

à  Hyères. 
Devéria    (Gabriel),    secrétaire    d ambassade, 

interprète    du    Gouvernement ,    boulevard 

Pereire,  i  5,  à  Paris. 
DiEULAPOY   (M.),  ingénieur  en  chef,  impasse 

Conti ,  2  ,  à  Paris. 
DiLLMANN ,  professeur  à  fUniversité  de  Berlin , 

Schill  Strasse,  1 1  a,  à  Berlin. 
Donner  ,  professeur  de  sanscrit  et  de  philologie 

comparée  à  TUniversité  de  Helsingfors. 
Drouin  ,    avocat ,    rue     de   Verneuil ,     i  i ,    à 

Paris. 
DuKAs   (Jules),    rue   des   Petits-Hôtels,    g,  à 

Paris. 
*  DuRiGHELLO  ( Joscph-Auge) ,  antiquaire ,  à  Sidon 

(Syrie). 
DuTT  (Romesh  Chunder),  attaché  au  Service 

civil  du  Bengale,  3o,  Beadon  street,  à  Cal- 
cutta. 


LISTE  DES  MBMRRES.  37 

MM.  DuvAL  (Riibens) ,  rue  de  Sontay,  1 1 ,  à  Paris. 

*FARGUEs(F.),àTéhéran. 

*  Favrê  (Léopoid) ,  rue  des  Granges ,  6 ,  à  Genève. 
Feer  (Léon),  attaché  au  département  des  ma- 
nuscrits de  la  Bibliothèque  nationale,  rue 
Félicien-David,  6,  à  Auteuil-Paris. 

Fell   (Winand),  professeur  à  l'Académie  de 

Munster. 
Ferrand  (Gabriel) ,  agent  résidentiel  de  France , 

à  Mananjary  (Madagascar). 
FertA  (Henri),  chancelier  de  la  Légation  de 

France,  à  Téhéran. 
*FiN0T  (Louis),  archiviste  paléographe,  attaché 

à  la  Bibliothèque  nationale ,  rue  Claude-Ber- 
nard, 49,  à  Paris. 
Flach,  professeur  au  Collège  de  France^  rue 

de  Berlin,  87,  à  Paris. 
FoucHER  (A.),  agrégé  des  lettres,  rue  de  Vau- 

girard,  A 07,  à  Paris. 
*Fryer  (le  major  George),  Madras  StafF  Corps, 

Deputy  Commissioner,  British  Burmah. 

*Gantin,  ingénieur,  élève  diplômé  de   TEcole 
des  langues  orientales  vivantes,  rue  de  la 
Pépinière ,  1 ,  à  Paris. 
Gaudkfroy-Demombynes,   rue  Cassini,    i4,  à 
Paris. 

*  Gautier  (Lucien),  professeur  d'hébreu  à  la  Fa- 

culté libre  de  théologie,  à  Lausanne. 


28  JUILLET-AOÛT  1894. 

MM.  Graffin    ( l'abbé),    professeur   de   syriaque   à 
rUniversité  catholique,  rue  d'Assas,  Ay,  à 
Paris. 
Greenup  (Rev.  A.  W.),  Culford  Heath,  Bury 
S'  Edmund's  (Angleterre). 
*Groff  (William  N.),  à  Ghizeh  (Egypte). 
Grosset,  licencié  es  lettres,  à  la  Faculté  des 

lettres,  à  Lyon. 
*GuiEYssE    (Paul),    député,    ingénieur    hydro- 
graphe de  la  marine,  rue  des  Ecoles,  42, 
à  Paris. 
*  GuiMÉT  ( Emile ) ,  au  Musée  Guimet ,  place  d'Iéna , 
à  Paris. 

'^Halévy  (J.),  rue  Aumaire,  26,  à  Paris. 
*Hamy  (le  D'),  membre  de  l'Institut,  conserva- 
teur du  Musée  d'ethnographie ,  rue  Geoffroy- 
Sain  t-Hilaire ,  36,  à  Paris. 
*Harkavy  (Albert),  bibliothécaire  de  la  Biblio- 
thèque impériale  publique,  à  Saint-Péters- 
bourg. 

Harlez  (C.  de),  professeur  à  l'Université,  à 
Louvain. 

Hebbelynck  (Adolphe),  professeur  à  l'Univer- 
sité, à  Louvain. 

Hélouis  ,  consul  de  France  en  mission ,  avenue 
des  Ternes ,  5 1 ,  à  Paris. 

Henry  (Victor),  professeur  à  la  Faculté  des 
lettres  de  Paris,  rue  Notre -Dame -des - 
Champs,  io5,àParis. 


LISTE  DES  MEMBRES.  29 

MM. * Hériot-Bunoust  (labbé Louis), Palazzino Cor- 
sini,  Basilica  San  Giovanni  in  Laterano,  à 
Rome. 

H^ROLD  (Ferdinand),  licencié  es  lettres,  an- 
cien élève  de  TEcole  des  chartes,  boulevard 
Saint-Germain,  i3a,  à  Paris. 

HoRST  (L.),  rue  des  Veaux,  ao,  à  Sti-asbourg. 

UouDAS ,  professeur  à  l'École  des  langues  orien- 
tales vivantes,  avenue  de  Wagram,  29,  à 
Paris. 

HuÂRT  (Clément),  drogman  de  TÂmbassade  de 
France ,  à  Constantinople. 

Imbault-Huart  (Camille),  consul  de  France, 
à  Canton  (Chine). 

Jeanmer  (  A.) ,  chancelier  du  Consulat  de  France, 

à  Bagdad. 
Jéquier  (Gustave),  à  Neuchâtei. 

*M"*''Kerr  (Alexandre),  à  Londres. 
MM.  Karpp  (S.),  élève  de  TÉcole  des  hautes  études, 
avenue  de  Messine,  10,  à  Paris. 
Kesseler    (Charles),  place    Saint -Charies,    à 

Tunis. 
KouLiKOVSKi ,  professeur  de  sanscrit  à  l'Univer- 
sité de  Kharkov. 

Lambert  (Mayer),  rue  Guy-Patin,  5,  à  Paris. 
Lancereau  (Edouard),  licencié  es  lettres,  rue 
de  Poitou ,  3 ,  à  Paris. 


'30  JUILLET-AOÛT  1894. 

MM.*Landberg  (Carlo ,  comte  de)  ,  docteur  es  lettres , 
au  château  de  Tùtzing  (Haute-Bavière). 
*Lanman    (Charles),   professeur   de   sanscrit    à 
Harvard  Collège,  à  Cambridge  (Massachu- 
setts). 

Lavallée- Poussin  (Gaston  de),  professeur  à 
rUniversité,  à  Gand. 

Ledoulx  (Alphonse),  premier  drogman  de  T  Am- 
bassade de  France,  à  Smyrne. 

LefÈvre  (André),  licencié  es  lettres, rue  Haute- 
feuilie ,  2 1 ,  à  Paris. 

LefÈvre  Pontalis,  rue  Montalivet,  3,  à  Pa- 
ris. 

Leriche  (Louis),  à  Rabat  (Maroc). 

Leroux  (Ernest),  éditeur,  rue  Bonaparte,  28, 
à  Paris. 
*  Lestrange  (Guy),  piazza  Indipendenza ,  22,  à 
Florence. 

Levé  (Ferdinand),  rue  Cassette,  17,  à  Paiis. 

LÉvi  (Syl.),  maître  de  conférences  à  TEcole 
des  hautes  études,  place  Saint-Michel,  3,  à 
Paris. 

LiÉTARD  (le  D"),  médecin  inspecteur  des  eaux, 
à  Plombières. 

LoiSY  (l'abbé),  amnônier,  rue  du  Château,  19  , 
à  Neuilly  (Seine). 

LoRGEOU  (Edouard),  consul  de  France  à  Ran- 
goon (Birmanie). 

LuciANi ,  sous-chef  de  bureau  au  Gouvernement 
général,  à  Alger. 


LISTE   DES  MEMBRES.  51 

MM.  *  Machanoff,  profeisseur  au  Séminaire  rdigiëùx , 
à  Kazan. 

Malati  Dôbresco  ,  élève  de  l'Ecole  des  hautes 
études,  à  Paris.  ^ 

Mallet  (Dominique) ,  boulevard  Raspail,  218, 
à  Paris. 
*Margoliouth  (David-Samuel),  professeur  d'a- 
rabe   à   l'Université,    New-GoUege,   à  Ox- 
ford. 

Marrache,  rue  Laffon,  10,  à  Marseille. 

Marre  (Aristide),  chargé  du  cours  de  malais 
et  de  javanais  à  TEcole  des  langues  orien- 
tales, à  Vaucresson,  près  Saint-Gloud. 
*Maspero,  membre  de  Tlnstitut,  professeur  au 
Collège  de  France,  ancien  directeur  général 
des  Musées  d'Egypte,  avenue  de  l'Obser- 
vatoire ,  2  4 ,  à  Paris. 

Massieu  de  Clerval  (Henri),  rue  Mademoi- 
selle, à  Versailles. 

Malnoir  (Chartes),  secrétaire  général  de  la 
Société  de  géographie,  à  Paris. 

Méghineal  (l'abbé),  rue  de  Sèvres,  35,  à  Pa- 
ris^ 

Mehren  (le  D*"),  professeur  de  langues  orien- 
tales, à  Copenhague. 

Meillet  (Antoine) ,  agrégé  de  grammaire ,  élève 
de  l'Ecole  des  hautes  études,  boulevard 
Saint-Michel,  a 4,  à  Paris. 

Mélétie  Dôbresco,  supérieur  de  l'Eglise  rou- 
maine, rue  Jean-de-Beauvais ,  9,  à  Paris. 


32  JUILLET-AOÛT  1894. 

MM.  Mercier  (Ë.)f  interprète-traducteur  assermenté, 

membre  associé  de  TEcole  des  lettres  d'Alger, 

rue  Desmoyen ,  1 9 ,  à  Gonstantine* 

^      Merx  (A.),  professeur  de  langues  orientales,  à 

Heidelberg. 

Michel   (Charles),   professeur  à   FUniversité, 

avenue  d'Avroye ,  1 1  o ,  à  Liège. 
MicHELET,  colonel  du  génie  en  retraite ,  rue  de 
rOrangerie,  38,  à  Versailles. 
*  Mission  archéologique  française  ,  au  Caire. 
MM.*Mocatta  (Frédéric  D.),  Connaught  place,  à 
Londres. 
MoNTET    (Edouard),  professeur    de    langues 
orientales  à  l'Université  de  Genève,  villa  des 
Grottes. 
Morgan  (J.  de)  ,  directeur  des  Musées  d'Egypte , 

au  palais  de  Ghizeh. 
MouLiÉRAS,  professeur  d'arabe    au   Lycée,  à 

Oran  (Algérie). 
MuiR    (Sir   William),   Dean    Park   House,    à 
Edimbourg. 
*MuLLER  (Max),  professeur,  à  Oxford. 

Neubauer  (Adolphe),  à  la  Bibliothèque  Bod- 
léienne ,  à  Oxford. 

NouET  (l'abbé  René),  chanoine,  rue  Saint- 
Vincent  ,  2  5 ,  au  Mans. 

Oppert  (Jules),  membre  de  l'Institut,  profes- 
seur au  Collège  de  France,  rue  de  Sfax,  a , 
à  Paris.. 


LISTE  DES  MEMBRES.  33 

MM.  Ottavi  (Paul),  vice-consul  de  France,  à  Mas- 
cate. 

*  Parrot-Laboissiére  (Ed.-F.-R.),  Barrière  S^- 

Catherine ,  par  Moulins. 
*Patorni,  interprète  principal  à  la  division,  à 

Oran. 
Pereira  (Estèves),  lieutenant  du  génie,  Poço 

do  Borratem ,  4 ,  à  Lisbonne. 
*Perrdchon  (Jules),  élève  diplômé  de  TEcole  des 

hautes  études ,  rue  de  Varennes ,  1 4 ,  à  Paris. 
Pertsch  (W.),  bibliothécaire,  à  Gotha. 
Petit  (l'abbé),  à  Romescamps ,  par  Abancourt 

(Oise). 
Pfungst    (D""   Arthur),    Gaertnerweg,    2,    à 

Francfort-sur-le-Mein . 
*Philastre  (P.),  lieutenant  de  vaisseau,  inspec- 
teur des  affaires  indigènes  en  Cochinchine, 

à  Cannes. 
Piehl  (le  D""  Karl),  professeur  d'égyptologie  à 

rUniversité,  à  Upsal. 
*PiJNAPPEL,  docteur  et  professeur  de  langues 

orientales,  à  Middelbourg. 
Pin  ART  (Alphonse),  à  San-Francisco. 
Platt  ( William ),CaHis  Court,  Saint-Peters ,  île 

de  Thanet  (Kent). 
Pognon,  consul  de  France,  à  Bagdad. 
PoussiÉ  (le  D'),  rue  de  Valois,  2,  à  Paris. 
PuiETORius  (Frantz),  Lafontaine  strasse,  17,  à 

Halle. 

IV.  3 


» 
* 


34  JUILLET-AOÛT  1894. 

MM.  Prym  (le  professeur  E.),  à  Bonn. 

Quentin  (labbé),  aunriônier  au  lycée  Louis-le- 
Grand,  rue  Saint  Jacques,  1^3,  à  Paris. 

Uaboisson  (l'abbé),  rue  de  Viiliers,  8o,  à  Levai- 
lois. 

Rat  (G.),  secrétaire  de  la  Chambre  de  com- 
merce, à  Toulon. 

Ravaisse  (P.),  chargé  de  cours  à  TEcoie  des 
langues  orientales  vivantes,  avenue  Kléber, 
39,  à  Paiîs. 

Regnaud  (Paul),  maître  de  conférences  pour 
le  sanscrit,  à  la  Faculté  des  lettres,  à 
Lyon. 

*  Régnier  (Adolphe),  rue  de  Grenelle,  35,  à 

Paris. 
Remzi  Bey  (le  colonel  Hussein),  professeur  à 

rÉcole  impériale  de  médecine  »  à  Gonstanti- 

nople. 
Reuter  (le  D'  J.  N.),  docent  de  sanscrit  et  de 

philologie  comparée,  à  TUniversité  de  Hel- 

singfors. 
*Revillout  (E.),  conservateur  adjoint  au  Musée 

égyptien,  professeur  à  l'Ecole  du  Louvre,  à 

Paris. 
*Reynoso  (Alvaro),  docteur  de  la  Faculté  des 

sciences  de  Paris,  à  la  Havane. 

*  Rimbaud,  rue  de  Versailles,  89,  an  Chesnay, 

près  Versailles. 


LISTE  DES  MEMBRES.  35 

MM*  RiviÉ  (rabM),  curé  de  Seint-François^Xavier, 

boulevard  des  Invalides,  89,  à  Paris. 
RoDST  (Léon),  ingénieur  des  tabacft,  rue  des 

Botiiangers ,  3o ,  à  Paris. 
RoOKR^BoniiAND; candidat  en  théologie,  à  Mon- 

treux. 
*  Rolland  (  ë«  ) ,  rue  des  Fosgéft*âaint>Bernard ,  6 , 

à  Paris. 
Roque -Ferribr,   chancelier  du   Consulat  de 

France,  à  Tauri»  (Perse). 
RosNT  (Léon  de),   professeur  à  l'École  des 

langues    orientales    vivantei,    avenue    Du- 

queane,  47,  à  Paris. 
RoTH  (le  professeur),  bibliothécaire  en  chef  de 

rUnivcrsité,  à  Tubingen. 
*Roi]SE  (W.  D.  H.),  Christ's  Collège,  à  Cam- 
bridge. 
Rylands  (W,  F.  S.  A.),  secrétaire  de  la  Société 

d'archéologie  biblique ,  Great  Russell  street , 

37,  Bloomsbury,  à  Londres. 

Sabbathier,  agrégé  de  TUniversité,  rue  du 
Cardinal-Lemoine ,  i5,  à  Paris. 

SAtVAîRE  (Henri),  correspondant  de  Tlnstitut, 
consul  honoraire,  à  Robei*nier,  par  Mont- 
fort-sur-Argen5  (Var). 

ScHEFER  (Charles),  membre  de  llrtstitut,  pro- 
fesseur de  persan  et  administrateur  de  FEcoie 
^s  langues  ori^itales  virante»,  rue  de  Lille,  2 , 
à  Paris. 


36  JUILLET-AOÛT  1894. 

MM.  ScHMiDT    (Valdemar),    professeur,    à  Copen- 
hague. 

Schwab  (M.),  bibliothécaire  à  la  Bibliothèque 
nationale ,  cité  Trévise ,  1 4 ,  à  Paris. 

Senart   (Emile),   membre   de  Tlnstitut,  rue 
François  I",  1 8 ,  à  Paris. 
*SiMONSEN,  rabbin,  à  Copenhague. 

SiouFFi,  consul  honoraire  de  France,  à  Damas. 

SociN,  professeur  à  fUniversité,  Schreber- 
strasse ,  5 ,  à  Leipzig. 

SoNNECK  (de),  interprète  principal  à  rÉtat-major 
de  l'armée ,  au  Ministère  de  la  guerre ,  à  Paris. 

Specht  (Edouard),  rue  du  Faubourg-Saint- 
Honoré,  19 5,  à  Paris. 

Spiro  ( Jean) ,  à  Vufflens-la-Ville,  près  Lausanne. 

Steinnordh  (J.  H.  W.),  docteur  en  théologie 
et  en  philosophie ,  à  Linkôping. 

Strehly,  professeur  au  lycée  Louis-le-Grand , 
rue  de  Vaugirard ,  1 6 ,  à  Paris. 

Strong  (Arthur),  lecteur  d'assyrien  à  l'Univer- 
sité ,  à  Cambridge. 

Tailleper,  docteur  en  droit,  ancien  élève  de 
l'Ecole  spéciale  des  langues  orientales,  bou- 
levard Saint-Michel,  81,  à  Paris. 

Talou  ,  employé  à  l'Administration  de  la  dette 
ottomane,  à  Constantinople. 

Teutsch  (Alfred). 

Textor  DE  Ravisi  (le  baron),  rue  de  Turin, 
38,  à  Paris. 


LISTE  DES  MEMBRES.  37 

MM;  TouHAMi  BÊN  Larbi,  interprète  judiciaire  asser- 
menté à  Ksar  et-Tir,  Sétif  (Algérie). 
Tronquois  (Emmanuel),  rue  Denfert,  iS  bis, 
à  Paris. 
*TuRRKTTiNi  (François),  rue  de  THôtel-de-Ville, 
8 ,  à  Genève. 
TuRRiNi  (Giuseppe),  professeur  de  sanscrit  k 
rUniversité  de  Bologne. 

Vasconcellos-Abreu  (de),  professeur  de  sanscrit, 

rua  Barata  Salgueiro,  i  5,  à  Lisbonne. 
Vaux  (Bernard  de),  rue  de  TUniversité,  8,  à 

Paris. 
Verîies  (Maurice),  directeur  adjoint  à  TEcole 

des  hautes   études,    rue  Notre-Dame-des- 

Champs,  97*",  à  Paris. 
ViLBERT  (Marcel),  drogman  de  l'Ambassade  de 

France,  à  Constantinople. 
ViNSON    (Julien),    professeur    à    TÉcole    des 

langues  orientales  vivantes,  rue  de  VerneuH, 

52 ,  à  Paris. 
VissiÈRE  (Arnold),  premier  interprète  de  la 

Légation  de  France,  à  Pékin. 
Vogué  (le  marquis  Melchior  de),  membre  de 

rinstitut,  ancien  ambassadeur  de  France  à 

Vienne,  rue  Fabert,  a ,  à  Paris. 

Wade  (Sir  Thomas),  à  Londres. 
Wilhelm  (Eug.),  professeur,  à  léna. 
*Wyse  (L.-N.  Bonaparte),  villa  Isthmia,  au  Cap 
Brun,  par  Toulon. 


38  JUILLET-AOÛT  1804. 

MM.  Z0ERO8  Pacha,  général  de  brigade,  profes- 
seur de  clinique  à  la  Faculté  de  médecine 
deConstantinople,  rue  Âgha  Haman ,  à  Péra. 
*ZoGRAPHOS  (S.  Exe.  Christaki  Effendi),  avenue 
Hoche,  22,  à  Paris. 
ZoTENBERG  (H.-Th.),  bibliothécaire  au  dépar- 
tement des  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
nationale,  avenue  des  Ternes,  96,  à  Paris. 


II 

LISTE  DES  MEMBRES  ASSOCIÉS  ÉTRANGERS 

SUIVAirr  L«ORDRE  pES  NOMniATIOlfS.     • 

MM.  Rawlinson  (Sir  H.  C),  à  Londres. 

Weber,  professeur  à  l'Université  de  Berlin. 
Salisbury  (E.),  membre  de  la  Société  orien- 

taie  américaine,  287,  Church  street,  à  New- 

Haven  (Etats-Unis). 


III 

LISTE  DES  SOCIÉTÉS  SAVANTES  ET  DES  REVUES 

AVEC  LESQUELLES 
LA  SOC^TÉ  ASIATIQUE  ÉCHANGB  SES  PUBLirATIONS. 

Académie  de  Lisbonne. 
Académie  db  Saint-Petersbodro. 
Royal  Asiatic  Society  of  London. 


LISTE  DES  SOCIÉTÉS  SAVANTES  ET  DES  REVUES.  99 

Royal  Asiatic  Society  op  Bengal  ,  à  Calcutta. 

Deutsche  MORGENLiENDiscHB  Gesellschakt,  à  Halle. 

ÂBfERicAN  Oriental  Society,  à  New-Haven  (Etats- 
Unis). 

Royal  Asiatic  Society  op  Japan  ,  à  Tokio. 

Bombay  branch  of  the  Royal  Asiatic  Society,  à 
Bombay. 

Societa  Asiatica  italiana  ,  à  Florence. 

Reale  Accademia  dei  Lincei,  à  Rome. 

John  Hopkins  University,  à  Baltimore  (Etats-Unis). 

Soci^.TÉ  finno-ougrienne,  à  Helsingfors. 

Société  de  géographie  de  Paris. 

Société  de  géographie  db  Genève. 

Royal  Geographical  Society,  à  Londres. 

Société  des  sciences  de  Batavia. 

Société  historique  algérienne. 

Deutsche  Gesellschakt  fur    Na'Àjr-  und  Vœlker 
KUNDE  Ostasiens,  à  Tokio. 

Société  de  philologie,  à  Paris. 

Provincial  Muséum,  à  Lukhnow. 

Indian  Antiquary,  à  Bombay. 

POLYBIBLION  ,  à  Parfs. 

Revue  de  l'Histoire  des  religions. 

American  journal  op  ARCHiEOLOGY,  à  Baltimore. 


40  JUILLET-AOÛT  1894. 

IV 
LISTE  DES  OUVRAGES 

PUBLIAS  PAR  LA  SOCIETE  ASIATIQUE. 

En  vente  chez  M.  Ernest  Leroux ,  éditeur,  rue  Bonaparte ,  28 ,  à  Pari^. 

Journal  asiatique,  publié  depuis  i8aa.  La  collection  est  en 
partie  épuisée. 

Chaque  année a5  fr. 


Choix  de  fables  arméniennes  du  docteur  Vartan,  en  armé- 
nien et  en  français,  par  J.  Saint-Martin  et  Zohrab.  18a 5, 
in-8» 3fr. 

Eléments  de  la  grammaire  japonaise,  par  le  P.  Rodriguez, 
traduits  du  portugais  par  M.  C.  LanJresse,  etc.  Paris, 
i8a5 ,  in-8°.  —  Supplément  à  la  grammaire  japonaise ,  etc. 
Paris,  i8a6,  in-8*.  (Épuisé.) 7  fr.  5o 

Essai  sur  le  Pâli,  ou  langue  sacrée  de  la  presqu  île  au  delà 
du  Gange,  par  MM.  E.  Burnouf  et  Lassen.  Paris,  18a 6, 
in-8^  (Épuisé.) i5  fr. 

Mbng-tseu  vel  Mengium,  latina  înterpretatione  ad  interpre- 
tationem  tartaricam  utramquc  recensita  insiruxit,  et  per- 
pctuo  commentano  e  Sintcis  deprompto  illustravit  Stanis- 
las Julien.  Latetiœ  ParisloruM ,  18a 4*  1  vol.  in-8^. .   9  fr. 

Yadjmdattabadha  ,  ou  LA  Mort  d*Yadjnadatta,  épisode 
extrait  du  Ramàyana^  poème  épique  sanscrit,  donné  avec 
le  texte  gravé,  une  analyse  grammaticale  très  détaillée, 
une  traduction  française  et  des  notes,  par  A.-L.  Chézy,  et 
suivi  d'une  traduction  latine  littérale,  par  J.-L.  Burnouf. 
Paris,  18a 6,  in-4*f  avec  quinze  planches 7  fr.  5o 


OUVRAGES  PUBLIÉS  PAR  LA  SOCIÉTÉ  ASIATIQUE.    41 

Vocabulaire  de  la  langue  géorgienne,  par  J.  Klaproth. 
Paris,  1827,  iii-8' , 7  fr.  5o 

Élégie  sur  la  Prise  d'Édesse  par  les  Musulmans  ,  par  Ner- 
sès  Klaietsi,  patriarche  d* Arménie,  publiée  pour  la  pre- 
mière fois  en  arménien,  revue  par  le  docteur  Zohrab. 
Paris,  i8a8,  in-8» 4  fr.  5o 

La  Reconnaissance  de  Sagountalà,  drame  sanscrit  et  prà- 
crit  de  Câlidàsa ,  publié  pour  la  première  fois  sur  un  ma- 
nuscrit unique  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  accompagné 
d'une  traduction  française,  de  notes  philologiques,  cri- 
tiques et  littéraires,  et  suivi  d*un  appendice ,  par  A.-L. 
Chézy.  Paris,  i83o,  in-^"*»  Rvec  une  planche lo  fr. 

Chronique  géorgienne,  traduite  par  M.  Brosset.  Paris,  Im- 
primerie royale,  i83o,  grand  in-8** 9  fr. 

Ghrestomathie  chinoise  (publiée  par  Klaproth).  Paris, 
i833,  in-8' 7  fr.  5o 

Eléments  de  la  langue  géorgienne,  par  M.  Brosset.  Paris, 
Imprimerie  royale,  1837,  iii-S" 9  fr. 

GÉOGRAPHIE  d'Aroulféda,  texte  arabe  pub!ié  par  ReinauJ 
et  le  baron  de  Slane.  Paris,  Imprimerie  royale,  i84o, 
in-4' a4  fr. 

Radjataranginî,  ou  Histoire  des  rois  du  Kachmîr,  publié 
en  sanscrit  et  traduit  en  français,  par  M.  Troyer.  Paris, 
Imprimerie  nationale,  3  forts  vul.  in-8'' ao  fr. 

Précis  de  législation  musulmane,  suivant  le  rite  malékite, 
par  Sidi  Khalil,  publié  sous  les  auspices  du  Ministre  de  la 
guerre,  5*  édition.  Paris,  Imp.  nat. ,  1 883 ,  in-8*. ...   6  fr. 


42  JUILLET-AOÛT  1894. 

COLLECTION  D'AUTEURS  ORIENTAUX. 

Les  Voyages  d*Ibn  Batoutah  ,  toxle  arabe  el  traduction  par 
MM.  C.  Defrémery  et  Sanguinetti.  Paris,  Imprunerie  na- 
tionale ,  4  vol.  in-8°.  Chaque  volume 7  fr.  5o 

Table  alphabétique  des  Voyages  d'Ibn  Batoutah.  Paris, 
1869,  in-8' a  fr. 

Les  Prairies  d*or  de  Maçoudi,  texte  arabe  et  traduction 
par  M.  Barbier  de  Meynard  (les  trois  premiers  volumes 
en  collaboration  avec  M.  Pavef  de  Courteille).  9  vol.  in-8". 
(Le  tome  IX  comprenant  Tlndex. ) Chaque  vol. . .  7  fr.  5o 


Le  Mahâvastu,  texte  sanscrit,  publié  pour  la  preiiiière  fois, 
avec  des  Introductions  el  un  Co.umentaire ,  par  M.  Em.  3e- 
narl.  Volumes  I  et  If.  2  forls  volumes  in-S".  Chaque  vo- 
lume     a5  fr. 

Chants  populaires  des  Afghans,  recueillis,  publies  et  tra- 
duits par  James  Darmesteter.  Précédés  d'une  Introduction 
sur  la  langue,  Thistoire  et  la  littérature  des  Afghans. 
1  fort  vol.  in-8° * *   ao  fr. 

Journal  d'un  voyage  en  Arabie  (i883-i884),  par  Charles 
Huber.  Un  fort  volume  in-8°,  illustré  de  dichés  dans  le 
texte  et  accompagné  de  planches  et  croquis. . .  .  < .   3o  fr. 

Nota,  Les  membres  de  la  Société  qui  s*adresseroiit  directement 
au  libraire  de  la  SociëtJ,  M.  Ernest  Leroux,  rue  Bonaparte,  28,  à 
Paiis,  auront  droit  ù  une  remise  de  33  p.  0/0  sur  les  piix  de  tous 
les  ouvrages  ci-dessus ,  à  Texception  du  Jonrnal  asiatique. 


LES  PARTHES  X  JÉRUSALEM.  43 


LES  PARTHES  A  JERUSALEM, 

PAR 

M.  J.  DARHESTETER. 


I 

Un  tableau  continu  des  rapports  d'Israël  avec  la 
Perse,  depuis  Tavènement  de  Cyrus  et  le  retour  de 
Babylone  jusqu'à  la  conquête  arabe,  formerait  un 
des  chapitres  les  plus  instructifs  de  l'histoire  intel- 
lectuelle et  religieuse  des  deux  races  durant  cette 
période  de  féconde  activité  qui  a  duré  douze  siècles. 

Cette  étude  se  diviserait  naturellement  en  trois 
parties,  correspondant  aux  trois  grandes  périodes 
de  l'histoire  de  la  Perse  :  période  achémt'nide ,  pé- 
riode arsacide  ou  parthe,  période  sassanide.  Mais  la 
géographie  y  introduirait  une  division  non  moins 
importante  que  celle  que  dicte  la  chronologie.  Car, 
depuis  le  retour  de  la  captivité ,  Israël  se  divise  en  deux 
branches  :  la  branche  juive  de  Judée  et  la  branche 
juive  do  Babylonie.  Cette  dernière  seule  est  soumise 
d'une  façon  directe  et  continue  aux  influences  venues 
de  la  Perse.  L'autre  ne  leiu*  est  soumise  directement 
que  sous  le  règne  des  Achéménides  ;  dans  les  pé- 
riodes suivantes  elle  n'en  reçoit  que  le  contre-coup , 


4'4  JUILLET-AOÛT  1894. 

généralement  par  l'intermédiaire  des  écoles  dont  les 
maîtres  et  les  élèves  vont  et  viennent  entre  les  uni- 
versités de  Palestine  et  cdles  de  Babylonie. 

On  a  reconnu  depuis  longtemps,  eri  gros  et  d*une 
façon  générale,  l'existence  d'actions  et  de  réactions 
entre  la  pensée  juive  et  la  pensée  persane,  et  cest 
dans  la  littérature  religieuse  que  ces  actions  se 
montrent  le  plus  clairement.  C'est  surtout  durant  la 
dernière  des  trois  périodes  perses ,  la  période  sassa- 
nide,  de  l'an  226  à  l'an  65a  de  notre  ère,  qu'elles 
paraissent  continues  et  puissantes,  soit  qu'il  n'y  ait 
là  qu'une  apparence,  due  au  fait  que  les  documents 
qui  nous  restent  sont  plus  riches  pour  cette  période, 
soit  que  l'apparence  réponde  à  la  réalité  même.  On 
sait  combien  de  reflets  le  Talmud  nous  présente  de 
la  civilisation  et  du  folklore  sassanidè;  et  d'autre  part 
nous  avons  essayé  de  montrer,  après  MM.  Bréal, 
Halévy  et  Paul  de  Lagarde,  que  les  derniers  rédac- 
teurs de  l'Avesta  connaissaient  la  Bible  ou  le  système 
biblique ,  qu'ils  s'en  étaient  inspirés  dans  leur  con- 
ception de  l'histoire  du  monde,  et  que  la  donnée 
biblique  est  un  des  éléments  multiples  qu'ont  jetés 
dans  leur  creuset  les  créateurs  du  Mazdéisme  sassa- 
nidè ^  J'ai  aussi  montré  ailleurs^  que  le  syncrétisme 
historique  des  premières  chroniques  arabes ,  ces  essais 
d'assimilation  et  de  synchronisme  entre  les  grands 
faits  légendaires  ou  historiques  de  la  Perse  et  ceux 
d'Israël ,  ne  sont  pas  une  création  des  historiens  mu- 

^  Zend  Âvesta  (dans  le  Musée  Gaiinet)^  vol.  III,  introduction. 
'Textes  pehlvis  relatifs  au  Judaïsme. 


LKS  PARTHËS  X  JÉRUSALEM.  45 

sulmans,  postérieure  à  la  conquête  arabe,  mais  re- 
montent plus  haut,  et  ont  été  élaborés,  à  Fombre 
des  imiversités  sassanides,  entre  les  docteurs  juifs 
et  les  Mages. 

Pour  les  deux  premières  périodes  —  Achémé- 
nides  et  Arsacides  —  les  documents  font  à  peu  près 
défaut.  La  première  a  laissé  seulement  quelques 
traces  historiques  dans  la  Bible  :  dans  lés  fameux 
chapitres  du  second  Isaïe  où  le  prophète  salue  Cyrus 
et  polémise  peut-être  contre  le  dualisme;  dans  les 
livres  d'Esdras  et  de  Néhémie,  et,  indirectement, 
dans  les  livres,  à  couleur  persisante,  d'Esther  et  de 
Daniel.  Mais  d  une  influence  proprement  dite  de  la 
Perse  achéménide  sur  la  pensée  juive,  il  ny  a  pas 
de  trace  apparente.  Nous  connaissons  d'ailleurs  si 
peu  de  chose  de  Thistoire  dlsraël  durant  la  longue 
période  qui  va  do  lavènement  de  Cyrus  à  la  conquête 
d'Alexandre  et  à  Tentrée  en  scène  de  l'hellénisme, 
que  toute  conclusion  positive  serait  hasardeuse,  et 
tout  ce  que  nous  pouvons ,  c'est  de  constater  provi- 
soirement l'absence  de  tout  indice  visible  d  une  ac- 
tion achéménide  sur  le  Judaïsme. 

Une  dynastie  grecque,  les  Séleucides,  recueillit 
l'héritage  des  Achéménides.  Cette  dynastie,  bientôt 
battue  en  brèche  par  les  réactions  nationales,  suc- 
combe en  Babylonie  devant  les  progrès  de  la  dy- 
nastie parthe  ou  arsacide  qui  prend  définitivement 
possession  de  la  capitale  grecque,  Sëleucie,  au  mi- 
lieu du  second  siècle  avant  notre  ère.  En  Judée,  la 


46  JUILLET. AOCT  1804. 

dynastie  grecque  disparaît  devant  une  insurrection 
nationale  qui  assure  pendant  près  de  quatre-vingts 
ans  Tindépendance  juive  sous  une  dynastie  indigène , 
celle  des  Maccabées^  Mais  cette  période  d'indépeti* 
dance  nationale  n  est  qu*un  court  inte«inèdc  entre 
deux  dominations  étrangères  :  en  Tan  3  7  avant  notre 
ère ,  1  avènement  de  Tiduméen  Hérode ,  créature  dôs 
Romains,  marque  Tinstailation  à  Jérusaiem  de  la 
domination  romaine  qui  durera  jusqu'à  la  conquête 
arabe. 

Je  n'ai  pas  à  parler  ici  des  actions  multiples  exer- 
cées par  rhellénisme  sur  la  pensée  juive  :  c'est  tout 
un  monde.  Je  veux  seulement  appeler  lattention  sar 
certains  rapports  historiques  qui  se  soiit  établis  à 
une  certaine  époque  entre  les  Juifs  de  Palestine  et 
les  Parthes  et  qui  peut-ctre  ont  laissé  leur  trace  dans 
l'histoire  religieuse  dé  la  Palestine  au  premier  siècle 
de  notre  ère. 

II 

C'était  en  l'an  â  1  avant  le  Christ,  durant  l'agonie 
de  la  dynastie  maccabéenne.  Le  dernier  pontife  ad-» 
monéen,  le  faible  Hyrcan,  était  un  jouet  aux  mains 
d'Hérode.  Pendant  plus  de  vingt-cinq  ans,  le  frère 
d'Hyrcan  »  l'aventureux  Aristobule ,  qui ,  à  défaut  de 
l'esprit  de  sainteté ,  disparu  sans  retour,  de  lancétro 
Mattathias ,  avait  du  moins  encore  dans  les  veines  le 

^  De  Tan  i4o,  date  de  l'investiture  de  Siméon  Maccabée,  à 
l'an  65  y  date  de  la  réduction  de  la  Judée  en  ethnarchie  tributaire 
par  Pompée;  on  miettx  à  l'an  ^7,  date  de  Favèûefflent  âttèroée. 


L£S  PARTHBS  À  JÉRUSALEM.  47 

sang  guerrier  de  Judas  Maccabée ,  avait  lutté ,  sans  se 
Jasser,  mais  sans  succès,  contre  la  fortune  de  Tldu- 
méen,  protégé  de  Pompée.  La  guerre  de  César  et  de 
Pompée  lui  avait  rendu  des  chances  :  car,  en  69, 
César  lavait  envoyé  en  Palestine  avec  deux  légions 
reconquérir  son  royaume  sur  les  Pompéiens.  A  peine 
arrivé,  Aristobule  avait  péri  empoisonné  par  ses  en- 
nemis,  mais  il  avait  trouvé  dans  son  fils  Antigone 
im  héritier  de  ses  ambitions. 

A  la  mort  de  César,  une  occasion  splendide  s  offrit. 
La  guerre  civile  divisait  de  nouveau  Tempire,  et  le 
parti  républicain,  se  sentant  plus  faible,  faisait 
appel  à  l'étranger,  aux  Parthes.  En  6  21 ,  Cassius  leur 
avait  envoyé  un  ambassadeur,  Labienus,  pour  com- 
biner un  mouvement  commun  contre  les  triumvirs. 
Cassius  et  &rutus  périrent  à  Philippes,  la  môme  an- 
née ,  avant  que  les  Parthes  se  fussent  décidés.  Mais 
Labienus,  resté  à  la  cour  d'Orodès,  réussit  enfin  à 
le  convaincre  et,  en  4 1 ,  le  colosse  asiatique  s  ébranla. 
«La  politique  parthe,  dit  Renan,  n avait  pas  Tesprit 
de  suite  de  celle  de  Rome  ;  mais  ses  apparitions  mo* 
mentanées  étaient  terribles.  L'organisation  féodale, 
presque  germanique,  de  larmée,  prêtait  à  des  in- 
vasions de  cavalerie  iiTésistibles  ^  »  En  Tan  60,  ime 
armée  parthe,  conduite  par  Pacore,  le  fils  d'Orodès, 
et  par  Labienus,  envahit  la  Syrie,  dont  le  gouver- 
neur, Decidius  Saxa,  est  vaincu  et  tué.  La  Syrie, 
pressurée  jusqu'au  sang  par  les  gouverneurs  de  la 
République,  acclame  le  jeune  souverain  parthe. 

*  Histoire  du  peuple  d'Israël,  V,  206* 


48  JUILLET-AOÛT  1804. 

Jadis  Ântigone,  après  la  mort  tragique  de  son 
père,  s  était  réfugié  avec  ses  sœurs  auprès  d*un  des 
roitelets  du  Liban,  Ptolémée,  prince  de  Ghalcis, 
qui  avait  épousé  une  de  ses  sœurs.  Au  moment  de 
l'invasion  parthe,  Ptolémëe  venait  de  mourir;  mais 
le  fds  de  Ptolémée,  Lysanias,  en  neveu  dévoué,  alla 
trouver  le  chef  parthe  et  lui  promit  mille  talents  et 
cinq  cents  femmes  du  harem  d*Hérode  et  des  fa- 
milles hérodiennes,  s'il  renversait  Hyrcan  et  établis- 
sait Antigone  roi  à  Jérusalem  ^  Les  Parthes  se  mirent 
en  marche  allègrement  :  Pacore  s  avançait  le  long 
des  côtes  et  le  satrape  Barzapharnès  par  les  terres. 
Mais,  sans  les  attendre,  Ântigone  avait  rassemblé  ses 
partisans  dans  la  région  du  Garmel,  avait  marché 
sur  Jérusalem  et  investi  le  palais  royal.  Hérode  et  son 
frère  Phasael  repoussèrent  son  assaut  avec  vigueur 
et,  après  un  combat  dans  le  bazar  de  Jérusalem, 
contraignirent  Antigone  àse  retrancher  dansle  temple. 
Hérode ,  pour  le  surveiller  et  le  serrer  de  près ,  établit 
une  garde  de  soixante  hommes  dans  les  maisons  voi- 
sines du  temple  :  mais  le  peuple  était  pour  le  chef 
national  et  mit  le  feu  à  ces  maisons.  La  fête  de  la 
Pentecôte  approchait:  le  peuple,  affluant  dans  la 
ville  de  tous  les  côtés  du  pays,  grandissait  le  nombre 
des  combattants  et  chaque  jom^  le  sang  coulait. 

Antigone  aJors  proposa  de  faire  entrer  les  Parthes 
comme  médiateurs.  C'étaient  des  médiateurs  gggnés 
d'avance.  Barzapharnès  envoya  un  corps  de  cinq 

*  Bellwn  Jttdaicum j  l  ^  i3. 


LES  PARTHES  À  JÉRUSALEM.  49 

cents  cavaliers.  Les  Hérodiens  comprirent  que  ia 
résistance  était  inutile  :  Hérbde  s'enfuit  en  emme- 
nant ses  femmes;  son  frère  Phasaei  se  laissa  prendre 
et  se  brisa  la  tête  contre  un  mur  dans  sa  prison  ;  le 
grand  prêtre  Hyrcan  lut  livré  à  son  neveu  Ântigone 
qui,  voulant  rétablir  en  sa  personne  la  monarchie 
maccabéenne  dans  sa  plénitude  —  sacerdoce  et 
royauté  —  fit  couper  les  oreilles  à  son  oncle  pour  le 
rendre  incapable  d  approcher  désormais  les  autels  ^ 
Pour  proclamer  son  double  caractère  de  roi  et  de 
pontife,  il  frappa  des  monnaies  bilingues,  à  son  nom 
grec  d*Antigone  et  à  son  nom  juif  de  Mattathiah, 
sur  ime  face  la  légende  :  BAZIAEQZ  ANTirONOY, 
sur  l'autre  la  formule  ancienne  :  Snan  jnDn  nTinD 
D'»mn'»n  "innn,  «  Mattathiah ,  le  grand  prêtre,  et  le  con- 
seil des  Juifs ^». 

Pendant  trois  ans  Jérusalem  et  la  Judée  eurent 
l'illusion  d  une  renaissance  nationale.  Mais  la  fortune 
de  Rome  reprenait  le  dessus.  Ventidius,  envoyé  en 
Syrie,  avait  refoulé  les  Parthes  au  delà  de  FEuphi^ate; 
Hérode,  réfugié  à  Rome,  recevait  du  Sénat,  sur  la 
proposition  d'Antoine  et  d'Octavien ,  le  titre  de  roi 
des  Juifs,  et  le  dernier  des  Maccabées  était  déclaré 
ennemi  de  la  République  [ig  ans  avant  le  Christ). 
Même  avec  l'appui  de  Rome,  il  fallut  à  Hérode  deux 
années  pour  conquérir  le  royaume  que  le  Sénat  lui 
avait  octroyé,  à  charge  de  le  prendre.  Antoine  lui 
envoya  deux  légions  sous  les  ordres  de  Sosius ,  gou- 

*    Lcvitique,  XXI,  17,  sq. 
'  Renan,  loco  cit,,  V,  209. 

IV.  ^ 

IMMIMBUB    «ATiUSALk. 


50  JUILLET-AOÛT  1894. 

verneur  de  Syrie;  Jémsdem ,  assiégée  par  une  armée 
de  près  de  soixante  mille  hommes  et  ravagée  par  la 
famine  —  on  était  dans  i  année  sabbatique  —  tint 
cinq  mois.  La  ville  prise,  ses  défenseurs  se  réfù* 
gièrent  dans  le  temple,  qu'ils  défendirent  avec  un 
courage  obstiné.  Le  temple  fut  emporté  et  noyé  dans 
le  sang.  Les  assiégés  se  faisaient  massacrer  en  glori- 
fiant le  temple  et  annonçant  au  peuple  une  déli^ 
vrance  divine^. 

11  y  avait  déjà  vingt-cinq  ans  que  la  Judée  était 
déchirée  entre  les  partis  politiques,  sans  que  le  cœur 
même  de  la  nation  y  eût  pris  jusque-là  grand  inté- 
rêt- Tant  que  la  lutte  durait  entre  des  Hasmonéens 
également  profanes  ou  dégénérés ,  entre  un  Aristo- 
bule  et  un  Hyrcan ,  le  peuple  assistait  en  spectateur 
indifférent  ou  écœuré  :  mais  cette  fois  la  question  se 
posait  entre  un  Maocabée  et  un  Iduméen ,  entre  la 
royauté  nationale  et  un  esclave  de  Rome,  entre  Je* 
hova  et  les  oppresseurs  du  monde.  Aussi  le  siège  de 
Tan  37  avant  le  Christ  fut  comme  une  première 
répétition  générale  du  grand  siège  de  Titus,  et  laissa 
entrevoir  les  exaltations  de  Tan  70.  Antigone  avait 
été  fait  prisonnier  et  réservé  pom*  le  triomphe  d'An- 
toine :  mais,  malgré  les  exécutions  sommaires  et  les 
spoliations  qui  frappaient  les  partisans  de  iHasmo* 
néen,  Jénissdem  ne  pouvait  se  résigner  à  subir  Hé* 

^  HokXd  Te  ive^fiiiov  'zsepï  tô  Upàv,  xai  isroAAà  êic*  evÇrffticf,  roO 
èi^^oVf  œs  pvaofiévov  rSv  xtvSvvuv  avToùf  to0  &tov  (Joseph,  Anti- 
quités, XIV,  16,  2,  éd.  Richter). 


L£S  PARTHES  K  JÉRUSALEM.  51 

rode  tant  qu*Âotigone  vivait ,  avoue  Josèphe ,  malgré 
sa  partialité  pour  Hérode  ;  il  fisdlait  donc  qu' Antigone 
périt  :  «  Antoine ,  dit  Strabon ,  fit  conduire  à  An- 
tioche  Ântigone»  roi  des  Juifs ^  et  le  fit  décapiter;  ce 
fut  le  premier  des  Romains  qui  osa  faire  mourir  un 
r(H  de  la  sorte,  parce  qu'il  crut  quil  ny  avait  point 
d'autre  moyen  de  changer  i  esprit  des  Juifs  et  de 
faire  accepter  Hérode  qui  avait  été  établi  à  sa  place  ; 
car  les  tourments  mêmes  ne  pouvaient  les  obliger  à 
•  donner  à  Hérode  le  nom  de  roi,  tant  ils  étaient  en- 
thousiastes d'Antigone^  11  pensa  qu  en  le  déshonorant 
ainsi,  U  obscurcirait  sa  mémoire  et  atténuerait  faver- 
sion  contre  Hérode  ^.  » 

III 

Durant  les  longs  jours  d'oppression  et  de  honte 
qiii  suivirent,  les  patriotes  durent  souvent  se  reporter, 
avec  un  regret  mêlé  d'espérance ,  vers  ces  alliés  loin- 
tains dont  la  présence  dans  les  murs  de  la  cité  sainte 
avait  suffi  pour  rétablir  un  temps  la  gloire  antique. 
Si,  même  aux  heures  les  plus  tristes,  ils  ne  dirent 
jamais  —  car  ce  n'était  point  dans  leur  esprit  de  le 
dire  :  —  «  le  Ciel  est  trop  haut  »,  ils  durent  dire  plus 
d*une  fois  :  «  les  Parthes  sont  trop  loin  ».  On  se  rap- 
pela longtemps  cette  courte  et  splendide  apparition 
des  héritiers  de  Cyrus,  qui  semblaient  être  encore, 
comme  jadis,  les  libérateurs  nés  d'Israël,  choisis  par 
Dieu  pour  affranchir  son  peuple  et  glorifier  son  saint 

I  OUtùôs  \Uya  tï  UppopoOp  mtpi  toS  ttptiTov  fiaatXicM, 
*  Cité  dans  Joseph,  Antiquités,  XV«  I,  i. 

4. 


52  JUILLET-AOÛT  1894. 

nom.  Quand  les  cavaliers  bardés  de  fer,  venus  des 
confins  de  f Orient,  montèrent  les  rues  de  la  ville 
haute,  aux  cris  mêlés  de  :  Vivent  les  Parthes!  Vive 
Mattathiah ,  roi  des  Juifs  !  Vive  Jéhova  !  et  envoyèrent 
leurs  offrandes  au  sanctuaire,  comme  le  faisaient 
tous  les  étrangers  qui  passaient  à  Jérusalem  ^  mais 
comme  aucun  ne  dut  jamais  le  faire  devant  un  peuple 
plus  sympathique,  on  se  répéta,  on  commenta  dans 
toutes  les  synagogues  et  sur  les  marches  du  temple 
les  acclamations  dlsaïe  à  Cyrus^  : 

«  Ainsi  dit  fEternel  à  son  oint,  à  Cyrus  ♦ 

«Moi,  devant  toi,  j'irai;  j'aplanirai  les  chemins 
tortus,  je  briserai  les  portes  d'airain ,  je  ferai  éclater 
les  barreaux  de  fer; 

«  afin  que  tu  saches  que  je  suis  TEtemel,  qui  t'ap- 
pelle par  ton  nom,  le  Dieu  d'Israël. 

«  Pour  l'amour  de  Jacob ,  mon  serviteur,  et  dls- 
raël,  mon  élu,  je  t'ai  appelé  par  ton  nom;  je  tai 
désigné  et  tu  ne  me  connaissais  pas ... 

a  Afin  que  Ion  sache  du  soleil  levant  au  couchant 
qu'il  ny  en  a  point  d'autre  que  moi,  que  je  suis 
l'Eternel  et  qu'il  n'en  est  d'autre ...» 

Et  Cyrus  répondait  : 

«Oui,  certes,  tu  es  le  Dieu  caché,  le  Dieu  d'Is- 
raël, le  Sauveur!  » 

Le  prestige  de  l'alliance  parthe  était  tel  qu'A  sur- 

'  Même  les  Romains.  Le  refus  de  recevoir  les  offrandes  des  Ro- 
mains fut  le  signal  de  la  grande  insurrection. 
*  Isaîe ,  XLV,  i ,  2  ,  3 ,  4,6,  1 5. 


LES  PARTHES  X  JÉRUSALEM.  5^ 

vécut  même  à  la  déception  de  Tan  70  et  à  la  neutra- 
lité malveillante  de  Vologèse.  Vologèse,  prince  aux 
ambitions  théologiques  et  qui  rêva  le  premier  la  con- 
stitution ou  la  restitution  d  un  livre  religieux  pour  la 
Perse,  était  animé  contre  les  Juifs  d'une  jalousie 
dogmatique.  Il  avait  guerroyé  contre  leur  prosélyte 
Izate,  quand  il  introduisit  le  judaïsme  à  la  cour 
d'Adiabène ,  et  s'il  ne  prit  pas  part  au  siège  de  Jéru- 
salem, c'est  que  Vespasien,  à  qui  il  ofiFrait  le  secours 
de  sa  cavalerie,  crut  prudent  de  refuser  les  dons  du 
Parthe,  Malgré  tout,  l'impression  resta  vivante  en 
Israël  que  le  Parthe ,  l'héritier  de  Cyrus  et  l'ennemi 
invincible  de  Rome,  était  l'instrument  prédestiné  des 
promesses  divines.  Cette  pensée  consolait  encore  les 
Juifs,  même  quand  fut  écrasée  l'insurrection  de  Bar- 
Kokheba,  dernier  effort  du  Messianisme  révolution- 
naire. «  Les  destructeurs  du  temple  tomberont  devant 
les  ParthesN,  disait  R.  Juda,  un  des  hommes  qui 
avaient  vu  la  sanglante  répression  d'Adrien.  Et  quel- 
ques années  plus  tard,  R.  Simon,  fds  de  Yokhai, 
répétait  :  «  Quand  le  cavalier  Parthe  attachera  son 
cheval  aux  tombes  de  Palestine,  tu  peux  attendre 
l'arrivée  du  Messie^.  » 

Cette  heure  unique  de  l'an  Ix  1  mit  en  face  Hérode 
et  les  envoyés  de  Pacore ,  l'homme  qui  devait  pour 

*  En  hébreu,  les  Perses,  D^D"1D»  le  terme  «Perse»  désignant  les 
maîtres  de  l'empire  iranien  à  toutes  les  époques.  —  Graetz,  Ge- 
schichte  derJuden,  IV,  472  (2"  édj  . 

'Dans  le  texte,  le  cheval  perse,  >D1D  D1D;  cf.  note  précédente. 


54  JUILLET-AOOT  1894. 

deux  générations  de  Juifs  et  de  Judéo-Chrétietis  re- 
présenter Tidéai  de  1  abomination ,  et  les  envoyés 
d'un  peupie  illustre  qui  venait  de  TOrient  au  secours 
dlsraëi.  Les  robes  blanches  des  Mages  qui  accom- 
pagnaient les  armées  furent-belles  vues  au  milieu  des 
cuirassiers  de  Pacore  montant  vers  le  temple?  A  tout 
le  moins,  le  peuple  lointain  dont  les  autels  étaient 
ou  passaient  pour  servis  par  les  Mages  avait  paru 
en  sauveur  dans  la  cité  sainte,  en  face  de  Todieux 
Hérode.  Cette  rencontre  directe  de  la  Judée  et  des 
Parthes ,  cette  rencontre  unique  se  faisait  à  une  heure 
où  Tâme  de  la  nation  était  tendue  tout  entière  dans 
une  immense  attente,  qui,  restant  nationale  ches  les 
uns,  allait  devenir  spirituelle  chez  les  autres;  et  Ton 
peut  se  demander  si  de  cette  chevauchée  éblouissante 
et  rapide  il  ne  resta  pas  dans  une  partie  de  la  nation 
une  grande  et  symbolique  image  :  les  Mages  étaient 
venus  de  TOrient,  à  la  face  d'Hérode,  saluer  le  Mes- 
sie d'Israël, 


NOTE  SUR  LA  CHRONOLOOIÊ  DU  NÉPAL.         55 

:         •  1  ■  .1  1  I      ■ ■  -     1^  -  ■■!      S3 

NOTE 

SUR 

LA  CHRONOLOGIE  DU  NÉPAL, 

PAR 

M.  SYLVAIN  LÉVL 


La  chronologie  ancienne  du  Népal,  fondée  par 
les  découvertes  épigraphiques  de  Bhagvânlâi  In- 
drâjî\  enrichie  par  les  recherches  de  M.  Bendail^, 
paraît  être  désormais  fixée  par  les  ingénieuses  et  sa- 
vantes combinaisons  de  M.  Fleet^.M.  Fieet  suppose 
un  partage  singulier  du  pouvoir  royal  entre  deux 
dynasties  parallèles ,  étahHes  dans  la  même  capitale 
et  dans  des  palais  distincts ,  la  famille  Licchavi  ou 
Sûryavamçî  de  Mânagrha  et  la  famille  Thâkurî  de 
Kailâsakûtabhavana.  Le  fondateur  de  la  dynastie  Thâ- 
kurî ,  Amçuvarman ,  mahàsâmanta  et  plus  tard  ma- 
hârâjâdhirâja,  règne  A.  D.  635,  689,  6l\t\  et  6/19 

^  Inscriptions  from  NepâL  .  .  by  Pandit  Bhagvânlâi  Indrâjî  and 
Dr.  G.  Bùhler,  Ind,  Antui.,  IX  (1880);  réimprimé  à  part  avec  un 
appendice  important  sous  ce  titre  :  Ttventj-three  inscriptions  from 
NepâL  . .  edited.  . .  by  P.  Bhagvânlâi  Indrâjî  together  with  some 
considérations  on  the  chronology  of  Népal  translated  from  Gujarâti 
by  Dr.  Bûhler.  Bombay,  i885. 

*  A  Jonrney  of  literary  ami  archœological  research  in  Népal  and 
Northern  India  (1 884-1 885 ) ,  by  Cecii  Bendfidl.  Cambridge,  1886. 

^  Corpus  inscriptionum  Indicarum,  vol.  111,  by  J.  F.  Fleet.  Cal- 
cutta, 1888.  —  Appendice  IV:  The  Chronology  of  the  Eariy  Rulers 
of  Népal,  p.  177-193. 


56  JUILLET-AOÛT  18Q4. 

OU  65o;  H  a  pour  consorts,  dans  la  dynastie  Lic- 
chavi,  le  maharaja  Çivadeva  I,A.  D.  635,  et  Vfsa- 
deva,  vers  A.  D.  63o-655.  Son  successeur  Jisriu- 
gupta  règne  A.  D.  653;  en  même  temps  que  les 
Licchavis  Dhruvadeva  maharaja  A,  D.  653  et  Cam- 
karàdeva,  vers  A.  D.  655-68o.  Après  Jisnugupta  la 
dignité  roysde  passe  à  une  autre  branche  des  Thâ- 
kurîs  :  Udayadeva,  vers  A.  D.  676-700 ,  puis  Naren- 
dradeva ,  vers  A.D.700-724,  associés  respectivement 
aux  deux  rois  Licchavis  Dharmadeva,,vers  680-70  A, 
et  Mânadeva,  A.  D.  job  et  732.  Le  tableau  dressé 
par  M.  Fleet  traduit  clairement  aux  yeux  cette  com- 
binaison. 


Famille  Licchavi 

Famille  Thâkurî 

ou 

de 

Sûryavamç] 

'  de  Mânagrha 

Kailâsakûtabhavana 

1 

1 

Çivadeva  I 

1 

Vrsadeva 

1 

Amçuvarman 

maharaja 

vers  63o-655 

mahâsâmanta. 

A.  D.  635 

puis 

1 

mahârâjâdhi- 

Dhruvadeva 

Camkaradeva , 

râja. 

• 

maharaja 

fils 

A.D.  635, 639, 

A.  D.  653 

du  précédent, 

vers 
A. D.  655-680 

Dharmadeva , 

644,  et  649 
ou  65o 

Jisnugupta 
aVD.  653 

fils 

Udayadeva 

du  précédent. 

vers  675-700 

vers 

A.D.  680-760 

Narendra- 

Mânadeva , 

deva, 

(ils 

fds 

du  précédent, 

du  précédent. 

A.D.  705  et  «7  3  2 

vers 

A.D.7< 

>o-724 

NOTE  SUR  LA  CHRONOLOGIE  DU  NÉPAL.         57 

Les  documents  consultés  et  mis  en  œuvre  par 
M.  Fleet  sont  de  trois  catégories  :  les  inscriptions, 
les  chroniques  locales  (vamçâvalîs),  le  témoignage 
du  pèlerin  chinois  Hiouen-tsang.  Les  inscriptions, 
datées  presque  toutes  avec  précision,  ne  donnent 
cependant  qu'ime  chronologie  relative;  elles  se  ré- 
partissent en  deux  ou  trois  séries  datées  d'ères  in- 
certaines ,  arbitrairement  identifiées  à  1  ère  vikrama , 
à  rère  des  Guptas  ou  à  Tère  de  Harsa.  L'inscription 
du  Golmadhi-tol,  découverte  et  publiée  par  M.  Ben- 
dall  ^,  a  paru  résoudre  la  principale  difficulté.  Elle 
est  datée  de  samvat  3 1 6  ^,  et  le  roi  Çivadeva  qui 
en  est  lauteur,  et  qui  prend  le  titre  de  «  bannière  de 
la  race  des  Licchavis ,  bhattâraka ,  maharaja  » ,  y  men- 
tionne avec  de  pompeux  éloges  le  mahâsâmanta 
Amçuvarman;  c'est  pour  répondre  à  la  demande 
d'Amçuvarman  et  pour  lui  donner  rme  marque  d'hon- 
neur qu'il  prend  la  décision  promulguée^.  Calculée 
de  l'ère  Gupta  (3 19  après  J.-C),  la  date  de  Im- 
scription  équivaut  à  635  (ou 637 )  A.  D.  Précisément 
Hiouen-tsang,  qui  visite  le  Népal  en  637^,  men- 
tionne Amçuvarman  comme  un  roi  «  des  temps  ré- 
cents ».  L'accord  est  donc  parfait.  Ce  premier  résultat 

^  Jowrney,  p.  72. 

'  Ou  3i8;  le  chiffre  des  imités  est  douteux.  Cf.  Bendall,  loco  cit. 

*  Anena  prakhyâ[lâmala]vipula . .  .parâkramopaçamitâmitavipak- 
saprabhâvena  mahâsâmantâmçuvarmmanâ  vijnapitena  mayaitadgau- 
ravâd. .  .  (lignes  5,  6»  7). 

*  Au  mois  de  février  637,  d'après  Gunningham,  Ancient  Geo- 
graphy  of  India,  Appendix  A.  Approximate  chronology  of  Hwuen- 
Thsang's  traveis. 


58  JUrLLBT*AO0T  IS04. 

permet  de  résoudre  un  second  problème.  Les  in- 
scriptions d'Âmçuvarman  sont  datées  de  samvat  34 
et  39;  ramenées  à  Tère  de  Harsa  qui  part  de  606- 
6o7,eiiesrépondentàran64o-64i  et645-646A.D., 
et  cadrent  ainsi  fort  bien  avec  ia  donnée  fournie  par 
l'inscription  deÇivadeva.  Enfin  ime  indication  astro- 
nomique contrôle  et  vérifie  rhypothèse.  L'année  sam- 
vat 3  A  avait  un  mois  pausa  intercalaire  et  deux  astro- 
nomes éminents  admettent  cette  intercalation  comme 
possible  en  Tannée  64 1  • 

Une  difficulté  subsiste  cependant.  Le  pèlerin 
Hiouen-tsang,  si  bien  informé  d'ordinaire,  plaoe  le 
règne  d'Amçuvarman  avant  son  voyage  au  Népal  en 
637.  Son  témoignage  est  formel.  L'expression  j|£  fÇ 
kin-tai  «  proche  génération  •  désigne  expressément  le 
passé,  et  MM.  Chavannes,  Devéria,  Specht  sont 
unanimes  à  accepter  la  traduction  de  St.  Julien  : 
«  Dans  ces  derniers  temps  il  y  avait  un  roi  appelé 
Amçouvarman  » .  Il  est  dès  lors  téméraire  de  prolonger 
jusqu*en  65o  le  règne  d'un  prince  déjà  décédé  en 
637.  Sans  doute ,  il  est  aisé  d'incriminer  la  véracité 
du  pèlerin.  Sur  la  foi  de  Beal,  autorité  fort  discu- 
table ,  le  pandit  Bhagvanlal  pense  que  Hiouen-tsang 
n'est  pas  allé  au  Népal.  «Si  cette  supposition ,  comme 
il  semble  fort  probable ,  est  correcte ,  la  contradiction 
entre  les  termes  de  Hiouen-tsang  et  les  dates  des 
inscriptions  admet  une  explication.  Il  devient  pro- 
bable que  ses  informations  ^  sur  les  particularités  de 

*  Ind.  Ant.,  XIII,  422. 


NOTE  SUR  LA  CHRONOLOGIE  DU  NÉPAL.         59 

la  condition  politique  du  Népal  étaient  inexactes  ou 
qu  il  les  a  mal  comprises.  »  Dégagé  ainsi  de  cette 
impasse,  M.  Fleet  admet  que  «Amçuvarman  prit 
rang  et  titre  de  souverain  à  la  mort  de  Harsavar- 
dhana ,  alors  que ,  au  témoignage  de  Ma  Touan-lin , 
le  royaume  de  Ganoge  tombaen  anarchie.  Et  Amçu- 
varman est  probablement  le  roi  du  Népal  qui  vint 
avec  7,000  cavaliers  au  secours  du  général  chinois 
Wang  Hiouen4s*e  ^.  »  La  mort  de  Harsavardhana  sur- 
vint vers  655^;  Amçuvarman  régnait  donc  encore 
à  ce  moment. 

L  exactitude  de  Hiouen-tsang  est ,  une  fois  de  plus, 
victorieusement  établie  par  une  série  de  témoignages 
indépendants ,  empruntés  à  des  ouvrages  chinois ,  en 
partie  nouveaux,  en  partie  aussi  traduits  de  longue 
date,  mais  négligés  ou  ignorés  des  indianistes.  L'his- 
toire des  Tang,  au  chapitre  aa  î ,  traite  du  Népal  et 
de  ses  relations  avec  la  Chine  sous  cette  dynastie; 
le  passage,  légèrement  modifié  dans  les  recensions 
diverses,  a  été  transcrit  presque  tout  entier  dans 
ï Encyclopédie  T'ong-tien^  que  Ma  Touan-lin  copie 
à  son  tour.  Abel  Rémusat  a  traduit  la  notice  de  Ma 
Touan-lin  dans  ses  Nouveaux  mélanges  asiatiques^,  dès 
1 8  2  9 ,  et  M.  Bushell  a  traduit  le  chapitre  original  de 
Thistoire  des  Tang  dans  une  des  notes  jointes  à  son  ar- 
ticle sur  ï  Histoire  ancienne  du  Tibet  d*après  les  sources 

*  Fieet,  op.  laad,,^n  190. 

*  Cf.  I-tsing,  Les  JRe/i^fitfdit^mtntfnM^  trad.  Ed.  Ghtvannes,p.  19, 
n.  a. 

'  T.  I,  p.  193. 


60  JUILLET-AOÛT  1894. 

chinoises,  en  i88o^  Une  autre  notice , presque  con- 
temporaine de  Hiouen-tsang ,  se  rencontre  dans  un 
ouvrage  encore  inédit  étudié  par  M.  Specht  dans  ses 
leçons  à  TEcoie  des  Hautes  Études  :  le  Ghe-Ma-fonr 
tchi  (les  Pays  du  Bouddha),  compilé  par  Tao-suen 
en  65o  ^,  répète  à  peu  près  textuellement  le  chapitre 
de  Hiouen-tsang  sur  le  Népal,  mais  ajoute  un  dé- 
tail important  sur  les  destinées  postérieures  de  ce 
pays.  «Actuellement,  dit-il,  ce  royaume  est  sous  la 
domination  des  Tibétains  ^.  »  Il  résulte  de  ces  docu- 
ments que,  antérieurement  à  Tannée  6^7,  Narendra- 
deva  régnait  déjà  sur  le  Népal ,  quand  l'envoyé  Li  Y- 
piao  traversa  ce  royaume  pour  se  rendre  dans  l'Inde; 
ce  prince  était  encore  sur  le  trône  en  65 1  et  même 
en  655,  quand  il  prêta  secours  à  l'ambassadeur 
Wang  Hiouen-ts'e  contre  l'usurpateur  qui  avait  suc- 
cédé à  Harsavardhana  Çîlâditya. 

Nous  n'avons  pas,  jusqu'ici,  d'inscription  de  Na- 
rendradeva;  la  seule  mention  épigraphique  de  ce 
prince  se  rencontre  dans  une  inscription  de  Jayadeva, 
datée  de  samvat  l53  et  qui  donne  la  généalogie 
royale^.  Jayadeva  est  le  fils  de  Çivadeva  (U),  fils  de 
Narendradeva ,  fils  d'Udayadeva.  En  deçà  de  ce  prince , 
la  généalogie  change  brusquement  de  direction  par 

*  Journal  of  the  Royal  Asiatic  Society,  new  séries,  XII,  p.  5 2 9. 

*  Bunyiu  Nanjio,  Catalogue  of  the  Chinese  Tripitaka,  n"  1470. 

*  Bhagvânlâl  Indrâjî,  n°  i5;  Fleet,  loc,  laud.,  p.  18Ç.  La  lec- 
ture corrigée  de  M.  Fleet  supprime  la  mention  des  «  treize  princes  > 
entre  Udayadeva  et  Narendradeva ,  et  rétablit  entre  eux  une  filia- 
tion directe. 


NOTE  SUR  LA  CHRONOLOGIE  DU  NÉPAL.         6i 

une  transition  obscure,  passe  à  Vasantadeva ,  Mâna- 
deva,  etc. ,  et  laisse  de  côté  par  une  omission  encore 
inexpliquée  Amçuvarman.  Narendradevay  est  célébré 
comme  un  roi  puissant  :  «  Le  fier  Narendradeva  était 
honoré  par  tous  les  princes  des  hommes  inclinés  de- 
vant lui ,  et  la  poussière  de  leurs  diadèmes  rangés  en 
guirlande  autour  de  lui  retombait  sur  Tescabeau  où 
il  appuyait  ses  pieds.  »  Udayadeva  n'est  au  contraire 
mentionné  que  d'un  mot ,  comme  le  père  du  roi  Na- 
rendradeva. Le  même  nom  se  retrouve  dans  une  in- 
scription d' Amçuvarman ,  datée  de  samvat  3  9 .  Amçu- 
varman y  désigne ,  pour  veiller  à  l'exécution  de  ses 
ordres,  le  yuvarâja  (prince  héritier)  Udayadeva. 
M.  Fleet ,  à  la  suite  de  BhagvanlaP,  déclare  que  les 
dates  semblent  empêcher  d'identifier  ce  personnage 
avec  rUdayadeva  de  la  lignée  Thâkurî;  mais  la  dif- 
ficulté ne  résulte  que  de  Terreur  initiale  commise 
par  les  deux  savants,  et  qui  les  entraîne  à  fixer  le 
règne  de  Narendradeva  cinquante  ans  après  sa  date 
réelle.  La  valeur  de  l'ère  employée  par  Amçuvar- 
man et  ses  successeurs  reste  donc  à  déterminer.  La 
donnée  astronomique  du  mois  pausa  intercalaire 
peut  suffire  à  résoudre  le  problème  dans  les  étroites 
limites  de  temps  où  la  recherche  est  désormais  per- 
mise. 

Pour  admettre  une  intercalation  du  mois  pausa 
en  l'année  64o  A.  D. ,  il  faut  d'une  part  accepter  les 
éléments  fournis  par  le  Brahma-Siddhânta ,  et  né- 

'  Bhagvânlâl  Indrâjî,  n°  7;  Fleel,  p.  180* 


62  JUILLET-AOÛT  1894. 

gliger  d  autre  part  une  règle  formelle  de  ce  système^; 
un  mois  lunaire  qui  commence  et  finit  dans  ie  même 
mois  solaire  reçoit,  d'après  Brahmagupta,  le  nom 
du  mois  solaire  précédent.  Le  mois  intereaié  dans 
pausa,  en  64o  A.  D.,  doit  recevoir  le  nom  de  mâr- 
gaçira  2  ,  et  Tannée  n*a  qu  un  seul  pausa.  L  astrono- 
mie est  donc  d'accord  avec  les  autres  documents 
pour  exclure  réquivsdence  proposée  :  34  samvat 
d'Amçuvai'man  =  64 o  A.  D,  En  principe,  un  pausa 
intercalaire  n'est  même  jamais  possible  dans  un  CB- 
lendrier  strictement  scientifique^;  mais  il  p«il  et 
doit  arriver  dans  le  système  des  intercalations 
moyennes.  Le  calcul  fondé  sur  les  éléments  de  cha- 
cun des  trois  siddhântas,  Sûrya,  Brahma,  Arya 
(avec  ou  sans  les  corrections) ,  donne  un  résultat  iden- 
tique. Les  années  à  pausa  intercalaire  dans  le  3  8'  siècle 
du  Kali-Yuga (599-699  A.  D.)sont  les  années  3^30 , 
37491  3787  qui  répondent  respectivement  à  629, 
648,  686  A.  D.  La  première,  6^19,  est  seule  pos- 
sible, puisque  les  deux  autres  tombent  sous  le  règne 
des  successeurs  d'Amçuvarman,  Si  Tannée  34  d'Am- 
çuvarman  équivaut  à  629,  Tan  o  de  cette  ère  équi- 
vaut à  594  ;  c  est  de  là  qu'il  faut  dater  le  règne  d'Am- 
çuvarman.  Comme  la  plupart  des  fondateurs  de 
dynasties,  Amçuvarman  prend  pour  époque  d'une 
ère  nouvelle  Tannée  de  son  avènement.  Les  inscrip- 
tions d' Amçuvarman  s'étendent  jusqu'à  Tannée  39  ; 

*  Jacobi,  The  Compntation  of  Hindu  dates,  Epigrapkia  Indica,  I, 
4o5,  n.  7. 
«  Ibid. ,  4 1 6. 


NOTE  SUR  LA  CHRONOLOGIE  DU  NÉPAL.         63 

la  Vamçâvalî  de  Wright  et  celle  de  Bhagvânlâl  lui 
assignent  un  règne  de  68  ans;  celle  de  Kirkpatrick^ 
qui  parait  mériter  une  attention  particulière,  le  fait 
régner  4a  ans,  c est-à-dire  jusqu'en  636-637-  L ex- 
pression employée  par  Hiouen-tsang  «  en  ces  der- 
niers temps  »  reçoit  ainsi  une  éclatante  confirma- 
tion. 

Après  la  mort  d'Aqfiçuvarman ,  le  Népal  paraît  être 
en  proie  à  des  rivalités  dynastiques.  Les  Licchavis 
reprennent  possession  du  pouvoir;  un  Licchavi  oc- 
cupe le  trône  en  637»  au  moment  où  Hiouen-tsang 
visite  le  pays.  Le  fds  d'Amçuvarman ,  Udayadeva ,  est 
expulsé,  peut-être  mis  à  mort  par  son  frère  cadet  (le 
Jisnugupta  des  inscriptions?  samvat  48  =  64^/3  A. 
D.),  et  le  fils  d'Udayadeva,  Narendradeva,  s  enfuit 
chez  les  Tibétains,  qui  prennent  son  parti  et  le  réta- 
blissent sur  le  trône,  en  lui  imposant  des  liens  de 
vassalité.  L'intervention  des  Tibétains  dans  les  af- 
faires du  Népal  s'explique  naturellement;  la  reine  du 
Tibet  n'était  autre  que  la  grand'tante  de  Narendra- 
deva et  la  fille  d'Amçuvarman.  Le  célèbre  Srong- 
tsan-Gampo  avait  épousé  deux  princesses  également 
belles,  également  pieuses ,  également  illustres  dans 
les  légendes  du  bouddhisme  tibétain ,  adorées  toutes 
deux  comme  les  incarnations  de  la  bienheureuse 
Tara.  L'une  était  l'infante  Wen-tch'eng,  proche  pa- 

*  Kirkpatrick,  An  Account  oj  the  kingdom  of  Népal j  i8i  i,  in-4°. 
La  Vamçâvali  de  Kirkpatrick  est  la  seule  à  donner  le  nom  de  Çi- 
vadeva  (Seo  Dec  Burmah)«  transformé  chez  Wright  et  Bhagvân- 
lâl en  VicvadevavarmaD. 


64  JUILLET-AOÛT  1894» 

rente  de  Tempereur  Tai-tsong,  (k)nt  Srong-tsan- 
Gampo  avait  pendant  longtemps  demandé  là  main 
sans  succès,  et  qu'il  obtint  seulement  par  la  force 
des  armes  en  64 1  ^.  L'autre,  que  Srong-tsan-Gampo 
avait  épousée  plus  tôt ,  était  la  fille  d  un  roi  du  Népal , 
longtemps  méconnu  sous  sa  forme  tibétaine.  M.  Gaur 
Das  Bysack  traduit  son  nom  par  le  sanscrit  Prabhâ- 
varman^;  le  pandit  SaratChandraDas  donne  d'autre 
part  l'équivalent  sanscrit  Jyotivarman  *.  Le  second 
terme  du  nom,  varman,  toujours  rendu  en  tibétain 
par  go-cha^y  se  prêtait  aisément  à  la  restitution  ;  le  pre- 
mier, plus  vague ,  a  dérouté  les  recherches.  Les  liOt- 
savas  ont,  comme  Hiouen-tsang,  traduit  le  mot  am^ii 
«  rayon  »  par  le  terme  générique  de  «  lumière  «^.  Am- 
çuvarman  était  donc  le  beau-père  du  grand  roi  tibé- 
tain Srong-tsan-Gampo.  L'Inde  et  la  Chine  se  trou- 
vaient en  contact  à  la  cour  du  Tibet .  Ce  rapprochement 
paraît  avoir  étrangement  facilité  et  multiplié  les 
communications  entre  les  deux  pays  :  la  plupart  des 
pèlerins  chinois  qu'I-tsing  nous  fait  connaître  pas- 
sèrent, à  l'aller  ou  au  retour,  par  la  route  du  Tibet 
et  du  Népal.  L'aide  prêtée  par  les  Tibétains  et  les 


*  Bushell,  J.  Roy.  As,  Soc.»  XII,  4d4. 

*  Gaur  Das  Bysack,  Notes  on  a  Baddhist  nionastmyat  Bhot  BagOn 
in  Howrali.  J.  As.  Soc.  Bengdl,  LIX,  p.  54. 

^  Sarat  Chandra  Das ,  Con^rlbations  on  Tibet.  J.  As.  Soc.  Bengal, 

L,  p.    220. 

*  liiouen-tsang  explique   le  mot   Amçuvarman  par  ^   1^  «iu^ 
mière-.casque»». 


NOTE  SUR  LA  CHRONOLOGIE  DU  NÉPAL.         65 

Népalais  à  Tambassadeur  chinois  Wang  Hiouen-tse, 
dans  la  guerre  contre  ie  succeteeur  de  Harsa,  était 
également  une  conséquence  de  cette  politique  matri- 
moniale ^. 

Nous  croyons  utile  de  joindre  à  cette  note  la  tra- 
duction du  passage  qui  a  trait  au  Népal  dans  T^f^- 
toire  des  Tang ,  chap.  221.  Les  indications  de  M .  Spech  t 
nous  permettent  de  signaler  les  variantes  qui  se  ren- 
contrent dans  les  deux  recensions  de  cet  ouvrage , 
datant  du  x*  et  du  xi*  siècle,  et  aussi  celles  duTong- 
tien,  rédigé  au  x*  siècle  et  copié  par  Ma  Touan-lin. 

Le  royaume  de  Ni-po-io  (Népad)  est  droit  à  i*ouest 
du  Tou-fan  (Tibet) ''^.  Les  habitants  ont  coutume  de 
raser  leurs  cheveux  juste  au  niveau  des  sourcils  ;  ils 
se  percent  les  oreilles  et  y  suspendent  des  tubes  de 
bambou,  ou  de  la  corne  de  bœuP;  c'est  une  mar- 
que de  beauté  que  d'avoir  les  oreilles  tombant  jus- 
qu'aux épaules.  Ils  mangent  avec  leurs  mains,  sans 
employer  de  cuillers  ni  de  bâtonnets.  Tous  leurs 
ustensiles  sont  faits  de  cuivre.  Les  marchands ,  tant 


^  Sur  les  relations  postérieures  du  Népal  avec  la  Chine,  voir 
Histoire  de  la  conquête  du  Népal  par  les  Chinois  (1793),  traduite  du 
chinois  par  M.  Camille  Imbault-Huart,  Journal  asiatique,  1878, 
2 ,  348-377. 

*  La  Nouvelle  histoire  des  Tang  insère  ici  :  «  Dans  la  vallée  de 
Lo-ling,  dans  ce  pays  on  trouve  en  abondance  le  cuivre  rouge  et  le 
yak.»  —  Cf.  Hiouen-tsang  :  «Ce  pays  oi&e  une  suite  de  montagnes 
et  de  vallées. . .  Oix  en  tire  du  cuivre  rouge,  des  yaks. » 

'  Le  T'ong-tien  supprime  j  la  corne  de  bœuf».        ' 

rv.  5 

mrtmmmn  mtioiiau» 

* 


fie  JUILLET-AOÛT  1894. 

ambulants  qu'établis,  y  sont  nombreux;  les  eultivaT- 
teurs,  raréfia  Ils  ont  des  monnaies  de  cuivre  qui 
portent  dun  côté  une  figure  d'homme,  et  au  revers 
un  cheval  ^.  Us  ne  percent  pas  les  narines  des  bœufii* 
Ils  s'habillent  d  une  seule  pièce  de  toile  qui  leur  en- 
veloppe le  corps.  Ils  se  baignent  plusieurs  fois  par 
jour.  Leurs  maisons  sont  construites  en  boià,  les 
murs  en  sont  sculptés  et  peints.  Ils  aiment  beaucoup 
les  jeux  scéniques^,  se  plaisent  à  souffler  la  trom- 
pette et  à  battre  le  tambour*.  Bs  s'entendent  assez 
bien  au  calcul  des  destinées  et  aux  recherches  de 
philosophie  physique^.  Ils  sont  également  habiles 

*  La  N.  H.  ajoute  i  «  parc^  qa  ib  nQ  savent  pas  labourer  avec 
des  bœufs». 

*  «  Dans  le  commerce  en  fait  usage  de  monnaies  de  enivre  rougfe.  i 
H.  T.  —  La  N.  H,  change  le  sens  par  suite  d'une  ponctuation  erro- 
née :  «Ils  ont  des  monnaies  de  cuivre  qui  portent  dun  côté  une 
figure  d'homme,  et  au  revers  un  cheval  et  un  bœuf,  et  qui  n'ont 
pas  de  trou  au  milieu.  »  Le  T'ong-tien ,  antérieur  à  la  N.  H. ,  ponc- 
tue comme  nous  faisons,  et  introduit  dans  le  second  memlMPÇ  de 
phrase,  pour  rendre  le  sens  plus  Qet,  le  mo(  pi  «oariiies», 

3  Rémusat  traduit  ainsi  l'expression  po-M  |^  d^  ;  Bushell  la 
rend  par  «jeux  de  hasard t  (games  of  chance).  Les  deux  mots  ré- 
unis formeni  une  }^utioi|  commç  en  témoigne  le  Pçi««nBft'^rim'fo9« 
Po  est  le  jeu  en  général;  hi  s'applique  particulièrement  aux  jeux  scé- 
niques.  Il  serait  curieux  de  constater  au  Népal  dès  ce  moment  un 
goût  attesté  dans  les  temps  plus  modernes  par  les  drames  recueillis 
ou  signalés  au  Népal.  Cf.  BendaU,  Joumey,f,  18;  ^*  CtAaUfu 
»f  tke  Bnddhitt  sanskrit  mss,,  Cambridge.  Add.  \ko^%  ^^k^\  i658; 
1695.  —  Pischel ,  Katalog  der  Bibliothek  der  Dentschen  Mûrgmi,  GeuXL, 

*  La  N.  H.  et  le  Tong-tien  (et  Mat.  trad.  Rémusat)  suppriment 
cette  dernière  proposition. 

*  L'expression  iruf^hia  «le  pldn  et  le  videi  désigne  ^raisea^Ua* 
blement  une  science  de  ee  genre.  -^  La  N.  fl.  dit  seulmn^ati  «fls 
s'entendent  à  raisonner,  à  mesurer,  à  ftdre  \»  caleftdrier.  § 


NOTE  SUR  XA  CHRONOLOGIE  DU  NÉPAL.        07 

dans  Tart  du  calendrier.  Ils  adorent  cinq^  esprits  cé- 
lestes, et  sculptent  leurs  images  en  pierre;  chaque 
jour  ils  les  lavent  avec  une  eau  purifiante.  Ils  font 
cuire  un  mouton  et  loffrent  en  sacrifice.  Leur  roi ,  Na- 
Img-ti-po  (Narendradeva),  se  pare  de  vraies  perles, 
de  cristal  de  roche,  de  nacre,  de  corail,  d  ambre  ^; 
il  a  aux  oreilles  des  boucles  d'or  et  des  p^idants  de 
jade ,  et  des  breloques  à  sa  ceinture ,  ornées  d  un  Fou- 
tou^  [Buddha?].  U  s  asseoit  sur  un  siège  à  lions  [sim- 
hâsana];  è  l'intérieur  de  la  salle  on  répand  des  fleurs 
et  des  parfums.  Les  grands  et  les  officiers  et  toute  la 
cour  sont  assis  à  droits  et  à  gauche  par  terre  ;  à  ses 
côtés  sont  rangés  des  centaines  de  soldats  en  armes. 
Au  milieu  du  palais  il  y  a  une  tour  de  sept  étages , 
couverte  de  tuiles  en  cuivre.  Balustrades,  grilles, 
colonnes ,  poutres ,  tout  y  est  orné  de  perles  et  de 
pierreries.  A  chacun  des  quatre  coins  de  la  tour  est 
suspendu  un  tuyau  de  cuivre;  en  bas, il  y  a  des  dra- 
gons d  or  qui  jettent  i  eau.  En  haut  de  la  tour  on 
verse  de  leau  dans  des  auges;  de  la  bouche  des  dra- 
gons elle  sort  en  jaillissant  comme  d'une  fontaine. 

•  La  N.  H.  omet  le  mot  i  cinq  ». 

'  Le  7*  t.  rem^ace  eette  ëimmération  par  ces  simples  mots  t 
«  Le  roi  porte  un  grand  nombre  d'ornements  ds  pierres  pvécieusas 
«t  dj6  p^es.  » 

'  Les  deux  syllabes /on-tou  ^  ^  sont  fort  embarras3antes|ell^ 
se  ràae^ntrenjt  dans  les  deux  rédactions*  Le  T>  t,  (et  Mat.)  pré- 
sentent pour  le  premier  caractère  une  variante  inacceptable  :  tchang 
1^  i armes».  M.  Bushdl  traduit  1 1 H  porta  un  Bouddha  taillé  dans 
une  pierre  précieux.»  Rémusat  ne  traduit  pas.  La  transcription 
fon^rto»,  dut  saïucrti  httddhn  <9st  p^u  vraispmblabl«  au  vp*  fiècl^ , 
alors  que  le  nom  de  Fo  était  si  familier  à  ln  CbiPfK» 

5. 


^8  JUILLET-AOOT  1894. 

Le  père  de  Na-ling-ti-po  fut  renversé  du  trône  par  son 
frère  puîné  ^;  Na-ling-ti-po  s'enfuit  pour  échapper  à 
son  oncle.  Les  T'ou-fan  lui  donnèrent  refuge  et  le  ré- 
lablirent  surson  trône;  il  devint  en  conséquence  leur 
vassal.  Dans  la  période  Tcheng-kouan  (642-647)»  Li 
Y-piao,  officier  militaire  de  Tempereur  envoyé  en 
ambassade  dans  Tlnde,  passa  par  ce  royaume.  Na- 
ling-ti-po  le  vit  avec  une  grande  joie;  il  sortit  avec 
Li  Y-piao  pour  aller  voir  l'étang  A-ki-po-li^;  cet 
étang  a  environ  vingt  pas  de  circonférence ^ ;  leau  y 
bouillonne  constamment.  Quoiqu'elle  s'écoule  en 
courant,  elle  entraîne  pêle-mêle  les  pierres  brûlantes 
et  le  métal  échauffé.  Elle  n'a  jamais  de  crues  ni  de 
maigres.  Si  on  y  jette  un  objet,  il  en  sort  de  la  va- 
peur et  de  la  flamme;  si  on  y  met  un  chaudron,  la 
cuisson  se  fait  en  un  instant*.  Dans  la  suite,  quand 
Wang  Hiouen-ts'e  fut  pillé  par  les  Indiens ,  le  Népal 

*  La  leçon  de  la  N.  H.  prouve  qu'il  s'agit  du  frère  puîné  du  père 
de  Norcndradeva.  La  N.  H.  substitue  à  tchouen  ^t  «  rebdie  usur- 
pateur» le  mot  cha  ^  «mettre  à  mort». 

'  Le  T'ong-tien  laisse  de  coté  la  description  du  château  d'eau  et 
les  aventures  de  Narendradeva ,  et  reprend  ainsi  :  «  Il  y  a  dans  ce 
pays  une  mare  nommée  A-hi-po-mi*^  avec  la  variante  }]({  mi  sub- 
stituée à  jf^  li  de  Y  Ancienne  Histoire, 

Hiouen-Tsang,  qui  décrit  aussi  cet  étang,  le  place  au  sud-est  de 
la  capitale. 

'  Le  pao  vaut  1  m.  576.  La  N. H. dit  :  «H  est  large  de  plusieurs 
dizaines  de  tchang  (dix  pieds  chinois).» 

^  La  N.  H.  passe  sous  silence  l'affaire  de  Wang  Hiouen-ts'e  et 
ajoute:  «La  vingt  et  unième  année,  il  envoya  un  ambassadeur 

présenter  le  tribut »  Malheureusement  les  articles  énumérés 

sont  difficiles  à  identifier. 


NOTE  SUR  LA  CHRONOLOGIE  DU  NÉPAL.         6^ 

envoya  de  la  cavalerie  avec  les  T  ou-fan;  ensemble  ils 
mirent  les  Indiens  en  déroute  et  remportèrent  un 
succès.  La  seconde  année  de  la  période  Yong-hoeî 
(65 1)  leur  roi  Çi-li-Na-lien-to-lo  (Çrî  Narendra)  en- 
voya de  nouveau  une  ambassade  présenter  ses  hom- 
mages et  ses  présents. 


OBSERVATIONS. 

Le  témoignage  des  voyageurs  et  des  savants'  confirme 
brillamment  Texactitude  et  iaprécision  des  relations  chinoises. 
Sans  prétendre  en  donner  un  commentaire  justificatif,  nous 
ne  croyons  pas  inutile  de  signaler  quelques  rapprochements 
curieux. 

*  Pnncipaux  ouvrages  sur  le  Népal  : 

Notizle  laconiche  di  alcuni  usi,  sacnfizi  ed  idoli  nel  regno  di  Népal  ^  rac- 
colie  neW  ttnno  i744,par  le  R.  P.  Constantin  d'AscoH ,  missionnaire  capucin 
au  Népal.  En  mss.  à  Rome,  Bibliothèque  Victor-Emmanuel.  Msy.  délia 
Scala.  iA6-35  (Miscellanea  Indico-Malabarica,  partie  IV). 

Description  du  royaume  de  Népal,  par  le  P.  Giuseppc ,  préfet  de  la  mission 
romaine,  communiqué  par  John  Shore.  Asiatic  Researches ,  vol.  2.  (Cette 
notice  serait  identique  à  la  précédente ,  d'après  une  note  de  Tëditeur.) 

Rose*s  Briefe  ûber  dos  Kônigreich  Népal,  Beitrâge  zur  Vôlker-und  Lànder- 
kunde  von  Forster  und  Sprengel,  1. 111. 

Kirkpatrick.  An  Account  ofthe  kingdom  of  Népal.  1811,  in-A°. 

Hamilton  Buchanan.  Relation  oj  NepauU  1819,  in-^*. 

Oliphant.  A  Journey  ta  Katmanda,  London ,  1862  ,  in-16. 

Daniel  Wright.  History  ofNepaul  translated front  the  Purhatiiya,  Cam- 
bridge, 1877,  in-A*. 

Minayeff.  Le  Népal  et  son  histoire.  Journal  du  Ministère  de  l'Instruction 
publique,  (Saint-Pétersbourg),  1878,  I. 

Oldiield.  Sketches  front  Népal,  London  ,  1 880 ,  2  vol. 

Le  Bon  (D'  Gustave).  Voyage  au  Népal,  Tour  du  monde,  i886,  I. 

Bcndall  (Cccil).  A  Journey  of  literary  and  archaological  research  in  Népal 
and  Northern  India,  Cambridge,  1886. 

Temple  (R.)  Hyderabad,  Kashmir^  Sikkim  and  Népal,  London,  1887, 
2  Yol. 


16  JfjiLLÈf.AOOî  1*«4. 

MdfiKiAlËd.  «^  Cf.  Hœrnle  dftiti  Prwêiiingê  fffthe  Àtiûiie 
Society  qfBengalj  1887,  P'  ^^^^  18S8,  p.  li^i  —  Bendidl, 
Zeitsch,  d.  Deutsch:  Mora,  Ges,^  XXXVI,  1882,  p.  65 1  et 
Catalogue  ofsanscr.  mss.  Cambridge ,  Introd. ,  xxxix.  Les  mon^ 
nàies  qui  portent  le  nom  dé  Çry  ÂmçîiVàrman  sont  éh  eiiivre 
et  poHcrtît  sur  là  fece  tiiï  lioii  ttàë  ( ?) ,  att  rcVert  xtaé  yfstthé  de^ 
bout.  D  autres  ont  à  la  face  une  û^fii  àsdsf^  lëtl  JtttiblMl 
croisées ,  le  bras  droit  levé ,  le  gauche  posé  sur  la  hanche ,  et 
toujours  au  revers  le  lion  ailé  (pris  pour  un  cheval  par  les 
Chinois,  si  toutefois  Terreur  ne  vient  pas  des  numismates 
européens). 

AèiTAeLÔai9#  •—  «L  astronomie  «  eu  pltttôt  son  rejeton  dé- 
généré et  sa  cocbpagne  ordinaire  chea  ks  nations  supefftti- 
tieuies  t  l'astrologie  judiciaire  semble  être  leur  eèoupation  fa- 
YOrite  t  et  die  s'est  répalidue  si  prefondémtot  ehez  les  individus 
de  tout  rang  qu*un  étranger  serait  tenté  de  conclure  qoe  l'ho- 
roscope et  le  calendrier  déterminent,  en  la  plupart  des  cas, 
leur  ligne  de  conduite  tant  civile  tfaë  mar(d« ,  et  c[tt6  le  peuple 
est  universellement  dirigé   pAt  âëS  «déViilsS.  KifkpdtMk, 

Architecture.  • —  Lés  témoignages  sont  uAâmîiièi  sur 
î'halnletë  des  Népalais  à  faire  les  briques ,  sur  le  c(»ons  pitto- 
resqiie  et  leâ  ekrieHses  sculptures  dès  maisons^ 

Château  d'eau.  —  H  est  curkux  de  lire  pardièlement  à 
cette  descriptioil  ce  pàsi^age  dé  h  DéitHpîièk  ivt  Néptkl  par 
le  P.  Giuseppe  (As.  t\ës.  It ,  354-  de  là  trad.  fi'àiiç.).  «  Dàififi  un 
mur  du  palais  de  Rathmandou  »  qui  ferme  la  cour,  il  j  à  une 
grande  pierre  d'une  seule  pièce ,  d'environ  quinze  pieds  dé 
loil^ëtu'  et  qiiâtrë  oti  citicj  d'épaiààfeur.  Oh  voit  à  son  Som- 
met quatre  trous  carrés ,  placéâ  k  é^alè  distance  les  unâ  des 
autres  ;  on  verse  de  Teau  dans  ces  trous ,  et  comme  cnacun 
d'eux  répond  à  un  canal  qui  aboutit  dans  la  ceur,  ehaonn  peut 
tirer  de  l'eau  pour  apaiser  sa  soîf.  » 

Science  grammaticale.  —  Hiouen-tsang  vante  les  toi- 


NOTE  SUR  LA  CHRONOLOGIE  DU  NÉPAL.         71 

naiisances  d*AiliçuTarman.  m  II  se  distingtiait  par  la  solidhé 
dé  son  savoir  et  k  sagacité  de  son  esprit.  Il  avait  eomposë  loi* 
mtené  iin  Trmié  tut  la  oonnaissanee  des  sons  (Çabda-vidyâ- 
çâstra).  »L*œuvre  d!AqEiçavarmaa  a  disparu,  mais  les  pandits 
népalais  en  ont  gardé  le  souvenir.  Kirkpatrick,  qui  ne  con- 
naissait pas  plus  que  ses  informateurs  les  itfmoirej  de  tiiouen- 
tsang,  ^crit  \  «  Les  Pandits  ae  Bliatgaon  datent  rintroduciion 
de  la  première  grammaire  sahscrite  au  Népal  du  temps 
dunghoo  Burmah,  de  la  postérité  de  Pussoopûsk  Deo;  mais 
il  n^est  pas  facile  de  déterminer  avec  quelque  exactitude  Te- 
poqueou  ce  pnnce  fleurissait  (Népal,  p.  220).  » 

La  Vamçâvali  de  kirkpatrick ,  trop  négligée ,  complété  et 
corrige  parfois  les  autres.  Le  roi  qu'elle  appelle  exactement 
Çivadeva-varman  (Seo  Deo  Burmah)  et  dont  elle  fait  le  pré- 
décesseur de  Âipçuvarman ,  qui  aurait  épousé  sa  fille ,  appar- 
tenait à  la  postérité  de  Nevesit  (=  Nimisa,  le  premier  roi  de 
la  dynastie  Somavamçî)  ;  il  aurait  expulsé  les  Guptees  (Guptas) 
du  Népal.  Quant  à  Pusoopûsh  Deo ,  compté  dans  les  ancêtres 
d* Amçuvarman ,  c'est  Paçupreksadeva ,  le  quatrième  de  la 
dynastie  Somavamçî. 

Histoire.  — -  H  convient  encore  de  remarquer,  à  Thonneur 
de  la  tradition  locale ,  que  les  Vamçâvalîs  ont  gardé  le  sou- 
venir de  la  période  troublée  qui  précéda  le  règne  de  Naren- 
dradeva.  «  Candraketudeva ,  père  de  Narendradeya ,  fut  cruel- 
lement abattu  et  pillé  par  ses  ennemis.  » 

Géographie.  —  Je  n'ai  pas  pu  retrouver  la  mention  d'un 
étang  analogue  dans  le  voisinage  de  Patan.  Les  deux  fontaines 
du  même  genre  signalées  par  les  voyageurs  modernes  se 
trouvent  loin  de  la  capitale,  dans  l'Himalaya.  L'une  [Hamil- 
ton,  Népal)  est  au  pied  du  Gosainthan,  à  quatre  jours  de 
marche  de  Nayakot  vers  le  nord.  «Le  lieu  est  appelé  Bara 
Nilkantha.  Il  y  a  là  huit  sources  jaUlissantes ,  dont  une  est 
chaude  et  émet  de  sa  surface  ime  flamme  bleue.  »  L'autre 
(Montgomerie,  Journal  ofthe  Geograph.  Soc,  London,  1876, 
vol.  XLV,  p.  356)  est  à  Muktinath,  sur  la  pente  de  hautes 


72  JUILLET-AOÛT  1894. 

montagnes  neigeuses  ;  il  en  jaillit  des  eaux  thermales  sulfu- 
reuses qui,  au  dire  des  indigènes ,  sont  parfois  accompagnées 
de  flanmies.  La  transcription  du  nom  A-ki-po-li  est  très  in- 
certaine. On  pourrait  conjecturer  :  Agnivàri. 

Religion.  —  Les  détails  donnés  paraissent  se  rapporter  à 
Çiva  (Paçupati)  et  au  culte  tantrique.  Les  «cinq  esprits  du 
ciel  »  sont  peut-être  une  interprétation  erronée  des  images  du 
dieu  Pancânana,  Çiva  aux  cinq  faces.  Le  sacrifice  du  mouton  » 
ou  plutôt  du  bélier,  est  un  des  rites  réguliers  du  tantrisme. 
La  ferveur  bouddhique  de  Narendradeva ,  garantie  par  la 
Vamçàvalî ,  serait  attestée  par  le  Buddha  suspendu  en  breloque 
à  la  ceinture  du  roi. 


LA  PROPRIÉTÉ  EN  MAGHREB.  73 


^  r 


LA  PROPRIETE  EN  MAGHREB, 

SELON  LA  DOCTRINE  DE  MALER, 

PAR 

M.  ERNEST  MERCIER. 


Sidi  Khelil ,  dans  son  chapitre  «  Des  terres  mortes  », 
après  en  avoir  donné  la  définition  en  ces  termes  : 
«  Celles  qui  ne  sont  grevées  d  aucun  droit  particulier  » 
(jajr^x^^  ui  ^  U) ,  pose  comme  règle  que  la  pro- 
priété des  terres  mortes  s'acquiert  par  leur  mise  en 
valeur  (-^Ua?)  ;  puis  il  définit  leurs  servitudes  légales , 
et,  arrivant  aux  concessions  de  TEtat,  s'exprime 
comme  suit  : 


«  (On  devient  encore  propriétaire  des  terres  mortes) 
par  le  fait  d  une  concession  du  prince;  mais  les  terres 
de  culture  des  pays  conquis  par  les  armes  (d'Anoua) 
ne  peuvent  être  concédées  à  titre  de  propriété  melk 
(complète).  » 

En  se  reportant  au  chapitre  de  «  la  guerre  sainte  » , 
section  «  du  butin  » ,  on  trouvera  le  surplus  des  élé- 
ments nécessaires  à  la  question.  Nous  reprendrons 
plus  loin  les  passages  utiles. 


n  JUILLET'AÔÛt  I894< 

Constatons ,  tout  d  abord  f  que  le»  eontrées  sur  les- 
quelles la  domination  de  Tlslam  s  est  établie  sont  de 
deux  sprtes  : 

1*  Celles  qui  ont  fait  Tobjèt  de  traités  passés  dvec 
les  habitants,  sans  quil  y  ait  eu  conquâte  par  les 
armes ,  ou  après  la  victoire  des  Musulmans.  La  terre 
y  est  appelée  Ard'-es-Solah  (^.^\  jo^l)  et  Thabitant 
est  dit  Solhi  (jai.ô); 

î2**  Et  celles  dont  les  habitants  ont  fui  avant  la 
conquête,  ou  refusé  de  se  ^umettre  après  la  défaite 
et  de  reconnaître  la  domination  de  Tlslam.  La  terre , 
datii  ce  cas  4  eftt  appelée  Ai'd-^ei  Anoua  (fjiiûl  jtt^l) 
et  rbabitant  Anoui  (  jyiâL)^ 

Les  dispositiohs  légales  s'àpjdi^ant  aux  unes  èl 
aux  autres  ^ont  parfaitement  défihids  et  ekpotfées 
dans  Touvrage  d*Ël  Maouerdi  appelé  El  Ahhani  es- 
SottUahia,  mais  comme  ôe  légiste  appartient  à  Técole 
Chafalte^  on  a  fait  reioiarquer  que  le  Maghreb  estime 
versellement  soumis  au  rite  de  Malek,  et  qu'il  fallait» 
pour  bien  juger  la  question ,  ne  s'appuyer  que  sur 
la  doctrine  dé  cette  ^côlë.  C  est  ce  que  nous  allons 
faire* 

Constatons  ensuite  qile  les  terres  se  divisent  elles^ 
méme^  en  deux  catégories  soumises  ehacund  à  un 
régime  différent  :        '      . 

i"*  La  terre  mise  en  valeur  et,  par  conséquent , 
OGCtipée  (ou  provisoirement  abaliddnnée)^  c'est  le 
Mâamour(jjpMft)i  comprenant  la  grande  dt  la  petite 
culture; 

s""  La  terre  morte  réunifiant  les  oonditions  d  être 


LA  PROPlilÉf  É  Efï  MAGHREB.  1i 

îiîtJ)ï*odtîctiYé ,  tiôh  en  valeur,  abandonnée  et  sans 
maître.  C'est  \e  Mcruâte  (O^y^). 

Xê  Màamottt*  fest  essehtielle*riéht  Melk  et  son  prô^ 
priétaire  jouit  de  tous  les  droits  attachés  à  là  prô* 
priéiè  pritée. 

Le  Mouate  est,  sauf  les  réserves  indiquée^  plfl^ 
loin,  à  la  disposition  du  prince  (Imam)  des  musul- 
itiàJi*  (}tli  petit  le  èdhcédéf  ëh  tôtttè  propriété-,  de 
plus,  quiconque  le  toèf  éti  tâléttf  détient  pWpH^ 
taira  des  parties  par  lui  rendues  à  la  vie. 

Examinons  maintenant  les  f ègiêS  légales  s*applî- 
ifàtaii  ft  beè  Aexit  éatégoriéB  ddns  le§  pays  éri  deh^ril 
de  TArabie  qui  ont  passé  sous  le  gouvernement  de 
1  Islam ,  et  cela  conformément  a  là  doctrine  de.  Sidi 
khdil  et  de  ies  pïu$  fcélèbfêS  cdmrtlehtateilrs. 

Dans  le  chapitre  de  la  «  guerre  sainte  » ,  section 
«  du  butin  » ,  Sidi  Khelîl  a  dit  en  parlant  des  terres  : 


Tfàdatitiôn  i  »  Par  lé  èéul  fkît  dé  la  conquête ,  la 
terre  se  trouté  frappée  de  séquestre  ((jpi^),  sétris  qtie 
rassentimeftt  des  combattante  ëôit  nécessaire  ^  non 
plus  que  îâ  r^tificatiôh  dii  prinde^  * 

TôUt  dVb6i*d,  rèttittrqtiôriji  !  T  fcpi'il  h*èst  ques- 
tion ici  que  deë  pays  d*Anduà,  ë'est4-dire  dont  là 
conquête  par  les  armes  n'a  pas  été  suivie  de  la  8oli- 
IhiSâlérl  des  hâbittttitëj  îi^  tfue  T^prèssiOft  Odakf, 


76  JUILLET-AOOT  1894. 

que  nous  avons  rendue  par  «  séquestre  »,  a  été  géné- 
ralement traduite  par  «  hobousée  » ,  en  attribuant  à 
ce  mot  le  sens  qu'on  donne  d'habitude  aux  «ho- 
bous». 

Passons  maintenant  en  revue  les  commentaires 
sur  ce  texte  : 

L  —  El  Bennani,  interprétant  le  commentaire  de 
Zourkani,  s  exprime  comme  suit  : 

^jjf^  1jM3 j^^-^a^  Uil  JU  y^j\  i  i^JJi^  ^3>y^ 
j.^  U3^  VjLij  j^^««*  ja4»'W  l^}3^.  V»:^  3^ 

Traduction  :  «  Le  cheykh  Moustafa  er-Remaci,  au- 
teur d'une  glose  du  commentaire  du  cheykh  Tatai 
sur  Khelil,  a  dit  :  «  Ce  point  est  à  examiner  de  près, 
car  je  n'ai  pu  trouver  par  qui  a  été  formulé  ce  prin- 
cipe que  (la  terre,  dans  ce  cas),  se  trouve  frappée 
de  Ouakf  par  le  seul  fait  de  la  conquête. 

«En  effet,  les  Imam  ont  discuté  la  question  de 
savoir  ce  qui  devait  être  fait  par  le  prince,  c est-à- 
dire  s'il  partagerait  (la  terre)  comme  le  reste  (du  bu- 
tin) ou  s'il  l'abandonnerait  pour  être  (administrée) 
par  les  représentants  de  la  communauté  musid- 
mane. 

«Le  sens  du  mot  Ç(3j)  est  donc  ici  tla  laisser 


LA  PROPRIÉTÉ  EN  MAGHREB.  77 

impartagée»,  et  Ton  ne  doit  pas  donner  à  Ouakf 
Tacception  spéciale  (gU^^Ï  )  caractérisée  parie  terme 
jM^^  (constitution  hobous).  » 

U.  —  Es-Saïdi  {^>Nft3Ua3\),  interprétant  le  com- 
mentaire d'El  Kharchi ,  dit  de  son  côté  : 


Tradaction  :  «  Notre  auteur  dit  :  «  Une  fraction  de 
la  terre  «  hobousée  »  ;  or,  dans  la  définition  dlbn 
Arfa ,  le  terme  «  hobousée  »  ne  se  trouve  pas.  Il  y  a 
donc  lieu  de  conclure  à  sa  suppression ,  d'autant  plus 
qu  aucune  partie  d  un  bien  hobousé  ne  peut  devenir 
propriété  particulière.  Aussi  certains  de  nos  cheykhs 
ont-ils  décidé  que,  par  «  la  terre  hobousée  »,  il  fallait 
entendre  «  les  terres  mortes  ». 

Voici  enfin  ce  que  dit  Dessouki ,  en  visant  les  pas- 
sages ci-dessus  reproduits  : 

^;Vr  4-Jm  cUVr  JJà  jX  Uc^  {jy>^^  ^  «ùy.3) 
(.a^A«.Vr  tja&j  ^y)  ii4^\  y>  \»yà5  y.^\i^\  jw 

Traduction  :  «  Par  ces  mots  «  en  se  conformant  à 


73  J«ïtL»T-AO0T  1B94, 

Tinterprétatio»  con^^orée  » ,  i  auteur  se  met  en  eoii- 
tradiction  avec  (çew  qui  eut  dit  :  «  ïhmm  pairtagerit 
la  terre  entre  les  guerriers  de  h  fpi,  ÇOmme  fe  rwrte 
du  butin.  » 

•  Quant  à  isen  ^pressien  n  par  le  3aul  fait  de  ia 
conquête»,  elle  se  réjGfere  au  passuge  de  Mowtafa 
er-Remaci  :  «  Je  n  ai  pu  trouver,  etc.  (voir  ci -devant)  », 
qui  a  été  confirmé  pap  El  Bennani ,  etc. . 

Il  résulte  de  ces  citations  que  le  sens  du  mot 
Ouakf ,  pris  par  nos  auteurs  dans  l'acception  générale 
de  «  hobous  » ,  a  soulevé  de  nombreuses  objections 
de  la  part  des  légistes  autorisés.  El  Bennani  déclare 
catégoriquement ,  en  se  basantsur  l'opinion  du  cheykh 
Moustafa  er-Remaci,  que,  dans  l'espèce,  le  mot 
Ouakf  ne  veut  dire  autre  chose  que  «  suspension  de 
partage  ».  Es-Saïdi ,  de  son  côté ,  conclut  qu'il  ne  peut 
être  question  dun  hobous  ordinaire,  et  que  l'auteur 
a  sans  doute  voulu  désigner  ainsi  le  prélèvement  à 
faire  sur  une  partie  des  terres  mortes.  Enfin  on  ne 
peut  retrouver  lauteur  originaire  de  cette  formule. 

Voyons  maintenant  les  textes  siu*  la  question  des 
terres  d'Anoua. 

jn.  *^  Voici  ce  que  cUt  Derdir  : 


LA  PROPRIÉTÉ  EN  MAGHREB.  79 

Traduction  :  «  P^  ie  fait  qu'il  a  été  frappé  des 
charges  et  contributions  spéciales  imposées,  TAnoui 
(le  vaincu  qui  ne  s'est  pas  soumis  par  traité)  a  re- 
pris la  qqalité  dliomme  libre ,  et  celui  qui  1q  tue  est 
tenu  d'une  amende  de  cinq  cents  dinars. 

«  L'Anoui ,  dans  ce  cas ,  ne  peut  être  empêché  de 
disposer  de  sa  fortune  par  donation  ou  axunône,  ni 
d'en  faire  Tobjet  d*un  legs ,  etc. 

«  Quant  à  la  terre  seule,  exclusivement  aujs^  autres 
valeurs,  exceptée  de  cette  disposition,  par  son  ex- 
pression :  «  elle  demeure  séquestrée  (au  profit  des 
Musulmans]  » ,  les  héritiers  du  défuijt  n  ont  riçn  à  y 
prétendre ,  car  le  sultan  peut  la  donner  à  qui  il  veut , 
et  Timpôt  qui  la  grève  revient  au  Beit  ei  Mal. 

« 

«MdiSf  pour  ce  qui  est  de  la  fortune  du  défunt 
-—  laquelle  comprend  les  terres  mortes  qu'il  a  pu 
rendre  productives  —  le  tout  revient  à  ses  héritiers 
et,  s'il  nen  existe  pas  parmi  1^$  siens,  aux  Musul- 
mans. 

«  Telles  sont  les  règles  qui  s'appliquent  à  la  terre 
et  â  la  fortune  de  TAnoui.  » 


80  JUILLET-AOÛT  1894. 

IV.  —  Voyons  maintenant  ce  que  dit  lauteur,  à 
l'égard  des  gens  qui  se  sont  soumis  : 


^Jlc  âLLft^  ^^i.\/^ 

^j^p^Bv     ww^HM    ^^r^^^Êm 


jU*  U^jp-frla  jf\  4Lk»^jir  jJLc.  y  2J»  ct>Upi  ji& 

<^'-^bvjf*)"*'  ^J"^  <^  o^  ^*^3  ^*"^  <-*^  3^  sif*)"*^ 
j-B»  \9to  Ve^t»^  t»*^  y  \i^^J^  J^  jJ«i  C(.Up^  jJ^ 

rfjL»  tijlj  <03  oU  jl»  j*4--43  ji?  Vûj  ^W^  4^^3 
a^l  Wû  c;**j»  Js  ^^3  è^  ^^3  ^V»  ç«a*  '**ejii^ 


LA  PROPRIÉTÉ  EN  MAGHREB.  81 

^1  a^.>»»,ftJL5  ûl^'^^  jy^3  ^^  <0^  ^  AÂiiij  ^  VI» 

Traduction  :  «  Quant  aux  règles  s  appliquant  aux 
gens  qui  se  sont  soumis ,  il  est  indispensable  de  les 
diviser  en  quatre  catégories ,  selon  le  mode  qui  a  été 
appliqué  pour  les  redevances  à  eux  imposées  : 

«  1**  La  Djezia  leur  a  été  imposée  en  bloc,  sans 
distinction  entre  Timpôt  foncier  et  la  capitation. 

«  a**  Elle  a  été  constituée  par  la  capitation  seule- 
ment. 

«  3®  Ou  par  Timpôt  foncier  seulement. 

«  4°  Ou  par  les  deux  ensemble,  déterminés  simul- 
tanément. 

«  Dans  le  premier  cas ,  c  est-à-dire  la  Djezia  étant 
imposée  en  bloc  sur  les  terres  et  les  personnes,  c'est- 
à-dire  frappée  sur  le  pays  avec  ce  qu'il  contient 
comme  terres  et  comme  habitants ,  sans  déterminer 
ce  qui  incombe  à  chaque  individualité ,  ni  préciser 
les  charges  des  personnes  en  les  distinguant  de  celles 
de  la  terre ,  les  habitants  conservent  l'absolue  dispo- 
sition de  leurs  terres,  et  peuvent  les  partager  et  les 

IV.  6 

lnriklltMllt    IftdONAlt. 


8S  JUILLET-AOÛT  1894. 

vendre  sans  opposition;  la  JDjezia,  d autre  part,  ne 
doit  pas  être  augmentée  si  la  population  augmente, 
tii  diminuée  si  elle  diminue;  ils  ont  le  droit  de  lea 
léguer  en  entier  par  testament  et  a  fortiori  en  partie , 
et  la  recueillent  par  héritage  ainsi  que  tous  autres 
biens. 

«  £t  s'ils  ne  laissent  pas  d'héritiers  parmi  les  leurs, 
lesdits  biens  écherront  aux  gens  de  leur  religion ,  se- 
lon les  règles  qui  seront  consacrées  à  cet  égard  chez 
eux. 

«  Dons  le  second  cas ,  c'est^^-dire  si  la  contribu- 
tion à  eux  imposée  a  été  répartie  entre  les  habitants , 
à  raison  de  tant  par  tète ,  par  exemple ,  soit  en  oon- 
fondant  avec  cette  capitation  Timpôt  foncier,  soit 
en  n'en  parlant  pas;  de  même  dans  le  troisième  cas, 
c'est-à-dire  si  la  contribution  a  été  répartie  sur  les 
terres  en  y  englobant  les  personnes,  en  stipulant, 
par  exemple,  que  chaque  parcelle  cultivable  sera 
grevée  de  telle  somme;  et  aussi  dans  le  quatrième 
cas ,  c  est-à-dire  si  la  répartition  a  porté  sur  les  deux 
simultanément  : 

«  Les  terres  et  les  autres  biens  des  habitants  restent 
à  eux  ;  ils  peuvent  les  vendre  et  en  hériter,  à  titre  de 
fortune  propre,  dont  ils  seraient  les  maîtres  s'ils 
étaient  devenus  musulmans. 

«Seulement,  si  l'un  d'eux  vient  à  mourir  sans 
laisser  d'héritier  selon  la  loi  religieuse  des  siens ,  ses 
terres  et  ses  autres  biens  seront  dévolus  aux  musul- 
mans. 

«  Ils  n'ont  le  droit  de  disposer,  par  legs ,  que  d'un 


LA  PROPRIÉTÉ  EN  MAGHREB.  83 

tiers,  s'ils  n'ont  pas  d'héritier,  le  surplus  revenant 
aux  musulmans. 

«  Mais ,  si  le  défunt  possède  un  héritier,  il  a  le 
droit  de  léguer  l'intégralité  de  ses  biens. . .  (Suit 
l'exposé  de  divers  cas.) 

«...  Et  si  la  Djezia  a  été  répartie  sur  les  terres , . . . 
(les  possesseurs)  ont  le  droit  de  les  vendre  ;  mais  le 
Kharadj  (impôt  foncier)  annuel  qui  les  grève  reste  à 
la  charge  du  vendeur  dans  les  deux  cas  et  n'est  pas 
imposé  à  l'acquéreur;  seulement,  s'il  (le  vendeur) 
vient  à  mourir  ou  fait  profession  de  l'Islamisme, 
l'obligation  de  servir  la  rente  cesse,  tant  à  son  égard 
qu'à  l'égard  de  l'acquéreur. 

«  Si  le  Solhi  (ayant  accepté  par  soumission  la  do- 
mination musulmane)  se  convertit  à  l'Islamisme, 
ses  terres ,  de  même  que  tous  ses  autres  biens ,  lui 
restent  comme  propriétés  personnelles ,  et  il  est  af- 
franchi des  redevances  qui  lui  avaient  été  imposées. 

«  L'Anoui  a  le  droit  de  construire  des  églises ,  etc. 

«  Le  Solhi  (outre  ce  droit)  a  celui  de  vendre  même 
le  terrain  sur  lequel  l'église  est  édifiée,  etc.  Quant 
à  l'Anoui ,  il  ne  peut  le  faire ,  attendu  que  ce  terrain 
est  séquestré  par  le  fait  de  la  conquête  » ,  etc. 

V.  —  Citons  encore  un  passage  de  Derdir  : 

G. 


84  JUILLET-AOUT  1894. 

J^JLJ  «iiWl  lî^lj  ^Vbcu»!  gy  e*^3j>t  J/^  k,UMi\^ 

fj^Ji»  6^,^  ytj5  jV  J^mAI  j^C^-Jl  gà».  'iO)iy» 

Tradactioii  :  «  Quant  à  la  terre  de  grande  culture, 
Timpôt  dont  elle  est  frappée  devra  être  employé  aux 
dépenses  que  fauteur  indiquera  bientôt. 

«  La  décision ,  à  cet  égard,  (de  la  terre)  appartient 
au  prince  ou  à  son  représentant. 

«  La  terre  de  grande  culture  ne  peut  être  recueillie 
en  héritage ,  car  elle  ne  constitue  pas  une  propriété 
privée. 

ff  Si  un  des  hommes  qui  la  cultivent  vient  à  mou 
rir  en  laissant  des  héritiers ,  lusage  établi  veut  que 
les  fils  aient  s«uls  le  droit  d en  jouir,  à  lexclusion 
des  filles,  ainsi  que  cela  se  passe  dans  diverses  bour- 
gades du  Saïd ,  et  on  doit  laisser  à  ces  gens  la  pra- 
tique de  cet  usage ,  d  après  ce  qui  semble  juste.  En 


LA  PROPRIÉTÉ  EN  MAGHREB.  85 

effet,  un  usage  de  ce  genre  et  une  coutume  (consa- 
crée) sont  assimilables,  dans  ce  cas,  à  un  ordre  du 
prince. 

«  La  conséquence  des  faits  qui  précèdent  est  que 
le  prince  ou  son  représentant  n  a  pas  le  droit  d'em- 
pêcher les  héritiers  d  en  prendre  possession ,  ni  de  la 
donner  à  qui  bon  lui  semble  (contrairement  à  la 
formule  qui  le  lui  accorde);  et  il  est  évident  qu'il 
ne  peut  avoir  ce  droit,  parce  qu'il  aurait  pour  ré- 
sultat d'ouvrir  la  porte  aux  difficultés  et  au  désordre , 
d'autant  plus  que  l'auteur  de  ces  héritiers  possédait 
un  droit  d'une  nature  déterminée,  et  enfin  parce 
que  la  coutume  qui  a  la  même  force  qu'une  décision 
des  princes  du  temps  passé  a  admis  le  principe  sui- 
vant :  «  Quiconque  possède  une  chose ,  cette  chose 
«  revient  à  ses  héritiers  avant  tout  autre ,  et  à  ses 
«  enfants  mâles  à  l'exclusion  des  filles  » ,  et  cela  en 
tenant  compte  des  avantages  d'intérêt  général. 

«  Mais ,  s'il  n'a  pas  laissé  d'héritier,  il  appartient  à 
l'administrateur  de  statuer,  »  etc. 

VI.  —  Le  même  auteur,  après  avoir  énoncé  que 
le  butin  doit  être  partagé  entre  les  guerriers ,  après 
prélèvement  du  cinquième,  dit  : 

^yO\  ^  jjm  ^1  e^3j4Dd  u^  <ù^  (<iAiû)  jaiy 


86  JUILLET-AOÛT  1894. 

(îMhO-^1  îMJ^b)  ^>-ep3  ^  J*^^  (J-^^  3^)yft)^ 

^jU*  >-•  iMwl  U5  4<.jAl  J»l  ^Aiû  ^3^  Uj  jL^Y 

^1 JW  c;w  Wbft 

Traduction  :  «  Le  passage  «  du  séquestre  apposé  sur 
«  la  terre  » ,  ainsi  que  «  du  prélèvement  du  cinquième 
«  et  autres  charges  »,  si  cela  est  imposé,  c'est-à-dire 
s'il  y  a  eu  combat  sur  place ,  et  qu'il  y  ait  eu  déci- 
sion rendue,  notamment  lorsque  les  habitants  ont 
fui,  etc.,  doit  être  apprécié  dans  les  deux  hypothèses, 
comme  suit  : 

«  Quand  les  habitants  ont  évacué  le  pays  avant  la 
sortie  des  troupes  du  territoire  de  Tlslam ,  tout  ce 
qu'iïs  ont  abandonné  constitue  un  produit  de  guerre 
qui  doit  être  déposé  au  Beit  el  Mal. 

«De  même,  s'ils  ont  émigré  après  le  départ  de 
l'armée  et  avant  son  arrivée  dans  le  pays,  il  faut, 
d'après  El  Badji,  déposer  au  Beit  el  Mal  l'impôt 
foncier  des  terres,  le  cinquième  qui  appartient  à 
Dieu  et  à  son  prophète,  la  contribution  de  ^erre 
imposée  soit  aux  Anouis ,  soit  aux  Solhis ,  le  produit 
de  l'expédition,  la  dîme  des  tributaires,  l'impôt  des 
gens  qui  se  sont  rendus ,  celui  pour  lequel  des  guerriers 
ont  conclu  le  traité  et  ce  qui  a  été  enlevé  aux  commer- 
çants. M 


LA  PROPRIÉTÉ  EN  MAGHREB.  87 

VIL  —  Voici  maintenant  deux  dernières  citations 
de  Derdir  répondant  au  texte  de  Khelil,  sur  les 
«  terres  mortes  »,  cité  en  premier  lieu  et  complétant 
les  principes  posés  au  paragraphe  IV  : 


yv^  y^\  ^jjù  ^  JI3  ûivuij  1^  **Mi  oy^y 

Tradaction  :  «  Quant  aux  terres  impropres  à  la 
culture  des  céréales  et  qui  ne  constituent  pas  des 
biens-fonds  appartenant  à  des  infidèles  —  soit  pro- 
prement les  terres  mortes  —  (le  prince)  en  fait  con- 
cession en  tout  bien  et  propriété,  même  si  elles  sont 
aptes  à  être  complantées  d  arbres. 

«  Mais  il  ne  peut  concéder  en  toute  propriété  les 
terres  de  culture ,  car  elles  se  trouvent  frappées  de 
séquestre  par  le  fait  de  la  conquête. 

«Quant  aux  terres  (des  pays  soumis)  par  traité, 
rimam  ne  peut,  en  aucun  cas,  les  donner  en  con- 
cession. » 

Dessouki  ajoute  à  ce  qui  précède  lappréciation 
suivante  ; 


88  JUILLETAOÛT   1894. 

Traduction  :  «  Si  I  auteur  dit  qpie  ilmam  ne  peut 
la  concéder  (la  terre),  c'est  parce  quelle  constitue 
une  propriété  au  profit  de  ceux  auxquels  elle  appar- 
tient. Le  prince  n  a  donc  aucune  action  à  exercer 
sur  elle. 

«  Quant  à  Texpression  :  «  en  aucun  cas  » ,  elle  si- 
gnifie que  ce  principe  s  applique  aux  terres  cultivées 
c«mme  aux  terres  mortes.  » 

Nous  croyons  avoir  reproduit  les  passages  des 
meilleurs  légistes  de  Técole  malékite  sur  la  question. 

Husieurs  autres,  fort  estimés,  tels  que  Abd  el 
Baki,  El  Kharchi,  le  cheykh  Yahia  Ech-Chaoui  et 
autres,  ont  été  bien  plus  loin  que  les  précédents,  et 
ont  posé  comme  principe  que  dans  les  pays  d'Anoua , 
toute  terre  de  culture  devait  être  recueillie  en  héri- 
tage par  les  héritiers  des  possesseurs,  mais  cette 
opinion  ayant  été  contestée  en  partie,  nous  nous 
sommes  borné  à  citer  ceux  qui  n'ont  pas  donné 
lieu  à  des  controverses. 

Essayons  maintenant  d'extraire  de  ces  documents 
un  peu  touffus  les  conséquences  logiques  des  faits 
qu'ils  énoncent. 

I.  REGIME  DES  TERRES  DANS  LES  PAYS  D*ANOUA. 

1  **  N'est  réputé  Anoua  que  le  pays  dont  les  habi- 
tants ont  fui  avant  ou  après  la  conquête  musulmane, 
avec  ou  sans  lutte;  ou  encore,  dont  les  habitants 
sont  revenus  ou  sont  restés ,  après  avoir  été  vaincus 


LA  PROPRIÉTÉ  EN  MAGHREB.       89 

et  nont,  dans  aucun  cas,  accepté  par  une  soumis- 
sion explicite  la  domination  de  ilsiam.  Us  ont  voulu , 
en  quelque  sorte,  rester  hors  la  loi. 

Remarquons  qu'ils  ont  pu  continuer  à  y  résider 
en  conservant  la  pratiqpie  de  leur  religion ,  qui  les 
place  dans  la  catégorie  des  infidèles,  et  y  construire 
même  des  élises,  le  tout  sous  certaines  restrictions. 

a*  Après  prélèvement  du  butin  de  guerre  et  fixa- 
tion des  redevances  et  taxes  auxquelles  ils  seront  as- 
sujettis, ils  conservent  la  pleine  et  entière  propriété 
de  leurs  biens,  et  la  sécurité  de  leurs  personnes.  La 
terre  ne  peut  être  partagée  comme  butin. 

3**  Les  terres  mortes  de  TAnoua  sont  à  l'entière 
disposition  du  prince;  cependant  quiconque  les  met 
en  valeur  en  devient  régulièrement  propriétaire ,  fût- 
il  Anoui. 

4**  Les  terres  cultivées  ou  propres  à  la  culture 
des  céréales  sont  frappées  de  séquestre  demeurant 
impartagées  et  ne  peuvent  faire  l'objet  d'une  con- 
cession du  prince  en  toute  propriété;  elles  restent 
cependant  en  la  jouissance  de  leurs  possesseurs, 
mais  ne  peuvent,  en  droit,  être  recueillies  par  leurs 
héritiers. 

La  rigueur  de  ce  principe  a  été  singulièrement 
atténuée  et  on  en  a  même  contesté  le  texte. 

11  est  certain  que,  dans  la  pratique,  les  Anouis 
ont  conservé  la  jouissance  et  la  disposition  de  leurs 
propriétés  foncières. 

Nous  voyons  même  Derdir  déclarer  que  le  prince 


90  JUILLET-AOÛT   1894. 

ne  doit  pas  s  opposer  à  la  dévolution  de»  terres  au 
profit  des  héritiers  du  défunt,  qu'il  ne  peut  user  du 
droit  de  les  distribuer  à  qui  bon  lui  semble  et  qu  il 
faut  consacrer  lusage  qui,  dans  diverses  localités, 
exclut  les  femmes  de  Thérédité  sur  les  terres. 

Derdir  constate  encore  que  le  détenteur  a  un 
droit  déterminé  sur  sa  terre,  et  que  ce  droit  ne  peut 
disparaître  par  sa  mort  ;  il  rappelle  en  outre  le  prin- 
cipe d'après  lequel  les  héritiers  recueillent  les  droits 
du  détenteur  d'un  bien. 

5*  En  se  soumettant,  TAnoui  acquiert  les  préro- 
gatives du  Solbî ,  et  en  devenant  musidman ,  il  n'est 
plus  soumis  qu  aiix  règles  de  la  législation  islamique. 

IL  RÉGIME  DES  TERRES  DANS  LES  PAYS  DE  SOLAH. 

1**  Les  gens  qui  se  sont  soumis  par  traité,  même 
en  restant  infidèles ,  conservent  l'intégrale  propriété 
de  leurs  terres  et  le  droit  d'en  disposer,  à  la  condi- 
tion d'acquitter  les  charges  qui  lem*  sont  imposées 
(Djezia). 

Derdir  déclare  que  le  prince  ne  peut ,  en  aucun 
cas ,  en  disposer,  et  Dessouki  dit  qu'il  n'a  pas  d'ac- 
tion sur  elles ,  et  que  cette  immunité  s'applique  même 
aux  terres  mortes. 

a**  Les  droits  et  coutumes  locales  pour  les  suc- 
cessions, selon  la  religion  à  laquelle  appartiennent 
les  vaincus  solhis ,  s'exercent  dans  toute  leur  pléni- 
tude. 


LA  PROPRIÉTÉ  EN  MAGHREB.  91 

S*ils  n*ont  pas  d*héritier  selon  leurs  lois,  les  terres 
en  déshérence  sont  dévolues  aux  gens  de  leur  nation , 
si  la  Djezia  leur  a  été  appliquée  en  bloc. 

Dans  les  autres  cas,  les  terres  en  déshérence  sont 
dévolues  aux  musulmans. 

Le  propriétaire  qui  n  a  pas  d*héritier,  selon  la  loi 
du  pays ,  ne  peut  léguer  qu  un  tiers  de  ses  terres , 
les  deux  autres  tiers  étant  dévolus  aux  musulmans; 
mais  s'il  a  des  héritiers,  il  peut  léguer  la  totalité. 

3**  L'impôt  foncier  grevant  les  terres  reste ,  en  cas 
de  vente,  à  la  charge  du  vendeur,  jusqu'à  sa  mort. 
A  son  décès ,  ou  s'il  devient  musulman ,  cette  charge 
disparaît  à  l'égard  de  tous. 

4**  En  devenant  musulman,  le  Solhi  cesse  d'être 
soumis  aux  charges  qui  lui  avaient  été  imposées  à 
titre  de  Djezia,  et  reprend  l'intégralité  de  ses  droits. 

Tels  sont  les  principes  légaux  qui  ont  dû  s'ap- 
pliquer, dès  l'origine,  aux  terres,  dans  l'Afrique  sep- 
tentrionale. Les  historiens  du  moyen  âge  le  disent 
plus  ou  moins  explicitement ,  et  les  faits  le  prouvent. 
La  Berbérie  a  été  d'abord  Solhïa ,  puis ,  par  le  fait 
des  révoltes  indigènes ,  est  devenue  Anouïa  en  maintes 
régions.  Mais,  après  une  période  de  cinquante  an- 
nées de  luttes,  tous  les  Berbères  ont  adopté  l'Isla- 
misme et  acquis  les  droits  complets  des  musulmans. 
On  se  rappelle ,  du  reste ,  que  la  grande  révolte  kha- 
redjite  a  éclaté  dans  le  Maghreb  El  Akça  vers  8/io  , 
parce  que  le  gouverneur  de  cette  province  avait  voulu 


92  JUILLET-AOOT  1894. 

appliquer  le  Kharadj  aux  indigènes  qui  n'avaient  été 
astreints  qu'à  la  dîme  des  musulmans. 

Les  vice-rois  Aghlebites  de  Tlfrikiya,  puis  le  grand 
Abd  el  Moumen  firent  cadastrer  les  terres  afin  de  per- 
cevoir la  dime,  sous  la  forme  d'impôt  fixe,  des  pos- 
sesseurs. 

Mais  l'immigration  des  Arabes  hilaliens  et  les 
guerres  intestines  des  Berbères  ont  profondément 
modifié  ia  population  primitive.  La  Tunisie  a  été 
particulièrement  troublée  par  les  révoltes  et  les  pil- 
lages des  Arabes,  si  bien  que  le  gouvernement  haf- 
side  a  fini  par  les  mettre  hors  la  loi ,  les  traiter  comme 
des  infidèles  incorrigibles ,  et  appliquer  à  leurs  terri- 
toires les  règles  de  l'Anoua. 

Puis  sont  venus  les  Turcs  dont  les  procédés  gou- 
vernementaux ont  fait  bon  marché  des  dispositions 
de  la  loi  musulmane  :  ayant  besoin  de  terres  pour  y 
installer  des  tribus  Makhzen  et  des  colonies  d'Abid, 
ils  ont  pris  ce  qui  leur  convenait,  sans  s'inquiéter 
des  droits  des  anciens  occupants. 

Aussi  avons-nous  trouvé  l'Algérie  profondément 
troublée  sous  ce  rapport,  et  il  était  d'autant  plus  dif- 
ficile à  nos  premiers  administrateurs  de  s'y  reconnaître 
dans  ce  chaos  que  les  chefs  indigènes  passés  à  notre 
service  ne  pouvaient  nous  renseigner  qpie  sur  les 
traditions  du  système  turc. 

De  là  sont  nées  de  fâcheuses  erreurs  qui  ont  pesé 
lourdement  sur  nos  agents,  animés  de  la  meilleure 
volonté ,  erreurs  qui  ont  abouti  à  cette  étrange  inven- 
tion des  terres  arch  et  des  terres  melk,  sanctionnée 


LA  PROPRIÉTÉ  EN  MAGHREB.       93 

par  le  sénatus-consulte  de  186 3,  la  loi  de  iSyS,  et 
les  modifications  par  lesquelles  on  a  essayé  de 
Taniender. La  terre  appartenait,  d après  ce  système, 
à  Dieu.,  représenté  par  Tlmam  qui  la  distribuait  à 
son  gré  ;  ou  bien  elle  avait  été  expropriée  au  profit 
de  Tétat  musulman ,  par  le  fait  de  la  conquête ,  et  le 
résultat  était  identique. 

Notre  goût  de  Tunité  et  des  formules ,  presque  tou- 
jours inexactes  et  dangereuses,  a  assuré  le  succès 
de  ces  erreurs,  quon  fera  disparaître  difficilement. 


94  JUJLLET-AOÛT  1894. 


a|B 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES^ 

NOTES  BIOGRAPHIQUES  £T  UTTÉRAIHES 

SUR 

LE  POÈTE  ARABE  CHRÉTIEN  AHTAL, 

-^  •         • 

PAR 

HENRI  LAMMENS  S.  J. 


Ch€Ufue  famille  a  un  chantre  de  sa 
gloire;  celui  des  Omiades  est  AhtaL 

Paroles  du  calife  'Abdalmalik. 

AVANT-PROPOS. 

• 

L'auteur  de  ces  notes  pourrait  s'appliquer  un  mot  de  Mon- 
taigne et  dire  avec  plus  de  vérité  que  l'original  Gascon.:  «  J'ai 
faict  ici  un  assemblage  de  fleurs  estrangiëres ,  n'y  ayant  fourni 
du  mien  que  le  filet  à  relier.  » 

Le  fond  de  notre  travail  n'est ,  en  effet ,  qu'une  traduction 
de  la  notice  arabe  qui  termine  le  quatrième  fascicule  du 
Divan  d'Ahtal,  sorti  l'année  dernière  des  presses  de  rtn- 
primerie  catholique  de  Beyrouth.  Nous  n'avons  eu  qu'à  mettre 
en  œuvre  les  riches  documents  tirés  du  Kitâh  al-Agânî*  et 
si  consciencieusement  réunis  par  le  docte  éditeur.  Le  divan 
d'Ahtal  lui-même  et  ceux  de  ses  émules ,  Garîr  et  Farazdaq , 
ont  dû  également  livrer  leur  contingent  pour  la  biographie 
du  grand  poète  chrétien.  Certaines  questions  que  le  P.  Salhani , 

'  La  plupart  de  nos  dictionnaires  et  manuels  d'histoire ,  on  ne  sait  pour- 
quoi, s  obstinent  à  écrire  Ommiades  et  Abassides,  L'orthographe  Ondadts 
(  un  seul  m)  et  Abbassides  (deux  b)  est  seule  conforme  à  fétymologie. 

*  Cest  toujours  IVdition  de  Boûlâq  que  nous  citons,  excepté  pour  le 
XXI**  volume. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  05 

publiant  en  Orient,  avait  écartées  ou  seulement  indiquées, 
ont  été  abordées  ou  ont  reçu  des  développements  plus  éten- 
dus. Tels  sont,  par  exemple,  les  chapitres  intitulés  :  7Vi6a 
et  pays  de  Taglib,  La  question  religieuse  sous  les  Omiades,  La 
corporation  du  rdwia,  etc. 

Le  cadre  lui-même  a  été  quelque  peu  élargi.  Sans  perdre 
de  vue  le  héros  principal ,  nous  avons  essayé  de  reconstituer 
le  milieu  dans  lequel  il  a  vécu ,  de  rétablir  la  physionomie  det 
personnages  :  princes ,  hommes  d'État ,  guerriers ,  poètes ,  avec 
lesquds  il  a  été  en  relations.  Dans  ce  but,  nous  avons  de 
nouveau,  la  plume  à  la  main,  dépouillé  le  recueil  d'Aboûl- 
Farag  dlspahan ,  notant  tout  ce  qui ,  dans  les  notices  des  con- 
temporains, servait  à  jeter  la  lumière  sur  l'époque  si  curieuse 
des  premiers  califes  omiades. 

Une  notice  de  Ahtal  ayant  déjà  été  donnée  ici  même  (Jour- 
nal asiatique,  janvier  i834)  par  Caussin  de  Perceval,  nous 
avons  plus  d'une  fois  emprunté  ses  expressions.  Le  lecteur 
reconncdtra  sans  peine  ce  «  style  simple  et  dépourvu  de  toute 
prétention,  mais  toujours  approprié  au  sujet  ^  ». 

Plus  heureux  que  Tauteur  de  V Essai  sur  l'histoire  des  Arabes, 
nous  avons  eu  sous  les  yeux  le  divan  d'Ahlal  lui-même ,  enfm 
rendu  à  la  lumière  *.  Puissent  ces  notes  biographiques  et  lit- 
téraires contribuer  à  l'intelligence  des  poèmes  du  chantre  des 
Omiades  et  attirer  l' attention  du  monde  savant  sur  la  belle 
édition  qu'en  a  donnée  mon  savant  confrère  et  ami,  le 
P.  A.  Salhani  I  C'a  été  mon  ambition.  Que  ce  soit  aussi  mon 
excuse  auprès  de  ceux  qui  seraient  tentés  de  m'accuser  de 
témérité  pour  avoir  osé  entreprendre  ce  travail  loin  des  biblio- 
thèques et  des  grands  centres  littéraires  ! 

Beyrouth  (Syrie),  25  mars  1894. 

*  Defirmcry,  dans  le  JouîtwI  asiatique ,  1878, 11,  897. 

*  A  moins  d'avertissement  contraire ,  tous  les  manuscrits  cités  en  ce  tra- 
vail appartiennent  à  la  bibliothèqae  de  rUuiversitë  catholique  de  Beyrouth. 


96  JUILLET-AOÛT   1894. 


I 

LA  TRIBU  ET  LE  PAYS  DE  TA6LIB. 

Dans  la  partie  dé  la  moyenne  Mésopotamie  com- 
prise entre  les  villes  de  Circésiimi ,  de  Sangâr  et  de 
Mossoul  au  nord ,  et  celles  de  *Âna  et  de  Takrît  au 
midi,  dans  une  sorte  de  presqu'île  formée  par  le 
Chciboras,  le  Tigre  et  TEuphrate,  habitait  au  pre- 
mier siècle  de  Thégire  la  puissante  tribu  de  Taglib, 
dont  le  nom  reviendra  si  souvent  dans  le  cours  de 
cette  étude ^  Leur  territoire,  composé  de  vastes 
plaines  à  peu  près  désertes ,  était  loin  cependant  de 
présenter  laspect  de  désolation  qu'il  oflFre  de  nos 
jours.  Le  long  des  fleuves  magnifiques  qui  en  for- 
maient la  limite  ou  qui  le  traversaient,  comme  le 
Tartâr^,  on  rencontrait  des  cantons  d'une  grande 
fertilité,  où  «  le  froment  et  les  palmiers  poussaient  à 
Tenvi^  ». 

Là  s'était  groupée  la  masse  de  la  nation.  Quelques 
familles  étaient  allées  se  fixer  à  Hîra  et  à  Koûfa^. 


^  Pour  la  détermination  du  pays  des  Banoû  Taglih,  cf.  Agânî, 
passim,  spécialement  X,  98;  XI,  62;  Xlll,  i54;  XX,  127,  etc.  — 
Hamdâni  (p.  i33),  édit.  Mûlier,  Brill,  1891,  signale  des  B.  Taglib 
dans  les  montagnes  de  Sangâr. 

^  Agânî,  Xin,  i5/i;  Dictionnaire  géographique  de  Yâqoût  (édit. 
Wûstenfdd),  1,  921. 

*  Divan  d'Ahtal,  p.  222,  1.  1. 

*  Agânî,  XI,  1.  3.  —  Tabarî  (i"  séries,  viu)  2490,  1.  1;  2482; 
2^89,  etc. 


LE   CHANTRE  DES  OMIADES.  97 

Dautres  avaient  passé  le  Tigre  pour  s'établir  dans 
TAdarbi^n  ^  Le  nombre  de  ces  dernières  était  assez 
considérable  pour  qu'elles  fussent  en  état  d'envoyer 
deux  mille  cavaliers  au  secours  de  leurs  frères  de 
Mésopotamie^.  A  part  les  membres  de  la  tribu  éta- 
blis dans  les  villes  de  l'Iraq,  les  Taglibites  étaient 
demeurés  nomades,  comme  au  temps  où  leurs  an- 
cêtres parcouraient  les  déserts  du  Bahraïn  et  du 
Nagd^ 

Vers  l'an  64o  de  J.-C,  Taglib  était  toujours  une 
tribu  nombreuse  et  presque  entièrement  chrétienne  *. 
Sa  puissance  inspirait  encore  tant  de  respect  qu'un 
écrivain  arabe  n'a  pas  craint  de  dire  que ,  si  l'islam 
avait  tardé  à  paraître,  les  Taglabites  auraient  tout 
envahi  ^. 

Décimés  par  le  terrible  Hâlid,  fils  de  Walîd,  et 
par  ses  lieutenants ,  ils  n'avaient  jamais  pu  être  domp- 
tés ^.  Après  la  reddition  d'Edesse ,  alors  que  toute  la 
Mésopotamie  courbait  la  tête  sous  le  joug  des  vain- 
qpieurs,  seuls  ils  avaient  osé  mettre  des  conditions 
à  leur  soumission  et,  en  cas  de  refus,  menacé  de 
passer  en  masse  sur  les  terres  de  l'empire  grec  *'.  La 


'  Agânî,  XI,  1.  5. 

*  Voir  plus  loin  la  guerre  entre  Qaïs  et  Taglib. 

'  Séjour  primitif  des  B.  Taglib  avant  leur  arrivée  en  Mésopotamie. 

*  Ibn  Haldoûn,  U,  3oi  (édit.  de  Boûlâq). 

^  J^UlJI  wJli^^  oJLâf:)!  kiJ3  ^y^:è\  tk^l  p,  cité  par  Tabrizi 
dans  son  commentaire  sur  la  mo  allaqa  de  Koltoûm. 
»  Cf.  Balâdorî,  I,  iio;  248;  2^9  (édit.  de  Leyde). 
^  Us  commencèrent  même  à  exécuter  leur  menace. 

IV.  7 


98  JUiLLËT-AOÛT  189  4. 

première  condition  fut  le  libre  exercice  de  leur  culte  ; 
la  seconde,  Texemption  de  l'odieuse  capitàtion  ou 
im^fi^t  imposée  aux  populations  vaincues  et  tribu- 
taires. 

Le  calife  *Omar  leur  accorda  la  dernière  demande , 
se  contentant  de  doubler  pour  eux  la  taxe  exigée  des 
musulmans  sous  le  nom  de  dîme  aumônière ,  Miù^ào 
ou  «t^) ^  Quant  à  la  religion,  tout  en  accordant  aux 
adultes  la  faveur  de  mourir  dans  le  christianisme,  il 
voulut  les  obliger  à  ne  plus  baptiser  leurs  enfants^. 
Les  Taglibites  ne  tinrent  aucun  compte  de  cette 
clause  restrictive  et  continuèrent  à  pratiquer  la  rdi- 
gion  chrétienne  comme  par  le  passé. 

Cette  constance  irrita  au  plus  haut  point  les  dis- 
ciples du  Prophète.  lis  allèrent  jusqu'à  prétendre 
qu'on  n'était  plus  tenu  à  rien  envers  les  Banoù  Ta- 
glib ,  qui  avaient  eux-mêmes  violé  le  pacte  primitif. 
«Pour  moi,  disait  'Âli,  le  gendre  de  Mahomet,  je 
sais  bien  ce  que  je  ferais  de  cette  tribu  chrétienne. 
Puisqu'ils  s  obstinent  à  baptiser  leurs  enfants ,  je  mas- 
sacrerais tous  leurs  guerriers  et  vendrais  le  reste 
comme  esclaves  ^.  »  Heureusement  Taglib  était  en 
mesure  de  faire  respecter  ses  convictions  religieuses. 


^  Balàdori,  I,  76;  181. 

'  Ibid»,  182,  1.  i3;  Tabarî  (p.  i489,  1.  1  s)  parie  seulemeot  de 
la  défense  de  baptiser  les  enfants,  nés  de  parents  devenus  mu- 
sulmans, condition  acceptée,  paraît-il.  par  le  Taglib.  Plus  loin 
(p.  2609,  1.  10)  il  mentionne  l'obligation  abacdoe  de  ne  bi^tiaer 
personne. 

^  Balàdori,  I,  181,  etc. 


LE  CHANTEK  DES  OMIADES.  00 

Quelques  Taglibites  cependant  passèrent  à  là  re- 
ligion des  vainqueurs^,  mais  le  nombre  de  ces  défec- 
tions Ait  toujours  fort  restreint ,  et  dans  la  première 
moitié  du  premier  siècle  de  Thégire ,  Timmense  ma- 
j<mté  de  la  tribu,  comme  nous  lavons  dit,  était 
chrétienne. 

II 

NAISSANCE  ET  JEUNESSE  D'AHTAL. 

Vers  Van  64o^  de  J.-G.,  buit  ans  après  la  mort 
de  Mahomet ,  quatre  ans  après  la  prise  de  Jérusalem , 
dans  le  temps  où  ^Âmr,  fi]s  de  ^Âf ,  commençait  la 
conquête  de  TËgypte ,  naquit  à  Hira  ^  le  poète  qui 
devait  à  jamais  illustrer  le  surnom  d'Ahtal  et  la  tribu 
de  Taglib.  Son  véritable  nom  était  Giàt  (d autres^ 
disent  Gowaït),  fils  de  Sait,  fils  de  Tàriqa,  fils  de 
Sîhân ,  fils  de  ^Amr,  fils  de  Fadaukas ,  fils  de  ' Amr, 
fils  de  Mâlik,  fils  de  (^osam,  fils  de  Bakr,  fils  de  Ho- 
baïyib,  fils  de  ^Amr,  fils  de  Ganm,  fils  de  Taglib. 
Nos  écrivains  ne  sont  pas  tous  d  accord  sur  la  suite 
des  ancêtres  d'Ahtal.  D'aucuns  y  suppriment  des 
intermédiaires  et  font  Târiqa  fils  de  *Amr,  fils  de 


^  Tabarî  (i"  séries,  viii),  2/^76,  6;  2^82  ,16;  2609,  i4;  »5o7, 
9 ,  etc. 

>  L'Agânî  nous  reprësenUnt  Ah|âi  comme  un  jeune  bomine  déjà 
célèbre  90us  le  règne  de  Mo*âwia,  nous  ayons  cm  pouvoir,  à  k 
suite  du  P.  Saihani,  nous  arrêter  à  cette  date  de  64o. 

»Ag.,VU.  »7o. 

'  Ibn  Qotaîba,  'Aini,  tstc. 


100  JUILLET-AOÛT  1894. 

Sihân,  fils  de  Fadaukas,  fils  de  Màlîk,  fils  de  Bakr, 
fils  de  Hobaïyib,  etc.^  D'après  Maïdâni^,  le  troi- 
sième nom  de  cette  liste  généalogicpie  serait  non  pas 
Sait,  mais  Salama,  fils  de  Târiqa.  En  ce  cas,  Âhtal 
aurait  compté  parmi  ses  ancêtres  im  des  plus  illustres 
chefs  arabes.  Le  roi  Norman ,  fils  de  Mondir,  ayant 
envoyé  aux  tribus  du  désert  quatre  lances  destinées 
aux  plus  vaillants  guerriers ,  Salama  eut  Tinsigne  hon- 
neur d*en  recevoir  une  ^. 

Le  Kitâb  al-Agâni  nous  a  conservé  le  nom  de  la 
mère  d' Ahtal  ^.  Elle  s  appelait  Laîlâ  et  appartenait  à 
la  tribu  chrétienne  de  Yâd,  depuis  longtemps  éta- 
blie en  Mésopotamie^.  Notre  Gîât  n'était  pas  le  pre- 
mier Arabe  qui  ait  porté  le  surnom  d  Ahtal.  On  en 
connaît  quatre  autres,  et  parmi  eux  le  firère  du  cé- 
lèbre Farazdaq,  poète  lui-même;  circonstances  qui 
ont  contribué  à  le  faire  confondre  avec  le  poète  de 
Taglib  \ 

Ce  nom  d' Ahtal  a  plus  d  une  fois  exercé  la  saga* 
cité  des  écrivains  arabes.  Ils  rapportent  à  ce  propos 
des  anecdotes  où  nous  croyons  que  l'imagination  a 


*  Cf.  Divan ,  333 ,  notes.  D'après  Sokkarî,  c*est  le  diminatif  v^ts^ 
et  non  t-^..;:L  qu'il  faut  lire.  Cf.  le  passage  cité  Divan,  p.  44  >  1*  1 1* 

»  Ag.,  Vn,  169. 

*  Ag.,  VU,  169. 

*  Ag.,  VU,  170. 

'  Alliée  aux  B.  Taglib  (Tabarî,  2476,  2;  2476,  etc.);  une 
partie  est  même  signalée  comme  étant  leur  tributaire  (Ibid,,  3483 , 
i3;  2609,  ^^)' 

^  Cf.  Divan,  note  a.  Quand  nous  citerons  le  Divan  sine  addiio^ 
£*eai  toujours  à  cdui  d' Ahtal  qu'il  faudra  se  reporter. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  101 

eu  plus  de  part  que  le  souci  de  la  vérité  historique. 
Le  champ  de  la  littérature  anecdotique  est  celui  où 
ces  auteurs  se  meuvent  avec  le  plus  d'aisance.  Tous 
ces  petits  faits  ne  sont  d*ailleurs  pas  entièrement  dé- 
nués d'intérêt.  D'après  le  célèbre  critique  et  gram- 
mairien Âboû  ^Obaïda,  Giât  s'étant  permis  de  tour- 
ner en  ridicule  un  Arabe  de  sa  tribu,  celui-ci  l'aurait 
traité  d'insolent  ou  de  bavard,  le  mot  arabe  «  ahtal  » 
(JlidÉi.1)  comprenant  les  deux  significations.  D'autres 
parient  d'un,  certain  Taglibite,  nommé  *Otba,  en 
tournée  pour  recueillir  de  quoi  payer  le  prix  du  sang. 
Le  jeune  Ahtal  s'étant  mis  à  parier  à  tort  et  à  travers , 
l'Arabe  aurait  demandé  le  nom  de  ce  précoce  «  ba- 
vard »  (ahtal).  Et  le  nom  lui  serait  resté  ^. 

On  le  voit,  les  deux  anecdotes  ne  sont  au  fond 
que  des  variantes  d'un  même  fait.  De  plus ,  s'il  suf- 
fisait, pour  garder  le  nom  d' Ahtal,  d'avoir  reçu  du 
premier  venu  l'épithète  de  bavard  ou  d'insolent,  il 
est  permis  de  penser  que  le  nombre  des  Ahtal  serait 
plus  considérable  dans  l'histoire  de  l'Arabie. 

Nous  ne  pouvons  donc  pas  nous  contenter  de 
cette  méthode  par  trop  facile  d'interprétation.  H 
ne  faut  pas  être  grand  clerc  es  choses  orientales 
ni  avoir  longtemps  pratiqué  les  écrivains  arabes 
pour  savoir  à  quel  point  ils  abusent  de  l'explication 
historique.  Lexicographes,  grammairiens,  scoliastes, 
traditionnalistes ,  tous  y  ont  recours.  Mettez-les  en 
face  d'une  locution  obscure,  d'un  proverbe  dont 


'  v^ill  ioiji.,  I,  458.  Ag.,  VII,  170. 


103  JUILLET-AOOT  1894. 

Torigine  est  inconnue ,  d'un  nom  propre  à  la  forme 
étrange  S  immédiatement  ils  inventent  une  anec- 
dote etf  ce  qui  est  plus  regrettable,  ils  la  font  pré* 
céder  d  autorités  et  de  références  qui  lui  donnent 
un  faux  air  dauthenticité.  Quand  les  critiques 
arabes  sont  arrêtés  par  un  surnom  de  poète,  la 
méthode  employée  est  d'ordinaire  la  suivante  :  ils 
parcourent  les  œuvres  du  mattre  et  y  découvrent 
asses  facilement  un  vers  dans  lequel  apparaît,  sous 
une  forme  ou  sous  une  autre,  le  nom  qu'il  s'agit 
d'interpréter. 

Le  procédé  est  assez  connu  pour  qu'il  soit  inutile 
d'en  donner  ici  des  exemples  ^.  Ne  pouvant  l'appli- 
quer (et  pour  cause)  à  notre  poète,  les  grammairiens 
arabes  se  sont  rabattus  sur  l'explication  historique. 
Nous  venons  de  donner  des  exemples  de  ces  tenta- 
tives. L  anecdote  suivante  repose  sur  une  base  plus 
solide.  Il  y  est  question  de  deux  vers  que  Gîàt  a  bien 
réellement  prononcés  et  elle  explique  d'une  façon 
naturelle  l'origine  de  ses  démêlés  avec  Ka^b ,  fils  de 
(jo'aïl. 


^  Par  exemple  le'nom  d'Ëmmaûs,  j»l>».  Dans  les  premières  an- 
nées de  l'hégire,  cette  localité  fut  désolée  par  une  peste  aflfrease, 
conaue  sous,  le  nom  de  «peste  d'Ëmmaûst;  elle  emporta  plus  de 
2 5,000  musulmans.  Le  docte  Asma'î  dit  gravement  qu^dle  reçut  ce 
nom  parce  qu'elle  fut  générale  (i*)  et  fit  des  ravages  {^^y);  expli- 
cation copiée  avec  empressement  par  les  écrivains  postérieurs.  Gf. 
un  article  sur  £mmaûs  du  P.  Van  Kasteren  S.  J. ,  dans  la  Revoe 
içC^plÙI  Si^jSm .  Beyrouth,  1889,  p.  ^»4- 

*  Par  exemple  l'explication  du  nom  de  Nâbiga.  Cf.  Journal  asia' 
tique,  1868,  II,  206. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  105 

Ce  dernier  musulman ,  quoique  Tagiibite ,  passait 
alors  pour  le  premier  poète  de  sa  tribu.  Partout  il 
était  accueilli  avec  les  plus  grands  honneurs.  On  lui 
dressait  une  tente  séparée  ;  on  formait  avec  des  cordes 
une  espèce  d'enceinte  et  on  la  remplissait  de  bestiaux 
dont  on  lui  faisait  présent.  Or,  un  jour,  il  y  eut  grand 
mouvement  dans  le  campement  occupé  par  la  fa- 
mille d'Ahtal,  les  descendants  de  Mâlik ,  fils  de  ùo- 
sam  ^  :  Ka'b  venait  les  honorer  de  sa  présence.  Pen- 
dant que  dans  la  tente  d'honneur  le  poète  présidait 
au  festin,  les  femmes  faisaient  entendre  de  joyeuses 
acclamations,  auxquelles  se  mêlaient  les  mugisse- 
ments des  bêtes  qu'on  parquait  dans  l'enclos  réservé. 
Le  jeune  Giât,  exclu  du  banquet,  regardait  tout  ce 
mouvement  et  s'efforçait  de  recueillir  l'écho  des 
vers  déclamés  à  l'intérieiu*  de  la  tente.  Tout  à  coup, 
cédant  à  un  mouvement  d'étourderie ,  il  fait  sortir 
les  bestiaux  de  l'enceinte  et  les  chasse  dans  la  plaine. 
'Otba,  le  même  Tagiibite  qui,  d'après  une  version 
citée  plus  haut,  lui  avait  déjà  fait  entendre  des  pa- 
roles fort  dures,  lui  adressa  cette  fois  encore  les  plus 
vifs  reproches  et  s'empressa  de  faire  rentrer  les  bes- 
tiaux. Mais  à  peine  a-t-il  tourné  le  dos  que  Gîât  les 
lâche  une  seconde  fois ,  et  cela  sous  les  yeux  de  Ka^b 
lui-même,  sorti  pour  connaître  la  cause  de  tout  ce 
bruit.  Le  poète  ne  put  dissimuler  son  dépit  :  «  Ce 
garçon  est  un  sot  (Ah ta!)  »,  s'écria-t-il.  Gîât,  en  qui 
le  génie  satirique  paraît  s'être  éveillé  de  bonne  heure  , 

'  Voir  plus  haut  la  généalogie  du  po^te. 


104  JUILLET-AOÛT  1894. 

riposta  par  le  distique  suivant,  où  ii  joue  siu*  ie  nom 
de  son  adversaire  ^  : 

Tu  portes  le  nom  du  moindre  des  os  (du  corps  humain) 
et  ton  père  s'appelait  scarabée. 

Ta  place  dans  Waïl'  est  celle  de  la  teigne  sur  le  croupion 
du  chameau'. 

Ka*b  fut  sensiblement  mortifié  en  entendant  ces 
vers.  «J avais  toujours  cru,  dit-il,  que  je  ne  serais 
vaincu  que  par  un  poète  de  grand  renom.  Quant  à 
ces  deux  vers,  il  y  a  longtemps  que  je  m  attendais  à 
une  attaque  de  ce  genre ,  lorsque  ce  garçon  s'en  est 
emparé*.  »  Gaut,  le  père  d'Ahtal,  s'empressa dofifrir 
des  excuses  à  Ka^b  :  «  Ne  faites  pas  attention,  dit-U, 
aux  paroles  de  mon  fils,  c'est  un  jeune  sot  (ahtal).  » 
Dans  la  suite,  comme  l'adolescent  continuait  à  se  li- 
vrer à  son  goût  pour  la  poésie,  Gaut,  redoutant  pour 
son  fils  une  lutte  trop  inégale,  lui  dit  :  «  Que  signifie 
cette  manie?  Crois-tu  donc  pouvoir  tenir  tête  à  Ka*b?  » 
Et  pour  donner  plus  de  poids  à  ses  admonestations , 
il  alla  jusqu'à  battre  le  jeune  poète. 

Quoi  qu'il  en  soit,  depuis  ce  moment  la  guerre 
éclata  entre  les  deux,  guerre  d'épigrammes  et  de  sa- 
tires, attestée  par  plusieurs  pages  du  Divan*.  «  Voyez, 
dit  un  jour  le  fils  de  Go*aïl  en  désignant  Gîât,  voyez 

^  La  signification  de  i^ou  est  bien  connue;  J^JlaL  est  le  dimi- 
nutif de  JuLaL,  scarabée. 

*  Ancêtre  commun  des  tribus  de  Bakr  et  de  Taglib. 
»  Ag.,VlI,  170. 

*  Ag.,  loco,  cit. 

*  Par  exemple  p.  328;  329,  etc. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  105 

ce. visage  où  brille  le  feu  de  la  fièvre.  »  Âhtal  répondit 
par  une  grosse  injure  à  l'adresse  de  Ka^b  et  de  sa 
mère.  «  Comment  s  appelle  ta  mère  ?  »  demanda  ce 
dernier.  «  Laïlâ  » ,  répondit  le  jeune  homme.  Ce  nom , 
extrêmement  répandu  parmi  les  femmes  de  l'Arabie , 
était  également  celui  de  la  mère  de  Ka^b.  Aussi,  s'em- 
parant  de  cette  coïncidence,  il  s'écria  :  «Je  com- 
prends; tu  veux  couvrir  ta  mère  en  lui  attribuant  le 
nom  de  la  mienne  ^  —  Jamais  !  répliqua  Gîât.  Puisse 
Dieu  refuser  sa  protection  à  celle  qui  t'a  donné  le 
jour  !  »  Et  depuis  lors,  ajoutent  les  chroniqueurs  que 
nous  analysons,  il  garda  le  surnom  d'Ahtal^. 

Nous  venons  de  donner,  principalement  d'après 
le  Kitâb  al'Agânîf  les  anecdotes  accompagnant  l'ex- 
plication traditionnelle  de  ce  nom  d' Ahtal,  destiné 
à  une  si  grande  célébrité.  Peut-être  ce  nom  a-t-il  une 
origine  beaucoup  moins  pittoresque  que  ne  paraissent 
le  soupçonner  le  smohaddit  et  les  râwia,  dont  Ahou  1- 
Farag  nous  a  transmis  les  dires  avec  sa  candeur  ac- 
coutumée. Heureusement  nous  ne  sommes  pas  obli- 
gés de  nous  en  contenter.  «  Ahtal  »  n'a  pas  seulement 
les  significations  signalées  plus  haut  ;  il  se  dit  encore 
de  celui  qui  a  des  oreilles  flasques  et  vacillantes. 
C'est  l'opinion  d'Ibn  Qotaiba ,  de  Damirî  et  d'autres 
écrivains^.  Cette  explication  si  naturelle  deviendra 


^  Cette  réponse  trahit  chez  les  Arabes  une  malheureuse  tendance 
que  nous  aurons  à  stigmatiser  plus  loin.  Sur  la  fréquence  du  nom 
de  Laîlâ,  cf.  Ag. ,  1, 168, 1.  aS. 

«  Ag.,  vil,  170. 

'  Cf.  Divan,  p.  335,  notes  a,  b,  etc. 


106  JUÎLLET-AOOT  1894. 

définitive  le  jour  où  un  texte  permettra  d'attribuer 
à  notre  poète  ce  défaut  corporel  ^  Les  satires  de  (jarîr 
ne  renferment  rien  qui  nous  édifie  à  cet  égard. 

Nous  savons  peu  de  chose  sur  la  jeunesse  de  Gîât. 
De  bonne  heure  il  perdit  sa  mère  Laïlâ,  qui  laimait 
beaucoup  et  s'amusait  parfois  à  le  faire  danser  et 
sauter  sur  ses  genoux.  Elle  l'appelait  «  daubai  »  *, 
terme  de  tendresse  assez  bizarre  pour  nous ,  désignant 
un  àne  petit  de  taille  et  ne  grandissant  pas.  Garîr, 
son  adversaire ,  s'empara  plus  tard  de  ce  surnom ,  au 
grand  déplaisir  d'Ahtal ,  qui  protestait  :  «  De  quel 
droit  ce  maudit  Garîr  m'appelle-t-il  Daubai?  Ma 
mère ,  il  est  vrai ,  m'a  donné  ce  nom  quand  j'étais 
tout  petit,  mais  il  y  a  longtemps  que  je  l'ai  perdu  ^.  » 

Laïlâ  ne  tarda  pas  à  être  remplacée  par  une  ma- 
râtre. Celle-ci  accordait  à  peine  à  Âhtal  la  nourriture 
et  réservait  pour  ses  enfants  ce  qu'il  y  avait  de  meil- 
leur. Elle  l'employait  à  des  soins  pénibles  et  l'envoyait 
garder  les  chèvres  *.  Un  jour,  Gîât  aperçut  chez  sa 
belle-mère  une  outre  pleine  de  lait  et  un  sac  conte- 
nant des  dattes  et  des  raisins  secs.  Pressé  par  la  faim , 
il  s'avisa  d'éloigner  adroitement  cette  femme  et  de 
s'approprier  ces  aliments.  «Mère,  lui  dit-il  de  son 
ton  le  plus  caressant,  tu  sais  combien  de  fois  nos 
voisins  sont  venus  te  visiter  et  ne  cessent  de  te  faire 


*  Ce  texte ,  Ibn  as-Salyid  (cité  par  Salhani ,  Divan ,  p.  335 ,  note  a ) 
prétend  l'avoir  cherché  en  vain. 

*  Mozhir  de  Soyoûtî,  II,  217. 
^  Ag.,  XI,  60. 

*  Ag.,  VII,  179. 


LE  CHANTRE   DES  OMIADES.  107 

toutes  sortes  de  politesses.  Tu  ferais  bien,  si  je  ne 
m'abuse,  daller  les  voir  aujourd'hui,  d'autant  plus 
qu'ils  ont  un  malade.  —  Merci,  mon  enfant,  ré- 
pondit la  belle-mère ,  tu  as  bien  fait  de  me  rappeler 
ce  devoir  de  société.  »  Là-dessus ,  elle  mit  ses  meil- 
leurs habits  et  sortit.  Le  jeune  pâtre  profita  de  son 
absence  pour  boire  le  lait  et  manger  les  fruits.  A  son 
retour,  ne  trouvant  plus  rîen,  elle  comprit  qu'elle 
avait  été  jouée,  et  saisit  un  bâton  pour  châtier  le 
mauvais  plaisant  ;  mais  il  s'enfuit  et ,  en  courant ,  il 
improvisa  ces  deux  vers  : 

Une  peccadille  a  été  commise  par  Gîât  qui  a  pris  le  lait  et 
les  raisins  de  cette  vieille. 

Elle  crie ,  elle  se  désespère ,  elle  me  maudit ,  mais  que  me 
font  ses  malédictions  ? 

Ce  furent,  paraît-il,  les  premiers  vers  qu'il  com- 
posa ^ 

III 

RELIGION  D'AHTAL. 

Tous  les  écrivains  arabes  attestent  qu'Ahtal  ap- 
partenait à  la  religion  chrétienne.  «  C'était ,  dit  l'A- 
gânî  ^,  un  chrétien  de  Hîra ,  fermement  attaché  à  sa 
religion.  »  Nous  en  aurons  des  preuves  nombreuses 
dans  le  cours  de  cette  étude.  Il  avait  la  coutume  de 
porter  ostensiblement  une  croix  sur  la  poitrine ,  ce 

i  Ag.,  vn,  179. 

«  Ag.,  VIT.  i83. 


108  JUILLET-AOÛT  1894. 

qui  1  avait  fait  surnommer  «  porte-croix  »  ^.  Hus  tard , 
quand  la  faveur  du  prince  lui  fut  venue,  il  paraissait 
à  la  cour  des  califes  tête  haute ,  et  fendait  les  rangs 
pressés  des  courtisans  en  étalant  à  leurs  regards  la 
croix  d'or  suspendue  à  son  cou.  Les  habitués  du  pa- 
lais de  Damas  ne  se  distinguaient  pas  en  générai  par 
leur  rigorisme  religieux  2.  Ce  spectacle  pourtant  dut 
plus  d  une»  fois  irriter  leurs  susceptibilités  musul- 
manes. Mais  telle  était  la  faveur  dont  il  jouissait  au- 
près des  princes  de  la  maison  d'Omaïya  quon  ne 
paraît  pas  lavoir  inquiété  à  ce  sujet.  Personne  n au- 
rait même  osé  lui  en  faire  des  représentations  par 
crainte  de  s  exposer  au  ressentiment  de  sa  muse 
mordante. 

n  est  regrettable  que  nous  n'ayons  pour  nous  gui- 
der dans  ce  chapitre  que  les  maigres  renseignements 
laissés  par  les  chroniqueurs  musulmans.  Ils  ne  parient 
qu'à  regret  du  héros  chrétien  et  évitent  surtout  de 
donner  des  détails  sur  sa  religion ,  sujet  qui  leur  est 
souverainement  antipathique.  Le  Divan  du  poète  ne 
nous  offre  pas  non  plus  les  lumières  que  nous  avions 
le  droit  d'en  attendre.  Il  ne  renferme  que  de  loin  en 
loin  des  allusions  à  la  religion  de  l'auteur.  Peut-être 
le  rigorisme  musulman ,  qm  a  fait  subir  plus  d'une 
retouche  aux  œuvres  des  bardes  de  l'âge  d! ignorance, 

^  Cf.  Hizânat  al-adab,  III ,  672  ;  Divan  de  Garir  (ms.  de  U  biblio- 
thèque de  l'Université  Saint-Joseph  de  Beyrouth),  p.  1 10;  Qàmous, 
etc. 

*  Les  musulmans  de  MMine  et  de  la  Mecque  les  traitaient  de 
païens. 


LE  CHANTRE  D£S  OMIADES.  109 

a-t-il  soigneusement  revisé  les  poésies  du  Tag^ibite, 
élagué  les  vers  trop  ouvertement  chrétiens,  et  sup- 
primé les  pièces  contenant  ime  profession  de  foi.  Il 
y  est  pourtant  fait  mention  de  la  croix,  de  Thostie 
et  de  saint  Sergius,  patron  des  Taglibites.  Voici  d'ail- 
leurs le  vers  le  plus  explicitement  chrétien  de  tout 
le  divan  : 

J*en  jure  par  le  Dieu  des  chrétiens ,  celui  qu  ils  invoquent 
le  jour  de  leur  fête ,  par  le  Dieu  des  musulmans ,  réunis  dans 
leurs  mosquées , 

Par  le  Dieu  des  anachorètes ,  du  haut  de  leurs  eniiitages 
contemplant  le  ciel,  libres  des  convoitises  et  des  sollicitudes 
terrestres  '  I 

Plus  loin ^,  répondant  à  *Abdalmalik  qui  lappe- 
lait  à  rislam ,  il  proclama  qu  il  «  continuerait  à  se 
prosterner  au  lever  de  1  aurore  » ,  paroles  dans  les- 
quelles il  est  permis  de  voir  une  allusion  discrète  au 
sacrifice  de  la  messe.  Mais,  en  dépit  du  laconisme 
des  chroniqueurs  musulmans,  le  peu  qu'ils  nous 
disent  suffit  pour  montrer  combien  Ahtal  prenait 
au  sérieux  son  titre  de  chrétien  et  s'efforçait  d'en 
remplir  les  moindres  obligations.  On  le  voyait  fré- 
quemment assister  aux  offices  et  recevoir  les  sacre- 
ments. Son  ennemi  Garîr  ne  manqua  pas  de  le  lui 
reprocher. 

«Jamais,  lui  dit  le  poète  de  Tamîm,  nous  ne 
nous  sommes  inclinés  devant  un  prêtre  pour  rece- 


*  Divan,  71,  i.  5. 

*  Divan,  i54  «  1.  4* 


110  JUILLET-AOÛT  1894. 

voir  ThosUe,  ni  devant  un  monarque  pour  payer 
tribut  ^» 

Gîât  ne  s  en  tint  pas  seulement  aux  pratiques  ex- 
térieures; il  se  montra  toujours  un  fils  dévoué  de 
rÉglise  et  professa  pour  les  ministres  de  sa  religion 
la  soumission  la  plus  entière  et  la  plus  profonde  vé- 
nération. On  lui  apprend  que  Tévêque  passe  dans  le 
voisinage  ^.  «  Allons ,  dit-il  à  sa  femme ,  alors  enceinte , 
va  baiser  le  bord  de  la  robe  de  notre  pasteur;  sa  bé- 
nédiction nous  portera  bonheur.  »  La  fenune  se  hâta 
d'obéir;  mais,  malgré  son  empressement,  quand  elle 
arriva,  Tévêque  était  déjà  parti*. 

Le  rude  enfant  du  désert,  fier  et  intraitable  en 
face  des  conquérants,  devenait  doux  comme  un 
agneau  en  présence  des  ministres  de  sa  religion*  Lui 
qui  traitait  d'égal  avec  les  plus  qualifiés  dentre  les 
disciples  du  Prophète  acceptait  sans  murmurer  les 
reproches  que  les  prêtres  de  sa  tribu  croyaient  devoir 
lui  faire ,  et  les  punitions  parfois  humiliantes  qu'ils 
lui  infligeaient.  Un  musulman ,  nommé  Aboû  ^Abd- 
almalik ,  nous  a  transmis  le  trait  suivant  dont  tt  fut 
témoin  oculaire.  C'était  en  Mésopotamie.  En  dépit 
de  tous  les  avertissements ,  le  poète  s'était  laissé  aller 
à  son  penchant  pour  la  satire  et  avait  déversé  le  rir 
dicule  sur  un  membre  de  sa  tribu.  La  victime  le  dé- 

'  Divan  de  Garir,  128.  Le  terme  ^y^  dont  se  sert  Gartr  est  pea 
exact,  les  Taglibites  n'y  étant  point  astreints. 

*  jCs»o^  il5λ4U  t)^»  ajoute  le  narrateur. 

^  Le  «  mohaddit  »,  ou  Aboû'l-Farag  lui-même,  peu  favorable  à  Ahtal, 
n'ont  pu  résister  à  la  tentation  de  faire  de  l'esprit  à  cet  endroit. 
Cf.  Ag.,  Vn,i83. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  lil 

fera  au  tribunal  du  curé.  Ce  dernier  manda  le  poète , 
lui  reprocha  son  manque  de  charité,  puis,  le  saisis- 
sant par  la  barbe,  il  le  frappa  avec  son  bâton.  Ah|al 
accepta  humblement  la  correction ,  qui  fut  assez  vive 
pour  lui  arracher  des  gémissements  plaintifs  ^  Le 
musulman  avait  vu  la  ville  de  Koûfa  s  émouvoir  à 
l'annonce  de  l'arrivée  du  poète;  il  lavait  vu  comblé 
dlionneurs par  lomiade Bisr,  gouverneur  de  Tlrâq^. 
Aussi  ne  put-il  s  empêcher  de  lui  dii^e  :  «  Les  choses 
ont  bien  changé  depuis  que  tu  as  quitté  Koûfa.  — 
C'est  vrai ,  répondit  Âhtai ,  mais  quand  il  s  agit  de 
religion ,  j entends  m'humilier  et  me  soumettre'.» 
Le  fait  suivant  s  est  passé  à  Damas ,  probablement 
sous  le  règne  de  *Abdalmalik,  c  est-à-dire  à  une 
époque  où  Ahtal  avait  atteint  1  apogée  de  la  gloire. 
Un  jeune  Qoraïchite,  allié  à  la  famille  du  Prophète, 
avait  accompagné  son  père  dans  un  voyage  à  Damas. 
Arrivant  pour  la  première  fois  en  cette  capitale,  il 
en  visitait  les  monuments ,  les  églises  et  les  mosquées. 
Un  jour,  la  curiosité  le  poussa  dans  Téglise  de  Da- 
mas^, quand,    dans  une  des   salles   attenantes  au 

*  Le  texte  porte  :  rr*-^'  *c»*^  ^  'is^^j^i* 

*  Frère  du  Cïdife  ^Abdaimalik  ;  son  nom  reviendra  fréquemment 
dans  la  suite. 

*  Ag.,VII,  179. 

*  Quelle  est  cette  église?  La  cathédrale  (actuellement  la  grande- 
mosquée),  dont  les  chrétiens  possédaient  encore  la  moitié,  a  dû 
toujours  appartenir  aux  orthodoxes  ou  mdcbites.  Or,  Ahtal  était 
probablement  jacobi te.  Damas  ayant  alors  un  évéché  jacobite  [Bibl. 
or.  d'Assemani,  II,  344;  Chronicon  ecclesiasticum  de  Barhebraeus, 
I,  2iG),  cette  secte  a  dû  y  posséder  des  églises  et  parmi  elles  une 
plus  remarquable  appelée  l'Eglite. 


112  JOILLET-AOÛT  1894. 

temple,  il  nest  pas  peu  surpris  d'apercevoir  Âhtai, 
ce  poète  chrétien  qu'il  avait  vu  quelques  jours  au- 
paravant, assis  à  côté  du  calife.  Le  Qoraïchite  s'ar- 
rête en  face  de  lui  et  le  salue  avec  respect.  Ahtal  prie 
le  visiteur  de  se  faire  connaître.  Sachant  à  qui  il  a 
affaire,  il  lui  dit  :  «Jeune  homme,  tu  es  de  nohle 
race,  j'attends  de  toi  ime  faveur.  —  Elle  t'est  ac- 
cordée d'avance,  père  de  Mâlik»,  répondit  l'ado- 
lescent. Ahtal  reprit':  «  Le  curé  m'a  consigné  ici,  va 
le  prier  de  m'accorder  la  liberté.  »  Le  Qoraïchite  y 
alla.  Quand  le  curé  connut  la  qualité  de  son  visiteur, 
il  le  reçut  avec  beaucoup  de  politesse.  «Je  viens, 
lui  dit  ce  dernier,  te  demander  une  faveur.  —  Et 
c'est.  .  .?  —  De  donner  la  liberté  à  Ahtal.  »  Ici  le 
visage  du  prêtre  s'assombrit  :  «De  grâce,  s'écria- 
t-il,  n'intercédez  pas  pour  cet  homme,  il  ne  mérite 
aucunement  l'intérêt  que  vous  lui  témoignez.  C'est 
un  scélérat  qui  ne  respecte  rien  et  attaque  l'honneur 
de  tout  le  monde  par  ses  satires.  »  Mais  le  noble 
Arabe  insista  tellement  qu'à  la  fin  le  prêtre  se  leva , 
prit  son  bâton  et  se  rendit  à  l'église.  Arrivé  tout  près 
d' Ahtal ,  il  leva  sur  lui  sa  canne  et  l'apostropha  ainsi  : 
«  Ennemi  de  Dieu  !  diras-tu  encore  des  injures  à  ton 
prochain  ?  Poursuivras-tu  encore  les  femmes  de  tes 
satires?  —  Je  ne  le  ferai  plus,  répondit  Ahtal,  je 
ne  recommencerai  plus  »;  et  ce  disant,  il  baisait  les 
chaussures  du  prêtre ^  Quand  ils  lurent  sortis,  le 

^  Au  lieu  de  <^*xiêwt  du  texte  imprimé,  G.  de  Percevai  a  dû 


lire  (^«x^Lwi  avec  un      (hâ).  Aucun  dictionnaire,  à  notre  connais- 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  113 

musulman  lui  dit  :  «  Père  de  Mâlik ,  tout  le  monde 
t'estime,  le  calife  te  comble  de  faveurs,  tu  occupes 
à  la  cour  une  position  élevée,  et  tu  fhumilies  devant 
ce  prêtre  jusqu'à  lui  baiser  les  pieds  ?  —  C'est  la  re- 
ligion, répondit  Âhtal ,  c'est  la  religion  !  ^  » 

Cette  humble  soumission  du  grand  poète  était 
d'autant  plus  louable  que  ses  coreligionnaires  lui 
offraient  parfois  des  exemples  bien  différents.  L'in 
gérence  de  l'élément  laïque  dans  le  gouvernement 
spirituel  des  communautés  chrétiennes  a  toujours 
été  une  des  principales  plaies  de  l'Église  orientale. 
Dès  le  temps  d' Ahtal ,  il  ne  manquait  pas  de  chré- 
tiens, influents  à  la  cour,  qui  prétendaient  dicter  la 
loi  aux  patriarches  et  aux  évêques ,  diriger  l'élection 
des  premiers  pasteurs ,  et  leur  arracher  des  conces- 
sions peu  conformes  à  l'esprit  des  canons  ecclésias- 
tiques^. De  ce  nombre  était  le  propre  médecin  du 
calife  *Abdalmalik,  un  N'estorien,  nommé  Sarhoûn. 
N'ayant  pu  arracher  une  certaine  faveur  à  son  pa- 
triarche, il  obtint  contre  lui,  du  calife,  un  décret  de 
destitution  et  de  bannissement ,  condamnant  le  pré- 
lat à  être  relégué  dans  un  couvent  jusqu'à  la  fin  de 
ses  jours  ^. 

Ces  exemples  ne  paraissent  pas  avoir  exercé  d'in- 
fluence sur  Ahtal.  Soumis  aux  plus  humbles  repré- 


sance,  ne  signale  cette  signiiication  de  ^^  j^^wt .  Nous  avons  suivi 
Il  traduction  de  l'illustre  orientaliste  français. 

'  Ag.,  VU,  i8j. 

^  Assemani,  BibL  or.,  IV,  97. 

•^  Ibid,t  100. 

IV.  8 


114  JOILLëT-AOOT  1804. 

sentants  de  la  religion  chrétienne,  en  face  des  mu- 
sulmans il  affirmait  hautement  sa  foi.  Se  trouvant  à 
Koûfa,  il  traversa  le  quartier  des  Banoû  Rowàs^,  au 
moment  où ,  du  haut  du  minaret ,  le  muenin  annon^ 
çait  la  prière.  Gomme  il  passait  devant  la  mosquée, 
de  jeunes  musulmans  lui  dirent  par  manière  de 
plaisanterie  :  «  Voyons,  père  de  Mâlik^,  n'entreras-tu 
pas  pour  prier  avec  nous?  »  Le  Taglibite  n'entendait 
pas  la  plaisanterie ,  quand  il  s'agissait  de  religion  ;  il 
répondit  par  ce  vers  énergique  î 

Je  prie  la  où  me  surprend  Theare  de  la  prière  ;  la  vérité 
ne  réside  pas  chez  les  Banoû  Rowàs  '. 

L*omiade  Hitôm  l'entendit  un  jour  réciter  ce  vers  : 

Si  ta  veux  faire  des  provisions  (pour  Tautre  vie),  tu  n'en 
trouveras  pas  de  meiQeures  qae  les  bonnes  œuvres. 

«  Holà!  père  de  MMik,  cria  le  prince,  ce  vers  sent 
l'islam  l  •—  Prince ,  répondit  Ahtal ,  je  n'ai  jamais  cessé 
d'être  musulman^  dans  ma  religion^.  » 

Certains  passages  du  Divan  pourraient  faire  croire 
queÂhtal  s'est  mis  à  l'aise  avec  la  morale  évangélique^. 


'  J'ai  vainement  cherdié  des  renseignements  sur  ks  Banoâ  Ro- 
wàs. 

«  Ag.,  VII,  i84. 

^  Cf.  Divan,  i58,  1.  ii. 

*  n  joue  sur  ia  signification  étymolf^ique  de  l'arabe  motUm. 

«^  Ag.,  VU,  i83. 

^  C'est  ia  pensée  du  savant  D'  Th.  Nôldeke  dans  son  intéressant 
compte  rendu  du  Divan  de  Ahtal  para  dans  ia  Wwmt  Z^itatknjif, 
d*  Krmde  d,  Morgenlandes ,  mai  1891. 


LE  GHÂNTRK  I>ES  OMIADËS.  U6 

Les  yepg  de  la  page  4  3  surtout  sonnent  d*une  ma* 
nière  assez  étrange  dans  une  bouche  chrétienne.  £n 
les  prenant  à  la  lettre ,  on  serait  tenté  de  oondure 
que  le  chantre  mésopotamien  a  pratiqué  le  christia*^ 
nisme  à  la  façon  de  son  brillant  et  romanesque  pré* 
curseur  de  Kinda,  le  prince  poète  Imroûlqaïs^ 
Mais  o*est  ici  surtout  le  lieu  de  se  rappeler  qu  à  ré- 
poque  des  Omiades ,  le  «  naàlb  »  avait  déjà. beaucoup 
perdu  de  sa  signification  primitive.  Dès  lors  ii  sa 
transformait  insensiblement  en  procédé  littéraire  ou 
lieu  commun  poétique.  Amoureux  ou  non ,  le  poète 
arabe  n  était  pas  libre  de  priver  sa  qasida  d'un  or^ 
nement  qui  occupe  dans  les  vieux  modèles  une 
place  si  considérable.  Si  la  conduite  du  Taglibite 
avait  été  légère ,  nous  en  aurions  eu  Tun  ou  lautre 
écho  dans  la  chronique  du  désert.  Or  on  ne  trouve 
pas  la  moindre  petite  anecdote  scandaleuse  sur  le 
compte  d'Ah^al  dans  le  «  Livre  des  Chansons  »,  où  il 
y  en  a  tant.  Et  pourtant  on  ne  peut  pas  soupçonner 
Aboù'i-Parag  de  partialité  pour  le  héros  chrétien. 

Ahtai  resta  donc  fidèlement  attaché  à  sa  foi.  Ce 
ne  fut  pas  néanmoins  sans  luttes.  Celles-ci  se  sont 
peut-être  renouvelées  plus  fréquemment  que  les 
écrivains  musulmans  n*ont  jugé  à  propos  de  nous 

^  Comme  on  a  révoqué  en  doute  la  réalité  du  christianisme  d'Im- 
roû'lqafg,  voiei  un  \en  de  Doàr  EomniA  on  09  peut  plii«  nipUeite 
sur  ce  point  : 

^  ^;Ui  jU  ffi  J-?    j^ia-^^i  ^y^\  jLi  Oû, 

Manuscrit  de  l'Univers.  S.  Joseph  da  Beyimutli,  p.  57.) 

8. 


116  JUILLET-AOÛT  1894. 

le  dire.  *Abdalmalik ,  en  véritable  Omiade,  avait  en 
matière  de  religion  des  idées  très  avancées.  Au  fond 
la  doctrine  du  Coran  le  laissait  indifférent.  Cepen- 
dant, soit  caprice  de  despote  \  soit  pour  éviter  les 
reproches  des  musulmans  pieux,  qui  ne  lui  pardon- 
naient pas  son  intimité  avec  un  chrétien ,  ce  calife 
libéral  essaya  plus  d  une  fois  ^  d'attirer  son  favori  à 
fislam.  Un  jour  que  celui-ci  venait  de  lui  réciter  un 
brillant  panégyrique  :  «  Pourquoi,  lui  dit  le  prince, 
ne  te  fais-tu  pas  musulman  ?  - —  J'accepte ,  répon- 
dit le  poète  en  riant,  si  Ton  m'accorde  l'usage  du  vin 
et  la  dispense  du  Ramadan.  »  ^Âbdalmalik,  dont  la 
proposition  avait  été  très  sérieuse,  prit  mal  la  plai- 
santerie. «Sache-le  bien,  répliqua-t-il,  une  fois  mu- 
sulman ,  si  tu  négligeais  une  seule  des  obligations  de 
Tislam,  je  te  ferais  trancher  la  tête!  »  —  Sans  se 
laisser  déconcerter,  Ahtal  répondit  par  ces  vers  : 

Non  I  jamais  je  n'observerai  le  jeûne  du  Ramadan ,  ni  ne 
mangerai  la  chair  des  victimes. 

Jamais  je  ne  pousserai  vers  la  vallée  de  la  Mecque  au  temps 
du  pèlerinage  une  jeune  et  robuste  chamelle. 

Jamais  je  n*irai  crier  comme  un  âne  :  Allons  I  à  la  prière  !  '. 

Mais  je  continuerai  à  boire  la  bienfaisante  liqueur  et  me 
prosternerai  au  lever  de  Taurore  *. 

«Mais,  demanda  le  prince,  quel  attrait  a  donc 


^  Mas'oûdî  (V,  210)  assure  qu'il  était  enclin  à  verser  le  sang. 

*  On  verra  plus  loin  de  nouvelles  tentatives. 

^  Ahtal  reproduit  ici  une  partie  de  l'appel  du  muezzin. 

*  Divan,  i56,  i54;  Ahsîhî,  I«  97;  Hizânat  ,1,  321;  Ibn  Has'iq 
(ms.  de  rUn.  S.  Jos.  Beyr.],  p.  29. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  117 

pour  toi  cette  maudite  boisson?  —  Sire,  répondit 
Ahtal,  quand  j'en  ai  bu,  je  ne  me  soucie  pas  plus 
de  ta  personne  que  des  courroies  de  ma  sandale. 
—  Improvise  des  vers  sur  cette  pensée ,  dit  le  calife 
décidément  de  mauvaise  humeur,  ou  je  te  ferai  sau- 
ter la  tête  des  épaules  !  »  Le  poète  dut  s'exécuter  ; 
heureusement  sur  cette  matière  il  n'était  jamais  pris 
au  dépourvu  : 

Si  mon  commensal  me  fait  à  deux  reprises  vider  trois 
coupes  dun  vin  généreux, 

Je  me  lève,  traînant  les  pans  de  ma  robe,  comme  si  j'étais 
ton  maître,  ô  maitre  des  croyants  \ 

On  a  relevé  dans  les  œuvres  d'Ahtal  certaines  ex- 
pressions  s'accordant  mal  avec  ce  que  nous  venons 
de  dire  de  la  rigueur  de  ses  convictions  chrétiennes^. 
Deux  vers  surtout  ont  été  incriminés.  Le  premier 
est  peu  embarrassant.  Partisan  dévoué  des  souverains 
omiades,  le  barde  de  Taglib  proclame  qu'à  la  ba- 
taille de  Siffîn  le  ciel  est  intervenu  pour  faire  triom- 
pher la  justice  de  leur  cause  : 

Le  jour  de  Siflin ,  quand  leurs  regards  le  suppliaient ,  Dieu 
les  exauça  en  leur  envoyant  des  secours  ^. 

Le  second  vers  est  plus  difficile  à  expliquer;  il  ne 


^  Divan,  i54t  ^*  S* 

*  Cf.  le   second  compte-rendu  consacré  par  M.  Th.  Nôldeke  à 
l'édition  du  P.  Salhani  dans  la  Wiener  Zeitschrijï, 
^  Divan,  174. 


118  JDILLET-AOÛT  1894. 

serait  pas  déplacé  dans  la  bouche  dun  bon  musul- 
man. Le  poète  y  interpelle  les  Banoû  Âsad  : 

Vos  épaules,  dit-ii,  n*ont  pas  reçu  Tempreinte  du  sceau 
prophétique  et  les  chaires  (des  mosquées)  repoussent  vos 
encombrantes  personnes*. 

La  signification  de  ce  vers  nous  parait  singuliè- 
rement diminuée  par  le  fait  qu'il  n'est  peut-être  pas 
la  propriété  de  notre  poète.  H  a  dû  être  composé, 
au  moins  en  partie ,  par  un  de  ses  contemporains ,  le 
célèbre  Oqaï^ir^.  Gomme  il  avait  eu  en  son  temps 
un  vif  succès ,  Ahtal  se  sera  emparé  d'un  trait  de  sa- 
tire bien  connu  et  l'aura  retourné  contre  les  Asadites. 
Au  surplus,  ces  expressions  et  d'autres  semblables 
donneraient  le  droit  de  conclure ,  non  pas  que  la  foi 
du  chrétien  ait  eu  des  moments  de  défaillance,  mais 
qu'il  n'a  pas  toujours  su  se  défendre  d'emprunter  les 
expressions  du  milieu  dans  lequel  il  vivait. 

S'il  nous  a  été  facile  de  montrer  que  Ahtal  fut 
non  pas  un  chrétien  de  cour,  mais  qu'il  resta  «  fer- 
mement attaché  à  la  religion  de  ses  ancêtres  »,  comme 
s'exprime  rAgânî  ^,  il  est  moins  aisé  de  déterminer  à 
quelle  fraction  de  la  grande  famille  chrétienne  il  a 


^  Divan  3i6,  i.  lo.  A  ia  page  2  43,  7,  il  y  a  un  autre  vers  assez 

étrange  au  point  de  vue  chrétien. Avouons  cependant  que  la 

fréquentation  des  S^l^  donne  lieu  de  suspecter  sa  conduite.  Dès 
lors ,  déjà  ces  endroits  étaient  habituellement  des  lupanars.  Cf.  Ag. , 
patèim. 

'  Cf.  Ag.,  X,  94. 

3  Cf.  Ag.,  VII,  i83. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  119 

appartenu.  Au  tu*  siècle  de  J.-C,  outre  la  religion 
catholique,  encore  appelée  orthodoxe  et  melchite  ^ 
deux  sectes  importantes,  les  jacobites  et  les  nesto- 
riens ,  se  partageaient  les  chrétiens  de  TOrient.  U  s'agit 
de  préciser  et  de  montrer  laqudle  de  ces  commu- 
nautés peut  réclamer  le  poète  de  Tag^. 

Apres  les  conciles  d'bphèse  (43 1)  et  de  Ghsd- 
cédoine  (45 1),  les  nestoriens,  proscrits  par  les  em- 
pereurs byzantins,  repoussés  par  les  catholiques, 
anathématisés  par  les  monophysites  ou  jacobites, 
tournèrent  toute  leur  activité  vers  TÂsie  orientale. 
S'ils  ne  parvinrent  jamais  à  faire  des  établissements 
considérables  sur  la  rive  syrienne  de  TEuphrate,  en 
revanche,  au  bout  dun  demi-siècle,  ils  eurent  amené 
à  leur  communion  presque  toutes  les  contrées  si- 
tuées au  delà  de  ce  fleuve.  La  Basse-Mésopotamie , 
la  Chaldée,  Tancien  royaume  de  Hîra,  TÂrabie, 
furent  les  premiers  pays  envahis  par  le  flot  montant 
du  nestorianisme;  de  là,  il  couvrit  la  Perse,  Tlnde 
et  jusqu'à  la  Chine  et  la  Tartarie,  Quand  Ahtal  na- 
quit, le  catholicos  nestorien  de  Gtésiphon  avait  sous 
lui  près  de  aoo  évêques,  dont  ao  métropolitains. 
La  conquête  nestorienne  fut-elle  complète,  ou  faut- 
il  admettre  Texistence  de  quelques  centres  d'ortho- 
doxie au  milieu  de  ces  contrées  désormais  acquises 


*  Ces  termes  ne  sont  plus  synonymes  ;  melchite  désigne  les  chré- 
tiens de  rite  grec  en  communion  avec  Rome,  orthodoxe  les  Grecs 
non  unis.  Ponr  le  mot  melchite,  cf.  nos  Remartf  uei  sur  let  mots  fran- 
çais dérivés  de  l'arabe,  p.  163 ,  et  notre  brochure  i  Le  rôle  des  lan^s 
orientales  dans  l'étymologie  contemporaine,  p.  28, 


120  JUILLET  AOÛT  1894. 

à  l'hérésie?  Rien  n'autorise  cette  dernière  supposi- 
tion. «Si  quelques  parties  plus  saines  résistèrent 
dans  le  principe  aux  envahissements  du  schisme  et 
de  l'hérésie,  leur  résistance  ne  dut  pas  être  de  longue 
durée  et  elles  ne  paraissent  pas  avoir  triomphé  long- 
temps des  conséquences  de  l'isolement,  toujours  et 
partout  si  funestes,  mais  surtout  en  religion  ^.  » 

Quant  aux  Arabes  chrétiens,  ils  étaient  irrémé- 
diablement perdus  pour  l'orthodoxie.  La  conquête 
musulmane  aggrava  encore  cette  situation  et  elle  fut 
accueillie  avec  bonheur  par  les  nestoriens  et  les  ja- 
cobites,  fatigués  de  la  domination  tracassière  de 
Byzance^..  En  retour,  les  nouveaux  maîtres  leur  ac- 
cordèrent certains  privilèges  dont  les  nestoriens  bé- 
néficièrent surtout.  S'il  faut  en  croire  le  hachémite 
^Abdallah  fils  d'Isma^il  dans  sa  fameuse  lettre  à^Abd- 
almasih  le  Kindite^,  les  prédilections  des  disciples 
du  Prophète  pour  les  sectateurs  de  Nestorius  seraient 
encore  plus  anciennes.  «Parmi  tous  les  chrétiens, 
dit-il,  ils  sont  les  plus  sympathiques  aux  musulmans 
et  s'en  rapprochent  le  plus  par  leurs  croyances.  Le 
Prophète  les  a  loués  et  s'est  lié  envers  eux  par  des 
engagements  solennels.  Il  a  voulu  reconnaître  de  la 
sorte  l'assistance  que  les  religieux  nestoriens  lui 
avaient  prêtée  en  prédisant  la  haute  mission  à  la- 
quelle il  était  appelé.  Aussi  Mahomet  leur  portait-il 

^  La  Chaldée,  par  l'abbé  P.  Martin. 

*  Voir  à  cet  égard  un  texte  significatif  dans  Barhebrasus ,  Chro- 
nicon  ecclesiasticum ,  éd.  Abbeloos  et  Lamy,  I,  17^. 
^  Première  édition ,  Londres,  1880,  p.  6. 


L£  CHANTRE  DES  OMIADES.  121 

raffection  la  plus  sincère  et  aimait-il  à  s'entretenir 
avec  eux,  » 

Tout  cela  nous  fait  suffisamment  entrevoir  l'ex- 
tension et  les  succès  du  nestorianisme  en  Arabie. 
On  ne  peut  donc  pas  prendre  au  pied  de  la  lettre 
Taffirmation  de  Barhebraeus,  assurant  que  tous  les 
chrétiens  arabes  étaient  jacobites  K 

Il  nous  reste  à  voir  si  les  Taglibites  sont  parvenus 
à  se  soustraire  aux  ardeurs  du  prosélytisme  nestorien , 
allant  à  cette  époque  même  chercher  des  adeptes 
jusque  dans  les  steppes  glacées  du  nord  de  la  Chine. 
Le  territoire  de  la  tribu  de  Taglib  n'était  pas  loin 
de  Ctésiphon,  siège  du  cathoUcos.  Tout  près  de  là, 
les  contrées  de  Mossoul  et  de  Takrît  renfermaient, 
comme  de  nos  jours,  de  nombreuses  communautés 
nestoriennes.  A  différentes  époques ,  les  Banoû  Taglib 
ont  plus  ou  moins  gravité  dans  l'orbite  de  la  Perse '^. 
Or  les  souverains  de  ce  pays ,  dans  un  but  politique 
facile  à  comprendre,  favorisaient  le  nestorianisme 
dans  leur  empire,  afin  de  détacher  complètement 
leurs  sujets  chrétiens  de  leurs  coreligionnaires  d'Oc- 
cident^. 

»  JJoJt  ytaxài  gjb  (éd.  Salhani),  p.  i48. 

>  Cf.  Ag.,  Xm,  178,  etc. 

^  En  616,  quelques  années  avant  la  naissance  d'Ahtal,  le  roi  de 
Perse  détruit  les  églises  des  orthodoxes  en  ses  États,  et  les  oblige 
à  professer  le  nestorianisme,  uniquement  pour  indisposer  la  cour 
de  Byiance  (cf.  Théophane,  Chronographie ;  Migne,  Pair,  grœc, 
t.  CVfll,  p.  654).  Après  la  prise  d'Édesse,  il  imposa  à  la  ville  un 
évéque  nestorien  (Barhebraeus,  Chronicon  ecclesiasticnm,  I,  2  64; 
III,  66;  Rubens  Duval,  Histoire  d'Édesse,  dans  le  Journ.  asiat., 
1891,  I,  435). 


122  JUILLET-AOÛT  1894. 

Le  «  Livre  des  Chansons  ^  »  assure  de  son  côté 
que  Ahtd  était  un  chrétien  de  Hîra.  Or,  bien  avant 
ie  VII*  siècle,  les  chrétiens  de  Hira,  les  ^Ibadites  du 
moins^,  professaient  le  nestorianisme.  Un  texte  de 
Mas^oûdi  ne  laisse  aucun  doute  à  cet  égard  ^. 

On  le  voit,  le  nestorianisme  d*Ahtal  a  pour  lui 
d  assez  sérieuses  probabilités.  Nous  ne  croyons  pas 
cependant  pouvoir  adopter  cette  opinion. 

L'affirmation  très  catégorique  de  BarhebraBUB 
prouve  du  moins,  selon  nous,  qu'une  bonne  partie 
des  Arabes,  ceux  de  Mésopotamie  surtout ,  les  mieux 
connus  de  Técrivain  monophysite,  étaient  jacobites. 
Ce  n*est  que  depuis  Tislam ,  et  grâce  à  la  faveur  des 
princes  musulmans,  que  Thérésie  nestorienne  par^ 
vint  à  faire  des  adeptes  en  ces  provinces.  La  partie 
moyenne  du  «  Gazira  »,  où  campaient  les  Taglibites, 
était  particulièrement  un  centre  actif  de  jacobitisme. 
On  peut  ajouter  que  de  tous  côtés  ils  touchaient 
«^  des  pays  dont  le  monophysitisme  n  est  pas  douteux* 
Tels  étaient  Edesse  et  la  province  environnante.  Tels 
les  Tonoûhites  établis  sur  le  territoire  d'Atra^  en 
plein  pays  taglibite,  tels  encore  les  Banoû  Ta^laba, 
voisins  méridionaux  de  Taglib  ^. 

Depuis  la  mort  de  Jacques  Baradée,  la  Mésopo- 


»  vn,  170. 

*  Cf.  c^^t  (s^^  3^«  pu*  le  P*  Cheikho,  p.  607. 
^  Prairies  d'or.  II,  838,  éd.  B.  de  Meynard» 

*  G.  de  Perceval,  Essai,  II,  43.  —  Atra,  chez  les  Armbes  yàil, 
plus  d'une  fois  mentionné  par  Ahtal. 

*  BihL  or.,  rV,  607. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  123 

tamie  romaine  avait  été  définitivement  gagnée  au 
parti  jacobite ,  qui  de  là  étendit  ses  conquêtes  vers 
le  sud.  Il  était  répandu  è  Gireesium,  à  Gaiiinique 
(Âr-Raqqa) ,  à  Rhœsina  ^,  à  Ghaboras,  iocfdité  située 
sur  le  fleuve  de  ce  nom.  Toutes  ces  villes  avaient 
des  évéchés  jacobites ,  ainsi  que  Âmid ,  Hîra  et  Koûfa  ^. 
A  f ouest  du  pays  de  Taglib,  les  Gassanites  étaient 
également  infectés  de  Thérésie  eutychienne  ^  et  Damas 
comptait  une  communauté  de  cette  secte ,  gouvernée 
par  im  évêque*. 

Mais  nous  avons  heureusement  des  données  posi- 
tives, indiquant  clairement  à  quelle  secte  apparte- 
naient les  Banoû  Taglib.  Dans  sa  «  Ghronique  ecclé- 
siastique^», Barhebraeus  les  signale  formellement 
comme  relevant  delà  juridiction  de  son  église.  Nous 
parlons  des  Taglibites  habitant  la  moyenne  Mésopo- 
tamie, qui  seide  nous  intéresse,  comme  ayant  été 
la  résidence  habituelle  d'Ahtal.  Quant  aux  fractions 
de  la  tribu  fixées  en  Iraq  ou  au  delà  du  Tigre ,  elles 
ont  pu  se  laisser  plus  ou  moins  envahir  par  le  nes- 
torianisme.  Au  témoignage  de  Barhebraeus  s'ajoute 
celui  du  nestorien  *Amr,  fils  de  Mattâ;  parmi  les 
sièges  épiscopaux  des  monophysites ,  cet  écrivain 


*  Encore  nommée  Rkasina  civitas  (^^<js.  o«l^)et  Theodosiopolis. 
Cf.  Bihl.  or.,  n,  327;  Oriens  Ckristianns  de  Lequien,  l[,  970,  78, 
sqq. 

»  Bibl.  or.,  II,  344. 
»  Bibl,  or,,  TV,  606. 

*  Bibl  or.,  U,  33i;  344. 
^  Pars  I,  296;  in,  124. 


124  JUILLET-AOÛT  1894. 

nomme  *Ana  sur  TEuphrate,  évêché  dont  «  relevaient 
les  Taglibites  nomades  ^  », 

^  Mais  nestorien  ou  jacobite,  Ahtal  ne  fut  jamais 
un  sectaire.  Il  y  avait  à  Damas,  nous  venons  de  le 
voir,  une  communauté  jacobite.  Cependant,  lorsque 

,  le  poète  arrivait  en  cette  ville ,  il  allait  fréquemment 
réclamer  l'hospitalité  de  l'illustre  maison  des  Man- 
soûr^,  dont  le  chef  Sergius,  connu  des  Arabes  sous 
le  nom  d'Ibn  Sarhoûn  ou  Sargoûn,  remplissait  de- 
puis de  longues  années  auprès  des  califes  omiades 
fimportante  fonction  de  secrétaire  d'Etat^.  Dans  cette 
famille ,  si  connue  par  son  attachement  à  la  foi  ortho- 
doxe, grandissait  alors  un  jeune  fils  de  Sergius,  ap- 
pelé Jean.  Ahtal  s'entretint  sans  doute  plus  d'une 
fois  avec  cet  adolescent,  qui  devait  plus  tard  dans 
de  savants  écrits  réfuter  Nestorius  et  Eutychès,  et 
illustrer  à  jamais  le  nom  de  Damascène. 

Un  jour  que  Ahtal  se  présentait  à  l'audience  de 
^Abdalmalik,  le  prince  lui  demanda  où  il  logeait  : 
«  Chez  Ibn  Sarhoûn ,  répondit  le  poète.  —  Ah  !  s'écria 
^\bdalmalik,  tu  connais  les  bons  endroits;  et  que  te 

>  JJL  (^IC*  lJJi3  fy  So\a  ^UII  bt^t]^ .  Le  P.  L.  Gheikho  a  eu 

l'obligeance  de  me  copier  sur  le  manuscrit  du  Vatican  le  passage 
dont  j'extrais  cette  incise.  Cf.  Bïbl,  or.,  IV,  607. 

^  Voir,  pour  plus  de  détails,  lés  notes  des  pages  346  et  3^7  du 
Divan. 

^  Les  écrivains  arabes  l'appellent  :  secrétaire  des  califes ,  chef  de 
l'administration ,  préposé  au  divan  des  impots  et  à  ceLvà  de  l'armée 
(Tabarî,  II,  2o5,  1.  10;  837,  1.  11).  Théophane  l'appdle  uytpt- 
xès  XoyoOirnt  xcù  Xiav  ^xeic&fievos  t^  aUr^if  À^ijEiifAé;^»  (lisez  *Abdal- 
mdik). 


L£  CHANTRE  DES  OMIADËS.  125 

fais-tu  servir?  —  Du  pain  de  semoule,  comme 
celui  que  vous  mangez;  les  viandes  les  plus  délicates 
et  du  vin  de  Baït  Ras  ^  —  Ne  te  souviens-tu  pas,  re- 
prit en  souriant  ^Âbdalmalik,  combien  de  foLs  je  me 
suis  fâché  contre  toi  à  cause  de  ta  passion  pour  cette 
liqueur?  Fais-toi  musulman,  je  te  comblerai  de 
biens  et  te  ferai  compter  sur  Theure  10,000  dir- 
hems^. —  Mais  comment  me  passerai- je  de  vin? 
demanda  Ahtal.  —  Hé!  quel  charme,  dit  le  calife, 
peut  donc  t  oflfrir  cette  boisson ,  qui  n  a  d'abord  qu'im 
goût  amer  et  qui,  ensuite,  plonge  dans  Tivresse?  — 
Quoi  que  vous  en  puissiez  dire,  répliqua  Ahtal,  il 
existe  entre  ces  deux  extrêmes  un  point  de  jouis- 
sance ,  en  comparaison  duquel  tout  votre  empire  n  a 
pas  plus  de  prix ,  à  mes  yeux ,  qu  une  gorgée  d*eau  de 
FEuphrate.  » 

Cette  saillie  inattendue  dérida  le  calife  qui ,  chan- 
geant de  conversation,  dit  au  poète  :  «  N'iras-tu  pas 
saluer  Haggâg?  il  vient  de  m'écrire  pour  réclamer 
ta  visite.  »  Ahtal  tenait  peu  à  faire  la  connaissance 
du  farouche  gouverneur  de  l'Iraq,  auprès  duquel 
son  rival  Garîr  était  tout-puissant.  Aussi  demanda- 
t-il  au  calife  si  c'était  un  ordre  ou  une  simple  invi- 
tation. —  «C'estun  désir  que  j'exprime,  répondit 


^  Cf.  Divan  de  Nâbiga,  XXVI,  v.  9;  Divan  d' Ahtal,  207,  i.  19. 

*  Don  considérable  pour  un  prince  avare  comme  'Abdalmalik 
(Mas'oûdî,  V,  110;  Ag.,  XV,  i58;  Tarîh  al-hamis,  II,  307).  Le 
grand  Mo'âwia  avait  coutume  de  dire  :  «  Un  Omiade  qui  ne  soigne 
pas  ses  finances  ne  ressemble  pas  à  ses  ancêtres»  [Tabarî,  t.  U, 
p.  208,  1.  5). 


1S6  JUILLET-AOÛT  1894. 

^Abdsdmalik.  -— *  En  ce  cas,  dit  le  poète ,  Votre  Majesté 
me  permettra  de  préférer  le  séjour  de  Damas  à  ce- 
lui de  Koûfa,  et  le  moindre  des  dons  de  Témir  des 
croyants  aux  plus  beaux  présents  de  Ha^gâg.  Je  me 
trouve  entre  vous  deux ,  comme  Thomme  dont  parie 
le  poète  : 

«  Qui  achète  un  âne  et  le  préfère  comme  monture 
à  un  vieux  cheval.  » 

Le  prince  fut  si  content  de  cette  réplique  qu'il 
lui  fit  compter  10,000  dirhems  et  l'engagea  à  faire 
le  panégyrique  de  son  lieutenant.  Le  poète  s'exé- 
cuta ;  il  composa  une  qasida  qui  est  loin  de  compter 
parmi  ses  meilleures,  et  il  l'envoya  en  Iraq  par 
l'entremise  de  son  fils  ^ 

Le  calife  ^Ali ,  gendre  et  cousin  du  Prophète ,  avait 
coutume  de  dire  :  «  Les  Taglib  ne  sont  pas  chré? 
tiens;  ils  n'ont  emprunté  au  christianisme  que  la 
coutume  de  boire  du  vin.  »  Quoi  qu'il  en  soit  de  cette 
parole,  évidemment  exagérée,  Ahtai,  comme  le  iao- 
teur  a  pu  s'en  apercevoir,  ne  démentait  pas  sous  ce 
rapport  son  origine  tag^ibite.  Il  ne  faisait  d'ailleurs 
que  continuer  les  traditions  des  vieux  poètes  Bé* 
douins,  qui  tous,  à  en  juger  d'après  leurs  poésies, 
étaient  d'intrépides  buveurs^.  Gomme  ce  héros  du 
désert  dont  parle  la  mo^allaqa  de  *Antar,  qui  «  faisait, 
en  buvant ,  tomber  les  drapeaux  des  marchands  de 

VAg.,vn,  174. 

*  Dans  ses  Prolégomènes,  Ibn  HaidoÀn  a  cru  devoir  affirmer  le 
contraire.  H  n'y  a  pourtant  qu'à  ouvrir  l'Agânî ,  et  les  poètes  «iit^ 
islamiques,  par  exemple  Nàbiga,  XXVI,  9?  XKXI,  7,  etc.?  Imroàl- 
qaïs,  XVII,  5,  etc. 


L£  CHANTRE   DES  OMIADËS.  Ii7 

vin^»,  ou  comme  Tarafa,  qui  accueillait  ses  hôtes 
avec  ces  vers  :  «  Dès  le  matin ,  quand  tu  te  présenteras 
ches  moi»  je  toffiîrai  une  coupe  pleine  de  vin,  et 
aurais*ta  déjà  savouré  cette  liqueur  à  longs  traits, 
ta  recommenceras  avec  moi.  » 

Garîr  ne  pouvait  manquer  de  reprocher  à  Abtai 
sa  passion  pour  le  vin.  Celui-ci  n'eut  garde  de  nier. 
Gomme  Tami  de  Mécène,  il  attribuait  au  vin  une 
grande  vertu  inspiratrice;  il  plaignait  bien  sincère- 
ment  ceux  de  ses  confrères  musulmans  qui  croyaient 
devoir  s'en  priver  et  il  leur  conseillait  à  Toccasion 
d'avoir  recours  à  ce  moyen  pour  donner  plus  d'éclat 
à  leurs  compositions. 

Motawakkil  était  un  poète  modarite,  originaire 
de  Koûfa.  Il  avait  paru  non  sans  éclat  à  la  cour  de 
MoWia  et  de  Yadd ,  qui  avaient  apprécié  son  talent. 
Fier  des  palmes  cueillies  dans  la  cité  des  califes, 
dès  qu'il  apprit  la  présence  de  Ah^al  à  Roûfa ,  il  brûla 
de  se  mesurer  avec  ce  rival.  «  Allons  I  dit-il  à  l'un 
de  ses  amis,  allons  le  provoquer  à  une  joute  poé- 
tique 1  »  Quand  ils  i  eurent  salué,  ils  le  prièrent  de 
leur  faire  entendre  quelques-unes  des  productions 
de  sa  muse.  Ahtal  s  excusa  et  leur  déclara  qu'il  ne  se 
sentait  jpas  disposé  ce  jour-là«  Motawakkil  crut. de- 
voir insister  et  s  enhardit  jusqu'à  lui  dire  :  «  Père  de 
Mâlik,  je  me  fais  fort  d'opposer  à  chacune  de  vos 
pièces  une  qasîda  égaie  ou  supérieure  aux  vôtres.  » 

^  Les  marchands  de  vin,  chez  les  AnJbes.,  éieyaieat  un  drapeau 
sur  leur  tente  pour  annoncer  qu'ils  ea  avaiait  à  vendre.  La  chute 
de  ce  drapeau  indiquait  que  leur  provision  était  épuiiée.  (  R.  Basset.) 


128  JUILLET-AOÛT  1894. 

La  provocation  produisit  son  effet.  Ahtal  se  sentit 
piqué  :  «Qui  es-tu?»  demanda-t-ii  à  son  interlocu- 
teur. Celui-ci  s*étant  nommé  :  «  Eh  bien  !  reprit  Ahtal, 
je  t'écoute.  »  Motawakkil  n'attendait  que  cette  invi- 
tation et  il  déclama  trois  de  ses  qasîdas.  Il  paraît 
bien  qu'elles  ne  déplurent  pas  au  barde  de  Taglib , 
puisqu'à  la  fin  il  dit  à  Motawakkil  :  «  Si  de  temps  à 
autre  tu  te  réchauffais  les  entrailles  avec  un  verre  de 
vin ,  tu  serais  le  roi  de  la  poésie  ^.  » 

^Abdalmalik  n'ignorait  pas  les  habitudes  de  son 
favori.  Par  une  froide  matinée^,  il  arriva  à  ce  prince 
de  citer  le  vers  d' Ahtal  : 

Celui  qui  le  matin  boit  trois  rasades  sans  mélange  d*eau  se 
sent  porté  à  la  générosité. 

«  Oui,  continua  le  prince,  je  me  le  représente,  à 
cette  heure  matinale ,  enveloppé  dans  son  manteau , 
le  visage  tourné  vers  le  soleil ,  assis  dans  une  des  ta- 
vernes de  Damas.  »  Sur  l'ordre  du  calife ,  on  alla  voir 
et  tout  se  vérifia  comme  ^Abdalmalik  l'avait  indiqué^. 

N'entreprenant  pas  ici  le  panégyrique  d' Ahtal  > 
nous  convenons  sans  difficulté  que  sa  passion  pour 
le  vin  fait  tache  dans  une  vie  qui  ne  manque  pas 
de  grandeur.  Mais  avec  le  P.  Salhani*  nous  croyons 
également  qu'il  faut  se  garder  de  prendre  à  la  lettre 

^  Littér.  :  «si  le  vin  a6ojait  dans  ton  ventre».  Le  P.  Salliani  pro- 
pose  de  lire  oocvJ  au  lieu  de  u>a^ .  Âg. ,  XI,  39  ;  Hizàna ,  III ,  G 1 3. 

*  Ce  détail  est  dans  i'Agânî. 

''  Ag. ,  VIÏ,  173;  Sarîsi,  comment. 

*  Divan,  339,  7. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  129 

les  renseignements  que  nous  transmettent  sur  ce 
point  les  ennemis  du  poète.  Que  Ahtal  ait  eu  pour 
le  vin  un  goût  très  prononcé ,  son  Divan  latteste  en 
cent  endroits.  Quant  aux  excès  dont  ses  rivaux  ont 
voulu  le  charger,  leurs  accusations  sont  trop  intéres- 
sées poiu*  être  accueillies  sans  contrôle. 


IV 

MARIAGE  D'AHTAL. 

La  discipline  des  chrétiens  arabes  sur  le  mariage 
paraît  avoir  été  singulièrement  relâchée  et  le  divorce 
couramment  pratiqué  chez  eux.  Imroûlqaïs ,  le  trop 
célèbre  prince  de  Kinda ,  ne  se  gênait  pas  pour  ren- 
voyer ses  femmes  ^  Doraïd,  fils  de  Simma,  dont  le 
christianisme  est  assez  probable'^,  n hésita  pas  non 
plus  à  convoler  à  de  nouvelles  noces ,  du  vivant  de 
sa  première  femme ^.  Dans  la  vie  si  mouvementée 
de  Farazdaq,  nous  voyons  que  ce  poète,  déjà  marié 
à  Nawâr,  s'avisa  de  réclamer  la  main  d'une  jeune 
Saïbanite  chrétienne^,  qui  lui  fut  accordée  sans  dif- 
ficulté. Cette  facilité  des  divorces^  tenait  à  bien  des 
causes.  Il  ne  faut  pas  se  le  dissimuler,  à  Tépoque 

*  Ag. ,  XXI,  174  eX  passim. 

*  Les  PP.  de  Coppier   et  Clieikho  sont  encore  plus  afTirmalifs. 
»  Ag.,Xin,  5. 

*  Du  temps  de  notre  poète ,  plusieurs  familles  saibanites  avaient 
gardé  la  foi  chrétienne.  Cf.  Ag. ,  Vï,  i5i. 

^  Rapprochez  encore  Ag. ,  11,  3/i,  1.  1,  où  No'man  force  'Adî  b. 
Zaïd  à  répudier  Hind. 

IV.  9 

lllfBIltCa:*    lATIUlALIt. 


130  JUÎLLET-AOÙT  1894. 

d'Ahtal  surtout,  letat  religieux  des  chrétiens  arabes 
était  des  moins  satisfaisants.  Abandonnés  à  eux- 
mêmes,  plongés  dans  Tignorance,  en  contact  per- 
pétuel avec  les  populations  musulmanes,  ils  ne  pou- 
vaient attendre  que  peu  de  secours  de  la  part  d'un 
clergé  dont  le  schisme  et  Thérésie  avaient  grande* 
ment  diminué  l'ascendant  moral.  D'ailleurs,  pour 
tout  dire  en  un  mot ,  depuis  la  séparation  d'avecles 
catholiques ,  la  notion  de  Tindissolubilité  du  mariage 
chrétien  semble  avoir  été  obscurcie  dans  TEglise 
orientale  ;  témoins  les  Grecs  «  orthodoxes  » ,  qui  se 
montrent  encore  sur  ce  point  d*une  déplorable  con- 
descendance. 

Ahtal  avait  épousé  une  femme  appartenant  comme 
lui  à  la  famille  taglibite  des  Banoû  Mâlik^  ËUe  lui 
donna  plusieurs  fils;  famé  s  appelait  Mâlik;  ce  qui 
valut  au  père  le  surnom  d'Aboû  M àlik.  Malgré  cela 
il  la  répudia ,  on  ne  sait  pour  quelle  raison ,  et  en 
épousa  une  autre ,  qui  venait  elle-même  d'être  répu- 
diée par  son  mari^.  Cette  seconde  union  ne  fut  pas 
heureuse.  A^tal ,  entendant  un  jour  sa  femme  palier 
en  soupirant  de  son  ancien  époux,  fit  ces  deux  vers  i 

Chacun  de  nous  passe  sa  vie  dans  la  souffrance ,  comme  si 
le  contact  du  lit  nous  écorchait  la  peau. 

Elle  regrette  son  premier  mari ,  et  moi  je  regrette  ma 
première  femme  \ 

^  Elle  est  mentionnée,  Divan,  93,  5. 

^  Cela  confirme  ce  que  nous  avons  dit  de  la  fréquence  des  di- 
vorces ches  les  Arabes  chrétiens. 
^  Divan,  SSg,  i5. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  131 


AHTAL  ET  LES  OMIADES. 

• 

Depuis  quelque  temps  déjà  la  réputation  d*Ahtal 
s  était  répandue  dans  l'Iraq;  un  écho  en  était  peut- 
dtre  parvenu  jusqu'à  Damas.  Mais,  appartenant  à 
une  tribu  chrétienne  qui  n  avait  pas  de  représentants 
influents  à  la  cour,  il  aurait  probablement  continué 
à  languir  encore  longtemps  dans  lobscurité;  tout 
au  plus  aurait-il  pu  briller  sous  la  tente  des  chefs 
du  désert  ou  dans  les  cours  des  gouverneurs  de 
Basra  et  de  Koûfa,  quand  une  circonstance  vint 
fort  à  propos  servir  les  espérances  de  sa  naissante 
ambition.  Ka*b  fils  de  GoVil ,  celui-là  même  qui  avait , 
bien  involontairement  sans  doute .  éveillé  en  lui  le 
génie  de  la  satire,  se.  chargea  de  le  produire  à  la 
cour,  «  moins  peut-être  par  générosité  que  par  ma- 
lice et  pour  se  débarrasser  lui-même  d'une  commis- 
sion  épineuse  ^  ». 

En  toute  rencontre,  les  Ansariens  ou  Ansars 
s  étaient  montrés  ennemis  acharnés  de  la  famille 
d*Omaïya.  Mo^âwia  ne  se  faisait  pas  illusion  sur  leur 
compte.  Le  jour  où  ils  vinrent  lui  offrir  leur  soumis* 
sion,  il  les  apostropha  ainsi  :  «  Troupes  d* Ansariens, 
vous  avez  menacé  ma  fortune  à  la  bataille  de  Sifiîn 

^  C.  de  Percevait  Notice,  p.  9.  Dans  lo»  pages  suivautes,  nous 
emprunterons  encore  plus  d'une  fois  les  expressions  de  rillustn 
orientsdiste. 


132  JUILLET-AOÛT  1894. 

et  j'ai  vu  briller  la  mort  au  bout  de  vos  lances.  Vous 
m'avez  percé  de  vos  railleries ,  plus  aiguës  que  lalène 
du  cordonnier  ^  »  Tant  que  Mo^âwia  vécut,  les  An- 
sariens  se  bornèrent  à  une  opposition  sourde;  le 
pouvoir  des  Omiades  était  trop  solidement  établi 
pour  qu'ils  pussent  rien  entreprendre;  mais,  lui 
mort,  ils  se  promettaient  bien  d'avoir  leur  revanche. 
En  attendant,  leurs  poètes  continuaient  à  déverser 
le  ridicule  sur  les  califes  syriens.  Mo^âwia,  en  fin 
politique,  voulait  bien  ne  pas  prendre  ombrage  de 
ces  attaques  ;  mais  il  était  décidé  à  réprimer  énergi- 
quement  toute  tentative  de  révolte  ^. 

Encouragé  par  cette  longanimité,  un  jeime  Ansa- 
rien ,  *Abdarrahmân ,  fils  de  Hassan ,  le  chantre  de 
l'islam ,  feignit  dans  ses  vers  une  vive  passion  pour 
Ramla,  fille  du  calife^.  Le  vieux Mo^àwia  aurait  en- 
core laissé  cette  hardiesse  impunie  ;  mais  Yazîd ,  son 
fils  et  successeur  désigné,  était  d'un  tout  autre  ca- 
ractère. Ce  jeune  prince  n'avait  rien  de  la  modéra- 
tion de  Mo^âwia.  Il  était  plutôt  la  fidèle  image  de  sa 
mère,  ime  fière  Bédouine  de  Kalb,  qui  l'avait  élevé 
dans  la  sauvage  indépendance  du  désert.  Il  avait  rap- 


*  Mas*oûdî,  V,  46.  Nous  employons  la  traduction  de  M.  Barbier 
de  Meynard.  — •  Oà  Vivien  de  Saint  Martin  a-t-il  trouvé  que  les 
Ansariens  ou  «  Ansars  sont  une  tribu  arabe  qui  forme  la  première 
population  de  la  Mekke  (sic)  oii  il  y  en  a  encore  quelques  restes»? 
(Dict.  de  géogr.,  s.  v.) 

*  Tabarî  (II,  2i4i  1*  i4)  cite  de  lui  cette  phrase  :  «Je  m'in- 
quiète peu  des  paroles ,  tant  qu'on  n'en  vient  pas  à  la  révolte  ou- 
verte. »  Cf.  encore  i6id.,  208, 1.  5. 

*  Ag.,  XIV,  122. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  133 

porté  de  cette  éducation  les  défauts  comme  les 
qualités  des  enfants  du  désert  :  éloquent,  poète, 
mustdman  peu  convaincu ,  d'une  franchise  rare ,  im- 
puissant à  maîtriser  sa  colère  ^;  il  détestait  les  Ansa- 
riens  qui  le  lui  rendaient  bien.  Dès  qu'il  connut  Tau- 
dace  de  *Abdarrahmân ,  il  courut  chez  Mo^âwia  et  le 
pressa  vivement  de  sévir  contre  Tinsolent  Médinois^. 
Le  vieux  monarque,  on  Ta  vu,  ne  pouvait  pas  être 
taxé  de  tendresse  excessive  pour  les  Ansariens;  mais 
beaucoup  plus  maître  de  lui-même ,  il  fit  remarquer 
à  son  fils  combien  il  serait  impolitique  de  poursuivre 
des  gens  aussi  considérés  que  les  Ansariens  :  «  D'ail- 
leurs, ajouta-t-il  en  terminant,  je  me  réserve  d'agir 
quand  la  députation  de  ces  derniers  arrivera  de  Mé- 
dine  •'*.  » 

Quand  elle  fut  introduite,  MoWia  prit  à  part 
*Abdarrahmân  et  lui  dit  :  «  On  m'a  rapporté  que  tu 
peins  dans  tes  vers  ton  amour  pour  Ramla,  fille  du 
commandeur  des  croyants.  —  Il  est  vrai,  répon- 
dit ^Abdarrahmân ,  et  si  j'avais  connu  quelque  beauté 
plus  illustre,  dont  le  nom  pût  donner  plus  d'éclat 
à  mes  compositions,  je  l'aurais  célébrée.  —  Hé 
bien  !  dit  Mo^âwia ,  que  ne  chantes-tu  Hind ,  sa  sœur, 

ï  Mas'oûdî,  V,  i5i;  Ibn  al  Atîr,  IV,  53;  Falirî,  137. 

*  Les  vers  de  TAnsarien  (Ag. ,  XIV,  122)  sont  très  passionnés 
et  expliquent  l'indignation  de  Yazîd.  Plus  tard  le  calife  Walîd  dé- 
fendit aux  poètes  sous  les  peines  les  plus  sévères  de  nommer  dans 
leurs  vers  une  parente  du  souverain ,  ou  même  une  femme  attachée 
au  service  du  pdais  (Ag. ,  VI,  36;  39,  etc.).  Voir  aussi  Ag.,  I,  78. 

'  Gomp.  Ag. ,  VI ,  169,  etc. ,  une  histoire  analogue  ;  les  caractères 
de  Mo'âwia  et  de  Yazîd  y  paraissent  encore  mieux. 


134  JCILLET-AOÛT  1894. 

qui  là  surpasse  en  attraits  ?  »  L'intention  du  calife , 
en  invitant  *Abdarrahmân  à  chanter  à  la  fois  les 
deux  sœurs ,  était  de  le  mettre  ainsi  en  contradiction 
avec  lui-même ,  de  manière  que  le  public  vît  claire- 
ment que  tout  cela  n'était  qu'une  fiction  poétique. 
Mo^âwia  cherchait  de  la  sorte  à  éviter  un  éclat. 
Mais  Yazîd ,  qui  en  voulait  personnellement  à  *Abdar- 
rahmân  \  ne  fut  pas  satisfait  de  cette  combinaison; 
il  lui  fallait  une  punition  retentissante,  capable  de 
rabattre  lorgueil  de  l'aristocratie  médinoise.  Il  jeta 
les  yeux  sur  Ka*b  fils  de  Go^aïl  et  l'engagea  à  faire 
une  satire  contre  les  Ansariens*  Ka*b ,  qui  était  mu- 
sulman, s'excusa,  alléguant  le  courroux  du  calife; 
il  lui  répugnait  en  outre  d'attaquer  des  hommes  qui 
avaient  été  les  défenseurs  du  Prophète  ^.  «  Mais ,  s'écria 
Yaaîd  impatienté,  si  tu  ne  veux  pas  t'en  charger, 
indique-moi  quelqu'un  qui  le  fera  à  ta  place.  — 
J*ai  vôtre  homme,  reprit  Ka*b,  c'est  un  jeune  poète 
de  notre  tribu,  plein  de  talent,  une  vraie  langue  de 
vipère  *  ;  chrétien  de  religion ,  il  sera  d'autant  plus  à 
l'aise  pour  attaquer  les  Ansariens.  - —  Nomme-le 
moi,  dit  le  prince.  —  C'est  Ahtal  »,  répondit  Ka*b. 
Yazîd  le  fit  venir  et  lui  déclara  ce  qu'il  attendait 
de  lui.  Ahtal  fut  d'abord  effrayé  de  la  commission. 
Mais  le  prince  le  rassura  :  «  Je  prends  tout  sur  moi  » , 


^  Cet  Ânsarien  avait  violemment  attaqué  un  Omiade,  proche 
parent  de  Yazîd.  Cf.  Ag.,  XHI,  i5o-i54;  XIV»  i53»  où  celte  his- 
toire est  longuement  racontée. 

•  Ag.,  Xra,  i54. 

^  Littéral.  :  une  langue  de  taureau. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  136 

hn  di^il.  Âhtal  se  mit  à  l'œuvre  et  fit  une  diatribe 
virulente. 

Dieu  maudisse  cette  engeance ,  ces  fils  de  juifs  \  dans  les 
vallons  entre  Golâgil  et  Sirar. 

Leurs  yeux  enflammés  brillent  comme  la  braise ,  quand 
le  vin  bouillonne. 

Les  grandes  et  belles  actions  sont  Tapanage  de  Qoraià, 
la  honte  s*abrite  sous  le  turban  des  Ansariens  I 

A  d'autres  les  hauts  faits  1  Ce  n'est  point  votre  affaire  ; 
prenez  plutôt  vos  pelles ,  descendants  de  Naggâr  *  ! 

Les  guerriers  vous  connaissent  par  derrière,  ô  fils  de  paysans 
avSisl 

Veux-tu  connaître  la  généalogie  d*lbn  al-Forai^a'  :  c'est  un 
ànon  fils  d'une  ànesse  et  d'un  âne. 

Ce«  vers  eurent  un  prodigieux  retentissement. 
Tout  le  monde  les  répétait.  Les  Bédouins  remplis- 
sant la  cour  et  la  ville  de  Damas  *  jouissaient  surtout 
de  rhumiliation  de  ces  citadins  de  Médine,  quils 
traitaient  de  paysans  et  de  juifs,  et  qui,  à  ces  titres, 
leur  inspiraient  le  plus  profond  mépris. 

Il  y  avait  alors  dans  l'entourage  des  princes 
omiades  un  personnage  considérable,  nommé  Nor- 
man fils  de  Basîr.  Par  haine  pour  *Alî^,  il  avait,  quoi- 

^  Les  juifs  avaient  longtemps  formé  la  principale  partie  de  la 
population  médinoise. 

'  Banoû  Naggâr,  famille  d' Ansariens. 

'  Surnom  de  Hassan  fils  de  Tâbit,le  plus  grand  poète  ansarien. 
Cf.  Divan,  3i4. 

*  La  dynastie  omiade  se  montra  toujours  très  favorable  aux  Arabes 
du  désert. 

*  Ag. ,  XIV,  120, 


136  JUILLET-AOÛT  1894. 

que  Ansarien ,  embrassé  la  cause  des  Omiades.  Seul  ^ 
parmi  les  «  défenseurs  »  du  Prophète,  on  l'avait  vu  à 
la  journée  de  Sifiîn  combattre  dans  Tarmée  de  Mo- 
*âwia .  Ce  calife  Testimait  et  l'aimait  ^.  Yazîd  lui-même 
oubliait  en  sa  faveur  la  haine  quil  portait  aux  An- 
sariens  et  lui  témoignait  une  particulière  confiance. 
Quand  Norman  eut  connaissance  de  la  satire  d'Ahtal , 
il  se  présenta  devant  Mo^âwia,  ôta  son  turban  et 
montrant  au  cdife  sa  tête  nue ,  il  lui  dit  :  «  Com- 
mandeur des  croyants,  voyez-vous  quelque  chose 
dont  je  doive  rougir .^^  —  Que  signifie  ce  langage? 
demanda  le  calife,  je  ne  vois  en  toi  rien  que  d'hono- 
rable. —  Hé  bien!  reprit  Norman,  Ahtal  a  pré- 
tendu que  la  honte  se  cache  sous  nos  turbans.  — 
Comment!  s'écria  le  prince,  il  aurait  dit  cela?  Je 
te  permets  de  lui  faire  couper  la  langue;  à  moins 
que  mon  fils  ne  lui  ait  accordé  sa  protection.  » 

Aussitôt  il  donna  Tordre  d'arrêter  Ahtal.  B  avertit 
en  même  temps  Yazîd  de  ce  qui  venait  de  se  passer 
et  l'engagea  à  prendre  le  poète  sous  sa  sauvegarde. 
L'arrivée  de  l'officier  du  calife  à  la  demeure  d' Ah- 
tal y  causa  le  plus  grand  trouble  ;  sa  femme  le  crut 
perdu*.  Pour  lui,  il  pria  l'envoyé  de  l'introduire  chez 
Yazîd.  «  I^rince,  lui  dit- il,  ce  que  je  redoutais  est 
arrivé.  —  Sois  sans  crainte»,  lui  répondit  Yazîd. 

*  Ag.,  XIV,  119.  D'après  Mas'oûdî  (V,  46),  d'autres  Ansariens, 
mais  en  petit  nombre,  auraient  imité  l'exemple  de  No'mân. 

*  kg.,  XIII,  162;  XIV,  119.  Il  gouverna  longtemps  Koûfa  au 
nom  des  Omiades  (Tabarî,  II,  216;  Mas'oûdî,  V,  128,  etc.),  puis 
Hims. 

^  Divan,  92,  5. 


LE  CHANTRE   DES  OMIADES.  137 

Sans  retard  il  alla  trouver  son  père  et  n'eut  pas  de 
peine  à  obtenir  la  révocation  de  Tordre  donnée  Un 
gracieux  distique  de  Yazîd  fait  allusion  à  ces  événe- 
ments : 

Dans  sa  détresse  Ahtal  appela  au  secours  ;  avec  quel  em« 
pressement  n'ai-je  pas  répondu  à  son  appel  ! 

Ma  vue  dispersa  la  foule  de  ses  ennemis ,  un  mot  de  ma 
bouche  arrêta  la  langue  des  calomniateurs  \ 

Ahtal  ne  marchanda  pas  à  son  auguste  protecteur 
l'expression  de  sa  reconnaissance;  il  trouva  pour  le 
chanter  des  accents  venus  du  cœur,  et  tranchant 
sur  le  ton  des  autres  panégyriques  plus  ou  moins  of- 
ficiels. 

Père  de  Hâlid  ',  tu  as  détourné  de  moi  un  effroyable  mal- 
heur; sans  toi  ma  chair  était  mise  en  lambeaux. 

Tu  as  éteint  la  fureur  de  No  mân ,  s' apprêtant  à  me  faire 
sentir  les  effets  de  sa  vengeance. 

Mais  quand  il  aperçut  derrière  moi  le  fds  d'une  noble  mère , 
impuissant  à  m*atteindre ,  il  recida  et  contint  ses  transports. 

Il  venait  de  rencontrer  celui  dont  la  protection ,  comme 
une  corde  fortement  tressée ,  rompt  les  intrigues  des  calom- 
niateurs. 

Patron  fidèle ,  aimé  de  ses  hôtes ,  accourant  au  secours  du 
dient  qui  l'implore  *. 

Dans  les  vers  suivants ,  le  chantre  de  Taglib  pro- 


1  Ag.,  XIU,  aS;  XIV,  122. 
»  Ag.,  XIII,  i54. 
^  Konya  de  Yaiîd. 
*  Divan,  4,  3. 


138  JUÎLLET-AOÔT  I8Q4. 

teste  de  son  inaltérable  dévouement  à  la  personne 
de  Yazîd  : 

Non,  jamais  je  n'oublierai  Yazid,  jusqu  à  ce  que  me  pres- 
seront les  parois  de  la  tombe. 

Dieu  te  récompense  (prince),  de  ce  que  tu  as  fait  pour  un 
malheureux  délaissé , 

Opprimé ,  en  butte  à  toutes  les  attaques ,  exténué  comme 
s*îl  avait  été  brûlé  par  le  simoun  du  désert. 

Qu'il  t'accorde  la  récompense  et  le  pardon  de  Joseph ,  la 
rétribution  d'Aaron  et  de  David  ! 

Ou  encore  la  protection  répandue  sur  Noë  dans  Tarche 
quand  Dieu  1  exauça  au  jour  de  i  épreuve  I  ^ 

Appartenant  à  une  famille  où  le  talent  poétique 
se  transmettait  comme  un  héritage,  de  père  en  fds^, 
Norman  voulut  répondre  à  la  satire  d'Ahtal.  Le  Ki~ 
tdb  cd-Agâni  nous  a  conservé  ie  commencement  assez 
pâle  de  cette  réplique  : 

Fais  savoir  aux  hordes  de  Tag^b,  fdle  de  Wâïl,  établies 
près  de  l'Euphrate  et  sur  les  bords  du  Xes\ATy 

Que  le  signe  de  la  honte  s'étale  sur  leur  nez  comme  la 
marque  sur  la  cuisse  de  Tâne. 

Aboû'l-Farag  prétend  que  la  crainte  empêcha 
Ahtal  de  continuer  ses  attaques  contre  No  mân  et 
îes  Ansariens.  La  vérité  est  que  le  Divan  de  notre 
poète  ^  contient  une  réponse  bien  différente  de  celle 

^  Divan,  147,  6.  A  la  page  286,  2,  le  poète  dit  encore  :  tSans 
l'intervention  de  Yazîd,  fils  de  Timâm,  ja  succombais  victime  de 
ma  langue.  » 

*  Voir  sa  notice  dans  Ag. ,  XIV,  iig-iSo. 

»  P.  3i3. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  139 

qu'on  lui  prête  dans  le  «  Livre  des  Chansons  ^  ».  H 
était  d'ailleurs  en  cour  plus  que  jamais.  Un  prince 
comme  Yazîd,  ami  du  vin  et  de  la  poésie,  devait 
apprécier  la  société  du  barde  mésopotanaien.  Aussi 
paraît-il  Tavoir  pris  comme  compagnon  habituel  de 
ses  voyages  *.  Peut-être  même  le  poète  se  trouvait-il 
à  Hawwârin  dans  la  province  d'Émèse^,  quand  ce  ca- 
life y  mourut ,  après  un  règne  de  moins  de  quatre  ans. 
Les  bons  musulmans  ne  le  regrettèrent  pas  *,  témoin 
ce  vers  qu'un  Bédouin  prononça  sur  sa  tombe  : 

Tombeau  situé  à  Hawwârin,  tu  renfermes  le  pire  des 
hommes  ^ 

Quant  à  Ahtal,  il  tint  à  payer  un  dernier  tribut 
de  reconnaissance  à  la  mémoire  dun  prince  qui 
l'avait  comblé  de  bienfaits,  et  il  lui  consacra  une 
élégie,  la  seule  que  renferme  son  Divan.  Nous  n'en 
possédons  que  ce  court  fragment  ^  : 

Par  ma  vie  !  Hàlid  ^  a  conduit  jusqu'à  la  tombe  le  cercueil 
d'un  prince  expérimenté  et  généreux  ^ 

»  Ag.,Xni,  i5d. 

^  D'après  certain  récit,  Ahlal  aurait  même  accompagné  Yazid  à 
la  Mecque;  mais  cette  anecdote  a  tous  les  caractères  d'un  apocryphe. 
Cf.  Divan,  369. 

^  Devenu  chez  Ibu  al-Atir,  IV,  53  :  tHawrftn  de  la  province  de 
Damas»;  même  confusion  dans  j.^^  ♦  iH  ^^^1  I1 1  3oo. 

*  Le  Fahrî  accole  même  à  son  nom  l'épithète  de  tlf>*J-» . 
'  Mas'oûdî,  V,  127. 

*  C'est  ce  qu'il  est  permis  d'inférer  du  terme  de  qasîda ,  dont  se 
sert  Mas'oûdî  (loco  cit.)  pour  désigner  cette  élégie. 

'  Fils  de  Yazîd. 

'  Le  texte  de  ce  vers  diffère  dans  Mas'oùdi,  loeo  ciL 


140  JUILLET-AOUT  1894. 

Yazîd  repose  à  Hawwârîn,  séjour  qu'il  ne  quittera  plus. 
Que  les  pluies  du  matin  rafraîchissent  la  tombe  et  Thôte 
qu'elle  abrite  I 

Ses  affranchis  poussent  des  cris  à  la  vue  de  la  mère  de 
Hâlid  \  Enveloppée  d'habits  de  deuil,  elle  pleure  le  glorieux 
et  magnanime  héros , 

Et  reçoit  les  condoléances  de  ses  amies  qui  viennent  en 
foule ,  les  vêtements  déchirés ,  ne  gardant  que  le  voile  et  le 
manteau  *. 

Mo*âwiaTI,  fils  et  successeur,  ne  fit  que  paraître 
sur  le  trône.  Les  neufs  mois  du  règne  de  Marwân 
furent  employés  à  reconquérir  la  Syrie  et  TÉgypte. 
Mais  parmi  tous  les  souverains  omiades,  celui  qui 
montra  à  notre  héros  la  plus  éclatante  faveur  fut  le 
fils  de  Marwân,  ^Abdalmalik.  Poète  lui-même,  ce 
prince  aimait  «  la  poésie  et  les  panégyriques ,  où  sa 
gloire  et  ses  hauts  faits  étaient  célébrés^».  Jeune 
encore  il  vint  du  Higàz  en  Syrie  dans  le  seul  espoir 
dy  retrouver  certaines  poésies  de  Nâbiga.  Il  lui  ar- 
riva ,  jusque  dans  la  chaire  de  Médine ,  de  citer,  au 
lieu  des  versets  du  Coran ,  les  vers  de  ce  poète  *.  La 
vie  du  chantre  de  Tag^ib  est  en  majeure  partie 
rhistoire  de  ses  rapports  avec  ce  csdife  et  le  relevé 
des  bienfaits  qu*il  en  a  reçus.  Nous  avons  déjà  tou- 
ché ce  sujet  et  nous  aurons  à  y  revenir  fréquemment. 
Sous  le  règne  de  Walîd,  Ahtal  était  déjà  vieux  et 
cassé  ;  ce  qui  ne  l'empêcha  pas  de  célébrer  ce  prince 

*  Fahita,  épouse  de  Yazîd. 

*  Divan,  289. 

^  Mas'oûdî ,  V,  210. 

*  Ibid.,  V,  280;  Joum.  as,,  1868,  H,  262. 


LE  CHANTRE   DES  OMIADES.  141 

en  plusieurs  panégyriques  qui  nous  sont  restés.  Mais 
ce  calife  illettré  \  bâtisseur  infatigable  et  musulman 
plus  convaincu  que  ses  prédécesseurs  ^,  paraît  avoir 
été  moins  sensible  aux  charmes  de  la  poésie  que  les 
premiers  souverains  omiades. 

Ainsi  que  les  califes ,  les  autres  membres  de  la  fa- 
mille d'Omaïya  comblaient  Ahtal  de  prévenances. 
Bi^r  et  Hisâm ,  le  premier  frère ,  lautre  fils  de  *Abdal- 
malik ,  se  distinguèrent  surtout  sous  ce  rapport.  Après 
les  louanges  du  calife  régnant,  celles  de  Bisr  re- 
viennent le  plus  fréquemment  dans  les  vers  du  chantre 
de  Taglib.  La  suite  de  cette  étude  montrera  Tinti- 
mité  des  rapports  établis  entre  le  prince  et  le  poète. 
Bisr  avait  tout  ce  qu  il  fallait  pour  mériter  les  sym- 
pathies et  les  éloges  d' Ahtal  :  il  était  généreux,  ami 
du  vin,  protecteur  des  poètes  et  des  musiciens.  Hi- 
sâm ,  au  contraire ,  n'avait  rien  de  la  munificence  et 
des  goûts  artistiques  de  son  oncle  ^.  Naturellement 
avare,  il  garda  jusque  sur  le  trône  ces  dispositions, 
peu  dignes  d'un  souverain.  Visitant  un  de  ses  vergers 
en  compagnie  de  ses  courtisans ,  ceux-ci  se  permirent 
de  manger  les  fruits  de  toute  espèce  dont  il  était 
rempli ,  en  s'écriant  :  «  Que  Dieu  bénisse  Témir  des 
croyants  !  »  Hisâm  leur  dit  :  «  Comment  Dieu  béni- 
rait-il en  ma  faveur  un  jardin  que  vous  mettez  au 

*  Cf.  Aboû'l-Farag  J30JI  g-^b  ^«gv-ag  (édit.  Salhani),  p.  195,  etc. 
Rien  dans  l'Agânî  n'indique  que  des  rapports  se  soient  éta1)lis 
entre  Wjdîd  et  Ahtsd. 

*  Tabarî,  II,   1271. 
3  Mas'oûdi,  V,  466. 


143  JUILLKT-AOÛT  1894. 

pillage?  »  Il  appela  alors  son  intendant  et  lui  ordonna 
d'arracher  tous  les  arbres  fruitiers,  et  de  planter  des 
oliviers ,  afin  que  personne  n'en  pût  manger  les  fruits  ^ . 
Il  n  est  donc  pas  étonnant  qu'un  prince  qui  avait 
des  goûts  si  vulgaires  n'ait  que  médiocrement  ré- 
munéré le  talent  poétique.  Un  jour  Ah^Uui  récitait 
des  vers  qu'il  venait  de  composer  à  sa  louange.  Hi- 
sâm  lui  donna  5oo  dirhems.  Le  poète,  trouvant  le 
présent  mesquin ,  sortit  et  employa  la  somme  entière 
à  acheter  des  pommes  qu'il  distribua  aux  enfants  du 
quartier.  Cette  action  fut  rapportée  à  Hisâm  qui  se 
contenta  de  dire  :  «  Tant  pis  pour  lui  ;  il  n'a  fait  de 
tort  qu'à  lui-même^.  »  5oo  dirhems  étaient,  parait-* 
il,  le  maximum  des  libéralités  de  Hisâm.  Ce  prince 
ayant  fait  le  pèlerinage  de  J a  Mecque,  Farazdaq  Tac- 
compagna  et  revint  avec  lui  après  les  cérémonies. 
Pour  récompenser  cette  assiduité,  Hisâm  lui  fit 
compter  5oo  dirhems.  Le  poète  de  Tamîm  accepta 
l'argent,  mais  il  répondit  à  ce  cadeau  par  une  épi- 
gramme  mordante  qu'on  peut  lire  à  la  page  76  de 
son  Divan  ^. 

VI 

AHTAL  ET  LA  POÉSIE  ARABE. 

Au  moment  où  la  gloire  darde  ses  premiers  rayons 
sur  le  front  de  notre  héros,  il  ne  sera  pas  hors  de 

»  Mas'oûdî,  V,  478. 

»  Ag.,Vn,  180. 

'  Voir  aussi  Ag. ,  IV,  110,  1.  17.  —  Ah^l  a  dû  peu  connaître 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  143 

propos  de  voir  où  en  était  alors  la  poésie  arabe. 
L'avènement  de  Tislaui,  il  faut  en  convenir,  avait 
été  loin  de  favoriser  son  développement.  Si  la  nou- 
vdle  religion  inspira  le  Médinois  Hassan,  fils  de 
Tâbit,  en  revanche  elle  imposa  silence  à  Labid  et  à 
bien  d  autres.  L'islamisme  affectait  des  dehors  'trop 
austères;  il  confondait  la  poésie  comme  la  musique 
parmi  les  profanes  divertissements  qui  avaient  amusé 
l'âge  d'ignorance*  Quelle  poésie  les  nouveaux  con- 
vertis pouvaient-ils  écouter  ou  composer,  quand  le 
Coran  était  là,  le  Coran ,  ce  type  éternel  de  la  beauté 
littéraire ,  tellement  que  ni  les  anges  ni  les  hommes 
ne  sauraient  écrire  une  phrase  qui  égalât  la  première 
venue  du  livre  sacré!  Pour  sa  part,  Mahomet  se 
montra  plutôt  hostile  aux  poètes.  Un  jour,  voyant 
passer  l'auteur  d'une  mo^allaqa,  le  Prophète  s'écria  : 
«  Mon  Dieu  !  préserve-moi  du  démon  qui  agite  cet 
homme  !  »  *Ali  pensait  sur  ce  point  comme  son 
maître  et  cousin.  Gâlib,  père  de  Farazdaq,  lui  ayant 
présenté  son  jeune  fils,  dont  il  vantait  les  disposi- 
tions pour  la  poésie  :  «  Tu  ferais  mieux,  répondit  le 
gendre  du  Prophète,  de  lui  faire  apprendre  le  Co- 
ran ^.  »  Mahomet  ne  pardonna  jamais  aux  poètes 
l'opposition  que  la  plupart  d'entre  eux  avaient  faite 
à  sa  doctrine,  et  lors  de  la  prise  de  la  Mecque,  il 


*Abd-«l  'azÎE.  Ce  jeune  prince  résida  constamment  en  Egypte,  où, 
comme  ses  frères  à  Damas  et  à  Koûfa,  ii  accorda  la  plus  large 
protection  aux  poètes. 

*  Ag. ,  XIX ,  6  et  48.  Voir,  Ag. ,  VII ,  1 3o ,  le  sentiment  de  Maho- 
met sur  Amroûlqaïs. 


144  JUILLET-AOÛT  1894. 

excepta  de  lamnistie  générale  un  Qoraïcbite  qui 
avait  composé  contre  lui  des  vers  satiriques. 

Mais  ce  qui  porta  à  la  poésie  les  coups  les  plus 
rudes,  ce  fut  le  changement  opéré  par  le  Coran  dans 
la  situation  et  les  habitudes  des  Arabes.  Il  fallait  aux 
poètes,  pour  les  inspirer,  la  sauvage  indépendance 
du  désert,  les  luttes  de  tribu  à  tribu,  les  razzias,  la 
fastueuse  hospitalité  des  princes  de  Hîra  et  de  Gas- 
sân,  les  longs  festins  arrosés  de  vins  syriens,  enfin 
les  concours  poétiques  de  *Okâz.  L'islam  avait  mo- 
difié tout  cela  :  de  la  réunion  de  *Okâz  il  ne  restait 
plus  que  le  souvenir;  les  grands  chefs  du  désert 
guerroyaient  avec  leur  tribu  sur  les  champs  de  ba- 
taille de  la  Perse,  de  ilnde,  de  l'Afrique  septentrio- 
nale et  de  TËspagne.  Devant  qui  les  poètes  auraient- 
ils  chanté  ?  Les  califes  eux-mêmes  avaient  abandonné 
TArabie  pour  se  fixer  à  Damas. 

C'en  était  fait  de  la  poésie  arabe.  Elle  n'aurait 
plus  compté  que  des  panégyriques  froids  et  officiels , 
ou  serait  dès  lors  tombée  dans  l'afféterie  qui,  sous 
les  Abbassides ,  signale  son  irrémédiable  décadence. 
Mais  un  demi-siècle  après  l'apparition  de  l'islam, 
quand  les  premières  ferveurs  de  la  foi  musulmane 
se  furent  refroidies ,  et  que  l'empire  arabe  se  trouva 
réuni  sous  l'autorité  tolérante  des  Omiades ,  il  y  eut 
comme  une  renaissance  poétique.  On  vit  surgir  toute 
une  pléiade  de  bardes  bédouins,  Ahtal,  Farazdaq, 
Garîr,  DoûVromma,  Kotaïyr,  Râ^î,  etc.  Tous  sont 
nés  au  désert,  cette  grande  école  de  la  poésie;  c'est 
au  désert  que  leur  talent  s'est  manifesté  et  développé. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADE^  145 

S'ils  ont  paru  à  la  cour  de  Damasc,  c  est  parce  que 
cette  cour  était  devenue  pour  eux  ce  qu  était  autre- 
fois pour  les  Â^^à ,  les  Nàbiga,  les  Hansâ,  les  Hassan 
bin  Tâbit  la  célèbre  foire  de  ^Okâz,  ou  les  cours  de 
EBra  et  de  Gassàn.  Us  s  y  retrouvaient  d  ailleurs  dans 
un  milieu  vraiment  arabe.  Les  califes  omiades,  les 
premiers  du  moins,  avaient  gardé  les  habitudes  des 
chefs  du  désert  ^  Tout  Bédouin ,  quel  qu'il  fût ,  pourvu 
qu'il  récitât  des  vers,  était  accueilli  avec  empresse- 
ment. Il  abordait  librement  le  souverain  sans  avoir 
à  coudoyer  cette  tourbe  d'eunuques,  d'esclaves,  de 
chanteuses ,  de  musiciens  et  de  tous  les  parasites  des 
royautés  despotiques  qui,  plus  tard,  encombrèrent 
les  palais  de  Bagdad  et  de  Samarra. 

Quelle  fut,  dans  cette  renaissance  de  la  vieille 
poésie,  la  part  d'Ahtal ?  Nous  essayerons  de  la  déter- 
miner en  citant,  malgré  leur  vague  et  leur  manque 
de  précision ,  les  jugements  des  sommités  de  la  cri- 
tique arabe.  Dès  maintenant  il  nous  est  permis  d'af- 
firmer qu'elle  fut  considérable.  Entouré  de  brillants 
rivaux,  il  n'en  vit  pas  sa  gloire  obscurcie.  Chrétien, 
sans  sacrifier  aucune  de  ses  convictions  religieuses , 
il  sut,  par  son  beau  talent,  commander  le  respect  et 
l'admiration  à  des  contemporains  ne  partageant  pas 
ses  croyances.  Plus  tard ,  la  postérité  reconnaissante 
rangera  son  Divan  immédiatement  après  les  immor- 
telles «  mo^allaqat  ». 


^  Les  courtisans  se  comportaient  à  l'égard  du  prince  avec  ia  plus 
grande  liberté  «  le  reprenaient  «  répliquaient,  etc.  'Abdidmalik  mit 

rf.  lo 


146  JUILLET-AOÛT   1894. 

Ge  talent  n  a  jamais  été  contesté.  D  un  avis  una- 
nime Ahtal ,  Farazdaq  et  Garîr  forment  une  triade 
poétique ,  à  laquelle ,  depuis  Tapparition  de  Tislam , 
on  ne  peut  rien  comparer.  On  s  accorde  beaucoup 
moins  siu*  le  mérite  comparatif  de  ces  trois  grands 
hommes.  Chacun  d'eux  eut  ses  admirateurs  passion- 
nés qui  lui  décernèrent  la  palme  ^.  Voici  une  ap- 
préciation du  célèbre  grammairien  Asma^î  :  «  Garîr, 
dit-il,  a  eu  à  ses  trousses  quarante-trois  poètes,  s'ef- 
forçant  tous  de  le  mordre.  Pour  lui ,  il  s  en  débarras- 
sait sans  le  moindre  effort  :  seuls  Farazdaq  et  Ahtal 
purent  tenir  devant  lui  ^,  »  L  autem^  du  Kitâb  al- 
Agânî  est  plus  explicite  et  déclare  qu'à  son  avis , 
Ahtal  est  inférieur  aux  deux  autres  ^.  Nous  verrons 
plus  loin  ce  qu'il  faut  penser  de  cette  assertion. 

Il  y  avait  chez  lomiade  Hisâm  une  réunion  litté- 
raire à  laquelle  assistaient  les  trois  poètes  rivaux.  Le 
jeune  prince ,  poiu*  jouir  de  l'embarras  de  ses  invités , 
dit  à  l'un  d'entre  eux,  nommé  Sabba  :  «J'entends 
beaucoup  parler  de  la  guerre  d'épigrammes  et  de 
satires  que  se  font  ces  trois  rimeurs ,  guerre  dont  je 
ne  vois  ni  la  raison  ni  l'utilité.  Ne  me  diras<tu  pas 
lequel  l'emporte  sur  les  autres  ?  »  Sabba  aurait  pré- 
féré répondre  à  n'importe  quelle  autre  question  ;  il 
ne  se  dissimulait  pas  qu'une  explication  catégorique 


certaines  bornes  à  cette  licence.  Nous  verrons  pourtant  Ahtal  garder 
avec  lui  son  franc  parier. 

1  Ag.,  VII,  170. 

»  Ag.,  VU,  Ao. 

>  Ag.,  VU.  58. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  14*7 

lui  vaudrait  l'inimitié  de  deux  des  trois  poètes  :  «  Ga- 
rir,  dit-ii,  puise  dans  une  mer,  Farazdaq  taille  dans 
un  roc;  quant  à  Ahtal,  il  excelle  dans  Téloge  et  la 
poésie  héroïque.  —  Voilà,  s  écria  Hisâm,  des  gé- 
néralités 4iui  ne  nous  apprennent  rien.  —  Je  n  ai 
pas  autre  chose  à  dire  » ,  répondit  Sabba.  Le  prince , 
s^adressant  alors  à  Hâlid  fils  de  Sa^ân,  le  pria  de 
trancher  la  question.  Sa  réponse,  quoique  moins 
laconique  et  incomparablement  plus  pompeuse ,  tut 
encore  moins  satisfaisante;  il  ménagea  si  bien  les 
éloges  et  distribua  si  adroitement  Tencens  aux  trois 
poètes,  quil  était  impossible  de  deviner  lequel  avait 
ses  préférences.  Seul,  Maslama,  frère  de  Hisâm,  se 
déclara  satisfait^  et  félicita  Hâlid  de  Télégance  de  sa 
diction  et  de  la  sûreté  de  son  goût.  Quant  à  Hisâm , 
il  .partit  d'un  éclat  de  rire  ;  «  Fils  de  Safwân ,  dit-il , 
j'ai  rarement  vu  un  tour  d'adresse  comme  celui  que 
tu  viens  d'exécuter;  tu  as  contenté  les  trois  poètes. 
Assurément  tu  es  un  homme  habile  2.  » 

La  question  de  prééminence  entre  Garîr,  Faraz- 
daq et  Ahtal  passionnait  alors  les  esprits.  C'était  sur- 
tout entre  les  deux  premiers  qu'elle  s'agitait,  soit 
parce  qu'étant  plus  jeunes,  ils  avaient  devant  eux 
plus  d'avenir,  et  que  d'ailleurs  la  publicité  de  leur 
inimitié  attirait  particulièrement  les  regards,  soit 
parce  que  Ahtal ,  ne  professant  pas  la  religion  domi- 


^  Qaïrawânî,  cité  dans  Magâni  al-adab,  V,  20/4,  suppose  à  tort 
que  le  £iit  s'est  passé  sous  le  califat  de  Hisâm. 
*  Ag.,VIT,  73. 

10. 


148  JUILLET-AOÛT  1894. 

nante,  inspirait  un  intérêt  moins  vif  et  moins  gé- 
néral. Ce  qui  montre,  dit  Gaussin  de  Percevai^ 
combien  le  goût  pour  la  poésie  était  commun  parmi 
les  Arabes,  c est  que  cette  question  était  discutée 
non  seulement  par  les  gens  de  lettres ,  dans  le  calme 
du  séjour  des  villes,  mais  encore  parmi  des  soldats, 
au  milieu  des  fatigues  et  des  dangers.  On  rapporte 
que  Mohallab,  faisant  la  guerre  aux  Azraqites,  en- 
tendit un  jour  dans  son  camp  un  grand  tumulte.  Il 
en  concevait  de  l'inquiétude,  lorsqu'on  vint  lui  en 
apprendre  la  cause.  Une  contestation  s'était  élevée 
entre  ses-  soldats  au  sujet  du  mérite  comparatif  de 
Garîr  et  de  Farazdaq.  Ils  allaient  prendre  leur  gé- 
néral pour  juge,  quand  Mohallab  les  arrêta  en  leur 
disant  :  «  Voulez-vous  donc  m  exposer  au  ressenti- 
ment de  ces  deux  chiens  hargneux  qui  me  déchi- 
reraient à  belles  dents  ?  Je  me  garderai  bien  de  pro- 
noncer entre  eux;  mais  je  vous  indiquerai  des  juges 
qui  ne  redoutent  ni  Garîr  ni  Farazdaq.  Adressez-vous 
aux  Azraqites;  ce  sont  des  Arabes^  qui  cultivent  la 
poésie  et  qui  sont  d'excellents  connaisseurs.  »  Le  len- 
demain ,  les  deux  armées  étant  en  présence ,  un  Az- 
raqite  sortit  des  rangs  et  vint  provoquer  en  combat 
singidier  un  guerrier  des  troupes  de  Mohallab.  Un 
soldat,  qui  avait  été  des  plus  ardents  dans  la  discus- 
sion de  la  veille ,  accepta  le  défi ,  mais  avant  de  se 

*  A  qui  nous  empruntons  la  traduction  du  récit  suivant,  pris 
dans  rAgânî,  VII,  3 9  et  55. 

*  C'est-à-dire  des  Bédouins.  Seuls  ils  étaient  censés  posséder  le 
génie  poétique ,  à  l'exclusion  des  Arabes  sédentaires. 


LE  CHANTRE   DES  OMIADES.  149 

battre,  il  voulut  absolument  savoir  le  sentiment  de 
TAzraqite  sur  la  question  qui  les  divisait. 

Longtemps  encore  après  la  mort  des  trois  poètes, 
on  continua  à  discuter  sur  leur  mérite  respectif.  Sous 
le  califat  d*Amîn ,  fils  de  Zobaïda,  prince  voluptueux 
et  sans  goût  pour  les  lettres,  une  de  ces  discussions 
eut  lieu  dans  lantichambre  même  du  souverain.  Le 
jugement,  cette  fois  rendu  en  vers,  laissait  comme 
d'habitude  la  question  ouverte  ;  il  se  terminait  ainsi  : 

Tous  les  trois  sont  excellents;  leurs  éloges  ou  leurs  at- 
taques ont  trouvé  un  puissant  écho  \ 

D'autres  critiques  sont  heureusement  plus  expli- 
cites et  assignent  franchement  le  premier  rang  à 
AhtaL  De  ce  nombre  sont  des  grammairiens  de  la 
plus  haute  valeur,  comme  Aboû  *Amr  as-Saïbânî^, 
Voûnis,  Aboû  *Obaïda,  dont  les  noms  seuls  sont 
une  recommandation  ;  Aboû  *Amr,  presque  contem- 
porain de  notre  poète  ;  Abou*Œ>aïda,  vrai  Pic  de  la 
Mirandole,  qui,  à  la  fin  de  sa  fructueuse  carrière, 
pouvait  se  vanter  d'avoir  composé  plus  de  deux  cents 
ouvrages. 

Voici  ce  que  rapporte  ce  docte  maître  :  Un  indi- 
vidu vint  trouver  le  grammairien  Yoûnis  et  lui  posa 
cette  question  :  «  Quel  est  le  meilleur  des  trois 
poètes  ?  —  C  est  Ahtal  » ,  répondit  Yoûnis  sans  hé- 
siter. Nous  voulûmes  savoir,  continue  Aboû  *Obaïda, 

^  Ag.,  IX,  46. 

*  Ainsi  nommé  pour  le  distinguer  d'oii  autre  grammairien ,  Aboû 
*Amr,  fils  de  *Alâ. 


150  JUILLET-AOÛT  1894. 

de  quels  poètes  il  s^agissait  :  «  Nommez  ceux  que 
vous  voudrez ,  reprît  Yoûnis ,  Ahtal  l'emportera  tou- 
jours  sur  eux*  »  Étonnés  d'une  affirmation  si  caté- 
gorique et  d'entendre  le  maître  assurer  que  les  sa- 
vants étaient  unanimes  pour  accorder  la  prééminence 
à  Ahtal ,  nous  le  priâmes  de  nous  donner  ses  auto- 
rités. Il  nous  cita  plusieurs  savants  des  plus  respec- 
tables. «  C'étaient,  ajouta-t-il,  des  hommes  entendus 
aux  choses  de  la  littérature,  non  pas  comme  vos 
maîtres  qui  ne  sont  ni  grammairiens,  ni  Bédouins. 
Voici  ce  qui  les  engageait  à  se  prononcer  en  faveur 
d'Ahtal.  C'est  qu'en  général  sa  poésie  est  plus  cor- 
recte et  plus  soignée ,  et  qu'il  a  composé  le  plus  grand 
nombre  de  pièces  d'une  certaine  étendue,  irrépro- 
chables d'un  bout  à  l'autre,  pouf  le  fond  et  pour  la 
forme.  »  Un  assistant  objecta  que  Hammâd  et  Gan- 
nâd  ^  ne  partageaient  pas  cette  manière  de  voir.  «  Ceux 
que  vous  m'opposez ,  reprit  Yoûnis ,  ne  sont  ni  gram- 
mairiens, ni  Bédouins,  et 'n'entendent  rien  aux  fi- 
nesses de  la  littérature ,  tandis  que  les  savants  dont 
je  vous  parie  ont  blanchi  dans  l'étude  de  la  langue 
et  en  connaissent  tous  les  secrets.  Ce  sont  eux  qui 
en  ont  fixé  les  règles  et  (Ucté  les  lois  du  bon  goût.  » 
En  contrôlant  cette  assertion  du  maître,  dit  Aboû 
*Obaïda,  nous  trouvâmes  dans  les  œuvres  d'Ahtal 
dix  qasîdas  irréprochables,  à  côté  desquelles  on  pou- 
vait en  mettre  dix  autres,  de  bien  peu  inférieures 

*  Hammâd,  le  célèbre  râwia,  comme  nous  le  vei^ns,  donnait  la 
préférence  à  notre  poète.  «Quant  à  Gannâd,  nous  avons  inutilement 
cherché  des  renseignements  sur  ce  personnage. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  151 

aux  premières.  Nous  n  en  rencontrâmes  que  trois  de 
cette  force  dans  ie  Divan  dé  Garîr  et  aucune  dans 
celui  de  Farazdaq  ^ 

Nous  voici  bien  loin  des  appréciations  vagues  et 
générales  des  Sabba  et  des  Ibn  Safwân ,  et  nous  ne 
voyons  pas  ce  qu'on  pourrait  opposer  à  un  jugement 
si  solidement  motivé.  En  résumé,  les  critiques  d'un 
caractère  indépendant  sont  favorables  à  Âhtai  ^.  Les 
autres  sont  évidemment  préoccupés  du  désir  de  mé- 
.nager  les  opinions  de  leurs  interlocuteurs ,  et  surtout 
de  ne  pas  accorder  à  un  chrétien  d  odieuse  mémoire  ? 
la  prééminence  sur  des  musulmans. 

C'est  que,  depuis  les  Omiades,  un  grand  change- 
ment s'était  opéré  dans  l'opinion  musulmane.  Le 
siècle  de  Haroûn  ar-Rasîd,  le  siècle  par  excellence 
des  grammairiens  et  des  critiques,  ne  ressemblait 
en  rien  à  l'époque  de  Yazîd  et  de  ^Abdalmalik.  Si  la 
cour  de  Damas  avait  applaudi  le  poète  de  Taglib, 
c'est  qu'elle  était  composée  de  Bédouins  assez  peu 
fanatiques  et  d'hommes  de  guerre  dont  beaucoup 
avaient  pris  part  au  sac  des  deux  villes  saintes ,  brûlé 
la  Caaba  et  attaché  leurs  chevaux  au  tombeau  de 
Mahomet^.  Certes  les  préjugés  religieux  ne  devaient 
pas  empêcher  ces  gens  de  goûter  les  vers  d'un  grand 


»  Ag.,  VIT,  170-174. 

«  Cf.  Ag.,VII,  171. 

*  A  cause  de  son  manque  de  respect  pour  la  religion  domi- 
nante. 

^  Nous  devrons  revenir  sur  ces  événements  quand  nous  aurons 
à  parler  de  la  situation  religieuse  sous  les  Omiadcs. 


152  JUILLET-AOÛT  1894. 

poète  I  fôt~il  chrétien.  Sous  les  Âbbassides,  la  civili- 
sation arabe  avait  atteint  son  apogée.  On  reléguait 
dans  lombre  les  chrétiens  qui  avaient  préparé  ce  glo- 
rieux mouvement  ^  Les  disciples  rougissaient  main- 
tenant de  leurs  initiateurs  et  s'e£Forçaient  de  les  faire 
oublierai  Aussi  la  plupart  des  critiques  de  ce  temps 
sont-ils  embarrassés  quand  ils  ont  à  parler  d'Ahtal. 
Leur  appréciation  peut  en  général  se  résumer  ainsi  : 
ce  serait  le  premier  des  poètes^  depuis  Tislam ,  s'il 
n avait  été  chrétien.  L auteur  de  rAgâni  lui-même, 
rhonnéte  et  judicieux  Aboûl-Fara^,  «  malgré  sa  tolé- 
rance peu  commune'.»,  na  pu  surmonter  le  préjugé 
général  et  il  a  pris  à  regard  d*Ahtal  une  attitude  pres- 
que hostile,  contrastimt  sensiblement  avec  la  sym- 
pathie prodiguée  à  Garir  et  même  à  Farazdaq. 

C'était  aussi  lappréciation  du  prince  ^Omar,  fils 
de  ^AbdaraeizjLe  fils  du  calife  ^Abdalmalik,  Solaï- 
mân,  lui  demanda  un  jour  lequel  il  préférait  de 
Garîr  ou  d'Ahtal.  *Omar  était  d'une  piété  bien  rare 


'  Certains  contemporains  font  de  même;  témoin  un  ouvra^ 
absolument  prodigieux  du  D'  6.  Le  Bon ,  La  civiU$a$itm  des  Arabes, 
Paris,  iS84. 

*  Tabarî,dans  son  immense reeneil,  ne  cite  pas  oin»  SMile  fois  le 
nom  d'Ahtal ,  tandis  que  les  noms  et  les  vers  de  Garfr  et  de  Faraz- 
daq reviennent  firéquemment.  Qalqaf  andi  (iL;Lx-5'  ^  ^^âkA^t  ^uo 
LfiJ^I,  p.  2i5  de  notre  copie),  en  pariant  des- proverbes jqu'un  écri- 
vain doit  connaître,  cite  ceux  de  G.  et  de  F.  A^tal  n'est  pas  nommé. 
Nous  croyons  cet  ouMi  volontaire,  à  moins  qu'on  ne  l'attribue  à  la 
rareté  des  manuscrits  de  notre  poète ,  dont  un  seul ,  cdui  de  Saint- 
Pétersbourg,  a  survécu.  Cela  revient  peut^tre  «u  même. 

'  M.  Barbier  de  Meynard  dans  Journ,  aiiat.,  1.874,  II,  161. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  153 

chez  un  Qmiade.  Parvenu  au  califat,  il  sujpprimera 
les  pensions  des  poètes  pour  les  accorder  aux  pauvres 
et  aux  famiHes  des  comipagnons  du  Prophète.  Con- 
sacrant tout  son  temps  à  Tétude .  du  Coran  et  aux 
exercices  dei dévotion,  il  regardait  la  poésie  comme 
une  occupation  indigne  dun  bon  musulman.  Aussi 
pna-t-il  son  royal  cousin  de  le  dispenser  de  répondre. 
Mais  celui-ci  insistant  pour  avoir  son  opinion  : 
«  Ahtal,  dit  le  prince,  a  été  gêné  par  son  iniid^té, 
tandis  que  Tislam  a  mis  tous  les  avantages  du  côté 
de  Garir,  et  pourtant  vous  avez  pu  voir  comment 
Ahtal  la  traité.  —  G'est-àrdire,  s  écria  Solaïmàn, 
que  vous  accordez  la  préférence  au  chrétien  '  !  » 

Un  autre  jour,  des  courtisans  étaient  réunis  dans 
Tantichambre  de  Maslama,  frère  du  même  Solaï- 
màn. Bientôt  on  vint  à  parler  de  la  célèbre  triade 
poétique  et,  comme  d^habitude,  les  avis  étaient  par- 
tagés. A  la  fin,  rassemblée,  d'une  commune  voix, 
convint  de  s'en  remettre  à  la  décision  d'Abou  1  *askar. 
«  J  accepte ,  dit  ce  dernier.  Je  les  <^ompare  à  de  nobles 
coursiers  qui  ont  souvent  lutté  ensemble.  Celui  qui 
remporte  toujours,  c'est  Ahtal;  celui  qui  le  serre 
d'assez  près  et  arrive  constamment  le  second,  c'est 
Farazdaq;  Garîr  est  le  coursier  qui  tantôt  devance 
les  vents,  tantôt  se  laisse  battre  par  ses  rivaux 2.  »  Et 
à  l'appui  de  son  assertion,  Aboû'l \iskar  cita  deux 

»  Ag.,  VII,  181. 

*  Naturdiement  les  partisans  des  deux  autres  poètes  ne  gardent 
pas  les  mêmes  proportions.  Cf.  les  notices  de  Garir,  Ag. ,  VII,  38 ,  et 
de  Farazdaq,  VUI,  186. 


J54  JUILLET-AOÛT  1894. 

vers  où  il  croyait  remarcpier  cette  inégalité  du  talent 
deGarîri. 

«Les  poètes  islamites^,  disait  Aboû  *Obaïda,  sont 
au  nombre  de  trois  :  Ahtal  est  le  premier,  viennent 
ensuite  Garîr  et  Farazdaq^.  »  Aboû  *Amr  et  Salama 
fds  de  *Yâs*  donnaient  de  même  la  préférence  au 
poète  chrétien.  Le  premier  le  comparait  à  Nâbiga  à 
cause  de  la  coiTection  de  sa  poésie^.  Personne,  au 
jugement  d'Aboû  'Obaida ,  «  n  approchait  autant  de  la 
manière  des.  poètes  antéislamiques ,  par  son  style 
toujours  noble  et  soutenu,  par  la  concision  et  lex- 
pression  de  ses  vers^  ».  «  S'il  avait  vécu  un  jour  dans 
lage  d'ignorance,  disait  Aboû  *Amr,  je  ne  lui  con- 
naîtrais point  de  rival''.  »  Eloge  absolument  extra- 
ordinaire pour  qui  connaît  ladmiration  fanatique, 
professée  par  les  Arabes  pour  1  âge  héroïque  de  leur 
littérature.  Le  même  savant  citant  un  vers  qu'il  trou- 
vait délicieux  :  «  Ahtal  lui-même,  ajouta-t-il,  n'aurait 
pas  mieux  dit^.  » 

On  connaît  la  haute  position  qu'occupe  Asma^î 
parmi  les  critiques  arabes.  Dans  une  de  ses  leçons, 
le  célèbre  professeur  comparait  entre  eux  Garîr  et 
Farazdaq,  et  mettait  le  premier  au-dessus  du  se- 


'  Ag.. 

VU. 

178. 

«  C'esl 

t-à-dire  ceux 

qui 

ont  vécu 

depuis 

l'islam. 

"  Ag., 

vn, 

172. 

'  Ag.. 

VII, 

171. 

*  Ag.. 

VII, 

38,  1 

72. 

•  Ag.. 

VII, 

174. 

'  Ag.. 

VIÏ, 

17». 

•  Ag.. 

vu, 

172. 

# 

LE   CHANTRK   DES  OMIADES.  155 

cond.  Un  de  ses  auditeurs  lui  posa  ia  question  sui- 
vante :  cMais  que  penseat-vous  donc  d'Ahtai?»  As- 
ma^  s'arrêta  quelques  instants,  comme  pour  se 
recueillir,  puis  il  se  mit  à  déclamer  une  tirade  choi- 
sie dans  les  œuvres  d'Ahtal  ;  après  quoi  il  ajouta  : 
«  Si  tu  entends  dire  qu  un  autre  a  jamais  fait  ou 
refera  de  tels  vers,  ne  le  crois  pas  !  »  Puis  il  rappela 
le  mot  d'Aboû  *Amr,  cité  quelques  lignes  plus  haut, 
et  faisant  appel  à  ses  souvenirs  personnels  :  «  J'ai 
entendu,  dit-il,  mon  vénéré  maître,  Aboû  'Amr, 
citer  des  vers  et  me  dire  :  «  Aucun  poète  depuis  Tis- 
«lam  na  atteint  ce  degré  d'inspiration,  pas  même 
«  AhtaP.  » 

Hammâd  «  le  rhapsode  »  avait  coutume  de  dire  : 
«  Les  princes  de  la  poésie  arabe  sont  les  deux  cheikhs 
de  Wâïl,  A^sâ  le  cymbalier  des  Arabes'^  dans  Tâge 
d'ignorance,  et  Alitai  depuis  l'islam.  »  A  ceux  qui 
l'interrogeaient  au  sujet  du  poète  chrétien,  il  répon- 
dait :  «  Ne  me  pariez  pas  de  cet  homme  !  ses  vers 
m'ont  fait  aimer  le  christianisme  ^.  »  Un  certain  Aboû 
Haiya  vint  trouver  Aboû  *Amr  et  lui  montra  un  de 
ses  vers  dont  il  se  montrait  tout  glorieux.  «  Te  voilà 
bien  fier ,  s'écria  le  vieux  critique ,  tout  comme  si  tu 
étais  Ahtal  en  personne  !  '^  » 

Nous  nous  abstenons  de  citer  d'autres  hommages 
rendus  à  la  mémoire  d' Ahtal  par  les  plus  grandes 

^  Extrait  d'un  ouvrage  manuscrit  d'Asma'î ,  «IwKjftJt  SJyA  ^IxS^, 
propriété  d'un  habitant  de  Damas. 

*  Sur  ce  titre  cf.  Ag.,  VIU,  77. 
'  Ag.,  VII,  171,  17Q,  180. 

*  Ag.,VII,  17.3. 


156  JUILLET-AOÛT  1804. 

autorités  de  la  langue  arabe.  On  pourra  les  lire  dans 
la  notice  du  Kitâb  al-Agâni^,  ou  dans  l'édition  du 
P.  Salhanî^,  qui  les  a  recueillis  avec  grand  soin. 
Nous  ne  pouvons  pas  cependant  omettre  les  témoi- 
gnages de  *Omar,  fds  de  Sabba  :  il  est  trop  honorable 
pour  notre  héros,  et  lui  assigne  un  rang  à  part  dans 
la  littérature  arabe.  «Aucun  poète,  dit-il,  na  su 
rendre  ses  épigrammes  mordantes ,  comme  Ahtal , 
tout  en  respectant  les  lois  de  la  plus  délicate  pudeur.  » 
Le  Taglibîte  disait  de  lui-même  :  «  Je  n  ai  jamais  fait 
de  satire  qu'une  jeune  fille  ne  pût  réciter  devant  son 
père*.  1»  Et  il  disait  vrai.  Parmi  les  vers  qui  nous  ont 
été  conservés,  à  peine  en  trouverait-on  quatre  ou 
cinq  où  il  s'écarte  de  la  réserve  qu'il  s'était  imposée 
à  cet  égard.  Cette  retenue  est  d'autant  plus  digne 
d'éloges  que  la  satire  arabe  s'est  de  tout  temps  dis- 
tinguée par  la  licence  la  plus  effi^née.  «  Dans  leurs 
passions  ardentes  et  haineuses ,  les  Arabes  ne  trouvent 
jamais  dé  mots  assez  forts  pour  déchirer  et  couvrir 
de  honte  ceux  qu'ils  haïssent.  Il  faut  renoncer  à 
rendre,  même  en  latin,  les  expressions  trop  éner- 
giques dont  ils  se  servent  parfois;  on  pourrait  même 
dire  : 

L'arabe  dans  les  mots  brave  rhônnèteté , 
Mais  le  lecteur  tatin  vent  être  respecté  *.  » 

*  Au  8*  volume  si  firéquemment  cité  dans  cette  étude. 

*  Divan,  S4o-345. 

'  Ag.,  vn,  178. 

^  Boucher,  Divan  de  Farazdaq,  f,  64»  notfi  5.  Voir  aussi  la  po- 
lémique du  vieux  Nâbiga  Ga*dî  avec  Laâà  AhyaliA,  Ag.,  VU,  i33, 
sqq. 


LE   CHANTRE   DES  OMIADES.  157 

Il  y  a  plus.  Les  satiriques  arabes  ne  peuvent 
borner  leurs  attaques  à  la  personne  de  leurs  adver- 
saires. Us  croiraient n  avoir  rien  fait,  tant  qu'ils  n'ont 
pas  couvert  de  boue  et  d'ordure  sa  mère ,  sa  femme 
et  ses  filles.  Les  deux  plus  illustres  représentants  de 
la  poésie  contemporaine,  Garîr  et  Farazdaq,  pour 
ne  citer  que  ces  noms  plus  connus,  ont  laissé  en  ce 
genre  les  plus  tristes  exemples.  Telle  était  la  force 
de  rhabitude  que ,  même  dans  un  âge  avancé ,  Garir 
s'oublia  complètement  sous  ce  rapport.  C'est  ce  qui 
lui  valut  de  la  part  du  prince  Walîd^  d'être  bàtonné , 
garroté  et  exposé  sur  la  place  publique  de  Médine 
pour  servir  de  risée  à  la  populace^.  Par  moments 
Garîr  lui-même  rougissait  de  ces  débordements^. 
Mais,  si  trop  souvent  les  expressions  grossières  et 
obscènes  déshonorent  le  talent  de  Garîr  et  de  ses 
confrères  musulmans ,  Farazdaq ,  lui ,  dépasse  toutes 
les  bornes.  Son  Divan  est  réellement  immonde.  On 
dirait,  par  moments,  une  coulée  de  boue  infecte  et 
empestée.  Son  traducteur.  Boucher,  que  personne 
assurément  ne  suspectera  de  pruderie  excessive ,  est 
obligé  non  seulement  de  gazer,  d'adoucir  habituelle- 
ment le  réalisme  et  la  brutalité  de  l'original,  mais 
encore  de  supprimer  des  tirades  entières.  Il  faut 
donc  savoir  gré  à  Ahtal  d'avoir  su  résister  à  l'entraî- 
nement ;  d'avoir,  malgré  les  provocations  de  ses  adver- 


»  Ou  de  'Omar,  fils  de  'Abdal'azîz,  Ag.,  VII,  73. 

«  Ag.,VU,69. 

3  Ag.,  VII,  56,  59. 


158  JUILLET-AOÛT  1894. 

saires ,  dédaigné  de  retourner  contre  eux  les  armes 
déloyales  dont  ils  faisaient,  à  son  détriment,  un  si 
fréquent  usage.  Pour  nous ,  nous  pensons  être  dans 
le  vrai  en  affirmant  qu'il  doit  à  sa  religion  cette  ré- 
serve ,  cette  chasteté  de  langage ,  qui  ne  furent  jamais 
dans  les  mœurs  ni  dans  les  traditions  poétiques  de 
l'Arabie^. 

Terminons  la  série  des  témoignages  en  faveur 
d'Ahtal  par  un  suffrage  de  la  plus  haute  valeur,  ce- 
lui de  ^Abdàlmalik.  Ce  cdife  ne  fut  pas  seulement 
vm  grand  prince ,  il  fut  encore  un  des  plus  fins  litté- 
rateurs de  son  temps.  Son  érudition  poétique,  en 
particulier,^  était  très  étendue.  Le  célèbre  Sa*bî  avouait 
que  le  seul  homme  qui  l'eût  surpassé  sous  ce  rapport 
était  ^Abdalmalik ^.  Poète  lui-même,  doué  du  juge- 
ment le  plus  sûr  et  du  goût  le  plus  délicat,  ce  prince 
pouvait  en  remontrer  à  Garir  et  à  Farazdaq^.  Quand 
on  songe  que  la  cour  de  Damas  comptait  alors  des 
poètes  de  la  valeur  de  Garîr,  Farazdaq,  DoûVromma 
Kotaïyr,  Râ^,  Nàbiga  le  Saïbanite,  Motawakkil  ^,  le 
nègre  Nosaïb^,  on  voit  combien  il  est  honorable 


*  Nous  ne  connaissons  dans  l'histoire  iitléraire  de  cette  époque 
qu'un  seul  exemple  contraire  :  celui  du  poète  nègre  Nosaib.  Cf.  Ag. , 
I,  129,  1.  22;  i4o. 

«  Fahrî,  i48  (éd.  Ahlwardt);  Ibn  ai-Atîr,  IV,  214. 
3Ag.,Vn,  63. 

*  L'Agânî  (IX,  39)  dit  qu'il  loua  les  deux  premiers  souverains 
omiades;  contemporain  de  Ahtal,  qui  l'appréciait,  il  n'aura  pas 
négligé  *Abdalmalik. 

^  Habituellement  fixé  à  la  cour  de  *Abdal  *azîz ,  ce  poète  a  paru 
aussi  à  Damas.  Cf.  Ag. ,  1 ,  1 4o ,  etc. 


LE   CHANTRE   DES  OMIADES.  159 

pour  Ahtal  d'avoir  été  distingué  au  milieu  de  cette 
brillante  réunion,  et  d'avoir  joui  auprès  d'un  tel 
prince,  si  juste  appréciateur  du  mérite,  de  la  pkis 
constante  faveur. 

Des  écrivains  musulmans  étonnés,  scandalisés  à 
la  vue  de  l'auréole  poétique  qui  entoure  le  front  du 
chrétien,  ont  prétendu  que  sa  réputation  était  sur- 
faite. D'après  eux,  Ahtal  est  inférieur  à  ses  rivaux; 
mais  la  grande  famille  de  Rabfa  s'est  emparée  du 
nom  de  ce  poète,  né  en  son  sein,  et  l'a  hissé  sur  un 
piédestal  usurpée  Cette  explication  peut  être  spé- 
cieuse ,  mais  il  n'est  pas  malaisé  d'y  répondre.  Nous 
connaissons  la  solidarité  qui  a  toujours  existé  entre 
les  Bédouins  de  même  origine.  «  Rien  ne  saurait 
donner  une  idée  assez  nette ,  assez  vive  de  cette  dça- 
bia,  <îomme  il  l'appelle,  de  cet  attachement  profond 
que  l'Arabe  ressent  pour  ses  contribules ,  de  ce  dé- 
vouement absolu  aux  intérêts ,  à  la  prospérité ,  à  la 
gloire,  à  l'honneur  de  la  communauté  qui  l'a  vu 
naître.  Ce  n'est  point  un  sentiment  comme  notre 
patriotisme,  sentiment  qui  paraîtrait  au  fougeux 
Bédouin  d'une  tiédeur  extrême  :  c'est  une  passion 
violente  et  terrible  ;  c'est  en  même  temps  le  premier, 
le  plus  sacré  des  devoirs,  c'est  la  véritable  religion 
du  désert  2.»  Dans  1^  notice  de  Asga\  l'auteur  de 

*  Ag.  »  VII,  4o;  XIX,  48.  Cette  insinuation  a  été  répétée  par  un 
certain  nombre  d'écrivains  arabes  :  cela  devait  arriver,  étant  donnés 
le  serviiisme  avec  lequel  ils  copient  leurs  devanciers  et  leur  désir 
de  ravaler  un  chrétien. 

*  Dozy,  Histoire  des  musulmans  d'Espagne ,  I,  lo. 


160  JUILLET-AOÛT   1894. 

i'Agani  nous  donne  à  ce  propos  des  détails  fort  si« 
gnificatifs.  Ce  Bédouin  avait  eu  le  malheur  de  naître 
avec  une  généalogie  des  plus  douteuses.  Dès  lors 
il  perdait  tout  droit  à  Testime  des  gens  de  sa  tribu  ; 
il  était  moins  que  rien.  Mais^  en  grandissant,  cet 
Arabe  sans  état  civil,  cet  homme  de  néant ,  sentit  la 
flamme  poétique  s  allumer  en  son  sein,  ses  vers 
fiirent  remarqués.  Or,  observe  Aboûl-Farag ,  à  cette 
époque,  les  poètes  de  renom  appartenaient  tous  à 
Rabf  a  ou  aux  descendants  de  Qahtân.  Modar  se  ré- 
clama immédiatement  de  Asga^  et  les  Solaïmites  Tac- 
cueillirent  avec  les  plus  grands  honneurs  ^ 

Que  Rabfa  se  soit  donc  intéressée  à  son  poète, 
nous  le  concédons.  Nous  verrons  plus  loin  vm  Bé- 
douin musulman  de  Rabf  a ,  appartenant  à  une  tribu 
hostile  aux  Taglibites,  conjurer  Ahtal,  au  nom  de 
leur  commune  origine,  de  modérer  ses  attaques 
contre  Garîr,  pqur  ne  pas  attirer  sur  sa  tête  les  ven- 
geances de  Modar.  Que  Rabf  a  ait  été  justement  fière 
d' Ahtal  et  se  soit  montrée  jalouse  de  sa  gloire,  nous 
sommes  encore  prêt  à  laccorder.  Mais  comment 
admettre  qu'elle  ait  pu  inspirer  ses  propres  senti- 
ments aux  autres  Arabes  ?  et  cela  en  faveur  d'un  chré- 
tien dont  les  opinions  antimusulmanes  n  étaient  un 
mystère  pour  personne.  L'intervention  patriotique 
de  Rabî*a  n'explique  rien ,  à  moins  de  convenir  que 
Ahtal  occupe  à  bon  droit,  sur  le  Parnasse  arabe,  la 
place  que  les  meilleurs  critiques  lui  assignent. 

»  Ag.  XVII,  3o. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  161 

Un  passage  d'Asma^î  ^  nous  permet  de  nous  rendre 
compte  jusqu'à  un  certain  point  de  la  manière  de 
composer  de  notre  poète.  Son  premier  jet  était  d'or- 
dinaire très  abondant;  il  lui  arrivait  d'improviser 
d'un  trait  quatre-vingt-dix  vers.  Ensuite  venait  le  tra- 
vail de  la  revision  :  il  était  long,  laborieux;  le  poète 
corrigeait,  modifiait  et  surtout  retranchait,  si  bien 
qu'à  la  fin  il  lui  restait  une  trentaine  de  vers  qu'il  se 
décidait  à  livrer  au  public.  Le  trait  suivant  montrera 
également  combien  était  lent  chez  lui  le  travail  de  la 
composition  et  de  la  correction. 

Âhtai  se  trouvait  à  la  cour  de  ^Âbdalmalik. 
«Prince,  lui  dit-il,  le  fils  de  Maraga^  a  prétendu 
qu'il  ferait  votre  éloge  en  trois  jom^s;  pour  moi,  j'y 
travaille  depuis  un  an,  et  encore  je  n'en  suis  pas 
satisfait.  —  Fais -le -moi  entendre,  dit  le  calife. 
—  J'ai  le  gosier  trop  sec,  répondit  le  poète,  veuillez 
me  faire  apporter  à  boire.  —  Qu'on  apporte  de 
l'eau,  dit  *Abdalmalik.  —  De  l'eau!  s'écria  Ahtal, 
c'est  la  boisson  des  ânes;  d'ailleurs  je  ne  manque 
pas  d'eau  chez  moi.  —  Qu'on  lui  donne  du  lait  !  — 
Pour  cela,  non!  il  y  a  longtemps  que  je  suis  se- 
vré. —  Qu'on  apporte  de  l'eau  miellée  !  —  Breu- 
vage de  malade  !  —  Que  veux-lu  donc  ?  s'écria  le 
calife  impatienté.  —  Du  vin,  commandeur  des 
croyants!  —  Comment,  malheureux!  suis-je  donc 
dans   l'usage  de  présenter   du  vin?  Sans  l'estime 


»  Ag.,VII,  171. 

*  Sobriquet  de  Garîr. 

IV.  11 


J62  JUILLET-AOÛT  1894. 

que  j  ai  pour  ton  talent,  je  te  traiterais  comme  tu 
le  mérites.  »  Ahtal ,  sorti ,  avisa  un  officier  du  palais  : 
«Allons!  lui  dit-il,  le  prince  des  croyants  me  de- 
mande des  vers;  j'ai  la  voix  rauque;  verse-moi  à 
boire!  •  Son  désir  fut  promptement satisfait.  «  Encore 
une  rasade!  fit  Ahtal;  une  troisième!  pour  mettre 
d'accord  les  deux  premières ,  et  les  empêcher  de  se 
battre  dans  mon  estomac  !  »  U  lavala  d'un  trait  et 
réclama  une  quatrième  rasade  :  «Tu  mas  laissé, 
ajouta-t-dl,  danser  sur  trois  pieds;  je  me  trouve  dans 
un  équilibre  instable;  un  quatrième  verre  arrangera 
tout.  »  Après  ce  quatrième  coup ,  il  rentra  dans  lap- 
partement  du  calife  et  déclama  son  grand  panégy- 
rique, généralement  considéré  comme  son  chef- 
d'œuvre  ^  A  cause  de  l'importance  du  poème,  nous 
en  citons  les  passages  principaux. 

Mes  contribules  sont  partis  à  la  hâte;  ils  s'en  allèrent  le 
soir  ou  sur  le  matin ,  emportés  par  cette  humeur  voyageuse 
toujours  mobile. 

Après  ce  départ  je  suis  comme  si  j'avais  bu  du  vin  d*Emèse 
ou  de  Gadar^, 

Versé  abondamment  d  une  amphor^  brune ,  goudronnée , 
bien  pleine ,  dont  le  goulot  a  été  débarrassé  de  soq  cachet  de 
terre. 

Tel  un  joyeux  convive  étourdi  par  les  ardeurs  du  vin ,  et 
n'ayant  pu  dissiper  les  vapeurs  de  la  boisson  ; 

Tel  encore  un  honune  brisé  de  doideur,  ou  sous  le  charme 
d'un  enchantement. 

Tels  étaient  mes  regrets  et  ma  peine ,  quand  je  les  suivais 

'  Ag.,X,  4. 

*  Gadar,  iocaiité  syrienne,  cf.  Yâqoùt,  U,  643. 


LK  CHANTRE  DES  OMIADES.  163 

du  regard  pendant  qu'ils  s*eu  allaient  en  troupes  des  deux 
côtés  de  Kaukab  ^ 

Après  ce  début  traditionnel  et  une  dizaine  de 
vers  consacrés  au  «  nasib  » ,  le  poète  aborde  Téloge  du 
cdife. 

Un  imâm  dont  les  faveurs  ne  nous  ont  jamais  mancpié , 
que  le  Seigneur  a  rendu  victorieux.  Qu'il  jouisse  de  ses  vic- 
toires ! 

B  s*élance  au  plus  fort  du  danger;  la  fortune  raccom- 
pagne :  c  est  lui  le  calife  de  Dieu ,  de  lui  nous  attendons  la 
pluie. 

Il  mûrit  longuement  ses  desseins  et  les  exécute  avec  éner- 
gie :  la  prudence  et  le  courage  ne  Tabandonnent  jamais. 

Le  soin  de  veiller  sur  tous  lui  est  confié  ;  sa  résolution  prise , 
rien  ne  peut  le  surprendre. 

L*Euphrate,  quand  ses  vagues  battent  le  rivage,  entraî- 
nant les  arbres  dans  leur  tourbillon , 

Quand ,  soulevés  par  les  vents  de  Tété ,  ses  flots  bondissent 
par-dessus  la  proue  des  navires , 

L*Euplirate,  descendant  impétueusement,  et  par  mille 
circuits  des  montagnes  grecques  ',  dont  les  masses  rocheuses 
cachent  ses  eaux , 

N'est  jamais  plus  généreux  ni  plus  majestueux  que  notre 
souverain ,  paraissant  dans  Téclat  de  sa  grandeur  * .  . . 

Les  descendants  d'Omaïya  sont  les  soutiens  de  la  justice  ; 


^  Ou  Kaukabâ ,  nom  d'une  localité. 

^  Partie  de  TArménie,  alors  encore  sous  le  sceptre  de  Byzance. 
'  Passage  imité  de  Nâbiga  Dobyâni;  Hassan  b.  Tâbit  avait  déjà 
imité  cette  tournure  (Ag. ,  IV,  12). 


11. 


164  JUILLET-AOUT  1894. 

évitant  la  honte ,  magnanimes  ;  quand  le  danger  les  menace , 
ils  l'attendent  de  pied  ferme. 

Si  l'imivers  est  enveloppé  de  ténèbres ,  ils  trouvent  un  re- 
fuge et  une  issue. 

Dieu  les  a  aidés  en  leur  donnant  la  fortune  ;  toute  autre 
fortune,  en  comparaison  de  la  leur,  est  petite  et  méprisable. 

Elle  ne  les  enfle  pas ,  parce  qu'ils  en  sont  dignes  ;  d'autres 
s'en  seraient  prévalus. 

Terribles  dans  leur  colère  tant  qu'on  leur  résiste ,  ils  sont 
les  plus  cléments  des  hommes  après  la  victoire. 

Leurs  ennemis  ne  peuvent  soutenir  le  choc  de  leurs  armes  ; 
en  eux  point  de  défauts  ^  ! 

Ils  sont  plus  prompts  que  les  vents  *  à  secourir  les  malheu- 
reux qui  les  implorent. 

Enfants  d'Omaïya ,  vos  bienfaits  sont  universels ,  complets , 
sans  reproche  et  sans  arrière-pensée. 

Ikifants  d'Omaïya ,  j'ai  pris  votre  défense  contre  les  des- 
cendants de  ceux  qui  ont  accueilli  et  défendu  le  Prophète  '. 

J'ai  repoussé  loin  de  vous  les  fils  de  Naggàr  et  leur  ai  fait 
reconnaître  les  prérogatives  de  Ma  add  ;  trop  longtemps  leur 
insolence  était  restée  impunie. 

flnfin  la  crainte  de  mes  vers  les  réduisit  à  la  soumission  ; 
la  parole  pénètre  plus  profondément  que  l'aiguille. 

Fils  d'Omaïya,  écoutez  ce  conseil  :  que  Zofar  *  ne  conti- 
nue pas  à  résider  tranquillement  parmi  vous  I 

Traitez-le  en  ennemi  :  au  dedans  et  au  dehors ,  tout  chez 
lui  n'est  que  trahison. 

Sa  vieille  haine  se  réveillera ,  comme  la  gale  cachée  qui 
finit  par  faire  éruption. 

'  Littér.  :  dans  leur  bois  il  n'y  a  point  de  faiblesse. 

^  ^l^yt  (j!5^L^.  Comp.  Mobarrad,  Kâmil  (éd.  Wright),  p.  439  : 

'  A  savoir  :  les  Ansariens.  Cf.  Divan,  3i4< 
^  Chef  qatsite ,  ennemi  de  Taglib.  On  verra  plus  loin  l'histoire 
de  ses  demies  avec  cette  tribu. 


LE  CHANTRE   DES  OMIADES.  165 

Nojos  f&mes  tes  auxiliaires.  Prince  des  croyants,  lorsqu'à 
Damas  t'arrivèrent  des  messagers, 

Tapportant  la  tête  du  fils  de  Hobàb\  sur  la  poitrine  du- 
quel s'ëtalait  la  marque  du  glaive. 

Ses  oreilles  fermées  n'entendent  plus  la  voix  qui  l'appelle  ; 
ii  ne  rompra  plus  le  silence ,  aussi  longtemps  que  la  pierre  ne 
parlera  pas. 

Son  cadavre  git  sur  les  bords  du  Hassâk  ^  ;  entre  lui  et  sa 
tète  se  dressent  le  Yahmoun  et  le  Sowar  ^. 

Quand  les  Taglibites  apportèrent  (à  Damas)  ce  sanglant 
trophée ,  les  Gassanites  de  Sobr  et  de  Hazn  lui  demandèrent  : 
(Comment  t'ont  traité  les  petits  gardiens  de  chameaux  V  .  .  » 

Le  reste  de  la  qasida  étant  consacré  à  une  vio- 
lente satire  contre  les  tribus  de  Qaïs,  nous  ne  sui- 
vrons pas  le  poète  plus  loin.  Pendant  cette  déclama- 
tion, on  aurait  pu  voir  *Abdalmalik  se  redresser  avec 
fierté.  Quand  elle  fut  terminée:  «Veux-tu,  dit-il  à 
son  favori,  que  je  publie  un  manifeste  pour  te  dé- 
clarer le  premier  des  poètes  arabes  ?  —  Il  me  suf- 
fit, répondit  Ahtal,  que  Témir  des  croyants  m  ait 
rendu  ce  témoignage.  »  Une  grande  coupe  se  trouvait 
en  ce  moment  placée  devant  le  calife  ;  il  commanda 
qu'on  la  remplît  d*or  et  qu'on  la  donnât  à  Ahtal.  Il 
le  fit  ensuite  couvrir  de  robes  d'honneur^  et  accom- 

^  Principsd  lieutenant  de  Zofar. 

*  Rivière  ou  monticule  de  Mésopotamie,  où  les  Taglibites  rem- 
portèrent une  victoire  sur  les  Qaîsites  ;  Hobâb  y  fut  tué. 

*  Noms  de  montagnes. 

^  Hobâb  avait  dit  que  les  Ta^ibites  n'étaient  que  les  gardiens 
de  ses  chameaux.  Sobr  et  Hazn  étaient  deux  tribus  gassanites, 
partant,  ennemis  des  Qaîsites.  Pour  arriver  à  Damas,  il  fallait 
traverser  leur  territoire. 

'  Le  texte  ajoute  :  tdlement  qu'il  disparaissait  sous  le  nombre. 


16Ô  JUÎLLET-AOOT  1804. 

pagner  par  un  de  ses  officiers  qui  disait  à  haute  voîx  : 
«  Voici  le  poète  du  commandeur  des  croyants  !  Voici 
le  plus  grand  de  spoètes  arabes  !  »  Depuis  lors  *Abdal- 
malik  avait  coutume  de  dire  :  «Chaque  famille  a 
un  chantre  de  sa  gloire;  celui  des  Omiades,  c*est 

Ahtsd^» 

—  • 

Le  calife  avait  été  surtout  sensible  au  trait  Sui- 
vant : 

Terribles  dans  leur  Colère ,  tant  qn^on  leur  résiste ,  ils  Sont 
les  plus  cléments  des  hommes  après  la  victoire. 

Ce  vers  a  eu  une  célébrité  étonnante,  et  a  même 
excité  Tenvie  des  plus  puissants  d*entre  les  califes 
abbassides.  Le  fondateur  de  cette  dynastie,  Aboù'l 
^Abbâs,  sollicité  d'entendre  un  poème  en  son  hon-> 
neur,  répondit  :  «  Hé  !  que  pourrait-on  dire  de  moi, 
qui  égalât  le  vers  dix  fils  de  la  chrétienne  en  l'honneur 
des  enfants  d'Omatya  ?  ^.  »  On  rapporte  encore  que 
Hâroûn  ar-Rasid  demanda  un  jour  à  ses  familiers 
quel  était ,  à  leurs  yeux ,  le  plus  beau  vers  composé 
à  la  louange  des  califes  omiades  ou  abbassides.  On 
discuta  longtemps ,  les  avis  étaient  partagés.  Hâroûn 
trancha  la  question.  «  Le  plus  beau  vers,  dit-il,  est 
celui  d'Ahtal  :  «Terribles  dans  leur  colère  »,  etc.  ^. 

Le  fait  suivant,  cité  dans  les  Prairies  d'or'^,  montre 


*  Pour  ce  récit,  nous  avons  combiné  ensemble  Agftnî,  VU,  172 
et  176. 

«  Ag.,Vn,  179. 
»  Ag.,  X»  5. 

*  VI,  64,  traduction  de  M.  B.  de  Meynard. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  167 

à  quel  point  les  vers  d'Âhtal  faisaient  impression  sur 
Tesprit  de  ^Âbdalmalik.  Quoique  déjà  avancé  en  âge, 
ce  prince  avait  conservé  un  goût  très  vif  pour  les 
femmes  ^  Connaissant  cette  inclination ,  le  gouver- 
neur de  l'Afrique  lui  avait  envoyé  une  esclave  d'une 
rare  beauté.  Quand  on  la  lui  présenta,  il  venait  de 
recevoir  une  lettre  de  son  lieutenant  Haggâg,  campé 
en  face  des  rebelles  et  sur  le  point  d'en  venir  à  une 
action  décisive.  La  dépêche  tomba  des  mains  du 
prince.  «En  vérité,  dit-il  à  lesclave,  ta  beauté  est 
idéale!  —  S'il  en  est  ainsi,  répondit  cette  femme,' 
quel  motif  peut  te  retenir?  —  Par  Dieu!  s'écria 
^Âbdsdmalik ,  ce  qui  me  retient ,  c'est  ce  vers  d'Ahtal  : 

Des  soldats  qui  pendant  la  guerre  serrent  les  attaches  de 
leurs  manteaux  contre  les  séductions  des  femmes  *. 

«  Eh  quoi  !  je  me  livrerais  au  plaisir,  quand  un  en- 
nemi redoutable  se  prépare  à  attaquer  Haggâg ,  quand 
les  plus  vaillants  guerriers  de  l'Arabie  ont  déjà  perdu 
la  vie  ?  Que  Dieu  m'en  préserve  !  »  Et  l'esclave  lut 
éloignée. 

Les  poètes  arabes  se  piquaient  peu  de  modestie 
et  disaient  tout  haut  le  bien  qu'ils  pensaient  des  pro- 
ductions de  leur  muse.  Chacun  revendiquait  naïve- 
ment pour  soi  le  premier  rang.  En  ce  temps-là, 
observe  Fulgence  Fresnel,  la  fausse  humilité  n'était 
pas  encore  inventée.  Ces  mœurs  littéraires,  qui  con- 


1  Cf.  Ag.,  XXI,  8,1. 1  (éd.  R.  Brûnnow)  :  Osî^^  JUUI  J^^  ylS', 
*  Divan,  120,  2. 


168  JUILLET-AOÛT  1894. 

trastent  si  violemment  avec  les  nôtres,  plus  raffinées 
assurément,  mais  beaucoup  moins  sincères,  étaient 
anciennes  dans  la  nation,  et  il  ne  parait  pas  qu'on  y 
trouvât  à  redire.  «On  ne  doit  pas,  dit  Ibn  Rasiq^, 
se  louer  ni  se  vanter  soi-même.  Gela  est  permis  seu- 
lement aux  poètes,  quand  dans  leurs  vers  ils  se 
mettent  au-dessus  de  leurs  rivaux,  et  personne  ne 
songe  à  s'en  formaliser.»  Pratiquement,  les  poètes 
étendaient  bien  au  de  là  des  limites  de  la  «  mofâhara  » 
ou  de  la  «  monâfara  »  la  concession  que  lusage  leur 
"faisait-  de  se  grandir  eux-mêmes.  Le  vieux  Nâbiga 
prétendait  qu  aucun  poète  n'était  «  capable  de  fendre 
sa  pouissière^  ».  Dans  la  xxvii*  ode  de  son  Divan 
(vers  1 6),  il  déclare  être  de  ceux  «  qui  ne  louent  ja- 
mais que  les  rois  ».  Ayant ,  après  un  voyage  à  Médine , 
corrigé  dans  ses  vers  la  faute  nommée  iqwà,  il  disait 
en  partant  :  «  Quand  je  suis  sorti  de  Médine,  j'étais 
le  premier  des  poètes.  »  Hansâ ,  la  reine  de  l'élégie 
arabe,  proclamée  par  la  bouche  de  Nâbiga  la  plus 
grande  des  poétesses,  osa  déclarer  l'éloge  incomplet'. 
Son  rivai,  Hassan  bin  Tâbit,  fut  encore  moins  satis- 
fait et  réclama  le  premier  rang.  Dans  une  autre  cir- 
constance ,  le  chantre  de  l'islam  se  déclara  sans  dé«- 
tour  le  plus  incomparable  des  poètes.  Garir  ne  faisait 
de  même  aucune  difficidté  de  se  mettre  au-dessus^ 

*  îb^I  v'^t  P*  ii«  nis.  de  l'Université  Saint-Joseph  de  Bey- 
routh. 

*  Divan  de  Nâbiga,  V,  3  (éd.  Hartw.  Derenbourg). 
'  C  de  Percevai;  Essai,  II,  5ia. 

*  Cf.  Ag. ,11,  Sg ,  1.  2 ,  et  6o,  1.  1 4  «  où  Hptaîa  se  dit  le  premier 
des  poètes. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  1Ô9 

de  ses  contemporains.  Parfois  il  poussait  ses  préten- 
tions encore  plus  loin.  ^Âbdalmalik  ayant  voulu  avoir 
son  opinion  sur  le  mérite  de  Zohaïr,  de  Tarafa, 
d*Imrou  Iqaïs ,  de  Farazdaq  et  d'Âhtal ,  le  fils  de  Ha- 
taâ  fit  successivement  leur  éloge  en  termes  pompeux  : 
«Tu  les  as  si  bien  loués,  dit  le  prince,  que  tu  nas 
rien  réservé  pour  toi-même.  —  Si,  commandeur, 
des  croyants,  répliqua  Garîr;  moi,  je  suis  la  cité 
des  vers,  la  patrie  doù  ils  sortent,  et  à  laquelle  ils 
reviennent.  J  excelle  dans  tous  les  genres,  tandis  que 
les  autres  ne  brillent  chacun  que  dans  un  genre  par- 
ticidier.  » 

Le  lecteur  sera  donc  moins  surpris  de  voir  Âhtai 
se  rendre  pleinement  justice  à  lui-même  et  prononcer 
avec  non  moins  de  conviction  que  le  poète  latin  son 
eùcegi  monamentam.  «  La  tribu,  disait-il,  dans  laquelle 
le  talent  poétique  est  le  plus  développé  est  la  tribu 
des  Banoû  Qaïs  bin  TaHaba  ^  ;  la  famille  qui  compte 
dans  son  sein  le  plus  de  poètes  distingués  est  celle 
d*Aboû  Salama,  et  le  meilleur  des  poètes,  cest  Im- 
dividu  qui  est  dans  ma  chemise^.  »  Un  vieux  Qoraï- 
chite  le  voyant  sortir  de  chez  le  calife  s  approcha  de 
lui  et  lui  demanda  quels  étaient  les  princes  de  la 
poésie  arabe  :  «Ce  sont,  répondit  Ahtal,  ces  deux 
chiens  de  Tamimites'  qui  cherchent  à  se  mordre. 
—  Et  vous,  père  de  Mâlik,  dit  le  Qoraïchite,  quel 


'  Elle  avait  vu  naître  le  grand  k*ik, 

«  Ag..  VII,  l^i. 


'  Ciarir  et  Farazdaq,  tous  deux  de  Tamîm. 


170  .       JUILLET-AOÛT  1804. 

rang  occupex-vous P  -*—  Ma  foi!  répliqua-Ml,  je  suis 
plus  fort  qu'eux  ^  » 

Tout  en  se  mettant  résolument  avant  tous  ses 
contemporains,  il  n allait  pas  cependant,  comme 
Garîr,  jusqu'à  se  préférer  aux  grands  poètes  de  Vdge 
dH^norance  :  «  Quel  est,  lui  dit  un  jour  un  des  petits-^ 
fils  de  ^Abdalmalik ,  quel  est  le  meilleur  des  poètes  ? 
•—  G  est,  répondit«il,  celui  qui  écrase  dans  la  satire 
et  qui  immortalise  dans  le  panégyrique.  -^  Et  à 
qui,  selon  vous,  demanda  le  prince,  convient  cet 
éloge  ?  —  A  A^iâ  » ,  répondit  Ahtal.  Puis  comme  on 
continuait  à  l'interroger,  il  assigna  le  second  rang  à 
Tarafa  ;  pour  lui  il  se  contenta  du  troisième  *.  Dans 
une  autre  circonstance  cependant  ^  il  se  plaça  immé* 
diatement  après  A*^  * . 

Admis  à  l'audience  de  Bi^r,  fils  de  Marwân,  il 
trouva  ce  prince  en  compagnie  de  R4*î,  célèbre  poète 
de  la  tribu  qaïsite  de  Hawâzin.  Bi^r,  qui  prenait 
plaisir  à  mettre  les  poètes  aux  prises^,  lut  pose  à 
brûle-pourpoint  la  question  suivante  :  «  Qui  l'emporte 
de  vous  deux ,  Râ^î  ou  toi  ?  — •  Moi ,  répondit  Ahtal , 
je  suis  meilleur  poète  et  de  plus  noble  extraction 
que  lui.  —  Que  dis -tu  à  cela?»  demanda  Biir  en 
se  tournant  vers  Râ*î.  Le  Bédouin ,  qui  était  un  des 
princes  de  Modar*^,  fut  piqué  de  voir  un  chrétien 


»  Ag.^VII.  173. 

»  Ag.,vn,  179. 

»  Ag..  VII.  179. 
*  Ag.,  VII,  i85. 
»  A^.,VI[,  45,1.22;  XX>  170* 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  171 

de  R^fa  lui  disputer  la  palme  de  la  noblesse.  Il 
répondit  :  «  Passe  encore  pour  la  poésie  I  mais  pour 
ce  qui  regarde  la  naissance,  quand  il  pourra  citer 
parmi  ses  ancêtres  des  femmes  comme  celles  dont 
descend  le  prince,  je  m  avouerai  vaincu.»  Quand 
Âhtal  fut  sorti,  un  de  ses  amis  lui  exprima  son 
étonnement  de  ce  qu'il  eût  osé  dire  à  Yoncle  de 
Témir^  qu'il  était  de  meilleure  extraction  que  lui. 
«  Que  voulei8-vou8  ?  répondit  le  poète  ;  les  trois  verres 
d'Aboù  Nastoûs^  ont  si  bien  opéré  que  je  ne  savais 
plus  où  j'étais^.  » 

En  d autres  circonstances,  Ahtal  proclamait  sa 
supériorité  en  termes  encore  plus  explicites.  «J'ai, 
dit-il ,  surpassé  mes  concurrents  dans  la  satire ,  dans 
le  panégyrique  et  dans  les  poésies  erotiques ,  de  ma* 
nière  à  leur  enlever  lespoir  de  m'atteindre.  »  Et  ce 
qui  montre  Testime  qu'on  avait  de  son  talent ,  c'est 
que  ses  interlocuteurs  musulmans,  de  qui  nous  te- 
nons ces  détails,  loin  de  protester,  ajoutent  qu'il 
avait  le  droit  de  parier  de  la  sorte  *. 

Les  provinces  mésopotamiennes  et  l'Iraq  avaient 
longtemps  retenti  du  bruit  des  exploits  militaires  de 
Mohallab.  Homme  véritablement  supérieur,  il  mé- 

*  Bisr  avait  eu  pour  mère  une  femme  de  Hawâzin;  de  là  le  titre 
d'oncle  donné  à  Râ*î.  Cf.  Ag.,  IV,  77  et  suiv.,  où  le  calife  Walîd 
appdle  Toraih  son  onde;  VII,  54,  65,  et  le  même  recueil  passim, 

*  Nastoûs,  corruption  de  kvaaidatos,  officier  chrétien  de  la  cour 
de  Damas;  peut<^tfe  Anastase,  fils  d'André,  gouverneur  d'Édesse, 
tnis  à  mort  par  Môhammad,  frère  de  *Abdalmalik. 

»  Ag.,Vn,  175.' 

*  Ag.,  VII.  177. 


172  JUILLET  AOÛT  18Q4. 

ritera  plus  tard  i  admiration  d  un  preux  chrétien ,  le 
Cid  Campéador,  qui  en  son  palais  de  Valence  se  fera 
lire  le  récit  de  ses  hauts  faits  ^  Cet  illustre  capitaine 
avait  laissé  un.  grand  nombre  de  fils,  tous  actifs  et 
entreprenants.  L'un  d  eux ,  nommé  ^Abdaimalik,  exer- 
çait la  charge  de  préfet  de  police  à  Basra,  quand 
notre  poète  le  rencontra.  «Je  me  sens,  lui  dit-il, 
une  violente  envie  de  composer  pour  vous  un  pané- 
gyrique. Faites-moi  donc  un  cadeau  pour  me  délier 
la  langue  et  me  mettre  en  verve.  Par  Dieu!  je  jure 
de  vous  revêtir  d  un  manteau  dont  l'éclat  ne  s'efiFa- 
cera  pas  jusqu'au  jour  de  la  résurrection  !  —  Père 
de  Mâlik,  répondit  le  jeune  homme,  j'ai  la  plus 
grande  estime  poiu"  ton  talent;  je  sais  que  tu  n'as  qu'à 
vouloir  pour  tenir  ta  promesse.  Mais  tu  dois  con- 
naître la  situation  de  notre  famille.  Que  dirait  le 
calife  s'il  apprenait  que  je  provoque  par  des  cadeaux 
les  éloges  des  poètes?  Il  croirait  que  je  cherche  à  me 
mettre  en  évidence ,  cela  pourrait  causer  ma  perte«  » 
Le  jeune  préfet  de  police  se  rendait  parfaitement 
compte  de  la  situation.  Depuis  quelque  temps  l'om- 
brageux Qaggâg  faisait  surveiller  de  près  les  fils  de 
M ohallab  et  cherchait  tous  les  moyens  de  les  desser- 
vir à  la  cour  de  Damas ^.  Moins  clairvoyants,  les 


^  Cf.  Doxy,  Recherches  sur  V histoire  de  t Espagne,  lî,  35;  Hist, 
des  mandmans  d^Espagne,  I,  i55. 

'  Cf.  Divan  de  Farazdaq ,  76  et  77  ;  se  rappeler  que  Mohailab  avait 
été  partisan  du  fils  de  Zobaîr.  Hag^â|;  était  un  Qaîsite  fimatique  ;  à 
ce  titre  il  devait  chercher  à  perdre  les  fils  du  grand  capitaine  yémé- 
nite.  Voir  encore  Tabarî,  D,  iiSg,  ii43  et  1182,  et  Ag.,  XX,  i3. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  173 

firères  de  ^Âbdalmalik  ti*eurent  pas  plus  tôt  appris  ce 
qui  s^était  passé  qu'ils  i  accablèrent  de  reproches 
pour  avoir  repoussé  TofiBre  du  poète.  «  Je  lui  ai  donné 
mes  raisons,  répondit  le  jeune  homme,  il  aura  ac- 
cepté mes  excuses  ^  » 

On  récitait  au  calife  ^Âbdalmalik  le  vers  de  Ko- 
taïyr  : 

Ce  ii*est  pas  sans  luttes ,  mais  à  la  pointe  de  Tépée  que  le 
prince  a  ramassé  sa  couronne. 

Le  prince  parut  le  goûter  beaucoup,  quand  Âhtal 
prenant  la  parole  :  «Emir  des  croyants,  dit-il,  je 
pense  avoir  trouvé  mieux  que  cela.  —  Et  qu  as-tu 
trouvé?  demanda  le  calife.  —  Voici  : 

A  rentrée  du  mois  sacré  nos  princes  s'avancent,  souve- 
rains d*un  empire  antique  qu'ils  possèdent  de  plein  droit'. 

«  Je  dépeins  le  califat  comme  vous  revenant  de 
droit,  tandis  que,  d après  Kotaïyr,  vous  lauriez  con- 
quis de  force.  —  Tu  as  raison,  Ahtal»,  répondit 
le  calife,  frappé  de  la  justesse  de  lobservation ^. 

De  ce  qui  précède  le  lecteur  pourra  conclure 
quelle  place  immense  Ahtal  occupait  parmi  ses  con- 
temporains. Son  influence  ne  fut  pas  limitée  aux 
enfants  de  Taglib  ;  elle  s'étendit  jusqu'aux  tribus  ri- 
vales et ,  parmi  tous  les  Arabes  descendus  de  Rabi^a , 
il  n'y  en  eut  aucun  qui  se  montrât  indifférent  à  cette 

'  Ag.,  VII.  177. 

*  Divan,  2  4,  4- 
»  Ag.,  VII,  173. 


174  JUILLET-AOÛT   1894. 

gloire  de  famille  ^  On  connaît  les  longues  guerres 
allumées  entre  lés  tribus  sœurs  de  Bakr  et  de  Taglib. 
Les  Bakrites  s'étant  établis  au  nord  du  pays  de  Taglib , 
les  relations  des  deux  peuples  n  en  devinrent  pas  i^us 
cordiales.  Du  vivant  même  d'Ahtal  il  y  eut  entre  les 
Tag^ibites  et  les  Banoû  Saibân  aidés  par  certains  chefs 
Ta*labites  des  escarmouches  et  des  rencontres  san- 
glantes^. Même  après  la  condusion  de  la  paix,  la  ré- 
conciliation n  avait  jamais  été  complète.  Après  l'ap- 
parition de  Tislam,  la  séparation  s'était  de  plus  en 
plus  accentuée,  les  Bakrites  ayant  embrassé  la  nouvelle 
religion ,  tandis  que  les  Tagiibites  restaient  fidèles  au 
culte  de  leurs  pères.  Aussi  notre  héros  nourrit-il  assez 
longtemps  contre  les  descendants  de  Bakr  de  vives 
préventions  dont  son  Divan  garde  les  traces^.  Plus 
tard  (peut-être  après  la  fatale  guerre  qaasite) ,  il  revint 
à  des  sentiments  plus  justes  et  plus  en  harmonie 
avec  la  situation  de  sa  tribu.  Il  finit  même  par  s'iden- 
tifier avec  les  Bakrites  au  point  de  considérer  les  vic- 
toires de  ces  derniers  comme  ayant  été  partagées 
par  leurs  cousins  de  Taglib*.  De  leur  côté,  les  en- 
fants de  Bakr  accueillaient  le  poète  avec  la  plus 
grande  distinction.  Souvent  ils  le  prenaient  pour  ar- 
bitre de  leurs  différends.  Ahtal  se  rendait  à  la  mos- 
quée; là  les  parties  venaient  lui  exposer  le  sujet  de 


»  Ag.,  Vif,  4o;  XK,  48. 
'  Ag.,  X,  99,  et  Bakrî,  38i. 

^  Divan,   i66,   282  et  283.  Certains  Bakrites  ne  lai  pardon- 
nèrent jamais  ces  vers.  Cf.  Ag.,  VU,  i83. 
*  Divan,  226,  4. 


LE   CHAI^TRE  DES  OMIADES.  175 

ia  contestation  et  sa  décision  était  accueillie  avec  le 
plus  profond  respecta 

C'était  surtout ,  on  la  vu ,  auprès  des  Omiades  que 
son  crédit  était  solidement  établi.  Cette  faveur  extra- 
ordinaire causa  plus  d  une  fois  Tétonnement  et  1  en- 
vie des  musulmans.  «Comment,  dit  Tun  deux  à 
Aboû  *Amr,  comment  un  infidèle ,  un  chrétien  a-t-il 
pu  déverser  le  ridicule  sur  des  musulmans?  — 
Qu'aurais- tu  dit,  répondit  le  vieux  critique,  si  tu 
lavais  vu  revêtu  de  superbes  habits  de  soie ,  portant 
au  cou  une  croix  d'or  suspendue  à  une  chaîne  de 
même  métal  et  ayant  encore  sur  ia  barbe  des  gouttes 
du  vin  qu'il  venait  de  boire  ^  ?  » 

Le  passage  suivant  du  «Masâlik  al-absâr»^  rend 
d'une  façon  encore  plus  expressive  les  sentiments 
des  contemporains  musulmans  d'Ahtal  et  nous  donne 
sur  sa  personne  des  détails  méritant  d'être  relevés  : 
«  Quoique  chrétien ,  astreint  à  porter  la  ceinture  du 
tributaire ^^  il  recevait  des  fils  de  Marwân  laccueil  le 
plus  empressé  ;  il  avait  la  principale  part  dans  les  ca- 
deaux qu'ils  faisaient.  Avec  leurs  libéralités  il  se  pro- 
curait des  robes  de  soie  et  portait  sur  sa  poitrine  une 
croix  d'or.  11  avait  le  pas  sur  Haggâg  lui-même.  Rien 


'  Ag.,  VII,  179  et  187. 

>  Ag.,VII,  177. 

^  Manuscrit  du  British  Muséum. 

*  Cette  ceinture,  nommée  « kostîg » ,  est  en  laine  ou  en  poil;  elle 
doit  se  porter  extérieurement  et  par-ciessus  la  tunique.  Il  est  dé- 
fendu aux  tributaires  de  porter  ostensiblement  une  ceinture  en 
soie.  Cf.  notre  Synonymie  arabe,  n°  1126.  Malgré  Taffirmation  du 
Masâlik,  il  est  douteux  que  Ahtal  se  soit  astreint  à  mettre  le  ^mS, 


176  JUILLET-AOÛT   1894. 

négalait  la  somptuosité  de  ses  repas;  il  aimait  à  vider 
des  coupes  au  bruit  des  symphonies  musicales,  ne 
montait  que  des  chevaux  de  race,  possédait  d'im- 
menses troupeaux  et  des  biens  considérables.  Il  oc- 
cupait la  première  place  auprès  de  ^Abdalmsdik  et 
son  crédit  à  la  cour  était  immense.  » 

[La  suite  au  prochain  cahier.) 


NOUVELLES  ET  MF'LANGES.  177 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES. 


NOTICE  SUR  W.  WHITJVEY. 

C'est  avec  un  sentiment  de  douloureuse  surprise  que  nous 
avons  appris  la  mort  de  M.  Whitney.  Pendant  plusieurs  an- 
nées sa  santé  avait  donné  de  T inquiétude  :  on  le  savait  luttant 
contre  une  affection  du  cœur.  Mais ,  depuis  un  an ,  les  nou- 
velles étaient  devenues  rassurantes.  Dans  ces  derniers  temps 
surtout,  il  s'était  remis  au  travail  avec  une  telle  ardeur,  ce 
qui ,  hier  encore ,  nous  venait  de  lui  portait  si  peu  la  marque 
de  la  lassitude ,  et  on  le  savait  si  riche  de  projets ,  qu'on  pou- 
vait croire  la  crise  définitivement  conjurée.  L'illusion  ne  de- 
vait pas  avoir  longue  durée  :  le  7  juin ,  un  retour  subit  du  mal 
l'enlevait  dans  sa  soixante-huitième  année. 

William  Dwight  Whitney  était  né  le  9  février  1827  à 
.Northampton,  dans  l'Etat  de  Massachusetts.  De  i843  à  i845 , 
il  acheva  ses  études  et  prit  ses  grades  à  Williams  Collège. 
Outre  une  bonne  instruction  classique,  il  y  avait  acquis  ce 
fonds  de  solides  connaissances  en  physique  et  en  mathéma- 
tiques qu'il  devait  un  jour  si  bien  mettre  en  valeur  dans  ses 
études  orientales.  En  attendant ,  il  dut  les  employer  à  dresser 
des  comptes,  d'abord,  pendant  plus  de  trois  ans,  dans  les 
bureaux  de  la  Banque  de  Northampton,  ensuite  sur  le  lac 
Supérieur,  dans  ceux  du  Geological  Suivey  des  Etats-Unis, 
auquel  il  fut  attaché  pendant  l'été  de  1849.  Mais  déjà  s'était 
révélée  sa  véritable  vocation  :  sans  maître ,  en  prenant  sur  ses 
loisirs ,  il  s'était  adonné  à  la  philologie  orientale  et ,  cette 
même  année,  il  publiait  un  premier  essai  sur  la  structure 
grammaticale  du  sanscrit,  d'après  P.  de  Bohlen,  un  savant 
un  peu  oublié  depuis,  mais  qui,  alors,  était  un  initiateur. 

IV.  1 2 

i-4rai)iitBiB  xATio.i*Lr.. 


J78  JUILLET-AOÛT   1894. 

Dans  l'automne  de  1849,  ^  ^  rendit  à  New  Haven,  pour  y 
poursuivre  ces  études  auprès  de  M.  Salisbury,  qui  les  avait 
introduites  à  Yale  Collège ,  et ,  un  an  après ,  il  passa  en  Eu- 
rope pour  les  complëter.  Pendant  trois  ans,  de  fin  i85o  à 
18 53,  il  étudia  successivement  à  Berlin  et  à  Tubingue,  sous 
la  direction  de  M.  Weber  et  de  M.  Rotli,  d*abord  comme 
élève ,  bientôt  comme  coi^aborateur,  poussant  de  méthodiques 
et  fructueuses  enquête»  à  travers  des  champs  bien  définis  de 
la  littérature  (Whitney  a  toujours  su  choisir) ,  celui  de  la  lit- 
térature védique  surtout ,  qu*on  conunençait  alors  à  débrouiller, 
et  réunissant  les  matériaux  de  cette  édition  de  TAtbarvaveda 
qu*il  devait  publier  peu  d  années  après  en  collaboration  avec 
M,  Roth. 

11  était  encore  en  Allemagne,  quand  il  fut  appelé  à  la 
chaire  de  sanscrit  de  Yale  Ck>llege,  à  New  Haven,  dans  TEtat 
de  Connecticttt.  Il  retourna  en  Amérique  dans  Tautomne  de 
18 53  et,  dès  Tannée  suivante,  inaugura  cet  enseignement 
qui,  continué  sans  interruption,  pendant  quarante  ans,  jus* 
qu*à  sa  mort,  a  fait  de  Yale  Collège  le  berceau  et  le  centre 
des  études  de  linguistique  et  de  philologie  orientales  aux 
Etats-Unis.  On  peut  même  dire  plus  :  de  toutes  les  branches 
de  ce  haut  enseignement  aujourd'hui  si  florissant  de  Tantre 
coté  de  TAtlantique,  même  parmi  les  plus  étrangères  en 
apparence  à  sa  spécialité  (par  exemple,  Tétude  des  langues 
américaines) ,  il  en  est  bien  peu  qui  ne  doivent  rien  à  Whitney 
et  qui  ne  relèvent  par  quelque  côté  de  la  forte  discipline  de 
son  esprit. 

C'est  que  lui-même  d^abord,  ni  comme  professeur,  ni 
comme  publiciste^  ne  se  borna  jamais  à  la  linguistique  et  au 
sanscrit.  A  Tépoque  ou  il  débuta,  les  universités  américaines 
n  étaient  pas  encore  aussi  ridiement  dotées  qu'elles  Tout  été 
depuis.  La  chaire  de  sanscrit  à  die  seule  ne  rapportant  pas 
de  quoi  vivre,  il  joignit  à  son  enseignement  celui  des  langues 
modernes  jusque-là  abandonné  à  la  routine  et,  allant  au  plus 
pressé,  il  commença  a  en  créer  l'outillage,  toute  une  série  de 
manuels  et  de  textes  qui  répandirent  l'étude  scientifique  de 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  17» 

ce»  langues,  des  langues  germaniques  et  de  Tallemand  en 
particulier.  Et  ce  qu'il  avait  ainsi  commencé  par  nécessité, 
il  le  continua  par  goût.  Encore  vingt«trois  ans  après,  il  pu- 
bliait une  grammaire  scolaire  anglaise  qui  est  un  chef* 
d  œuvre.  Plus  tard  encore ,  au  moment  où  sa  santé  était  au 
{dus  bas ,  il  accepta  de  diriger  et  dirigea  de  la  façon  la  plus 
effective  la  grande  entreprise  du  Centary  Dictionary  ofthe  En- 
glish  Languagê,  Le  premier  volume  fut  publié  en  1889,  et  la 
préface,  qui  est  de  lui,  fut  écrite  dans  les  rares  répits  que  lui 
laissaient  la  maladie  et  la  souffrance. 

En  second  lieu,  deux  autres  institutions  savantes  fournirent 
un  champ  plus  étendu  à  Tactivité  de  Whitney  :  la  Société 
orientale  américaine,  fondée  en  i84a ,  à  laquelle  il  appartint 
dès  i85o,  dont  il  fut  le  bibliothécaire  de  i855  à  1873,  le 
secrétaire  correspondant  de  1867  à  i88ii  et,  plus  tard,  le 
président;  et  TÂssociation  philologique  américaine,  dont  il 
fut  un  des  fondateurs  en  1869  et  le  premier  président.  De 
Tune  et  de  Tautre  on  peut  dire  qu'il  fut  Tâme  et  de  beaucoup 
le  plus  laborieux  de  leurs  collaborateurs. 

L*œuvre  laissée  par  Whitney  est  considérable  et  ce  n'est 
pas  ici  le  lieu  de  la  décrire  en  détail.  On  trouvera  à  la  fin  de 
cette  notice  une  liste  de  ses  principales  publications ,  qui  n'a 
aucune  prétention  à  être  complète.  Les  plus  importants  de 
ses  travaux  détachés ,  publiés  avant  1878  dans  la  Nation,  dans 
la  Norik  American  Review  et  dans  d'autres  périodiques,  ont 
été  réunis  en  deux  volumes  dans  ses  Oriental  and  Lingaistic 
Studies.  Ceux  qu'il  a  insérés  depuis  en  plus  grand  nombre 
dans  ces  mêmes  revues,  dans  le  New  Englander,  dans  la 
Contemporary  Review,  dans  les  Proceedings  de  la  Société  orien- 
tale américaine ,  dans  les  Proceedings  et  dans  les  Transactions 
de  l'Association  philologique,  dans  Y  American  Journal  ofPki' 
lology,  dans  le  Journal  de  la  Société  asiatique  italienne ,  etc. , 
n'ont  pas  été  recueillis.  Mais  il  faut  espérer  cpie  l'un  ou  l'autre 
de  ses  nombreux  disciples  se  chargera  d'acquitter  cette  dette 
de  l'école  philologique  américaine  envers  celui  qui  fut  son 
maître  incontesté. 


12 


180  JLILLET-AOÛT  1894. 

Je  n'essayerai  pas  non  plus  ici  de  caractériser  cette  œuvre. 
Tous  ceux  qui  s'intéressent  à  nos  études  ont  le  souvenir  vivant 
de  cet  esprit  fait  de  clarté  et  de  logique ,  allant  droit  au  but , 
à  ce  qu'il  regardait  comme  essentiel ,  sans  réticences  et ,  parfois 
aussi,  sans  ménagements.  Parmi  ses  aînés  et  ses  contempo- 
rains, plusieurs  ont  fait  montre  d'un  savoir  plus  vaste  et  ont 
touché  à  plus  de  choses  :  nul  ne  l'a  surpassé  en  exactitude  et 
en  précision.  Il  est  une  infinité  de  cpiestions  que  Whitney  n'a 
jamais  remuées  ;  mais  il  ne  faut  pas  beaucoup  d'expérience 
pour  voir  que  cette  abstention  est  en  grande  partie  voulue  ; 
c[u'elle  est  un  effet  de  sa  sobriété,  de  son  aversion  pour  les 
complications  inutiles  et  pour  tout  vain  étalage  ;  car,  chaque 
fois  qu'il  s'est  trouvé  en  face  d'un  problème ,  il  l'a  traité ,  à 
son  point  de  vue ,  d'une  façon  exhaustive.  En  linguistique ,  il 
était  de  ceux  qui  ont  des  convictions  fortes.  Pour  lui,  non 
seulement  le  langage  était  un  pur  fait  de  convention ,  existant , 
selon  sa  formule,  Q-éaei  et  non  ^^ei,  mais  îl  n'hésitait  pas, 
avec  sa  rigueur  ordinaire ,  à  remonter  suivant  cette  ligne  jus- 
qu'aux origines ,  qu'il  regardait  comme  un  problème  abordable 
à  l'expérience  et  faisant  légitimement  partie  de  la  linguistique, 
[l  accordait  que  notre  connaissance  de  ces  origines  resterait 
sans  doute  toujours  pleine  de  lacunes  ;  mais  il  n'y  admettait 
aucun  autre  facteur  que  ceux  dont  nous  pouvons  encore  au- 
jourd'hui contrôler  l'action ,  aucune  de  ces  facultés  latentes , 
irrationnelles  dont  la  physiologie  conmaence  seulement  d'en- 
trevoir le  jeu.  Bref,  il  n'y  voyait  rien  d'obscur  ni  de  mysté- 
rieux. Et  ici  nous  touchons  à  l'une  des  limites  de  cet  intrépide 
esprit.  Car  il  y  a  certainement  quelque  chose  de  mystérieux 
dans  les  origines  du  langage. 

Comme  sanscritiste,  si  l'on  fait  abstraction  de  ses  essais 
sur  le  Veda  et  de  ses  admirables  travaux  sur  l'astronomie 
hindoue,  Whitney  fut  avant  tout  grammairien,  et,  dans  la 
grammaire,  ce  qui  l'intéressait  surtout,  c'était  l'histoire.  Le 
grand  dictionnaire  de  Saint-Pétersbourg,  auquel  il  a  con- 
tribué fidèlement  juscpi'à  la  fin,  lui  doit  beaucoup  et,  pro- 
bablement, autant  pour  la  partie  moi^hologique  que  pour 


NOUVELLES   ET  MÉLANGES.  181 

le  vocabulaire.  De  l^aveu  unanime,  sa  Grammaire  sanscrite, 
qui  est,  je  ne  dirai  pas,  le  plus  achevé  de  ses  ouvrages  (car 
tout  ce  qui  est  sorti  de  sa  plume ,  jusqu'à  la  moindre  notice , 
est  également  achevé),  mais  en  tout  cas  celui  qui  repose  sur 
la  base  la  plus  large ,  est  l'efFort  le  plus  vigoureux  qu'on  ait 
encore  fait  pour  retracer  le  développement  de  la  langue ,  pour 
la  jauger  en  cpielcpie  sorte  à  ses  diverses  périodes ,  à  l'aide  de 
cette  méthode  statistique  à  laquelle  son  nom  restera  attaché , 
pour  en  établir  enfm  la  théorie  réelle  dégagée  de  la  doctrine 
parfois  bizarre  des  grammairiens  indigènes.  Peut-être  a-t-il 
surfait  l'autorité  des  textes  vis-à-vis  de  cette  doctrine.  Ce  qui 
parait  moins  contestable,  c'est  qu'il  a  été  parfois  trop  dur 
pour  cette  dernière.  Et  ici  je  suis  obligé  de  noter  ce  que  je 
regarde  comme  le  deuxième  point  faible  chez  Whitney  :  un 
certain  manque  de  sympathie  ou ,  si  l'on  veut ,  d'indulgence 
pour  les  efforts  de  pensée  d'un  peuple  enfant.  Avec  ses  habi- 
tudes de  précision,  de  rigueur  inflexible  et  presque  mathé- 
maticpie,  son  esprit  était  peut-être  moins  fait  que  tout  autre 
pour  bien  comprendre  la  demi- science  des  anciens  Hindous, 
avec  ses  ruses  et  ses  prétentions  puériles.  D'eux  à  lui  il  y 
avait  répulsion  native.  Aussi  a-t-il  été  souvent  beaucoup  trop 
dédaigneux  et  même  injuste  à  leur  égard,  et,  dans  ses  ap- 
préciations de  leur  philosophie ,  de  leur  grammaire ,  de  leur 
astronomie,  lui  est-il  arrivé  plus  d'une  fois  de  verser  l'enfant 
avec  le  bain,  comme  disent  nos  voisins  d'outre-Rhin.  Mais 
qui  oserait  lui  reprocher  aujourd'hui  ce  qui  n'était  après  tout 
que  l'excès  des  plus  rares  qualités  ?  Qui  voudrait  se  plaindre 
de  l'àpreté  qu'il  a  parfois  mise  dans  ses  polémicpies  ?  Devant 
sa  fin  prématurée,  il  ne  reste  que  le  souvenir  du  savant  cpii 
fut  vine  des  plus  belles  intelligences  de  notre  époque ,  mieux 
que  cela ,  qui  fut  un  caractère ,  et  qui  n'a  jamais  écrit  une 
ligne  qui  ne  fût  l'expression  d'une  conviction. 

M.  Whitney  était  membre  honoraire  des  Sociétés  asiatiques 
du  Bengale  et  de  la  Grande-Bretagne  et  d'Irlande ,  de  la  So- 
ciété orientale  allemande  et  de  la  Société  philologique  de 
Londres.  11  était  membre  associé  ou  correspondant  des  Aca- 


182  JUILLET. AOÛT  1894. 

demies  de  Beiiin ,  de  Saint-Pëtersbourg ,  des  Liacei  de  Rome. 
En  1 88 1 ,  ii  avait  été  nommé  Chevdier  de  1  ordre  prussien 
«  pour  le  mérite  » ,  en  remplacement  de  Cariyle.  Depuis  1877, 
il  était  correspondant  de  l'Institut. 

« 

LISTE  DES  PRINCIPAUX  OUVRAGES  DE  WHITIVBY  \ 

i849«  ^'^  ^^  grammatical  straciure  ofike  Sanskrit  (  d'après 
P.  von  Bohlen;  publié  dans  la  Bibliotheea  sacra)» 

1862.  Tahellarisché  Darsteîlnng  der  gegmseitigêh  Verhàlt- 
nisse  der  Sarphitâs  des  Fiik,  Sàman,  Weissen  Yajw  and  Athar- 
van  [Indischê  Studien,  II). 

i855.  Atkarvaveda  Sanhita  heraasgêgeben  von  R»  Roth  und 
W.  D.  Whitney.  Berlin.  :  . 

t858.  Alphabetisches  Verzeichniss  der  Versanfànge  der 
Atharva  SarpJiitâ  (Indischê  Studien,  IV). 

1860.  The  Translation  of  the  Sàrya  Siddhânta,  a  Teœt- 
Book  of  Hindu  Astronomy»  with  Notes  and  an  Appendiw,  hy 
Rev.  EbenezerBurgess.  New  Haven  (publié  parla  Société orien- 
iale  américaine.  La  traduction  et  les  notes  sont  en  réalité  de 
Whitney). 

1863.  The  Atharva-Veda  Prâtiçâkhya,  or  Çaanakïyâ  catm- 
râdhyàyikâ  :  Tewt,  Translation  and  Notes.  New  Haven  (publié 
par  la  Société  orientale  américaine). 

1867.  Language  and  the  Study  of  Language,  a  Course  of 
lectures  on  the  principles  oflingaistic  science  (3*  édit. ,  Londres, 
1870;  une  traduction  allemande  par  M.  Joliy). 

1871.  The  Taittirlya- Prâtiçâkhya,  with  its  Commentary, 
the  Tribâshyaratna  :  Text,  Translations  and  Notes  (publié  par 
la  Société  orientale  américaine). 

1873.  Notes  on  Colebrooke's  Essay  on  the  Vedas  (dans  Tédi- 
tien  des  Miscellaneous  Essay  s  donnée  par  M.  Cowell). 


^  Cette  liste,  pour  la  période  de  maturité  de  Wliitiiey,  ne  contient  que 
Ui  ouvrages  pttÛiés  à  part  L'énumération  dea  articles  de  revue,  pour  la 
même  période,  prendrait  au  moins  deux  pagea  de  (Jus. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  183 

1873-1875.  Oriental  aniUngmstieStuiiês,  First  and  tecond 
Setiei,  Londres. 

1875.  Life  and  Growtk  of  Language  (tteiâmi  en  français, 
La  vie  du  langage  dans  la  Biblioth,  scient^,  internationale:  en 
allemand,  en  italien,  en  hollandais,  en  suédois). 

1 877.  Euentials  ofBnglish  Grammar.  For  the  ose  ofêchooU. 
Boston. 

1879.  A  Sanskrit  Grammar,  including  botk  tiiê  classital 
language  and  thê  older  dialects  of  Veda  and  Brahmana.  Leipzig 
(traduit  en  allemand  par  M.  Zimmer). 

1881.  Index  verboram  to  Ae  pubUshed  Text  ofAe  Aiharva- 
Veda.  New  Haven  (publié  par  la  Société  orientale  américaine). 

i885.  The  Roots,  Verb-formt,  and  primary  Derivatives  of 
the  Sanskrit  language.  A  Sapplêment  to  the  Sanskrit  Grammar, 
Leipzig. 

1889.  A  Sanskrit  Grammar,  etc.  ,  .  second  [revised  and 
exlended)  édition.  Leipzig. 

1889.  The  Century  Dictionary  of  the  English  Language. 
Vol.  I  (avec  une  préface  de  Whitney). 

189a.  MaâD  Muller  and  the  Science  of  language  :  a  Criticism. 
New-York. 

Sa  traduction  de  TAtharvayeda,  avec  notes  critiques  et 
exégétiques,  est  annoncée  comme  devant  paraître  en  automne 
prochain. 

A.  Barth. 


BIBLIOGRAPHIE. 


EiN    TURKISCn-ARABISCHES   GlOSSàR,  NACtt  DÊR  lEïDÊNBR  HaND- 
SCBRIFT  aERAVSGËGEBES  VSD  SRLAVTËRT,  VOn  M.  Th.  HoutsmA. 

Lpiden,BriH,  i89'j,in-8'. 

La  bibliothèque  Wamérienne  de  Leyde,  dont  les  trésors 
ont  été  si  souvent  exploités  au  profit  de  Térudition  orientale , 


184  JUILLET-AOÛT   1894. 

vient  de  fournir  à  Tétude  des  dialectes  turcs  un  document 
qui  méritait  d*être  tiré  de  l'oubli ,  et  que  M.  Houtsma  a  pu- 
blié avec  une  exactitude  digne  de  tout  éloge.  C'est  un  ma- 
nuscrit de  peu  d'étendue ,  sans  nom  d'auteur,  et  qui  renferme 
deux  vocabulaires  :  l'un  turc,  expliqué  en  arabe;  l'autre  mon- 
gol, expliqué  en  persan.  Le  savant  éditeur  s'est  borné  au 
premier  vocabulaire ,  qui  est  d'ailleurs  le  plus  important  et 
occupe  les  deux  tiers  de  l'original.  Il  porte  la  date  de  643 
de  l'hégire  (i345),  ce  qui  est  un  âge  respectable  pour  un 
texte  turc ,  et  le  rend  presque  contemporain  de  la  version  sel- 
djoukide  de  Yousouf  et  Zuleïkha ,  réputée  le  plus  ancien  mo- 
nument de  cette  langue.  M.  Houtsma  pense  avec  raison  que 
le  vocabulaire  a  été  rédigé  en  Egypte,  sous  la  dictée  d'un 
maître  ^  et  pour  répondre  à  un  besoin  que  les  immigrations 
incessantes  de  la  race  turque  rendaient  chaque  jour  plus 
impérieux. 

Le  texte  est  divisé  en  quatre  sections.  L»a  première,  la 
plus  développée ,  renferme  en  vingt-quatre  chapitres  le  dic- 
tionnaire proprement  dit;  les  mots  y  sont  rangés  non  par 
ordre  alphabétique ,  mais  par  catégories  d'objets  :  ciel,  terre, 
arbres,  animaux,  aliments,  costume,  etc.  La  deuxième  sec- 
tion donne  l'inipératif  des  verbes  qui,  dans  les  dialectes 
turcs  i  est  toujours  le  radical  ;  la  troisième  section  traite  de  la 
conjugaison ,  et  la  quatrième  des  particules  et  suffixes  les  plus 
usités.  On  comprend  qu'un  vocabulaire  composé  de  la  sorte 
serait  d'un  usage  fort  incommode ,  aussi  faut-il  savoir  gré  à 
M.  Houtsma  de  l'avoir  remanié  en  groupant  tous  les  mots 
selon  l'ordre  alphabétique ,  et  d'avoir  réservé  pour  une  sorte 
d'introduction  grammaticale  les  explications ,  d'ailleurs  assez 
confuses  et  trop  souvent  incomplètes ,  du  lexicographe  arabe 
anonyme.  La  distinction  que  celui-ci  établit  dans  sa  préface 
entre  le  dialecte  du  Qyptchaq ,  qui  est  l'objet  principal  de 
son  livre ,  et  le  dialecte  turcoman  plus  étroitement  apparenté 
au  turki,  amenait  tout  naturellement  une  comparaison  avec 
le  Codeai  Comanicns  si  habilement  publié  par  M.  RadlofT. 
Grâce  à  cette  confrontation  scrupuleusement  conduite  pour 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  185 

chaque  mot,  M.  Houtsma  a  réussi  à  fixer,  autant  que  faire 
se  peut ,  les  formes  toujours  flottantes  de  Torthographe  éty- 
mologique. Il  aurait  pu  tirer  aussi  un  utile  parti ,  au  moins 
pour  l'élément  turkmani  du  Kitab  elidrak  d'Abou  Hayyan , 
ouvrage  composé  au  commencement  du  xiv*  siècle  sur  le 
même  plan  que  celui  de  Leyde  et  renfermant,  comme  ce 
dernier,  un  abrégé  de  grammaire  et  un  vocabulaire  ^ 

La  partie  phonétique  (p.  8  à  18]  est  traitée  avec  soin  et 
donne  lieu  à  des  observations  d'un  intérêt  général  pour  toutes 
les  variétés  linguistiques  de  la  famille  tartare.  Moins  impor- 
tant est  le  chapitre  consacré  à  la  grammaire.  A  remarquer 
cependant  le  diminutif  en  ij^kina  ou  kinè:  kutchukina,  tout 
petit;  aîkina,  petite  lune  (nom  propre).  A  remarcpier  aussi 
parmi  les  formes  verbales  le  participe  en  aghân  qui  indique 
la  fréquence  ou  la  continuité  dans  l'action ,  comme  (^Ul^ 
tchezaghân,  «devant  écnre  habituellement»,  lequel  donne 
naissance  au  futur,  par  Télision  du  noun  final,  et  l'adjonction 
du  pronom  personnel ,  comme  ^U^  «j'écrirai  » ,  ^^U^  «  tu 
écriras  » ,  V^^y»-  <*  nous  écrirons  ».  Il  faut  signaler  aussi  comme 
particularité  intéressante  un  participe  futur  intensif  en  ^^t«> 
datohi  :  J^  f^^SùJ^gueldatchiyd  «  l'année  qui  viendra  ensuite  » , 
c'est-à-dire  dans  deux  ans. 

Une  liste  très  utile  à  consulter  pour  la  lecture  des  chro- 
niques arabes  et  persanes  du  moyen  âge  est  celle  des  noms 
propres.  M.  Houtsma  les  a  réunis  en  deux  groupes,  noms 
simples  et  noms  composés ,  et  il  en  donne  l'explication  d'après 
la  version  arabe ,  sauf  les  cas  ou  celle-ci  est  notoirement  fausse. 
Comme  on  le  sait ,  les  noms  de  fauves ,  hon ,  tigre ,  panthère , 
ou  d'oiseaux  de  proie,  faucon,  épervier,  etc.,  ont  toujours 
joué  un  grand  rôle  dans  l'onomastique  turque.  Faut-il  y  re- 
trouver le  souvenir  d'un  totémisme  préhistorique ,  comme  le 
veut  M.  Houtsma,  ou  simplement  une  mode  guerrière  com- 


^  Une  édition  d^aillcnn  asseï  mckliocre  de  cet  ancien  tctle  a  paru  à 
Constanlinople  dans  ces  dernières  années;  voir  rartidc  de  M.  Cl.  Hoart, 
Journal  asiatique ,  décembre  1892,  p.  326. 


186  iCILLBT.AOÛT  1894. 

mune  à  toutes  les  civilisations  primitives,  c*est  ce  que  je 
n'ose  décider,  en  inclinant  pourtant  vers  cette  seconde  hypo* 
thèse.  En  revanche,  je  considère  comme  incontestable  la  dis- 
tinction que  Tëditeur  établit  entre  les  noms  composés  :  Guêuk' 
bûroa^le  loup  bleutd*Emad  ed-din,  Mangou-hêrdi nï étemel 
a  donné  » ,  nom  de  Thistorien  bien  connu ,  et  les  noms  doubles , 
c'est-à-dire  simplement  juxtaposés ,  conmie  QUidj-arslant  sabre> 
lion  » ,  Timottr'bogha  «  fer-taureau  »  et  tant  d'autres.  Cependant 
le  lexicographe  anonyme  parait  hésiter  un  peu  quand  un  de 
ces  deux  noms  présente  un  double  sens ,  par  exemple  pour 
les  noms  dont  le  premier  élément  est  i£b  hek  ou  pek.  Cest 
ainsi  qu'il  explique  le  nom  propre  Bek-Timour  par  t  prince 
Timour  »  ou  par  «  fer  solide  » ,  Bek-Tach  par  «  Prince-pierre  » 
ou  par  «pierre  dure».  M.  Houtsma  aurait  bien  fait  de  pré- 
ciser aussi  le  sens  de  ^^Jj  ou  ^^,^  propre  aux  titres  honori- 
fiques ,  de  tou  ytu  très  rare  conmie  synonyme  de  ^^^  tehêri 
«armée»,  àe ^\^yalat  encore  plus  rare  dans  le  sens  d'«riv 
(cf.  le  nom  propre  ^^l^  ^U  expliqué  par  l'arabe  ^^p  \y^  i^ 
«l'homme  à  l'arc  solide»).  Mais  d'aussi  légères  omissions  ne 
diminuent  point  le  mérite  de  cette  riche  nomenclature,  ni 
de  la  partie  lexioographique  en  général  dont  nous  devons  la 
restitution  à  M.  Houtsma.  Les  quelques  observations  qui 
vont  suivre  et  que  je  soumets  à  l'appréciation  de  ce  docte 
orientaliste  sont  plutôt  des  lectures  peut-être  préférables  que 
de  véritables  corrections. 

Page  1  du  texte.  —  Il  faut  sans  doute  metti^  ^^t  avant  Ma 
y^  comme  l'indique  la  traduction  arabe  #U{  e^  «  abtritt  »« 
La  rédaction  du  paragraphe  laisserait  croire  que  ^^f  est 
l'abrégé  de  ^^1 ,  ce  que  ni  l'auteur  ni  l'éditeur  n'ont  voulu 
dire* 

Page  A  -^  Je  crois  q^e  Ij^  doit  être  traduit  ici  par  hjonté 
oa  pudeur,  et  non  par  pluie  :  comparer  avec  outghanmaq  «  avoir 
honte  ». 

Page  1  —  La  plante  nommée  en  turc  «  herbe  du  fiancé  » 
Jb^\  ^l^^est  la  marjolaine,  plutôt  que  la  sarriette.  Ce  sont-^ 
il  est  vrai,  deux  sœurs,  mais  qu'on  se  rappelle  les  vertus 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  187 

aphrodisiaques  attribuées  à  la  marjolaine  dans  Tantiquitë  et 
le  moyen  âge. 

Page  ir  —  Le  mot  Jt^K  n  est  pas  traduit.  Cest  probable- 
ment une  variante  orthographique  du  turki  jLt^^^l  àlaichîl 
«  bigarré ,  cendré  ».  —  Ihid.  Il  y  aurait  une  petite  différence  à 
établir  entre  ^^yA»,  ■  masse  d*arme  •  et  jU*»  «  massue  de  bois  » 
(osmanli,  topouz). 

Page  \à —  L.  3;  anlieade  Li^lirel^.  —  lhii,,\.\^, 
le  texte  arabe  ajoute  que  la  formide  ach  houboun  s*emploie 
aussi  pour  accélérer  railtire  d*une  bète  de  somme. 

Page  H  —  L'espèce  de  caillé  noir,  nommé  gara  qourout , 
est  coulé  dans  des  boyaui  lavés  it!^«.Jm  J^y^Û)  i  et  non  pas 
m  gereînigte  sache,  comme  le  dit  le  traducteur. 

Page  fv  —  Au  lieu  de  JJULJt ,  lire  JuUjJI  «  le  poivre  ». 

Page  Yr  —  La  leçon  jkyt^  doit  être  une  faute  de  copie , 
pour  ts^yju  «  chaudronnier  ». 

Page  n*  —  Aux  différentes  significations  de  abouchqa, 
ajouter  celle  de  «  mari  »  que  Tauteur  a  sans  doute  visée  dans 
l'équivalent  Aa^y> . 

Page  ^A  —  iji^  ^  aussi  le  sens  de  «  don  nuptial  du  fiancé 
A  sa  future  »  :  Si^yyi\  ^ . 

Page  M  —  lUady  pour  il-aUfy  «  il  a  pris  le  pays  »  n'est  ex- 
pliqué ni  dans  la  liste  des  noms  propres ,  ni  dans  le  vocabulaire. 

Page  r*  ^*  (fi^  •  H  y  ^  pour  ce  mot  une  méprise  évidente 
provenant  soit  de  l'auteur  arabe,  soit  du  copiste  qui  aurait 
confondu  csLw  dame  avec  le  nom  de  nombre  sia  en  arabe, 
ce  double  sens  existant  aussi  dans  le  turc  jj\ .  Il  y  a  donc 
une  ligne  à  effacer  dans  le  texte ,  en  ne  conservant  que  la  lin 
de  l'article  où  se  trouve  l'explication  exacte  i La  iU^^UJl;  yji 
jii\  i^yxJ^  owi» ,  et ,  en  effet ,  le  mot  elty  est  l'équivalent  de 
qatoun,  qadyne.  Quelques  autres  méprises  provenant  du  lexi- 
cographe arabe  ont  été  exactement  signalées  par  le  savant 
éditeur  (voir  Einleitung,  p.  3). 

A.  BARniBR  DE  Mrynard. 


188  JUILLET-AOÛT  1894. 


NOTE  SUR  LA  VERSION  SYRIAQUE 

DU  COMMENTAIRE  DE  THÉODORE  DE  MOPSUESTK 

SUR  L'ÉVANGILE  SELON  SAINT  JEAN. 

(Lue  dans  la  séance  da  i3  avril.) 

Je  demande  la  permission  d'entretenir  la  Société  asiatiqae 
d'une  publication  que  j'ai  commencée  il  y  a  quelques  mois.  Il 
s'agit  du  Commentaire  de  Théodore  de  Mopsaeste  sur  VEvangilc 
selon  saint  Jean ,  ouvrage  dont  le  texte  grec  est  aujourd'hui 
perdu,  mais  qui  heureusement,  comme  beaucoup  d'autres 
monuments  de  la  littérature  gréco-chrétienne,  nous  a  été 
conservé  dans  une  très  ancienne  version  syriaque. 

Théodore  de  Mopsueste  fut  un  écrivain  excessivement  fé- 
cond. Nous  savons  par  des  témoignages  formels  *  cpi'il  avait 
écrit ,  outre  un  bon  nombre  de  traités  dogmatiques  ou  polé- 
miques, des  commentaires  sur  prescpie  tous  les  livres  de 
l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament ,  ce  qui  lui  valut  même , 
auprès  des  Syriens  qui  l'ont  toujours  eu  en  haute  estime ,  le 

titre  d'Interprète  par  excellence  (\<L:3^(Vj&n  r^i^ieSisn 

K^cnXt^.  Néanmoins ,  malgré  le  grand  nombre  des  ouvrages 
sortis  de  la  plume  de  cet  auteur,  à  part  le  Commentaire  sur 
les  XII  petits  prophètes  *,  il  ne  nous  est  parvenu  de  lui  que 
de  courts  fragments  que  les  patientes  recherches  des  érudits 
ont  recueillis ,  soit  dans  les  textes  des  Conciles ,  soit  surtout 
dans  ces  compilations  exégétiques  connues  sous  le  nom  de 
Chaînes  des  Pères,  Tous  ces  fragments  réunis  occupent  à 
peine  deux  cents  colonnes  de  la  Patrologie  grecque  de  Migne 
(t.  LXVI). 

On  savait  par  divers  auteurs  ^  que  les  écrits  de  Théodore 
avaient  été  traduits  en  syriaque  ;  mais ,  jusqu'à  ces  dernières 

*  Voir  O.  Fritzsche,  De  Theodori  Mops.  vita  et  scriptis;  Halae,  i836. 

*  Kdité  par  Mai',  Scriplorum  vel,  nova  coHeclio ,  t.  VI;  Romae,  iSSa. 

'  Cr.  'Ebedjésus,  Catalog.  Ubr,  eccL;  apud  Assémani,  Bibt.  or.,  t.  III, 
part.  I ,  (M^es  3o  et  suiv. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  180 

années,  aucun  des  manuscrits  appointés  en  Europe  ne  con- 
tenait les  ouvrages  de  cet  écrivain.  Quelques  fragments  seule- 
ment, épars  dans  la  collection  du  British  Muséum,  avaient 
été  recueillis  et  publiés ,  en  1 869 ,  par  M.  Sachau  *.  En  1 889 , 
M.  F.  Baetbgen  signala  au  Congrès  des  orientalistes  de 
Stockholm*  un  manuscrit  de  Berlin  [Sachaii  2 17)  qui  ren- 
fermait le  Commentaire  sur  l'Evangile  selon  saint  Jean,  Tout  en 
faisant  ressortir  l'importance  du  texte ,  il  notait  les  lacunes 
de  la  dernière  partie,  et  regrettait  que  la  négligence  du 
scribe  moderne ,  qui  a  exécuté  le  manuscrit  de  Beriin ,  en- 
levât à  ce  dernier  toute  valeur  critique.  Depuis  lors ,  la  Bi- 
bliothèque nationale  a  fait  l'acquisition  d'une  copie  de  ce 
même  ouvrage ,  provenant  de  source  différente  et  exempte  des 
défauts  signalés  par  M.  Baetligen  dans  ceUe  de  Berlin. 

Le  manuscrit  cpii  la  renferme  est  catalogué  sous  le  n°  5o8. 
C'est  un  beau  volume  en  papier,  mesurant  Sa  centimètres 
sur  23.  11  est  composé  de  18  cahiers  mai^ués  vi^-i^,  et 
foniiés  de  10  feuillets  chacun,  à  l'exception  du  dernier  qui 
en  a  13.  Le  premier  feuillet  et  les  trois  derniers  sont  blancs , 
en  sorte  que  l'ouvrage  occupe  seulement  1 78  feuillets  numé- 
rotés ,  en  syriaque ,  au  verso  de  chacun.  Chaque  page  renferme 
29  lignes  d'une  très  belJe  écriture,  du  genre  dit  chaldéen. 
Le  texte  est  entièrement  vocalisé  selon  le  système  nestorien. 
Des  notes  marginales  indiquent  la  répartition  de  l'Evangile 
dans  l'office  liturgique.  L'ouvrage  commence  au  verso  du 
folio  \^  avec  ce  titre  : 

•i^^cniAi^  i^zaXrLn  y^xrxif^m  ^ononKfVx 


'    TheoJori  Mopsuesivni  Jrinjmeniu  syritivUf    cd,  otijuc  in  lat.  vcrtit   Ed. 
Sachau  ;  Lipsiae ,  1869. 

^  Voir  Actes  du  Congrès;  section  sëmilique,  B,  pages  107-11  G. 


190  JUILLBT-AOÛT   J894. 

Le  commentaire  est  reparti  en  sept  Truites  [H^*vson^!so] 
de  ]a  manière  suivante  ^  : 

Premier  traité  [fol.  o  a];  il  est  précédé  d*une  Préface 
[K^Vvâ^n  CQO^n  uoÂra  p^m]   et    dune  Introduction 

[t^^Vv&A  C^VxXsw],  chap.  I-II,  22; 


Deuxième  traité 
Troisième  traité 


A  6],  chap.  II,  aS-v; 
,  chap.  vi-viii; 
,  chap.  ix-x; 


6 
Quatrième  traité  [oxSk  b 
Cinquième  traité  ["s\J3  a],  chap.  xi-xn; 
Sixième  traité  [i^SkJa  h],  chap.  xm-xvii; 
Septième  traité  [vxn  a],  chap.  xviii-xxi. 

Le  Commentaire  se  termine  au  fol.  vkJO  h.  De  ionguel 
clausules  nous  apprennent  que  la  copie  a  été  achevée  le  a  g  oc- 
tobre i886 ,  par  un  diacre  du  nom  d'Elias ,  moine  du  monas- 
tère de  Rabban  Hormizd. 

Le  texte  de  ce  manuscrit,  que  je  reprodtds  dans  ma  pu- 
bUcation,  ne  diffère  pas,  quant  au  fond,  de  celui  signalé  par 
Baethgen ,  dont  je  noterai  les  variantes  de  quelque  impor- 
tance. Comme  dans  ce  dernier,  Thistoire  de  la  fomme  adul- 
tère (vin,  1-1 1)  fait  défaut. 

Si  le  manuscrit  est  récent ,  il  n'en  est  assurément  pas  de 
même  de  la  version  cpi'il  contient.  Nous  savons  en  effet  que 
révèque  d'Ëdesse ,  Ibas  (  mort  en  ^67  ) ,  traduisit  pendant  sa  jeu- 
nesse, du  grec  en  syriaque,  la  plupart  des  ouvrages  de  Théo- 
dore ,  du  vivant  même  de  cet  écrivain  (mort  en  4^9  ).  Les  écrits 
de  Théodore  qui  ne  furent  pas  traduits  par  Ibas  le  furent,  à  la 
même  époque ,  dans  la  célèbre  Ecole  des  Perses ,  à  Édesse  '. 
Ma^na ,  contemporain  d'ibas ,  s'attacha  particulièrement  k  la 
traduction  des  Commentaire$  de  Théodore.  C'est  donc  à  lui 
qu'il  convient  de  faire  remonter  l'original  de  la  version  du 
Commentaire  sur  saint  Jean,  si  l'on  n'aime  mieux  en  attribuer 

*  Celte  divisioa  appartient  à  l'ouvrage  primitif.  Voir  Pair,  Gr, ,  t.  F  A  V 1 , 
coL  5i. 

'*  Cf.  Wright,  art  Syriac  Literatare;  Encyclop.  frrifawiîca,  t  Wll, 
p.  839-83 1. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.       191 

le  mérite  à  Ibas.  Ce  Commentaire  Ait,  en  effet,  le  plus  célèbre 
et  le  plui  répanda  des  écrits  exégétiques  de  Théodore.  Cest 
à  lui  que  sont  empruntées  la  plupart  des  citations  alléguées 
dans  les  controverses  qui  s'élevèrent  au  sujet  de  Torthodoxie 
de  Tauteur;  c'est  de  lui  que  nous  avons  les  fragments  les 
plus  nombreux  et  les  plus  étendus.  Il  est  donc  naturel  de 
penser  que  ce  fut  une  des  premières  œuvres  auxquelles  durent 
s'attacher  les  traducteurs  de  Théodore.  Ce  ne  sont  pas  seule- 
ment les  raisons  extrinsèques  que  je  viens  d'indiquer  et 
d'autres ,  que  je  passe  sous  silence ,  qui  militent  en  faveur  de 
cette  opinion.  Un  examen  sommaire  du  texte  lui-même ,  Tab* 
sence  des  héllénismes  et,  qui  plus  est,  des  mots  grecs  qui 
se  rencontrent  si  fréquemment  ches  les  écrivains  syriens  d'une 
époque  postérieure ,  m'ont  confirmé  dans  cette  manière  de 
voir.  Quel  que  soit  l'auteur  de  cette  version ,  nous  sommes  en 
présence  d'un  monument  appartenant  à  la  meilleure  époque 
de  la  littérature  syriaque.  La  publication  de  ce  texte  n'a  donc 
pas  seulement  le  mérite  de  faire  revivre  l'œuvre  d'un  des 
hommes  les  plus  remarcpiables  de  son  siècle  ;  elle  n'intéresse 
pas  non  plus  uniquement,  comme  ferait  la  publication  du 
texte  grec ,  ceux  qui  s'occupent  de  la  théologie ,  de  l'histoire 
ecclésiastique  ou  de  l'histoire  de  l'exégèse,  mais  elle  ofiFre 
un  véritable  intérêt  philologique  au  point  de  vue  de  la  lexico- 
graphie syriaque  ,  grâce  à  la  comparaison  que  l'on  peut  établir 
entre  le  texte  et  les  fragments  grecs  qui  nous  ont  été  con- 
servés, et  qui  représentent  à  peu  près  le  tiers  de  Touvrage 
complet. 

De  plus,  dans  ce  Commentaire,  le  texte  du  quatrième 
Evangile  se  trouve  reproduit  prescpie  en  entier,  verset  par 
verset.  On  se  trouve  donc  en  présence  d'im  témoin  assez  an- 
cien de  l'état  du  texte  évangélique,  soit  du  texte  grec,  soit 
du  texte  de  la  version  Pesîttâ,  la  seule  qui  ait  été  en  usage 
chez  les  Nestoriens.  Le  texte  allégué  s'accorde  généralement 
avec  cette  dernière.  Il  présente  cependant  cpielques  variantes. 
11  y  aura  lieu  de  rechercher  si  elles  proviennent  du  texte  grec 
ou  au  contraire  de  l'état  de  la  version  syriaque  à  cette  époque. 


192  JUILLET-AOUT  1894. 

Je  ne  puis  m'étendre ,  dans  cette  courte  note,  sur  Tauthen- 
ticité  et  l'intégrité  ^  de  Touvrage  en  question.  Renaudot  af- 
firme ',  sur  l'autorité  d'un  auteur  syrien ,  que  les  Jacobites  ont 
corrigé  les  Commentaires  de  Théodore,  en  retranchant  ou 
modifiant  tout  ce  qui  pouvait  sentir  le  nestorianisme.  Je  crois 
pouvoir  assurer  c[ue  le  texte ,  tel  cp'il  est  dans  le  ms.  3o8 , 
n'a  subi  aucune  altération  de  ce  genre  et  que  son  authenti- 
cité ne  saurait  être  mise  en  doute.  E^e  a  été  d'ailleurs  recon- 
nue par  F.  Baethgen ,  et  elle  est  justifiée  par  la  comparaison 
des  Iragments  grecs  avec  le  texte  syriacpe ,  dont  cet  auteur  a 
donné  un  spécimen'.  J'ai  constaté  que  la  version  est  faite 
d'une  manière  très  littérale.  Ce  caractère  est  surtout  frappant 
dans  l'examen  des  fragments  tirés  des  Actes  des  conciles ,  où 
les  citations  devaient  précisément  être  faites  avec  plus  de  soin , 
puisqu'il  s'agissait  de  discuter  l'orthodoxie  de  Théodore. 

J'ose  donc  espérer  que  la  publication  de  cet  important 
ouvrage  sera  accueillie  favorablement  par  tous  ceux  qui  s'in- 
téressent aux  études  syriaques. 

D'  J.-B.  Chabot. 

'  A  propos  de  robservaiion  faite  par  M.  Baethgen  (o/>.  cit.,  p.  ii3),  au 
sujet  du  dernier  verset  (XXI ,  aS  ) ,  je  ferai  remarquer  que  le  ms.  de  Paris 
porte  plus  correctement  : 


•••  003^ 


*  Lilurg,  orient. ,  11 ,  G  a  a . 
'  Ouv.cit,  p.  iiA-iiC. 


Le  Géixint  : 
RUBENS  DUVAL. 


JOURNAL  ASIATIQUE 

SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES. 

NOTES  BIOGRAPHIQUES  ET  LITTÉRAIRES 

SUR 

LE  POÈTE  ARABE  CHRÉTIEN  AHTAL, 

PAR 

HENRI  LAMMENS  S.  J. 

(suite.) 


VII 

AHTAL  ET  GARÎR. 

Nous  devons  au  lecteur  de  lui  faire  connaître 
deux  personnages  dont  le  nom  est  venu  fréquem- 
ment SOUS  notre  plume,  et  qui  occupent  une  place 
considérable  dans  ce  récit.  Il  est  temps  aussi  d  aborder 
rhistorique  d  une  rivalité ,  célèbre  dans  Thistoire  lit- 
téraire des  Omiades.  Elle  domine  toute  la  dernière 
partie  de  la  vie  de  notre  héros ,  et  a  contribué ,  plus 
que  toute  autre  cause ,  à  faire  de  lui  un  des  princes 
de  la  satire  chez  les  Arabes. 

La  renommée  de  Garîr  et  de  Farazdaq  avait  com- 
mencé à  se  répandre  dans  Tlraq,  vers  le  temps  où 

rv.  i3 


laraiMBUB  unoiAti. 


194  SEPTEMBRE-OCTOBRE   1894. 

celle  du  poète  chrétien  croissait  en  Mésopotamie  et 
en  Syrie.  Ahtai  en  avait  souvent  entendu  parier,  mais 
ne  connaissait  pas  encore  leurs  vers.  D  envoya  rainé 
de  ses  Gis^  Mâlik,  en  Iraq  avec  la  misâon  expresse 
d'apprécier  leur  mérite,  et  de  recueillir  quelques- 
unes  de  leurs  productions.  Maiik  fit  le  voyage,  en- 
tendit les  vers  de  Farazdaq  et  de  Garir,  et  retourna 
chez  son  père,  qui  s'empressa  de faii  demander  com- 
ment il  avait  jugé  les  deux  adversaires.  «J'ai  trouvé, 
répondit  ladolescent,  que  Garir  puise  dans  la  mer, 
et  que  Farazdaq  taille  dans  un  roc  ^.  —  Celui  qui 
puise  dans  la  mer,  dit  Ahtai,  a  le  premier  rang. .  D 
fit  alors  ces  deux  vers  dans  lesquek  il  donne  la  pré- 
férence à  Garir. 

Xai  porté  un  jugement  impartial,  basé  sur  des  ^e]lseîgIlc^- 
ments  positifs  : 

Farazdaq  a  rencontré  dans  Sâ  propre  tribn  mi  serpent  à 
la  morsore  terrible  '. 

L'arme  du  ridicule,  ohserveC.  de  Perceval,  dont 
la  morsure  est  »  profonde  chez  nous ,  n  était  pas  moins 
redoutable  dans  les  villes  arabes,  et  jusque  sous  les 
tentes  des  Bédouins.  Nous  en  trouverons  des  preuves 
dans  la  vie  m6me  des  personnages  qui  nous  occupent. 
Un  jeune  poète  s'avisa  de  £dre  des  vers  contre  Ea- 
razdaq.  Effirayés  des  suites  de  son  impnidenoe,  ses 


'  Ces  comparanoos  se  prf.vntfiit  pour  la  9eeamà&  ibis^  elet  le- 
▼iendront  an  pea  plus  loin.  PlasifeDrs  des  récits  de  YÉk^m^  idée- 
tiqoes  pour  le  fbad,  ne  diffèrent  <pe  par  las  noms  des  personnages 
mis  en  scène. 

«  Ag.,  Vn,  i85;  X,  1. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  105 

parents  se  saisirent  de  lui  et  remmenèrent  devant 
Farazdaq.  «  Ce  jeune  homme,  lui  dirent-ils,  est  à  ta 
disposition.  Coupe-lui  la  barbe,  bâtonne4e,  fais^lui 
ce  que  tu  voudras,  nous  ne  conserverons  contre  toi 
nianimosité,  ni  désir  de  vengeance.  »  Farazdaq  ré^ 
pondit  qu*il  lui  suffisait ,  pour  sa  satisfaction ,  de  voir 
combien  ils  craignaient  son  ressentiment  ^.  Lie  même 
poète  engagea  un  jour  Hâlid,  de  la  tribu  de  Kalb,  à 
faii  réciter  les  épîgrammes  que  Garir  avait  faites  contre 
lui.  Quand  le  Kalbite  Teut  satisfait,  Farazdaq  lui 
dit  :  «  Récite-moi  maintenant  les  réponses  que  je  lui 
ai  opposées.  »  Le  Bédouin  avoua  qu'il  ne  les  savait 
pas.  «Comment!  s  écria  Farazdaq,  tu  as  appris  par 
cœur  les  vers  que  mon  ennemi  a  composés  contre 
moi»  et  tu  n  as  pas  appris  en  même  temps  ceux  par 
lesqueb  je  lui  ai  répondu?  Par  Dieu  !  je  vais  diriger 
mes  satires  contre  les  enfants  de  Kalb  et  déverser 
sur  eux  un  ridicule  qui  les  couvrira  jusqu^à  la  fm 
du  monde,  à  moins  que  tu  ne  tHnstalles  chez  moi 
pour  écrire  toutes  mes  répliques  et  ensuite  me  les 
répéter.  »  Hâlid  y  consentit,  de  peur  d'allumer  son 
courroux.  Farazdaq  le  retint  un  mois  entier  et  ne 
lui  rendit  la  liberté  que  lorsqu'il  fut  en  état  de  lui 
réciter  toutes  ses  réponses  à  Garîr  ^. 

Ahtal  venait  de  se  déclarer  pour  ce  dernier,  quand 
Bisr,  fils  de  Marwân,  fut  nommé  gouverneur  de 
Koùfa.  Le  poète,  intimement  lié  avec  les  princes  de 
la  maison  d'Omaiya,  vint  en  cette  ville  présenter 

»  Ag.,  XIX,  11,  49. 
'  A§.,  XIX,  11. 

i3. 


196  SEPTEMBRE-OCTOBRE  J8d4. 

àes  hommages  au  nouveau  gouverneur.  Bisr  ne  voulut 
pas  manquer  une  si  belle  occasion  de  brouiller  les 
trois  plus  grands  poètes  de  l'époque  ^.  11  invita  donc 
le  Taglibite  à  décider  entre  Garîr  et  Farazdaq.  Sans 
avoir  lu  Horace,  Ahtal  connaissait  par  expérience 
«  rirritabilité  des  poètes  )i.  Il  s  excusa  d'abord.  Bi^r 
insista  et  ne  put  en  tirer  que  ces  mots  :  <  Faraedaq 
taille  dans  un  roc,  et  Garir  puise  dans  la  mer.  »  Ce 
dernier,  trouvant  apparemment  Téloge  trop  peu  em- 
phatique, se  montra  mécontent^,  et  son  méconten- 
tement se  traduisit  par  une  satire  contre  lefls  de  la 
chrétienne  : 

Fou  que  tu  esl  Biâr  a  décidé  c[ue  la  sentence  d*un  ivrogne  ' 
h*était  pas  acceptable. 

Abandonnez  (ô  Taglibites)  les  fonctions  d*arbitre,  qui  ne 
vous  conviennent  pas  :  aux  Banoû  Saïbân  de  prononcer  1 

N*est-ce  pas  eux  qui  ont  tué  votre  Kolaïb  pour  venger  la 
mort  de  la  chamelle  d*une  cliente  ^  ?  Vous  êtes  de  race  mêlée , 
fils  de  Tag^  aux  yeux  louches  '^, 

Âhtal  répondit  vivement  à  cette  attaque  injusti- 

^  Il  recourait  pour  cela  aux  plus  étranges  moyens.  Parfois  il 
obligeait  un  poète  à  attaquer  un  de  :  ses  confrères ,  à  qui  il  com- 
mandait ensuite  de  répondre.  Cf.  Ag.,  VU,  44*  67. 

^  Les  éditeurs  égyptiens  de  rAgânî  mettent  en  marge  :  c  Tdie 
est  la  leçon  de  tous  les  manuscrits ,  quoiqu'on  ne  voie  pas  la  rai- 
son du  mécontentement  de  Garîr.  »  Nous  ne  la  voyons  pas  non  plus. 

*  Avec  le  P.  Ssdhani,  nous  lisons  {j\yjS^  et  non  {^^y»»>j,  comme  a 
constamment  TAgânî. 

*  Allusions  à  la  guerre  bien  connue  d'Al-Basoûs. 

^  Ag.,  Vu,  44;  X,  3.  A  la  page  76  de  son  Divan  manuscrit, 
Garîr  dit  encore  : 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES,  197 

fiable ,  et  depuis  lors  ils  ne  cessèrent  de  se  déchirer 
Tun  i  autre  ^ 

On  comprend  que  le  Tag^ite  ait  été  offensé  de 
la  Conduite  de  Garîr.  Aussi,  depuis  ce  moment, 
cessa-t-il  de  le  ménager.  D autres  motifs,  dun  ordre 
bien  différent,  déterminèrent  également  cette  réso- 
lution. Des  membres  influents  de  la  famille  de  Fa- 

• 

razdaq  intervinrent  en  faveur  de  ce  dernier.  Âhtal 
était  alors  à  lapogée  de  la  gloire;  son  talent  incon* 
testé,  la  faveur  du  calife  en  faisaient  larbitre  de  la 
poésie  et  rendaient  ses  attaques  particulièrement 
redoutables.  Craignant  donc  quil  ne  continuât  à 
rabaisser  leur  parent,  ils  lui  envoyèrent  i,ooo  dir- 
hems,  des  habillements,  une  mule  et  du  vin,  en  lui 
faisant  dire  :  c  Ne  récite  point  de  satires  contre  notre 
poète;  dirige  plutôt  tes  traits  contre  ce  chien  qui 
attaque  la  famille  de  Dârim^.  Tu  as  précédemment 
élevé  Garîr  au-dessus  de  notre  ami;  élève  maintenant 
notre  ami  au-dessus  de  Garîr.  »  Ahtal  consentit  d'au- 
tant  plus  volontiers  à  cette  palinodie  que  lui-même 
avait  à  se  plaindre  de  Garîr.  Aussi  Bisr  lui  ayant 
encore  demandé  ce  qu'il  pensait  des  deuxTamimites, 
il  se  prononça  cette  fois  clairement  en  faveur  de 
Farazdaq^, 

>  Ag.,  Vn,  i85,  et  Divan,  p.  273.  Nous  avons  essayé  de  conci- 
lier les  documents  recueillis  par  l'auteur  de  l'Agânî;  il  nous  assu* 
rera  plus  loin  que  les  deux  poètes  se  sont  vus  pour  la  première  fois 
à  la  cour  de  Damas. 

*  Ancêtre  de  Farazdaq. 

^  Divan  manuscrit  de  Gaiîr,  p.  iii4;  Ag.,  Vil,  ââ,  iS5;  X^  3; 
Divan  d'Ahtsd,  65  et  2'jà* 


198  SRPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

Il  lui  fallait,  pour  le  faire,  une  certaine  dose  de 
courage.  Telle  était  la  terreur  inspirée  par  la  fougue 
satirique  de  Garîr  quun  seigneur  arabe  ayant  .pro- 
mis une  forte  récompense  au  poète  qui  se  pronon- 
cerait en  faveur  du  Darimite ,  il  ne  s'en  trouva  qu  un 
seul  qui  osât  gagner  la  prime  ^.  * 

^  La  guerre  était  donc  déclarée  entre  Garîr  et  le 
vieux  poète  chrétien  K  Les  admirateurs  et  amis  de  ce 
dernier  n'étaient  pourtant  pas  sans  crainte  sur  Tissue 
de  cette  lutte,  o  J'ai  un  sage  conseil  à  te  donner,  lui 
dit  un,  Arabe  de  Saïbân  ;  car  malgré  la  différence  de 
religion  et  les  haines  héréditaires  qui  nous  séparent, 
je  me  rappelle  que  tu  es,  comme  moi,  issu  de  Rabf  a. 
Tu  fais  des  vers  satiriques  contre  Garîr;  tu  prends 
parti  contre  lui  dans  sa  querelle  avec  Farazdaq. 
Pourquoi  te  jeter  entre  ces  deux  combattants  P  La 
langue  de  Garîr  peut  dire  des  choses  qu'il  n'est  pas 
permis  à  la  tienne  de  proférer.  Les  injures  qu'il  pro- 
digue aux  descendants  de  Rabî*a,  tu  ne  peux  les 
rendre  à  la  race  de  Modar,  dans  laquelle  réside  la 
souveraineté ,  et  qui  a  donné  naissance  au  Prophète. 
Cesse  donc,  si  tu  veux  m'en  croire,  de  lutter  avec 
des  armes  inégales  contre  un  si  redoutable  adver- 
saire. —  Tu  raisonnes  juste,  répondit  Ahtal,  mais 
je  jure  par  la  croix  et  i'hostie  que  je  saurai  toujours 
concentrer  mes  attaques  sur  les  seuls  descendants 
de  Kolaïb  ^,  de  manière  à  ne  pas  envelopper  dans  le 

»Ag.,Vn,67. 

«  n  était  déjà  sur  le  aécfin,  \^\  SJ  dit  l'Agânf ,  etc. 

'  Branche  de  Tamim  dans  laquelle  était  né  éarîr. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  190 

ridicide,  que  je  verserai  sur  eux  toute  la  postérité  de 
Modar.  Sois  persuadé,  au  reste,  que  ies  connaisseurs 
qui  savent  goûter  ies  bons  vers  ne  s'embarrassent 
pas  lorsqu'ils  lisent  ou  entendent  réciter  une  satire 
piquante  et  bien  faite,  si  elle  est  lœuvre  d un  mu- 
sulman du  d'un  chrétien  ^  » 

Âhtal  et  Garir  faisaient  ainsi  depuis  quelque 
temps  entre  eux  assaut  de  sarcasmes  et  d'outrages, 
mais  ne  s'étaient  pas  encore  vus ,  quand  le  hasard 
les  mit  en  face  l'un  de  l'autre.  Les  poètes  avaient  la 
coutume  de  se  rendre  chaque  année  à  la  cour.  Ils 
récitaient  au  prince  une  pièce  de  leur  composition  ^ 
et  touchaient  la  pension  annuelle  qui  leur  avait  été 
assignée.  Garir,  quoique  habituellement  fixé  dans 
l'Iraq^  auprès  de  Haggâg,  ne  parait  pas  avoir  négligé 
ces  lucratives  excursions.  Dans  un  de  ces  voyages  à 
Damas ,  il  s'arrêta  dans  un  campement  de  Taglibites. 
Il  descendait  de  sa  monture ,  couvert  de  ses  habits  de 
voyage  et  la  figure  à  moitié  couverte  par  le  «  litâm  » , 
de  manière  à  ne  laisser  paraître  que  les  yeux*,  quand 
il  est  abordé  par  un  Bédouin,  qui  lui  demande  le 
nom  de  sa  tribu.  «Tamîm»,  répond  Garîr.  Le  Bé- 
douin reprend  :  «  N  as-tu  pas  entendu  parler  de  ma 
satire  contre  ce  diable  de  Tamimite ?  »,  et  il  se  met 
à  la  réciter.  «Et  toi,  dit  Glarir,  n'as-tu  pas  entendu 

1  Ag.,VII,  173. 

'  Farazdaq  fait  allusion  à  cette  coutume  à  la  page  69  de  son 
Divan,  édit.  Boucher.  Cf.  Ag.,  VII,  p.  46,  1.  22,  2  3. 

'  Ou  dans  le  Yamâma ,  sa  patrie. 

*  Sur  le  |»UJ,  cf.  nos  t Synonymes  arabes»,  n*^  11 65,  il  était 
impossible  de  distinguer  les  traits  d'un  |^JU«.  Cf.  Ag.,  IV,  93. 


200  SEPTEMBRE-OCTOBRE  18d4. 

ia  réponse  de  ce  diable  de  Tamimite?»,  et  il  lui  ré- 
cita de  même  la  réponse.  Ils  restèrent  ainsi  quelque 
temps  en  présence ,  chaque  attaque  étant  immédia- 
tement suivie  de  la  riposte.  A  la  fin  le  Tag^ite ,  im- 
patienté, s'écria  :  «  Mais  qui  es-tu  donc?  Puisse  Dieu 
ne  pas  te  bénir  !  Je  gage  que  tu  es  Garîr.  —  Je  le 
suis  effectivement.  —  Et  moi,  je  suis  Ahtal ^  1  » 

Les  deux  rivaux  ne  paraissent  pas  alors  avoir 
fait  plus  ample  connaissance^.  A  quelque  temps  de 
là,  Garîr  attendait  à  la  porte  de  ^Abdalmalik,  pen- 
dant que  Ahtal  était  auprès  du  prince  ;  ayant  enfin 
obtenu  audience,  il  entra  et  s'assit.  Ahtal, qui  lavait 
entendu  annoncer,  se  mit  à  le  regarder  fixement. 
Garîr  s'aperçut  de  ce  mouvement  de  curiosité  et  lui 
demanda  qui  il  était.  «Je  suis,  répondit  Ahtal,  ce- 
lui qui  a  empêché  ton  sommeil  et  humilié  ta  race« 

—  C'est  pour  ton  malheur,  alors,  répliqua  le  Ta- 
mimite ,  qui  que  tu  sois  !  et  se  tournant  vers  le  calife , 
il  ajouta  :  Prince  des  croyants  (Dieu  prolonge  vos 
jours  aux  dépens  des  miens!),  quel  est  cet  homme? 

—  Père  de  Hazra^,  répondit  le  calife  en  riant,  c'est 
Ahtal.  »  Alors  Garîr  jetant  sur  son  rival  un  regard 
méprisant:  «Dieu  te  confonde  1  s'écria-t-il ,  fils  de  la 
chrétienne  1  Si  tu  m'as  empêché  de  dormir,  il  eût 
certes  mieux  valu  pour  toi  que  je  dormisse  tran- 
quillement, plutôt  que  de  veUler,  pour  t'accabler 
de  mes  satires.  Tu  as,  dis-tu,  humilié  ma  race;  mais 

»  Ag.,  vn,  182. 

*  Le  JjJ  ayant  empêché  Ahttl  de  reconnaître  son  interlocuteur. 
»  Le  teite  imprimé  de  T Agânî  portp  Hana. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  201 

comment  i aurais-tu  fait,  toi,  issu  dun  sang  voué  à 
l'opprobre,  accablé  sous  le  poids  de  la  colère  divine, 
assujetti  à  un  tribut  humiliant?  Homme  de  néant  M 
comment  aurais-tu  abaissé  ceux  au  milieu  desquels 
résident  la  prophétie  et  le  califat,  et  dont  tu  n'es  que 
le  moindre  des  esclaves. Commandeur  des  croyants, 
permettez-moi  de  réciter  une  satire  contre  le  fils  de 
la  chrétienne.  » 

Garîr  était  très  ému  en  prononçant  ces  invectives. 
Craignant  un  éclat  plus  regrettable,  le  prince  se 
contenta  de  répondre  :  «  Je  ne  m'y  oppose  pas,  mais 
que  ce  ne  soit  pas  ici,  en  ma  présence  !  »  Garîr  bon- 
dit de  sa  place  et  sortit  brusquement.  «Lève-toi, 
Ahtal,  dit  ^Abdalmalik  au  poète,  va  rejoindre  ton 
adversaire ,  car  il  est  sorti  furieux  contre  nous ,  à 
cause  de  toi!  »  Ahtal  se  leva,  assez  peu  rassuré;  il 
savait  que  la  faveur  du  calife  pourrait  n'être  qu'une 
protection  insuffisante  contre  les  violences  de  Garîr, 
capable,  en  un  moment  d'exaltation,  de  se  porter  à 
toutes  les  extrémités.  ^Abdalmalik  n'était  pas  non 
plus  rassuré.  Aussi  recommanda-t-il  à.  l'un  de  ses 
chambellans  d'observer  ce  qui  se  passerait  entre  eux. 
A  sa  sortie  du  palais ,  Garîr  appela  son  écuyer,  qui 
lui  amena  son  cheval  noir.  La  menace  à  la  bouche , 
il  monta  le  noble  animal  qui  se  cabrait  sous  lui.  Ce- 


'  Littér.  c  homme  sans  mère  » ,  invective  tout  à  fait  bédouine.  Le 
Divan  manuscrit  de  Garîr  reproduit  une  partie  de  ce  récit  (p.  Soi). 
Il  paraphrase  à  sa  manière  i'Agânî ,  c'est-à-dire  en  y  ajoutant  force 
injures,  où  figure  l'inévitable  ^y^  :  c'est  sa  manière  de  comprendre 
la  t  couleur  locale». 


302  SEPTEMBRE-OCTOBRE   1804. 

pendant  Âhtal ,  ayant  quitté  Tappartement  du  calife , 
ne  dépassa  pas  le  seuil  de  la  porte  du  palais,  der- 
rière laquelle  il  se  dissimula  jusquau  départ  de 
Garir.  Le  chambellan,  en  rentrant,  raconta  le  tout  à 
^Abdalmalik  qui  ne  put  s  empocher  d'en  rire  :  t  Vrai- 
ment, dit-il,  cet  enragé  de  Garir  est  un  brave.  Si  le 
chrétien  s  était  présenté  à  lui ,  ma  foi  !  il  n  en  aurait 
fait  qu  une  bouchée  ^.  » 

Ahtal  eut  plus  tard  Toccasion  de  prendre  une 
éclatante  revanche.  Haggâg  le  trop  célèbre  Ueute« 
nant  de  ^Abdalmalik,  avait  envoyé  à  ce  prince  une 
députation  dont  Garir  faisait  partie.  Le  calife  lui 
donna  audience  et  voulut  que  son  poète  favori  y 
assistât.  Quand  il  entra,  le  prince  lui  dit,  en  dési- 
gnant Garir  :  Voilà  celui  qui  ta  souvent  injurié!  » 
Garîr,  se  levant,  vint  au-devant  de  son  adversaire 
et  lui  adressa  ces  paroles  (nous  les  traduisons' lit- 
téralement, parce  qu'elles  caractérisent  assez  bien  le 
genre  du  Tamiraite)  :  «  Oh  as-tu  laissé  les  pourceaux* 
de  ta  mère  ?  —  Oh  !  répondit  Ahtal ,  ils  sont  à  paître 
avec  les  ànons^  de  la  tienne.  Mais  sois  sans  crainte, 

»  Ag.,V,  69;  VU,  66,»qq. 

*  Cet  animtd,  nous  l'avons  déjs^  dit*  occupe  dans  les  ss^tirçs  de 
Garîr  une  place  prépondérante. 

'  Rapprochei  de  cela  le  nom  de  ilà\yM  ^I  fils  de  Yéne$$e,  donné 
à  Garîr  par  ses  nombreux  ennemis ,  appdlation  remplacée  tantôt 
pa  U\^\  J^,  ou  ^c^  Ji^  ( Ag. ,  VU,  45) ,  ou  ybl  ^^1  (Ag. , 
VU,  63;  XVI,  117).  Rapprochez  également  ce  vers  d'Ahtal  mou- 
rant : 

et  p.  ia4«  1*  a«  3,  de  son  Divan. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  5K)3 

à  ta  prochaine  visite,  nous  te  réservons  un  bon  mor- 
ceau de  lard.  »  Repoussé  de  ce  côté,  Garîr  se  tourna 
vers  le  calife  :  «  Prince ,  dit-il ,  il  exhale  lodeur  du 
vin  ^  —  C'est  vrai,  répondit  Ahtal. 

Pourquoi  m'en  faire  un  crime  ?  C^est  la  boisson  du  gfrand 
Chosroès.  Les  tiens  connaissent  des  boissons  beaucoup  plus 
étranges  *. 

'Ces  derniers  mots  faisaient  allusion  à  un  fait  peu 
honorable  pour  la  famille  de  Garîr.  Aussi  *Abdal- 
malik,  voyant  la  tournure  que  prenait  le  d^bat,  crut- 
il  devoir  intervenir.  «  Assez!  cria-t-il  aux  deux  poètes. 
Pour  toi,  Garîr,  continua-t-il,  débite-moi  plutôt  quel- 
qu  une  de  tes  compositions  poétiques.  »  Le  Tamimite 
récita  trois  qasidas  en  Thonneur  de  Haggâg.  On  y 
remarquait  entre  autres  le  vers  suivant  : 

Quelle  main  a  étouffé  la  révolte  ?  Quelle  videur  est  com- 
parable à  la  valeur  de  Haggâg  ? 

Le  prince  fut  piqué  de  ces  éloges  pompeux ,  trop 
exclusivement  décernés  à  un  subalterne,  sans  qu'on 
en  fit  remonter  la  ^oire  au  souverain.  «  Non,  Garîr, 
s*écria"t-il ,  ce  n'est  point  à  Haggâg,  mais  à  sa  religion 
et  à  son  calife  que  Dieu  a  donné  la  victoire.  »  Puis 
se  tournant  vers  Ahtal  :  «  A  ton  tour  maintenant  !  », 
lui  dit-il.  Ahtal  choisit  dans  son  grand  panégyrique 


1 


Garîr  lui-même,  quoique  musulman  rigide  (cf.  Ag. ,  VU,  38, 
5i],  ne  dédaignait  pas  de  recourir  au  vin  pour  se  mettre  eQ  verve. 
Cf.  Ag.,  VII,  5o;  XVI,  118. 
*  Divan,  i55. 


204  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

de  la  maison  d'Omaïya  le  passage  commençant  par 


ce  vers  : 


Terribles  dans  leur  colère ,  tant  qu*on  leur  résiste ,  ils  sont 
les  plus  cléments  des  hommes  après  la  victoire  \ 

^Abdalmsdik  était  ravi.  «  Voilà,  s*écrîa-t-il,  un  chant 
de  triomphe,  capable  de  fondre  une  barre  de  fer^ !  » 

Le  Divan  manuscrit  de  Garir  nous  a  conservé  le 
même  trait,  mais  en  y  ajoutant  des  détails  signifi- 
catifs que  nous  ne  croyons  pas  pouvoir  omettre*  La 
députation  de  Haggâg  était  conduite  par  son  propre 
fils,  Mohammad.  Le  jeune  homme  avait,  parait-H, 
parmi  ses  instructions ,  celle  de  reconunander  Garîr 
au  calife.  La  mission  était  délicate,  ce  prince  étant 
mal  disposé  à  Tégard  des  poètes  de  Modar,  qui 
avaient  presque  tous  embrassé  le  parti  du  fils  de 
Zobaïr.  Il  connaissait  le  nom  et  les  vers  de  Garîr  *, 
et  n'approuvait  pas  les  éloges  hyperboliques  par  lui 
décernés  au  gouverneur  de  l'Iraq.  ^Âbdalmalik  reçut 
avec  honneur  Mohammad  et  le  fit  asseoir  sur  un 
tapis,  à  ses  pieds.  Quand  Garir  fut  introduit,  le  sou- 
verain, affectant  de  ne  pas  le  connaître,  demanda  à 
Moliammad  le  nom  du  nouveau  venu,  «  Émir  des 
croyants,  dit  le  fils  de  Haggâg,  c'est  Ibn  id-Hatafâ*. 

—  Ah!  oui,  fit  le  prince,  le  panégyriste  de  Haggâg. 

—  Et  celui  de  Votre  Majesté,  ajouta  timidement 

>  Divan,  io4, 1.  8;  cf.  Ag.,  VH,  66. 
»Ag.,Vn,  x8i. 
'  Divan  manuscrit  de  Garîr,  ad* 
*  Hatafft,  nom  de  i'aîeui  de  Garir. 


L£  CHANTRE  DES  OMIADES.  205 

r 

Garir.  Daignez,  Sire,  me  permettre  de  vous  réciter 
.mes  vers.  —  Récite-moi,  dit  le  prince  en  appuyant 
sur  les  mots,  ce  que  tu  as  composé  en  Thonneur  de 
Hag^â^.  »  Après  avoir  écouté  la  première  pièce, 
^Abdalmalik  ajouta  quelques  mots  d  approbation. 
«  n  paraît,  continue  Garir,  qu'Ahtal  était  dans  l'assis- 
tance,  placé  derrière  ou  même  devant  moi,  mais 
je  ne  l'avais  pas  aperçu.  Le  calife,  avec  une  insis- 
tance marquée,  réclamait  toujours  des  vers  en  l'hon- 
neur de  Haggâg.  Quand,  sur  son  invitation,  j*eus  ré- 
cité une  seconde  qasida ,  je  remarquai  que  son  regard 
s'assombrissait.  Cependant,  pour  obéir  à  un  nouvel 
ordre,  je  commençai  le  troisième  panégyrique  de 
Haggâg.  Arrivé  au  vers  :  «  Quelle  main  a  étoulFé  la 
révolte?  »  je  fus  interrompu  par  Ahtal  qui  me  cria  : 
tEt  le  commandeur  des  fidèles,  ô  fils  de  Marâga^, 
qu'en  fais-tu  donc  ?»  A  ces  mots  je  reconnus  Ahtal. 
Je  fus  tellement  saisi  que  je  me  cachai  le  front  avec 
le  revers  de  ma  manche. 

«  J'achevai  pourtant  la  pièce  jusqu'au  bout.  ^Abdal- 
malikme  donnal'ordredem'asseoir.Puis  s'adressant 
à  Ahtal  :  o  Allons  !  dit-il ,  récite-nous  l'éloge  du  prince 
des  fidèles  !»  Il  se  dressa  alors  triomphant  en  face 
de  moi,  et  lui  que  personne  n'égala  jamais  dans 
le  panégyriq]ue2,  il  débita  son   splendide   poème. 

*  Sur  ce  nom,  cf.  Ibn  Hallikân  (éd.  de  Slane),  p.  162,  et  Tâg 
al-'arous,  VI,  29.  Parmi  les  différentes  significations,  nous  préfé- 
rons celle  dîâneae,  comme  nous  l'avons  indiqué  dans  une  note  pré- 
cédente. 

^  Ce  sont  les  paroles  mêmes  de  Garîr  :  ^UJI  ^J^l  >«dbJU. 


20B  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

sans  trembler  :  il  me  semblait  qu'il  allait  me  dé- 
vorer ^  » 

Interrogé  sur  ce  qu'il  pensait  du  mérite  de  Fa- 
razdaq,  d'Ahtal  et  du  sien  propre,  le  même  Garîr  fit 
cette  réponse  :  a  Farazdaq,  en  semesurant  avec  moi, 
a  entrepris  une  tâche  au-dessus  de  ses  forces.  Ahtal 
excelle  dans  le  panégyrique,  il  a  plus  d audace  que 
nous  tous  et  sait  mieux  frapper  ses  adversaires  dans 
les  endroits  sensibles.  Pour  moi,  je  suis  la  cité  des 
vers  2.  »  Il  était  tellement  frappé  de  la  supériorité  de 
son  rival  dans  la  satire  que,  pour  l'expliquer,  il  re- 
courait aux  suppositions  les  plus  arbitraires  :  <  Par 
Dieu!  disait-il,  le  fils  de  la  chrétienne  n'est  pas  seul; 
il  a  derrière  lui  cinquante  poètes  au  moins,  tous 
bédouins.  Quand  il  veut  m'attaquer,  il  les  réunit  chez 
lui;  chacun  improvise  des  vers;  Âhtai  choisit  ce  qu'il 
y  a  de  meUleur  et  en  compose  une  satire^.  »  Quand 
nous  ne  le  saurions  pas  déjà,  ces  paroles  suffiraient 
pour  nous  dévoiler  les  angoisses  du  Tanoimite, 
puisque,  dans  les  satires  d'Ahtal,  il  voyait  l'œuvre 
collective  de  cinquante  poètes  «  tous  bédouins  ». 

Ahtal  n'aurait  donc  été  qu'un  plagiaire.  Eln  pro- 
férant cette  accusation ,  qu'il  a  peut-être  reproduite 
trop  souvent^,  Garîr  laissait  voir  quelle  idée  il  se 
faisait  de  la  probité  littéraire  de  ses  compatriotes.  A 


1  Ag.,vn,  172. 

«  Ag.,  vu,  172. 

»  Ag.,  vn, /lo. 

*  Cf.  Ag.,  VII,  72 ,  i.  9,  où  il  accuse  un  autre  poète  de  se  faire 
assister  pour  lui  répondre. 


LE  CHANTRE   DES  OMIADES.  200 

toutes  les  époques ,  le  plagiat  a  été  un  des  fléaux  des 
lettres  arabes.  Dans  les  temps  héroïques  surtout,  où 
la  tradition  orale  était  seule  gardienne  constituée -des 
œuvres  poétiques ,  rien  n*était  plus  facile  que  de  s  at- 
tribuer les  compositions  d*autrui ,  et ,  sui*  la  fin  du 
viH*  siècle,  nous  voyons  le  calife  Yazîd  lui-même 
recourir  à  ce  facile  expédient  ^  Les  coupables  n'étaieiït 
pas  seulement  des  rimeurs  aux  abois ,  des  poètes  fa- 
méliques ,  mais  les  premières  illustrations  du  Parnasse 
arabe,  comme  les  Farazdaq,  les  Kotaïyr,  les  Doûr- 
Romma,  et  tant  d autres'^.  Tout  le  monde  n avait 
pas  Térudition  d  un  Hanimâd  pour  reconnaître  les 
vers  volés  et  les  restituer  séance  tenante  aux  véri- 
tables auteurs^.  D  ailleurs  certains  en  étaient  venus 
à  ne  plus  rougir  de  ces  procédés  indélicats.  «  Le 
meilleur  des  vols,  disait  cyniquement  Farazdaq,  est 
celui  pour  lequel  on  ne  coupe  pas  les  mains.  »  Garîr 
lui-même ,  toujours  prompt  à  lancer  à  ses  adversaires 
laccusation  de  plagiat,  n  avait  pas,  sous  ce  rapport, 
une  réputation  intacte ,  et  le  savant  éditeur  d'Ahtal 
a  plus  d  une  fois  surpris  le  chantre  de  Tamîm ,  paré 
des  dépouilles  de  son  confrère  mésopotamien*.  Quant 
à  Hammàd,  ce  rapsode  si  habile  à  dévoiler  les  su- 
percheries littéraires ,  sortant  de  son  rôle  de  râwia , 
il  n'hésitait  pas ,  en  certaines  circonstances ,  à  puiser 
dans  les  trésors  de  sa  vaste  mémoire,  et  à  donner 

*  Ag. ,  VII,  52,  59. 

*  Ag.,  VIII,  195  et  passim, 
»  Ag.,  V,  i65. 

*  Cf.  Divan  d'Ahtal,  374,  375  et  notes. 

IV.  i4 


MraiWHftlB    BATtOXALB. 


910  SEPTEMBUE-OGTOBRE  1894. 

comme  siennes  les  œuvres  de  ses  prédécessem*s  ^. 
Il  n'était  pas  rare  d'entendre  des  poètes  se  reprocher 
mutuellement  des  plagiats  très  réels  ^.  Parfois  ces 
plagiats  avaient  toute  une  généalogie.  Ainsi  DoûV* 
Romma  s  était  approprié  un  vers  de  ^Aggâg,  sans 
soupçonner  que  ce  dernier  lavait  lui-même  em- 
pninté  *. 

Nous  ne  prétendons  pas  cependant  que  tout  soit 
absolument  original  dans  les  œuvres  d'Ahtd,  et  qu'il 
ne  doive  rien  à  ses  prédécesseurs.  Au  contraire^ 
nous  connaissons  plus  dun  endroit  où,  usant  de  son 
droit,  il  a  imité  les  grands  poètes  antéislamiques , 
tels  que  Labid,  Nâbiga  et  Ka^b,  fils  de  Zohaîr;  mais 
de  là  à  l'accusation  absurde  portée  par  Garir,  il  y  a 
loin.  Nous  ne  croyons  donc  pas  devoir  réfuter  cette 
cedomnie,  contre  laquelle  protestent  les  œuvres  du 
poète  taglibite,  remarquables  par  l'unité  de  facture 
et  d'inspiration.  Jamais  ses  nombreux  ennemis  n'ont 
osé  de  son  vivant  l'accuser  de  plagiat,  et  aucun  écrir 
vain  ne  s'est  fait  l'écho  de  cette  accusation  de  Garir, 
trop  intéressé  pour  mériter  créance.  Et  cependant , 
on  la  vu,  les  critiques  musulmans  ne  sont  pas  tendres 
pour  le  chrétien. 

*  Ag.,  V,  172. 

«  Ag.,  vn,  80;  vin,  195. 

»  Ag.,  XXI. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  3U 


t^ 


VIII 

AHTAL  ET  FARAZDAQ. 

Ahtal ,  sans  calculer  les  suites  de  son  intervention , 
s*était  déclaré  le  champion  de  Farazdaq.  Au  moment 
où  il  prenait  cette  grave  détermination,  il  ne  con- 
naissait encore  de  son  nouvel  ami  que  certaines  corn* 
positions  poétiques.  Celles-ci  s  étaient  promptement 
répandues  dans  le  public ,  grâce  au  soin  que  prenait 
Farazdaq  de  parcourir  les  villes  de  Tlraq,  tandis 
que  son  rival  se  confmait ,  on  ne  sait  pourquoi ,  dans 
le  Yamâma,  sa  patrie  ^  Si  Ahtal  avait  connu  plus 
intimement  le  fils  de  Gâlib ,  peut-être  aurait-il  con- 
tinué ses  sympathies  à  son  adversaire ,  ou  se  serait-il 
renfermé  dans  le  rôle  de  spectateur,  comme  son 
âge  déjà  avancé  et  sa  condition  de  chrétien  semblaient 
ïy  engager.  Farazdaq,  disons-le  sans  détour,  était 
absolument  indigne  de  Tamitié  (}u  grand  poète.  Li- 
bertin ,  cynique  ^,  se  faisant  un  jeu  d  attaquer  Thon- 
neur  des  femmes  les  plus  vertueuses,  abusant  de  la 
terreur  qu  inspirait  sa  muse  prdurière,  avec  cela 
poltron  au  delà  de  toute  expresûon^,  iplus  timide 

^  Cf»  Divan  manuscrit  de  Garir^  p.  2^^ 

'  Cf»  Ag.  s  XIX  t  1 2  ,  où  Ton  cite  un  trait  de  cynisme  absolument 
révoltant.  Avec  cela,  Farazdaq  était  un  musulman  pieux  et  con- 
vaincu. Sa  c dévotion»  pour  les  tgens  de  la  maison»  était  sans 
bornes.  Cf.  sa  notice  dans  Ag. ,  VIII,  186. 

»  O-UJI  j^y^l  ^^  ^ù^yU\  yli'.  Ag.,  XIX,  29, 1.  >5.  Cf.  ibid., 
p«  25,  4o. 


212  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

qu'un  moineau^  »,  il  était,  parmi  ses  coreligionnaires 
eux-mêmes,  Tobjet  de  la  répidsion  générale. 

Un  chef  arabe  lui  ayant  fait  un  cadeau  considérable , 
un  Bédouin  observa  que  c'était  trop  pour  un  tel 
homme  :  «  Trente  dirHems,  dit-il,  lui  suffiront;  dix 
pour  les  courtisanes,  dix  pour  manger,  dix  pour 
boire  ?.  j> 

On  ne  pouvait  mieux  résumer  les  besoins  et  les 
aspirations  de  ce  triste  personnage.  Vindicatif,  hai- 
neux, s  étant  fait  comme  un  besoin  de  la  calomnie 
et  de  Tinjure ,  il  s  est  peint  lui-même  dans  ce  vers , 
le  premier  peut-être  qu'il  ait  composé  : 

Qui!  est  doux  de  cracher  sur  un  eanemi,  et  de  faire 
tomber  sur  lui ,  de  ses  lèvres ,  une  bave  aussi  abondante  que 
la  trombe  d'un  jour  d'orage  'î 

D'après  le  Livre  des  Chansons,  son  honnêteté  lit- 
téraire était  au  niveau  de  sa  moralité.  Le  plagiat  ne 
l'efiPrayait  pas,  nous  le  savons  déjà;  mais  il  s'ingéniait 
pour  ainsi  dire  à  y  joindre  les  circonstances  les  plu9 
révoltantes.  Il  entendit  un  jour  un  adolescent  noouné 
Ibn  Mayâda  réciter  un  distique  où  ce  poète  vantait 
ses  aïeux  :  «  Il  faut  que  tu  m'abandonnes  ces  vers, 
lui  dit  Farazdaq,  ou  je  poursuis  la  mère  de  mes  at- 
tires jusque  dans  son  tombeau.  »  Le  jeune  Bédouin 
trembla  devant  cette  menace,  le  nom  de  sa  mère 

^  Ainsi  parle ie  commentateur  ancien  ëesoa Divan  (éd.  Boucher) , 
p.  30. 

*  Divan  de  Farazdaq ,  74. 

'  Ibid,,  p.  328;  trad.  Boucher. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  213 

ayant  déjà  été  plus  d'une  fois  traîné  dans  la  boue^ 
«Prends-les,  s*écria-t-il,  et  puissent-ils  ne  pas  te  pro- 
fiter! »'Farazdaq  se  les  appropria  en  effet,  en  substi- 
tuant seulement  le  nom  de  Dârim,  son  aïeul,  à  celui 
de  lancétre  dlbn  Mayâda^.  Le  biographe  Ibn  Hal- 
likân  ne  trouve  à  Farazdaq  qu'une  seide  qualité  : 
c  est  d  avoir  été  constamment  attaché  à  la  famille  de 
^Ali.  Il  espère  que  ce  dévouement  suffira  pour  effacer 
les  fautes  de  sa  vie  et  lui  mériter  le  paradis. 

Tel  était  le  personnage  dont  Ahtal  embrassa  la 
querelle.  Sans  doute  il  ne  voulut  voir  en  lui  que  Ten- 
neihi  de  Garir,  le  poète  de  Modar  stigmatisant  les 
tribus  qaïsites^  et  exaltant  la  famille  de  Rabfa*.  Il 
ne  lui  déplaisait  pas  non  plus  de  se  mesurer  avec 
un  rival  aussi  redoutable  que  Garîr,  rien  que  de  l'oser 
étant  considéré  comme  la  preuve  d'un  talent  incon- 
testable^. Quoi  qu'il  en  soit,  Ahtal  resta  jusqu'au 
dernier  soupir  fidèle  au  descendant  de  Dârim;  nous 
le  constaterons  plus  loin. 

Voici  en  quelles  circonstances  les  nouveaux  amis 
se  rencontrèrent  pour  la  première  fois.  Farazdaq  se 
rendait  à  l'une  de  ces  réunions  annuelles ,  où  les  plus 

*  Ag.,  II,  90  et  95.  Attaquer  la  mère,  c'était  mettre  en  question 
la  pureté  de  la  race,  le  premier  bien  du  Bédouin. 

*  Ag.,  II,  91;  XIX,  6;  plus  loin,  p.  36,  il  est  fait  mention  d'un 
autre  plagiat  de  Farazdaq,  perpétré  dans  des  circonstances  ana- 
logues. 

'  Cf.  Divan  de  Farazdaq,  p.  76.  La  pièce  de  la  page  170  est 
tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  virulent.  De  pareils  excès  de  langage  n'au- 
Taient  jamais  été  tolérés  chez  un  chrétien. 

^  Cf.  son  Divan,  p.  307,  2  24  «  sqq. 

^  Ag.,  XX,  168. 


^14  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

grandi  j^oèteft  de  refnpii*e  venaîeni  préseiitôr  leurs 
hommages  au  calife ^«  Etabli  dans  Tlraq,  il  devait, 
pour  se  rendre  à  Damas,  traverser  le  territoire  des 
Tà^bites ,  répandus  par  la  Mésopotamie.  A  la  tom- 
bée de  la  nuit ,  il  arrive  à  luh  de  learé  c&mpements  et 
aperçoit  une  belle  tente  dé  cuir  écariate^,  telle  quon 
en  dressait  pour  lei  grands  personnages.  Apprenant 
qu  elle  appartenait  à  Ahtal ,  il  s  y  présenta*  Gelui^i 
reçut  avec  distinction  Thôte  que  la  Providence  lui 
envoyait*  Il  lui  offrit  le  repas  du  soir*  Vers  la  fin  du 
couper,  il  lui  dit  :  «Vous  autres  musulmans,  vous 
uWceptei  pas  notre  boisson*  •«^  Peut-âtre ,  insinua 
Fafazdàq;  verse<-moi  un  peu  de  la  boisson  dont  tu 
fais  usage  1  *  Pendant  le  repas,  quand  îl  arrivait  à 
Ahtal  de  citer  un  vers ,  son  hôte  achevait  aussitôt  la 
pièce  à  laquelle  la  citation  était  empruntée*  Étonné 
de  rencontrer  un  homme  d'une  si  grande  érudition 
poétique  )  il  lui  demanda  à  quelle  tribut  appartenait. 
«  A  celle  de  Tamîm ,  répondit  Farazdaq.  -**-  Tu  es 
donc  de  la  tribu  de  nlon  frère  Faraedaq,  s  écria 
Al}taii  Gonnaîtrais-tu  quelqu'une  de  tos  productions? 
•^^  J  en  connais  un  bon  nombre  »,  répondit^ii,  et  il 
se  mit  à  en  réciter  des  tirades  entières. 

Ahtal  était  de  plus  en  plus  intrigué.  Enfin  «  après 
de  nombreuses  libations,  Fardidaq  s  écria  :  «Je  suis 

^  *Abdalmalik  ou  Walîd ,  Ahtal  n'ayant  pas  survécu  à  ce  demitr. 
Le  sroiiaste  de  Faraxdftq  se  trompe  en  assurant  que  son  poêle  n'a 
pas  paru  à  ia  cour  de  Damas  avant  l'avènemeat  de  Solaîmàn. 

>  Cf.  Ag.,  YIII,  5o;  et  le  Divan  d'Imro'lqaîs  (édit.  de  Sbne), 
texte  français ,  p.  8.  A  la  foins  de  X>kâz ,  on  Cessait  à  Nâbign  une 
tente  de  cuir  rouge. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  215 

lauteur  de  cette  satire i» ,  et  il  se  mit  à  déclamer  des 
Ters  contré  Garir.  Aussitôt  Ahtal  se  prosterna  devant 
son  hôte ,  lui  baisa  la  tête  et  lui  reprocha  de  ne  s'ôtre 
pas  fait  connaître  plus  tôt.  Farazdaq,  à  son  tour,  se 
prosterna  devant  Ahtal,  se  trouvant  honteux,  comme 
il  Tavoua  dans  la  suite  «  qu'un  homme  dun  si  rare 
talent  parût  se  mettre  au-dessous  de  lui.  Puis  ils 
continuèrent  à  converser  familièrement,  à  réciter 

• 

des  vers,  tout  en  se  versant  de  nombreuses  rasades. 
«  Ma  foi  !  dit  Ahtal ,  toi  et  moi  nous  sommes  assuré- 
ment  plus  forts  que  Garir  ;  mais  il  faut  avouer  que 
ses  satires  ont  plus  de  vogue.  »  Et  à  Tappui  de  son 
dire,  il  citait  un  vers^  qu*il  avait  composé  contre 
Garir.  «  Je  ne  pense  pas ,  continua-t-il ,  qu  on  ait  ja- 
mais trouvé  rien  de  plus  mordant;  pourtant  ce  vers 
n  est  apprécié  que  des  connaisseurs.  Pour  me  répondre, 
uarîr  n  a  trouvé  que  ceci  : 

Quand  on  réclame  l'hospitalité  du  Taglibite ,  il  se  gratte 
le  bas  du  dos  et  cite  des  proverbes. 

Et  malgré  sa  vulgarité,  ce  trait  est  redit  à  satiété 
par  les  valets  et  les  gens  de  bas  étage.  »  La  conclusion 
des  deux  poètes  fut  que  leur  rival  avait  pour  lui  les 
faveurs  de  la  foule  2.  Ajital  n  avait  pas  tort.  Au  dire 


^  Cf.  son  Divan,  p.  22Ô,  1.  1. 

*  D'autres  avaient  déjà  fait  cette  remarque.  Un  jour  Garîr,  de- 
mandant à  un  érudit  quel  était  le  meilleur  poète ,  de  lui  on  de  Fa- 
razdaq ,  reçut  cette  réponse  :  c  Tu  es  lô  meilleur  aux  yeux  du  vul- 
gaire; mais  auprès  des  savants,  Farasdaq  a  la  supériorité.  Ag. , 
VII,  72,  1.  12, 


216  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

de  certains  écrivains  peu  suspects  de  partialité  pour 
notce  héros,  comme  Ibn  Rasiq,  le  vers  du  chrétien 
serait  le  trait  le  plus  comique  de  la  satire  arabe  ^. 
Malheureusement  aucune  traduction*  n'en  pourrait 
voiler  le  réalisme. 

Bientôt  Âhtal  appela  les  gens  de  sa  tribu  et  leur 
annonça  que  son  hôte  était  Farazdaq.  On  s  empressa 
damener  au  pc4»  étranger  u„  gld  nombr..  d. 
chameaux  dont  on  lui  fit  présent.  Le  lendemain 
matin,  Faraz4aq  les  répartit  entre  les  pauvres.de  la 
tril)u  et  continua  sa  route  2.  Plus,  tard',  dans  une 
pièce  adressée  à  un  chef  bakrite ,  le  descendant  de 
Dârim  rappela  cette  cordiale  hospitalité  : 

J'aimais  Bakr  iils  de,Wàïl;  mais  cet  amom*  s*est  encore 
accru ,  ainsi  que  le  désir  de  chanter  ses  louanges. 

Depuis  les  bienfaits  de  (Taglib)  leur  frère,  quand  on  a 
fait  agenouiUer  ma  chamelle,  devant  une  tente  auprès  de 
laquelle  les  hôtes  s'assemblent'. 

Ahtal,  on  le  voit,  connaissait  les  dispositions  de 
Topinion  musulmane  à  son  égard,  et  en  prenait  phi- 
losophiquement son  partie  sans  trop  essayer  de 
lutter  contre  le  courant.  Témoin  cette  anecdote  con- 
servée par  Mobarrad  *. 

On  s'entretenait  alors  beaucoup  d'un  poète  du 

*  Cf.  Divan,  p.  3  25,  note  c;  on  y  trouvera  un  exemple  du  goût 
(le  certains  littérateurs  arabes.  » 

*  Nous  avons  combiné  Ag.,  VU,  178  et  186. 
'  Divan  de  Farazdaq,  226. 

*  Kâmil,  p.  32  2. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  217 

Higâz,  nommé  Kotaïyir^  célèbre  par  son.  talent^, 
mais  encore  plus  par  ses  excentricités.  Partisan  en- 
thousiaste des  ^Alides^,  professant  les  opinions  relir 
gieuses  les  plus  extravagantes  ^,  il  affichait  un  orgueil 
et  des  prétentions  ridicides^.  On  s'en  amu^itet  on 
lavait  surnommé  TAntéchrist ^.  Comme  il  était  très 
petit  de  taille ,  un  satirique  avait  dit  : 

Lorsque  Kotaïyir  se  tient  debout,  un  pou  est  assez  grand 
pour  lui  mordre  le  bas  du  dos  \ 

Ahtal  avait  dû  entendre  parler  de  Kotaïyir,  quand 
ce  dernier  se  présenta  à  i  audience  de  ^Abdalmaiik, 
qui,  comme  toujours,  avait  près  de  lui  son  poète 
favori.  Le  calife  admettait  volontiers  dans  son  inti- 
mité Texcentrique  Higâzite,  mais  il  ne  pouvait  lui 
pardonner  d'être  Rafidite  et  partisan  obstiné  de  *Alî. 
Aussi  chercha-t-il  à  Thumilier,  et  se  tournant  vers 
Ahtal ,  il  lui  demanda  ce  qu  il  pensait  des  vers  que 
Kotaïyir  venait  de  déclamer*.  «C'est,  répondit  le 
chrétien,  une  poésie  de  Higâzite,  affamé  et  engourdi 
par  le  froid  de  Syrie ^.  Si  vous  le  permettez,  sire,  je 

^  Caussin  Tappelle  Kéthir. 

^  Certains  critiques  Tassocient  même  à  la  fameuse  c  triade  poé 
tique».  Ag. ,  VIII,  27. 

^  Cf.  Ibn  HaUikân  (éd.  de  Boulaq),  I,  p.  548. 

*  Ag.,  VUI,  32,  34. 

s  Ag.,  Vm,  28. 

«  Ag.,  VIII,35. 

'  Ag.,XIV,  81. 

^  On  était  en  hiver,  saison  assez  rigoureuse  à  Damas. 

^  Cette  parole  d'Ahtal  eut  du  succès.  Ibn  ar-Riqà'  s'en  servit  plus 
tard  pour  caractériser  le  genre  de  Kotaïyir.  Cf.  Ag.,  VIU,  i83. 


218  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

le  secouerai  un  peu.  —  Prince  des  croyants ,  demanda 
Kotaïyir,  quel  est  cet  homme? — C'est  Ahtal,  répon- 
dit ie  caiife.  »  Alors  Kotaïyir  s'adressant  à  Ah  lad  : 
«  Tout  doux  !  s'écria-t-il,  pourquoi  n  as-tu  pas  secoué 
l'auteur  de  ces  vers  ^  : 

Ne  recherche  pas  l'alliance  de  la  tribu  de  Tag^b,  celle 
des  Zang  est  de  beaucoup  préférable. 

Quand  on  réclame  Thospitalité  du  Taglibite  *,  il  se  gratte 
le  bas  du  dos  et  cite  des  proverbes. 

En  entendant  cette  citation,  continue Mobarrad, 
Id  poète  chrétien  se  tut  et  ne  souffla  mot. 

Farazdaq  ne  montrait  pas  la  même  résignation 
que  son  ami.  Un  jour  ils  étaient  ensemble  à  Koûfa, 
occupés  à  boire ,  quand  se  présenta  un  jeune  Bédouin. 
Apprenant  qu'il  était  du  Yamâma,  pays  de  Garîr, 
ils  lui  demandèrent  s'il  connaissait  quelques-uns  de 
ses  vers.  Le  nomade  répondit  par  un  vers  obscène 
de  Garir,  atteignant  à  la  fois  l'honneur  d' Ahtal  et 
celui  de  Farazdaq.  Ce  dernier  bondit  indigné.  «  As- 
tu  entendu,  père  de  Màlik,  dit-il,  le  rôle  qu'il  m'at» 
tribue  à  ton  égard,  et  cela  sans  respect  pour  ton 
âge  ?  »  L'adolescent,  comprenant  alors  à  qui  il  avait 
affaire ,  s'écria  :  «  J'implore  contre  vous  la  protection 
divine  !  »  Cependant  Ahtal  parvint  à  calmer  son  bouil- 
lant confrère,  et  tous  les  deux  rassurèrent  l'Arabe, 

*  C'est-à-dire  Garîr. 

*  Variante  fournie  par  Mobarrad  :  il  c^JUi  ^fJ^  \ù\  (gJJcJ\y, 
Nous  avons  suivi  la*leçon  de  l'Agânî  et  de  Mas'oûdî,  YI,  iSa.  Cf. 
encore  Journal  asiatique,  i853,  1,  p.  558. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  219 

le  firent  asseoir  et  le  gardèrent  en  leur  compagnie 
le  reste  du  jour  ^ 

Quoique  habitué  à  violer  les  plus  saints  engage^ 
ments,  Farazdaq  garda  constamment  rattachement 
qu  il  avait  voué  au  généreux  Taglibite.  £n  toute  oc- 
casion ,  il  proclamait  bien  haut  la  supériorité  du  ta- 
lent de  son  ami;  dans  le  panégyrique  surtout,  il  ne 
lui  connaissait  pas  d'égal.  Comme  ii  entrait  à  Koûfa, 
un  individu  lui  fit  cette  demande  :  «  Quel  est,  depuis 
Tislam,  le  poète  qui  excelle  le  plus  dans  le  panégy- 
rique? —  Pourquoi  cette  question?  dit  Farazdaq. 
—  C'est,  répondit  Thomme,  que  nous  avons  eu  une 
discussion  à  ce  sujet.  —  Eh  bien!  dit  Farazdaq, 
dans  f éloge,  Ahtal  femporte  sur  tous  les  poètes 
arabes  ^.  » 

Interrogé  par  ^Abdalmalik  pour  savoir  quel  était, 
depuis  1  apparition  de  la  religion  musulmane ,  le  plus 
grand  des  poètes  :  «Sire,  répondit-il,  pour  le  pa- 
négyrique, il  suffit  de  nommer  le  fils  de  la  chré- 
tienne ^.  » 

Un  jour  pourtant,  s'il  faut  en  croire  certains 
renseignements  du  Kitâb  al-Agânî,  le  penchant  de 
Farazdaq  pour  la  calomnie ,  reprenant  le  dessus ,  se 
serait  exercé  aux  dépens  d'Ahtal.  Hammâd  le  râwîa, 
on  Ta  vu ,  préférait  ce  dernier  à  Garîr  et  à  Farazdaq. 
Mécontent  de  cette  préférence,  le  Dârimite  ne  put 
s'empêcher  de  dire  au  célèbre  rapsode  :  «  Tu  le  pré- 

»  Ag.,  VIl/178. 
*  Ag.,VII,  172. 
'  Ag.,  VU,  181. 


220  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

fères,  parce  qu'il  est  débauché  comme  toi^  —  Si] 
était  question  dmconduite,  répliqua  Hammâd,  je 
n'hésiterais  pas  un  instant  à  t  accorder  la  palme  ^.  » 
L  amitié  qui  avait  uni  les  deux  poètes  passa,  après 
leur  mort,  à  leurs  familles  respectives.  Labta,  laîné* 
des  fils  de  Farazdaq,  passant. par  Hira,  demanda 
aux  Taglibites  établis  en  cette  ville  une  hospitalité, 
généreusement  accordée.  Quand  on  lui  demanda  ses 
titres  et  qualités,  il  répondit  ::  «  Je  suis  le  fils  du 
panégyriste  de  votre  tribu,  de  celui  qui  a  dit  : 

En  faveur  de  Taglib  il  s'est  levé,  dans  Tamim,  un  poète 
qui  accable  ses  ennemis  de  sa  poésie  mordante. 

«Alors  tu  es  le  fils  de  Farazdaq?»,  reprirent  les 
Taglibites.  «Je  le  suis»,  répondit  Labta.  «^ons, 
s'écrièrent-ils,  descendants  de  Taglib,  récompensez 
en  la  personne  de  son  fils  le  poète  qui  a  défendu 
votre  honneur!  »  Aussitôt  on  lui  amena  cent  cha- 
melles; Labta  les  accepta  et  poursuivit  sa  route  ^. 

IX 

LA  QUESTION  RELIGIEUSE  SOUS  LES  OMIADES. 

Le  lectem'  qui  nous  a  suivi  jusqu'ici  se  sera  sans 
doute  demandé  l'explication  de  la  position  exception- 

^  L'insinuation  n'était  pas  sans  quelque  fondement.  Cf.  Ag. ,  Y, 
166,  169  et  170. 

»  Ag.,Vn,  172. 

'  n  est  le  premier  sur  la  liste  des  enfants  du  poète ,  ^donnée  par 
TAgânî,  et  agit  partout  comme  Taîné. 

*  Ag.,  XIX,  i3. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  221 

nelle  occupée  par  Ahtal  au  sein  d'une  cour  et  d'une 
société  musulmanes.  Elle  causa  plus  dune  fois  Téton- 
nement  et  ie  scandale  des  écrivains  arabes,  qui  ne 
pardonnèrent  jamais  aux  Omiades  l'éclatante  pro- 
tection accordée  à  ce  chrétien.  Ibn  Rasiq  a  fort  bien 
résumé  leurs  impressions.  Dans  son  Cours  de  Lit- 
tératare,  quand  il  arrive  au  nom  d'Âhtal,il  ne  peut 
plus  retenir  les  expressions  de  colère  se  pressant 
sous  sa  plume.  «  Le  maudit  chrétien!  s'écrie-t-il ,  son 
talent  poétique  et  la  faveur  de  *Abdalmalik  l'encou- 
ragèrent jusqu'à  railler  ouvertement  les  musulmans 
et  leur  religion.  »  Puis  après  avoir  cité  les  vers  d' Ahtal  : 
«Non,  jamais  je  n'observerai  le  jeûne  du  Rama- 
dan » ,  etc.  ;  il  ajoute  :  «  Ce  sont  là  d'abominables  ex- 
cès, tristes  effets  d'une  indifférence  religieuse  et  d'une 
tolérance  déplorable.  Mais  les  rois  ne  s'arrêtent  pas 
à  ces  bagatelles.  Ahtal  osa  encore  attaquer  les  Ansa- 
riens.  Si  son  génie  poétique  ne  feùt  sauvé ,  il  en  fal- 
lait infiniment  moins  pour  lui  valoir  la  mort.  Il  ré- 
pliqua de  la  façon  la  plus  inconvenante  aux  satires 
de  Garîr,  attaqua  l'honneur  des  plus  illustres  musul- 
mans. De  tels  excès  auraient  été  sévèreiuent  punis  , 
même  chez  un  descendant  de  *Alî.  Que  dire  alors 
d'im  chrétien  ?^  » 

Pour  élucider  ce  problème  historique,  nous  cher- 
cherons à  nous  rendre  compte  de  la  situation  des 
chrétiens  de  l'empire  arabe  à  l'époque  où  vivait 
notre  poète.  Les  antécédents  des  Omiades  et  leur 

^  Ms.  sup.  land.,  p.  29. 


322  SEPTEMBRË-OGTOBRE  1804. 

politique  religieuse  nous  aideront  également  à  ré^ 
pondre  à  la  question.  Ce  sujet  n  ayant  guère  été 
traité  avec  développement  ^  on  nous  permettra  dû 
nous  y  arrêter. 

Quelle  était  donc ,  vers  la  fm  du  viii*  siècle ,  la  po- 
sition des  chrétiens  orientaux  vivant  sous  le  sceptre 
des  califes  de  Damas?  S'il  faut  en  croire  certains 
éorivainç^,  elle  était  des  plus  florissantes.  «  Les  novL-» 
veaux  maîtres  (ainsi  s  exprime  le  D' G.  Le  Bon)  trai- 
taient les  vaincus  avec  une  grande  équité  et  leur 
laissaient  la  liberté  religieuse  la  plus  complète.  Sous 
leur  bienveillante  protection,  les  évêques  grecs  et 
latins  [sic)  jouissaient  dune  tranquillité  quils  n*a- 
valent  jamais  connue^.»  La  vérité  nous  oblige  à 
dire  que  cette  appréciation  est  beaucoup  trop  opti- 
miste. 

Depuis  636,  date  de  la  prise  de  Jérusalem,  le 
sort  des  chrétiens  de  Tempire  arabe  était  rég^é  par 
la  charte  ou  capitulation  du  calife  *Omar*.  D  après 
ce  document,  les  vaincus  gardaient  leurs  églises, 
mais  elles  devaient  rester  ouvertes  à  Tinspection  per- 
manente des  musulmans;  défense  était  faite  den 


^  Du  moins  à  notre  connaissance.  C'est  à  Beyrouth  que  nous 
écrivons  ces  lignes  »  loin  des  lecours  que  noui  foonuivient  ie»  grandes 
bibliothèques. 

*  Comme  Sédiliot. 

'  La  civilisation  des  Arabes,  p.  i36.  Paris,  i884;  iivre  sans 
grande  valeur  sciantifiquei  SédiUot  y  est  cité  commo  <  pu  des  sa* 
vants  les  plus  compétents  en  la  matière  ». 

*  Les  divers  codes  musulmans ,  en  parlant  des  tributaires  chré* 
tiens ,  ne  font  que  la  commenter. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADËS.  223 

bâtir  de  nouvelles,  de  se  servir  de  cloches,  d'exhiber 
en  public  aucun  emblème  religieux.  Suivaient  d  autres 
articles,  encore  plus  humili^ints^  comme  de  porter 
une  grosse  corde  en  guise  de  ceinture,  de  ne  pas 
monter  à  cheval ,  de  ne  pas  porter  d  anneaux,  d  avoir 
des  vêtements  différents  de  ceux  des  musulmans ,  etc. 
Tout  cela  sans  préjudice  d'un  tribut  assez  lourd  :  le 
chrétien  devait  le  payer  debout  au  musulman,  qui 
le  recevait  assis  ;  ce  dernier  avait  soin  de  le  secouer 
et  de  Fapostropher  par  ces  mots  :  «  Ennemi  de  Dieu , 
paye  la  capitation  ^  I  »  En  somme ,  la  situation  reli- 
gieuse, comme  la  fort  bien  observé  M.  A.  Goguyer, 
pouvait  ainsi  se  résumer  :  «liberté  des  cultes;  mais 
infamie  à  qui  ne  se  reconnaissait  pas  citoyen  de  Tis- 
lam  ^  I  » 

On  le  voit,  la  liberté  garantie  par  cette  conven- 
tion dont  nous  n'avons  donné  que  les  grandes  lignes 
était  loin  d'être  complète.  En  réalité,  elle  maintenait 
la  plus  rigoureuse  distinction  de  races,  et  réduisait 
les  chrétiens  à  la  condition  de  vaincus,  comme  nous 
entendrons  Garîr  le  rappeler  à  Ahtal  lui-même.  Nous 
voudrions  dire  qu'elle  resta  lettre  morte.  Mais  toute 
l'histoire  de  l'Orient,  la  législation  des  musulmans 
seraient  là  pour  nous  donner  un  démenti  ;  et  aujour- 

^  «Extremely  hard  and  humiliating».  Cf.  The  city.  of  Herod  and 
Saladin,  par  V.  Besant  et  E.  H.  Palmer,  d'ailleurs  très  favorables 
aux  conquérants  arabes. 

*  Cf.  Journal  asiatique ,  1861^  II,  p.  483.  Les  expressions  sont 
un  peu  adoucies  dans  les  textes  primitifs,  comme  Tabarî,  1"  série, 
VÎII,p.  2406. 

^  Dans  la  préface  de  sa  traduction  de  r«Alfiya»,  d'Ibn  Màlik. 


224  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

d'hui  encore,  nous  la  voyons  en  pleine  vigueur  dans 
plusieurs  endroits  des  États  musulmans.  Tout  ce  que 
la  tolérance  des  premier;  califes  delà  maison  d'Omayia 
put  faire  fut  d  adoucir  quelques-unes  des  stipulations 
les  plus  humiliantes  pour  Tamour-propre  de  leurs 
sujets  chrétiens,  de  ceux-là  surtout  qu'il  leur  impor- 
tait de  ménager. 

Il  faut  convenir  que  ces  princes  apparaissent  dans 
Thistoire  islamite  comme  un  vrai  phénomène.  Tout  ^ 
leurs  antécédents,  leurs  souvenirs  de  famille,  con- 
tribuait à  en  faire  des  musulmans  fort  tièdes.  Âboù 
Sofiân ,  père  du  fondateur  de  la  dynastie,  avait  fait  à 
Mahomet  la  guerre  la  plus  acharnée  et  retardé  de 
vingt  ans  le  triomphe  de  Tislam.  11  commanda  l'ar- 
mée qui  battit  le  Prophète  à  Ohod  et  celle  qui  l'as- 
siégea dans  M édine.  11  ne  se  soumit  que  lorsqu'il  vit 
sa  cause  perdue ,  et  alors  encore  quand  Mahomet  le 
somma  de  le  reconnaître  comme  l'envoyé  de  Dieu^ 
il  fallut,  pour  porter  la  conviction  dans  cette  âme 
obstinée,  faire  luire  un  cimeterre  à  ses  yeux.  Hind, 
5a  digne  compagne,  s'était  fait,  avec  les  oreilles  et  les 
nez  des  musulmans  tués  à  Ohod,  un  collier  et  des 
bracelets;  ouvrant  le  ventre  de  Hamza,  oncle  du 
*  Prophète,  elle  en  avait  arraché  le  foie  et  l'avait  dé- 
chiré à  belles  dents  ^ 


^  Telle  est  du  moins  la  tradition ,  avidement  accueillie  par  les 
ennemis  des  Omiades ,  et  contre  laqùdle  le  P.  de  G<^pief  a  le  cKm- 
rage  de  s'inscrire  en  faux.  Voir  ses  arguments  dans  la  traduction 
du  Divan  de  Hansà,  étude  sur  les  femmes  poètes  de  ranciâùne 
Arabie,  p.  lit,  etc.  , 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  225 

Mo'àwia  était  cligne  de  tels  parents.  Depuis  son 
enfance,  il  n  avait  eu  d  autre  pensée  que  d'arriver  au 
pouvoir.  Il  était  prêt  pour  cela  à  employer  tous  les 
moyens,  même  à  simider  des  sentiments  de  ferveur 
musulmane.  Aussi,  quand  Tislam  s  implanta  définiti- 
vement en  Arabie,  le  fils  d'Aboû  Sofiân  comprit  qu'il 
devait  se  rapprocher  du  Prophète,  et,  quelques  mois 
avant  la  mort  de  ce  dernier,  il  eut  .fhabileté  de  se  faire 
nommer  son  secrétaire.  Le  moyen  lui  réussit  à  mer- 
veille, et  le  peuple,  comme  le  remarque  Mas^oûdî, 
«célébrait  sa  mémoire,  et  le  plaçant  au  premier 
rang,  en  a  fait  le  secrétaire  de  la  parole  divine;  exal- 
tant ce  titre,  et  le  lui  décernant  à  lui  seul ,  il  en  a 
dépouillé  les  autres  et  les  a  laissés  dans  l'oubli  ^  ». 

Parvenu  au  califat,  après  en  avoir  dépouillé  la 
famille  de  Mahomet,  il  n'eut  plus  qu'un  objectif  : 
celui  de  s'y  maintenir.  Il  s'appliqua  donc  à  gagner 
le  cœur  de  ses  sujets.  Le  Higâz,  où  l'influence  de.s 
«  gens  de  la  maison  »  et  des  Ansariens  était  prépon- 
dérante, le  Higâz  lui  resta  constamment  hostile.^.  Il 
en  était  autrement  en  Syrie ,  parmi  les  Bédouins  que 
la  conquête  y  avait  fixés.  Entre  eux  et  le  prince,  il  y 
avait  communauté  de  vues,  de  sentiments  et  d'in- 
térêts. Alors,  comme  aujourd'hui,  la  religion  musul- 
mane avait  eu  peu  de  prise  sur  ces  enfants  du  dé- 
sert. Mahomet  l'avait  plus  d'une  fois  constaté,  non 
sans. regret.  A  part  le  précepte  de  la  guerre  sainte, 
le  Coran  était  demeuré  pour  eux  lettre  morte;  ils 

*  Prairies  d'or,  V,  87. 
«  Fahrî,  34. 

IV.  i5 


mrBIMRBIB    «ATIU\ALB. 


226  3EPTEMBRE.0CT0BIIE  1894; 

répugnaient  aux  rites  qu'il  impose  et  ressentaient  une 
haine  profonde  contre  les  nouyeaux  nobles  de  Mé-^ 
dine  et  de  la  Mecque,  qui  n avaient  d autres  titres 
que  d  avoir  été  les  compagnons  du  Prophète. 

Un  prince  comme  Mo^âwia  ne  devait  guère  être 
disposé  à  molester  les  populations  chrétiennes,  for* 
mant  alors  la  majorité  des  habitants  de  la  Syrie.  H 
ne  voulait  pas  payer  par  in.  persécution  les  services 
des  Bédouins  chrétiens,  qui,  comme  la  puissante 
tribu  de  Taglib,  s'étaient,  dès  le  principe,  firanche- 
ment  ralliés  à  sa  cause.  La  Syrie,  d'ailleurs,  nepou^ 
vait  se  passer  du  concours  des  chrétiens,  et  il  fallut 
laisser  entre  leurs  mains  la  plupart  des  services  ad- 
ministratifs, dont  seuls  ils  connaissaient  le  méca-* 
nisme.  Pour  ce  qui  est  des  sciences  et  des  arts,  ce 
ne  fut  que  sous  les  Âbbassides,  c  est-à-dire  après  nn 
long  siècle  passé  à  Técole  des  vaincus ,  que  les  Arabes 
purent  s  affiranchir  partiellement  de  leur  tutelle» 

Mo^àwia  parait  s  être  rendu  compte  de  cette  situa- 
tion. Dans  certaines  provinces,  où  les  chrétiens  for* 
maient  l'immense  majorité  de  la  population ,  il  n'hé- 
sitait pas  à  leur  confier  le  gouvernement^*  Dans 
d'autres  localités,  il  ny  eut  de  changé  que  la  garni- 
son et  le  gouverneur  grec,  remplacé  par  un  émir 
arabe.  La  plupart  des  employés  chrétiens  restèrent 
en  place  et  dans  les  différents  divans;  on  continua 
même  à  se  servir  de  la  langue  grecque.  Un  tremble- 
ment de  terre  ayant  ruiné  le  plus  vénéré  des  sano- 

*  Assemani,  Bibliotheca  orimitaLis,  III,  pars  seciinda,  ^S. 


LE  CHANTRK  DES  OMIADES,  SS7 

tuaires  d*Édesse ,  connu  sous  le  nom  de  ÏÉgUse  (M* 
cienne  ^,  le  calife ,  à  la  prière  des  chrétiens ,  se  chaif;ea 
de  la  faire  restaurer  2,  Par  cette  sage  politique  il 
voulait  déshaHtqer  ses  sujets  chrétieilf  de  regarder 
du  côté  de  la  cour  de  Byzance  ^  qui  cherchait  à  s  V* 
roger  sur  çux ,  une  espèce  de  protectorat^  Les  troupes 
grecques  occupaient  encore  quelques  points  de  la 
i^rie  et  leurs  invasions  périodiqiles ,  combinées  avec 
les  attaques  des  chrétiens,  cantonnés  dans  les  mon* 
tagnes  de  l'intérieur  ^«  menacèrent  plus  d'une  fois 
lexistence  de  1  empire  arabe.  Aussi ,  pour  être  libre 
d achever  la  guerre  contre  la  famille  du  Prophète, 
Mo'awiâ  n'hésita-t-il  point  à  conclure  avec  lempereur 
de  Constantinople  un  traité  aux  termes  duquel  il 
s  engageait  à  lui  payer  chaque  jour  un  tribut^  con- 
sistant en  mille  pièces  dW,  un  cheval  et  un  esclave'. 
Son  fils  Yazid  porta  beaucoup  plus  loin  Tindiffé' 
renée  religieuse.  La  haine  qu'il  avait  vouée  aux  An- 
sariens  rejaillissait  sur  la  religion,  dont  ils  étaient 
les  représentants  les  plus  autorisés^  Il  s  affranchit  os^ 
tensiblement  des  préceptes  de  la  loi  musulmane  et« 
«  sous  son  règne,  on  commença  à  boire  du  vin  en 

'  Histoire  dEdeste,  par  M.  B.  Duvii.  Joufr.  asiai,,  1891,  K, 
p.  101, 

^  «  Kaï  xr/^ei  avrèv  Maétas  (ntovSif  râSv  XptaltavSp.  »  Théophane 
(Migne),  p.  724.  Si  nous  avons  bien  compris,  ie  fait  est  unique 
dans  les  annales  musulmanes. 

^  Les  Melchites  du  moins ,  car  Nestoriens  et  Jacofoites  détestaieot 
ie  régime  impérial  qui  les  avait  peu  ménagés. 

*  Balâdorî,  169;  Théophane,  734»  etc. 

*  Théophane,  722. 

i5. 


228  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

public  ^  ».  Mais  ce  qui  a  surtout  rendu  sa  mémoire 
odieuse  aux  musulmans,  ce  fut  la  manière  dont  il 
réprima  la  révolte  de  Médine. 

La  population  de  cette  ville  était,  en  majeure  par- 
tie, composée  des  parents  du  Prophète,  des  Ansa- 
riens  et  des  Émigrés,  De  plus ,  une  traditioh ,  attribuée 
au  Prophète,  disait  :  «  Celui  qui  tirera  Tépée  contre 
les  Médinois,  Dieu^et  les  anges  le  maudiront.  »Sans 
se  laisser  arrêter  par  ces  considérations,  Yazid  fit 
marcher  sur  le  Higâz  une  armée  avec  ordre  d'em- 
ployer, pour  dompter  la  rébellion ,  les  moyens  les  plus 
énergiques.  Médine  devait  être  livrée  trois  joiurs  au 
pillage,  et  Ton  ferait  trancher  la  tête  à  quiconque  re- 
fuserait de  se  reconnaître  par  serment  l'esclave  dfe 
Yazîd.  Après  la  bataille  de  Harra,  où  périrent  plus 
de  cent  des  anciens  compagnons  de  Mahomet,  les 
soldats  de  larmée  syrienne  commirent  les  plus  hor- 
ribles excès  à  Médine,  et  montrèrent  combien  ils 
étaient  au-dessus  des  préjugés  musulmans.  Embar- 
rassés de  leurs  chevaux,  ils  lés  entassèrent  dans  la 
grande  mosquée  renifermant  le  tombeau  du  Prophète 
et  les  lièrent  à  la  chaire  même  où  il  avait  prêché. 

La  population  de  la  Mecque  eut  à  souffrir  ensuite 
«les  horreurs  d'un  siège  rigoiureux;  les  machines  de 
guerre  firent  pleuvoir  une  grêle  de  pierres  sur  la 
Ka^ba,  et  avec  les  pierres,  du  feu,  du  bitume,  des 
étoupes  enflammées.  La  Ka^ba  s'écroula ,  et  l'incendie 
dévora  le  saint  édifice^.  » 

»  Mas*oûdî»  V»  157. 

'  Mas'oùdî,  V,  166;  trad.  Barbier  de  Meynard. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  229 

Aussi  comprend-on  l'indignation  des  écrivains 
musulmans  quand  ils  viennent  à  parler  de  ce  «  mau- 
dit^», de  ce  «débauché,  meurtrier  de  Hosaïn,  le 
petit-fils  de  TApôtre  » ,  quand  ils  rappellent  «  ses  ma-, 
lédictions  contre  *Alî ,  son  impiété  et  ses  excès  en 
toutes  choses,  qui  ont  attiré  sur  lui  la  menace  ter-, 
rible  d'exclusion  de  la  clémence  divine ,  menace  di- 
rigée contre  ceux  qui  ont  rejeté  l'unité  de  Dieu  et  la 
mission  de  son  envoyé^  ». 

Les  chrétiens,  en  revanche,  eurent  à  se  louer  du 
gouvernement  de  Yazîd.  On  ne  signale  sous  son 
règne,  d'ailleurs  assez  court,  aucune  mesure  vexatoire 
contre  eux.  Tout  entier  à  ses  plaisirs  et  à  la  guerre 
contre  les  rebelles,  quand  il  l'aurait  voulu,  il  n'au- 
rait guère  pu  s'occuper  des  non-musulmans. 

Au  rapport  de  Barhebraeus  ^,  dans  plusieurs  pro- 
vinces de  la  Mésopotamie  et  de  la  Syrie,  les  gou- 
verneurs chrétiens  furent  maintenus  comme  k 
Ëdesse,  longtemps  administrée  par  Anastase,  fils 
d'Andréa 

Après  la  mort  de  Mo*âwia  II,  le  califat  passa  à  la 
branche  omiade  des  Marwanides.  Leurs  antécédents 
ne  devaient  pas  leur  assurer  les  sympathies  des  mu- 
sulmans sincères.  Hakam ,  aïeul  de  ^Abdalmalik ,  avait 
souvent  couvert  de  boue  le  fondateur  de  l'islana , 
occupé  à  prêcher  sa  nouvelle  religion.  A  la  prise  de 

»  Fahrî. 

«  Mas*oûdi\  V,  167. 

^  Chronicon  Syriacum,  118. 

*  R.  Du  val,  Histoire  d'Edesse,  'j'j. 


m  SEPTÊMBRE-OCTOBRC  1894. 

la  Mecqtxe,  il  ^  joignit  àii  cortège  du  Prophète, 
»  marchant  derrière  laif  contrefaisant  ses  gestes  et 
cherchant  à  le  ridiculiser.  On  jour  même ,  il  poussa 
l'indiscrétion  ju^u'à  épier  Mahomet,  en  tête  à  têt« 
avec  une  de  ses  femmes,  et  ne  se  gêna  pas  pour 
(fivulguer  ce  qu  il  arait  vu.  Telle  Ait  Tindignation 
du  Prophète  qu'il  mau<&t  publiquement  Hakam  et 
Texila  à  Tâif,  où  il  resta  jusqu'au  califat  d^  X>tmàn. 
  la  naissance  d'un  enfant,  on  avait  coutume  depré^ 
êmt^  lé  nouveau-né  à  l'Apôtre ,  qui  le  bénissait  et 
faisait  des  vcbux  en  sa  faveur.  Quand  on  lui  porta  le 
fils  de  Hakam ,  il  le  repoussa  en  disant  :  «  Airière  le 
■  maudit ,  fil^  de  maudit  P.  » 

Ce  maudit,  fils  de  maudit,  était  Marwân,  le 
propre  père  de  'Âbdalmalik  ^, 

La  jeunesse  de  'Abdalmalik  avait  d'abord  annoncé 
qu'il  répudierait  la  politique  religieuse  de  ses  prédé- 
eesseilrSi  Témoin  indigné  des  insultes  faites  aux  deut 
villes  saintes ,  il  les  avait  énergiquement  blâmées.  Ex» 
clusivement  adonné  à  l'étude  des  sciences  coraniques» 
il  était  cité  parmi  les  plus  célèbres  théologiens  de 
Médine,  et  son  assiduité  aux  exercices  du  ctdte 
l'avait  fait  appeler  la  «colombe  de  la  mosquées. 
Mais  le  jour  où  il  apprit  que  son  père  s*était  assis 
sur  le  trône  des  ôalifes  de  Damas,  il  ferma  le  Coran  : 
«  Désormais ,  s'écria^t41 ,  il  n'y  a  plus  rien  de  commun 
entre  nous  !  »,  et  bientôt  il  put  avouer  à  un  de  ses 

*  La  qualification  de  ^jjt^\  ^IosaI  appliqitéd  aux  Otniades  n'est 
pas  rare.  Cf.  Ag.,  IV,  92. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  231 

confidents  que  «  le  crime  ne  lui  faisait  plus  éprourer 
de  remords  ^  ». 

Il  ne  tarda  pas  à  prendre  ime  de  ces  résolutions 
devant  laquelle  Yazîd  lui-même  aurait  peutrétre 
reculé.  On  sait  Timportance  du  pèlerinage  de  la 
Mecque  dans  la  religion  musulmane.  Or  cette  ville 
était  au  pouvoir  de  ^Abdallah,  fils  de  Zobaïr,  qui, 
8 étant  fait  proclamer  calife,  exigeait  des  p^erins  le 
serment  de  fidélité.  ^Abdalmalik  résolut  de  détourner 
ce  péril,  et  il  renouvela  pour  tous  ses  sujets  la  dé^ 
fense ,  déjà  portée  par  son  père  Marwàn ,  d'sdler  en 
pèlerinage  à  la  Mecque^. 

Après  les  deux  villes  saintes  du  Higâz,  aucune  cité 
n était  plus  vénérable,  aux  yeux  des  islamites,  que 
Jérusalem.  Pendant  les  premières  années  de  sa  pré- 
dication ,  Mahomet  avait  ordonné  de  se  tourner  vers 
cette  ville  pendant  la  prière.  Le  fils  de  Marwàn  ré- 
solut d'en  faire  Ja  rivale  de  la  Mecque,  et  des  tradi- 
tionalistes complaisants  rapportèrent  une  parole  du 
Prophète ,  consacrant  d'avance  cette  innovation  con* 
sidérable.  Jérusalem  ne  possédait  qu'une  misérable 
mosquée  en  bois,  élevée  par  le  calife  ^Omjj^  sur  le 
mont  Moriah'*.  Le  prince  omiade,  sur  son  emplace-r 
ment,  éleva  le  monument  auquel  est  resté  attaché ,  on 
ne  sait  pourquoi ,  le  nom  du  successeur  d'AboûBakr. 

C'était  peu  pour  *Abdalmalik  d'avoir,  en  suppri- 

*  Fahrî,  i46. 

«  Ya'qoûbî  (éd.  Houtsma),  II,  3ii;  j^-i^  gjb,  II,  3o4  etSia. 
Ibn  Batrîq ,  ms.  cit 

»  Arculphe,  p.  781  (Migne,  Pair.  LaU,  ULXXXYIU). 


232  SEPTEMBRE-OCTOBilE  1 894. 

mant  ie  pèlerinage,  enrayé  le  mouvement  en  faveur 
du  fils  de  Zobaïr;  il  résolut  d  attaquer  la  révolte 
jusque  dans  son  foyer.-  Ldii  qui  avait  jadis  blâmé  les 
entreprises  de  Yazîd  contre  Médirie,  il  voulut  porter 
là  guerre  sur  le  territoire  inviolable  de  la  Mecque^. 
Le  choix  qu'il  fit  deHaggâg  comme  général  indiquait 
suffisamment  avec  quelle  énergie  il  entendait  la 
mener.  Pendant  huit  mois ,-  les  pierres  plurent  sur  là 
Ka^ba  et  la  ruinèrent  en  grande  partie  2.  On  se  battit 
jusque  dans  la  grande  mosquée ,  qui  fut  remplie  de 
sang  et  de  carnage.  Contrairement  aux  prescriptions 
du  Coran,  ^Abdalmalik  fit. frapper  des  monnaies  à 
figures ,'  copiées  sur  le  type  byzantin  ;  exemple  imité 
plus  tard  par  les  Zenguides ,  par  des  Âtabecks  et  des 
princes  Ayouhites^. 

On  le  voit,  le  calife  n'était  pas  homme  à  subor- 
donner les  projets  de  sa  politique  à  des  considéra- 
tions religieuses.  ATégard  des  chrétiens,  il  se  montra 
d'abord  bienveillant,  comme  ses  prédécesseurs.  Lé 
poète  Nàbiga  des  Banoû  Saïbân  recevait  laccueil 
lé  plus  honorable  à  la  cour;  et  pourtant,  au  juge- 
ment ppu  suspect  d'Aboûlfarag,  l'inspiration  du 
Saïbanite  était  franchement  chrétienne*; 

Un  autre  fait^  rapporté  par  Barhebraeus  montre 

»  Ibn  al  Atîr,  IV,  146;  Fahrî,  i46. 

'  Q>n  Batrîq,  ms.  cit, 

^  Cf.  Recueil  de  Tancienne  Académie  des  inscriptions,  XXVI, 
p.  557,  et  Journcd  asiatique,  mai  189^  ,  p.  679. 

*  Ag.,  VI,  iSa,  sqq. 

^  Nous  l'empruntons  à  peu  près  textuellement  kï Histoire  dEdetâè, 
de  M.  R.  Duval;  locà  cit. /77,  etc. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  233 

combien  les  califes  d  alors  continuaient  à  apprécier 
les  services  de  leurs  sujets  chrétiens.  Athanase,  no- 
table d'Edesse,  était  un  homme  profondément  in- 
struit et  doué  dune  rare  intelligence.  Sa  notoriété 
de  savant  étant  parvenue  à  ^Abdalmalik,  ce  calife  le 
désigna  comme  gouverneur  de  son  jeune  frère ,  *Abd- 
alWz,  qu*il  accompagna  en  Egypte.  Il  devint  bien- 
tôt l'arbitre  de  Tadministration  de  Tempire  arabe. 
11  arriva  à  un  tel  degré  de  richesse  qu  il  possédait 
Ix  ,000  esclaves ,  de  nombreuses  maisons ,  des  villages , 
de  for  et  de  l'argent  en  aussi  grande  quantité  que  si 
c'eût  été  des  pierres.  Avec  le  revenu  de  Ixoo  bou- 
tiques qu'il  avait  à  Edesse,  il  fit  construire  en  cette 
ville  la  magnifique  basilique  de  la  Mère  de  Dieu,  et 
bâtit  à  Postât  d'Egypte  deux  grandes  églises.  Il  refit 
entièrement  le  baptistère  d'Edesse,  où  il  déposa 
l'image  du  Sauveur  Jésus ,  envoyée  jadis  au  roi  Abgar; 
il  y  installa  des  fontaines  semblables  à  celles  qu'on 
avait  faites  pour  «  l'Eglise  Ancienne  ^  ».  Toutes  ces 


*  Les  chrétiens  orientaux  se  purifiaient ,  avant  le  service  divin ,  à 
une  fontaine  située  devant  l'église.  Dans  la  Syrie  septentrionale ,  on 
trouve  encore ,  parmi  les  ruines  d'églises  des  v*  et  vi*  siècles ,  des 
cuves  en  pierre  ayant  servi  à  cet  usage.  Saint  Jean  Chrysostome 
(  In  epist.  ad  Ephes.  )  atteste  que  les  fidèles  n'auraient  pas  voulu  «  re- 
cevoir la  sainte  hostie  dans  leurs  mains,  sans  les  avoir  lavées  •.  Un 
manuscrit  arabe  de  la  Bibliothèque  vaticane  contient  ce  passage, 
attestant  la  pratique  des  ablutions  parmi  leâ  chrétiens  orientaux  : 
«La  première  condition  pour  la  prière,  c'est  de  laver  le  corps  et 
de  le  purifier  de  ses  souillures,  selon  la  parole  des  «Saints-Pères  : 
«  Quand  le  fidèle  se  lève  du  sommeil ,  qu'il  se  lave  d'abord  et  prie 
t  ensuite  Dieu  y  son  créateur.  •  Saint  Grégoire  a  dit  dans  le  même 
sens  :  «Après  ie  lever,  il  faut  d'abord  àe  purifier,  puis  on  pourra 


134  SEPTEMBRË-OCTOBRE  1894. 

restaurations  semblent  indiquer  que  les  Omiades  n  ap- 
pliquaient  pas  rigoureusement  la  défense  de  'Omar 
concernant  la  construction  de  nouveaux  sanctuaires 
chrétiens. 

Les  richesses  d'Âthanase  excitèrent  lenvie;  il  fîtl 
dénoncé  comme  prévaricateur.  Mais  ^Abdalmedik 
n  écouta  pas  ses  calomniateurs;  seulement,  comme  il 
aimait  extrêmement  Targent  ^  il  demanda  à  Âtha- 
nase  de  partager  avec  lui ,  en  disant  qu'il  ne  convenait 
pas  qu'un  chrétien  possédât  des  biens  aussi  considé* 
râbles.  Le  chrétien  consentit  volontiers  et  se  montra 
si  prodigue  que  le  calife  satisfait  l'arrêta  en  disant  : 
«  C'est  assez  ^.  » 

Quand  ce  prince  voulut  agrandir  la  mosquée  prin^ 
cipale  de  Damas ,  il  ofiErit  aux  chrétiens  qui  en  pos* 
sédaient  la  moitié  de  la  leur  racheter  à  prix  d'or. 
Ils  refusèrent  et  le  calife  n'insista  plus^. 

Ce  qui  montre  encore  que  le  christianisme  jouis* 
sait  d'une  certaine  tranquillité,  c'est  que  nous  assis- 
tons sous  ce  règne  à  l'une  des  principales  phases  de 
l'activité  intellectuelle  de  la  Syrie  chrétienne.  Un 
instant  comprimée  par  les  guerres  des  Perses  et  la 
conquête  arabe,  la  littérature  syriaque  se  développe 

•  entretenir  ie  Pur  par  essence. •  £n  résumé,  pour  prier,  il  faut  ia 
pureté  de  l'âme  et  celle  du  corps.!  —  LiUmninaHondêsintdUgenetÊ, 
par  le  prêtre  Raitîd  Âboûl  BarakÂt 

1  Tous  les  écrivains  arabes  sont  d'accord  sur  ce  point;  nous  l'aYons 
dit  plus  haut 

*  Barhdbrseus,  Chron,  Syriac,,  p.  ii8. 

*  B^âdorî ,  1 25.  A  la  page  précédente,  cet  annaliste  nous  apprend 
que  les  chrétiens  possédaient  alors  à  Damas  an  moins  quinieégiiiet. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  935 

librement  sous  les  Omiades,  et  nous  ia  voyons  pro- 
duire sdors  un  de  ses  écrivains  les  plus  féconds  et  les 
plus  justement  célèbres ,  Jacques  d*Edesse ,  contem- 
porain d'Ahtal. 

Mais,  plus  que  tout  le  reste,  la  vie  et  les  poèmes 
de  ce  dernier  jettent  une  vive  lumière  siu*  la  tolé* 
rance ,  ou  mieux  sur  Tindifférence  religieuse  des  en* 
fants  d*Omayïa^.  Devant  quel  prince  musulman, 
auU*e  que  les  successeurs  de  Mo^âwia,  un  chrétien, 
invité  à  embrasser  Tislamisme ,  aurait-il  pu  répondre  : 

Jamais  je  nuirai,  comme  un  âne,  braire  Tappd  à  la 
prière  *  ? 

Ou  faire  contre  les  Ansariens ,  ces  saints  de  Tislam , 
une  diatribe  aussi  violente  que  celle  que  nous  avons 
déjà  mise  sous  les  yeux  du  lecteur^. 

Ce  ne  fut  pas  la  seule  fois  qu'il  prit  les  Ansariens 
à  partie,  et  dans  son  grand  panégyrique  de  la  dynastie 
d'Omayïa,  il  trouva  moyen  de  parodier  un  vers  de 
Hassan ,  fils  de  Tâbit ,  qui  se  vantait  que  «  les  siens 
avaient  accueilli  et  défendu  le  Prophète  ».  (  Divan , 
io5,  1.  Il,) 

*  Tous  les  critiques  qui  se  sont  occupés  du  Divan  d'Ahtal  ont 
signalé  son  importance  au  point  de  vue  historique. 

*  Ce  vers  renferme  peut-être  une  allusion  aux  paroles  de  Gowaïria , 
fille  d'Aboû  Gahl,  adversaire  de  Mahomet.  Le  jour  de  la  prise  de 
la  Mecque ,  entendant  le  muezzin  Balâl  faire  l'appel  à  la  prière ,  elle 
s'écria  :  «Dieu  a  été  miséricordieux  envers  mon  père,  en  ne  per- 
mettant pas  qu'il  entendît  Bsdâl  braire  au  haut  du  tem|de.  •  On  at- 
tribue la  même  expression  à  Aboû-Sofiân.  Cf.  ^  ^  fjJSi\  ï^oJ\  t^\^ 

ibydUIJGCt.p.  47. 
'  Cf.  Divan,  3i4* 


23Ô  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

•  Ailleurs ,  pariant  de  la  mort  de  Hosaïn ,  fils  de  *Ali , 
il  rappelle  aux  Omiades  que  'Obaïdallah ,  fils  de  Ziâd , 
les  «  a  délivrés  d'un  serpent^  ».  Mais  la  haine  quils 
avaient  vouée  à  la  race  de  *Alî  garantissait  Timpunité 
àlaudacieux  poète  qui  s  enhardissait  à  parier,  et  non 
sans  ironie,  des  «  chaires  des  mosquées  »  et  du  «  sceau 
de  la  prophétie  2  ». 

Un  édit  de  *Omar  avait  défendu  aux  chrétiens 
Taccès  et  le  séjour  de  la  péninsule  arabique.  Vrai- 
semblablement ,  les  premiers  successeurs  de  laustère 
prince  des  croyants  tempérèrent  la  rigueur  de  cette 
prohibition.  Ainsi  nous  voyons  le  chrétien  Aboû 
Zaïd  comme  confident  auprès  du  calife  'Otmân', 
et  le  musicien  chrétien  Honaïn  de  Hîra ,  invité  par 
ses  collègues  du  Higâz,  mourir  à  Médine  dans  la 
demeure  dune  arrière-petite-fille  de  Mahomet*. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  à  peu  près  prouvé  qu*un 
contingent  Tag^ibite  prit  part  au  dernier  siège  de  la 
Mecque.  Ahtal  y  fait  sans  doute  allusion  en  rappelant 
que  les  guerriers  de  Taglib  «  ont  foidé  les  lieux  sainte  » 
de  Tislam  ^.  Quand  on  saura  que  cette  vaillante  tribu 
marchait  au  combat ,  précédée  de  la  croix  et  de  l'image 
de  saint  Sergius®,  on  comprendra  combien  ce  sou- 
venir devait  être  désagréable  aux  musidmans,  pour 

*  Divan,  193,  9. 

*  Divan,  3i6,  !•  10. 
»  Ag.,  XI,  ai. 

*  Ag.,  II,  137. 

*  Divan,  5o,  1.  h. 

*  Divan,  309  et  notes  a  et  c.  Actuellement  encore  «  Iç  Dom  e^  fe 
culte  de  S.  Ser^ius  (ll<ir5aHlù)  sont  très  populaires  en  OiienK 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  237 

le  moins ,  autant  que  le  vers  d'Ahtal  où  le  Prophète 
est  cité  d*une  façon  assez  irrévérente^ 

Aussi  le  texte  d'Ibn  Rasiq,  cité  plus  haut,  rend-il 
parfaitement,  selon  nous,  le  sentiment  de  haine 
profonde  que  les  musulmans  ont  voué  à  la  mémoire 
de  ce  poète,  haine  qui  rejaillit  jusque  sur  *Abdal- 
malik.  Ce  serait  pourtant  une  erreur  de  croire  que 
la  conduite  de  ce  prince  était  uniquement  inspirée 
par  l'esprit  de  tolérance.  La  muse  mordante  du  Ta- 
glibite  servait  trop  bien  les  calculs  des  califes  de 
Damas,  en  ridicuhsant  le  parti  irréconciliable  des 
Hachimites  et  des  Ansariens,  représentants -nés  de 
l'orthodoxie  la  plus  étroite.  Un  poète  musulman 
n'aurait  pas  eu ,  pour  cette  tâche ,  l'indépendance  né- 
cessaire ,  comme  on  a  pu  s'en  convaincre  par  l'attitude 
de  Ka*b ,  fils  de  GoVil. 

D'ailleurs  ^Abdalmalik  avait  d'excellentes  raisons 
pour  ménager  la  vaillante  tribu  de  Taglib.  A  Morg 
Râhit,  elle  avait  combattu  sous  la  bannière  de  Mar- 
wân  et  contribué  pour  sa  part  à  la  victoire.  Pendant 
les  guerres  civiles  qui  remplirent  une  grande  partie 
du  règne  de  ^Abdalmalik ,  les  Taglibites  avaient  gardé 
à  ce  prince  la  plus  constante  fidélité,  fidélité  bien 
méritoire,  surtout  en  Mésopotamie,  où  ils  furent 
presque  seuls  à  soutenir  la  cause  des  Omiades  contre 
l'effort  combiné  des  Arabes  de  Modar  et  des  parti- 
sans du  fils  de  Zobaïr.  *Abdalmalik  ne  pouvait  pas 
l'ignorer,  et  la  faveur  par  lui  témoignée  au  grand 

*  Divan,  32 1, 1.  h. 


288  SEPTEMBRE-OCTOBRE  18^4; 

poète  de  Tagîib  était,  croyons-nous,  en  partie  desti- 
née à  reconnaître  les  longs  et  loyaux  services  de  sa 
tribu. 

Cependant,  dans  la  seconde  moitié  de  son  règne, 
les  disjpositions  bienveillantes  de  ^Âbdalmalik  envers 
les  chrétiens  se  modifièrent  ^  Les  motifs  de  ce  chan-» 
gement  nous  sont  inconnus.  On  établit  sur  les  chré-  • 
tiens  un  nouvel  impôt,  ingénieusement  appelé  tadU 
ou  égalisation  ^.  Tous  devaient  déclarer  au  pouvoir 
leurs  biens,  leurs  vignes,  leurs  oliviers,  le  nombre 
même  de  leurs  fils.  «  Ce  fut ,  dit  la  chronique  syriaque 
du  patriarche  Denys^,  lorigine  de  tous  les  maux 
pour  le  peuple  fidèle.  Depuis  lors,  les  descendants 
d*Agar  affligèrent  les  fils  d'Aram  dune  servitude,  rap- 
pelant celle  d'Elgypte.  » 

«  Le  gouvernement  des  provinces  de  TOrient  fiit 
confié  à  deux  généraux  arabes  :  Haggâg  eut  la  Perse 
et  TArabie.  Mohammad,  frère  du  calife,  fut  préposé 
à  la  Mésopotamie.  Ce  dernier  était  un  zélé  musul- 
man qui  persécuta  les  chrétiens.  11  fit  périr  Mo'id, 
chef  des  arabes  Ta'labites^,  qui  refusa  de  se  convertir 
à  Tislam ,  fit  brûler  pour  la  même  raison  les  chefs  ar** 

'  R.  Duval,  op.  laad,,  78. 

*  «£o  enim  censu  Ghristianonim  res  ad  seqnitatem  juris  revoeaH 
eoiiteiidebant  principei  Saraeeni».  Assemmi. 

'  Apud  Assemanii  Biblioth,  orient.  II,  io4> 

^  Ou  Bànoû  Ta'laba,  branche  principale  de  la  grande  tribu  de 
Bakr.  Ils  occupaient  une  partie  du  désert  situé  entre  le  royanine 
de  Hîra  et  celui  de  Gassân;  ils  étaient  nomades  et  dépendaieai  4a 
diocèse  jacobite  de  Hîra.  Ils  eurent  notamment,  comme  évéque, 
Georges,  le  contemporain  de  Jacques  d'Édesse.  Cù  R.  Duval,  79, 
note  1*  » 


LE  CHANTRE  DES  0MIADE8.  239 

méniiens  dans  l'église  où  il  les  avait  rassemblés ,  et 
mit  à  mort  Ânastase,  fils  d'André,  gouverneur  d'E- 
desse^». 

Hag^àg  voulut  également  signaler  son  zèle  et  se 
mit  à  empêcher  l'élection  des  évéques.  Jusqu'à  sa 
mort,  l'église  d'Arménie  resta  sans  pasteur,  c'est-à^ 
dire  pendant  dix-huit  ans  ^. 

L'an  700,  tous  les  employés  chrétiens  fiirent  ren- 
voyés ,  et  les  registres  officiels  désormais  rédigés  en 
langue  arabe  ^.  Quand  il  fiit  question  de  rebâtir  la 
gra^nde  mosquée  de  la  Mecque,  en  partie  ruinée* 
pendant  le  dernier  siège ,  '  Abdalmalik  voulut  se  servir 
des  colonnes  du  sanctuaire  de  Gethsémani ,  près  de 
Jérusalem.  L'illustre  Sergius  Mansoûr,  père  de  saint 
Jean  Damascène ,  n'obtint  qu'à  grand'peine  la  révo- 
cation de  cet  ordre  arbitraire ,  en  s'engageant  à  faire 
envoyer  d'autres  matériaux  précieux  par  l'empereur 
Justinien  ^. 

Après  la  mort  du  vénérable  patriarche  Sophronius, 
l'église  de  Jérusalem  demeura  plus  d'un,  demi-siècle 
privée  de  pasteur.  Le  pouvoir  n'était  sans  doute  pas 
étranger  à  cette  vacanpe  prolongée ,  comme  ce  fiit  le 
fait  pour  le  patriarcat  d'Antioche ,  au  commencement 
du  règne  de  Walîd. 

^Abdalmalik  étant  venu  dans  l'Iraq  pour  étouflfer 

*  R.  Duval,  op.  laud» 

*  Barhebrœust  op.  laud,,  i38»  note  2. 
3  Balâcjorî,  i38. 

*  D'après  Théophane,  elle  aurait  même  été  brûlée,  circonstance 
que  les  écrivains  arabes  ne  mentionnent  pas. 

^  Théophane»  742. 


240  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

la  révolte  de  Mos^ab,  le  catholicos  nestorien  Anan- 
yesus  vint  lui  présenter  les  félicitations  d  usage.  Le 
prince  lui  demanda  brusquement  ce  qu  il  pensait  de 
la  religion  des  Arabes.  Peu  accoutumé  à  déguiser  sa 
pensée,  le  prélat  répondit  :  «  C*est  un  état  politique 
fondé  parle  glaive,  et  non  ime  religion  confirmée 
par  des  miracles,  comme  la  religion  chrétienne  et 
celle  de  Moïse.  »  Le  calife,  indigné,  commanda  qu'on 
lui  coupât  la  langue,  et  Ion  aurait  exécuté  cet  ordre 
sans  l'intervention  de  quelques  personnages  influents 
à  la  cour  ^  L'historien  ne  les  nomme  pas;  mais  Ahtal, 
qui  accompagnait  le  prince  en  cette  expédition,  na 
pas  dû  manquer  cette  occasion  d'employer  son  cré- 
dit. 

Ces  vexations  n'étaient  que  le  prélude  d'autres 
plus  graves,  qui  signalèrent  l'avènement  du  cadife 
Walîd.  Vers  cette  époque  parut  un  nouvel  édit  récu- 
sant le  témoignage  d'un  chrétien  contre  un  musulman, 
et  fixant  pour  ce  dernier  le  prix  du  sang  au  double 
de  celui  d'un  chrétien  2.  La  cathédrale  de  Damas  fut 
enlevée  de  force  aux  chrétiens ,  et  sur  son  emplace- 
ment s'éleva  la  grande  mosquée^.  Mais  ce  règne, 
nous  l'avons  déjà  dit,  ne  rentre  qu'incidemment  dans 
le  cadre  des  événements  dont  nous  avons  à  nous 
occuper. 

On  le  voit,  la  liberté  dont  jouirent  les  chrétiens 

^  Barhebraeus,  Chron.  eccles.,  II,  i36  et  i4o. 
'R.  Duval,  loco  cit. 

^  Balâdorî,  125;  Mas'oùdî,  V,  36 1.  Souvent  modifié,  ce  bÂti* 
ment  vient  de  brûler  complètement. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  241 

SOUS  les  Omiades,  était  loin  d'être  complète.  Trop 
souvent  à  leur  égard  la  protection  du  pouvoir  fut 
intermittente  et  nominale;  par  moments  celui-ci  se 
montra  plutôt  hos^e.  Ce  qu'on  peut  dire  de  plus 
exact,  c'est  que  dans  toute  l'histoire  musulmane ,  ce 
fut  pour  les  vaincus  la  période  la  moins  dure.  La  li- 
berté qu'on  voulut  tien  leur  laisser  ne  paraît  appré- 
ciable que  lorsqu'on  la  compare  au  régime  franche- 
ment intolérant  des  Abbassides  ^ 


*  Cf.  The  city  of  Herod,  p.  98.  Barhebrasus,  Chron,  eccles.,  III, 
ibà,  affirme  le  contraire.  Il  est  vrai  qu'il  se  place  au  point  de  vue 
jacobite.   D'ailleurs  il  se  réfute  lui-même,  sans  s'en  apercevoir, 
presque  à  chaque  page. 


[La  fin  au  prochain  cahier,) 


IV.  •  iG 


turaiMKaiR  BATiitxiitit. 


242  SEPTEMBRE-OCTOBRE    1894. 


3^ 


DESCRIPTION  DE  DAMAS, 

PAR 

H.  SAUVAIRE, 

CORRESPONDANT  DE  L'INSTITUT. 

(suite.) 


CHAPITRE  IV. 


Sur  les  madraseh  hanafîtes. 

(Fol.  12).  La  madraseh  lAsadiyeh.  —  On  a  vu 
précédemment  sa  position  [au  C/iara/ méridional], 
son  afifectation  aux  deux  sectes  hanafite  et  châfé^te 
[et  la  biographie  de  son  fondateur].  Parmi  les  Hana- 
fîtes, Tâdj  ed-dîn  ebn  el  Wazzân  y  donna  des  le- 
çons. [Il  vécut  jusqu'à  dépasser  les  quatre-vingt-dix 
ans  et  mourut  en  Tannée  645.]  Après  lui,  la  chaire 
fut  occupée  par  quatre  professeurs  hanafîtes. 

La  madraseh  lIqbâliyeh.  —  Il  a  déjà  été  fait 
mention  de  son  emplacement,  à  propos  de  ïlqbâUyeh 
châfé^îte,  [ainsi  que  de  son  fondateur]. 

[J'ai  vu  Tinscription  suivante  gravée  sur  le  hn- 
teau^  de  sa  porte  :  Après  le  bctsmcdah,  «L'émir 
«très  illustre  Djamâl  ed-dauleh  Iqbàl,  affranchi  de 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  243 

a  la  khàtoûn  très  illustre  Sett  ech-Châm,  611e  d'Ay* 
«yoûb,  que  Dieu  le  reçoive  en  sa  miséricorde!  a 
«  constitué  en  waqf  cette  madraseh  bénie  pour  ies 
«jurisconsultes  disciples  du  flambeau  de  ik  noble  na- 
«  tion,  Âbou  Hanifah,  que  Dieu  soit  satisfait  de  lui! 
«  Il  a  constitué  en  waqf  en  faveur  de  ladite  madra- 
«  sA  :  le  tiers  du  bourg  connu  sous  le  nom  d  es- 
«  Samoâ^x;  le  tiers  d*une  mazraah  au  nord  de 
«  Baydar  Zabc&i;  cinq  qirâts  et  un  tiers  d'une  vigne 
«  connue  sous  le  nom  de  Moûmal  (sic^  pour  Mouay- 
«  yed?)  ed-din ,  à  el-Hacfit  [m,  pour  el-Haditah,  dans 
A  la  Ghoûtah);  un  qirât  de  Mdikbah  {sic)  Zar'  Ma- 
a  hât,  sur  une  route  qui  conduit  de  Zar^  à  Bosra.  Et 
«  cela  le  24  doul  qa'deh  de  Tannée  6o3.  «J^. 

Je  dis  :  «  Cette  madraseh  est  actuellement  Thabi- 
tation  du  chaykh  'abd  El-Latîf  ebn  Ghams  ed*dtn , 
célèbre  sous  le  nom  de  Qizil  bâch  (tête  rouge).  » 

[Bahâ  cd-dinj^^'abbâs^,  puis  Tâdj  ed-dîn  ebn 
Sawâr  y  donnèrent  des  leçons  et,  après  lui,  huit 
professeurs  dont  le  dernier  fut  [Nadjm  ed-dîn^*"  ebn] 
^émâd  ed-dîn,  et-Tarsoûsy,  [qui  fit  sa  première  le- 
çon le  jour  de  lundi  2  4-chawwâl  de  Tannée  734]. 

La  madraseh  l  Amédiybh.  —  A  la  vieille  Sâléhi- 
yeh,  dans  le  voisinage  de  la  Maytoûr[iyeh]  *,  du  côté 
de  Touest;  on  n'en  connaît  pas  Tétat.  Ebn  Xoûloûn, 
dans  son  Histoire  de  la  SâUhiyeh^  dit  qu'ebn  (qâdy) 
Ghohbeh,  dans  ses  Annales,  s'exprime  ainsi  sous 
Tannée  821  :  «  Et  à  Touest  de  la  Mayloâr[iyeli]  se 
trouve  une  madraseh  appartenant  aux  Hanafîtes  et 

16. 


244  SEPTEMBRE-OCrOBRK  1894. 

qu  on  appelle  YÂmédiyeh.  Il  m'a  été  raconté  par 
quelqu'un  qui  la  vue  qu  elle  est  florissante  et  que 
des  eunuques  se  tiennent  à  sa  porte.  9 

L'inspecteur  [nâzer)  de  ce  collège,  ie  [ci-devant] 
qàdy  en  chef  el  Mohebb  ebn  el  Qasîf,  iè  hanafîte, 
m'a  dit  que  c'était  une  turbeh  et  peut-4tre  une  ma- 
draseh  qu'on  a  cherché  à  dissimider  par  crainte  des 
jurisconsultes. 

La  madraseh  la  Baoriyeh.  —  En  face  de  la  Cheb- 
liyeh  [sise  à  ia  montagne],  auprès  du  pont  de  Ko-* 
hayl,  appelé  maintenant  pont  dé  la  Chebliyeh,  Elle 
fût  construite  [en  l'année  638  ^]  par  [l'émir j  Badr 
ed-dîn,  connu  sous  le  nom  de  Lâlâ  ebn  ed-Dâyah^. 
Il  faisait  partie  [ainsi  que  ses  frères]  des  [plus 
grands]  émirs  de  Noûr  ed-din  [Mahmoud],  fils  de 
Zenky. 

[Je  DIS  :  «  Vers  l'année  yào»  cette  madraseh  fut 
transformée  en  grande-mosquée,  où  se  fit  la  khotbek 
du  vendredi.  Son  waqf  consiste  en  la  moitié  du  bain 
(situé)  au  village  de  Masoûn,  et  dans  le  jardin  à 
proximité  du  pont  de  Kohayl.  Ainsi  lai-je  vu  écrit 
au  haut  de  son  linteau.  »] 

Elle  fut  habitée  par  [le  chaykh  Ghams  ed^dUn] 
sebt  ebn  ei  Djawzy  [Yoûsef,  fils  de  l'émir  Heusâm 
ed-din  Qizoghly],  l'auteur  du  Mér'ai  eZ'Zaman\ 
[Il  avait  pour  mère  Ràbé^ah,  fille  du  chaykh  Dja- 
mal  ed-dîn  Âboul  faradj  ebn  el  Djawzy.  Il  vint  à 
Damas  vers  l'année  600.] 

Ce  collège  eut  comme  professeurs  Zaky  ed-din 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  Î45 

[ZakaryA]  ebn  *oqbah,  Sàfy  ed-din  [Yahya]  ebn 
Faradj*  et  Ghams  ed-din  [Mobammad  ebn  *aly  ebn 
Hâchem]  ebn  Djabril[qui  mourut  la  nuit  du  (lundi 
au)  mardi  i3  rabf  i"  de  Tannée  781  (Ma,  a 5  dér 
cembre  i33o)]^. 

Je  nmAi  ;  «L^état  de  la  Badriyeh,  connue  parmi 
les  habitants  sous  le  nom  de  djâm^,  a  changé  :  son 
toit  est  tombé;  les  vestiges  de  sa  construction  ont 
disparu;  l'on  a  disposé  de  ses  matériaux  et  elle  est 
devenue  une  ruine  entre  les  ruines.  Nous  appartenons 
à  Dieu  et  c'est  à  lai  que  nous  retournerons  ^^.  Quant  à 
son  waqf ,  il  a  été  réuni  à  celui  du  djâmé^  elMozaf- 
féry^  connu  sous  le  nom  dei  grande  mosquée  de  la 
montagne.  » 

Ebn  Cbohbeh  Taqy  ed-dîn  a  dit  :  «  Il  m'a  été  ra- 
conté que  le  chaykh  ^émâd  ed-dîn  ebn  Katîr  ayant 
eu  des  paroles  et  une  discussion  avec  Borhàn  ed-din , 
fils  du  gardien  [qayyem)  de  la  Djawziyeh,  Ibrahim 
s'écria  en  s'adressant  à  son  interlocuteur  :  «  Quand 
«  tu  serais  couvert  de  poils  depuis  la  tête  jusqu'au  ta- 
«  Ion,  les  gens  ne  croiraient  pas  que  tu  es  acliary^^ 
«  et  que  tu  as  eu  pour  maître  ebn  Taymiyeh  ^2,  » 

La  madraseh  la  Balkhiyeh.  -. —  Elle  était  connue 
anciennement  sous  le  nom  [de  Djazyet  el-Lanîsah 
et  aussi  sous  celui]  de  maison  d'Abou'd-Dardâ  ^^, 
que  Dieu  soit  satisfait  de  lui  !  Elle  fut  construite  par 
Kakaz  ed-Doqâqy,  aprè^  l'année  52  5  [pour  le 
chaykh  Borhân  ed-dîn  Abou'l  Hasan  *aly  el  Bal- 
khy]  ^*.  Elle  se  trouve  en  dedans  de  la  Sâdéfiyeh.  A 


U6  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1804. 

Torigine,  sa  porte  était  située  auprès  du  bain  de  bâb 
el  barîd;  on  fit  ensuite  l'entrée  par  la  Sâdériyeh,  Elle 
est  connue  sous  le  nom  de  maison  du  chaykh  Borhân 
ed-dîn  el  Balkhy.  Il  y  professa  et  eut  pour  successeur 
Badr  ed-dîn  [Yoûsef]  ebn  el  Khedr.  Après  ce  der- 
nier, sept  professeurs  banalités  y  donnèrent  des  le- 
çons. 

La  madraseh  la  Tâdjiyeh.  — -  Dans  la  zftwyeh 
orientale  du  Jjâm^  omayyade,  à  Touest  de  la  maison 
(d'enseignement)  de  la  tradition  la  ^orwiyeh.  Elle 
était  connue  sous  le  nom  debn  Sénân,  ensuite  (elle 
le  fut)  sous  celui  de  la  Salâriyeh,  [La  maqioûrah  la 
Tâdjiyeh  a  été  reconstruite  sous  le  règne  d'el  Mo*ar- 
zam,*en  Tannée  6 a 4*] 

Elle  eut  pour  professeur  le  savant  célèbre  Tâdj 
ed-dtn  el  Kendy  ^^. 

Je  dis  :  «  Cet  emplacement  appelé  la  Tâ^^eh  a 
peut-être  été  constitué  en  waqf  par  le  sayyed  Tâdj 
ed-dln  el  ^adim ,  le  même  qui  immobilisa  la  moitié 
de  ]a  qâsâriyeh  la  Chctriyeh  et  ses  dépendances  pour 
les  mouaddens  de  la  grande-mosquée  omayyade, 
pour  le  5o6*  (qui  est)  en  face  du  tombeau  de  Sîdy 
Yahya,  (à  lire)  le  jour  de  vendredi,  et  pour  la  da- 
chicheh  ^^.  L'acte  de  waqf  existe.  Dieu  est  plus  savant.  » 

La  madraseh  la  Nâghiyeh.  —  Elle  était  connue 
sous  le  nom  de  mosquée  d'en-Nâch^**".  Elle  fut  con- 
struite [dans  le  courant  de  Tannée  55o  et  qudques] 
par  Témir  en-Nâch  ed-Doqâqy. 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  S47 

'ezz  ed-din  [Abou  ^abd  ÂUah  Mohammed],  le  ha* 
nafite  ^^,  [fut  le  premier  qui]  y  donna  des  leçons  et, 
après  lui ,  huit  professeurs  hanafites. 

Je  dis  :  «  Elle  m'est  inconnue.  Dieu  est  plus  sa- 
vant. » 

La  madraseh  la  Djalauyeh.  —  Il  sy  trouve  la 
turbeh  (fol.  i  a  v**)  du  fondateur,  le  qâdy  en  chef 
Djalâl  ed-dîn  Abouti  maflkher  Ahmad^*,  fils  du 
qâdy  en  chef  Heusâm  ed-dîn  er-Râzy.  Elle  est  conti- 
guê  à  rhôpital  de  Noûr  ed-din  [el  mârestân  en-noâry) , 
du  côté  nord.  [Elle  comprend  dans  son  waqf  un 
feddân  et  demi  dans  el  qaryet  es-SâhéUyeh.] 

Je  dis  :  «Cette  madraseh  (m')est  également  in- 
connue. Non ,  je  me  trompe;  il  a  été  écrit  que  c'était 
celle  sise  en  face  de  la  maison  de  Moustafa  Djéléby, 
inspecteur  des  biens  [nâzer  el  amouâl),  et  couverte 
de  palissades  ^^.  On  dit  que  c'était  un  esclave  noir 
de  Noûr  ed-dîn  ;  il  n'en  est  pas  ainsi.  C'est  par  elle 
qu'on  entre  dans  la  maison  de  *abd  El  ^azîz  ebn  el 
Gharâbîly.  Dieu  est  plus  savant.  » 

(Djalâl  ed-dîn)  y  donna  des  leçons  ainsi  qu'à  la 
Kbâtoûniyeh  [intra  muros] ,  à  la  Rayhâniyeh  et  à  (la 
madraseh  d')el  Qassain,  Il  mourut  l'année  ^45. 

La  madraseh  la  Djamaliyeh.  —  Au  penchant  du 
Qâsyoûn.  Elle  fut  construite  par  l'émir  Djamâl  ed- 
dîn  Yoûsef.  On  ne  la  connaît  pas,  non  plus  que  la 
biographie  de  son  fondateur,  ni  le  nom  de  quelqu  un 
qui  y  ait  professé. 

Je  dis  :  «  Elle  est  située  au  quartier  de  la  monnaie 


248  SEPTEMBKE-OCTOBRE  1894. 

[mahallet  cs-sekheh)*  C'était  rhabitation  du  chaykii 
hanafite  ^abd  Es-Samad;  puis  elle  devint  celle  du 
cbaykh  Zayn  ed-din  ebn  Sultan.  » 

La  madraseh  la  Djaqmaqiyeh.  —  Elle  est  con- 
nue. [Elle  renferme  la  turbeh  et  vis-à-vis,  du  côté 
du  nord,  sa  kbânqâh.j  Elle  est  au  nord  de  la  mos- 
(juée-cathédrale  omayyade;  à  côté  d'elle  3e  trouve 
une  kliânqâh  dont  elle  est  séparée  par  le  cbemin 
[conduisant,  du  côté  du  couchant,  aux  deux  madra- 
seh, la  Zakériyeh  et  la  ^âdéliyeh  et,  du  côté  du  le- 
vant, à  la  grande-mosquée  omayyade  et  autre].  Lés 
fondements  en  furent  jetés  par  [el  *aiam]  Sandjar  el 
Héîâly  et  par  son  fils  Cbams  ed-dîn;  maïs  en  Tan- 
née •761*®  el  malek  en-Nâser  Hasan  l'en  dépouilla. 
Puis  il  donna  Tordre  de  la  reconstruire.  Ce  qui  eut 
lieu.  On  y  puvrit  deux  fenêtres  à  Torient  et  on  là 
construisit  en  pierres  blanches  et  noires  (oiloç)^^; 
elle  atteignit  le  plus  haut  degré  de  beauté  ^2.  *ezz  ed- 
dîn  ebn  chaylih  es-SaUmiyéh  [hanbalîte]  y  donna  des 
leçons  [en  moharram  de  Tannée  769].  Ellle  devint 
ensuite  une  khânqâh,  puis  fiit  consumée  par  Tin- 
cendie  pendant  la  guerre.  Après  que  1^  nyâhéh  de 
Damas  eut  été  confiée  à  Sayf  ed-dîn  Djaqmaq  [en 
chawwài  de]  Tannée  822  ,  cet  émir,  [qui  fit  son  en- 
trée en  doul  qa'deh],  se  mit  à  la  reconstruire  et  à 
Tagrandir  du  côté  du  sud;  ii  y  fit  pratiquer  des  fe- 
nêtres vers  la  Kallâseh  et  du  côté  du  nord;  il  bâtit 
pour  les  Soûfys  le  couvent  sis  en  face.  Il  fit  de  la 
madraseh  une  turbeh  et  y  organisa  un  miAd  après  la 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  240 

prière  du  vendredi.  Au  sud  de  la  turbeh ,  il  installa 
une  école  pour  les  orphelins.  [H  constitua  en  waqf 
le  marché  qu'il  avait  restauré  en  dedans  de  bâb  el 
Djâbyeh,  le  moulin  des  ctdjâm  construit  par  lui  au 
Wâdy  et  le  kliân  au  nord  du  mosalla  :  partie  pour  la 
turbeh ,  partie  pour  lui  et  ses  enfants  et  partie  pour 
d autres  objets.]  Il  mourut  en  cha'bàn  de  Tannée 

824^. 

Les  fonctions  de  supérieur  et  de  professeur  furent 
données  à  'émâd  ed-dîn ,  fils  du  sayyed  *adnân  2*. 

Je  dis  ;  «  Quant  aux  premiers  constructeurs  : 
Sandjar,  son  fils  Ghams  ed-din  et  el  malek  en-Nâser 
Hasan ,  ils  sont  oubliés.  Mais  Dieu  ne  laisse  pas  perdre 
la  récompense  de  ceux  qui  ont  accompli  de  bonnes  œuvres^^. 
Dieu  est  plus  savant,  » 

La  madraseh  la  Djarkasiyeh.  —  On  lappelle 
aussi  lo.  Djahârkasiyeh.  Elle  est  commune  aux  Hana- 
fîtes  et  aux  Châfé'îtes;  suivant  quelqu'un,  elle  est 
exclusivement  pour  les  Hanafîtes.  Elle  fut  constituée 
en  waqf  par  Djarkas  Fakhr  ed-dîn  es-Salâhy,  et  ren- 
ferme son  tombeau.  Il  était  nâîb  au  nom  d'el  *âdel  à 
Bânyâs  (Panéas)  et  au  Bélâd  ech-Chacpf2^  Il  faisait 
de  nombreuses  aumônes,  jouissait  d'une  grande  in- 
fluence et  était  doué  d'un  esprit  élevé.  Il  bâtit  au 
Caire  la  grande  qaysâriyeh  (qui  porte  son  nom). 

on  connaît  (comme  ayant  été  du  nombre)  des 
professeurs  de  cette  madraseh  le  qâdy  Taqy  ed-din 
Aboul  fath  Mohammad  ebn'abd  El-Latîf  es^bky^^ 
le  châfé^îte. 


850  SEPTEMBRE-OCTOBRE   1804. 

Je  dis  :  «  L  auteur  (en-No^aymy)  nen  a  pas  indiqué 
la  position*  Ëlie  est  sise  au  bout  du  marché ,  par-dessus 
(le  nahr)  Yazid,  auprès  de  la  grande-mosquée  nou* 
veile.  Son  emplacement  est  très  connu.  » 

Ebn  Khallikân  s  exprime  ainsi  *^^  :  «Âbou  Man^ 
soûr  Djahârkas  ebn  ^abd  Allah,  en*Nâséry  es-Salàhy, 
surnommé  honorifiquement  Fakhr  ed^din ,  était  un 
des  grands-émirs  sous  le  règne  de  Salâh  ed-dîn  (Sa- 
ladin).  H  était  généreux ,  avait  une  grande  influence 
et  était  doué  d*un  esprit  élevé.  D  construisit  au  Caire 
la  grande  qaysâriyeh^^  qui  porte  son  nom.  J'ai  vu 
nombre  de  marchands  qui  avaient  parcouru  le 
monde  :  a  Nous  n  avons  jamais  rencontré ,  disaient-ils , 
fc  rien  qui  Tégale  en  beauté,  en  dimensions  et  en  soli- 
«  dite.  »  n  bâtit  par-dessus  une  grande  mosquée  et  un 
rab^^^  (fol.  1 3  r**)  suspendu.  H  mourut  à  Damas  dans 
un  des  mois  ^^  de  Tannée  6o8  (laii-iaia)  et  fut 
enterré  à  la  montagne  de  la.Sâléhiyeh,  où  sa  tur* 
beh  est  renommée  ^^. 

«  Djahârkas  —  par  un  fathah  sur  le  ^im ,  uafathah 
sur  le  hâ,  \m  aUf  suivi  d'un  ni,  puis  \m  kâf  avec 
fathah,  puis  un  sin  sans  points  diacritiques  —  a  en 
arabe  la  signification  de  [ester,  c'estrà-dire]  qaatre 
personnes;  c'est  une  expression  persane.  » 

[On  ]it  dans  ebn  Khallikân  :  c  Djahârkas  laissa  en 
mourant  un  fils  en  bas  âge,  qu'el  ^âdd  confirma 
dans  les  postes  dont  son  père  était  investi,  en  lui 
donnant  un  administrateur;  mais  il  ne  survécut  pas 
longtemps  à  son  père  et  mourut,  dit-on,  Tan- 
née 609  ^^.  »  —  Ebn  Katk  rapporte  sous  Tannée  635  : 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  251 

s 

«  Le  grand-émir  Sârem  ed-dln  Khotiobâ  ebn  'abd 
Allah ,  et-Tennîsy  ^*,  mamloùk  de  Gharkas  [sic)  et  son 
nâîb  après  lui ,  avec  son  fds ,  à  Tebnln  et  dans  les  autres 
forteresses ,  (mourut  et)  fut  enterré  aveo  son  maître  aux 
Coupoles  [qobâb)de  Gharkas,  situées  au  penchant  (du 
Qàsyoûn),  vis-à-vis  de  la  turbeh  de  Khâtoùn  et  ren- 
fermant son  tombeau.  »  —  G'est  lui  qui  les  bâtit 
après  que  Fakhr  ed*din  fut  mort.  .11  acheta  le  kafr 
(village)  qui  est  au  Wâdy  Barada  et  le  constitua  en 
waqf  à  la  turbeh.  Son  tombeau,  sur  la  grande  route, 
est  surmonté  d'une  immense  coupole.] 

Le  waqf  constitué  en  faveur  de  la  Djahârkoâiyeh 
consiste  en  vingt  qîrâts^^  du  village  de  Bayt  Sawa^^, 
dans  la  Ghoûtâh,  [en  une  portion  s'élevant  h  douze 
parts  et  au  tiers  de  la  mazraah],  en  Kafr  elWàmid 
à  ez-Zobdân ^"^j  et  en  loyers  [ahkâr)  de  maisons,  à 
la  Sàléhiyeh ,  dans  le  voisinage  de  ladite  madraseh. 

La  madraseh  la  Djawhariyeh.  —  Au  quartier 
appelé  hârat  el  balâtah^^,  à  Test  de  la  turbeh  d'Omm 
es-Sàleh.  [G 'était  une  maison  appartenant  au  grand- 
émir  Mohammad  et  la  maison  de  la  dame  ^adrâ.] 
Elle  fut  construite  par  [le  fils  de  cette  dame]  le  sadr 
Nadjm  ed-dîn  [Abou  Bakr  ebn  Mohammad]  ebn 
*ayâch,  et-Tamîmy,  [el  Djawhary,]  qui  mourut  [en 
chawwâi  de^^]  Tannée  696  [à  un  âge  avancé]  et  fut 
enterré  dans  sa  madraseh. 

[J ai  vu  sur  le  linteau  de  sa  porte  Imscription 
suivante  qui  y  avait  été  gravée  :  Après  le  basmalah, 
«  Gette  madraseh  bénie  est  le  waqf  du  serviteur  quia 


S52  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

y» 

«  besoin  de  (la  miséricorde  de)  Dieu,  qu'il  soit  exalté! 
«  Abou  Bakr  ebn  Mohammad  ebn  Abî  Tâher  ebn 
«*ayâch  ebn  Abîl  makâreni,  et-Tamîmy,  el  Djàw- 
«hary,  en  faveur  du  rite  d'Abou  Hanifah,  que 
«  Dieu  soit  satisfait  de  lui  !  La  construction  en 
«lut  achevée  et  la  première  leçon  donnée  en  l'an- 
icnëe676*«.i»] 

Après  Heusâm  ed-dîn  er-Râzy,  cinq  autres  profes- 
seu  rs  en  occupèrent  la  chaire, 

La  madraseh  la  Hâdj^biyeh  et  la  rhanq^h  qu  elle 
RENFERME.  —  Ail  sud  de  la  madraseh  la  ^omariyeh. 

Je  dis  ^^  :  ^  Elle  est  située  à  la  Sâléhiyeh  et  fut 
construite  par  Témir  Nâser  ed-din  Mohammad,  fils 
de  [l'émir]  Mobârak,  el  Ynâly,  dawâdâr  deSoûdoûn 
[en-Noûroûzy].  [Du  vivant  de  son  maître,]  il  s'était 
mis  en  route  [pour  Mesr]  porteur  dun  cadeau*^  de 
la  part  de  ce  Soûdoûn;  mais  celui-ci  mourut  trois 
jours  après  son  départ.  Il  fut  nommé  petU-hâdjeb  et 
émir  des  Turkomâns  et  se  mit  à  expédier  en  Egypte 
les  moutons  de  la  Syrie,  réduisant  par  là  à  l'extré- 
mité les  habitants  de  ce  pays  ^.  Puis  [en  l'année  853] 
il  reçut  la  lieutenance  d'el  Bîreh.  D  devint  ensuite 
grand'hâdjeb  [à  Damas ^^].  Bientôt  après  *5,  il  fut  in- 
vesti de  l'émirat  des  Turkomâns  et  des  Kurdes*^  et 
devint  commandant  de  mille.  Sa  conduite  fut  loin 
d'être  louable.  On  lui  conféra  ensuite  le  gouverner 
ment  {nyâbeh)  d^  Tripoli  et  de  Flamàh.  Il  mourut 
Tannée  878  [Comm.  28  mai  làyS)  et  fut  enterré 
[dans  sa  turbeh  (sityée)]  à  proximité  de  la  turbeh  des 


DESCBIPTrON  DE  DAMAS.  353 

Sobky,  au  dessous  de  ia  grotte  de  Gabriel,  qui  fait 
partie  du  penchant  du  Qâsyoûn.  » 

*'  Ebn  Toûloûn  dit  :  «  L  emplacement  (de  ce  col- 
lège) était  une  impasse  contenant  des  maisons.  (Nâser 
ed-din)  les  acheta  de  leurs  propriétaires.  Mais  quand 
sa  madraseh  fut  achevée ,  le  sultan  le  soumit  à  une 
amende  et  la  lui  confisqua,  de  sorte  qu'il  vendit 
tout  ce  qu'il  possédait,  dans  le  but  de  ia  dégager.  » 

Le  premier  investi  de  la  charge  d'imâm  [imâmeh] 
de  cette  madraseh  lut  notre  chaykh  Abou'l  khayr 
er-Ramly,  auquel  succéda  notre  chaylch  le  grand  sa- 
vant Chéhâb  ed-dîn  el  'askary,  puis  son  fils  ez-Zayry 
'abd  El  Qâder  et  le  très  docte  Chéhâb  ed-dîn ,  tous 
deux  partageant  entre  eux  les  fonctions  par  égale 
part.  Elle  est  actuellement  en  leur  possession.  —  Le 
qâdy  banalité  Tâdj  ed-dîn  ebn  Wab  Chah  en  fut  le 
premier  khatib.  Cette  fonction  passa  ensuite  à  Chams 
ed-dîn  et-Tayby;  puis,  après  lui,  au  chaykh  Nadjm 
ed-dîn  ebn  Chakam ,  auquel  a  succédé  el  Kamâl ,  fils 
du  qâdy  de  Naplouse  et  le  détenteur  actuel.  —  Quant 
à  la  chaire  de  professeur,  le  premier  qui  l'occupa  fut 
le  chaykh  Kamâl  ed-dîn  en-Naysâboûry;  elle  passa 
après  lui  en  des  mains  incapables. 

Cette  madraseh  est  une  des  plus  belles  de  la  Sâ- 
léhiyeh  et  même  de  Damas.  Elle  est  toute  en  pierres  ; 
mais  son  sanctuaire  [haram)  est  jaune  et  noir;  le 
reste  est  blanc.  Le  mehrâb,  les  deux  fenêtres  méri- 
dionales, le  bassin  [bahrah),  le  minaret  et  le  dallage 
sont  en  pierres  de  marbre  et  de  sadary  (?) .  Les  plafonds 
sont  à  la  manière  persane  Çadjamiyehy  Le  fonda- 


254  SEPTEMBRE-OCTOBRE  18«4. 

leur  avait  voulu  établir  un  toit  en  dos  d'âne  (c^'om- 
loân  ^)  par-dessus  le  plafond  du  haram  et  en  avait 
mis  le  bois  à  nu^^,  mais  la  mort  le  surjNrit  et  il  ne 
put  achever. 

La  madràseh  la  KHÂTouNnrEH  extra  muros.  — 
Mosquée  de  Khâtoûn,  sur  le  Charaf  méridional, 
[auprès  dun  lieu  appelé  San^â  de  Syrie,  donnant 
sur  le  Wàdy  ech-Ghaqrà  et  très  connu  à  Damas  ^]. 
Elle  est  connue.  Elle  fut  constituée  en  waqf  ^^  par  [la 
dame]  Zomorrod  Khâtoûn,  mère  de  Ghams  el  ma- 
loûk ,  sœiu*  d  el  msdek  Doqâq  et  épouse  de  Tâdj  el 
moloûk  Tawry*2. 

Je  dis  :  «Il  y  a  apparence  que  le  nalur  Tawra^ 
tire  son  nom  de  ce  prince  ou  qu il  la  reconstruit 

La  princesse  (Zomorrod)  suivit  les  leçons  de  tra- 
dition d'[el  Hasan]  ebn  Qays;  elle  copia  des  manu-» 
scrits  et  apprit  par  cœur  le  Qof  an.  Elle  bâtit  k  ma* 
draseh  la  Khâtoûniyeh  au  haut  du  Charaf*  Ensuite 
elle  devint  la  femme  de  latâbek  Zenky^,  avec  qui 
elle  resta  (f*  1 3  v")  sept  ans**^  jusqu'à  ce  quii  fiit  tué* 
Elle  fit  alors  le  pèlerinage  et  devint  à  Médiitè  la  pen- 
sionnaire de  la  mosquée  jusqu'à  sa  mort.  Elle  fut 
enterrée  dans  le  cimetière  de  cette  ville  [el  hcuft)^^ 
Tannée  5  5  7  (  Comm.  1  o  décembre  1 1 6 1  ).  Il  ne  faut 
pas  la  confondre  avec  Khâtoûn ,  fille  de  Mo^n  ed-dln , 
dont  il  va  être  question. 

Je  dis  :  «  Cette  Khdtoâniyek  est  située  au  nord  de 
la  rivière  de  Bânyâs  [nakr  Bânyâ$)\  et  donne  sur 


DESCRIPTION  D£  DAMAS.  255 

Yhippodrome  vert.  Elle  avait  autrefois  un  minaret  et 
une  chaire  que  j*ai  vus  jusqu^à  la  fin  du  règne  des 
(Mamiouks)  Gircassiens  et  aux  commencements  de 
ia  dynastie  ottomane.  Le  premier  qui  ia  détruisit  et 
en  enleva  les  marbres  et  entre  autres  celui  des  meh" 
rûb  fut  Sibày.  Il  plaça  ces  dépouilles  dans  sa  madra- 
seh  sise  à  hâh  el  Djàbyek  el  surnommée  Djam  el  djor 
wâmi  (la  Réunion  des  grandes-mosquées).  » 

Ce  collège  eut  comme  professeur  Âboul  Hosayn 
el  Balkhy^\  puis  sept  autres.  [El  Khabbâzy]  Djalâl 
ed-din  Abou  Mohammad  ^omar  [ebn  Mohammad 
ebn  ^omar],  le  hanafite,  el  Khodjandy^,  y  donna 
des  leçons.  C'était  un  jurisconsulte  d*un  mérite  su- 
périeur, voué  à  la  vie  ascétique,  doué  dun  grand 
jugement  et  très  instruit  dans  la  doctrine  (hanafite). 
H  composa  des  ouvrages  sur  la  jurisprudence  et  sur 
les  deux  principes  fondamentaux  ^^  et  professa  à  la 
^ezziyeh  (située)  au  Cfearo/* septentrional.  Après  cela, 
il  resta  pendant  un  an  pensionnaire  de  la  mosquée 
à  la  Mekke.  Ensuite,  étant  revenu  à  Damas,  il  donna 
des  leçons  dans  cette  Khâtoâniyeh  jusqu'à  sa  mort 
qui  eut  lieu  à  la  fin  de  doul  hedjdjeh^  de  1  an- 
née 691  [12  décembre  1291).  Il  avait  accompli 
sa  soixante -deuxième  année.  H  fut  enterré  dans  la 
Soâjiyeh  (le  cimetière  des  Soûfys).  Après  lui ,  la  chaire 
fut  occupée  [en  Tannée  698]  par  Ghams  ed-dln 
[ebn]  ei  Karîry^^  puis  par  Sadr  ed-dîn  el  Bosrawy^, 
ensuite  par  Ghams  ed-din ,  qâdy  de  Malatyah  ^,  puis 
par  Badr  ed-dîn  ebn  Toumîrah  ^*  et  enfin  par  Sadr 
ed-dîn  el  Adamy  ^^. 


256  S£PT£MBRE-OGTOBR£  1894. 

La  mâdraseh  là  Khâtouniyeh  intra  muros.  —  Au 
quartier  [mahalleh)  de  la  pierre  d'or.  Elle  fut  con- 
struite par  Khâtoûn,  filie  de  Mo^n  ed-din  [Anar^] 
et  épouse  du  martyr  Noûr  ed-din  [Mahmoud,  fils  de 
Zenky],puis  du  sultan  Salâh  ed-din  (Saladin)^''.  Son 
frère  Sa*d  ed-din  [Mas^oud  ebn  Anar]  ^  la  constitua 
en  waqf  pour  elle  et  ensuite  [après  elle]  pour  ses 
descendants.  Elle  mourut  sans  postérité.  C  est  elle 
qui  bâtit  aussi  la  khânqâh  [de  Khâtoûn],  en  dehors 
de  bâb  en-ndsr,  au  Commencement  du  Ckaro/*  méri- 
dional, sur  le  Bânyâs. 

Je  dis  :  «  Cette  (mâdraseh)  est  celle  qui  est  située 
à  côté  du  chemin  étroit;  à  sa  suite,  à  louest,  se 
trouve  la  grande-mosquée  de  Tenkez  ;  dans  la  direc- 
tion sud,  actuellement,  ïaioûn?  et  au  nord,  la  rivière 
et  sa  propre  porte.  Maintenant  on  y  fabrique  la 
(faïence)  Qâchâny^^.  » 

Je  dirai  :  «  Elle  a  été  détruite  par  Fakhr  edrdin 
el  Qodsy,  le  màiékite,  qui  a  édifié  (v-ft)  à  sa  place 
une  maison,  et  elle  est  tombée  dans  Toubli  le  plus 
complet.  Cette  construction  (»;l-*)  lui  a  été  enlevée 
de  force  par  le  ketkhoadâ^Sisan  Pacha.  Il  n  y  a  gagné 
que  le  péché.  » 

Khâtoûn  fut  enterrée  dans  sa  turbeh ,  au  penchant 
du  mont  Qâsyoûn,  au  sud  de  la  Djarkasiyeh'^^.  Elle 
mourut  en  doul  qa*deh  de  Tannée  58 1  [Comm. 
3  avril  11 85)^^ 

Headjdjet  el  islam  [ou  edrdin]  occupa  la  chaire  de 
ce  collège,  puis  Fakhr  ed-dîn  el  Hawâry,  auquel 
succédèrent  douze  professeurs  dont  le  dernier  fut 


DESCRIPTION   DE   DAMAS.  25? 

Chams  ed-dîn  es-Safady  [en  el  mohaiTam  de  lan^ 
née  84o]. 

[La  madraseh  la  Dammàguiyeh.  —  Nous  avons 
donné  ci-devant  (chap.  m)  sa  position,  sa  destination 
aux  deux  sectes ,  châfé^ite  et  hanafïte ,  et  la  biographie 
de  son  fondateiu*.  Ëbn  Ghaddâd  dit  :  «Le  premier 
d  entre  les  Hanafites  qui  y  professa  fut  el  Eftékbâr 
el  Kâchghary,  jusqu'à  ce  qu'il  mourut.  C'était  un 
des  disciples  du  chaykb  Djamâl  ed-dîn  ebn  el  Ha- 
sîry.  Il  eut  pour  successeurs  :  le  qâdy  ^aziz  ed-dîn 
es-Sendjâry,  qui  y  établit  ensuite  comme  son  sup- 
pléant Tâdj  ed-dîn  *abd  Allah  el  Archad  ;  Fakhr  ed- 
dîn  Ahmad,  qui  y  resta  jusqu'à  sa  mort;  *émâd  ed- 
dîn  Mohammad,  à  qui  on  l'enleva  pour  en  investir 
Modjâhed  [sic)  ed-dîn  ebn  es-Sahnoùn,  le  khatib 
d'en-Nayrab.  Il  s'y  trouve  jusqu'à  maintenant  ^^.  Ed- 
Dahababy  dit  dans  les  ^ébar  sous  l'année  694  :  «  Ebn 
«Sahnoûn,  le  khatib  d'en-Nayrab,  Madjd  ed-dîn, 
«  chaykb  des  médecins ,  Abou  Mohammad  *abd  El 
«  Wahhâb  ebn  Ahmad  ebn  Sahnoûn,  hanafïte,  mou- 
«  init  en  dou'l  qa^deh  »  et  ebn  Katîr  s'exprime  ainsi 
sous  la  même  année  :  «  Le  chaykb ,  l'imam ,  le  savant, 
«le  moufty,  le  khatib,  Madjd  ed-dîn  Abou  Moham- 
«  mad  ^abd  El  Wahhâb  ebn  Ahmad  ebn  Abî'l  fath 
«ebn  Sahnoûn,  et-Tanoûkhy,  hanafïte,  khatib  d'en- 
«  Nayrab  et  professeur  de  la  Dammâghiyeh  pour  les 
«  Hanafîtes,  était  un  médecin  habile  et  versé  dans 
«  son  art.  Il  mourut  à  en-Nayrab  la  nuit  du  (vendredi 
«  au)  samedi  5  dou'l  qa^deh  (v,  1  6  sept.  1  agS),  âgé 

IV.  17 


iMPiiKiitaiK  >*ria\Ai.ii. 


258  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

«  de  soixante-quiniîe  ans.  La.  prière  sur  son  corps  fîit 
«  faite  dans  la  grande-mosquée  de  la  Sâléhiyeh.  »] 

La  madraseh  la  Rokniyeh  extra  mukos*  —  A  la 
Sâléhiyeh.  Elle  fut  construite,  Tannée  6^\  [Comm. 
2  3  janvier  laaà),  par  Témir  Rokn  [ed^dîn]  Man- 
koûrès  el  Falaky,  esclave  blanc  [ghoalâm)  de  Falak 
ed-din,  frère  utérin  del  maiek  el  *âdel.  Rokn  ed* 
dîn  était  un  des  émirs  les  plus  vertueux ,  assidu  aux 
prières  dans  la  mosquée  et  avec  cela  parlant  peu  et 
faisant  beaucoup  d  aumônes.  ^ 

Ed-Dahaby  dit  dans  ses  Annales  de  Vlslamûme  : 
«  Mankoûrès  el  Falaky,  le  grand-émir  Rokn  ed-dîn 
el  ^âdély,  exerça  la  lieutenance  [nyûbeh)  en  Egypte 
au  nom  del  malek  el  *âdel  (et)  à  Damas  une  fois.  Il 
commandait  le  respect,  vivait  dans  la  continence, 
était  religieux  et  bon  et  répandait  de  nombreuses  au- 
mônes. Il  venait  seul  aux  mosquées ,  accompagné  de 
son  domestique  [tawwâf).  Il  bâtit  au  mont  Qâsyoàn 
une  turbeh  et  une  madraseh  et  leur  constitua  des 
waqfs  en  grand  nombre*^*.  » 

"'^K  Les  vœux  formés  auprès  de  son  tombeau  sont 
exaucés.  Il  y  avait  dans  cette  madraseh  un  exem- 
plaire '^^  du  Qor  an ,  déposé  sur  le  tombeau  de  Rokn 
ed-<lln.  Quiconque  prêtait  un  faux  serment  sur  ce 
Qor  an  périssait  aussitôt.  Mon  père  m*a  informé 
comme  le  tenant  d  un  homme  vertueux  d'entre  les 
habitants  de  la  Sâléhiyeh,  nommé  *eM  ed-dtn,  que 
quelqu'un''^  (^  'A)  ayant  fait  sur  le  livre  sacré  un 
j  urement  faux  devint  à  Tinstant  même  aveugle  :  une 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  S5g 

eau  blanche  descendit  sur  ses  yeui.  Le  portier  de  la* 
dite  madraseh,  qu'on  appelle  Mowaffeq  ed-din, 
chaykh  vertueux  et  avancé  en  âge,  m'a  également 
raconté  qu'une  fois  plusieurs  personnes  étant  en* 
trées,  lune  d'elles,  après  avoir  juré  faussement,  dit 
aux  autres  :  «  Regardez ,  il  ne  m'est  arrivé  aucun 
«  mal.  )t  Puis  le  groupe  se  mit  en  route  vers  la  viUe, 
auprès  du  banc  du  Khedr  {moftabat  el  Khedr).  Or 
voilà  qu'un  homme  passa  avec  une  béte  chargée  de 
bois  à  brûler,  et  un  morceau  de  bois  pénétra  dans 
i'œii  de  l'auteur  du  faux  serment  et  le  lui  creva  :  la 
journée  ne  s'était  pas  écoulée  qu'il  avait  Tceil  ci*evé* 
Le  fait  est  prouvé  par  lexpérience  et  il  n'y  a  aucun 
doute  à  son  égard.  Mais  ce  Qor'ân  a  été  transféré 
ailleurs  et  Ton  en  a  mis  un  autre  à  sa  place.  » 

Mankoûrès  mourut  l'année  6Si  [Comm.  6  octobre 
12  33),  dans  le  village  de  Djaroûd"»  et  fut  trans- 
porté à  sa  turbeh  dans  cette  madraseh« 

Wadjîh  ed-dîn  el  qâry  (le  professeur  de  lecture 
qorânique)^*  y  donna  des  leçons.  Quatorze  profes^ 
seurs  lui  succédèrent. 

La  madraseh  la  Rayhâniybh.  —  Dans  le  voisinage 
de  la  [madraseh]  la  Noûriyeh  [un  peu  vers  l'ouest]. 
Elle  fut  construite  par  le  kliawâdja  Rayhân,  l'eu- 
nuque, esclave  noir  du  martyr  Noûr  ed-dîn  Mah 
moud ,  fils  de  Zenky,  [en]  l'année  565  (  Comm.  a  à  sep- 
tembre 1  1 69).  [Djamâl  ed-dîn  Rayhân]  était  un  des 
esclaves  noirs  de  ce  prince  les  plus  élevés  en  dignité. 
Il  fut  chargé  en  son  nom  de  la  citadelle  (de  Damas 

»7- 


âOÛ  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

et  de  ta  prison ,  et  investi  de  toute  lautorité  tant  jpour 
les  détails  que  pour  1  ensemble  de  ladministration. 
Quand  Salâh  ed-dîn  (Saladin)  entra  [pour  prendre 
E)amas],  il  le  gagna  à  sa  cause,  au  point  qu'il  lui 
livra  la  citadelle^  dont  il  était  le  nâïb. 

[J'ai  vii  gravé  sur  le  linteau  de  la  porte  de  cette 
madraseh,  après  le  basmalah:  a  Cette  madraseh  bénie 
«  à  été  constituée  en  waqf  par  1  émir  Djamâl  ed-dîn 
«  Rayhân ,  fils  de  ^abd  Allah,  pour  ceux  qui  étudient 
«  la  jurisprudence  suivant  le  rite  de  Fimâm ,  flambeau 
<t  de  la  nation ,  Abou  Hanifah  en-No^màn,  fils  de  Ta* 
ft  bet,  que  Dieu  soit  satisfait  de  lui!  et  il  lui  a  constitué 
ren  waqf  la  totalité  dujârdin^ard((/y(  soumis  à  i'im- 
«  pôt  foncier) ,  connu  sous  le  nom  de  terre  d*el  Hawâ- 
«  fy,  la  terre  appelée  Daff  el  ^ériâb ,  el  Qarinâwy  "^^  sur 
41  lé  territoire  d'el  Qatâyé*,  lés  deux  Djawrah,  exté- 
«  rieure  et  intérieure,  sur  le  territoire  del  Khâmès, 
«  la  demie  et  le  tiers  d  er-Rayhàniyeh ,  Técurie  connue 
«  comme  ayant  été  construite  par  lui^^,  au  jardin  de 
viBaqar  el  waJich  (les  bœufs  sauvages).  Ce  qui  est 
«  connu  et  notoire.  Quiconque  laltérera  [le  verset)* 
«  Et  cela  en  cha'bân  de  Tannée  SyS*^  »] 

La  chaire  en  fut  occupée  par  Heudjdjet  el  islam  *^, 
puis,  après  lui,  par  sept  professeurs. 

La  mapb aseh  la  Zendjâriyeu  *^.  —  En  dehors  dç 
bâh  tourna  [et  de  bâb  es-salâhieh].  On  rappelle  aussi 
la  ZandjUiyeh  (tés-Sab^ah^'^.  Elle  est  située  vis-à-vis  de 
«k  maison  où  se  distribuent  les  repas»  {dâr  el  (U- 
^émahy^  et  renferme  son  tombeau*^. 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  161 

C'est  une  des  plus  belles  madraseh. 
Je  dirai  :  «  C'est  relie  sur  ia  porte  de  laquelle  oh 
voit  ce  marbre  coloré®''  qui  est  une  des  mervéilld; 
du  monde  et  ces  chefs-d'œuvre  qu'on  dirait  une  pâte 
molle  entre  les  mains  de  ces  artistes.  Elle  a  une  chaire 
et  un  minaret.  On  y  célèbre  la  prière  du  vendredi. 
Elle  avait  pour  khaiibie  chaykh  ebn  et-tlneh.  Lors* 
qu'il  mourut ,  il  n'y  eut  plus  de  prône  pendant  quelque 
temps  ;  puis ,  à  l'époque  où  ^  les  fonctions  de  qâdy  en 
chef  de  la  Syrie  étaient  occupées  par  *abd  Er-Rah- 
man  èfendi,  ce  magistrat  fit  procéder  à  une  enquête 
et  Ton  trouva  que  la  voûte  [el  qahou)  s'était  écroulée, 
il  donna  l'ordre  de  la  reconstruire  (^j^  v«l),  désigna 
un  prédicateur,  et  la  prière  du  vendredi  se  célébra 
comme  auparavant.  Cela  eut  lieu  en  ici  i  [Comnii, 
1 1  juin  iGo'i).  » 

La  Z^ndjâriyeh  fut  construite  par  *otmân  *ezz  ed- 
dîn  [ebn]  ez-Zandjîly,  sâheb  de  TYaman®^. 

[On  trouva  comme  faisant  partie  de  son  waqf  en 
l'année  820  :  Deux  boutiques  Tavoisinant,  un  mou- 
lin à  sa  proximité  et,  dans  le  voisinage  du  moulin, 
une  boutique.  Ainsi  l'ai-je  vu  en  ladite  année  dans 
le  rapport  dressé  par  le  surveillant  [mochedd]  des 
waqfs,  Sîdy  Mohammad  ebn  Mandjak,  en  Nâséry.] 

(Ebn  ez-Zandjîly)  habita  la  Syrie  du  temps  d'el 
*àdel  et  fut  enterré  dans  cette  madraseh.  U  a  laissé 
de  nombreux  waqfs  dans  TYaman  et  à  la  Mekke  où 
il  a  fondé  une  madraseh  ^^.  11  bâtit  aussi  un  rébât  à 
Médine. 

Hamîd  ed-dîn  es-Samarqandy  y  professa  [jusqu'à 


2ÔÎ  SEPTEMBREOGTOBRE  1894. 

sa  mort]  ;  puis  [après  lui,  en  635]  les  leçons  y  furent 
données  par  Kamàl  ed-din  [*abd  Ël-Latif  ebn  es-] 
Sendjâry^^  et  ensuite,  après  lui,  par  dix  professeurs 
hanafîtes. 

La  Safîneh  ®^.  —  Dans  la  mosquée-cathédrale  de 
Damas.  On  ne  lui  connaît  pas  de  fondateur. 

La  chaire  en  fut  occupée  par  Rokn  ed-din  ebn 
Sultftn  [jusqu'à  sa  mort] ,  puis  par  Sadr  ed-din  ebn 
^oqbah*^  [jusqu'au  moment  où,  nommé  qâdy  à  Ha* 
lab ,  il  partit  pour  cette  rille] ,  puis  par  Mbhiy  ed* 
din<^  [à  qui  lenleva  le  qâdy]  Tâdj  e<klin  ['abd  El 
Qâder  ebn]  es-Sendjâry,  puis  par  Sadr  ed*din  de 
nouveau  [à  son  retour  de  Halab],  et  enfin  par  ^émâd 
ed-din  ebn  ech^Ghammâ^  (le  marchand  de  ohàxt* 
délies). 

La  mâdraseh  la  Sibâïyeh.  —  En  dehors  de  bdh  el 
Djâbyeh ,  [au  nord  du  puits  d  es-Sàrem.  Elle  renferme 
la  turbeh  et  aussi  la  zâwyeh].  Elle  fut  construite  par 
le  nâîb  de  Syrie  Sîbây,  qui  était  émires^lâh^  à  M^r. 

Je  dis  :  «  Il  en  commença  la  construction  en  Tant- 
née  915  [Comm.  2a  avril  1 809)  et  lacheva  en  Tan^ 
née  9!i  1  {Comm.  1 5  février  1 5 1 5).  S  en  fit  à  la  fois 
une  grande-mosquée ,  une  mâdraseh,  ime  sâwyeh  et 
une  turbeh.  11  Tédifia  en  pierres  blanches  et  noires 
{ablaq)  et  en  marbre  coloré,  et  ne  laissa  pas  à  Damas 
une  mosquée  abandonnée  ni  un  lieu  de  sépulture 
bien  conservé,  sans  en  enlever  les  pierres,  les  maté- 
riaux, le  marbre  et  les  colonnes  quil  voulut  et  qui 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  303 

lui  conVinreot,  se  livrant  avec  assiduité  &  ces  spolia- 
tions. G  est  au  point  que  les  o^oma  dé  Oamiuf  appe- 
lèrent cet  édifice  «  la  Réunion  des  grandes -mos- 
«  quées  ^  »,  Mais  il  n'en  jouit  pas  :  il  partit  avec  d 
Ghoûry  pour  Mardj  Dàbeq  ^^,  où  les  deux  armées 
ennemies  se  rangèrent  en  bataiUe.  Les  troupes  des 
Gircassiens  n  ayant  pu  soutenir  le  choc,  (fol.  i  à  v"")  el 
Ghoûry  fut  mis  en  déroute ,  et  Sibây  fut  tué ,  sans 
pouvoir  être  enterré  dans  le  lieu  de  sépulture  qu'il 
s'était  préparé ,  ainsi  que  Dieu  a  dit  :  «  C^  sont  là  leurs 
«  maisons  f  désertes  à  cause  des  injustices  qu'ils  ont  corn- 
«  mises  ^^.  t  Elles  sont  vides  et  désertes.  Mais  Dieu  » 
qu'il  soit  exalté  !  dem^ire.  » 

La  madras£h  la  Ghebliyeh  sxtka  muhos.  — <^  Au 
penchant  du  Qâsyoûn ,  en  dessus  ^^  du  pont  de  la 
Tawra.  Elle  fut  construite  ^^^  par  Chebl  ed-dauleh 
Kâfoûr  el  Heusâmy  ^^\  le  grec,  eunuque  de  Heusam 
ed-dîn  ['omar*^^]  ebn  Lâdjîn,  filsde  Sett ech-Ghâm. 
G'est  lui  qui  poussa  [sa  maîtresse]  à  édifier  la  Cftd- 
m^eh  extra  muros,  [qui  bâtit  la  Chebliyeh  hanMte; 
à  côté,]  la  khânqâh  [pour  les  Soûfys;  c'était  sa  de- 
meure]; ia  turbeh,  le  passage  couvert  (/ï46d(),  la  fon- 
taine {sabil)  et  le  réservoir  (mosna^). 

Je  dis  ^^^  :  «  U  ouvrit  aussi  aux  gens  un  chemin 
du  cimetière  (situé)  à  Touest  de  la  Châmiyeh  extra 
muros  jusqu'à  ia  route  de  «  la  somx^  du  ventricule  » 
('erjTi  el  kerch);  il  n'existait  pas  de  chemin  pour  se 
rendre  de  là  à  la  montagœ,  et  l'on  suivslit  la  route 
partant  de  la  mosquée  d'e^Safy  à  la  ^oqdybeb.  ^ 


16à  SEPTEMBRE. OCTOBRE  1894. 

[  Ebn  Katir  dit  encore  sous  l'année  6  5  5  :  «  Béchàrah 
ebn  ^abd  Allah,  Tarménien  d'origine,  le  kâteb,  affran« 
chi  de  Chebl  ed-danleh  el  Mo*azzamy,  reçut  de  son 
maître  l'inspection  de  ses  waqfs ,  que  celui-ci  institua 
pour  ses  successeurs,  et  ceux-ci  possèdent  actuelle- 
ment la  charge  d'inspecter  les  deuxChebliyeh.  Il  mou- 
rut au  milieu  de  ramadan  de  la  susdite  année.  »  On  lit 
dans  le  fVâfy  d'es-Safady,  sous  la  lettre  B  :  a  Bechbâk 
(Bechtâk?)  ech-Chebly,  el  Heusâmy,  le  /rd^^6,  aflranchi 
de  Chebl  ed-daideh ,  le  fondateur  de  la  madraseh  et 
de  la  khânqâh  (situées)  auprès  de  la  Tawra,.à  Damas, 
était  de  race  grecque,  et  un  des  fils  de  Béchàrah, 
très  connu  dans  cette  ville.  Il  avait  une  belle  écriture; 
Ses  descendants  prétendent  à  l'inspection  de  la  ma- 
draseh et  de  la  khânqâh  auxquelles  Ghebl  ed-dauleh 
a  donné  son  nom.  Il  mourut  en  l'année  654.  Sui- 
vant ce  que  rapporte  el  Asady  sous  l'année  6^3, 
Ghebl  ed-dauleh  el  Heusâmy  Kâfoûr  ebn  ^abd  Allah, 
le  grand-eunuque,  esclave  noir  de  l'émir  Heusâm 
ed-dîn  Mohammad,  fils  de  Lâdjin  et  de  la  Khâtoûn 
Sett  ech-Ghâm ,  était  un  des  esclaves  noirs  duGhâteau, 
au  Gaire.  G'estsurlui  que  sa  maîtresse  se  reposa  pour 
la  construction  de  la  Châmiyeh  extra  maros.  D'après 
Abou  Ghâmah,  il  était  hanaflte  et  bâtit  la  madraseh, 
la  khânqâh  et  la  tuAeh  où  il  fut  enterré  auprès  du 
pont  de  KohayL  »] 

Sa  mort  eutlieu  en  radjah.  «  Il  était,  dited-Dahaby, 
plein  d'humanité.  Il  rapporta  des  traditions  d'après 
el  Hasan  el  Khochotfy  et  mourut  l'année  6 a 3.  Il  fut 
enterré  dans  sa  turbeh,  là-bas.  » 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  2Ô5 

Les  professeurs  de  la  madraseh  furent  Safy  ed-dîn 
es-Sendjâry^^  [jusqu'à  sa  mort],  puis  douze  autres 
dont  le  dernier  fut  Ghanis  ed-dîn  [ebn]  er-Rady*^. 
De  ce  nombre  était  Rachid  ed-dîn  el  Bosrawy.^^, 
homme  éminent  et  grand  savant,  auteur  de  beaux 
Vers  dont  voici  quelques-uns  : 

Dis  à  celui  qui  prend  des  précautions  pour  ne  pas  être 
atteint  par  les  calamités  du  temps  que  les  précautions  ne 
servent  à  rien. 

Ce  qui  a  dissipé  mon  chagrin,  c*est  ma  croyance  que 
toute  chose  a  lieu  conformément  au  destin  et  aux  arrêts  im- 
muables de  Dieu. 

11  a  aussi  composé  les  vers  suivants  : 

Emporte  avec  toi  comme  aide  ce  que  tu  peux;  peut-être 
eflFacera-t-il  les  fautes  que  tu  as  commises  pendant  des  an- 
nées. 

Les  jours  de  bravoure  et  de  passion  ont  fait  oublier  ceux 
où  tu  étais  le  compagnon  de  l'auteur  de  notre  égarement 
(Satan). 

El  Bosrawy  mourut  le  jour  de  samedi  3  ramadan 
de  Tannée  684  (v,  2  nov.  laSS).  On  fit  sur  lui  la 
prière  de  l'après-midi  dans,  le  djâmé*  el  MozafFéry, 
et  il  fut  enterré  au  penchant  (du  Qâsyoûn). 

Au  nombre  des  waqfs  appartenant  à  la  Chebliyeh 
est  Bayt  Nâïm. 

La  madraseh  la  Chebliyeh  intra  muros.  —  En 
face  de  YAkéziyeh  [c'est-à-dire  la  châfé^îte].  Elle  fut 
construite  par  Chebl  ed-dauleh  Kâfoûr  el  Mo^azzamy , 
le  fondateur  de  la  madraseh  précédente. 


2Ô6  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

Tâdj  ed-dîn  ['abd  Ër-Rahman  ebn  abd  El  Bâqy, 
connu  sous  le  nom  d']  ebn  en-Nadjdjâr  ^^'',  y  donna 
[le  premier]  des  leçons;  puis  cinq  professeurs  après 
lui. 

La  madraseh  la  Sâdéaiyeh.  —  [A  fintérieur  de 
Damas,]  à  bâb  el  fcarirf,  auprès  de  la  porte  occidentde 
de  la  mosquée-cathédrale.  Ce  fut  la  première  ma- 
draseh construite  à  Damas.  Elle  fut  élevée  par  Cho- 
djà^  ed-dauleh  Sàder  ebn  ^abd  Allah,  Tannée  iigi 
{Comm.  9  décembre  1097). 

Elle  eut  pour  [premier]  professeur  *alyebn  Zenky 
el  Kâïsâny^^;  puis  Aboui  Hasan  [*aly  ebn  elHasan] 
el  Balkliy  [le  prédicateur] ,  pour  qui  fut  construite 
la  madraseh  la  Balkhiyeh,  y  attenante  ;  ensuite ,  après 
ces  deux,  on  compte  douze  professeurs  au  nombre 
desquels  furent  Rachid  ed-din  el  Ghaznawy  et  Borhân 
ed-dîn  [Ibrahim  ebn  Mahmoud]  el  Ghaznawy  [connu 
sous  le  nom  d'Aboul  HauP®^]. 

La  madraseh  la  Tarkhàniïeh.  •« —  Au  sud  de  la 
Bâdérâïyeh ,  à  Djayroûn..Elle  fut  construite  par  Nâser 
ed-dauleh  Tarkl^ftn ,  un  des  grands-émirs  de  Damas, 
qui  mourut  Tannée  5 20  environ ^^^ 

El  Borhân  Aboul  Hasan  el  Balkhy  y  donna  [le 
premier]  des  leçons,  puis  onze  professeurs  dont  le 
dernier  fut  ech-Chéhâb  ebn  Fazârah  ^^\ 

La  madraseh  la  Toûmâniyeh.  ---^  [A  Touest  de  la 
Charîjiyeh,]  vis-à^vis  de  la  maison  (d'enseignement) 


DESCRIPTION  DE  DAMAS,  367 

de  la  tradition  YA'chrafiyeh  et  de  ia  Foqqaiyeh.  Le  fon* 
dateur  n  en  est  pas  connu. 

[Son  waqf  comprend  la  moitié  du  village  de  Qa-» 
sîfah,  (situé)  à  Touest  dei  MoWnas  et  au  sud  de 
Làhah,  dans  le  Ladjâh,  et  des  boutiques  en  ruines.] 

Le  fondateur  fut  peut-être  Toûmân  en-Noûry. 
[El  Asady  dit  dans  sa  Chronique ,  sous  Tannée  585  ; 
«  Toûmân  ^^^  ebn  Molâ'eb  ebn  abd  Allah,  el  Ansâry, 
el  Khazradjy,  en-Noûry,  Heusâm  ed-dîn  Nadjm  ed- 
dauleh ,  le  grand-émir,  construisit  à  Halab  une  ma- 
draseh  pour  les  Hanafites.  Le  sultan  Taimait  et  avait 
confiance  en  lui.  C'était  un  des  musulmans  renommés 
pour  leur  bravoure  et  des  plus  grands  émirs  de  Noûr 
ed-dîn.  Il  mourut  en  même  temps  que  le  sultan,  la 
nuit  du  milieu  de  cha^bân ,  à  Tell  el  'âsyeh ,  qui  fait 
partie  de  Soûr,  Il  avait  passé  la  centaine.  Son  tom- 
beau est  im  but  de  pèlerinages.  11  avait  bâti  sur  la 
route  de  Halab  le  khân  qui  porte  son  nom.  »] 

La  madraseh  la  Zahériyeh  intra  muros-Baybar- 
siYEH.  —  Elle  est  connue.  11  en  a  été  fait  mention 
ci-devant  et  nous  avons  dit  qu'elle  était  commune 
aux  deux  sectes  [ohâfé'ite  et  hanaRte]. 

Parmi  les  Hanafites ,  elle  eut  pour  professeur  Sadr 
ed-dîn  el  Adra'y^^^,  fauteur  du  Djâm/  es-saghîr; 
puis,  après  lui,  six  professeurs,  entre  autres  Rokn 
ed-dîn  es-Samarqandy*^^,  qui  était  à  son  époque  le 
chaykh  des  Hanafites.  11  fut  étranglé  et  jeté  dans  le 
bassin  du  collège ,  et  on  lui  prit  son  argent.  Quelque 
temps  après ,  1  assassin ,  qui  n*était  autre  qiie  le  por- 


268  SËPTEMRRE-OGTOBRE  1894. 

tier,  *aly  el  Hawrâty  (el  Hawrâny  ?) ,  fut  mis  à  la  ques- 
tion"^, cela  en  Tannée  701 ,  et  pendu  à  la  porte  de 
rétablissement.  A  la  fin  de  Tannée,  la  chaire  fut  oc- 
cupée par  Nadjm  ed-dîn  el  Qadjqâry  "®. 

La  madraseh  (f"  1 5  r®)  la  ^aprâwiyeh.  —  Nous 
avons  déjà  vu  où  elle  était  située  et  dit  qu  elle  était 
commune  aux  deux  sectes. 

Au  nombre  des  professeurs  [hanafites]  qui  y  en- 
seignèrent lut  *ezz  ed-din  es-Sendjâry"^;  puis  sept 
autres  environ  y  donnèrent  des  leçons.  Le  dernier 
d'entre  eux  fut  Djalâl  ed-dîn  ed-Dârémy  er-Râzy  *'*• 

La  madraseh  là  ^azîziyeh.  —  Dans  le  voisinage  de 
la  madraseh  la  Moazzamiyeh  [à  la  Sâléhiyeh].  Elle 
fut  construite  par  el  malek  el  ^aziz  ^otmân ,  fils  d  el 
*âdel  et  frère  utérin  del  malek  el  Mo^azzam.  Il  mou- 
rut Tannée  63o  [Comm,  18  octobre  1  aîa)"^. 

Les  professeurs  de  ce  collège  furent  :  Sadr  ed-dîn 
[Ibrahim]  ebn  Borhân  ed-dîn  Mas^oûd,  puis  son 
frère  Madjd  ed-dîn ,  puis  Kamâl  ed-dîn  [*abd  El-La- 
tîf  ebn  *ezz  ed-dîn]  es-Sendjâry.  Mais  Tacte  de  waqf 
ayant  été  mis  au  jour  et  stipulant  que  le  professeur 
de  cette  madraseh  serait  le  même  que  celui  de  la 
Mo^azzamiyeh ,  Chams  ed-dîn  [*abd  Allah  ebn  *alâ] 
el  Adra^y  demeura  seul  chargé  dy  professer.  [Après 
lui,  le  chaykb]  Chams  ed-dîn  [Mohammad,  hana- 
fîte,  connu  sous  le  nom  d']  ebn  *azîz  ^^®,  y  donna  des 
leçons;  puis  Badr  ed-din  el  Hosayny  et,  de  nouveau, 
Chams  ed-(Jîn  el  Adra*y. 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  269 

La  mâdrâseh  la  ^ezziyeh  extra  mubos.  —  Au-des- 
sus de  la  Wérâxfoh.  Elle  fut  construite  [et  constituée 
en  waqf  au  Ghiraf  supérieur,  au  nord  de  Thippo- 
drome  du  château,  en  dehors  de  Damas] ,  par  Témir 
*ezz  ed-dîn  [AybekJ,  ostâd  ^d-cîdr  (majordome)  d'el 
Mo'azzam,  Tannée  6a6  [Comm.  3o  novembre  1228). 
Il  fut  du  nombre  des  émirs  les  plus  intelligents  et 
les  plus  illustres.  El  Mo'azzam  l'ayant  nommé  son 
lieutenant  [nâîb)  à  Sarkhad ,  il  se  montra  à  la  hauteur 
de  ces  fonctions.  [Lorsque  es-Sâleh  Ayyoûb  lui  prit, 
Sarkhad ,  il  lui  donna  (une  autre  place)  en  échange 
et  il  demeura  à  Damas.]  Puis  il  fut  accusé  d'entre- 
tenir une  correspondance  avec  es-Sâleh  Isma^l  et  on 
se  saisit  [de  sa  personne,]  de  ses  richesses  [et  de  ses 
effets].  Il  devint  malade  et  tomba  par  terre  :  «  C'est 
ia  fin  de  ma  vie  » ,  dit-il.  Puis  il  ne  prononça  plus  une 
seule  parole  jusqu'à  sa  mort.  Il  fut  enterré  à  Mesr,  à  la 
porte  de  la  victoire  [bâb  en-nasr)^  l'année  646^^^,  et 
ensuite  transporté  à  sa  turbeh  (située)  au-dessus  de 
la  fVérâqah  et  enterré  dans  sa  qoabbeh. 

[Ebn  Katîr  dit  sous  l'année  654  :  «  L'émir  Mozaf- 
fer  ed-dîn  Ibrahim ,  fils  du  seigneur  de  Sarkhad  *ezz 
ed-dîn  Aybek ,  ostâdâr  d'el  Mo^azzam  et  fondateur  des 
deux  ^ezziyeh  extra  muros  et  intra  muros  pour  les  Ha- 
nafîtes,  (mourut  et)  fut  enterré  auprès  de  son  père, 
dans  la  turbeh  qui  est  sous  la  qoabbeh,  auprès  de  la 
fVérâqah.  »] 

Les  leçons  y  furent  données  par  Ghams  ed-dîn  ebn 
Foloûs^'-^^  [jusqu'à  sa  mort],  puis  par  environ  qua- 
torze professeurs  dont  le  dernier  fut  Ghéhâb  ed-dîn 


270  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

ebn  el  Fasîh  ^^.  La  tnadraseh  renferme  une  maison 
(d'enseignement)  de  ia  tradition;  ebn  ei  MozaflFer^^* 
et  autres  y  occupèrent  les  fonctions  de  chaykh. 

La  madraseh  la  *ezziyeh  intra  muros.  —  Connue 
sous  le  nom  (de  madraseh)  d'el  keuchk  (le  kiosque)  ^^. 
Elle  fut  construite  par  le  même  *ezz  ed-dîn  [Aybek 
ei  Mo^azzamy]  mentionné  dans  le  paragraphe  précé- 
dent. On  rappelait  primitivement  «  la  maison  d'ebn 
Monqed  ». 

Sa  chaire  fut  occupée  par  Madjd  ed-dîn,  qâdy 
d'et-Toûr'^®  et,  après  lui,  par  environ  onze  profes- 
seurs dont  le  dernier  fut  Chams  ed-dîn  ebn  el  Djaw- 
zy^^'  [le  célèbre  prédicateur],  puis  son  fils  *ezz  ed- 
dîn  Dâoûd  i2«. 

La  ^BzzrrSH  [hanaî^te].  —  Dans  la  grande-mosquée 
de  Damas.  Elle  tire  son  nom  du  susnommé  ^ezz  ed- 
din.  Il  avait  bâti  une  madraseh  à  Jérusalem  et  stipulé 
dans  lacté  de  fondation  que,  tant  que  ia  ville  sainte 
serait  au  pouvoir  des  infidèles,  le  revenu  du  waqf 
serait  affecté  à  la  ^ezziyeh  de  Damas ,  mais  que  si  Jé- 
rusalem retournait  en  possession  des  musulmans, 
c'est  là  que  le  revenu  serait  porté. 

Les  leçons  y  furent  données ,  pendant  que  les  in- 
fidèles étaient  maîtres  de  Jérusalem ,  par  Madjd  ed- 
dîn,  qâdy  d  et -Tour,  et  par  trois  professeurs  après 
lui.  Lorsque  la  ville  sainte  eut  été  reconquise,  la 
madraseh  n  eut  plus  de  revenus  et  ceux-ci  servirent 
à  lentretien  de  la  madraseh  de  là-bas  [conformément 
à  la  clause  stipulée  par  le  fondateur]. 


DESCRIPTION  DK  DAxMAS.  271 

La  madraseu  la  \alamiyeh.  —  A  lest  de  la  mon- 
tagne de  la  Sâléhiyeh  et  à  louest  do  la  Maytoûriyeh. 
Elle  fut  construite  par  Témir  Sandjar  ^alam  ed-din  el 
Mo^azzamy  [dans  le  courant  de]  Tannée  6fkS  [Comm. 
g  novembre  i2  3o). 

Après  le  professeur  Sadr  ed-dtn  [*aly] ,  connu  sous 
le  nom  d'Aboud-dalâlât  [el  ^abbâsy],  il  y  en  eut  six 
autres  dont  le  dernier  fut  Charaf  ed-dîn  el  Wâny  ^^. 

La  madraseh  la  Fathiyeh.  —  Sur  la  place  de 
Khâled  ^^^.  C'est  el  malek  Fath  ed-din,  seigneur  de 
Bârin  et  parent  du  seigneur  de  Hamàh,  qui  la  con- 
struisit. 

[Il  en  construisit  une  autre  pour  les  Ghâfé^tes, 
ainsi  qu on  la  vu  à  propos  de  leurs  madraseh.] 

Il  y  a  apparence  que  ce  Khâled  qui  a  donné  son 
nom  à  la  place  était  le  fils  d'Asad  ebn  Abî'l  *aych 
ebn  Abri  Haytam,  el  Badjaly,  el  Ghanawy^^^  émir 
(gouverneur)  de  la  Mekke  pour  el  Walid,  fils  de  *abd 
El  Malek ,  et  pour  Solaymân  *^*.  Selon  ebn  ^asâker, 
sa  maison  à  Damas  est  la  grande  maison  située  dans 
le  carrefour  (mora66a*a/i)  du  tombeau,  à  proximité 
du  pied  {el  qadam) ,  à  la  maison  du  Gharîf  ez-Zaydy. 
C'est  de  lui  aussi  que  tire  son  nom  le  bain^^^  qui 
fait  face  au  pont  [(jantarah)  de  Sénân,  à  bâb  tourna. 

Les  waqfs  appartenant  à  cette  madraseh  sont  situés 
en  Egypte  ^*\ 

n  (Khâled)  était  brave  et  s  attirait  les  louanges; 
mais  ses  dogmes  religieux  étaient  mauvais  ^^^.  Il  mou- 
rut [en  el  moharram  de]  Tannée  i  26  [Comin.  2 5  oc- 


272  SEPTKMBRE-OCTOBRE  1894. 

tobre  743),  après  avoir  eu  les  pieds  et  les  cuisses 
comprimés ,  ce  qui  amena  sa  mort. 

Cette  madraseh  eut  pour  [premier]  professeiu* 
Bahâ  ed-dîn  ebn  ^abbâs,  (P  i5  v**)  puis  trois  autres 
personnes  après  lui. 

Les  vers  suivants  ont  été  composés  par  Farrokh- 
châh  : 

Si  tu  veuK  donner  aux  choses  leurs  droits  et  établir  à  sa 
meilleure  place  le  jugement  de  Téquité , 

Ne  laisse  pas  égarer  ton  bienfait  sur  quelqu'un  qui  n'en 
est  pas  digne  ;  car  ton  injustice  consiste  à  mettre  une  chose 
-ht)rs  de  sa  vraie  place. 

La  madraseh  la  Farrorhchàhiyeh.  —  Elle  est 
connue  sous  le  nom  de  *ezz  ed-dîn  Farro'dichâh  et 
fut  constituée  en  waqf  par  sa  mère  Khotlkl.ayr  [Khâ- 
toûn,  fille  d^Ibrâhîm  ebn  *abd  Allah]",  qui  était  fé- 
pouse  de  Ghâhanchâh,  fils  d'Ayyoûb  et  frère  de  Sa- 
lâh  ed-dîn.  Il  mourut  Tannée  678  ^^  et  fut  enterré 
à  l'intérieur  de  sa  madraseh ,  au  Charaf  supérieur^ 
dans  sa  qoubbeh.  A  côté  de  la  Farrokhchâhiyèh  se 
trouve  ÏAmdjadiyeh,  fondée  par  son  fils.  Les  deux 
collèges  sont  destinés  aux  Gbàfé^tes  et  aux  Hana- 
fîtes.  Farrokh  était  brave,  intègre,  éminent  et  géné- 
reux. 

Les  Hanalîtes  qui  y  professèrent  furent  ^émâd 
ed-dîn  ebn  Faklir  [Ghâzy]  et  sept  autres,  dont  le 
dernier  fut  Ghams  ed-dîn  ebn  ^-Safy  [el  Harîry]. 

Je  dis  :  K  Ij'auteur  ne  mentionne  pas  quels  sont 
les  Ghâfé^ites  qui  en  ont  occupé  la  chaire;  U  na  pas 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  273 

été  non  plus  question  ci-devant  de  ce  collège,  dans 
le  chapitre  consacré  aux  madraseh  châfé^îtes  '^''.  » 

La  madraseh  la  Qadjmasiyeh.  —  En  dedans  des 
deux  portes  d'en-nasr  et  d'es-suâdeh.  Elle  fut  con- 
struite par  [Qadjmâs]  le  ndîb  de  Syrie,  el  Ishâqy,  el 
Djarkasy  (le  Circassien).  Etant  tombé  malade  à  la 
Sâléhiyeh,  dans  le  jardin^®  debn  Dalâmah,  il  lut 
transporté  ^^^  à  Dâr  es-saâdeh  (la  maison  de  la  féli- 
cité), où  il  mourut.  Il  fut  enterré  [auprès  de  sa  fille] 
dans  sa  turbeh  [qu'il  avait  construite  dans  ladite 
madraseh]. 

Le  [premier]  qui  fut  investi  des  fonctions  de 
chaykli  de  ce  collège  fut  Ghams  ed-dîn  Abou  to- 
râb  140. 

141  [«En  doul  hedjdjeh  de  Tannée  888  [Comm. 
9  février  i483)  fut  achevée  la  restauration  (i;U)  de 
la  madraseh  qu'avait  construite  (l^yS)  le  malek  el 
omarâ  1*2  Qadjmâs  el  Ishâqy,  contiguë  à  Dâr  es-sa- 
"^âdeh ,  du  côté  de  lest ,  et  séparée  de  cette  dernière 
par  le  chemin  conduisant  à  la  ^adrâwiyeh.  Il  en  avait 
fait  d  abord  une  zâwyeh  et  avait  construit  à  côté  une 
turbeh.  Puis  il  la  transforma  en  madraseh,  où  il  fit 
des  cellules  [khalâiuy)  pour  les  faqîrs  et  institua  en 
qualité  de  chaykh  des  professeurs  de  lecture  (qor^â- 
nique)  et  d'imam  le  grand  savant  Ghams  ed-dîn  ebn 
Ramadan ,  le  hanafîte.  L'emplacement  de  la  madra* 
seh  était  un  monticule  de  terre;  or  elle  atteignit  les 
plus  belles  proportions.  » 

«  Qadjmâs  mourut   dans  l'après-midi    (^cwr)   du 

IV.  iS 

turatiiKKia  iatioxalk. 


274  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

jour  de  jeudi  2  chawwâl  de  Tannée  892  ,  dans  Tëcu- 
rie  [establ)  de  Dâr  es-saâdeh,  et  fut  enterré  le  même 
jour,  au  coucher  du  soleil,  dans  le  mausolée  quil 
avait  construit  contigu  à  sadite  madraseh.  Il  avait 
été  kâfel  ^^^  de  la  Syrie  pendant  six  ans  et  huit  mois.  »] 

La  madraseh  la  QassA'iyeh  ^**.  —  [Au  quartier 
[hâraTi)  des  (jassâHn  (les  marchands  d'écuelles).] 
Elle  fut  construite  par  Kholotchfth  ^^^  [Khâtoûn], 
fille  de  Kokodjâ,  Tannée  5 98  [Comm»  a 4  novembre 
1196). 

[«Jai  vu  écrit,  dit  *ezz  ed-dîn  (ebn  Ghaddâd), 
sur  une  pierre  au-dessus  de  la  porte  de  la  madraseh, 
que  la  fondatrice  s  appelait  Fâtémah,  fille  de  Témir 
Koûkodjâ ,  et  il  en  est  de  même  dans  Tacte  de  waqf , 
ainsi  que  m'en  a  informé  l'agent  {^âmel)  de  ce  col- 
lège, le  qâdy  Bahâ  ed-dîn  el  Djodjayny.  »] 

Entre  autres  clauses  qu'elle  avait  stipulées,  (il 
était  dit  que)  le  professeur  de  cette  madraseh  devait 
être  Thomme  le  plus  savant  [des  Hanafîles]  sur  les 
deux  principes  fondamentaux  de  la  jurisprudence 
{el  aslayn)  et,  s'il  était  empêché  d'y  donner  ses  le- 
çons, il  serait  tenu  de  le  faire  au  portique  [réwâq) 
septentrional  de  la  grande-mosquée  de  Damas. 

Après  Chéhâb  ed-dîn  ['aly]  el  Kâchy,  il  y  eut' 
sept  professeurs  qui  y  donnèrent  des  leçons;  le  der- 
nier fut  Heusâm  ed-dîn  er-Ràzy^*^  Quelqu'un 
l'ayant  vu  en  songe  après  sa  mort  :  «  Qu'est-ce  que 
Dieu  a  fait  de  toi  P  »  lui  demanda-t4L  II  répondit  par 
ce  vers  : 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  275 

Je  n'avais  d'autre  intercesseur  auprès  de  lui  que  ma  croyance 
qu'il  est  unique  "'. 

La  madraseh  la  QâhiJriyeh.  —  A  la  Sâléhîyeh, 
sur  le  bord  du  nàhr  Yazîd,  contiguë  à  [la  maison 
(d'enseignement)  de  la  tradition]  la  Qalânésiyeh,  con- 
nue [acluellement]  sous  le  nom  de  la  khdn(jâh,  sé- 
parée de  celle-ci  par  lo  chemin  et  à  Touest  de  [la 
madraseh]  la  'omariyeh. 

La  madraseh  la  Qilîdjiyeh.  —  (Elle  est  due)  à 
Sayf  ed-dîn  Qilîdj  en-Noûry  qui  chargea  par  son  tes- 
tament [le  qâdy  en  chef]  Sadr  ed-dîn  ebn  Sany  ed- 
dauleh  [le  châfé^îte]  de  la  constituer  en  waqf,  et 
celui-ci  la  construisit  après  la  mort  du  testateur, 
Tannée  645  [Comm.  8  mai  1247).  ^^^®  renferme  le 
tombeau  de  Tauteur  du  waqf,  mort  lanilëe  643. 
Elle  est  située  au  sud  de  la  Khadrd  '*®,  [au  sud  de  la 
grande-mosquée  omayyade,]  au  nord  de  la  Sadriyeh 
et  à  louest  de  la  turbeh  du  qâdy  Djamâl  ed-din  el 
Mesry  ^^^ 

Les  [premières]  leçons  y  furent  données  par 
Chams  ed-dîn  [^aly],  fils  du  qâdy  des  troupes  [qdâf 
Vaskar)  [jusqu'à  sa  mort],  puis  par  ses  enfants  et, 
après  eux  deux  ^^,  par  six  professeurs. 

Et-Taqy,  fils  du  qâdy  de  Chohbeh,  dit  dans  les 
Annales  de  Vislarmsme  :  «*aly  ebn  Qilîdj  ebn  abd 
Allah,  ez-Zâhéry,  le  grand-émir,  l'éminent,  Sayf  ed- 
dîn  Abou'l  Hasan,  était  un  émir  jouissant  d*une 
grande  considération  et  doué  de  mérite.  »• 

Ech-Chéhàb  el  Qoûsy  s  exprime  ainsi  :  «  Il  joi- 

i8. 


270  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

gnait  à  lesprit  de  commandement  et  d'autorité  la 
solidité  du  jugement,  'aly  ne  marcha  jamais  à  la 
tête  d  une  armée  qu'après  y  avoir  rétabli  Tordre.  Il 
ma  récité  les  vers  suivants  composés  par  lui  sur  la 
nécessité  de  se  garder  de  considérer  un  ennemi 
comme  méprisable  : 

Ne  méprise  pas  un  ennemi  facile  à  aborder  ;  et  si  tu  le  vois 
sans  beaucoup  de  force  ni  de  vigueur, 

(Souviens -toi  que)  la  mouche,  dans  le  fdet  tendu,  par- 
vient à  des  résultats  que  ne  peut  atteindre  la  puissance  du 
lion. 

«  U  mourut  en  cha^bân  de  Tannée  6&3 ,  à  Damas, 
dans  sa  maison  connue  sous  le  nom  de  Dâr  elfoloûs 
(la  maison  des  monnaies  de  cuivre),  puis  sous  celui 
de  Dâr  ed-dahab  (la  maison  dor),  lors  de  Tadminis- 
tratioh  de  Tenkez.  C'était  la  maison  de  Khâled,  fils 
d'el  Walîd,  que  Dieu  soit  satisfait  de  luil 

«  U  avait  bâti  à  côté  de  sa  demeure,  dans  la  di- 
rection du  nord,  une  madraseh  pour  les  Hanafités 
et  une  qoubbeh  où  il  fut  enterré.  Collège  et  turbeh 
ont  été  ruinés  durant  la  guerre  de  Tamerlan  ^^^  et  la 
madraseh  n'a  pu  (fol.  16  r**),  faute  de  waqf,  être  re- 
construite. Il  m'est  revenu  que  tout  son  waqf  consis- 
tait en  une  maison  [mosaqqaf)  située  dans  l'intérieur 
de  la  ville  ;  or  elle  fut  brûlée  au  milieu  de  ladite 
guerre.  » 

Je  dis  :  «  Elle  fut  la  proie  des  flammes  pendant 
la  guerre  du  Boiteux  (Tamerlan) ,  l'année  806  {Gomm. 
a  1  juillet  1 4o3),  et  elle  resta  un  monticule  de  terre 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  277 

« 

jusque  vers  Tannée  924  {Comm.  i3  janvier  i5.i8). 
A  cette  date,  Dieu  lui  destina  un  homme  de  bien 
qui  s  occupa  deiie  :  Mohammad  Djéléby,  qâdy  de 
Syrie  et  fils  du  moufty  de  l'époque  Abous-so^oûd, 
lui  consacra  cent  sidtanins^^^ pour  transport  de  terre, 
confection  de  briques  et  relèvement  de  quelques- 
uns  des  arceaux  et  des  pieds-droits.  L'œuvre,  de  re- 
construction fut  arrêtée  pendant  des  années.  Puis 
notre  maître  le  très  docte,  ie  savant,  le  dévot,  ie 
ferme  croyant  fils  du  ferme  croyant,  le  chaykh 
Ahmad,  fils  du  chaykh  Solaymàn,  éprouva  un  vif 
désir  ^^^  de  quitter  sa  zâwyeh  trop  étroite ,  et  sa  mai- 
son au  quartier  (mahalleh)  de  la  Chélâhah,  pour  la 
madraseh  et  de  reconstruire  celle-ci.  Il  y  dépensa  de 
fortes  sommes  de  ses  propres  deniers  et  fut  aidé 
dans  cette  entreprise  par  les  plus  grands  personnages 
du  royaume.  On  en  apporta  les  bois  de  forêts  du 
sultan ,  dont  la  mère  contribua  de  sa  fortune  à  l'œuvre 
du  chaykh  Ahmad.  La  madraseh  fut  achevée  et  at- 
teignit la  perfection  comme  beauté ,  vastes  dimensions 
et  bénédiction.  On  y  célébra  les  prières  [adkâr)  bénies , 
durant  les  nuits  des  fêtes  consacrées,  aux  anniver- 
saires de  la  naissance  du  Prophète  et  dans  les  réunions 
utiles  aux  grands  et  au  vulgaire.  Cet  événement  eut 
lieu  vers  l'année  9 7 o  (  Comm,  3 1  août  1 5 6  2  ).  £f  Dieu 
ne  laisse  pas  perdre  la  récompense  de  ceax  qui  font  le 
bien  '^*.  » 

La  madraseh  la  QaymAziyeh  ^^^.  —  En  dedans 
des  deux  portes  d'e/i-iwwr  et  d'elfaraÂj.  Elle  fut  con- 


278  SËPTEMBRE-OGTOBRE   1894. 

struite  par  Sârem  ed-dîn  Qaymâz  en-Nadjmy  ^^,  qui 
mourut  Tannée  596  [Gomm.  28  octobre  iigg^^"'); 
il  était  chargé  des  affaires  ^^  du  sultan  Saiâh  ed-din 
et,  toutes  les  fois  que  ce  prince  faisait  la  conquête 
dune  ville,  il  la  lui  remettait  pour  y  établir  Tordre. 
Il  faisait  de  nombreuses  aimiônes  :  il  distribua  en  un 
seul  jour  sept  mille  dinars,  déclarant  que  c^était  une 
dette  qu'il  avait  envers  Dieu,  qu'il  soit  exalté  !  Il  était 
renommé  pour  sa  bienfaisance  et  aimait  à  acquérir 
des  titres  de  gloire  en  ^^^  bâtissant  des  hospices  {robt) 
et  des  ponts  [qanâier^^).  Sa  maison,  dans  laquelle  il 
avait  un  bain,  est  Técole  actuelle  (d enseignement) 
de  la  tradition  YAchrc^eh.  Elle  fut  achetée  par  el 
malek  el  Achraf ,  qui  en  fit  la  maison  (d  enseignement) 
de  la  tradition,  et  détruisit  le  bain,  qu'il  transforma 
en  habitation  pour  le  chaykh  chargé  (jiy  professer. 
[Quand  Qaymâz  eut  été  enterré] ,  comme  on  le  soup- 
çonnait (de  posséder)  de  grandes  richesses,  on  fouilla 
ses  maisons  et  ses  magasins  (hawâsel)  et  on  en  retira 
des  sommes  innombrables;  souvent  aussi  il  avait  en- 
foui de  Targent,  en  terre,  dans  ses  boui^s  (àyâ^)  et 
ses  villages  [qora). 

Après  Hamid  ed-dîn  es-Samarqandy,  sept  profes- 
seurs donnèrent  des  leçons  à  la  Qaymâziyeh.  Le  der^ 
nier  d  entre  eux  fut  *émâd  ed^in  et-Tarsoûsy  ^*^ 

La  madraseh  la  Morchédiyeh  ^^^.  —  Sur  la  ri- 
vière Yazîd^^^,  à  la  Sâléhiyeh  de  Damas,  dans  levoi-: 
sinage  de  la  maison  (d'enseignement)  de  la  tradition 
VAckrafiyeh.  Elle  fut  construite  par  la  fiUe  d'[el  ma- 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  279 

lek]  el  Mo^azzam  Charaf  ed-dîn  *ysa,  fils  d'[el  malek] 
el  *âdel,  Tannée  654  [Comm.  3o  janvier  1 356). 

Ebn  Chohbeh  dit  :  «  Le  nom  de  cette  princesse 
est  Khadîdjah,  fiiie  de!  malek  el  Mo^azzam,  fils  de! 
*âdel,  et  sœur  germaine  den-Nâser  Dâoûd^^*.  » 

Suivant  Tâdj  ed-dîn  ebn  ^asàker,  «  son  père  lavait 
mariée  à  Khowârezm  Ghâh,  qui  ne  consomma  pas 
le  mariage.  Elle  mourut  au  jardin  de  la  Mârédâniyeh 
en  djoumâda  a**  de  Tannée  6  5  o  (  Comm.  1 4  mars  i  a  5  a) 
et  fut  enterrée  dans  sa  turbeh  quelle  avait  construite 
dans  le  voisinage  de  celle  du  chaykh  el  Faranty,  à  la 
montagne  (du  Qâsyoûn).  » 

Ed-Dahaby,  dans  les  Annales  de  Vùlamisme,  s'ex- 
prime ainsi  :  «*aly  el  Faranty,  homme  vertueux, 
doué  d'une  grande  puissance,  auteur  de  prodiges, 
adonné  à  des  exercices  spirituels  et  à  des  actes  de 
dévotion  ^^^.  Il  avait  des  disciples  et  des  aspirants 
[mourîdoûn)  et  possédait  une  zâwyehau  penchant  du 
Qâsyoûn.  »  Puis  il  raconte  de  lui  des  anecdotes  qui 
prouvent  sa  sainteté  [wélâyeh).  Le  chaykh *aly  mourut 
en  djoumâda  2^  de  Tannée  621  et  fut  enterré  .au 
Qâsyoûn.  On  a  construit  sur  son  tombeau  un  dôme 
[qonbbeh), 

La  Morchédiyeh  eut  pour  [premier]  professeur 
Chams  ed-dîn  ebn  ^atâ  el  Adra^y  ^^^;  (fol.  1 6  v")  puis, 
après  lui ,  quatre  autres  dont  le  dernier  fut  Chams 
ed-dîn  el  Harîry. 

La  madraseh  la  Mo'azzamiyeh.  —  A  la  SMéhiyeh, 
sur  le  penchant  ouest  du  Qâsyoûn ,  dans  le  voisinage 


280  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

de  la  madraseh  la  ^azîziyeh.  Elle  fut  construite  par 
el  malék  elMoV-zam*ysa,  fils  d'el*âdel,  hanafîte  ^®'', 
né  au  Caire  Tannée  678  [Comm.  7  mai  1  182);  sui- 
vant Tauteur  du  Miroir  da  temps  ^  il  naquit  Tan- 
née 576.  Il  apprit  par  cœur  le  Qorân,  commenta 
le  Djâni^  el  kabîr^^  et  autres  ouvrages,  et  composa 
de  bons  vers.  H  n'avait  pas  son  pareil  pour  Thumilité; 
souvent  il  s'en  allait  à  cheval  tout  seul,  et  sçs troupes 
le  rejoignaient.  Il  était  très  bienfaisant.  Sachant  par 
cœur  le  Mofass al  ^^^,  il  faisait  cadeau  de  trente  dinars 
à  quiconque  avait  appris  cet  ouvrage.  Un  auteur 
rapporte  qu'il  affecta  cent  dinars  à  ceux  qui  connaî- 
traient le  Mofassal  par  cœur,  deux  cents  dinars  à 
ceux  qui  auraient  appris  le  Djâm/  el  kabir,  et  trente 
dinars  à  ceux  qui  auraient  retenu  Ylydâli^'^^.  11  fit  le 
pèlerinage  en  Tannée  621  ^''\  renouvela  les  bassins 
et  les  citernes,  et  répandit  de  nombreux  bienfaits 
sur  les  pèlerins.  Il  bâtit  le  rempart  de  Damas  ^^'-^  et 
la  rotonde  [târémah)  qui  surmonte  la  porte  nommée 
bâb  el  djadîd  (ou  el  hadid).  Il  bâtit  à  Jérusalem  une 
madraseh  ^"^^  et  auprès  de  DjaYar  et-tayyâr^^*  une 
mosquée;  à  Maan^*^^,  une  maison  hospitalière  [dâr 
madîf)  et  deux  bains.  Il  avait  résolu  de  rendre  plus 
facile  la  route  des  pèlerins ,  et  de  bâtir  à  chaque  sta- 
tion (*lw)  un  lieu  d'abri  [makân^'^^). 

El  Mo^azzam  mourut  Tannée  626  ^'^,  après  avoir 
régné  à  Damas  neuf  ans  et  quelques  mois.  Il  frappait 
la  monnaie  au  nom  de  son  frère  el  Kâmel.  Malgré 
qu'il  eût  exprimé  dans  son  testament  son  refus  d!être 
enterré  dans  la  citadelle,  c'est  là  qu'il  reçut  ia  sépul- 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  281 

ture;  mais  el  Achraf  len  relira  et  lenterra  au  pen- 
chant (du  Qâsyoûn),  auprès  de  sa  mère  ^'^^,  confor- 
mément à  ses  dernières  volontés.  Sa  translation  de 
la  citadelle  eut  lieu  la  nuit  du  (lundi  au)  mardi 
1**^  moharram  de  Tannée  627  (Ma,  20  novembre 
J229). 

Ce  prince  récitait  beaucoup  les  deux  vers  sui- 
vants : 

Souvent  le  grain  de  beauté  qui  orne  les  joues  couleur  de 
rose  de  la  jeune  611e  au  corps  flexible  a ,  tant  il  est  gracieux , 
répandu  sur  elle  une  beauté  génércde. 

Vile  a  enduit  de  collyre  ses  yeux  dont  les  paupières  sont 
d'une  nuance  naturellement  brune  comme  lui  "'.  Elle  m'a 
donné  à  boire,  dis-je,  le  glaive  qu'elle  avait  empoisonné. 

Madjd  ed-dîn,  qâdy  d  et-Toûr,  y  donna  des  leçons 
[jusqu'à  sa  mort]  et,  après  lui,  dix  professeurs  dont 
le  dernier  fut  Charaf  ed-dîn  el  Adra^y. 

La  madraseh  la  Mo'îniyeh  ^^^.  —  Au  chemin  qui 
conduit  à  [la  madraseh]  la  ^osroûniyeh  [châfé'îte], 
i\u  château  fort  des  Taqafîtes  [hesn  et-taqafyîn).  Elle 
fut  construite  [dans  le  courant  de  Tannée  555]  par 
Mo'în  ed-dîn  Anar  i«i,  [qui  était]  l'atâbek  de  Madjd 
ed-dîn,  fils  du  seigneur  de  Damas.  Il  mourut  fan- 
née  544  ou,  a  dit  quelqu'un.  Tannée  555,  et  fut 
enterré  dans  la  qoubbeh  de  la  turbeh  ^^^  de  la 
'^amniyeh,  au  nord  de  la  maison  des  pastèques  [dâr 
el  bettikh)  ^^\ 

La  Moiniyeh  eut  poui'  professeur  Rachid  ed-dîn 
el  Ghaznawy  [jusqu'à  ce  qu'il  y  mourut],  puis,  après 


282  SEPTEMBRE-OCTOBRE   1894. 

lui,  onze  autres  dont  le  dernier  fut  Nadjm  ed-dîn 
en-No'mâny  ^*^. 

La  madraseh  la  Mârédâniyeh.  —  Sur  le  bord  du 
nahr  Tawra,  contiguë  au  pont  blanc  [à  la  Sâléhiyeh]  ; 
elle  est  connue.  Elle  fut  construite  [dit  le  qâdy  *ezz 
ed-dîn  el  Halaby]  par  ^azîzat  ed-dîn  Akhchâourâ  ^^^ 
Khâtoûn,  fille  del  malek  Qotb  ed-dîn,  seigneur  de 
Mârédîn,  et  épouse  del  malek  el  Mo^azzam,  en  fan- 
née  610.  [La  constitution  en  waqf  eut  lieu  Tan- 
née 624.  Je  pense  que  Qotb  ed-dîn  Mawdoûd,  fils 
de  latâbek  Zenky  et  frère  de  Noûr  ed-dîn  le  martyr, 
était  son  père.  Dieu  est  plus  savant!] 

[On  a  trouvé  comme  faisant  partie  de  son  waqf 
en  Tannée  820,  d après  Tenquête  faite  par  Sîdy  Mo- 
hammad  ebn  Mandjak,  en-Nàséry  :  un  jardin  voisin 
du  pont  blanc;  un  autre  jardin  voisin  de  ladite  ma* 
draseh  ;  le  nombre  de  trois  boutiques  au  pont  précité 
et  aussi  les  enclos  avoisinant  le  collège.] 

Une  des  clauses  portait  que  le  professeur  de  cette 
madraseh  ne  pourrait  Têtre  d  une  autre. 

La  Mârédâniyeh  renferme  le  tombeau  de  Témir 
Sayf  ed-dîn  Achank,  fils  d'Azdémir  ^®^,  qui  mourut 
le  jour  de  vendredi  ao  djoumâda  1"  de  Tannée  816 
(V,  1 8  août  1 4 1 3).  Le  nâîb  Noûroûz  el  Hâfézy  et  les 
émirs  assistèrent  à  ses  funérailles.  Son  frère  acheta 
des  biens  qu'il  constitua  en  waqf  en  faveur  de  [deux] 
lecteurs  chargés  de  lire  le  Qor  an  auprès  de  son  tom- 
beau et  pour  la  fondatrice  de  ce  collège  en  Tannée 
6a4'.  C  est  ce  qua  mentionné  ebn  Ghaddâd. 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  283 

Et  il  acheta  pour  la  madraseh  des  tapis  et  se  ren- 
dit plusieurs  fois  à  son  tombeau. 

^*^  Quant  à  la  fondatrice  de  ce  lieu  [makân),  elle 
ny  fut  pas  enterrée  parce  que,  après  la  mort  d'el 
Mo^azzam ,  elle  revint  à  Mârédîn ,  selon  ce  que  nous 
apprend  ebn  Ghohbeh.  Un  auteur  dit  qu  elle  fit  le 
pèlerinage  et  demeura  fixée  à  la  Mekke  où  elle  finit 
par  tomber  dans  la  misère ,  sans  qu'il  lui  restât  rien 
de  sa  fortune.  Elle  devint  porteuse  d'eau.  Quelqu'un 
qui  l'avait  "connue  alors  qu'elle  était  à  Damas,  ayant 
passé  près  d'elle,  la  vit  dans  cet  état.  A  son  retour 
à  Damas,  il  informa  l'administrateur  des  waqfs  de 
la  princesse,  chargé  de  leur  entretien.  Celui-ci  réunit 
une  somme  et  la  lui  envoya.  (F°  171^.)  «Qu'est-ce 
que  cet  argent  ?  »  demanda-t-elle.  On  lui  répondit  : 
«  Il  provient  de  votre  waqf.  »  Elle  répliqua  :  «  Ce 
dont  j'ai  fait  l'abandon  à  Dieu,  je  ne  le  reprendrai 
pas.  »  Puis  elle  rendit  la  somme,  en  ajoutant  :  «  Don- 
nez à  chacun  ce  à  quoi  il  a  droit.  »  Que  Dieu  lui 
fasse  une  large  miséricorde  ! 

La  chaire  (de  la  Mârédaniyeh)  fut  occupée  par 
es-Sadr  el  Khélâty,  puis  par  environ  dix  autres  pro- 
fesseurs dont  le  dernier  fut  Tâdj  ed-dîn  el  Mârédâny 
et  ensuite  son  fils  Zayn  ed-dîn  ^®^. 

Le  waqf  existant  actuellement  comprend  :  le  jar- 
din supérieur  des  Mohammadiyât  ^^^,  le  jardin  infé- 
rieur desdites,  le  loyer  [hahr)  de  la  terre  du  pont 
hlanc  et  de  la  terre  d'^î  djanâîn ,  qui  est  sise  au  pont 
blanc.  Cela  est  connu  (et  extrait)  du  registre  de  la 
comptabilité. 


284  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

La  madraseh  la  Moqaddamiyeh  intra  muros.  — 
En  dedans  de  la  [nouvelle]  porte  d'el  farâdîs.  Elle 
fut  construite  par  Témir  Chams  ed-dîn  Mohammad 
ebn  el  Moqaddam  ^^,  pendant  le  règne  de  Salâh  ed- 
dîn.  C'est  lui  qui  livra  Sendjâr  à  Noûr  ed-dîn;  puis 
il  devint  maître  de  Ba^lbakk.  Après  être  resté  quelque 
temps  en  révolte  contre  Salâh  ed-dîn  [quilassiégea], 
il  fit  la  paix  avec  ce  prince  ^^^  et  exerça  en  son  nom 
les  fonctions  de  nâïb  à  Damas.  11  était  plein  de  bra- 
voure et  de  courage  et  assista  à  diverses  conquêtes  ^^. 
Il  fit  le  pèlerinage.  Quand  il  fiit  descendu  à  Wafàt  ^^^, 
il  arbora  Tétendard  du  sultan  Salâh  ed-dî»  el  fit 
battre  les  timbales  ^^^.  L'émir  (chef)  du  pèlerinage 
du'îrâq,  (Moudjîr  ed-dîn)  Tâchtékîn  ^^^,  lui  repro- 
cha cet  acte  en  disant  :  «  On  n  arbore  sur  nos  têtes 
que  Tétendard  du  Khalife.  »  Une  mêlée  eut  lieu  et 
nombre  de  gens  des  deux  partis  furent  tués.  Ghams 
ed-dîn,  atteint  dans  Toeil  par  une  flèche,  tomba  à  la 
renverse  et  mourut  dès  le  lendemain  à  Mina,  où  il 
fut  enterré,  Tannée  583  [Comm.  12  mars  1 187)^^^ 
Es-Salâh  es-Safady  dit  dans  la  Tohfah  dawy'l  albâh  ^^"^ 
qu  il  mourut  l'année  58^.  «  En  apprenant  cette  nou- 
velle ,  le  sultan  le  pleura  et  fut  très  affligé  de  sa  mort.  » 

L'émir  possédait  la  grande  maison  située  en  de- 
dans de  bâb  eljarâdîs  et  à  côté  de  laquelle  se  trouve 
la  madraseh  la  Moqaddamiyeh.  La  maison  devint 
plus  tard  la  propriété  du  seigneur  de  Hamâh;  puis 
celle  de  Qara  Sonqor  [el  Mansoûry,  et  ensuite  celle 
du  sultan  el  malek  en-Nâser].  Actuellement  elle  est 
dans  les  mains  de  ses  enfants.  On  lui  doit  aussi  une 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  285 

turbeh ,  une  mosquée  et  un  kliân  ^®*  ;  tout  cela  est 
[connu}  en  dedans  de  bâb  elfarâdîs^^^. 

Je  dis  :  «  La  grande  maison  a  été  transformée  en 
un  grand  nombre  d  autres  qui  sont  celles  connues 
maintenant  sous  le  nom  de  bawwâbeh^^  khawctnd^^^ 
(le  portail  de  la  princesse)  et  sont  devenues  le  waqf 
de  la  princesse.  Dans  la  suite,  une  partie  a  formé 
des  propriétés  particulières  et  lautre  est  restée  à  la- 
bandon.  11  serait  trop  long  de  donner  des  explications 
à  ce  sujet  ^^^.  » 

Faklir  ed-dîn  ei  Ghâdy^®^  [hanafîte]  donna  des 
leçons  à  cette  Moqaddamiyeh;  il  y  eut  pour  succes- 
seurs environ  dix-sept  professeurs  dont  ïe  dernier 
fut  Chéhâb  ed-dîn  ebn  Khedr^®^,  puis  el  Badr  el 
Ghazzy,  puis  Nadjm  ed-dîn  Mohammad  el  Bahnasy, 
puis  le  fils  de  Mohebb  ed-dîn ,  puis  le  chaykh  Ahmad 
el  Akram,  puis  son  fils  le  chaykh  Ahmad  ebn  el 
Akram. 

A  ladite  madraseh  est  attachée  ime  charge  de 
chaykh  des  professeurs  de  lecture  (qoranique);  elle 
fut  dévolue  à  Chéhâb  ed-dîn  el  Kafry. 

La  madraseh  la  Moqaddamiyeh  extra  muros.  « — 
En  face  de  la  iîo/cmjefe,  au  penchant  du  Qâsyoûn,  [à 
Test  de  la  Sâléhiyeli].  G  est  [une  autre  que]  la  turbeh 
debn  el  Moqaddam.  Elle  fut  construite  [en  effet] 
par  Fakbr  ed-dîn,  fils  de  fémir  Chams  ed-dîn  ebn  el 
Moqaddam  dont  il  vient  d'être  question  à  propos  de 
la  madraseh  précédente  2®^. 

La  chaire  en  fut  occupée  [en  premier  lieu]  par 


28fr  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

Nadjm  ed-dîn  ebn  Faklir  ed-dîn  el  Ghâdy.  Puis  les 
enfants  du  fondateur  se  rendirent  les  maîtres  du  col- 
lège et  pendant  un  certain  temps  les  leçons  fui'ent 
abandonnées.  Après  cela,  es-Safy  [Yahya]  el  Bos- 
rawy  y  professa ,  puis  quatre  autres  dont  le  dernier 
fut  Fakhr  ed-dîn  Aboul  Walîd^o^. 

Le  waqf  constitué  en  faveur  de  cette  madraseh 
consiste  en  des  maisons  ^^"^  connues  à  Hamâh;  celui 
de  la  précédente  comprend  el  Mohammadiyah  et 
Djesrîn,  dans  la  Ghoûtah  de  Damas. 

La  mâdraseh  la  Mandjakiyeh  [hanapîtb].  —  Au 
Khalkliâl^os,  au  sud-ouest  de  la  Soâfyeh.  Elle  fut  con- 
struite par  Témir  Sayf  ed-dîn  Mandjak  el  Yoûséfy, 
en-Nâséry,  un  des  mamloûks  de  [en-Nâser]  Moham- 
mad,  fils  de  Qalâoûn.  Il  constitua  en  waqf  à  cette 
madraseh  son  bain  connu ,  le  four  à  côté  et  le  loge- 
ment [rab^)  qui  les  surmonte,  en  Tannée  -776  [Comm. 
1 1  juin  187 4).  Il  fut  enterré  dans  sa  turbeh  qu'il 
avait  construite  auprès  de  la  citadelle  de  la  mon- 
tagne ;  il  était  âgé  de  soixante  et  quelques  années.  Il 
fut  investi  de  la  charge  de  chambellan  en  chef  [M- 
djeb  el  hodjdjâb)  à  Damas 2®®,  puis  de  celle  de  com- 
mandant à  Mesr  et  des  fonctions  du  vîzirat.  Quelque 
temps  après  il  fut  emprisonné,  (f^  17  V*)  puis  relâ- 
jjjj^aio  pt  chargé  de  la  lieutenance  {nyâbeh)  de  Tri- 
poli^", puis  de  Halab^^^,  [puis  de  Damas,] ^^'  puis 
de  Safad^^^.  Mandé  ensuite  [un  mois  après]  à  Mesr*^*, 
il  reçut  la  lieutenance  de  cette  ville  et  la  conserva 
jusqu'à  sa  mort^^^.  C'était  un  des  grands  person- 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  287 

nages  les  plus  considérés  et  jouissant  de  ia  confiance. 
Il  avait  une  renommée  ancienne  et  un  mérite  supé- 
rieur; il  éleva  des  monuments  de  sa  piété  et  répandit 
des  aumônes.  Ayant  trouvé  un  des  cheveux  du  Pro- 
phète, que  Dieu  le  bénisse  et  le  salue!  il  le  portait 
constamment  sur  lui.  Il  était  très  accueillant,  surtout 
pour  les  gens  de  science. 

La  Mandjakiyeh  eut  pour  professeur  Djamâl  ed-dîn 
ebn  el  Qotb  2",  puis  Charaf  ed-dîn  el  Antâky^^*,  puis 
son  fils  et  ensuite  Qawàm  ed-dîn  ie  Persan  ^^^. 

La  madraseh  la  Maytoûriyeh.  — -  A  i  est  de  la 
montagne  de  la  Sâléhiyeh.  Elle  fut  constituée  en  waqf 
par  Fâtémah  Khâtoûn,  fille  de  Salâr,  Tannée  629 
[Comm.  29  octobre  i23i).  Le  Maytoûr  oriental  fait 
partie  de  son  waqf.  Elle  était  située  entre  le  Qâ- 
boûn  220  et  la  Sâléhiyeh ,  et  fut  détruite.  On  acheta  à 
sa  place  un  endroit  à  la  Sâléhiyeh ,  où  fut  érigée  une 
madraseh  pour  la  remplacer.  Celle-ci  se  trouve  [dans 
la  ruelle]  devant  la  [porte  de  la]  grande-mosquée  el 
Mozafféry,  [du  côté  de  Touest]  à  proximité  de  la  tur- 
beh  la  Sdrémiyeh. 

[Le  Maytoûr^^^,  dit  ebn  Ghaddâd,  était  un  champ 
{mazraah)  appartenant  à  Yahya  ebn  Ahmad  ebn  Ya- 
zîd  ebn  el  Hakam;  il  habitait  Arzoûna^^,  qui  est  le 
Maytoûr  oriental.  Ce  Maytoûr  constitue  le  waqf  de 
ladite  madraseh.] 

Hamîd  ed-dîn  es-Samarqandy,  puis  son  fils  Mohiy 
ed'dîn  [et  ensuite  Mojiiy  ed-dîn  Ahmad]  ebn  *oq* 
bah  2^*  y  donnèrent  des  leçons. 

i 


288  SEPTKMBRE-OCTOBHK  1894. 

La  madraseh  dans  la  maqsourah  hanafite.  —  Le 
waqf  constitué  en  sa  faveur  tire  son  nom  du  qàdy 
Fakhr  ed-dîn^  l'écrivain  des  mamioûks^^*. 

Je  dis  :  «  Peut-être  se  trouve-t-elle  dans  ia  grande- 
mosquée  omayyade.  » 

Jjes  leçons  y  furent  données  par  le  qâdy  Ghéhâb 
ed-dîn ,  fils  du  qâdy  d  el  Hesn. 

La  madraseh  la  Grande  Noôriyeh^^.  —  Aux 
Khawwâsin  ^^^.  Elle  fut  construite  par  el  *âdel  Noûr 
ed-dîn  le  martyr  Mahmoud,  Tannée  563  [Comm. 
1 7  octobre  1 1 67).  Le  vrai  est  qu  elle  le  fut  par  son 
fils  es-Sàleh  Isma^il;  il  transporta  ensuite  à  la  Noû- 
riyeh,  dès  quelle  fut  achevée,  le  corps  de  son  père 
qui  avait  été  enterré  à  la  citadelle.  C'était  une  partie 
de  la  maison  d'Héchâm,  fils  de  ^abd  El  Malek  [fils 
deMarwân]22;. 

Elle  eut  pour  [premier]  professeur  Bahâ  ed-dîn 
[ebn]  el  ^aqqâd^^*  et,  après  lui,  trois  personnes.  Puis 
Djamàl  ed-dîn  el  Hasîry^^^,  le  savant  célèbre,  fut 
investi  de  ces  fonctions  Tannée  611.  En  cette  an- 
née, on  se  mit  à  daller  la  grande -mosquée  omay- 
yade; les  dalles  de  marbre  qui  en  recouvraient  le  sol 
s  étaient  brisées  et  il  était  plein  de  creux. 

El  malek  el  Mo^azzam  prenait  des  leçons  de  lec- 
ture (qor  ânique)  d  el  Hasîry.  Celui-ci  était  originaire 
d  un  village  appelé  Hasîr,  dans  le  pays  de  Nédjâr. 
11  mourut  âgé  de  quatre-vingt-dix  ans.  Il  y  eut  une 
telle  foule  autour  de  son  cercueil  qu  on  le  porta  avec 
les  doigts.  Il  fut  enterré  au  cimetière  (maqâber)  des 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  289 

Soûfys.  Que  Dieu  recouvre  sa  tombe  de  sa  grâce  et 
de  sa  faveur!  Son  fils  Qawâm  ed-dîn^^®  lui  succéda, 
puis  le  frère  de  ce  dernier,  Nézâm  ed-dîn^^^  et  en- 
suite cinq  professeurs  dont  le  dernier  fut  Chams  ed- 
dîn  es-Safady^^^. 

Quand  la  construction  (ijU)  de  cette  madraseh 
fut  achevée,  le  poète  Wqalah^^  composa  ces  vers  : 

Une  madraseh  dans  laquelle  il  sera  donné  des  leçons  de 
toule  chose  et  qui  restera  sous  la  protection  de  la  science  et 
de  la  piété. 

Sa  renommée  s*est  répandue  à  TOrient  et  à  TOccident 
par  Noûr  ed-dîn  Mahmoud ,  fils  de  Ze^ky 


S34 


Mahmoud  le  martyr  naquit  à  Halab  le  jour  de 
dimanche  17  chawwâl  de  Tannée  5ii  (1  i  février 
1118).  Il  était  le  plus  équitable  des  souverains  de 
son  temps,  le  plus  ardent  champion  de  la  guerre 
sainte ,  le  plus  avide  du  bien  et  le  plus  religieux  de 
tous.  Le  [prince  (o^y?^')]  d'Antioche  étant  venu  (lui 
livrer  bataille),  il  le  tua^^^. 

Il  rétablit  la  sonnah^^^  à  Halab  et  changea  Tinno- 
vation  introduite  dans  Tappel  à  la  prière  ;  il  dompta 
les  hérétiques  [er-râfédah)  et  assiégea  Damas  deux 
fois  sans  pouvoir  s'en  emparer.  Puis  il  se  dirigea  une 
troisième  fois  vers  cette  ville  et  s  en  rendit  maître 
par  capitulation  le  jour  de  dimanche  10  safar  de 
Tannée  6^9  (28  avril  1 1 54) ^^''.  11  en  mit  les  affaires 
en  ordre  et  en  fortifia  les  remparts. 

Noûr  ed-dîn  était  brun,  grand,  d'un  bel  aspect,  et 
n'avait  au  visage  d'autres  poils  que  ceux  du  menton. 

IV.  19 

l)ir*l«m*IB    BATIOIIALI. 


100  SËPTEMBRfi-OCTOB&E  1804. 

Il  bâtit  des  madraseh  et  des  mosquées ,  défendit  de 
percevoir  les  inipx)sition8  [maghârem)  qa*on  exigeait 
à  Damas  à  ia  maison  des  pcLStèqaes  et  [à  celle]  des 
moutons ,  ainsi  que  iti ferma  dû  mois  [daman  ech-chahr) 
et  du  mesurage  (*JLi3l),  et  abolit  Tusage  du  vin*  fi 
constitua  en  waqf  Thôpital  [dâr  ech-chéfâ),  bâtît  des 
ponts,  acheva  les  murailles  {(bl.  î8  r°)  de  Médine, 
dégagea  la  source  [qui  est]  à  Ohod^^*  [et  que  les 
torrents  avaient  comblée]  et  légua  en  Wàqf  aux  gens 
de  science  un  grand  nombre  de  livres.  Il  défit  au* 
près  de  Hârem  les  Francs  qui  étaient  ou  nombre  de 
trente  mille  et  purgea  TÉgypte  des  hérétiques  (cr-ro- 
wâfed).  Ce  prince  était  avide  de  se  procurer  des 
livres  et  lisait  beaucoup.  Il  bâtit  à  Mosoul  une  grande- 
mosquée  pour  laquelle  il  dépensa  soixante-dix  mille 
dinars»  Il  se  nourrissait  du  produit  de  son  travail 
manuel.  Il  mourut  d*une  esquinatioie  [el  J^awânUf) 
le  jour  de  mercredi  1 1  chawwâl  569  (1 5  mai  1 1 7&)« 
Au  commencement  de  sa  tnaladie,  les  médecins  lui 
avaient  conseillé  la  saignée ,  mais  il  refusa  et ,  ûûmme 
il  était  très  redouté ^  on  n*in^ista  pas. 

A  la  mort  de  Noùr  ed-dln ,  el  ^émftd  el  kdteb  récita 
ces  vers  i 

0  roi  dont  les  jours  furent  constamment,  à  cause  de  son 
mérite ,  parfaits  et  glorieux  t 

Les  océans  de  la  libéralité  qui  débordaient  et  86  répan-^ 
daient  partout  ont  baissé  depuis  que  ton  doigt  est  devenu 
invisible. 

Ton  royaume  d*ici-bas  que  tu  possédais,  tu  Tas  laissé,  et 
tu  es  parti  pour  entrer  en  possessioti  de  la  vie  future  '^. 


DESCRIPTION  D£  DAMAS.  SOI 

I]  composa  aussi  les  vers  suivants  :         , 

Je  m*ëtonne  de  la  mort.  Comment  est-elle  venue  vers  un 
souverain  au  milieu  de  sa  cour  royde  '**  ? 

Et  comment  la  spbère  céleste  qu!  tourne  a-t-eHe  fait 
halle  sur  la  terre,  puisque  la  terre. est  le  centre  de  la  sphère 
céleste  P 

La  madkaseh  la  Petite  Noôriyeh  [hanaf!tb].  — 
En  face  de  2*1  la  citadelle  de  Damas.  Elle  eut  pour 
fondateur  Noûr  ed-dîn  dont  H  vient  d*étte  parié. 

Bahâ  ed-din  *abbâs  y  donna  des  leçons,  [C*est  le 
seul  que  Ton  connaisse,  dit  ebn  Chaddâd,  depuis  le 
règne  de  Noûr  ed-dîn  jusqu*à  celui  ^d'el  malek  el 
Achraf,  comme  y  ayant  professé;  il  é!ait  khatib  de  la 
grande-mosquée.]  Après  lui,  elle  eut  neuf  profes- 
seurs dont  le  dernier  fut  ^émâd  ed-dîn  et-Tarsoûsy  ^*^. 

La  biadraswb  l  YAOHBfoÛRiYSH*  <• —  A  la  Sâléhiyeh* 
Elle  parait  avoir  été  constituée  en  waqf  par  Djamàl 
ed-dîn  Moûsa  ebn  Yaghmaiir,  el  Yâroûqy^^^^un  de« 
notables  émirs.  Il  fut  investi  de  la  lieutenanoe  (nyâ* 
beh)  de  Mesr,  puis  de  celle  de  Damas« 

Je  DIRAI  :  «  Elle  se  trouve  sur  le  chemin  [selAêh), 
à  louest  de  la  Saléhiyeh,  près  du  kbân  publie  (khiti 
eS'Sabîl)f  du  côté  sud-ouest,  n 

Je  n'ai  pu  découvrir  la  biographie  de  son  fonda« 
teur  ;  mais  ed-Dahaby  dit  dans  les  ^ébar,  sous  i  année 
663  î  «  Djamâl  ed-dîn  ebn  Yaghmoûr,  el  Yâroûqy, 
naquit  dans  le  Sald  Tannée  599.  C'était  un  des  no*^ 
tables  émirs.  H  fut  investi  de  la  lieutenance  de  Mesr 
et  de  celle  de  Damas.  Il  mourut  en  cha'bfln.  » 

19. 


292  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

Voici  Qe  que  rapporte  ebn  Katîr  sous  Tannée  6  4  7  ; 
«  Le  1 G  safar,  Témir  Djamâi  ed-dîn  ebn  Yaghmoûr, 
nâib  de  Damas  au  nom  des-Sâleh  Ayyoûb^**,  fit  son 
entrée  dans  cette  ville.  Il  descendit  à  la  rue  [darb) 
des  cha^ârîn,  en  dedans  de  la  porte  dVi  Djâbyeh  et, 
en  djoumâda  2^,  ce  nâib  ordonna  de  démolir  les 
boutiques  récemment  élevées  au  milieu  de  la  porte 
d'el  barîd;  il  défendit  d'en  laisser  aucune  sauf  celles 
qui  se  trouvaient  des  deux  côtés  de  la  porte,  à  côté 
des  murs  sud  et  nord.  Tout  ce  qui  existait  au  milieu 
fut  démoli.  » 

«El  ^àdel,  dit  Âbou  Ghâmah,  avait  détruit  ces 
boutiques,  puis  on  les  avait  reconstruites.  Ensuite 
ebn  Yaghmoûr  les  démolit.  [11  faut  espérer  qu'elles 
resteront  en  cet  état.]  »  Il  ajoute  :  «  En  cette  année, 
eii-Nâser  se  mit  en  route  d'el  Karak  pour  Halab. 
Aussi  es-Sâleh  Ayyoûb  envoya-t-il  à  son  nâïb  à  Da- 
mas, Djamâi  ed-dîn  Yaghmoûr,  Tordre  de  détruire 
la  maison  d'Osâmah ,  à  laquelle  en-Nâser  avait  donné 
son  nom,  et  son  jardin  (situé)  au  Qâboûn,  et  qui 
était  le  jardin  du  château.  Il  lui  enjoignit  den  couper 
les  arbres  et  de  démolir  le  château.  » 

Cette  madraseh  ÏYdghmoûriyeh  comprend  un  ha- 
ram  avec  deux  fenêtres  donnant  sur  la  rivière  Yazid 
et  ime  porte  qui  s  ouvre  vers  le  nord  et  devant  la- 
quelle sont  trois  arcades  [qanâter).  A  Torient  sont 
deux  petits  iwân.  Dans  la  même  direction  se  trouve 
im  puits  dont  Teau  est  très  utile  aux  habitants  lorsque 
la  rivière  ne  coule  plus,  et  au  nord  de  ces  arcades 
passe  ie  chemin  public.  La  madraseh  avait  été  con- 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  2W 

_  * 

stamment  fermée.  On  dit  que  son  inspecteur  [nâzer) 
Chéhâb  ed-dîn  Ahmad  ebn  Karkar  y  vit  en  ce  temps- 
làun  2*^(?)  (foi.  1 8  v**);  puis  lorsque  notre  chaykh 
ie  grand  savant  Ghams  ed-dîn  Mohainmad  ebn  KdL- 
madân24<5,  le  hanafîte,  habita  ce  quartier  [mahalleh), 
elle  fut  ouverte  et  il  y  donna  les  leçons;  mais,  à  sa 
mort,  elle  fut  cadenassée^*''.  » 


NOTES  DU  CHAPITRE  IV. 

^  Le  copiste  a  écrit  JCaJL^  au  lieu  de  tUxxf. 

^  Cette  inscription  existe  encore.  Voir  ci-devant,  chap.  ni,  n.  5o. 

^  Il  était  hhatib  de  la  citadelle. 

^  **"  Cf.  G.  Flùgel ,  Die  Classen  der  Hanejitiscken  Rechtsgelehrten , 
p.  aSi. 

*  Au  lieu  d'e/  Maytoàriyeh,  B  porte  el  May  tour, 

^  Cette  date ,  fournie  par  ebn  Chaddâd ,  est  évidemment  erronée. 
—  Eh-No'aymy  nous  dit  à  la  ligne  suivante  que,  d'après  ebn  Kalîr, 
en  l'année  6i5,  d  maiek  ei  Mo'azzam  ('ysa)  confia  l'inspection  de 
la  turbeh  la  Badriyek  [située]  vis-à-vis  de  la  madraseh  la  Chebliyeh, 
auprès  du  pont  qui  se  trouve  sur  la  Tawra  et  qu'on  appelle  le  pont 
de  Kohayl,  à  Badr  ed-dîn  Hasan  ebn  ed-Dâyah,  de  qui  la  turbeh 
tire  son  nom. 

®  Il  est  fait  mention  de  Badr  ed-dîn  Hasan  ebn  ed-Dâyah,  sous 
Tannée  670,  dans  les  HisU  or,  des  Crois,,  III,  p.  58  et  699.  Liii  et 
ses  frères  étaient  ainsi  appelés  parce  qu'ils  étaient  les  fils  de  la  noor' 
rice  [dâyah)  de  Noûr  ed-dîn. 

'  Le  copiste  de  N  écrit  c^U  J)  c»^^  !  —  L'auteur  du  Miroir  du 
temps  traitant  des  hommes  illustres,  en  vingt  volumes  environ,  le 
chaykh  Abou'l  Mozaffer  Yoûsef  ebn  Qizoghly,  connu  sous  le  nom  de 
Sebt  ebn  el  Djawzy,  mourut  en  l'année  654  (Comm,  3o  janvier  i356]. 
Cf.  H.  Khal.,  V,  p.  48i.  —  Chams  ed-dîn  Yoûsef  portait  le  nom 
d'ebn  Qizoghly,  c'est-à-dire  i petit-fils  de  la  fille».  On  le  nommait 
aussi  le  Sebt,  parce  qu'il  était  fils  de  la  fille  d' Abou'l  faradj  *abd 
Er-Rahman  ebn  el  Djavirzy,  célèbre  docteur  hanbalîte,  qui  mourut 


S04  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1804. 

à  Baghdàd  Tan  697  (1201),  Voir  BiographicaL  dictionary,  II «  96.  et 
I,  439  [HisU  or.  des  Crois,,  I,  tx).  • —  Es-Sebj  ebn  el  Djsiwiy  jouit 
de  la  faveur  des  princes  Ayyoûbîtes.  Chaque  samedi  au  point  du 
jour  il  donnait  une  séance  de  prédication  auprès  du  pilier  où  se 
tiennent  aujourd'hui  les  prédicateurs,  auprès  de  la  chapdle  sépul- 
crale de  'aly«  fils  d'el  Hosayn ,  fils  de  Zayn  el  *âbédîn.  Les  gens  pas- 
saient la  nuit  du  (vendredi  au)  samedi  dans  la  grande-mosqu^  et 
laissaient  leurs  jardins  pendant  Tété,  afin  d'entendre  sa  conférence 
(mCéid);  puis  ils  se  dépéchaient  de  retourner  à  leurs  jardins,  Q  pro- 
fessa à  la  *ezziyeh  extra  maros  (sic)  que  construisit  Témir  'ezz  ed-dîn 
Aybek  el  Mo'azzamy  et  qui  était  connue  sous  le  nom  de  maison 
d'ebn  Monqed.  Es-Sebt  donna  aussi  des  leçons  à  la  Chebliyeh,  qui 
est  située  à  la  montagne ,  auprès  du  pont  de  Kohayl  «  et  il  fut  chargé 
de  la  Badriyeh,  qui  est  en  ftce,  et  où  il  habitait*  Il  mourut  la  nuit 
du  (lundi  au)  mardi  ai  dou'l  hedjdjeh  de  Tannée  654  (Ma,  9  jan- 
vier 1 257)[N,  f°  142  v^-iia  r"]"  ^  Cf.  G.  Flûgd,  looù  cit.,  p.  324. 

*  §afy  ed-dîii  Yahya  ebn  Faradj  ebn-  'attâb,  hanafîte,  el  Bosrawy, 
connu  sous  le  nom  d'el  asonad  (le  noir),  y  profisssait  encore  en  Tan- 
pée67'4  (N,f  i43v«). 

'  Chams  ed-din  ebn  Djabrîl  fut  enterré  au  mont  Qâsyoùn,  dans 
la  turbeh  du  chaykh  Mowaffeq  ed-<lîn.  U  avait  à  la  Sâléhiyeh  nne 
çhaiire  dans  une  petite  madraseh  connue  tous  le  nom  de  la  Badriyeh 
et  stationnait  sous  les  Heurei  avec  les  témoins,  R  demeurait  à  la 
Ih&nqâh  d'ech-Chanbâsy,  au  quartier  (hàrah)  d'W  halàtak,  où  il 
mourût  (N,  f*i 43  v"). 

w  Qor'ân,  U,  i5i. 

^1  ff  Poilu  i  et  «ach*arîte».  ^"  Aboul  Hasan  'aly  d  Ach'ary,  iefon* 
dateur  de  la  secte  des  Ach*arîtes,  naquit  à  el  Ba^rah  en  270  (883* 
884)  et  mourut  à'  Baghdâd  entre  Tannée  33o  et  34o  (941-952). 
£1  Ach*ary  signifie  descendant  d'Ach'ar,  dont  le  vrai  nom  était  Nabt, 
fils  d'Odad,  fils  de  Zayd,  fils  d'Yach{iob;  il  fut  surnommé  tl  o^^'iir 
(le  poilu)  parce  qu'il  vint  au  monde  le  corps  couvert  de  poils  (Bùh 
grapkieal  dietionary,  II,  227-228).  —  Cf.  G.  flûgd,  loco  eit,,  p.  294. 

^  Je  ne  trouve  rien  dans  la  biographie  d'ebn  Taymiyèh  d  i}ar« 
râny,  connu  sous  le  nom  de  Fakhr  ed-dîn  (Mùgraphical  dictUmaty, 
m,  96-98),  qui  puisse  édaircir  ce  passage.  Ebn  Taymiyèh  mourut 
à  Harrân  en  621  (1224)  ou,  suivant  un  autre  auteur,  en  629.  **-  Le 
père  d'es-Sebt  ebn  el  Cj'awzy  .descendait  aussi  de  la  tribu  de  Taym.  »«- 
Le  récit  de  Taqy  ed-dîn ,  fiU  du  qâdy  de  Chohbeh,  est  ainsi  rapporté 
dans  N,  T  225  v'^-aaô  r°  i  cibrâbîm  ebn  Blo^ammad  ebn  Abi  Bakr 


DESCRIPTION  D£  DAMAS.  105 

ûhn  Ayyoûb,  ie  cbaykh  Borhân  ocl-^«  fils  du  chtyib  Gkiimt  td* 
dîn,  connu  sous  le  nom  d'obn  «/  m«gfjm  (lis«g  :  d  9<tx^m),  avait  des 
réponses  sans  répliqite.  Une  discussion  s'étant  élevée  dans  une  réu- 
nion entre  lui  tt  ebn  Katîr,  cdui-ei  lui  dit  i  tToi,  tu  me  détestes, 

•  parce  qu9  je  suis  a(À*ary,  »  -^  i  Lors  même,  luirépondit*il,  que  tu 

•  serais  couvert  de  poils  depuis  la  tête  jusqu'aux  pieds,  personne 

•  n'ajouterait  foi  à  ton  assertion  que  tu  es  wlCary  (ach*arlte).»  -^ 
Borhân  ed-din  mourut  le  jour  de  vendredi,  commencement  de  sa&r 
de  l'année  767  (V,  17  octolire  i365,  caL  astr.),  dans  son  jardin  à 
el  Mexseh. 

)3  Ce  compagnon  du  Prophète  fût  investi  des  fonctions  de  qâdy  à 
Damas  sous  le  kludifat  de  'otmân  en  Tannée  3i  ou  3a.  B  mourut 
deux  ans  avant  ce  khalife.  Son  tombeau  et  celui  de  son  épouse  0mm 
ed«Dardâ  la  ftttite  (Hodjaymah),  à  bâb  êi'tagkir,  sont  célèbres  à 
Damas  (Ën^Nawawy,  7i3  et  869 )  Oiod  9I  gkàbah,  IV,  189,  et  V, 
18Ô). 

,  1*  Ë4-{^baby  dit  dans  les  'ébar,  sous  Tannée  548  :  •  Abou'l  Hasan 
'aly  ebn  el  Hasan,  le  hanafîte,  le  prédicateur,  Tascète,  professa  à  la 
Sàdériyéh:  puis  la  maison  de  Toûghân  fut  trans&rmée  pour  lui  en 
madraseh.  Il  portait  le  titre  honorifique  de  Borhân  ed-dîn.  fl  avait 
aussi  donné  des  leçons  à  la  mosquée  de  Khâtoûn.  Sa  madraseh 
était  à  Tin  teneur  de  la  Sâdériyeh,  •  Ëd-Pahaby  dit  aussi  dans  V  Abrégé 
de  l'Histoire  d^  l'islamiime ,  sous  la  même  année  548  :  c  Le  chaykh 
des  Hanafites  Borhân  ed-din  'aly  ebnjel  Hasan,  el  Balkhy.  le  prédica- 
teur, professeur  de  la  Sâdériyeh,  a  donné  son  nom  à  la  madraseh 
la  Balkhiyehw  (N,  f« 743  v"-i44  r^).  —  Cf.  G.  Flûgd,  loûo  cit., 

p.  3l2. 

1^  Le  grand  savant  Tâdj  ed<dîn  el  Kendy  Abou'l  yomn  Zayd  ebn 
ei  Hasan  ebn  Zayd  ebn  el  Hasan,  el  Baghdâdy,  le  grammairien,  le 
lexicographe,  le  professeur  de  lecture  qor'âniqne,  chay|th  des  Hana- 
fîtes,  des  lecteurs  (du  Qor'ân)  et  des  grammairiens  de  la  Syrie,  nar 
quit  à  Baghdâd  Tannée  5ao.  El  malek  el  Mo'axzam  travaillait  très 
assidûment  sous  sa  direction  et  descendait  de  la  citad(dle  pour  se 
rendre  auprès  de  lui.  £1  Kendy  mourut  le  jour  de  lundi  6  ehavrwâl 
de  Tannée  61 3  (16  janvier  1317),  ^  ^^S®  ^^  quatre-vingt-treize  ans 
un  mois  et  seise  jours.  Sa  maison  était  située  dans  la  rue  des  Per* 
sans  (darb  el  Wjom).  Il  fut  porté  à  la  Sâiéhiyeh,  où  on  Tenterra 
dans  sa  turbeh,  an  penchant  du  Qâsyoûn  (N,  P  i44  v*"i45  v**),»*** 
Voir  sa  biographie  dans  Biograpkieal  dictionary,  l ,  546. 

On  lit  dans  la  grande-mosquée  omayyade,  au  portique  septoi* 


296  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

trional  «  sur  un  pilier  en  face  de  la  maqsoûrah  d'el  Ghazzy,  l'inscrip- 
tion suivante  (n®  a  12  de  ma  collection)  : 

•  Qor'ân  «  III ,  1 1 1 .  —  Ceci  est  ce  qu'a  constitué  en  waqf  et  immo- 
c  bilisé  le  serviteur  qui  a  besoin  du  pardon  de  son  seigneur,  l'imâm 
c très  docte,  Yargwnent  des  Arabes,  Tâdj  ed-dîn  Abou'l  yomn  Zayd 
i  ebn  el  Hasan ,  el  Kendy,  que  Dieu  l'accueille  et  lui  donne  le  paradis 
i  pour  récompense  !  Il  a  constitué  en  waqf:  (un  quart  et  un  six)ième 

•  de  neuf  parties  sur  vingt-quatre  parties  du  . .  .ndoq  (du  fondoq?) 
c  et  du  bain ,  les  dix  boutiques  connues  sous  le  nom  du  fondateur, 
«près  des  boutiques  construites  par  ebn  Isrâii,  pour  (les  revenus) 
«être  dépensés  en  radjab,  cba*bân  et  ramadan,  dans  les  nuits  des 
c  vendredis,  en  vêtements  et  autres;  et. une  grande  maison  dans  la  me 
c  des  Persans  pour  quatre  professeurs  de  lecture  qor'ânique ,  chargés 
c  de  lire  chaque  nuit,  après  la  prière  (  du  ^échâ*)^  la  moitié  d*un  sep- 
ctième  («06')  du  sublime  Qor'ân.  Quiconque  le  dénaturera  après  f  avoir 
ti entendu  commet  un  crime  (Qor'. ,  II,  177).  Pour  les  lecteurs  est  une 

•  des  chambres  (oW^  ^r^)  ^^  ladite  ruelle.  Et  ce  qui  précède  a  ét^ 
«écrit  le  a""  rabi*  2*^  de  l'année  639  (sic), >  —  M.  Max  van  Bercbem 
a  eu  la  bonté  de  me  communiquer  tout  ce  qui  est  encore  déchiffrable 
de  cette  inscription. 

^*  Espèce  de  brouet  fait  de  froment  pilé. 

"  *"  Au  f"  170  r",  N  écrit  et-Tâch,  Comme  les  madraseh  se  suivent 
dans  l'ordre  alphabétique,  c'est  évidemment  ainsi  qu'il  faut  lire. 
Nous  devrons  également  remplacer  en-N&chiyek  par  el-Tâekiyek ,  et 
Nâch  ed-dîn  ed-Doqâqy  par  Tâch  ed-dîn  ed-Doqâqy.  Il  est  vrai  que 
ce  titre  honorifique  est  entièrement  inusité;  mais  celui  de  Néch  ed- 
dîn  ne  l'est  pas  moins. 

^^  Le  qâdy  'ezz  ed-dîn  Abou  *abd  Allah  Mohammad  ebn  AbH  ka- 
ram  ebn  *abd  Ër-Rahman  ebn  'alawy,  es-Sendjâry,  resta  professeur 
de  la  Nàchiyeh  jusqu'à  ce  qu'il  fut  transféré  à  la  BaVJdyek,  dont  il 
occupa  la  chaire  jusqu'à  sa  mort,  qui  eut  lieu  dans  ce  collège  le 
26  cha'bân  de  Tannée  646;  il  était  âgé  de  soixante-seize  ans  (N, 
P  i44r''et  i45  v"). 

'*  Le  grand  savant  Djçdâl  ed-dîn  Abou'l  mafâkher  Ahmad,  fils  du 
qâdy  en  chef  Heusâm  ed-dîn  el  Hasan  ebn  Ahmad  ebn  el  Hasan 
ebn  Anoûcherwân,  er-Râzy,  puis  ed-Démachqy,  hanafîte,  fut  investi 
de  la  charge  de  qâdy  à  Damas,  à  la  place  de  son  père,  le  10  sa&r 
697,  et,  ayant  laissé  la  madraseh  d'e/  Qa|sd*m  et  la  Chehliyek,  il 
donna  des  leçons  aux  deux  madraseh  de  son  père,  la  Khàtoàniyek 
intra  muros  et  la  Moqaddamiyeh,  Son  père  étant  retourné  de  Mesr  à 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  297 

Damas,  il  fut  destitué  de  sa  place  de  qâdy  des  Hanafîtes  dans  la 
première  décade  de  dou'l  hedjdjeh  de  Tann^  698.  DjalÂl  ed-dîn 
mourut  à  Damas  en  radjab  de  l'année  746,  à  l'âge  de  quatre-vingt- 
treize  ans  et  demi.  Il  fut  enterré  dans  sa  madraseh  qu'il  avait  con- 
struite à  Damas  et  qui  portait  le  nom  de  la  Djalàliyeh;  c'était  sa 
demeure  (N,  P  i54  v"  et  i55  r"). 

^'  wbuJI  l^t^  3*  I^e  mot  wU«*  est.  rendu  comme  ici  dans  Qua- 
tremère,  Mandoûks,  3*  p.,  p.  8. 

.»  En  rab^  1".  El  *alam  Sandjar  el  Hélâly  et  son  fils  Ghams  ed- 
dîn  Mohammad  evSâyegh  (le  bijoutier)  Airent  soumis  à  une  très  forte 
amende  (N,f  làQ  f). 

*^  Le  Marâsed  dit  que  le  mot  el  ablaq  signifie  c blanc  et  rouge»; 
d'après  le  Qâmoûs,  cette  expression  a  le  sens  de  i blanc  et  noir». 
En-No*aymy  remplace  dans  ce  passage  el  ablcuf  par  c(en  pierres) 
blanches  et  noires». 

^  Le  sultan  Hasan  avait  ordonné  d'y  établir  une  école  pour  les 
orphelins,  mais  son  ordre  ne  put  recevoir  son  accomplissement,  car 
il  fut  tué  en  djoumâda  1"  de  Tannée  762  (N,  f*  i46  r"). 

^  La  nuit  du  [lundi  au)  mardi  27  cha'bân.  Djaqmaq,  qui  avait 
été  nommé  le  3  cbawwâl  de  l'année  622  nâïb  de  Damas,  s'étant  ré- 
volté au  commencement  de  l'année  824,  s'empara  de  la  citadelle; 
mais  il  en  fut  chassé  par  el  Qoûcby.  Las  du  siège  qu'il  soutenait  à 
Sarkhad  (01^  il  s'était  réfugié),  il  sollicita  Vamân  du  sultan.  Quand 
le  sultan  revint  de  Halab  le  jour  de  samedi  1 3  cba'bân  de  l'année 
824  (Usez  23,  correspondant  au  S,  23  août  i42i)  et  qu'il  fut  des- 
cendu à  la  citaddle ,  il  manda  Djaqmaq ,  qui  se  présenta  et  baisa 
la  terre  devant  le  sultan  el  malek  el  Mozaffar,  fils  d'el  Mou*ayyad , 
et  devant  le  grand-émir  Tatar.  Le  sultan  le  fit  emprisonner  dans  la 
salle  de  la  citadelle  et  exigea  de  lui  les  sommes  qu'il  avait  prises. 
Puis,  dans  la  nuit  du  (samedi  au)  dimanche,  on  lui  appliqua, 
dit-on ,  la  torture  et  on  lui  arracha  des  aveux  au  sujet  de  l'argent. 
Le  lundi  26  du  mois,  il  fut  envoyé  à  la  prison  d'el  djanâlah  et 
chargé  de  fers.  Djaqmaq  fut  mis  à  mort  dans  la  nuit  du  (mardi 
au  )  mercredi ,  après  avoir  subi  la  torture  et  avoir  fait  des  aveux  re- 
lativement à  ce  qu'il  {y>ssédait  en  dépôts  et  trésors  cachés;  il  resta 
jeté  dans  la  citadelle  juscp'au  soir  du  mercredi.  On  le  transporta 
alors  à  sa  turbeh,  où  il  fut  enterré.  Tanbak  Mîq  lui  succéda  dans 
sa  charge  (N,  fol.  i46  v"-i47  r^).  —  Il  ne  faut  pas  confondre  cet 
émir  avec. son  homonyme  Sayfed-dîn  Djaqmaq  qui  régna  de  842 
à  847  (i438-i453).  —  La  madraseh  la  Djatfnuujiyeh  porte  une  in- 


298  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

•cription  (n*  743  de  ma  cdleotion).  On  voit  par  ce  qui  précède  que 
ML  date  ne  peut  être  que  8a3,  attendu  que  I>jaqmaq  n'entra  à  Da* 
mai,  en  qualité  de  nâXb,  qu'en  dou'i  qa*deh  89 a.  —•  Il  se  mit  à 
conslruire  ie  (marché)  des  marchands  d'oiseaux  (et'toyoàryin)  et  le 
nastfàr?  (Fatifàr)  et  à  construire  la  turbeh  qui  est  à  la  porte  dia 
Nâtêfjtn  {sic)  (N^f^aOi^). 

^  Le  sayyed  'émâd  ed-din  Abou  Bakr,  fils  du  sayyed  'alA  ed^din 
Abou'l  Hasan,  fils  du  sayyed  Borhân  ed-dîn  Aboa  Ithêq  Dulliim, 
fils  du  sayyed  le  «W(/'*adnân,  fils  du  sayyed  Amîn  ed<<din  Ofa*far, 
fila  du  grand  sayyed  Mohiy  ed-din  Mobammad  ebn  'adnAn,  4  {{o- 
sayny,  naquit  en  radjah  de  l'année  776.  Il  remplit,  pendant  que  son 
frèra  en  était  le  titulaire,  lei  fonctions  de  suppléant  (n^AM)  de  la 
Chanceiierie  secrète  à  Damas.  Puis  il  fut  investi  de  la  iesèoA  en 
radjah  de  l'année  826.  Destitué  ensuite  en  rahf  a^  de  l'année  837, 
il  demeura  sans  emploi ,  mais  en  possession  de  la  charge  de  supé* 
rieur  de  la  Djaifauufiy0k  et  de  professeur  de  la  RaytàMtyek»  de  la 
'adrâwiyeh  et  de  la  Moifaddamiyek  A  la  mort  de  son  frère,  il  fîit 
nommé  kàteb  êê^terr,  B  mourut  seixe  jours  après  son  frère,  le  jour 
de  vendredi  i3  radjah  de  l'année  833  (V,  7  avril  i43o)  et  fût  en- 
terré au  cimetière  des  Soûfys  (N,  P  147  r*). 

»  Qor'ân,  XU,  90. 

^  Il  s'agit  sans  doute  de  Ghaqif  Amoûn,  t  citadelle  trèa  forte 
dans  le  creux  de  la  montagne,  près  de  Bânyâs  et  sur  le  territoire 
de  Damu ,  entre  cette  ville  et  le  Littoral  •.  MarAied.  -—  £n«No*aymy 
ajoute  Tehnin  et  Hoûnln.  —  Le  Bélâd  teh^Ckàqif  (écrit  esh-âiukif) 
est  indiqué  sur  la  carte  de  Van  de  Velde,  section  3)  il  eat  oomprîa 
dana  la  province  de  Saydâ. 

"  Le  jurisconsulte  Taqy  ed-dîn  Ahou'l  fiith  Mohammed*  fili  du 
q&dy  'alâ  ed-dîn  'ahd  Ël-Latif .  fils  du  chay^h  Sadr  ed-din  Yabya  ebn 
'aly  ebn  Tammàm  ebn  Yoûsef  ebn  Moàsa  ebn  Tammàm  ebh  Tenlm 
ebn  |Iâmed ,  el  Ansâry,  es-Sobky,  naquit  à  d  Mahallah  le  17  rati*  a' 
de  Tannée  704  ou ,  a  dit  quelqu'un  •  de  Tannée  70&.  Il  vint  plua  tard  à 
Damas  et  professa  à  la  Châmij^  intra  nauroi,  à  la  Roi^ni^  àAS^ 
'ite  et  à  la  Djarkasiyeh.  H  mourut  la  nuit  du  (vendredi  au)  samedi 
18  donl  qa'deh  de  Tannée  744  (V,  s  avril  i344)  et  fût  enterré 
dans  la  turiieh  de  la  famille,  au  penchant  du  Qâsyoun  (N,f'73ft> 

M  Biographioal  dietionaiy,  I,  347* 

*  Cf.  Kfiétat .  II,  87.  —  Maqriiy  appdle  cet  émir  Djahâriias  ebn 
abd  AHab,  F4br  ed-din  Ahou'l  Biansoûr.  •—  «L'émir  f%\j^  éd. 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  900 

dîo  Djahârkts  était  commandant  des  (mamloûks)  Nâsérys  (do 
Saladin);  il  ejcerça  Tautoritë  en  Egypte  pendant  le  règne  d*d  nudek 
•l 'axîx  'otmân ,  fils  de  Sdâ^  ed-din  Yoùsef .  fils  d'Ayyoûb ,  Jusqu'à  la 
mort  d'd'afîz  (en  69 S).  L'émir  Fakhr  ed-dîn  Djahârkas,  indinant 
à  investir  du  gouvernement  ie  fils  d'el  malek  d  *asîi ,  se  consulta  à 
ce  sujet  avec  l'émir  Sayf  ednlui  Yâikoûdj  d  Asady,  qui  était  dors 
commandant  des  (mamloûks)  Asadys  (d'Asad  ed-din  Chîrkoùh).  El 
'axiz  avait  laissé  par  son  testament  le  trône  à  son  fils  Mohammad, 
en  désignant  dans  ses  dernières  volontés  l'émir  l'eunuque  Bahâ  ed^» 
dîn  Qaraqoùch  comme  administrateur  du  royaume.  Yâzkoûdj  con« 
sdlla  de  confier  l'administration  des  affaires  da  fils  d'd  'azts  S  d 
mdek  d  A£jd  *dy,  fils  de  Sdâh  ed^,  projet  que  désapprouvait 
Djahàrkas,  Puis  ils  placèrent  sur  le  trône  le  fils  d'd  Wx ,  âgé  de 
neuf  ans,  et  lui  donnèrent  le  titre  honorifique  d'd  malek  d  Man* 
goûr;  ils  instdlèrent  Qaraqoùch  en  qualité  d*iUâbek.  Mais  dans  leur 
for  intérieur  ils  étaient  en  désaccord  et  ils  ne  cessèrent  de  travai^te 
à  annider  la  nomination  de  Qaraqoùch,  jusqu'à  ce  qu'ils  convinrent 
unanimement  d'écrire  au  susdit  el  Afdd  de  venir  à  Me^r  exercer 
les  fonctions  d*atàhek  d'd  Mansoûr  pendant  une  durée  de  s^t  ans, 
afin  que  le  jeune  prince  se  familiarisât  avec  l'exercice  de  la  royauté, 
à  la  condition  qu'il  ne  déploierait  pas  sur  sa  tête  l'étendard  royd 
et  que  son  nom  ne  serait  mentionné  ni  dans  la  kkplheh,  ni  sur  la 
monnaie.  Lorsque  le  messager,  porteur  des  lettres  des  émirs ,  se  fut 
mis  en  rouie  pour  dler  trouver  d  Afdal ,  Djahàrkas  en  expédia  un 
autre  secrètement,  en  son  nom  et  en  cdui  des  (mamloûks)  Salâhys 
(de  Saladin),  avec  leurs  leltxsps,  à  d  mdek  d  *âdel  Ahou  Bakr,  fils 
d'Ayyoûb.  Il  écrivit  en  même  temps  à  l'émir  Maymoùn  d  Qasry, 
seigneur  de  Naplouse,  pour  lui  défendre  d'obéir  à  d  mdek  d  Af|jd 
et  de  lui  prêter  serment.  Le  hasard  voulut  qu'en  sortant  de  Sarkhad 
d  Afdd  rencontrât  le  messager  de  Fakhr  ed-dîn  Djahàrkas.  Il  lui 
prit  les  lettres.  •  Retourne ,  lui  dit-il ,  l'aflEaire  est  terminée.  ■  Et  il 
continua  sa  route  pour  le  Caire,  accompagné  du  messager.  Quand 
les  émirs  sortirent  du  Caire  pour  dler  à  sa  rencontre  à  Bdhays , 
Fakhr  ed-dîn  fit  préparer  un  festin  pour  lequd  il  réunit  un  nombre 
excessif  d'invités,  afin  qu'd  Afdal  descendît  chez  lui.  Mais  le  prince 
descendit  chei  son  frère  d  Mdek  el  Mo'ayyad  Nadjm  ed-dîn  Mas'oùd. 
Djahàrkas,  très  péniblement  affecté,  vint  lui  présenter  ses  hom- 
mages. Le  repas  chez  son  frère  terminé,  d  A£id  se  rendit  à  la 
tente  de  Djahàrkas  et  s'assit  pour  manger.  Djahàrkas  aperçut  dors 
parmi  les  serviteurs  d'el  Afdal  son  messager  qu'il  avait  envoyé.  H 


300  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

demeura  stupéfait,  ne  doutant  point  que  mal  allait  lui  advenir.  R 
demanda  sur-le-champ  à  el  Afdal  la  permission  de  se  rendre  au- 
près des  Arabes  Bédouins ,  qui  étaient  en  désaccord  dans  le  territoire 
de  Mesr,  afin  de  rétablir  la  paix  entre  eux.  Cette  permission  lui 
ayant  été  donnée,  il  se  leva  aussitôt  et  alla  conférer  avec  Témir 
Zayn  ed-dîn  Qarâdja  et  l'émir  Qara  Sonqor,  auxquds  il  fit  aj^rouver 
le  projet  de  se  séparer  d'd  Afdal.  Tous  deux  partirent  avec  lui  pour 
Jérusidem,  dont  ils  se  rendirent  maîtres.  L'émir  *ezz  ed-din  Osa- 
mah  et  l'émir  Maymoûn  el  Qasry  embrassèrent  leur  parti.  Ce  der- 
nier vint  à  eux  à  la  tête  de  sept  cents  cavaliers.  Quand  ils  furent 
tous  d'accord ,  ils  écrivirent  k  d  malek  d  'âdd ,  Tinvitant  à  prendre 
les  fonctions  d'atâbek  d'el  malek  d  Man^oûr  Mohammad,  fils  d'd 
Wz ,  à  Mesr.  Pour  ce  qui  est  d'd  Afdal ,  dès  qu'il  fut  entré  de 
Bdbays  au  Caire,  il  s'occupa  d'administrer  le  gouvernement  et 
les  affaires  du  royaume  de  manière  à  ne  laisser  seulement  à  el 
Mansoûr  que  le  nom  de  souverain.  R  entreprit  de  se  saisir  des 
(mamloûks)  Salâhys,  partisans  de  Djahârkas,  qui  s'enfuirent  au- 
près de  ce  dernier  à  Jérusalem.  R  fit  arrêter  ceux  quHl  put  et  pilla 
leurs  biens.  Lorsque  l'arrivée  d'd  malek  el  'âdd  Abou  Bakr,  fils 
d'Ayyoùb,  eut  mis  fin  (en  696)  au  règne  d'el  Afdal  à  Mesr,  Dja* 
hârkas  s'empara  de  Bânyâs  par  l'ordre  d'd  *âdel.  Puis  il  s'doigna  de 
lui  et  eut  différentes  aventures  jusqu'à  ce  quû  mourut.  Sa  mort  et 
celles  de  l'émir  Qarâdja  et  de  l'émir  Osâmah  marquèrent  l'extinction 
des  (mamloûks)  Salâhys •  (Khétat,  II,  88-89]. 

^  D'après  de  Sacy,  *abd  El-Latif,  p.  3o3,  443 ,  et  Lane,  Modem 
E^ptieuis,  I,  p.  33,  le  rab"  est  une  grande  maison  ou  hôtd,  ca- 
pable de  loger  dix  ou  quinze  familles  et  construite  sur  des  bou- 
tiques ou  des  magasins. 

'*  En  radjah ,  suivant  ed-Çahaby. 

^  Elle  porte  l'inscription  suivante  (n"  4i3  de  ma  collection): 
«Au  nom  de  Dieu,  etc.  Cette  turbeh  est  cdle  de  celui  qui  a  besoin 
«  de  son  grand  Maître  **,  Abou  1  Mansoûr  Estâr  (quatre) ,  l'orgueil  des 
«émirs,  le  soutien  du  trône  de  Saladin,  Djahârkas,  fils  de  *abd 
«  Allah ,  en  Nâséi7,  Fakhr  ed-dîn.  Il  mourut  à  la  miséricorde  de  Dieu , 
«qu'il  soit  exalté!  dans  le  courant  de  l'année  608. •  —  M.  Max  van 
Berchem  a  relevé  sur  cette  turbeh  plusieurs  inscriptions  dont  Tune 

'  Pent-ètre  faut-il  admettre  avant  y^^\  romission  du  mot  vt^^l .  On 
traduirait  alors  :  «de  celai  qui  a  besoin  de  son  Maitre  (Dieu),  le  mnd- 
émir»,  etc. 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  3Q1 

porte  que  €\e  gVAnà-efsahsalàr  Ëstâr  Djahârkas  mourut  le  30  ràdjab 
de  Tannée  608  •. 

^  Il  faut  évidemment  lire  9  (609),  quoique  le  copiste  ait  écrit 
f  S3pt».  Ce  passage  ne  se  trouve  pas  dans  Tédition  d*ebn  KhallikAii 
de  M.  de  Slane. 

^  Khodoba  ebn  Mo  Asa,  l'émir  Sârem  eddîn  el  Fkrésy,  et-Tobaty 
(le  Thibétain?),  el  Mawsély,  el  Kâmély,  fut  nommé  gqpverneur  du 
Caire  Vannée  672 ,  sons  le  règne  du  sultan  Salâh  ed-dîn  Yoûsef ,  fils 
d'Ayyoûb.  On  joignit  ensuite  à  ces  fonctions  le  gouvernement  du 
Fayyoûm  en  Tannée  677.  Puis  il  en  fut  rdevé  et  son  motasaUem 
(sous -gouverneur)  partit  pour  TYaman  afin  de  se  &ire  remettre 
celte  province;  ce  qui  eut  lieu  en  djoumâda  1*'.  Lui-même  se  mit 
en  route  le  6  chawwâl  de  la  même  année  comme  gouverneur  (u>âly) 
de  la  ville  de  Zabid  dans  TYaman.  Il  avait  avec  lui  cinq  cents 
hommes  et  son  camarade  Témir  Bâkhel.  Après  être  resté  qaelque 
temps  dans  TYaman,  il  retourna  au  Caire  et  devint  un  des  com- 
pagnons de  Témir  Fakhr  ed-din  Djahârkas  (  Khétat ,  II,  130].  Cf« 
Rawdatayn,  2*  p.,  36,  et  ebn  Kbaldoûn .  texte  imprimé,  V,  296. 

^  En-No'aymy  emploie  Texpression  équivalente  :  «  la  demie  et  le 
tiers». 

^  «  Village  dépendant  de  Damas.  »  Marâsed, 

^^  «Zobdân  est,  a  dit  quelquun,  un  endroit  entre.  Damas  et 
Balbakk.  Je  pense,  dit  (l'auteur  du  Mo'djam) ,  que  c'est  le  suivant  : 
Ez-Zabadâny  (avec  un  tachdid  sur  le  yâ,  indiquant  la  relation), 
arrondissement  [koûrak)  connu  entre  Damas  el  Ba'lbakk.  C'est  là 
que  prend  sa  source  la  rivière  de  Damas.  •  Marâsed, 

^  So^  signifie  «pavé,  dsdle»  et  aussi  «palais».  Cf.  Quatremère, 
Maniloàks,  II,  277,  n.  3« 

^^  La  nuit  du  (lundi  au)  mardi  9  chawwâl,  à  l'âge  de  plus  de 
quatre-vingts  ans  (N,  f*  1^9  r"). 

^^  Suivant  ebn  Katir,  la  madraseh  la  Djawkariyeh  de  Damas  fut 
ouverte  le  jour  de  dimanche  7  ramadan  d^  Tannée  680.  Voir  N , 
f°  1^9  r°.  —  Le  ramadan  aurait  commencé  le  L,  i5  déc.  1381. 

^^  oJLs  est  de  trop,  car  ce  qui  suit  se  trouve  dans  N. 

^  Sur  le  mot  JU0JL3,  pi.  ••«>U?,  cf.  Quatremère,  Mamloûks,  I, 
i53.  —  N  porte  »wJ^ iUoJu;^ ,  ce  qui  indiquerait  que  le  singulier 
s'emploie  avec  le  sens  du  pluriel. 

^  La  cherté  de  la  viande  fut  telle  que  le  rati  se  vendait  à  Damas 
6  derhams(N,f"i5o  r*»). 

**  Il  conserva  cette  charge  jusqu'en  867. 


30)  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1804. 

^  U^  djottmâda  s'  At  Ytnûit  867  (N.f*  i5o  1^). 
*•  ^î^3lî;N  écrit  osi;ir^î. 

*'  Tout  ce  qai  sait,  jusqu'à  la  fin  de  là  notice,  n*exi»te  pas 
dans  N. 

^  Cf.  sar  le  mot  (^yJ^^  Qaatremère,  Mamloâks,  H,  367. 

**  Daprëft  ebn  Katîr  (N,  f*  i5o  v*),  la  Kliàtoûniyek  extra  mnrûs 
est  nitoée  sur  le  QauawÂt,  an  quartier  de  SaQ*â  de  TYaman  {lire  de 
la  Syrie)  et  cet  endroit  où  elle  se  trouve  s'appdle  «la  colHne  des 
renards  t  (  tell  et-ia*àleh  ). 

H  En  Tannée  616 ,  suivant  ebn  Ghaddâd. 

■*  B  faut  lire  Boûry.  Tous  les  historiens  ont  donné  à  TftdJ  et 
moloûk  le  nom  de  Boûry.  Cf.  pour  sa  biographie,  Biographieid  dîe- 
ti^haryg  I^  173-375.  —  Il  ny  a  point  ici  cej^ttdant  erreur  de 
copiste  l 'alid  El  Bftset  a  àA  lui-même  lire  T^^*^  ^^^^  '^  manoscrit 
qa*tt  avait  sous  les  yeux  ;  la  preuve  en  est  dans  Tétymdogie  qii*ll 
nous  donne4 

*>  Le  mannscrit  porte  ^^^p;  le  Maràsed  écrit  \^  et  dit  !  t  par 
ntïfaihah  et  un  alef  bref,  -^  une  des  rivières  (anhàr)  de  ]>sinas.  Il 
en  a  été  question  sous  (^ùC^  (I*  P*  i4  1)  ».  —  On  lit  dans  ebn  Ba- 
toûtah,  I,  3  34:  cG*est  k  er-Rabooah  que  se  trouvent  les  sources 
qui  arrosent  les  jardins  de  Damas.  Elles  se  partagent  en  sept  ca- 
nani  (  anhâr) ,  dont  chacan  se  dirige  d^un  c6té  difi^nt.  Cet  endroit 
s'appelle  le  liéU  des  dhisiûns.  Le  plus  grand  de  ces  canaux  est  celui 
qui  s'appelle  Toûrah  [sic).  Il  coule  au-dessous  de  la  colline  [et-rab- 
ouah)^  et  on  lui  a  creusé  dans  la  pierre  un  lit  qui  ressemble  à 
une  grande  caverne.  » 

^  Badr  ed-din  dit  dans  son  livre  intitulé  i  el  J^awâkeh  ed-darrîyek 
fts'Strat  en-Noûnjeh,  qu'en  l'année  533,'émftd  ed-dîn  Zenky  s'em- 
para de  la  viile  de  Hems  et  épousa  2omorrod  KhIitoAn ,  m^  de 
Chams  el  moloûk  Ismall  (N,  f*  i5o  v*). 

"  N  (P  i5o  V")  porle  neuf  ans. 

^  Aussi  appelé  Baqf  elgharqad.  Cf.  Maràsed,  I,  16Ô. 

>7  N  le  nomme  (f*  i5i  r*)  Aboul  Hasan  'aîy  d  Balkhy. 

'*  «  Kliodjandah ,  ville  célèbre  du  Ma\vara'n-nahr,  sur  le  bord  du 
SayhoAn,  à  dix  journées  de  Safliarqand.  Cest  une  rille  très  agréaUe 
et  saine.  Au  centre  coule  une  rivîèi^,  et  die  est  attenante  à  la 
montagne.  Elle  est  plus  longue  que  large*  Elle  s'étend  à  flLnê  d'une 
parasange  et  est  toute  composée  de  maisons  et  de  jardins.  1  Jfa- 
râied. 


DESCRIPTION  DE  9AMAS.  305 

»»  El  aslayn. 

^  Cf.  Flûgd,  loeo  du,  p.  176.  *-^  Cinq  jours  «vaut  U  fia  da 
mois,  âu  dire  d*eba  Kattr  (N,  P  tSt  r^]* 

*^  Chams  ed-din  ebn  es-S«fy,  el  Harîry»  le  qÀdy  Chams  ed-din 
Mohammad  eba  'otmâa  ebn  A.bfl  I}aftan  ebn  'abd  El  Wahhàb, 
el  Ansâry,  connu  ëOu9  le  nom  d*ebn  di  Hariry,  naquit  à  Damas  le 
10  safar  de  Tannée  653.  Il  commenta  XHédAyelu  II  fut  nommé 
professeur  de  la  madrasah  la  KkâloûMyth  eœtta  mnrot  en  Tannée  698 
et  investi  des  fonctions  de  qâdj  à  Damas  le  Jour  de  lundi  a  du  mois 
de  ramadan  de  Tannée  699  (ce  qui  fait  commencer  le  ramadan 
le  D,  33  mai  i3oo).  En  08i,  il  airait  donné  les  leçons  à  la  For- 
rûkhchâkijreh.  En  Tannée  700  «  il  occupa  la  cbalre  de  la  Zékàiyek 
de  Damas  en  remplacement  du  qàdy  Chams  ed-din  el  Malaty.  En 
dou'l  qa'deh  de  Tannée  700,  il  fut  destitué  par  le  qâdy  Djalâi 
ed-din.  Cette  destitution  étant  imparfaite  attendu  qu'elle  n'émanait 
pas  du  sultan,  mais  seulement  du  vizir  et  du  nûxl,  les  Jugenumts 
c!e  DjatM  ed-din  à  cet  égard  ne  sortirent  pas  à  effet  Puis  le  jour 
de  mardi  5  djoumâda  s*  de  Tannée  701  ',  il  fut  rétabli  dans  les 
fonctions  de  qâdy  en  vertu  de  Tlnvestituie  du  sultan.  Il  professa 
aussi  à  la  Rachidijek  et  à  la  Sâdètiyth,  Le  courrier  de  la  poste  étant 
arrive  porteur  d*un  ordre  qui  le  mandait  au  Caire  comme  Juge, 
Chams  ed'dtn  se  mit  en  route  le  Jour  de  lundi  90  rabf  1*'  de 
l'année  710  (17  août  i3io).  Il  mourut  à  Me^r  le  jour  de  samedi 
3  djoumâda  a'deTannée  7^8  (lO  avril  i328,Cal.astr.)[N,  ri7o 
r*-v*]. 

îl  est  cité  comme  Commentateur  de  VHédàyeh  dans  H.  Khai. ,  VI, 
487. 

^  Le  qâdy  en  chef  Sadr  ed-dtn  Aboul  Hasan  'aly,  fils  du  chaykb 
Safy  ed-din  Âboul  Qàsem,  haaafite,  el  Bo^râwy,  vint  du  Caire  à 
Damas  le  jour  de  vendredi  39  dou*l  hedjdjeh  de  Tannée  706  (2tre  ^7^=» 
V,  3o  Jidn  i3o7)i  investi  des  fonctions  de  qâdy  des  Hanafltes, 
outre  les  chaires  (!e  la  NoûAyeh  el  de  la  Moqaddamyeh,  dont  il  était 
litalaire.  Il  rendit  la  justice  à  la  Noûrijeh;  son  di[dôme  fut  lu  dans 
la  maqsoûrah  la  Kendiyehi  à  Taogle  oriental  delà  mosquée-cathé- 
drale des  Omayyades.  Il  mourut  en  cha*bân  de  Tannée  727,  âgé  de 
quatre-vingt-cinq  ans  [N,  f*  i5i  i^-v"). 

^  Le  jour  de  mercredi  1 0  djoumâda  3*  de  Tannée  7 1 5  (Me ,  17  sep* 

'  D après  mes  oalcnls.  le  mardi  a  corresponda  att  6  djoumâda  a'  701  s» 
6  février  i5oà. 


304  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

tembre  1 3 1 5  ) ,  la  leçon  fut  donnée  à  la  Kliâtoûniyeh  extra  maros,  en 
remplacement  du  qâdy  el  Bosrawy,  par  le  charif  Chams  ed-dîo ,  qui 
avait  été  qâdy  et  Ujalib  de  Malatyab  pendant  vingt  ans  (N  «fiôi  r"). 

^^  En  djoumâda  2*^  de  l'année  719,  le  qâdy  Badr  ed-dîn  Âbou 
Nowayrah  {sic)^  âgé  de  vingt-cinq  ans,  remplaça  dans  la  chaire 
de  la  Kliâioûniyeh  extra  muros  le  qâdy  Chams  ed-dîn  Mohammad , 
qâdy  de  Malatyah,  qui  était  mort  (N,  f  i5i  v"). 

^*  «  En  ramadan  de  Tannée  8 1 6 ,  dit  d  Asady,  et  le  jour  de  ven- 
dredi a  8  du  mois  (V,  a  3  décembre  i4i3),  me  parvint  la  nouvelle 
de  la  mort  au  Caire  du  qâdy  en  chef  Sadr  ed-dîn  ebn  el  Adamy.  Il 
possédait  à  Damas  de  nombreuses  charges ,  entre  autres  la  chaire 
de  la  Khâtoâniyeh  extra  mnros,  les  Qassâ^in,  la  Chehlijek  et  la  biblio- 
thèque Achrafiyeh  dans  la  grande-mosquée •  (N,  f  i5i  v"). 

Ën-No'aymy  ajoute  comme  utilité:  «  Ebn  Ka^  dit  sous  l'année  SgS  : 
f  En  cette  année  mourut  la  dame  Kbâtoûn  «  mère  d*d  malek  el 
c'âdel;  elle  fut  enterrée  dans  sa  maison  de  Damas,  voisine  de  cdle 
<  d*Asad  ed  dîn  Chîrkoûh.  »  —  Et  «  en  cette  année ,  en  dou'l  hedj- 
«  djeh ,  la  Kbâtoûn ,  mère  d'd  malek  el  'âdel  Sayf  ed-dîn  Abou  Bakr, 
«fils  d'Ayyoûb,  mourut  à  Damas,  en  sa  maison  connue  sous  le 
«  nom  de  maison  d'el  'aqîqy  •.  Il  s*exprime  comme  si  elle  était  la 
mère  de  Sett  ech-Châm  ou  la  femme  de  son  père.  J'ignore  où  est 
actudlement  sa  turbeh ,  car  la  maison  d'd  'aqîqy  est  de  nos  jours 
la  madraseh  la  Zàhériyeh ,  à  Test  de  laqudle  se  trouve  la  maison 
d'ebn  el  Bârézy  ;  bien  plus ,  j'ai  vu  dans  un  auteur  que  XAsadiyek 
est  située  vis-à-vis  de  la  *aziziyeh ,  à  l'est  de  la  mainon  d'el  *aqîqy  ; 
et  elle  est  actuellement  la  maison  susmentionnée.  Qu*on  note  cela  • 
(N,f  i5i  v"). 

Il  existait  à  la  Sâléhiyeh  une  autre  Khâtoâniyeh  dont  'abd  El 
Bâset  ne  paraît  pas  ûdre  mention.  En  effet,  parmi  les  inscriptions 
copiées  pour  M.  Waddington ,  j*en  trouve  une  (n°  387  de  ma  col- 
lection) rdevée  sur  la  porte  de  la  madraseh  la  Khâtoâniyeh  contigué 
à  la  maison  [d!enseignem£nt)  de  la  tradition.  Elle  est  ainsi  conçue: 

«  Au  nom  de  Dieu ,  etc.  Ceci  est  ce  qu'a  constitué  en  waqf  l'il- 
«  lustre  dame  'esmat  ed-din  Khad. .  •  Kbâtoûn,  fille  du  sultan  d 
«  malek  d  Mo'azzam  Charaf  ed-dîn  'ysa ,  fils  du  sultan  el  malek  d 
«  'âdel  Sayf  ed-dîn  Abou  Bakr,  fils  d'Ayyoûb ,  savoir  :  une  portion 
«  (  hessah)  du  bain  de  la  coupe  [hcunmâm  el  ka's)  :  cinq  parties,  dçux 
«  tiers  de  partie  et  un  cinquième  de  septième  de  partie  ;  —  du  moulin 
«d'et-Tarab,  le  cinquième;  —  une  maison  à  la  montagne  de  la 
•  Sâléhiyeh;  —  une  portion  au  Qasr  (château  de)  Taqy  ed-din: 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  305 

«sept  parties,  une  deinie  et  un  quart  de  partie,  un  huitième  de 
«partie  et  un  tiers  de  dixième  de  partie;  —  une  portion  au  village 
«d*et-Tazah  :  deux  tiers  de  partie  et  un  tiers  de  septième  de  partie; 
« —  une  portion  au  Uiân  de  *âtékah  :  huit  parties  et  demie;  —  une 
«portion  à  Djeubbeh  'assài  (qui  Mt  partie)  de  Qasr  Ma%ûlâ;  trois 
«parties;  —  d'd  Djeuhbeh,  une  partie  et  demie;  —  de  la  Qarhâ- 
«niyeh,  sept  parties;  —  et  le  jardin  de  la  Mârédâniyeh  en  entier. 
«  Et  cda  dans  le  mois  de  4<ni('l  hedjdjeh)  de  l'année  65o.  Que  Dieu 
«  fasse  miséricorde  à  la  iondatrice  de  ce  lieu  !  »  —  Rectifiée  d*après 
le  texte  de  M.  Max  van  Berchem. 

Toutes  ces  parties  (sahm)  s'entendent,  comme  on  le  sait,  de 
vingt-quatrièmes. 

^  Sur  la  lecture  «Anar»,  cf.  Biograpkicàl  dictionary,  I,  673, 
et  Hist,  or,  des  Crois.,  I,  760,  et  III,  673.  N  écrit  partout  «  Ataxi. 

^^  D'après  e4-Pahaby,  la  dame  Khàtoûn  '^màt  ed-din,  filie  de 
Mo*în  ed>din  Anàr,  nâXb  de  Damas ,  devint  la  femme  de  Noûr  ed-din 
Mahmoud,  à  qui  elle  fut  envoyée  à  Halab,  en  l'année  5d3.  En 
safar  de  l'année  673 ,  la  veuve  de  Noûr  ed-din  fut  épousée  par  Sa- 
iadin(N,f  i52r°). 

^^  Sa'd  ed-dîn  Mas'oûd ,  frère  de  *esmat  ed-din  KhâtoAn ,  mourut 
après  elle,  eu  djoumâda  2^  de  la  même  année  (591)4  des  suites 
d'une  blessure  dont  il  avait  été  atteint  au  siège  de  Mayyâfôréqîn. 
C'était  un  des  grands-émirs;  le  sultan  le  maria  à  sa  sœur  Rabi^ah 
Khâtoûn.  LorsquU  mourut,  cette  princesse  devint  la  femme  de 
Mozaffer  ed-din,  seigneur  d'Ërbei  (N,  P  iSa  v°).. 

^^  Je  ne  sais  si  le  texte  est  correct.  On  lit  :  *$  jLâUJt  Jkju;  i^\  ^3, 
peut-être  pour  14^  jLâULJt  J^jl^.  —  L'existence  à  Damas  d'une  fa- 
brique de  ces  jolis  carreaux  vernissés  avec  dessins  de  couleurs ,  ori- 
ginaires de  la  viUe  de  Qàchân,  n'aurait  rien  de  suiprenani. 

^^  H  s'agit  ici  de  «  la  turbeh  de  Djarkas  • ,  suivant  l'expression  d'd 
Asady;  ed-Çahaby  dit  «les  coupoles  de  DjariLas-»  (jS^^^mS^  v^)  ^ 
«la  qoubbeh  de  Djarkas».  Cf.  N,  f*  i52  r°. 

Dans  le  Kétàb  er-raii>datayn ,  ce  mausolée  est  désigué  sous  le  nom 
de  iLyw^iCaJI  »jJUi  (UtU  le  cimetière  de  Charkas). 

On  voit  par  là  que  souvent  le  mot  ïpJL»  (cimetière)  à  la  signifia 
cation  de  turbeh  et  vice  versa  (voir  la  note  71,  qui  suit). 

^^  Le  Miroii'  da  temps  place  la,  mort  de  cette  princesse  en  radjab 
(N,  P  i5a  r").  Abou  Châmah  dit  dans  Les  derut  Jardins  (3*  p., 
p.  67  )  :  «  Quant  à  la  mosquée  de  Khâtoûn ,  qui  es|  à  Textrânité  du 
Charaf  méridional  t  du  cûté  oiie^t,  die  tire  son  nom  d'une  autre 

IV.  30 


306  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

Khâtoûn,  ancienne,  dont  il  a  été  fait  mention  ci-<levant  et  qài  eit 
Zomorrod,  fille  de  Djâw^y,  sœur  utérine  d'di  malek  DoqAq  et  époiue 
de  Zooky,  le  père  de  Noùr  ed*din.  •  —  La  mort  de  Nâser  ed»dîn  Mo^ 
hammad,  fils  de  Ghîrkoûh  et  cousin  germain  du  sultan  Saladin, 
eut  lieu  à  Hems  subitement,  sans  maladie,  le  9  dou'i  hedjdjeb 
(58i).  Le  stdtan  confirma  son  fils  dans  les  possessions  de  son  père. 
Le  corps  de  Nâser  ed*dîn  fut  transféré  par  son  ^oute,  sa  oousÎBe 
germaine  Sett  ech-Châm ,  fille  d'Ayyoùb,  qui  l'efiterra  dans  m  tur* 
heh  (mcuiharah)  qu'elle  avait  dans  sa  madraseh,  à  la  %wmyeh.  GW 
le  tombeau  du  milieu ,  placé  entre  ie  sien  et  celui  de  son  frère.  -^ 
Rabî*ah  Khâtoùn ,  fille  d'AyyoAb ,  parvint  à  un  Age  avancé  et  mourut 
à  Damas  dans  la  maison  de  son  père,  la  maison  d'el  *aqîqj,  au  mots 
de  ramadan  de  l'année  643.  Elle  fut  la  dernière  qui  mourut  d'entre 
les  descendants  directs  d'Ayyoùb  (N,  f"  i52  v^'-iSS  r^). 

^^  C'est^-dire  l'année  674 ,  ^oque  à  laqudle  ebo  GhaddAd  écri- 
vit son  ouvrage  intitulé  el  À*lâ4f  el  kkttirak,  ainsi  qu'il  nous  l'ap- 
prend lui-même.  Voir  N,  f*  181  r^  snh  fine, 

^  Sur  la  fenêtre  de  la  madraseh ,  on  lit  f  inscription  anivanle 
(n"  294  de  ma  collection)  et  dont  M.  Max  van  Berchem  ne  poftid* 
pa»  le  teite  t 

cAu  nom  de  Dieu,  atc.  Geoi  est  le  waqf  eonstitué  par  le  servi» 
tenr  qui  a>  besoin  de  la  miséricorde  de  Dieu,  le  conquéMint,  le 
champion  de  la  foi,  Rokn  eà-èhk  Mankoàrès,  el  ttialéky  el -àdély, 
el  Molny,  pour  y  être  enterré.  Il  a  constitué  en  ifaqf  pour  les  hù- 
soins  (de  la  madras^)  consistant  en  huile,  ehaaièdles,  nattée, 
appointements  de  gardiens  et  de  lecteurs  chai^  d'enseigner  le 
Qor'ân  (nuHftyùi) ,  et  tout  cela  :  la  totalité  de  la  naaison  (située)  en 
dedans  de  bâb  el/arédù,  du  c6té  Mid  de  la  madraseb  la  FttUàiyék', 
et  connue  ânctennement  sonl  le  non»  <te  .••••;  le  sixième  de 
tout  le  janlin  ftiisant  partk  dn  iei*ritoire  d'en-Nayrab  et  connu  au- 
trefois sous  le  nom  du  fondateur;  le  sixième  du  javdin,  le  palaia 
(  j^^^b.)  et  le  moulin  sis  sur  le  territoire  d'en-Nayrab  et  aneienne- 
ment  appelé  du  qédy.  Tout  eda,  suivant  ee  qui  eat  écrit  et  expli- 
qué dans  l'acte  de  waqf.  Il  n'est  licite  à  penenne  eroyant  k  Diein  et 
«n  jour  dernier  d'altérer  cda  et  de  le  chuigeF.  Qmoênqw»  h  dina- 
tarera,  aprèi  l'avmr  eÂtendu  (Qor.  Il,  177 ).  Et  ccSa  en-fannéeêiA* • 
^  Le  copiste  doit  avoir  omis  «  Je  dist  ;  car  le  passage  d'e4-X^- 
haby  est  terminé,  comme  l'indique  le  mot  <f#JiM,  et  nentf  rencei»- 
Irons  mi  autre  <^4x3t  après  ces  mots  t  tel  l'on  en  n  mk  im  antre  i 
aa  plaeet.  DViiHeurs  ce  morceau  mUnqne  dKns  N.  • 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  307 

^  Bab'ah,  Étui ,  caisse  ou  armoire  dans  laquelle  se  trouve  déposé 
un  qor'âu.  Cette  expression  signifie  le  }dus  souvent  le  contenu»  pla« 
tbt  que  le  contenant.  C'est  ainsi  qu'on  lit  dans  N  ^  f ^  1 70  v^  v  IJL4 

^  il  faut  admettre  que  le  copiste  a  omis  le  mot  J^;«  sans  quoi 
ce  serait  *eu  ed-dîn,  homme  vertueux,  qui  aurait  fait  le  hxa  ser* 
ment. 

^7  <  Djarsdc{/ vUlage  de  k  dépendance  de  Maloàl  dans  la  GhoA- 
tah  de  Damas.  •  D'après  ebn  I^allikân,  IV,  345,  iDjaroûd  est  tn 
vâlage  titiié  dans  les  dépendances  de  Damas,  d^  cÀté  de  Umms. 
Son  territoire  contient  une  quantité  innoinbrable  d'ânes  sauvages.  » 
--  €  Maloéiâ,  ê^Um  iUsant  partie  des  district-  de  Damas  et  ayant 
des  villages.  •  Maràsed» 

'»  tf;UJI.  N  (r  "i56  r*)  écrit  tfjUJî. 

'•  Peut-être  faut-il  lire  d  Farmàwy. 

^  Je  lis  jc^LiL^,  au  lieu  de  t^^  qœ  portent  le  manascrit  et  le 
n"  353  hit.  Le  n*  595  donne  xS;i4^. 

^  La  même  inscription,  de  l'année  5^5,  figure  deux  fois  tex> 
tnellement  dans  ma  collection,  sous  les  n**  ihZ  Us  et  595.  —  La 
date  535  que  donne  B  est  donc  erronée. 

w  N  l'appelle  (f*  157  r»)  Heudjdjet  ed-dîn.  H  s'agit  probable- 
ment du  même  professeur  qui  donna  des  leçons  à  la  Kkâtoûniyeh 
inira  mnros,  sous  laquelle  N  (f*  i53  r'*)  lui  donne  le  nom  dé  Heudj- 
djet el  islam  ou  ed-dîn. 

*^  Ce  mot  signifie  «  de  couleur  vert-de-gris  ». 

^  Au  lieu  de  la  Zandjiliyeh  d'es-Sab'ah ,  N  porte  la  ZandjÛfyek  à 
es-Sab'ah,  Ce  dernier  nom  indique  sans  doute  un  quartier  de  la  vifie. 
Il  en  est  de  nouveau  i^it  mention  au  folio  1 63  v"*,  où  il  est  dit  que 
pendant  le  siège  de  la  ville  une  partie  de  la  Tcémdniyeh  fut  incendiée 
et  qu^avant  cette  époque  les  substituts  du  qâdy  hanafîte  rendaient  leurs 
sentences  dans  la  maison  de  celui-ci  (située)  à  proximité  à'es-Sah*ak, 

*  Sic.  Cependant  il  n'a  encore  été  fait  mention  d'aucun  person- 
nage. Le  nom  du  fondateur  ne  se  trouve  que  plusieurs  lignes  plus 
loin,  n  faut  évidemment  supprimer  le  pronom  possessif.  Dans  N 
(fol.  i58  r*),  an  lieu  de  «son  tombeau»,  on  Ut  :  tune  tùrbeh  et 
une  mosquée<athédrale  avec  kkotheh  à  laqueHe  est  affecté  un  trd- 
tement  payable  par  la  mosquée^athédrde  omayyade». 

"  I*Ll.^.  Opposé  souvent  à  ,^j«  cmari)re  blanc».  Cf.  Quatre- 
mère,  Mandoûks,  I,  369. 


20. 


308  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

^  «ISl  i*  Litt,  «dans  les  jours  dei,  expression  qu'on  rencontre 
fréquemment  dans  les  inscriptions  et  qui  signifie  <  sous  le  règne  »  ; 
«  pendant  l'administration  • ,  «  sous  le  gouvernement  de  • ,  etc. ,  suivant 
le  personnage  auquel  elle  se  rapporte. 

^*  Suivant  le  qâdy  'ezz  ed-dîn  (èbn  Ghaddâd),  die  fut  construite 
en  l'aniiée  626  par  Tëmir  'ezs  ed-dîn  Abou  'omar  'otmân  ebn  'aly, 
ez-Zendjâry,  qui  était  sâheb  (gouverneur)  de  TYaman  et  s'ëtait  trans- 
féré en  Syrie  pendant  le  règne  d'd  malek  el  *âdel  Sayf  ed-din  Abou 
Bakr(N,r'i58v«). 

En  597,  un  personnage  de  ce  nom  ou  plutôt  le  même  (rémir 
Vetfaktalâr  (grand-maréchal)  *ezz  ed-dîn,  le  sa'id  ei'So'udâ  Abou 
'amr  (sic)  'otmân,  fils  de  'aly,  fils  de  'abd  Allah,  ez-Zandjîly,  était 
gouverneur  de  Jérusalem.  Voir  Moudjîr  ed-dîn,  traduction  Sau- 
vaire,  p.  111  et  26a. 

^^  «  Du  côté  ouest  de  la  mosquée  sont  trois  madraaeh  :  celle  de 
l'émir  Fakhr  ed-dîn  (sic)  'o(mân,  fils  de  'dy,  ez-ZandjUy,  n6Xb  de 
'adan  (Aden) ,  à  bàb  el  ^ornrak.  Elle  est  connue  actudlement  sous  le 
nom  de  moûon  de  la  chaîne,  li  la  constitua  en  waqf  pour  les  Hana- 
fîtes  l'année  5791  (£1  Fâsy,  apud  Wûstenfidd,  Die  ûkronikenier 
Stadt  Mekka,  II,  io4).  —  Comp.  er-BanvdxUayn,  2* p.,. p.  26.  Abou 
Chàmah  attribue  en  outre  à  cet  émir,  qu'il  appelle  *eu  ed-din  'o(mân , 
la  fondation  d'un  rébât,  en  &ce  de  sa  madraseh  de  béh  el  'omrak, 
à  la  Mekke.  —  Comme  ez-Zandjîly  quitta  Aden  avant  l'arrivée  4ù 
Toghtékîn  en  678 ,  U  faut  sans  doute  lire,  dans  d  Fâsy^  577  an  lieu 
de  579. 

Ebn  Katîr  dit  sous  l'année  877  :  «  Le  nâA  de  'adan,  Fajkhr  ed-dîn 
'o{mân  ebn  'o|mân  ebn  ei-ZandjÛy,  aaciii  de  i'Yaman  avant  l'arrivée 
de  Toghtékîn  dans  ce  pays  et  habita  la  Syriei  (N,  P  iSSjf). 

»  Kamâl  ed-dîn  Abou'i  fadâU  *abd  El-U^,  fils  du  qâdy  'aslz  éd. 
dîn  Abou  'abd  Allah  Mohammad  ebn  Abi'l  karam  ebn'abd  £r^ 
Rahman,  es-Sendjâry,  naquit  dans, le  mois  de  djoumÂda  2'  de  l'an- 
née 618.  En  l'année  646,  il  succéda  à  son  père  qui  était  mort  le 
26  cha'bân,  comme  professeur  à  la  BqlUdyeh  et  a.  la  K^tâtoâniyek 
intra  maros  et  occupa  ces  chaires  jusqu'en  .§aÛLr  de  l'i^mée  658 1 
époque  à  laq^i^e  les  Tatârs  s'emparèrent  de  Damas.  Les  monili- 
mans  ayant  repris  possession  de  la  viUe  dans  les  derniers  jours  de 
la  même  année,  il  fut  réintégré  dans  ces  places:,  où  il  resta  jusqu'à 
son  départ  pour  Baghdâd  en  compagnie  d.u  kludife  el  Mostanfer, 
connu  sous  le  nom  à*el  asovad  (le  noir)  »  et  il  fut  tué  à  el  Fafloû- 
djah  en  l'année  689  (N,  f  i44 V»  et  i53  r'V). 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  309 

tEl  FalUàdjah.  D'après  d  Layt,  les  Jalloûdjak  {plfulédtdj)  da 
Sawâd  en  sont  les  villages.  La  grande  et  la  petite  Falloûdjah  sont 
deux  grands  villages  du  Sawâd  de  Baghdâd  et  d'el  Koùfah,  près  de 
*ayn  et-tamar.  Je  dis  :  La  plus  connue  est  c^e  située  sur  la  rive 
de  l'Euphrate  et  auprès  de  laqudile  prend  naissance  le  canal  du  Roi , 
du  côté  orienta),!  Maràted. 

w  N  écrit  la  SaftniyeL 

'^  Sadr  ed-dîn  ebn  'oqbah,  le  juriscQnsidte  Abou  Ishâq  Ibrahim 
ebn  Abmad  ebn  'oqbah  ebn  Hébat  Allah  ebn  'atà*  d  Bosrâwy,  mou- 
rut à  Damas,  à  Tâge  de  quatre-vingts  ans»  en  ramadan  de  l'année 
697  (N.f  i53v^). 

^  Il  s'agit  sans  doute  de  Mohiy  ed-din  Ahmad,  fils  de  Sadr 
ed-dîn  ebn  'oqbah. 

^'  Vémir  es-sélâk  ou  émir  s4làh  était  le  chef  des  êélâhdâr,  officiers 
chargés  de  porter  chacune  des  pièces  de  l'armure  destinée  au  sidtan 
et  de  la  présenter  au  prince,  lorsqu'il  en  avait  besoin.  H  avait  l'in- 
spection de  l'arsend  (sélâh  kjiânah)^  de  tout  ce  qui  s^y  consommait, 
de  ce  qui  y  entrait  ou  en  sortait.  Lorsque  le  souverain  écrivait  à 
un  émir  sélah,  il  lui  donnait  le  titre  de  JliJt  ^j^^  V^^  (Qua- 
tremère,  Mamloûks,  I,  iSg).  Cf.  aussi  Khétai,  II,  22a. 

^  DjcontC  el  djawâmé', 

^^  «La  prairie  de  Dâbeq.»  —  •Dâbeq,  village  de  Halab,  faisant 
partie  de  'azâr  et  situé  à  quatre  parasanges  de  Halab.  H  s'y  trouve  une 
prairie  herbeuse  et  agréable.  C'est  là  que  descendaient  les  Banou 
Marwân  lorsqu'ils  faisaient  l'expédition  d'été  vers  la  ville-firontière 
d*ei  Messîsah.  •  Marâsed. 

^^  Qor.,  xxYii,  53.  —  La  fin  du  passage  ne  se  trouve  pas  dans 
le  Qor  an. 

^  N  dit  «  à  proximité  ». 

1^  Au  lieu  de  UjI  ,  N  porte  l^i^  et  ajoute,  d'après  ebn  Chaddâd, 
«en  l'année  626»,  alors  qu'ed-Dahaby  et  ebn  Katir  s'accordent  à 
placer  en  623  la  mort  de  CheU  ed-dauleh  d  Heusâmy. 

'0'  Ebn  î^dlikân  (I,  2 85)  l'appdle  Chebl  ed-dauleh  KAfoûr  ebn 
*abd  Allah ,  el  Heusâmy,  et  dit  qu'd  fonda  la  madraseh  la  Chebliyek 
et  la  !i!iânqâh  du  même  nom. 

Le  biographe  ajoute  qu'il  mourut  en  radjah  61 3  (juillet  1226) 
et  qu'il  fut  enterré  près  de  la  madraseh  qui  porte  son  nom. 

^^*  Ed-pahaby  l'appelle  Mohammad. 

^^  «  Je  dis  1  es^  de  trop;  car  N  continue  ainsi  :  «  et  il  ouvrit  ■ ,  etc. 

*®*  II  était  aveugle. 


310  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

^^*  Le  chayih  Taqy  ed-d^n,  fils  da  qâdy  de  Ghohbeh,  dit  dans 
sa  Suite,  sous  le  mois  de  chawwâl  de  Tannée  833  t  «  Chams  ed- 
din  Mohammad,  fils  du  qâdy  Badr  ed-dki  ebn  er-Rady,  hanafîte,ftit 
nommé  nâXh  (suppléant)  de  l'inspecteur  de  la  grande-mosquée  par 
5ayf  ed-din  Tanbak  Miq,  lorsque  cet  émir,  qui  ie  connaissait,  fdt 
investi  de  la  lieutenance  (njâbeh)  de  Damas.  Ghams  ed-dîn  mourut 
la  nuit  du  (mardi  au)  mercredi  le  21  du  mois  (Me,  ra  jniHet  i43o, 
Gid.  astr.),  comme  subitement,  dans  sa  demeure  (située)  sur  le 
territoire  de  Moqra;  il  était  dans  la  dixaine  des  soixante  •  (c'est-à'- 
dire  âgé  de  soiiante  à  soixante-dix  ans  (N,  f*  161  i^-v*). 

^^'^  Rachîd  ed-dîn  Sald  ebn  'aly  ebn  Sa'id,  d  Bosrawy,  banafîte, 
était  un  des  ebefs  (  imâm)  du  rite.  R  mourut  en  cba'bân  de  Tannée 
684  «  âgé  de  près  de  soixante  ans.  Il  composa  de  nombreux  outrages 
utiles  et  fit  de  bons  vers  (N ,  f*  160  l'-v*). 

Es-Saqqâ'y  (f  *  36  v*)  ne  eite  pas  son  pays  d'origiûe.  R  le  nomme 
Rachîd  ed-dîn  Said  ebn  *sdy,  le  jorisoonsidte  hanaflte.  tR  demeu- 
rait dans  le  voisinage  de  la  madraseh  la  Ckebliyeh,  au  pencbant  du 
mont  Qâsyoûn,  et  en  était  le  supérieur  (ehaykh)  et  le  professeur.  H 
estTautenr  des  (11)  vers  suivants.  R  mourut  en  ramadan  de  Tan- 
née 684 «  à  Damas,  au  QâsyoAn.t 

^^"^  R  succéda  dans  la  chaire  de  la  Zendjârvfêh,  en  650,  àKamâl 
ed-dîn  *abd  El-Latif  es-Sendjâry.  (Voir  N,  f*i58  V.) 

>®*  N  écrit  el  Râsâny,  sans  doute  pour  el  Kâchâny. 

•  Kâehûn,  viHe  du  Mawaran*nahr  (la  Transoxiane);  à  sa  porte  est 
le  wâdy  d^AjihSikat.  •  Maràsed. 

***  Cest  le  nom  que  les  Arabes  donnent  au  Sphimc  d'Egypte 
({ttt.  «le  père  de  la  terreur»). 

^^®  Ebn  Chaddâd  dit  en  faisant  le  dénombrement  des  mosquées 
de  Damas  :  «R  existe  une  mosquée  dans  le  coRège  connu  sons  le 
nom  de  «maison  de  Tar|iiân>  et  appartenant  autrefois  au  eharîf 
Abou  'abd  AUah  ebn  Abîl  Hosayn.  Ce  coUège  fut  constitué  en  waqf 
par  Sonqor  d  Mawsây,  qui  en  fit  une  madraseh  pour  les  disciples 
d*Abou  Hanffiih.  »  Ed-Dahaby  s'exprime  ainsi  dans  les  'éhar,  sous 
Tannée  548  :  •  AbouT  Hasan  d  Balkhy,  'dy  ebn  d  Hasan ,  lé  hana- 
iîte,  le  prédicateur,  Tascète,  professa  à  la  SAdériyeh;  puis  on  tràns^ 
forma  pour  lui  en  madraseh  la  maison  de  l'émir  TarUiân.  «  —  Ës- 
Safady  appdle  cet  émir  Tarkhân  ebn  MahmoiHd  ech-Chaybâny  (N, 
ri63r''). 

'"  Le  chaykh,  le  professeur  de  lecture  qoi'âmqne,  Chéhâb  ed- 
dîn  Abou  'abd  Allah  el  Hosayn  ebn  Solaymân  ^n  Fazârah  ebn 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  311 

Badr^  «1  Kafry,  hanafite^  naquit  vers  l'année  637  et  profesté  à  là 
Tcœhhàniyeh  pendant  plus  de  quarante  ans.  H  moiimt^  âgé  de 
quatre-vingt*deux  ans,  le  jour  de  lundi  i3  djoumâdâ  i**  de  Fan- 
née  719  (L,  a  juillet  iSig)  [N^PiSgi^'et  idS  v**]. 

^'*  Ce  nom  est  écrit  (^^Ulô  et  transcrit  Doumân  dans  HuU  or, 
dit  Crois.,  III,  7a ,  7^  et  i38.  A  cette  dernière  page,  il  est  question 
de  la  mort  de  notre  Heosâm  ed-din  Doûmân,  qui  eut  lieu ,  à  la  date 
indiquée  par  el  Asady,  à  Tell  ta  'ayyàdiyeh  (près  d'Acre) ,  par  le- 
quel il  faudrait  remplacer  le  Tdl  el  *âsyéh  d'en-No*aymy.  Toutefois 
Van  de  Velde  indique  sur  sa  carte  (section  3)  une  localité  qu'A  ap- 
pelle el  Asîyeh,  mais  faute  d*indicatioa  relative  à  la  transcriptiai 
des  lettres  arabes ,  il  est  impossiUe  de  connaître  l'ortlu^rtphe  dé 
ce  nom. 

i»  Leqàdy  en  chef  Sadr  ed-din  SolaymAn  ebn  'abd  El'aiîx  (ebn) 
Wohayb  ebn  *atâ,  Abou'r-rabi*,  hànafite,  el  Adra'y,  le  ébaykb  des 
Hanafîtes  de  son  temps  et  le  plut  savant  parmi  eux  en  Orient  et 
en  Occident,  naquit  l'année  Sgd-  li  fut  investi  delà  charge  de  qâdy 
en  chef  au  Caire  sous  le  règne  du  sultan  d  malek  ^-Zâher  Bay- 
bars.  B  mourut  la  nuit  du  (jeudi  au)  vendredi  6  cha*bân  de  l'an* 
née  677  (V,  2  3  décembre  1 278)  et  fut  enterré  dans  sa  turbeh,  près 
de  la  grande-mosquée  d'el  Afram  (N,  f  i6ii  r**). 

La  mort  de  ce  qâdy.  en  chef  est  mentionnée  dans  Quatremère, 
Mandoûks,  I,  a'  p.,  167.  Il  est  appdé  Sadr  ed-din  Al)Oul  fadl  So- 
iaymân  ebn  Abfl  'ezz  ebn  Wahîb. . .  A4ra*y.' Maqrîzy  ijoute  qu'il 
mourut  trois  mois  seulement  après  sa  nomination ,  à  l'âge  dequatra- 
vingt-trois  ans. 

''«  Sdâh  ed-dlu,  dans  U  Wàfy,  l'appel  'obsyd  Allah  ebn  Mo- 
hammad,  Rokn  ed-din  âibârehâh,  es*$amarqandy  (N,  f  i64  v*). 

^'*  B  écrit  idu^,  forme  passive  de  «tenter,  essayer,  éprouver  s, 
d'où  je  suppose  «mettre  à  la  question,  faire  8td>ir  la  torture  1. 
Mais  peut-être  faiit«il  lire  ^^JLâ  «il  fut  pendu  1,  comme  dans  N, 

^2  64v^ 

^'^  Le  sayyed  el  Hosayny  dit  dans  la  Suite  des  'ébco',  sous  Tan- 
née 745  :  «En  cette  année  mourut  à  Damas  le  chaykh  de  la  litté* 
rature,  Nadjm  ed-dSti  'aly  ebn  Dâoûd  ebn  Yafaya  ebn  Kâmei,  éL 
Qorachy,  d  Qadjqâry,  hanafite,  hhattb  de  la  grande-mosquée  de 
Tenkez  et  professeur  des  Hanafîtes  à  la  Zâhériyek.  Vi  était  ûé  l'an 
668.  •  — •  Suivant  ebn  Ka^,  le  jour  de  mercredi  6  safar  de  l'an- 
née 71a  (Me,  94  février  i3aa),  le  chcykfa  Nàdjm  wd^dm  di  Qadf- 
qâry  donna  ia  leçon  à  la  Zàkêriyth.  dea  Haaurfites  sur  ce  verset  du 


312  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

QoVân  (i?,  61)  :  Diea  voua  commande  de  restituer  les  dépôts  à  qtd  Us 
{ippartiennent  (N,  f*  i65  v"). 

^^^  Le  qâdy  'azîz  ed-din  ('ezz  ed-dîn)  es-Sendjâry,  père  de  Kamâl 
ed-din  'abd  Ël-Lajif,  mourut  le  26  cha'l^ân  de  l'année  646  (N, 
ri53r^). 

i'«  Le  qâdy  en  chef  DjalM  ednlîn  Aboul  mafâkher  Ahmad,  fils 
du  qÂdy  en  chef  Heiisâm  ed-dîn  el  Hasan  ebn  Âhmad  ebn  d  Hasan 
ebn  Anoûcherwân ,  er-Râzy,  puis  ed-I)émachqy,  mourut  à  Tâge  de 
quatre- viugtrtreize  ans  et  demi ,  en  radjah  de  l'année  7  45 ,  et  fut  en- 
terré dans  sa  madraseh  qu'il  avait  construite  à  Damas  et  connue 
sous  le  nom  de  la  Djalâliyek:  c'était  là  quil  habitait.  H  professa  à 
la  Khâtoûniyek,  à  ia  Rayhâniyt^ei aux Qatsâ'in  (N ,  f  i55  r**). Cf.  ci- 
après,  n.  i46. 

.  '*'  La  Mo*azzamiyeh  fut  construite  en  l'année  6  a  1  et  la  madraseh 
la  'aztzlyek  en  l'année  635  (sic)  (cf.  aussi  P  175  v**).  Ebn  Katîr  dit 
sous  l'année  63o  :  t  El  malek  d 'azîz  'otmân ,  fils  d'd  malek  ei  ^âddl  et 
firère  utérin  (chaqiq)  d'd  Mo'azzam ,  était  seigneur  d'e»-Sobaybeh.  fl 
était  intdligent,  peu  parieur,  soumis  envers  son  frère  d  Mo'azzam, 
et  fut  enterré  auprès  de  lui.  Sa  mort  eut  lieu  le  jour  de  lundi  1  o  rama- 
dan (L,  20 juin  1233),  dans  son  jardin  d'en-Nâ'émah  faisant  partie 
de  Bayt  Lehyâ.  »  Ed-Dahaby  s'exprime  ainsi  dans  les  *éhar,  sous  la 
même  année  :  «El  malek  d  *anz  *otmân,  fils  d'd  'âdd,  était  le 
frère  germain  (de  père  et  de  mère)  d'el  Mo'axzam.  C'est  loi  qui 
bâtit  la  citaddle  d'es-Sobaybeh  (située)  entre  Bânyâs  (Panéas), 
Tebnfn  et  Hoûnin.  Sa  mort  survint  à  en-Nà*émah,  jardin  lui  ap- 
partenant à  Bayt  Lehyâ,  le  10  ramadan»  (N,  f  166  r**).  —  Ebn 
Khaliikân  fait  mention  de  cetie  *€iz(ziyeh  (IV,  547)* 

^  Au  rapport  d'd  Asady,  ebn  *azis  mourut  en  djoumâda  a' 
de  l'année  819,  au  village  de  Kotaybeh,  waqf  de  la  madraseh  la 
'««%eA(N,  ri66r"). 

Voir  sur  d  Kotaybeh,  village  non  loin  de  Dnaas,  en*Nâbdosy, 
p.  4i>  Marâsed,  note. 

^^  En  645 ,  d'après  ed-Pahaby,  et  en  647  suivant  es-Sebt.  Mais 
ebn  Khaliikân  place  sa  mort  en  djoumâda  1*'  646  et  dit  qu'il 
assista  à  ses  funérailles  (II,  43o).  L'émir  'ezz  ed->dîn  Aybek,  connn 
sous  le  nom  de  seigneur  de  Sarkhad.  conserva  cette  place  juaqa'en 
644  (n,  428). 

'^  El  Asady,  à  propos  de  la  Tarkkâniyeh,  &it  mentîoii  d'un  pro* 
fessenr  surnommé  ehn  Foloàs;  mais  au  lien  de  Tappder  Chams  ed- 
din,  il  le  nomme  Ismâ'il  ebn  Ibrahim  ebn  Ahmad  ebn  Gbâiy  Mo- 


DESCRIPTION  D£  DAMAS.  313 

hammad ,  Gharaf  ed-din  Abou'l  Fadl  ou  Aboa>Tâh«r,  ech-Chaybftny, 
d  Mârédâny,  ed-Démacfaqy,  et  dit  qu'il  naquit  à  Bomi  en  rabf  a"^ 
de  1  année  Sgà.  £1  Mo'azzam  lui  ayant  envoyé  l'ordre  de  dédarer 
licite  Tusage  des  boissons  enivrantes,  fl  refusa  d'y  obtempérer^r  Le 
prince  en  colère  l'expulsa  de  la  Tarkhâniyeh,  U  demeura  dors 
dans  sa  maison  jusqu'à  sa  mort  qui  eut  lieu  en  djoomâda  i*'  699 
et  il  Alt  enterré  au  Qàsyoûn.  £bn  Kadr  le  mentionne  parmi  les 
personnages  qui  moururent  en  Tannée  63o.  Il  composa  des  ou- 
vrages. (Voir  N,  f  i63i^.). 

^"  Ghébâb  ed-din  Ahmad  ebn  d  Fasîh,  hanafite,  mourut  au 
Caire,  à  l'âge  de  près  de  soiiante-dix  ans  on  les  ayant  disses,  en 
cha'bân  de  l'année  818  (N,  f  167  v"). 

»«  Chéhâb  ed-din  Abou  l 'abbâs  Abmad  ebn  d  Mozaffer  Abi  Mo- 
hammad  ebn  d  Mozaffer,  en>Nâbolosy,  naquit  en  ramadan  de  l'an- 
née 676  et  mourut  à  Damas  en  rabr  1"  de  Tannée  768  (N, 
f  167  V"). 

^  £bn  Chaddâd  s'exprime  ainsi  :  «Au  Keuchk;  cette  madiaseh 
est  connue  sous  le  nom  de  maison  à'ebn  Monqed.  ■ 

^^  Quatremère,  Mandoûks,  I,  79,  190  et  300,  fait  mention  de 
la  ville  de  Tour,  près  de  *akkâ. 

^27  En  cba'bân  de  Tannée  837  (dit  Taqy  ed-dîn,  le  fiib  du  qâdy 
de  Chohbeb)  mourut  le  chaykh  Cbams  ed-dîn  Abou  'abd  Allah 
Mohammad  ebn  Chéhâb  ed-dîn  Ahmad  ebn  Zayn  ed-dîn  el  Mo- 
bârak,  el  Hamawy  d'origine,  banalité,  connu  sous  le  nom  d'ebn 
el  Djavirzy.  Il  était  venu  à  Damas  depuis  plusieurs  années.  Il  obtint 
la  moitié  de  la  chaire  de  la  *ezziyek  extra  muros.  Il  mourut  dans 
cette  madraseh,  où  il  habitait,  le  jour  de  mercredi  iS  du  mois  (Me« 
13  juillet  i4ad,  CaL  astr.).  La  prière  sur  son  corps  fut  faile  à  la 
grande-mosquée  d'Ylboghâ  et  il  fut  enterré  au  cimetière  mis  à  la  dis- 
position du  public  par  le  sultan  d  maiek  el  Achraf ,  à  Touest  de  la 
khânqàh  de  *omar  Chah.  Je  pense  qu'il  avait  dépassé  lea  soixante- 
dix  ans  (N,  T  167  r**-v°). 

^^  N  le  nomme  *ezz  ed-dîn  'abd  El  *aui  et  lui  donne  pour  suc- 
cesseur 'émâd  ed-dîn  Dâoûd  ebn  Yahya  eba  Kâmd ,  d  Qorachy,  el 
Bosraviry,  qui  mourut  la  nuit  du  (i4  au  i5)  milieu  de  cha*bân  de 
Tannée  684  et  fut  le  père  du  chaykh  Nadjm  ed-^lîn  d  Qadjqâry, 
chaykh  des  Hanafîtes  et  kfMttb  de  la  grande-mosquée  de  Tenkes. 
'émâd  ed-dîn  Dâoûd  était  né  êa  698  (N,  f  168  1^.). 

''«  Le  kâfez  Charaf  ed-dîn  ^abd  Allah  ebn  Mohammad  ebn  Ibra- 
him, d  Wâny,  hanafite,  mourut  en  Tannée  i6â9  (N,  1*  169^  rT).    . 


814  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1804. 

^  SL^M^.  N  porte  S^it^^  «ia  petite  piaoet. 

«a  Es-SalAb  l'appdle  Khâled  ebn  'abd  Âflah  din  ïadd  ebs  Asad, 
Aboal  Haytam  d  Badjdy,  d  Ghanawy,  qui  a*eft  autre  que  le  c^ 
ièbre  gouverneur  de  la  Mekke  Kbâied  d  Qasry,  desceadant  de  ia 
tribu  de  Badjîlah  par  cdie  de  Qasr.  Cf.  sa  biographie  dans  Bio» 
graphioal  dUtiênary,  I«  48 4» 

^^  B  écrit  par  erreur  «fils  de  Solaymâna. 

^^  Au  rapport  d'Aboul  Hoiayn  er*Râiy,  ia  nudfon  et  io'liam 
connus  sous  le  nom  de  Khâled.  sur  la  plaoe  dé  Khàiêd.  doivent 
leurapp^ation  à  Kbàled  ebn  Asad  (N,  f  169  r^-v*"). 

^  Sous  la  Fathiyeh  cbâ'fé'îte,  B  écrit  tdans  les  DyAr  ei  Ma^ar- 
riyeb»  et  N  «dans  les  Djrârel  Mtiriytkê,  e'eet4^ira  en  l^gyple* 
(Voir  chap.  in,  n.  34o*) 

^  Il  médisait  de  *aly  et  jetait  du  Uâme  lur  ie  puits  de  ZeniMmt 
il  était  à  peu  près  comme  d  Hadjdjâdj  (N,  f  169  v*)l 

^'*  Ed-Dahaby  dit  dans  les  'ébar,  en  citant  les  personnages  qui 
moururent  l'année  578 1  «Et  Farrokhchâh,  fils  de  Châhancfa&h  ,fils 
d'Ayyoûb,  fils  de  GhÂdy,  'eu  ed-din,  seigneur  de  Balbakk^  père 
du  seigneur  de  cette  ville  d  mdek  d  Amdjad,  et  ?ulï6  de  Damas 
pour  son  oncle  Salâh  ed-dîn.  H  mounit  à  Damas  en  djoomâda  %** 
et  fut  enterré  dans  sa  ^ubbek  qui  se  trouve  dans  ta  madraseb 
(située)  sur  ie  C&oro/'septeiitriond.  li  était  le  finàre  de  Taqy  ad<dini, 
sdgneur  de  Hamâh»  (N,  f  169  v**)* 

'  ^  Ën-No'aymy  fient  ia  remarque  suivante  (fol.  170  v*):.  tfilm 
Ka^  dit  dairement  que  cette  madraseb  est  commune  aut  ideux 
seetes,  mais  il  est  contredit  par  d  Asady,  puisque  oe  dernier  te»* 
mUie  ainsi  ea  citation  1  *£t  il  fut  entervé  dans  sa  tuiMi ,  auCAoïw^ 
«  supâ'ieur;  cette  turbeh  est  à  côté  de  sajiladraseh,  qui  eit  aft^ctée 
«aux  Hanafttes.» 

>*  N  écrit  «  dans  iâ  maison  s« 

^  Dans  une  iitière, ia  nuit  du  (dimanche  au)  iniidi ,  deux  jours 
avant  la  fête ,  à  l'écurie  de  Dâr  es-sa'âdeh.  Il  y  c^bra  la  tètè  et  le 
lendemain ,  dans  Tapr^-midi ,  il  y  oiounit  (  N ,  f*  1 7 1  i^)k  «^  lie  jour 
de  mercredi I  correspendaint  au  »i  teptémbre,  eut  Heu  la  fête  à»  la 
luptopedujeâne  de  l'année  89  s  (N,  f  170  V).  ^^Le  ai  seplembve 
(1487)  tflimba  un  vendredi. 

!*•  Mohamm^  d)n  Ramadan,  d  Amâty  (d'Amàsydi),  ed^M* 
machqy,  le  hanafîte,  le  Soûiy  (N,  f  171  r*), 

'êùt'ÀmàÊyah,  à  l'est^sud-ett  eu  port  de  Sinopê,'c£  Ahoul  fôda» 
traduction  Guyardi  Ht  ifv  »38. 


DESCRIPTION  DE  DAMAiS.  315 

^**  Ce  que  je  place  ici  eàtre  deux  d:x)cliet8  te  tronva  dim  Itfs 
marges  du  manascrit. 

^^^  «  Le  roi  des  émirs.  •  C'était  le  titre  que  prenaient  quelquefois 
les  principaux  des  nâïb.  Cf.  Quatremère,  Mamloàksjl^  a*pM  94- 

*"  Gouverneur  généred.  —  Sur  le  titre  de  kâfel,  donné  au  nâîb  qui 
tenait  lé  rang  le  plus  élevé,  voir  Quatrem^,  Mandoûhsg  I,  a*  p., 
94-98. 

^^^  N  Tappdle  la  madraseh.  les  QassâHn, 

146  ftLâs,^^^;  N  écrit  <,aJLU^  ■kho$lîchaB. 

^^  D'après  le  très  docte  Nadjm  ed-dîn  de  Tarsods,  un  de  ceux 
qui  y  professèrent  ^t  le  qâdy  en  chef  Djalàl  ed-dîn  Ahmad,  fils  du 
qàdy  en  chef  Heusàm  ed^^n  el  Hasan  ebo  Ahmad  ebn  d  Hasan 
ebn  AnoÀcherwân,  er-Râzy,  hanafîte.  Né  en  l'année  65i,  il  fut  in- 
vesti, à  l'âge  de  dix-sept  ans,  des  fiDuctions  de  qâdy  à  Khartabert 
et  ftit  le  substitut  de  son  père  dans  radmioittration  de  la  justice, 
durant  les  années  696  et  697.  Puis,  quand  œ  dernier  se  transféra  «a 
Caire,  il  fut  promu  qâdy  indépendant.  U  proliessa  à  la  Kjjàtùéniyekr 
'esmvyek,  à  la  Zendjâriyeh,  à  la  ^adràuiyeh  et  aussi  à  la  Moqaddor 
miyeh,  11  mourut  le  jour  de  vendredi  19  radjah  de  Tannée  746  (V, 
36  novembre  i344)  (N,  f^'  i54  r*"  et  171  v"*).  ^  Cf.  n.  118,  ci-de- 
vant. 

«  Khartabert,  château  fort  connu  sous  le  nom  de  château  fort  de 
Zyâd ,  à  l'extrémité  du  Dyâr  Bakr,  qui  fait  partie  du  Bââd  er-Roûm 
(Asie  Mineure).  Il  est  à  deux  jours  de  marche  de  Blalatyah;  l'Eur 
phrate  les  sépare.  »  Marâsed, 

^^^  Ce  vers  est  cité  par  N  dans  la  notice  biographique  qu'il 
donne,  d'après  ebn  Katîr,  d'ebn  «d  Fowayrah  (Badr  ed-dia  Mo- 
hammad  ebn  'abd  £r-Rahman  ebn  Mo^ammad,  es-Solamy,  le  ^ana- 
fite),  qui  mourut  le  21  djoumâda  1*'  de  l'année  676  et  fut  en- 
terré à  l'extérieur  de  Damas  (f*  171  r°). 

^^^  On  lit  dans  ebn  Batoûtah,  I,  207,  que  la  maison  de  M6*â- 
wyah ,  fils  d'Abou  Sofyâti ,  et  celles  de  ses  gens ,  s*appdaient  la  Khadrâ, 

^*®  «J'ai  vu  sur  un  auto^aphe  des  Annales  du  hâfez  *alam  ed-dîn 
el  Berzâly  qu'en  radjah  de  Tannée  735  eut  lieu  la  mort  de  Tépouse 
du  né^h  de  Syrie,  Tenkez,  et  que  la  cérémonie  des  obsèques  s'ac- 
complit à  la  Qilidjijeh  hanafîte,  voisine  de  la  maison  où  die  fiit 
enterrée.  iJ'ai  vu  aussi  sur  le  linteau  d'une  fenêtre  de  cet  édifice  que 
je  pense  être  la  tnrbeh  ( l'inscription  suivante)  : 

«Le  [grand*]émir,  [le  champion  da  la  foi,]  le  guerrier,  Vesfah- 
salâr  (général  en  chef),  le  bienheureux,  le  martyr,  Sayf  ed-dîki 


316  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

Aboa*l  Hasan  'aiy  ebn  Qilî(^  ebn  'abd  AUah,  que  Dieu  [qii*il  soit 
exalté!]  lui  fasse  miséricorde!  a  dit  ces  vers  et  recommandé  dans 
son  testament  de  les  écrire  sur  sa  turbeh ,  après  sa  mort  : 

(  Sur  une  seconde  fenêtre  ] . 

t  Cette  maison  où  nous  nous  trouvons  et  qui  est  la  nôtre  est  la 
Vraie  maison;  tout  excepté  elle  périra. 

«  Construis  donc ,  autant  que  cela  t'est  possible ,  une  maison  vers 
laquelle  tu  seras  sous  peu  transféré; 

«Et  pratique"  le  bien  afin  qu*il  t*y  tienne  compagnie,  de  même 
qu'un  ami  tient  compagnie  à  son  ami»  (N,  f*  17a  v*). 

Cette  double  inscription  (la  seconde  en  vers)  porte  dans  ma 
coUection  le  n**  a44.  Le  copiste  y  a  iu  Jlua)  au  lieu  de  Jos^t .  J'ai 
mis  entre  des  crocbets  les  mots  qui. ne  figurent  pas  dans  le  texte 
donné  par  en-No'aymy.  —  M.  Max  van  Berdiem  a  lûen  voula  me 
&ire  savoir,  que  ces  deux  inscriptions. gravées  sur  deux  linteaux,  et 
dont  il  possède  une  photographie,  sont  exactes,  sauf  ^^f^  ^^  «  hien- 
t6tt,  au  lieu  de  Jl^  ^  et  ^«SJI  pour  ^1. 

^^  Sic.  N  dit  (f"  17s  v"*)  que  la  madraseh  resta  à  sea  en&nts  et 
qu'ils  eurent  comme  suppléant  Fakhr  ed-din  Ifarfthim  ebn  Khalifiih , 
d  Bosrayry. 

"»  "iJ^I  fo.dLH  i. 

^''  Le  suUaxàa  valait  autant  que  le  ducat  sequin  de  Venise,  c'est- 
à-dire  la  francs  environ.  Cf.  Matériaax,:^  H.  Sanvaire,  impartie, 
168-170. 

^  Le  texte  porte  ^;  je  crois  devoir  lire  V/,  que  Kasimirski 
traduit  par  «  désirer  avec  avidité  b. 

*"*  Qorftn,  IX,  lai;  xi,  117  et  xn,  90;  mais  au  lien  de  4KI3, 
B  aurait  dû  écrire  dA\  (l;t  ou  aMI  mU  et,  à  la  placé  de  XS  1^**»»^  f^, 

'    ^  Suivant  ebn  Katîr,  la  Qaymàtiyeh  est  à  l'est  de  la  citadelle 
.(N,ri73v°). 

'^  Cest  ain&i  qu'il  £iut  lire  et  non  d-Lakhmy.  comme  Fa  écrit  le 
copiste  au  folio  a  v**.  —  Sârem  ed-din  Qaymâz  en-Nadjmy  était  un 
des  jdus  grands  mamloûks  de Nadjm  ed-din  Ayyoûb  (N,  f*  173  v*]. 
—  La  £unille  de  Qaymâx,  établie  à  Damas,  est  spuvent  nommée 
dans  V Histoire  de  l'Egypte  et  de  la  Syrie,  'émÂd  ed-din  el  IsfahAny 

*  «X4^l,  expression  sar  laqndle  on  peat  voir  Quatrepièpe,  MamhêkM, 
f,  9*p.t^. 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  317 

£ût  mention  de  l'émir  Sârem  ed-dîii  Qaymâx  en-N«djmy  (ms.  arabe 
714).  On  lit  dans  Ihistoire  de  Nowayry  (36*  partie,  f*  168  r*")  que 
le  sultan  d  mdek  e)  Achraf  avait  acheté  la  maison  de  Qaymâz  en- 
Nadjmy.  Aboul  mahâsen  {Manhel  tajy,  t.  IV,  ms.  ar.  7^0 ,  fol. 
ii4  r^)  parle  d'un  c(^ège  situé  à  Damas,  et  appdié  là  QaymâziyeK 
(Quatremère,  Mwadoûks,  I,  27).  —  Un  Sârem  ed-din  Qaymftz  el 
Mas'oûdy  est  dté  par  ebn  KhallikAn  (Ql,  a  45,  a  48).  11  était  gou- 
verneur du  Caire,  ({uand  il  fut  assassiné  en  664  (iâ66).  Ce  n'est 
pas  le  nôtre. 

^^^  Le  Kétàh  er^atodabayn,  a*  p.,  aSg»  sous  l'année  696,  &it 
mention  de  la  mort  de  cet  émir  et  donne  sa  biographie  :  c  Sârem 
ed*din  Qaymâz  en-Nadjmy  mourut  lé  i3  djoumâda  i"^  dans  sa 
maison  de  Damas.  11  remplissait  auprès  de  Salâh  ed-din  les  fonc- 
tions de  majordome  (osiéà  ed-dér)*  Il  bâtit  entre  autres  rébâts  cdui 
de  Khesfin  (datis  le  Hawrân)  et  cdui  de  Nawa  (dans  le  Hawrân), 
ainsi  qu'une  madrasefa  à  cèté  de  sa  maison.  Sa  maison  à  Damas  est 
cdle  dont  d  malek  el  Achraf  Abou'i  fatfa  Mousa,  fils  d'd  'âdd,  fit 
une  école  pour  (l'enseignement  de)  la  tradition,  l'année  63o;  ce 
prince  détruisit  le  bain  qui  l'avoisinait  et  l'incorpora  dans  les  loge- 
ments de  cet  édifice,  qui  était  voisin  de  la  citadelle  de  Damas,  et 
en  était  séparé  par  le  fossé  et  le  chemin.  Là  se  trouve  sa  madcaseh , 
connue  sous  le  nom  de  la  Qaymàziyek,  » 

"8  B  :   *lJL^3  ji^LUI  Ux»!  4,-^;  je  traduis,  avec  N,  ^Ki^, 

^^  D'après  el  Asady,  il  bâtit  le  pont  (qantarah)  situé  entre 
Hesnîn  (lisez  I^esfîn)  et  Nawa  (N,  f  173  v"). 

1"  Le  8  rabr  a"*  dé  l'année  73a  (N,  f  174  v°). 

^^^  Le  copiste  de  N  a  écrit  par  erreur  la  Bachidiyeh. 

^^  La  rivj^ère  Yazîd  est  un  bras  du  Barada  qui  s'en  sépare  devant 
Doummar  et  qui  baigne  la  Saléhiyeh ,  au  pied  du  mont  Qâsyoûn  ; 
voir  A.  von  Kremer,  Topographie  von  Domascus,  I,  p.  4-5;  II, 
p.  26  [Vie  (TOusâma,  traduction . de  M.  H.  Derenbourg,  p.  4i3, 
n.  3)^ 

«  Yazid,  rivière  (nahr)  de  Damas  qui  tire  son  nom  d'Yaiîd,  fils 
de  Mo'âvryah;  dérivée  de  la  rivière  (nahr)  Barada,  elle  vient  au 
pied  de  la  montagne,  au-dessus  de  la  Tawra.»  Marâsed. 

^^  Dâoûd,  fils  de  'ysk,  fils  de  Mohammad,  fils  d'Ayyoûb,  el 
malek  en-Nâser  Sàlâh  ed-dîn  Aboul  ma£l][her,  fils  d'd  malek  el 
Mo'auam  'ysa,  fils  d'dl  malek  el  'âdel  Yancien,  fils  d'Ayyoûb,  nâr 
quit  à  Damas  en  djoumâda  2^  de  l'aimée  6o3  et  mourut  de  là 


318  SEPTEMBRE-OGTOBRE  1804. 

peste  Tannée  656.  Il  fiit  enterré  au  penchant  du Qà«yaèn«  dassU 
turbeb  de  son  père.  Il  était  grand  cdlecttonneur  de  HvMa  xtoem 

(FatoAt  d  wafwyàX,  I,  3oo). 

^^  Le  qAdy  en  chef  Ghama  ed-dîn  Ahoa  Mohammad  *abd  Aliiih , 
fils  du  chaykh  Gharaf  edrdin  Mohammad  ebn  *atâ  ehn  Hasan  eba 
Djobayr  ebn  Djàber  ebn  Wohayb,  el  Âdra*y,  hanafitp.  »  connn  amu 
le  nom  du  qâdy  *abd  Allah,  naquit  Tannée  699»  E^int  à  Dantas  et 
étudia  la  jurisprudence  au  point  qu*il  devint  le  rafs  (chef)  des  Hte 
naiitea.  B  professa  à  la  KhàiQWiiiyêh'nmiytk  et  à  la  MorohéJiyeh, 
H  ffoi  nommé  qàdy  par  le  snitan  d  mtààk  ^^Zàher.  Baybart  efrSftr* 
lehy«  ie  6  djoumàda  i**  de  Tannée  664*  fl  resta  qftdy  en  chef  Jaa« 
qu*à  sa  mort,  qui  eut  lien  le  jour  de  vendredi  8  (ebn  Kaiir  dit  9) 
d^eumâda  1*'  de  Tannée  673  et  il  fiit  enterré  an  pendiant  dn  QA»> 
syoÂtt  (N,  f^  175  r**).  H  véeut  près  de  quatre-vingts  ana  (N,  foL 
1&3  v**)..  -^  U  étai*  né  l'année  696.  H  fiU  enterré  paèa  de  U  Mo'û^ 
uttniyêk,  au  penchant  du  Qàsyoûn  (N,  f"  164  r'^tv").  [-*  Soivast 
G.  Fi&gdf  looû  cit.,  p.  396,  Ghama  ed^n  mourut  en  673. 

Ebn  Kattr  se  trompe.  Diaprés  ie  eaiendrier  leligieuz,  le  i*'  oio» 
harram  673  tomba  on  samedi  (7  juillet  1374)  et  cènaéqnemawt 
le  8  d^onmâda  1*'  fat  bien  on  vendredi. 

'*^  El  malek  el  Mo^azzam  Gharaf  ed<lhi  ^ysa  fut  le  premier  db 
la  famille  ayyoubîte  qui  ad<^ta  le  rite  d'Abeu  Hai^^fiih.  Gf;  ta  bio- 
graphie dans  Biogiraphiad  dietianary,  U,  428-43^     * 

^  H*  Khal.  (II,  566)  ùÂt  mention  du  commentaire  de  eepriiice 
et  ajoute  qu  il  avait  Thabitude  de  donner  100  dinârt  à  ctmt  qm  i«« 
vaient  par  cœur  le  Djàmé'  $1  kabtr  ^  5o  dinars  k  ceox  qui  avaient 
appris  le  Djâmfi  êê'-ta^hir, 

!«•  Traité  de  grammaire  par  ei«Z«makfaehary,  ayiit  «à  538 
(Comm.  16  juillet  ii43).  H.  K^»,  VI,  36. 

^^  Les  ouvrages  portant  ce  titre  sont  très  nombreni.  H  s'agit 
probaUement  ici  de  Vlifdâh,  oemmentaire  du  M^tuwi,  par  Abon'4 
baqâ  'abd  Allah  ebn  d  Hasan,  d  'okbary,  mort  en  616  (Cpéun* 
19  mars  1919).  Gf.  H.  K^dl,,It  5id,  et  VI,  38. 

1^  Suivant  d  Asady  (N,  V  177  v**),  ea  fut  le  ix  don*!  qaUoh 
de  Tannée  Ôi  i.  B  se  rendit  à  la  Mekke  à  dromadinra,  aceom^a§ii4 
de  'eu  ed-dtn  Aybek,  seigneur  de  Sar|^ad,  de  'émÂd  ed-^din  ebn 
Moèsdi  et  d'es-Zahir  ebn  Sonqovv  d  Hdaby»  S^em,«aîgBe«r  de 
Médine,  vint  à  sa  rencontre  et  lui  fit  cadeau  de  dieva^xf  qnpnt  à 
Qotâdah,  sdgneur  de  la  Mekke,  B  s'abstnit  de  kd  Madre^hMi» 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  3U 

mage  et  ne  fit  pas  attention  à  loi.  -^  QotAdah  étant  mort  en  617 
ou  618  (Die  Ckronikm  der  Stadt  Mekka,  II,  3i4),  rannée  611  eat 
la  bonne  leçon. 

^^  Cette  construction  est  attestée  par  les  deux  inscriptions  sui- 
vantes (n~  769  et  769  de  ma  cdiection)  : 

N*  7 59  (à  bâb  ChàghoAr,  an-idessus  d'une  eorieuse  inscription  cou* 
fique  de  l'annëe  55 1).  cAu  nom  de  Dieu, etc.  (Cemût  fd  h  réw^ltemi 
Ê contre  Dieu  et  ien  prepkète  terûnt  oemerts  d'ùppnht^.  Diea  a  dit  :) 
c  Certes  je  donnerai  la  victoire  à  me$  eKooyée*  ïhea  eetfert  et  pwiisani 
c  (Qor.,  Lvu,  ai  ).  A  ordonné  de  Ptnou^er  cette  porte,  le  rempart 
«et  le  fossé  béni  notre  jnaitre,  le  sultan  el  maiekd  BfoV^tsam,  b 
t  conquérant,  fe  champion  de  la  foi,  Gbaraf  ed-donnya  ou  ed-dîn ,  la 
c  sultan  de  Tislamisme  et  des  musulinans,  lewvificateur  de  la  justice 
f  dans  luni  vers ,  ^m  ^  fils  du  maître  le  sdhin  el  malek  d  *âdd  Sayf  ed- 
«dîn  Abon  fiakr,  fils  d'A3ryoâb,  que  Dieu  éternise  son  règne!  par 
c  pentir  *  envers  Dieu ,  qu^il  soit  mité  !  sous  la  directi<m  (  Jy^)  du 
c  viteur  qui  a  besoin  de  la  miséricorde  de  son  seigneur,  Mohammad , 

•  fils  de  Qarsaq ,  el  Mo  azzamy. . .  »  .^^  Vérifiée  par  M.  Max  van  Berchem. 

La  fin,  qui  contenait  sans  doute  la  date,  a  disparu. 
N**  769  (A  bàb  charqy,  sur  la  fkce  intérieure)  : 

•  Au  nom  de  Dieu,  etc.  Qor'an,  m,  11s.  A  ordonné  de  renour 
ff  vêler  ce  rempart  béni  et  le  fossé,  notre  maître  le  suHan  d  malek 

■  el  Mo'azzam,  juste,  savant,  champion  de  la  foi,  Gharaf  ed-dounya 

•  ou  ed-din ,  le  sultan  de  l'iriamisme  et  des  musulmans ,  le  vivifica- 
«teur  de  la  justice  dans  l'univers,  "ysa,  fils  du  maître,  le  sultan 

■  martyr,  d  malek  d  âdd  Abou  Bakr,  fils  d'Ayyoéb,  que  Dieu  éter* 
«  nise  son  règne!  pour  se  rapprocher  de  Dieu  et  obtenir  ses  faveurs , 

■  sous  la  direction  du  serviteur  qui  a  besoin  de  la  miséricorde  de 
«  son  seigneur,  Mohammad ,  fils  de  Qarsaq  d  Mo'axzamy.  Et  cda  en 

•  l'année  62(?)3.»  —  Rectifiée  par  M.  Max  van  Berchem. 

La  dernière  ligne  est  mutilée. 

1»  Elle  s'appdait  aussi  la  Mo'Azzamiyek.  Cf.  Moudjîr  ed-dln,  tra- 
duction Sauvaire,  p.  i56. 

"*  DjaTar  ebn  Abt  TWeb,  cousin  du  prophète  et  frère  de  *a!y, 
fut  surnommé  et-iayyér  (cdni  qui  vole)  par  Mahomet;  il  eut  les 
deux  bras  coop^  i  la  bataille  d^eA  Mo'teh  el  fut  enterrtf  dans  la 
localité  de  et  nom.  Cf.  Oiod  el  ffkâhak,  I,  a86,  et  en-Nawawy, 
p.  «9a. 

•  ^.  J^ndînen»  à  lire  tfjM9,  comme  dans  nnscriptlon  qd  tdt. 


320  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

17&  tiMa'ân,  ville  située  à  l'extrémité  du  désert  de  Syrie,  en  âice 
.du  Hedjâz,  et  un  des  cantons  du  fialqâ;  die  est  actuellement  en 
ruines.  C'est  de  là  que  les  pèlerins  descendent  dans  la  campagne.  » 
Marâsed,  —  Abou  1  féda  écrit  Ho*ân. 

"•  El  Asady,  apnd  N,  f*  176  v',  rapporte  qu'el  Mo'azzam  sui- 
vait assidûment  les  leçons  d'ét-Tâdj  d  Kendy  et  qu'il  descendait  de 
la  citaddle,  son  livre  sous  le  bras,  pour  se  rendre  à  la  maison  de 
ce  professeur  située  dans  la  rue  des  Persans  (darb  el  *adj(Ufi),  — > 
Ce  prince  faisait  faire  dans  ses  États  la  jdiptheh  au  nom  de  son 
frère  d  Kâmd  et  firappait  la  monnaie  à  son  nom  sans  faire  mention 
du  sien  propre  à  côté  de  cdui  d'd  Kâmd  (N,  f*^  177  v^).  —  Ses 
États  s'étendaient  depuis  d  *arîch  jusqu'à  Hems  et  d  Karak. 

"''  Sebt  ebn  d  I^'av^  dit  qu'il  mourut  la  nuit  du  (3o  dou'l 
qa'deb  au)  1*'  dou'l  hedjdjeli  6ii  (V,  13  novembre  1337);  suivant 
un  autre  auteur,  il  mourut  à  Damas  à  la  buitième  beure  du  jour  de 
vendredi  3o  4ou'l  qa'deb  62^  (Biographicàl  dictionary,  II,  439).  B 
eut  pour  successeur  son  fils  d  malek  en-Nâser  Saiâh  ed-din  Dàoûd. 

^^'  Suivant  ebn  Katîr,  la  Khâtoûn.  mère  du  sultan  d  malek  d 
Mo'azzam  et  épouse  d'd  'âdd,  mourut  le  jour  de  vendredi  30  râbf 
1*'  de  l'année  602  (V,  4  novembre  i3o5)  et  fut  enterrée  dans  sa 
<foiihbeh,  dans  la  madraseb  la  Mo^aziomyeh,  au  penchant  du  Qâsyoûn. 
—  En  l'année  606  mourut  d  mddc  d  Mogbit  Fath  ed-dîn  *omar, 
fils  d'd  malek  d  'âdd,  et  il  fut  enterré  dans  la  turibeh  dé  son 
firère  d  malek  d  Mo'azzam,  au  pencbant  du  Qèsyoûn.  —  Quand 
mourut  d  malek  d  I>jawâd  Mou'mea  (lire  Yo'ùnè»),  fils  de  Maw- 
doûd,  fils  d'd  malek  el  âdd,  au  cbâteau  fort  de  Gbaznâ  où  îk  était 
emprisonné,  son  corps  fut  transporté  à  la  turbeb  d'd  Mo^azzam,  au 
pencbant  du  Qâsyoûn.  —  Le  même  auteur  dit,  sous  l'année  655, 
en  donnant  la  biographie  d'd  mddc  en-Nâ»er  Dâoûd,  fils  d'd 
Mo'azzam  'ysa,  fils  d'd  'âdd,  en-Nâser,  fils  d'd  *azîz,  qu'M  l'empri- 
sonna au  village  d  el  Bouwayda,  qui  appartenait  à  son  onde  patemd 
Mohiy  ed-dîn  Y a'qoûb,  jusqu'à  ce  qu'il  y  mourut  en  cette  année.  B 
fut  transporté  de  là  et  enterré  auprès  de  son  père ,  au  penchant  dâ 
Qâsyoûn.  —  En  l'année  693 ,  d  malek  es-^âber  Mohiy  ed-din  Abou 
Solaymân  Dâoûd,  fils  d'el  malek  d  Modjâbed  Asad  ed-din  Chir^ 
koûh,  seigneur  de  Hem^,  fils  de  Nâser  ed-dîn  Mohammad,  fils  d'd 
malek  d  Mo'azzam,  mourut  dans  s<m  jardin,  à  l'âge  de  qoatre^ 
vingts  ans,  en  djoumâda  2"^,  et  après  que  la  prière  sur  son  corps 
eut  été  faite  dans  la  grande-mosquée  d  Mozafiéry,  il  fut  enterré 
dans  sa  turbeb,  au  penchant  du  Qâayoûn.  —  £1  Benâly  dit  dans 


DESCRIPTION  DE  DAMAS:  321 

SA  Chronique,-  sous  l'année  708  :  «Le  matin  du  samedi  10  djou* 
mâda  3**  (le  S  était  le  9  ou  le  16),  mourut rémiréminoit,  savant, 
Sayf  ed-dîn  Abou  Bakr  Mohammad,  fils  de  Salâh  ed-dîn  Aboul  Hasan 
Mohammad,  fils  d'el  malek  d  Amdjad  Madjd  ed-dîn  d  Hasan,  fils 
du  sultan  d  malek  en-Nâser  Salâh  ed-dîn  Dâoûd,  fils  d'd  mdek 
el-Mo'azzam  Gharaf  ed-dîn  *ysa,  fils  d'd  malek  d  'âdd  Abou  Bakr 
Mohammad,  fils  d'Ayyoûb,  fils  de  Ghâdy,  au  penchant  dû  mont 
Qâsyoûn;  la  prière  de  midi  fiit  faite  sur  son  corps  dans  la  grande- 
mosquée  de  la  5âléhiyeh  et  il  fut  enterré  dans  la  turbeh  la  Mo^azza- 
miyek,  auprès  de  son  père  et  de  ses  aïeux.  H  avait  demeuré  qudque 
temps  à  Hamâh ,  puis  était  retourné  à  Damas  où  il  se  fixa.  »  ^ — 
£s-Safady  dit,  sous  la  lettre  B  :  «Abou  Bakr,  fils  de  Dâoûd,'  fib  de 
'ysa,  fils  d'Abou  Bakr  Mohammad,  fib  d'Ayyoûb,  fils  de  Châdy, 
Sayf  ed-dîn ,  surnommé  honorifiquement  el  malek  d  *âdel ,  mourut 
dans  le  mois  de  ramadan  de  l'année  682.  La  prière  fiit  faite  sur 
son  corps  dans  la  grande-mosquée  omayyade  et  il  fut  transporté 
à  la  turbeh  de  son  grand-père  d  Mo*azzam ,  an  penchant  du  Qâ- 
syoûn '.  Il  était  dans  la  dizaine  des  quarante  (ans) ,  qu'il  n'avait  pas 
encore  atteints*»  (N,  f°  176  r^-v"). 

17»  On  lit  dans  le  texte  arabe  d'ebn  Khailikân  i:)^\ ,  A3ljLai.t  et 
ylS'^,  au  iieu  de  y>i#,  *IôliI  et  yl5l 

1^^  Sur  la  porte  d'une  ancienne  madraseh,  au  marché  de  bâb  el 
barid,  près  du  marché  des  vanniers  (el  Khawwâsin),  on  lit  cette  in- 
scription coufique,  couverte  de  plâtre  (n°  328  de  ma  collection)  : 

«Au  nom  de  Dieu,  etc.  A  construit  cette  madraseh  bénie  le  grand- 
«émir,  Vesfehsalâr  (généralissime)  Mo'în  ed-dîn  Anar,  fils  de  'abd 
«  Allah ,  l'affranchi  d'd  malek  le  champion  de  la  foi ,  l'assidu  des 
«  rébâts ,  le  conquérant  Toghtékîn ,  des  bienfaits  de  feu  son  maître.* 
«Et  cela  eu  l'année  624.»  —  «Cette  inscription  a  disparu.»  Note 
de  M.  Max  van  "Berchem. 

Il  faut  lire  624  ou  544;  en  tout  cas,  le  nombre  des  centaines 
(600)  est  certainement  erroné. 

1^1  Le  texte  porte  Anaz,  comme  ebn  Khailikân,  page  34 o  du 
texte  imprimé,  et  275  de  la  traduction;  mais  M.  de  Slane  (I,  678) 
rectifie  celte  lecture.  On  trouvera  dans  les  HUt  or.  des  Crois,,  I, 
760,  l'explication  de  l'origine  de  la  fausse  lecture  Anaz.  Dans  ed- 

•  Cf.  Quatremère ,  Mamloûhs,  II,  67. 

*  On  pourrait  inférer  des  mots  «qo^il  n'avait  pas  enc<»e  atteints»  que 
Texpression  «dans  la  disaine  des  quarante»  signifie  de  «trente  à  quarante 
ans». 

IV.  2 1 

iiirataBUK  iatioiau. 


322  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

Dahaby,  ce  nom  est  vocdisé  Onar.  Ebn  Khailikâii ,  loco.  eit» ,  jdace 
sa  mort  dans  la  nuit  du  (23  an)  28  rabî*  s*^  544  (août  ii4g)«  Sa 
fille  ëpoasa  Noùr  ed-dîn  Mahmoud  et,  après  la  mort  de  ce  prince, 
devint  la  femme  de  Saladin. 

^  Nous  avons  vu  l'expression  maqbercA  ayant  le  aena  de  tarhdL; 
ici,  c'est  l'inverse.  Ct  n.  70,  ci-devant. 

1^  Ë4-I>ahaby  dit  dans  les  'ébar,  sous  l'année  544  :  «L'émir 
Moin  ed-din  Anar,  fils  de  *abd  Mlah,  eUToghtëkiny,  est  enterré 
dans  sa  (fonbhek  située  entre  la  maison  det  jtastèqnes  et  la  Càébii^fA. 
n  mourut  en  rabi*  i**.  •  Et  dans  son  Abrégé  det  Annales  de  litlo' 
misme,  sous  la  même  année  :  «Le  tombeau  de  l'atâbdL,  le  meUk  el 
omard  Moin  ed-dîn  Anar,  se  trouve  dans  la  qonhbek  qoi  est  derrière 
la  maison  des  pastè^nes,  »  «Suivant  (Abou  Ya*la  et-Tamimy,  dit)  Abou 
Ghâmah  [Rawdatayn,  64  )«  il  mourut  la  nuit  du  (93  au)  s 3  rabfi*  3* 
de  l'année  544  et  fut  enterré  dans  Viwân  de  la  maison  VAtàiékiyek 
qu'il  habitait.  Puis,  qudque  temps  après,  il  fut  iransféré  à  la  mad* 
raseh  qu'il  avait  édifiée».  Je  dis  (c'est  Abou  Cibimah  qui  parle)  s 
«Son  tombeau  est  dans  une  iioubbeh  au  cimetière  (inaqàber)  de  la 
^awniyek,  au  nord  de  la  maison  des  p€Mè<iues  actuelle.  Son  noM  est 
écrit  sur  la  porte  de  la  ifwhbeh.  Peut-être  y  a-^il  été  transporté  de 
là»  (N,Pi78  r»V). 

>^  Le  qâdy  Nadjm  ed-dfn  'omar  en-No^mâny,  el  Beghdàdy,  puis 
ed-I>émachqy,  hanafite,  était,  à  ce  qu'on  prétend, an  descendant  de 
l'imâm  Abou  Hanifah.  H  vint  à  Damas  avec  son  père,  en  proie,  tons 
les  deux,  à  la  plus  extrême  misère,  et  as  se  dirigèrent  vers  Mesr. 
Nadjm  ed«dîn  entra  dans  la  maison  du  qàdy  hanafîteet  devint  ekàhed 
(témoin  )  et  méhaUef  (chargé  de  &ire  prêter  serment).  Impfiquénllé^ 
rieurement  dans  une  affaire  de  soustraction  commise  au  préjudice  de 
l'émir  Gumuchboghâ,  nâA  de  la  dtaddle,  il  partit  pour  le  Caire  et 
quand  l'armée  égyptienne  arriva,  il  vint  avec  elle  et  ivmplit  pendant 
quelque  temps  le  poste  de  hâi^  es-serr  par  délégation  de  Belift  ed- 
dîn  ebn  Hedjdjy;  puis  il  fut  investi  de  la  heshek  en  râdu*  i^  dei^ai^ 
née  844.  Il  fut  ensuite  nommé  inspecteur  et  professeur  de  la  Mo- 
'tniyeh,  dont  il  fit  son  prétoire  et  qu'il  avait  reconstruite  api^  qa'dle 
avait  été  la  proie  des  flammes.  Après  la  mort  d'Abou  Chàmah,  il 
fut  investi  de  la  procure  (wékàleh)  du  trésor  public,  puis  de  l'office 
de  qâdy  en  remplacement  de  Ghams  ed-<JUn  es-Safadyt  en  safar  de 
l'année  846.  H  mourut  le  4  saCar  de  l'année  SSo  et  fut  entené  au 
cimetière  (maqéber)  des  étrangert,  à  la  Qarê&h,  au  penchant  4il 
Moqattam.  Il  était  âgé  d'environ  soixante  ans  (N,  f*  179  r^V)^ 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  323 

«»  N  écrit  tAifetâ». 

^^^  Le  chaykh  Taqy  ed-dîn  dit  :  fPtmi  le»  penonnageB  qm  fidOtt* 
rurent  dan»  h  jomb  de  djoumâdai  i*'  de  l'année  8iJ^  fut  Asank 
—  par  un  tîn  et  UB  noûn  — •  fils  d'Azdéoiir.  Il  était  venu  de  son 
pays  (à  Damas)  auprès  de  son  frère*  depuis  peu  de  temps.,  moins 
d'une  année ,  lorsqu'il  mourut  le  jour.de  vendredi  so  du  moci(V, 
iSaoùt  i4i3);  il  ûit  enterré  dans  la  turbeh  de U  madraseli  la  jiUk 
rédânijeh,  au  pont  blanc,  attendu  que  la  fendatrioe  n'y  avait  pas 
été  enterrée»  {îi.  r  i8or^). 

^^^  Ce  passage ,  jusqu'à  la  mention  des  profissaeois  exdnsiyiemeiit-, 
manque  dans  le  ms.  de  M,  Scfaefer. 

^  Le  chaykh  Taqy  ed-dîn,  fils  du  qâdy  de  Ghi^ibeh»  dit  daos 
la  Suite,  sous  (^oumâda  %^  de  l'année  83 1  :  «Parmi  ceux  qui  mou- 
rurent à  cette  date  fiit  le  chayUi  Zayn  ed-^n  Abou  *abd  Allah 
Mobtmmad,  fils  du  qàdy  Tâdj  ed^n  abd  Allah  ebn  ^«ly,  d  Mft* 
rédâny  d'origine,  ed^'Démachqy,  hfopitCîie,  oonnu  sous  le  nom  db 
fils  du  qâdy  de  Soûr.  Mé,  suivant  l'information  qu'U  m'en  i  don- 
née, l'an  790 ,  il  reçut  de  son  père  la  chaire  et  l'in^>ection  (luisor) 
de  la  MàrédàMyek ,  l'inspection  de  la  turbeh  la  Djarkatiyeh ,  à  la 
Sâléhiyeh,  et  autres.  Puis,  dans  le  mens  de  ramadan  839,  il 
fut  investi  de  la  charge  de  substitut  du  qàdy,  moyennant  le  paye- 
ment d'une  somme.  Il  mourut,  en  sa  demeure*  à  la  Sâléfaiyeh,  le 
jour  de  dimanche  1 1  du  mois.  Le  jour  de  jeudi  8  de  ce  mois,  il 
rendait  la  justice  à  la  madrtseh  la  Noûriyek.  U  fut  enterré  dans 
leur  turbeh  an  penchant  du  Q&syoôn,  à  prosimité  de  la  M^'az- 
zamiyeh.  Son  père  était  mort  au  mois  de  rabf  2^  de  l'année  799» 
(N,ri8or°). 

iB^  «Les  Mohammadiyât  sont  un  endroit  (^>«)  à  Damas.»  Mtk- 
ràsed. 

190  cf,  Biographieal  dictionary,  IV,  àao^  5o5«  Sfio*  «^  Ebn  el 
Moqaddami  Mohanunad  ebn  'abd  £1  Malek  ebn  el  Moqaddam, 
l'émir  Chams  ed-dîn,  était  un  des  grands-émirs  des  deux  jcègnen, 
celui  de  Noûr  eddîn  et  celui  de  Sdâh  ed-din  (N,  P  180  v*). 

^^  Saladin  lui  enleva  Balbakk  qu'il  donna  À  son  firère  Ghams 
ed-dauleh  Toûràn  Chah,  et  lui  remit  en  édiange  une  plaoa.£of!te 
(N,  P  180  v<').r—  Cf.  HisUor.  det  Croù.,  U  634, année  Ô74. 

^^*  n  fut  présent  à  la  bataille  de  Hettîn  et  funipart  aux  combats 
de  'akkâ,  de  Jérusidein  et  des  viM«  du  Littnral  (N,  T  180  ^Vf, 

i9i  ti'att^àt  estleltan  ou  l'on  stationna  pendant  les  oérémonies  du 
pèlerinage.  Sa  limite  s'étend  de  la  montagne  qui  domine  )e  Batn 


21 


324  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

*amah  jusqu'aux  montagnes  situées  en  face^  jusqu'à  ce  qui  suit  les 
murs  des  Banou  'amer.  »  Marâsed, 

*"*  Le  texte  porte  \s>\ym»S3\  vv^î  uïùb  il  faut  évidemment  lire 
is»Ur^t.  —  Ëbn  Katîr  dit  v>W^  (les  tambours). 

iM  Tftcfatékîn  signifie,  d'après  M.  de  Slane,  de  brave  camarade  t. 
-^  Cf.  sur  cet  événement,  Hist.  or.  dei  Crois,,  I,  714,  7i5.  —  Cet 
émir  fut  blâmé  d'avoir  agi  comme  il  l'avait  fait  et  destitué  de  sâ 
jdace  (N,f  i8ov'). 

^^  Cf.  Rawdatayn,  a* p.,  laS,  et  Hist,  or,  des  Crois.,  I,  58,  714, 
716;  lU,  io4»  io5. 

^'^  H.  Khal.  (Il,  236)  mentionne  secdement  le  titre  de  cet  ou- 
vrage, sans  rien  ajouter. 

1»  On  lit  dans  Y  Histoire  d'ebn  Wftsd  [Kàmel,  t  VU,  p.  34)< 
cLe  khân  d'ebn  el  Moqaddam  est  voisin  de  la  porte  d*elfaràdis* 
(Quatremère,  Mamloûks,  II,  72).  —  E^-Saqqâ'y  (f  70  v*)  attribue 
cette  madraseh  à  el  malek  d  Hâfe;z  Ghyât  ed-din  Mohammad,  fiit 
de  Cfiâhahchâh ,  fib  de  Behr&m  Chah ,  fils  de  Farrokh  Chah ,  fils  de 
Cbâhahchâh,  fils  d'Ayyoûb.  Il  s'exprime  ainsi  :  cCe  prince,  connu 
sôus  le  nom  de  Fils  du  seigneur  de  Balbakk ,  habita  constamment 
sa  maison  et  sa  madraseh  colinue  sous* le  nom  de  Ia  Moq^àda- 
miyeh,  (et  située)  à  Damas  en  dedans  de  bâb  elfarâdts.  H  mourut 
en  cha'bân  de  l'année  693  et  fut  enterré  dans  sa  tnrbdi  (sise)  dans 
ladite  madraseh.  » 

»»»  tPeut-êtreendehorst  (N,f*  181  r^).   . 

'^  On  lit  dans  la  Description  de  l'Egypte  de  Maqrîzy,  Û,  317  t 
S^S^S  dut  vUl  ^^. 

^^  Sur  le  mot  khawand  ou  hhaioandak  t  princesse  •,  voir  Quatre* 
mère,  Mandoiiks,  I,  64*  68^ 

*^  L'inscription  (n**  260  de  ma  collection)  qu'on  trouve  en  de- 
dans de  bâb  ei  farâdts,  sur  la  porte  de  la  Moifoddamiyeh,  prouve 
qu'en  990  (1682  ),  ultérieurement  à.la  mort  de  *abd  El  Bàset,  cette 
madraseh  fiit  l'objet  d'une  reconstruction.  L'inscription  se  compose 
des  trois  vers  suivants  : 

cô  belle  madraseh,  dont  les  beautés  re^endinent  «l  qui  est 
rem{^e  de  la  récitation  des  litanies  et  de  sanctification  1 

tElie  a  été  élevée  par  ez-Zayn  (Zayn  edrdin)  dont  la  ^oire  est 
complète.  Il  l'a  préparée  pour  la  science  et  l'enseignement. 

«  Honore  une  madraseh  ayant  pour  chronogramme  :  La  trwulof 
tion  des  sciences  est  établie  sur  ia  pins  s<^de  des  bases.  —  An- 
née 990.  • 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  3J5 

Les  lettres-nombres  composant  le  chronogramme  sont  : 

NQLAL      /LWMB 
5o-ioo-3o-i-3o  70-3o-6-4o-2- 

A  H  K     MAL      T     A    S     Y     S 
i-8-ao-4o- L-3o -4oo- 1 ~6o- 1 0-60 

Si  l'on  additionne  les  chiffires  places  sous  chaque  lettre,  on  trouve 
exactem^it  990,  comme  l'indique  la  date  exprimée  en  chiffines. 
Sur  Vabondjad  oriental,  voir  Une  mère  d^astrplabe,  par  H.  Sauvaire 
et  J.  de  Rey-Pailhade,  dans  le  Journal  oiiati^ue,  p.  7  du  tirage  à 
part. 

^  N  porte  ici,  au  lieu  d'd  Ghâ4y«  d  qâry  (le  professeur  de  lec- 
ture qor'ânic[ue). 

^  Le  chaykh  Qiéhâh  ed-din  Ahmad  ebn  Khedr  y  donna  la  leçon 
en  vertu  d'un  rescrit  du  sultan,  en  el  moharram  de  l'année  774 
(N,fi8iv'). 

^  Taqy  ed-dîn  el  Asady  s'exprime  ainsi  :  «  Quant  à  la  Moqadda' 
miyeh  extra  mnros  (située)  à  Mardjah  Dahdâh  et  connue  squs  le 
nom  de  turbeh  d'el  Moqaddam ,  e^e  fut  construite  par  l'émir  Fakhr 
ed-dîn  Ibrahim,  qui  mourut  en  l'année  697  (et  fut  enterré)  dans 
ladite  turbeh.  »  L'auteur  dit  encore ,  sous  la  même  année  :  «  Ibra- 
him, fils  de  Mohammad,  fils  de  *abd  El  Malek,  Fakhr  ed-dîn  ebn 
el  Moqaddam,  était  brave  et  intelligent.  Il  fut  investi  de  la  cita- 
delle de  fiârîn  et  de  plusieurs  châteaux-forts ,  où  il  avait  des  lieute- 
nants. El  malek  ez-Zâher  Ghâzy,  ayant  jeté  les  yeux  sur  ces  places, 
les  prit  et  il  lui  resta  Bârîn.  Il  mourut  à  Damas  et  fut  enterré  dans 
la  madraseh  de  la  famille,  en  dehors  de  bâb  elfarâdUn  (N,  f*  183 
r°-v**).  —  Cf.  HisU  or.  des  Crois.,  I,  77.  Aboul  féda  l'appdle  *eiz 
ed-dîn  Ibrahim. 

*••  Il  occupait  encore  la  chaire  en  674  (N ,  f  18a  v"). 

*>^  Je  lis  ;13*>I;  B  et  N  écrivent  ^Jjjl. 

^<>^  Le  Khaikhâl  fait  partie  d'un  village  appdé  San'â  de  la  Syrie, 
dans  la  Ghoûtah  de  Damas.  Voir  ebn  Ghâker. 

^  En  l'année  748  (N,  fol.  182  v°). 

^^^  A  la  fin  du  règne  d'en-Nâser  Hasan  (année  755)  (N,  f 
182  v"*). 

«"  En  chawwâl  de  l'année  755  (N,  f"  182  v'), 

"«  En  safar  de  l'année  757  (N ,  f  182  v*). 

«»  En  djoumâda  i*'  de  l'année  767  (N,  f  182.  v^j. 


3M  SEPTËMBRfiOCTOBRÉ  1^04. 

»«  En  dott*l  h«dgdj6h  de  rannée  767  (N,  f  18s  V). 

'^^  Il  s*enfuit  pendant  le  trajet  et  resta  caché  durant  une  année 
environ.  Le  nMb  de  Syrie  s'étant  emparé  de  loi  l'envoya  à  Mesr,  où 
il  fut  comblé  d*hônneurs  et  mi$  eh  liberté.  B  deineura  à  Jérusalem 
et  c'est  alors  quil  y  construisit  la  khânqâh  et  la  mtdraseh.  Lors  de 
sa  révolte,  le  nâXb  de  Syrie  Baydauer,  ipn  avait  taé  el  malek  en- 
Nâser  Hasan ,  fit  cause  commune  avec  ledit  émir  Sayf  ed-dîn  Man- 
djak.  Tous  deux  furent  saisis  et  emprisonnés,  pais  mis  eh  liberté. 
Ensmte,  dans  les  derniers  jourâ  de  l'année  766,  Mandjak  reçut  la 
nyàbêh  de  Tarsoûs ,  Ait  plus  tard  transféré  à  Tripoli  Tannée  768  et 
prOttitt,  en  safar  de  l'année  suivante,  au  poste  de  nàih  de  Damas, 
en  remplacement  de  Baydamor,  après  le  meurtre  d'Ylboghâ.  Il  y 
resta  sept  ans  moins  quatre  mois,  puis,  en  chawwâi  de  Tàmée  776 , 
il  fut  mandé  à  Mesr. . .  (N  ,  f  182  v*). 

*>«  B  tnoarut  au  Caire  en  dou*!  kedjdjeh  de  l'antiée  776  (N, 
f  t8i  ¥•)» 

^^7  Le  qâdy  en  chef  Djamâl  ed-dîn  ebn  d  Qotb,  banalité,  étliit 
dépourvu  de  toute  science.  B  eierça  les  fonctions  de  mohtoieh  avant 
ia  guerre  et  eut  toujours  une  conduite  détestable.  B  mourut  le  Jour 
de  mercredi  a6  (mobarratn)  déi'année  81 4  (Me,  30  tnai  i^ii)  et 
fut  enterré  dans  la  Moqaddùmfyvk  extra  maroi,  an-éessus  de  son 
fondateur,  ce  qui  fut  réprouvé  par  ia  population  (N,  f*  188  1^). 

*^*  Le  8  ^r  de  l'année  81 4.  —  Cbarif  ed*-din  Mahmoâd  d 
Ant&ky,  hanafîte,  mourut  à  un  âge  avaneé,  le  jour  de  Mercredi 
11  cha*bÀnderannée8iS(Me,  16  novembre  i4i 3),  à  la  Sàléhiyek, 
où  âfîit  enterré  (N,f*  i83  v^). 

*^*  Dans  le  mois  de  rabt  9*  de  Tannée  8s3,  dit  el  Asady,  et  le 
jour  de  lundi  sa  (L,  6  mai  i4do) ,  la  leçon  Ait  donnée  par  Q^Wâm 
ed<lîn  Qâsem  d  *adjamy  à  la  MandjMjek,  qui  est  à  à  MoiULybé" 
(N,fi83v°). 

^  tiQâboûn.t  L'auteur  (du  Mo*djam  êl  hûldân)  dit  :  t Endroit 
situé  à  1  mille  de  Damas,  sur  la  route  du  'îrâq,  atl  milieu  de  jar- 
dins. »  Je  dis  I  t  C'est  nu  Village  où  se  trouvent  un  marché  et  uo 
khân  dans  lequd  descendent  les  caravanes.»  MïOfésêd, 

"^  *El  May  tour  (fait  partie)  des  villages  de  Damas.»  MarA$ed, 
*  "*  tiArtoAna  (est  un)  des  villages  de  Damas.  »  MùrAsed, 

***  H  y  professait  encore  en  674  (N,  f  i84  r^). 

^  Kâteb  el  mamâUk,  —  Le  jour  de  dimanche  6  radjah,  il 
donna  des  leçons  dans  la  chaire  qu'il  avait  instituée  pour  hs  tia- 
nafîtes  dans  leur  mehrâh ,  en  la  grande-mosquée  de  Damas.  Fàkhr 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  327 

ed-diii^  j*écrivam  des  mamioûks,  Mohammad  ebn  Fadl  Allah,  in» 
specteur  des  armées  À  Mesr,  était  Copte  d'carifine;  il  emlirassa  l'is- 
lamisme et  fut  un  très  bon  mnsuknan.  H  tdiiint  du  sidtan  da 
grandes  laveurs.  Il  avait  plus  de  soixante-dix  eoa  <piand  il  mourut 
au  milieu  du  mois  de  radjab  de  Tannée  739.  C'est  de  lui  que  tire 
son  nom  la  Fakhriyeh  de  Jérusalem.  Après  sa  mort,  le  séquestre 
fut  mis  sur  ses  biens  (N,  P  i8é  y°). 

Mondji!"  ed>-din  (traduction  Sauvaire*  p*  i4i)  Tappdle  Son  Al  < 
tesse  Fakhr  ed-din  Abou  'abd  Allah  Mohammad  ebn  Fadl  AUah* 

^  D'apràs  ebn  Batoûtah  (I«  a  so)  »  la  Noûriyeh  était  le  plus  grand 
coUège  des  Hanafîtes  à  Damas. 

On  lit  sur  la  porte  de  la  madraseb*  qui  est  ie  lieu  de  tq>ukure 
du  sultan  Noûr  ed^in  Mahmoud,  Tinscription  suivante  (n"^  a 38  de 
ma  collection)  : 

«Au  nom  de  Dieu,  etc.  A  ordonné  la  construction (*LdbJ{). de  celte 
«madraseh  bénie  noti^  maître  le  sidtan  d  malek  d  *âdd,  lecham- 
«pion   de  la  foi,  Noûr  ed-dîn  Aboul  Qâsem   Mahmoud,  fils  de 
«Zenky,  fils  d'Aq  Sonqor,  et  il  a  constitué  en  waqf  pour  elle,  pour 
«la  turbeh  qu^il  s'est  bâtie  ( LàU^ ]  à  lui-môme,  et  pour  les  pension- 
«  naires  d'entre  les  jurisconsidtes  et  les  professeurs  de  jurisprudence 
«  selon  le  rite  de  i'imâm  ech-Châfé'y,  que  Dieu  soit  satisfait  de  lai  ! 
«  la  totalité  du  jardin  connu  sous  le  nom  de  janlin  d'el  Djawrah  à 
«  Arzah ,  les  quatorze  boutiques  en  dehors  de  la  porte  à'el  Djâbyeh , 
«  le  bain  nouvellement  construit  (oorim  )  près  de  la  madraseh ,  connu 
«  sous  le  nom  du  fondateur, .......  waqf,  fondation  et  immobili- 

«sation  ad  œternnm,  non  susceptible  de  vente,  de  donation  ou  de 
«  gage ,  avec  le  désir  d'obtenir  les  bonnes  grâces  de  Dieu ,  qu'il  soit 
«  exalté  I  et  dans  le  but  d'acquérir  la  récompense  le  jour  où  Dieu 
«  récompensera  ceux  qui  font  l'aumâne  et  ne  fera  pas  perdre  la  ré- 
(ttributiou  de  ceux  qui  pratiquent  le  bien.  Et  cela  (dans)  le  mois  de, 
«cba'hân  béni  de  l'année  567.» 

Sur  la  porte  extérieure  du  tombeau  de  Noûr  ed-dîn  se  trouve 
l'inscription  qui  suit,  dont  le  texte  m'a  été  obligeamment  commu- 
niqué par  M.  Max  van  Berchem  : 

«  Au  nom  de  Dieu ,  etc.  A  ordonné  de  construire  cette  madraseh 
«bénie  el  msdek  d  'âdel  (le  juste),  l'ascète,  Noûr  ed»dîn  Abou'l 
«Qâsem  Mahmoud,  fils  de  Zenky,  fils  d'Aq  Sonqor,  que  Dieu 
«  double  sa  récompense  !  Il  l'a  constituée  en  waqf  pour  les  disciples 
«de  I'imâm,  le  flambeau  de  la  nation,  Abou  Hanîfah,  que  Dieu 
«  soit  satisfait  de  lui  !  et  il  lui  a  constitué  en  waqf  ainsi  qu'abx  jo- 


328  SEPTEMBRE-OCTOBRE   ia94. 

«  risconsultes  et  à  cdui  qui  y  étudie  la  jurisprudence  :  la  totsdité  du 
«bain  nouvellement  construit  au  marché  au  blé,  —  les  deux  bains 
cnouvdiement  construits  à  la  Wérâqah,  en  dehors  du  bàh  es-sa' 
alâmeh;  —  la  maison  qui  en  est  voisine.  La  Wérâqah^Mes  ânes  et 
«le  pont?  du  vizir;  —  la  moitié  et  le  quart  du  jardin  d*el  Djawrah 
«à  el  Arzah  (dans  la  Ghoûtah),  les  onze  boutiques  (hânoât)  en  de- 
«  hors  de  bâb  el  Djâbyeh;  —  la  cour  qui  leur  est  attenante  du  c6té 
«de  Test;  —  et  les  neuf  champs  (hoqoûl)  à  Dâraya,  conformément 
«  aux  dispositions  et  conditions  contenues  dans  les  actes  de  waïqfl 
«  (Il  a  fait  cda)  avec  le  désir  d'obtenir  le  salaire  et  la  récompense, 
«  lorsqu'il  se  présentera  devant  Lui  le  jour  du  jugement  dénier. 
•  Quiconque  l'altérera,  etc.  (Qor'ân,  h,  177).  Et  cela  dans  un  laps 
«de  temps  qui  a  pris  fin  (le  mois  de)  cha'bân  de  l'année  867. • 

^  N  porte  ^^i^\^  taiiç',  «dans  la  rue  des  vanniers». 

^'  Ehn  Ghaddâd  ajoute  :  c  C'était  autrefois  une  maison  appar- 
tenant à  Mo'âwyah ,  fils  d'Ahon  Sofyân.  Mo'âwyah  possédait  aussi 
une  autre  maison,  à  bâb  elfarâdis,  au-dessous  de  la  iSo^i/oA; c'était, 
dit  -  on ,  la  maison  connue  actuellement  sous  le  nom  d'ebn  d  Mb- 
qaddam.  »  Ed-Dahaby  dit  dans  les  *ébar,  sous  l'année  1 26  :  <  En  cette 
année,  en  rabf  2^  mourut  le  khalife  Aboul  Walld  Héchàm,  fils  de 
'abd  El  Malek ,  l'omayyade ,  aprëis  un  règne  de  vingt  ans  moins  un 
mois.  Sa  maison  était  située  auprès  des  Khawwâsin ,  à  Damas;  on 
en  a  fait  la  madraseh  du  sultan  Noûr  ed-dîn.  »  Le  même  auteur 
dit  dans  l'Abrégé  :  «Sa  maison  était  située  auprès  des  KhawwAsin: 
c*est  aujourd'hui  la  turbeh  et  la  madraseh  d'el  malek.  el  *âdd  Noâr 
ed-dîn  le  martyr»  (N,  T  i84  v"). 

3^^  Ehn  Kâtîr  dit  sous  Tannée  596  :  «En  cette  année  mourut  le 
chaykh,  le  très  docte  Badr  ed-dîn  ebn  'askar,  ra'fs  des  Hanafîtea  à 
Damas.  Suivant  Abou  Châmah,  il  était  connu  sous  le  nom  d'ebn 
d^'aqqâdah»  (N,P  188  v°). 

^'  «  En  l'année  611,  dit  el  Asady,  Djamâl  ed-din  Mahmoud  d 
Hasîry  fut  nommé  professeur  de  la  Noûriyek;  el  Mo^azzam  assista  à 
sa  leçon  en  rabi  1*'.»  —  Ed-Dahaby  ■  s'exprime  ainsi  sous  Tannée 
636  :  «Et  Djamâl  ed-dîn  el  Hasîry,  chaykh  des  Hanafîtes,  Abou'l 
mahâmed  Mahmoud  ebn  Ahmad  ebn  'abd  Es-Sayyed,  en-Nédjâry, 
mourut  en  safar,  à  Tâge  de  quatre-vingt-dix  ans.  Il  avait  occupé 
vingt-cinq  ans  la  chaire  de  la  Noûrijreh.  »  —  Suivant  ebn  Katîr,  el- 
Hasîry  était  originaire  d'un  village  appdé  Ha^îr  et  d^ndant  de 
Nédjâr.  Il  mourut  le  jour  de  dimanche  8  sa&r  (  30  s^tembre  1 238  ) 
et  fut  enterré  dans  le  cimetière  (maqâber)  des  Soûfys  (N,  f*  189  r"). 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  329 

Ebn  Khailikân,  qui  Tavait  rencontré,  nombre  de  fois  à  Damas, 
rappelle  Djamâl  ed-dîn  Abonl  Modjâ}ied  Mahmoud  ehn  Ahmad 
ebn  Es-Sayyed  ebn  *otmàn  ebn  Nasr  ebn  'abd  El  Mdek  et  dit  qu'il 
était  né  en  radjab  de  l'année  546  (octobre-novembre  ii5i).  fl 
ajoute  qu'il  fut  enterré  dans  le  cimetière  (maqbarah)  des  Soûfys, 
en  dehors  de  bâb  en-nasr.  DjamM  ed-din  disait  ;  c  Mon  père  était 
connu  sous  le  surnom  à^^n- Nâdjéry,  mais  il  existe  à  Bokhara  un 
quartier  où  se  fiibriquent  les  nattes  (Aosor);  c'est  là  que  nous  ha- 
bitions >  (  Biographical  dicd^iuuy,  II ,  66 1).  —  Cf.  G.  Flûgel ,  loco 
cit.  j  3 1  g. 

^  A  la  mort  de  Djamâl  ed-din  el  Hi|siry  en  636,  la  chaire  resta 
à  son  fils  Qawâm  ed-din  Mobammad,  qui  y  eut  pour  suppléant, 
jusqu'à  ce  qu'il  fût  devenu  grand,  Sadr  ed-din  Ibrahim.  Il  y  donna 
alors  les  leçons  et  demeura  chargé  du  cdlège  jusqu'à  sa  mort.  Elle 
eut  lieu  le  4  chawwâl  de  l'année  665.  fl  fut  ent^ré  à  c6té  de  son 
père,  au  cimetière  (maqâber)  des  Soûfys.  fl.  était  né  le  ii  cha'bân 
de  l'année  625  (N^PiSg  r"). 

'^^  Le  2  moharram  de  l'année  698  (9  octobre  1298)  mourut  le 
fils  d'el  Hasîry,  Né/âm  ed-din  Ahmad,  fib  du  très  docte  Djamâl 
ed-dîn  Mahmoud  ebn  Ahmad,  en-Nédjâry,  ed-Démachqy,  hanafîte. 
Il  était  âgé  d'environ  soixante-dix  ans.  Il  fut  enterré  le  3 ,  jour  de 
vendredi,  au  cimetière  [maqâber)  des  Soûfys  (N,  f"  189  r"). 

D'après  ebn  Khaliikân  (II,  661),  Nézâm  ed-din  el  Hasîry  était 
originaire  de  Bokhâra  et  avait  composé  une  tariqah  ou  système  de 
controverse  très  connue.  Il  portait  le  surnom  d'en-Nâdjéry,  D  fut 
tué  par  les  Tatars  dans  la  ville  de  Naysâboûr,  lors  de  leur  première 
invasion  dans  le  pays.  Cet  événement  arriva  en  Tannée  616  (1219- 
1220). 

La  date  donnée  par  ebn  Khaliikân  est  évidemment  fautive. 

^^  Le  mardi  matin  7  radjab  de  l'année  832  (Ma,  12  avril  1429), 
le  qâdy  en  chef  Chams  ed-din  ej-Safady  arriva  à  l'improviste  de  Tri- 
poli. Après  avoir  présenté  ses  salutations  au  nâXb,  il  s'en  alla,  accom- 
pagné du  grojid-dawâdâr,  du  hâteb  e^serr,  du  second  hâdjeb  et  de  plu- 
sieurs émirs,  à  sa  demeure  et  descendit  chez  son  frère  à  Mardj 
Dahdâh.  Il  avait  passé  à  Tripoli  trente  ans  moins  un  mois  et  qudques 
jours.  Le  jeuili  9  du  mois,  il  revêtit  (le  costume  officiel)  à  partir  de 
i'ecori^  [el  establ)  et,  accompagné  du  qâdy  mâlékîte,  du  hâteb  es- 
serr,  des  petits  hâdjeb  et  du  dawâdâr  du  sultan,  il  vint  à  la  grande- 
mosquée,  où  lecture  fut  donnée  de  sau  diplôme,  daté  du  1*'  du 
mois.  Il  obtint  ensuite  la  chaire  et  l*inspection.  des  Qassà*in,  ainsi 


330  SEPTEMBRE. OCTOBRE  1894. 

qae  la  chaire  et  Tinspection  de  la  Sàdériytk,  Le  jour  de  mercredi 
1 1  ramadan  de  Tanivëe  8^4  »  arriva  à  Damas  la  nouvdle  de  sa  des* 
titation  avec  f  ordre  de  le  renvoyer  comme  qAdy  à  Tripoli.  Nommé 
de  nouveau  qàdy  à  Damas,  il  Ait  destitué  de  ces  ûmctions  en  sa£ir 
de  Vannée  846  (N,  f"  191  V-igd  r"). 

***  Abou*n-néda  Hassan  ebn  Nomayr,  snmommé  ^arqalak,  ap- 
partenait à  une  brancbe  de  la  tribn  de  K.alb ,  établie  dans  le  voisi- 
nage de  Damas.  Il  ftit  nn  grand  favori  de  la  familile  ayyoubîte  et 
mourut  k  Damas  vers  Tannée  566  (1170).  Gf«  Bio^aj^ical  diotiê^ 
ncary.  II,  56 1,  n.  5,  et  voyez  la  Kharidah ,  ms.  arabe  de  là  Biblio* 
tbèque  nationale ,  n**  1 4 1 4  «  fol.  a  5  et  suiv. 

^  Ces  deux  vers  se  trouvent  dans  le  Kétàb  eMmodatayn,  «49, 
suivis  de  deux  autres. 

^  Le  texte  porte  mdxift  (sic).  «—  Sur  la  bataille  livrée  entre  les 
Francs  et  les  Musulmans  en  Tan  544  (ii49-iiSo)el  dans  laquelle 
fut  tué  Raimond  de  Poitiers ,  prince  d*Antiodie ,  voir  fiist,  or,  dêê 
Crois,,  n,  a*  p. ,  177. 

'^  La  loi  traditionndle  tirée  des  pratiques  de  Mahomet. 

^  Suivant  Abou  GhÂmah  {Rawdatayn,  88),  en  Tannée' 547*  il 
naquit  à  Noûr  ed-dîn  un  fils  qu*il  appcÂa  Ahmad  et  qoi  mourut  en- 
suite à  Damas.  Son  tombeau  se  trouve  derrière  cdui  de  Mo*àwyah , 
en  entrant  dans  Tenclos  (iaztrah),  au  eimetière  {maqAber)  de  hàb 
99-iaghir  (N,f»  i87r^). 

^  tNom  de  la  montagne  eu  dehors  de  Médine,  auprès  de 
laqudle  eut  lieu  la  célèbre  expédition.  C'est  une  montagne  ronge 
appartenant  aux  Banou  Dl  Chanâslr  et  située  an  nord  de  Médine.  » 
Maràsed»  ^^  Noér  êd-dln  fit  le  pèlerinage  de  la  VLMa  en  Tan- 
née 556. 

^*  Ces  vers  te  twmvent  dans  le  KéiÂh  êP'raiodatajrn,  aaS)  dans  le 
second  vers  le  premier  mot  y  est  imprimé  umoU,  au  lieu  de  «su^U. 

***  B  porte  (£ù^aa\  au  tieti  de  ^)  du  texte  imprimé,  et  l^l^  à  la 
place  de  ty»!^. 

*^^  Au  lieu  de  aW«en  iàcê  de»,  N  écrit  ^W  «dans  la  grande* 
mosquée  de  ». 

*^  Le  qàdy  en  chef  'émàd  ed^tn  Aboul  Hasan  'dy  ebn  Mohiy 
ed-din  Abou'i  'abbâs  Ahmad  ebn  *abd  £1  Wàhed  ebn  ^abd  £1  Mon*em 
*abd  £s-Samad,  et-TarsoÂsy,  hanafîte,  fut  investi  des  fonctâons  de 
qàdy  des  Hanafîtes  à  Damas  en  Tannée  737.  H  mourut  le  lundi 
dernier  jour  de  dou  1  hedjdjeh  de  Tannée  7  48  (  3 1  mars  1 348  ) ,  dans 
son  habitation  à  d  Meû^,  et  fut  enterré  dans  ce  village  en  là 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  d31 

turbeb  du  «bay^h  {haoz  *aiâ  ecUdia  «â^wâby*  B  ÂUit  aé  k  J4Mir  de 
samedi  3  radjab  de  l'année  669  à  Monyet  ebn  Khasîb ,  dans  ie  haut 
Sa'îd  d'Egypte.  Il  professa  en  premier  lieu  dans  la  grande-mosquée 
de  la  citadelle  de  Damas  le  Jocur  de  jeudi  35  djoumâda  i*'  de  l'an* 
née  730  (J,  3  juillet  iSso).  Il  donna  des  leçons  à  la  Noûriyek, 
à  la  MotiêdàaadyÉh.,  à  la  Bayhàiàjek  et  à  la  Qaymànyéi.  Au  com- 
mencement de  doul  hedjdjeh  de  Tannée  746,  il  se  démit  de  ses 
fonctions  de  qâdy  et,  retiré  du  monde,  U  se  consacra  entièrement, 
dans  sa  demeure,  à  des  actes  de  dévotion  (N,  P*  189  v**-i90  r**). 
—  Cf.  Flûgel,  Die  Cloâsm  éat  Hanefit.  RecktsgeL,  p.  33 1. 

^  Vostâdâr  Djamâl  ed-dîn  Moûsa  ebn  Yaghmoûr,  d  Yâroûqy, 
est  mentionné  par  Quatremèret  Mandoûks,  I,  35,  35,  100,  i4o, 
334  et  3*  p.,  33.  Né  à  Qosayr,  en  Egypte,  il  mourut  à  Tâge  de 
soixante-quatre  ans. 

***  Es-Sâleh  Nadjm  ed-dîn  Ayyoûb,  fils  d*el  Kâmel,  régna  en 
Egypte  de  637  à  647*  H  avait  repris  posMssioo  de  Dama»  4i  643. 

^^  Le  manuscrit  porte  j^J^^  «^Xl  1%^  <£,\y  ^5^  ^^  ù^  .  Ce  pas- 
page  n'étant  reproduit  ui  par  N ,  ni  par  aucun  des  deux  manuscrits 
de  Londres ,  il  est  impossible  de  rectifier  le  mot  juij ,  qui  est  évi- 
demment une  faute  du  copiste.  Les  caractères  qui  8*en  rappro- 
cheraient le  plus  seraient  peut-être  JS^^;  on  traduirait  alors  par 
«  eut  en  ce  temps«là  une  vision  •« 

246  ^  jfo  jgg  poj  j'^  qu'on  connaît  parmi  les  professeurs  de 
VYaghnoûriyeh  le  qâdy  Chams  ed-dîn  ebnel  'ezi.  —  Le  qâdy  Ghams 
ed-din  ebn  el  'ezi,  hanafîte,  Abou  *abd  Allah  Mohammad,  fils 
du  chaykb  Charaf  ed-dîn  Aboul  barakât  Mohammad,  fils  du  chay^h 
'ezz  ed-dîn  Abou'l  'ezz  ebn  Sâleh  ebn  Abî'l  'ezz  ebn  Wohayb  ebn 
'atâ  ebn  Djobayr  ebn  Kâîn  ebn  Wohayb ,  el  Adra*y,  un  des  chaykhs 
hanafîtes,  professa  à  la  Zàhêriyek  en  rabî*  9*  de  f  année  710.  Il 
fut  substitut  de  la  justice  pendant  environ  vingt  ans  et  le  premier 
Ijhadh  de  la  grande-mosquée  d'el  Afi'am.  Il  donna  des  leçons  à  Ja 
Mol'azzamiyehj  k  VYagkmoûriyek ,  à  la  Qilidjiyek  et  à  la  Zâhériyek, 
dont  les  waqfs  étaient  placés  sous  son  inspection.  Il  mourut  peu 
de  jours  après  son  retour  du  pèlerinage ,  le  jour  de  jeudi ,  fin  d*el 
moharram  de  Tannée  733  (J,  18  février  1 33 3).  La  prière  sur  son 
corps  fut  faite  à  la  grande -mosquée  d*el  Afram  et  il  fut  enterré  au- 
près de  la  Mo'axtqmiyek ,  auprès  de  ses  parents  (N,  f  i65i^). 

^^  Je  lis  (»JUU,  au  lieu  de  oJUà  que  porte  le  manosctit. 

(La  suite  aa  prochain  cahier,) 


332  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 


NOTES 

D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE, 

PAR 

M.  E.  SENART. 


Les  récentes  découvertes  du  major  Deane. 

JTaî  eu  occasion  de  rendre  hommage  en  plusieurs 
circonstances  au  zèle  que  le  major  Deane  (actuel- 
lement Deputy-commissioner  à  Peshawar)  déploie 
au  profit  des  recherches  archéologiques.  Ce  zèle  a 
été ,  dans  les  derniers  temps ,  récompensé  par  des 
trouvailles  épigraphiques  aussi  nombreuses  qu  mté- 
ressantes.  C'est  sur  ces  récentes  découvertes  que  je 
me  propose  aujourd'hui  d'attirer  l'attention  recon- 
naissante des  indianistes.  Le  major  Deane  m'en  a 
successivement  donné  connaissance ,  soit  en  m'accor^ 
dant  la  communication  provisoire  de  quelques-uns 
des  monuments  eux-mêmes  —  dans  le  cas  où  ils 
avaient  été  trouvés  en  dehors  du  territoire  britan- 
nique —  soit  en  m'en  voyant  des  photographies ,  es- 
tampages ou  frottis  des  pierres  qu'il  avait  directe- 
ment dirigées  sur  le  Musée  de  Lahore.  C'est  dans 
cette  collection  sans  rivale  pour  l'étude  des  antiquités 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  333 

monumentales  de  i  extrême  nord-ouest  de  Tlnde, 
que  seront  réunis  sous  peu  tous  ces  documents.  Je 
ne  saurais  mieux  répondre  aux  intentions  du  major 
Deane,  à  la  confiance  amicale  dont  je  tiens  à  le  re- 
mercier publiquement  ici,  quen  mettant  sans  plus 
attendre  sous  les  yeux  des  travailieiu's  compétents  des 
reproductions,  aussi  fidèles  que  possible,  de  ces  mo- 
numents si  précieux. 

Ils  se  répartissent  d'abord  en  trois  catégories  : 
fragments  en  caractères  devanâgari,  épigraphes  en 
caractères  du  nord-ouest  ou  kharoshthî ,  inscriptions 
en  caractères  indéterminés.  A  l'exception  d'un  seul, 
notre  n°  i,  ramassé  à  Spinkharra,  dans  les  mon- 
tagnes qui  sont  au  nord  de  Peshawar,  tous  proviennent 
d  une  même  région  assez  peu  étendue ,  le  massif  du 
Mahaban ,  qui  domine  la  rive  droite  de  l'Indus  au 
Nord  d'Attok,  et  les  vallées  qui  s'y  rattachent,  soit 
vers  le  Sud ,  soit  vers  le  Nord ,  dans  le  pays  deBuner. 
C'est  dans  ce  massif  que  le  général  Abbott  a ,  dès 
1  8  5  4  \  cherché  avec  beaucoup  de  vraisemblance  (  mal- 
gré les  objections  du  général  Cunningham)  à  placer 
l'Aomos,  célèbre  par  les  campagnes  d'Alexandre- 
Bien  que  beaucoup  des  noms  que  j'aurai  à  énumérer 
manquent  sur  la  carte  qui  accompagne  son  mémoire , 
c'est  encore,  je  pense,  le  document  de  référence  le 
plus  commode  pour  la  plupart  des  lecteurs  qui  sou- 
haiteront de  fixer  leurs  idées  sur  l'aire  à  laquelle  se 
réfèrent  nos  inscriptions. 

^  GradxLs  ad  Aomon,  dans  Jowiu  As,  Soe*  Benj.,  XXIil,  aog  sqq. 


334  SEPTEMBRE-OCTOBRE  18^4. 

« 

Le  mont  Ban j,  Kotkai,  Dewaî,  PaiosdarravAagram, 
Suludheri^  Maini,  Dewad,  Stdudarra,  Tsalaidheri» 
toutes  ces  localités ,  d  après  un  croquis  que  ma  com^ 
munîqué  M.  Deane ,  sont  espacées  sur  les  contreforts 
méridionaux  du  Mahaban  ;  Cheroorai  est  au  nord  de 
la  montagne,  et  Ranikot  au  sud  de  ce  groupe,  dans 
la  vallée  de  Pandjtar.  Bichounai  forme  seid  un  point 
à  part  et  isolé  au  nord-ouest  du  Mahaban;  ceslTen* 
droit  marqué  «  Bishonye  »  sur  la  carte  d'Abbott»  au 
flanc  du  mont  «  Ëlum  »  que  M.  Deane  écrit  n  Uni  ». 

Voici  diu  reste  Ténumération  des  documents  qui 
m'ont  été  communiqués,  avec  le.  numéro»  qu'ils 
occupent  sur  les  planches^  Je  les  ai  groupés  suivant 
les  lieux  de  provenance,  sauf  les  épigraphes  en  ckva* 
nâgarî  et  en  kharoshthî  que  j'ai  réunies  dans  la  planche 
finale.  J'ajoute,  sous  chaque  numéro,  les  quelques 
renseignements  que  ma  pu  fournir  M.  Deane.  Les 
signes  (p.),  (ph.),  (est.),  indiquent,  dans  chaque 
cas,  si  la  gravure  que  je  donne  repose,  soit  sur  une 
reproduction  directe  de  la  pierre  dle-méme,  soit 
sur  xm^  photographie  ou  \m  estampage  communiqués 
par  M.  Deane.  Les  chiffires  ajoutés  entre  parenthèses 
représentent  la  hauteur  approximative  des  caractères 
dans  toutes  les  inscripticms  où,  étant  en  possession 
des  pierres  ou  des  estampages,  il  m  a  été  possible 
de  la  relever. 

1  (ph.).  Trouvé  dans  un  ravin  près  d'rai  Ken 
appelé  Spinkharra  et  situé,  comme  je  Tai  dit  tout  à 
rheure,  dansi  les  montagnes  qui  sont  au  nord  de 


NOTES  D'ÉPIQRAPHIE  INDIENNE.  535 

Peshawar.  Ce  nest,  assure-t-on,  qu*un  fragment 
d'une  inscription  {dus  grande,  qui  a  été  brisée  par 
des  fanatiques. 

2  (est.)  (2  centànètres),  3  (est.)  (1  i/a-a  centi 
mètres),  4 (est.)  (le  signe  ^  mesure  2  cent,  i/a)  et 
5  (ph.),  trouvé»  prèa  du  village  de  Bichounai,  sur  la 
montagne  dllm.  Les  n*  2  et  3  sont  gravés  sur  un 
rocher  voisin  de  ruines  antiques.  On  assure  quH  s  y 
voit  encore  une  quarantaine  d'inscriptions  mutilées. 
Le  n°  4  est  inscrit  sur  ime  pierre  qui  se  trouve  tout 
près  du  village.  Le  n**  5  est  reproduit  d  après  la  pho- 
tographie du  «  verso  »  dun  estampage;  la  reproduc- 
tion que  j'en  donne  a  donc  été  retournée  pour  resti- 
tuer correctement  l'aspect  du  recto. 

6  (p.)  (1  à  1  cent.  i/a).  —  Provient  de  Kotkai. 

7  (ph.)  et  8  (ph.)  de  Dewai.  —  7  «wayfound 
fixed  in  the  wall  of  the  doorway  of  an  old  tower, 
facing  inwardst  owards  the  door»;  je  transcris  les 
propres  expressions  du  major  Deiine,  ne  me  repré- 
sentant pas  avec  une  netteté  parfaite  l'emplacement 
qu'elles  décrivent.  —  8 ,  à  lextérieur  du  mur  de 
façade  d'une  tour.     . 

9  (ph.),  10  (p.)  (i  à  a  centimètres),  1 1  (p.),  du 
mont  Banj .  —  9 ,  trouvé  sur  la  face  intérieure  du 
mur  de  fond  d'une  tour  ruinée,  à  environ  quatre 
pieds  du  soi ,  et  immédiatement  en  face  dû  la  porte. 

12  (ph.),  i3  (est.)  (environ  1  cent,  i/a),  dePa- 


336  SEPTEMBRE-OCTOBRE    1894. 

lûsdarra,  Tun  et  l'autre  encastrés  dans  des  murs  de 
constructions  ruinées ,  et  1 3  près  de  la  porte. 

\à  (p.)  (i  i/3  à  2  centimètres),  i5  (ph.)  (i  à 
1  cent.  1/2  ) ,  d'Asgram^  —  1 5  était  fixé  dans  le  mur 
de  façade  d'une  vieille  tour*  ' 

16  (p.)  (i  1/3  à  2  centimètres),  de  Suludheri. 

1-7  (p.)  (1  i/a  à  2  centimètres),  de  Gherorai. 

18  (est.)  i( environ  2  centimètres),  de  Maini.  — 
Trouvé  dans  un  vieux  tumulus.  Le  nom  du  tumulus 
est  Karachaidheri,  sur  la  frontière  des  Gaduns,  mais 
dans  le  Ytizufzai  anglais. 

19  (1  1/3  à  2  centimètres),  20  (1  1/2  à  2  centi- 
mètres), 21  (p.)  (»  centimètre),  de  Ranikot.  —  Ge 
sont  trois  faces  d  une  même  pierre. 

^  A  pifepos  d'Asgram ,  M.  Deane  me  communique  qudqaes  ob- 
servations dont  je  crois  devoir  r^roduire  ici  la  substance.  cAsgram 
est  à  l'ouest  de  Tlndus  et  se  trouve,  par  rapport  à  Embolima, 
dans  la  situation  que  Ptolémée  assigne  à  Asigramma.  Ptolémée  le 
jdàce  seulement  plus  bas  sur  l'Indûs  qu'il  n'est  en  réalité.  Cette 
locfliité  est  séparée  du. fleuve  par  une  croupe  basse  de  collines,  près 
desquelles  Tlndus  débouche  de  la  montagne  pour  courir  à  travers 
la  plaine  jusqu'à  Attok.  Cette  croupe  marque,  en  fait,  la  fin  des 
collines  qui  enferment  llndus.  Asgram*ne  désigne  pas  un  lien  ac^ 
tudlement  habité;  c'est  le  nom  de  ruines.  Il  ne  sendble  pas  témé- 
raire de  l'identifier  avec  Asigramma.  J'admets  naturellement  que 
Ptolémée  se  trompe  en  plaçant  Embdlima  comme  il  le  fidt.  D  pa- 
rait très  probable  que  le  général  Abbott  a  raison  de  le  chercher 
près  de  l'Amb  actuel,  et  Aomos  à  Mahaban.  Le  sommet  du  Blar- 
haban  présente  des  ruines  de  fortificaticoÉs  étendues.  J'ai  éù^nrfé 
un  homme  pour  lever  un  plan  et  prendre  des  mesures.  On  dit 
l'endroit  très  difficile  d'accès.  » 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  337 

2  2  (p.)  (i  à  1  cent,  i/a)  et  23  (ph.)  viennent  de 
Dewal. 

2  Ix  (ph.  ) ,  de  Suludarra. 

2  5-3 1  (ph.),  deTsaiaidheri.  —  26 (environ  1  cen- 
timètre) et  27  sont  deux  côtés  dune  même  pierre. 

32  (p.)  (1  cent.  1/2)  et  33  (p.)  (1  cent.  1/2)  pro- 
viennent de  Dewal.  Ce  sont  deux  fragments  en  de- 
vanâgarî. 

34  (1  à  2  cent.  1/2),  35  (4  à  5  centimètres)  et 
36  (2  1/2  à  4  centimètres)  représentent  la  part  du 
kharoshthî,  34  (ph.),  provenant  de  Dewal,  35  (est.) 
du  mont  Banj,  36  (p.),  dune  colline  connue  sous 
le  nom  de  Kala  Sang  dans  le  territoire  des  Khudu- 
khels,  en  dehors  des  frontières  britanniques. 

M.  Deane  ma  bien  en  outre commimiqué  la  pho- 
tographie d  une  stèle  trouvée  la  face  sur  le  sol ,  avec 
d'autres  pierres ,  dans  un  très  petit  tumulus  près  de 
Taja,  une  localité  située  un  peu  à  lest  de  la  colline 
de  Karamar,  à  louest  de  laquelle  est  Shahbaz Garhi. 
Malheureusement  la  photographie  est  aune  si  petite 
échelle,  et  le  grain  de  la  pierre  de  telle  nature,  que 
tout  ce  qu'on  peut  démêler,  c  est  que  Tinscription , 
de  deux  lignes ,  est  gravée  en  caractères  du  Nord-Ouest. 
Avant  d  en  essayer  la  reproduction  et  l'interpréta- 
tion, il  faut  attendre  que  des  documents  nouveaux 
nous  arrivent  de  Lahorè  où  la  pierre  a  été  transportée. 

IV.  2  2 

iupamitafK  katio^ali. 


338  SEPTEMBRE-OCTOBRE   1604. 

Je  ne  lai  donc  pas  comprise  dans  la  présente  publi- 
cation. 

Si  nous  laissons  provisoirement  de  côté  les  n"  Sa 
à  36  qui  sont  groupés  sur  la  planche  V,  on  voit  que 
nous  sommes  en  présence  de  trente  et  unç  épigraphes 
de  longueur  variable,  gravées  en  caractères  qui ,  pour 
moi  du  moins ,  sont  entièrement  nouveaux.  JPaî  le 
regret  d'avouer  que  je  n'en  ai  pas  jusqu'ici  trouvé 
la  clef.  Je  ne  puis  donc,  en  en  soumettant  à  xnes 
confrères  en  orientalisme  des  reproductions  purement 
mécaniques  et  par  conséquent  dignes  d'une  pleine 
confiance,  que  les  accompagner  de  quelques  obser- 
vations générales. 

Les  données  extérieures  et,  si  je  puis  dire,  maté* 
rielles,  que  nous  possédons  jusqu'ici  sur  ces  insoripr 
tions.sont  asse»  maigres.  Les  épigraphe,  en  devanâ- 
garî  dans  le  voisinage  desquelles  elles  ont  été  trouvées 
nous  reportent  à  l'époque  de  Mahmoud  le  Ghazné- 
vide,  soit  au  commencement  du  xf  siècle;  les  épi- 
graphes en  kharoshthi  ne  sont  pas  datées  avec  ccartir 
tude,  puisque  le  commencement  de  l'ère  qu'elles 
emploient  n'est  pas  déterminé.  Elles  ne  peuvent 
guère,  suivant  les  vraiseinblanoes,  appartenu-  qu'aux 
tout  premiers  siècles  de  l'ère  chrétienne*  Des  indioes 
si  discordants  nous  apportent  peu  de  liuiodàre^ 

Quelques-unes  sont  gravées  sur  le  roc;  mais  pkh 
rieurs  ont  été  trouvées  encastrées  dans  des  C0DStra6- 
tions,  à  côté  ou  en  face  de  l'entrée,  précisément  à 
hauteur  de  l'œil.  H  y  a  lieu  de  supposer  que  d'autres  « 
qui  n^étaient  plus  in  sita ,  qui  gisaient  parmi  des  dé- 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  339 

combres,  ont  dû  primitivem^if  occuper  un  empla^^ 
cernent  anedogue^  et  que  les  unes  et  les  autres  avaient 
pour  objet  de  renseigner  les  arrivants  sur  la  destit 
nation  ou  sur  les  auteurs  des  édifices  dont  elles  fai- 
saient partie  intégrante.  Malheureusement  je  ne  puis 
sur  ces  édifices ,  désignés  habituellement  par  le  znajor 
Deane  du  nom  de  «  tour  » ,  «  tour  antique  »,  «  tour 
ruinée»)  fournir  aucun  renseignement  précis ,  faute 
d'images  et  même  de  descriptions  détaillées  «  Le  fait 
mêi^cie  que  nos  inscriptions  étaient  engagées  dans 
des  murs  en  maçonnerie  paraît  au  moins' exclure 
d'abord  poiu*  elles  le  rêve  d  une  antiquité  reculée  à 
lexcès;  il  semble  en  ramener  la  date  probable  quel^ 
que  part  dans  la  période  comprise  entre  les  deux 
points  extrêmes  marqués  d'un  côté ,  par  les  inscrip* 
tions  en  devanâgarî,  de  lautre,  par  les  inscriptions 
en  kharoshtliî.  Il  est  vrai  que  les  pierres  qui  les 
portent  auraient  pu  être  utilisées  après  coup.  Il  y 
aurait  même,  en  ce  sens,  un  indice  à  invoquer  si^ 
comme  j'ai  heu  de  le  penser,  le  papier  blanc  qui  se 
voit  sur  la  gauche  du  n"^  9  a  ponor  but  dmdiquer 
que  ce  côté  formait  le  haut  de  la  pierre  tefle^  qu'elle 
a  été  trouvée  dans  la  muraille  d*où  elle  a  été  enlevée. 
Mais  je  n'ai  à  cet  égard  pas  de  témoignage  précis;  y 
en  eût-il,  que  toute  possibihté  d'erreur  ne  serait  pas 
exclue;  et  il  faut  bien  avouer  que,  dans  plusieuni 
cas,  remplacement  bien  en  vue, près  de  la  porte ot| 
en  face  de  la  porte,  occupé  par  les  épigraphes,  trahit 
une  intention  formelle  et  paraît  écarter  la  pensée 
d'un  simple  hasard.  Jusqu'à  preuve  du  contraire,  il 


aa 


340  SEPTEMBRE-OCTOBRE   1894. 

faut  admettre  que  les  inscriptions  sont  contempo- 
raines des  constructions  et  ont  pour  but  de  les  com- 
menter. 

L'irrégularité  avec  laquelle  plusieurs  sont  gravées, 
le  nombre  des  petites  inscriptions  courtes,  jetées 
sans  préoccupation  décorative,  la  présence  de  carac- 
tères isolés  qui  ont  assez  Taspect  de  marques  de 
maçon, dout  indique  un  emploi  fiimilier,  courant,  et 
nous  met  en  présence  d*un  alphabet  d  usage  habituel 
et  populaire.  Ce  qui  n  empêche  pas ,  pour  le  remiarquer 
en  passant,  que  les  caractères,  comme  en  font  foi 
du  reste  les  reproductions,  sont  en  général,» et  sauf 
des  exceptions  comme  le  n^  2  2 ,  taillés  avec  soin  et 
précision.  Bien  que  la  pierre  ne  soit  pas  très  dure, 
ils  ont,  j  en  puis  témoigner  pour  celles  que  j'ai  eues 
entre  les  mains,  conservé  un  aspect  surprenant  de 
fraîcheur  et  de  nouveauté. 

Si  vague  que  soit  la  période  où  semblent  nous 
transporter  ces  monuments,  il  est  clair  que,  dans 
la  région  à  laquelle  ils  appartiennent,  trois  &miiles 
de  langues  paraissent  a  priori  avoir  chance  de  se 
rencontrer  :  soit  des  dialectes  hindous,  le  sanscrit 
ou  des  dérivés,  soit  des  dialectes  iraniens,  soit  enfin 
les  idiomes  scythiques  ou  turcs  des  envahisseurs 
Çakas  et  Turushkas ,  venus  du  Nord-Ouest.  «Tavoue 
que  la  dernière  de  ces  hypothèses  est  à  mes  yeux  la 
plus  vraisemblable. 

Un  point .  essentiel  pour  le  déohifiBrement  serait 
d'être  assuré  du  sens  dans  lequel  les  textes  doivent 
être  r^ardés ,  où  en  est  le  haut  et  où  en  est  ie  bas.  Je 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  341 

n  ai,  par  malheur,  quun  seul  renseignement  positif. 
Il  se  rapporte  au  n""  12.  Au  témoignage  de  Thomme 
qui  Ta  apporté  au  major  Deane,  le  haut  dé  iinacrip- 
tion ,  telle  qu  elle  était  enchâssée  dans  la  muraille^ 
est  marqué  par  le  morceau  de  papier  blanc*  Je  be 
puis ,  naturellement ,  contrôler  le  degré  de  confiance 
que  mérite  Tassertion.  Deux  autres  pienreç,  les  n^  1 
et  9,  portent  un  repère  semblable,  Uest  ççrtaiq  pour 
la  seconde,  en  quelque  position  qu'elle  fut  pu  être 
découverte,  que  le  papier  ne  saurait  marquer  le 
haut  du  texte ,  puisqu'il  est  appliqué  sur  un  des  côtés  ; 
et ,  pour  le  n""  1 ,  la  signification  de  eette  marque  reste 
bien  douteuse  en  présence  du  renseignement  qui  le 
représente  comme  un  simple  fragment  d  un  ensemble 
mutilé.  D  autre  part ,  quelques  numéros ,  le  8 ,  le  1  o, 
le  i4,  semblent,  par  la  disposition  même  de  l'écri- 
ture sur  la  pierre,  exclure  Thypothèse  dune  position 
autre  que  celle  que  je  leur  ai  assignée  dans  les 
planches. 

Je  tiens  cependant  à  avertir  expressément  le  lec- 
teur que,  en  dehors  du  n""  i  a ,  le  sens  dans  lequel 
les  textes  lui  sont  ici  présentés  est  purement  conjec- 
tural, fondé  soit  sur  certaines  considérations  dans  le 
détail  desquelles  je  n'entrerai  pas,  puisque  aucune 
nest  absolument. décisive,  soit  sur  l'impression  qu'a 
pu  produire  dans  mon  esprit  la  manière  même  dont 
sont  gravées  les  pierres  que  j'ai  maniées  directe- 
ment. 

Il  semble  bizarre  que,  nantis  d'une  iiiscripticm 
dont  l'orientation  parait  garantie,  de  plusieurs  pour 


348  SEPTEMBRE^OCTOBRB   1804. 

lôsquelies  elle  est  au  moins  probable ,  nous  ne  soyons 
pas  en  état  d'assigner  d  abord  à  toutes  les  autres 
leur  position  certaine.  Cette  impuissance  ^explique 
par  un  fait  très  frappant  et  très  déconcertant  :  les 
mêmes  signes  -^  qu'ils  aient  dans  les  deux  cas  la 
même  vsdeur  ou  une  valeur  difiFérente  —  se  trouvent 
à  plusieurs  reprises  renversés ,  soit  dans  la  même  in- 
scription ,  soit  dans  des  inscriptions  dont  la  positioti 
parait  assiïrée. 

Les  caractères  /\et\/,  qtd  reparaissent  sans  cesse 
côte  à  côte ,  peuvent  fort  bien  avoir  des  valeurs  dif- 
férentes; il  en  est  probablement  de  même  de  f^»  7i 
5;  17,  5,àcôtédeU,  7,  4;  17,  3,  et4eT»8»ï; 
16,  3, à  côté  de  _L,  8,  ti;i5,  1.  Mais  le  signe"  X 
est  renversé  aun*  1  y  qui  a  X  »  !•  3 ,  et"^ ,  1.  5 ,  et  au 
n"  1 8  qui  porte  X  »  à  1^  1-  1  »  «t  ^ ,  à  la  1.  û.  En  ad- 
mettant que,  au  li*  18,  ïX  ^^  *^ît  P^*  bors  de  con- 
teste-et  que,  dans  le  second  Cad  du  n*  17,  le  signe 
soit,  non  pas  renversé,  mais  couché  X,  comme  fl 
reparaît  souvent  ailleurs,  cette  difficulté  écartée, 
une  autre  subsisterait.  Au  n**  1 2 ,  nous  trouvons  côte 
à  côte  les  signes  X  ©t  A  ;  aux  n"  7  et  8 ,  il  faut  ad* 
mettre  ôu  X  et  y\,  ou  X  ^^  V'  ^^  ninsîste  pas;  il 
serait  aisé  de  multip&er  les  exemples. 

A  côté  des  signes  qui  semblent  renversés ,  nou^  en 
avons,  en  plus  grand  nombre  encore,  qui  appa* 
raisseht  tournés  tantôt  de  gauche  à  droite,  tantôt  de 
droite  à  gauche ,  comme  <  et  > ,  j—  et  — j ,  >!  et  [^ 
(ï2,i),  JHet^U  (12,  1-2),  <^  et  >  (8,  1-7), 
'X  et  X  (8,  1-7),  sans  parler  des  cas  analogues  enti^ 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  543 

insûriptiom  diverses,  comme  H  (lo»  i)  ®^H(«4»  «)» 
^(9,  6)et  <1  (18,  4),  ^{la,  à)  et  l>  (7,  4),  etc- 
Ces  cas  sont  si  fréquents  quils  éveillent  forcément 
la  pensée  d'une  écriture  boustrophédon.  Mais  cest 
une  hypothèse  que  bien  des  faits  viennent  rite  con* 
tredire.  Nous  trouvons,  par  exemple,  le  caractère 
<]^  avec  la  même  direction  dans  deux  lignes  consé*- 
cutives  (1  et  â)  au  n""  6,  et  X  de  même  aux  1.  3 
et  à  du  n"  8. 

On  peut  donc,  avec  beaucoup  de  vraisemblance, 
admettre  que  l'écriture  suit  toujours  la  même  direc- 
tion ;  il  est  malheureusement  beaucoup  plus  malaisé 
de  discerner  quelle  est  cette  direction ,  et  si  les  ca- 
ractères comment  de  gauche  à  droite  ou  de  droite  à 
gauche.  A  ne  considérer  que  le  n**  1  ^ ,  la  première 
solution  semblerait  la  plus  plausible  ;  mais  le  n°  1 4 
n'y  semble  guère  favorable. 

Ce  qui  est  beaucoup  plus  clair,  c'est  que  ces  in- 
scriptions en  caractères  indéterminés  nous  mettent 
en  présence  de  trois  systèmes,  ou  au  moins  de  trois 
variétés  d'écriture  que,  en  raison  de  la  provenance 
des  pierres  qui  relèvent  de  chaque  catégorie,  je  pro- 
poserais provisoirement  de  distinguer  par  les  noms 
de  Spinkharra,  de  Buner  et  de  Mahaban.  Le  frag- 
ment de  Spinkharra  (n**  1  )  se  distingue  profondément 
de  tout  le  reste ,  non  seulement  par  l'aspect  irrégulier, 
cursif  des  signes  qui  sont  de  véritables  graffites, 
mais  aussi  par  leurs  formes  qui  ne  se  rapprochent 
guère  de  celles  qui  s'accusent  dans  les  autres  épi- 
graphes. A  première  vue,  c'est  plutôt  à  Talphabet 


344  SEPTëMBRE>OGTOBRE   1804. 

kharoshthî  qu'à  aucun  autre  que  cette  écriture  semble 
se  comparer;  à  la  seconde  ligne,  le  signe  ^  serait 
exactement  un  e  initkl  du  nord-ouest;  û  est  vrai 
que  le  signe  voisin  est  identique  au  ^  de  Tidphabet 
indien  d'Âçoka.  Il  va  sans  dire  que,  isolées  et  non 
justifiées,  de  pareilles  rencontres  sont  dénuées  de 
toute  espèce  de  signification. 

Des  deux  autres  types,  Tun  est  exclusivement  re* 
présenté  par  les  quatre  morceaux  qui. proviennent 
de  Bichounai  (2-5).  Ils  frappent  d  abord  par  un  as- 
pect très  particulier.  Tandis  que,  dans  les  autres  mo- 
numents, les  caractères  sont  assez  simples,  affectent 
des  formes  nettes  et  rigides,  nous  nous  heurtons  ici 
à  des  complications ,  à  des  contournements  si  bizarres 
que  plusieurs  de  ces  combinaisons  feraient  penser  à 
une  écriture  idéographique  encore  imparfaitement 
dénaturée,  si  tels  exemples,  comme  celui  du  sama- 
ritain, ne  montraient  avec  quelle  rapidité  des  enjoli- 
vements tourmentés  peuvent  modifier  profondément 
laspect  d'ime  écriture.  A  tout  le  moins  peut-on  soup- 
çonner des  groupes  de  consonnes  assez  compliqués^ 

Cependant,  au  milieu  de  ces  signes  contournés, 
un  certain  nombre,  comme  |  H  H^AXHHH 
^  J  +  rV  V  »  d'autres  encore ,  sont  si  analogues  ou 
si  identiques  à  des  signes  usités  dans  l'autre  groupe 
qu'U  ne  parait  pas  possible  d'isoler  complètement  les 
deux  séries,  qu'il  s'agisse  de  variétés  locales  d'écri- 
ture, ou  d'un  mélange  de  deux  systèmes  d'origine 
indépendante. 

Parmi  les  épigraphes  du  troisième  groupe,  Û  en 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  545 

est  qui,  à  première  vue,  semblent  se  distinguer  de 
leurs  congénères,  comme  le  n"*  2 5,  qui,  sur  un  si 
petit  nombre  de  signes,  en  offre  plusieurs  qui  sont, 
ou  inconnus,  ou  du  moins  très  rares  dans  toutes  les 
autres^. 

Une  autre  singularité  se  manifeste  parmi  les  in- 
scriptions de  cette  catégorie;  c^est  Remploi  si  inégal, 
si  irrégulier  de  points,  isolés  ou  groupés  en  figures 
diverses.  Les  unes  nen  ont  aucune  trace;  d*autres, 
suitout  le  n""  7,  en  portent  en  abondance ,  mais  entré 
les  lignes  et  seulement  dans  quelques  parties,  en 
sorte  qu  on  devrait  les  croire  indépendants  de  récri- 
ture ,  du  texte  proprement  dit,  si  l'emploi  sporadique 
de  points,  soit  entre  quelques  caractères,  soit  inti- 
mement associés  à  des  caractères,  dans  quelques 
autres,  ne  jetait  une  nouvelle  perplexité  dans  Tesprit. 
Il  y  a  là,  en  tout  cas,  un  petit  problème  de  plus  qui 
vient  compliquer  le  problème  capital  du  déchiffre- 
ment. 

J'ignore  comment  ce  problème  sera  résolu.  Je 
doute  que  ce  soit  par  le  simple  rapprochement  avec 
quelque  autre  système  d  écriture  déterminé.  Ce  n  est 
pas  que  les  analogies  manquent  entre  plusieurs  des 
signes  qui  nous  sollicitent  ici  et  les  figures  d'alpha- 
bets connus.  Elles  seraient  plutôt  trop  nombreuses. 


^  Le  n**  2$  provient  de  Tsalaidheri;  le  n**  36,  qui  a  la  même 
origine,  paraît  aussi  accuser  qudques  particularités,  en  sorte  que 
l'on  peut  se  demander  s'il  n'y  aurait  pas  là  la  trace  d'une  variété 
d'écriture  locale  ou  localisée,  quoique  se  rattachant  en  somme  au 
même  système  général  que  les  autres  morceaux.      * 


S46  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

Elles  font  songer  tour  à  tour  à  certaines  lettres  de 
lalphabet  indien  d'Açoka  (>|+AdA±n  îfXt)» 
de  lalphabet  du  Nord-Ouest;  piusieurs  signée  sont 
identiques  au  grec,  soit  de  Tàge  classicpie,  soit  de  la 
période  archaïque,  et  d'autre  part,  en  bien  des  en- 
droits ,  laspect  araméen  frappe  Tesprit  :  tantôt  on  se 
croirait  en  présence  de  caractères  jpehlevis,  tantôt, 
surtout  à  Spinkharra ,  en  présence  d'une  écriture  safaï- 
tique.  Cette  écriture  fait  penser  tour  à  tour  aux  aiphieh 
bets  dits  asianiques  de  TÂsie  antérieure,  Toire  au^  runes 
de  TEurope;  par  quelques  traits  elles  rappellent  ces 
inscriptions  turques  de  la  Mongolie  que  MM.  Thom- 
sen  et  Radloff  ont  récemment  déchiffrées.  S'il  étiaJt 
besoin  de  démontrer  combien  il  faut  se  défier  de 
ces  mirages,  on  trouverait  im  avertissement  dans  la 
ressemblance  curieuse  et  qui  ne  peut  guère,  pour- 
tant ,  être  qu  accidentelle ,  entre  un  nombre  appré- 
ciable de  nos  signes  et  la  notation  de  la  musique 
grecque  dont  Alypius  nous  a  conservé  la  tradition*. 

^  Ce  sont,  en  raison  de  ia  convenance  géographique,  les  coitt- 
paraisons  empruntées  aux  alphabets  de  Tlnde  qui  sont  naturdle- 
ment ,  a  priori ,  les  plus  justifiables.  A  cet  égard ,  je  ne  puis  m'em- 
pécher  d'être  frappé  du  fait  que,  dans  la  courte  inscription  n*  4, 
{dusieurs  caractères,  le  premier  du  moins  si  on  l'isolé  de  la  figure 
plus  ou  moins  cabalistique  où  il  est  fondu,  se  rapportent  à  l'alphabet 
d'Açoka  :  J^  -f"  '^  ^t  4*;  et  le  signe  qui  est  à  la  gauche  du  -I- 

n'est  lui-même  que  1'^  d'Açoka  retourné.  Le  caractère  ^  n'appar- 
tient, il  est  vrai,  qu'à  la  variété  de  l'dphabet  manrya  récemment 
mise  au  jour  dans  les  inscriptions  de  Bhattiprolu  (BûUer,  Epi^.  Ind, 
II,  p.  323  sqq.).  Or  ces  inscriptions  viennent  du  midi  de  l'Inde, 
de  la  région  de  Madras.  Mais  M.  Bûhler  n'a-t-il  pas  reconnu  une 
ligne  en  kharoshthî  dans  les  inscriptions  d'Açoka  au  Mysore?  Denx 


NOTES  D'ÉPlGnAPHÏE  INDIENNE.  347 

Par  une  bizarrerie  assez  surprenante,  dans  ces 
épigraphes  entre  lesquelles  plusieurs  semblent,  en 

circimstanees,  bien  que  la  portée  em.  dameure  jusqu'à  iMMivd  cnrdM 
très  iAdéterminée,  seront  peutrétre  de  nature  à  diminuer  encorfi 
les  scrupules  que  pourrait  faire  naître  i'éioignement. 

Le  caractère  ^  de  nos  inscriptions  est  identique  ï  Ym  de  l'al- 
phabet indien  archaïque,  sortont  sons  sa  forme  carrée  de  l'époque 
de  Kaniihka,  QndULB  qu'en  foit  la  ? aleor,  ii figure  ici, paraU^ment , 
reii versé  ^.  N'est-il  pas  curieux  que  ces  mân^  ins^ipiions  da 
Bha|tiprolu  offîrent  justement  pour  la  première  £bis  cette  particu- 
larité d'écrire  renversé  le  caractère  "i  7  ? 

La  seconde  observation  aurait  pour  conséquence ,  si  elle  est 
fondée  >  de  rattacher  plus  on  moins  directement  les  épigrt^hea  de 
Bhal|iproiu  à  la  région  du  Nord-Ouest.  Mais  je  n^rche  ici  avec 
une  extrême  défiance,  puisque  je  m'éloigne  de  l'opinion  de 
M.  Bùhler,  et  suis  amené  à  proposer  une  lecture  différente  des 
siennes,  sur  la  simple  inspection,  non  pas  même  des  estampages, 
mais  de  ses  fac-similés.  Quoi  qu'il  en  soit  et  sous  toutes  réserves, 
je  profite  de  l'occasion  pour  exprimer,  vaille  que  vaille ,  une  double 
conjecture  qui  m'est  venue  à  l'esprit. 

M.  Bùhier  lit  au  n*"  9  }  tenu  kama  yeiià  kahirako  râjA  <»/fi[k]i.  Il 
me  paraît  difliciie  de  considérer  cette  lecture,  et  surtout  la  tràduç* 
tion  qui  en  résulte,  comme  satisfaisante;  ce  serait  une  façon  de 
dire  siogidièrement  contournée,  même  en  admettant  le  rôle,  le 
sens  et  l'emploi  qu'elle  suppose  à  amki.  On  sait  combien  dans  cette 
écriture  le  k  et  Va  se  ressemblent.  Je  me  demande  donc  s'il  ne 
faut  pas  lire  :  tena  samayena  kubirako  râjâ  anî[ou  â]n  :  «à  cette 
époque  (au  moment  de  cette  donation)  Kubiraka  était  roii.  Ce 
Kubiraka  est  visé  dans  un  autre  numéro,  le  6.  M.  Bûhler  lit  les 
mots  qui  le  concernent  :  8a,isa  pnto  Khubirako  ràjd.  Il  semble  que 
le  fac-similé,  pour  la  lettre  indéterminée,  n'ouvre  la  porte  qu'à 
deux  hypothèses  n  ou  q.;  la  première  ne  donne  rien;  sakiia  au 
contraire  fait  de  KhabircJia  le  cfils  du  shâhi;  Ce  titre  dont  l'usage 
est  attesté  à  l'époque  de  Kanishka  a  pu  être  employé  antérieure- 
ment et  par  d'autres  dynastes.  Justement,  le  nom  même  du  per- 
sonnage paraît  se  prêter  fort  bien  à  cette  origine.  M.  Bûhler  le 
transcrit  ingénieusement  Kaheraka,  Mais,  sur  deux  répétitions,  il 


348  SEPTEMBRE. OCTOBRE   1804. 

raison  de  remplacement  qu'elles  occupaient,  avoir 
eu  un  caractère  votif  qui  appelle  des  tours  à  peu  près 
identiques,  on  ne  relève  guère  de  groupements  de 
signes  répétés,  rien  qui  indique  le  retour  de  pareilles 
formules  ou  tout  au  moins  la  répétition  des  mêmes 
mots  ou  des  mêmes  désinences. 

On  pense  bien  que  j'ai  essayé  d'analyser  les  dé- 
ments de  cette  écriture,  de  dégager  approximative- 
ment le  nombre  des  caractères;  il  pouvait  y  avoir 
dans  cette  statistique  des  indices  sur  la  langue  que 
nous  avons  à  chercher  ici.  Des  obstacles  de  plus 
dun  genre  traversent  une  pareille  tentative  et  en 
rendent  les  résultats  très  chancelants.  Malgré  la 
profondeur  et  la  netteté  ordinaires  de  la  gravure, 
les  caractères  ont  un  aspect  cursif ,  l'alignement  est 
passablement  irrégulier,  les  signes ,  outre  qu'ils  sont 
assez  inégalement  inclinés,  ne  sont  pas  tracés  avec 
l'uniforme  précision  qu'y  apporterait  un  lapicide 
habile  dans  une  inscription  monumentale.  Q  devient 

est  écrit  une  fois  par  kh.  Cette  erreur  serait  surprenante  dans  un 
nom  sanscrit  aussi  connu  que  le  nom  du  dieu  Kmtera,  Le  flotte- 
ment s'exjdique  de  lui-même  si  nous  avons  affaire  à  un  nom  d'ori- 
gine étrangère  imparfaitement  assimilé.  Seraitn»  rêverie  pore  de 
songer  au  nom  de  souche  tartare  que  ramène  quelques  sièdei  plus 
tard  cKhoubilai  khan»?  Si  ces  conjectures  ont  quelque  fondement, 
il  en  résulterait  nécessairement  que  les  boîtes  à  rdiques  de  Bha||i- 
pr(du  seraient  des  monuments  originaires  du  nord-ouest  de  l'Inde, 
qui  n'auraient  pris  le  chemin  du  Sud  que  postérieurement,  et  dam 
des  circonstances  que  nous  ne  pouvons  déterminer.  Ce  ne  serait 
pas,  on  s'en  souvient,  la  seule  trace,  légendaire  ou  monumentale, 
qu'ait  gardée  la  vallée  de  la  Krishna  des  rapports  avec  le  Nord- 
Ouest  et  les  Yavanas  de  ces  contrées  lointaines.  Il  suffit  de  songer 
à  AmravaU. 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  349 

dès  lors  souvent  difficile  de  décider  si  Ton  est  en  pré- 
sence dune  légère  variante,  purement  accidentelle, 
du  même  caractère,  ou  d'un  signe  différent.  En 
bien  des  rencontres  nous  sommes  hors  d'état  de  juger 
a  priori  si  loutil  a  glissé  trop  loin  sous  une  impulsion 
trop  vive,  ou  si  vraiment  le  trait  a  été  intentionnelle- 
ment prolongé.  Les  hésitations  de  tout  genre  sont  de 
tous  les  moments.  « 

Tout  ce  que  je  puis  dire ,  c'est  que,  à  moins  d'ad- 
mettre une  variabilité  extraordinaire  dans  la  forme 
du  même  caractère  ou  une  multiplicité  peu  vraisem- 
blable de  signes  pour  exprimer  le  même  son,  et 
même  en  supposant  que ,  renversé  ou  tourné  en  sens 
opposés ,  un  même  signe  représente  le  même  son  et 
ait  une  valeur  phonétique  invariable  —  il  n'est  point 
aisé  de  ramener  tous  les  signes  qui  passent  ici  sous 
nos  yeux  dans  des  limites  numériques  probables  pour 
un  alphabet  véritable. 

J'ai  d'autant  moins  dû  songer  à  communiquer  ici 
mes  tableaux  tout  provisoires  que  bien  souvent  les 
traits  peuvent  être  interprétés  de  plusieurs  façons. 
C'est  le  lieu  de  signaler  une  particidarité  frappante. 
Plusieurs  signes  apparaissent  de  temps  à  autre  avec 
adjonction  d'un  trait  exceptionnel  □  et  [j,  fl  ®t 
rV  ou  rr,  ^l  ^t  4^ ,  h  ^^  HK  »  ^t^-  Mais  le  fait  n'est 
très  saillant  que  pour  les  deux  signes  A  ®t  V  •  Ici 
c'est  toute  une  gamme  de  modifications  secondaires 
que  nous  rencontrons  dans  une  double  série  assez 
exactement  parallèle  A  A  ^  \A  A  A  A^  V  V 
X^NX  V  V  NA'VW  4^*  Quelque  doute  qui  plane 


350  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

sur  le  détail ,  notamment  sm*  Tinterprétation  des  deux 
derniers  signes,  il  paraît  bien  probable  que  nous 
sommes  eh  présence  de  modifications  secondaires  dt 
deux  caractères  primitifs.  Le  précédent  du  kharosfatht 
£dt  d'abord  penser  à  une  notation  vocaliqne  ;  mais  çn 
ne  s  explique  pas  alors  pourquoi  ces  aocidents  sont 
si  particulièrement  nombreux  pour  deux  caractères , 
comment  ils  manquent  complètement  pour  certains 
signes  dont  le  retour  n  est  rien  moins  que  rare.  En 
attendant  que  cette  énigme  soit  éclaii^ie,  ju  cru 
devoir  signaler  le  fait;  il  est  peut-Atre  de  nature  à 
éveiller  quelcpie  conjecture  utile. 

Nous  touchons  ici  du  doigt  combien  Tinterpréta* 
tion  de  plusieurs  figures  est  provisoirement  hypo- 
thétique :  /s/  \^  sont«ils  des  succédanés  de  J\  ou 
de  V  ?  ^/  estril  une  simple  variante  de  jsj  ?  Bien 
des  ^dA  soulèvent  des  difficultés  pareilles.  Il  faut  que 
le  déchiflfrement  précède  lanalyse  définitive  des 
traits.  Je  n'ai  donc  rien  voulu  donner  ici  de  mes  es- 
sais de  groupement  Ne  m  ayant  pas  fourni  la  clef 
du  problème ,  ils  risqueraient  d'égarer,  de  prévenir, 
plus  que  d'éclairer  les  chercheurs. 

Je  livre  à  leur  zèle  ces  curieux  monuments*  La  dé* 
couveile  d'écritures  nouvelles  dans  cette  région  les 
fera  songer  à  la  longue  énumération  d'alphabets  du 
Lalita  Vistara.  De  cette  série ,  bien  des  noms  sont 
assurément  aii>itraires,  fictifs.  Peut-âtre  la  révélation 
de  ces  pierres  va-t-elle  nous  permettre  de  donner 
tUieprécision  inattendue  <à  quelques-uns  de  ceux  qui 
paraissent  ou  qui,  tout  au  nfiQfns,  pçuvvot  ccttres- 


NOTES  D'ÉPIGRAPHÏE  INDIENNE.  351 

pondre  à  des  réalités  historiques.  Qui  sait  si  elles 
ne  fourniront  pas  des  indications  précieuses,  même 
pour  rhistoire  plus  ancienne  de  Técriture  dans 
rinde,  et  pour  une  période  fort  antérieure  à  leur 
date  probable  ? 

J'aurais  fini  ce  que  j  ai  à  dire  pour  le  moment 
des  inscriptions  eh  caractères  indéterminés^  si  je  ne 
devais  à  M.  Babelon,  le  savant  et  consciencieux  nu-^ 
mismatiste,  de  pouvoir  ajouter  à  la  série  un  petit 
monument  conservé  dans  le  dépôt  dont  il  a  la  garde. 
C'est  une  pierre  gravée  qui  n'avait  jamais  été  catalo- 
guée sérieusement ,  et  simplement  rattachée  par  une 
mention  sommaire  à  la  catégorie  des  pierres  gnos- 
tiques.  Le  souvenir  lui  en  revint  fort  opportimément 
en  voyant  quelques-unes  de  mes  photographies.  11 
me  paraît  en  effet  indubitable  que  les  caractères 
qu'elle  porte  appartiennent  à  la  même  écriture  que 
ceux  de  nos  pierres ,  ou  à  tout  le  moins  à  un  système 
étroitement  apparenté.  J'ai  donc  cru  devoir  la  joindre 
à  cette  série  (pi.  V,  n°  3i  bis).  Aucun  indice  n'est  à 
dédaigner  en  présence  d'un  problème  nouveau  et 
ardu.  Il  se  peut  que  la  scène  représentée  sur  un  des 
côtés ,  si  imparfaite  et  si  grossière  qu'en,  sait  l'exécu- 
tion, suggère  à  des  juges  compétents  quelque  con- 
clusion utile.  Si  j'osais,  pour  ma  part,  émettre  une 
impression  personnelle,  j'avoue  que  c'est  du  côté  de 
l'Iran  et  de  la  décadence  de  fart' hellénistique  que 
semble  nous  reporter  l'aspect  de  ce  petit  monument; 

et  je  me  demande  si  un  juge  très  ingénieux,  mon  ami 
M*  Clermont-Granneau,   n'e$t  pas  bien  inspiré  en 


352  SEPTEMBRE-OCTOBRE   1894. 

soupçonnant  dans  ia  scène  gi'avée  ie  souvenir  et  la 
déformation  d  un  type  de  cortège  bachique  mené  par 
Silène  sur  son  âne. 

En  publiant  cette  intaille,  je  me  propose  tout 
particulièrement  d  appeler  l'attention  sur  les  monu- 
ments de  même  ordre  et  de  même  caractère  qui,  à 
n'en  pas  douter,  existent  dans  nombre  de  collections. 
Il  est  permis  d  espérer,  de  ce  côté,  un  précieux  sup- 
plément de  lumières,  pour  le  classement  et  ImtelU- 
gence  de  toute  la  série. 


P.-S.  —  Cette  notice  était  déjà  imprimée ,  quand  j*ai  i^e^ 
de  M.  Deane  un  estampage  d*une  nouvelle  épigraphe  pro- 
venant de  Palosdarra ,  et  à  laquelle ,  pour  ia  rapprocher  des 
inscriptions  de  même  origine,  je  donnerai  le  n**  i3  his.  Les 

N'  13  bù. 

planches  étant  arrêtées,  il  m*est  impossible  d*y  comprendre 
ce  nouveau  monument.  D'autre  part,  il  a  cette  importance 
particulière  que,  au  témoignage  de  M.  Deane»  3  a  été  trouvé 


NOTES  D^ËPIGRAPHIE  INDIENNE.  35a 

en  place,  et  que,  par  conséquent,  le  haut  et  le  bas  en  sont 
ceii;ains.  C'est  un  renseignement  essentiel  à  joindre  à  ce 
premier  dossier.  Mais  tous  les  caractères ,  sauf  un  peut-être , 
se  retrouvent  dans  nos  autres  inscriptions;  ils  sont  parfai- 
tement nets  sur  l'estampage.  Je  puis  donc,  sans  remords, 
me  contenter  —  pour  une  fois  —  d'un  dessin  de  l'inscrip- 
tion. Je  n'ai  pas  besoin  d'assurer  que  ,  avec  le  concours  aussi 
consciencieux  qu'éclaire  de  notre  confrère  M.  Drouin,  le 
soin  le  plus  méticuleux  a  été  apporté  à  cette  reproduc- 
tion. La  hauteur  des  caractères  est  d^environ  o  m.  oa.  On 
y  remarquera  la  position  des  signes  \/  et  ^  ,  et  aussi  que 
ce  dernier,  avec  son  trait  accessoire  sur  la  gauche,  vient 
s'ajouter  à  la  liste  des  signes  composés  que  j'ai  signidés  plus 
haut. 


(La  fin  de  cette  notice  et  la  planche  n"  V  paraîtront  dans  le 
pivchain  cahier,  ) 


IV.  a.'J 

DirBIUmBI*   ■ATlOStLB. 


554  SEPTEMBRR-OCTOBRB  1804. 


NOUVELLES  ET  MELANGES. 


NOTE  PRÉLIMINAIRE 

SDR  L'INSCRIPTION  DE  KIU-YONG  KOAN , 

PAR 

ÉD.  CHAVANNES  ET  SYLTAIN  LEVI. 


Dans  le  village  de  Kiu-yong  koan  (  ^  ^  ffi  ,  dépendant 
de  la  prëfectare  secondaire  de  Tch'ang^p'ing  ^  4^ ,  pro^ 
vînce  de  Tche-li),  la  route  de  Pëking  à  Kaigan  passe  sons 
une  porte  voûtée  qui  attire  l'attention  du  voyageur  par  les 
sculptures  bouddhiques  dont  elle  est  ornée  et  surtout  par  les 
deux  grandes  inscriptions  qui  se  trouvent  gravées  sur  les 
deux  parois  de  la  voûte.  Ces  inscriptions ,  qui  datent  de  Tan- 
née 1 345 ,  sont  écrites  en  six  langues  différentes ,  à  savoir  : 
le  sanscrit,  le  tibétain,  le  mongol  en  caractères  de  'Pbags-pa 
lama,  le  turc  ouïgour,  le  chinois  et  enfm  une  langue  totale- 
ment inconnue  que ,  sur  la  foi  des  auteurs  chinois ,  quelques 
sinologues  ont  cru  être  du  niutchen.  Ce  monument  épigra- 
phique  présente  un  intérêt  considérable  pour  la  philologie  ; 
jusqu'ici  cependant  il  na  été  qu'imparfaitement  étudié; 
A.  Wylie  est  le  seul*  qui  en  ait  expliqué  une  partie  (On  an 

*  On  trouvera  des  renseignements  intéressants  sur  Tinscription  de  Kia> 
yong  koan  dans  les  articles  de  M.  Devéria  (  Examen  de  la  stèle  de  Yen-t'ai , 
ap.  Revue  de  V Extrême-Orient,  t.  I,  p.  173-186)  et  de  M.  Imbault-Hoarl 
(Note  sur  Tinscription  bouddhique  et  la  passe  de  Kiu-yong  koan;  cf.  la 
même  revue,  p.  ^86-^93),  mais  tout  ce  quW  a  su  jusqu'ici  de  Tinterprë- 
tation  du  texte  lui-même  est  dû  à  M.  ^VyIie. 


NOUVELLES  ET  MÉLâNGËB.      355 

andent  Buddhist  insoription  at  Kett-yong  kwan;  Journal  ôf 
the  Royal  Asiatic  Society,  N.  S. ,  voL  V,  part  i,  1870).  Noaê 
avons  entrepris  d*en  donner  une  interprétation  fdns  complété* 
Nous  espérons,  grâce  à  Tappui  ^*a  bien  votdti  nom  pro« 
mettre  ie  prince  Rdand  Bonaparte ,  faire  reproduire  les  estam- 
pages qae  nous  avons  rapportés  dé  Chine  et  mettre  ainsi  ces 
textes  à  la  disposition  de  tous',  nous  pabUeron»  ensuite  le 
résultat  de  no»  redierdies  en  iadsMnt  appdi  m  bienveSlant 
concoars  de  toutes  les  pei^oimes  compétente»;  ttoos  nous 
sommes  déjà  assuré  k  prédedMr  ccdlabofation  de  M.  i*aea* 
démicien  W.  Radloff  pour  la  partie  ooîg^wire*.  Notis  <5foy«ns 
utile  de  rédiger  dès  maintenant  uM  noté  préliminaire ,  afin 
que  les  savants  qui  voudront  étudier  ee»  inscriptions  puissent 
profiter  du  travail  que  nous  avons  fait. 


Première  partie. 

LES  INSCRIPTIONS  CHiNOlSB»  ET  MOMQOLfiS, 
PAR    ^.n.   OtfATANJfES. 

Traduction  du  texte  chinois  en  petits  caractères 
qui  se  trouve  sur  ta  face  ouest  *« 

....  dans  le  palais  des  Aé^M  (tttsitas)  rm  jour  se  réimit  la 

foule  des  grands  Bodhisattvas  et  des  devafrftjas 

en  ce  temps,  il  y  avait  du  roi  des  devas  TrayaStrîinçâS  (tm 

^  La  tradnctÎM  par  M.  Addioff  des  Mxiei  ed^oim  M  peilU  «MMCèrM 
stra  publiée  dans  le  prochain  Mim^ro  dd  Journal  êtiaUfOêê 

^  Ce  texte  est  une  rédaction  abrégée  du  Samanta-mukha-praveça-raçmîi» 
vîmalosnîsa-prabbâ-sarva-tatbâgata-Iirdaya-sama-virocana  dhlrani  sûtra  [lA. 
Bttayiti  Nanjîo,  Ctttatoffùe  of  the  Chinese  Trîpîtakà,  n*  790).  Ce  «Atrâ  itH. 
teadoit  intégralement  dam  la  publieatia»  définfthre  (jfas  iiMis  ptépafMi  VU 
rioscriptiou  de  Ki»-yong  koan,  Kou»  dmoaront  aussi  dan»  cette  p«bliG«tkNi 
un  taUeau  complet  de  la  dhârani  de  la  face  ouest  sous  ses  ûx  transcriptions; 
ce  tableau  sera  féquivalent  de  cdui  que  M.  Wylle  a  dressé  pour  la  dbà- 
rani  de  la  face  est. 

s3. 


356  SEPTEMBRE-OCTOBRE   1894. 

fils,  dont  le  nom  était  Mani)pitakavimala;  se  livrant  à  toàtes 
les  délices ,  le  soma ,  les  fleurs ,  les  concubines ,  il  était  j^ngë 
dans  les  passions  et  les  voluptés  et  avait  Tesprit  trouhlë  et 
aveuglé.  Pendant  la  nuit,  il  se  trouva  en  présence  dm  génie 
à  la  bouche  enflammée  qui  appda  le  devarâja  par  son  nom 
et  Tayertit le  devaputra ;  il  était  pro- 
sterné contre  terre.  Toutes,  saisies  de  crainte,  lui  lavèrent  ie 
visage  avec  de  Teau  et  du  vin.  Alors,  plein  de  respect  et  de 
crainte ,  il  alla  en  présence  de  Çakra  pour  lui  demander  sa 
protection.  Quand  Çakra  eut  entendu  son  récit,  il  consola, 
.  sollicitude.  Le  Buddha  a  la  drogue  de  la  loi  qui  peut  secoa- 

rir  et  sauver.  Le  devarâja le  Buddha  reçut 

Çakra Tédat  brillamment  illumina  les  Mahâsahauas; 

Tédat  revint,  tourna  autour  du  Buddha  et  rentra  par  sa 
bouche,  n  dit  à  Cakra  ces  mots  :  «  Ecoute  attentivement.  Ce 
raja  Manipitakavimala,  dans  sept  jours  sa  destinée  sera  ter- 
minée ;  il  tombera  dans  les  enfers  où  il  recevra  un  châtiment , 

puis dans  la  maison  d*un  ouvrier  en  bambous  de  la 

ville  de  (  Vâranâsi) ,  il  naîtra  dans  Tétable  sous  la  forme  d*un 
porc  ....  impur;  il  sera  en  proie  à  des  vers  qui  le  dévore- 
ront; quand  la  chair  de  son  corps  sera  entièrement  finie,  die 
se  reproduira  aussitôt  conune  avant;  il  en  sera  ainsi  pendant 
sept  années.  Alors,  cette  punition  étant  terminée,  il  renaîtra 
dans  un  vaste  désert,  parmi  les  tortues;  H  ny  aura  ni  eau  ni 
arbre  et  sous  la  blanche  ardeur  du  soleil,  il  n*aura  a  manger 

que  de  la  terre  brûlante Quand  îl  aura  passé  ciiiq 

années  dans  cette  vie,  il  renaîtra  dans  cette  ville  parmi  les 
poissons  ...  il  sera  en  proie  aux  chacals  et  aux  loups  qui  le 
dévoreront.  Quand  il  sera  près  de  mourir,  il  obtiendra  de  la 
pluie  et  reviendra  à  la  vie^  Quand  il  aura  enduré  de  tels 
tourments  pendant  trois  années  entières ,  il  reviendra  parmi 
les  hommes,  dans  (l'une  des)  sept  dasses  infortunée,  les 
lépreux,  les  fous  et  les  aveugles  de  naissance  .  ;  au  bout  da 
soixante  années  ...  (il  renaîtra  dans  une  condition)  misé- 
rable, avec  un  corps  vil  et  une  faible  intdligence  et  il  sera 
un  objet  d*aversion  pour  les  hommes.  » 


I»^ODVELLES  ET  MÉLANGEA.       357 

Çakra  ayant  entenda  ces  paroles  de  Buddha «  Que 

le  Buddha  fasse  descendre  sa  protection.  « 

Le  Buddha  dit  :  «  Il  y  a  une  grande  dbârani  qui  peut  re- 
médier à  tous  les  ohstades  et  à  tontes  les  difficcdtës  des  êtres 
vivants ,  c*est  la  Samanta-mukha-praveça-raçmi-vimaloçni^- 
prabhâ-sarva-tathâgata-hrdaya-sama-virocana  (dhârani).  G*est 
celle  qu*ont  prononcée  simcdtanément  les  quatre-vingt-dix- 
neuf  centaines  de  mille  de  kotis  de  nahutas  de  Buddhas.  Le^ 
êtres  animés  cpii  la  voient  et  qui  Tentendent  se  réjouissent 
aussitôt  ....  les  naissances  dai^s  les  mauvaises  voies  méri- 
tées. Comme  le  feu  incendie  les  herbes  sèches,  comme  le  vent 
souffle  la  cendre ,  de  même  aussi  les  actions  commises  seront 

dispersées  et  supprimées (comme  une  grande  fduie) 

enlève  les  ordures  et  la  boue;  comme,  lorsque  Tor  véritabis 
est  fondu  et  purifié,  les  ustensiles  peuvent  être  fabriqués; 
comme  le  soleil  répand  son  édat;  conmie  le  poisson ,  qui  était 
hors  de  Teau ,  rentre  dans  Teau ,  son  élément.  Pour  secourir 
le  devaputra,  je  prononce  cette  ....  (Si  cpielqu*un  peut  éle- 
ver) une  pagode i  réparer  une  ancienne  pagode,  écrire  (cette 
dhârani)  et  Ty  placer,  présenter  des  parfums  et  des  fleurs, 
exécuter  de  la  musique  avec  toutes  les  musiciennes  et  faire 
ainsi  son  oflrande  .  . ,  puis  se  purifier  dans  son  corps  et  dans 
son  cœur,  jour  et  nuit  pendant  les  six  divisions  du  temps  Iff 
réciter  en  faisant  tous  ses  efforts,  ou  la  dérouler  cent  huit 
fois,  .  .  (il  pourra)  supprimer  tous  les  maux,  produire  tous* 
les  biens.  Si,  dès  le  moment  où  le  soleil  parait,  il  s'assied 
tourné  vers  Torient;  s'il  enduit  Tautel  de  pâte  parfumée;  si,' 
tourné  vers  le  soleil ,  il  répand  des  fleurs  ;  s'il  fait  Inrûler  des 
parfums,  s'il  honore  tous  les  Buddhas  de  cent  huit  saluta- 
tions, . .  (s'il  écrit  cette)  «  connaissance  du  cœur  »  et  la  place 
dans  les  pagodes,  ce  sera  comme  si  (il  y  plaçait)  les  reliques* 
des  corps  entiers  des  quatre-vingt-dix-neuf  centaines  de  mille 
de  kotis  de  nahutas  de  trois  milliers  (de  Buddhas)  et  il  n*y 
aura  aucune  difierence.  Les  fautes  et  les  actions  qui  abrègent 
la  destinée  seront  supprimées;  (en  outre,)  on  aura  une  longue 
vie  et  la  protection  de  tous  les  devait.-  Quand' un  tel  homme 


558  SEPTEMBKB-OCTO-BRE   1894. 

approchera  de  sa  fin,  U  fera  csomma  ie  lerpeut  qui  change  de 
peau;  il  ira  dans  la  région  de  TOnest  et  ne  naîtra  pas  dan» 
toutes  les;  gatis  manvaises.  * 

Le  devaputra,  ayant  reçu  cette  «connaissance»,  sortit  da 
palais;  puis  il  établit  une  pagode  .  .offrandes  •  •  observer. 
Tont  ce  qui  était  faute  et  obstacle  fut  soudain  supprimé. 
Etant  touché  par  la  grâce,  son  corps  eut  la  ooideor  de  Tor, 
ses  yeux  furent  bleus, . . .  (sa  cbevdbre)  fut  éclatante  et  pure* 
U  alla  voir  le  Buddba.  Quand  il  fut  en  sa  présente,  tout  son 
être  ressentit  uUe  grande  joie.  U  prononça  donc  une  gàtbâ 
pour  prodamer  et  célébrer  . .  •  •  revenir  dans  le  palais;  pleins 
de  majesté,  ils  portaient  toutes  les  o£tandes  , ,  Çokra  •  ». 
(Us  arrivèrent  à)  Tendroit  où  se  tenait  le  Buddha  . ,  • , 
(ik  tournèrent  autour  de  lui  cent)  mi&e  fois  et  firent  les  o£- 
finndes. 

Alors  VajrapâQi  , .  (demanda)  au  Buddha  m  .  •  •  Qttdks 
actions  a  donc  commises  dans  ses  vies  antérieures  (ce)  Maçi- 
pifakavimala  pour  mériter  de  tdles  punitions  i  • 

...  (Le  Buddha  répondit)  ;  «Autrefois,  dans  Tlnde  du 
Sud,  dans  la  ville  de  Koang^ynen-man,  il  y  avait  un  Brab* 
mane  dont  le  nom  était  (  Vimala)  .  .•••••  tident  de  dis* 

tinguer,  la  foi  et  la  sincérité  des  hommes ,  un  jour  ••••••  il 

y  avait  un  notable  dont  le  nom  était  K.oang*ming;  il  conçut 
une  mauvaise  pensée  :  « .  (Puissé*je)  le  couper  en  pièces 
comme  une  tortue  ou  un  poisson,  remplir  sa  bouche  d'or^ 
dures.  »  Quand  il  eut  conçu  cette  pensée,  il  fiit  atteint  aussi» 
tôt  par  la  maladie  de  la  lèpre  blanche  et  mourut,  U  Unpobft 
dans  Tenfer  avici;  après  un  kalpa,  il  revint  naître  ,.,.•••• 

les  tourments  de  Tenfer  Jkalasûtra.  Puis,  cette  punition  étant 
aussi  achevée,  il  revint  dans  la  ville  où  â  avait  primitivement' 
résidé  et  fiit  au  nombre  des  aveugles  de  naissanoe.  U  aa^t 
sans  yeux;  en  vertu  de  causes  antérieures,  il  entendit)  un 
bhiksu;  son  cœur  conçut  la  foi:  s'approchant  avec  vénéra^ 
tion,  il  s'enquit  et  s  informa.  Or  ce  . .  (bliikçu)  se  conduisait 
avec  compassion  et  bonté;  le  voyant  venir,  il  le  reouaiUit; 
bien  plus,  il  lui  donna  i  manger;  puis»  an  sa  faveur 


•  *  » 


NOUVELLES  £T  MÉLANGES.  350 

(il  prononça  la  dhâraçi)  ....  étant  finit  il  naquit  parmi  les 
Trayastrimças.  Gdui  qui  ëtait  alors  le  notaUe,  cest  le  deva* 
puira.  Le  brahmane ,  puis  le  bhiksu  icmt  des  avatars  de  Maiv* 
juçrî.  Les  rémunérations,  les  causes  . .  justice. .  • .  •  (Quand 
quelqu'un  récitera  cette  dhâranî)  une  fois,  ce  sera  comme  s'il 
faisait  le  tour  des  pagodes  des  vingt  Tathâgatas;  s'il  récite 
ce résidence,  il  plantera  Texc^ente  ûge.  S'il  éta- 
blit un  autel  et  quHl  récite  cent  huit  ...  les  soufiCrances ,  les 
difficultés  et  les  mauvaises  choses  seront  toutes  supprimées 
•  •  suivant. les  désirs  seront  tous  téalisëfl;  il  obtiendra  la 
compréhension  des  naissances  antérieures  ;  il  naitra  dans  le 
lieu  pur  . .  (Si)  chaque  jour  pendant  lès  trois  périodes  de 
temps  il  s'applique  à  la  réciter  vingt  et  une  £Qiû».au  bout 

d'une  année  .....* tous  les  Biiddhal.  SI  le  huit,  le 

quatorze  et  le  quinze  (du  mob)  .  . . .  fois,  quand  il  récitera 
cette  «  connaissance  »  et  qu'il  fera  le  tour  de  la  pagode ,  du 
sein  de  la  pagode  sortira  une  voix  qui  consolera  le  marcheur 

et  le  félicitera entendre  cette  voix,  ses  mauvaises 

actions  et  ses  infortunes  s'évanouiront (il  naî- 
tra) dans  une  excellente  condition  et  se  rendra  parmi  les 
devas.  Si  huit  mille  et  cent  mille  fois  il  récite  avec  attention 
...  (le  feu  ne)  pourra  plus  le  brûler;  à  sa  mort  .  son  prin- 
cipe vital  ;  il  naitra  ensuite  dans  le  paradis  ;  il  aura  un  corps 
couleur  d'or;  les  Tathâgatas  des  trois  générations  le  regar- 
deront comme  un  fils  •««...  grande  pagode ,  la  placer  et 

terre  .  .  le  Buddha  proncNiça  luirmtoie  cette 

gâthâ  : 

Dans  cette  seule  pagode  placer  la  «Connaissance  du  cœuri, 
Y  établir  un  pavillon  de  la  Houe  et  Tomer  de  banderoles. 
C'est  comme  si  on  cachait  les  corps  entiers  des  Buddbas  des  trois 

[générations 
Et  qu'on  en  remplit  cent  mille  pagodes;  voilà  ce  qu'il  faut  savoir. 

. .  ,samanta-mukha-praveça-raçmi-vimâiosrJîsa-prabhâ(sar- 
va-tathâgata-hf  daya  -  sama-viroc«ma  dbàra)  ni.  Cest  pourquoi 
maintenant  nous 


300  SEPTEMBRE-OCTOBRE   1894. 

La  cinquième  (année)  tche  tcheng  S  (l'année  étant  dans 
les  signes)  i yeou,  le  neuvième  mois»  en  un  jour  £iiste,  Té- 
tch*eng,  religieux  du  temple  Pao-tsi  et  originaire  de  Tch*eng- 
tou^  dans  le  Chou  occidental,  a  écrit  (cda). 

Traduction  da  texte  chinois  en  petits  caractères 
qui  se  trouve  sur  la  face  est. 

i"  ligne  :  Oh  !  admirable  !  Adoration  au  dharmakàya  et  aux 
trois  joyaux.  Origine  vénérable,  principe,  mîliea  et  fin 
de  tout  ce  qui  a  forme  et  apparence ,  perpétuellement 
heureux ,  nous  . .  les  trente-sept  Bodhi  sans  obstade . . 

le  sommeil  et  l'éveil  en  définitive  ne  pas 

la  roue  de  la  Loi ,  le  Nirvana 

a*  ligne  :  notre  Buddha,  Tunion  des  religieux,  la  victoire  sur 
les  six  maîtres  ',  la  connaissance  profondément  bienfai- 
sante de  la  mère  qui  répond  (Âbliidharma) ,  la  longévité . 
l'ensemble  des  lotus ,  la  porte  heureuse  de  la  Mahâbodhi 
qui  augmente  et  soutient  une  longue  destinée ,  les  huit 
actions  à  Rapilavastu,  à  Mo-kié  (Magadha?),  à  Và(râ- 

nasi). le  royaume  de  Çrâvasti,  un.  . 

établir  pour  la  première  fois  une  pagode  . 

3*  ligne  :  protéger,  sébile  à  aumônes,  . .  ayant  la  forme  de 
pavillons  à  étages  ..  les  portiques  qui  sont  des  marques 
de  la  majesté  et  de  la  vertu  qui  soumet  les  démons; 
qui  constitue  le  fondement  des  dix  connaissances,  qui 
constitue  le  parasol  de  la  roue  excellente ,  qui  constitue 
la  protection  miséricordieuse  pour  les  êtres  doués  de 
sentiment,  les  trois  smrty-upasthânas ,  les  dix  forces,  la 

'  L*aii  i345  de  notre  ère. 

'  Tcb*eng-toa  est  anjoard^hni  la  capitale  de  la  province  de  Se-tdi*oaD. 

'  Les  six  maîtres  sont  les  ttrthikas  du  texte  tibétain  :  Pûrana  Kâçyapa, 
Goçâlipntra  Maskarin ,  Saujàyî  Vairatttpatra ,  Ajîta  Keçakambala ,  Kalcôda 
Kàtyâyana,  Nirgrantha  JSàtipatra. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  ^61 

roue pagode;  un,  trois, . ,  cinq,  sept. . .  ne 

pas,  les  reliques,  nous  vénérons  et  adonms. 

• 

4*  Ugne  1  Le  saint  et  sage  Fils  du  cid  ^  profite  à  tous  les  êtres  ; 
au  milieu  de  la  route  n%[ïessaire(?),  il  répand  le  bon- 
heur Qt  Tavantage  ..  Ferme  et  confiant  dans  (?)  le 
cœur  (?)  de  la  Bodhi  du  Buddha ,  il  a  établi  un  haut  stûpa 

les  trois  véhicides,  les  trois  joyaux  et ce  qui, 

pagode,  récompense. . .  ne  pas  . . .  véhicide,  porte, 
éclatant,  pas  deux  . 

5*  ligne  :  à  un  deva.  &i  outre  (9)  »  le  maître  dans  la  pagode 
a  réalisé  derechef  toutes  les  vénérables  images  du  Com- 
patissant ,  collection  qui  a  TécUi  de  Tor  brun ,  feu.  Des 
mille  Buddhas  Tathâgatas  le  principe  et  la  majesté  sou- 
tiennent et  contiennent  mutudlement  les  tentures  de 
soie  qui  recouvrent  ;  dans  la  victoire  des  cinq  Buddhas 

dans  le  royaume  absolument  pas  ...  les  reliques 

des  corps,  .  .  joli,  rare,  merveilleux,  difficile  . . 

6'  ligne  :  le  lotus  sans  souillure ,  Téclat  du  chignon  au  sommet 
de  la  tête ,  puis ,  prenant  les  dix  caractères  mystiques  ', 
suivant  la  Loi,  placer  .  la  porte  de  la  pagode,  ce  mé- 
rite peut  supprimer  les  crinjes  de  mille  kalpas;  ou,  si 
un  homme  fait  fleurir  du  Tathâgata ....  comme  la  forme 
d*Amara  -  Buddha. ..  .  paisible;  celui-là  obtiendra  le 
mérite  .  .  . 

Y  Hgne  :  grands  milliers,  Tofirande  des  sept  joyaux;  Thomme 
saint  construit  une  pagode ,  le  mérite  Temporte  sur  ceLi  ; 
ou,  avec  ...  du  ciiivre  jaune  faire  une  statue,  suivant  le 
cœur  entièrement  accomplir,  parfaitement;  un  jeune 
garçon ,  s'amuser  devient  guide  et  maître  ....  terre  .  .  . 
loi milieu,  clarté  .. 

*  La  ligne  commençant  deux  caractères  plus  hani  que  les  aatrcf ,  le  Fils 
rlu  ciel  dont  il  est  question  doit  6tre  un  empereur  mongol. 

^  Les  dix  caractères  sont  la  fameuse  formule  :  Om  mani  padme  bum. 


302  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 

8'  ligne  :  ce  qa*il  obtient,  c  est  la  paix  et  la  joie ,  une  grande 
renommée,  le  talent  de  discuter,  la  rëflexioii  correcte, 
la  longue  vie,  demeurer  dans  beau  . . .  dans  les  palais, 
richesses ,  joyaux ,  serviteurs ,  tous  en  abondance  .  . ,  des 
épouses  belles,  bonnes, »» sages,  saintes,  sept  joyaux, 
mille  fils  ...  de  naissance  en  naissance  monter  dans  la 
voie  des  beaux  devas ,  être  roi ,  recevoir  de  la  joie ,  comme 
une  victoire  insigne 

9*  ligne  :  ensuite  pouvoir  émettre  le  cœur  de  la  Mahâbodhi, 
la  fermeté  arriver  au  plus  haut  point,  un  corps  de  dia- 
mant, ensuite  ....  NirvÂna,  conune  plus  haut  le  Bud- 
dha  Ta  dit;  plus  de  doutes;  purifier  et  balayer  la  pa- 
gode du  Buddha;  bràler  des  parfums  . . .  réunir  les 

paumes  des  mains;  avec  respect,  adorer belle 

dievélure;  tous  ont  chacun  les  dix  racines. 

10*  ligne  :  Autrefois,  au  temps  où  le  Buddha  s  était  incamé 
dans  le  Jaxnbûdvipa,  la  pagode  de  Téléphant  précieux 
était  en  ruines  et  diminuée  ;  réparer  de  génération  en 
génération  . . .  marche  de  Tâéphant,  enÂiite  obtenir 
la  dignité  d^Arhat  sous  le  nc»n  de  Gardien  de  Télé- 
phant  ( gajapàla  ? ).  Autrefois ,  lé  parCûtement  vénérable 

et  vertueux  Açoka  « pagodes  préoieusés  dans 

tous 

1 1*  ligne  : le  roi  bon , 

maître  du  monde ,  répondre ,  affection 

Buddha  ....  à  Tépocpie  de  P  faire  fleorir,  Buddha  , 

1  a*  ligne  :  mer,  dans dans  tout 

ce  qui  est  nécessaire;  spontanément  frais  et  fertile; 
vraiment  solide  ,  pierre  ........' 

i3'  ligne  :  Le  maître  de  Tômpereor,  Hi-tch*oang  ($|t, 

Nandiketu?)  fortuné,  sage,  féliciter 

ce  qui  devient  le  sens  triomphant. ... .... 


> 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES;       563 

i4'  ligne  :  être  calme  en  s* appuyant  sur  la  grande  terre  et 

ne  pas  transférer  notre , 

savoir 

i5''  ligne  :  profiter  au  monde,  éclat  complet,  homme  sage 

et  parfait  comme  la  pleine  lune  d'automne 

•  •••f 

1 6'  ligne  :  tous  les  êtres  doués  de  sentiment  trouvent  leur 
profit  et  leur  avantage,  pouvoir,  complet,  génération... 

1 7*  ligne  :  La  souveraine  aJBTéctueuse  et  excellente ,  fenmie 
de  l'empereur  bon,  tfës  majestueux^  .  .  une  sainte 
semence,  descendants  divins 


1 8* ligne  :1e  maître  du  royaume,  Nan-kia  î,  ingénieuse- 
ment doué  de  la  compréhension  des  doctrines  manifeste 

et  obscure spécialement  a  reçu 

....  saint sai  han 

1  g'  ligne  :  qui  possède  le  titre  de  préposé  de  la  cour  correcte 
aux  interprétations  de  diamant  »  haut  dignitaire  du 

grand  collège sujet,  a  tourné  ses 

forces ,  a  tourné  son  cœur  pour  augmenter  le  bonheur 
et  ie  profit  pour  tous 

20*  ligna  ;  la  vertu  très  intelligente  du  Fib  du  ciel  réunit  et 
achève  la  Bodhi  qui  n'a  pas  de  supérieure.  Avec  respect 
nous  avons  reçu 

31*'  ligne  :  Tordre  impérial  de  rappeler  les  textes  originaux 
. .   sanscrits ,  tibétains ,  mongols ,  compiler  les  livres 

saints pitaka,  la  doctrine  .  De  l'Inde 

de  l'Ouest,  Koan-tso-lo  (Vajra) , Té- 

tch'eng,  en  gros  ....  l'a  noté  par  écrit. 

'  Ucmperetir  boo  «  très  majestueux  est  h  titre  pQstbuoie  de  Bouyamtou 
Khan,  qui  régna  de  i3ia  à  i^zo.  L'impératrice t  sa  fisiame,  mourut  en 
1 3a )  (  FiMn  «Ae «  chap.  1 14  9  p*  ^7  )* 


■W.*— M^MMM* 


364  SEPTEMBRE-OCTOBRE  1894. 


EXPLICATIONS  PROPOSJ&ES 

POUR  QUELQUES  EXPRESSIONS  DES  TEXTES  MONGOLS 

ECRITS  EN  CARACTÈRES  DE  'PHAGS-PA  LAMA  ^ 


n 


Inscription  en  petits  caractères  de  la  face  est, 

ligne  :  Om  svasti  engge  esen  boita ghai^om  svasti,  qu*il  y 
ait  contentement  et  bonne  santé.  —  dari  beye  «  le 
corps  des  formes ,  le  rûpakâya.  —  tchinarta  »  possé- 
dant une  qualité.  —  àdjakwr=ileL  fin.  —  urida  =  autre- 
fois. —  djirghalangta  =  qui  jouit  des  délices.  — 
mangke  —  étemel.  —  nom-an  heye  de  màrgamui  =  s'in- 
cline devant  le  corps  de  la  loi  (dharmakâya).  —  aZiuait 
edjen  =^  le  maître  du  peuple.  —  alus  daghan  =  à  son 
peuple. 

a*  ligne  :  nom  =  loi.  —  ene  saburghan  =  ce  stupa.  —  àtchà- 
gen  =  un  peu.  —  yeke  «=  beaucoup.  —  ghurban  kulghe- 
ni  t=  les  trois  véhicules  (triyâna).  —  ghMrban  sa  — 


*  Je  prie  les  penoonet  versées  dans  la  oonoaissance  de  la  langue  nongoie 
d*ètre  très  indulgentes  pour  ce  travail  ;  c*est  afin  de  l'entreprendre  qae  j*ai 
commencé  Tétude  du  josongt^;  je  ne  pouvais  donc  avoir  la  prétentioo  de 
déchifffcr  du  premier  coup  une  inscriptioo  rendue  plus  diflfictle  encore  par 
remploi  de  récriture  *Phags-pa  qui  rend  très  incertaine  la  séparation  aei 
mots  entre  eux;  j*avais  abordé  ces  recherches  dans  Tespoir  de  trouver  un 
parallélisme  beaucoop  plus  marqué  qull  n*est  en  réalité  entre  ces  textes  et 
les  textes  chinois  et  tibétains;  mon  attente  ayant  été  déçue,  iâ  m'a  semblé 
cependant  que  Teffort  que  j*avais  fait  pour  découvrir  le  sens  de  qneiquet- 
nns  des  mots  de  cette  inscription  servirait  peut-être  à  épargner  quelque 
peine  aux  personnes  plus  compétentes  qui  tenteront  de  donner  une  traduc- 
tion véritable;  c'est  pour  cette  raison  que  je  me  suis  décidé  à  imjmmer 
ces  notes  tout  en  sentant  moi-même  leur  imperfection.  Une  vingtaine  des 
identifications  que  je  propose  m*ont  été  fort  obligeamment  indiquées  par 
M.  le  D*  Grube  à  qui  j*ai  soumis  mon  manuscrit  lors  du  Congrès  de  Genève.  — 
L'inscription  mongole  est,  comme  Tinscription  tibétaine,  divisée  en  gàtbâa, 
la  première  par  des  points ,  la  seconde  par  des  traits  verticaux.  —  E.  G. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES,  365 

3*  ligne  :  hnrghan  daghere  boikaghat  àndur  ^  ayant  érigé  en 
haut  les  trois  stupas.  —  oldakha  =  se  trouver.  ^-^  kàr- 
tekhu  s  atteindre.  —  âsayaghan-tu  =  dans  la  destinée. 

—  ghurban  erêxnis  ==  les  trois  joyaux.  —  hugei  »  après 
que.  —  dughulghan  =  casque. 

4*  ligne  :  amitan  »  les  êtres  vivants.  —  yahukku-in  »  agir 
(au  génitif).  —  eimu  ghurban  suburghan  boskhabii  = 
de  cette  manière  les  trois  stupas  ayant  été  érigées.  — 
Barkhan-u  =  du  Buddha.  —  sarvavighi  =  ?  —  vajira- 
panirin  amita  Çhag^mum  Barkhan'nnghadrm  =^  de  Vaj- 
rapâni,  des  Buddhas  Amita  et  Çàkyamuni.  *—  nughad 
=  (marcpie  du  pluriel).  •> —  arban  Uagun  »  de  dix  ré- 
gions. —  kalaprun  »  ksdpas.  —  ndngghan  Burkhad-un 
=  les  mille  Buddhas.  -. —  ac{ic^tit=«:  bénédiction. 

5*  ligne  :  altan  =  or.  —  ejin  egut-beji  =  ayant  été  construit 
de  cette  manière.  —  nom- an  beye  ungge-tn  khuyar  beye- 
in  çavira  =  le  corps  de  la  loi  ^  la  relique  du  corps  sans 
pareil  (advaya)  ayant  une  forme.  —  nom  ?=  la  loi.  — 
sagikhtchi  =  protecteur.  —  maharaja  (?).  —  kighet  = 
était.  —  minggham  kalap-od-un  nigul  =  les  péchés  de 
mille  kalpas.  —  nom  =  la  loi.  —  chasin  =  le  précepte. 

—  dur  ber.  —  tusa  =  utilité,  avantage.  —  yeke  = 
beaucoup.  —  mle-ji  =  Faction  (accus,).  —  butugebe  = 
être  accompli. 

6*  ligne  :  dengrinerum  bakchi-in  =  du  maître  des  devas.  — 
suburghan  =  stûpa.  —  sàme  =  temple.  —  kuiagara  nere- 
tu  sudur  kighei  tsaghan  linga-in  gui  sadur  nughud  dotora 
=  dans  le  sûtra  appelé  kùtagara  et  le  sûtra  du  lotus 
blanc.  —  Burkhan  nomlakhu  =  le  Buddha  se  mit  à 
prêcher.  —  alibe  =  un  quelconque.  —  Burkhan-u  sàme 
=  le  temple  du  Buddha.  —  taikhu-n  chitugheni  = 
offrant  des  sacrifices  aux  idoles. 

7'  ligne  :  tedai  =  aussitôt.  —  egutgeguldja  »  ^ranger  de 
manière  a  ce  que  ce  soit  établi.  —  arbajin  teduî  =  de 


366  SEPTEMBRE-OCTOBRE  18Q4. 

dix  environ.  —  tende  «=  là-bas.  «^  ûîil  âgei  =  eompa*- 
raison  ne  pas.  —  ghurban  mingghan  yirtitttsa  dar*=  dans 
les  trois  chiiiocosmes.  —  ertinis  =*  les  joyaux.  —  Ar/ioii- 
toakhtan  =  les  saints.  -—  Bnyan^  yertci.  *—  ghurban  er- 
tini  =  les  trois  joyaux. 

8*  ligne  :  dsartchim  =la  loi.  —  Bayantu-in  =^dn  yertaettc. 

Inscription  en  petits  caractères  de  la  face  ouest, 

i'*  ligne  :  om  svasti  engge  esen  boltaghai  âsalghamdji  «=  om 
svasti ,  qu'il  y  ait  contentement  et  bonne  Mintë.  Suite  : 
' —  djul  *s  bonheur.  —  sudar  *«  sûtra.  — *  djayaghan  = 
destmëe.  —  altan  =  or.  —  djaghan  *»  élëphant.  —  A:â/- 
^^R^*  se  véhicules.  —  tchakhun  etûkus  dur^  à  la  fin  de  la 
saison.  —  ûgei  =  ne  pas.  —  amughulang  =■  fëlicité^i  — 
kurtedjuJshui  =  atteint.  —  yeke  =  très.  —  tchokkta  « 
puissant. 

2*  ligne  :  tcketkiravard  «  cakravartî.  —  Achugi  khêotier  = 
le  roi  Açoka.  —  yeke  buyantu  Burkhan  hakehi'in  =  du 
maître  Buddha  très  vertueux.  —  mhurkhadiyar  =»=  les 
stupas.  — •  tchimedju  ^  ornant.  —  fekê  chérrini  =■  les 
préceptes  (çâsana).  -—  khejikkulbeji^^ajAniM  ordonné 
de  s'informer.  —  artekin  ==  autour,  près  de.  — '  mergen 
=  sage.  —  neretu  (?)  =  qui  a  nom.  .*^  yekê  oUtn  = 
beaucoup.  —  un- 

3*  ligne  :  dur  =  en  haut.  —  yeke  =  beaucoup.  — ^  suburkha- 
diyar  =  par  les  pagodes.  —  otasi-in  «  du  peu{Ae.  — 
tchimedju  =  ornant.  —  sutu  botisivid  setéken  khan  ber  =« 
le  sage  khan,  éminent  Bodliisattva.  —  uluf-wt  =  du 
peuple.  —  amitam  «  les  êtres  vivants.  —  amukhu  « 
être  tranquille.  —  Bayantu-tn  ckasin  ^^m  le  précepte  du 
vertueux.  —  nom  =»  la  loi. 

4*  ligne  :  kidsaghsr  =»  limite.  —  kûrtele ^ ^9qa*k.  — ^^*ifc« 
beaucoup.  —  5tt6arMan=sstûpa.  -^  ^5Afta<(/it  a»  ériger. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  367 

amiiaii  «  les  être»  vivants.  -^  dsalghamdi  —  suite.  — 
holkkabii  =  faisait  être.  —  dengri  =^  ciel.  —  djayakhtan 
=  qui  sont  destinés.  —  Bodisivid  =  Bodhisattva.  — 
teimu  =  ainsi.  •*-  sain  àilesi  «s  les  bonnes  actions.  *^ 
altan  »  or.  —  dettgrUn  kiibeghim  »  le  fils  du  ciel. 

5*  ligne  :  Bohisivid  (?)  =  Bocthîsattva.  —  delekei  =  la  terre. 
ajchui  —  trou,  profondeur.  —  ene  suburkhani  =  ce  stu- 
pa. —  Bodhisivid-nn  =  du  Bodhisattva.  —  altan  dsorik  = 
volonté  d'or.  —  içhUfigun  =  de  la  pierre.  —  ene  subar- 
khanî  =  ce  stupa. 

6*  ligne  ;  tegas  b^agheie^  «»  qui  a  accompli  parfaitoment. 
****  sàme  subarÛani  =»  temple  ei  stupa«  *-  khudakhta= 
saint.  -*-  aaania  »  ânanda.  — -  kma  »»  luna^  «^  adich- 
tit  s=  bénédiction.  —  geghen  *»  éclat«  —  buyu/i  «•  vertu. 
— •  nemehka  «^  augmenter.  — ^  ar&aa  =»  dix.  —  êagighul- 
dju  =  Daiisant  protéger.  —  a^ten  geghen  dur  »  à  Tillu- 
mination  d*or.  —  dêorik  =  la  volonté* 

7°  ligne  :  ûnen  daghe  =  en  vérité ,  réellement.  —  ene  yeke 
buyanu  kûdjûn  dur  =  la  force  de  cette  vertu  considé- 
rable. —  ulas-an  =  du  peuple.  —  khan  sufu  lodhisivid 
edjen  dur  =  le  khan ,  éminent  Bodhisattva  et  maitre. 
—  djirhhalang  =  délices.  —  eguri  =  longtemps.  —  ne- 
mekhu  =  s'augmenter.  —  bobughai  —  que  cela  soit. 

8^  ligne  :  gerel-un  =*  de  l'édat.  —  djul  »  bonheur.  —  naran 
=  soleil.  — '  metu  sss  comme.  —  sain  nom  =»  la  loi  excel- 
lente (saddliarma}.  —  chas  in  =  le  précepte*  *—  boita- 
ghai  =  que  cela  soit.  —  bàtun  =  comjdet.  *—  tusa  = 
profit,  avantage. 

g*  ligne  :  bukhtas  khadukhtan  =  les  saints  et  vertiietix.  -^ 
ngei  namurun  tdhakan  dergel  saran  »ne  pas  ...  la  pleine 
lune  de  la  saison  d'automne.  —  bayanian  ttilesi  =  les 
vertueuses  actions»  —  serigun  gereli  yer  ««t  par  l'éclat 
restaurant.  —  bàrihe  =  entièrement.  —  egan  a^  long* 


308  SEPTEMBRE-OCTOBRE   1894. 

temps.  —  ^irghakha  =  se  réjouir.  —  holtugbai  «=  qœ 
cela  soit.  —  edjen  =s  maître.  —  alusun  khan  ^  khan  du 
peuple. 

lo*  ligne  :  erdem  =  vertu,  mérite.  —  tchimek  =  ornement. 
ffharban  erdinis  =  les  trois  joyaux.  —  bayem  =  vertu. 

—  adichtit  =  bénédiction.  —  bikdja  =  bhikçu  (?).  — 
àkagét  =  étant  mort.  —  amitani  =3  les  êtres  vivants.  — 
djirghalang  =  les  délices.  —  djokhiyakha  =  créer.  — 
holtughai  =  que  cela  soit.  —  kàsektchi  s  désirant.  -— 
gegken  Buyanta  khan  sutu .  .  T^  Tillustre  Buyanta  khan , 
réminent. . . 

11*  ligne  :  kesikun  nahtchin  altan  =  Tor  en  feuiUes  du  boo^ 
heur.  —  delgenkseger  s=  en  s^étendant.  *—  httjikka  » 
être.  —  holtughai  =  que  cda  soit.  — •  altam  «  or.  — 
tchimek  =  ornement.  —  meta  ^  comme.  *—  Bohisivid 
khanu  =  du  khan  Bodhisattva.  —  amitana  «*  des  êtres 
vivants.  —  esi-nugud-an  =  des  instructions.  —  tegan- 
tchllen  =  semblable  à.  —  ahari  =:  disposition  innée. 

—  no  - 

)  a'  ligne  :  mun  djirghalang  =  les  délices  de  la  loi.  —  iurte- 
kseger  ==  en  parvenant  à.  —  amin  nasun  hayon  Idiataldi 
nemekha  holtughai  =  que  pendant  toute  la  durée  de  la 
vie ,  la  vertu  et  la  sainteté  s  augmentent.  —  kelakha 
amitan  =  tous  les  êtres  vivants. 

i3'  ligne  :  dengri-in  ke[ube?)  ^  ghuna  djarliki  yer  ene  àileji  s 
par  Tédit  du  fils  du  ciel,  cette  action.  —  kârtele^jjos- 
qu'à.  —  duran  =  volonté,  désir.  —  kàrgegsen=s xysni 
été  transporté.  —  oyo-gha  =  vase  à  aumônes,  -^delger 
=  étendu.  —  oi-ta  =  dans  la  forêt.  —  narin  »  fin,  se- 
cret. 

id*  ligne  :  sai  gan  lieou  cheou  =9  (  cf.  le  Tibétain).  —  gim  gmg 
yi  yuan  =  kin  kang  i  yuan  (la  cour  de  Tinterprétation 
de  diamant). 

'  Je  croi<  nécessaire  d*ajonter  ici  trois  lettres  au  texte ,  afin  cTobteB^  le 
mot  kAb^g^  :s  fils. 


NOUVELLES  ET  MELAÎ^GES.  300 


DEUXIEME  PARTIE. 


LES  INSCRIPTIONS  TIBETAINES 
PAR  M.  SYLVAIN  LEVI  \ 


Instription  en  petits  caractères  de  la  face  est, 

Âh  !  de  couleur,  de  foiime au  commencement ,  a  la 

fin,  au  milieu  triplement  inconcevable,  possédant  la  l)ëati- 

tude  perpétuelle  et  de  plus  maintes  qualités ,  ayant  la 

nature  des  trente-sept  caractères  religieux  de  la  bodhi  sans 
exception ,  au  Dharmakâya  de  celui  qu'on  nomme  le  Buddha 
et  aussi  aux  trois  joyaux,  adoration! 

Ceux de  qui  le  sommeil  et  l'éveil  sont  en  vérité 

inconcevables  tout  comme  l'atome,  possédant  cependant 
l'existence  tant  que  le  monde  écrasé  par  le  sommeil  de  l'igno- 
rance prend  le  non-être  pour  l'être  (?),  les  Buddhas  des 
trois  temps,  leur  naissance,  leur  illumination,  leur  mise  en 
branle  de  la  roue  de  la  loi,  leur.  .  .  entrée  au  nirvana,  à  ces 
quatre  actes  qui  leur  sont  communs ,  bommage  ! 

Tous  les  actes  merveilleux  et  obligatoires  de  Çàkyarâja 
Çàkyasimba,  sens  de  la  màtrkâ.  concorde  des  moines  du 
samglia,  victoire  miraculeuse  sur  les  Tirthikas,  .  .  .  longue 

vie bénédiction ,  etc. ,  tous  ces  caractères  sont  propres 

au  Dharmakâya.  Hommage  à  lui  ! 

Kapilavastu Râjagrha .....  et  Çrâvasti ,  les  huit 

lieux  de  hauts  faits,  l'état  d'inertie,  la  sébile  (?) ,  le 

bouclier,  et  les  insignes  de  la  royauté  conquis  sur  les  dé- 

'  C'est  une  entreprise  téméraire  pour  un  novice  d'aborder  Tétude  d'une 
inscription  si  difficile,  rendue  plus  obscure  encore  par  le  nombre  et 
rétendue  des  lacunes.  Si  j'ai  péché,  ce  n'est  pas  pourtant  par  présomption. 
L'essai  de  traduction  que  je  publie  n'a  pour  objet  que  de  débrouiller 
sommairement  le  contenu  du  texte ,  afin  de  déterminer  en  gros  le  rapport 
de  la  partie  tibétaine  avec  le  texte  chinois  eu  petits  caractères  qui  se  trouve 
sur  la  face  est.  —  S.  L. 

IV.  24 


370  SEPTEMBRE-OCTOBRE    1894. 

mons ,  à  tous  les  stupas  qui  ont  Taspect  de  kûtàgaras  possé- 
dant toutes  les  qualités ,  liommage  ! 

Possédant  la  nature  des  dix  connaissances  fondamentales, 
la  voie  des  actes  vertueux,  les  trois  smrtyupasthânas  et  la 
beauté  des  dix  forces  et  du  disque ,  bien  orné  du  parasol  de 
la  pitié,  qui  embrasse  la  multitude  de  fous  les  êtres  réunis, 
.  .  ,  à  tous  les .  .  .  nommés  stupas  du  Sugata. 

Srotaâpanna, Anàgamin,  Arhat,  Pratyekabuddha , 

caityas,  parasol,  en  ordre  un  et  trois  et  cinq  et  sept,  et' des- 
sus et  dessous  huit,  et  points  cardinaux  et  régions  intermé- 
diaires, et  çaranas,  et  yànas,  et  moksadvàra,  et  trikàya.  . . 

Pour  représenter ayant  élevé  trois en  vue  de 

savoir  recueillir  et  rejeter  aussi  les  fruits  de  l'existence ,  celte 
grande  porte  belle  entre  toutes  a  été  édifiée  pour  que  tous 

comprennent,  ainsi  dieu,  homme ayant  élevé  en 

un  lieu  d'adoration  un  stûpa .  . . 

Ayant  parlé  en  bien  des  manières  pour  la  propagation  des 
Saintes  Ecritures,  ici  ce  que  le  maître  des  créatures  a  dit 

pour  que  les  autres  comprennent ,  .  .  .  sùtra au  sûtra 

, .  .  ayant  extrait  un  tant  soit  peu  il  a  dit. ..'... .  remplir 
de  joyaux  les  trois  mille  cakravàlas 

Qui  élève  un  stûpa,  un  vihâra,  fùt-il  grand  comme  une 
olive ,  qui ...  le  mérite  de  déposer  en  un  lieu  de  résidence 
le  corps  du  Sugata,  fût-ce  tout  juste  autant  qu'un  grain  de 
rîz,  par  lui  la  religion  très  excellente  est  accrue;  le  Kù(agara- 
sutra  le  déclare..  Si  jamais  les  sept  précieux  corps  des  Bud- 
dhas  pouvaient  donc  s'accommoder  à  un  seul  pot  de  cuivre  ! 

Des  enfants,  rien  qu'en  imaginant  comme  demeure  un 

vihàra , un  lieu  d'adoration rien  qu'en  faisant 

un  tas  de  sable  acquièrent  assurément  la  plus  haute  dignité , 
des  yeux  plus  blancs  mémo  que  le  blanc  lotus  de  la  bonne 
loi ,  des  trésors  et  du  grain ,  et  des  chevaux  et  des  bœufs  et 
aussi  des  véhicules  et  de  paisibles  demeures. 

Et  longue  vie ,  et  éloquence ,  et  or,  et  éclat ...  et  belle 
stature,  et  grande  renommée,  et  mille  fils,  et  la  dignité  de 
roi  cakravartin,  et  naissance  divine,   et    puissance  divine; 


NOIJVKLLKS   I:T   MKLANC.KS.  371 

ainsi  cela  est  exposé  en  cercle  d'après  le  sùtra  du  Sakhavati- 
vyiilia. 

Si  on  fait  l'anjali ,  si  on  offre  des  fleurs ,  une  iainpe ,  .  .  . 
des  vêtements,  des  parasols,  des  cloches,  chacune  de  ces 
bonnes  œuvres  donne  des  avantages  dix  par  dix,  et  on 
obtient  un  excellent  corps  de  diamant  de  Bodhisattva.  Cette 
parole  est  dite  d'après  le  sùtra  du  Karmavibhâga  du  Mahâ- 
yàna. 

La  suite  de  ceci  se  trouve  sur  le  coté  de  l'ouest. 


Inscription  en  petits  caractères  de  la  face  onest. 

Om  !  salut  1  que devienne  prospère  !  Ainsi  jadis  le 

Tathâgata  cliangeait  de  résidence.  Deux  jeunes  (enfants) 

la  bonne  action  de  restaurer  un  homme  au  teint 

clair  comme  de  l'or naquirent  ensuite famille 

grand.  .  .  montant.  Pour  renaître  à  la  fin,  au  temps 

où  il  est  dit notre  maître arrivé  à  obtenir  la  di- 
gnité d'Arhat  sous  le  nom  de  Gardien  d'Eléphant,  un  enfant 
pour  avoir  donné  une  poignée  de  sable  s'éleva  jusqu'au  plus 

haut  rang.  .  .  roi  Acoka de  l'enfant.  Ce  pays fil 

...  les  84.000 travailler  à  répandre  la  doctrine 

du  Buddha.  Sous  le  nom  de  Rtse-lna'i-'dabs-su-mkhas-pa 
devenu  roi .  .  .  le  Jambùdvipa 

huit.  .  .  d'instructions  spirituelles par  le  roi  aussi. 

Vainqueur  des  diverses  régions il  travailla  à 

propager  la  doctrine.  Pour  avoir  médité  sur  les  actions  des 
êtres  vraiment  nobles,  pour  avoir  étendu  le  bien -à  tous  les 
êtres,  parmi  les  dieux  il  naquit  Prajâpati. 

Ayant  élevé  ce  caitva  avec  un  vihàra,  c'est  par  le  lama 
Ti-shri  ayant  pour  nom  religieux  Cri.  .  .  qiie  la  bonne  con- 
sécration a  été  faite si  quehju'un ,  par  le  joyau  du 

ciel ,  prince descendance ,  agrandit  le  beau  bois  de 

catapattras deux  anthères.  ......  donnant  leurs  ri- 
chesses pour  le  bien,  adeptes  de  chaque  religion.  Adorant 

24. 


37i  SEPÏEMBRK-OCTOBRK    1894. 

pour  le  bien.  .  .  créature.  .  .  examiner.  . .  pour  le  hunhejir 

les  quatre  régions.  .  .  jour.  .  . 

trésor milliers  de  rayons  lumineux 

celui  pir  rapport  à  qui  la  lampe  de  Tunivers  ne  saurait  équi> 
valoir  à  un  dix-millionième ,  ce  soleil  de  la  religion  ne  s*.oh- 
scurcit  pas  dans  les  cieux. 

du  Bhagavat  Tarhre  aux 

souhaits  (kalpadruma) court,  grand lignéç.  . . 

descendance  en  se  répandant  et  grandissant.  Tant  que  le 
cercle  des  transmigrations  n'est  pas  vide,  aussi  longtemps 
puisse-t-il  demeurer  inébranlable,  comme  par  le  maitre  du 
mont  Meru  la  masse  de  la  terre  reste  inébranlable,  écrasée 
par  son  poids ,  que  par  le  maitre  des  hommes  tous  les  puis- 
sants soient  écrasés  sous  son  pied  toujours  ;  par  réclat  du 

joyau  qui  est  le  refuge  très  précieux à  la  (in  arrivé  au 

ciel .  .  .  tout  le  bien.  Ayant  travaillé  avec  zèle  selon  le  désir 

de  son  cœur de  peu.  .  .  désir.  . .  lotus. . .  décoré. .  . 

beau .  .  .  approprié ...  la  sainte  mère .  .  .  prince  quand  elle 
se  fut  divertie  tout  le  temps  par  le  bien ,  les  mérites  de  toutes 
les  créatures  firent  naître  comme  par  un  pouvoir  magique 
des  sujets,  princes  et  fils  de  rois(?).  Longue  vie  et  mérite  . 
comme  la  lune  croissante 

action  utile intelligent 

ses  actions  eiîaçaient  la  lune  d*au- 
tomne  ([ui  n'est  pas  constante  à  répartir  également  entre 
tous  sa  blanche  lumière.  Tourmenté  par  le  chagrin  de$  mi- 
sères devienne 
en  cent  clair  d*accord. 
Les  devaputras  qui  président  à  la  pluie  laissent  tomber  la 
pluie  en  sa  saison  si  bien  que  le  nom  de  désordre,  de  fléau, 
de  famine  n'est  plus  nommé  dans  ce  monde.  Puisse  ie 
temps  se  passer  à  être  heureux  comme  dans  ie  paradis  de 
iSukhavati  I 

De  la  parole trois .....  ap[iliqué 

intelligent  Çakya-çramana 

pierrerie  hu  sai  gan  liu  çhriu  dben  çhri  fiiai 


NOUVELLES   ET  MELANGES.  373 

kl^in  ba  la  ci  ri  thi  te  ma  seu  tu  jun  gven  la,  etc. ,  à  tous  les 
dénommés  le  fruit 

du  bien  à  ce  portail  de  la  doctrine  du 

véritable  Triralna produisant  l'adoration l'éloge 

de  ceci  des  douleurs  qui  sont  les  vagues 

de  l'océan  des  transmigrations  étant  sauvé  assurément  qu'il 
vive  pour  être  heureux  au  pays  de  l'éternelle  béatitude  ! 


BIBLIOGRAPHIE. 

Histoire  de  la  latinité  de  Constantinople,  par  M.  A.  Bciin, 
consul  général,  etc.  2*  édition,  continuée  jusqu'à  notre  temps 
par  ie  R.  P.  Arsène  du  Chatei.  Paris,  Alphonse  Picard  et  fils, 
1894.    —  1  vol.  grand  in-8",  5^7  pages. 

D'une  série  d'articles  parus  en  1872  dans  le  Conlcmporain, 
Belin  avait  tiré  un  volume  de  197  pages  devenu  depuis  long- 
temps une  rareté  bibliographique.  Jusqu'à  sa  mort,  cet  orien- 
taliste distingué,  dont  les  lecteurs  du  Journal  (isialujue  n'ont 
point  oublié  les  solides  recherches  sur  le  droit  musulman  el 
les  œuvres  de  Névâï,  travailla  à  préparer  une  deuxième  édi- 
tion, en  amassant  une  quantité  considérable  de  documents 
qu'il  n'a  pas  eu  le  temps  de  mettre  à  jour.  Ce  soin  pieux 
vient  d'être  rempli  par  le  R.  P.  Arsène  du  Chatei,  qui  s'oc- 
cupe depuis  longtemps  de  l'histoire  des  missions  catholiques 
dans  le  Levant  et  qui  était  mieux  préparé  que  personne  pour 
compléter  et  publier  l'œuvre  retouchée  par  l'auteur  lui-même. 

Rien  de  plus  attachant  que  l'histoire  de  l'Eglise  latine  à 
Gonstantinople.  Bien  que  les  catholiques  romains  aient  tou- 
jours été  en  minorité  depuis  le  schisme,  leur  communauté 
s'est  maintenue,  sans  se  laisser  disperser,  au  milieu  d'élé- 
ments hétérogènes  et  fréquemment  hostiles.  Le  sort  de  leurs 
étabhssements  de  Stamboul,  de  Galata  et  de  Pérg  suit  pas 
à  pas  le  développement  de  la  ville  elle-même..  Dès  la  fm  du 
ix*  siècle,  Basile  le  Macédonien  plaçait  sous  l'autorité  di- 
recte du  pape  Jean  Vlll  le  couvent  de  Saint-Serge,  dont  la 


374  SEPTEMBRE-OCTOBRE    1«94. 

chapelle  porte  aujourd'hui  le  nom  de  Kutdiak  Ayâ-Sofi'i  ou 
«petite  Samte-Sophie  »  ;  c'est  une  mosquée  hien  connue  des 
archéologues,  et  voisine  des  ruines  du  palais  d'Hormisdas. 
Les  Âmalfitains,  établis  des  preiniets  dans  les  Échelles  du 
Levant,  avaient  leur  église  particulière;  les  Vénitiens,  qui 
les  supplantèrent,  eurent  les  leurs;  de  même  les  Génois, 
sons  Alexis  Ul.  En  1 2 1() ,  les  Franciscains,  bien  peu  d'années 
après  la  vocation  de  saint  FVançois  d'Assise,  vinrent  s'établir 
en  Orient  :  date  mémorable,  car  les  autres  ordres  religieux 
attirés  par  la  conquête  latine,  Bénédictins,  Cisterciens,  reli- 
gieux de  Cluny  et  du  Mont-Cassin,  devaient  disparaître  avec 
l'empire  des  Croisés,  landis  que  les  Franciscains  furent, pen- 
dant des  siècles ,  presque  le  seul  clergé  latin  de  Constanlinople. 

Après  la  prise  de  la  ville  par  les  Turcs,  on  voit  le  corps 
des  bourgeois  de  Galata  s'organiser  sous  le  titre  de  a  Magni- 
fica  Comunità  di  Pera»,  communauté  qui  est  devenue  plus 
tard  une  simple  association  reUgieuse,  sous  le  nom  de  «Con- 
frérie de  Sainte-Anne».  Les  égli-es  de  Galata,  les  unes  dis- 
parues, comme  Saint- François  et  Saint-Paul,  ou  transférées 
à  Péra,  sur  le  haut  de  la  colline,  comme  Sainte-Marie  Dra- 
peris,  les  autres  existant  encore,  telles  que  Saint-Benoit, 
Saint-Georges,  Saint-Pierre,  forment  la  matière  de  mono- 
f;raphics  très  complètes,  très  détaillées,  où  l'on  saisit  la  vie 
de  CCS  communautés  étrangères,  pour  ainsi  dire  étouffées 
sous  une  domination  pesante. 

Il  ne  faut  pas  oublier,  dans  l'énumérntion  des  monuments 
où  se  retrouvent  des  souvenirs  des  établissements  latins,  le 
cimetière  de  Féri-keuï ,  œuvre  à  la  fondation  de  laquelle  Belin 
eut  la  plus  grande  part.  C'est  là  que  se  trouve  le  carré  mili- 
taire français ,  souvenir  de  la  guerre  de  Crimée  ;  c'est  là  que 
l'archéologue  aime  à  revoir,  encastrée  dans  les  murs  de 
Tossuaire  général,  cette  pierre  tombale  de  l'an  i335,  prove- 
nant do  Fancienne  église  Saint-François  et  qui  fut  retrouvée 
en  i86/i.  à  deux  mètres  de  profondeur  sous  le  sol,  aux 
Grands-Champs  de  Péra. 

Si  cet  ouvrage  oflre  une  ample  moisson  à  l'historien,  !e 


NOUVELLES   ET  MELANGES.  375 

cjtë  moderne  n'en  est  pas  exclu.  Les  renseignements  statis- 
tiques et  autres  sur  les  couvents ,  écoles ,  hôpitaux  et  les  éta- 
blissements de  tout  genre  appartenont  aux  catholiques  et  qui 
se  développent  sans  cesse,  sont  des  plus  importants;  on  les 
chercherait  en  vain  dans  d'autres  ouvrages ,  moins  spéciaux, 
partant  moins  approfondis.  Tel  est  le  travail  qui  appartient 
en  propre  au  H.  P.  Arsène;  nous  l'en  félicitons  tout  particu- 
lièrement ,  en  même  temps  que  du  soin  qu'il  a  mis  à  repro- 
duire l'ouvrage  de  Belin  et  à  le  rendre  accessible  au  public. 
Des  figures  intéressantes  complètent  le  volume  :  anciennes 
vues  de  la  ville;  photographies  donnant  Tensembie  de  Ga- 
iata  et  sa  fameuse  tour,  ou  reproduisant  les  monuments  les 
plus  curieux  du  cimetière  et  CiUpruntées  à  la  série  des 
comptes  rendus  annuels  de  cetle  institution  internationale, 
une  autre  œuvre  peu  connue  et  qui  honore  aussi  la  mémoire 
de  Belin. 

Cl.  Hua  ut. 


IVestern  oniGiy  of  tue  early  Ciiikese  civilisation ,  fiom  23oo 
15.  C,  to  200  A.  C. ,  by  Terrien  de  Lacouperie,  gr.  in-S",  /120  p., 
London,  Asher,  189^1. 

C'est  avec  un  vif  sentiment  de  tristesse  que  nous  prenons  la 
plume  pour  écrire  ces  quelques  lignes  consacrées  au  dernier 
ouvrage  de  notre  regretté  confrère  A.  Terrien  de  Lacouperie. 
Personne  certainement  ne  s'attendait  à  ce  funèbre  événement 
qui  devait  priver  la  science  d'un  de  ses  meilleurs  représen- 
tants ,  et  le  coup  qui  vient  de  frapper  sa  respectable  famille 
sera  ressenti ,  nous  osons  l'afTirmer,  par  tous  ceux  qui  s'inté- 
ressent au  progrès  des  études  etlinologiques  et  philologiques. 
Pour  moi  qui  ai  pu  apprécier,  par  des  rapports  longs  et  fré- 
quents, les  qualités  de  l'esprit  et  du  cœur  du  savant  sino- 
logue breton,  je  tiens  à  exprimer  ici  toute  la  peine  que  sa 
disparition  me  cause,  tout  le  regret  que  j'éprouve  de  ne  plus 
le  trouver  à  côté  de  moi  pour  travailler  au  défrichement  du 
champ ,  encore  si  couvert  de  broussailles ,  de  la  sinologie. 


370  SEPTEMBRK-OCTOBRL    ISO'j. 

Les  travaux  de  A.  de  Lacouperie  sont  assez  connus  pour 
que  je  puisse  me  dispenser  de  les  énuraérer  à  nouveau.  Son 
livre  sur  les  monnaies  chinoises  a  reçu  des  éloges  univer- 
sels et  sans  restriction  et  Ton  peut  dire  qu2  c'est  son  œuvre 
maîtresse,  celle  où  ses  qualités  remarquai >les  se  montrent, 
pour  ainsi  dire ,  sans  ombre.  Amour  de  la  science,  patience 
dans  les  recherches,  dédain  du  convenu,  érudition  vaste  et 
solide ,  tout  s'y  trouvait  réuni ,  et  il  eut  été  vivement  à  désirer 
que  le  regretté  défunt  eût  appliqué  ses  grands  talents  exclu- 
sivement à  des  œuvres  de  ce  genre.  Les  Western  origin  ofthe 
Chincsc  civilisation  témoignent  aussi  des  mémos  qualités  et 
d'une  érudition  aussi  étendue  que  de  bon  aloi.  et,  pour  ce  qui 
dans  ce  livre  appartient  à  l'histoire,  iious  n'aurions  qu'à  ré- 
péter les  mêmes  éloges  que  nous  avons  exprimés  au  com- 
mencement de  cette  notice. 

Mais  tout  homme  a  son  côté  faible ,  et  celui  de  notre  savant 
confrère  fut  de  trop  se  passionner  pour  une  idée  et,  sous  l'in- 
fluence de  ce  sentiment,  de  trop  croire  à  son  imagination., 
de  ne  pas  observer  assez  strictement  les  règles  de  la  critique. 
Sous  ce  rapport,  son  éducation  scientifique  oflVait  une  lacune. 
Mais  aussi  rien  n'égalait  sa  bonne  foi ,  et  maintes  fois,  après  des 
discussions  que  nous  avions  menées  par  correspondance,  il 
a  rejeté  ce  qu'il  avait  professé  d'abord  avec  enthousiasme; 
on  en  trouvera  de  nombreux  indices  dans  les  rectifications 
multiples  qui  terminent  s'>n  livre. 

A.  de  Lacouperie  avait  fait  une  découverte  des  plus  im- 
portantes; il  avait  constaté  des  rapports  incontestiibles  entre 
les  mœurs ,  les  coutumes ,  l'écriture ,  etc. ,  des  premiers  Chinois 
.£t  celles  des  peuples  de  l'Asie  centrale,  accado-élamo-chal- 
déens.  Cette  découverte  avait  une  haute  importance;  la  lé- 
gende des  Chinois  autochtones,  créateurs  exclusifs  d'une 
civilisation  remarquable,  avait  désormais  pris  fin.  J'ose  affir- 
mer que  ce  [)oint  est  acquis  à  l'histoire  et  Ton  n'a  pas  été 
peu  surpris  de  voir  un  savant  \  ordinairement  mieux  informé . 

'   Voir  la  lievuc  de  l'histoire  d  s  rrVujions ,  mitrs- avril   iSq'i-  Article  de 
M.  Rcvillc. 


NOUVELLES   ET   MÉLANGES.  377 

mettre  encore  en  doute  ce  fait  indéniable  et  soutenir  des 
thèses  absolument  démodées ,  telles  que  celle  de  Shang-ti  iden- 
tique au  Tien,  des  six  tsongs  de  Shun,  représentant  des  astres* 
l'altéralion  des  kings  par  Confucius  et  autres  thèses  qu'il  est 
inutile  désormais  de  combattre.  Malheureusement  Lacouperie, 
par  suite  des  tendances  signalées  ci-dessus,  n'obtint  janiai& 
autant  de  crédit  qu'il  en  méritait,  non  point  parce  qu'il  man- 
quait d'art  d'exposition ,  comme  un  critique  Ta  soutenu ,  mais 
parce  qu'il  exagérait  inconsciemment  les  résultats  de  ses  dé- 
couvertes, qu'il  multipliait  les  rapprochements  insoutenables 
(]ui  lui  paraissaient ,  à  lui ,  évidents  et  hors  de  conteste. 

En  outre ,  l'attachement  à  cette  théorie  des  origines  chi- 
noises, vraie  en  partie,  le  poussait  à  ajouter  foi  à  des  témoi- 
gnages qui  ne  le  méritaient  aucunement  et  à  poser  ses  con- 
jectures comme  des  faits  authentiques.  Bon  nombre  des  points 
do  contact  entre  la  Chine  et  l'Elam  (?)  ont  eu  leur  origine 
non  point  dans  une  identité  d'origine  ou  des  communications 
datant  de  trente -trois  siècles,  mais  dans  celles  qui  se  sont 
produites  au  vi*  siècle  avant  notre  ère,  comme  il  les  constate 
lui-même  maintes  fois  dans  ses  divers  écrits.  Ainsi  les  mythes 
occidentaux  n'ont  pas  été  apportés  par  les  Chinois  lors  de 
leur  migration  de  l'Asie  centrale ,  mais  leur  importation  date 
des. relations  qui  s'établirent  à  partir  du  vi*  siècle;  c'est  alors 
que  l'astrologie ,  le  sabéisme ,  etc. ,  furent  introduits  dansl'Ekn- 
pire  des  Fleurs.  Pour  attribuer  une  origine  plus  ancienne  à 
l'apport  des  mythes,  légendes,  etc.,  Lacouperie  supposait 
qu'ils  étaient  restés  consignés  dans  des  registres  oubliés  au 
trésor  des  Annales  du  pays  de  Tcheou,  d'où  les  Tao-sse  les 
avaient  tirés  peur  les  répandre  dans  le  monde.  Eh  vain  je 
demandai  une  preuve  de  ce  fait,  un  indice  :  je  ne  pus  rien 
obtenir. 

Ce  n'est  point  le  lieu  de  discuter,  d'énumérer  même  tous 
ces  traits  de  distinction  entre  les  découvertes  certaines  et  les 
hypothèses  impossibles;  nous  y  reviendrons  ultérieurement 
dans  des  dissertations  spéciales. 

Notons  seulement  que  l'identification  du  monarque  chinois 


378  SKPTKMBUK-OCTOliUK    1894. 

Iloan^-ti  avec  le  Nakhonti  élamite,  base  du  système,  est  abso- 
lument dénuée  de  preuves ,  tout  comme  celle  de  Sben-nong 
avec  Sargon. 

Le  nom  adopté  de  Biik  tribes,  de  tribus  baks,  constituant 
le  corps  de  la  nation  chinoise  à  son  origine,  est  le  résidtat 
d*une  méprise  étonnante  chez  un  homme  de  cette  valeur  *. 

Quant  au  Yi-king,  Lacouperie  s'était  laissé  égarer  par  des 
témoignages  inacceptables  ;  la  discussion  privée  que  nous  en- 
tretimnes  longtemps  allait  le  remettre  sur  la  vraie  voie  si  la 
mort  n'eût  coupé  court  si  malheureusement  à  ses  travaux. 

Après  avoir  reculé  de  position  en  position,  notre  confrère 
se  raccrochait  encore  à  ce  dire  insoutenable  que  Confucius 
avait  supprimé  une  partie  du  Sliou-king;  mais  il  n'eût  pas  été 
difficile  de  le  lui  faire  abandonner  aussi ,  car  jamais  il  ne 
reculait  devant  une  preuve  opposée  à  ses  opinions. 

Nous  terminerons  ici  ces  remarques;  les  droits  de  la  vérité 
et  de  la  science  nous  imposaient  ces  restrictions  qui  ne  doivent 
point  préjudicier  aux  mérites  réels  et  considérables  du  regretté 
savant.  Ses  œuvres  d'érudition  restent  inattaquables;  quant 
à  ses  recherches  sur  les  origines  chinoises ,  c'est  à  ceux  qu'il 
a  laissés  derrière  lui  qu'il  appartient  de  séparer  le  vrai  du 
faux ,  le  certain  de  Tliypotliétique  et  de  l'inadmissible.  Noas 
ne  doutons  pas ,  du  reste ,  que  l'on  répondra  à  ses  vues  en  éta- 
blissant partout  la  vérité,  dût-elle  même  être  contraire  à  ses 
théories. 

C.  DR  Mariiez. 


GalÂl  al-dîn  al-SvjÛtis  idie  Dattelrispen  àber  die  Wissenchaft 
drr  Chronologie»  herausg.  von  (ihr.  Fr.  Seyboid.  Leiden,  1894* 

in-8^ 

On  coimait  depuis  longtemps  l'importance  des  Traités  de 
Soyouti  et  les  matériaux  de  toute  sorte  qu'ils  fournissent  à 

m 

'  Nolous  encore  les  principes  religieux  et  gouvernementaux  tout  difTë- 
rents  chez  ces  deux  races.  Les  Chinois,  eussent-ils  même  emprunté  cerlaioes 
cliosos  ,  nVn  avaient  pas  moins  une  civilisation  originale. 


NOUVELLES   ET  MÉLANGES.  379 

l'histoire  et  à  la  littérature  des  Arabes.  Parmi  ces  écrits  de 
longue  haleine ,  riiistoire  des  khalifes  vTarikh  el-khoulafâ^^ 
le  Moazhir,  le  Ilkan,  malgré  leur  date  relativement  mo- 
derne (seconde  moitié  du  xv*  siècle),  sont  encore  consultés 
avec  fruit  à  côté  des  encyclopédies  plus  anciennes ,  comme  la 
Chronique  de  Tabari,  les  Prairies  d'or  de  Maçoudi,  etc.  Si 
ses  renseignements  proviennent  en  grande  partie  de  sources 
accessibles  et  exploitées  de  longue  date,  en  revanche  on 
trouve  chez  lui  bon  nombre  d'extraits  empruntés  à  des  docu- 
ments qu'on  peut  considérer  comme  à  jamais  perdus.  Il  a 
en  outre  le  mérite ,  assez  rare  chez  ses  contemporains ,  de  citer 
ses  autorités  et  il  nous  donné  ainsi  la  possibilité  de  contrôler 
son  récit  et  de  le  compléter.  —  L'opuscule  que  M.  Seybold 
vient  de  publier  fait  partie  des  écrits  historiques  de  Soyouti 
et  en  est  comme  l'introduction  :  c'est  un  exposé  succinct  des 
origines  de  la 'chronologie  chez  les  Arabes.  Dans  les  trois 
courts  chapitres  qu'il  consacre  à  ce  sujet,  l'auteur  cite  d'a- 
l)ord  les  traditions  les  plus  accréditées  sur  la  date  exacte  de 
l'hégire  ;  il  nous  fait  connaître  les  tâtonnements  qui  précé- 
dèrent, dans  les  premières  années  de  l'Islam,  l'adoption  de 
l'ère  musulmane ,  définitivement  fixée  sous  le  khalifat  d'Omar, 
et  termine  par  de  curieuses  explications  sur  les  noms  des 
Jours  de  la  semaine  et  des  mois  avant  la  prédication  et  après 
la  mission  de  Mahomet.  Presque  toutes  ces  données,  il  est 
vrai ,  étaient  connues,  mais  il  est  utile  de  les  trouver  réunies  . 
dans  une  forme  condensée  et  entourée  de  tous  les  témoi- 
gnages qui  en  confirment  l'authenticité.  Le  savant  éditeur 
a  établi  son  texte  avec  un  soin  scrupuleux  sur  deux  ou  trois 
copies ,  dont  une  excellente  appartenant  à  la  Bibliothèque  de 
Berlin.  Qu'il  nous  permette  de  ne  pas  considérer  sa  tâche 
comme  terminée  par  la  publication  du  texte  seul.  A  défaut 
d'une  traduction  littérale,  il  lui  reste  à  faire  connaître  aux 
savants,  qui  ne  peuvent  consulter  l'original  arabe,  le  profit 
qu'ils  peuvent  tirer  des  renseignements  fournis  par  un  com- 
pilateur bien  informé,  et  qui  Remporte  sur  la  plupart  des 
chroniqueurs  arabes  par  une  sorte  d'instinct  de  la  critique 


380  SKPTEMBREOCTOBRK    1894. 

Iiistoi-ique.  M.  Seybold  nous  annonce  une  élude  d'ensemble 
sur  l*auteur  et  son  œuvre  complète.  C'est  une  promesse  qui 
sera  bien  accueillie  et  dont  nous  attendons  la  réalisation 
prochaine.  B.  M. 

CHRESTOMATBiE  aus  orabischen  Prosaschriftstellern ,  heraasge^e- 
hen,  von  D'  R.  Brûniiow.  B(>riin,  iSgS,  i  volume  in-12,  ix  et 
3 1 1  pages. 

Nous  sommes  heureux  d'annoncer  la  publication  d*un  ou- 
vrage qui ,  comme  complément  à  l'excellent  abrégé  de  gram- 
maire de  M.  Socin,  rendra  de  véritables  services  à  Tétude 
de  Tarabe  classique.  Les  diflerents  morceaux  dont  il  se  com- 
pose n'ont  rien  d'inédit,  mais  ils  sont  choisis  avec  un  sen- 
timent très  sûr  des  besoins  de  l'enseignement,  vocalises  au 
début  et  gradués  de  façon  à  favoriser  les  progrès  de  l'étu 
diant ,  en  tenant  toujours  sa  curiosité  en  éveil.  M.  Brûnnow 
s'est  préoccupé  surtout  de  faciliter  la  lecture  des  textes  his- 
toriques ;  aussi  a-t-il  tiré  de  préférence  ses  extraits  des  Chro- 
niques d'ibn  Qotaïbah ,  de  Maçoudi  et  d'Ibn-'abd-rebbihi.  11 
y  a  joint  deux  charmantes  anecdotes  du  Livre  des  chansons 
«AghanI»,  trois  chapitres  du  Qoran  et  quelques  pages  de 
VAldjarouniyah,  ce  modèle  de  clarté  et  de  simplicité  dans  le 
langage  grammatical.  Faute  de  place ,  nous  ne  pouvons  au- 
jourd'hui que  souhaiter  la  bienvenue  à  ce  manuel  si  bien 
compris ,  presque  irréprochable  au  point  de  >'ue  de  la  cor- 
rection et  dont  l'exécution  typographique  fait  honneur  à  la 
maison  Drugulin.  C'est  simplement  faire  acte  de  justice  que 
de  reconnaître  la  supériorité  de  la  nouvelle  Chrestomathie 
sur  les  ouvrages  du  même  ordre  qui  ont  paru  dans  ces  der- 
nières années.  B.  M. 


Le  Gérant  : 
RUBENS  DUVAL. 


380  SEPTEMBRE-OCTOBRE    1894. 

historique.  M.  Seybold  nous  annonce  une  élude  d'ensemble 
sur  l*auteur  et  son  œuvre  complète.  C'est  une  promesse  qui 
sera  bien  accueillie  et  dont  nous  attendons  la  réalisation 
prochaine.  B.  M. 

Chrestomathje  aus  arabischen  Prosaschriftstellern ,  herausgege- 
hen,  von  D'  R.  Brûnnow.  Beriin,  iSgS,  i  volume  in-12,  ix  et 
3 1 1  pages. 

Nous  sommes  heureux  d'annoncer  la  publication  d*un  ou- 
vrage qui,  comme  complément  à  l'excellent  abrégé  de  gram- 
maire de  M.  Socin,  rendra  de  véritables  services  à  Tétude 
de  l'arabe  classique.  Les  différents  morceaux  dont  il  se  com- 
pose n'ont  rien  d'inédit,  mais  ils  sont  choisis  avec  un  sen- 
timent très  sûr  des  besoins  de  l'enseignement,  vocalises  au 
début  et  gradués  de  façon  à  favoriser  les  progrès  de  l'étu 
diant,  en  tenant  toujours  sa  curiosité  en  éveil.  M.  Brùnnow 
s'est  préoccupé  sm*tout  de  faciliter  la  lecture  des  textes  his- 
toriques ;  aussi  a-t-il  tiré  de  préférence  ses  extraits  des  Chro- 
niques d'Jbn  Qotaïbah ,  de  Maçoudi  et  d'Ibn-'abd-rebbihi.  11 
y  a  joint  deux  charmantes  anecdotes  du  Livre  des  chansons 
«  Aghani  » ,  trois  chapitres  du  Qoran  et  quelques  pages  de 
VAldjaroumyah,  ce  modèle  de  clarté  et  de  simplicité  dans  le 
langage  grammatical.  Faute  de  place ,  nous  ne  pouvons  au- 
jourd'hui que  souhaiter  la  bienvenue  à  ce  manuel  si  bien 
compris,  presque  irréprochable  au  point  de  vue  de  la  cor- 
rection et  dont  l'exécution  typographique  fait  honneur  à  la 
maison  Drugulin.  C'est  simplement  faire  acte  de  justice  que 
de  reconnaître  la  supériorité  de  la  nouvelle  ChrestomaAie 
sur  les  ouvrages  du  même  ordre  qui  ont  paru  dans  ces  der- 
nières années.  B.  M. 


Le  Gérant  : 
RuBENS  DdVAL. 


\ 


•* 


/■«^ 


3,tJK'.C- 


^ 


»*■ 


^li 


■k>^ 


SWff 

\-f-l/ 

'^^^       à 

^^■\-^. 

V'^^ 

'   ■  '.'    ' 

^'î&//^^B 

^ 

S^      1- 

! 


<U 


ri 


'Mm 


iwiiiiiii  iW^ 


'ift^ 


^^4^    r- 


1 . 


JOURNAL  ASIATIQUE. 

NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES, 

NOTES  BIOGRAPHIQUES  ET  LITTÉRAIRES 

SUR 

LE   POÈTE  ARABE  CHRÉTIEN  AHTAL, 

PAR 

HENRI  LAMMENS  S.  J. 

(suite.) 


X 

(iUERRE  DE  QAÏS  ET  DE  TAGLIB. 

I^a  guerre  allumée  entre  la  tribu  de  Taglib  et  les 
Arabes  de  Qaïs  occupe  dans  la  vie  d'Ahtal  une  place 
trop  considérable  pour  qu  il  nous  soit  permis  de  la 
passer  sous  silence.  Nous  lui  devons  plusieurs  qasidas 
et,  parmi  les  autres  pièces  du  Divan,  il  en  est  peu  où 
Ton  ne  retrouve  des  allusions  aux  acteurs  de  ce  drame 
sanglant. 

Vrai  Bédouin ,  identifié  avec  Texistence  de  sa  tribu , 
ne  vivant  que  pour  elle,  le  barde  mésopotamien  ne 
peut  s^arracher  à  ces  souvenirs  de  gloire  ou  de  deuil. 
Lui-même  v  fut  mêlé  d'une  façon  très  intime,  comme 

n .  25 


382  N0VEMBRE4)ÉCKMIiHE   U94. 

naos  aurons  à  le  raconter.  Ce  n'est  donc  pas  nous 
écarter  de  notre  sujet  que  d'indiquer  rapidement  les 
principales  phases  de  cette  guerre  mémorable.  Initié 
de  la  sorte ,  le  lecteur  suivra  plus  aisément  les  faits 
qu'il  nous  reste  à  exposer. 

Cette  guerre  tiesî  au  fond  qu'un  épisode  dane 
rivalité  séculaire,  dominant  toute  Thistoire  de  la  pé- 
ninsule arabique  :  nous  voulons  parler  des  luttes 
entre  les  tribus  Yéménites  et  celles  issues  de  Modar. 
On  ne  peut  trop  attirer  Tattention  sur  ce  fait  capital , 
vrai  fil  conducteur  à  travers  le  dédale  de  Thistoire 
des  tribus  arabes ^  Pendant  de  longs  siècles,  elle 
divisa  l'Arabie  en  deux  camps  ennemis,  comme  fit, 
pour  l'Europe  du  moyen  âge  ;  la  querelle  des  Gudfes 
et  des  Gibelins;  avec  cette  différence  que  les 
haines  qui  ensanglantèrent  jadis  les  sables  du  dé- 
sert ont  survécu  à  toutes  les  vicissitudes.  L'islam 
ne  fit  rien  pour  les  apaiser.  Le  Prophète,  Modarite^ 
lui-même  ^,  se  prononça  nettement  en  faveur  de  Mo- 

*  Dozy,  dans  son  Histoire  des  musulmans  d^ Espagne,  1,  1 13,  sqq., 
en  a  fort  bien  exposé  les  causes  «  mais  en  sacrifiant  un  peo  à  sa 
loquacité  kabituelle. 

*  Ma'addites,.  Nizârites,  Modarites,  Qaîsites,  tous  noms  indi- 
quant 1»  même  fraction  du  peuple  arabe  :  car  Qaîs  descendait  dé 
Modar;  ce  dernier  était  fiis  de  Nizâr  et  petit-fils  de  Ma*add.  Cf. 
Ibn  Haldoûn  (édit.  de  Boûlâq,  II,  i"  partie,  p.  3oo).  Contraire^ 
ment  à  l'usage  assez  généralement  reçu ,  nous  croyons  devoir  pré- 
férer le  terme  de  Modarites ,  pour  distinguer  ceux-ci  des  descen- 
dants de  Rabf  a ,  lui-même  fils  de  Nizftr. 

'  Cf.  Ag.,  IV,  76,  où  il  refuse  aux  Yéménites  ia  naiiâ|iâlité 
arabe.  —  Sur  le  mépris  professé  par  les  Modarites  pour  les  popu- 
lations du  Yémen,  même  après  l'islam.,  cf.  Ag.,  I,  167,  L  i5, 
16,  169, 1.  33,  etc. 


LK  CHANTRE   DES  OMIADES.  383. 

dar.  Sur  les  bords  du  Guadalquivir,  dans  les  plaines 
de  rinde ,  tout  comme  sur  les  rives  de  TEuphrate  et 
dans  les  déserts  syriens,  les  deux  grandes  familles 
arabes  continuèrent  à  s  entretuer  \  Aujourd'hui  en- 
core ,  Modarites  et  Yéménites  fixé^  en  Palestine  ont 
hérité  des  haines  de  leurs  ancêtres  et  le  gouverne- 
ment ottoman  ne  parvient  pas  toujours  à  prévenir 
des  collisions  sanglantes  ^. 

En  Syrie,  à  1  époque  qui  nous  occupe,  les  Moda- 
rites étaient  représentés  par  les  hordes  connues  sous 
le  nom  collectif  de  Qaïs,  et  désignant  surtout  les 
puissantes  tribu&de  ^Adnân,  Gatafâi)i  »  Solaïm  et  Ha- 
wâzin.  L'homme  le  plus  considérable  parmi  eux,  ou 
comme  on  l'appelait  «  le  chef  de  Qaïs  » ,  était  pour 
lors  Zofar,  fils  de  Harit  le  Kilàbite.  Ancien  gouver- 
neur de  la  Mésopotamie  et  de  la  Syrie  septentrio- 
nale pour  les  Omiades  ^,  il  s'était  déclaré  pour  le 
pré  tendant  Mecquois, 'Abdallah  fils  deZobaïr.  Après 
la  déroute  de  Marg  Râhit,  il  réussit  à  occuper  la 
puissante  forteresse  de  Circésium,  située  au  con- 
fluent de  TEuphrate  et  du  Chaboras.  Cette  place  de- 
vint bientôt  le  quartier  général  des  Qaïsites  et  de 


'  Sons  les  Abbassides ,  ces  divisions  sont  parfois  entretenues  et 
eiiploitées,  comme  moyen  de  gouvernement.  Cf.  Tabarî,  3*  série, 
],  366  sqq.  Plus  souvent  elles  causent  d'étranges  embarras.  (Voir 
Ibn  ai-Atîr,  VI,  45,  m;  Tabarî, lïl,  6a5,  688, etc.) 

*  Cf.  Conder,  Syrian  stone-lore,  33 1,  note. 

-^  Ce  point  est  absolument  hors  de  conteste  par  le  témoignage 
du  *jAy4-  g)^  ^^  Solaïmân,  fils,  de  Gâzî  Ai-Ayoûbî,  manuscrit  de 
l'Univ.  S.  Joseph.  Dans  l'expédition  de  Yazîd  contre  les  villes  saintes 
du  Higâz,  Zo&r  avait  commandé  un  corps  de  ],ooo  Arabes. 

•2  h . 


394-  NOVËMBRE-DBGEMBRK    1894. 

tous  ceux  qui  refusaient  de  reconnaître  lautorité  des 
Omiades. 

Parmi  ces  derniers,  on  distinguait  un  puissant 
chef  Solaïmite,  *Omaïr  fils  de  Hobâb.  Traître  lui 
aussi  à  la  cause  des  Marwânides ,  il  se  rallia  aux  re- 
belles campés  sous  les  murs  de  Gircésium.  Mais  bien- 
tôt, ennuyé  de  Tinaction  forcée  où  il  s  y  trouvait,  il 
demanda  et  obtint  ïaman  de  ^Âbdalmalik.  Ayant 
trahi  ce  prince  une  seconde  fois,  il  revint  trouver 
Zofar,  et  à  la  tête  des  Qaïsites^  il  faisait  aux  Yémé- 
nites une  guerre  implacable. 

Descendants  de  Rabfa,  les  Taglibites,  en  cette  oc- 
currence ,  se  rappelèrent  trop  leur  communauté  d'ori- 
gine et  leurs  anciennes  relations  avec  les  Arabes  de 
Modar  2.  Quand  les  gens  de^Omaïr  allaient  en  course 
sur  les  terres  Yéménites ,  ils  étaient  habituellement 
accompagnés  de  bandes  Taglibites,  qui,  en  vrais  Bé- 
douins, ne  voulaient  pas  manquer  Toccasion  d'une 
razia.  Leur  connaissance  des  déserts  mésopotamiens 
rendait   de  précieux  services  aux  chefs  Qaïsites*, 

^  C.  de  Perceval,  dans  sa  notice  d'Âhtal  (p.  i5,  sqq.),  fait  une 
méprise,  assez  surprenante  chez  un  savant  aussi  versé  dans  les 
généalogies  arabes.  Trompé  par  le  nom  de  Qaïs ,  il  a  cru  quil  s'a- 
gissait ici  de  la  sous-tribu  des  Banoû  Qdîs  ibn  Ta'laba  (ou  Tala- 
bites-);  tandis  qu'il  est  en  réalité  question  des  tribus -qaîsites  se 
rattachant  à  Modar.  Cette  confusion  en  a  nécessairement  amené< 
d'autres  :  ainsi  Zofar  et  'Omair  sont  des  chefs  Bakrites,  et  la  cause 
de  la  guerre  doit  être  cherchée  dans  les  anciennes  inimitiés  entre 
Bakr  et  Taglib. 

*  C.  de  Perceval,  Essai,  II,  272,  sqq. 
'^  Kâmil,  IV,  129;  Ag. ,  XVII,  112;  XX,  lao;  Divan,  36.  Las 
renseignements  contenus  dans  les  lignes  suivantes  sont  ioui  puisé» 
aux  sources  originales,  qu'il  faudrait  citer  presque  à  chaque  phrase.. 


LE   CHANTRE  DES  OMIADES.  385 

Celle  alliance  ne  devait  pas  être  de  longue  durée.' 
Les  guerriers  de  *Omaïr  ne  tardèrent  pas  à  accabler 
d'avanies  leurs  alliés  chrétiens  :  ils  insultaient  les 
jeunes  filles  ^  manquaient  de  respect  aux  vieillards 
et  faisaient  main  basse  sur  les  troupeaux  des  Banoû 
Taglib.  Quand  les  victimes  élevaient  des  plaintes, 
*Omaïr  y  répondait  par  des  fins  de  non-recevoir. 

Pendant  quelque  temps ,  Zofar  réussit  à  prévenir 
une  collision  sanglante.  Msdheureusement  'Omaïr 
voulait  la  guerre  et  ne  pariait  de  rien  moins  que 
d'exterminer  la  tribu  chrétienne.  Poussés  à  bout, 
les  Tag^ibiles  en  appelèrent  aux  armes.  La  rencontre 
eut  lieu  près  de  Mâkisin ,  localité  située  sur  le  Cha- 
boras,  à  une  journée  de  Circésium  2.  L'issue  en  fiit 
fatale  aux  chrétiens  :  plus  de  5 00  Taglibites  restèrent 
sur  le  champ  de  bataille^,  et  il  y  eut  de  nombreux 
prisonniers,  et  parmi  eux  un  poète  de  talent,  Qo- 
tâmî^. 

Cette  lutte  sanglante  se  termina  par  un  acte  d'une 
barbarie  incroyable.  ^Omaïr  parcourait  la  plaine  en 
huriant  :  «  Tuez,  massacrez!  point  de  quartier!  »  Au 
milieu  de  la  déroute ,  un  Qaïsite  des  Banoû  Qosaïr, 
nommé  Nadâr,  s'écria  :  «  J'accorde  ma  protection  à 

^  tyJjJ  (^)^y^  ui9!9^-^:<'~^  àe  (^^buwl  «entrer  dans  les  maisons,  de^ 
mander  à  descendre  chez .  .  .  » ,  etc. 

'  Elle  est  marquée  sur  la  Carte  des  provinces  asiatiques  de  l'em- 
pire ottoman  de  Kiepert.  —  D'après  un  vers  dlbn  as-Saffâr,  les 
Saïbanites  auraient ,  ce  jour-là ,  prêté  main-forte  à  Taglib. 

'  Après  la  bataille,  les  Taglibites  furent  obligés  de  brûler  dp  s 
monceaux  de  cadavres.  Cf.  Divan  de  Garir,  p.  7^. 

*  n  en  sera  question  plus  loin. 


tel 


I 


?'*3i.<3îï5 


388  JNOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

Quand  lesTaglibites  virent  racharnement  de  leurs 
adversaires,  ils  mirent  sur  pied  toutes  les  forces  dont 
ils  purent  disposer.  Zofar,  intervenu  depuis  quelque 
temps,  amenait  à  ^Omaïr  des  renforts  considérables; 
d'autres  chefs  Qaïsites  étaient,  également  accourus. 
On  se  rencontra  à  Hassâk.  La  bataille  durait  depuis 
deux  jours;  les  combattants  montraient  tant  d'achar- 
nement que  la  nuit  put  seule  les  séparer.  Le  troi- 
sième jour,  les  Taglibites  s'engagèrent  par  serment  à 
tenir  ferme  et,  comme  signe  de  leur  détermination, 
postèrent  leurs  femmes  au  milieu  des  rangs.  Quand 
au  matin  *Omaïr  vit  ces  dispositions,  il  conseilla  aux 
siens  la  retraite.  On  ne  l'écouta  pas.  La  charge  des 
guerriers  chrétiens  fut  tellement  irrésistible  que 
farrnée  qaïsite  s'enfuit  dans  le  plus  grand  désordre. 
Zofar  fut  le  premier  à  lâcher  pied  et  ne  s'arrêta  que 
sous  les  murs  de  Circésium ,  menacé ,  disait-il ,  par 
le  calife  ^  *Omaïr  périt  dans  la  déroute.  Sa  tête  fut 
envoyée  à  *Abdalmalik. 

Ahtal  célébra  bruyamment  le  triomphe  de  ses 
contribules^.  Une  de  ses  odes  se  terminait  ainsi  : 

Entre  l'Iraq  et  Maabî^,  les  guerriers  de  Tag^ib  chevau- 
chent ,  armes  de  leurs  lances  brunes. 

I  'Abdalmalik  était  en  effet  sorti  de  Damas  pour  aller  assiéger 
Circésium.  Une  révolte  le  rappela  et  le  retint  plusieurs  mois  dans 
sa  capitale.  Cf.  Mas'oûdî,  Y,  234;  Ibn  Haldoûn,  III,  3i.  Chaque 
année  il  faisait  contre  l'Iraq  une  démonstration  militaire ,  terminée 
d'ordinaire  par  les  premières  rigueurs  de  l'hiver.  Cf.  Tabarî,  II, 

797- 

*  Ibid.:  Divan,  io6  et  i35.  Voir  également  le  scoliastede  Ahtal, 

ibid.,  3i. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  389 

\'ers  toi,  ô  prince  des  croyants,  nous  poussons  nos  cha- 
melles, montées  par  les  princes  de  Bakr, 

Portant  la  tête  d'un  homme  qui  a  séduit^Solaïm  et  *Amir 
et  plongé  Qfks  dans  un  ahime  de  maux. 

Cinq  jours  ils  ont  marché  ;  au  terme  de  leur  course ,  ils 
ont  conununiqué  des  nouvelles  plus  douces  que  le  yin. 

Arrière,  fils  de  SalTàr  !  (le  poète  qui  avait  chanté  Texploit 
de  Nadàr)  ne  parie  plus  de  gloire ,  ne  vante  plus  les  serpents 
de  ta  tribu. 

Parmi  les  Taglibites,  il  s'est  dressé  un  serpent,  pareil  à 
celui  de  Moïse ,  le  jour  où  Dieu  lui  vint  en  aide. 

La  renommée  a  publié  qu'entre  Ràdàn  et  Hadr,  les  Arâ- 
qim  *  ont  fendu  le  crâne  des  Qaisites, 

De  ces  hommes  qui  n'ont  point  répugné  à  commettre  l'in- 
justice ,  qui  n'ont  fait  aucune  distinction  entre  la  bomie  foi 
et  la  trahison  *. 

Ces  deux  derniers  vers  sont  demeurés  célèbres. 
Dans  un  cercle  littéraire,  sous  les  Abbassides,  on 
vint  à  parler  de  Garîr  et  de  Farazdaq.  Un  des  assis- 
tants fit  aux  admirateurs  de  ces  poètes  la  proposition 
suivante  :  «Je  citerai  un  distique  d' Ah  ta  l  auquel  vous 
opposerez  ce  cjue  vous  voudrez ,  dans  les  œuvres  des 
deux  chantres  de  Tamîm.  »  Puis  il  se  contenta  de 
déclamer  les  deux  derniers  vers  qu  on  vient  de  lire. 
L'assemblée  répondit  par  le  silence  à  sa  proposition 
et  personne  ne  releva  le  défi  ^. 

Les  enfants  de  Taglib  ne  jouirent  pas  longtemps 

*  «Ce  nom  .  qui  signifie  serpents,  était  une  désignation  collective' 
de  plusieurs  familles  Taglibites»  (C.  de  Perceval),  comme  celles 
de  Goftam  fils  de  Bakr,  de  Mâlik,  de  Talaba,  de  Hârit,  etc.  Cf. 
Divan,  p.  127,  9. 

»  Ag.,  Vli,  174. 

^  Ibn  al-Atîr,  IV.  i33;  Ag..  XI,  58.  -         • 


390  NOV£lilBHË-D£C£MBR£  1894. 

de  leur  victoire.  Exaspéré  par  ia  mort  de  *Omaïr, 
humilié  de  sa  propre  fuite,  Zofar  s  apprêta  à  une 
vraie  guerre  d  extermination.  Des  partis  de  cavaliers , 
lancés  dans  toutes  les  dii^ctions ,  surprirent  et  mas- 
sacrèrent les  Taglibites,  dispersés  dans  les  plaines  de 
•  la  Mésopotamie.  Le  châtelain  de  Circésium  marcha 
en  personne  contre  le  gros  de  leurs  forces ,  et  les  at- 
teignit au  moment  où  ils  se  disposaient  à  passer  le 
Tigre.  La  lutte  ne  fut  pas  iongue^Un  grand  nombre 
de  chrétiens  périrent  dans  les  eaux.  Zofar  avait  dé- 
fendu de  faire  des  prisonniers,  et,  selon  leur  barbare 
coutume,  les  vainqueurs  éventrèrent  les  femmes 
enceintes.  Le  Tigre  était  rouge  de  sang.  Zofar  entra 
lui-même  dans  le  fleuve  et  encourageait  ses  guerriers. 
On  lui  amena  200  prisonniers  dont  il  ordonna  froi- 
dement la  mort.  Quand  il  n  y  eut  plus  à  tuer  sur  les 
bords  du  Tigre,  il  envoya  ses  lieutenants  à  la  poui^ 
suite  des  fuyards.  Cette  fatale  journée  porta  à  la 
malheureuse  tribu  un  coup  dont  elle  ne  se  releva 
jamais. 

Cependant  Tordre  se  rétablit  dans  la  Mésopotamie, 
et  Tautorité  des  Omiades  y  fut  reconnue,  comme 
dans  le  reste  de  Tempire.  Les  chefs  rivaux  se  trou- 
vèrent même  réunis  à  la  cour  de  ^Âbdalmalik.  Mais 
ce  prince,  possédant  d  ailleurs  à  un  haut  degré  l'es- 
prit gouvernemental  ^  ne  parait  pas  avoir  compris 
de  quelle  importance  il  était  pour  l'avenir  de  sa  dy- 
nastie de  cimenter  l'union  parmi  les  tribus  arabes*. 

*  Comparer  le  remarquable  portrait  tracé  par  FahH,  i46,  sqq. 

*  Ag.,  XI,  59. 


LE  CHANTRE  DES  OMÏADES.  391 

Or  les  satires  politiques  y  apportaient  le  plus  grand 
obstacle  ^ 

En  cette  occurrence,  le  poète  fit  tCMrt  au  souve- 
rain. Toujours  en  qiiête  de  beaux  vers ,  au  lieu  d'im^ 
poser  aux  chefs  des  tribus  Toubli  des  griefs  passés^, 
il  eut  Timprudence  -de  permettre  qu'ils  vantassent 
devant  lui  leurs  faits  d'armes.  Ainsi  Ahtad  déclama 
ses  poèmes  dans  lesquels  il  vantait  Taglib  aux  dépens 
de  Qaïs  ;  il  s'attaqua  spécialement  à  un  poète  guerrier, 
uahhâf  le  Solaïmite^.  Ce  dernier  se  leva  furieux  et 
se  prépara  à  sortir,  en  laissant  traîner  les  pans  de  son 
manteau^.  Le  calife  le  retint  et  lui  fit  jurer  qu'il  ne 
se  porterait  à  aucune  action  qui  pût  réveiller  les 
inimitiés  assoupies.  Gahhâf  en  donna  sa  parole,  et 
Ahtal  à  demi  rassuré  quitta  Damas ,  pour  retourner 
auprès  des  siens. 

Le  Solaïmite  ne  tarda  pas  à  violer  ses  engage- 
ments. Il  réunit  i  ,000  cavaliers,  leur  répéta  les  vers 
d' Ahtal  et  annonça  qu'il  voulait  en  tirer  vengeance. 
«  11  faut  combattre ,  dit-il ,  ou  accepter  le  déshonneur 
dont  nous  couvre  cette  diatribe.  Que  ceux  qui  ont 
du  cœur  viennent  avec  moi;  les  autres  peuvent  se 
retirer!  »  Tous  répondirent  :  «  Nous  associons  notre 
sort  au  tien.  » 

*  Comme  Mas*oû(lî  l'a  fort  judicieusement  remarqué  (VI,  43  et 
45). 

»  Divan,  286,  1.  8. 

*  Cétait  un  indice  de  colère  et  de  fierté.  Cf.  Ag.,  II,  87,  1.  29; 
VIII,  jgS,  1.  37;  XIX,  3=9,  etc. . Comparer  aussi  le  vers  d'Ahtal, 
cité  plus  loin  :  «Il  marche  avec  la  fierté  d'un  Qoraîcbite  et  laisse 
traîner  les  pans  de  sa  robe.  • 


392  NOVEMBRE-DÉCEMBRE    1894. 

Ils  se  mirent  en  route  le  soir  même  et  arrivèrent 
avant  Famrore  à  Bisr,  vallée  habitée  par  desTaglibites , 
parmi  lesquels  se  trouvait  Ahtal.  Ils  fondirent  sur 
eux  au  milieu  des  ténèbres  et  massacrèrent  tous 
ceux  qui  tombèrent  entre  leurs  mains.  Selon  leur 
coutume,  ils  ouvrirent  le  ventre  aux  femmes  en- 
ceintes ^  Un  fils  d' Ahtal,  nommé  Aboû  Giât,  perdit 
la  vie  dans  cette  nuit.  Le  poète  lui-même,  tombé 
entre  les  mains  des  ennemis,  ne  dut  son  salut  qu'à 
sa  présence  d'esprit.  Quand  les  Solaïmites  lui  deman- 
dèrent qui  il  était,  il  se  donna  pour  un  esclave  de  ia 
tribu.  Comme  il  était  couvert  dun  manteau  de  laine 
usé  et  très  grossier,  on  le  crut  et  il  fut  relâché.  A 
peine  échappé  au  danger,  il  alla  se  jeter  dans  un  puits , 
où  il  attendit  le  départ  de  Gahhâf  et  de  sa  bande. 

De  Bisr,  il  courut  à  Damas.  Il  se  présenta  au  ca- 
life ,  couvert  du  grossier  vêtement  de  Tesclave ,  souillé 
de  sang  et  de  boue,  et  improvisa  la  longue  qasida 
qui  ouvre  son  divan.  Prince,  disait-t-il  : 


Gahhàf  vient  de  commettre  à  Bisr,  un  attentat  que  nous 
dénonçons  à  la  vindicte  divine. 


Puis ,  dans  l'égarement  de  la  douleur,  accusant  de 
lenteur  la  justice  des  «  fds  de  Marwân  » ,  il  prononça 
ce  vers,  où  la  menace  ne  prend  pas  même  la  peine 
de  se  déguiser  : 

>  Ag.,  XI,  5 9.  —  Les  Taglibites  avaient  d^à  été  .suqnris  dans 
cette  même  vallée  de  Bisr  par  le  célèbre  HâlicL^  fils  de  .Walld.  Cf. 
TÂrihalhamîs,  II,  33i. 


LE   CHANTRE   DES   OMIADES.  393 

Si  les  princes  de  Qoraïch,  dans  leur  puissance,  ne 
changent  pas  cet  état  de  choses ,  on  pourra  les  désavouer,  les 
quitter  \  .  . 

*Abdainialik  tressaillit  à  ces  mots  :  «  Pour  aller  où , 
fils  de  la  chrétienne  ?  » ,  demanda-t-il.  «  Au  feu  de 
fenfer  !  »,  riposta  le  poète,  qui  venait  de  s'apercevoir 
qu'il  s'était  trop  avancé.  Cette  saillie  inattendue  dés- 
arma le  calife.  Il  se  mit  à  rire  :  «  A  la  bonne  heure  ! 
s'écria-t-il ,  sans  ta  réponse,  tu  étais  un  homme 
mort^!  » 

Aux  cris  de  désespoir  poussés  par  Taglib  à  la  nou- 
velle -da  massacre  de  Bisr  répondit  chez  les  Qaïsites 
un  long  cri  de  triomphe.  Cette  boucherie  fut  célébrée 
à  l'égal  dune  victoire  incomparable.  Le  Divan  de 
(îarîr  y  revient  fréquemment.  Quant  à  Gahhâf,  *Abd- 
almalik  le  fit  poursuivre.  Mais,  prévoyant  forage,  il 
s'était  réfugié  dans  les  provinces  grecques,  pour  y 
attendre  que  le  courroux  du  prince  fût  apaisé.  L'exil 
du  Solaïmite  dura  plusieurs  années.  Cependant  les 
Qaïsites  comptaient  de  puissants  protecteurs  à  la  cour 
et,  parmi  eux,  plusieurs  princes  Omiades,  ayant  des 
mères  qaïsites^.  Longtemps  ^Abdalmalik  résista  à 
leurs  sollicitations,  quand  on  apprit  à  Damas  que 
les  Grecs  venaient  de  faire  éprouver  aux  troupes  mu- 
sulmanes un  échec  auquel  la  valeur  de  Gahhâf  n'était 
pas  étrangère*.  L'empereur  de Byzance agissait  d'ail- 

^  Divan,  lo  et  ii. 

'  Cf.  Dictionnaire  géographique  de  Yâqoût,  I,  63 1,  sqq. 

*  Le  prince  Bisr  surtout  était  un  Qaïsite  ardent. 

*  rbn  al-Atîr,lV,  i35. 


394  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  18$^. 

leurs  activement  pour  lattacher  à  son  service.  Sous 
l*empire  de  ces  préoccupations,  le  calife  signa  la 
grâce  de  Texilé. 

L'âge  et  les  malheurs  n'avaient  en  rien  modifié 
lardeur  de  ses  passions.  Il  se  présenta  à  la  cour  au 
milieu  des  compagnons  d  armes  qui  l'avaient  suivi 
après  le  massacre  de  Bisr.  Une  des  premières  per- 
sonnes qu'il  rencontra  fut  Ahtal.  Aux  reproches  de 
ce  dernier,  le  Solaïmite  répondit  par  une  tirade  de 
vers  :  il  rejetait  toute  la  responsabilité  sur  le  Tagli- 
bite,  ne  manifestait  aucun  repentir  et  se  déclarait 
prêt  à  recommencer.  A  cette  bravade,  Ahlal  se  se- 
rait contenté  de  répondre  :  «  En  vérité ,  tu  es  un  in- 
solent vieillard.  » 

Instruit  par  l'expérience,  *Abdalmalik,  pour  pré- 
venir le  retour  des  hostilités,  voidut  donner  aux 
Banoû  Taglibune  satisfactionquelconque.il  obUgea 
les  Qaïsites  à  payer  le  prix  du  sang.  Gahhâf ,  en  par- 
ticulier, fut  chargé  de  satisfaire  pour  les  victimes  de 
Bisr,  et  Ahtal  dut  accepter  une  somme  d'argent  ou 
un  certain  nombre  de  chameaux,  en  compensation 
de  la  mort  de  son  fils^ 

Il  fut  plus  heureux  dans  la  vengeance  qu'il  tira 
de  Zofar.  Nous  avons  laissé  le  chef  de  Qaïs  derrière 
les  solides  remparts  de  Circésium.  Ses  torts  envers, 
la  maison  d'Omaïya  n'étaient  pas  moins  grands  qu'en- 
vers les  descendants  de  Taglib.  Le  soir  de  la  bataillé 


*  Ag.,  XI,  60;  Ibn  al-Atîr,  IV,  i3/i;  Divan  de  (iarîp  (manu- 
scrit), 37.  * 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  395 

de  Marg  Râhit^  pendant  qu'il  seiForçait  de  gagner 
les  rives  de  TEuphrate,  il  improvisa  ces  vers  : 

Les  Yéménites  échapperaient  donc  à  nos  lances,  et  nous 
laisserions  sans  vengeance  les  morts  de  Râhîl  ? 

L*herbe  repoussera  sur  la  terre  fraîchement  remuée ,  qui 
recouvre  leurs  ossements;  mais  nos  coeurs  conserveront  à  ja- 
mais une  haine  implacable. 

Allons!  qu  on  m'apporte  mes  armes!  Je  vois  que  la  guerre 
ne  peut  que  croître  et  se  prolonger. 

Pas  de  trêve  !  etc  ' .  .  . 

Le  Qaïsite ,  on  la  vu ,  n  avait  que  trop  fidèlement 
tenu  parole.  Pendant  plus  de  dix  ans,  il  avait  fait 
aux  Yéménites ,  aux  fils  de  Taglib  et  à  tous  les  par- 
tisans des  Omiades  une  guerre  implacable.  Mais 
enfin,  Thorizon  de  la  politique  s  étant  éclairci  en 
Syrie  ^,  le  calife  put  tourner  ses  regards  vers  TEu- 
phrate  et  songer  à  soumettre  les  révoltés  de  Tlraq^ 
Pour  ne  pas  laisser  d'ennemis  deiTière  lui ,  il  voulut 
commencer  par  enlever  Circésium*.  La  place  se  dé- 
fendit avec  tant  d'énergie  qu'il  fallut  l'assiéger  dans 
les  formes.  L'entreprise  traîna  en  longueur.  Pressé 
d'en  finir,  le  calife  accorda  à  Zofar  une  capitulation 
des  plus  honorables  :  amnistie  complète  pour  lui  et 
ses  compagnons  d'armes;  Maslama,  fils  du  calife, 
devait  épouser  une  fille  du  châtelain  de  Circésium  ; 


'  Plaine  aux  environs  de  Damas. 

«  Tabarî,  li,  483;  Mas'oûdî,  V,  2o3;  Ibn  al-Atîr,  IV.  64. 
^  Ce  sont  les  expressions  d'Ibn  Haldoûn,   III,  33  (édit.  de  Boû- 
Uq). 
«  Ibid. 


396  NOVEMBRE-DECEMBRE    1894. 

en  outre ,  ce  dernier  ne  serait  tenu  de  reconnaître 
*Abdaimaiik  qu'après  ia  mort  du  prétendant  Mec- 
quois,  ^Abdaliah^ 

Les  Yéménites,  et  ils  étaient  nombreux  dans 
Tarmée  syrienne,  trouvèrent  que  c'était  excessif. 
Ahtal,  qui  accompagnait  l'expédition,  parait  égale- 
ment avoir  été  fort  mécontent. 

Cependant  Zofar  ne  se  décidait  pas  à  quitter  sa 
forteresse.  Quand  le  calife  lui  eut  envoyé,  comme 
gage  de  ses  intentions  jpacifiques,  le  propre  bâton 
de  Mahomet ,  alors  seulement  ie  Bédouin  consentit 
à  venir  saluer  le  souverain  dans  son  camp^.  Ce  der- 
nier le  fit  asseoir  près  de  lui  sur  un  divan  élevé ,  où 
il  se  tenait  lui-même.  Ils  causaient  familièrement 
quand  survint  Sorahbîl ,  fils  de  Dî'l  Kilâ\  noble  Yé- 
ménite, comme  son  nom  l'indique  suffisamment'. 
A  la  vue  des  honneurs  prodigués  au  Qaïsite ,  le  vieux 
guerrier,  qui  avait  blanchi  au  service  des  Omiades , 
ne  put  retenir  ses  larmes.  ^Abdalmalik  lui  demanda 
la  cause  de  son  émotion  :  «  Prince  des  croyants,  rér 
pondit-il,  pourrais-je  ne  pas  pleurer .^^  Le  sabre  de 
cet  homme  dégoutte  encore  du  sang  de  mes  compàr 
triotes ,  victimes  de  leur  fidélité  à  vous  servir.  Et 
pourtant  ce  chef  de  brigands  est  sur  un  trône,  et  je 
me  trouve  à  ses  pieds  !  —  Si  je  l'ai  fait  asseoir  à  me» 

»  Ihn  Haldoûn,  III,  36;  ibn  al-Atîr,  IV,  ido,  Ua. 

*  C.  de  Perceval  [Notice,  19)  met  ia  scène  suivante  au  palais  de 
Damas.  Le  texte  d'Ibn  Haldoun  montre  clairement  qu'elle  s'est 
passée  sous  les  murs  de  Circésium. 

^  Son  père  avait  honorablement  figuré  dans  les  guerres  de  Tislani. 
Cf.  Tabarî,  II,  553,  sqq.  ;  C.  de  Perceval,  Essai,  III,  292,  elfc. 


LE  CHANTRE   DES  OMIAOES.  397 

côtés ,  dit  ie  calife ,  ce  n  est  pas  que  je  veuille  l'élever 
au-dessus  de  toi ,  c  est  seulement  parce  que  sa  con 
versation  m'intéresse.  » 

Dans  une  tente  voisine,  Âhtal  était  en  ce  moment 
occupé  à  boire.  Lui  aussi  détestait  le  brigand  de 
Circésium  qu*  avait  juré ,  on  s'en  souvient,  d'anéan- 
tir la  race  de  Taglib.  Apprenant  l'insuccès  de  la 
démarche  du  Yéménite,  il  s'écria  :  «A  mon  tour! 
Je  vais  frapper  un  coup  que  n'a  pu  porter  Ibn  Di'l 
KilâM»  11  se  leva,  entra  chez  le  calife,  et,  après 
l'avoir  quelques  instants  regardé  fixement,  il  déclama 
ces  vers  : 

La  liqueur  de  ma  coupe  a  l'éclat  de  Tœil  du  coq;  elle 
exalte  l'esprit  du  buveur. 

Celui  qui  en  boit  trois  rasades,  sans  mélange  d'eau,  se 
sent  porté  à  la  générosité. 

Il  marcbc  avec  la  fierté  d'un  fils  de  Qoraïch  et  laisse  flotter 
les  pans  de  sa  robe. 

«  Père  de  Mâlik ,  dit  le  calife  avec  bienveillance ,  à 
quel  propos  viens-tu  me  réciter  ces  vers.^  Tu  as  sans 
doute  quelque  idée  en  tête.  —  Il  est  vrai,  prince  des 
croyants,  répondit  le  poète,  bien  des  idées  viennent 
m'assaillir,  lorsque  je  vois  assis  auprès  de  vous,  sur 
votre  trône,  cet  ennemi  de  Dieu,  qui  naguère  encore 
disait  : 

L'herbe  repoussera  sur  la  tombe  de  nos  compagnons 
d'armes;  mais  nos  cœurs  conserveront  à  jamais  une  haine 
implacable. 

Ce  vers  suffit  pour  rappeler  au  calife  tout  le  passé 

IV.  26 


i«»ai«>Bia   %xtKttklk. 


398  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

duQaïsite  et  lui  inspira  sur  ses  dispositions  présentes 
les  plus  légitimes  défiances.  ^Abdalmalik,  en  lenten-r 
dant,  donna  un  coup  de  pied  dans  la  poitrine  de 
Zofar  avec  tant  de  violence  qu'il  le  fit  rouler  en  bas 
du  Irône.  «  Que  Dieu,  sécria-t-il,  étouflfe  cette  haine 
dans  ton  cœur  !  —  Ali  nom  du  Ciel ,  tria  le  malheu- 
reux, souyenezt-vous,  Sire,  de ia  sauvegarde  que  vous 
m'avez  accordée  !  »  Zofar  avoua  depuis  qu'il  ne  s'était 
jamais  cru  aussi  près  de  la  mort  quau  moment  où 
Ahtal  avait  déclamé  ces  vers. 

Le  poète  avait  raison  de  mettre  son  souverain  en 
garde  contre  Zofar.  Un  des  articles  de  la  capitulation 
de  Circésium  stipulait  qu'une  division  de  Qaïsites, 
commandée  par  Hodaïl,  fils  de  Zofar,  renforcerait 
les  troupes  destinées  à  réduire  les  révoltés  de  l'Iraq. 
Mais,  dès  que  les  deux  armées  furent  en  présence ♦ 
les  Qaïsites  passèrent  à  l'ennemi  avec  armes  et  ba- 
gages. Cette  trahison  n'eut  d'autre  effet  que  de  fournir 
à  ^Abdalmalik  une  nouvelle  occasion  d'exercer  sa  clé- 


mence V 


XI 

AHTAL  ET  SABI. 

Vers  la  fin  de  sa  carrière ,  Ahtal  dut  partager  la 
faveur  du  calife  avec  un  personnage  qu'il  nous  reste 
à  faire  connaître.  «  Ce  calife ,  dit  l'auteur  des  Prairies 
d'or,  recherchait  la  société  des  hommes  de  mérite, 

^  Ag.,  VU,  176;  Ibn  al-Âtîr,  IV,  lia;  Ibn  Hddoûh,  loeo  tiU 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  399 

et  ii  ainiciit  à  écouter  tout  ce  qui  se  rattache  à  This- 
toire;  mais  aucune  intimité  ne  lui  était  agréable,  hor- 
mis celle  de  Sa*bî  ^  » 

Amir  as-Sa*bî  de  Koûfa  était,  à  cette  époque,  le 
i^présentant  le  plus  autorisé  de  la  science  musul- 
mane ,  telle  qu'on  la  concevait  alors.  On  le  compa- 
rait au  célèbre  Hasan  de  Basra,  son  contemporain. 
Il  y  avait  peu  de  poètes  arabes  dont  il  ne  fiit  en  état 
de  réciter  le  divan  complet.  Ayant  fréquenté  plus  de 
5  00  des  t  compagnons  »  de  Mahomet,  il  avait  recueilli 
de  leur  bouche  les  détails  les  plus  circonstanciés 
sur  lorigine  et  les  développements  de  Tislam.  Bref, 
Sa*bî  était  une  encyclopédie  vivante.  Avec  cela ,  d  un 
caractère  aimable  et  enjoué,  exempt  de  pédanterie, 
malgré  ses  grandes  connaissances,  dune  discrétion 
à  toute  épreuve ,  il  avait  de  bonne  heure  attiré  Tat- 
tention  du  farouche  Haggâg  qui  se  letait  attaché 2, 

La  réputation  du  savant  traditionniste-  ne  tarda 
pas  à  se  répandre  hors  des  limites  deriraq;elle  par- 
vint jusqu'à  Damas.  Pourtant  le  passé  de  Sa*bî  n'était 
pas  absolument  sans  tache  ;  lors  de  la  révolte  de  Mohtâr 
et  d'Ibn  ai-As^al;,  il  avait  joué  un  rôle  assez  éqtd* 
voque'\  Mais  'Abdalmalik  savait  oublier  à  propos. 
Il  expédia  donc  à  Haggâg  le  message  suivant  :  «  Parmi 
les  joies  du  nionde,  ii  ny  en  a  aucune  que  je  n'aie 
goûtée.  Mais  la  plus  douce  de  toutes  les  jouissances 


»  V,  211. 


»  Ibn  Hallikân  (éd.  rie  Slane),  p.  344;  Ibn  al-Atîr,  IV,  2o4;  Ag. 
XIV,  54.  —  «iôU^  Juôl  ^U»,  dit  de  lui  j-«J2  g-^b,  II,  3i8. 
^  Tabarî,  H,  Gi3;  As;.,  V,  i53. 


36. 


400  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

à  mes  yeux ,  c  est  d'entendre  raconter  par  un  ami  les 
événements  du  temps  passé.  Comme  vous  avez  par 
devers  vous  Amir  as-Sa^bî,  envoyez-ie  moi  au  plus 
tôt  pour  qu'il  me  fasse  goûter  ce  plaisir.  » 

Ce  billet  ne  disait  pas  tout.  Le  calife  nourrissait 
alors  le  projet  de  proclamer  son  fils  Walîd  héritier 
présomptif  de  lempire.  Pour  cela  il  fallait  obtenir 
préalablement  le  désistement  de  ^Abdaraziz,  dont 
les  droits  à  la  couronne  avaient  été  solennellement 
reconnus.  ^Abdalmalik ,  craignant  avec  raison  de  ren- 
contrer des  résistances  chez  son  frère,  voulait,  pour 
les  vaincre,  employer  lautorité  de  Sa^bî,  et  c'était 
dans  ce  but  surtout  qu'il  avait  écrit  au  gouverneur 
de  l'Iraq  ^ 

Haggâg  exécuta  1  ordre  et  envoya  Sa*bî  à  Damas 
avec  une  lettre  extrêmement  élogieuse.  Arrivé  au 
palais ,  le  voyageur  pria  le  chambellan  de  l'introduire. 
«Qui  estuP»  demanda  cet  officier.  —  «  Amir  as- 
Sa^bi.  »  A  ce  nom,  le  visage  du  chambellan  prit  une 
expression  de  grande  bienveillance  :  «  Soyez  donc  le 
bienvenu!  »  dit-il,  et,  se  levant  aussitôt  pour  entrer 
chez  le  calife,  il  me  força,  raconte  Sa*bî  lui-même,  à 
accepter  son  propre  siège.  H  ne  tarda  pas  à  revenir  et 
m'annonça  que  je  pouvais  entrer.  Parvenu  dans  les 
appartements  du  calife,  je  vis  ^Abdalmadik  assis  sur 
un  siège,  ayant  devant  lui  un  personnage  à  la  barbe 
et  aux  cheveux  tout  blancs ,  également  sur  un  siège. 
Je  saluai  le  prince,  qui  me  rendit  le  salut  et  me 

'  Ya'qoûbMl,  334. 


LE  CHANTRE  1)ES  OMIADES.  401 

fit  signe,  avec  une  sorte  de  sceptre  qu'il  tenait  à 
la  main,  de  prendre  place  à  sa  gauche.,  ce  que  je  fis. 
J  avais  eu  soin  en  entrant  de  déclarer  mon  nom  et 
celui  de  mon  père.  A  quoi  le  prince  répondit  :  «  Je 
ne  me  rappelle  pas  avoir  donné  la  permission  de 
t'introduire.  —  Boni  me  dis-je,  voilà  un  avertisse- 
ment pour  lenvoyé  de  Tlraq.  » 

Puis  le  prince,  continuant  à  septretenir  avec  le 
personnage  assis  devant  lui,  lui  demanda  :  «Quel 
est  à  ton  avis  le  plus  grand  des  poètes  ?  —  Moi  !  fut 
la  réponse.  »  J'oubliai  que  je  me  trouvais  en  pré- 
sence du  calife;  je  ne  pus  plus  maîtriser  mes  senti- 
ments :  «  Prince  des  croyants,  m'écriai-je,  qui  ose  se 
prétendre  le  plus  grand  des  poètes?  »  L'interruption 
de  Sa^bî  était  absolument  déplacée.  De  nos  jours  en- 
core, en  Orient,  un  étranger,  un  inférieur  surtout, 
n'a  pas  le  droit  d'interpeller  son  hôte  avant  que  ce 
dernier  se  soit  informé  de  sa  santés  Aussi  ^Abdal- 
malik  se  montra-t-il  surpris  de  la  sortie  de  Sa^bî^. 
11  répondit  sèchement  :  «  C'est  Ahtal.  »  Et  moi ,  con- 
tinue le  nai'rateur,  je  me  disais  :  Voilà  un  second 
avertissement  pour  fenvoyé  de  l'Iraq. 

J'eus  pourtant  le  courage  de  m'adresser  à  Ahtal  : 
«  Ma  foi!  lui  dis-je,  l'auteur  des  vers  suivants  est  en- 
core meilleur  poète  que  toi  »,  et  je  citai  un  quatrain 

*  Il  serait  surtout  déplacé  de  parler  d'affaires  avant  d'avoir  ré- 
pondu à  l'inévitable  dJl^.  ULp  etc.  que  le  maître  de  la  maison  est 
tenu  d'adresser,  au.  moins  une  fois,  au  visiteur. 

*  L'Agânî  dit  :  ^^  c»-^L-:î  (j\  J-Ji  (s^  nï*  ^^^  «^t*  »t^> 


402  NOVEMBRE-D^CEMBHË  1894. 

de  Nàbiga.  Ahtal,  ayant  su  du  calife  qui  j*étais,  me 
répondit  :  «  Si  je  ne  m  abuse,  le  commandeur  des 
croyants  a  voulu  connaîti'e  le  meilleur  poète  de  notre 
époque;  s'il  m'avait  questionné  sur  les  poètes  anté- 
islamiques,j  aurais  pu  répondre  comme  tu  Tas  fait 
ou  quelque  chose  d approchant.  —  Allons!  me 
dis-je,  voilà  qui  va  de  mieux  en  mieux,  c'est  la  troi- 
sième leçon  donnée  ^  l'envoyé  de  l'Iraq!  » 

Alors  le  calife,  se  tournant  vers  Abtal,  lui  dit  : 
«  Y  a-t-il  parmi  les  productions  poétiques  des  Arabes 
quelqu'une  qui  te  fasse  envie  *  ?  —  Franchement 
non,  répondit  le  Taglibite;  il  y  a  pourtant  certains 
vers  que  je  voudrais  avoir  faits;  ils  sont  d'un  de  nos 
poètes  chrétiens,  jeune  encore  et  peu  connu;  mais 
je  me  trompe  fort  ou  cet  adolescent  fera  parler  de 
lui.  »  Ahtal  faisait  allusion  à  ^Omaïr,  fils  de  Siam,  de 
la  tribu  de  Taglib ,  plus  connu  sous  le  nom  de  Qo- 
tâmî  ^  et  qui  brilla  effectivement  par  son  talent  poé- 
tique soa«  les  successeurs  de  ^Abdalmalik  ^.  Ce  calife 
voulut  entendre  les  vers  que  son  favori  avait  en  vue. 
Ahtal  finissait  à  peine  de  Jes  réciter  que  oa'bî,  pre- 
nant encore  une  fois  la  parole ,  dit  :  «  Qotâmî  a  des 
qasidas  encore  plus  remarquables.  »  Ahtal  croyait 

^  D'après  Ag. ,  XVII,  162,  'Abdaimaiik  aurait  posé  la  même 
question  à  Garîr.  Nous  lavons  déjà  observé,  le  recueil  d'Aboûl-fa- 
rag  est  rempli  de  traits  qui  ne  différent  que  par  le  nom  des  person- 
nages mis  en  scène. 

*  C'est  la  prononciation  de  Rabî'a.  D'après  le  divan  manuscril 
de  ce  poète  (Bibl.  Univ.  S.  Joseph),  les  tribus  qaîsites  prononçaient 
Qatâmî. 

'  Cf.  Divan  de  Qotâmi,  msc. ,  p.  2,  et  Ag.,  XX,  11  S. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  403 

sincèrement  être  seul  h  connaître  les  vers  d*un  poète 
dont  la  réputation,  selon  lui,  ne  devait  pas  avoir 
dépassé  les  limites  ^dé^  sa  tribu.  Aussi  fut-il  étonné 
de  rassuratice  de  Sa^bî  et  le  pria-t-il  de  s'expliquer. 
Celui-ci  lui  débita  une  nouvelle  pièce  du  jeuue  barde 
bédouin.  Quand  il  eut  fini  :  «  Ma  foi  !  s'écria  ^Abdal- 
malik,  cette  poésie  est  en  effet  plus  originale.  Ce 
Qotâmî  a  vraiment  de  la  verve  et  de  Tentrain  ^  !  » 
Ahtsd  prit  alors  la  parole  :  «Sa^bî,  me  dit-il,  tu  as 
pour  les  récits  des  ressources  multiples  que  je  ne 
possède  pas  ^.  Qu'il  te  plaise  toutefois  de  ne  pas  me 
mettre  mal  avec  tes  :amis;  de  mon  côté,  je  les  lais- 
serai en  paix.  —  Enchanté  !  répondis-je  ;  pour  ce 
qui  est  de  la  poésie,  je  ne  le  contrarierai  plus;  oublie 
seulement  ce  qui  vient  de  se  passer.  »  Puis  me  tour- 
nant vers  le  calife,  je  lui  dis  :  «  Sire,  je  vous  conjure 
d'obtenir  mon  pardon  de  Ahtal.  »  Le  calife  ne  put 
s'empêcher  de  sourire  et  dit  à  Ahtal  qu'jl  prenait 
Sa'bî  sous  sa  protection.  «Prince  des  croyants,  ré- 
pondit le  poète,  je  viens  de  l'avertir;  s'il  évite  de 
m'être  désagréable,  il  n'aura  jamais  quà  se  louer  de 
moi.  —  Sois  sans  crainte,  dit  ^Abdalmalik,  il  ne 
te  rendra  jamais  que  de  bons  offices.  —  En  êtes- 
vous  garant,  Sire.'^»  demanda  Ahtal.  «  Oui,  répon- 
dit le  calife,  si!  plaît  à  Dieu^  !  » 

^  Littéralement  :  Que  la  mère  de  Qotâmî  aie  à  le  pleurer!  isJSJs 
jul  (^UaXII  ,  une  des  innombrables  imprécations  ayant  perdu  leur 
signification  primitive  et  s'employant  en  bonne  et  en  mauvaise  part. 

«  ,>^\y  ;^  UJ  Ici,  esîoU^I  i  Ci^  duJ  yJ .  C'est-à-dire  :  moi  je 
ne  suis  qu'an  poète. 

^  Ag.,  IX,  i68;  XX,  iiR,  i^o;  Ibn  Qotaïba,  .^4. 


404  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

Celte  première  entrevue  fut  décisive  pour  ia  for- 
tune de  Sa^bî.  Bientôt  il  devint  le  confident  le  plus 
intime  du  souverain.  «0  Sa'bî,  lui  disait-il,  ne  me 
seconde  pas  dans  ce  qui  est  répréhensible,  ne  me 
dirige  pas  vers  Terreur  au  milieu  de  nos  réunions. 
Point  de  souhaits  ni  de  vaines  formules  de  politesse 
auxquelles  je  serais  obligé  de  répondre.  Ne  t'évertue 
pas  à  me  préparer  de  jolies  réponses  et  à  m*engager 
par  là  à  continuer  lentretien.  Les  plus  coupables 
d'entre  les  courtisans  sont  ceux  qui  flattent  les  goûts 
frivoles  des  rois^  » 

Nous  avons  cru  devoir  citer  ces  belles  paroles  qui 
honorent  autant  le  prince  que  son  favori.  *Abdal- 
malik  ne  sen  tint  pas  là  :  il  confia  à  Sa'bî  d'impor- 
tantes missions  et  des  négociations  très  délicates  ^. 

Ahtal  paraît  avoir  vécu  en  bonne  intelligence  avec 
lui.  Pourtant  il  lui  arrivait  encore  de  se  vanter  naïve- 
ment devant  Sa^bî.  Un  jour»  il  s  était  laissé  aller  à  de 
copieuses  libations  et,  selon  Ja  coutume  des  Orien- 
taux, s'était  inondé  de  parfiims.  En  cet  état,  il  péné- 
tra familièrement  dans  les  appartements  privés  du 
calife,  où  se  trouvait  déjà  Sa*bî.  Apercevant  ce  der- 
nier, il  lapostropha  en  termes  d une  énergie  et  d'une 
crudité  toutes  bédouines^.  «Victoire!  je  l'emporte 

*  Mas'oûdi«  V,  211,  trad.  de  M.  B.  de  Meynard. 

«  Ya^ûbî,  II.  334;  Mas'oûdi\  V,  270;  Ibn  HaUikân,  344. 

^  L'expression  obscène,  que  nous  retrouvons  avec  regret  chez  le 
grand  poète  chrétien  .^s'étale  presque  à  toutes  les  pages  du  Livre  de» 
Chansons,  ce  miroir  fidèle  de  la  vie  bédouine.  De  la  lecture  de  ce 
recueil  il  ressort  qu'on  a  trop  vanté  la  moralité  du  désert  et  que 
«les  Arabes  nomades,  contrairement  à  une  opinion  accréditée,  ne 


LE   CHANTRE   DES  OMIADES.  405 

stir  tous  les  poètes!  —  Comment  cela?»  demanda 
Sa^bî.  «  Quand  j  ai  prononcé  les  vers  suivants  : 

La  villageoise  se  met  à  nous  verser  d'une  bouteille  aussi 
rouge  que  l'incarnat  de  ses  joues , 

Et  quand  nos  mains  font  circuler  la  coupe ,  il  s'en  exhale 
un  parfum  que  perçoivent  les  narines  les  plus  bouchées  *. 

«  Eh  bien  !  Sa*bî,  continua  Ahtal  d'un  ton  triom- 
phant,  as-tu  jamais  rien  entendu  de  semblable?  — 
Si  je  ne  craignais  les  suites  de  ma  sincérité,  répliqua 
le  savant,  je  te  dirais  ma  pensée.  —  Tu  peux  être 
sans  crainte»,  dit  Ahtal.  «  Dans  ce  cas,  reprit  Sa*bî, 
je  le  préfère  de  beaucoup  Fauteur  de  ce  distique.  » 
Quand  Alitai  apprit  qu'il  était  de  A^sà  de  la  tribu  des 
Qaïs  bin  Ta'laba^  il  s'écria  :  «Saint,  saint,  saint! 
j'en  jure  par  la  sainte  croix,  A*sâ  est  le  plus  grand 
des  poètes  ^  !  » 

XII 

AHTAL  EN  MÉSOPOTAMIE. 

■    ■  • 

Chaque  année,  à  des  époques  fixes,  Ahtal  venait 
à  Damas  faire  sa  cour  au  califè  et  lui  réciter  ses  nou- 


sont  pas  plus  exempts  que  leurs  coreligionnaires  des  grandes  villes  » 
(B.  de  Meynardj  de  certains  vices  extrêmement  «odieux». 

'  Divan,  85. 

*  Ainsi  nommé  pour  le  distinguer  d'autres  poètes  du  nom  de 
A'sâ. 

^  Ag. ,  VIII,  84*  A  la  page  85 ,  la  même  scène  est  placée  à  K où  fa 
et  accompagnée  de  plusieurs  circonstances  invraisemblables;  la  pre- 
mière version  est  la  bonne. 


406  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

velles  compositions.  Puis,  muni  de  iauiorisation  du 
souverain,  il  disait  adieu  au  climat  «  fiévreux  »  de  la 
grande  cité  syrienne  ^  et  se  hâtait  de  regagner  la  Mé- 
sopotamie. Vrai  Bédouin,  la  vie  du  désert  eut  tou- 
jours pour  lui  les  plus  grands  charmes.  C'est  surtout 
après  la  fin  de  la  guerre  de  Qaïs  que  ces  séjours  au 
pays  natal  furent  fréquents  et  prolongés^.  Les  traits 
suivants  nous  permettent  de  reconstituer  en  partie 
la  vie  qu'il  menait  alors. 

Quand  le  poète  résidait  sur  les  bords  de  TËuphrate 
et  du  Chaboras,  au  milieu  de  ses  compatriotes,  il  se 
faisait  un  point  d'honneur  d  exercer  la  plus  lai^e 
hospitalité  '.  A  côté  de  la  spacieuse  tente  d'écaiiate 
qu  il  habitait  se  dressait  un  autre  pavillon  non  moins 
vaste,  destiné  aux  liôtes.  Un  jour,  ^ikrima,  fils  de 
Rib^i ,  vint  à  passer  par  le  campement  de  la  famille 
de  Màiik.  C'était  un  noble  Arabe,  à  qui  sa  générosité 

avait  valu  le  surnom  de  «  bienfaisant  » ,  ^jàJLj.  Les 
califes  reconnurent  plus  tard  son  mérite  en  lui  con- 
fiant le  gouvernement  de  la  Mésopotamie  et  de  TAr- 
ménie*. 

A  peine  ce  personnage  eut- il  mis  pied  à  terre  qu'on 
vint  apprendre  à  Ahtal  l'arrivée  d'un  étranger  de 
distinction.  Le  poète  l'invita  à  souper.  Après  le  re- 


^  •  «•> 


'  c  ^y»y  ^^yÀuê^  «5-^  *  Divan,  12  1,  6. 

*  Toutes  les  visites  da  poète  à  Koûfa  eurent  lieu  sous  le  gouver- 
nement de  Bisr,  c'est-à-dire  après  la  pacification  de  Tlraq. 

'  Farazdaq  a  vanté  cette  hospitalité  dans  un  vers  cité  {dus  haut. 
Cf.  le  Divan  de  Farazdaq,  p.  a 35. 

*  Cf.  ^L^J  ^y^  du  P.  L.  Cheickho  S.  J..  p.  467. 


LE  CHANTRE   DES  OMIADES.  407 

pas^  ne  connaissant  pas  son  hôte,  il  le  sonda  pour 
savoir  quelle  boisson  il  pourrait  lui  offrir.  «  Tout  ce 
que  tu  voudras,  répondit  ^Ikrima,  excepté  celle  dont 
tu  fais  usage.  »  Ahtal  comprit  alors  qu'il  avait  devant 
lui  un  musulman  et  il  le  servit  selon  son  désir.  Or 
le  poète  avait  à  son  service  deux  esclaves  musiciennes  ; 
elles  se  tenaient  derrière  lui,  cachées  par  un  rideau 
tendu  au  fond  de  la  tente.  Quand  les  coupes  circu- 
lèrent ,  touchant  le  rideau  avec  un  bâton  qu  il  tenait 
en  main ,  il  les  invita  à  chanter  les  plus  beaux  airs 
de  leur  répertoire^.  A  ce  signal ,  elles  en  tonnèrent  des 
airs  variés  parmi  lesquels  le  narrateur,  M adâïni ,  en 
signale  un  composé  sur  les  vers  de  *Amr,  fds  de 
Sâs^.  ^Ikriaia  se  retira  enchante  de  cette  cordiale 
hospitalité  *. 

Ahtal  était  parfois  obligé  d'échanger  contre  le  sé- 
jour des  villes  de  Tlraq  Texistence  patriarcsde  qu'il 
menait  parmi  les  siens.  Souvent  des  messagers  de 
Bisr,  fils  de  Marwân ,  l'invitaient  à  venir  à  Koûfa  pré- 
sider des  fêtes  poétiques.  D'autres  fois,  il  y  était  ap- 
pelé par  des  affaires  d'une  nature  plus  délicate.  Quand 
les  Taglibites ,  dans  le  cours  de  leurs  razias  ^,  avaient 
commis  un  meurtre,  c'était  lui  qu'ils  chargeaient 

*  Aujourd'hui  encore,  en  Orient,  on  ne  boit  qu'après  les  repas. 

*  yxjij\  *i^^\^  littéralement  «les  plus  beaux  vers»;  A,>^,  pluriel 

Siiù^\ ,  signifie  aussi  ornement. 

'  Le  livre  X ,  63  d'Ag.  contient  la  notice  d'un  personnage  de  ce 
nom.  Voir  aussi  ot>^)  io)^,  III,  596,  600;  IV,  3. 

*  Ag..VU,i87. 

^  Rien  n'autorise  à  doubler  le  z  dans  ce  mot ,  comme  on  le  fait 
trop  souvent. 


408  novembre;. DECEMBRE    1894. 

habituellement  de  payer  le  prix  du  sang.  Le  poète 
alors  montait  sa  robuste  chamelle  ou  descendait  TEu- 
phrate,  dont  il  a  si  vivement  décrit  ia  navigation, 
et  venait  solliciter  la  générosité  des  riches  habitants 
de  Koûfa. 

Un  jour,  s'étant  pour  cet  objet  adressé  au  Saïba- 
nite  Gadbân ,  fils  de  Qaba*tara ,  il  en  reçut  le  meil- 
leur accueil.  «Choisis,  lui  dit-il,  entre  2,000  dir- 
hems  et  2  dirhems.  —  Que  veux-tu  dire.^  »  fit  Âhtal 
étonné.  «  Si  je  t accorde  2,000  dirhems,  reprit  Gad- 
bân, fort  peu  de  gens  voudront  encore  te  donner 
quelque  chose.  Mais  si  tu  ne  reçois  de  moi  que  deux 
pièces  d'argent,  chaque  Bakrite  de  Koûfa  se  fera  un 
devoir  de  te  faire  la  même  gratification.  De  plus, 
nous  écrirons  à  nos  frères  de  Basra,  qui  s  empresse- 
ront de  nous  imiter.  Ainsi  notre  générosité  nous  coû- 
tera peu  de  chose  et  ta  collecte  sera  extrêmement 
avantageuse.  —  Accepté  !  »  répondit  Ahtal.  «  Il  e&t 
entendu,  ajouta  Gadbân,  que  tu  iras  en  personne 
ramasser  cet  argent.  » 

Cependant  le  rusé  Saïbanite  écrivit  à  Basra  à  So- 
waïd,  fils  de  Mangoûf  as-sadoûsi.  Notre  poète,  lui, 
se  promettait  monts  et  merveilles  et  on  Tentendit 
dire  que  l'arrangement  était  excellent  et  que  désor- 
mais il  n'en  accepterait  point  d'autre.  Arrivé  à  Basra 
auprès  de  Sowaïd,  il  lui  exposa  le  motif  de  son. 
voyage.  Ce  fut  en  cette  occurence  sans  doute  qu'U 
récita  une  pièce  de  vers  dont  seul  un  distique  nous 
a  été  conservé. 

H  atteste  les  illusions  du  poète  : 


LE  CHANTRE  DES   OMIADES.  /lOg 

Si  je  me  trouve  à  Tétroit  dans  un  pays ,  n'ai-je  point  der- 
rière moi  Sowaïd,  fils  de  Man^oûf,  et  Bakr  descendant  de 
VVàïl  ? 

Tels  ces  palais  élevés  aux  solides  fondements  dont  on  ne 
peut  atteindre  les  sommets*. 

Sowaïd  répondit  par  de  bonnes  paroles;  puis  il 
présenta  Ahtai  à  ses  compatriotes  en  disant  :  «  Voici 
le  père  de  Mâiik  qui  vient  implorer  votre  générosité; 
il  est  Tauteur  de  ces  vers  : 

Si  l'on  me  dit  :  tu  as  fait  la  paix  avec  Bakr,  j'entends 
aussitôt  protester  ma  haine.  La  parenté  (qui  nous  unit)  est 
trop  éloignée. 

(J'entends  protester  aussi)  le  sang  versé  à  Wâridàt  *.  Elles 
ne  sont  plus ,  les  femmes  qui  pleurèrent  alors  ;  mais  les  mo- 
tifs de  haine  subsistent  toujours. 

Entre  Bakr  et  nous  il  y  a  de  terribles  batailles ,  où  le  fer 
a  mordu  les  crânes. 

(Bakr  et  Taglib)  sont  deux  frères  se  chauffant  au  feu  de 
la  guerre;  le  voile  de  la  mort  tout  récemment  les  séparait 


encore^. 


En  entendant  ces  vers ,  les  Bakrites  s'écrièrent  tous 
dune  voix  :  «Non!  jamais,  il  n'obtiendra  rien  de 
nous!  »  Ahtal  prit  philosophiquement  son  échec  et 
répliqua  par  une  qasida  où  Ton  lit  ces  vers  : 

Qu'on  apprenne  ceci  de  ma  part  aux  Banoû  Saïbàn  :  entre 
nous  il  n'y  a  point  de  rancune. 

'  Divan,  3o4.  Ces  deux  vers  sont  reproduits  dans  Ag. ,  XIII,  47, 
avec  une  légère  variante ,  et  attribués  au  fils  de  Zobaîr. 
^  Victoire  de  Taglib  sur  Bakr. 
^  Divan,  282. 


410  lSOVE^iBRE-I)^î:CEMBR£   1894. 

Que  Sadoûs  *  retienne  ses  deux  dirhems  I  Ailleurs  le  vent 
m'est  bon  et  propice  '. 

•Quelques  années  plus  tard  (c  était  vers  les  pre- 
miers mois  qui  suivirent  la  pacification  de  Tlraq), 
les  gens  de  Taglib  ayant  commis  deux  nouveaux 
meurtres,  Ahtal  dut  reprendre  le  chemin  de  Koûfa. 
Il  n'y  avait  pas  à  songer  aux  Arabes  de  Qaïs  ou  de 
Modar.  Force  fut  donc  de  tendre  cette  fois  encore 
la  main  aux  descendants  de  Bakr. 

On  parlait  alors  beaucoup  à  Koûfa  d'un  riche  baï- 
banite  nommé  Hausab,  récemment  revenu  du  Ho- 
rasân.  Son  père  Yazîd  ^,  gouverneur  de  la  ville  de 
Raïy,  s'étant  vu  attaquer  par  les  Azraqites,  Hausab 
l'avait  laissé  aux  prises  avec  les  rebelles  et  s'était  enftii 
de  toute  la  vitesse  de  son  cheval.  Cette  lâche  déser- 
tion coûta  la  vie  à  son  père  et  à  sa  mère.  En  Iraq ,  des 
sarcasmes  et  des  épigrammes  accueillirent  le  fuyard. 
Les  poètes  surtout  ne  l'épargnèrent  pas.  Vraiment, 
dit  l'un  d'eux, 

Si  Hausab  était  honune  d'honneur  et  de  courage ,  il  au- 
rait regardé  la  mort  en  face  comme  ^Isa,  fils  de  Mos^ab*. 

Un  autre  fut  plus  mordant  : 

En  face  des  lances  menaçantes,  Hauàab,  pour  sauver  sa 
peau,  abandonna  son  vieux  père'. 

^  Â  la  page  igS  du  Divan,  il  y  a  une  satire  contre  ce  person- 
nage. 

^  Divan,  120  et  136;  Ag.,  VII,  i83. 

'  Il  est  nommé  par  Ahtai,  Divan,  loS,  4. 

*  Allusion  au  dévouement  bien  connu  du  fils  de  Mo^'al). 

*  Ag. ,  XV,  129. 


LE  CHANTRE   DES  OMIADES.  411 

Dans  une  réunion  où  se  trouvaient  Hausab  et 
•Ikrima  «  le  généreux  » ,  lomiade  Bisr,  ayant  témoi- 
gné le  désir  de  posséder  un  cheval  de  race  :  «  Prince, 
s*écria  *Ikrinia,ilest  tout  trouvé  ;  prenez  la  jument  de 
Hausab,  qui  Ta  dérobé  aux  poursuites  des  Azraqites 
de  Raïy  ^  » 

Sur  ces  entrefaites,  Ahtal  se  présenta  chez  le  fils 
de  Yazid.  Le  moment  était  mal  choisi.  Hausab  avait 
ses  raisons  pour  ne  pas  aimer  les  poètes,  et,  comme 
Saïbanite,  il  était  mal  disposé  à  Tégard  des  Banoû 
Taglib.  Aussi  reçut-il  fort  mal  leur  envoyé  ;  il  recon- 
duisit brutalement  et  lui  fit  même  entendre  des 
menaces.  Un  autre  Bakrite  Saïyar,  fils  de  Bozaï*a, 
répondit  par  des  excuses  aux  sollicitations  de  Ahtal. 

Celui-ci  se  souvint  alors  de  Ikrima,  qui  remplis- 
sait les  fonctions  de  secrétaire  auprès  du  prince  Bisr. 
11  lui  raconta  laccueil  qu il  avait  reçu  des  deux  ha- 
bitants de  Koûfa  :  «  Père  de  Mâlik,  lui  dit  *Ikrima, 
tu  n'entendras  de  moi  ni  menaces  ni  excuses.  Je  te 
donnerai  ce  que  tu  réclames,  moitié  en  argent,  moi- 
tié en  biens  mobiliers.  » 

Peu  de  jours  après,  un  événement,  dont  nous  ne 
connaissons  pas  la  nature,  réunit  à  la  mosquée  les 
gens  de  Koûfa ^.  On  vint  avertir  Ahtal.  «  Si  tu  veux, 

'  Ibn  al-Atir,  IV,  119;  Yâqoût,  III,  138.  Le  scoliaste  d' Ahtal 
afifirme  (Cf.  Divan,  i25,  8)  que  le  père  de  Hausab  fut  capitaine 
des  gardes  de  Ha^^âg  à  Basra,  quand  tous  les  historiens  le  font 
moiu'ir  plusieurs  années  auparavant  dans  le  Horasftn  ;  c'est  Hauiab 
lui-même  qui  remplit  ces  fonctions.  (Cf.  Yâqoût,  II,  338.) 

^  Une  des  portes  de  la  grande  mosquée  servait  surtout  de  lieu  de 
rassemblement  aux  Koufîtes.  Cf.  Divan,  2i4t  ii«  note  du  scoliaste» 


412  NOVEMBRE-DÉCEMBRE    1894. 

lui  dit-on,  témoigner  ta  reconnaissance  à  ^Ikrima, 
c'est  Toccasion  ou  jamais.  »  Le  Tagiibite  ne  se  le  fit 
pas  dire  deux  fois.  Il  mit  une  tunique  de  soie,  sus- 
pendit au  cou  sa  croix  d  or  et  monta  un  superbe 
cheval.  Arrivé  à  la  porte  de  la  mosquée,  il  mit  pied 
à  terre.  Hausab  et  Saïyâr,  qui  Tavaient  vu  venir,  ne 
purent  cacher  leur  dépit.  Un  chrétien ,  un  Tagiibite 
en  cet  équipage  !  Quant  à  *Ikrima ,  dès  qu'il  aperçut 
Ahtal ,  il  s'avança  vers  lui  et  le  salua  avec  beaucoup 
de  démonstrations  d  amitié.  Le  poète  s'arrêta  sur  les 
degrés  du  temple ,  se  recueillit  un  instant  et  débita 
l'ode  commençant  par  ces  mots  : 

A  qui  appartient  la  demeure  située  à  Hàïl,  etc. 

Après  ce  début  obligé  et  la  description  classique 
du  campement  abandonné,  le  poète  poursuivit  ainsi  : 

Le  Gis  de  Riblt  par  sa  générosité,  m'a  protégé  contre  la 
haine  d'un  ennemi  et  la  dureté  des  avares. 

(Noble  bienfaiteur),  ta  munificence  oblige  toute  la  famille 
de  Rabi'a;  tu  nous  dispenses  de  recourir  à  des  protecteurs 
impuissants  et  trompeurs , 

Dont  les  mains  avides  retiennent  les  dons,  sans  jamais 
se  dessaisir  de  rien  ^ 

Tel  le  fils  de  Bozaï  a  ;  tel  cet  autre  qui  lui  ressemble ,  digne 
d'avoir  eu  pour  mère  une  gardienne  de  chameaux,  etc.*. 

Ce  dernier  trait  atteignait  en  plein  Hausab ,  qui 
dut  sans  doute  alors  regretter  ses  procédés  peu  cour- 
tois. Quant  à  'Ikrima,  il  manifestait  ouvertement  la 

^  Litt.  :  dont  le  rocher  ne  laisse  jamais  suinter  une  goutte. 
'  Divan,  i56  et  iSg. 


LE  CHANTRE   DES   OMIADES.  413 

joie  que  lui  causait  ce  brillant  panégyrique.  «  Voilà, 
s'écria  t  -il,  qui  m'est  plus  agréable  que  des  troupeaux 
(le  chameaux  '  !  » 

A  Koûfa ,  les  habitants  recherchaient  avidement  les 
occasions  d'obliger  le  poète ,  qui ,  de  son  côté ,  ne  mar- 
chanda jamais  l'expression  de  sa  reconnaissance.  Un 
jour  (c'était  avant  les  événements  que  nous  venons 
de  relater) ,  un  jeune  Koufite  de  condition  très  humble 
le  pria  instamment  d'accepter  à  diner  chez  lui.  «  Fils 
de  mon  frère ,  lui  dit-il ,  tu  n  as  pas  apporté  de  pro- 
visions avec  toi ,  et  personne  n'est  chargé  de  pourvoir 
à  tes  besoins.  »  Après  quelque  résistance,  le  poète 
accepta.  Arrivé  à  la  porte  de  la  modeste  demeure ,  le 
jeune  homme  annonça  à  sa  mère,  nommée  Saqrâ, 
que  «  le  père  de  Mâlik  »  les  honorait  de  sa  présence. 
La  femme  sortit  aussitôt  pour  aller  vendre  une  cer- 
taine quantité  de  lin  filé ,  et  avec  le  produit  de  cette 
vente  elle  acheta  pour  son  hôte  de  la  viande,  du 
vin  et  des  plantes  odoriférantes.  Ahtal  fut  vivement 
touché  de  cette  cordialité  et,  séance  tenante,  il  im- 
provisa (faveur  très  enviée  !)  quelques  vers  pour  cé- 
lébrer l'hospitalité  de  la  bonne  Saqrâ  ^. 

Après  l'incident  de  la  mosquée  de  Koûfa,  *Ikrima 
avait  exigé  que  son  panégyriste  logeât  chez  ^ui•^  En- 
nemi delà  contrainte,  le  Taglibi te  aimait  à  parcourir 
seul  les  rues  de  la  ville.  Dans  une  de  ces  flâneries, 
il  passa  auprès  d'une  réunion  de  jeunes  gens  occupés 

'  Ag.,  Vil,  i<S7  (••.  ,SS. 
^   l)lv:\ii,   290,  H. 
iS.  Ag. ,  XI,  !>(;  ,1.  i  5. 

IV.  27 


t«rtliitiiK  aATluxAK 


414  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

à  boire  et  à  écouter  une  musicienne.  Us  lui  firent 
tant  d'instances  qu  il  consentit  à  rester  auprès  d'eux. 
Au  bout  de  quatre  jours /Ikrima,  ne  ie  voyant  point 
revenir,  s'imagina  que  ie  poète,  mécontent,  Tavait 
quitté  définitivement.  Mais  quand  il  sut  le  motif  de 
son  absence ,  il  envoya  aux  jeunes  gens  1,000  dirhems 
et  fit  à  Ah  ta!  un  cadeau  de5,ooo  dirhems.  Ahtai  les 
eut  à  peine  reçus  qu'il  alla  retrouver  ses  compagnons 
de  plaisir  et  leur  distribua  cet  argent;  puis  il  resta 
en  leur  société  jusqu'à  la  fin  de  son  séjour  à  Koûfa^ 
Ahtal,  on  le  voit,  afFectU)nnait  le  séjour  de  cette 
ville.  Elle  était  alors,  avec  Damas  et  le  Caire,  un  /les 
plus  grands  centres  littéraires  du  monde  musidman. 
Les  poètes  y  affluaient  pour  le  moins  autant  qu'à 
Damas.  A  plusieurs  d'entre  eux,  et  des  plus  qualifiés, 
il  était  interdit ,  par  suite  de  leurs  opinions  politiques 
ou  religieuses ,  de  visiter  la  capitale  syrienne.  Chiites, 
Azraqites  de  toutes  nuances ,  sectateurs  de  *Alî ,  par- 
tisans des  Hâchimites  ou  du  fils  de  Zobaïr,  ils  ne 
pouvaient  se  résoudre  à  une  démarche  non  exempte 
de  dangers,  ou  considérée  comme  équivsdent  à  un 
acte  d'apostasie.  Koûfa  ne  leur  offrait  pas  les  mêmes 
inconvénients.  Pour  des  considérations  faciles  à  com- 
prendre, la  puissance  des  successeurs  de  Mo^âwia 
évitait  de  se  faire  trop  sentir  à  ces  Iraqains  toujours 
mobiles  et  avides  de  changements.  Le  moyen,  d'ail- 
leurs ,  de  sévir  avec  un  gouverneur  libéral  et  artiste 
comme  le  jeune  frère  de  *Abdalmalik  ! 

»  Ag.,  VIÏ,  i85. 


LE  CHANTRE  DES  OMIÀETES.      '         415 

Aussi  les  hamfnes  distingués  se  réunissaient  de 
toutes  parts  à  Koùfa.  C'est  ainsi  qu'avec  Garîr  et  Fa- 
razdaq  nous  y  trouvons  des  poètes  de  la  valeur  de 
Dour  Romma^  Râ^i,  Motawakkil ,  Komaït,  Tirim- 
mâh,  Ibn  Mayâda,  et  d'autres  moins  brillants  peut- 
être,  mais  ayant  leur  place  marquée  dans  Thistoirc 
de  la  poésie  arabe,  comme  Morra,  fils  de  Mihkân^, 
le  boiteux  Hakam,  fils  de  *AbdaP,  ^Owaïf*,  Ibn  ^Am- 
mâr,  retenu  à  Koûfa  par  la  faiblesse  de  sa  vue^,  Aboû 
Kalda^,  pour  ne  citer  ici  que  des  contemporains  de 
Ahtal.  Parmi  eux,  la  dynastie  régnante  comptait  de 
chauds  partisans,  comme  Motawakkil,  Tirimmâh, 
A^sâ  des  Banoû  Abî  Rabî^a  ^,  ^\bdallah ,  fils  de  Zobaïr  '', 
qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  le  prétendant  mec- 
quois  de  ce  nom.  En  revanche,  le  parti  opposé  aux 
Omiades  comptait  dans  ses  rangs  A'^sâ  Hamdân, 
beau-frère  du  fameux  Sa'bî,  et  lui-même  compté 
parmi  les  «  fohoûl  ^  » ,  et  Komaït ,  adversaire  déclaré 
de  tout  ce  qui,  de  près  ou  de  loin,  tenait  à  la  Sy- 
rie^. 

Cette  réunion  de  tant  de  beaux  esprits  faisait 
alors  de  Koûfa,  nous  l'avons  déjà  dit,  une  des  capi- 

*  Leur  présence  à  Koûfa  est  fréquemment  signalée  dans  Ag. .  XV. 
125;  XVI,  112,  etc. 

*  Ag.,  XX,  9. 
^  Ag. ,  II,  i5o. 

'^  Ag.,  XVII,  io5. 
^  Ag.,  XX,  17^. 

*  Ag. ,  X ,  1 11 . 

'  Ag.,  XVI,  iGo. 

'  Ag.,xm,  33. 

''  Ag.,  V,  i46,  i58. 


416  NOVEMBRE-DÉCEMBRE   1894. 

taies  littéraires  du  monde  arabe.  Les  débutants  ve- 
naient y  solliciter  les  suffrages  des  vieux  maîtres  ^  et 
se  former  à  leur  école  ^.  D  autres  y  étaient  amenés 
par  des  intrigues  galantes,  comme  le  trop  célèbre 
*Omar,  fils  d'Abî  Rabfa^,  et  Aïman,  fils  de  Harim*, 
ou  comme  le  poète  nègre  Nosaïb  *,  attirés  par  les 
largesses  de  Bisr, 

Quand  on  vient  solliciter  la  générosité  d*Aboù  Marwân^, 
on  trouve  à  ses  côtés  la  munificence  et  la  noblesse. 

De  tous  côtés  vous  voyez  affluer  les  solliciteurs,  et  leurs 
troupes  serrées  assiègent  les  portes  de  son  palais  '. 

Héritier  des  goûts  littéraires  des  princes  omiades , 
le  firère  de  ^Abdalmalik  accordait  aux  artistes  la 
plus  entière  protection.  Affable,  accessible  à  tout  le 
monde*,  il  araiait  à  s  entourer  de  poètes,  de  littéra- 
teurs et  de  musiciens.  Le  soir,  il  mandait  de  Hîra  un 
chrétien,  nommé  Honaïn,  poète  et  musicien,  et, 
renfermé  avec  ses  familiers  au  fond  de  ses  apparte- 
ments ,  vêtu  d'un  élégant  négligé ,  la  tête  ceinte  d'une 
couronne  de  fleurs,  le  jeune  prince  buvait  en  écou- 
tant des  chants^. 


»  Ag.,XV,  ii3. 

*  Comme  Komait.  Cf.  Ag.,  XV,  124. 
3  Ag.,  I,  67. 

*  Ag.,  XXI,  12  (édit.  R.  Brûnow,  I,  i3i,  i32). 
'  Ag.,  I,  i32,  142;  II,  i46. 

'  *;l5'deBisr. 

^  Divan,  89. 

®  Ag.,  XXI,  12. 

®  Ag. ,  II,  i24t  et  Joorn.  asiaU,  1873,  II,  4)8. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.'  417 

La  plupart  des  poètes  qui  remplissaient  la  capitale 
de  riraq  ne  songeaient,  eux  aussi,  qu  a  passer  joyeu- 
sement le  temps,  sans  trop  se  soucier  de  certaines 
prohibitions  du  Coran.  Beaucoup,  comme  Oqaïsir  \ 
Aboû  Kalda^  et  *Ammâr^,  étaient  des  buveurs  de 
profession  que  le  guet  ramassait  souvent  ivres-morts. 
Entre  ces  hommes  appartenant  à  des  tribus  rivales , 
séparés  par  des  divergences  religieuses  et  politiques , 
il  y  avait  un  lien  commun  :  la  poésie.  Sur  ce  terrain 
les  haines  s'adoucissaient  et  cédaient  la  place  à  la 
tolérance. 

La  ville  de  Koûfa  en  offrait  alors  même  un  cu- 
rieux exemple.  Il  eût  été  difficile  d'imaginer  deux 
hommes  moins  faits  pour  s  entendre  que  Tirimmah 
et  Komaït.  Le  premier,  partisan  convaincu  du  gou- 
vernement établi,  panégyriste  ardent  des  Yéménites , 
était  intimement  lié  avec  Komaït,  Chiite  des  plus 
exaltés  et  auteur  de  violentes  diatribes  contre  la 
race  de  Qahfan*.  «  Comment,  demanda-t-on  un  jour 
au  dernier,  peux-tu  avoir  cette  intimité  avec  un 
homme  dont  tant  de  choses  te  séparent?  —  Ce  qui 
nous  réunit,  répondit  Komaït,  cesl  ia  haine  du  vul- 
gaire^. » 

Aussi  Alitai ,  malgré  sa  double  qualité  de  chrétien 
et  de  Rabfite,  paraît-il  avoir  été  bien  accueilli  par 
les  poètes  de  Koûfa.  Personne,  d'ailleurs,  ne  pouvait 

*  Ag.,  X,  85,  sqq. 

*  Ag.,X,  111. 
"3  Ag.,XX,  174. 

*  Ag.,X,  i5G;  Mas'oûdî,  VI,  36-A5. 

^  Ag. ,X,  i56;  Divan  d'Ahtal,  2  6,1.5. 


418  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

ignorer  en  quelle  estime  le  tenaient  le  calife  et  le 
prince  gouverneur. 

Ce  fut  pendant  un  de  ces  séjours  à  Koûfa  que 
lui  arriva  l'aventure  suivante.  Il  se  trouvait  dans  un 
bain  public ,  quand  survint  un  Arabe  de  Ïvl  branche 
saïbanite  des  Banoû  Dohl.  Ayant  appris  le  nom  de 
sa  tribu  et  se  rappelant  que  Farazdaq  availplus  d'une 
fois  loué  les  descendants  -de  Bakr  ^,  Ahtal  demanda 
à  TArabe  s'il  connaissait  quelque  pièce  du  poète  de 
Tamîm.  Sm'  la  réponse  aflirmative  de  l'Arabe,  Ahtai 
reprit  :  «  Quel  grand  poète  que  notre  ami  Farazdaq! 
Mais  pourquoi  se  repent-il  si  vite  de  sa  générosité  !  » 
oQue  veux-tu  dire?»,  demanda  le  Saïbanite.  Ahtal 
cita  alors  un  distique  où,  d'après  lui,  Farazdaq  re- 
tirait dans  le  second  vers  l'éloge  accordé  dans  le 
précédent.  «Quand  tout  le  monde,  reprit  l'Arabe, 
serait  d'accord  sur  ce  que  tu  viens  de  dire,  tu  devrais 
être  le  dernier  à  faire  cette  remarque.  —  Et  pour- 
quoi cela?  »  demanda  à  son  tour  Ahfal.  a  N*as-tu  pas, 
reprit  le  Bédouin ,  déversé  le  ridicule  sur  Zofar,  fils 
de  Hârit,  et  cepei^lant  tu  en  fais,  quelques  vers  plus. 
loin ,  un  épouvantail  pour  le  calife.  Tu  as  dit  : 

Descendants  d'Omaïya,  je  vous  exhorte  à  ne  pas  laisser 
tranquillement  Zofar  au  milieu  de  vous , 

Comme  un  lion  dilatant  sa  poitrine  et  guettant  une  proie  *. 


r 

^  Farazdaq  avait  épousé  lladrâ,  Saïbanite  chrétienne.  IHus  tard 
il  choisit  de  nouveau  une  épouse  dans  la  famille  de  Bakr.  Cf.*  son 
Divan,  p.  2o5;  à  la  page  224  ,  sqq. ,  on  lit  un  splendide  éloge  'des 
Banoû  Dohl. 

*  Divan,  io3  et  io5. 


LE  CHANTRE   DES  OMIADES.  419 

De  même  tu  as  voulu  louer  ^Ikrima,  fils  de  Rib*i  ^  ; 
et  pourtant  si  tu  avais  prétendu  faire  une  satire ,  tu 
n  aurais  pas  parlé  autrement  ».  Ahtal  fut  piqué  de 
ces  critiques,  dont  la  dernière  n'était  pas  sans  fon- 
dement. Il  répondit  à  TArabe  :  «  Tu  peux  te  féliciter 
d'appartenir  à  une  tribu  envers  laquelle  j'ai  des  obli- 
gations. Sans  cela  j'aurais  composé  contre  toi  une 
satire  qui  t'accompagnerait  au  tombeau.  Mais  non  ! 

Jamais  je  n'attaquerai  ceux  que  j'ai  une  fois  loués*,  et  je 
n*amoindrirai  en  rien  l'expression  de  ma  juite  reconnais- 
sance '. 

Maintenant ,  va-t-en  ^  !  » 

Aucun  document  ne  nous  apprend  si,  dans  ses 
voyages  en  Iraq,  Ahtal  a  visité  Hîra,  sa  ville  natale, 
distante  de  Koûfa  de  trois  milles  seulement.  Depuis 
la  fondation  de  cette  dernière,  la  cité  royale  des  Nor- 
man et  des  Moundir  était  bien  déchue  de  son  an- 
tique splendeur.  Cependant  c'était  toujours  une  ville 
chrétienne,  siège  de  deux  évêchés,  jacobite  et  nés- 
torien.  Ses  nombreuses  et  belles  églises,  ses  couvents 
étaient  célèbres  dans  toute  l'Arabie.  Elle  était  habitée 

*  Ainsi  porte  le  texte  d'Ag. ,  mais  il  s'agit  en  réalité  de  Simâk 
l'Asadite,  comme  nous  le  verrons  plus  loin. 

^  Cf.  Divan,  i38,  une  qasida  en  l'honneur  d'un  Solbanite. 

*  Nous  croyons  que  ce  vers  appartient  à  Ahtal,  et  nous  pouvons 
ajouter  que  telle  est,  actuellement  aussi,  l'opinion  du  savant  éditeur 
de  son  Divan.  Ce  qui  l'a  fait  hésiter  autrefois,  c'est  la  perturbation 
totale  de  la  dernière  partie  du  dialogue  dans  le  texte  imprimé  d'Ag. 
Nous  avons  fait  de  ootre  mieux  pour  rendre  à  chacun  des  deux  inter- 
locuteurs ce  qui  lui  revient. 

*  Ag.,  Vil,  18.4. 


4iO  NOVEMBRE-DÉCEiMBUE  1894. 

par  un  certain  nombre  de  familles  laglibites  ^  parmi 
lesquelles  Ahtal  comptait  sans  doute  des  parents. 
Ces  motifs  font  peut  être  engagé  à  s  arrêter  dans  une 
ville ,  d'ailleurs  placée  sur  sa  route.  Une  chose  encore 
a  pu  iy  attirer  :  la  réputation  des  tavernes  de  Hîra^, 
célèbres  déjà  dans  TArabie  préislamique.  Le  grand 
A*sâ  ne  quittait  jamais  cette  ville  sans  y  avoir  re- 
nouvelé sa  provision  de  vin.  Quand  un  contemporain 
d' Ahtal,  le  poète  Oqaïsir,  avait  gagné  quelques  dir- 
hems,  il  montait  sa  mule  et  s'empressait  de  venir 
les  dépenser  dans  les  buvettes  de  IJîra^.  Et  un  demi- 
siècle  plus  tard  le  même  motif  y  attirait  encore  du 
fond  du  ïHgâz  le  célèbre  musicien  Ibn  Soraïg^. 

Si  Ahtal  faisait  de  fréquents  voyages  à  Koûfa,  il* 
paraît  avoir  beaucoup  moins  affectionné  le  séjour  de 
Basra.  Cette  ville ,  presque  exclusivement  musulmane 
et  peuplée  en  majorité  par  des  Arabes  de  Modar^, 
ne  lui  rappelait  que  des  souvenirs  désagréables.  Avait- 
il  fini  par  se  réconcilier  avec  son  ancien  rival ,  Ka*b , 
fils  de  GoVil?  Nous  serions  tenté  de  le  supposer, 
puisque  nous  les  retrouvons  tous  les  deux  à  Basra 
sous  le  califat  de  Mo*âwia  P'.  Ils  y  gardèrent  si  peu 
de  mesure  dans  leurs  satires  que  le  gouverneur  *Abd- 
allah,  fils  de  ^Âmir,  pour  mettre  fm  au  scandale,  les 

1  Ag.,  VII»  170;  XIX»  i3. 

*  Cf.  Ag.,  II,  125. 

»  Ag.»  X,  86,  89,91. 

*  Ag.,II,  126,  1.  9. 

*  Sous  le  règne  de  'Abdalmalik ,  les  famille^d'originc  rabritc, 
qui  habitaient  celte  ville,  émigrcrent  dans  la  province  de  Mossoul. 
Cf.  Ya'qoûbî,  II,  324.  Voir  cependant  Ag.,  II,  186, 1.  /i  ;  VII,  i83. 


LE   CHANTRE   DES  OMIADES.  421 

fit  emprisonner  ^  Depuis  cette  époque,  la  présence 
d'Ahtal  à  Basra  ne  nous  est  signalée  quune  seule 
fois  par  les  annalistes^,  et  cette  fois  encore,  il  n'y  re- 
cueillit que  des  humiliations. 

Dans  ses  pérégrinations  à  travers  la  Mésopotamie , 
notre  héros  avait  souvent  à  passer  sur  le  territoire 
de  Saïbân.  Cette  importante  tribu  bakrite  s'était, 
depuis  le  règne  du  grand  Mo^àwia,  établie  au  nord 
du  pays  taglibite.  Comme  il  n  arrive  que  trop  sou- 
vent, le  voisinage,  loin  d'affaiblir  les  anciens  res- 
sentiments ,  avait  au  contraire  contribué  à  les  raviver^. 
Mais  telle  était  la  puissance  de  la  poésie  siu*  ces  po- 
pulations ardentes  que  le  barde  de  Taglib  trouva 
toujours  parmi  les  Banoû  Saïbân  l'accueil  le  plus 
cordial. 

Un  jour,  il  fut  reçu  sous  la  tente  de  Sa^id,  noble 
Saïbanite  dont  le  grand-père  était  le  célèbre  Ilâni, 
fils  de  Qabîsa^.  Celui-ci  traita  splendidement  son 
hôte,  et  connaissant  ses  goûts,  il  lui  fit  verser  les  vins 
les  plus  exquis;  il  voulut  même,  pour  lui  faire  hon- 
neur, qu'il  fut  servi  par  ses  deux  filles  encore  en  bas 
âge.  Le  poète  avait  été  frappé  de  leurs  grâces  enfan- 
tines. Quelquesannéesplus  tard,  il  recevait  denouveau 
l'hospitalité  du  descendant  de  llâni.  Mais  ses  petites 
amies  avaient  grandi,  et  les  usages  musulmans  ne 


^  Cf.  Divan,  290. 

^  Quand  il  vint  solliciter  les  Bakrites  de  Basra;  nous  avons  ra- 
conté plus  haut  ce  curieux  incident.  Cf.  Ag. ,  Vil,  i83.  ^ 
3  (f.  Ag.,  Vil,  170. 
^  S»ir  ce  personnage,  voir  Porceval,   Essai,  I,  1G7;   Ag, ,  II,  3o. 


422  NOVEMBRE-DÉCEMBRE   1894. 

leur  permettaient  plus  de  paraître  dans  les  réunions 
des  hommes.  Ahtal  s'aperçut  de  leur  absence  et  de- 
manda avec  intérêt  «  ce  qu  étaient  devenues  ses 
bonnes  petites  filles  ».  On  lui  expliqua  la  raison  de 
leur  absence.  Il  prit  alors  la  résolution  de  mettre 
leurs  noms  dans  la  première  pièce  qu'il  composerait, 
et  c'est  ainsi  qu'ils  figurent  dans  le  «  nasib  «qui  ouvre 
la  qasida  de  la  page  82  ^ 

Quand  il  n'était  pas  en  voyage  (et  on  la  vu,  il  avait 
des  goûts  assez  nomades) ,  Ahtal  vivait  de  la  vie  des 
gens  de  sa  tribu.  S'il  faut  en  croire  un  trait  inséré 
dans  la  glose  de  son  Divan  ^,  il  ne  dédaignait  pas  de 
les  accompagner  dans  leurs  courses.  Un  Taglibite 
avait  un  créancier  parmi  les  Arabes  de  Dabba.  Il 
partit  avec  quelques-uns  de  ses  contribules  pour  aller 
réclamer  le  payement  de  sa  dette.  N'ayant  pu  trouver 
le  Dabbite,  les  gens  deTaglib  ne  trouvèrent  rien  de 
mieux  que  de  saisir  sa  femme  et  de  l'emmener  avec 
eux.   Malheureusement  ils   rencontrèrent  sur  leur 

A 

route  des  partis  de  Banoû  Asad  et  de  Banoû  Amir. 
A  leur  vue ,  la  femme  se  mit  à  crier  :  «  A  moi  Modar  ! 
A  moi  Qaïsites  !  »  Les  Arabes  accoururent  et ,  ayant 
su  pourquoi  on  emmenait  la  Dabbite,  ils  intimèrent 
•à  ceux  de  Taglib  d'avoir  à  relâcher  leur  prisonnière. 
Ceux-ci,  malgré  leur  petit  nombre^,  refusèrent  d'ob- 
tempérer à  cette  injonction.  Une  rixe  s'engagea;  on 

'  Ag.,  VII,  179. 
^*  Avant  la  pièce  de  la  page  222. 
^  Le  texte  emploie  yLî ,  mot  pouvant  désigner  de  trois  à  dix  per- 
sonnes. Cf.  nos  Sjnonymes  arabes,  n°  1467,  Beyrouth,  1889. 


LE  CHANTRE   DES  OMIADES.  423 

se  battit  d  abord  à  coups  de  poing  ;  puis  on  ramassa 
des  pierres;  enfin  les  épées  furent  tirées.  Les  Tagli- 
bites  ne  purent  pas  soutenir  1  attaque  et  prirent  la 
fuite.  Ahtal  était  parmi  eux.  Quand  il  vit  que  la  si- 
tuation devenait  critique,  il  se  mit  sous  la  protection 
de  Simâk,  tm  des  principaux  parmi  les  BanoûAscid, 
qui  le  défendit  contre  toute  insulte.  Ahtal  reconnut 
ce  service  par  une  poésie  dont  les  premiers  vers  sur- 
tout sont  restés  célèbres  : 

Quel  excellent  protecteur  que  Simâk  TAsadite,  quand, 
dans  la  plaine ,  Modar  combattit  ses  voisins  1 

Simâk  a  élevé  à  sa  famille  un  monument  de  gloire,  qui 
subsistera  jusqu'à  la  mort  ;  il  faut  se  bâter  de  faire  le  bien. 

Je  le  croyais  forgeron ,  comme  on  me  l'avait  appris  ;  au- 
jourd'hui les  étincelles  '  ont  cessé  de  jaillir  de  ses  vête- 
ments *. 

Pour  comprendre  l'allusion  contenue  dans  le  der- 
nier vers,  il  faut  savoir  qu'un  des  ancêtres  de  Simâk 
passait,  à  tort  ou  à  raison,  pour  avoir  le  premier 
travaillé  le  1er  parmi  les  Arabes.  Ses  descendants  gar- 
dèrent le  surnom  de  forgeron,  qualificatif  déshono- 
rant en  un  pays  où  les  arts  mécaniques  sont  profon- 
dément méprisés^.  Aussi  le  chef  Asadite parut-il  peu 
flatté  du  compliment.  «Mon  cher  Ahtal,  lui  dit-il, 
tu  as  voulu  me  louer,  et  tu  n'as  abouti  qu'à  faire  une 
satire;  tes  vers  vont  donner  de  la  consistance  à  de 

*  Que  fait  jaillir  le  forgeron  en  battant  le  fer. 

*  Divan,  223;  c'est-à-dire  que  le  surnom  de  forgeron  ne  lui  con- 
vient plus. 

'  Cf  Ag.,  V,  169. 


424  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

simples  bruits ^  »  Dans  la  suite,  les  contemporains 
d'Ahtal  lui  reprochèrent  ce  malheureux  vers  ^,  et  la 
postérité,  par  la  plume  dlbn  Qotaïba^,  semble  avoir 
confirmé  ce  verdict. 

De  retour  chez  ses  contribules ,  Alitai  passait  agréa- 
blement son  temps.  Un  jour  il  s'entretenait  avec  une 
femme  de  sa  tribu;  car,  observe  le  narrateur  musul* 
man ,  les  gens  du  désert  conversaient  publiquement 
avec  les  femmes  ^  et  ne  voyaient  en  cela  aucun  mad. 
Tout  en  conversant,  le  poète  puisait  dans  une  am- 
phore de  vin,  placée  devant  lui.  L'entretien  fut 
troublé  par  l'arrivée  d'un  tiers,  dont  la  présence 
prolongée  finit  par  peser.  Cependant  Ahlad  ne  savait 
comment  faire  comprendre  à  l'intrus  qu'il  était  à 
charge,  quand  ce  dernier  lui  en  fournit  l'occasion. 
Apercevant  des  mouches  au  fond  de  l'amphore,  il 
crut  devoir  en  avertir  Ahtal.  Celui-ci  répondit  par 
ce  distique  : 

Qu'est-ce  qu'ua  peu  de  poussière ,  un  brin  de  paille  ou 
des  mouches  sur  le  bord  de  mon  verre  ? 

Quand  j'ai  à  subir  im  quidam ,  sorti  on  ne  sait  d'où ,  dont 
la  présence  m'importune  ^  ! 

L'importun  comprit  et  s'éloigna  ^. 

»  Ag.,VII,  i84. 

*  Voir  plus  haut  l'incident  du  bain  de  Koûfa. 
^  p\yxJiJ\^  yXjsJl  t; !>»•>,  msc. ,  i64. 

*  Cf.  dans  Ag.,  VII,  les  notices  de  Gamîl  et  de  SijtySdx!\  ^J^\  pas- 
sim,  surtout  p.  120,  sqq.  Cette  liberté  s'étendait  également  aux 
Bédouines  musulmanes. 

*  Divan,  36 1. 

«  Ag.,VII,  i84. 


LE  CHANTRE   DES  OMIADES.  425 

On  connaît  le  penchant  du  poète  mésopotamien 
pour  la  satire.  Provoqué,  il  ne  laissa  jamais  longtemps 
attendre  une  réponse.  Il  lui  arriva  pourtant  d'hésiter  : 
une  femme  de  Taglib,  on  ne  sait  pourquoi,  faisait 
circuler  des  vers  où  il  était  fort  malmené.  Crut-il  cet 
adversaire  indigne  de  lui ,  répugna-t-il  à  répondre  à 
une  femme  de  sa  tribu,  ou  bien  se  souvint-il  en  cette 
circonstance  des  promesses  faites  solennellement  à 
son  curé  ^  ?  Toujours  est-il  qu'il  fit  venir  le  père  de 
laudacieuse  Bédouine  :  «  Père  de  Dalmâ ,  lui  dit-il , 
ta  fille  vient  de  composer  des  vers  contre  moi  ;  à  toi 
de-  larrêter  ;  sinon  il  me  faudra  aviser  !  —  Je  n  y  puis 
rien,  répondit  le  Taglibite,  ma  fille  n'est  plus  sous 
ma  dépendance.  »  Alors  seulement  Aljtal  composa 
les  vers  suivants  : 

Transmets  ceci  à  Aboù  Dalmà  :  la  lance  de  ton  poète  est 
bien  courte;   • 

Ses  coups  ne  portent  point.  Je  le  blesserais  ;  mais  cela  en 
vaut-il  la  peine? 

Que  seulement  je  le  rencontre ,  ayant  mes  armes  sur  moi  ! 
je  le  coucherai  sur  le  dos  sans  qu'il  ose  proférer  une  parole. 

Cette  fois  Aboû  Dalmâ  s  émut  :  accompagné  de 
plusieurs  notables ,  il  vint  trouver  le  poète  pour  ar- 
ranger laflairc.  Ce  dernier  ne  demandait  pas  mieux  : 
«  Ce  qui  est  passé ,  dit-il ,  est  passé.  Mais  qu'on  n'y 
revienne  pas  '^  !  » 

Entre  autres  usages  de  lage  d'ignorance,  les  con- 

• 

*  Cf.  Ag. ,  VII,  i83,  1.  3,  sqq.  Voir  aussi  plus  haut,  p.  112  de 
cette  élude. 

3  Ag.,  VII,  180. 


420  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

temporains  d' Ah  lai  avaient  gardé  le  goût  des  joutes 
poétiques,  appelées  monafara  et  mojâhara.  «C'était 
un  moyen  souvent  adopté  pour  terminer  des  contes- 
tations de  prééminence^.  »  Pendant  qu  Ahtad  rési- 
dait en  Mésopotamie,  il  fut  choisi  pour  présider  une 
de  ces  «  mofâhara  ». 

Les  deux  concurrents  «étaient  Aus  ibn  Magrâ  des 
Banoû  Sa^d  et  Nâbiga,  surnommé  Ga!dî,  pour  le 
distinguer  du  grand  Nâbiga  le  Dibianite.  Le  second 
excitait  surtout  l'intérêt.  S'il  n'atteignit  jamais  les 
deux  cent  vingt  ans  que  certaines  traditions  lui  ac- 
cordent trop  complaisamment ,  nous  sommes  obligé 
de  convenir  qu'au  moment  de  cette  joute,  il  devait 
être  presque  centenaire  2.  Poète  d'un  talent  incon- 
testable, il  n'avait  jamais  réussi  dans  le  genre  sati- 
rique. Tous  ceux  qu'il  attaqua,  observent  les  cri- 
tiques arabes ,  lui  répondirent  victoriei^*jement.  Ibn 
Magrâ,  beaucoup  plus  jeune,  était  loin  d'occuper 
dans  le  Parnasse  contemporain  le  même  rang  que 
son  rival ^.  Les  deux  poètes,  à  ce  qu'il  paraît,  avaient 
déjà  eu  à  la  «  réunion  de  Mina  »  une  lutte  poétique, 
terminée  à  l'avantage  d'Ibn  Magrâ.  De  retour  en  Mé- 
sopotamie, ils  résolurent  de  plaider  leur  cause  de- 
vant un  nouveau  jury,  dont  Ahtal  et  Ka^b,  fils  de 
GoVil ,  faisaient  partie.  Il  est  probable  que  le  premier 

*  C.- (le  Perceval,  Essai  ,11^  565.  Voir  chez  les  biographes  du 
Prophète  sa  mofâhara  avec  les  Tamimites. 

'  Contemporain  du  grand  Nâbiga ,  il  vécut  asslz  pour  célébra  le 
calife  de  la  Mecque,  'Abdallah  ibn  Zobaïr. 

3  Cf.  Ag./ïV,  i32,  1.  i5,  ^!  i  (Nâbiga)  lOs^  j-,!  j^  >J> 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  427 

n'avait  pas  encore ,  à  cette  date ,  composé  de  satire 
contre  Nâbiga  ^;  sans  cela,  on  comprendrait  avec 
peine  comment  son  impartialité  n  eût  pas  été  sus- 
pectée. Quoi  qu'il  en  soit,  le  vieux  poète  devait  en- 
core une  fois  prouver  qu'on  n'est  plus  heureux  ix  son 
âge,  il  fut  impuissant  à  parer  les  traits  de  son  jeune 
adversaire,  et  le  jury  décerna  la  palme  à  ce  dernier  ". 
C'est  alors,  selon  les  commentateurs,  qu'Ahtal  au- 
rait prononcé  les  vers  suivants  : 

Pendant  qu  au  milieu  des  miens  j'habitais  la  Mésopota- 
mie, malgré  la  distance,  il  me  revient  de  Mina  que  Ibn 
Magrà  a  triomphé. 

Je  vais  prononcer  entre  le  descendant  de  Ga'da  et  celui 
de  Sa'd  une  sentence  décisive ,  conforme  à  la  vérité. 

Aboû  Ga'da  ^  est  un  loup  vivant  de  rapines  :  (Tancêtre  de 
Aus)  *Auf  fils  de  Ka'b  l'emportait  depuis  longtemps  en  gé- 
nérosité*. 

.Ahtal  était  en  Mésopotamie,  quand  il  eut  con- 
naissance d'un  vers  de  Garîr  à  son  adresse  : 

Tu  ne  possèdes  ni  une  pierre  dans  le  Nagd ,  ni  un  vallon 
dans  le  Gaur  du  Tihàma. 

«Que  m'importe.^  riposta  l'ardent  Taglibite.  Le 
malheur  n'est  pas  grand,  car,  par  la  croix!  nous 
avons  le  droit ^  de  chanter^  : 

'  Comme  celle  de  la  page  1 9  2  du  Divan. 

^  Ag.,IV,  i3i,  i32,sqq. 

^  ÂjoO,  du  loup;  le  poète  joue  sur  le  ^û.««ô  deNâbiga. 

*  Divan,  281. 

^  Au  lieu  de  Jy±i\  J  ^,  je  lis  ^-î-^ • 
«  Ag.,  VÏI,  186. 


428  NOVEMBRE-DECEMBRE  1894. 

A  nous  la  terre  de  l'Iraq  et  son  fleuve,  où  l'on  voit  la 
nef  fendre  les  ondes. 

Quand  les  hommes  s'empressent  pour  la  distribution  des 
présents,  les  autres  n'ont  qu'une  source  de  gloire,  nous  en 
avons  deux. 

Tout  ce  qui  est  entre  Manbig  et  Gàf  dans  le  'Oman  nous 
est  soumis;  nos  possessions  sont  donc*  plus  étendues  (que 
celles  des  Banoû  Yarbou  J  \ 


XIII 

LA  CORPORATION  DES  nnÂWIAn. 

Avant  de  raconter  les  derniers  moments  du  poète, 
il  nous  reste  à  dire  par  quelle  voie  son  œuvre  nous 
est  parvenue.  A  cette  époque,  comme  de  nos  jours, 
la  connaissance  de  1  ecritui'e  était  loin  d'être  générale 
chez  les  Arabes  du  désert.  Quoique  Ahtal  lui-même 
paraisse  l'avoir  possédé.e^,  il  est  douteux  qu'il  ait  ja- 
mais songé  à  s'en  servir  pour  vulgariser  la  connais- 
sance de  ses  vers.  On  fait  la  même  remarque  sur 
son  contemporain  Dour  Romma^.  Mais  à  défaut  de 
l'écriture ,  il  y  avait  la  corporation  des  «  ràwia  » ,  réci- 
tateurs  ou  rapsodes,  avec  lesquels  il  nous  faut  main- 
tenant faire  connaissance. 

Parmi  les  rawia  se  groupant  autour  des  poètes  de 
renom,  il  y  avait  d'abord  ceux  qu'on  pourrait  appe- 
ler les  rapsodes  volontaires.  C'étaient  des  amis  du 
poète ,  des  admirateurs  de  son  talent  :  on  peut  affir- 

•  Divan,  307,  5.  Banoû  Yarboû',  famille  de  Garîr. 

*  Nous  l'inférons  de  Divan ,  2 1 6 ,  v.  5. 

^  a  JJ3  ja5^^  v^^3  'jV.  *^7^J  3^  u^-*  Ag.,  XVI,  1.  9. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  420 

mer  qu'en  général  tous  ses  contribules  se  faisaient 
un  point  d'honneur  de  posséder  et  de  faire  connaître 
les  inspirations  du  poète  de  leur  tribu.  Mais,  outre 
ces  râwia  de  circonstance,  il  y  en  avait  d'autres  at- 
tachés d'office  à  la  personne  du  poète  bédouin ,  ou 
à  une  famille  entière  où  le  talent  poétique  brillait 
d'une  façon  spéciale^.  Pour  j^lusietirs,  c'était  une 
sorte  de  métier,  un  gagne-pain,  parfois  même  une 
préparation  au  rôle  futur  de  poète  ^.  Quand  ce  der-' 
nier  était  riche,  sans  attendre  que  le  hasard  ou  la  re- 
nommée lui  amenassent  des  rapsodes,  il  s'entourait 
d'esclaves  chargés  de  recueillir  et  de  réciter  ses 


vers', 


La  corporation  des  râwia  est  ancienne  en  Arabie. 
Le  ft  Kitâb  ai-Agâni  »  nous  a  gardé  les  noms  de  plu- 
sieurs rapsodes  attachés  aux  vieux  poètes  antéisla- 
miques.  Celui  du  grand  A*iâ  était  un  chrétien  *Iba- 
dite  de  Hîra,  nommé  Jean,  fils  de  Mattâ*. 

Les  poètes  avaient  au  moins  un  de  ces  utiles  auxi- 
liaires ;  d'ordinaire  ils  en  avaient  davantage ,  comme 
c'était  le  cas  de  Garîr,  de  Fârazdaq  ^,  de  Kotaïyir  et 
de  bien  d'autres.  Fârazdaq  paraît  en  avoir  employé 
un  nombre  considérable;  l'Agânî  en  nomme  une 
dizaine. 

La  première  obligation  des  rapsodes  était  de  re- 

'  Ag.,  II,  46,  47. 

»  Ag.,VII,  78,1.6. 

^  Ag. ,  I,  53. 

*  Ag.,  VIII,79. 

'  Ag.,  IV,  54;  XIX,  i3,  26.36. 

IT.  28 


MtaiBBBM   «ATIOIALB. 


430  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

cueillir  les  vers  du  maître  auprès  duquel  ils  remplis- 
saient,  pour  ainsi  dire ,  les  fonctions  de  secrétaires.  Le 
Livre  des  Chansons  nous  représente  Garîr  au  moment 
de  rinspiration,  appelant  son  râwia  et  lui  dictant  des 
vers  K  Farazdaq  imposait  encore  d'autres  besognes 
aux  siens  et  les  faisait  coopérer  à  ses  nombreux  pla- 
giats. Entendait-il  réciter  des  vers  dont  le  tom*  ori- 
ginal lui  plaisait,  il  criait  à  son  rapsode  «  d ajouter 
cela  à  son  bagage  ^  ». 

Les  vers  recueillis ,  il  restait  un  autre  travail  non 
moins  important  :  celui  de  la  revision  et  de  la  ccn> 
rection  '.  L  art  de  la  versification  était  vulgaire  par- 
mi les  Bédouins.  Ce  serait  cependant  une  erreur  de 
croire  que,  dans  la  chadeiu*  de  Timprovisation,  il  n'é- 
chappât jamais  aux  bardes  du  désert  des  fautes  de 
langue  ou  de  prosodie.  Les  râ^via  enlevai^it  ces  lé« 
gères  taches ,  apprenaient  par  cœur  le  chef-d'oeuvre 
et  en  répandaient  la  connaissance. 

On  le  voit ,  l'aide  de  ces  modestes  auxiliaires  n'était 
pas  à  dédaigner;  parfois  môme  elle  devenait  indis- 
pensable. Le  poète  avait-il  un  extérieur  difforme,  la 
natu]*e  l'avait-elle  affligé  d'un  notable  défaut  de  langue , 
il  abandonnait  à  son  râwia  le  soin  de  réciter  ses  vers 
en  public  :  service  chèrement  payé,  car  souvent  3 
fallait  lui  abandonner  une  bcmne  partie  des  gratifi- 
cations ^. 


1  Ag.,  vn,  5o.  52. 

«  Ag.,  n,  91;  XVI.  116. 

»  Ag.,IV.  54. 

*  Ag.,  IV,  108;  XI,  i65. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  431 

Voici  un  fait  qui  pourra  donner  une  idée  de  la 
prodigieuse  mémoire  de  ces  récitateurs.  Un  jour,  en 
présence  du  calife  Walîd ,  Hammâd  le  rapsode ,  dont 
le  nom  est  venu  plusieurs  fois  sous  notre  plume,  se 
vanta  de  réciter  cent  qasidas  de  même  rime,  toutes 
tirées  des  poèmes  antéislamiques.  Le;  plus  étonnant, 
c  est  qu'il  exécuta  ce  tour  de  force  K  ^ 

Doués  de  beaucoup  de  mémoire ,  les  râwia  mari-^ 
quaient  trop  souvent  d'autres  qualités  non  moins 
précieuses.  En  général,  quand  ils  n  étaient  pas  es- 
claves, ils  appartenaient  à  la  classe  inférieure  des 
Arabes  :  affranchis  et  petits  vendeurs  ^.  Souvent  ils 
étaient  plagiaires  et  faussaires  :  ils  supposaient  des 
qasidas  ^  ou  s  attribuaient  sans  scrupule  la  paternité 
des  poèmes  confiés  à  leur  garde  ^.  Il  ne  fallait  guère 
compter  sur  leur  discrétion.  Le  maître  avait-il  débité 
dans  l'intimité  d'un  cercle  d'amis  des  vers  im  peu 
vifs  contre  un  personnage  puissant,  ils  n'avaient  rien 
de  plus  pressé  que  de  les  divulguer^.  Ames  trop  sou- 
vent vénales^,  l'ivrognerie  et  la  débauche  étaient  éga- 
lement dans  leurs  habitudes  ''. 

Tel  était  en  particulier  Garîr,  rapsode  de  Ahtal. 
Il  passait  son  temps  à  boire,  à  s'amuser  et  à  fréquen- 
ter des  femmes  suspectes.  Quand  son  patron  le  cher- 

1  Ag.,  V,  i64. 

•  Ag.,  Vn,  5o,  1.  17  et  18. 

^  Ag.,  pass.,  et  Jowrn,  cLsiat,,  1868,  II,  p.  256. 

*  Ag.,  V,  172. 

»  Ag.,  xni,  53. 

«Ag.,n,  46. 

'  Ag.,  V,  166,  170,  etc. 

98. 


432  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

chait,  on  lui  répondait  habituellement  que  Garîr 
conversait  avec  les  femmes.  Ahtsd  se  vengea  en  com- 
posant contre  lui  une  satire  ^. 

Lorsque  le  poète  Hotaïa  fut  sur  son  lit  de  mort , 
ses  proches  le  prièrent  de  faire  connaître  ses  dernières 
volontés.  «  Malheur  à  la  poésie  !  sécria-t-il,  eUe  est  à 
la  merci  des  râwias  infidèles  ^  !  »  Le  rapsode  Garîr, 
ivrogne  et  débauché,  devait  justifier  les  appréhen- 
sions du  poète  mourant. 

Dans  un  savant  article  publié  dans  le  Jouriud  asia- 
tique ^,  le  P.  Salhani  a  établi  que  le  manuscrit  d'Ah- 
tal  «  a  subi  en  plus  d'un  endroit  des  perturbations 
et  des  transpositions  assez  graves  ».  Le  docteur  Th. 
Nôldeke  est  encore  allé  plus  loin  et,  dans  le  Joarnal 
oriental  de  Vienne ,  il  déclare  qu'«  une  grande  partie 
de  ces  poèmes  s  est  perdue  ;  même  parmi  les  pièces 
coriservées,  il  ny  en  a  guère  qui  soient  complètes,  et 
dans  la  plupart  des  autres  poèmes  plus  étendus  il 
manque  des  morceaux  considérables  ».  Serait-^ce  té- 
mérité d*attribuer  à  Garir  une  part  de  responsabilité 
dans  ces  mutilations  et  ces  pertes  que  la  science  dé- 
plore ? 

XIV 

MORT  D'AHTAL. 

Cependant  Tâge  était  venu  avec  son  cortège  habi- 
tuel d'épreuves  et  de  tristesses.  Vers  les  dernières 

^  Divan,  p.  267. 

*  Ag..  U,  59. 

*  1893,  I,  627-537. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  433 

années  du  règne  de  ^Abdalmalik ,  le  grand  poète 
sentit  ses  forces  diminuer,  et,  diaprés  les  attestations 
des  contemporains,  consignées  dans  le  recueil  d'A- 
boûVarag  dlspahan,  ses  cheveux  et  sa  barbe  au- 
raient blanchi  de  bonne  heure  ^.  Mais  les  ans  res- 
pectèrent sa  beUe  intelligence  et  ne  diminuèrent  pas 
même  ses  instincts  belliqueux.  Ce  fut  dans  la  der- 
nière partie  de  sa  vie,  on  s  en  souvient,  qu'il  inter- 
vint dans  la  guerre  d'épigrammes  entre  Garir  et  Fa- 
razdaq. 

La  mort  du  grand  cidife,  son  protecteur  constant, 
lui  fut  d  autant  plus  sensible  que  Walid  ne  paraît 
pas  avoir  partagé  les  sentiments  de  son  père  à  Tégard 
du  «  chantre  des  Omiades  ».  A  partir  de  ce  moment, 
il  ne  fit  plus  que  de  rares  apparitions  à  la  cour,  où 
Ibn  ar-Riqâ*  le  remplaça  comme  poète  roysd^.  Le  si- 
lence commençait  déjà  à  se  faire  autour  de  son  nom. 
Pour  lui,  il  continua  à  cidtiver  les  muses.  Nous  en 
avons  comme  garants  les  panégyriques  composés  en 
rhonneur  du  nouveau  calife  et  appartenant  ainsi  aux 
dernières  années  du  poète.  Pour  la  vigueur  des  pen- 
sées et  le  coloris  du  style,  ils  peuvent,  croyons-nous, 
soutenir  la  comparaison  avec  les  œuvres  de  lage 
mûr. 

Il  faut  malheureusement  renoncer  à  fixer  une  date 
précise  dans  la  vie  d'Ahtal.  Nous  n'avons  pu  quïn- 
diquer  approximativement  Tépoque  de  sa  naissance; 
nous  ne  sommes  pas  plus  heureux  pour  la  date  de 

•  Ag.,  Vn,  38.  172. 

'  Cf.  sa  notice,  Ag.,  VIII,  179  sqq. 


434  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

sa  mort.  L  auteur  de  TAgânî,  qui  a  enregistré  avec 
tant  d  exactitude  Tannée  qui  vit  mourir  Parazdaq  et 
Garîr,  n  a  pas  pu  ou  n  a  pas  voulu  en  faire  autant 
pour  leur  émule  de  Tag^ib.  Nous  savons  seulement 
par  lui  que  lorsque  Ahtal  prit  parti  dan»  ia  querdlè 
des  deux  Tamimites,  elle  touchait  presque  à  sa  fin, 
que  lui-même  était  fort  âgé  et  n'avait  plus  longtemps 
à  vivre  ^.  D  autre  part,  il  paraît  établi  que  Ahtai  a 
atteint  le  règne  de  Walld ,  car  dans  les  trois  qasidas  * 
en  rhonneur  de  ce  prince,  il  lui  donne  les  titres  si- 
gnificatifs de  «  calife  »  et  d'«  imam  ».  De  l'existence 
de  ces  trois  panégyriques ,  nous  nous  croyons  auto- 
risé à  conclure  avec  le  P.  Salhani  que  Ahtal  vécut 
encore  pendant  les  trois  ou  quatre  premières  années 
du  nouveau  règne.  Ces  vers  fiirent  probablement  ré- 
cités dans  ces  solennités ,  où  chaque  année  le  cdife 
tenait  cour  plénière,  recevait  les  félicitations  des 
principaux  poètes  et  leur  distribuait  des  gratifications. 
Tout  cela  nous  amène  donc  à  fixer  Tannée  710 
comme  date  de  la  mort  d' Ahtal. 

Le  vieux  barde  vit-il  la  fin  du  règne  de  Walîd  ? 
Nous  ne  le  pensons  pas.  Pourtant  Ibn  *Abd  Rabbihi* 
nous  le  montre  assistant  à  une  soirée  chez  le  calife 
Solaïmân.  Dans  ce  cas,  il  faudrait  prolonger  son  exis- 
tence jusqu'en  7 16.  Mais,  outre  qu'on  ne  trouve  ja- 
mais dans  le  Divan  aucune  allusion  au  califat  de  So- 
laTmàn ,  il  est  impossible  de  concilier  cette  assertion 

»  Ag.,  38. 

'  Divan,  186,  202,  26^. 

>  ù^\  oJLjJi,  m,  170. 


.  LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  435 

de  lauteur  du  ColUer  avec  les  expressions  de  TAgânî, 
qui  nous  représente  Ahtal  à  la  fin  du  règne  de  ^Âbd- 
almalik  comme  étant  arrivé  au  terme  de  sa  carrière. 
Nous  avons  heureusement  pour  trancher  la  difficulté 
le  témoignage  de  Garîr  lui-même.  Walîd  lui  ayant 
demandé  ce  qu'il  pensait  de  son  ancien  rival  :  «  Sire , 
répondit-il,  le  fils  de  la  chrétienne  est  mort  avant 
d  avoir  pu  donner  toute  sa  mesure  ^  »  Si  ces  calculs 
sont  suffisamment  fondés  et  si  nous  avons  eu  raison 
de  mettre  sa  naissance  vers  6do,  Âhtal  aurait  de  la 
sorte  atteint  sa  soixante-dixième  année. 

Nous  supposons,  sans  être  autorisé  à  laffiirmer, 
que  la  mort  le  surprit  au  milieu  des  siens  en  Méso- 
potamie. Sur  ses  derniers  moments  nous  ne  possé- 
dons que  le  détail  suivant  :  Quelqu'un  lui  ayant  de- 
mandé s'il  n avait  pas  de  recommandations  à  faire, 
il  répondit  par  ces  deux  vers  : 

Je  recommande  à  Farazdaq  la  mère  de  Garîr  et  ses  ânons. 
Aboû  MMik  descend  dans  la  tombe  en  bravant  ses  enne- 
mis et  leur  rage  impuissante  *. 

G  est  tout  ce  que  les  chroniqueurs  musulmans  ont 
bien  voulu  nous  apprendre  sur  la  fin  du  grand  poète. 
Sachons-leur  gré  cependant  de  nous  avoir  conservé 
ce  dernier  vers ,  où  il  est  bien  permis  de  voir  un  défi 
lancé  à  Tislam  alors  dans  tout  Téclat  de  sa  prodigieuse 

^  Le  texte  original  (Ag.,  VII,  60)  est  bien  plas  énergique  :  U« 
ysjsJ]  ^^  (var.  fjlxi  ^  U)  »;Os-c»  ^  U  it^Jf^I  ^^\  ^JLJ  ^j^\ 

*  Divan,  372. 


436  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

expansion.  Sachons-leur  gré  surtout  de  nous  avoir 
dit  sans  ambages  qu'il  moiunit  dans  la  religion  chré- 
tienne ^.  La  chose  devait  être  bien  notoire  pour  que 
ces  écrivains  n'aient  pas  même  essayé,  comme  ils 
lont  fait  pour  d autres  iUustrations  chrétiennes,  de 
transformer  en  néophyte  de  la  foi  musulmane  1  au- 
teur de  la  satire  contre  les  Ânsars.  Ses  funérailles, 
comme  sa  mort,  furent  chrétiennes.  Un  vers  de  Ga- 
rir,  cité  plus  bas ,  y  fait  manifestement  allusion. 

«  Le  respect  de  la  mort,  si  profond  chez  certaines 
races,  n  exerce  pas  autant  d  empire  sur  les  Sémites 
ou  dû  moins  il  y  est  souvent  domine  par  la  vendetta^.  » 
Quand  donc  le  fils  de  Hatafâ ,  au  fond  du  Yamâma , 
apprit  que  la  mort  lavait  débarrassé  du  plus  redou- 
table de  ses  rivaux,  il  manifesta  sa  joie  et  composa 
une  satire  pour,  insulter  à  la  mémoire  de  son  ennemi. 
Nous  en  extrayons  ces  quelques  vers  à  titre  de  docu- 
ment : 

Aboû  Mcdik  a  visité  la  tombe;  jamais  plus  ignoble  visi- 
teur n*y  est  descendu. 

Elles  pleurent  sur  lui  celles  qui  sortent  le  soir  à  pas  comp- 
tés et  dont  les  poumons  exhalent  un  souffle  empesté'. 

Après  ce  vers  insolent,  vient  im  distique  absolu- 
ment immonde ,  puis  Garir  continue  : 

^  Hizâna,  I,  221. 

'  B.  de  Meynard,  Jonm.  asiat»,  i874f  II,  910. 

'  Voici  rinterprétation  de  ce  vert  d'après  le  Divan  msc.  de  /W 

rîr  (p.  21 1)  :  ^-û^  3-^  ^^1  ^-i  J^l#  f^y^  )^  (g^  f^^^ 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  437 

Les  filles  d*Âboû  Màlik  se  lamentent;  on  entend  retentir 
la  trompette  et  la  flûte  des  chrétiens. 

Pour  moi ,  j*ai  tressailli  en  apprenant  que  les  cavaliers  de 
Hodail^  avaient  surpris  le  campement  de  Taglib,  etc. .  •*. 

Il  y  avait  certes  peu  de  courage  à  attaquer  un  en- 
nemi que  la  mort  réduisait  au  silence.  Mais  le  Tami- 
mite  ne  dédaignait  pas  ces  revanches  faciles.  Quelques 
années  plus  tard,  il  apprit  également  la  mort  de  Fa- 
razdaq.  Â  cette  nouvelle,  il  improvisa  une  satire  dé- 
butant ainsi  : 

Farazdaq  est  mort  abreuvé  d*outrages  par  mes  vers;  il  eût 
mieux  valu  pour  lui  vivre  moins  longtemps  I 

Le  noble  Arabe,  chez  lequel  il  se  trouvait  pour 
lors,  se  montra  choqué  de  cette  joie  insolente.  «  Peux- 
tu  bien,  lui  dit-il,  insulter  un  homme  qui  nest  plus 
et  dont  la  famille  était  alliée  à  la  tienne  !  C'est  une 
élégie  que  tu  aurais  dû  faire.  Des  regrets  donnés  à 
la  mémoire  de  ton  rival  te  feraient  plus  d'honneur 
auprès  des  Arabes.  —  C'est  vrai,  répondit  Garîr,  je 
sais  d'ailleurs  que  je  ne  lui  survivrai  pas  longtemps, 
car  nous  étions  tous  les  deux  sous  l'influence  du 
même  astre*!  » 

Âhtal  laissait  plusie\u*s  enfants  des  deux  sexes. 
L'aîné  de  ses  fils,  on  s'en  souvient,  s'appelait  Mâlik; 
ce  qui,  d'après  l'usage  arabe,  valut  à  son  père  le 

*  FUs  de  Zofar;  il  avait  joué  un  rôle  actif  dans  la  guerre  de 
Qaïs.  • 

^  Divan  de  Garîr,  p.  an. 
^  Ag.,  XIX,  45;  Divan  de  Garîr,  334. 


438  NOVEMBRE-DÉGEMBRE  1804. 

surnom  d^Âboû  Mâlik.  Un  autre  de  ses  fils,  nommé 
Giât,  fut  tué  la  nuit  de  Bisr.  C  est  tout  ce  que  nous 
savons  sur  les  membres  de  la  famiUe  du  poète. 
Ils  ne  paraissent  pas  avoir  jamais  joué  un  rôle  pré- 
pondérant. 

XV 

LA  TRIBU  DE  TAGLIB  APRES  AHTAL. 

Le  premier  [fait  de  Thistoire  de  Taglib  après  ia 
mort  d'Âhtal  est  digne  des  plus  beaux  temps  du 
christianisme.  H  se  rapporte  au  règne  de  Walid  I*', 
probablement  aux  dernières  années  de  ce  prince. 
Le  chef  de  Taglib  ^  Sam^ala,  était  un  variant  guer- 
rier, homme  d^esprit,  poète  de  talent  et  non  moins 
bon  chrétien.  Malgré  cette  dernière  qualité ,  il  av&it 
ses  entrées  libres  à  la  cour,  tout  comme  son  compa- 
triote et  coreligionnaire,  le  poète  Â^tô,  objet  des 
constantes  faveurs  de  Walid  et  des  autres  Omiades. 

Un  jour  le  calife  lui  proposa  ou  mieux  lui  com- 
manda  impérieusement  d'embrasser  l'islam.  .Si  je 
le  Élis ,  répondit  le  fier  Arabe ,  ce  sera  non  sur  un 
ordre,  mais  librement  et  de  plein  gré.  »  Furieux  de 
cette  réponse ,  le  prince  ordonna  de  lui  couper  un 
morceau  de  la  cuisse ,  le  fit  cuire  devant  lui  et  intro- 

^  n  appartenait  à  cette  tribu,  et  non  à  cdle  des  JLJU5  ^ comme 
le  pense  M.  R.  Duval,  Joum,  asiat.,  1892,  I*  79*  note  1.  Cf.  Ag., 
X,  99;  Kâmil,  de  Mobarrad,  p.  Sad;  l^t  #U«J  tj}^}^  ç^US^ms. 
du  BritislFMuseum ,  Orientalia,  n*  2092,  fol.  22  recto,  et  d'antres 
auteurs  afiBrmant  tous  que  Sam*ala  était  TagKbite,  c^^JJ^»  Noat 
aurons  à  revenir  sur  cette  fréquente  confusion  entre  (^^  el  ofrAidr. 


LE   CHANTRE  DES  OMIADES.  430 

duire  de  force  dans  sa  bouche.  Mais  rien  ne  put 
ébmnler  la  constance  du  chrétien. 

A*sâ  eut  le  courage  de  célébrer  cette  mort  dans 
une  pièce  dont  TAgânî  nous  a  seulement  conservé 
deux  vers  ^  Le  martyrologe  de  Taglib  eut  sans  doute  • 
à  enregistrer  d'autres  noms  moins  illustres  et  pour 
ce  motif  n'étant  pas  parvenus  jusqu'à  nous. 

En  dépit  de  l'assaut  formidable  livré  à  la  tribu 
chrétienne  par  toutes  les  forces  qaïsites ,  elle  comp- 
tait toujours  parmi  les  plus  considérables  de  l'Arabie. 
Mais ,  à  partir  de  cette  époque ,  son  importance  va  di- 
minuant, n  en  devait  être  ainsi ,  étant  donnée  l'hosti- 
lité de  moins  en  moins  déguisée  des  populations  et 
du  pouvoûr.  Les  défections  religieuses  ont  dû  égale- 
ment se  multiplier;  témoin  le  «nisbat»  ^^JU3,  trop 
souvent  accolé  à  des  noms  franchement  islamites; 
comme  il  ressort  de  la  lecture  de  TAgânî,  de  Ta- 
barî ,  de  Balâdorî  et  d'ibn  al-Atîr,  à  propos  d'événe- 
ments appartenant  à  cette  période. 

Il  fut  probablement  ^  musulman ,  le  Taglibite  Hi- 
sâm ,  fils  de  *Amr^,  fixé  à  la  cour  du  calife  Mansoûr,  à 

»  Ag.,X,  99. 

^  Envoyé  dans  le  Sind ,  Hisâm  aura  comme  mission  principide  de 
s'assurer  de  la  personne  d*un  Alide ,  réfugié  dans  Tlnde.  Un  chrétien 
devait  avoir  moins  de  répugnance  pour  cette  besogne.  Sur  la  pré- 
sence d'Arabes  chrétiens  à  la  cour  des  Abbassides ,  voir  la  curieuse 
Correspondance  de  'Abdallah  bin  Isma*îl  avec  'Abdabnasih  le  Kindite 
et  l'intéressante  étude  de  Sir  W.  Muir,  The  apology  oj  al  Kindy, 
2*  édit.  (Londres,  1887,  p.  27  et  suiv.). 

'  Ainsi  que  ^^JiÂxJt  yyS^ji  «LLam^^  nommé  gouverneur  d'Adarbîgân 
sous  Mahdî  (Ibn  al-Atîr,  VI,  20,  1.  28).  Ce  cdife  n*aurait  jamais 
nommé  un  chrétien  à  ce  poste  important. 


# 

440  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

qui  il  offrit  un  jour  sa  sœur  en  mariage.  Le  prince  fut 
embarrassé  du  cadeau  ;  il  se  souvenait  du  vers  de  éarir  : 

Ne  cherche  pas  d^alliance  dans  Taglib  ;  celle  des  nègrea  est 
préférable. 

«  Si  la  Tag^ibite ,  se  dit  le  prince ,  me  donne  un 
enfant,  on  lui  jettera  ce  vers  à  la  figure.  »  Cepen- 
dant pour  reconnaître  les  bons  offices  de  3on  cour- 
tisan, il  lui  offrit  en  retoiu*  le  gouvernement  du 
Sind,  charge  où  Hisâm  donna  des  preuves  non  dour 
teuses  de  dévouement^. 

Musulman ,  il  Tétait  certainement  le  Taglibite^Âbd- 
arrazzâq ,  fils  de  ^Âbdalhamîd ,  chargé  de  commander 
pendant  Tété  de  1 77  ï expédition  sainte  annuelle^. 

Le  règne  de  Hâroûn  ar-Rasîd  est  loin  d*étre  exempt 
de  troubles.  Chaque  année  est  signalée  par  deux  ou 
trois  révoltes,  d'ordinaire  étouffées  dans  des  flots  de 
sang.  Ce  cadife  avait  préposé  aux  redevances  (c^U^X^) 
de  Taglib  im  certain  Roûh,  fils  de  SIdih,  officier  de 
larmée  de  Mossoul.  N'ayant  pu  tomber  d'accord 
avec  les  Tag^ites,  il  réimit  des  troupes  «et  marcha 
contre  eux.  Ils  le  prévinrent  et  le  massacrèrent  avec 
la  plupart  de  ses  soldats.  A  cette  nouveUe,  lefirère* 
de  Rouh  ramassa  des  forces  considérables ,  tomba 
sur  les  Banoû  Taglib ,  en  fit  un  affreux  massacre  et 
emmena  des  centaines  de  prisonniers  \ 

*  Tabarî,  3*  série,  p.  362,  suiv.  Ibn  al-Atîr,  V,  a4o. 
»  ftnd-Atir,  VI,  5o,l.  27. 

*  U  est  appelé  Hâtem  b.  Roûh. 

*  Ibnal-A^,  Vi,  4i. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  441 

Cette  boucherie ,  simple  fait  divers  dans  les  an- 
nales musulmanes,  eut  lieu  Tan  171  de  ITiégire^ 
Sept  ans  après  se  passèrent  des  événements  d*une 
nature  beaucoup  plus  grave.  Fatigué  de  la  tyrannie 
des  agents  du  gouvernement^,  un  chef  taglibite, 
Walîd,  fils  de  Tarif,  leva  Tétendard  de  la  révolte. 
Jamais  plus  redoutable  assaut  n  avait  ébranlé  le  trône 
des  califes^.  En  peu  de  temps  Walîd  eut  entraîné 
sur  ses  pas  une  multitude  d'Arabes  et  de  mécon- 
tents, défait  trois  grandes  armées  envoyées  contré 
lui,  pris  d'assaut  ou  rançonné  les  plus  importantes 
viUes  de  la  Mésopotamie  et  de  TArménie.  De  cette 
dernière  province  pénétrant  dans  l'Iraq ,  il  y  prome- 
nait la  dévastation.  Cette  fois  Hftroûn  trembla  sur  son 
trône. 

Sur  le  conseil  des  Barmécides ,  il  appela  le  Saïba- 
nite  Yazîd  bin  Maziad,  aussi  vaillant  capitaine  que 
courtisan  maladroit.  Le  calife  ne  l'aimait  pas  et  les 
Barmécides  non  plus  :  sous  le  règne  de  Hâdî ,  il  s'était 
compromis  dans  des  menées  tendant  à  exclure  Ra- 
sîd  du  trône  *.  Ce  qui  prouve  encore  plus  toute  la 
gravité  des  circonstances,  c'est  que  le  calife  sortit 

*  787  de  Jésus-Christ. 

'  A  la  bataille  où  il  trouva  la  mort,  Walîd  chantait  : 

Datns  son  édition  d'Agânî,  le  P.  Ssdhani  a  dû  changer  ^3^  en 
1^^^^  pour  ne  pas  effaroucher  la  censure  ottomane. 
'  Agâni  et  Ibn  Hallikân  l'appellent  ^;)>iL  j»t^ . 

*  Ibn  tl  Atir,  VI,  34;  Tabarî,  ffl,  748. 


442  NOVEMBRËDÉGËMBRË   1894. 

dut  résor  «  Doûl  fiqâr  »,  la  fameuse  épée  de  Mahomet , 
et  la  remit  à  Yazid  en  disant  :  «  Prends ,  avec  elle  tu 
triompheras  ^  » 

Plus  que  Doûl  fiqâr,  le  courage  et  les  talents  mi- 
litaires du  nouveau  général  devaient  inspirer  de  la 
confiance.  Yazid  ne  se  pressa  pas  d  attaquer  son  ad- 
versaire, n  commença  par  se  renfermer  dans  f  inao 
tion  la  plus  complète  ;  puis  il  lui  fit  savoir  que ,  Ka- 
bfite  comme  lui,  il  ressentait  pour  sa  cause  les  plus 
vives  sympathies.  La  ruse  réussit  et  déjà  les  parti- 
sans de  Walid  commençaient  à  se  disperser. 

Mais  à  Bagdad  les  Barmécides  le  dépeignaient  au 
csdife  somme  un  traître.  Le  prince  lui  ordonna  d  at- 
taquer sur-le-champ  le  chef  des  rebelles.  Yazid  obéit. 
La  lutte  fut  chaude.  Enfin,  dans  un  combat  singulier 
entre  les  deux  chefs,  Walid,  mortelleinent  blessé, 
tomba  de  chevad.  Ce  fut  pour  les  siens  le  sign^d  de 
la  déroute. 

Le  chef  tag^ite  avait  une  sœur  nommée  Fâria^; 
elle  raccompagnait  sur  les  champs  de  bataille,  cou- 
verte de  la  cuirasse,  le  casque  en  tête  et  la  lance  au 
poing.  Quand  la  vaillante  amazone  apprit  la  mort 
de  son  frère,  elle  se  précipita  au  milieu  des  batail- 
lons ennemis.  Yazid  s  élança  au-devant  de  la  Tagli- 
bite,  la  firappa  du  bois  de  sa  lance  et  lui  reprocha 


1  Ibn  Hallikân,  U,  376  (éd.  Boûlâq). 

*  On  Tappdle  encore  Fâ|ima  et  Laiiâ,  Walid  était-il  musulman  > 
Ya'qoûbî,  p.  496,  ajoute  à  son  nom  Tépithète  de  ûj^xm  -  désignant 
des  sectaires  musulmans.  D'autro  part,  Texhibitioa  de  Qodl  fic{âr 
£Kit  penser  à  une  «guerre  sainte •,  c'^est-à-dire  oon^  un  ùifddB, 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  443 

de  déshonorer  sa  race.  Elle  rougit  et  battit  en  re- 


traite. 


'  Quant  Fâria  eut  déposé  son  armure,  elle  pro- 
nonça sur  son  frère  cette  touchante  élégie  : 

ô  arbres  du  Giaboras,  pourquoi  reverdir,  comme  si  vous 
ne  pleuriez  pas  la  perte  du  fils  de  Tarif? 

Héros  n'aimant  de  provisions  que  ceUes  de  la  religion,  et 
de  richesaes  que  les  ëpëes  et  les  lances. 

Courage,  enfants  ^  de  T^anîl  la  mort,  je  le  vms,  s  attaque 
à  tous  les  honunes  nobles. 

Nous  t'avons  pleuré  comme  on  pleure  le  printemps.  Ob  I 
si  nous  avions  pu  te  racbeter  an  prix  de  mille  de  nos  cbefs '  I. . . 

A  la  nouvelle  de  cette  victoire,  il  y  eut  grande 
fête  à  la  cour  de  Rasîd.  Ce  prince  se  trouvait  alors 
au  Higâz.  Pour  montrer  à  Dieu  sa  reconnaissance, 
il  fit  la  visite  de  tous  les  sanctuaires  de  la  Mecque  *. 
Quand  Yazîd  se  présenta  au  palais,  il  fut  accueilli 
avec  les  plus  grands  honneurs.  Les  poètes  eurent 
ordre  de  le  chanter.  Le  célèbre  Moslim  bin  al-Walîd 
se  distingua  entre  tous  :  il  célébra  le  Saïbanite  en 
une  longue  qasîda  figurant  en  tête  de  son  Divan  *. 

^  Dans  ie  texte ,  il  y  a  le  dud. 

*  Cf.  Ag. ,  XI ,  9. 

'  Tabarî,  m,  638;  Ibn  al  Atîr,  VI,  53. 

*  Cf.  Ag.,  XI,  9.  —  Ibn  al  Âtîr,  VI,  4i  et  5i.  — Ibn  Hallikân, 
n,  236  et  274.  —  Tabarî,  El,  63i  et  638.  —  Ya*qoûbi,  496.  — 
Divan  de  Moslim  b.  cd-Wsdid  (éd.  de  Goeje,  i5).  —  Divan  de 
Hansâ,  173.  —  Uyi'y4f$)^  ms.,  etc. 

Wsdid  était-il  Ta^ibite?  Oui,  répondent  Ibn  al  Atîr,  le  ms.  de 
ïw)4^^b  et  cdui  de  la  Hmlr'  de  Bohtori  (ms.  de  Leyde,  p.  173); 
lAgânî  et  Ibn  Hallikân  le  disent  Saïbanite,  et  le  Divan  de. Moslim 
b.  fld-Wsdîd  est  assez  favorable  à  cette  ^inion.  Ibn  Hdlikftn  a  mani- 


444  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

La  mort  de  Walid  ne  pacifia  pas  la  M ésopots»nie; 
Le  pays  de  Mossoul  était  devenu  un  véritable  repaire 
de  brigands  et  de  révolutionnaires ,  et  le  gouverne- 
ment devait  y  entretenir  une  nombreuse  garnison, 
d'habitude  commandée  par  un  des  meilleurs  géné- 
raux de  l'empire.  Voisins  de  Mossoul,  les  Taglibites , 
croyons -nous,  furent  souvent  mêlés  à  ces  soulève- 
ments ^.  Â  la  fin ,  Hâroûn  se  résolut  à  Êdre  abattre  ses 
remparts ,  pour  empêcher  les  rebeUes  de  profiter  de 
cette  place  ^. 

festement  copié  rAgâm.  H  reste  donc  cette  dernière  aatorité.  Voici 
pourquoi  je  crois  devoir  -m'en  écarter  ici  : 

(a)  Étant  donnée  l'étroite  union  rdiant  les  membres  d'une  même 
tribu,  il  est  peu  probable  qu'en  une  circonstance  aussi  critique,  on 
ait  opposé  Saïbanite  à  Saîbanite.  Notre  version  se  comprend  mieux , 
les  B.  Saîban  ayant  toujours  été  des  <  cousins  •  assez  firoids  pour 
Taglib. 

(b)  Quand  on  désigna  Yazîd  pour  combattre  Wsdid,  un  poète 
(d'autres  disent  la  sœur  du  chef  rebdle)  chanta  : 

l^i*?  JÂiJ  {yAxi  J5I3 

c'est-à-dire  qu'à  Taglib,  fille  de  Wâîl,  on  opposa  Bakr,  la  seconde 
fille  de  Wâîl,  représentée  par  la  branche  principale  des  B.  Saibftn. 

(c)  Ibn  Hallikân,  d'après  un  auteur  plus  ancien,  place  la  famille 
de  Walîd  parmi  les  Arâqim,  clan  exclusivement  taglibite.  En  outre, 
parmi  ses  ancêtres,  il  en  cite  plusieurs  qui  sont  aussi  ceuxd'Ah|al; 
car  au  lieu  de  JJU  i^  yS  ^^  u^S*"  {^  ô;^  (^*  »  il  ^^^^  peut^tre 
lire  dJU  ^^yyS  ^Ji  ^Ubu»  ^^  Mi^^  ^^^,  (Voir plus  haut  la  généa- 
logie de  notre  poète.  ) 

(d)  Dans  l'àégie  de  Fftri'a,  on  cite  le  Ghaboras  sur  les  bords  du*» 
quel  habitaient  les  Qals  et  les  Taglib ,  à  l'exclusion  des  B.  Saibftn. 

^  Cf.  le  texte  du  géographe  Hamdftnî  :  »t ^.â  Jl«-^  ^^-^^  <J*e^ 
*^*J^*^  c/^t  p*  i33.  Ces  mots  de  «7JU3  ^  ï\y^  font  penser  à  l'eods- 
tence  d*un  groupe  de  Taglibites  indépendants  cantonnés  dant  1m 
montagnes. 

«  Ibn  dAttr,  VI,  So;  Tabarî,  lU,  6i5. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  445 

Ce  prince  avait  à  sa  cour  un  seigneur  tagiibite, 
nommé  Mâlik  bin  Tauq  bin  ^Âttàb^  En  naviguant 
sur  TËuphrate,  la  flottille  du  calife  arriva  à  un  en- 
droit où  des  roues  établies  sur  le  fleuve  détermi- 
naient un  courant  dangereux.  Mâlik  conseilla  à 
Hâroûn  de  descendre  sur  le  rivage.  Lavis  fut  heu- 
reusement pris  en  considération;  car,  quelques  in- 
stants après ,  la  barque  qui  avait  porté  le  souverain 
chavira.  En  reconnaissance ,  le  calife  céda  à  son  cour- 
tisan les  terres  environnantes  avec  le  droit  d  y  bâtir 
une  ville  portant  son  nom.  Ce  fut  lorigine  de  la  pe- 
tite cité  de  Rahba,  sur  TEuphrate,  au-dessous  de 
Circésium. 

Plus  tard  Mâlik  oublia  les  devoirs  d'un  bon  vassal. 
Hàroûn  le  fit  saisir  et  jeter  dans  les  prisons  de  Bag- 
dad. Il  allait  prononcer  sa  sentence  de  mort,  quand 
le  Taglibite,  poète  comme  le  sont  tous  les  Bédouins, 
improvisa  une  élégie  si  touchante  quelle  arracha 
des  larmes  au  calife ,  qui  le  renvoya  comblé  de  pré- 
sents ^. 

Sous  le  règne  de  Mamoûn,  Mâlik  agrandit  sa  pe- 
tite capitale.  C'est  ainsi  que  nous  interprétons  cer- 
tains historiens  affirmant  que  la  fondation  de*  Rahba 
appartient  au  règne  de  ce  calife.  Profitant  des  trou- 
bles qui  accompagnèrent  lavènement  de  Mamoûn, 
le  Taglibite  guerroya  vigoureusement  contre  ses  voi- 
sins Qaisites  et  en  quelques  mois  il  les  força  tous 

>  Le  v>^'  à^  (VII,  459)  dit  si9^,  au  lieu  de  v^»  à  torl 
selon  nous. 

'  Yâqoût,  II,  765. 

IV.  29 


446  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

à  reconnaître  son  autorité  ^  Motawakkil  le  nomma 
au  gouvernement  de  Damas.  Telle  était  sa  généro- 
sité qu'au  coucher  du  soleil  on  ouvrait  toutes  les 
portes  de  son  palais  et  les  passants  étaient  invités  à 
prendre  part  au  repas  de  Témir 2.  En  269  de  ITiégire, 
Rahba  fut  prise  par  Ibn  Âbi  Sàg,  et  Âhmad,fil8  de 
Mâlik,  qui  y  commandait,  dut  s  enfuir  en  Syrie  ^. 
Un  des  descendants  de  Mâlik ,  le  qàdi  Âboû  Moham- 
mad  ^Âbdalwahhâb  ^,  se  distingua  dans  la  jurispru- 
dence et  la  poésie  ^. 

Quelques  années  après  ^,  le  taglibite  Hasan,  fils 
de  *Omar,  fds  de  Hattâb,  bâtit  la  ville  appelée  de 
son  nom  «  Gazirat  ibn  *Omar  » ,  sur  TEuphrate.  Il  la 
gouverna  et  son  frère  Ahmad  après  lui.  Elle  passa 
ensuite  sous  Tautorilé  des  gouverneurs  de  la  Méso- 
potamie''. 

En  2  5/1,  Hasan,  arrière-petit-neveu  du  fondateur 
de  «  Gazirat  »,  à  la  tôte  de  forces  considérables,  dont 
faisait  partie  Hamdân ,  (ils  de  Hamdoûn ,  ancêtre  des 
émirs  hamdanites,  marcha  contre  le  fameux  chef 
de  rebelles  Mosâwir.  Il  ne  fut  pas  heureux  :  ses  sol- 
dats l'abandonnèrent  et  lui-même  se  sauva  à  grand* 
peine  ^. 

»  Ibn  al-Ath",  VI,  112. 

*  Ibn  Sâkir,  c»l«Vt  ot^,  U,  Ui. 

*  Ibn  sl'Aûr,  Vil,  i43;  Tabarî,  m,  aoSg,  i.  i5. 

*  De  Slane,  à  tort,  l'appcdle  (S:l^t  de  même  Aboû'l  fidâ  rattaclie 
MMik  b.  Tauq  à  U^. 

'  Ibn  Hidiikân  (éd.  de  Slane),  d23. 

*  260  deThégipe. 

'  Yâqoût,  n,  79,  et  Ïj^'j4  S;^»  ms. 
Ibn  ai-AtÎT,  VH,  66. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  447 

Six  ans  plus  tard,  les  gens  de  Mossoul  chassèrent 
leur  gouverneur  Âsâtikin ,  un  des  principaux  émirs 
turcs  au  service  du  calife.  Celui-ci  transmit  ses  droits 
au  taglibite  Haïtam  bin  ^Abdallah  bin  al-M o^ammar, 
qui  se  mit  à  la  tête  d'une  armée  pour  prendre  posses- 
sion de  son  gouvernement.  Après  de  nombreuses 
escarmouches  avec  les  gens  de  Mossoul,  il  fut  obligé 
de  se  retirer.  Asâtikin  s  adressa  alors  à  un  autre 
taglibite,  Isaac,  fils  d'Ayoub^  Quoique  à  la  tête  de 
20,000  hommes  et  ayant  avec  lui  Hamdân,  fils  de 
Hamdoûn ,  la  tentative  dlsaac  ne  réussit  pas  mieux 
que  la  première^. 

Ce  même  Isaac  eut  peu  de  temps  après  des  dé- 
mêlés avec  Isaac,  fils  de  Kondâg^»  aspirant  lui  aussi 
au  gouvernement  de  la  Mésopotamie.  Ces  démêlés 
aboutirent  à  des  luttes  armées  où  Ibn  Kondâg  em- 
ploya avec  un  égal  succès  la  trahison  et  la  force  ou- 
verte^. Enfin  le  taglibite  Isaac  forma  contre  son  ad- 
versaire une  coalition  où  entrèrent  Hamdân,  fils  de 
Hamdoûn ,  Témir  des  Saïbanites  et  une  foule  d'Arabes 
de  Taglib,  Bakr,  Rabfa  et  des  tribus^yéménites.  La 
fortune  de  la  guerre  tourna  cette  fois  encore  contre 
les  Taglibites  ^. 

En  Tannée  288 ,  Isaac,  fils  d'Ayyoub,  mourut  gou- 
verneur du  Diâr  Rabî^a  et  eut  pour  successeur  l'émir 

^  Frère  du  taglibite  Hasan  et  arrière-petit-neveu  du  fondateur  de 
Gazîrat. 

«  Ibn  al-Atîr,  VII,  96. 
»  Ou  Kondâgîq. 

*  Ibn  al-Atîr,  VII,  119;  Tabarî,  III,  1642. 

*  Ibn  al-Atîr,  Vil,  i3o;  Tabarî,  lU,  1991. 

29. 


448  NOVEMBRE-DÉCEMBRE   1894. 

taglibite  ^Abdallah  bin  al-Haïtam  bin  ^Abdallah  bin 
al-Mo*ammar  ^ 

Nous  l'avons  déjà  observé ,  le  gouvernement  des 
Abbassides ,  aux  tendances  très  centralisatrices  et  des- 
potiques ,  pesa  de  tout  son  poids  sur  ces  populations 
lidèles  et  dut,  de  la  sorte,  arracher  un  certain  nom- 
bre d'apostasies  individuelles.  Les  pages  précédentes 
en  ont  fourni  quelques  exemples. 

«  Les  chrétiens ,  dit  M.  Rubens  Duval ,  eurent 
particulièrement  à  souffrir  de  la  cruauté  du  calife 
Mansoûr.  Il  fit  périr  Isaac,  patriarche  d'Antioche, 
et  son  successeur  Athanase  Sandalius,  qui  avaient 
pourtant  été  élus  à  sa  demande.  .  .  Il  ordonna  de 
marquer  les  chrétiens  dun  fer  rouge  sur  le  cou,  le 
front ,  les  mains ,  la  poitrine  ou  les  épaules.  Un  grand 
nombre  des  habitants  cherchèrent  un  refuge  sur  le 
territoire  romain.  Il  était  difficile,  en  ce  temps  de 
persécution,  de  trouver  des  évêques^.  » 

Le  calife  M otawakkil  imagina  de  placer  des  dia- 
blotins en  bois  sur  les  portes  des  chrétiens;  il  fut 
interdit  de  leur  donner  un  emploi  public,  de  les 
admettre  dans  les  écoles  ;  leurs  tombes  furent  rasées 
et  ces  mesures  ridiculement  vexatoires  étendues  pçur 
édit  à  tout  lempire^. 

L'islamisme  —  nous  ne  sommes  pas  les  premiers 

^  Ibn  al-Atir,  VII ,  1 8 1 ,  où  le  nom  propre  ^.juu»  est  à  corriger  en 

'  Joai-n.  asiaU,  1892,  I,  p.  83.  Hâroûn  ar-Rasid  voulut  aussi 
prendre  quelques  mesures  contre  les  chrétiens.  Cf.  Tabarî,  IIÏ, 
712,  1.  19. 

*  Cf.  Ya'qoùbi,  59/4;  Ibn  al-Atir,  VU,  18  et  25. 


LE  CHANTRE   DES  OMIADES.  449 

à  le  constater  —  «  Tislamisme  est  la  plus  grande  puis- 
sance unificatrice  qui  ait  jamais  existé^  ».  Les  dévots 
«  cousins  »  du  Prophète  qui  régnaient  k  Bagdad, 
continuateurs  de  la  politique  religieuse  de  *Omar, 
souffraient  surtout  de  voir  des  populations  exclusi- 
vement arabes  professer  une  religion  différente  de 
fislam  et  ils  prirent  des  mesures  en  conséquence. 
Ainsi  Mahdî  força  les  Tonoûhites  établis  près  d'Alej 
à  se  faire  musulmans  ^. 

Cependant  les  écrivains  de  cette  époque  nous  re- 
présentent le  christianisme  comme  continuant  à  être 
la  religion  dominante  parmi  les  Banoû  Taglib  ^.  Du 
temps  de  'Amr  le  Nestorien,  ils  avaient  encore  des 
évêques ,  résidant  à  Ana  sur  fEuphrate ,  comme  nous 
favons  établi  plus  haut. 

Sous  le  règne  de  Motawakkil,  les  Banoû  Taglib 
furent  engagés  dans  une  guerre  assez  sérieuse  :  di- 
visions intestines  ou  luttes  avec  une  des  tribus  appa- 
rentées de  Rabfa?  Les  deux  suppositions  peuvent 
être  déduites  de  quelques  expressions,  malheureu- 
sement trop  laconiques ,  figurant  en  tête  de  certaines 
pièces  du  Divan  de  Bohtorî.  Ce  poète,  issu  de  Taïy, 
était  par  les  femmes  parent  des  Taglib ,  qu  il  appelle 
ses  «  oncles  ^  ».  Peut-être  pour  cette  raison  engagea-t-il 
Fath ,  fils  de  Haqân ,  le  confident  de  M otawakkil  ^,  à 


'  Phil.  Berger,  L Arabie  avant  Mahomet  d'après  les  inscriptions. 

«  Balâdorî,!,  i45. 

*  C.  de  Perceval,  Essai,  III,  524. 

^  Divan  de  Bobtori  (éd.  de  Constantinople) ,  p.  3,  ].  ii. 

'  Cf.  Ya'qoûbî*  p.  6o5,  1.  5. 


450  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

pacifier  la  malheureuse  tribu  et  à  obtenir  pour  elle 
da  calife  Toubli  du  passé  ^  L  mtervenlion  de  Fath 
fut  couronnée  de  succès  et  Bohtorî  en  prit  occasion 
pour  remercier  le  souverain  d'avoir  mis  fin  à  ces 
luttes  fratricides  où  : 

La  jeune  mariée  repoussait  dédaigneusement  son  époux , 
revenant  le  soir  partager  sa  couche ,  sans  avoir  pris  Mi  re- 
vanche ; 

Haine  rappelant  Tâge  d'ignorance ,  fierté  digne  d*ime  fille 
de  Kolaïb ,  devant  laquelle  des  guerriers  ne  peuvent  demeurer 
indifférents  '. 

Le  tout-puissant  favori  n'était  pas  non  plus  oublié 
et  son  intervention  pacificatrice  était  célébrée  en 
termes  magnifique)  : 

Fils  de  Taglib,  quelle  peine  je  ressens  en  voyant  votre 
patrie  déserte  ! 

Les  habitants  ont  abandonné  le  pays  ainsi  que  les  campe- 
ments de  Sangâr,  abreuvés  par  la  pluie  4 . . 

Malgré  sa  sévérité  à  punir  de  pareils  méfaits,  le  prince 
des  .Croyants  a  oublié  vos  torts. 

Et  (conduite  digne  du  Commandeur  des  fidèles)  il  vous' a 
de  nouveau  comblés  de  bienfaits. 

L*intervention  du  fils  de  HaqÂn  a  été  pour  vous  ce  qa*est 
la  pluie  à  une  terre  brûlée  par  la  sécheresse. 

Tu  as  sauvé  les  Arâqim  '  après  qu*un  redoutable  aerpent 
leur  eut  instillé  le  plus  subtil  des  poisons. 

Avec  la  paix  tu  leur  as  assuré  ce  qui  leur  restait  de  vie, 
avant  que  la  guerre  n'eût  achevé  leur  perte. 

*  Voir  le  titre  de  la  pièce  de  la  page  37. 
'  Divan  de  Bohtorî,  p.  3. 

^  Surnom  de  plusieurs  familles  taglibites;  il  désigne  ici  tout 
Taglib;  le  poète  s'adresse  à  Fath. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  451 

Leurs  députés  reconnaissants  sont  venus  te  remercier  des 
bienfaits  dont  tu  n  as  cessé  de  les  combler. 

Non  I  jamais  je  ne  vis  de  spectacle  plus  imposant  que  le 
jour  où  de  toutes  parts  ils  assiégèrent  ta  porle. 

Au  bout  de  là  salle  d^audience,  dès  qu'ils  t'aperçurent,  ils 
ralentirent  leurs  pas  et  modérèrent  Tardeur  avec  laquelle  ils 
étaient  entrés. 

Mais,  après  les  premières  salutations,  ils  se  précipitèrent 
sur  cette  main  rayonnante,  habituée  à  répandre  des  bien- 
faits \..  . 

Les  Taglibites  ne  jouirent  pas  longtemps  de  la 
tranquillité  relative  que  cette  paix  leur  assurait.  La 
moyenne  Mésopotamie,  trop  voisine  de  Bagdad, 
allait  devenir  une  arène  sanglante ,  où  se  videraient 
les  querelles  des  émirs  turcs,  persans,  kurdes  et 
arabes,  tous  avides  de  commander  au  successeur 
nominal  de  Mahomet.  D'ailleurs,  resserrés  entre  les 
tribus  plus  sédentaires  de  Qaïs  et  de  Modar,  qui  oc- 
cupaient les  cantons  les  plus  fertiles  2,  ils  quittèrent 
sans  trop  de  regrets  les  déserts  mésopotamiens.  Une 
fraction  resta  fixée  autour  des  centres  taglibites  de 
Rahba  et  de  Ciazîrat  ibn  *Omar^.  Une  autre  fraction 
se  retira  peut-être  sur  les  terres  grecques,  comme 
avaient  fait  les  tribus  chrétiennes  de  Gassân,  To- 
noûh  et  Yâd. 

Les  Taglibites  eux  aussi,  on  s'en  souvient,  avaient 


'  Divan  de  Bohtorî,  38;  Magânî'i  adab,  V,  i/i6. 

*  Ag.,  XI,  1.  3,  /|. 

^  A  propos  d'un  événement  arrivé  en  2  5 1  de  l'hégire  (  865  de  J.-C), 
la  région  du  Chaboras  est  toujours  désignée  du  nom  de  ^^L-^  ^^t 
Ujo.  Cf.  Tabarî,  ÏU.  i6i5,  7. 


452  NOVEMBRE-DÉCEMBftE  1894. 

autrefois  pris  ce  parti,  quand,  sous  le  calife  *Oinar, 
on  voulut  violenter  leur  conscience  ^. 

Quoi  qu'il  en  soit ,  au  commencement  du  x*  siècle , 
nous  trouvons  les  principaux  clans  taglibites  fixés 
dans  le  Bahraïn,  leur  pays  d'origine,  quils  avaient 
quitté  à  Tépoque  préislamite  poiu*  s'établir  sur  les 
rives  de  TEuphrate  et  du  Ghaboras.  Ils  y  rencontrè- 
rent les  deux  puissantes  tribus  de  Solaïm  et  des  Ba- 
noû  *Oqaïl  bin  Amir  bin  Sa*sa*a.  Les  auteurs  que 
nous  analysons  ajoutent  qu'ils  les  surpassaient  de 
beaucoup  en  nombre  et  en  importance  f  preuve  évi- 
dente  qu'en  dépit  de  leurs  malheurs ,  les  contribules 
d'Ahtal  formaient  encore  une  nation  respectable. 

Gomme  tous  les  Arabes  du  Bahraïn,  ils  furent 
bientôt  enveloppés  dans  la  révolution  des  Garma- 
thés,  dont  celte  province  était  le  quartier  général*. 
Servant  comme  auxiliaires  dans  leurs  armées,  ils 
prirent  part  à  la  plupart  de  leurs  expéditions  mili- 
taires. Avec  eux  ils  allèrent  à  la  Mecque,  et  sans 
doute  ils  ne  furent  pas  les  moins  ardents  à  brûler  la 
Ka^ba,  à  briser  la  pierre  noire  et  à  souiller  le  puits 
de  Zimzim  ^.  Plus  d'un  Taglibite  dut  répéter  dors  ie 
vers  d'Ahtal: 

Nous  avons  foulé  les  sanctuaires  de  la  Mecque  et  entasse 
montagnes  sur  montagnes  ^. 

*  Ibn  Haldoûn,  Histoire  arabe  (éd.  de  Boulâq),  IV,  337,  où,  au 
lieu  de  t^JL^â,  Talab,  il  faut  parlout  lire  w«.iL»:r,  Taglib. 

'  Ibn  Haidoûn,  loco  cit.,  p.  91. 
^  Ibn  Haldoûn,  IV,  100. 

*  Divan,  5o,  4. 


LE  CHÂNTRË  DES  OMIÂDES.  453 

Circonstance  remarquable  :  pendant  qu  ils  com- 
battaient dans  les  rangs  de  Tarmée  carmathe ,  leurs 
frères,  les  Hamdànites,  commandaient  les  troupes 
opposées  par  le  calife  à  ces  révolutionnaires^. 

A  la  fin  de  la  tourmente  soulevée  par  les  héré- 
tiques carmathes ,  les  Arabes  du  Bahraïn  reconqui- 
rent leur  indépendance ,  mais  ce  fut  pour  se  diviser^. 
Les  Banoû  Taglib  se  souvinrent-ils  de  Tinjuste  guerre 
que  leur  avaient  faite  les  Solaïmites  sous  la  conduite 
du  farouche  ^Omaïr,  fils  de  Hobâb?  Toujours  est-il 
que,  s  unissant  aux  Banoû  ^Oqaïl,  ils  les  obligèrent 
à  quitter  le  Bahraïn.  Les  Solaïmites  passèrent  en 
Egypte  et  dans  les  contrées  de  Tunis  et  d'Algérie, 
où  ils  forment  encore  le  fond  de  la  population 
arabe  ^. 

Mais  Tunion  avec  les  Modarites  de  *Oqaïl  ne  pou- 
vait être  durable.  Les  Banoû  Qosaïr  *,  les  Banoû 
Kiiâb ,  tribu  du  trop  fameux  Zofar,  étaient  étroite- 
ment apparentés  aux  ^Oqaïlites  et  comme  eux  issus 
de  *Amir  bin  Sa'sa^a.  Aussi  le  désaccord  ne  tarda-t-il 
pas  à  se  mettre  entre  ces  alliés  d'occasion.  Com- 
mandés par  la  famille  princière  des  Banoû  Abî'l 
Hasan^,  les  Taglib  expulsèrent  du  Bahraïn  les 
hordes  *oqaïlites  et   les   obligèrent   à  se  répandre 


'  Ibn  Haldoûn,IV,  87,  1.  3. 
*  Ibid,,  91. 

^  Ibn  Haidoûn,  Hist,  des  Berbhes  (éd.  de  Slane],  I,  28. 
^  A  la  bataille  de  Mâkisîn,  un  Qosairite  avait,  le  premier,  donné 
l'exemple  d'éventrer  les  femmes  taglibites. 
'  Ibn  Haidoûn,  loco  cU,,  92 ,  1.  21. 


454  NOVEMBRE-DËCËMBRE  1894. 

dans  l'Iraq  et  les  pays  de  TEuphrate  dont  ils  s'em- 
parèrent ^ 

Profitant  des  troubles  de  cette  époque  et  de  ia 
supériorité  incontestée  de  sa  tribu ,  un  chef  tag^- 
bite^,  nommé  Osaïgir,  maître  dune  partie  de. la 
Mésopotamie,  osa  intercepter  la  caravane  des  p^e- 
rins  de  la  Mecque. 

Pendant  que  les  Taglibites  lassaient  en  maîtres 
dans  le  Bahraïn,  leurs  frères,  les  Banoù  Hamdân 
bin  Hamdoûn,  étendaient  leur  domination  depuis 
Mossoul  jusqu'à  Hamâ,  et  Homs,  depuis  les  rives 
du  Tigre  jusqu'à  celles  de  l'Oronte.  Nous  n'avons  pas 
ici  à  refairei'histoire  de  cette  puissante  dynastie  ;  on 
la  retrouvera  dans  les  annalistes  et  chronic[ueurs  du 
temps  ^.  Autour  d'eux  s'était  fixé  un  groupe  impor- 
tant de  Banoù  Taglib.  Vers  cette  même  époque, 
d'autres  clans  taglibites  plus  ou  moins  considérables 
sont  signalés  le  long  du  Ghaboras  par  Ibn  Hauqal^ 
et  Hamdânî  ^. 

La  dynastie  hamdànite  périt  sous  les  coups  des 
Arabes  de  ^Oqaïl.  Après  leur  expulsion  du  Bahraïn, 
ces  nomades  s'étaient  établis  près  de  l'Euphrate  et 
dans  les  déserts  séparant  ia  Mésopotamie  de  la  Syrie* 

>  Ibn  Haldoûn,  91,  et  v^t  <^L>^\  îLJyjut  i  oJ^!  i^tt^J,  ma. 
arabe  n**  655,  f  i38  r^  de  la  Bibliothèque  nationale. 

*  Ibn  Haldoûn,  loco  cit,,  101,  1.  21.  Nous  lisons  (^J^  au  lieu 
de  cS!^^  notre  auteur  ayant  l'habitude  de  confondre  les  deux  tri- 
bus. De  même,  p.  2  43,  le  hamdànite  i-JU?  ^t  devient  chex  lui  ^^t 

ù.  Celle  de  uJLid(  a  toujours  joué  un  rôle  fort  effacé. 

>  Mas*oûdî,  Ya*qoi!d>î,  Ibn  Hddoûn,  Tabarî,  Ibn  al-Âtîr,  etc. 

*  P.  149. 

'   P.    l32. 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  455 

Longtemps  ils  payèrent  tribut  et  fournirent  des 
auxiliaires  aux  armées  des  émirs  hamdanites.  Enfin , 
profitant  de  la  faiblesse  des  derniers  représentuits 
de  cette  famille  taglibite,  ils  se  révoltèrent  et  par- 
vinrent à  leur  enlever  la  souveraineté  ^ 

A  son  tour,  la  puissance  ^oqaïlite  fut  obligée  de 
reculer  devant  les  Seljoucides,  qui  la  refoulèrent  du 
côté  du  Bahraïn.  Dans  Imtervalle,  les  Ta^ib,  pour 
des  causes  ignorées  de  nous  ^,  avaient  beaucoup 
perdu  de  leur  importance.  Les  ^Oqaïlites  les  rédui- 
sirent facilement  à  la  condition  de  tributaires  et  ils 
Tétaient  toujours  vers  Tan  65 1  de  Thégire  (ia&3 
deJ.-C.3). 

A  cette  époque  ce  qui  restait  de  Taglib  s'était- frac- 
tionné en  plusieurs  parties.  La  principale,  croyons- 
nous  ,  se  répandit  dans  le  désert  de  Syrie.  Sans  doute , 
depuis  leur  séjour  dans  le  Bahraïn,  le  christianisme 
s'était  complètement  éteint  parmi  eux,  aucun  autre 
culte  que  f  islam  n'étant  depuis  ^Omar  toléré  dans 
la  péninsule  arabique. 

^  Ibn  Haldoûn,  Histoire,  IV,  2  54,  suiv.On  cite  d'un  des  princes 
de  la  dynastie  *Oqaïlite  une  parole  vraiment  digne  d'un  chef  bé- 
douin : 

Gf.  i^ï^^t  J^\ôJJ^  JL^^U.^)  J^oJi  £;b,  p.  39,  lithographie  au 
Caire,  i3o6  de  l'hégire. 

'  Peut-être  la  dispersion  d'une  partie  de  la  tribu.  L'établisse- 
ment des  «  Farasân  *  dans  le  Yémen  a  dû  avoir  lieu  vers  cette 
époque. 

'  Ibn  Haldoûn,  IV,  91,  et  v*^^t  itdiUj,  ms.  cité  plus  bant. 


456  NOVEMBRE-DËCEMBRE  1894. 

C'était  du  moins  le  cas  pour  les  Farasân,  sous- 
tribu  de  Taglib,  établis  à  Farasân,  groupe  d'îles  de 
la  mer  Rouge  sur  la  côte  yéménite  du  Tihâma, 
entre  Djedda  et  Hodaïda^  Ils  avaient  été  chrétiens, 
disent  les  géographes  arabes,  et  dans  ces  iles  on 
voyait  encore  les  ruines  de  plusieurs  églises.  Atti- 
rées par  leur  réputation  de  courage,  plusieurs  autres 
familles  arabes  étaient  venues  les  joindre.  Ils  s'oc- 
cupaient de  transporter  les  voyageurs  en  Abyssinie  2. 

En  681  (1 282  de  J.-C),  près  de  Homs,  lesTatars 
livraient  bataille  aux:  troupes  musulmanes.  lis  al- 
laient l'emporter  quand  les  Banoû  Taglib,  sortant 
d'une  embuscade  préparée ,  mettent  le  désordre  dans 
leurs  rangs  et  les  obligent  à  la  fuite  ^  ;  circonstance 
d'où  il  nous  paraît  permis  de  condure  que  les  Tag- 
lib formaient  encore  luie  masse  importante. 

Leur  présence  en  Syrie  vers  cette  époque  est  éga- 
lement attestée  par  Qalqasandi  *.  Cet  écrivain  si- 
gnale des  fractions  de  cette  tribu  à  Bosrâ  (Haxu^n), 
à  Zora'^  et  à  Qariataïn ,  localité  sur  la  route  de  Homs 
à  Palmyre. 

A  partir  du  xv*  siècle,  je  n'ai  plus  retrouvé  ie 


^  Voir  la  carte  du  lieutenant-colonel  Chesney  :  A  map  oj  Arahia 
and  Sjrria, 

*  Hamdânî,  p.  53;  Yâqoût,  III,  874. 

^  Hist.  des  Dynasties  de  Barhebreus  (éd.  Salhâni),  p.  5o4.  Ni 
Aboû'i  fédâ  (lY,  i5]  ni  j^^^^JL  ^;b  (II,  379)  ne  signaient  la  pré- 
sence  des  B.  Taglib.  Ce  silence  est  étrange. 

*  f^ù^'H]  ^uo,  ms.  p.  227. 

^  Localité  dont  il  m'a  été  impossible  de  retrouver  la  position, 
à  moins  qu*ii  ne  fiedlie  lire  ïjJLi  (Haurân). 


LE  CHANTRE  DES  OMIADES.  457 

nom  de  la  tribu  d'Athal  dans  les  documents  à  ma 
disposition.  J  ai  vainement  essayé  de  combler  cette 
lacune.  Directeur  du  journal  arabe  Al  Bachir  de 
Beyrouth,  je  fis  dans  ses  colonnes  un  appel  aux  lec- 
teurs ,  les  priant  de  me  transmettre  «  les  renseigne- 
ments qu'ils  posséderaient  sur  la  situation  actuelle 
ou  sur  la  disparition  de  la  tribu  arabe  chrétienne 
des  Banoû  Taglib  ».  Cet  appel  parut  une  fois  dans 
le  journal.  A  sa  réapparition ,  la  censure  turque  s'émut 
et  elle  supprima  ces  lignes  évidemment  compromet- 
tantes. Sachant  par  expérience  que  les  mots  ara6e  et 
chrétien  ont  le  don  d'agacer  nos  farouches  censeurs, 
je  remaniai  mon  appel  en  ce  sens  et  six  mois  après, 
dans  le  même  journal,  j'essayai  une  nouvelle  tenta- 
tive pour  obtenir  des  informations  sur  la  tribu  dis- 
parue. La  censure  veillait  toujours  et  elle  arrêta  au 
passage  cette  indiscrète  demande  de  renseignements. 

Le  P.  Louis  Cheikho  ^,  si  compétent  dans  les 
questions  concernant  l'histoire  des  tribus  arabes,  ne 
croit  pas  cependant  à  la  destruction  complète  de 
cette  intéressante  peuplade.  Il  m'assure  même  que 
le  British  Muséum  possède  un  catalogue  des  tribus 
arabes  actuelles,  rédigé  au  commencement  de  ce 
siècle  et  mentionnant  Taglib  comme  une  tribu  en- 
core puissante. 

Quoi  qu'il  en  soit,  mes  recherches  dans  plusieurs 
ouvrages  modernes  et  dans  les  relations  des  explora- 
teurs européens  n'ont  pas  abouti.  Je  n'ai  rien  trouvé 

^  Je  lui  dois   la  communication  de  plusieurs  textes  intéressants 
qui  ont  servi  a  la  rédaction  de  ce  chapitre. 


453  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

non  plus  dans  les  copieux  index  du  Snrvey  of  JVes- 
tern Palestine f  ni  dans  la'Notijce  sur  les  tribus  arabes  de 
la  Mésopotamie  parue  dans  le  Journal  asiatique  ^,  ni 
dans  la  Description  du  pachalik  de  Bagdad,  par  Rous- 
seau. Ce  dernier  auteur,  en  parlant  de  A^na ,  pendant 
plusieurs  siècles  siège  d'un  évâché  taglibite,  nous 
apprend  que  «c'est  un  joli  village  sur  TEuphrate, 
presque  tout  peuplé  d'Arabes ,  auxquels  les  agréments 
du  lieu  semblent  avoir  communiqué  un  airplus  gra- 
cieux que  ne  l'ont  ceux  qui  habitent  le  i*este  du  pays  ». 

J'ai  seulement  ouï  dire  à  des  personnes  ayant 
longtemps  fréquenté  les  nomades  du  Hauran  et  du 
désert  de  Syrie  que  ces  derniers  leur  ont  parié  dune 
horde  arabe  plus  ou  moins  chrétienne,  établie  sur 
les  confins  du  Na^d,  vers  le  golfe  Persique,  et  qua- 
lifiée du  nom  de  «  motanassira  »• 

«Depuis  les  frontières  syriennes,  dit  Palgrave, 
jusqu'aux  vallées  du  Nedjeb ,  on  rencontre  une  tribu 
fort  étrange,  partout  la  même,  partout  distincte  des 
autres  clans  et  bien  connue  des  habitants  du  désert. 
Ce  sont  les  Solibah  dont  le  nom  même,  dérivé  du 
mot  salib  qui  signifie  «  croix  » ,  semble  indiquer  Ton- 
gine  chrétienne.  D'autres  preuves  viennent  au  reste 
confirmer  cette  supposition  ;  ainsi  jamais  ils  ne  pren- 
nent part  aux  guerres  et  aux  disputes  des  nomades; 
jamais  ils  ne  contractent  avec  eux  de  mariages  ni 
d'alliances;  ils  vivent  principalement  de  chasse. 
Quoique  l'influence  du  christianisme  sur  eux  soit 

'  1879,  I,  255 1  suir. 


L£  CHANTRE  DES  OMIÂDËS.  459 

presque  effacée,  ils  gardent  encore  un  des  signes 
distinctifs  de  notre  croyance,  une  antipathie  pro- 
fonde contre  le  mahométisme ,  dont  ils  ne  se  con- 
tentent pas  de  négliger  les  rites ,  comme  la  plupart 
des  Bédouins,  mais  qu'ils  désavouent  hautement.  » 

Malheureusement  les  lignes  suivantes  du  voya- 
geur anglais  ne  permettent  guère  de  rattacher  les 
Solibah  aux  Banoû  Taglib.  «  Evidemment,  continue 
Palgrave,  ils  n'appartiennent  pas  au  tronc  arabe. 
D'après  leurs  propres  traditions,  ils  seraient  venus 
du  Nord ,  et  ils  ont  en  effet  plus  de  ressemblances 
avec  les  Syriens  qu'avec  les  Arabes  :  les  traits  de  leur 
visage ,  la  blancheur  de  leur  peau ,  leur  insouciante 
gaieté  forment  un  contraste  frappant  avec  la  sombre 
et  inquiète  physionomie  des  autres  nomades  ^  » 

Des  recherches  ultérieures ,  nous  osons  l'espérer, 
seront  plus  heureuses;  et  l'un  de  nos  confrères,  en 
secouant  la  poussière  des  manuscrits,  nous  donnera 
bientôt  de  plus  amples  détails  sur  les  Banoû  Taglib 
depuis  le  xvi*  siècle  ^.  Il  pourra  sans  doute  confirmer 
l'existence  de  cette  tribu  ou  nous  dire  quand  et  com- 
ment elle  a  disparu  de  la  scène  de  l'histoire. 

^   Une  année  de  voyage  dans  l'Arabie  centrale,  I,  i?>']. 

'  Antérieurement  à  cette  époque ,  les  éléments  de  Thistoire  tagli- 
bite  sont  épars  dans  les  chroniques  arabes ,  éditées  pour  la  plupart , 
les  plus  importantes  du  moins.  Dans  ce  chapitre,  nous  n'avons  pré- 
tendu donner  qu'une  esquisse ,  poser  quelques  jalons ,  sauf  à  com- 
pléter plus  tard  le  travail ,  si  les  circonstances  nous  sont  favorables. 


460  NOVËMBRE-DÉCEMBRE  1894. 


DESCRIPTION  DE  DAMAS, 

PAR 

H.  SAUVAIRE, 

CORRESPONDANT  DB  L'INSTITUT. 

(suite.) 


CHAPITRE   V. 


Sur  les  madraseh  des  Mâlekîtes. 

La  [madraseh  la]  Zâwyeh  [mAlékîte].  —  C'est  un 
waqf  du  sultan  Salâh  ed-dîn.  Elle  est  contiguë  à  ia 
inaqsoârah  hanafite ,  du  côté  ouest  de  la  grande-mos- 
quée omayyade. 

Les  leçons  y  furent  données  par  Djamài  ed-dîn 
ebn  et  hâdjeb  ^,  puis  par  cinq  professeurs  dont  le 
dernier  fat  Badr  ed-din  [Abou  Bakr]  et-Toûnésy. 

La  madrase»  la  Charâbîchiyeh  ^.  —  Dans  ia  rue 
des  cha^ârin ,  tout  contre  le  bain  de  Sâleh  et  au  nord 
(du  marché)  des  marchands  d'oiseaux  [et-tayoûrym) 
[en  dedans  de  bâb  el  Djâbyeh].  Elle  fat  construite 
par  Chéhâb  ed-dîn  ebn  Noûr  ed-dauleh  ebn  Mahâ- 
sen,  ech-Charâbîchy  ^,  le  marchand,  le  grand  voya- 
gem'  [es-saffâr).  Il  mourut  en  Tannée  ySi*. 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  461 

La  chaire  fut  occupée  par  Tàdj  ed-dîn  ez-Zawâ- 
wy  ^,  puis  par  Sadr  ed-dîn  el  Bârédy  ®. 

La  madraseh  la  SamsAmiyeh.  —  Au  quartier  [ma- 
haUeh)  de  la  pierre  dor,  à  Test  de  la  maison  (d  en- 
seignement) du  Qor  an  la  fVadjîhiyeh[y  au  sud  de  la 
Masroûriyeh  châfé*îte  et  au  nord  de  la  Khdtoâniyeh- 
^esmiyeh  hanafîte]. 

Je  dis  :  «  C'est  celle  sur  laquelle  mit  la  main,  vers 
Tannée  968  [Comm.  q2  septembre  i56o),  Sénân  er- 
Roûmy,  inspecteur  [nâzer)  deThôpital.  Actuellement 
on  ignore  remplacement  de  la  Samsâmiyeh  (jadis  si) 
connue.  » 

Le  sâheb  (vizir)  Chams  ed-dîn  Ghîrbâl  le  converti 
[el  moslémâny)  lui  constitua  en  waqf  une  chaire  [durs) 
et  désigna  pour  y  donner  des  leçons  Nonr  ed-dîn 
ebn  *abd,  en-Nadîr*^.  (Chams  ed-dîn)  mourut  Tan- 
née 734  [Comm.  1 1  septembre  i333)^. 

La  madraseh  la  Salahiyeh®.  —  Elle  fut  construite 
par  [le  sultan  el  malek  en-Nâser]  Salâh  ed-dîn  [Yoû- 
sef,  fils  d'Ayyoiib]  près  de  Thôpital  en-Noûry  (de 
Noûr  ed-dîn). 

Les  leçons  y  furent  domiées  par  Djamâl  ed-dîn, 
connu  sous  le  nom  de  l'âne  des  Mâlékites,  puis  par 
ebn  el  hâdjeb,  puis  par  Zayn  ed-dîn  ez-Zawâwy  ^®  et 
ensuite  par  Djamâl  ed-dîn  ez-Zawâwy  ^^ 


IV.  ."îo 


laraiiHtKiK  batioials. 


462  NOVËMBRE-DÉGEMBRE  1894. 


NOTES  DU  CHAPITRE  V. 

^  Tie  chaykh  Aboa  *amr,  le  mâlékîte ,  *otmân  ebn  'omar  ebn  Abî 
Bakr  ebn  Yoûnès ,  ed-Dowany  ',  puis  cd  Mesry,  le  très  docte  Aboa 
amr  ebn  elhâdjeb  (le  fils  da  chamb^an) ,  dont  le  père  était  cham- 
bellan (hàdjêh)  de  rëmir  'ezz  ed-dîn  ebn  Moûsek  eflhSalâh]^,  s'était 
fixé,  en  l'année  617,  à  Damas  où  U  domia  dea  leçons  aux  Mâle- 
kîtes  dans  la  grande-mosquée.  Il  partit  pour  l'Egypte  en  l'année  638 
et  mourut  en  646  à  Alexandrie.  Il  fut  enterré  dans  le  cimetière  qai 
se  trouve  entre  le  phare  (manàrah)  et  la  viUe.  Il  est  l'auteur  d'an 
Abrégé  «ur  la  jurisprudence  et  d'autres  ouvrages.  Ebn  Fi\ff^^^*^^ 
fait  son  doge  (N,  fol.  199  r^-v*). 

Ebn  Khallikân  donne  la  biographie  d'ebn  el  hâdjd)  (D,  igS)  : 
U  mourut  le  jeadi  96  chawwâl  646  (11  £âviier  ladg»  Gai.  astr.); 
il  était  né  en  l'année  670  (1176)  à  Asna,  petite  ville  de  la  province 
de  Qoûs ,  dans  le  haut  Sa'îd  d'Egypte. 

H.  Khd.  cite  de  lui  de  nombreux  ouvrages. 

Cf.  aussi  6.  Flûgel,  loco  cit,  p.  276. 

*  Lors  de  son  premier  voyage  à  Damas,  en  l'année  726  (i336)« 
ebn  Batoûtah  descendit  à  ce  collège.  Il  en  reparle  à  propos  des  ma- 
draseh  appartenant  aux  Mâlékîtes.  11  y  en  avait  trois,  dit^il:  la 
Samsâmiyeh,  où  demeurait  et  rendait  ses  jugements  le  qâdy  en  chef 
des  Mâlékîtes ,  la  Noûriyeh  et  la  Ckarâbéchiyeh,  Cf.  traduction  Oe- 
firémery,  I,  188  etaai. 

'  Ce  mot  signifie  marchand  de  charhoûch  (Jti^jâ,  au  pluriel 
j^l^  et  J*^\yA),  C'était,  d'après  Maqrîxy,  une  coiffore  ressem- 
blant à  une  couronne  et  de  forme  triangulaire.  Voir  Dosy,  Dîc- 
tionnaire  des  vêtements,  p.  230. 

^  Le  j  our  de  jeudi  2  4  safar  (  5  novembre  1 333  ).  B.  fut  enferré  dans 
le  lieu  que  son  père  avait  constitué  en  waqf  en  dehors  de  hàk  M-t«- 
ghir,  en  face  de  la  grande-mosquée  de  Djarrâh.  Son  aom  eatier 
était  Ghéhâb  ed-dîn  Ahmad  ebn  Noûr  ed-dauleh  *dy  ebn  Abîl  madjd 
ebn  Mahâsen  ech-Charâbîchy  (N,  fol.  200  r^), 

*  Jk^<>Jt .  —  Ce  nom  ethnique  peut  dériver  de  Dawyn ,  un  des  vOIages 
d*08tawa,  dans  la  dépendance  de  Nays&boûr;  de  Dawnaq,  village  pfèi  de 
Nahâwand  ;  de  Doûn ,  village  situé  près  de  Dioawar,  on  encore  de  Dodnth , 
village  dépendant  de  Hamadân  et  placé  à  dix  parasanges  entre  cette  ville 
et  Dtnawar. 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  463 

^  Tâdj  eà-àln  'abd  £r-Rahman  ez-Zawâwy  y  donnait  encore  ses 
leçons  en  l'année.  674*  **-  N  renvoie  pour  sa  biographie  à  l'artide 
précédent ,  dans  lequd  il  ne  mentionne  cependant  que  Zayn  ed*din 
ez-ZawAwy  et  T^àmêl  ed<din  Abou  Ya  qoûb  ebn  Yoûsef ,  ez-Zawâwy. 

£x-Zawâwy  signifie  originaire  de  Zawâwah,  i  petite  ville  entre 
l'Éfrîqiyeh  et  le  Maghreb».  Mords^. 

^  Il  succéda  à  ed-Çababy  comme  chaykh  de  la  Tenhéxiyeh,  Voir 
chap.  n,  n.  49 1  et  la  note  i33 ,  où  il  faut  lire  el  Eàrédy,  car  N  (fo- 
lio 34  v**)  ^>eUe  ce  nom  ainsi  :  un  bà  suivi  d*an  alrf,  on  rd,  et  un 
dâi  sans  point  diacritique.  —  B  écrit  ici  d  Bârécy. 

^  N  (fol.  200  v")  rappelle  Noûr  ed-dUn  ebn  'obayd,  en<Na^r. 

'  E  mourut  (an  Caire)  dans  la  nuit  du  (vendredi  an)  samedi 
8  cbavirvirâl  (S,  1 1  juin  i334 ,  Cal,  astr.),  à  l'âge  de  soixante-dix  à 
quatre-vingts  ans ,  et  fut  enterré  dans  la  turbeh  de  Qara  Sonqor,  en 
dehors  de  bâb  en-nasr.  On  lui  avait  extorqué  1  million  de  derhams. 
Son  administration  fut  bonne.  H  supprima  l'usage  de  battre  les 
scribes  de  verges.  H  embrassa  l'islamisme  en  l'année  701.  On  ne 
lui  reproche  que  d'avoir  altéré  le  dinar  bahckoûry('è);  ce  qui  causa 
un  grand  dommage  aux  gens  (N,  fol.  300  v°). 

^  fl  J'ai  trouvé  écrit  de  la  main  du  chaykh  Taqy  ed-dîn,  le  fils  du 
qâdy  de  Chohbeh,  el  Asady,  qu'en  nommant  les  madraseh  mâlé- 
kîtes ,  il  désigne  celle-ci  sous  le  nom  de  la  madraseh  la  Noûriyeh  • 
(N,  fol.  201  r°).  Comp.  la  note  3  ci-devant. 

^^  Le  chaykh  Zayn  ed-dîn  Ahou  Mohammad  'abd  Es-Sdlâm  ebn 
'aly  ebn  'omar,  ez-Zawâwy*  fut,  lorsqu'on  institua  à  Damas,  en  l'an- 
née 664 1  un  qâdy  particulier  pour  chaque  rite,  nommé  qâdy  des 
Mâlékîtes ,  malgré  son  refus.  Forcé  d'accepter  ces  fonctions ,  il  mit 
pour  condition  qu'il  ne  gérerait  pas  de  waqf  et  ne  recevrait  aucun 
émolument  pour  rendre  la  justice.  Il  mourut  la  nuit  du  (lundi  au) 
mardi  8  radjab  de  l'année  681  (L,  12  octobre  1282),  à  l'âge  de 
quatre-vingt-trois  ans  (N,  fol.  201  r°-v°).  —  Cf.  aussi  la  note  5 
qui]  précède. 

Zayn  ed-dîn  est  mentionné  par  Quatremère,  Mamloûks,  I,  3*  p., 

33. 

"  Ed-Dahaby  dit  dans  les  ^éhar,  sous  l'année  717  :  «En  cette 
année  mourut  à  Damas ,  à  l'âge  de  quatre-vingts  et  quelques  années , 
le  qâdy  des  Mâlékîtes ,  le  très  vieux  [mo^ammar]  Djamâl  ed-dîn  Mo- 
hammad ebn  Solaymân  ebn  Sowayr,  ez-Zawâwy.  U  avait  exercé  pen- 
dant trente  ans  les  fonctions  de  qâdy.  Plusieurs  années  avant  sa 
mort,  il  fut  atteint  de  pardysie,  puis,  devenu  infirme,  il  fut  rem- 

3o. 


/lOl  NOVEMBRE-DÉGEMBRE  1894. 

placé  clans  son  emploi ,  vingt  jours  avant  sa  mort ,  par  Fakhr  ed- 
dîn  Abou'l  'abbâs  Ahmad  ebn  Sdâmah  ebn  Ahmad ,  éL  Iskandary, 
qui  mourut  en  l'année  7181  (N,  fcd.  aoi  v*]. 

On  lit  au  folio  suivant  (202  r**)  :  «Leqâdy  en  chef  Djamti  ed-dîn 
Abou  *abd  Allah  Mohammad  ebn  Solaymân  ebn  Yoûsef ,  ei-Zawâwy, 
qâdy  des  Mâlékites  à  Damas  depuis  l'année  687,  vint  du  Maghreb 
à  Mesr,  puis  arriva  à  Damas  comme  qâdy  en  l'année  687.  B  était 
né  en  639.  n  restaura  la  Snmsâmiyek  pendant  son  administration 
et  renouvda  la  construction  de  la  Noûrij^,  11  mourut  à  la  madrasek 
la  Samsâmiyeh  le  jour  de  jeudi  9  djoumàda  3^  de  l'année  717  (J, 
18  août  i3i7,  Cal.  astr.),  et  fut  enterré  an  cimetière  (maqéher)  de 
hâb  et-saghir,  vis-à-vis  de  la  mosquée  ^en-Nâramy  (de  l'orange].  » 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  hùb; 


CHAPITRE  Vl. 


Sur  les  madraseh  des  HanbalItes. 

La  madraseh  la  Djawziyeh.  — -  Au  marché  au  blé 
[ ,  à  proximité  de  la  mosquée-cathédrale].  Elle  fut  con- 
struite par  Mohiy  ed-dîn ,  fils  de  Djamâl  ed-din  [  Abou  1 
faradj]  ebn  el  Djawzy,  el  Bakry  ^  Tannée  5 80  ^.  Il 
eut  la  tête  tranchée  ainsi  que  ses  fils  Tâdj  ed-dîn, 
Djamâl  ed-dîn  et  Charaf  ed-dîn ,  lorsque  Hoûlâgoû , 
roi  des  Tatars,  étant  entré  dans  Baghdâd,  fit  mettre 
à  mort  le  khalife,  la  plupart  de  ses  enfants,  le  chaykh 
des  chaykhs  et  majordome  [ostâd  ed-dâr)  Mohiy  ed- 
dîn  précité  et  ses  fils.  C'était  un  savant  rédacteur.  11 
occupa  la  charge  de  la  hesbeh^  à  Baghdâd  et  fut  l'am- 
bassadeur des  khalifes.  Il  acquit  de  grandes  richesses, 
Ed-Dahaby  dit  dans  ses  Annales  de  Vislamisme  :  «  Le 
sâheb  (vizir),  le  grand  savant,  le  majordome  [ostâd 
dâr)  du  khalifat,  Mohiy  ed-dîn  Yoùsef,  fils  du  chaykh 
Djamâl  ed-dîn  Abou'l  faradj  ebn  el  Djawzy,  naquit 
en  doul  qa^deh  de  Tannée  5 80  (janvier-février  1 1 85) 
et  suivit  les  leçons  de  son  père  et  de  plusieurs  autres. 
Il  professa,  rendit  des  fetwas,  engagea  des  contro- 
verses, devint  un  jurisconsulte  éminent  et  fit  des 
prédications.  Occupant  le  premier  rang,  plein  de 
majesté,  servant  de  guide  sûr  et  inspirant  le  respect, 
il  s'exprimait  avec  éloquence,  observait  une  règle  do 
vie  digne  d'éloge  et  se  faisait  aimer  du  peuple.  Il 


466  NOVEMBRE -DÉCEMBRE   1894. 

exerça  les  fonctions  de  majordome  (el  ostâd-dâriyeh) 
pendant  tout  le  règne  d  el  MostaSem.  » 

Ghams  ed-dîn  ebn  el  FaVhr  s  exprime  ainsi  :  «  Pour 
ce  qui  est  de  sa  persistance  dans  ses  décisions  (rycb^fc*) 
et  de  son  intelligence ,  le  récit  s  en  est  transmis  suc- 
cessivement des  uns  aux  autres;  cest  au  point  que 
le  sultan  el  malek  el  Kâmei  a  dit  :  «  Chacun  a  besoin 
[dun  surplus]  d'intelligence,  excepté  Mohiy  ed-dîn 
[ebn  el  Dj.awzy],  car  il  a  besoin  de  moins,  et  cela 
à  cause  de  la  sévérité  de  son  silence,  de-  sa  perse* 
vérance  et  de  sa  force  d'âme.  »  On  raconte  de  lui  à 
ce  sujet  des  choses  extraordinaires  :  un  jour  qa*0 
passait  à  bâb  el  barid,  une  boutique  du  petit  marché 
s'écroula  et  les  gens  poussèrent  des  ci:is  de  firayeur. 
Un  morceau  de  bois  tomba  sur  la  mule  que  montait 
Mohiy  ed-din  :  il  ne  se  retourna  même  pas  et  resta 
impassible.  Quand  il  soutenait  une  discussion,  pas 
un  de  ses  membres  ne  faisait  un  mouvement  -*- 
«  Il  construisit  à  Damas  une  grande  madraseh.  D  eut  ia 
tète  tranchée ,  après  avoir  d'abord  été  lié ,  en  présence 
d'Hoûlâgoû^^  en  safar  de  l'année  656  (février-mars 
i  !2  5  8 } ,  et ,  avec  lui ,  environ  soixante-dix  notables  des 
plus  marquants  (f"  i  y  r^)  de  Baghdftd  subirent  le 
même  sort;  de  ce  nombre  étaient  ses  fils  :  le  mchtO' 
seb  Djamâl  ed-dln  ['abd  Ër-Rahman,  Gharaf  ed-dln] 
*abd  Allah  et  Tâdj  ed-dîn  *abd  El-Karîm. . 

Sayf  ed-din  el  Baghdâdy  donna  des  leçons  à  la 
Djawziy€h,ipm'&  quatre  professeurs.  Ensuite  les  qftdys 
hanbalites  s'en  transmirent  la  chaire. 

[  On  connaît  comme  waqf  appartenant  à  cette  mad« 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  467 

raseh  :  Dayr  (le  couvent  de)  ^osroûn,  un  village  au- 
près d'el  Qosayr,  dSux  feddâns  au  village  de  Bâlâ  et 
une  terre  au  village  d'Yaldâ.] 

La  MADRASEn  LA  DjAmoûsiyeh  ^.  —  A  Touest  de  la 
^oqaybehy  en  dehors  de  Damas.  On  ne  lui  connaît  ni 
fondateur,  ni  professeur. 

[Il  lui  a  été  constitué  en  waqf  :  le  tiers  de  la  bou- 
tique située  à  la  grande  ^oqaybeh;  le  jardin  connu 
sous  le  nom  d'et-Tabarziyeh  ;  le  petit  jardin  du  plomb 
[djonaynet  er-rasâs'^);  la  rente  [mohâkarah)  du  petit 
jardin  (situé)  aux  bancs  des  chemins  [masâteh  et-to- 
roq);  la  rente  du  jardin  (situé)  à  Djesrîn;  la  rente  de 
Tamar  ebn  el  amîr;  Abou  r-Ramly,  au  voisinage  de 
la  madraseh;  la  rente  voisine  de  celle-ci,  au  nom 
d'ebn  Noûr  ed-dîn;  et  le  jardin  (sis)  en  dessus  du 
bain  des  roses  [hammam  el  ward),  en  la  possession 
des  enfants  de  Nézâm  ed-dîn.] 

Je  DIS  :  «  Elle  a  été  dégagée  par  le  sayyed  Mah- 
moud ,  fils  du  sayyed  Tâdj  ed-dîn  es-Salty,  qui  s'en 
est  emparé  et  Ta  anéantie.  //  ny  a  de  force  et  de  puis- 
sance quen  Dieu^.  » 

La  MADRASEH  LA  Charîfiyeh  ^.  —  Auprès  de  l'an- 
cienne Qabâqébvfeh  ^^.  Elle  fut  construite  par  Gharaf 
el  islam  Vbd  El  Wahhâb  [fils  du  chaykh]  Abou'i 
faradj ,  le  hanbalîte ,  [*abd  El  Wâhed  ebn  Mohammad , 
el  Ansâry,]  ech-Chîrâzy,  puis  ed-Démachqy,  chaykh 
(chef)  des  Hanbalitesà  Damas  ^^  [après  son  père  ^^,  et 
leur  rap].  Il  mourut  [la  nuit  du  (samedi  au)  diman- 
che 1 7  safar  de  Tannée  536  (D,  21  septembre  1 1 4 1). 


468  NOVËMBRE-DÉGEMBRE;  1894. 

il  était  entouré  de  respect ,  accueillant ,  ferme  et  jouis- 
sait d  une  entière  considération.  Jurisconsulte  et  pré- 
dicateur, il  composa  le  Monta\hab  sur  la  jiuîspni- 
dence,  les  Mofradât  et  le  Borhân  sur  les  principes 
fondamentaux  de  la  religion  ^^.  [Il  bâtit  à  Damas  une 
madraseh  qu'on  appelle  la  HanbaUyeh.]  Il  fut  enterré 
[auprès  de  son  père,  au  cimetière  [maqâher)  des 
martyrs,  dans  le  cimetière  [maqâber)  (situé)]  à  bdb 
es-saghîr.  , 

La  chaire  de  cette  madraseh  fut  occupée  par  Nadjm 
ed-dîn ,  son  fils  ^*  ;  puis ,  après  lui ,  par  environ  qua- 
torze professeurs ,  dont  le  dernier  fut  Borhân  ed-dîn 
ebn  Mofleh  ^^. 

[Le  waqf  constitué  en  faveur  de  la  Charîfiyeh  com- 
prend le  jardin  et  la  portion  [hessah)  à  ei  Hoûlah^* 
et  la  terre  (située)  dans  la  région  de  Halboûn  et  de 
*asâl.] 

La  madraseh  la  SAhébiyeh  ^'^.  —  Au  penchant  [du 
Qâsyoûn ,  du  côté  est].  Elle  fut  construite  [à  la  mon- 
tagne de  la  Sâléhiyeh]  par  Rabfah  Khâtoûn,  fille  de 
Nadjm  ed-dîn  Ayyoûb  et  sœur  de  Salâh  ed-din,  [d^el 
*âdel]  et  de  Sett  ech-Châm.  Elle  mourut  Tannée  643, 
à  lage  d'environ  quatre-vingts  ans,  et  fut  enterrée 
dans  cette  madraseh,  quelle  avait  élevée.  Elle  fut 
l'épouse  de  SaM  ed-dîn  Mas^oûd ,  fils  de  Moin  ed-din 
[Anar],  à  qui  la  maria  ^^  son  firère  le  stdtan  Salâh 
ed-dîn,  en  épousant  lui-même,  après  la  mort  de 
^oûr  ed-dîn,  la  sœur  de  Mas^oùd,  'esmat  ed-din. 

Au  service  de  la  princesse  se  trouvait  la  savante, 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  469 

la  juste  Amat  El-Latîf ,  fille  d  en-Nâseh  le  hanbalite. 
G  est  elle  qui  conseilla  à  Rabf  ah  Khâtoûn  de  bâtir 
cette  madraseh  et  de  la  constituer  en  waqf  aux  Han- 
balites. 

Ebn  Khallikân  dit  i«  •  «  La  mort  de  Rabî'ah  Kbâ- 
toûn  eut  lieu  à  Damas  ^^.  Elle  vécut  assez  longtemps 
pour  être  contemporaine  ^^  de  princes  qui  étaient  à 
son  égard  dans  des  rapports  de  parenté  rendant  le 
mariage  illicite  ^^,  tels  que  frères ,  neveux  et  petits- 
neveux,  au  nombre  de  plus  de  cinquante,  sans 
compter  ceux  qui ,  dans  les  mêmes  rapports  de  pa- 
renté» n  avaient  pas  de  souveraineté.  Ainsi  Arbèles 
appartenait  ^^  à  son  époux  Mozaffer  ed-dîn ,  seigneur 
de  cette  ville;  Mosoul,  aux  fils  de  sa  sœur;  Khélât  et 
cette  région  [nâhiyeh)^  aux  fils  de  son  frère;  le  Dja- 
zîreh  euphratien  (la  Mésopotamie),  à  el  Achraf,  fils 
de  son  frère  ;  le  pays  de  Syrie ,  aux  fils  de  sa  sœur, 
et  rÉgypte,  le  Hedjâz  et  TYaman,  à  ses  frères  et  à 
leurs  enfants.  Celui  qui  voudra  y  réfléchir  les  con- 
naîtra tous.  » 

La  chaire  fut  occupée  par  le  hanbalite  Nâseh  ed- 
dîn^*  et  par  son  fils  Sayf  ed-dîn  2^,  puis  par  les  en- 
fants de  celui-ci  et,  après  eux,  par  cinq  professeurs 
dont  le  dernier  fut  Chams  ed-dîn  èbn  Mofleh  ^®,  l'au- 
teur des  Forou'^'^.  ' 

[Ce  que  Ton  connaît  actuellement  de  son  waqf 
est  :  la  plus  grande  partie  du  village  de  Djobbeh 
'assâl ,  le  jardin  qui  se  trouve  en  dessous  de  la  5dA^- 
\)iye\,  le  moulin  et  la  rente  [hakourah)  de  la  majeure 
partie  de  ce  quartier  avoisinant  la  madraseh.] 


470  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

Là  mâdrâseh  la  Sadriyeh.  —  Elle  fut  construite 
par  Sadr  ed-dîn  Abou'l  fath  As*ad  ebn  ^otmân  [ebn 
Wadjîh  ed-dîn  As^ad]  ebn  el  M  onadjdja,  et-Tanoûkhy, 
le  notaire  Çadl^^).  Né  en  Tannée  5 98  {Comm.  le 
1^'  octobre  1201),  il  mourut  le  1 9  ramadan  de  Tan- 
née 667  (Comm.  le  29  décembre  i2  58)  et  fut  en- 
terré dans  ce  collège,  il  possédait  de  la  fortune  et 
faisait  beaucoup  d  aumônes.  La  Sairiyéh  est  située 
dans  [le  commencement  de]  la  rue  du  basilic  [àoarb 
er-rayhân),  auprès  de^  la  turbeh  du  qâdy  Djamàl 
ed-dln  el  M esry,  du  côté  du  djâmé'  omayyade  ^.  Il 
constitua  à  celui-ci  de  nouveaux  waqfs  en  grand 
nombre,  entre  autres  les  magasins  entre  les  piliers 
Çawâmid),  des  deux  côtés,  à  la  porte  de  ï addition 
[bdb  €Z'Zyâdeh)\  le  bazar  des  orfèvres  [éS'&Agkak) 
actuel,  etc. 

Le  fils  de  son  firère  Sadr  ed*dtn  y  donna  des  le- 
çons; puis  le  fils  de  ce  dernier,  Wadjîh  e<Wîn*^. 

La    MADRASEH   LA  DyÂ'ÏYEh[  — MoHAMMADnTËH].  •*— 

Au  penchant  du  Qâsyoùn ,  [à  la  montagne  de  la  Stté- 
hiyeh,]  à  Test  du  djàmé^  el  MozaflFéry.  Elle  fat  con- 
struite par  Dyâ  ed-dîn  [  Abou  *abd  Allah]  Mohammad 
ebn  *abd  El  Wâhed  [ebn  Ahmad  ebn  'abd  Er-Rah- 
man],  el  Moqaddasy,  un  des  plus  grands  savants.  U 
naquit  [à  ed-Dayr  el  mobârak]  Tannée  567  [Comm. 
Ix  septembre  1171).  Il  est  Tauteur  des  AUiâm^^^  des 
Fadâïl  el  a  mal  el  mokhtârah  ^  et  d  autres  ouvrages**. 
Sa  modestie  et  sa  piété  étaient  extrêmes. 

Ed-Dahaby  dit  (fol.  1 9  V*)  :  «  G*est  Timâm,  le  sar 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  471 

vant,  le  hâfeZy  largument  {el  headjdjeh),  ie  tradi- 
tionniste  de  la  Syrie,  le  chaykh  de  la  sonneh,  Dyà 
ed-dtn.  Il  composa  des  ouvrages,  en  corrigea,  en  ré- 
futa et  se  prononça  avec  justice.  C'est  à  lui  quon 
recourait  dans  ces  sortes  de  choses.  Il  bâtit  une  mad- 
raseh  à  la  porte  du  djàmé^  el  Mozafféry,  au  pen* 
chant  du  Qâsyoûn ,  et  fut  aidé  dans  cette  œuvre  par 
quelques  gens  de  bien  ;  il  lui  légua  en  livaqf  ses  livres 
et  ses  volumes  du  Qor'àn  ^.  » 

<  n  la  bâtit,  dit  un  autre  auteur,  pour  les  tradi- 
tionnistes  et  les  étrangers  qui  arrivaient,  malgré  son 
état  de  pauvreté  et  son  peu  de  ressources.  Quand  il 
en  avait  bâti  une  partie,  il  s'en  sdlait  recueillir  de 
quoi  continuer;  il  y  travaillait  de  ses  propres  mains 
et,  par  scrupule,  n  acceptait  rien  de  personne.  » 

Il  mourut  [le  jour  de  lundi  28  djoumâda  u**  de] 
Tannée  643  (  L ,  10  novembre  1 2  4  5  )  [  et  fut  enterré 
au  penchant  du  Qâsyoûn] . 

L'édificateur  de  ce  collège  y  donna  des  leçons, 
puis  Taqy  ed-dîn  ebn  *ezz  ed-dîn^^  et  ensuite,  après 
eux  deux ,  six  professeurs  dont  le  dernier  fut  Chams 
ed-dîn  el  Qabâqîby,  el  Mardâwy*^  Dyâ  ed-dîn  était 
un  dévot  et  un  ascète.  Jamais  il  ne  toucha  aux  reve- 
nus d  un  waqf ,  ni  n'entra  dans  un  bain.  Il  mourut 
l'année  6^3  au  mont  Qâsyoûn  et  y  fut  enterré.  H 
légua  la  madraseh  à  Vamîn  (rhomme  de  confiance) 
des  Hanbalîtes.  *ezz  ed-dîn  et-Taqy  y  donna  des  le- 
çons, puis  Chams  ed-dîn,  le  khatîb  de  la  montagne. 

[Son  waqf  comprend  :  la  plupart  des  magasins  du 
marché  supérieur  [es-soûq  elfaaqdny) ,  des  boutiques , 


472  NOV£MBRË.OÉGEMBR£  1894. 

un  petit  jardin  à  en-Nayrab,  une  terre  à  Saqbâ*®,  — 
on  prend  pour  les  habitants  de  ce  village  ie  tiers  du 
blé  de  bourgs  ^^  constituant  le  waqf  de  la  maison 
(d*enseignement)  de  la  tradition  VAckrafiyéh  de  la 
montagne  —  ed-Dayr,  ed-Douwayr,  el  Mansoûrah, 
et-Tolayl  et  ech-Ghebréqiyeh.] 

[  La  madrâseh  la  Dyâ^îyeh— MAHÂsiwiYBH.  —  «  Dyâ 
ed-din  M ahàsen ,  dit  ebn  Ghaddâd ,  était  un  homme 
juste;  il  bâtit  cette  madrâseh  et  la  constitua  en  waqf 
pour  celui  qui  serait  le  chef  (amir*®)  des  Hanba- 
lites  et  y  donnerait  les  leçons.  Le  premier  qui  y 
professa  fut  le  chaykh  ^ezz  ed-din ,  fils  du  chaykh 
et-Taqy;  puis,  après  lui,  le  chaykh Ghams ed-din,  le 
hhatib  dé  la  montagne.  11  en  occupe  la  chaire  jusqui 
présent  »  (année  67/i).  Peut-être  s  agit-il  d'ech-Gharâ- 
bîsy  [sic],  père  de  Noûr  ed-din^^  et  le  fondateur  de 
la  Charâbîsiyeh  [sic)  mâlékite,  ainsi  que  de  la  tuii>eh 
en  face  du  djâmé*  de  Djan-âh.  Quon  en  prenne 
note.  »  —  Jai  vu  dans  les  ^ébar  ded-Dahaby  ;  t*âï 
chah,  fille  de  Mohammad  ebn  el  Mosallem,  la  Har- 
râniyeh ,  sœur  de  Mahâsen ,  mourut  en  chawwftl ,  à 
Tâge  de  quatre-vingt-dix  ans»  »  —  «Tai  vu  aussi  dans 
les  Clas&es  des  Hanbalîtes  :  «  Mahâsen  ebn  'abd  £1 
Malek  ebn  ^aly  ebn  Monadjdja,  et-Tanoûkhy,  el  Ha- 
mawy,  puis  es-Sâléhy,  le  jurisconsulte,  Timâm  Dyâ 
ed-din  Âbou  Ibrahim ,  vivait  d  une  chékârah  ^  qu'on 
ensemençait  pour  lui  dans  le  Hawrân.  H  mourut 
dans  la  nuit  du  (3  au)  k  djoimiâda  2^  de  Tannée  643 
et  fut  enterré  à  la  montagne  de  Qâsyoûn.  »] 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  473 

La[mADBASEHLA]  VmARIYEH  [— CHAYKHnEH].  -^—  [A 

la  montagne,]  au  milieu  du  couvent  des  Hanbalites. 
Elle  fut  construite  [et  constituée  en  waqf]  parle  chaykb, 
le  grand  Abou  'omar,  père  du  qâdy  en  chef  Ghams 
ed-dîn  [le  hanbalite].  Ce  fut  un  des  wafy  (saints)  cé- 
lèbres. Son  nom  entier  est  Mohammad  ebn  Ahmad 
ebn  Mohammad  ebn  Qodâmah  ebn  Meqdâm ,  frère  de 
Mowaffeq  ed-dîn.  Il  naquit  {à  Djammâ'îl^^]  Tannée 
5 a 8  {Comm.  i*'  novembre  ii33).  Il  était  résigné 
sincèrement  à  la  volonté  de  Dieu,  quil  soit  exalté! 
supérieur  aux  autres,  savant,  adonné  à  la  contem- 
plation et  à  lascétisme.  Tout  le  monde  était  unanime 
à  reconnaître  son  grand  jugement ,  sa  piété ,  sa  crainte 
de  Dieu.  Que  Dieu  soit  satisfait  de  lui  et  lagrée !  11 
mourut  à  Tâge  de  quatre-vingts  ans.  Ses  dernières 
paroles  furent  celles-ci  :  Diea  vous  a  choisi  la  religion 
{que  vous  professez);  ne  mourez  donc  pas  que  vous  ne 
soyez  musulmans  ^^. 

Le  père  du  chaykh ,  Ahmad  *^,  exerçait  les  fonc- 
tions de  prédicateuràDjammâ'îl,  (village)  dépendant 
de  Jérusalem.  Lorsque  les  Francs  s  emparèrent  de  la 
ville  sainte ,  il  émigra  à  Damas  et  descendit  dans  la 
mosquée  ^^  d'Abou  Sàleh,  en  dehors  de  bâb  charqy. 
Ensuite  il  monta  sur  la  montagne ,  bâtit  le  couvent 
et  habita  lui-même  au  penchant  du  Qâsyoûn.  (Ces 
hommes  justes)  étaient  connus  sous  le  nom  de  Sâlé- 
liiyeh  (pi.  de  Sâléhy),  parce  quils  avaient  logé  dans 
la  mosquée  d'Abou  Sâleh.  On  dit  ensuite  le  mont 
des  Sâléhiyeh  [djabal  es-Sâlélàyeh).  11  ny  avait  alors 
sur  le  penchant  (du  Qâsyoûn)  aucune  construction, 


474  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

si  ce  n*est  le  couvent  d  el  Hawrâny.  Et  c  est  pour  ce 
motif  qu  on  Tappela  la  Sâiéhiyeh. 

Je  dis  :  «  Observez  la  cause  de  cette  dénomination 
de  Sâléhiyeh.  Ainsi  elle  appartiendrait  à  Tépoque 
islamique;  toutefois  ses  sarâb  [sarâbât)^  c'est-à-dire 
ses  puits ,  peuvent  avoir  existé  dans  Tantiquité  pour 
sei^vir  aux  maisons  ^^,  aux  jardins  et  aux  enclos  ^^. 
Dieu  connaît  mieux  la  vérité  là-dessûs.  » 

Le  père  du  chayUi  mourut  à  Tftge  de  soixante- 
sept  ans. 

Je  dirai  :  Ebn  Radjab^^,  dans  sa  Suite,  dit  :  «  Dans 
la  soirée  du  (dimanche  au)  lundi  a 8  rabf  i''  de  Tan- 
née 607  (D,  19  septembre  1310),  le  chaykh  Abou 
^omar  réunit  sa  famille  et ,  s  étant  tourné  vers  la  ^ebleh 
(la  direction  de  la  Mekke),  il  lui  recommanda  de 
craindre  Dieu  et  de  redouter  sa  colère ,  et  lui  fit  réciter 
la  sourate  Yâ  Sut  ^.  Ses  dernières  paroles  furent  :  Diea 
vous  a  choisi  la  religion  [que  vous  professez);  ne  mourez 
donc  pas  que  vous  ne  soyez  musulmans.  Il  mourut ,  que 
Dieu ,  qu*il  soit  exalté  I  lui  fasse  miséricorde  1  et  fut 
lavé  dans  la  mosquée.  Ceux  qui  parvinrent  jusqu'à 
Veau  qui  avait  servi  à  laver  son  corps  s  en  impr^nè- 
rent,  tant  femmes  qu'hommes.  Personne  ne  manqua 
à  son  enterrement  :  qâdys,  émirs,  ^olamâ,  notables, 
commun  du  peuple  ;  ce  fut  un  jour  de  fête.  Lorsqu'on 
sortit  du  couvent  pour  procéder  à  ses  funérailles ,  ii 
faisait  une  journée  excessivement  chaude.  Mais  un 
nuage  s  avança  qui  ombragea  la  foule  jusqu'à  son.  tom- 
beau et  ion  entendait  un  bourdonnement  pareil  à 
celui  des  abeilles.  Sans  el  Mobàrez  el  Mo^tamed,  ech- 


DESCRIPTION  D£  DAMAS.  475 

Ghodjâ^  ebn  Mohftreb  et  Ghebled^lauleh  el  Heusâmy, 
pas  un  morceau  de  sou  linceul  ne  serait  parvenu 
jusqu'à  son  tombeau;  seulement  cea  émirs  entou- 
rèrent le  mort  de  leurs  sabres  et  de  leurs  massues. 
Après  qu'il  eut  été  enterré ,  un  des  hommes  justes 
[sâléhîn)  vit  (f*  ao  r^)  en  songe,  cette  même  nuit,  ie 
Prophète ,  que  Dieu  le  bénisse  et  le  salue  !  «  Quicon- 
que, disait-il,  visitera  Abou'omar  la  nuit  du  vendredi 
accomplira  le  même  acte  que  s'il  visitait  la  Ka^bab. 
Enlevez  donc  vos  sandales  avant  d'arriver  jusqu'à 
lui.  »  On  fit  le  dénombrement  des  personnes  qui 
avaient  assisté  à  ses  funérailles;  ellesr  étaient  vingt 
mille. 

Ed-Dabâ  (ed-Dyâ?)  a  mentionné  d'après  *abd  El 
Mawla  ebn  Mohammad  qu'il  récitait  auprès  du  tom- 
beau du  chaykh  la  sourate  de  la  Vache;  U  était  seul. 
Lorsqu'il  fut  parvenu  à  ces  paroles  de  Dieu»  qu'il 
soit  exalté!  :  Ni  une  vache  vieille ,  ni  une  génisse^^,  je 
me  trompai,  dit-il;  et  le  chaykh  me  reprit  de  son 
tombeau.  Je  fus  saisi  de  crainte  et  de  frayeur,  ajoute- 
t-il,  et  me  levai  tout  tremblant.  Puis,  quelques  jours 
après,  celui  qui  lisait  le  Qor'ân  mourut.  Cette  anec- 
dote est  très  connue.  Quelqu'un ,  récitant  auprès  du 
lieu  de  sa  sépulture  la  sourate  de  la  Caverne  ^^,  l'en- 
tendit qui  disait  du  fond  de  sa  tombe  :  H  n'y  a  de 
Diea  que  Dieu. 

Abou  Ghâmah  dit  dans  son  Modayyel  ^^  :  «  La  pre- 
mière fois  que  je  m'arrêtai  devant  son  tombeau  et 
lui  fis  visite,  je  trouvai  par  l'assistance  de  Dieu,  qu'il 
soit  exalté  !  un  immense  attendrissement  et  des  larmes 


476  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1804. 

bienfaisantes.  J avais  avec  moi  un  compagnon;  c'est 
lui  qui  me  fit  connaître  le  tombeau  du  chaykh  :  il 
éprouva  les  mêmes  émotions.  » 

Le  littérateur  Âbou  ^abd  Allah  Mohammad  ebn 
Sa'id,  el  Moqaddasy,  a  consacré  à  Télégie  d'Abou 
*omar  un  poème  dont  voici  quelques  vers  ; 

Après  que  mes  yeux  ont  perdu  de  vue  Abou  ^oniar,  ia 
terre  habitée  ne  présente  plus  que  des  restants  de  cidte. 

D*où  vient  que  ses  mosquées  sont  aujourd'hui  envaliies 
par  la  poussière  ?  On  dirait  qu  après  avoir  réuni  tant  de 
monde ,  elles  ont  été  rasées. 

Qu'ont  les  mehrâh  à  être  délaissés,  après  une  si  intime 
fréquentation ,  comme  si  jamais  on  n*y  avait  récité  le  Qor  an  ? 

Tous  les  yeux  le  pleurent;  car  de  chaque  œU  H  était  la 
prunelle. 

Il  était  dans  chaque  cœur  la  lumière  de  la  direction;  et 
il  n'y  a  plus  maintenant  dans  tous  les  cœurs  que  les  feux  qu'il 
a  allumés. 

Tout  être  vivant  que  nous  avons  vu  est  en  proie  à  Taf- 
lliction;  chaque  mort  qui  a  joui  de  sa  vue  est  dans  Tallé- 
gre&se. 

Puisse  la  tombe  que  tu  habites  ne  pas  cesser  d*étre  arro- 
sée par  des  nuages  dont  les  ondées  répandent  le  pardon  et 
la  rémission  des  péchés  I 

Il  opéra  des  prodiges  et  eut  des  révélations  et  des 
vertus  supérieures^,  dont  on  ne  trouve  peut-être  pas 
les  pareils  dans  les  biographies  des  saints  [wafy). 
Plusieurs  auteurs  mentionnent  que  le  chaykh  Abou 
^omar  fut  Y  axe  (qotb)  et  le  chef  (imam)  de  son  époque. 
Six  ans  avant  sa  mort,  il  devint  Yaa^  (le  chef  des 
mystiques  de  son  temps). 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  477 

Au  nombre  des  Hanbalites  qui  professèrent  à  la 
'omariyeh,  furent  :  le  cfaaykh  Taqy  ed-dîn  *^,  puis  son 
fils  *ezz  ed-dîn  ^  el,  après  eux,  huit  professeurs  aux- 
quels succédèrent  Borhân  ed-dîn  ebn  Mofleh^'',  lés 
jours  de  dimanche  et  de  mercredi;  *alâ  ed-dîn  él 
Mardâwy,  le  limdi  et  le  jeudi;  Taqy  ed-dîn  el  Dja- 
râ*y,  le  jour  de  samedi;  et  ebn  *obâdah,  le  jour  de 
mardi. 

Elle  compta  aussi  parmi  les  Châfé^îtes  qui  y  don- 
nèrent des  leçons  :  le  chaykh  Khattâb  ^,  puis  Nadjm 
ed-dîn,  fils  du  qâdy  de  *adjloûn,  puis  son  frère ^* 
Taqy  ed-dîn,  les  jours  de  samedi  et  de  mardi,  au- 
près du  puits. 

Je  dis  :  «Ensuite,  le  chaykh  Yoûsef  el  'aytâwy; 
puis  son  fils,  le  chaykh  Ghéhâb  ed-dîn  Ahmad,  et, 
pour  les  Hanafites  qui  en  occupèrent  la  chaire,  le 
chaykh  *ysa  el  Baghdâdy,  puis  Zayn  ed-dîn  el  *ayny, 
de  même  dans  Viwân  septentrional.  On  institua  pen- 
dant quelque  temps  pour  les  Mâlékîtes  une  chaire 
qui  fut  ensuite  supprimée. 

Parmi  les  jeux  de  mots  que  Ton  a  faits  est  celui- 
ci  :  «  Nous  avons  une  madraseh  dont  le  bassin  a  une 
journée  de  longueur.  »  En  effet,  le  nahr  Yazîd  y  cir- 
cule pendant  un  jour  et  plus. 

La  madrâseh  la  *âlémah  et  la  maison  (d'enseigne- 
melnt)  de  la  tradition.  — -  A  Test  du  rébât  en-Nâ- 
séry,  [à  Touest  du  penchant  du  Qâsyoûn ,]  au-dessous 
de  la  grande-mosquée  d'el  Afram.  Elle  fut  constituée 
en  waqf  par  la  chaykh  esse  juste,   savante  [el  ^âlé- 

IV.  3 1 


iMraiiiF.kiB  ukiikHitt,. 


478  NOVEMBRE-DÉCEMBRE   1894. 

niah),  Amat  Ël-Latîf,  fille  du  [chaykh]  hanbdîte  en- 
Nâseh.  [C'était  une  femme  éminente  et  elle  composa 
des  ouvrages.]  G  est  elle  qui  dirigea  Rabfâh  Khà- 
toûn  [fille  de  Nadjm  ed-din  Âyyoûb  et  sœur  de  Sse 
lâh  ed-din]  vers  la  fondation  de  [la  madraseh]  la 
Sâhébiyeh  [au  Qâsyoûn]  pour  les  Hanbalites.  Plu» 
tard,  lorsque  Rabfah  Kbâtoûn  mourut,  Amat  Eli- 
Latif  fut  condamnée  à  des  amendes ,  jetée  en  prison 
et  enfermée  étroitement.  Puis  elle  fut  mise  en  liberté , 
et  el  Achraf,  seigneur  de  Hems  ^  Tépousa.  [E^e 
partit  avec  ce  prince  pour  er-Rahbah  et  Tell  Bâ- 
cher.] Elle  mourut  Tannée  653  [Comm.  lo  février 
]  2  55).  On  lui  trouva  [à  Damas]  des  trésors  enfouis 
et  des  joyaux  [précieux  dune  valeur  approximative 
de  six  cent  mille  derhams,  indépendamment  des 
biens  mealk  et  des  waqfs]. 

(Fol.  20  v^)  La  chaire  de  ce  collège  fut  occupée 

par  Mohammad  ebn  Hâmel  ^^  puis  par  Yoûsef  Axt- 

Nâseh«2. 

[Le  waqf  de  cette  madraseh  comprend  :  le  jardin 
(situé)  au  pont  de  la  cane  [djesî  el  battah),  le  second 
marais  {ghaydah)  et  Tenclos  (y^)  d'ebn  Sobh,  au- 
près de  la  Châmiyeh,  ] 

La  madraseh  la  Mesmâriyeh.  —  Au  sud  de  la' 
Grande  Qaymariyeh,  à  Tintérieur  de  Damas,  près  du 
minaret  de  Fîroûz.  Elle  fut  constituée  en  waqf  par 
le  chaykh  Mesmâr  ^  el  Hélâly,  el  Hawrâny,  le  pro- 
fesseur de  lecture  (qorânique)**,  le  marchand.  B 
jouissait  d^une  grande  fortune.  Il  mourut  le  [jour  de 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  479 

dimanche]  6  ramadan  de  Tannée  5&6  (D,  16  dé- 
cembre 1 1 5 1 ,  Gai.  asir.). 

Jb  dis  :  «  Le  minaret  de  Firoûz  est  celui  qui  vient 
detre  reconstruit  (^^^^a*.)  maintenant  avec  la  madra- 
seh  (pour  être  transformés)  en  mosquée.  Il  a  été  re- 
construit par  *aly  Djélél^^  le  deflerdâr  (contr^eur  gé- 
nérai des  finances),  qui  lui  a  constitué  des  waqfs  et 
y  a  établi  deux  imâms  et  un  mouadden.  Que  Dieu 
agrée  cette  bonne  oeuvre  de  sa  part  .et  de  tous  ceœi 
qui  font  le  bîent  » 

Le  waqf  constitué  en  faveur  de  oette  madraseh  se 
compose  de  lenclos  du  même  nom  [et  dont  la  limite 
va]  depuis  le  chemin  de  la  grande-mosquée  de  Ten- 
kez  jusqu'au  cimetière  [maifâber)  des  Soûfys,  jusqu'au 
chemin  où  se  trouvent  les  Qanawât,  jusqu'au  chemin 
qui  conduit  à  la  madraseh  de  Ghàd  Bek  [et  dont 
on  connaissait  anciennement  le  jardin] ,  ainsi  que  de 
V enclos  de  la  ruelle  (^UJl  J^aii.),  connu  sous  le  nom 
de  la  Sâqyeh,  sur  le  terrain  de  la  mosquée  des  roseaux 
[îïuisdjed  el  aqsâb^). 

Ce  collège  eut  pour  professeur  Wadjîb  ed-dîn 
As^ad,  qui  est  appelé  Mohammad  ebn  el  MonaC^dja 
ebn  [Abri]  barakât  ebn  el  Moumel,  et-Tanoûkhy, 
el  MaWry,  puis  ed-Démachqy,  le  qâdy  Aboul 
ma^âly.  C'est  pour  lui  que  le  chaykh  Mesmâr  bâtit 
la  madraseh.  Il  naquit  Tannée  5 1  9  [Comm,  7  février 
I  1  25).  Il  composa  les  ouvrages  suivants  :  la  Kéfâyek, 
commentaire  de  ÏHédâyeh,  en  dix-sept  volumes;  la 
Khélâsah^^r  sur  la  jurisprudence ^  et  la  ^ontdah^'^.  Il 
fut  investi  des  fonctions  de  qàdy  du  Hawr&n  sous  le 

3i. 


480  NOVËMBRE-DKGEMBUE  1804. 

règne  de  Noûr  ed-din.  Sa  postérité  compte  des  sa- 
vants et  de  grands  personnages.  Devenu:  aveugle  sur 
la  fin  de  ses  jours,  il  mourut  Tannée  606*®  et  fut 
enterré  au  penchant  du  Qàsyoûn.  Après  lui  la  chaire 
fut  occupée  par  Wadjîh  ed-dîn  *®,  puis  par  son  fils 
Sadr  ed-din  [ebn  Monadjdja] ,  puis  par  le  fib  de 
celui-^i ,  Zayn  ed-din ,  puis  par  son  frère  Wadjih  ed- 
dîn  '®  et  par  Nâseh  ed-dîn ''^  Ensuite  Nâseh  ed-din  y 
professa  seul.  Puis  il  y  eut  après  lui  dix  professeurs 
dont  le  dernier  fut  *ezz  ed-dîn''*^,  petit-fils  de  Wa- 
djih ed-din.  Dieu  donne  son  assistance  pour  ce  qui 
est  vrai. 

Ebn  Radjah  dit  :  «  J  ai  lu  de  Técriture  d'es-Sayf 
ehn  el  Madjd,  le  hâfez,  ce  qui  suit  :  L'imâm,  à  qui 
Dieu  fasse  miséricorde!  c est-à-dire  le  chaykh  Mo- 
walTeq  ed-din  m  a  rapporté  comme  le  tenant  du  qâdy 
Ahoul  ma*âly  As*ad  ehn  el  Monadjdja  :  J'étais  un 
jour,  dit  celui-ci,  auprès  du  chaykh  Abou  t-tanft 
chez  qui  était  venu  ebn  Tamîm  :  «  Malheureux  que 
tu  es!  s'écria- t-il ,  les  Hanbalites,  quand  on  leur  dit-: 
(•  Sur  quoi  vous  appuyez-vous  pour  prétendre  que  le 
«  Qor  an  consiste  en  une  lettre  et  un  son  ?  »  répondent  : 
«Dieu  a  dit  :  Alef  Lâm  Mim'\  Hâ  Mim  Kâf  Yâ 
\iyn  Sâd'^^ »,  et  le  Prophète,  que  Dieu  le  bénisse  et 
le  salue!  s'est  exprimé  ainsi  :  «Quiconque  lira  le 
«  Qor'ân  en  l'épelant  aura  pour  chaque  lettre  dix 
«  bonnes  œuvres.  »  Le  Prophète,  que  sur  lui  soit  le 
salut!  a  dit  encore  :  «  Dieu  rassemblera  les  créatures-», 
et  Âbou  Tamîm  menlionna  le  hadit.  Et  vous,  lors* 
qu'on  .vous  dit  :  «  Qu'est-ce  qui  vous  fait  dire  que  le 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  àS\ 

Qor an  est  un  sens  [mana)  en  lui-même,  vous  ré- 
pondez :  «  Suivant  el  Akfatal  ''®,  le  discours  est  dans 
«  le  cœur.  »  Or  les  Hanbalites  apportent  (à  lappui  de 
leur  opinion)  le  livre  sacré  et  la  loi  traditionnelle 
[sonneh)\  ils  citent  les  paroles  de  Dieu  et  de  son  en- 
voyé. Vous  autres,  vous  dites  :  «  Suivant  ce  que  rap- 
«  porte  el  Akhtal»,  un  ignoble  poète  chrétien.  — 
«  N avez^vous pas  honte  dune  si  vilaine  action?  Vous 
a  basez  votre  religion  sur  le  dire  d-un  chrétien  el 
«  êtes. en  dissentiment  avec  les  paroles  de  Dieu  el  de 
«  son  envoyé.  »  —  «  J'ai  cherché  dans  les  Diwâns 
«  (Recueils  de  poésie)  del  Akhtal ,  dit  Abou  Moham- 
«mad  ebn  el  Khachchâb  "^"^  ;  c'est  Téloquence  [el  ba- 
((yân)  qui  vient  du  cœur  (qu'on  y  lit).  Ils  ont  altéré 
«  le  mot  et  dit  :  le  discours  (el  kalâm).  »  • 

La  Monadjdjaïyeh  "^.  —  Zâwyeh  connue  sous  le 
nom  d'ebn  el  Monadjdja,  dans  la  grande-mosquée 
omayyade.  Le  waqf  constitué  en  sa  faveur  doit  son 
nom  au  grand  savant  Zayn  ed-dîn  [Abou  1  barakât 
el  Monadjdja],  fils  de  ^otmân,  fils  d'AsW  ebn  ei 
Monadjdja,  et-Tanoûkhy*^^.  Il  fiit  le  chef  incontesté 
de  son  rite  *®  et  aussi  très  versé  dans  la  langue  arabe 
et  les  autres  sciences.  Assidu  à  la  prière  el  au  jeûne, 
il  était  plein  de  gravité  et  de  majesté  et  passait  une 
partie  de  la  nuit  en  prières.  Il  apprit  la  syntaxe  d'ebn 
Mâlek^^  et  commenta  le  Moqn^^^;  pendant  près  de 
trente  ans ,  il  siégea  dans  la  grande-mosquée  omay- 
yade pour  rendre  des  fetwas  et  travailler  de  son  propre 
mouvement.  Comme  on  demandait  à  [Djamâl  ed- 


482  NOVEMBRE-DECEMBRE  1894. 

din]  ebn  Màlek  de  faire  un  commentaire  du  livi*e 
intitulé  la  khélâsah^,  il  répondit  :  tEbn  ai  Mo- 
nadjdja  (fol.  a  i  )  vous  le  commentera.  » 

Ledit  Zayn  ed-din  y  professa ,  puis  Ghams  ed^in 
[ebnJ'abdEl  Wahhâb^. 

Je  dis  :  «  Le  waqf  d'el  Monadjdja  est  mentionné 
dans  les  registres  de  la  comptabilité  parmi  les  fon- 
dations pieuses  de  son  inspecteur  [nâzer)  ^abd  El  Ka- 
1  im  ebn  *awn  et  de  son  secrétaire  Abou  1  djawd  ebn 
*awn.  Puis  Tinspection  revint  à  Âboul  khayr  ebn  el 
Mou  ayyad  après  *abd  El  Karim  ;  tout  cda  sans  sti- 
pulation de  la  part  du  fondateur.  Le  revenu  du  waqf 
s'élève  à  environ  cent  saltanins  chacpie  année  ;  lacté 
en  existe.  Ce  waqf  est  constitué  en  &veur  du  ter- 
rain? [el  hcufah).  Dieu  est  plus  savant,  et  cest  lui 
qui  donne  son  assistance  pour  ce  qui  est  vrai  ®*.  » 


NOTES  DU  CHAPITRE  VL 

^  Ebn  Khallikân  doxine  (I[,  96-98]  ia  biograpbie  du  pire  de 
Mobiy  ed«dîn,  Aboul  fiirftdj  *abd  £r-Rabmui  ebn  Abtl  fibwn  'aly 
ebn  Mobammad  ebn  'aly  ebn  'obayd  Allab  ebn  d  Djawiy,  qui  des- 
cendait du  khalife  Abou  Bakr.  Né  en  l'année  5o8  (iii4-iii5}  en- 
viron, ou  en  l'année  5 10,  il  mourut  à  Baghdàd  la  nnit  dn  (Jeudi 
au]  vendredi  13  ramadan  de  l'aimée  697  (juin  laoi).  -^  D^apiès 
le  biographe,  ei  Djawzy  est  le  nom  ethnique  formé  dn  port  d'el 
Djawz ,  lieu  bien  connu.  —  On  lit  dans  le  Maràsed  :  t  Nakr  el  DJaw: , 
canton  contenant  des  villages  et  des  jardins  et  situé  entre  Hidnb  et 
el  Bîreh  qui  est  sur  l'Euphrate  ;  c'est  une  dépendance  d'd  Bîrali.  » 
—  M.  de  Slane  dit  que  le  port  d'd  Djawz  était  probablement  le  nom 
d'un  quai  sur  les  bords  du  Tigre,  à  Baghdàd  on  près  de  cetle 
ville. 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  483 

H  est  fait  mention  de  Mohiy  ed-dîn  (Abou  1  Mozafler  Ypûsef ,  fils 
de  Djamâl  ed-dîn  Abou'l  fSeuradj  ebn  d  Djawzy)  dans  Biographiccd 
dictionary,  IV,  1 3 1  et  1 3  2 . 

Le  père  de  Mohiy  ed-dîn ,  le  hàfri  Djamâl  ed-dîn  Aboul  fiu*adj , 
avait  lui-même  construit  une  madraseh  appelée  aussi  la  Djawziyek, 
à  bâb  el  barîd,  car  on  lit  sur  la  porte  du  mahkameh  (du  quartier) 
des  grainetiers  (el  botoûriyeh)  ou  madraseh  d'ebn  el  Djawiy,  l'in- 
scription suivante  (n*  2^9  <le  ma  collection)  t 

cA  ordonné  la  construction  (ii)U)  de  cette  madraseh  bénie  le 

•  serviteur  qui  a  besoin  de  la  miséricorde  de  son  Seigneur  Tout- 

•  Puissant,  le  qàdy  des  qàdys  de  la  rdigion,  le  chaykh  de  l'isla- 
c  misme  et  des  musulmans ,  le  grand  savant ,  le  hé^ez  Abou'l  farMlj 

•  *abd  Ër-Rahman  ebn  Abi'l  Hasan  'aiy  ebn  Mohammad  ebn  d 

•  EVjawzy,  dans  le  désir  de  voir  la  face  de  Dieu,  qu'il  soit  exalté! 
«  Et  cela  en  l'année  578. 

«  Au  nom  de  Dieu  clément  et  miséricordieux. 

«  Ceci  est  ce  qu'a  constitué  en  waqf  le  grand  sAkeb  (  vizir)  Madjd 

•  ed-dîn  Mohammad  ebn  d  Hasan,  d  Djawzy,  en  faveur  de  cette 

•  madraseh  fortunée,  pour  ceux  qui  étudient  la  jurisprudence  sui- 

•  vant  le  rite  de  l'imâm  Ahmad,  que  Dieu  soit  satisfait  de  lui  !  et  il 
«  lui  a  constitué  en  waqf  les  sept  boutiques  voisines  de  la  maison 
«d'ebn  abî  'osroûn  et  les  deux  mazra^ah  (situées)  au  territoire  d'd 

•  Malîhah.  Que  Dieu  accepte  son  acte  et  louange  à  Dieu  seul  !  » 

^  L'année  5 80  est  cdie  de  la  naissance  de  Mohiy  ed-dîn.  On  lit 
dans  N  que  la  Djawziyeh  fut  construite  après  l'année  63o,  aux 
Nachchâbîn  (marché  des  fabricants  de  flèches  en  bois),  sous  le 
règne  d'el  maiek  es-Sâleh  'émâd  ed-dîn  (fol.  207  r*). 

Mohiy  ed-rlîn  fut  investi  de  la  hesbeh  de  Baghdâd  en  l'année  6 1 5  et 
devint ,  en  64o ,  ostâdâr  d'el  Mosta'sem ,  charge  qu'il  exerça  jusqu*à  sa 
mort.  En  l'année  628 ,  il  fut  envoyé  de  Baghdâd  en  qualité  d'ambassa- 
deur auprès  d'el  malek  el  Mo'azzam  à  Damas  et  apporta  de  la  part 
du  khalife  ez-Zâher  bé-amr  Allah  des  robes  d'honneur  et  des  di- 
plômes pour  les  fils  d'el  'âdel.  Il  fut  investi  en  l'année  632  des 
fonctions  de  professeur  des  Hanbalîtes  à  la  Mostansér^eh ,  avec 
d'autres  chaires  (N,  fol,  207  v*). 

•  J'ai  vu  écrit  de  la  main  de  Taqy  ed-dîn,  fils  du  qâdy  de 
Chohbeh,  dans  sa  Chronique  :  •  En  djoumâda  1*'  de  l'année  810  fpt 
achevée  la  reconstruction  de  la  madraseh  la  Djawziyeh  qui  avait 
été  peu  de  temps  auparavant,  durant  le  gouvernement  (nyâbeh)  de 
Tanbak,  détruite  par  un  incendie.  Elle  avait  été  (déjà)  reconstruite 


/ir4  NOVEMBKK-DGCEMBRK  1804. 

m 

à  l'époque  oà  le  qâ  ly  Chams  ed-din  en-Nâbolosy  exerçait  les  fonc- 
lions  de  q.'dy  des  Hanbalîtes»  (N,  fol.  s  17  v*]. 

Le  qâdy  Gbams  ed-dîn  de  Naplouse,  Mohammad  ebn  Ahmiid 
ebn  Mahmoud,  vint  à  Damas  après  l'année  770.  li  siégea  ensuite  à 
la  Djawziyeh  comme  témoin  («x^ân.!  j**^)  ^  ^^  cessa  de  monter 
en  grade.  H  fut  investi  en  rabf  a*^  de  Tannée  796  et  fut  tour  à 
tour  destitué  et  replacé.  H  avait  une  haUjcJi  pour  la  lecture  de 
l'arabe  en  présence  des  hommes  éminents.  Il  professa  à  la  maison 
(d'enseignement)  de  la  tradition  VAckrafiyeh  au  penchant  (de  la 
montagne]  et  à  la  Hanhaliyeh,  Il  mourut  la  nuit  du  (vendredi  au] 
samedi  la  moharram  de  Tannée  8o5  (12  août  i4oa],  dans  sa  de- 
meure, à. la  Sâléhiyeh  où  il  fut  enterré  (N,  fol.  aia  v**). 

^  Nom  -de  la  charge  exercée  par  le  moktaseh;  voir  chapitre  n, 
n.  82. 

^  On  lit  dans  le  Fawât  el  wafayât,  II,  p.  8  :  «31  juuvl^  ^  j 
il  ^^  51  JU  !i!3  ^  ^  ^  JU  !3!  ^,15'. 

^  ySt^)i»y±  «XJLe  •  chez  Hoûlâgoû  ».  Peut-être  le  copiste  a-t^il  omis 
un  mot  après  «xJLe ,  J^«>  (entrée] ,  par  exemple ,  c'est-à-dire  t  lors  de 
l'entrée  d*Hoûlâgoû  à  Baghdâd». 

"  D*après  Tordre  alphabétique,  cette  madraseh  devait  prendre 
rang  avant  la  Djawziyeh  et  c'est  ainsi,  en  effet,  qu*eUe  est  placée 
dans  N,  où  die  vient  en  tête  des  madraseh  hanbalîtes.  Toutefois 
il  Tappelle  la  KhâmoûckiyeK, 

'  Ou  du  plombier  [er-ralsâs), 

■  Comp.  Qor'ân,  xviii,  v.  87. 

^  N  Tappelle  la  Hanbaliyeh-Achrajiyeh-Chartfiyeh,  Elle  devrait 
porter  le  nom  de  Charafiyeh,  puisque  son  fondateur  fut  Chanif  el 
islam. 

*•  Voir  ci-devant  fol.  1 1  r",  sous  la  Petite  Qàymariyek, 

"  Au  lieu  de  ^a,mù<^,  N  écrit  pLâJl^. 

^*  Son  père,  Abou'l  faradj  ech-Ghîrâzy  'abd  El  Wâhed  ebn  Mo- 
hammed ebn  'aly,  mourut  le  jour  de  dimanche  18  dou'l  hedjdjeh 
de  Tannée  486  (D,  8  janvier  1096  ,  Cal.  astr.]  (N,  fcd.  a  19  r^). 

^'  H.  Khal.  ne  fait  pas  mention  de  ces  ouvrages. 

'«  Nadjm  ed-dîn  ebn  'abd  £1  Wahhâb  ebn  *abd  £1  Wâhed  ebn  Mo- 
hammad ebn  'aly,  ech-Ghirâzy  d'origine,  ed-Démachqy,  d  AnAAry, 
Ic.chaykh  Nadjm  ed-dîn  Abou'l  *alâ,  fils  de  Gharaf  di  islÀm,  fils  du 
chaykh  Aboul  faradj ,  le  chaykh  des  Hanbalîtes  de  son  temps, naquit 
Tannée  h^S.  H  ne  fut  investi  d'aucune  charge  de  la  part  du  snllan. 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  485 

Il  mourut  ie  13  rabî*  2'  de  Taniiée  586  et  fut  enterré  au  penchant 
du  Qâsyoûn  (N,  fid.  219  r^V). 

"  Le  successeur  de  Ghams  ed-dîn  en-Nâbolosy  dans  les  fonctions 
de  qâdy,  le  chaykh  des  Hanbalites  Ibrahim  ebn  Mohammad  ebn 
Mofleh  ebn  Mohammad  ebn  Mofarradj,  er-Ràmîny  d'origine,  d 
Moqaddasy,  puis  ed-Démachqy,  l'imàm,  le  ra^i  des  Hanbalites, 
Boj^ân  ed-dîn  et  Taqy  ed-din  Abou  Ishâq,  naquit  Tannée  7^9.  Il 
]»*ofessa  à  la  maison  (d*enseignement)  de  la  tradition  YAchrafyeh 
de  la  Sâléhiyeh,  à  la  Sdhéhah  et  dans  d*autres  madraseh.  Il  com- 
posa des  ouvrages.  Il  devint  sur  la  fin  de  ses  jours  le  chaykh  des 
Hanbalites.  Il  tenait  un  mCâd,  le  matin  du  jour  de  samedi,  au 
mehrâb  des  Hanbalites,  dans  la  (mosquée]  omayyade.  En  radjah  de 
l'année  801,  il  fîit  promu  qâdy  indépendant.  Il  mourut  ie  jour  de 
mardi  27  cha*bân  de  Tannée  8o3  (Ma,  1  2  avril  i^oi)  et  fîit  enterré 
aui  pieds  de  son  père,  à  la  Raiodah  (N,  fol.  212  v"-2i3  r"*). 

**  mEI  Hoûlah,  nom  donné  à  deux  cantons  de  la  Syrie  :  Tun  est 
une  des  dépendances  de  Hems ,  à  Bârîn ,  entre  Hems  et  Tripoli  ; 
Tautre  est  un. arrondissement  entre  Bànyâs  et  Soûr,  de  la  dépen- 
dance de  Damas;  il  renferme  des  villages.»  Maràsed, 

»'  N  Tappeile  la  Sâhébak. 

^*  Quand  l'émir  Sa'd  ed-dîn  mourut,  Saladin  maria  Rabiah 
Khâtoùn  à  el  malek  Mozaifer  ed-dîn,  seigneur  d^Arbèles,  avec  qui 
elle  demeura  à  Arbèies  plus  de  quarante  ans,  jusqu'à  la  mort  de 
ce  prince.  Elle  se  retira  alors  à  Damas  et  habita  jusqu'à  sa  mort 
dans  la  maison  d'el  'aqîqy,  qui  était  edie  de  son  père  Ayyoûb  (  N , 
foi.  223  r"). 

"  II,  p.  6i3. 

^  En  cba'bân  643  (décembre-janvier  12 45- 12 46). 

'^  Je  lis  ôh^«>)  et  non  c>5^«>! ,  comme  Ta  fait  par  inadvertance 
le  savant  traducteur  d'ebn  Khallikân. 

"  Le  copiste  a  écrit  ^^^  ^^  au  lieu  de  ^^^  ^^. 
^  Le  texte  porte  U,  que  je  supprime,  avant  o^jo. 

^^  En-Nâseh  ebn  el  Hanbaly  y  donna  la  leçon  en  radjab  de 
Tannée  628.  Ce  fut  un  jour  de  fête.  La  fondatrice  y  assista  der- 
rière le  rideau  (N,  fol.  2  23  v").  —  En-Nâseh  ebn  el  Hanbaly, 
AJk>u'1  faradj  'abd  Er-Rahman,  fils  de  Nadjm,  fils  de  *abd  £1 
Wahhâb,  fils  du  chaykh  Aboui  faradj,  ech-Chîrâzy,  el  Ansâry, 
hanbalite,  prédicateur  et  moufly,  naquit  à  Damas  Tannée  554.  U 
fit  des  voyages  et  composa  des  prônes,  des  séances  et  une  Histoire 


486  NOVEMBRE-DECEMBRE  1894. 

des  prédicateurs,  H  anisU  avec  le  sultan  Salâh  ed-dîn  à  la  conquête 
de  Jérusalem.  Il  professa  dans  plusieurs  madraseii,  entre  autres 
dans  celle  de  son  aieul,  la  Hanhaliyek,  et  à  la  Mesmâriyek,  Puis 
la  sAhébah  Rabf  ah  Kh&toûn  lui  bâtit  à  la  montagne  une  madraieh 
appelée^  Sâhébak;  il  y  donna  la  leçon  et  ce  fîit  un  jour  de  fête.  Il 
est  l'auteur  de  divers  ouvrages.  H  mourut  à  Damas  le  jour  de  sa- 
medi 3  el  moharram  de  Tannée  634  (6  septembre  laSG),  et  fut 
enterré  dans  la  turbeh  de  sa  £unille,  an  penchant  deQâsyoân  (N , 
f<d.  220  r*). 

^  Yahya,  fils  d'en-Nâseh  *abd  Ei^Rahman,  fils  de  Nadjm,  fils 
du  Hanbalîte,  le  chaykh .  l'imâm  Sayf  ed-din,  fils  d'ea-Nlieh, 
mourut  le  17  chawwâl  de  Tannée  673  (N,  toi,  390  v*). 

^  Le  chaykh,  le  qâdy  suprême  Ghams  ed<4lîn  Mbhammad  «bn 
Mofleh  ebn  Mohammad  ebn  Mofarradj ,  er-Ràmîny,  mourat  à  TAge 
de  cinquante  et  un  ans,  à  la  SHéhiydi,  en  radjabde  Tannée  763. 
Il  composa  des  ouvrages  (N,  fid.  39^  yT), 

>7  H.  Khal.,  IV,  4 161  tLes  Forof  (Principes  dérivés)  sur  la 
jurisprudence  hanbalîte,  en  deux  volumes,  par  le  chaykh  Ghana 
ed-dîn  Abou  *abd  Allah  [Mohammad]  ebn  Mofldi,  le  hanbalîte , 
mort  en  763»  (Comm.  3i  octobre  i36i). 

*  N  porte  el  mo^addel  (le  certificateur  de  la  moralité  des  té- 
moins). 

^  On  lit  dans  B  ^f^^^  et  dans  N  o^la^  Jl ,  ce  qui  prouverait  que 
ces  deux  expressions  sont  synonymes. 

^  N  remplace  tfy«^l  par  ;i5^)  «le  bon  (djâmé')».  Voici  le  pas- 
sage tel  qu'on  le  trouve  dans  N  : 

«Il  avait  été  investi  pendant  quelque  temps  de  Tinipection 
nazar)  du  «bon  djâmé*»  et  avait  fait  beaucoup  de  choies  nou- 
vdies,  entre  autres  le  marché  des  chaudronniers  {soûq  «n-R«AAdj<n), 
au  sud  du  djâmé*;  il  transféra  le  bazar  des  orfèvres  (es-Sàghak) 
à  la  place  qu'il  occupe  actudlement.  B  se  trouvait  auparavant 
à  Tendroit  qu'on  appelle  Yancienne  Sâghah.  H  reconstruisit  les  ma* 
gasins  qui  sont  entre  les  piliers  de  Yaddition  et  enridiit  le  djânaé* 
de  biens  considérables.  On  a  dit  de  lui  qu'il  pratiquait  Tart  de 
Talchimie  et  qu*il  avait  réussi  à  produire  de  Targent;  mais  Je  ne 
crois  pas  (c'est  ebn  (Catir  qui  parle]  qu'il  y  soit  parvenu.  Dieu  con- 
naît mieux  la  vérité.  »  —  Ebn  Mofleh  dit  dans  ses  Clastn  des  ffa»- 
baUtes  :  «  As  ad  ebn  'otmân  ebn  As^ad  ebn  el  Monadjdja ,  et-Tanoûkhy, 
puis  ed-Démachqy,  constitua  en  waqf  sa  maison  dont  U  fit  pour 
les  IJanbalîtes  une  madraseh  appdée  la  Sadr^ek;  U  lui  constitua 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  487 

des  waq£i  et  y  fut  eaterrë.  Cesi  lui  qui  renouvela  ies  magasins  (do- 
kâkin)  au  marché  (ne)  de  Y  addition,  entre  lei  piliers,  des  deux 
côtés,  et  bfttit  dans  le  mur  sud  de  la  grande-mosquée  les  bou- 
tiques (hawànit)  des  chaudronniers»  (N,  fol.  aaS  r**). 

'^  Ce  paragraphe  est  évidemment  incorrect  dans  B.  H  doit  être 
rectifié  comme  toit,  ainsi  qu'on  le  dit  dans  N  :  cLe  premier  qui  y 
donna  des  leçons  fut  son  frère  Wadjîh  ed«dîn  ebn  Monadjdjt, 
comme  suppléant  du  fib  de  son  frère  Sadr  ed-din;  puis,  après  lui, 
le  fils  de  Wadjîfa  ed-dîn  (N.  fol.  336  i^).  — -  Wadjîh  ed-dSn  ebn 
d  Monadjdja,  Ifohammad  ebn  'otmàn  ebn  As'ad  ebn  el  Monadjdja, 
fut  le  fondateur  de  la  maison  (d'enseignement)  du  Qor  an  la  fVa- 
djUûy^,9  Voir  chap.  i  et  sa  note  3s. 

EnrNo*aymy  donne  ici  (foL  saS  v^-3a6  v**)  un  artide  intitulé  la 
WodjÛdy^  et  qn'il  consacre  aux  biografdiies  des  ]»*ofesseurs  han- 
balites  qui  donnèrent  des  leçons  à  la  Sadrvfik. 

H.  Khal.  fait  mention  (  III ,  1 68 ,  et  VI ,  478  )  de  deux  ouvrages  com- 
posés par  l'aïeul  d'As*ad,  Wacljîh  ed-din  As'ad  d[>n  el  Monadjdja, 
ed-Démachqy,  hanbalite,  mort  Tannée  606  [Comm^  6  juillet  1309]. 

^  Voir  sur  les  Ahkàm,  ouvrage  traitant  de  la  jurisprudence  han- 
balite, par  le  chaykh  hanbalite,  le  hâjez,  Timàm  Dyà  ed-dîn  Mo- 
hammad  'abd  El  Wâhed,  el  Moqaddasy,  mort  l'année  643  [Comin, 
39  mai  1345),  H.  Khal.,  I,  p.  177. 

Le  Fawât  el  wajayât  (II,  396)  donne  ainsi  sa  biographie  :  «Mo- 
hammad  ebn  'abd  El  Wâhed  ebn  Ahmad  ebn  'abd  Ër-Rahman  ebn 
Ismâll,  le  hâfez,  Vargument,  Timàm  Dyâ  ed-din  Abou  'abd  Allah 
es-Sa'dy,  ed-Démaohqy,  e«-SAléhy,  auteur  de  nombreux  ouvrages, 
naquit  à  ed-Dayr  el  mobârak  l'année  669.  Il  fit  d'abord  le  voyage 
de  M^r  en  695,  puis  se  rendit  à  Baghdâd  et  à  Hamadân,  revint 
à  Damas,  se  rendit  ensuite  à  Isfahân ,  à  Marou,  à  Halab,  à  Harrân , 
à  Mosoul  et  rentra  à  Damas.  Dès  son  retour,  il  se  mit  à  composer 
ses  ouvrages,  au  nombre  desquels  sont  :  le  Kétàb  9I  tJihàai,  3  vo- 
lumes; les  FadâU  el  a*mâl,  1  volume;  el  AhàdU  el  mokhiârak  (les  tra- 
ditions choisies),  en  quatre-vingt-dix  parties;  ies  FadâÛ  ech-Ckâm 
(les  mérites  de  la  Syrie) ,  en  trois  parties  (etc.).  11  bâtit  une  madraseli 
à  la  porte  du  djâmé'  el  Mozafféry  et  fut  aidé  par  des  gens  de  bien. 
Il  lui  constitua  en  waqf  ses  livres  et  ses  volumes.  Elle  fut  pillée  à 
l'époque  des  malheurs  qu'éprouva  la  Sâléhiyeh  lors  de  l'invasion 
de  Ghftxàn.  La  mort  du  chaykh  Dyâ  ed-din  eut  lieu  Tannée  643.  » 
—  Comp.  aussi  en-No*aymy,  fol.  336  ¥"-337  v*. 

^  H*  Khal.  fiiit  mention  de  cet  ouvrage  (IV,  p.  446),  niais  sous 


488  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

le  titre  de  Fadâîlel  <£mâl  seulement;  el  mojMàrak  se  rapporte  peut- 
être  à  el  Ahâdit,  que  B  aurait  omis,  et  formant  le  titre  de  l'oa- 
vragc  mentionné  dans  le  Fawât  el  wafayàt. 

^  H.  Khal.  en  cite  un  grand  nombre. 

^  AdjzA',  proprement  c Sections»  (du  Qor^àn).  Ces  sections  sont 
au  nombre  de  trente  et  forment  autant  de  vdumes  rdiéi  séparé- 
ment et  contenus  dans  un  étui.  La  Bibliothèque  de  Marseille  en 
possède  plusieurs  exemplaires  dépareillés. 

^  B  écrit  Gbars  ed-dîn.  N  ne  lui  donne  pas  le  nom.de  Taqy  ed- 
din.  On  lit  (fol.  338  r"*)  :  cMohammad  ebn  Ibrahim  ebn  *abd  Allah 
ebn  Abî  'omar,  el  Moqqadasy,  le  khatih  'ezz  ed-din  Abon  'abd  AUah , 
fib  du  cbaykh  el  'ezz,  professa  à  la  madraseh  de  son-aienl.et  rsiii- 
plit  les  fonctions  de  hJiaUb  au  djâmé'  el  M(ttafféry.  Il  mourut  le 
jour  de  lundi  30  ramadan  de  Tannée  648  (lire  748=L,  94  décem- 
bre 1347)  et  fut  enterré  dans  la  turbeh  de  son  aieol  le  diaykh 
Abou  *omar.  » 

^^  Chams  ed-dîn  el  Qabâqéby,  Mohammad  ebn  Mohammad  eiin 
Ibrahim  ebn  'abd  Allah,  el  Mardâwy,  le  chaykh.  l'imAm  Chams  ed- 
din,  connu  sous  le  nom  d'd  Qabâqéby,  puis  d*^-Sâl^y,  occupa  la 
chaire  de  la .  Dyâ'ïyeh  qui  est  a  .  c6té  du  djàmé* .  el  Moiafi&ry.  il 
mourut  le  jour  de  mercredi  18  dou*l  qa'deh  deTaimée  8s6  [lire 
le  38=Me,  3  novembre  1428)  et  fut  enterré  &  la  Sâléhiyefa  (N, 
fol.  338  v''). 

•  Marda,  par  un  def  bref,  village  près  de  Naplouse*»  Maràtjtd, 
—  Voir  Victor  Guérin,  Samarie,  t.  II,  p.  163. 

^  tSaqlé,  un  des  villages  de  Damas,  à  la  Ghoûtah.»  Jfaré- 
$ed. 

"  À\  (âs^xi.l;)«>  JUj)  ^W^  f^  «âJlS  IfJU^  jNih^j;jenesaii8ij*ai 
bien  compris  le  mot  ^l^ . 

*^  Sic,  Mais  je  suppose  qu  il  faut  lire  amin .  (l'homme  de  eoa- . 
ûance] ,  comme  plus  haut. 

^^  Dans  le  paragraphe  consacré  à  la  Ckaràbtch^réi  (clii|ft.  y),  le 
père  d*ech-Gharàbîchy  (Ghéhâb  ed-din)  est  appelé  Noâr.fid-daideh. 

"  Ce  mot  ne  se  trouve  pas  dans  le  Qâmoàs.  Ici  il  me  paraii  aii- 
gnifier  tune  pièce  de  terre,  un  champ». 

^  •DjammâHl,  viUage  situé  sur  la  montagne  de  Napiouse  et  fai- 
sant partie  du  territoire  de  la  Palestine.  Entre  Djammâ^  et  Jém- 
salem ,  il  y  a  une  journée  de  marche.  De  ce  village  est  originaire 
rimâm  Mowaffeq  ed-dîn  ebn  Qodftmah  ainsi  que  sa  famille.. Ceat 
un  ^'aqf  constitué  en  leur  faveur  et  qui  a  toute  une  .histoire.»  Ma» 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  489 

i^ed,  —  Van  de  Vdde,  sur  sa  carte  (section  5),  et  Victor  Guérin 
dans  Samarie,  t.  II,  p.  173 ,  écrivent  le  Yiom  de  ce  village  par  un*  n 
à  la  fin. 

Suivant  d'autres,  Abou  *omar  serait  né  au  village  d'AksâwyÂ(?). 
C'est  lui  qui  âeva  son  frère  Mowaffeq  ed-dîn  ;  il  le  traita  avec  bonté 
et  pourvoyait  à  tous  ses  besoins.  Il  vint  de  ce* pays  (la  Tmre-Sainte). 
Ib  descendirent  à  la  mosquée  d'Abou  Sâleh,  puis  ils  se  transpor- 
tèrent de  là  au  penchant  (du  Qàsyoûn) ,  oh  il  n'y  avait  d'autre  con- 
struction que  le  couvent  d'el  Hawrâny  (N,  fol.  339  v**). 

**  Qor'ân,ii.'n6. 

^  B  écrit  <x^t  yA  3 .  Je  crois  devoir  lire  «x^t  yA  j . 

D'après  le  hâfez  ed-Dahaby,  dan»ies  'ébar,  le  père  du  chaykh  Abou 
*omar  et  du  chaykh  el  Mowaffeq  mourut  en  l'année  558,  âgé  de 
soixante-sept  ans  (N,  fol.  339  r"). 

.**  Le  texte  porte  Jy-ç  «au  logis»;  mais  il  faut,  je  présume,  lire 
Jvjrsc,  comme  plus  bas.  —  Au  fol.  89  r^,  il  sera  fait  mention 
d'Abou  'omar  à  propos  de  la  grande-mosquée  de  la  montagne, 

«La  mosquée  d'Abou  Sâleh,  dit  ebn  Chaddâd  dans  son  livre 
(intitulé]  el  A^lâq  el  IJiatirah,  est  ancienne.»  Puis  :  «Abou  Bakr 
ebn  Sanad  Ahmadoûnah,  Tascëte,  s'y  tenait  assidûment.  Il  y  laissa 
en  mourant  son  compagnon  Abou  Sâleh,  de  qui  elle  tira  son  nom. 
Elle  fut  habitée  par  une  réunion  d'hommes  justes.  Il  s'y  trouve  un 
puits  et  elle  a  un  waqf  et  un  imâm.  »  —  Le  chaykh  Taqy  ed-dîn , 
connu  sous  le  nom  de  fils  du  qâdy  de  Chohbeh ,  dit  dans  sa  Chro- 
nique, sous  Tannée  53o  :  «Abou  Sâleh  le  dévot,  Mofleh  ebn  *abd 
Allah,  le  chaykh,  le  dévot  Abou  Sâleh,  le  hanbalite,  le  fondateur 
de  ]a  mosquée  d'Abou  Sâleh  en  dehors  de  bâb  charqy,  fut  le  com- 
pagnon d'Abou  Bakr  ebn  Sanad  Ahmadoûnah,  ed-Démachqy.  Il 
opéra  des  prodiges  et  eut  des  stations  et  des  états  ".  Il  resta  une  fois 
quarante  jours  sans  boire.  Suivant  ebn  Katîr,  il  mourut  en  djou- 
mâda  1"»  (N,  foL  229  v°-23o  r°). 

^^  Je  lis  c:»MoJ),  au  lieu  de  c»)^!^!  que  porte  le  manuscrit. 
^^  y^\y^,  pi.  de  i^^5l^,  ne  se  trouve  pas  dans  le  dictionnaire 
arabe-francais  de  Kazimirski.   Bocthor  le  donne  sous  enclos,  avec 
^iCw  comme  synonyme. 

^^  Le  hanbalite  Zayn  ed-din  Akou*l  faradj  'abd  Er-Rahman  ebn 
Ahmad,  el  Baghdâdy,  vulgo  ebn  Radjah,  mourut  en  Tannée  795 

*  Cf.  sur  ces  termes  de  soûGsme  les  Prolégomènes  d'ebn  Khaldoùn,  III , 
p.  87. 


490  NOVEMBRE-DÉGËMBRË  1804. 

(  CoMM.  1 7  novembre  i  Sga  ).  —  ]1  s'agît  ici  de  U  Saiu  (  Js»&  )  doimée 
)ar  ebn  Radjah  aux  Taha^  d  këMkaliyek  du  qftdy  Abou  1  Hoaayn 
Mohammad]  ebn  [Mohammad  ebn  d  Hosayn]  Abou  Ya*l«,  le 
lanbi^te,  d  Fairà  [mcart  en  martyr  Tannéii  5a&  (Comm.  33  bo- 
vembre  ii3i)]. C£.  H.  Khai.,  IV, pw  i35. 

^  G»t  la  xxxvi*.  Elle  est  récitée  comme  priera  dea  agonisants. 

w  Qor'àn,  u,  n.  63. 

"  Laxvni*. 

^  n  s'agit  probablement  ici  do  Tart^  Aki  Okêmah  (H.  {yial., 
II,  p.  io6),  qui  est  une  Suite  (J^)  du  TcLrVjh  Démack^  (Histoîre 
de  Damas).  —  Peut-être  fiiut-il  lire  JshS. 

^  Au  lieu  de  Taqy  ed-dîn ,  N  dit  'eis  ed^in.  —  'abd  ^  ^asla 
ebn  'abd  El  Malek  ebn  *otm4B,  d  Moqaddasy,  le  jansconsolte  *flu 
ed*dln  Aboa  Mobanomad,  professa  à  la  madraseb  du  cbaykb  Abou 
'omar  et  donna  des  leçons  de  tradition.  Il  mourut  lo  1 1  4ott.*i  <{a*doh 
de  Tannée  634  (N,  fol.  23k  i^). 

••  Voir  cî-devant,  note  36. 

^  Borbân  ed*^n,  le  qàdy,  le  grand  savant,  notre  diaykb  Aboii 
Isbàq  Ibràbim,  fils  du  cbayk^  Akmal  ed-<^  Mohammad,  fils  de 
l'imâm,  le  cbaykh  des  musidmans  Gbaraf  ed-din  Abou  Mohammad 
*abd  Allah,  fils  du  cbaykh,  le qâdy  suprême,  Abou  *abd  Aliah  Mo- 
hammad, fils  de  Mofleh,  fils  de  Mohammad,  fils  de  Mofarradj» 
er-Ràmîny,  d  Moqaddasy,  ^-SMehy,  naquit  le  jour  de  lundi 
3  5  djoumâda  i*"  de  Tannée  816.  H  professa  à  la  madraseb  d'Aboa 
*omar  (située]  k  la  Stiéfaiyeh,  à  la  maison  (d'enseignement)  de  la 
tradition  VAehrafiyeh,  où  il  habitait,  à  la  HanbuUyeh^  h  la  Marner- 
riyek,  à  la  Djawtiyek  et  ao  djâmé"  d  Moxafféry.  H  composa  des  ou- 
vrages. Il  conserva  le  poste  de  qàdy,  avec  les  fonctions  y  rattachées , 
jusqu'à  la  réintégration  de  son  neveu  N^m  ed-dln  dm  Mofleh, 
l'année  85  a.  Borbân  ed-din  partit  pour  Meor  où  TaYaii  précédé  son 
fib  Akmal  ed-dîn.  Rétabli  qàdy,  il  revint  à  Damas  et  fit  son  entrée 
le  jour  de  lundi  ag  ralû*  2^  de  Tannée  853.  Le  jour  de  lundi  26  ei 
moharram  de  Tannée  863  arriva  de  Mesr  à  Damas  la  nouvelle  de 
sa  destitution.  Dans  la  suite,  U  iîit  de  nouveau  nommé  qàdy  et 
conserva  cette  charge  jusqu'à  sa  mort,  qui  eut  lieu  la  nuit  du  (mardi 
au)  mercredi  4  cha'bân  de  Tannée  884  (Me,  20  octobre  1 4791  Cal. 
astr.),  en  sa  demeure,  dans  la  maison  (d'ensdgnement)  de  la  tra- 
dition VAchraJiyeh,  au  penchant  (du  Qàsyoûn).  Il  fut  enterré  à  la 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  401 

Rawdah,  auprès  de  son  père  et  de  ses  aïeux  (N,  fd.  ai6  ¥'^-317  v"). 
—  Voir  ia  biographie  de  son  père  ci-devant,  n.  i5. 

'^  En  djoumâda  i*"  de  Tannée  8^7  et  le  jour  de  dimanche  30  du 
mois  (D,  i5  septembre  idd3),  Zayn  ed-dîn  Khattâb  el  'adjloûny,  le 
châfé'ite,  donna  la  leçon  à  la  madraseh  d*Abou  'omar.  Le  qâdy  Bahft 
ed-din  ebn  Hedjdjy  avait  créé  pour  lui  une  chaire  et  lui  avait  assi- 
gné un  traitement  mensuel  de  1 5o  derhams;  mais  Tinspecteur  (  nâzer) 
s*y  0{:^9sa.  Puis ,  un  accord  étant  intervenu ,  on  lui  fixa  90  derhams 
par  mois  (N,  fol.  33 1  v"). 

Notre  chaykh .  le  très  savant,  le  moufiy  des  musulmans,  Zayn 
ed-dîn  Khattâb ,  fils  de  l'émir  *omar  ebn  Mohanna  ebn  Yoûsef  ebn 
Yahya,  el  Ghézâry,  el  *adjloûny,  puis  ed-Démacbqy,  le  châfé'îte, 
naquit  vers  Tannée  807  ou  808 ,  dans  la  ville  de  'adjloûn.  U  pro- 
fessa à  la  Châmijreh  ejctra  nmros ,  après  la  mort  de  notre  chaykh 
Badr  ed-din,  fils  du  qâdy  de  Gbohbeh;  à  la  madraseh  la  Roknijreh 
chaj^iie,  à  la  Kallâsek,  comme  suppléant,  et  dans  d'autres  collèges. 
U  mourut  dans  sa  demeure  (située)  au  nord  de\a.Bâdérà'tydi,  de  la 
maladie  appelée  ed-deqq,  au  tiers  de  la  nuit  du  (dimanche  au)  lundi 
20  ramadan  de  Tannée  878  (L, 7  février  1674*  Cal*  astr.).Leqâdy 
châfé'ite  Qotb  ed-dîn  el  Khaydary  fit  la  prière  sur  son  corps  dans  la 
grande-mosquée ,  à  la  porte  de  la  prédication ,  ayant  derrière  lui  le 
nàih  de  Syrie  Djâny  Bek  Qalaqsis.  Il  hit  enterré  sous  la  madantk  (le 
minaret)  el  hassiyeh,  à  Test  de  la  mosquée  dV/  Bass,  au  bord  du 
cimetière  de  hâh  es-saghir,  sur  le  grand  chemin  conduisant  à  la 
mosquée  de  l'orange,  à  Torient  de  la  turbeh  de  Qotb  ed-dîn  el 
Khaydary  (N,  fol.  77  r*»). 

^^  Au  lieu  de  «son  hrèrei,  N  porte  «le  frère  dei. 

^  Sa  biographie  est  donnée  par  es-Saqqà*y  (fol.  63  v°)  :  «El 
malek  el  Achraf  Mozaffer  ed-dîn  Abou'l  fath  Moûsa ,  fib  d*el  malek 
el  Mansoûr  (Ibrahim),  fils  d'd  malek  el  Modjâhed  Asad  ed-dîn 
Chîrkoûh,  seigneur  de  Hems.  Après  la  mort  de  son  père,  il  devint 
souverain  de  Hems  et  de  ses  dépendances. 

c  Lorsqu  el  msdek  en-Nâser  Yoûsef  prit  possession  de  Damas  en 
Tannée  648,  il  lui  enleva  Hems  et  lui  donna  en  échange  Tdl  Bâ- 
cher, qui  resta  en  son  pouvoir  jusqu'à  la  prise  de  Halab  et  de  la 
Syrie  par  Holâwoû  (sic)^  en  Tannée  658.  £1  malek  en-Nâser  s'en- 
fuit de  Damas  et  les  troupes  se  dirigèrent  vers  TEgypte.  El  malek 
el  Achraf,  ayant  gagné  le  camp  (ordoà)  d'Holâwoû  sur  le  territoire 
de  Halab,  se  fit  connaître  et  exposa  la  conduite  d'el  maiA  en- 
Nâser  à  son  égard.  El  Achraf  était  d'une  extrême  beauté  et  possé- 


492  NOVEMBRE-DECEMBRE  1894. 

(lait  une  grcmde  facilité  d'élocution.  C'était  encore  un  jeune  homme. 
Son  langage  et  sa  physionomie  plurent  à  Holâwbû ,  qui  ordonna  de 
lui  rendre  Hems  et  tout  ce  qu'il  possédait  en  premier  lieu  et  le 
nomma  son  nâîb  en  Syrie  avec  juridiction'  sur  les  autres  lieute- 
nants. Il  prit  donc  livraison  de  Hems  et,  étant  venu  à  Damas,  il  se 
réunit  avec  les  commandants  des  Tatars.  On  n'entendait  dire  que 
du  bien  de  lui.  Cela  continua  jusqu'à  ce  qu'il  apprit  l'arrivée  d*el 
msdek  el  Mozaffar  Qotoz.  Après  avoir  envoyé  prendre  de  lui  un  sauf- 
conduit,  il  se  présenta.  Le  sultan  alla  à  sa  rencontre,  lui  souhaita 
la  bienvenue  et  le  confirnia  dans  la  possession  de  Hems  et  de  ses 
dépendances.  R  assista  à  la  seconde  bataille,  livrée  à  Hems  en 
Tannée  65 9,  ayant  avec  lui  lé  seigneur  et  l'armée  de  Halab,  et  s'y 
distingua.  Les  Musulmans  remportèrent  la  victoire.  El  malek  ea- 
Zâber  le  confirma  dans  ses  possessions.  U  ne  cessa  de  mériter  des 
éloges  par  sa  conduite  et  mourut  à  Hems  dans  les  derniers  jokirs 
de  Tannée  661  (lire  663). 

<  Asad  ed-din  Chirkoûh  l'ancien  eierça  la  souveraineté  à  Hems  en 
Tannée  563;  Noûr  ed-dîn  ebn  Zenky  lui  avait  fait  don  de  cet£e 
ville.  Lorsqu'il  partit  pour  l'Egypte  dont  il  reçut  le  vizirat,  Hems 
sortit  de  sa  possession  et  d  malek  en-Nâser  Salâh  ed-dîn  en  devint 
le  souverain;  ce  prince  en  gratifia  Nâ^er  ed-din  Mohammad,  fils 
d'Asad  ed-dîn,  qui  y  reçut  le  titre  honorifique  d'el  Mansoâr,  en 
Tannée  570  (sic),  EUe  demeura  en  son  pouvoir  jusqu'à  sa  mort, 
en  Tannée  58 1,  et  passa  alors  à  son  fils  el  mdek  el  Modjâhed  Asad 
ed-dîn  Cbirkoûh,  âgé  de  douze  ans,  jiisquà  ce  qu'il  mourut,  Tan- 
née 687,  après  un  règne  de  cinquante-six  ans.  Son  fils  el  midek  el 
Mansoûr  (Ibrahim)  posséda  Hems  cette  même  année  jusqu'à  sa 
mort  en  644*  H  eut  pour  successeur,  jusqu'en  663,  d  malek  cl 
Acbraf  Moûsa  dont  nous  venons  de  parler. 

«J'ai  vu  entre  autres  les  Arabes  bédouins  qu'il  fit  pendre  en 
Tannée  660  depuis  er-Rastan  jusqu'à  el  Qâboûn.  Voici  dans  qddlës 
circonstances  :  les  Khafâdjah  et  les  Ghazyah  arrivaient  jusqu'au 
Wâdy  er-Rabî'ah,  entre  Hems  et  Qârâ,  et  enlevaient  les  caravanes 
de  marchands  et  autres.  Qudiques  hommes  se  postèrent  sur  leur 
chemin  avec  des  pigeons  d'el  mdek  el  Achraf;  ils  devaient,  dés 
qu'ils  les  verraient,  lâcher  les  pigeons.  Le. prince  et  les  troupes  de 
Hems  se  tenaient  prêts.  A  l'arrivée  des  pigeons  annonçant  que  les 
Bédouins  étaient  parveniis  à  td  endroit ,  où  ils  avaient  laissé  lenrs 
bagages ,  et  avaient  passé  en  un  détachement  au  nombre  de  cin- 
quante individus,  el  Achraf  envoya  dnquante  cavaliers  an  lien  èè 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  493 

sa  trouvaient  les  bagages  et,  aprèft  les  avoir  pris,  ils  demeurèrent 
là.  Une  caravane  de  marchands  marcha  en  avant  jusqu'au  Wâdy 
er-Rabi*ah.  Caravane  et  Bédouins  arrivèrent  tous  à  la  fois  et  ceux-ci 
se  mirent  à  s'en  emparer.  El  malek  el  Achraf  avait  posté  ses  sol- 
dats tout  autour  d  eux.  Les  cinquante  furent  tous  &its  prisonniers 
et  pendus  depuis  le  khAn  dW-Rastan  jusqu'à  ei  Qâboûn.  A  chaque 
khân  il  y  avait  deux  pendus.  Ayant  vu  qu'au  khân  de  Qârâ  il  n'y 
en  avait  qu'un,  j'en  demandai  la  raison;  il  me  fut  répondu  que 
son  camarade  s'était  enfui,  bien  qu'ayant  les  deux  mains  rongées ^ 
et  que  les  chevaux  n'ayant  pu  le  rattraper,  il  s'était  sauvé.  * 

nEr-Rastan,  petite  ville  ancienne  entre  Hamâh  et  Hems.  Elle 
éta^it  située  sur  la  rivière  d'el  Mimas,  qui  est  e/ ^ds^  (l'Oron te); 
elle  est  actuellement  en  ruines.  Il  s'y  trouve  des  restes  de  monu» 
ments  qui  indiquent  son  importance.  Elle  est  sise  sur  une  hauteur 
dominant  l'Oronte.  »  Marâsed. 

^^  Ebn  Hâmel  le  traditionniste,  Mohammad  ebn  El  Mon'em 
ebn  *émÂd  ebn  Hâmel,  Chams  ed-dîn  Abou  *abd  Allah,  el  Har- 
râny,  mourut  dans  le  mois  de  ramadan  de  l'année  771.  Il  con- 
stitua en  waqf  ses  5ec/ioR5  (dvL  Qov  kn) ,  klei  Dyâ'îyeh.  Il  était  chaykh 
de  la  tradition  à  la  'âlémah  (J^,  fol.  2  33  r"). 

^^  Yoûsef  ebn  Bakr  Zakariyâ  Yahya  ebn  en-Nâseh  *abd  er-Rahman 
ebn  el  Hanbaly^  ech-Chîrâzy  d'origine ,  es-Sâléhy,  était  d'une  famille 
célèbre  par  ses  savants  et  ses  hommes  éminents.  —  Notre  chaykh , 
le  chaykh  Taqy  ed-dîn,  fils  du  qâdy  de  Chohbeh,  dit  :  «C'est  le 
chaykh  d'illustre  origine,  le  professeur  Chams  ed-dîn  Abou'l  ma- 
jiâsen  et  Abou'l  Mozaffer.  Il  lut  investi  de  la  charge  de  chaykh  de 
la  'âlémah  et  de  son  inspection  (naçar),  ainsi  que  de  l'inspection 
de  la  Sâhébak,  et  professa  à  ces  deux  madraseh.  11  mourut  le 
jour  de  vendredi  6  cha'bân  dellannée  761  (V,  8  octobre  i35i.  Cal. 
aslr.),  à  la  Sâléhiyeh,  et  fut  enterré  au  penchant  du  Qâsyoûn»  (N, 
fol.  2  33  r^-v"). 

^^  Ebn  'asâker,  dans  son  Tari'Ji,  l'appelle  el  Hasan  ebn  Mesmâr, 
el  Hélâly,  etc.  Il  faisait  dans  la  grande-mosquée  de  Damas,  à  la 
halqah  des  Hanbalîtes,  la  prière  des  tarâwih  (N,  fol.  233  v*). 

^  Moqrj.  M.  de  Slane  (Biographical  dictionarj,  I,  p.  675)  donne 
la  différence  qu'il  y  a  entre  ce  terme  et  celui  de  (fâiy.  L'un  indique 
le  professeur  qui  enseigne  le  Qor'ân  en  le  lisant  lui-même  à  ses  audi- 
teurs ;  Tautre  celui  qui  se  le  fait  lire  par  ses  élèves  et  corrige  les  fautes 
qu'ils  peuvent  faille.  La  même  différence  existe  entre  CeU^et  C&y^. 
Le  premier  signifie  apprendre  en  écoutant  les  leçons  du  maitre  et  la 

IV.  32 


mraitiiuMr.  utioialb. 


494  NOVEMBRE-DECEMBRE  1804. 

second,  répéter  les  leçons  aa  professeur,  qmjait  à  leur  sujet  des  ob^ 
servations, 

^  N  écrit  el  qasab, 

M  H.  Khal.  (  VI,  478)  dit  que  ie  qàdy  Wadjfh  ed-dîn  As'ad  ebn 
ei  Monadjdja,  ed-Démachqy,  mort  l'année  606  [Comrn,  6  juiUet 
1309),  composa  sons  le  nom  de  la  NéhAyeh  un  commentaire  de 
VHédàyeh  Jfl  forûà'  (sm*  les  branches  dérivées  du  droit  hanbaitte) 
par  ebn  d  Khattâb  Mahfoâz  et-Tonbftdy,  le  hanbalite.  I^  même 
bîMiograpbe  cite  encore  de  Wadjîb  ed-dln  (n[,  167-168)  la  Khé- 
lâsahftlforoû\ 

^  H.  Kbal.  n'attribue  à  Wadjîb  ed-dtn  aucun  ouvrage  pcnrtant 
ce  titre. 

^  Agé  de  quatre-vingt-sept  ans. 

*^  Le  copiste  a  évidemment  fait  ici  une  répétition.  —  Dana  N, 
l'article  d'd  Monadjdja  est  parfois  supprimé. 

^  Au  rapport  d'el  Asady,  ie  qâdy  Wadjîb  ed-dîn  Abou'l  faradj 
'omar,  fils  du  qâdy  Wadjib  ed-dîn  As'ad  ebn  el  Monadjdja,  y  pro- 
fessa en  l'année  6 a 5.  Ebn  Ka|ir  dit  sous  Tannée  64 1  :  «Le  chaykh 
Gbams  ed-dîn  Aboul  faradj  'omar,  fib  d'As'ad  ebn  d  Monadjdja, 
et-Tanoû^hy>  ^  Ma'arry,  le  ^anbalîte,  était  anciennement  qAdy  de 
Harrân.  Il  vint  ensuite  à  Damas,  professa  à  la  Mesmûriyeh  et  fut 
investi  d*emplois  sous  le  règne  d*el  Mo'azzam.  Sa  mort  eut  lieu  le 
7  rabî'  i*'  de  cette  année.  Son  frère  el  *eu  mourut,  après  lui,  ea 
dou'l  hedjdjeh,  et  fut  enterré  dans  sa  madraseh  qui  est  à  la  mon- 
tagne.» —  Ebn  Mofleb  dit  dans  ses  Classes  :  t'omar,  fils  d'As'ad, 
fils  d'el  Monadjdja,  fib  de  Baraltât,  fib  à'd  Moumel,  et-Tanoûkhy« 
le  qâdy  Chams  ed-dîn  Aboul  fotoùh  et  Abou'l  Khattâb.  fila  da 
qâdy  Wadjîh  ed-dîn,  vint  à  Damas  et  professa  ^  la  Mesmâriydi,  Il 
mourut  le  17  rabî  2^  de  Tannée  64 1  et  fut  enterré  au  penchant  du 
Qâsyoûn»  (N,fol.  234  r°-v"). 

'^  Nâseh  ed-dîn  Abou'l  faradj  *abd  Er  Rahman,  ^i  de  'abd  £1 
Wahhâb ,  fib  du  chaykh  Abou'l  &radj ,  ech-Ghirâzy,  d  Ansâry,  pro- 
fessa à  la  Mesmârijreh  conjointement  avec  Wadjîb  ed-dîn,  pois  aeid* 
après  la  mort  d'dbn  Monadjdja,  à  ce  que  je  pense  (dit  d  Aaady). 
Plus  tard  la  Sâhébak  fut  construite  pour  lai.  H  mourut  Tannés  634 
(M,  fol.  234  r").  —  Voir  ci-devant,  note  24. 

^  Le  qâdy  *ezz  ed-dîn  Mohammad  ebn  Gbams  ed-dîn  Ahmad  ebn 
Wadjîh  ed-dîn  mourut  en  djoumâda  i**  de  Tannée  746  (N,  fe- 
Uo  335  >°). 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  495 

^  Les  sourates  ii,  m»  xxix,  xxx,  xxxi  et  ziiii  commencent  par 
les  lettres  A,  L,  M. 

Les  lettres  H,  M  forment  le  commencement  des  sept  sourates 

XL  à  XLTI. 

"^  C'est  par  les  cinq  lettres  K,  H,  Y,  S  S  que  commence  la 
XIX*  sourate. 

^^  L'imprimerie  catholique  de  Bayrout  publie  du  Divfàn  d'el 
Alfhtal  une  édition  sur  laquelle  on  trouve  une  intéressante  notice 
dans  Journal  atiatùfue,  mai*juia  1893.  La  vie  de  ce  poète  .arabe 
chrétien  du  i*''  siècle  de  lliégire  a  été  donnée  par  Caussin  de  Per- 
cevsd  dans  le  même  Journal,  avril  i83d. 

^'  Abou  Mohammad  'abd  Allah  ebn  Ahmad ,  el  Baghdâdy,  vul^o 
ebn  el  Khachchâb,  grammairien,  mourut  en  Tannée  567  [Comm, 
[\  sept.  1177).  H.  Khal.  cite  de  lui  de  nombreux  ouvrages. 

'*  D*après  ebn  Batoûtah  (I,  2  3o),  il  y  avait  dans  Tintérieur  de 
la  Sâléhiyeh  une  madraseh  hanbalite ,  connue  sous  le  nom  de  mad- 
raseh  d  ebn  Monadjdja.  <  Les  habitants  d*es-Sâléhiyeh  suivent  tous 
le  rite  de  Timâm  Ahmad ,  fils  de  Hanbal*  » 

^^  il  mourut  à  Dama?  le  jeudi  4  cha'bân  de  Tannée  695  (J,  6  juin 
1 296 ,  Cal.  aslr.) ,  à  ^k^<&  de  soixante<[uatre  ans.  —  Es-Saqqâ*y,  qui 
donne  sa  biographie  (fol.  71  v°),  dit  qu'il  fut  enterré  au  Qâsyoûn, 
avec  sa  femme,  sœur  de  Sadr  ed-dîn. 

^^  <.^«xll  iuv^^  j(jJ)  o»|aM .  Cf.  Biographical  dictionaiy,  I,  55. 

^^  Djâmal  ed-dîn  Mohammad  ebn  Mohammad  ebn  'abd  Allah 
ebn  Mâlek,  et-Tây,  le  célèbre  grammairien,  auteur  de  VAlfiyeh, 
connue  sous  le  nom  d'AlJiyeh  ebn  Mâleh,  était  un  des  hommes  les 
plus  versés  dans  (1  étude  de)  la  syntaxe.  Un  grand  nombre  de  gens 
profitèrent  de  sa  science.  Il  mourut  à  Damas  en  cha'bân  de  Tan- 
née 672.  Son  fils  Badr  ed-dîn  Mohammad,  qui  était  parvenu  au 
même  degré  de  connaissance  de  la  syntaxe  que  son  père,  mourut 
en  Tannée  686  {E:i-Saqqâ*y,  fol.  66  v°).  —  Cf.  aussi  le  commen- 
taire de  VAlfiyeh  d'ebn  Mâlek  par  S.  de  Sacy. 

^^  H.  Khal.  ne  fait  pas  mention  de  ce  commentaire. 

^  Dans  N ,  on  lit  «  TAlfiyeh  ». 

"^  Chams  ed-dîn  Abou  'abd  Allah  Mohammad  ebn  'abd  El 
Wahhâb  ebn  Mansour,  el  Harrâny,  le  jurisconsulte,  fut  le  premier 
hanbalite  qui  rendit  la  justice  à  Mesr.  Il  exerça  les  fonctions  de 
substitut  du  qâdy  au  nom  du  qâdy  en  chef  Tâdj  ed-dîn,  fils  de  la 
fille  d'cl  A'azz.  Ayant  quitté  TLgypte  pour  se  rendre  à  Damas,  il  y 
donna  des  leçons  de  jurisprudence  dans  une  halqah  lui  appartenant 

33. 


496  NOVEMBRE-DECEMBRK  1804. 

dans  la  grande-mosquée.  Atteint  de  paralysie  quatre  mois  avant  sa 
mort,  il  perdit  Tusage  de  tout  le  c6té  droit  et  sa  langue  s*alourdit. 
Il  mourut  ia  nuit  du  (jeudi  au)  vendredi,  entre  les  deux  *échâ 
(prières  du  soir),  six  nuits  s'étant  écoulées  de  djoumâda  i*'  de 
Tannée  676  (V,  16  octobre  1376,  Cal.  astr.),  et  fut  enterré  k'bàb  es- 
saghir[fi,  fol.  237  r'). 

^^  Ebn  Batoûtah  cite  encore  (1,  231)  la  madraseh  la  Nadjmijrek 
comme  étant  le  principal  collège  des  Hanbalites.  —  'Abd  El  Bâset 
tte  donne  ce  nom  qu*à  une  kbânqâh  et  à  une  turbeb. 


-■  'Tiç. 


■» 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  497-. 


CHAPITRE  VIL 


Sur  les  hadraseh  (écoles  d'enseignemrnt) 

DE  LA  MÉDEaNE. 

La  Dakhwariyeh  ^  —  Dans  Tancien  bazar  des 
orfèvres  [es-Sâghah  el  ^atùjàh),  près  de  la  Khadrâ, 
dans  la  rue  [darb)  d*el  *amîd,  au  sud  de  la  grande- 
mosquée.  Elle  fut  construite  par  Mohaddeb  ed-dîn 
*abd  El  Montera  [ebn  *aly  ebn  Hâmed],  connu  sous 
le  nom  d'ed-Dakhwàr  ^.  11  naquit  Tannée  565  [Comm, 
2  5  septembre  1 1 69).  11  a  composé  des  ouvrages  sur 
la  médecine^.  On  dit  que,  pour  les  évacuations  [el 
estefrâgh),  il  occupa  le  premier  rang  dans  l'art  (mé- 
dical)*. 

Ed-Dakhwâr  obtint  les  faveurs  des  souverains  et 
acquit  de  grandes  richesses.  Il  copia  de  son  écriture 
mansoûb  (neskhy  oriental  ^)  plus  de  cent  volumes.  Il 
fut  investi  des  fonctions  de  chef  [ryâseh)  des  deux 
eqlini  (rÉgypte  et  la  Syrie).  Atteint  d'un  relâchement 
et  d'un  embarras  de  la  langue ,  il  se  soigna  lui-même 
et  eut  recours  aux  électuaires.  Une  fièvre  survint; 
ses  forces  furent  ébranlées;  il  resta  un  mois  sans 
pouvoir  parler  et  perdit  un  çeil.  Il  mourut  ensuite 
en  safar  de  l'année  6a8  [Comm.  9  novembre  \%io) 
et  fut  enterré  au  penchant  (du  Qâsyoùn).  Son  tom- 
beau est  3urmonté  d'un  dôme  que  supportent  des 


•i" 


/^% 


M. 


S.498  NOVEMBRE-DECEMBRE  1804. 

colonnes ,  au  pied  de  la  montagne ,  à  lest  de  la  Rok- 
idyeh.  La  inadraseh  fut  construite  par  lui  Tannée  621. 
Le  fondateur  y  donna  [le  premier]  des  leçons, 
puis  Badr  ed-dîn  [Mohammad],  fils  du  qâdy  de 
Ba^lbakk ,  puis  trois  professeurs  au  nombre  desquels 
—  Dieu  connaît  mieux  la  vérité  —  fut  er-Rahaby*. 
Fjcdit  er-Rahaby  était  un  homme  d'un  mérite  supé- 
rieur, li  fit  aussi  des  vers  excellents;  en  voici  quel- 
(pes-uns  : 

Les  habitants  de  ce  bas  monde  sont  conduits  de  vive  force 
à  la  mort  et  ceox  cpi  restent  ^  ne  réfléchissent  pas  à  la  sitim* 
tion  de  ceux  qui  s'en  vont. 

On  dirait  des  troupeaux  qui  ignorent  qu'ils  foulent  aux 
pieds  le  sang  répandu  des  autres. 

Je  dis  :  «  Le  jardin  ded-Dakhwâr  est  situé  auprès 
et  au  nord  des  terres  appartenant  à  la  grande-mos- 
quée  omayyade  et  disant  partie  de  Qasr  el-Labbâd. 
li  a  pour  limite  séptentrionsde  le  nahr  Tawra.  En  la 
possession  des  enfants^  de  la  Halabiyeh,  il fidt partie 
du  quartier  [tnahalleh)  de  la  mosquée  des  roseaux 
[masdjed  el  qasab).  » 

La  madraseh  la  Rabuyeh^.  —  A  Tonest  de  [la 
porte  de]  l'hôpital  de  Noûr  ed-din  et  de  la^SoM- 
hiyeh,  à  l'extrémité  méridionale  du  chemin. 
.  Je  dis  :  «  On  la  désigne  actuellement  sous  le  nom 
de  la  mosquée  bâtie  par  Mohammad  Bey,  qtdy  en 
chef  de  Damas,  et  où  il  a  établi  une  école  {malUah). 
Qu'on  en  prenne  note.  » 

IjQ  madraseh  fut  construite  par  *émâd  ed-dln 


DESCRIPTION  DE  DAMAS. 
[Abou  'abd  Allah]  Mohammad  ebn  'abbâs  [e] 
Abmad],  er-Rab'y '",  [ed-Donayséry].  B  moumt 
Donayser^'  [ie  2  safar  de]  l'année  686  {19  mars 
1387].  âgé  de  quatre-vingts  ans.  Il  est  l'auteur  de  el 
Maqâlah  el  inorcbédak  (Dissertation)  sur  l'exposé  des 
médicaments  simples  '*,  d'une  Ardjoâzeh  {^o^me  com- 
posé sur  le  mètre  rat^az)  sur  la  thériaque  (^t^jJI) 
dite  elfâroâif  ",  d'une  traduction  en  vers  des  Prolé- 
gomènes connus  d'Hîppocrate ,  et  du  Kétâh  el  mat- 
roûditoâs  '*.  Il  avait  une  bdle  conduite ,  une  grande 
dévotion,  et  se  rendait  très  utile. 


itk  MADRASEH  LA  LoBOÛDIYEH[-NADJMrn!H].  En 

dehors  de  la  porte  de  la  ville  et  conliguë  au  jardin  et 
au  bain  d'el  Falak  [el  Mouchlry].  Elle  fut  construite 
par  Nadjm  ed-dln  Yahya  [ebn  Mohammad]  ebn  el- 
Loboùdy '^,  [en]  l'année  664  [Comm.  i3  octobre 
I  365].  Il  était  le  plus  grand  savant  de  son  époque 
dans  les  sciences  philosophiques  et  doué  d'une  viva- 
cité d'esprit  et  d'une  sagacité  excessives.  U  mourut 
l'année  631  "*,  à  l'âge  de  cinquante  et  un  ans.  D 
commenta  le  Molakhkhas  d'er-Râzy  ''  et  les  Apho- 
rismes  [Fosoùl]  d'Hippocrate.  Il  fut  enterré  dans  sa 
turbeb  sur  la  route  d'el  Mezzeh. 

Je  dis  :  ■  Cette  madraseb  est  située  à  l'orient  du 
jardin  d'ech-Chomoûliyât  et  de  celui  d'el-Loboûdy  ; 
l'un  et  l'autre  sont  un  waqf  de  la  grande-mosquée 
omayyade.  Ils  se  trouvent  auprès  du  pont  du  petit 
canal  {nahr)  qui  sort  du  bain  [fol.  3  1  v°)  d'el  Falak , 
en  face  de  la  porte  da  cet  établissement.  On  ne  voit 


00  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

lus  actuellement  que  des  traces  et  des  ruines.  Il 
,: existe  des  vestiges  de  la  porte  et  de  la  fenêtre;  bien 
plus ,  les  traces  du  cimetière  (c  est-à-dire  de  la  turbeh) 
([ue  renfermait  la  madraseh  subsistent  jusqu'à  pré- 
sent. » 

Djâmâl  ed-din  ez-Zawâwy^^  y  donna  des  leçons. 


NOTES  DU  CHAPITRE  VIL 

^  N  écrit  la  Dahhwâziyeh  et,  plus  bas,  il  nomme  le  fondateur 
ed-Dakhwâi ;  mais,  au  folio  289  v",  il  donne  une  Remarque  aax 
termes  de  laquelle  le  nom  de  cette  école  de  médecine  s'écrit  par  un 
râ  sans  point  avant  le  yâ  à  deux  points  par-dessous. 

*  Le  docteur  Leclerc,  Histoire  de  la  médecine  arahe,  II,  p.  177* 
Tappdle  Abou  Mohammad  *abd  Er-Rahîm  ebn  'dy  ebn  Ahmad  Mo- 
haddeb  ed-dîn  ebn  ed-Dakhouâr  et  dit  quil  naquit  en  1169,  à 
Damas ,  où  son  père  'aly  était  un  oculiste  de  renom.  —  La  biogra- 
phie de  ce  médecin  se  lit  dans  le  Fawàt  el  wafayàt  (I,  345)  :  «*abd 
£r-Rahman  ebn  'aly  ebn  Hâmed  ebn  ech-cbaykh  Mohaddeb  ed-dîn« 
le  médecin  ed-Dakhwâr.  chaykh  des  médecins  et  leur  rdfs  à  Damas. 
Il  constitua  en  waqf  sa  maison  (située]  à  l'ancienne  Sàghah  comme 
madraseb  pour  (renseignement  de)  la  médecine.  Il  naquit  Tannée 
565  [Comm.  35  septembre  1169)  et  mourut  l'année  637..  H  fîit  en- 
terré dans  sa  turbeb ,  au  Qâsyoûn ,  en  dessus  A'el  Majlpûr,  Jl  était 

boiteux,  n  composa  des  livres ,  entre  autres Son  traitement 

était  le  même  que  celui  d'el  Mowaffeq  'abd  El  *azîx ,  car  apiès  la 
mort  de  celui-ci,  il  avait  été  diminué  de  cent  dinars  par  mois.  • .  » 

Ed-Dahaby  dit  dans  la  Chronique  el  'ébw,  parmi  les  personnages 
qui  moururent  Tannée  638:  «Et  d  Mohaddeb  ed-Dakhwâr,  'àbA 
Er-Rahîm  ebn  *aly  ebn  Hânied,  ed-Démachqy,  le  chaykh  de  la 
médecine  et  le  fondateur,  en  faveur  des  médecins,  de  la  madraseh 
située  à  l'ancienne  Sâgkah,  naquit  Tannée  565  et  étudia  la  méde- 
cine sous  el  Mowaffeq  ebn  el  Moutrân  (le  fils  de  Tévéque)  et  er- 
Hady  er-Rahaby.  »  —  Ebn  Katîr,  dans  ses  Annales,  s'exprime  en  ces 
termes,  sons  ladite  année  638  :  « E4-Pakhwâx  le  médecin,  le  fon- 


DESCRIPTION  DE  DAMAS.  50: 

dateur  de  la  poMwdzij'eA,  Hotuddeb  ed-dîn  'abd  Er-Rahîm  ebn  ' 
ehn  Hâmed,  connu  son»  le  pom  d'ed-D«khwfti,  le  chajrkh  des  i 
decins  à  Damas,  avait  constitué  en  waqf  m  maison  (sise)  dan^ 
rue  des  palmiers  {oa  de»  abeilles,  J.,JLJ1  wjj),  ik[Ht>iimiléde  l'an- 
cienne S&gkah,  pour  les  médecins  de  Damas,  comme  madras^  à 
leur  usage.  11  mourut  à  1'^  de  soiianle-trois  ans.  >  —  Au  rapport 
d'el  Asady,  même  année.  ed-Dakbwii  composa  jdusieurs  ouvrages 
sur  i'art  médical.  euUe  autres  :  le  Kétib  ef  hetbak:  un  abrëgé  du 
Hâay  d'Abou  Zakarij'àer-Rliy;  un  traité  [mafdiaAjaurrâvacuation; 
DD  Abrégé  d'el  Aghiny,  et  autre*.  Ebn  Abi  Osaybtfah  lai  a  consacré 
uD  article  très  éteudn;  suivant  cet  auteur,  le  père  d'ed-Dakhwâr 
était  un  oculiste  célèbre,  de  même  <[ue  son  frère  Hftmed  ebn  'dy. 
Lut-méœe ,  dons  les  commencements ,  eier^t  la  profession  d'ocu- 
liste. 11  fut  au  service  d'el  milelt  el  'âdel  et  te  consacra  assidûment 
à  celui  de  Saf;r  ed-dîn  ebn  Chokr  (le  viûr).  Dans  une  maladie  dont 
fut  atteint  d  'édd  l'année  6 1  o ,  ce  prince  le  gratifia  de  sept  mille 
dinars  égyptiens.  El  Klmd  étuit  tombé  malade,  il  le  traita  et  reçut 
de  lui  douie  mille  dinars,  quatorze  mules  avec  des  colliers  d'or, 
des  vêtements  d'honneur  en  satin  (a^foi),  etc.;  cda  en  l'année  Cil. 
El  'àdel  lui  conféra  les  fonction <  de  chef  [rfâieh)  des  médecins  de 
l'Egjpte  et  de  la  Syrie.  El  Achraf  l'ajant  envoyé  chercber.  il  se 
rendit  auprès  de  lui  l'année  6ii.  Le  prince  le  combla  d'honneurs 
H  lui  donna  un  fief  dont  le  produit  s'élevait  annuellement  à  quinie 
cents  dinars  environ.  Dans  la  suite,  ed-Dakhwàr  fut  atteint  d'un 
embarras  de  la  langue  et  d'un  relàcliement.  Il  vint  à  Damas  lorsque 
el  Achraf  se  rendit  maître  de  cette  lille  l'année  6iG;  ce  souii'rain  lui 
donna  le  poste  de  chef  [lyàseli)  de  la  médecine  et  établit  pour  lui 
une  salle  destinée  a  l'enseignement  de  son  art.  Puis  sa  langue  devint 
embairassée  au  point  qu'on  ne  pouvait  presque  plus  com|)rendre  ce 
qu'il  disait.  Il  mourut  en  saikr  et  fut  enterré  dans  une  turbeh  lui 
appartenant,  au  Qisyoùn,  en  dessus  à'el  Stayioûr,  à  l'est  de  la 
Bohaijeh  (N.fol.  î38r'-ï°). 

'  H.  Klial.  mentionne  ses  ouvrages.  11  l'a[q>elle  Hohaddeb  ed-din 
'abd  Er-ltahîm  ebn  'aly,  ed-Démacfaqy,  comme  ebn  Cfaaddâd,  ebn 
Kalîr.  ed-Dahaby.  etc. 

^  ^-■j-.m  «Iki^ .  Voir,  sur  l'écriture  appelée  mantoàh ,  les  saraules 
notes  de  H.  de  Slane  dans  Bioy^kieal  dictionary.  11,  35i,  et  IV, 
ââg. 

■  En   l'année  6C7,  dit   ebn  Ka{ir.   (mourut)  l'habile   médecin 


m 


02  NOVEMBRE. DECEMBRE  1804. 

iharaf  ed-dîn  Aboa  i  Hasan  *aly  ebn  Yoûsef  ebn   Haydarah,  er- 
ahaby,  cbaykh  des  médecins  à  Damas  et  professeur  de  la  JDo&A- 
wâriyeh  en  vertu  d'une  disposition  testamentaire  du  fondateur  de 
cette  école(N,  fol.  238  v"). 

Cf.  aussi  Histoire  de  la  médecine  arabe,  p.  i65.  «A  l'époque  oà 
écrivait  ebn  Abî  Osaybé'ah,  c  est*à-dire  vers  le  milieu  du  xm*  nède, 
Cbaraf  ed^în  occupait  encore  la  position  de  professeur  à  k  Dakk- 
wâriyeh,»  —  P.  i63,  le  docteur  Leclerc  donne  la  biographie  de 
son  père  Rady  ed-dîn  (Abou'l  Hadjdjâdj  Yoûsef  ebn  Haydarah)  er- 
Rahaby,  mentionné  dans  la  note  2  ci-dessns  comme  ayant  donné  à 
ftd-Dakhwâr  des  leçons  sur  la  médecine. 

7  Au  lieu  de  jLJl  de  N,  B  porte  jLJt* 

'  ^t  (ne).  Je  crois  devoir  lire  A^\.  Avec  ^1  on  tradoirait  1 
«D'abord  en  la  possession  des  Hdépinst. 

*  N  la  nomme  la  Donaysayriyeh  [fie). 

^^  Ebn  Katir  supprime  l'adjectif  rdatif  er-Rab'y. 

*^  Le  manuscrit  porte  jm^^J^  (sîc).  —  «  Donayser  est  une  viUe  cé- 
lèbre; (un)  des  cantons  d*d  Djazîreh,  au-dessous  de  la  montagne 
de  Mârédîn.  Le  sol  en  est  chaud  et  l'air  sain.  »  MarAsed» 

^  Cet  ouvrage  est  cité  par  H.  Khd..  VI,  52  ;  mais  le  manuscrit 
traduit  par  G.  FI uegel  portait  apparemment  iijlàyil  ^à  ^  au  lien  de 
X^i>^i  ^^<>  i,  de  sorte  que  la  traduction  du  titre  est,  par  suite,  er- 
ronée. Le  nom  donné  par  le  bibliographe  est  *émâd  ed-dfn  ed-Do- 
nayséry  (Abou  'abd  Allah  Mohammad  ebn  *abbâs,  l'habile  médecin 
{tabib). 

'  'S  H.  Khd.,  I,  246  :  j);tJUt  jl^^jJt  i  V}^;!,  par  le  médecin 
(hahîm)  'émâd  ed-dîn  Mohammad  ebn  *abbAs  ebn  Ahmad  ed-Do- 
nayséry,  mort  l'année  686.  —  On  trouve  sa  biographie  dans  ie 
Fawât  el  wcifayAt,  II,  175:  c  Mohammad  ebn  'abbâs  ebn  Ahmad 
ebn  Sftleh ,  l'habile  médecin  *émâd  ed-dîn  ed-Donayséry,  chi£Stte , 
naquit  à  Donayser  Tannée  60 5.  H  composa  (les  ouvrages  précitée) 
et  mit  en  vers  les  Prolégomènes  de  la  connaissance  (tic)  par  Hîppo- 
crate,  etc.  Il  habita  Damas  et  servit  à  la  citaddle  sons  le  règne 
d'en-Nâ^er,  puis  au  grand  hèpital.  Son  père  était  prédicateur  à  Do- 
nayser. —  Ed-Donayséry  mourut  l'ann^  686.  •  —  Il  profenait  en- 
core à  la  Donaysényeh  en  67 i  [ebn  Chaddâd),  <—  Suivant  e4-9e- 
haby,  *émâd  ed-dîn  mourut  le  2  safar.  Il  était  né  Fannée  6o5  ou 
606,  d'après  ebn  Katîr,  et  parvint  à  l'âge  de  quatre-vingts  ans  (N, 
fol.  24o  r"). 

^  j.i^kf>^j^l  i  V^>  manuscrit  de  M.  Schefer,  fdL  iho^.  — 


DESCRIPTION  DE  DAMAS. 

Le  Fawât  el  wafayâi  n'en  fait  pas  mention.  —  Il  £Aut  sans  doi 
traduire  par  :  un  Livre  sur  les  hennaphrodites. 

>^  IjC  docteur  Leclerc  (II,  p.  160)  donne  la  biographie  de  Nedjem 
od-din  Abou  Zacharya  Jahya  ebn  Mbhammad  ebn  EHobondy.  Il 
(^tait  encore  en  vie  en  l'année  1167  (^^^  <^c  l'hégire). 

^^  Cette  dernière  date  se  trouve  dans  H.  Khal..  I,  3oii«  comme 
étant  odle  de  la  mort  de  Nadjm  ed-dhi ,  mais  il  s'agit  lÀ  de  son  père 
Chams  ed-<lin  (Mohammad)  ebn  'abdân,  mort,  en  effet,  en  Tannée 
621  (Comm.  ah  janvier  i3a4)*  —  D'après  Y  Histoire  de  la  médecine 
arabe,  Nadjm  ed-dîn  ebn  el-Loboûdy  était  au  service  d'dMansoûr, 
prince  Ayyoûbîte  de  Hems.  —  El  Mansoâr  Ibrahim ,  fils  de  Chîr- 
koûh  II,  régna  à  Hems  de  687  (laSg)  à  644  (i344). 

>'  H.  Khal.,  YI,  113  :  tLé  Molakkkkas  de  Fakhr  ed-dîn  Mo- 
hammad ebn  'omar,  er-Râzy,  mort  en  l'année  606  (Comm.  36  no- 
vembre 1261),  eut  au  nombre  de  ses  commentateurs  Nadjm  ed-dîn 
ed-dîn  ebn  el-Loboudy,  dont  il  est  fait  mention  sous  el  Ichârât ,  et 
Chams  ed-dîn  el-Loboûdy,  cité  à  propos  de  er-Ra'v  el-mo*tabar. 

'^  Djamâl  ed-dîn  es-Zawâwy  fut  le  premier  qui  donna  des  leçons 
à  la  Loboûdijeh,  qu'il  quitta  pour  voyager.  D  fut  tué  aux  Qasab, 
sur  la  route  de  Hems.  B  eut  pour  successeur  el  Maghréby;  ce  der- 
nier s'y  trouve  encore  (en  674)  (N,  fol.  sâo  v*). 


NOyEMBRE-DÉCEMBRI;:  1894. 


NOTES 


D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE, 


PAR 

M.  E,  SENART, 

(suite.) 


J'arrive  aux  inscriptions  rédigées  en  caractères 
connus.  Elles  ne  laissent  pas  que  de  présenter  des 
difficultés,  moins  capitales  poiutant  que  les  précé- 
dentes. 

Et  tout  d'abord ,  les  deux  épigraphes  en  devanâ- 
garî  ne  sont  que  des  fragments,  et  de  bien  courts 
fragments.  Au  moins  nous  arrivent-ils  précisément 
à  l'heure  oui  une  excellente  notice  de  M.  Aurei  Stein 
sur  «  les  Çâhis  de  Caboid  » ,  fondée  sur  son  édition 
nouvelle  des  chroniques  du  Kashmir,  nous  apporte 
des  notions  plus  précises  et  mieux  coordonnées  sur  la 
dynastie  à  laquelle  elles  se  réfèrent. 

Les  deux  pierres  sont  certainement  incomplètes 
par  le  haut  et  par  la  gauche;  il  est  sûr  que  3a  se 
continuait  par  la  droite;  les  traces  de  lettres  qui 
paraissent  à  la  fin  des  lignes  3  et  il  en  témoignent  ; 
poiu*  33,  ce  nest  guère  moins  probable  :  quel  qu*il 


NOTES  D'EPIGRAPHIE  INDIENNE.  5 

iïit,  ie  caractère  douteux  qui,  à  la  dernière  ligne; 
vient  après  ifVf  semble  suivi  de  traces  d'un  autre 
caractère  tronqué.  Par  le  bas  je  ne  sais  rien  qui  per- 
mette de  décider  positivement  si  elles  se  continuaient 
ou  non;  raifirmative  est  pourtant  beaucoup  plus 
vraisemblable;  car  les  deux  textes  semblent,  à  l'en- 
droit où  ils  se  terminent  pour  nous,  engagés* dans 
un  développement  étendu.  Ni  Tim  ni  l'autre  ne  nous 
ibumissent,  du  reste,  que  quelques  mots  détachés; 
encore  sont-ils,  par  fortune,  assez  significatifs. 

On  va  voir  que  l'on  ne  saurait  isoler  les  observa- 
tions qu'appellent  les  deux  morceaux. 

En  voici  d'abord  la  transcription  en  devanâgarî 
moderne  : 

32 

»^  •  *^  ^^ 

^?)«  lïT^  . 

Si  clairs  quen  semblent  d'abord  les  linéaments, 
la  transcription  du  dernier  caractère  de  la  seconde 
et  de  la  quatrième  ligne  reste  pour  moi  incertaine. 
Je  m'en  console  un  peu  par  cette  raison  que,  même 
assurée,  elle  ne  nous  apprendrait  pas  grand'chose, 
puisque  de  part  et  d'autre  c'est  la  première  lettre 
d'un  mot  perdu.  Les  deux  premiers  signes  de  la 
quatrième  ligne  ne  sont  pas  non  plus  sans  difficulté; 
bien  que  le  premier  ait  souffert  dune  cassure,  et 
que,  dans  le  groupe,  ïm  sanscrit  affecte  un  contour- 


X,         j50A  NOVEMBRE-DECEMBRE   1894. 

^i  ^'v'^nement  du  trait  de  droite,  à  sa  partie  supérieure, 
qui  ne  se  retrouve  pas  dans  ïm  de  hammira,  ii  me 
semble  malaisé  de  lire  autre  chose  que  kamuuiL  — 
Dans  ie  groupe  qui  suit ,  je  suppose  que ,  si  le  graveur 
a,  par  une  fantaisie  au  moins  peu  commune,  laissé 
à  iV  sanscrit  sa  forme  intégrale,  c'était  pour  noter 
du  n>éme  coup  la  long  par  la  retombée  du  trait  sur 
la  droite  de  ia  haste.  —  En  fait  de  restitutions ,  une 
seule  paraît  hors  de  doute,  cest  la  syllabe  rà  devant 
jye.  C'est  mon  ami  M.  Barth  qui  ma  fait  remarquer 
la  présence  d'un  e  final  dans  ce  mot  et  dans  pariçe- 
shîbhûte.  A  vrai  dire,  il  est  quelque  peu  douteux  dans 
râjye. 

33 

Pour  ie  premier  signe,  atteint  par  la  cassure,  de 
la  ligne  a,  M.  Barth  conjecture  jti,  peut-être  comme 
finale  de  parameça'=^parameçvara  (j'imaginerais  plu- 
tôt qu'il  faut  chercher  ce  titre  plus  bas,  en  complé- 
tant meçvara  après  para  de  la  ligne  3  )  ;  c'est  à  lui  que 
je  dois  la  lecture  j  pour  ia  première  consonne  de 
cette  troisième  ligne  ;  j'avais  d'abord  transcrite.  Quant 
à  ia  voyelle,  ii  estime  que  ce  pourrait  être  simplement 
un  â  long.  J'incline  plutôt  à  lire  jo,  pour  nétre  pas 
obligé  d'admettre  qu'on  ait  écrit  de  deux  façons  dif- 
férentes le  sonjâ ,  k  deux  signes  de  distance.  Il  serait» 


NOTES  D*ÉPIGRAPHI£  INDIENNE.  507 

d'autre  part,  bien  tentant  de  restituer  purement  et 
simplement  ie  titre  habituel  [râ]jâdhirâjâ.  —  J^hé- 
site  à  attribuer  au  graveur  Torthographe  bhatâra[ka]. 
Le  /,  en  composition,  s'écrit  parfois  ^^'au  lieu  de 
( .  Peut-être  est-ce  après  tout  bhatfâra  quïl  faut  lire, 
11  n'existe  de  toute  façon  nid  doute  sur  le  titre  que 
nous  devons  reconnaître  ici.  Beaucoup  plus  regret- 
table est  l'incertitude  qui  plane  sur  le  dernier  signe 
du  fragment.  La  lecture  de  est  assurément  la  plus  pro- 
bable, encore  que,  dans  cette  hypothèse,  ïe  soit 
faiblement  indiqué  ;  en  tout  cas ,  la  lecture  pu ,  qui ,  au 
lieu  d'un  Bhimadeva,  nous  donnerait  un  Bhimapâla, 
paraît  exclue.  —  Ce  qui  est  à  peu  près  certain ,  c'est 
que,  devant  la  première  lettre  du  fragment,  il  faut 
restituer  ka.  Mais  cela  ne  nous  donne  pas  le  nom  de 
cette  famille  royale  à  laquelle  était  rattaché  dans  le 
protocole  ie  Çâhi  Bhîma. 

Heureusement  le  titre  même  de  Çâhi  et  le  nom  de 
Hammira  nous  fournissent  d'abord  quelques  lu- 
mières; ils  nous  reportent  à  cette  dynastie  des  rois 
Çâhis  du  Caboul  ou  plus  exactement  du  pays  de 
Gandhâra  dont  nous  avons  des  monnaies  et  qui  a 
déjà  beaucoup  exercé  la  sagacité  des  antiquaires.  Et 
en  effet  le  mont  Banj,  sur  les  pentes  duquel  nos 
pierres  ont  été  relevées ,  est  situé  dans  le  voisinage  et 
un  peu  au  nord  de  Und,  sur  Tlndus,  emplacement 
reconnu  de  l'ancienne  Udabhânda  qui  est  donnée 
comme  la  capitale  de  ces  chefs. 

Les  renseignements  qui  nous  sont  parvenus  sur 
eux  remontent  à  trois  sources  :  le  témoignage  d'Al- 


508  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1804. 

biruni,  les  indications  accidentelles  de  la  Ràjata- 
ranginî  et  les  monnaies.  Il  me  suffit  de  renvoyer  au 
résumé  critique  qu'a  tracé  M.  A.  Stein  de  ce  que 
nous  savons  sur  leur  compte.  C'est,  bien  entendu, 
la  dernière  dynastie,  celle  des  Brahmanes  Çâhis, 
qui  est  ici  en  cause. 

L'identité  de  notre  alphabet  épigraphique  avec  les 
caractères  des  monnaies  de  Bhimadeva  ne  permet 
pas  de  douter  que  nos  fragments  ne  soient  exac- 
tement contemporains  des  princes  qu'ils  mention- 
nent. D'autre  part ,  si ,  comme  tout  semble  l'indiquer, 
on  a  eu  raison ,  dans  le  «  Hanunira  »  des  monnaies  et 
de  la  Râj  ataranginî ,  de  reconnaître  Mahmoud  le  Ghaz- 
névide  désigné  par  son  titre  sanscritisé  d'«  Emir  » , 
notre  fragment  3  a  où  parait  son  nom  ne  saurait 
être  antérieur  à  celui  qui  fut  le  dernier,  tout  au 
plus  Tavant-dernier,  roi  de  la  dynastie  Çâhi,  c'est- 
à-dire  Â  Trilocanapâla ,  son  contemporain  et  sa. vic- 
time. L'année  de  cette  défaite  n'est  pas  encore  déter- 
-minée  avec  une  précision  rigoureuse.  Mettons ,  comme 
l'admet  Elliot,  que  ce  soit  la  campagne  de  ioi3. 
Trilocanapâla  y  survécut  quelques  années  et ,  au  té- 
moignage de  Kalhana  (éd.  A.  Stein,  VU,  65),  il  fit 
les  efforts  les  plus  honorables  pour  ramener  la  vic- 
toire. 

C'est  à  ces  années  de  grâce  que  se  réfère  le  n'  3  a 
si ,  comme  il  y  a  heu  de  le  supposer,  il  mentionne  un 
«ouvrage  entrepris»  {'' karmam  prârabdham)  par  le 
roi  ou  sous  son  règne,  alors  que  déjà  «le  royaume 
avait  été  démembré»  {râjye  pariçcshibhûte)  par  les 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE   INDIENNE.  509 

conquêtes  de  Hammira.En  tout  cas,  les  termes  caté- 
goriques dans  lesquels  il  est  ici  fait  allusion  au  dé- 
membrement, et  la  formule  respectueuse  çri-deva 
dont  est  accompagné  le  nom  de  Hammîra ,  donnent 
à  penser  que  l'inscription  à  laquelle  appartenait  ce 
fragment  n'était  pas  un  document  officiel  émanant 
directement  de  la  chancellerie  du  vaincu,  mais  une 
épigraphe  placée  par  quelque  particulier  ou  tout  au 
plus  par  un  fonctionnaire  agissant  en  son  nom  privé. 
L'allusion  au  royaume  démembré  prouve  d'ailleurs 
que  l'auteur  se  rattachait  par  des  liens  de  sympathie 
et  de  dépendance  «Via  dynastie  hindoue. 

Les  titres  souverains  attribués  à  Bhîma  Çâhi  dans 
le  fragment  33 ,  paramabhattâraka  y  adhirâjâ  ou  même 
râjddhirâjâ,  puis  probablement  parameçvara ,  sont 
pour  confirmer  cette  impression. 

Ce  n'est  assurément  pas  à  Bhîmapâia,  le  fds  de 
Trilocanapâla,  que  ces  qualifications  ont  pu  être 
appliquées;  il  ne  paraît  pas  avoir  exercé  de  pou- 
voir indépendant.  Les  vraisemblances  s'accordent 
ainsi  avec  les  traces  graphiques  pour  les  rapporter  à 
Bhîmadeva,  le  troisième  successeur  de  l'auteur  de 
la  dynastie. 

Il  est  antérieur  à  Trilocanapâla  d'une  cinquantaine 
d'années  au  moins.  Il  n'y  a  guère  d'apparence  que 
nos  deux  fragments  soient  séparés  par  un  intervalle 
aussi  long.  Un  point  fixe  paraissant  assuré  par  le 
fragment  n°  32 ,  il  faut  admettre  que  le  n°  33  n'est 
pas  d'une  date  sensiblement  différente;  que,  consé- 
quemment,  Bhîmadeva  y  était  nommé,  non  comme 

IV.  33 


.;> 


■Ail. 


510  NOYEMBRE^DÉGËMBRE  ISOft. 

contemporain,  mais  oolume  membre  d*mie  vamçâ- 
v€di  plus  ou  moins  cdmplàfe.  B  serait,  à  vrai  dire, 
bien  tentant  de  voir  dam  ie  n"^  33  un  morceau  de 
ia  même  inscription  à  la  suite  de  laquelle  appartenait 
le  n''32.  Je  reconnaii»  que  Thypothèse  neya  pas  sans 
quelques  difficultés.  Les  caractères  du  h""  3^  parais- 
sent un  peu,  très  peu,  plus  .grands  que  ceux  du 
n"*  33;  ces  derniers  semblent  gravés  d'une  main 
plus  sûre  et  d  un  burin  plus  net.  Il  est  vrai  que  ie 
fragment  a  plus  souffert ,  6t  que  Tusure  des  arêtes 
peut  être  pour  beaucoup  dans  cette  impression. 
D'autre  part ,  là  pierre  est  bien  la  même  dans  les 
deux  cas  ;  mais  Tindicé  n^est  pas  déoisif.  Je  n  ose 
donc  être  très  affirmatif;  mais  je  ue  puis  me  dé- 
fendra d'incliner  à  cette  conjecture. 

Quoi  qu'il  en  soit,  un  point  parait  hors  de  ques- 
tion ,  et  c'est  ie  point  capital ,  à  savoir  que  nos  deux 
fragments  se  rapportent  à  la  dynastie  des  Çâhis  du 
Gandhâra  et  sont  contemporains  des  dernières  an- 
nées dans  lesquelles  elle  traîna,  avant  d'achever  de 
disparaître,  une  existence  compromise  et  amoindrie, 
qu'enfin ,  à  les  placer  autour  de  i  o  1 5 ,  nous  ne  ris- 
quons de  nous  tromper  que  de  très  peu  d'années. 

Nos  morceaux  en  Kharoshf  hî  nous  reportent  beau- 
coup plus  haut,  encore  que  nous  ne  puissions  pré-^ 
ciser  de  combien  de  siècles. 

N**  3  4 .  —  L'inscription .  est  certainement  com- 
plète par  le  haut  et  par  les  côtés.  Quant  à  la  pwtie 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  511 

inférieure,  cest  douteux  parce  que,  malheureuse- 
ment, la  transcription,  Imterprétation  de  la  troi- 
sième ligne  est  extrêmement  incertaine.  A  en  juger 
par  Taspect  général,  et  à  voir  la  commencement 
de  la  troisième  ligné  remonter  pour  éviter,  semMe- 
t-il,  la  cassure,  on  est  tenté  de  croire  qu'elle  était 
bien  la  dernière.  Je  n  ose  à  oQt  égard  rien  décider  : 

sapi  aoo  ve^khasa  masasa  di 
vase  athame  8  isme  khanasa  . 
nagàchati^  daça  . .  trasa  îma  . 

Ligne  i .  -^—  Le  bas  de  la  haste  de  1^  se  confond 
avec  la  tête  du  it)  de  la  ligne  suivante.  Je  suppose 
que  c'est  le  crochet  apparent  sur  la  gauche  qui  ex- 
prime lannsvâra.  Le  jambage  de  gauche  du  signe 
([ui  marque  les  centaines  est  beaucoup  plus  court 
que  d'ordinaire.  Mais  il  suffit  de  se  reporter  à  Tin- 
scription  de  Pandjtar  (Cunningham, -Arc/i,  5arv.,  V, 
pi. XVI)  et  à  celle  de  Hashtnagar  (Vincent  A.  Smith, 
Grœco-Rom,  influence  on  India,  pi,  X)  pour  se  con- 
vaincre que  ce  trait  peut  varier  de  longueur;  cette 
particularité  ne  jette  aucun  doute  sur  la  valeur  de  la 
ligure.  Le  premier  trait  vertical  de^  unités  est  lui- 
mênie  quelque  peu  anormal  et  semble  presque,  à 
sa  partie  inférieure ,  traversé  d'une  barre  horizontale  ; 
j'estime  que  ce  ne  peut  être  qu'un  accident  de  la 
pierre. 

Ligne  a .  •— '  Je  ne  propose  qu'avec  hésitation  la 
lecture  sme.  Cependant  ïm  s'écrit  quelquefois  vèr- 

33. 


512  NOVEMBRE-DÉCEMBRE   1894. 

ticaleinent  comme  dans  danamakho  de  Tépigraphe 
n°  a  de  mes  Notes  d'épigraphie  indienne,  fascicule  III, 
où  mu  a  la  forme  d  ;  et  quelle  autre  vdeur  que  e 
pourrait  avoir  le  trait  vocalique ,  puisquHl  ne  dépasse 
pas  vers  la  gauche?  Après  Tingénieuse  interprétation 
qu  a  donnée  M.  Bûhler  [J.  R.  As.  Soc, ,  juillet  1 896 , 
p.  535)  des  caractères  içe  chunami  à  Zeda,  cette 
finale  e  n'a  pas  lieu  de  surprendre;  et  on  ne  peut 
guère  hésiter  à  reconnaître  ici  la  formule  équivalente 
dans  isnie  klianasa  =  asmin  ksJiane.  Il  est  probable 
seulement  quil  faudrait  khanasif  au  locatif;  maLs  je 
ne  découvre  aucune  trace  de  la  voyelle.  Il  est  vrai 
qu'il  se  peut  que  F*  ait  été  suivi  d'un  autre  caractère. 
La  pierre  porte  certainement  une  trace  d'entaille  ;  la 
question  est  de  savoir  si  elle  est  ou  non  accidentelle, 
et  je  n'ose  la  trancher. 

Ligne  3.  —  Dans  cette  ligne  presque  tout  est  pro- 
blématique. Le  second  signe  que  je  lis  ga  est  mal 
aligné,  on  ne  s'explique  pas  pourquoi,  et  la  cassure 
du  haut  empêche  de  savoir  si  nous  sommes  réelle- 
ment en  présence  de  la  boucle  du  f  •  Après  l'ïii,  il 
est  difficile  de  savoir  si  ce  qui  apparaît  comme  un 
signe  ri  avec  un  trait  vocalique  en  haut  à  gauche 
est  vraiment  un  caractère  ou  simplement  une  dété- 
rioration de  la  pierre.  Les  éraflures  d'aspect  anadogue 
qui  se  prolongent  en  biais  au-dessous  me  font  in- 
cliner à  la  seconde  hypothèse,  d'autant  plus  que  le 
pronom  imafh  donne  une  fin  admissible,  si  l'épi- 
graphe se  terminait  bien  avec  cette  ligne.  Dans  Tin- 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  513 

tervaile,  ii  y  a  deux  caractères  que  je  n'ose  même 
pas  transcrire,  et  il  n'en  est  guère  parmi  les  autres 
dont  je  me  sente  tout  à  fait  certain  :  pour  lire  cha, 
je  suis  obligé  d'admettre  une  variante  ^  de  la  forme 
Y  ;  le  <ra  n'a  pas  la  rigidité  qui  faudrait;  et  le  signe 
suivant  ne  peut  s'interpréter  d  qu'en  le  supposant 
beaucoup  plus  incliné  que  de  raison.  A  la  rigueur 
on  pourrait  être  tenté  de  lire  m,  tandis  que,  pour  le 
sixième  caractère ,  on  hésite  entre  ç  et  y.  Pour  comble 
de  malheur,  je  n'ai  à  oflBrir  de  nagachatra  aucune 
interprétation  convaincante.  Je  ne  puis  que  me  ré- 
férer à  l'expression  samanachatra  de  l'épigraphe  Vu 
du  Lion  de  Mathurâ  (d'après  Biihler,  J.  R,  As.  Soc, , 
juillet  189/i,  p.  536);  encore  ce  rapprochement, 
s'il  est  justifié,  serait-il  de  nature  à  écarter  la  signi- 
fication spéciale  de  «  monument  funèbre  »  qu'attribue 
à  ce  terme  M.  Bùhler  dans  le  passage  cité. 

Tel  qu'il  est,  le  déchiffrement  partiel  que  je  pro- 
pose a  pour  principal  avantage  de  découvrir  dans 
cette  ligne  les  deux  termes  essentiels  que  nous  de- 
vons y  attendre  :  l'indication  de  l'objet  donné,  à  la- 
quelle correspondrait  le  premier  substantif  étayé  du 
pronom  imam,  et  l'indication  du  donateur  dont  le 
nom  au  génitif  se  terminerait  par  trasa. 

Il  ne  résulte  en  somme  de  ces  observations  qu'une 
traduction  fragmentaire  : 

L'an  3 00,  le  huitième  (8)  jour  du  mois  Vaiçâkha,  à  cette 
date,  ce  nâgacchattra  [don]  de  Daça(ott  Daya) . .  Ira. 

N°  35.  —  Je  transcris  : 


514  NOVfiMBRË'DÉCRMfinË  1ft04. 

danamukho 

maka^akaputrasa  vayira 
samyatsaraye  loa  bhuho 


•«• 


Ligne  i .  —  Sur  lexprensiôn  ian(mukhd']e renvoie 
à  un  ]^récédent  cahier  de  ced  Noîes  (III,  pi  9t  çt 
suiv.). 

Ligne  a.  —  Il  n'y  a  lieu,  je  pense,  d^attacher 
aucune  importance  à  une  éraflure  de  la  pierre  qui 
forme  comme  un  appendice  vocsdique  k  Textrémité 
de  gauche  du  croissant  de  Ym  initial.  Bien  que  le 
trait  traverse  le  jambage  gauche  du  ^  et  non  pas  le 
droit ,  comme  d  ordinaire ,  la  lecture  du  nom  vaytra , 
c'est-à-dire  vajra,  ne  peut  guère  laisser  de  doute. 

Ligne  S.  • —  Ce  qu'il  e^t  plus  difficUd  de  ftavoir, 
c  est  si ,  Àu  début  de  ôétte  ligne ,  il  mfthque  un  ioul 
signe  ou  bien  deux,  et  s'il  faut  entenchré  vayiruM 
ou  vayirakaêa,  âvec  le  suffixe  ka  comme  dan«  ma- 
kddaka.  La  chose  est  de  peu  de  Conséquence.  ^-^ 
L'5  initial  de  sanimtsara  parait  moins  détruit  sur 
l'estampage  que  smr  notre  planche.  En  revanche ,  ïs 
du  groupe  tsa  n'y  est  pas  plus  clair;  je  pense  pour- 
tant que  personne  n'hésitera  sur  la  leoture.  Lft  smie 
difficulté  réside  dans  les  deux  caractères  de  là  fin.  D 
est  d'autant  plus  f&cheux  que  le  dernier  ait  souffert. 
Mais,  si  l'on  compare  l'inscription  suivante  OÙ  lis- re- 
paraissent ,  on  ne  peut  guère  douter  qu'il  n'ait  eu  la 
forme  ^ ,  car  ils  sont  gravés  cette  fois  le  plus  net- 
tement du  monde.  Ils  n'en  sont  pas  plus  aisés  à  tran- 
scrire ,  et  surtout  à  interpréter.  En  Ce  qui  èôneeme 


NOTES  D'ÉPIGRAPHIE  INDIENNE.  515 

le  premier,  la  voyelle  eât  très  claire  ;  quant  à  la  con- 
sonne, ce  ne  peut  être  qu'un  /r  ou  un  bh*  La  compa- 
raison de  agrabhaga  à  la  troisième  ligne  du  vase  de 
Wardak  (  Dowson ,  J.  R.  As,  Soc. ,  XX ,  pL  X)  Jointe  à 
ce  fait  que  danft  notre  présente  épigraphe  le  Je  est  très 
nettement  écrit  "]n ,  me  paraissent  ne  laisser  place  qu'à 
la  lecture  bka.  Je  lis .  ho  le  second  signe ,  en  admet- 
tant que  le  trait  dô  Ï6  eit  ajouté  au  pied  de  i'^^,  au 
lieu  d'être  inscrit  au-dessous  de  la  boucle;  je  ne 
vois  guère  quelle  autrô  interprétation  on  pourrait 
tenter. 

Mais  comment  entendre  les  deux  syllabes  bhuho? 
La  place  qu'elles  occupent  ici  serait  de  natm*e  à  y 
faire  chercher  quelque  indication  de  calendrier  ^  ; 
mais  elles  sont,  au  numéro  suivant,  introduites  en 
tout  autre  voisinage.  Il  est  permis  de  se  demander 
si  ces  deux  syllabes  ne  représentent  pas  le  commen- 
cement de  deux  mots  écrits  en  abrégé ,  et  si  le  trait 
horizontal  qui  au  n**  3  6  est  inséré  entre  les  deux  figures 
n'a  pas  pour  but  de  le  rappeler  smâ  yeux.  Peut-être 

^  Je  profite  de  cette  occasion  pour  appder  Tattention  sar  une 
autre  expression,  peut-être  de  nature  analogue,  obscure  aussi  à 
coup  sûr,  qui  reparait  dans  les  inscriptions  du  Nord-One!{t,  par 
exemple  à  la  pretnière  ligne  du  vase  de  Wardak.  Dowson  la  lisait, 
je  ne  sais  trop  pourquoi,  stehi.  Le  fac-similé  donne  plutôt  vrekL 
N'est-ce  pas  çrehi  qu'il  faudrait  lire,  ^jl  *"  ^^^^  ^®  ^"ï.^  ^^®  ^® 
comparerait  alors  très  naturellement  au  mot  çrâhe  ou  çrâhi  que 
MM.  Fleet  et  Kielhorn  ont  tdUr  à  tour  relevé  (Ind,  Antiq.,  XXII, 
p.  22  2,  et  XXIU,  p.  2  2  4)  dans  des  inscriptions  de  provenances 
très  diverses.  Il  me  semble  que  le  rapprochement,  tout  hypothé* 
tique  qu'il  soit,  mérite  d'être  signdé  à  ceux  qui  reprendront  l'étude 
de  cette  locution  jusqu'à  présent  complètement  inexpliquée. 


516  NOVEMBRK-DÉCEMBRE   1804. 

l)Ourrait-on  alors  essayer  de  compléter  6fcâ[^i]  1w[ta]  ; 
ce  serait  une  formule  de  bon  augure,  équivalente 
aux  locutions  siddhaih  ou  siddhir  asta,  usitées  ailleurs. 
En  somme ,  notre  inscription  constate  une  «  Do- 
nation de  Vajraka,  fils  de  Màrkandaka,  Tan  i  oa  . . .  • 

N**  36.  —  Cette  inscription,  très  bien  gravée  en 
assez  gros  caractères,  est  justement  celle  qui,  en 
somme,  rend  le  moins  à  Tinterprétation.  Ce  nest, 
en  eflfet,  qu'un  court  fragment,  un  simple  tronçon 
de  ligne,  et  par  surcroît  le  dernier  signe  est  tout  à 
fait  indistinct.  Celui  qui  précède,  bien  qu atteint, 
ne  peut  être  qu'un  *f  (w),  qui,  avec  les  précédents, 
donne  savaha^sarvajha  «  l'omniscient  »,  un  titre  du 
Buddha,  en  sorte  qu'on  attendrait  le  signe  du  gé- 
nitif: savahdsa.  Mais  je  ne  puis  dire  que  la  restitu- 
tion, à  examiner  la  pierre  de  près,  paraisse  bien 
plausible.  Des  trois  signes  qui  forment  le  mot  pré- 
cédent, celui  du  milieu  est  le  plus  clair;. il  a  tout  à 
fait  l'aspect  du  4  [d]  et  paraît  bien  être  accompagné 
d'un  tt.  Avant  lui  se  présente  un  caractère  dont  la 
boucle  est  d'un  tracé  un  peu  ondulé  et  déconcertant , 
où  l'on  n'ose  reconnaître  ni  un  y  (i),  étant  donné 
Yl  très  bien  formé  qui  précède,  et  où  l'on  hésite  à 
chercher  un  'J  [e),  en  voyant  combien  le  signe  2, 
qui  suit  a  la  tête  —  qui  devrait  être  identique  — 
plus  régulière;  c'est  cependant  la  valeur  e  qui  est 
certainement  la  plus  probable.  Si  nous  avons  dès 
lors  eda  comme  commencement  du  mot,  nous  ne 
pouvons  guère  hésiter  à  lire  ka  le  signe  suivant;  il 


NOTES  D^ÉPIGRAPHIE  INDIENNE!  517 

est  vrai  que  le  trait  de  gauche  en  haut  est  recourbé , 
et  s'écarte  ainsi  de  la  forme  normale  ;  mais  c'est  une 
singularité  qui  se  retrouve  ailleurs  ;  et ,  pour  ce  qui 
est  du  trait  de  droite,  simplement  obUque  au  lieu 
d'être  cassé  à  angle  droit ,  le  vase  de  Wardak ,  pour 
ne  citer  que  ce  terme  de  comparaison ,  offre ,  à  dé- 
faut d'analogie  décisive ,  plus  d'un  cas  qui  fait  tran- 
sition et  jette  un  pont  entre  les  deux  types  extrêmes. 
—  Pour  le  commencement,  si  l'explication  n'est 
rien  moins  que  claire,  la  lecture  est  nette. 
Nous  avons ,  en  somme  : 

—  yavaiiapipaîakhaana  hhu-ho  eduka  savana[sa) 


C'est-à-dire  en  sanscrit,  abstraction  faite  de  la 
formule  bhaho ,  quel  qu'en  soit  le  sens  : 

Notre  pierre  aurait  donc  marqué  l'emplacement 
d'un  «  reliquaire  du  Buddha  ».  Quant  à  l'adjectif 
yavanapippalâkshayânâïh ,  si  les  composants  en  sont 
individuellement  clairs,  le  sens,  l'application,  tout 
enfin  en  demeure  complètement  obscur. 

Nous  sommes  du  moins  presque  certains  d'être 
en  présence  d'un  débris  bouddhique. 

11  est  bien  fâcheux  que  nous  soyons  toujours  aussi 
mar édifiés  sur  lere  ou  les  ères  employées  dans  ces 
monuments.  Ces  dates  de  loa  et  aoo  ne  nous  ap- 
prennent rien  de  positif.  Il  est  au  moins  probable 


518  NOVEMBRË-DÉGEMBRË  1804. 

que  notre  n**  33  est  exactement  contemporain  de 
Guduphares  et  de  son  inscription  de  Takhh  i  Bahi 
érigée  en  10 3.  Je  suppose  que  notre  n""  3 A  est  bien 
datée  dans  la  même  èré|  ce  n-est  pos  seulement 
parce  que  les  deux  pierre^  appartiennent  au  même 
rayon;  On  ne  peut  manquer  d'Ôtre  frappé  combien 
laspect  de  Técritufe  a  changé  de  Tune  à  Tautre; 
combien,  dans  la  plus  anclennd,  sanft  être  plus  habi^ 
lement  gravée ,  elle  «st  formée  avec  plus  de  scrupule 
et  de  précision;  Combien  elle  est  danii  la  âeconde 
plus  cursive,  plus  insouCiMse  de  mettre  tn  ftaâiie 
les  particularités  qui  distinguent  et  individualisent 
chaque  lettre. 

Considéré  de  ce  point  de  vue,  le  n""  36  tient  en 
quelque  sorte  une  poûtion  intermédiaire,  quoique 
en  se  rapprochant  sensiblement  du  n®  35  avec  lequel, 
d  autre  part ,  il  partage  lemploi  de  la  myStériouse  for- 
mule bhaho. 


NOUVELLES  £T  MÉLANGES.  519 


■■»*■■■>  ■  ■■***■■ 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES. 


SEANCE  DU  Q  NOVEMBRE  1894. 

La  séance  est  ouverte  à  à  heures  et  demie,  soos  la  prési- 
dence de  M.  Bari)ier  de  Meynard. 

Lecture  est  donnée  du  procès-verbal  de  la  séance  du  1 1  mai 
dernier;  la  rédaction  en  esl  adoptée. 

M.  le  Président  annonce  à  la  Société  la  perte  qu^eHe  vient 
dé  faire  en  la  personne  dé  son  ^crétaira  M»  J«  Darmesteter, 
et  prononce  l'allocution  suivante  : 

Messieurs  , 

La  mort  ne  se  iâsse  pas  de  faire  des  vides  dans 
nos  rangs  et  jamais  pettt-âtre  la  Société  asiatique  n  a 
éprouvé  coup  sur  coup  des  atteintes  plus  cruelles. 
11  y  a  deux  ans  à  peine  «  noud  perdions  notre  illustre 
président  M.  Ernest  Renan,  et  aujourd'hui,  cest 
celui  qui  lui  avait  consacré  les  pages  éloquentes  dont 
vous  n  avez  pas  perdu  le  souvenir,  c'est  notre  sa- 
vant et  cher  secrétaire  James  Darmesteter,  qu'une 
fm  soudaine  enlève  à  nos  travaux  et  à  notre  a£Pec- 
tion. 

Avec  quelques*uns  d  entre  vous ,  je  lai  accompagné 
jusqu'à  sa  dernière  demeure;  mais,  pour  obéir  à  une 
pieuse  décision  de  la  famiile ,  le  jour  des  funérailles , 
notre  douleur  est  restée  muette.  C'est  ici,  devant 
cette  place  vide ,  que  je  dois  lui  adresser  nos  derniers 


»20  NOVEMBRE-DÉGEMBRË  1804. 

adieux  et  rappeler  tout  ce  que  nous  devons  à  cette 
existence  si  courte  et  si  bien  remplie.  Vous  n  at- 
tendez pas  de  moi  que  je  la  retrace  en  détail.  Je 
parle  à  des  confrères  qui  connaissent  et  apprécient 
autant  que  moi  les  services  rendus  par  ce  collabo- 
rateur dévoué  qui,  pendant  vingt  ans,  a  vécu  de 
notre  vie  scientifique  et  frayé  une  voie  nouvdle  aux 
études  orientales.  Pour  signaler  la  valeur  de  ses  tra- 
vaux, il  suffirait  den  faire  Ténumération ,  et  notre 
Société  pourrait  sans  doute  en  revendiquer  la  meil- 
leure part.  Vous  me  permettrez  cependant,  Messieurs , 
de  remonter  jusqu*aux  débuts  d'une  vie  pleine  pour 
nous  d'enseignements  et  de  motifs  de  consolation. 
D'autres  déjà  en  ont  raconté  les  commencements 
pénibles ,  les  difficultés  de  la  première  beure.  Gomme 
son  frère  aîné  qui,  lui  aussi,  a  disparu  jeune  en  lais^ 
sant  une  trace  profonde,  J.  Darmesteter  a  été,  dans 
le  meilleur  sens  du  mot,  le  fils  de  ses  œuvres.  U 
naquit  en  1 8^9 ,  à  Château-Salins ,  où  leur  père  exer- 
çait la  profession  de  relieur.  Espérant  am^iorer  la 
situation  de  sa  famille  et  donner  à  ses  enfants  une 
éducation  plus  libérale,  cet  bonnéte  travailleur  vint 
se  fixer  à  Paris.  Malgré  les  déceptions  qu  il  y  ren- 
contra, il  ne  recrda  devant  aucun  sacrifice  pour  as- 
surer l'avenir  de  ses  deux  fils.  Tandis  qu  Arsène  Dai^ 
mesteter  se  préparait  par  fétude  de  Thébreu  au 
ministère  du  rabbin ,  son  jeune  frère  devenait  le  plus 
brillant  élève  du  lycée  Gondorcet  et  enlevait  le  prix 
d'honneur  de  rhétorique  au  concours  générai  de  1 866. 
Mais  les  succès  de  collège  n'exemptent  pas  les  dés- 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  521 

hérités  de  la  fortune  des  incertitudes  et  des  déboires 
de  la  vie.  J.  Darmesteter,  avec  sa  nature  impression- 
nable et  sa  vive  imagination,  en  souffrit  plus  que 
d  autres.  Après  avoir  obtenu  les  deux  diplômes  des 
baccalauréats  es  lettres  et  es  sciences  et  celui  de  li- 
cencié des  lettres,  on  le  voit  hésiter  entre  différentes 
voies,  passer  de  Tétude  du  droit  et  de  la  philosophie 
à  la  poésie  et  à  des  essais  de  théâtre  jusqu  au  jour 
où  son  frère  aîné,  le  prenant  parla  main,  le  dirige 
A  ers  rÉcole  des  hautes  études  où  lui-même  venait  de 
se  faire  une  place  distinguée.  Dans  cette  pépinière 
de  sujets  d'élile,  J.  Darmesteter  étudie  la  grammaire 
comparée  avec  M.  Michel  Bréal,  le  sanscrit  avec  Hau- 
vette-Besnault  et  Bergaigne.  Dès  lors,  ses  incerti- 
tudes cessent,  sa  vocation  se  décide  :  c'est  TOrient 
qui  sera  son  domaine  et,  par  ce  choix,  il  devient 
un  des  nôtres. 

C'est  en  i  8-7/1  qu'il  fut  reçu  membre  de  la  Société 
asiatique  et,  comme  si  la  fatalité  l'avait  déjà  marqué 
pour  une  fin  prématurée,  ses  deux  parrains  furent 
(iuyard  et  Bergaigne,  tous  deux  frappés  en  pleine 
sève  de  talent,  alors  qu'ils  contribuaient  si  vaillam- 
ment aux  progrès  de  nos  études.  Notre  nouveau 
confrère  ne  prit  pas  tout  d'abord  une  part  très  ac- 
tive à  la  rédaction  du  Journal  asiatique  :  des  travaux 
déjà  commencés  ou  en  préparation  absorbaient  son 
activité.  Après  avoir  donné  à  la  Société  de  linguis- 
tique des  Notes  de  philologie  iranienne^  qui  promet- 

^  Mémoires  de  la  Société  de  Hngaistiqae  de  Paris,  fasc.  iv,  p.  3oo- 

317. 


52S  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1804. 

taient  un  philologue  de  premier  ordre ,  il  mettait  la 
dernière  main  à  sa  mythologie  de  ÏAvesta^  Dans  ce 
mémoire  qui  iut  sa  thèse  à  TÉcole  des  hautes  études  ^ 
il  montre ,  avec  une  pénétration  et  une  vigueur  d'in^ 
tuition  peu  communes,  le  râle  que  jouent  dans  les 
mythes  avestiques  les  deuit  Amachaspands  ou  génies 
qui  personnifient  la  santé  et  Timmoriatité  et  que  le 
dualisme  mazdéen  oppose  aux  deux  démons  de  la 
maladie  et  de  la  mort.  Il  remonte  à  Torigine  de  cette 
conception ,  la  suit  dans  ses  transformations  et  jette 
ainsi  les  hases  de  sa  théorie  de  YAve$ta.  Le  principal 
mérite  de  cet  essai  est  non  seulement  de  donner  une 
interprétation  plus  complète  et  plus  lumineuse  du 
mythe  primitif,  mais  surtout  de  lavoir  retrouvé  à 
travers  ses  métamorphoses  étranges  et  d'avoir  déter^ 
miné  dans  quelle  mesure  chaque  peuple  se  Test  ap- 
proprié. L'Académie  des  inscriptions  lui  décerna  à 
juste  titre  le  prix  Delalande-<juérineau. 

Les  obscurités  qui  enveloppent  le  panthéon  ira- 
nien ,  loin  de  la  décourager,  semblaient  aiguiser  sa 
curiosité.  Deux  ans  plus  tard,  en  1877,  il  fit  pa- 
raître dans  la  Bibliothèque  de  TÉcole  des  hautes 
études  de  nouvelles  recherches  sur  le  principe  fon- 
damental et  le  développement  du  dualisme  iranien  ^  ; 
elles  lui  valurent  le  grade  de  docteur  es  lettres. 
Fidèle  à  sa  méthode  d'investigation  historique,  il 

^  HàvrvatJt  mt  AanuiT^T»  ^wi  $ur  la  wftM^gUdêîAitetta, 
(Bibliothèque  de  TÉcoie  des  hautes  études,  fasc.  xxiii.  Paris,  187$.) 

'  Obmazb  mt  Abmmâk,  Uurs  •rîjjtnat  H  kv  JUilMfe,  (BiÛiO' 
thèque  de  l'École  des  hautes  études,  fasc.  xux.  Paria,  1877.) 


31 


I 


4 

NOUVËLLEB  ET  MÉLANGES.       523 

cherche  1  origine  de  cette  conception  religieuse  dan3 
la  période  antérieure  à  la  séparation  des  Hindous  et 
des  Perses  et  ia  poursuit  dans  son  évolution  à  travers 
les  âges  :  il  fait  voir  comment  l'ancien  démon  de 
lorage,  grandissant  en  puissance  et  en  attributs  mé- 
taphysiques à  régal  de  son  antagoniste  le  principe 
du  bien,  finit,  selon  Ténergique  expression  de  Tau- 
teur,  par  n'être  plus  qu'Onnazd  retourné.  Le  maz- 
déisme se  révèle  ainsi  non  plus  comme  une  création 
indépendante  due  à  Tinspiration  d'un  prophète ,  mais 
comme  le  développement  logique  et  continu  des 
croyances  dont  l'Inde  a  été  le  berceau.  On  ne  peut 
s'étonner  que,  par  sa  nouveauté  et  sa  hardiesse,  cette 
thèse  ait  rencontré  des  contradicteurs  et  provoqué 
un  débat  où ,  de  part  et  d'autre ,  on  s'est  laissé  entraîner 
quelquefois  au  delà  du  but.  Mais  si  nombreuses  et  si 
frappantes  sont  les  analogies  sur  lesquelles  elle  s'ap- 
puie ,  qu'elle  entraîne  la  conviction  et  n'a  rien  à  re- 
douter, au  moins  dans  ses  données  principales,  d'un 
déchiffrement  plus  complet  des  textes  pehlvi. 

Les  limites  de  cette  notice  ne  me  permettent  pas 
de  m'arrêter  sur  d'autres  travaux  que  M.  Darmes- 
teter  fit  paraître  successivement  et  qui  augmentaient, 
chaque  jour,  sa  réputation  de  savant  et  d'écrivain. 
Qu'il  me  suffise  de  citer  son  Mémoire  sur  la  Légende 
d'Alexandre,  sa  critique  impartiale  des  Anticfuités  ira- 
niennes de  Spiegel  et  de  XUistovre  dç  la  Perse  anti^jue 
de  Justi  ^  Ses  travaux  si  variés  et  si  solides  lui  va- 

^  Il  faut  joindre  à  cette  liste  les  ouvrageni  luivants  :  Coup  d*œil 
svLT  l'histoire  de  la  Perte i  Le  Mahdi  depuis. Us  origines  de  tlslam. 


524  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

lurent  les  suflfrages  du  inonde  savant,  et  il  en  reçut 
un  témoignage  des  plus  honorables  de  la  part  d'un 
des  maîtres  de  Tindianisme ,  M.  Max  MûUer,  qui  le 
chargea  de  la  traduction  anglaise  du  Zend  Avesta 
pour  la  grande  collection  des  Livres  sacrés  de  l'Orient, 
Le  premier  volume,  qui  renferme  le  VenMad,  parut 
en  1 880  \  précédé  dune  introduction,  qui  est,  à  eUe 
seule,  une  œuvre  capitale  par  le  développement  que 
lauteur  a  su  donner  à  ses  théories  sur  la  restaura- 
tion de  la  religion  de  Zoroastre  et  Tâge  qu'il  faut 
assigner  à  la  rédaction  de  ï Avesta^  telle  qu'elle  nous 
a  été  transmise.  Cette  thèse,  que  M.  Darmesteter  a 
reprise  plus  tard  avec  un  grand  renfort  de  preuves 
nouvelles ,  est  peut-être  celle  qui  fait  le  plus  d'hon- 
neur à  Toriginalité  de  son  esprit;  celle  aussi  qui  a 
soulevé  le  plus  grand  nombre  d'objections.  J'y  re- 
viendrai bientôt  en  pariant  de  son  édition  française 
de  ï Avesta.  Mais,  dès  son  apparition  et  quelles  que 
fussent  les  réserves  faites  sur  le  fond  de  la  question, 
les  juges  les  plus  compétents  s'accordèrent  à  louer 
les  grandes  qualités  de  la  traduction  :  fidélité  au 
texte,  sûreté  de  méthode  et  heureux  emploi  de  la 
tradition  combinée  avec  les  ressources  de  l'étymo- 

clans  la  collection  eizévirieiine  d'E.  Leroux;  Jemmd  et  la  légtnde 
de  Jemshid  [Jowrn.  asiaU,  8'  série,  t.  VIII);  Points  de  contact  entre 
le  Mâhâbliaiata  et  le  Shàh-Naineh  [ibid,,  t.  X,  p.  6);  Les  Inscription 
de  Caboul  (ibid,  (.  Xî,  p.  491)  ;  L'apocalypse  de  Daniel  (dans  les  Mé- 
langes Renier,  p.  4  o5  )  ;  Souvenirs  bouddhistes  sur  l'Afghamstân  (  Joam. 
iisiat. ,  8'  série,  t.  XV,  p.  io5);  La  grande  inscription  de  (Jandakar 
(ibid.t  t.  XV,  p.  196). 

^  The  Vendidad,  tome  IV  des  Sacred  books  oj  tke  Eait. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  525 

logie.  Un  des  plus  autorisés  parmi  ces  juges  n'hé- 
sitait pas  à  déclarer  que  «  ce  travail  auquel  il  ne 
manque  que  d  être  écrit  en  français  est  un  titre 
d'honneur  pour  la  philologie  française  ». 

On  doit  njettre  sur  la  même  ligne  les  Études  ira- 
niennes \  en  deux  volumes,  que  M.  Darmesteter  fit 
paraître  en  i883  et  qui  furent  un  de  ses  principaux 
titres  à  la  chaire  du  Collège  de  France.  Dans  le  pre- 
mier volume ,  consacré  à  l'histoire  de  la  langue  per- 
sane ,  il  passe  en  revue  les  périodes  successives  des 
idiomes  iraniens;  il  démontre  que  l'ancien  perse  et 
le  zend  ont  eu  une  vie  indépendante  l'un  de  l'autre 
et  que  le  véritable  berceau  du  persan  moderne  doit 
être  placé  au  cœur  de  l'Iran ,  dans  le  Fars  actuel. 
C'est  surtout  en  abordant  les  difficiles  questions  du 
pohlvi  qu'il  déploie  ces  qualités  d'ordre  et  de  clarté 
qui,  chez  lui,  facilitent  et  rendent  presque  attrayante 
la  lecture  des  sujets  les  plus  ardus  :  vous  vous  rap- 
pelez ,  Messieurs ,  son  ingénieuse  explication  de  l'az- 
varech  et  avec  quelle  irréfutable  logique  il  relègue 
le  prétendu  parsi  au  rang  d'un  dialecte  pehlvi  tran- 
scrit, assez  maladroitement  du  reste,  en  caractères 
zend.  Tout  ce  qui  se  rapporte,  dans  ce  volume,  à 
la  phonétique  et  à  la  morphologie  de  l'iranien  est 
conduit  de  main  de  maître  avec  une  richesse  d'exem- 
ples qui  dénotent  de  vastes  lectures  et  une  érudition 
toujours  sûre  d'elle-même.  Le  deuxième  volume  ren- 

'  Etudes  iraniennes,  par  J.  Darmesteter;  t.  I  :  Grammaire  kisto- 
rique  du  persan  ;  t.  II  :  Mélanges  d'histoire  et  de  littérature  iranienne, 
(Paris,  Vieweg,  i883,  in-8'.) 

IV.  3-i 


526  NOVËMBRË-DÉCEMBRË  1894. 

ferme,  outre  quelques  morceaux  inédits,  plusieurs 
articles  de  critique  et  de  philologie  qui  avaient  paru 
déjà  dans  des  revues  spéciales,  mais  en  les  donnant 
pour  la  secondé  fois  au  public,  lauteur  les  a  re- 
fondus et  enrichis  d  observations  nouvelles.  Il  y  a 
joint  aussi  des  fragments  non  encore  publiés  sur  les 
mythes  et  les  légendes  de  la  Perse;  ce  sont  autant 
de  monographies  du  plus  vif  intérêt,  qui  se  recom- 
mandent par  un  style  net,  incisif  et  semé  de  traits 
heureux.  Les  Essais  orientaux,  parus  la  même  année  ^, 
sont  également  un  recueil  de  mélanges  dont  quel- 
ques-uns, comme  la  Légende  d' Alexandre,  le  Dieu 
suprême  dans  la  mythologie  arienne,  etc.,  étaient  déjà 
connus ,  mais  il  s'ouvre  par  un  beau  morceau  d'élo- 
quence où  l'auteur  revendique  chaleureusement  pour 
la  France  une  grande  part  dans  les  découvertes  de 
l'orientalisme  moderne. 

Tant  et  de  si  beaux  titres  scientifiques  ouvrirent  à 
M.  Darmesteter,  en  1 885,  l'accès  du  Collège  de  France 
où  l'ancienne  chaire  de  persan  fut  dotée  d'un  pro- 
gramme plus  large  et  plus  approprié  à  son  nouveau 
titulaire.  Ces  titres,  depuis  dix  ans  déjà,  vous  les  aviei 
reconnus  en  le  nommant  membre  de  votre  Conseil 
et  en  lui  confiant  bientôt  après  la  rédaction  des  rap- 
ports annuels,  tâche  honorable,  mais  d'autant  plus 
difficile  qu'il  y  avait  été  précédé  par  des  savants  tek 
que  Burnouf,  MohI  et  Renan.  Personne  plus  que 
le  nouveau  secrétaire  n'était  capable  de  continuer 

^  Essais   orientaux,  par  J.  Darmesteter.  (Paris,    i883,   in -8% 

278  pages.) 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  527 

la  tradition  de  ces  maîtres,  et,  pour  me  servir  dune 
heureuse  expression  qu  il  appliquait  à  ses  devanciers , 
chacune  de  nos  séances  générales  devenait,  grâce  à 
lui ,  une  fête  de  lesprit.  S'il  mit  quelques  interrup- 
tions dans  laccomplissement  de  ce  devoir,  son 
voyage  dans  Tlnde  et  malheureusement  aussi  TafFai- 
blissement  progressif  de  sa  santé  en  furent  la  cause. 
Nous  ne  saurions ,  Messieurs ,  garder  un  souvenir  trop 
reconnaissant  de  cette  preuve  de  zèle  dévoué  que 
M.  Darmesteter  nous  donna  en  rédigeant,  pendant 
dix  années,  les  annales  de  Torientalisme  français. 
Notre  éminent  confrère  M.  Bréal  a  dignement  re- 
connu Timportance  de  ce  service  qu'il  apprécie  dans 
les  termes  suivants  :  «  On  sait  avec  quelle  supériorité  il 
s'est  acquitté  de  sa  mission  ;  comme  M.  Renan ,  mais 
avec  une  connaissance  plus  intime  des  hommes  et 
des  choses,  il  savait  démêler  dans  chaque  ouvrage 
ce  qui  s  adressait  au  public  lettré  en  général ,  ce  qui 
contribuait  au  progrès  de  la  pensée  humaine.  Au 
milieu  de  ces  énumérations  qui  auraient  pu  fatiguer 
si]  s'était  borné  à  Toffice  de  rapporteur,  il  semait 
des  aperçus  qui  lui  étaient  propres  et  il  surprenait 
quelquefois  les  auteurs  eux-mêmes  en  leur  montrant 
le  point  essentiel  par  où  leur  travail  méritait  de  durer. 
Aux  appréciations  des  hommes  et  des  livres  il  ap- 
portait, selon  l'exemple  de  son  prédécesseur,  une 
bienveillance  d'autant  plus  méritoire  que,  par  son 
tour  d'esprit  naturel ,  il  aurait  plutôt  été  disposé  à  la 
sévérité.  » 

Ce  voyage  dans  llnde  auquel  je  faisais  allusion, 

34. 


528  NOVËMBRE.DËCEMBRt:  1894. 

qui  nous  priva  pendant  plus  d'un  an  de  sa  collabo- 
ration, fut  pour  J.  Darmesteter  une  suite  d'ovations 
de  la  part  de  la  colonie  des  Parsis  de  Bombay  et  lui 
fournit  en  même  temps  une  excellente  préparation 
à  son  œuvre  maîtresse,  la  traduction  française  de 
ïAvesta.  C'est  là  aussi  qu'il  recueillit  les  matériaux  de 
son  travail  sur  les  chants  afghans^,  que  vous  avez  jugé 
digne  de  figurer  dans  la  Collection  d'aatears  orien- 
taux  publiée  par  la  Société  asiatique.  De  ce  livre ,  qui 
dépasse  de  beaucoup  les  promesses  du  titre,  je  re- 
tiens surtout  l'introduction  qui  constitue  une  œuvre 
philologique  complète  et  de  haute  portée.  Par  le 
rattachement  de  la  langue  afghane  {poachtoa)  au  ra- 
meau iranien  des  langues  aryennes,  se  trouve  résolu 
un  problème  linguistique  qui  avait  donné  naissance 
h  d'étranges  illusions.  Désormais  il  ne  sera  plus  per- 
mis ds  nier  que  l'afghan  est  le  descendant  direct 
soit  du  zend,  soit  d'un  dialecte  étroitement  apparenté 
au  zend.  On  admire  avec  quelle  habileté,  de  la  solu- 
tion de  ce  problème  en  apparence  si  éloigné  de  la 
littérature  avestique ,  M.  Darmesteter  a  su  tirer  des 
lumières  inattendues  sur  le  pays  d'origine,  ou  tout 
au  moins  sur  la  langue  du  livre  sacré  de  l'Iran. 

La  traduction  française  de  YAvesta,  qu'il  publia 
dans  les  Annales  du  Musée  Gaimet^,  a  été  le  couron- 


'  Chants  populaires  des  Afghans,  recueillis,  publiés  et  tradaîts 
par  J.  Darmesteter,  préciklés  d'uue  introduction  sur  la  langue, 
l'histoire  et  la  littérature  des  Afghans,  1890,  1  fort  vol.  in-8*. 

^  Le  Zend  Avesta,  traduction  nouvelle  avec  commentaire  kistoriqme 
et  phUoloffiffae,  —  i*'  vol.  :  la  Litui^ie;  3*  vol.  :  la  Loi,  IcSpopiSe, 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.       520 

nement  de  sa  vie,  la  synthèse  d'un  labeur  de  vingt 
années,  un  modèle  d'érudition  et  de  style  que  l'In- 
stitut a  estimé  à  sa  juste  valeur  en  lui  décernant  le 
prix  biennal ,  la  plus  haute  récompense  dont  il  dis- 
pose. Permettez-moi  de  rappeler  les  données  fonda- 
mentales de  ce  grand  travail.  Pour  fixer  avec  une 
entière  certitude  le  sens  souvent  si  obscur  de  FAvesta , 
il  n  y  a  plus  à  compter  sur  la  méthode  linguistique , 
ni  sur  les  hypothèses  étymologiques  qu'elle  donnait 
pour  base  à  son  interprétation.  On  doit  y  substituer 
la  méthode  traditionnelle  et  historique;  c'est,  par 
conséquent,  l\  l'ensemble  de  la  littérature  parsi  qu'il 
faut  s'adresser  pour  pénétrer  la  signification  réelle  du 
texte.  La  démonstration  rigoureuse  qu'il  a  donnée 
du  caractère  liturgique  du  Yasna  suffirait  pour  assu- 
rer à  son  œuvre  une  incontestable  originalité;  mais 
elle  reçoit  une  valeur  nouvelle  des  fragments  re- 
cueillis à  Bombay  qui  enrichissent  d'un  dixième  au 
moins  le  texte  accepté  par  la  tradition.  Quant  à 
la  thèse  sur  la  rédaction  de  VAvesta  que  l'auteur 
a  développée  avec  tant  de  finesse  et  souvent  avec 
tant  d'éclat,  vous  savez.  Messieurs,  tout  ce  qu'elle 
renferme  de  neuf  et  d'osé,  et  les  objections  qu'elle  a 
soulevées  ne  vous  ont  pas  surpris.  Elle  peut  se  ré- 
sumer en  quelques  mots.  La  source  d'inspiration  de 
YAvesta  reste  toujours  la  vieille  Veligion  des  Aché- 
ménides,  mais  profondément  influencée,  après  la 

le  Livre  de  prières;  1892.  —  3'  vol.  :  Origines  de  la  littérature  et 
de  la  religion  zoroastriennes  ;  appendice  à  la  traduction  de  VAvesta  ; 
1893.  Paris,  Leroux,  in- 4°. 


530  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

conquête  d'Alexandre,  par  les  idées  néo-platoni- 
ciennes et  bibliques;  c*est  toujours  Tantique  théo- 
logie zoroastrienne ,  mais  remaniée  d'abord  par  un 
roi  arsacide  contemporain  de  Néron  ou  de  Vespa- 
sîen,  et,  plus  tard,  façonnée  à  lesprit  du  temps  par 
Ardéchir,  le  fondateur  delà  dynastie  des  Sassanides, 
au  m*  siècle  de  notre  ère.  Ainsi  expliqué,  YAvesta 
devient  à  son  tour  un  document  d'un  prix  inesti- 
mable pour  l'histoire  de  la  philosophie  alexandrine 
et  du  gnosti'cisme ,  et  mieux  encore  pour  l'étude  du 
grand  mouvement  religieux  qui  remplit  les  trois  pre- 
miers siècles  de  Tère  chrétienne.  Quelles  que  soient 
{es  retouches  que  la  découverte  de  nouveaux  frag- 
ments introduira,  un  jour,  dans  ce  système,  on  ne 
peut  qu'admirer  le  talent  avec  lequel  l'auteur  le  déve- 
loppe et  le  soutient  :  l'élévation  des  idées  générales, 
la  sûreté  et  la  profondeur  des  recherches ,  la  perfection 
du  style  en  font  un  modèle  d'érudition  élégante,  je 
dirais  presque  une  œuvre  d'art.  Pleine  justice  lui  a 
été  rendue  par  la  critique  étrangère ,  trop  souvent  ou- 
blieuse de  nos  travaux.  «  L'ouvrage  de.M.  Darmesteter, 
a  dit  un  savant  ordinairement  enclin  à  la  sévérité 
(M.  Geldner) ,  fera  époque  dans  l'histoire  des  sciences 
religieuses.  »  M.  Max  Mûller  n'est  pas  moins  affir- 
matif  dans  les  éloges  qu'il  lui  décerne  ^  :  «  Par  celte 
traduction,  M.  Darmesteter  s'est  montré  le  digne 
successeur  d'Kugène  Bumouf.  Son  interprétation  des 
textes  obscurs  de  YAvesta  est  presque  de  la  divina- 

^  Lettre  adressée  au  Times  en  date  du  ao  octobre  1894* 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  531 

tion,  mais  de  la  divination  fondée  sur  des  faits  et 
sur  la  méthode  inductive.  Par  sa  merveilleuse  et 
quasi  poétique  faculté  de  composition,  il  était  à 
peine  inférieur  à  Renan,  tandis  que,  par  la  soli- 
dité de  sa  science  et  la  sûreté  de  son  jugement,  il 
perpétuait  la  grande  tradition  des  Quatremère  et 
d'autres  savants  illustres.  » 

Je  ne  dois  pas  oublier  que  je  n'ai  à  parler  ici  que 
de  Torientaliste  et  de  la  part  considérable  qu'il  a 
prise  à  nos  travaux.  Si  je  n  étais  pas  obligé  de  rester 
dans  ces  limites ,  j'aimerais  à  suivre  ce  brillant  esprit 
dans  toutes  les  directions  où  il  a  pris  son  essor.  Je 
voudrais  citer  une  de  ces  pages  pleines  d'émotion 
que  rhistoire  du  peuple  juif  lui  a  inspirées,  ou  bien 
celles  qu  il  a  écrites  en  Thonneur  des  prophètes ,  en 
revendiquant  pour  les  voyants  d'Israël  la  gloire  d'avoir 
proclamé  et  légué  à  l'humanité  les  deux  grands 
dogmes  de  l'unité  divine  et  du  messianisme.  Dans 
une  sphère  moins  haute  et  d'un  accès  plus  facile,  je 
retrouverais  le  fin  connaisseur  de  la  littérature  an- 
glaise ,  qui  a  tracé  pour  tous  une  esquisse  vivante  du 
théâtre  anglais,  le  commentateur  de  Macbeth  qui  a 
su  joindre  à  son  édition  devenue  classique  une  étude 
sur  le  génie  de  Shakespeare ,  que  Taine  n'aurait  pas 
désavouée. 

Faut- il  croire,  comme  on  l'a  dit,  que  M.  Dar- 
mesteter,  malgré  le  culte  qu'il  avait  voué  aux  études 
orientales ,  ait  fini  par  s'y  trouver  à  l'étroit  et  qu'il 
ait  spontanément  recherché  de  plus  vastes  horizons? 
Cette  détermination,  si  elle  a  été  la  sienne,  ne^peut 


532  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1804. 

qu augmenter  nos  regrets,  car  les  conséquences  en 
onl  été  fatales.  iUen  ne  lui  manquait  pourtant  de  ce 
qui  peut  satisfaire  Tambition  d*un  homme  d*étude  : 
une  situation  assurée  dans  le  haut  enseignement,  un 
nom  déjà  acclamé,  de  chaudes  amitiés  qui  lui  fai- 
saient dédaigner  quelques  dénigrements  obscurs.  Rn- 
fîn,  dans  ces  dernières  années,  une  union,  qui  avait 
rapidement  transformé  des  afi&nités  littéraires  en  un 
vif  cl  réciproque  attachement ,  lui  avait  apporté,  avec 
la  consolation  de  ses  deuils  de  famille,  les  douceurs 
et  le  charme  du  foyer  domestique.  Tout  semblait 
conspirer  à  lui  faire  une  existence  enviable;  mais 
déjà  le  ressort  de  la  vie  était  brisé  en  lui.  Si  vi- 
goureux que  fût  cet  esprit  d'élite,  il  ne  pouvait,  dans 
sa  frêle  enveloppe ,  résister  à  un  eflFort  trop  prolongé. 
Au  moment  où  il  achevait  pour  le  Journal  asiatùiae 
la  publication  de  cette  curieuse  lettre  de  Tansar 
qui  apportait  une  confirmation  inattendue  à  ses  vues 
sur  le  mazdéisme,  il  crut  ne  pas  devoir  refuser  la 
direction  d'une  revue  périodique  qui  venait  d'être 
fondée.  Ses  débuts  y  firent  sensation  et  il  déploya 
dans  fe  domaine  des  spéculations  politiques  les  qua- 
lités supérieures  dont  ses  travaux  d'érudition  avaient 
eu  jusque-là  le  privilège  exclusif.  C'était  trop  de- 
mander, non  pas  à  sa  vaste  intelligence,  mais  à  ses 
forces  physiques. 

Et  pourtant ,  si  lourd  que  fût  son  labeur  quoti- 
dien, il  ne  voulait  pas  qu'on  pût  croire  que  son  assi- 
duité à  nos  réunions  en  souffrît.  Vous  vous  le  rappe- 
lez, Messieurs,  il  était  encore  parmi  nous  à  notre 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  533 

dernière  assemblée  de  juillet;  malgré  mille  pénibles 
préoccupations,  il  était  venu  tout  exprès  pour  nous 
lire  son  travail  sur  les  Parthes  à  Jérusalem ,  qu'il  avait 
préparé  pour  cette  séance  générale.  C'était,  et  peut- 
être  en  avait-il  le  pressentiment,  la  dernière  preuve 
de  bon  vouloir  qu*il  donnait  à  la  Société  qui  avait 
vu  éclore  son  talent  et  fortifié  sa  vocation. 

Nous  ne  devions  plus  le  revoir.  Ni  Tair  vivifiant 
des  champs,  ni  la  tendresse  et  les  soins  de  celle  qui 
était  si  digne  de  le  comprendre  et  l'aimer  n'ont  pu 
triompher  d'un  mal  d'autant  plus  difficile  à  com- 
battre qu'il  le  dissimidait  aux  autres  et  à  lui-même. 
Le  1 9  octobre  dernier,  il  a  rendu  le  dernier  soupir, 
»^  l'âge  de  quarante- cinq  ans,  sans  crise  suprême, 
sans  agonie,  comme  s'il  n'avait  plus  même  la  force 
de  souffrir. 

Cette  mort  prématurée  est  un  deuil  cruel  pour  la 
haute  culture  et  les  lettres  françaises.  Aux  regrets 
unanimes  qu'elle  a  inspirés  parmi  nous  sont  venus 
se  joindre  ceux  de  l'étranger  et  nous  en  recevons 
chaque  jour  les  témoignages  sympathiques.  Mais 
nulle  part  elle  ne  sera  ressentie  plus  douloureuse- 
ment que  dans  nos  rangs  :  elle  brise  une  de  nos 
forces  vives  et  laisse  interrompue  une  tâche  que  les 
meilleurs  hésiteront  à  continuer.  La  célébrité  que 
J.  Darmetester  devait  aux  travaux  dont  je  n'ai  pu 
donner  qu'une  faible  idée  rejaillissait  en  partie  sur 
notre  Société  ;  il  était  pénétré  du  rôle  important  qui 
nous  est  dévolu;  par  son  enseignement  et  ses  écrits 


534  NOVEMBRE-DÉCEMBRË'  1894. 

il  a  puissamment  contribué  à  le  grandir.  Gardons, 
chers  confrères,  gardons  dans  nos  cœurs  le  pieux 
souvenir  de  Tabsent  ;  mais  ne  nous  laissons  pas  abattre 
par  les  disgrâces  du  sort  :  rapprochons-nous  et  tra- 
vaillons plus  courageusement  que  jamais  à  raccom- 
plissement  de  nos  devoirs  scientifiques  en  nous  inspi- 
rant de  son  exemple ,  avec  la  conviction  que  c'est  le 
meilleur  hommage  que  nous  puissions  rendre  à  sa 
mémoire. 

Sont  reçus  membres  de  la  Société  asiatique  : 

MM.  HoLÂS  Efendi,  demeurant  à  Constantinople,  me  As- 
maiu-Mesdjid  ,11,  présenté  par  MM.  Clément  Huart 
et  Barbier  de  Meynard; 

Bloghet  (  Edgard] ,  élève  de  TEcole  des  langues  orien- 
tales, demeurant  à  Paris,  rue  de  T Arbalète,  35, 
présenté  par  MM.  Barbier  de  Meynard  et  Qer- 
mont-Ganneau  ; 

le  docteur  Aurel  Stbin  ,  principid  du  collège  de  La- 
hore,  demeurant  à  Lahore  (Inde  anglaise),  pré- 
senté par  MM.  E.  Drouin  et  R.  Duval; 

Caudel  (Maurice),  élève  diplômé  de  TÉcole.  des 
langues  orientales,  bibliothécaire  de  rÉcole  des 
sciences  politiques ,  demeurant  à  Paris ,  me  Fiat- 
ters,  16,  présenté  par  MM.  Hondas  et  Barbier  de 
Meynard  ; 

T.  WiTTON  Davies,  principsd  de  Midland  Baptist 
Collège,  demeurant  à  Nottingham  (Angleterre), 
présenté  par  MM.  Jos.  Halévy  et  E.  Drouin. 

M.  Bubens  Duval  présente  le  4'  fascicide  des  Apocryphet 
éthiopiens  concernant  les  légendes  de  saint  Tertag  et  de  saint 
Sousnyos,  traduites  en  français  par  M.  René  Basset. 

M.  Ollivier  Beauregard  offre  à  la  Société  un  volume  dont 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  535 

il  est  l'auteur,  intitulé:  Iai  caricature  égyptienne,  hûtoriqae, 
politique  et  morale,  publié  à  Paris  (in-8',  iSgd).  M.  le  Pré- 
sident adresse  à  M.  Beauregard  les  remerciements  de  la  So- 
ciété. 

M.  L.  Feer  lit  une  notice  sur  des  lettres  et  papiers  d*Abel 
i\émusat,  dont  la  Bibliothèque  nationale  vient  de  faire  Tac- 
quisition.  (Voir  ci>après,  p.  55o.) 

M.  Oppert  lit  un  mémoire  sur  la  métrologie  assyrienne. 

La  séance  est  levée  à  6  heures. 

OUVRAGES  OFFERTS  À  LA  SOGIET^. 

(Séance  du  9  novembre  1894») 

Par  l'India  Office  :  BibUotheca  Indien,  N.  S. ,  n-  834,  837, 
8^9 ,  84o.  Calcutta,  1894.;  in-8'. 

—  Aîn-i-Akhari ,  fascicules  m,  iv,  v  du  tome  III.  Cal- 
cutta, 189^;  in-8*. 

—  Indian  Antiquary.  December  1893,  part  IL  April, 
May,  June,  July  1894.  Bombay;  in-4°. 

—  Epigraphia  Indica ,  May,  July  1 894  ;  in-4**. 

—  Census  of  India,  General  Report  by  J.  A.  Baynes, 
3  volumes.  London,  189^-1893;  in-4*. 

Par  le  Gouvernement  néeiiandais  :  Bijdragen ,  5*  Volgr.  x , 
3-4 ,  S'Gravenhage ,  1 894  ;  in-8". 

—  Naamlijst  der  Leden  op  i  Jiini ,  1894;  in-8°. 

Par  le  Ministère  de  Tinstruction  publique  :  Publications 
(le  l'Ecole  des  langues  orientales,  Zuhdat  Kaschf  el  Mamalik, 
tableau  politique  et  administratif  de  l'Egypte,  de  la  Syrie  et  du 
Hidjàz,  sous  la  domination  des  sultans  Mamloâks  du  xiit*  au 
XV'  siècle,  texte  arabe  publié  par  Paul  Ravaisse.  Paris,  1894; 
in.4'. 

—  Les  Français  dans  llnde,  par  J.  Vinson,  1894;  in-4*. 

—  Mission  scientifique  au  Caucase,  Etudes  archéologiques  et 
historiques;  tome  I";  Les  premiers  âges  des  métaux  dans  VAr- 


530  NOVEMBRE-DÉCEMBRE   1804. 

ménie  russe;  tome  II:  Recherches  sar  les  origines  des  peuplas  dn 
Caucase.  Paris ,  1 889  ;  in-4** 

—  Mémoins  de  la  Mission  archéologique  du,  Caire,  tome  V, 
4*  fascicule;  tome  VI,  4'  fascicule;  tome  VIII,  3'  tascicuie, 
tome  X,  a'  fascicule;  tome  XV,  1"  fascicule,  et  tome  XIX, 
1'*  partie,  1" fascicule  [Corpus  inscript,  arabic,  par  Van  Ber- 
chem).  Paris;  in-4°. 

—  Mission  Pavie,  Exploration  de  tlnithChinie,  tome  I*'  et 
tome  II,  1"  et  a'  fascicules,  1894;  in-4^ 

—  Mission  scientifique  en  Perse,  par  J.  de  Morgan,  t.  î**", 
1894;  in-4*. 

—  Annales  du  Musée  Guimet,  tome  IV:  Recherches  sar  le 
bouddhisme,  par  J.  P.  Minaycff,  traduit  du  russe  par  A.  de 
Pompignan.  Paris,  1894;  in-4'*. 

Par  la  Société  :  Zeitschrifï  der  deutschen  morgenlândischen 
Gesellschajï y  48  Band,  11  Heft.  Leipzig,  1894;  in-8^ 

—  The  Journal  of  the  Asiatic  Society,  Jidy  and  October 
i894;in-8\ 

—  Société  de  géographie  :  Rulletin,  1"  trimestre.  Paris, 
1894;  in-8». 

—  Comptes  rendus,  n***  i4  et  i5.  Paris,  1894;  in-S*. 

—  Recueil  de  l'Académie  de  Tam-et-Garonne ,  années  1893 

et  1894.  Montauban  ;  in-4°. 

—  Atti  deir  Accademia  dei  Lincei,  Genaio  à  Agosto,  Komà^ 

1894;  in-4*. 

—  Rendiconti,  séria  V,  vol.  III,  f.  5-8.  Roma,  iSgdîin-S^ 

—  Pâli  Text  Society,  The  Mahabodhi-Vamsa,  éd.  by  S. 
A.  Strong.  London,  1891  ;  in-8''. 

—  Paramata  Dîpraid,  part  V  :  The  Commentary  on  Ae 
Therigatha,  éd.  by  J.  P.  Minayeff,  traduit  du  russe  par  A.  de 
Pompignan.  Paris,  1894;  in-8^ 

—  The  Dhatu  Kalhâ  Pakarana,  and  its  commentary  by. 
Fj.  R.  Gosmcratona,  189a  ;  i^-8^ 

—  Journal  ofthe  Pâli  Text  Society,  by  T.  W.  Rbys  Davids. 
London ,  1 893  ;  in-8'*. 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  537 

—  Journal  of  the  Ceylan  brauch  oj  the  Royal  Asiatic  So- 
ciety (1871-1872),  1880,  part  II,  vol.  VIII  et  IX.  Coiombo, 
1873,  1886  et  1888;  m.8*. 

—  American  Journal  of  Philology,  April-July,  October 
1894.  Baltimore;  iii-8". 

—  Bulletin  de  V Institut  égyptien,  fasc.  9  et  10,  1893  ;  in-S"*. 

—  Journal  of  the  Buddhist  Teœt  Society  oflndia,  vol.  II, 
paii;  1.  Calcutta,  189^;  in8^ 

—  Transactions  of  the  Asiatic  Society  ofJapati,  vol.  XXII, 
part  I,  1894*  Yokohama;  in-8*. 

—  Journal  ofthe  Bombay  branch  cfthe  R,  A.  S.,  vol.  XV, 
XVUl  et  Prof.  Petersons  Report  on  the  sanscrit  mss.  Bombay; 
iIl.8^ 

—  The  Padniapuràna ,  vol.  III,  1894.  Puna;  in-8*. 

—  Sanscrit  critical  Journal,  n"'  7-12,  August  1894*  Wa- 
kiug;  in-8°. 

—  Jourmd  ofthe  Asiatic  Society  of  Bengal,  vol.  LXUI, 
part  1 ,  n"'  1  et  2  ;  part  II ,  n"  1  ;  part  III ,  n*  1 .  Calcutta  . 
1894;  iii-8°. 

—  Proceedings,  .lanuary-June  1894;  in-8°. 

—  Proceedings  of  the  American  Oriental  Society  at  New- 
York.  March  1894.  New  Haven;  m-8*. 

—  Transactions  of  the  American  Philological  Association. 
Vol.  XXIV,  1894.  Boston;  in-8^ 

—  Mittheilungen ,  in  Tokio,  54  lleft,  avec  supplément, 
caliicr  1,  1894;  gr.  in-4**. 

Par  les  éditeurs  :  Le  Muséon.  Tome  XIII ,  n°  4 ,  août  1 894  ; 

in  8^ 

—  L'Oriente,  Luglio  1894*  Roma;in-8°. 

—  Journal  des  Savants,  mai,  juin,  juillet  et  août  1894* 
l^uis;  in-4°. 

—  Revue  critique ,  n*"  29-45.  Paris,  1894;  in-8°. 

—  Bolletino,  n°*  2o5-2i2.  Fiorenze,  1894;  in-8°. 

—  Revue  archéologique,  mai- juin  et  juillet- août  1894 
Paris;  in-8°. 


538  NOVEMBRE-DECEMBRE  1804. 

—  Polybihlion,  parties   technique  et  littéraire.  Juillet  à 
octobre.  Paris,  1894;  in-8^ 

—  Revue  de  l'histoire  des  religions,  mai-juin  i8g4;  in-8*. 

—  Revae  sémitique,  octobre  i8g4*  Paris;  in<8*. 

—  Le  Globe,  février-mai.  Genève»  iSgd;  in-A*. 

—  Revue  indo-chinoise  illustrée  «  n**'  8- 1  o.  Hanoi,  1 8g4  ;  in-4*. 

—  El  Instructor,  par  Â.  V.  Del  Mercado.  Aguascafientes  ; 
in-4°. 

—  Geographical  Journal,  août -octobre -novembre  1894* 
London;  in-8°. 

—  Jewish  Theological  Seminary,  Foarth  BienmaL  A.  Ko^ 
hut,  Light  ofShade  and  Ijomps  o^  Wisdom,  compoaed  by  Ne- 
thanel  ibri  Yeshaya..  New-York ,  1894;  in-8'. 

—  Catalogue  of  thé  Arabie  books  in  tke  BriliA  Muséum,  by 
Eliis,  vol.  I.  London,  1894;  in-4'. 

—  Supplément  to  the  Catalogue  ofthe  Arabie  manuscripls  in 
the  British  Muséum,  by  Ch.  Rieu.  London,  1894;  in-4'*. 

—  Diverses  publications  religieuses  en  langues  africeUnet, 
par  ia  Société  biblique.  London;  1894. 

—  Catalogue  ofthe  Hebrew  books  in  the  British  Muséum, 
acquired  during  tfie years  1868^1892,  Supplément, by  S.  van 
Straelen.  London,  1894;  in-4*. 

Par  les  auteurs  :  G.  Itnbault-Huart,  L'tte  de  Formate,  his- 
toire et  description,  Paris ,  1 898  ;  in-4*. 

—  F.  Cumont,  Monuments  figurés  relatas  aux  mystères  de 
Mithra,  Fasc.  I,  textes  littéraires  et  inscriptions.  Bruxdles, 

1894;  in-4*. 

—  J.  de  Morgan,  U.  Bouriant,  G.  Ledrain,  G.  Jëquier, 
A.  Bamnïi  y  Catalogue  des  monuments  et  inscriptions  de  TÈgypie 
ancienne.  Vienne,  1894;  in-4*. 

—  Raoul  de  ia  Grasserie ,  La  parenté  entre  la  langue  égyp- 
tienne, les  langues  sémitiques  et  les  langues  indo-européennes 
d'après  les  travaux  de  M.  C,  Abel,  Louvain,  1894;  ia-8*. 

—  Alb.  G.  Kruyt,  WooixlenUjst  van  de  Bareë  taaL  S*Gra- 
venhage ,  1 894  ;  in-8". 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  530 

—  V.  Thomsen,  Inscriptions  de  VOrishon:  alphabet,  tt-an 
scription  et  tradaction  des  textes»  i**  livraison.  Helsingfore 
1894;  in.8'. 

—  Ghalib  Bey,  Lettre  sur  une  imowmie  mengoué^ide,  Gon 
stantinople,  iSgA;  ia-8*. 

—  E.  Drouin,  Notice  sur  les  Huns  et  Hioung-noa  (extrait) 
1894.  PariA;  in-8'. 

—  Cl.  Huart,  L'ode  arabe  de  Oskkonwân,  (extrait),  1894 
Paris  ;  in-8*. 

—  M.  A.  F.  Mehren,  Traite  mystiqae  ttAvicenne,  3*  fasci 
cule.  Leyde,  189^;  in-8*. 

—  Ahmed  Zéki ,  Voyage  aa  Congrès  de  Londres  (  en  arabe  ) 
Boulak,  189^;  in-8*. 

—  Le  même ,  Rapport  sur  les  numuscrits  arabes  conservés  à 
CEscurial  en  Espagne,  Le  Caire,  1894;  in-8'. 

—  Le  même ,  Discours  prononce  dans  la  séance  de  la  section 
sémitique.  Le  Caire,  1898;  in-8*. 

—  Alb.  Weber,  Veberde  Vâjapeya  (extrait).  Berlin,  1892  ; 

in-4^ 

—  Le  même,  Wedische  Beitrâge  (extrait).  Beriin,  1894; 

ill-4^ 

—  A.  Mouliéras,   Légendes   et  contes    merveilleux   de   la 
grande  Kabylic,  texte  kabyle,  3*  fasc. ,  1894;  in-8". 

—  Stumme,  Elf  Stûcke  im   Silha-Dialect  von   Tazerwalt 
(extrait).  Leipzig,  1894;  in-8". 

—  Wagnon,  Chants  des  Bédouins  de  Tripoli  et  de  la  Tu- 
nisie, traduits  d'après  le  recneU  du  Dr.  H.  Stumme.  Paris, 
1894;  in-8-. 

—  H.  Pognon ,  L'insciiption  de  Raman-nérar  /",  rai  d'As' 
syrie.  Bagdad.  1894;  in-8". 

—  Brandsttetter,  Malaiopolynesische  Forschungen ,  IJI  ;  Die 
Geschichte  von  Hang-Tuwah,  Luzerne,  1894;  in-8*. 

—  Saïd  ei-Khouri ,  El-Sawadird*A biZaîd,  Beyrouth,  1 894 ; 
in-8". 

—  A.  Socin  et  Dr.  H.  Stunune ,  Der  arabische  Dialect  der 
Houwara  des  Wâdi  Sus  in  Marokko,  Leipxig,  1894;  iorS*. 


540  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1804. 

—  l\.  V.  Cust,  Essai  sur  les  anciennes  religions  dit  monde 
avant  l'ère  chrétienne.  Genève,  i8g4;  în-S*. 

—  R.  H.  MiUs,  A  Study  of  thefive  zaratkashtrian  Gàthâs, 
texts  and  translation.  Oxford,  iSgS-iSg^;  m-4*- 

—  Fr.  Gîese,  Untersackungen  ûber  die  A4dâd,  Beriin, 
1894;  in-8'. 

—  W.  D.  Smith,  Lectures  on  the  Religion  of  the  Sémites, 
uew  édition.  London,  189^;  in-8^ 

—  Dr.  J.  Lippert ,  Studien  auf  dem  Gebiete  der  gnechisch- 
arahischen  Ubertsetzungslitteratur.  Braunchweig,  189^;  grand 
in.8^ 

—  W.  GrofF,  Notes  supplémentaires  sur  le  mot  t  ffil  >.  Le 
Caire ,  1 894  ;  in-8". 

—  Le  même ,  Etude  sur  une  question  de  géog  tnph ie  historique. 
Le  Caire,  1894.;  in-8". 

—  Le  même ,  Note  supplémentaire  sur  le  nom  du  Jltuve 
d'Egypte,  Le  Caire,  1894;  in-8*. 

—  Ollivier  Beauregard,  La  caricature  égyptienne,  histo- 
rique, politique  et  morale.  Paris,  1894;  in-8*. 

—  René  Basset,  Les  apocryphes  éthiopiens  traduits  enfirm» 
çab.  Paris,  1894;  in-8*. 


SKANCE  DU  14  DÉCEMBRE  1894. 

La  séance  est  ouverte  à  4  heures  et  demie ,  sous  la  prési- 
dence de  M.  Barhier  de  Meynard. 

Il  est  donné  lecture  du  procès  -  verbal  de  la  séance  du 
9  novembre  dernier;  la  rédaction  en  est  adoptée. 

£st  reçu  membre  de  la  Société  asiatique: 

M.  le  docteur  Juan  M.  Dihigo,  professeur  de  langue  grec- 
que à  rUniversité  de  la  Havane  (Ile  de  Cuba),  de- 
meurant à  la  Havane,  présenté  par  MM.  Bréal  et 
Sylvain  Lévi. 

M.  ie  Président  présente  à  la  Société  un  traité  de  numis* 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.       Ml 

matique  des  monnaies  des  Omeïades  et  des  Abbassides,. ré- 
digé en  turc  par  Gbâlib  Edbem,  auteur  de  plusieurs  autres 
ouvrages  de  numismatique  orientale.  Ce  nouveau  traité  fait 
partie  de  la  collection  des  catalogues  du  Musée  impérisd  de 
Constantinople.  Il  en  sera  rendu  compte  dans  le  Journal  asia- 
tique, 

M.  Sonneck  fait  hommage  à  la  Société  d'une  brochure 
contenant  le  texte  arabe  de  la  loi  sur  le  recrutement  de 
Tarmée  tunisienne,  avec  traduction  française  de  M.  F.  Pa- 
lorni ,  membre  de  la  Société. 

L'Imprimerie  catholique  de  Beyrouth  fait  également  hom- 
mage à  la  Société  d'uii  volume  contenant  le  Divan  des  poé- 
sies arabes  de  Saïd  Djermanos  Feriiàt,  archevêque  maronite 
d'Aiep  au  xvii*  siède,  nouvelle  édition  par  Saïd  ei  Khoury 
el  Chartouni,  ainsi  que  des  quatre  fascicules  du  Divan  des 
poètes  arabes  chrétiens ,  par  le  P.  Cheikho. 

Des  remerciements  sont  votés  par  la  Société  aux  dona- 
teurs. 

M.  Halëvy  fait  une  communication  sur  les  deux  mots  assy- 
riens alla  et  sa-gaz.  Le  premier  a  été ,  jusqu'à  ce  jour,  con- 
sidéré par  les  assyriologues  conune  exprimant  l'interjection 
hélas!  Mais  ce  serait  simplement  un  nouveau  pronom  démon- 
stratif sémitique,  ayant  le  sens  de  ce,  cet,  cela  et  qui  serait 
l'origine  de  l'article  arabe  al  resté  jusqu'à  présent  inexpliqué. 
Quant  au  second  mot,  que  l'on  avait  pris  pour  deux  idéo- 
grammes signifiant,  l'un  (sa)  «corde»  et  l'autre  (goz)  «mas- 
sacre » ,  c'est ,  en  réalité ,  un  substantif  assyrien  dérivé  du 
verbe  sagasu  «massacrer,  tuer».  Dans  la  correspondance 
d'Amënopbis ,  on  lit  souvent  ameli  sagaz  qui  doit  être  traduit 
«  hommes  de  massacre  »  ou  «  brigands  ». 

M.  Halévy  cherche  en  outre  à  expliquer  le  nombre  a 64 
(donné  par  les  historiens  arabes  d'après  les  Mazdéens), 
comme  étant  la  durée  de  la  dynastie  des  Achkaniens  ou  Arsa- 
cides,  au  moment  de  l'avènement  d'Ardéchir  1"  Papekân 
(aïo  av.  J.-C).  Il  montre  à  cet  égard  que  :  d'une  part,  ce 
nombre  (  a64  )  coïncide  avec  le  nombre  des  années  qui  se  sont 

IV.  35 


ixraijmus  B&noiAui. 


542  NOVEMBRE-DÉGEMBRB  1804. 

ëcoulëes,  d*après  les  Perses,  entra  Zoroasfare  et  Alexandre, 
nombre  qm  se  compose  de  958,  plus  les  six  ans  aticerdés  aa 
règne  d'Alexandre  —  et,  diantre  part,  ce  même  nombre  26i 
se  trouve  être  la  représentation  de  Tespace  de  tempa  ëcoidë 
entre  le  règne  de  Vologèse  I^'.et  lavènemant  d'Aifdéohir  I* 
qui  est,  d'après  les  Orientaux,  de  3  lo  après  Jésus-Christ;  ce 
ifà  fait  rononter  le  point  de  départ  de  ce  caiaal  à  Taii  54 
avant  Jésus-Christ,  c'est-à-dire  à  la  date  de  ravènement  de 
Vologèse  l*\  n  voit  dans  la  fixation  de  cette  dernière  date  la 
confirmation  de  la  tradition  du  Dlnkart  qui  attanbne  à  Vo- 
logèse la  première  collection  des  textias  de  ïAvuia* 

M.  Haîévy  termine  sa  commonioation  en  appelant  l'atten- 
tion des  indianistes  sur  les  quatre  noms  de  pays  mentioimës 
dans  les  Jâtakas  pdia  (voir  Jownal  of  tkt  PaU  Temt  Somty, 
1891-1893,  p.  a5  et  sniv.).  Ces  noms  sont  Béomn,  Serama, 
Seiiva,  Kebuka,  D'après  lui,  ces  quatre  mots  correspondent 
respectivement  à  Bavri  (la  Babylone  légendaire  des  Parais) , 
au  pays  de  Salm  (l'Asie  occidentale  des  Perses);  au  paya  de 
Sèrv  (roi  du  Yémen  dont  les  filles  ont  épousé  les  GÎm  de 
Féridoun)  et  à  la  région  du  Caucase  appelée  cbea  les  Pertes 
Kahakh.  M.  Halévy  fait  remarquer  que  l'ensemble  de  ces 
noms  appartient  à  la  légende,  rdativement  moderoe,  des 
Parsis. 

M.  Rubens  Duvsd  fait  une  commnnication  sur  le  mot  era- 
-niéen  "^riDD,  dans  lequel  M.  Siegmund  Frsnkd,  dans  aes 
Beitmge  zam  aramœischen  Wôrterbach,  a  cherché  un  mot 
grec.  Ce  mot  est  écrit  dans  le  Tdmud,  Bâbâ  SàthrA,  'jà.  b, 
^"^riDD.  Dans  le  Taimud  et  le  targoum  de Job,fl  eat  indiqué 
comme  une  plante  possédant  la  vertu  de  rapprocher.  lea 
lèvres  d  une  plaie  et  de  cicatriser  les  Uessnros.  M.  Dorai 
n'hésite  pas  à  identifier  ce  mot  au  mot  syriaque  ^iMotA», 
ou  en  deux  mots  ^fl  IMD,  qui,  dans  La  chimie  an  moyen 
âge,  publiée  par  M.  Berthelot,  et  dans  les  gloses  du  Lmàqmê 
de  Bar  Bahlokl,  désigne  le  sang-dragon,  résine  fournie  par 
le  calamus  draco  et  qui  avait  la  vertu  de  cicatriser  les  blea- 
sures.  C'est  ce  que  remarque  Ibn  Beilar,  sons  le  nom  arabe  de 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  ^3 

cet  iugrédient,  ^^^;^>  p<>,  littéraiement  :<  le  sang  des  deuas 

frères ,  répondant  an  syriaque  ^ik  IfUD  «  Vittgrédim^  d^  dÊUPS, 

Un syno»yme3yriaqne ëtajt  AiT^ m  jxtù^tùuffwdmiéit glaive, 

c*est  à-dire  le  remède  contre  les  blessures  faites  par  ieglidye. 

D  autres  synonymesëtaient  Jbujif  Ijof ,  (^JuJl  |«>;  |^Ih>^^  |^, 

traduction  littérale  de  «sang-dragon»;  ^^=(:)'^c^,  les  deax 
choses,  équivalent  de  ^tL  MD  et  de  \^i^^  f^;  ^Nt)  et 
pxle;  ce  dernier  mot  était  comppsë  de  ji^  |^,  f«  eovtedu 
sang,  comme  Ta  reconnu  M.Nœldeke.  V^,  0ÙYii  lyonto  que, 
dans  le  targoum  d*Ësther,  le  mot  ^llflDD  n*eat  pAS  le  plu- 
riel d*un  singulier  '^inDD,  comme  ouIecr<Ht,maîs  riofinîtif 
du  verbe  dérivé  "^nOD,  oindre,  parfumer,  et  signifia  fogft^», 
de  parfumer. 

Quelques  remarques  sont  faites  au  sujet  des  divers  sens  de 
ce  mot  en  arabe ,  par  M.  Barbier  de  Itfeynard. 

M.  Karppe  donne  lecture  d*aa  fragment  de  son  travail  sur 
ia  cosmologie  chaldëenne.  U  constate  la  pauvreté  qui  existe 
entre  celle-ci  et  la  cosmologie  biblique.  Les  résultats  déjà 
acquis  dans  cet  ordre  de  rechercbes  prouvent  qu*bn  pour- 
rait édifier  lé  système  général  de  la  mythologie  sémitique 
par  la  même  mëtiiode  qui  a  ouvert  un  cbamp  si  vaste  à  la 
inytliologie  indo-européenne.  On  éclairerait  ainsi. la  Bible 
d'une  lumière  nouvelle  et  on  aiderait  à  la  solution  des  pro- 
blèmes dont  dépendent  Torientation  future  et  la  niéthode  de 
l'assyrlologie. 

La  séance  est  levée  à  6  beures. 

OUVRAGES   OFFERTS  À  LA  SOCIETE. 

(Séance  du  1 1  décembre  189 i.} 

Par  r[ndia  Ofiice:  Bibliotheca  Indien,  New  séries,  n*'  843- 
846.  Calcutta,  1894;  in-3*. 

—  New  séries.  Index  of  the  Maasir-al-ulama ,  vol.  I,  fas- 
cicules IX  et  X.  Calcutta,  1894;  in-8*. 

—  Archœological  Survey  of  India»  South  Indian  Baddhist 
Antiquaries,  by  A.  Rea.  Madras,  1894;  gr.  in-4*. 

35. 


544  iNOVEiViâRË. DÉCEMBRE  1894. 

—  List  of  the  Architectaral  and  Arekaeologieal  Remains 
in  Coorg,  by  A.  Rea.  Madras,  1894;  gr.  in-4*. 

—  Indian  Antiqnary,  September,  October.  Bombay,  i8gâ  ; 

—  Epigraphia  Indica,  September  189^;  in-^"* 

Par  la  Société  :  Journal  oj  the  Asiatic  Society  of  Bengale 
AugM^t  1894  ;  in-S", 

—  Proceedings ,  July,  August  1 894  ;  in-8*. 

—  Rendiconti  délia  Reale  Accademia  dei  Lincei,  séria  V, 
vol.  m,  fasc.  9^  Roma,  1894;  în-4''. 

—  A tti  detta  Reale  Accademia  dei  Lincei,  septembre ,  1 8g4  • 
Roma;  in-4*. 

—  Smîthsonian  Institution,  Bibliography  ôf  tke  Wakashan 
Languages,  by  Pflhing.  Washington,  1894;  in-8*. 

—  Le  même,  Tke  Pamukey  Indians  of  Virginia,  by  îns. 
G.  Pollard.  Washington ,  1 894  ;  in-8'. 

—  Le  même ,  The  Maya  Year,  by  C.  Thomas.  Washingiou , 
1894;  in- 8*. 

—  Bulletin  de  la  Société  de  géographie,  a' trimestre.  Paris, 
1894  ;  in-8'. 

—  Comptes  rendus ,  n"  16,1 894  ;  in-8*. 

—  Zeitschrift  der  deutschen  morgenlândischen  GeselUchafk , 
48  Band,  m  Heft.  Leipzig,  1894;  in-8''. 

—  Retue  des  eViufe^  jaim^  juBlet-septembre  iSgi-  Paris; 
in-8-. 

—  Journal  de  la  Société  Jinno-ougrienne ,  XIL  Hdsingfors, 
1896;  in-8*. 

—  Mémoires  de  la  Société  Jinno-ougrienne ,  VI,  Vil  et  VIII. 
Heisingfors,  1894;  in-8". 

Par  les  éditeurs  :  Revue  indo-chinoise  illastrée,  jnin.  Hanoï , 

1894;  iii-4'. 

—  Bolletino  ai3-ai5  et  Liste  générale  des  ouvrages  ivp>u 
en  1892:  Firenze ,  1 894  ;  in-8*. 

—  Voung  Pao ,  juillet  et  octobre  1 894  ;  in-8'.  ' 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  545 

-r  Le  Muséon,  novembre  iSgA;  in-8". 

—  Polybibîion,  parties  technique  et  littéraire,  novembre 
1 894  ;  in-8\    . 

—  Journal  des  Savants,  septembre  etpctobre  1894;  i^-8^ 

—  Bolletino  di  legiskizionc  e  di  statlstica  doganale  e  com- 
merciale, Laglio ,  settembre  1894*»  in-4*. 

—  A  merican  Journal  ofA  rchaeohgy,  July-September  1 89  4  ; 
in-8^ 

—  The  Geographical  Journal,  December.  London,  1894; 
in-8°.  ■ 

—  L'Oriente,  ottobre  1894.  Roma;  in-8*. 

—  Revue  critique,  n**  5 1  et  5a.  Paris,  1894;  in-8°. 

Par  les  auteurs  :  J.  Oppert,  Adad  (extr. ,  broch.),  1894; 
in-8«. 

—  Wiedmann ,  Syrjànisch-deatsches  Wôrterbuck.  Saint-Pé- 
tersbourg ,  1 880  ;  in-8°. 

Anna  de  Lagarde,  Paul  de  Lagarde,  Erinnerungen  aus  sei- 
nem  Lehen.  Gôttingen,  1892;  in-8°. 

—  La  même ,  Katalog  der  Bibliothek  Paul  de  Lagarde ,  Gôt- 
tingen,  1892;  in-8°. 

—  Sédillot,  Histoire  générale  des  Arabes,  tomes  I  et  II. 
Paris,  1877;  in-8**. 

—  Major  David  Price ,  Essay  towards  theHistory  ofArabia. 
London ,  1 894  ;  in-8''. 

—  H.  C.  Millies,  Récherches -sur  les  monnaies  des  indigènes 
de  r archipel  indien  et  de  la  péninsule  malaise.  La  Haye,  1871  ; 
in-8-. 

—  L.  W.  Powel ,  Annual  Report  oj  the  Bureau  ofEthnology, 
1 888  1 889  ;  in-folio. 

—  R.  von  Erkert ,  Die  Sprachen  des  Kaukasischen  Stammes, 
Wien,  1895;  in-8'. 

—  A.  Zeidel ,  Praktisches  Lehrbuch  der  Arabischen  Umgang- 
sprache,  Syrischen  Dialekts,  Leipzig,  1894;  in-8*. 

—  Le  même,  Diwân  de  Monseigneur  Djermanos  Férhât 
(arabe).  Beyrouth ,  1894  ;  in-8". 


54G  NOVËMBRE.DÉGëMBBE  1894. 

—  Isniaïl  Ghalib  Effendi ,  Catalogue  det  moimnaiêi  nuual- 
mânes  [en  tare),  Constantino|de ,  18^4;  ûv-S*. 

—  F.  Patorni,  Loi  dm  15  Redjeb  sur  le  recnUmneni  de 
àrmee  tunisienne.  Oran^  i8^;mS*. 


NOTE  PRÉLIMINAIRE 

SUR  L'INSCRIPTION  DE  KIU-YONG  KO  AN. 

{•OIT».) 


TROISIÈME  PARTIE  ^' 

LES  INSCRIPTIONS  OOÏGOURBS, 
PAR  M.  L'ACADÉMICIEN  W.  RADLOÎV  K 


Inscription  en  petits  caractères  de  lafacê  ett. 

i^  ligne  :  leurs  couleurs  (  ?) ,  corps ,  nombre..  ••.»••  parties 
prononcées  (?) reconnaissant  les  ûgi^es  de  la.  pos- 
session pure ,  apprenant  les  paroles  ceux  q[ui  s'indinent 
lisent  cette  écriture  (nomlouk)  ;  pour  <fae  les  lecteurs 
de  cette  écriture,  parc^e qu'ils  necomprenneiit  pas  son 
sens,  (puissent)  la  comprendre 

a*  ligne  :  et  (puissent)  trouver  le  lieu  de  là  possession  oon- 

*  Cf.  le  Journal  asiatique  de  septembre-octobre  1894*  p*  364^73.  M.  le 
docteur  G.  Hnth,  privat-docent  à  ri^nivcnité  de  Reriin,  veut  bien  noos 
promettre  pour  le  prochaîn  cabîer  du  Journal  asiatique  la  traduction  dos 
inscr^tions  mongoles. 

'  M.  Radlofi  nous  a  obargé  de  provenir  le  lectenr  qêe  m  Midiictioa 
devait  être  considérée  comme  un  simple  eafai  pronuiie.  Ce  tiocte  oaS^ùar 
présente  de  grandes  difficultés,  non  seulement  parce  ijne  rinsqnption  ost 
assez  endommagée,  mais  aussi  parce  qu^dle  a  été  évidenmient écrite  par 
personne  qui  ne  savait  qu'imparfaitement  la  laagtte  otSfoafÊ. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  547 

nue  et  attendre est  le  fait  (le  camarade?). 

Voilà  entendant  ceci  ;  les  chemins ,  sm^  lesquels  va 
chacun  des  trois  raisonnables ,  des  trois  souriants ,  sont 
les  trois  portes  de  salut ,  c*est  connu. 

3*  ligne  :  Pour  lire  leur .......  dans  une  nuit  pesante,  di- 
sant :  vous  trois  camarades  arrivait  au  but  après  cela 
un  jeune  homme. ,%, .  sept.>^  < . .  H  des  yaûikbani 
cinq  sages  méndel  après  cda  pt^drkiU  hetirtkîep  aussi 

i*  ligne  :  le Bouddha  tontes  les  l>eautés  et  les  bons 

noms  des  garçons  aiiimés ,  des  gai^ns  avipcarbes 

en  haut pressant  le  Daghtriskai ,  lesimi^fes  des 

dïxyigottr{i)  du  makr(iH[7)  sont  posées 

5'  ligne  :  écoutant  leur  place  et  leur  beauté  il  disait  :  sur  le 
chemin  où  Ton  passe,  on  (doit)  poser  la  beauté  des 

Bouddhas,  la  douceur pour  réjouir. ....  quand 

le  montrant  leur s*oSre ,  cela  sera  une  rencontre 

pour  celui  qui  arrive ..... 

6'  ligne  :  passant  le^ ..... .  par  la  beauté  de  tous  les  ar- 

bantsi,  mon  aïeul  enseignant  le  savoir,  sa  faiblesse... 
disant  :  c*est  une  gorge  Bouddha.  Ce  maître  indique  à 

remplissant  leurs  fautes  je  (les)  veux  faire  suivre 

du  Bouyan,  donné  par  les  animés  heureux.  ' 

7'  ligne  : en  couvrant  le  tsaidi  ^  qui  eist  UH  appui 

du le  Bouyan  agrandi  et  désigné ,  les  nourris- 
sants .....  apportant  les  animés  entrants  au  cœur  et 

au des  sept  vertus,  sachant  leur  sable  (?)  et  le 

tsaidi  surpasse  chaque  savoir;  c*estrextérieur  excellent 
de . . . 

8'  ligne  :  qui  a  trouvé  le  bonheur  des  Bouddhas un 

long  souvenir,  la  possibilité  de  vivre,  une  longue  vie.. 
.  .  .  selon  son  désir  une  ordou  excellente  et  un  palais. 

»  cailya(?).  B.C. 


5)8  NOVEMBHË-DECEMBRfi  1804. 

Ses  biens,  sa  richesse,  ses  champs  et  son  Kouirak{i) 
sont  nombreux  et  étendus. 

9*  ligne  :  pour multipliant  les  chevaux  (?),  lui  le 

possesseur  des  troupeaux  qui  a  une  figure  brillante 

d*or qui  a  un  fils,  qui  a  des  soins  admirables, 

un  cœur  rempli,  un  être  étemel  et  bon,  le  roi  qui  a 
une  roue  (cakravarti),  tpus  les  mourdir(?)t  parmi  les 
Tengri  (deva)  il  est  né  et  se  manifestant 

lo*  ligne  :  .....  établissant  la  doctrine  pour  tons  les  corps 
et  cœurs,  vivant  le  nombre  (des  ans)  resté  il  lisait. .  . 

. ...  un  bonheur  brillant il  trouve  par  cela. .  . 

souriant,  écoutant  les  chansons (?),  allumant  une  lu- 
mière blanche s*indinant 

1 1' ligne  : parure,  cloches,  fourrure,  habits;  il  de- 
mandait  avec  dix  couleurs  différentes pre- 
mièrement il  tenait  la  semence  des  Bouddhas ,  écoutant , 

aimant homme  rouge  les  joues  (?)  d*or  au  pied 

ayant  le  nom attendant 

1 2*  ligne  :  son  haut(?)  bonheur  il  témoignait,  surpassant  son 
sansar(  ?)  ^  à  un  autre  temps  ramassant  les  disci|des(?) 
du  Bouddha  victorieux ,  du  maître  chaque  conJbat. . . 

....  écoutant,  faisant  faire  nombreux édairant 

les  sarin(?)  des  successeurs  sur  le  yirtintsa(?)  '  il  les 
faisait  entrer. 

Inscription  en  petits  caractères  de  la  face  ouest» 

1  **  ligne  :  en  haut  sillamat kirbet  nommé étant 

adroit karak  quatre-vingts  ans  je  veux  vivre  di- 
sant ,  lui  qui  sait  son  être  complet ,  qui  dissipe  grands 
cadeaux  le  karmi  comme  sublime 

a*  ligne  :  .....  dans  le.  ... .  du  Bouyan il  mou- 

'  Samsara  (?}.  E.  C. 

'  Eft-cele  mot  mongol  yirîinUott  «monde»?  E.  G. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  549 

rut;  lui  qui  est  avide  de. ....  qui  parmi  les  premiers  d'un 
haut  nom  comme  un  homme  (héros)  est  chaud 

3*  ligne  : dans  une  position  âevëe  un  tel 

Bouyan  qui  a  posé  un  tchaidir  (une  tente?')  sur  les 
excellents ,  qui  arrive  au  pied 

i*  ligne  :  le  lama  doué  d'un  asaî{  ?) ,  il  lui  faisait  faire  un . . 
• . .  marchant  sur  le  chemin  de  ce  Bouyan ,  excellent 

par  son  intelligence  et  se  trouvant  au  haut le 

aimak  la  splendeur  du  klian  ie  suMime  Bodbisattva .  ; 
tout  arrivant ,  sans  cesse 

5*  ligne  :  les  montagnes  Arhaktchirin(?)  où  sont-elles?  Du 
mont  somur^  immédiatement  (?)  prenant  les  flèches  et 
Tare  d*or,  avec  ses  pieds  d'or  le  foulant  et  détruisant 

ceux  d'entre  eux  qui  se  meuvent  je  veux disant 

un  seul  jour 

6*  ligne  :  je  lui  donnais  la  force  de  la  clarté  purifiante,  le 

chemin  juste  de  la  plaine  ôgàslàk le  nombre 

des  livres le  nombre  des. ....  sur  le  yirtintsou  (?)  * 

je  veux  me  cacher aux  êtres  animés  il  est  profi- 
table   l'homme  heureux  est  pur. 

7"  ligne  :  .....   sa  lumière  sans  égale .  .  .  ;  .    sota  garçon 

animé une  longue beaucoup  de  vertus  au 

khan  beaucoup   de de   sa  splendeur la 

mesure  de  sa 

8'  ligne  : l'homme  sur  le  yirtintsou  (?)  ^  je  veux  créer  I 

de  la  plaine .....   son  bâton de  toi  la 

splendeur  vient,  vous  disiez.  ...  ;  tous  les  fruits  les 
semences  d'or  s'étendant 

9'  ligne  : au  Endet{f)  d'or  le  Endet  rouge  plaisait  (?); 

ie  nom  de  celui  qui  prend  le  Ansar disait  :  la 

'  N*est-ce  pas  plutôt  an  caitya  ?  E.  C. 
'  Le  mont  Sumeru  (  ?  ).  E.  C. 
*  Cf.  p.  5^8,  note  a. 


51(0  NOVEMBRE-DËCEMBRE  1^04. 

bonne  ëeriture  (nomlouk)'dxxnLnt  pour  Télemitë 

son  camarade  (afiaire)  loagtempi...  je  veux  trouver; 
pour  prendre  les  dix  mSle  êtres  animésMe^  terre. 

lo*  ligne  :avec  un  sens ayant  la  connaissance  pesante, 

le  Asaî[})  ayant^le  BouymHk  pesant mâle  jours 

un  tranchant,  coupant  je  veux,  être fiskùant  des- 
cendre le  cœur  des  jeunes  gens,  la  pluie  dn  che- 
niin(?] 

1 1*  iigne  : trouvant  les ....  •  dti  oomnMindfttont  des 

ennemis,  après  ayant  dit  Jiikuk{)), Ift.vobtilitë 

sa  vie  très  longue  (?) son  osil  tourmente 

.....  le  grand  de 

13*  ligne:  à  rassemblée  desjnstét  camarades.'. ...  1 ...  de 
la  ville  (balgassoun)  Teîg^iing. ...»  les  camarades  de 
la  bonté.  

i3*  ligne  :  Les  marcheurs  opt  détmiiaient  leoraété»  et  leurs 

automnes,  les  bons  de  Yaban  (plûne)  Sàmak 

ils  étaient  heureux.  

I 

i4*  ligne  : targtt[f)  Bôdbisattva  le  Sylatkfd  Jagroa 

je  le  touchais  I le  tarmasini-tii'  Mkasiri,  le  silà 

satkân  le  tiyenn  le  Bayoungou  je  touchais.. 


1^ 


PAPIERS  D'ABEL  RÉMDSAT. 


I.  —  Travaux. 

La  Bibliothèque  nationale  a  fait  récemment  TacquiBition 
dune  liasse  de  papiers,  dont  récriture^  à  trois  ou  quatre 
exceptions  près,  est  de  la  même  main;  et  cette  main  ne  peut 
être  que  celle  d*Abel  Rémusat,  bien  que  son  nom  n  appa- 
raisse nulle  part.  Des  autographes  d'un  des  fondateors  de  la 
Société  asiatique  ont  sans  doute ,  pour  les  membres  de  cette 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  551 

Société,  un  intérêt  spéeial,  et  tout  ce  qui  tort  de  là  plume 
d'un  homme  de  la  valeur  d*Abel  Rëmusat  se  recommande  à 
l'attention  de  quiconque  attache  du  prix  à  l'érudition  et  à  la 
culture  de  l'espiit^  H  mê  parait  donc  à  propos  d'andyser  un 
dossier  qui,  si  je  ne  me  trompe,  jette  un  jonr-utt^pcnii  nou- 
veau sur  l'activité  littéraire  et  sur  les  travaux  exécutés  ou 
simplement  projetés  d'un  des  plus  illustres  rèpréfsentants  de 
Torientalisme  français. 

* 

L  Je  signale  tout  d^aborâ  le  manuscrit  du>  discours  pro- 
noncé par  Abel  Rémusat ,  le  1 6  janvier  1 8 1 5 ,  pour  l'ouverture 
du  cours  de  chinois  au  GoMège  de  Prà&oe;  diécours  qui  me 
parait  être  un  fait  de  grande  iimportaaiôe  dans  l'histoire  dét 
études  orientales.  Le  manuscrit ,  tout  entier  de  la  main  d*Abd 
Rémusat,  porte,  outre  ses  propres  corrections» qiadques  cor- 
rections ou  annotations  d'une  autre  main,  traoées  soit  au 
crayon ,  soit  à  la  plume.  Une  analyse  de  ce  discours  par  Sil- 
vestre  de  Sacy  a  paru  dans  le  MomY^ar  du  i"  février  i8i5  *. 
Mais  le  discours  lui-même  a-t*il  été  publié?  Et,  s'il  ne  l'a 
pas  été,  ne  conviendrait-il  pas  de  l'imprimer? 

II.  Cette  pièce,  c[ue  j'ai  citée  la  première  en  raison  de 
son  importance ,  n'est  pas  la  plus  anoi^me  4^  recueil.  On  y 
trouve ,  en  effet ,  quatre  pages  mutilées  qui  appartiennent  à  la 
préface  de  la  première  publidition  d'Àbd  Rémusat,  \Eê$a\ 
sur  la  langue  et  là  littérature  ckinovsêi  paru  en  l8i  i,  à  Paris. 
Le  texte  de  ce  fragment  s'écarte  un  peu,  maiff  très  peu,  de 

'  Cette  axudjM*  jointe  à  faiialyte  dn  diiooan  èa  Chésy  pour  TouTer- 
ture  du  cours  de  sanàorit ,  qui  eut  lieu  le  laéne  jeuf  cpit  oiUe  du  ooun 
de  chinois  (les  deux  chaires  avaient  été  créées  et  les  deux  professeurs  nom- 
mes simultanément,  29  novembre  i8ià),  a  été  réimprimée  sous  ce  titre: 
«De  lonverture  dn  ooun  de  sanscrit  et  de  chkioîi,  au  GoDège  royal  de 
France»,  dans  lÊ»yIHiùOttr$ ,  ûpiniom  et  rupfM»  ^êiCtpàtM^  h  harm  SU- 
vestre  de  Sacyj  Paris,  iii-8%  i8a3  (p.  i&9|-ii3).  — -Leattlnûls  dp  discours 
d'Âbel  Rémusat  reproduits  dans  ce  mcMrceau  sont  entièrement  cpnformes  an 
manuscrit  de  notre  dossier  ;  on  n*y  remarque  que  deUx  ou  trois  diangements 
de  mots  insignifiants. 


552  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1804. 

celui  qui  a  été  imprimé  ;  ia  différence  la  plus  grave  consiate 
dans  Tabsence  de  la  dernière  page  du  texte  publie. 

m.  Plusieurs  pièces  distinctes ,  mais  formant  un  ensemble , 
ont  trait  aux  travaux  d*Abel  Rémusat  sur  les  livres  de  Confu- 
cius.  Ce  groupe  se  compose  : 

1**  D'une  lettre  adressée  au  président,  non  dénommé,  de 
la  Commission  des  travaux  littéraires  de  Tlnititat;  Tautear 
rend  compte  du  travail  qu'il  a  accompli ,  et  demande  qu*ane 
partie  au  moins  de  ce  travail  soit  publiée  par  les  soîni  de  la 
Commission  ; 

a"  D'un  «Article  i^>  intitulé  :  Sêcte  des  leUris;  Corfaeius 
chef  de  cette  secte,  qui  parait  être  resté  inachevé  à  dessein  et 
rempilacé  par  : 

S"*  Une  Notice  sur  les  quatre  livres  moraux  œmmamiment 
attribués  à  Confucius,  correspondant  a  ce  qui  a  été  insërë, 
en  i8i8,  dans  le  tome  X  des  Notices  et  extraits  des  mo' 
nascrits  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  etc.,  comme  préface  à 
la  publication  du  texte  et  de  la  traduction  de  L'invariable 
milieu.  —  Cette  notice  est  représentée,  dans  le  dossier,  par 
plusieurs  fragments,  savoir:  i"*  un  feuillet  sur  lequdi  il  ny  a 
que  quelques  lignes;  a"*  treize  pages  contenant  le  texte  de 
la  notice  à  peu  près  tel  qu'on  le  lit  dans  les  pages  269-278 
du  volume  X  des  Notices  et  extraits,  etc.,  jusque  vers  le  mi- 
lieu de  ia  traduction  française  de  la  Préface  de  la  traduction 
des  quatre  livres  faite  par  ordre  de  f Empereur  (de  Chine); 
S**  trois  feuillets  renfermant  une  partie  plus  ou  moins  grande 
du  texte  mandchou  et  de  la  traduction  française  de  ladite 
Préface;  4**  un  feuillet  portant  la  fin  de  la  notice,  confimne 
dans  l'ensemble  à  celle  de  la  notice  imprimée ,  mais  beancoiq» 
plus  brève. 

La  Nouvelle  biographie  générale,  publiée  par  Firmin  l)idot, 
dit  à  propos  d'Abel  Rémusat:  «  11  s'est  peu  occupé  de  Gonfa- 
cius  et  de  sa  doctrine.  11  a  traduit  cependant  l'un  des  quatre 
livres  moraux ,  sous  ce  titre  :  L'invariable  milieu.  *  Notre  dos- 
sier nous  prouve  au  contraire  qu'Abel  Rémusat  s*est  beanr 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  «3 

coup  occupé  de  Con^cius,  et  que  l*étude  approfondie  des 
quatre  livres  moraux  a  été  le  fondemeiit  de  sa  connaissance 
du  chinois.  Dès  1808,  il  en  avait  copié  le  texte  entier;  il  en 
avait  fait  une  double  traduction  latine  et  française  en  uti- 
lisant et  contrôlant  les  traductions  des  missionnaires;  il 
avait  enfin  dressé  un  vocabidaire  de  tous  les  mots  qui  s*  y 
.trouvent.  S*il  a  demandé  qu*un  de  ces  quatre  livres  au  moins 
fût  publié,  et  si  ce  minimum  lui  a  été  accordé ,  il  ne  s'ensuit 
pas  que  son  ambition  ait  été  satisfaite  et  qu*il  se  soit  consi- 
déré comme  quitte  envers  Gonfiicius.  Je  ne  puis  croire 
qu'Abel  Rémusat  ait  abandonné  ce  grand  travail  comme  une 
œuvre  de  jeunesse;  et  je  pense  que,  s'il  est  resté  inédit,  il 
faut  l'attribuer  aux  «  obstades  presque  insurmontables  »  dont 
paiie  l'auteur  dans  sa  lettre  au  président  de  la  G)mmi8sion 
des  travaux  littéraires.  Gomme  aucune  publication,  que  je 
sache ,  n'a  remplacé  celle  qu'Abel  Rémusat  avait  préparée  — 
le  Mencius  de  Stanislas  Julien ,  qui  n'en  aurait  jamais  pu  être 
que  le  complément,  ne  la  remplace  certainement  pas — je  re- 
grette vivement  qu'elle  ait  avorté  ;  car  elle  eût  rendu  de  grands 
services,  quand  bien  même  on  eût  pu  y  signaler  quelques 
imperfections. 

IV.  Un  article  sur  la  langue  mongole  de  1 1  pages  et  un 
«  chapitre  iv  sur  la  langue  ouïgoure  »  de  25  pages  sont,  sans 
contredit,  des  fragments  de  la  première  rédaction  des  Re- 
cherches sur  les  langues  tartares  parues  en  1820.  Il  n'y  a  rien 
qui  appartienne  au  second  volume  de  ces  Recherches,  lequel 
n'a  jamais  paru ,  mais  qu'un  avis  inséré  dans  le  tome  II  du 
Journal  asiatique  (1"  semestre  de  182a,  p.  2Ô2)  annonce 
comme  fini  et  prêt  à  être  mis  sous  presse. 

Au  travail  sur  la  langue  mongole  se  rattachent  un  court 
fragment,  L'oraison  dominicale  en  langue  mongole,  et  deux 
forts  cahiers  intitulés  :  Vocabulaire  mongol-allemand  traduit 
en  français  et  Glossaire  mongol-allemand.  Le  premier,  daté  de 
septembre  1821,  et  en  entier  de  la  main  d'Abel  Rémusat, 
ne  renferme  que  la  partie  mongole  (ou  plutôt  kalmouke); 


554  NOVEMB&EDEGEMBRE  1804. 

on  quart  des  mots  tout  au  plu»  est  ponrrU  de  la  slgnificatioii 
française.  Le  deuxième  cahier  né  non»  ùSre  que. la  traduc- 
tion française  deb  termes  duvocabidairérdo  y  trouvé  deux 
écritures  différentes ,  dimt  auooiie  n'éii-ode  d'Abd  Aé- 
musat.  .  i 

■  I   •        . 

V.  La  Bibliothèque  nationale  pioMède  â*Abel  Réomsat, 
sons  le  n"*  a  1 70  du  Nouveau  fonds  chinois,  une  cc^pie  du  vo- 
cabulaire pentaglotte-  bcfodàhkj^é  '  Mmi*hàii^^fimf'i^^ 
qui  est  le  n"*  logS  du  même  fonds.  L*aut8nr  y  a  leprôdàît 
tous  les  termes  du  vocabulaire  dans  leur  .écriture- originale:, 
en  y  ajoutant  une  traduction  latine  et  parfois  une  trédnotîoii 
anglaise  ou  française  et  de  courtes  notes.  Or  notre  dosim 
renferme  qudques  feuSIes  sur  lesquelles  les  preanein^moto 
de  ce  vocabulaire  sont  transcrits  de  leurs  langues  respectives 
avec  des  explications  ttés* détaillées,  {dus  une  feuille  inqirî- 
mée  où  se  trouvent  r^poduites  en-  gravure  les  ienses  790- 
798  du  ms.  n""  1093  \  et  une  autre  feuiUé  gravifte  portant  des 
caractères  devanâgari,  tibétûns,  mandchous,  chinois.  Gee 
fragments  nous  foumisseDi  la  preuve  qu'Abd  Rëmusat  avait 
sérieusement  pensé  à  la  publication  du  texte  de  cevcMudso- 
laire  pentaglotte  accompagné  d'une  transcription  et  d'une 
traduction  des  termes  dont  il  se  compose,  avec  des  exjdica- 
tions  très  détaillées.  De  ces  grands  projets  il  n'est  sor^  qne 
la  publication  à  Vienne ,  en  1 81  d  «  dans  les  Afiitef  de'  fOrfsst^ 
des  73  premières  pages  du  ms.  n"  3170.  Les  mots  du  veô»' 
bidaire  y  sont  donnés  'en  transcription,  avec  une  tradocfiop 
française  et  de  rares  et  courtes  explications.  Vme  jdancUe=  dm 
médiocre  exécution  reproduit  lin  premiers  mots  dm  voeabo- 
iaire  dans  les  cinq  laàgues  sous  leur  forme  ori^naie.'H  n* 


*  Ces  termes,  au  nombre  de  neuf,  occopent  le  folio'  77  du  tome  fl  de  ce 
volome  b"  i»93  du  Nomté»  fonds  ekÎM&U,  et  k  trtmtent  «m  ptgw  97'i- 
373  de  U  copie  d*Abel  Bésumat,  n*  3170  dudit  VonâM^^lMnmirm^fÊt 
nous  indiquons  ont  été  ajeniés  au  crayon  dans  le  Tolma*  n*  la^  nir  StSr 
niidas  Julien,  qui  a  également  reproduit  au  crayon,  en  caracUie^  detànà- 
gari,  tous  les  mots  sanscrits  donnés,  dans  ce  volàmé,  en  ctnfillWst  lib4* 
tainsa 


NOUVELLES  ET  MÉLAH^GES.  5M 

pas  douteux  que  cette  publication  était  loiu  de  répondre  eux 
aspirations  de  l'auteur. 

VI.  Un  fragment  de  huit  feuillets  intitulé  :  Dictionarii 
à-glotti  Liber  primus,  nous  prouve  aussi  que  Tinfatigable 
sinologue  avait  dfitrepris  la  composition  d*un  dictionnaire 
cbinois-mandchou-inougol-turc.  Dana  le  firstgtnent  dont  il 
s  agit,  la  partie  mandchoue •> chinoise  est. seule  complète;  mais 
deux  colonnes  réservées,  foné.  au  mongol,  l!«atre.«uturc, 
surtout  la  seconde,  présentent  un  certain  nombre  de  mots 
clairsemés.  Les  mots  dans, ce  dictionnaire  devaient  être,  non 
pas  rangés  suivant  Tordre  alphabétique,  mais  dassés  par  ma- 
tières «  comme  dans  les  glossalreaindiefis  Anuirakoça,  etc. 
Notre  fragment  présente  les  titres  :  Ot  reboê  aadestibus,  Dt 
stellis, 

A  cet  essai  on  peut  rattacher,  quoiqu*U  ne  {Mraissa  pas  y 
être  intimement  lié,  une  lettre  adressée  à  «lliigr...»  aur 
«les  secours  qu'on  pourrait  trouver  à  Paris  pour  l'impres- 
sion d'un  dictionnaire  chinois  -  mandchou -ùiongol*.  Cette 
lettre  dont  nous  n*avons  que  le  brouillon  a- tvèlle  été  expé- 
diée? Se  rapporte-t<elle  à  un  projet  sérieux?  £31e  semble 
avoir  été  écrite  à  la  demande  de  Kamenski,  ou  mieux  de 
l'empereur  de  Russie,  Alexandre,  en  faveur  de  Kamenski, 
vraisemblablement  l'auteur  du  dictionnaire  en  question.  Ces 
deux  personnages  y  sont  expressément  dénommés  :  le  desti- 
nataire de  la  lettre  ne  l'est  pas;  il  est  simplement  désigné 
par  les  titres  et  abréviations  «  Mgr  «et  «  V.  E  ^  ». 

Vll-VIIÎ.  Il  me  reste  à  parier  de  deux  pièces  asses  cu*^ 
rieuses,  mais  que  je  qualifierai,  si  le  mot  n  est  pas  trop  fort, 
d'énigmatiques. 

(  VII).  La  première  est  un  «  Avertissement  du  traducteur  » 
qui  «offre  au  public»  un  ouvrage  de  «M.  JuUus  von  Kia- 

'  C'est  peut-être  labbé  de  MontMqmon.  Le  (Nrojet  de  lettre  daterait  de 
la  première  Restanratîou. 


556  NOVEMBRE-DECEMBRE   1804. 

proth ,  orientaliste  déjà  célèbre  en  Allemagne  par  des  travaux 
nombreux ,  et  dont  les  talents  ont  eu  une  heureuse  occasion 
de  s'exercer  dans  un  voyage  qu*il  a  fait  en  Sibérie,  le  long 
de  la  frontière  de  la  Chine ,  c'est-à-dire  dans  le  pays  même 
dont  il  nous  fait  ici  connaître  la  langue  et  Thistoire  d'une 
manière  sommaire. . .  voyage  dont  il  a  déjà  commencé  de 
publier  la  relation . . .  >.  Je  ne  vois  pas  bien  à  quel  écrit  de 
Klaproth  cette  note  a  rapport;  et  je  ne  sache  pas  que  la  tra- 
duction annoncée  ait  paru.  L'auteur  de  •  l'avertiasement  >  si- 
gnale assez  complalsamment  les  jugements  sévères  de  Klap- 
roth sur  Langiès  qui,  est -il  dit,  saura  bien  se  défendre. 
Toutefois  Langiès  aurait  eu  aussi  à  se  défendre  contre  Abel 
Rémusat  ;  car  une  page  du  dossier  signale  des  erreurs  com- 
mises par  cet  orientaliste,  en  masquant,  il  est  vrai,  son  nom 
sous  des  caractères  qui  paraissent  appartenir  à  la  sténogra- 
phie, mais  en  le  désignant  de  telle  sorte  qu'on  ne  peut  le 
méconnaître. 

(  VIII).  L'autre  pièce  est  relative  a  la  création  d'un  Joanal 
universel  de  la  littérature  et  des  sciences.  Elle  se  compose  de 
quatre  pages  auxquelles  on  peut  en  joindre  deux  autres  sur 
le  Journal  des  Savants  dont  Abel  Rémusat  devint  un  des  ré- 
dacteurs en  1818.  La  création  d'un  Journal  nmVenel  devait 
hanter  l'esprit  de  notre  sinologue  ;  car  la  piè<^  dont  il  s'agit , 
bien  que  non  datée ,  parait  avoir  été  écrite  au  lendemain  des 
traités  de  paix  de  1 8 1 5 ,  et  le  titre  de  journal  quelle  met  en 
avant  diffère  à  peine  de  celui  de  la  feuille  créée  en  18a 9  par 
Saint-Martin  avec  le  concours  d'Abel  Rémusat  —  feuille  qui 
commença  à  paraître  le  1"  janvier  sous  le  titre  du  «  l'Universel, 
journal  de  la  littérature ,  des  sciences  et  des  arts  » ,  et  devint , 
le  1"  décembre  suivant,  sous  le  titre  simplîfijé  de  l'Universel, 
un  journal  politique  destiné  à  disparaître  dans  la  tempête  de 
i83o,  puisqu'il  n'alla  pas  plus  loin  que  le  a 7  juillet.  Abe! 
Rémusat  aurait-il  donc  prémédité  longuement  cette  malen- 
contreuse incursion  dans  la  politique?  Nous  ne  le  pensons 
pas.  La  note  sur  la  création  d'un  Journal  universel  a  peut-être 


NOUVELLES   ET  MÉLANGES.  557 

un  rapport  lointain  au  journal  de  18a 9;  mais  nen  aurait- 
elle  pas  un  plus  proche  et  plus  direct  au  Journal  asiatique,  et 
ne  pourrait-elle  pas  être  considérée  comme  la  première  ma- 
nifestation du  courant  d'idées  et  de  réflexions  qui  aboutit  à  la 
fondation  de  la  Société  asiatique  P  II  est  remarquable  que  le 
nom  de  cette  Société  ne  se  trouve  nulle  part  dans  le  dossier 
sous  la  plume  d'Abel  Rémusat.  £lle  n'est  pas. même  citée 
dans  une  petite  note  qui  n'est  pas  écrite  de  sa  main,  mais 
qui  est  bien  de  lui;  car  c'est  le  texte  de  l'avis  inséré  en  182  3, 
avec  la  signature  A.  R. ,  dans  le  tome  II  du  Journal  (p.  179)* 
pour  annoncer  la  traduction,  par  Moris,  du  Voyage  de  B, 
Bergmann  chez  les  Kalmouks.  En  un  mot,  on  ne  trouverait 
pas  dans  ces  autographes  d'Abel  Rémusat  une  allusion  quel- 
conque à  la  Société  ou  à  sa  fondation,  si  Ton  ne  voyait, 
comme  je  crois  l'apercevoir,  dans  l'idée  de  créer  un  «  Journal 
universel  de  la  littérature  et  des  sciences»,  la  conception 
vague  et  indécise  et  comme  la  forme  embryonnaire  du  futur 
Journal  asiatique. 

IX.  Si ,  dans  ce  dossier,  il  n'y  a  rien  sur  la  Société  asia- 
tique qui  soit  d'Abel  Rémusat ,  il  s'y  trouve  du  moins  quatre 
pages  d'une  écriture  fine  et  serrée,  et  d'une  main  autre  que 
la  sienne ,  où  il  n'est  question  que  de  cette  Société.  On  s'y  oc- 
cupe de  la  préparation  de  la  séance  annuelle  de  182^;  on  y 
examine  ce  qui  a  été  fait  et  ce  qui  reste  à  faire  pour  exécuter 
les  décisions  du  Conseil  qui  a  «  ordonné  l'impression  de  six 
ouvrages  et  la  gravure  de  deux  corps  de  caractères  orien- 
taux ».  Le  sixième  des  ouvrages  désignés  pour  l'impression 
est  le  Mencias  de  Stanislas  Julien,  dont  le  premier  volume 
porte,  en  effet,  la  date  de  1824.  —  L'écriture  de  ces  quatre 
pages  atteste  qu'elles  sont  de  Saint-Martin. 

Je  laisse  de  côté  quelques  notes  insignifiantes,  une  lettre 
de  Cil.  Weiss,  bibliothécaire  de  Besançon,  adressée  à  un 
«Cher  ami»,  probablement  Abel  Rémusat,  mais  qui  n'a  pas 
trait  ïi  r  orientalisme ,  et  quatre  pages  venant  de  Langues  ou 
de  son  fils,  où  il  n'est  question  que  de  mythologie  gréco- 
romaine  et  de  politique  contemporaine  (181 4). 

n.  36 


tNraiiMait  aArtoiiLB. 


558  NOVEMBRE. DÉCEMBRE   1894. 

Ce  dossier  est  assurément  peu  foomi.  E  ne  t*este  pas  grand 
chose  des  papiers  d*Abel  Rémusat.  La  faible  portion  qui  nous 
est  parvenue  n*en  a  que  plus  de  prix  et  nous  laisse  entrevoir 
des  travaux  bien  plus  considérables  que  ceux  dont  ses  pu)>ii- 
cations  nous  donnent  Tidée.  Quelle  œuvre  n'eùt-il  pas  ac- 
complie si  le  fléau  de  i832  ne  nous  Tavait  £as  ravi  dans  sa 
quarante^-quatrième  année  I 

IL  —  Correspondance. 

Aux  renseignements  fournis  par  le  dossier  analysé  ci- 
dessus  nous  pouvons  en  ajouter  d*autres  puisés  à  une  source 
bien  différente  —  un  recueil  de  lettres  adressées  par  Ahel 
Rémusat  à  son  intime  ami  François  Jeandet.  Ce  recueil  est 
un  don  fait  à  la  Bibliothèque  nationale,  en  juin  1893,  par 
M.  Abel  Jeandet ,  fils  de  François  et  filleul  d*Abel  Rémusat  ;  il 
forme  le  n""  65 1 8  des  Nouvelles  acquisitions  du  Fonds  firan- 


cais. 

3 


François-PhUodès  Jeandet,  né  à  Verdun-snr-le-Doubs,  le 
26  novembre  1788,  avait  à  peine  trois  mens  de  moins 
qu*Abei  Rémusat,  né  le  5  septembre  de  la  même  année.  Il 
y  avait  entre  eux  un  lien  de  parenté  ;  ils  suivirent  ensemble 
les  cours  de  TÉcole  de  médecine  de  Paris ,  et  c*est  alors  qu*ils 
se  lièrent  d'une  étroite  amitié.  Jeandet,  pris  par  le  service 
militaire,  pendant  que  Rémusat  était  réformé,, fit,  comme 
chirurgien  sous-aide  major  dans  la  Grande  armée ,  les  cam- 
pagnes de  1807,  1808,  1809;  et  les  lettres  de  son  ami  le 
suivent  à  Ëlbing,  à  Spandau,à  Krakau,à  Berlin,  à  Stettin, 
dansTiie  de  Rugen.  Sur  cpiarante-quatre  lettres  dont  se  com- 
pose le  recueil,  il  y  en  a  vingt  qui  furent  ainsi  envoyées  k 
i*  armée.  Une  grave  blessure  à  la  tête  reçue  le  9  ju31et  1 809 
sur  le  champ  de  bataille  de  Wagram  mit'  fin  à  la  carrière 
militaire  de  Jeandet  qui  revint  terminer  ses  études  à  Paris , 
se  fit  recevoir  docteur  et ,  sauf  de  courts  séjours  dans  la  ca- 
pitale ,  passa  le  reste  de  sa  vie  à  Verdun ,  exerçant  la  méde- 
cine. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.       559 

Nous  ne  pouvons  nous  étendre  sur  cette  correspondance 
pleine  de  témoignages  d'anùtié,  où  éclatent  la  vivacité  d'es- 
prit et  Térudition  de  rhomme  illustre  qui  en  est  Tauteur,  où 
le  latin  et  le  français  alternent,  émaillés  de  citations  grec- 
ques, hébraïques,  chinoises,  etc.  Nous  nous  bornerons  à  ea- 
extraire  ce  qui  touche  à  la  carrière  littéraire  d'Âbel  Rémusat , 
à  ses  études ,  à  sa  vocation  d'orientaliste. 

La  signature  varie  beaucoup  dans  ces  lettres;  elles  en 
présentent  huit  espèces  différentes,  sans  compter  celles  qui 
n'en  ont  aucune.  Le  mode  le  plus  fréquent  —  il  se  présente 
vingt  fois  -—  consiste  dans  le  mot  chinois  ming  «  lumière  ^  » , 
et  donna  lieu  à  quelques  plaisanteries  de  Jeandet.  Rémusat 
lui  répond  :  «Malgré  votre  raillerie,  je  continue  de  signer 
Lumière,  niot  que  vous  devez  reconnaître  pour  Tinitiale  de 
Minh-ko-tseu,  et  que  j'applique  avec  un  timbre.  » 

Dans  une  liste  d'ouvrages  «  français  »  qu'il  communique  à 
sou  ami,  après  lui  en  avoir  donné  une  de  livres  latins  (c'est- 
à-dire  romains),  on  trouve  les  suivants  :  «Psalmi  Davidis; 
— '  Porta  Mosis  hebraice  et  latine;  —  Alcoran,  arabice,  pre- 
tiosum  ms.  ^-  Konh-fou-tseu  opéra  sinice  et  latine  a  me 
scripta  ;  —  Menh-tseu  opéra  sinice.  »  Le  «  pretiosum  ms.  ■  de 
«  l' Alcoran  »  doit  être  le  «  pretiosus  liber  »  qu'il  annonce , 
dans  une  autre  lettre ,  lui  avoir  été  envoyé  par  son  parrain 
avec  cette  laconique  missive:  «Paris,  33  mars  1809.  — 
A. -P.  Piqué  à  Al^el  Rémusat,  salut.  —  Je  vous  envoie,  mon 
cher  fdleul ,  T Alcoran.  » 

Abel  Rémusat,  qui  possédait  pour  tout  dictionnaire  chi 
nois  celui  qu'il  s'était  fait  lui-même,  eut  en  1811  l'espoir 
d'en  acquérir  un  ;  il  en  donne  la  nouvelle  à  Jeandet  dans  une 
lettre  latine  datée  du  vu*  mois  et  du  xii*  jour  avant  les  ca- 
lendes (autrement  dit  du  31  août)  :  «  Lexicon  tandem  sinico- 
latinum,  tamdiu  affectatum,  acquirere  possum  ope  et  curis 
eruditissimi  Julii  Berolinensis  *,  optimum  quidem,  carac- 
teresque  sinicos  ultra  M  ccc  in  latinum  versos  comprehen- 

'  m- 

'^  Klapmtb  apparcmaiciil. 

36. 


500  NOVEMBRE-DÉGËMBRe   1804. 

deiitcin ,  sed  pretio  enoimi ,  et  facilitâtes  fere  exsuperantem. 
Ëi  tamen  emendo  operam  dedi,  nunc  Gnignesio  ^  penitus 
irrisurus,  caeterisque  sinologis  adaequatas  auxiliis,  fduriinos 
maximosque  libros  in  lucem  editanu.  >  Je  crains  fort  qa*il 
n'ait  attendu  longtemps  son  lexique;  car  la  lettre  du  37  jan- 
vier 181 3  finit  ainsi  :  «Les  Oiûgonrs  de  Klaproth  sont  ar- 
rivés ,  ainsi  que  ma  caisse  et  mon  nouveau  dictionnaire,  b 
Mais  peut-être  ce  «  nouveau  Dictionnaire  *  ëtait-il  un  second 
instrument  de  travail  mis  à  sa  portée. 

Si  ses  espérances  de  181 1  n'ont  pas  été  trompées  à  Ten- 
droit  du  lexique,  elles  Tout  été  cruellement  sur  un  antre 
point,  ou,  du  moins,  la  rédisation  en  a  subi  un  long  retord. 
Car  on  lit  dans  une  lettre  du  1 1  octobre  de  cette  même  an- 
née :  «Je  vous  dirai  qu'un  des  livres  de  Koung-tsen  sera 
bientôt  imprimé  à  Paris  en  chinois,  par  mes  8<Hns,  et  accom* 
pagné  d'une  version  latine  et  d'une  traduction  française,  le 
tout  sans  qu'il  m'en  coûte  rien.  »  Hélas!  le  volume  qui  ren- 
ferme L'invariable  milieu  porte  la  date  de  1818.  Or  Abel 
Rémusat  en  avait  sollicité  l'impression  en  1808  :  c'est  donc 
dix  ans  après  les  premières  démarches  et  sept  ans  après 
qu'on  lui  eut ,  selon  toutes  les  apparences ,  fait  entrevoir  un 
succès  prochain ,  qu'il  a  obtenu  satisfaction. 

Une  autre  lettre  de  181 1  (la  novembre)  donne  des  ren- 
seignements sur  les  travaux  d'Abel  Rémusat  et  sur  ceux 
d'un  autre  orientaliste  qu'il  ne  nomme  pas  :  «Le  poème 
(épique ,  dit-il ,  est  entièrement  oublié ,  et  l'homme  supérieur 
s'occupe  en  ce  moment  d'un  ouvrage  qui,  pour  être  beau- 
coup moins  relevé ,  n'aura  peut-être  pas  une  issue  plus  rédle; 
c'est  l'histoire  de  Géorgie,  traduite  de  l'arménien,  avec  des 
notes  extrêmement  savantes.  L'impression  doit  en  commencer 
à  la  lia  du  mois,  et  je  n'en  ai  pas  encore  vu  un  morceau. 
L'auteur  a  pris  sur  lui  de  ne  m'en  rien  lire ,  sûr  de  me  dé- 
dommager de  cette  privation  avec  usure  et  convaincu  d'ail- 
leurs que  les  fortes  résolutions  perdent  de  leur  énergie  par 

'  De  Guignes  donl  le  dictionDaire  devait  alors  être  aoiu  |>r«:Me. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  561 

l'expansion.  Vous  avez  dû  recevoir  sous  bande  son  extrait  de 
V Essai  sur  la  lanrjue  chinoise,  ei  je  suis  étonné  que  vous  ne 
m'en  ayez  pas  parlé  dans  votre  dernière.  J*ai  aussi  ma  disser- 
tation Sar  Vétud'j  des  langues  chez  les  Chinois,  qui,  composée 
de  deux  feuilles  d'impression,  vous  coûterait  quatre  sous,  si 
je  vous  l'envoyais  par  la  poste;  mais,  persuadé  que  votre 
retour  ne  saurait  être  longtemps  différé,  je  vous  garderai 
l'exemplaire  que  je  vous  destine.  » 

«L'homme  supérieur»  dont  il  s'agit  ici  doit  être  Saint- 
Martin,  qui  était  alors  dans  sa  vingt-et  unième  année.  Abel 
Uémusat  et  Saint-Martin  furent  grands  amis,  et  je  crois  que 
l'amitié  était  sincère  de  part  et  d'autre.  Mais  il  parait  que 
l'amitié  la  plus  sincère  et  la  plus  vive  n  empêche  pas  de  voir 
les  travers  des  gens  et  même  d*en  rire,  à  l'occasion,  avec 
plus  ou  moins  de  malice.  La  lettre  du  27  août  i8i3,  dans 
laquelle  Abel  Rémusat  raconte  la  soutenance  de  sa  thèse  de 
docteur  en  médecine ,  se  termine  par  ce  P.-S.  :  «  Saint-Martin 
est  malade  »,  et ,  à  la  fin  d'une  lettre  écrite  peu  après  (1 1  sep- 
tembre), on  lit  :  «  Saint-Martin  a  été  malade  et  n'est  pas 
venu  pendant  huit  jours,  et  justement  au  moment  de  ma 
réception .  .  .  Voyez  un  peu  quelle  fat-alité  !»  Le  «  fat  alité  » 
de  1 8 1 3  est-il  autre  que  «  l'homme  supérieur  »  de  1 8 1 1  ? 

J'ai  mentionné  la  soutenance  de  la  thèse  de  docteur  d'Abel 
Rémusat  sans  y  insister,  parce  qu'elle  n'a  pas  trait  aux 
études  orientales.  iMais  il  est  une  autre  soutenance,  posté- 
rieure à  la  sienne  de  quelques  semaines,  dont  il  parle,  et 
qui  ne  doit  pas  être  passée  sous  silence.  Un  de  ses  condis- 
ciples s'était  avisé  de  prendre  pour  sujet  «  la  médecine  chi- 
noise ».  Voici  ce  que  dit  à  ce  propos  Abel  Rémusat  :  «  M.  L. . . , 
auteur  de  la  thèse  sur  la  médecine  chinoise,  est  venu  me 
rendre  visite.  C'est  un  homme  fort  modeste  et  qui  a  de 
])()nnes  raisons  pour  l'être.  Je  l'ai  tour  à  tour  caressé  avec 
bonté  et  écrasé  par  le  faste  de  mon  érudition.  Il  m'a  témoigné 
un  repentir  sincère  de  sa  faute  et  m'a  dit  qu  il  n'aurait  pas 
pris  un  tel  sujet  s'il  avait  su  qu'une  personne  comme  moi  existât 
(compliment  fort  bien  tourné  comme  vous  voyez).  Je  lui  ai 


562  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

pardonné  sa  témérité;  j'avais  assisté  à  son  acte,  et  je  l'avais 
jugé  dès  lors.  C'est  un  des  plus  anciens  élèves  de  rËcole. . .  • 

Mais  l'affaire  n'en  resta  pas  là.  Abel  Hémusat  avait  inséré 
dans  le  Moniteur^  k  propos  de  cette  thèse ,  un  article  où  l'éioge 

tempérait  le  blâme.  L publia ,  a  la  suite  de  sa  thèse 

imprimée,  quelques  remarques  sur  les  observations  des  pro- 
fesseurs, en  invoquant  l'article  du  Monitear,  dont  l'auteur, 
disait-il,  «n'est  pas  étranger  k  la  médecine».  D'où  grande 
indignation  du  docteur-médecin  sinologue.  «  Mimm  ac  inso- 
]etis!  •  s'écrie-t-il  dans  une  lettre  latine  à  Jeandet;  et  il  dit, 
répète  en  latin,  en  français,  que  cette  thèse  n'est  qu'une 
compilation  faite  sans  discernement,  un  t  ouvrage  qui  devait 
être  fait  autrement ,  fait  par  nn  autre  on  n*ètre  pas  fait  ». 

Dans  cette  même  lettre  du  ii  septembre  181 3,  il  est 
question  d'une  «  lettre  de  Lintz  •  qui  «  est  faite  et  déjà  entre 
les  mains  du  Mahà-gourou  ».  Cette  expression  indienne  donne 
à  supposer  qu'il  s'agit  d'orientalisme;  mais  dans  une  lettre 
du  1 3  juini  8 1 4  (  raffaire  dura  longtemps  ) ,  Rémusat  demande 
à  Jeandet  s'il  «  persiste  dans  la  résolution  de  mettre  son  nom 
à  la  lettre  de  Lintz  » ,  ce  qui  semUe  écarter  l'orientalisme , 
car  Jeandet  ne  fut  jamais  orientaliste ,  que  je  sache.  Cepen- 
dant la  lettre  du  8  décembre  18 14  —  dont  nous  donnerons 
tout  à  l'heure  un  long  fragment,  tendrait  à  nous  y  ramener; 
car  elle  se  termine  par  ce  P.-S,  :  «  La  lettre  de  Lintz  continue 
(le  s'imprimer  et  paraîtra  pour  récompenser  le  zèle  de  Tami 
de  M.  Deguignes.  »  Qui  est  cet  «  ami  de  Degoignes  »  ?  —  Est- 
ce  Langlès  (la  lettre  du  8  décembre  semble  favoriser  cette 
supposition)  ?  Et  qui  est  le  Mahà-goorouP  Est-œ  encore  Lan- 
f^iès  ?  —  Mais  qui  est  Lintz  ?  Et  de  quoi  s'agi^il  dans  cette 
lettre  qui  préoccupe  si  fort  Abel  Rémusat,  k  laqndlle  s*inté- 
resse  Jeandet ,  et  dont  on  parle  pendant  quinze  mois?  Autant 
de  questions  que  je  suis  obligé  de  laisser  sans  réponse. 

Un  mot  maintenant  sur  le  Collège  de  France.  Il  paraît 
qu'Abel  Rémusat  fit,  dès  181a,  une  tentative  pour  y  arriver. 
Cela  résulte  d'une  lettre  très  découragée  du  ao  septembre, 
où  il  commence  par  faire  allusion  à  des  chagrins  dont  la 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  563 

cause  parait  être  distincte  de  i*ëcheo  qu*ii  annonce  en  ces 
termes  :  «  1  j'affaire  du  Collège  de  France  est  à  vau-reau;  ma 
proposition  n'a  pas  ri  à  M.  Lefèvre-Gineau ,  qui  s'y  est  for- 
nieilenient  refusé  et  a  promis  les  oppositions  de  tous  les  au- 
tres professeurs  en  cas  que  je  fisse  la  demande.  Tant  pis  pour 
ces  messieurs  et  pour  moi  ;  je  n'y  pense  plus  ;  et  j'enverrais 
(le  bon  cœur  la  littérature  à  tous  les  diables ,  si  j'étais  assez 
adroit  pour  raboter  une  planche  ou  assez  vigoureux  pour 
scier  du  bois  \  » 

«Je  n'y  pense  plus»,  dit  Abel  Rémosat;  mais  je  crois, 
malgré  tout ,  qu'il  y  pensait  encore  et  qae  s'il  a  obtenu  en 
181/I  «plus»  peut-être  que  ce  qui  lui  avait  été  durement 
refusé  en  181a,  c'est  qu'il  y  avait  toujours  penië.  Voici  en 
quels  termes  il  annonce  à  son  ami  l'heoreux  succès  de  ses 
efforts  (8  décembre)  : 

«...  Je  vous  apprends ,  mon  cher  ami ,  que ,  par  une  or- 
donnance du  29  novembre  dernier,  S.  M.  a  créé  deux  nou- 
velles chaires  au  Collège  Royal,  l'une  pour  la  langue  et  la 
littérature  chinoise,  et  l'autre  pour  la  langue  et  la  littérature 
sanscrite,  et  qu'elle  a  nommé  pour  les  remplir  MM.  Âbel 
i\ëmusat  et  Chézy.  Je  suis  actuellement  au  fort  des  visites  et 
cérémonies  de  mon  installation,  et  je  n'ai  trouvé  ce  moment 
pour  vous  écrire  que  parce  que  j'ai  cru  ne  devoir  pas  tarder 
à  vous  annoncer  cette  nouvelle  qui,  du  reste,  ne  m'est  par- 
venue qu'il  y  a  deux  jours  officiellement.  Vous  voyez  que  le 
Roi  m'accorde  bien  plus  que  je  ne  lui  demandais ,  bien  plus 
que  je  n'osais  ambitionner  et  même  bien  plus  que  je  ne  mé- 
rite. Les  choses  ont  tourné  avec  un  bonheur  si  rare  que,  pour 
vous  en  donner  un  exemple ,  M.  Langlès  disait  hier  à  quel- 
(ju'un  que  je  pourrais  peut-être,  à  l'imitation  de  Chézy,  faire 
des  démarches  pour  une  chaire  de  chinois,  mais  que  M.  De* 
guignes  avait  résidé  là  ans  à  la  Chine  et  avait  fait  le  Diction- 
naii^,  et  qu'ainsi  il  devait  être  préféré.  Le  malheureux  ignore 

'  Celte  phrase,  communiquée  par  M«  A.  Jcandet,  est  reproduite  dans  Li 
Nouvelle  biographie  générale  (article  Rémusat) ,  mais  sans  qu'on  dise  h  quelle  ^ 
occasion  elle  a  été  écrite. 


biW  NOV£MBUr:-DÉC£MBRE  18Q4. 

encoix;  (|uc  la  foudre  est  lancée  et  prête  à  l'écraser  avec  son 
irialencoiitreux  protégé.  Ainsi ,  non  pas  à  la  première ,  mais 
à  la  suivante  lettre  que  vous  m'écrirez ,  vous  voudrez  bien  me 
donner  le  titre  de  Lecteur  Royal  ou  de  Professeur  au  Collège 
Royal  de  France ,  ou  Tun  et  l'autre  si  vous  l'aimez  mieux. 
Mes  appointements,  (du)  reste  fixés  à  6,000  francs,  courent 
à  dater  du  1"  janvier  181 5.  • 

Est-ce  jalousie ,  envie  ou  quelque  autre  sentiment  difficile 
à  définir  P  Jeandet  parait  avoir  éprouvé  autre  chose  qu*une 
joie  pure  et  simple  en  apprenant  le  succès  de  son  ami ,  qui 
lui  écrit  le  7  octobre  1 8 1 5  :  «  Que  voidez-vous  que  je  vous 
dise  de  mon  état?  J  eh  suis  content,  quoiqu'il  ne  dépasse  en 
aucune  manière  mes  prétentions  et  mes  espérances.  H  faut 
même  que  vous  m'ayez  cru  un  bien  pauvre  homme ,  puisque 
vous  avez  été  si  étonné,  si  émerveillé  de  ce  que  vous  appelés 
mon  élévation  au  professorat.  Je  vous  verrais  arriver  beaucoup 
plus  haut,  avant  d'en  être  surpris,  et  surtout  sans  cesser 
pour  cela  de  vous  écrire.  Soyez  ministre,  pour  voir;  et  vous 
trouverez  que  sans  doute  je  ne  vous  écrirai  pas  davantage. 
mais  que  bien  certainement  je  ne  vous  écrirai  pas  moins.  Au 
reste ,  comme  ce  serait  une  grande  puérilité  que  de  vous 
donner  ici  mes  titres  que  j'avais  joints  par  plaisanterie  à  la 
dernière  lettre  que  je  vous  écrivis  il  y  a  qudques  mois ,  je 
vous  avertis  que  vous  les  trouverez  sur  le  frontispice  de  mon 
Programme  que  vous  avez  dû  recevoir,  et  que  je  vous  ren- 
verrai sous  bande,  si  le  premier  exemplaire  a  été  perdu,  à 
la  condition  que  vous  ne  donnerez  pas  à  la  poste  plus  d^UN 
sou  pour  le  retirer.  » 

Ce  Programme  est  sans  doute  le  Programme  du  coart  de 
langue  et  de  littérature  chinoise  et  de  tartar^-maadchott,  Paris , 
1815,  in-8',  qui  figure  dans  la  liste  des  ouvrages  d*Abei  Bë- 
musat.  Mais  est-il  le  discours  d'ouverture  prononcé  le  16  jan* 
vier  181 5  ou  une  publication  distincte?  Je  ne  saurais  le 
dire. 

i\'y  a-t-il  rien  qui  soit  relatif  à  la  Société  asiatique  dans 
cette  correspondance  qui  va  jusqu'à  i8a8?  Si  I  les  lettres  des 


NOUVELLES  ET  MELANGES.  5Ô5 

1 7  octobj  e  1 823  et  7  février  1834  sont  écrites  sur  du  papier  de 
la  Société.  Seulement  elles  n'ont  aucun  rapport  à  ses  affaires. 
11  n'y  est  question  que  du  projet  formé  un  instant  par  Jeandet 
de  venir  se  fixer  à  Paris.  Aussi  les  mots  imprimés  :  Le  secré- 
taire de  la  Société  ont-ils  été  consciencieusement  biffés.  La 
Société  asiatique  est  donc  représentée  dans  ce  recueil,  mais 
par  les  deux  feuilles  de  papier  qu  elle  a  fournies. 

L.  Feer. 


MOTS  GRECS  ET  LATINS 
DANS  LES  LIVRES  HEBREUX  DU  MOYEN  ÂGE. 

(Note  iae  le  i3  avril  189^.) 

Un  savant  dont  le  nom  nous  est  cher  à  divers  titres,  feu 
Arsène  Darmesteter,  a  démontré ,  par  un  article  de  la  Ronia- 
nia  (t.  I,  p.  93-96),  comment  l'admission  des  mots  grecs  et 
latins  dans  les  anciens  livres  rabbiniques  ne  s'est  faite  qu'avec 
certaines  altérations  \  Si  de  telles  constatations  ont  été  notées 
pour  les  contemporains  du  monde  romain ,  combien  ces  chan- 
gements ont  dû  s'aggraver  pour  des  oreiUes  déshabituées  d'un 
tel  langage!  Peu  à  peu,  par  suite  de  pérégrinations  forcées, 
le  sens  des  mots  étrangers  échappa  aux  hébraïsants.  C'est  un 
fait  qui  devient  sensible  chez  les  commentateurs  du  moyen 
âge ,  même  chez  le  français  Raschi  et  l'espagnol  Maïmoni. 

Raschi  était  pourtant  un  philologue;  mais  il  faut  lui  par- 
donner, vu  les  circonstances  de  lieu  et  de  temps,  de  n'avoir 
pas  eu  de  notion  du  grec.  Aussi  fait-il  dériver,  par  exemple , 
le  mot  p^'llp  (plur.  de  K')1p  =  HavX(ij,  tige)  du  mot  hébreu 
TlpD,  «source»  (B.,  haha  Kamma,  f.  92  •).  Une  autre  fois, 
Raschi  considère  comme  persan  le  mot  itÇ^(as,  mal  transcrit 

'  Par  contre,  une  liste  de  «mots  hébreux  passés  dans  le  grec  et  le  latin n 
est  donnée  par  M.  Ulysse  Robert,  dans  son  édition  du  Codex  lugdanensis. 
Introduction ,  p.  cxxiv.  Pour  la  diversité  d'origine  de  ces  mots,  notons  un 
singulier  passage  du  Midrasch  Sifré,  sectiim  Berakkah,  S  3^3 ,  sur  le  vers.  2. 
du  Deutéronome,  ch.  xxxiii. 


566  NOVEMBRË-DÉGËMBRE  1894. 

d'abord  en  DK^tODDDK ,  puis  mieux  en  DtC^DODK  (Abéda  zara , 
f.  39-;  Jïd/m,f.  66*). 

On  remarque  avec  plus  d'ëtonnement  que  le  pbilosoplie 
de  Cordoue  et  médecin  de  Saladin  ignorait  le  grec.  Dans  ]o 
commentaire  de  Maïmoni  sur  la  Mischna ,  le  mot  «oAs/xiW , 
cité  au  tr.  Sota  (IX,  i5),  a  pour  équivalent  arabe  le  mot 

y")î<n  (g;^)»  «chronologie!,  sens  auquel  le  commentateur 
a  été  entraîné  par  le  contexte  \ 

Haï  Gaon,  dans  son  commentaire  sur  la  Mischna  (tr.  Oho- 
loth,  XVII,  3) ,  et  après  lui  le  'Arakh  (Lexique)  expliquent  le 
mot  N^D^IO^D  (qui  dérive  de  XaroneTov^  carrière)  conmie  un 
mot  composé  :  K^DIO  ^Sd  ,  «  plein  d*os  ».  H  est  à  peine  besoin 
d'ajouter  que  c'est  im  contresens.  Quant  au  D  préformatif 
de  ce  mot,  c'est  un  préfixe  servile,  conune  dans  les  mots 
mc?D  ou  n*l^3SD,  selon  la  remarque  de  Jac.  Levy  (Targum- 
W.,  s.  V.), 

A  titre  de  simple  curiosité ,  rappelons  l'explication  du  mot 
D^*?1p"itD  (Mercurius) ,  telle  que  la  donne  le  commentaire  rab- 
biniquc  sur  le  Talmud  de  Jérusalem  (tr.  Sanhédrin,  VI,  1, 
f.  a  a'');  il  décompose  ce  mot  en  deux  termes  chaldéens, 
Dlb^p  1C,  «  maître  (objet)  de  la  louange»,  dans  le  sens 
d'idole;  ou  bien,  en  prenant  le  mot  DH'^p  «louange»  dans 
un  sens  ironique,  par  une  sorte  d*euphémisme ,  on  le  qualifie 
de  «honte». 

Plus  tard ,  on  se  rendit  mieux  compte  des  mots  non  sémi- 
tiques; mais  que  de  confusions  encore!  Ainsi  le  commen- 
taire nommé  Pné-Mosché  explique  un  passage  (jer.  Baha 
bathra,  IX,  4)  ou  il  est  dit  :  ^b^2b  t!^D113,  «il  a  été  pris  au 
service  de  Y  autorité  »f  ^ovXij.  Le  commentateur  ajoute  ces 
mots  :  «  Ce  terme  a  le  sens  de  supériorité  ;  c'est  un  mot  grec 
(|ui  entre  dans  la  composition  du  nom  de  Constantinople ,  la 
capitale  de  Constantin ,  et  l'on  indique  ainsi  que  cet  homme 
a  été  pris  au  service  du  souverain.  »  C'est  que  le  rabbin  auteur 

'  Sur  cette  lacune  que  Maïmoni  partage  avec  Ratfchi,  voir  Znni,  JPeif- 
schrifi  far  die  Wixsenschnfi  dès  Jndenthmu ,  t.  I  (Beriin,  iSaS),  p.  186- 
a88. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.       567 

du  Pné'Mosché  a  confondu  ^ovXtj  avec  ^ôXiç,  tout  en  attri- 
buant par  tradition  le  sens  exact  au  premier  de  ces  termes. 

Enfin  citons  seulement  deux  exemples  concernant  le  latin. 
Au  Talmud  de  Jërusalem  (tr.  Sanhédrin,  X,  2),  on  trouve  le 
mot  N^ltD,  mula,  avec  le  sens  spécial  de  «mule  d airain»;  le 
commentateur  l'explique  par  ïjTlîn  "IX^^ID  pC^'?»  miliarium, 
ou  «  bouillotte  »!  —  Le  mot  brachiale,  «  bracelet  »,  transcrit 
"T'''D"i3  (avec  un  second  1  au  lieu  de  *?)  dans  la  Mischna  du 
tr.  Kélim  (XXVI,  3),  est  appelé  par  le  commentaire  «une 
sorte  de  tablier  sur  les  genoux  » ,  parce  qu'il  songeait  au  mot 
hébreu  Q'»'>D-)3  1 

Pourtant,  dès  le  xi*  siècle,  Natlian  b.  Yehiel  de  Rome  com- 
posa le  'Aroakh,  dictionnaire  liébreu-rabbinique ,  avec  expli- 
cation des  mots  grecs  et  latins,  plus  ou  moins  naïvement 
transcrits  en  caractères  carrés.  Cette  dernière  partie  spéciale 
a  été ,  comme  on  sait ,  traitée  un  peu  plus  à  fond  au  milieu 
du  XV II*  siècle  par  Benjamin  Mussafia ,  sous  le  titre  de  Mussaf 
ha'aroakh,  «supplément  au  lexique»,  ayant  pour  contem- 
poniiii  et  émule  dans  cette  voie  Jean  Buxtorf.  Puis  vient 
David  de  Lara,  avec  Tœuvre  suivante  :  « //r  David,  sive  de 
couvenientia  vocabulorum  rabbinicorum  cum  graecis  et  qui- 
busdam  aliis  linguis  europœis»  (Amstel. ,  i648,  in-4').  Plus 
tard,  en  1668,  ce  lexique  a  été  développé  en  un  volume  in- 
fol.;  malheureusement  il  s'arrête  à  la  lettre  "». 

Après  un  intervalle  de  temps  d'environ  deux  siècles,  ces 
études  reprennent  leur  essor.  Les  œuvres  qui  leur  sont  con- 
sacrées sont,  par  ordre  chronologique,  celles  de  Bondi  (Des- 
sau,  1813),  de  Léopold  Zunz  (Berlin,  1818),  de  J.  M.  Lan- 
dau (Prague,  1819-1840),  d'Ant.  Th.  Hartmann  (Rostock, 
1825-1826),  d'Isaîe  Beiiin,  publiées  par  Rafaël  Seeb  Gins- 
burg  (Breslau,  i83o),  de  S.  L.  Rappoport  (Prague,  1862, 
in- 4";  t.  I,  seul  paru),  de  Menahem  de  Lonzano,  édité  par 
Ad.  .îellinek  (Leipzig,  i853) ,  les  quatre  volumes  de  Jac.  Lévy 
(Leipzig,  1872  à  1889)  complétés  par  Fleischer,  ceux  d'A- 
iexandre  Rohut  (Vienne,  1875-1892),  les  publications  con- 
sidérables de  Mose  Lattes  (Torino,  1879;  ^oma,  1881; 


5ft8  NOVEMBRE-DÉGEMBRE  1804. 

TorÎQO,  i884),  de  J.  Fûrst  (Strasbourg,  1890),  enCn  de 
M.  Jastrow  (New- York,  i886-i8ga). 

Grâce  à  tous  ces  travaux,  les  mots  grecs  et  latins  des  livres 
rabbiniques  ont  pu  être  détermines,  lus  et  exj[diquës,  avec 
une  précision  digne  de  la  science  moderne ,  lorsque  toutefois 
les  nombreux  copistes  ne  les  ont  pas'  estropiés  au  point  de 
les  rendre  méconnaissables. 

Moïse  Schwab. 


BIBLIOGRAPHIE. 


The  Discourses  of  Philoxems  bishop  of  Mahhàg ,a.  D»  k85'5i9 , 
ediied  from  syriac  manuscripts  of  the  sixth  and  seveoth  centuries 
in  the  British  Muséum ,  with  an  english  tran^tion ,  by  E.  A.  Wai.- 
Lis  BuDGE,  litt.  D.f  F.  S.  A.,  etc.f  published  onder  the  direction 
of  the  Royal  Society  of  literatnre  of  the  United  Kingdom.  London , 
Asherand  C^  iSgi.  Vol.  I,  the  syriac  text;  in-8*,  vii*625  pages, 
avec  /i  planches. 

I 

Ce  nouveau  volume  de  M.  Budge  répond  aux  <)ésirs  de 
tous  les  amis  de  la  littérature  syriaque,  qui  s*accordaient  à 
regretter  que ,  panni  tant  de  publications  entreprises  en  ces 
derniers  temps ,  personne  n'ait  songé  k  donner  aux  écrits  de 
Philoxène  la  place  d'honneur  qu'ils  méritent. 

Philoxène,  autrement  dit  Xénaias,  naquit  au  village  de 
Tahal ,  dans  le  Beith  Garmai ,  vers  le  mUieu  du  v*  siède.  U 
étudia  dans  la  célèbre  école  d'Édesse ,  au  temps  de  Tévèque 
Ibas,  et  fit  preuve  d'indépendance  et  d*éneigie  de  caractère 
en  ne  se  laissant  point  entrûner  vers  le  nestorianisme  à  la 
suite  des  chefs  de  cette  école.  Ordonné  évéque  de  Mabboug 
(Iliérapolis),  en  485, par  Pierre  le  Foulon,  patriarche  d*An- 
tioche ,  il  devint  le  plus  fervent  apôtre  du  monophysitisme , 
auquel  il  apporta  l'appui  de  son  zèle  infatigable  et  les  res- 
sources d'un  esprit  extrêmement  subtil.  Très  passionné  dans 
ses  controverses ,  il  ne  semble  pas  qu'il  ait  été  d'aussi  bonne 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  569 

foi  que  beaucoup  d*autres  partisans  de  la  même  doctrine  ^ 
Après  avoir  beaucoup  souffert  pour  son  parti,  il  fut  banni 
par  Tempereur  Justin,  en  5 19,  avec  d'autres  évêques  mono- 
pli  y  sites.  Il  mourut  pendant  son  exii,  à  Gangres,  en  Paphla- 
gonie,  vers  523. 

On  comprend  tout  l'intérêt  que  présentent  les  écrits  d*ttn 
tel  homme,  et  quelques  personnes  reprocheront  peut-être  à 
M.  Budge  de  n'avoir  pas  préféré  aux  traités  ascétiques  de 
Phlloxène  ses  traités  dogmatiques,  celui  De  V incarnation , 
par  exemple.  11  nous  eût  ainsi  fait  entrer  dans  le  vif  des  con- 
troverses qui  ont  rempli  la  vie  de  l'auteur.  Mais  d'autres ,  au 
contraire ,  se  réjouiront  de  lire  ces  Traités  où  l'écrivain ,  n'étant 
pas  limité  par  les  termes  de  la  controverse,  a  pu  donner  une 
plus  libre  expansion  à  ses  talents  littéraires  ;  et  c'est  ce  qui 
constitue  le  principal  mérite  de  la  publication.  Philoxène, 
en  effet,  figure  au  premier  rang  parmi  les  écrivains  syriens 
les  plus  corrects  et  les  plus  élégants.  Assémani  lui-même ,  qui 
parait  avoir  eu  une  antipathie  profonde  pour  l'homme ,  juge 
ainsi  le  littérateur  :  «  Scripsît  syriace ,  si  quis  alius ,  elegantis- 
sime  atque  adeo  inter  optimos  hujutce  linguae  scriptores  a 
Jacobo  Edesseno  collocari  meruit  *.  » 

Le  volume  de  M.  Budge  renferme  la  série  complète  des 
traités  de  Philoxène  sur  la  vie  et  les  mœurs  chrétiennes^  Ils 
sont  au  nombre  de  treize.  Le  second  et  le  troisième  étaient 
déjà  connus  par  une  traduction  allemande  ^,  mais  aucun 
n'avait  encore  été  publié  dans  le  texte  original.  Leur  ana- 
lyse nous  entraînerait  trop  loin.  Elle  trouvera  d'aOleurs  sa 
place  dans  le  compte  rendu  d'un  second  volume  dans  lequel 
M.  Budge  promet  de  nous  donner  prochainement,  avec  la 


'  C*est  lui  qui  inventa ,  bien  plus  pour  éluder  les  arguments  de  ses  adver- 
saires que  dans  un  but  de  conciliation ,  la  célèbre  formule  jft^ft^  'M*a  (oiie 
double  nature)  devenue  comme  Tessence  même  du  symbole  de  la  foi  mo- 
iiophysile. 

*  Bibl.  or.,  t.  Il,  p.  ao. 

'  Philoxenus  von  Mabu^  àber  den  Glauben ,  vou  Fr.  Baethgen ,  dans  la 
Zeitschrifl  fur  Kirchenfjeschichte  de  Kiel,  t.  V,  p.  laa-i.SA. 


570  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

traduction  anglaise  de  ces  traites,  des  extraits  d'autres  ou- 
vrages pouvant  servir  à  édaircir  certains  points  concernant 
les  doctrines  et  les  controverses  de  Philoxène. 

En  attendant  l'apparition  de  ce  second  volume,  ceux  qui, 
sans  être  initiés  à  la  langue  syriaque ,  voudraient  avoir  une 
idée  des  doctrines  ascétiques  dé  l'auteur,  pourront  lire  la 
traduction  ci-dessus  mentionnée ,  ou ,  mieux  encore ,  le  long 
traité  imprimé  par  Mai  \  sous  le  nom  dlsaac  de  Ninive,  mais 
qui  nest,  en  réalité,  comme  je  Tai  démontré  ailleurs^,  que  la 
version  grecque  très  fidèle ,  quoique  un  peu  libre ,  d'une  lettre 
de  Phiioxène ,  lettre  qu'on  peut  regarder  comme  un  excellent 
résumé  de  tous  les  écrits  de  cet  auteur. 

La  publication  est  faite  d'après  huit  manuscrits  du  Britisb 
Muséum  dont  les  plus  anciens,  écrits  en  Egypte,  paraissent 
être  contemporains  de  Phiioxène.  Le  texte  établi  par  M.  Budge 
représente  donc  les  traités  dans  l'état  où  ils  sont  sortis  de  la 
plume  de  leur  auteur.  Tontes  les  variantes  ont  été  indiquées 
au  bas  des  pages.  On  y  rencontre  parfois  des  lectures  qui 
semblent  préférables  à  celles  adoptées  dans  le  texte.  L'édi- 
teur fera  sans  doute  connaître  dans  son  intro^jluction  les  raii- 
sons  qui  ont  dicté  son  choix.  On  trouve  aussi  un  certain 
nombre  de  fautes  d'impression  qui  ont  échappé  à  son  atten- 
tion ^  ;  mais  quelle  publication  de  ce  genre  en  est  exempte  ? 

Ce  qui  frappe  surtout  en  lisant  le  texte  de  Phiioxène ,  c'est 
l'abondance ,  peut-être  exagérée ,  du  style  jointe  à  une  sou- 
plesse merveilleuse  et  à  une  pureté  sévère  qui  exclut  presque 
tous  les  mots  d'origine  étrangère.  On  rencontre  aussi  des 
formes  grammaticales  regardées  jusqu'ici  comme  inusitées, 
surtout  dans  la  construction  des  verbes  avec  leur  régime  par 
l'intermédiaire  des  prépositions  ;  mais  point  ou  peu  de  mois 

*  Patrum  uova  biblioiheca,  t.  VU! ,  pari,  m ,  p.  157-187. 

^  Dam  ma  diMertatioa  De  S»  hêoci  Ninivilae  vita»  tciiptit  ft  docUiiM, 
p.  i5. 

'Une  erreur  typographique  plus  grave  a,  dans  Tesempiaire  qœ  j*ai 
entre  les  mains,  f^t  disparaître  an  tirage  les  pages  36  et  97,  3o  et  Si*  qui 
se  trouvent  remplacées  par  les  pages  18  et  19,  aa  et  ai  ainsi  lépéléea. 


NOUVELLES  ET  MÉLANGES.  571 

nouveaux.  C'est  la  grammaire  plus  que  le  lexique  qui  profi- 
tera de  la  publication  de  ces  textes. 

Outre  leur  mérite  littéraire,  ces  Traités  offrent  un  réel  in- 
térêt pour  r histoire  si  compliquée  des  versions  syriaques  de 
la  Bible.  Philoxène  avait  donné ,  vers  5o8 ,  une  nouvelle  ver- 
sion du  texte  grec  des  Écritures,  qui  eut  la  plus  grande 
vogue  ;  elle  ne  nous  est  parvenue  dans  sa  rédaction  primitive 
qu'à  Fétat  fragmentaire,  sans  doute  à  cause  des  retouches 
successives  qu'elle  eut  à  subir;  die  fut  même  entièrement 
refondue,  quant  au  Nouveau  Testament,  par  Thomas  d'Hé- 
raclée.  Or  les  Traités  de  Philoxène  renferment  précisément 
des  citations  nombreuses  et  assez  étendues  du  iNouveau  Tes- 
tament, qui  pourront  donner  lieu  à  une  étude  très  intéres- 
sante que  M.  Budge  ne  manquera  sans  doute  pas  de  faire 
dans  l'introduction  de  son  second  volume  auquel  il  est  inu- 
tile de  souhaiter  un  succès  assuré  d'avance. 

D' J.-B.  Chabot. 


Inscriptions  Je  l'Orkhon,  déchiffrées  par  Vilh.  Thomsen,  professeur 
de  philologie  comparée  à  l'Université  de  Copenhague ,  i '•livraison , 
in-S**,  Helsingfors,  1894,  54  pages.  (Extrait  des  Mémoires  de  la 
Société  Jinno-ougrienne  ) . 

La  découverte  du  déchiffrement  des  inscriptions  en  carac- 
tères runiformes  d'Orkhon ,  par  M.  Vilhelm  Thomsen ,  semble 
aujourd'hui  un  fait  accompli.  Grâce  à  l'alphabet  donné  par  le 
savant  professeur  de  Copenhague,  M.  Radloff  a  pu  traduire/ 
les  deux  stèles  de  Kosho-Zaïdam  et  donner  le  glossaire  des 
quatorze  cents  et  quelques  mots  qui  se  trouvent  dans  les  in- 
scriptions d'Orkhon.  La  langue  est  du  turc  pur,  et  sauf  pour 
un  très  petit  nombre  (une  douzaine  environ  d'origine  incon- 
nue et  quelques  noms  de  dignité  tirés  du  chinois),  tous  ces 

'  Radloff  :  Alltàrkirsche  Imchriften  der  Moncjolei  :  Die  Denkmàler  von  Ko- 
sho-Zaidam ,  texte ,  transcription ,  traduction  et  glossaire  en  deux  livraisons , 
in-4°.  Saint-Pélersbonrg ,  1894,  17a  pages. 


572  NOVEMBRE-DÉCEMBRE  1894. 

mots  se  retrouvent  dans  la  plupart  des  autres  dialectes  turcs , 
notamment  Touïgour,  Taltaï ,  le  djagataï  et  rosmanli.  Il  y  aura 
sans  doute  quelques  modifications  à  faire  à  la  traduction  de 
Radloff  et  M.  Thomsen  lui-même,  qui  prépare,  de  son  côté, 
une  transcription  et  une  traduction  en  français  des  textes, 
fait  pressentir  qu  il  n* accepte  pas  complètement  celles  du  sa- 
vant russe  ;  mais ,  sauf  des  points  de  détail ,  on  peut  considérer 
comme  acquise  à  la  science  la  découverte  de  M.  Thomsen. 
Cette  découverte  fait  donc  honneur  au  savant  danois,  déjà 
connu,  du  reste,  par  des  travaux  phUologiques  de  premier 
ordre  sur  le  finnois  et  sur  le  français  du  moyen  âge. 

La  première  livraison  est  consacrée  à  l'étude  de  Talphabet 
avec  de  nombreux  exemples  pour  justifier  la  lecture  proposée 
et  se  termine  par  quelques  considérations  sur  Torigine  pré- 
sumée de  cette  écriture.  C'est  sur  ce  dernier  point  spéciale- 
ment que  nous  voudrions  appeler  Tattention  des  savants. 

On  sait  que  les  caractères  des  inscriptions  découvertes  dans 
la  vallée  de  TOrkhon  à  Kosho-Zaïdam ,  à  Kara-Balgasoun  et 
dans  la  vallée  de  Tlenisseï  (voir  le  Journal  asiatique,  février 
iSgS)  sont  d'une  forme  particulière  rappelant  au  premier 
abord  les  runes  d'Europe  et  que ,  pour  cette  raison ,  ils  peu- 
vent recevoir,  provisoirement  du  moins ,  Tappellation  de  ra- 
niformeSj  celle  d'alphabet  turc  étant  évidemment  insuffisante 
pour  les  caractériser.  Quelle  est  leur  origine?  A  quel  al- 
phabet connu  se  rattachent  ces  caractères  P  Après  avoir  passé 
en  revue  les  diverses  opinions  déjà  émises  à  ce  sujet, 
M.  Thomsen  rejette  toute  idée  de  ressemblance  et  de  com- 
munauté d'origine  avec  les  runes  Scandinaves  et  du  nord  de 
l'Europe  (bien  qu'il  y  ait  incontestablement  des  lettres  com- 
munes, comme  I  eo,  a;  t^  ye,  o,  u;  A  Ar  et  c;  ^  t),  et  il 
n'hésite  pas  à  rattacher  l'ancien  alphabet  turc  au  système 
araméen.  «  La  source  d'où  est  tirée  l'origine  de  l'alphabet 
turc ,  sinon  immédiatement ,  du  moins  par  intermédiaire ,  est 
celle  de  l'alphabet  sémitique  que  l'on  appelle  araméenne. 
C'est  ce  que  prouvent  quantité  de  ressemblances  spéciides 
dans  ia  forme  et  la  valeur  des  lettres ,  ainsi  que  la  direction 


NOUVELLES   ET  MELANGES.  573 

de  droite  à  gauche  de  récrilure.  »  Ainsi ,  en  principe ,  i'écri- 
ture  turque  est  d'origine  araméenne»  c'est-à-dire  sénoiitique; 
reste  à  savoir  à  quelle  époque,  par  quelle  voie,  dans  quelle 
contrée  cette  écriture  a  été  empruntée  à  l'araméen.  Il  est 
plus  que  probable  que  c'est  non  pas  dans  la  région  iranienne, 
comme  le  pense  M.  Thomsen,  mais  dans  la  région  touranienne, 
c'est-à-dire  dans  la  Transoxane  ou  le  ïokharistan  (Bactriane) 
qu'a  du  se  faire  cet  emprunt.  Nous  avons ,  par  les  monnaies 
trouvées  entre  la  mer  d'Aral  et  Tlndus ,  de  nombreuses  variétés 
d'alphabets  qui  sont  incontestablement  d'origine  sémitique, 
bien  que  différant  entre  eux  pour  une  même  région;  mais 
le  stock  du  langage  monétaire  est  très  réduit  et  se  borne  à 
quelques  noms  propres  avec  le  titre  royal;  aussi  ne  trouve- 
t-on  sur  les  légendes  que  des  caractères  simples.  Il  devait  en 
être  tout  différemment  du  moment  qu'il  s'agissait  d'inscrip- 
tions en  plusieurs  lignes  :  on  se  trouvait  alors  en  présence 
d'une  langue  non  sémitique  écrite  avec  des  caractères  sémi- 
tiques et  on  devait  s'attendre  à  voir  des  signes  complexes 
créés  pour  rendre  des  sons  nouveaux.  C'est  ce  qui  est  arrivé 
dans  l'écriture  indienne  dite  dn  nord-ouest  (  indo-bactrien  ou 
kharoshthi),  dont  le  fond  est  certainement  araméen  et  qui  a 
été  obligée  de  s'enrichir  de  quantité  de  caractères,  soit  par 
des  appendices ,  soit  par  des  signes  nouveaux.  Sur  les  trente- 
huit  caractères  composant  l'écriture  turque  de  l'Orkhon  et  de 
l'Ienisseï ,  il  n'y  en  a  guère  que  dix  à  douze  qui  soient  primaires 
et  qu'on  puisse  rattacher  à  la  forme  sémitique,  le  surplus  a 
été  inventé  et  créé  par  les  scribes  pour  rendre  la  variété  de 
sons  qui  caractérise  la  langue  turque.  Quand  nous  parlons  de 
«  forme  sémitique  » ,  il  faut  s'entendre  sur  la  valeur  de  ces 
mots.  Rien  n'est  plus  séduisant  et  par  suite  si  trompeur  que 
les  ressemblances  graphiques  entre  des  lettres  de  deux  al- 
phabets différents;  aussi  doit-on  être  très  prudent  dans  les 
identifications  de  ce  genre.  Si  l'on  compare  les  caractères 
turcs  que  l'on  peut  considérer  comme   primaires  avec  les 
lettres  araméennes  connues ,  on  remarque  qu'il  n'y  en  a  qu'un 
très  petit  nombre  que  l'on  puisse  rattacher  à  la  forme  sémi- 

IV.  37 


574  \OVEMBRR-DKCKMBRE  1804. 

tique ,  et  encore  faut-il  choisir  les  caractères  archaïques  coipmc 
pour  /,  k,  p,  r,  i,  car  pour  ies  autres,  signes  comme.  h,.d» 
m,  n,  c'est  seulement  dans  le  pelilvi  de  Tépoque  sassani(l^ 
que  l'on  trouverait  leur  équivalent. 

Comment  expliquer,  pour  un  même  a^hftbet  turc ,  le  mé-; 
lange  de  .  formes^  araméennes. .  séparées  entre  elles  .par.  {du-» 
sieurs  siècles?  On  se  heurte  là  à  bien  des  difficultés.  Dans 
son  tableau  comparatif  de  la  page  49»  M^Thornsen  désigafi 
par  a,  p,  s  les  .alphabets  araméens,  pelili^  et  sogdien^  tout 
en  donnant  la  préférence  à  Talphabet  petdv}..Mai9  le.(>ehlvi 
lui-même  a  été.  employé  dai^s  Tlran  pendant  huit  à  œuf 
siècles  et  il  se  divise  au  point  de  vue  graphique, en  :  p$klm 
arsacide  (qui  comprend  })lusieurs  variétés  réparties  ^ur  (pwtre 
siècles),  chéaldéo-pehlvi  et  peklvl  sassa^ide,  M.  Thomsen.rer 
connaît  avec  juste  raison  que  l'alphabet  turc  aa  pu  prQndro 
naissance  qu  a  Tépoque  où  ce  peuple  a  coouxiencé  à  JQuer 
un  rôle  dans  TAsie  centrale,  c'est-àndire  vers  le  .milieu,, do 
vi'  siècle  de  notre  ère,  après  s'être  mis  en  contact  avec^los 
peuples  iraniens  et  la  civilisation  iranienne ;. mais  alors V^st 
au  pehlvi  de  jcette  époque,  c'est-à-dire. au. pehlvi  sass^niid^, 
qu'il  faudrait  le  comparer.  Or,  dans  ce  cas,.U.ny  9-f4i|s  que 
trois  lettres  (b^d,  m)  qui  puissent  supporter  la  çoiDjèarai^^om. 
La  conclusion  de;  tout  ceci  (car  je  ne  veux  pas  ipsist^F  4^- 
vantage)  est  que  si  l'alphabçt  turc  est  d'origine  directc^Qi^nt 
ariiméenne,  il  fait  partie  du. groupe  des  divers;  alpt.flibfl^.qui 
avaient  cours,  en  Transoxane  (ancienne  Sogdia^e)  dqw^ia 
conquête  d'Alexandre,  ^t  q^i,  se  déformant  peu  à  peu., et 
chacun  individuellement ,  onjt  donné  naissance  ao^^  épiilnres 
des  monnaies  des  Khoudat  de  Balkli,  de  {a  rëgipp  .imd.de 
i'Oxus,  de  la  Khovarezmie  et  de. la  Xranso^ane.  G*est. de 
ces  régions  que  l'alphabet  turc  a  émigré  à  la.  fin  ,da  vi*  siècle 
vers  le  nord  jusque  dans  la  vallée  de  l'Ienisseï  et  en  MongoUis 
(Orkhon),  ayant  commencé  toutefois  par  l'Ienisseï  pu, piu^fùs- 
sent  se  trouver  les  formes  les  plus  anciennes.  .t 

Je  me  permettrai  de  rappeler  ici  ce  que  j'ai  dit  ailleurs 
(voir  Hevue numismatique ,  1891,  p.  466  et  suiv.)  à  pn^posde 


NOUVELLES  ET  MELAiNGES.  575 

monnaies  trouvées  sur  les  bords  de  l*Jli  et  qui ,  frappées  à  la 
manière  chinoise,  avec  le  trou  carré  du  milieu,  font  partie 
d'une  série  monétaire  portant  les  mêmes  emblèmes  et  se  ré- 
partissant  sur  plusieurs  siècles.  Ces  monnaies  ont  une  lé- 
gende en  caractères  araméens  d'une  évidence  manifeste, 
mais  qui  ne  ressemblent  en  rien,  par  leur  forme  penchée  et 
arrondie ,  aux  caractères  raides  et  anguleux  de  TOrkhon.  J*ai 
exprimé  Topinion,  que  je  crois  encore  exacte,  que  cette  écri- 
ture existait  en  deçà  de  l'Iaxarte  au  moment  de  l'arrivée  des 
Turcs  sur  les  bords  de  ce  fleuve  et  qu  elle  fut  adoptée  par 
eux  pour  la  frappe  de  monnaies  destinées  à  circuler  dans  cette 
contrée.  Le  voyageur  chinois  Hiouen-thsang,  en  sortant  de  la 
Khashgarie  et  avant  d'aller  dans  l'Inde,  a  rendu  visite,  vers 
l'an  63o  de  notre  ère,  au  khaqân  des  Turcs  qui  campait  sur 
les  bords  du  fleuve  Tchui  ^  La  relation  de  cette  entrevue 
nous  a  été  conservée  par  le  biographe  chinois.  Les  monnaies 
en  question  ayant  été  Irouvées  dans  la  même  région,  il  y  a 
tout  lieu  de  croire  qu'elles  ont  été  frappées  par  ces  mêmes 
peuples  et  qu'ainsi  l'alphabet  monétaire  emprunté  par  les 
Turcs  à  la  contrée  transoxienne  vers  55o  avait  pénétré  un 
siècle  plus  tard  jusque  sur  les  bords  du  lac  Balkhash  où  il 
restait  confiné ,  pendant  que  l'alphabet  runique  parvenait  plus 
au  nord  pour  devenir  l'écriture  lapidaire  des  Turcs  orientaux 
de  l'Altaï  et  de  Karakorom. 

E.  Drouin. 


'  A  environ  5oo  li  du  lac  Issik-koul.  Voir  Histoire  de  la  vie  de  Hiouen- 
thsang ,  Irad.  St.  Julien,  i853  ,  p.  5/i  ,  et  The  Ufe  oj  Hiuen-ihsang  y  trad. 
S.  Beal,  1888,  p.  [\2.  Le  khaqân  des  Turcs  s'appelait  Ye-hoa  ou  Che-hou, 
D'après  l'historien  chinois,  ces  Turcs  étaient  ignicoles;  on  trouve,  en  effet, 
des  traces  du  pyrée  sur  leurs  monnaies.  Cf.  Tomashek,  Skythen ,  11  {1888), 
p.  52;  Bretschneider,  Mediœval  Researches ^  1888,  I,  p.  227. 


Le  gérant  : 
RUBENS   DUVAL.